DES NÉVROSES Paris. — Imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2. DES NÉVROSES PAR Le Docteur AXENFELD, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, Médecin des Hôpitaux. Extrait de la pathologie médicale du professeur Requin. PARIS GERMER RAILLIÈRE LIBRAIRE-ÉDITEUR 17, rue de l’école-de-médecine Londres, Baillitre, 219, Regent Street. New-York, Baillihre Brothers, 440, Broadwaj. U ADRID, C, BAILLT-BAILLIBRB, PLAZA DU PBIBCtPB ALFOHSO, 16. 1864 AVERTISSEMENT DE L’ÉDITEUR. Cédant à de nombreuses demandes qui nous ont été adressées, nous publions aujourd’hui séparément la monographie des Névroses, par M. Axenfeld, qui formait un des chapitres du tome IV de la Pathologie médicale, de Requin. C’est ce qui explique pourquoi ce volume commence à la page 125 et au paragraphe 1769. — Quoique détachée ainsi des autres parties qui la précédaient et la suivaient, notamment de la description des maladies mentales qui en était le complément naturel, cette histoire des névroses constitue cependant plus qu’un simple fragment et équivaut en réalité à un ouvrage spécial sur la matière. G. B. 15 novembre 1864. DES NÉVROSES BIBLIOGRAPHIE Cm, y ne (Georges). — The english malady, or a Treatise on nervous disaeses, etc. Londres, 1733. Fleming (Malcolm), — Neuropathia. York, 1740. Boerhaave (Herm.). — Prœlectiones academ. de morhis nervorum. Leyde, 1761. Whytt (Robert). — Observations on the nature, causes and cure of those disorders wich are called nervous, etc. Édimbourg, 1765. CüLLEN (Guill.). — First Unes of the practiçe of physic. Édimbourg, 1776-83. Trad, par Bosquillon. Paris, 1785-7. Pomme.— Traité des affections vaporeuses des deux sexes, etc. Lyon, 1760, 1 vol. in-12, 6e édition. 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ARTICLE PREMIER CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Remarques préliminaires. 1769. — Un simple coup d’œil jeté sur l’appareil si délicat, si com- pliqué et si soigneusement protégé que forment l’encéphale, la moelle, les ganglions et les nerfs, suffit pour faire pressentir l’importance de ce vaste système organique. Et, en effet, la physiologie nous ap- prend que, contenant plus de force qu’aucun autre sous moins de matière, doué dans l’organisme d’une sorte d’ubiquité qui l’associe à l’activité intime de toutes les parties, constitué par une série de centres et d’irradiations physiquement et fonctionnellement continus, ce système est dans les animaux supérieurs le substratum immédiat de la vie et comme la vie même matérialisée. Il est l’instrument des facultés intel- lectuelles et affectives, le conducteur elle réceptacle des sensations, le foyer et le conducteur de la motilité ; c’est de lui également que relè- vent toutes les fonctions organiques : respiration, circulation, sécrétion, nutrition, production de la chaleur animale. En d’autres termes, de son intégrité dépend celle de tout l’organisme, et les fonctions qu’il n’ac- complit pas par lui-même, il y préside encore comme excitateur. La pathologie confirme ces données en montrant quel rôle immense joue ce système soit dans la production des divers états morbides, soit dans le développement des symptômes par lesquels ces états se manifestent. Mais, pour simplifier la question, négligeons un moment la part considé- rable qui revient à l’innervation dans la pathogénie proprement dite. En nous bornant à l’étude des symptômes, c’est-à-dire des phénomènes qui traduisent l’existence de la maladie une fois constituée, nous voyons l’ob- servation médicale occupée presque exclusivement à noter des faits d’Intel ligencc troublée, de penchants pervertis, de sensibilité anormale, de mou- vement altéré, de respiration, de circulation, de sécrétion, de nutrition, de chaleur diversement modifiées. C’est-à-dire que les symptômes des maladies n’expriment le plus souvent autre chose que l’état de souffrance du système nerveux. Il est vrai que la somme des symptômes, indépen- damment des actes vitaux déviés de leur condition normale, comprend encore une autre série de phénomènes, de l’ordre mécanique, chimi- que et physique; mais ce sont là, à proprement dire, les signes de la lésion matérielle des organes, et non les indices directs du désordre fonctionnel. Or qu’cst-ce qui sépare la lésion de la maladie, ou qu’est-ce qui réunit l’une à l’autre? C’est précisément l’affection antérieure, simul- tanée ou consécutive du système nerveux. A moins que l’organe n’ait été détruit ou remplacé par un tissu inerte, il y a toujours entre la lésion et le symptôme quelque chose d’interposé, un élément intermé- diaire, distinct, et jusqu’h un certain point, indépendant, dont ni l’in- tervention ni le mode de manifestation ne sont absolument forcés ; et cet élément n’est autre qu’un trouble de l’innervation. Vérité très simple et que prouve l’observation de chaque jour. Tantôt ce sont des mala- dies dites latentes: lésions énormes, symptômes presque nuls; tantôt des affections graves, mortelles même, dont ni l’anatomie ni la chimie ne peuvent saisir la cause organique; ici, deux sujets affligés de la même somme de lésions, et cependant très inégalement malades; ailleurs, les périodes initiales et tardives, la forme aiguë et chronique de la même maladie s’accompagnant de symptômes, ou plus intenses quand les lésions sont légères, ou moindres quand elles sont plus profondes. Ces faits et beaucoup d’autres encore nous démontrent d’une manière irréfragable que l’accroissement ou la diminution du dommage matériel ne com- mandent pas d’une manière nécessaire l’augmentation ou l’apaisement du trouble dynamique. La lésion est, h vrai dire, l’une des causes les plus fréquentes du symptôme, l’une des conditions les plus habituelles d’une innervation pathologique ; mais rien de plus. En effet, d’un côté, ainsi qu’on vient de le voir, elle n’entraîne pas forcément et par le seul fait de son existence la perturbation vitale ; il n’y a pas de rapport con- stant, de parallélisme obligé, entre la nature, l’étendue, les phases di- verses de l’altération matérielle, et le mode, la violence, l’évolution des symptômes ; d’une autre part, il est avoué que l’innervation peut être pro- fondément modifiée en l’absence de toute lésion appréciable des organes. Cela est vrai de tous les appareils organiques, sans en excepter le sys- tème nerveux lui-même : des changements considérables peuvent sur- venir dans la texture du cerveau, de la moelle, des nerfs, sans donner lieu h des symptômes notables; et réciproquement, la pensée, la motilité, la sensibilité peuvent avoir subi une atteinte profonde, sans que l’au- topsie nous en apprenne la raison. 1770. Si l’on voit dans la maladie une série de symptômes, et si l’on NÉVROSES. 129 iv. 9 130 admet que les symptômes ne font que révéler l’état de souffrance du sys- tème nerveux, il s’ensuit que toutes les maladies pourraient être appelées nerveuses. Qu’est-ce alors que cette classe particulière et différente h laquelle on est convenu d’appliquer cette dénomination ? Cullen,, à qui l’on doit l’introduction dans la science du terme de né- vroses, avait conscience de cette difficulté; il croyait pouvoir l’éluder en désignant ainsi « toutes les affections contre nature du sentiment et du mouvement où la pyrexie ne constitue pas une partie de la maladie primitive, et toutes celles qui ne dépendent pas d’une affection topique des organes, mais d’une affection plus générale du système d’où dépendent spécialement le sentiment et le mouvement. » Cette définition, extrême- ment imparfaite, embarrassée dans les termes et sans précision dans l’idée, a été reproduite par la plupart des auteurs avec des additions et des retranchements qui ne parviennent pas toujours à dissimuler le vague et l’arbitraire dont elle est entachée. Il existe, en somme, deux grands caractères sur lesquels on se fonde pour séparer les névroses des autres maladies; ce sont les suivants : 1° trouble intéressant spécia- lement les fonctions nerveuses; 2° absence de lésion anatomique. Les autres caractères (tels que l’apyrexie, la marche intermittente, la rareté de la terminaison funeste, etc.) peuvent être considérés comme acces- soires; nous les examinerons dans le cours de notre description. Premier caractère : trouble des fonctions nerveuses. — D’après ce qui a été dit plus haut de l’espèce de hiérarchie qui subordonne à l’innerva- tion tous les actes de la vie de relation et de la vie végétative, il n’est évi- demment aucun trouble pathologique qui ne puisse avoir pour point de départ une modification nerveuse. Toute fonction n’est-elle pas de l’in- nervation, plus d’autres actions organiques? Dans toute manifestation de la vie, n’est-ce pas le système nerveux qui intervient en mettant en jeu un appareil plus ou moins compliqué de propriétés secondaires? Pour éviter une trop grande confusion, les pathologistes ont pris le parti de limiter les attributs du système nerveux h l’intelligence, au sentiment et au mouvement ; quant aux fonctions dites organiques, ils les envisa- gent comme étant jusqu’à un certain point indépendantes de l’inner- vation. D’après cela, on réserve le nom de symptômes nerveux exclusi- vement au trouble des facultés intellectuelles et morales, de la sensibilité et de la myotilité; on dit qu’il y a névrose quand les fonctions qui sont directement accomplies par le système nerveux viennent à présenter quelque perturbation pathologique, et qu’en outre cette perturbation est la seule ou à peu près la seule que l’on observe. S’agit-il, au contraire, des fonctions appelées organiques dans lesquelles le système nerveux agit, dit-on, comme simple excitateur, la maladie reçoit le plus souvent un nom différent. Cette distinction, qui séduit au premier abord, n’est, en réalité, rien moins que rationnelle; déduite de vues physiologiques erronées, elle aboutit en pathologie à des contradictions perpétuelles. PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 131 Soit, par exemple, une de ces modifications des actes sécrétoires qui reçoivent le nom de flux. Dans bien des cas, aucun symptôme autre que cette modification même ne se présente à l’observation, et, de plus, la manière dont cet état morbide apparaît, augmente, revient et cesse, rappellent exactement l’invasion, la marche, les retours, les terminai- sons des névralgies et des spasmes, types universellement admis de névroses ; enfin, les causes sont identiquement les mêmes. Cependant, à quelle distance des spasmes et des névralgies n’cst-on pas habitué à re- léguer la classe des flux, en disant que la sécrétion n’est pas une fonc- tion nerveuse, tandis que ce nom convient à la sensibilité et à la myoti- lité. Que si une affection douloureuse (névralgie) de la face s’accom- pagne, cequi n’est pas rare, de salivation et de larmoiement, on qualifiera ces symptômes concomitants d’épiphénomènes, et l’on sera tenté d’y voir une complication de la névralgie, quoiqu’ils résultent, à bien prendre, et non moins directement que la douleur elle-même, de l’affection des nerfs de la face. En établissant de pareilles distinctions, on prend pour point de départ une prétendue limite qui séparerait les fonctions de la vie de relation de celles dont se compose la vie végétative. Mais cette limite, où la trouver? Serait-ce dans l'origine des nerfs qui se distribuent aux or- ganes des deux ordres? Mais l’anatomie nous montre : 1° que, dans un grand nombre d’organes, il y a mélange de filets cérébro-spinaux et de filets sympathiques ; 2° que le système des nerfs ganglionnaires, étudié au point de vue de ses connexions et de sa structure, est intimement uni au système en céphalo-rachidien, dont il n’est qu’une dépendance. — Se- raient-ce les propriétés différentes de ces deux ordres de nerfs qui jus- tifieraient la distinction établie entre les fonctions auxquelles les uns ou les autres président, entre les maladies dont ceux-ci ou ceux-là sont affectés? Pas davantage; car la physiologie nous enseigne que leurs attributions sont au fond les mêmes. Partout les nerfs sont chargés de transmettre des impressions et d’exciter des mouvements ; mouvements qui s’accomplissent sous l’influence de la volonté, ou en dehors d’elle ; impressions qui tantôt échappent à notre conscience, tantôt y arrivent sous forme de sensations. Encore n’est-il pas exact de dire que les im- pressions transmises par les nerfs ganglionnaires sont toujours silen- cieuses, non perçues : la pathologie nous montre ces nerfs souvent douloureux et très douloureux ; et quant aux mouvements, s’il est juste de reconnaître que le raccourcissement des fibres contractiles animées par les nerfs ganglionnaires est soustrait à l’empire de la volonté, il faut remarquer, d’un autre côté, que les mouvements déterminés par les nerfs cérébro-spinaux n’y sont pas tous soumis : témoin la série en- tière des mouvements appelés réflexes et automatiques. Une dernière objection, et elle est capitale, est la suivante : Comment légitimer, sinon par un usage très partial, l’admission de la myotililé au nombre des 132 fondions directes du système nerveux ? Les nerfs moteurs n’effectuent pas le mouvement, ils l’excitent dans les muscles où ils le distribuent; de la môme manière, on peut dire qu’ils ne sont pas les instruments des sécrétions, de la nutrition, etc., mais qu’ils en sont les agents. Cela seul suffirait pour faire décrire des névroses de ces fonctions après les névroses du mouvement. L’analogie entre les deux systèmes nerveux se changerait en identité, s’il était prouvé que l’influence des nerfs gan- glionnaires consiste, en dernière analyse, à déterminer l’expansion et le resserrement des parois vasculaires, et que ces états alternatifs des vais- seaux sont régis par deux sortes de fdets, les uns centripètes (sensitifs), les autres centrifuges (moteurs). Dans cet ordre d’idées, rien ne serait plus rationnel que de ranger les états morbides des nerfs organiques à côté des byperesthésies, des spasmes, des paralysies qui dépendent des nerfs cérébro-spinaux. En résumé, il résulte de cette discussion que le nom de fonction nerveuse a été réservé sans raison à l’exercice des facultés intellec- tuelles et morales, à la sensibilité et au mouvement ; dès lors Vexis- tence d'un trouble nerveux ne saurait entrer dans la caractéristique d’une classe déterminée de maladies, puisqu’une perturbation de ce genre existe dans un grand nombre d’affections étrangères au cadre clas- sique des névroses. Deuxième caractère : absence de lésion. — Il est certain que, dans un grand nombre de cas, c’est là un fait négatif qui établit entre les maladies dites nerveuses et d’autres affections une différence tranchée. Cependant toutes les maladies avec intégrité de la structure organique ne sont pas considérées comme des névroses, et l’on est convenu de dé- crire comme telles certains états morbides coïncidant avec des lésions très positives. a. La première de ces deux propositions n’a pas besoin d’être lon- guement développée. Dans l’état actuel de l’anatomie pathologique, malgré les rapides progrès de cette partie de la science, il serait témé- raire d’affirmer que là où nous ne constatons pas d’altération matérielle, il n’en existe en réalité aucune; ce caractère négatif pourrait bien n’êlre que provisoire. Si toutes les maladies dont l’autopsie n’explique pas les symptômes devaient recevoir le nom de névroses, de combien d’éléments hétérogènes cette classe d’affections ne se trouverait-elle pas encombrée! Môme en prenant pour critérium la réunion de ces deux caractères, absence de lésion et trouble nerveux (c’est-à-dire dans le sens générale- ment accepté, perturbation de l’intelligence, du sentiment et du mou- vement), ce ne serait pas encore assez : il existe, en effet, bien des maladies encéphaliques et spinales sur lesquelles l’anatomie cadavérique estjusqu’à présent muette, et qui néanmoins par leur marche, leurs complications, leur mode de terminaison, etc., s’éloignent trop visible- ment des névroses ordinaires pour qu’on puisse les confondre avec elles PATHOLOGIE MÉDICALE. sous une dénomination commune. Citons aussi certains faits déjà indiques plus haut, de flux, de modification de la nutrition, de la chaleur, etc., dont la ressemblance avec les névroses ne se borne pas à l’étiologie, au mode d’invasion, aux terminaisons, mais se poursuit encore plus loin, en ce sens que souvent on ne rencontre aucune altération qui puisse les expliquer ; ce sont là des espèces de névroses trophiques , et nous avons vu qu’elles ne sont pas généralement admises. b. Passons à la deuxième proposition, à savoir, qu’il est des ma- ladies dites nerveuses, coïncidant avec des altérations positives dans la structure des organes, ou ce qui est la même chose, qu’il existe des né- vroses symptomatiques. Nous n’ignorons pas que beaucoup d’auteurs en rejettent formellement l’existence ; mais ceux-là même qui les excluent de leur définition sontl obligés de leur accorder une place dans leurs descriptions particulières. C’est qu’ils se trouvent en présence de ce dilemme : Ou bien on reconnaît qu’une névrose peut être liée à une altération matérielle, et alors, en quoi différera-t-elle, au fond, d’une maladie quelconque accompagnée de symptômes nerveux ? Ou bien on s’en tient rigoureusement au caractère tiré de l’absence d’altération, et dans ce cas on arrive à disperser et à répartir dans des classes fort différentes et fort éloignées de la nosographie, des groupes symptomatiques remarquablement homogènes et qui se présentent toujours les mêmes, soit qu’ils se rattachent ou non à la présence d’une lésion évidente. 1771. Supposons que l’on accorde en principe l’existence de névroses symptomatiques ; que, par exemple, avec la plupart des pathologistes, on décrive la névrose douloureuse ou névralgie, premièrement comme pouvant se produire sans que le nerf endolori paraisse différer en rien de ce qu’il est à l’état normal, secondement comme pouvant succéder à la blessure du nerf sensitif, à son inflammation, à sa compression par une tumeur. Si l’on donne le nom de névralgie (névrose) à l’état dou- loureux d’un nerf blessé, comprimé, tiraillé, on se demande pourquoi la douleur du panaris, de la pneumonie, du cancer, etc., ne recevrait pas le même nom ? N’est-elle pas également le résultat d’un état patho- logique des nerfs sensitifs? Et, sans même aller jusque-là, il est évident que si la douleur résultant de la compression d’un nerf sensitif est en- visagée comme une névrose, la paralysie ou la contracture des muscles succédant h la compression ou à l’irritation d’un nerf moteur, serait de droit comprise dans la même catégorie ; de même encore le délire, le coma et tous les troubles du sensoriura produits par une lésion de l’en- céphale, etc. C’est-à-dire qu’il y aurait autant de névroses symptoma- tiques au moins qu’il y a de maladies avec modification de l’intelligence, du sentiment ou du mouvement; la liste en augmenterait singulière- ment si l’on y joignait les modifications de toutes les fonctions indistinc- tement qui dépendent du système nerveux (1770.); peu s’en faudrait alors qu’on ne fît du mot névrose le synonyme de maladie. NÉVROSES. 133 134 PATHOLOGIE MÉDICALE. Les auteurs se sont ingéniés à empêcher celte sorte d’absorption de la pathologie presque entière en une seule classe de maladies, et voici à quels artifices ils ont eu recours. A. Les uns, tout en concédant l’existence de névroses symptomatiques, croient retrouver l’attribut essentiel (l’absence de lésion) dans l’intégrité des parties mêmes qui sont le siège du sentiment et du mouvement anormal. Qu’une douleur se fasse sentir dans la main et l’avant-bras à la suite d’une piqûre du nerf collatéral de l’un des doigts, ce sera une névrose (névralgie), parce que, abstraction faite du doigt blessé, il y a dans la main et l’avaut-bras de la douleur sans altération matérielle. Ainsi encore une contracture des extrémités, fût-elle liée à une altéra- tion de la moelle, conservera le nom de névrose, à raison de l’intégrité des muscles contracturés ; une éclampsie retiendra le même nom, parce que, si les centres nerveux sont lésés, au moins les parties convulsées ne le sont pas. —Mais d’abord constatons que cette fin de non-recevoir n’a aucune valeur à l’égard des névroses intellectuelles, puisque l’in- telligence est tout intérieure, et que, dans les cas où elle est troublée, il n’y a nul moyen d’établir une opposition quelconque entre la péri- phérie saine et les centres malades. L’argument est-il plus rigoureux lorsqu’il s’agit des névroses sensitives et motrices? Nullement; car tout le monde sait que c’est une des particularités inhérentes à la structure du système nerveux que le transport des impressions d’une partie à une autre, que la subordination d’un trouble périphérique à la souffrance des parties profondes, et d’une partie d’autant plus étendue de cette pé- riphérie, que le point lésé est situé plus haut dans les centres. Au sur- plus, voyons à quelles singularités nous conduirait l’application du même principe poussé h ses dernières conséquences. Pour caractériser les névroses, il suffit, dit-on, de l’intégrité matérielle des organes où se manifeste le mouvement ou le sentiment anormal ; i’éclampsie en fait partie, par cela seul que les muscles convulsés ne sont pas malades. Mais alors rien ne s’oppose à ce qu’à l’exemple de Cullen, nous consi- dérions également comme autant de névroses, et la paraplégie occasionnée par une tumeur de la moelle, et l’hémiplégie, suite d’une hémorrhagie cérébrale; car souvent les muscles du paralytique ne sont pas plus lésés que ceux de l’éclamptique. On le voit, l’absence de lésion locale dans les parties qui sont le siège d’une anomalie du sentiment ou du mouvement n’atténue pas le carac- tère symptomatique des névroses, quand elles se rattachent à une altéra- tion matérielle située ailleurs, et cette circonstance ne suffit pas, pour leur conserver, comme on l’a prétendu, leur pureté nosologique. B. Voici un autre artifice à l’aide duquel on a cherché à résoudre cette question ardue des névroses symptomatiques. On a dit : Lorsqu’il existe une névralgie, une éclampsie, une épilepsie, en même temps que des lésions matérielles occupent les nerfs ou les centres nerveux, il n’y NÉVROSES. 135 a pas relation d’effet à cause entre les uns et les autres : la névrose, maladie idiopathique, coïncide simplement avec une altération maté- rielle, ou plutôt il y a deux maladies distinctes réunies sur le même sujet. Cette interprétation n’est pas seulement invraisemblable, elle est positivement démentie par les faits. Une sciatique (névrose dou- loureuse du nerf sciatique) est observée chez un sujet atteint d’une tumeur de la cuisse; dira-t-on qu’il y a là une simple coïncidence? Mais la tumeur étant enlevée, la douleur cesse ; donc l’une était bien la cause productrice de l’autre. De même, un épileptique venant à mourir, on trouve, à l’autopsie, des tubercules ou des kystes dans l’encéphale; sera-t-il permis d’envisager l’épilepsie comme une névrose essentielle, indépendante, que le hasard a fait naître chez un sujet affecté d’une lé- sion intracrânienne ? Sans doute il peut en être ainsi quelquefois; mais, pour peu qu’on généralise cette hypothèse trop commode des coïnci- dences, on arrivera à cette conclusion inattendue que l’hémiplégie et la paraplégie sont, elles aussi, des névroses essentielles, et que c’est également l’effet du hasard si on les rencontre si souvent avec l’hémor- rhagie cérébrale ou les lésions de la moelle. En quoi l’épilepsie sympto- matique diffère-t-elle donc réellement d’une paralysie symptomatique ? L’une et l’autre ne sont-elles pas l’expression d’une condition morbide du système nerveux? Avec un mode différent, leur valeur, à cet égard, est la même ; et si l’une est névrose, pourquoi l’autre ne le serait-elle pas? C. En présence de ces difficultés, et désespérant sans doute d’opposer une barrière à l’envahissement de la nosologie par les névropathies sym- ptomatiques, quelques auteurs déclarent décidément qu’il n’y a de né- vroses que celles qui sont primitives, essentielles, idippathiques, c’est- à-dire indépendantes de toute modification de tissu, antérieure ou actuelle, capable de rendre compte des symptômes. Du moment que ceux-ci trouvent leur raison d’être dans une modification de ce genre, ils rentrent dans le cadre ordinaire des phénomènes consécutifs aux lésions d’organes; ce n’est plus une névrose, c’est une maladie qui en pré- sente seulement la forme et l’apparence : uno pseudo-névrose. Examinons cette opinion, qui compte de nombreux partisans. On ne contestera certainement pas que si dans deux cas donnés les symptômes sont les mêmes, c’est que la même cause, évidente ou cachée, est là pour les produire. Eh bien, voici un premier malade ayant des douleurs sur le trajet du nerf sciatique; chez lui, ce nerf est complète- ment libre et sain en apparence. Voici un second sujet qui accuse des souffrances semblables à l’occasion d’une tumeur du bassin. C’est-à-dire que le même état morbide, la douleur, s’est trouvé réalisé chez le pre- mier en l’absence de tout dérangement appréciable dans la structure du nerf, et qu’elle s’est produite, chez l’autre, par suite d’une compres- sion et d’un tiraillement des fibres sensitives. Néanmoins, sans avoir i 36 égard à celte identité des effets, on dira du premier malade qu’il est atteint de névralgie ; et l’affection du second ne recevra pas le même nom: ce sera simplement une douleur à forme névralgique, une pseudo- névralgie. De même l’épilepsie, névrose quand le cerveau est intact, deviendra une série d’accès épileptiformes dans le cas de tumeur intra- crânienne. De même encore la névrose angine de poitrine descendra au rang d’un simple symptôme, si clic se rattache à une lésion du cœur ou des gros vaisseaux, et ainsi de suite. Mais cette manière de raisonner soulève bien des objections. a. L’épilepsie, la chorée, les névralgies, les convulsions, etc., après avoir été considérées comme des névroses pendant la vie, croit-on qu’elles changeront de nature en changeant de nom, et la place qu’il convient d’assigner h un fait pathologique observé dépendra-t-elle donc du ha- sard des autopsies qui permettra de découvrir ou de méconnaître telle ou telle altération organique? b. D’ailleurs celte absence de lésion dont on fait le caractère essen- tiel des névroses est-elle un fait réel et constant? Notre intention n’est pas d’aborder la question de savoir si la maladie peut être imaginée comme un état indépendant d’un dérangement matériel de l’organisme, encore moins de rechercher si, dans les névroses dites idiopathiques, il ne s’opère pas dans les nerfs une de ces modifications très positives, quoique inconnues en elles-mêmes, dont on trouve les analogues dans l’ai- mantation du fer doux, le passage d’un courant électrique à travers un fil de métal, dans ces mutations singulières de propriétés que les chi- mistes connaissent ou plutôt ignorent sous le nom d’isomérisme, etc. Sans nous aventurer aussi loin de notre sujet, nous nous bornerons à rappeler encore une fois l’insuffisance de l’anatomie pathologique ac- tuelle pour trancher dans bien des cas la question d’altération ou d’in- tégrité des tissus. Nous ferons observer, en outre, que dans mainte circonstance, dût l’exploration cadavérique ne conduire qu’à des ré- sultats négatifs, l’esprit se refuse à les admettre comme vrais. Un nerf devient douloureux à la pression, par suite du refroidissement de la partie même où il distribue ses rameaux, soit, par exemple, le trijumeau, à l’occasion d’un courant d’air qui a frappé la joue droite. Comment croire que ce nerf puisse être matériellement pareil au trijumeau du côté gauche, quand même on n’y trouverait ni rougeurs, ni épaississe- ment? Peut-on mieux se représenter un nerf musculaire, matérielle- ment sain , et cependant sous l’influence de la même cause, devenant imperméable à la motricité qui émane des centres? Dans les faits de cette espèce la lésion nous est inconnue, mais on a le droit de la sup- poser et même la tentation de l’affirmer. c. On appelle sympathiques certaines névroses qui éclatent dans un point du corps plus ou moins éloigné du siège de l’affection primitive. Si celle affection primitive est une névrose dans certains cas, dans d’autres, PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 137 et tout aussi souvent, elle consiste en un état morbide, ou en un état physiologique accompagné de modifications non douteuses dans la struc- ture des parties. Gomment classera-t-on ces phénomènes sympathiques? Se fondera-t-on, pour en faire une névrose, sur l’absencedc changements matériels, dans la partie même où les symptômes se manifestent? Mais nous avons déjà montré plus haut (1771. A.) que l’histoire des maladies maté- rielles du système nerveux abonde en phénomènes sympathiques, La plupart des symptômes qui accompagnent ces maladies ne sont-ils pas l’effet de la synergie fonctionnelle, des connexions intimes et multiples qui rattachent l’une à l’autre les nombreuses pièces de ce grand appareil? A une faible nuance près, ces deux mots : symptomatique et sympa- thique,, sont synonymes. Des attaques d’épilepsie accompagnant certaines tumeurs cérébrales sont bien, on en conviendra, les symptômes de ces lésions. Et cependant une production morbide ne saurait donner lieu directement qu’à la suppression de l’activité nerveuse dans la portion du cerveau dont elle a pris la place; si elle provoque d’autres phéno- mènes, si son action retentit au loin, se généralise, et se complique au point de troubler l’ensemble des fonctions, ce ne peut être qu’en raison d’une sorte de pouvoir dispersif, d’une propriété dont le système ner- veux est doué, de propager au loin et sous des formes variées l’impression subie par l’une de ses parties ; c’est-à-dire que ces attaques symptoma- tiques par excellence sont les résultats de la sympathie nerveuse. Autre exemple : qu’au lieu de reconnaître pour cause une tumeur intracrâ- nienne, ces mêmes attaques épileptiques soient dues à des tumeurs de la moelle ou des nerfs, comme cela se voit quelquefois, l’épilepsie sera- t-ellc alors plus sympathique et moins symptomatique que dans le cas précédent ? I! sera fort indifférent de lui donner l’un ou l’autre nom ; car, à proprement dire, la sympathie n’est que l'un des mécanismes du sym« ptôrne. De sorte que toutes les névroses sympathiques, qui comptent parmi les moins contestées, devraient être rejetées à l’égal des né- vroses dites symptomatiques, les unes et les autres se rattachant d’une manière plus ou moins immédiate à une altération pathologique des tissus. — C’est, sous une forme nouvelle, le même argument que nous avons déjà fait valoir ci-dessus (1771. A.). d. Des modifications dans la quantité ou les qualités du sang, modi- fications dont plusieurs sont chimiquement constatées, la pénétration dans la masse de ce liquide de certains agents toxiques connus , entraî- nent à leur suite des névralgies, des spasmes, des paralysies dont la plu- part sont considérés comme des modèles de névroses pures. Qui s’avise- rait, par exemple, de rejeter de la classe des névroses les douleurs liées à la chloro-anémie? Et cependant, dans la théorie que nous examinons, on devrait le faire, car il y a là une lésion positive. Ou appellera cela un changement dans le conflit des systèmes nerveux et vasculaire ; on y verra, si l’on veut, une action directe du sang sur les nerfs: peu ira- 138 PATHOLOGIE MÉDICALE. porte. Ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’en pareil cas, les conditions dans lesquelles l’innervation s’accomplit sont matériellement différentes des conditions physiologiques. e. Nous constatons, par l’observation, l’existence de certains groupes de phénomènes, de certaines unités symptomatiques, et nous les voyons se reproduire toujours les mêmes, malgré la diversité apparente des causes qui président à leur développement. Nous voyons des douleurs semblables à celles d’une névralgie sans lésions, éclater à l’occasion de la blessure, de la compression, du tiraillement, de l’inflammation des nerfs; nous rencontrons des attaques convulsives identiques avec celles de l’épi- lepsie, névrose, chez des sujets affectés de tumeurs cérébrales, etc. Cela nous conduit h décrire dans autant de chapitres chacun de ces groupes, chacune de ces unités symptomatiques, sans acception de leur étiologie différente, et à renvoyer à l’histoire des névralgies, de l’épi- lepsie, etc., pour les détails des accès douloureux, convulsifs ou autres qui se manifestent à l’occasion des névromes, de l’anémie, du rhu- matisme, de l’intoxication paludéenne ou saturnine, les tumeurs] du crâne, etc., etc. Supprimez les névralgies, l’épilepsie, les contractures symptomatiques, et la description de la contracture, de l’épilepsie, de la névralgie, viendra réclamer sa place dans le tableau de chacune de ces maladies, puisque chacune d’elles peut être accompagnée de ces mani- festations morbides ; de là inévitablement des redites fastidieuses. En résumé, si l’on récuse les états pathologiques avec symptômes nerveux qui dépendent d’une altération des solides (que cette alté- ration siège d’ailleurs près ou loin de la partie atteinte de névrose), pour les rejeter dans la nosographie organique ; puis, que l’on repousse les affections dépendant d’une modification des liquides, sous prétexte qu’elles appartiennent à la nosographie étiologique, que restera-t-il pour constituer la classe des névroses? Il restera un amalgame défaits qui se ressemblent en un seul point : en ce que leur nature nous échappe ; un amas d’états morbides essentiels, c’est-à-dire existant parce qu’ils existent; il restera, en un mot, notre ignorance élevée à la hau- teur d’un caractère nosologique ! Concluons de ce qui précède, qu’on ne saurait nier d’une manière absolue l’existence des névroses symptomatiques. 4772. Puisque ni la nature des fonctions intéressées, ni la condition matérielle qui accompagne leur perturbation, ne permettent d’établir une séparation nette et précise entre les névroses et d’autres classes de maladies, force est bien de recourir h une convention arbitraire pour établir cette limite. Nous avons déjà vu les fonctions du système nerveux réduites aux actes de l’intelligence, au sentiment et au mouvement. Nous verrons, par la suite, que parmi les déviations pathologiques que ces grandes fonctions peuvent présenter, un choix a été fait, et que, par exemple, tout en laissant subsister les névralgies comme des névroses, NÉVROSES. 139 quelle que soit la cause qui les fait naître, on a démembré l’antique unité paralysie, en excluant du cadre des maladies nerveuses toutes les paralysies liées à une lésion des solides, et quelques-unes de celles qui se rattachent à une altération des liquides. Relativement aux névroses symptomatiques considérées dans leur ensemble, on accepte en général qu’elles seront maintenues, à la condition d’offrir cette double particu- larité : 1° de consister en des perturbations de l’intelligence, du senti- ment et de la myotilité très marquées, et telles qu’on les observe dans les cas de névrose pure ; 2" par opposition, de s’accompagner de lésions qui semblent légères, eu égard à l’intensité des symptômes, et qui habituel- lement donnent naissance à des troubles beaucoup moins accusés. Il est inutile d’insister sur le vague dans lequel un semblable com- promis laisse souvent les questions litigieuses ; il ne saurait évidemment suppléer à une définition fondée sur la nature des choses, et la nature des maladies nerveuses est ce que l’on connaît le moins. Lu pathologie, elles ne peuvent être caractérisées, comme le disait le professeur Requin (1685.), que d’après la méthode symptomatique. Ce n’est pas que, dans certains cas, on ne puisse saisir, par l’observation, des différences tran- chées entre ce qu’on appelle les névroses pures et les pseudo-névroses ou névroses symptomatiques, et qu’on ne parvienne pas quelquefois à remonter ainsi au rapport qui existe entre le phénomène et la cause qui le produit. Mais, il faut l’avouer aussi, très souvent cette distinction ne peut être établie, et l’on est réduit à considérer seulement la similitude des groupes symptomatiques pour en faire autant d’unités presque abs- traites, désignées chacune par un nom particulier. C’est là ce qui donne à tous les écrits sur les affections nerveuses un faux air de traités de sé- miologie; la maladie ne peut y être représentée que comme une fonc- tion troublée, et conséquemment la physiologie pathologique y est con- stamment mise h la place de la pathologie elle-même. Deux formes dif- férentes de la même affection, deux degrés de son développement sont représentés comme des espècess morbides différentes, et l’unité de la maladie s’efface devant l’identité du symptôme. D ailleurs la classe tout entière des névroses a été fondée sur une conception négative; elle est née du jour où l’anatomie pathologique, étant chargée d’expliquer les maladies par les altérations des organes, s’est trouvée arrêtée en face d’un certain nombre d’états morbides dont la raison d’être lui échappait. Si bien que, sachant à peu près ce que ne sont pas les névroses, nous ignorons en revanche ce qu’elles sont en réalité. A quel autre point de vue sera-t-il permis un jour d’envisager ces maladies? à quels résultats conduiront, en pathologie, les recherches patientes dont le système nerveux est actuellement l’objet de la part de tant d’observateurs? C’est ce qu’il impossible de prévoir dès à présent. Quoi qu’il en soit, le lecteur étant averti du degré d’importance qu’il convient d’y attacher, nous allons énoncer la définition des névroses en y 140 PATHOLOGIE MÉDICALE. faisant entrer, outre les deux principaux caractères discutés ci-dessus, d’autres encore, un peu moins importants , et qui trouveront leur dé- veloppement dans la description qui va suivre. Définition.On est con venu de donner le nom de névroses à des états morbides, le plus souvent apyrétiques, dans lesquels on remar- que une modification exclusive, ou au moins prédominante, de l’in- telligence, de la sensibilité, ou de la motilité, ou de toutes ces facultés à la fois ; états morbides qui présentent cette double particularité, de POUVOIR se produire en l’absence de toute lésion appréciable, et de ne pas entraîner par eux-mêmes de changements profonds et persistants dans la structure des parties. 1773, Divisions.—Un grand nombre de divisions ont été adoptées pour faciliter l’étude des névroses. On distingue d’abord, d’après la nature de la fonction troublée, des névroses de l’intelligence, de la sensibilité et du mouvement, et des névroses complexes ou mixtes. Puis, dans chacune de ces classes, on admet des névroses symtomatiques, sympa- thiques et idiopathiques. Nous discuterons la valeur de ces divisions et de quelques autres encore, dans l’article consacré à la classification des maladies nerveuses. 177ô. Symptômes.—Ils sont extrêmement variés, et se composent principalement de phénomènes qui indiquent une exaltation, un affaiblis- sement ou une perversion des fonctions intellectuelles, sensitives ou mo- trices, et accessoirement d’autres troubles qui accompagnent ce désordre primitif et se manifestent dans les divers appareils organiques. Tantôt l’une des trois grandes fonctions du système nerveux est seule lésée, tantôt elles le sont toutes à la fois, et l’on trouve une foule d’intermédiaires depuis l’altération très partielle de l’une d’elles jusqu’au trouble général où toutes sont plus ou moins compromises ; depuis la douleur bornée à un point isolé de la peau, la paralysie d’un petit groupe musculaire, ou même d’un seul muscle, le délire limité à un petit nombre de concep- tions morbides, jusqu’à l’hyperesthésie générale des téguments et de plusieurs organes des sens, la convulsion de presque tout le corps, l’alié- nation générale, etc. La localisation des symptômes, et par conséquent de la névrose qu’ils représentent peut être portée à un degré extrême que nous ne retrouvons pas dans les maladies avec matière. Et, d’une autre part, on y observe aussi parfois une dissémination remarquable des phénomènes dans toutes les parties du corps (Monneret). Pour donner une idée de la multiplicité etde la diversité des symptômes que les névroses peuvent présenter, il suffit de rappeler qu’ils peuvent simuler ceux de toutes les maladies organiques (Bouillaud). Au milieu de ces phénomènes variés presque à l’infini, certains caractères méritent surtout d’attirer l’attention. C’est d’abord un signe négatif de la plus haute importance: l'absencede fièvre; souvent le pouls conserve une régularité parfaite au milieu des manifestations les plus tumultueuses et les plus désordonnées; s’il s’accélère par moments el devient un peu dur et irré- gulier, du moins la peau présente une température normale. L’apyrexie est presque constante, mais on ne saurait la considérer comme le cri- térium absolu des névroses, comme nous le verrons par la suite. Un deuxième caractère beaucoup moins général, si l’on considère toutes les affections englobées sous le nom de névroses, c’est la mobi- lité des symptômes, la facilité avec laquelle ils abandonnent une partie du corps pour se manifester dans une ou plusieurs autres ; c’est aussi la rapidité avec laquelle des symptômes de nature diverse, amenant un trouble de telle ou telle fonction, se succèdent et se suppléent chez le même malade. Mais n’oublions pas que s’il est des névroses vagues et erratiques, il en est d’autres bien tenaces, qui ne le cèdent guère aux maladies organiques les plus opiniâtrément localisées. Une description générale de tous les symptômes des névroses ne sau- rait être que le résumé des articles spéciaux consacrés à l’histoire de chacune de ces maladies ; renonçant à une pareille tâche, qui serait aussi difficile qu’ingrate, nous dirons seulement que dans les névroses, l’in- telligence, le sentiment, le mouvement, peuvent s’écarter de mille manières de leur type physiologique, et que l’on a essayé de ramener ces modifications morbides à Vexcès, à l’affaiblissement et à la perversion des facultés. Il est important de noter que l’exagération maladive de l’ime des fonctions existe souvent dans les névroses à côté de la dimi- nution d’une autre (ainsi le délire avec la paralysie, l’hyperesthésie de l’un des sens avec l’anesthésie d’un autre) ; bien plus, la même fonction est ici trop active, là presque éteinte (douleur dans les branches ner- veuses, insensibilité de leurs filets terminaux) ; ou bien dans le cours de la même névrose, la fonction subit des modifications différentes (hv- peresthésie optique suivie d’amaurose) : de sorte que bien souvent, il devient impossible d’assigner à la série entière des phénomènes un carac- tère déterminé, et de les rapporter, soit à l’excès, soit au défaut, soit à la perversion de l’action nerveuse. Les symptômes qui semblent les plus opposés peuvent se trouver associés, en vertu de certaines lois connues de physiologie, comme nous le verrons dans l’histoire des névralgies, des convulsions, etc., ou d’autres lois que nous ignorons encore; et il serait chimérique de fonder sur l’apparence des symptômes la division des névroses en celles qui dérivent d’un état de sthénie ou d’asthénie; il serait plus hasardeux encore d’y chercher la source des indications thé- rapeutiques. Ajoutons que, comme nous l’avons déjà dit, l’intelligence, la sensibi- lité el la myotililé ne sont pas seules altérées dans les névroses, mais que leurs modifications s’accompagnent de symptômes très nombreux indi- quant la perturbation des différents actes organiques : la respiration, la digestion, les sécrétions, etc., participent à divers degrés au trouble de sentiment, de mouvement, des facultés intellectuelles. L’une des sécré- NÉVROSES. U1 m PATHOLOGIE MÉDICALE. lions qui se modifient le plus souvent sous l’influence des névroses, est celle de l’urine : une urine limpide, anémique, c’est-à-dire pauvre en principes solides, est fréquemment rendue à la fin des accès de douleur ou de convulsions. On a dit aussi que, dans les mêmes circonstances, l’urine contenait de la glycose ; mais cette assertion ne paraît pas s’être confirmée. 1775. Marche, durée, terminaison. — L’invasion des névroses est tantôt graduelle, tantôt remarquable par sa soudaineté. Elles présentent rarement, dans leur évolution, les phases régulières d’augment, d’état et de déclin que l’on remarque dans beaucoup d’autres affections. Douées quelquefois, dès leur commencement, de toute l’intensité qu’elles doi- vent avoir par la suite, le plus souvent elles s’aggravent, se compli- quent, s’étendent h mesure que leur durée sc prolonge. Les unes sont continues, les autres rémittentes ou exacerbantes; il en est aussi dans lesquelles on observe une intermittence vraie et même une périodicité régulière comme celle des fièvres maremmatiques. 11 estdigne d’être noté que les névroses caractérisées par l’affaiblissement ou le défaut d’action nerveuse (anesthésie, paralysie du mouvement) ont plus souvent que les autres une marche continue. La manifestation d’accès simples ou composés (ceux-ci prennent le nom de paroxysmes) fait partie de la défi- nition que certains auteurs donnent des maladies nerveuses ; c’est dire que ce caractère est au moins très fréquent. Rien de plus étonnant, en effet, que de voir une souffrance atroce, des convulsions généralisées, un délire des plus violents, cesser tout à coup, et faire place a un état de santé parfaite. Cela s’observe fréquemment dans les névroses ; mais telle est la promptitude avec laquelle l'attaque fait place à l’intervalle de calme, et le contraste est si vif entre l’un et l’autre, que les malades font à peine attention aux phénomènes légers qui persistent entre deux accès, et que les médecins eux-mêmes n’échappent pas toujours aux illusions suggérées par ce brusque changement. Un examen attentif ré- duira quelquefois à une simple rémission ce qui d’abord aura paru être une cessation complète, et l’on pourra reconnaître la persistance de quel- ques phénomènes morbides dans cet intervalle où la santé paraît entiè- rement rétablie : quelques conceptions délirantes entre deux accès de folie, quelque sensation pénible pendant les répits des douleurs névral- giques, quelques spasmes fugitifs chez l’hystérique ou l’épileptique en dehors de ses attaques. D’autres fois la maladie ne subit pas seulement une atténuation extrême entre les paroxysmes isolés, mais le désordre de l’action nerveuse change aussi de modalité dans cet intervalle. L’épileptique, entre deux accès convulsifs, a des aberrations intellec- tuelles; l’hystérique, des sensations bizarres, etc. Ajoutons que certaines névroses, franchement intermittentes à leur début, finissent souvent par devenir rémittentes et presque continues, quand elles sont invétérées. La durée des névroses est très variable ; quelquefois extrêmement courte (spasme de la glotte, contracture du diaphragme), mais souvent très longue ; quelques-unes de ces maladies se prolongent pendant toute la durée de la vie, qu’elles n’abrégent pas sensiblement. Elles peuvent se terminer par la guérison spontanée. Leur dispa- rition qui s’effectue, tantôt avec une promptitude surprenante, tantôt par un décroissement graduel de leur intensité, se rattache parfois aux révolutions physiologiques, telles que : sortie des dents, époque de la puberté, apparition ou retour des menstrues, accouchement, méno- pause, etc. [crises). Dans d’autres cas, ce sont des révolutions patholo- giques qui produisent cet heureux résultat; nous y reviendrons en trai- tant des complications. Une névrose venant à s’évanouir spontanément ou sous l’influence du traitement, on en voit quelquefois une autre se manifester, ce qui constitue une apparence de métastase. Malheureu- sement la guérison radicale et complète des névroses, même de celles qui ne sont accompagnées d’aucune lésion appréciable des organes, est loin d’être commune ; elles ont une extrême tendance à devenir chroni- ques, incurables, ou, si elles se dissipent momentanément, à récidiver sous l’influence des causes les plus légères. La récidive consiste, tantôt dans le retour des mêmes symptômes, tantôt dans l’apparition de formes morbides analogues. Certaines névroses deviennent mortelles par l’obstacle qu’elles appor- tent à l’exercice des fonctions essentielles à la vie, les unes par la sidé- ration immédiate du système nerveux, d’autres par l’arrêt de la res- piration ou de l’action du cœur ; d’autres fois la terminaison funeste résulte de quelque complication accidentelle : on sait que les épi- leptiques meurent plus rarement par le fait de l’épilepsie que par suite des fractures ou des brûlures qu’ils se font pendant leurs attaques, etc. — La terminaison par la mort est, en somme, une exception dans les névroses. Ces maladies persistent généralement pendant longtemps sans exercer sur l’ensemble de la constitution une influence très notable. On est souvent frappé de voir de si graves perturbations fonctionnelles en- traîner des conséquences si peu proportionnées à la violence et à la longue durée des symptômes: les épileptiques, par exemple, présenter tous les attributs d’une bonne santé, malgré les affreuses convulsions qui les affligent ; les femmes hystériques conserver l’embonpoint et la fraîcheur du teint, en dépit des douleurs sans nombre dont elles sont tourmentées, etc. De môme encore dans l’organe particulier qui en est le siège, la névrose n’entraîne souvent pas d’altération matérielle, dût-elle se prolonger pendant des années entières; c’est tout au plus si les palpi- tations nerveuses finissent par amener l’hypertrophie du cœur; les pa- ralysies nerveuses ne sont que rarement et tardivement suivies de l’atrophie des muscles, de l’amaigrissement des tissus, de desquamation de la peau, etc. 1776. Complications, — On ne doit pas envisager comme de véri- NÉVROSES. 143 iUU tables complications tous les états morbides qui peuvent se présenter en même temps qu’une névrose, car un certain nombre d’entre eux peu- vent l’avoir précédée et en avoir préparé le développement ; il faut ré- server ce nom aux affections qui surviennent dans le cours d’une né- vrose ou à sa suite, et qui résultent : 1° des mêmes causes qui ont donné lieu à la maladie primitive, comme lorsque l’épilepsie vient s’ajouter à la chorée, une névralgie intercostale à la gastralgie, l’angine de poitrine à des palpitations du cœur, etc. ; 2° de la névrose elle- même, intervenant à son tour comme cause d’états morbides secon- daires : congestion cérébrale ou paralysie à la suite d’une attaque épi- leptique, anémie occasionnée par une souffrance ancienne des voies digestives ; 3° de la coïncidence accidentelle entre une névrose et une maladie intercurrente. Ce dernier genre de complication donne lieu h des observations du plus haut intérêt; il fournit de fréquentes occa- sions de vérifier l’antique adage : Fcbris spasmos solvit, qui ne s’applique pas seulement aux spasmes, mais encore à tous les phénomènes ana- logues. Une maladie fébrile intercurrente peut supprimer momenta- nément, et quelquefois pour toujours, une névrose dont le sujet était depuis longtemps affecté ; il en est de même de quelques affections inflammatoires, alors même qu’elles ne s’accompagnent pas de fièvre. Bien que les exceptions soient nombreuses et qu’on ne puisse pas consi- dérer l’aphorisme hippocratique comme l’énoncé d’une règle en patho- logie, cependant il est essentiel de le connaître, parce qu’il a une véri- table importance scientifique et pratique. L’une des conséquences qui en dérivent indirectement est que l'extrême perturbation nerveuse d’un organe et une grave altération de sa texture se trouvent moins souvent associées qu’on ne serait porté à le croire, l’une cédant quand l’autre se manifeste. C’est ainsi que, chez une hystérique affectée d’une dyspnée excessive, survient-il accidentellement une pneumonie, la gêne de la respiration n’est pas, en général, supérieure à ce qu’elle est chez d’au- tres personnes; une inflammation violente de l’utérus supprime parfois, du moins momentanément, les accidents douloureux dont cet organe est le point de départ chez beaucoup de femmes ; une maladie très avancée des orifices et des parois du cœur se complique plus rarement d’angine de poitrine que l’altération de quelques-unes des artères de cet organe, etc. Celte donnée peut être utilisée dans certains cas de dia- gnostic difficile, l’intensité excessive des phénomènes nerveux devenant presque une raison pour présumer qu’il n’existe pas de lésion organique très profonde. On peut également tirer parti de ce fait pour le traitement, et la médication révulsive, dans les névroses, est fondée en grande partie sur la notion de l’espèce d’incompatibilité, à la vérité très relative, que nous signalons en ce moment. 1777. Étiologie. — Les névroses sont souvent héréditaires, et cela de deux manières différentes : 1° par transmission directe delà même mala- pathologie médicale. NÉVROSES. 445 die des parens aux enfans (certaines vésanies, l’épilepsie, l’hystérie, la migraine), et dans certains cas, dit-on, des grands parens aux petits en- fants avec immunité de la génération intermédiaire; 2° par transmis- sion d’une disposition inconnue en elle-même et en vertu de laquelle on voit se développer des maladies nerveuses de formes diverses : des pa- rents sujets aux névralgies ou à l’hystérie donnent le jour à des enfans qui sont atteints dechorée ou d’épilepsie. Mais si l’on agrandit davantage le cercle de l’hérédité et qu’on envisage comme héréditaires les maladies nerveuses de ceux qui y sont congénitalement prédisposés d’une façon quelconque, on aura à examiner plusieurs questions intéressantes. L’exis- tence des deux modes de transmission que nous venons d’indiquer semble prouver que ce dont on hérite dans les deux cas précités, ce n’est pas précisément telle ou telle névrose, ce n’est pas un germe d’hys- térie ou d’épilepsie, comme on l’a prétendu, mais bien une condition de l’organisme favorable au développement d’une maladie nerveuse qui pourra être identique ou analogue à celle des parens. N’est-il pas dès lors rationnel de placer à coté de ces faits d’hérédité directe, ceux où la même condition de l’organisme est engendrée chez les enfans par certaines ma- ladies des parens étrangères à l’ordre des névroses? Au nombre de ces maladies, quelques auteurs ont placé la goutte, le rhumatisme, le cancer, et surtout les maladies organiques des centres nerveux, l’iiémorrhagie cérébrale par exemple. Malheureusement les recherches sur l’hérédité présentent de très grandes difficultés, et l’on ne connaît pas encore bien la valeur réelle de ces diverses causes moi bides. Les névroses peuvent survenir à tous les âges, sauf la vieillesse pen- dant laquelle elles persistent quelquefois, mais ne débutent presque ja- mais. Toutes les espèces de névroses ne sont pas également fréquentes aux différentes époques de la vie : ainsi, dans l’enfance, les névralgies sont extrêmement rares, les convulsions, au contraire, fort communes; l’hystérie ne survient guère avant l’époque de la puberté, ni longtemps après la ménopause, etc. On ne sait rien de positif quant a l’inlluence de la constitution et du tempérament ; une constitution faible, le tempérament bilieux et ner- veux, sont considérés comme prédisposant particulièrement aux né- vroses; d’autres y ajoutent le tempérament lymphatique, d’autres encore le sanguin. Le vague dont la définition du tempérament est elle-même entachée doitfaire ajouter une médiocre importance à ces propositions, et l’on ne doit pas oublier surtout que, jugeant de la cause d’après leseffeis, on a une certaine tendance à déclarer nerveuses des personnes atteintes de maladies de ce nom, du moment qu’elles n’offrent pas le type tran- ché d’un autre tempérament. De plus, les névroses se compliquent fré- quemment d’un état d’appauvrissement de l’économie qui efface les traits caractéristiques et primitifs de l’organisation. — Ce que l’on pour- rait appeler le tempérament moral mérite peut-être une plus sé- iv. 10 146 rieuse considération : les sujets irritables, prompts à subir des alter- natives d’exaltation et de dépression, doués d’une volonté peu énergique, d’une imagination vive, et chez lesquels ces dispositions ont été encore augmentées par une éducation vicieuse, sont fréquemment tourmentés par des névroses. Or, de pareils sujets sont loin de se ressembler, dans tous les cas, sous le rapport physique ; et s’il est vrai que chez eux une constitution faible se rencontre assez souvent unie aux attributs du tem- pérament dit nerveux, il faut reconnaître que souvent aussi ils ont une grande vigueur corporelle et se rangent dans la catégorie des sanguins, des bilieux, etc. 1 e sexe féminin crée une prédisposition bien connue ; d’abord en raison du tempérament moral des femmes qui réunit souvent les con- ditions que nous venons de signaler : de là, chez elles ce qu’on est con- venu de nommer, un peu métaphoriquement, la prédominance du sys- tème nerveux; ensuite parce que la menstruation, la gestation, la mé- nopause déterminent des accidens variés et féconds en retentisseraens sympathiques. Les autres causes prédisposantes, qui souvent suffisent pour donner lieu à des névroses sans le concours d’aucune cause occasionnelle, agis- sent les unes en modifiant directement le système nerveux, les autres in- directement en affaiblissant l’économie, et en mettant, en quelque sorte, en relief l’activité propre de ce système. Celles qui exercent une influence directe sont les travaux de l’esprit, les veilles, la fatigue musculaire excessive, l’époque de la puberté, les excès vénériens, la masturbation, les affections morales : frayeur, chagrin, exal- tation religieuse, les impressions sensorielles vives et répétées. — L’imi- tation aussi possède une singulière puissance que les célèbres épidé- mies de maladies nerveuses ont permis d’apprécier à diverses époques. Les causes indirectes, qui se mêlent aux précédentes d’une manière souvent inextricable, paraissent agir surtout en modifiant la composition du sang. Sanguis moderator nervorum : le sang étant altéré, l’inner- vation manque rarement de se troubler. C’est ainsi, du moins on le sup- pose, qu’agiraient l’inanition sous quelque forme que ce soit, les pertes des liquides (spermatorrhée, lactation prolongée, flux intestinaux ou bronchiques, sueurs abondantes, suppurations), la convalescence des maladies aiguës, et les maladies chroniques accompagnées si souvent d’un état d’appauvrissement du sang: cachexie paludéenne, syphilitique, albuminurique, etc. Ces indications sont cependant loin d’épuiser Pédologie des névroses. Il faut y ajouter toute la liste des causes dites déterminantes (bien que nous ayons vu les causes prédisposantes devenir elles-mêmes détermi- nantes dans bien des circonstances), ce sont: l’humidité, le froid, la chaleur, l’insolation, les écarts de régime, et aussi, dit-on, la suppression d’anciennes maladies de la peau, d’exutoires; la goutte, le rhumatisme, PATHOLOGIE MÉDICALE. la syphilis; puis les maladies qui, par irradiation, donnent lieu à des né- vroses, et qui tantôt elles-mêmes sont des névroses (gastralgies, point de départ d’une névralgie intercostale, névralgie utérine compliquée de né- vralgie abdominale), tantôt des maladies organiques très diverses, dont l’énumération nous entraînerait trop loin, puisqu’il n’est guère d’organe, de quelque manière qu’il soit altéré, qui ne puisse devenir le foyer d’une de ces sympathies. A côté des étals locaux positivement morbides, on peut en ranger d’autres, intermédiaires à la maladie et à la santé, formant des espèces de maladies physiologiques : tel est l’état de la ca- vité buccale pendant l’éruption des dents, l’état des organes génitaux et des mamelles à l’àgc de la puberté, pendant la période menstruelle, pendant les couches ou à leur suite, et à l’époque critique. 1778.-On peut voir par cet exposé sommaire combien Pédologie des névroses est multiple et complexe. Nous avons mieux aimé énumérer toutes ces causes dans un ordre quelconque que de les simplifier au profit de certaines idées théoriques qui manquent jusqu’à présent de démonstration et même de probabilité. Les névroses n’étant que l’ex- pression d’une manière d’être du système nerveux et celte manière d’être, comme l’observation le prouve, se montrant souvent identique malgré la diversité des circonstances où elle prend son origine, ou diffé- rente malgré l’analogie de ses causes, il semble tout d’abord difficile de ramener à un petit nombre de faits, et à plus forte raison, de subor- donner à un fait unique un élément aussi variable que l’exaltation, la dépression ou la perversion de l’action nerveuse. Four qu’on eût quelque chance de découvrir la raison qui rend cer- tains individus très disposés, d’autres très réfractaires aux influences qui déterminent le développement des névroses, pour tenter de dégager des mille circonstances qui y président une donnée constante et caractéris- tique, il faudrait que les névroses formassent un ensemble homogène d’états morbides. Or, il existe entre une névralgie faciale provoquée par la présence d’une dent cariée ou un courant d’air froid sur la joue, et la même névralgie apparaissant comme symptôme de l’empoisonne- ment paludéen, une différence de nature trop profonde, pour que le raisonnement, quel qu’il soit, par lequel on se rend compte de la ma- ladie dans un cas, puisse avoir de la valeur dans l’autre. La différence n’est pas moins grande entre les convulsions provoquées par un corps étranger qui est venu s’implanter dans les nerfs de la peau, l’éclampsie d’un albuminurique, l’épilepsie héréditaire. Certes, il faut bien qu’il y ait prédisposition, puisque l’action d’une même cause, du froid, par exemple, est suivie chez l’un d’une névrose, lorsque chez l’autre son effet est nul ou se traduit par des maladies différentes. Mais cette prédis- position vague et générale est tout autre chose que celle dont certains auteurs admettent l’existence chez tous les sujets atteints de névrose, et qu’ils ont désignée sous le nom de mobilité, de diathèse nerveuse, de NÉVROSES. U7 ■1/iS Pathologie médicale. polarité, etc. Dire que les personnes dont le système nerveux a été im- pressionné par une cause rnorhifique sont douées d’une impressionna- bîlité particulière de ce système, c’est exactement ne rien dire ; une pa- reille conclusion a posteriori, sans mérite en théorie est aussi dénuée de toute valeur dans l’application. Pour que ce raisonnement sortît de la lo- gique pure et entrât dans le domaine de la pathologie, il faudrait que l’on eût fait connaître les signes, autres que la manifestation même de la né- vrose actuelle, par lesquels sc révélerait celte diathése nerveuse. L’exis- tence de cet état a été beaucoup trop généralisée; on doit admettre, certainement, que la faiblesse originelle ou acquise de la constitution, une vive sensibilité physique et morale, souvent encore exagérée par l’éducation et la manière habituelle de vivre, que différentes maladies antérieures et particulièrement celles qui frappent le système 'nerveux, constituent une sorte de menace à être affecté de névroses diverses. Mais il est juste de reconnaître aussi que la prédisposition ne se révèle très souvent par aucun phénomène appréciable, et qu’en considérant dans leur généralité toutes les maladies dont nous nous occupons, il suffit dans maintes circonstances pour les produire de la seule cause dé- terminante, sans le concours d’aucune condition générale de l’organisme à nous connue. On arrive à des résultats encore plus hypothétiques lorsqu’on cherche h pénétrer l’action intime des causes qui engendrent les affections dites nerveuses. Nous ne parlerons pas des veîlications, des tiraillements, des racornissements que les solidistes ont imaginés dans les nerfs pour en expliquer les souffrances, ni des sérosités âcres cl corrosives, bilieuses ou volatiles de l’humorisme. Ces rêveries ont fait leur temps. Nous ne ferons également que mentionner la théorie des névroses proposée par M. le professeur Piorry, qui attribue ces maladies à des oscillations ou vibrations des centres ou des rameaux nerveux (névraxo ou névropal- lies), essayant ainsi de rattacher, par une lésion supposée, ce groupe de maladies au système des organopathies dont il est l’auteur. Mais nous devons dire quelques mots d’une interprétation qui tend à s’accréditer de plus en plus dans la médecine contemporaine et selon laquelle les changemens de composition du sang, notamment la chloro-anémie, seraient la condition la plus générale du développement des névroses. On ne peut nier que le conflit des systèmes sanguin et nerveux ne soit l’une dos sources les plus fécondes de maladie, comme elle est l’un des phénomènes les plus essentiels de la vie ; il est certain encore que c’est par l’intermédiaire du sang que les substances toxiques absorbées agissent sur les centres nerveux : de curieuses expériences ont ré- cemment mis ce fait dans toute son évidence. De môme l’observation clinique nous montre des accidens nerveux succédant à l'empoison- nement par le plomb, l’arsenic, la strychnine, etc., où c’est le sang qui commence par recevoir l’agent toxique, pour réagir, ainsi modifié, sur NÉVROSES, 169 le système nerveux ; c’est de la môme manière que quelques auteurs croient pouvoir expliquer le mode d’action de certaines dialhèses, telles que la goutte et la syphilis. La chloro-anémie, état morbide des plus communs, surtout dans les grands centres de population, paraît égale- ment très propre à modifier l’influence du sang sur l’innervation. Rien déplus fréquent que de rencontrer les névropathies les plus diverses unies 5 la chloro-anémie; en outre, si l’on recherche quel est le mode de succession des accidens, ou trouve bien souvent qu’à la suite d’hé- morrhagies, de privations, de causes morales débilitantes, il y a eu d’abord des symptômes d’anémie, puis des symptômes nerveux. L’est, en quelque sorte, la série de phénomènes que l’on voit se dérouler, resserrés seulement dans l’espace de quelques minutes ou de quelques heures, chez une personne en proie à une perte abondante de sang : dé- coloration des tégumens, puis douleurs, spasmes eloniques, etc. Loin de nous la pensée de contester qu’on ne puisse observer dans les né- vroses une semblable filiation des accidens ; nous voudrions seulement établir que ce mode de succession n’est pas constant, et que lorsqu’on observe simultanément une souffrance nerveuse et un état d’appauvris- sement du sang, l’une n’est pas toujours la conséquence immédiate de l’autre. 1° Parmi les altérations du sang que l’on trouve unies aux diverses névropathies, la chloro-anémie est seulement la plus fréquente; elle n’est pas la seule* et des auteurs dignes de foi placent à côté d’elle l’étal opposé : la pléthore. M. Bouillaud exprime la même idée lorsque, tout en insistant dans son enseignement sur l’importance de la chlorose, il établit que rien ne simule mieux que l’anémie les accidens dûs à la pléthore. Inutile d’ajouter que bien des névroses se produisent en l’ab- sence d’une altération appréciable du sang quelle qu’elle soit, et se rattachent à des causes dont l’action est toute topique : telles sont les névralgies et les paralysies produites par le froid, tel est encore le té- tanos, etc. 2° Lorsque des symptômes de chlorose existent chez un sujet actuel- lement atteint d’une maladie nerveuse, la question de savoir si l’une a été la cause immédiate de l’autre reste encore tout entière. Tout en re- connaissant que souvent l’état anémique est le premier en date, il faut ce- pendant admettre encore deux autres catégories de faits : premièrement ceux où l’on voit apparaître tout ensemble et la perturbation nerveuse et l’appauvrissement du sang ; comment supposer, par exemple, qu’une commotion morale susceptible quelquefois d’éteindre la vie à la ma- nière de la foudre, ait besoin de cet intermédiaire de la chlorose pour développer des phénomènes morbides, et cela dans l’appareil organique même auquel elle s’adresse tout d’abord! Viennent, en second lieu, les faits où l’état chloro-anémique est la conséquence de la névropalhic. Telle est en effet l’importance des fonctions nerveuses, que leur trouble 150 retentit dans toute l’économie et entraîne des changeinens multipliés dans les actes de la vie organique, y compris la sanguification ; la physiologie fait prévoir la possibilité de ces altérations consécutives du sang, et la clinique n’en refuse pas la démonstration quand on l’inter- roge sans idée préconçue. 3° Mais même en nous en tenant aux faits de névroses consécutives à la chloro-anémie, il faudrait encore établir pourquoi, avec le même degré d’altération de sang, tantôt il n’y a pas d’accidens nerveux, tantôt il en existe; et pourquoi, dans ce dernier cas, ils revêtent ici la forme gastralgique, ailleurs celles de l’hystérie ou de la chorée? Quand on réfléchit à ces différences, on est conduit à ne voir dans l’appauvris- sement du sang, ou mieux, dans l’affaiblissement de l’organisme, que l’une des conditions favorables au développement d’une maladie quel- conque, et à reconnaître que l’espèce particulière des états morbides qui se manifestent alors, est subordonnée à d’autres conditions moins apparentes que la chloro-anémie, moins faciles à constater, mais dont on ne saurait nier pour cela ni la réalité ni l’importance. En d’autres termes, l’anémie dispose aux accidens nerveux, mais elle ne les fait pas, pas plus qu’elle ne crée les phlegmasies, les tubercules, les cancers, etc. U° Ce que nous venons de dire de la chloro-anémie, nous pouvons le répéter de la dyspepsie que M. Beau considère comme la précédant dans tous les cas. Nous aurons l’occasion de revenir sur le rôle palhogé- nique considérable que ce savant maître assigne au dérangement des fonctions digestives ; pour le moment il nous suffira de soulever à propos de la dyspepsie, les mêmes questions déjà indiquées tout à l’heure : une cause morale capable de sidérer instantanément le système ner- veux ne peut-elle le rendre malade qu’après avoir diminué l’appétit et l’assimilation des alimens? En état morbide du système nerveux, pour peu qu’il soit grave et persistant, peut-il ne pas étendre aux fonctions du tube digestif une influence qu’il fait sentir à tous les autres actes de la vie ? En résumé, nous nous contenterons donc des données étiologiques consignées plus haut, et nous abstenant de toute généralisation déce- vante, nous admettrons seulement que la chloro-anémie, consécutive ou non à un dérangement des fonctions digestives, est l’une des conditions au milieu desquelles les maladies nerveuses se montrent volontiers ; mais que cet état du sang ne prime pas tellement les autres conditions de leur développement qu’on doive le regarder comme constant et véri- tablement essentiel. 1779. Anatomie pathologique. — La définition des névroses les re- présente seulement comme pouvant avoir lieu en l’absence de tout chan- gement anatomique appréciable, et nous avons démontré l’opportunité d’admettre des névroses symptomatiques et sympathiques, c’est-à-dire consécutives à des altérations diverses. La seule conclusion générale à PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 151 laquelle conduise l’étude de ces lésions coïncidantes, c’est qu’il n’en est aucune qui entraîne nécessairement à sa suite le développement d’une névrose, et que toutes peuvent y donner lieu, quels que soient leur siège et leur nature. D’où cette conséquence, que les névroses ne sont pas tou- jours des maladies sans lésion, mais des maladies sans caractère anato- mique ; alors même qu’un organe altéré en est le point de départ, elles sont assujetties à des lois sensiblement différentes de celles qui régissent les symptômes ordinaires des affections organiques, 1780. Nature des névroses; physiologie pathologique. — Le peu que nous connaissons de la nature d’une maladie n’est autre chose que le rapport entre les effets, lésions et symptômes, et la cause qui les produit. Ainsi, une ulcération est de nature inflammatoire, scrofuleuse, syphili- tique, etc., suivant que c’est la syphilis, la scrofule ou une phlegmasie simple qui l’a produite; et généralement ces causes impriment à la ma- ladie qu’elles font naître des différences notables qui se révèlent par l’aspect des lésions, le mode et l’intensité des symptômes, la marche, les terminaisons diverses et l’efficacité des moyens de traitement. Il est bien rare que dans les maladies qui nous occupent on puisse arriver à la connaissance de ce rapport ; l’observation s’arrête presque toujours à la forme des accidens, et la forme peut rester la même, quelle que soit, l’étiologie de la maladie. A part quelques névroses spécifiques, on cher- cherait souvent en vain dans les symptômes la trace de leur origine. Pour cette raison, nous insisterons peu sur ce chapitre obscur de la nature de la maladie, certain de n’avoir à y exposer la plupart du temps que des conjectures dénuées de preuves. En revanche, la physiologie pathologique, c’est-à-dire le mode de production des accidens considérés en eux-mêmes et indépendamment de leur cause, commence à devenir moins obscure, grâce aux décou- vertes dont la physiologie normale du système nerveux s’est enrichie dans ces derniers temps. Les idées de sympathie, d’irradiation, d’action et de réaction nerveuses sont devenues moins vagues et ont cessé d’être seulement l’équivalent de caprice, irrégularité, bizarrerie; si l’on ne connaît pas mieux que par le passé le pourquoi des névroses, au moins se rend-on un compte un peu plus exact du comment, c’est-à-dire du mode suivant lequel leurs symptômes s’enchaînent, se commandent, se subordonnent. .Nous aurons soin d’indiquer, avec quelques détails, les notions relatives à cet intéressant sujet, quelque imparfaites qu’elles soient encore à plusieurs égards. 1781. Diagnostic. — Le diagnostic de toute névrose comprend deux parties bien distinctes. La première et la moins difficile est le diagnostic des symptômes. Est-ce bien à une névralgie, à une paralysie, à une con- tracture, etc., que l’on a affaire? N’cst-ce pas à d’autres phénomènes ayant avec ceux que l’on suppose quelque ressemblance capable de donner le change? La seconde partie est le diagnostic de la maladie, La con- 152 pathologie médicale. fracture, le délire, la névralgie, sont constatés; reste à savoir si c’est là tout, on si, par de là les modifications du sentiment, du mouvement, de l’intelligence, il n’y a pas quelque autre état morbide accessible h l’exploration. C’est dans cette recherche que la division traditionnelle des névroses en symptomatiques, sympathiques et idiopathiqucs est d’une véritable utilité pour le praticien; elle le conduit, en effet, à exa- miner attentivement tous les organes et à ne s’arrêter qu’en dernier lieu, et, pour ainsi dire, en désespoir de cause, à la pensée d’une affec- tion spontanée, isolée de tout élément connu qui puisse en modifier le pronostic et le traitement. 1782. Pt 'onostic. — Bien que les névroses n’aboutissent que très rarement aune terminaison funeste, et que par elles-mêmes elles n’en- traîuent pas de changemcns considérables dans l’état anatomique des tissus, elles ne laissent pas cependant que d’être assez graves, les unes à cause des symptômes pénibles et violons dont elles sont accompagnées, d’autres en raison des conséquences qu’elles ont pour la vie sociale des individus, un grand nombre d’entre elles par la longue durée du mal et ses perpétuelles récidives. On a dit justement que le pronostic d’une névrose grave équivaut presque toujours à cette déclaration : Vous en souffrirez longtemps et cruellement, mais vous n'en mourrez pas; res- triction qui ne console pas tout le monde. Le pronostic varie d’ailleurs essentiellement d’après la cause de la maladie, et se ressent dans la pratique de l’ignorance où nous sommes quant à l’éliologie d’un grand nombre de névroses; il est moins grave, cela va sans dire, quand la cause est elle-même passagère cl curable, que lorsqu’elle consiste en quelque état morbide local ou général dont la durée est illimitée et la guérison impossible ou incer- taine. Mais il est souvent très fâcheux en l’absence de toute cause appréciable, et alors que rien ne semble justifier la longue persistance des accidens : Impression ssrnel parti vitium nusquam emotum perstat etiarnsi a spiritu mtum (Marc-Aurèic Sévcrin). On sait combien cer- taines épilepsies, dites idiopathiqucs, certaines névropathies vagues, cer- taines névralgies sont rebelles et tenaces. Quelquefois la constitution lymphatique, un état de cachexie générale semblent expliquer cette chro- nocité. D’autres fois, la maladie semble se perpétuer par cela seul que pendant longtemps elle a été abandonnée à elle même. De plus grands détails seraient déplacés ici; on les trouvera dans des articles spéciaux. 1783. Traitement. — Nous n’exposerons pas non plus dans tous ses développemens la thérapeutique des névroses dont il nous suffira d’énu- mérer les principaux élémeus. Assez souvent dans leur traitement, l'art de guérir n’occupe que le second rang, parce que, avant tout, il faut satisfaire au devoir de sou- lager. Mais au point de vue dogmatique il est permis d’intervertir les NÉVROSES. 153 termes et d’énoncer dans l’ordre suivant les indications thérapeutiques : 1° Chez les individus prédisposés instituer une sorte de traitement prophylactique dont les ressources sont toutes dans une hygiène appro- priée du corps et de l’esprit. 2" Combattre la cause des accidens : traitement hygiénique et phar- maceutique dirigé, soit contre l’état général de la constitution sous l’in- fluence duquel la névrose s’est développée eu qui la fait persister (mala- dies spécifiques et virulentes, goutteuses, rhumatismales, pléthore, chloro-anémie, scrofules, etc.), soit contre les affections locales qui en sont le point de départ. On aura fréquemment, pour nous servir de l’expression consacrée, à rétablir l’équilibre rompu du système sanguin et du système nerveux, à lutter contre la prédominance morbide de ce dernier. Les toniques de toutes sortes répondent le mieux h cette né- cessité de fortifier, et, suivant les cas, de produire localement, tantôt une excitation réclamée par un état d’affaiblissement paralytique, tantôt une sédation exigée par un excès ou une perversion de l’activité fonc- tionnelle. 3° Combattre les accidens eux-mêmes et en prévenir le retour par un traitement ou calmant ou stimulant, qui s’adresse aux centres nerveux (influences morales, inhalations anesthésiques, usage interne des nar- cotiques et des antispasmodiques, strychnine...), ou aux nerfs affectés (applications locales des mêmes agens, électricité, eau froide, révulsifs cutanés, etc.). ARTICLE II. CLASSIFICATION DES NÉVROSES. 1785. Dans l’état peu avancé de la science, une classification des né- vroses ne saurait être qu’un groupement destiné à faciliter l’étude de ces maladies; un artifice de méthode, mais non une systématisation rationnelle. L’anatomie et la physiologie, telle est la double base des classifications généralement admises ; quant à les fonder sur la pathologie même, quelques écrivains ont tenté de le faire; mais ces essais doivent être considérés, jusqu’à présent, comme prématurés. Ainsi, par exem- ple, une division des névroses, d’après les diathèses auxqucdles elles se rattachent, est évidemment insuffisante pour embrasser la totalité de ces maladies; de même en prenant pour point de départ l’étiologie et en étudiant les névroses symptomatiques, sympathiques et idiopathiques, on ne peut arriver qu’à des distinctions d’une valeur secondaire. Les classifications basées sur le siège et la nature des symptômes sont les seules que l’on doive admettre quant à présent, et elles vaudront aussi longtemps que les notions médicales sur les névroses ne dépasseront pas la séméiotique de ces affections. La classification suivante nous paraît la plus conforme au plan de ce livre, où la distribution des matières en 154 PATHOLOGIE MÉDICALE. nosographie organique, étiologique et symptomatique, nous force à mo- difier légèrement les divisions généralement reçues. En considérant la nature des fonctions nerveuses atteintes par la ma- ladie, il y a lieu d’établir quatre ordres de névroses : \° Névroses de l'intelligence (une description particulière leur sera consacrée); 2° Névroses de la sensibilité ; 3° Névroses de la motilïté. Zi° Un dernier ordre dans lequel figurent les névroses intéressant à la fois la sensibilité et la motililé, ou même simultanément ces deux facultés et celles de l’intelligence. Ce sont les névroses mixtes ou com- plexes. Reprenons maintenant chacun de ces ordres et énumérons les prin- cipales névroses qui y sont comprises. I. Névroses de la sensibilité. Cet ordre comprend deux classes V Les HYPERESTHÉSIES et LES ANESTHÉSIES. 1° Les névroses avec exaltation ou perversion de la sensibilité, ou hyperesthésies, comprennent plusieurs groupes pathologiques constituant autant de genres : a. Hyperesthésies des nerfs sensitifs de la vie de relation, ou névral- gies proprement dites. Il y a autant de névralgies qu’il existe de nerfs sensitifs cérébro-spinaux : les mieux connues de ces espèces sont les né- vralgies trifaciale, cervico-occipitale, cervico-brachiale, intercostale, lombo-abdominale, fémorale, sciatique ; l'hyperesthésie des nerfs mus- culaires ou myosalgie. b. Hyperesthésies des nerfs sensoriels. Troubles de la sensibilité cu- tanée, de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, du goût, caractérisés par une exaltation ou une perversion de ces fonctions ; dermalgie, hyperacousie, photopsie, etc. c. Hyperesthésies des nerfs sensitifs de la vie organique, névralgies viscérales ou viscéralgies : affections douloureuses des voies digestives, circulatoires, respiratoires, génito-urinaires. d. Hyperesthésies dont le siège anatomique nest pas encore connu d'une manière précise: migraine, irritation spinale, arthralgie, angine de poitrine. 2° Les névroses avec abolition ou diminution de la sensibilité. Elles ont reçu le nom d'anesthésies ou de paralysies du sentiment, et sont sus- ceptibles d’èlre classées comme les hyperesthésies, d’après les nerfs affectés, en anesthésies des nerfs cérébro-rachidiens cutanées ou muscu- laires, des nerfs sensoriels, viscéraux. Toutefois, l'étude particulière de ces espèces morbides a été beaucoup moins approfondie que celle des espèces correspondantes dans la classe des hyperesthésies, et l’on ne connaît bien qu’un petit nombre d’entre elles. II. Névroses de la motililé. Deux classes constituent cet ordre : Les HYPEUG1NÈSES et LES ACINÈSES. 1° Les hyper cinèses (de Romberg), motus excédent es de Heister, carac- térisées par une augmentation morbide de l’activité musculaire. Ce sont les névroses désignées sous le nom de convulsions, de contractures, de spasmes, et parmi lesquelles on distingue : a. Les hypercinèses des muscles de la vie de relation : convulsions et contracture de la face, du cou, de l’épaule, du diaphragme, etc.; on peut eu admettre autant d’espèces qu’il y a de muscles ou de groupes mus- culaires. b. Les hypercinèses des muscles de la vie organique ; on les désigne le plus souvent sous le nom de spasmes ou de névroses spasmodiques : spasme du pharynx, de l’œsophage, de l’estomac, de l’intestin, de l’anus, des canaux biliaires; spasme delà glotte, des bronches; palpitations de cœur; spasme de la vessie, de l’urèthre, etc. 2° Les acinèses, caractérisées par l’anéantissement ou la diminution de l’activité musculaire ; ce sont : les paralysies ou névroses paralyti- ques, qui comprennent également autant d’espèces qu’il y a de muscles : a. dans les organes de la vie de relation (paralysies de la face, des mem- bres, du tronc, du diaphragme, etc,); b. dans les organes de la vie végé- tative (paralysies du pharynx, de l’œsophage, de l’intestin, du larynx, de la vessie, etc.). III. Névroses de l’intelligence, en Vésanies. Nous n’avons pas à nous en occuper spécialement dans ce chapitre. IV. Névroses générales ou complexes, caractérisées par des désordres plus ou moins nombreux et simultanés de la sensibilité, du mouvement et de l’intelligence, et qui, par la grande extension des symptômes et par leur multiplicité, révèlent l’affection constante des centres nerveux (1). — On a souvent voulu ramener les névroses complexes elles-mêmes aux divisions qui précèdent, et en faisant valoir, au profit de telle ou telle doctrine, quelques-uns de leurs symptômes comme plus essentiels <[ue les autres, on en' a fait tantôt des hyperesthésies, tantôt des anes- thésies, tantôt des névroses convulsives ou des vésanies, etc. Mieux vaut les décrire une à une, en y reconnaissant impartialement l’existence d’une perturbation profonde et générale des fonctions nerveuses, et sans préjuger leur nature, ni la subordination, toujours discutable, de leurs symptômes. Ces névroses complexes sont : l’état nerveux, la chorée, l’hystérie, la catalepsie, le tétanos, l’éclampsie, l’épilepsie. NÉVROSES. 155 (I) On serait tenté de donner à ces névroses le nom de centrales par oppo- sition aux précédentes, que l’on appellerait périphériques ; mais une pareille dis- tinction ne saurait se soutenir en présence de ce fait qu’une affection des cen- tres nerveux peut dans certains cas ne donner lieu à des phénomènes appré- ciables qu’à la périphérie du corps. 156 PATHOLOGIE MÉDICALE. AHTÏCS.E III. DES NÉVROSES EN PARTICULIER. NÉVROSES DE LA SENSIBILITÉ. — HVPERESTHÉS1ES. — NÉVRALGIES 1785. Dans le premier ordre des névroses, qui sont celles de la sen- sibilité, nous avons trouvé une première classe, constituée par les hy- peresthésics. Nous avons admis trois genres d’hyperesthésics : a. Les bypereslhésies des nerfs sensitifs cérébro-rachidiens; h. Celles des nerfs sensoriaux ; c. Celles des nerfs sensitifs de la vie organique. d. A ces genres on est obligé d’en a jouter un quatrième formé par cer- taines bypereslhésies dont le siège n’est pas encore bien déterminé. Nous commencerons par l’élude des bypereslhésies occupant les nerfs sensitifs cérébro-rachidiens, c’est-à-dire par l’histoire des névralgies pro- prement dites. DES NÉVRALGIES EN GÉNÉRAL. 1786. Bibliographie. ('.HAUSSIER. — Table synoptique de la né- vralgie, etc. Paris, 1803, in-fol. J. Scott. — Cases of dolorous tic and other forms of neuralgia. Londres, 1835. IL IloWLAND. —A treatise on neuralgia. Londres, 1838. Yalleix. — Traité des névralgies ou affections douloureuses des nerfs. Paris, 1851, 1 vol. in-8. IL IIünt. — On the nature and tre6.tm.ent of dol. tic, sciât, and other neuralgic disorders. Londres, 1855. Bretschneider. — Versuch einer Begründung d. Path. und Thé- rapie d. œussern Neuralgieen. lena, 1857. L. Türck, — Beitr. zur Lehre von der Hyperàsthesie und Anàs- thesic in Zeitschrift d. Gesellschaft d. Aerzte. Vienne, 1850 (no vembre). , Toogood DüWNING. — Neuralgia, its varions forms, path. and treatment. Londres, 1852. Helfft. — Prakt. Mittheil. aus d. Gebiete der Nervenpathologie, in Medic. Wochenschr. Vienne, 1851 et 1852. Notta. Du traitement des névralgies par la cautérisation transcur- rente. ( Union méd., 1857.) — Mémoire sur les lésions fonction- nelles qui sont sous la dépendance des névralgies. (Archives géné- rales de méd., 1855.) Parsons. — Neuralgia: history, nature and treatment, in Ame- rican Journal of med, sciences, octobre 1855. Voir en outre les articles consacrés à la Névralgie et à la Douleur en NÉVROSES. 157 général, dans les traites de pathologie interne, les ouvrages sur les ma- ladies nerveuses et particulièrement dans ceux déjà cités Romberg, de Henle et de Hasse (1768). 1787. Définition. —Affection douloureuse des nerfs cerébro-rachi- diens, avec cette particularité que, le plus souvent, la souffrance est ou paraît être dans ces nerfs eux-mêmes, circonscrite au trajet de leurs troncs, branches ou rameaux. 1788. Divisions. — Pour donner une idée de la multiplicité des es- pèces de névralgies que les auteurs ont décrites, il nous suffira de rap- peler que Joseph Franck admettait les suivantes : Névralgie trauma- tique, inflammatoire, rhumatique, inélastalique, gastrique, arthritique, carcinomateuse, syphilitique, nerveuse. La division adoptée aujourd’hui est celle en névralgies symptomatique, sympathique et idiopalhique. 1789. Symptômes. —a. Le symptôme essentiel et souvent unique est la douleur. La description remarquable qui suit est empruntée à Val- leix; elle est exacte pour l’immense majorité des cas : Il importe, dit cet auteur, dans la névralgie, plus que dans toute autre affection, de distinguer la douleur spontanée de la douleur à la pression. Douleur spontanée. — On doit distinguer deux espèces de douleur spontanée : la première est continue, la seconde intermittente. La dou- leur continue sans être violente est très incommode ; les malades la com- parent ordinairement à une tension, à une pesanteur, à une pression forte, ou bien à la souffrance que produit une contusion; il est bien rare que cette douleur disparaisse dans l’intervalle des accès. Lorsque l’affection est franchement périodique, toute espèce de douleur cesse ordinairement dans l’intervalle des accès réguliers. La douleur intermittente se montre sous forme d’élancemens, de déchircmens, de piqûres, ordinairement très aiguës, durant très peu de temps et se reproduisant à des intervalles variables. Tantôt les ma- lades n’en éprouvent qu’un ou deux en un quart d’heure, et tantôt ils les sentent renaître plusieurs fois par minute. Ce sont toujours des dou- leurs lancinantes qui composent les accès de névralgie; c’est pourquoi on y a eu presque exclusivement égard. Dans les névralgies bien carac- térisées, on voit, en effet, ces élancerncns se reproduire à des inter- valles très rapprochés, pendant un temps qui varie entre quelques mi- nutes et plusieurs heures , et alors les malades sont dans une anxiété très grande, jusqu’à ce que le calme se rétablisse peu à peu ou brusque- ment. Puis, au bout d’un temps plus ou moins long, la même série de phénomènes se reproduit. — Ces élancemens ont une violence très di- verse suivant les cas. Les malades les comparent à des tiraillements, à des arrachemens, à des piqûres. Quelques-uns parlent d’une commo- tion électrique; d’autres éprouvent un sentiment de brûlure, etc. Ce qu’il y a de remarquable dans ces élancemens, c’est qu’ils ont 158 des foyers d’où ils partent quelquefois pour se porter d’un point à un autre, tandis que parfois aussi ils restent fixés dans ces foyers, se pro- duisant à la fois dans plusieurs points du trajet du nerf souvent très éloignés l’un de l’autre. Or, ces foyers douloureux sont précisément les points circonscrits que la pression fait découvrir et dont il va être ques- tion tout à l’heure. Il est vrai de dire néanmoins que, soit que les ma- lades n’aient pas noté ces points avec assez d’attention, soit que réelle- ment l’élancement n’ait pas de point de départ fixe, un peu plus de la moitié des sujets se contente d’indiquer d’une manière générale le trajet des nerfs comme étant le siège des élancemcns. Dans les cas où les élancements se portent d’un point à un autre en parcourant une certaine étendue des nerfs, la direction n’est pas toujours la même; cependant dans une très grande proportion des cas ils suivent le trajet du filet nerveux affecté. Assez rarement ils ont une direction contraire, et l’on a voulu avec cette particularité déjà signalée par Colu- gno, faire une espèce particulière de névralgie, sous le nom dq névralgie ascendante. Mais cette distinction n’a aucune importance. Douleur à la pression. — Une pression largement exercée avec la paume de la main n’exaspère pas ordinairement la douleur et la calme le plus souvent; mais si l’on presse avec l’extrémité d’un ou de plusieurs doigts en suivant le trajet du nerf malade, on trouve un ou plusieurs points sur lesquels celte pression cause une douleur variable, souvent fort vive. Si l’on presse de plus en plus fort, et toujours de la même ma- nière, la douleur augmente et devient insupportable même dans les cas où elle était d’abord légère; dans un grand nombre de cas elle est telle- ment vive, que les malades se soustraient h l’exploration par des mou- vemens très brusques, et en manifestant, par la contraction de leurs traits, une souffrance extrême. Riais il arrive assez fréquemment qu’apros avoir exercé ainsi la pression, si on la renouvelle sur le point qu’on vient de trouver si douloureux, on constate qu’elle est devenue momentané- ment supportable, ou même qu’elle n’est pas du tout douloureuse. — Par la pression exercée comme il vient d’être dit, non-seulement on exaspère la douleur continue, mais encore on produit assez souvent des élancemens en tout semblables à ceux qui se produisent spontanément. A l’aide de la pression, on reconnaît l’existence, l’étendue et le degré de sensibilité des points doxdoureux. Ceux-ci sont parfois nombreux et rapprochés sur le trajet du nerf, d’autres fois on n’en trouve qu’un petit nombre et très éloignés l’un de l’autre ; bien plus rarement on n’en trouve qu’un seul. Les points douloureux peuvent n’avoir que 1 ou 2 centimètres de diamètre; ordinairement néanmoins ils ont un peu plus d’étendue et parfois ils occupent un espace grand comme la main et plus. I! est rare que tout le trajet du nerf soit douloureux, et lors- qu’il en est ainsi, on reconnaît encore l’existence des points douloureux à lapins grande sensibilité que la pression réveille à leur niveau. Souvent PATHOLÇGIE MÉDICALE. ces points douloureux sont si bien circonscrits quù 1 ou 2 millimètres de distance près on détermine ici une douleur des plus vives, et là on ne trouve pas la plus légère sensibilité morbide. C’est dans les points où se manifeste une douleur spontanée que l’on produit aussi la douleur à la pression ; seulement il peut arriver que dans certains cas la douleur à la pression ne se fasse pas remarquer, bien que le malade y éprouve une certaine souffrance. Presque dans tous les cas, on voit que l’intensité de la douleur à la pression est en rapport avec de la douleur spontanée, au moins dans quelques points. Il va néanmoins des exceptions à celte règle; mais ce qui prouve quelle a une importance réelle, c’est que : 1° l’affection ayant des accès plus ou moins marqués , la pression devient sensiblement plus douloureuse pendant ces accès de douleur spontanée ; 2° dans les cas où les paroxysmes sont très tranchés, cette doulenr à la pression peut dis- paraître presque complètement dans les intervalles; et 3° enfin, dans les cas où il y a une périodicité h.contestable, la partie affectée devient d’ordinaire complètement indolente pendant l’intervalle. Douleurs causées ou exaspérées par divers actes du malade. — Les causes de ces douleurs sont variables, mais elles tiennent toutes à des mouvemens plus ou moins brusques des parties affectées. Ainsi, dans la sciatique, la marche, dans la névralgie trifaciale, la mastication, dans la névralgie intercostale, les grandes inspirations déterminent et exaspèrent ces douleurs, et souvent de manière à rendre le mouvement insuppor- table. Dans quelques cas particuliers, le contact des corps chauds ou froids produit le même effet. . La description de Valleix peut servir de type; mais il ne faut pas s’at- tendre à la trouver exacte dans tous les cas de névralgie; les symptômes offrent d’assez nombreuses variétés qui trouveront leur place à l’article Physiologie pathologique. h. Symptômes concomitants. — En même temps que la douleur on observe, dans le cours des névralgies, d’autres phénomènes moins con- slans, qui doivent être distingués en ceux qui accompagnent les pa- roxysmes aigus et en ceux qui résultent de la longue persistance de l’affection. Pendant les accès on constate assez fréquemment, soit dans la région même qui est le siège de la douleur, soit dans le reste de l’économie, des troubles plus ou moins marqués. Ainsi l’on voit la partie malade pâlir d’abord, puis s’injecter au point de faire croire à un état phlegma- sique ; la sécrétion lacrymale, celle du mucus, celle de la matière sébacée ou de la sueur, se faire avec une activité insolite; des mouvemens con- vulsifs accompagner les élancemens douloureux (tic de la face, crampes dans la sciatique). En môme temps, les malades accusent dans diverses parties du corps des sensations incommodes; ils sont dans un état d’agacement pénible; quelques-uns éprouvent des vertiges, un NÉVROSES. 159 'î 60 PATHOLOGIE MÉDICALE, léger obscurcissement de l’intelligence; ils rendent à la fin des accès une urine incolore et abondante. Lorsqu’une névralgie a persisté pendant plusieurs mois ou plusieurs années, il n’est pas rare de voir les phénomènes qui accompagnent les accès douloureux amener par leur répétition des changemens durables dans la nutrition des parties (hypertrophie de l’une des moitiés de la face, suite de névralgie ancienne du trijumeau), dans leurs sécrétions (salivation, larmoiement, chute des cheveux ou altération de leurs qua- lités). La santé générale, qui le plus souvent est remarquablement bien conservée, souffre cependant dans quelques cas; les malades deviennent tristes, sensibles aux causes morales les plus légères; ils sont fâcheuse- ment impressionnés par les variations atmosphériques; il se manifeste un état nerveux général, les digestions se font mal, la menstruation se dérange, et chez quelques-uns une hypochondrie ou une lypemanic véri- table se développe à la longue. 1790. Marche, durée, terminaisons. — On conçoit combien elles diffèrent selon que la névralgie est produite par telle ou telle cause. Ce- pendant les considérations suivantes s’appliquent au plus grand nombre des cas. C’est une opinion généralement répandue que le début des né- vralgies est très souvent brusque; 'Valleix, au contraire, a parfaitement établi que, dans la plupart des cas, elles se développent d’une manière graduelle, mais plus ou moins rapide. Ce que les malades éprouvent d’abord, c’est une sensation plus gênante que réellement douloureuse; puis la douleur arrive, va en augmentant, et acquiert enfin un haut degré d’intensité. Elle éclate presque toujours sous forme d'accès d’une durée variable, et très irréguliers dans leurs retours ; quelquefois on observe une périodicité vraie, et la névralgie se comporte alors comme les fièvres intermittentes. Les névralgies peuvent disparaître en quelques jours, même sans l’in- tervention d’aucun traitement ; d’autres fois elles persistent en dépit de tous les efforts du médecin pendant des mois et même des années entières. Dans ces derniers cas, qui heureusement sont les plus rares, la maladie tourmente habituellement les sujets pendant un temps va- riable, puis se suspend pendant une période qu’on ne peut pas préciser davantage, et qui est loin d’être toujours la même entre chaque atteinte, et ces alternatives se répètent parfois jusqu’à la mort, causée par une autre maladie. Entre ces deux extrêmes de névralgie fugace et de né- vralgie rebelle, on trouve une foule d’intermédiaires qui seront men- tionnés dans l’histoire des névralgies particulières. La terminaison n’est jamais mortelle, à moins de complication. Il existe d’assez nombreux cas de guérison spontanée, soit que la maladie diminue et disparaisse d’ellc-même au bout d'un temps assez court, soit qu’elle finisse par s'user à la longue, comme on dit vulgaire- ment; c’est-à-dire que, sans se ressentir notablement des médications NÉVROSES. 161 employées, elle diminue d’intensité et finit par s’évanouir. C’est à tort qu'on a considéré cet effacement graduel comme une terminaison ordi- naire chez les malades qui avancent en âge. — La disparition des né- vralgies paraît s’effectuer quelquefois sous l'influence de phénomènes considérés comme critiques, tels qu’éruptions cutanées, diarrhées, flux d’urine, etc. ; d’autres fois elle a lieu dans le cours d’une maladie intercurrente ; mais souvent alors la névralgie revient quand celle-ci est à son déclin. Enfin, il est des cas où une névralgie cessant, on voit se manifester d’autres maladies que certains médecins regardent comme le produit d’une métastase. Mais tous ces modes de terminaison deman- dent à être examinés plus rigoureusement que cela n’a été fait jusqu’ici. Les récidives sont on ne peut plus fréquentes dans les névralgies. 1791. Etiologie. —1° Causes prédisposantes. — Sous le rapport de la disposition aux névralgies, une première différence à noter est celle des divers âges. Tout à fait exceptionnelles dans l’enfance, ces maladies s’observent surtout de vingt à soixante ans, et deviennent de nouveau très rares à un âge plus avancé; il faut tenir compte, en outre, de l’es- pèce particulière de névralgie, la prédisposition n’étant pas la même à toutes indistinctement aux diverses époques de la vie. Le sexe féminin constitue une autre prédisposition, mais moins ma- nifeste qu’on n’est porté à le croire. Tout d’abord, sur un nombre donné de névralgies, on trouve plus de femmes que d’hommes jusqu’à trente ans ; après trente ans, les cas se trouvent répartis d’une manière presque égale entre les deux sexes. Il n’en est plus de même lorsqu’on examine isolément l’histoire des névralgies intercostale, sciatique, etc., où la pré- disposition attachée à chaque sexe apparaît d’une manière plus évidente. Quant à la constitution et au tempérament, le vague qui règne dans l’appréciation de ces données introduit nécessairement beaucoup d’in- certitude dans les résultats énoncés par divers observateurs; il paraît difficile d’arriver à une généralisation utile pour les névralgies considé- rées dans leur ensemble, quand on voit d’une part la sciatique survenir chez des individus robustes, et d’une autre les sujets faibles, nerveux être fréquemment affectés de névralgie intercostale, iombo-abdominale, etc. On ne saurait méconnaître une prédisposition chez des personnes lym- phatiques, irritables, anémiques, dyspeptiques, éprouvant actuellement, ou ayant antérieurement subi des perturbations du système nerveux ; on ne saurait nier que ce ne soient là des conditions quelquefois trans- mises par hérédité qui entretiennent et perpétuent les névralgies ; mais il est positif que celles-ci se rencontrent également, et même assez sou- vent, dans des conditions tout opposées. La comparaison des professions, des conditions de logement et d’alimentation, etc,, ne conduisent non plus à aucun résultat général. Certains actes physiologiques, tels que la menstruation, la grossesse, pendant les premiers mois surtout, la lac- tation, disposent assez manifestement aux névralgies. ïv. H 162 PATHOLOGIE MÉDICALE. L’état de l’atmosphère joue dans la production de quelques-unes d’entre elles un rôle incontestable : les mois les plus froids de l’année (janvier, février, mars, novembre, décembre) sont ceux où elles débu- tent le plus souvent ; c’est également par les temps froids et humides que les malades en sont le plus tourmentés. Rien de positif quant à la distribution géographique de ces maladies; plusieurs auteurs affirment qu’elles abondent dans les pays marécageux. 2° Causes déterminantes. — Elles sont très nombreuses ; nous les di- viserons en celles qui agissent sur la portion périphérique des nerfs, celles qui intéressent les centres nerveux, et enfin celles dont le mode d’action est indéterminé (Hasse). A. Causes périphériques. — a. Dans une première catégorie se trou- vent les altérations matérielles des nerfs eux-mêmes. Telles sont les lésions traumatiques : piqûres, déchirures, contusions, compressions, et l’inflammation consécutive aces divers modes de traumatisme; l’irri- tation des filets nerveux par des corps étrangers appartient à la même catégorie de causes. La névrite est considérée par quelques auteurs comme l’une des conditions de la névralgie. Il faut y ajouter l’hypertro- phie du névrilème, la dilatation variqueuse des petites veines, les kystes, les tumeurs fibroïdes ou cancéreuses occupant la gaine ner- veuse ou placées entre lés fibres elles-mêmes ; les cicatrices qui vien- nent faire adhérer les nerfs aux parties adjacentes, à la suite de plaies, d’inflammations, de fractures ; enfin les tubercules douloureux et les névromes. b. Une deuxième classe de causes périphériques est composée des altérations organiques siégeant non plus dans les nerfs mêmes, mais dans leur voisinage. De ce nombre sont d’abord les maladies du squelette ; inflammation, carie, exostoses, etc,, qui agissent sur les nerfs à leur passage à travers les trous et les canaux, sur les bords ou les saillies des os; dans la plupart de ces cas les parties molles voisines, le périoste, les ligamens sont éga- lement congestionnés et épaissis, de sorte qu’une partie considérable du trajet des nerfs se trouve emprisonnée au milieu des tissus malades. La distension des veilles, la dilatation des artères, la rigidité des parois vas- culaires à la suite d’altérations athéromateuses, sont autant de condi- tions particulièrement défavorables pour les nerfs qui traversent des ca- naux étroits où ils ne peuvent guère échapper à la compression, au tiraillement, etc. Les mêmes effets résultent du voisinage d’un corps étranger, de la compression exercée sur les nerfs sensitifs par diverses tumeurs, principalement des tumeurs anévrysmales ou des cancers. L’augmentation de volume de certains organes (reins, foie, ovaires, utérus distendu par le produit de la conception ) agirait quelquefois de la même manière ; les amas de matières dans le gros intestin sont bien rarement le point de départ de véritables névralgies. NÉVROSES. B. Causes intéressant les centres nerveux (cerveau, moelle, gan- glions). — Ce sont les tumeurs intra-crâniennes ou intra-rachidiennes, les lésions de l’encéphale et de la moelle ou de leurs enveloppes (ramol- lissemens, irritations de la substance nerveuse, produits morbides occu- pant les méninges). Les névralgies qui se produisent en pareil cas diffè- rent notablement de celles auxquelles les causes précédentes donnent lieu. C. Causes dont Vaction est indéterminée. — Le refroidissement du corps, de quelque manière que l’on en conçoive l’influence, est une des causes les plus positives de névralgie. Certains états diathésiques parais- sent également présider au développement de ces maladies : la goutte; la syphilis, même, dit-on, en l’absence de toute compression, de toute altération anatomique des nerfs; une action encore plus mystérieuse est attribuée par plusieurs auteurs à la suppression d’éruptions cuta - nées, de sueurs habituelles, d’un exutoire. Mentionnons enfin certaines intoxications, l’enpoisonnement par le plomb, par le mercure; par les miasmes rnaremmatiques : il est démontré que dans certains cas les névralgies ne sont autre chose que l’une des manifestations, l’un des modes symptomatiques de ce dernier empoisonnement, et constituent de véritables fièvres larvées; elles empruntent alors aux fièvres légi- times une périodicité franche, et sont comme elles justiciables d’une médication spécifique. Mais il s’en faut que toute névralgie intermittente et guérissant par le quinquina ait précisément une pareille origine. C’est également parmi les causes dont le mode d’action nous échappe en grande partie, que l’on doit ranger les sympathies en vertu desquelles diverses altérations d’organes profonds, ou même de simples troubles fonctionnels des viscères, déterminent le développement de douleurs dans les nerfs de la vie de relation; sympathies dont l’étude de certaines né- vralgies en particulier nous présentera plus d’un exemple. 1792. Sous le rapport de l’anatomie pathologique, les névralgies doi- vent être distinguées en deux classes : 1° celles qui résultent de lésions ayant leur siège dans les nerfs, ou les centres nerveux (névralgies sym- ptomatiques) ; 2° celles qui ne s’accompagnent d’aucune altération appréciable (névralgies idiopathiques et sympathiques). 1° En énumérant plus haut les causes matérielles qui exercent une action directe sur les nerfs eux-mêmes ou sur les centres nerveux, nous avons nommé la plupart des lésions qui se rencontrent dans quelques névralgies. Mais ce qui prouve que ces maladies, pas plus que d’autres névroses, n’ont, à proprement parler, de caractère anatomique, c’est, en premier lieu, que les lésions les plus dissemblables peuvent leur donner naissance, et en second lieu, qu’il n’est aucune lésion qui les produise nécessairement. 2° La classe la plus nombreuse de névralgies est précisément celle où l’on ne trouve aucune modification appréciable dans les conditions 164 pathologie médicale. anatomiques des nerfs. Peut-être les progrès de l’anatomie pathologi- que amèneront-ils à reconnaître des changemens dans la texture intime des fibrilles nerveuses, dans tels cas où ces éléraens nous paraissent au- jourd’hui parfaitement normaux, soit dans les nerfs, soit dans les cen- tres; cela peut être supposé pour certaines névralgies dues à l’action du froid, pour les névralgies qui persistent opiniâtrémenl pendant de longues années, qui sont suivies d’atrophie et de paralysie, ou qui ac- compagnent les altérations matérielles de la moelle, etc. Mais en est-il de même pour les névralgies fugaces, légères, erratiques, pour celles qui se lient à l’état chlorotique, que la souffrance de quelque viscère engendre par sympathie? 1793. Physiologie pathologique. A. Dans l’étude des névralgies, il est indispensable d’avoir présens à l’esprit quelques faits de physiologie présentés par Müller dans autant de théorèmes (voy. Müller, trad. Jourdan, t. I, p. 589 : Mécanique des nerfs sensitifs). Parmi ces théorèmes il en est qui ont donné lieu à des discussions contradictoires et soulevé des objections assez graves; néanmoins nous croyons utile de les reproduire ici comme ré- sumant assez exactement le mode d’action des nerfs affectés au sentiment, ï. Lorsqu’un tronc nerveux est irrité, toutes les parties qui en reçoi- vent. les branches ont le sentiment de l’irritation, et l’effet est alors le même que si les dernières ramifications de ce nerf étaient irritées toutes à la fois. II. L’irritation d’une branche de nerfs est accompagnée d’une sen- sation bornée aux parties qui reçoivent des filets de cette branche, et non d’une sensation dans les branches qui émanent plus haut, soit du tronc nerveux, soit du même plexus. III. Des parties différentes de l’épaisseur d’un nerf sensitif produi- sent, quand on les irrite, les mômes sensations que si des ramifications terminales différentes de ces parties du tronc venaient à être irritées. IV. I .es sensations des fibres nerveuses les plus déliées sont isolées comme celles des troncs nerveux, et ne se mêlent point les unes avec les autres, depuis les parties extérieures jusqu’au cerveau. Y. Quoique la sensation semble avoir lieu dans les parties externes, lorsque l’on comprime un tronc nerveux, cependant une forte compres- sion de ce dernier paraît être sentie en môme temps dans le lieu où elle s’exerce. VI. Lorsque le sentiment est complètement paralysé dans les parties extérieures par le fait de la compression ou d’une section, le tronc du nerf peut encore, dès qu’il vient à être irrité, éprouver des sensations qui semblent avoir lieu dans les parties extérieures auxquelles il abou- tissait. De même, lorsque le membre dans lequel se répand un tronc ner- veux a été enlevé par une amputation, ce tronc, attendu qu’il renferme NÉVROSES. 165 l’ensemble de toutes les fibres primitives raccourcies, peut avoir les mêmes sensations que si le membre amputé existait encore (1). Ces diverses propositions se résument en deux lois, ou plutôt a deux faits principes qui interviennent fréquemment dans l’étude des névroses : 1° la conductibilité isolée; 2° la sensation rapportée à la périphérie. B. Dans les remarques qui vont suivre, nous verrous jusqu’à quel point l’observation pathologique vient confirmer ou contredire ces pro- positions. Les questions de physiologie morbide que nous avons à examiner sont assez nombreuses : 1° Quel est le siège précis des névralgies? 2° Comment s’opèrent la propagation et l’extension des douleurs ? 3° De quelle manière faut-il concevoir les symptômes qui les accom- pagnent? k° En quoi consiste la douleur névralgique, quelle en est la cause prochaine, et comment les causes éloignées agissent-elles pour réaliser la condition immédiate de sa manifestation? Il est facile de voir que ces diverses questions embrassent l’anatomie pathologique, la symptomatologie et l’étiologie des maladies qui nous occupent. Malheureusement il s’en faut qu’elles soient définitivement résolues. 1. Du siège de la névralgie. — D’après la définition même de cet état morbide, son siège dans les nerfs en forme l’un des attributs caractéris- tiques. Mais si de celte donnée générale, qui est incontestable, on des- cend dans les questions de détail, il devient souvent fort difficile d’en donner une solution satisfaisante. a. En effet, il est évident que si la névralgie occupait la totalité d’un tronc nerveux, il n’y aurait pas une partie si petite qu’eile fût, recevant les filets de ce tronc, qui ne dût être douloureuse : par exemple, dans la sciatique il n’existerait pas une portion de ligament, pas un faisceau mus- culaire qui ne fût douloureux, dans toute l’étendue de la partie posté- rieure et externe du membre pelvien. Or, la clinique nous montre les névralgies en général beaucoup moins étendues ; les souffrances ne sont accusées par les malades que dans certains points correspondant au trajet des troncs nerveux et de leurs principales ramifications ; et nous pou- vons en conclure que les nerfs ne sont pas affectés dans toutes leurs fibres constitutives, mais seulement dans quelques-unes d’entre elles. b. Voilà pour le siège des névralgies quant à Yépaisseur des nerfs ; la difficulté est plus grande quand il s’agit de déterminer ce siège rela- tivement à la longueur des fibres. Existe-t-il des névralgies qui occupent les nerfs dans une partie considérable de leur trajet ? Il est impossible (1) Comp. Mém. sur les effets de la compression des nerfs, par MM. Bastieu et Vulpiau (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1835, t. XLI, p. 1009), 166 PATHOLOGIE MÉDICALE. d’en douter en présence des faits recueillis par un observateur aussi con- sciencieux que l’était Valleix ; dans mainte circonstance, cet auteur a constaté que la pression est douloureuse dans toute la longueur d’une branche nerveuse affectée de névralgie. Mais le plus souvent le même moyen d’exploration convenablement employé fait découvrir certains points où la douleur est exclusivement fixée. C’est en réunissant à l’aide d’une ligne fictive ces portions douloureuses isolées et quelquefois assez distantes les unes des autres, que le médecin reconstitue par la pensée le trajet connu de tel ou tel nerf; et c’est de la même façon que les malades, interrogés sur le lieu où la douleur se fait sentir, figurent avec l’extrémité du doigt ce même trajet à la surface de la peau. Valleix, le premier, a bien étudié ces points douloureux, ces foyers au niveau desquels les douleurs spontanées, ou celles que détermine la pression, se font sentir exclusivement ou au moins avec une intensité prédominante. S’il a exagéré la généralité de ce caractère , puisque d’autres observa- teurs ont rencontré des névralgies sans points douloureux, il n’en a pas moins signalé là un phénomène très fréquent et très utile à con- naître. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire ici la description de Valleix lui-même : « Tous les auteurs ont remarqué que les nerfs les plus superficiels étaient principalement et peut-être uniquement affectés de névralgies, mais on n’a pas poussé l’investigation plus loin, et l’on ne s’est pas de- mandé quels étaient les points de ces nerfs superficiels qui étaient plus particulièrement envahis par la douleur. L’observation attentive est venue me montrer que la douleur névralgique n’occupait pas indistinc- tement, et d’une manière tout à fait capricieuse, tel ou tel point du trajet du nerf, mais que, sous le rapport de son siège, elle était soumise à des règles, à des lois qui ne souffraient qu’un petit nombre d’exceptions, » En résumant les principaux résultats qui nous sont fournis par l’ob- servation, nous voyons que la douleur occupe une plus ou moins grande étendue, suivant qu’elle est lancinante et intermittente, ou suivant qu’elle est fixe et continue. Il ne sera question dans ce moment que de cette dernière. Les points douloureux qu’elle constitue se trouvent placés dans quatre points principaux du trajet des différents nerfs : » 1° Au point d’émergence d’un tronc nerveux. Ainsi à la sortie des trous sus- et sous-orbitaire et mentonnier pour le trifacial, dans l’aine pour le nerf crural, à la partie inférieure de l’occipital pour le nerf du même nom, etc. » 2° Dans les points où un filet nerveux traverse les muscles pour se rapprocher de la peau, dans laquelle il vient se jeter. Ainsi les parties dans lesquelles viennent se rendre les branches postérieures des nerfs spinaux, etc. » 3° Dans les points où les rameaux terminaux d’un nerf viennent s’épuiser dans les tégumens. Ainsi à l’extrémité des principaux rameaux NÉVROSES. 167 de tous les nerfs cutanés, comme la partie antérieure des nerfs inter- costaux, l’extrémité des nerfs collatéraux des doigts, etc. De ce dernier point, on peut rapprocher ceux dans lesquels plusieurs rameaux appar- tenant à des branches différentes viennent se joindre par leurs extré- mités; le plus remarquable est, sans contredit, le point qui siège aux environs de la bosse pariétale, et qui est commun aux névralgies trifa- ciale et cervico-occipilale. » A0 Enfin, dans un point qu’on pourrait rapprocher du premier, et qui se trouve aux endroits où des troncs nerveux, par suite du trajet qu'ils ont à parcourir, deviennent très superficiels. Les deux principaux sont ceux dans lesquels le nerf cubital et le nerf péronier contournent, l’un l’épitrochlée, et l’autre la tête du péroné. Je dis qu’on pourrait rapprocher ce point du premier, parce que le nerf, devenant tout à coup beaucoup plus superficiel, cette disposition constitue une espèce d’émer- gence. » Rien n’est plus remarquable que cette prédilection de la névralgie pour des points déterminés du vaste réseau sensitif formé par les nerfs à la périphérie du corps. Il est difficile de dire, avec la dernière préci- sion, quels sont, parmi ces points, ceux qui présentent plus souvent des douleurs dans les névralgies; mais on peut avancer d’une manière générale que les points d’émergence sont le plus fréquemment et le plus violemment atteints. » En présence de faits aussi nettement établis, et que l’observation per- met de vérifier tous les jours, on est surpris des négations que l’on ren- contre dans quelques ouvrages postérieurs à celui de Valleix. M. Rora- berg, dans son remarquable Traité, dit (page 3A) : « Il existerait dans le trajetdu nerf affecté un ou plusieurs points douloureux, peu étendus, qui, pressés avec l’extrémité du doigt, manifesteraient une grande sensibilité aussi bien pendant les accès que dans leur intervalle. Ainsi, pour la névralgie trifaciale, on établit l’existence de foyers douloureux aux trous sus-orbitaire, sous-orbilaire, mentonnier, à la lèvre, au nez, à la tempe, etc. Dans les recherches réitérées que j’ai faites à ce sujet, l’as- sertion de Valleix ne s’est nullement confirmée quant à l’intervalle des accès; et, pendant la durée même du paroxysme, j’ai vu souvent les malades porter leur doigt sur les points d’émergence du trijumeau, et chercher dans une forte pression un moyen de soulager leur douleur. » Cependant M. Romberg signale expressément lui-même les points dou- loureux dans l’histoire de plusieurs névralgies (et cela en des termes qui ne laissent aucune place au doute, car il distingue toujours le contact de la pression). Eu effet (page 69), il remarque que dans la sciatique il y a dans l’intervalle des accès une sensation sourde de douleur et d’engour- dissement, et une sensibilité exaltée sous l’influence d’une pression extérieure, principalement dans les points où la peau est appliquée sur au genou, à la tête du péroné, à la cheville. Page 82 ; La névralgie 168 PATHOLOGIE MÉDICALE. crurale est esquissée eu quelques lignes, mais dans l’une des observa- tions qui s’y rapportent (celle de Kilian), il est fait mention de points sensibles au niveau du canal crural, au voisinage du condyle interne et à la malléole; la sensibilité, au niveau de ces points, s’exaltait jusqu’à la douleur par la pression. Page 92 (névralgie brachiale) : Le contact et la pression augmentent la douleur, principalement dans les points où le nerf, rapproché de la peau, n’est pas recouvert par une couche muscu- leuse : derrière l’épicondyle, au bord radial ou cubital des doigts. » Page 9U (névralgie occipitale) : « Même dans les intervalles, les malades se plaignent parfois d'une sensation sourde d’engourdissement, et ne supportent pas facilement une pression un peu forte avec l’extrémité du doigt sur les points non recouverts d’une couche musculaire. » Les seules névralgies dans la description desquelles M. Romberg maintient la né- gation des points douloureux, sont la névralgie trifaciale et celle des nerfs thoraciques. Il en résulterait que ces deux dernières formeraient une véritable exception, ce qui aurait lieu de surprendre. Mais il n’est personne qui, chez des malades atteints de tic douloureux de la face, et mieux encore chez ceux qui sont affectés de névralgie intercostale, n’ait constaté la présence des points indiqués par Yalleix. La seule conclusion à tirer de tout cela, c’est qu’il est des cas où ces points manquent; mais, du moment qu’on les constate dans d’autres, il faut bien en chercher l’explication, sans alléguer vaguement les lois de la conductibilité isolée et de la sensation périphérique. Les points douloureux correspondent-ils réellement aux troncs et aux rameaux nerveux frappés de névralgie? Cette question paraît avoir embarrassé les auteurs, qui, prenant dans un sens trop absolu la loi de la sensation périphérique (théor. Ier de Müller), n’ont pas su comment concilier l’endolorissement du nerf dans un point déterminé avec l’ab- sence de douleur dans tous les filets qui s’en détachent à ce niveau. La loi de la sensation périphérique, a-t-on dit, se trouverait ici en défaut, puisque, d’après cette loi, l’irritation d’un nerf sensitif dans un point quelconque de son trajet devrait être sentie comme s'il y avait irrita- tion des parties où se distribuent les blets terminaux du même nerf. Serait-ce pour écarter celte objection que certains auteurs ont pris le parti de nier l’existence des points douloureux à la pression, comme signe des névralgies, et d’admettre que lorsque ces points existent, ils sont produits accidentellement par l’état des parties voisines? On ne saurait plus ouvertement sacrifier les faits d’observation à une simple théorie qu’en attribuant à une complication fortuite un phénomène si fréquent et si régulier. Remarquons d’ailleurs que le fait de la sensa- tion périphérique est loin d’être constant. Dans l’une des expériences sur le nerf cubital (théor. Y), Müller note lui-même l’existence de deux sensations : la première, réelle et directe, au niveau du nerf irrité ; la seconde, éloignée, virtuelle, et rapportée, par suite d’une illusion. NÉVROSES. 169 aux filets de terminaison du nerf. Une autre expérience facile à répéter consiste à presser faiblement sur le nerf cubital (et non fortement, comme le veut iMüller), juste au degré voulu pour faire naître une douleur au niveau du point irrité; aucun engourdissement ne se produit alors dans les doigts, mais l’irritation du nerf dans son trajet est très distinc- tement perçue: si Ton presse plus fort, l’engourdissement a lieu. Cette expérience a une grande importance au point de vue pathologique; jointe aux deux autres (théorèmes I et V), elle montre que l’irritation d’un nerf peut donner lieu : 1° à une simple sensation périphérique; 2° à une double sensation à la fois locale et périphérique ; 3° à une simple sensation directe. Que cette dernière ait pour siège, comme on l’a imaginé, les nervi nervorum, sorte de nerfs purement hypothétiques, ou qu’elle se produise par tel autre mécanisme, cela importe peu ici. H suffit que l’existence du phénomène soit reconnue, pour qu’on puisse se demander auquel des trois modes signalés tout à Theure il convient de rapporter la douleur névralgique. Or rien ne prouve qu’on doive y chercher constamment la confirmation de la loi de sensation périphé- rique, et il semble môme probable que le plus souvent la douleur est directe, c’est-à-dire qu’elle correspond à la partie irritée du nerf. L’étiologie des névralgies et l’effiqacité des topiques appliqués loco dolenti sont là pour le prouver dans un grand nombre de cas. c. Pourquoi un tronc nerveux affecté de névralgie n’est-il pas le plus souvent douloureux dans toute sa longueur, ni môme dans une partie étendue de son trajet, mais seulement par places? et comment se fait-il qu’il y ait pour la douleur des points d’élection qui ne varient guère ? Si l’on recherche, dit Yalleix, dans la structure même du nerf, quelle est la cause de cette préférence pour tel point plutôt que pour tel autre, on voit qu’il est impossible d’en trouver aucune, et que tout se réduit à la position superficielle de l’organe et à sa destination particulière, c’est-à-dire que la douleur affecte exclusivement dans la névralgie les nerfs sous-cutanés ou qui entretiennent la sensibilité tactile. Il est facile de voir que cette explication n’est rien de plus que l’énoncé du fait lui-même. Pourquoi, dans un certain nombre de névralgies, ces points douloureux font-ils défaut? C’est ce qu’il est également difficile de dire. On pourrait s’attendre à les voir manquer lorsque les douleurs sont produites par uue lésion du nerf près de son origine ou dans la portion correspondante des centres nerveux. Par exemple, quand une tumeur du bassin ou une maladie de la moelle déterminent des élancernens le long du sciatique, ne semblerait-il pas que le siège de la douleur à la jambe dût n’être qu’apparent? qu’elle dût s’y manifester simplement d’après la loi de sen- sation périphérique ? d’autant plus qu’en pareil cas, il est fréquent de voir l’anesthésie de la peau accompagner la névralgie. Eh bien ! la patho- logie ne justifie pas toujours cette prévision, et Yalleix a positivement 170 PATHOLOGIE MÉDICALE. constaté des points douloureux dans ces cas où, d’après la théorie, ils sembleraient devoir manquer. C’est qu’alorsle nerf atteint de névralgie se trouve sans doute placé dans des conditions bien autrement compli- quées que celles dont une simple expérience physiologique peut donner une idée. Il résulte de tout ce qui précède : 1° que les névralgies ont leur siège dans quelques-unes seulement des fibres sensitives composant les branches nerveuses; 2°qu’elles occupent tantôt toute la longueur, tantôt seulement quelques points isolés de leur trajet; 3° que ces points ne sont pas dissé- minés au hasard, mais choisis d’après des lois que l’on ne connaît pas encore exactement; k° enfin que dans un grand nombre de névralgies, le siège de la douleur est réel et non virtuel, c’est-à-dire que la douleur est produite dans les lieux mômes où les malades l'accusent, et non simplement sentie comme si elle s’y produisait, 2. Mode de propagation et d'extension de la douleur. — Pour plus de clarté, nous communication de la douleur d’un point à un autre du même nerf, et extension son passage d’un nerf à un nerf différent. a. Lorsqu’on dit que les douleurs spontanées des névralgies suivent le trajet des nerfs, on énonce une proposition en grande partie inexacte, car presque toujours les élancemens éclatent dans plusieurs points à la fois ; tantôt ils montent, tantôt descendent, tantôt enfin s’attachent au parcours d’un filet isolé; et comme ces points sont disséminés sur le trajet d’une ligne, malades et médecins prennent facilement cette ligne, qui est toute fictive, pour le nerf même occupé par la douleur. Mais en réalité celle-ci se meut d’une manière très irrégulière, tantôt de la péri- phérie vers les centres, tantôt en sens opposé. Mülleracru faire justice de cette contradiction en insinuant que les névralgies ne sont pas en général assujetties au parcours des nerfs ; mais l’histoire particulière de ces maladies montrera ce qu’il faut penser d’une pareille assertion ; elle prouvera surabondamment que tout en permettant le plus souvent par leur topographie de reconnaître les nerfs affectés, les douleurs s’y pro- pagent tout autrement qu’ou ne le supposerait d’après les lois connues de la sensibilité normale. b. Pour ce qui est de Vextension des névralgies, elle ne s’opère pas immédiatement d’un nerf à un nerf voisin ; mais bien, conformément au théorème 1Y, par l’intermédiaire des centres nerveux. Et comme il est infiniment probable que deux nerfs voisins à la périphérie sont aussi très rapprochés en général par leurs fibres centrales, on conçoit aisé- ment, sans invoquer une communication de proche en proche, comment la névralgie passe de l’une des branches d’un plexus à une branche voisine; comment, lors de la blessure d’un nerf collatéral du doigt, la névralgie gagne d’abord le nerf collatéral voisin, puis ceux des autres doigts, puis la main tout entière, etc. De plus, cette théorie est la seule NÉVROSES. 171 qui puisse rendre compte des faits où l’extension s’opère d’un nerf à un autre très éloigné du premier dans sa distribution extérieure : deux nerfs distants à la périphérie pouvant être presque au contact dans leurs portions centrales; elle explique seule les faits beaucoup plus rares, du reste, où une névralgie passe d’un coté du corps à l’autre. Cependant, il faut en convenir, cette extension à travers les centres, aboutissant à l’endolorissement d’un nerf jusque-là normal, n’est pas toujours facile à comprendre. Par exemple, dans le cas de névralgies traumatiques d’un doigt, n’est-ii pas surprenant de voir la douleur partie d’un nerf collatéral, et parvenue au cerveau, produire par sympathie, non point une névralgie du plexus brachial, mais une douleur circonscrite à l’extrémité du nerf collatéral voisin? Une autre bizarrerie que nous devons signaler est la coïncidence fréquente de la névralgie trifaciale avec celle des nerfs cervicaux, coïncidence qui d’abord paraît s’expliquer mieux dans l'hypothèse d’une communication par contiguïté des extré- mités nerveuses que par un effet de sensibilité réflexe avec concours des centres nerveux. « Dans les cas, dit Yalleix, où la douleur existait à la partie postérieure de la tête (névralgie occipitale), elle avait une con- nexion intime avec la névralgie trifaciale. Elle existait du même côté, et de plus les élancemens douloureux qui se faisaient ressentir dans la branche ophthahnique, et surtout dans le rameau frontal, contournaient la tête pour aller retentir en dedans de l’apophyse mastoïde et à la partie supérieure du cou. Dans un cas même, une simple pression au niveau du trou sus-orbitaire occasionnait un retentissement douloureux, et au- dessus de la bosse pariétale, et à la partie postérieure et inférieure de l’occipital. » Ces faits, qu’il est difficile de faire cadrer avec le théo- rème IY de Müller, paraissent de nature à éveiller l’attention des physio- logistes et à susciter de nouvelles recherches sur le mode d’action des nerfs sensitifs. 3° Symptômes concomitans. — a. Nous parlerons d’abord de ceux qui se passent dans la sphère de la sensibilité elle-même. Un des phé- nomènes les plus remarquables, c’est l’existence simultanée d’une névralgie et d’une anesthésie: le théorème YI nous donne la clef de cette association ; la clinique nous apprend qu’elle est loin d’être rare. Indé- pendamment des paralysies douloureuses proprement dites, on observe journellement des névralgies chez les hommes, et surtout chez les femmes névropalhiques, si souvent affectées d’anesthésie ou d’analgésie de la peau. Quand cette insensibilité est toute locale, elle paraît liée, dans certains cas, à l’existence même d’une névralgie intense. b. Les névralgies sont quelquefois accompagnées de mouvemens spasmodiques, effets d’une action réflexe des nerfs sensitifs sur les nerfs moteurs. Parfois aussi elles sont compliquées de paralysies. Celles-ci sont-elles consécutives à la douleur, et rentrent-elles à ce litre dans la catégorie des paralysies réflexes ? Cela est douteux, du moins pour le 172 PATHOLOGIE MÉDICALE. plus grand nombre. N’oublions pas, en effet, que les nerfs frappés de névralgie sont mixtes, qu’ils renferment à la fois des filets sensitifs et des filets moteurs; la même cause, une compression, par exemple, peut donc affecter d’emblée ces deux ordres de fibres, exaltant les propriétés des unes, diminuant ou abolissant celles des autres. Rappelons-nous, en outre, que l’immobilité à laquelle la névralgie condamne la partie malade, et plus encore l’influence exercée par le défaut d’exercice sur la nutrition des muscles, peuvent donner lieu à la longue à une cer- taine inhabileté des rnouvemens, et même à un véritable défaut de contractilité. c. Occupons-nous maintenant de l’influence de la névralgie sur la cir- culation, les sécrétions, la nutrition des parties affectées. Cette influence est des plus frappantes, et le tic douloureux de la face en offre un exemple fréquemment cité. Est-ce l’action directe des nerfs sensitifs qui déter- mine ces modifications? Est-ce une action réfléchie sur les nerfs vaso- moteurs? Ou bien ces deux sortes de nerfs peuvent-ils intervenir de manière à expliquer les différons effets notés dans divers cas patholo- giques? A ces questions on ne saurait faire de réponse positive, dans l’état actuel de la physiologie. Ce que l’on observe le plus souvent est une congestion ou une hypersécrétion passagère et limitée à la durée de l’accès; mais on voit aussi, dans certains cas, des érythèrnes plus per- sistants, ayant la forme de l’urticaire, et même de véritables inflam- mations vésiculeuses et pustuleuses delà peau, se former au niveau des parties endolories. De plus, on dit avoir remarqué que les tégumens qui correspondent au siège de la névralgie ont une grande tendance à s’enflammer sous l’influence de causes traumatiques légères, et que notamment les piqûres de sangsues y déterminent, dans ces circon- stances, des érythèrnes plus ou moins étendus. L’herpès zoster, si remarquable par sa disposition, qui rappelle la distribution anatomique des nerfs, est une nouvelle preuve en faveur de ces relations entre l’état des nerfs affectés de névralgie et les changemens dans la circulation et la nutrition des parties. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point intéressant. d. Les symptômes généraux ou sympathiques des névralgies sont en raison directe de l’intensité des douleurs. Ils consistent en sensations diverses, multiples, parfois très singulières, se produisant pendant les accès ; le plus souvent en un abattement, une morosité, une souffrance morale et physique qui, d’abord passagère et limitée aux paroxysmes, peut devenir permanente et constituer un état nerveux des mieux carac- térisés. C’est alors qu’on voit les fonctions digestives s’altérer consécuti- vement; la nutrition subir une atteinte profonde, et une véritable cachexie se développer. h. Nous ne ferons que poser, sans même essayer de la résoudre, la question ardue, presque métaphysique : Qu’est-cc que la douleur ? Si NÉVROSES. 173 elle consiste en une excitation particulière des nerfs, ou en un affaiblis- sement de leurs propriétés, si elle résulte d’un changement dans leur conductibilité ou dans leur réceptivité pour les influences extérieures, nous l’ignorerons longtemps encore. Nous ignorons, à plus forte raison, par quelle cause est produite la douleur particulière de la névralgie. Éréthisme purement dynamique, selon les uns, elle résulterait, suivant d’autres, d’une modification minime dans la structure des fibres, d’un changement dans le conflit du sang avec la substance nerveuse, d’une sérosité âcre fixée sur le nerf, d’une vibration moléculaire etc. ; elle ne serait autre chose, selon Henle, qu’une sensation anormale de tempé- rature. Laissons de coté ces explications théoriques, et contentons-nous de noter les conditions les plus générales dans lesquelles on voit sur- venir les névralgies, en commençant par celles dont le mode d’action est le moins difficile à saisir. Étudions d’abord les causes mécaniques. Il y a ici une remarque intéressante à faire, c’est la suivante : la tension des nerfs est à peine dou- loureuse quand on la compare au tiraillement et à l’irritation inflamma- toire de leurs fibres. « Chez le cheval, j’ai pu, dit Romberg, soutenir et tendre les nerfs sus- et sous-orbitaires sur le manche d’un scalpel, comme une corde sur un chevalet, sans que l’animal manifestât la moindre sensation ; mais aussitôt que des irritans mécaniques ou chimiques eurent produit l’inflammation du nerf, le plus léger contact suffisait pour faire naître une vive douleur. » Des différences analogues se rencontrent sans nul doute dans le cas où les nerfs sont comprimés par des tumeurs, par le gonflement des canaux osseux qu’ils traversent, etc. : à moins d’ètre tiraillés et irrités, ils peuvent impunément subir un pareil voisi- nage. Ce ne sont pas toujours les compressions les plus fortes qui pro- duisent les névralgies, mais bien celles qui, comme les anévrysmes, les cancers, les cicatrices vicieuses, les névrotnes, font subir aux nerfs plus qu’un simple allongement de leurs fibres; de même de très petites tumeurs interstitielles, des concrétions presque imperceptibles peuvent donner lieu à des névralgies intenses et rebelles: aussi faut-il, remar- quons-le en passant, avoir disséqué avec le soin le plus minutieux toutes les branches, tous les ramuscules d’un nerf, avant d’affirmer que l’au- topsie n’a fourni que des résultats négatifs. On peut admettre que, dans le cas de névrite, l’irritation du nerf née spontanément (c’est-à-dire d’une cause inconnue) produit des dou- leurs de la même manière que lorsqu’elle résulte d’une action chimique ou mécanique. Mais combien de névralgies sont indépendantes de tout travail inflammatoire et même congestif! Pour celles-là, qui forment la majorité des cas, nous ne possédons aucune donnée étiologique à laquelle toutes les autres puissent être réduites et qui résume l’action de toutes les causes particulières. L’observation nous apprend seulement que les névralgies se produisent fréquemment dans deux conditions ; 174 PATHOLOGIE MÉDICALE. a. Par suite d’une sympathie existant entre les organes profonds et les parois qui les recouvrent, des affections internes très variées, douloureuses ou non douloureuses, font passer dans les nerfs des parois les impressions morbides que les ramifications viscérales ont subies : sous ce rapport, les maladies de l’estomac, celles de l’utérus et de ses annexes ont surtout une importance très grande. Dire que les névralgies nées sous leur influence sont sympathiques, c’est faire pressentir que, comme toutes les sympathies, elles ne sont pas assujetties à des règles fixes : l’intensité de l’affection primitive et sa nature particulière paraissent ne jouer qu’un rôle accessoire dans leur production. La névralgie se montre à certains momens seulement, sans qu'on puisse toujours découvrir de modifications notables dans l’état des organes ; la vivacité de la douleur n’est pas toujours proportionnée à l’accroissement ou à la diminution de la maladie principale ; elle peut diminuer et mèm e s’effacer entièrement, quand les autres symptômes persistent; de même ceux-ci ayant disparu, elle peut persister pendant un temps considé- rable. C’est que la cause locale n’agit pas seule en pareil cas, et que souvent l’une de celles que nous allons indiquer s’y ajoute, soit pour favoriser le développement de la névralgie, soit pour en prolonger la durée. h. Dans un deuxième ordre de causes nous trouvons diverses alté- rations du sang; au moins est-il établi qu’il y a tendance à la production des névralgies dans plusieurs états pathologiques qui ont pour caractère commun un changement dans la quantité ou les qualités de ce liquide: quelquefois la pléthore, certaines intoxications minérales, l’empoison- nement palustre, peut-être la syphilis, très souvent l’anémie et les diffé- rentes cachexies qu’elle accompagne. Est-ce encore par une altération humorale qu’on peut expliquer les faits rapportés par quelques auteurs, mais généralement contestés aujourd’hui, de névralgies ayant succédé à la disparition d’éruptions anciennes, à la suppression d’exutoires, etc.? Il faut avouer, quelque extension qu’on puisse donner d’une part à l’influence des sympathies viscérales, et d’une autre aux altérations du sang, qu’il n’est pas rare de rencontrer des névralgies dont la cause demeure entièrement inconnue. Cependant la connaissance de l’étiologie est ici d’une extrême importance, car c’est elle qui conduit à instituer le traitement de la névralgie, lundis que l’étude des symptômes aboutit seulement à la thérapeutique de la douleur. Ainsi, en guérissant les maladies de l’estomac et de l’utérus, on enlève bien souvent du même coup les névralgies qui les accompagnent ; ainsi les médications géné- rales empruntées à l’hygiène et à la pharmacie, et dirigées contre l’état chloro-anémique, sont employées avec un grand avantage contre un grand nombre des névralgies ; ainsi la quinine enraye les névralgies intermittentes qui se rattachent à une cause palustre (1). (1) Il est à noter : 1° que la périodicité des névralgies n’est pas l’indice cer- NÉVROSES. 175 Nous avons cru devoir présenter avec quelques développeniens ces considérations de physiologie pathologique, afin de n’avoir pas à y reve- nir dans les articles consacrés à l’histoire particulière de chacune de ces affections, où nous n’insisterons plus que sur quelques points spéciaux. 179ù. Diagnostic.— La symptomatologie des maladies qui nous occupent se trouvant assez souvent réduite à un phénomène unique, la douleur, et ce phénomène pouvant se rencontrer dans une foule d’affec- tions diverses, il en résulte que, pour porter un diagnostic exact, une double constatation est nécessaire. 1° Il faut acquérir d’abord cette donnée négative, à savoir, que dans la région où la douleur est accusée par le malade, il n’existe aucune lésion inflammatoire ou autre, susceptible de donner lieu à une sensation anormale aussi forte que l’on observe actuellement. L’examen attentif des parties malades, aidé de l’étude des antécédens, rendra en général cette tâche assez facile. Cependant, lorsqu’on a affaire à certains étals morbides essentiellement douloureux et accompagnés, en général, de peu d’autres symptômes, comme le sont les douleurs musculaires de nature rhumatismale ou hystérique, les arthralgies syphilitiques, sa- turnines, etc.; ou lorsqu’il y a irradiation douloureuse vague, sans caractère névralgique proprement dit, on peut être aisément induit en erreur, si l’on n’a égard à un deuxième ordre de signes diagnostiques. 2° Ceux-ci sont tirés de l’étude de la douleur elle-même. Est-elle limitée au trajet connu d’une branche nerveuse? se manifeste-t-elle par intervalles avec une grande vivacité, pour se calmer à d’autres moraens? trouve-t-on pendant ces accès et ces répits des points particulièrement sensibles à la pression ? Cet ensemble de circonstances donnera la certi- tude que c’est bien une névralgie que l’on a sous les yeux. Dans cer- tains cas (mais non dans tous, il faut bien s’en souvenir), la violence excessive de la douleur, contrastant avec l’absence de toute autre modi- fication ou avec des troubles peu marqués et fugaces, les sensations par- ticulières d’arrachement, d’éclatement, de piqûre, etc., que les malades s’ingénient à dépeindre par les épithètes les plus énergiques, pourront également servir à faire reconnaître la nature névralgique de l’affection. 3° Maintenant supposons la présence d’une névralgie reconnue, il reste encore à déterminer l’élément le plus important du diagnostic, à savoir, la cause de la maladie. Avant de déclarer qu’elle est idiopathique (ce tain d’une fièvre larvée; 2* que la quinine réussit quelquefois dans les névral- gies auxquelles ce nom ne saurait être appliqué, pourvu qu’elles soient, inter- mittentes; û° qu’elle guérit aussi quelquefois les névralgies irrégulièrement in- termittentes. Au lieu de conclure du phénomène intermittence à la cause palustre, certains pathologistes ont été conduits à croire que la fièvre n’est elle-même qu’une névrose, et que dans la forme périodique elle guérit comme la névralgie, sous l’influence de la quinine. Ces vues ingénieuses méritent confirmation. 176 PATHOLOGIE MÉDICALE. qui revient à dire que la raison de son existence doit rester inconnue), il faut avoir exploré avec le plus grand soin le trajet du nerf endolori, l’état des organes avec lesquels il est en rapport, soit à son origine, soit dans son parcours; avoir scruté les antécédens du sujet; s’être enquis des circonstances dans lesquelles la névralgie est apparue pour la pre- mière fois, de celles qui en déterminent l’exaspération ou l’apaise- ment ; il faut s’être assuré que les symptômes concomitans ne mettent pas sur la voie de quelque affection encéphalique ou spinale ; il faut avoir étudié la marche de la maladie, les modifications qu’elle subit par l’effet du temps, et les effets du traitement mis en usage. U° Nous avons placé la névrite au nombre des causes de la névralgie ; mais ce n’est pas à dire que lorsqu’une douleur névralgique est produite par la phlegmasie d’un nerf, elle soit identique avec celle qui résulte d’af- fections non inflammatoires du même organe. Voici (d’après MM. Mar- tinet, Beau et Valleix) les signes qui autorisent à admettre l’existence d’une névrite : 1“ à titre de phlegmasie, la névrite aiguë s’accom- pagne de symptômes généraux et de fièvre ; 2° de plus, les douleurs qu’elle fait naître sont continues, sans paroxysmes et sans répits; la pression, de quelque manière qu’on l’exerce, et même le simple con- tact, sont impatiemment supportés ; il n’y a pas de foyers douloureux disséminés, mais une portion du nerf, celle qui est le siège de l’inflam- mation, est plus sensible que les autres; enfin une paralysie rapide est la conséquence de la névrite, contrairement à ce qui a lieu dans les névralgies. Nous avons reproduit les signes différentiels donnés par les au- teurs, ils sont souvent peu tranchés et se réduisent à de simples nuances. Nous nous abstiendrons d’énumérer les signes à l’aide desquels on peut arriver à reconnaître les autres causes de névralgie symptomatique ou sympathique. Cette étude nous entraînerait trop loin ; elle ne serait d’ailleurs pas à sa place dans un article de généralités. 1795. Pronostic. — Les névralgies présentent une gravité très va- riable et qui dépend surtout de leur cause. Depuis les névralgies très rebelles, ou môme incurables, jusqu’à celles qui se dissipent en peu de jours spontanément ou par l’effet d’un traitement simple, on trouve tous les intermédiaires imaginables. Malheureusement, il n’est pas tou- jours facile de prédire la marche ultérieure de la maladie, et les dou- leurs les plus idiopathiques en apparence offrent parfois une résistance opiniâtre à tous les efforts du thérapeutiste. Les seules données géné- rales que l’on puisse énoncer relativement au pronostic, c’est que les névralgies anciennes, d’une extrême violence et survenant chez des su jets un peu avancés en âge, sont particulièrement fâcheuses. 1796. Traitement. — Les indications thérapeutiques que présentent les névralgies se réduisent aux suivantes : lo Combattre les causes qui ont produit ou qui entretiennent la dou- leur. Les causes directes, agissant sur le nerf périphérique ou sur les NÉVROSES. 177 centres nerveux, exigeront nue médication particulière : extirpation des tumeurs ou des cicatrices, réduction de luxations, extraction de corps étrangers, avulsions de dents cariées, etc. ; applications antiphlo- gistiques dans les cas d’hypérémie ou d’inflammation occasionnant la névralgie. Le traitement des affections viscérales qui sont le point de départ des névralgies sympathiques, rentre dans la même classe. Le quinquina, les préparations ferrugineuses, mercurielles, iodées, l’hydrothérapie, l’huile de foie de morue, etc., seront opposés à l’intoxication maréma- tcuse ou syphilitique, à la chloro-anémie, à la scrofule; des moyens variés seront prescrits pour combattre la disposition rhumatismale ou goutteuse, etc., ou les névropalhies générales dont les névralgies ne sont quelquefois que les localisations ou les dépendances. Lu un mot, tout état morbide d’un organe ou de l’organisme qui pourra cire légitime- ment accusé de donner lieu à la névralgie, réclamera une médication locale ou générale appropriée, que pour plus de brièveté nous appelle- rons médication étiologique. 2° Calmer la douleur. Cette indication capitale ne peut être toujours remplie par le traitement étiologique, soit que la cause de la maladie nous échappe, comme cela a lieu souvent; soit qu’ayant épuisé son action dans la production première de la névralgie, elle ait cessé d’exis- ter, ou qu’enfm elle soit de celles qui défient tous les agens thérapeu- tiques connus. Dans le premier cas, la thérapeutique est incertaine; dans le second, inutile; dans le dernier, impuissante. C’est donc en présence d’un symptôme, la douleur, que le médecin se trouve alors placé, symptôme qu’il faut à tout prix faire cesser d’abord. D’ailleurs la douleur a quelquefois par elle-même une importance telle que c’est encore elle qu’il faut chercher à combattre, même quand, sa cause étant reconnue, on peut fonder sur l’usage de quelque médicament spécifique l’espoir d’une guérison ultérieure. Or, la cessation ou la diminution de la douleur peut être obtenue par des agens très divers, dont les uns, exerçant leur action sur les centres nerveux, y affaiblissent ou même y éteignent la perception de la souffrance; dont les autres, influençant directement la portion périphé- rique du nerf, y détruisent d’une façon plus ou moins complète soit la production de la douleur, soit la faculté de la conduire au cerveau. C’est dans cet ordre que nous allons indiquer ces moyens, renvoyant le lec- teur pour de plus amples détails aux articles de thérapeutique générale et spécialement aux considérations sur les narcotiques et les anti-spas- modiques exposés dans le tome I de cet ouvrage (p. 291 et 292). 1« Parmi les agens qui s’adressent aux centres nerveux, les stupé- fians occupent la première place ; malheureusement leur usage long- temps continué et surtout la nécessité d’en élever progressivement les doses dans les névralgies rebelles et violentes, entraînent certains inconvéniens que ne compense pas toujours l’efficacité de leur emploi; 178 PATHOLOGIE MÉDICALE. cependant quelques auteurs y voient plus que de simples palliatifs et attribuent h la répétition persévérante de cette médication symptoma- tique une véritable action curative sur la cause connue ou inconnue de la névralgie. Les inhalations anesthésiques (éther, chloroforme, liqueur des Hollandais) peuvent être mis sur la même ligne que les narcotiques pris par la bouche ; leur emploi doit être encore plus spécialement ré- servé pour combattre les paroxysmes les plus douloureux. 2° D’autres médications Tort usitées centre les névralgies ont pour but d’agir directement sur le nerf endolori ; ce sont : le froid, les stupéfians de tonte sorte employés localement (les pommades, les lotions avec opium, belladone, stramoine, chloroforme, les inoculations de mor- phine, etc.); lesmédicamens auxquels on a reconnu empiriquement une propriété antinévralgique : vératrine, essence de térébenthine ; l'élec- tricité, l’application de barreaux aimantés. D’autres encore produisent une révulsion ou une dérivation susceptible d’amener l’apaisement de la douleur (sinapisme, vésicatoire, cautérisation transcurrenle, moxa, cau- tères, etc.). Quelques-uns de ces moyens peuvent être avantageusement associés à l’emploi local des stupéfians; l’une de ces combinaisons con- siste dans l’usage de vésicatoires pansés avec la morphine. Les révulsifs intestinaux se rapprochent, par leur action, des moyens du même ordre employés sur la peau. Les névralgies graves, anciennes et rebelles, ont inspiré l’idée de diverses opérations chirurgicales ayant pour but d’enlever la partie ma- lade ou d’interrompre la continuité du nerf et de faire cesser ainsi la production et la transmission de la douleur (section, excision, cauté- risation des nerfs). Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans le détail de ces opérations, mais il convient de remarquer qu’elles n’ont pas toujours eu le succès qu’on se croyait en droit d’en attendre. Les raisons de ces échecs sont généralement mal appréciées ; ne dit-on pas, par exemple, qu’après la destruction d’une portion de nerf, la sensibilité et la dou- leur reviennent par les anastomoses dans la région opérée ! La loi de la conductibilité isolée nous fait voir qu’un pareil retour est impossible, et la loi de sensation périphérique fait parfaitement comprendre com- ment la douleur persiste malgré la section ou l’excision d’uu nerf sen- sitif (voyez le théorème YI de Müller). Eu effet : 1° la cause de la douleur, l’état morbide quelconque qui la produit, peuvent avoir occupé tout d’abord une portion du nerf plus rapprochée de l’encéphale que celle que le chirurgien a le pouvoir d’atteindre ; 2° alors même que primiti- vement celte modification morbide s’est trouvée placée dans des parties accessibles à une opération, elle peut s’être étendue consécutivement à d’autres plus profondes, et les tentatives les mieux entendues en appa- rence peuvent encore échouer ; 3° enfin, ces opérations ne peuvent-elles dans certains cas substituer l’irritation qui suit la violence chirurgicale, à celle qui était le résultat de la maladie? Or, lorsqu’un nerf a été long- NÉVROSES. 179 temps le siège d’une affection douloureuse, il est disposé à ressentir avec une vivacité excessive l’influence d’une pareille cause. Ces considéra- tions n’entraînent certainement pas la proscription absolue de tentatives dont le succès a maintes fois justifié la hardiesse ; mais elles sont de nature à mieux faire sentir la nécessité d’en analyser les indications et elles en font apprécier plus scientifiquement les résultats heureux ou défavorables. DES NÉVRALGIES EN PARTICULIER. NÉVRALGIE TRIFACIALE. ARTICLE IV. 1797. Bibliographie. — André. — Observations prat. sur les ma- ladies de Vurèthre et sur quelques faits convulsifs, etc. Paris, 1756, p. 318. Vieillard. — Utrum in pertinacibus capitis facieique doloribus aliquid prodesse possit sectio rarnorum quinti paris. Paris, 1768. Fothergill. — On a pain fui affection o[ the face; dans Médical obs. and inquiries. Londres, 1773, t. Y, p. 129. Thouret. — Mémoire sur l’affection particulière de la face à la- quelle on a donné le nom de tic douloureux ; dans Mém. de la Soc. roy. de médecine, 1782-83, p. 20h. Pujol. — Essai sur la maladie de la face nommée tic douloureux. Paris, 1787. Forstmann et Leidenfrost.— Dissert, inaug. med. de dolore fa- ciei Fothergilli. Duisburg, 1790. Siebold.—Doloris faciei, morbi rarioris atque atrocis obs. Wirce- burg, 1793 et 1797. Hamel. — De la névralgie faciale, communément tic douloureux de la face. Thèses de Paris, 1803. Soulagne. — Essai sur le tic en général et en particulier sur le tic douloureux de la pommette. Thèses de Montpellier, 180/i. S. Fothergill. — A concise and systematie account of a painful affection of the nervesof the face. Londres, 1805. Frigker. — Dissert, de secundo trunco nervi duri in prosopalgia. Tu longue, 1811. Duval. ■—Observât, sur quelques affections douloureuses de la face, considérées dans leurs rapports avec l’organe dentaire. Paris, 18/iA. Méglin. — Recherches et observations sur la névralgie faciale. Strasbourg, 1816. Roux. — Essai médico-chirurg. sur la névro-prosopalgie. Mont- pellier, 1817. Bayley. — Obscrv. relative to the use of helladona in painful faciei spasmodica. Édimbourg, 1820. 180 PATHOLOGIE MÉDICALE. Kerrison. •— lentamen medicum de neuralgia faciei spasmodica. Édimbourg, 1820. Hütchinson. — Cases of tic douloureux successfully treated. Lon- dres, 1820. K.-H.-W. Barth. — Mehrjàhrige Beobacht. uber den Gesichts- schmerz. Halle, 1825. Masius. — Beitr. zu eines künft. Monographie des Gesichtsschmer- zes, publié par Casper, dans Decker’s liter. Annalen, 1826. Regnier. — Sur la névralgie faciale, communément tic douloureux. Thèses de Paris, 1829. Halliday. — Considérations pratiques sur les névralgies de la face. Paris, 1832. Chaponnière. — Essai sur le siège et les causes des névralgies de la face. Thèses de Paris, 1832. Bellingeri. •— De nervis et neuralgia faciei. Turin, 1834. (Arch. gén. de médecine, septembre 1834.) P.-H. Bérar». — Article Névralgie faciale du Dictionnaire en 30 volumes (1835), t. XII, p. 555. Rennes. — Observations et réflexions sur 32 cas de névralgie fron- tale, etc. {Archives générales de médecine, juin 1836.) Romderg. —Neuralg. nervi quinti specimen. Berlin, 1840. Alnott. — Tic douloureux or neuralg. fac., etc. Londres, 1841. Marchai, (de Calvi). — De la prosopalgie traumatique ; dans Re- cueil de mémoires de médecine et de chirurgie militaires. 1844. Cerise. — Névralgie faciale symptomat. d’une tum. fibreuse de la matrice, guérie par l'extirpât, de cette tumeur. {Ann. rned. - psycholog., mai 1845.) Marrotte. — Mémoire sur les névralgies périodiques. {Arch. gén. de méd., novembre 1852.) Synonymie.—Affection douloureuse de la face ; prosopalgie ; lie dou- loureux; douleur faciale de Fothergill. Il serait plus juste de rappeler le nom d’André, de Versailles, 1756, que celui du médecin anglais, 1773. 1798. Définition. — Névralgie occupant le tronc ou les branches du nerf de la cinquième paire. La septième paire est incontestablement sensible, mais jusqu’ici rien ne prouve que la névralgie de la face puisse occuper ce nerf, dont les attributions sont essentiellement motrices. Divisions. —D’après le siège de la douleur, on distingue les névral- gies de la branche ophlhalmique, de la branche maxillaire supérieure et de la partie sensitive du nerf maxillaire inférieur ; d’après les causes, une prosopalgie symptomatique, sympathique ou idiopalhique ; en con- sidérant la marche, on admet une forme continue et une forme inter- mittente de la maladie, etc.; mais aucune de ces divisions n’est assez NÉVROSES. 181 importante au point de vue des symptômes pour qu’il faille en tenir compte dans le tableau général de l’affection. 1799. Symptômes. — A. Le symptôme essentiel est la douleur. Elle éclate par intervalles, généralement sans prodromes, quelquefois précédée par un sentiment de tension, de démangeaison, de fourmil- lement; indescriptible dans ses variétés et souvent d’une intensité atroce (piqûre, tension, déchirure, arrachement, élancement, pincement, broiement, étincelles), cette douleur, partie d’un point de la face, se propage avec la rapidité de l’éclair en différons sens, mais conserve presque toujours la même direction à chacune de ses réapparitions. Elle revient par accès d’une courte durée (une demi-minute ou une minute) qui s’arrêtent brusquement ou décroissent par degrés, mais ne man- quent presque jamais de se produire en grand nombre; 1 c. paroxysme, c’est-à dire la série de ces accès partiels, a parfois une durée cruellement longue pour le patient et se répète lui-même à des intervalles variables. B. Phénomènes concomitans. ■— Au moment où la douleur a le plus de vivacité, on voit les muscles de la partie correspondante et quel- quefois les deux côtés de la face grimacer convulsivement; d’autres fois, les traits semblent frappés d’immobilité. La peau devient luisante comme si elle était enduite d’un corps gras au niveau des parties endo- lories (Romberg) ; tout le visage s’injecte, les artères battent, les veines se gonflent ; il y a élévation locale de la température, en même temps que la chaleur des extrémités s’abaisse quelquefois. Les malades éprouvent des vertiges, un état d’agacement pénible dans tout le corps ; ils fuient le bruit, la lumière, évitent le mouvement, sachant bien que toute exci- tation peut amener une recrudescence. C. Suivant que telle ou telle branche nerveuse est affectée, les sym- ptômes présentent des différences faciles à prévoir, a. Est-ce le nerf maxillaire supérieur, la douleur se fait sentir à l’aile du nez, à la lèvre supérieure, dans la rangée dentaire supérieure, ou bien dans la cavité buccale et dans la narine, où elle provoque une sécrétion abondante de mucosités, b. Dans la névralgie de la branche ophthalmiquc et princi- palement du rameau frontal, la douleur envahit le front, les sourcils, parfois l’une des commissures palpébrales, la caroncule lacrymale, ou l’intérieur de l’orbite ; il y a quasi-inflammation de l’œil, photophobie, congestion, larmoiement, c. S’agit-il enfin d’une névralgie maxillaire infé- rieure, les sensations morbides occupent les dents inférieures, le menton, le lèvre inférieure, le bord et la pointe de la langue ; la douleur s’ac- compagne de salivation, d. Tantôt une seule branche est affectée ; tantôt plusieurs le sont simultanément ; ou bien l’une se prend après l’autre dans le cours de la maladie, quelquefois pendant la durée d’un même paroxysme. On ne voit guère la douleur passer d’un côté à l’autre de la face; mais elle se propage assez facilement à d’autres nerfs : ainsi quand c’est la branche ophthalmiquc qui est le siège de la névralgie, 182 PATHOLOGIE MÉDICALE. souvent les nerfs occipitaux deviennent douloureux en même temps que ceux du visage. D. Indépendamment de ces douleurs aiguës ou élancemens qui éclatent par intervalles, Valleix admet comme constante une douleur sourde, gravai ive, continue, qui, elle, ne s’irradie pas le long des rameaux nerveux, mais y occupe certains points déterminés où elle s’exaspère par la pression. Voici le tableau des principaux foyers douloureux : a. Pour la branche ophthalmique ; 1° le point palpébral, correspondant à l’émergence du nerf lacrymal h la partie externe de la paupière supé- rieure ; 2° le point sus-orbitaire, au niveau de l’émergence du nerf frontal, et principalement du frontal externe à sa sortie du trou sus- orbitaire ; 3° le point nasal qui se trouve vers la partie supérieure du nez, un peu en dedans et au-dessous de l’angle interne de l’œil ; il répond à l’émergence du nerf nasal. b. Pour le maxillaire supérieur ; 1" l’émersion du nerf temporo-malaire vers la peau de la joue ; 2° l’émersion du nerf alvéolo-dentaire qu’on pourrait nommer point dentaire supérieur. Dans le reste du trajet des nerfs dentaires, on pourrait admettre un point douloureux pour chaque dent; 3° enfin le point de terminaison du nerf maxillaire.et son épanouis- sement à la sortie du trou sous-orbitaire lui-même : point sous-orbitaire. c. Pour le maxillaire, inférieur, nous avons h considérer : 1° le nerf buccal qui n’a pas de point bien déterminé, mais qui vient se terminer dans la peau et la muqueuse des lèvres ; 2° le nerf auriculo-temporal, et surtout la branche temporale qui donne entre l’articulation de la mâ- choire et le conduit auditif un point auriculo-temporal. La branche auriculaire n’a de remarquable, sous le rapport de la névralgie, que son anastomose avec les nerfs du plexus cervical, et les filets qu’elle envoie au lobule de l’oreille ; 3° dans le nerf lingual nous trouvons un point d’émersion entre la langue et la glande sublinguale : point lingual ; 4° enfin le nerf dentaire inférieur, profondément situé dans toute son étendue, vient émerger à la partie antérieure de la mâchoire inférieure ; il offre là un des points les plus remarquables, c’est le point mentonnier. Ajoutons enfin que, dans le lieu où se réunissent la branche frontale (du trijumeau), la temporale superficielle et l’occipitale (nerfs cervicaux), on rencontre le point pariétal ; il a son siège vers la partie postérieure de la suture sagittale et presque immédiatement au-dessus de la bosse pariétale. •— Il est bien entendu que rarement chez le même malade, on voit réunis tous ces points douloureux ; mais, dans la majorité des faits, on en trouve au moins un dans chacune des trois branches du nerf; dans quelques cas légers on n’en rencontre qu’un seul. Ces points, au dire de Valleix, doivent être considérés comme des foyers de douleur très propres à caractériser la névralgie et, en général, ils coïncident avec ceux d’où les malades sentent rayonner les douleurs spontanées pendant les accès. C’est au niveau de ces foyers que se mani- NÉVROSES. 183 fesle aussi la douleur à la pression qui souvent a une étendue extrê- mement limitée, de telle sorte qu’à une distance de quelques milli- mètres on peut trouver ici une douleur très vive, là une absence complète de douleur. 11 suffit dans quelques cas d’une pression légère, ou même d’un simple contact, pour déterminer à l’instant la douleur la plus aiguë. Mais, dit Valleix, je n’ai jamais vu qu’on donnât lieu à un effet contraire en exerçant une pression forte ; bien loin de là, la dou- leur devenait alors tout à fait intolérable. D’autres auteurs ont observé •qu’un attouchement léger, un simple frôlement des parties affectées, le passage du rasoir, etc., réveillent la souffrance, tandis qu’une pression forte ne produit pas ce résultat, et même soulage quelquefois. M. llom- berg non-seulement nie l’existence de la douleur à la pression dans les intervalles des accès; mais il rapporte que certains malades appliquent eux-mêmes leurs doigts sur les points d’émergence de la cinquième paire, afin de diminuer la violence des accès. Dans une observation de Bell, le sujet, au début de chaque paroxysme, pressait avec l’un de scs doigts sur le trou sous-orbitaire, avec l’autre sur l’angle interne de l’œil, avec le troisième sur le nerf frontal, et demeurait immobile. — Quoi qu’il en soit de ces effets de la pression, qui certainement ne sont pas les mêmes dans tous les cas, les mouvemens de la tête, de l’œil, du visage, la mas- tication, la déglutition, l’action de tousser, de se moucher, etc,, exas- pèrent presque constamment la douleur. E. La névralgie faciale est, à peu de chose près, aussi fréquente à droite qu’à gauche; très rarement elle est double. Le plus ordinai- rement, elle occupe plusieurs rameaux des trois principales branches du nerf de la cinquième paire; lorsqu’une branche est atteinte isolément, c’est presque toujours la maxillaire inférieure (Valleix), de sorte que de toutes les espèces particulières admises par les auteurs, la névralgie du nerf dentaire inférieur est la mieux-établie. Quand on désigne la né- vralgie trifaciale sous le nom de névralgie frontale, sus-orbitaire, sous- orbitaire, etc., il faut entendre par là une maladie qui a son principal siège dans un de ces rameaux, tout en s’étendant le plus souvent à un ou plusieurs autres. 1800. Marche, durée, terminaison. — a. En considérant l’ensemble de la maladie, nous remarquerons d’abord que son début est rarement brusque, et que le plus souvent c’est par degrés qu’elle acquiert sa plus grande intensité ; sa violence peut devenir telle, que les malades se suicident dans un paroxysme. Quand l’affection se prolonge, la nutrition languit tout à la fois parce que les digestions se dérangent sympathiquement et parce que, dans la crainte de rappeler les accès par l’acte de la mastication et de la déglutition, les malades se privent presque complètement d’alimens. Il se développe dans ces conditions un état d’excitabilité nerveuse, caractérisé par une grande susceptibilité aux changemens atmosphériques, au froid surtout, par des modiüca- 184 PATHOLOGIE MÉDICALE. lions du caractère ; l’insomnie, la tristesse, le découragement, s’ajou- tent aux autres causes de dépérissement; cependant, on ne voit jamais la mort survenir par le seul fait de la névralgie. — Celle-ci se terminerait quelquefois par l’apoplexie cérébrale, au dire de Halford (Romberg). Dans certains cas on dit avoir vu le côté correspondant de la face s’hypertrophier à la longue, et, chose remarquable, cette hyper- trophie cesser après la section du nerf malade. Plusieurs observations de névralgie sus-orbitaire mentionnent cette particularité que les che- veux du côté affecté étaient plus hérissés, plus durs, plus épais que du côté opposé, et leur croissance beaucoup plus rapide. Dans d’autres le côté malade était atrophié ; les cheveux de ce côté tombaient. Souvent, après avoir disparu pour plusieurs mois ou même plusieurs années, la névralgie faciale se reproduit plus violente et plus opiniâtre que par le passé, et cela ordinairement sur la même branche du trifacial, quelquefois cependant sur une branche différente. h. Si maintenant nous considérons la marche des accès et des pa- roxysmes douloureux, nous trouvons que la névralgie faciale n’est jamais continue; on pourrait la classer parmi les maladies intermittentes ; quel- quefois, en effet, il y a intermittence véritable, et même périodicité régu- lière, sans que celte particularité dans la marche de l’affection soit né- cessairement liée à une cause spéciale (l’intoxication palustre). Mais si l’on se rappelle que dans l’intervalle des paroxysmes les nerfs malades conservent presque toujours un excès de sensibilité h la pression et une extrême disposition à s’endolorir sous l’influence des causes les plus égères, on se convaincra aisément que le plus souvent l’intermission n’est qu’apparente, et que la maladie est continue avec exacerbation, c’est-à-dire simplement rémittente. c. Les paroxysmes, variables quant h l’intensité et à la durée des souf- frances (mais moins variables chez le même malade qu’on ne serait porté à le croire), sont d’une demi-minute, d’uneminute, d’un quart d’heure et plus; rarement d’une heure. Ils sont eux-mêmes composésd’une série de petits accès et d’intervalles généralement très courts. Ils cessent d’ordi- naire brusquement ; d’autres fois la douleur parvenue à son summum décroît ensuite par degrés, mais presque toujours assez promptement. Vers la fin du paroxysme, il se produit parfois un écoulement abondant de larmes et de mucosités delà pituitaire ; cette sécrétion paraissait critique chez un malade, et lorsqu’elle manquait, l’accès se prolongeait davantage (Bérard). Les paroxysmes sont en général de plus en plus longs à mesure que la maladie se prolonge et vieillit. 1801. Étiologie.—D’une fréquence sensiblement égale dans les deux sexes, la névralgie trifaciale est extrêmement rare dans l’enfance, et même chez les jeunes gens avant la vingtième année; c’est de vingt à soixante ans qu’on l’observe surtout. D’après Valleix, elle se développe- rait chez les femmes un peu plus souvent avant l’âge de trente ans NÉVROSES. 185 qu’après, taudis que le contraire aurait lieu chez l’homme. Les tempé- ramens, Je genre d’alimentation, les diverses professions, l’hérédité, ne paraissent pas exercer d’influence notable, si l’on excepte toutefois le tempérament nerveux et l’existence antérieure de maladies nerveuses qui constituent une prédisposition incontestable. Le trijumeau semble avoir moins de tendance que d’autres nerfs (les intercostaux, lom- baires, etc.) à s’affecter sons l’influence d’un état nerveux général, tel que celui dont s’accompagnent la chloro-anémie, la dyspepsie, etc. Parmi les causes occasionnelles, le froid est une des plus fréquentes; la suppression des règles, la cessation brusque d’une éruption cutanée, diverses métastases, des sympathies gastriques et alvines ont été égale- ment indiquées comme pouvant déterminer cette maladie. Elle peut n’Clre que l’une des manifestations symptomatiques de l’empoisonne- ment palustre et apparaître, soit comme accompagnement d’accès fébriles dus à cette cause, soit comme suppléant à ces accès (fièvre larvée). On l’a observée dans certains cas de traumatisme ayant agi sur la face, de corps étrangers implantés sur le trajet des rameaux du trifacial, de dents cariées ; à l’occasion de diverses altérations des parois crâ- niennes ou des organes encéphaliques susceptibles de donner lieu à une compression et surtout à un tiraillement des fibres nerveuses. L’origine de certaines névralgies de la face ne peut être rapportée qu’à la syphilis, fait important à noter, mais dont la signification n’est pas encore bien fixée ; on ignore, en effet, si l’affection se rattache, en pareil cas, à quelque lésion matérielle du nerf, du névrilemme, des canaux osseux qu’il traverse, ou si elle n’est que l’une des manifestations dou- loureuses de l’intoxication syphilitique. 1802, Anatomie pathologique. — Les autopsies, en petit nombre, que l’on a eu l’occasion de faire de sujets atteints de névralgie trifaciale ont presque toutes donné des résultats négatifs. Quelques-unes cepen- dant ont permis de constater une hypertrophie ou d’autres modifications pathologiques des os du crâne ou de la face (épaississement du frontal, de l’ethmoïde, du sphénoïde, exfoliation de quelques parties des mâ- choires); divers étals morbides de l’hémisphère cérébral du côté affecté (tumeurs fongueuses de la dure-mère ; productions accidentelles ; ané- vrysme de la carotide interne, dans une observation célèbre de Rora- berg). Toutes ces lésions compriment, tiraillent, altèrent dans leur structure, soit le ganglion de Casser et la portion intra-crânienne de la cinquième paire, soit les rameaux extra-crâniens du trijumeau eux- mémes. Indépendamment des lésions qu’il peut éprouver par voi- sinage, on l’a vu tantôt hypertrophié, tantôt atrophié; ceux qui parlent d’infiltration et de tuméfaction séreuse des nerfs de la face ont peut- être plutôt supposé que vu ces altérations. 1803. Physiologie pathologique. — Outre les filets sympathiques qui accompagnent les artères, on trouve à la face deux ordres de nerfs : 186 PATHOLOGIE MÉDICALE. 1° des nerfs du sentiment fournis par le trifacial ; 2° des nerfs du mou- vement émanés de la portion dure de la septième paire. Or, la septième paire, quoique formant un nerf essentiellement moteur, jouit cependant dans la portion extra-crânienne de son trajet d’une sensibilité ({'em- prunt que les recherches de physiologie expérimentale ont surabon- damment démontrée. C’est ce qui conduit à se demander si la névralgie de la face ne peut pas avoir pour siège ce nerf moteur sensible. A priori il ne répugne pas d’admettre qu’il puisse en être ainsi ; mais les faits que l’on cite à l’appui ne sont ni assez nombreux, ni assez concluans pour permettre de décider cette question. En effet, dans leur distri- bution aux tégumens et aux muscles de la face, les filets provenant de la cinquième et de la septième paire sont tellement mêlés et con- fondus, que rien n’autorise à localiser la douleur plutôt dans ceux-ci que dans ceux-là. Restent les faits où les douleurs occupent la région sous-mastoïdienne ou la région postérieure de la tête, et que l’on a con- sidérés comme des exemples de névralgie du facial. Mais dans la sa- vante critique à laquelle Bérard soumet cette opinion, il démontre qu’il est bien plus rationnel de rattacher ces douleurs, soit aux rameaux de la cinquième paire qui se joignent au nerf facial derrière le maxillaire, soit à la branche postérieure des nerfs cervicaux qui s’étend en arrière jusqu’au sinciput. Cette branche remplit, par rapport aux tégumens de cette partie de la tête, le rôle que jouent les branches frontales de la cinquième paire relativement à la moitié antérieure des enveloppes du crâne, c’est-à-dire qu’elle leur donne la sensibilité. Tout porte donc à croire que le nerf facial, dont les propriétés sont surtout motrices, n’est point le siège de la prosopalgie. b. Quant aux symptômes de la maladie, en laissant de côté les faits trop nombreux où sa cause nous échappe ou réside dans une sympathie elle-même inexplicable, et en nous en tenant aux cas où elle est pro- duite par des lésions matérielles, nous trouvons fréquemment dans l’his- toire de cette névralgie la confirmation de cette loi de physiologie, désignée sous le nom de sensation périphérique, et qui veut qu’une affection siégeant dans un point quelconque d’une fibre sensitive se tra- duise par des effets toujours les mêmes, c’est-à-dire que le seuso- rium en reçoive une impression pénible qu’il rapporte à l’extrémité terminale de la fibre affectée. Ainsi, dans l’espèce, s’agit-il d’une tumeur de la protubérance, d’un fongus comprimant le trijumeau avant le gan- glion de Casser, d’une altération de ce ganglion, d’une lésion qui intéresse les branches du nerf dans leur trajet à travers les canaux osseux, ou qui occupe telle ou telle branche particulière, invariablement le malade accusera de la douleur dans la face, là où s’épanouissent les filets d’origine de la cinquième paire. La distinction entre la névralgie due à l’une ou à l’autre de ces causes, relativement au siège plus ou moins élevé de la lésion efficiente, est loin d’être aussi facile qu’on serait dis- NÉVROSES. 187 posé à le croire au premier abord. Il semblerait que les altérations pro- fondes dussent affecter plutôt la totalité du nerf, puisqu’elles en com- promettent la structure dans des points où existent des cordons volumi- neux, résumant en quelque sorte toute la masse des fdels destinés à se disséminer plus loin dans diverses directions ; et, par contre, on pour- rait s’attendre à voir la douleur d’autant plus circonscrite que la lésion à laquelle elle se rattache est placée plus près de la terminaison du nerf, sur les rameaux isolés et comme individualisés qu’il émet suc- cessivement. Mais l’observation pathologique, d’accord avec la physio- logie, nous prouve qu’une pareille distinction ne saurait être établie d’une manière absolue ; en effet : i° les lésions profondes peuvent frapper dans les cordons d’origine du trifacial, ou dans le ganglion semi-lunaire, etc., une portion très limitée des fibres, à l’exclusion des libres voisines, d’où résultera une névralgie aussi peu étendue que s’il s’agissait de la blessure d’un seul filet cutané ; 2° par une diffusion dont la pathologie nerveuse présente plus d’on exemple, la douleur primiti- vement bornée à un seul ramuscule nerveux, peut s’étendre progressi- vement, et quelquefois avec une grande rapidité, à une portion consi- dérable de la cinquième paire ; de là une névralgie aussi vaste que si les faisceaux d’origine étaient eux-mêmes affectés. Les relations bien connues qui existent entre certaines prosopalgies et l’état des dents s’expliquent tout naturellement par ces considérations. Une dent malade peut devenir le point de départ d’une névralgie trifa- ciale, comme la névralgie à son tour provoquer des douleurs dentaires. Celles-ci sont-elles purement consécutives, l’avulsion sera sans effet, parce qu’en croyant agir sur la cause du mal on ne se sera adressé, en réalité, qu’à l’un de ses symptômes ; au contraire, l’opération aura toutes les chances favorables d’un traitement étiologiquc lorsque c’est l’état anormal (douloureux ou non) de l’un des filets dentaires qui, par irra- diation, a donné lieu h la névralgie. Cependant il ne faut pas croire que le succès soit assuré même dans tous les cas de cette espèce, car il arrive parfois que la maladie est trop enracinée ponr pouvoir se dissiper par la seule suppression de la cause qui autrefois l’a produite. c. Le fait allégué tout h l’heure (celui de la sensation périphé- rique) a paru difficile à concilier avec l’existence bien démontrée de foyers douloureux siégeant au niveau des points où les nerfs deviennent superficiels en changeant de direction. Aussi quelques pathologistes ont-ils cru pouvoir nier l’exactitude des observations de Yalleix, ou du moins ont-ils essayé d’en diminuer la valeur en présentant les points douloureux comme un phénomène presque exceptionnel qu’on peut expliquer lorsqu’il existe par des altérations des os, des compressions partielles du nerf, etc. Mais les faits recueillis par Yalleix nous parais- sent trop bien constatés, et les foyers de douleur indiqués par ce labo- rieux médecin ont un siège trop semblable chez presque tous les ma- 188 PATHOLOGIE MÉDICALE. Wlcs pour que du rang d’un symptôme on puisse les rabaisser à celui d’une complication accidentelle ; une théorie qui invoque des causes in- solites et variables (hypothétiques dans la plupart des cas) pour rendre raison d’un phénomène habituel et presque toujours le même, ne saurait satisfaire l’esprit. D’ailleurs il resterait à prouver que c’est bien en conformité avec la loi de sensation périphérique que se produisent la plupart des douleurs névralgiques, ou même que cette loi est incompa- tible avec la présence des points douloureux ; or nous avons déjà vu que cela est loin d’être démontré. cl. La névralgie trifaciale peut exister absolument seule, et toute la syraptomatologie du mal se réduire à un phénomène unique : la dou- leur ; mais, soit répétition fréquente du même acte morbide, soit violence de la sensation, soit quelque circonstance qui nous échappe, elle s’accom- pagne fréquemment de phénomènes autres que la douleur, et qui peuvent être rattachés tantôt à l’action directe du nerf trijumeau, tantôt à l’in- fluence simultanée d’autres nerfs (septième paire, filets du grand sym- pathique). Nous ne ferons que rappeler le développement des vais- seaux, le larmoiement, l’excrétion de mucosités abondantes, la salivation qui accompagnent la névralgie trifaciale, ainsi que les faits cités par quelques auteurs, d’hypertrophie ou d’atrophie d’une moitié du visage, de modifications survenues dans la pousse des cheveux, etc. Nous croyons devoir insister davantage sur les mouvemens convulsifs qui accompagnent dans certains cas la névralgie du trijumeau et qui lui ont valu le nom de tic douloureux. Ces mouvemens résultent d’une action réflexe propagée de la cinquième à la septième paire. On peut en distinguer deux espèces : 1° tantôt ils se lient à une intensité extrême des douleurs; un acte psychique, la souffrance, forme l’intermédiaire entre la sensation, point de départ, et le mouvement, aboutissant de l’action cérébrale ; en pareil cas, les deux moitiés du visage sont convulsées ; le côté affecté lui-même se meut dans une étendue plus grande que celle occupée par la douleur ; une volonté énergique peut y mettre obstacle ; c’est à peu de chose près comme si une douleur violente siégeait ailleurs qu’à la face. 2° D’autres fois ces mouvemens semblent dépendre moins de la vivacité de l’impression perçue que d’une stimulation particulière qui, à travers les centres nerveux, se propage du nerf sensitif au nerf moteur de la face : on voit alors la convulsion et la névralgie coïncider par superposition, et l’on dirait chaque muscle galvanisé isolément par la douleur qui est ressentie dans le point correspondant; l’influence de la volonté est alors nulle pour empêcher on atténuer le mouvement. (Comparez l’article: Tic convulsif de la face.) Ces deux sortes de mouvemens, que nous venons de représenter comme formant deux espèces distinctes, sont loin de s’exclure et assez souvent on les voit associés dans les névralgies intenses. Remarquons à l’occasion des symptômes convulsifs combien, dans NÉVROSES. 189 certains cas, leur présence donne à la prosopalgic une physionomie particulière qui la rapproche d’autres névroses plus graves. L’invasion subite des accès, les contractions grimaçantes qui les accompagnent, jointes à des vertiges plus ou moins marqués, constituent un ensemble qui n’est pas sans analogie avec ce que l’on observe dans l'épilepsie. M. Trousseau, dans son enseignement clinique, insiste avec juste raison sur cette ressemblance. e. La névralgie peut-elle exercer sur le nerf facial une action opposée à celle qui engendre les convulsions? On a parlé de paralysies de la sep- tième paire accompagnant les névralgies de la cinquième, et l’on a con- sidéré les unes comme l’effet (sympathique ou antagoniste) des autres. Mais les mêmes causes, et le refroidissement en particulier, pouvant occasionner l’une et l’autre maladie à la fois quand elles atteignent la région de la face, on ne saurait indiquer qu’avec beaucoup de réserve la possibilité de cette relation étiologique qui subordonne l’élément mo- teur à l’élément sensitif et qui, chose difficile à comprendre, fait naître le défaut de motilité de l’excès de sensation. — Nous ne ferons égale- ment que mentionner certaines paralysies de la troisième paire compli- quant la prosopalgie, et qui ont été considérées comme en étant la con- séquence directe. f Au reste, l’influence de la névralgie ne se borne pas toujours à un simple passage à travers les centres (d’où naît l’action réflexe des nerfs les uns sur les autres) ; elle peut se traduire également par une affection de ces centres eux-mêmes et l’on voit alors le consensus pathologique donner lieu à un état nerveux général, à des troubles multipliés dans des nerfs éloignés de la région primitivement affectée. g. On se ferait de la névralgie trifaciale une idée incomplète si l’on considérait comme le seul élément constitutif de la maladie les explo- sions de douleurs qui caractérisent les accès. Ceux-ci traduisent l’exci- tation actuelle du nerf ; mais dans leur intervalle, les malades, à moins qu’ils ne prennent le bien-être qui suit la cessation d’une crise doulou- reuse pour l’absence de toute sensation morbide, manquent bien rare- ment d’accuser quelques vestiges d’un état anormal ; et l’exploration du nerf par la pression donne le plus souvent la preuve de cette persistance. D’ailleurs, la facilité même avec laquelle des causes parfois si légères ra- mènent les douleurs aiguës, ne prouve-t-elle pas que pendant les rémis- sions la condition physiologique n’est pas entièrement rétablie? C’est ce qui est également rendu évident dans les cas de névralgie forte et invétérée, par l’état permanent de malaise, d’impressionnabilité du sys- tème nerveux tout entier dans les momens .où le sujet dit n’éprouver aucune sensation pénible à la face. 18ü£i, Diagnostic. — Les caractères de la névralgie trifaciale sont trop tranchés pour qu’avec un peu d’attention on ne puisse pas toujours éviter de la confondre avec d’autres maladies douloureuses occupant l’une 190 PATHOLOGIE MÉDICALE. des moitiés du visage. Ainsi, dans la fluxion de la joue, le gonflement considérable, la rougeur, la diffusion de la doulenr, et mieux encore (car ces signes peuvent se rencontrer aussi momentanément dans la névralgie), le mode de développement des accidents, leur marche con- tinue, leur durée en général assez courte, ne permettront pas d’hésiter sur la nature du mal. La congestion oculaire qui accompagne les accès de névralgie du rameau ophthalmique peut être prise pour une inflammation de l’œil; mais si l’on a égard à la violence des douleurs, à la réapparition des acci- dens congestifs après des intervalles variables de calme, ce qui est in- compatible avec la supposition d’une véritable phlegmasie, etc., on évi- tera sûrement cette erreur. De même pour le coryza. Dans Vodontalgie, une douleur vive est occasionnée par le contact d’un corps dur sur la dent affectée ; la souffrance y est exactement localisée, ce qui contraste avec la multiplicité des points douloureux dans la pro- sopalgie; quelquefois la douleur s’étend le long des rameaux de la cin- quième paire, mais alors il n’y a pas lieu de la distinguer de la névralgie. — L’inflammation du sinus maxillaire est presque toujours précédée de celle des fosses nasales; la douleur dans cette maladie est sourde, continue, sans élancemens. — Une affection douloureuse de \'articula- tion temporo-maxillaire se distingue de la névralgie par son siège précis, par l’exaspération remarquable de la douleur sous l’influence des mou- vemens de la jointure et par le calme qu’amène l’immobilité. — Quant à la migraine et au clou hystérique, ce sont des douleurs nerveuses qui, à ce titre, ne diffèrent pas notablement de la névralgie trifaciale ; nous aurons l’occasion de montrer plus loin par quels caractères elles s’en rapprochent et par quels autres elles s’en éloignent. 1805. Pronostic. — La névralgie faciale n’est jamais mortelle, mais l’intensité des souffrances qui l’accompagnent, sa longue durée, sa résis- tance quelquefois opiniâtre à tout traitement, sa tendance à récidiver, en font une affection des plus fâcheuses. Le pronostic est moins défavo- rable quand l’affection est récente ; les cas les plus heureux sont évidem- ment ceux où elle se rattache à une cause évidente générale ou locale (par exemple la syphilis, l’intoxication paludéenne, une maladie des dents, etc.) dont on peut aisément triompher. Il est inutile de dire que lorsqu’elle est produite par quelque altération trop profondément située, ou trop grave pour donner prise à une thérapeutique efficace, la névralgie elle- même est incurable. Malheureusement il en est encore ainsi dans bien des cas où toute la maladie paraît consister en un trouble fonctionnel idiopathique. 1806. Traitement. — Avant toute chose, il faut s’enquérir de la cause de la névralgie et la combattre par une médication appropriée : y a-t-il fièvre larvée, le sulfate de quinine aura contre cette forme névralgique des accidens palustres toute efficacité qu’on lui connaît NÉVROSES. 191 contre les accès fébriles intermiltens; les préparations arsenicales réussissent également en pareil cas. Existe-t-il une syphilis généralisée, le mercure et l’iodure de potassium seront employés avec avantage. De même dans l’ordre des causes locales, la présence d’un corps étranger, tel qu’un fragment de verre, l’existence de dents cariées, de tumeurs siégeant sur le trajet des rameaux nerveux, etc., ont quelquefois donné lieu à des indications de la plus haute importance, et des opérations chirurgicales ont plus d’une fois débarrassé les malades de cruelles souffrances qui duraient depuis des années. L’état des dents mérite d’être sérieusement examiné dans tous les cas ; leur extraction doit être pratiquée quand il y a carie ou môme simple douleur; malheureuse- ment le soulagement qui en résulte n’est parfois que temporaire. Nous en avons dit plus haut la raison. Des indications étiologiques moins précises sont fournies par l’exis- tence d’hémorrhoïdes, de troubles de la menstruation, d’éruptions cu- tanées dont la suppression paraît avoir occasionné la maladie. — Les préparations ferrugineuses, surtout le sous-carbonate de fer ont été pré- conisées comme antinévralgiques. Leur action généralement assez lente s’explique, selon toute probabilité, par l’amélioration qu’elles déter- minent dans l’état chloro-anémique concomitant. Diverses eaux miné- rales, les bains de mer, l’hydrothérapie réussissent souvent de même plus encore par leur action générale sur l’organisme que par une in- fluence directe sur les nerfs endoloris. Si la cause de la névralgie ne peut être découverte, ou si l’affection persiste en dépit d’un traitement dirigé contre les conditions que l’on suppose avoir présidé à son développement, il ne reste qu’à combattre la douleur elle-même, médication d’un symptôme et, par conséquent, simplement palliative le plus souvent. A titre d’anlipériodique, les pré- parations de quinquina sont, en général, mises en usage dans les cas de névralgie à accès inlermittens ; mais, lorsque la périodicité n’est pas l’effet de la cachexie paludéenne, le succès est moins certain. En l’absence de véritables intermissions, dans la prosopalgie atypique, on met en usage tout ce que la thérapeutique possède de caïmans : applications de sang- sues quand on présume qu’il y a quelque congestion à combattre ; inhala- tion de chloroforme ou d’éther pendant les paroxysmes violens; emploi interne et externe des narcotiques : iinimens et pommades opiacées, belladonées, chloroformées, au datura stramonium, à la jusquiame, à la vératrine, morphine employée en friction sur les gencives, inoculée avec la lancette dans la région douloureuse, etc.; barreaux aimantés promenés sur les points douloureux, applications locales du froid ; com- pression ; préparations antispasmodiques prises à l’intérieur sous diverses formes; opium, valériane, oxyde de zinc (pilules de Méglin), eau de laurier-cerise, aconit et tant d’autres. Mais il faut avouer que l’emploi de tous ces moyens ne donne pas en général de résultats satisfaisans. 192 Magendie a vanté les bons effets des courans électriques, dont M. Bec- querel vient également de proclamer l’efficacité. Des irritans appliqués loco dolenti ont été essayés avec des succès très variables, mais ils parais- sent réussir dans les névralgies récentes : sétons, cautères, vésica- toires à demeure, moxas; des frictions avec l’huile de croton tiglium prescrites par Ch. Bell, en vue d’une sympathie entre l’intestin et la cin- quième paire, ont enlevé une névralgie ancienne et opiniâtre. Les vési- catoires placés au niveau des foyers de douleurs appartiennent à la même médication; on les convertit aisément en autant de surfaces d’absorp- tion pour les poudres médicamenteuses. C’est aux vésicaloires volans et à l’administration de la morphine par la méthode endermique que Yal- leix croit pouvoir attribuer le premier rang dans le traitement de la névralgie faciale. Lorsque la maladie résiste à toutes les médications et que son inten- sité légitime le recours à une opération sanglante, il reste encore la ressource de couper le nerf douloureux ou d’en détruire une portion par l’excision et la cautérisation. Quelques névralgies invétérées et rebelles ont été ainsi guéries; mais, indépendamment de ce que de pareilles tentatives peuvent avoir de grave au point de vue du trauma- tisme, et sans faire entrer en ligue de compte la perte de la sensibilité cutanée qui s’ensuit nécessairement, et l’atteinte des filets moteurs qui en est une complication possible, il faut se souvenir aussi que, pour un petit nombre de succès, on compte bien des échecs. (Voy. à ce sujet article III, n° 1796.) PATHOLOGIE MÉDICALE. ■ARTICÎ.-E V. NÉVRALGIE CERV1CO-OCC1PITALE. Voy. la Bibliographie de l’article précédent. |T 1807. Définition. — Névralgie ayant son siège dans les filets sensitifs qui entrent dans la constitution des quatre premières paires des nerfs cervicaux. On sait que les quatre premières paires cervicales forment de chaque côté le plexus cervical par l’enlacement compliqué de leurs branches anté- rieures; quanta leurs branches postérieures, elles se portent, en traver- sant les muscles de la nuque, vers la face profonde de la peau. — Des douleurs névralgiques peuvent occuper ces divers rameaux nerveux, toutefois quelques-uns d’entre eux en sont plus souvent atteints : L Parmi les rameaux des branches antérieures : 1° le nerf cervical superficiel ; formé par une anastomose de la deuxième et de la troisième paire cervicale, il sort du plexus à la partie moyenne postérieure du cou, sous le bord postérieur du muscle mastoïdien, cl marche ensuite entre la peau et le peaucier pour se terminer, d’une part, à la partie antérieure et supérieure du cou, et, d’une autre part, h la partie inférieure de la joue ; 2° le nerf auriculaire, dont l’origine et le trajet imitent ceux du nerf précédent, mais dont les filets terminaux se répandent dans la face, la parotide, la partie postérieure du pavillon de l’oreille ; 3° le nerf mastoïdien ou occipital externe, ou petit occi- pital; devenu superficiel vers la partie supérieure du muscle mastoïdien, il se porte verticalement en haut, et parallèlement au grand nerf occipi- tal, sur les régions occipitale et pariétale; on peut le suivre jusqu’au bord antérieur du pariétal ; h° les nerfs sus-claviculaires et sus-acro- miens qui couvrent de leurs filets le triangle sus-claviculaire. II. Parmi les rameaux émanés des branches postérieures des nerfs cer- vicaux, il en est un surtout qui mérite d’être noté : c’est le nerf grand occipital, appartenant à la deuxième paire cervicale. Ce nerf volumineux traverse le grand complexus au niveau de la partie supérieure de la nuque ; devenu sous-cutané, il se dirige de bas en haut et se termine par un nombre considérable de filets divergens qui couvrent la région de l’occiput et peuvent être suivis jusqu’à la région pariétale. 1808. Symptômes. — Les malades se plaignent d’une douleur sourde gravativc, comme contusive, continue, mais avec des variations d’intensité, dans divers points correspondant à la distribution des nerfs cervicaux. A cette douleur viennent se joindre par momens des sen- sations plus aiguës d’élancement, de tiraillement, sensations assez géné- ralement inférieures en intensité aux affreux tourmensde la prosopalgie ; elles se manifestent par accès irréguliers, comme dans la névralgie tri- faciale; elles partent de l’un des points que nous indiquons ci-après, et s’irradient le long d’une ou de plusieurs branches jusqu’au crâne, à la face, à l’épaule, et quelquefois jusqu’au membre supérieur. Desmouve- mens convulsifs accompagnent les accès intenses de cette névralgie, qui avait été englobée avec celle du trijumeau sous le nom de tic douloureux (André). Au premier rang des causes très multipliées qui réveillent la douleur dans les nerfs cervicaux atteints de névralgie, il faut placer la pression. Pendant les accès, elle est quelquefois tellement intolérable, que les malades redoutent le plus léger attouchement des cheveux ; employée comme moyen d’exploration méthodique pendant les intervalles de calme, la pression a fait découvrir à Yalleix les foyers douloureux sui- vans, qu’il considère comme caractéristiques : 1° Un point ordinairement plus douloureux que les autres, entre l’apophyse mastoïde et les premières vertèbres cervicales, un peu plus près de celles-ci que de celle-là ; on peut l’appeler point occipital, car évidemment il siège dans le point d’émergence du nerf de ce nom ; 2° un autre point, plus inférieur, siégeant entre les bords des muscles trapèze et mastoïdien, un peu au-dessus de la partie moyenne du cou ; c’est le point cervical superficiel, situé au point d’émergence des prin- NÉVROSES. 193 cipaux nerfs qui concourent h former le plexus de ce nom ; 3° un point siégeant aux environs de la bosse pariétale, et vers lequel les élancemens rémontent, en suivant le nerf occipital et quelques rameaux de la bran- che mastoïdienne; c’est le point pariétal déjà signalé dans la névralgie trifaciale comme étant commun à celle affection et à celle dont il s’agit ici ; i\° un point sur l’apophyse mastoïde, d’où la douleur se porte quel- quefois au-dessous du lobule de l’oreille en donnant lieu par là à l’erreur qui faisait placer la maladie dans le nerf de la septième paire ; c’est le point mastoïdien ; 5° enfin, la conque de l’oreille elle-même en a présenté un qui doit prendre le nom de point auriculaire. — Valleix a constaté aussi des douleurs lancinantes qui paraissaient aux malades exister dans l’intérieur môme de l’oreille ; mais, les parties n’étant pas accessibles à la pression, il n’est pas facile de déterminer quel est le rameau nerveux affecté. Remarquons que jamais les malades n’ont in- diqué leurs douleurs comme étant très profondes, et que les élance- mens se portaient seulement à une certaine profondeur dans le con- duit auditif externe. On ne saurait donc attribuer la douleur à une né- vralgie des nerfs qui traversent le rocher; il faut plutôt en placer le siège dans les rameaux superficiels qui viennent donner la sensibilité à l’oreille externe. — L’étendue des points douloureux n’a pas toujours été déterminée d’une manière précise ; mais, dans quelques cas, ils étaient très circonscrits et pouvaient être recouverts avec la pulpe du doigt. A la partie postérieure et supérieure du cou, on trouvait quel- quefois un point assez étendu, car il occupait l’espace compris entre l’occiput et la réunion du tiers supérieur et du tiers moyen du muscle sterno-cléido-mastoïdien. J’ai trouvé, dit Valleix, la cause de celte espèce de diffusion dans la disposition des branches nerveuses qui, dans celte région, communiquent largement entre elles. Vers l’apophyse mastoïde, la douleur à la pression peut avoir aussi une étendue assez considérable, ce qui s’explique très bien par la multitude des filets nerveux qui recou- vrent cette partie. Des points qui viennent d’être indiqués, les douleurs s’élancent en suivant le trajet des nerfs cervicaux dont ils franchissent souvent le domaine; ainsi, au lieu de s’arrêter à la région pariétale, elles gagnent quelquefois le nerf frontal et de là s’étendent rapidement aux autres branches du trijumeau. Dans la névralgie de ce dernier nerf l’extension se fait dans certains cas en sens inverse avec la même facilité. On pour- rait donc établir deux nouvelles espèces de névralgies, qu’on appellerait, l’une trifacio-cervicale, l’autre cervico-tri faciale. Du reste, il n’est pas rare d’observer en même temps qu’une névralgie de la région du cou, d’autres affections de même nature dans différentes parties du corps. 1809. Marche, durée, terminaison. — Nous retrouvons dans l’his- toire de cette maladie la marche irrégulièrement exacerbante et quel- quefois la périodicité vraie des paroxysmes, déjà notées précédemment; PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. la lendanceà la chronicité, la mobilité des douleurs, les récidives faciles; l’absence de symptômes graves pouvant compromettre l’existence, sont encore communs à cette névralgie et à toutes les affections du môme ordre. 1810. Causes. — Leur connaissance est peu avancée. Elles parais- sent être sensiblement les mêmes que les causes de la prosopalgie. M. Bérard a vu une névralgie occipitale accompagnant une ma- ladie des vertèbres du cou ; à l’autopsie, une tuméfaction gangliforme rougeâtre fut trouvée vers l’origine de la deuxième paire cervicale. 1811. Diagnostic. — La dissémination des points douloureux, la direction des élancemens, les accès plus ou moins violens qui sur- viennent ordinairement à des intervalles irréguliers, ne laissent guère de doute sur l’existence de la névralgie. A moins d’une grande inattention, on ne saurait la confondre avec le torticoli rhumatismal : dans Je torli- coli les muscles étant affectés, les mouvemens de la tête sont doulou- reux à un haut degré et le deviennent surtout lorsqu’ils sont exécutés brusquement; s’il y a des élancemens, ils sont sourds et fixés dans les points malades; la pression détermine une douleur moins vive, mais plus étendue que dans la névralgie; la douleur est nulle ou presque nulle dans l’immobilité complète ; elle ne revient pas par accès ; elle se dis- sipe en quelques jours, soit spontanément, soit après une émission san- guine locale ou sous l’influence d’autres soins très simples. La périostite, les altérations du tissu osseux de l’occipital ou des ver- tèbres s’accompagnent de douleurs lancinantes, revenant par accès, prin- cipalement la nuit, s’irradiant vers le sinciput, les épaules, le bras, et pouvant par conséquent en imposer pour une névralgie. Mais, indépen- damment des signes propres à la périostite ou à l’ostéite, signes souvent assez difficiles à constater en raison de la position profonde des parties, on aura égard surtout à l’influence considérable qu’exercent les mouve- rnens, et principalement les mouvemens de rotation de la tête, sur l’exa- cerbation de la douleur. On notera aussi que le malade, d’après la remarque de Rust, ne peut changer de position, et surtout se mettre h son séant, sans porter les mains à l’occiput pour soutenir la tête pendant ce redressement (Rornbcrg) ; signes qui ne s’accordent pas avec l’existence d’une simple névralgie. 1812. Lv pronostic ne présente rien de particulier.—Le traitement se compose surtout d’antispasmodiques et de révulsifs ; les vésicatoires volans répétés, avec administration enderrnique simultanée de la mor- phine ou de ses sels, constituent l’un des moyens les plus usités. La cautérisation transcurrrente ou profonde a été également mise en usage. Le sulfate de quinine est indiqué dans les cas de périodicité plus ou moins tranchée. 196 PATHOLOGIE MÉDICALE. A3.TICÏ.E VI. NÉVRALGIE CERVICO-BRACHIALE. Bibliographie. Voy. Névralgies en général, surtout Chaussier, YaLLEIX, ROMBERG {loc. dt.). F.-J. Michel.— Observations pour servir à Vhistoire de la névralgie du membre supérieur. Thèses de Paris, 1858 (n° 308), ia-U. 1813. Définition. — La maladie décrite dans le précédent article occupe, comme nous l’avons vu, les quatre paires cervicales supé- rieures; la névralgie dont nous allons maintenant exposer l’histoire a pour siège les quatre paires cervicales inférieures, ou plus exacte- ment les filets sensitifs qui entrent dans leur composition. Une partie plus ou moins considérable du plexus brachial d’une part, et d’une autre, les branches postérieures des derniers nerfs cervicaux partici- pent, dans certains cas, à la maladie ; d’autres fois celle-ci est limitée à une seule branche nerveuse. 181 h. Symptômes. — Tantôt les douleurs s’étendent h une grande partie du plexus brachial, depuis la partie inférieure et latérale du cou jusqu’à la main ; tantôt elles sont fixées dans la partie brachiale de ce plexus, occupant en haut le creux de l’aisselle, en bas le nerf cubital principalement; enfin, on les a vues isolées soit dans le plexus lui- même, soit dans le nerf cubital, cutané interne, sus-scapulaire, mus- culo-cutané. Les cas de névralgie localisée dans les seuls filets de termi- naison n’ont peut-être pas été observés toujours avec assez d’exactitude, et d’après Vaileix, il est probable que souvent on s’est borné à constater le siège de la plus vive douleur et le trajet principal parcouru par les élancemens, sans chercher à remonter à leur source; un examen attentif montre fréquemment le point de départ de ces élancemens dans les par- ties latérales du cou, et la pression au bas de cette région y fait con- stater l’existence d’un point douloureux. Tout en admettant cette critique comme fondée à l’égard de plusieurs faits, on ne saurait l’étendre à tous les cas, et ils sont assez nombreux, où une douleur névralgique occupe un ou plusieurs nerfs du membre supérieur; ce serait à tort qu’on rejetterait du cadre de la maladie qui nous occupe toute névralgie qui ne se propage pas, conformément au tableau classique, du plexus bra- chial vers ses rameaux de terminaison. Les douleurs se manifestent sous deux formes : 1° aiguë et paroxys- male, 2° sourde et continue. La première consiste en élancemens, tiraillemens, brûlure, etc , qui semblent rayonner de la région cervi- cale et axillaire vers le bras, l’avant-bras, la main, et s’accompagnent plus fréquemment que dans d’autres névralgies, de cette sensation de fourmillement et d’engourdissement que tout le monde connaît pour l’avoir éprouvée à la suite d’un choc sur le coude. Suivant que les douleurs se transmettent le long de telle ou telle branche nerveuse, elles occupent la partie externe, interne ou médiane du membre, et elles s’ar- rêtent au niveau de l’épaule, du bras, du coude, du poignet ou des doigts. Leur direction paraît n’être pas toujours centrifuge, et Valleix dit les avoir vues s’étendre de l’aisselle vers la partie latérale du cou, en sens inverse du trajet des nerfs (1). Ces douleurs aiguës reviennent par accès irréguliers une ou plusieurs fois par jour; elles sont exaspérées par le mouvement, par la pression, et accompagnées de divers phénomènes sympathiques : frisson, accélération du pouls, malaise général, etc. Les foyers d’où ces sensations aiguës semblent partir pendant les accès sont eu même temps ceux où dans l’intervalle des crises les malades accusent une sensation continue sourdement douloureuse, plus ou moins intense; et c’est là aussi que par la pression on peut constater l’existence de points d’élection de la névralgie auxquels Valleix attache une si grande importance. D’après cet auteur on les trouve principalement dans les régions suivantes : 1° A la partie supérieure du creux axillaire (point axillairé), là où le plexus brachial devient plus superficiel; 2° derrière l’épitrochlée, où le nerf cubital contourne cette éminence (point épitrochléen) ; 3° au devant de la partie inférieure du cubitus à l’endroit où le même nerf, se rap- prochant de la peau, passe au devant du carpe pour se porter dans la paume de la main (point cubiïo-carpien) ; Uv dans l’éminence thénar, dans l’extrémité des doigts; 5° à l’endroit où le nerf radial contourne l’humérus, et dans le point correspondant à la partie inférieure du radius, où ce même nerf devient plus superficiel; 6° à la partie latérale et inférieure du cou et l’épaule: on y trouve le point cervical inférieur, un peu en dehors des vertèbres cervicales ; le point post-claviculaire; le point deltdidien correspondant au nerf circonflexe. Tels sont les points dont l’existence est la mieux établie; quelques auteurs en ont rencontré également à la partie postérieure de l’épaule, au niveau de l’épicondylc, au milieu du pli du coude, etc. De tous les nerfs affectés, le cubital est sans contredit celui qui l’est de la manière la plus remarquable et dans lequel la névralgie se ren- contre le plus souvent isolée, du moins en apparence; delà l’impor- tance attribuée à la névralgie cubitale. On a admis, d’après les mêmes considérations, une névralgie circonflexe, cutanée interne, musculo- cutanée, etc. Il n’est pas rare de trouver associées à la névralgie cervico-brachiale des douleurs de même nature occupant divers autres nerfs du corps. Lorsqu’elle s’accompagne d’élancemens à la région précordiale, de douleurs dans les espaces intercostaux, de dyspnée, et de palpitations, NÉVROSES, 197 (1) Expression impropre. Le trajet des nerfs sensitifs est centripète, et leur origine se trouve dans les surfaces sensibles, et non dans les centres nerveux. 198 PATHOLOGIE MÉDICALE. la névralgie cervico-brachiale étendue au membre supérieur offre l’en- semble symptomatique de l’une des variétés d'angine de poitrine que nous décrirons plus loin. 1815. Rien de particulier à dire relativement à la marche, à la durée, ni aux terminaisons de celle névralgie ; il est bon de noter toutefois qu’elle est suivie dans certains cas de la paralysie et de l’atrophie par- tielle ou générale du membre endolori. — Quant aux causes, ce sont également celles de la plupart des autres névralgies, mais on a observé que l’affection des nerfs brachiaux ne se rattache que rarement à un état névropathique général. La fréquence des blessures du membre supé- rieur et la richesse du lacis nerveux de la main occasionnent un assez grand nombre de névralgies traumatiques. Ce sont surtout des lésions superficielles ou peu étendues, telles que brûlures, plaies par instru- ments acérés, piqûre de lancette dans certaines saignées malheureuses, qui ont le privilège de donner lieu à ces sortes de névralgies, souvent très violentes et très rebelles. Diagnostic. — Le rhumatisme musculaire du membre supérieur s’accompagne d’une douleur moins violente, plus continue et plus dif- fuse que la névralgie, et qui cesse presque complètement pendant le repos. Ces caractères empêcheront de confondre les deux affections.—• Les douleurs saturnines, syphilitiques et autres du membre supérieur offrent également une circonscription moins exacte ; de plus, elles ne s’exaspèrent pas par la pression, ne reviennent guère par accès irrégu- liers, etc.—La névrite, suite d’une blessure ou d’un refroidissement, se distingue difficilement de la névralgie simple, quand elle est apyré- tique et donne lieu à des élancemens suivant le trajet des filets ner- veux; on peut même se demander si, en pareil cas, au lieu de rechercher des nuances subtiles entre ces deux affections, il ne vaudrait pas mieux admettre une névralgie symptomatique d’une inflammation du nerf. A l’état chronique, la distinction est encore plus difficile, et même impos- sible, à moins qu’il n’existe des signes positifs de phlegmasie, telle qu’une élévation locale de la température, etc. Le pronostic, subordonné en grande partie h la cause de la névralgie ne présente en général pas de grav ité. Le traitement se compose des moyens ordinaires ; topiques caïmans et révulsifs; les frictions avec l’essence de térébenthine, les vésicaloires volans appliqués sur les points douloureux et pansés avec la morphine, sont surtout employés. Le sulfate de quinine convient aux névralgies qui présentent quelque apparence de périodicité. Enfin, la section des nerfs a été pratiquée quelquefois avec succès pour des névralgies opiniâtres d’origine traumalique. NÉVROSES. 199 névralgie dorso-intercostale. ARTICLE VII 1816. Bibliographie.—Nicod. — Observations de névralgie thora- cigue. (Nouveau Journal de médecine, t. III, 1818.) Parrish. — On irritât, of the spinal marroiv, etc. ( American Journal, 1832.) PiORRY. — Loc. cit. — Voir également le Traité de médecine pra- tique du même auteur, et Bulletin de VAcadémie de médecine, 1853. Bassereau.— Essai sur la névralgie des nerfs intercostaux. (Thèses de Paris, 18ô0.) Yaleeix. — Archives générales de médecine, février et mars 18Ô0. Voir aussi le Traité des névralgies et le Guide du médecin pra- ticien, du même auteur. Beau. — De la névrite et de la névralgie intercostales. (Archives générales de médecine, février 18ô7.) Léosni. — Considérations sur la névralgie des nerfs intercostaux. (Thèses de Paris, 1858.) 1817. Définition. —Névralgie ayant son siège dans les filets sensitifs des nerfs thoraciques. — C’est, sans contredit, une des névralgies les plus fréquentes. Chacun des douze nerfs thoraciques ou intercostaux se partage en sortant des trous de conjugaison en deux branches : L’une, postérieure, qui se ramifie dans les muscles des gouttières vertébrales et fournit à la peau du dos ; L’autre, antérieure, plus volumineuse, qui, d’abord sous-pleurale, devient ensuite sous-musculaire; elle se termine près du sternum en perforant l’espace intercostal et en se ramifiant dans les tégumens du thorax et de l’abdomen. Vers le milieu de leur trajet, les branches antérieures fournissent, à savoir : celles des premier, deuxième, troisième nerfs intercostaux, un rameau brachial, anastomosé avec le plexus de ce nom, et celles des nerfs intercostaux suivans, un rameau pectoral externe qui se perd dans la peau de la partie correspondante du thorax. En résumé, les filets cutanés des nerfs intercostaux correspondent à trois points principaux : 1° en arrière, à l’émergence des nerfs dorsaux (que l’on peut considérer comme autant de rameaux perforons posté- rieurs) ; 2° latéralement, aux filets brachiaux et pectoraux externes (rameaux perforons moyens) ; 3° en avant, aux filets situés un peu en dehors du sternum ou du muscle droit (rameaux perforons antérieurs de M. le professeur Cruveilhier), 1818. Symptômes, — Douleur occupant plus souvent le côté gauche 200 PATHOLOGIE MÉDICALE. de la paroi thoracique que le droit, ou siégeant dans les deux cotés à la fois, rarement bornée à un seul espace intercostal ; existant de préfé- rence dans les sixième, septième, huitième espaces; d’une intensité qui varie dans des limites fort étendues, à ce point que chez certains malades il faut une exploration attentive pour en constater l’existence, tandis que d’autres accusent spontanément des souffrances insupportables. La distinction entre la douleur spontanée et la douleur provoquée par la pression a ici d’autant plus d’importance que l’un de ces modes peut s’observer en l’absence de l’autre. a. La douleur spontanée est de deux espèces : l’une continue, sourde, contusive ; l’autre intermittente, revenant à des intervalles irréguliers, beaucoup plus vive, donnant la sensation d’une déchirure, d’un tiraille- ment, d’une commotion électrique, etc. Tantôt diverses sensations sont fixées dans un ou plusieurs points de l’espace intercostal, tantôt elles s’élancent dans toute la longueur du nerf (douleurs en ceinture), d’au- tres fois, enfin, elles partent d’un point de son trajet et courent le long des branches qui s’en détachent, La douleur spontanée sous l’une et l’autre forme, mais surtout la douleur aiguë et paroxystique, manque assez souvent dans la névralgie intercostale. Quand elle existe, elle s’ac- compagne d’accélération du pouls, de malaise général, d’altération des traits; elle augmente par les mouvemens du thorax la toux, l’éternu- ment, et surtout par la pression. Toutefois, chez certains malades, la pression procure du soulagement : un homme atteint depuis longues années d’une névralgie très intense de l’une des parties latérales de la poitrine, usait scs vêtemens à force d’appuyer à tout instant ses mains sur la région occupée par la douleur (llomberg). b. Le plus souvent, la pression non-seulement exaspère la douleur spontanée, mais fait découvrir des points douloureux qui, sans ce moyen d’investigation, pourraient passer inaperçus. Ces points, très limités, puisqu’ils n’ont guère que 2 centimètres d’étendue, et placés à des in- tervalles assez grands sur le trajet du nerf, correspondent à l’émergence des principaux fdets cutanés. Ils sont situés : 1° Le postérieur, ou vertébral, le plus fréquent de tous, un peu en dehors des apophyses épineuses, à peu près vis-à-vis la sortie du nerf par le trou de conjugaison ; 2° le latéral, h la partie moyenne de l’espace intercostal ; 3° l'antérieur, sternal ou épigastrique, plus fréquent que le précédent, occupe l’intervalle des cartilages costaux près du sternum ou dans l’une des moitiés de l’épigastre. — En appuyant le doigt sur l’un de ces points, on détermine assez souvent un retentissement dou- loureux dans les deux autres. c. Mais, de même que nous avons vu la névralgie intercostale exister quelquefois seulement à titre de douleur provoquée par la pression et sans qu’il se manifeste spontanément aucune souffrance notable; de même, dans d’autres cas, des sensations spontanées correspondant exac- tement au trajet des nerfs intercostaux sont accusées par des malades chez lesquels la pression ne fait pas découvrir les points douloureux indiqués par Valleix. d. Assez fréquemment la névralgie intercostale coïncide avec d’autres douleurs occupant les nerfs du plexus lombo-abdominal, avec une gas- tralgie, divers troubles névropalhiques; l’irradiation de la douleur inter- costale vers le bras s’accompagne quelquefois de palpitations, de gène de la respiration. (Yoy. Angine de poitrine.) D’après M. le professeur Piorry, les névralgies des espaces intercostaux inférieurs du côté gauche don- neraient lieu à des accès fébriles en produisant une augmentation du volume de la rate (splénomégalie). 1819. Marche, durée, terminaison. — Le début est rarement brus- que ; lorsque la maladie a acquis tout son développement, les exacer- bations et les soulagemens momentanés se succèdent de la manière la plus irrégulière pendant tout le jour; la nuit est presque toujours assez calme. Quant à une véritable périodicité typique, c’est un phénomène très rare. Parmi les causes qui produisent l’exaspération des douleurs, il en est de complètement inconnues ; on doit noter cependant l’époque des règles, le froid, les temps de neige, les vents du nord et du nord-est, comme amenant en général des recrudescences. La cessation de la ma- ladie n’a lieu brusquement que dans un petit nombre de cas; presque toujours son déclin est graduel comme son invasion. Sa durée, comme celle des autres névralgies, est assez longue et embrasse plusieurs mois, plusieurs années même. La maladie se dissipe quelquefois d’elle-même ou alterne avec l’affection douloureuse d’autres nerfs. Après la guérison, les récidives sont fréquentes. 1820. Étiologie. — Le jeune âge (surtout de vingt à trente ans), le sexe féminin, une constitution délicate, le tempérament nerveux et l’existence antérieure ou actuelle de symptômes névropalhiques, con- stituent des prédispositions incontestables à la névralgie intercostale. Elle survient plus souvent dans la saison froide que pendant la saison chaude. La plupart des auteurs considèrent le refroidissement du corps comme donnant fréquemment lieu à cette maladie (névralgie rhumatis- male) ; il en est de même des causes mécaniques et du traumatisme que le docteur Porter signale comme en étant les causes les plus fré- quentes. M. le professeur Laugier insiste souvent dans scs leçons sur les symptômes névralgiques qui accompagnent les contusions du thorax. Des douleurs excessives précèdent quelquefois le zona des parois pectorales, persistent pendant l’éruption, et même très longtemps après qu’elle a disparu. On ne saurait méconnaître entre celle variété d’herpès et les névralgies une connexion que les faits rendent extrêmement pro- bable (l) ; mais en représentant le zona comme une cause de névralgie, MÈV ROSES. 201 (I) Ces faits sont de deux sortes. Les uns démontrent que chez les malades 202 PATHOLOGIE MÉDICALE. on fait une hypothèse que rien ne justifie.— Les maladies de la moelle s’accompagnent assez souvent de douleurs sur le trajet des nerfs inter- costaux, et, bien que ces douleurs s’éloignent notablement du type décrit précédemment, elles méritent cependant d’être signalées comme l’une des variétés de névralgie symptomatique.— D’après certaines idées que nous aurons h exposer plus tard, les névralgies thoraciquesse rattachaient fréquemment à cet état de souffrance toute dynamique du centre rachi- dien que l’on a désigné sous le nom à'irritation spinale. — Il se peut, dit Romberg, que le gonflement des veines rachidiennes comprime les nerfs au niveau des trous de conjugaison et y fasse naître des douleurs névral- giques.— D’après Heule, la facilité avec laquelle des stases veineuses se font dans la moitié gauche du corps (en raison des dispositions anato- miques normales défavorables à la progression du sang noir vers le cœur) rendrait compte de la fréquence des névralgies intercostales et lom- baires 'a gauche, là où les origines des nerfs sont exposées h une certaine pression de la part des plexus veineux distendus. Une question étiologique d’une grande importance, mais très diver- sement résolue par les auteurs, est celle des relations qui existent entre la névralgie intercostale et divers étals morbides des viscères thoraciques et abdominaux, a. La douleur de côté qui accompagne la pleurésie et la pneumonie, quelquefois la péricardite, serait due, d’après M. Beau, à une véritable névrite; cependant les caractères anatomiques de cette affectés de zona les douleurs sont réellement névralgiques : à cet égard, les ob- servations de MM. Bassereau, Yalleix, Délioux, etc., ne laissent guère de doute. Les autres, empruntés à l’étude du zona lui-même, nous montrent l’éruption limitée à l’un des côtés de la poitrine qu’elle embrasse en forme de demi-cein- ture, dépassant rarement la ligne moyenne, soit en avant, soit en arrière ; ils nous font voir cette éruption oblique comme les espaces intercostaux qu’elle occupe, et même plus oblique que ceux-ci, parce qu’elle s’attache au trajet des rameaux cutanés successivement émis par le nerf intercostal. Il est encore d’autres faits plus démonstratifs : quand le zona occupe la partie supérieure du thorax, il s’étend quelquefois à l’aisselle et au bras, en suivant l’anastomose des nerfs intercostaux avec ceux du membre supérieur : chez une malade de l’hôpital Saint-Louis (zona du haut de la poitrine) on voyait une traînée de vésicules des - cendre le long du trajet du nerf cutané interne et s'arrêter à l’avant-bras. On observe la même conformité entre le siège de l’éruption et le trajet des nerfs à la face, où le zona dessine sur la peau les ramifications du trijumeau; à l’ab- domen et au membre inférieur où il reproduit la marche des nerfs lombo-abdo- minaux et sciatique, etc. M. Jules l’arrot {Considérations sur le zona. Paris, 1837) a signalé une autre circonstance encore plus remarquable ; c’est que le zona au début consiste en des plaques isolées qui ne se confondent que plus tard en une éruption cohérente; or ces plaques primitives apparaissent régulièrement dans l’un ou l’autre des trois points caractéristiques de la névralgie inter- costale ; il y a, pour nous servir des expressions de l’auteur, coïncidence par su perposition des foyers d’éruption et des foyers de douleur. 203 inflammation propre du nerf ou de son enveloppe celluleuse ne sont pas toujours évidens, et l’on peut trouver dans la thèse de M. le doc- teur Léoni quelques arguraens très spécieux en faveur de la nature névralgique de cette douleur. — b. Les phthisiques ont souvent dans dilférens points du thorax, mais principalement dans ceux qui cor- respondent au sommet du poumon, siège de prédilection des tuber- cules, des douleurs plus ou moins vives que M. Beau a le premier bien signalées, et que ce savant maître assimile au point de côté de la pleurésie : il les fait également dépendre de l’inflammation du nerf qui touche à la plèvre malade. Cette hypereslhésie intercostale est d’autant plus importante à connaître qu’elle se manifeste souvent au début de la phthisie, c’est-à-dire à une époque ou les signes physiques des altérations pulmonaires sont encore peu marqués; on la trouve chez presque tous les tuberculeux à l’aide d’une pression exercée dans les [espaces inter- costaux supérieurs, principalement dans les deux premiers en avant, près de l’épaule; quelques malades l’accusent spontanément. Ce que M. Beau considère ici comme un symptôme de névrite, d’autres le rapportent à une névralgie en se fondant principalement sur l’absence dans plusieurs cas des caractères nécroscopiques propres à l’inflamma- tion des nerfs. Nous devons faire observer que l’absence de lésions dans le nerf lui-même ou dans son névrilemme ne suffit pas pour faire ad- mettre une névralgie simple ; car, si la douleur n’est pas la consé- quence directe de l’inflammation nerveuse, elle n’en reste pas moins essentiellement symptomatique, et les altérations existant dans le voi- sinage immédiat du nerf établissent une notable différence entre une pareille névralgie et celles où l’intégrité de tous les tissus est la règle. c. Y a-t-il un rapport de cause à effet entre certains états morbides des viscères abdominaux et les douleurs occupant les nerfs thoraciques? Valleix le nie d’une manière presque absolue; et cela doit être, ce médecin n’attachant en général qu’une médiocre importance au déran- gement des fonctions digestives, à moins qu’il ne fût extrêmement marqué, et dans le cas de troubles dyspeptiques légers qu’il notait lui- même chez ses malades, ayant une grande tendance à les considérer comme un effet sympathique, une conséquence de la névralgie inter- costale. Mais tout le monde s’accorde à reconnaître que cette névralgie se rencontre de préférence chez les jeunes femmes affectées de chloro- anémie et dont les fonctions digestives sont diversement troublées; qu’elle coïncide souvent avec la gastralgie; que chez les sujets atteints d’ulcère simple de l’estomac ou d’autres maladies organiques de ce viscère ou observe des douleurs épigastriques, vertébrales et thoraciques qui ont tous les caractères de la névralgie intercostale. d. M. Bassereau avait cherché à établir une connexion étiologique entre l’état de l’utérus et la névralgie que nous éludions, eu montrant que le col de la matrice présente souvent un point douloureux du côté qui NÉVROSES. PATHOLOGIE MÉDICALE. correspond au siège de la névralgie thoracique; que J’uuc de ces dou- leurs augmente avec l’autre ; qu’enfin, la pression à l’hypogastre est douloureuse chez les femmes atteintes de névralgie intercostale. Valleix a soumis celte manière de voir à une discussion critique, dont nous nous bornerons à énoncer la conclusion : suivant cet auteur, les troubles ob- servés par M. Basserean dans les fonctions de l’utérus, appartiennent, non h la névralgie intercostale, mais à la névralgie lombo-abdominale ; or, l’une et l’autre réunies se présentent assez souvent chez les femmes. A quoi l’on peut ajouter que les souffrances utérines ne sont pas tou- jours le point de départ de la névralgie lombo-abdominale, mais que dans certains cas elles en sont simplement les effets, et n’en constituent que les symptômes. C’est ce que nous examinerons plus en détail dans l’article suivant. 1821. Physiologie pathologique. ■—Il serait d’autant plus intéres- sant de connaître exactement le mode de production des névralgies intercostales qu’ici à la question du mécanisme se rattache un cer- tain nombre de points de doctrine et de pratique. Depuis que les affections douloureuses des nerfs de la vie de relation ont été l’objet de recherches plus attentives, on semble vouloir isoler complètement l’un de l’autre le contenant et le contenu des cavités splanchniques, c’est-à-dire les viscères et les parois qui les renferment. Les névralgies sont devenues ainsi des affections superficielles indépendantes, et l’on a mis en oubli les sympathies auxquelles les auteurs anciens en subordon- naient le plus souvent l’existence. L’histoire des douleurs intercostales est une de celles où il est le plus facile à saisir l’influence de cette opi- nion exclusive sur la pathologie et la thérapeutique de la maladie. Sans insister davantage sur ces considérations, nous dirons seulement quel- ques mots des trois espèces de névralgie intercostale généralement ad- mises, à savoir : l’idiopathique, la symptomatique et la sympathique. 1° Relativement à la première ou accuse à tort Yalleix d’avoir décrit sous le nom d’idiopalhique la seule névralgie rhumatismale ; ce médecin est loin de considérer l’influence du froid et des maladies rhumatis- males comme présidant d’une manière évidente à la manifestation des névralgies intercostales. Quoi qu’il en soit, la névralgie idiopathique doit être maintenue comme espèce distincte, aussi longtemps que nous ren- contrerons des faits où il sera impossible de rattacher la douleur à aucun autre état morbide appréciable, et des faits de ce genre existent incontestablement. 2° Nous ne ferons que mentionner les névralgies symptomatiques dans lesquelles la douleur résulte soit d’une inflammation des nerfs (voir ci-dessus, 1820, aclb), soit d’une compression par suite de quelque maladie des vertèbres, soit enfin d’une maladie de la moelle épinière elle-même, telle que la myélite par exemple. C’est par un mécanisme analogue à celui qui préside aux irradiations douloureuses dans ces deux derniers cas que l’on a cru pouvoir expliquer les douleurs intercostales, qui se rencontrent dans le groupe de symptômes appelé irritation spinale. Nous aurons l’occasion de discuter ailleurs cette question encore fort obscure jusqu’il présent. 3° Il nous reste a parler des névralgies intercostales sympathiques, c’est-à-dire de celles qui se rattachent à l’affection de quelque viscère, notamment du tube digestif ou de l’appareil utéro-ovarique. A. Sympathie gastrique.—Déjà les anciens observateurs connaissaient les douleurs dorsales, xiphoïdiennes et précordiales qui accompagnent les altérations organiques des voies digestives ainsi que les diverses formes de dyspepsie et de cardialgie. M. Beau a mieux encore démontré, cette étroite relation entre la névralgie et l’état de souffrance de l’estomac, état dont il ajustement pris en considération les symptômes peu marqués à peine douloureux, fréquemment inaperçus, et cependant tout aussi réels et non moins féconds en phénomènes sympathiques que les gas- tralgies les plus violentes. On ne doit pas s’étonner de voir une impression anomale, non perçue comme douleur gastralgique, faire naître cependant, par une sorte de réflexion sur les nerfs de la vie animale des douleurs plus ou moins vives dans les branches qui appartiennent au tronçon spinal correspondant. Nous rencontrerons, en effet, plus d’un exemple où des impressions sensitives tout à fait latentes ou simplement pénibles, transmises par les nerfs viscéraux, ne se convertissent en véritables sensations douloureuses que par l’intermédiaire des nerfs de la vie de relation. Il semble que ceux-ci sont alors chargés de traduire l’affection de ceux-là. Dans le cas qui nous occupe, on peut admettre que l’impression sensitive, conduite par les filets du grand sympathique qui se distribuent à l’estomac, ar- rive à travers les plexus, les ganglions et les nerfs splanchniques jusqu’à la moelle épinière, d’où elle se réfléchit dans les nerfs intercostaux en changeant de caractère, soit que là seulement elle se transforme en sensation douloureuse, soit qu’étant primitivement douloureuse, elle le devienne d’une manière différente.—M. Léoni réfute comme il suit quel- ques-unes des objections que cette théorie paraît soulever au premier abord : « Comment se fait-il que la névralgie intercostale, qui est symptoma- tique d’une dyspepsie, ne siège pas toujours dans les sixième, septième et huitième espaces intercostaux qui correspondent à peu près aux points où l’excitation est portée par le grand sympathique? Pour expli- quer la douleur qui siège au-dessus du septième espace intercostal, on peut répondre en invoquant la disposition anatomique du nerf grand splanchnique, qui tire sou origine, non-seulement des septième, hui- tième, neuvième ganglions thoraciques, maiscncore du sixième et même du cinquième ganglions. Quant à la douleur qui siège dans les espaces inférieurs, on en trouve encore une raison satisfaisante dans le nerf NÉVROSES. 205 206 PATHOLOGIE MÉDICALE. petit splanchnique qui envoie des filets de communication au ganglion semi-lunaire. Mais en dehors de cette raison anatomique, qui a certai- nement sa valeur, la physiologie nous vient en aide pour présenter une explication qui n’est pas à dédaigner. » Ici l’auteur cite les expériences qui montrent l’action réflexç proprement dite (d’un nerf sensitif à un nerf moteur) s’étendant quelquefois à une grande distance des nerfs in- cidents chargés de conduire l’impression sensitive. Les mêmes raisonnemens pourraient s’appliquer aux névralgies intercostales dont le point de départ se trouverait dans un état morbide des autres organes abdominaux (foie, rate, etc.); mais les cas où une pareille origine est bien constatée sont jusqu’à présent assez rares. B. Sympathie utéro-ovarienne. — M. Bassereau a signalé la né- vralgie intercostale comme se rencontrant souvent avec divers troubles fonctionnels de l’utérus, et les recherches postérieures au travail de ce médecin, loin d’en contredire les conclusions, les ont au contraire confirmées par de nouveaux faits, tout en les modifiant en quelques points. II reste établi que l’existence simultanée d’une affection utérine et d’une névralgie intercostale est chose fréquente; mais celte associa- tion, au lieu d’être toujours l’effet d’une sympathie directe dont l’utérus serait le point de départ, peut reconnaître pour cause : 1° la coïnci- dence tout accidentelle d’une névralgie intercostale avec une névralgie lombo-abdominaie, celle-ci étant elle-même indépendante de toute affec- tion primitive des organes génitaux, mais réagissant sur eux de manière à y déterminer des troubles consécutifs (Yalleix) ; T la coexistence d’une névralgie intercostale, phénomène sympathique de la dyspepsie, et d’une névralgie lombo-abdominaie, phénomène sympathique de l’état de l’ap- pareil génital interne. Une pareille association, loin d’être fortuite, s’ex- pliquerait par la fréquence bien connue de la dyspepsie à la suite d’un trouble des fonctions utérines ou ovariennes ; 3° enfin l’état de l’utérus peut encore directement influencer les nerfs intercostaux sans avoir au préalable endolori ceux du plexus lombo-abdominal. En effet, les nerfs thoraciqucs et les nerfs abdominaux forment comme un seul système, et dès lors une même cause peut les affecter dans leur ensemble ; nous connaissons, en outre, plus d’un exemple où la douleur apparaît dans un point fort éloigné de celui qui correspond en apparence au lieu d’ar- rivée du nerf centripète, c’est-à-dire du point où semble aboutir l’im- pression périphérique; ne venons-nous pas d’invoquer tout h l’heure même cette particularité pour rendre raison du siège inégalement élevé qu’affecte, suivant les cas, la névralgie intercostale d’origine gastrique? G. Les troubles de la digestion et ceux des fonctions utéro-ovariennes, s’accompagnent très souvent d’un état de faiblesse irritable (état ner- veux, hystérie, chloro-anémie) qui favorise à un haut degré la manifes- tation de douleurs névralgiques dans diverses parties du corps. Cette condition de l’ensemble vivant domine les états morbides locaux, et concourt sans cloute puissamment avec eux h la production des né- vralgies intercostales ; on peut l’envisager comme la cause prédispo- sante générale et n’attribuer aux souffrances de tel ou tel organe que la seule détermination du siège des douleurs sympathiques. Quant au point de coté, symptôme de la pleurésie, de la pneumonie, de la péricardite, il ne serait certes pas difficile de s’en rendre compte par les connexions des nerfs ganglionnaires que reçoivent ces organes avec les nerfs des parois du thorax, au travers du centre rachidien ; mais il faudrait d’abord que la nature névralgique et le caractère sympa- thique de ces douleurs fussent bien démontrés, et que l’on fût autorisé à négliger les lésions inflammatoires du nerf endolori ou des tissus qui l’avoisinent. —Pour l’interprétation de la névralgie intercostale, celle-là bien positive, qui accompagne quelquefois l’angine de poitrine, nous y insisterons en parlant de cette dernière maladie. (Voy. aussi l'article Irritation spinale.) 1822. Diagnostic. — 1° Au début d’une inflammation aiguë des organes pectoraux, alors qu’avec des signes physiques nuls ou à peine marqués, il existe une douleur vive dans l’un des côtés de la poitrine, on pourrait croire à l’existence d’une simple névralgie intercostale. Mais, en constatant un mouvement fébrile, divers troubles fonctionnels, l’ab- sence de foyers douloureux occupant des régions déterminées, on évitera l’erreur qui bientôt, du reste, deviendrait impossible, la percussion et l’auscultation venant éclairer le diagnostic.—De môme, si l’on rencontre un point douloureux dans la paroi abdominale, il faudra se souvenir du trajet très oblique affecté par les nerfs intercostaux inférieurs, et si l’on joint à la constatation de la névralgie l’examen physique et fonc- tionnel des organes abdominaux, on évitera encore la méprise assez com- mune qui consiste à prendre de semblables douleurs pour le signe de quelque inflammation viscérale, d’un phlegmon, etc. 2° La difficulté est plus grande lorsqu’il s’agit de distinguer la né- vralgie qui nous occupe de certaines douleurs occupant les muscles intercostaux et appartenant tantôt au rhumatisme des parois thoraciques, tantôt à une névralgie musculaire, sur laquelle M. Briquet a récemment attiré l’attention en la signalant comme très fréquente dans l’hystérie. Voici d’abord à l’aide de quels signes Valleix distingue la névralgie intercostale du rhumatisme des parois thoraciques. « Ce rhumatisme peut existerdans différents points où il nous importe de l’étudier séparément. Lorsqu’il a son siège dans les parties latérales et vers le tiers moyen de la courbure des côtes, on lui donne plus parti- culièrement le nom de pleurodynie, .l’ai eu rarement l’occasion d’ob- server des cas semblables, ce qui tient surtout à ce que la plupart de ces pleurodynies ne sont autre chose que des névralgies intercostales. Lorsque la douleur peut être rapportée au rhumatisme musculaire, elle occupe un espace plus étendu, mal circonscrit. La douleur à la pression NÉVROSES. 207 208 est, en général, moins vive, et l’on ne trouve pas les points limités dont j’ai parlé. Dans aucun cas, on ne constate une douleur siégeant unique- ment dans deux points situés à une distance très grande l’un de l’autre, comme dans la névralgie dorso-intercostale. Lorsque le rhumatisme est violent, la douleur est moins vive à la pression que dans les mouve- mens du tronc et dans les efforts de la toux, ce qui n’a pas lieu dans la névralgie. Quant aux élancemens, ils n’ont pas de caractère distinctif bien tranché, et c’est ce qui explique comment, en négligeant l’examen direct des parois de la poitrine, on a pu commettre de nombreuses erreurs.— Quand le rhumatisme est situé à la région dorsale, la distinc- tion peut être un peu plus difficile. On sait en effet que les muscles trapèze et rhomboïde viennent s’insérer, l’un à toutes les apophyses épineuses de celte région, l’autre aux premières seulement, et comme dans les cas de rhumatisme musculaire, c’est souvent aux attaches des muscles que la douleur se fait sentir avec le plus de force, il s’ensuit qu’un observateur peu attentif pourrait s'y méprendre. Mais dans les cas de ce genre qui se sont présentés à moi, j’ai distingué le rhumatisme aux signes suivans : lorsque la douleur siégeait uniquement dans le tra- pèze, on trouvait une sensibilité augmentée, non-seulement vers les apophyses épineuses dorsales, mais encore le long du ligament cervical. Les attaches supérieures du trapèze à l’occipital étaient douloureuses à la pression, ainsi que celles qui fixent ce muscle à l’épine de l’omoplate. De plus, il y avait une douleur marquée, quoique moins forte, dans l’intervalle de ces points, et ce qu’il importe de noter, c’est qu’à la région dorsale, la sensibilité morbide n’était pas plus vive dans l’inter- valle des vertèbres et en dehors des apophyses épineuses que sur ces apophyses elles-mêmes. Les élancemens se faisaient sentir dans le cou. Lorsque le rhumatisme affecte principalement le muscle rhomboïde, la douleur occupe la partie inférieure du ligament cervical et les pre- mières apophyses épineuses dorsales, mais elle a les caractères que je viens d’indiquer. On trouve en outre le long du bord spinal de l’omoplate une douleur de même nature qui en occupe toute la hauteur, et en pres- sant sur la surface du muscle, on détermine une douleur ordinairement peu vive. Les élancemens dans un cas montaient delà poitrine vers l’épaule en passant sur l’omoplate, direction bien différente de celle des élance- mens névralgiques. Mais la plus vive douleur dans tous ces cas de rhuma- tisme se fait sentir dans les mouvemens qui nécessitent la contraction des muscles malades, et celte douleur acquiert son summum d’intensité lorsque le sujet change brusquement de position. Il est presque inutile de faire voir combien la névralgie dorso-intercostale diffère de ces dou- leurs musculaires : siège plus limité et tout à fait différent ; points dou- loureux circonscrits et disséminés dans un long espace sur le trajet d’un nerf ; élancemens parcourant souvent le même trajet ; douleurs beaucoup moins vives dans les mouvemens delà tête et des membres, tels sont les PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES, 209 signes qui distinguent la névralgie. On peut en outre opposer le succès dos émissions sanguines locales et la promptitude avec laquelle le rhu- matisme disparaît quelquefois spontanément en peu dejours.au peu d’avantages que l’on retire du même traitement contre la névralgie et à l’opiniâtreté avec laquelle celte maladie persiste souvent. » Les détails du diagnostic différentiel qui précèdent nous ont paru d’autant plus intéressans qu’ils renferment en abrégé l’histoire généra- lement assez peu connue du rhumatisme musculaire, et qu’on peut en faire l’application à l’étude d’autres maladies caractérisées également par le seul endolorissement des muscles. Dans un travail publié dernière- ment, M. Briquet affirme que la névralgie intercostale vraie, contraire- ment à l’opinion reçue, est très rare dans l’hystérie, et que les douleurs si fréquemment observées chez les sujets névropalhiques ont presque toutes leur siège dans les muscles eux-mêmes. Celte myosalgie ou myo- dynie peut occuper tous les muscles du corps, elle prédomine souvent dans ceux des parois thoraciques et abdominales; de là, production de rachialgies, de pleur algies, d ' épigastr algies, que l’on prend trop faci- lement pour les trois points de la névralgie intercostale, il appartient aux observations à venir de fixer la science sur ce point intéressant, et de déterminer surtout quel degré d’importance il convient d’attacher à la distinction entre la névralgie intercostale et cette myosalgie; peut-être n’y a-t-il entre elles d’autre différence que celle qui sépare l’affection des filets cutanés de l’affection des filets musculaires des mêmes nerfs intercostaux. Il nous suffit pour le moment de faire remarquer que les caractères indiqués ci-dessus, et notamment la présence de points dou- loureux circonscrits, servent de base à ce diagnostic, comme à celui de la névralgie intercostale et du rhumatisme musculaire. M. Briquet attache, en outre, une importance particulière au signe suivant; lorsqu’on excite la superficie du muscle, en la grattant pour ainsi dire avec l’extrémité des doigts, sans exercer une pression capable d’aller au delà, on réveille la douleur qui occupe le tissu charnu, tandis qu’il faudrait appuyer beaucoup plus énergiquement pour qu’un point de névralgie devînt manifeste. 3° L'angine de poitrine ne pourrait guère être confondue avec une simple névralgie des nerfs intercostaux. Dans la première, la douleur qui s’étend souvent au membre supérieur, apparaît sous la forme d’accès irréguliers, ne durant ordinairement pas plus d’un quart d’heure, sur- venant presque toujours pendant la marche sur un terrain inégal ou dans de grands efforts et accompagnés d’une angoisse telle, bien que la respiration ne présente pas de trouble apparent, que les malades se croient sur le point d’être suffoqués; autant de caractères qui appar- tiennent en propre à cette maladie. Mais ce qu’il importe de signaler, c’est moins la différence entre l’angine de poitrine et la névralgie consi- dérée à l’état d’isolement, que la coïncidence réelle d’une névralgie in- 210 PATHOLOGIE MÉDICALE. tercostale et cervico-brachiale avec certains cas d’angine de poitrine ; si alors on reconnaît seulement la névralgie des parois, on porte un dia- gnostic non point erroné, mais essenliellement incomplet. k° La rachialgie symptomatique des maladies de la moelle et de ses en- veloppes (y compris l’enveloppe osseuse), s’accompagne souvent de dou- leurs en ceinture, et ce sont là de véritables névralgies, quoi qu’on en ait dit ; mais il y a pour le praticien un grand intérêt à établir si elles dé- pendent d’une altération matérielle du centre spinal, ou si elles en sont indépendantes : il y parviendra en considérant les symptômes conco- mitans, fébriles, convulsifs, paralytiques, qui manquent dans la né- vralgie intercostale simple, et d’une autre part, en étudiant la douleur en elle-même : dans les affections rachidiennes, elle se montre des deux côtés à la fois et avec une intensité égale, la pression sur les nerfs n’est généralement pas douloureuse, et ne l’est surtout pas dans les trois régions qui constituent les foyers de la névralgie ordinaire, — Les mêmes considérations serviront de guide dans le diagnostic des douleurs produites par la carie des vertèbres ou des côtes, par le cancer et l’ulcère simple de l’estomac, par certains anévrysraes de l’aorte, lorsque ces douleurs s’étendent aux nerfs intercostaux ; quant à la dou- leur locale qui existe en pareil cas au niveau des vertèbres, de l’es- tomac, etc. ’ elle diffère assez d’un point névralgique pour qu’avec un peu d’attention on parvienne toujours à l’en distinguer. 5° Dans la maladie décrite sous le nom d’irritation spinale, on con- state une douleur vive spontanée ou provoquée par la pression, soit au sommet des apophyses épineuses, soit dans l’une des gouttières verté- brales, le plus souvent à gauche; c’est encore une douleur névralgique, et tout le problème consiste à établir la relation entre ce symptôme douloureux et l’ensemble des phénomènes morbides. Nous examinerons ce sujet dans l’article consacré à l’irritation spinale. 1823. Pronostic. — Il est presque toujours sans gravité, ou n’en a d’autre, quand la névralgie est symptomatique, que celle empruntée aux affections viscérales dont la douleur est la conséquence. Cependant la longue durée du mal, son intensité quelquefois considérable et qui aug- mente avec son ancienneté, la fréquence des récidives, ne laissent pas que de rendre celte névralgie très pénible. Est-elle liée à des affections viscérales graves, coïncide-t-elle avec des névralgies disséminées dans d’autres points du corps, est-elle enfin devenue, en quelque sorte, constitutionnelle à force de se répéter, sa guérison devient d’autant plus difficile. 182ô. Traitement. — 1° Supposons que l’on se trouve en présence d’une névralgie intercostale simple, sans relation évidente avec aucun autre état morbide général et local ; un traitement dirigé contrôla dou- leur peut alors suffire. 11 est d’expérience que les déplétions sanguines locales restent généralement sans effet dans cette névralgie, et que la névroses. quinine, même dans les cas exceptionnels où l’on observe une sorte de périodicité, ne donne guère de résultats satisfaisans. L’usage des topi- ques, narcotiques, chloroformés, etc., l’électricité, l’administration des opiacés à l’intérieur, ont été essayés avec des résultats variables; le seul moyen (dit Yalleix) qui ait pour lui jusqu’il présent la sanction de l’ex- périence, et qui se recommande par des succès nombreux et rapides, c’est l’emploi des vésicatoires volans disséminés sur les divers points; on peut y joindre des pansemens avec la morphine. On recommande aux malades d’éviter les refroidissemens, de se couvrir la poitrine de flanelle, etc. 2“ Mais bien souvent la névralgie n’est que le retentissement d’un état morbide viscéral et l’effet d’une condition pathologique de l’économie entière, et c’est là ce qui mérite l’attention du médecin bien plus en- core que la douleur elle-même. La fréquente coïncidence de la névralgie qui nous occupe avec différentes formes de dyspepsie cônduit à l’usage des moyens hygiéniques et pharmaceutiques que réclament cet état des voies digestives et l’anémie coïncidante. Le succès des ferrugineux et des toniques dans la névralgie intercostale ne s’explique pas autrement. Quant aux détails de la médication, ils sont consignés aux articles dys- pepsie, gastralgie, état nerveux, etc. ARTICLE VIII NÉVRALGIE MAMMAIRE. 1825. Cette maladie, également désignée sous les noms de mamelle irritable, de tumeur irritable du sein, de mastodynie, peut être consi- dérée comme une dépendance de la névralgie intercostale, puisque l’or- gane qu’elle a pour siège reçoit ses nerfs principalement des deuxième, troisième, quatrième, cinquième nerfs thoraciqnes (il s’y joint quelques fdets fournis par les branches du plexus cervico-brachial). La névralgie mammaire ayant été décrite avec détails dans la partie chirurgicale de cet ouvrage [Elémens de pathologie chirurgicale de M. le professeur Nélaton continués par M. le docteur Jamain, t. IV), nous nous croyons dispensé d’y consacrer de nouveaux développemens. Mais nous devons dire un mot de l’opinion émise par Yalleix au sujet de cette névralgie. D’après cet auteur, il y aurait toujours ou presque toujours dans la mas- todynie, concurremment avec l’endolorissement de la mamelle, une affection des nerfs intercostaux correspondans, reconnaissable à ses points douloureux. On peut citer en elfet deux ordres d’observations où se remarque la simultanéité de ces deux névralgies : 1° Les cas où la mastodynie est l'affection prédominante, et dans les- quels par une exploration méthodique des espaces intercostaux on trouve un ou plusieurs points douloureux sur le trajet des nerfs correspondans. 212 PATHOLOGIE MÉDICALE. Yalleix a cité quelques exemples de ce genre recueillis par lui-même ou empruntés à M. Robert ; 2° D’autres faits s’observent encore où c’est la névralgie intercostale, idiopalhique ou sympathique, qui est l’élément principal de la maladie, et où la mastodynie ne paraît être que l’un des foyers de la névralgie thoracique. Ces faits sont les plus rares ; le suivant, rapporté par M. Gcn- drin, en a d’autant plus d’intérêt: « Nous avons donné des soins à une demoiselle affectée de cardio-entéralgie chronique, chez laquelle ce symptôme (douleur mammaire) était le symptôme le plus prononcé de la maladie ; elle était lérébrante et presque continue ; elle s’exaspérait la nuit ; elle avait son siège au-dessus du niveau du mamelon et en de- hors de la glande mammaire. La malade était tourmentée de la crainte d’un cancer dans cette région. Celte douleur disparut avec les accidents de la cardialgie chronique par l’usage des eaux de Spa ; elle se repro- duisit l’année suivante avec le retour des accidents dyspepsiques »(Traité philosophique de médecine pratique, t. III, p. 527). M. le docteur Léoni (Thèse citée) dit avoir noté que, chez les nourrices dyspepti- ques, le point latéral ou moyen de la névralgie intercostale est plus fréquent que les points antérieur et postérieur ; il est naturel de sup- poser que l’état tout particulier de la mamelle pendant la lactation vient ici se joindre à l’affection gastrique pour produire la névralgie in- tercostale. Mais, le plus souvent, contrairement aux prévisions de Valleix, la né- vralgie mammaire est indépendante de toute affection des nerfs intercos- taux. Aux faits nombreux cités par les auteurs, nous pouvons ajouter le suivant: Une femme âgée de quarante ans, admise en 1850 dans le service de M. le professeur Laugier, à la Pitié, éprouvait depuis longues années d’atroces douleurs dans les mamelles; les deux seins portaient les cica- trices de nombreuses incisions faites pour diviser ou extirper des lo- bules douloureux de la glande ; les douleurs revenaient toujours avec la même intensité. Cette malade n’avait pas trace do névralgie intercos- tale ; on remarquait chez elle une sorte de marasme nerveux et un affaiblissement des facultés intellectuelles, mais elle n’éprouvait ni symptômes bien saillants de dyspepsie ni préoccupation hypochon- driaque. Nous ne ferons que rappeler en quelques mois les symptômes de la mas- lolynie : des douleurs aiguës, lancinantes ou semblables à des commotions électriques se font sentir, par intervalles plus ou moins rapprochés, à la surface et dans la profondeur de l’une des mamelles ou des deux à la fois ; douleurs qui traversent le sein comme un trait et vont se propageant dans l’espace intercostal, à Faisselle, à l’épaule, jusqu’au coude ou même jusqu’aux doigts; il y a dans la mamelle des alternatives fréquentes de chaleur et de froid ; des vomissemens surviennent souvent dans les pa- roxysmes violens, Le séjour au lit, le décubitus sur le côté malade, la NÉVROSES. 213 traction que le sein abandonné à son poids exerce sur les tégumens, le seul contact des vêtemens, déterminent souvent l’exaspération de la dou- leur. Celle-ci s’accroît assez notablement à l’époque des règles. Elle persiste ou récidive après des intervalles variables, pendant de longues années. On n’a pas vu cette névralgie survenir avant l’époque de la pu- berté ; c’est de seize à trente ans qu’elle se rencontre le plus souvent, suivant e. Romberg; W. Velpeau l’a vue surtout chez les femmes qui approchaient de la ménopause. On en a rencontré quelques cas chez l’homme.— Les causes sont obscures : prédisposition aux maladies ner- veuses, menstruation irrégulière, leucorrhée, chocs reçus sur la ma- melle. — Le diagnostic se fonde sur l’absence de toute altération et le contraste entre cette intégrité des tissus et l’intensité extrême des dou- leurs qui reviennent par paroxysmes irréguliers. Nous ne parlons ici que de la névralgie sans tumeur appréciable. Lorsqu’il existe quelques indu- rations, leur petit volume, leur état longtemps stalionnaire, joints à l'excessive sensibilité de la mamelle éloignent encore le soupçon d’une grave altération de structure. — Quant au pronostic, il est relativement assez favorable, la névralgie n’ayant [aucun rapport avec les tumeurs malignes du sein. Traitement : c’est celui des névralgies en général; des opérations ont été tentées avec des succès divers. ARTICLE IX. NÉVRALGIE LOMRO-ABDOMINALE. 1826. Bibliographie. — Outre les ouvrages déjà cités qui traitent soit des névroses en général (1769), soit en particulier des névralgies (1786), on pourra consulter: ' Des névralgies lornbo-abdominales symptomatiques d'une affection utérine, iu Union médicale, 1850, P. Niugourt. — De la névralgie lombaire ou névralgie des plexus lombaires et sacrés, in Archives gén. de méd., 5e série, t. XII, 1858. 1827. Définition. —Névralgie ayant pour siège les rameaux sensitifs des nerfs lombaires. Ces nerfs, au nombre de cinq, se divisent, à leur sortie des trous de conjugaison, en branches postérieures et en branches antérieures. Les brandies postérieures appartenant aux régions lombaire et fessière se dis- tribuent : les trois premières, à la fois aux muscles de la masse commune et à la peau ; les deux dernières aux muscles seuls. Les branches anté- rieures forment par leurs anastomoses le plexus lombaire d’où naissent trois branches terminales : le nerf crural, le nerf obturateur et le nerf lornbo-sacré (ce dernier établissant la communication avec le plexus PATHOLOGIE MÉDICALE. sacré), et quatre branches collatérales : trois externes qui sont la grande abdominale ou ilio-scrotale ; la petite abdominale ou petite ilio-scrotale; Vinguino-cutanée, et une interne : la branche génito- crurale. Les branches postérieures des nerfs lombaires et les branches anté- rieures du plexus de ce nom doivent surtout être prises en considération dans l’histoire de la névralgie que nous allons décrire; quant aux'bran- ches de terminaison, leurs névralgies seront exposées dans un chapitre spécial. 1828. Symptômes. — Ils ont la plus grande analogie avec ceux de la névralgie intercostale; la douleur occupe le plus souvent le côté gauche; elle est de deux sortes : 1° lancinante et revenant par accès plus ou moins bien caractérisés ; 2° gravative, continue et fixe. Les points douloureux, qui présentent souvent une étendue de plusieurs centimètres, se ren- contrent : 1° A la région lombaire; là, en dehors des vertèbres lombaires, on rencontre une série de foyers correspondans à l’émergence des bran- ches postérieures : points lombaires. 2° A la partie inférieure de la paroi abdominale : a, au-dessus de la crête iliaque, à peu près vers le milieu de la longueur de cette éminence où les rameaux externes des branches postérieures la croisent presque perpendiculairement : point iliaque; b, à l’hypogastre, vers la partie in- férieure du muscle droit, où viennent se perdre les derniers filets des branches abdominales : point hypogastrique ; c, dans l’aine, au-dessus du ligament de Fallope, à l’endroit où le rameau génital de la branche génito-cruralesort par l’orifice externe du canal inguinal : point inguinal. 3° Dans la peau du scrotum ou de la grande lèvre : point scrotal ou volvaire qui correspond à la terminaison du même nerf. Valleix con- fondait à tort le point scrotal avec la névralgie spermatique, décrite sous le nom de testicule irritable. Il est rare que tous ces points réuuis se rencontrent chez le même sujet. Les points postérieurs sont les plus fréquens, et ce sont les points hypo- gastrique et scrutai qui manquent le plus souvent, de manière que dans le plus grand nombre des cas, la douleur occupe uniquement les bran- ches postérieures qui ne parviennent pas jusqu’auprès de la ligne blan- che, et qu elle siège surtout dans la branche postérieure de la première paire lombaire dont les filets coupent verticalement la crête iliaque pour se porter à la peau de la fesse (Valleix). A ces points douloureux il faut en ajouter un plus remarquable signalé par le même auteur, dans l’une des moitiés du col utérin, le plus souvent dans la moitié gauche de ce col. 1829. Complications. — Souvent la névralgie lombo abdominale est accompagnée de celle d’un ou de plusieurs nerfs intercostaux; plus souvent peut-être elle coïncide avec divers points douloureux accusés NÉVROSES. 215 par les malades clans des régions où se ramifient les branches du plexus sacré (sacrum, siège, périnée, etc.). Des troubles variés ob- servés dans les organes pelviens ont été considérés tantôt comme des complications, tantôt comme des symptômes de la névralgie qui nous occupe. Sous le rapport de la marche, de la durée et des terminaisons, nous ne pourrions que reproduire ce qui a été dit à l’occasion de la névralgie intercostale. Il en est encore à peu près de même des causes qui produisent l’une ou l’autre; mais un point spécial dans Pédologie delà névralgie lombo-abdorninale, c’est qu’elle dépend souvent chez la femme d’une maladie de l’appareil génital interne. !,a proportion des faits où cette relation existe positivement aux faits où son absence est bien constatée, mériterait d’être fixée par des recherches statistiques. Toujours est-il que la névralgie sympathique est fréquente et que les conditions mor- bides les plus variées peuvent lui servir de point de départ, depuis la congestion cataméniale jusqu’aux cancers de l’utérus. Cet organe n’est pas le seul dont les nerfs lombo-abdominaux traduisent les altérations; les ovaires et surtout celui du côté gauche, d’après M. Piorry, sont dans les mêmes cas. Quant à la vessie, les faits ne sont pas encore assez nom- breux pour que les maladies de ce viscère puissent être admises au nombre des causes avérées de névralgie lombo-abdominale ; cependant il est probable que tous les organes contenus dans le bassin et dont les nerfs ont des connexions avec le plexus lombaire peuvent donner lieu à cette affection sympathiquement. 1830. Physiologie pathologique. —■ Il est parfaitement vrai qu’une névralgie lombo-abdominale n’implique pas nécessairement chez une ma- lade qui en est atteinte une lésion matérielle ou fonctionnelle de l’apparei génital; puisque cette névralgie se rencontre chez l’homme, en l’absence de tout autre symptôme, force est bien d’admettre aussi que dans l’autre sexe efe peut être observée à l’état idiopathique. Mais sa coïncidence avec les maladies de l’appareil génital interne est un fait d’observa- tion journalière, et qui ne peut être mis en doute, ipas plus que l’in- fluence d’un état nerveux général favorisant la manifestation de cette né- vralgie comme il le fait de toutes les autres; état presque toujours très marqué chez les femmes dysménorrhéiques ou affectées de métropa- thies. En dehors même de la névralgie bien caractérisée, des relations évidentes existent entre les nerfs lombo -abdominaux et l’appareil génital interne de la femme. Exemple : Les douleurs spontanées qui accompa- gnent les tumeurs de l’utérus et que tous les chirurgiens décrivent comme se faisant sentir dans les reins, les flancs, les aines, c’est-à-dire dans les régions mêmes occupées par les points douloureux que Valleix a signalés. Un autre exemple, mais moins probant parce que la compres- sion directe du plexus lombaire peut produire les effets dont il s’agit de 216 démontrer l’origine sympathique, a été cité par M. Beau : c’est celui de l’accouchement pendant lequel cet auteur assure avoir constaté que la douleur occupe les mornes points d’élection. Mais mieux que toute ana- logie, l’observation clinique prouve les relations dont il s’agit, quand elle nous montre la névralgie lombaire survenant quelquefois aux ap- proches de la première époque menstruelle pour diminuer ou disparaître ensuite; s’exagérant tous les mois chez les femmes dysménorrhéiques ; apparaissant dans la blennorrhagie au moment où l’inflammation s’étend du vagin au col utérin ; accompagnant souvent et indistinctement les con- gestions utéro-ovariques, les déplacemens, les rnétrites, les cancers de l’utérus, etc. Ajoutons que lorsqu’un point douloureux existe dans le mu- seau de tanche, ou même quand une névralgie lornbo-abdominale accom- pagne une lésion du col de la matrice, vient-on à le presser avec le doigt introduit dans le vagin, il n’est pas rare qu’une vive douleur se mani- feste dans l’aine et que les malades y portent instinctivement la main. Cet ensemble de preuves apportées par M. Beau à l’appui de sa thèse n’est-il pas de nature à entraîner la conviction (I j ? Yallcix, préoccupé de l’iso- lement des névralgies comme espèces morbides, avait lui-même constaté les relations dont il cherche à nier l’existence; on trouve dans les obser- vations qu’il cite plus d’une particularité dont l’opinion opposée pour- rait faire son profit ; et dans les lignes suivantes de son Traité il est encore plus explicite : « Les femmes affectées d’inflammation de l’utérus ou dont les règles sont difficiles, éprouvent très souvent des douleurs qui, parties des lombes, se dirigent vers le petit bassin ; ces douleurs doivent-elles être rangées dans les névralgies lombaires ? Le petit nombre des faits ne nous permet pas de nous prononcer à cet égard d’une manière positive. Je dirai, cependant, qu’ayant eu l’occasion d’observer h l’hôpital de Lour- cine une jeune fille qui, dans le cours d’une blennorrhagie, éprouva tous les symptômes d’une inflammation de l’utérus avec douleurs vives et élancemens dans les deux aines et dans la région sacrée, je ne décou- vris malgré une exploration très attentive, aucun point douloureux dans le trajet des nerfs lombaires. Il faut donc admettre que la douleur locale de l’utérus s’irradiait dans le bassin, soit en suivant les nerfs hypogas- triques vers le plexus sacré, soit par une autre voie qui nous est incon- nue. — Dans le cancer de l’utérus, des douleurs semblables, et quelque- fois bien plus violentes, se font fréquemment sentir. Dans un cas de ce genre, je n’ai pas plus découvert de signes de névralgie que dans l’in- PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) Avant la publication de M. Beau sur ce sujet, M. Noël Guëneau de Mussy avait eu l’occasion de constater des faits analogues à l’époque où il était médecin à l’hôpital de Lourciue, et les observations (inédites) qu’il y a recueillies portent souvent un double titre qui indique à la fois la nature de la maladie utérine et l’existence d’uue névralgie lombo-abdominale. flammation utérine, et j'ai cru devoir on tirer les mêmes conclusions. M. Bassereau est arrivé à des résultats semblables, » En rapprochant ces faits de ceux en grand nombre où la névralgie sympathique s'accompagne de douleur à la pression, on arriverait faci- lement à une conclusion toute différente, et an lieu de récuser l’analogie entre deux manières d’être de la même névralgie, il semblerait ration- nel de n’attacher qu’une valeur secondaire au seul phénomène qui les sépare l’une de l’autre, à savoir, la douleur à la pression. Comment l’impression morbide reçue par les nerfs ganglionnaires de l’utérus (qu’ils soient eux-mêmes ou ne soient pas douloureux) parvient- elle dans les nerfs spinaux et se traduit-elle en définitive par la névral- gie lombo-abdominale ? Par un mécanisme semblable à celui que nous avons supposé pour la névralgie intercostale sympathique, c’est-à-dire parle transport de l’impression à travers les plexus mêlés de nerfs sym- pathiques et de nerfs spinaux, jusqu’au centre nerveux cércbro-rachi- dien, d’où elle retourne à l’état de sensation perçue dans les nerfs qui émanent de la partie correspondante de la moelle. D’une autre part, quelques faits tendent à établir qu’une névralgie lombo-abdominale peut être suivie d’une névralgie viscérale consé- cutive (point utérin de Valleix); d’autres encore porteraient à croire que, dans certains cas, le système nerveux sensitif du bassin peut être pris de névralgie dans son ensemble. Mais de nouvelles études sont encore nécessaires pour élucider l’histoire de ces divers états morbides dont nous aurons d’ailleurs à parler de nouveau en traitant des viscé- ralg ies. 1831. Diagnostic. —Les douleurs musculaires, désignées sous le nom de lombago, peuvent être confondues avec la névralgie lombo-abdo- minale. Mais elles existent souvent des deux côtés, ne s’étendent pas au delà delà masse des muscles sacro-lombaire et grand dorsal,s’exaspèrent beaucoup moins par la pression que par les mouvemens de flexion et de redressement du tronc, et se calment dans l'immobilité ; à tous ces signes, on les reconnaîtra assez facilement. — L’affection douloureuse appelée tour de rein, qui survient subitement pendant un effort, et que M. le professeur Piorry attribue à la production constante d’une rupture des fibres musculaires (mgoclasie), a, plus encore que le lombago, la propriété de s’exaspérer par les mouvemens de la colonne vertébrale *, elle ne s’accompagne pas d’élancemcns ; sa cause même a quelque chose de particulier, etc. — Les douleurs musculaires de nature rhu- matismale ou autre, qui se produisent dans différens points de la paroi abdominale, se distinguent de la névralgie lombo-abdominale par des caractères analogues à ceux qui ont été longuement exposés à l’article précédent, et parmi lesquels le grattement superficiel du muscle mérite surtout de l’importance (Briquet). Lorsqu’un gravier un peu volumineux se trouve engagé dans Turc- NÉVROSES. 217 218 PATHOLOGIE MÉDICALE. tère, il produit une douleur très vive qui va retentir dans le testicule dont elle détermine la rétraction. La violence extrême de cette douleur, son apparition brusque dans l’abdomen, et les signes concomitants de la gravelle, viendront en aide au diagnostic, qui pourra être encore éclairé par l’absence de points douloureux à la pression de la paroi ab- dominale. 1832. — Le pronostic ne présente pas de gravité. Le traitement est celui des névralgies en général. Une attention particulière devra être accordée à l’état des organes du bassin ; cependant, il n’est pas rare de voir l’affection primitive persister et la névralgie sympathique guérir sous l’influence des moyens dirigés contre elle seule, sauf à récidiver quelque temps après. Pour combattre le point utérin de la névr algie, on a préco- nisé la cautérisation, et NI. Malgaigne, la section du col de la matrice. ARTICLE X NÉVRALGIE CRURALE. (Ischias anlica : — de Colugno.) (Pourla bibliographie, voy. névralgie scialique.) 1833. Les branches de terminaison du plexus lombaire sont au nombre de trois : 1° Le nerf lornbo-sacré; il établit entre ce plexus et le plexus sacré une connexion démontrée dans l’ordre pathologique par diverses irra- diations douloureuses qui accompagnent la névralgie lombaire ; 2U Le nerf obturateur, dont la névralgie paraît être extrêmement rare, mais qui s’affecte dans certains cas de tumeurs siégeant dans la région sous-pubienne, et notamment dans les hernies obturatrices étranglées, de manière à faire naître une douleur limitée à la partie interne de la cuisse, et accompagnée de la rétraction des adducteurs animés par ce nerf; ensemble de symptômes qui permet quelquefois de résoudre le problème fort difficile du diagnostic de ces hernies ; 3° Le nerf crural, dans lequel on ne rencontre qu’assez rarement en- core une névralgie isolée. Nous allons cependant exposer en peu de mots l’histoire de cette affection. 1834. Symptômes. — Douleurs à la partie antérieure et interne delà cuisse, depuis l’aine jusqu’au genou. Elles se manifestent : 1° sous forme d’élancemens ou d’autres sensations analogues revenant par accès, et qui, d’un ou de plusieurs points du membre, s’irradient dans le sens des branches nerveuses; 2° sous forme d’une sensation continue, gravative, habituellement exaspérée par la pression, qui siège, d’après Yalleix, à l’aine, à la cuisse, aux environs de la rotule, au pourtour de la mal- léole interne, sur le nerf crural, le nerfsaphène ou leurs branches.— La marche et la durée de ces douleurs sont très variables ; elles ne présentent aucune particularité qui ne rentre dans l’histoire générale des névralgies. NÉVROSES. 219 — La névralgie crurale est le plus souvent accompagnée de sciatique ; on l’a vue coïncider avec d’autres névralgies : faciale, intercostale, bra- chiale. — Ses causes se confondent presque entièrement avec celles de la sciatique. Parmi les affections qui intéressent le nerf à son origine ctdonnent lieu sympathiquement à des douleurs le long du nerf crural et du rameau saphène interne, on cite l'accumulation des matières fécales dans l’S iliaque, les tumeurs du bassin et de la colonne vertébrale, les affections de la moelle, etc. —Les douleurs du genou que l’on observe dans la coxalgie, celles dont se plaignent certains hystériques, peuvent être rapportées à la névralgie crurale. 1835. Diagnostic. — Les douleurs des muscles de la cuisse, les affections articulaires, pourraient être confondues avec la névralgie crurale ; mais la circonscription de la douleur au trajet du nerf pendant les accès, et l’existence dans l’intervalle de ceux-ci de points limités dou- loureux à la pression, faciliteront le diagnostic. S’agit-il de reconnaître la cause de la névralgie, les organes abdominaux et pelviens, le rachis, la région fémorale, devront être explorés avec la plus grande attention; on aura en même temps égard à l’état général du sujet. Le pronostic ne présente ici rien de particulier, non plus que le trai- tement. NÉVRALGIE SCIATIQUE OU FÉMOBO-POPL1TÉE article xi. [Coxagra; dolor coxendicus ; ischias nervosa postica ; malum Colunniï). 1836, Bibliographie. — D. Coiugno. — De ischiade nervosa commentarius. Naples, 1765, in-8. E. Home. — Clinical experiments. Londres, 1780. Petrini. — Nuovo metodo di curare la sciatica. Home, 1781. M.-G. ThileniUS. — Med. und chir. Bemerkungen. Francfort, 1789. Housset. —' Dissertation sur la sciatique nerveuse. Thèse, Paris, an xil. ToüRNILHAC-Bekingieb. — Dissert, sur la névralgie fémoro- poplitée ou sciatique, Thèse, Paris, 1814, in-4. Peyrude. — Dissert, sur la névralgie fémoro-poplitée. Thèse, Paris, 1817, in-4. Arloing. — Observations sur l'efficacité de la méthode de Cotugno dans le traitement des névralgies des m. abdominaux, dans Jour». gén. de médecine, 1827, t. XCV1IL L. Martinet.-—Du trait’ment de la sciatique et de quelques autres névralgies par l'huile de térébenthine. Paris, 1827, in-8. — Mémoire sur l'inflammation des nerfs. Revue médicale, 1824, juin. 220 PATHOLOGIE MÉDICALE. Kobert. — Du traitement de la sciatique par Vapplication du cau- tère actuel sur le dos du pied ( Revue médicale, 18£i7). F. Kilian. — Neuralgie des N. cruralis, in Zeitschr. f. ration. Medicin. Bd. VI. 1837. Définition. — Névralgie occupant la totalité ou une partie du nerf scialique, branche de terminaison du plexus sacré. — C’est une des névralgies les plus fréquentes. 1838. Symptômes. — a. La douleur de la sciatique appartient aux plus intenses, et peut dans certains cas être comparée à celle du tic douloureux. Elle existe presque toujours d’un seul côté. Elle est habi- tuellement de deux sortes, intermittente et continue. 1° La douleur intermittente consiste on sensations d’élancement, de tiraillement, de brûlure, de froid, etc., qui se propagent le long du nerf, ou éclatent dans une étendue plus ou moins considérable de son parcours, en suivantdesdirections différentes; elles s’accompagnent quel- quefois de mouvemens convulsifs, soit claniques (extension et flexion brusque), soit toniques, ce qui est moins rare, sous forme de crampes des muscles gastro-cnémiens. Dans certains cas les malades interrogés sur le lieu précis occupé par ces sensations, tracent avec le doigt une ligne à la partie postérieure du membre pelvien, indiquant, d’après la remarque de Gotugao, le trajet du nerf sciatique «aussi exactement que pourrait le faire un anatomiste consommé. » Ces douleurs aiguës se manifestent par accès d'une durée variable, survenant principalement le soir; mais dans l’intervalle des accès il est rare que æ calme se réta- blisse complètement. 2° Presque constamment, en effet, il persiste ou un sentiment d’en- gourdissement ou une douleur continue sourde, contusive, occupant le parcours du nerf sciatique et de ses branches. La pression à leur niveau exaspère la douleur, en ramène les accès. Les points d’élection où la douleur ainsi provoquée se montre avec le plus d’intensité, points dont l’étendue, en général, ne dépassepas 2 ou 3 centimètres, ont été indiqués comme il suit par Valleix : Le point lombaire, immédiatement au-dessus du sacrum ; le sacro- iliaque, au niveau de l’articulation du même nom; l’iliaque, vers le milieu de la crête de Los des îles (autant de points qui appartiennent à la partie intra-pelvienne du plexus sacré ; les suivans sont particuliers au tronc et aux branches du nerf sciatique lui-même) ; le fessier, au sommet de l’échancrure sciatique ; le trochantérien, vers le bord posté- rieur du grand trochanler ; trois points fémoraux, supérieur, moyen et inférieur ; le poplité, dans le creux du jarret; le rotulien, au bordexterne de la rotule; 1 e péronéo-libial, vers l’articulation supérieure des deux os de la jambe ; le péronier, point important situé là où le nerf du même nom contourne la tête du péroné ; le rnalléolaire, a la partie pos- térieure et inférieure de la malléole externe ; le dorsal du pied, et enfin, le plantaire externe. — Il est rare que tous ces points se rencontrent à la fois chez le même malade, mais ordinairement on en trouve un assez grand nombre; ceux qui avoisinent l’articulation sacro-iliaque, le grand trochanter, la tête du péroné et la malléole externe, sont les plus fré- quens de tous (on en a fait autant de névralgies distinctes). La pression sur l’un de ces points ravive quelquefois la douleur dans les autres. — Il est des malades chez lesquels le nerf sciatique semble pris dans toute sa longueur, mais même dans ces cas la sensibilité que la pression pro- voque dans l’intervalle des points d’élection est incomparablement moins vive qu’au niveau même de ces foyers douloureux. —• Enfin, quelques observateurs assurent avoir constaté l’absence de tout foyer de ce genre, dans des faits bien positifs de névralgie sciatique. Les mouvemens brusques, la toux, l’éternumenf, parfois le plus léger déplacement, le frôlement le plus imperceptible (la chute d’une feuille de papier sur la jambe!), renouvellent les accès dansles sciatiques intenses; il en est de même des efforts de défécation, les intestins refoulés par la contraction des parois abdominales agissant à la manière d’un doigt qui appuierait sur le nerf endolori à son origine (Beau). b. Les mouvemens du membre inférieur sont souvent affaiblis, et l’on observe assez habituellement un certain degré de claudication ; c'est en effet au moment où le pied pose par terre et supporte le poids du corps que la douleur acquiert son plus haut degré de violence; il en ré- sulte que le malade n’ose marcher, que sa jambe se fléchit aussitôt qu’il essaye de le faire. Aussi, dans les sciatiques d’une certaine intensité, les sujets ne peuvent-ils faire un pas sans s’appuyer sur un bâton, ou même sont-ils obligés de garder le ht. Il est cependant des malades qui, après s’être livrés à un exercice violent et au prix de vives souffrances, finissent par éprouver du soulagement. — Lorsque, par l’intensité de la douleur, le membre inférieur est condamné à un long repos, une paralysie incom- plète avec amaigrissement et flaccidité des tissus peut en être la consé- quence ; mais cela arrive assez rarement. c. Par elle-même, la sciatique ne produit qu’exceptionnellement des phénomènes sympathiques ou réactionnels ; en revanche, on observe fréquemment comme maladies concomitantes, soit des névralgies dans divers points du corps, soit des douleurs rhumatismales des mus- cles, etc. 1839. Marche, durée, terminaison.—Le début est ordinairement gra- duel, comme dans les autres névralgies; la succession des accès dou- loureux presque toujours irrégulière ; une périodicité vraie extrêmement rare. Les exacerbations se produisent pendant le règne des vents du sud, par les temps humides ; les rémissions par les vents du nord, le temps sec (Cotugno). — La sciatique peut disparaître en quelques jours, mais le plus ordinairement elle persiste pendant plusieurs semaines, des mois NÉVROSES. 222 entiers, et même pendant de longues années. Elle passe souvent à l’état chronique, et devient, pour ainsi dire, habituelle, après avoir récidivé plusieurs fois; ces retours ont principalement lieu par les temps froids. Les attaques sont ordinairement peu intenses quand elles se répètent souvent, et de loin en loin seulement on en voit apparaître qui se font remarquer par leur violence plus grande et leur plus longue durée. Yalleix a constaté que les malades citez lesquels on observe ces retours répétés de la sciatique sont sujets en même temps à d’autres névralgies et présentent les états morbides auxquels on donne les noms de névralgie multiple et de névralgie erratique. 1840. Causes. — Colugno a vu un cas de celte névralgie chez un enfant de onze ans ; mais c’est après la vingtième année qu’elle se montre le plus ordinairement, et jusqu’à la soixantième, avec une fréquence sen- siblement égale pour les périodes de dix ans comprises dans cet inter- valle. — Elle est plus fréquente chez l’bomme que chez la femme (dans la proportion de 3 à 2), les hommes sont aussi plus sujets aux réci- dives. — Rien de spécial à noter quant à la constitution ; le tempé- rament nerveux ligure ici au même titre que dans l’étiologie d’autres névroses. — Les maladies diathésiques, la goutte, et surtout la syphilis, y jouent un rôle palhogénique qui n’est pas encore bien déterminé. — Les climats froids, les contrées marécageuses paraissent surtout favo- rables au développement de la sciatique. — L’action du froid humide est une des mieux constatées, ce qui a conduit quelques auteurs à consi- dérer la sciatique rhumatismale comme la plus fréquente de toutes : c’est pendant les mois les plus froids de l’année que cette névralgie se montre le plus fréquemment; ou l’observe chez les individus logés dans des lieux humides où la température est basse ; quelquefois la maladie date d’un refroidissement subit, de l’immersion des pieds dans l’eau, du con- tact de l’herbe mouillée, etc. Une influence plus contestable est attri- buée aux lièvres éruptives, à la suppression des hémorrhoïdes, des lo- chies, de la sécrétion laiteuse. —La sciatique peut être produite direc- tement par des lésions qui entraînent la compression, le tiraillement, la contusion, peut-être l’inflammation du nerf dans divers points de son long trajet : c’est ainsi qu’agissent la grossesse, les tumeurs du bassin, le séjour prolongé de la tête du fœtus, les kystes ovariques, les tumeurs hémorrboïdales ou les amas de matières ; les nevromes, les blessures du nerf lui-même ou de ses branches. Les efforts musculaires, les mar- ches forcées, l’équitation se rapprochent vraisemblablement des causes précédentes au point de vue de leur mode d’action. De même les ma- ladies de la moelle produisent des douleurs scialiques par un mécanisme sensiblement analogue. D’autres causes produisent sympathiquement le même résultat, telles sont (principalement chez les femmes atteintes d’hystérie, de chloro-anémie, etc.) les affections névralgiques ou autres des organes pelviens, affections qui retentissent ordinairement dans les PATHOLOGIE MÉDICALE. nerfs lombaires et sacrés et quelquefois aussi dans le crural et le scia- tique. 1841. Anatomie pathologique. — Dans les rares autopsies d’individus morts avec uiîe névralgie sciatique, l’examen du nerf et des membranes n’a que bien rarement fait découvrir quelque lésion notable ; à l’excep- tion des tubercules douloureux et des cas de névrite ou de ceux où l’on a trouvé des traces d’épaississement et d’induration de quelques rameaux isolés au voisinage d’anciens ulcères des jambes, le résultat des nécrop- sies a presque toujours été négatif. Les varices des veines dans l’épaisseur ou au voisinage des nerfs ont été signalées par Bichat comme l’une des con- ditions anatomiques de cette névralgie. A l’égard des infiltrations séreuses indiquées par Cotugno et d’autres, on peut se demander si une théorie préconçue n’a pas quelquefois conduit à voir des lésions morbides, là où il n’y avait qu’un simple phénomène cadavérique. Peut-être, comme le remarque M. Ilomberg, l’anatomie pathologique fournirait elle des résul- tats moins vagues si, au lieu de se borner à examiner la portion fémorale du sciatique, on avait toujours soin de soumettre à une investigation attentive et les plexus nerveux du bassin et le canal sacré et l’extrémité inférieure de la moelle épinière elle-même. 1842. Physiologie pathologique. — Nous présenterons de courtes remarques seulement au sujet de quelques symptômes que nous avons mentionnés sans y insister dans la description de la maladie. Le nerf scia- tique, on le sait, est un nerf mixte, c’est-à-dire qu’il renferme des fibres sensitives, siège véritable de la névralgie, et des fibres motrices qui se ressentent plus ou moins fortement de l’état morbide des premières. Comme preuve de cette participation, M. Romberg cite le tremblement, les crampes, l’affaiblissement de la myotililé qui se produisent quelque- fois dans le membre inférieur pendant les accès ou même dans leur intervalle, et aussi la paralysie incomplète avec atrophie qui dans certains cas peut être observée comme une conséquence tardive de la névralgie. Ces troubles de la myotililé démontrent l’affection simultanée des deux ordres de'fibres dont le sciatique est composé. Leur production peut dé- pendre et dépend assez souvent d’une lésion qui atteint le nerf sciatique avant sa sortie du bassin, et en pareille circonstance les douleurs de la névralgie se produisent évidemment à titre de sensation périphérique. C’est par exemple ce qui a lieu pendant l’accouchement : la tête du fœtus enclavée dans les pelvis, fait naître : 1° des douleurs dans les lombes, les cuisses, les mollets, les orteils, en comprimant à leur ori- gine les nerfs destinés à ces différentes parties; 2° une irritation des nerfs moteurs, de là des crampes douloureuses, quelquefois des paraplé- gies passagères ou persistant après la délivrance. Chomel insistait beau- coup dans ses leçons sur la fréquence des névralgies sciatiques produites par des compressions intra-pelviennes; en effet l’on ne saurait mécon- naître l’importance de cet ordre de causes. Remarquons cependant que NÉVROSÉS* 223 si la névralgie se produit souvent par un semblable mécanisme, c’est-à- dire par des lésions du nerf à sa naissance, avec sensations perçues comme si elles occupaient ses branches terminales ; en d’autres termes si beau- coup de sciatiques ne sont que de fausses sciatiques, rien ne prouve qu’il en soit ainsi dans tous les cas ni même dans le plus grand nombre. Assez souvent la cause productrice de la maladie a exercé son action directement sur la portion extra-pelvienne du sciatique, et l’on ne trouve, en outre, aucun symptôme qui indique une alfection de ce nerf à son origine. Vainement alléguerait-on l’existence d’un certain degré de paralysie comme une preuve de l’atteinte simultanée des filets sen- sitifs et des filets moteurs. Celte paralysie qui est loin d’être commune n’est jamais très marquée; il ne serait pas difficile de s’en rendre compte par une action réflexe de la portion sensitive sur la portion motrice du nerf. D’ailleurs le défaut de nutrition des muscles immo- bilisés par la douleur y concourt sans doute pour une assez grande part. 18A3. Diagnostic. — a. Le rhumatisme musculaire donne lieu à une douleur plus diffuse que celle de la névralgie, s’exaspérant beaucoup plus par les mouvemens que par la pression et ne s’accom- pagnant pas d’élanccmens dans une direction déterminée ; il sera par conséquent toujours assez facile de distinguer une sciatique des dou- leuis rhumalis males occupant les muscles de la hanche, de la cuisse, de la jambe. La coxalgie, au début surtout, peut être confondue avec celte névral- gie : « On peut, en effet, dit Val eix, trouver dans celte affection des points douloureux à la pression, à la hanche, au genou, derrière la tête du péroné, et la douleur dans certains mouvemens, dans les secousses delà toux, pendant la marche, peut retentir presque dans le pied, sous forme d’élancemens. Mais les signes suivans serviront à caractériser la maladie profonde de l’articulation, et à la faire distinguer de la névral- gie. En pressant sur le grand trochanler, on détermine une douleur vive dans les parties profondes de l’articulation ; celte douleur est bien plus violente encore lorsqu’on veut imprimer des mouvemens de flexion et d’extension à la cuisse. Le malade peut à peine poser le pied par terre, et la marche devient promptement impossible. Bientôt la fièvre lente s’allume ; il y a des redoublemens le soir, de la langueur, de l’émacia- tion, et dès lors l’inflammation chronique de l’articulation de la hanche faisant dos progrès rapides, le diagnostic devient trèsfacile. » Ces signes sont utile» à connaître, mais lorsqu’on analyse le cas cité par Valleix lui-même comme un exemple d’erreur de diagnostic, il semble que la distinction aurait dû être établie, non point entre la coxalgie et la sciatique, mais entre une névralgie idiopalhique et une névralgie, symptôme ou complication de la maladie articulaire ; on conçoit facilement la réunion de ces deux états pathologiques chez le même malade. PATHOLOGIE MÉDICALE. b. Les douleurs des membres inférieurs, qui accompagnent certaines maladies de la moelle, sorte de névralgies symptomatiques occupant le trajet des nerfs fémoro-poplités, diffèrent à plusieurs égards de la sciatique ordinaire : 1° par leur siège aux deux membres inférieurs à la fois, dans la continuité de ceux-ci, et dans certains points particuliers tels que la plante des pieds, où retentissent plus rarement les douleurs de la névralgie; 2° par leur forme: ce sont des douleurs sourdes, des fourmil- lemens, des engourdisseraens, des piqûres, plutôt que des élanceraens; 3° par leur intensité moindre que celle de la sciatique. Il faut joindre à ces signes l’absence de douleurs provoquées par les mouvemens, et les signes positifs de paraplégie indiquant une affection spinale. A la vérité, une paralysie incomplète peut être observée à la suite d’une sciatique an- cienne et grave, mais dans ce cas encore le siège unilatéral de la ma- ladie et la prédominance de la douleur sur la faiblesse montreront suffi- samment à quel genre de paralysie on a affaire. « J’ai trouvé, dit Valleix, une névralgie sciatique chez quatre sujets affectés d’une paraplégie dont la cause était une maladie de la moelle. Dans ces cas le diagnostic.offrait-il de plus grandes difficultés? Nulle- ment : les symptômes de la névralgie sciatique n’étaient que temporaires, ils revenaient à des intervalles irréguliers; ils avaient été précédés des symptômes de l’affection de la moelle, lesquels restaient toujours évidens dans les intervalles et conservaient leurs caractères particuliers, sans rien changer à ses signes. » c. Insistons encore une fois sur la nécessité qu’il y a en clinique à exa- miner avec soin toutes les parties qui dans le bassin ou hors de cette ca- vité peuvent exercer sur le nerf sciatique une compression douloureuse. C’est une règle dont on ne devrait même pas se départir si l’on croyait trouver dans l’action d’autres causes (telles qu’un refroidissement) l’ex- plication satisfaisante des phénomènes que l’on observe. 18Uti. Pronostic. — La sciatique se termine le plus souvent par la guérison quand elle est convenablement traitée; abandonnée à elle- même, elle peut devenir incurable; mais ce n’est pas là ce qui a lieu le plus fréquemment, au dire de Valleix, et les faits seraient nombreux dans lesquels une sciatique, datant de plusieurs années, aurait été guérie en quelques semaines et même en quelques jours. Chez certains sujets la névralgie sciatique alterne avec d’autres affections du même genre; ces cas sont remarquables par la fréquence des récidives, — La gravité de la névralgie symptomatique, cela va sans dire, est subordonnée à la nature, au siège et au degré de curabilité de la lésion principale. 18/i5. Traitement. — Les indications thérapeutiques que présente la névralgie féraoro-poplilée sont très variées. Suivant que l’état général l’exigera, le traitement devra être dirigé contre la chloro-anémie, l’étal neneux, l’hystérie, la syphilis, la goutte, l’intoxical.on palustre, etc., si l’on a quelque raison pour attribuer à ces étals morbides une part dans la NÉVROSES. 226 PATHOLOGIE MÉDICALE. production de la névralgie ou dans sa persistance. De même les névralgies symptomatiques d’une lésion locale (blessures, tumeurs, compres- sions, etc.) demandent avant tout que la cause du mal soit combattue. Mais le plus souvent on se trouve en face du seul symptôme douleur, et pour en obtenir la sessalion, on a conseillé un très grand nombre de médicamens. Ce sont les stupéfians et les anesthésiques de toute espèce, dont nous ne reproduirons pas l’énumération, moyens presque toujours simplement palliatifs; les applications froides, l’électricité, les dou- ches, les bains ; les divers procédés de la révulsion cutanée, parmi lesquels Valleix est tenté de placer les frictions mercurielles, bien que d’autres en expliquent l’eliicacité par une action spéciale (anti-syphili- tique) ; les vésicatoires volants, la cautérisation transcurrenle, l’incision. L’une des nombreuses combinaisons des médications révulsive et stupé- fiante consiste à établir au haut de la cuisse un cautère que l’on panse avec une pilule narcotique en guise de pois (Trousseau). Enfin quel- ques substances sont réputées spécifiques : telle est l’essence de térében- thine employée intus et extra, à l’aide de laquelle M. Martinet a obtenu de nombreux succès. iNousfpassons quelques autres moyens moins usités, en mentionnant toutefois, ne fùl-ce qu’en raison de son étrangeté, la cautérisation du iobule de l’oreille, qui a été surtout mise en usage contre la névralgie qui nous occupe. Cette méthode déjà ancienne, empruntée à la vétérinaire et qui paraît avoir donné des succès entre les mains de plusieurs praticiens, après avoir été vivement préconisée il y a quelques années, est de nouveau retombée dans l’oubli. Une précaution importante, pendant le traitement de la sciatique, consiste à maintenir le ventre libre, la présence des fèces étant une cause toute mécanique d’aggravation de la douleur. ARTICXÆ XII. NÉVRALGIE MULTIPLE EX NÉVRALGIE ERRATIQUE. V. Valleix. Guide du rnéd. praticien. Paris, 1853, 3e édition, in-8, p. 380. 18Ô6. Sous ce titre, Valleix fait les remarques suivantes au sujet de la dissémination des névralgies et de la coexistence de plusieurs affec- tions de celle nature en divers points du corps. 1" Il y a névralgie multiple lorsqu’un plus ou moins grand nombre de nerfs sont affectés en même temps. C’est ainsi que, chez un sujet affecté de sciatique, on voit quelquefois une douleur cervicü-occipitale se montrer, sans que l’examen le plus attentif puisse faire découvrir la moindre souffrance dans les nerfs situés entre des parties si éloignées; c’est ainsi que, chez d’autres malades, on verra la douleur de la scia- tique se propager au nerf crural et aux nerfs lombaires. Dans le premier cas, on ne peut attribuer la production simultanée de deux névralgies qu’à une cause générale ; dans le second, outre cette cause, Yalleix suppose une propagation du mal par voie de continuité. (Nous ne revien- drons pas sur ce que nous avons dit à ce sujet dans l’histoire des névral- gies en général. V. n° 1793, 2, b.) La névralgie trifaciale a delà ten- dance à se porter vers le nerf occipital, la névralgie de ce dernier nerf vers le trijumeau. On sait avec quelle facilité la névralgie cervico-bra- chiale envahit les nerfs thoraciques, etc. Celle tendance à gagner de proche en proche est telle qu’on voit quelquefois une névralgie bornée primitivement à une petite portion d’un seul nerf arriver peu à peu h occuper tout un coté du corps. Dans un cas-cité par Yalleix, le point de départ avait été une contusion du trifacial ; dans un autre, rapporté par Graves, une névralgie traumalique de l’un des doigts envahit successi- vement les autres doigts de la main, puis l’avant-bras; etc. Il faut ordi- nairement un temps assez long pour qu’une névralgie se répande ainsi dans plusieurs nerfs; ce n’est donc que dans les cas où le mal est négligé qu’on a à craindre celte propagation. 2° Névralgie erratique. — Il est rare de voir une névralgie dispa- raître brusquement et être immédiatement remplacée par une autre. M. le professeur Grisolle a observé un cas de douleur nerveuse de la tête subitement remplacé par une gastralgie; Yalleix, une névralgie intercostale, avec gastralgie, qui cessa tout à coup et fut suppléée par une névralgie trifaciale; Romberg cite l’exemple d’une névralgie violente du trijumeau chez un vieillard, disparaissant au moment où un zona se montre à la région lombaire, mais revenant après la guérison de l’herpès, avec la même intensité qu’auparavant. etc. Chez un certain nombre de sujets, une névralgie, après avoir duré quelques jours, s’évanouit; puis, au bout d’un temps peu considérable, il s’en montre une autre dans un point différent ; puis la première reparaît, et ainsi de suite. C’est ce que l’on observe surtout quand on met en usage un traitement d’une efficacité incontestable, les vésicatoires volants par exemple. On dirait que la dou- leur due à quelque cause générale et persistante, après avoir été expulsée du nerf où elle s’était établie, se réfugie dans un autre, puis dans un autre encore, à mesure qu’elle est attaquée par des moyens énergiques de traitement. M. de Sainte-Marie (Journ. des connaiss. méd.-chir., juillet 1851) a vu une névralgie chassée, en quelque sorte, de son siège primitif par l’application d’un cautère, quitter la région thoracique, se porter vers l’aine gauche, l’hypochondre, puis la cuisse, le genou, la jambe, la plante du pied ; chaque fois la cautérisation la faisait dispa- raître. « Une remarque, ajoute Yalleix, que j’ai faite à propos de ces cas, c’est que ces douleurs nerveuses n’ont presque jamais, et peut-être jamais, la même intensité que les névralgies à siège bien déterminé. » Au point de vue thérapeutique, la névralgie multiple ne présente de particulier que la nécessité d’appliquer en un plus grand nombre de points les médications locales. Quant à la névralgie erratique, ordinaire- NÉVROSES. 227 228 J PATHOLOGIE MÉDICALE. ment très rebelle aux moyens locaux, elle exige avant tout un traite- ment interne varié selon les indications offertes par chaque cas indi- viduel. NÉVRALGIE GÉNÉRALE. ARTICLE XIII. Valleix, loc. cit., p. 381.— Consid. sur un cas de névralgie occu- pant presque tous les nerfs du corps (Union méd., 1^87, p. 252). De la névralgie générale {Jbid., 1858, p. 282). Leclerc, De la névralgie générale. Thèse de Paris, 1852, in-A. FONSSAGRIVE. Mémoire sur la névralgie générale, Arch. géu. de méd., 1856 (5e série, t. VU, p. 277). Voy. aussi l’article Irritation spinale. 18A7. Définition. — Distincte, à plusieurs égards, de la névralgie erratique et multiple, la névralgie générale est décrite par Valleix comme une affection assez rare, caractérisée 1° par l’existence simultanée d’un grand nombre de points douloureux et 2° par des symptômes céré- braux, tels que : étourdissements, vertiges, tremblement, abattement des forces. 1868. Symptômes. — On trouve des douleurs névralgiques (sen- sibilité à la pression et élancemens spontanés) disséminées le long de la colonne vertébrale, dans différons espaces intercostaux, le long de la crête iliaque, à l’épigastre, à l’hypogastre, à la tète, aux membres. Il y a identité parfaite entre ces points douloureux et ceux des névralgies iso- lées, « de telle sorte que, quand même on ne voudrait pas admettre que la maladie tout entière consiste dans une névralgie, il faudrait au moins reconnaître que, quelle que soit l’affection à l’existence de laquelle on s’arrête, il y a complication, et il existe des symptômes de névralgie qu’il est impossible de nier. » Quelquefois la névralgie est pour ainsi dire universelle, c’est-à-dire que l’on trouve des points douloureux dans presque toutes les parties du corps susceptibles d’en présenter ; constam- ment le nombre de ces points est considérable (nous en avons compté près de cinquante chez une malade de M. Beau, à l’hôpital Sainl-Anloine). Comme dans toutes les névralgies, la vivacité des douleurs varie beaucoup d’un jour à l’autre et parfois dans le cours de la même journée. Chez quelques sujets, l’on observe une anesthésie ou une analgésie plus ou moins étendue de la peau. Un symptôme remarquable est la faiblesse des membres, surtout des membres supérieurs ; il est quelquefois plus accusé d’un côté que de l’autre; il s’accompagne de roideur chez quel- ques malades. « Tous ont présenté, à un degré plus ou moins élevé, un tremblement des membres supérieurs que l’on constate comme il suit : si, après avoir fait asseoir ou lever les malades, on leur fait étendre les bras, les doigts étant écartés les uns des autres, on voit d’abord ceux-ci, puis les poignets, agités de mouvemens rapides et courts, qui aug- mentent d’éiendue et de rapidité quand on laisse les malades pendant un certain temps dans cette position. J’ai remarqué que le degré de ce tremblement était en rapport direct avec celui des étourdissemens et de la faiblesse musculaire » (Valleix). Des ébloüîssemens et des élourdisse- mens existent, en effet, constamment, et quelquefois ils sont tels que les malades sont près de tomber à chaque pas; que leur démarche est vacil- lante ; qu’ils sont obligés de se tenir aux colonnes du lit, à la muraille. L’intelligence ne présente pas de troubles considérables; il y a seulement un peu d’hébétude, de la lenteur dans les réponses ; de la tristesse, du découragement. Les fonctions digestives conservent leur intégrité; l’ap- pétit persiste à un assez haut degré; pas de soif vive; le ventre est à l’état normal; de même, la respiration et la circulation sont naturelles. Le début est lent et graduel; un malaise léger, mais qui va toujours en augmentant, des douleurs vagues, de la tristesse et le brisement des forces, tels sont les phénomènes que l’on note tout d’abord. La marche de la maladie est chronique et progressive; au bout de quelques mois, les symptômes restent stationnâmes ou ne s’aggravent qu’avec plus de lenteur. La durée de la névralgie générale est indéterminée ; quelquefois, mais rarement, elle se termine par la guérison sous l’influence du seul changement des conditions hygiéniques. 18Ô9. Causes. — « Le petit nombre de faits que j’ai observés, dit Valleix, ne me permet pas de faire une exposition détaillée de l’éliologie. Je n’ai encore vu la maladie que chez les hommes adultes; mais, sur douze cas observés par M. Leclerc, quatre eurent lieu chez des femmes, et récemment je l’ai moi-même notée chez une femme. Presque tous avaient une mauvaise hygiène, se nourrissant mal et ne prenant aucune précaution contre les intempéries de l’air. Huit fois sur douze cas re- cueillis par M. Leclerc, les malades habitaient des logemens bas, hu- mides, mal aérés. Il n’en est que deux sur sept qui eussent l’habitude de boire de l’eau-de-vie, principalement le matin à jeun, et encore n’en faisaient-ils pas un véritable abus. » M. Fonssagrives a vu la névralgie générale à la suite d’une intoxication maremmatcuse ancienne. 1850. Physiologie pathologique.—Quelle est la nature de la maladie dont nous venons d’emprunter la description à l’auteur qui en a le pre- mierfait une exposition dogmatique? La névralgie générale est-elle, comme le croit Valleix, une affection toute périphérique, et ne diffère-t-elle des névralgies ordinaires que par le grand nombre des points douloureux et par les quelques troubles qu'elle susciterait sympathiquement dans les fonctions des centres nerveux? ou bien ces centres eux-mêmes sont-ils d’abord et essentiellement atteints, quoique d’une manière légère et sans altération appréciable de texture? enfin, la névralgie générale ne serait- elle pas l’expression multiple d’une affection elle-même générale et con- stitutionnelle? Ce sont là des questions pour la solution desquelles les NÉVROSES. 229 230 élémens font encore défaut. Disons seulement que des symptômes ana- logues à ceux décrits par Yalleix ont été maintes fois observés chez des sujets névropathiques, hystériques, goutteux, etc., dans des conditions, en un mot, où l’influence d’un état morbide général existe incontestable- ment, Peut-être en est-il de même dans d’autres cas où cet état général est assez peu accusé pour ne pas frapper au premier abord et pour passer inaperçu, surtout quand l’attention est détournée et comme absorbée par les symptômes beaucoup plus saillans de la névralgie. 1851. Diagnostic. — La névralgie générale pourrait être prise pour une affection encéphalique, telle que le ramollissement, les tumeurs, les abcès du cerveau. Mais l’absence de douleur profonde et fixe dans un côté de la tête, avec paralysie ou contracture du côté opposé; l’absence de convulsions; le trouble insignifiant des facultés intellectuelles elles nom- breux foyers de douleurs que l’on découvre par la pression, permettront d’éviter facilement l’erreur. —La paralysie générale, avec ou sans alié- nation, présente des signes trop évidens d’une lésion de la myotilité et manque trop complètement de symptômes douloureux pour qu’il y ail lieu d’insister longuement sur ce point de diagnostic. — « Le delirium tremens, dit Valleix (il eût été plus exact de dire l’alcoolisme ou le trem- blement des ivrognes), ressemble beaucoup plus à la névralgie générale... Mais il y a dans cette affection des symptômes qui n’existent pas dans celle qui nous occupe. Ces symptômes sont : l’insomnie, les visions, l’a- gitation, la soif, le désordre des idées. Enfin, dans 1 e delirium tremens, il y a, comme cause facile à reconnaître, l’abus des liqueurs alcooliques, tandis que cette cause n’existe pas dans la majorité des cas de névralgie générale. — Dans les cas de tremblement rnercuriel et d’intoxication saturnine, il est facile de remonter à la cause des accidens; en outre, le tremblement suite d’empoisonnement rnercuriel est porté beaucoup plus loin que dans la névralgie générale, et c’est à peu près le seul sym- ptôme de l’affection ; dans l’inloxicaiion saturnine, le dépérissement, la décoloration, les paralysies partielles, etc., sont trop caractéristiques pour ne pas faire éviter aisément toute confusion. 1852. Pronostic. — Bien que la maladie, abandonnée à elle-même, n’ait point de tendance à guérir spontanément, elle n’est cependant pas grave, et c’est sous ce rapport surtout que sa distinction d’avec les mala- dies qui peuvent la simuler a une véritable importance pratique. Traitement. — (< Il est un traitement très simple et qui, jusqu’à pré- sent, a été infaillible, c’est la cautérisation transcurrente » (Valleix), pratiquée de manière à atteindre à peu près tous les points douloureux. Une amélioration notable se fait sentir au bout de deux ou trois jours, quelquefois du jour au lendemain. Si le cas l’exige, on peut renouveler l’opération dix ou quinze jours après la première. Une bonne hygiène, un régime tonique, sain et excitant, concourent utilement à ce traite- ment. PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 231 DE L’HYPEBESTHÉSIE MUSCULAIRE. ARTICLE XIV. Bibliographie. — Conf. Irritation spinale. Hystérie. Rhuma- tisme. Briquet. De Dhyperesthésie hystérique et notamment de Vhyperes- thésie des muscles. Union médicale, 1858, p. 82. Tu. Inman. Remarks on myalgia with cases. British rned. Journal, avril 1858, p. 408 ; octobre, p. 8G6. 1853. L’hyperesthésie musculaire, désignée également sous les noms de myodynie, de myosalgie (Piorry), de myalgie (Inman), a été assez peu étudiée. Outre les douleurs, quelquefois très persistantes, ressenties dans les muscles après la déchirure de leurs fibres charnues ou aponé- vrotiques dans un effort; outre lesliraillemens pénibles qui caractérisent la courbature, suite d’un exercice violent, ou qui se produisent spontané- ment dans une foule de maladies générales fébriles, on connaît encore les douleurs musculaires du rhumatisme; celles-ci peuvent être considérées comme des myosalgies produites par l’impression du froid, et, à ce titre, prendre place h côté de la dermalgie, dont la cause est si souvent la même. leur description rentre dans celle du Rhumatisme, elles prin- cipaux points de leur diagnostic différentiel ont été déjà indiqués dans l’histoire des névralgies. Des douleurs musculaires s’observent également chez les sujets cachectiques, chez ceux qui sont en proie à l’intoxication saturnine. Enfin rien n’est plus fréquent que d’observer cette sorte de souffrance chez les sujets névropathiques. M. Briquet a fait des dou- leurs musculaires dans l’hystérie une étude détaillée dont nous allons reproduire les principales parties. Ces douleurs, dit l’auteur, sont l’une des formes les plus communes de l’hypereslhésie hystérique, et qui cependant a le moins fixé l’attention. On s'était assez généralement accordé, jusqu’à ces derniers temps, à les considérer comme douleurs nerveuses, sans en dire plus. M. Henrot, élève de M. Gendrin, est le premier qui ait avancé que, parmi les hyper eslhésies des hystériques, quelques-unes étaient des douleurs des mus- cles; mais ces pathologistes placent les organes de la locomotion au rang des parties qui sont le moins souvent atteintes de cette augmentation de la sensibilité. Or, sur 400 hystériques, M. Briquet en a rencontré tout au plus une vingtaine qui fussent exemptes de douleurs musculaires au moment où il les a observées. 1854. Symptômes de la myosalgie. — a. Yoici les caractères à l’aide desquels on constate que la douleur n’occupe ni la peau ni les viscères, mais réside dans les muscles eux-mêmes ; 1° La douleur siège toujours dans les lieux occupés par la portion charnue des muscles ; 232 PATHOLOGIE MÉDICALE. T Comme l’hyperesthésie intéresse le plus ordinairement les muscles superficiellement placés, la douleur se fait sentir immédiatement sous la peau ; 3° Si l’on presse légèrement avec le bout d’un doigt le muscle hy- peresthésié, et surtout si l’on agace ses libres en les grattant très légère- ment avec ce même doigt, en ayant bien soin de ne pas agir sur les par- ties plus profondément situées, on fait naître de la douleur si elle n’était pas sentie auparavant, ou bien on l’exaspère si elle existait déjà; A” La douleur ainsi produite est très vive : ou elle fait faire des con- torsions à la malade, ou elle lui fait jeter des cris, quelquefois même elle provoque l’apparition d’une attaque hystérique. Les malades ar- rêtent presque toujours la main qui les presse. On a la certitude que cette douleur ne vient pas des parties plus profondes, d’abord en raison des précautions prises pour n’agir que sur les parties superficielles, puis parce que la douleur est la même quand on presse le muscle à l’endroit de son passage sur un os inflexible, et enfin parce qu’elle est souvent plus forte à l’endroit des attaches du muscle que partout ailleurs; 5" Le mouvement et surtout la distension des fibres des muscles hy- pereslhésiés provoquent ou exaspèrent cette douleur; 6° Le repos absolu et l’absence de mouvemens la calment et la font disparaître plus ou moins complètement ; 7° Les courans électriques d’intensité moyenne, auxquels on fait traverser toute la longueur d’un muscle à l’état normal, y occasionnent une sensation qui n’est presque pas pénible. Lorsqu’au contraire on leur fait traverser des muscles hyperesthésiés, ils provoquent une douleur très difficile à supporter, quelque faibles qu’ils soient, et, s’ils sont forts, la douleur devient bientôt intolérable; 8° L’hyperesthésie hystérique des muscles est l’une de celles que la faradisation fait disparaître le plus facilement à l’instant même où l’on applique ce moyen de traitement. b. La myosalgie hystérique n’affecte pas indifféremment tous les muscles du corps, elle se porte de préférence sur les muscles superficiels, en occupant ceux du tronc bien plus souvent que ceux des membres. Au tronc lui-même elle a ses lieux d’élection sur lesquels on la trouve avec une constance et une régularité telles qu’on peut s’en servir pour en faire l’un des caractères de l’hystérie. Nous renvoyons au travail de M. Briquet pour l’élude détaillée des principales variétés de cette hyperesthésie, qui sont : la céphalalgie, très commune, occupant la partie charnue des muscles du crâne ; — l'épigastralgie, également très fréquente, siégeant dans les muscles droits et grands obliques ; elle peut être et a été bien souvent prise pour une gastralgie, une gastrite, etc.; — la rachialgie, presque caractéristique de l’hystérie, occupant les muscles des gouttières vertébrales, soit des deux côtés, soit, et beaucoup plus souvent (dans le rapport de 5 à 1), le côté gauche ; elle peut en imposer pour une maladie de la moelle ; — lapleuralgie, souvent prise pour une névralgie intercostale ;—la cœlial- gie, douleur des parois abdominales, douleur dont l’épigastralgie est une dépendance et qui tantôt fait admettre des lésions profondes qui n’existent pas, d’autres fois simule des névralgies splanchniques, lombo- abdominales, etc. (t); — la thoracalgie, occupant les muscles des parois pectorales, plus rare que les précédentes ; — enfin la mélyalgie localisée dans les muscles des membres supérieurs et inférieurs. Toutes cesmyo- salgies partagent avec les autres douleurs hystériques une prédilection singulière et bien connue pour le côté gauche du corps. c. La myosalgie hystérique a parfois une fixité et une ténacité des plus remarquables; elle ne se déplace pas avec autant de facilité que le ferait supposer l’opinion généralement admise sur la mobilité des douleurs nerveuses. Sa durée est, en quelque sorte, indéfinie quand on l’aban- donne à elle-même. 51. Briquet est disposé à attribuer à la longue per- sistance et à l’intensité de ces douleurs une influence considérable sur l’état physique et moral des femmes hystériques ; mais combien il est dif- ficile de déterminer la part de cette influence au milieu des symptômes si variés qui se succèdent et se remplacent chez les malades de cette espèce ! La myosalgie se déclare quelquefois h la suite d’une attaque d’hystérie, et peut-être la fatigue, résultat de la contraction convulsive des muscles, est-elle alors l’une des causes de leur endolorissement. Cependant, des douleurs semblables s’observent aussi dans les muscles non convulsés et même chez les sujets qui n’ont pas d’attaques convulsives, dans l’hys- térie vaporeuse, dans la névropa.thie simple, etc. 1855. Diagnostic. —La myosalgie hystérique doit être distinguée de la myosalgie rhumatismale; dans l’une et l’autre, la douleur occupe les muscles, est augmentée par la pression, par les efforts musculaires. Les signes différentiels se tirent principalement du caractère de la dou- leur et des phénomènes concomitans. La myosalgie hystérique se fait connaître à l’intensité considérable de la souffrance provoquée par la pression, à sa coïncidence avec d'autres douleurs, à l’existence antérieure NÉVROSES. 233 (l) Dans un travail récent intitulé : Éludes sur la colique de plomb et commu- niqué à l’Académie de médecine (Bulletin de l’Acad., 1857-1858, t. XXIll, p. Ü46), M. Briquet s’est efforcé de démontrer et a très habilement défendu cette proposition : que les douleurs abdominales des saturnins ont pour siège anatomique non point les intestins eux-mêmes, comme cela est généralement admis, mais bien les muscles des parois ventrales; la maladie appelée colique de plomb serait, d’après cela, une myosalgie d’une espèce particulière et non une entéralgie.. ■ Déjà, en 1846, M. le professeur Bouillaud avait dit {Traité de nosographie médicale, t. III, p. 558 et 5~8) : « Je n’oserai point affirmer que dans certains cas les atroces douleurs connues sous le nom de colique de plomb ne fussent pas, en partie du moins, produites par une névralgie des parois abdo- minales. » ou actuelle de symptômes hystériques, à l’influence plus manifeste des causes morales. Les différences entre la myosalgie et la névralgie proprement dite sont souvent assez difficiles à saisir. i\ï. Briquet insiste sur la rareté, chez les hystériques, de véritables névralgies localisées dans le tronc des nerfs sensitifs; il fait observer que le siège de la douleur sur le trajet d’un muscle ou à ses attaches, dans des points différons de ceux que l’on sait être les foyers habituels de la douleur névralgique, est un élément im- portant du diagnostic; une rachialgie, par exemple, se trouve-t-elle réunie à une pleuralgie, celte réunion simule quelquefois très exacte- ment une névralgie intercostale; pour déterminer le véritable siège (musculaire) de la souffrance on aura égard à cette circonstance que d’une part, les points douloureux rachidiens et, d’autre part, les points intercostaux ou épigastriques sont situés à des hauteurs différentes et ne se correspondent pas comme dans la névralgie intercostale ; de plus les manœuvrres précédemment indiquées comme propres à réveiller les dou- leurs musculaires (grattement superficiel du muscle) sont insuffisantes pour provoquer la douleur névralgique; enfin le succès quelquefois in- stantané du traitement par la faradisation lèverait tous les doutes et dé- montrerait au besoin que c’est bien dans le muscle que réside la douleur. Nous ne ferons à ce sujet qu’une simple réflexion, c’est que l’existence d’une névralgie ne paraît, en aucune façon, incompatible avec celle d’une myosalgie; ces deux modes d’hyperesthésie, loin de s’exclure, peuvent se rencontrer concurremment, puisque les nerfs sensitifs (ce qu’on semble perdre de vue) ne se rendent pas exclusivement à la peau, mais se distribuant à la fois et aux muscles et aux tégumens. 1856. Un mot encore, relativement à la thérapeutique de l’hyperes- thésie musculaire. On y oppose, avec des succès variables, les appli- cations locales narcotiques, antispasmodiques, révulsives, etc., et les médications internes que réclament, d’un côté, l’hypereslhésie et, d’un autre, l’état morbide général. M. Briquet annonce qu’il a trouvé dans l’emploi de la faradisation un moyen à la fois très sûr et très prompt pour débarrasser les hystériques de l’hyperesthésie musculaire: une seule application d’électricité suffirait, dans bien des cas, pour faire cesser des myosalgies opiniâtres et rebelles depuis des années à tout autre mode de traitement. PATHOLOGIE MÉDICALE. ARTICLE XV HYPERESTHÉSIES DES ORGANES SENSORIELS. HYPERESTHÉSIE DE LA PEAU. DERMALGIE OU DERMATALGIE. J.-M. CHA.USIT. Considérations sur les affections populeuses pour servir à 1‘histoire des névroses de la peau. Thèses de Paris, 1849, in-4. 235 L.-E. CANUET. De Vinfluence du système nerveux dans les maladies cutanées. Thèses de Paris, 1855, in-5. Beau. Note sur les dermalqies [Arch. qén. de méd., 3e série, 1851. T. XII, p. 120). Marcé.— Des altérations de la sensibilité (Thèses du concours pour 1‘agrégation. Paris, 18GO, in-5). NÉVROSES. 1857. V hyper esthésie de la peau peut se manifester sous des formes diverses : 1° l’une de ces formes souvent mal appréciée est le pru- rit, accompagné ou non d’éruptions papuleuses; dans bien des circon- stances, en effet, ces éruptions sont simplement consécutives à l’altéra- tion de la sensibilité et paraissent jouer le môme rôle que les congestions ou les sécrétions anormales dans le cours des névralgies. C’est ce qu’en- seigne depuis bien des années M. Cazenave, à qui nous devons tant d’importantes recherches sur la localisation rationnelle des affections cu- tanées ; la même idée se trouve exposée avec d’inléressans développemens dans la thèse du docteur Chausit (Paris, 1859) et dans celle du docteur Canuet Paris, 1855) ; on la trouve très nettement formulée dans le livre de Romberg, et c’est elle encore qui évidemment a guidé Requin lorsqu’il a envisagé le prurigo comme une altération de l’élément sensitif de la peau, et qu’il l’a décrit comme une hypertrophie des papilles (t, II, p. 232). 2° line autre forme d’hyperesthésie cutanée est celle qui se manifeste par une impressionnabilité exquise de la peau au contact des objets où à la température des corps ambians; rarement isolée, encore plus rare- ment limitée à telle ou telle perception particulière, cette forme de l’hy- peresthésie de la peau se rencontre presque toujours confondue avec la suivante : 3° La dermalgie ou névralgie de la peau est caractérisée h la fois par une susceptibilité morbide du tégument externe et par une douleur spontanée. Cette affection, considérée à l’état idiopathique, n’est pas très fréquente. 1858. Causes. — Suivant M. Beau, la dermalgie est bien évidem- ment de nature rhumatismale ; ou, plus simplement, la douleur ner- veuse de la peau survient souvent chez des personnes qui présentent des douleurs musculaires. D’après M; Beau encore, cette maladie se rencontre le plus souvent dans l’âge adulte, et plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes. Le même auteur a vu l’impression du froid, surtout le corps étant en sueur, produire cette alTeclion. Il a cité des cas où une douleur vive du tégument a suivi de près le refroidissement causé par une pluie froide; mais il faut remarquer, avec Yalleix, que celle dermalgie était d’une espèce particulière : c’était, en effet, une dermalgie fébrile, et il reste toujours à savoir si les douleurs de la peau qui se produisent sans aucune réaction reconnaissent la même cause. 236 PATHOLOGIE MÉDICALE. Les causes suivantes sont encore indiquées par M. Beau : la dermalgie s’observe habituellement, selon lui, au commencement du printemps, par suite d’un simple changement de temps ; elle se présente souvent chez les sujets affectés de paraplégie. Le clou hystérique serait une simple dermalgie (pour Valleix ce serait une dépendance de la névralgie de la cinquième paire, pour M. Briquet une myosalgie temporale) ; la douleur cutanée que l’on observe parfois chez les paraplégiques n’est que l’un des élémens des névralgies sympto- matiques d’une affection spinale ; cependant dans certains faits de cette dernière catégorie la douleur est si exactement limitée à la peau et occupe une étendue si petite qu’il faut y reconnaître une véritable dermalgie. C’est ce que Valleix a noté en particulier chez une femme paraplégique qu’il a observée pendant très longtemps. Chez cette femme, qui avait fini par perdre complètement l’usage de ses membres inférieurs, il sur- venait parfois une douleur très vive, siégeant ordinairement sur le cou- de-pied, et telle que la plus légère friction y était insupportable. L’ex- ploration attentive des nerfs de la jambe et de la cuisse ne faisait recon- naître aucun point douloureux sur le trajet des nerfs. Enfin M, Beau reconnaît que la dermalgie se développe parfois sans cause appréciable. 1859. Symptômes. — La description donnée par les auteurs de l’hy- peresthésie douloureuse de la peau, se ressent du défaut de distinction entre la dermalgie idiopathique et celle qui est simplement l’un des phé- nomènes morbides d’une affection plus étendue. On rencontre en effet assez fréquemment des dermalgies symptomatiques soit d’une névralgie proprement dite, occupant non-seulement les filets cutanés, mais encore les rameaux, les branches, le tronede tel ou tel nerf sensitif, soit d’autres affections plus profondes du système cérébro-spinal ; tel est l’état de la sensibilité cutanée, noté par plusieurs observateurs dans les méningites cérébro-spinales, ou à la suite de l’altération toute spéciale de la moelle dans certaines formes de lèpre dites hyper esthètes, ou encore, en l’ab- sence probable de toute altération de tissu dans l’irritation spinale, etc. a. La dermalgie peut siéger dans tous les points de la peau de la tête, du tronc et des membres, mais elle se rencontre plus souvent aux membres inférieurs et h la tête que partout ailleurs. La névralgie inter- costale étant l’une des plus communes, on pourra trouver fréquemment des parties de la peau du thorax offrant une douleur excessive ; reste à savoir si ces points douloureux se montrent souvent d’une manière indépendante. Les douleurs bornées à la peau ont paru à Valleix plus fréquentes sur les endroits couverts de poils que sur les autres, ce qui rentre dans la manière de voir de M. Beau. Quelquefois toute la peau est envahie; mais cela est rare, le plus souvent la dermalgie occupe une étendue qui varie de 2 centimètres à 1 décimètre carré. NEVROSES. 237 b. Quant à la douleur dermalgique, considérée dans le mode"qu’elle affecte, on peut dire qu’elle est double : fxe et intermittente. Ces deux espèces de douleurs peuvent exister séparément, mais le plus souvent elles sont réunies. La douleur fixe présente de nombreuses différences d’intensité et de forme. A son degré le plus faible, elle consiste en une légère exaltation de la sensibilité normale; il semble au patient que la peau subit le contact fatigant d’une toile d’araignée; ou bien, si le mal est plus in- tense, la douleur a de l’analogie avec celle que produisent l’ablation de l’épiderme et la dénudation du corps papillaire. La douleur intermittente se fait sentir toutes les demi-minutes envi- ron. Elle est beaucoup plus vive que la précédente, car elle est souvent portée au point d’empêcher les mouvemens de la partie affectée et de priver les malades de sommeil ; c’est une sensation qu’ils comparent à celle qui résulterait d’une étincelle électrique, d’un coup d’épingle, ou bien encore à celle que produirait un clou si on l’enfonçait dans la peau à plusieurs reprises. La douleur fixe est augmentée [douleur provoquée) par le frottement des vêtemens. Si l’on promène les doigts sur la peau, même légèrement, on produit une sensation comparable à celle que l’on déterminerait avec une brosse rude. Pour que ce résultat s’observe, il n’est pas nécessaire que l’épiderme de la région affectée soit mince ; car on peut l’obtenir même sur les points où l’épiderme est très épais, comme à la peau du talon. Si la partie malade est recouverte de poils ou de cheveux, il suffit de passer la main sur eux à distance de la peau, pour qu’il en résulte une impression douloureuse. — Ces dilférens frottemens, non-seulement augmentent la douleur fixe, mais, de plus, ils déterminent souvent le re- tour immédiat de la douleur intermittente. Quand, au lieu d’un frottement ou d’un simple contact, on exerce avec la main une pression considéra- ble sur la partie douloureuse, on fait cesser la douleur fixe, mais on n’empêche pas le retour de la douleur intermittente. —- Enfin la der- malgie de cause rhumatismale est exaspérée notablement pendant la nuit. Cette exaspération porte principalement sur la douleur inter- mittente. Pendant toute la durée des douleurs, même les plus vives, la peau ne présente rien de remarquable sous le rapport de son épaisseur, de sa coloration et de sa chaleur; quelquefois elle est sèche, d’autres fois elle est recouverte de sueur. c. M. Beau a cité trois cas dans lesquels la douleur de la peau était accompagnée d’un mouvement fébrile assez marqué. Le tégument est alors douloureux dans une assez grande étendue, et souvent même sur toute la surface du corps. La fièvre, qui a existé chez ces malades, n’a pas duré plus de huit ou dix jours dans les cas où l’affection s’est le plus prolongée. Yalleix a vu chez un jeune homme de semblables douleurs 238 se produire en même temps que la fièvre qui annonçait l’invasion d’un mal de gorge de moyenne intensité. Marche, durée, terminaison. —Suivant M. Beau, la durée de cette affection varie d’un jour à deux semaines. Sa terminaison, de même que son début, n’a guère lieu d’une manière instantanée: la douleur se développe et se termine par gradations insensibles. Le même auteur a vu la dermalgie gagner de proche en proche comme l’érysipèle ambu- lant il a noté la fréquence des récidives. 1860. Physiologie pathologique. — La dermalgie paraît résider dans les papilles du derme; le caractère superficiel de la douleur accusée par les malades, et mieux encore l’exaspération déterminée par de très lé- gers attouchemens, prouvent bien que la souffrance a pour siège la peau elle-même, et qu’elle n’y est pas simplement rapportée par le sensorium. C’est là ce qui la distingue des douleurs ressenties dans les léguraens par les sujets affectés de névralgies plus profondes : celles-ci peuvent coïncider, comme cela a été dit plus haut, avec l’anesthésie réelle des tégumens, dans les points mêmes où la souffrance est accusée. La der- malgie qui accompagne diverses névralgies n’est donc, à tout prendre, que l’un de leurs symptômes possibles, mais nullement un symptôme nécessaire. Vainement Valleix s’efforce de représenter la plupart des dermalgies comme une simple dépendance d’une affection inaperçue des troncs nerveux ; cela est, inadmissible même aujourd’hui que, grâce aux travaux de cet auteur, on sait parfaitement reconnaître les points douloureux caractéristiques des vraies névralgies. Mais cet endolorissement des papilles cutanées, pour être indépendant, plus souvent peut-être qu’on ne l’a cru, de l’endolorissement des rameaux nerveux qui aboutissent aux portions correspondantes des tégumens, n’en est pas moins une affection de nature névralgique, et dès lors il n’y a rien de surprenant à le voir se développer sous les mêmes influences que les autres névralgies, présenter des symptômes semblables (la dou- leur permanente et intermittente), exiger une médication analogue ; sa coïncidence reconnue avec des douleurs occupant des branches nerveuses plus profondément situées, ne prouve même pas d’une manière absolue que la dermalgie soit à l’égard de ces douleurs dans un état de dépen- dance et de subordination directe. On rapprochera avec intérêt de la dermalgie cutanée celte espèce de dermalgie muqueuse qui constitue la névralgie de la conjonctive, af- fection succédant souvent à l’impression du froid, et que plusieurs chi- rurgiens signalent comme pouvant simuler une ophthalmie par ses sym- ptômes fonctionnels et comme s’en distinguant par l’absence de tout signe physique dénotant un travail inflammatoire, tels que gonflement, rougeur, etc. (J. Cloquel). ÎSous ne quitterons pas ce sujet sans dire un mot des intéres- santes observations qui ont été faites par M. Brown-Séquard sur l’hy- PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 239 peresthésie cutanée. On sait que lorsque les deux pointes émoussées d’un compas sont appliquées simultanément sur la peau, chez un sujet bien por- tant, une sensation distincte des deux endroits touchés se produit seu- lement lorsque les branches de l'instrument sont suffisamment écartées. Or le degré de cet écartement varie suivant les régions ; il est très consi- dérable pour certaines parties du corps : dans le dos, par exemple, ce n’est qu’à trente lignes d’intervalle que les deux sensations cessent de se confondre en une seule. Eh bien, clans les cas d’hyperesthésie cuta- née, un écartement beaucoup moindre suffit pour que la double sen- sation puisse être nettement perçue. Ces expériences donnent le moyen de mesurer en quelque sorte le degré de l’hyperesthésie et de la suivre pendant ses phases d’accroissement et de diminution. Elles nous parais- sent offrir encore un autre genre d’intérêt, en ce qu’elles contredisent de la maniéré la plus formelle la théorie généralement admise, d’après E.-H. ’Weber, des sensations tactiles à l’état normal. Sans entrer, à ce sujet, dans des développemens qui nous entraîneraient trop loin, disons seulement que si l’on acceptait la théorie en question (d’après laquelle certains points de la peau seraient insensibles), le résultat des explorations de iVE Browu-Séquard conduirait à voir dans la dermalgie, non-seule- ment une exagération de la sensation, mais encore une véritable mul- tiplication des points chargés de la recueillir; et certes on accordera dif- ficilement que le fait de la maladie vienne de toutes pièces donner la sensibilité à des parties qui en seraient réellement dépourvues à l’état de santé (Brown-Séquard, Sur la sensibilité tactile, etc., Journal de Physiol., t. II, p. 3ùù). 1861. Diagnostic. — La dermalgie occupant une petite étendue de la peau, ne peut être confondue avec une névralgie ordinaire où la souffrance suit le trajet d’un nerf; la douleur très superficielle qui la caractérise, la fait de même facilement distinguer de l’hypereslhésie située dans des parties plus profondes (tissus fibreux, muscles); enfin l’absence de tout changement physique éloigne l’idée d’une affection ma- térielle de la peau. Le pronostic de cette affection ne présente aucune gravité ; elle cède promptement à des moyens simples, et fort souvent même elle disparaît spontanément; mais elle est très sujette à se reproduire. Quant au traitement, dans le plus grand nombre des cas observés par M. Beau, il a suffi, pour faire disparaître la douleur, d’appliquer locale- ment la chaleur, de faire ingérer des boissons chaudes, de provoquer la sueur. Dans un cas où la douleur était vive et circonscrite, ce médecin eut recours à l’application d’un vésicatoire volant sur le point doulou- reux, et le mal céda presque instantanément. On recommande aux malades, pour prévenir les retours de la dermal- gie, de se soustraire à l’action du froid, et surtout du froid humide, en se couvrant le corps de flanelle, etc. P ATHOLOGÏE MÉD1C A LE. ARTICLE XVI. DES AUTRES HYPERESTHÉSIES SENSORIELLES. 1862. Nous ne faisons qu’indiquer l’hyperesthésie optique, caractéri- sée par des sensations subjectives de lumière ou de couleur (photopsie, chromatopsie), et qu’il ne faut pas confondre avec l’hyperesthésie des nerfs ciliaires, dont le symptôme caractéristique est l’horreur de la lumière ou photophobie. Ces divers troubles fonctionnels ont été étudiés en grande partie dans la partie chirurgicale de cet ouvrage, à l’occasion des maladies des yeux [Eléments de path. chir., de M. Nélaton, t. Ilf). Les hypereslhésies olfactive, gnstative et acoustique ne se présentent guère à l’observation comme étals morbides isolés ; presque toujours elles se rattachent à une névrose générale, telle que l’hystérie, ou dépendent directement de quelque lésion locale des organes sensoriels. Nous ne croyons par conséquent pas devoir leur consacrer autre chose qu’une simple mention. 1863. Tout en reconnaissant qu’il n’y a qu’une analogie très éloignée entre les organes des sens proprement dits et certains points de l’économie dans lesquels on localise à plus ou moins juste titre les sens internes ou be- soins, nous indiquerons à celle place, faute de mieux, quelques états pa- thologiques qui se rapprochent des hypereslhésies sensorielles et qui con- sistent dans l’exagération insolite de ces mêmes sensations internes : la boulimie ou hyperesthésie de la faim, la polydipsie, hyperesthésie de la soif (dont lapolyurie est la conséquence), l’une et l’autre ne se rattachant que d’une manière douteuse, dans la généralité des cas, aux modifications de la sensibilité gastrique et pharyngienne. Nous en rapprocherons en- core l’exagération du besoin de respirer, du besoin sexuel, les envies fréquentes d’uriner ou d’aller à la selle, autant de symptômes que l’on voit quelquefois apparaître chez les sujets nerveux en l’absence de toute autre modification appréciable dans la sensibilité commune des organes respiratoires, génito-urinaires, digestives, etc., et que l’on doit dès lors considérer comme des hypereslhésies spéciales. AUTICiE XVIÏ, HYPERESTHÉSIES DES NERFS VISCÉRAUX, NÉVRALGIES DES VISCÈRES, V1SCÉRAI.GIES. 186ô. Bibliographie. — On consulter!? particulièrement avec fruit le travail de M. Jolly, Sur les névralgies du système nerveux ganglionnaire (Nouvelle Bibliothèque médicale, 1828 , t. II, p. 310) ; l’article Névralgie du même auteur, dans le Dictionnaire de médecine et de chir. prat. (t. XII);les articles: Hyperàsthesien des Vagus et Hyperàsthesien der sympathischen Nervenbahnen du livre de RomRerg (Lehrbuch der Nerven-Krankh. Berlin, 1851, t. I, p. 118 et ldi); l’article Névralgie du Compendium de médecine (t. VI, p. 185); le chapitre Il yperesthésie du Traité de pathologie générale de M. Monneret (Paris, 1851, in-8, t. I, p. A20); l’article Névralgies, t. II du livre de Sandras (déjà cité). L. Fleury. Réflexions et observations pour servir au diagnostic des névralgies viscérales (Journ. de médecine, avril 1843 , p. 27). A. Laboulrène. Des névralgies viscérales ( Thèse pour l’agréga- tion. Paris, 1860, in-4). NÉVROSES. 1865. L’existence des névralgies viscérales ou viscéralgies est aujour- d’hui un fait acquis à la science et qui n’a plus besoin d’être longuement démontré. Les connexions anatomiques du système nerveux cérébro- spinal avec le système nerveux glanglionnaire sont si multipliées et si intimes ; les fonctions de ces deux systèmes, considérées dans leur en- semble, sont tellement analogues, pour ne pas dire identiques, que à priori on est porté à admettre une grande ressemblance entre la patho- logie des nerfs extérieurs et celle des nerfs viscéraux. L’observation cli- nique vient changer cette présomption en certitude. Malheureusement, ce que nous savons de positif au sujet des névroses splancbniques ne va guère au delà de l’affirmation même de leur réalité, ou de la possi- bilité de les distinguer d’autres affections caractérisées par des altéra- tions appréciables de la texture matérielle. A plus forte raison le temps ne semble-t-il pas venu de tracer une histoire générale de ces mala- dies. INous nous bornerons en conséquence à un petit nombre de remarques fort courtes, que nous présenterons bien plutôt pour signaler une lacune que pour essayer de la combler. Le siège des névralgies viscérales est la portion sensitive des nerfs qui se ramifient dans les viscères, et qui proviennent : les uns exclusivement du système ganglionnaire, les autres à la fois de ce système et de l’ap- pareil cérébro-spinal. L’importance que l’on attache généralement à cette distinction paraît exagérée, ces différences d’origine se réduisant en définitive à une relation plus ou moins directe entre les nerfs viscé- raux et le système nerveux dit de la vie de relation : le grand sympa- thique, pris dans sa totalité, ne dérivc-t-il pas du centre cérébro-rachi- dien et particulièrement de la moelle épinière ? Les symptômes des hypereslhésies viscérales se résument quelquefois en un signe unique : la douleur. Que ce phénomène se manifeste même dans des organes dénués de sensibilité à l’état normal, cela n’a rien qui doive surprendre; car, en supposant même que la physiologie nous en refuse l’explication, la pathologie ne nous démontre-t-elle pas ce fait que les parties osseuses et fibreuses, par exemple, également insensibles à l’état sain, peuvent devenir et deviennent souvent très douloureuses sous l’influence d’une modification morbide de leur tissu? — La douleur des viscéralgies, très variable quant à son intensité, offre cependant quelque chose de caractéristique, à savoir \emode spécial de la sensation accusée par les malades, il est vrai que c’est là un caractère difficile à décrire et qui ne peut être que très imparfaitement traduit parles expressions de : dou- leur vague et profonde, syucopale, avec sentiment d’anéantissement, etc. — Outre la douleur, on observe communément dans les viscéralgies un certain nombre d’autres phénomènes dénotant un trouble de l’innervation dans la partie hyperesthésiée : ce sont tantôt des mouvemens morbides qui accompagnent la douleur, tantôt des sécrétions anormales, etc. Déjà à l’occasion des névralgies extérieures nous avons signalé des symptômes concomitans de cette espèce, et l’on doit s’attendre à les retrouver bien plus fréquemment encore dans l’élude des névralgies viscérales : l’isole- ment des nerfs sensitifs, isolement presque complet pour certains nerfs cérébro-spinaux, telle est la condition qui préside tout à la fois à la cir- conscription exacte de l’hyperesthésie dans une région limitée et à l’exis- tence indépendante de cet état morbide; or, une semblable disposition n’existe nulle part dans le système des nerfs sympathiques. En effet, ces nerfs, mixtes dès leur origine, c’est-à-dire à la fois sensitifs et mo- teurs, conservent ce caractère depuis leurs racines, à travers les gan- glions et les plexus, jusqu’à leur terminaison dans les organes. Plusieurs viscéralgies peuvent exister ensemble; d’autres fois ce sont des névralgies externes qui coïncident ou qui alternent avec elles. La marche des névralgies viscérales est sujette aux mêmes variations que celle des névralgies proprement dites ; elle fournit l’un des carac- tères qui établissent le mieux l’analogie entre ces deux groupes d’affec- tions. L’intermittence est, en effet, ici le trait dominant, tantôt et le plus souvent irrégulière, d’autres fois périodique. — Même mobilité des phé- nomènes, mêmes variétés dans le début et la cessation des accidens, même absence d’évolution fixe, de phases déterminées soit d’augment soit de décroissement, et partant même incertitude de la durée ; même issue généralement favorable, tout au moins jamais ou presque jamais la terminaison mortelle ne survient-elle parle fait seul d’uneviscéralgie. Relativement aux causes de ces affections, nous ne pourrions que re- produire les considérations déjà développées à l’occasion de l’éliologie des névroses en général (n° 1777). Nous y renvoyons par conséquent, en insistant seulement sur l’extrême obscurité de cette étiologié; car si l’on peut jusqu’à un certain point comprendre comment l’influence de di- verses causes débilitantes ou directement excitantes engendre un mode vicieux de l’innervation générale (état nerveux), il est souvent fort diffi- cile pour ne pas dire impossible de déterminer pourquoi c’est tantôt telle partie, tantôt telle autre qui devient le siège de l’hypereslhésie. La part d’action des causes directes, déjà très restreinte dans la production des névralgies externes diminue singulièrement, on le conçoit, quand il s’agit PATHOLOGIE MÉDICALE. Névroses. d’organes placés pour la plupart hors de la portée des causes morbifiques locales; tout au plus peut-on invoquer ce genre d’influence jour cer- tains faits isolés (névralgie gastro-intestinale, utérine). Le diagnostic de toute viscéralgie est difficile, la situation profonde des parties privant le médecin des ressources si précieuses de l’explora- tion directe. Aussi n’est-ce souvent qu’après de longs tâtonnernens et par voie d’exclusion que l’on arrive à résoudre ce double problème : 1° quel est l’organe affecté? 2° l’affection consiste-l-elle tout entière ou presque entière dans la douleur même, ou bien doit-on admettre quelque lésion de texture dont celte douleur n’est que le symptôme ou l’épiphénomène ? On trouvera dans l’histoire particulière des viscéralgies les détails de ce diagnostic; ici nous devons dire seulement que pour l’établir ou se fonde sur deux ordres de considérations : les unes, que fournil l’exploration aussi attentive que possible de la région hyperesthésiée, ce sont celles qui conduisent principalement à déterminer le siège de la souffrance; les autres, puisées dans l’observation de l’hyperestbésie elle-même (marche irrégulière, coïncidence avec des névralgies externes, etc.) ou des phé- nomènes concomitans (apyrexie, persistance d’un état relativement satis- faisant de la nutrition générale), et qui servent à reconnaître la nature névralgique de l’affection. Le pronostic des viscéralgies ressort suffisamment de ce que nous avons dit plus haut de la marche habituelle de ces états morbides. Leur traitement, ne diffère de celui des névralgies que par l’efficacité souvent moindre de la médication topique (1) ; il comporte d’ailleurs les mêmes indications et principalement celle d’agir sur l’état général de l’économie (faiblesse irritable) par un ensemble de moyens hygiéniques et pharmaceutiques destinés à calmer et à fortifier. Nous allons maintenant aborder l’élude des viscéralgies en particulier, en commençant par celles des voies digestives. ARTICLE XVIII. VI5CÉRAI.GIES DES VOIES DIGESTIVES. 1866. Sans nous arrêter à la description de l’hyperesthésie du pha- rynx et de l’œsophage, qui ne saurait être guère séparée de l’histoire du (1) La composition des feuilles précédentes était terminée à l’époque où M. Béhier est venu communiquer à l’Académie de médecine (séance du 12 juillet 1859) les remarquables résultats obtenus à l’aide des injections médicamenteuses sous-cM/anées (solution de sulfate d’atropine, etc ), pratiquées d’après la méthode de M, Wood (Edinb. med. and. surg■ Journal, avril 1855). C’est là un traitement topique par excellence, qu’il faut ajouter, sous peine d’y laisser une lacune con- sidérable, aux diverses médications que nous avons énumérées à l’occasion des névralgies externes. (V. les résultats obtenus au moyen de ces injections par M. Becquerel {Gaz. des hôpitaux, juillet 1859), M. Hérard (Union médicale» août 1859), M. Courty (Montpellier médical, 1859, t. III, p. 289 et 404), PATHOLOGIE MÉDICALE. spasme de ces organes (voy. OEsophâgisme), nous croyons devoir expo- ser avec quelques détails l’histoire de la viscéralgie qui a pour siège la partie sous-diaphragmatique du tube digestif. Les douleurs qui occupent l’extrémité inférieure du gros intestin ( névralgie rectale ou recto-anale , proctalgie de quelques auteurs ) constituent une affection particulière, à laquelle il conviendrait de con- sacrer un chapitre spécial. Toutefois, l’espèce la plus remarquable de cette névralgie (proctalgie symptomatique d’une fissure à l'anus) ayant été longuement décrite dans la partie chirurgicale de ce livre [Elém. de pathol. chirurg. deM. Nélaton, publiés par M. Jamain, l. V, p. 73), nous nous contentons d’y renvoyer le lecteur. ARTICLE XIX DE LA GASTRALGIE. 1867. Bibliographie.—Tenka. Historia cardialgiœ. Yindob, 1785, in-8. Sghmidtmann. Summa observ. medicarum. Berlin, 1826, iu-8, vol. III, cap. ix, p. 191. J.-P.-T. Barras. Traité sur les gastralgies et les entéralgies. Paris, 1827 (3* édition, 1829-1839), in-8. J. Johnson. An essay on rnorbid sensibility of the stomach and boivels (5* édition). London, 1827. Cruveilhieu. Anaf. pathol. avec planches, 10" livraison (1850). Mém. sur Tulcère simple de Tcstomac. (Arch, gén. de médecine, 1856, février.) Krükenrerg. De inflarnmatione chronica ventriculi. Halae, 1845. G. Büdd. On the organic diseuses and functional disorders of the stomach. In-8. Londres, 1855. E. Henoch. Klinik de Unterleibs-Krankheiten (2e édition). Berlin, 1856, t. I, p. 109. 1868. Définition : Névrose douloureuse de l’estomac. — La douleur d’estomac n’est ni le seul signe ni le signe constant des troubles fonc- tionnels, dits nerveux, dont ce viscère peut être le siège ; il en résulte que le nom de gastralgie, pris dans le sens étymologique, désigne un état morbide rarement isolé, un symptôme plus ou moins saillant au mi- lieu d’autres phénomènes non douloureux liés aux mêmes conditions pathologiques de l’organe. Delà des variations nombreusesdanslesopinions des auteurs : les uns entendant parler des névroses de l’estomac, en gé- néral, quelles qu’en soient les expressions symptomatiques; les autres accordant principalement ou exclusivement leur attention aux manifesta- tions douloureuses proprement dites. 1869. Synonymie. — Ces dissidences expliquent pourquoi, pour NÊVROSES. certains pathologistes, le nom de gastralgie a pour synonymes seulement ceux de gastrodynie, de névralgie cœliaque, à'ardeur, de colique, ou de crampe d'estomac, de cardiulgie, cardiogmus, pyrosis, morsus ven- triculi, et pourquoi d’autres donnent comme synonymes, ou à peu près, des termes exprimant soit des attributs différents de la même maladie soit même le nom de la maladie considérée dans son ensemble. C’est ainsi que nous voyons quelques auteurs englober sous ce nom impropre de gastralgie et la douleur d’estomac proprement dite et les divers trou- bles désignés par les noms de pica, malacia, boulimie, aigreur d'estomac, vomissement nerveux, dyspepsie. Le seul moyeu d’échapper à la confusion qu’entraînent ces diverses manières d’interpréter les faits, nous paraît être de décrire d’abord la névrose douloureuse de l’estomac, puisqu’elle peut exister seule, et consliluer l’unique phénomène pathologique appréciable; de signaler ensuite les symptômes non douloureux dont elle est accompagnée dans le plus grand nombre des cas. 1870. Symptômes. —a. La gastrodynie ou gastralgie proprement dite présente de nombreuses variétés de siège, d’intensité, de mode et de durée. Elle se fait sentir à l’épigastre, au-dessous et en arrière de l’appendice xiphoïde, s’irradie aux parties latérales, remonte le long de l’œsophage et vient retentir en arrière vers la colonne dorsale. C’est tantôt uu malaise pénible, vague, une douleur obtuse; tantôt une souffrance aiguë, poignante, une sensation de déchirement, de coustriction, de brûlure ou de froid; tantôt quelque sensation bizarre de formication, de reptation, etc. La douleur est-elle très vive , les malades poussent des cris, s'agitent, éprouvent de la dyspnée, se sentent près de défaillir; les traits s’affaissent, les mains et les pieds se refroidissent, le pouls devient petit, serré, inter- mittent; la région de l’estomac est quelquefois ballonnée, globuleuse, plus souvent rétractée avec tension des parois (Romberg). Une forte pres- sion soulage souvent. La douleur n’est jamais absolument continue, mais revient par intervalles; elle s’exaspère lorsque l'estomac n’a pas reçu d’aliments depuis quelques heures, plus rarement elle est déterminée par l’arrivée des ingesta dans ce viscère ; quelquefois elle se déclare seulement une demi-heure, une ou plusieurs heures après les repas. Elle s’apaise promptement chez les uns; d’autres la ressentent {tendant toute la durée de la digestion et quelquefois encore longtemps après. Tantôt elle se montre seulement pendant la nuit, tantôt exclusivement le malin h l’heure du réveil, etc. b. La douleur dont il vient d’être question est presque constamment escortée d’autres symptômes qui surviennent les uns pendant les accès même, les autres dans leur intervalle. Ces phénomènes concomitans de la gastralgie sont loin d’être constamment les mêmes, ou d’être propor- tionnés, quant à leur intensité, soit à la violence, soit à la durée de la douleur gastrique. Il nous suffira d’énumérer brièvement ces sym- PATHOLOGIE MÉDICALE. ptômes locaux et généraux, dont l’étude détaillée doit trouver sa place ailleurs. Ce sont : des modifications de l’appétit, le plus souvent diminué ou aboli [anorexie absolue ou relative), d’autres fois exagéré [boulimie)', l’appétence pour des substances fades, indigestes ou très sapides ; la tolé- rance pour celles qui paraissent les moins digestibles (malacia et pied) ; des changemens dans les sécrétions de l’estomac, qui augmentent ou diminuent, acquièrent une acidité remarquable [oxygastriede M. Piorry); le développement anormal de gaz, surtout après les repas (pneumatose, hypochondrie locale de quelques auteurs); la lenteur ou le défaut d’éla- boration des alimens, le vomissement plus ou moins opiniâtre. A ces divers phénomènes dénotant une perturbation des fonctions gastriques, il faut en ajouter une foule d’autres qui ont lieu pendant la digestion stoma- cale ou peu de temps après : bàillemens, assoupissement, vertiges, hallu- cinations, palpitations, etc.; ou qui se rattachent moins directement encore au jeu fonctionnel du viscère affecté et rentrent dans la descrip- tion de l’état nerveux, de Y hypochondrie, de l’hystérie, de l’anémie : névralgie intercostale, constipation habituelle, hyperesthésies dans divers points du corps, craintes de maladies imaginaires, sensation d’une sorte d'aura remontant de l’estomac vers la gorge, battemens épigastriques, le tout accompagné d’amaigrissement et de décoloration, de leucorrhée, etc. 1871. Marche, durée, terminaison. — Au point de vue delà durée, plusieurs auteurs divisent la gastralgie en aiguë et en chronique, et cette distinction mérite d’être conservée; on a vu la douleur persister seulement quelques heures, d’autres fois pendant dessemaines, des mois, de longues années. La gastralgie ne présente que rarement une continuité parfaite; le plus souvent, il y a des accès douloureux dans l’intervalle desquels, à la vérité, la sensibilité n’est pas tout à fait normale. Ces accès se produi- sent souvent à jeûn, spontanément ou sous l’influence de quelque émo- tion ; plus rarement ils sont déterminés par la présence des alimens dans l’estomac. Les intervalles des exacerbations sont en général très irré- guliers ; une périodicité véritable ne se remarque que rarement ; cepen- dant tout le monde sait que la forme cardialgique est une des ma- nifestations possibles de l’empoisonnement palustre. — Les accès vio- lons débutent, en général, par un sentiment de constriction pénible à laquelle succède une douleur aiguë; celle-ci, après un temps très variable, souvent après plusieurs heures, va décroissant et ne laisse après elle qu’un vague malaise. Voilà pour la marche des accès. Quant à l’évolution de la maladie dont ces accès sont la manifestation, Barras ad- mettait trois périodes qui ne sont pas entièrement conformes à l’obser- vation clinique : suivant cet auteur, il y a d’abord trouble de la diges- tion, puis la douleur se manifeste, et enfin l’hypochondrie arrive; mais dans la plupart des cas, le développement de la maladie ne présente abso- lument rien de régulier et l’on ne saurait le ramener à un type constant ou même habituel que par un artifice dont l’utilité est fort contestable* NÉVROSES. ■— l a terminaison n’est pas fâcheuse, on ce sens cpie la mort n’est jamais la conséquence d’une gastralgie simple; toutefois on s’est demandé, si des souffrances nerveuses vives et prolongées de l’estomac ne pourraient pas, dans certaines circonstances, aboutir à la production d’une maladie orga- nique de ce viscère, particulièrement d’une affection cancéreuse. Ce qui ne saurait être révoqué en doute, c’est que certains sujets (en petit nombre, il faut eu convenir) qui ont succombé à une affection orga- nique de l’estomac, avaient commencé par être tourmentés de gastral- gies plus ou moins violentes. N’y a-t-il là qu’une coïncidence? ou bien, ce qui s’accorde mal avec la marche en général rapidement progressive des produits morbides, faut-il supposer que pendant la période quelque- fois très longue, caractérisée par les retours irréguliers de la douleur gastralgique, la formation accidentelle existait déjà, quoique peu déve- loppée et en quelque sorte latente? ou bien enfin doit-on admettre que l’étal de dyspepsie et de cachexie dont cette douleur est accompagnée, a favorisé chez les malades le développement d’une affection diathésique dont ils portaient le germe dans leur constitution ? C’est celte dernière manière de voir qui paraît la plus rationnelle. 1872. Complications. — Outre les accidens de dyspepsie et de né- vropathie, que l’on peut envisager comme les accompagnements presque obligés delà gastralgie ou dans lesquels on peut voir autant de complica- tions, nous devons noter encore l’ictère produit quelquefois par la vio- lence des douleurs gastralgiques ou peut-être par une participation des nerfs du foie à la souffrance qui siège dans ceux de l’estomac. 1873. Etiologie. —n. Comme causes prédisposantes, on admet l’héré- dité, le tempérament nerveux, le jeune âge, le sexe féminin ; des idio- syncrasies ou susceptibilités particulières de l’estomac à l’égard de cer- tains alimens ; la constitution médicale (Barras), une température élevée ou offrant de brusques variations, exercent une influence plus contes- table; en revanche, tous les écarts de régime, l’insuffisance ou l’excès des ingesta, leur nature (thé, café, alcool, alimens indigestes, venteux, acides, coudimens, etc.), ont une action manifeste sur la sensibilité gas- trique. La présence de lombrics ou du ténia dans les voies digestives a été signalée dans quelques cas. Nous avons déjà mentionné tout à l’heure la fièvre à forme cardialgique. Des causes puissantes ei journellement constatées de gastralgie sont celles que l’on trouvera indiquées dans l’histoire de l'état nerveux : passions vives, fatigues de l’esprit, abus des plaisirs vénériens, débilitation de l’économie par des hémorrhagies, des sécrétions anormales, des flux, et par une foule de maladies très diverses n’ayant de commun que l’état d’épuisement, de faiblesse irritable où elles jettent l’économie et, comme conséquence, la disposition à toutes sortes de névroses et à celle de l’estomac encore plus particulièrement; on notera sous ce rapport la fréquence et l’opiniâtreté de la gastralgie chez certains phthisiques au début. Disons enfin qu’une étroite syrn- PATHOLOGIE MÉDICALE. 248 palhie paraît exister entre l’estomac et l’utérus, à en juger par la fré- quence de la gastralgie dans la grossesse, chez les femmes dysménor- rhéiques et aménorrhéiques, et par l’influence que l’époque menstruelle exerce sur la production ou l’exaspération des douleurs d’estomac. Une sympathie semblable est encore admise entre l’estomac et d’autres par- ties de l’appareil génilo-urinaire, surtout chez la femme. — Quelques médecins rangent parmi les causes de ces douleurs les diathèses rhuma- tismale, dartreuse, goutteuse; mais, si l’on excepte les accès gastralgi- ques de la goutte irrégulière, qui révèlent leur origine spéciale par leur soudaineté, leur violence, leur cessation brusque, leur alternance avec d’autres manifestations goutteuses, il faut reconnaître que la plupart des autres états diathésiques ne paraissent avoir qu’une part très indirecte dans la production de la gastralgie. On peut dire seulement que les sujets affectés de ces états présentent souvent en même temps une constitution, un tempérament et d’autres conditions favorables au développement de la gastralgie, ou, pour parler le langage de certains auteurs, que la dia- thèse nerveuse complique un grand nombre d’autres diathèses. b. Nous venons d’indiquer l’étiologie de la gastrodynie simple, iclio- pathique ou sympathique. La même névrose douloureuse peut se sur- ajouter à une lésion de l’estomac évidente et trop légère cependant pour qu’on puisse ne pas tenir compte d’une disproportion manifeste entre le degré d’altération des tissus et la souffance qui l’accompagne. Tel est, par exemple, le cas de certains ulcères gastriques, consistant en une simple érosion de la membrane muqueuse et donnant lieu à des accès de gastralgie des plus cruels. Entre ces faits et ceux où les mômes phénomènes douloureux accompagnent l’inflammation très caractérisée des tuniques de l’estomac, la présence d’ulcères profonds ou de quelque pro- duction accidentelle, il y a de nombreux intermédiaires. Or si, au point de vue de la théorie, on peut discuter sur la signification des accidens gastralgiques en pareil cas; s’il est permis de les envisager, ici comme une complication, là comme un symptôme; en clinique, il faut en con- venir, de semblables distinctions n’ont qu’une bien faible valeur. Il ré- pugne d’aulant moins d’admettre des gastralgies symptomatiques, que les mêmes altérations, chez tel individu, exalteront à un haut degré la sensibilité gastrique, chez tel autre la respecteront complètement ou l’altéreront à peine, et cela malgré les progrès quelquefois très considé- rables des désordres anatomiques; de sorte que, jusqu’à un certain point, l’hyperesthésie de l’estomac semble avoir une existence indépen- dante de ces désordres, et qu’elle mérite en tout cas d’être étudiée à part. 187ù. Physiologie pathologique. — a. La gastralgie est une hyperes- thésie des nerfs de l’estomac; il paraîtrait inutile de rappeler une notion aussi élémentaire si l’on n’était allé jusqu’à admettre que la gastralgie peut provenir de \'anesthésie de ce viscère, dernier terme de la confusion NÉVROSES. entre la douleur et les troubles gastriques auxquels elle est habituelle- ment associée, mais dont elle ne fait pas nécessairement partie. Maintenant, les deux ordres de nerfs, cérébro-spinaux (pneumo-gastri- ques) et ganglionnaires (plexus cœliaqne), auxquels l’estomac doit sa sen- sibilité, sont-ils également intéressés dans tous les cas de gastralgie ? C’est là une question insoluble par voie d’expérimentation et à laquelle il semble bien difficile aussi de trouver une réponse dans les faits pathologi- ques. Cependant on a prétendu distinguer l’hyperesthésie pneumo-gas- trique de la névralgie cœliaque, et Romberg consacre une description particulière à chacune d’elles. Cet auteur attache surtout une grande importance, pour caractériser l’hyperesthésie ganglionnaire, à la nature de la douleur, à cette sensation à la fois vague et intense, syncopale, analogue à celle du testicule comprimé. Nous ne pouvons qu’indiquer ces distinctions, où l’analyse physiologique semble poussée jusqu’à la subtilité. b. Il y a dans l’estomac, comme en général dans les organes splan- clmiques, un mélange si intime de filets sensitifs et moteurs ; il se pro- duit, en santé, des actions réflexes si rapides des uns aux autres, et à l’état morbide les phénomènes douloureux et convulsifs sont souvent tellement confondus, qu’il paraît fort difficile de séparer l’étude de la gastralgie de celle du spasme de l’estomac ; de là le nom de crampe d'estomac donné comme synonyme de gastralgie. Pourtant, il est digne de remarque que de ces deux éléments, douleur et spasme, l’un n’im- plique pas forcément l’autre et qu’ils sont loin d’ètre réciproquement proportionnels. Prenons pour exemple l’une des formes les plus im- portantes du spasme stomacal : qui ne sait qu’il y a des gastralgies violentes sans vomissement, comme il existe des vomisscmens nerveux incoercibles, sans douleur bien intense ! Et non-seulement les sym- ptômes douloureux et convulsifs s’ajoutent ou s’isolent capricieuse- ment (c’est-à-dire d’après des lois que nous ignorons), mais il en est encore de même très souvent pour d’autres phénomènes qui, à l’égal de la souffrance et des contractions morbides, dépendent de l’état de l’in- nervation : c’est ainsi que les sensations de la faim et de la satiété, que les sécrétions muqueuses et acides, que Je dégagement de gaz dans l’estomac, sont diversement modifiés dans les mêmes cas et sous les mêmes influences où se manifestent la gastrodynie, la crampe d’estomac ou le vomissement. On donne communément le nom de dyspepsie à cet assemblage confus de phénomènes sensitifs, moteurs et sécrétoires de l’estomac, auxquels bien souvent s’ajoutent des modifications des fonctions hépatique, pancréatique, intestinale, etc. Quant à la place qui convient à la gastralgie proprement dite dans ce groupe de symptô- mes, elle a été et elle est encore l’objet d’opinions contradictoires, qui ne sauraient subsister bien longtemps en présence des faits. La gastralgie est ['une des expressions d’un trouble de l’innervation gastrique; rien de PATHOLOGIE MÉDICALE. plus. Elle peut exister seule. Elle se mêle plus souvent à d’autres signes de la même modification fonclionuelle (dyspepsie). Mais elle n’en est pas la cause, comme le donnent à entendre certains auteurs, puisqu’il y a des dyspepsies sans douleur notable ; elle n’en est pas davantage la conséquence forcée, puisqu’il existe des gastralgies sans phénomènes dys- peptiques dans l’intervalle des douleurs (par exemple la gastralgie gout- teuse). Et même lorsque la douleur et la dyspepsie se trouvent réunies, ce qui est fréquent, on ne trouve aucune corrélation nécessaire entre la gastralgie et les autres phénomènes parallèles et équivalons de la dys- pepsie, tels que le vomissement ou l’inertie de l’estomac, la sécrétion exagérée ou insuffisante des sucs digestifs, etc. 1875. Diagnostic. — Le phénomène : douleur épigastrique, appar- tenant à un grand nombre de maladies différentes par leur nature et leur gravité, il est fort important dans la pratique de distinguer les cas où cette douleur est due à une affection de l’estomac, de ceux où elle est étrangère à cet organe, et, lorsque son siège est déterminé, d’en re- chercher la véritable cause. a. On pourrait prendre pour une gastralgie, une douleur localisée dans le muscle droit de l’abdomen (par exemple le rhumatisme muscu- laire ou fibreux, ou l’hyperesthésie musculaire étudiée par M. Briquet chez les hystériques et désignée par cet auteur sous le nom d'épigastrul- gie). Le siège superficiel de la douleur, son retour sous l’inlluence d’une pression légère, de la contraction du muscle, l’absence de trouble dans les fonctions de l’estomac, et (dans les cas d’hypereslhésie hystérique) la facilité avec laquelle la faradisation fait disparaître les symptômes, per- mettront de résoudre celte difficulté. Mais il ne faut pas oublier que l’endolorissement des muscles abdominaux coïncide souvent avec une gastralgie véritable. — Les mêmes considérations s’appliquent à la né- vralgie intercostale dont le point antérieur ou épigastrique peut en im- poser pour une douleur plus profonde, mais dont la coïncidence avec le point vertébral et te point thoracique latéral dissipera tous les doutes. Rappelons encore ici qu’une névralgie intercostale accompagne souvent la gastralgie. b. Quand le siège de la douleur dans l’estomac se trouve établi, soit par l’absence des signes qui dénotent une souffrance plus superficielle, soit plus directement, par les relations que l’on constate entre les phéno- mènes sensitifs et les divers actes de la digestion stomacale, c’est alors que se présente un autre ordre de questions : Faut-il attribuer la dou- leur à une simple névrose ou à quelque altération matérielle, telle que l’inflammation aiguë ou chronique, l’ulcère simple, le cancer de l’es- tomac ? Le diagnostic de la gastralgie et de la gastrite se fonde sur la rareté, aujourd’hui bien reconnue, de 1 inflammation stomacale ; sur la nature des causes qui ont fait naître la maladie; sur la présence de la fièvre en NÉVROSES. 251 Cas de phlegmasie et son absence dans la névrose; sur l’existence des phénomènes nerveux concoinitans, bien plutôt que sur la considération des symptômes locaux eux-mêmes. Cependant ceux-ci ne manquent pas non plus de valeur. x\insi la douleur de la gastrite est continue, elle augmente par la pression et par l’ingestion des alimens ; dans la gastral- gie elle est rémittente, la pression la soulage quelquefois, et les alimens la calment le plus souvent. En outre la langue est rouge, sèche, couverte d’enduits, l’appétit est nul, la soif vive dans les cas d’inflammation ; tandis que dans la névrose la langue est naturelle, l’appétit quelquefois exagéré, presque toujours capricieux, la soif modérée ou même diminuée. C’est encore à la névrose qu’appartiennent le gonflement de la région épigas- trique, l’éructation fréquente, le bâillement, la constipation habi- tuelle, etc. L'ulcère simple de l’estomac s’accompagne quelquefois d’une per- version considérable de la sensibilité gastrique, au point que l’on doit admettre l’existence simultanée de cette lésion et d’une véritable gas- tralgie; et dans bien des cas, si l’on ne considérait que les phénomènes douloureux en eux-mêmes, sans avoir égard aux autres perturbations fonctionnelles qui les accompagnent ou qui les remplacent pendant l’in- tervalle des accès, le diagnostic deviendrait tout à fait impossible. Il de- meure encore très difficile quelquefois, même pour le médecin qui tient compte de tous les détails de l’état général et local Cependant, lorsque dans les intervalles des accès la douleur est nulle ou supportable, qu’elle n’est pas exaspérée par ia pression, qu’elle est soulagée par l’in- gestion des alimens, que ceux-ci ne sont pas rejetés par le vomisse- ment; si l’épigastre est souple et mou ; si l’on observe de la boulimie, du pica, des symptômes nerveux de diverses espèces (palpitations, mi- graines, vertiges, bourdonnemens d’oreille, signes d’hystérie) ; si l’on constate une évidente relation des symptômes gastriques avec quelque maladie utérine, ou quelque dérangement des menstrues, etc. ; toutes ces circonstances renderont extrêmement invraisemblable, mais n auto- riseront pas à nier d’une manière absolue, l’existence d’un ulcère sto- macal. Les caractères distinctifs tirés du jeune âge, du sexe féminin, de la chlorose coïncidente, ont beaucoup moins de valeur qu’on ne le pense communément, car c’est justement dans ces conditions réputées pro- pres à la névrose que l’ulcère a été souvent rencontré. Les rémissions durant plusieurs mois ou plusieurs années, l’état relativement satisfaisant des fonctions nutritives, n’exclue pas non plus l’existence possible d’un ulcère gastrique. Quelquefois les symptômes ne se caractérisent bien nettement que lorsqu’il survient des vomissemens ou des selles de sang pur ou altéré (melœna), ces phénomènes étant complètement étrangers à la sim; le névrose de l’estomac. Quant au diagnostic du cancer et de Sa gastralgie, il s’établit en com- parant l’intensité, ia marche, les ictours de la douleur dans les deux 252 PATHOLOGIE MÉDICALE. cas; en opposant les vomissemens tardifs du cancer à ceux de la gastralgie qui ont généralement lieu peu de temps après les repas ; en constatant, d’une part, la multiplicité des symptômes névropalhiques qui accompa- gnent la gastralgie sans altérer très notablement la nutrition, et de l’au- tre, l’état de cachexie profonde avec coloration spéciale des tégumens qui signale les progrès du produit accidentel. Celui-ci, de plus, ne manque guère de former plus ou moins promptement une tumeur appréciable au toucher et de donner lieu à des vomissemens ou tout au moins à des selles hématiques. 1876. Pronostic. — La gastralgie tend naturellement à la guérison quand elle a la forme aiguë et qu’elle a été produite par quelque cause accidentelle ; mais la gastralgie chronique, liée à la dyspepsie, à la chlorose, aux névropathies générales, est, comme les autres symptômes de ces états morbides, remarquable par son opiniâtreté, ses fréquentes récidives, sa résistance aux moyens thérapeutiques. C’est seulement dans ces cas complexes que l’on a vu quelquefois des gastralgiques mourir. Lorsqu’on dit que cette affection, par l’affaiblissement qui résulte du dé- faut d’alimentation ou de nutrition, prédispose les individus à contracter des affections graves ou favorise chez eux le développement de diverses diathèses, on entend également parler non de la gastrodynie proprement dite, mais du groupe symptomatique dont elle est un des élémens. 1877. Traitement. — La gastralgie aiguë idiopathique ne réclame d’autres moyens de traitement que ceux dont l’action consiste à calmer la douleur (repos de l’organe souffrant, topiques caïmans, bains, antispas- modiques divers); mais il n’en est pas de même de la forme chronique de cette douleur : ici l’appréciation de l’état morbide antérieur et actuel et surtout de la condition générale de l’économie doivent principalement fixer l’attention. La gastralgie dans ces circonstances se trouve reléguée au second plan, et les moyens à mettre en usage se confondent entièrement avec le traitement des diverses variétés de dyspepsie, de la chlorose, de l’hypochondrie, de l’hystérie, etc.; nous n’avons pas à énumérer les agens usités contre ces maladies. 11 est cependant un point sur lequel nous croyons devoir insister : c’est qu’on ne saurait sans inconvéniens faire abstraction de la sensibilité maladive de l’estomac, quand on se trouve en présence de ces faits complexes de gastralgie dont nous ve- nons de parler. Née de l’exagération inévitable que les médecins met- taient il y a peu d’années encore à bien établir l’innocuité du traitement reconstituant et stimulant, là où l’école physiologique en proclamait l’u- sage pernicieux, incendiaire, l’audace de la médication tonique menace aujourd'hui de tourner en routine. Des alimens substantiels, principale - ment les viandes grillées et rôties, les amers, les préparations ferrugi- neuses sont uniformément prescrits à tous les gastralgiques; et trop souvent celte médication, toute rationnelle en apparence, échoue, faute d’une condition essentielle et qui est subordonnée en grande partie à la NÉVROSES. 253 sensibilité gastrique : la tolérance. Combattre la douleur est souvent le vrai moyen de faire digérer, et faire digérer, assimiler, n’est-ce pas l’in- dication capitale dans une foule de névropathies qui se rattachent à un état de débilité générale? Pour atteindre ce but, on emploiera donc au commencement avec un avantage marqué les moyens directs propres à éteindre l’hyperesthésie de l’estomac : régime doux, au besoin prépara- tions opiacées à l’intérieur, vésicatoires simples ou pansés avec la mor- phine, etc.; sauf aussitôt après à mettre en œuvre la médication reconsti- tuante. C’est alors qu’on pourra combattre parties moyens hygiéniques et pharmaceutiques appropriés les divers troubles fonctionnels (acidité des sécrétions, défaut de contractilité, etc,), dont l’estomac est le siège, ainsi que les nombreux phénomènes sympathiques et secondaires. ARTICLE XX DE L’eNTÉRALGIE. 1878. A. Yater. Depassionibus colicis et iliacis, Yiteb. 1726. Schleiermacher. De doloribus intcstinorum qui vulgo vocantur colici, Giessen, 1736. Dahlhaüsen. De doloribus intestinorum vulgo colicis diclis. Ludg. Batav., 1750. Siemerling, Dissertatio inaug. de colica. Gotting. 1778. De Bruyn. Diss. de dolore colico vero et spurio. Duisb. 1791. Markowski. Sur la colique. Paris, 1805, in-8. Barthez. Mémoire sur le traitement méthodique des (luxions et sur les coliques iliaques qui sont essentiellement nerveuses. Montp., 1816, in-8. Consulter la bibliographie de l’article précédent et de l’article de Requin sur Empoisonnement par le plomb. T. III de cet ou- vrage, p. 65, n° 1239. 1879. Confondue par un grand nombre d’auteurs, sous le nom de gastro-entéralgie, avec la maladie dont l’histoire précède, l’hyperesthé- sie des nerfs sensitifs de l’intestin grêle et du gros intestin, présente en effet avec la névralgie de l’estomac des coïncidences très fréquentes et une analogie des plus complètes. Ses symptômes ont été décrits par Romberg avec une remarquable exactitude, sous le titre de névralgie mésentérique : douleur s’irradiant de l’ombilic au reste de l’abdomen, revenant par accès et s’apaisant par intervalles ; déchirante, contusive, pressive, plus souvent torminense, précédée et accompagnée d’une sensation toute particulière de malaise, d’anéantissement ; le malade s’agite, cherche à se soulager en changeant de position, en comprimant l’abdomen ; la température des mains, des pieds, des fesses est abaissée ; la ligure est contractée, les sourcils se fron- PATHOLOGIE MÈUICALË. cent, les lèvres pincées trahissent la douleur. Petitesse et dureté du pouls; tension des parois abdominales qui sont ballonnées ou retractées; sou- mit nausées, vomissement, ischuric et strangurie; quelquefois lénesme rectal. La constipation accompagne ordinairement cet étal, plus rare- ment les évacuations sont naturelles ou augmentées. Un accès de ce genre dure depuis quelques minutes jusqu’à plusieurs heures, avec des répits passagers. Il cesse tout à coup et un sentiment d’extrême bien- être y succède. Le retour des accès a lieu souvent sous l'influence de causes inappré- ciables, d’autres fois ce sont des émotions morales, la fatigue, qui les occasionnent. L’ingestion des alimens ne les provoque pas immédiate- ment, mais dans le cours de la digestion, et lorsque les matières com- mencent à pénétrer dans l’intestin, l’exacerbation a lieu et la souffrance devient parfois atroce. La marche, la durée, la terminaison ne diffèrent pas notablement de ce qu’elles sont dans la gastralgie. — Parmi les complications, en outre de celles indiquées à propos de celle dernière maladie, nous mention- nerons seulement V iléus nerveux dont l’analogie symptomatique avec un obstacle matériel au cours des matières a été certainement admise sur des témoignages insuffisans ; tout se borne le plus souvent à une constriction douloureuse ressentie par le malade dans un point élu ventre, avec rétention plus ou moins persistante des matières et des fla- tuosités, plus des nausées et des vomissements alimentaires ou muqueux. — Les causes sont toutes celles de la gastralgie. 1880. Nous ne dirions rien de la physiologie pathologique, qui se confond également avec celle de la gastralgie, si une erreur échappée à l’un des maîtres de la science contemporaine ne nous paraissait pas mériter ici une courte réfutation. D’après cet auteur, la seule partie sen- sible de l’intestin serait le côlon et le rectum animés en partie par les nerfs qui proviennent du plexus sacré; l’intestin grêle ne recevant que des fdets émanés des ganglions sympathiques serait, au contraire, dénué de toute sensibilité [Traité de nosographie médicale de M. le professeur Bouillaud, l. III, p. 511, 566); de là, par une conséquence naturelle, la localisation de toute douleur intestinale dans la portion située au delà de la valvule iléo-cæcale. Celle opinion, non-seulement repose sur une idée inexacte des attributions du nerf trisplanchnique en général, mais encore, à ne considérer que le fait particulier de la sensibilité des intestins, elle est en contradiction avec l’anatomie, la physiologie et la pathologie de ces organes. Ainsi, rien de moins réel que les prétendus nerfs sacrés ascen- dans qui iraient se prolongeant jusqu’au côlon ; rien de plus arbitraire que celle distinction entre le gros intestin (la portion terminale ex- ceptée) et l’intestin grêle, au point de vue de leur sensibilité normale : l'un et l’autre en possèdent une également obtuse, mais également évi- dente ; enfin, dans l’ordre pathologique, quoi de mieux prouvé que NÉCROSES. 255 l’existence de Y entérodynie dans des régions du ventre non occupées par le gros intestin? On pourrait, pour surcroît de preuve, citer les douleurs de l’entérite de l’intestin grêle non étendue au colon ; les invaginations et les étranglemens du même intestin grêle si souvent accompagnées de vives souffrances (voy. à ce sujet l’excellent travail de M. le docteur Besnier : Des étranglements internes de l’intestin, in-8, Paris, 1860, p. 189, 251). 1881. ! e diagnostic peut présenter quelques difficultés. Si une en- térite ne peut guère être confondue avec une cntéralgie, il n’en est pas de môme des maladies douloureuses occupant les parois abdominales. Ce- pendant le rhumatisme de ces parois se reconnaîtra à la continuité de la douleui, à son siège superficiel, à l’absence des tortillemens propres à la colique, aux exaspérations provoquées par certains mouvemens ou par certaines attitudes nécessitant la contraction ou l’allongement des mus- cles affectés. — La myosalgie hystérique des parois abdominales se dis- tingue de l’entéralgie par des caractères analogues; de plus elle offre cela de particulier qu’on la réveille par le grattement superficiel du muscle endolori, et qu’elle peut être instantanément éteinte par la fara- disation (Briquet). — Dans la névralgie lotnbo-abdominale la douleur est quelquefois excessive; elle revient par accès; les points qu’elle occupe sont situés à l’hypogastre, aux flancs : voilà de nombreuses causes d’erreur. On reconnaîtra cependant les deux affections aux signes suivans : dans l’entéralgie la pression n’est pas douloureuse ou l’est à peine; dans la névralgie lorabo-abdominale, au contraire, outre les points bypogastrique, inguinal, etc., on trouvera les points lom- baire et iliaque où la pression occasionne de vives douleurs. — La colique hépatique et la colique néphrétique ont un siège différent de l’entéralgie et s’accompagnent d’ailleurs de plusieurs symptômes tout h fait caractéristiques. One partie du diagnostic plus importante encore est la détermination de la cause qui a donné lieu à l’entéralgic : c’est seulement par exa- men approfondi des antécédens et de l’état actuel qu’on pourra y arri- ver; car l’entéralgie peut être idiopatbique ; elle peut se rattacher à une maladie locale (de l’utérus et de l’ovaire par exemple) ; elle peut être liée à l’hystérie, à l’état nerveux, h l’intoxication par le plomb. Remarquons, au sujet de cette dernière affection, combien on est quelquefois em- barrassé pour reconnaître l’entéralgie saturnine. Pour le prouver ne suffit-il pas de rappeler les doutes qui ont subsisté si longtemps sur la nature de la maladie appelée colique nerveuse, colique sèche, végétale, des pays chauds, etc.? Aujourd’hui l’origine saturnine de cette affection paraît être définitivement établie, grâce aux patientes investigations de M. Lefèvre. (Recherches sur les causes de la colique sèche. Paris, 1859, in-8.) 1882. Le pronostic de l’cnléralgie n’estautre quecelnide la gastralgie, 256 PATHOLOGIE MÉDICALE. et moins grave encore, puisque le siège de la maladie produit un obstacle moins immédiat à la digestion et h l’assimilation. —Quant au traite- ment, il ne diffère pas sensiblement de celui de la gastralgie aiguë ou chronique, si ce n’est par l’efficacité plus grande des médicaraens admi- nistrés sous forme de lavemens, etc. ARTICIE XXI VISCÉRALGIES DES ANNEXES DU TUBE DIGESTIF. DE l’hÉPATALGIE (NÉVRALGIE DU FOIE, COLIQUE HÉPATIQUE). 1883. Bibliographie. — Pour les travaux de Bianchi, Morgagni, RAFLER, LlEUTAUD, ÜüRANDE, SOEMMERING, J.-P. FRANK, J. Frank, Cruyeilhier, Littré, Faugonneaü-Dufresne, Du- parque, sur les calculs biliaires et sur l’hépatalgie calculeuse, con- sulter la bibliographie de l’article Lithiase bilaire de Requin (t. III, de cet ouvrage p. 142), et comme traitant plus spéciale- ment de FHépatalgie non calculeuse : Andral. Clinique médicale (2e édition, Paris, 1846, in-8. t. II, p. 284.) Beau. Etudes sur l’appareil spléno-hépatique (Arc//, gén. deméd., 1851). Faugonneaü-Dufresne. Précis des maladies du foie, Paris, 1856, in-8, p. 98. E. Henoch. Klinik der Unterleibs-Krankheiten, Berlin, 1856, in-8, (t. II, p. 214). 1884. Laissant de côté Xhépatalgie symptomatique, déjà décrite précédemment comme un accident de la lithiase biliaire, nous nous bor- nerons ici à l’étude de l’hépatalgie dite idiopathique ou nerveuse. Celle-ci est caractérisée par des douleurs violentes localisées dans Je foie, sans qu’il yait altération du parenchyme hépatique, ni obstacle matériel au cours de la bile dans les canaux excréteurs de ce liquide. Les douleurs sont tantôt fixes, vives, lancinantes, tantôt diffuses et sourdes. Quelquefois après avoir été sourdes, elle deviennent aiguës, intolérables, gênent la respiration, la parole et le mouvement; ailleurs elles conservent longtemps la même intensité et consistent en une sensa- tion de pression, de chaleur ou de déchirure. Jamais elles ne s’accom- pagnent de fièvre. En se répétant elles finissent par amener un certain degré de congestion (comparable à celle de la conjonctive dans la né- vralgie de la branche ophthalmique), et l’on trouve alors le volume du foie augmenté. Les malades accusent ces douleurs en divers points : sous les fausses côtes, au dos, à la région de la vésicule, à l’hypochondre gau- che, dans tout l’hypochondre droit. En général, elles sont réveillées par la névroses. 257 pression pratiquée au-dessous du rebord costal, où le foie fait une saillie plus ou moins notable ; la percussion est douloureuse non-seulement dans ce point, mais encore dans toute l’étendue de la matité hépatique, laquelle est presque toujours augmentée eu tous sens. Quelquefois la dou- leur est soulagée par la pression. — Les hépatalgies se montrent assez souvent par accès et avec des intermittences plus ou moins égales. Par l’intensité extrême qu’elles acquièrent chez certains sujets, elles peuvent simuler de la manière la plus complète les coliques hépatiques produites par des calculs (voy. dans ce livre Lithiase biliaire, t. III, p. Iù6), et, comme elles, être suivies d’un ictère plus ou moins accusé, résultat d’une sécrétion augmentée de l’organe endolori ; on a judicieusement comparé cette hypercrinie au larmoiement qui accompagne la névralgie faciale. — La durée de la colique est d’une demi-heure ou moins et au plus de deux ou trois jours, pendant lesquels il peut y avoir plu- sieurs exacerbations. La douleur diminue quelquefois insensiblement, mais disparaît le plus souvent en quelques secondes, dans le moment où elle est le plus considérable et quand le malade se croit condamné à la subir encore pendant longtemps. A peine a-t-elle cessé qu’on peut palper et percuter le foie que l’on trouve à peine sensible, mais con- servant cependant un léger excès de volume dans l’intervalle des attaques. Chez certaines femmes on a vu l’hépatalgie se manifester régulièrement avant ou après l’époque menstruelle. La douleur augmente parfois après les repas, pendant les digestions, ou bien se fait particulièrement sentir pendant la nuit. On la voit quelquefois cesser subitement pour se re- porter sur une autre partie : les nerfs intercostaux, les reins, les testi- cules, etc. — A la suite d’une violente attaque de colique calculeuse on a vu survenir une paralysie passagère des membres du côté droit ; de même aussi des convulsions (hémi-convrdsions) se développent dans certains cas pendant la durée de ces crises douloureuses. Aucun de ces phénomènes n’a été noté jusqu’ici dans les cas de colique hépatique indépendante de la présence de calculs. 1885. Étiologie. — Celte affection, d’après W. Fauconneau-Dufresne, serait commune chez les sujets névropathiques et chez les jeunes filles chlorotiques; cependant d’autres auteurs la considèrent comme très rares dans ces conditions (Henoch); on l’observe chez les goutteux et les rhumalisans. De même qu’on la voit quelquefois, en dispa- raissant, faire place à d’autres névralgies, de même elle peut se dé- velopper rapidement à la suite d’une gastralgie, d’une entéralgie, d’une cystalgic, etc., ou alterner avec ces diverses douleurs viscérales. Il est des sujets chez lesquels une faible congestion sanguine dans le foie ou de simples grumeaux biliaires dans le canal cyslique paraissent suffire pour déterminer une hépatalgie ; mais dans ce cas, quelque violente que puisse être la douleur et si légère qu’en soit la cause manifeste, ce n’est plus à une hépatalgie idiopathique que l’on a affaire. L’une des Pathologie médicale. causes les plus communes de cette affection serait, suivant M. Beau, l’ingestion de certaines substances irritantes (acides, alcool, condimens divers) qui, étant absorbées et charriées k travers le foie, détermine- raient dans cet organe une excitation douloureuse. C’est même par l’ac- tion des ingesta que ce pathologiste cherche à expliquer un grand nombre de coliques hépatiques attribuées par la plupart des médecins k la présence de calculs ; on aurait fréquemment regardé comme sympto- matiques de concrétions biliaires, les hépatalgies purement nerveuses. Nous examinerons tout k l’heure cette opinion; pour le moment con- tentons-nous de faire observer avec Henoch (toc. cit., p. 219) que pres- que toujours, quand l’ingestion de substances irritantes est suivie d’hépatalgie, c’est que le foie est déjà malade. 1886. Le diagnostic de l’hépatalgie ne présente pas de sérieuse diffi- culté ; toutefois, aussi longtemps que l’ictère ne se manifeste pas, îe siège de la douleur k l’épigastre, k la partie moyenne de l’hypochondre ou au niveau du tiers postérieur des dernières côtes, peut faire croire k une gastralgie, k une enléralgie, k une colique néphrétique. La percussion, dit M. Beau, empêchera toute erreur k ce sujet et montrera que l’af- fection est uniquement localisée dans le foie, en permettant de con- stater : 1° que le foie tout entier est augmenté de volume ; 2° que toute la matité circonscrite par le volume du foie, en avant, en arrière et sur le côté est extrêmement douloureuse k la percussion, quel que soit le lieu circonscrit où siège la douleur spontanée. Mais, étant reconnue l’existence de l’hépatalgie, il reste k en préciser la cause. Nous n’admettrons pour plus de simplicité que deux espèces de cette viscéralgie : calculeuse et non-calculeuse, englobant sous cette dernière dénomination toutes les coliques hépatiques qui ne se rattachent pas k la présence de concrétions dans les voies biliaires, que ce soit d’ail- leurs la goutte, le rhumatisme, l’hystérie, etc., que l’on admette comme cause de la maladie. M. Beau, dans le travail cité plus haut, « sans nier les hépatalgies produites par un calcul », les croit « cependant peu or- dinaires; on finira par reconnaître (pense cet auteur) que dans la grande majorité des cas, les névralgies du foie reconnaissent d’autres causes que l’obstruction calculeuse. » Celle opinion se fonde : 1° sur l’existence de vomissemens bilieux pendant l’attaque, c’est-à-dire pendant que le con- duit cholédoque est censé obstrué ; 2° sur la non-expulsion des calculs obstruans. L’auteur insiste également: 3° sur le moment où la douleur commence à se faire sentir : quand il s’agit d’une hépatalgie produite par les ingesta, c’est-k-dire (d’après les idées de M. Beau) de la plus fréquente de toutes les hépatalgies, son début a lieu plusieurs heures après le repas et surtout après un repas copieux. k° On signale enfin les retours de la douleur sous les mêmes influences qui l’ont fait naître une première fois; au contraire, la colique calculeuse ne serait guère sujette à des récidives aussi rapprochées. — D'après ces données, on se- NÉVROSES. rait donc conduit à diagnostiquer une hépatalgie non calculeuse quand on aurait constaté l’ensemble de signes positifs ou négatifs que voici : vomissemens bilieux; défaut d’expulsion des calculs; début et récidives de la colique quelque temps après le repas. Mais ces caractères ont-ils bien toute l’importance qui leur a été attribuée ? a. D’abord l’enclavement douloureux d’un calcul n’a rien d’incompa- tible avec la perméabilité persistante du canal cholédoque, ni par consé- quent avec la production de vomissemens bilieux. Le canal cystique (que M. Beau omet de mentionner) étant le point le plus étroit, le véritable isthme des voies biliaires, c’est surtout ce canal que les calculs ont peine à franchir et qu’ils ne traversent qu’au prix de vives souffrances, pour peu que leur volume soit considérable ou leur forme irrégulière. Ne sait-on pas qu’il est relativement assez rare de les trouver engagés dans le cholédoque, précisément parce que les pierres sorties de la vé- sicule, quand elles arrivent jusque dans le cholédoque, n’éprouvent plus guère de difficulté à le traverser à sou tour pour tomber dans l’intestin? b. Quant à l’autre argument, à savoir qu’après la cessation des coli- ques il est souvent impossible de reconnaître le calcul obstruant dans les garderobes, pour admettre la généralité du fait, il faudrait se livrer sur les matières alviues rendues en pareilles circonstances à des re- cherches très patientes, les continuer pendant plusieurs jours de suite, et c’est ce qu’ou néglige trop souvent de faire. Rappelons, en outre, qu’uu calcul, pour être capable d’obstruer le canal cystique, n’a pas né- cessairement un grand volume ; que d’ailleurs pendant son long trajet h travers l’intestin il se peut qu’il ait été réduit à quelques fragmens disso- ciés, à quelques gouttelettes graisseuses, méconnaissables même à l’exa- men le plus attentif. Enfin, point plus essentiel encore, il ne faudrait pas en vue d’une dénégation plus facile, réserver le nom d’hépatalgie calculeuse à celle qui résulte de l’occlusion complète, hermétique des voies biliaires ; la présence d’un calcul, tel est ici le fait essentiel, ce calcul dût-il n’apporter qu’un obstacle incomplet au cours de la bile, dût-il même ne s’y opposer en aucune façon, comme cela a lieu dans les cas de gravelle biliaire. Sans doute il est fort intéressant encore de distinguer les faits où les concrétions, cause de la colique, déterminent mécani- quement la rétention de la bile, de ceux où elles agissent sur l’innervation du foie, sans que leur volume ou leur situation entraîne une semblable rétention; mais ces différences ne sauraient empêcher l’hépatalgie dans les deux cas d’être une névralgie essentiellement symptomatique ; or c’est justement ce qu’il s’agit d’établir. c. Si la production de vomissemens bilieux, si l’absence réelle ou le défaut de constatation des calculs dans les garderobes, sont insuflîsans pour prouver la très grande fréquence des hépatalgies purement ner- veuses, les argumens tirés de l’influence des ingestu ont-ils une valeur beaucoup plus décisive? De ce que la colique éclate souvent quelques 260 PATHOLOGIE MÉDICALE. heures après un repas, s’ensuit-il nécessairement qu’il faille mettre hors de cause la présence d’une concrétion biliaire? Nullement; car, tout en reconnaissant l’influence que les ingesta irritans exercent sur la sensi- bilité du foie, on peut admettre qu’au moment où cet organe et ses dépendances entrent en jeu à la suite d’un repas, les calculs peuvent plus aisément qu’à tout autre moment, être déplacés, poussés dans le canal cystique, retenus dans ce canal, et occasionner les mêmes douleurs que dans l’autre hypothèse on attribue à l’excitation du foie par les liquides absorbés. En résumé, l’hépatalgie non calculeuse est certainement une maladie réelle ; mais quant à sa fréquence, comparée à celle de l’hépatalgie cal- culeuse, les preuves alléguées jusqu’à présent ne suffisent pas pour la faire apprécier exactement ; puisque la plupart des circonstances dont on croit pouvoir s’autoriser pour rejeter l’existence des concrétions biliaires laissent souvent place à quelques doutes. Ce n’est pas à dire cependant que la coïncidence bien démontrée de la douleur hépatique avec d’autres états morbides (névropathies, rhumatismes, etc.), sa mobilité, sa gué- rison sous l’influence de certaines médications, ne puissent dans un cer- tain nombre de cas faire admettre l’hépatalgie non calculeuse comme de beaucoup la plus probable. 1887. Le pronostic de l’hôpatalgie non calculeuse n’est pas grave; il est surtout beaucoup moins fâcheux que celui de la colique avec con- crétions biliaires. — Le traitement de celte variété d’hépatalgie consis- tera d’abord en bains émolliens, en topiques composés avec des sub- stances narcotiques, en boissons, pilules et potions antispasmodiques et calmantes (belladone, aconit, cyanure de potassium; morphine, surtout par la méthode endermique). Les émissions sanguines sont rarement suivies d’un résultat favorable. Les purgatifs ont plutôt quelque succès. L’association de l’opium avec le fer et le quinquina a réussi dans beau- coup de cas. On a recours enfin aux douches et bains de vapeur, aux bains russes, aux bains sulfureux et alcalins, gélatineux, à l’hydrothé- rapie. Pour prévenir les rechutes, pour combattre aussi la disposition névropathique générale, on devra recommander pendant plusieurs an- nées une saison d’eaux minérales salines, alcalines et particulièrement celles qui sont sulfureuses à un haut degré. SPLÉNALG1E (NÉVRALGIE DE LA RATE, HVPERESTHÉS1E DU PLEXUS SPLÉNIQUE). 1888. L’existence même de cette viscéralgie est encore à prouver. Il est en effet très difficile de décider si une douleur ressentie au niveau de la rate appartient à cet organe plutôt qu’au côlon, au rein, etc., à moins qu’on n’ait constaté un excès de volume de la rate appréciable à la percussion de la région splénique ; et lorsque ce volume est aug- menté, la nature de la maladie pourra être contestée, bien qu a vrai dire NÉVROSES. 261 ce ne soit pas là une raison absolue pour en nier le caractère névral- gique. — Une relation entre la splénalgie, la névralgie intercostale et les fièvres d’accès a été admise, mais d’après un nombre de faits insuffi- sant. — Nous ne dirons rien des douleurs de la région splénique accusées assez souvent par les hypochondriaques, leur localisation dans la rate étant fort incertaine; nous ne ferons également que men- tionner l’excessive sensibilité de cet organe, que plusieurs auteurs disent avoir rencontrée chez des sujets hystériques ou épileptiques. La pression au niveau de l’hypochondre donnerait lieu quelquefois à des attaques convulsives. Ainsi, dans un fait rapporté par Tulpius, pour provoquer un accès d’épilepsie, il suffisait, au dire de ce chirurgien, du plus léger attouchement sur la rate qui était très développée et indurée (N. Tulpii, Observationes medicœ, Amstelod, 1652, lib. II, obs. IX, Mordus comi- tialis a splene).—On comprendra pourquoi nous n’insistons pas sur le pronostic et le traitement d’un état morbide encore si mal connu. ARTICLE XXIX. VISCÉRALGIES DES VOIES RESPIRATOIRES ET CIRCULATOIRES. 1889. A. C’est une des erreurs, en bien petit nombre, échappées à l’immortel inventeur de l’auscultation, d’avoir admis l’existence Iréquente d’une névralgie pulmonaire. « Il n’est pas rare, dit Laennec (Traité de l'auscultation médiate, k° édition, annotée par M. Amiral, t. II, p. 365), de trouver des sujets qui, sans présenter aucun signe physique ou autre d’une maladie organique quelconque du poumon, et souvent avec une santé florissante d’ailleurs, éprouvent dans l’intérieur de la poitrine des douleurs vives, quelquefois même très aiguës, passagères ou de longue durée, intermittentes ou continues. La douleur est tantôt bornée à un point, tantôt étendue, tantôt fixe, tantôt mobile; quelquefois elle se répand par momens dans les parois de la poitrine et les parties envi- ronnantes, en suivant le trajet des nerfs intercostaux, des nerfs thora- ciques antérieurs, du plexus brachial et des diverses branches qui en naissent. Assez souvent ces douleurs se fixent profondément entre la colonne épinière et l’omoplate, et s’irradient de manière a faire croire qu’elles ont leur siège dans le grand sympathique. » Il me semble (ajoute l’illustre pathologiste) qu’aux caractères de ces douleurs on ne peut guère méconnaître des névralgies, affections dont le siège est bien certainement dans les nerfs, puisqu’elles en suivent le trajet. » Cela est incontestable; seulement on peut se demander, après avoir pris con- naissance du passage que nous venons de reproduire, si la névralgie intercostale, aujourd’hui mieux connue, ne donne pas l’explication sa- tisfaisante des symptômes attribués à cette prétendue névralgie pulmo- naire. Que penser dès lors de la recommandation faite par Laennec 262 ( ibid., p. 369) de ne pos confondre les douleurs névralgiques du pou- mon avec « les douleurs du dos, si communes chez les femmes délicates attaquées de leucorrhée. » Une pareille confusion nous paraît au con- traire tout à fait légitime- — Les moyens indiqués par l’auteur comme particulièrement utiles contre ces affections douloureuses de la poitrine sont les frictions mercurielles, quelquefois les balsamiques, l’application des plaques aimantées, les vésicaloires. B. La névralgie du cœur est regardée par Laennec comme identique avec l’angine de poitrine. Les opinions étant partagées à cet égard, nous nous réservons de les discuter plus loin, h propos de cette der- nière affection. C. Sous le nom de névralgies artérielles, Laennec {op. cit., t. III, p. 505) décrit « des douleurs plus ou moins vives, continues ou inter- mittentes, qui suivent quelquefois le trajet des artères, et paraissent avoir leur siège dans le lacis nerveux fourni à ces vaisseaux par le sys- tème ganglionnaire. Ces douleurs sont en général moins aiguës que celles qui ont leur siège dans les nerfs provenant du cerveau ou de la moelle épinière. Elles ont particulièrement lieu chez les hypochondriaques et les femmes hystériques. » Nous n’insisterons pas davantage sur ces névralgies ; la description qui précède est évidemment insuffisante pour en fixer les caractères et même pour en prouver la réalité. PATHOLOGIE MÉDICALE. VISCÉRALG1ES DES VOIES URINAIRES. ARTICXX XXIII. 1890. Nous ne pouvons être que très bref sur ces affections dont l’histoire est pleine d’obscurité. A. L’une des moins connues est assurément la névralgie du rein ou néphralgie. Indiquée par Sydenhara (Op. omnia, Genève, 1769, t. I, p. 132) comme se rencontrant dans les formes graves de l’hystérie, elle serait caractérisée par une vive douleur lombaire, qui paraît parfois se propager le long de l’uretère, s’accompagne de vomissemens, et cède à l’emploi des narcotiques et des antispasmodiques. Mais ni la descri- ption de Sydenbam, ni celle donnée par les auteurs qui l’ont suivi, ne suffisent pour établir l’existence d’une névralgie du plexus rénal, et encore moins pour en faire connaître les caractères particuliers. L’ana- logie, il est vrai, conduit à admettre l’hyperesthésie de ce plexus comme pouvant se produire même à l'état de complet isolement; mais pour énoncer à ce sujet autre chose qu’une simple présomption, il faudrait d’abord que l’on eût constaté l’absence de toute altération matérielle de l’appareil urinaire, et plus particulièrement de toute concrétion dans les calices, bassinets, uretères, etc., sous peine de tomber dans l’incertitude que nous avons signalée plus haut dans l’histoire de l’hépalalgic. En second lieu, il faudrait avoir prouvé que, chez les malades supposés NÉVROSES. 263 atteints de névralgies rénales, on ne s’est pas laissé tromper par une douleur musculaire des lombes, ou par une névralgie du plexus lombaire. B. La cystalgie ou douleur nerveuse de la vessie forme une espèce mieux connue, mais à la description de laquelle nous consacrerons d’au- tant moins de développemens, que cette affection est en grande partie du domaine de la chirurgie. La névralgie de la vessie paraît avoir pour siège principal le col de cet organe; quelquefois elle coïncide avec la névralgie anale, ou en amène le développement à sa suite. Elle s’ac- compagne fréquemment aussi de douleurs uréthrales. Ses causes locales échappent le plus souvent ; M. Velpeau (Dictionnaire de médecine, t. III, p. 282) dit seulement que la maladie lui a paru dépendre fré- quemment de l’état hémorrhoïdaire de la fin du rectum ; Ev. Home pensait qu’elle était occasionnée par une ulcération superficielle de la portion prostatique de l’urèlhre ; elle s’observe, à titre d’épiphénomène ou d’accident consécutif chez un certain nombre de sujets affectés de blennorrhée, de cystite ou de catarrhe vésical. Mais, l’espèce de cys- talgie qui mérite le nom d'idiopathique ou déessentielle se rencontre surtout chez les sujets névropathiques et les femmes hystériques. Des sensations pénibles plus ou moins aiguës devenant intolérables pendant la miction ; des envies fréquentes d’uriner, avec spasme dou- loureux quand le malade veut y satisfaire, d’où l’arrêt brusque du jet de l’urine, comme dans les cas de pierre vésicale; les souffrances dé- terminées par l’introduction d’une sonde, tels sont les principaux signes de cette affection à son premier degré. Plus tard, d’après M. Hamon, la paralysie de la vessie et la rétention d’urine qui en est la suite vien- draient se joindre à la cystalgie. —La marche de la maladie est paroxys- tique, sa durée quelquefois extrêmement longue, sa terminaison n’est ja- mais mortelle ; cependant elle exerce, comme d’autres maladies des voies urinaires, une influence fâcheuse sur l’ensemble des fonctions d’inner- vation. — L’absence de toute lésion importante, la limpidité des urines dans le plus grand nombre des cas non compliqués, les phénomènes névropathiques concomitans éclaireront, le diagnostic de cette affection. Faute d’avoir tenu suffisamment compte de l’absence des signes physi- ques, tels que la collision d’un calcul avec la sonde métallique, et, pour s’être contentés des signes fonctionnels, toujours insuffisants, de célèbres chirurgiens ont fait l’opération de la taille à des sujets qui n’avaient que de simples douleurs nerveuses. On sait que Roux, entre autres, a commis deux fois cette erreur, et, chose singulière! la guérison de la né- vralgie a eu lieu dans les deux cas. — Le traitement devra consister ici dans l’emploi des caïmans de toute sorte; de plus, le cathétérisme, quoique fort douloureux, est souvent réclamé par la rétention d’urine qui complique la cystalgie; M. Hamon se loue des cautérisations faites sur la peau du pubis avec l’acide nitrique {De la cystalgie et de son traitement, etc., Union méd., 2e série, 1859, t, III, p. 51. — V. aussi 264 PATHOLOGIE MÉDICALE. Névralgie de la vessie, par le docteur Bourguignon; Union méd., 1860, t. Y, p. 517. —Comp. Elém. de pathol. chirurg., t. V, p. 287). ARTICLE XXIV. VISCERALGIES DES ORGANES GÉNITAUX. 1891. A.—Nous ne ferons qu’indiquer la névralgie testiculaire ou sper- matique. C’est à tort que Yalleix a prétendu la localiser dans la branche ilio-scrotale du plexus lombo-abdominal ; il suffit de comparer les obser- vations rapportées par cet auteur avec les faits cités par Astley Cooper dans son remarquable Traité des maladies du testicule, pour saisir toute la différence qu’il y a entre l’hyperesthésie du plexus sperma- tique et celle des nerfs lombo-abdominaux : tout au plus peut-on sup- poser que les deux états morbides existent quelquefois simultanément. La névralgie testiculaire ou testicule irritable se trouvant décrite dans les Eléments de pathologie chirurgicale (t. Y, p. 5ù9), nous ne nous y arrêterons pas plus longtemps. B.— L’existence d’une névralgie de Y ovaire {oophoralgie de quelques auteurs) ne saurait guère être mise en doute; mais il s’en faut que les caractères propres de cette affection aient été assez bien déterminés pour qu’on puisse en donner une description dogmatique. Les douleurs tantôt sourdes, tantôt lancinantes, que beaucoup de femmes accusent vers les parties latérales de l’hypogastre, appartiennent-elles bien réellement à l’ovaire frappé de névralgie? Comment les différencier des souffrances occasionnées par une congestion ou une inflammation subaiguë de cet organe? Jusqu’à quel point sont-elles distinctes des points inguinaux de la névralgie lombaire ou des douleurs occupant les parties latérales de l’utérus? Ces questions, ainsi que toutes celles relatives au pronostic et au traitement spécial de l'oophoralgie, réclament évidemment de nouvelles recherches. C. — Passons à la névralgie utérine, désignée également sous le nom de métralgie (de p-r,rpa, matrice) ou d'hystéralgie (ôcTtpov, utérus), d'utérus irritable (Gooch), d'état nerveux de la matrice (Lisfranc), et appelée par quelques auteurs allemands rhumatisme de l’utérus. Cette affection, un peu mieux connue que la précédente, serait rare, au dire de certains médecins ; mais une pareille appréciation pourrait bien dé- pendre simplement de la méthode que l’on a suivie jusqu’à présent dans l’étude de la métralgie, rejetant à tort les faits où cette névralgie se rattache comme épiphénomène à quelque lésion utérine (inflammations légères, ulcérations, déplacemens divers), rangeant dans une classe à part les phénomènes spasmodiques qui viennent compliquer la souf- france hystéralgique, localisant enfin dans le plexus lombo-sacré bon nombre de névralgies propres à la matrice, qui ont dans cet organe leur point de départ et leur principal siège. Quoi qu’il en soit de sa fré- NÉVROSES. 265 quence, la névralgie de l’utérus peut être observée soit pendant la vacuité de cette organe, soit dans l’état gravide. a. A l'état de vacuité, la métralgie se reconnaît aux signes suivants : douleurs spontanées, d’intensité variable, quelquefois extrêmement vio- lentes et rappelant celles de l’enfantement, se faisant sentir d’une manière continue, plus souvent rémittentes ou intermittentes, subissant des exacer- bations irrégulières; douleurs provoquées par la pression, ayant pour foyer un ou plusieurs points plus ou moins étendus du col ou du corps de l’ulé- rus, et surtout (Bassereau, Valleix, Beau) de la moitié gauche de l’or- gane, s’irradiant fréquemment au vagin, à la vulve, à la vessie, au rectum (et s’accompagnant alors d’un ténesme pénible), aux membres inférieurs, aux parois de la cavité abdominale et pelvienne (voy. Né- vralgie lombaire, n° 1830). Quelques auteurs donnent le nom de né- vralgie utéro-lomhaire à cette association de névralgies de la matrice et du plexus lornbo-sacré. L’examen direct de l’utérus, indépendam- ment de la douleur à la pression, permettrait encore de constater cer- taines modifications dans l’état du col de l’utérus, qui serait raccourci, gonflé, avec rétrécissement spasmodique de son orifice. A titre d’épi- phénomènes ou de symptômes consécutifs, on a observé : la produc- tion de gaz dans les organes génitaux (Neucourt) ; bien plus fréquem- ment la leucorrhée ; un certain degré de congestion et de tuméfaction de l’utérus; enfin des métrorrhagies, remarquables par leur irrégula- rité, par les rapports constatés entre leur abondance et l’acuité des accès névralgiques (1). L’hémorrhagie menstruelle est elle-même mo- difiée : en général la perte sanguine augmente de quantité; d’autres fois il y a au contraire aménorrhée ; les règles sont douloureuses, du moins y a-t-il exaspération de la métralgie pendant les quelques jours qui précèdent leur apparition, car il n’est pas rare qu’elle s’apaise mo- mentanément pendant la durée de l’écoulement cataménial. —Nous par- lerons plus loin des causes de cette affection. — Le pronostic en est sou- vent fâcheux, en raison de la chronicité habituelle et de la tendance aux récidives. Ce qui ajouterait à sa gravité, c’est, d’après Churchill, l’impossibilité complète de concevoir qui en serait la conséquence. — Le traitement ne diffère pas essentiellement de celui des autres névral- gies. M. Marotte a remarqué que les bains et les cataplasmes, si utiles pour combattre les douleurs de la métrite, sont mal supportés dans les cas de névralgie utérine. Nous devons mentionner ici la section du col (1) Marotte, Sur quelques phénomènes qui accompagnent les névralgies lombo. sacrées (Archives gén. de méd., 1860, avril, p. 393). On rapprochera avec in- térêt ce que dit M. Marotte de ces métrorrhagies liées à une névralgie utérine, des considérations générales développées par M. Jules Parrot au sujet d’une classe entière d’hémorrhagies auxquelles il propose de donner le nom de névropalhi- ques (J. Parrot, De la sueur de sang et des hémorrhagies névr apathique s. Gaz. hebdomadaire, octobre 1859, p. 633). 266 PATHOLOGIE MÉDICALE. utérin pratiquée par M. le professeur Malgaigne dans les cas de névralgie de cette partie avec des succès remarquablement prompts, succès que ce chirurgien avait vainement attendus jusque-là de tous les autres agens thérapeutiques. h. La névralgie de l'utérus gravide se traduit par une première série de symptômes analogues à ceux que nous venons de décrire, aug- mentée d’une autre série d’accidens qui trouvent leur raison d’être dans l’hypertrophie musculaire de l’utérus et dans les fonctions qu’il remplit, soit comme organe de gestation, soit comme agent d’expulsion dans l’acte de l’accouchement. Il résulte de ces circonstances physiologiques que la physionomie de la maladie se trouve sensiblement modifiée, que sa gra- vité devient plus grande, et que l’intervention thérapeutique y est plus impérieusement nécessaire. — Les douleurs hystéralgiques puerpé- rales peuvent débuter dans le cours de la grossesse (principalement dans les derniers mois) ; durant le travail de la parturilion ; enfin pendant la délivrance. D’une violence souvent considérable, accompagnées des irradiations que nous avons indiquées plus haut, elles donnent lieu à des contractions partielles des parois utérines, d’où résulte une défor- mation temporaire du globe utérin et un durcissement appréciable au palper. Pendant la grossesse ces contractions douloureuses, en décol- lant prématurément le placenta, peuvent déterminer des métrorrhagies et l’avortement. —Viennent-elles à se mêler aux douleurs normales de l’accouchement ou à alterner avec ces douleurs, elles prolongent la durée du travail, si le col de l’utérus, comme il arrive le plus souvent, ne se dilate pas ou même demeure convulsivement resserré ; que si le col a subi une ampliation suffisante, on a à craindre l'accouchement pré- cipité et ses conséquences. —Enfin, lorsque ces sortes de crampes uté- rines surviennent après l’issue du produit de la conception, elles peu- vent occasionner Venchotonnement spasmodique du placenta, c’est-à- dire sa rétention dans une portion contractée des parois utérines, et donner lieu à une hérnorrhagie par défaut d’un retrait régulier et com- plet des parois. Les causes de l’hystéralgie sont fort obscures. Quand cette affection se montre complètement isolée de toute lésion primitive de l’utérus (hystéralgie idiopathique), on découvre assez souvent dans les antécé- dents des femmes, ou dans leur état actuel, quelques circonstances pré- disposantes favorables au développement d’une névralgie, telles que la chlorose ou hystérie. On sait peu de chose de l’influence des causes occasionnelles, bien qu’il semble difficile de ne pas admettre que les excès de coït doivent y occuper une place importante. La diathèse rhu- matismale et l’influence du froid humide ont paru aux yeux de quelques auteurs jouer un rôle tellement important dans la production de la métralgie, qu’ils donnent à celte affection le nom de rhumatisme utérin, dénomination qu’il paraît difficile de justifier par l’analyse des 267 observations. Ainsi, en ce qui regarde la inéiralgie des femmes grosses, on a surtout noté des émotions vives et les différentes causes de dystocie comme déterminant l’apparition des douleurs hystéralgiques ; d’après JVL Mattel, les présentations pelviennes en seraient plus fréquemment accompagnées que les autres. Quelquefois aussi ces douleurs se décla- rent inopinément dans les conditions en apparence les plus normales. Mais il y a lieu de se demander si les modifications physiologiques si pro- fondes que la grossesse et l’accouchement impriment à l’innervation et particulièrement à celle de l’appareil génital, ne constituent point par elles-mêmes une sorte d’étal serni-rnorbide, et si pour se rendre compte d’une névralgie survenant dans de semblables conditions, surtout chez des malades nerveuses et irritables, on a besoin d’invoquer l’action d’une cause rhumatismale, plus ou moins hypothétique? Il semble plus naturel de considérer la métralgie puerpérale comme un épiphéno- mène, un accident, ou, si l’on veut, comme un symptôme exagéré de cet état presque pathologique avec lequel elle débute et cesse souvent d’exister, et de la rapprocher des autres métralgies symptomatiques, par exemple de celles qu’on voit quelquefois compliquer des lésions légères de l’utérus : congestion, inflammation subaiguë, ulcération du museau de tanche, déplacemens, etc. Remarquons à celte occasion que la pré- sence de lésions utérines n’autorise en aucune façon à nier la mé- tralgie; d’après ce que nous avons dit ailleurs (n° 1771), il suffit évi- demment pour l’admettre qu’on ait constaté une extrême disproportion entre l’altération matérielle appréciable et le trouble de l’innervation, et qu’il y ait une certaine indépendance de l’une à l’égard de l’autre. Or c’est ce qui arrive fréquemment dans les cas dont il s’agit. Le diagnostic de la métralgie est rendu facile par l’absence des plié nomènes locaux propres aux inflammations aiguës, par l’apyrexie qui accompagne les crises les plus douloureuses, par le retour irrégulier des accès. — Le pronostic de la névralgie utérine des femmes enceintes ou en couches, en raison des phénomènes spasmodiques qui l’accom- pagnent, ne laisse pas que d’être assez sérieux: 1° pour la mère: pendant la grossesse, la crainte d’une fausse couche ajoute souvent un tourment moral aux douleurs physiques; pendant le travail, outre lesaccidens dont nous avons indiqué la possibilité, ou a observé quel- quefois la rupture de l’utérus; on a avancé également, mais sans preuves suffisantes, que les douleurs hystéralgiques disposent à l’é- clampsie; 2° pour l'enfant, les contractions partielles des parois utérines ont l’inconvénient de diminuer la nutrition, de gêner la circulation, prin- cipalement pendant l’accouchement; à ce moment, en effet, soit lon- gueur excessive du travail, soit constriction exercée sur le cordon om- bilical ou quelque autre partie, il y a lieu de redouter l’asphyxie. — Traitement : Les moyens que l’on oppose ordinairement aux névralgies; on devra surtout recourir aux inhalations anesthésiques dans les cas NÉVROSES. 268 PATHOLOGIE MÉDICALE. d’hystéralgie pendant le travail de l'accouchement. — (Pour plus de dé- tails, comme aussi pour la bibliographie des travaux publiés sur l’hysté- ralgie, voy. le mémoire remarquable du docteur V. Gauthier intitulé : Du rhumatisme de T utérus, envisagé spécialement pendant la gros- sesse et l'accouchement. Genève, 1858, in-8.) D.—La névralgie de la vulve, coïncidant ou non avec celles des nerfs lombo-abdominaux, n’est pas rare au début et vers la fin de la fonction menstruelle, et chez les jeunes femmes au moment où elles vont accou- cher; on a signalé comme pouvant la faire naître diverses altérations de l’utérus et de ses annexes. Elle est caractérisée par des douleurs lanci- nantes, une cuisson, un sentiment de brûlure paraissant à des intervalles variables et s’irradiant de la vulve dans différentes directions, vers la profondeur du vagin, vers la vessie, le sacrum, etc. La douleur est exas- pérée par le contact le plus superficiel ; elle est souvent réveillée par l’introduction d’une canule, par le toucher, l’intromission du pénis pendant le coït. Cependant l’inspection directe ne montre rien d’anor- mal dans les parties affectées, tout au plus un peu de rougeur et un léger suintement muqueux que l’on peut considérer comme consécutifs. Au point de vue du traitement nous signalerons seulement l’emploi de mèches volumineuses enduites de quelque pommade calmante ou légè- rement caustique, les lotions avec une solution de nitrate d’argent ou de sublimé, et d’autres moyens usités également contre le prurit vulvaire. ARTICLE XXV. DES HYPERESTHÉSIES DONT LE SIEGE ANATOMIQUE N’EST PAS EXACTEMENT DÉTERMINÉ. BE LA MIGRAINE. 1892. Bibliographie. — IIeie. De hemicrania sic dicta vera. Halle, 1791. Müller. Praktische Bemerk. über die Kur des halbseitigen Kopf- schmerzes. Francfort, 1813. Bittner. Tractatus de cephalalgia. Yiennæ, 1825. Piorivy. Mémoire sur la migraine, impr. à la suite du Procédé opératoire pour la percussion. Paris, 1831, in-8, et Traité de méd. prat., t. VIII, p. 75. J.-P. Pelletan. Coup d'œil sur la migraine et ses divers irai- temens. Paris, 1832, in-8. AVeatherhead. A trealise on the headaches, their varions causes, their prévention and cure. Londres, 1835, in-8. H. Labarraque. Essai sur la céphalalgie et la migraine. Thèse Paris, 1837, in-5. AVilkinson-King. On the seat of headache (London med. Gaz. décembre 18ù4, p. M2). E.-H. Sieveking. On chronic and periodical headache (London med. Times and Gazette, 185A, 2® série, t. IX, p. 156). NÉVROSES. 269 1893. Définition. — On désigne sous le nom de migraine (de hémi- crânie : r/fAtcoç, moitié et xpdtvtov crâne) une variété de céphalalgie remar- quable : par son siège habituellement unilatéral, fixé à la région de l’orbite, du sourcil, de la tempe; par les différons phénomènes nerveux qui l’accompagnent, tels que vertiges, troubles de la vue, nausées et vo- missemens ; par le retour du mal sous la forme d’accès d’une durée généralement assez courte ; enfin par l’intégrité des fonctions encépha- liques dans l’intervalle de ces accès (1). Divisions. —Nousnecroyons pas devoir examiner les trop nombreuses espèces de migraine admises par les auteurs. A l’exemple de ce que nous avons fait pour les névroses exposées dans les articles précédons, nous nous bornerons à signaler : 1° une migraine idiopathique, dans laquelle une céphalalgie présentant les caractères ci-dessus est sinon le seul fait appréciable, du moins un phénomène isolé de toute connexion patho- génique avec d’autres conditions rnobides ; 2° une migraine sympa- thique, dans laquelle on peut saisir une relation de cause à effet entre la souffrance de quelque viscère et la douleur de tête; 3° bien que la mi- graine symptomatique, c’est-à-dire liée à une lésion de l’encéphale, soit généralement considérée comme étrangère au domaine des névroses, nous en dirons cependant quelques mots, à l’occasion de l’étjologie et du diagnostic. 189/i. Symptômes.—a. Assez souvent quelques phénomènes précur- seurs avertissent les malades de l’invasion de l’accès douloureux. Celui- ci doit-il avoir lieu au moment du réveil ou peu de temps après, Je sommeil est agité, interrompu, troublé par des rêves pénibles. Un grand nombre de sujets accusent un malaise vague, de légers frissons, une lassitude générale, une certaine inaptitude pour les travaux de l’esprit, des nausées ; de l’anorexie, ou bien au contraire une augmentation singu- lière de l’appétit. D’autres ont des sensations de fourmillement, de bour- donnement avec surdité, d’éblouissement et d’obscurcissement de la vue. M. Piorry insiste tout particulièrement sur les troubles sensoriels pro- dromiques que présente l’organe de la vision. « Au moment de l’accès, (1) Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que la migraine est seulement la plus fréquente et la plus remarquable parmi les douleurs de tête qu’on peut appeler nerveuses; c’est ce qui conduit à la décrire comme en étant en quelque sorte le type. Mais il existe une foule d’autres formes de céphalalgie, auxquelles la dénomination de nerveuses peut être appliquée avec tout autant de justesse. pathologie médicale. dit ce pathologiste, la vue est moins nette; on éprouve une sensation très analogue à l’éblouissement ; il semblerait qu’un nuage se manifeste au centre de l’image qui se peint sur la rétine; peu à peu le point terni qu’on observait s’étend; bientôt, après une ou deux minutes, se dessine à l’entour de l’espace obscurci un arc de cercle lumineux, coloré chez quelques individus, mais pâle chez d’autres, disposé en zigzag, agité par une sorte d’oscillation continuelle. D’abord très petite, cette portion de cercle grandit en même temps que le point obscurci commence à s’éclairer, et se développant de plus en plus, scintillant continuellement, semblant se rapprocher successivement de la circonférence de l’iris, l’arc lumineux finit par disparaître lorsqu’il arrive à l’extrémité du champ de la vision. Que l’œil soit ouvert ou fermé, l’hallucination con- tinue; mais elle se dessine mieux dans un demi-jour ou dans les ténèbres que dans une lumière vive. C’est presque toujours d’un seul côté qu’elle a lieu. » — Chez quelques sujets il y a des prodromes d’une apparence plus grave : embarras de la parole, engourdissement ou même paralysie passagère d’un membre. b. La douleur de tète qui remplace ces divers phénomènes ou qui s’y ajoute, peut présenter suivant les individus de nombreuses différences, relativement à son siège, à son mode et à son intensité. Elle occupe le plus ordinairement le globe de l’œil, le sourcil, le front, la région temporale, quelquefois l’occiput; d’abord circonscrite à un petit espace, elle s’irradie aux parties voisines à mesure que l’accès marche, tout en restant le plus souvent limitée à l’un des côtés de la tête. Vague et assez légère au début, les malades la sentent qui devient par degrés plus fixe, plus intolérable ; c’est alors qu'ils accusent les sensations les plus variées : douleur térébrante, conlusive; piqûre, traction, compression ou dis- jonction douloureuse de la tête. Au fort du paroxysme, le bruit, la lu- mière, tout effort physique ou intellectuel sont insupportables; parfois la sensibilité du cuir chevelu est telle que le plus petit dérangement des cheveux exaspère la souffrance. On a vu même des mouvemens convul- sifs se manifester soit dans la face soit dans les membres, dans les accès très aigus. c. Quelques sujets, en même temps que cette céphalalgie, éprouvent ou continuent à éprouver diverses perturbations sensorielles analogues à celles que nous avons indiquées dans les prodromes : ils ont des hallu- cinations de la vue, de l'ouïe, etc. Mais un phénomène beaucoup plus fréquent, presque constant et le plus pénible de tous, est un malaise gé- néral, un état nauséeux comparable à celui qui caractérise le mal de mer; il aboutit souvent à des vomissemens glaireux ou alimentaires qui soulagent les malades et mettent un terme à l’accès. d. l’as de chaleur fébrile; la circulation à peine influencée, sauf que souvent le pouls est faible, petit, serré, en même temps que la face pâle et contractée exprime la souffrance. D’autres fois au contraire le visage NÉVROSÉS. est turgitîe, avec injection des conjonctives, aspect brillant des yeux, pouls plein, accéléré [migrainepléthorique de quelques auteurs), e. Après avoir présenté pendant quelque temps une série d’accroisse- inens momentanés et des répits incomplets, l’accès se termine; souvent alors le malade éprouve un grand besoin de sommeil, il s’endort, et au réveil il se trouve guéri, conservant à peine un peu de pesanteur de tête. On a vu aussi les accès s’arrêter après des phénomènes considérés comme critiques : sueurs, épistaxis, hémorrhagie menstruelle, larmoie- ment, écoulement de mucosités par la narine du côté alîecté, etc. 1895. — Marche, durée, terminaison. —La marche delà migraine est essentiellement intermittente; les accès douloureux reviennent en général d’une manière très irrégulière, une foule de causes occasion- nelles pouvant en’ déterminer la réapparition. Quelquefois cependant ce retour est plus ou moins exactement périodique ; c’est ce qui a lieu, par exemple, pour certaines migraines qui se rattachent aux accidens névropathiques d’une menstruation difficile; pour d’autres qui marquent le début d’un accès fébrile intermittent ; et même, en dehors de ces cir- constances, dans certains faits bizarres et inexpliqués où l’on a observé un accès de migraine tous les quatre jours, tous les lundis, tous les ma- tins à la même heure ! Junker parle d’une migraine qui revenait toutes les heures et durait un quart d’heure (hemicrania horologica). — La durée de chaque accès varie de quelques heures à deux ou trois jours; mais elle dépasse rarement un nycthémère. Considéré dans son en- semble, le mal se prolonge le plus souvent pendant plusieurs années ; il va généralement croissant d’intensité pendant les premiers temps de son existence ; devenu habituel, il ne se modifie plus guère, ni quant à la violence de la douleur, ni même sous le rapport de son siège, de son caractère particulier ou des phénomènes qui l’accompagnent; il finit par décroître avec l’àge, et persiste rarement pendant la vieillesse.— Inutile d’ajouter que la migraine ne se termine jamais d’une manière fâcheuse. Celle qui accompagne des lésions intracrâniennes peut être suivie d’autres manifestations plus graves, mais on comprend que la douleur n’a aucune part à leur production et que ce sont là autant d’effets de l’affection principale. Quelques-unes des altérations locales qui appartiennent aux accès longtemps répétés de migraine méritent d’être mentionnées : tel est l’état des cheveux qui blanchissent prématurément, l'amaigrissement du muscle crotaphyte, une certaine altération des traits de la face consécutive à la contraction habituelle du visage sons l’influence de la douleur. 1896. Etiologie. — Parmi les causes prédisposantes de la migraine, il faut noter d’abord l’hérédité, soit que cette névrose elle-môme se transmette par voie de génération (ce qui est assez fréquent), soit encore que les enfans naissent doués seulement d’une tendance aux névropa- thiesde toute sorte. Le sexe féminin et le tempérament nerveux figurent 272 PATHOLOGIE MÉDICALE. ici au même litre que dans l’histoire de tant d’autres hyperesthésies ; nous n’y insisterons pas. Disons seulement que le tempérament sanguin et la disposition congestive ont été invoqués souvent comme cause de la variété de migraine ditq pléthorique. Quant à l’âge auquel la migraine débute, il est à noter qu’on l’observe rarement chez les enfants, bien qu’il existe cependant des exemples de migraine chez des sujets âgés de sept ans et même plus jeunes encore; le plus fréquemment, c’est entre quinze et vingt ans que les premiers accès se montrent. Un assez grand nombre de migraines commencent chez les femmes à l’époque de la mé- nopause. Les professions qui assujettissent les individus h un genre de vie sédentaire et à une application soutenue des facultés intellectuelles constituent une prédisposition incontestable et trop connue pour que nous ayons besoin de nous y appesantir davantage. Les causes occasionnelles, déterminant l’explosion des accès chez les individus prédisposés, et surtout chez ceux pour qui la migraine est devenue une sorte d’habitude pathologique, sont extrêmement nom- breuses : la plus fréquente de toutes, sans contredit, est le mauvais état de l’estomac, tantôt surchargé d’alimens, tantôt resté trop longtemps vide, ou ayant reçu des alimens ou des boissons par lesquels certains sujets sont impressionnés d’une manière fâcheuse, sans qu’on puisse s’en rendre un compte satisfaisant. Les idiosyncrasies (c’est-à-dire les prédi- lections et les répugnances inexplicables) jouent ici un rôle important. Ajoutons que les troubles fonctionnels de la digestion qui accompagnent les lésions organiques de l’estomac donnent lieu à la migraine non moins fréquemment que la dyspepsie indépendante de toute altération de tex- ture. De même, les maladies de l’appareil utéro-ovarien en sont accom- pagnées assez souvent, quoique dans une proportion beaucoup moindre que celles de l’estomac. Les accès de migraine se manifestent en outre dans une foule de cir- constances très différentes les unes des autres, mais qui toutes parais- sent agir, soit en produisant une sorte de commotion subite de l’encé- phale, soit par la fatigue qui suit tout excès d’activité fonctionnelle. C’est de la sorte que des chocs sur la tête, et, dans un autre ordre de faits, les émotions violentes, l’insomnie, un travail intellectuel excessif, les perceptions sensorielles trop vives ou trop multipliées, telles qu’un bruit monotone, une lumière éclatante, une odeur forte, deviennent des causes occasionnelles de migraine. Ici encore il faut faire la part des idiosyncrasies, c’est-à-dire de l’inconnu. M. Piorry a insisté particuliè- rement sur les cas où ce sont les impressions visuelles qui donnent lieu à la migraine, et surtout à celte variété de la maladie qu’il appelle irisalgique. Si l’on admet une migraine symptomatique, il faut encore mentionner ici les lésions de l’encéphale qui peuvent donner lieu aux phénomènes habituels de cette névrose. Cela reviendrait à énumérer la plupart des [névroses. 273 maladies chroniques de l’encéphale ou de ses enveloppes (y compris l’enveloppe osseuse) ; car il n’en est presque pas une seule qui ne puisse présenter ce double caractère d’être apyrétique, et de ne se révéler, au moins pendant une certaine période de son évolution, par aucun phénomène bien marqué, autre qu’une douleur de tête plus ou moins violente. 1897. Physiologie pathologique.— Les auteurs sont loin d’être d’ac- cord sur le siège anatomique de la migraine et sur l’interprétation phy- siologique des symptômes qui la constituent. On a tour à tour consi- déré l’encéphale, les nerfs de la tête, ceux de l’œil, de l’estomac, etc., comme les organes que la douleur occupe spécialement pendant les accès de cette névrose, ou du moins comme lui servant de foyer, de point de départ'; et le grand nombre de sensations que l’on observe dans la mi- graine, leurs variations presque infinies chez les différens malades, expli- quent sans difficulté ces dissidences. Nous ne croyons pas devoir exposer dans leurs détails les opinions qui se sont produites à cet égard, et qui sont plus ou moins admissibles au point de vue d’une physiologie éclairée ; il nous a paru préférable de décrire provisoirement la migraine parmi les névroses delà sensibilité dont le siège anatomique reste à dé- terminer. Toutefois, la théorie la plus plausible nous semble être celle qui consiste à localiser cette hyperesthésie dans l’encéphale lui-même, à la considérer avec Jloraberg comme une névralgie encéphalique. Ici se présente une première objection qu’il est facile d’écarter. On a dit et répété que par un contraste merveilleux, tandis que les nerfs sont doués d’une si vive sensibilité, le cerveau, point d’arrivée, réceptacle et résumé de ces mêmes nerfs, est complètement insensible. Mais cela n’est exact qu’autant qu’on entend parler des hémisphères cérébraux ; d’autres parties de l’encéphale sont au contraire sensibles et très sen- sibles (V. sur la sensibilité du bulbe rachidien, de la protubérance annu- laire, des pédoncules cérébelleux inférieurs et supérieurs, des pédoncules cérébraux, etc., le Traité de physiologie, de M. Longet, t. II, p. 209 et suivantes). Quand bien même, d’ailleurs, le cerveau sain ne serait nullement sensible, il ne s’ensuivrait pas qu’à l’état pathologique il ne pût le devenir ; la même chose n’a-t-elle pas lieu pour les os et d’autres tissus encore? Puis, la douleur cruelle qui accompagne la méningite ou la méningo-eucéphalite n’est elle pajs une preuve directe de l’existence de cette sensibilité? Ou ne peut raisonnablement attribuer aux résultats des vivisections toute l’importance que certaines personnes leur accordent sans réserve ; tourmenter, quelquefois même détruire l’organe des per- ceptions est et sera toujours un moyen très précaire pour explorer l’état des sensations. Au surplus, les physiologistes médecins sont loin de con- sidérer les résultats de leurs expériences comme susceptibles d’une ap- plication immédiate à l’histoire des maladies ; l’observation palholo- PATHOLOGIE MÉDICALE. gique est pour eux un moyen de plus, et non le moins utile, pour arriver à la connaissance des propriétés et des fonctions organiques. C’est ainsi que M. Longet (ouvr. cit., t. II, p.236, note), en signalant une vive céphalalgie parmi les symptômes qui accompagnent les altéra- tions de la voûte à trois piliers et de la cloison transparente, s’exprime en ces termes : ♦ Les vivisections ne permettaient guère de prévoir un pareil symptôme, puisque la section ou la dilacération de la voûte, chez les animaux, ne semble point occasionner de la douleur. Toute- fois ces résultats, en apparence contradictoires, s’expliquent facile- ment quand on se rappelle qu’il est beaucoup de parties insensibles à l’état normal, dans lesquelles les maladies développent une extrême sen- sibilité. » De même, en discutant la question de savoir si les lobes céré- braux sont excitables et sensibles, le physiologiste dont nous citons l’opinion dit « qu’on tomberait dans une grave erreur si, généralisant cè que l’observation révèle, on en induisait que dans les lésions morbides de ces organes, chez l’homme, tout dût se passer nécessairement et toujours comme dans les expériences » (Ibid., p. 239.) Admettons donc pour un moment, puisque la physiologie n’y met point obstacle, admettons que la migraine est une névralgie cérébrale, et voyous si cette hypothèse permet de donner une explication satis- faisante des phénomènes de la maladie et jusqu’à quel point elle en éclaire l’éliologie. a. lit d’abord, quant à la sgrnptomatologie, le caractère profond de la douleur qui cadre mal avec l’idée d’une névralgie occupant seule- ment les nerfs superficiels du crâne et de la face ; ce fait que la douleur s’accompagne d’un trouble plus ou moins considérable, d’une inertie particulière à des fonctions encéphaliques ; cette autre circonstance que la douleur profonde tantôt existe seule et tantôt s’accompagne de quel- que autre hyperesthésie ; que, suivant les individus, et quelquefois dans les différens accès chez le même malade, il s’y joint diverses pertur- bations sensorielles, ou que ces phénomènes concomitans font défaut ; tout cela ne se conçoit-il pas beaucoup mieux dans la supposition d’un mal affectant le cerveau lui-même que dans toute autre? Ne semble-t-il pas naturel de diviser les symptômes de la migraine en deux séries, et de considérer les uns (céphalalgie proprement dite, perturbations intel- lectuelles, irritabilité morale dans certains cas) comme les signes directs de la souffrance encéphalique ; les autres (exaltation de la sensibilité dans le domaine de la cinquième paire, troubles de la vue, de l’ouïe et des autres sens, et même l’étal gastrique nauséeux) comme les irradia- tions sympathiques de cette même affection centrale. C’est parce que tel est son siège, que la migraine, tout comme la céphalalgie liée à des lésions anatomiques positivement constatées, peut s’accompagner de symptômes très divers ayant pour caractéristique : r D’être multiples et disséminés dans un grand nombre d’organes Nêvrosës. 275 ou de régions entre lesquels les nerfs périphériques n'établissent aucune connexion apparente : où trouver par exemple, si ce n’est dans l’encé- phale lui-même, la raison anatomique d’une sympathie qui s’établit entre la région temporale douloureuse et la rétine siège d’une sensation illusoire? 2° D’être plus vaguement localisés et d’une durée plus éphémère que cela n’a lieu, en général, quand il s’agit de la souffrance propre de tel ou tel nerf. Nous rappellerons à ce propos les signes mal accusés de névralgie trifaciale, les troubles fugaces de la vue, etc. b. La même donnée, appliquée à l'étiologie de la maladie, nous semble propre à faire concevoir jusqu’à un certain point le mode de production de cette hyperesthésie. Ainsi que nous l’avons dit, la mi- graine, imitant en cela toutes les autres affections du même genre, peut se présenter à l’état de névrose symptomatique, sympathique, idiopa- thique. Un mot sur chacune de ces espèces particulières: 1° Il est des altérations anatomiques de l’encéphale ou de ses enveloppes qui ne don- nent lieu à aucune douleur, c’est là un fait incontestable; d’autres se révèlent par des maux de tête sourds, continus, avec élancemens pro- fonds ; d’autres enfin s’accompagnent d’une céphalalgie entièrement sem- blable à la migraine. Manifestation intermittente d’une affection con- tinue, épiphénomène exagéré et comme individualisé d’une lésion sou- vent latente, cette migraine symptomatique peut être rejetée du nombre des névroses ou y être admise, au même titre que l’épilepsie qui se rat- tache à une exostose du crâne ou que les névralgies liées à la présence d’une tumeur. 2° La migraine sympathique, avons-nous dit, est celle qui dérive de l’affection de quelque organe plus ou moins éloigné de la cavité encépha- lique. Parmi les foyers les plus ordinaires de celte sorte d’irradiation, on doit noter l’estomac, suivantd’autres la rétine; mais trop d’organes peuvent jouer le même rôle pour qu’on puisse, avec certains pathologistes, faire entrer le point de départ gastrique ou oculaire dans la définition même de la maladie; tout au plus il y a-t-il là de quoi établir des variétés utiles à connaître en pratique. Quelle que soit la source d’où la douleur de tête tire son origine, il y a au sujet de la migraine sympathique, comme pour tant d’autres névroses sympathiques, un fait important à signaler : c’est que trop souvent on commet l’erreur de prendre pour le foyer primitif des symptômes nerveux tel ou tel organe qui est seule- ment le siège de l’un des symptômes de la maladie : combien de pré- tendues épilepsies périphériques ne sont autre chose que des épilepsies accompagnées de quelque phénomène insolite que le malade perçoit à Vextrémité des nerfs sensitifs! Dans le nombre on en trouve même qui se rattachent à des tumeurs intracrâniennes. El, pour revenir à l’affection qui nous occupe, si dans l’exemple de la migraine gastrique vraie des auteurs, dans celle que M. Piorry appelle irisalgique, il y a 276 PATHOLOGIE MÉDICALE. primitivement affection des nerfs de l’estomac on de l’œil, reconnaissons aussi que la souffrance de ces parties est, dans beaucoup d’autres cas, simplement consécutive, qu’elle est seulement le retentissement d’un état des centres nerveux dont la douleur hémicrânienne est le symptôme plus direct.. En d’autres termes, au lieu de subir l’influence de ces or- ganes, bien souvent le cerveau leur fait sentit la sienne, et ce qu’on prend pour le point de départ de la souffrance, est en réalité le point d’ar- rivée. Il y a plus ; tel état d’un organe éloigné pourra avoir déterminé sym- pathiquement la migraine, sans que pour cela il faille admettre que c’est la migraine elle-même qui des nerfs périphériques s’est propagéejus- qu’à l’encéphale. Prenonâ quelques exemples : le mauvais état des voies digestives, cause si fréquente de cette céphalalgie, peut exister sans douleur, sans nausées, ni vomissernens; l’accès éclate, et ces mêmes phénomènes se montrent, comme autant de symptômes dérivant direc- tement de la souffrance intracrânienne, et nullement comme phéno- mènes directs de l’état morbide des voies digestives. Autre exemple : il est certain que la fatigue de la vue engendre quelquefois la migraine; mais l’espèce d’hallucination visuelle que M. Piorry désigne sous le nom d’irisalgie peut bien n’êlre rien de plus que l’un des symptômes de l’accès. Enfin, lorsqu’un bruit intense et prolongé y donne lieu, est-ce qu’on songerait à considérer le bourdonnement d’oreille, dont la cépha- lalgie est accompagnée, comme une continuation de ce bruit et comme le commencement de cette douleur? On voit tout de suite ce que de semblables explications ont de forcé, pour ne pas dire plus. Vainement objectera-l-on que dans certains cas, ces symptômes que nous regardons comme irradiés (nausées, photopsie, bourdonnemens d’oreille, etc.), précèdent l’apparition de la douleur; cette application du post hoc, ergo propter hoc n’est que spécieuse; et l’étude des affections dites matérielles du cerveau est là pour prouver que les mo- difications pathologiques de cet organe peuvent se traduire par des phénomènes de ce genre dès avant la manifestation d’aucune douleur, ou même sans que dans tout le cours de la maladie il survienne de cépha- lalgie notable. On n’est même nullement embarrassé pour trouver l’ex- plication physiologique de cette apparente anomalie dans l’extrême com- plexité de l’encéphale, organe composé de plusieurs centres d’action, dont plusieurs président à tout autres fonctions qu’à la sensibilité pro- prement dite. Deux points ressortent clairement de celte discussion : 1° le lieu d’origine de la migraine sympathique n’est pas toujours dans l’organe même qui, pendant les accès de cette névrose, présente les troubles fonctionnels les plus appareils; 2° les symptômes considérés comme la preuve de l’irradiation vers le cerveau ne sont le plus souvent que les symptômes éloignés de la souffrance de la tête. NÉVROSES. 277 c. Il suit de là que bon nombre de prétendues migraines sympathi- ques rentrent dans celles que l’on désigne sous le nom d'idiopathiques. Ce nom sert à la fois à préciser le siège primitif de l’affection dans l’encéphale et à constater l’ignorance où nous sommes sur la cause prochaine de sa production. Nous faisons grâce au lecteur des hypothèses plus ou moins ingénieuses par lesquelles on a cherché à eu rendre compte, en se fondant principalement sur des modifications probables de la circulation intracrânienue. La difficulté subsiste tout entière, et nous savons qu’elle est la même pour toutes les autres affections dou- loureuses. Résignons-nous à l’ignorer, au moins provisoirement, et sans nier qu’il puisse y avoir tantôt pléthore, tantôt anémie cérébrale; pre- nons note de cette diversité même des conditions organiques, produi- sant un effet semblable, comme d’une preuve de plus en faveur de la nature névralgique de la migraine. 1898. Le diagnostic de la migraine ne présente pas de sérieuses dif- ficultés. La céphalalgie ordinaire (telle qu’on l’observe à la suite d’un refroidissement, au début et dans le cours des maladies aiguës, etc.) en diffère par un grand nombre de signes que le récit du malade fait suffisamment connaître, et dans la plupart des cas la distinction en elle- même a peu d’importance. — L’hyperesthésie de la face et du crâne, que l’on remarque pendant certains accès de migraine, pourrait être prise pour une névralgie fixe de la cinquième paire ; mais en consi- dérant, d’une part, que cette hyperesthésie est en général médiocre- ment intense, que la plupart des symptômes ordinaires de la prosopalgie font défaut, en notant surtout le rétablissement complet de la sensibilité normale pendant les intervalles quelquefois fort longs des accès doulou- reux, on évitera aisément toute méprise de ce genre. — Quant à la migraine symptomatique de diverses lésions cérébrales, son diagnostic consiste précisément à reconnaître, non l’hyperesthésie céphalique elle- même, mais ce qu’il peut y avoir d’étranger à une simple névrose dans les phénomènes qu’elle présente. C’est seulement dans quelques faits exceptionnels qu’une douleur de tête exacerbante se présente comme l’unique symptôme des affections dites matérielles du cerveau : des trou- bles plus ou moins accusés de l’intelligence, de la inutilité, manquent rarement de se produire en même temps que la céphalalgie, ou de venir assez promptement s’y joindre. Le pronostic de la migraine n’a aucune gravité au point de vue de la terminaison, — Les moyens de traitement doivent être distingués en ceux qui s’adressent à la maladie considérée dans son ensemble, et en ceux qu’on emploie pour combattre l’accès douloureux. Une bonne hygiène, telle est la prescription la plus essentielle cou re la migraine idiopa- thique et sympathique; c’est aussi la plus difficile à exécuter. Il va sans dire que l’on remédiera suivant les indications à l’état chlorotique, pléthorique, dyspeptique. Y a-t-il périodicité régulière, on mettra en 278 PATHOLOGIE MÉDICALE. usage la quinine. — Quant à l’accès, on essaye de le prévenir, de l’ar- rêter, ou tout au moins d’en rendre la durée plus courte ou l’intensité moins grande à l’aide des moyens les plus variés : narcotiques (mor- phine, belladone, jusquiame, datura, aconit), antispasmodiques (cas- toréum, cyanure de potassium), anesthésiques (chloroforme), réfrigérans (eau froide, eau vinaigrée, éther appliqué sur les régions douloureuses), stimulans (acétate d’ammoniaque, café, infusions aromatiques diverses), aimant, électricité, enfin prétendus spécifiques dont l’énumération nous entraînerait beaucoup trop loin. N’étant guidé par aucune indication po- sitive, on ne peut employer ces moyens qu’au hasard, en talonnant, et pour quelques succès, combien on compte d’échecs ! Les moins inef- ficaces parmi ces remèdes n’ont de chance d’agir favorablement que lorsqu’on les emploie au début de l’accès. Disons encore que l’instinct des malades leur fait généralement découvrir quelque moyen de soula- gement, pour peu que la migraine leur soit devenue familière, et qu’à moins d’une grande violence de l’accès, qui les oblige à rechercher la solitude, le silence et l’obscurité, on les voit le plus souvent vaquer à leurs occupations habituelles. ARTICLE XXVI. DU VERTIGE (1). 1899. Bibliographie. — Boerhave. De morbis nervorurn (ed. van Eems). Venetiis, 1762, in-4, p. 232. G.-G. Plouquet. Dissert, de vertigine. Tubing., 1783. M. Herz. Versuch über d. Schwindel. Berlin, 1786, et Hufeland’s Journal. Bd. III, St. 3, p. 389. Pübkinje, in Med. Jahrb.d. QEsterr. St. Bd. VI, et Bust's Magazin. Bd. XX, H. I, p. 58; Bd. XXIII. p. 384. Trousseau. Du vertige a stomacho læso ( Leçon clinique. Gaz. des hôpitaux, 1856, p. 189). Max Simon. Du vertige nerveux {Mém. de l’Académie de méde- cine, t. XXI, 1858, in-4). L. Blondeau. Du vertige goutteux (Arch. gén. de méd., juin 1857, p. 677). Du vertige stomacal (Ibid., septembre 1858, p. 256). Voy. pour plus de détails la bibliographie de l’article Vertige dans Allg. Pathologie deK.-W. Stark. Leipzig, 1838, in-8, p. 1325. (1) Nous ne nous dissimulons pas les objections que peut soulever l’admission du vertige au nombre des hyperesthésies et la place accordée à ce phénomène à côté de la migraine; mais nous eussions été embarrassé pour le faire rentrer d'après des raisons plus solides, dans une autre partie de notre cadre, la nature ■du vertige étant encore fort mal connue. NÉVROSES. 279 1900. Définition. Vertige (;vertigo, de vertare, tourner) a pour syno- nyme iJîvoç, tourbillon, ctxôto;, ténèbres, scotodinie, etc. On peut, avec P. Frank, définir le vertige, si tant est qu’il ait besoin d’être défini, « un tournoiement illusoire, pénible et subit, qui semble entraîner la personne elle-même et les corps extérieurs, qu’ils soient en repos ou animés de leurs mouvemens ordinaires, et où le corps chancelle et est près de tomber. » Divisions. — Le vertige s’observe comme symptôme d’un grand nombre de lésions cérébrales ; mais il peut, aussi se produire sympa- thiquement et même idiopathiquement. De là trois espèces de vertiges, que l’on distingue un peu arbitrairement, il faut l’avouer, beaucoup moins d’après les symptômes qui les caractérisent, car ils sont sensible- ment les mêmes, que d’après leur cause connue ou supposée. C’est également au point de vue étiologique seul que certains auteurs se sont placés pour admettre, parmi les genres symptomatique et sympathique, un grand nombre de subdivisions, et qu’ils ont considéré, comme autant d’espèces différentes, le vertige pléthorique et anémique, le vertige goutteux, le vertige stomacal, etc. 1901. Syynptômes. — Les malades sont pris soudainement d’un senti- mentétrange: il leursernble voir les objets qui lesentourent emportés dans un mouvement \'oUnloïre{vertigogyrosa), quelquefois tellement rapideque leurs formes s’effacent et que leurs couleurs se confondent en une sorte de brouillard (vertigo tenebriensn) ; d’autres voient les objets monter et descendre alternativement (:nutatio); ils se sentent eux-mêmes entraînés dans ce mouvement; ils chancellent et tombent quelquefois (■vertigo caduca), s’ils ne se hâtent de chercher un appui. Certains sujets éprou- vent les phénomènes du vertige étant couchés, même lorsqu’ils ont les yeux fermés, même pendant leur sommeil {vertigo nocturna). Indépen- damment de cette sensation de mouvement, il existe chez le vertigineux divers troubles des sens : bourdonnemens d’oreille, éblouissemens, hémiopie, diplopie ; la face est pâle ou injectée ; il y a quelquefois des nausées, et le vomissement qui survient met en général un terme à ces symptômes pénibles. Chez d’autres, il se produit une syncope, un trouble momentané de l’intelligence, peut-être plus encore sous l’in- fluence de la frayeur que du vertige lui-même. Sous le nom de vertige dyspeptique, M. Trousseau a décrit les phé- nomènes suivans : « Le malade reste-t-il dans l’immobilité, il n’éprouve rien; mais veut-il regarder au-dessus de lui, aussitôt tous les objets semblent tour- ner, et à ce moment même il survient des maux de cœur. Il n’a alors qu’à incliner la tête en bas, à fermer les yeux, à rester immobile pen- dant une minute, et tout disparaît. S’agite-t-il brusquement pour re- garder ce qui se passe derrière lui, le vertige, les maux de cœur et les vomissemens apparaissent. Fst-il couché, a-t-il un sommeil agité, 280 PATHOLOGIE MÉDICALE. un rêve pénible qui lui fasse faire de rapides mouvemens, le lit tour- nera de haut en bas dans le sens vertical, et le malade, comme à la broche, croira décrire un cercle rotatoire. Passe-t-il dans une rue dans laquelle se trouve un mur grillagé, une longue file de barreaux; entre- t-il dans une antichambre aux tentures barriolées de lignes verticales un peu miroitantes; ses yeux viennent-ils à se fixer sur des étoffes glacées, enluminées de couleurs vives et représentant des groupes de fleurs très voyantes, les nausées et les accès vertigineux manqueront rarement. Le malade se baisse-t-il en ployant son corps, rien de semblable ne se ma- nifeste, alors même que la face se serait injectée et que les veines du front seraient devenues fort saillantes ; mais vient-il à se relever et à regarder en haut, le vertige apparaît presque infailliblement. Le mal de cœur, dans tous les cas que je viens de citer, est intolérable ; il res- semble au mal de mer, ou plutôt à l’incertitude nauséeuse qui précède le mal de mer. » [Archives de médecine, mai 1858, p. 250.) Les détails de cette description, d’ailleurs si vive et si pittoresque, ne nous paraissent pas suffire pour caractériser une variété dyspeptique du vertige; il n’en est aucun, sans excepter l’effet de l’abaissement ou de l’extension de la tête, qui ne se retrouve dans les autres variétés, ou même dans le vertige que chacun peut produire en exécutant pendant quelque temps un mouvement de rotation sur soi-même. La marche des accidens vertigineux est extrêmement variable : phé- nomène en général passager, et dont la durée ne dépasse guère une ou plusieurs minutes, le vertige peut, suivant les causes qui le provo- quent, revenir à des intervalles très rapprochés et se reproduire après avoir cessé pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Une inter- mittence régulière ne s’observe que très rarement, à moins d’une cause revenant elle-même périodiquement, comme certaines fièvres palu- déennes, les époques menstruelles, etc. Quant aux terminaisons, nous n’avons rien à ajouter à ce qui a été dit dans l’exposé des symptômes; à peine est-il nécessaire de faire remarquer que lorsqu’un malade, après avoir éprouvé dos vertiges, vient à présenter d’autres perturba- tions fonctionnelles plus graves, telles que coma, paralysie, etc., il y a là une simple succession de phénomènes provenant d’une même cause, mais nullement une terminaison du vertige par une autre maladie. 1902. Etiologie. — Laissant de côté le vertige symptomatique d’une lésion du crâne et de l’encéphale, et renvoyant d’ailleurs à l’étio- logie générale des névroses, nous nous bornerons à quelques brèves indications sur les causes de l’accident qui nous occupe. On regarde comme prédisposées au vertige, d’une part, les personnes douées de ce qu’on appelle le tempérament apoplectique; d’autre part, les sujets grêles nerveux, irritables. — Avec ou sans le concours d’une prédisposition apparente, le vertige peut être produit en quelque sorte h volonté, chez des individus bien portants, par l’action de tourner sur soi-même plu- NÉVROSES. 281 sieurs fois de suite, de fixer les yeux sur un objet animé d’un mouve- ment rolatoire, ou lorsque d’un lieu élevé on regarde en bas, lorsqu’on relève brusquement la tête après l’avoir tenue longtemps penchée. Cer- tains sujets sont pris de vertige quand ils regardent en l’air pour voir le sommet d’un monument très élevé; chez d’autres le même effet est produit par la vue d’une vaste étendue, d’un champ couvert de neige, de la mer; d’autres encore l’éprouvent à l’occasion de quelque im- pression sensorielle très forte : bruit intense, couleurs vives, odeurs pénétrantes ; il suffit à quelques-uns de se rappeler le voisinage d’un précipice, ou même de se l’imaginer pour être pris de vertige. Mais le plus souvent cet accident se rattache à quelque état morbide : conges- tions céphaliques chez les femmes affectées d’aménorrhées ou de dys- ménorrhée ; anémie posthémorrhagique ou spontanée ; dyspepsie ; état nerveux, quelle qu’en soit la cause (excès vénériens, spermator- rhée, vers intestinaux); hystérie; les attaques épileptiques sont souvent précédées de simples vertiges sans perte de connaissance; on en observe également qui annoncent la manifestation prochaine d’un accès de goutte, ou d’une maladie aiguë, d’une fièvre exanlhéraatique, d’une phlegmasie viscérale, etc. Tout le monde sait que l’alcool, l'opium, les solanées et d’autres substances toxiques, donnent lieu à des vertiges. —L’intensité du vertige peut être exagérée et ses retours (provoqués par les mêmes causes qui y donnent lieu à l’étal de santé; mais de plus, chez les ma- lades névropathiques, la liste des causes occasionnelles se trouve encore grossie d’une foule d’idiosyncrasies bizarres. «Je connais, dit Sauvages, une personne hystérique qui craint de tomber et qui est attaquée de ver- tige, dès qu’elle entre dans une église où il n’y a personne, mais qui y va hardiment quand il y a beaucoup de monde. » — On pourrait sans peine, mais aussi sans utilité, multiplier les exemplles de ce genre. Des lésions diverses de l’encéphale ou de ses enveloppes peuvent s’accompagner de vertige : c’est le symptôme banal des maladies encé- phaliques, dans lesquelles, selon la remarque de Boerhaave, il est le premier à se montrer, comme il est le dernier à disparaître, quand ces maladies (traumatisme, congestion, inflammation) se terminent par le retour à la santé. 1903. Physiologie pathologique. — a. Le vertige, malgré les hypo- thèses ingénieuses par lesquelles on a cherché à s’en rendre compte, reste une énigme inexpliquée. C’est certainement à tort que l’on a cher- ché dans les impressions visuelles la cause prochaine de ce phénomène à la fois si singulier et si fréquent : les aveugles ne sont pas à l’abri du vertige et nous avons déjà dit que le sommeil n’en préserve pas. Le rôle exclusif attribué par d’autres à la surexcitation du sensorium par des impressions trop fortes n’est rien moins qu’admissible. A-t-on été plus heureux en imaginant que la cause productrice du vertige résidait dans le cervelet? Les quelques vivisections et les rares autopsies que l’on cite 282 PATHOLOGIE MÉDICALE. à l’appui de celle supposition paraissent tout à fait insuffisants pour la justifier. Nous en dirons autant de la prétendue cessation de la synergie entre le cerveau et le cervelet ou entre les deux lobes de ce dernier or- gane. L’expérimentation sur les animaux est, on en conviendra, un moyen peu propre à éclairer une question dans laquelle'le fait de la sen- sation est un élément si important. Les observations faites par quelques auteurs sur eux-mêmes sont également restées stériles, et les recherches de Millier et de Purkinje, si elles font voir la relation entre le vertige et les mouvements volontaires de rotation, nous laissent dans le doute au sujet du phénomène qui intéresse le plus directement le médecin, à savoir du vertige qui survient en l’absence de toute locomotion et par une action spontanée du système nerveux. Enfin, quant aux lésions pa- thologiques de l’encéphale, leur analyse sous le rapport du siège et de la nature a fourni jusqu’à présent desargumens en faveur de toutes les hypothèses, et par conséquent n’en a confirmé aucune. Peut-être ce défaut de concordance entre le siège des lésions intracrâniennes et le vertige qui en révèle si souvent la présence, pourrait-il s’expliquer par l’existence, à titre de complication, d’une autre condition anatomique, adventice, jusqu’à un certain point indépendante et pouvant se sura- jouter à des altérations qui occupent les points les plus dilîérens de l’en- céphale. Nous voulons parler de l’hypérémie ou de l’anémie des vais- seaux cérébraux sur lesquels l’attention ne paraît pas avoir été suffi- samment fixée : le cours du sang dans l’encéphale relevant des nerfs sympathiques vaso-moteurs n’est pas toujours si étroitement subordonné à l’état de ce dernier organe qu’il ne puisse se modifier avec une appa- rence de caprice au gré d’une foule de causes intercurrentes et tem- poraires. Un changement dans la circulation intracrânienne, voilà peut- être le lien commun du vertige dit nerveux ou sympathique et du vertige symptomatique ; de celui qu’on attribue à la pléthore et de celui dont ou accuse l’anémie générale. Ce changement est-il toujours de même nature? Est-ce à la pléthore, est-ce à l’anémie encéphalique qu’il faudrait constamment rapporter la production du vertige ? Nous ne ten - terons pas de résoudre une pareille question, mais il peut n’être pas inutile de faire observer en passant que l’état variable de la face, tantôt injectée, tantôt très pâle, ne suffit pas pour faire rejeter de prime abord l’idée d’une modification identique dans la circulation intracrânienne; en effet le cours du sang au dedans de la cavité encéphalique est loin d’être toujours fidèlement représenté par ce qui se voit hors du crâne et parti- culièrement à la face. — Quoi qu’il en soit, si l’on veut aller plus loin et se demander dans quelle partie de l’encéphale se passent les phénomènes de congestion ou d’anémie, cause supposée du vertige, peut-être ne sera-il pas déraisonnable d’établir un rapprochement entre les sym- ptômes vertigineux et les accidens qui, d’après ce qu’on sait de la phy- siologie du cerveau, résultent d’une lésion de l’isthme de l’encéphale, NÉVROSES. 283 notamment des pédoncules cérébraux et des tubercules quadrijumeaux. Qu’on veuille bien se rappeler que la tendance à tourner sur soi-même et les sensations subjectives du côté de la vue, sont les caractères princi- paux du vertige, et que les lésions dont il s’agit ont justement pour effet de produire des phénomènes analogues. b. L’obscurité qui couvre la physiologie pathologique du vertige, rend raison de l’embarras où se sont trouvés les nosologistes quand il s’est agi de classer ce phénomène morbide, l es uns l’ont considéré comme une vésanie, ce qui est inacceptable, car les vertigineux ont parfaitement conscience de l’erreur de leurs sens; les autres lui ont assigné une place parmi les hallucinations sans délire. On ne voit pas trop quelle objec- tion peut être adressée à cette dernière manière de voir, et Romberg qui la critique, paraît lui-même l’adopter, lorsqu’il décrit le vertige comme une hyperesthésie des nerfs affectés à Insensibilité musculaire, hyperesthésie occupant la portion centrale qui correspond à ces nerfs. Qu’est-ce en effet qu’une pareille hyperesthésie, sinon une vraie hallu- cination ? 190ô. Diagnostic. —La sensation de vertige est tellement particu- lière, que le diagnostic se trouve établi quand le malade a rendu compte de ce qu’il éprouve. — On évitera assez facilement l’erreur qui consiste à prendre pour un simple vertige, l'absence épileptique, toujours recon- naissable à une perte de connaissance complète, quelque fugace qu’elle soit. Mais un examen attentif pourra seul mettre à même d’apprécier si le vertige est symptomatique de quelque lésion encéphalique, ou s’il se rattache à un état de pléthore ou d'anémie, à quelque affection viscérale. Ainsi, par exemple, M. Blondeau se fonde sur les particularités suivantes, pour établir le diagnostic du vertige stomacal (déjà décrit par Galien d’après Archigène) : existence de divers troubles appareils et quelquefois très difficiles à saisir et pour ainsi dire latens des fonc- tions digestives ; influence que dans le cours même de la dyspepsie, l’état de réplétion ou de vacuité de l’esiomac exerce sur la production du vertige : s’agit-il d’un vertige par vacuité de l’estomac [ah inedia), l’ingestion d’une petite quantité de bouillon, de vin, etc., apaise le sym- ptôme nerveux ; celui-ci rentre-t-il dans la classe des vertiges a crapula ou ab ingluvie, les alimens l’augmentent au lieu de le diminuer; dans les deux cas, la position déclive de la tête ne provoque pas le retour des accidens, ainsi que cela a lieu par le vertige pléthorique (signe d’une va- leur douteuse) ; enfin, l’elïicacité d’un traitement dirigé contre la seule dyspepsie viendrait encore confirmer l’origine gastrique du vertige. Pronostic et traitement. — Sans gravité par lui-même, constituant tout au plus un symptôme pénible et gênant, le vertige n’a d’autre danger que celui de la maladie à laquelle il se rattache, soit comme symptôme, soit comme épiphénomène. Il n’est pas d’accident nerveux, dit M. Trousseau, qui soit en gé- 284 PATHOLOGIE MÉDICALE. néral plus piteusement traité que celui qui nous occupe. En effet, le médecin, partageant les craintes mal fondées du malade, a trop de tendance à voir dans tout vertige le signe de quelque grave lésion encéphalique, qu’il cherche à prévenir ou à combattre par un trai- tement anliphlogistique, dont l’indication n’existe pas. Les moyens de- vront varier surtout suivant la cause qui produit le vertige : c’est ainsi que tantôt les émissions sanguines, tantôt les toniques donnent des résultats avantageux ; qu’il faut accorder une grande attention à l’état des voies digestives quand leurs fonctions sont dérangées (alcalins, amers, astrin- gens, etc.); qu’il convient de faire éviter au malade toutes les causes ordinaires ou idiosyncrasiques qui provoquent le retour des accidens. Quant aux médicamens dits antispasmodiques, ils n’ont guère d’effica- cité pour combattre le vertige, et ce sont les névroses accompagnées de ce symptôme plutôt que ce symptôme lui-même qui fournissent quelque- fois l’indication d’employer les remèdes de ce genre. AKTICJLE XXVII. 4905. Bibliographie. — J. Frank. Praxeos medicinœ univ. P. II, vol. I, sect. i, p. 37. S. Stiebel. Kleine Beitràge z. Heilwissenschaft. Francfort, 1823, in-8, et Rust's Magazin. Bd. XYI, 1824. Allan. Glasg. med. Journal, 1828. — Bkown. On irritation of the spinal nerves [Glasg. med. Journal, may 1828). Dahwall. On sorne fomis of cérébral and spinal irritation (Mid- land med. Reporter, may 1829). Player. On mutation of the spinal nerves (Quarterly Journal of med. sciences, 1821). J. Hinterberger. Beitràge z. d. Rückgrathskrankh. (Salzb. med. chir. Zeitung, 1828. Bd. III, p. 27), Abhandl. über d. Entzünd. d. Rückenmarks, etc. Linz. 1831, in-8. J. Pridgin Teale. A treatise on neuralg. discases dépend, upon irritation ofthe spinal marrovo, etc. Londres, 1829, in-8. Tate. A treatise on hysteria. Londres, 1830, in-8. J. Parrish. Remarks on spinal irritation [Americ. Journal of the med. sciences, 1832, et Arch. gén. de méd., 1832, t. I, p. 388). William and Daniel Griffin. Observ. on fimctional affection of the spinal cor d. Lond. 1834, in-8. Enz. Beob. üb. mehrere d. symptomat. Krankeitsformen, etc. (Rust's Magazin. 1834, Bd. 41, p. 195, Bd. 44, p. 43). J. Marshall. Pract. observ. on discases occasioned by spinal irri- tation. Lond. 1835, in-8. DE L’IRRITATION SPINALE. NÉVROSES, Cruveilhier. Du point dorsal et de sa valeur thérapeutique. [Bulletin de thérap. 1837, t. XII, p. 388), Olliviek (d’Angers). De la moelle épinière et de ses maladies, 3 édition. Paris, 1838, t. Il, p. 209. Appendice, J.-H. Albers. Die Reizung d. Rückenmarkes (Hannov. Annalen, Bd. III. Heft. 1). Stilling. Unters. über die Spinal-Irritât ion. Leipzig, 1840, in-8. Grossheim. Med. Zeit. v. d. Verein f. Heilk. in Preussen, 1840, n° 23, Hirsch. Reitràge z. Erkenntn. u. Heil. d. Spinalneurosen, Kœnigsb, 1843, in-8. Türck. Abhandl. üb. Spinal-Irritation. Vienne, 1843, in-8. Eisenmann. Zur Spinal-Irritât ion. Neue Med. chir. Zeit. 1844,1. Mayer. Ueber d. Unzulàssigkeit d. Spinal-lrrit. als besond. Krankheit. Mainz. 1849, in-8. G. Paton. On the nature and treatment of spinal affections. Edinb. med. and surg. Journal, april 1850. 1906, Synonymie. — Irritation de la moelle, spino-névralgie, irri- tation des nerfs rachidiens, névralgie des nerfs spinaux. Dé finition. — Pour les pathologistes qui la décrivent comme une maladie distincte, l’irritation spinale est caractérisée par la réunion des symptômes suivans : douleur perçue le long du rachis, provoquée sur- tout par la pression sur les apophyses épineuses, présentant des irra- diations très variées, accompagnée de troubles fonctionnels multiples et remarquablement mobiles, et presque constamment de perte des forces et d’amaigrissement. Symptômes. — a. La douleur rachidienne est le symptôme domi- nant et caractéristique. On a prétendu cependant qu’elle pouvait man- quer, alors que l’ensemble de tous les autres signes atteste l’existence d’une affection identique à celle où cette douleur se rencontre habi- tuellement ; mais l’appréciation de semblables faits a toujours quelque chose d’arbitraire. La douleur peut être spontanée ou provoquée. 1° La douleur spontanée change facilement de place; elle est rare- ment intense : c’est le plus souvent un vague malaise ressenti dans un point limité du rachis; ailleurs la douleur spontanée est nulle, et le malade est tout surpris de la sensibilité quelquefois excessive réveillée par l’exploration du rachis. 2° La douleur provoquée résulte soit de la pression, soit de l’applica- tion de la chaleur; aussi a-l-on conseillé, comme moyen de dia- gnostic, de promener sur la région vertébrale une éponge imbibée d’eau chaude, ou de plonger le malade dans un bain chaud; mais la pression avec l’extrémité du doigt est un procédé tout aussi sûr et beaucoup plus simple, il suüit quelquefois, pour produire de la douleur, d’appuyer 286 PATHOLOGIE MEDICALE. très légèrement le doigt, ou même c’est assez d’un simple attouche- ment ; certains malades supportent difficilement le contact des vête- mens, ne peuvent rester couchés sur le dos ou s’appuyer contre le dossier d’un siège. C’est toujours au niveau des apophyses épineuses que la douleur à la pression est la plus vive ; très souvent même on n’en trouve aucune trace sur les parties latérales; ou bien, très forte sur les apophyses, elle existe encore, mais à un degré beaucoup moindre, des deux côtés de la colonne épinière. Celte douleur peut se rencontrer dans tous les points indistinctement de la longueur du rachis ; quelques observateurs l’ont constatée plus souvent dans la région dorsale ; d’au- tres, avec une égale fréquence, dans les portions cervicale et lombaire. Elle se fait habituellement sentir au niveau de plusieurs vertèbres à la fois, mais le nombre des vertèbres douloureuses est extrêmement variable; de plus, entre deux apophyses où la pression éveille une vive souffrance, on en trouve parfois plusieurs absolument indolentes. Il peut même y avoir une série de points douloureux dans des régions fort éloignées les unes des autres. Enfin, il n’est pas rare de voir la dou- leur changer de place d’un jour à l’autre, ou disparaître pour revenir au bout de peu de temps. — Son caractère, n’est pas non plus constam- ment le même : tantôt c’est une sensation de contusion, d’excoriation, de brûlure, de froid ; tantôt une sorte de choc électrique ; le plus souvent il semble aux malades que l’on presse sur une plaie récente. b. Outre la douleur locale, produite dans le point comprimé, le mode d’exploration dont il s’agit détermine souvent instantanément des irradiations plus ou moins lointaines, sous la forme de sensations pé- nibles ou provoque l’apparition des accidens nerveux auxquels les ma- lades sont habituellement sujets : c’est une chaleur brûlante qui se ré- pand tout le long du rachis ; un frisson général ou partiel avec horripi- lation; une subite défaillance, de violentes palpitations. Le plus ordinai- rement tout se borne à un retentissement douloureux au-devant de la poitrine, ou à l’épigastre, ou dans le ventre, suivant la hauteur à laquelle la pression est pratiquée. c. Lorsque la maladie est récente ou d’une faible intensité, on n’ob- serve guère autre chose que ces symptômes rachialgiques. Mais, dans les cas plus sérieux et plus anciens, il se manifeste presque toujours en même temps des accidens nerveux et des troubles fonctionnels remar- quables par les formes diverses qu’ils peuvent revêtir. Les auteurs qui ont écrit sur l’irritation spinale en ont indiqué un très grand nombre parmi lesquels nous signalerons spécialement : les névralgies des mem- bres, du tronc, et même de la face, et, en particulier, des douleurs dans les orteils, dans le bout des doigts; — l’engourdissement des ex- trémités; — l’épigastralgie, qui est l’une des manifestations doulou- reuses les plus fréquentes; — gastralgie proprement dite; douleurs d’estomac, coliques, douleurs de reins, douleurs de vessie, dysurie, etc.; NÉVROSES. 287 — divers troubles des sens (amauroses passagères, cophose, etc.), au milieu desquels on observe l’intégrité constante des fonctions intellec- tuelles; — troubles fonctionnels parfois d’une intensité effrayante, telles que palpitations, battemens exagérés des grosses artères, et sur- tout de l’aorte ventrale ; accès de dyspnée, toux nerveuse; dyspepsie sous toutes les formes ; dérangeraens de la menstruation ; frissons in- terraittens, irréguliers, et parfois véritables accès de fièvre intermit- tente avec leurs trois stades successifs ; — des congestions à forme à peu près constamment passive, qui se fout tantôt sur la muqueuse con- jonctivale, tantôt sur l’utérus ou les vaisseaux hémorrhoïdaux, et qui ont pour caractères d’être transitoires, de se dissiper facilement d’elles-mêmes, de se reproduire sans cause appréciable, parfois avec une sorte de régularité; — des hemorrhagi.es nasales; — des flux diarrhéiques ou leucorrhéiques, des sueurs très abondantes; —\œdème des extrémités; le refroidissement des membres; un amaigrissement plus ou moins rapide ; enfin un sentiment d’accablement souvent très accusé. INous avons abrégé ce catalogue ; peu s’en faut que la pathologie n’y tienne tout entière. Plus tard nous aurons à examiner jusqu’à quel point les phénomènes presque innombrables imputés à l'irritation spinale ont une relation réelle avec la douleur rachidienne qui a valu à l’af- fection Je nom qu’elle porte, et dans quelles limites l’analyse peut éclairer cette symptoraatologie complexe. Qu’il nous suffise pour le moment d’en avoir donné un aperçu. 1907. Marche, durée, terminaison. — La marche de l’irritation spi- nale est essentiellement irrégulière ; son invasion tantôt brusque, subite, succède immédiatement à l’action d’une cause énergique ; tantôt, au contraire, lente, progressive, elle passe complètement inaperçue. On distingue au point de vue de la marche deux formes de la maladie, l’une aiguë, l’autre chronique. Dans la première, les accidens, de quelque façon qu’ils aient débuté, prennent rapidement une intensité plus ou moins grande, parfois extrême ; la maladie est en apparence fort grave, et semble mettre la vie en danger; mais elle se termine le plus souvent par une résolution rapide. Il est important de noter que l’acuité n’im- plique pas nécessairement un haut degré de violence des symptômes, et qu’il est des cas où le mal se développe et se termine avec rapidité, bien que borné à un petit nombre de phénomènes assez légers.—C’est dans la forme lente que l’irrégularité de la marche se fait surtout remarquer. Que l’affection soit primitivement chronique ou qu’elle prenne cette allure après avoir passé par une période d’acuité, elle présente d’ordi- naire des intermittences ou des rémissions parfois périodiques, mais qui le plus souvent sont tout à fait irrégulières, avec des intervalles tantôt très longs, tantôt fort courts; les exacerbations sont brusques, les améliorations subites. De là ces guérisons tellement promptes qu’elles 288 PATHOLOGIE MÉDICALE. jettent les malades dans l’admiration, trop souvent aussi le médecin dans les plus grandes illusions thérapeutiques. Ces guérisons momentanées ne tardent pas le plus communément à être suivies de rechutes.—L’ir- régularité qui s’observe dans la marche de la maladie, on la retrouve également dans le mode d’enchaînement et de succession des symptômes. A part la douleur rachidienne et ses irradiations, qui semblent constituer le fond persistant de l’affection, tous les autres phénomènes apparais- sent, s’évanouissent, reviennent, se succèdent sans aucun ordre; leur manifestation rapide et fugace simule assez souvent une sorte de trans- port de la maladie d’un lieu à un autre; c’est ce que l’on a désigné sous le nom de métastase. — Quant au nombre des phénomènes morbides qui peuvent se montrer simultanément, il n’a absolument rien de fixe : tantôt un seul, la douleur, apparaît isolé au milieu d’un état général qui est celui de la santé à peine altérée; tantôt des troubles multipliés surgissent à la fois; mais dans la forme chronique, il est fréquent de voir les symptômes se suppléer et alterner les uns avec les autres, ou se réunir en séries, en groupes peu nombreux. La durée de la maladie dans la forme aiguë peut être très courte. Dans la forme chronique, elle n’a point de limites et semble en quelque sorte indéfinie. La terminaison n’est jamais funeste, à moins de complications; on ne meurt pas d’irritation spinale, mais on peut en souffrir cruellement pen- dant des mois et même des années. Complications. — H est assez rare de trouver un cas d’irritation spinale pure, c’est-k-dire exempte de toute complication. Les ma- ladies auxquelles elle peut s’ajouter, sont, au dire des auteurs, à peu près toutes celles du cadre nosologique ; mais le plus souvent elle est associée à une autre névrose (hystérie, hypochondrie, épilepsie, dys- pesie), à la goutte, au rhumatisme, aux déviations de la colonne verté- brale, à la phthisie, aux maladies organiques du cœur ou du foie, aux fièvres intermittentes. 1908. Causes. — Indépendamment de ce qui a été dit des névroses en général, au point de vue de leur éliologie, nous devons consigner ici quelques données particulières. L’irritation spinale se rencontre chez les femmes plus souvent que chez l’homme, mais elle est très loin d’appartenir exclusivement au sexe féminin. Aucun âge n’en est exempt. — Lorsqu’on la trouve réunie à d’autres affections, ce qui est fréquent, on la considère comme sym- ptomatique; dès lors, on peut mettre au nombre de ses causes une foule de maladies diverses que d’autres envisageront comme autant de com- plications : affections de l’utérus et du foie, vers intestinaux, rhuma- tisme, syphilis, scrofule, hystérie, etc. Quand la maladie est primitive et isolée ou, comme on le dit, idio- pathique, ses causes les plus habituelles paraissent être : 1° la fatigue, 2° les excès, 3° les émotions morales, U° le refroidissement. Les fatigues (veilles, efforts musculaires exagérés, travail intellectuel) produisent presque chez tout le monde un peu d’endolorissement de la région rachidienne et de la faiblesse générale, accidens légers et que le repos suffit pour faire disparaître. Mais chez les sujets prédisposés, le mal peut aller plus loin, devenir persistant, et présenter tous les symptômes d’une irritation spinale bien caractérisée. C’est aussi sous l’influence de ces causes, et encore des excès de table, que l’on voit survenir les recru- descences de la maladie une fois qu’elle est développée. Les émotions morales vives donnent lieu parfois à l’explosion subite de l’irritation spi- nale, surtout chez les femmes, lorsqu’elles agissent au moment d’une époque menstruelle. L’influence des refroidisseraens se montre dans bon nombre d’observations d’une façon évidente, et l’on a avancé que l’habitude où sont les femmes de se découvrir le cou et le dos est assez fréquemment l’origine du mal. Enfin dans cette étiologie figurent encore les miasmes paludéens. Cer- tainement il n’est pas rare de voir des phénomènes rachialgiques et divers symptômes nerveux accompagner les accès de fièvre intermittente ou leur succéder ; mais on admettra difficilement, avec certains auteurs, que la fièvre intermittente ne soit elle-même que l’un des modes de ma- nifestation, l’une des formes symptomatiques de l’irritation spinale. 1909. L'anatomie pathologique ne nous apprend rien sur une ma- ladie qui, dans son étal de simplicité, n’entraîne jamais la mort. Lors- que les sujets qui en ont présenté les symptômes viennent à succomber par suite d’autres accidens, ou bien le canal spinal ne présente au- cune altération appréciable (llinterberger), ou bien on trouve des caries vertébrales, des hydrorachis ou d’autres lésions diverses qui évidemment sont toute autre chose que les caractères anatomiques propres à l’irrita- tion spinale. 1910. Nature de la maladie. Physiologie pathologique. — Pour exposer avec quelque clarté les opinions très diverses émises par les auteurs au sujet de l’irritation spinale, nous allons successivement examiner celles relatives au siège et à la nature de cette affection, et celles qui ont pour sujet l’interprétation de ses symptômes. Sous un troisième chef nous présenterons quelques considérations sur son exis- tence même, à litre de maladie distincte, existence incontestable selon les uns, inadmissible selon d’autres. I. On a considéré le groupe de symptômes compris sous le nom d’irritation spinale comme appartenant à des affections fort dissem- blables par leur siège et leur nature : A une arthrite vertébrale (Hinterberger); A une myélite ou à une méningite rachidienne (Niese); A une congestion des enveloppes de la moelle (Ollivier) ; A une congestion du tissu même de la moelle (Stilling); NÉVROSES. 289 290 A une irritation spéciale et indéterminée de la moelle (Griffm) ; A une névralgie (Stiebel, Teale, Valleix, etc.). a. Quelques-unes de ces hypothèses soutiennent à peine un examen approfondi. Telle est par exemple l’idée d’une arthrite vertébrale, idée fondée uniquement sur ce fait que la douleur peut être provoquée par une pression énergique et brusque sur les apophyses épineuses. On allè- gue qu’à raison de l’union solide des vertèbres et de la complète im- mobilité de ces os, une pareille pression ne peut en aucune façon se transmettre à la moelle; que par conséquent la douleur ne peut siéger que dans les articulations. Mais remarquons que le plus souvent les mouf'emens du rachis ne sont point ou sont à peine douloureux, et ils ne manqueraient certes pas de l’être s’il s’agissait d’une arthrite. Rap- pelons ensuite que la même douleur est quelquefois développée par des manœuvres autres qu’une pression énergique et telles qu’on ne saurait les accuser de produire le moindre ébranlement des articulations verté- brales (par exemple la piqûre à l’aide d’une aiguille ou l’application d’un corps chauffé à la surface de la peau). Enfin l’anatomie pathologique est muette sur ces prétenduesarthrites vertébrales, dont la constatation à l’au- topsie serait cependant des plus faciles, si ces lésions existaient réellement. b. La supposition d’une myélite ou d’une méningite rachidienne soulève des objections tout aussi graves. Ni la mobilité des accidens, ni la dispersion irrégulière de la douleur en différons points du rachis, ni l’absence de tout phénomène paralytique, ni la cessation parfois subite et complète des symptômes, ni enfin l’absence de lésions appréciables dans le petit nombre d’autopsies qu’on a été à même de pratiquer, ne s’accordent avec l’idée d’une phlegmasie chronique ou subaiguë de la moelle; et quant à une myélite aiguë, peut-on même y songer en l’ab- sence de la fièvre, de la contracture et de plusieurs autres symptômes qui habituellement y sont si marqués? c. Des considérations analogues s’appliquent à la congestion veineuse des enveloppes spinales par laquelle d’autres ont cherché à expliquer tous les symptômes. Un lacis veineux aussi large que les sinus verté- braux et dont toutes les portions communiquent h plein canal entre elles, comment croire qu’il puisse se congestionner dans une seule de ses parties, et dans une petite étendue, si petite même que la douleur cor- respondante se rencontre souvent limitée à une ou deux paires nerveuses seulement? l’ois, comment celte congestion, pour peu qu’on lui suppose quelque intensité, ne donnerait-t-elle pas lieu à un certain degré de com- pression de la moelle et ne déterminerait-1-elle pas l’engourdissement des membres, la contracture ou la paralysie des muscles, ainsi que cela s’observe dans d’autres cas d’hypérémie spinale?-—Il est néanmoins quelques raisons assez spécieuses en faveur de celle hypothèse d’une congestion intra-rachidienne ; ce sont les suivantes : 1° on a rencontré cette lésion à l’autopsie dans des cas où des symptômes tout à fait sem- PATHOLOGIE MÉDICALE. blables à ceux de l’irritation spinale avaient été observés pendant la vie. 2° Les causes qui déterminent l’irritation spinale sont souvent de celles qui paraissent favorables à la production d’une hypérémie : suppression de flux, d’hémorrhoïdes, des règles. 3° Les émissions sanguines locales sont généralement fort utiles pour combattre la douleur rachidienne. — Mais s’ensuit-il que la congestion veineuse des enveloppes de la moelle soit la cause prochaine de l’état morbide que nous étudions? A ce sujet, avouons d’abord que le genre de lésion dont il s’agit est extrêmement difficile à bien apprécier sur le cadavre, surtout dans des régions natu- rellement très vasculaires comme le rachis ; qu’il est un de ceux avec l’aspect desquels les anatomo-pathologistes sont Je moins familiarisés; de sorte qu’une erreur a beaucoup de chances d’être commise sur ce point, pour peu qu’une idée préconçue invite à y tomber. — En second lieu, il n’est nullement prouvé que les suppressions de flux, d’hémorrhagies, la rétention des règles, etc., aient pour conséquence nécessaire un état congestif, et que ce soit là le véritable mode d’action de ces causes. Ne sait-on pas d’ailleurs que l’étiologie de l’irritation spinale comprend une foule d’autres circonstances, où une pareille explication ne peut plus être proposée? — Enfin le succès de la médication antiphlogistique est certainement un fait pratique d’une grande importance; mais on en conclura tout au plus que dam certains cas un état congestif fait partie de la maladie. Quant à savoir si cet état existe réellement dans tous, s’il se produit toujours le premier, et si c’est de lui que découlent tous les symptômes, la question est au moins douteuse. Au surplus il faudrait encore préciser le siège de cette congestion, et à cet égard on ne trouve aucun fait, mais seulement des présomptions tirées de l’ana- tomie et de la physiologie normale. d. L’opinion d'après laquelle la moelle serait elle-même atteinte par cette hypérémie, est passible, en grande partie, des objections qui viennent d’être exposées. D’après Slilling, l’hypérémie ne serait, il est vrai, que l’un des élémens de la maladie ; mais une fois produite et se propageant de proche en proche dans le cordon rachidien, elle exercerait sur la pulpe de cet organe une action complexe, en la comprimant, en l’irritant, en l’altérant par des exsudations de sérosité qui baigneraient, ramolliraient les fibres nerveuses. Ces ingénieuses hypothèses dévelop- pées par Stilling avec un grand talent et une érudition imposante, atten- dent leur confirmation et l’attendront probablement longtemps encore. e. Pour ce qui est de « l'irritation de forme indéterminée, » c’est là une formule trop prudente pour rencontrer beaucoup de contradic- teurs, et nous nous croyons dispensé de la discuter. f. D’autres, avons-nous dit, ne veulent voir dans les phénomènes de l’irritation spinale qu’une simple névralgie, et, en effet, l’extrême mobilité des accidens, le mode des sensations douloureuses, leur dissé- mination, la fréquence de l’affection chez les sujets névropathiques, sont NÉVROSES. 291 292 autant de caractères qui rendent cette manière de voir au moins vraisem- blable. Mais cette analogie de nature étant reconnue, resterait à préciser le siège de la maladie. Et d’abord on ne saurait, sans aller au delà do l’ob- servation, identifier, comme le fait Valleix, l’irritation spinale et la né- vralgie dorso-intercoslale. Dans cette dernière maladie, et d’après la des- cription donnée par Valleix lui-même, nous voyons les points hypereslhé- liques les plus marqués occuper les côtés du rachis, la partie moyenne des espaces intercostaux et leur extrémité antérieure; tandis que dans l’ir- ritation spinale la douleur est souvent exactement limitée au sommet des apophyses épineuses, tout au moins est-elle toujours plus forte là que partout ailleurs. Déplus, avec cette douleur vertébrale, apparaissent,soit vers les viscères, soit dans les organes des sens, des symptômes singu- liers qui n’accompagnent pas d’ordinaire la simple névralgie intercostale. Symptômes tellement multipliés, tellement variés qu’il semble naturel de les envisager tous, y compris la douleur rachidienne elle-même, comme le retentissement ou l’extension vers la périphérie nerveuse d’un état morbide plus profond, situé ailleurs que dans le lieu même où se con- state le symptôme; en un mot, tout nous invite à les rattacher à la souf- france des centres nerveux. Or l’intégrité constante des facultés psychi- ques met ici le cerveau hors de cause ; c’est donc, en définitive, la moelle épinière qui paraît être le véritable siège de la maladie et le point de dé- part réel de ses symptômes. Sur ce point presque toutes les théories que nous avons précédemment discutées sont d’accord ; elles ne se séparent que sur la question du genre de l’affection rachidienne. En résumé, de l’analyse et de la discussion des opinions diverses émises par les auteurs, comme aussi de l’examen attentif des faits par- ticuliers, il résulte : que les phénomènes groupés sous le titre d’irritation spinale dépendent d’un trouble de l’innervation, ayant la moelle épinière pour point d’origine ou pour centre d’irradiation ; que, dans bon nombre de cas, il est impossible de méconnaître l’existence d’une congestion rachidienne comme l’un des élémens de cet état morbide de la moelle; mais on ne peut affirmer ni que celte congestion existe constamment, ni qu’elle soit le fait primitif et générateur de la maladie, ni enfin qu'elle porte plus particulièrement sur telle ou telle partie du centre nerveux rachidien ou de ses enveloppes. IL Venons-en à l'interprétation des symptômes. — a. Le phéno- mène principal et le plus constant, la douleur rachidienne, n’est autre chose qu’une hyperesthésic cutanée, une véritable dermalgie, corres- pondant exactement à la ligne des apophyses épineuses. La possibilité de la provoquer par un attouchement léger, par le simple pincement de la peau ou la piqûre d’une aiguille, éloigne l’idée d’attribuer la souffrance à l’ébranlement mécanique des vertèbres et de la moelle. Mais d’où vient cette localisation si précise de la douleur ? On a cru en trouver la raison dans la brièveté des filets nerveux qui de la moelle PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 293 (ou mieux des nerfs spinaux) se rendent à la peau de la région rachi- dienne. Cette explication n’en est pas une; car, abstraction faite de ce qu’il y a de gratuit dans celle hypothèse d’une transmission plus ou moins rapide des sensations, suivant la brièveté d’un ület nerveux, il faut bien reconnaître que les nerfs ramifiés sur les côtés de la région vertébrale ne sont guère plus longs que ceux destinés à la ligue mé- diane. — D’après d’autres pathologistes, le siège électif de la douleur au niveau des apophyses épineuses dépendrait de ce que des filets pro- venant des nerfs rachidiens droits et gauches, se rencontrent sur la ligne moyenne et passent d’un côté à l’autre; en supposant une névralgie bi- latérale de ces filets, c’est au niveau de leur point d’intersection, c’est- à-dire au sommet de l’apophyse épineuse, que la douleur devra se manifester de préférence ; à quoi l’on peut ajouter que les parties hyper- esthésiées se trouvent là dans les conditions voulues pour être compri- mées par le doigt sur une surface osseuse résistante. Mais si cette suppo- sition était fondée, il s’ensuivrait que dans toute névralgie intercostale double, occupant les nerfs droit et gauche à la même hauteur, ce qui au surplus est extrêmement rare, on devrait constater la même douleur cir- conscrite au sommet de l’apophyse; et l’observation ne justifie pas cette prévision. — Enfin on a dit que l’hyperesthésie est plus marquée sur la ligne médiane, parce que dans ce point les nerfs sont en rapport (de sympathie?) plus direct avec les enveloppes de la moelle. C’est là l’énoncé du phénomène sous une forme différente : la raison anatomo- physiologique de ce rapport, voilà justement ce qu’il s’agirait de trouver. Concluons de tout ce qui précède que le siège spécial de cette hyper* esthésie est un fait dont l’explication nous échappe. b. Quant aux douleurs irradiées dans les membres, dans les parois du ventre ou de la poitrine, ou à la tête, elles ne paraissent être, comme la douleur rachialgique, que des manifestations périphériques de l’état morbide delà moelle; aussi sont-elles en général moins bien limitées, moins exactement dessinées et plus mobiles que les névralgies pro- prement dites. En acceptant la comparaison qui a été faite par quelques auteurs entre l’irritation spinale et la migraine, on trouverait de part et d’autre : une douleur directe, c’est-à-dire voisine du centre nerveux affecté (rachialgie dans un cas, céphalalgie sus-orbitaire dans l’autre); un grand nombre de retentissemens douloureux accusés plus ou moins loin du foyer réel delà souffrance (symptômes de prosopalgie, symptômes de névralgie intercostale, etc.). Malgré leur siège souvent fort éloigné, les douleurs irradiées de l’irritation spinale sont ordinairement réveillées par la pression exercée sur les points douloureux rachidiens, ce qui indique bien qu’elles ont avec ceux-ci un centre commun. Pour les névralgies viscérales et les perturbations fonctionnelles di- verses, palpitations, étouffemens, frissons, etc., on remarque aussi que la pression sur les apophyses épineuses les exaspère souvent; elles pa- raissent donc devoir être interprétées de la même manière, et la dépen- dance où le système ganglionnaire se trouve à l’égard de la moelle permet d’y voir autant de nouvelles manifestations indirectes d’un état morbide localisé dans le centre rachidien. c. Mais ces sortes de retcntissemens sympathiques ne se bornent pas toujours à quelques légers troubles fonctionnels : on voit parfois, dans le cours de ce même état morbide, les viscères devenir le siège de congestions ou de sécrétions anormales. Au premier abord, on est tenté de n’y voir que des complications fortuites, et l’on hésite à admettre une connexion quelconque entre ces modifications organiques et la douleur dorsale ou les autres symptômes douloureux. Pour produire et pour défaire des lésions aussi considérables, il semble qu’il faille l’intervention d’une cause autrement puissante qu’un état pathologique dont l’unique signe d’existence est quelquefois un peu de douleur spinale. Cepen- dant, quand on voit les congestions, les sécrétions anormales, accom- pagner les symptômes propres de l’irritation spinale et leur rester en quelque sorte parallèles; se produire et céder en même temps sous des influences semblables; imiter leur mode d’invasion, de terminaison, de récidive; présenter quelquefois, comme eux, une intermittence des plus tranchées, peut-on ne pas être frappé de ces particularités et se refuser à reconnaître une commune origine à tous ces accidens si variés? Les congestions dans les viscères sont difficiles à étudier et à suivre; mais il est un organe où il est très aisé d’en observer toutes les phases : c’est la conjonctive. Eh bien, il n’est pas rare de voir, chez les individus atteints d’irritation spinale, une hyperémie oculaire s’établir très rapidement, persister plus ou moins longtemps, sans douleur, sans signes d’inflam- mation proprement dite , malgré la rougeur intense à laquelle elle donne lieu ; résister à tous les antiphlogistiques imaginables, puis dis- paraître aussi rapidement qu’elle était venue, ne laissant dans la mem- brane qu’elle a occupée aucune trace de son passage. Cette mobilité, cette rapidité de la fluxion, la facilité singulière avec laquelle elle dis- paraît sans résidu, se retrouvent également dans d’autres organes qui se dérobent à un examen direct, mais dont l’exploration physique ou phy- siologique peut être faite avec une certaine rigueur; et c’est par des hy- pérémies passagères de la même espèce que les auteurs se rendent compte d’un certain nombre de perturbations fonctionnelles observées dans le cours de l’irritation spinale. Si l’exactitude de ces faits était démontrée, on en trouverait aisément l’explication. En effet, grâce aux admirables expériences de M. Claude Bernard, l’action du système nerveux sur la circulation capillaire est aujourd’hui trop bien prouvée pour qu’il soit besoin d’y insister, et l’on ne saurait nier la possibilité de congestions produites par l’influence indirecte, mais néanmoins non douteuse, que la moelle exerce sur le système sanguin par 1 intermédiaire des nerfs vaso- moteurs du grand sympathique. PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. d. L’intensité, la continuité de la perturbation nerveuse, à la faveur de cette même influence de la moelle sur les actes de la vie nutritive, peuvent rendre compte du sentiment général de faiblesse et de l’amai- grissement qui s’observent presque toujours dans les cas où la maladie présente une certaine gravité et persiste pendant longtemps, III. Le groupe de symptômes décrit sous le nom d’irritation spinale doit-il être considéré comme une espèce morbide particulière? Telle est la question que nous avons maintenant à examiner. Et d’abord, ce groupe est-il assez homogène dans sa constitution propre, les phéno- mènes qui le forment ont-ils entre eux des rapports de dépendance ou de subordination suffisamment évidens, pour que leur coïncidence ne puisse pas être mise sur le compte de quelque simultanéité fortuite? A cet égard, point de doute possible : non-seulement la clinique nous montre des relations fréquentes entre ces élémens en apparence dissem- blables, mais encore (en laissant de côté quelques points accessoires), la physiologie nous permet d’expliquer leur enchaînement d’une manière assez satifaisante. D’autre part, il s’agit de décider si cet ensemble complexe de phénomènes est, sur ses limites, suffisamment distinct de quelques groupes symptomatiques voisins. Les avis les plus opposés sont ici en présence : les uns admettant que l’irritation spinale est en quel- que sorte le type des maladies nerveuses, les autres niant qu’une sem- blable maladie existe, et la qualifiant de fantôme (Romberg). Ces opinions contradictoires cessent de surprendre quand on en recherche attentivement les origines. Certains auteurs, vivement frappés de l’im- portance des fonctions dévolues à la moelle épinière, ont confondu, dans leur exposition, l’étude de l’influence pathogénique de ce centre ner- veux avec l’histoire de l’état morbide particulier dont ils avaient à déter- miner les caractères propres; ils ont été amenés de la sorte à étendre outre mesure les limites de l’irritation spinale, en imputant à une souf- france réelle ou supposée de la moelle tous les symptômes dans lesquels on doit ou peut admettre un trouble dans les fonctions du centre rachidien. D’autres pathologistes, réagissant contre cet empiétement de la physiologie sur le domaine de l’observation clinique, ont pris l’un après l’autre, chacun des élémens constituans de l’irritation spinale; ils ont reconnu ou cru reconnaître ici une névralgie intercostale, ailleurs une névralgie générale ou l’hystérie, et ils en sont venus peu à peu à re- jeter la synthèse qu’on prétendait faire de ces névropathies connues etac- ceptées en une autre qui les résumât toutes. Ici l’exagération n’est pas moins évidente que dans le parti opposé ; car si l’on cherche, sans parti pris, à refaire ce travail de vérification et à essayer cette réduction de l’espèce contestée dans les espèces généralement admises, on ne tarde pas à remarquer la rigueur avec laquelle il a été procédé à l’égard des phénomènes dissidens, et l’excès de complaisance avec laquelle on a accueilli toutes les analogies. Nous avons déjà fait voir que la rachialgie 296 n’cst pas le point postérieur de la névralgie intercostale. De même, la névralgie générale paraît incommensurable avec la névralgie générale, telle que nous l’avons décrite d’après Valleix, à moins que cette descrip- tion ne présente de grandes lacunes et que les réserves que nous avons faites au sujet d’une souffrance des centres nerveux dans cette maladie (1801 b.) ne soient fondées. L’irritation spinale est plus que telle ou telle névralgie ; elle est moins ou est autre que telle névrose générale avec laquelle on a tenté de l’identifier. C’est ce qui ressortira plus clairement du parallèle que nous ferons plus loin entre l’irritation spinale et l’hys- térie, l’état nerveux, etc. Maintenant, que cette même affection puisse être observée, à litre d’élément constituant ou de complication dans plusieurs névroses générales, quel argument prétendrait-on en tirer contre son individualité? Comment s’ensuivrait-il qu’il fallût dédaigner l’étude d’une manifestation pathologique féconde elle-même en désor- dres secondaires? Parce qu’on aura reconnu que la névralgie intercostale, par exemple, ou la migraine, est fréquente dans la névropathie chloro- tique, faudra-t-il donc négliger de faire la description de ces névralgies, pour les englober confusément dans cette même névropathie? Une pa- reille méthode ne tendrait à rien moins qu’à bannir l’analyse d’une partie de la pathologie qui l’exige plus impérieusement que toute autre. Aussi, loin de s’ingénier h prouver qu’il y a, dans l’irritation spinale, de la névralgie intercostale, et qu’il y a de l’irritation spinale chez les hys- tériques ; sans s’efforcer d’autre part d’accommoder les symptômes ob- servés aux résultats des vivisections, on ferait une œuvre utile et véri- tablement médicale, en dégageant, par des observations multipliées, ce qui appartient strictement en propre à l’irritation spinale, de tout ce que les étals morbides concomitans, antérieurs ou secondaires, y mêlent d’élémens étrangers. Sans doute, les matériaux recueillis jusqu’à présent sont incomplets à plusieurs égards; mais tels qu’ils sont, il est incontes- table qu’ils suffisent largement pour faire admettre l’existence de l’es- pèce pathologique dont nous avons présenté la description. 1911. Diagnostic. — Le diagnostic n’offre aucune difficulté quand la maladie est dégagée de toute complication ; mais il n’en est plus de même si l’irritation spinale, ainsi qu’il arrive assez souvent, n’est que l’un des élémens d’un état morbide complexe, ou encore quand elle ne se ma- nifeste que par un très petit nombre de symptômes. Parmi ces signes, le premier et le plus important, avons-nous dit, est la rachialgie, avec ses caractères particuliers. Ce n’est point un signe pathognomonique assurément, mais en son absence les autres phénomènes morbides sont si vagues et peuvent être rapportés à un si grand nombre d’affections diverses, qu’on ne saurait y trouver les élémens d’un diagnostic suffisam- ment motivé. — La rachialgie se rencontre, comme chacun le sait, dans une foule de maladies de la moelle bien différentes de l’irritation spinale. On l’observe aussi dans un grand nombre de circonstances qui ne per- PATHOLOGIE MÉDICALE. mettent même pas de croire à un état de maladie confirmée, par exemple à la suite d’efforts un peu prolongés ou d’une longue contention d’esprit; elle accompagne l’imminence de plusieurs maladies, et fait partie de leurs prodromes. Il faut donc, pour qu’elle ait une valeur séméiotique réelle, que la douleur spinale soit persistante et dure au moins quelques jours, et qu’elle soit escortée de quelques-uns des autres signes de la maladie, tels que les sensations irradiées sous l’influence de la pression, la faiblesse, l’amaigrissement, les étouffemens, les palpitations, etc. Il faut enfin qu’un examen attentif de tous les organes ait démontré l’ab- sence d’une lésion locale capable de rendre plus directement compte de ces mêmes troubles fonctionnels. Les maladies avec lesquelles l’irritation spinale peut être le plus faci- lement confondue sont l’hystérie, les névralgies (cervicale, dorso-inter- costale et lombaire), la congestion rachidienneintense, les hémorrhagies de la moelle, la myélite et la méningite rachidienne. a. Exposer le diagnostic différentiel de l’hystérie et de l’irritation spi- nale, est le meilleur moyen de prouver que cette hyperesthésie peut être admise comme affection particulière. Or, si l’on compare entre eux les deux groupes de symptômes dont il s’agit, on trouve, il est vrai, de part et d’autre un certain nombre de caractères communs : douleur rachi- dienne, retentissemens douloureux multipliés, vagues et mobiles; épi- gastralgie fréquente, troubles fonctionnels infiniment variés. Mais on découvre aussi plusieurs signes différentiels en observant l’une et l’autre maladie à l’état de simplicité, et en faisant abstraction des faits inter- médiaires qui établissent, en quelque sorte, des transitions de l’une à l’autre. Ainsi la douleur rachidienne de l’hystérie occupe habituelle- ment la gouttière vertébrale gauche; celle de l’irritation spinale siège au sommet des apophyses épineuses. Dans l’hystérie, les fonctions nutri- tives sont à peine troublées; l'irritation spinale entraîne un amaigris- sement assez prompt. L’hystérie est le partage à peu près exclusif du sexe féminin; l’irritation spinale est loin d’être rare chez l’homme, etc. b. Le diagnostic différentiel des névralgies a déjà été indiqué plus haut: absence de point spinal prédominant ; trajet de la douleur et points hyperesthésiques mieux dessinés; irradiations moins nombreuses; trou- bles de l’état général moins accusés relativement à l’intensité des dou- leurs locales, telles sont les particularités qui caractérisent les névralgies. c. Il ne saurait être question de différencier les congestions myéliques faiblement intenses de l’irritation spinale, puisqu’un certain degré d’hy- pérémie existe très vraisemblablement dans celte dernière affection. Il n’en est plus de même des congestions violentes : le développement rapide des accidens, la paralysie qui envahit promptement les mem- bres inférieurs, les caractérisent suffisamment, bien qu’elles s’accompa- gnent de douleurs dorsales et de quelques troubles fonctionnels analo- gues à ceux de l’irritation spinale. NÉVROSES. 297 PATHOLOGIE MÉDICALE. d. La myélite aiguë fébrile ne saurait être comparée h la maladie qui nous occupe, mais bien la myélite subaiguë ou chronique, circonscrite et sans réaction fébrile. Pour celle-là, on donne comme signes distinctifs : 1° l’étendue moindre de la douleur rachidienue, ordinairement limitée à un petit nombre de vertèbres voisines les unes des autres; 2° la üxité opiniâtre de celte douleur, qui, dans l’irritation spinale, au contraire, saute souvent d’une vertèbre à l’autre ; 3" la prédominance des phé- nomènes paralytiques, qui atteignent presque toujours les membres in- férieurs, affectent une marche progressive et deviennent promptement très marqués; tandis que, dans l’irritation spinale, la faiblesse se fait sentir tout aussi bien et même de préférence dans les membres supé- rieurs et demeure longtemps stationnaire, ou se montre avec des alter- natives fréquentes et inexplicables d’augmentation et de décroissement; h° l’importance relativement beaucoup moindre, des phénomènes de né- vropathie générale dans la myélite. — Dans la méningite rachidienue, lorsque l'intensité et la continuité du mouvement fébrile ne fournissent pas déjà des signes distinctifs certains, les contractures ne manquent pas de les fournir. e. Les mêmes caractères serviraient au diagnostic de l’hémato-myélite. Cette hémorrhagie ayant, dans ses symptômes directs, une très grande analogie avec l’inflammation de la moelle, se distinguerait de l’irritation spinale justement par les caractères qui la rapprochent de la myélite. f. Ce n’est pas seulement avec les maladies de la moelle et les affec- tions nerveuses que l’irritation spinale peut offrir, dans son aspect sym- ptomatique , quelque ressemblance. Les troubles fonctionnels qui l’ac- compagnent et qu’on observe dans les appareils de la circulation, dans les voies aériennes et digestives, peuvent être, avons-nous dit, et sont en effet souvent assez prononcés pour faire croire à quelque lésion vis- cérale; aussi est-ce seulement d’après les résultats d’une exploration attentive des organes qu’on pourra affirmer la nature nerveuse de ces perturbations fonctionnelles, et y reconnaître les manifestations éloiguées de l’affection rachidienue. La nécessité d’un pareil examen paraîtra surtout évidente si l’on se souvient que l’irritation spinale bien carac- térisée n’exclut en aucune façon l’existence de lésions organiques qui jouent à son égard le rôle de cause ou de complications. 1912. Pi'onostic. — L’irritation spinale est une des maladies dont il est le plus difficile de prévoir, avec quelques chances d’exactitude, l’issue probable et la durée, attendu l’extrême irrégularité de ses allures. On a vu qu’elle ne se terminait jamais par la mort; ce que l’on a à craindre c’est, au début du mal, de le voir passer à l’état chronique, ou de le voir récidiver après une cessation temporaire. La maladie est-elle récente et sa forme légère, elle se dissipe en général promptement; mais quand elle n’a pas cédé dans les premières semaines ou les premiers mois, on se trouve en présence de l’une des affections les plus opi- niâtres. Au dire de Hinterberger, après une année de durée, elle peut être considérée comme incurable. C’est la déplorable fréquence des réci- dives qui doit surtout rendre circonspect dans le pronostic : si com- plète que semble la guérison, il faut se tenir en garde contre le retour possible des accidens, retour si fréquent, que le plus souvent le malade, perdant confiance en son médecin, finit par se livrer aux charlatans et aux guérisseurs. Ceux-ci trouvent alors dans l’insuccès du traitement antérieurement suivi le thème d’une critique fort goûtée des gens du monde, et dans la cessation toute spontanée, mais éphémère, du mal, une source de succès merveilleux. 1913. Traitement. — Au premier rang des moyens de traitement qui peuvent être opposés à l’irritation spinale dans sa première période et dans sa forme aiguë, se placent les émissions sanguines locales, appliquées sur le point douloureux du rachis. Hâtons-nous d’ajouter au sujet des émissions sanguines, que leur emploi ne paraît pas devoir être exclusi- vement réservé aux premiers temps de la maladie, et que, même après une longue durée, elles agissent encore avec une promptitude et une efficacité qui tiennent, pour ainsi dire, du prodige, si l’on s’en rap- porte aux observations d’Ollivier (d’Angers) et de plusieurs autres pra- ticiens. Dans les cas chroniques toutefois, on est ordinairement obligé d’y revenir à plusieurs reprises. — Les sinapismes, les vésicatoires appli- qués sur la région rachidienne, les ventouses sèches, les frictions alcoo- liques excitantes, peuvent suffire dans les cas légers et récens, ou suppléer aux émissions sanguines lorsque celles-ci se trouvent être contre- indiquées. Si les douleurs sont très violentes, on a recours avec avantage aux onctions fortement narcotiques, ainsi qu’aux narcotiques donnés à l’intérieur ; on y associe, en Angleterre surtout, les préparations mer- curielles. Dès que la période d’acuité est passée, ou même dès le début, quand la maladie affecte d’emblée une forme subaiguë ou chronique, la médica- tion presque unanimement reconnue comme utile est la médication qui- nique, sous quelque forme que ce soit. La quinine n’est pas donnée, en général, à grandes doses, mais avec persistance. Si la maladie revêt un caractère intermittent, ce qui n’est point rare, on y trouve une nou- velle indication du quinquina, qui doit alors être donné à doses plus larges dès le commencement, afin d’obtenir avec plus de promptitude et de facilité la suppression des accès. A coté du quinquina se rangent, avec un degré non moins grand d’efficacité et pouvant être employés concurremment avec lui, les bains, les douches, les irrigations d’eau froide, employés suivant les principes de l hydrothérapie rationnelle. On trouve en outre souvent l’indication d’associer à ces différons moyens les ferrugineux et les toniques. Nous passons sous silence plusieurs autres parties de ce traitement qui sont communes à toutes les névroses. NÉVROSES. 299 300 Enfin, parmi les préceptes de l’hygiène, qui n’offre non plus ici rien de spécial, on insiste sur l’usage des vêtemcns de flanelle. (Voy. pour plus de détails le traitement de l'Etat nerveux.) PATHOLOGIE MÉDICALE. ARTICLE XXVIII. DE L’ANGINE DE POITRINE. 191&. Bibliographie. — Rougnon. Lettre à M. Lorry touchant les causes de la mort de M. Charles, ancien capitaine de cavalerie. Besançon, 1768, in-8. W. Heberden. Some account of a disorder of the breast (Med. Transactions by the Collège of physiciens of London, 1768, t. II, p. 59). — A letter to Dr Heberden concerning the angina pec- toris, and Dr Heberden account of the dissection of one. 1775, Ibid., t. III, p. 1. J, Wall. On the angina pectoris, in Médical Tracts, publiés par Martin Wall. Oxford, 1770, in-8. — A Letter to Dr Heberden. (Déjà cité, Med. Transact., t. III.) J. Fothergill. Case of an angina pectoris [Med. Observations and Inquiries, 1767, t. IV, p. 233), et dans les Œuvres de Fother- gill. Londres, 1783, in-8, 2 vol. Th. Percival. Case of angina pectoris {Med. Commentaries. Londres, 1775, t. III, p. 180). Elsner. Abhandlung übcr die Brustbràune. Kœnigsb. 1778. D. Macbride. A case of angina pectoris ivhich terminated fatally {Med. Commentaries, t. V, p. 92). — History of angina pec- toris successfully treated {Med. Observ. and Inquiries, 1778, t. Vf, p. 9). Gruneh. Spicilegium and angina pectoris. lena, 1782. R. Hamilton. Case of angina pectoris {Med. Commentaries, 1780, t. IX, p. 307). Tode. Diss. de inflammationibus pectoris chronicis, angina pec- toris, etc. Copenhague, 1788. J. Johnstone. Case of angina pectoris from an unexpected disease oftheheart {Mem. of med. Society of London, t. I, p. 376. — Le même volume contient une observation de Hooper). J.-B. Schaeffer. Diss. de angina pectoris, Gœltingue, 1787, in-8. Waghas, prœsid. Hartmann. Diss. de angina pectoris. Francfort- «sur-l’Oder, 1791. Schmidt. Diss. de angina pectoris. Gœltingue, 1793. S. CraWFORD. Diss. de angina pectoris. Edimbourg, 1795. J. Haygarth, A caseof angina pectoris {Med. Transactions, t. III, p. 37). E. Alexander. History of a case of angina pectoris cured by the solutio arsenici (Med. Comment., 1790, t. XV, p. 373). W. Lee Perkins. A case of angina pectoris cured by white vitriol {.Mem. of med. Society of London, 1792, t. III, p. 580). S. Black. Cases of angina pectoris [Mem. of med. Society, t. IV, p. 261, et Ibid., t. VI, p. 41). Everard Home. A short account of the late John Huniers life. Londres, 1794, in-8. — Extrait dans la Bibliothèque britannique, sciences et arts, t. II, p. 299. YV. Butter. A. Treatise on the diseuse commonly called angina pectoris. Londres, 1796, in-8. C.-H. Parry. An inquiry into the symptoms and causes of the syn- cope anginosa, etc. Londres, 1799, in-8. G.-N. Hill. Case of angina pectoris [Med. and phgsical Journal, 1800, t. IV, p. 30). Hesse. Specimen de angina pectoris. Halle, 1800. WlCHMAim Idecn zur Diagnostik, 2e édit. Hanovre, 1801, t. II, p. 143. Sluis. Dissert, de sternodynia syncoptica et palpitante. Groningue. 1802. G. Hume. Observations on angina pectoris, etc. Dublin, 1804, in-8. Dreissig. Handworterb. d. medicin. Klinik, 1806, t. I, p. 229. Jahn. Ueber die Syncope anginosa Parry s, etc. [Hufeland's Journal, 1806, t.’XXIII). Baumes. Recherches sur cette maladie à laquelle on a donné les noms d’angina pectoris et de syncope angineuse, etc. (Annales de la Soc. de méd. pratique de Montpellier, 1808, t. XII). L.-L.-B. Lf.iNTIN. Beytràge zur ausübenden Arzneywissenschaft. Supplementband. Leipzig, 1808, in-8, p. 30. Y.-L. Brera. Délia sternocardia saggio patologico-clinico. Mo- dène, 1810, in-4. E.-H. Desportes. Traité de l'angine de poitrine, etc. Paris, 1811, in-8. J. Blackall. Observations on the nature and cure of dropsies, to which is added an appendix containing several cases of angina pectoris. Londres, 1813, in-8, J. Latham. Observations on certain symptoms denoting angina pec- toris [Med. Transactions. Londres, 1813, t. IV, p. 278). Zecchinelll Sulla angina del petto e salle morti repenfine. Pa- doue, 1814, t. I. Jurine. Mémoire suri’angine de poitrine, qui a emporté le prix, etc. Paris, 1815, in-8. J. Averardi. De angine pectoris ejusque prœcipua specie sterno- cardia. Pavie, 1816. NÉVROSES, 301 302 R. Reid. On the use of oxigen gas in anginu pectoris (Transact. of the Collège of physicians in Ireland. Dublin, 1817, t. I, p. 101). J.-J. Fontaine. Essai sur l'angine de poitrine. Thèses de Mont- pellier, 1819, n° /il. SchiîAMM. Commentatio pathologico de angina pectoris. Leipzig, 1822. A. Ollenhoth. Dissert, de angina pectoris. Leipzig, 1822. F.-E. AVolf. De angina pectoris. Leipzig, 1825. P.-M. Astès. Essai sur l'angine de poitrine ou sternalgie. Thèses de Montpellier, 1828, n° 50. Adelmann. Brustbraune und Erweitermg des Hérzens (Hufeland’s Journal, 1830, août, p. 3). Raige-Delorme. Article Angine de poitrine du Dictionnaire de mé- decine en 30 volumes, t. III, 1833. Lartigüe. De l'angine de poitrine (.Mém. couronné par la Soc. de médecine de Bordeaux). Paris, 18ô6, in-12. Yoy. en outre les ouvrages sur les maladies du cœur de Corvisart, Laennec, Testa, Kreisig, Bodillaud, Hope, Stores, etc. PATHOLOGIE MÉDICALE. 1915. Définition. Une douleur d’une nature spéciale et d'une vio- lence extrême, ayant pour siège la région sous-sternale à gauche, d’où elle s’irradie à la paroi thoracique et au membre supérieur du même côté, un sentiment de suffocation et d’angoisse, caractérisent, en se re- produisant sous forme d’accès, la maladie h laquelle Heberden a imposé le nom d'angine de poitrine. Les auteurs qui l’ont étudiée avant et depuis cette époque lui ont donné différons noms, suivant l’idée qu’ils se sont faite de sa nature ; c’est ainsi qu’on l’a appelée successivement : asthme convulsif, asthme dou- loureux, goutte diaphragmatique, asthme arthritique, syncope angi- neuse, sternalgie, sternocardie, pneumonalgie, pneumo gastralgie, etc. 1916. Symptomatologie. —a. La douleur est le symptôme capital de l’angine de poitrine. Elle en marque le début. C’est en général à l’occasion d’un exercice un peu forcé qu’elle se développe : au moment où le malade monte un escalier, gravit une légère pente, marche contre le vent, il ressent tout à coup derrière le sternum et un peu à gauche une violente constriction, comme si une pression puissante enfonçait la paroi thora- cique antérieure et la rapprochait de la colonne vertébrale ; d’autres fois il semble au patient, suivant l’expression de Laennec, que des ongles de fer ou la griffe d’un animal lui déchirent la poitrine. Cette attaque si inattendue jette les individus dans un état de crainte et d’angoisse inex- primable. Pour ne pas augmenter leurs souffrances, ils gardent une immobilité absolue, les uns debout, les autres assis et fortement pen- chés soit en avant soit en arrière. Puis tout ce trouble disparaît et, n’é- tait la terreur qui domine encore les malades, on les croirait dans un état de santé parfaite. Tel est le type le plus simple des paroxysmes de l’angine de poitrine ; mais la sensation douloureuse est rarement aussi limitée. En général elle s’étend de la paroi thoracique à l’épaule et à la partie interne du bras du côté gauche. Au bras, elle s’arrête en général au-dessus du coude ; quel- quefois elle semble suivre le trajet du nerf cubital et se fait sentir le long de l’avanl-bras jusqu’au poignet et même jusqu’à l’extrémité des doigts. Assez souvent, dépassant la poitrine par en haut, elle gagne le cou, la mâchoire inférieure et l’oreille. Ce n’est qu’exceptionnellement que la douleur s’étend à d’autres parties, tels que le bras droit, les cuisses et les jambes; parfois la douleur des parois ihoraciques se dirige d’une mam- melle à l’autre, ou suit le trajet des nerfs intercostaux, et détermine (chez les femmes surtout) une hyperesthésie considérable de la région mammaire. Les douleurs du cou, de la face et du membre supérieur sont bien moins cruelles que celle du sternum, elles donnent seulement lieu à un engourdissement et à une certaine inhabileté à mouvoir les parties qu’elles envahissent. La succession des phénomènes douloureux telle que nous venons de la présenter, est la règle ; quelquefois cependant on observe une marche différente, la douleur prenant son point de départ dans le bras ou le cou, et de là s’étendant aux parois thoraciques. h. Les accès ne débutent pas toujours d’une manière soudaine, et certains malades sont avertis de leur approche par du malaise, de l’in- quiétude, une agitation plus ou moins grande, ou encore par des phé- nomènes plus localisés, analogues à l'aura des accès convulsifs et va- riables suivant les individus: chez quelques-uns il y a production rapide de gaz dans l’estomac; chez d’autres une sensation de bouillonnement qui du creux de l’estomac semble monter vers la poitrine, etc. c. Les mouvemens respiratoires ne présentent pas de modification notable ; c’est à peine si leur nombre est augmenté, à moins qu’il n’y ait quelque complication. De même, le pouls, pendant la durée du pa- roxysme est le plus souvent accéléré, concentré, mais il conserve son rhythme normal ; les intermittences et les irrégularités du pouls indi- quent d’une manière h peu près certaine qu’une affection organique du cœur ou des gros vaisseaux existe concurremment avec l’angine de poi- trine (Parry). Si la face s’injecte au début de l’accès, ce n’est que d’une manière tout à fait transitoire ; elle devient bientôt très pâle et se couvre, chez quelques malades, d’une sueur abondante. d. Les fonctions du tube digestif restent en général dans un état d’in- tégrité parfaite; toutefois il est assez fréquent de voir l’attaque se ter- miner par d’abondantes évacuations de gaz. M. Larligue a signalé parmi les phénomènes de l’accès un malaise particulier de la vessie avec besoin irrésistible de miction. Les urines sont en général claires et limpides. H NÉVROSES. 303 est bien rare que leur émission et celle des matières fécales soient invo- lontaires. Dans un cas observé par Laennec, la fin de l’accès était annoncée par un gonflement du testicule gauche. 1917. Marche, durée, terminaisons. — Les accidensse groupent sous forme d’accès séparés par des intervalles plus on moins longs, pendant lesquels la santé paraît se rétablir complètement, à moins de compli- cations. Cette marche fait de l’angine de poitrine une maladie essen- tiellement intermittente. Les périodes de calme varient avec les individus et aussi avec le degré d’ancienneté de la maladie : ainsi dans le principe, il peut s’écouler plusieurs mois ou même plusieurs années entre deux paroxysmes; ceux-ci ne durent alors que quelques minutes, et pour les provoquer, il faut l’intervention d’une cause puissante, liais, à mesure que. la maladie s’éloigne de son début, elle s’aggrave ; les intermittences deviennent beaucoup moins longues; les attaques, en augmentant de fré- quence, sont aussi de plus eu plus cruelles ; leur durée, au lieu de quel- ques minutes ou de quelques secondes, est d’un quart d’heure, d’une demi-heure, d’une heure et même davantage (M. Desportes parle d’accès qui auraient duré sept à huit heures). C’est alors qu’on voit la respi- ration notablement gênée et que les paroxysmes se renouvellent sous l’influence des causes les plus légères ; ils ont lieu non plus seulement le jour, mais encore la nuit après le premier sommeil ; la douleur, au lieu de disparaître franchement à la fin de l’accès, ne s’efface que par degrés et les malades ne retrouvent plus un calme complet dans l’in- tervalle de leurs crises. Ces changemens qui s’opèrent dans les sym- ptômes de l’angine de poitrine, à mesure que sa durée se prolonge, ont engagé quelques auteurs à partager son évolution en plusieurs époques ou phases distinctes. Baumes en admet deux : dans la première, caractérisée par l’état de simplicité de la maladie, les intervalles de calme sont longs, le pouls est naturel pendant les accès, et ceux-ci exigent pour se produire le concours d’une cause qui agisse avec une certaine intensité. Dans la seconde phase de l’affection, le cœur et ses dépendances deviendraient le siège d’une lésion organique : les accès se rapprochent, ils sont plus violons, les causes qui les renouvellent sont moins appréciables ; la circulation s’embarrasse, tout mouvement brusque menace de déterminer une syn- cope. Une pareille division ne saurait être admise, la maladie étant loin d’avoir une marche aussi régulière, et notamment la lésion des organes de la circulation pouvant tantôt exister dès le début, tantôt manquer jusqu’à la fin.—Les mêmes réflexions s’appliquent en partie à la division proposée par W. Desportes qui admet trois stades dans la marche de l’an- gine de poitrine, toutefois sans tenir compte de l’état de simplicité ou de complication. Dans le premier stade, les accès sont courts; ils exigent pour se produire faction d’une cause assez active; ils n’apparaissent que le jour, et cessent d’ordinaire aussi brusquement qu’ils sont venus; la res- PATHOLOGIE MÉDICALE, NÉVROSES. 305 piration est libre, le pouls normal. Dans le second stade, les causes les plus légères suffisent pour ramener les accès qui surviennent indistinc- tement la nuit et le jour, sont plus fréquens, plus longs et ne se dissipent que lentement. Le troisième stade n’est pas constant : il constitue le dernier terme de la maladie, et il a pour caractère l’extrême intensité de tous les accidens. — On voit qu’en somme ces divisions ont pour seule utilité de signaler la gravité de plus en plus grande de l'affection à mesure qu’on s’éloigne du début, La durée de l’angine de poitrine est variable, depuis quelques mois jusqu’à dix, quinze ou vingt ans. Pendant cette période quelquefois si longue on observe des alternatives fréquentes d’amendement et d’aggra- vation du mal. La mort en est la terminaison la plus fréquente. Elle survient presque toujours dans l’intervalle de deux accès, quelquefois à la fin d’un paroxysme, et le plus souvent elle est foudroyante : ce sont des cas excep- tionnels que ceux où une souffrance, variable dans sa durée depuis quel- ques minutes à une demi-heure, précède la syncope ultime. Quoi qu’on en ait dit, dans les faits d’angine de poitrine bien avérés la gué- rison est rare, et celle heureuse issue n’a guère été notée que dans les observations d’angine essentielle ; cependant il y a quelques exceptions à cette règle, et, par exemple, M. Gintrac a vu guérir un cas grave où existait une lésion de la crosse aortique dont les signes avaient été con- statés avant même le début de l’angine de poitrine [Journal de la So- ciété de médecine de Bordeaux, 1835) : la rémission des accidens coïncida avec le gonflement du testicule gauche, gonflement qui se dis- sipa lentement par suite d’une médication appropriée (1). 1918. Etiologie. — L’âge et le sexe ont ici une influence remar- quable. C’est surtout à partir de quarante ans qu’on voit se développer la sternalgie; rarement elle existe chez des personnes moins âgées; l’en- fance paraît être complètement à l’abri de cette affection. Le sexe (1) Ou trouve dans Hoffmann la relation d’un fait qui présente avec celui de M. Gintrac unegrande analogie (Fr. Hoffmann, Consultation, et Responsion. Fran- cofurti ad Moenurn, 1734, in-4, t. I, p. 422, casus xcu. De aslhmale spas- rnodico cum lumore testis sinistri). Tout à l’heure il a été fait mention d'un ma- lade observé par Laennec et chez lequel un gonflement du testicule gauche survenait aussi à la suite des accès de sternalgie. Enfin nous avons connaissance d’un cas où la guérison de l’angine de poitrine a été signalée par l’apparition d'une névralgie ilio-scrotale; on peut jusqu’à un certain point rapprocher cette dernière observation de celles rapportées par Hoffmann, Laennec et M. Gintrac, si l’on admet un rapport plus ou moins direct entre les affections des organes génitaux et celles du plexus lombo-abdominal. (Yoy. dans ce volume: Névralgie lombo-abdominale, § 1830, et Hypereslhésies des organes génitaux, § 1891, A. Consultez également un travail de M. Marrotte, intitulé : Névralgie ilio-scrotale du côté gauche compliquée d’orchile symptomatique, et inséré dans V Union mé- dicale, 1831, n° 38). 306 PATHOLOGIE MÉDICALE. masculin y prédispose singulièrement : ainsi John Forbes, dans un relevé de 88 malades, compte .80 hommes et 8 femmes; sur 67 cas rassemblés par M. Lartigue, il y avait 60 hommes et 7 femmes. Sui- vant ce dernier auteur la raison de cette différence se trouverait dans l’influence que la goutte exerce sur le développement de l’an- gine de poitrine : on sait que cette diathèse est incomparablement plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Mais bien souvent, il est impossible de trouver dans les antécédens des malades le moindre appui à l’idée de l’origine goutteuse de J’angine pectorale. — La ma- ladie est beaucoup plus commune dans la classe aisée que parmi les gens qui sont constamment obligés de se livrer à des travaux pénibles. — Les climats paraissent jouer un certain rôle dans son développe- ment ; elle est moins rare dans les pays froids et humides que dans les autres; en Angleterre et en Allemagne, par exemple, qu’en France, en Italie et en Espagne. — Quant aux causes organiques, nous allons les indiquer dans le paragraphe suivant, 1919. Anatomie pathologique. — Dans bien des cas l’autopsie ne révèle aucune lésion appréciable. Ce fait reconnu, ajoutons que d’autres fois on trouve diverses altérations soit du cœur, soit des gros vaisseaux, notamment des modifications de texture dans les parois cardiaques (hy- pertrophie liée ou non à un état pathologique des oritices et des valvules, amincissement, état graisseux) et l’ossification plus ou moins complète des artères coronaires. Cette ossification dont on a certainement exagéré la fréquence, n’a peut-être pas non plus toute la valeur qui lui a été attribuée par quelques auteurs, et l’on peut se demander, avec Slokes, si son rôle ne se réduit pas à déterminer consécutivement un changement dans la nutrition des parois charnues du cœur. —Plusieurs observateurs ont constaté des altérations de l’aorte, depuis la simple rougeur, phéno- mène dont le caractère morbide peut souvent être mis en doute, jus- qu’aux incrustations calcaires, aux dilatations anévrysmales, etc. — Nous passons sous silence un certain nombre d’autres particularités anatomi- ques qui se sont offertes à l’autopsie de sujets morts d’angine de poi- trine, telles que l’ossification des cartilages costaux, qui n’a rien d’inso- lite à l’âge ou cette maladie s’observe le plus communément, la fluidité du sang, due probablement au genre de mort, etc,, etc. 1920. Nosologie. Physiologie pathologique. — a. Parmi les théo- ries très nombreuses auxquelles l’angine de poitrine a donné naissance, quelques-unes ne sont à proprement dire autre chose que la générali- sation, souvent mal fondée, de quelque point d’éliologie ou d’anatomie pathologique ; les auteurs qui ont émis ces idées semblent s’être médio- crement préoccupés d’arriver à la détermination nosologique de l’affec- tion qu’ils avaient observée. C’est ainsi que Rougnon et plusieurs autres, se fondant sur quelques autopsies, avancent que l’ossification des carti- lages costaux est la principale cause des accidens; pour Heberdeq ceux-ci se réduisent à une forte crampe provenant d’un ulcère du pou- mon ; Fothergill les attribue à l’accumulation d’une grande quantité de graisse dans le médiaslin, autour du péricarde et dans l’épiploon; pour Brera l’angine de poitrine est une paralysie momentanée du cœur, due à la compression de cet organe par les viscères abdominaux et surtout par le foie hypertrophié. Les médecins allemands y voient une affection de nature rhumatismale ou goutteuse, et Butler n’hésite pas à lui donner le nom de goutte diaphragmatique. Viennent Jenner et Parry qui con- sidèrent les altérations cardiaques, et surtout l’ossification des artères coronaires, comme la source des accidens slernalgiques. Cette manière de voir jouit d’abord d’une grande faveur, mais bientôt elle est attaquée par M. Desportes et par Jurine. Ces auteurs font remarquer que l’ossi- fication plus ou moins complète du système artériel, et en particulier des artères cardiaques, est une lésion commune à l’âge où se développe habituellement l’angine de poitrine; suivant eux il n’y a pas lieu d’établir une liaison éliologique entre cette maladie et des altérations qui existent chez un grand nombre d’individus sans déterminer le moindre trouble fonctionnel. D’ailleurs, ajoutent-ils, comment l’altération méca- nique de nerfs cardiaques par les artères ossifiées pourrait-elle anéantir brusquement l’action du cœur? Ne sait-on pas que le cœur continue à battre après la destruction de tous les rameaux nerveux qui s’y rendent? Si tel était le mécanisme suivant lequel se développe la sternalgie, les malades, fait observer Wichmann, devraient nécessairement mourir dans un premier paroxysme; or cela n’arrive que très rarement. Nous examinerons tout à l’heure la valeur de quelques-uns de ces argumens. b. Aux idées que nous venons d’indiquer a succédé la théorie qui est encore adoptée aujourd’hui et qui consiste à envisager l’angine de poitrine comme une névrose; mais on a beaucoup varié sur la déter- mination du siège de celte névrose, de son espèce et du mode sui- vant lequel s’enchaînent ses différens symptômes. Sans nous arrêter aux idées erronées d’Heberden et de Darwin, arrivons à Baumes qui a le mé- rite d’avoir classé la maladie parmi les névralgies. Son opinion fut bientôt après reprise par M. Desportes, qui mit surtout en relief l’ana- logie entre les douleurs névralgiques et les douleurs qui caractérisent l’angine de poitrine : dans les deux cas, elles suivent le trajet de cer- taines branches nerveuses, qui sont dans la sternalgie les pneumogastri- ques et les nerfs cardiaques; les lésions du cœur et des vaisseaux ne se développeraient que consécutivement, Jurine énonce, sur la nature de la maladie une opinion assez analogue au fond, bien que pour lui il n’y ait pas névralgie, mais affection particulière des nerfs pulmonaires, affection qui, combinée avec un état de faiblesse des poumons, déter- minerait une oxygénation incomplète du sang, diminuerait les pro- priétés stimulantes de ce fluide, et finirait enfin par les éteindre, d’où une mort subite. Remarquons tout de suite, avec M. Lartigue, que ce NÉVROSES. 307 308 PATHOLOGIE MÉDICALE. défaut d’oxygénation du sang n’existc pas : s’il y avait asphyxie pro- gressive, les malades devraient succomber d’une manière lente à la fin d’un accès; et l’on sait que la mort arrive au contraire d’une*ma- nière instantanée, et souvent dans l’intervalle de deux paroxysmes. — Laennec, lui aussi, range l’angine de poitrine parmi les névralgies, et il adopte l’opinion de M. Desportes sur le siège du mal. « Je crois, dit-il, que ce siège peut varier ; ainsi lorsqu’il y a à la fois douleur dans le cœur et dans les poumons, on doit penser que le nerf pneumogastrique est le siège principal de la maladie ; quand, au contraire, il y a simplement sentiment de pression dans le cœur, sans douleur dans le poumon et sans gêne extrême de la respiration, on pourrait plutôt croire que le siège de la maladie est dans les fdcts que le cœur reçoit du grand sympa- thique. D’autres nerfs d’ailleurs sont affectés en même temps, soit sym- pathiquement, soit à raison de leurs anastomoses avec ceux qui sont le siège principal de la maladie. Les nerfs nés du plexus brachial,[et surtout le nerf cubital, le sont presque toujours, souvent aussi les thoraGiques antérieurs nés du plexus cervical superficiel, quelquefois même ceux qui naissent du plexus lombaire et sacré, puisque la cuisse et la jambe participent dans quelques cas à l’engourdissemeut douloureux. » — M. Piorry (Bulletin clinique, n° 9), après avoir rapporté un certain nombre de faits qu’il considère comme appartenant à l’angine de poi- trine, assimile cette maladie aux névralgies brackio-thoraciques ; mais les observations citées par M. Piorry ne présentent avec celles d’an- gine classique qu’une analogie assez douteuse. — SI. Gintrac, tout en appréciant l’importance de l’élément nerveux dans celte maladie, et sans contester qu’il ne puisse y avoir des angines de poitrine idiopa- thiques ou primitives, réclame cependant l’attention des pathologistes en faveur des lésions de la crosse de l’aorte. « Il est probable, dit-il, que les nerfs du plexus cardiaque sont affectés, qu’ils sont les agents de cette douleur si violente que les malades expriment, agents, il est vrai, secondaires, lorsqu’il existe des lésions organiques aussi évidentes que celles dont j’ai fait mention. » Mais dans les écrits plus récens, c’est encore l’élément névralgique qui est placé au premier rang. Ainsi M. Bouchut qui, sous Je titre : Mémoire sur la marche et la nature de Vangine de poitrine, etc., a publié un excellent travail dans la Revue médicale de 18ôl (t. IV, p. 329), après une discussion approfondie, conclut en reconnaissant dans la slernalgie une névrose douloureuse des plexus cardiaques et des pneumogastriques, et en niant l’importance des lésions du cœur et des vaisseaux. De même M. Lartiguc voit dans l’angine pectorale une névralgie succédant dans quelques circonstances à d’autres affections névralgiques, soit par simple déplacement, soit par une sorte de marche progressive. « Son siège est dans les nerfs cardiaques. Le plus souvent elle s'étend par extension au pneumogastrique; dans quelques cas par- faitement déterminés, ce nerf est le siège exclusif de la maladie. » C’est surtout la nature de la douleur qui, suivant M. Lartiguc, doit la faire lo- caliser dans les nerfs cardiaques; car, « il existe une différence caracté- ristique entre les douleurs des névralgies suivant qu’elles sont internes ou externes. Dans le premier cas, le malade ne manifeste pas ses sensa- tions par des cris, il se concentre en lui-même ; il semble que le mal s’attaque aux sources mêmes de la vie, et le sentiment qu’il fait naître est celui d’un anéantissement complet ; la douleur est profonde, elle a quelque chose de moral, s’il est permis de s’exprimer ainsi; rien de semblable n’a lieu dans les névralgies externes. » « Il semble, dit égale- ment Forbes, qu’il y ait quelque chose de spécial dans cette douleur de l’angine de poitrine, quelque chose de mental, ce qui la distingue de celles qui ont leur siège dans les autres parties du corps. » c. Quand on examine ces avis, si opposés en apparence, relativement à l’importance accordée soit aux troubles nerveux, soit aux altérations ana- tomiques, il est aisé de voir, en invoquant les considérations que nous avons développées ailleurs (1777, b), que ces opinions sont cependant loin d’être inconciliables. D’une part, la violence des douleurs, leur irradiation suivant le trajet connu des branches nerveuses, la marche paroxystique du mal, son alternance avec l’hyperesthésie d’autres nerfs, et jusqu’à un certain point aussi les causes générales qui paraissent présider h son développement, ainsi que les circonstances qui en pro- voquent le retour, ne permettent pas de méconnaître dans l’angine de poi- trine les caractères d’une névrose douloureuse ou névralgie. Mais, d’autre part, on ne saurait non plus, sans encourir le reproche de négation systématique, faire abstraction des désordres matériels du cœur et des vaisseaux que d’excellens observateurs ont constatés chez plusieurs in- dividus morts de celte affection. Concluons-en que l’angine de poitrine est une névralgie, idiopathique dans certains cas, symptomatique dans d’autres ; gardons-nous bien de récuser l’existence d’une névralgie sous prétexte qu’on a trouvé des altérations de texture, ou de méconnaître la valeur de ces dernières en alléguant que la névralgie peut se produire en leur absence. En effet, pour concevoir une hyperesthésie essentielle, la difficulté, dans ce cas particulier, n’est ni moindre ni plus grande que dans tant d’autres, bien que, à vrai dire, les conditions d’àge et de tempérament dans lesquelles l’angine de poitrine a coutume de se montrer diffèrent notablement de celles où les névralgies idiopa- thiques se développent le plus volontiers. Mais, en somme, savons- nous mieux comment le nerf trijumeau ou les nerfs intercostaux s’endolorissent idiopathiquement chez une foule de personnes? Pour- quoi donc, ayant renoncé à trouver dans un dérangement appréciable de la texture de ces nerfs la raison d’être de leur hyperesthésie, nous faudrait-il affirmer la présence de concrétions inaperçues des artères coronaires on d’invisibles dégénérescences des parois du cœur dans les NÉVROSES. 309 310 laits où l’autopsie des sujets morts d’angine de poitrine ne donne que des résultats négatifs? Par contre, s’il existe des altérations évidentes et considérables du cœur ou des gros vaisseaux, nous n’irons pas imaginer, avec quelques auteurs, qu’elles sont la conséquence et le produit de la douleur sternalgique ! Nous éviterons également de dire avec certains autres que, ces lésions pouvant exister sans l’angine et l’angine sans elles, aucune relation ne doit être admise entre ces deux termes de la maladie : l’altération anatomique et l’affection nerveuse. C’est comme si l’on voulait nier la névralgie faciale produite par une tumeur, ou l’hé- patalgie due à des concrétions biliaires, ou l’épilepsie liée à une lésion intra-crânienne. Vainement allèguerait-on que ces concrétions cré- tacées des artères, ces transformations des parois cardiaques étant le plus souvent inoffensives, latentes, on ne peut leur attribuer les accidens formidables de l’angine de poitrine : ces faits négatifs ne paraissent con- tradictoires que parce que nous ignorons complètement le» vraies con- ditions d’activité pathologique ou d’inertie du système nerveux. Vaine- ment aussi voudrait-on arguer de la discontinuité des accidens pour mettre hors de cause une lésion permanente; rien ne serait plus con- traire à ce qu’enseigne l’observation journalière que de considérer l’in- termittence comme l’apanage exclusif des névroses essentielles. d. Ceci posé, et la nature névralgique de l'angine de poitrine étant reconnue, aussi bien dans les faits où aucune lésion ne peut être constatée que dans ceux où l’on rencontre des altérations bien caractérisées, il reste à déterminer le siège anatomique de cette hyperesthésie et à expliquer le mode de succession et d’enchaînement de ses symptômes. A cet égard, on ne peut guère formuler que des hypothèses; mais encore est-il que la localisation de la douleur dans les plexus cardiaques réunit en sa faveur la plus grande somme de probabilités : siège profond de la souf- france, ce qui suffirait pour faire rejeter l’idée d’une névralgie des parois pectorales (au moins d’une névralgie primitive), à supposer que le ca- ractère tout particulier de la sensation laissât du doute quant à sa nature viscéralgique; — angoisses inexprimables, toutefois sans véri- table dyspnée, ce qui porte à penser que l’affection n’envahit pas tout d’abord le nerf pneumogastrique lui-même ; — prédominance des altéra- tions, quand on en constate, dans le cœur ou les gros vaisseaux; — mort par le cœur, dans une syncope. Des plexus cardiaques, qui semblent être dans la plupart des cas le véritable foyer de cette névralgie, la douleur rayonne dans diverses di- rections ; on la voit se propager suivant le trajet du nerf vague et des nerfs du plexus brachial. Comment s’opère cette extension ? Il n’est pas aisé de s’en rendre compte, et l’on retrouve ici les difficultés que nous avons déjà signalées en parlant des névralgies multiples (voyez à ce sujet § 1793,2, b), Disons cependant que c’est dans une action morbide des centres nerveux plutôt que dans une communication de proche en PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 311 proche par les filets périphériques des nerfs, qu’il semble rationnel de chercher l’explication de ces sympathies. Ainsi, pour suivre par la pensée la marche des phénomènes qui se succèdent, des nerfs cardiaques l’excitation pathologique sera transmise à la moelle; là elle s’étendra dans la profondeur du centre rachidien, d’une part vers les origines du pneumogastrique (nerfs mixtes),faisant naître parle mécanisme de la sensation périphérique (théorème I de Müller, voy. § 1793) les dou- leurs que le malade accusera sur le trajet de ce nerf, et donnant lieu à la syncope, car on sait aujourd’hui qu’en excitant le pneumogastrique on détermine l’arrêt des contractions cardiaques. D’autre part, l’exci- tation atteindra dans la moelle les filets radiculaires du plexus brachial et des nerfs intercostaux (1), de là l’engourdissement ressenti dans le membre supérieur et les douleurs des parois pectorales (névralgie brachio- thoracique de M. Piorry). Cette diffusion de l’excitation dans la moelle est, au surplus, l’unique hypothèse qui nous permette d’expliquer d’autres phénomènes sympathiques plus éloignés que l’on observe quelquefois dans l’angine de poitrine, tels que la constriction des mâ- choires, les douleurs des membres inférieurs, la dysurie, etc. Quant à la préférence des irradiations douloureuses pour le côté gauche du corps, sans chercher à en donner la raison, nous nous contenterons de rappeler que l’on retrouve la môme prédilection dans une foule d’autres névroses, par exemple dans la névralgie intercostale ou lombo-abdominale, dans l’anesthésie hystérique, etc. Il se peut aussi qu’au lieu d’avoir pour point de départ les plexus cardiaques, comme nous venons de le supposer, l’excitation morbide naisse dans un autre point du trajet des nerfs qui entrent dans la com- position de ces plexus, sans qu’il en résulte de notables différences dans les symptômes de la maladie. Nous ignorons quel rôle peut jouer sous ce rapport le nerf grand sympathique; quant à la huitième paire, sa névralgie paraît n’être autie chose que l’angine de poitrine elle-même : les faits publiés par M. Bouchut et que M. Larligue veut distraire de l’af- fection qui nous occupe, en leur donnant le nom de pneumogastralgie, ne paraissent pas suffisamment distincts des cas d’angine de poitrine pour qu’on doive les ranger dans une catégorie spéciale. Il ne répugne pas même d’admettre, au point de vue physiologique, que dans certains cas d’angine de poitrine le foyer de l’hyperesthésie puisse être dans les nerfs du membre supérieur ou dans les nerfs intercostaux, et que les plexus cardiaques soient alors l’aboutissant de l’excitation morbide de la moelle, au lieu d’en être l’origine; mais, il faut bien le recon- naître, ce qui manque, ce sont les preuves cliniques à l’appui de cette ingénieuse supposition. — Enfin on a pu encore imaginer que chez (J) Voyez pour plus de développemens la thèse de M. Leoui (Considérations sur la névralgie des nerfs intercostaux. Paris, 1858). 312 PATHOLOGIE MÉDICALE. d’autres malades la névrose en question est tout à fait étrangère à la périphérie nerveuse, qu’elle a pour siège primitif la moelle elle-même, et que tous les symptômes d’hyperesthésie profonde et superficielle, viscérale et pariétale, qui l'accompagnent, ne se développent que con- sécutivement à celte excitation spinale, à titre de sensation périphé- rique. G”est môme de cette manière qu’on a tenté de théoriser les faits d’angine de poitrine avec absence de toute lésion appréciable du cœur ou des gros vaisseaux. 1921. Diagnostic. — a. Comme nous l’avons déjà dit, l’angine de poi- trine est une maladie apyrétique, essentiellement caractérisée par des accès douloureux que séparent des intervalles de calme parfait. Le siège de la douleur au-dessous du sternum et un peu à gauche, son mode particulier, scs irradiations spéciales, le défaut de gêne réelle de la respi- ration et de la circulation malgré les angoisses les plus affreuses, con- stituent un ensemble de caractères assez tranchés pour qu’il soit en générai facile de reconnaître la maladie. Cependant des lésions du cœur et du poumon accompagnées de douleur et d’un certain degré d’oppres- sion ont été souvent confondues avec la sternalgie, ce qui n’a pas peu contribué à l’obscurité qui couvre l’histoire de celte dernière affection. Grâce aux progrès que l’auscultation a imprimés au diagnostic, de sem- blables méprises deviennent de plus en plus rares aujourd’hui. — La dyspnée excessive qui existe dans \asthme au moment de l’accès, les bruits si caractéristiques qui se produisent dans les bronches, l’ex- pectoration, l’aspect cyanosé du malade, ne laisseront aucun doute sur la véritable nature de l’accès. — De même les symptômes asphyxi- ques qui accompagnent les maladies chroniques du cœur et que les médecins anglais continuent d’appeler improprement l’asthme car- diaque, seront toujours aisément distingués de l’angine de poitrine. Reste, il est vrai, le cas ou celle-ci s’ajoute à titre de complication ou d’épiphénomène à une lésion plus ou moins avancée des orifices et des pa- rois du cœur ; mais encore en pareille circonstance, on arrivera sans peine à formuler le diagnostic, en tenant impartialement compte du trouble de l’innervation attesté par les sensations du malade, et de la lésion maté- rielle que révèle l’exploration physique des organes circulatoires. h. Si maintenant nous passons à un autre ordre d’affections, ayant pour attribut principal la douleur, nous voyons d’abord que l’absence de la douleur sous-slernale dans les cas de névralgies dorso-intercostales, brachio-thoraciques, cervicales, suffira à elle seule pour empêcher qu’on ne confonde ces hypereslhésics extérieures avec l’angine de poitrine. Dans une affection encore mal connue qui a été désignée sous le nom de néoralgie diaphragmai ique, on constaterait, au dire des auteurs, les caractères particulierssuivans, pouvant servira empêcher toute erreur: la dyspnée est habituelle; les mouvemens respiratoires des parois abdo- minales sont suspendus et ces parois sont rétractées ; le malade éprouve NÉvnosES. 313 de !a constriction à la base de la poitrine, mais il n’y a pas de douleur localisée au-dessous du sternum; enfin on peut, suivant M Lartigue, provoquer les attaques de la névralgie diaphragmatique en repoussant les viscères abdominaux vers le diaphragme. c. Quant à la détermination de l'espèce d’angine de poitrine à la- quelle on aura affaire, avons-nous besoin de répéter qu’on pourra tout au plus considérer cette névrose comme essentielle quand on n’aura constaté aucun signe d’une affection du cœur ou des gros vaisseaux; que si cette névrose se montre chez une personne ayant présenté des symptômes de goutte ou procédant de parens goutteux, on pourra croire que la dia- thèse arthritique n’est pas étrangère à son développement, etc.? 1922. Pronostic. — L’angine de poitrine est une affection presque toujours très grave; elle forme sous ce rapport une triste exception à la bénignité générale des névroses, exception facile à concevoir lorsqu’on réfléchit h l’importance de l’organe frappé. Quelques auteurs la consi- dèrent comme nécessairement mortelle; c’est là une exagération, sans doute, moindre cependant que celle des pathologistes par qui cette affection est décrite comme étant sans danger. C’est surtout au point de vue du pronostic qu’il est nécessaire de bien déterminer la variété de la maladie à laquelle on a affaire. La sternalgie essentielle est celle qui présente les conditions les moins défavorables, surtout si le malade est jeune. L’angine symptomatique est toujours très redoutable, toutefois elle n’est pas non plus fatalement mortelle. Suivant la remarque de M. Desportes, des accès rapprochés altèrent rapidement la constitution, tandis que des paroxysmes séparés par de longs intervalles de repos, laissent les malades dans un état général sa- tisfaisant. Mais il semble que dans ces cas les attaques gagnent en gra- vité ce qu’elles perdent en fréquence, et lorsqu’il s’est écoulé plusieurs années entre deux accès consécutifs, presque toujours la récidive devient mortelle après le troisième ou le quatrième paroxysme. Si dans le cours d’un paroxysme, la douleur qui ne s’était jamais étendue plus loin que le coude, vient à se propager jusqu'aux extré- mités des doigts, elle annonce pour l’ordinaire une mort subite très pro- chaine, soit dans l’accès actuel, soit dans le suivant. S’il survient des vomissemens, Je péril est imminent. 1923. Traitement. — La thérapeutique n’a quelques chances de succès, que si l’angine de poitrine est essentielle : les préparations opia- cées et antispasmodiques peuvent alors lui être opposées avec avan- tages. Heberden conseillait à ses malades de prendre le soir de dix à vingt gouttes d’une teinture opiacée, La poudre de Dower a été prônée par Jurine qui l’administrait également le soir à la dose de trois ou quatre grains. Parmi les substances antispasmodiques, nous signalerons comme ayant été plus spécialement vantées : la valériane, basa fœlida, le camphre, l’extrait de ciguë, l’oxyde de zinc, le castoréum, le musc, l’éther et Tarn- moniaque. Le docteur Munck a obtenu deux guérisons à l’aide du soufre. L’arsenic paraît avoir également réussi dans quelques cas. Laennec était partisan de l’emploi du magnétisme : il faisait appliquer deux plaques d’acier fortement aimantées, d’une ligne d’épaisseur, de forme ovale, et légèrement courbées sur le plat, pour s’accommoder à la forme de la poitrine, l’une sur la région précordiale gauche, et l’autre dans le dos, de manière que les pôles fussent exactement opposés, et que le courant magnétique traversât la partie affectée; dans quelques cas il faisait appli- quer un vésicatoire sous la plaque antérieure.—Aujourd’hui que l’élec- tricité a été si heureusement appliquée à la thérapeutique des affections nerveuses, et que son emploi est susceptible d’être varié de tant de ma- nières, on peut espérer en retirer dans l’angine de poitrine des avantages plus grands que ceux obtenus autrefois. M. Duchenne se loue surtout de la révulsion extrêmement intense qu’on produit à la peau au moyen des pinceaux électriques. — Pendant l’attaque on fera des frictions irri- tantes sur toute la surface cutanée, on promènera des sinapismes sur les membres inférieurs, des vésicatoires seront appliqués sur les parois thoraciques au niveau des parties douloureuses. Mais quant aux sai- gnées, quoi qu’en aient dit certains auteurs et Laennec lui-même, bien rarement on trouvera l’indication de les mettre en usage. Pour prévenir le retour des accès, on s’attachera à modifier autant que possible les conditions pathogéniques générales, telles que la diathèse goutteuse, l’état nerveux, etc. Des auteurs recommandables ont con- seillé d’établir un ou plusieurs cautères à la cuisse, de manière à entretenir une source constante de suppuration. Telle est en résumé la médication active qu’on dirige contre l’angine de poitrine ; il faut en outre que le malade s’entoure d’une foule de précau- tions hygiéniques, qui ont été formulées par Jurineavec beaucoup de soin: <« On conseillera aux malades, dit cet auteur, de vivre, s’il est possible, à la campagne, pour fuir les soucis des affaires ; d’occuper de préférence un appartement au rez-de-chaussée, pourvu qu’il ne soit pas humide, de faire de petites promenades à pied, ou mieux en voilure. Le régime devra consister en une nourriture fort simple, mais autant animale que végétale, afin de ne pas trop diminuer les forces ; dans ce but on per- mettra aux malades un peu de vin aux repas , qui seront au nombre de trois par jour, pour ne pas surcharger l’estomac ; le souper sera même très léger, et ils se coucheront deux heures après l’avoir pris. Les ma- lades en se levant prendront un lavement pour entretenir la régularité des gardérobés; iis renonceront à tout commerce avec le sexe, car de telles jouissances ne peuvent êtrè que très nuisibles dans cette ma- ladie; ils éviteront l’humidité et se tiendront vêtus chaudement, ils prendront des bains froids par immersion; de plus on s’efforcera de les mettre à l’abri des émotions morales même les plus légères. » PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 315 ARTICLE XXIX. de l’arturalgie (douleurs nerveuses des articulations). 192A. Bibliographie. — Benj. Brodie. Lectures illustrative of certain local nervous affections. Londres, 1837, in-8, p. 37 et suivantes. Coulson. Hysterical affections of the hip-joint. (London Journal of medicine. July 1851.) 1925. Au lieu d’une description dogmatique pour laquelle les maté- riaux sont encore en trop petit nombre, nous préférons mettre sous les yeux du lecteur les principaux passages des leçons cliniques faites par Brodie sur cette singulière hyperesthésie. « Souvent les symptômes sont rapportés à l’articulation de la hanche ; ils ont alors une grande ressemblance avec ceux des maladies qui affec- tent les os et les cartilages; cependant un examen fait avec soin vous laissera rarement dans le doute au sujet du diagnostic. Il existe dans la hanche et dans le genou une douleur qui est augmentée par la pression ou les mouvemens du membre, et la malade reste souvent couchée dans une position invariable ; mais cette douleur n’est généralement pas fixée dans une seule partie, elle est étendue au membre entier. Yient on presser sur la hanche, la malade se recule et pousse des cris; mais elle ne fait pas moins lorsque la pression est exercée sur l’ilium, ou sur le flanc à la hauteur des fausses côtes, ou sur la cuisse, ou même sur la jambe au niveau de la cheville, et partout cette sensibilité morbide siège principalement dans la peau. Si vous pincez les tégumens en les soule- vant en même temps, la malade se plaindra bien, plus que si vous serrez avec force la tête du fémur contre la cavité cotyloïde. Son attention est- elle fixée davantage sur l’examen dont elle est l’objet, la douleur qu’elle éprouve en sera augmentée; que son esprit soit occupé par la conver- sation, à peine se plaindra-t-elle de ce qui, dans un autre moment, au- rait occasionné une torture. D’ailleurs, il n’y a ni amaigrissement des muscles fessiers ni aplatissement de la fesse, et l’aspect de la malade est bien différent de celui que vous vous attendriez h trouver, si les os et les cartilages d’une jointure étaient dans un état d’ulcération. On n’ob- serve pas davantage ces soubresauts douloureux du membre pendant la nuit, ni ces rêves effrayans qui marquent l’existence de celle dernière affection. Quelquefois la douleur empêche la malade de s’endormir; mais une fois le sommeil venu, il continue avec calme pendant plusieurs heures successives. Et cet état de choses peut persister pendant des se- maines, des mois, et même des années, sans aboutir à la formation d’un abcès ni à aucune autre conséquence fâcheuse. Il peut y avoir soupçon d’abcès (j’en ai vu de nombreux exemples), mais ce soupçon ne se 316 PATHOLOGIE MÉDICALE. réalise jamais. Parfois il existe une tuméfaction générale de la cuisse et de la fesse, conséquence soit, d’un état turgide des petits vaisseaux, soit d’un épanchement dans le tissu cellulaire (J’attribue le gonflement à la première de ces causes lorsque les parties ne forment pas de creux par la pression et ne gardent pas l’empreinte du doigt) ; mais cette tumé- faction ne ressemble pas à celle produite par un abcès. Dans quelques cas rares il y a une saillie mieux limitée, circonscrite, mais toujours bien différente de celle que produirait un abcès. Elle ne présente pas de fluctuation appréciable, et je ne saurais mieux la comparer qu’à une plaque d’urticaire d’une largeur insolite (1). « J’ai dit que dans ces cas il n’y avait ni amaigrissement des mus- cles fessiers, ni aplatissement de la fesse. Il n’est cependant pas rare de trouver un grand changement dans la configuration des parties. Mais c’est un changement tout spécial ; il consiste en une saillie du pelvis en arrière, avec élévation simultanée du côté malade, de telle façon que le bassin forme avec les vertèbres un angle aigu au lieu d’un angle droit. Dans ces circonstances, le membre paraît naturellement raccourci, et lorsque la malade se lient debout, le talon n’arrive pas au contact du sol. Une observation superficielle pourrait faire croire à une luxation de la hanche, et en effet il faut un examen attentif pour faire comprendre au chirurgien que celte étrange distorsion n’est autre chose que le ré- sultat de l’action prédominante de certains muscles et la conséquence d’une attitude vicieuse longtemps continuée. » Lorsque les symptômes sont rapportés au genou, ils offrent une grande ressemblance avec ceux qui viennent d’être décrits. L’articulation est (I) Cette hypérémie, dont le pathologiste anglais apprécie le caractère avec tant de justesse, se rattache à l’action des névralgies sur la circulation capillaire, ou si l’on veut, des nerfs sensitifs sur les nerfs vaso-moteurs, genre d’influence que nous avons déjà noté plusieurs fois : à l'occasion de la névralgie trifaciale (1803, d), du zona avec névralgie intercostale (1820, note), de la dermalgic (1857), etc., et dont il nous semble intéressant de grouper ici quelques autres exemples remar- quables. Romberg qui, lui-même, a vu un fait semblable (Lehrbuch der Nerven- krankheiten, 2e édition. Berlin, 1851, t, 1, p. 16), cite le cas d’une femme de trente-deux ans (observée par Earle), qui, s’étant blessé le nerf cutané interne avec une fourchette vers le milieu de l’avant-bras, éprouva sur le trajet de ce nerf de violentes douleurs, en même temps qu’une inflammation notable s’empara du voi- sinage de la blessure. Trois semaines après l’accident, cette femme ayant essayé de faire un mouvement avec son bras malade, fut prise de vives douleurs et d’un sen- timent de brûlure dans la plaie. Une rougeur érysipélateuse se répandit sur la face antérieure de l’avant-bras, il s’y joignit de grandes bulles semblables à celles du pemphigus ; la température du membre était très élevée. Le repos absolu et des fomentations opiacées ramenèrent le calme ; mais peu de temps après, nouvelle tentative de mouvement et retour des mêmes accidens ; cette fois on constate que la chaleur du bras dépasse de 3° celle de la face inférieure de la langue. Quatre fois encore des circonstances analogues donnèrent lieu à très douloureuse, mais la malade souffre plus des pincemens de la peau que de la pression, et la sensibilité morbide s’étend à une certaine dis- tance à la cuisse et à la jambe, presque jusqu’au niveau du pied ou de la cheville. La souffrance est moindre si, pendant l’exploration, l’at- tention est détournée que lorsqu’elle est fixée sur les parties affec- tées ; ordinairement la malade ne se plaint pas quand on exerce une pression sur le talon, de manière à serrer la surface articulaire du tibia, en ayant soin, bien entendu, de ne pas produire en même temps un mouvement dans l’articulation. Dans la plupart des cas, la jambe est étendue sur la cuisse, tandis que s’il s’agit d’une maladie réelle du genou, elle est ordinairement un peu fléchie. Ces symptômes peuvent persister pendant un temps indéfini sans qu’aucune altération matérielle survienne, l’articulation conservant pendant des semaines, des mois et même des années, ses dimensions et sa configuration normales; mais un léger de- gré de tuméfaction peut être accidentellement observé, spécialement à la partie antérieure, sur le ligament rotuiien ou sur ses cotés, tuméfac- tion qui ne résulte pas de la maladie, mais des remèdes employés. Je parle des cas où, la nature de l’affection ayant été méconnue, on a tour- menté les malades par l’application de vésicatoires, de cautères et d’une série de contre-irritants variés. » L’àge de la plupart des personnes chez lesquelles j’ai observé ces affections ne dépasse pas de beaucoup la puberté. Souvent ces femmes ac- cusent des irrégularités dans la menstruation ; chez quelques-unes cette fonction ne diffère en rien de ce qu’elle est dans les conditions d’une NÉVROSES. 317 des récidives, seulement à la fin ce ne furent plus des phlyctènes qui se formè- rent, mais une éruption analogue à l’urticaire. — M. Andral {Traité de l’auscul- tation médiale de Laennec, 4e édition. Paris, 1837. t. Il, p. 367, note) rapporte l’observation suivante : « Une dame, qui avait eu dans le cours de sa vie plu- sieurs affections nerveuses, fut prise en juin 1836, à la suite de contrariétés qui avaient fortement agi sur elle, d’une véritable névralgie de la peau. Il lui sem- blait que dans tous les points de cette membrane ou lui enfonçait sans cesse des milliers d’aiguilles ; elle éprouvait à la face supérieure de la langue la même sensation. De temps en temps, certaines parties de la peau devenaient le siège d’une douleur plus aiguë, qui était assez vive pour lui arracher des cris. Cette douleur persistait quelques minutes à ce haut degré d’intensité, puis, là où elle s’était montrée, on voyait apparaître une rougeur violacée de la peau avec no- table gonflement de son tissu. Ce genre d’érythème durait lui-même douze à quinze minutes, puis il s’effaçait par degré : dès qu’il paraissait, la douleur diminuait d’intensité. Cette singulière affection dura environ une douzaine de jours, » — D’autres faits tendraient à prouver que les névralgies peuvent faire naître également des hypérémies, non plus inflammatoires, mais hérnorrha- giques. Voyez à ce sujet le travail de M. J. Parrot, De la sueur de sang et des hémorrhagies névropathiques (Gazette hebdomadaire, octobre 1839), et le mé- moire de M. Marrotte, sur quelques phénomènes qui accompagnent les névralgies lombo-sacrées {Archives générales de médecine, avril 1860). 318 santé parfaite. —Celles qui ont habituellement les mains froides, dont le pouls est faible et petit et qui présentent d’autres indices d’une circu- lation sans énergie, sont plus particulièrement disposées à être atteintes de ces douleurs; ce n’est qu’accidentellement que le mal se rencontre avec une habitude extérieure indiquant une santé brillante et avec un développement suffisant de la chaleur animale. » Dans certains cas la jointure à laquelle les symptômes sont rapportés, et quelquefois le membre entier, sont le siège de remarquables alterna- tives de froid et de chaud; ainsi le matin le membre sera froid, pâle ou livide, comme si le sang y circulait à peine, tandis que, vers l’après- midi, il deviendra chaud, et dans la soirée brûlant au loucher, avec tur- gidité des vaisseaux et aspect luisant de la peau. Cet état de choses est souvent une source de sérieuses alarmes pour la malade et même pour le médecin, mais je ne sache pas qu’il ait jamais eu de conséquences fâcheuses. » La majorité des malades présentent des signes d’hystérie. Quelques- unes ont été sujettes aux attaques ordinaires de cette maladie et les ont vu cesser quand les symptômes locaux se sont manifestés, puis le retour des accès a été suivi d’une diminution de ces symptômes ou même d’une guérison complète. -> Il n’est pas rare de constater que le début des souffrances remonte à quelque maladie grave qui a laissé le sujet dans un état d’extrême épui- sement; ailleurs elles se rattachent clairement à quelque cause morale ayant exercé une influence déprimante sur la constitution. De même aussi d’autres causes morales, particulièrement celles qui forcent les malades à une grande activité physique, conduisent souvent à la guérison. Mais ces circonstances ne doivent pas nous amener à cette conclusion absolue que de pareils symptômes se montrent exclusivement chez les femmes fantasques et bizarres ; de jeunes femmes, douées des plus belles qualités morales et intellectuelles, n’en sont point exemples ; mais il est avéré que chez elles la guérison s’obtient plus facilement que chez les autres. » Bien qu’il n’existe point dans ces cas de soubresauts douloureux et involontaires comme dans la carie articulaire, cependant on peut ob- server des contractions spasmodiques des muscles. Chez certaines ma- lades, des mouvemens convulsifs sont déterminés dans les membres par le pincement des tégumens ou même par un léger attouchement. Ils ne sont pas sans quelque ressemblance avec les mouvemens de la chorée, et il est digne de remarque qu’ils ne se produisent pas lorsque l’attention de la malade est distraite. Cependant je les ai vus également avoir lieu en l’absence de toute cause excitante manifeste. Dans quelques exemples que j’ai eu l’occasion d’observer le membre était agité à des intervalles irréguliers par des mouvemens assez forts pour jeter presque les malades hors de leur lit. » Dans ces cas, il existe constamment un sentiment de faiblesse dans PATHOLOGIE MÉDICALE. le membre, sentiment qui devient d’autant plus marqué que les muscles restent pendant plus-longtemps dans l’inaction, et tandis que la douleur et la sensibilité morbide se calment, cette faiblesse s’accroît jusqu’à deve- nir enfin le symptôme prédominant. » La faiblesse musculaire toutefois n’est pas la seule circonstance qui entrave le prompt retour des fonctions du membre. Quand celui-ci a été tenu pendant longtemps dans la position horizontale, les tuniques des petits vaisseaux semblent participer à la condition des muscles, et lorsque le pied est posé pour la première fois sur le sol, la peau prend une couleur rouge allant quelquefois jusqu’au pourpre... » Les symptômes qui viennent d’être décrits surviennent ordinairement d’une manière graduelle; c’est graduellement aussi qu’ils se dissipent; quelquefois cependant il en est autrement : on les voit disparaître tout d’un coup sans aucune cause appréciable. » Jusqu’ici j’ai décrit ces faits comme si les symptômes étaient parti- culiers au sexe féminin ; mais il n’en est pas ainsi en réalité, et j’ai vu plusieurs hommes (quoique en petit nombre comparativement) atteints de la même manière. J’emploie le terme d’hystérie parce qu’il est passé dans l’usage et qu’il y aurait de l’inconvénient à le changer; mais l’éty- mologie du mot est faite pour tromper sur la pathologie de la ma- ladie. Celle-ci appartient, non à l’utérus, mais au système nerveux, et il n’est aucun praticien qui ne puisse témoigner de l’exactitude de l’obser- vation faite sur ce sujet par Sydenham : Quinimo non pauci ex iis viris qui vitam degentes solitariam chartis soient impallescere eodem rnorbo tentantur. » 1926. Relativement au traitement de l’arihralgie nerveuse, nous in- sisterons encore sur le précepte d’éviter comme nuisibles les médications énergiques, antiphlogislique, révulsive et dérivalive, auxquelles on n’a que trop souvent recours, faute de reconnaître la vraie nature du mal. iNe pas combattre à toute outrance une douleur faussement attribuée à des désordres articulaires, c’est déjà remplir une indication importante, peut-être la plus essentielle de toutes ; la deuxième consiste à opposer un traitement antispasmodique et reconstituant à l’état de névropalhie gé- nérale qui tient l’arlhralgie sous sa dépendance; tout au plus devra-t-on faire un usage discret de quelques applications calmantes ou de la stimu- lation de la peau par des sinapismes, l’emploi de l’électricité, etc., tous ces moyens ayant l’inconvénient sérieux de trop fixer l’attention des malades sur la région affectée. L’hydrothérapie convenablement admi- nistrée présenterait ici le double avantage de pouvoir agir à la fois sur l’état général et sur les souffrances articulaires. — L’arthralgie s’accompagne fréquemment, comme on l’a vu, d’une contracture douloureuse des muscles de la fesse ou de la cuisse ; d’où une nouvelle indication, que l’on remplit quelquefois avec un succès surprenant en imprimant aux membres des mouvemens passifs, graduels ou môme brusques. Les NÉVROSES. 319 320 inhalations préalables de chloroforme rendront ces manœuvres plus efficaces et plus faciles, en déterminant la résolution des muscles et en abolissant la perception de la douleur. PATHOLOGIE MÉDICALE. ARTICLE XXX. DEUXIÈME CLASSE DES NÉVROSES DE LA SENSIBILITÉ. ANESTHÉSIES OU PARALYSIES DU SENTIMENT. — DES ANESTHÉSIES EN GÉNÉRAL. 1927. Dans la plupart des régions du système nerveux, les éiémens sensitifs et moteurs sont intimement mélangés; de sorte qu’une lésion, ou plus généralement une modification morbide venant à abolir les fonctions nerveuses, il en résulte le plus communément une paralysie simultanée du mouvement et du sentiment, ou si l’on veut, une acinèse jointe à une anesthésie. Cependant il peut arriver aussi que cette modi- fication respecte complètement les fibres ou faisceaux de fibres af- fectés à la motilité, et donne lieu à la seule perte du sentiment : c’est aux faits de celte catégorie qu’on réserve plus spécialement le nom d'anesthésie (« privatif, àtsQnmç, sensibilité). Ces paralysies exclu- sives du sentiment étaient bien connues des médecins de l’antiquité. Arélée en parle avec une précision remarquable ; Paralysis autem motus tantum fere est actionisque defectio. Quod si nonnunquam soins tactus déficit [raro autem ici evenit) potins anœsthesia, id est sensus abolitio,... nominatur (De causis et signis diut. rnorborum. lib. J, cap. VU). Mais, il est juste de le reconnaître, c’est aux observateurs modernes, et surtout aux médecins contemporains, que revient le mérite d’avoir mieux apprécié le degré de fréquence de l’anesthesie et d’avoir fait de ce phénomène une élude analytique approfondie. Toutefois, la plupart de leurs recherches ont eu pour objet l’histoire de l’anesthésie de la peau, et nous y renvoyons pour l’examen de la plupart des ques- tions générales qui s’y rattachent, nous bornant à faire dans cet article quelques remarques sommaires sur l’ensemble de la classe des névroses dont nous abordons maintenant l’exposition. 1928, Si pour nous rendre compte du développement de ces états pa- thologiques, nous essayons de pénétrer le mode de production des sen- sations normales, nous voyons que celles-ci exigent le concours de trois sortes d’organes, organes à la vérité continus, mais cependant distincts et jusqu’à un certain point isolabies : 1° Les extrémités nerveuses, dont le rôle consiste à recevoir certaines impressions résultant, soit du contact des agens extérieurs avec l’orga- nisme, soit des modifications spontanées que subissent les diverses par- ties du corps ; ' 2° Les nerfs centripètes chargés de propager cette impression jus- qu’au sensorium ; 3° Le sensorium, qui la recueille et la perçoit, ou en d’autres termes, la transforme en sensation proprement dite. Ainsi : extrémités nerveuses sensibles, nerfs conducteurs sensitifs, parties sentantes des centres nerveux, tels sont les trois instruirions de toute sensation, les trois étapes qu’elle parcourt successivement. Voyons maintenant ce qui arrive dans l’état de maladie. a. Si la perception est détruite dans le sensorium, l’impression aura beau avoir lieu, les nerfs auront beau la transmettre jusqu’à certaines parties des centres nerveux, la sensation sera nulle; et c’est là un premier mode de production de l’anesthésie. Il s’observe dans les cas de lésion organique de l’encéphale (apoplexie, ramollissement, tumeurs), dans ceux où les fonctions de cet organe sont affaiblies ou détruites par divers agens stupéfians, tels que les narcotiques ou le chloroforme, pendant le sommeil, ou quand une vive préoccupation détermine une inattention extrême. b. Lorsque l’état du sensorium est tel qu’il ne s’oppose en rien à la perception, mais que la continuité des conducteurs nerveux se trouve interrompue, il en résulte un deuxième mode de production de l’anes- thésie. On en voit des exemples à la suite de la section des nerfs dans les opérations chirurgicales ou dans les accidens traumaliques, de l’atrophie ou de la compression des nerfs par des tumeurs, etc. c. Enfin, les centres nerveux et les nerfs étant h l’état normal, si l’or- gane ou se distribuent les extrémités des nerfs sensibles vient h éprouver quelque modification morbide, il y aura encore anesthésie. Telle est la cécité qu’entraînent les altérations de la rétine ; l’anosmie du coryza ; l’insensibilité de la peau, suite d’applications réfrigérantes. (Il faut bien distinguer ces derniers cas de ceux où la sensation ne manque que faute des conditions purement physiques nécessaires à son accomplissement ; exemples : la cécité qui résulte de la présence d’une cataracte, la surdité par accumulation de cérumen dans le conduit auditif, etc.) Étant admis les trois modes de production de l’anesthésie qui viennent d’être indiqués, peut-on faire de ces données une application à la patho- logie clinique, et déterminer si l’anesthésie est produite ici par une affection des centres nerveux, ailleurs par une lésion des nerfs? Peut-on y puiser des motifs pour agir sur telle partie du système nerveux plutôt que sur telle autre, dans le but de rétablir la fonction altérée? Voici quelques indications qui pourront servir h résoudre ce double problème. A. Tout d’abord reconnaissons que s’il est intéressant au point de vue physiologique d’étudier séparément les attributions de la partie épanouie des nerfs qui reçoit l’impression et les fonctions des conducteurs qui la transmettent, une pareille délimitation devient souvent impraticable en pathologie. En effet, à moins que la membrane ou l’organe dans le- quel se ramifient les fibrilles périphériques des nerfs sensitifs ne soit NÉVROSES. 321 PATHOLOGIE MÉDICALE. atteint de quelque lésion anatomique bien circonscrite, il sera dans la plupart des cas difficile ou même impossible de déterminer le siège de l’anesthésie avec une si grande rigueur. C’est surtout dans les anes- thésies dites nerveuses, c’est-à-dire sans lésion locale, qu’une semblable détermination sera souvent embarrassante et même qu’elle pourra pa- raître oiseuse. L’amaurose sine matériel a-t-elle pour siège le corps du nerf optique ou bien la rétine ? Dans l’anesthésie cutanée des hystéri- ques, est-ce aux papilles ou aux nerfs de la peau qu’il faut rapporter le phénomène? Vu l’impossibilité où l’on est souvent de se prononcer à cet égard, nous considérerons comme identiques l’anesthésie par défaut d’impression et celle par défaut de transmission, les désignant indis- tinctement sous le nom commun d’anesthésie périphérique. B. Ainsi comprise, l’anesthésie périphérique peut-elle être différen- ciée de celle qui a lieu par défaut de perception? Avant d’aborder celle question quelques éclaircissemens sont nécessaires. Quand nous avons parlé des libres nerveuses centripètes ou sensitives, et que nous les avons envisagées comme distinctes des centres nerveux où s’accomplit la per- ception, nous avons eu en vue une sorte de système nerveux idéal, où ces deux ordres d’élémens, les uns de transmission, les autres de sensa- tion proprement dite, n’affecteraient les uns avec les autres que des rap- ports de continuité. Mais, en fait, il n’en est pas ainsi. D’une part, dans la moelle épinière, outre les libres destinées à transmettre les impres- sions au sensorium et celles qui conduisent à la périphérie les impulsions motrices, on trouve d’autres élémens dits de centrante, dans lesquels les impressions sensitives peuvent s’arrêter, non pour devenir sensations, mais pour servir d’excitant à certains mouvernens. D’une autre part, le cer- veau, siège de la perception, n’est cependantpas exclusivement constitué par des élémens sentons: il renferme de plus la continuation ou la ter- minaison des conducteurs sensitifs que nous avons vus partir de la péri- phérie. Donc sur ce deuxième point encore, nous sommes forcé d’abandonner la vérification immédiate de la théorie, et la question ne peut être posée qu’en ces termes : Est-il possible de distinguer l’anes- thésie qui résulte d’une affection des nerfs périphériques de l’anesthésie que détermine un état morbide de la moelle et de celle qui provient d’une condition pathologique de l’encéphale lui-même? La réponse est affirmative, du moins pour un grand nombre de faits. C. En organe est anesthésié, avons-nous dit, lorsqu'il a perdu plus ou moins complètement la faculté défaire arriver à notre conscience les modifications qu’il subit, soit spontanément, soit quand on y provoque diverses excitations. Mais 1° l’existence de l’anesthésie n’exclut pas la possibilité pour le sensorium d’avoir des perceptions qu’il rapporte à l’organe même de- venu insensible : on entend les paraplégiques accuser des douleurs dans leurs membres inférieurs, que l’on peut cependant piquer et pincer NÉVROSES. sans que les matodes en aient conscience ; les amaurotiques incapables de distinguer le jour des ténèbres, se plaignent de voir des flammes, des étincelles; les sourds sont tourmentés de bourdonnemens d’oreille, etc. Ces phénomènes rentrent dans ce qu’on désigne sous le nom d’anœsthesia doloro&a, et nous y avons suffisamment insisté dans l’étude des névralgies pour n’avoir pas besoin d’y revenir, 2° Les parties anesthésiées, en même temps qu’elles cessent de pou- voir transmettre au sensorium les modifications qui se passent en elles, peuvent avoir perdu ou conservé le pouvoir d’exciter les mouvemens dits réflexes. Dans tel cas d’anesthésie des membres, le pincement de la peau non perçu par le malade sera suivi d’une flexion ou d’une exten- sion énergique, dans tel autre la même manœuvre ne provoquera au- cune contraction musculaire. 3° Les parties anesthésiées tantôt n’éprouvent aucun changementdans leur nutrition, tantôt en subissent un plus ou moins considérable ; quelle différence entre l’anesthésie des femmes hystériques dont les membres conservent souvent l’aspect le. plus normal, et l’anesthésie qui est la con- séquence d’une fracture de la colonne vertébrale et qui se complique si promptement d’ulcérations et de gangrènes! U° Enfin, tantôt la motilité des parties anesthésiées est lésée, tantôt elle persiste dans toute son intégrité ; les fonctions psychiques elles- mêmes sont normales ou altérées. D. C'est à l’aide de ces données, et en y ajoutant celles que four- nissent l’étendue, le siège, le degré de l’anesthésie, qu’on arrive à recon- naître le siège probable de la modification morbide dont l’insensibilité est la conséquence; le tableau synoptique suivant résume ces caractères différentiels : I. Anesthésies par suite d’une affection cérébrale. Etendue presque toujours considérable; quelquefois l’insensibilité envahit la totalité du corps ; Siège unilatéral et du côté opposé à celui qu’occupe la lésion de l’en- céphale ; Mouvemens volontaires presque toujours abolis en même temps que la sensibilité ; mouvemens réflexes souvent conservés ; coïncidence d’un trouble plus ou moins manifeste des facultés intellectuelles et morales ; enfin, altération fréquente de la nutrition des parties paralysées, par suite d’une affection concomitante ou consécutive du système nerveux gan- glionnaire. Les malades, tout en ayant perdu la faculté de percevoir les impres- sions qui ont leur source dans les parties anesthésiées, éprouvent cepen- dant diverses sensations qu’ils indiquent comme ayant lieu dansces mêmes parties insensibles. Ce caractère est commun à toutes les anesthésies sans perte de connaissance ; nous le mentionnons ici une fois pour toutes. 324 PATHOLOGIE MÉDICALE. II. Anesthésies consécutives à une affection de la moelle. Etendue souvent considérable, mais cependant en général moindre que dans les cas d’affection cérébrale ; Siège habituellement bilatéral et symétrique, principalement au tronc et aux membres inférieurs. Quand l’anesthésie est unilatérale, ce qui est rare, elle occupe le côté du corps correspondant au côté affecté du cor- don rachidien (M. Brown-Sequard admet cependant des paralysies croi- sées par lésion de la moelle). Mouvemens volontaires souvent abolis ou diminués, quelquefois in- tacts ; mouvemens réflexes tantôt conservés, tantôt supprimés, suivant qu’au-dessous du point lésé il reste ou non un tronçon de moelle saine, conservant ses propriétés excito-motrices; atteinte souvent profonde de la nutrition. III. Anesthésies déterminées par une affection des nerfs sensitifs. Etendue souvent très limitée ; Siège de l’anesthésie correspondant exactement à la distribution ana- tomique du nerf; Mouvemens volontaires intacts, s’il s’agit d’un nerf exclusivement sen- sitif, et si l’affection occupe un nerf mixte, paralysie bornée à un seul groupe de muscles ; mouvemens réflexes constamment abolis dans le cas d’anesthésie complète. L’état de la nutrition est variable, souvent normal. E. Pour arriver à reconnaître le siège probable de l’affection qui donne lieu à l’anesthésie et pour admettre ou repousser l’existence d’une lésion matérielle du système nerveux, il faudra compléter ces données physio- logiques qui laissent souvent place au doute, par les notions que fournit l’observation clinique : c’est ainsi qu’on puisera d’utiles renseignemens dans l’étude des accidens antérieurs et concomitans, du mode d’invasion et de progression, de la fixité ou de la mobilité de l’anesthésie, des mo- difications qu’elle présente à différentes phases de la maladie, etc. ; au- tant de caractères beaucoup trop variables pour que nous tentions de les résumer dans un article de généralités. 1929. Rendre aux parties leur sensibilité normale, tel est le but qu’on se propose dans le traitement de l’anesthésie. Nous venons de voir combien sont nombreuses les conditions productrices de ce phénomène : c’est dire combien la médication devra varier, avec la nature et le siège de la modification organique qui donne lieu h la perte de la sensibilité. Vaine- ment attaquerait-on le symptôme en lui-même : sans doute, les sti- mulans de diverses sortes, les révulsifs et les dérivatifs locaux (fric- tions avec des pommades irritantes, vésicatoires, bains excitans, etc.) peuvent suffire dans certains cas d’hyperesthésie périphérique ; mais on ferait, et l’on fait trop souvent, une thérapeutique vraiment irration- nelle et stérile en se bornant à des remèdes de ce genre, quand l’ana- lyse physiologique des symptômes montre clairement la cause de fanes- NÉVROSES. 325 thésie résidant ailleurs que clans les parties insensibles, et souvent bien loin d’elles. De même, lorsque l’anesthésie se rattache à quelque névro- pathie générale, la médication topique est chose accessoire : les véri- tables indications du traitement découlent de la maladie et non d’un symptôme isolé. L’anesthésie, d’ailleurs, ne comporte presque jamais la nécessité de celte intervention active et immédiate que réclament si souvent les hyperesthésies symptomatiques, indépendamment de la cause qui les engendre, à raison des accidens pénibles auxquels elles donnent lieu par elles-mêmes. 1930. Les espèces d’anesthésie acceptées par les pathologistes varient suivant le nombre plus ou moins considérable des modes de sensibilité auxquels ils reconnaissent une existence distincte. Nous n’avons pas à discuter toutes les opinions émises à cet égard; disons seulement que l’on est dans l’habitude de distinguer : 1° une sensibilité commune (cœnesthésie), c’est-à-dire la faculté que possèdent la plupart des organes et des tissus de transmettre au sensorium les impressions agréables, indifférentes ou pénibles, résultant tantôt de l’action des agens externes, tantôt d’une modification qui se produit en l’absence de toute influence du dehors; 2° diverses sensibilités spéciales ou spécifiques, c’est-à-dire la faculté inhérente aux appareils de la vision, de l’ouïe, du goût, de l’odorat et du tact, et qui les rend seuls aptes à transmettre au senso- rium les modifications produites dans notre organisme par la lumière, par les sons, par les molécules sapides ou odorantes, par les variétés de forme, de surface, de température des corps, etc. Mais s’il est évident qu’aux nerfs optique, acoustique, olfactif et aux nerfs du goût est dé- volu un mode propre et exclusif d’impressionnabililé, bien distinct de celui qui constitue la sensibilité commune, il est plus difficile de diffé- rencier nettement de celle-ci la sensibilité des tégumens. A la vérité, la peau se rapproche des appareils sensoriels par le toucher qui réside dans quelques régions privilégiées ; mais elle partage avec la plupart des autres organes la sensibilité au contact, qui ne diffère pas essentiellement de la sensibilité commune. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. Qu’il nous suffise pour le moment d’avoir montré quelles difficultés soulèvent ces divisions, établies, ce nous semble, sur une base trop mé- taphysique. Sans nous astreindre à suivre cet ordre, nous passerons successive- ment en revue : 1° Les anesthésies ayant pour siège les nerfs sensitifs cérébro-spi- naux. Comme parmi ces nerfs sensitifs, il n’en est pas dont les attribu- tions physiologiques soient plus nettement déterminées que la por- tion ganglionnaire du nerf trijumeau, c’est l’anesthésie delà cinquième paire qui nous servira ici de type; d’ailleurs, c’est aussi à peu près le seul nerf dans lequel cette affection ait été étudiée d’une manière spéciale. PATHOLOGIE MÉDICALE. 2° Les anesthésies des nerfs sensoriels, et particulièrement l’anes- thésie de la peau. 3° Vanesthésie des nerfs musculaires, état morbide dont l’histoire trouvera légitimement sa place à la suite de l’insensibilité cutanée, pour des raisons que nous aurons soin d’indiquer. 5o Nous dirons enfin quelques mots d’un certain nombre d’autres phénomènes pathologiques que l’on peut également envisager comme appartenant aux anesthésies, bien qu’on doive rester dans le doute au sujet de leur localisation anatomique. ARTICLE XXXI. DES ANESTHÉSIES EN PARTICULIER ANESTHÉSIE DU NERF TRIFACIAL. 1931. Bibliographie. — Longet. Anatomie et physiologie du système nerveux. Paris, 1852, in-8°, t, II, p. 191 et suivantes, où se trouvent résumées et commentées les observations de Bellin- geri, Champion, Ch. Bell, Abergrombie, Stanley, Montault, Gama, Carré, A. Bérard, Dechambre, etc. Romberg. Anàsthesie des Quintus, in Lehrbuch der Nervenkrankh., 2e édition. Berlin, 1850, in-8, t. I, p. 255. J. Dixon. Two Cases of anœsthesia and loss of motory function of the fifth nerve (Medico-chirurg. Transactions. Londres, 1855, 2e série, t. X, p, 373). R. Taylor. C ase of facial anœsthesia with sirnultaneous destruc- tion of the eue (Med. Times and Gazette, Julv 1855, New sériés, vol. IX, p. 55). 1932. La paralysie du nerf sensitif de la face est beaucoup plus rare que celle du nerf moteur de cette région. Elle succède quelquefois à un refroidissement, mais presque toujours elle est symptomatique de quel- que lésion, telle que le ramollissement, l’atrophie, l’induration ou le cancer, occupant soit le ganglion de Casser, soit, et plus souvent, le tronc ou les rameaux de la portion ganglionnaire du nerf trijumeau (la petite racine du trijumeau ou portion non ganglionnaire étant motrice). On a observé celte anesthésie à la suite d’un traumatisme accidentel (coups, contusions) ou d’un traumatisme chirurgical (section des bran- ches du nerf trifacial, avulsion des dents); on l’a vue enfin se développer quand une compression était exercée sur les branches nerveuses par des tumeurs siégeant dans les os ou les parties molles du voisinage. —Nous ne faisons qu’indiquer les lésions cérébrales qui peuvent donner lieu, entre autres symptômes, à l’insensibilité des parties desservies par le nerf de la cinquième paire. NÉVROSES. 327 1933. Les symptômes de cette anesthésie varient suivant le nombre plus ou moins considérable des branches nerveuses atteintes. Quand le tronc du trijumeau de l’un ou de l’autre côté est affecté dans sa totalité, voici quels sont les phénomènes qui se présentent : sensibilité obtuse ou même nulle des tégumeus et des antres parties molles d’une moitié laté- rale du visage, au point qu’on peut les piquer, les brûler, sans que le malade en ait conscience (ce qui n’exclut pas l’existence de sensations rapportées à la peau du visage); en même temps insensibilité des mem- branes muqueuses ; de la conjonctive, sur laquelle le contact des barbes d’une plume, de grains de tabac, etc., ne provoque aucune impres- sion pénible; de la pituitaire, que l’on peut irriter de diverses manières sans que le malade en ait la perception : de la muqueuse buccale et de la muqueuse linguale : la langue perd à la fois la sensibilité tactile et la sensibilité gustalive, mais cette dernière n’est éteinte que dans les deux tiers antérieurs de l’organe. La pupille est resserrée et immobile. Les mouvemens de la mastication ne sont intéressés qu’autant que l’affec- tion s’étend à la petite portion du trijumeau. Quant aux mouvemens de la face, ils sont conservés; on remarque seulement qu’ils s’exécutent avec moins de précision du côté devenu insensible, sans doute à cause de l’anesthésie des filets sensitifs musculaires. Les mouvemens réflexes sont ou affaiblis ou complètement nuls, selon le degré de paralysie des nerfs sensitifs, puisque ce sont ces nerfs qui transmettent l’excitation dont les mouvemens réflexes sont la conséquence. Ce qui prouve bien qu’il en est ainsi, c’est que chez les malades atteints d’anesthésie de la cinquième paire, le clignement, par exemple, ne se produit pas à la suite d’une irritation de la conjonctive, mais qu’il continue à a\oir lieu quand la rétine, dont la sensibilité est conservée, vient être impres- sionnée par une lumière vive. —Enfin, comme dans les vivisections où l’on coupe la cinquième paire dans l’intérieur du crâne, on observe ici une modification remarquable des fonctions nutritives : activité moindre de la circulation; lividité et œdème des tissus; sécheresse de la pituitaire, d’où peut-être en grande partie la perte de l’odorat notée chez les ma- lades de ce genre; ramollissement et hémorrhagie des gencives, analo- gues à ce qui s’observe dans le scorbut ; chute des dents ; ulcération et gangrène de la muqueuse buccale. Mais c’est surtout dans l’œil que s’opèrent les changemens les plus dignes d’attention : la conjonctive ocu- laire et palpébrale se gonfle (chémosis) et sécrète un liquide purulent ; la cornée se trouble, se ramollit et finit par se perforer, accident qui est suivi de la fonte de l’œil et de son atrophie. Toutes ces altérations trophiques résulteraient-elles simplement de la cessation, par le fait de l’anesthésie, de certains mouvemens automa- tiques qui, chez l’homme sain, protègent à chaque instant la surface oculaire contre le contact des substances irritantes? C’est l’opinion d’un grand nombre d’auteurs; il est cependant quelques faits qui la rendent PATHOLOGIE MÉDICALE. inacceptable : tel est celui rapporté par Taylor, dans lequel existait une double paralysie: de la cinquième paire à droite, et de la septième du côté gauche; cette dernière paralysie entraînait l’exposition permanente de la conjonctive à l’air et aux poussières; néanmoins l’œil gauche était resté sain, tandis que l’œil s’était profondément altéré à droite, du côté de l’anesthésie du trijumeau. 1934. Au point de vue du diagnostic, la constatation de celte anes- thésie ne présente aucune difficulté; mais en revanche il n’est pas tou- jours aisé de déterminer avec précision le siège de l’altération qui y donne lieu, soit dans les rameaux ou le tronc du trifacial, soit dans l’encéphale lui-même. Romberg établit à ce sujet une discussion judi- cieuse qui se résume dans les propositions suivantes : La cause de la paralysie réside-t-elle dans l’encéphale, l’anesthésie sera croisée par rap- port à la lésion cérébrale, et alors, outre les signes directs de cette lésion, on constatera encore d’autres paralysies des nerfs sensitifs et mo- teurs de la tête et même du tronc. La coexistence de divers troubles dans les fonctions d’autres nerfs crâniens devra faire localiser la lésion â la base du crâne. Si l’altération occupe la portion périphérique du trijumeau, l'anesthésie à laquelle elle donne lieu se trouvera toujours située du même côté que la lésion, et elle sera d’autant plus limitée que celle-ci aura atteint des filets plus superficiels : ainsi la participation des membranes muqueuses à l’anesthésie dénotera l’affection de quelque branche importante ou même du tronc nerveux après sa sortie du crâne; l’insensibilité de toute une moitié de la face (tégumens externes et internes) avec altération de la nutrition, sera le signe d’une affection du ganglion de Casser, ou du tronc trifacial à peu de distance au-des- sous de ce ganglion. —• Un problème souvent encore plus difficile à résoudre consiste à déterminer la cause de cet état anesthésique du trijumeau; pour éclaircir ce point, les anlécédens du malade, les cir- constances au milieu desquelles le mal s’est développé, la marche qu il a suivie, devront être examinés avec le soin le plus minutieux. On ne possède pas encore un nombre suffisant de faits, et ceux qui ont été publiés appartiennent à des catégories trop disparates, pour qu’on puisse rien énoncer de général, relativement à la marche, à la durée, aux terminaisons de la paralysie de la cinquième paire. Le trai- tement symptomatique ne diffère pas notablement de celui que réclame la paralysie du nerf moteur de la face. AB.T1CÎ.E XXXZI. ANESTHÉSIES DES NERFS OPTIQUES, ACOUSTIQUES, OLFACTIFS ET GUSTATIFS. 1935. Quelques mots seulement sur chacun de ces étals morbides. L’anesthésie de la vue porte le nom d’amaurose (goutte sereine, para- 329 lysie de la réline) ; on la trouve décrite avec tous les développemens nécéssaires p. 232, t. III, des Elémens de pathologie chirurgicale du professeur Nélaton, ouvrage qui fait pendant au livre de Requin et auquel nous renvoyons. L’anesthésie de Voûte (paracousie ou surdité) est appelée cophose quand elle est profonde, dysécie quand elle est incomplète. Il est assez rare de l’observer à titre d’état morbide essentiel, indépendant de toute lésion anatomique, soit du conduit auditif, soit de la caisse du tym- pan ou de la trompe d’Eustache, de l’oreille interne, du nerf acous- tique ou du cerveau ; et sans doute le nom de surdité nerveuse est sou- vent donné, faute de mieux, à des changemens de l’ouïe dont ou ne peut découvrir la cause organique véritable. Voici à quels signes on reconnaîtrait la surdité par anesthésie du nerf acoustique : sécheresse et desquamation légère du conduit auditif externe; insensibilité quelquefois très pro- fonde de ce conduit s’étendant aux parties voisines (régions temporale, parotidienne, cervicale) ; diminution de la faculté auditive débutant généralement par l’une des oreilles et n’atteignant l’autre que longtemps après; bourdonnemens et autres sensations subjectives. Il faut avouer que ce sont là des caractères différentiels bien vagues, —La médication habituellement mise en usage, quand on croit devoir admettre l’existence d’une surdité nerveuse, consiste à combattre les causes pathogéniques dont on peut apprécier l’influence ; h faire usage de dérivatifs intesti- naux, d’exutoires au voisinage de l’oreille, moyens dont l’emploi est de- venu banal sans que l’efficacité en ait été suffisamment démontrée ; à pratiquer des injections de vapeurs excitantes par la trompe d’Eustache. L’anesthésie olfactive [anosmie), qu’il ne faut pas confondre avec l’anesthésie tactile de l’intérieur des fosses nasales, est un phénomène assez rare ; elle est souvent le symptôme de lésions ayant pour siège la base de l’encéphale; quand elle se rencontre dans une névrose géné- rale, comme chez quelques hystériques, mêlée à d’autres symptômes névropathiques, et comme perdue au milieu d’eux, elle a si peu de gravité qu’elle attire à peine l’attention, et ne réclame guère par elle- même l’emploi de moyens thérapeutiques particuliers. On peut en dire autant de f anesthésie gustative (ageusie), bien qu’elle soit relativement un peu moins rare. Sa fréquence paraîtrait même très grande, si l’on commettait l’erreur de regarder le défaut de perception gustative comme synonyme de l’anesthésie des nerfs spéciaux dans lesquels réside la faculté de sentir les saveurs (nerfs glosso-pharyngiens et, suivant l’opinion du plus grand nombre des physiologistes, nerfs linguaux) ; en effet, l’état de sécheresse de la langue, l’exfoliation ou l’épaississement de l’épiderme qui recouvre cet organe, les divers en- NÉVROSES. 330 PATHOLOGIE MÉDICALE. duits qui s’y rencontrent et les altérations de la muqueuse buccale peuvent émousser et même annihiler l’impression des corps sapides, sans que les nerfs de la gustation aient réellement perdu leur impres- sionnabilité. —Nous avons déjà signalé la perte du goût qui se rattache à l’anesthésie de la cinquième paire (1933); nous mentionnerons plus loin le même phénomène en décrivant la paralysie du nerf facial. ANESTHÉSIE DES NERFS DE LA PEAÜ ARTICLE XXXIII 1936. Bibliographie. — Darwin. Zoonomia, t. III, pp. 242, 508, 3e édition. Londres, 1801, in-8. Ch. Bell. An ideaof a new anatomy of the brain. Londres, 1811, in-8. E.-H. 'Weber. De pulsu, resorptione, audifu et tactu. Leipzig, 1834, in-4. — Article Tastsinn und Gemeingefühl, in Wagner s Handwdrterbuch. d. Physiologie, 1848 (t. III, 2te abth.). Belfield-Lefèvre. Recherches sur la nature, la distribution et rorgane du sens tactile {Thèses de Paris, 1837, in-4). B. Pughelt. Ueber partielle Empfindungslahmung {Heidelb. med. Annalen, 1845. Bd. X, p. 485). P.-N. Geroy. Des sensations et de Tintelligence. Paris, 1846, in-8, pp. 45 et suivantes. Gendrin. Archives gén. de médecine, 1846, 4e série, t. XII, p. 112. . Henrot. De Vanesthésie et de /’hyperesthésie hystériques {Thèses de Paris, 1848, in-4). Beau. Recherches cliniques sur l'anesthésie {Archives générales de médecine, janvier 1848, 48 série, t. XVI). Delagour. De l’analgésie [Thèses de Paris, 1849, in-4). Brown-Séquard. Recherches sur un moyen de mesurer l’anesthésie et V hyperesthésie {Comptes rendus de la Société de biologie ; Gaz. méd., décembre 1849). L. Türck. Beitràge zur Lehre von der Hyperdsthesie und Anàs- thesie (Zeitschr. d. Gescllschaft d. Aerzte zu Wien, novembre 1850). Szokalsky. Von der Anàsthesie und Hyperdsthesie {Prager Vier- teljahrschr. 1851, Bd. IV, p. 130). O. Landry. Recherches physiologiques et pathologiques sur les sensations tactiles {Arch. gén. de médecine, 1852). — Traité complet des paralysies. Paris, 1859, in-8, t. I, p. 176 et suivantes. Bellion. Recherches historiques sur la pathologie et ta physiologie des sensations tactiles {Thèses de Paris, 1853, in-4). NÉVROSES. 331 VüLPIAN et Bastien. Mémoire sur les effets de la compression des nerfs (Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 1855, t. XLÏ, p. 1009). Yoy. aussi la bibliographie de l’article Hystérie. 1937. Par l’intermédiaire des sensations cutanées, nous acquérons les notions relatives au contact des corps, à leur température, à leur con- sistance, à leurs mouvernens, à leur étendue; nous apprécions leur humidité ou leur sécheresse, leur surface rugueuse ou polie, la résistance qu’ils opposent à nos efforts; enfin nous percevons la douleur, le cha- touillement, le frémissement, la vibration, etc. Un sens unique, le tou- cher, paraissait suffire aux physiologistes pour faire arriver au cerveau l’impression produite par toutes ces propriétés tangibles des corps ; mais aujourd’hui il est généralement reconnu que le sens cutané est multiple ; et l’on admet comme autant de sensations distinctes et irréductibles (Landry) : 1° celle de contact, dont les sensations de pression, de chatouillement, de vibration ne sont que les dérivés; 2° la sensation de la température des objets, supérieure à la température du corps (chaleur), ou inférieure à elle (froid); 3° la sensation de la douleur: à quoi il faut ajouter que le toucher ne nous procurerait que des notions confuses et imparfaites sur l’état des corps, s’il n’était aidé et pour ainsi dire perfectionné ; U° par la sensation d’activité musculaire, dont nous aurons l’occasion de parler plus loin. Sans doute, on pourrait élever plus d’une objection contre l’opinion des auteurs qui vontjusqu’à admettre la spécificité absolue de chacune de ces sensations et pour qui « les quatre sensations tactiles sont aussi essentiellement distinctes et diffèrent entre elles autant que celles de lu- mière, de son, d’odeur et de saveur. » (Landry.) Mais il suffit que dans l’état pathologique chacune de ces sensations tactiles puisse être isolé- ment abolie, les autres demeurant normales ou même étant exaltées, pour que la distinction dont il s’agit doive être maintenue en clinique comme un moyen utile d’analyse. Définition.— Le terme générique d’anesthésie cutanée sert à dési- gner la perte simultanée ou isolée des trois sensations de contact, de tem- pérature, de douleur. L’abolition du tact reçoit encore quelquefois le nom spécial d'anesthésie proprement dite ; l’insensibilité à la douleur, celui d'analgésie ou d’analgie. Jusqu’à présent le défaut de sensation de la température n’a pas reçu d’appellation particulière; on pourrait adopter le nom de thermo-anesthésie pour indiquer ce mode particulier d’insensibilité. 1938. Symptômes. — a. L’affaiblissement des sensations cutanées existe à des degrés divers depuis la simple obtusion jusqu’à l’anéantis- sement complet; cet état varie aussi à différens momens chez le même malade. 332 PATHOLOGIE MÉDICALE. Relativement à son étendue, l’anesthésie peut être générale ou par- tielle, et dans ce dernier cas, occuper soit une moitié latérale du corps sous forme d’une hémiplégie, souvent très exactement limitée par la ligne médiane, soit les membres inférieurs (paraplégie) ou les mem- bres supérieurs ; elle peut être bornée à une petite portion des tégu- mens. Quand un malade a perdu le tact, ils n’a plus aucune notion de la présence des objets, il n’apprécie ni leur consistance, ni l’état de leur surface, ni leurs mouvemens; dans les mêmes circonstances la sen- sibilité au chatouillement est abolie, d’après M. Landry; cependant on l’a vue disparaître, alors que le contact continuait à être senti. (Beau.) Les sujets ont-ils perdu la sensation de la douleur, ils supportent avec une impassibilité complète les incisions, l’action du feu et des causti- ques les plus violens. Enfin il est des malades chez lesquels la seule sen- sation de température cesse d’être perçue. De toutes les paralysies partielles de la peau , celle qui s’observe le plus souvent à l’état d’isolement est l'analgésie; ainsi des individus qui sentent avec la dernière précision le contact d’un corps léger effleu- rant à peine la surface des tégumens, par exemple le passage des barbes d’une plume, peuvent être devenus en même temps absolument ineptes à percevoir la douleur ; on peut les piquer, les pincer, on peut leur traverser d’outre en outre un pli de la peau, sans qu’ils accusent la moindre souffrance. L’inverse s’observe rarement : lorsque le tact est aboli, du même coup la douleur se perd, ou, en d’autres termes, l’existence de l’anesthésie proprement dite implique presque toujours celle de l’analgésie. Il en est de même du sens de la température : il persiste bien rarement en l’absence du tact. Cependant M. Vulpian a ob- servé une hystérique chez laquelle toute sensibilité cutanée était annulée, excepté la faculté de sentir une très vive chaleur. Quoi qu’il en soit, ces divers étals isolés ou réunis, sont tantôt fixes, tantôt mobiles et erratiques. Il n’est pas rare non plus de trouver l’anes- thésie inégalement prononcée dans les diverses régions du corps : dans les unes, toute impression demeure sans effet; tandis que les autres sentent encore le contact, mais ne sentent plus la température ou la douleur, etc. b. L’anesthésie est assez vaguement accusée par les malades qui, la plupart du temps, en ignorent même l’existence et sont tout surpris quand on la constate chez eux pour la première fois; quelques-uns ce- pendant se plaignent d’engourdissemens, d’une certaine difficulté des mouvemens ; d’autres s’aperçoivent eux-mêmes de leur insensibilité sur- tout à l’égard de la douleur, mais ils ont en général de la tendance à y voir la preuve d’un courage naturel. c. 11 est quelques symptômes que l’on peut regarder comme des conséquences éloignées de l’anesthésie, tels sont : un certain degré NÉVROSES. 333 d’abaissement habituel de la chaleur, un défaut de résistance à la tem- pérature ambiante, un engorgement passif des capillaires veineux, l’état friable des ongles et de l’épiderrae, la tendance de la peau auasthésiôe à s’enflammer et môme à se gangrener sous l’influence du froid, de la chaleur, de la pression, la facilité avec laquelle des inflammations vési- culeuses y prennent naissance. Mais les faits de cette espèce appartien- nent aux anesthésies par altération organique et particulièrement par lésion profonde des centres nerveux; dans les anesthésies dites essen- tielles, c’cst-à-dirc se développant en dehors des conditions précitées, le plus souvent la nutrition des tégumens, leur coloration, leur aspect ne subissent aucun changement notable. 1939. Marche, durée, terminaison. — L’anesthésie étant un phé- nomène commun à un grand nombre de névroses ou de maladies apparte- nant à d’autres classes de la nosologie, il est impossible de résumer dans un énoncé général les innombrables variétés de sa marche et de sa durée. Au sujet de l’anesthésie essentielle ou symptomatique des ma- ladies nerveuses, on peut seulement remarquer qu’elle présente sou- vent un début brusque, comme lorsqu’elle succède à une attaque hysté- rique, une marche irrégulière, des disparitions, des récidives, des accroissemens dont les causes échappent à toute recherche. Lorsqu’elle diminue par degrés, on observe assez fréquemment qu’après avoir été totale, elle se limite à l’une seulement des sensations tactiles, et qu’elle abandonne successivement les régions qu’elle a occupées, avec cette particularité signalée par M. Beau, que le creux épigaslrique est souvent le dernier lieu où elle persiste. Quelquefois la peau avant de recouvrer sa sensibilité normale, passe par un état temporaire d’hyperes- thésie. •—La terminaison n’est jamais fâcheuse. 19A0. Complications.—L’anesthésie de la peau coïncide fréquemment avec celle des membranes muqueuses et, chez les hystériques, avec l’in- sensibilité de la conjonctive, principalement à gauche; il n’est pas rare de la voir accompagnée d’anesthésie des nerfs musculaires. —Une anes- thésie dans une partie de la peau se rencontre assez fréquemment asso- ciée à l’hyperesthésie d’une autre partie. Il y a plus : les mêmes nerfs dont les extrémités cutanées sont paralysées, peuvent être le siège d’une sensibilité morbide exagérée dans une autre partie de leur trajet ; de là cette anesthésie douloureuse pour l’intelligence de laquelle il faut se rap- peler comment le sensorium transpose à la périphérie les impressions nées dans un point quelconque du trajet d’un nerf. C’est ainsi qu’on trouve assez souvent au niveau des points douloureux, dans les cas de névralgie, par exemple, la peau privée de sa sensibilité, anesthésiée ou analgésiée, et cette paralysie concomitante peut occuper une étendue plus grande que celle où la douleur se fait sentir; elle envahirait même quelquefois toute une moitié du corps. (Türck.) — Nous grossirions beaucoup le chapitre des complications, si nous énumérions comme telles tous les 334 PATHOLOGIE MÉDICALE, symptômes qui se développent en même temps que l’anesthésie dans le cours de diverses maladies; car à un faible degré elle en accompagne un très grand nombre, ce qui même (pour le dire en passant) diminue beau- coup sa valeur au point de vue du diagnostic. 19M. Causes. — Nous ne ferons qu’indiquer les affections apoplec- tiques, comateuses, léthargiques, et les états analogues provoqués par l’absorption de certaines substances (telles que les vapeurs d’éther, de chloroforme), états dans lesquels les sensations tactiles cessent d’être perçues en même temps que toutes les autres. Il nous suffira également de mentionner les altérations du cerveau, de la moelle et des nerfs sen- sitifs qui détruisent l’aptitude à percevoir les sensations cutanées ou empêchent leur arrivée au sensorium. Nous devons signaler plus parti- culièrement : 1° Diverses influences qui paraissent agir directement sur les nerfs de la peau elle-même : telle est l’impression du froid (récemment utilisée en chirurgie); telle serait encore l’action de quelques substances irri- tantes, par exemple de la lessive chez les blanchisseuses : Romberg assure avoir fréquemment constaté chez ces femmes une insensibilité des mains et des avant-bras accompagnée d’engourdissemens pénibles. 2° La fatigue produite par la marche ou la course donnerait souvent lieu, au dire de Sandras, à une anesthésie des membres inférieurs. 3° L’action élective d’un certain nombre de substances toxiques ou médicamenteuses sur la sensibilité tégumentaire : préparations satur- nines, sulfure de carbone, bromure de potassium. Peut-être est-il permis de rapprocher de ces anesthésies celles qui accompagnent assez souvent certaines fièvres graves, typhoïdes ou autres. ' A° Vasphxyie, d’après les intéressantes recherches de M. Faure,dont M. Bouchut a poursuivi les applications à la pratique. 5° La plupart des névroses générales particulièrement l’hystérie, la chorée, les formes dépressives de la vésanie, presque constamment l’étal nerveux accompagné de dyspepsie, etc. il suit de cet aperçu sommaire des causes pouvant donner lieu à l’in- sensibilité des tégumens, que l’anesthésie, et nous y insistons, appartient en commun à un grand nombre d’affections, et qu’on ne saurait en aucun cas y voir autre chose qu’un symptôme. 19'j2. La physiologie pathologique de l’anesthésiq, cutanée est en- core fort incomplète. Aussi nous bornerons-nous à quelques remarques sur cet intéressant et obscur sujet. a. Tout «à l’heure, en énumérant les causes de l’anesthésiè, nous en avons signalé quelques-unes qui agissent en annihilant la perception des impressions sensitives par le cerveau ; d’autres qui détruisent la conductibilité des nerfs ou des portions des centres nerveux chargés de transmettre au cerveau ces mêmes impressions ; d’autres enfin qui altè- rent l’impressionnabilité de la peau elle-même. Comme type de l’anes- NÉVROSES. 335 thésie par défaut de perception on peut citer le coma; comme type du défaut de transmission, l’anesthésie qui succède à la section d’un nerf (voy. Anesthésie du trijumeau) où à la destruction de certaines parties de la moelle (faisceaux postérieurs) ; enfin l’anesthésie par refroidisse- ment paraît provenir du simple défaut d’impression sensitive. Mais si nous cherchons à classer d’après ces données les différentes circonstances étiologiques indiquées plus haut, nous rencontrons les plus grandes dif- cultés, surtout pour ce qui concerne les névroses. On peut même dire que cette étude a été à peine abordée, bien qu’elle paraisse devoir n’être pas sans une certaine utilité au point de vue du diagnostic et du trai- tement : par exemple, l’anesthésie légère si fréquente dans l’état ner- veux, chez les sujets affaiblis, est-elle de cause centrale ou périphérique? Jusqu’à quel point le contact ou, si l’on veut, le conflit dans le tissu de la peau des fibres sensitives et d’un sang dépourvu de qualités sti- mulantes est-il capable de produire à lui seul l’insensibilité ? De même l’anesthésie saturnine résulte-t-elle de l’action du plomb sur les centres nerveux ou sur les nerfs cutanés? Sans se prononcer dans un sens plutôt que dans un autre, on peut remarquer avec quelle promptitude les exci- tations thérapeutiques de la peau y ramènent quelquefois la sensibilité, circonstance qu’il paraît difficile de concilier avec la supposition d’un état morbide des centres nerveux. b. Les symptômes de l’anesthésie cutanée ne sont le plus souvent com- pliqués d’aucun changement dans la température, la circulation, la nu- trition de la peau ; lorsqu’on observe quelques-uns des phénomènes indiqués, tels que : refroidissement, engorgement veineux de la peau, facilité à s’enflammer sous l’influence de la pression, etc., c’est que, selon toute vraisemblance, en même temps qu’un état pathologique des nerfs sensitifs il y a affection des fibres ganglionnaires, et par consé- quent changement dans la contractilité des vaisseaux capillaires. Nous renvoyons à cet égard à ce qui a été dit à l’occasion de l’aneslhésie’en général. L’absence constante de semblables altérations trophiques est l’un des meilleurs caractères de l’anesthésie dite nerveuse. c. Quant à l’isolement des anesthésies particulières du tact, de la douleur et de la température, c’est un fait d’une réalité incontestable, mais dont l’explication reste à trouver. Convaincus de la spécificité réelle des trois sensations cutanées, plusieurs physiologistes se refusent à admettre que les mêmes élémens organiques puissent être chargés de toutes ces actions distinctes; en présence des faits morbides où, la dou- leur étant perdue, le tact persiste avec toute sa finesse, ils ont cherché et cru trouver dans l’anatomie de la peau la raison de cet isolement si singulier; de là l’idée d’attribuer des fonctions différentes à la couche superficielle et à la couche profonde du derme, à tel ou tel ordre de pa- pilles cutanées. Mais jusqu’à présent, ces recherches n’ont conduit à aucun résultat positif; c’est ce dont il faut convenir, alors même qu’on 336 PATHOLOGIE MÉDICALE. accepterait comme vrai le principe qui les a fait entreprendre. Principe d’ailleurs fort contestable, car en l’appliquant à l’analyse d’autres per- ceptions sensoriales, de la vision par exemple', il faudrait également} comme le fait observer M. Raige-Delorme, scinder et multiplier les sensations optiques, considérer comme distinctes la faculté de voir la forme des objets, celle d’en apprécier les couleurs, et même admettre un sens par chacune de ces couleurs. Au surplus, ne l’oublions point, si les anesthésies cutanées douloureuse et calorique existent assez fré- quemment sans que le tact soit perdu, par contre on ne possède que bien peu d’exemples où, le tari étant aboli, la douleur et la température continuent à être perçus. Et le fait seul de cette subordination habituelle suffirait pour jeter du doute sur l’indépendance prétendue complète de ces trois modes de sensibilité tactile. 1943. Diagnostic. — L’existence de l’anesthésie se constate sans autre difficulté que celle suscitée par la simulation ; il faut toujours être en garde contre quelque supercherie, principalement chez les hysté- riques. Le degré de l’anesthésie et sou espèce peuvent être appréciés avec une rigueur suffisante pour les recherches cliniques par les manœuvres que nous avons indiquées. Veut-on évaluer encore plus exactement le degré d’anesthésie tactile, on pourra se servir du procédé employé par E.-H. Weber pour comparer entre elles les diverses régions du corps au point de vue de leur sensibilité normale : ce procédé consiste, comme on sait, à toucher la peau avec les deux pointes émoussées d’un compas et à noter l’écartement plus ou moins considérable qu’on est obligé d’imprimer aux branches de l’instrument pour que le sujet éprouve la sensation de deux points touchés au lieu d’un seul point (voy. Hyperes- thésie de la peau, § 1860). C’est à l’aide de l’exploration directe que l’on vérifie le mieux l’exis- tence de l’anesthésie, ses limites précises et les variétés qu’elle présente. Après avoir pris la précaution de faire fermer les yeux au malade, on l’interroge sur les sensations que lui donne l’extrémité du doigt ou quel- que autre corps promené légèrement à la surface de la peau ; sur l’im- pression que produisent le tiraillement des poils, la pénétration d’une aiguille ou d’une épingle, le pincement, la pression, ou que fait naître le contact d’un corps chaud ou froid, tel qu’une éponge imbibée d’eau, une cuiller de métal. Les malades donnent souvent des réponses d’une remarquable netteté et formulent sans s’en douter la distinction si long- temps méconnue par les physiologistes des diverses sensations tactiles : Je sens, disent-ils, que vous me piquez, mais vous ne me faites pas souffrir (analgésie sans anesthésie) ; ou bien : Je sens la forme et la consistance du corps qui me touche, mais je ne saurais dire s’il est chaud ou froid (persistance du tact, perle de la sensation de tem- pérature). Névroses. Dans l’appréciation de l'anesthésie, il faut tenir compte d’un certain nombre de faits de physiologie normale dont l’ignorance pourrait con- duire à admettre un état morbide, là où il n’en existe point ; tels sont : le peu de sensibilité naturelle chez les en fans et chez les vieillards; l’im- pressionnabilité plus grande, dit-on, du côté gauche pour la chaleur; mais surtout l’inégale sensibilité des diverses régions du corps compa- rées entre elles. Tout à l’heure nous rappelions les curieuses recherches faites par E.-H. Weber, au moyen d’un compas dont les deux branches, suivant le degré de leur écartement, donnent la sensation tantôt de deux points touchés, tantôt d’un seul. Entre l’extrémité de la langue, où il suffit d’un intervalle d’une demi-ligne pour produire une sensation double, et la région rachidienne ou crurale dans lesquelles, à une dis- tance de 30 lignes, les deux pointes sont senties comme une seule, l’ex- périence montre une foule d’intermédiaires. Pour constater l’anesthésie cutanée, on peut également se servir de l’excitation par le courant électrique, en prenant la précaution de ne pas employer les excitateurs humides, mais bien des rhéophores métal- liques, et après avoir eu soin de recouvrir la peau d’une substance pulvé- rulente. Ce moyen permet d’établir le diagnostic entre l’anesthésie de la peau et celle des muscles. Nous y reviendrons plus loin. La valeur de l’anesthésie au point de vue sémiologique ne saurait être déduite de la seule étude du phénomène en lui-même. Quelque- fois, il est vrai, ce phénomène présente des particularités qui mettent sur la voie du diagnostic : c’est ainsi, par exemple, qu’une anesthésie complète et profonde appartient plutôt h l’hystérie, à l’intoxication saturnine.qu’à l’état nerveux simple ; c’est ainsi que la généralité et la mobilité de l’anesthésie éloignent l’idée d’une lésion matérielle, tandis que son siège exactement limité à la distribution d’un nerf et sa longue persistance dans un même point, devront faire soupçonner quelque altération anatomique, etc. Mais, nous le répétons, le plus souvent ces données fournies par l’anesthésie auront besoin d’être contrôlées par l’étude des phénomènes concomitans pris dans leur ensemble. Pronostic et traitement. — Sans gravité réelle par elle-même, l’anesthésie peut cependant présenter un pronostic grave, en raison des étals morbides qu’elle accompagne. C’est contre ceux-ci et non contre le symptôme anesthésie, que devront être dirigés les moyens thérapeutiques. Mais lorsque la cause de l’in- sensibilité a disparu et que la peau tarde à recouvrer ses fonctions sen- sorielles, ou encore lorsque l’anesthésie constitue l’un des élémens prédominans, et jusqu’à un certain point isolés, d’un état névropa- thique lui-même essentiel, un traitement excitant local peut devenir nécessaire. On met alors en usage les frictions, les bains chauds et sti- mulans, l’application de corps mauvais conducteur de la chaleur, les vésicatoires, les emplâtres irritans, le magnétisme, et surtout l’électrisa- 337 338 PATHOLOGIE MÉDICALE. lion de la peau à l’aide des plaques, des brosses ou des pointes métalli- ques : chez certains malades, cette dernière médication ranime instanta- nément la sensibilité depuis longtemps éteinte. ARTICLE XXXIV. ANESTHÉSIE DES NERFS MUSCULAIRES. 1945. Bibliographie. — Voyez celle de l’arlicle Anesthésie des nerfs de la peau, et de l’article Ataxie musculaire. Ch. Bell. The hand ; ils mechanism and vital endowments. Lon- dres, 1834, in-8, chap. IX: On the muscular sense. John Yelloly. History ofa case of anœsthesia (Tandon med.-chir. Transactions, 1812 (2e édit., Londres, 1816), t. II, p. 90). E.-H. Weber. De pulsu, resorptione, auditu ettactu. Leipzig, 1836, in-4. — Article Tastsinn. u. Gemeingefühl, déjà cité. Brach. Ueber einen nicht hinlànglich beob. Punkt ans d. Phys. der Nerven, u. eine eigenth. Art v. Làhmung {Med. Zeitschr. d. Vereins /. Heilk. in Preussen, 1840, n° 45), Gbrdy. Des sensations et de l'intelligence. Paris, 1846, in-8, p. 151. O. Landry. Traite complet des paralysies. Paris, 1859, in-8. Duchenne (de Boulogne). De Vélectrisation localisée. Paris, 1858, in-8 (2e édit., Paris, 1861, in-8, p. 389). — De l’ataxie locomo- trice progressive (Archives gén. de médecine, 1860, janvier). 1946. Les muscles de la vie animale, indépendamment des nerfs moteurs chargés de leur apporter les incitations des centres nerveux, possèdent encore d’autres nerfs, souvent accolés aux précédons et en ap- parence confondus avec eux, mais ayant des attributions fonctionnelles bien différentes. Ce sont les nerfs musculaires sensitifs, niés à tort par ceux qui ne veulent reconnaître au tissu charnu que la seule propriété d’être irritable. Ces nerfs centripètes transmettent au cerveau, entre autres modifications dont ils sont susceptibles, les impressions que leur font subir les états alternatifs de contraction et de relâchement des mus- cles ; ils nous avertissent ainsi de l’activité ou du repos de ces organes, et nous permettent d’en apprécier les degrés avec une étonnante préci- sion. Ils sont les agens du sens musculaire, — sixième sens, de Charles Bell, — sens de la force, de E.-H. Weber, — également appelé sen- timent du muscle en action (Ch. Bell), sentiment de l’activité muscu- laire (Gerdy), sentiment du mouvement (Brach), sans lequel le tact parfait et la locomotion régulière sont également impossibles. En effet, que le concours de ces nerfs musculaires vienne à manquer aux nerfs cutanés, ceux-ci pourront bien encore nous faire constater la présence des objets et leur température, mais ils ne nous renseigneront plus que NÉVROSES. d’une manière très incomplète sur l’étendue, le poids, la consistance, la surface lisse ou inégale des corps. Bien plus, les actes de la loco- motion, faute du sentiment qui leur sert de contrôle et de mesure, n’auront plus ni la précision ni l’harmonie de l’état normal. Étudier ces troubles fonctionnels, c’est faire l’histoire de l’anesthésie musculaire, état morbide qu’on a décrit encore sous les noms de paralysie musculaire sensitive, défaut de sens musculaire, perte du sentiment d’activité musculaire, abolition de la conscience musculaire (1). 19A7. Symptômes. — A. Ils se réduisent, en dernière analyse, au défaut d’apprécialion des divers états du muscle; mais, comme nous n’apprécions ces états que par les notions dont iis sont la source, c’est réellement l’impossibilité d’acquérir ces notions qui constitue le symptôme (Landry). Ainsi, dès que les malades cessent de voir leurs membres, ils n’ont plus conscience ni de leur position, ni même de leur existence. Au lit, ils les perdent pour ainsi dire, et sont obligés d’aller 5 leur recherche, ne sachant plus où ils sont. Ils ne se rendent pas compte de leur situa- tion, et ne peuvent dire s’ils sont placés dans l’adduction, l’abduc- tion, etc. Aussi parfois font-ils effort pour étendre ou fléchir un membre déjà étendu ou fléchi. Ils n’apprécient ni leurs mouvemens actifs, ni leurs mouvemens passifs. Ont-ils fait un mouvement, ils en ignorent l’étendue, et souvent ne savent pas s’il a eu lieu. Si, alors qu’ils ont l’intention d’en exécuter un, on les en empêche, c’est tout à fait à leur insu, et ils croient l’avoir exécuté parce qu’ils en ont eu la volonté. On peut leur imprimer des mouvemens passifs ; ou les leur com- munique à l’aide d’un appareil électrique, sans qu’ils les soupçonnent. Faites-leur soulever un corps lourd, s’ils ne l’ont pas vu préalablement, ils sont incapables d’en apprécier le poids même approximativement, et il leur paraît extrêmement léger. Leurs membres leur semblent aussi privés de pesanteur. Opposez-vous à leurs mouvemens actifs, ils n’ont aucune idée de la résistance qu’ils ont à vaincre, et ne proportionnent pas leur effort à l’énergie du vôtre. Qu’on leur plonge la main dans l’eau, ils jugent que c’est un liquide, à cause de l’impression cutanée; mais, en agitant la main, ils n’éprouvent pas celte molle résistance qui fournit la notion de fluidité aqueuse, et ils ne savent s’ils se meuvent dans l’air ou dans l’eau, à moins que le bruit ne le leur apprenne. Ils ne perçoivent pas mieux la solidité, et ne peuvent indiquer la consistance des objets qu’ils touchent. B. Tous ces phénomènes démontrent bien que la contraction des muscles a cessé d’être perçue par les malades ; mais le fait de l’anes- (1) Abolition delà conscience musculaire : cette dénomination a été réservée pour un état spécial de la sensibilité dont il sera question plus loin. Afin d’éviter toute équivoque, il est préférable d’exclure ce terme de la synonymie de l’anes- thésie musculaire simple. 340 thésie musculaire est encore plus directement prouvé, si l’on constate que la pression, le pincement, le massage des muscles ne donnent lieu à aucune sensation distincte ; si l’individu ne perçoit plus le pas- sage d’un courant électrique intense ; qu’on peut impunément lui en- foncer un instrument piquant dans les chairs (Yelloly), à la condi- tion, bien entendu, qu’il n’en soit pas averti par la sensibilité persistante de la peau. — Certains modes de sensibilité musculaire pourraient-ils être conservés alors que d’autres se trouveraient abolis? En d’autres termes, y a-t-il des anesthésies dans lesquelles, le sentiment de la con- traction musculaire étant perdu, les malades auraient encore conscience des impressions tactiles et douloureuses, telles que le pincement, le massage, l’électricité? Cette hypothèse a été émise, sans doute d’après l’analogie qui existe entre la sensibilité de la peau et celle des muscles ; mais jusqu’à présent la clinique ne la confirme point : loin de là, on voit constamment l’anesthésie musculaire ,sc caractériser par la perte simultanée de toutes les perceptions dont les muscles peuvent être le point de départ, que ces perceptions soient relatives à l’activité muscu- laire ou au contact, à la pression, à la douleur, etc. Signes fournis par l’examen des mouvemens volontaires. — Pour bien apprécier l’influence que l’anesthésie des muscles exerce sur les mouvemens volontaires, étudions d’abord les faits dans lesquels cet état pathologique se montre indépendant de toute altération de la inutilité; nous passerons ensuite aux faits plus complexes, où avec l’insensibilité musculaire existe un trouble de la motilité, tels que la faiblesse para- lytique ou le défaut de coordination des mouvemens. a. Anesthésie musculaire avec conservât ion de la motilité normale. — L’inconscience de la position des membres et des contractions mus- culaires apporte dans les divers actes de la locomotion, de la station, de l’équilibration, un trouble très marqué et caractéristique. Obligés de suppléer par la vue à la sensibilité musculaire qui leur manque, les malades présentent un ensemble de signes bien propres à faire ad- mettre une paralysie : leurs mouvemens ont trop ou trop peu d’am pleur, et, comme rien ne les en avertit, ils ne cherchent pas à corriger cette erreur; ils ne peuvent se tenir debout pendant quelques instans sans chanceler et risquer de tomber; la marche leur est presque im- possible; ils laissent facilement échapper les objets qu’ils tiennent entre leurs doigts, ou d’autres fois les brisent par une contraction trop éner- gique; tout cela quand ils ne peuvent surveiller des yeux leurs mou- vemens (quand ils se trouvent dans l’obscurité, qu’on leur fait former les yeux, que leur attention est détournée, ou encore dans les cas d’amaurose concomitante). Mais il est aisé de reconnaître qu’ils ne sont pas réellement affectés de paralysie aux trois signes que voici : à la vigueur musculaire qu’on leur voit déployer au besoin; — à la pré- PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 341 cision avec laquelle, en y regardant, ils exécutent tous les mouvemens qu’on leur commande; — au sentiment de légèreté des membres et à l’absence de fatigue, bien différons de la pesanteur et de la lassitude dont se plaignent les vrais paralytiques. b. Anesthésie musculaire coïncidant avec une paralysie du mouve- ment. — Lorsque la motilité est affaiblie ou éteinte en même temps que la sensibilité musculaire (comme cela arrive, par exemple, assez communément dans la paralysie hystérique), la perte de cette sensibi- lité ne pourra plus se traduire par les signes que nous venons d’indi- quer, puisque les plus tranchés de ces signes dérivent justement d’une opposition frappante entre la sensibilité qui est perdue et le mouvement qui persiste. Il ne reste alors pour attester l’anesthésie musculaire que les seuls phénomènes directs de cet état morbide, savoir : l’inconscience de la position des membres, le défaut de perception, soit de la douleur, soit dos mouvemens passifs, etc. (Voy. plus haut, B.) c. Anesthésie musculaire avec incoordination des mouvemens. —• Au lieu de la paralysie, c’est quelquefois un autre état de la motilité qui se combine avec l’anesthésie musculaire ; nous voulons parler du défaut de coordination, ou ataxie locomotrice (v. ce mot). Cette combinaison s’observe môme assez fréquemment pour qu’il ait d’abord paru naturel de rattacher l’un h l’autre les deux phénomènes coexistans, et d’envi- sager Y ataxie des muscles comme une simple conséquence de leur anes- thésie. Mais cette manière de voir est positivement contredite: 1° par les faits d’insensibilité profonde des muscles n’entraînant pas un défaut de coordination des mouvemens; 2° par les faits d’ataxie locomotrice très prononcée, sans anesthésie musculaire; 3° d’ailleurs, chez les indi- vidus ataxiques, il s’en faut que l’un de ces phénomènes soit habituelle- ment proportionné à l’autre : le désordre des mouvemens peut être extrême alors que la sensibilité musculaire est à peine diminuée. Cepen- dant l’isolement possible de chacun des deux élémens morbides n’implique pas un défaut de relation entre eux; il se concilie au contraire parfaite- ment avec l’existence d’une modification organique complexe, telle qu’on la trouve réalisée dans certaines lésions de la moelle ayant pour effet simultané l’insensibilité musculaire et l’incoordination. Bien plus : entre les faits où s’observe une anesthésie musculaire et ceux d'ataxie, quel- que différence qu’il y ait au point de vue de la physiologie pathologique, le clinicien est forcé souvent de reconnaître une analogie des plus grandes, quand il étudie l’ensemble des symptômes. C’est du reste une question que nous traitons avec plus de développement dans un autre article. (Voy. Ataxie du mouvement.) 19ù8. Phénomènes concomitans. — a. L’anesthésie musculaire s’ac- compagne fréquemment d'anesthésie cutanée; c’est sans doute en raison de celle association que la première a pu passer inaperçue pendant si PATHOLOGIE MÉDICALE. longtemps, et que les pathologistes n’ont pas su discerner l’insensibilité des parties profondes, masquée qu’elle était par les signes de l’insensibi- lité superficielle. Du reste, l’anestbésie de la peau, en pareille circon- stance , consiste tantôt en une perte du tact, tantôt seulement en une abolition du sentiment de la douleur ou de la température. — Il arrive quelquefois que la peau est hyperesthésiée au niveau même des muscles frappés d’insensibilité, b. Nous avons déjà indiqué les altérations du mouvement (paralysie proprement dite, incoordination des actes musculaires) qui peuvent se combiner avec 1’anestbésie des muscles, et qui font avec elle partie inté- grante de certains groupes symptomatiques, plutôt qu’elles n’en sont les complications. — Nous en dirons autant de l’amaurose et d’autres anes- thésies sensorielles plus rares, c. Il nous reste à mentionner un état morbide tout à fait spécial, signalé par M. Duchenne sous le nom de perte de Vaptitude motrice indépendante de la vue. Remarquons d’abord que ce phénomène ne s’observe jamais que chez les individus déjà atteints d’une anesthésie musculaire profonde; si bien que plusieurs auteurs n’ont voulu y voir qu’une simple exagération de celte même anesthésie. Voici maintenant en quoi consiste le phénomène : certains malades perdent complètement la faculté de mouvoir leurs membres quand leur vue et leur attention n'y sont pas fixées. Différensdes anesthéliques ordinaires qui conservent tou- jours l’aptitude à commencer des mouvemens volontaires, sauf, quand ils les ont exécutés, à en ignorer l’étendue et la force, les sujets dont nous parlons demeurent entièrement immobiles et comme paralysés dans l’obscurité, quand on leur masque les parties qu’ils veulent faire agir, ou quand on détourne leur attention; dans les conditions opposées, et cela à l’instant môme, ils recouvrent la faculté de faire des mouve- mens assez réguliers, comme dans l’anesthésie musculaire simple. Celle inertie étrange, qui ne permet même pas d'ébaucher un mouvement dans l’obscurité, est loin d’être fréquente chez les anesthéliques; le plus souvent elle est partielle, bornée à un seul membre. Elle équivaut à une paralysie véritable dans l’obscurité, puisqu’alors, en dépit de la volonté, les muscles ne se déterminent pas à entrer en jeu. M. Duchenne pense qu’il y a en pareil cas perte d’une aptitude toute spéciale, l’apti- tude au mouvement, sorte d’instinct locomoteur (Bourdon), qui chez l’homme sain s’exerce indépendamment de la vue, et qui paraît inter- venir dans le moment précis et imperceptible qui suit la volition et pré- cède la contraction musculaire. Quoi qu’il soit de cette explication, il est certain qu’il s’agit ici d’un ordre de faits curieux et spéciaux, On ne peut les faire rentrer dans la paralysie du mouvement propre- ment dite, puisqu’il suffit au prétendu paralytique de regarder sa main, par exemple, pour l’ouvrir et la fermer à sa volonté, quand l’instant aupa- ravant il la laissait ouverte tout en croyant l’avoir fermée, et vice versa. NÉVROSES. 343 Peut-on davantage identifier ces faits avec ceux d’anesthésie musculaire simple? Non, car celle-ci n’empêche pas l’individu qui en est atteint, fût-ce au plus haut degré, de fléchir ou d’étendre les doigts dans l’ob- scurité : il le fait mal, avec une force disproportionnée au but que sa volonté se propose, mais il le fait cependant, tandis que l'anesthésique affecté d'inaptitude motrice ne peut même commencer un mouvement quelconque, à moins de s’aider de la vue et de préméditer chacun de ses actes musculaires. Un point important à noter, c’est que l’inertie musculaire dont il est ici question (perte de l’aptitude motrice, aboli- tion de l’instinct locomoteur, défaut de conscience musculaire), dispa- raît assez facilement sous l’influence des moyens excitans qui agissent exclusivement sur les muscles ou les nerfs musculaires, telle que la faradisation; on peut la faire cesser isolément dans tel ou tel muscle en y limitant l’excitation ; ce qui semble prouver que l’altération fonction- nelle, et par conséquent aussi la propriété physiologique dont elle exprime l’abolition, ne siègent point dans les centres nerveux, mais à la périphérie, dans le système musculaire lui-même. 19fi9. Mode de développement et marche de l'anesthésie musculaire. — On ne connaît pas bien la manière dont l’anesthésie musculaire dé- bute et s’accroît dans les diverses maladies dont elle est le symptôme. M. Landry parle d’engourdissement et de fourrnilleraens dans les mem- bres comme phénomènes précurseurs ; mais il est évident que ce sont là des symptômes un peu plus hâtifs des mêmes affections spinales qui plus tard donnent lieu à l’insensibilité des muscles. Presque toujours, quand on constate cet état morbide, il est déjà très marqué, et ses premiers degrés échappent le plus souvent à l’attention des observateurs. D’une manière générale, l’anesthésie musculaire paraît être un phénomène moins mobile que l’anesthésie de la peau, et il est digne de remarque que, même dans l’hystérie, elle ne présente point ces brusques alter- natives et ces irrégularités capricieuses que nous offrent plusieurs autres symptômes anesthétiques de la même névrose. 1950. Etiologie. — Encore très peu connue. M. Landry dit avoir ob- servé l’anesthésie musculaire le plus souvent chez des femmes, et à l’âge moyen de la vie, et l’avoir vue se rattacher à la chlorose, à l’hystérie, à l’épuisement produit par la dyspepsie, par des pertes séminales, par des voraissemens opiniâtres, des privations, des chagrins. D’après ces indi- cations, le phénomène qui nous occupe dériverait des mêmes causes qui président à l’apparition des autres symptômes de l'état nerveux. D’une autre part il est aujourd’hui avéré que parmi les sujets étudiés par M, Landry plusieurs étaient affectés d’incoordination du mouvement, et nous verrons que celle-ci (dans sa forme la plus ordinaire qui a reçu le nom d'ataxie locomotrice) se rattache à une altération atrophique de certains faisceaux de la moelle épinière ; or cette altération est plus fréquente chez les hommes, et prend fréquemment naissance en dehors PATHOLOGIE MÉDICALE. de toute névropathie chez des individus disposés au rhumatisme, etc. En résumé, les causes indirectes de l’anesthésie musculaire parais- sent être : 1° l'état nerveux, dépendant lui-même ou indépendant de l’hystérie ; ‘2° les diverses circonstances qui favorisent ou déterminent les lésions chroniques du cordon spinal. 1951. Physiologie pathologique. —a. Il serait aujourd’hui superflu d’insister sur les faits nombreux et décisifs qui démontrent l’existence d’une sensibilité musculaire, et l’importance du rôle que joue cette sen- sibilité dans l’accomplissement régulier des mouvemens volontaires. A ceux qui conserveraient des doutes à cet égard, nous indiquerions, parmi les preuves les plus récentes, les expériences de M. Cl. Bernard, dans lesquelles ce physiologiste, après avoir pratiqué la section des racines postérieures des nerfs rachidiens, a étudié le trouble de la locomotion consécutif à la paralysie du sentiment musculaire. (Cl. Bernard, Leçons sur le système nerveux. Paris, 1858, in-8, t. I, p. 24(1.) Voir aussi un mémoire de M. Szokalski {Einfluss des fünften Nervenpaares, Archiv für phys. Heilk., 18Ô9, t. VIII, p. 317), sur l’action des fdels (sensitifs) de la cinquième paire qui se rendent dans les muscles mo- teurs de l’œil, filets sans lesquels nous ne pourrions apprécier ni la po- sition, ni les dimensions, ni les mouvemens des objets visibles. Rien de mieux démontré, que cette proposition : La sensibilité musculaire existe. b. Une autre proposition, qui paraît également bien établie aujour- d’hui, c’est que la sensibilité musculaire est une. Si dans la peau nous rencontrons indépendantes l’une de l’autre, ou tout au moins isolables, l’aptitude à sentir le contact, et l’impressionnabilité à la douleur ou à la température, les muscles au contraire ne nous montrent qu’un mode unique de sentir : en d’autres termes, un muscle devenu indifférent aux impressions tactiles, perd toujours du même coup la faculté de sentir et la douleur, et l’état soit d’élongation, soit de raccourcissement où le placent les mouvemens actifs et passifs. Il n’y a donc pas lieu d’ad- mettre les trois modes de sensibilité musculaire dont on avait cherché à distinguer dans les maladies l’abolition partielle, savoir : la sensibilité musculaire tactile (contact, palper, massage, etc.), la sensibilité muscu- laire douloureuse (douleur myosalgique, douleur de crampe) et la sen- sibilité de contraction (sens ou conscience musculaire de Ch. Bell, sentiment d’activité musculaire de Gerdy). c. Nous savons que toute sensation complète se compose de trois élémens successifs:!0 une impression faite à l’extrémité des nerfs; 2° la transmission vers le cerveau de la modification quelconque que ces nerfs ont subie; 3° sa perception par le sensorium. Conséquent - ment toute anesthésie peut dépendre: 1° d’un manque d’impression- nabilité; 2° d’un défaut de transmission ; 3° de l’absence de perception cérébrale. NÉVROSES. Il est certain que l’insensibilité musculaire, comme celle de la peau et des autres organes, reconnaît pour cause tantôt l’une, tantôt l’autre de ces trois conditions organiques; que, par exemple, l’absence d’im- pression s’observe dans les cas d’insensibilité par réfrigération d’un membre; la non-transmission, chez les individus dont les nerfs ou les racines spinales postérieures sont interrompus par une section trau- matique ou une lésion morbide; enfin le défaut de perception, dans les maladies avec perte de connaissance, etc. Mais il s’en finit que l’on con- naisse exactement le mécanisme de l’anesthésie musculaire dans toutes les maladies que ce symptôme accompagne. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, dans l’hystérie, cette anesthésie est-elle périphérique, ou tient- elle à un état morbide des centres nerveux, de la moelle ou de l’encé- phale? En faveur de la première manière de voir on peut alléguer un fait important; le retour de la sensibilité musculaire sous l’influence d’une médication qui, comme la faradisation, s’adresse exclusivement h la périphérie nerveuse; cependant la question est loin d’être résolue pour tous les cas de ce genre. Nous pourrions indiquer une foule d’au- tres circonstances où la solution demeure également douteuse. Disons cependant que chez bon nombre de malades l’insensibilité musculaire semble appartenir à la classe des anesthésies par défaut de transmission ; c’est ce qui a lieu notamment dans les faits étudiés par M. Landry (Mémoire sur les sensations tactiles, déjà cité) et par M. Duchenne [De l'ataxie locomotrice, loc. cit.), et dans lesquels les lésions anatomiques consistent h peu près constamment en une alté- ration atrophique des racines et des faisceaux postérieurs de la moelle épinière. d. Quant aux effets de l’anesthésie musculaire, soit sur le tact, soit sur le mouvement volontaire, ils ont été suffisamment analysés dans la symplomatologie pour qu’ici nous n’ayons plus qu’à les résumer. En l’absence du contrôle exercé par le sentiment sur l’activité mus- culaire, malgré la persistance de la volonté qui commande et de la con- traclilité qui obéit, les mouvemens manqueront forcément de pré- cision et de mesure; toutefois le sens de la vue pourra suppléer ici le sens musculaire aboli (à peu près comme chez les aveugles le toucher remplace la vision), et si le malade a soin de surveiller des yeux les mouvemens qu’il exécute, il arrivera h leur rendre leur apparence nor- male. Rétablissement possible des mouvemens réguliers avec l’aide de la vue, tel est le fait caractéristique de l’anesthésie musculaire, sup- posée exempte de complication : tout malade chez lequel ce rétablis- sement ne s’observe pas, a autre chose et plus qu’une simple anesthésie des muscles. En effet, si, malgré le contrôle de la vue, malgré l’attention fixée sur ses membres, l’individu ne parvient pas à se mouvoir avec une régu- 346 PATHOLOGIE MÉDICALE. larité et une précision à peu près normales, c’est que chez lui, outre la lésion de la sensibilité musculaire (et quelquefois même indépen- damment de toute altération appréciable de celte sensibilité), il existe une condition pathologique spéciale : l’incoordination des mouvemens. D’une autre part, les effets de l’insensibilité musculaire ne dépassent pas les limites précises que nous venons d’indiquer, et il ne suffit pas de celte paralysie pour donner lieu au fait suivant : que la vue ou l’atten- tion soit détournée, et le malade devient incapable de se déterminer au mouvement, de mettre ses muscles en jeu : il veut ouvrir la main, et la main reste fermée; il veut la fermer, et elle demeure ouverte. Ici, ce qui manque, ce n’est pas la volonté, puisqu’il suffit aux malades affectés de cette étrange inertie musculaire de porter la vue et l’attention sur les parties à mouvoir, pour qu’à l’instant même la volifion reprenne ses droits et pour que ses ordres soient exécutés ; — ce qui manque ce n’est pas non plus la seule sensibilité musculaire, car cette sensibilité consiste à percevoir le muscle en action, et par conséquent ne saurait s’exercer que postérieurement à cette action ; or nous venons de dire que les muscles sont demeurés inactifs. Il est vrai que l’altération fonc- tionnelle dont il s’agit se rencontre uniquement chez les sujets atteints d’insensibilé musculaire; mais tous ceux dont les muscles sont anesthé- siés, même au plus haut degré, ne la présentent pas ; d’où l’on conclut que cet élément inconstant, qui peut se surajouter à l’anesthésie muscu- laire, comme il peut manquer, représente le trouble d’une action ner- veuse toute particulière : conscience musculaire, aptitude motrice indé- pendante de la vue (Duchenne), instinct locomoteur (Bourdon). On sait peu de chose en physiologie sur cette aptitude motrice ou cet instinct du mouvement (1); mais il est un fait qui tendrait à prouver, sinon l’identité de l’aptitude motrice et du sentiment musculaire, au moins la connexion qui existe entre eux : c’est que pour rétablir l’aptitude motrice perdue, il suffit quelquefois des mêmes moyens qui servent à rappeler la sensibilité musculaire; ce fait thérapeutique est important et paraît bien difficile à concilier avec la théorie qui envisage l’aptitude motrice comme une faculté psychique ou tout au moins centrale. e. Les observations cliniques de Yelloly, de Brach, de M. Landry, de (1) « Il n’est pas bien certain, dit Jean Müller, que l’idée de la force employée à la contraction musculaire dépende uniquement de la sensation. Nous avons une idée très exacte de la quantité d’action nerveuse partant du cerveau, qui est nécessaire pour produire un certain mouvement. 11 serait très possible que l’idée du poids et de la pression, dans le cas où il s’agit soit de soulever, soit de résister, fût en partie au moins, non pas une sensation dans le muscle, mais la notion de la quantité d’action nerveuse que le cerveau est excité à mettre en jeu. » (Manuel de physiologie, trad. Jourdan, annotée par E. Littré. Paris, 1850, t. II, p. 480.) NÉVROSES. M. Duchenne, démontrent l’existence d’un phénomène ou état morbide bien nettement délimité, et qui correspond à la perte du sentiment musculaire. Mais la réalité de cette paralysie étant mise hors de doute, il s’agit d’en déterminer la signification pathologique. Quelquefois, bien que rarement, l’anesthésie musculaire est l’unique fait appréciable, et constitue, comme on dit, à elle seule toute la maladie : il en est ainsi lorsqu’elle succède à un refroidissement (encore, dans l’observation de Yelloly, la seule peut-être qu’on puisse citer comme exemple à l’appui, y avait-il simultanément anesthésie de la peau du membre supérieur et de la plupart des branches nerveuses). Presque toujours ce n’est là que l’un des symptômes d’une maladie, qu’un trouble fonctionnel associé à d’autres en nombre plus ou moins con- sidérable; c’est à ce titre que l’anesthésie musculaire s’observe d’une part dans l’hystérie, d’autre part dans les cas de lésions atrophiques de la moelle épinière, etc. Donc, et cette conclusion est importante, l’anesthésie musculaire est loin d’avoir toute la valeur qui lui a été d’abord attribuée ; donc sa présence ou son absence ne suffit ni pour caractériser une maladie spéciale, ni pour faire admettre deux ma- ladies différentes si, à l’anesthésie près, deux faits donnés présentent une suffisante analogie dans leurs causes, leur marche, leurs termi- naisons habituelles. Ainsi les cas étudiés par M. Landy, comme preuves de l’anesthésie musculaire, et ceux dans lesquels M. Duchenne a reconnu l’ataxie du mouvement, avec ou sans anesthésie des muscles, ces deux ordres de faits, disons nous, très distincts au point de vue physiolo- gique, sont cependant identiques, ou peu s’en faut, pour le clinicien. Identiques en ce sens que les mêmes lésions de la moelle (soit pour fixer les idées, une atrophie du cordon spinal) pourront donner lieu, suivant leur degré d’étendue et de profondeur, chez l’un à l’incoor- dination seule du mouvement, chez un autre à l’incoordination avec anesthésie musculaire, chez un troisième peut-être à la seule anesthésie. Or, de même que l’encéphalite est pour le médecin une unité patho- logique suffisamment homogène et bien définie, alors même que l’un des symptômes habituels: convulsions, paralysies, coma, troubles senso- riels, vient à faire défaut ; de même aussi les affections spinales chro- niques, malgré quelques variations dans leurs symptômes sensitifs ou moteurs, resteront semblables à elles-mêmes, du moins quant à leurs caractères fondamentaux et essentiels. L’intérêt que nous offre l’analyse physiologique des fonctions troublées, ne doit pas nous faire perdre de vue celui bien plus considérable qui s’attache à la synthèse rationnelle des groupes de lésions et de symptômes, car le moindre inconvénient d’un procédé d’étude trop étroitement sémiologique serait d’entraîner à une multiplication excessive des espèces morbides et à la confusion d’espèces réellement différentes. 1952. Diagnostic. — A. Pour constater directement l’existence de 348 PATHOLOGIE MÉDICALE. l’anesthésie musculaire, on peut se servir du palper, mais préférable- nient de l’électricité. M. Duchenne expose de la manière suivante le procédé dont il se sert pour l’exploration de la sensibilité musculaire. Après avoir recherché l’état de la sensibilité cutanée en passant sur sa surface des corps rudes ou doux, on pratique l’excitation électro-cutanée, en plaçant des rhéophores métalliques pleins sur différons point de la peau, préalablement dessé- chée par une poudre absorbante, et en faisant passer un courant d’induc- tion à intermittences rapides : on produit alors, si la sensibilité est nor- male, des sensations qui varient, selon le degré de force employée, du simple chatouillement à la brûlure la plus vive. On procède ensuite à l’exploration des organes placés sous la peau, et pour cela on remplace les rhéophores métalliques secs par des excitateurs humides. Par ce pro- cédé le courant traverse la peau sans l’exciter, et l’on constate, quand la recomposition se fait dans les muscles, que la contraction est accompagnée d’une sensation de torsion, de crampe ou de contusion. Si dans ces ex- périences le sujet n’accuse aucune sensation pareille, c’est que la sensi- bilité est abolie. Quand un individu a seulement conservé la sensibilité d’une articulation, il a conscience de ses mouvements, sans éprouver la sensation spéciale de l’excitation électro-musculaire qui provoque ce mouvement. B. Pour distinguer l’anesthésie musculaire de celle de la peau, le procédé qui vient d’être indiqué suffit. — On évitera tout aussi sûrement de confondre l’anesthésie des muscles avec leur paralysie. Sans doute, au premier abord, en voyant le malade impuissant à bien mouvoir ses membres, l’hésitation est permise. Mais le diagnostic devient facile, si l’on tient compte des caractères les plus saillans des deux états morbides. Dans le cas de paralysie musculaire, la difficulté ou l’impossi- bilité de se mouvoir est réelle, la contraction volontaire étant affaiblie ou nulle, ce dont on peut s’assurer de mille manières, et en particulier par l’emploi du dynamomètre. Dans la paralysie du sentiment musculaire, la contraclilité est au contraire bien intacte, et le malade exécute facile- ment et avec énergie tous les mouvemens qu’on l’engage à faire, pourvu qu’il soit à même de les surveiller attentivement du regard. Ce qui dis- tingue encore l’anesthésie musculaire de la paralysie du mouvement, c’est que, dans celle-ci, les membres paraissent plus lourds que d’ordinaire, plus difficiles à mouvoir, et les corps d’un poids médiocre semblent très pesans; au contraire, les malades affectés de paralysie du sentiment musculaire, trouvent leurs membres trop légers, trop faciles à mouvoir, et ne perçoivent pas la pesanteur des objets qu’ils soulèvent ; enfin, chez les paralytiques, l’irritabilité musculaire est souvent diminuée ou abolie (Landry). Après les détails dans lesquels nous sommes entré pour faire ressortir NÉVROSES. ce qu’il y a de tout spécial dans le trouble du mouvement suite d’in- sensibilité musculaire, il nous paraîtrait superflu de donner de nou- veaux dévcloppemens au diagnostic différentiel de celte anesthésie et de divers autres états morbides, tels que la paralysie générale des aliénés ou les affections spasmodiques, la chorée par exemple. Non-seulement chacune de ces affections paralytiques ou convulsives a des signes pro- pres qui ne permettent de la confondre avec aucun autre, mais encore, à ne considérer que le seul trouble de la motililé, il faudrait une bien grande inattention pour méconnaître l’anesthésie qui nous occupe ; c’est à peine, en effet, s’il existe quelque analogie, même apparente, entre le tremblement des muscles ou leur contraction convulsive, d’une part, et d’autre part le phénomène si remarquable de l’anesthésie muscu- laire : contraction volontaire persistant dans toute sa vigueur, à la con- dition que la vue puisse suppléer à la sensibilité musculaire amoindrie ou disparue. Nous n’insisterons donc pas davantage sur ce point. La distinction entre l’anesthésie musculaire et l’état morbide décrit par M. Duchenne sous le nom d’otaxie locomotrice progressive, peut être plus embarrassante. Nous nous réservons de consacrer un article spécial à cet objet. G. Un point important est de décider si l’anesthésie musculaire existe à l’étal d'isolement ou se trouve combinée avec d’autres modifications de la sensibilité et du mouvement, c’est-à-dire de reconnaître la pré- sence soit de l’anesthésie cutanée coïncidente, soit des paralysies mus- culaires, soit de l’incoordination du mouvement, soit enfin de cette inaptitude à se déterminer au mouvement dont nous avons indiqué les signes spéciaux et caractéristiques. La constatation de ces concomi- tances, qui conduit au diagnostic de la maladie, ne présentant aucune difficulté particulière, nous nous contenterons de renvoyer aux articles qui traitent de ces diverses modifications de la sensibilité et de la moti- lilé. L’étude du phénomène pris en lui- même, de son mode d’appari- tion, de sa marche, l’examen des états morbides qui l’ont précédé ou qui coïncident avec lui, tous ces élémens devront concourir h la déter- mination de la cause prochaine des accidens, et c’est ainsi qu’on recon- naîtra tantôt l’origine hystérique de l’anesthésie musculaire, tantôt sa cause rhumatismale, tantôt enfin l’existence des lésions plus ou moins graves de la moelle auxquelles elle se rattache, etc. 1953. Pronostic et traitement. — D’une manière générale, le pro- nostic de cette espèce d’anesthésie doit être considéré comme assez fâ- cheux, au moins d’après les faits recueillis jusqu’ici; il s’agit là d’un état plus grave que bien des paralysies musculaires et surtout que les troubles du sentiment cutané; mais sa gravité est essentiellement subor- donnée à la nature de la cause productrice : comment porter le même pronostic sur une affection qui tantôt dépend d’une lésion de la moelle et 349 350 PATHOLOGIE MÉDICALE. tantôt d’une simple névrose ! Ce sont les cas de cette dernière espèce et quelques faits d’anesthésie musculaire ayant succédé à un refroidis- sement, que M. Duchenne a en vue quand il indique la curabilité comme l’un des caractères ordinaires de l’anesthésie des muscles; dans les faits nombreux où cet état morbide est le symptôme d’une désorganisation de la moelle, il résiste à toute médication ; cependant son incurabilité n’est pas assez démontrée pour décourager toute tentative thérapeu- tique. Lorsque l’anesthésie se montre avec les caractères d’isolement ou de simplicité précédemment signalés, il convient de recourir à un ré- gime et à une médication toniques, à l’excitation directe des nerfs mus- culaires par l’électrisation, peut-être à l’administration de la strychnine. ARTICLE XXXV DE QUELQUES AUTRES ÉTATS MORBIDES ANESTHÉTIQUES. 195ù. Les membranes muqueuses possèdent comme la peau la sen- sibilité taclile, douloureuse et calorique, mais à un degré, en général, infiniment moindre. Toutefois sur les limites où le tissu tégumentaire change tout ensemble de structure et de propriétés, ces membranes (con- jonctive, muqueuse nasale, buccale, uréthrale, vaginale, etc.) se rappro- chent de la peau sous le rapport de leur sensibilité ; il en est même, comme la muqueuse du bout de la langue, qui à cet égard ne le cèdent point aux régions les plus favorisées des tégumens, d’autres encore qui les surpassent (conjonctive cornéenne, comme vivacité de la sensibilité douloureuse). Des causes analogues à celles que nous avons vues déter- miner l’abolition ou l’affaiblissement des sensations cutanées peuvent donner lieu à l’anesthésie des membranes muqueuses et des organes qu’elles tapissent. Mais jusqu’à présent ces états pathologiques n’ont été que fort incomplètement étudiés: on s’est borné la plupart du temps à noter en passant que la langue, la conjonctive oculaire, la vessie, le vagin, le clitoris étaient en même temps que la peau privés de leur sen- sibilité ; pour d’autres parties plus profondément situées, une semblable anesthésie a pu être soupçonnée avec plus ou moins de vraisemblance, mais non directement démontrée : dans l’impossibilité de les mettre en rapport avec des agens qui puissent y faire naître des sensations tactiles, on est presque toujours réduit à admettre l’anesthésie des organes pro- fonds quand on constate l’absence de la douleur, dans telles conditions pathologiques où l’on suppose qu’il devrait s’en produire. Si la sensibilité des viscères pouvait être interrogée directement, le médecin y trouverait peut-être l’explication de bien des phénomènes obscurs; plus d’une perturbation des fonctions viscérales n’est sans doute que la conséquence d’une anesthésie des membranes muqueuses : les excitans physiologiques cessant d’impressionner les surfaces de la NÉVROSES. 351 manière habituelle, il doit s’ensuivre le trouble ou le défaut des actions organiques dont cette impression est le stimulant nécessaire et comme le premier chaînon : la contraction des conduits et des réservoirs muscu- leux, les sécrétions glandulaires ne peuvent manquer d’être entravées par le seul fait d’une semblable anesthésie ; de là peut-être tant de para- lysies, de rétentions, dont le point de départ reste inconnu. M. Gendrin a admirablement fait ressortir l’importance de ces anesthésies internes. Leur étude pourra conduire un jour à une interprétation plus ration- nelle et à une médication mieux dirigée d’une foule d’états morbides. 1955. Il est un certain nombre de modes de sensibilité qui ont reçu le nom de sens internes ou besoins : faim, soif, désir du rapprochement sexuel, besoin d'excrétion urinaire et fécale, etc. Ce serait une erreur de croire qu’il existe pour chacun de ces sens un organe spécial; que par exemple la muqueuse de l’estomac soit le siège de la sensation de la faim, la muqueuse pharyngée le siège de la soif, la muqueuse des voies géni- tales celui du sens génésique : s’il en était ainsi, les états morbides des sens internes rentreraient intégralement dans la pathologie des mem- branes muqueuses. Mais il importe de noter ce double fait expéri- mental qui est incontestable, à savoir 1° que les besoins auxquels nous faisons allusion peuvent prendre naissance en dehors des circonstances physiologiques qui les provoquent d’ordinaire, et que notamment ils se font sentir avec une vivacité insolite, lorsque certains points particuliers de l’organisme ont subi quelque modification pathologique : c’est ainsi qu’une faim canne s’observe dans diverses gastralgies, que la soif accompagne la sécheresse du pharynx, et qu’un érotisme morbide con- duit à des excès vénériens tant de sujets affectés de blennorrhée chro- nique; que Je ténesme est un symptôme d’hémorrhoïdes, de dysenterie. — 2° A ces sortes d’hyperesthésies des sens internes, on peut opposer autant d'anesthésies spécifiques ; exemple : l’anorexie et l’absence de soif si fréquentes chez les sujets nerveux et par laquelle s’expliquent les faits d’abstinence, prolongée pendant plusieurs jours et plusieurs se- maines que l’on a notés chez quelques hystériques. (De pareilles priva- tions ne sont-elles pas à la sensation de la faim ce que les tortures im- passiblement supportées par les mêmes femmes sont à la sensation de la douleur ? ) De même, c’est une véritable anesthésie du sens de la procréation que cette forme de l’impuissance nerveuse appelée syncope génitale, impuissance assez fréquente chez l’homme, plus commune chez les femmes, et entre autres chez les femmes hystériques. La consti- pation qui accompagne presque constamment les névroses est générale- ment attribuée à une paralysie des fibres musculaires de l’intestin ; mais, lorsqu’une semblable paralysie existe, n’est-elle pas plutôt la conséquence de la rétention des matières, résultat elle-même du défaut de besoin d’expulsion, etc. î 352 PATHOLOGIE MÉDICALE. DEUXIÈME ORDRE DES NÉVROSES. NÉVROSES DE LA M0TIL1TÉ. ARTICLE XXXVI. NÉVROSES CONVULSIVES ET SPASMODIQUES (HYPERCINÈSES). Considérations générales. 1956. Synonymie. Définition. —'Les mots convellere et ana-j (d’où convulsio, ij-Ka'jyo;) ont tous deux la signification tirer, « parce que, dit Sauvages, les anciens, qui ne distinguaient guère les tendons des nerfs, pensaient que les convulsions provenaient de la rétraction des nerfs vers leur principe. » Celle interprétation s’appliquerait mieux au synonyme : distension des nerfs (Celse). Les autres synonymes sont : tétanos (Hip- pocrate) ; synoque (Arétée) ; conductions (Cœlius Aurelianus), etc. Nous abordons l’étude des névroses qui ont pour caractère principal, sinon unique, l’état morbide de la motilité que l’on appelle convulsion et spasme. Il est vrai que plusieurs maladies (l’hystérie, la chorée, l’épi- lepsie et d’autres) présentent à l’observation des phénomènes de cet ordre; mais ces maladies se composent d’un trop grand nombre de symptômes, et ceux-ci dénotent trop manifestement une perturbation dans l’ensemble de l’activité nerveuse, pour qu’il soit rationnel de les dénommer d’après un seul de leurs élémens; ce sont là des névroses complexes, convulsives par une de leurs faces, paralytiques, hypereslhé- siques, délirantes, etc., par les autres. Pour se faire une juste idée de ces affections, il faut les étudier dans leur état de complexité natu- relle; aussi leur consacrerons-nous un chapitre particulier. Mais en s’en tenant même aux névroses convulsives et spasmodiques proprement dites, dans le sens restreint indiqué tout à l’heure, on s’aperçoit encore qu’elles sont loin d’être toujours simples, et que le trouble de la motilité n’est pas le seul symptôme qui les constitue; le plus souvent, il s’y mêle d’autres modifications fonctionnelles de divers ordres, quoique assez légères, assez effacées, pour qu’on puisse, jusqu’à un certain point, en faire abstraction. N’oublions pas, d’ailleurs, que par suite de l’inévitable consensus de toutes les portions du système ner- veux, il est rare de rencontrer à l’état de pureté absolue une altération fonctionnelle quelconque, et que si l’on renonçait à établir entre les névroses des distinctions fondées sur la simple prédominance de telle ou telle série de phénomènes, toute classification physiologique de ces affections deviendrait impossible. Cela est surtout vrai quand il s’agit des altérations de la motilité, le mouvement étant de soi un acte infini- ment compliqué et comme l’aboutissant de toute une série d’autres actes vitaux successifs, ainsi que nous aurons soin de le démontrer plus loin. L’énoncé : névroses convulsives comprend deux termes ; le premier {névrose) a été défini ; il nous reste h préciser le sens du deuxième. Or dans l'acception rigoureuse que les auteurs modernes accordent assez généralement à ces deux mots, la convulsion esl une contraction morbide des muscles de la vie de relation, et le spasme une contraction morbide des muscles de la vie végétative. Quant au critérium qui doit faire ranger parmi les phénomènes de l’ordre pathologique tel mou- vement qualifié de convulsion et de spasme, c’est tantôt: l°Ia violence ou la durée ou la fréquence exagérée de la contraction ; tantôt 2° la cause même qui détermine le mouvement, cause qui n’est ni la voli- lion pour les muscles dits volontaires, ni pour les autres muscles une excitation utile à l’accomplissement d’une fonction normale. 1957. Divisions. — a. La différence entre les convulsions et les spasmes est fondée sur le genre de nerfs, cérébro-spinaux ou ganglion- naires, qui se rendent aux parties affectées et sur la nature des fibres musculaires, striées ou lisses, que l’anatomie y démontre. Mais on prévoit que l’un ou l’autre nom pourra être employé presque indiffé- remment quand il s’agira de certains organes qui possèdent ces deux ordres de fibres nerveuses et charnues, tels que le pharynx par exemple, ou de certains groupes d’organes fonctionnellement associés, comme le sont l’estomac et les parois abdominales dans le vomissement, ou encore l’intestin, les parois abdominales et le périnée dans la défécation, etc. — D’autres distinctions importantes reposent : h. Sur la durée de la contraction : celle-ci est-elle permanente ou tout au moins la voit-on se prolonger pendant une ou plusieurs mi- nutes sous forme de roideur, elle prend alors le nom de tonique ou tétanique, quelquefois de contracture (tonisme de certains auteurs) ; elle est appelée clonique (clonisrne) quand les muscles éprouvent une série de contractions et de relâchemens rapides ; c. Sur la cause prochaine des phénomènes convulsifs. A cet égard on admet que les convulsions sont idiopathiques ou essentielles, quand elles constituent à peu près le seul phénomène morbide appréciable, et que, de plus, elles ne paraissent s’expliquer par aucune modification de tex- ture, ni dans les parties atteintes elles-mêmes, ni dans une portion quel- conque du système nerveux; — les convulsions sympathiques sont celles qui se produisent encore indépendamment de toute lésion proprement dite du système nerveux, mais qui peuvent être rattachées à la souf- france d’une partie plus ou moins éloignée des muscles envahis. Ces deux sortes de convulsions et de spasmes (essentiels et sympathiques) sont les seules dont nous ayons à nous occuper. Quant aux convulsions symptomatiques, c’est-à-dire accompagnant les altérations évidentes des instruments de l’innervation, leur étude appartient de droit à l’his- toire des diverses maladies déjà décrites dans la Nosographie orga- nique. d. Les convulsions sont dites partielles, étendues on générales, sui- vant le nombre des muscles contractés; on les appelle externes ou NÉVROSES. PATHOLOGIE MÉDICALE. internes (1) d’après la situation des organes affectés, division qui ne se confond pas tout à fait avec celle en convulsions et en spasmes. e. Eu égard au mode suivant lequel les phénomènes convulsifs appa- raissent et se renouvellent, on distingue la crampe, contraction tonique passagère, de la contracture: même mode de contraction, mais per- sistance plus grande. Les convulsions sont dites habituelles quand elles se répètent chez le môme sujet à divers intervalles, tout en présentant une marche rapide à chacune de leurs réapparitions. Pour quelques pa- thologistes, il existerait aussi des convulsions chroniques; mais l’état de raccourcissement permanent qui s’observe dans certains muscles contraclurés (par exemple le sterno-mastoïdien dans les cas de torticolis ancien) atteste un changement dans leur tonicité, et ce changement peut résulter d’une foule de causes très diverses ; quelquefois il est vrai, c’est là une terminaison de l’état convulsif; mais en pareille circonstance, l’affection musculaire paraît s’être isolée de l’affection nerveuse et lui survivre : c’est une lésion de nutrition qui succède à un trouble de la motilité. /, Quel que soit l’état morbide qui occasionne les convulsions, que ce soit une altération organique appréciable ou inappréciable et de l’ordre de celles qu’on appelle dynamiques, il est évident que les régions atteintes du système nerveux sont loin d’être toujours les mêmes, puisque le siège et l’étendue du trouble musculaire présentent tant de variations. C’est en partant de cette donnée de physiologie pathologique que l’on a admis des spasmes et des convulsions dus à un état morbide des nerfs moteurs (c. périphériques), de la moelle {c. spinales) ou du cerveau [c. cé- rébrales) ; puis parmi celles dont le point de départ est dans les centres nerveux, on a établi d’autres distinctions suivant que l’affection siège dans les portions simplement conductrices de ces centres ou que la lésion occupe les foyers producteurs de la motricité. L’utilité pratique de ces divisions et subdivisions, et même la légitimité de quelques-unes au point de vue de la théorie, est loin d’être démontrée. 1958. Symptômes. — Nous ne pourrions retracer dans ses détails la syraptomatologie des névroses convulsives sans empiéter sur une descrip- tion qui sera mieux placée aux articles spéciaux ; aussi nous borne- rons-nous, pour Je moment, à présenter le tableau très sommaire des phénomènes qui caractérisent ces névroses du mouvement; phénomènes qui peuvent être ramenés h plusieurs chefs très distincts : Symptômes produits par la contraction musculaire considérée en elle- même ; Effets de cette contraction, que nous distinguerons en effets immédiats et en effets médiats ou éloignés ; (1) Le mot de convulsion interne est en outre souvent pris dans le sens de spasme de la glotte. Voy. ce mot ainsi que l’article Éclaspsie. NÉVROSES. 355 Symptômes concomitans. 1° Symptômes produits par la contraction musculaire considérée en elle-même. — Rigidité passagère ou durable, formation d’un relief sous les tégumens, saillie des tendons; rétrécissement annulaire des organes tubuleux, etc. 2° Symptômes ou effets immédiats de la contraction morbide. — a. Du côté du muscle: expulsion du sang, anémie, avec turgescence san- guine (et surtout veineuse) d’autres parties ; dans certains cas, compres- sion des nerfs sensitifs dans l’épaisseur du tissu charnu et douleur plus ou moins vive ; lorsque la contraction est brusque, violente et prolongée, il peut y avoir déchirure des fibres, ecchymoses, etc, h. Quant aux effets ressentis par les organes que le muscle est destiné à mouvoir, ils sont assez variés. Ainsi, l’insertion se fait-elle sur des leviers osseux, on voit le tronc, les membres ou des segmens de membre prendre l’attitude de la flexion, de l’extension, de l’adduction, de la pro- nation, etc. ; s’agit-il du peaucier, les tégumens se plissent de façon à simuler la mimique des diverses passions; le crémaster tient le testi- cule appliqué contre l’anneau inguinal ; — dans les conduits et les réser- voirs contractiles, une impulsion anormale quant à sa force, sa fré- quence ou sa direction est imprimée au contenu, lequel se trouve ainsi chassé de la partie resserrée vers celle qui est en état de relâchement ; — au lieu du contenu, c’est quelquefois une portion du tube lui-même qui est entraînée dans ce mouvement, d’où l’invagination ; — le spasme des sphincters détermine l’imperméabilité des orifices, la rétention des matières solides ou liquides, etc. 3° Effets éloignés ou médiats des convulsions. — Ils s’observent également : a. Dans le muscle lui-même, qui peut demeurer dans un état de rétraction permanente : il est raccourci et paraît hypertrophié par l’espèce de tassement que ses fibres ont subi (Bell a vu, dans un cas de contracture ancienne, le sterno-masloïdieu acquérir le volume du biceps) ; d’autres fois, les faisceaux charnus s’atrophient et même de- viennent graisseux. — Les muscles de la vie organique peuvent aug- menter d’épaisseur par suite de spasmes répétés; il se rapprochent alors, par leurs caractères apparens, des muscles de la vie animale (fibres de l’œsophage dans les cas de rétrécissement du cardia, parois de la vessie par suite d’un obstacle au cours de l’urine, etc.). Mais cela n’a guère lieu quand le spasme est essentiel. h. Dans les organes auxquels le muscle s’attache ou dont il fait partie intégrante, l’état convulsif, par sa persistance ou ses fréquens retours, produit des déformations, des subluxations, des rétrécissemens, etc. k° Symptômes nerveux concomitans. Il faut bien se garder de les at- tribuer à l’existence des convulsions: manifestations parallèles du même étal morbide qui produit la convulsion, les symptômes dont il s’agit sont assez nombreux : a. Il peut y avoir paralysie des mêmes nerfs moteurs qui se dis- tribuent aux parties convulsées; alors les muscles présentent simultané- ment un état de contraction exagérée et une impuissance à se contracter sous l’influence de la volonté. Nous reviendrons plus loin sur celte remarquable association du spasme et de la paralysie. h. Ou bien il existe une affection des nerfs sensitifs : assez fréquem- ment on observe une hyperesthésie du muscle contracté; ailleurs une anesthésie; ailleurs encore, il y a exaltation de la sensibilité dans les légumens, ou douleurs névralgiques sur Je trajet des cordons et des rameaux nerveux. — Un phénomène digne d’être noté, c’est que le travail musculaire pendant les convulsions laisse, en général, après lui un sen- timent de lassitude bien moindre que la fatigue résultant de l’exercice volontaire, même très exagéré. c. A la suite de convulsions étendues et violentes, on remarque dans certains cas des modifications dans les sécrétions, principalement dans celles du rein; une urine décolorée est souvent rendue en grande quan- tité à la fin des attaques [urine spasmodique). D’après des recherches récentes (qui demandent confirmation), on trouverait constamment une glycosurie passagère chez les malades en proie à des convulsions intenses et généralisées. d. D’autres symptômes se rattachent directement à l’affection des centres nerveux mômes : coma, délire, troubles multipliés des fonctions sensoriales, défaut de coordination des mouvemens. De semblables coïncidences, quand elles ne se justifient point par quelque altération anatomique de l’encéphale, suffisent au moins pour faire considérer les convulsions qu’elles compliquent comme les symptômes d’une né- vrose complexe. e. Enfin, que les convulsions soient ou non escortées des accidens que nous venons d’indiquer, si elles s’accompagnent de lièvre, c’est qu’il existe quelque maladie générale (exemple : l’intoxication paludéenne), ou quelque affection inflammatoire du système nerveux (méningite, encéphalite, etc.), ou bien que ce système subit la réaction de quelque maladie aiguë localisée dans d’autres organes (état ataxique). Dans tous ces cas, les convulsions sont étrangères au domaine des névroses, aussi n’y insisterons-nous pas davantage. Nous ne dirons rien non plus des symptômes concomitans qui révè- lent l’existence dans la partie convulsée elle-même d’une inflammation aiguë ou chronique, d’une concrétion, d’un rétrécissement, d’une dégénérescence, etc., les convulsions d’organes ainsi altérés étant sym- ptomatiques au premier chef. 1959. Marche, durée, terminaisons. — On observe dans la marche des convulsions et des spasmes les intermittences ou du moins les PATHOLOGIE MÉDICALE. rémissions qui sonl considérées comme l’un des attributs généraux des névroses actives. La plupart des maladies spasmodiques se manifestent en effet sous forme d'attaques séparées par des intervalles libres et dont le retour, presque toujours fort irrégulier, est subordonné à l’inter- vention plus ou moins fréquente, plus ou moins énergique des causes occasionnelles; quelquefois cependant, mais exceptionnellement, il y a périodicité régulière. Les attaques convulsives, pour peu qu’elles se prolongent, présentent elles-mêmes quelque chose de cette discontinuité qui caractérise la maladie tout entière : elles se composent d’une série d’attaques plus petites ou accès entre lesquelson constate, soit de véritables repos de courte durée, soit des contractions d’un mode différent ou d’une moindre violence. Certaines convulsions ont une grande tendance à de- venir habituelles ; il n’est pas rare non plus, à mesure qu’elles se répè- tent, de les voir s’étendre, gagnant du terrain, affectant des groupes de plus en plus nombreux de muscles. — Leur durée est sujette à trop do variations pour être résumée en une proposition générale; elle dépend, en grande partie, de la persistance ou de l’éloignement de la cause exci- tatrice ; toutefois même en l’absence de toute cause appréciable, c’est- à-dire dans le cas de névrose pure, ou lorsque la source des accidens sympathiques a été supprimée, les convulsions persistent quelquefois avec une opiniâtreté décourageante. -— Les convulsions se terminent, de diverses manières; bien qu’en général elles participent à la bénignité des névroses; bien qu’on soit souvent étonné du peu de désordre qui persiste après de violentes attaques, cependant, de toutes les névroses, ce sont les plus graves; elles peuvent amener la mort par elles-mêmes, et mécaniquement quand elles siègent dans quelque organe dont les fonctions ne sauraient impunément être entravées, fût-ce pendant un court instant ; plus souvent encore elles deviennent meurtrières par leurs complications, ou par la profonde perturbation du système nerveux dont elles ne sont que l’une des manifestations symptomatiques. 1960. Complications. — Il est un certain nombre d’accidens qui résultent de l’intensité des mouvemeus convulsifs, et qu’on range à tort parmi leurs complications, tels sont les différens traumatismes externes ou intérieurs qu’elles peuvent déterminer, depuis les fractures jusqu’aux apoplexies. La contraction des organes lubuieux ou des orifices fermés par des sphincters peut avoir les plus dangereuses conséquences (ina- nition par suite d’œsophagismc, asphyxie par spasme de la glotte, etc.). Quant à l’influence que les convulsions exercent sur la nutrition, elle est peu marquée ; ainsi l’hypertrophie, résultat d’une action exagérée des libres charnues, est rarement portée très loin à la suite d’une simple affection spasmodique : l’histoire des palpitations nerveuses du cœur en fournit la preuve. On voit souvent les convulsions accompagnées de symptômes graves qu dénotent une action profondément troublée du système nerveux; NÉVROSES. 357 358 PATHOLOGIE MÉDICALE. mais ces étals morbides de la sensibilité, des sens spéciaux, des facultés intellectuelles, etc., ne sont pas à proprement parler, des complications; nous avons déjà dit comment il convient d’interpréter les coïncidences de ce genre. L’existence simultanée ou successive des convulsions et d’une maladie aiguë, a suggéré cette remarque bien connue que résume l’antique apho- risme : « Mieux vaut la fièvre après le spasme que le spasme après la fièvre. » Dans ce dernier cas, en effet, les phénomènes convulsifs aggra- vent le pronostic de la maladie fébrile, surtout parce qu’elles révèlent une réaction violente de celle-ci sur les organes de l’innervation; au contraire, qu’une phlegmasie ou une pyrexie survienne dans le cours d’une névrose convulsive, on pourra voir les attaques se suspendre ou même disparaître pour toujours. Malheureusement ce ne sont pas là les faits les plus fréquens. 1961. Étiologie. — A. Dans la production des névroses convulsives, l’hérédité joue un rôle des plus importans, soit qu’il y ait, comme on le voit assez souvent, transmission de la maladie convulsive avec sa forme spéciale, soit que des parens affectés de diverses maladies du système nerveux lèguent à leurs desccndans une disposition aux affections con- vulsives. Celles-ci se rencontrent plus souvent dans le jeune âge, et no- tamment dans l’enfance, qu’aux autres époques de la vie; proposition qui n’est pas seulement vraie pour les convulsions idiopathiques et sym- pathiques de l’ordre des névroses, mais qui s’applique encore aux phé- nomènes convulsifs survenant dans le cours des pyrexies ou des ma- ladies aiguës et fébriles. Aussi a-t-on pu dire que chez les enfans la convulsion remplace le délire, ou, en d’autres termes, chez eux, la même réaction qui, dans les adultes, provoquerait une perversion de l’intelligence, se traduit volontiers par un trouble de la locomotion. Dans l’âge moyen de la vie et surtout dans la vieillesse, les convulsions s’observent beaucoup plus rarement. Pour ce qui est des prédispositions résultant de la faiblesse originelle de la constitution, du sexe féminin, du tempérament dit nerveux, de l’état de débilité et d’anémie produit par diverses conditions hygiéniques et pathologiques, nous n’avons rien à ajouter à ce que nous avons dit dans Pédologie des névroses en général. A titre de prédisposition locale, il faut tenir compte de l’influence qu’exerce 1 habitude de l’acte musculaire lui-même : les muscles qui, dans l’étal normal, ont une faible action, comme les muscles auricu- laires, ne sont que très rarement convulsés, et, par contre, ceux qui se perfectionnent par la répétition de mouvemens uniformes, devien- nent de préférence le siège de contractions spasmodiques, ainsi les muscles des doigts chez les écrivains, etc, — Notons encore que le fait d’avoir éprouvé des convulsions antérieures semble faire naître par lui-même une disposition quelquefois très persistante à en être de nou- veau affecté. Les causes dites prédisposantes suffisent, dans bien des cas, pour donner lieu à des convulsions, ou, pour mieux dire, elles sont souvent le seul élément saisissable de leur étiologie; mais tout aussi souvent on voit des causes déterminantes intervenir pour provoquer ces accidens chez des sujets prédisposés ou même y donner lieu chez ceux qui pa- raissent exempts de toute prédisposition. La dentition, l’évolution pubère, la gestation, l’accouchement, sont des actes mi-partie physiologiques et morbides à l’occasion desquels il est fréquent d’observer des affections convulsives. B. Puis vient une série de causes excitantes dont l’action s’adresse ou à la périphérie nerveuse ou aux centres nerveux. 1° Parmi celles qui influencent primitivement le cerveau, il faut signaler les impressions sensorielles d’une intensité exagérée, les émo- tions vives, et particulièrement la frayeur, la vue et même le seul sou- venir de malades atteints de convulsions, enfin l’influence mystérieuse de l’imitation qui est ici plus marquée que dans les autres névroses ; c’est cette dernière cause, unie à l’exaltation mystique des esprits qui paraît avoir présidé au développement des épidémies de névroses, et l’on sait que les convulsions y occupent une large place. « Ces remarqua- bles phénomènes nerveux », dit M. Andral (Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. VII, p. Ml), « après s’être montrés parmi les martyrs des premiers temps du christianisme, puis parmi les sorciers et les possédés du moyen âge, se sont reproduits plus tard sous des formes toujours identiques; à Louvain, autour du bûcher d’Ur- bain Grandier; dans les Cévennes, parmi les protestans persécutés par Louis XIV; à Paris, autour du tombeau du diacre Paris, et, plus près de nous encore, autour du baquet de Mesmer. » Dans d’autres cas, les centres nerveux sont affectés consécutivement à la présence dans la masse du11 sang de quelque principe hétérogène ; sous ce chef, on pourrait ranger toutes les convulsions toxiques, en y comprenant peut-être celles des fièvres éruptives, de l’urémie, etc. — L’action du sang sur les centres nerveux est encore manifeste dans cer- taines convulsions qui, à meilleur droit que les précédentes, sont com- prises parmi les névroses proprement dites : celles de l’anémie et de la pléthore ; l’une et l’autre de ces conditions hémalologiques peuvent pro- duire le même résultat (convulsiones fiunt ex repletione aut vacua- tione). 2° Passons aux causes dont l’action s’exerce sur la périphérie ner- veuse; elles sont les unes directes, les autres indirectes: a. Les premières agissent sur les nerfs moteurs eux-mêmes; c’est ainsi qu’un refroidissement de la face a paru produire, dans certains cas, le tic convulsif; que la compression et le tiraillement des plexus pel- viens par l’utérus gravide ou par quelque tumeur, donnent lieu à des crampes dans les membres inférieurs, etc. Convenons cependant que NÉVROSES. 359 PATHOLOG1E MÉDICALE. l’on connaît encore très incomplètement cet ordre de causes directes. b. D’autres, assez nombreuses, agissent tout d’abord sur les nerfs sen- sitifs, et la convulsion résulte seulement d’une action consécutive sur les nerfs moteurs. La douleur est une source abondante de mouvemens spasmodiques : ceux-ci peuvent éclater dans le point même où les nerfs sensitifs ont été excités, ou dans son voisinage, et d’autres fois à une distance plus ou moins considérable de ce point. L’intensité de l’hyper- resthésie n’est pas toujours nécessaire pour le développement des con- vulsions, et ce ne sont pas seulement les névralgies très aiguës qui en sont accompagnées; on peut citer bien des cas où une faible douleur, une excitation à peine sentie et même une affection tout à fait latente des filets sensitifs (tumeurs indolentes, corps étrangers placés sur le trajet ou dans l’épaisseur des nerfs), suffisent pour provoquer des convulsions rebelles. A peine est-il nécessaire d’ajouter que les causes qui donnent lieu au développement des névroses spasmodiques chez un sujet sain, sont, à plus forte raison, capables d’en déterminer les retours chez les malades, et qu’on voit journellement les accès convulsifs se reproduire sous l’in- fluence des émotions, des impressions vives des sens, d’un excès, etc. 1962. Anatomie pathologique. —Quand l’autopsie des sujets morts d’une affection convulsive permet de constater l’existence de quelque lésion organique, celle-ci peut se rencontrer : 1° dans le cerveau, la moelle, les méninges, l’enveloppe osseuse des centres nerveux; 2° dans divers points du corps où la présence d’une altération de texture peut atteindre les nerfs sensitifs ou moteurs; il est souvent difficile, en pareil cas, de décider si les convulsions doivent prendre rang parmi les affections symptomatiques ou sympathiques (Y. Consid. prélimin., 1771. C. c.); 3° d’autres fois, les lésions que l’on découvre sont ou la conséquence pure et simple ou quelque complication de l’attaque convulsive qui a amené la mort; trop souvent les désordres de ce genre (congestions, apoplexies, inflammations même des méninges ou de la pulpe nerveuse) ont été pris pour les caractères anatomiques propres de la maladie con- vulsive. 1963. Physiologie pathologique. —Les données que nous possédons actuellement sur la physiologie pathologique des affections convulsives sont encore fort incomplètes; cependant cet intéressant problème n’est peut-être pas très éloigné de recevoir une solution satisfaisante, c’est du moins ce qu’il est permis d’espérer quand on considère les nombreuses et importantes recherches dont le système nerveux a été l’objet dans ces dernières années. Nous allons essayer d’exposer brièvement les résultats les plus positifs de ces travaux, en tant qu’ils s’appliquent au mécanisme des mouvemens convulsifs et spasmodiques ; c’est le seul point que nous nous proposions d’étudier ici, renvoyant le lecteur aux articles spéciaux pour les autres considérations de physiologie palho- logique relatives aux causes, à la marche, aux terminaisons des ma- ladies convulsives. I. Deux élémens organiques interviennent dans la manifestation d’un mouvement quelconque, normal ou pathologique; ce sont : a. la fibre musculaire contractile, c’est-à-dire douée de la propriété de se rac- courcir sous l’influence de certains agens;— b. la fibre nerveuse exci- table, c’est-à-dire susceptible, lorsqu’elle est stimulée, de mettre en jeu celle contractilité de la fibre charnue. Comme l’intervention isolée de la propriété musculaire (contractilité, irritabilité hallérienne) ne donne jamais lieu h des mouvemens mor- bides, il s’ensuit que toute convulsion révèle au médecin une excitation insolite des nerfs moteurs. Or, les expériences des physiologistes sur les nerfs de cet ordre, ex- périences qui consistent à provoquer de véritables convulsions artifi- cielles, nous apprennent ce premier fait, à savoir que l’excitation des nerfs moteurs détermine des effets très variables suivant la constitution particulière des organes. Ainsi, dans les muscles de la vie de relation, ce sont des secousses, des contractions brusques et fortes, mais qui cessent peu de temps après la suppression de l’agent stimulant; — dans les muscles de la vie végétative, on voit, au contraire, dans les mêmes circonstances, des contractions plus lentes à se manifester, plus faibles, mais aussi moins promptes h disparaître et qui tendent à se propager au loin ; — dans les organes doués de contractions rhyth- miques, les excitations (ou ce qui revient au même la suppression des influences modératrices) produisent un accroissement dans la force et un retour plus fréquent des mouvemens intermittens habituels, en abrégeant les repos qui les séparent. — Dn autre résultat expé- rimental important à connaître est celui-ci : au lieu de secousses distinctes, on peut provoquer, dans les muscles de la vie de relation, un état de contraction continu parle rapprochement et la fusion des sac- cades musculaires successives; il suffit pour cela de soumettre les nerfs moteurs à une stimulation prolongée et énergique : la continuité de la contraction est alors tellement parfaite, que même au microscope il devient impossible de saisir dans la fibre musculaire la moindre oscilla- tion; de même dans les organes à mouvemens rhythmiques, une exci- tation intense et prolongée fait naître des contractions non plus intermit- tentes, mais continues. On voit d’après cela que, suivant l’intensité et la durée de l’excitation des nerfs moteurs, il pourra se produire des convulsions différentes quant à leur mode ou à leur forme, et que la convulsion tonique ou continue correspond à une excitation plus violente que la convulsion clomque ou discontinue. NÉVROSES. 361 362 PATHOLOGIE MÉDICALE. II. Voyons maintenant comment celte excitation arrive aux nerfs mo- teurs. Elle peut, suivant plusieurs pathologistes, s’y produire directement par l’action de causes qui s’adressent à la portion périphérique de ces nerfs. C’est par ce mécanisme qu’on explique l’apparition de mouve- mens convulsifs dans le cas de tumeurs ou de corps étrangers qui com- priment et surtout tiraillent les nerfs musculaires, par suite de l’in- flammation du névrilemme ou des fibres nerveuses elles-mêmes, ou dans certains étals morbides encore mal déterminés qui succèdent à l’impres- sion du froid. III. Le plus souvent, les convulsions ont pour point de départ une affection des centres nerveux, ou tout au moins se produisent-elles avec le concours de ces centres (encéphale, moelle épinière, peut-être les ganglions du grand sympathique). Pour plus de clarté, nous allons examiner séparément les convulsions qui se manifestent dans le domaine du système cérébro-spinal, et celles qui dépendent des filets moteurs ganglionnaires. 1. Convulsions des muscles animés par les nerfs cérébro-spinaux. — Rappelons ici que le centre nerveux cérébro-spinal contient plu- sieurs élémens distincts, et, jusqu’à un certain point, isolés les uns des autres; l’observation de l’état physiologique et des phénomènes mor- bides, nous autorise à l’affirmer, quelles que soient d’ailleurs les opi- nions contradictoires émises à diverses époques au sujet des fonctions de telle ou telle partie de la moelle ou de l’encéphale. Ce qui importe au pathologiste, c’est moins la topographie de ces fonctions, que la notion même de leur multiplicité et de leur indépendance relative. Aussi lais- serons-nous de côté la question encore controversée des localisations, et nous bornerons-nous à noter que le centre nerveux céphalo-rachidien peut agir par le cerveau et la moelle épinière : A, comme conducteur des impressions sensitives; B, comme conducteur des impulsions motrices; C, comme foyer d’innervation motrice, c’est-à-dire comme élaborant l’agent inconnu qui, transmis à la fibre charnue à travers les nerfs mo- teurs, provoque les contractions musculaires; à quoi il faut ajouter que, de plus, D, l’encéphale est le centre des perceptions sensitives, ou, en d’autres termes, que dans son intérieur les modifications éprouvées par les nerfs centripètes sont perçues et deviennent des sensations dis- tinctes; qu’il est l’organe de la volition et de toutes les activités psychi- ques; F, que dans l’encéphale (et aussi dans la moelle rachidienne, d’après quelques physiologistes) réside le pouvoir de coordonner les mouvemens musculaires. —Nous allons examiner à ces divers points de vue le rôle que joue l’axe cérébro-spinal dans la manifestation des phé- nomènes convulsifs. A. Les centres nerveux contiennent des portions purement conduc- trices, qui ne sont autre chose que les nerfs moteurs prolongés (fais- ceaux antérieurs et latéraux de la moelle et du bulbe?), et dont l’exci- tation, par conséquent, peut donner lieu à des convulsions par le même mécanisme simple et direct déjà indiqué à propos des nerfs moteurs. Nous n’y insisterons pas davantage; faisons seulement remarquer que les divers étals morbides du crâne, des vertèbres, des méninges et de la pulpe nerveuse, capables de produire une stimulation de ces élémens conducteurs, n’y circonscrivent que bien rarement leur action, et que l’effet de semblables lésions s’étend facilement du même coup aux élé- mens contigus. B. Indépendamment des portions simplement conductrices, on sait que la moelle [spinale et encéphalique en renferme d’autres dits de cen- trante qui ont pour fonction, non plus de transmettre le mouvement, mais bien de Vexciter (pour certains physiologistes, ce serait la sub- stance grise de la moelle et du bulbe ; pour d’autres, les faisceaux antéro- latéraux, etc.). On peut, avec Marshal-Hall, donner le nom de centre spinal à l’ensemble de ces portions excito-motrices, ou élémens en lesquels réside le pouvoir excito-moteur. Bien distinct d’une part de tout ce qui ne fait que conduire le sentiment vers le sensorium et l’im- pulsion au mouvement vers les muscles; également distinct, d’autre part, du cerveau proprement dit, considéré comme organe des percep- tions, des voûtions, etc,, le centre moteur entretient cependant de con- tinuelles relations avec toutes les parties du système nerveux, tant à l’état de santé que dans les maladies. Son excitabilité est loin d’être la même chez tous les sujets ; ne voit-on pas tous les jours la même stimu- lation morbide provoquer, à intensité égale, tantôt des mouvemens peu énergiques et limités à la partie irritée ou à son voisinage, tantôt des convulsions violentes et généralisées? On désigne quelquefois sons le nom d'exaltation du pouvoir excito-moteur cet état du centre spinal caractérisé par l’extrême irnpressionnabilité et la promptitude insolite des irradiations; c’est aussi ce qui a été appelé convulsibilité, spasmo- philie. Condition morbide qui réclame au plus haut degré l’attention du pathologiste et qui mérite d’être étudiée à part, car les causes qui pré- sident à son développement ne sont pas toujours celles dont l’influence se traduit par une excitation générale du système : loin de là, on constate souvent un défaut de parallélisme ou un antagonisme véritable entre l’excès de puissance excito-motrice et la suractivité des autres fonctions ner- veuses. L’étiologie de cet état particulier est encore fort obscure ; tout ce qu’on sait c’est qu’il peut être héréditaire, qu’il s’observe de préférence dans le sexe féminin, dans le jeune âge, aux époques où s’accomplissent les grandes évolutions organiques de la dentition, de la puberté, de la menstruation, de la grossesse, de l’accouchement, de la ménopause; qu’il se montre volontiers chez les individus naturellement faibles, grêles, NÉVROSES. 363 364 PATHOLOGIE MÉDICALE, susceptibles de ressentir fortement les effets des commotions morales et physiques, en un mot, chez les sujets dits nerveux; qu’il paraît se déve- lopper plus facilement dans certaines conditions atmosphériques, telle qu’une température élevée ; qu’il peut être exagéré, et même être pro- duit en l’absence de toute prédisposition apparente, par l’ensemble des causes hygiéniques ou morbides dont le résultat est d’une part un affai- blissement de la constitution, d’autre part une activité insolite des fonc- tions nerveuses. Une fois développé, cet état persiste quelquefois avec une remarquable ténacité, si bien qu’on peut aussi considérer le fait d’avoir éprouvé des convulsions comme une prédisposition à en être affecté de nouveau. Des congestions, des phlegmasies, des ramollisse- mens, des tumeurs, etc., occupant certains points de l’appareil cérébro- spinal, peuvent agir directement ou presque directement sur le centre excito-moteur, et en accroître l’énergie fonctionnelle (1). N’oublions pas, enfin, d’indiquer rinlluence importante que le sang paraît exercer sur le centre excito-moteur, influence proclamée par tous les méde- cins, mais dont la détermination précise demanderait cependant de nou- velles recherches. Il faut l’avouer, on ne possède, jusqu’il présent, que des données assez vagues quant au mode d’action des altérations quan- titatives du sang; on attribue certaines convulsions à l’étal pléthorique; d’autres sont rattachées à l’anémie ; mais comment ces deux états opposés du sang produisent-ils un effet semblable? C’est ce dont l’explication nous échappe. Voici par exemple deux faits qu’il paraît fort difficile de concilier : la ligature des carotides peut être suivie de convulsions; — la compression des carotides peut faire cesser une attaque convulsive. Nous passons sous silence sur explications conjecturales qui peuvent être données de ces phénomènes ; mais relativement aux maladies géné- rales appelées pléthore et anémie, nous ne pouvons nous empêcher de faire remarquer qu’elles sont composées d’un grand nombre d’élémens morbides, et que l’altération quantitative des globules sanguins, si elle forme l’un de leurs caractères les plus évidens, n’est peut-être pas le plus (1) 11 est vrai que si fou admet le siège du pouvoir excito-moteur dans la substance grise de la moelle, et si l’on sc rappelle d’un autre coté que celte substance s’est toujours montrée inexcitable dans les expériences des physiolo- gistes, il semblera difficile d’admettre, comme nous venons de le faire, une excita- tion directe de la substance grise par des lésions pathologiques et la production de mouvemeus convulsifs par ce mécanisme. Mais nous devons faire observer en premier lieu que les attributions fonctionnelles des diverses parties de la moelle ne paraissent pas encore aujourd’hui être fixées d’une manière défi- nitive; secondement que, dût-on reconnaître à la substance grise le rôle phy- siologique dont il s’agit, il resterait encore à prouver son inexcitabilité absolue à l’égard de tous les sliraulans, et par exemple il pourrait bien se faire qu’à cet égard l'état morbide réalisât telle condition que n’olïrent ni les agens mé- caniques, ni le galvanisme, etc. essentiel do tous. D’ailleurs un état identique de la circulation de l’axe cérébro-spinal, soit par hypothèse une hypérémie, pourrait aussi bien exister avec l’anémie générale qu’avec la pléthore générale (l'importance pathogénique de cette dernière, dans les affections convulsives, a été, au surplus, fort exagéré par quelques médecins). — Le contact avec les centres nerveux du sang veineux chargé d’une notable quantité d’acide carbonique, a la propriété d’exciter des convulsions; c’est ce qu’on ob- serve dans les cas d’hypérémie locale passive, d’asphyxie, etc. Lorsque des élémens étrangers à la composition normale du sang sont absorbés et mêlés à ce liquide, on conçoit aisément que leur présence puisse produire des mouvemens convulsifs : les recherches des physiolo- gistes n’ont-elles pas surabondamment prouvé que c’est par l’inter- médiaire du sang altéré et à la condition expresse de son contact avec la pulpe nerveuse qu’agissent les substances toxiques dont l’absorption est suivie de mouvemens convulsifs? Or, ce qui est vrai pour la strychnine ou l’ergot de seigle, une pressante analogie nous engage à l’admettre aussi pour le principe quel qu’il soit de la cachexie paludéenne, des fièvres éruptives et de beancoup d’autres maladies générales, qui offrent dans toute leur symptomatologie une ressemblance si grande avec les intoxications proprement dites. C. Ce n’est pas toujours par l’excitation primitive du système nerveux moteur que les convulsions se produisent. Jusqu’à présent, nous les avons vues prendre naissance sous l’influence de causes diverses, agissant les unes sur le trajet périphérique des nerfs musculaires, les autres sur les origines de ces nerfs ou sur les centres d’où ils tirent le principe de leur activité. Nous allons maintenant passer en revue une nouvelle série de faits où les élémens excito-moteurs ne sont rais en jeu et où les convulsions n’éclatent que par suite d’une affection des nerfs sensitifs ; ces sortes de convulsions indirectes sont dites sympathiques ou réflexes. Tout le monde sait que par action ou mouvement réflexe on entend la combinaison des phénomènes suivans : a. Une impression faite aux nerfs centripètes, nous ne disons pas une sensation, car, suivant les cas, cette impression arrive ou n’arrive pas au sensorium, est ou n’est pas perçue; h. Un mouvement involontaire succédant à celte impression ; c. Comme intermédiaire entre ces deux termes extrêmes, l’action d’un centre nerveux au travers duquel il semble que le nerf entrant excite le nerf sortant, et se réfléchit de l’un à l’autre. Ce centre n’est autre que celui déjà étudié précédemment sous le nom de centre spinal ou moteur ; cette action réflexe n’est, elle-même, que l’un des modes de manifestation de la puissance excito-motrice. On ne saurait trop méditer l’enchaînement de phénomènes que nous venons d’indiquer; faute d’y accorder l’attention nécessaire, beau- coup de médecins ne voient, dans les maladies convulsives, et même en NÉVROSES. 366 général dans les névroses, qu’un assemblage de symptômes bizarres dont ils cherchent en vain à pénétrer la raison d’être. Arrêtons-nous donc à l’étude de ces actions réflexes dans l’ordre pathologique, et surtout examinons ces deux questions importantes : 1° Jusqu’à quel point la violence et l’étendue du mouvement convulsif dépendent-elles de l’in- tensité et de la nature de l’impression sensitive qui en est le point de départ? — 2° Quel rapport peut-on établir entre le siège de l’impression initiale d’une part, et d’autre part le siège de la convulsion sympa- thique et l’étendue qu’elle occupe? 1° Relativement à la première question, la clinique nous montre, à côté de faits où de fortes convulsions succèdent à des hyperesthésies égale- ment fortes, d’autres faits où des mouvemens morbides énergiques, géné- ralisés, persistans, se lient à des impressions à peine douloureuses, ou même à des modifications non perçues des nerfs centripètes. Ainsi dans le tic douloureux de la face, il y a névralgie violente de la cinquième paire crânienne et convulsion vive des muscles animés par la septième; ainsi le tétanos vient compliquer des lésions traumatiques dans lesquelles des tissus doués d’une grande sensibilité ont été contus, déchirés, labourés par des corps étrangers, etc. Mais, d’un autre côté, on peut voir aussi la présence d’une dent malade, fût-elle médiocrement dou- loureuse, susciter des convulsions dans la face et même dans tout le corps. — Ne sait-on pas que dans toute l’étendue des muqueuses fournies par les nerfs ganglionnaires, la sensibilité est obtuse, et cependant les impressions morbides reçues par ces membranes sont assez fré- quemment le point de départ de convulsions? Les helminthes par exemple sont des causes incontestables d’éclampsie, d’épilepsie, alors même que leur présence dans l’intestin se traduit à peine par quelques troubles de la sensibilité locale. Nous pourrions multiplier ces exemples ; ils sont tellement fréquens qu’un physiologiste, frappé sans doute de ce contraste entre l’intensité du mouvement produit et le caractère latent de l’im- pression productrice, a cru devoir admettre dans les nerfs centripètes deux ordres de fibres, et leur attribuer deux propriétés distinctes, à savoir : la sensibilité proprement dite et l’aptitude à exciter des mou- vemens. Ce n’est donc pas toujours la vivacité de la sensation morbide, la quan- tité de stimulus, qui déterminent le degré de force du mouvement réflexe ; mais, en dehors de l’intensité, il est certains modes d’affection qui paraissent particulièrement favorables à la manifestation de ces mou- vemens; tel est, par exemple, le sentiment de prurit, d’agacement, de fourmillement; l’excitation superficielle des extrémités nerveuses y pa- raît disposer bien plus que l’excitation des troncs nerveux mêmes. Le rire que provoque le chatouillement de la plante du pied est un mouve- ment convulsif réflexe des muscles expirateurs; quand une lésion dou- loureuse atteint celte région, on n’observe rien de semblable; — que la PATHOLOGIE MÉDICALE. muqueuse du larynx soit légèrement excitée, aussitôt des secousses de toux se produisent, mais le même effet est bien plus difficilement obtenu dans les expériences physiologiques, lorsqu’on pince et tiraille le tronc ou les branches de la huitième paire; — les chirurgiens savent fort bien que le tétanos complique plus souvent les plaies superficielles que celles succédant à l’amputation d’un membre; — le spasme de l’œsophage et de l’urèthre est accru par l’introduction de petites sondes, et il cède à l’usage de cathéters volumineux; — on a dit, non sans quelque vraisemblance, que les convulsions accompagnant l’évolution dentaire peuvent avoir leur source dans les sensations peu vives, mais prolongées, prurigineuses et formicantes qui ont lieu dans le tissu gingival, etc. En somme, des mouvemens convulsifs par action réflexe peuvent accompagner l’excitation perçue ou non perçue d’une partie quelconque du système nerveux centripète (en comprenant sous cette dernière désignation les nerfs sensitifs cérébro-spinaux, les nerfs centripètes gan- glionnaires, et enfin les nerfs sensoriaux eux-mêmes). 2° Occupons-nous maintenant de la deuxième question soulevée tout à l’heure, celle du rapport de localité entre l’impression sensitive et le mouvement qui en est la conséquence. A cet égard, l’observation con- duit à établir plusieurs catégories de faits. Il en est d’abord où l’on rencontre la combinaison la plus simple, c’est-à-dire où l’une ou l’autre action morbide, la sensation et le mou- vement, ont pour siège le même organe ou la même région. Exem- ples : irritation du larynx avec spasme de la glotte; endolorissement de l’œsophage uni à l’cesophagisrne ; névralgie de la vessie et spasme du col vésical ; fissure à l’anus et contracture du sphincter, etc. Quelque chose d’analogue se passe encore dans le tic douloureux de la face, où la névralgie et la convulsion sont comme superposées dans le même lieu. Les cas de ce genre doivent être soigneusement distingués de ceux où les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs (ou même les muscles) étant excités simultanément par la présence d’une lésion matérielle, telle qu’une inflammation locale, il peut y avoir simple coïncidence des phé- nomènes douleur et spasme, indépendamment de toute action réflexe. Mais les faits sont nombreux où aucune altération commune des deux ordres de filets n’est là pour expliquer leur double affection, et ce serait méconnaître le vrai mécanisme de l’action nerveuse que d’imaginer, avec certains auteurs, une excitation passant directement du nerf sen- sitif dans le nerf moteur voisin ou dans la fibre charnue. L’expérience suivante, qui est bien connue, suffit pour la réfutation de cette hypo- thèse. Que le nerf facial vienne à être coupé, les excitations de la peau du visage les plus douloureuses h l’état normal ne provoqueront aucune contraction dans la moitié paralysée de la face, c’est-à-dire du côté de NÉVROSES. 367 368 la seclioîî. Donc cc n’est point par une sorte de contagion immédiate du nerf sensitif au nerf moteur que dans une même partie des phé- nomènes douloureux sont associés à des phénomènes convulsifs; mais c’est par une action indirecte, médiate, après un détour obligé; et pen- dant cet intervalle si court qu’il fait croire h la simultanéité des phéno- mènes, l’excitation d’abord s’est dirigée vers le centre nerveux, et de là est revenue sous une forme différente dans le nerf moteur corres- pondant. Si déjà l’action d’un centre de réflexion doit être admise pour les faits que nous venons d’indiquer, combien n’est-elle pas plus évidente encore lorsqu’il s’agit d’organes sensibles mais non contractiles, dont l’excitation fait naître des rnouvemens dans d’autres organes situés à une plus ou moins grande distance? Comment concevoir, par exemple, que le resserrement du muscle bulbo-caverneux succède à la titillation du gland, ou qu’un spasme des paupières accompagne les maladies de la cornée, à moins d’admettre l’impression primitive se réfléchit à travers les centres nerveux? La réalité de convulsions réflexes pouvant se passer d’une démon- stration plus longue, étudions ces rnouvemens morbides en eux-mêmes. Ils sont, les uns irréguliers, et surviennent dans une région du sys- tème moteur qui ne présente aucun consensus habituel avec la région sensitive irritée ; — les autres réguliers, et c’est le plus grand nombre : dans la plupart des cas, en effet, les convulsions ne se produisent pas capricieusement, au hasard, d’après des combinaisons nouvelles impro- visées par l’état pathologique, mais répètent, au contraire, les actions réflexes de l’état de santé; subordonnées comme elles à certaines lois préétablies qui entrent dans le plan des fonctions, ces convulsions ne sont qu’une modalité des rnouvemens automatiques normaux, si bien que dans certains cas il devient difficile de dire où cesse la contraction physiologique et où la convulsion commence. Ce qui fait le caractère morbide de cette modification, c’est, comme nous l’avons dit, tantôt la cause du mouvement réflexe qui est étrangère au domaine des exci- tans physiologiques, tantôt la violence et la durée insolite du mouvement lui-même. Mais ces circonstances mises à part, le mécanisme reste toujours le même : tel nerf sensitif vient-il à être excité, on pourra prévoir que le mouvement convulsif aura lieu forcément dans la cir- conscription de tels nerfs moteurs; c’est ainsi, pour citer un exemple vulgaire, que l’espace sus-glottique sympathise invariablement avec les muscles expirateurs, et qu’une toux convulsive a lieu quand un corps étranger tend à s’engager dans le larynx. Jusqu’à ce jour, la raison de ces correspondances sympathiques nous échappe, et l’on ne peut citer aucun fait anatomique général qui en fournisse une explication satisfaisante. A la vérité, pour un certain nombre de paires sensitives-motrices, la proximité des origines des PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 369 nerfs peut être invoquée comme une disposition propice à leur action habituellement associée : ainsi les troncs mixtes des nerfs racliidiens, où se mêlent les filets sensitifs et moteurs appartenant à un même seg- ment de la moelle, semblent réaliser la combinaison la plus propre aux actions réflexes; ainsi encore, en présence de l’influence si fréquemment constatée des nerfs sensitifs crâniens sur les nerfs moteurs de la même région, on est conduit à penser que leurs origines réelles doivent être bien voisines, quand on voit combien leurs origines apparentes sont res- serrées dans un petit espace (d’ailleurs les dissections de MM. Vulpian et Philippeaux, de Slilling, etc., prouvent qu’il en est réellement ainsi). Mais le contact dans l’intimité des centres nerveux entre les fibres originelles de deux nerfs sympathisans fût-il môme anatomiquement démontré, l’explication de la sympathie par le fait de ce contact n’en resterait pas moins une simple hypothèse. Avouons aussi que certains faits cliniques n’y paraissent pas, au premier abord, favorables; tel est, entre beaucoup d’autres, le trismus ou le strabisme que l’on observe parfois comme signe de la présence de vers dans l’intestin. Il n’en reste pas moins vrai que la sympathie préétablie entre certains nerfs sensitifs et certains nerfs moteurs est un fait d’observation très général, et que la pathologie doit en tenir le plus grand compte dans l’interprétation des affections convulsives. Avant de passer à d’autres considérations, consignons ici une re- marque critique d’une certaine importance. Trop souvent le médecin, voyant une contraction musculaire succéder à une impression sensitive, est porté à négliger les phénomènes psychiques que cette dernière peut entraîner après elle; il oublie que la sensation perçue peut devenir la source d’une émotion ou d’une idée, susceptible à son tour d’influencer le centre excito-moteur ; qu’elle peut faire naître aussi une sensation différente d’elle-mêrae; si bien que les mouvemens convulsifs, dernier terme de cet enchaînement, peuvent n’avoir aucune connexité avec l’impression primitive à laquelle on les attribue. Lorsqu’on dit, par exemple, que la blessure de l’iris provoque des vomisse mens (convulsion de l’estomac et des parois abdominales), on passe sous silence la nausée, symptôme intermédiaire qui suit cette blessure cl précède cette con- traction. Nous aurons bientôt l’occasion de revenir sur les faits de celte espèce et de montrer, en particulier, combien souvent les synergies des nerfs sensitifs en imposent pour des mouvemens réflexes véritables. 3" L'étendue des convulsions sympathiques varie, comme leur violence, avec le degré d’excitabilité du centre moteur; elle est subordonnée aussi au degré d’excitation actuelle, c’est-à-dire à l’intensité et à la nature de l’impression sensitive. Par conséquent, dans tous les cas où existe ce que l’on appelle l’état d’exaltation du pouvoir réflexe, pour peu que la modification subie par les nerfs centripètes soit forte ou que, par sou 370 PATHOLOGIE MÉDICALE. mode, elle favorise la production de mouvemens convulsifs, on verra ceux-ci s’étendre des muscles envahis les premiers à d’autres parties situées au-dessus ou au-dessous, [tasser d'une moitié latérale du corps à L'autre, et même devenir générales. Au contraire, le centre moteur est-il peu excitable, et 1 impression sensitive peu propre à en exalter l’activité fonctionnelle, aucune convulsion n’aura lieu, ou s’il en sur- vient, il n’y aura de contraction que dans les muscles liés par un rap- port de sympathie directe avec le nerf sensitif impressionné. La des- cription des névroses convulsives et spasmodiques nous montrera, entre ces cas extrêmes, une foule d’intermédiaires. D. Disons maintenant quelques mots de la part que le cerveau, con- sidéré comme organe psychique, peut prendre dans les convulsions. Four plus de clarté nous examinerons successivement ce qui est relatif aux perceptions, — à la volition, — au pouvoir de coordination. a. Comme instrument de perception, le cerveau ne joue, dans les ma- ladies convulsives, qu’un rôle secondaire, puisque en l’absence de toute sensation perçue et consciente, les nerfs centripètes peuvent influencer les nerfs moteurs qui leur correspondent et faire ainsi éclater des convulsions réflexes. Cependant il y aurait exagération à conclure de là, avec certains pathologistes, que la perte de la conscience est une condition essentielle à la manifestation des mouvemens convulsifs généralisés; on trouve, il est vrai, cette absence de perception dans les attaques épileptiques, et l’on sait combien l’épilepsie est remarquable par la violence et l’étendue du désordre musculaire. Mais d’abord la con- vulsion épileptique est-elle constamment de l’ordre des mouvemens réflexes? Et d’ailleurs n’esl-il pas d’observation journalière que dans cer- tains accès d’hystérie, d’éclampsie (voire même d’épilepsie), la connais- sance est conservée en tout ou en partie, si bien que le malade assiste pour ainsi dire à son attaque? Dès lors il paraît probable que l’annihi- lation de l’activité cérébrale ne concourt au développement des attaques convulsives, que dans une mesure assez restreinte ; peut-être tout se réduit-il à la non-intervention de la volonté qui, si elle restait agissante, pourrait jusqu’à un certain point contrarier les mouvemens pathologi- ques et en modérer la violence. Comme organe de perception, le cerveau agit encore en faisant éprouver au malade la sensation de la contraction convulsive de ses muscles; celle sensation est tantôt obtuse, tantôt très aiguë, les con- vulsions de quelques viscères et des cavités musculaires qui les renfer- ment sont toujours plus ou moins douloureuses, telles sont, par exemple, les contractions utérines. L’explication théorique de ces va- riations de la sensibilité musculaire n’est pas facile à donner. Mais c’est lorsqu’on envisage les perceptions au point de vue de leur influence pathogénique dans les maladies convulsives et dans le retour des attaques que l’on peut surtout apprécier leur véritable importance. Nous savons déjà qu'avec un système spinal exalté , tout devient l’oc- casion de décharges motrices plus ou moins énergiques; non-seulement les impressions sensitives qui, même à l’état normal, sont propres à éveiller des mouvemens réflexes, mais encore une sensation quelcon- que, une émotion, une idée. En cet état, qu’une sensation vive vienne à se produire, elle pourra mettre en jeu le centre spinal tout entier et devenir ainsi le point de départ de convulsions générales ; il n’échap- pera à personne combien ce mécanisme diffère de celui des actions ré- flexes ordinaires. Ce que nous venons d’indiquer comme la conséquence possible d’une sensation simple, pourra être également le résultat d’un souvenir qu’elle aura rappelé, d’une émotion, d’une idée, de l’attention qu’elle aura éveillées. Chose remarquable, si, au lieu d’être affectés dans leur ensemble, les élémens moteurs ne sont en état d’activité exaltée que dans une portion limitée des centres nerveux, les effets dont il s’agit se circonscriront davantage et se feront sentir exclusivement dans les régions surexcitées; alors, en supposant toujours une impression sen- sitive comme point de départ, on prévoit que les convulsions pourront être observées à une très grande distance du point primitivement irrité. Soit un malade affecté de convulsions habituelles de la face : un bruit intense vient à frapper son oreille, aussitôt les mouvemens mor- bides éclatent ou s’exaspèrent ; ces mouvemens, d’apparence réflexe, ne sont en réalité que la conséquence très indirecte de la sensation acous- tique, et pour concevoir leur production, il faut admettre que le scn- sorium ébranlé par une perception trop vive a influencé les élémens moteurs dans leur partie la plus excitable (pars minoris resislentiœ, diraient les anciens), qui, ici par hypothèse, correspond à la naissance de la septième paire. Cela est si vrai qu’en l’absence de toute sensation venue de la périphérie, l'activité cérébrale mise en jeu par une autre cause quelconque, donne lieu à des effets absolument semblables. b. Lorsque dans une maladie convulsive, la connaissance est conservée, non-seulement les perceptions, les émotions, les idées exercent l’in- fluence que nous venons d’indiquer, mais la voliiion elle-même peut provoquer des mouvemens involontaires. Arrêtons-nous un moment à cette proposition qui au premier abord ne laisse pas que de paraître paradoxale. La volonté, de quelque façon qu’on l’envisage en métaphysique, n’est rien de plus, aux yeux du physiologiste, que l’un des stimulons du pouvoir moteur ; elle n'est pas le seul agent d’impulsion dont ce pou- voir relève, et l’action qu’elle exerce sur le mouvement est même assez restreinte. Pour en bien marquer les bornes, prenons d’abord le cas le plus simple, celui dans lequel la continuité du système nerveux est nèvboses. 371 372 PATHOLOGIE MÉDICALE. interrompue ; soit, par exemple, une section ou une destruction mor- bide de la moelle. Voilà le cordon rachidien divisé en deux régions, l’une tributaire de la volonté, l’autre qui y est rebelle ; tout mouvement qui surviendra après une excitation de cette dernière partie sera un mouvement involontaire. Mais qu’arrivera-t-il si la maladie, tout en respectant la continuité physique du centre spinal et sans intercepter complètement l’accès de la volonté, fait naître dans une partie de la moelle un état d’impressionnabilité excessive ; cette disproportion entre l’énergie fonctionnelle propre du centre spinal et du centre cérébral, quelles en seront les conséquences ? Ici plusieurs cas pourront se pré- senter : Ou bien l’excitation motrice du centre spinal aura produit tout l’effet qu’elle peut produire; les nerfs moteurs auront propagé une stimulation portée à son summum vers les fibres musculaires, et celles-ci auront atteint le degré extrême de leur contraction; vainement alors la volonté interviendra pour faire naître une excitation nouvelle et différente de celle qui a lieu actuellement. C’est ainsi que dans la contracture, on voit, malgré les efforts que fait le malade pour allonger ses muscles, la rigidité immobile persister et les membres garder l’attitude que la con- vulsion leur a imprimée. D’autres fois l’excitation du centre spinal aura été moins forte, la contraction n’aura pas atteint la dernière limite de son énergie, elle existera seulement dans quelques groupes musculaires ; alors la volition pourra modifier les phénomènes convulsifs, directement ou indirec- tement, en déterminant soit le relâchement des muscles contractés, soit la contraction de leurs antagonistes ; tout le monde sait par exemple que la crampe des muscles gastro-cnémiens peut être arrêtée, quand elle ne fait que débuter, par l’extension volontaire de la jambe, etc. Chez certains malades enfin, et c’est le point où nous voulions en venir, le centre spinal, sous le coup de l’imminence convulsive, se trou- vera momentanément dans un état de repos apparent, sorte d’équilibre instable qui n’attend pour être rompu que le prétexte d’une sollicitation quelconque; ce prétexte pourra lui être fourni par l’accumulation même du stimulus dans le centre excito-moteur, ou par une irritation des nerfs périphériques, ou enfin par l’excitation cérébrale. C’est alors que la volition, à titre de l’un des modes de cette dernière excitation, et de la môme manière que toute autre activité psychique, ou qu’un autre sti- mulant quelconque , pourra déchaîner des convulsions que, l’instant d’après, elle sera impuissante à dominer. En effet l’observation nous apprend que dans le tétanos, la chorée, dans la crampe des écrivains, dans le bégayement convulsif, dans certaines variétés de strabisme, l’action de vouloir exécuter un mouvement normal est précisément ce qui provoque le retour du mouvement morbide. C’est une remarque pleine de sagacité et de justesse que celle de Gaubius, considérant comme NÉVROSES. 373 demi-convulsif l’état des malades chez lesquels les mouvemens, sans être involontaires, ont une vélocité et une énergie insolite, et chez les- quels les muscles, dit-il, semblent aller au-devant de la volonté. D’après ce qui précède, on comprend qu’un certain degré de para- lysie (perte du mouvement volontaire) n’exclut pas cette influence per- turbatrice que le centre de volition exerce dans certains cas sur le sys- tème moteur; en effet il peut arriver que les parties du centre spinal presque entièrement soustraites à l’action cérébrale, soient placées dans un état d’exaltation motrice très grande. Aussi comprend-on aisément pourquoi chez le choréique, par exemple, faisant un effort pour exé- cuter un mouvement volontaire, les secousses convulsives qui se réveil- lent ou qui s’exaspèrent à cette occasion, prédominent dans la moitié du corps la plus faible; la volition aura agi dans cette circonstance à la façon delà strychime, qui, administrée à des paralytiques, produit quelquefois les raideurs les plus fortes justement dans les membres privés du mouvement volontaire. c. Pour l’exercice normal des fonctions, il est nécessaire non-seule- ment que les contractions soient excitées, mais encore que les mou- vemens soient coordonnés : il faut que les fléchisseurs, extenseurs, rotateurs, etc., des membres; les expirateurs et les inspirateurs; les muscles qui servent à l’expression des passions, à l’émission de la voix et à l’articulation des mots, combinent et harmonisent leur action simultanée ou successive ; il faut qu’ils se contractent et se relâchent dans un cer- tain ordre déterminé, avec une précision invariable. C’est là ce qui con- stitue la coordination, phénomène, comme on l’a justement fait ressortir, bien distinct et de la motricité et de la volonté. Nous disons phénomène, parce qu’on ignore si la coordination ne résulte pas de quelque arran- gement particulier des fibres dans les centres nerveux, et que l’exis- tence d’une force spéciale qui y présiderait, a été vivement contestée. Tout le monde sait que les principes coordinateurs ont été localisés : pour les mouvemens respiratoires dans le bulbe ; pour ceux de la parole dans les lobes antérieurs du cerveau; pour la locomotion et l’équilibra- tion dans le cervelet; pour les mouvemens des yeux dans les tubercules quadrijumeaux. Récemment un physiologiste a placé dans la moelle épinière le principe, considéré par d’autres comme psychique, qui coor- donnerait les mouvemens des membres, etc. Ces questions ne louchent qu’assez indirectement à notre sujet. Qu’il nous suffise de faire observer que dans les convulsions aussi, ce ne sont pas seulement des secousses irrégulières et isolées que l’on rencontre, mais que très souvent on y con- state des mouvemens coordonnés, c’est-à-dire la contraction de certains groupes de muscles tels que fléchisseurs, extenseurs, rotateurs, etc. La coordination est même l’un des caractères des convulsions réflexes ; on y observe presque constamment une synergie morbide, calquée en quel- PATHOLOGIE MÉDICALE. que sorte sur la synergie normale de certains groupes musculaires; on y voit fréquemment la contraction des organes contenus associée à celle des parois musculaires qui les renferment, etc. C’est la coordination des contractions musculaires qui donne à certaines attaques convulsives une si grande ressemblance avec des mouvemens intentionnels, au point que les anciens ont cru y voir les indices d’une lutte : l’épileptique, par exemple, se débattait pour se débarrasser d’un ennemi invisible. « La convulsion, dit Sauvages, est un effort de la nature tendant à améliorer l’étal du corps, ou à le rendre plus agréable ; cette proposition est reconnue vraie par tous les sectateurs d’Hippocrate et de Galien. » C’est encore une coordination vicieuse des mouvemens qui caractérise ces singulières aberrations de la motilité rattachées par Romberg aux convulsions, sous le nom de convulsions, statiques, qui font que les ma- lades ont une invincible tendance à avancer toujours, ou à reculer, à tourner sur eux-mêmes, etc. 2. Des spasmes.—Les développemens que nous avons dû consacrer au mécanisme des convulsions nous dispenseront d’examiner dans tous ses détails la physiologie des spasmes, c’est-à-dire des mouvemens mor- bides qui ont pour siège les muscles viscéraux et pour excitateur le grand sympathique ; au surplus ce sujet est encore environné d’une grande obscurité. Le système nerveux de la vie végétative se compose, comme on sait : 1° de nerfs centripètes, qui représentent les nerfs sensitifs cérébro- spinaux; 2° de nerfs centrifuges ou moteurs analogues à ceux de la vie de relation ; 3° de ganglions qui paraissent être des centres d’inner- vation. Mais celle-ci y est-elle engendrée comme dans les foyers d’in- nervation de l’axe cérébro-spinal? y est-elle simplement apportée par les rameaux anastomotiques qui rattachent ces renflemens à la moelle? et, dans ce dernier cas, est-elle retenue dans les ganglions pour y subir quelque modification particulière? Autant de questions qui sont loin d’avoir reçu une solution définitive. Sans nous y arrêter davantage, nous allons indiquer brièvement sous quelles influences les contractions morbides se produisent dans les muscles viscéraux, et nous adopterons pour celte exposition le même ordre que nous avons suivi dans l’étude des convulsions proprement dites. A. Y a-t-il des spasmes par excitation directe des nerfs moteurs ganglionnaires? Cela est difficile à affirmer, d’autant que ces nerfs sont toujours intimement mêlés aux nerfs centripètes ganglionnaires; on est donc obligé de rester à ce sujet dans un doute encore plus absolu qu’à l’égard des nerfs moteurs cérébro-spinaux. B. Même doute pour savoir si l’irritation pathologique des ganglions est capable de susciter des spasmes ; on peut cependant soupçonner que chacun de ces organes possède jusqu’à un certain point les propriétés excitatrices d’un petit centre nerveux, et rappeler à ce propos les expé- riences bien connues où des irritans divers, appliqués aux ganglions, ont réveillé le mouvement péristaltique des intestins, etc. C. En revanche, rien n’est mieux démontré que l’existence de spasmes réflexes dans le domaine du grand sympathique ; tous les mou- vemens normaux des viscères ne sont-ils pas réflexes? ne présentent-ils pas cette double particularité (si importante pour l’exercice silencieux des fonctions dites végétatives), d’être soustraits à l’empire de la volonté ; — d’être presque toujours liés aux impressions que les surfaces inté- rieures subissent au contact de leurs excitans physiologiques : sang, air, alimeus, produits de sécrétions, etc.? Qu'un changement survienne, soit dans la membrane impressionnable, soit dans la quantité ou les qualités de l’agent stimulant, et alors, an lieu de mouvemens normaux, on verra naître des spasmes réflexes. Ceux-ci, comme les convulsions proprement dites, sont tantôt irréguliers, tantôt et plus souvent réguliers, ou mieux subordonnés dans leur manifestation aux rapports sympathiques pré- établis entre l’organe affecté et d’autres organes plus ou moins éloignés. Et de même que nous avons vu, grâce à une sorte de pouvoir dispersif du centre moteur surexcité, les convulsions réflexes envahir successi- vement ou à la fois plusieurs groupes de muscles, de même aussi les spasmes réflexes ne se renferment pas toujours dans les limites du vis- cère qui le premier a reçu l’impression morbide il est fréquent, au contraire, de les voir s’étendre synergiquement à d’autres organes con- tractiles en plus ou moins grand nombre. De là dépend sans doute la multiplicité des accidens spasmodiques que provoquent les souffrances de certains organes, tels que l’utérus, l’intestin, etc. Est-ce à travers les ganglions eux-mêmes que l’impression centripète se réfléchit pour revenir dans les nerfs centrifuges ou moteurs? Peut- être; mais il est certain que les faits pathologiques s’expliquent tout aussi bien sans recourir à celte supposition, et en admettant que, pour les nerfs ganglionnaires et pour ceux de la vie animale, le centre de réflexion est le même. En effet, si, au lieu d'examiner, dans un état d'iso- lement tout artificiel, les seuls mouvemens morbides qui se passent dans les muscles animés par le grand sympathique, et dont l’origine est une impression transmise, elle aussi, parles nerfs ganglionnaires ; si, disons- nous, on envisage ce nerf tel qu’il est en réalité, c’est-à-dire intimement uni à l’axe cérébro-spinal, on trouvera dans l’incessant échange d’exci- tations sensitives et d’impulsions motrices qui se fait de l’un à l’autre système, la preuve de leur solidarité fonctionnelle. Ainsi, 1° les nerfs sensitifs cérébro-spinaux viennent-ils à être stimulés, les décharges motrices se propageront souvent simultanément par les filets centrifuges des deux systèmes; c’est ce qui produit, à l’état de santé, la synergie des fibres musculaires striées et lisses (titillation du gland : contracture du bulbe-caverneux et des vésicules séminales). NÉVROSES. 375 376 PATHOLOGIE MÉDICALE. Celte même synergie, nous la retrouverons à 1 état morbide, dans la réunion de la convulsion et du spasme (hyperesthésiedela rétine: occlu- sion des paupières et contraction de l’iris). — 2° Si le point de départ, au lieu d’être dans les nerfs cérébro-spinaux, se trouve dans les nerfs centripètes ganglionnaires, le mouvement pourra encore se passer tout à la fois dans les muscles striés et dans ceux à fibres lisses. (Exemple : le vomissement provoqué par une inflammation du rein ; ici la tunique charnue de l’estomac se contracte en même temps que les parois abdo- minales et le diaphragme, etc., etc.) 1). La solidarité des deux systèmes nerveux, déjà manifeste dans les spasmes réflexes, se révèle d’une manière encore plus évidente dans les spasmes dont la cause prochaine réside dans un état d’exaltation pri- mitive de la puissance motrice ; nous voulons parler des faits où indé- pendamment de toute excitation périphérique, la motricité semble s’ac- cumuler en excès dans les centres nerveux. Toutes les circonstances que nous avons indiquées comme faisant naître la convvlsibilité sont aussi causes de spasmophilie. E. Enfin, les troubles de l’activité psychique proprement dite (émo- tions et passions vives, exercice exagéré de la pensée, etc.) ont sur la manifestation des spasmes une influence si directe et si incontestable, qu’il suffit de la rappeler. Qui ne connaît l’effet des émotions morales sur les baltemensdu cœur, sur la contraction des intestins, etc.? Comme conclusion générale, on peut donc, jusqu’à un certain point, assimiler la partie centripète du grand sympathique prise dans son en- semble, à une série de nerfs sensitifs cérébro-spinaux, puisque les im- pressions qu’elle transmet sont susceptibles d’éveiller des contractions dans les muscles de la vie animale. D’une autre part, la portion cen- trifuge du grand sympathique affectée au mouvement, paraît n’être autre chose qu’une série de nerfs moteurs émanant indirectement de l’axe cérébro-spinal, puisqu’elle peut transmettre aux muscles viscéraux les impressions reçues par les nerfs sensitifs de la vie de relation. 11 est vrai que les impressions sensitives du grand sympathique restent le plus souvent latentes, ou quand elles arrivent à la conscience, sont perçues avec un mode particulier; il est vrai encore que les mouvemens rhyth- miques et péristaltiques que provoque le même nerf, diffèrent par plu- sieurs caractères du mouvement que détermine l’influence immédiate du système spinal. Cependant l’analogie que nous signalons l’emporte sur les différences; ce qui achève de la démontrer, c’est que, même eu dehors de toute action réflexe, l’accroissement spontané de la puis- sance excito-motrice se traduit par des effets identiques et souvent simul- tanés dans les deux ordres de nerfs moteurs ; puis cet autre fait que si l’excès d’activité, dans le centre moteur, remonte h quelque cause de l’ordre purement psychique, on le .voit agir encore d’une manière re- marquable sur les muscles animés par les nerfs ganglionnaires. Avons-nous besoin de rappeler une fois de plus que l’iris, le cœur, le pharynx, l’œsophage, l’estomac, la vessie, le rectum/etc., reçoivent à la fois des nerfs rachidiens et des nerfs ganglionnaires, et que, pour une foule d’organes de la vie végétative, la distinction entre le spasme et la convulsion est chose absolument arbitraire? Aussi bien le critérium de ces deux sortes de mouvemens pathologiques, de ces deux modes d' hypercinèse, doit-il être recherché bien plutôt dans les caractères ana- tomiques des muscles affectés que dans la source (cérébro-spinale ou ganglionnaire) des nerfs qui s’y distribuent. 1964. Diagnostic. A. La constatation de l’état convulsif ou spasmo- dique ne présente pas en général de difficulté sérieuse. Cependant il faut être en garde contre la simulation de cet état, qui est assez fré- quente. Il est aussi des convulsions légères, fugaces, telles que certains strabismes, une contraction momentanée du visage, etc., qui échappent aisément à une observation superficielle et que pourtant il peut y avoir une grande importance à ne pas méconnaître. B. On ne confondra pas la convulsion d’un muscle avec sa rétrac- tion: celle-ci peut, il est vrai, succéder à un état convulsif, et alors il n’est guère possible de trouver une limite précise entre ces deux condi- tions pathologiques ; mais n’oublions jamais que la rétraction peut ré- sulter aussi, et résulte fort souvent, de quelque altération dans la struc- ture des fibres charnues ou de quelque cause mécanique qui a tenu les deux extrémités d’un muscle rapprochées pendant longtemps, etc. ; en d’autres termes, le seul fait de la rétraction n’autorise pas à en placer la cause dans un trouble du système nerveux moteur. C. La paralysie et la contracture sont faciles à distinguer l’une de l’autre : dans ces deux états morbides l’influence de la volonté sur la contraction musculaire est anéantie ; mais la flaccidité du tissu charnu dans un cas, sa rigidité dans l’autre, établissent une différence tranchée et qui se constate du premier coup. Toutefois, le même muscle pou- vant être h la fois paralysé et contracté, il est des cas où le diagnostic devient plus difficile ; ou plutôt il ne s’agit pas alors, à proprement parler, de reconnaître une affection unique, mais bien de constater la présence d’une complication, d’un état morbide consécutif, adventice. D. Une autre combinaison où la convulsion et la paralysie demandent à être soigneusement différenciées, est celle où l’on observe dans une même région du corps la contraction d’un certain nombre de muscles et le relâchement de leurs antagonistes. En pareil cas, une double question peut se présenter : le relâchement est-il produit par la paralysie, ou est-il simplement le repos, contrastant avec l’activité morbide existant ailleurs? la contraction est-elle l’effet d’un état convulsif ou le ré- sultat d’un excès de tonicité déterminé par la paralysie d’autres mus- cles ? L’hésitation est permise quand par exemple l’une des moitiés de la face est dans un état d’affaissement et l’autre contractée, lorsque NÉVROSES. 377 378 PATHOLOGIE MÉDICALE. les membres sont entraînés dans la flexion on l’extension. Pour éviter l’erreur, il faut, règle générale, s’assurer avant tout de l’existence ou de l’absence de la paralysie, loin de se borner, comme on le fait souvent, à l’examen de la seule attitude des parties. E. Un état convulsif prolongé peut en imposer pour une altération anatomique des organes, surtout s’il est accompagné de douleur : la contracture du psoas a fait croire plus d’une fois à une coxalgie, le spasme vésical à la présence d’une pierre, les palpitations nerveuses à une maladie du cœur, et ainsi de suite. On ne saurait dès lors mettre trop de soin dans l’exploration physique des organes, seul moyen le plus sou- vent d’éviter des confusions fâcheuses. F. Ces précautions étant prises dans les cas qui les réclament, et l’état convulsif étant reconnu, il s’agit d’en déterminer la cause, et de résoudre d’abord la question de savoir si c’est à une névrose que l’on a affaire, ou bien à un trouble nerveux directement symptomatique d’une altération matérielle; sauf ensuite à localiser cette névrose ou cette lésion dans le cerveau, dans la moelle ou dans les nerfs. a. L’étal fonctionnel des diverses régions du système nerveux, et, autant que faire se pourra, l’état physique des parties voisines, devront être examinés avec la plus grande attention. A-t-on constaté quelque lésion dans la région crânienne ou spinale? les symptômes sont-ils mul- tiples, et au lieu de traduire le seul trouble de la rnotilité, révèlent-ils en même temps une perturbation de l’intelligence, des fonctions senso- rielles, etc.? la marche des convulsions est-elle continue, et dans les cas d’intermittence, voit-on dans leurs intervalles persister des phénomènes de paralysie ou de perturbation intellectuelle? a-t-on reconnu à d’autres signes, soit une intoxication alcoolique, saturnine ou autre, soit une maladie diathésique pouvant donner lieu à des productions accidentelles en contact avec la substance nerveuse? Toutes ces circonstances feront présumer avec beaucoup de vraisemblance que la maladie n’appartient pas aux névroses pures. On aura égard en outre au sexe, à l’âge, à la consti- tution du sujet, à l’ensemble des causes qui paraissent avoir présidé au développement de la maladie; et souvent dans l’appréciation de ces di- verses données on puisera des motifs pour admettre ou pour rejeter tout d’abord l’idée de convulsions idiopalhiques ou sympathiques. Pour le diagnostic de ces dernières, il sera utile de passer en revue tous les points de la périphérie nerveuse, en accordant une attention particu- lière à l’état des dents, de l’estomac et des intestins, de l’utérus. h. Enfin, qu’il existe ou non une lésion anatomique, il s’agit encore de déterminer dans quelle partie du système nerveux se produit le trouble fonctionnel dont la convulsion est la conséquence. Ici les faits de con- vulsions symptomatiques doivent nous servir d’enseignement pour ceux où la même modification de la rnotilité paraît être le résultat d’une simple perturbation dynamique. Rappelons à ce sujet qu’à la vérité des cou- NÉVROSES. 379 vulsions peuvent se produire dans un petit nombre de muscles ou même dans un seid, bien que la maladie occupe l’encéphale ; que d’un autre côté des convulsions multipliées pourraient à la rigueur dépendre d’une affection disséminée dans plusieurs points de la périphérie nerveuse, sans aucune participation des centres; mais, hâtons-nous de le dire, ce sont là des faits exceptionnels : presque toujours on sera fondé à admettre une affection (ou une participation au moins) de la moelle quand les convulsions occuperont les deux côtés du corps, et à recon- naître l’action ou l’intervention morbide de l’encéphale quand la face, la langue, le pharynx, etc., seront pris seuls ou en même temps que les membres. Dans ce dernier cas, on observera en outre souvent, mais non constamment, d’autres symptômes dénotant une affection cérébrale, tels que perte de connaissance, troubles intellectuels et sensoriaux, etc. 1965. Pronostic. — Nous avons déjà dit que, d’une manière géné- rale, les névroses de la motilité, comparées aux autres névroses, pré- sentent un certain degré de gravité. Mais le pronostic varie beaucoup dans les diverses espèces de convulsions. Il dépend de la cause elle- même, grave ou légère, de la maladie. Il dépend aussi du nombre des muscles affectés et de leurs usages physiologiques : les convulsions gé nérales peuvent entraîner la mort, soit en produisant des congestions dans le cerveau et d’autres organes, soit par une sorte d’épuisement ou d’énervation quand elles se prolongent; les convulsions limitées ne peuvent guère compromettre la vie, à moins qu’elles n’occupent des organes dont la contraction met obstacle au passage de l’air et des alimens, ou au cours du sang. Les névroses convulsives et spasmodiques diffèrent encore singulière- ment entre elles sous le rapport de leur curabilité ; il en est un certain nombre qui persistent indéfiniment, quoi qu’on fasse, et plus elles vieil- lissent, moins on a de chances de les voir guérir ; d’autres sont transi- toires de leur nature même : elles se modifient ou disparaissent avec les progrès de l’âge, avec les changements survenus dans les conditions hygiéniques, avec l’éloignement spontané ou obtenu par les efforts de l’art de la cause qui a produit les accidens, etc. Aucune proposition générale ne saurait résumer des faits aussi variables. 1966. Traitement. — Combattre la cause des convulsions ; traiter l’attaque convulsive, tel est ici le double but de la thérapeutique. 1° L’étiologie des convulsions comprenant un très grand nombre d’élémens, nous ne saurions entrer dans de longs détails au sujet du trai- tement réclamé par chacun d'eux. Nous dirons seulement qu’en premier lieu il faut déterminer le plus rigoureusement possible l’existence ou l’absence d’une lésion matérielle, et s’attacher à combattre celle ci quand elle est de celles qui ne déjouent pas les efforts de la médecine. On recher- chera donc le point de départ des convulsions dans les centres nerveux, dans les nerfs moteurs, dans les nerfs sensitifs, et fou opposera aux 380 PATHOLOGIE MÉDICALE. divers états pathologiques de ces parties le traitement général ou topique, médical ou chirurgical, hygiénique et pharmaceutique qu’ils comman- dent. L’état de chlorose ou d’anémie devra être, dans bien des cas, pris en grande considération, et les ferrugineux, les toniques de toutes sortes, l’hydrothérapie, occupent une place importante dans le traite- ment des maladies convulsives : fortifier étant souvent le vrai moyen de calmer. Les résultats sont beaucoup moins nets et souvent ils sont nuls quand la cause de la maladie reste inconnue, ou qu’elle est au-dessus des ressources de l’art, ou qu’enfm on néglige de la traiter pour ne s’occuper que de ses effets. La disposition convulsive, ce que nous avons appelé convulsibilité, spasmophilie, suractivité du centre moteur, etc., est une condition pathologique toute spéciale, singulièrement rebelle à l’usage externe et interne des préparations d’opium, de jusquiame, d’ar- senic, de camphre, d’éther, et d’une foule d’autres agens pris dans la classe des médicamens que l’on décore du nom d’antispasmodiques: ingens farrago, disait Van-Swieten. D’ailleurs pour le choix à faire entre tant de moyens différens, on manque, il faut l’avouer, de toute indi- cation positive et précise, et l’on se trouve réduit à tous les tâtonnemens de l’empirisme. 2° Quant au traitement des attaques, distinguons bien les convulsions partielles qui par elles-mêmes n’exigent guère l’intervention active et immédiate du médecin, des convulsions générales qui la réclament quel- quefois impérieusement. Dans ces dernières, tantôt on s’efforce de pré- venir le retour des attaques : pour cela il faut soustraire les malades aux excitations morales ou physiques trop vives ; placer dans certains cas des ligatures sur un membre d’où semble s’irradier l’excitation au mouvement ; comprimer les carotides pour empêcher l’abord du sang vers la tête, etc.; tantôt, si les convulsions ont déjà éclaté, on essaye d’en modérer l’intensité par l’usage des antispasmodiques, des dérivatifs cutanés, etc.; quelquefois, si des signes de congestion se prononcent vers la tête, une émission, sanguine devient nécessaire; ou bien enfin il s’agit de remédier par un traitement variable selon les cas, aux acci- dents d’hypérémie ou autres qui se développent consécutivement à l'accès convulsif. Les moyens employés contre les convulsions partielles sont exacte- ment ceux que l’on est dans l’habitude d’opposer aux affections doulou- reuses des nerfs sensitifs. Dans les généralités qui précèdent nous n’avons pas toujours nette- ment séparé ce qui est relatif aux névroses complexes avec phénomènes convulsifs de ce qui appartient aux névroses convulsives proprement dites. S’il en résulte quelque confusion, il n’en faut accuser que la base exclusivement physiologique sur laquelle repose la classification des NÉVROSES. 381 névroses; classification dont nous avons déjà fait ressortir l’insuffisance et les inconvéniens, tout en la signalant comme la seule possible dans l’état actuel de nos connaissances. Mais au moment de faire la description particulière des diverses névroses convulsives, nous croyons devoir rap- peler que celte étude n’embrassera forcément qu’un petit nombre d’es- pèces morbides, et que le lecteur devra recourir, pour en trouver le complément naturel, à l’histoire des névroses complexes (état nerveux, chorée, hystérie, épilepsie, etc.). Les seules affections dont nous ayons à nous occuper à cette place, sont les convulsions partielles, et cela parce que les convulsions générales étant le symptôme d’une affection des centres nerveux ne sauraient guère exister sans qu’il s’y ajoute d’autres phénomènes, tels'que troubles de la sensibilité, de l’intelli- gence, des sens spéciaux, autant de signes concomilans et équivalons de la même souffrance organique. DES CONVULSIONS ET DES SPASMES EN PARTICULIER. CONVULSIONS DE LA FACE. ARTICLE XXXVII. 1967. Bibliographie. —V. celle de l’article névralgie faciale, à laquelle il faut ajouter : A. Trousseau. De la né or algie épileptiforme {.Archives gén. de méd., 5e série, 1853, t. I, p. 33). A. Brambilla. Beob. über einen Hundskrampf{spasmus cynicus), in Abhandl. der rned.-chir. Académie zu Wien. Vienne, 1787, in-A, t. I, p. 213. Marshall Hall. On the diseases of the nervous System. London, 18A1, in-8, p. 97 et passim. François. Essai sur les convulsions idiopathiques de la face. Bruxelles, 18A3, in-8. Synonymie. Tic convulsif de la face, lie non douloureux, convulsion mimique (Romberg). 1968. Symptômes. ~ Dans sa forme la plus habituelle, cette affection est caractérisée par des mouvemens involontaires, saccadés, ayant pour siège l’une des moitiés de la face, plus rarement les deux cotés à la fois; mouvemens pendant lesquels le front, les sourcils, les paupières, l’aile du nez, les lèvres, sont tiraillés en divers sens. Il en résulte des grimaces singulières, hideuses parfois, qui disparaissent au bout de peu d’instans (quelques secondes à 20 minutes) pour revenir après un intervalle va- riable. L’action de rire, de parler, est souvent l’occasion de ce retour; il en est de même de certains mouvemens des paupières : sitôt que les malades les exécutent, une agitation convulsive survient dans les autres parties de la face. 382 PATHOLOGIE MÉDICALE. Ces contractions involontaires, an lieu d’occuper une moitié latérale du visage, ou même toute la région faciale, peuvent être bornées à un petit nombre de muscles : c’est ce qui constitue les tics partiels parmi lesquels on distingue le clignement convulsif des paupières ; le rire grimaçant, désigné sous les noms de sardonique, canin, spasme cyni- que, etc. Les muscles auriculaires eux-mêmes, si peu contractiles dans l’espèce humaine, sont quelquefois convulsés : M. Romberg en cite un exemple. Marche. Durée. Terminaison. — Il existe ordinairement au début quelques douleurs faciales, puis elles se dissipent, et les contractions involontaires qui se manifestent ne sont pas même senties par le malade ; dans certains cas il y a obtusion de la sensibilité cutanée. Le développe- ment de la maladie est le plus souvent graduel ; une fois établie, elle a une grande tendance à persister toute la vie ; sa marche est essentielle- ment chronique (1), et l’on voit les contractions morbides se succéder presque sans relâche : le sommeil même ne les interrompt pas toujours. Complications. —Lorsque des mouvemens convulsifs de la face ac- compagnent la névralgie de la cinquième paire, leur réunion constitue ce qu’on appelle à proprement parler le tic douloureux ; dans un cas cité par Bérard (article Face du Diction, en 30 vol.) les convulsions occupaient l’une des moitiés du visage, tandis que l’autre était envahie par la douleur névralgique. — Les muscles agités de mouvemens con- vulsifs peuvent d’ailleurs être à l’état sain, ou présenter une diminution ou même une annihilation de leur contractilité volontaire. — Les con- vulsions de la face coexistent assez souvent avec quelques mouvemens choréiformes dans d’autres parties du corps. 1969. Causes.-—Si nous éliminons, comme il convient de le faire, les lésions cérébrales et méningéesqui, parmi leurs symptômes, peuvent offrir des mouvemens convulsifs de la face ; si nous faisons également abstraction de l’influence, d’ailleurs contestée, que les lésions du diaphragme exer- ceraient sur la production de semblables mouvemens, il ne nous restera à noter qu’un bien petit nombre de causes dont l’action soit bien dé- montrée. Telle est l’impression de l’air froid sur le visage, ou l’irritation du nerf facial par des tumeurs placées à son voisinage; tels sont en- core divers états morbides des nerfs sensitifs de la tête. Une émotion morale vive est souvent la seule cause appréciable du tic, et celni-ci apparaît alors comme une sorte de chorée très limitée; du reste, la chorée générale mal guérie peut laisser après elle, comme vestige indé- finiment persistant, des contractions involontaires dans les muscles de la face. L’affection qui nous occupe se rattache quelquefois à l’habitude (l) Cependant on cite aussi quelques faits où le tic présente les caractères d’une affection aiguë. Voy. Marcotte, Tic non douloureux de nature hystérique reparaissant sous le type quotidien (Actes de la Société médicale des hôpitaux. Paris, 1851, in-8, p. 124). 1NËVH0SES. de certaines grimaces contractée dans le jeune âge, et l’on admet que l’imitation n’est pas étrangère à son développement. Dans le plus grand nombre des cas, il faut en convenir, l’origine du mal reste complète- ment inconnue. Il se rencontre à tous les âges, excepté la première enfance ; on le dit plus fréquent chez l’homme que chez la femme, mais il ne faut pas oublier que son étiologie a été à une certaine époque avec celle de la névralgie faciale ou tic douloureux. — Quant aux circon- stances qui ramènent les convulsions ou qui en augmentent l’intensité, ce sont surtout, comme nous l’avons dit, les excitations sensorielles, les émotions, l'embarras que les malades éprouvent en se voyant un objet de curiosité, etc. 1970. Physiologie pathologique. — a. Il s’agit évidemment ici d’un état morbide du nerf facial ou des portions de Cencéphale qui corres- pondent à l'origine de ce nerf. Ce que le tic douloureux est pour le tri- jumeau, le tic non douloureux l’est pour le facial ; la stimulation mor- bide de l’un ou l’autre de ces nerfs détermine des effets en rapport avec les attributions ou sensitives ou motrices qui sont dévolues à chacun d’eux. Il serait inutile aujourd’hui d’insister plus longuement sur un semblable parallèle; faisons seulement observer qu’en présence de tics très intenses, quoique nullement douloureux, il semble y avoir quelque invraisemblance à regarder le nerf facial comme le siège de la douleur dans certaines prosopalgies. (Voy. 1790, a.) h. L’affection que nous venons de décrire n’est pas sans analogie avec la chorée ; même importance reconnue aux causes de l’ordre moral; même contraste entre la faiblesse de la contractiliié volontaire et l’inten- sité des contractions involontaires; l’intervention de la volonté, ici comme dans la chorée, impuissante à maîtriser la convulsion, ou même agis- sant à l’égal des émotions pour déterminer le retour du mouvement morbide ou pour en exagérer la force ; enfin comme dans la chorée, le sommeil amenant souvent la cessation des spasmes. A d’autres égards, le tic de la face se rapproche de l’épilepsie, en ce sens que, comme cette névrose, il peut avoir pour point de départ un état morbide des nerfs sensitifs et se développer par le mécanisme des actions réflexes; de plus on trouve quelque ressemblance entre la réapparition fréquente, soudaine, paroxystique des convulsions faciales et le retour des accès d’épilepsie; mais là doit s’arrêter la comparaison, car la conservation de la connaissance dans un cas, son anéantissement dans l’autre, tracent entre les deux maladies une limite infranchissable. Nous ne parions pas, bien entendu, des cas assez rares du reste où les attaques épileptiques ne sont accompagnées que de quelques grimaces convulsives, ni des faits d’épilepsie où quelques mouvemens des yeux ou des lèvres, la distorsion des traits du visage ouvrent seulement la scène ou prédominent pendant la durée de l’accès, etc. 383 384 c. Parmi les causes des convulsions faciales, il en est une sur laquelle nous croyons devoir insister : c’est l’excitation des filets de la cinquième paire pouvant déterminer des raouvernens réflexes dans le domaine de la septième. L’étroite sympathie de ces deux nerfs éclate à l’état phy- siologique par une foule de phénomènes bien connus. A l’état morbide, les mouvemens convulsifs qui accompagnent la prosopalgie intense nous fournissent une nouvelle démonstration de ce consensus; enfin les con- vulsions suscitées par une affection non douloureuse de la cinquième pairejen sont encore une preuve évidente. Seulement, tandis que les effets de la prosopalgie sont perçus, c’est-à-dire qu’ils produisent dans le sensorium une impression pénible accusée par le malade, l’état mor- bide non douloureux du trijumeau passe silencieusement à travers les centres et se réfléchit vers le facial, sans s’être converti en perception distincte ; et cependant entre l’affection morbide du nerf centripète et celle du nerf centrifuge il existe une relation si intime qu’il suffit de sup- primer l’une pour que l’autre cesse d’elle-même (1). 1971. Diagnostic. — Le tic non douloureux ne peut être confondu ni (I) Entre beaucoup d’observations propres à mettre eu évidence ce rôle pa- thogénique des nerfs sensitifs dans la production des convulsions dites réflexes, nous rapporterons le fait suivant recueilli parMitcbels (Med.-chir. Transactions. London, 1813, t. IV, p. 2o). « Une femme âgée de cinquante ans fut prise tout à coup dans la face et la langue, de mouvemens convulsifs qui, au bout de quinze jours, s’étendirent au cou. L’accès débutait par un sentiment de fai- blesse et de pression dans la région précordiale et par des douleurs violentes, traversant la poitrine du sternum vers la colonne vertébrale, et s’élevant par degrés jusqu’à la langue qui devenait roide comme un morceau de bois et tournait sa pointe vers la voûte palatine à gauche ; il survenait un engourdis- sement du côté gauche du nez et du menton; la commissure labiale gauche était ouverte et distordue, les dents pressées fortement les unes contre les autres ; tous les muscles du visage entraient en une contraction fixe, le nez était tiré vers la gauche, le front et les sourcils froncés par le spasme des muscles occipito-frontal et sourcilier. Les muscles du cou tournaient la tèle vers l’épaule gauche, le bras gauche s’étendait et un sentiment d’engourdissement se propageait en droite ligne depuis le cou jusqu'au pouce et à l’index; con- naissance conservée, cœur et poumon à l’état normal. Au bout de trois minutes, la résolution arrivait, elle était précédée d’un tremblement de tous les muscles affectés. Les accès se répétaient le jour et la nuit à des intervalles de deux mi- nutes. Le traitement étant resté sans succès, un nouveau médecin fut consulté qui avait vu guérir un cas semblable de spasme de la face et de la langue par l'extraction d’une dent cariée. Les mâchoires furent alors examinées avec soin, et, quoique la malade n’accusât pas de douleurs, la partie gauche de l’arcade dentaire supérieure fut trouvée altérée et sensible au contact de l’instrument explorateur ; les gencives enflammées, avec écoulement d’une matière fétide. Après l’exaction d’une molaire et la scarification de la gencive, les accès com- mencèrent par perdre de leur violence, revinrent moins souvent, et ils finirent par cesser complètement après l’ablation de toutes les dents cariées. PATHOLOGIE MÉDICALE. NKVROSES. 385 avec le tic douloureux, le nom même de ces deux affections dit assez en quoi elles diffèrent l’une cle l’autre; — ni avec la paralysie de la sep- tième paire, puisqu’il consiste en un excès de mouvement.—On pourrait prendre pour un tic de la face une chorée qui débute; on méconnaîtrait alors la généralité de l’affection névro-musculaire, ce qui conduirait à une erreur quant à la marche probable des accidens et à l’omission d’une médi- cation convenable ; mais cette confusion, peu grave d’ailleurs, ne tarderait pas à se dissiper par les progrès ultérieurs de la chorée. — Une attaque d’épilepsie pourra-t-elle être prise par un simple tic de la face? Non, si l’on n’accorde toute l’attention qu’il mérite au phénomène essentiel de l’attaque qui est la perte de connaissance, très courte parfois, mais presque toujours profonde. •—La contracture permanente d’une moitié de visage diffère du véritable tic de la face en ce que la contraction mus- culaire est continue dans l’un et intermittente dans l’autre. 1972. Pronostic. — Sans danger pour la vie, les convulsions faciales constituent néanmoins une affection des plus fâcheuses au point de vue des rapports sociaux, désolante à raison de son incurabilité à peu près absolue. Traitement. — L’obscurité de l’étiologie se traduit ici par toutes les incertitudes d’un traitement purement symptomatique. Agir sur le nerf facial lui-même de manière à diminuer l’excitation morbide, c’est là ce qu’on essaie de faire en mettant en usage des caïmans, des révulsifs, en un mot un ensemble des moyens fort analogues à ceux qu’on dirige habituellement contre la névralgie faciale. La guérison de cette affection rebelle s’obtient bien rarement par ces moyens; aussi a-t-on songé à couper le nerf malade ; mais une semblable opération, qui certainement abolirait tout mouvement convulsif, ne pourrait atteindre ce but qu’au prix d’une paralysie irrémédiable du mouvement volontaire. C’est pour éviter cette fâcheuse conséquence que Dieffenbach avait imaginé de faire la division sous-cutanée des muscles convulsés, tentative qui a été suivie d’un succès presque complet.—Quelques chirurgiens, ne connaissant pas bien les attributions différentes des deux nerfs de la face, ont proposé aussi de couper les branches du trijumeau. D’après ce qui a été dit plus haut (1965, c.) on conçoit que l’opération ait pu réussir dans une cer- taine catégorie de faits. ARTICLE S XXVIII 1973. Cette curieuse affection est assez rare. Elle consiste en une con- traction musculaire tonique et permanente àe\' moitiés du visage. Suivant que tels ou tels muscles y participent, la déformation de la face se présente avec des apparences variées : une occlusion plus ou moins complète des paupières, une déviation de l’aile du nez, de la CONTRACTURE DE LA FACE. PATHOLOGIE MÉDICALE. commissure labiale qui est relevée ou abaissée, voilà les phénomènes qu’on observe le plus souvent ; les traits sont comme ramassés, les saillies exagérées, les sillons plus profonds qu’à l’état normal; de sorte que Tune des moitiés latérales du visage paraît plus petite que l’autre. — Cette contracture affecte en général une marche lente et progressive, elle a une grande tendance à persister indéfiniment. Dans certains cas elle se complique de paralysie des muscles faciaux et d’altération dans leur texture; d’autres fois elle est accompagnée de douleurs névralgi- ques occupant les branches du trijumeau, d’anesthésie cutanée, etc. Quelquefois la contracture se rattache à un refroidissement qui dé- termine dans l’un des nerfs de la septième paire une sorte d’irritation directe, ou si l’on aime mieux une condition pathologique opposée à celle qui, dans les mêmes circonstances, donne fréquemment lieu aux paralysies rhumatismales. Plus souvent la contracture est liée à l’existence d’une paralysie: que! que soit le lieu où la continuité physiologique du nerf se trouve in- terrompue, que ce soit dans sa portion périphérique (paralysie rhuma- tismale de la face) ou dans sa portion centrale (hémiplégie apoplectique), les muscles du visage privés de leur mouvement volontaire peuvent de- venir le siège d’une contracture consécutive. — iM. Duchenne a vu cet accident se produire aussi lorsque, dans le but de ramener la contrac- tiiité des muscles hémiplégiés de la face, on faisait trop longtemps usage de l’excitation électrique. Dans cette circonstance, c’est comme on le voit, une sorte d’irritation directe des muscles qui devient le point de départ de la contracture. Cet état de corrugation permanente peut survenir dans la moitié du visage opposée à celle occupée par la paralysie : ou sait que dans l’hémiplégie faciale récente, les traits sont tirés vers le côté sain, parce que leur contraction tonique cesse d’être contre-balancée par celle des muscles du côté opposé; dans l’hémiplégie faciale ancienne, on voit quelquefois le même phénomène persister en s’exagérant. La contracture de la face offre principalement de l’intérêt au point de vuê du diagnostic. Elle peut être confondue avec Vinégalité congéni- tale des deux côtés du visage ; mais on observera, lorsque celle disposi- tion existe, que la face, à cela près d’une légère désharmonie, présente d’ailleurs tous les caractères de l’état physiologique et conserve la liberté de tous ses mouvements. Il nous paraît plus important d’insister sur les erreurs auxquelles la contracture peut donner lieu en raison de sa ressemblance ou de ses rap- ports avec la paralysie faciale. Plusieurs cas peuvent ici se présenter, 1° Il existe une contracture simple, que nous supposerons occuper le coté droit. A un examen superficiel, si l’on ne se rend pas bien compte de la déformation des traits, on peut attribuer celle-ci à une paralysie NÉVROSES. 387 du côté droit. De pareilles erreurs sont fréquemment commises; mais il suffira d’un peu d’attention pour ne pas confondre deux états si com- plètement opposés. 2° La môme contracture simple du côté droit peut faire penser que la face est paralysée à gauche. On est tellement habitué à voir la déviation des traits se faire du côté opposé à l’hémiplégie faciale, que, rencontrant, le premier de ces phénomènes, on est toujours prêt à supposer l’exis- tence du second. L’erreur sera facilement évitée si l’on a soin d’exa- miner l’état du mouvement à gauche et si l’on en constate l’intégrité. 3° Une contracture s’est développée à droite consécutivement à une paralysie du même côté de la face; en pareil cas, non seulement on méconnaît facilement la paralysie, c’est-à-dire l’élément le plus impor- tant de cet état complexe, mais on s’expose encore à admettre une para- lysie à gauche là où il n’en existe pas. Il devient dès lors nécessaire de faire une double exploration : pour s’assurer de la inutilité persistante du côté gauche; — pour découvrir Sa perte du mouvement dans les mus- cles du côté droit; si l’on veut atteindre ce second but il faudra tenir compte des renseignemens commémoratifs, de l’examen direct, de l’ex- ploration électrique, etc. Ces quelques développemens trouveront leur justification dans l’im- portance qu’il y a pour le clinicien à déterminer avec précision le siège de l’hémiplégie faciale : des recherches récentes ont montré, en effet, quel parti on peut tirer de la paralysie alterne (c’est-à-dire occupant la face à droite et les membres à gauche, et vice versa) pour le diagnostic des maladies localisées dans la protubérance annulaire (1). La contracture faciale ne présente de gravité que celle empruntée aux affections dangereuses dont elle est quelquefois le symptôme. Considérée en elle-même, c’est une difformité choquante et souvent irrémédiable. 11 y a une sorte de traitement préventif qui consiste à éviter soigneu- sement tout ce qui peut surexciter les muscles menacés de contrac- ture : ainsi il faudra diminuer l’emploi de l’électricité, en susprendre l’application aux parties paralysées. M. Duchenne a obtenu des succès en électrisant les muscles du côté sain, comme pour y faire naître une contraction rivale de celle qu’il s’agit de vaincre : ces ingénieuses tenta- tives sont destinées à réussir surtout quand la première cause de la contracture a cessé d’agir : il s’agit alors de rétablir l’harmonie des traits en opposant à la tonicité eu excès des muscles affectés une exa- gération artificielle de la même propriété dans leurs antagonistes de- meurés à l’état sain. (1) A. Gubler, Des paralysies alternes (Gaz. hebdomadaire, 1856 et 1858) ; voir aussi Millard [Bulletin de la Société anatomique, 1855, p. 207, et 1856, p. 206 et 217). 388 PATHOLOGIE MÊDICAI.F. ARTICLE XXXIX. DES CRAMPES. 197/4. Il est bien peu de personnes qui ne connaissent les crampes pour en avoir éprouvé, surtout dans les muscles du mollet. On sait que cel accident débute soudainement, à la suite de quelque mouvement ou d’une attitude longtemps continuée, qu’il survient le plus souvent la nuit, qu’il dure très peu, tout au plus une ou deux minutes, mais qu’il peut se répéter un grand nombre de fois de suite. Les muscles contractés forment une saillie rigide, ils immobilisent complètement la partie affectée. Une vive douleur accompagne constamment celte contraction et quelquefois persiste assez longtemps après. Il peut même y avoir déchirure de quelques petits vaisseaux, épanchernent sanguin, ecchy- mose, etc. Les muscles le plus souvent affectés de crampes sont les jumeaux, le soléait e, le plantaire grêle, les fléchisseurs et extenseurs du gros orteil ; les muscles de la main, ceux de la mâchoire, du cou, du tronc, sont moins fréquemment atteints. Quant à l’étendue de la contraction, elle varie depuis les cas où tout un groupe de muscles est pris en même temps, jusqu’il ceux où quelques libres seulement se roidissent.—Lors- que les crampes ne se produisent que de loin en loin, elles ne consti- tuent qu’un accident sans importance. Mais chez certains sujets les crampes, très douloureuses, se renouvellent toutes les nuits à des inter- valles plus ou moins longs, troublent le sommeil, et constituent un état des plus pénibles qui réclame les soins du médecin. La cause la plus habituelle des crampes est la fatigue qui suit un exercice exagéré; souvent il suffit de replacer la partie affectée dans la position où la crampe a eu lieu pour que celle-ci se reproduise aussitôt. Une cause moins commune consiste dans la compression des nerfs, dans celle dos veines ou plus généralement dans un obstacle à la circulation des membres (certaines attitudes incommodes, tumeurs abdominales, varices). La production de crampes violentes est l’un des symptômes les plus douloureux du choléra ; attribuées à tort à l’état morbide de l’in- testin, ces contractions morbides se rattachent plus vraisemblablement à l’altération du sang. Les malades affectés de crampes ont instinctivement recours à l’im- mobilisation des membres, au mouvement forcé, à des frictions sur la peau, etc. Quand l’accident se répète à de courts intervalles, on fait usage d’un régime doux, d’applications froides, de bains, de frictions excitantes, etc. Un médecin de Manchester, M. Bardsley, tourmenté lui-même par des crampes qui revenaient presque toutes les nuits depuis plusieurs années, fut frappé d’un fait qu’il constata également en ques- névroses, donnant plusieurs autres personnes sujettes aux crampes : c’est (pie lorsqu’il dormait dans sou fauteuil, les extrémités inférieures ne tou- chant pas le sol, mais suspendues de manière à former un plan incliné avec le reste du corps, jamais les crampes ne venaient le troubler dans cette position, il fil donc préparer un lit en plan incliné. Cette mé- thode réussit parfaitement. (Lond. Med. Gaz., mai 1857.) 389 ARTZCXS XI, CRAMPE DES ECRIVAINS. 1975. Bibliographie. —Gierl. Ueber ein eigenthüml. Zitternder Finger der rechien Hand {Salzb. rned.-chir. Zeitung, 1832, t. II, n° 29). — Eitner {Salzb. med.-chir. Zeitung, 1832, t, III, n° 73). — Dzondi {Æsculap. Neue Folge, Bd. I, H. 2). — Hey- feeder {Medic. Vereinszeitung in Pr. 1835, n° 1). — Studien ira Gebiete d. Heilwissenschaft. Stultg., 1838, in-8. Bd. I, p. 169. Albers. Ueber einen eigenthüml. Krampf beim Schreiben {Med. Zeitung v. Verein f. Heilkunde in Preussen, 1835, n°9, p. 37). Siebold. Beitrag. zudemvon Albers niitgetheilten Aufsatze {Med. Zeitung v. Verein f. Heilk. in Preussen, 1835, n° 19, p. 82). Brück. Ueber die Wirkungen des Magnets {Hufeland"s Journal, 1835, St. h, p. 89). — Ueber den Schreibekrampf {Caspers Wochenschrift, 1851, ri" 12). J, J. Cazemave. Gaz. méd. de Paris, 1836, n° 33.— De quelques infirmités de la main droite. Paris, 1855, in-8. Troschel. Seltene Forrncn von Nervenübeln {Med. Zeitung. v. Verein f. Heilk. in Preussen, 1836, n° 55). Goldschmidt. Die krankhafte Unfàhigkeit zu schreiben {Caspers Wochenschrift, 1839, n° 2). L. StrüMEYER. Ueber den Schreibekrampf {spasmus habitualis musculi flexoris pollicis longi) {Bayer. Med. Corresp. Blatt. 1850, n» 8). — Træger {Caspers Wochenschrift, 1850, n” 25). B. Langenbeck. Ueber habituelle Fingerkrümpfe {Allgem. Zeitung f. Chirurgie. Erlangen, 1851). Homberg. Schreibekrampf {Lehrb. d. Ncrvcn-Krankheiten, 2e édit. Berlin, 1851, 2te ablh. p. 59). Homberg et Henoch. Klinische Wahrnehmungen. Berlin, 1851, in-8, p. 61. —Clemens {Zeitschr. f. rationnelleMedicin, 1851, t. X). — Basedow {Casper's Wochenschrift, 1851, n° 32). — Union médicale, 1853, p. 371. Société médico-pratique de Pans. Duchenne (de Boulogne). Du spasme fonctionnel et de la paralysie musculaire fonctionnelle, in Bulletin c(e thérapeutique, 186Q, 390 PATHOLOGIE MEDICALE. 1976. Symptômes. — Chaque fois, dit Romberg, que le malade essaye d’écrire, des mouvemens convulsifs surviennent dans le pouce, l’index et le médius, la plume s’échappe par en haut et par en bas, et ne trace qu’un griffonnage informe. Canstalt distingue une crampe des extenseurs, qui est rare (les doigts s’écartent et la plume tombe), et une crampe des fléchisseurs qui meuvent les trois premiers doigts ou un seul d’entre eux : souvent le pouce seul est fléchi ou agité de tremblement. Plus le malade s’opiniâtre dans ses tentatives pour écrire, moins il y réussit, car aux contractions des muscles du pouce s’ajoutent celles des muscles de l’avant-bras et même du bras. Il se manifeste dans la main des sensations pénibles de pression, de conslriction, ou des douleurs qui s’étendent du bras vers le dos de la main. Un signe presque pathognomonique, c’est la cessation instantanée de ces acci- dens par le repos ; en outre la main devenue impropre à l’écriture reste capable d’exécuter toute autre combinaison des mouvemens; enfin les fonctions nerveuses du membre demeurent h l’état normal. Il est ce- pendant des malades chez lesquels, même en dehors des mouvemens spéciaux que l'écriture exige, on observe le tremblement des doigts, de petites convulsions des mains ou même quelques secousses choréi- formes dans d’autres parties du corps. Marche. Durée. Terminai son. — La maladie affecte presque tou- jours une marche progressive; tout au plus observe-t-on dans son cours quelques améliorations passagères. Sa durée est assez souvent celle de la vie du sujet; la guérison est extrêmement rare: il est arrivé mainte fois que les malades, renonçant à l’usage de l’une de leurs mains, ont essayé de se servir exclusivement de l’autre, qui, à son tour, est de- venue le siège des mêmes accidens. Un état semi-paralytique succède quelquefois à l’affection convulsive. 1977. Causes. —Jusqu’à présent lacrampedes écrivains proprement dite n’a été observée chez les hommes ; elle paraît aussi épargner com- plètement l’enfance. En dehors de la profession (écrivains, employés, avocats, négociais, savans) et de l’exercice excessif des doigts auquel elle oblige, les autres causes prédisposantes et déterminantes sont à peu près inconnues. On dit cependant avoir noté l’influence d’une constitu- tion irritable, d’un traumatisme accidentel, d’une affection rhumatis- male, etc. Le développement de la crampe chez les écrivains, est favo- risée, d’après quelques auteurs, par l’habitude prise de certaines posi- tions gênantes, par la pression qu’exercent des manches trop étroites, l’usage de plumes dures, etc. Enfin les émotions morales et surtout l’at- tention fixée sur les mouvemens de la main augmentent l’intensité des mouvemens spasmodiques. 19/8. Physiologie pathologique. — a. La crampe des écrivains n’est pas toujours une convulsion tonique, comme semblerait l’indiquer son nom (I): c’est ce que !e lecteur aura noté dès les premières lignes de la Symptomatologie que nous avons empruntée au livre de Romberg. h. Bien que le point de départ de cette affection soit incontestable- ment périphérique, et qu’on la voie se développer dans les doigts fa- tigués par un exercice trop soutenu, néanmoins il paraît probable que le singulier vice de la myotilité qui la caractérise a sa raison d’être dans un état mordide des centres nerveux. A l’appui de cette manière de voir, nous rappellerons que non-seulement les malades affectés de crampe des écrivains conservent le plus souvent la sensibilité de leurs mains, mais qu’ils jouissent en outre de l’intégrité de tous les rnouvemens, à l’exception de seuls rnouvemens nécessaires pour tenir et diriger la plume, circonstance qui ne se conçoit guère dans l’hypothèse d’une affection locale des muscles ou des nerfs musculaires; l’incurabilité ordinaire du mal et les faits de récidive du côté opposé (n° 1976) contrarient éga- lement cette hypothèse. Quant au mécanisme par lequel s’accomplit à la longue cette surexcitation des centres (sans doute de la moelle épinière), il nous est complètement inconnu, à moins qu’on ne veuille dire avec Romberg, que « l’attitude particulière des doigts agit à la manière d’un siimulanl réflexe et détermine un spasme qui suspend la coordination des nerfs et l’association des muscles. » c. L’action d’écrire n’est pas la seule où la répétition monotone d’un même mouvement donne lieu à ce mode particulier de convulsion. On a observé des phénomènes analogues à la crampe des écrivains dans un assez grand nombre de professions : par exemple chez les pianistes ; chez un cloutier, il survenait une vive douleur avec roideur de l’avant- bras chaque fois qu’il soulevait son marteau et seulement pendant cet acte musculaire (Romberg) ; démens a décrit une crampe des cordon- niers dans laquelle les convulsions se manifestent non seulement aux mains, mais encore aux bras et à l’un des membres inférieurs ; M. Du- chenue a vu un maître d’armes chez lequel une rigidité convulsive avait lieu chaque fois qu’il tombait en garde. Basedow a signalé, sous le nom de Melker-Krampf, un phénomène analogue à la crampe des écrivains chez ies trayeuses de vaches (Caspers Woehenschrift, 1852), etc. cl. Généralisant ces observations, M. Duchenne admet une classe de maladies convulsives auxquelles il donne le nom de spasmes fonction- nels et qui toutes ont pour caractère essentiel la disparition du spasme tonique ou clonique quand la fonction, (c’est-à-dire l’acte musculaire?) qui l’a provoquée vient elle-même à se suspendre. Ce spasme, dit M. Duchenne, « ]e l’ai observé chez des pianistes, chez une fleuriste, chez des tailleurs, chez des cordonniers, chez des maîtres d’armes, etc. NÈVKÜbtb. 391 (1) Ce nom a d'ailleurs été traduit de l’allemand (Schreibekrampf) avec une fidélité trop littérale ; le terme Krampf est l’équivalent de mouvement convulsif, pris dans un sens générique. Bien plus, il peut régner dans beaucoup d’autres régions que la main. Ainsi je l’ai vu siéger dans les rotateurs de l’humérus, dans les rotateurs de la tête; dans les fléchisseurs de la tète pendant la station; dans les muscles de la face ; dans les muscles de l’œil, pendant la lecture où la fixité du regard produit le strabisme; dans les fléchisseurs du pied sur la jambe (chez un tourneur), enfin dans les expirateurs pendant chaque inspiration, » Le même auteur décrit une paralysie fonctionnelle beaucoup moins commune que le spasme, « ne se montrant également que pendant l’exercice de la fonction qui l’a occasionnée. » 1979. Diagnostic. ■— Certaines paralysies du membre supérieur, symptomatiques d’une maladie du cerveau ou de la moelle, débutent quelquefois par la main, de sorte que l’incapacité d’écrire est un des premiers phénomènes qui frappent l’attention du malade. Alais cette pa- ralysie n’est jamais bornée à l’action seule d’écrire, elle se manifeste également dans tout autre mouvement des doigts. Dans le tremblement des mains, dans les cas de paralysie ou d’atrophie des muscles qui meu- vent les doigts, on noiera la même circonstance qui est capitale au point de vue du diagnostic. Celui-ci s’établit avec une égale précision, s’il s’agit de quelque maladie des centres débutant non plus par la paralysie, mais par des contractions convulsives des muscles : le fait caractéris- tique de la crampe des écrivains est, nous le répétons, l’intégrité de tous les mouvemens autres que ceux nécessaires pour un acte mus- culaire tout spécial. 1980. Le traitement général et local, tel qu’il aété institué jusqu’à pré- sent (repos, bains, frictions, électrisation), s’est montré à peu près con- stamment inefficace, si bien que les malades renoncent le plus souvent à toute tentative de guérison, se contentant d’employer des appareils mécaniques qui leur permettent d’écrire sans mettre en jeu les muscles convulsés. Notons cependant que la faradisation a réussi deux fois entre les mains de M. Duchenne (sur trente ou trente-cinq cas) ; que Stro- meyer et Langenbeck ont fait avec succès la section des muscles affectés; d’autres opérateurs n’ont pas eu le même bonheur. Certains spasmes fonctionnels analogues à la crampe des écrivains (V. 1978, d), par exemple celui des muscles moteurs de la tête, peuvent guérir, dit M. Du- chenne, sous l’influence d’un exercice gymnastique spécial qui consiste à maintenir aussi longtemps que possible les muscles antagonistes de ceux où siège ce spasme dans un état de contraction continue et vo- lontaire, au moyen d’un appareil à résistance élastique. PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 393 article xxi. CONTRACTURE DES EXTRÉMITÉS. (Spasme idiopathique ou essentiel, rétraction musculaire spasmodique, tétanos intermittent, tétanie.) 1981. Bibliographie. — Dance. Observations sur une espèce de tétanos intermittent [Archives gén. de médecine, 1830, t. XXVI, p. 190). L. Tonnelé. Mémoire sur une nouvelle maladie convulsive des en- fants [Gazette méd. de Paris, 1832, t. III, n° 1). Constant. Observations et réflexions sur les contractures essen- tielles [Gazette méd. de Paris, 1832, t. III, n° 8). —Des con- tractures chez les enfants [Lancette française, 1837, t. X). W. Murdoch. Considérations sur les rétractions musculaires spas- modiques [Journ. univ. et hebdomad. de méd. et de chir., 1832, t. VIII, p. 417). De la Berge. Note sur certaines rétractions musculaires [Journal hebd., 1843, t. IV, p. 161). Tessier et Hermel. De la contracture et de la paralysie idiopa- thiques [Journal de médecine, mai 1843). Imbert-Gourbeyre. Contractures des extrémités [Thèses de Paris, 1844, in-4. —La bibliographie jointe à cette thèse donne l’indi- cation de plusieurs observations anciennes). Hérard. Contracture des membres par accès [Gazette des hôpitaux, 1845, t. VII, p. 249). Perrin. Cas curieux de contracture partielle intermittente à type octane, avec irritation violente et épanchement de sérosité dans plusieurs articulations [Journal de médecine, 1845, t. III, p. 82). A.-L.-Delpech. Des spasmes musculaires idiopathiques et de la paralysie nerveuse essentielle [Thèses de Paris, 1846, in-4). L. Corvisart. De la contracture des extrémités ou tétanie ( Thèses de Paris, 1852, in-4). F. Fleurot. De la contracture essentielle des extrémités [Thèses de Paris, 1856, in-4). J. Rabaüd. Becherches sur Vhistorique et les causes prochaines des contractures des extrémités [Thèses de Paris, 1857, in-4). Epidémie de contracture en Belgique [Gazette méd. de Paris, 1846, p. 401). Aban. Note sur une épidémie de contractures essentielles observées 394 PATHOLOGIE MÉDICALE. chez des sujets affectés de fièvre typhoïde. Discussion : MM. Trous- seau, Barthez, Becquerel, Lasègue, H. Roger, Moutard- .Martin, Hérard, Bêhier, Marrotte (Bullet. de la Soc. rnéd. des hôp. de Paris, 1855, p. 568). Consulter aussi la plupart des Traités des maladies de l'enfance, prin- cipalement celui de MM. Rillet et Barthez (2e édition, Paris, 1856, in-8, t. II, p. A8A), et les ouvrages de Pathologie interne: parmi les plus récents, nous devons signaler le livre de MM. Hardy et Bêhier, Paris, 1855, t. III, p. 801, comme renfermant un excellent article sur la con- tracture des extrémités, 1982. Définition.—Convulsion tonique presque toujours très doulou- reuse, intermittente, ayant pour siège principal ou exclusif les muscles des membres supérieurs et inférieurs. Divisions. — Si l’on envisage la contracture comme un symptôme pouvant se produire dans diverses affections du système nerveux, au même titre que la paralysie, la douleur, etc., on se voit forcé d’en dis- tinguer un assez grand nombre de variétés. Mais ce dont nous devons traiter ici, ce n’est pas le symptôme contracture : c’est un état patho- logique particulier, dénommé d’après son caractère le plus saillant (le spasme musculaire) et dont l’étude spéciale au point de vue clinique est justifiée par un double motif : il diffère par plusieurs traits importans d’autres états morbides très voisins en apparence, et de plus, on ne sau- rait jusqu’il présent rattacher les phénomènes qui le constituent à au- cune lésion positive et constante. Nous renvoyons, en conséquence, à la Nosographie organique, pour tout ce qui concerne l’histoire de la contracture symptomatique (Hémorrhagie, Ramollissement, Inflamma- tion des centres nerveux, etc.), en réservant pour ce chapitre l’histoire seule du spasme tonique des extrémités indépendant de toute alté- ration matérielle, ou du moins considéré comme tel. Ainsi comprise, la contracture peut être divisée en primitive et en sympathique, selon le plus ou moins d’obscurité de son point de départ; en rhumatismale, cachectique, etc., d’après diverses considérations d’étiologie. Nous ap- précierons plus loin le degré d’importance de ces distinctions. 1983. Symptômes. —a. Production d’accès ou paroxysmes pendant lesquels on observe les phénomènes spasmodiques, et qui laissent entre eux des intervalles d’une durée variable. Assez souvent la première apparition ou le retour de ces accès a pour prodromes du malaise, de fa céphalalgie, diverses modifications dans la sensibilité des parties qui vont être atteintes de spasme: les malades accusent dans les doigts des engourdissemens, des fourmillemens, des picotemens, ou de véritables douleurs; ils se plaignent de brisement, de pesanteur dans les mains et les bras. Ces phénomènes persistent pendant quelques minutes ou pendant quelques heures, puis les symptômes caractéristiques appa- laissent. Plus rarement ces prodromes manquent, et c’est d’emblée que se montre la contraction involontaire, presque toujours doulou- reuse, quelquefois cependant indolente des muscles. b. On voit alors les doigts pliés dans la paume des mains, fortement rapprochés ou légèrement écartés les uns des autres, les articulations des phalanges entre elles demeurant étendues, ; le pouce porté en dedans et recouvert par les phalanges; les poignets fléchis à différons degrés; dans les cas où le spasme est intense, les muscles contractés, rigides, douloureux, forment sous la peau un relief bien marqué. Cherche-t-on à étendre les doigts ou les poignets, tantôt on provoque de vives souf- frances, tantôt, mais plus rarement, on calme la douleur; les parties redressées abandonnées à elles-mêmes reprennent immédiatement leur position première Au lieu d’une flexion convulsive (opérée par les inter- osseux et les muscles de la face palmaire de l’avant-bras), on observe quelquefois l'extension involontaire (produite par la contraction des muscles antagonistes). La roideur débute à peu près constamment par les extrémités supérieures; elle peut y rester circonscrite en s’étendant plus ou moins loin vers la racine du membre, envahissant quelquefois les fléchisseurs de l’avant- bras, divers muscles de l’épaule; mais fréquemment aussi elle gagne les membres inférieurs : alors les orteils sont tantôt fléchis, tantôt étendus convulsivement ; le plus souvent le pied est dans une extension forcée sur la jambe et sa pointe tournée en dedans, La douleur, la difficulté de redresser les parties, la rigidité et la saillie des muscles sont les mêmes que pour le membre thnracique. Rarement le spasme s’étend aux mus- cles de la cuisse. Il est plus exceptionnel encore de voir survenir la contracture des muscles de la mâchoire, du visage ou de l’œil, et c’est seulement pendant les accès les plus violons qu’on a vu quelquefois tous les muscles du cou, de la poitrine, de l’abdomen, se roidir convul- sivement cl incurver le tronc en avant; cet état véritablement effrayant, peut amener une gêne extrême de la respiration, et faire craindre l’as- phyxie. Les muscles des cuisses et du bassin qui sont toujours envahis dans ces grands accès maintiennent les membres pelviens étendus et rap- prochés l’un de l’autre. La contracture peut porter d’une manière plus spéciale sur la partie postérieure du tronc et produire une sorte d’opis- thotonos. Souvent la langue reste libre, mais on a vu des cas où cet organe lui-même paraissait contracture et où la parole était impossible. Presque toujours cos raideurs occupent symétriquement les deux ex- trémités supérieures ou inférieures ou les quatre h la fois, ne présentant tout au plus que des différences d’intensité dans les deux moitiés laté- rales du corps; quelquefois, cependant, elles sont bornées au bras et à la jambe d’un côté ou même à une seule extrémité. c. En même temps que ces contractions toniques, les malades accu- sent fréquemment des douleurs spontanées ou déterminées par la près- NÉVROSES. 395 396 PATHOLOGIE MÉDICALE. sion. Les doigts, ia face dorsale de la main, les faces dorsale ou pal- maire de l’avant-bras, tel est le siège ordinaire de ces douleurs ; quelques auteurs disent avoir constaté leur localisation dans les rameaux nerveux qui se distribuent au membre affecté; on observe assez ha- bituellement aux mains et aux avant-bras une certaine obtusion de la sensibilité cutanée (anesthésie ou analgésie) ; dans certains cas un léger œdème et un peu de rougeur, surtout au pourtour des articu- lations. d. Notons, comme l’un des caractères négatifs les plus importans de la maladie, l’absence de troubles intellectuels et sensoriaux ; car l’agita- tion, la maussaderie, les cris qui ont été observés quelquefois chez les jeunes enfans paraissent être simplement les effets de la douleur. MM. Rilliet et Barthez ont vu aussi des attaques de convidsions do- niques dans le cours du spasme tonique des extrémités. « Elles sont survenues, disent ces auteurs, trois à quatre jours après l’apparition de la contracture, ou bien elles ont été terminales; les accès se sont répétés chez quelques sujets, d’autres fois il n’y en a eu qu’un seul. Générales ou partielles, elles ne paraissent pas avoir eu une influence évidente sur la contracture qui a persisté pendant et après l’attaque. Les autres symptômes cérébraux que nous avons observés (très rarement du reste) étaient en général remarquables par leur peu de durée et leur irrégu- larité ; c’était un peu de tremblement dans les mains, de l’oscillation convulsive des paupières, un léger strabisme, de la dilatation ou de la contraction des pupilles, quelques mouvemens ascensionnels des globes oculaires qui étaient portés en dedans, un peu d’insensibilité dans les extrémités contractées. Ces symptômes existaient seuls ou réunis, ou bien ils alternaient chez le même malade (l). -> e. Les fonctions organiques ne sont généralement pas troublées, le pouls conserve sa régularité, les battemens du cœur leur force normale ; chez quelques enfans, MM. Rilliet et Barthez ont noté pendant les accès spasmodiques des palpitations passagères, comme si le cœur participait à l’état convulsif des muscles de la vie de relation ; M. Fleurot compare fort ingénieusement l’accélération du pouls qui accompagne les accès intenses et la sueur qui les terminent quelquefois, aux mêmes phéno- mènes produits par un exercice immodéré des muscles dans la course, l’effort, etc. La fièvre est nulle ou au moins très modérée quand la con- tracture est simple; toutefois, chez les adultes surtout, elle peut être assez vive et présenter tous les caractères de la fièvre inflammatoire. Inutile d’ajouter qu’un mouvement fébrile plus ou moins intense (1) On remarquera que parmi les symptômes considérés comme cérébraux- par MM, Rilliet et Barlhez, il en est plusieurs (tels que le tremblement, l’insen- sibilité, le strabisme, etc.), auxquels cette épithète n’est pas plus rigoureuse- ment applicable qu’elle ne le serait à la çontracture elle-même. NÉVROSES. 397 s’observe constamment avec la contracture quand celle-ci survient dans le cours d’une autre maladie pyrétique. 498/4. Complications. — Si l’on s’attache au sens littéral de celte dé- nomination: contracture des extrémités, on verra autant de complica- tions dans le strabisme, le trismus, le spasme des muscles du tronc ou de la face qui s’y surajoutent quelquefois ; à plus forte raison considérera- t-on comme telles les légers symptômes cérébraux mentionnés précédem- ment. Mais l’existence de pareils phénomènes n’augmente pas la gravité de la maladie et mérite dès lors à peine le nom de complication. Il n’en est pas de même de la contracture du diaphragme (1) ou du spasme de la glotte (voy. ce mot) qui sont des épiphénomènes redoutables, heu- reusement assez rares, de la contracture des extrémités. (1) Tour peu que le spasme du diaphragme se prolonge pendant quelques instans, on voit se produire des aecidens qui ont été décrits par M. Duchenne (de Boulogne) dans les termes suivaus {De l’électrisation localisée, Paris, 1835, in-8, p. 488): « La moitié inférieure du thorax s’agrandit, surtout transversalement; l’épi- gastre elles hypochondres se soulèvent; la suffocation est extrême; le malade essaie, mais vainement, de resserrer la base de sou thorax et de refouler ses poumons de bas en haut en contractant énergiquement et d’une manière con- tinue scs muscles abdominaux. Les viscères comprimés alors en sens contraire par le diaphragme et par les parois abdominales s’échappent de chaque côté dans les hypochondres et augmentent ainsi mécaniquement le diamètre trans- versal de la base du thorax, déjà agrandie par l’action du diaphragme sur les côtés inférieurs. Alors la respiration n’étant plus possible que dans la moitié supérieure de la poitrine, le malade contracte avec la plus grande énergie tous les muscles qui en produisent la dilatation ; sa tète se renverse, ses épaules s’élè- vent et l’on sent ou plutôt ou voit se contracter la portion claviculaire des trapèzes, les sterno-mastoïdiens, les scalènes, le tiers supérieur des grands pec- toraux et enfin les grands dentelés. La poitrine, agrandie notablement dans sa moitié supérieure, revient sur elle-même par le relâchement brusque de ces muscles. C’est ainsi que s’accomplit la respiration, qui se compose d’une inspi- ration brusque et d’une expiration courte, pendant la dilatation permanente de la moitié inférieure du thorax. Ces mouvemens respiratoires partiels sont d’abord très rapprochés ; mais bientôt ils s’affaiblissent et se ralentissent et alors appa- raissent tous les symptômes de l’asphyxie... II faut moins d’une à deux minutes à la contracture du diaphragme pour produire un commencement d’asphyxie. On conçoit que si ce spasme continu du diaphragme se prolonge, la mort en est la fin inévitable. — La contracture d'une moitié du diaphragme occasionne une grande gêne dans la respiration, mais ne peut déterminer d’asphyxie. » Les symptômes indiqués par M. Duchenne d’après le résultat de ses expé- riences sur les animaux ont été observés chez l’homme parM. le docteur Valette (de Metz), avec de légères modifications. La contracture du diaphragme qui n’existe peut-être jamais à l’état d'isole- ment, est l’une des complications les plus graves de la contracture des extré- mités. Peut-être aussi parmi les sujets affectés de tétanos en est-il qui péris- sent par la contracture du diaphragme. 398 PATHOLOGIE MÉDICALE. 1985. Marche. Durée. Terminaisons. — Presque toujours, avons- nous dit, la contracture débute par les membres supérieurs, et c’est consécutivement que les extrémités inférieures s’affectent à leur tour. Elle se prolonge pendant plusieurs jours, quelquefois même pendant plusieurs mois, soit en augmentant d’intensité, soit en demeurant sta- tionnaire. Elle se présente sous la forme d’une série d'accès dont la durée varie de quelques minutes à plusieurs heures, et qui eux- mêmes se groupent de manière à constituer une série plus longue, désignée par quelques auteurs sous le nom d'attaque. L’invasion de ces accès a lieu spontanément ou bien sous l’influence de certaines causes occasionnelles dont l’action, à la vérité, est très variable suivant les in- dividus : c’est ainsi, par exemple, que la pression exercée sur les mem- bres par une bande circulaire, détermine presque sûrement le retour des spasmes (Trousseau), et quelquefois cependant le fait cesser (Fleurot); et de même l’action du froid tantôt les exaspère, tantôt les calme au contraire. La contracture survient brusquement ou seulement après les sensations prodromiques déjà indiquées. 11 est des cas où l’accès cesse franchement : alors les parties recouvrent la liberté complète de leurs mouvemens et leur sensibilité normale ; il en est d’autres où la con- tracture ne disparaît qu’en partie : les malades ressentent encore de l’engourdissement dans les doigts, et les extrémités conservent pendant assez longtemps une attitude analogue à celle produite par le spasme, quoique moins caractérisée. Ce dernier phénomène est désigné par M. Rabaud sous le nom de position fixe après la contracture. Le retour des accès présente presque toujours une grande irrégu- larité ; dans quelques cas exceptionnels on a noté une véritable pério- dicité avec type quotidien ou tierce, et les faits de cette espèce ont été rattachés aux fièvres intermittentes à forme convulsive. Cette relation, toutefois, déjà indiquée par Dance, n’est pas rigoureusement démontrée, et l’efficacité de la quinine ne semble pas suffire pour la mettre hors de contestation. Les récidives sont assez fréquentes; elles surviennent plus ou moins promptement après la cessation des premiers accidens, et quand elles se rapprochent il devient difficile d’apprécier exactement la durée totale de la maladie. La terminaison de la contracture simple est pres- que toujours heureuse ; s’il meurt un assez grand nombre de sujets parmi ceux qui en sont atteints, c’est que les maladies compliquées de contracture sont quelquefois des plus graves. 1986. Etiologie.—Les conditions qui paraissent les plus favorables à l’apparition de la contracture des extrémités sont: le jeune âge ; pendant l’enfance la période d’un à trois ans ; plus tard celle comprise entre douze et dix-sept ans ; le sexe masculin, au dire de quelques médecins; chez les femmes, l’état puerpéral et la lactation (contracture des femmes en couches et des nourrices). Les professions qui exigent un exercice NÉVROSES. attentif et assidu des doigts, comme celles d’horloger, de bijoutier, de couturière, etc,, ont été considérées comme prédisposant particulière- ment à la contracture ; mais l’importance de ce genre de causes paraîtra au moins très restreinte, si l’on réfléchit à la fréquence de la maladie dans le premier âge. si l’on se rappelle qu’elle envahit les membres inférieurs, etc. Tantôt l’affection se montre d’emblée chez des sujets jusque-là bien portans, et le plus souvent alors elle succède à l’impres- sion du froid humide (contracture primitive, contracture rhumatis- male) ; tantôt elle est l’épiphénomène de quelque autre maladie, soit aiguë, soit chronique (contracture secondaire, contracture cachée- tique, etc.). Ce dernier cas est le plus fréquent : c’est en effet pen- dant le cours et surtout pendant la convalescence de la pleurésie, de la pneumonie, de la bronchite, de l’entérite, du rhumatisme ar- ticulaire, de diverses fièvres éruptives, de la fièvre typhoïde, dans le stade de réaction du choléra que l’on a eu l’occasion de voir le plus grand nombre des faits de cou raclure. L’état de débilité produit par ces diverses affections, notamment par la diarrhée chronique, et, d’après M. Rabaud, la tendance aux hydropisies qui se manifeste à la suite de plusieurs d’entre elles, seraient les causes prédisposantes et même déterminantes de l’affection qui nous occupe. Elle paraît se rat- tacher dans certains cas h la dentition, à la première apparition du flux menstruel ou à ses retours périodiques, à une émotion morale vive, à une indigestion, à la présence de vers dans l’intestin, etc. — N’omet- tons pas de signaler ce fait curieux et aujourd’hui bien constaté, qu’il existe de véritables épidémies de contracture, comme il y a des épi- démies de tétanos, et qu’on les voit se développer principalement pen- dant les mois les plus froids de l’année. 1987. Anatomie pathologique. — Bien que la contracture dos ex- trémités n’entraîne point la mort par elle-même, cependant telle est la gravité des affections auxquelles elle peut s’ajouter que l’on a eu d’assez nombreuses occasions d’examiner les diverses parties du système nerveux chez les sujets qui avaient présenté cette complication. Nous ne dirons rien des autopsies dans lesquelles des ramollissements plus ou moins étendus, des inflammations bien caractérisées ou d’autres lésions profondes du cerveau ou delà moelle ont été rencontrés; ces faits sont étrangers à l’histoire de la contracture dite idiopathique. En est-il de même de ceux dans lesquels on a signalé une congestion des méninges cérébro-spinales et de la pulpe nerveuse elle-même, ou un état de réplétion exagérée des sinus crâniens et rachidiens? Question difficile à résoudre, car cet excès de vascularité (dont l’appréciation d’ailleurs est souvent fort délicate) ne serait aux yeux de certains auteurs que la conséquence de la stimulation fonctionnelle, et n’aurait nullement la signification qu’on iui attribue. Avouons aussi que ni par sa con- stance, ni, lorsqu’elle existe, par son intensité ou par les particularités (le son siège clans telle ou telle région des centres, troncs ou rameaux nerveux, cette hyperémie ne paraît propre à constituer le caractère anatomo-pathologiquc de la contracture des extrémités. Nous en dirons autant de l’œdème des méninges et de la substance nerveuse, considéré par M. Rabaud comme l’état organique par lequel s’expliquerait dans la plupart des cas la contracture dite secondaire. Force nous est donc d’envisager celte affection comme une unité symptomatique, du moins provisoirement; l’avenir décidera jusqu’il quel point et d’après quel cri* térium, les faits englobés sous le nom de contracture essentielle doi- vent être en tout ou en partie restitués au domaine de la Nosographie organique, 1988. Nature delà maladie. Physiologie pathologique. — a. Nous venons de décrire une affection qui a pour symptôme principal la con- vulsion tonique de certains muscles et pour phénomènes accessoires divers troubles de la sensibilité. Dès lors ne serait-il pas oiseux de développer longuement les analogies qui rapprochent cette affection des autres maladies convulsives? Au point de vue clinique il est d’un bien plus grand intérêt de signaler ses caractères propres et spéciaux; de reconnaître combien des phénomènes aussi voisins, en apparence, que le spasme elonique et tonique, sont profondément disparates sous le rapport pathologique proprement dit ; devoir, par exemple,que dans le cours ou dans la con- valescence de la fièvre typhoïde les convulsions sont rares et la contrac- ture assez fréquente ; que chez les femmes grosses ou récemment accou- chées la contracture n’est nullement le présage de l’éclampsie; que chez les jeunes gens l’impression du froid n’est presque jamais suivie de con- vulsions, tandis qu’on voit assez souvent les contractures survenir en pareille circonstance, etc. Ces faits conduisent à admettre qu’entre la cause prochaine des unes et des autres, il existe quelque différence ca- pitale; mais quelle est-elle ? C’est ce qui nous échappe complètement. b. Ce n’est pas que plusieurs théories n’aient été proposées par les auteurs ; mais aucune d’elles, il faut l’avouer, n’est complètement satisfaisante ; quelques-unes même doivent être rejetées comme entiè- rement invraisemblables. C’est ce qui ressortira du rapide examen au- quel nous allons les soumettre : 1° La contracture serait produite par un état pathologique des fibres musculaires. Cette hypothèse est inadmissible quand on considère la prédilection du spasme pour des groupes déterminés de muscles (flé- chisseurs, interosseux, etc.), la symétrie avec laquelle il affecte les parties homologues (les deux mains, les deux pieds, etc.), et aussi l’existence de douleurs le long des troncs nerveux, les sensations de fourmille- ment, de picotement accusées par les malades, l’analgésie de la peau, etc. 2° Le spasme aurait sa raison d’être dans un état morbide des nerfs qui se ramifient dans le membre affecté, et cet état, en se propageant de PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. proche en proche jusqu’aux centres nerveux, produirait l’extension de la contracture de la main h l’avant-bras, puis au bras, du pied à la jambe, puis à la cuisse, etc. Cette hypothèse n’est appuyée d’aucun fait nécroscopique bien concluant; on la dirait imaginée dans le seul but de rendre compte de cette même progression centripète. La plupart des faits indiqués dans le précédent alinéa démontrent l’invraisemblance de celle deuxième hypothèse, et quant à son inutilité, ne sera-t-elle pas suffisamment prouvée, si nous voyons que les mêmes faits s’expliquent beaucoup mieux par la localisation du mal dans les centres nerveux ? 3° C’est en effet h cette dernière localisation que conduit invincible- ment l’étude de la contracture. Nous ne pouvons produire ici tous les argumens que la physiologie normale et pathologique fournit à l’appui de cette opinion, et nous renvoyons le lecteur désireux de les con- naître dans leur ensemble, à l’excellent travail de AL Rabaud. Si les faits et les raisonnémens accumulés par ce médecin ne justifient pas entièrement la conclusion dernière de sa thèse, qui tend à faire rayer la maladie qui nous occupe du cadre des névroses, au moins suffisent- ils pour établir la proposition suivante : une contracture des extrémités résultant d’une lésion diffuse des centres nerveux ne saurait se présenter sous une autre forme, ni affecter un autre siège que le siège et la forme de la contracture dite essentielle. La loi bien connue des manifes- tations périphériques dans les cas d’affections centrales du système ner- veux, trouve ici une nouvelle confirmation, non-seulement dans l'appari- tion des douleurs et des diverses sensations qui rappellent si fidèlement la symptomatologie des altérations de la moelle, mais encore dans les symptômes mêmes fournis par la motilité. On sait que si la puissance excito-motrice des centres d’innervation est exaltée à un faible degré, c’est aux extrémités nerveuses que les effets en sont ressentis; l’exci- tation est-elle plus forte, ses effets éclatent dans des points de plus eu plus rapprochés des centres. Irritez la moelle sur un animal, et suivant l’intensité de cette irritation, vous verrez des contractions convulsives apparaître d’abord dans le segment le plus éloigné du membre, puis plus près de sa racine, et enfin elles envahiront.le tronc lui-même. Quand une stimulation morbide remplace les agens mécaniques ou chi- miques employés dans les expérimentations, on devra également observer, et l’on observe, en effet, la contracture successive des muscles propres de la main (interosseux, lombricaux, muscles des régions thénar et by- pothénar), des muscles de l’avant-bras (pronateurs, fléchisseurs et exten- seurs des doigts), des muscles du bras et finalement la contracture des masses charnues du tronc, d’où résulte quelquefois le passage de l’état tétanique des extrémités à un état tétanique général. c. Il nous reste à dire deux mots du siège de celle stimulation dans la moelle et le cerveau, et de la cause qui lui donne naissance. Quant au premier point, il est juste de reconnaître que dans la plupart des cas, 402 c’cst dans la moelle vachidienne que la stimulation morbide paraît avoir son siège exclusif, puisque c’est aux membres que la contrac- ture est le plus souvent limitée. Cependant les faits de trismus, de stra- bisme, de contracture de la face, que l’on rencontre quelquefois avec Sa contracture-des extrémités, ne laissent pas de doute sur la partici- pation possible de l’encéphale lui-même à la production des symptômes. Ce n’est pas une objection sérieuse que celle tirée de l’absence de symptômes dits cérébraux : les fonctions de l’encéphale sont multiples et distinctes ; il serait facile de montrer que la portion motrice de ce centre peut agir, et agit dans une foule de cas, d’une manière absolument isolée. Puisqu’il existe des paralysies des muscles animés par la septième paire sans aucun des caractères de l'apoplexie, c’est-à-dire avec inté- grité des fonctions psychiques, on conçoit fort bien aussi la contracture des mêmes muscles sans trouble simultané des facultés intellectuelles (i). Remarquons néanmoins que ce qui caractérise le mieux la contracture, au point de vue physiologique, c’est la non-participation habituelle du cerveau à l’excitation de la moelle épinière. La propagation possible de l’affection de l’une à l’autre portion des centres nerveux nous donne la raison des phénomènes insolites (contracture des masséters, des parois pectorales, du diaphragme) qui dans quelques cas s’ajoutent à la con- tracture des membres, et qui alors communiquent à cette affection une extrême ressemblance avec le tétanos proprement dit. (Élémens de pat h. chirurg. de M. le professeur Nélaton, t. I, p. iU2.) d. Maintenant quelle est la cause prochaine de cette stimulation mor- bide dont le spasme des extrémités est l’expression symptomatique? C’est sur ce point que de nouvelles recherches sont nécessaires. On ne saurait admettre une congestion ou un œdème des centres nerveux dans tous les casde contracture, sans dépasser la limite posée par les faits d’observation; et c’est cependant ce qu’ont fait plusieurs auteurs, parmi ceux-là même qui, depuis, ont défendu le plus chaleureusement contre d’autres méde- cins Vessentia/ité de la maladie! D’une autre part la solution du pro- blème n’est guère plus avancée quand on invoque, avecTonnelé, un excès d’innervation ou (pour nous servir d’un langage plus moderne) une aug- mentation du pouvoir excito-moteur ; c’cst là une formule qui résume les symptômes , non une théorie qui les explique. Dirons-nous que cette affection est une des formes du rhumatisme, en nous fondant sur l’influence du froid, sur la mobilité du spasme, sur le caractère inflam- matoire de la fièvre qui l’accompagne quelquefois ? Une pareille défi- nition, outre le vague qu’elle laisse dans l’esprit, a le tort de n’em- PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) On éprouve quelque hésitation à rappeler des notions si élémentaires, et qui étaient familières à Galien : « Si vero simul cum universo corporel fades quoque convulsa videatur, non solum exortuni spinalis medullce, verum eliam cercbrum ipsum jam curamus. (Edit. Kühn. Lipsiæ, 1824, in 8, t. Ylll, p. 170.) brasser que le plus petit nombre de cas observés. Enfin, nous ne voyons pas non plus ce que la théorie gagnerait à un long parallèle entre la contracture et les paralysies, les névralgies ou les fièvres inter- mittentes, etc. Tout semble indiquer que le groupe de symptômes dont nous venons de faire l’étude, peut être l’expression d’étals organiques divers du système nerveux, états les uns appréciables, les autres inconnus; faute de caractères distinctifs sufïisans, nous sommes réduits à accorder une valeur exagérée peut-être, mais légitime dans l’état actuel de nos connais- sances, à l’existence de ce symptôme commun : convulsion tonique dans les muscles des membres, et nous considérons comme appartenant h une affection identique tous les faits où se présente ce symptôme, ou plutôt cet ensemble de symptômes. 1989. Diagnostic. — Début de la convulsion tonique parles muscles des extrémités, et principalement ceux des mains ; marche intermittente ; absence de symptômes graves qui dénoteraient une lésion profonde des centres nerveux ; apyrexie ou tout au moins fièvre modérée, tels sont les caractères d’après lesquels on peut établir, et cela sans difficulté bien sérieuse, le diagnostic de la contracture des extrémités. a. Cette affection n’est pas sans analogie avec le tétanos, dont elle forme même l’une des espèces, dans l’opinion de quelques auteurs (tétanos inter- mittent de Dance); mais elle en diffère essentiellement par l’absence du trismus, surtout au début ; par la circonscription du spasme aux mains et aux pieds et la rareté de son extension aux muscles du tronc ; par son origine non trauraatique ; par la netteté de ses accès; par son peu de gravité et la simplicité des moyens auxquels elle cède habituellement. b. Les lésions inflammatoires, bérnorrhagiqnes, ou autres de l’ap- pareil cérébro-spinal comptant la contracture au nombre de leurs sym- ptômes, on pourrait quelquefois hésiter entre la supposition d’une con- tracture idiopathique et l’idée d’une inflammation, d’un ramollissement, de tubercules occupant les centres nerveux. Mais le doute ne larderait pas à se dissiper quand on aurait constaté le siège binaire du spasme, son manque de continuité, l’absence de céphalalgie ou de racbialgie vive, l’absence de troubles profonds soit de la sensibilité et de la moti ■ blé (tels qu’une paralysie persistante), soit surtout des fonctions intellec- tuelles et sensorielles (comme : délire, coma, amaurose, etc). Alors même qu’il existerait une fièvre intense, ce qui est loin d’être fréquent, ou pourrait encore tirer parti de la régularité que le pouls conserve dans la contracture simple, opposée à son ralentissement, à ses intermit- tences, à ses irrégularités, dans les cas d’affection cérébrale, etc. c. Qui pourrait jamais confondre la contracture des extrémités avec l’affection qui a été désignée sous le nom de crampe des écrivains? Il suffit de l’observation la moins attentive pour éviter une aussi grossière méprise, la crampe des écrivains étant une affection essentiellement NÉVROSES. 403 PATHOLOGIE MÉDICALE. chronique, unilatérale, ayant pour siège exclusif h main, et pour cause constante l’exercice exagéré des doigts ; ce spasme ne survenant, au sur- plus, dans aucune autre attitude que dans celle toute spéciale nécessaire pour tenir la plume ou le crayon ! 1990. Pronostic. — Toujours favorable, sous réserve des complica- tions indiquées plus haut. Traitement. — Quand la contracture survient dans le cours d’une autre maladie, c’est contre celle-ci que la médication devra être dirigée : le spasme cédera presque toujours de lui-même. A-t-on affaire, au con- traire, à une contracture dite primitive, on aura recours aux bains tièdes, à l’usage externe et interne des antispasmodiques et des narcotiques; ra- rement la cause particulière de la maladie (dysménorrhée) ou l’intensité des symptômes fébriles indiquera l’emploi des émissions sanguines. Par contre, les toniques, un bon régime, des frictions destinées à exciter les fonctions de la peau seront assez souvent utiles. C’est pour le choix de la médication à employer que la distinction des formes rhumatismale et cachectique a le plus d’importance; mais un grand nombre de faits échappent à cette dichotomie. •— L’usage de la quinine est indiqué contre toute contracture régulièrement intermittente. DES SPASMES PROPREMENT DITS. AB-TICEiE XIsIÎ. SPASME DES VOIES DIGESTIVES. 1991. L’appareil musculaire des voies digestives présente de nota- bles différences, suivant qu’on considère les deux extrémités de cet appa- reil ou les parties intermédiaires. Dans celles-ci on trouve une couche contractile, formée de fibres lisses et animée presque exclusivement par les nerfs du grand sympathique; les mouvemens qui s’y passent (mouve- mens péristaltiques) s’accomplissent en dehors de la volonté, et, à l’état normal, d'une manière complètement insensible. Si des phénomènes spasmodiques y surviennent à l’état de maladie, iis se trouvent le plus souvent si intimement mêlés aux phénomènes douloureux, qu’à moins de les examiner dans un but de pure analyse physiologique, on ne saurait les séparer des symptômes de la gastralgie et de ïentérulgie (voy. ces mots), sans morceler l’histoire de ces affections. —Pour les mouvemens morbides qui concourent à l’acte du vomissement, pour ceux qui, dans l’iléus, impriment une impulsion rétrograde au contenu intestinal, ce n’est pas non plus ici le lieu de les étudier (voy. Vomissement, Iléus). Aux deux extrémités du tube digestif, nous voyons au contraire l’ap- pareil musculaire prendre quelques-uns des attributs qui appartiennent aux muscles de la vie de relation, et s’en rapprocher d’une manière remarquable tout à la fois par sa structure, ses fonctions et ses affec- lions morbides. Ainsi d’une part, à l’extrémité anale où les fibres con- tractiles de l’intestin ne font qu’une, pour ainsi dire, avec celles du plan- cher du bassin, on observe cette contraction spasmodique bien connue qui accompagne le plus souvent l’ulcération linéaire de la marge de l’anus (voy. Elémens de pathol. chirurg., t. V, p. 73); d’une autre part, à l’extrémité orale, nous rencontrons souvent de véritables con- vulsions : dans les lèvres, la langue, dans les muscles masticateurs. Mais, à l’inverse du rectum qui, au-dessus de l’anneau formé par le sphincter, présente tous les caractères d’une anse intestinale avec sa sensibilité obtuse et sa faible contractilité, la partie sus-diaphragmalique des voies digestives, constituée par le pharynx et l’œsophage, se trouve douée d’une sensibilité assez vive et d’une contractilité énergique. Ces parti- cularités sont en rapport avec les sources d’innervation puissantes et multiples qui alimentent ces organes, ainsi qu’avec la nature de leurs fibres charnues, identiques ou analogues à celles des muscles de la vie animale. C’est au spasme de celte partie des voies digestives, pharynx et œso- phage, que nous allons consacrer la description qui va suivre. NÉVROSES. DYSPHAGIE SPASMODIQUE. 1992. Bibliographie. — F. Hoffmann. De morbis œsophagi et ”pharyngis spasmodicis {Opéra omnia. Genève, 17A8, in-fol., t. HT, p. 130). Vater. De deglutitionis difficilis cousis abditis. Vitemberg, 1750, in-A. J. Bleuland. De sam et morbosa œsophagi structura. Lugd.-Batav., 1785, in-A. J.-H.-F. AUTENrieih. De dysphagia lusoria. Tubing, 1806. E. Home. Practicaî observations on the treatment of strictures in theurethra and œsophagus. London, 1803, in-8, t. II. A. Monro. Morbid anatomy of the human gullet, etc. Edinburgh, 1811, in-8, p. 223. A. Kunze. De dysphagia. Lipsiæ, 1820, in-8. J.-T. Mondière. Recherches sur l’œsophagisme ou spasme de l'œso- phage (Arch. gén. de médecine, 1833, 2e série, t. I). Yelpeau. Art. Œsophage (Dictionnaire de médecine, t. XXI, p. A19). Trousseau. Du rétrécissement de l'œsophage. Traitement (Gazette des hôpitaux, 18A8, t. X, p. 26). F. Follin. Des rétrécissements de l’œsophage (Thèse d’agrcg. Paris, 1853, in-A). E. Gendron. Observations pratiques sur la dysphagie, ses variétés et son traitement [Arch. gén. de méd., 1858, 5e série, t. II, p. 278). PATHOLOGIE MÉDICALE. 1993. Synonymie. — Constriction, resserrement, rétrécissement spasmodique du pharynx et de l'œsophage, œsophagisme, œsophago- spasmus. Définition. — Nous décrirons dans un seul chapitre la constriction plus ou moins forte et durable de l’œsophage et du pharynx, qui sur- vient en l’absence de toute altération physique susceptible d’oblitérer la cavité de ces conduits. Symptômes. — L’invasion est ordinairement brusque : les malades s’aperçoivent tout à coup qu’ils ne peuvent plus avaler, et sentent le bol alimentaire arrêté par un obstacle dont ils indiquent l’existence à une hauteur variable. Est-il situé au pharynx, la déglutition est impossible, malgré tous les efforts du sujet ; la présence des alimens donne lieu à une douleur plus ou moins vive, à la sensation d’une boule, à la rigidité de toute la région cervicale et de la langue, à une vive anxiété ; des efforts d’expulsion ont lieu, la face devient rouge ou livide, et quel- quefois il survient des convulsions générales. Lorsque le resserrement occupe l’œsophage, la sensation de boule déterminée par les solides et les liquides ingérés est rapportée par les malades à la région inter-sca- pulaire, à la pointe du sternum, ou à l’épigastre ; en pareil cas le pre- mier et le deuxième temps de la déglutition peuvent se faire sans en- combre, et l’expulsion des alimens a lieu plus tardivement; il y a nausée, vomissement ou plutôt expuitiou de liquides muqueux bilans, ou expul- sion de gaz. On observe encore le hoquet, la soif, la dyspnée, etc. La dysphagie spasmodique varie dans son intensité : tantôt les malades parviennent encore à avaler des substances solides, quoique avec peine; tantôt les liquides seuls peuvent passer. Quelquefois les alimens par- courent librement toute la longueur de l’œsophage, puis une con- vulsion brusque les ramène jusque dans la bouche. Il est des malades qui avalent facilement des boissons chaudes et rejettent les boissons froides ; chez d’autres au contraire l’eau glacée fait cesser la constriction ; chez quelques-uns le spasme est réveillé ou apaisé par des substances à l’égard desquelles il faut admettre ce qu’on appelle une idiosyncrasie : café, fromage, etc. Marche. Durée. Terminaisons. — La marche de cette affection peut cire continue; plus souvent on observe des exacerbations et des rémissions irrégulières, rarement une véritable intermittence périodique. Pendant les intervalles de calme, il reste un sentiment de constriction incommode; les paroxysmes sont provoqués par l’ingestion des alimens. — La durée de la maladie varie de quelques heures h plusieurs mois et môme à plusieurs années : le spasme devient alors une sorte d’ha- bitude pathologique (contumax habitas, Hoffmann); mais en pareil cas les rémissions sont en général assez longues. — Ce spasme peut se ter- miner par la mort, sa longue persistance entraînant une véritable ina- nition. Il disparaît quelquefois aussi brusquement qu’il est venu. 199i. Causes. — Ne devant pas revenir ici sur ce qui a été dit dans l’étiologie générale des affections spasmodiques, nous nous bornerons aux indications suivantes : l’œsopliagisme apparaît le plus souvent au milieu des symptômes de l’état nerveux, de l’hystérie ou d’autres né- vroses; quelquefois il se manifeste à litre de maladie isolée. Dans les deux cas, il est fréquemment la conséquence d’une vive émotion morale, principalement des émotions déprimantes, frayeur, chagrin, etc. La crainte d’être atteint d’hydrophobie, et même chez certains individus le seul souvenir d’un animal, enragé ou non, dont iis ont subi la morsure, peut faire naître la constriction du pharynx et de l’œsophage. Viennent ensuite d’autres causes dont l’action paraît porter primitivement sur la mem- brane muqueuse de ces conduits : tels sont les mets ou les liquides trop chauds, les épices, les substances âcres et vénéneuses, les vers, les sangsues tombées par hasard dans la gorge ; il y a alors, selon toute apparence, une contraction réflexe de la tunique musculeuse, mais l’intensité et la durée du spasme sont souvent hors de toute proportion avec le degré de l’excitation primitive. ■— On peut encore admettre un véritable œsophagisme symptomatique, comme complication de l’in- flammation de l’œsophage, du cancer, de toutes les altérations maté- rielles, en un mot, qui s’accompagnent de spasme, lorsque par elles- mêmes elles ne déterminent pas une obstruction notable. Rappelons enfin que parmi les symptômes de la rage, le spasme du pharynx et de l’œsophage est Fun des plus saillants; qu’on observe ce phénomène convulsif dans le cours de diverses maladies de la moelle et du cerveau, etc. 1995. Diagnostic. — En se servant d’une sonde cVun gros calibre, et en la poussant avec ménagement, on arrivera presque toujours à par- courir toute la longueur de l’œsophage sans y rencontrer ces résistances, ces déviations qui, jointes à d’autres symptômes de lésion organique, font reconnaître l’existence d’une ulcération, d’une tumeur cancéreuse ou autre. Mais il n’est pas toujours nécessaire de recourir à ce mode de constatation chirurgicale : ainsi l’exploration attentive des organes tho- raciques aidera à distinguer la constriction de l’œsophage de sa compres- sion par un anévrysme; mais ce sont surtout les circonstances étiolo- giques, l’existence simultanée d’autres désordres nerveux, l’invasion soudaine, la marche exacerbante ou l’intermittence des accidents qui de- vront être prises en considération pour établir le diagnostic de la dys- phagie convulsive. Toutefois il ne faut pas oublier que l’œsophagisme avec ses rémissions et ses exacerbations peut n’êlre que l’épiphénomène d’une altération organique commençante, et que les irrégularités dans la marche des accidents ne suffisent pas pour affirmer l’existence d’un spasme essentiel. — L’œsophagisme peut-il être confondu avec l’état opposé, désigné sous le nom de paralysie ou d’atonie de l’œsophage? Avec un peu d’attention on évitera toujours une pareille méprise : il y NÉVROSES. 407 PATHOLOGIE MÉDICALE. a d’abord ce bruit particulier et caractéristique que produisent les liquides en tombant h travers l’œsophage devenu flasque et inerte (bruit identique avec celui qu’on entend chez les agonisans); on peut noter en outre que la paralysie est permanente, le spasme rémittent; la difficulté de la déglutition , quand elle résulte du spasme, est la même à l’égard des substances liquides et solides, tandis que s’il s’agit d’une paralysie de l’œsophage, les solides passent souvent mieux, et les liquides pénè- trent facilement dans le larynx où leur présence détermine des efforts de toux; le spasme est presque toujours douloureux, la paralysie indo- lente, etc. 1996. Pronostic. — La longue durée de la maladie dans un assez grand nombre de cas, la mort par inanition qui en est une terminaison possible, en font Tune des plus sérieuses parmi les affections spasmo- diques. Le traitement est celui de tous les spasmes : il devra être très actif, en raison du danger que comporte le siège spécial de la constriction. In- dépendamment des indications dérivant de l’état névropathique général, deux points doivent surtout fixer l’attention : 1° Le cathétérisme : c’est à la fois le moyen d’alimenter le malade et de vaincre le resserrement convulsif de l’œsophage. On se servira de préférence de sondes volu- mineuses; celles d’un petit calibre, par l’espèce d’agacement qu’elles déterminent dans la membrane muqueuse, ramènent facilement la con- traction réflexe des fibres musculaires ou l’exagèrent quand elle existe déjà. Il faut quelquefois maintenir patiemment la sonde en présence de l’obstacle jusqu’à ce qu’on réussisse à le franchir; une fois ce résultat obtenu, on laissera pendant quelque temps le cathéter engagé dans la portion rétrécie. Quelquefois une contraction énergique empêche l’in- strument de séjourner dans l’œsophage, ou même s’oppose absolument à sa pénétration. 2° C’est alors surtout, et aussi quand le cathétérisme est trop douloureux, qu’il peut devenir nécessaire d’alimenter les ma- lades à l’aide de laveraens composés de bouillon, de jus de viande, de jaunes d’œuf, etc. ARTICLE XltîSÏ, SPASME DES ORGANES RESPIRATOIRES. 1997.—A. Convulsions des muscles respirateurs.—Nous ne rons que mentionner ces convulsions dont on peut admettre deux espèces, suivant que l’affection a pour siège : les muscles inspirateurs, tels sont le bâillement et le hoquet convulsifs ; — ou les muscles expirateurs : rire spasmodique, toux nerveuse. (Voy. dans les Actes de la Société médi- cale des hôpitaux de Paris, 1855, 3e fascicule, p. 269, le remarquable mémoire de M. Lasègüe sur la Toux hystérique, et dans le Bulletin de la même Société, 1853-1855, p. 295, le rapport fait par Aran sur ce NÉVROSES. travail, ainsi que la discussion qui a suivi.) La description détaillée de ces phénomènes nous entraînerait au delà des limites imposées à un ou- vrage élémentaire. B. Phénomènes spasmodiques ayant pour siège les voies aériennes. — Ici encore (sauf pour le spasme de la glotte, qui fera l’objet du paragraphe suivant), nous croyons devoir nous borner à une simple indication. En effet, le spasme trachéal n’existe, pour ainsi dire, que de nom : s’il est admis par quelques auteurs, il n’a été décrit par aucun. Il en est de même, ou peu s’en faut, pour le spasm.e des bronches, bien que certains pathologistes attribuent à ce phénomène une grande valeur dans la production de la dyspnée intermittente chez les asthma- tiques, et que plusieurs l’envisagent comme l’élément morbide essentiel et constitutif de l'asthme nerveux. Les raisons alléguées en faveur de cette opinion sont certainement admissibles, car l’existence d’une couche musculaire, dont les contractions ont été observées de visu, par un grand nombre de physiologistes (l), implique la possibilité d’un état morbide spasmodique, et si nous imaginons la production d’un sem- blable état dans une grande étendue de l’appareil pulmonaire, nul doute qu’une dyspnée violente n’en doive être la conséquence. Toutefois si, au lieu de se placer au point de vue de la physiologie pure, on prend le parti d’interroger directement la clinique sur cette question si con- troversée de l’asthme, les faits sont loin de se présenter avec la simpli- cité où l’expérimentateur est, en quelque sorte, maître de les contempler. On trouve, en effet, chez les asthmatiques, ou mieux chez les indi- vidus sujets à des attaques transitoires de dyspnée, avec menace et com- mencement d’asphyxie, tantôt des lésions permanentes des voies aériennes (catarrhe chronique, emphysème pulmonaire), tantôt, pendant la durée même des accès, les signes physiques d’une obstruction plus ou moins générale des bronches (râles sonores). Que cette obstruction résulte du seul gonflement de la membrane muqueuse ou de la présence d’un pro- duit sécrété, tenace et adhérent, ou de ces deux conditions réunies, c’est une question d’une ordre secondaire, que nous n’avons pas à dis- cuter. Toujours est-il que les faits d’asthme sans râles, c’est-à-dire sans indice d’obstruction mécanique des voies aériennes, sont fort excep- tionnels, au point que leur existence a pu être mise en doute par quelques pathologistes. Peut-être les opinions opposées qui régnent h cet égard pourraient-elles cependant être conciliées. Tout en admettant Y élément (I) « Chez le cheval et le bœuf nous avons vu le tissu musculaire des bron- ches se contracter surtout sous l’influence immédiate des irritants mécaniques ou galvaniques, mais aussi de ces irritants appliqués aux rameaux mêmes du nerf vague. » (Longet, Anatomie et physiologie du syst. nerveux. Paris, 1842, in-8, t. II, p. 289.) nerveux (qui, pour plusieurs auteurs, se réduit, en fait, au sentiment d’oppression et h la dypnée, et s’explique, en théorie, par un spasme des petites bronches), ne doit-on pas tenir compte aussi des effets trophiques auxquels l’innervation modifiée de l’appareil respiratoire peut et doit souvent donner lieu ? Dans le lie douloureux de la face, nous avons vu se réunir ou se succéder l’un à l’autre les élémens : douleur, convul- sion, vascularité, hypersécrétion, et quelquefois des altérations encore plus marquées de la nutrition. De même l’asthme, sans cesser d'être nerveux, pourrait, suivant les cas, s’accompagner d’une tuméfaction de la muqueuse bronchique, d’une sécrétion particulière; et ces phéno- mènes, par leur répétition fréquente ou leur persistance chez certains sujets, rendraient raison de la fréquence des lésions dont nous parlions tout à l’heure (catarrhe, emphysème); chez d’autres sujets, les mêmes lésions existent depuis longtemps quand, à litre d’épiphénomène tem- poraire, les accidens de l’asthme viennent s’y ajouter. Mais, en somme, on voit que le spasme des fibres musculaires des bronches jouerait dans cet ensemble un rôle assez secondaire. (Comparez : Pidoux, Leçons sur l'asthme, Union méd., 1855, t. IX, p. 362.) C’en est assez sur ce sujet qui, au surplus, a été déjà, en grande partie, traité dans cet ou- vrage même (t. II, p. 663, article Emphysème pulmonaire). PATHOLOGIE MÉDICALE. SPASME DE LA GLOTTE. 1998. Bibliographie. Nous renonçons à énumérer les travaux en très grand nombre, qui ont été publiés sur le Spasme de la glotte depuis l’époque (1829) ou Kopp avança le premier que la dyspnée caracté- ristique de cette affection avait pour cause un excès de volume du thymus. Du reste on trouvera une élude complète de la question, au point de vue historique et bibliographique, dans l’ouvrage suivant, re- marquable aussi h plusieurs autres titres : H.-Y. Hérard. Du spasme de la glotte [Thèse de Paris, 1817, in-1). Indépendamment des articles relatifs au même sujet que renferment les Traités de pathologie et les ouvrages consacrés aux Maladies de Tenfance, nous citerons encore spécialement : A. -J. IIourmann. De quelques effets peu connus de l'engorgement des ganglions bronchiques (Thèses de Paris, 1852, in-A). E. Bacquias. Du spasme de la glotte (Thèses de Paris, 1853, in-A). E. Barthez. Observation et réflexions à propos de Tasthme thy- mique (Bulletin de la Soc. méd. des hôpitaux de Paris, 1853, p. 66). 1999. Définition. Divisions. — A. La contraction insolite des muscles constricteurs de la glotte (muscles thyro-arylhénoïdiens, arythénoïdiens, et çrico-arylhénoïdiens latéraux, tous animés par le nerf laryngé inférieur NÉVROSES. 411 ou récurrent) se rencontre dans un assez grand nombre de circonstances. On la constate dans le phénomène curieux de phonation spasmodique, dont ou rencontre des exemples surtout dans l’hystérie, soit qu’il y ait émission involontaire de sons aigus, de bruits bizarres, et en pareil cas, il faut admettre que les muscles expirateurs sont convulsés en même temps que les constricteurs de la glotte; soit que ces sons aigus etdis- cordans se produisent seulement quand le malade parle; circonstance qui doit faire envisager cette sorte de spasme vocal comme un état morbide analogue à la crampe des écrivains , à certains bégaiemens convulsifs, etc. • B. Mais ce qui doit nous occuper dans ce chapitre, c’est principalement le spasme glottique respiratoire, ou plus simplement une forme parti- culière de dyspnée ou d’apnée, produite par l’occlusion convulsive du larynx. Nous ne parlerons qu’incidemment du spasme glottique qui se montre comme symptôme habituel ou comme complication, dans la co- queluche, dans certaines laryngites catarrhales et œdémateuses; il nous suffira également de mentionner le spasme laryngé qui, à l’égal de beau- coup d’autres phénomènes convulsifs, peut se manifester dans le cours des affections aiguës de l’encéphale, des méninges, etc. Circonscrivant davantage notre sujet, nous devons nous borner à faire l’histoire d’une espèce morbide qui a été de la part des cliniciens l’objet d’une étude toute spéciale et qu’ils ont tour à tour désignée sous les noms : d'asthme de Kopp, asthme thymique, convulsion interne ou partielle, convulsion des muscles respiratoires, inspiration rauque des en fans, croup nerveux, phréno-glottisme, tétanos apnoïcus infantum, apnea infanluin, laryngisme, etc. 2000. Symptômes. — a. Accès de suffocation, qui ordinairement surviennent d’une manière brusque, sans aucun prodrome, et surpren- nent l’enfant au milieu de ses jeux ou pendant le sommeil; quelquefois, mais rarement, ou observe de légers phénomènes précurseurs, tels que mouvemens de déglutition, irritabilité générale, etc. Quand l’accès arrive, on voit la respiration s’arrêter tout à coup ; le petit malade, en proie à une anxiété extrême, rejette la tête en arrière, allongeant le cou et ouvrant la bouche pour appeler l’air qui lui manque ; il s’agite et porte la main à son larynx comme s’il voulait arracher un corps étranger qui le gêne ; il exécute des mouvemens répétés de déglutition. La face bleuit, les jugulaires se gonflent, l’asphyxie est imminente, et l’auscultation de la poitrine révèle une apnée complète, c’est-à dire le silence absolu du murmure respiratoire. C’est à ce moment que l’enfant fait coup sur coup plusieurs inspirations rapides, sonores, caractéristiques, semblables à une sorte de hoquet, sans expirations intermédiares ou avec expirations à peine sensibles; puis arrive une longue expiration accompagnée d’un gémissement ou d’un cri. L’accès est fini. Il arrive parfois que la respiration se rétablit sans que la rentrée de PATHOLOGIE MÉDICALE. l’air soil signalée par cette inspiration saccadée et sonore dont il vient d’être question. — On voit chez d’autres malades l’inspiration restant naturelle, l’accès se manifester uniquement par des expirations sac- cadées et convulsives ; en pareil cas, la cyanose et la turgidité de la face manquent complètement. Ces faits sont très rares. h. Concurremment avec les phénomènes qui se passent vers les voies aériennes, on observe chez un assez grand nombre d’enfants une contrac- ture plus ou moins marquée des extrémités : flexion et adduction des mains, extension des pieds; quelquefois môme la convulsion tonique envahit les bras, les jambes, le cou, le tronc, les muscles des yeux (V. Contracture des extrémités, 1983, h). Ailleurs encore, ce sont des convulsions cloniques, c’est-à-dire une véritable éclampsie, qu’on observe, et tantôt cette attaque épileptiforme débute par la,contraction laryngienne, tantôt ce dernier spasme survient pendant la durée de l’attaque ou vers son déclin. Kopp parle de la pro- pulsion de la langue comme d’un symptôme habituel de ces convulsions générales, mais d’autres observateurs n’ont rien vu de semblable. c. Nous ne ferons que mentionner les troubles fonctionnels variés qui accompagnent cet état convulsif : accélération du pouls qui devient petit, presque imperceptible; battemens du cœur tumultueux, irréguliers; sueur froide ; selles involontaires. La connaissance n’est presque jamais perdue. Marche. Durée. Terminaisons. — On cite des cas dans lesquels un seul accès de spasme glottique, survenu inopinément, a mis fin aux jours du malade. Ce sont là de rares exceptions. Le plus communément les accès se répètent au nombre de dix à vingt dans les vingt-quatre heures, ayant chacun une durée très courte (une demi-minute au plus), et groupés de diverses façons : ils peuvent être espacés et comme isolés les uns des autres, ou bien rapprochés et formant une attaque composée, qui elle- même se renouvelle à plusieurs reprises. Le nombre de ces accès et de ces attaques va croissant d’abord, puis il diminue quand la terminaison doit être heureuse. Dans les intervalles de calme qui, au début, sont de plusieurs jours ou même de plusieurs semaines, l’état général ne présente d’abord rien de notable; mais à mesure que les accès se rap- prochent et se multiplient, on voit les petits malades pâlir, s’amaigrir, en un mot, leur santé subit assez promptement une altération profonde. — Les affections intercurrentes influent diversement sur la marche du spasme glotlique : d’après les observations de M. Hérard, les maladies fébriles tendraient h diminuer le nombre et l’intensité des accès de suffo- cation, et pourraient même les faire cesser complètement ; au contraire, certaines affections des voies respiratoires (coqueluche, croup, bron- chite simple ou rubéolique) hâteraient presque toujours la mort. Considéré dans son ensemble, le spasme de la glotte présente une durée extrêmement variable. Nous avons déjà parlé de la terminaison NÉVROSES, fatale possible à la suite d’un accès unique; d’autre part, Hauff rapporte l’observation d’un enfant qui, ayant eu de bonne heure des atteintes de ce spasme, y resta sujet jusqu’à l’àge de six ans! Quelques semaines, quelques mois, telle est la durée ordinaire du mal. La mort, conséquence trop fréquente de cette affection, peut être le résultat immédiat du manque d’air, ou être déterminée par diverses lésions encéphaliques (congestions, hémorrhagie des méninges ou du cer- veau, épanchements séreux); quelquefois on ne trouve à l’autopsie au- cune altération appréciable, et l’on admet alors un anéantissement gra- duel des forces par suite de l’insuffisance de l’hématose, ou une sorte d’épuisement de l’innervation, etc. Au dire de quelques auteurs, la guérison est signalée dans certains cas par des (lux abondans d’urine; par le développement d’éruptions cuta- nées, spécialement au cuir chevelu; parle gonflement de certaines arti- culations, etc. Les sujets guéris sont disposés aux récidives; mais celles-ci ont en général assez peu de gravité. 2001. Ëtiologie. — L’affection qui nous occupe est surtout fré- quente dans les contrées du Nord et pendant la saison froide. Elle frappe quelquefois successivement plusieurs enfants de la même famille; les enfans scrofuleux, impressionables, nerveux, y seraient plus particuliè- rement sujets ; les garçons plus que les filles, ce qui semble être en rap- port avec la fréquence plus grande chez eux des affections laryngées. La prédisposition résultant de l’âge est remarquable ; bien qu’on ait observé certaines formes de spasme glotlique chez des adultes, ce n’en est pas moins une maladie presque exclusivement propre à l’enfance, et notamment à la première enfance; passé deux ans, on n’en rencontre qu’un petit nombre d’exemples : c’est que le travail de la dentition joue un rôle considérable dans son étiologie (asthma dentientium), principalement chez les enfans sevrés prématurément et placés dans de mauvaises conditions hygiéniques. (Certaines lésions matériellesde l’encéphale, telles que les épanchemens sanguins des méninges, les tubercules, les phlegmasies, etc., ont été mises au nombre des causes déterminantes du spasme glotlique. Quelques auteurs ont surtout insisté sur la convulsion laryngée qui fait partie des symjytômes du croup ou de l’angine striduieuse; d’autres sur l’en- gorgement des gmglions lymphatiques du col ou du thorax pouvant exercer une action de voisinage sur le nerf récurrent ou sur le pneumo- gastrique; enfin le gonflement du thymus a été considéré comme la cause directe des phénomènes dyspnéiques dont nous nous occupons, d’où le nom d'asthme thymique. Nous reviendrons plus loin sur ces différons points. ) Disons un mol des causes qui provoquent le retour des accès spasmo- diques. Elles sont très nombreuses : la toux, les mouvemens de déglu- tition, lorsqu’ils se font avec précipitation, le chatouillement de la peau, quelquefois les bruits les plus légers, les émotions de toute sorte (colère, joie, frayeur); le passage du sommeil à l’état de veille, etc., etc. 2002. Anatomie pathologique. — Si nous faisons abstraction de l’asphyxie, de l’emphysème pulmonaire et des congestions sanguines, qui peuvent se produire consécutivement au spasme de la glotte, il ne nous restera à consigner dans ce paragraphe que des notions négatives; mais celles-ci ont ici une extrême importance, puisqu’il s’agit d’une affec- tion à laquelle pendant longtemps on a prêté des caractères anatomo- pathologiques imaginaires : nous voulons parler du gonflement du thymus et des ganglions bronchiques. a. Relativement au thymus, M. Hérard a le mérite de l’avoir complè- tement et définitivement mis hors de cause. Les nombreuses recherches auxquelles cet auteur s’est livré l’ont amené à conclure en ces termes : « 1° Le thymus est un organe dont le volume et le poids sont extrême- ment variables chez les enfans en bonne santé; » 2° La constitution de l’enfant, son état de maigreur ou d’embonpoint, semblent être les principales conditions qui influencent ces variations ; » 3° Dans l’asthme soi-disant thymique, aussi bien que dans toutes les autres maladies du premier âge, le thymus a dû nécessairement être rencontré tantôt petit, tantôt volumineux, suivant que l’enfant était faible ou robuste; mais il n’est pour rien dans ces affections » (1). b. Quant aux ganglions lymphatiques, qu’il nous suffise de noter ici que les cas sont très nombreux où à l’autopsie d’enfans morts de spasme glottique, on n’a trouvé dans ces ganglions aucune lésion appréciable. 2003. Physiologie pathologique. — Deux questions fixeront surtout notre attention : Les accidens compris sur la dénomination de spasme de la glotte sont-ils réellement dus à une constriction convulsive des muscles laryngiens ? Quelle connexion doit-on admettre entre ces accidens et les sym- ptômes de contracture ou d’éclampsie qui les accompagnent? A. — Que la dyspnée et l’apnée dont nous avons fait l’histoire dans cet article, ne soient pas le résultat d’une lésion matérielle occupant les tissus du larynx, c’est ce qui est tout d’abord prouvé par l’intermittence de ces phénomènes, c’est-à-dire par l’absence, dans l’intervalle des accès, de toute modification de la respiration ou de la voix, de tout indice de sensibilité anormale. Il est démontré aussi que la prétendue compression exercée par le thymus sur la trachée n’est pour rien dans la production de celte dyspnée paroxysmale; que le thymus gonflé ne peut comprimer les vaisseaux ni les nerfs du cou, ou, s’il produit cet effet, que cette Pathologie médicale. (1) Comparez: Bautuez, Observation et réflexions à propos de Vasthme thy- mique {Bulletin de la Soc. méd. des hôpitaux. Paris, 1833, p. 66). circonstance ne saurait rendre compte des symptômes observés. La persistance du trou de Botal, notée par quelques observateurs, est éga- lement un phénomène ou normal, ou tout au moins inoffensif, qu’on ne saurait faire servir à l’explication de ces symptômes. Mais il est permis de se demander si c’est à la convulsion des muscles laryngés ou bien à leur paralysie qu’il faut imputer ces phénomènes dyspnéiques si remarquables. Cette question peut et doit être posée, car ou sait que la paralysie dont il s’agit, en donnant lieu à l’occlusion du larynx à chaque inspiration, peut déterminer une dyspnée affreuse promptement suivie d’asphyxie. D’ailleurs, l’ouvrage de Hugh Leigh(l), la thèse du docteur Hourmann (où se trouvent exposées les opinions du professeur P. Bérard) et d’autres travaux estimables, montrent par quels argumens spécieux peut être soutenue l’idée d’un étal paralytique du larynx dans l’affection que nous éludions. Nous renvoyons particu- lièrement à la thèse de M. Bacquias le lecteur désireux de trouver une discussion approfondie et la réfutation de cette hypothèse. Il nous suf- fira ici d’insister sur les considérations suivantes : a. L’intermittence est un phénomène aussi rare dans les paralysies qu’il est fréquent dans les spasmes; or c’est h une dyspnée intermittente que nous avons affaire. b. L’âge auquel cette dyspnée se montre le plus souvent, et aussi la plupart des autres circonstances étiologiques, sont très propices au développement d’une affection convulsive, et très peu favorables à l’ap- parition et aux retours d’une paralysie du genre de celles qu’on nomme essentielles. c. Pour ce qui est d’une paralysie symptomatique, qui serait con- sécutive au gonflement des ganglions bronchiques et à la compression du nerf récurrent ou du tronc de la huitième paire, une semblable paralysie ne saurait être admise dans la plupart des cas, la lésion à laquelle on l’attribue étant le plus souvent absente. d. Au surplus, quand cette lésion existe, l’action que subissent les nerfs de la part des ganglions tuméfiés, ne pourrait-elle pas consister aussi bien en une stimulation de ces nerfs qu’en une perle de leur ac- tivité ? e. Les rapports si frappans et si variés de la dyspnée, soit avec l’éclampsie, soit avec la contracture des extrémités, paraissent inintelli- gibles si l’on envisage cette dyspnée comme le résultat non d’un spasme, mais d’une paralysie. f. Enfin les engorgemens inflammatoires ou tuberculeux des gan- glions cervicaux et thoraciques manifestent leur présence et leur action sur les nerfs par un ensemble de phénomènes notablement différens de ceux que nous avons décrits plus haut. Voici ce qu’on observe alors : NÉVROSES. 415 (1) An Essay on the laryngismus slridulus. London, 1836, in-8. PATHOLOGIE MÉDICALE. accès de dyspnée survenant seulement quand les malades se livrent à quel- que effort ou essayent de faire une inspiration très profonde; respiration habituellement accompagnée d’un sifflement laryngien ; voix enrouée ou éteinte; divers signes indiquant soit la compression des vaisseaux par les tumeurs ganglionnaires: œdème, lividité des tégumens, etc.; soit l’exis- tence d’une maladie diathésique et cachectique, et principalement de la tuberculisation. Comme on le voit, on se trouve alors en face d’une maladie chronique et exacerbante, et nullement d’une affection aiguë paroxysmale. B. La dénomination de spasme de la glotte étant ainsi, nous semble- t-il, suffisamment justifiée, essayons maintenant de saisir le mode de production de ce phénomène convulsif. Et d’abord la contraction mor- bide des muscles constricteurs de la glotte, considérée comme élément morbide, comme le signe commun d’un certain nombre d’affections, se présente à nous dans trois catégories de faits bien distincts : 1° Le spasme de la glotte paraît se produire, dans certains cas, à la suite d’une excitation directe des nerfs moteurs laryngés. C’est du moins le mécanisme par lequel on cherche à se rendre compte des faits où ce spasme accompagne la présence de tumeurs ganglionnaires ou autres placées sur le trajet des nerfs pneumogastriques ou récurrents. 2° Le spasme de la glotte survient par action réflexe locale, à la suite d’une excitation insolite, accidentelle ou morbide, de la muqueuse respiratoire : c’est ce qui arrive dans ces laryngites qui doivent h la pré- sence du spasme le nom de striduleuses ou spasmodiques, dans la laryn- gite sous-muqueuse, dite œdème de la glotte; c’est également ce qui a lieu dans la coqueluche, dans le cas de corps étrangers des voies aériennes, peut-être aussi dans le croup. 3' Le même phénomène convulsif peut résulter d’une excitation mor- bide du centre nerveux (bulbe rachidicn) dans lequel s’implantent les filets d’origine des nerfs musculaires du larynx (pneumogastrique et spinal). Reste seulement à distinguer les cas où l’excitation s’engendre primitivement dans ce centre nerveux (spasme idiopathiqué), et ceux où elle se produit consécutivement à quelque affection périphérique, siégeant partout ailleurs qu’au larynx (spasme sympathique, se ratta- chant, par exemple, à une évolution dentaire laborieuse). C’est, à n’en pas douter, dans un état morbide du centre nerveux que gît la cause organique de la variété de spasme dont nous nous occupons. Tout nous invite à le penser : d’abord, dans une foule de cas, l’irritation des nerfs par des tumeurs situées sur leur trajet ne saurait même pas être alléguée à titre d’hypothèse; en second lieu, l’intermit- tence franche des accès dyspnéiques nous oblige à écarter jusqu’à l’idée d’une lésion localisée dans le larynx. C'en est assez pour que des trois mécanismes possibles du spasme de la glotte, indiqués plus haut, nous ne puissions admettre dans l’asthme de Kopp qu’un seul comme vrai- semblable, et justement ce mécanisme est aussi celui qui rend mieux compte de l’ensemble de la maladie. Il y a d’abord un fait considérable, c’est la coïncidence du spasme laryngé avec d’autres convulsions. Vaine- ment objecterait-on que le spasme de la glotte est quelquefois solitaire, et que l’absence d’autres phénomènes convulsifs concomilans invite alors à rejeter l’idée d’une stimulation pathologique des centres nerveux ; aux faits de cette catégorie on oppose avec raison ceux en bien plus grand nombre où le spasme glottique est accompagné ou suivi de con- vulsions plus ou moins générales. Dira-t-on que celles-ci sont la consé- quence pure et simple du trouble de l’hématose déterminé par l’occlusion du larynx? Mais, sans vouloir nier l’influence possible de l’asphyxie, nous rappelerons ces observations où l’éclampsie et la contracture pré- cèdent Je spasme glottique, au lieu de lui être consécutives. Le spasme laryngé au milieu de ces convulsions généralisées n’est, en réalité, que l’un des éléments, on, si l’on veut, l’une des localisations du mal, à peu près comme le trismus dans le tétanos. Étant admise la stimulation motrice du bulbe rachidien, comme fait primordial, on comprend aisément que, suivant la diffusion plus ou moins étendue de cet état morbide, le spasme tantôt restera borné aux seules origines des nerfs du larynx (laryngisme pur), et tantôt s’étendra aux foyers de motricité voisins; de là, coïncidence d’une convulsion du diaphragme (phréno-gloltisme), d’une contracture des membres, de l’éclampsie, avec la constriclion de la glotte. L’excitabilité excessive une fois produite, ne nous étonnons pas de voir les impressions les plus différentes la mettre facilement en jeu et ramener à tout propos les accès de dyspnée, soit qu’elles intéressent d’emblée le sensorium (colère, frayeur, etc.), soit qu’elles s’adressent primitivement aux extrémités nerveuses (nerfs sensoriaux, cutanés, etc.); d’autres fois enfin, grâce à cette association synergique de contractions musculaires dont on retrouve à chaque instant des exemples en patho- logie, ce seront les mouvemens de diverses parties, et plus particulière- ment ceux qui se passent dans le larynx ou à son voisinage, qui détermineront les retours du spasme laryngé (rire, mouvemens de déglutition, etc,). Nous n’insisterons pas plus longtemps sur ces particularités que nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer en parlant d’autres affections convul- sives (voy., par exemple, Convulsions de la face, n. 1968, p. 381). 200ô. Diagnostic. — a. Les accès de spasme de la glotte sont quel- quefois si fugitifs, ils se déclarent si inopinément et laissent après eux si peu de traces, qu’ils peuvent passer inaperçus et qu’on est exposé à les méconnaître. Cela soit dit pour prémunir contre la sécurité trompeuse que pourraient inspirer le calme et l’apparence de parfaite santé pendant les intermissions de la dyspnée. névroses. PATHOLOGIE MÉDICALE. h. Quand le médecin assiste au paroxysme, l’erreur n’est guère pos- sible. Un mot cependant des affections qui offrent, avec celle dont nous nous occupons, quelques traits de ressemblance. Ce sont : la laryngite striduleuse, l’œdème de la glotte, le croup, la coqueluche. Remarquons tout de suite que ces différentes maladies, dans lesquelles d’ailleurs il est incontestable que des phénomènes de spasme laryngé peuvent exister, ont pour caractère commun une toux plus ou moins fréquente; or ce signe fait constamment défaut dans le spasme de la glotte tel que nous l’avons défini. A quoi nous ajouterons que dans aucune de ces maladies on ne trouve, avec une dyspnée excessive pendant l’accès, une absence aussi com- plète, durant l’intermittence, de toute modification des fonctions respi- ratoires, de tout bruit appréciable par l’auscultation. Indépendamment de ces deux caractères généraux (toux nulle, net- teté de l’intermittence), nous pourrions citer encore un grand nombre d’autres signes différentiels. Mais il nous paraît superflu de les énumérer en détail; nous nous bornerons en conséquence à la comparaison du spasme de la glotte avec une maladie que l’on a longtemps confondue avec lui, à savoir la laryngite striduleuse. Cette laryngite est très rare au-dessous de Page d’un an, et s’observe souvent après deux ans, con- trairement à ce (jui a lieu par l’asthme de Kopp. Dans la laryngite, les accès de suffocation débutent souvent la nuit et ne sont pas en général très nombreux; leur durée est assez longue ; il y a de l’enrouement, une toux rauque et bruyante, du catarrhe nasal, de la fièvre; —dans le spasme de la glotte, les paroxysmes surviennent indifféremment le jour et la nuit, et sont souvent très nombreux et très courts; les autres signes qui viennent d’être mentionnés font défaut; par contre, on constate celte inspiration saccadée, sonore et sibilante, que nous avons indiquée comme caractéristique. La complication d’éclampsie ou de contracture des membres est rare dans la laryngite striduleuse, fréquente dans le spasme. Pour le diagnostic de la paralysie des muscles laryngés nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut (2003. A. f). 2005. Pronostic. ■— Affection très grave, souvent mortelle, le spasme de la glotte est surtout redoutable chez les enfans débiles ; l’intensité progressivement croissante des accès, leur durée de plus en plus longue, et même en dehors de ces circonstances, l’altération rapide de l’état général doivent faire présager une mort prochaine. On regarde comme des conditions relativement favorables : le sexe féminin, une constitution forte, une bonne hygiène antérieure, l’éloignement, la brièveté et le peu de violence des accès dyspnéiques, etc. 2006. Traitement. — Il convient de distinguer les moyens qui doi- vent être mis en usage pendant les paroxysmes, et ceux qui sont em- ployés pendant l’intermittence. NÉVROSES. 419 1° Traitement de l'accès. — Lorsque plusieurs accès surviennent coup sur coup, on se hâtera de lever les enfans s’ils sont couchés, afin de faciliter la respiration; on projettera de l’eau fraîche sur la figure; cataplasmes chauds, sinapismes aux pieds; les frictions avec un Uniment ammoniacal sur les membres inférieurs, l’urtication, la flagellation, l’excitation électrique, peuvent également être utiles comme révulsifs. On a vanté les inhalations d’éther et de chloroforme, agens dont l’emploi, dans ce cas surtout, exige une extrême prudence. Marshall-Hall a con- seillé la trachéotomie; mais MM. Rilliel et Barthez repoussent cette opération, en faisant observer qu’elle ne peut remédier qu’aux effets de la constriction glotlique, et n’a aucune prise sur les convulsions des autres muscles respirateurs. En réservant la trachéotomie pour les cas exempts de complication, notamment pour ceux où le diaphragme n’est pas convulsé (voy. pour le diagnostic, p. 397, note), il nous semble qu’elle est appelée à rendre dans cette affection des services réels. Pour l’indication des émissions sanguines, ainsi que pour les autres détails du traitement, nous renvoyons à l’article Éclampsie, afin d’éviter des redites inutiles. 2° Dans l'intervalle des accès. — a. Régime approprié; éloigner tout ce qui peut exciter chez les enfans la colère, la frayeur, la jalousie ; éviter toute impression sensorielle un peu vive; séjour dans une atmos- phère chaude et sèche ; allaitement ou alimentation réparatrice, secondée par l’emploi de quelques toniques ; les raouvemens précipités de déglu- tition devenant souvent l’occasion d’un accès, empêcher les petits malades de boire avec trop d’aviîlité, et remplacer les boissons par des potages épais, des panades qui risquent moins de s’engager dans les voies aériennes, etc. b. Médication antispasmodique et narcotique. L’opium est dangereux à l’âge où se montre le plus communément le spasme de la glotte; on donnera donc la préférence à la belladone, à l’asa fœtida, à l’eau de laurier-cerise, etc.; bains tièdes prolongés; éméto-calhartiques si l’in- dication s’en présente. Comme le gonflement et la douleur qui accompagnent le travail de la dentition jouent dans l’étiologie de la maladie un rôle d’une certaine importance, on a proposé (et l’on pratique trop souvent sans indi- cation bien précise) la scarification plus ou moins profonde des gen- cives. Malheureusement cette opération est loin d’avoir donné, dans la plupart des cas, les résultats qu’on s’est cru en droit d’en attendre. PATHOLOGIE MÉDICALE. SPASMES DES VOIES CIRCULATOIRES. PALPITATIONS NERVEUSES DU COEUR. ARTICLE XïiïV. 2007. Bibliographie. Un chapitre est consacré aux Palpitations dans tous les ouvrages sur les affections nerveuses, ainsi que dans les livres sur les maladies du cœur, l’auscultation, etc. (Voy. spé- cialement : I30U1LLAUD, Traité clinique des maladies du cœur, 2e édition. Paris, 18M, in-8, t. II, p. 602.) Pour les pulsations aortiques, voir : Allan Bürns. Observations on some diseases of the heart and pre- ternatural pulsation in the episgastric région. Edinburgh, 1809, in-8. J.-A. Albers. Ueber Pulsationen im Unterleibe. Bremen et Leip- zig, 1803, in-8. Macario et Sandras. Pulsations abdominales idiopathiques (Union rnéd., 1852, p. 81), 2008. Synonymie. — Palpitations idiopathiques; ataxie, ataxo- adynamie du cœur (Bouillaud); maladie du cœur des étudions. Dé finition. On désigne d’une manière générale sous le nom de pal- pitation un trouble fonctionnel du cœur dont les mouvemens deviennent plus forts, plus nombreux qu’à l’état normal et en même temps irrégu- liers, tumultueux; à quoi il faut ajouter avec Laennec qu’ils sont alors sensibles et incommodes pour le malade. Les palpitations accompagnent très fréquemment les lésions organiques du cœur (palpitations sympto- matiques) ; mais elles peuvent se produire aussi en l’absence de toute altération appréciable de cet organe ou de tout autre viscère, et consti- tuer à elles seules toute la maladie (palpitations nerveuses idiopathiques). Dans d’autres cas, elles se montrent comme phénomène sympathique dans le cours de maladies localisées dans quelque organe autre que le cœur (palpitations nerveuses sympathiques). Enfin elles peuvent se rat- tacher h des états morbides généraux caractérisés principalement par des altérations diverses du sang. 2009. Symptômes, a. Quelquefois les palpitations nerveuses con- sistent simplement dans l’augmentation du nombre des mouvemens car- diaques qui s’élève à 100 et davantage par minute; le malade a con- science que son cœur bat plus souvent, il éprouve un sentiment de gêne et de malaise à la région précordiale, et cependant ni la vue ni la pal- pation ne font constater la moindre altération dans la force ou le rhythme des battemens. Le plus souvent l’impulsion en même temps devient plus vive ; on voit les espaces intercostaux et l’épigastre se soulever, et la main appliquée sur la région précordiale perçoit une force évidemment exagérée des batternens, toutefois sans qu’il y ait toujours un rapport exact entre cet accroissement d’énergie et les sensations éprouvées par le malade. Celui-ci en effet sent quelquefois son cœur battre à lui rompre la poitrine, alors que l’impulsion soulève à peine les doigts ou l’oreille de l’observateur. Dans certains cas les mouvemens du cœur conservent leur rhylhme habituel, dans d’autres, beaucoup plus fréquens, l’irré- gularité constitue un des caractères les plus marqués des palpitations nerveuses : il y a des variations dans la fréquence des mouvemens et aussi dans la force et la durée des contractions. Tantôt, dans un très court espace de temps, après une série de batternens plus forts, plus nombreux qu’à l’état normal, mais réguliers, il se produit plusieurs contractions plus lentes, plus courtes, et celle irrégularité se reproduit systématique- ment pendant un certain temps. Tantôt au contraire, la fréquence, la durée, la force des contractions cardiaques varient à tout instant, il y a une véritable incohérence; d’autres fois la contraction semble s’arrêter à mi-chemin, cl l’on dirait que le cœur hésite; elle peut enfin quel- quefois ne s’achever qu’apres plusieurs de ces hésitations très rap- prochées, sorte de convulsions cloniques analogues à celles qu’on observe dans les muscles de la vie de relation, et dont quelques auteurs ont assez heureusement rendu le caractère en les désignant sous le nom de choréc du cœur. b. Par l’auscultation on distingue très nettement les deux bruits du cœur devenus plus forts, plus éclalans qu’à l’état normal; le premier bruit offre même parfois ce timbre clair qu’on désigne sous le nom de tintement métallique et qui est attribué au choc énergique de la pointe du cœur contre le thorax; il s’entend d’autant plus facilement que les parois pectorales sont plus minces. Les bruits du cœur dans quelques cas sont assez forts pour être perçus à distance. Le malade est-il debout, il les entend lui-même, et mieux encore s’il est couché sur le côté gauche ; d’autres fois, bien qu’il ait conscience de ses palpitations, il n’en a aucune sensation acous- tique, mais alors il suffit qu’il se couche sur le côté gauche pour dis- tinguer nettement les bruits cardiaques. Quelquefois on constate au' premier temps un bruit de souffle qui disparaît en même temps que la palpitation; ce souffle cependant persiste si la palpitation nerveuse est liée à un état choro-anémique ou cachectique. On a signalé aussi chez certains individus la production d’un bruit sec et superficiel dû au frot- tement des deux feuillets du péricarde ; mais il y a lieu de se demander si en pareil cas la séreuse du cœur est bien complètement saine. c. Le pouls est tantôt petit et serré, tantôt roide et vibrant; il est ac- céléré et bat quelquefois régulièrement, d’autres fois avec l’incohérence et les hésitations que nous avons signalées dans les mouvemens du cœur; il peut y avoir en outre des intermittences véritables, répondant -NÉVROSES. 421 PATHOLOGIE MÉDICALE. à des arrêts momentanés dans les battemens du cœur; mais beaucoup plus souvent, les intermittences du pouls coïncident avec des coniractions ventriculaires trop faibles seulement pour chasser l'ondée sanguinejus- qu’à l’extrémité des artères, — Les mouvemens respiratoires sont accé- lérés, mais rarement la gêne de la respiration acquiert une grande intensité. Absence de fièvre ; à la suite des palpitations les urines sont rendues claires et aqueuses. 2010. Marche, durée et terminaison. -- Les palpitations nerveuses débutent quelquefois brusquement, sans prodromes, au milieu d’une santé parfaite, le plus souvent à l’occasion d’une émotion. Quelquefois aussi le malade éprouve d’abord un malaise indéfinissable, un sentiment de gêne à la région précordiale avec de la dyspnée; des bouffées de chaleur lui montent à la face, il ressent un léger étourdissement, et c’est alors que débute l’accès. Celui-ci peut consister en une contraction unique, vive, forte, comparable à un coup de marteau ; un peu d’éton- nement, une sensation de contusion à la région précordiale, et tout rentre dans l’ordre. Chez d’autres on voit les palpitations se prolonger pendant cinq à vingt minutes et se reproduire, avec des intervalles irré- guliers, à plusieurs reprises dans la même journée. Quand elles sont liées à la chlorose, à l’anémie, à un état cachectique ou à une névrose générale, elles peuvent se renouveler indéfiniment, à l’occasion du plus léger exercice, soit parce que les contractions musculaires des membres refoulent le sang de la périphérie vers le centre circulatoire, soit parce qu’une synergie s’établit entre les muscles des membres et le muscle cardiaque (J. Müller). Il est généralement admis que, sous l’influence des palpitations, des altérations organiques du cœur (hypertrophie, dilatation) peuvent se déve- lopper à la longue, — Quand les accès sont fréquens et rapprochés, les malades conservent de la douleur précordiale, de la difficulté de res- pirer, et une sorte de malaise qui affecte leur moral au point de les rendre impatiens, irritables et très souvent nosomaniaques; car voulant, à toute force, rattacher un symptôme aussi persistant à une cause ana- tomique, ils en viennent à admettre des lésions imaginaires, qu’ils choi- sissent d’habitude parmi les plus graves altérations de texture. A une période avancée de certaines maladies cachectiques, l’intensité et la continuité des palpitations peuvent amener, pendant un accès, une syncope, et celle-ci la mort. 2011. Etioloyie.—Le tempérament nerveux, une constitution faible et le sexe féminin, sont les causes prédisposantes, par excellence, des palpita- tions nerveuses simples. Même en dehors de tout état morbide, les causes occasionnelles des palpitations sont nombreuses et toutes sont de nature à déterminer une surexcitation physique ou morale. L’influence des affections vives de l’àrae (joie, peur, colère, amour, tristesse), pour faire battre tumultueusement le cœur, est trop connue, même du vul- NÉVROSES. gaire, pour qu’il soit nécessaire d’y insister. La crainte d’être atteint d’une lésion cardiaque peut être rangée dans le même ordre de causes, et les médecins d’Edimbourg donnent aux palpitations nerveuses le nom de maladie du cœur des étudians, parce peu d’élèves en médecine échappent à celle crainte; un illustre professeur (P. Frank) nous apprend que lui aussi a payé son tribut à celle terreur de l’anévrysme, à la suite d’un cours consacré aux affections du cœur; mais les palpi- tations si communes chez les étudians ne sont-elles pas la conséquence d’excès de travail ou autres, de fatigues de tout genre, d’un étatchloro- anémique, fréquent à l’âge où l’on commence les études médicales, plutôt que l’effelde la seule cause morale à laquelle on les a attribuées? Indépendamment des émotions, les écarts de régime, l’abus des alcooliques, les veilles, les excès vénériens, la masturbation, en un mot, tout ce qui surexcite directement le système nerveux, devient une cause de palpitations. — Quant aux états morbides qui s’accompagnent le plus ordinairement de ce trouble fonctionnel, ils sont presque tous caractérisés par une débilité plus ou moins profonde; tels sont : la chlorose, si commune à l’âge de la puberté, l’anémie et tous les états de souffrance générale de l’économie dans lesquels il y a appauvrisse- ment du sang, diminution des globules (cachexies tuberculeuse, satur- nine, palustre, etc.); déperditions abondantes (hémorrhagies, sperma- torrhée, leucorrhée, sialorrhée, etc.) ; maladies diverses se traduisant par la dissolution du sang (scorbut, purpura). Cependant il faut recon- naître que dans des conditions toutes différentes, chez les pléthoriques par exemple, les palpitations ne sont pas rares non plus. Le même phénomène s’observe en quelque sorte banalement dans les cas de névroses générales ou localisées : dyspepsie, vésanie, hystérie, chorée, névralgies diverses et particulièrement névralgie intercostale. Certains organes semblent, lorsqu’ils sont frappés de quelque lésion aiguë ou chronique, exercer une action sympathique toute particulière sur les contractions du cœur: ainsi les maladies de l’estomac, de l’utérus, des reins, excitent très souvent des palpitations. Il en est de même de la présence de vers dans le tube digestif, (le l’inflammation du péritoine, des douleurs rhumatismales erratiques. Les affections de la moelle épi- nière sont encore remarquables par la fréquente concomitance du trouble fonctionnel qui nous occupe. 2012. Physiologie pathologique, a. Le cœur d’un animal vivant, arraché de la poitrine, continue à battre, et s’il s’arrête, on peut encore ranimer ses contractions en l’excitant directement. Cette expérience célèbre, fondement de la doctrine de i’Irritabilité hallérienne, tend à nous représenter le cœur comme ne puisant qu’en lui-même le principe de ses mouvemens et comme jouissant d’une indépendance complète vis-à-vis du système nerveux. La conclusion est-elle légitime? Ne voyons-nous pas l’observation PATHOLOGIE MÉDICALE. la contredire à chaque instant de la manière la plus formelle? Telle est même l’influence de l’innervation sur les pulsations cardiaques que l’idée est tout naturellement venue aux anciens de placer dans le cœur le siège des facultés affectives. Conception erronée, qui (soit dit en passant] ne méritait guère que Bichat lui prêtât l’appui de son éloquence; si nous la mentionnons , c’est uniquement pour mieux faire ressortir l’opposition complète qui existe entre les résultats de l’expérimentation et les faits les plus vulgaires, les mieux démontrés. Comment on a tenté de concilier les uns avec les autres? peu im- porte d’ailleurs; ce n’est pas ici le lieu d’examiner tous les élémens de celle question difficile, d’apprécier, par exemple, la valeur des ganglions nerveux (ganglions de llemak) où l’on suppose qu’une certaine quan- tité d’innervation peut se trouver comme emmagasinée, etc. 11 nous suffit de reconnaître que le pathologiste ne trouve peut-être pas dans l’éco- nomie un seul organe dont l’action soit plus prochainement que celle du cœur subordonnée à l’action du système nerveux et plus exactement réglée sur elle. Et, sans sortir de notre sujet, nous n’avons qu’à rap- peler ici, comme preuve, le rôle considérable que jouent les causes de l’ordre moral dans l’étiologie des palpitations ; ceilcs-ci ne semblent pour ainsi dire que la perpétuation, à l’état d’affection morbide habi- tuelle, chronique, des effets ordinaires de toutes les émotions. Mal- heureusement il ne nous est guère permis d’aller au delà de ces notions vagues et populaires. Quel est, dans les centres nerveux, cérébro-rachi- dien ou ganglionnaire, le véritable foyer de l’innervation motrice du cœur? Comment s’établissent les connexions entre ce foyer et les autres parties des mêmes centres ? Par quelle voie enfin, de ces centres l’im- pulsion au mouvement est-elle transmise vers le cœur? Autant de ques- tions dont on est loin de posséder la solution définitive. b. Laissons de coté pour un moment l’influence que les uns attri- buent, les autres dénient absolument au cerveau, à la moelle, aux gan- glions sympathiques, en tant que présidant aux mouvemens du cœur; bornons-nous à examiner le rôle des nerfs qui se rendent à cet organe. Tout le monde sait que ces nerfs viennent les uns du pneumogastrique, les autres des ganglions sympathiques. Longtemps on a admis que celte double source d’innervation avait pour seul usage de mieux assurer l’intégrité d’une fonction essentielle h la vie, etc. Mais les travaux de Cl. Bernard, des frères Weber, de Budge et de plusieurs autres phy- siologistes ont introduit dans la science une donnée nouvelle et bien imprévue : qu’on électrise le nerf pneumogastrique, le cœur s’arrêtera, et cela, non point pendant une contraction (comme un muscle ordinaire dont on stimulerait le nerf moteur), mais bien en état de flaccidité, de diastole. Le même phénomène s’observera encore si l’on agit sur la portion du bulbe qui correspond à l’origine de la huitième paire. De là, on a voulu tirer cette conséquence que le pneumogastrique préside au ISÈVRÜSES. 425 reposducœur, tandis que les filets sympathiques lui apporteraient l’exci- tation à se mouvoir; les contractionsrhythmiques de l’organe (alterna- tives régulières de mouvemens et de repos), recevaient de la sorte une explication ingénieuse, mais, disons-le, prématurée, car le fait dont il s’agit est diversement interprété ; de plus il n’est pas général, et sur certaines espèces animales les expérimentateurs ne l’ont pas constaté. Ces raisons suffisent pour que nous ne hasardions aucune application de cette donnée à la pathologie; avant de discuter dans quelles circon- stances précises intervient, chez l’homme, ou l’action motrice des filets du grand sympathique ou l’action dite suspensive ou paralysante de la huitième paire, il faudrait que la base physiologique sur laquelle repo- serait une pareille discussion se fût elle-même affermie. Aussi nous con- tenterons-nous de rappeler les fai s généraux suivants : 1° Les contractions spasmodiques du cœur peuvent se produire à l’occasion de divers étals morbides ayant dans cetorganemème leur siège anatomique; cela est de toute évidence quand il s’agit des palpitations qui accompagnent la péricardile, l’endocardite, les lésions valvulaires; on peut encore l’admettre pour certains faits de dilatation, d’hyper- trophie simple et d’autres altérations trophiqucs des parois du cœur (bien qu’à vrai dire, quelques-unes de ces lésions puissent aussi être envisagées comme consécutives au trouble survenu dans la inutilité de l’organe). Enfin il est permis de supposer que bien des palpitations ner- veuses sont véritablement idiapathiques, en ce sens que leur raison d’être, d’ailleurs inconnue, se trouve dans le cœur lui-même. Dans tous ces cas, l’état spasmodique est-il primitif et doit-on l’attribuer à l’exci- tation directe de la libre charnue ou du filet moteur ? est-il réflexe, c’est-à-dire consécutif à l’affection des filets nerveux centripètes? Ceux-ci h la vérité jouissent d’une sensibilité si faible qu’elle a pu être niée. Mais, dût-on même repousser la possibilité d’une douleur cardiaque (voy. à ce sujet l’article Angine de poitrine, p. 310, n° 1920, d.), il ne s’en- suivrait pas encore que des impressions sensitives non perçues, trans- mises silencieusement aux centres moteurs par les nerfs centripètes du cœur, ne pussent donner lieu à un spasme par action réflexe. 2° Nous avons mentionné plus haut l’influence incontestable que l’état des fonctions encéphaliques exerce sur les mouvemens du cœur. Les palpitations qui accompagnent les émotions vives, ou qui figurent parmi les symptômes des névropalhies généralisées dans lesquelles une affection des centres nerveux existe manifestement, constituent une deuxième variété qu’on pourrait désigner sous le nom de palpitations de cause centrique ou psychique. A cette occasion nous croyons devoir indiquer le point de vue nouveau auquel un jeune et savant physiolo- giste vient d’envisager la question : selon M. le docteur Marey (Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences, 1861, juillet), l’ac- tion nerveuse qui précipite les baltemens du cœur s’exercerait non PATHOLOGIE MÉDICALE. sur le cœur lui-même, mais sur le système capillaire ; quanti ce système se dilate dans une portion notable de son étendue, il en résulte une pression moindre du sang dans les artères et, par suite, un accroisse- ment dans la fréquence des contractions ventriculaires. Mais nous nous demandons si l’on peut interpréter de la même façon ce qui se passe dans le cas de palpitations, où, comme on sait, la fréquence plus grande coïncide avec l’inégalité, l’intermittence des pulsations, etc. 3° Tous les médecins savent qu’à l’occasion de certaines modifications morbides survenant loin du cœur, cet organe éprouve fréquemment un trouble dans ses mouvemens {palpitations sympathiques proprement dites); mais ce n’est qu’en accumulant les hypothèses que nous parvien- drions à suivre l’enchaînement des actes organiques depuis l’impression sensitive initiale, jusqu'il la contraction pathologique du cœur qui en est le résultat éloigné. Entre autres difficultés, nous rencontrerions celle de décider si les ganglions du grand sympathique sont de vrais foyers d’innervation, et s’ils peuvent agir dans la production des mouve- mens réflexes sans le concours du bulbe ou d’autres parties de l'en- céphale. Nous croyons devoir faire en terminant encore une remarque : c’est à tort, selon nous, qu’on assimile aux palpitations sympathiques l’ac- célération des battemens du cœur dans la fièvre (1), Il nous semble y avoir, quant au mécanisme du phénomène dans les deux cas, une différence importante : lorsqu'une affection morbide est fébrile, dès avant, ou tout au moins en même temps qu’elle influence le cœur, il se produit aussi une action générale dont il serait irrationnel de ne pas tenir compte ; la maladie est-elle apyrétique, au contraire, il ne semble y avoir rien d’intermédiaire entre l’organe primitivement affecté et le cœur, siège du désordre sympathique (rien, si ce n’est, bien entendu, les centres nerveux où se réfléchit l’action de l’un sur l’autre). Quant à préciser en quoi consiste ce stimulant intermédiaire qui, dans la fièvre, accélère les battemens du cœur, cela est difficile; peut-être faut il con- sidérer comme tel l’état du centre cérébro-spinal qu’on désigne vague- ment sous le nom d’éréthisme ; peut-être doit-on invoquer l’excitation du cœur par un sang modifié dans sa composition ; enfin, si l’on envi- sage l’accroissement de la chaleur animale comme le fait essentiel de la fièvre, peut-être faudra-t il attribuer la fréquence des contractions car- diaques à la température plus élevée du sang, etc., etc. (2). 2013. Diagnostic. — a. La percussion et l’auscultation ont rendu d’immenses services au diagnostic des palpitations nerveuses, (l’est en se fondant sur les résultats négatifs de l’exploration physique que (1) Hérard, Cours de physiologie, t. III, p. 693 et 694. (2) Comp. tes recherches de M. le docteur Caluburcès (Cl, Bernard, Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux. Paris, 1838, iu-8, t. Il, p. 395). NÉVROSES. 427 l’on pont affirmer l’absence de toute altération matérielle du cœur. Il reste néanmoins des cas où l’hésitation est permise; mais la marche et la durée des accidents suffiront le plus souvent pour dissiper tous les doutes, h. Dans certains faits dont Tinter rétalion laisse beaucoup à désirer, des palpitations souvent répétées sont le phénomène précurseur d’une hypertrophie ou d’une dilatation cardiaque : en pareil cas les accès sont longs et se reproduisent à de courts intervalles ; vainement on en cherche la cause soit dans l’état général de l’économie, soit dans un état morbide appréciable de Torgane central de la circulation. Est-ce h des palpitations nerveuses que Ton a alors affaire ? Le plus sage est de réserver le diagnostic aussi longtemps que des signes certains ne sont pas là pour prouver qu’il existe quelque chose de plus qu’un trouble fonctionnel du cœur, et tant que le volume de Torgane n’est pas notablement aug- menté. D'ailleurs (qu’on la considère comme primitive ou secondaire), la lésion cardiaque une fois bien établie, on voit l’intensité et la fré- quence des palpitations augmenter d’une manière sensible. c. Un bruit de souffle doux à la base du cœur, persistant même après l’accès et se prolongeant souvent avec un timbre ronflant ou musical dans les gros vaisseaux ; la présence d’autres symptômes de chlorose ; les nombreux symptômes des étals cachectiques dans lesquels le sang a perdu une partie de ses globules ou de sa fibrine, permettront le plus souvent de remonter à la cause des palpitations anémiques, etc. d. Le rhumatisme, si communément suivi de lésions cardiaques, est en même temps l’une des affections qui déterminent le plus rapide appauvrissement du sang; Tcxamen du cœur, chez les rhumatisans,' réclame pour cette raison une attention toute particulière, car il ne s’agit rien moins que de porter un pronostic léger ou grave, et d’opter entre des médications différentes ou même opposées. C’est alors surtout que les bruits anormaux devront être étudiés avec grand soin, et qu’il faudra s’attacher à en bien apprécier le timbre, le siège, la force, l’étendue ; que les résultats de la percussion, que la durée, l’intensité, la fréquence des palpitations, devront être mis en regard des signes qui peuvent indiquer un embarras de la circulation intra-cardiaque ; et c’est seu- lement après avoir examiné attentivement tous ces élémens du pro- blème qu’on pourra se prononcer sur la présence ou l’absence d’une lésion organique. 2010. Pronostic. — Les palpitations qui dépendent d’une excitation passagèie du système nerveux, sont les moins graves de toutes. Celles qui accompagnent la chloro-anémie, diverses névroses, n’ont pas plus d’importance par elles-mêmes, à moins qu’elles ne se répètent sou- vent et que les accès ne se prolongent Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit au sujet du rapport qu’on admet entre les palpita- tions et certains changemens dans la nutrition des parois cardiaques. PATHOLOGIE MÉDICALE. Traitement. — Dans les cas de palpitations nerveuses simples, pro- voquées par quelque émotion, on voit le calme de l’esprit ramener promptement les choses à leur état normal. Chez les individus ner- veux, facilement excitables, sujets aux palpitations de ce genre, on aura recours aux antispasmodiques, aux caïmans : quelques gouttes d’éther, des potions avec le sirop d’éther ou l’eau de laurier-cerise, etc. Dans certaines circonstances, on y joindra l'usage des préparations de digitale (qui toutefois sont loin d’olfrir ici les avantages qu’on en retire dans Je traitement des affections organiques du cœur) ; régime doux, bains tièdes, etc. Quant aux palpitations qui se rattachent à l’une de ces altérations du sang ou de ces névroses générales dont nous avons parlé, il est inutile de dire qu’on no devra s’en occuper que d’une façon secondaire, pour s’adresser promptement à l’état général et y opposer un traitement approprié. C’est souvent aux reconstituans et aux toniques que l’on aura le plus utilement recours ; l’hydrothérapie rendra dans bien des cas de grands services. 11 en est de même des palpitations sympathiques. Ajoutons cepen- dant que, vu l’incurabilité de certaines affections qui agissent indirec- tement sur le cœur, le médecin se verra quelquefois forcé de s’occuper de cette complication pour en atténuer au moins les inconvéniens; en pareille circonstance, le traitement conseillé pour les palpitations sim- ples sera encore le plus convenable. Les palpitations dues à la pléthore vraie sont assez rares pour qu’on doive, en thèse générale, être sobre d’émissions sanguines. Ceci s’applique tout particulièrement à ce qu’on observe pendant la grossesse, où les palpitations sont presque toujours liées non à une prétendue richesse excessive du sang, mais à l’hydrémie qui existe, à litre de concomitance quasi-physiologique, pendant la gestation. ARTICLE XLV. PALPITATIONS ARTÉRIELLES. 2015. On observe quelquefois dans les artères, et l’on a plus spécia- lement signalé dans l’aorte abdominale, des battemens d’une énergie insolite, avec intégrité des parois vasculaires, et sans qu’il existe néces- sairement aucun trouble coïncidant dans l’action du cœur lui-même. C’est ce phénomène qu’on désigne sous le nom de battemens nerveux, pulsations idiopatbiques des artères, etc. Importantes à connaître, surtout au point de vue du diagnostic des anévrysmes, ces sortes de palpitations artérielles (et nous ne parlerons ici que des palpitations aortiques) se montrent presque exclusivement chez des sujets jeunes, doués d’un tempérament nerveux, anémiques, tourmentés depuis plus ou moins longtemps par d'autres névropalhies, particulièrement chez les hystériques et leshypochondriaques. Elles sont péniblement ressenties par les malades et souvent appréciables à la vue et au toucher, qui permettent de constater dans les régions épigastriquc et ventrale de fortes pulsations isochrones au pouls. La marche de cette affection est essentiellement intermittente : les baltemens apparaissent, augmentent ou cessent capricieusement, au gré d’une foule de circonstances diverses : nous devons citer surtout les troubles des fonctions digestives (constipation, pneumatose intestinale), l’apparition des règles, les émotions morales et les préoccupations de l’esprit, comme propres à provoquer le retour du phénomène ou à en accroître l’intensité. Diagnostic. Lorsqu’on même temps que toutes ces particularités, on aura constaté divers autres accidens nerveux, on sera tout d’abord porté à écarter la supposition d’une tumeur et surtout d’un anévrysrne de l’aorte ; mais les signes négatifs fournis par l’exploration physique, per- mettront seuls d’arriver à cet égard à une certitude complète : ainsi, malgré l’intensité quelquefois considérable de l’impulsion, le palper et la percussion ne feront pas reconnaître un élargissement notable du vaisseau ; — le choc sera perçu non point dans une région circonscrite, mais dans tout l’espace compris entre l’épigastre et la bifurcation de l’aorte en iliaques primitives ; — au lieu des bruits prolongés et plus ou moins râpeux que l’auscultation révèle au niveau d’un sac anévrysmal, on trouvera tout au plus un souffle court et léger, etc. Pronostic, traitement. Les palpitations artérielles ont une durée variable, quelquefois éphémère, mais pouvant atteindre, dans certains cas, plusieurs semaines ou même plusieurs mois (sauf les rémissions et les disparitions déjà mentionnées). — Incommodes, parfois même très pénibles, elles ne constituent cependant jamais une affection grave. — Le traitement qu’elles réclament, outre l’indication des caïmans (bains, régime doux, antispasmodiques divers, etc.), comprend surtout celle d’opposer à l’état général du sujet une médication suivie, dans laquelle les toniques et les reconstituans occupent le premier rang. 2016. L’élude de l’affection dont nous nous occupons conduit à l’exa- men de plusieurs questions intéressantes dg physiologie pathologique. Disons d’abord que si les palpitations artérielles se trouvent ici décrites immédiatement après les palpitations du cœur, et si en effet d'assez nombreuses analogies existent entre les unes et les autres, ce n’est pas qu’elles ne présentent aussi entre elles quelques différences dont il importe de tenir compte. Dans les palpitations proprement dites, il y a systole (cardiaque) trop énergique, trop répétée, irrégulière ; dans les pulsations artérielles, c’est la diastole (des artères) qui éprouve une exagération morbide. Les premières peuvent être assimilées aux spas- mes; les secondes doivent-elles être placées au nombre des paralysies? Cela est moins certain. Ou connaît les belles expériences de M. Cl. Ber-* NÉVROSES. PATHOLOGIE MÉDICALE. nard sur les cordons et ganglions du grand sympathique au cou; la sec- tion de ces organes provoque un état de vascularité et notamment de dis- tension artérielle dans la moitié correspondante de la tête. Eh bien! quelques physiologistes attribuent ce résultat à une paralysie de la tunique contractile des artères, au défaut d’action vaso-motrice du grand sympathique ; mais, selon M. Cl. Bernard, il y a loin de i’étal d’amplia- tion artérielle et de turgescence active qui se produit alors à un état paralytique, et l’afflux sanguin noté dans ces expériences se rap- procherait plutôt de ce qu’on voit dans une glande en plein travail de sécrétion. Les mêmes considérations nous paraissent applicables aux palpitations artérielles, soit pour les faits spécifiés dans cet article, soit pour d’autres plus ou moins analogues qu’il nous suffira de rappeler : teiles sont, par exemple, les pulsations qu’on remarque dans les mem- bres affectés de phlegmon, ou au voisinage des jointures frappées d’ar- thrite rhumatismale (1) ; tels paraissent être également les battemens artériels qui caractérisent l'affection singulière décrite sous le nom de Cachexie exophthalmique. (Voy. sur la maladie de Basedow, ou cachexie exophthalmique, une monographie pleine d’intérêt insérée par M. le docteur Charcot, dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie t. 1Y, 1857, p. 88fi ; ou y trouvera résumés tous les travaux antérieurs publiés sur le même sujet. ■— Yoy. aussi le mémoire du regrettable docteur A ram : De la nature et du traitement de l’affection connue sous le nom de goitre exophthalmique, dans Bul- letin de l’Académie de médecine, 1860, t. XXYI.) Quel que soit d’ailleurs le caractère de cette exagération morbide de la diastole artérielle, qu’on l'envisage comme active ou passive, toujours est-il que l’affection qui nous occupe est une preuve à ajouter à beau- coup d’autres en faveur de celte vérité physiologique, à savoir que la contraction cardiaque ne régit pas seule la dilatation des artères : indé- pendamment de toute perturbation dans l’acte de l’organe central, certaines influences peuvent faire varierlocalement l’état des vaisseaux dans lesquels le cœur lance le sang à chacune de ses systoles. Toutefois, cette indépendance, qui entraîne un désaccord si frappant entre l'éner- gie des pulsations cardiaques et celle des battemens artériels, peut-elle aller jusqu’à détruire Y isochronisme des uns et des autres? Nous devons dire qu’on cite Morgagni, Albers et d’autres observateurs dignes de foi comme ayant constaté une inégale fréquence des battemens car- diaques et aortiques. (i) W. Stores (Diagnosis of aneurism, in Dublin Journal of med. science, lrc série, t. V, 1835) signale l’existence de pulsations abdominales symptoma- tiques de l’inflammation du péritoine ou de l’intestin; il les compare aux bat- lemens des radiales dans les cas de panaris, des carotides chez les malades atteints d’encéphalite, etc. NÉVROSES. 431 DEUXIÈME CLASSE DES NÉVROSES DE LA MOTIL1TÉ. DES NEVROSES PARALYTIQUES. vParalysies nerveuses, paralysies sans matière, essentielles, idiopathiques et sympathiques, acinèses, amïosïuénies, etc.}. AB.TIC1S XLVI. DES NÉVROSES PARALYTIQUES EN GÉNÉRAL. 2017. Bibliographie. — D. Sennert. Dissertatio de parai y su Wittemberg, 1630, iu-Zt. J. i)iemerbroeck. Dissert, de paralysi et tremore. Utrecht, 1652, in-4. Th. Bartholin. Paralytici novi testamenti, etc. Copenhague, 1653, in-4. A.-F. Dangkwerts, præs. L. Heister. Dissert, sistens rationem paralysis anatornicam. Helmstadl, 1735, in-4. Ch.-W. Lohmann. De affectibusparalyticis, eorurnque ab aliis irn- potentiœ genenbus differentia. iioslock, 1736, in-4. F.-E. Heusgh. Dissert, de paralysi. Leyde, 1736, in-4. D. Hoffmann. Diss. de paralysi, cura quæstione car pes paralyti- ens ci tins restituatur quarn brachium? Tubingue, 1746, in-4. C. Cramer. Dissert, de paralysi et setaceorum udoersusearn eximio usa. Gôltingue, 1760, in-4. Dans Sandifort. Thesaur. dissert. t. I, n. 7. J.-B. Morgagni. De paralysi, in De sedibus et causis rnorborum, Epist. XI. C. PEREBOOM. Dissert, de paralysi, imprimis nervea. Hornæ, 1773, in-4. Réimpr. dans ScheeGEL. Thés. path. therap. t. î, p. 243. C. -D. Hahn et A.-E. Buchner. Dissert, de paralysi sine nervorarn et arteriarurn læsione. Haile, 1766, in-4. Mackenzie Dissert, de paralysi idiopathica. Edimbourg, 1778, in-8. D. Wardrop. De paralysi. Dans Webster. Med. prax. systema. Edirnb. 1781, in-8, t. II, p. 185. B. Chandeer. An inquiry into the varions théories and rnethods of cure in apoplexies and palsies. Londres, 1783, in-8. Ch, Kirkland. A commentary on apoplectic and paralytical affec- tions. Londres, 1792, in-8. C. Bethke. Ueber Schlag(lusse u. Làhmungen. Leipzig, 1797, in-8. H.-C. Gallereüx. Considérations sur les paralysies relatives aux facultés motrices. (Thèse.) Paris, 1804 (an XII), in-4. Bajon. Essai sur la 'paralysie. (Thèse.) Montpellier, 1803 (an X), in-6. A.-T. Lallier. Essai sur la paralysie. (Thèse.) Paris, 1806, in-6. J. Arck. Tentnmen inaug. deparalysi. Strasbourg, 1809, in-6, J. Cooke. A treatise on nervous diseuses. Londres, 1820-21. T. II : Hisfory and method of cure ofthe varions species of palsy. Lacrampe-Loustau. Propositions sur quelques fonctions du système nerveux. (Thèse.) Paris, 1826, in-6. — Recherches patholog. et cxpér. sur les différentes fonctions du système nerveux, etc., in Revue médicale. 1826 (mars). Suite des recherches, etc. [ibid. juin, 1826). F. Gazes. Essai sur la paralysie, etc, La paralysie est-elle une affection nerveuse essentielle, ou le signe d’une altération orga- nique? (Thèse.) Paris, 1826, in-6. L. Bochardt. Ueber die Aetiologie u. Therapeutik der Làhmun- gen. Stuttgard, 1826, in-8. R.-D. MlTCHEL. Consid. sur la paralysie en général. (Thèse.) Paris, 1835,in-6. G. Ross. Zur Pathol.u. Therap. der Paralysai. Braunschw. 1855, in-8. R. Tood. Ciinical lectures on paralysis and other nervous discases. London, 2e édition, 1856, in-18. Macario. Mémoire sur les paralysies dynamiques ou nerveuses. [Gaz. mécl., 1857-1858). Paris, in-8, 1859. O. Landry. Traité complet des paralysies. Paris, 1859, in-8. BarnièR. Des paralysies musculaires. (Thèse du concours pour l’agrég.). Paris, 1860, in-6. Ftles ouvrages déjà cités sur les maladies nerveuses, principalement ceux de Romberg, Sandras, IIasse, les écrits de Marshall- Hall : On the diseuses of the nervous System. London, 1861, in-8, et Aperçu du système spinal. Paris, 1855, in-12; enfin l’ouvrage capital de M. Duchenne (de Boulogne), Electrisation localisée, 2e édition. Paris, 1861, iu-8. 2018. Définition. — Il nous faut d’abord définir ce qu’on est con- venu d’appeler une paralysie (et ici nous ne parlerons que de la para- lysie du mouvement, colle du sentiment ayant été étudiée sous le nom d'anesthésie (article XXX, p. 320), sauf ensuite à déterminer à quelles espèces du genre doit être appliquée la dénomination de paralysie nerveuse. 1° Qu'est-ce quune paralysie ? a. Dire simplement, avec certains auteurs, que la paralysie est Vabolition du mouvement, c’est en donner une idée erronée. Le mou- PATHOLOGIE MÉDICALE. vendent ne cessc-t-il pas pendant le repos? et le repos n’est pas la paralysie. D’ailleurs, il arrive fréquemment que le mouvement est entravé ou même aboli par quelque modification toute mécanique des parties, comme dans les cas d’ankylose, ou par quelque changement dans la structure anatomique des muscles, exemple : l’atrophie ou l’état graisseux; or, dans aucun de ces cas, on ne doit conclure de Y immobi- lité à l’existence d’une paralysie proprement dite. b. Celle-ci consisterait-elle en Y impuissance de la volonté à provo- quer la contraction musculaire ? Mais qui ne voit que la paralysie de tous les organes dont les raouvemens sont normalement soustraits à la volonté, échapperait à une pareille définition ? Faudrait-il donc admettre que l’intestin et l’utérus sont en état de paralysie permanente ! c. Ou bien prendrons-nous pour critérium la perte de Y aptitude à se contracter qui appartient en propre au tissu charnu ? Pas davantage ; car des recherches récentes nous démontrent que dans les muscles d’un grand nombre de paralytiques la coutractilité persiste, et qu’il suffit pour eu déterminer la manifestation d’employer certains agens appropriés. Ainsi donc : absence des mouvemens, impuissance de la volonté à les produire, perte de la coutractilité musculaire, aucune de ces énonciations n’est l’équivalent du terme de paralysie, la première étant trop com- préhensive, la seconde trop restreinte, et la dernière inexacte. Pour arriver à une définition complète et vraie, il nous suffira de tenir compte des conditions qui président à la production des mouvemens normaux, car ce qui caractérise essentiellement, comme paralysie, l’abolition ou la faiblesse des mouvemens, c’est Y inefficacité du stimulus qui leur donne naissance à l’état de santé. En d’autres termes, il y aura paralysie toutes les fois que les fibres musculaires auront perdu la faculté de se raccourcir sous l'influence des EXCITANS ordinaires de leurs contractions : excilans qui sont : ou l’impulsion de la volonté, ou une impression sensitive donnant lieu à un mouvement réflexe, ou enfin une action spontanée des centres moteurs (mouvemens involontaires non réflexes). D’après cela, les membres devront être considérés comme étant le siège d’une paralysie, si le malade est impuissant à les mouvoir volon- tairement, quand même on verrait s’y produire des contractions éner- giques à la suite du pincement de la peau (c’est-à-dire des mouvemens réflexes); quand même l’électricité, ou tout autre stimulant artificiel, y démontrerait la persistance de la contractilité musculaire. Et d’après la même définition, l’immobilité de l’œsophage, conduit musculeux physiologiquement soustrait à l’empire de la volonté, sera encore une paralysie, puisque la tunique charnue reste inerte en pré- sence de l’impression que le bol alimentaire détermine sur la mem- brane muqueuse, impression sensitive qui devrait être suivie d’un mou- vement réflexe de resserrement, etc. NÉVROSES. 433 PATHOLOGIE MÉDICALE. Si nous insistons sur ces considérations, c’est surtout parce qu’il nous semble qu’il y a, en théorie comme en pratique, une véritable impor- tance à bien distinguer l’inaction paralytique d’un musclé de son inac- tion par suite d’un changement dans sa structure. L’intégrité plus ou moins complète des parties contrastant avec la perte de leur activité fonctionnelle, tel est l’un des attributs les plus remarquables des affec- tions qui nous occupent : Musculus quidem bonus est, dit Boerhaavo. ;2° Ceci posé, nous n’avons plus qu’à nous demander en quoi les pa- ralysies dites nerveuses diffèrent des autres paralysies. Au premier abord, rien ne semble plus facile que de répondre à cette question. L’absence de toute lésion appréciable dans les centres nerveux et dans les nerfs moteurs paraît suffisante, pour isoler nettement les névroses paralytiques, les maladies organiques, telles que les hémorrhagies, les inflammations, des ramollisemens, etc., qui ont des paralysies mus- culaires pour symptômes. Mais la difficulté est grande quelquefois pour établir ces distinctions au lit du malade (voy. Diagnostic), et même, en se plaçant au seul point de vue de la nosologie, il faut bien reconnaître que ce classement dichotomique des paralysies est plein d’embarras et d’incertitudes. Le lecteur eu trouvera la raison, s’il veut bien se reporter à nos Remarques préliminaires (p. 132 et suiv.); les argumens que nous y avons présentés sont tout particulièrement applicables aux para- lysies nerveuses, affections qui, par leur fixité, leur chronicité dans une foule de cas, se rapprochent, plus encore que les névralgies ou les spasmes, des maladies avec désordre anatomique manifeste; aussi a-t on vu les paralysies, à mesure que se multipliaient les investigations des anatomo- pathologistes, émigrer en grand nombre du domaine des névroses dans celui des affections organiques. Loin de nous cependant la pensée de nier l’existence des paralysies nerveuses, c’est-à-dire des paralysies sans plus de lésions apparentes et palpables qu’on n’en a découvert jusqu’à présent dans une foule d’hyperesthésies ou de convulsions. Nous voulons dire seulement que dans cette classe, plus peut-être que dans aucune autre, à côté de symptômes changeans, d’affections mobiles, qui parais- sent exclure jusqu’à l’idée d’une modification matérielle profonde, on rencontre de ces états morbides persistans, rebelles, dans lesquels la lésion nous est, à la vérité, inconnue, mais où cependant on a le droit de la supposer et même la tentation de l’affirmer. 2019. Divisions. — On distingue les paralysies ; 1° D’après leur étendue, en générales et en limitées ; 2° Suivant qu’il y a diminution ou abolition des mouvemens, en pa- ralysies incomplètes et complètes; 3° Suivant les conditions pathologiques dans lesquelles elles se déte- NÉVROSES. loppent, en paralysies : symptomatiques, qui dépendent d’une altération matérielle appréciable de l’encéphale, de la moelle épinière ou des nerfs moteurs ; quelques auteurs y font rentrer les paralysies qui se ratta- chent à une viciation du sang ; Sympathiques, quand la perte du mouvement ne peut être attribuée à aucune de ces causes, et n’en reconnaît d’autre que l’affection d’un organe plus ou moins éloigné de la partie même qui est frappée d’im- mobilité ; On appelle essentielles ou idiopathiques, les paralysies dont le mode de production nous est complètement inconnu. Les paralysies essentielles et sympathiques nous occuperont presque exclusivement dans cet article; seulement, les limites sont ici tellement peu précises que nous ne pourrons nous empêcher d’empiéter par rao- mens sur le domaine de la nosographie organique, et de lui emprunter quelques-uns des faits relatifs aux paralysies symptomatiques. Nous allons successivement décrire les paralysies générales et les paralysies partielles. ARTICLE XLVII PARALYSIES GÉNÉRALES OU PROGRESSIVES. 2020. Bibliographie. Voy. celle de l’article précédent et de l’article Hystérie. •—Voy. aussi Encéphalite (t. II de cet ouvrage, p. 83). Calmeil. Traité des maladies inflammatoires du cerceau. Paris, 1859, in-8. O. Landry. Note sur la paralysie ascendante aiguë. [Gaz. hebdom. de méd. et de chir., juillet et août, 1859). Alf. Liégard. Paralysie ascendante aiguë [Gaz. des hôpitaux, 1859, p. 562). Ad. Gubler. Des paralysies dans leurs rapports avec les maladies aiguës, et spécialement des paralysies asthéniques, diffuses, des convalescents. [Arch. gén. de médecine, 1860 et 1861). G. Sée. Des paralysies consécutives à la diphthérie, aux angines et aux fièvres [Union méd., 1860, 2e série, t. VIII, p. 257). 2021. La nature des affections que nous allons passer en revue est encore mal déterminée; quelques-unes d’entre elles sont même évi- demment étrangères aux névroses. Cependant nous croyons utile de dire quelques mots sur chacune d’elles, ne fût-ce que pour discuter leur véritable caractère. A. Paralysie générale nerveuse. — Sandras admet plusieurs espèces de paralysies générales nerveuses [Traité des maladies ner- PATHOLOGIE MÉDICALE. veuses, t. II, p. G et suiv.), et les caractérise dans les termes suivants : a. « Une paralysie générale dont les hystériques, les cataleptiques, les extatiques, les chlorotiques fournissent de nombreux exemples et qui tantôt dure seulement quelques instans, quelques heures ; tantôt se conserve pendant des semaines et même, à des degrés variables, pen- dant des mois. J’ai vu (dit Sandras) une jeune fdle qui tombait deux ou trois fois par jour dans une insensibilité et une immobilité complète... Les membres étaient partout souples et flasques comme ceux d’un mort en qui la rigidité cadavérique est passée. Puis, au bout d’un temps plus ou moins long, quelquefois une heure, quelquefois deux, quinze, dix- huit heures, les membres se roidissaient, la sensibilité revenait..., tous les sens s’éveillaient... J’ai vu chez d’autres malades se prolonger beau- coup plus longtemps les paralysies générales... ; j’en ai vu durer plu- sieurs jours. Les léthargies dont parlent les auteurs ne sont pas autre chose, » Avons-nous besoin d’insister sur la différence profonde qu’il y a entre de semblables attaques et une paralysie véritable ? Il nous suffira de renvoyer le lecteur à notre définition. Si nous avons cité le passage ci- dessus, c’est en grande partie pour montrer dans quelles confusions d’idées et de langage on s’expose à tomber, quand on prend pour syno- nymes V immobilité et Y inaptitude des muscles à se contracter sous l’influence de leur stimulus physiologique persistant. C’est cette inap- titude qui seule constitue la paralysie: aussi, lorsque l’agent stimulant lui-même fait défaut, comme dans les faits auxquels Sandras fait allu- sion, et comme cela a également lieu dans la syncope ou après la mort, il ne peut jamais être question d’une paralysie quelconque, dans le sens scientifique de ce mot. h. Sandras décrit une deuxième forme de paralysie générale ner- veuse à lacpieile il reconnaît une ressemblance frappante avec la pre- mière période de la paralysie progressive, dite des aliénés. « Dans ces cas, dit-il, la paralysie, au lieu d’envahir des centres vers les extrémités, semble marcher, au contraire, des extrémités vers les cen- tres; elle débute par les mains, les cuisses, les bras, le tronc, le visage, la bouche, la langue. Elle commence par un engourdissement avec fai- blesse et rigidité des parties affectées, puis elle devient une véritable paralysie musculaire, avec insensibilité tactile, accompagnée quelque- fois de sensations extrêmement douloureuses , quand on provoque le système nerveux de certaines manières. Cette espèce, beaucoup plus grave que la précédente, est aussi beaucoup plus lente dans sa marche et conduit h des désordres fonctionnels beaucoup plus fâcheux, si on n’y remédie pas à temps. Je pense, pour mon compte, qu’on a fini souvent par prendre pour des aliénés des malades qui n’avaient eu d’abord qu’une paralysie de celte espèce, accrue avec le temps, et ter- minée, comme cela a lieu, quand la maladie ne s’arrête pas, par un affaiblissement de l’intelligence et de la mémoire, puis enfin par une abolition presque complète de ces facultés. C’est aussi une maladie fort longue; mais, dans les commencemens surtout, on peut la distinguer de la paralysie des aliénés. La conservation des facultés intellectuelles fait alors entre les deux une grande différence. » Nous ne pouvons nous empêcher, malgré les affirmations dogmatiques de Sandras, de nous demander en quoi la paralysie générale ner- veuse, signalée en ces termes, diffère réellement de la maladie décrite par les aliénistes sous le nom de paralysie générale. Nous remarquons d’abord que l’auteur n’apporte pas une seule preuve nécroscopique à l’appui de la non-identité qu’il soutient. Puis aussi, la valeur qu’il accorde à certains signes distinctifs n’est-elle pas manifestement exa- gérée? Certainement, il est facile de trouver autant de différences entre deux faits de paralysie générale classique, que Sandras nous en montre entre celle-ci et la paralysie générale nerveuse de sa création. Quelles sont, en effet, ces différences ? L’absence de folie ? Mais, en faisant môme abstraction des faits de pa- ralysie générale sans aliénation, dont il sera question plus loin, ne savons-nous pas, surtout depuis les recherches de M. Baillarger, que dans la paralysie générale le trouble de la motilité peut exister seul pendant des années, et que le délire ne survient parfois que tardivement, comme pour compléter la maladie? Le professeur Requin a lui-même signalé ce mode d’évolution et rapporté une observation concluante à cet égard, recueillie sur la personne d’un de ses amis (t. II de cet ouvrage, p. 90). C’est, à n’en pas douter, des cas de ce genre que Sandras a voulu parler, car il a soin de remarquer (et ici le clinicien se montre supérieur au nosologiste, et le redresse), que « si la maladie ne s’arrête pas, l'intelligence et la mémoire s’affaiblissent et finissent par s’abolir presque complètement. » N’est-il pas dès lors extrêmement naturel qu’on » ail souvent fini par prendre pour des aliénés des malades qui n avaient » eu d’abord qu’une simple paralysie de cette espèce? » Lue pareille appréciation nous semble parfaitement, légitime. Un autre caractère prétendu distinctif auquel Sandras semble attri- buer unegrande importance (et dont on s’est plu également à faire ressortir la valeur dans un mémoire plus récent), c’est le début de la paralysie par les extrémités ; c’est que, pour nous servir des expressions de Sandras, « elle marche des extrémités vers les centres, au lieu d’envahir des » centres vers les extrémités. » Mais où trouver ce type imaginaire de paralysies générales qui « envahissent des centres vers les extrémités » ? Dans la paralysie générale des aliénistes, comme dans celle de Sandras, les premiers symptômes se manifestent dans le visage, la bouche, la langue, les mains, plus rarement, il est vrai, dans « la cuisse, le tronc.» (Le tronc une extrémité ! ) Un dernier argument est fourni à Sandras par la curabilité de la soi- NÉVROSES. 438 PATHOLOGIE MÉDICALE. disant paralysie générale nerveuse. Or, il est bien démontré aujourd’hui que la paralysie générale des aliénés, bien qu’affectant dans la majorité des cas une marche fatalement progressive, peut cependant présenter des temps d’arrêt, des interruptions plus ou moins longues et quelquefois très longues, qui en imposent pour de solides guérisons. Il nous paraît infiniment probable que l’auteur dont nous avons reproduit la descrip- tion, s’en est laissé imposer par de semblables suspensions temporaires ; et ce qui nous confirme dans cette pensée, c’est le passage où il est parlé des « paralysies de cette espèce accrues avec le temps et terminées, comme cela a lieu, quand la maladie ne s'arrête pas, par un affaiblis- sement de l’intelligence et de la mémoire... <> La maladie s’arrête-t-elle souvent? L’auteur ne le dit pas; et quand il établit qu’elle conduit à des désordres fonctionnels graves, si l'on ny remédie pas à temps, » on se demande dans quelle proportion les succès qu’il a obtenus sont aux échecs qu’il a subis; sur ce point encore les renseignemens nous manquent. * Conclusion : Des deux espèces de paralysie générale nerveuse ad- mises par Sandras, l’une n’est pas une paralysie; l’autre est bien une paralysie progressive, mais tellement semblable à celle dite des aliénés, qu’on ne saurait, sans démonstration plus ample, lui accorder le rang d’une espèce morbide particulière, ni lui donner le nom distinctif de paralysie générale nerveuse. B. Paralysie générale avec aliénation. — Longtemps con- fondue avec les diverses névroses de l’intelligence, la paralysie géné- rale des aliénés, encore appelée paralysie générale chronique, para- lysie de Charenton, et à laquelle le professeur Requin a imposé le nom beaucoup plus exact de paralysie progressive, a été décrite par lui- même dans le tome II de ces Elémens, p. 90 et 91, avec cette savante concision qui n’exclut aucun détail important. Nous renvoyons, en con- séquence, le lecteur à l’article cité, et aussi au chapitre des Vésanies, où le sujet sera repris in extenso. Dans l’opinion de Requin, opinion conforme à celle de tous les auteurs contemporains, cette paralysie progressive est totalement étrangère à la classe des Névroses ; elle n’est, comme l’établit M. Calmeil (dans son Traité des maladies inflamma- toires du cerveau. Paris, 1860, 2 vol. in-8) que l’expression sympto- matique d’une péri-encéphalite chronique diffuse. C. Paralysie générale sans aliénation. — MM. Duchenne (de Boulogne) et Brierre de Boismont ont spécialement attiré l’attention des pathologistes sur une paralysie générale progressive qui, sauf Vexistence actuelle ou la menace des troubles de l'intelligence, pré- senterait une extrême analogie, presque une identité absolue avec la paralysie des aliénés. Elle est aussi progressive, c’est-à-dire qu’elle consiste d’abord simplement en une gêne de la prononciation ou en une NÉVROSES. faiblesse des jambes; puis, tout en se caractérisant de plus en plus, elle se répand sur la totalité du système musculaire ; elle devient alors générale , sans cesser d’étre incomplète, double caractère qui appar- tient également à la paralysie des aliénés. A une période avancée de la maladie on observe une atrophie souvent considérable des muscles, mais cette altération de la nutrition, toujours consécutive et évidemment postérieure au trouble du mouvement, est toute autre chose que l’affection décrite sous le nom de paralysie atrophique (Cruveilhier) ; ce qui achève de la distinguer de cette dernière affection, c’est que dans la paralysie progressive l’altération procède par masses ou par groupes de muscles, tandis que dans les cas d’atrophie progressive les lésions sont irrégulière- ment disséminées dans divers points du corps et quelquefois même iné- galement avancées dans les faisceaux d’un même corps charnu. Différente de l’atrophie musculaire progressive, la paralysie dont nous nous occupons doit-elle encore être considérée comme essentiellement distincte de la paralysie dite des aliénés ? A cette question MM. Du- chenne et Brierre de Boismont n’hésitent pas à répondre par l’affirma- tive, en se fondant sur deux faits, l’un d’anatomie, l’autre de physiologie morbide : 1° Absence de toute lésion appréciable de l’encéphale dans la para- lysie progressive sans aliénation : présence d’une méningo encéphalite diffuse dans la paralysie progressive avec aliénation ; 2° Persistance dans cette dernière maladie de la contractilité des muscles sous l’influence du courant électrique; abolition de la même propriété dans la paralysie sans aliénation. Cette paralysie progressive sans délire, MM. Duchenne et Brierre proposent de l’appeler spinale (1). Son diagnostic différentiel se rédui- rait à la constatation du signe négatif que nous venons d’indiquer tout à l’heure : le défaut de contractions musculaires provoquées par l’élec- tricité, et telle serait la valeur de ce signe qu’il suffirait à lui seul pour autoriser un pronostic relativement favorable, puisque les malades qui le présentent seraient à l’abri du développement ultérieur de l’aliénation mentale. Nous devons à la vérité de dire que ces opinions ont rencontré de nombreux contradicteurs ; mais ce qui nous dispense de nous y appe- (1) Le choix de cette désignation ne nous semble pas heureux : d’une part, en effet, Marshall-Hall appelle spinale une paralysie quelconque dans laquelle les muscles ont perdu leur irritabilité (et, soit dit en passant, il constate ce carac- tère dans certains cas de lésion du cerveau et des nerfs) ; d’autre part MM. Du- chcnne et Brierre ne rapportent qu’un seul fait dans lequel une altération spinale a été rencontrée à l’autopsie, c’est sur ce fait qu'ils fondent l’hypothèse d’une lésion spinale dynamique, etc. Or dans cette observation de quoi s’agit-il? D’une paralysie des quatre membres à la suite d’un ramollissement de la portion cer- vicale du cordon rachidien. Il n’y a là, en vérité, rien qui ressemble à ce qu’on est habitué à appeler une paralysie générale. PATHOLOGIE MÉDICALE. santir, quant à présent, c’est que, dût-on même admettre les conclusions de MM. Duchenne et Brierre comme inattaquables, il ne s’ensuivrait pas que la paralysie générale progressive sans délire fût une maladie dynamique, sine materia, et que sa véritable place fût au chapitre des névroses. Non-seulement les preuves anatomo-pathologiques sont insuf- fisantes pour affirmer l’absence de toute lésion des centres nerveux, mais encore, à ne considérer que l’évolution des symptômes, leur marche progressive et leur mode de terminaison, on y trouve assez de motifs pour reléguer cette affection, malgré l’obscurité qui couvre encore son étude, parmi celles qui appartiennent à la nosographie organique. D. Paralysie diphthérique. E. Paralysie consécutive a diverses maladies aiguës. — L’im- portance de ces paralysies nous oblige à consacrer un article spécial à chacune d’elles. ARTICLE XLVIII PARALYSIE DIPHTHÉRIQUE. 2022. Bibliographie. — Y.-P.-A. Maingault. De la paralysie diphthérique. Recherches cliniques sur les causes, la nature et le trai- tement de celte affection. Paris, 1860, in-8. Intéressante monographie à laquelle nous renvoyons pour l’indication des observations antérieures, en petit nombre, relatives à la même affection. Yoy. également sur la paralysie diphthérique les dissertations inau- gurales de MM. Paley, Pératé, Péry, H. Boutin, Manque, Révil- Lout (thèses de Paris, 1858 et 1859 , in-4). E. Lettré. De la paralysie consécutive dans les œuvres d’Hippo- crate (Bulletin de l'Académie de médecine, 1861, p. 795). 2023. Nous ne saurions mieux faire, pour tracer la description de cette paralysie, que de mettre sous les yeux du lecteur les principaux passages d’un rapport présenté par M. Henry Roger à la Société médicale des hôpitaux (séance du 20 juillet 1859) sur le mémoire de M. Maingault. « Il est une maladie sine materia, il est une paralysie que l’ou peut, du moins provisoirement, appeler essentielle, qui, bien connue des pra- ticiens voués à la pathologie infantile’, l’est beaucoup moins de la géné- ralité des médecins ; nous voulons parler de la paralysie consécutive à la diphthérie. Symptornatologie. — » C’est toujours à une époque assez éloignée de celle où la fausse membrane a disparu, deux ou trois semaines après la cessation de tout phénomène morbide du côté de la gorge, qu’on voit survenir les premiers signes de la paralysie. La plupart du temps les malades sont en pleine convalescence, quand se développent les accideus NÉVROSES. inattendus, que l’on serait tenté de regarder comme le début d’une affection nouvelle et indépendante de l’affection primitive. » C’est la paralysie du voile du palais qui suit la série des phéno- mènes pathologiques, et qui, le plus souvent, sinon toujours, précède les autres accidens de paralysie. Mais tantôt elle les devance à peine de quelques jours, tantôt elle a diminué ou même cessé quand se montrent d’autres désordres du côté de l’innervation. Chez certains sujets, c’est un amaigrissement rapide, une faiblesse excessive, qui frappent tout d’abord l’attention du médecin, et qui vont aboutir à la paralysie géné- ralisée. » Voici la marche ordinaire de l’affection : au lieu de se rétablir, les malades perdent de plus en plus leurs forces ; tantôt ils ressentent des fourmillemens dans les extrémités, d’abord dans les pieds et les jambes, des douleurs articulaires ou spinales, tantôt de l'engourdissement, de l’insensibilité, de l’analgésie ; et enfin la progression devient impos- sible. » La paralysie gagne les membres supérieurs : assez souvent la vue s’affaiblit et se perd complètement, la langue est tremblante, la parole hésitante, la voix nasonnée et faible. La paralysie peut envahir la vessie, le rectum et les organes génitaux. « 11 y a généralement apyrexie, lenteur et faiblesse du pouls. On observe la plupart des caractères de l’anémie : la face est pâle, il y a tendance au refroidissement. » L’appétit est conservé ; dans quelques cas, il y a anorexie complète et refus obstiné des alimens; ajoutons que, d’ordinaire, les phéno- mènes de la paralysie du pharynx persistent. L’intelligence est nette* mais elle est lente et paresseuse. » La paralysie, après une durée de quelques mois, diminue par de- grés et finit par guérir. Dans des cas exceptionnels, elle se termine par la mort, soit plus ou moins lentement par le progrès des phénomènes paralytiques et leurs effets consécutifs, soit subitement par asphyxie dépen- dant de la dysphagie (pénétration des alimens dans les voies aériennes). « En raison de l’intérêt qu’offre aux praticiens cette nouvelle espèce de paralysie générale, reprenons l’examen analytique des symptômes, » 10 Troubles delà sensibilité. — Ces troubles apparaissent souvent les premiers, et parfois la paralysie se borne là ; ce sont d’abord des four- millemens des extrémités, une sensation anormale s’irradiant des orteils aux genoux et des doigts aux avant-bras. Dans certains cas, ces lésions assez légères de la sensibilité sont, avec la paralysie du voile du palais, les seuls troubles de l’innervation. » Le plus ordinairement, les désordres nerveux débutent par les mem- bres inférieurs : une seule fois, M. Maingaull a vu les fourmillemens, l’insensibilité tactile et l’analgésie limités aux membres supérieurs. » La sensibilité tactile est obtuse et peut même être complètement PATHOLOGIE MÉDICALE. abolie ; les malades sentent mal ou ne sentent pas le sol que leurs pieds foulent ou les objets que leurs mains saisissent. Il est rare de voir l’a- nesthésie s’étendre à presque toute la surface cutanée ; M. Maingault en a pourtant observé un exemple. » Il arrive parfois que la sensibilité n’est diminuée qu’aux extrémités, tandis que la continuité des membres n’est le siège ni d’anesthésie ni d’analgésie; parfois môme un phénomène inverse se produit, et l’anes- thésie des extrémités est accompagnée d’hyperesthésie des membresou de la région spinale; et alors, en même temps que cette exaltation de la sensibilité, il existe souvent des douleurs articulaires. » Il était intéressant de savoir si l’irritabilité électrique persiste dans ces cas de paralysie ; or, sur quatre malades observés à ce point de vue, M. Duchenne (de Boulogne) a constaté trois fois l’intégrité de celte irri- tabilité; une seule fois seulement les nerfs collatéraux des doigts (?) n’étaient pas excitables. « La vue peut aussi s’affaiblir ou se perdre temporairement, et ces troubles de la vision sont) môme assez fréquens pour que l’amaurose diphthérique soit mentionnée dans dix-sepldes cinquante observations de M. Maingault. L’altération de la vue survient toujours dans la pre- mière période des accidens paralytiques, et semble servir de transition entre la paralysie du voile du palais et celle des membres. En général passagère, l’amaurose diphthérique dure de six semaines à deux mois. Cependant on ne constate rien d’anormal dans l’organe de la vision ; l’iris se contracte bien; c’est à peine si l’on observe quelquefois un peu de dilatation de la pupille, et l’ophthalmoscope ne fait reconnaître aucune altération dans les élémens anatomiques de l’œil. « 2° Troubles de la motilité. — La lésion du mouvement, que la para- lysie du pharynx précède, peut porter sur tous les muscles du corps, La paralysie atteint les muscles des membres comme ceux du tronc, les muscles de l’œil comme ceux du voile du palais, du pharynx, de la vessie et du rectum : en d’autres termes, les muscles de la vie de relation comme ceux de la vie organique, mais ces derniers à un degré moindre. » La paralysie ne se manifeste pas brusquement: le plus souvent, elle suit une marche progressive avec tendance à se généraliser, » Dans quelques cas assez rares, il n’y a que de la paralysie, qui con- siste parfois en un peu de faiblesse des jambes, hésitation dans la marche et simple titubation, et qui peut, d’autres fois, aller jusqu’à l’impotence absolue. Cette paralysie, ordinairement graduelle, s’est manifestée tout à coup chez un malade dont M. Maingault doit l’observation à M. le doc- teur Sellerier. » La paralysie a, comme nous l’avons dit, une remarquable tendance à se généraliser, et l’on ne tarde pas à observer aux membres supérieurs des altérations de la motilité analogues à celles des extrémités inférieures. Il y a d’abord du tremblement, avec défaut de précision dans les mou- NÉVROSES. vemens des membres thoraciquos, et le mal peut s’arrêter. Chez d’au- tres sujets, la force diminue, elle est moindre de moitié, ainsi qu’on l’a constaté au dynamomètre ; à son plus haut degré, la paralysie est com- plète, et les bras soulevés retombent inertes le long du corps. Une des observations les plus curieuses du mémoire de M, Maingault, est celle du docteur Brétignière, chez lequel la paralysie était telle que tout senti- ment et tout mouvement avaient disparu dans les membres et dans le tronc, et que la pile ne suffisait même plus à exciter l’irritabilité mus- culaire. » Lorsque les muscles du tronc et ceux du cou participent à l’affaiblis- sement général, les mouvemens du corps peuvent être complètement abolis; la tête vacille, et tantôt elle s’infléchit sur la poitrine, tantôt elle est rejetée en arrière. » Chez plusieurs, on observe une constipation opiniâtre qui tient sans doute h l’atonie des plans musculaires de l’intestin ; le besoin d’aller à la selle est nul, et il y a impossibilité d’expulsion des fèces, ou, au contraire, incontinence. — A la paralysie du rectum se joint parfois celle de la vessie; il en fut ainsi pour un malade chez lequel ces accidens durèrent plus de trois mois. — Il faut noter encore chez certains indi- vidus une anaphrodisie longtemps persistante. » Les muscles de la face n’échappent pas toujours à l’influence mor- bide, et ceux d’entre eux qui sont le plus fréquemment frappés sont les muscles de l’œil : on observe alors du strabisme et parfois de la diplopie, ou bien encore un abaissement de la paupièreavec strabisme en dehors. Enfin si les muscles de la face sont atteints dans leur ensemble, il y a une véritable paralysie faciale. Etiologie. — » M. Maingault se demande s’il n’y aurait pas, dans le fait de la paralysie consécutive à la diphthérie, une simple coïncidence; mais il remarque justement que les exemples en sont trop nombreux pour que cette opinion soit admissible. Si l’on considère que, dans toutes les observations citées un même point de départ aboutit h des accidens paralytiques dont la forme et la marche sont à peu près identiques, on devra nécessairement conclure à une relation de cause à effet. » Ces faits de paralysie diphthérique semblent actuellement se multi- plier : étaient-ils donc réellement plus rares autrefois, ou bien étaient-ils méconnus? S’il est évident que, naguère encore, la maladie passait le plus souvent inaperçue, les phénomènes paralytiques étant rapportés, à des causes variables et la cause véritable n’étant pas trouvée; on peut également admettre que les exemples sont positivement plus nombreux, en raison des épidémies plus fortes et plus générales d’angine couen- neuse et de croup, qui sévissent depuis quelques années (à Paris, du moins;. Peut-être aussi la diphthérie a-l-elle pris un caractère plus per- nicieux sous l’influence du génie épidémique. » Etant admis que la paralysie dérive de la diphthérie, il reste à déter- PATHOLOGIE MÉDICALE. miner s’il existe une relation quelconque entre l’étendue des productions pseudo-membraneuses et l’apparition des accidens paralytiques, entre certaines formes de la diphthérie et la gravité de ces mêmes accidens. » M. Bretonneau avait d’abord pensé, d’après quelques faits, que les troubles de l’innervation sont souvent la conséquence du coryza couen- neux devenu chronique.... Mais s’il est vrai que l’extension des pseudo- membranes, du pharynx aux fosses nasales, indique, eu général, une intoxication plus grande et que la paralysie peut survenir à la suite, il est pareillement démontré, par des faits nombreux, que les troubles ner- veux les plus graves peuvent se manifester sans que les fosses nasales aient été envahies et alors que les pseudo-membranes sont restées can- tonnées dans le pharynx ou limitées aux amygdales. » Ce n’est pas davantage la persistance des exsudations couenneuses qui rend raison de la paralysie : on a vu une paraplégie survenir à la suite d’une angine couenneuse qui n’avait duré que quatre jours, et une paralysie générale se montrer après une angine de même nature guérie en moins d’un septénaire. On peut voir dans plusieurs des observations de M. Maingault, que l’angine couenneuse même légère est encore assez souvent suivie d’accidens paralytiques. » On est en droit d’en conclure, avec l’auteur du mémoire, que la paralysie peut survenir à la suite de la diphthérie, lors même que celle-ci n'a eu aucun caractère de gravité, a duré peu de temps et que les fausses membranes ont été peu abondantes et les symptômes généraux peu prononcés. De même qu’on voit, dans certains cas, une scarlatine légère, avec éruption mal accusée , être suivie de désordres cérébraux très sé- rieux, ainsi une angine couenneuse en apparence bénigne peut entraîner des accidens nerveux très graves. » Quelques auteurs ayant, dans ces derniers temps, accordé une im- portance exagérée à la présence de l’albumine dans les urines d’individus atteints d’affection coenneuse, et ces auteurs ayant cru voir dans cette albuminurie (qui ferait défaut dans les maladies pseudo-membraneuses simples), un caractère de la diphthérie avec intoxication, M, Maingault a recherché s’il y avait relation de causalité entre l’albuminurie et les acci- dens paralytiques. Mais d’abord, à la période assez avancée où la para- lysie commence, l’albumine a, d’ordinaire, disparu des urines, si tantest qu’elle s’y soit montrée; seule, l’amaurose qui survient plustôtque les autres formes de la paralysie peut coexister avec l’albuminurie; mais le fait n’est pas commun, et en outre l’affaiblissement de la vue persiste quelquefois, l’altération de l’urine, irrégulière dans son apparition et passagère dans sa durée, n’existant plus. » L’expérience, d’ailleurs, a prononcé ; l’albuminurie n’est ni un signe indicateur, ni un phénomène concomitant de la paralysie, pas plus qu’elle n’est un caractère tant soit peu valable de la diphthérie septique. Ainsi, il y a d’une part de nombreux faits d’albuminurie sans paralysie, et NÉVROSES. d’autre part des faits pareillement nombreux de paralysie sans albumi- nurie. Diagnostic.—On établira le diagnostic de la paralysie diphthérique en tenant compte de l’existence antécédente d’une affection pseudo-mem- braneuse, et surtout en examinant avec soin la suite des symptômes et l’ordre dans lequel ils ont paru. On devra se rappeler que la paralysie du voile du palais signale presque toujours le début des accidens ; que les troubles de la vue, lorsqu’ils existent, se montrent avec l’inertie des muscles des membres ou du tronc ; que la faiblesse, les fourmillemens commencent presque toujours par les extrémités inférieures, et que, enfin, la paralysie diphthériqne a une marche progressive et n’atteint jamais d’emblée son maximum d’intensité. » L’ignorance ou l’oubli de ces données pratiques a fait commettre des erreurs qu’il est utile de signaler: ainsi, on a cru à une paralysie d'origine syphilitique dans un cas où, aux symptômes paralytiques, se joignait de la raucité de la voix. » On a cru même à une paralysie hystérique chez des femmes ner- veuses qui présentaient simultanément quelques symptômes d’hystéri- cisme. On a diagnostiqué une idiotie chez un enfant dont la parole était lente, la voix nasonnée et la démarche incertaine. Dans les cas où la faiblesse, l’hésitation dans la marche, sont accompagnées de bégaye- menl et de troubles dans la vue, c’est à l’intégrité parfaite de l’intelli- gence qu’on distinguera l’affection qui nous occupe de la paralysie générale progressive. Enfin l’absence de fièvre, de céphalagie et de phénomènes cérébraux empêchera qu’on ne croie h l’existence d’une méningite tuberculeuse, alors qu’on observerait, chez un enfant, de la faiblesse générale, de l’indolence, du strabisme ou de l’araaurose. » La terminaison la plus habituelle de la paralysie diphthérique est la guérison ; il faut savoir pourtant que la mort peut, dans des cas heureu- sement fort rares, en être la conséquence plus ou moins directe. M.Trous- seau a vu les malades succomber à la suite d’un véritable épuisement nerveux; M. Rlache, M. Bouvier ont été témoins de faits analogues. D’autres fois, le malade périt asphyxié, des matières alimentaires s’étant introduites dans les voies aériennes, par suite de la paralysie du pharynx. Nous avons nous-môrne, cette année, observé un cas de ce genre. Nature de l’affection. Traitement. — » Bien qu’on ignore la nature intime de la paralysie diphthérique, ou est fondé a la considérer comme une paralysie par atonie; tout semble le prouver : la décoloration des tissus comme les bruits vasculaires, la faiblesse du pouls comme la lan- gueur des fonctions digestives. La médication tonique est donc la seule qui soit indiquée et la seule ici qu’on ait employée. On a mis en usage, avec un avantage marqué, les préparations de fer et celles de quin- quina, les bains sulfureux et les bains salés, les affusions froides et les frictions stimulantes, etc. Dans plusieurs cas, les excilans spéciaux du PATHOLOGIE MÉDICALE* système nerveux, la strychnine, la noix vomique ont paru avoir une action salutaire; enfin, l’électricité a rendu de véritables services. » Quelle est la nature de la paralysie diphthérique? Comment les affec- tions pseudo-membraneuses peuvent-elles déterminer des accidens consécutifs si graves et si imprévus? »On ne saurait, pour la diphthérie comme pour le choléra, les fièvres graves et le typhus, à la suite desquels surviennent quelquefois des paralysies, arguer de souffrances prolongées, d’ébranlement nerveux considérable, de diète excessive, de pertes abondantes. Et d’un autre côté, il est très difficile de comprendre comment l’action locale des fausses membranes, quelquefois si peu étendues et peu persistantes, serait susceptible de produire une paralysie. » Je passerai sous silence les hypothèses de ceux qui ont supposé une sécrétion couenneuse à l’intérieur des ventricules cérébraux, ou qui font cheminer l’inflammation spécifique, du pharynx aux enveloppes delà moelle et du cerveau, puis à ces organes eux-mêmes. De telles supposi- tions ne sont guère scientifiques, et, d’ailleurs, l’examen cadavérique les réfute suffisamment. Deux autopsies faites avec le plus grand soin ont été négatives : on a trouvé l’encéphale et la moelle dans un état d’intégrité parfaite et présentant à peine un peu d’injection ; il n'existait aucun épanchement ventriculaire; les méninges étaient saines, et rien n’expliquait anatomiquement les accidens paralytiques. -> Jusqu’à ce que des recherches ultérieures en aient mieux fait connaître la nature, la paralysie diphthérique peut être rangée parmi les paralysies essentielles. » A défaut de la lésion anatomique vainement cherchée, connaît-on, au moins, la cause prochaine de cette paralysie ? Doit-on la voir dans l’asphyxie, par exemple? Mais celte paralysie n’est pas plus commune dans le croup, où l’asphyxie est plus ou moins complète, que dans l’an- gine couenneuse, où les phénomènes de suffocation sont beaucoup moins marqués; et de plus, ce n’est pas à la période asphyxique de ces affec- tions, c’est pendant la convalescence qu’on voit se développer les troubles de l’innervation. o L’anémie seule ne suffit pas davantage à expliquer la paralysie; elle n’est, comme celle-ci, que l’un des effets de la diphthéritc. » Il faut en dire autant de l’albuminurie qui, l’amaurose exceptée, n’a jamais, que nous sachions, déterminé de paralysies. Et d’ailleurs, je le répète, l’albumine a manqué le plus souvent, et dans des cas très gra- ves de paralysie diphthérique. » M. Bretonneau a cru devoir attribuer à la chronicité ia cause des accidens paralytiques ; malheureusement l’explication de l’illustre au- teur du Traité de la diphthérite est loin de s'appliquer à tous les cas. » Si. Trousseau voit, dans la paralysie diphthérique, l’effet d’une in- toxication de l’économie par le principe morbide qui donne lieu à la NÉVROSES. diphthérie elle-même, et il compare volontiers cette 'paralysie à celles qu’on observe chez les individus empoisonnés par des viandes acciden- tellement vénéneuses, ou par les émanations saturnines. » Kn définitive, ce qu’on peut dire seulement de la paralysie diph- thérique, c’est qu’elle est une maladie sans altération des centres ner- veux, actuellement appréciable ; c’est qu’elle dérive certainement de l’affection pseudo-membraneuse, sans qu’il soit possible encore de bien saisir le lien qui rattache la lésion primitive à l’accident consécutif; sans qu’il soit possible d’expliquer comment le poison de la diphthérie, après avoir, dans une première période, comme épuisé son action, devient momentanément latent; puis, dans une seconde phase, agissant pour ainsi dire à distance, fait de nouveau ressentir ses redoutables effets, soit sur un point isoléde l’économie (paralysie du pharynx), soit sur presque tout l’organisme (paralysie générale). ARTICLE XLIX DES PARALYSIES CONSÉCUTIVES A DIVERSES MALADIES AIGUËS 2024, Déjà la paralysie consécutive à l'angine diphthérique, quoique signalée depuis peu de temps, commençait à prendre droit de cité en pathologie, lorsque son admission à titre d’espèce morbide particulière fut vivement contestée par M. A. Gubler, Le travail publié par cet au- teur (Des paralysies dans leurs rapports avec les maladies aiguës, et spécialement des paralysies asthéniques, diffuses, des convalescens, in Arch. gén, de médecine, 1860 et 1861) est à la fois critique et dogmatique. On y trouve d’abord un examen approfondi des faits et des raisonneraens qui ont servi à l’édification de la paralysie diphthé- rique, examen d’où résulte que dans bien des cas la succession des phé- nomènes, leurs localisations successives s’éloignent beaucoup du type immuable qu’on veut leur assigner. « Les points affectés (dit M. Gubler, en citant les expressions de M. Maingault) sont le gosier et les quatre membres, plus rarement les muscles du tronc. Telle est en effet la règle; cependant le rectum et la vessie, ordinairement épargnés, sont parfois compromis au même degré que dans une paraplégie par lésion de la moelle épinière... D’autres malades avaient une paralysie du rectum seule- ment ; on croit avoir rencontré une paralysie faciale double ; quelques malades étaient affectés d’un bégayement paralytique... A ceux qui gar- dent une foi aveugle dans l’absolue fixité du type, l’avenir réserve d’autres surprises... En résumé, sur A3 malades, dont l’histoire est re- latée par M. Maingault, 1A ont offert des paralysies différentes de ce prétendu type immuable, d’après lequel on devrait reconnaître toujours et sans peine l’intervention de la cause diphthérique. Si l’on y joint sept autres sujets mentionnés d’après différons travaux, et je n’ai pas pris le soin de relever ici toutes les exceptions, on aura un total de 21 cas de PATHOLOGIE MÉDICALE. paralysie liée aux angines coenneuses malignes, qui échappent à la loi trop absolue posée par les spécificistes. Encore quelques individus ont- ils présenté simultanément plusieurs contradictions flagrantes à cette règle. Les paralysies diphthériques nont donc pas le caractère uniforme qu'on se plaît à leur accorder ; elles sont réellement aussi diversifiées que celles qui se montrent dans toute autre affection. Epoque d’appari- tion, forme symptomatique, localisation restreinte ou multiple, marche progressive ou rétrograde ; tout peut varier et tout varie, en effet, sui- vant les cas. » A la suite de cette discussion dont nous n’avons reproduit que les points principaux, M. Gubler cite un grand nombre d’observations em- pruntées à des sources diverses, où l’on voit des paralysies générales ou susceptibles de se généraliser survenir à la suite de maladies aiguës autres que la diphthérie : c’est tantôt dans la convalescence d’une angine non spécifique (herpétique ou autre) que se déclare la paralysie, tantôt consécutivement aux pyrexies, à un érysipèle, h une pneumonie, etc. (1). Il est vrai que le siège et les allures de ces affections paralytiques pré- sentent de grandes différences suivant les cas; mais ne savons-nous pas que les paralysies dites diphthériques sont, elles aussi, loin d’être tou- jours semblables à elles-mêmes? D’ailleurs, dans le nombre de ces amyo- sthénies suite d’angine, de pneumonie, d’érysipèle, etc., on en trouve qui offrent avec la paralysie appelée diphthérique une analogie frap- pante et bien inattendue (2). Sans méconnaître la portée considérable du mémoiie de W. Gubler, nous devons avouer que la critique des opinions qu’il combat nous semble(excessive et que, selon nous, elle dépasse le but. Si l’on se place, comme le fait M. Gubler, au point de vue de la synthèse physiologique, on arrivera aisément à démembrer de la môme manière bien d’autres unités généralement et justement admises par les cliniciens. A moins que l’exception ne déborde complètement la règle, c’est-à-dire le type, toujours plus ou moins arbitraire, de la maladie, n’y a-t-il pas profit à conserver celui-ci tel quel an lieu de le rejeter dans la masse des faits généraux? Et, par exemple, la fréquence des paralysies extensives à la suite désaffections diphthériques est un premier point certainement très digne d’attention. Quant à leur type sans doute il n’est ni immuable, ni absolument caractéristique ; et pourtant il présente une sorte de fixité (1) Voyez; E. Leudet, Remarques sur les paralysies essentielles consécutives à la fièvre typhoïde, à propos d’un fait de paralysie ascendante aiguë rapidement mortelle, survenue dans la convalescence de celte fièvre {Gazette méd. de Paris, 1861, n° 19, p. 290). (2) La ressemblance entre les paralysies suite d’angine diphtérique et celles qui surviennent quelquefois après les angines simples, a suggéré à M. G. Sée {Mém. cit., Union médicale, 1860, t. VIII, p. 257), l’idée d’établir une classe particulière de paralysies sous le nom d'angineuses. NÉVROSES. relative déjà fort singulière. Tout en faisant notre profit de l’élude savante à laquelle M. Gubler a soumis les paralysies quelconques consé- cutives aux maladies aiguës, nous croyons devoir tenir grand compte des particularités que présentent habituellement les paralysies , suite de diphthérie, et que les autres ne nous offrent que beaucoup plus rarement. Quoi qu’il en soit, nos lecteurs nous sauront gré de mettre sous leurs yeux les remarquables conclusions par lesquelles M. Gubler termine son mémoire, et dans lesquelles, indépendamment même des propositions en litige, ils trouveront des observations du plus haut intérêt sur la physiologie pathologique encore si obscure des paralysies. « 1° Des paralysies locales ou généralisées peuvent accompagner ou » suivre toutes les pyrexies, les phlegmasies, en un mot tous les états » morbides de l’économie caractérisés par une exaltation fonctionnelle, » même de courte durée. Ordinairement plus intenses et plus fréquentes » quand elles sont liées à des affections graves par leur nature ou par » leur violence, ou les a vues néanmoins se montrer dans le cours et » à la suite de chaque maladie aiguë vraiment digne de ce nom. » 2° A l’occasion d’une espèce nosologique quelconque, il importe de » distinguer plusieurs sortes de paralysies dont la réalité est démontrée « par l’observation. Les unes sont une expression de la maladie en évo- » lutiou ; les autres lui succèdent et n’ont avec elle qu’un rapport » éloigné. Delà deux groupes nettement séparés et renfermant chacun » plusieurs variétés, » 3° La première catégorie comprend d’abord des paralysies précoces, » se montrant par exemple dans la période prodromique des fièvres » éruptives, et comparables aux convulsions qui en marquent le début. » Ces paralysies initiales sont vraisemblablement exemples d’altération » de tissus. » h° Viennent ensuite les paralysies de la période d’état, en rapport » avec des lésions de l’appareil sensilivo-moteur, portant soit sur les » muscles, soit sur les ramifications et les troncs nerveux, soit enfin » sur un point quelconque de l’axe cérébro-spinal. Ces lésions anato- » iniques sont des manifestations locales de la maladie, ayant la même » signification que les autres procès inflammatoires qui servent à la » caractériser. Mous avons ainsi des paralysies symptomatiques de myo- » site, de névrite, de myélite et d’encéphalite. » 5° Je propose d’appeler successives les paralysies qui, apparaissant « un peu plus lard, comme leur nom le fait pressentir, s’expliquent „ par la progression de l’état morbide à des régions primitivement res- pectées. » 6° Les phlegmasies protopathiques excitent à leur tour des sympathies, » susceptibles d’amener des accidens paralytiques dans les organes plus » ou moins éloignés, et par des mécanismes divers dont l’étude mérite 450 » d’être approfondie : ce sont les paralysies sympathiques ou de voisi- » nage. » 7° Après la cessation des phénomènes actifs de la maladie aiguë, » apparaissent les paralysies consécutives, qui ne se rattachent à l’affec- » üon primordiale que d’une façon détournée. Il y en a de deux sortes : » les unes dépendent d’une lésion de l’appareil nerveux, engendrée par » l’affection aiguë, entretenue parla prédisposition individuelle et pous- » sée jusqu’à ses dernières conséquences par des causes adjuvantes et » occasionnelles : telles sont les paralysies générales proprement dites, » décrites par M. Baillarger à la suite de l’érysipèle, et par ML Beau à la » suite de la fièvre typhoïde. » 8° Les autres, beaucoup plus fréquentes, ont été trouvées sans alté- » ration anatomique, et se rangent dans la classe des névroses. Ces » paralysies plus particulièrement étudiées dans ces derniers temps à » propos de la diphthérie, sont loin d'appartenir exclusivement à cette » affection ; on les retrouve avec les mêmes caractères essentiels après » toutes les maladies aiguës, /.es paralysies diphthériques ne sont » qu’un cas particulier d’une règle très générale. a 9° Les circonstances dans lesquelles ces paralysies dynamiques » prennent naissance, les font assimiler à celles qui dépendent de la » chlorose, de l’anémie, des épuisemens nerveux, et indirectement des » causes nombreuses capables d’amener ces états morbides ; elles se » rattachent directement à la débilité de l’économie et méritent par là » l’épithète d'asthéniques. » 10° Mais, si loin cpie soit poussée la faiblesse, elle ne constitue jamais » par elle-même une véritable paralysie, On peut voir s’abaisser graduel- * lement le niveau de toutes les forces organiques jusqu’à l’obtusion des » sens et de l’intelligence, l’immobilité impotente et un ralentissement » énorme des fonctions de nutrition, sans qu’il y ait paralysie. C’est » alors la vitalité qui s’amoindrit, ou du moins ce sont les manifestations » de la vie qui s’éteignent tontes à la fois. La paralysie proprement dite ,) suppose un défaut de proportion entre les forces générales et celles du » système moteur nervo-musculaire, entre l’irritabilité générale et celle » des nerfs sensitifs ; par conséquent elle implique un trouble fonction- » pel avec ou sans altération organique soit des muscles, soit du système » nerveux, centres, cordons et expansions périphériques. » 11° Aussi les paralysies asthéniques, consécutives aux maladies * aiguës, sont-elles contingentes, aléatoires, et non nécessairement asso- rt ciées à la débilitation extrême de l’économie, qui ne paraît constituera » leur égard qu’une prédisposition, ou tout au plus l’imminence morbide. » Elles ne se montrent ordinairement qu’au moment de la convalescence « confirmée, et l’on peut saisir quelquefois une circonstance pouvant » jouer le rôle de cause déterminante. » 12° Les paralysies delà convalescence paraissent entièrement indé- PATHOLOGIE MÉDICALE. » pendantes de toute lésion, même fonctionnelle, des centres et des coi » dons nerveux ; elles ont leur raison dernière dans l’état même d » parties qui en sont affectées, et méritent la dénomination de périph » riques, par opposition à celles qui se rattachent à une lésion desfoye: » ou des conducteurs du sentiment et du mouvement. » 13° Quelquefois circonscrites à un petit nombre d’organes, elles so; » le plus souvent réparties sur des régions étendues ; mais en tout c » chaque point est affecté pour son propre compte, et lorsque la pertu n bation fonctionnelle gagne les parties centrales du sys'ème nerven » on ne peut pas dire que les lésions de ces dernières tiennent ! » autres sous leur dépendance. Pour exprimer ce caractère qui disting » si profondément les paralysies aslhéniques généralisées des paralys; » générales proprement dites, je les ai nommées diffuses. » \h° Les paralysies aslhéniques diffuses des convalescents tende » à gagner en surface comme en intensité; elles sont donc extenso-pr » gressives. On peut les dire ascendantes (1) puisqu’elles débutent sou ve » par les extrémités inférieures, pour de là se montrer aux rnembr » thoraciques. Mais leur marche est souvent irrégulière et comme cap: » cieusc : tantôt elles sont légères et fugaces, distribuées d’une manié » bizarre; tantôt elles sont généralisées, complètes et permanentes ; el « peuvent même entraîner la mort, lorsque des organes essentiels fin » sent par être compromis. » 15° Pour conjurer ces accidens paralytiques consécutifs, le mode; » usera avec modération de tous les débilitans ; il prescrira autant q » faire se peut, une alimentation légère, même pendant l’activité » mal. Une fois la paralysie survenue, le traitement curatif ration » consistera dans l’usage d’une nourriture réparatrice, des toniques » toutes sortes, el dans l’emploi des stimulans, tels que frictions, de » ches froides et bains sulfureux. L’électricité est appelée à rendre » grands services. » KÉVROSES. ARTICLE L PARALYSIES LIMITÉES. 2025. Bibliographie. —Voy. 10 la bibliographie des articles IL térie, Epilepsie, des articles Anesthésie musculaire (XX: p. 338) et Névroses paralytiques (XLVI, p. ftBl, de ce voluic 2° Les ouvrages consacrés à la Physiologie du système nervei cl spécialement : LONGET. Anatomie et physiologie du système nerveux. Paris, 18. in-8, 2 \ol. ; — aux A ff celions du cerveau et de la moelle; —; (i) Voir à ce sujet une Note sur ia paralysie ascendante aiguë, publiée M. 0, Landuy dans la Gazelle hebdomadaire, 1839, uos 30 et 31, p, 47 2 et 4 4 52 PATHOLOG IE M É nie A LE. Maladies nerveuses ; — au Rhumatisme ; — aux Eaux miné* raies; — aux Empoisonnemens, surtout : Tanquerel des Planches. Traité des maladies de plomb ou satur- nines. Paris, 1839, in-8, 2 vol. II. Bourdon. Des paralysies consécutives à Vasphyxie par la vapeur de charbon. Thèse de Paris, 1843, in-4. A. Delpech. Des accidens que développe, chez les ouvriers en caoutchouc, l’inhalation du sulfure de carbone en vapeur. Paris, 1856, in-8. Beaugrand. Même sujet {Gaz. des hôpitaux, 1856) ; A Y Electricité médicale, notamment : Duchenne (de Boulogne). De TÉlectrisation localisée, 2e édition. Paris, 1861, in-8. A. Becquerel. Traité des applications de l'électricité à la théra- peutique. Paris, 1857, in-8. M. Meyer. Die Electricitàt in ihrer Amvend. auf pract. Medicin. 2e édition, Berlin, 1861. 3° Renvoyant à l’ouvrage do Jos. Frank (Traité de pathologie mé- dicale. Paris, 1838-44, in-8, 6 vol.), pour la bibliographie des travaux anciens sur les paralysies, nous nous bornerons à citer parmi les plus récents : Edw. Stanley. On irritation of the spinal cord and ils nerves, in connection ivith diseuses in the kidneys (Lond. mcd.-chirurg. Transacf. 1833, t. VIII, p. 260). GRAVES. De la paraplégie indépendante d’une lésion primitive de la moelle épinière (Analysé dans les Arch. génér. de méd., juin 1836). Marx. Zur Lehre von d. Lühmungen d. untern Gliedrnassen. Karls- ruhe, 1838, in-8. Pétrequin. Nouvelles recherches sur l’action thérap. de la noix vornique dans les affections paralytiques {Gaz. méd. de Paris, 1838, p. 676). J. Heine. Beobachtungenilber Làhmungszustànde d. untern Extre- mit. Stuttgard, 1840, in-8. Reinbold. Einige Bemerkungen über Paralysie bes. d. willkürl. Muskeln {Walther's u. Arnmon’s Journal f. Chirurgie. Neue Folge. Bd. III, 1844, p. 481). A. Delpech. Du spasme musculaire idiopathique et de la paralysie nerveuse essentielle. Thèse de Paris, 1846, in-4. Spiess. Article Nervenkrankheit, R. Wagner’s Handwôrtcrb. d. Physiol. Braunschweig, 1846, in-8. Bd. III, 2te abth, p. 153. Rilliet. De la paralysie essentielle chez les enfants {Gaz. méd, de Paris, 1851, p. 681 ). NÉVROSES, 453 IllLLitT et Bauthlz. Traité des maladies des en fans, 2e édition. Paris, 1853, article Paralysie (t. II, p. 545. On y trouvera l’in- dication de plusieurs travaux relatifs à la Paralysie infantile cl dus à Underwood, Shaw, Badham, Kinnedy, West, Richard (de Nancy), etc.).—Sur le même sujet: Helft. Von dm parai yt. und spastischen Affectionen der Extrcmitàten im hindi. Aller (Rust's Magazin, 1846, t. LXVI, p. 1). Sandras. Des diverses espèces de paraplégie {Gaz. des hôpitaux, 1853, p. 316). Churchill. On parai y sis occuring during gestation and in child- bed (Dublin Quarterly Journ., may 1854). R. Leroy (d’Ltioiles). Des paralysies des membres inf ou para- plégies. Paris, 1856, in-8. Brown-SéQUAhd. Lectures on the diagnosis and treatment of the principal forrns of paralysis of the loiver exirernities, Philadel- phia, 1861, in-8. 2026. Symptômes. —Les principaux caractères symptomalologiques des paralysies nerveuses qui nous restent à étudier, sont lessuivans : a. Ces paralysies débutent souvent d’une manière brusque ; quelque- fois, il est vrai, la perte du mouvement est graduelle : une inhabileté de plus en plus marquée des muscles, du tremblement, des crampes, précèdent la paralysie confirmée ; mais même alors les progrès du mal sont généralement plus rapides que dans le cas de lésion organique du système nerveux; souvent aussi celte évolution graduelle fait défaut, de sorte que les parties perdent très promptement ou même tout d’un coup l’aptitude à se mouvoir. b. La sensibilité des parties frappées peut être conservée dans son intégrité complète ; mais il est plus fréquent de la voir diversement modifiée: tantôt exaltée ou pervertie, tantôt abolie ou diminuée; on rencontre en pareil cas toutes les variétés de symptômes que nous avons déjà étudiées, en détail à l’occasion de \hyperesthésie et de Vanes- thésie. La seule particularité que nous ayons à noter sous ce rapport, c’est l’absence, dans un grand nombre de paralysies nerveuses, de ces sensations pénibles de fourmillement, d’élancemens, etc., qui font si rarement défaut dans les paralysies symptomatiques d’une lésion des centres nerveux. c. Quant à l’altération du mouvement considérée en elle-même, elle varie, ici comme ailleurs, depuis la simple faiblesse jusqu’à l’impotence absolue, et souvent, ainsi que nous l’avons déjà dit, elle atteint ce degré extrême dans un espace de temps fort court. Une contracture plus ou moins prononcée survient quelquefois consécutivement. d. L’état matériel et les propriétés physiologiques des parties para- lysées méritent d’attirer l’attention. A quelques rares exceptions près, s faisceaux charnus ne subissent pas de notable changement dans leur Jlrilion, et l’on est surpris de voir des membres privés de mouvement 3puis des mois et même des années, conserver les reliefs, la fermeté, i un mot presque toutes les apparences de l’état normal, ou ne s’amai- rir que légèrement, et seulement en raison de l’immobilité prolongée. En outre, on constate dans un grand nombre de cas que la contrac- lité, en tant que propriété musculaire, n’a subi aucune atteinte : ainsi, ms ce même membre que le malade est impuissant à mouvoir sous effort de toute sa volonté, les muscles répondent encore à l’excitation ectrique par des contractions vigoureuses. Nous aurons soin de noter ■s faits particuliers qui font exception à celte règle. e. Relativement à leur siège, les paralysies limitées offrent des diffé- ences bien connues. Enumérons-les successivement, en procédant des aralysies les plus étendues à celles qui le sont moins, et indiquons, hemin faisant, leurs caractères symplomatologiques les plus importons. I. L'hémiplégie nerveuse occupe l’une ou l’autre moitié du corps, lus souvent le côté gauche. Contrairement à ce qui a lieu pour les aralysies suite d’une lésion encéphalique, elle épargne presque tou- rnes, mais non constamment, les muscles de la face et de la langue, t porte sur les membres seuls. Il n’est pas rare de voir se prendre 'abord le bras, puis la jambe, ou vice versâ, de sorte que l’hémiplégie amble se constituer par degrés et pour ainsi dire pièce à pièce ; cepen- ant on la voit plus fréquemment encore débuter d’emblée dans les eux extrémités à la fois. L'incontinence des matières fécales et de 'urine est extrêmement rare : les malades sont habituellement constipés m souffrent d’une rétention d’urine plus ou moins opiniâtre ; particu- irilé digne de remarque et qui atteste la contractilité persistante des phincters, en opposition avec la paralysie des réservoirs musculeux. . Jne anesthésie profonde peut accompagner ces hémiplégies ; elle est auvent remarquable par sa limitation exacte à l’une des moitiés du orps, et la netteté avec laquelle elle s’arrête au niveau de la ligne aédiane. Ailleurs, au lieu d’une anesthésie, c’est une hypereslhésie que ’on observe ; ou bien on constate, suivant les régions, l’une et l’autre nodificalion de la sensibilité, etc. il. La paraplégie nerveuse, moins rare, peut également résulter de la -aralysie successive des membres inférieurs droit et gauche, ou se ma- ufester du même coup dans les deux à la fois. Souvent elle est inégalement prononcée dans chacun d’eux. Quant aux altérations de la sensibilité, à 'état du rectum et de la vessie, nous n’avons rien à ajouter à ce qui ient d’être dit. III. On pourrait désigner sous le nom de paralysie alternante celle ,ui atteint le membre supérieur d’un coté et le membre inférieur du ôté opposé, variété qui n’est pas rare dans le cours des maladies ner- /euses. Peut-être, comme le dit Todd, les hémiplégies nerveuses elles- PATHOLOGIE MÉDICALE. mêmes devraient-elles être considérées non comme le symptôme d’un état pathologique siégeant dans l’une des moitiés des centres nerveux, mais simplement comme des paralysies simultanées du bras et de la jambe, paralysies que le hasard fait alors coïncider dans un même côté du corps, comme dans d’autres cas il les fait alterner. IV. Il nous suffira de mentionner la paralysie limitée à un seul mem- bre, à une section de membre, à un seul muscle, etc. Pour l’étude appro- fondie de ces paralysies localisées , nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spéciaux, et surtout au beau livre de M. Duchenne. La paralysie de la face nous arrêtera un peu plus longtemps. Nous avons déjà dit qu’elle fait souvent défaut dans les cas d’hémiplégie ner- veuse; et peut-être est-il encore plus rare d’observer une paralysie faciale isolée qui méritât l’épithèie de purement dynamique. Toutefois, la paralysie rhumatismale, qui jusqu’àprésent n’a pu être rattachée à aucune altération bien positive du nerf facial ou des muscles du visage, reste provisoirement an nombre des névroses paralytiques ; et cette circon- stance, jointe h l’existence d’un certain nombre de faits où l’action de la septième paire crânienne se trouve annihilée dans le cours des névro- pathies générales (telles que l’hystérie, par exemple), nous engage à rappeler ici les principaux caractères de cette affection : Défaut de symétrie de la face, les traits étant tirés vers le côté sain ; absence de rides sur une moitié du front; sourcil pendant, ne se rap- prochant plus de celui du côté opposé ; inaction des muscles auricu- laires (rarement constatée) ; inocclusion des paupières, avec saillie de l’œil et épiphora ; immobilité de l’aile du nez et rétrécissement de la narine, déviation de l’extrémité du nez; perte du mouvement des lèvres, abaissement de la commissure labiale; la salive et les alimens s’échap- pent de la bouche ; la prononciation est gênée, l’action de siffler de- venue impossible; flaccidité de la joue qui s’enfle au moment de l’ex- piration; inaction du muscle peaucier du cou. —• L’affaiblissement du goût, symptôme attribué à la paralysie de la corde du tympan, et qu’on ne s’attendrait à rencontrer que dans les faits de lésions portant sur la partie profonde du nerf facial, peut cependant s’observer dans la paralysie rhumatismale de la septième paire, ainsi que nous avons eu l’occasion de nous en assurer. Loin d’occuper toujours la totalité des muscles animés par la septième paire, la paralysie faciale est souvent bornée à quelques-uns d’entre eux. On possède quelques exemples de paralysie nerveuse du diaphragme (nous-même en avons observé deux cas). Les signes qui permettent de la reconnaître sont fournis principalement, comme on sait, par l’examen des mouvemens respiratoires : dans l'inspiration, l’abdomen, au lieu de faire saillie, s’affaisse et se creuse au contraire; dans l’expiration, loin de présenter la rétraction normale, les parois du ventre se laissent distendre et proéminent en avant ; double mouvement inverse de celui NÉVROSES, PATHOLOGIE MÉDICALE. qui a lien dans l’étal physiologique. Pour s’en rendre compte, il suffit de se rappeler que, de septum contractile, le diaphragme est devenu cloison membraneuse inerte et flottante. — Quelquefois c’est une moitié seulement du diaphragme qui est paralysée, et alors, si l’on place ses deux mains sur l’abdomen, aux côtés de la ligne moyenne, on les voit se soulever et s’abaisser en sens opposé. JNous ne ferons que mentionner la paralysie des muscles oculaires (1), laryngés, celle du pharynx et de l’œsophage, celle des fibres musculaires de l’intestin, de la vessie, etc. L’énumération des symptômes que pré- sentent ces affections nous entraînerait trop loin. 2027. Marche, durée, terminaisons. — Rappelons encore une fois que les paralysies nerveuses présentent un début quelquefois instan- tané, une marche souvent irrégulière, capricieuse, de fréquentes oscil- lations dans l’intensité et l’étendue des troubles fonctionnels, une durée extrêmement variable, tantôt de quelques minutes, de quelques heures, tantôt de plusieurs mois et même de plusieurs années, une cessation quelquefois aussi brusque que le début, de fréquentes récidives avec ou sans changement dans la forme et. le siège des accidens, rarement une terminaison fâcheuse. Telles sont du moins les particularités que présentent ordinairement ces paralysies. IVlais il importe d’ajouter que si (comme nous sommes encore réduits à le faire aujourd’hui) on con- fond sous la dénomination commune de nerveuses ou idiopathiques toutes les paralysies non justifiées par une lésion actuellement appré- ciable du système nerveux, on en trouvera qui ne diffèrent des para- lysies symptomatiques ni par leur marche, qui est continue et progres- sive, ni par leur durée, qui est souvent fort longue, ni par leur terminaison, parfois mortelle (2). (1) Voy. sur la paralysie des muscles moteurs de l’œil : Élémens de patho- logie chirurgicale du professeur Nélaton. Paris, 1854, in-8, t. 111, p. 229. (2) Outre les paralysies rhumatismales, déjà citées et dout il sera encore ques- tion plus loin, nous n’hésitons pas à considérer comme pseudo-nerveuses plu- sieurs autres paralysies dites idiopathiques, qui, il est vrai, ont jusqu’il présent déjoué toutes les recherches des anatomo-pathologistes, mais n’en offrent pas moins les caractères des affections organiques. De ce nombre sont les faits d'hé- miplégie prétendue nerveuse qui simule à s’y méprendre les symptômes de l’hémorrhagie ou du ramollissement cérébral (voy. Grisolle, Hémiplégie ner- veuse, in Presse médicale, 1837, t. I, p. 225) ; — de ce nombre nous paraît être également l’affection curieuse décrite par M. Düchenne, sous le nom de Paralysie progressive de la langue, du voile du palais et des lèvres (de VÉlec- trisation localisée, 2e édition. Paris, 18(>I, iu-8, p. 621 et 103).—Les paralysies que Graves (Arch. génèr. de méd., 1836), déclare indépendantes d’une lésion de la moelle, ne participent pas davantage des caractères cliniques des névroses. Nous en dirons autant de plusieurs états morbides compris sous le nom de paralysies infantiles. Les altérations musculaires profondes {atrophie, avec ou sans NÉVROSES. Complications. —Les paralysies nerveuses peuvent exister seules ; plus souvent elles s’accompagnent de divers symptômes nerveux, effets de la même cause et qui constituent plutôt des coïncidences que de véritables complications : telles sont l’anesthésie ou l’hyperesthésie de la peau, des troubles des sens et de l’intelligence, des spasmes, des étouffemens, etc., en un mot l’ensemble plus ou moins complet des phénomènes qui caractérisent \Etat nerveux (voy. ce mot). 2028, Causes. — a. C’est, en effet, dans le cours de l’hystérie con- vulsive ou non convulsive, chez les hypochondriaques et les femmes chlorotiques, ou plus généralement chez les sujets affectés d'Etat ner- veux, que l’on rencontre le plus souvent les diverses paralysies que nous venons d’étudier : elles précèdent ou suivent dans certains cas les attaques épileptiques; on peut les constater au début, dans le cours et à la fin de la chorée. S’ajoutant aux autres signes de ces diverses formes de souffrance nerveuse générale, la paralysie n’est alors que l’une de leurs manifestations, que l’une des modifications possibles de la motilité. Quant à déterminer d’une manière précise pourquoi elle apparaît dans tel cas et manque dans tel autre, pourquoi, par exemple, certaines hystériques éprouvent successivement plusieurs attaques de paralysie, alors que d’autres n’en sont jamais affectées, c’est là, i! faut l’avouer, un pro- blème dont les éléraens nous sont à peine connus; tout ce que l’obser- vation apprend à cet égard, c’est que l’apparition d’une nouvelle attaque convulsive, la suppression des règles, une vive impression, toutes les circonstances susceptibles d’ébranler violemment le système nerveux déjà malade, deviennent autant de causes occasionnelles de paralysie dans le cours de la névropalhie générale; celle-ci joue alors le rôle de cause pathologique prédisposante. Quelques auteurs, parmi lesquels il transformation graisseuse, étal hypertrophique), si bien étudiées par M. Du- chenne chez les enfants, sont les conséquences ultimes de paralysies antérieures, et se rattachent à l’encéphalopathie du jeune âge, manifestement étran- gère aux véritables névroses. Mais il y a plus : les paralysies dites essentielles sont-elles réellement plus fréquentes dans l’enfance qu’aux autres époques de la vie? Si, négligeant pour un moment l’avantage pratique qui résulte de la des- cription in globo de tous les groupes de symptômes qu’on rencontre à tel ou tel âge, si, disons-nous, on veut avoir égard à la nature des états morbides, il est douteux que \aparalysie infantile, comme entité pathologique, puisse être main- tenue autrement qu’à titre provisoire. MM Rilliet et Barthez, dans leur ouvrage si justement estimé (Maladies des enfants, 2e édition. Paris, 1833, in-8, t. II, p. 5S9) tendent à admettre deux espèces de paralysie essentielle : l’une rhuma- tismale, l’autre réellement dynamique. Encore dans l’énumération que ces excellents observateurs font des causes de la paralysie purement nerveuse, on trouve : la dentition laborieuse, agissant peut-être par l’hypérémie qui l'accom- pagne, la convalescence des pyrexies, l’influence du rhumatisme; comme causes occasionnelles : les refroidissemens, les coups, les chutes, les tiraillemcns, etc. 458 nous suffira de citer M. le professeur Monneret, proposent d’appeler symptomatiques ces troubles fonctionnels liés aune névropathie géné- rale; peut-être le nom de deutérapathique serait-il mieux choisi, et préviendrait-il plus sûrement toute confusion entre les paralysies, par exemple, qui peuvent survenir dans le cours de l’hystérie et les para- lysies symptomatiques qui sont la conséquence obligée de telle lésion cérébrale ou rachidienne. h. Chez les individus qui, sans être actuellement atteints d’aucune névrose particulière, présentent seulement un ensemble de caractères indiquant une disposition organique aux maladies de cet ordre, on voit quelquefois les commotions physiques ou morales, les causes acciden- telles d’excitation ou d’épuisement, produire d’emblée des paralysies plus ou moins étendues : émotions vives, suppression des menstrues, hémorrhagies abondantes, excès vénériens, etc. Ce sont là les paraly- sies dites idiopathiques. Peut-être doit-on ranger dans la même caté- gorie les paralysies qui succèdent à l’exercice immodéré des muscles. c. Diverses affections viscérales peuvent s’accompagner de paralysies, et surtout de paraplégies du mouvement, sans qu’aucune lésion coïn- cidente du système nerveux puisse rendre raison de cette complication : nous voulons parler ici des paralysies sympathiques, produites par les maladies des reins ou des autres organes urinaires et génitaux chez l’homme et chez la femme. La grossesse et l’accouchement qui peuvent également être accompagnées ou suivies de paraplégies, comme on en possède d’assez nombreux exemples, y donnent-elles encore lieu par simple sympathie? Il est bien plus probable qu’elles agissent d’une ma- nière mécanique, parla compression que les nerfs lombo-sacrés éprou- vent de la part de l’utérus gravide. — Les maladies des voies digestives figurent, elles aussi, dans l’étiologie des paralysies sympathiques: indé- pendamment des inflammations gastro-intestinales, on cite la fièvre typhoïde, la dysentérie, la colique saturnine, la colique sèche, comme autant de causes de paralysies. Toutefois, ici la question est des plus complexes; car si l'on considère que la perte du mouvement dans une partie du système musculaire peut succéder aux lièvres exanthémati- ques, à la diphthérie de la gorge et à une foule de maladies aiguës étrangères à l’intestin; si l’on se rappelle que dans l’intoxication satur- nine des paralysies apparaissentquelquefois en l’absence de toute colique, il devient au moins fort difficile de faire la part de ces deux élémcns : la souffrance locale de l’intestin agissant par sympathie, et l’état général capable par lui-même d’altérer l’innervation. (Voy. le mémoire déjà cité de M. Gubler sur les paralysies des convalesccns.) d. Au nombre des paralysies nerveuses, on range encore celles dites rhumatismales, qui surviennent assez souvent à la suite de l’impression de l’air froid sur le corps eu sueur, de l’immersion des pieds ou des mains dans l’eau froide, de l’habitation dans un lieu humide, chez des PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉYHOSES. personnes sujettes à des rhumatismes articulaires ou musculaires. L’ab- sence de toute lésion appréciable autorise jusqu’à un certain point l’ad- mission de ces paralysies au nombre des affections nerveuses; n’est-ce pas pour la même raison que la névralgie rhumatismale s’y trouve rangée par tous les médecins ? Et n’est-ce pas la même cause qui dans un cas atteint un nerf sensitif, et dans un autre un nerf moteur ou le muscle qu’il anime ? Les faits de paralysies consécutives à des névralgies rhumatismales (1) sont une raison de plus pour classer les premières parmi les névroses. Toutefois, les paralysies rhumatismales se distin- guent des autres paralysies nerveuses par plusieurs caractères irapor- tans, (Voy. Diagnostic.) e. Enfin c’est également, faute de mieux, parmi les névroses que figu- rent les paralysies par intoxication (absorption des vapeurs de charbon, des molécules saturnines, des vapeurs de sulfure de charbon, d’ar- senic, etc.). La véritable place de ces diverses paralysies est dans la Nosographie étiologique, car la présence d’un poison et son contact avec les centres ou les rameaux nerveux, par l’intermédiaire du sang, voilà certes une lésion non moins matérielle que l’encéphalite ou la névrite. 2029. Anatomie pathologique. — a. Le défaut de toute lésion pri- mitive des nerfs et des muscles, est ce qui constitue le caractère anato- mique des paralysies nerveuses. Quelques-unes de ces affections appa- raissent et s’évanouissent si rapidement qu’une pareille lésion ne saurait guère être supposée. D’autres, au contraire, semblent dues à une altération matérielle des fibres nerveuses, bien que les recherches cada- vériques n’aient encore conduit sur ce point à aucun résultat positif; exemple : les paralysies rhumatismales. Enfin, il est des cas dans lesquels tout se réunit pour faire croire à une lésion organique, et où cependant l’examen du système nerveux ne permet pas d’en découvrir la moindre trace. Aux faits déjà cités (p. Ù56, note) nous ajouterons le suivant qui nous a vivement frappé ; un tuberculeux meurt en 1853 dans les salles de M. Andral, à la Charité, après avoir présenté pendant des années une hémiplégie complète, avec paralysie du facial et de plusieurs nerfs moteurs oculaires; à l’autopsie, la moelle, le cerveau, les nerfs, furent explorés avec le plus grand soin, on n’y constata absolument rien d’anor- mal. — Tout fait espérer que les progrès de la micrographie feront pro- chainement rentrer dans la nosographie organique ces faits anormaux et déclassés. b. Nous ne ferons que mentionner l’état de pâleur et de mollesse des muscles, l’infiltration du tissu cellulaire, l’aspect alrophique des membres paralysés ; ces altérations consécutives à l’inaction prolongée (1) Voy. la thèse du docteur Bonnefin, sur l'atrophie consécutive aux ncvraU gies. Paris, 1800, in-4. PATHOLOGIE MÉDICALE. des parties sont en général moins prononcés dans les paralysies pure- ment nerveuses que dans celles dues à des maladies organiques des centres nerveux, cl notamment dans les paralysies hystériques elles sont presque nulles. De là, si la conlractililé vient h se rétablir, ce qui a lieu quelquefois d’une manière soudaine, la possibilité pour les tissus de reprendre immédiatement leurs fonctions, et le retour miraculeux du mouvement volontaire. 20SO. Physiologie pathologique,—Elle est fort obscure. Cependant, bien qu’il reste encore beaucoup h faire pour établir une théorie com- plète des paralysies nerveuses, on peut dès à présent entrevoir les différences essentielles qui les distinguent les unes des autres, au point de vue du mécanisme de leur production. 1° Dans une première série de faits, nous voyons la cause agir tout d’abord sur la périphérie nerveuse, et le mouvement se perdre dans les muscles dont les fibres propres où les nerfs moteurs ont été directement soumis à l’influence morbifique. C’est ce qui a lieu pour les paralysies consécutives à un refroidissement : le pied, ou la main, ou la face, reçoivent l’impression du froid, et ils en subissent les effets; et ce qui prouve bien que celle action, non-seulement n’a pas atteint les centres nerveux, mais que souvent même elle n’a pas intéressé la totalité du nerf moteur, c’est qu’en pareil cas il n’est pas rare de voir dans la même région certains muscles conserver leurs mouvemens, à côté d’autres qui les ont perdus. H semble donc que la paralysie rhumatis- male soit toute périphérique. Tel est probablement aussi le caractère des paralysies qui succèdent aux névralgies brachiales, sciatiques, etc., au rhumatisme musculaire, à un exercice violent. Dans l’opinion de certains auteurs, le même mécanisme présiderait aux paralysies saturnines : l’impression directe du plomb absorbé sur les muscles des mains et des avant-bras y éteindrait localement la propriété contractile, et il n’y aurait nullement lieu de faire intervenir un état morbide des centres nerveux né sous l’influence de l’intoxication plora- bique (Todd). Celte manière de voir n’est pas généralement admise, elle est en contradiction avec les faits les mieux constatés, ainsi qu’on pourra s’en convaincre eu relisant l’article du professeur Requin sur l’empoisonnement saturnin (t. III de cet ouvrage, p. 72). Les paralysies des chlorotiques, celles qui se manifestent immédiate- ment après un abondante hémorrhagie (si tant est qu’on doive les con- fondre), sont-elles périphériques, c’est-à-dire doivent-elles être attri- buées à la stimulation insuffisante des extrémités nerveuses par le sang ? On peut, jusqu’à un certain point, les assimiler aux paralysies qu’on voit se développer chez l’homme et chez les animaux, h la suite de l’oblitéra- tion des artères par des caillots; mais encore faut-il faire entrer en ligne de compte et l’irrigation insuffisante des muscles, et l’impression que subissent les centres nerveux de la part d’un sang moins abondant ou ÜNÉVRObES. 461 moins riche en matériaux solides qu’à l’état normal. On lira avec profil pour l’élucidation de ces questions difficiles un travail de M. Charcot {Sur la claudication intermittente, Gaz. méd. de Paris, 1859), et un mémoire de M. Yulpian (Sur la durée de la persistance des propriétés des muscles, des nerfs et de la moelle épinière, après V interruption du cours du sang dans ces organes, Gazette hebd. de méd. et de chir., 1861, t. VIN, p. 350). 2° Puis vient une autre série de faits où c’est évidemment dans les centres nerveux que réside la cause de la paralysie : on voit la perte du mouvement apparaître au milieu d’une foule de phénomènes qui, par leur nature et leur multiplicité même, révèlent d’une manière indubi- table un trouble de l'innervation centrale : paralysies qui se manifestent dans la chorée, dans l’hystérie sous ses deux formes convulsive et non convulsive, etc. Nous n’ignorons pas que les paralysies qu’on observe dans l’hystérie, ont été, elles aussi, considérées comme périphériques ; cette opinion se fonde sur les effets du traitement par l’électricité : en effet, il arrive quelquefois que l’excitation par cet agent restitue à chaque muscle en particulier, et même à un faisceau musculaire isolé, son pou- voir contractile, tandis que les muscles ou faisceaux voisins, non élec- trisés, demeurent en état de paralysie; mais une semblable localisation des effets thérapeutiques suffit-elle pour démontrer le caractère pure- ment local de l’affection de la motilité ? Il est permis d’en douter, d’au- tant plus que chez les sujets affectés de lésions intra-crâniennes, quelque chose d’assez analogue peut également être observé, quant aux effets topiques de l’électricité sur les muscles paralysés, et que d’ailleurs la névropalhie centrale est trop évidente dans l’hystérie pour pouvoir être mise en doute. 3° Une troisième classe de paralysies dites dynamiques a pour point de départ une partie de la périphérie nerveuse, et pour siège une autre partie, souvent fort éloignée, de cette même périphérie ; ce sont les paralysies dites réflexes ou sympathiques. Leur origine se rencontre presque toujours dans les organes animés par les nerfs ganglionnaires (intestin, organes génito-urinaires, etc.). Leur mode de production est encore très énigmatique. Pour Stanley elles résulteraient de Virritation de la moelle, et voici comment il conçoit la succession des phénomènes (loc. cit., p. 278) : « Cette irritation, commençant dans les reins ou la vessie, se propagerait par l’intermédiaire des nerfs sensitifs à la moelle épinière, d’où l’impression serait transmise à la fois par les nerfs moteurs et sensitifs des membres, et là elle occasionnerait tout ensemble l’empê- chement (impairment) de la sensibilité et de la puissance motrice. » Nous avouons ne pas bien saisir ce que peut être cette irritation se pro- pageant dans des nerfs sensitifs du centre à la périphérie, et surtout cette excitation des nerfs amenant l’enrayement de leurs fonctions. 462 Là en effet est la grande difficulté : comment concevoir que Vhyperes* thésie des nerfs de la vessie ou de l’utérus, engendre ['inactivité des nerfs sensitifs et moteurs des membres inférieurs ? Les termes : sympa- thique, réflexe, etc., expriment l’idée d’une synergie, c’est-à-dire d’une action simultanée ou successive. A moins donc de se payer de mots, de se contenter par exemple d’une certaine révulsion, d’une certaine sym- pathie par antagonisme, on ne saurait adopter l’explication de Stanley. Une autre théorie qu’il nous faut également rejeter, est celle qui attribue les paralysies dites sympathiques à l’intensité des douleurs viscérales, et qui fait jouer un grand rôle à l’épuisement de l’innervation par cette douleur même, d’où résulterait l’innervation insuffisante des membres, etc. il est digne de remarque que parmi les affections suivies de paraplégies, plusieurs ne sont que médiocrement douloureuses (ma- ladies des reins); quant aux paralysies, suite de colique végétale, il est fort douteux aujourd’hui qu’il faille les ranger parmi les paralysies sym- pathiques (voy. l’article Entéralgie, et surtout l’ouvrage de M. Lefèvre, De la colique sèche. Paris, 1859, in-8). Arrivons enfin à l’interprétation proposée par Romberg : suivant cet éminent pathologiste, l’intégrité fonctionnelle de la moelle ne se conser- verait qu’à la condition, pour ce centre nerveux, d’être entretenu dans un état d’excitement suffisant, et comme alimenté constamment par les nerfs sensitifs qui y aboutissent : que cotte source physiologique d’exci- tement vienne à faire défaut, par suite d’une affection quelle qu’elle soit, douloureuse ou non, des nerfs viscéraux, et la moelle fonctionnera mal, et par les nerfs moteurs comme conducteur des impressions sensitives, il n’arrivera plus que des décharges motrices affaiblies aux muscles des membres. (Nous sommes loin, comme on voit, de ['irritation du cordon spinal). Quelque ingénieuse que soit cette interprétation, d’ailleurs toute hypothétique, on hésite à l’adopter, surtout parce qu’un certain doute subsiste quant à l’étal matériel des centres nerveux ; ceux-ci out- ils été suffisamment examinés dans leur constitution microscopique pour qu’on puisse en toute sécurité fonder sur l’absence de lésions anatomi- ques appréciables, une théorie définitive des paralysies dites réflexes? En résumé, les paralysies nerveuses dépendent tantôt : 1° d’une affec- tion des nerfs moteurs périphériques; tantôt : 2° d’un affaiblissement du pouvoir excito-moteur des centres nerveux ; dans ce dernier cas, deux mécanismes possibles : ou bien le pouvoir excito-moteur diminue sous l’influence de causes qui atteignent les centres mêmes où il réside; — ou bien il s’affaiblit par suite d’uns action, encore indéterminée, qui de la périphérie nerveuse (et principalement des filets du grand sympa- thique), se propage jusqu’à ces centres d’innervation. U° Enfin, dans une même maladie, les paralysies peuvent se produire par un mécanisme multiple, plusieurs causes contribuant à la manifesta- PATHOLOGIE MÉDICALE. tion du même symptôme. Soit, par hypothèse, une paraplégie survenant chez une hystérique qui, après do vives douleurs abdominales, aura éprouvé une ménorrhagie très abondante : l’hystérie comme nervose générale, l’intensité des douleurs et la sympathie utérine, enfin l’anémie, peuvent avoir concouru, chacune pour sa part, à la production de la paralysie. Ajoutons que souvent il est fort difficile d’éliminer rationnel- lement la coopération d’autres conditions encore, toutes matérielles, qui dans les mêmes circonstances peuvent avoir ajouté leurs effets à ceux des autres éléments étiologiques : telles seraient, par exemple, des congestions sanguines ou l’œdème de la moelle et de ses enveloppes. 2031. Diagnostic. — Nous supposons que l’existence d’une véritable paralysie a été reconnue, et qu’on a su éviter l’erreur qui consiste à prendre pour un état paralytique la simple immobilité déterminée par la douleur, l’atrophie musculaire, la contracture, etc.; nous supposons également qu'on aura su distinguer, à l’aide des caractères indiqués ail- leurs (voy. Anesthésie musculaire) la perle de la motilité, des étals morbides accompagnés de mouvemens mal coordonnés, mais sans dé- chet réel de la puissance musculaire (ataxie). Restera à poser le diagnostic d’une paralysie nerveuse, c’est-à-dire sans lésion, et l’on conçoit combien la détermination de ce point est im- portante, combien le pronostic et le traitement varient nécessairement, suivant qu’il existe ou non une altération matérielle du système ner- veux. Aussi ne saurait-on trop multiplier les recherches pour arriver à cet égard à une solution précise. Nous allons passer en revue, au point de vue du diagnostic, les diverses paralysies décrites dans les para- graphes précédons. A. — Commençons par l'hémiplégie nerveuse. Comme on la ren- contre à peu près exclusivement chez les sujets atteints de névropathie générale, la tâche du clinicien consistera : 1° A établir qu’il n’existe aucune lésion organique susceptible de paralyser une moitié du corps; 2° A recueillir tous les indices de la névropathie générale à laquelle l’hémiplégie en observation peut être rattachée ; 3° A chercher, dans l’examen direct des phénomènes paralytiques, un supplément de preuves en faveur de leur nature simplement nerveuse. (1° Point de lésion organique.) — On noiera d’abord l’absence de perte subite de connaissance, d’altération des facultés intellectuelles, de fièvre, de céphalalgie persistante, et en général de tous les phénomènes qui appartiennent aux hémorrhagies, aux congestions, aux inflammations du cerveau ou de ses membranes ; l’absence aussi de tous les signes qui révèlent une affection de la moelle (puisqu’il existe des hémiplégies par lésion rachidienne). On se tiendra en garde contre les illusions que peut faire naître un accès hystérique ou cataleptique, simulant les phé- nomènes d’une apoplexie cérébrale; on évitera de prendre le clou hys- NÉVROSES. 463 PATHOLOGIE MÉDICALE lériquc ou toute autre céphalalgie nerveuse, pour la douleur de tête gravative et profonde qui accompagne les lésions du cerveau. (2° Névropathie.) — Ces notions négatives étant acquises, s’il s’agit d’un sujet jeune (d’une jeune femme surtout), éprouvant habituelle- ment des symptômes d’hystérie ou d’hypochondrie, des suffocations, des palpitations, ayant actuellement une anesthésie générale de la peau, accusant des points douloureux dans diverses parties du corps, etc. (voy. État nerveux), cet ensemble des phénomènes démontrera l’existence d’une névropathie générale, et fera présumer que l’hémiplégie n’est dans cet ensemble qu’un symptôme de plus, et non point une complication introduite par une cause d’ordre différent. Cependant, nous le répétons, ce ne sera encore qu’une simple présomption ; car il ne faut pas perdre de vue que des individus jeunes et atteints de divers symptômes névro- palhiques ne sont nullement h l’abri de lésions matérielles du cerveau. (3° Paralysie nerveuse.) — Ces dernières lésions sont quelquefois si mal accusés par leurs symptômes, que pour être complètement édifié sur la nature nerveuse de l’hémiplégie, il devient indispensable d’étudier avec soin les circonstances qui ont présidé à sa manifestation, ses sym- ptômes, sa marche. a. Ainsi, pour ce qui a trait à l’étiologie, apprend-on que des émo- tions morales vives, la suppression des règles, le retour d’une attaque convulsive, ont précédé immédiatement l’hémiplégie, ce renseignement aura une extrême importance, surtout quand la supposition d’une hypé- rémie, d’une hémorrhagie cérébrale, etc., aura déjà été éliminée pour les raisons indiquées plus haut. b. L’examen des symptômes en eux-mêmes conduira à noter les signes suivans dont il faudra tenir grand compte : l’hémiplégie ner- veuse n’atteint que rarement la face et la langue ; limitée le plus sou- vent au bras et à la jambe, elle est presque toujours incomplète; — l’incontinence des urines et des matières est l’exception en pareil cas ; — les malades traînent le membre inférieur en marchant, ils balayent le sol, sans imprimer à leur corps ce mouvement en demi-cercle qu’exécutent les sujets atteints d’une hémiplégie par foyer cérébral (Todd) ; *— il existe tantôt une anesthésie étendue aux parties paraly- sées et au reste du corps, tantôt une hypereslhésie ; — l’exploration des muscles au moyen de la pile peut, d’après M. üuchcnne, fournir des données pmportanles pour ce diagnostic : abolie dans les cas de para- lysie saturnine (laquelle n’affecte guère, il est vrai, la forme d’hémi- plégie) , la contractilité électrique subsiste dans son intégrité, ou peu s’en faut, dans les paralysies qui proviennent d’une lésion de l’encéphale ; elle persiste également dans les paralysies hystériques et dans les para- lysies purement nerveuses qui s’en rapprochent; l’élude de la contrac- tilité musculaire ne serait donc ici d’aucune utilité. Suivant Marshall- Hall, dont les opinions n’ont pas résisté au contrôle de la clinique, les NÉVROSES. paralysies qui ne sc rattachent pas à une lésion des élémens spinaux se distingueraient par un excitabilité des muscles plus grande qu’à l’état physiologique. Cette particularité, quand même on la supposerait prouvée, ne saurait être que d’un bien faible secours dans les cas douteux. D’après M. Duchenne, l’examen de la sensibilité fournirait dans la paralysie hystérique un signe précieux : c’est la diminution ou môme l’abolition delà sensation électro-musculaire, c’est-à-dire que le passage du courant à travers le muscle privé du mouvement volontaire, y déter- mine des contractions, mais sans y éveiller ce sentiment plus ou moins douloureux de crampe qui, chez un sujet sain, accompagne constam- ment la mise en jeu tant soit peu forte de la contraclilité. Tout en reconnaissant que la sensibilité électro-musculaire, comme la sensibilité cutanée, est souvent affaiblie chez les hystériques, n’est-il pas permis d’élever des doutes sur la constance de l’un de ces phénomènes, quand pour l’autre on observe de si fréquentes variations chez les différentes malades on chez la même malade à des époques différentes? c. Le mode de développement des accidens, avons-nous dit, peut également éclairer le diagnostic : souvent la paralysie se montre d’abord dans l’un des membres et n’envahit l’autre qu’après un long intervalle; ou bien la perte du mouvement existe primitivement dans le bras gauche et la jambe droite, puis elle disparaît à gauche et se complète à droite; il peut y avoir d’un jour à l’autre des différences notables dans le degré d’impotence musculaire ; la contracture, quand elle existe, est peu mar- quée et passagère; on constate que les émotions morales, les variations atmosphériques, le retour des attaques convulsives, exercent une action manifeste sur l’intensité du mal ; on apprend par les commémoratifs que des phénomènes paralytiques se sont déjà montrés une première fois et qu’ils ont disparu avec une promptitude exclusive d’une altéra- tion organique profonde, etc, B. —Une marche analogue devra être suivie pour arriver au diagnostic des paraplégies nerveuses; mais ici le problème se complique davan- tage, parce qu’il existe un plus grand nombre de maladies pouvant donner lieu à la perte du mouvement volontaire dans les membres infé- rieurs, et parmi ces affections il en est une, la congestion de la moelle, parfois brusque dans son invasion, irrégulière dans sa marche et prompte à se dissiper, qui présente plusieurs points de contact avec les para- plégies nerveuses. 11 y a plus : certaines circonstances favorables à l’ap- parition des paralysies dynamiques disposent en même temps aux hype- rémies de la moelle, d’où résulte pour le diagnostic, et môme pour la théorie (voy. Irritation spinale), une très grande incertitude. Avant de déclarer qu’une paraplégie est purement nerveuse, on ne saurait donc assez insister sur une première constatation : celle des signes négatifs qui autorisent à mettre hors de cause toute lésion per- 466 PATHOLOGIE MÉDICALE. manente de la moelle ou du canal racliidien. Une cause fréquente d’er- reur se trouve ici dans la présence du point hyperesthétique que nous avons dit se rencontrer assez communément sur le trajet de la colonne vertébrale, chez les sujets névropathiques. De la réunion de ces deux faits : douleur dorsale et paraplégie, on pourrait conclure, et ce serait une erreur, à quelque inflammation de la moelle ou de ses enveloppes; méprise qui n’a pas peu contribué, pensons-nous, à grossir la liste des prétendus cas de myélite observés chez des femmes nerveuses. Un interrogatoire attentif et l’examen direct permettront de reconnaître que cette douleur, par son ancienneté, son siège au sommet des apo- physes épineuses ou dans la gouttière vertébrale, surtout à gauche, quelquefois sa manifestation dans deux ou trois points du rachis, par le mode particulier de la sensation et par ses retentissemens multiples, diffère complètement de la douleur spinale qui dépend d’une myélite ou d’une méningite racbidienne. D’autres signes, qu’il serait trop long d’énumérer, démontreront que les malades ne sont pas en proie à une intoxication par le plomb, l’arse- nic, l’ergot de seigle, etc.; d'autres encore conduiront au diagnostic d’une névropalhie générale ou à celui d’une affection viscérale suscep- tible de déterminer une paraplégie sympathique. Enfin, ici, comme pour l’hémiplégie nerveuse, on aura égard à l’ab- sence d’évacuations involontaires, à l’état de la sensibilité (anesthésie ou hyperesthésie plus ou moins étendue), à la marche irrégulière des phénomènes, aux fréquentes variations de leur intensité, à la nature des causes qui ont présidé à l’invasion de la paralysie ou qui en déterminent soit l’augmentation, soit le décroissement momentané, (/est ainsi que les présomptions en faveur d’une paralysie nerveuse se transformeront par degrés eu certitude. — L’exploration des muscles au moyen de l’électricité aidera, dans certains cas, à la solution de ce problème. Voici, d’après M. Duchenne, quelles différences on remarque entre les diverses paraplégies suivant les causes qui leur donnent naissance. a. Paraplégies avec diminution ou abolition de la contractilité. — Dans la paraplégie saturnine et dans celle consécutive à la colique végétale, on note constamment l’abolition de la contractilité électrique, tandis que les muscles conservent la sensibilité au passage du courant. Dans la paraplégie symptomatique d’une maladie de la moelle, les muscles se comportent comme s’il y avait interruption des nerfs moteurs, c’est-à-dire qu’ils perdent très promptement leur aptitude à se con- tracter sous l’influence de l’électricité. En môme temps leur sensibilité s’affaiblit ou même disparaît entièrement. b. Paraplégies avec conservation de la contractilité. — Dans toutes les paraplégies autres que celles indiquées ci-dessus, la contractilité est conservée : paraplégies dont la cause est une lésion cérébrale (le fait est rare, mais sa possibilité paraît démontrée), paraplégies hys- NÉVROSES. tériques et nerveuses de toutes sortes, paraplégies rhumatismales. Quant à la sensibilité électro-musculaire, on la trouverait presque toujours normale, excepté : dans la paraplégie rhumatismale où elle est exaltée, et dans la paraplégie hystérique où elle est affaiblie ou éteinte. Nous avons déjà fait quelques réserves au sujet de ce dernier carac- tère, nous devons en ajouter encore une autre : l’état de la contractilité musculaire dans les maladies de la moelle est loin d’être toujours le même, et les variations qu’on observe sous ce rapport paraissent essen- tiellement dépendre du siège de la lésion dans telle ou telle partie con- stitutive du centre spinal, ce qui forcément entraîne des différences dans la nutrition et l’excitabilité des muscles. Il est à souhaiter que l’analyse pathologique et surtout la physiologie expérimentale mènent prochainement à fin l’étude de cette belle question jusqu’ici plutôt sou- levée que résolue par les auteurs qui s’en sont occupés. C. —Abordons maintenant le diagnostic des autres paralysies partielles. La paralysie faciale, qui se manifeste rarement sous l’influence d’une névrose hystérique ou autre, reconnaît au contraire assez souvent pour cause l’impression d’un courant d’air, et le diagnostic de l’hémiplégie de la face est d’autant plus important que si, par erreur, on l’attribue à un refroidissement alors qu’en réalité elle est le résultat d’une lésion cérébrale, le traitement institué d’après celte indication étio/ogique sera inefficace et même pourra devenir nuisible. Les signes différentiels nous sont encore fournis : 1° par la cause qui a paru produire la maladie ; 2° par les phénomènes concomilans : symptômes cérébraux dans un cas, et, dans l’autre, intégrité parfaite de l’intelligence, céphalalgie faible ou nulle, etc.; 3° aces données, toujours un peu incertaines, il faut ajouter celles que les symptômes propres de la paralysie révèlent à une obser- vation attentive : ainsi l’hémiplégie de cause centrale respecte le plus souvent les muscles orbiculaire et frontal, tandis que la paralysie rhu- matismale atteint communément le peaucier de la face dans toutes ses parties. Néanmoins ce signe n’est pas constant : on a observé des hémi- plégies faciales dues à un foyer sanguin dans le cerveau et affectant tous les muscles du visage, y compris le frontal, l’orbiculaire, etc. (I) ; d’au- tres, produites par un simple refroidissement, mais partielles et limitées à la partie inférieure de la face, comme s’il se fût agi d’une lésion cérébrale. L’exploralion électrique fera cesser le doute, en montrant la contractilité musculaire normale dans la paralysie de cause encéphalique, affaiblie, au contraire, sinon complètement annihilée, dans la paralysie rhumatismale. (Celle-ci ne présente qu’à la face ce caractère excep- tionnel, le défaut de contractilité; partout ailleurs, suivant M. Üuchenne, elle laisserait cette propriété intacte.) (1) Voy. l’intéressant travail de M Dujday : De la paralysie f ciale produite par une hémnrrhagie cérébrale chez les vieillards {Union médicale, août 1834). PATHOLOGIE MÉDICALE. A vrai dire, tons ces caractères permettent seulement de juger si la cause de l’hémiplégie faciale réside dans le cerveau lui-même ou sur le trajet de la septième paire ; car la compression ou l’altération du nerf dans son long parcours, depuis le bulbe, à travers le canal osseux, jus- qu’à sa terminaison, donne lieu aux mêmes phénomènes que la para- lysie rhumatismale (sans en excepter les signes électro-musculaires). Reconnaissons toutefois que c’est déjà beaucoup que d’acquérir la notion précise du siège, ou périphérique ou central, de l’affection paralysante. Car, son siège périphérique étant reconnu, il ne reste plus qu’à dé- terminer la nature de l’affection, et l’examen des antécédens rendra assez généralement cette tâche facile : invasion rapide à la suite d’un refroidissement, rhumatismes antérieurs, absence de toute affection de l’oreille, de la parotide, etc. D. — Dans les paralysies de l’un des membres, les mêmes questions se présentent. Supposons une paralysie du membre supérieur. Est-elle de cause saturnine? Ou le reconnaîtra h l’état cachectique, au liséré gingival, au siège d’élection dans les muscles extenseurs, à l’affection simultanée des deux membres, à l’abolition de la contractililé électrique, avec affaiblissement de la sensibilité musculaire, enfin à l’atrophie rapide des masses charnues. On reconnaîtra de même, d’après l’ensemble des signes qui appartiennent à chacun d’eux, les divers autres empoison- nemens : par l’arsenic, par la vapeur de charbon, par le sulfure de carbone chez les ouvriers en caoutchouc, etc. Voilà pour les paralysies du membre supérieur d’origine toxique. Si la cause de cette paralysie est quelque foyer cérébral, on con- statera d’autres caractères imporlans. El d’abord une semblable lésion n’apparaît eu général qu’à un âge avancé, et dans le cas, assez rare d’ailleurs, où le bras seul en ressent les effets, l’altération encéphalique ne manque pas de se révéler soit dans l’état actuel, soit dans les anté- cédens, par quelque trouble intellectuel ou sensoriel ; il existe quel- quefois une contracture permanente; l’irritabilité et la sensibilité électro- musculaires sont conservées, même à une époque où les muscles ont déjà subi une assez notable atrophie. Pour les paralysies du membre supérieur qui se rattachent à une névropalhie générale, leur diagnostic se fonde sur la double série des caractères positifs et négatifs déjà indiqués à l’occasion des hémi- plégies et des paraplégies, et sur lesquels il nous semble inutile de revenir. Supposons enfin que cette même paralysie est de cause rhumatis- male, c'est-à-dire qu’elle a succédé à un refroidissement ou s’est mani- festée à la suite d’une névralgie, d’un rhumatisme musculaire, etc. En pareil cas, indépendamment des commémoratifs, la marche continue de la maladie, l’intégrité de la contractilité électrique, l’exaltation conco- NÉVROSES. 469 mitante de la sensibilité musculaire, permettront le plus souvent d’as- signer aux accidefts leur véritable origine. Parmi ces paralysies rhumatismales du membre supérieur, M. Du- chenne signale avec raison celle de l’avant-bras, si remarquable par sa ressemblance trompeuse avec la paralysie saturnine dont elle partage la prédilection pour les muscles extenseurs. Mais, serait-on même privé de tout renseignement étiologique, on établirait encore sans peine la distinction, d’une part, entre la paralysie saturnine qui est le plus sou- vent bilatérale, dans laquelle il y a défaut d’irritabilité des muscles sous l’influence du courant électrique, et persistance ou affaiblissement de la sensibilité musculaire, —et d’autre part, la paralysie rhumatismale : limitée presque toujours à l’un des membres, n’altérant pas ou dimi- nuant à peine la contractilité électrique, s’accompagnant enfin souvent d’exaltation de la sensibilité musculaire. M. Duchenne insiste en outre sur ce fait intéressant et caractéristique, à savoir que dans la paralysie saturnine le long supinaleur conserve presque toujours ses fonctions, tandis que la paralysie rhumatismale frappe ce muscle en même temps que tous ceux de la région dorsale de l’avant-bras. Si nous n’accordons qu’une valeur secondaire à l’état de la sensibilité cutanée, c’est qu’il est trop variable pour servir de critérium dans les cas obscurs ; car la sensibilité peut être abolie en même temps que le mouvement, aussi bien dans une paralysie par lésion cérébrale, que dans celles de cause hystérique, rhumatismale, saturnine. L’exaltation de la sensibilité a peut-être plus d’importance, étant, comme on sait, plus fré- quente dans la paralysie rhumatismale que dans les autres ; cependant nous ne craignons pas de le répéter, rien d’absolu ne peut être établi à cet égard. E. — Le diagnostic des paralysies bornées à l’un des membres infé- rieurs, ne nous paraît pas réclamer d’autres détails que ceux consignés ci-dessus à l’occasion des hémiplégies, des paraplégies, etc. Les mêmes caractères se retrouveront également dans les autres paralysies nerveuses bornées à telle ou telle partie isolée du corps. Nous ne poursuivons donc pas cette étude plus loin, nous contentant de renvoyer le lecteur aux ouvrages spéciaux et aux monographies. 2022. Pronostic.— D’une manière générale, les paralysies nerveuses sont moins fâcheuses que celles occasionnées par une lésion matérielle des nerfs ou des centres nerveux ; elles appartiennent néanmoins aux plus graves parmi les simples névroses. Même avec la perspective de guérir un jour, ou conçoit tout ce que l’impotence d’un bras, l’impossibilité de marcher, etc., ont de pénible surtout dans certaines professions. Il est d’ailleurs des paralysies nerveuses qui, par l’importance des actes vitaux dont elles entravent l’accomplissement, peuvent devenir immédiatement dangereuses : telle est, par exemple, la paralysie du larynx. Abstraction PATHOLOGIE MÉDICALE. faite du siège de la maladie, sa nature, c’est-à-dire la cause qui lui a donné naissance, influe singulièrement sur le pronostic : la différence est grande à cet égard entre les paralysies rhumatismales dont la durée est souvent si longue, qui entraînent promptement la contracture ou l’atrophie des muscles et dont la guérison est parfois si difficile, — et d’autre part les simples paralysies hystériques. Sans doute, celles-ci peu- vent également persister pendant des mois et des années, mais en général elles disparaissent assez vite ; elles permettent à la nutrition des tissus de continuer avec une activité à peu prés normale, et souvent elles cèdent à un traitement des plus simples. C’est surtout, comme ou voit, par leur gravité que les paralysies rhumatismales se font remarquer parmi toutes celles comprises sous le titre de nerveuses, gravité qui augmente encore avec l’ancienneté de ces affections; quelques-unes même (la paralysie rhumatismale de la face, par exemple), deviennent prompte- ment incurables quand les muscles ont perdu leur irritabilité et surtout quand ils sont envahis par une contracture consécutive. 2033. Traitement. — 1° Combattre la cause de la paralysie, 2° ex- citer les muscles paralysés, telles sont les deux indications thérapeuti- ques qu’il s’agit de remplir. On satisferait la première par tous les moyens usités contre l’hystérie, l’hypochondrie, la chorée, la chlorose, les névralgies, les rhumatismes, les affections des organes abdominaux, etc. ; il serait inutile d’entrer à ce sujet dans de plus longs détails. Souvent il suffira de la seule médication étiologique pour que la para- lysie se trouve guérie du même coup. Mais si, malgré l’usage de ces moyens, la paralysie persiste, ou si elle est du nombre de celles dont la cause échappe, il ne restera plus qu’à remédier directement à l’inertie du système musculaire. Presque toujours il sera utile de faire marcher de front cette médication symptomatique avec celle dirigée contre la cause du mal. Les agens qu’on emploie communément contre les paralysies sont presque tous des excitans ; aussi un diagnostic solide est-il ici d’une in- dispensable nécessité, car s’il existe quelque lésion du système nerveux derrière ce qu’on envisage comme une simple asthénie, le traitement stimulant restera souvent complètement inefficace, si même il n’exerce une influence fâcheuse. Puis, avec la certitude de n’avoir à combattre que la seule inactivité du système musculaire, on sera fondé à rejeter comme inutilement cruels les cautères, les moxas, les sélons au voisinage de la tête ou sur le trajet de la moelle, tous ces révulsifs d’une énergie barbare et d’une efficacité incertaine; et, avec une hardiesse d’autant plus grande, on mettra en usage les douches froides, les bains minéraux, la cautéri- sation transcurrenle, les vésicaloires volans, les frictions stimulantes, le massage, enfin l’électricité, soit sous forme d’électro-puncture (mé- NÉVROSES. 471 thode peu usitée de nos jours) , soit au moyen d’excitateurs hu- mides, etc. Une dernière observation. Contre les paralysies nerveuses vraies, et surtout contre celles des hystériques, les moyens les plus rationnels en apparence peuvent échouer, comme les traitemens les plus bizarres réussir. Capricieuses dans leurs allures, quelquefois rebelles à l’égal des plus profondes maladies organiques, on les voit d’autres fois disparaître avec une rapidité qui lient du prodige, et cela tantôt spontanément, tantôt après le premier essai d’un médicament quelconque, de quelque pratique qui frappe vivement l’imagination des malades. Il y a là une source féconde d’illusions et de superstitions. ARTICLE IL I. DU TREMBLEMENT. 2034. Bibliographie. — Nous nous bornons à indiquer les ouvrages suivans qui renferment la description de l’espèce particulière de tremblement appelée Paralysie agitante. Parkinson. Essay on the shaking palsy. Londres, 1817, in-8. II. Todd, article Parai y sis, in Cyclopedia of practic. Medicine (vol. III, p. 259) Londres, 1834, in-8. Elliotson. Lectures on the theory and praxis of medicine. Lon- dres, 1839, in-8 (p. 351. Paralysis agitons or shaking paralysis). Marshall-Hall. On the diseuses and dérangements of the nervous System. Londres, 1841, p. 320. Canstatt. Schütellàhmung (Corresp.-Blatt. Bayer. Aerzte, 1842, n° 14). E. Blasius. Ueber Stabilitàt der Theile und Sfohilitats-Neurosen [Arch. f. physiol. Heilkunde, 1851, Heft 2, p. 210). Basedow. Stahilitàts-Neurose (Caspers Wochenschsift, 1861, n° 33). J.-M. CHARCOT et A. Vulpian. De la paralysie agitante {Gaz. hebdom. de méd. et de chir,, 1860 et 1861). Ce travail contient plusieurs indications bibliographiques importantes. 2035. Le trouble de la motilité désigné sous le nom de tremblement est caractérisé par une succession de petites secousses convulsives, brèves, presque toujours rhythmiques, et en même temps, par la faiblesse des contractions volontaires des muscles. L’observation du phénomène en lui-même est trop familière à tout le monde, pour qu’il nous paraisse utile d’en faire une description plus détaillée. On admet plusieurs espèces de tremblement : celui des vieillards qui fait presque partie de l’état physiologique (tremblement sénile) ; celui PATHOLOGIE MÉDICALE. de l'intoxication par l’alcool, le mercure, l’opium (tremblement alcoo- lique, mercuriel, opiatique), eic. — Les seules espèces dont nous ayons h nous occuper sont : le tremblement idiopathique ou nerveux, et l’état morbide décrit dans ces derniers temps sous le nom de paralysie trem- blante ou agitante. A. Tremblement nerveux. — Il affecte de préférence la tète ou les membres, principalement les mains, plus rarement le tronc ; quelque- fois continu, il est plus souvent intermittent, ou lout au moins présente- t-il des rémissions et des exacerbations bien marquées. Il s’arrête souvent quand le malade a l’attention fixée sur la partie qui tremble, et qu'il fait effort pour la tenir immobile; quelquefois cependant c’est justement dans ces conditions que le phénomène acquiert plus d’intensité ; presque toujours, pour le faire cesser momentanément, il suffit de fixer et sur- tout de comprimer avec les mains les membres agités d’oscillations. Au point de vue de Vétiologie, il faut noter une certaine prédisposi- tion héréditaire, les émotions morales violentes, les attaques convulsives (épilepsie, hystérie), et, dit-on, les refroidisse mens chez les rhumati- sans. Toutes les causes d’épuisement et de surexcitation (alimentation insuffisante, onanisme, excès) interviennent ici, comme dans la produc- tion de tant d’autres névroses. B. Paralysie agitante. Le début de celle affection est souvent très obscur; ce que le malade remarque d’abord, c’est un sentiment de fai- blesse générale et une tendance à trembler soit avec la tête, soit, et plus souvent, avec les membres. Ce symptôme augmente par degrés et, au bout de quelques mois, un an, on voit s’affecter des parties jusque-là épargnées ; souvent les diverses régions du corps sont alternativement envahies (1) ; peu à peu le sujet perd la faculté de garder l’équilibre en marchant ; son corps lout entier est agité et comme secoué continuelle- ment; il ne peut exécuter aucun mouvement avec précision, se trouve hors d’état de tenir une plume, de manger, etc. Par un effort de sa volonté il réussit bien encore à suspendre momentanément les oscillations morbides, mais c’est pour les voir recommencer aussitôt ; on a même de la peine à les faire cesser en retenant les membres fixés avec les mains, et quelquefois on voit alors, comme par une sorte de compensation, le tremblement augmenter dans d’autres parties. Ce phénomène prédo- mine très souvent dans une moitié latérale du corps; quelquefois même il y est exclusivement borné, du moins au début. La marche devient de plus en plus difficile et s’accompagne d’une sorte de propulsion involon- taire avec flexion du tronc en avant (seelotyrbe festinans). Le sommeil qui, d’abord, amenait presque toujours le repos des muscles, hune période avancée de la maladie n’arrête pas toujours leur agitation. (1) On a vu le tremblement cesser à l’occasion d’une apoplexie intercurrente avec hémiplégie. m NÉVROSES. 473 A la longue les parties qui servent à la mastication, à l’articulation des sons sont prises; les malades pouvant à peine manger, bégayant, ne rendant les matières fécales qu’avec une extrême difficulté, éprouvent un amaigrissement rapide; perte des forces, paralysie des organes de la déglutition, évacuations involontaires, délire, mort. Rare chez les jeunes sujets, la paralysie agitante succède quelquefois à une vive émotion morale; elle a paru à certains auteurs avoir quelque relation avec le rhumatisme. Ses causes échappent le plus souvent. A l’autopsie, aucune altération appréciable des centres nerveux. Cependant on a constaté dans quelques cas une induration de la protu- bérance et de la moelle allongée, des nerfs linguaux et brachiaux. 2036. La physiologie pathologique du tremblement est assez mal connue. Ce trouble de la motilité, considéré par les uns comme appar- tenant aux convulsions, est rangé par les autres au nombre des para- lysies; suivant l’heureuse expression de Romberg, il forme le pont qui relie les spasmes aux affections paralytiques. C’est pour celle raison que nous avons donné place à cet article après ceux consacrés soit aux convulsions, soit aux paralysies. Pour Blasius, c’est le type par excel- lence des névroses de la stabilité, c’est-à-dire une lésion de la tonicité musculaire (propriété physiologique dont cet auteur a étudié les altéra- tions dans la chorée, la paralysie générale et dans une foule d’autres affections où l’on ne fait généralement intervenir que l’excès ou le défaut de contractilité proprement dite) (1). La discussion de ces questions nous entraînerait trop loin ; nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir en parlant de la chorée. 2037. Diagnostic. —On ne confondra pas la paralysie agitante avec le tremblement alcoolique (anlécédens : abus des spiritueux; délire; le tremblement est uniforme, etc.), ni avec le tremblement mercuriel (profession ; stomatite ; absence de plusieurs particularités signalées dans l’histoire de la paralysie agitante) ; ni avec la paralysie générale (bé- gayement dès le début, oscillations légèresdes membres; délire et autres symptômes cérébraux, etc). Jl est un peu plus difficile de la différencier du tremblement idiopalhique simple, et la confusion sous ce rapport serait regrettable, vu la gravité très inégale du pronostic; cependant les caractères indiqués plus haut et surtout la continuité des accidens avec aggravation progressive, permettront d’éviter toute méprise. — (Voy. aussi le diagnostic différentiel de la chorée). (1) C’est la tonicité musculaire qui déterminerait la situation fixe des parties, attribuée, comme ou sait, par Barthez à une force vitale particulière (force de situation fixe). On lira avec intérêt, dans le mémoire cité de M. Gubler (Des paralysies dans leurs rapports avec les maladies aiguës, in Arch. gén. de méd., 1860 et 1861, t. XV, p. 701) un passage remarquable où la physiologie patho- logique du tremblement se trouve envisagée au même point de vue. 474 PATHOLOGIE MÉDICALE. Traitement. S’agit-il d’un tremblement nerveux, un régime tonique, une médication reconstituante sont les seuls moyens à mettre en usage; dans quelques cas on peut y joindre l’emploi de l’électricité. Malheu- reusement dans le tremblement chronique, tout échoue presque con- stamment. Quant à la paralysie agitante, c’est une affection incurable à laquelle on a jusqu’à présent vainement opposé l’ensemble des moyens connus, usités contre les affections chroniques de la moelle et de l’encéphale. TROISIÈME ORDRE DES NÉVROSES : NÉVROSES COMPLEXES. Les états morbides dont nous allons maintenant esquisser l’histoire, ne sauraient être considérés ni comme des altérations isolées de la sen- sibilité, ni comme intéressant exclusivement la motilité ou l’intelligence. Ils se caractérisent par plusieurs séries de symptômes, dénotant l’af- fection du système nerveux dans son ensemble, soit qu’il y ait primiti- vement un trouble simultané dans plusieurs régions distinctes de ce sys- tème, soit que certains centres d’innervation étant d’abord envahis, il en résulte consécutivement des perturbations multipliées dans d’autres par- ties dont l’activité est subordonnée à celle des premières. Les névroses complexes que nous étudierons, sont les suivantes: EEtat nerveux, la Chorée, DEclampsie, l'Epilepsie, la Catalepsie, l'Hystérie. ARTICLE LX1. de l’état neuveüx. 2038. Bibliographie. — Pontanüs. Thesis de aff. hypochondriaco. Bâle, 1601. L. Mercatus, Op. ornnia. Francfort, 1608, in-fol., t. III, cap. xvii. Ch. Lepois (Car. Ptso). Selectiorum observationum... liber singu- laris. Ponl-à-Mousson, 1618, in-4. L. Fischer. De affecta hypochondriaco. Brunswick, 1626, in-8. D. Sennert. De aff. hypochondr. Yiteberg, 1628, in-4. — Op. omnin. 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Beaucoup d’autres, frappés trop exclusivement par la prédominance de tel symptôme, de tel état morbide, au milieu de la foule des troubles fonctionnels ressentis par les malades, accordent une importance imméritée, les uns à la né- vralgie intercostale ou à la gastralgie, ceux-ci à la dysménorrhée, ceux-là à la chlorose, etc. : iis dénomment la maladie d’après ce phénomène isolé, négligeant ainsi le caractère essentiel de généralité qui la distingue. A la vérité, plusieurs auteurs signalent explicitement l’existence de cette affection, à titre d’espèce nosologique distincte; mais il est juste de re- connaître que le nom d'-état nerveux proposé par Sandras, celui de ner- vosisme que M. Bouchut voudrait y substituer, ont l’avantage de marquer nettement les limites qui séparent celle névrose de plusieurs autres ma- ladies longtemps englobées avec elle dans une description commune. Il est fort difficile néanmoins de définir avec quelque exactitude une affection qui, pour nous servir des paroles de Sydenham « n’est con- stante que dans sa mutabilité. » On en jugera par l’énoncé suivant : Névrose générale, caractérisée par des symptômes divers, presque toujours erratiques relativement à leur siège, changeans eu égard à leur intensité, peu pcrsistans quant à la durée de leur manifestation; à marche continue ou intermittente, sans évolution graduelle et régu- lière, et dénotant un trouble des fonctions nerveuses cérébro-spinales (sensibilité, mouvemens, intelligence) et ganglionnaires (actes de la vie organique). Division. — Avec M. Bouchut, qui insiste avec raison sur cette importante distinction , nous étudierons successivement l’état nerveux aigu et chronique ; primitif et secondaire. 2040. — A. Symptômes. — De l’état nerveux ou nervosisme aigu. — Très rare. Il est caractérisé par les phénomènes suivans : a. «Les malades (dit M. Bouchut) sont pris de malaise accompagné de faiblesse, d’inappétence et de dégoût, quelquefois de ptyalisme, de nausées ou de vomissemens aqueux, de constipation résistante ou d’irri- tabilité générale avec fièvre. Sans forces, brisés par la courbature, obligés de garder le lit, quelques-uns ne peuvent lever la tête de l’oreiller sans craindre une défaillance ou la syncope; ils supportent difficilement les odeurs, le bruit et la lumière. Leurs sens, devenus très excitables, doués d’une irritabilité maladive connue sous le nom d’hypereslhésie, souffrent dans leur exercice ou donnent lieu à des illusions sensoriales nombreuses. Alors la maigreur et l’altération des traits augmentent, la langue reste blanche, les vomissemens continuent et la constipation persiste, ainsi PATHOLOGIE MÉDICALE. que l’état fébrile; puis surviennent des accidens névralgiques et céré- braux très graves , des douleurs générales ou partielles dans la tête ou dans les membres, du délire d’abord passager, puis continu, l'affai- blissement des organes des sens, des hallucinations singulières, de l’as- soupissement, du coma, des convulsions, et enfin la mort après un ou deux mois de souffrances inouïes, sans que l’examen le plus scrupuleux ait permis de découvrir une altération matérielle appréciable des prin- cipaux organes. » b. A. l’état nerveux aigu doivent être rapportés les faits de fievre ner- veuse proprement dite, signalés par les auteurs. Cette fièvre, qui n’est pas toujours seulement apparente, comme on l’insinue volontiers, mais souvent réelle, c’est-à-dire accompagnée de fréquence du pouls et d’élé- vation de la température, présente d’ailleurs des caractères variables : tantôt elle s’accompagne d’une excitation générale, d’une sorte d’éré- thisme, comme la fièvre inflammatoire ; tantôt d’une prostration plus ou moins profonde, pouvant simuler une affection typhoïde. (M. Beau pro- pose le nom de fausse dothiénentérie pour les cas de ce genre.) Con- tinue, plus souvent irrégulièrement exacerbante comme la fébricule qui marque le début de la phthisie, elle affecte quelquefois une marche ré- gulièrement périodique, à l’égal des fièvres d’accès de cause palustre. Nous avons nous-même été témoin d’accès fébriles quotidiens, d’une intensité véritablement effrayante, avec claquement de dents, suivi de chaleur intense et d’abondantes sueurs, le tout survenu à la suite d’une forte commotion morale, et ayant cédé à l’usage de quelques antispas- modiques, pour faire place, il est vrai, à de la dyspnée, avec palpita- tions, névralgie intercostale, etc. Parfois la fièvre nerveuse coexistant avec de vives douleurs et des troubles fonctionnels très marqués (délire, palpitations, dyspnée, pneu- matose intestinale), offre l’image trompeuse de la fièvre symptomatique qui accompagne les phlegmasies viscérales, telles que l’encéphalite, l’endocardite, la pneumonie, l’entérite, etc. B. Symptômes de l’état nerveux chronique. — Ici encore, nous ne saurions mieux faire que de reproduire la description de 5J. Bouchut. « Le nervosisme chronique, infiniment plus commun que le nervosisme aigu, se retrouve à chaque pas dans la pratique civile, et il est peu de femmes du monde qui n’en présentent quelques symptômes, sans être pour cela complètement malades. Les degrés sont infinis, et du premier symptôme h leur agglomération en grand nombre, il y a une foule de cas intermédiaires et différons. Le nervosisme chronique se traduit par l’excitabilité, l’ataxie et l’asthénie du système nerveux dans un ou plu- sieurs des principaux appareils organiques. Primitif et d’abord exempt de toute complication matérielle, ou secondaire, c’est-à-dire provoqué par une maladie aiguë ou chronique, il présente à peu près les mêmes symptômes, sauf la présence de quelques phénomènes intimement liés NÉVROSES. à l’état morbide antérieur. Les malades arrivent par degrés à un état de.souffrance très vive, caractérisée par de l’agacement, une grande irri- tation d’humeur et de caractère, la perversion des sentimens instinctifs, l’exaltation du cœur, de l’intelligence et du langage, la tristesse, la mé- lancolie ou au contraire une gaieté folle. Ils dorment mal et leur som- meil est agité par des rêves. Leur faiblesse musculaire est excessive, cependant le danger, le plaisir ou le dévouement leur donnent l’occa- sion de déployer une activité musculaire incroyable. Ils se plaignent de malaises, d’horripilation, de froid ou de chaud superficiel, de douleurs vagues circonscrites ou générales, quelquefois de névralgies superficielles ou profondes extrêmement pénibles; leur tête, lourde, incertaine, se fatigue au moindre exercice intellectuel ; il y a des étourdissemens, des vertiges, des défaillances, des syncopes, et les organes du loucher, de la vue, de l’ouïe, du goût et de l’odorat présentent de nombreux troubles fonctionnels variant de l’excitation à la paralysie. » Les fonctions digestives sont languissantes ou fortement dérangées dans leur exercice par la gastralgie, les flatuosités, les vomissemens, la constipation et plus rarement la diarrhée. Les poumons fonctionnent mal et quelquefois, ajoute M. Bouchut, s’altèrent dans leur structure; il y a de la toux, des spasmes, des étouffcmens qui préludent à l’appa- rition d’une noiorganie. Le cœur et les artères battent avec plus de fréquence qu’à l’état normal, et donnent lieu à des palpitations incom- modes. Enfin le sang, d’abord amoindri dans sa masse, s’altère dans ses élémens, et il en résulte un état de chloro-anémie de plus en plus pro- noncé, qui aggrave chaque jour la situation des malades, donne plus d’intensité aux troubles du système nerveux, et favorise l’apparition d’une nosorganie viscérale ou les progrès plus rapides de celle qui exis- tait antérieurement. L’amaigrissement se prononce, et chez les nervo- siques qui ne mangent pas, l’existence est un problème pour ceux qui les voient. Ils tombent dans cet état de cachexie ou de marasme que Robert 'VYhytt avait appelé marasme nerveux, et l’hypochondrie la plus noire vient souvent compliquer la situation. On se demande comment ils peuvent lutter contre de pareilles souffrances, et cependant leur vie, devenue un martyre, se prolonge des mois et des années sans offrir de réels instans de calme et de repos. Quelques-uns guérissent lorsqu’ils sont traités d’une manière convenable, mais la plupart succombent à l’épuisement nerveux de la douleur ou à des maladies chroniques secondaires, » Tels sont, dit M. Bouchut, les symptômes du nervosisme chro- nique. Leur ensemble n’existe pas chez tous les malades à tous les instans de la maladie depuis son commencement jusqu’à sa lin. D’abord limités à quelques appareils, variables dans leur intensité comme dans leur nombre, ils se multiplient, se généralisent, et bientôt il n’est pas 482 une partie du corps qui ne représente par ses troubles fonctionnels la maladie générale chronique du système nerveux. 2041. Marche. — Durée. — Terminaison. —Rarement le début de l’état nerveux est brusque, cependant cela a lieu quelquefois à la suite d’une vive commotion physique ou morale. Le plus souvent, c’est lente- ment et irrégulièrement que les troubles fonctionnels se multiplient et se généralisent, se montrent et disparaissent; en d’autres termes, l’état ner- veux aigu est rare, absolument parlant, et l’état chronique n’est point, dans la plupart des cas, précédé d’une période d’acuité. La marche, continue avec exacerbations passagères, présente quelquefois, mais très exceptionnellement, des intermittences régulières. Chez certains ma- lades, les accidens se suspendent pendant des mois et des années, pour récidiver sous la même forme ou avec une physionomie différente. Il peut arriver qu’une affection fébrile intercurrente les fasse brusquement cesser ; mais le plus souvent on les voit persister opiniâlrément, jusqu’à ce qu’une révolution heureuse, amenée par l’âge, par les conditions physiques et morales, ou une médication appropriée, parvienne par degrés à les effacer ; en somme il est rare que le nervosisme disparaisse complètement. Il peut se terminer par la mort, quand les malades, hors d’état de prendre des alimens, en proie à de continuelles souffrances, tombent dans un état de cachexie et de maigreur de plus en plus pro- fond, où il suffit de la plus légère complication organique pour amener une terminaison funeste ; quelques-uns même succombent par les seuls progrès de cette phthisie nerveuse, de ce marasme nerveux. M. Bouchut a réuni un certain nombre de faits très concluans à cet égard; nous pourrions y ajouter l’observation d’une femme que nous avons vue mourir dans un état d’anémie profonde avec des douleurs gastralgiques et des vomissemens incoercibles : à l’autopsie, nous n’avons rencontré ni le cancer de l’estomac que nous nous attendions à trouver, ni aucune lésion appréciable soit des voies digestives, soit des autres viscères. 2042. Étiologie. — C’est principalement dans la période moyenne de la vie que s’observe l’état nerveux ; il n’appartient pas exclusive- ment au sexe féminin, quoiqu’il y soit infiniment plus fréquent que chez l’homme : on le voit souvent débuter à l’occasion de la première période menstruelle, et s’exaspérer à chaque retour des règles, accompagner l’aménorrhée accidentelle ou la ménopause ; l’âge critique est particuliè- rement fécond en accidens névropathiques, notamment en hyperesthé- sies diverses et multiples (Monnerct) ; il faut noter encore l’influence de la grossesse, celle d’une lactation trop prolongée. Nous n’avons pas besoin d’insister sur la prédisposition qui est comme attachée au tem- pérament dit nerveux, tempérament lié lui-même souvent à divers états diathésiques (goutte, rhumatisme, etc.), actuellement manifestés ou n’existant encore qu’en puissance. On sait aussi combien une éducation énervante, l’oisiveté, les passions vives, et plus spécialement les passions PATHOLOGIE MÉDICALE. NÈVROSKS. déprimantes, combien une hygiène vicieuse (veilles, excès de tous genres, alimentation insuffisante), contribuent à accroître la puissance pathogénique de celte prédisposition. Les premiers symptômes de l’état nerveux remontent assez communément à quelque maladie aiguë anté- rieure (fièvre typhoïde, diphthérie, etc.), et leur développement est favorisé par une diète prolongée, des émissions sanguines répétées ; ou bien l’état nerveux accompagne une autre maladie chronique, no- tamment : la syphilis constitutionnelle (s, larvée), les troubles de la digestion et de l’assimilation compris sous le nom de dyspepsie, la con- gestion chronique du foie, d’après les recherches de 5!. Fleury, Un ensemble de symptômes névropathiques s’observe habituellement, (mais pas nécessairement) avec l’altération du sang désignée sous le nom d’anémie ou d’hydrémie, si bien que pour quelques médecins les termes de chlorose et de uévropalhie sont devenus synonymes. « En résumé, dit M. Bouchut, bien que les nombreuses causes du nervosisme aigu ou chronique soient très variées dans leur nature, et en apparence très différentes les unes des autres, elles se tiennent toutes par un lien commun, qui est la diminution de quantité ou de qualité de la masse totale du sang, et l’abaissement de l’un ou de l’autre de ses élémens, surtout des globules. Au fond de tout nervosisme il y a presque toujours primitivement ou secondairement une modification plus ou moins considérable du sang. » Prenons note de cette sage réserve : altération du sang presque con- stante, c’est-à-dire manquant quelquefois, et manquant surtout au début, où justement son existence serait nécessaire j our fournir un appui solide à la théorie (de la génération des accidens nerveux par l’état anémique); — altération plus ou moins considérable, et cela sans qu’il y ait toujours un rapport proportionnel entre le degré d’appauvrissement du sang et l’intensité des symptômes que l’on y subordonne ; — altération quel- quefois consécutive, dès lors devant incontestablement être mise hors de cause pour un certain nombre de cas dont elle ne saurait expliquer le mode de développement. Nous reviendrons tout à l’heure sur celte im- portante question, qui est à la fois de doctrine et de pratique. 20ù3. De l'état nerveux au point de vue nosologique. ■— Pour bien faire saisir les analogies de l'état nerveux avec d’autres névroses voi- sines, ainsi que les différences qui permettent de l’en séparer, nous allons mettre sous les yeux du lecteur les principaux passages d’un discours académique de M. Beau, remarquable leçon d’histoire et de pathologie qui perdrait à être paraphrasée. (Bulletin de l'Académie de médecine, 1859, t. XXIV, p. 750, discussion sur le travail de M. Bou- chut.) « Les symptômes réunis sous le nom de Nervosisme sont-ils effective- ment différons de l’hystérie et de l’hypochondrie? Cela dépend, comme on doit bien le penser, de l’idée qu’on se fait de l’hystérie ou de l’hypo- PATHOLOGIE MÉDICALE. chondrie, ou plutôt des caractères essentiels que l’on prête à ces deux maladies. C’est ce que nous allons examiner, en commençant par l’hys- térie. » Hystérie. —Yoici quels seraient les principaux caractères de l’hys- térie : névrose à symptômes bien définis et toujours les mêmes, accom- pagnée de la sensation d’une boule qui remonte à la gorge, se montrant sous forme d’attaques convulsives et apyrétiques, séparées par des inter- valles notables, sans altération de la nutrition. » Ces phénomènes diffèrent notablement du nervosisme, qui est ainsi caractérisé par M. Bouchut dans son expression générale : névrose à symptômes tellement mobiles et variables que l’on trouve à peine deux malades qui se ressemblent; dans laquelle il n’y a ni convulsions ni ascension de boule ; qui est marquée ou par une marche continue ou par des accès rapprochés, souvent fébriles, et qui produit une détério- ration profonde de l’organisme. » On voit par ce qui précède que le nom d'hystérie n’est donné qu’à la forme convulsive de cette maladie, et que la réunion des symptômes non convulsifs, appelée jusqu’il présent hystéricisrne, hystérie vapo- reuse ou sensitive, névropathie protéiforme (Cerise), qui dépend de l’hystérie, se trouve distraite de l’affection hystérique comme une né- vrose particulière, sous le nom de nervosisme. » Cette séparation dans les formes convulsive et vaporeuse de l'hys- térie peut certainement être proposée ; il est même fort possible qu’elle soit acceptée ; mais il me semble qu’une semblable scission aura tou- jours contre elle de grandes difficultés. » En effet, la forme vaporeuse ou protéiforme de l’hystérie existe certainement seule ; elle est même la plus fréquente des deux à l’état d’isolement ; mais la forme convulsive se rencontre rarement sans être précédée ou accompagnée de la forme vaporeuse, c’est-à-dire que les phénomènes proléiformes ou vaporeux servent de prodromes éloignés aux attaques convulsives ou se montrent dans leur intervalle. On voit par là que les deux manifestations, convulsive et vaporeuse, dénotent le même fond morbide, produisant les vapeurs ou le nervosisme quand la suscep- tibilité nerveuse est médiocre, et produisant le mouvement réflexe de l’attaque convulsive quand la susceptibilité nerveuse est intense ou que les causes occasionnelles sont violentes. » Quant aux symptômes différentiels du nervosisme et de l’hystérie convulsive, je trouve que leur opposition a été exagérée. Ainsi, on doit accorder certainement que la forme convulsive est plus tranchée, plus définie que la forme vaporeuse, mais cependant cette dernière n’est pas tellement protéiforme qu’on la trouve à peine semblable sur deux per- sonnes. On observe assez souvent chez les femmes vaporeuses la réu- nion des symptômes suivans ; gonflement de la région épigastrique et des hypochondres, névralgie intercostale, palpitations, sentiment de dyspnée, quelquefois de boule, qui, partant de l’estomac, remonte jus- qu’au milieu de la région sternale, et même jusqu’à la gorge, sans être suivi de mouvemens convulsifs. On voit par là que la sensation de boule ascendante qui donnerait un cachet caractéristique h l’hystérie, c’est-à- dire à la forme convulsive, se trouve aussi, mais moins souvent, dans le nervosisme, c’est-à-dire dans la forme vaporeuse. Lorsque celle-ci vient à augmenter d’intensité par suite d’un surcroît dans l’intensité de la cause, la sensation de la boule s’exagérant finit par donner lieu aux mouvemens réflexes de l’attaque convulsive. » La nutrition serait conservée dans l’hystérie convulsive et très dé- tériorée dans le nervosisme. Je regrette fort de ne pouvoir adopter cette opinion, car voici ce que j’ai remarqué : toutes les femmes affectées d’hystérie convulsive sont maigres absolument ou relativement... Et quand on a l’occasion d’observer de ces femmes qui passent de la forme vaporeuse à la forme convulsive, on constate facilement un surcroît de maigreur et de détérioration. » Toutes ces raisons me semblent démontrer qu’on ne peut pas opérer une séparation radicale entre les formes convulsive et vaporeuse de l’af- fection hystérique, c’est-à-dire entre l’hystérie et le nervosisme. Cette séparation est aussi arbitraire et aussi illégitime que celle que l’on vou- drait tenter entre le vertige et l'attaque de la maladie épileptique... Malgré leurs dissemblances, on les regarde comme deux manifestations différentes du mal épileptique, parce qu’elles se rencontrent habituelle- ment chez les mêmes individus, et que souvent l’une sert de prodrome à l’autre, comme cela se fait entre la forme vaporeuse de l’hystérie et la forme convulsive. » Passons maintenant à l’hypochondrie et voyons si cette maladie est distincte du nervosisme. » Hypochondrie.—Pour un grand nombre de médecins « l’hypochon- drie est caractérisée par une préoccupation constante sur des souffrances réelles ou imaginaires. » Or, cette définition n’est guère donnée et ac- ceptée que depuis le commencement du siècle. Les anciens médecins, c’est-à-dire Sydenham, Sennert, Mollis, Highmore, Hoffmann, Stahl, Stoll, etc., appelaient hypochondrie une maladie à symptômes multi- ples, mobiles et variables, qui avaient pour foyer ou pour siège principal la zone des hypochondres et de l’épigastre... Après les avoir énumérés, ces auteurs ont bien soin d’ajouter qu’on ne les trouve pas tous réunis sur le même sujet... «Parmi les symptômes de l’hypochondrie des anciens médecins, il en est un qui a dû vous frapper, c’est l’appréhension qui tourmente le pa- tient au sujet de sa maladie et des suites qu’elle peut avoir. Ses terreurs sont excitées tantôt par l’état du pouls, tantôt par la gêne de la respira- tion; enfin, chez quelques-uns l’imagination est tellement frappée, qu’ils se croient atteints d’autres maladies, ou même victimes d’une fascina- NÉVROSES. tion. Ce travers morbide de l’intelligence qui figure au nombre des sym- ptômes de l’hypochondrie, mais qui pourtant ne le caractérisait pas pour les anciens, a paru tellement essentiel dans cette maladie, à plusieurs no- sographes de la fin du siècle passé, Sagar, Sauvages, Cullen, etc., qu’ils le firent figurer dans la définition de l’hypochondrie. C’est encore pour cela que ces nosographcs classèrent l’hypochondrie dans les hallucina- tions (Sauvages, Sagar) ou les maladies imaginaires (Linné). » A partir de cette époque, l’hypochondrie fut, pour ainsi dire, entiè- rement absorbée et effacée par un de ses symptômes, par cette altération particulière de l’intelligence, qui consiste à s’exagérer la gravité d’une maladie, ou même à considérer comme réelle une maladie imaginaire, c’est-à-dire par le symptôme nosomanie. » Les auteurs de ce siècle ont presque tous marché sur la trace des précédons nosographcs. C’est par là qu’il faut comprendre pourquoi Frank, Georget, MM. Falret, Brachet, Dubois (d’Amiens), Michéa, etc., ont tous, h l’exception de Louyer-Yillermay, Hufeland, Trousseau, Pidoux, et quelques autres, présenté l’hypochondrie comme une névrose de l’intelligence. Quand on lit ces auteurs distingués, qui font justement autorité dans la science, on voit que c’est la nosomanie qui, sous l’an- cien nom d’hypochondrie, domine toute la maladie. » Il y a même plus, c’est que les symptômes fournis par l’abdomen, le thorax, etc., tels que les éructations, les palpitations, etc., qui ont tou- jours servi à constituer l’hypochondrie des anciens... ne sont plus né- cessaires pour caractériser l’hypochondrie des modernes. Il suffit main- tenant de se croire affecté d’une maladie grave que l’on n’a pas, pour être considéré comme hypochondriaque. « Ce désordre particulier de l’intelligence existe réellement comme fait pathologique ; il est impossible dès lors de ne pas le compter au nombre des maladies qui affligent l’espèce humaine. Mais dans un but de préci- sion analytique, on doit le distinguer sous le nom de nosomanie, de l’hypochondriede Willis, Hoffman, Stoll, etc., bien que souvent il figure parmi les symptômes de cette dernière maladie...; le symptôme noso- manie n’est pas plus essentiel à l’affection hypochondriaque, que le symptôme palpitations ou le symptôme éructations... » Il me semble, en un mot, que l’on doit comprendre les rapports de la nosomanie et de l’hypochondrie des anciens, de la même manière à peu près que ceux de l’hydrophobie et de la rage. En effet, on sait que la rage a l’hydrophobie pour symptôme, mais on sait aussi que ce sym- ptôme, surtout chez les animaux, n’est pas constant, essentiel à la rage; d’un autre côté, on admet avec raison qu’en dehors de la rage on peut observer ['hydrophobie. Eh bien ! on peut en dire autant de la noso- manie et de l’hypochondrie. » Nous allons voir que les anciens avaient déjà distingué de l’hypochou- drie la crainte exagérée de la maladie, seulement ils n’avaient pas donné PATHOLOGIE MÉDICALE. un nom particulier à ce dernier symptôme ; ils le comprenaient sous le nom générique de mélancolie... La mélancolie des anciens, ainsi comprise, c’est-à-dire comme renfermant la nosomanie des modernes, était parfai- tement distinguée de l’hypochondrie. En effet, Sennert nous apprend (pie la mélancolie s’appelle hypochondriaque quand elle a sa source dans les hypochondres— L’hypochondrie, dit encore cet auteur, est une maladie plus étendue et plus générale que la mélancolie hypochon- driaque; il ajoute que la mélancolie ne se trouve pas exclusivement dans l’affection hypochondriaque. En effet, il reconnaît et décrit au long une mélancolie idiopathique ou primitive, puis des mélancolies symptoma- tiques d’affections autres que l’hypochondrie. Tout ce qui a trait à la mélancolie en général et à ses espèces est exposé par Sennert dans la partie consacrée aux maladies de la tête, tandis que l’histoire de l’hypo- chondrie se trouve dans le livre où il traite des maladies de l’abdomen (1). » Après cette excursion dans l’histoire de l’hypochondrie, discutons la question que nous nous sommes proposée et que je dois rappeler ; la voici : Le nervosisme est-il distinct de l’hypochondrie ? II est évident que le nervosisme n’est pas différent de l’hypochondrie, quand on com- prend cette dernière maladie comme les anciens ; mais si, comme la plu- part des médecins actuels, on entend la nosomanie sous le nom d’hypo- chondrie, le nervosisme et l’hypochondrie sont deux maladies diffé- rentes. » Ainsi envisagé, l’état nerveux peut exister comme espèce pathologique particulière et distincte; il peut aussi se présenter comme état morbide associé à d’autres névropathies diversement caractérisées. C’est en effet l’état nerveux ou, si l’on veut, le nervosisme, qui forme en quelque sorte le fond commun de l’hystérie et de plusieurs autres affections générales du système nerveux, on le retrouve pareillement chez les individus atteints de névroses locales (notamment d’hyperesthésies), soit à litre de cause prédisposante, d’imminence morbide, soit à titre de conséquence tardive, de complication. 20Aô. Au point de vue de la physiologie pathologique, nous avons à examiner plusieurs questions : Quelle est la cause prochaine de l’état nerveux? Comment se produisent et se relient les uns aux autres les phénomènes si multiples et si divers qui traduisent l’existence de cette névrose ? Enfin quelle en est la nature intime ? A. — Sur la première question, celle de la cause prochaine du ner- vosisme, tous les systèmes médicaux semblent avoir épuisé leurs efforts. NÉVROSES. 487 (1) De même, après avoir exposé tout ce qui est relatif à l'état nerveux (hypochondrie des anciens), dans le chapitre des névroses, consacré aux altéra- tions du sentiment et du mouvement, à Texclusion de celles de l’intelligence, nous renvoyons au chapitre des vésanies pour l’étude de la nosomanie (hypo- chondrie des modernes, hyperesthésic psychique de Romberg). A. A, 488 Déjà, à l’occasion des névroses en général, nous avons mentionné quel- ques-unes des hypothèses qui ont eu cours à ce sujet : depuis le racor- nissement ou la laxité de la fibre, où le solidisme se complaît, jusqu’aux humeurs ou corrosives ou trop diffluentes qui expliquent tout aux yeux des humoristes. Ne trouvons-nous pas un retour vers ces idées dans les écrits du professeur qui attribue les névroses à une oscillation des mo- lécules nerveuses (névropallie et névraxopaliie) ? Et dans les ouvrages en grand nombre, où une altération du sang, principalement la chloro- anémie, est donnée comme la cause immédiate, constante, de presque toutes les perturbations nerveuses, ne reconnaît- on pas, sous une expres- sion rajeunie, cette même âcreté ou ténuité des humeurs, si familière à nos devanciers? Nous ne nous arrêterions pas à la discussion de ces hypothèses, s’il n’y avait là une question de fait et d’application qu’il importe d’élucider. En attribuant, comme on a de la tendance à le faire aujourd’hui, toutes les névropathies à l’état anémique, on généralise outre mesure, ce nous semble, une vérité partielle. Sans doute ces deux élémens : anémie et névropathie, se trouvent fréquemment associés ; le fait est incontestable, et, ajoutons-le, il est important à connaître, au point de vue thérapeutique. Mais s’ensuit-il qu’il puisse servir de base à tout un système pathogénique, et de la coïncidence habituelle du trouble nerveux et de l’altération du sang, sommes-nous en droit de conclure à la subordination nécessaire de l’un à l’autre, h la génération immédiate de l’un par l’autre? Nous ne le pensons pas. et cela pour plusieurs raisons : a. L'anémie ne préexiste pas toujours. —Sans même faire intervenir la pléthore vraie (condition hématologique dont le domaine semble se rétrécir de jour en jour, à mesure que s’étend celui de l’anémie avec symptômes pseudo-pléthoriques), il nous suffira de rappeler les exem- ples, assez rares sans doute, mais cependant bien avérés, d’état nerveux aigu et grave, se développant en pleine santé, à la suite de quelque vio- lente et soudaine commotion morale. b. L'anémie peut exister sans état nerveux. — Quel est le clinicien qui ne se souvient d’avoir vu certaines femmes chlorotiques se plaignant à peine de quelque vague malaise, d’un peu d’essouffiement, etc., alors que la teinte cireuse des légumens, la blancheur des membranes mu- queuses, l’intensité et la continuité des bruits vasculaires révélaient manifestement une aglobulie des plus avancées? c. Quand l’anémie existe, il s'en faut (pie f intensité de la névropa- thie coïncidente soit toujours proportionnée au degré d’altération du sang. Nous croyons qu’il suffit d’énoncer cette proposition ; car ce qui est vrai de l’anémie absente, l’est, à plus forte raison, de l’anémie légère. Au surplus il est d’observation que chez des personnes tourmentées par les affections nerveuses les plus cruelles, les plus persistantes, on ne parvient quelquefois qn’avec une extrême difficulté à saisir quelques pathologie médicale. indices d’anémie ou d’bydrémie, tel qu’un bruit doux, intermittent dans la région canadienne, etc., alors que d’autres individus, avec une décoloration profonde, des souffles vasculaires très forts, ne sont pas ou sont à peine souffrans. A la vérité, on peut faire à cet égard une objection spécieuse : on peut alléguer le désaccord, si fréquemment noté en clinique, entre le degré d’une altération matérielle, quelle qu’elle soit, et la violence des symptômes qui en sont l’expression fonctionnelle. Mais, comme les discordances de cette espèce, ainsi que nous avons essayé de l’établir ailleurs (Remar- ques préliminaires, 1770 a et b) dépendent justement du mode d’af- fection du système nerveux, comme c’est de ce mode d’affection même qu’on prétend cette fois donner l’explication, il s’ensuit que l’argument tiré de l’exemple d’autres affections perd ici toute valeur.-La question subsiste tout entière. Dire que l’appauvrissement du sang n’est que l’une des causes, et non la plus essentielle, de l’état névropalhique, qu’est-ce, sinon convenir qu’il faut chercher en dehors de l’anémie d’autres causes plus puissantes, plus immédiatement actives, dont le concours lui est indispensable, à elle, mais qui peuvent se passer du sien, et devenir efficientes sans l’appoint qu’elle leur donne? Ces causes, il est vrai, sont extrêmement obscures, mais il nous semble y avoir profil pour la science à mettre des inconnues à la place des erreurs (1). cl. Que serait-ce, si à cette altération permanente et uniforme du sang nous demandions la raison des symptômes divers et mobiles au plus haut degré de l’état nerveux ; si nous y cherchions le pourquoi de leur progression irrégulière, de leurs subites exacerbations, de leurs inter- missions non moins imprévues, de leurs caractères si différens chez deux malades également anémiques, et, chez le même sujet, de leurs oscillations continuelles, du spasme à la paralysie, de l’insensibilité pro- fonde à la douleur aiguë, etc. ? e. Un dernier point que nous devons signaler, c’est que souvent l’anémie se développe consécutivement à la névropathie : à mesure que les accidens, surtout les accidens douloureux, persistent et se multi- plient, on voit la nutrition languir, les malades pâlissent et s’amaigris- sent (sans que toutefois cette cachexie arrive en général au degré d’une véritable émaciation). La réalité de ce mode d’évolution est reconnue ou concédée par tous ceux qui ont fait de l’état nerveux une étude ap- profondie; et même à priori on ne conçoit pas qu’il puisse en être au- trement : comment croire, en effet, qu’une perturbation générale et pro- fonde du système nerveux, système excitateur de toutes les fonctions de NÉVROSES. (1) Nous sommes heureux de pouvoir citer, à l’appui de cette appréciation, l’autorité de M. le professeur Andral; maintes fois nous avons entendu notre vénéré maître s’élever contre la complaisance excessive avec laquelle certains médecins mettent toute névrose sur le compte d’une chlorose vraie ou supposée. l’économie, puisse exisler, sans que les actes de la vie nutritive en soient troublés à la longue ? Loin de nous cependant la pensée de nier l’importance de l’altération du sang comme condition favorable, et souvent même comme cause dé- cisive des manifestations névropathiques. Tout ce que nous cherchons à établir, c’est que ces dernières ont essentiellement leur raison d’être dans une disposition particulière du système nerveux qui ne saurait être considérée comme la conséquence pure et simple de l’anémie. Cette disposition, on l’appellera mobilité ou polarité, faiblesse, diathèse ner- veuse, ou de tel autre nom, peu importe, pourvu qu’on n’en mécon- naisse pas la valeur ; pourvu qu’on étudie les causes éloignées (diathèses diverses, prédispositions originelles) ou prochaines (commotions morales violentes, etc.) qui lui donnent naissance, et cela quelquefois en l’ab- sence de tout état anémique constatable ; pourvu qu’on admette enfin la nécessité de compter avec elle et de la combattre par d’autres moyens que ceux réclamés par le seul défaut de l’élément globulaire du sang. B. — Ce qui précède nous permettra d’être bref sur la théorie de l’état nerveux, proposée et soutenue avec un grand talent par l\J. Beau. D’après les idées de ce savant maître, non-seulement l’état nerveux serait constamment sous la dépendance de Voglobulie, mais encore celle-ci aurait presque invariablement pour origine le trouble des fonc- tions digestives, ou dyspepsie. L’état anémique et névropathique une fois constitué, deviendrait à son tour la condition sine qua non du déve- loppement des diathèses si le malade en porte en lui le germe, ou même des maladies accidentelles, dont il affronterait les causes productrices dans un état de moindre résistance organique ou vitale. Ainsi : trois séries de symptômes : accidens primitifs ou dyspeptiques proprement dits; accidens secondaires, comprenant tout ensemble l’anémie et les névropathies diverses ; accidens tertiaires : maladies diathésiques ou autres. Il est certain que telle est souvent l’évolution des actes mor- bides; mais est-elle toujours et nécessairement la même? Nous avons déjà tenté d’apprécier la valeur pathogénique de l’anémie; un mot maintenant sur les deux autres termes de la théorie en question, à savoir : 1° sur la dyspepsie considérée comme cause de l’appauvrissement du sang, et 2° sur l’anémie (avec ou sans perturbations nerveuses prédo- minantes), comme cause du développement des maladies diathésiques. 1° Le trouble des voies digestives, nous le reconnaissons volontiers, échappe souvent quand il est peu marqué (dyspepsie latente) ; mais encore est-il que chez certains anémiques la dyspepsie manque à peu près complètement, même pour un observateur habitué à en saisir les plus faibles indices. Puis, quand elle existe, celte dyspepsie est souvent hors de toute proportion avec l’étal d’anémie et de névrose, état que cependant on envisage comme en étant la conséquence. Enfin, dans bien des cas, les voies digestives ne s'affectent que secondairement, PATHOLOGIE MÉDICALE. comme tant d’autres appareils organiques, l’intégrité fonctionnelle de tous étant liée à celle du système nerveux. Lorsque, par exemple, à la suite d’une vive frayeur ou de quelque autre cause de ce genre, dessymptômes névropathiques éclatent dans divers points de l’économie, céphalalgie, dyspnée, palpitations, etc., et qu’en même temps on voit l’appétit se supprimer, les digestions devenir pénibles, les selles rares, etc., ce n’est évidemment que par suite d’un choix tout à fait arbitraire, que nous irons mettre ces symptômes dyspeptiques au premier rang en leur subor- donnant tous les autres. Quoi! voici une cause dont l’action s’adresse visiblement au système nerveux, et cependant elle ne parviendrait à modifier les fonctions de ce môme système qu’après avoir, par un détour jugé indispensable, impressionné tout d’abord les voies digestives? Pour- tant, comment nier que celles-ci, au contraire, ne fassent bien souvent que subir le contre-coup de l’affection nerveuse, quand on a journel- lement sous les yeux les faits de lésions organiques du cerveau et de ses membranes, entraînant à leur suite l’anorexie, le vomissement, la constipation, etc.; c’est à dire quand la clinique nous donne la preuve d’une influence dont la physiologie suffirait à faire prévoir la réalité et la force ? C’est le système nerveux qui tient partout sous sa dépendance immédiate les sensations, et dans l’espèce, l’appétit, la soif, le besoin de défécation ; — les sécrétions, sécrétion de la salive, du suc gastri- que, pancréatique, etc.; — les mouvemens, et par conséquent les con- tractions péristaltiques, etc. Donc c’est quelquefois la névropalhie qui engendre les troubles dys- peptiques au lieu d’en être le produit ; d’autre part nous savons aussi que l’anémie, loin d’être toujours cause de la névropalhie, n’en est quel- quefois que la conséquence, l’effet, 2° Maintenant quelle part les accidens primitifs et secondaires de la dyspepsie (état des voies digestives, du sang et du système nerveux) prendront-ils au développement des maladies ultérieures? Leur in- fluence, facile h démontrer dans certains cas, est très problématique, nous semble-t-il, pour beaucoup d’autres. On rencontre, il est vrai, un assez grand nombre d’individus chez lesquels (pour ne parler que des affections diathésiques) l’évolution des tubercules ou du cancer est précédée et semble favorisée par un état de faiblesse ou de cachexie an- térieur ; encore s’agirait-il de déterminer si quelquefois cet affaiblisse- ment, ce n’est pas déjà la maladie organique qui commence, loin d’être seulement une condition qui en prépare le développement. Mais combien ne voit-on pas de personnes qui tournent impunément toute leur vie dans un cercle de souffrances névropathiques, sans que les lésions dont, pour des raisons d’hérédité ou autres, on redoute chez elles la formation, sans que ces lésions arrivent jamais à se constituer? D’autre part, que de fois certains néoplasmes diathésiques, surtout le cancer, prennent nais- sance sans avoir été précédés d’aucun état cachectique appréciable. NÉVROSES. 491 PATHOLOGIE MÉDICALE. En faveur de l’importance de la dyspepsie et de l’anémie dans la production de l’état nerveux, on allègue les bons effets du traitement tonique, reconstituant. Application hasardée, selon nous, de l’adage : Naturam morborum ostendunt curationes. Car d’abord les succès sont peu nombreux, quand on veut bien compter les faits d’état nerveux chronique fortement caractérisés qui se terminent par la guérison. Puis il ne faut pas oublier de combien d’élémens divers ce traitement se compose et quel rôle capital y jouent les préceptes de l’hygiène ; certes, l’efficacité, malheureusement déjà assez bornée, de l’intervention médicale, se réduirait ici à bien peu de chose, s’il fallait s’en tenir à la seule médication directe de la dyspepsie ou de l’aglobulie, et si l’on ne mettait en œuvre une série de moyens variés qui modifient l’ensemble de la constitution, et ne laissent pas, naturellement, que d’agir sur les fonctions digestives, d’influer sur la composition du sang, etc. C. — Quant à rechercher quelle est la nature intime de l’état nerveux, nous ne l’entreprendrons même pas. Les théories que nous avons déjà mentionnées (20ùù. A.) sont tout au plus des tentatives ingénieuses ; d’ailleurs, par leur caractère gratuitement hypothétique, elles échap- pent à toute discussion. Mais ce qu’il nous sera permis de faire remarquer, c’est l’inconvénient de certaines dénominations, dérivant de ces mêmes vues de l’esprit, et qui tendent h donner une idée inexacte ou incomplète de l’étal morbide qu’elles servent h désigner. Comme il s’agit de phénomènes multiples, différens et quelquefois même opposés soit chez divers sujets, soit dans divers organes, il ne saurait être ques- tion exclusivement ni de débilité, ni de névrosthénie, etc. : le nom de faiblesse irritable nous semble mieux choisi pour exprimer la diversité des phénomènes qui s’offrent à l’observateur, depuis les paralysies et les anesthésies jusqu’aux spasmes et aux douleurs névralgiques; il a de plus l’avantage de rappeler les indications principales du traitement : fortifier, calmer. 20ù5. Diagnostic. —a. Établir le caractère dynamique ou nerveux d’un phénomène donné, c’est 1° constater l’absence de toute lésion d’organe qui justifie ce même phénomène, et 2° reconnaître certaines particularités d’éliologie, de début, de marche, etc., propres aux né- vroses. Pour arriver à ce double résultat, à l’égard de chacun des sym- ptômes de l’état nerveux, on suivra les règles que nous avons indiquées en traitant des diverses hyperesthésies, anesthésies, spasmes, convul- sions, paralysies, etc., objet des articles précédons. Nous n’y reviendrons pas ici. Contentons-nous d’insister sur l’importance qu’il y a, quand on se trouve en face d’un symptôme de ce genre, à ne pas s’en laisser imposer par sa prédominance pour croire h son isolement : bien souvent un interrogatoire attentif permettra de découvrir un grand nombre de troubles fonctionnels simultanés, là où d’abord on n’aura cru voir qu’un seul symptôme, et c’est à reconnaître la généralité de l’affection et à NÉVROSES. établir l’enchaînement de ses divers élémens que se réduit, à propre- ment parler, le diagnostic de l’état nerveux. Soudaineté des manifestations symptomatiques; marche irrégulière, intermittente des accidens; caractère bizarre de quelques-uns, souvent leur intensité excessive, leur multiplicité même, leur mobilité, c’est-à- dire la facilité avec laquelle ils se succèdent, se déplacent, alternent et semblent se transformer les uns dans les autres ; données étiologiques : hérédité, âge, sexe, causes morales, etc., telles sont les principales données de ce diagnostic, qui ne présente, en général, pas de sérieuses difficultés, h. Une question d’une haute importance est celle de savoir si l’état nerveux est, pour nous conformer à la division de M. Bouchut, primitif ou consécutif; de reconnaître si c’est à une névrose pure et simple que l’on a affaire, ou bien si le désordre quelquefois très vaguement accusé du système nerveux n’est pas l’expression insolite et en quelque sorte détournée de quelque lésion viscérale en voie de formation ou même d’une altération organique existant actuellement, mais encore latente. Les praticiens les plus habiles sont quelquefois embarrassés pour se pro- noncer nettement à cet égard, et ce n’est pas trop d’une observation attentive et longtemps continuée pour atteindre en pareil cas à une cer- titude complète. 2(Ki6. Pronostic. — On ne meurt que très exceptionnellement par le seul fait de l’état nerveux ; mais on en guérit bien difficilement. Sandras nous semble avoir plutôt atténué qu’exagéré le pronostic de cet état morbide, lorsqu’il dit : « Les douleurs n’y sont pas vives, mais pleines d’ennui et de découragement; c’est certainement une existence misérable que celle des névropathiques. Pour la durée, il est vrai de dire que peu de maladies sont aussi longues. » Traitement. — Quatre indications principales (Bouchut). 1° Attaquer la cause de Tétât nerveux, quand on peut la découvrir (et quand on peut la combattre) : « Vie calme et tranquille, exempte des agitations, des chagrins, des préoccupations et des soucis causés par les revers de fortune, les passions et leurs excès, loin du bruit des villes, à la campagne, an milieu d’amis joyeux et dévoués. Si la maladie dépend de la sperrnatorrhée ou d’une affection de matrice, d’un vice des hu- meurs tel que la goutte, la syphilis, de la pléthore ou de la chlo- rose, etc., il en résulte des indications particulières qu’il importe de ne pas négliger... » 2° Fortifier la constitution. — Stimulans et toniques, si les malades peuvent en supporter l’usage : régime alimentaire substantiel dont on s’efforcera d’assurer la tolérance par une foule de moyens détournés qui donnent de l’appétit ou facilitent la digestion ; séjour dans l’atmo- sphère maritime ou aux eaux minérales; exercice musculaire; fric- tions sèches ou médicamenteuses; bains lièdes, salés, ferrugineux, 494 hydrothérapie; préparations de fer, de manganèse, d’arsenic; les amers, surtout le quinquina; sulfate de quinine, s’il y a de la fièvre avec paroxysmes quotidiens ; opium (voir ce que nous en avons dit à l’article Gastralgie, n° 1877, p. 252). 3° Combattre les troubles locaux par des moyens appropriés. — Les douleurs, les spasmes, les paralysies, les troubles sécrétoires récla- ment l’emploi de moyens différens et trop variables dans chaque cas pour que nous puissions les énumérer en détail. 4° Arrêter les complications. — Remplir les indications qui précè- dent, c’est suivre la voie la plus rationnelle pour prévenir le dévelop- pement des maladies aiguës ou chroniques qui peuvent compliquer le nervosisme ; niais quand ces complications existent (maladies chroniques des voies digestives, du foie, de l’utérus, des poumons, spermator- rhée, etc.), elles exigent par elles-mêmes une médication particulière qui varie suivant les organes atteints et la nature de l’affection. PATHOLOGIE MÉDICALE. ARTICLE LUI DE LA CHORÉE. 20kl. Bibliographie. — Greg. Hortius. Obs. med. singularium. Ulmæ, 1528, in-4. — Deadmirandis convulsivis motibus, secl. III et sect. VII. L. II. EmmelinüS. Dissert, de chorea Sancti Viti. tleidelberg, 1729. Tu. Sydenham. Schedula monit. de nov. febris ingressu {Opp. omn. Lugd. Bat., 1740, in-8, p. 526). —Médecine pratique, trad. de Jault. Avignon et Paris, 1799, in-8, t. II, p. 607. Wedel. Dissert, de chorea Sancti Viti. lenæ, 1682. B. Martinus. Dissert, inaug. med. exhibens casum de chorea Sancti Viti. Argenter., 1730, in-4. G. P. Brugkmann. Enarratio choreœ Sancti Viti et epilepsiœ. Francof. ad Mœn., 1745, in-8. Fürstenau. Diss. de Sancti Viti saltu sive chorea, ml go Veitstanz. Rintel., 1750. Basseville. An choreœ Sancti Viti évacuantia narcotica et cardiaca. Paris, 1753. Detharding. Diss. de chorea Sancti Viti. Roslock, 1760. — Spaagenberg. Même sujet. Gœltingæ, 1764. Schwarz. Diss. de tarentismo et chorea Sancti Viti. Yiennæ, 1766. 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Recherches sur quelques points de l’histoire de la chorée chez les enfants (Arch. gén. de méd. ,1834, 2e série, t. IV, p. 215). Constant, De Remploi des bains froids dans le traitement de la chorée [Bullet. de thérap., 1835, t. VIII, p. 333). Rob. Froriep. Ein Reitrag z. Pathologie d. Veitstanzes {Froriep’s Notizen, 1839, n° 224). R. Bright. Cases of spasrnodic diseuse accompanying affections of the pericardium [Londonmed. chir. Transactions, 1839, 2e série, t. IV, p. 1). A. Crawford. Article Chorea, in Cyclop. of pract. medicine. Lon- dres, 1833, t. I. — Blaghe. Article Chorée du Dict. des sc. méd. Paris, 1834, 2' édit., t. VII. —Delaberge et Monneret. Article Chorée du Comp. de méd. prat. Paris, 1837, t. II. B. G. Babington. On Chorea [Gui/s Hosp. Reports, octobre 1841, lre série, l. VI, p, 411). Fr. V. Erdmann. Der Veitstanz keine Krankheit. Kasan, 1843, in-8. F. C. WlCKE. Versuch einer Monographie d. grossen Veitstanzes und. d. unwillk. Muskelbeweg. Leipzig, 1844, in-8. A. 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Cases il lustral ing the association of chorea with rheumatism and diseuses of the heart {Lond. med. Gaz., 1850, décembre, New sériés, t. Xf, p. 1004, 1049). 498 PATHOLOGIE MÉDICALE. Botrel. De la chorée considérée comme affection rhumatismale (Thèsesde Paris, 1850, in-4). Blaghe. Du traitement de la chorée par la gymnastique (Mém. de l'Acad. de médecine. Paris, 1855, t. XIX, p. 598). Rapport de M. Bouvier sur ce travail, dans Bullet. de l’Acad. de médecine. Paris, 1854-55, t. XX, p. 833. E. Moynier. Du traitement de la chorée [Arch. gén. de méd., 1854, 5e série, t. IV, p. 30). — De la chorée. Paris, 1855, in-4. T. P. Heslop. Clinical illustr. of chorea in référencé to its con- nexion withrheumatism{Dublinquarterly Journal of med. science, 1858, t. XXVI, p. 302). Blaghe, Rapport sur un travail de M. Briquet, intitulé : Quelques recherches thérapeutiques sur la chorée (électricité), dans Bullet. de l'Acad. de méd., 1859-60, t. XKV, p. 136. Marcé. De l’état mental dans la chorée ( inséré dans les Mém. de l'Acad. de méd., 1860, t. XXIV, p. 1). — V. dans le Bulletin de l’Acad. de méd. (1858-1859, t. XXIV, p. 1079) le rapport de M. Blaghe sur ce mémoire de M. Marcé, rapport suivi d’une dis- cussion à laquelle ont pris part : MM. Trousseau [ibid., p. 1100, 1259). —Piorry {ibid., p. 1124, 1263). - Bouvier {ibid., p. 1213, 1272). G. W. Child. On the connexion between chorea and acute rheuma- tism {The Lancet, septembre 1860, t. II, p. 260). Bond. On the pathology of chorea {British and foreign med. Re- view, juillet 1860). Dans la collection des Thèses de Paris de 1850 à 1861, in-4, voyez les Dissertations sur la chorée de MM. Gérard, Bourdier, Cha- vance, Pelay, Moynier, Boühin, Quantin, Long; celles de MM. Géry sur le traitement de la chorée par le chloroforme ; Marcotte, Bonfils sur l’emploi de l’émétique; Gellê, sur la médication arsenicale dans cette maladie. 2048. Définition. — Névrose complexe, à marche snbaiguë ou chronique, fréquente surtout dans le jeune âge, ayant pour attribut principal et caractéristique : la production presque incessante de con- tractions musculaires involontaires, d’une extrême irrégularité, géné- rales ou partielles, ou mieux : un mélange de mouvemens convulsifs et volontaires. Bien différente des vésanies épidémiques ou sporadiques, autrefois décrites sous le titre de dansomanie, danse de Saint-Guy ou de Saint- Whyt ou de Saint-Modeste, et dont Sydenham a eu le tort de conserver le nom, chorea, tout en le détournant de son ancienne acception (voyez à ce sujet la démonstration si complète de M. Bouvier) ; non moins distincte du simple tremblement, trernor, avec lequel on a été à peine NÉVROSES. 499 tenté de la confondre, la chorée légitime (chorée vulgaire, encore appelée petite danse de Saint Guy, danse, cadence, etc.), fera seule Je sujet de cette étude. Divisions. — a. On peut diviser la chorée suivant l’étendue et le siège des mouvemens anormaux, eu chorée généralisée et chorée par- tielle ; on dit qu’il y a hémi-chorée quand les mouvemens sont limités à une moitié latérale du corps. b. Suivant le développement plus ou moins rapide des accidens, on admet une chorée aiguë ou chronique, celle-ci plus fréquente que celle-là ; et d’après la marche des symptômes, des chorées continues et intermittentes. c. L’étude de l’étiologie fournit la distinction des chorées en ner- veuses proprement dites, hystériques, rhumatismales, etc. C’est un point sur lequel nous aurons à revenir. d. Lu égard au pronostic, les chorées sont légères ou graves. e. Des mouvemens anormaux ayant une plus ou moins grande ana- logie avec ceux de la chorée vulgaire ou idiopathique, existent quel- quefois, quoique rarement, chez des individus porteurs de diverses lésions organiques du système nerveux ; c’est ce qui a conduit à admettre des chorées symptomatiques de tubercules, tumeurs, etc.; mais ces altérations choréiformes de la raolilité diffèrent de la maladie que nous allons décrire par un grand nombre de caractères importans. Il est aisé de voir qu’aucune des considérations qui viennent d’être énumérées ne peut servir de base à une division de la chorée en espèces particulières et distinctes; tout au plus y trouverons-nous des élémens suffisans pour créer de simples variétés. e. Reste la question des chorées dites anomales, dont nous aurons soin d’indiquer les symptômes à l’occasion du diagnostic; celles-là sem- blent bien, en effet, constituer une ou plusieurs catégories spéciales, mais en raison même de leur physionomie si tranchée il semble naturel de les étudier comme des maladies différentes, bien que voisines de la danse de Saint-Guy, et miçux vaut n’en pas embarrasser la descrip- tion de cette dernière névrose. 20Ô9. Symptômes. — Nous allons passer en revue successivement, en mettant largement à contribution l’excellent ouvrage de M. Sée, les phénomènes qui signalent le début de la chorée et ceux qui traduisent l’existence de la maladie confirmée. I. Symptômes du début. — On peut considérer comme exception- nels les faits où l’invasion de la maladie est brusque, marquée par une attaque d’hystérie ou d’éclampsie, par des symptômes de méningite ou d’apoplexie. Presque toujours le développement des accidens est lent, graduel : ainsi on note d’abord des modifications légères du moral, de l’intelligence, du mouvement, si légères même que très souvent elles passent inaperçues. PATHOLOGIE MÉDICALE. Les cnfans perdent leur gaîté, deviennent capricieux, impression- nables ; pour les motifs les plus légers on les voit s’impatienter, s’effrayer, verser des larmes; leur timidité naturelle se change en une véritable contrainte qui leur fait chercher l’isolement. Ils sont distraits, inatten- tifs, moins aptes aux travaux intellectuels, leur mémoire s’affaiblit. Ils ont des inquiétudes dans les membres, de l’agitation nocturne, une singulière tendance au déplacement, un besoin de locomotion qui les porte à se lever subitement, à exécuter des mouvemens insolites et sans portée. Enfin, au bout de quelques jours, les mouvemens deviennent plus brusques, plus saccadés, et les caractères delà choréese prononcent de manière à ne plus laisser de doute. II. Symptômes de la chorée confirmée. — Étudions les uns après les autres le-s altérations que subissent le mouvement, la sensibilité, les facultés psychiques et les fonctions viscérales, (A. Motilité.) Les mouvemens anormaux commencent ordinaire- ment par l’un des bras, s’étendent ensuite au visage, au tronc, aux extrémités inférieures ; il est rare de leur voir occuper d’emblée les deux moitiés du corps : presque toujours au début ils sont limités à l’un des côtés; ils y prédominent même notablement dans le cours ultérieur de la maladie, et cela particulièrement à gauche. Tous les muscles ne sont pas affectés au même degré ni avec le même degré de fréquence : ce sont les muscles des membres, surtout ceux des bras qui se trouvent compromis dans le plus grand nombre de circonstances; viennent ensuite ceux qui concourent à la formation des mots, aux mouvemens des lèvres, les muscles de la tête ou du tronc, des yeux et des paupières, de la langue, ceux qui concourent à la déglutition, à la mastication, à l’émis- sion de la voix, enfin le sphincter des lèvres. Pour donner une idée de ces mouvemens, nous allons adopter comme type le cas où ils sont très intenses et étendus au plus grand nombre des muscles. Ce qu’on observe alors ce sont des contractions sponta- nées, involontaires, irrégulières, analogues à des secousses, des sou- bresauts, des chocs, des sautillalions, des espèces de frissonnemens ; souvent des agitations, des altitudes insolites produites principalement par les fléchisseurs et les pronateurs ; des inquiétudes dans les membres, une sorte de carphologie, des contorsions du tronc, des rotations ou inclinaisons variées de la tôle et du cou. Tous ces mouvemens se suc- cèdent avec une vélocité telle qu’il n’est aucune position si étrange qu’elle soit que les parties affectées ne puissent prendre. a. Rien de plus bizarre, plus varié, plus grotesque et en même temps de plus pénible à voir que le jeu de la physionomie chez les cho- réiques : les tégumens du front s’agitent convulsivement, se plissent, se déplissent; les sourcils se relèvent, se contractent ou se dépriment ; les paupières clignent et se meuvent avec rapidité; les lèvres qui soiR NÉVROSES. 501 tiraillées en tous sens, s’écartent ou se resserrent, comme pour dégus- ter, ou frappent l’une contre l’autre en produisant une sorte de bruit de soupape, en entraînant même parfois la mâchoire inférieure; la bouche s’ouvre ou se ferme, s’agrandit ou s’allonge, les commissures se relèvent ou s’abaissent successivement à droite ou à gauche; enfin les yeux peuvent se convulser en dedans ou en dehors, en haut ou en bas, osciller en place ou se contourner, de sorte qu’il en résulte l’aspect le plus singulier, les expressions les plus ridicules, et que tour à tour on voit se dessiner sur le visage la colère, l’indignation, le spasme cynique, en un mot les passions les plus diverses et les plus opposées. b. La langue vient parfois frapper contre le palais ou les lèvres, en produisant un bruit analogue à celui que font les cochers pour exciter les chevaux. Elle fait effort pour sortir de la cavité buccale, n’y par- vient qu’en faisant quelques détours; puis, une fois qu’elle est au dehors, elle oscille sans cesse, et au moment de se retirer, vient ordi- nairement se heurter contre la voûte palatine ou se placer entre les dents. c. La parole est presque toujours profondément modifiée : il est rare qu’il n’y ait pas quelque hésitation, quelque embarras dans l’articulation des mots ou un certain degré de bégayement. Il est quelques lettres surtout, savoir les linguales elles labiales, que l’enfant ne peut articuler sans s’arrêter pour reprendre haleine ou pour saisir le moment où l’agi- tation est moins intense ; quelquefois même il lui est impossible de se faire comprendre. Enfin il est des choréiques qui éprouvent de l’hésita- tion pour lancer le premier mot, mais qui parlent ensuite avec une volu- bilité excessive. d. Les muscles du larynx et les organes de la déglutition sont bien plus rarement affectés que ceux de la langue; il se peut, cependant, que la voix devienne rauque ou chevrotante, ou qu’elle s’accompagne d’une sorte de cri, de sifflement, d’aboiement. On voit des malades qui sont obligés de se livrer à des efforts considérables pour mâcher et pour avaler les alimens. Les sphincters peuvent subir l’influence de la cho- rée : dans ces cas, assez rares, les choréiques sont incapables de retenir les matières fécales. e. Mais les muscles qui sont le plus souvent et le plus vivement af- fectés, sont ceux des membres. De là une démarche toute spéciale, des espèces de glissades, d’enjambées, d’écarts, de sauts irréguliers, des chutes fréquentes, et si le désordre des mouvemens est considérable, des titubations, la projection du corps en tons sens, des chocs dange- reux contre les meubles ou contre les murs, au point de rendre la progression impossible. Souvent on est alors obligé de coucher les cho- réiques étendus par terre ou dans des lits convenablement matelassés pour les empêcher de se blesser ou de tomber; sans cesse agités, ils se livrent aux contorsions les plus bizarres, usent avec une rapidité in- 502 PATHOLOGIE MÉDICALE. croyable les vêtemens, les linges, et se font aux talons, aux fesses, aux coudes, au front, au menton, des excoriations douloureuses qui ajoutent encore à l’agitation. Dans tous les cas de chorée généralisée les fonctions des membres supérieurs se trouvent atteintes à des degrés divers. Pour amener le bras dans un point donné, sur la tête, par exemple, l’enfant le relève brusquement, et après avoir heurté le tronc et le visage, il finit, après un certain nombre de détours, par le placer dans l’endroit indiqué, mais sans pouvoir le maintenir dans cette position. Si l’on donne au malade un doigt à presser, il exerce la pression avec la même force que dans l’état naturel, mais il lui sera impossible de la continuer pendant quel- ques secondes sans qu’on y distingue nettement une série d’efforts inégaux. Veut-il porter un verre à la bouche pour boire, il ne peut y parvenir qu’après mille gesticulations pareilles à celles des histrions, jus- qu’à ce que le hasard lui fasse rencontrer les lèvres ; alors il vide rapidement le verre et avale le liquide d’un trait (Sydenham). f. A ce désordre des mouvemens s’ajoute presque toujours un certain affaiblissement de la motilité dans le bras et la jambe d’un côté du corps, une sorte d’hémiplégie incomplète ; dans la grande majorité des faits, c’est le côté gauche qui est le siège de cette demi-paralysie ; d’autres fois celle-ci occupe le bras d’un côté et la jambe du côté opposé. g. Les mouvemens anormaux, chez les malades affectés de chorée, présentent souvent de grandes variations quant à leur intensité. Dans les cas légers, ils peuvent devenir tellement faibles à certains momens, que l’on a été conduit à admettre l’existence de chorôes intermittentes ; mais il est bien rare que les contractions convulsives cessent tout à fait pendant ces intervalles de calme; encore moins observe-t-on dans Je retour des exacerbations une périodicité régulière. Les changemens dans la violence des mouvemens involontaires se produisent quelquefois spon- tanément, c’est-à-dire sans raison connue; plus souvent ils ont lieu sous l’influence d’une cause appréciable et déterminée : la frayeur, la joie, la contrariété, la vue d’un objet désagréable ont pour effet constant de rendre l’agitation plus forte et plus générale ; il suffit même que les ma- lades se voient l’objet de l’attention, ou qu’on les regarde avec curio- sité, pour qu’il survienne une exaspération évidente dans leur état; le temps froid et humide, la fatigue musculaire produisent le même résultat. Au contraire, les mouvemens se suspendent presque toujours d'une ma- nière complète sous l’influence du sommeil ; cette règle est tellement générale que sur 158 malades, M. Seé n’y a rencontré que six exceptions, et encore s’agissait-il de chorées au début ou au plus fort de la maladie, c’est-à-dire de faits où le désordre musculaire était à son comble. (/?. Sensibilité.) —a. Malgré la continuité et la violence des raou- vemens convulsifs, les choréiques n’accusent pas d’ordinaire un sentiment NÉVROSES, de fatigue dans les muscles-, ils se plaignent de douleurs dans les mem- bres , dans les jointures, d’engourdissemens, de picotemens dans diverses parties du corps, d’hyperesthésie de la peau, d’une céphalalgie occupant les tempes, le front, l’occiput. Il existe chez quelques-uns de la douleur, spontanée ou provoquée par la pression, au niveau des vertè- bres dorsales et lombaires. Toutefois, la fréquence de la céphalalgie occi- pitale et de l’hyperesthésie rachidienne a été beaucoup exagérée dans l’intérêt de certaines opinions théoriques. h. Il arrive quelquefois que les tégumens perdent en partie leur sensibilité: soit la sensibilité tactile [anesthésie), ce qui est rare, soit l’impressionnabilité aux excitations douloureuses ou pénibles, telles que pincement, piqûre [analgésie), chatouillement. Cette diminution, pres- que toujours légère de la sensibilité cutanée, peut être générale, mais le plus souvent elle est, comme l’affaiblissement de la molilité, bornée au côté du corps qui est seul affecté de mouvemens convulsifs, ou dans lequel ces mouvemens prédominent. [C. Facultés morales et intellectuelles.) — Presque tous les cho- réiqucs sont d’une extrême irritabilité : tantôt doux et prévenais, tantôt brusques et grondeurs, ils sont colères, fantasques, capricieux, mo- biles. Les troubles intellectuels, moins accusés que ceux des facultés affectives, ont été de la part de M. Marcé l’objet d’une étude appro- fondie. Voici par quelles conclusions cet auteur termine son intéressant travail, point de départ d’une mémorable discussion à l’Académie de médecine. I. — « Les troubles des facultés morales et intellectuelles sont très communs chez les choréiques; sur un nombre donné de malades, les deux tiers au moins en présentent des traces plus ou moins profondes ; quant à l’immunité dont jouit l’autre tiers, elle ne peut s’expliquer ni par l’âge ou le sexe des sujets, ni par l’acuité ou la chronicité de la maladie, ni par l’étendue ou l'intensité des mouvemens convulsifs. IL — « Quatre élémens morbides, quelquefois isolés, le plus souvent associés les uns aux autres, doivent être étudiés dans l’état mental des choréiques : » 1° Des troubles de la sensibilité morale, consistant en un change- ment notable du caractère, lequel devient bizarrre et irritable, et offre une tendance inaccoutumée à la gaîté et surtout à la tristesse » (il en a déjà été question tout à l’heure). « 2° Des troubles de l’intelligence caractérisés par la diminution de la mémoire, une grande mobilité dans les idées et l’impossibilité de fixer l’attention. .a(uSeadac, être saisi), ne servait primitivement qu’à exprimer la soudaineté des attaques, sans désigner une maladie particulière. Morbus sacer, herculeus, di- vinus, comitialis, major, soutiens, scelestus, demoniacus, deifeus, astralis, lunaticus; mal de Saint-Jean, mal de Saint- Valentin, mal de terre, mal caduc, telles sont les principales dénominations imposées successivement îi l’épilepsie (1) ; elles rappellent les unes quelques sym- ptômes de cette maladie, d’autres sa gravité, d’autres encore les idées superstitieuses auxquelles ont donné lieu de tout temps sa singulière vio- lence, l’obscurité de ses causes et les difficultés de son traitement. Divisions. — On a proposé un grand nombre de divisions de l’épi- lepsie. Suivant que la cause des convulsions a son siège réel ou supposé dans le cerveau, la moelle ou les nerfs périphériques; suivant la nature de ses causes; quelquefois en se fondant sur la prédominance de tel phénomène particulier, les auteurs ont établi autant de genres et d’es- pèces d’épilepsie. (Exemples ; épilepsie cérébrale, spinale, par affection des nerfs; épilepsie atonique, traumatique, rhumatismale, métastatique, de cause morale; épilepsie apoplectique, cursive, giratoire.) Ces dis- tinctions admises par les uns, rejetées par les autres, trop souvent déce- vantes pour le thérapeutiste, présentent encore un médiocre intérêt au point de vue de la pathologie. Les espèces : épilepsie symptomatique, idiopathique et sympathique, sont à peu près les seules dont nous ayons à tenir compte. Nous nous bornons pour le moment à les indiquer, sauf à en discuter la valeur quand nous traiterons des causes de l’épilepsie et de sa physiologie pathologique. NÉVROSES. 553 (1) V. un travail de M. Jos.vr, intitulé : Recherches historiques sur l’épilepsie. Paris, 1856, in-8. 2071. Symptômes. — L’épilepsie est composée d’attaques et d’in- tervalles libres. I. Les attaques épileptiques sont loin de se ressembler chez tous les malades, et chez le même sujet elles diffèrent également les unes des au- tres. D’où la nécessité, pouren faire une description méthodique, d’adopter une sorte de type artificiel qui retrace les phénomènes de l’accès le plus violent, et de noter comme autant de variétés les accès où l’on constate, soit l’absence de quelques caractères importans, soit la présence de trou- bles insolites. A. — Prodromes. — L’invasion de l’attaque est précédée chez cer- tains sujets de désordres particuliers, tantôt durant quelques secondes ou quelques minutes (prodromes prochains), tantôt pendant plusieurs heures ou même plusieurs jours (prodromes éloignés). Les auteurs va- rient beaucoup relativement à la fréquence de ces phénomènes précur- seurs : on les rencontrerait, d’après Georget, cinq fois seulement sur cent malades ; dans la moitié des cas, selon M. Beau ; dans presque tous les cas, au dire de M. Piorry. Quoi qu’il en soit, lorsque l’accès est annoncé par des prodromes, l’épileptique éprouve dans diverses parties du corps des sensations in- commodes ou douloureuses: formication, engourdissement, froid, cha- leur; il accuse une lassitude générale, des étouffemens, des palpitations, un resserrement pénible de la gorge et de la poitrine, des douleurs à l’estomac, de l’anorexie, quelquefois un appétit vorace ; il a la tète lourde, il y éprouve des battemens, les artères temporales sont soulevées par des pulsations manifestes, la face est congestionnée ; il existe des tintemens d’oreille, des éblouissemens ; on a noté aussi le strabisme, la cécité. Certains épileptiques ont de véritables hallucinations au moment de leurs attaques: ils perçoivent des saveurs douces, des odeurs fortes, des images fantastiques parfois très compliquées: chez un malade l’accès débutait par la vue d’une roue dentée au centre de laquelle était une tête hideuse ; — un jeune épileptique voyait venir au galop un carrosse dans lequel se trouvait un petit homme en bonnet rouge ; craignant d’être écrasé, le malade tombait roide et sans connaissance ; —un autre voyait venir à lui une femme noire couverte d’un cuir, et il tombait quand elle l’approchait. Ces perceptions morbides se rattachent à la modification profonde que les fonctions encéphaliques subissent à ce moment ; en effet, l’invasion du mal est fréquemment aussi signalée à l’avance par l in- somnie ou un sommeil plus profond que d’ordinaire, par la perte de la mémoire, par la morosité, le pressentiment de l’attaque (les enfans à l’approche de l’accès, se jettent dans les bras de leurs mères), une hu- meur irascible, des idées de suicide, quelquefois, au contraire, une grande sérénité d’esprit. A ces changemens survenus dans les facultés intellectuelles et morales, à ces désordres de la sensibilité générale et des sens spéciaux, s’ajoutent quelques légères altérations de la motilité : 554 PATHOLOGIE MÉDICALE. tremblement, convulsions partielles. Les fonctions de la vie végétative elles-mêmes sont diversement troublées, ainsi que l’atteste chez certains malades l’excrétion d’urines copieuses, pâles, parfois sanglantes, de fèces extrêmement fétides; les épileptiques qui portent des exutoires remar- quent quelquefois une âcreté toute particulière du pus à l’approche de l’accès, etc. Parmi les prodromes, il en est un, signalé par Galien sous le nom d'aura, et qui a été l’objet de longues controverses. La sensation propre- ment dite d’un air froid (aura quœdarn friyida) se dirigeant des extré- mités vers la tête, est assez rarement accusée par les malades ; des obser- vateurs bien placés pour voir un grand nombre d’épileptiques disent même n’avoir jamais rien noté de semblable. En outre, la sensation vague qualifiée d'aura, au lieu de prendre naissance dans les doigts, les orteils, les hypochondres, les lombes, pour monter peu 5 peu vers l’en- céphale, affecte assez fréquemment une marche inverse, descendante. Le plus souvent tout se borne à un frémissement plus ou moins doulou- reux des muscles, ou h une crampe douloureuse, c’est-à-dire que Yaura est un mélange de sensation et de mouvement, et comme le prélude des contractions plus étendues et plus fortes qui vont se manifester pen- dant l’attaque. On appelle aura motrice, l’impulsion aveugle au mouvement que pré- sentent quelques épileptiques au moment ou leur accès est sur le point de débuter: on les voit s’élancer en avant, ou reculer, ou tourner en rond, avant de tomber convulsés. B. Symptômes proprement dits de Vattaque épileptique. •— L’abo- lition soudaine et complète de l’intelligence et de la sensibilité, ou, pour nous servir du langage des anciens, l’oblitération des sens ex- ternes et internes, tel est le caractère constant de l’épilepsie. Sans doute il existe quelques faits rares où la connaissance est en partie conservée, mais ce sont là des exceptions comme la clinique en présente à tout ce que nous appelons règle ou loi en pathologie, et l’on peut à bon droit en faire abstraction. Or, suivant que la perte de connaissance existe seule ou qu’elle s’accompagne de mouvemens convulsifs, on distingue les attaques en petites et en grandes. a. La grande attaque, ou attaque complète (grand mal) se produit de la manière suivante : Après avoir ou non éprouvé les prodromes indiqués plus haut, le sujet pâlit subitement, pousse un cri et tombe comme foudroyé; à partir de ce moment les excitations les plus violentes, piqûres, incisions, brûlures profondes ; la lumière la plus vive, le bruit le plus intense, les plus pé- nétrantes odeurs, rien ne provoquera de sa part le moindre signe de perception, de présence. Dans l’instant même qui suit la chute, des con- tractions se manifestent sur quelques points et se propagent rapidement à tout le corps ; ce sont des contractions toniques qui immobilisent les NÉVROSES. 555 556 parties et leur donnent une situation fixe: le malade est étendu sur le dos, la tête renversée en arrière ou fléchie ou inclinée sur l’un des côtés, la langue pendante, la bouche s’emplissant de salive. A mesure que cet état tétanique se prolonge, et sa durée n’excède pas quelques secondes, la face de pâle devient graduellement pourpre, livide. Alors, à cette roideur générale du tronc et des membres, on voit suc- céder d’abord des secousses brèves, violentes, semblables à autant de commotions électriques, puis des convulsions claniques de plus en plus étendues, presque toujours plus marquées dans une moitié du corps : la tête est étendue, fléchie, tournée, inclinée en divers sens ou rentrée entre les épaules « comme chez ceux que l’on traîne par les cheveux. » (Arétée). Les yeux roulant dans les orbites, par momens fixes et louches, ne laissent le plus souvent apercevoir que la sclérotique; les pupilles, quand on peut les examiner, apparaissent inégalement resserrées ou dilatées, et complètement immobiles ; les paupières à demi fermées sont parfois agitées par un clignement incessant. Le plissement du front, les mou- vemens des lèvres qui sont allongées en bec ou retirées vers les oreilles, la distorsion de tous les traits, joints à la turgescence veineuse de la face et du col, rendent la physionomie hideuse et y impriment le masque de la colère, de l’épouvante ou de la douleur. Les mâchoires s’écartent ou se rapprochent avec force, les dents grincent, se brisent quelquefois, et si la langue se trouve saisie entre les arcades dentaires, elle est mordue plus ou moins profondément ou même séparée en deux. Du sang se mêle alors à la salive spumeuse, et infecte chez quelques- uns, qui est rendue par jets saccadés ; des mucosités sortent en même temps des narines. Le tronc jeté d’un côté h l’autre, les membres agités de secousses conlinuelles et placés alternativement dans la prona- tion, la supination, la flexion, l’extension, peuvent à grand’peine être maintenus par les assistans ; les doigts sont contractés, les pouces fléchis dans la paume des mains, les pieds tantôt « trépignent violemment comme chez les taureaux qu’on égorge », tantôt se contournent au point d’amener parfois le gros orteil au contact du talon. Tout à l’heure, pendant les contractions tétaniques, la poitrine était immobile, et la suffocation pa- raissait imminente ; maintenant la respiration se rétablit, mais elle est convulsive, inégale, râlante, mêlée de sanglots, de cris, de mugisse- mens. Le cœur bat avec force, le pouls est désordonné. Sous l’influence de la gêne qu’éprouve la circulation, le sang peut s’échapper par le nez, les yeux, les oreilles, les bronches (1), et même s’épancher dans la trame des organes; parfois une apoplexie cérébrale a lieu. Chez certains épileptiques, l’urine sort en jet, des flatuosités parcourent bruyamment PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) D’autres hémorrhagies se produisent chez les épileptiques par un méca- nisme bien différent (V. le mémoire déjà cité de M. Jules Paurot sur la Sueur de sang et les hémorrhagies nevropalhiques, dans Gaz. hebdom., 1859). l’abdomen, il y a du hoquet, des vomissemens, une excrétion involon- taire des matières alvines ; chez d’autres le pénis s’érige, les testicules se rétractent vers les anneaux et il se produit des pollutions. Enfin, après une ou deux minutes au plus, cet orage s’apaise : les con- vulsions deviennent plus rares, moins fortes, elle pouls plus régulier; la respiration, profonde et large comme pour suppléer à l’arrêt qu’elle vient d’éprouver, s’accompagne d’un ronflement sonore qui rappelle la ster- teur des apoplectiques ; une sueur abondante, et parfois fétide, appa- raît principalement à la tête, au cou et à la poitrine; la face se décolore, se décompose, devient cadavéreuse ; le malade tombe dans un profond assoupissement. Au sortir de ce sommeil, qui se prolonge pendant trois à huit mi- nutes, quelquefois pendant des heures entières, nul souvenir de ce qui vient de se passer : l’épileptique ne se rappelle ni le cri qu’il a poussé, ni la chute qu’il a faite. Quelques-uns se disent soulagés, manifestent un sentiment de bien-être et une humeur enjouée ; mais ce cas est des plus rares : presque tous se sentent brisés de fatigue, surtout quand il y a eu émission de sperme ; ils accusent de la céphalalgie, des étourdis- semens; sont honteux, stupides, sombres, irritables. Puis bientôt ils se rétablissent, et l’on est frappé de les voir, à la suite d’une si grande perturbation, revenir promptement à leur état de santé habituel et reprendre leurs occupations de tous les jours. D’autres, à leur réveil, sont pris de symptômes nerveux particuliers, d’hydrophobie par exemple ; d’autres de mélancolie avec penchant au suicide, ou d’un délire furieux. Ils conservent souvent pendant plusieurs heures et môme un ou deux jours, de l’aphonie, delà faiblesse dans un bras, une jambe; la paralysie peut même revêtir le caractère d’une véritable hémiplégie (du senti- ment et du mouvement) qui va se dissipant jusqu’il ce qu’une nouvelle attaque la ramène. Il est digne de remarque que l’hémiplégie ne s’ob- serve pas seulement quand les contractions se sont montrées, comme cela a lieu presque toujours, avec une prédominance évidente dans une moitié du corps, mais encore lorsque les deux côtés ont été également convulsés (Todd). Un phénomène très fréquent à la suite des attaques, consiste en l’ap- parition d’une foule de petites taches, semblables à des piqûres de puce, sur la face, le cou, les épaules; ces rougeurs, les unes érythéma- teuses, les autres hémorrhagiques, produites par la stase sanguine qui accompagne les accès, s’effacent au bout de quelques heures, ou per- sistent pendant plusieurs jours. Durée de Vattaque complète. — A l’exemple de M. Beau, nous ad- mettrons dans une attaque complète quatre phases bien distinctes; Premier stade : état tétanique; il dure de cinq à trente secondes. Deuxième : convulsions coniques; elles se prolongent pendant une Ou deux minutes; NÉVROSES. 557 558 PATHOLOGIE MÉDICALE. Troisième ; stade de ronflement, de trois à huit minutes ; Quatrième: retour de la sensibilité et de l’intelligence, il n’est com- plet qu’au bout d’un temps variant de dix à trente minutes. Ce qui porte pour une attaque complète le maximum de la durée ha- bituelle à plus d’une demi-heure, et à dix minutes environ la durée des symptômes convulsifs de l’attaque (tétaniques et cloniques) réunis au coma qui leur succède. Attaques composées. — Mais, loin de parcourir toutes les phases de cette évolution régulière, l’attaque peut être à peine terminée, le coma avoir à peine succédé à l’agitation du système musculaire, que déjà un nouvel accès se produit, puis un autre, et ainsi de suite. C’est l’attaque composée ou paroxysme, ou encore, comme on dit dans les hospices d’épileptiques, l'état de mal. La durée individuelle de chaque accès est alors beaucoup moindre, mais on en voit pendant une ou plusieurs heures se dérouler une série presque continue (attaques imbriquées pour emprunter une expression heureuse de M. Trousseau), et, dans leurs courts intervalles, on observe du coma, des vertiges, un délire sombre, des idées de suicide, etc. h. Attaques convulsives incomplètes. — Nous avons décrit l’accès convulsif de l’épilepsie dans toute sa violence ; mais ce type ne se re- trouve pas toujours en clinique, composé qu’il est de tous les phéno- mènes possibles de l’attaque. Souvent l’un ou l’autre de ces phéno- mènes est absent, ou présente des modifications. Ainsi le cri peut manquer totalement ou être remplacé par une excla- mation : une malade de J. Frank s’écriait « Jésus! j au commencement de chaque accès; elle ne gardait aucun souvenir de ce cri en quelque sorte machinal; — une épileptique observée par M. Foville avant de tomber, faisait plusieurs signes de croix en s’affaissant sur elle-même, et ne se rappelait plus ces gestes automatiques quand elle revenait à elle, etc. Beaucoup de malades ne tombent pas ; ils restent debout pendant toute la durée des convulsions, et généralement celles-ci ont alors une faible étendue. Chez d’autres on voit les convulsions débuter par l’es- tomac, par la vessie: une épileptique citée par Tissot, se trouvait tout à coup obligée de rendre son urine, et perdait tout de suite connaissance. D’autres faits nous montrent une sorte d’alternance entre la convulsion des parties extérieures et celle des organes internes : ainsi chez un homme, dont parle Maisonneuve, les membres étaient dans le relâche- ment quand la suffocation et les efforts de vomissement avaient lieu, et cet état cessait quand les convulsions s’emparaient des muscles du tronc et des membres, etc. Le plus souvent c’est sur l’intensité et la durée des contractions spas- modiques que portent les variations de l’accès; celui-ci peut se ré- duire à une roideur générale, à un tremblement, à une secousse unique de la tête et des membres, à la projection d’un bras ou d’une jambe, à la clôture des mains, à un serrement des mâchoires, à une grimace, à un clignement ou à quelque autre mouvement de ceux qu’on qualifie de tic. C’est dans ces cas surtout que l’on note l’absence du cri, de la chute, d’un coma prolongé:; cependant on remarque encore assez souvent un peu d’écume au coin de la bouche chez des malades dont les convulsions sont très partielles et d’une très courte durée. Constamment le caractère épileptique de ces accès incomplets se trahit par la pâleur qui couvre subitement la face et par l’absence de tout souvenir au moment où les malades reprennent connaissance. On conçoit qu’il serait facile d’établir une sorte d’échelle des accès depuis le plus fort jusqu’au plus faible, et d’imposer des apellations particulières à ces différons degrés d’intensité. Les noms d'accès incom- plets, d'accès intermédiaires et même, ce qui est un tort, le nom de vertiges, sont employés pour marquer la participation de moins en moins grande de la inutilité à l’attaque épileptique, et l’isolement de plus eu plus complet de l’autre élément de celte attaque, savoir la perte de connaissance. c. Vertige épileptique. — Dans la petite attaque (petit mal, attaque vertigineuse), cet isolement est frappant. C’est aux travaux modernes que l'on doit principalement la connaissance de cette forme importante de l’épilepsie. Le type du vertige est l’état que M. Calmeil a décrit sous le nom d'absence, et le nom de vertige épileptique devrait même être exclusive- ment réservé à l'absence, dans un langage rigoureux. Nul prodrome : c’est au milieu de la santé la plus parfaite en apparence, au moment où le malade s’y attend le moins, que tout à coup son intelligence, ses sens se trouvent annihilés, et cela quelquefois pendant un instant si court, que, revenu à lui, il n’a pas conscience de cette subite éclipse du moi : si c’est au milieu d’un entretien que l’arrêt a eu lieu, il achève la phrase, le mot interrompus. Un moment sa face a pâli, son regard est devenu fixe, sa physionomie nulle, puis tout est rentré dans l’ordre. Et cepen- dant si profonde est dans ces cas la perte de toute conscience, que durant le vertige on a vu des épileptiques être précipités d’un lieu élevé, se faire des brûlures, des blessures mortelles. En clinique, on comprend habituellement sous le nom de vertiges non-seulement les absences, mais encore les attaques dans lesquelles la perte momentanée des facultés se trouve associée à quelques convul- sions très légères ; ici se rapportent quelques-unes des variétés que nous avons indiquées tout à l’heure en parlant des accès incomplets. On doit y ranger également ceux qui, h peine signalés par quelques secousses dans les muscles ou par un peu de trismus, sont néanmoins suivis d’un coma très long (c’est ce que certains auteurs ont appelé épilepsie apo- plectique ou encore apoplexie nerveuse). NÉVROSES. 559 560 d. Délire épileptique. — Ce n’est pas ici le lieu d’étudier les dés- ordres intellectuels chroniques qui peuvent survenir comme complica- tion de l’épilepsie ancienne; mais nous devons signaler ce fait, qu’au lieu des vertiges ou des convulsions générales, on voit quelquefois apparaître chez les épileptiques un délire dont l’invasion, ou soudaine ou très prompte, la courte durée et les caractères spéciaux révèlent la nature de la maladie tout aussi sûrement que les accidens précédemment dé- crits. Tantôt c’est une simple absence de quelques secondes ou de quel- ques minutes, pendant lesquelles le malade, l’œil üxe, le visage hébété, profère des paroles incohérentes et inintelligibles, se livre à quelque acte déraisonnable ou déplacé (tel ce magistrat, observé par M. le pro- fesseur Trousseau, qui, pendant les délibérations de ces collègues, se levait tout d’un coup pour aller uriner au milieu de la salle) ; le tout avec une inconscience profonde et une absence complète de souvenirs au réveil. Ailleurs c’est un désordre mental plus compliqué, un délire furieux, d’une violence affreuse, avec impulsion aveugle au suicide, à l’incendie, au meurtre; une profonde prostration intellectuelle y succède, et, re- venu à lui, le malade ne se rappelle rien : là encore on retrouve la marque de l’épilepsie dans la brusquerie du début, dans l’intensité excessive de la perversion cérébrale suivie de collapsus, dans son carac- tère transitoire et dans la netteté même de l’intermission (épilepsie larvée de M. Morel. Ces faits, d’une haute portée médicale et sociale, ont été très bien étudiés dans ces derniers temps, notamment par M. Jules Fairet). La preuve de l’intime connexion qui existe entre toutes ces formes symptomatiques, de l’équivalence du délire d’une part, des vertiges et des convulsions de l’autre, celte preuve on la trouve dans les faits où les attaques vertigineuses, convulsives, délirantes, au lieu de s’isoler et d’alterner entre elles, ce qui a lieu quelquefois, se mêlent et se com- binent diversement, ce qui est beaucoup plus fréquent. Chez tel malade le délire ouvre la scène, et comme pour en démontrer la signification, on voit à sa suite des accidens couvulsifs éclater; chez tel autre, c’est le délire qui succède aux convulsions ; chez un troisième, il se surajoute aux vertiges. Ce dernier cas est loin d’être rare: M. Beau l’a rencontré 76 fois sur 219, et le décrit dans les termes suivans : « L’individu a le temps de s’asseoir, ou bien il tombe ou fléchit ; la face est pâle, immobile, les yeux sont fixes et hagards, ou bien il y a quel- ques légers trcrnblernens des membres supérieurs et de la face. Il reste ainsi pendant quelque temps ; peu à peu il s’anime, il se lève d’un air étonné, cherche autour de lui, fait des paquets, veut se déshabiller, pro- nonce souvent des paroles mal articulées et essaye de se débarrasser des personnes qui le retiennent ; si on le laisse aller, il se promène d’un air PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 561 égaré, a une démarche un peu choréique et bal quelquefois ceux qui se trouvent sur son passage. Enfin, l’intelligence reparaît, l’individu est fatigué et honteux et conserve seulement la mémoire d’une partie de ce qui s’est passé. Cet ensemble de phénomènes dure de deux à trois mi- nutes ; le délire dont je viens de parler est toujours sombre ou même furieux. Le vertige est dès lors un ensemble de symptômes d’épilepsie et d’aliénation mentale; le délire qui se manifeste aussitôt après la perte de connaissance, rappelle l’état nerveux que l’on observe dans certaines fièvres sous le nom de carphologie. » Fréquence des attaques. — La fréquence des attaques est extrême- ment variable; certains sujets ont un seul accès dans le cours de plu- sieurs années, d’autres en éprouvent un grand nombre (jusqu’à cent cinquante !) dans le même jour. Le retour de ces manifestations mor- bides est subordonné à une foule de conditions qui seront indiquées à propos de l’étiologie. Quant à la fréquence comparée des attaques con- vulsives et des vertiges, l’observation tend à établir en faveur de ces derniers une différence très marquée : en effet, d’une part, il y a plus de malades ayant seulement des vertiges qu’il n’en existe dont l’épi- lepsie se traduit exclusivement par des attaques convulsives; et d’autre part, lorsque le même individu présente tantôt l’une, tantôt l’autre de ces formes, la somme des vertiges l’emporte sur celle des attaques. Les accès caractérisés par le délire seul sont les plus rares. IL Intervalles des accès. — En dehors de leurs attaques les épilepti- ques jouissent d’un état de santé qui étonne quand on songe aux violens et dangereux désordres qui signalent souvent leurs paroxysmes. Mais ici une question d’un grand intérêt se présente: ces paroxysmes doivent- ils être envisagés comme la manifestation intermittente et discontinue d’une condition morbide qui, elle, persisterait même pendant les inter- valles de calme, ou ne faut-il y voir qu’autant d’accidens isolés, presque autant de courtes maladies, sans autre lien qu’une prédisposition toute latente ? Nous ne parlons pas, bien entendu, des cas où l’épilepsie se rattache à une lésion organique évidente des organes de l’innervation, et où, par conséquent, dans l’intervalle des attaques on peut observer des sym- ptômes à marche continue, en rapport avec celte lésion. Quant à l’épi- lepsie sans lésion matérielle appréciable, la question que nous venons de soulever, a reçu des solutions contradictoires. Four les uns, toute la maladie consiste dans la production môme des accès, ou plutôt dans l’aptitude à les éprouver sous l’influence de diverses causes. Pour d’autres, l’épilepsie est une maladie, et l’attaque n’en est qu’un sym- ptôme, le plus grave, si l’on veut, le plus éclatant de ses symptômes, mais non le seul; le système nerveux tout entier de l’épileptique est affecté d’une manière particulière, et ce trouble se révèle par des phé- nomènes nombreux qui, pour ne consister ni en convulsion, ni en perte de connaissance, n’en sont pas moins spéciaux aux épileptiques. Celte dernière manière de voir se rapproche certainement de la vérité. Il y aurait peut-être quelque exagération à assimiler l’épilepsie à l’hystérie, en admettant dans l’une et l’autre une production également continue de phénomènes morbides dans l’intervalle des accès; néanmoins c’est là un rapprochement utile à faire et vrai dans des limites données ; et souvent un examen attentif permettra de saisir des indices peu marqués, mais certains, d’une innervation anomale, là où une observation superficielle laisserait croire à l’intégrité absolue des fonctions pendant les périodes de calme. Ces symptômes intermédiaires, presque toujours assez légers, pa- raissent suivre une sorte de progression décroissante à la suite des accès, croissante à leur approche; comme si l’irritabilité du système nerveux allait augmentant de plus en plus, jusqu’à ce que surviennent les attaques qui la dissipent et l’épuisent. C'est principalement dans l’épilepsie invétérée que les malades présentent des accidens nerveux multipliés, et des modifications importantes de toute 1 économie. Et d’abord quelques-uns parmi les symptômes de l’attaque peuvent, en per- sistant longtemps à sa suite, s’élever au rang de véritables maladies; de ce nombre sont : l’aphonie, les paralysies diverses, la dysphagie, le trismus, l’ischurie, une tympanite douloureuse (Hombcrg). En outre on constate dans les facultés mentales et affectives de ces malades des changemens particuliers : leur mémoire s’affaiblit, leurs idées devien- nent moins nettes, leur appétit génésique dégénère parfois en une sala- cité dégoûtante. Ils sont souvent ombrageux, bizarres, fantasques, hypo- crites, obséquieux, colères, perfides : un ami épileptique n’est pas un don du ciel, dit Esquirol. Beaucoup de ces malheureux finissent dans la démence; forme de la folie qui n’a ici rien de spécial, et apparaît comme le dernier terme de l’affaiblissement des facultés. Il n’en est pas de même du délire aigu qui éclate parfois entre les attaques con- vulsives, et dont les caractères indiqués plus haut dénotent un rapport si intime avec la condition organique quelle qu’elle soit qui fait le fond de l’épilepsie. La physionomie des anciens épileptiques a quelque chose de particulier, qu’on explique assez naturellement par la fréquente répétition des contractions musculaires convulsives et de l’hypérémie céphalique qui les accompagne : « La maladie comitiale est envieuse de la beauté » (Arétée) : les paupières et les lèvres s’épaississent ; les sourcils sont plus arqués que de coutume, les yeux saillants, souvent strabiques ; la cornée cachée en partie sous la paupière supérieure rend le regard vague, incertain; l’expression du visage est l’abattement, l’hé- bétude, la stupidité. La démarche devient vacillante, tous les mouve- mens sont lents et roides. D’autres faits encore ont été indiqués comme signes de la modification profonde imprimée par l’épilepsie à l’organisme tout entier : les sai- PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. gnées mal supportées, une tolérance remarquable pour les vomitifs à haute dose; une certaine immunité à l’égard des maladies contagieuses, ou une mortalité moindre pendant le règne des épidémies; le peu de gravité des affections accidentelles, telles que phlegmasies, hémorrfia- gies (Romberg). Mais ces assertions manquent de preuves suffisantes. 2072, Marche. — Durée. — Terminaisons. — L’épilepsie est une maladie apyrétique et chronique, avec intermittence des principaux symptômes; cela ressort suffisamment de la description précédente. Mais il convient d’ajouter un mot sur le mode d’invasion et de développement de l’affection. Tantôt elle débute brusquement : un homme bien portant éprouve une forte perturbation morale, et soit immédiatement, soit quelque temps après, on le voit tout à coup pâlir, pousser un cri, tomber. D’autres fois, et ce cas est moins fréquent, les caractères de l’af- fection s’ajoutent les uns aux autres et se complètent graduellement : d’abord il y a de simples absences, si courtes qu’elles échappent aux ma- lades et aux assistans ; ou même la connaissance n’est pas d’abord entièrement perdue, mais de petites convulsions se manifestent : flexion du pouce, clignement, strabisme passager; enfin, un jour arrive, où une attaque complète vient démontrer que ces symptômes, d’une si grande bénignité en apparence, étaient déjà de l’épilepsie. Ailleurs encore l'aura seule existe pendant des mois et même des an- nées: partant d’un point de la périphérie nerveuse, elle s’avance de plus en plus vers la tête qu’elle finit par atteindre; alors la perle de con- naissance et les convulsions s’y joignent, et l’attaque devient complète. Qu’ils se soient établis d’emblée avec tous leurs caractères, ou qu’ils n’aient acquis que par degrés leur physionomie définitive, les accès se reproduisent avec une uniformité non absolue, sans doute, mais très re* marquable dans une foule de cas. Ainsi, les accès sont-ils annoncés paa des prodromes, les malades en auront à chaque accès, et ces sensation prémonitoires seront presque toujours les mêmes; l'aura partira du même point ; le cri sera ou non proféré ; la chute aura lieu du même côté, les mêmes muscles se convulseront. L’intensité, qui est l’élément le plus variable, diffère elle-même moins selon les accès que selon les ma- lades. L’un a des accès nocturnes seulement, l’autre seulement diurnes. S’il existe des vertiges, isolés ou mêlés aux attaques, l’épileptique en a presque invariablement telle on telle variété; quelques-uns possè- dent deux variétés qui alternent. Quelques exemples feront mieux res- sortir celte reproduction fidèle et comme stéréotypée des mêmes sym- ptômes : une jeune fille tombait toujours sur l’un des côtés du corps, et, en la disposant dans sa chaise de façon que la chute eût lieu du côté opposé au foyer près duquel elle était assise, on pouvait l’abandonner à elle-même, sans crainte d’accidens; un jour elle se place autrement; prise d’une attaque, elle se fait de profondes brûlures aux jambes... Une malade tombait constamment, la tête en arrière ; il en était résulté une umeur sanguine h l’occiput, et l’on fut obligé de lui faire porter un bourrelet pour prévenir de nouvelles contusions... Une épileptique de la Salpètrière se luxait la mâchoire inférieure dans chacune de ces atta- ques, etc. Lorsqu’un accès a eu lieu et que la nature épileptique de cet accès a été positivement reconnue, il faut s’attendre à le voir suivi d’un deuxième et d’une série d’autres. Mais l’époque de ces retours est extrêmement variable. Des années entières s’écoulent quelquefois entre les premières attaques; plus le mal est ancien, plus en général elles vont se rappro- chant, pour s’éloigner de nouveau avec le progrès de l’âge. Généralement aussi, mais non toujours, leur violence est en raison inverse de leur nombre. Une véritable périodicité est très rare (si l’on élimine, bien entendu, les fièvres h forme épileptique). Cependant les recherches statistiques ont donné ce résultat intéressant que le retour à peu près régulier des accès est plus fréquent que leur irrégularité absolue. Au premier abord le fait a lieu de surprendre, et il semble difficile de le concilier avec la multitudedes circonstances accidentelles qui, intervenant à chaque instant dans la vie des épileptiques, peuvent provoquer de nouvellesmanifestations de leur maladie. Pour se rendre compte de celte quasi-régularité, i! faut réfléchir au rôle borné et secondaire des causes occasionnelles produc- trices des accès; loin d’être également efficaces à toutes les époques, elles peuvent trouver l’organisme tantôt dans un étal d’indifférence presque complète à leur action, tantôt, au contraire, dans un état d’ex- trême susceptibilité, et le plus souvent elles n’agissent qu’à la condition d’être secondées par une aptitude morbide spéciale et transitoire ; or, celle-ci paraît assujettie à une certaine périodicité dans ses retours. En considérant les accroissemens et les diminutions qu’elle présente, on serait tenté de croire qu’il se fait dans le système nerveux des épilepti- ques une sorte de saturation graduelle, que l’excitabilité s’y accumule peu à peu, comme nous le disions tout à l’heure, jusqu’à ce qu’elle ar- rive à une somme donnée ; alors elle éclate sous l’influence de la cause la plus légère. De là vient que, lorsque la maladie est devenue habituelle, le seul fait de n’avoir pas eu d’accès depuis longtemps, constitue une pré- disposition à en éprouver de nouveaux ; de là vient que certains épilepti- ques, inquiets, agites, moroses, travaillés par un malaise inexprimable, souhaitent une attaque, vont au-devant des émotions ou des écarts de régime qui peuvent la faire naître, et la provoquent pour ainsi dire à des- sein. — Le type le plus ordinaire des accès presque réguliers est le men- suel, et cela non-seulement chez la femme, où leur retour est lié à celui d’une fonction elle-même périodique, mais encore chez les hommes. — A titre de curiosité nous citerons l’observation suivante : « Une jeune fille née à sept mois, devenue épileptique à sept ans, présente les paroxysmes de la maladie tous les sept jours, et régulièrement à sept heures du matin PATHOLOGIE MÉDICALE. de chaque jour. Certes, elle eût été un sujet de choix pour démontrer l’influence du nombre sept, dans les écoles italiques et plus tard chez les cabalistes » (Josal). Une circonstance dont il est essentiel d’être prévenu, si l’on veut éviter des erreurs de pronostic et des illusions trop fréquentes sur l’efficacité de certaines médications, c’est que l’épilepsie subit quelquefois sponta- nément des temps d’arrêt, de longues interruptions: sans qu’aucune cause appréciable soit intervenue, on voit des malades rester des mois et des années sans éprouver ni convulsions, ni vertige ; il est vrai qu’à la suite de ces suspensions, les attaques reviennent presque toujours avec leur ancienne force, et quelquefois plus graves qu’auparavant. A mesure que l’épilepsie vieillit, les malades dont les accès sont an- noncés par des prodromes, apprennent à bien connaître la signification de ces phénomènes précurseurs; aussi les anciens épileptiques ont-ils sou- vent le temps de s’isoler, de se cacher à l’approche des attaques, et de se mettre ainsi à l’abri des accidens funestes auxquels leurs chutes les exposent. C’est moins l’instinct de la conservation qui les fait agir ainsi, qu’une sorte de pudeur. « Ainsi nous avons encore honte de notre mi- sère ! » (J. Frank.) L’épilepsie peut entraîner la mort: par les lésions traumatiques, con- séquences de la chute; par asphyxie, par hémorrhagie, surtout par hémorrhagie cérébrale; par les lésions congestives et même inflamma- toires du cerveau et de ses membranes qui se produisent quelquefois à la suite des accès violens ; par le seul fait de cette violence enfin, car toutes les autopsies d’épileptiques qui succombent en état de mal sont loin de montrer des altérations organiques considérables ; l’asphyxie et l’épuisement nerveux sont les seules causes de la mort en pareil cas : des mucosités écuraeuses se sont accumulées dans les voies aériennes, surtout l’attitude du malade s'opposant à leur issue, et d’autre part l’in- nervation s’est dépensée par une suractivité tumultueuse dont la pro- longation au delà de certaines limites n’est pas compatible avec celle de l’existence. 2073. Complications. — a. L’aliénation mentale est considérée comme l’une des complications les plus fréquentes de l’épilepsie, puisque, d’après les relevés d’Esquirol, « les quatre cinquièmes des épileptiques ont plus ou moins complètement perdu la raison » ; mais il ne faut pas oublier que cette statistique a pour base la population des hospices, celle où nécessairement prédominent les formes les plus graves de la maladie. h. L’hystérie est une autre complication fréquente ; elle se rencontre une fois sur cinq environ, sur un nombre donné de femmes épilepti- ques. L’hystéro-épilepsie (tel est le nom de la névrose ainsi compliquée) se présente sous diverses formes: ou bien la même personne a des atta- ques épileptiques et hystériques séparées; ou bien les attaques sont con- NÉVROSES. 565 566 PATHOLOGIE MÉDICALE. stituées par les phénomènes de l’hystérie et de l’épilepsie convulsive mêlés en proportion variable; enfin le vertige épileptique peut être associé avec des attaques d’hystérie pure ou alterner avec elles. (Beau.) c. Les congestions persistantes, les hémorrhagies, les inflammations des centres nerveux que l’on observe à la suite des attaques, peuvent ac- quérir assez de gravité pour devenir autant de complications;'toutefois cela est fort rare. 2074. Etiologie. — Les causes de l’épilepsie sont nombreuses. On les divise en prédisposantes et en efficientes, sans qu’il soit toujours aisé de tracer la limite qui sépare les unes des autres. Il faut tenir compte, dans une troisième classe, des causes qui provoquent le retour des attaques. A. Causes prédisposantes. — L’épilepsie peut être transmise héré- ditairement ; mais on n’est pas encore bien fixé sur la fréquence des faits de ce genre : ils seraient presque exceptionnels au dire des auteurs qui tiennent compte seulement des épileptiques nés d’autres épilepti- ques; ils paraissent nombreux, au contraire, si l’on envisage les affections nerveuses quelconques des parens comme susceptibles de créer chez les descendais une prédisposition au mal caduc. D’après Boerhaave, l’épilepsie peut sauter une génération, passant des aïeux aux petits enfans, etc. Existe-t-il une épilepsie connée, on congénitale, en ce sens qu’un en- fant issu de parens sains doive uniquement la prédisposition épilep- tique à quelque accident survenu dans le cours de la grossesse, à quel- que émotion vive éprouvée par la mère, comme par exemple la frayeur inspirée par la vue d’une attaque de haut mal? Quelques faits, rares à la vérité, portent à croire que les choses peuvent se passer de la sorte. La maladie est, dit-on, plus fréquente dans le sexe féminin ; le jeune âge et surtout l’époque de la puberté en favorisent la première manifes- tation ; elle débute rarement passé quarante ans; cependant aucun âge n’en préserve complètement, pas même l’extrême vieillesse. Quant à la constitution et au tempérament, quelques médecins ont fait de la vigueur exagérée et du développement précoce du système musculaire l’apanage d’une prétendue habitude épileptique : le nom de morbus herculeus, d’après l’étymologie la plus probable, viendrait de ce que le héros fabuleux, emblème de la force physique, aurait été lui-même affecté d’épilepsie. Mais assez généralement celle maladie se ren- contre chez les individus délicats, grêles, lymphatiques et nerveux. La même prédisposition peut être acquise par le fait d’un affaiblissement ac- cidentel de la constitution : c’est ainsi que l’état cachectique produit par la misère, les excès, les pertes considérables de liquides (hémorrhagies, flux intestinaux, salivation, leucorrhée, perles séminales, sueurs co- pieuses, lactation trop prolongée, suppurations abondantes, etc.), ou déterminé par des maladies générales qui altèrent profondément les NÉVROSES. 567 fonctions nutritives (syphilis, scrofules, scorbut, fièvre d’accès, etc.}, prépare quelquefois le développement de l’épilepsie. Ce qu’on pourrait appeler le tempérament moral, exerce ici une influence plus évidente peut-être que celle de l’organisation physique : l’épilepsie se montre souvent chez les personnes d’un caractère timide, peureux, irascible, et qui, originellement ou par suite d’une éducation vicieuse, sont promptes à sentir vivement les émotions de toutes sortes; état des facultés affec- tives qui ne coïncide pas toujours, quoiqu’on en dise, avec les attributs physiques d’un tempérament délicat. Et comme ces mêmes conditions de mobilité nerveuse sont aussi celles qu’on trouve dans l’étiologie d’une foule d’autx’es névroses, il en résulte que la migraine, la chorée, l’hystérie, lorsqu’elles précèdént l’épilepsie, sont enregistrées comme autant de causes de cette dernière maladie, alors qu’elles ne sont, en réalité, toutes (y compris l’épilepsie), que les expressions pathologiques variées d’une même manière d’être de l’économie. L’influence des climats et des saisons est peu connue ; on a seulement noté la grande fréquence du mal caduc dans les pays froids (peut-être serait-il plus exact de dire : dans les pays à température excessive), et le chiffre considérable des invasions pendant le printemps. B. Causes efficientes. — Elles sont en si grand nombre que pour les passer en revue, il nous faut étudier à part l’épilepsie symptomatique, idiopathique et sympathique. Gardons-nous, toutefois, de supposer que telle ou telle variété d’épilepsie doive présenter toujours, de par la cause qu’on lui assigne, des caractères sémiologiques propres, une marche déterminée, des indications thérapeutiques spéciales : l’obser- vation viendrait trop souvent montrer qu’il n’y a rien d’absolu dans ces groupemens toujours un peu arbitraires. 1° Cela posé, l’épilepsie est dite symptomatique lorsqu’elle se lie à la présence d’une lésion matérielle des centres nerveux ou de leurs enve- loppes. Les altérations les plus diverses peuvent y donner lieu. On a coutume de distinguer sous le nom d'épileptiformes les accès convulsifs qui accompagnent les maladies cérébrales avec altération organique ma- nifeste, mais il est souvent impossible de découvrir la moindre diffé- rence entre les attaques dites épileptiformes et celles auxquelles on donne le nom d’épileptiques. Les symptômes convulsifs sont-ils isolés, et la lésion qui les occasionne demeure-t-elle d’ailleurs latente, ne sus- citant aucun autre trouble fonctionnel ? On n’hésite pas à reconnaître l’épilepsie; au contraire, que les mêmes accès apparaissent au milieu d’autres manifestations morbides, symptomatiques de la même altéra- tion des centres nerveux, aussitôt ils déchoient du rang de maladie, pour n’ètre plus que des épiphénomènes et recevoir le nom d'épilep- ti formes; c’est-à-dire que nous sommes réduits à interpréter diver- sement le même fait pathologique, suivant le [dus ou moins d’obscurité 568 dont ses causes sont environnées. N’oublions pas d’ailleurs d’ajouter que l’épilepsie symptomatique peut devenir idiopathique, quand elle a duré pendant longtemps : c’est ce qu’on voit lorsqu’une lésion curable (par exemple un enfoncement des os du crâne) ayant été la première cause de la maladie, et cette lésion étant guérie, la maladie persiste. Et d’autre part, aussi, d’idiopalhique l’épilepsie peut devenir symptoma- tique, quand sous l’influence des attaques répétées l’encéphale devient le siège d’altérations congestives permanentes; celles-ci à leur tour jouent le rôle d’une nouvelle cause organique provoquant des convul- sions générales. Si l’on appelle symptomatique l’épilepsie qui se rattache à une souf- france matérielle quelconque des centres nerveux, il ne répugnera nul- lement de placer à côté des changemens de texture de l’encéphale ou de la moelle, les modifications plus difficilement appréciables, mais non moins matérielles assurément, qui accompagnent les altérations diverses du sang (pléthore, anémie, etc.), ou que détermine l’absorption de cer- tains poisons, comme la ciguë, l’alcool, le plomb, le mercure, ou l’empoisonnement dit urémique, complication de la maladie de Bright. On se rappelle que des accès convulsifs peuvent survenir pendant l’inva- sion des fièvres éruplives et dans le cours de certaines fièvres palustres. Mais dans tous ou presque tous ces cas, il s’agit à proprement dire d’at- taques d’éclampsie plus ou moins aiguë et transitoire; seules les intoxi- cations lentes (alcoolique, mercurielle, saturnine) qui produisent dans les centres nerveux des modifications persistantes, chroniques, peuvent être considérées comme des causes d’épilepsie véritable. 2° La maladie prendle nomd’idiopathique quand elle résulte ou semble résulter d’une cause directe et toute dynamique agissant d’emblée sur les centres nerveux, et y déterminant soit instantanément, soit au bout d’un certain temps, l’état morbide qui se traduit par la perte de connais- sance et les mouvemens convulsifs. Les émotions violentes occupent ici le premier rang, et la plus fâcheuse de toutes est la frayeur : souvent c’est la vue d’un épileptique en convulsions qui est suivie de l’apparition de la maladie chez un individu prédisposé, jusque-là bien portant (mais en pareil cas il faut faire aussi la part de Vimitation). La colère, la joie, le chagrin, agissent de la même manière ; viennent ensuite l’excitation im- modérée et l’épuisement du système nerveux par les veilles, les travaux intellectuels, l’abus des liqueurs, le coït (acte en quelque sorte spas- modique que l’on a comparé à une courte épilepsie), l’onanisme, les vives douleurs résultant d’une blessure, d’une névralgie, etc. Les impressions sensor ielles d’une inlensitéimmodéréedeviennent éga- lement et souvent des causes d’épilepsie : ainsi la vue d’une lumière éclatante, la détonation du canon ou le bruit du tocsin, les saveurs âcres, les odeurs aromatiques ou fétides ou simplement antipathiques et agissant en vertu d’une idiosyncrasie particulière ; pour le sens cutané, PATHOLOGIE MÉDICALE. le chatouillement prolongé, une chaleur excessive, un froid intense, l’immersion des pieds dans l’eau. 3° Les causes, que nous venons d’énumérer en dernier lieu n’agis- sent point directement sur l’encéphale, mais elles ébranlent presque immédiatement cet organe par l’entremise des nerfs sensoriaux. Si nous passons à l’élude de l’épilepsie sympathique ou réflexe, nous trouvons que l’action palhogénique, moins directe encore, atteint les centres ner- veux sans produire de commotion instantanée, avec le concours du con- sensus qui relie ensemble toutes les parties du système cérébro-spinal et du système ganglionnaire. Un nerf sensitif de la face ou des membres est-il blessé dans un point quelconque de son trajet par un instrument piquant ou contondant, est-il irrité par un corps étranger ou des esquilles qui tiraillent ses fibres, comprimé par une tumeur des parties molles ou des os du voisinage, un névrome se développe-t-il sur son trajet? le mal caduc pourra être la conséquence de ces divers états morbides. C’est par un mécanisme semblable que la dentition, la carie dentaire, la pré- sence de larves d’insectes logées dans les sinus frontaux (Duménil et Legrand du Saulle ; Sauvages avait signalé dans l’étiologie de la maladie « les insectes qui picotent les sinus des narines »), occasionnent quel- quefois le développement de l’épilepsie ; les excitations morbides du nerf trijumeau méritent à cet égard une attention toute particulière, et que justifient la distribution étendue de ce nerf sensitif, la multiplicité de son rôle physiologique, ses connexions avec l’encéphale dont il est comme un prolongement direct, et surtout avec les foyers d’innervation motrice renfermés dans la moelle allongée. Les nerfs viscéraux plus encore que ceux de la vie de relation sont exposés à des excitations anormales très multipliées, surtout ceux des voies digestives et génito-urinaires; aussi l’épilepsie sympathique a-t-elle souvent pour foyer ces deux appareils organiques (les organes respiratoires et circulatoires ne semblent pas exercer une influence aussi marquée): substances irritantes, ali mens indigestes ; chez l’enfant, l’in- gestion d’un lait trop séreux ou trop riche en principes alibiles, le sevrage prématuré; les affections chroniques de l’appareil digestif, la présence de vers dans l’intestin, une constipation opiniâtre, un dévelop- pement abondant de gaz, voilà autant de causes possibles d’éclampsie et quelquefois d’épilepsie sympathique. Nommons encore les con- crétions biliaires, les maladies du foie, l’engorgement de la rate; les calculs contenus dans la vessie, les uretères, les bassinets ; les étals pa - tliologiques les plus divers de l’utérus et des ovaires, depuis la simple leucorrhée jusqu’aux plus graves lésions de tissu, et même les actes physiologiques qui paraissent s’accomplir sans aucun trouble local, tels que l’apparition des règles, la grossesse; à plus forte raison devons- nous indiquer les congestions cataméniales douloureuses, les grossesses accompagnées de perturbations sympathiques plus ou moins graves. NÉVROSES. 569 570 PATHOLOGIE MÉDICALE. L’influence de la menstruation sur le développement et la marche de l’épilepsie est une des mieux établies et des plus importantes à connaître: beaucoup d'épileptiques ont vu leurs premiers accès coïncider avec l’éta- blissement difficile de cette fonction (il est vrai que souvent à cette cause, s’ajoutent une émotion vive, un refroidissement des extrémités par suite de l’immersion imprudente dans l’eau). Les cas assez graves d’épilepsie qui surviennent chez les femmes à l’âge de la ménopause, ont été envi- sagés par quelques auteurs comme résultats de la sympathie utérine. Quant à la grossesse, son influence n’a rien de constant: on la voit quel- quefois enrayer les accès épileptiques, d’autres fois les occasionner pour la première fois ou les rappeler; ailleurs des attaques, apparues au début de la grossesse et revenues plusieurs fois dans son cours, cessent avec la délivrance. Un fait plus étrange encore est celui d’une femme (citée par van Svviéten) sujette à des attaques quand elle était enceinte d’un garçon et qui n’en éprouvait pas lorsqu’elle portait une fille dans son sein ! L’acte de l’accouchement, nécessitant des efforts considéra- bles, s’accompagnant de vives souffrances, d’émotions morales souvent profondes, pouvant entraîner des hémorrhagies, des blessures doulou- reuses, semblerait à tous ces titres, devoir souvent occasionner l’épi- lepsie ; l’observation montre qu’il est loin d’en être ainsi ; car si l’on maintient la distinction rigoureuse de l’épilepsie et de l’éclampsie puer- pérale, l’importance de cette cause se trouve réduite à des proportions minimes. Chez l’homme les blessures du testicule méritent une mention particulière. Dans les deux sexes, la continence a été accusée, mais avec moins de raison certainement que l’excitation abusive du sens génital, de donner lieu au développement de l’épilepsie, JNous devons présenter au sujet des causes qui précèdent quelques observations qui s’appliquent au moins à un grand nombre d’entre elles. Sans mettre en doute que des affections viscérales puissentdevenir un foyer d’irradiations nerveuses et conséquemment une cause d’épilepsie, il est essentiel de reconnaître que dans bien des cas les points d’où le mal semble partir ne présentent point de lésions évidentes et incontestables, et que leur situation profonde a dû plus d’une fois donner le change à l’observateur. Quand le malade accuse une aura montant des mains ou des pieds vers la tête, si l’examen de ces parties n’y fait rien constater d’anormal, on se gardera bien d’y supposer une affection morbide et d’y admettre un foyer d’irritation sympathique ; mais si l'aura paraît naître de l’estomac, trop souvent on se hâte de conclure à une affection de cet organe, et l’épilepsie est dite gastrique ; de même pour l’intestin, le foie, etc. Bien plus, si la sensation est rapportée par l’épileptique à plu- sieurs points simultanément, par exemple aux lombes, à l’épaule et à l’estomac, c’est ce dernier organe qui volontiers sera pris pour la source principale de la maladie et qui lui imposera son nom. Il est certain que des erreurs de ce genre ont contribué à grossir démesurément la liste des épilepsies sympathiques, le seul fait de l'aura épileptique ayant fait supposer, à tort, dans l’organe d’où elle semble se diriger vers la tète, la présence de quelque état morbide important; combien souvent ce qui n’est qu’un symptôme a-t-il été ainsi pris pour le point de départ de la maladie! Une autre erreur consiste à ériger en causes de simples phénomènes concomitans : presque toujours le médecin, mis en présence d’une affec- tion dont l’étiologie est obscure, a une extrême tendance à la rattacher à quelque état pathologique facile à apprécier ; aussi subit-il facilement l’espèce d’illusion qui convertit une coïncidence tout indifférente en une source d’effets sympathiques. Peut-être est-ce de cette manière également que l’on a été conduit à envisager la suppression des dartres, des suppurations anciennes, d’un exutoire, comme des causes d’épilepsie; mais peut-être aussi y a-t-il quelque chose de réel dans l’action qu’on suppose exercée sur le sys- tème nerveux et peut-être sur la composition du sang, par la cessation brusque d’une sécrétion devenue habituelle. C. Causes occasionnelles des accès. — Toutes les causes déjà énu- mérées, par cela même qu’elles sont susceptibles de donner lieu à une première attaque chez un sujet sain, peuvent à plus forte raison en amener le retour dans l’épilepsie ancienne, et cela même quand leur intensité est assez faible : la moindre émotion morale, une excitation mé- diocre des sens, la seule continence forcée chez les personnes qui peuplent les hospices, les écarts de régime et principalement (on n’y saurait trop insister) les excès alcooliques, deviennent l’occasion de nouvelles attaques. L’époque menstruelle a sur leur apparition une influence incontestable. En est-il de même des phases lunaires ? C’est un sujet qui réclame de nouvelles recherches. Quant aux effets des variations de température, des changemens dans l’état hygrométrique et électrique de l’atmosphère, on n’est pas encore arrivé non plus à leur égard à des résultats bien concluans. Nous ne terminerons pas ce chapitre sans mentionner l’influence que le sommeil exerce sur la répétition des attaques, chez les épileptiques dont les accès sont habituellement nocturnes : si ces malades restent éveillés la nuit, leurs accès deviennent diurnes. (Leuret.) 2075. Anatomie pathologique. — Quoi qu’en ait dit J. Frank, alors même que l’on soumet le cadavre des épileptiques à l’examen le plus attentif, très souvent on y cherche vainement une lésion matérielle du système nerveux. D’autres fois on trouve une ou plusieurs altérations, qu’il faudrait pouvoir distinguer en primitives, c’est-à-dire ayant précédé le dévelop- pement des symptômes épileptiques, et consécutives, paraissant n’ètre que le résultat (ai le produit de ces symptômes eux-mêmes. Il nous suf- fira pour le moment de les diviser eu anciennes et récentes. NÉVROSES. 571 572 PATHOLOGIE MÉDICALE. a. Pour ce qui est des altérations anciennes, il s’en faut qu'on les ail trouvées semblables par l’étendue, le siège, la nature ; rien de moins exact, par exemple, que l’assertion deWenzel relativement aux altérations du cervelet qu’il disait être constantes chez les épileptiques. Voici le catalogue des principales lésions constatées par divers anatomo-palholo- gistes; on verra que ce sont h peu près toutes celles dont les centres nerveux ou leurs enveloppes sont susceptibles : Crâne petit, déformé, épaissi, déprimé avec ou sans fracture, concré- tions tophacées, exostoses, corps étrangers fixés dans les os ; dure-m'ere : ossifications de la faux du cerveau, de la tente cérébelleuse; épaississe- mens cartilagineux, fongus, abcès; polype des sinus veineux; pie-mère épaissie, infiltrée, adhérente à l’encéphale, contenant des concrétions, des tumeurs de diverse nature ; calculs, kystes des plexus choroïdes ; lamelles cartilagineuses ou osseuses de l'arachnoïde céphalo-rachidienne ; encéphale : pâleur, congestion, suppuration, ramollissement, induration de la substance blanche, de la substance grise, de la surface ou des par- ties centrales; développement imparfait, atrophie plus ou moins étendue des lobes cérébraux antérieurs, moyens, postérieurs; tubercules, cancer, hydalides, corps étrangers; hydrocéphalie interne, etc. Ne suffit-il pas de l’énumération de tant d’états organiques différons et même opposés pour montrer qu’on ne saurait, dans l’élude de l’épi- lepsie, établir une relation directe et simple entre l’altération anato- mique et le trouble fonctionnel? Ni le point occupé par la lésion, ni la profondeur à laquelle elle s’étend, ni son espèce, ne contiennent l’ex- plication de la maladie. L’épilepsie peut exister avec la lésion la plus légère, telle qu’une ossification partielle de la faux du cerveau, elle peut manquer dans les cas de désorganisation profonde, comme un vaste ra- mollissement cérébral ; elle peut prendre naissance à l’occasion de toutes, et toutes peuvent exister sans la produire; souvent on la voit sévir gra- vement et pendant de longues années, alors que l’examen de l’encé- phale ne montre rien, du moins rien de reconnaissable h nos moyens actuels d’investigation. Faut-il en conclure que les modifications orga- niques des centres nerveux, lorsqu’on en constate, sont de simples coïn- cidences? Nullement; mais ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’entre la lésion et le symptôme épilepsie se place une condition intermédiaire ; un élément moins saisissable, mais seul nécessaire, toujours le même au milieu de la diversité des conditions apparentes, et pouvant se réaliser alors que tous les autres font défaut. Ce sera à la physiologie patho- logique de nous apprendre quel est cet élément. — Un mot en attendant sur les lésions consécutives. b. Quand les épileptiques succombent en état de mal, on trouve dans le cerveau et dans tous les organes les lésions consécutives récentes qui appartiennent à l’asphyxie ; rien de spécial par conséquent. Toutefois l’hypérémie cérébrale avec ses caractères propres (rougeur NÉVROSES. 573 due à la dilatation des vaisseaux capillaires) et les changemens de tex- ture qui s’y ajoutent à la longue (induration ou ramollissement, exsudât albumino-fibrineux ou graisseux, hypertrophie de l’encéphale), quoique ne pouvant évidemment être envisagées que comme les effets des atta- ques répétées, méritent de fixer toute notre attention. Des éludes ré- cemment faites ont, en effet, conduira ce résultat intéressant que l’hypé- rémie, ainsi que les modifications organiques développées sous l’influence de ses fréquens retours, a pour siège principal la moelle allongée, notamment les foyers de substance grise de l’isthme encéphalique; et suivant que les convulsions ont prédominé clans la distribution de tel ou tel nerf moteur, on voit les masses grises où plongent les racines de ces nerfs être atteintes du maximum de dilatation vasculaire, d’indu- ration, de ramollissement, d’infiltration séreuse ou graisseuse. Ainsi, par exemple, on trouve ces altérations très prononcées à l’origine du nerf hypoglosse, chez les malades qui se mordent la langue pendant leurs accès; on constate leur absence plus ou moins complète chez les épi- leptiques qui ne présentent pas ou présentent rarement des convulsions linguales ; de même pour les origines du nerf de la huitième paire, sui- vant que les attaques s’accompagnent ou non de signes d’as hyxie très marqués. (Schrœder van der Kolk. ) 207G. Physiologie pathologique. — L’analyse de l’épilepsie, au point de vue de la physiologie pathologique, est pleine de difficultés; elle n’a pu être sérieusement abordée, on le conçoit, qu’à la suite d’une série de travaux ayant pour objet d’isoler l’action particulière des différens élémens qui composent le système nerveux ; travaux tous assez récens, et dont à peine quelques-uns peuvent être considérés comme terminés. Cependant, malgré des lacunes en grand nombre cl d’inévitables diver- gences d’opinions, celte étude a conduit déjà à quelques résultats inté- ressans que nous croyons devoir exposer en détail, tout en nous efforçant de n’insister que sur les points les mieux démontrés. Pour rendre cet exposé plus clair et plus facile à suivre, nous le di- viserons en deux paragraphes. Dans le premier, nous examinerons l'attaque épileptique, afin de saisir le mode de production des phé- nomènes qui la constituent et leur enchaînement réciproque; dans le second, nous rechercherons quelle est la condition morbide d’où ces attaques dérivent, qui préside à leur apparition et souvent subsiste dans leur intervalle. Physiologie pathologique de l’accès d’épilepsie; — phy- siologie du mal épileptique, tels sont les deux problèmes dont nous poursuivrons la solution; ce qui nous conduira à discuter une troisième question, celle de savoir comment l’épilepsie doit être envisagée au point de vue nosologique. Mais parlons d’abord des attaques. I. Physiologie pathologique de l'attaque d’épilepsie. 1° Accès convulsifs complets. On se rappelle que les accès de ce pathologie médicale. genre sont caractérisés par les symptômes suivans : le malade, après avoir éprouvé telle ou telle variété d'aura, pâlit, tombe sans connais- sance, en proie à une rigidité comme tétanique; l’instant d’après, sa face rougit, s’injecte, et l’on voit survenir une agitation convulsive clonique générale, qui souvent prédomine dans l’un ou l’autre côté du corps ; la respiration, d’abord violemment gênée, se rétablit par degrés; puis le coma survient, coma suivi d’un sommeil calme et du retour à l’état normal dans le cas d’attaque simple, et, dans les paroxysmes composés, de nouvelles convulsions, d’abord toniques, ensuite cloni- ques, etc. Tel est l’accès d’épilepsie ordinaire réduit à ses principaux phéno- mènes appareils, extérieurs ; reprenons maintenant ces phénomènes un à un, et voyons quels sont dans le système nerveux les actes intérieurs qui leur correspondent. a. Aura. Sous ce nom, synonyme de prodromes prochains, nous avons décrit l’ensemble des signes qui annoncent l’imminence de l’at- taque épileptique, et qui sont assez variés : tantôt c’est quelque sensa- tion insolite (aura sensitive) de froid, de chaleur, de chatouillement, de nausée, de douleur; tantôt [aura motrice) quelque mouvement spas- modique ; clignement, strabisme, contorsion des traits, secousses dans les membres, palpitations, mouvement de propulsion ou de recul, etc.; ou bien, c’est une réunion de sensations et de mouvemens pathologiques ‘aura mixte) ; tantôt enfin, on constate un trouble plus ou moins accusé des facultés, depuis la bizarrerie d’humeur jusqu’au délire furieux, qui présage l’arrivée de l’attaque convulsive (aura intellectuelle ou psy- chique). Le simple rapprochement de ces divers ordres de prodromes pro- chains suffît pour faire soupçonner leur véritable signification, et l’es- pèce de promiscuité où nous y rencontrons les phénomènes morbides de sensation, de mouvement, d’intellection, nous engage, jusqu’à un certain point, à rapporter aux mêmes organes la production des uns et des autres, c’est-à-dire à placer Vaura sensitive ou motrice sur la même ligne que l'aura intellectuelle et affective. Et, en effet, sans anticiper sur ce qui sera dit plus loin à l’occasion de l’épilepsie sym- pathique, nous pouvons établir dès à présent que l'aura sensitive, l'aura par excellence, n’est et ne peut être, dans la plupart des cas, que l’expression d’un état morbide, non point local, périphérique, mais bien central, cérébral; qu’elle est le symptôme, et non le prodrome réel d’une souffrance encéphalique perçue comme si elle avait lieu à la périphérie nerveuse; en d’autres termes, c’est une sensation illusoire analogue h ces douleurs bien connues que les amputés accusent dans leurs orteils absens quand la cicatrice de leur moignon vient à être irritée bWillis, Sauvages et d’autres). La preuve qu’il s’agit bien ici d’une sensation virtuelle et non réelle, c’est d’abord l’intégrité souvent névroses. 575 absolue des parties du corps d’où Yaura semble se diriger vers la tête ; c’est ensuite que Yaura s’observe assez fréquemment dans l’épilepsie manifestement céphalique, due par exemple à un enfoncement des os du crâne, à une tumeur cérébrale, etc. Combien, au surplus, les carac- tères de celle hyperesthésie prodromique des convulsions sont parti- culiers, et combien différons de ceux que présentent les névralgies! Nul rapport n’existe d’ordinaire entre le siège de cette hyperesthésie et le trajet de telle ou telle branche nerveuse déterminée ; souvent ce n’est même pas de la douleur que la malade éprouve, mais quelque chose de vague, d’indéfinissable, qu’aucune comparaison ne peut rendre; puis, comment concevoir cette marche ascendante de la sensation, coupée brusquement par la perte de connaissance? Il y a plus : quand il existe à la périphérie nerveuse, soit à l’un des membres, quelque lésion, une tumeur, une cicatrice, etc., d’où l'aura paraît s’élever vers la tête, il s’en faut que l’observation nous montre un rapport habituel entre les accès d’épilepsie et une modification quelconque, une aggravation sur- tout, de l’état morbide périphérique. Nous reviendrons tout à l’heure sur la part qu’il convient de faire à ce dernier; pour le moment, nous vou- lons seulement répéter que, à l’égard de l'aura epileptica, on commet bien souvent une double erreur : 1° En considérant les sensations accusées à la périphérie du corps comme ayant leur raison d’être dans cette périphérie même, alors qu’en réalité, elles ne sont que l’écho lointain d’un état pathologique des centres nerveux; 2° En envisageant ces sensations (et conséquemment aussi la modi- fication locale qu’on imagine pour s’en rendre compte) comme le point de départ de l’attaque épileptique, tandis qu’il n’y faut voir que le com- mencement même de celte attaque. L’étude de Y aura motrice nous conduirait aux mêmes conclusions; rappelons surtout ces phénomènes de locomotion involontaire et comme irrésistible (propulsion, recul, rotation, etc.), signalant quelquefois le début des attaques, et qui rappellent d’une manière si saisissante les résultats des lésions cérébrales et surtout des incisions pratiquées chez les animaux sur les diverses portions de l'isthme encéphalique. Assez souvent, Yaura manque, et c’est soudainement, sans prélimi- naire aucun, que l’épileptique tombe comme sidéré. M. le professeur Piorry propose pour les cas de cette espèce une explication originale, mais dont les considérations qui précèdent permettront d’apprécier le degré de vraisemblance : toute attaque d’épilepsie serait précédée A'aura, selon M. Piorry; seulement, quand la sensation occupe le nerf optique, ce qui serait fréquent, elle s’élancerait comme un trait jusqu’au cer- veau, et par sa rapidité même échapperait à la perception! b. Pâleur de la face. Perte de connaissance. — La décoloration de la face au début des attaques est un fait à peu près constant (bien que telle- 576 PATHOLOGIE MÉDICALE. ment fugitif parfois qu'il peut passer inaperçu, remplacé qu’il est promp- tement par un état tout opposé, une congestion de plus en plus intense, une lividité des légumens, qui absorbe toute l’attention de l’observateur). Évidemment, il existe une relation quelconque entre cette pâleur initiale et la perte de connaissance, car les deux phénomènes sont simultanés. Il est très vrai que la perte de connaissance se prolonge au delà de celte première phase, et persiste jusqu’à la fin de l’accès; cependant il y a ana- chronisme manifeste dans toutes les théories qui attribuent l’inconscience à un état congestif : quand la congestion succède à la décoloration, déjà la perte de connaissance est consommée. Celle-ci n’a-t-elle pas éga- lement lieu et irést-elle pas très profonde même, dans le simple vertige épileptique où toute hypérémie appréciable fait défaut? M. Brovvn- Séquard a cherché le premier à expliquer la corrélation des deux phé- nomènes qui nous occupent, h savoir : la pâleur subite du visage et la soudaine suspension de l’activité cérébrale. On sait que les artères de la tête et leurs ramifications sont accompagnées par des filets du grand sympathique, émanant des ganglions cervicaux de ce nerf; on sait égale- ment que le rôle physiologique de ces filets nerveux accolés aux artères, consiste à les maintenir dans un état d’amplitude déterminé, grâce, sans doute, à leur action sur la tunique musculeuse des vaisseaux ; les expé- riences ont démontré, en effet, que la section de ces nerfs vaso-moteurs entraîne la dilatation, et leur irritation, le resserrement des branches artérielles. Conséquemment, étant donnée une excitation morbide de ces nerfs, qu’en résultera-t-il? Une anémie subite et de la face et des lobes cérébraux : d’un côté, pâleur du visage; de l’autre, arrêt des fonctions encéphaliques dont le sang artériel est le stimulant nécessaire. L’impossi- bilité de la production d’un vide dans la cavité crânienne n’est nullement en opposition avec cette théorie (dont au surplus l’expérimentation di- recte a confirmé l’exactitude), car le resserrement des artères peut être compensé par la dilatation des veines ou par l’afflux du liquide céphalo- rachidien, et l’anémie de la convexité cérébrale peut se trouver contre- balancée par l’hypérémie de la base. Cette excitation des filets vaso-moteurs, comment s’engendre-l-elie et quel en est le point de départ? C’est ce qui sera examiné plus loin; notons seulement que les ganglions cervicaux du grand sym- pathique ont la source de leur innervation, du moins en majeure partie, dans le bulbe rachidien et dans la région cervicale de la moelle épinière, c’est-à-dire dans ce même tronçon de l’axe cérébro-spinal que nous allons voir tout à l’heure entrer en jeu, pendant le stade convulsif de l’attaque. L’intervention du grand sympathique dans la production de l’accès est, du reste, rendue vraisemblable, sinon évidente , pour d’autres parties de ce nerf par une foule de symptômes qui se rencontrent pen- dant les convulsions épileptiques ou à leur suite ; douleurs viscérales, NÉVROSES. 577 spasmes des organes animés par les filets ganglionnaires, sécrétions et excrétions anormales (borborygmes, vomissemens, modifications quan- titatives et qualitatives de l’urine, émission de sperme, etc.). c. Cri. — Signalons en passant le cri que jettent les épileptiques au début de leurs convulsions, comme un symptôme difficile à l’interpréter. Peut-on le prendre pour l’expression de la surprise et de la frayeur (Beau)? ou bien d’une vive douleur (Herpin)? Non, évidemment; si telle en était la cause, les malades, revenus à eux, ne manqueraient pas de s’en souvenir, et il est constant que leur mémoire n’en garde aucune trace. Tout porte à penser que ce cri résulte d’une secousse convulsive (contraction spasmodique des muscles du larynx, brusque mouvement d’expiration), survenant au moment où déjà la connaissance est per- due ; et il est intéressant de remarquer que cette convulsion se mani- feste justement dans les organes de la respiration, où se passeront aussi tout à l’heure les phénomènes les plus importans de l’attaque. Quant aux cris articulés, à ces phrases entières que certains malades profèrent automatiquement, au moment où ils tombent, et dont ils ne conservent non plus aucun souvenir, il semble assez naturel de les envisager comme des variétés du délire transitoire des épileptiques. d. Convulsions générales. — Première phase : Rigidité. — Cette période de l’attaque traduit l’exaltation fonctionnelle, au maximum, des éléraens moteurs renfermés dans le bulbe rachidien (et probablement aussi dans la partie supérieure de la moelle épinière) ; exaltation fonc- tionnelle qui est loin d’avoir toujours un point de départ identique. Elle peut, comme nous le verrons tout à l’heure, être directe, primitive, c’est-à-dire reconnaître pour cause une condition, appréciable ou non, inhérente aux organes surexcités ; —elle peut aussi ne se produire que secondairement, indirectement, par sympathie, c’est-à-dire succéder à l’irritation de quelque autre partie du système nerveux. De quelque manière qu’elle se produise et quelle qu’en soit l’origine première, cette motricité exaltée, c’est toute l’attaque épileptique (en tant que convulsions, du moins). En effet, elle se propage aux nerfs moteurs les plus voisins : facial, glosso-pharyngien, hypoglosse, maxil- laire inférieur, etc., et provoque la contorsion du visage, la construction de la gorge, les mouvernens spasmodiques de la langue, le rappro- chement des mâchoires, tous phénomènes qui signalent le commen- cement de l’attaque. Elle se communique aux nerfs respirateurs, et pro- duit la roideur des muscles où ces nerfs se distribuent, d’où l’immobilité du thorax, la convulsion asphyxiante, cause à son tour d’une série de phénomènes secondaires, et qui donne à l’attaque sa physionomie caractéristique. Elle se transmet aux autres nerfs moteurs rachidiens, et suscite les convulsions du tronc et des membres. Enfin, sous la même influence nous avons vu plus haut les nerfs vaso-moteurs de la tête déterminer le spasme des artères de la face et du cerveau, et cette anémie soudaine faire naître la pâleur du visage et la perte de connaissance. Parmi les muscles atteints par la rigidité tonique initiale, nous devons mentionner plus spécialement ceux du larynx et ceux du cou (principa- lement le slerno-mastoïdien et le trapèze, le peaucier, l’omohyoïdien), en raison de l’importance qui leur a été accordée dans certaines théories. Suivant Marshall-Hall, le spasme laryngé, laryngismus, et la convul- sion des muscles cervicaux, trachelismus, surviendraient tout au début de l’attaque ; c’est l’arrêt de la respiration, c’est le difficile retour du sang de la tête vers le cœur, c’est l’hypérémie encéphalique veineuse, effets successifs de ces convulsions, qui amèneraient après eux la perte de connaissance et les convulsions subséquentes. Telle est la théorie que le physiologiste anglais n’a pas craint de prendre pour base d’une théra- peutique extrêmement hardie. Elle a malheureusement contre elle ce fait sur lequel nous ne saurions trop insister, à savoir que la perte de connaissance chez les épileptiques est antérieure à l’apparition de tout phénomène convulsif. Ajoutons encore au sujet du laryngisme et diWm- chélisme que, s’il n’est pas rare, dans une attaque incomplète, de les voir apparaître seuls, à l’exclusion de toute contraction des membres, il est constant, d’un autre côté, que le même isolement peut être observé pour les mouvemeus de la face, des yeux, d’un bras, etc.; les vertiges épileptiques ne nous offrent-ils pas même avec une absence absolue de laryngisme, de trachélisme et de convulsions quelconques, une tout aussi profonde inconscience que les grandes attaques convulsives? Qu’est-ce d’ailleurs que le laryngisme et le trachélisme, sinon la conséquence d’une surexcitation motrice déjà existante du bulbe rachidien ! Et quelle nécessité y a-t-il dès lors de faire intervenir, pour expliquer les convul- sions générales, une modification encéphalique nouvelle, alors qu’il suffit d’admettre la continuité de l’état qui existait dès le début, et qu’atteste l’apparition même du laryngisme ou du trachélisme ? Ce n’est pas à dire que ces derniers phénomènes, pour n’êtrc pas directement générateurs de ceux qui les suivent, ne contribuent puis- samment, quand iis existent, à faire naître l’asphyxie et l’hypérémie vei- neuse qui ont une importance incontestable, eu égard aux symptômes de l’attaque et à ceux qu’elle entraîne à sa suite. En effet, la contracture des muscles respirateurs, et l’immobilité du thorax qui eu résulte, donnent lieu à une véritable asphyxie : le sang vei- neux, faute de pouvoir se déverser librement dans le cœur, s’accumule de proche en proche dans tous les réseaux capillaires, au point d’y dé- terminer quelquefois des ruptures (d’où les hémorrhagies) ; les capil- laires delà face notamment s’injectent, et l’on y voit la purpurescence et la lividité prendre la place de la pâleur qui a marqué le début de l’accès; sans doute aussi, à ce moment l’excitation des nerfs vaso-mo- teurs étant tombée et un relâchement extrême des tuniques artérielles succédant à leur contraction spasmodique, il y a là une condition de plus PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. pour favoriser l’engorgement des vaisseaux. Nous essayerons tout à l’heure de déterminer quelle action la veinosité générale exerce sur les centres nerveux mêmes ; action rendue au moins très probable par la simultanéité de ces deux phénomènes : asphyxie et convulsion clonique, qui marquent le passage de la première phase convulsive à la seconde. e. Deuxième phase convulsive : Convulsions claniques. — On se rap- pelle que la convulsion clonique ou contraction intermittente exprime toujours un état d’excitation motrice moindre que le degré auquel cor- respond la convulsion tonique ou tétanique, c’est-à-dire la rigidité sou- tenue de la fibre musculaire. Si nous appliquons cette notion générale aux faits dont nous poursuivons l’analyse, nous reconnaîtrons que dans l’attaque d’épilepsie, le clonisme, quelle qu’en soit la violence, succède au tonisme, parce que l’excitation maxirna du bulbe et de la moelle fait place à une excitation plus faible. D’où vient ce décroissement ? On peut sans doute alléguer ici une loi générale de l’économie, en vertu de laquelle tout excès d’activité fonctionnelle est suivi d’un épuisement, tantôt brusque, tantôt graduel; mais on peut aussi aller plus loin, et rechercher quelle est la part du trouble apporté à l’hématose et à la circulation intra-crânienne et intra-vertébrale, dans cette succession de mouvemens morbides de moins en moins soutenus, et se demander dans quel sens ces conditions modifient les centres nerveux. Ce qui est certain, c’est que la veinosité générale, conséquence des convulsions, stupéfie l’activité de tous les organes; le système nerveux n’est pas soustrait à celte influence, et son excitation s'éteint par degrés, à mesure que se prolonge le contact du sang veineux avec les foyers de la motri- cité. Il semble que de cette façon le danger se trouve conjuré par son excès même, puisque les convulsions ayant produit l’asphyxie, à son tour l’asphyxie, en imprégnant les centres moteurs de sang veineux, y diminue l’excitation morbide. C’est pendant cette deuxième phase, ou période clonique, que survien- nent dans la face, le tronc, les membres, des mouvemens variés, des déplacemens plus ou moins étendus : les plans musculeux des réser- voirs organiques se contractent; des secousses agitent les parois pecto- rales, et ces secousses rétablissent en pa.iie la respiration; des muco- sités spumeuses, quelquefois sanglantes, sont rejetées, l’hématose devient de moins en moins imparfaite, et les centres nerveux se débar- rassent graduellement de l’excès de sang veineux qui les encombrait. Si alors l’excitation motrice est épuisée, on voit graduellement aussi les contractions musculaires s’éloigner, puis cesser, et arriver la période comateuse dont il nous reste à parler. f. Période de coma. —Quand l’excitation motrice, usée en quelque sorte par les convulsions que nous venons de décrire, se trouve apaisée, le système musculaire entre en résolution ; cependant les centres ner- veux ne peuvent revenir instantanément à leur état normal : soit proslra- 579 580 PATHOLOGIE MÉDICALE. tion toute dynamique, soit, et plus probablement, persistance d’un certain degré d’hypérémie, une stupeur profonde succède à l’agita- tion désordonnée, la connaissance reste longtemps abolie, et la respi- ration stertoreuse et pénible, ne reprend que lentement sa régularité. A mesure qu’elle gagne en ampleur, que la pléthore veineuse achève de se dissiper, le coma se continue insensiblement en un sommeil tran- quille, au sortir duquel les perceptions, d’abord vagues, confuses, de- viennent d’instant en instant plus nombreuses et plus nettes. Tout est terminé alors ; le malade, sans aucun souvenir de ce qu’il vient d’éprou- ver, accuse seulement quelques sensations douloureuses en rapport avec les violentes perturbations de la circulation cranio-racbidienne, et aussi avec les secousses multipliées dont le système musculaire a été le siège. Il y a lieu de supposer que le passage du sommeil comateux au som- meil normal, correspond au moment précis où l’hypérémie cérébrale finit de disparaître, des recherches récentes ayant démontré, contrai- rement à des vues physiologiques accréditées, que pendant le sommeil le cerveau est loin d’être plus congestionné qu’à l’état de veille, et qu’il se trouve au contraire dans un état d’anémie relative. (Durhain.) g. Reprise. Paroxysmes. — Mais ce n’est pas toujours ainsi que les choses se passent. L’excitation motrice peut avoir eu trop d’intensité pour se calmer à la suite une seule attaque convulsive. Alors, à peine le coma a-t-il remplacé l’agitation spasmodique générale, à peine les centres nerveux, désobstrués du sang veineux qui distendait leurs vaisseaux capillaires, ont-ils eu le temps de reprendre partiellement leur activité fonctionnelle, que voilà de nouveau l’irritation motrice du bulbe et de la moelle provoquant des mouvemens convulsifs, successivement toniques et cloniques. Les paroxysmes ou attaques composées (accès imbriqués, subintrants, état de mal) se produisent par ce mécanisme. Chose re- marquable : dans ces paroxysmes on voit, en général, l’intensité et la durée des convulsions, surtout du tonisme, décroître à mesure que les attaques se multiplient, comme si l’irritation motrice renaissante trou- vait un obstacle au déploiement intégral de ses effets dans l’asphyxie même qui résulte des attaques précédentes. Résumé. — 1° Excitation motrice, ou primitive ou secondaire, de la moelle allongée (et de la moelle épinière), s’irradiant vers les nerfs vaso-moteurs et vers les nerfs moteurs musculaires : de là, d’une part, décoloration de la face et perte de connaissance; d’autre part, convulsion tonique des muscles, et en particulier de ceux qui meuvent le thorax. 2° Asphyxie due à cet enrayement des mouvemens respiratoires. Elle peut devenir mortelle; mais par cela même que ses effets s’étendent aux centres nerveux, elle y calme l’excitation motrice, dont elle est la conséquence éloignée, et ainsi à la convulsion permanente succède la convulsion discontinue. 3° Celle-ci rétablit peu à peu le jeu des mouvemens respiratoires ; NÉVROSES. 581 quant aux centres nerveux, un collapsus profond y remplace l’exci- tation antérieure. U° Il peut arriver que l’excitation motrice se régénère à mesure que la congestion asphyxique diminue, et alors l’attaque recommence. On voit que les phénomènes essentiels de l’épilepsie convulsive sont au nombre de deux, et qu’ils contrastent entre eux, l’un étant né- gatif, l’autre positif ; ce sont : la perte de connaissance et la convulsion asphyxiante. L’enchaînement de ces symptômes se conçoit assez natu- rellement, pour qu’il paraisse inutile d’insister sur une théorie qui les envisage l’un et l’autre comme négatifs, en déclarant que la contrac- tion des muscles correspond à l’inaction, et leur relâchement à l’exci- tation du système nerveux moteur ! B. Attaques convulsives incomplètes.— Elles sont de plusieurs sortes, et nous renvoyons pour tous les détails descriptifs à la Symptomatologie. Quelques mots seulement sur leur interprétation physiologique. a. L’absence A aura constituerait au besoin une première variété d’accès convulsifs incomplets, ou du moins qu’on peut considérer comme tels, en les rapportant au type un peu artificiel que nous avons adopté de la grande attaque. b. Une deuxième variété qui admet plusieurs subdivisions embrasse tous les faits où l’excitation motrice vient h manquer par exception dans le domaine de tel ou tel nerf moteur, habituellement envahi par elle dans le cours des attaques d’épilepsie. Tantôt ce sont les nerfs vaso-moteurs de la têtequi se trouvent faible- ment atteints ou même entièrement respectés (ce qui est rare) : c’est ainsi que paraissent s’expliquer les attaques avec conservation ou seu- lement obnubilation légère de la connaissance, avec persistance de la coloration normale de la face, au début; tantôt cette immunité se remarque dans l’un ou l’autre groupe de nerfs moteurs musculaires : de là des convulsions bornées quelquefois à un très petit nombre de parties. Sous ce rapport, les convulsions épileptiques pourraient, jus- qu’à un certain point, être distinguées en constantes et en variables. Les premières sont principalement : la contraction spasmodique du pharynx et du larynx, du peaucier de la face. Les autres muscles, y compris les inspirateurs et les expirateurs, peuvent être complètement indemnes dans les attaques légères, et l’on conçoit combien l’absence des phénomènes asphyxiques change alors la physionomie générale de l’accès. G, Attaques non convulsives. — Dans les faits précédées, nous avons vu l’élément convulsif s’atténuer et s’effacer peu h peu, dans ceux dont il nous reste à parler, il devient nul. a. Ainsi dans l’attaque vertigineuse proprement dite [absence], il peut arriver qu’aucun muscle ne se contracte ; seules l’inconscience, une 582 PATHOLOGIE MÉDICALE. inconscience profonde, malgré sa brièveté parfois extrême, et la décolo- ration de la face, attestent la présence de l’épilepsie ; et cependant l’affi- nité entre ces vertiges elles grandes attaques convulsives est démontrée jusqu’à l’évidence par leurs rapports d’alternance ou de succession, par leur commune éliologie, par l’identité de leurs effets secondaires. Dans le vertige, l’excitation motrice paraît se localiser dans les nerfs vaso- moteurs de la tête, et conséquemment le seul phénomène qui se pro- duise est la contraction artérielle, suivie d’anémie encéphalique et faciale. Est-il même bien certain qu’en pareil cas, la stimulation des filets vaso-moteurs dérive encore de celle du bulbe rachidien? ne se peut-il pas qu’elle ait son foyer dans les ganglions cervicaux du grand sympa- thique lui-même ? Question qui tout d’abord en suppose résolue une autre, celle de savoir si, en dehors de la motricité d’emprunt que le nerf grand sympathique lire de l’axe cérébro-spinal, il en possède une à lui propre et indépendante. b. L’attaque délirante, sous ses aspects variés, nous offre un autre mode d’accès non convulsifs. Pas plus que pour le vertige, et nous avons eu soin de dire pourquoi, le doute n’est permis, quand il s’agit d’établir l'équivalence parfaite de ce symptôme et des autres manifes- tations épileptiques. M. Bouillaud appelle la convulsion un délire du mouvement; on pourrait ici retourner les termes de cet ingénieux rap- prochement, et dire que le délire épileptique est une convulsion de l’in- telligence, L’excitation épileptique est transportée des organes incita- teurs du mouvement à ceux qui président à l’accomplissement des actes intellectuels, ou encore (comme les données les plus probables de la physiologie permettent d’exprimer le même fait), il semble qu’elle passe de la substance grise intra-médullaire à la substance grise «les cir- convolutions cérébrales. c. Existe-t-il des attaques purement hyperesthétigues d’épilepsie? En d’autres termes, la suractivité morbide peut-elle, dans l’épilepsie, se trouver limitée à la seule sensibilité, comme nous savons qu’elle peut frapper exclusivement l’intelligence, de sorte qu’on aurait une épilepsie motrice, une intellectuelle, une sensitive? Il est permis, jusqu’à un cer- tain point, d’envisager h ce point de vue certaines névralgies remar- quables par la soudaineté de leurs invasions, par leur extrême violence, par leurs apparitions irrégulières et non motivées, par l’obnubilation intellectuelle qui les accompagne, et aussi par leur décourageante résis- tance à toute médication. (Voy. à ce sujet un mémoire de M. Trous- seau : De la névralgie épileptiforme, dans Archives gén. de ntéd., 1853, 5“ série, t, I, p. 33.) Mais les faits de cette espèce réclament en- core de nouvelles études. D. Accès épileptiques anormaux. —Nous désignerons ainsi les accès convulsifs dont l’un ou l’autre stade présente un degré d’intensité ou NÉVROSES. 583 une durée insolite; lorsque, par exemple, à la suite d’une agitation musculaire très modérée ou môme à peine appréciable, survient un coma profond et prolongé (c’est ce que certains auteurs appellent ïapo- plexie nerveuse) ; lorsque le malade se réveille et recouvre pleinement sa connaissance au milieu des plus fortes convulsions, et sans période comateuse intermédiaire, etc. Ce sont là des particularités qu’il faut re- noncer à expliquer, à moins de se contenter des idées, ou plutôt des mots de disposition individuelle, d’idiosyncrasie, etc. IL Du mal épileptique, ou de Vépilepsie envisagée dans Ven- semble de ses manifestations. C’est un fait considérable au point de vue de la pathologie rationnelle que la connaissance des modes multiples et différons sous lesquels peut se présenter l’épilepsie. La parité établie entre ses manifestations con- vulsives et non convulsives, l’épilepsie cesse d’être étudiée abstracti- vement comme un désordre intermittent de la rnotilité, et se présente à nous comme une névrose complexe; c’est-à-dire que, sortant de la pure sémiologie, nous nous élevons du phénomène convulsions géné- rales à une notion plus compréhensive et plus exacte, à l’idée d’une encéphalopathie; encéphalopathie qui se révèle par les convulsions comme parle plus grand, sans doute, et le plus caractéristique de ses effets, mais non comme par l’indice unique de sa présence. Déjà la réalité de cette encéphalopathie épileptique est suffisamment prouvée par la diver- sité des symptômes transitoires qui surviennent pendant l’attaque, puis- que nous y trouvons, tantôt mêlées et tantôt isolées, des perturbations intellectuelles, motrices, sensitives, etc. Mais, de plus, il y a chez les épileptiques, dans l’intervalle de leurs accès, des souffrances erratiques, des perversions du caractère, des excentricités ou même des troubles profonds de la pensée, quelquefois des phénomènes spasmodiques locaux (voy. ci-dessus 2071, II, p. 562); et tous ces désordres, pour n’être rien moins que la classique convulsion générale avec perte de connais- sance, n’en sont pas moins l’épilepsie. Voudrait-on n’y voir qu’une con- séquence des attaques répétées? A chaque pas, l’observation montrerait l’insuffisance de cette interprétation. Les considérerait-on, ces mêmes troubles, comme des coïncidences fortuites, des complications ? Mais alors d’où viendrait leur analogie, l’empreinte spéciale qu’on y recon- naît, malgré leurs diversités de siège et de forme ? D’ailleurs pourquoi ces coïncidences ? Puis, chez bien des malades, les phénomènes dont nous parlons sont si vagues, si fugaces, si étranges, qu’ils se refusent à toute détermination nosographique. Lueurs d’un foyer lointain, leur signification échappera toujours à quiconque ne saisira pas leur rapport avec la modification grave que les centres nerveux ont subie. Mais cette modification, quel en est le siège, la source, et en quoi consiste-t-elle? Telles sont les questions que nous avons maintenant à examiner. 584 PATHOLOGIE MÉDICALE. A. Du mge de] Vépilepsie. — Nous n’aurons garde de faire la revue historique, qui serait longue et sans grand profit, des diverses assertions émises sur ce point de pathologie, depuis Hippocrate qui trouvait déjà des erreurs à réfuter, jusqu’aux médecins contemporains. Qu’il nous soit permis de faire remarquer seulement que parmi ces opinions con- tradictoires, il s’en trouve plusieurs qu’on peut écarter comme entière- ment étrangères au débat, tant est grande en ces matières la con- fusion des points de vue. On ne saurait trop le redire, autre chose est le siège d’une maladie, autre chose son point de départ. De ces deux inconnues chacune comporte des recherches particulières et une solu- tion distincte, et c’est surtout dans l’étude du système nerveux, où tout s’enchaîne et se pénètre, qu’il faut se garder de mettre en oubli cette notion très simple, mais fondamentale. La migraine, par exemple, ou le vertige ont pour siège la tête, et peuvent avoir l’estomac pour point de départ ; la névralgie de la face occupe toujours le nerf de la cinquième paire, soit qu’elle se développe à la suite d’une tumeur du trijumeau, ou d’une carie dentaire, ou d’une intoxication paludéenne ; l’amau- rose, sympathique ou non, est invariablement une affection de l’appareil visuel ; tout délire est cérébral, etc. De même, lorsqu’il s’agit de loca- liser l’épilepsie, on ne saurait songer à assigner h la maladie un siège encéphalique ou spinal ou périphérique, nia différencier l’épilepsie san- guine de l’épilepsie nerveuse, etc,, l’identité des symptômes impliquant l’identité des lieux affectés. Ce n’est donc qu’après avoir déterminé quels sont les organes malades, que nous aurons à rechercher comment ils le sont devenus, si c’est primitivement ou secondairement, et suivant quel mécanisme. Bien que l’une et l’autre de ces questions soient du ressort de la physiologie morbide, cependant la première touche de plus près à l’anatomie pathologique, tandis que la seconde tend à se confondre avec l’étiologie. La route étant ainsi tracée, voyons quelle série de faits et de déduc- tions pourra nous conduire à la solution du problème énoncé : du siège de l’épilepsie. a. En nous en tenant aux faits les plus ordinaires, c’est-à-dire à l’épilepsie convulsive et vertigineuse, nous avons à rechercher : s’il existe une région du système nerveux, où une excitation morbide étant donnée, il s’ensuive la production de convulsions générales, avec perte de connais- sance, asphyxie, etc. Or, nous avons vu que tous ces symptômes s’expliquent avec une précision frappante, et jusque dans leurs détails, par l’hypothèse où le mal occuperait le bulbe rachidien, c’est-à-dire en admettant que l’excitation motrice de ce tronçon de l’axe cérébro-spinal s’irradie le long des nerfs vaso-moteurs de la tête, des nerfs moteurs musculaires, et notamment jusqu’aux nerfs des muscles respirateurs, dont les fonctions sont si prochainement subordonnées à celles du bulbe rachidien. b. La structure du bulbe rachidien fournit plusieurs données à l’appui de ce que nous ne voulons présenter encore que comme une hypothèse. L’une des particularités les plus saillantes de la constitution anatomique du bulbe, c’est d’abord la présence d’une foule de libres transverses faisant office de commissures entre ses deux moitiés latérales, et consé- quemraent entre les fibres radiculaires des nerfs qui y sont renfermées ; d’un autre côté, le bulbe abonde en amas gris de cellules, organes d’in- nervation centrale; double condition anatomique favorable à la produc- tion de mouvemens spontanés, bilatéraux, et, de plus, compatible avec la prédominance latérale de ces mouvemens, — Quelques-uns des faits déjà mentionnés, à l’occasion de l’anatomie pathologique (voy. le pa- ragraphe précédent), confirment encore ces présomptions tirées de l’anatomie normale. c. Voici maintenant des résultats d’expérimentation qui, tout en démon- trant l’intervention du bulbe, tendent à mettre hors de cause les por- tions des centres nerveux situées au-dessus ou au-dessous de lui. D’après les expériences de MM. ïenner et Kussraaul, la section com- plète de la moelle cervicale ne s’oppose pas au développement d’une attaque de convulsions épileptiques ou épileptiformes (toutefois la généralité de cette proposition ne paraît pas démontrée d’une manière définitive). D’une autre part, chez les animaux auxquels M. Brown-Séquard pou- vait à volonté donner des convulsions entièrement semblables h celles de l’épilepsie (1), l’ablation des lobes cérébraux et du cervelet dans leur totalité n’empôchait pas les attaques d’avoir lieu. (Que deviennent, pour le dire en passant, en présence de ces faits irrécusables, les théories qui placent le siège de l’épilepsie, les unes dans le cerveau proprement dit, les autres dans le cervelet, d’autres encore, dans l’appareil périphérique et central de la vision ou néwomme de M. le professeur Piorry? ) NÉVROSES, 585 (1) Voy. Recherches expérimentales sur la production d’une affection convul- sive épileptiformeàla suite des lésions de la moelle épinière (Archiv. de méd., i 856, février). Les sections complètes ou incomplètes de la moelle, et particulièrement la section en transvers d’une de ses moitiés latérales, sont suivies d’une maladie convulsive chez tous les animaux qui survivent plus de trois à quatre semaines à l’opération ; il faut avoir soin de diviser la moelle dans la portion comprise entre la septième ou la huitième vertèbre dorsale et la troisième lombaire. C’est dans la troisième semaine après l’expérience que les convulsions se montrent or- dinairement. Leursiége varieavec celui de la lésion elle-même ; elles ont lieudans tout le corps, à l’exception du membre ou des membres postérieurs paralysés ; après la section des cordons latéraux ou antérieurs, elles sont isolées dans le train anté- rieur ou dans le train postérieur. Elles surviennent quelquefois spontanément, mais on peut, en général, les provoquer aisément par certaines excitations : toute irritation un peu vive de la face et surtout de la partie animée par le nerf sus-orbitaire produit un accès ; lorsque la lésion de la moelle est limitée à l’une 586 PATHOLOGIE MÉDICALE. d. C’est donc principalement, sinon exclusivement, dans le bulbe rachidien que siège la modification pathologique que traduit l’attaque d’épilepsie convulsive ; là est le nodus epilepticus, pour nous servir des expressions de MM. Tenner et Kussmaul, et c’est à la condition ex- presse d’envahir le bulbe rachidien en ses éléments moteurs, qu’une affection quelconque, centrale ou périphérique, du système nerveux, pourra s’accompagner d’attaques convulsives générales. Ainsi, chez les animaux rendus épileptiques par la section de la moelle, M. Brown- Séquard n’a réussi à provoquer des attaques que longtemps après l’opé- ration, à partir de la troisième semaine seulement : comme si l’irritation produite par le traumatisme avait mis ce long intervalle à monter du point lésé jusqu’à la région bulbaire de la moelle. B. Du point de départ de l'épilepsie. — La modification patholo- gique dont la moelle allongée est le siège doit être distinguée, suivant les cas, en primitive et secondaire ; division qui nous paraît préférable à celle de l’épilepsie en cérébrale, spinale et nerveuse, et même en épilepsie périphérique et centrique (comme le dit Marshall-Hall). 1° Exaltation motrice primitive des centres nerveux (1). — L’exci- tation motrice du bulbe est dite primitive quand elle s’engendre in situ, peu importe d’ailleurs qu’elle se produise dans l’une ou l’autre des con- ditions suivantes : a. Par le fait de quelque changement de texture appréciable : hypé- rémie du bulbe, ramollissement, induration, tubercules de cet or- gane, etc.; b. Par suite du contact avec la trame de ce centre nerveux d’un sang diversement altéré (intoxications, présence d’acide carbonique en excès ; pléthore, chloro-anémie?); c. Ou bien enfin en l’absence de toute circonstance matérielle sai- de ses moitiés latérales, c’est la moitié de la face du côté correspondant qui, seule, a la puissance d’exciter des convulsions (pincement de la peau, brûlure, galvanisme ; quelquefois il suffit de toucher la peau de la face ou même de souffler sur elle pour faire éclater un accès). Le même résultat peut être obtenu en empêchant l’animal de respirer pendant un temps très court .. Ces curieuses expériences, conduites et interprétées avec une sagacité vraiment admirable, ne peuvent manquer de jeter un nouveau jour sur l’étude de l’épi- lepsie. Elles tendent, entre autres résultats, à faire attribuer aux altérations de la moelle une importance capitale dans l’étiologie de cette maladie. Avouons cepen- dant que jusqu’à présent la pathologie humaine ne confirme guère ni la fré- quence de l’origine rachidienne de l’épilepsie, ni surtout l’influence presque exclusive (si manifeste pourtant dans les expériences de M. Brown-Séquard), que les irritations du nerf trijumeau exerceraient sur la réapparition des attaques. (1) On voudra bien remarquer que Vexaltation motrice primitive comprend à la fois l’épilepsie idiopathique et l’épilepsie symptomatique des auteurs. sissable : l’irritation du bulbe est alors essentielle ; c’est une névrose active des portions motrices du bulbe. Ce dernier cas est loin d’être rare et, pourquoi ne pas l’avouer ? une exaltation pure et simple de l’énergie motrice, une hypercinèse spontanée si l’on veut, n’est pas plus malaisée à concevoir (ni plus facile non plus, à la vérité) que l’exagération dite spontanée du sentiment, ou hyperesthésie primitive, dont l’histoire des névralgies nous fournit tant d’exemples. Est-ce à dire qu’il faille tou- jours se contenter de cette conception de névrose primitive, et prendre ce nom pour autre chose que l’expression d’une inconnue ? Non, sans doute; mais le rapprochement que nous venons d’indiquer eût dû suffire pour détourner certains médecins de recherches notoirement stériles, en leur rappelant que, dans les maladies du système nerveux, l’excès d’activité fonctionnelle est souvent le dernier fait pathologique auquel l’analyse puisse atteindre, et que le domaine des conjectures, sans con- trôle possible, commence immédiatement au delà de cette constatation. Maintenant, que les organes excito-moteurs soient frappés d’une lésion matérielle appréciable à nos sens, ou insaisissable et attestée seu- lement par la modification fonctionnelle correspondante, l’état morbide ainsi produit, savoir: l’exaltation motrice, pourra présenter bien des va- riétés quant à son degré, sa marche, ses complications, etc. Vouloir en faire l’histoire complète, serait rentrer dans l’histoire générale des affec- tions convulsives, et nous exposerait h des redites inutiles ; bornons- nous donc à rappeler quelques-unes des particularités que cette exal- tation motrice offre dans l’épilepsie. Et d’abord, quant à l’intensité, il y a lieu de distinguer l’exaltation motrice au maximum, se suffisant à elle-même et, sans l’appoint d’aucune cause additionnelle, provoquant l’explosion d’accidens convul- sifs, — puis les faits d’irritation au minimum, dans lesquels l’excitabilité, toute latente et virtuelle (convulsibilité de ïissot), ne se change en excitation actuelle (convulsion) que grâce à un supplément fourni par quelque cause incidente; — enfin, toute la série des faits intermé- diaires, marqués par le plus ou moins de spontanéité dans les mani- festations de la motricité en excès. Les causes (causes occasionnelles) susceptibles de mettre ainsi enjeu la suractivité motrice du bulbe (dispo- sition), et de provoquer des décharges convulsives, sont eu très grand nombre, et leur première action peut s’exercer sur des points très dif- férons du système nerveux, pourvu que ces points soient en rapport sympathique avec la région affectée. Elles peuvent agir sur le cerveau proprement dit (émotions, veilles, travaux intellectuels, ivresse, etc.; c’est ce qui a fait dire que l’influence du cerveau sur le centre moteur surexcité était la caractéristique de l’épilepsie) ; — sur les nerfs senso- rianx et sensitifs, et particulièrement sur le nerf trijumeau (à ce sujet, outre les preuves cliniques, voir les belles expériences de M. Brown- Séquard citées plus haut) ; sur les filets de la huitième paire et du nerf NÉVROSES. 587 588 PATHOLOGIE MÉDICALE. grand sympathique (troubles de la digestion, présence d’helminthes, etc., déterminant la production des attaques). Si nous insistons sur la multi- plicité des sources d’où l’excitation supplémentaire peut arriver au bulbe pour y forcer à l’explosion la motricité accumulée et déjà prête à éclater (qu’on veuille bien nous passer cette métaphore willisienne), c’est que la connaissance de ces points de départ si variables a une véritable im- portance en théorie et en pratique : En pratique, parce que l’action thérapeutique, pour être complète, doit être dirigée tout h la fois 1° du côté de l’organe qui fournit à l’encé- phale l’excitation supplémentaire actuelle, et 2° du côté de l’encéphale lui-même, dans le but d’y combattre la suractivité motrice primitive ; dernière indication, la plus importante sans contredit, et qui est loin d’être remplie quand on a satisfait h la première. En théorie, parce que rien n’est plus facile que de s’en laisser im- poser par l’enchaînement des phénomènes apparens, au point de croire secondaire l’exaltation motrice primitive du bulbe et de la moelle. C’est en voyant intervenir si fréquemment des causes périphériques et en s’en exagérant la valeur, que beaucoup d’auteurs se sont laissé entraîner à définir l’épilepsie une névrose réflexe, dénomination qui bien souvent est inexacte dans le sens précis de ce terme. Sans doute elle serait acceptable, si les mots de pouvoir réflexe, puissance motrice intrinsèque ou excito-motrice, motricité, motilité, étaient synonymes (comme ils le sont effectivement dans le langage de quel- ques physiologistes) ; appeler l’épilepsie une névrose réflexe reviendrait alors à dire que c’est une névrose de la motilité ; paraphrase inutile. Mais, à bien prendre, l’action réflexe n’est que l’un des modes ou mieux l’une des causes de l’action motrice; elle représente le cas particulier où c’est une impression sensitive (perçue ou non perçue) qui sollicite les centres nerveux moteurs à agir ; et si l’on prétend que dans ce sens, le seul rigoureux, toute épilepsie est une névrose réflexe, on avance une proposition erronée. Il semble que cette vicieuse synonymie ait eu pour conséquence de faire chercher, partout et toujours, à l’irritation motrice centrale, une cause périphérique, sensitive ; de là, sans doute l’at- tention imméritée qu’on s’est plu à donner à certains faits bien avérés, mais rares et presque exceptionnels, où l’épilepsie a une origine réelle- ment périphérique, faits que plusieurs prennent à tort pour type de leurs descriptions; de là encore l’interprétation souvent malheureuse de Y aura epileptica, prise pour le point de départ d’un état encéphalique dont elle n’est que le simple retentissement, etc. 2° Exaltation motrice consécutive. — Examinons maintenant l’irri- tation motrice du bulbe rachidien consécutive ou sympathique. Nous sommes dispensé d’en indiquer toutes les sources, les ayant passées en revue à propos de l’étiologie (p. 569) et rappelées encore tout à l’heure. Il existe certainement des faits, où les centres moteurs s’exaltent et où NÉVROSES. 589 l’épilepsie s’engendre sous l’influence de causes périphériques ; la fré- quence seule des cas de ce genre est discutable, non leur réalité. Gomment nier l’épilepsie sympathique en présence d’observations sem- blables à celles de J.-P. Frank (épilepsie survenue à la suite d’une bles- sure du testicule et guérie par la castration), de Dieffenbach (épilepsie avec convulsions de plus en plus généralisées, occasionnée par la péné- tration d’un éclat de verre dans l’un des nerfs de l’avant-bras ; opéra- tion ; guérison), et de plusieurs autres encore? C’est à ces faits, et à ces faits seulement, que s’applique avec justesse la définition déjà men- tionnée : l’épilepsie est une névrose réflexe. Mais des observations aussi probantes sont rares, et nous savons combien il est facile de prendre pour la [cause ce qui est reflet, de croire l’excitation bulbaire sym- pathique, alors qu’elle est réellement, nous le redisons encore, idiopa- thique, primitive, c’est-à-dire bien autrement difficile à pénétrer, quant au mécanisme de son développement et aussi bien autrement rebelle à l’action de nos moyens de traitement que si elle résultait directement d’une excitation à la périphérie du corps. 3° ün troisième cas peut se présenter : c’est celui où l’épilepsie d’abord sympathique devient ensuite idiopalhique, pour parler le lan- gage de l'école, ou plus simplement : il peut arriver que l’irritation motrice du bulbe entretenue par une affection périphérique, produise à la longue des altérations, ou tout au moins des modifications perma- nentes telles, qu’il ne suffise plus pour les détruire de tarir la source première du mal. Les données anatomo-pathologiques que nous avons relatées plus haut (2075 h) font entrevoir une explication fort plausible de ces phases successives de l’affection. G. Nature de l'épilepsie. — On cite avec raison l’épilepsie comme le modèle des névroses; elle nous offre, en effet, au plus haut degré le con- traste, caractéristique pour cet ordre de maladies, entre un trouble fonctionnel très violent et un désordre organique parfois inappréciable, sans compter toutes les particularités secondaires qui se rattachent à cet attribut fondamental. Admettre que l’épilepsie est une névrose, c’est renoncer à en chercher la cause prochaine ailleurs que dans une mo- dalité morbide de l’innervation ; mais il ne s’ensuit nullement, comme on l’insinue trop souvent, qu’on doive condamner du même coup toute recherche ayant pour but soit de localiser cette modalité patholo- gique dans telle partie des centres nerveux, soit de déterminer le mode suivant lequel elle s’y développe. Regardons comme vaines, c’est justice, les tentatives sans cesse renouvelées pour faire passer l’épilepsie de la classe des névroses dans celle des affections dites organiques, et cela sous prétexte que, chez certains épileptiques, on a trouvé des tumeurs céré- brales, et que chez d’autres il est bien permis d’imaginer des lésions possibles. Mais, d’autre part, est-il raisonnable de s’en tenir à la seule 590 PATHOLOGIE MÉDICALE. idée d’une modalité morbide du système nerveux, quand on a sous les yeux une épilepsie se rattachant, par exemple, à la présence d’une tumeurintra-crânienne, et, en cas pareil, peut-on nier l’intime corrélation du fait anatomique et du fait fonctionnel? L’une de ces tendances nous a valu les théories erronées qui voient dans toute épilepsie le symptôme d’une méninge-encéphalite ou d’une congestion chronique du cerveau, ou encore d’une oscillation trop forte des molécules nerveuses, etc. ; à l’autre tendance nous devons les spéculations oiseuses sur la perversion de la force ou des forces vitales ! Revenons, à cette occasion, sur quelques points fondamentaux que nous avons déjà traités dans les Remarques préliminaires. Les maladies comprises sous le nom de névroses présentent, avons- nous dit, avec les autres plusieurs points de contact; mais il y a aussi de notables différences. Voici en quoi se résument les unes et les autres : La similitude essentielle c’est que la douleur, la convulsion, la para- lysie, etc., loin d’être, dans les névroses, de simples perversions des forces vitales, n’y sont et n’y peuvent être que les effets d’une modification matérielle survenue dans les organes vivants. En veut-on la preuve pour l’épilepsie? Nous ne nous appuierons pas sur les faits où des accès convul- sifs accompagnent la présence d’un tubercule ou d’un cancer du cerveau; non, nous attesterons les observations d’épilepsie idiopathique, aussi dé- gagés qu’on le voudra de toute altération appréciable. Qu’y voyons nous? les malades accusant l'aura, l’un constamment au bras, l’autre à la jambe; tombant toujours de la même façon, si bien que dans leurs chutes, ils se font perpétuellement les mêmes contusions, les mêmes luxations, les mêmes morsures de la langue ; les convulsions prédominant dans chaque accès, du côté droit chez l’un et chez l’autre à gauche, etc.; en un mot, les attaques, très dissemblables chez deux malades, pré- sentant au contraire souvent, chez le même individu, une très grande analogie, sinon une identité parfaite. Comment comprendre ces faits, on reconnaît, dans toute épilepsie, l’affection d’un même organe (et nous avons vu que cet organe est le bulbe rachidien), mais avec tous les à peu près que comporte cette localisation anatomique passablement étendue ? S’il nous était donné de concevoir des propriétés vitales per- verties sans modification organique correspondante, évidemment il n’y aurait jamais, entre deux cas d’épilepsie, d’autres différences que des nuances d’intensité, et tout ce qui est en rapport avec l’affection pré- sente ou absente, forte ou faible, des pyramides, des olives, des origines du nerf facial ou du nerf hypoglosse, etc., seraient une énigme inexpli- cable ! Donc, et nous ne craignons pas d’y insister, dans l’affection nerveuse, il ne faut voir que l’organe nerveux affecté; donc à ce point de vue il serait chimérique de chercher des différences entre les névroses et les autres maladies; donc ce n’est point sa nature soi-disant dyna- NÉVROSES. 591 mique qui empêcherait l’épilepsie de prendre rang à côté de l’encépha- lite ou de telle autre maladie dite organique. La différence fondamentale et la seule réelle entre les névroses et les autres maladies consiste dans le mode d’affection des organes, et pour ne pas nous écarter de notre sujet, nous dirons qu’entre l’encéphalite, par exemple, et l’épilepsie essentielle il y a toute la distance (mais rien que la distance) qui sépare certaines altérations matérielles grossières de la trame nerveuse, de certaines autres inconnues ou impossibles à con- naître, les unes continues et progressives, les autres exacerbantes, irré- gulières dans leur développement. Ces dernières, dont l’existence nous est démontrée par le trouble des fonctions, peuvent sans doute exister seules, c’est-à-dire indépendamment de tout autre changement qui porte sur le volume, la couleur, la consistance, etc., et nous disons alors que l’épilepsie est idiopathique; mais ces mêmes modifications peuvent aussi ne survenir qu’à la suite d’un changement de texture : épilepsie symptomatique. Ainsi, sur le cadavre de deux épileptiques, on pourra trouver le bulbe rachidien, 1° exempt de toute altération de couleur, de consistance, de vascularité ; 2° présentant un ramollissement ou une induration, un tubercule, une hydatide ; l’identité des symptômes épi- leptiques observés ayant été complète, on pourra dire indifféremment ou 1° que le bulbe en apparence parfaitement sain, est en réalité aussi malade que celui dont l’altération frappe les yeux, ou 2° que l’altéra- tion visible et tangible n’a donné lieu à l’épilepsie que parce qu’elle était accompagnée d’une autre altération intangible et invisible, laquelle existe aussi dans le premier bulbe d’aspect normal. De quelque ma- nière qu’on l’énonce, la conclusion sera la même : il existe une modi- fication épileptique du bulbe rachidien, se rattachant ou non à d’autres altérations du même organe. C’est ainsi que le fer (qu’on veuille bien nous passer cette comparaison) peut devenir magnétique par le procédé de l’induction qui ne change rien à sa constitution moléculaire appa- rente, comme il peut aussi le devenir par son passage à l’état de sesquioxyde où il augmente de poids et acquiert de nouvelles propriétés chimico-physiques. Entre ces deux ordres de faits, entre l’épilepsie idiopathique et sym- ptomatique, se place l’épilepsie sympathique, c’est-à-dire Je même état morbide du bulbe rachidien se réalisant à la suite d’une excitation, soit de la périphérie nerveuse, soit de diverses parties centrales autres que le bulbe rachidien ; nous avons déjà dit combien il est difficile par- fois de tracer une ligne de démarcation entre les névroses sympathi- ques et symptomatiques. Si nous reconnaissons comme constante dans l’épilepsie l’existence ma- térielle d’une modification des centres nerveux, modification qui peut se surajouter à des altérations d’autre nature, mais sans en être le pro- duit direct et obligé, nous arrivons à comprendre comment l’épilepsie, 592 PATHOLOGIE MÉDICALE. en tant qu’affection convulsive, se présente toujours la même, ou peu s’en faut, soit qu’il y ait ou non des lésions appréciables (voy. sur- tout plus haut : passage de l’épilepsie idiopathique à l’épilepsie sym- ptomatique, par suite du développement d’altérations secondaires); nous concevons comment, avec des lésions permanentes, les convul- sions surviennent par attaques plus ou moins espacées ; comment l’as- pect identique des attaques se concilie avec la diversité de nature et même jusqu’à un certain point avec le siège différent de ces altérations. Telles sont, en effet, les névroses: résultantes dynamiques semblables des circonstances apparentes les plus diverses, elles échappent à toute synthèse qui chercherait, en dehors de la modification nerveuse elle- même, l’unité de leur cause prochaine. a. •— Naguère toute épilepsie était mise sur le compte d’une hypérémie cérébrale. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Sans doute il y a de la congestion cérébrale dans l’épilepsie (et, réduit à sa véritable valeur, cet élément de la maladie doit encore être pris en considération très sé- rieuse) ; mais il peut n’y en avoir pas ; il en existe dans tant de maladies fort éloignées de l’épilepsie; quand survient ce fluxus, n’est-ce pas consécutivement à un stimulus antérieur ? Or, ce stimulus, c’est l’épi- lepsie même. h. — Nous pensons qu’un prochain abandon attend aussi d’autres théories plus récentes. Tout en admettant, par exemple, que le cerveau s anémie au début de l’attaque épileptique, on n’est nullement fondé à prendre l’anémie pour la condition organique commune à toutes les épi- lepsies. MM. Tenner et Kussmaul qui admettent cette doctrine, allèguent des expériences dans lesquelles ils ont réussi, par des saignées abondantes ou par la ligature des artères carotides et vertébrales, à produire chez des animaux des convulsions épileptiformes ; de là, avec une promptitude qui a lieu de surprendre, ils arrivent à celte conclusion que l’épilepsie se rattache constamment à l’anémie ; ils vont même, ce qui peut paraître plus grave, jusqu’à proscrire la saignée du traitement des convulsions générales quelles qu'elles soient. Il serait facile de citer un grand nombre de faits qui sont en opposition avec ces idées (tels que la disposition aux congestions céphaliques ou l’abus des spiritueux, favo- risant la réapparition des attaques ; les excellons effets de la saignée dans l’éclampsie ; la compression des carotides arrêtant les accès épilep- tiques, etc. ) ; mais il suffira peut-être d’avoir montré la disproportion entre le résultat direct des expériences et l’importance de la thèse gé- nérale qui en a été déduite. Les sages paroles de M. Andral (Clinique médicale, 2e édition, t. Y, p, 287) devraient toujours être présentes à notre esprit : « C’est une loi en pathologie, dit M. Andral, que dans tout organe, la diminution de la quantité de sang qu’il doit normale- ment contenir produit des désordres fonctionnels, aussi bien que la présence d’une quantité de sang surabondante. Mais de plus, dans lJun NÉVROSES. 593 et l'autre cas, ces désordres fonctionnels sont parfois exactement semblables. » De même, il n’est pas exact de dire que dans toute épilepsie il existe une altération du sang, parce que certains empoisonnemens (par le plomb, la ciguë, etc.) produisent des convulsions générales, etc. —En un mot, tant qu’on s’efïorcera d’assigner à l’épilepsie une cause orga- nique autre que le fait même de la névrose, c’est-à-dire autre que la surexcitabilité des centres nerveux, il nous semble qu’on s’exposera toujours au danger des généralisations prématurées par un désir mal entendu de précision scientifique. 2077. Nosologiquemenf, qu’est-ce que l’épilepsie? C’est une maladie dont les symptômes attestent un état d’irritabilité chronique, trop sou- vent irrémédiable, des centres nerveux et plus spécialement des centres moteurs ; différente de l’éclampsie par le fait de cette chronicité, et aussi par le développement possible de troubles fonctionnels étrangers au domaine de la motilité. En d’autres termes, l’épilepsie convulsive est uneéclampsie habituelle, et l’épilepsie prise dans son ensemble est une névrose ayant des accès éclamptiques pour symptôme. En tant que maladie chronique, l’épilepsie a dans le système nerveux des racines bien plus profondes que l’éclampsie. se lie même à un autre ordre de causes organiques, aux diathèses par exemple. C’est au point que l’une de ces maladies ne prédispose pas sûrement h l’autre. L’irritation motrice du bulbe rachidien, voilà tout ce qu’il y a de commun entre elles, de même que l’irritation sensitive du nerf de la cinquième paire est ce qu’on trouve identique et dans l’endolorissement occasionné par une dent cariée et dans le tic douloureux de la face : hors le symptôme, tout le reste diffère. Qu’elle soit symptomatique ou idiopathique, l’épilepsie est une, parce que l’irritabilité chronique du système nerveux, principalement du bulbe rachidien, dérive manifestement dans tous les cas d’une même modifica- tion matérielle des centres nerveux. C’est l’épilepsie sympathique qui tend le plus à se confondre avec l’éclampsie ; elle n’en diffère même par aucun caractère positif au début; mais, à mesure que l’irritabilité morbide, de moins en moins subordonnée à sa cause primitive, s’en isole et acquiert une existence plus indépendante, d’accidentelle elle tend à devenir per- manente, et d’épi phénomène maladie. 2078. Diagnostic. — Plusieurs maladies offrent une assez grande ressemblance avec l’épilepsie pour qu’il y ait lieu d’insister sur leurs caractères différentiels. Examinons rapidement celles qui se rapprochent des manifestations convulsives, puis celles qui peuvent simuler les ma- nifestations non convulsives de la maladie. a. Une attaque d'éclampsie peut présenter l’ensemble symptomatique complet d’une attaque d’épilepsie ; nous nous sommes déjà expliqué sur ce point, et si nous y revenons, c’est pour répéter encore que le PATHOLOGIE MÉDICALE. diagnostic, en pareille circonstance, doit se fonder moins sur la violence plus grande des convulsions épileptiques, leur prédominance latérale, le cri qui les précède, la présence de l’écume à la bouche, la flexion du pouce, etc., etc., que sur les antécédensdu malade; moins sur l’obser- vation de l’épisode pathologique auquel on assiste que sur l’examen de la maladie à toutes ses phases. Tout en tenant compte des ca- ractères accessoires énoncés tout à l’heure, n’oublions pas qu’il s’agit au fond de décider, à l’aide de tous les signes que l’on peut recueillir, si l’on a affaire à une maladie aiguë, quelquefois fébrile, où les convul- sions générales se rattachent presque toujours à une cause acciden- telle bien déterminée (éclampsie), ou bien si l’on a sous les yeux l’exa- cerbation momentanée d’une maladie chronique, habituelle, de cause généralement obscure, qui est compatible, pendant ses longues inter- missions, avec un état de santé parfaite, ou présente, entre les attaques convulsives, divers autres troubles de l’innervation (épilepsie). On con- çoit, d’après cela, combien le diagnostic peut devenir difficile dans cer- tains cas, soit qu’on manque de renseignemens sur les antécédens, soit surtout qu’on se trouve en présence d’une première attaque d’épi- lepsie; encore pourra-t-on ici tirer parti de ce fait d’observation que l’épilepsie, dans une première attaque, n’offre qu’exceptionnellement la violence extrême de certaines attaques éclampliques. (Voy. d’ailleurs l’article Eclampsie, ) b. 11 est plus facile de distinguer \! hystérie de l’épilepsie, par les seuls caractères des accès convulsifs : l’aura avec ses variétés, le cri souvent unique proféré au début ; la perte immédiate de connaissance, et consé- quemment l’absence de tout souvenir; les contractions toniques, puis cloniques, désordonnées et sans aucune apparence de combinaison dans un but fonctionnel donné ; la pâleur, puis la lividité de la face ; la dis- torsion hideuse des traits; la morsure de la langue ; l’écume quelquefois sanglante rejetée vers la fin; le coma consécutif; au réveil, l’air étonné et stupide des malades, voilà ce qui appartient en propre à l’épilepsie. A ces phénomènes on peut opposer, comme particuliers à l’hystérie : les plaintes souvent prolongées et variées, provoquées par une boule qui monte vers la gorge et y détermine une constriction pénible ; la con- naissance quelquefois conservée, ou ne se perdant pas dès l’invasion de l’attaque; l’agitation clonique, mêlée de contractions toniques, mais avec combinaisons instinctives de mouvcmens ayant pour but de changer d’altitude, de fuir la douleur, etc.; pas de lividité, pas d’asphyxie mal- gré la violence de la dyspnée ; la langue n’est pas mordue ; le coma avec respiration stertoreuse manque, et l’accès terminé, la malade rit, sanglotte, verse des pleurs, etc. Il n’est pas jusqu’aux dispositions des facultés affectives qui ne puissent servir au diagnostic des deux maladies : la concentration et la violence des épileptiques sont bien différentes de l’exaltation, de l’impressionnabilité, de la mobilité extrême de caractère, NÉVROSES. 595 qu’on note en général dans l’hystérie. Nous aurons bientôt l’occasion de revenir sur ce parallèle où nous avons opposé l’hystérie pure à l’épi- lepsie, Pour le diagnostic del’hystéro-épilepsie, il faudra faire concourir et les phénomènes de l’attaque participant à la fois des deux névroses, et les caractères que présente la série entière de ces attaques : époques ou fixes ou irrégulières de leur retour; influence des causes physiques et morales sur leur apparition ; nature des prodromes éloignés et pro- chains; accès décidément épileptiques et d’autres franchement hysté- riques, qui se produisent alternativement ; présence ou absence de phé- nomènes anesthétiques, hyperesthétiques, d’une sensation de boule ascendante, etc. En un mot il faut tenir compte de tous les troubles qui constituent dans l’hystérie un état de souffrance nerveuse presque con- tinue, sujette seulement à des exaspérations temporaires. c. Pour le vertige épileptique, l’erreur la plus commune consiste à en méconnaître l’existence, tant sa durée est parfois imperceptible, sur- tout dans cette forme que M. Calmeil a appelée Vabsence. Souvent aussi on prend le vertige pour une syncope, en raison de la pâleur du visage; mais on évitera aisément celte méprise, en ayant égard à la soudaineté de l’invasion, à la perte complète de toute perception, à l’air hébété que prend la physionomie de l’épileptique, à la rapidité avec laquelle, revenu à lui, il continue la phrase ou l’acte musculaire interrompu par le ver- tige; quelquefois aussi une légère grimace, un peu d’écume aux lèvres, achèveront de caractériser la maladie ; la répétition fréquente des mêmes accidens devra rendre suspectes les prétendues syncopes de ce genre, et leur alternance avec des attaques convulsives n’éclairera que trop souvent sur leur véritable nature. A l’aide de la plupart des signes qui viennent d’être indiqués, on par- viendra également à distinguer le simple vertige nerveux de l’attaque épileptique vertigineuse ; n’oublions pas d’ailleurs que dans celle-ci il s’en faut que la sensation de tournoiement soit un fait constant. d. Les accès de vertige ou les accès convulsifs de médiocre intensité peuvent passer inaperçus, si, comme cela a lieu quelquefois, ils se ma - nifestent exclusivement pendant la nuit: la perte de connaissance se con- fond alors avec le sommeil, la respiration stertoreuse est prise pour un simple ronflement, quelquefois le délire pour un rêve agité; au réveil, le malade accuse une lourdeur de tête, un brisement des membres, qui n’éclaireraient pas encore suffisamment le diagnostic, s’il ne s’y ajoutait souvent l’émission involontaire du sperme, de l’urine et des matières fécales. Quand un adulte se réveille ayant souillé son lit d’urine ou de matières fécales, soyez sûr qu’il a eu un accès nocturne d’épilepsie. (T rousseau.) e. Le médecin appelé auprès d’un malade qui vient de tomber dans le coma, à la suite d’une attaque convulsive inaperçue ou mal observée, pourra croire à une attaque d’apoplexie (hyperémie, hémorrhagie, ra- 596 PATHOLOGIE MÉDICALE. mollissement, etc.); cl même, si l’accident se renouvelle à plusieurs reprises, il admettra d’autant plus facilement l’existence d’une conges- tion sanguine du cerveau, qu’il pensera expliquer aisément par cette hypothèse, d’une part la production soudaine de certains phénomènes morbides, tels que la paralysie d’un bras, d’une jambe, d’une moitié de la face, d’autre part, le peu de persistance des symptômes coma- teux et paralytiques. Ce genre d’erreur, qui aboutit presque toujours à un traitement ou inutile ou nuisible, a été signalé par M. le pro- fesseur Trousseau avec une vive insistance, d’autant plus légitime que les auteurs eux-mêmes n’ont pas toujours évité l’illusion signalée par M. Trousseau aux praticiens. Ainsi, pour citer l’exemple d’un maître illustre, l’auteur de la Clinique médicale (2e édition, Paris, 18ù7, t. Y, p. 238) a peut-être décrit l’épilepsie même dans le passage suivant consacré à la sixième forme de la congestion cérébrale : « En même temps qu’il y a perte de connaissance, on observe, soit différons mou- vemens convulsifs, soit la contraction permanente d’un certain nombre de muscles ; tous ces accidens durent tout au plus quelques heures, puis ils disparaissent sans laisser aucune trace. » — Quoi qu’il en soit, il faudra tenir pour suspect le retour plus ou moins fréquent d’accès, dits de congestion cérébrale, caractérisés par la perte de connaissance, le coma et des symptômes de paralysie passagère, et songer à la possi- bilité d’attaques épileptiques ; bien souvent, l’attention étant éveillée, on recueillera d’autres renseignemens confirmalifs : il y aura eu quelques mouvemens convulsifs au début des attaques, des vertiges alternant avec celles-ci, le malade se sera blessé dans sa chute, se sera mordu la langue, etc. B. La difficulté sérieuse du diagnostic consiste moins à reconnaître l’existence de l’épilepsie qu’à en déterminer la cause. Et d’abord s’agit-il d'une névrose idiopathique? ou est-elle liée à la présence de quelque lésion organique des centres nerveux ? a. Dans ce dernier cas, il se pourra qu’on découvre l’existence d’une maladie générale à localisations multiples, avec possibilité de locali- sation intra-crânienne (tubercules, cancer, syphilis) ; on notera souvent une céphalalgie fixe, bornée à une moitié de la tête ; lorsqu’une aura précède les convulsions, le malade accusera la sensation prodromique dans la moitié du corps opposée au siège de la céphalalgie; les sens spéciaux présenteront des troubles bien marqués et persistans, tels que surdité ou amaurose ; il y aura quelquefois paralysie du mouvement, etc., en un mot, ou trouvera des signes révélant une affection matérielle des centres nerveux, où les attaques épileptiques ou épileptiforraes font partie d’un ensemble complexe de symptômes, et où ils ne marquent que par leur intensité prédominante. Mais il est loin d’en être ainsi dans tous les cas, et la lésion organique dont il s’agit d’admettre ou de re- pousser l’existence pourra so présenter dans des conditions telles de NÉVROSES. 597 siège, d'étendue, de nature, que, sans se révéler d’ailleurs par aucun phénomène morbide, elle donne lieu par intervalles à des convulsions générales, en apparence complètement semblables à celles de l’épilepsie idiopalhique. Celle-ci sera admise de préférence si l’on constate : le manque de tout autre symptôme que l’épilepsie même, la transmission héréditaire, l’intervention d’une cause morale puissante ayant été immé- diatement suivie de l’apparition d’une attaque, l’intégrité des fonctions nutritives, etc. Une attention spéciale devra être accordée aux névroses diverses qui peuvent avoir précédé l’épilepsie, ou qui la compliquent actuellement (hystérie, folie, névralgies, etc.); leur existence, jointe aux autres faits qui viennent d’être indiqués, rendra la supposition d’une pure névrose épileptique au moins très vraisemblable. b. L’épilepsie se rattache-t-elle sympathiquement à l’affection de tel ou tel organe, de tel ou tel point de la périphérie nerveuse? est-elle produite ou entretenue par l’anémie, la pléthore, un empoisonnement? On ne reconnaîtra évidemment point toutes ccs particularités étiologiques aux caractères mêmes de l’épilepsie, du moins dans la plupart des faits ; car dans quelques-uns, une bizarrerie dans la marche des accidens, un phé- nomène insolite, pourront mettre sur la voie du diagnostic un praticien familiarisé avec les symptômes ordinaires de la maladie. Mais presque toujours ce n’est que par l’examen scrupuleux de tous les organes, de toutes les fonctions, de tout ce qui concerne l'hygiène du malade, ses habitudes, ses affections morbides antérieures, qu’on réussira à déter- miner l’origine véritable de l’épilepsie. 2079. Pronostic. — L’épilepsie appartient aux maux les plus graves, les plus déplorables dont l’homme puisse être frappé. Sans être presque jamais mortelle par elle-même, elle expose les malheureux qui y sont su- jets à périr d’accidens à la suite de leurs chutes (brûlures, submersion, fractures du crâne); aussi est-il rare de leur voir atteindre un âge avancé. Incurable le plus souvent, elle empoisonne l’existence des ma- lades par la crainte perpétuelle d’un accès dont parfois rien ne leur signale l’invasion, etpar l’horreur bien injuste qu’ils inspirent même à leurs proches. La crainte de leur voir transmettre à leurs descendais un mal si redoutable ou d’autres affections nerveuses graves, achève de les mettre en quelque sorte au ban de la société. Toutefois le pronostic varie selon plusieurs conditions. 1° Il varie avec Vorigine et la cause de l’épilepsie. Celle-ci dépend-elle d’une altération matérielle elle-même incurable des centres nerveux, est- elle héréditaire ou congénitale, les chances de guérison sont à peu près nulles; tandis qu’on conservera quelque espoir de la voir cesser, si elle date d’un enfoncement des os du crâne que la trépanation peut détruire, ou se lie à une affection syphilitique justiciable d’un traitement spécial, ou reconnaît pour cause l’irritation d’un rameau nerveux (production accidentelle, corps étranger, etc.) à laquelle en puisse opposer une ope- 598 PATHOLOGIE MÉDICALE. ration chirurgicale. On a vu l’épilepsie ayant débuté avec la grossesse, céder après la délivrance. Les auteurs s’accordent à déclarer très rebelle l’épilepsie due à la frayeur; mais comme il s’agit précisément là de l’une des causes les plus fréquentes, cela ne reviendrait-il pas simplement à signaler l’incurabilité habituelle de la maladie? 2° Selon l’âge des malades: l’épilepsie qui débute dans l’enfance guérit quelquefois (bien rarement) à l’époque de l’évolution pubère; celle qui survient après cette période, a une tendance plus grande à per- sister indéfiniment. 3° Selon la forme de la maladie. D’une manière générale, les violens accès convulsifs sont plus fâcheux, plus susceptibles d’entraîner des accidens mortels. Mais on admet assez communément, peut-être sans preuves suffisantes, que les vertiges ont une action particulièrement nuisible sur les facultés intellectuelles, et mènent plus promptement à l’aliénation mentale. Les attaques nocturnes passent également pour être, à ce point de vue, plus funestes que les autres. Selon le rapprochement ou l’éloignement des accès. Il est des épi- lepsies qui, grâce aux longs intervalles des accès, constituent une ma- ladie fort tolérable, tandis que l’extrême rapprochement des accès verti- gineux et convulsifs, tel surtout qu’il se rencontre dans l’état de mal, menace l’existence d’un danger immédiat. Une interruption plus longue que de coutume doit faire redouter, au retour des accidens, une attaque plus violente que les autres. 5° L'ancienneté de la maladie en aggrave singulièrement le pronostic, au point que la suppression de la cause déterminante peut devenir insuf- fisante pour la guérison, dans les cas en apparence les plus favorables. 6° La complication d’hystérie, loin d’être fâcheuse, paraîtrait, au contraire, diminuer un peu le danger de l’épilepsie, tandis que le déve- loppement d’affections secondaires, telles que l’aliénation mentale, la paralysie progressive, etc., achèvent de rendre le pronostic désespéré. 208U. Traitement.—Le nombre des remèdes vantés contre l’épilep- sie est incalculable. Depuis la thaumaturgie de l’antiquité et du moyen âge, jusqu’aux inqualifiables drogues qu’y oppose encore aujourd’hui une matière médicale aux abois, que n’a-t-on pas mis en œuvre pour guérir cette terrible maladie, opprobrium artis, comme on l’appelait encore naguère ! Tout a semblé réussir, tout ou presque tout a échoué. C’-estque souvent les accès de l’épilepsie se suspendent pendant quelque temps, ou spontanément, ou par l’effet de l’impression que fait sur l’esprit des malades l’emploi d’une médication nouvelle ; malheu- reusement ces sortes d’améliorations ne sont jamais de bien longue durée. De là, chez la plupart des médecins, un découragement profond contre lequel les affirmations les plus convaincues ne peuvent plus prévaloir. Et, on ne saurait le méconnaître, cette tendance à rejeter NÉVROSES. 599 d’avance, comme une illusion de plus, tout nouvel essai thérapeuti- que, n’est pas moins funeste au progrès que l’enthousiasme, sincère ou non, de tous les preneurs de remèdes. Sans prétendre donner la liste des moyens si nombreux mis en usage contre l’épilepsie, nous allons brièvement signaler les indications principales de son traitement. Celui-ci peut avoir pour but de combattre la maladie, c’est-à-dire de prévenir les accès, ou seulement d’enrayer ou de modérer les attaques épileptiques, quand elles se sont manifestées. A. Traitement du mal épileptique. — Ici plusieurs cas doivent être distingués : a. L’épilepsie est-elle reconnue symptomatique , c’est à la lésion primitive que la médication devra s’adresser ; c’est dire que, sauf un bien petit nombre de cas (fractures du crâne avec enfoncement ou corps étranger, syphilis, etc.), on échouera presque constamment. b. Est-on parvenu à découvrir un état morbide auquel l’épilepsie puisse être rattachée comme névrose sympathique ou réflexe de la mo- tilité, on tentera avant tout la guérison de celte affection locale, de cette irritation des nerfs périphériques quelle qu’eu soit la cause : blessure, séjour d’un corps étranger, présence d’une tumeur, d’une cicatrice vicieuse, etc. L’intervention chirurgicale a procuré, dans bien des cas de ce genre, des succès complets et vraiment admirables (voy. par exemple les faits de J. Frank, de Dieffenbach, etc.); malheureu- sement aussi on en a abusé, en pratiquant sans aucun profit et souvent au grand préjudice des malades, des cautérisations, de grandes incisions, des excisions, l’amputation môme des parties où l’épileptique accuse le sentiment de l'aura. Une grande réserve est ici doublement commandée, d’abord en raison du caractère illusoire de Yaura (voy. Physiologie pathologique, 2076, a), puis aussi par tout ce que l’ancienneté de la maladie lui enlève de chances de curabilité. On sait que Marshall Hall, guidé par des idées théoriques qui lui faisaient envisager les accès con- vulsifs comme la conséquence du laryngisme, avait été conduit à pratiquer la trachéotomie ou la cautérisation du larynx, dans le but de prévenir le développement des attaques épileptiques. Quelle que soit la valeur de l’interprétation, les faits se sont montrés assez peu favo- rables à ces tentatives pour qu’au bout de peu d’années on ait renoncé à les renouveler. c. Afin de satisfaire à l’ordre logique, nous avons dû mentionner en premier lieu les indications que peut fournir l’étiologie de mais il nous faut bien reconnaître maintenant que c’est en dehors d’elles que l’action médicale s’exerce dans la plupart des cas : presque toujours c’est la névrose que nous avons à combattre, sans pouvoir rattacher le trouble fonctionnel à aucun fait pathologique plus élevé que l’état mor- bide même de l’innervation. L’hygiène et la matière médicale devront être l’une et l’autre mises à profit pour modifier cet état. 600 PATHOLOGIE MÉDICALE. L’importance des moyens hygiéniques n’a pas toujours été appréciée à sa juste valeur; pour obtenir le calme du système nerveux et princi- palement l’apaisement de la motricité toujours prête à s’exalter, l’action des remèdes a besoin d’être secondée par un bon régime d’où les exci- tans, et surtout les alcooliques (1), doivent être rigoureusement proscrits : il est des épileptiques, dit M. Delasiauve, qui n’auraient jamais d’accès s’ils ne s’enivraient pas, et cette assertion émanant d’un observateur aussi compétent, et placé dans des conditions si favorables pour juger les faits, suffit pour faire sentir toute l’importance du précepte. Repos de l’esprit et des sens, nourriture substantielle, exercice modéré, gym- nastique, auxquels s’ajouteront utilement les bains, les frictions, l’hy- drothérapie, quelquefois un changement de climat. Quant aux médications proprement dites, il n’en est presque pas une seule qui n’ait eu ses partisans : antiphlogistiques, révulsifs cutanés et intestinaux, toniques et antispasmodiques. Aujourd’hui les émissions sanguines sont à peu près universellement abandonnées; leur usage, dicté par des hypothèses erronées sur l’origine prétendue pléthorique ou in- flammatoire de la plupart des cas d’épilepsie, est réservé généralement à quelques cas exceptionnels, ou sert seulement à combattre les conges- tions qui suivent les grandes attaques. Les vésicatoires à demeure, les cautères, l’incision sincipitale, les sétons au voisinage de la tête, l’ad- ministration répétée de purgatifs drastiques, sont également tombés en désuétude. Les toniques de toutes sortes sont souvent utiles, rarement on les emploie seuls ; on les associe volontiers aux médicaments stupé- ftans ou antispasmodiques, tels que les préparations d’opium, de jus- quiame, de belladone, de valériane, l’oxyde de zinc et d’autres encore. La belladone, la jusquiame, l’oxyde de zinc, comptent parmi les mé- decins contemporains de zélés défenseurs dont le témoignage, s’ajoutant à celui d’observateurs plus anciens, paraît bien propre à inspirer con- fiance, Pour retirer de ces médicamens quelque avantage sérieux, il faut en continuer l’usage pendant longtemps, au besoin pendant plu- sieurs années, avec une persévérante régularité. Nous passons une foule de prétendus spécifiques et anti-épileptiques, tels que l’arsenic, l’indigo, le sulfate de cuivre ammoniacal, le nitrate d’argent, puis encore le caille-lait, la peau de taupe grillée, la poussière de crâne humain, de placenta, etc., etc. B. Traitement des attaques.— Au moment où un accès convulsif va éclater, on parvient quelquefois à l’arrêter en agissant sur les parties (1) Puisque nous parlons ici de l’alcool, réparons un oubii fait au paragraphe 2074, où nous avons omis do mentionner l’influence que Vivresse du père au moment de la conception exercerait, d’après M. Dkmeaox {Comptes rendus de l’Académie des sciences, \ 8G0, t. LI, p. 57G) sur la santé des enfans, et principa- lement sur le développement de l’épilepsie. NÉVROSES. 601 d’où la sensation d'aura s’élève vers l’encéphale : une ligature fortement serrée, des frictions énergiques, la cautérisation peuvent être employées dans ce but. On voit ces manœuvres réussir alors même que le point de départ des attaques est complètement étranger à la périphérie du système nerveux, et qu’il se trouve dans les centres mêmes; sans doute parce que tous ces moyens produisent une sorte de dérivation utile, grâce à l’excitation violente des nerfs sensitifs qui est leur effet immédiat. Chez quelques épileptiques, on peut également faire avorter l’excès ou en mo- dérer l’intensité par la compression des deux carotides ou par des inha- lations anesthésiques. — On appréciera toute l’utilité que présentent ces sortes de moyens palliatifs, si l’on réfléchit au danger que peut en- traîner la répétition des attaques, au double point de vue des acciclens propres à l’accès, et aussi de l’accroissement dans l’irritabilité morbide des centres nerveux, et du développement plus facile des complications secondaires. Mais le plus souvent l’accès ayant éclaté, il s’agit simplement de sur- veiller le malade, de le contenir sans violence, de le préserver des chutes, des contusions, et quand les convulsions commencent à s’apai- ser, de faciliter le rétablissement de la respiration en plaçant la tête dans une altitude favorable à l’expulsion des mucosités écumeuses, etc. Si le coma se prolonge d’une manière insolite, il devient quelquefois urgent de recourir aux émissions sanguines, aux révulsifs cutanés, etc. AK.TICI.E 1V1. DE LA CATALEPSIE. Bibliographie. — Depuis le Traité de la catalepsie, de M. Bourdin (Paris, 1841, in-8°), l’ouvrage le plus complet sur cette maladie est celui de M. le docteur ï. Püel [De la catalepsie, dans Mémoires de VAcad. de méd., 1856, t. XX, p. 408). Nous y renvoyons le lecteur; il y trouvera la liste complète des travaux publiés sur la catalepsie depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, et surtout l’indication précieuse de cent cinquante observations cliniques relatives à cette névrose. J. Skoda. Geschichte einer durch mehrere Monate anhaltenden Katalepsis [Zeitschr. d. Gesellsch. d. Aerzte zu Wien, 1852, 8ter Jahrg., lier Bd., p. 404). 2081. Affection très rare, d’une nature énigmatique, la catalepsie a quelquefois pour synonymes : lethargus, cutochus, coma vigil, vigilans stupor, contemplation, extase. Quelques auteurs la confondent avec l’hystérie ; à tort, car la catalepsie paraît être au moins aussi fréquente chez l’homme que chez la femme; elle se rencontre d’ailleurs assez sou- vent isolée de tout signe d’hystérie. Sa définition peut être donnée en ces termes : Névrose intermittente 602 PATHOLOGIE MÉDICALE. essentiellement caractérisée par l’impossibilité ouest le malade de chan- ger volontairement d’attitude, tandis qu’une personne étrangère peut à son gré faire passer successivement tous les muscles de la vie animale par tous les degrés intermédiaires entre les limites extrêmes de contrac- tion et d’extension (Puel) . Au point de vue des symptômes, on divise la catalepsie en complète et incomplète, simple et compliquée. a. Presque toujours on note quelques symptômes précurseurs : engou r- dissementde l’intelligence, rêves pénibles, obtusion des sens, loquacité, céphalalgie ou pesanteur de tête, perte de la mémoire, secousses con- vulsives isolées, constriction des paupières, crampes dans les membres, respiration ralentie,'suspirieuse, palpitations et accélération du pouls, syncopes, coloration vive ou pâleur de la face. A la suite de ces phéno- mènes, auxquels se mêlent parfois ceux des autres névroses dont la catalepsie peut être la complication, on voit éclater les symptômes de l’accès cataleptique. b. C’est d’abord, dans la catalepsie complète, l’abolition de l’intelli- gence et une profonde insensibilité à toute impression extérieure ; mais le symptôme vraiment caractéristique, c’est un état particulier des mus- cles : suivant une heureuse comparaison, les membres deviennent alors semblables à de la cire. Le malade garde l’attitude où l’attaque l’a sur- pris, quelque pénible et quelque bizarre qu’elle puisse être : on en a vu rester pendant des heures les bras levés en l’air ou étendus, conserver la posture d’un homme qui s’apprête à tirer un coup de fusil, etc. Cher- che-t-on à vaincre la contraction des muscles, on les voit céder lente- ment comme si l’on étendait un corps élastique, et les parties sur les- quelles on a agi demeurent, en quelque sorte, indéfiniment dans la nouvelle position qu’on leur a imprimée : on a pu ainsi plier certains malades en deux en élevant les membres supérieurs et inférieurs, et le corps ne portant plus que sur le sacrum, etc.; mais souvent aussi, après quelques oscillations, les parties reviennent peu à peu à une situation moins incommode. La température du corps est abaissée aux extrémités; la circulation et la respiration ralenties et faibles; la face hébétée; les malades, inca- pables de faire les mouvemens nécessaires pour la préhension et la mastication desalimens, quelquefois même pour la déglutition, restent sans prendre aucune nourriture; d’autres mangent avidement les alimens qu’on leur met dans la bouche. c. A la suite de l’accès, qui cesse quelquefois brusquement, les indi- vidus se plaignent de lassitude avec brisement des membres, de cépha- lalgie, conservent de la stupeur, et tantôt ne se rappellent que très va- guement ce qui s’est passé autour d’eux et en eux-mêmes (plusieurs ont quelques idées délirantes) ; d’autres fois ils font preuve de sou- NÉVROSES. 603 venirs précis, et racontent que pendant l’accès il leur a été impossible de manifester par aucun mouvement l’activité persistante de leurs facultés. d. Dans la catalepsie incomplète, tantôt c’est la perte de connaissance qui manque, tantôt l’état cataleptique des muscles se trouve limité à une partie du corps à l’exclusion des autres ; quelquefois même il est borné à un seul membre. La catalepsie peut exister seule, mais on la voit aussi survenir à titre de complication dans l’hystérie, la folie, les affections aiguës du cer- veau, la fièvre typhoïde, etc. Sa marche est irrégulièrement intermittente, et dans l’intervalle des attaques les malades sont en général exempts de tout phénomène mor- bide. Lesaccèssont presque toujours provoqués par quelque émotion mo- rale ; leur nombre, souvent considérable, se réduit d’autres fois à deux ou trois ou même à un seul. La durée de l’affection est, en quelque sorte, indéterminée, et la disposition à avoir des accès de catalepsie peut per- sister toute la vie ; quant à la durée des accès, elle varie de quelques minutes à plusieurs semaines, mais le plus souvent ne dépasse pas quelques heures. La terminaison est presque toujours favorable, et l’on ne pourrait à peine citer un exemple où la mort ait été la consé- quence de la seule catalepsie; assez souvent, chez les femmes, c’est l’apparition des règles qui signale la cessation de l’attaque. Inutile de dire que, pour cette névrose comme pour les autres, les récidives sont à craindre ; cependant la guérison définitive est relativement assez fré- quente. Un mol de l'étiologie. Si nous laissons de côté les faits exceptionnels de catalepsie chez les vieillards ou les très jeunes enfans, nous voyons la maladie se développer surtout dans l’âge adulte, avec une fréquence égale dans les deux sexes, suivant M. Bourdin, un peu plus grande chez l’homme, selon d’autres. On cite des faits où l’action de l’héré- dité paraît incontestable ; il est loin d’en être ainsi de l’influence qui a été attribuée à une position sociale élevée, aux écarts de régime, à l’usage de certains alimens, à la masturbation, aux troubles de la men- struation, à la présence de vers intestinaux et à diverses affections viscérales. En somme, les causes prédisposantes sont fort obscures; parmi les causes occasionnelles, les plus actives sont les émotions mo- rales et particulièrement la frayeur, le chagrin, l’amour contrarié; vien- nent ensuite les travaux intellectuels trop soutenus, la contemplation, les méditations profondes. Quelquefois la catalepsie semble se rattacher à l’impression du froid. Dans bon nombre de cas, on ne découvre aucune cause manifeste. Four établir le diagnostic de la catalepsie, il suffit de constater ce fait singulier et complètement caractéristique indiqué plus haut, cet état des 604 PATHOLOGIE MÉDICALE. malades, incapables de se mouvoir volontairement, mais conservant pas- sivement toutes les altitudes qu’on leur donne. Evidemment rien d’analogue ne s’observe ni dans l’extase, ni dans le tétanos, ni dans la congélation. Rappelons seulement que la catalepsie est souvent simulée. Le pronostic est en général favorable; l’âge avancé des malades, la complication d’autres névroses moins bénignes, telles sont les seules conditions qui lui donnent quelque gravité. Pour le traitement de la catalepsie, on a mis en usage une foule de médications destinées, les unes à écarter des complications ou la cause présumée des accidens (émissions sanguines, vomitifs, purgatifs, emmé- nagogues), les autres à combattre la névrose elle-même, et cela tantôt à l’aide d’agens excitans ou perturbateurs (vésicatoircs, sétons, moxas, affusions froides, bains froids), tantôt au moyen des slupéfians et des antispasmodiques (narcotiques, valérianate de zinc, etc.) ; le tout sans succès bien marqué. Un traitement général dirigé contre l’état nerveux (voy. ce mot) est utile pour prévenir le retour des accès ; l’aimant, l’électricité et les frictions sur le trajet des muscles contractés ont été préconisés pour en arrêter le développement ou en abréger la durée. (Voy. sur l’utilité de ce dernier moyen et sur son mode d’action le mé- moire intéressant de M, Pue!.) ÂHT1CIX 1VÏI. DE L’HYSTÉRIE. 2082. Bibliographie. — Hippocrate, trad. Lettré (Paris, 1839- 1861, in-8). Maladies des jeunes files, t. VIII, p. 466. — De la nature de la femme, t. VII, p. 312. — Maladies des femmes, t. VIII, p. 10. Celsiî. De vulvœ morbo, dans Artis med.principes de Haller. Lau- zanne, 1787, t. VIII, p. 243 (lib. IV, cap. xx), trad. Chaales des Etangs. Paris, 1846, in-8, p. 117. Moschion. De mulierum passionibus, édit. Dewez. Vienne, 1793, in-8, p. 179. Galien. De locis nffectis, lib. VI, cap. v (édit, de Külm, t. VIII, p. 413). Arétée. De causis et signis morborum, lib. II, cap. xi : De uteri stangulatu. — De curatione acutorum, lib. II, cap. x (dans Artis med. principes de Haller, t. V, p. 44 et 209). Forestüs. Obs. et curât, medic. Anlwerp., 1584, in-4. Mergurialis. De morbis mulieribus prœlectiones. Venise, 1601, in-4 [De uteri prœfocatione. lib. IV, cap. xxn). — Consult. et Itesponsiones. Venise, 1624, in-4. NÉVROSES. 605 Primerosius. De mulierum morbis et symptom. Rotterdam, 1G55, in-A {De affect. hystericis, lib. Il, cap. y). Rod. A. Castro. De universa mul. rnorb. medicina. Hambourg, 1617, in-A. G. Horstius. Opp. med. Gondæ, 1661,in-A {De morbis millier., t. II, lib. v). Th. "Willis. Affect. quœ dicmtnr hystericœ et hypochondr, patho- logia. Londres, 1070, in-8. G. W. Wedel. Diss.de uteri sufiocatione. Icna, 167A, in-A. Metzger. De passione hysterica. ïubinge, 1677, in-A. Y. IIiGHMORUS. Exercit. duœ de passione hysterica, etc. Oxford, 1690, in-12. — De hysterica et hypochondr. passione. Londres, 1670, in-A. Th. Sydenham. Médecine pratique, trad. Jaült. Avignon et Paris, 1799, in-8, t. Il, p. A73. Purcell. On vapours and hystérie fits. Londres, 1701, in-8. Duyernoy. Theoria vaporum uterinurum. Bàle, 1710, in-A. A. E. Buechner. De atrocissimo sequioris sexus flagella. Erfurt, 1721, in-A. — Pathol. et therap. passionis hyst. Effort. 1739, in-A. — De claoo hysterica. Halle, 1751, in-A. Fr. Hoffmann. De rnorbi hyst. ver a indole, sede, origine et cura. Halle, 1733, in-A; et Opp., t. III, sect.t, cap. ni: Dernalo hysterica. G. 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A89. — Clinical lectures on paralysis, etc. London, 1856, in-8, p. 17, 26A, AA8. Macario. De la paralysie hystérique (Annales médic.-psychol. 18AA, t. III, p. 62). I, andouzy. Traité complet de l'hystérie. Paris, 1856, in-8. NÉVROSES. 607 Gendrin. Lettre adressée à VAcadémie de médecine (on y trouve signalées en peu de lignes ; la continuité de l’hystérie, l’existence de l’anesthésie comme fait général dans celte affection, les carac- tères distinctifs des paralysies hystériques, l’utilité de l’opium à haute dose, etc.), dans Bulletin de l'Académie de médecine, 1845-1846, p. 1367. Gfl. Schutzenberger, Etudes sur les causes organiques et le mode de production des affections dites hystériques {Gaz. méd, de Paris, 1846, p. 422). H. A. Henrot. De P anesthésie et de Vhyper est hésie hystériques (thèses de Paris, 1847, in-4). Forget. Recherches cliniques sur les névroses. De Vhystérie {va- peurs, maux de nerfs) {Gaz. méd. de Paris, 1847, p. 918). A. Besançon. Considérations sar Vhystérie, et en particulier sur son diagnostic (thèses de Paris, 1849, in-4). Szokalsky. Von d, Anœsthesie u. Hyperœsthesie bei den hyste- rischen Frauen (Proger Vierteljahrschrift, 1851, Bd. IV, p. 130). U. A. E. Mesnet. Etudes des paralysies hystériques (thèses de Paris, 1852, in-4). Valentiner. Die Hystérie und ihre Heiluny. Erlangen, 1852, in-8. J. A. KiwtSGH VON Rotterau (fortges. von J. W. Scanzoni). Klin. Vortràge üb. spec, Patfiol. u. Thérapie der Krankh. d. wcibl. Geschlechtes. Prague, 1855, 3 vol., in-8, t. III, p. 322, A. Briquet. Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie. Paris, 1859, in-8 (1). Voyez aussi la Bibliographie de l’Etat nerveux, p. 474, ainsi que les traités des maladies nerveuses et la plupart des ouvrages sur les ma- ladies des femmes. 2083. Synonymie. — Suffocation ou préfocation utérine; mal de mère; vapeurs, etc. Définition. Divisions. — D’après la judicieuse remarque de M. le professeur Andral, l’hystérie embrasse, à peu de chose près, l’en- semble des affections nerveuses ; dès lors, comment définir nettement un état morbide aussi complexe ? Il y a peu de temps encore, quand les nosographes n’avaient fixé leur attention que sur un certain nombre de phénomènes hystériques, les phénomènes convulsifs, ils pouvaient, sinon donner une définition irréprochable de la maladie, du moins en énoncer les caractères essentiels dans une description concise. L’hystérie (1) Monographie magistrale, fondée sur un nombre considérable d’observa- tions cliniques, où se trouvent résumés et discutés les principaux travaux anté- rieurs, et à laquelle nous avons largement emprunté pour la composition de cet article. 608 PATHOLOGIE MÉDICALE. était celte « affection du sentiment, du mouvement, de l’intelligence, presque exclusivement propre à la femme, apyrétique, affectant d’ordi- naire une marche chronique et se montrant sous forme de paroxysmes ; ceux-ci caractérisés : 1° par un sentiment de constriction et de strangu- lation à la gorge, souvent précédé ou accompagné de la sensation d’un corps rond montant de l’épigastre ou de quelque autre région vers les parties supérieures (boule hystérique) ; 2° par des convulsions générales d’une irrégularité et d’une violence extrêmes; 3° par des troubles variés de la sensibilité, bientôt suivis U° d’un collapsus ou d’une sorte d’état syncopai avec conservation ou suspension des facultés intellectuelles. » — Mais s’il est juste de reconnaître (avec les auteurs du Compendium de médecine, à qui nous avons presque textuellement emprunté le ré- sumé qui précède) que les symptômes des paroxysmes sont les plus carac- téristiques, qu’en dehors d’eux il devient difficile de délimiter l’hystérie comme espèce morbide, il faut bien avouer aussi que cet avantage ne s’obtient pas sans sacrifice. Ce que la définition y gagne en apparente rigueur, elle le perd eu exactitude véritable : chez bien des hystériques « l’affection du sentiment, du mouvement, de l’intelligence » se traduit dans l’intervalle des accès et même en l’absence de tout paroxysme, par un ensemble des troubles fonctionnels analogue, sinon identique avec celui que nous avons étudié sous le nom d'Etat nerveux. De là, la né- cessité de faire entrer dans la définition de l’hystérie et la variété la plus anciennement décrite, savoir Yhystérie convulsive (attaque de nerfs, hystérie à attaques, etc.), et celle qu’une observation plus précise nous oblige d’y annexer : Yhystérie non convulsive (également appelée hys- térie sensitive, vaporeuse, protêt forme, hystéricisme ou hystérisme). De là nécessairement aussi la difficulté et, dans tel cas donne, l’impossi- bilité de différencier cette deuxième variété, de Y Etat nerveux avec laquelle elle se confond en plusieurs points, et dont on peut dire qu’elle ne représente que l’un des modes ou l’une des formes. Nous aurons à examiner plus loin jusqu’à quel point cet état nerveux, observé chez certaines femmes, participe aux caractères de l’hystérie, et si les distinc- tions de ce genre ne sont pas plus nominales que réelles, 208i. Symptômes de Chystérie. •— Afin de mettre un peu d’ordre dans la description d’une maladie que les nosographes proclament à l’envi un protée insaisissable, nous commencerons par exposer séparé- ment les symptômes de l’hystérie convulsive et ceux de l’hystérie non convulsive. I. Symptômes de l’hystérie convulsive. — Considérée à tort par plu- sieurs auteurs comme la forme unique de la maladie, l’hystérie convul- sive présente à considérer des accès ou attaques, et des intervalles libres. 1° Une attaque hystérique {attaque on crise de nerfs) est, à propre- ment dire, un ensemble d’accidens spéciaux et graves qui apparaissent NÉVROSES. 609 d’une manière soudaine, prennent une certaine intensité et, après une durée ordinairement courte, disparaissent aussi brusquement qu’ils étaient venus. On peut en observer de bien des espèces, presque tous les symptômes de l’hystérie étant susceptibles de présenter des appa- ritions ou exacerbations temporaires de ce genre, pour s’évanouir ou s’atténuer ensuite; et l’on se trouverait de la sorte conduit à décrire des attaques de douleurs, d’aliénation mentale, de paralysie ou de dyspnée, de tympanite, de contracture, etc., comme on décrit des attaques de con- vulsions ou de spasmes. Mais, quelque rationnelle que puisse paraître une pareille manière de procéder, il est plus conforme à l’usage et aussi à l’observation clinique (où la fréquence et la gravité d’un phé- nomène décident de la valeur qu’on lui accorde) de prendre les atta- ques convulsives pour type et, en quelque sorte, pour centre de la symplomatologie, sauf à grouper, comme autant de variétés ou d’ac- cessoires, autour de ces exacerbations de l’alïeclion motrice, les exa- cerbations concomitantes, antérieures ou consécutives des troubles sen- sitifs, intellectuels, etc. Disons donc en quoi consiste une attaque d’hystérie convulsive, sup- posée aussi complète que possible, et indiquons successivement ses pro- dromes, ses symptômes proprement dits et les phénomènes qui la suivent. A. Prodromes de Vattaque. — Pendant quelques heures et parfois pendant plusieurs jours, les femmes sont dans un état de malaise, de tristesse, de désespoir onde gaîté forcée ; l’intelligence est déjà troublée, et la volonté n’est plus libre; elles ont l’esprit tendu et agité, l’humeur inégale, la tète douloureuse, accusent dans les membres des pesanteurs, des engourdisse mens, des frissons, un froid glacial, des inquiétudes; éprou- vent un besoin de marcher, de courir ou de sauter, des contractions spasmodiques légères ou des crampes ; tour à tour elles t ient aux éclats ou versent des larmes ; elles sont fatiguées par des bâillemens, des pan- diculations, des soupirs répétés ; se plaignent de palpitations, de dyspnée, d’une conslriction à la gorge, avec sensation de boule (sur laquelle nous insisterons tout à l’heure); le ventre se tuméfie, l’appétit est aboli, ou bien il existe de la boulimie, elles malades dévorent de grandes quantités d’alimens qu’elle digèrent souvent fort bien et qui, d’autres fois, sont vomis. Cet état de malaise, qui montre tout l’ensemble du système ner- veux en proie à une excitation extrême, constitue ce qu’on pourrait ap- peler, par analogie avec l’épilepsie, le prodrome éloigné de l’attaque hystérique (la conslriction de la gorge étant au contraire le prodrome prochain); et ce malaise devient quelquefois si pénible que, pour en être délivrées, les malades désirent ardemment l’invasion des accidens convulsifs. B. Symptômes de l'attaque. a. Globe hystérique ; strangulation. — Au moment où l’attaque commence, une douleur plus ou moins intense se fait sentir, soit, 610 cl le plus souvent, à l’épigastre, soit d’abord à l’un des membres, à l’ombilic, el plus rarement à la région de l’utérus et des ovaires, pour s’étendre rapidement à celle de l’épigastre (Briquet) ; c’est à la suite de cette sensationépigastrique, primitive ou consécutive, prolongée pendant une ou deux minutes ou un quart d'heure, que les femmes éprouvent la sensation d’un corpsdont quelques-unesne peuvent donner aucune idée, mais que la plupart décrivent comme une boule ayant le volume du poing on d’une noix; celte sensation monte de l’épigaslre en une demi- minute, au plus en deux ou trois minutes, jusqu’au niveau du bord supérieur du sternum ou de la partie moyenne de la trachée, le plus souvent au niveau ou au-dessus du larynx; là elle semble séjourner longtemps. Chez quelques malades le début est signalé par de la cépha- lalgie avec vertiges et bourdonnement d’oreille, promptement suivie de perte de connaissance; ou bien la constriction de la gorge s’établit de prime abord, sans être précédée de sensation ascendante de boule ou de globe. La boule hystérique donne l’idée d’une suffocation imminente ; elle empêche la déglutition; c’est une sensation des plus pénibles, quelque- fois si violente que, pendant l’attaque, on voit les malades porter les mains au col comme pour écarter un corps étranger ou pour s’ar- racher la peau de ces parties. b. Convulsions. — A la strangulation succède rapidement la perle de connaissance, qui peut être complète ou incomplète ; ce dernier cas est plus rare qa’on ne le croit généralement : la connaissance est con- servée seulement une fois sur dix (Briquet). Les malades profèrent des plaintes, poussent des cris aigus ou rauques, et sont prises de con- vulsions générales, d’une intensité telle que plusieurs hommes ont peine parfois à contenir une jeune fille sans vigueur, et qu’à moins d’une résis- tance énergique, on voit les femmes faire des sauts, des bonds, des chutes épouvantables. Elles s’agitent, tantôt comme si elles voulaient échapper à des violences, tantôt comme si elles se débattaient contre une étreinte ; d’autres fois comme le ferait un opéré auquel on laisserait la liberté de ses mouvemens, ou une personne qui se livrerait à l’impa- tience, au mécontentement, à la colère, à la fureur ou au désespoir; d’autres fois encore, les membres supérieurs et inférieurs se meuventdans tous les sens: la flexion, l’extension, la rotation, l’adduction, l’abduc- tion se succèdent avec une extrême rapidité. Le corps se meut tantôt comme un ver, tantôt il se contracte dans tous les sens, bondit et échappe souvent aux mains qui le retiennent. La tète s’agite sur le tronc, en avant, en arrière, de côté, mais très rarement les muscles de la face éprouvent de ces convulsions qui tordent la bouche, qui font rouler les yeux dans leur orbite et les portent en dedans ou en dehors. Pen- dant les mouvemens violens, des craqucmens sc font entendre dans diverses jointures, les mains se portent instinctivement, soit vers le col PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 611 qu’elles saisissent impétueusement comme pour en arracher un corps qui y causerait une grande gène, soit vers l’épigastre que les malades cherchent à déchirer ou à frapper à poings fermés. Quelques-unes tentent de s’arracher les cheveux, de se déchirer le visage, comme le fe- raient des femmes éperdues. Sous l’influence de ces efforts, la peau du corps rougit et se couvre de sueur, l’œil devient brillant ; la face prend une teinte violette, mais ne grimace point et n’offre point de distorsion hideuse: quelques contractions rapides et passagères en traversent seu- lement les muscles de loin en loin ; si les convulsions sont moins fortes, le visage demeure naturel. Les mâchoires se serrent l’une contre l'autre de manière à produire le mâchonnement, le grincement, le claquement des dents, leur brisure même, et quelquefois, mais bien rarement, une salive écumeuse s’échappe en jet pendant ces mouvemens. Comprimées par la contraction des muscles du cou, les veines jugulaires se tuméfient. Le thorax est tantôt dans un état d’immobilité convulsive qui menace d’asphyxie, tantôt agité par des mouvemens respiratoires précipités, comme dans les plus grandes anhélations. Les parois abdominales, souvent tendues par une lyrapanite presque instantanée, présentent d’autres fois une rigidité spasmodique, ou encore des mouvemens alternatifs rapides comme ceux de la poitrine; les sphincters même se trouvent fortement contractés. En même temps que lesmauscles de la vie de relation, ceux de la vie organique sont le siège de contractions désordonnées qui se traduisent par des battemens tumultueux du cœur, coïncidant avec des pulsations exagérées des carotides; par le resserrement de la glotte, d’où l’émission de cris bizarres, inarticulés ; par des conslriclions de l’intestin qui pro- duisent des nodosités appréciables au palper et font cheminer bruyam- ment les gaz dans divers points de l’abdomen. Au dire de quelques auteurs, le doigt introduit dans le vagin pourrait faire reconnaître la con- traction du corps ou du col de l’utérus ; assertion qui repose certaine- ment sur quelque illusion du toucher. Ordinairement ces divers mouvemens ont lieu tous à la fois, mais dans quelques cas ils se produisent alternativement; les convulsions en- vahissent tantôt une partie du corps, tantôt une autre (mais toujours en affectant simultanément les deux côtés) : ainsi l’on verra successivement se convulser les muscles de la tête, puis ceux de la poitrine, puis ceux du bassin, puis ceux des membres, les autres parties restant momenta- nément dans l’immobilité. D’autres fois les convulsions saisissent d’une manière désordonnée les divers groupes musculaires, et les malades présentent une suite de tableaux dans lesquels on peut retrouver l’ex- pressiou de toutes les passions et de toutes les sensations. — Chez quelques-unes, au lieu de convulsions cloniques ou d’un mélange de ionisme et de clonisme, c’est une roideur semi-tétanique qu’on observe dans le tronc et les membres; mais c’est là un fait exceptionnel. c. Etat de la sensibilité et de l’intelligence. — Chez les hystériques qui, tout en étant privées de la parole, conservent des perceptions plus ou moins distinctes , il y a souvent pendant les accès convulsifs des dou- leurs qu’elles comparent pour l’intensité à celles d’une opération chirur- gicale ou d’un accouchement, et qui occupent les membres, le tronçon la tête. Les unes ressentent un froid de glace ou une chaleur brûlante, une sorte de vapeur parcourant tout leur corps; d’autres entendent dans le crâne des cris, des détonations, des sifflemens ; il leur semble qu’on leur comprime la tête sur une enclume ou qu’on la leur brise à grands coups de marteau; d’autres croient sentir que leur cervelle est en ébul- lition (Georget), On voit combien il y a loin du récit que font les ma- lades aux idées de quelques médecins qui, assimilant l’attaque à un spasme cynique, supposent que cet état n’est pas sans agrément. Pendant la durée des convulsions il n’est pas rare de voir survenir un délire assez semblable à celui de l’ivresse alcoolique ou chloroformiquc, c’est-à-dire bruyant, très agité, sorte de rêve en rapport avec les pen- sées qui occupent habituellement la malade ou qui l’ont vivement frappée peu de temps avant l’attaque. Quelquefois les facultés sont dans un état d’exaltation surprenante : le langage prend une distinction et une élévation inaccoutumées, les sens (l’odorat, l’ouïe) présentent une prodigieuse finesse. Enfin, pendant l’attaque, on observe quelquefois des syncopes, des hallucinations, du somnambulisme, de l’extase, de la catalepsie, du coma et de la léthargie. Plus rarement il y a des signes de congestion cérébrale, avec embarras de la parole, et commencement d’hémiplégie. Durée et terminaison de l’attaque. Après une durée de trois à cinq minutes, les cris et les mouvemens convulsifs se suspendent pendant quelques instans ; la malade se plaint, mais ne recouvre pas ordinaire- ment la parole ; puis l’agitation recommence. Le nombre de ces reprises varie d’une à soixante et plus, ce qui donne pour la totalité de l’atta- que une durée de quelques minutes à plusieurs heures; en moyenne, d’un quart d’heure à une demi-heure. Les rémissions sont, en général, d’autant plus longues que l’attaque doit elle-même se prolonger davan- tage : les malades distinguent fort bien le repos qui suit la dernière reprise des simples rémissions momentanées. Ainsi, le calme relatif a beau être très marqué et persister pendant plusieurs heures, les hysté- riques affirment qu'elles se sentent encore de leur attaque, qu’elles con- tinuent à éprouver ces agacemens, ce malaise qui présagent de nouvelles crises ; d’autres fois elles disent que tout est terminé, qu’on peut les laisser libres, et il est rare qu’elles se trompent. Quand les convulsions, après avoir diminué, cessent tout à fait, d’abord l’immobilité succède à l’agitation, la respiration devient plus régulière, la connaissance revient; mais à peine est-elle rétablie qu’une angoisse indicible serre la poitrine, et alors des sanglots éclatent, ou bien un rire PATHOLOGIE MÉDICALE. bruyant el l’expression d’une grande gaîté, ou encore on voit alterner le rire et les pleurs. Les malades recouvrent la parole ; elles se plaignent d’être fatiguées, brisées; une sueur abondante ruisselle de toutes parts ; la tête est lourde, les yeux douloureux, les dents agacées, tous les sens d’une susceptibilité excessive, les idées confuses et agitées; il y a dis- position à la tristesse, à l’impatience, à la colère; le gonflement du ventre se dissipe, mais l’épigastre reste douloureux, l’appétit est nul, la soif vive, le sommeil impossible ou très inquiet. A la fin de l’accès, les malades rendent en abondance une urine transparente, claire comme de l’eau de roche [urina spastica) ; au dire de quelques auteurs, il s’écoule aussi de la vulve une grande quantité de mucus, et cette émission, ajoutent-ils, est accompagnée de sensations voluptueuses comparables à celles du coït. (Ce dernier phénomène es {assurément très rare, puisque M, Briquet ne l’a jamais observé ; mais faut-il « le reléguer au rang des contes dont se sont si souvent bercés nos ancêtres? « Nous-même avons été témoin d’un fait qui nous empêche d’admettre cette conclusion.) Peu h peu l’état de santé habituelle se rétablit, dans l’espace de quel- ques heures, si l’attaque a été légère, ou de plusieurs jours, si elle a été très violente, G. Phénomènes consécutifs. — A la fin de l’attaque, quelques mala- des tombent dans un sommeil qui dure quelques instants, après lequel le réveil a lieu sans secousses, ce qui est une source de difficultés pour le diagnostic (Briquet); d’autres ont des syncopes, des attaques de catalepsie, de léthargie ou de coma; il n’est pas rare de voir apparaître ou s’ag- graver à la suite d’une attaque convulsive, les accidens qui seront décrits plus loin : douleurs, contracture, troubles des fonctions senso- rielles, etc.; quelquefois aussi, quoique plus rarement, on voit ces divers phénomènes diminuer à ce moment ou disparaître entièrement. 2° Intervalles libres. — L’accès terminé, il peut arriver que les ma- lades n’accusent aucune perturbation de la santé, et que l’aptitude à éprouver de nouvelles convulsions soit chez elles à l’état de disposition toute latente; mais le plus souvent on observe, réunis en plus ou moins grand nombre, les phénomènes morbides qui caractérisent l’hys- térie non convulsive ; c’est donc celle-ci qui, comme ou l’a dit avec raison, remplit les intervalles des attaques. Variétés que peuvent présenter les attaques. — Les dissemblances que les attaques d’hystérie offrent entre elles, chez les diverses malades, ou chez la même femme à des époques différentes, sont extrêmement nombreuses; il n’est pas de maladie qui se prête plus malaisément à l’artifice d’un type de pathologie descriptive. Les différences portent tan- tôt sur l’intensité et le siège des symptômes convulsifs, tantôt résultent de l’apparition des phénomènes étrangers au système nervo-musculaire. I. Et d’abord les attaques convulsives qui viennent d’être décrites, mévhoseS. 613 sont loin de présenter toujours la même apparence générale : les sym- ptômes dont elles se composent peuvent se combiner de mille ma- nières, prédominer capricieusement les uns sur les autres, et offrir tous les intermédiaires imaginables entre une légère dyspnée accompa- gnée de palpitations et de quelques secousses dans les membres, jus- qu’aux convulsions universelles avec perle absolue de connaissance, etc. M. Briquet a tenté de ramener toutes ces variations à quatre ordres de causes, savoir : 1° La susceptibilité particulière contractée par certains groupes mus- culaires, ou par le fait d’une irritabilité plus grande, ou par suite de l’habitude où sont les malades de les mettre enjeu, pour exprimer telle ou telle passion qui les anime fréquemment. Ainsi, les convulsions affecteront les muscles du col, chez les personnes qui expriment habituel- lement leurs passions par des mouvemens de la tête; la strangulation sera très forte si, d’habitude, les émotions provoquent le resserrement du pharynx ; les mouvemens morbides prédomineront surtout à la poitrine chez les femmes qui se mettent facilement en état d’anhélation, etc., chez quelques-unes il y a des mouvemens du bassin comme dans le spasme cynique (variété à laquelle on a attribué à tort une très grande impor- tance) ; les femmes qui souffrent habituellement de l’épigastre, éprou- vent, pendant les attaques, des constriclions très vives des muscles du haut de l’abdomen, et ce sont elles surtout qui se frappent ou cherchent à se déchirer la région épigastrique. 2° L’âge des malades : dans l’enfance et l’adolescence, les attaques sont remarquables souvent par la bizarrerie et le caractère puéril des actes auxquels les hystériques se livrent, par l’intensité ou l’excentricité de leur délire: elles dansent, chantent, cherchent à mordre, à grimper sur les toits, etc. Quant à l’influence de la constitution, elle se manifeste chez les femmes d’un caractère emporté par l’énergie des convulsions accompagnées d’un délire bruyant ; chez les femmes lymphatiques ou d’humeur douce, par des attaques peu fortes, peu bruyantes, et dégé- nérant facilement en coma et en somnolence ; les femmes méchantes continuent à l’être pendant leurs crises; celles qui présentent les attri- buts de la constitution nerveuse sont remarquables par la généralisation et l’irrégularité des convulsions; enfin, ajoute M. Briquet, il est très possible que les femmes h tempérament dit utérin, aient plus facilement que les autres les convulsions du bassin analogues au spasme cynique; les jeunes filles craintives sont volontiers prises de tremblement, etc. 3° La cause déterminante des attaques, quoique ayant une influence moins générale, n’est cependant pas complètement indifférente. Quand l’hystérie succède à des chagrins ou à des contrariétés, il y a plus d’op- pression et de strangulation que dans toutautre cas, et à la fin des atta- ques les sanglots sont plus multipliés et les pleurs plus abondans ; les jeunes filles devenues hystériques pour avoir élé maltraitées, ont très PATHOLOGIE MÉDICALE. facilement du tremblement ; lorsque la maladie s’est développée à la suite d’une vive frayeur, les femmes se débattent beaucoup et sont prises de délire avec visions terrifiantes. Dans certaines épidémies de névroses, les religieuses dont l’hystérie était causée par une grande exaltation mystique, commettaient des actes d’impiété, proféraient des blasphèmes ; d’autres tenaient des discours, prophétisaient, etc. h° Ce qui modifie surtout les phénomènes des attaques, ce sont les impressions ressenties pendant leurs intervalles, et à cet égard, nous devons signaler particulièrement la puissance de l’imitation : il suffit qu’une hystérique ait vu une fois un geste, aperçu un acte qui l’ait frappée, pour qu’elle l’imite involontairement soit dans ses attaques con- vulsives, soit pendant leur intermission; de là l’action des hystériques les unes sur les autres, et la contagion apparente de la maladie. Les gestes, les cris, les symptômes morbides de l’une font impression sur les autres, et il en résulte, dans les lieux où plusieurs malades se trouvent réunies (salles d’hôpital, pensionnats, couvens, etc.), une uniformité singulière de tous les symptômes; rien de plus curieux à cet égard que l’histoire des épidémies nerveuses dont nous avons déjà parlé, où la puissance de l’imitation se révèle par des résultats si extraordinaires (1). Telles sont les principales circonstances qui modifient les attaques convulsives de l’hystérie. IL L’une des variétés intéressantes de l’hystérie convulsive est celle qu’on désigne quelquefois par les mots de convulsions internes. M. Bri- quet, sous le titre d’attaques de spasmes, en donne la description sui- vante : « Sur les quatre cents hystériques observées par moi, il s’en est trouvé dix à douze au plus qui avaient été atteintes de spasmes vio- lons ou chez lesquelles ceux-ci remplaçaient des attaques convulsives avec perte de connaissance... Ce qu’on est convenu d’appeler une atta- que spasmodique, se compose de troubles qui sont presque toujours à peu près les mêmes. On peut se faire une idée assez juste de l’attaque spasmodique à son degré le plus léger, par ce qui arrive chez une femme impressionnable qui vient d’éprouver une contrariété : il se manifeste à l’épigastre un sentiment de resserrement et de compression qui amène une sorte d'étouffement ; le cœur bat avec force et avec rapidité ; la gorge se serre à tel point qu’il se produit une sorte de strangulation qui arrête la voix et empêche la déglutition, enfin, un sentiment d’inquié- tude et un besoin d’agitation se font sentir dans les membres... La vé- ritable attaque spasmodique, celle qui se comporte à la manière d’une attaque convulsive, se compose à peu près des mêmes élémens, seule- NÉVROSES. 615 (1) Yoy. le mémoire de M. Jolly : De l’imitation considérée dans ses rapports avec la philosophie, la morale et la médecine (Mém. de l'Acad. de méd., 1846, t. XII, p. 381), et le travail de M. Bouchot : De la contagion nerveuse et de l’imi- tation (Bullel. de l’Acad, deméd., 1360-61, t. XXVI, p. 818). 616 ment ils prennent un degré d’intensité bien plus élevé... La femme devient irritable, irascible, ou tombe dans une sorte d’humeur noire, puis elle éprouve des baillernens, des pandiculations, un malaise indé- finissable... Au bout de quelques heures, l’épigastre se serre, un poids considérable, une constriction violente ou une douleur déchirante se font sentir dans cet endroit; des palpitations se déclarent, pendant lesquelles la malade semble craindre que le cœur ne se rompe dans la poitrine ; les muscles du thorax se contractent très rapidement au point de provo- quer jusqu’il 100 inspirations à la minute; des douleurs vives se font sentir dans les côtés et dans le dos, une sensation très pénible semble monter à la gorge sous la forme d’un globe, et, arrivée là, elle provoque une strangulation qui cause la douleur déchirante la plus vive et pendant laquelle la malade paraît près d’étouffer; alors la déglutition devient complètement impossible ; une violente douleur éclate dans la tète, les mains s’agitent, se crispent involontairement, l’intelligence néanmoins se conserve tout entière. Cet état de souffrance est quelquefois porté à un degré effrayant, dure pendant quelques minutes ou quelques heures, puis des sanglots éclatent, des pleurs surviennent, les urines coulent claires et abondantes, et tous les accidens se calment, laissant après eux de la céphalalgie, des douleurs à l’épigastre, dans les côtés, dans le dos, etun sentiment de brisement et de courbature qui se dissipent peu à peu. Ordinairement les femmes se sentent alors plus légères, ont les mem- bres plus dispos et l’esprit moins préoccupé qu’avant l’attaque. Dans certains cas les accidens spasmodiques sont anormaux : ainsi, on peut voir alternativement la perte de la voix, le miaulement et l’aboiement, les vomissemens, le hoquet, la distension de l’estomac ou des intestins par des gaz, les coliques avec ballonnement du ventre, la dysuric ou la polyurie, phénomènes dont la plupart se produisent, comme les précé- dentes, dans la manifestation des passions. Il est des femmes chez les- quelles les attaques spasmodiques existent toujours seules (peut-être parce qu’elles ont un caractère plus ferme que celles qui ont des atta- ques de convulsions) ; alors elles ont une grande intensité. Il en est d’autres qui ont alternativement des attaques de spasmes cl de convul- sions. »> III. Enfin, la syncope, la catalepsie, l’extase, le somnambulisme, le sommeil, le coma, la léthargie, le délire peuvent également apparaître tantôt sous forme d’attaques, comme manifestations isolées de la névro- pathie hystérique, tantôt diversement combinés avec les symptômes spéciaux de la maladie. Nous avons déjà signalé les attaques d’épilepsie alternant avec celle d’hystérie ou leur empruntant quelques-uns de leurs caractères, ce qui constitue la névrose compliquée, qu’on désigne sous le nom d'hystéro-épilepsie (voy. p. 565, n° 2073, b). Coup d’œil sur Vhystérie convulsive en général. —Après avoir in- PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 617 cliqué les symptômes de l’hystérie convulsive, et avoir cherché à donner une idée des nombreuses variétés qu’ils présentent, il nous reste à envisager celte forme de la maladie dans son ensemble, c’est-à-dire à examiner les points suivans, au sujet desquels l’ouvrage de M. Briquet nous fournit seul des renseignemens précis. 1° Fréquence relative de l’hystérie avec attaques de convulsions. — Il est des hystériques qui éprouvent pendant un temps fort long tous les accidens de la maladie, quelquefois à un degré assez élevé, sans jamais avoir d’attaques. Quelle est la proportion relative de ces faits et de ceux d’hystérie à attaques? « Les auteurs ne le disent pas. J’ai dû faire (dit 31. Briquet) des recherches sur ce point, en voici le résultat. Sur quatre cent vingt et une hystériques dont j’ai pris l’observation, les trois quarts avaient eu des attaques. Si l’on réfléchit que les femmes des classes supérieures à celle qui fréquente les hôpitaux, quoique peut- être plus impressionnables, sont exposées à beaucoup moins d’émotions violentes, on trouvera, je pense, que ce n’est pas beaucoup s’éloigner de la vérité que de considérer comme probable que la moitié des femmes atteintes d’hystérie na pas d’attaques. » 2° Mode d’invasion des attaques. — Chez quelques femmes, l’hystérie débute par une attaque convulsive (c’est ce que nous nommerons atta- que primitive) ; chez d’autres, les accidens névropathiques existent d’abord seuls pendant un intervalle qui peut varier de quinze jours à vingt ans (attaques consécutives); il en est enfin qui présentent simul- tanément les symptômes de l’hystérie convulsive et non convulsive. Dans les deux tiers des faits recueillis par M. Briquet, les attaques avaient apparu dans le cours de la première année. 3° Age auquel les attaques se montrent. —• La période de la vie à laquelle les premières attaques surviennent le plus fréquemment, est celle de quinze h trente ans; de trente ans jusqu’à la vieillesse les atta- ques primitives deviennent rares; à l’enfance, jusqu’à quinze ans, correspond leur fréquence moyenne. Dans cette dernière période, le nombre des attaques primitives) l’em- porte sur celui des consécutives; le contraire a lieu pour la période de quinze ans à trente ; les années postérieures à l’âge de trente ans ne présentent plus de différence notable entre les unes et les autres. De l’enfance jusqu’à l’âge de douze ans, la disposition aux attaques ne se modifie point; de douze ans à vingt-cinq, elle va croissant à peu près régulièrement d’année en année ; enfin, de vingt-cinq à cinquante- huit ans, limite des apparitions de première attaque, cette disposition devient très faible. h° Durée de la période pendant laquelle surviennent les attaques. — Suivant Georget, quand les attaques ont lieu chez des sujets jeunes et qu’elles ont été produites'par des causes accidentelles, d’ordinaire la disposition à leurs retours ne persiste pas bien longtemps. D’un autre 618 côté, il est assez bien établi que, passé quarante ou quarante-cinq ans, les accès d’hystérie cessent entièrement, ou deviennent plus rares et diminuent d’intensité. M. Briquet s’est livré à des recherches statistiques dans le but de dé- terminer la durée du temps pendant lequel subsiste l’aptitude au retour des attaques hystériques ; il a vu ce temps varier depuis une annéejus- qu’à quarante-quatre années ! Des variations aussi considérables lui ont paru principalement en rapport avec l’âge auquel les malades ont eu leur premier accès : ainsi, pour les faits d’hystérie datant de l’enfance, la durée moyenne de la succession des attaques, prises dans leur en- semble, a été de seize années; quand la maladie avait débuté entre onze ans et vingt ans, cette moyenne a été de près de quatorze années ; enfin, quand l’invasion avait eu lieu de vingt à trente ans, cette même moyenne a été de dix années et demie. Ce qui peut se traduire ainsi : moins les sujets que l’hystérie atteint sont avancés en âge, plus ils ont de chances de voir leurs attaques se reproduire pendant longtemps ; et l’on sait en effet que l’hystérie qui se montre chez les filles très jeunes est la plus difficile à guérir. Mais il ne faut pas perdre de vue les influen- ces assez nombreuses qui, indépendamment des tendances propres delà maladie, peuvent intervenir pour en enrayer la marche ou en prolonger la durée. 5° Nombre des attaques convulsives. — Quelquefois il n’en existe qu’une seule, et alors le plus communément elle a lieu dans l’enfance, à la suite d’une vive émotion, ou bien on en observe un très petit nom- bre à de longs intervalles. Mais d’ordinaire les attaques deviennent faci- lement périodiques, et se répètent au nombre d’une ou de plusieurs (jusqu’à vingt et môme jusqu’à cent (Landouzy), dans la même journée, ou reparaissent tous les deux à trois jours, toutes le semaines, tous les mois. Les attaques très rapprochées peuvent ainsi revenir pendant un temps variable, depuis quelques jours jusqu’à plusieurs années. 6° Durée des attaques considérées en elles-mêmes.— Elle peut n’êlrc que d’une minute, ou s’étendre à plusieurs jours (quarante-cinq jours chez une malade de Georget, avec des intervalles de quarante à cin- quante minutes) : un quart d’heure ou une demi-heure, telle est la durée habituelle des attaques convulsives. Elle va, en général, diminuant à mesure que l’hystérie devient plus ancienne, et, ce qui concorde avec le même fait d’observation, elle s’abrége d’autant plus que les attaques se rapprochent davantage. Mais on conçoit combien l’intervention des causes occasionnelles et l’inégale susceptibilité des sujets doivent faire apporter de restrictions à cet énoncé général. 7° Durée des intervalles libres. — Les intervalles des attaques pré- sentent une trop grande irrégularité pour qu’on puisse rien établir de général à leur égard. Mais ce qu’il importe de signaler, c’est que les accès d’hystérie, tout en étant soumis h tous les hasards des causes acci- PATHOLOGIE MÉDICALE. dentelles, présentent souvent dans l’ensemble de la série qu’ils forment, une sorte de périodicité; en d’autres termes il est des époques pendant lesquelles il semble qu’ils se produisent ou avec une entière sponta- néité, ou du moins avec une facilité bien grande, eu égard aux causes peu puissantes qui les déterminent. Un petit nombre des hystériques que j’ai observées, dit M. Briquet, avait eu de quatre à six attaques par an; un dixième d’entre elles en avait eu tous les trois mois, et un cin- quième en avait eu tous les mois; tant que les attaques ne sont pas plus rapprochées, elles sont le plus souvent provoquées par des causes appré- ciables; les attaques convulsives que j’appellerai spontanées ont une grande tendance à affecter la forme périodique ; c’est parmi elles que se trouvent les exemples de convulsions revenant tous les deux et tous les trois jours, toutes les semaines ou tous les quinze jours. Il est quelques cas où la régularité de ces périodes est tellement grande que l’attaque arrive constamment à la même heure, soit du jour, soit de la soirée. Les retours mensuels ne paraissent pas dépendre de l’influence exercée par la menstruation, « puisque dans le tiers des cas seulement les atta- ques avaient lieu aux époques ô'apparition (?) des menstrues. » 8° il nous resterait à parler des causes qui, avec le concours d’une disposition morbide à peu près permanente, provoquent la réappa- rition des attaques hystériques ; mais ce sujet sera mieux à sa place au paragraphe de Vétiologie. Quant aux circonstances qui peuvent ame- ner la disparition momentanée ou définitive des accès, nous aurons soin de les indiquer en parlant de la marche de la maladie. II. Symptômes de l’hystérie non convulsive. — On ne saurait trop insister sur cette vérité longtemps méconnue, que l’attaque convulsive n’est pas seule l’hystérie, n’est pas toute l’hystérie ; la même souffrance générale du système nerveux qui se traduit par les convulsions, peut d’autre part se révéler par d’innombrables perturbations fonctionnelles, I! est vrai que celles-ci éclatent souvent à la suite des accès convulsifs, ou, s’ils existaient auparavant, qu’on les voit acquérir alors une inten- sité plus considérable; mais il s’en faut que ce soit là une règle générale, et dans bien des cas, ces troubles fonctionnels ne sauraient en aucune façon être rattachés aux attaques convulsives; au surplus, les accès peuvent faire entièrement défaut (ce qui a lieu d’après les relevés de M. Briquet, dans près delà moitié des cas). Entre les attaques convul- sives et les symptômes névropalhiques, ce n’est pas un rapport de cause à effet qui existe, mais bien une relation intime qui dérive d’une com- mune étiologie. Peut-être n’est-il pas inutile, pour mieux faire ressortir celte sorte d'équivalence de tous les symptômes hystériques, d’em- prunter un exemple à une autre partie de la pathologie : l’histoire de l’intoxication saturnine nous paraît d’autant mieux se prêter à cette espèce de parallèle, que justement la plupart des accidcns saturnins se NÉVKOSliS. 619 620 produisent vers le système nerveux, et forment une véritable névrose plombiquc. La colique est, comme on sait, l’un clos effets les plus re- marquables de cette intoxication, et de même que l’attaque convulsive de l’hystérie, l’attaque douloureuse qui constitue cette colique a eu le privilège d’absorber l’attention des médecins, au point de faire reléguer au second plan toutes les autres manifestations de la même cause. « Assurément, dit à ce sujet Requin (t. III du présent ouvrage, p. 72), dont nous aimons à citer les judicieuses paroles, assurément entre toutes les maladies saturnines, la colique est sans comparaison la plus fré- quente ; elle est aussi celle qui d’ordinaire se développe la première et qui, en outre, possède au plus haut degré une physionomie distincte et caractéristique; mais, indépendamment de cette colique, il n’est, en vérité, aucune névrose viscérale ou autre, il n’est aucun phénomène de paralysie musculaire, aucune variété d’obscurcissement des sens, aucune perturbation de fonctionnalité encéphalique ou rachidienne, dont l’em- poisonnement saturnin ne puisse nous offrir la reproduction. Et surtout n’allons pas croire, d’après lo langage adopté par le commun des au- teurs, que ces diverses maladies soient toujours et nécessairement pré- cédées par la colique; qu’elles en soient la conséquence et la termi- naison. Il est constant, il est incontestablement avéré que chacune d’elles se manifeste quelquefois prolopathiquemenl, ou en d’autres termes sans colique prodromique. Chacune a son individualité propre et, pour ainsi dire, sa pleine et entière indépendance ; chacune peut se montrer la première, chacune peut se développer isolément et sans qu’aucune autre des maladies congénères vienne l’accompagner ou lui succéder. » — Ces dernières considérations s’appliquent avec une remarquable jus- tesse aux symptômes névropathiques de l’hystérie, que nous allons main- tenant exposer brièvement. Ce sera en quelque sorte la reproduction du tableau déjà présenté à l’article État nerveux, seulement avec des traits plus accentués et des couleurs plus contrastantes. Avant de chercher à déterminer quels sont parmi ces nombreux troubles fonctionnels, les plus fréquens et les plus caractéristiques de l’hystérie, et comment ils se combinent de manière à constituer cer- tains groupes utiles à connaître pour le diagnostic, il convient d’abord d’énumérer ces symptômes, dont la liste est longue, et que nous clas- serons sous deux chefs : 1° troubles de la vie de relation (fonctions cérébrales, sensibilité spéciale et générale, motilité) ; 2° troubles des fonctions organiques. 1° Vie de relation. a. Fonctions cérébrales. — L’étal des facultés mentales et affectives appartient aux caractères les moins inconstans de l’hystérie. Sans parler de l’insomnie habituelle, sans parler surtout du délire qui tantôt se manifeste sous forme d’attaques, et d’autres fois à litre de complication ou de conséquence des accès convulsifs, les hystériques ont une manière PATHOLOGIE MÉDICALE. d’être de l’intelligence et du moral qui mérite de fixer l’attention du mé- decin. Elles sont habituellement capricieuses, fantasques, irrésolues, avides d’émotions; elles passent avec une incroyable mobilité d’un sen- timent à un autre, des larmes au rire, et cela souvent sans motif appré- ciable; incapables de réagir contre leurs impressions, elles en ressentent les effets avec une violence excessive; elles veulent qu’on les plaigne, qu’on s’occupe d’elles, et par des supercheries à moitié involontaires, se plaisent à dérouter l’observateur en accusant des souffrances étranges, surnaturelles; on en voit qui, dans le seul but d’exciter l’intérêt, in- ventent des fables romanesques fort compliquées, et parfois affrontent les plus pénibles, les plus dégoûtantes épreuves. Dans leur état mental on remarque une volonté sans force, unie à une activité souvent désor- donnée de l’imagination ; de même qu’avec une sensibilité morale très exaltée, elles présentent un défaut remarquable de réaction contre les impressions qui les frappent ; et ce contraste qui se retrouve jusque dans leur système moteur peu énergique, et cependant sujet à des con- vulsions violentes, nous paraît heureusement rappelé par la dénomi- nation de « faiblesse irritable», employée par plusieurs médecins an- glais et allemands. Quelque chose de ce contraste se trahit aussi dans la physionomie des hystériques, où une expression habituelle de langueur et d’abattement existe avec une extrême mobilité des traits. L’éclat de l’œil et un léger abaissement de la paupière supérieure, cachant en partie le limbe de la cornée, ont été indiqués par quelques patholo- gistes comme caractérisant habituellement le fades hysterica (Todd). b. Fonctions sensorielles. — La l’ouïe, le goût, l’odorat, pré- sentent souvent, chez les hystériques, les modifications les plus variées, et qui rentrent dans les deux classes si compréhensives de l’exagération avec perversion, ou de l’affaiblissement. A la première appartiennent: l’impressionnabilité de la rétine exaltée au point de permettre la lecture avec les paupières presque fermées ; la finesse de l’ouïe, grâce à laquelle sont perçus des sons lointains qui échap- peraient à l’oreille la plus délicate ; la susceptibilité quelquefois pro- digieuse à l’égard des odeurs les plus faibles ou des saveurs les moins accusées, et aussi, à un degré plus élevé : la photophobie ou la photopsie, l’impression pénible produite par les incitans de l’ouïe, de l’olfaction, de la gustation, les bourdonnemens, la perception illusoire d’odeurs et de saveurs absentes. Chez quelques malades l’odorat et le goût sont per- vertis : elles respirent avec délice le musc, le camphre, l’asa fœtida, et recherchent avec une extrême avidité les substances acides ou insipides (pica, malacia). L’état opposé, celui d’anesthésie sensorielle, se traduit par l’amaurose hystérique, par la perte du goût, de l’odorat, plus rarement de l’ouïe. En général, ces accidens ne surviennent que consécutivement à l’anes- thésie cutanée soit générale, soit localisée au voisinage des organes sen- NÉVROSES. 621 622 PATHOLOGIE MÉDICALE. soriels correspondans. Ils peuvent se rencontrer clans tous les sens à la fois, mais le plus souvent ils sont limités à un seul, ou même ne frappent que l’un des organes sensoriels, l’un des yeux ou l’une des oreilles, etc., en respectant son congénère. c. Sens cutané. — C’est sans contredit celui dont les altérations se remarquent le plus fréquemment dans l’hystérie. L' hyper esthésie cutanée se développe principalement dans l’hystérie à marche aiguë (Briquet) ; elle consiste tantôt en une finesse inusitée du toucher qui rend la peau impressionnable aux plus légers contacts; tantôt en une susceptibilité telle des tégumens queloutc impression exté- rieure, même celle de l’air, devient pénible ou douloureuse : c’est alors une dermal g ie ou der mat algie (y oy. p. 200, n° 1750, b), qui, tantôt générale, tantôt bornée à un seul côté du corps, et le plus souvent au côté gauche, n’existe d’autres fois que dans une seule région, et même dans un point très circonscrit : le dos, les régions latérales ou anté- rieure du thorax ou de l’abdomen, les membres, la vulve et l’entrée du vagin, la mamelle, etc Quelques malades accusent spontanément à la peau ua froid glacial ou une ardente chaleur, des fourmillemens, des picotemcns, des élancemens, de vives démangeaisons. Le prurit volvaire est une des manifestations les plus curieuses de l’hypereslhésie tégu- menlaire (peau et membrane muqueuse) chez les hystériques. Vanesthésie, qu’il n’est pas rare de voir coexister avec l’hypereslhé- sie dans certains points, est un fait si commun dans l'hystérie qu’on a pu le croire constant dans cette maladie. L’étendue et ie degré de l’in- sensibilité varient à l’infini : on peut la trouver générale, ou, ce qui est moins rare, occupant une moitié latérale du corps, presque toujours la moitié gauche, s’arrêtant parfois avec une netteté parfaite à la ligne médiane; mais l’anesthésie restreinte est plus fréquente; elle affecte une moitié de la face, la peau du tronc ou les membres, principalement les membres supérieurs, plus souvent à gauche qu’à droite, et cela dans la proportion de U à 1, d’après M. Briquet. Il peut y avoir abolition simultanée des sensations de contact, de température, de douleur (anesthésie complète) ou persistance de l’une d’elles avec perte des autres [anesthésie incomplète)', nulle part, on ne trouve à cet égard, des exem- ples d’isolement plus variés et plus singuliers que chez les hystériques; mais quelque variété qu’ils présentent, toujours, dit M. Briquet, il y a comme lésion fondamentale une diminution notable du tact (?). Quand l’anesthésie est complète, les excitations les plus fortes et les plus dou- loureuses pour des tissus sains, sont endurées avec une parfaite impassi- bilité ; c’est ce qu’on voit sur une petite échelle dans les salles des hôpi- taux, et c’est ce qui a été observé en grand, à ces époques lamentables où la médecine, se mettant au service des tourmenleurs, découvrait sur le corps des prétendues sorcières, ces marques du diable (stigma ou sigillum diaboli), signes infaillibles de possession, qui n’étaient autre NÉVROSES. 623 chose que des points anesthésiés des légumons, — L’anesthésie com- plète s’accompagne d’un certain degré d’abaissement de la température, d’un ralentissement de la circulation capillaire, et entraîne d’autant plus d’incertitude dans les mouvemcns que les malades ont une perception moins précise des objets qu’ils tiennent entre les mains, de la résistance du sol, etc. Quand à l’insensibilité de la peau s’ajoute, comme cela a lieu quelquefois, celle des sens spéciaux, et surtout celle des muscles, un pareil état équivaut presque à une paralysie générale. L’anesthésie cutanée légère, telle, par exemple, qu’on la voit se développer brusque- ment à la suite d’une première attaque convulsive, ne persiste pas en général longtemps; celle qui survient lentement est beaucoup plus re- belle, surtout quand elle envahit une grande surface. Les membranes muqueuses oculaire, nasale, bucco - pharyngée, génito-urinaire, participent assez fréquemment à l’anesthésie de la peau. L’insensibilité de conjonctive, surtout à l’œil gauche, ne manquerait chez aucune hystérique, d’après M. Gendrin. d. Sensibilité générale. — Les altérations de la sensibilité cutanée dont nous venons de parler, pouvant être indifféremment comprises soit parmi les troubles sensoriels, soit parmi les modifications de la sensibilité générale, il nous reste à parler seulement d’un certain nombre d’autres hyperesthésies et anesthésies qui se montrent fréquem- ment chez les hystériques dans différons tissus de l’économie. flyperthésies, — Envisagées dans leur ensemble, elles ne présentent dans l’hystérie d’autres caractères particuliers que leur prédilection pour certaines régions du corps ; leur instabilité et leur mobilité plus grande que dans les autres maladies; l’influence très marquée que les émotions morales exercent sur elles, et, ajouterons-nous, leur multiplicité même : des douleurs partout, voilà un des grands caractères de l’hystérie. Les plus fréquentes de ces douleurs, celles qui conséquemment doivent tout d’abord attirer notre attention, sont les trois suivantes : Douleur épi gas- trique, doultur de côté, douleur dorsale. 1° La douleur épigastrique [épigastralgie] ne manque presque ja- mais; loin d’être toujours dne à une souffrance de l’estomac, elle peut avoir pour siège unique les muscles droits de l’abdomen; elle peut aussi accompagner la gastralgie proprement dite (dans la moitié des cas, d’après M. Briquet). On la constate en pressant avec le bout du doigt sur les faisceaux musculaires compris entre les deux premières intersections aponévrotiques, soit des deux muscles droits, soit du muscle du coté gauche seulement quand la douleur n’envahit pas toute la région épi- gastrique. Permanente, assez forte pour gêner parfois notablement les mouvemens et la respiration, l’épigastralgie n’est pas toujours spon- tanée, mais on la découvre constamment par la pression du doigt, et elle se trahit alors par une vive expression de souffrance. Elle peut exister en l’absence de toute attaque convulsive ; lorsque les convulsions 624 PATHOLOGIE MÉDICALE. vont éclater, c’est souvent l’apparition ou l’exacerbation de la douleur épigastrique qui annonce leur approche; dans le cours même des atta- ques, elle atteint un haut degré de violence, pour ne diminuer que len- tement à leur suite. 2° La douleur dorsale (rachiahjie), également à peu près constante, occupe la partie supérieure de la colonne et des gouttières vertébrales, plus souvent que la partie inférieure; elle ne dépasse pas, en général, une étendue correspondant à quatre ou cinq vertèbres superposées, et assez souvent se trouve limitée à une seul apophyse épineuse; on la constate en exerçant une pression, soit sur Je sommet des apophyses, soit sur les parties latérales ; et presque toujours à gauche seulement, quand la douleur n’existe que d’un seul côté, on tout au moins avec une vivacité plus marquée à gauche, quand la douleur est bi-lalérale. Fré- quemment méconnue dans ses degrés légers, la rachialgie acquiert par- fois, principalement à la suite des attaques, une intensité très grande, et constitue un état de malaise permanent qui paraît susciter sympathi- quement une foule de phénomènes secondaires (voyez l’article Irrita- tion spinale, où se trouvent discutées les diverses opinions relatives à cette hypereslhésie (1). 3° Za douleur de côté {pleuralgie), très commune chez les hystériques, puisqu’elle se rencontrerait chez les quatre cinquièmes d’entre elles (Briquet), s’étend de la gouttière vertébrale, où elle semble faire suite à la douleur dorsale, et en affectant un trajet plus ou moins oblique, jus- qu’en avant, où elle se confond en quelque sorte avec l’épigastralgie. Elle occupe ordinairement le niveau des cinquième, sixième, septième et (1) A ces opinions déjà bien nombreuses nous devons ajouter colle de M. Briquet, pour qui la douleur dorsale n’est qu’une myosalgie, analogue à celles qu’il a rencontrées si fréquemment chez les hystériques dans d’autres parties du corps. Hypothèse fort plausible pour les douleurs qui se font sentir sur les côtés de la colonne vertébrale, mais bien difficile à concilier avec ce fait si fréquent et si caractéristique de l’exaspération de la souffrance par une pression qui porte sur le sommet seul des apophyses épineuses. M. Briquet n’affirme pas du reste bien positivement le caractère myosalgiquc de cette hypereslhésie ; il semble l’admettre plutôt par voie d’exclusion que comme un fait directement démontré; «Il est évident, dit cet auteur, que la rachialgie ne siège ni dans le prolongement ra- chidien, ni dans l’étui osseux qui l’enveloppe... elle ne siège pas non plus dans la peau (!) ; il faut donc que ce soit dans les muscles des gouttières vertébrales... » Et comme s’il ne pouvait se défendre d’un certain doute, l’auteur dit un peu plus loin ; « On serait conduit à supposer que les parties de la moelle épinière de laquelle partent ces branches nerveuses (celles qui animent les muscles des gouttières vertébrales) est elle-même le point de départ du phénomène. » Cela ne contredit-il pas, sinon dans les termes, du moins dans l’idée, la proposition précédemment énoncée ; « la rachialgie ne siège pas dans le prolongement ra- chidien ? » NÉVROSES. 625 huitième côtes, et les espaces intercostaux correspondais ; rarement bilatérale, elle envahit de préférence le côté gauche, s’exaspère par le mouvement, et surtout par la pression du doigt ; continue, non accom- pagnée d’élancemens subits, d’une intensité en général modérée, égale et sans foyers d’élection, la pleuralgie par cet ensemble de carac- tères diffère de la névralgie intercostale avec laquelle on la confond souvent. (Voy. Hyperesthésie des muscles et Névralgie intercostale.) k° Après ces trois hyperesthésies qui sont les plus constantes et les plus caractéristiques, nous aurions à mentionner encore une foule d’au- tres douleurs hystériques qui se font sentir dans divers points du corps desservis soit par les nerfs cérébro-spinaux, soit par les filets ganglion- naires. Ce sont ces diverses souffrances que les médecins anglais dési- gnent quelquefois sous le nom collectif à' hystérie locale. Il faut renoncer à dépeindre les variétés infinies qu’elles peuvent présenter sous le rap- port de leur intensité, tantôt médiocre, tantôt extrême, de leur mode aigu ou sourd, conlusif, lancinant, térébrant, etc. ; la bizarrerie même de quelques-unes de ces sensations est un fait important à connaître. Dans bien des cas elles sont assez légères et assez fugaces pour que le méde- cin soit tenté d’y accorder peu d’attention (il y a même quelque utilité à agir de la sorte); mais ce n’est pas, croyons-nous, une raison pour imiter le mauvais scepticisme de ceux pour qui toute douleur hystérique est un mal imaginaire : ces souffrances, pour n’êlre accompagnées d’au- cune altération visible des parties, n’en sont pas moins très réelles et quelquefois d’une cruelle violence ; Herbert Mayo pour une douleur de ce genre, a pratiqué successivement deux fois l’amputation de la cuisse, puis l’exarliculation de tête du fémur! Énumérons rapidement les principales hyperesthésies hystériques dont il n’a pas encore été question jusqu’ici. Ce sont : la douleur de tête, dont une variété assez rare constitue le clou hystérique (clavus), dé- crit par Sydenham (voy. Névralgie trifaciale et Myosalgie) ; — les douleurs du thorax (thoracalgie, de M. Briquet), et de l’abdomen {cœliulgie du même auteur); — les douleurs des membres, celles fixées aux articulations (voy. l’article Arthralgie, où nous avons reproduit les observations de Brodie sur cette hyperesthésie) ; — les douleurs den- taires ; — les névralgies proprement dites, c’est-à-dire celles qui sont assu- jetties au trajet d’une ou de plusieurs branches nerveuses déterminées; les névralgies sont loin d’être fréquentes, d’après les recherches de M. Briquet, et la plupart des auteurs, en émettant une opinion con- traire, auraient été induits eu erreur par certaines douleurs qui siègent dans les muscles; — puis viennent les hyperesthésies viscérales : la gas- tralgie, l’entéralgie, la métraigie ou hystéralgie, les douleurs du plexus rénal, les douleurs vésicales. (Voyez les articles consacrés à l’histoire de chacune de ces hyperesthésies). Anesthésies. — Nous avons déjà mentionné celle des organes des 626 PATHOLOGIE MÉDICALE. sens et celle de la peau ; il nous reste à ajouter que chez les hystériques on rencontre assez fréquemment l’anesthésie des muscles (voyez ce mot), avec ses conséquences, tantôt isolément, tantôt conjointement avec l’in- sensibilité cutanée; l’anesthésie des muscles s’ajoute si souvent à la paralysie de ces organes dans la névrose qui nous occupe, qu’on a pu faire de la présence même de l’anesthésie musculaire l’un des caractères distinctifs de la paralysie hystérique (voy. Névroses paralytiques). L’inaptitude à se mouvoir sans le secours de la vue, ce phénomène étrange, tour à tour considéré comme l’une des conséquences de l’anes- thésie musculaire (Landry), ou comme résultant de la perle d’une sorte d’instinct spécial {conscience musculaire, de M. Duchenne, instinct locomoteur, de iVl. Bourdon), a été également observée dans l’hystérie. Une autre espèce d’anesthésie qui n’a guère été vue que chez les hystériques, est celle des os : on la constate en frappant rudement les portions les moins protégées de l’humérus, du cubitus ou du tibia, avec le bord de la main : quel que soit le degré de force employée, l’hysté- rique anesthésiée n’éprouvera aucune sensation ; cette anesthésie des os se rencontre presque toujours en même temps que celle des muscles et de la peau. M. Gendrin paraît enclin à admettre l’existence fréquente d’une anesthésie viscérale qui expliquerait la paralysie des différens réser- voirs musculeux et ses suites : dilatation, rétention des matières liquides ou solides, etc. ; ce n’est là sans doute qu’une hypothèse, mais une hypothèse ingénieuse et digne d’être méditée. e. Troubles de la motilité. 1° Dans le sens de l’excès avec perversion, nous voyons chez les hystériques la motilité altérée au maximum pendant les attaques con- vulsives; mais, indépendamment de celles-ci, il ne manque pas chez ces malades de désordres musculaires plus ou moins éiendus. Parmi les plus circonscrits, nous citerons le strabisme, le torticolis, le trismus, les diverses contractures bornées aux muscles de la nuque ou du tronc, (muscles de l’abdomen surtout), aux muscles des doigts, et encore le spasme du larynx, du pharynx et de l’œsophage, le hoquet, la con- striction de l’anus et du vagin, le ténesme rectal et vésical, etc. Aux phénomènes convulsifs les plus étendus ou même généraux, appar- tiennent la contracture des extrémités, le tremblement, la chorée hys- térique. (Sous cette dernière dénomination on confond souvent et les mouve- mens réellement désordonnés, en tout semblables à ceux de la chorée vulgaire, et d’autres mouvemens également involontaires, mais résultant d’une combinaison ou d’une succession régulière de contractions qui se reproduisent chaque fois avec des caractères identiques, et auxquels on donne le nom de chorée rhythmique.) NÉVROSES. 627 Enfin, comme si aucun des signes qui appartiennent aux maladies des centres nerveux, ne devait manquer à la liste des symptômes hys- tériques, nous devons mentionner encore l’apparition chez certaines malades d’une sorte de tendance irrésistible à courir en avant, à tourner sur elles-mêmes, etc,; chez d’autres paraît exister momentanément ce trouble pseudo-paralytique du mouvement, étudié par- M. Duchenne sous le nom d'ataxie locomotrice (voyez ce mot). 2° Les altérations en moins que la motilité peut subir dans l’hystérie, ne sont autres que les diverses paralysies dont nous avons déjà fait l’his- toire (voyez Névroses paralytiques) ; il nous suffira d’en présenter ici un résumé très succinct : La fréquence des paralysies hystériques est grande (puisque dans les relevés de M. Briquet, il s’en trouve 120 cas sur ô30 malades) ; elles se montrent pour la plupart dans l’hystérie déjà ancienne. Loin d’appartenir exclusivement à la forme convulsive, elles se voient tout aussi fréquem- ment après des attaques de simple sommeil, de coma, de léthargie, de syncope, de vives douleurs; et quelquefois elles succèdent immé- diatement à une émotion violente, h une marche forcée, h quelque hc- morrhagie, h la suppression des règles. Un fait remarquable, mais qu’on aurait tort de trop généraliser, c’est que la paralysie peut s’ob- server, comme phénomène en quelque sorte métastatique, si d’autres symptômes devenus habituels (convulsions, céphalalgie, etc.) viennent à disparaître. Comparées au point de vue de leur fréquence, les paralysies hystéri- ques doivent être rangées comme il suit : d’abord l’hémiplégie ou plutôt la paralysie simultanée des extrémités supérieure et inférieure du même côté (le plus souvent du côté gauche) ; puis la paraplégie; la paralysie d’un seul membre ou d’une portion de membre ; la paralysie de la face, celle-là assez rare et étant presque toujours l’accompagnement de l’hémiplégie; la paralysie du larynx (aphonie), du pharynx et de l’œsophage, du diaphragme. On sait à quel point la constipation et la rétention d’urine (résultats de la paralysie de l’intestin et de la vessie) sont communes chez les hystériques. Quant au degré que l’affaiblissement de la motilité peut atteindre, il varie depuis une imperfection légère des divers actes musculaires jusqu’à l’impotence absolue. L'invasion de la paralysie est tantôt lentement graduelle, tantôt rapide et même soudaine ; elle est annoncée dans cer- tains cas par diverses sensations morbides, d’engourdissement ou de fourmillement, rarement par des crampes ou des soubresauts; — la durée, extrêmement inégale suivant les cas, peut être de quelques heures seulement ou s’étendre à un grand nombre d’années ; la marche présente souvent des oscillations et des irrégularités caractéristiques, il n’est même pas rare de constater par momens une cessation complète des symptômes paralytiques, puis leur réapparition ; quelquefois la para- 628 PATHOLOGIE MÉDICALE. lysie passe brusquement d’un côté du corps à l’autre; —« la terminaison est presque toujours heureuse, et parfois la guérison est tout aussi prompte que l’a été l’invasion elle-même. L’hyperesthésie de la peau, et beaucoup plus communément, l’anesthésie cutanée et musculaire accom- pagnent la paralysie du mouvement. Quant à l’état de la contractilité, de la sensibilité, de la nutrition, nous croyons inutile d’y insister de nouveau (voy. p. h6:1 et suiv.). III. Fonctions organiques. — C’est dans le seul but de faciliter, disons mieux, de rendre possible l’exposé des symptômes si multipliés de l’hys- térie, que nous avons omis de parler jusqu’à présent des troubles nom- breux que les fonctions organiques présentent dans cette maladie, trou- bles qui sont constamment mêlés à ceux des perceptions, des sensations, des mouvemens. Une séparation rigoureuse entre ces deux classes de phénomènes n’est d’ailleurs pas plus réalisable, que ne le serait une séparation absolue entre les systèmes nerveux cérébro-spinal et gan- glionnaire. Nous allons passer rapidement en revue les symptômes offerts dans l’hystérie par la digestion, la respiration, la circulation, les sécré- tions, la nutrition et la calorification, enfin parles fonctions génitales. a. Il est bien rare que les fonctions digestives ne subissent pas chez les hystériques quelque altération, mais rien de moins constant que le degré d’intensité et la nature des accidens qu’on observe : appétit diminué ou anorexie complète (ce sont les hystériques, on le sait, qui ont fourni ces exemples à peine croyables d’abstinence prolongée qu’on trouve cités dans les traités de physiologie) ; d’autres fois appétit vorace ou inégal, capricieux; soif souvent exagérée jusqu’à la poly- dipsie; appétence pour des substances âcres, insipides on indigestes; lenteur des digestions qui provoquent ou exaspèrent les douleurs gas- tralgiques ou épigastralgiques, dorsales, intercostales, etc. ; des alimens réputés légers quelquefois mal supportés, alors qu’une nourriture gros- sière passe facilement ; vomissemens alimentaires ou muqueux, quel- quefois incoercibles; flux salivaire (assezrare) ou intestinal, moins fré- quent qu’une constipation opiniâtre ; tympanite ; quelquefois ictère. h. Respiration, — Le nom de suffocation utérine donné à l’hystérie par les anciens est bien propre à rappeler la fréquence dans cette ma- ladie des symptômes dyspnéiques qui, en effet, s’y montrent avec une extrême facilité à l’occasion de toute émotion, de toute sensation un peu vive. Tantôt c’est une dyspnée simple, qui semble résulter de la seule exagération du besoin de respirer et que certains auteurs veulent expli- quer par un spasme des bronches (asthme nerveux) ; tantôt c’est l’an- goisse accompagnant la sensation de boule hystérique qui précipite les mouvemens respiratoires ; ailleurs, c’est quelque douleur fixée à l’épi- gastre ou à la base de la poitrine qui empêche la dilatation des parois pectorales, de sorte que les malades s’efforcent de suppléera l’étendue de l’ampliation thoracique par sa répétition plus fréquente ; ou bien c’est une paralysie du diaphragme, etc. Chez certaines hystériques, on voit se manifester par accès une angoisse extrême accompagnée de douleurs sternales ou intercostales qui s’irradient vers le bras gauche et rappellent les douleurs de l’angine de poitrine. Nous avons déjà parlé du spasme ou de la paralysie de la glotte, donnant lieu, soit à l’émission de sons aigus qui imitent le cri des animaux, soit h l’aphonie (ce dernier phé- nomène ne doit pas être confondu avec la mutité ou mutisme, autre symptôme hystérique dont les auteurs rapportent quelques exemples, contestés à tort; l’impossibilité de parler ne dépend point, en pareil cas, d’une paralysie laryngée, mais bien, selon toute probabilité, d’un état particulier de l’encéphale). c. Parmi les troubles que présente l’appareil circulatoire, nous note - rons surtout les palpitations, si fréquentes chez les hystériques et acquérant quelquefois une violence véritablement effrayante ; les pulsations de l’aorte abdominale; la syncope; les irrégularités et inégalités des contrac- tions du cœur avec alternatives d’ampleur et de petitesse, de lenteur et de précipitation du pouls radial ; la fréquence parfois considérable que le pouls conserve pendant des semaines et des mois entiers, sans qu’il y ait de fièvre réelle; les bouffées de chaleur à la face; la décoloration subite de certaines parties du corps, d’un ou de plusieurs doigts (digitus emortuus), sans doute par suite d’un spasme des vaisseaux : les parties pâlissent, se refroidissent et prennent pour un moment l’aspect de la congélation, pour revenir très promptement à leur état normal. Nous rappellerons encore les faits de sueur de sang et d’hérnorrhagies par diverses membranes muqueuses, dont M. le docteur Jules Parrot a le premier signalé expressément la relation avec les symptômes de diffé- rentes névroses, et notamment avec ceux de l’hystérie. (Voyez le travail de cet auteur: Des hémorrhagies névropathiques, Paris, 1860, in-8; voyez aussi p. 316 et 317 de ce volume, note.) d. Ayant déjà mentionné la plupart des troubles que subissent les sécrétions ches les hystériques, nous ajouterons seulement que la sécrétion urinaire, contrairement à ce qui a été avancé par plusieurs médecins, n’est en général modifiée ni dans sa quantité, ni dans ses qualités pendant les périodes de calme, et que les caractères de Vitrine spasmodique (abondance et limpidité) apparaissent seulement à la suite de quelque émotion, de quelque douleur, et principalement après un accès de convulsions. Dans cette dernière circonstance, on dit y avoir constaté la présence de la glycose, ce qui paraît être le résultat d’une illusion. Les auteurs rapportent quelques exemples bien douteux d’emphysème sous-cutané survenu spontanément à la suite d’une attaque de convul- sions hystériques, et Sydenham parle d’un œdème qui s’observerait dans les mêmes conditions. NÉVROSES. 629 630 PATHOLOGIE MÉDICALE. e. La nutrition, tout en conservant une intégrité relative très remarquable, eu égard à la violence quelquefois extrême des acci- dens, souffre cependant toujours à la longue, et les signes d’un état chloro-anémique, s’ils ne préexistent pas au développement des autres symptômes, ne manquent jamais, on peut le dire, dans l’hystérie an- cienne : décoloration de la peau et des membranes muqueuses, amai- grissement, flaccidité des chairs, bruits intermiltcns ou continus sur le trajet des vaisseaux du cou, etc. On peut rattacher à l’altération chloro- tique du sang quelques-uns des symptômes que présentent habituelle- ment les hystériques, tels que les troubles de la menstruation ; et l’on peut admettre, à l’égard de quelques autres, que 1 anémie prend au moins une part considérable à leur production ; c’est ce qui paraît avoir lieu notamment pour les paralysies. Lorsque, les symptômes de la chlorose précèdent les accidens hystériques ou qu’ils offrent un haut degré d’intensité, on est dans l’habitude de donner à cet ensemble de phénomènes le nom de chloro-hystérie. f. Calorification. — Presque toutes les hystériques se montrent très sensibles à l’action d’une basse température, les extrémités et surtout les pieds sont habituellement chez elles (comme chez les anémiques en général) le siège d’une sensation de froid ou d’un froid réel ; en outre, elles accusent fréquemment le même phénomène dans les parties du corps frappées d’anesthésie. Pendant les accès de fièvre nerveuse, la peau présente parfois une chaleur brûlante, et par contre, dans cer- tains accès de léthargie, elle est envahie par un froid de marbre qui, joint aux autres signes appareils de la mort, a donné lieu en plus d’une occasion à des inhumations précipitées. g. Fonctions génitales. — Au point de vue de la palhogénie, nous aurons à discuter plus loin le degré d’importance qu’il convient d’ac- corder aux troubles de ces fonctions; pour le moment, n’ayant à faire que l’énumération des symptômes hystériques, nous nous bornons à con- signer les remarques suivantes : dans un grand nombre de cas, on ne con- state du côté des organes génitaux aucun phénoinème morbide notable; dans d’autres, on trouve les hyperesthésies vulvaires, vaginales, utérines, ovariques dont il a été question, ou bien encore une anesthésie plus ou moins profonde des organes sexuels, notamment de la vulve, le clitoris lui-même participant à l’insensibilité ou demeurant indemne au milieu des parties anesthésiées. Le besoin génital est moins souvent exalté que diminué ou même entièrement éteint. La menstruation peut demeurer régulière, mais il est infiniment plus fréquent d’en constater le dérange- ment : tantôt l’hémorrhagie cataméniale est réduite à une quantité de sang minime, ou tout à fait supprimée; tantôt elle est profuse; les époques sont précédées, accompagnées ou suivies d’un surcroît de phé- nomènes nerveux et de l’apparition d’accidens nouveaux (au nombre desquels il faut ranger les héraorrhagics supplémentaires ou complémen- 631 taircs). Enfin une leucorrhée plus ou moins abondante existe chez la plupart des hystériques. Nous parlerons ailleurs des maladies utérines ou ovariennes qui s’observent chez elles à titre de complication. Remarques générales sur Vhystérie sans attaques convulsives.— Le long catalogue de symptômes que nous venons de terminer nous montre dans l’hystérie toute une pathologie en raccourci. Ces symptômes sont tellement nombreux, tellement divers, et même quelquefois tellement opposés quant à leur nature, ils se groupent d’une manière si irrégulière, qu’il faut renoncer à faire ici ce qu’on est convenu d’appeler en nosogra- phie le tableau de la maladie. Ce sont en effet des cas exceptionnels que ceux où, à un moment donné, on voit réunis sur le même sujet tous ces phénomènes ou même la plupart d’entre eux : bien plus fré- quemment on n’en constate qu’un petit nombre, quelquefois un seul. Grave embarras pour le clinicien qui cherche la cause de ce trouble fonctionnel plus ou moins isolé ; mais le pathologiste arrive plus aisément à se faire une juste idée de l’affection et à en embrasser l’ensemble; étant maître de ne pas se confiner dans l’observation du moment, il peut remonter aux premiers accidens, étudier les phases successives de la maladie, et se convaincre, en procédant de la sorte, que les différens cas d’hystérie sont en définitive beaucoup plus compa- rables entre eux que ne le ferait supposer le pêle-mêle apparent de leurs symptômes ; les différences se réduisent presque toujours ou à la pré- dominance de quelques groupes déterminés de phénomènes, ou à l’ap- parition précoce ou tardive de tel de ces groupes : hypereslhésies, paralysies, convulsions, etc.; prédominances et irrégularités d’évolu- tion qui semblent être en rapport avec l’âge et la constitution des sujets, avec le degré d’acuité de la maladie, la nature de la cause, etc. — Nous aurons soin d’indiquer, à propos du diagnostic, un certain en- semble de symptômes à peu près invariables, dont la présence révèle l’identité de l’affection fondamentale, au milieu des dissemblances qui pourraient la faire méconnaître. 2085. Complications. —A. Plusieurs affections nerveuses peuvent compliquer l’hystérie : a. Premièrement : Y épilepsie, dont la coexistence avec la maladie qui nous occupe constitue V hystéro-épi lepsie. La double névrose qui en résulte peut se constituer de trois manières différentes : tantôt l’épi- lepsie est la maladie primitive, et de nouvelles causes venant à agir, l’épileptique voit des phénomènes d’hystérie s’adjoindre à ses vertiges ou à ses attaques convulsives habituelles : ce cas paraît être le plus fré- quent; tantôt, au contraire, c’est l’épilepsie qui se développe secon- dairement chez une femme qui jusque-là n’a éprouvé que les accidens ordinaires de l’hystérie ; enfin quelquefois les deux maladies sont comme on dit coévales, et leur apparition simultanée, à la suite d’une violente commotion morale, par exemple, se traduit par une attaque mixte, NÉVROSES. 632 PATHOLOGIE MÉDICALE. offrant à la fois les caractères de l’épilepsie et ceux de l’hystérie. On regarde celte dernière espèce comme moins fâcheuse que les deux au- tres. Quel qu’ait été d’ailleurs son mode de développement, l’hysléro- épilepsie peut donner lieu à des attaques alternantes, tantôt épileptiques, tantôt hystériques, ou à des attaques composées, participant des deux névroses (voy. p. 365, n° 2073, b). h. Nous n'insisterons pas sur la complication de l’hystérie avec le coma, l’extase, la catalepsie, la léthargie, le somnambulisme, pour nous arrêter un moment à Y hypochondrie. Quand il s’agit d’établir le degré de fréquence de cette dernière maladie chez les hystériques, il im- porte avant tout de bien définir ce qu’on entend par hypochondrie, sans quoi l’on se trouve placé entre deux opinions extrêmes et incon- ciliables. Si, avec les anciens, on désigne sous ce nom l’ensemble de troubles fonctionnels qui caractérise Y état nerveux, nul doute qu’à l’exemple de Sydenhara, on ne doive lui reconnaître une extrême res- semblance avec l’hystérie, les attaques convulsives étant réservées [vix ovumovo similius). Que si au contraire, avec les modernes, on appelle hypochondrie uniquement ce travers morbide de l’intelligence, cette hyperesthésie psychique (Romberg), qui consiste en une préoccupation excessive à l’occasion de maux réels ou imaginaires, il faut avouer qu’une pareille disposition est étrangère à l’esprit de la plupart des hysté- riques (rhystérie est l’antipode de l’hypochondrie, suivant IM. Landouzy). A moins de tout confondre, on ne saurait prétendre que l’hypochondrie est chez l’homme l’équivalent de l’hystérie, car il existe des hommes positivement hystériques, et leur état mental est bien différent de celui des hypochondriaques ou plutôt des nosomanes ; on ne saurait non plus avancer que l’hystérie représente chez la femme l’hypochondrie du sexe masculin, car la nosomanie, pour être rare chez les femmes, n’est cepen- dant pas l’apanage exclusif des hommes : nous-même avons vu plusieurs faits d’étals nerveux avec nosomanie, par conséquent d’hypochondrie dans le sens généralement admis aujourd’hui, chez des femmes, surtout des femmes âgées. Quant aux hystériques, il est juste de reconnaître qu’elles sont plutôt remarquables par le peu de préoccupation et de craintes sérieuses que leur inspirent soit les souffrances vives auxquelles elles sont souvent en proie, soit même les symptômes propres à ins- pirer de grandes inquiétudes, telles que les paralysies. Toutefois, à titre d’exception rare , on remarque chez quelques-unes l’existence d’une nosomanie véritable : parmi les malades de M. Briquet, « il y a eu au plus une hystérique sur cent qui ail été en même temps hypo- chondriaque » (lisez : nosomane). c. L’aliénation mentale, ou délire chronique, est une complication heureusement assez rare et ne se voit que dans les cas d’hystérie invé- térée et grave; quant an délire aigu, nous l’avons déjà mentionné à l’occasion des symptômes hystériques dont il partage, d’ailleurs, les caractères généraux, tels que la rapidité de l’invasion, l’irrégularité, la violence, la durée ordinairement courte, etc. (Voyez la thèse de M. Mes- net, Paris, 1852, in-U ; et comparez l’article Epilepsie, p. 560.) La nymphomanie, considérée autrefois comme fréquente, ne s’observe éga- lement que dans une assez faible proportion. d. La chorée vulgaire peut compliquer l’hystérie , mais le fait n’est pas commun ; ce qui semble surtout rare, c’est l’existence simultanée d’attaques convulsives d’hystérie et d’une véritable danse de Saint-Guy, les deux affections spasmodiques paraîtraient plutôt s’absorber et s’ex- clurc l’une l’autre. B. Un mot maintenant des maladies autres que les névroses qui peuvent survenir dans le cours de l’hystérie. Nous ne saurions mieux faire que d’emprunter encore à M. Briquet les considérations intéres- santes qu’il expose à ce sujet. a. « Les phlegmasies et les ramollissemens aigus de l’encéphale, quand ils se montrent chez les hystériques, sont la source de grandes diffi- cultés de diagnostic, et de grands embarras pour le traitement. Cette combinaison qui n’est pas très rare est l’un des écueils les plus dan- gereux pour la pratique, le médecin pouvant être entraîné à mécon- naître l’existence de ces complications, à supposer un simple accroisse- ment des accidens de l’hystérie et à se borner à l’expectaiion ou à de simples caïmans... b. » Les affections inflammatoires aiguës de la poitrine revêtent souvent chez les hystériques la forme convulsive: ainsi la toux est sèche, quin- tcuse et incessante, la respiration devient très facilement courte et gênée ; dans quelques cas, la dyspnée, portée au point de devenir de la suffocation, a nécessité la trachéotomie (1) ; d’autres fois la toux prend les caractères de la coqueluche ; enfin il est des hystériques chez qui la bronchite prend la forme de l’asthme et s’accompagne de râles sibilans (?) et d’une dyspnée qui ne sont pas en rapport avec l’intensité de la bronchite existante. c. » Les affections inflammatoires des viscères contenus dans l’abdomen constituent une complication qui n’est ni fréquente ni grave, et dans laquelle l’état hystérique se borne â provoquer dos phénomènes de dou- leur ou de spasme qui ne sont pas habituels à ces maladies... Les affec- tions inflammatoires de l’utérus, de ses annexes ou du vagin, devraient, si l’on en croyait les auteurs, constituer une grave complication de l’hystérie. Les craintes que les praticiens pourraient concevoir à ce sujet NÉVROSES. 633 (1) En 1834, étant interne de M. le professeur Andral, à la Charité, j’ai pratiqué la paracentèse de la poitrine chez une hystérique affectée de pleurésie aiguë : la quantité de liquide épanché ne dépassait pas un litre, mais une dyspnée violente avec menace de suffocation avait rendu l’opération urgente. (L’observation est consignée dans la thèse inaugurale du docteur Lucien Du- TOURNmn. Paris, 1834, iu-4.) — A. A. 634 PATHOLOGIE MÉDICALE. ne sont heureusement pas fondées. Ces diverses phlegmasies, quand elles sont à l’état aigu, n’ont aucune influence sur la marche de l’hystérie, et réciproquement. Quand elles sont à l’état chronique, elles peuvent s’accompagner d’une exagération de sensibilité qui peut réagir sur le système nerveux des hystériques, et augmenter encore l’état d’excitation de cet appareil, mais toute leur action se borne là, et elle ne constitue jamais un embarras sérieux pour le praticien. » (Nous verrons que sur ce sujet d’autres pathologistes professent des opinions différentes.) d. « Une complication de laquelle n’ont jamais parlé les auteurs, est celle de l’hystérie avec le rhumatisme articulaire aigu. Cette complica- tion doit être fréquente, du moins dans les classes qui fréquentent les hôpitaux, puisqu’elle a existé sur vingt-huit de mes quatre cents hysté- riques... A part les douleurs dont les malades se plaignaient plus vive- ment que ne le font les autres rhumatisans, la marche de l’affection rhumatismale n’a pas paru dans ces cas notablement modifiée... En somme, le rhumatisme a plus influencé l’hystérie que celle-ci n’a influencé le rhumatisme, d’où il faut conclure que le processus inflammatoire l’emporte en puissance sur les perturbations qui sont simplement dyna- miques. Hippocate avait dit : Le spasme peut être dissipé par un fièvre aiguë survenant. » Nous ajouterons que l’aphorisme hippocratiquetrouve son application dans la grande majorité des cas où des maladies fébriles se développent chez des hystériques ; en ce sens que non-seulement on voit alors se suspendre les accidens convulsifs et douloureux dont ces femmes étaient tourmentées, mais encore que très souvent leur affection an- cienne ne se trahit par aucune anomalie bien notable dans les sym- ptômes de la maladie aiguë intercurrente. Il n’en est pas ainsi des maladies apyréliques et chroniques : celles-ci, au contraire, parla pré- dominance des symptômes nerveux ou l’apparition de phénomènes in- solites, par des alternatives plus brusques qu’à l’ordinaire d’aggravation et d’amélioration, révèlent l’influence persistante de la névrose à laquelle elles se sont surajoutées, 2086. Marche de l’hystérie. — Classée naguère au nombre des mala- dies intermittentes, en raison du caractère transitoire de quelques-unes de ses manifestations, l’hystérie appartient réellement aux maladies con- tinues, et ses accès doivent être envisagés comme de simples exacerba- tions. Il est vrai de dire que sa marche, sans cesse influencée parles cir- constances extérieures, présente de grandes variations, et que son mode de développement n’est assujetti à aucune règle absolument fixe; cependant ces variations mêmes ne sont pas tellement capricieuses qu’on ne puisse les ramener à un certain nombre de types généraux. Au point de vue de l’invasion plus ou moins brusque, et du développement rapide ou lent, il y a lieu de distinguer l’hystérie en aiguë et en chro- nique, celle-ci beaucoup plus fréquente que celle-là. NÉVROSES. 635 L’hystérie aiguë se déclare ordinairement sous l’influence de quelque perturbation soudaine et violente du système nerveux : après quelques malaises prodromiques de courte durée, parfois sans aucun signe pré- curseur, éclate une attaque convulsive qui se répète par la suite plus ou moins fréquemment; après ces attaques on voit survenir et se succéder promptement les divers symptômes de la maladie, au milieu desquels prédominent les grands troubles nerveux ; délire, spasmes, anesthésies profondes et étendues, paralysie, fièvre. Dans d’autres cas d’hystérie aiguë, il n’y a point d’attaques, mais seulement des accidens nerveux à marche rapide. Dans l’hystérie chronique, soit intensité moindre dans l’action de la cause déterminante, soit mode d’impressionnahilité différent de l’in- dividu, les phénomènes se déroulent d’une manière lente et graduelle : des symptômes de chlorose, des névropathies diverses se montrent d’abord, et c’est à cet état nerveux vaguement accusé qu’on voit à un moment donné s’ajouter et pour ainsi dire se superposer les signes ca- ractéristiques de l’hystérie ; ceux-ci surviennent tantôt spontanément, et comme par le seul fait de la longue durée des souffrances anté- rieures, tantôt par suite de l’intervention de quelque nouvelle cause morbifique. M. Briquet a tenté de ramener à six variétés les différens modes d’invasion et de développement de l’hystérie. 1° « Invasion brusque signalée par de la fièvre; développement succes- sif dans un court espace de temps, de troubles nerveux plus ou moins graves. 2° Invasion également rapide, marquée, outre la fièvre, par des symptômes qui simulent ceux des affections aiguës de l’encéphale (cé- phalalgie violente, vomissemens, délire, quelquefois coma, attaques convulsives hystériques ou éclamptiques, paralysie) ; à cet état succède une débilité qui persiste longtemps, si bien que l’ensemble des accidens aigus et de la convalescence qui suit a une durée de trois à six mois. L’acuité qui existe dans les deux modes d’invasion que nous venons d’indiquer, est tantôt primitive, tantôt secondaire, c’est-à-dire que l’hys- térie peut affecter d’emblée la marche d’une maladie fébrile, ou ne prendre cette allure qu’après plusieurs mois ou plusieurs années de chronicité. Des affections morales vives ou un arrêt de la menstruation sont les causes qui lui impriment le plus souvent un pareil changement. 3° Dans un grand nombre de cas, la maladie reste stationnaire, carac- térisée par dès douleurs habituelles et un état d’extrême impression- nabilité qui, à l’occasion des causes les plus légères, amène un trouble considérable, parfois même le retour des accidens aigus; les hystéries de cette sorte peuvent persister toute la vie ou tout au moins se pro- longer jusqu’à un âge fort avancé. k° D’autres fois, et ce cas est le plus fréquent, les phénomènes névro- 636 PATHOLOGIE MÉDICALE. pathiques vont graduellement croissant, et au bout d’un temps variable, soit spontanément, soit sur l’influence d’une cause occasionnelle surajou- tée, arrive une attaque de convulsions, de spasmes, de léthargie, etc. 5° Dans quelques cas peu nombreux, les accidens hystériques se bornent à des attaques de convulsions qui se reproduisent à des inter- valles en général assez longs, et pendant les périodes intermédiaires la santé paraît bonne ; cependant un examen attentif permet encore de constater quelques traces d’anesthésie ou d’hyperesthésie, et «surtout une grande disposition à avoir les fonctions troublées. » Cette manière d’être, dit M. Briquet, s’est remarquée principalement chez les enfans qui ne sont pas exposés à autant de causes morales de troubles qu’on l’est à un âge un peu plus avancé; ces enfans n’avaient eu leurs atta- ques que de loin en loin, et dans quelque cas tous les deux ou trois ans. Il en est même qui n’avaient eu que quelques attaques dans leur en ■ fance, et qui n’en avaient pas eu depuis. 6° Enfin, l’hystérie présente quelquefois des intermissions plus on moins complètes, pouvant durer une ou plusieurs années, et dans quel- ques cas quinze ou vingt années, pendant lesquelles la santé est complète. » (Ce sont là de véritables guérisons suivies de récidives.) Voyons maintenant quelles sont les principales circonstances qui in- fluent sur la marche de l’hystérie, soit pour déterminer la cessation temporaire ou définitive des symptômes hystériques, soit pour amener des rechutes. 1° Parmi les circonstances qui peuvent amener la suspension des acci- dens ou même la guérison, l’une des plus importantes est l’apparition ou le rétablissement des règles; puis vient le mariage dont l’action se réduit, au moins en grande partie, à l’établissement de la menstruation par suite des rapports conjugaux, ou à une amélioration dans la position des femmes; c’est en effet l’une des conditions les plus efficaces pour la guérison de l’hystérie qu’un changement favorable de cette sorte, qui soustrait les femmes aux chagrins, aux soucis, aux mauvais traitemens, seules causes bien souvent de la persistance de la maladie ; indiquons encore la grossesse dont l’action bienfaisante paraît avoir été beaucoup surfaite, puisque, d’après M. Briquet, un dixième au plus des femmes enceintes éprouve une amélioration évidente dans la santé, par le fait même de la grossesse. L’apparition d’une maladie accidentelle, parfois une violente émotion morale peuvent amener la suspension des accidens hystériques. Signalons enfin l’influence de la volonté, et sur- tout de l’imagination, influence toute morale, singulièrement puis- sante et par laquelle s’expliquent tant de guérisons inattendues, dont bon nombre est attribué h la vertu de quelque recette ridicule, ou à l’intervention d’un pouvoir surnaturel. (Voy. l’in léressante thèse du docteur Besançon : Considérations sur l’hystérie, et en particulier sur son diagnostic, Paris, 18/i9, in-fi.) NÉVROSES. 637 2° Quant aux conditions susceptibles d’amener des rechutes, M. Bri- quet les énumère dans l’ordre suivant: le mariage, les chagrins et les émotions pénibles, la grossesse (1), la suspension brusque des règles. A côté de ces circonstances qui peuvent enrayer le développement de l’hystérie ou provoquer des récidives, il y a lieu de signaler les influences qui déterminent, soit l’amendement des symptômes (bien-être, passions gaies, vie régulière, menstruation normale, hygiène appropriée), soit leur aggravation (passions tristes, fatigues, alimentation défectueuse, troubles menstruels, etc.). De plus, on voit assez souvent, même en l’absence de toute influence extérieureappréciable, leshystériques accuser à certaines époques comme un surcroît de susceptibilité, et alors les causes les plus légères déter- minent facilement chez elles la réapparition ou l’exaspération des sym- ptômes; tandis qu’à d’autres périodes elles se trouvent dans un état de calme relatif qui leur permet d’affronter impunément l’action de causes beaucoup plus puissantes. Dans l’hystérie à attaques, il n’est pas rare de voir une impressionnabilité extrême et progressivement croissante signaler l’approche des paroxysmes, puis ceux-ci mettre un terme à cette sorte de tension nerveuse, comme si l’excès d’excitabilité allait s’accu- mulant de plus en plus jusqu’au moment où une attaque survient, qui le dissipe au moins pour quelque temps. Ces alternatives se produisent quelquefois avec une sorte de périodicité. Malgré les irrégularités si grandes que présente la marche de l’hys- térie, et bien qu’on ne puisse reconnaître dans son évolution aucunes phases régulières, il y a cependant lieu d’établir une distinction entre certains phénomènes qui appartiennent plutôt à ses commencemens, et certains autres qui se montrent presque toujours tardivement, dans l’hys- térie invétérée. En exposant les symptômes de la maladie, nous avons eu soin d’indiquer ces différences; nous ajouterons seulement que dans l’hystérie aiguë on peut être témoin de l’apparition très rapide et en quelque sorte hâtive de tel symptôme, des paralysies, par exemple, qui ne survient ordinairement qu’à une période avancée de l’affection, quand celle-ci affecte une marche chronique. Durée. Terminaisons. — La durée de l’hystérie est en quelque sorte indéterminée. Il est généralement reconnu que la susceptibilité nerveuse diminue avec les progrès de l’âge, et que l’époque à laquelle s’opère (I) « L’explication des effets si variables de la grossesse se trouve dans les cir- constances au milieu desquelles celle-ci se développe ; si la gestation se fait pendant que la position des hystériques est bonne, il y a beaucoup de chances pour que la grossesse se passe bien ; quand au contraire la gestation se fait au milieu des chagrins et des mauvais traitemens, il y a à peu près la certitude que la grossesse sera pénible et que des accidens hystériques se développeront pen- dant son cours. » (BiuyüET, Traité, p. 514.) 638 PATHOLOGIE MÉDICALE. le plus souvent la guérison, correspond à la fin de la vie sexuelle de la femme, c’est-à-dire à la ménopause. Mais cette proposition, quoique se rapprochant de la vérité, ne saurait être admise sans quelque réserve : d’une part, en effet, il est moins rare que ne le disent la plupart des auteurs de voir l’hystérie se prolonger au delà de l’âge critique et jus- que dans la vieillesse ; d’autre part, la fréquence réelle des guérisons d’hystérie ne nous est pas bien exactement connue : combien souvent une suspension temporaire des accidens n’esl-elle pas considérée comme une guérison définitive, quand on perd les malades de vue. Une fois que le système nerveux a été mis dans ces conditions toutes spéciales cl’impressionnabilité qui président au développement des symptômes hystériques, il a une extrême tendance à y persister, et c’est à peine si les influences signalées dans le paragraphe précédent parviennent quel- quefois à corriger cette tendance d’une manière durable et définitive. Un pareil résultat ne s’obtient guère que si l’hystérie est encore récente et si elle a été produite par une cause accidentelle qu’on réussit à éloi- gner (cessation des mauvais traitemens, séparation dans les cas d’union mal assortie, rétablissement de la menstruation, position sociale per- mettant une meilleure hygiène, médication appropriée). Même après la guérison, il reste encore une grande susceptibilité morale et physique, un état nerveux plus ou moins accusé. Il est extrêmement rare que l’hystérie se termine par la mort ; les seuls cas dans lesquels on a vu cette terminaison, sont ceux d’attaques con- vulsives très fortes avec symptômes de suffocation et de congestion céré- brale, ou encore d’affaiblissement cachectique par suite d’inanition (rétrécissement spasmodique de l’œsophage, gastralgie violente, vomis- semens incoercibles, anorexie, etc.). 2087. Etiolotjie. — Nous aurons à examiner successivement les cau- ses qui prédisposent au développement de l’hystérie et celles qui l’occasionnent, sauf à indiquer en terminant les causes qui provoquent le retour des accidens ou leur aggravation. A. La prédisposition joue un rôle immense dans la production de l’hystérie. Bien qu’elle existe chez un très grand nombre de personnes, ce serait cependant une erreur de croire, avec certains médecins, qu’é- tant donnée une cause occasionnelle, telle, par exemple, qu’une pertur- bation morale intense et prolongée, tous les individus et notamment toutes les femmes dussent nécessairement contracter sous son influence la névropalhie spéciale qui nous occupe. Il en est qui, pendant de lon- gues années, subissent tous les tourmensde l'état nerveux, sans jamais éprouver ni sensation de boule ou de constriction pharyngée, ni attaques convulsives, etc. Il en est d’autres qui restent complètement réfrac- tâmes aux influences dites hystérifères. Mais surtout ou observe une extrême inégalité, quant au degré de résistance que les différens sujets opposent à l’action des mêmes causes; celles-ci sont quelquefois si NÉVROSES. 639 légères, considérées en elles-mêmes, qu’en présence des gravesaccidens qu’on leur voit succéder, il faut certainement attribuer la part la plus considérable dans la production de ces effets, à la prédisposition, nous allions dire à la fatalité organique, de quelque nom qu’on veuille la dé- corer : mobilité, polarité, excitabilité, impressionnabilité, instabilité, etc. Cette prédisposition elle-même se rattache aux diverses circonstances que nous allons énumérer (en laissant de côté l’influence, jusqu’ici très peu connue, qu’exercent les conditions de climat, de race et quelques autres encore). a. Sexe. —L’hystérie est sinon l’apanage exclusif du sexe féminin, au moins incomparablement plus fréquente chez la femme que chez les l’homme (1). Les faits d’hystérie chez l’homme, quoique bien avérés, appartiennent aux exceptions très rares; tandis que, selon Syden- ham, la moitié des femmes est affectée d’hystérie. Les recherches de M. Briquet confirment cet énoncé : « la moitié des femmes, dit cet auteur, est hystérique ou très impressionnable , et le cinquième est pris d’attaque. « Que la raison de cette fréquence plus grande ne se réduise pas à la seule présence de l’utérus, c’est ce que prouvent péremptoirement les faits d’hystérie observée chez des femmes privées de cet organe. ( Voyez l’observation de M. Grisolle, Traité de pathologie interne, 8e édition, 1861, t. II, p. 823.) Mais ce n’est pas ici le lieu de rechercher si, lors- que cet organe existe, il est ou non dénué de toute influence sur la pro- duction de la maladie, ni quel rôle jouent dans celle éliologie, soit les autres parties de l’appareil génital, soit le système nerveux beaucoup plus impressionnable chez la femme que chez l’homme ; ces questions seront mieux à leur placequand nous discuterons la nature de l’hystérie. (1) La proportion serait seulement de vingt à l’unité, d’après l’évaluation de M. Briquet. Mais il est à remarquer que cet auteur qui a eu soin de recueillir tous les faits d’hystérie chez l’homme consignés dans différents écrits, les com- pare au total des faits également publies d’hystérie chez la femme; ce procédé ne pouvait manquer de donner pour les premiers une proportion beaucoup trop forte, car la rareté de la maladie chez l’homme est un motif suffisant pour inviter les auteurs à faire connaître toute observation où une anomalie aussi curieuse se trouve consignée, tandis que la banalité de l’hystérie chez la femme les conduit à tenir compte en général des seuls faits remarquables par quelque symptôme inso- lite, ou venant à l’appui de quelque vue théorique, ou encore servant à prouver l’utilité d’une médication spéciale, etc. Peut-on d’ailleurs songer à concilier la proportion 20 : 1, admise par M. Briquet, avec ce que dit ce médecin lui-même de la fréquence absolue de l’hystérie? S’il est vrai que la moitié des femmes en est affectée, soit mille sur deux mille, il en faudrait conclure que sur un nombre égal d’hommes, on trouverait cinquante hommes hystériques ! Qu’on veuille bien calculer d’après la même donnée le nombre d’hommes hystériques que four- nirait la population annuelle d’un hôpital ou celle d’une ville, et l’on sentira tout ce que ce chiffre a d’invraisemblable. PATHOLOGIE MÉDICALE. h. Age. — L’hystérie peut se rencontrer chez les filles dès l’enfance, c’est-à-dire de l’âge de quatre ou cinq ans jusqu’aux approches de la nubiiilé ; le nombre des faits d’hystérie infantile, longtemps méconnus, est évalué par M. Briquet, d’après ses observations, au quart ou au cinquième du nombre totaldes hystériques. Mais c’est incontestablement de la puberté jusqu’à l’âge de vingt ans, que l’invasion de l’hystérie a lieu le plus communément, puisque c’est à cette période que remonte le début de la maladie chez plus de la moitié des hystériques. La fré- quence de l’invasion diminue ensuite rapidement de l’âge de vingt ans à celui de vingt-cinq, où elle est de moitié moindre que dans la période précédente ; puis elle décroît encore d’une manière sensible de vingt-cinq ans à quarante, restant à peu près stationnaire pendant tout ce laps de temps ; enfin de quarante à soixante ans elle est réduite à une proportion très faible ; et ce résultat est digne d’attention, attendu que l’âge critique, auquel certaines théories exclusives accordent une influence considé- rable, se trouve ainsi mise complètement hors de cause. On voit égale- ment d’après ce qui vient d’être dit que l’hystérie débute de moins en moins fréquemment à partir de l’âge de vingt ans, c’est-à-dire que bien longtemps avant l’âge critique la disposition à cette névrose commence à s’effacer ; de telle sorte qu’on ne saurait établir un rapport direct et simple entre la facilité avec laquelle l’hystérie se développe, et la seule activité fonctionnelle des organes génitaux de la femme. c. Hérédité. — L’influence de l’hérédité sur la production de l’hys- térie est des plus importantes à connaître ; malheureusement on sait combien de difficultés et d’incertitudes présentent toutes les recherches sur la transmission des maladies par voie de génération, et avec quelle réserve il faut toujours en admettre les résultats, même quand on opère sur un chiffre considérable de faits. Néanmoins on lira avec in- térêt les considérations suivantes, que nous empruntons à l’ouvrage de M. Briquet, l’autour dont les investigations sur ce point de pathologie sont assurément les plus étendues. 1° Si l’on interroge, au point de vue de l’hérédité, les antécédens d’un nombre donné d’hystériques, c’est-à-dire qu’on s’enquière de la santé de leurs ascendans et collatéraux, on trouve, pour un quart d’entre elles, que les familles dont elles sont issues ont été affligées de diverses affec- tions du système nerveux, principalement d’hystérie, ou, dans une pro- portion plus faible, d’épilepsie, de folie, de maladies convulsives, d’apo- plexie. Ce fait est d’autant plus frappant que si, à titre de comparaison, on se livre aux mêmes recherches dans les familles des femmes non hys- tériques, on y constate beaucoup plus rarement l’existence de ces mêmes affections nerveuses. («Parmi les pareils d’une hystérique, dit M. Bri- quet, il y a douze fois plus d’hystériques que chez les païens de sujets non hystériques. » ) Pour rendre les résultats plus simples et plus nets, veut-on se borner à considérer l’état de santé des seuls pères et mères, NÉVROSES. 641 on trouve que la proportion des ascendans hystériques est de 30 pour 100 d’une part (femmes hystériques), et de 4 pour 100 de l’autre (femmes non hystériques). 2° Dans la majorité des cas, il n’y a dans une famille que l’une des filles qui soit hystérique ; rarement deux, plus rarement trois. Il est vrai que les familles hystériques ne sont en général pas nombreuses. 3° Pour mettre dans tout son jour et pour isoler en quelque sorte l’influence héréditaire, il faut choisir les faits où l’action des autres élé- inens étiologiques se trouve réduite à son minimum d’importance ; tels sont les cas d’hystérie survenant chez les enfans, en quelque sorte avant l’âge, ou encore succédant à une cause occasionnelle très passagère. Or, en recherchant les antécédens de famille des femmes chez lesquelles la maladie a débuté d’emblée par une attaque convulsive, l’auteur que nous citons a noté chez plus d’un quart de ces malades des ascen- dans ou collatéraux affectés d’hystérie, d’épilepsie, de folie. La propor- tion est la même pour les sujets dont les accidens datent d’avant la puberté ; ici encore les névroses sont remarquablement nombreuses chez les parens. Elles le sont sensiblement moins dans les familles des hys- tériques dont la maladie a débuté plus tard et affecté une marche plus lente (les chiffres qui expriment l'influence de la prédisposition hérédi- taire dans les trois catégories de faits sont : 27 1/2, 28 1/2, 19 pour 100). 4° L’influence de l’hérédité doit encore être admise dans d’autres faits dont la proportion est bien difficile à fixer par des chiffres. Ce sont ceux où les parens, sans offrir les symptômes d’aucune névrose déter- minée, ont seulement une grande susceptibilité physique et morale, qui se transmet à leurs enfans comme aptitude aux maladies nerveuses. Une mère très impressionnable peut avoir échappé à l’hystérie dont elle était menacée, grâce à un heureux concours de circonstances, et, en évoluant, les mêmes dispositions, aidées par des conditions défavorables, aboutiront chez la fille au développement de l’hystérie. L’hérédité est encore ici incontestable ; car, à bien prendre, les mères hystériques ne transmettent jamais à leurs enfans la névrose même dont elles sont affectées, mais seulement la susceptibilité à la contracter à leur tour. — Le père prend une part beaucoup moindre à la transmission de l’hystérie ; dire cependant que « la femme qui seule a cette impres- sionnabilité » (l’impressionnabilité particulière qui préside au dévelop- pement de l’hystérie), « est nécessairement seule susceptible de la trans- mettre, » c’est, ce nous semble, énoncer une proposition trop absolue. 5° Après avoir déterminé l’influence de l’hérédité en remontant de l’hystérique à ses parens, il reste, pour confirmer ces premiers résul- tats, à rechercher la même influence en allant de l’hystérique à ses des- cendais. En procédant de la sorte, M. Briquet trouve qu’un peu plus de la moitié des hystériques soumises à son observation, avait transmis 642 PATHOLOGIE MÉDICALE. la maladie aux filles; quant aux garçons, ils n’avaient pas hérité de la même disposition, (Ceci nous paraît tout simplement en rapport avec la rareté de l’hystérie dans le sexe masculin, et il est douteux qu’on puisse y trouver une preuve quelconque à l’appui de l’opinion déjà indiquée tout à l’heure, à savoir que les névroses du père sont indiffé- rentes au point de vue de l’hystérie chez les filles.) « Une fille qui naît d’une mère hystérique a un peu plus d’une chance de devenir hysté- rique, et moins de trois de ne pas le devenir. >> 6° Resterait à savoir dans quelle mesure les maladies générales ou locales, étrangèresau système nerveux, qui existent chez les parens, peu- vent créer chez les descendans une prédisposition à l’hystérie. Ce que nous pourrions énoncer à ce sujet se bornerait à quelques données très vagues. d. Constitution physique. — Il serait inutile de revenir sur ce qui a été dit, à propos des névroses en général, sur la prédisposition qu’on croit attachée à telle ou telle constitution physique, au tempérament ner- veux, etc. C’est surtout l’hystérie, maladie dont tant de théories ont tour à tour prétendu expliquer le mystère, qui a donné lieu, à cet égard, aux assertions les plus contradictoires. « La vérité est, dit M. Briquet, qu’il n’existe pas de constitution hystérique appréciable par les apparences extérieures ; celte maladie prend les femmes comme elle les trouve, blondes, brunes, grasses, maigres, fortes, faibles, colorées ou pâles; il n’y a pas de choix. » C’est certainement à tort que beaucoup de praticiens concluent a posteriori de l’existence de l’hystérie à la préexistence du tempérament nerveux, alors même que tout, dans la manière d’être physique de la femme, contredit ce lieu commun tradi- tionnel. Ce qu’il serait intéressant de rechercher, ce serait comment la constitution et le tempérament disposent à tel genre d’accidens hysté- riques plutôt/]u’à tel autre, jusqu’à quel point ils créent une propension aux manifestations graves et fixes, ou légères et erratiques de la maladie ; malheureusement sur ce point de pathologie, indiqué par Sydenham, nous ne possédons aucun renseignement précis, e. Dispositions morales. •— Si le degré d’intelligence peut être con- sidéré comme n’influant point (au moins directement) sur l’aptitude h l’hystérie, il n’en est pas de même de certaines dispositions morales qui sont, à proprement dire, la cause prédisposante par excellence de la maladie. Quant à la nature de ces dispositions, il nous suffira de dire que la même manière d’être des facultés affectives qui distingue la femme de l’homme, est aussi celle qui, par son excès même, crée chez certaines femmes l’imminence de l’hystérie. L’anomalie de l’hystérie masculine sup- pose presque toujours l’existence d’une sensibilité morale exceptionnelle, toute féminine ; comme aussi l’immunité presque anomale d’un certain nombre de femmes qui s’exposent aux causes ordinaires de l’hystérie sans en subir les effets, implique presque constamment chez elles l’absence de NÉVROSES. ce mode de sensibilité propre à leur sexe. Presque toutes les hystériques, car il y a quelques exceptions à celte règle, sont originellement douées d’une impressionnabilité très vive, principalement à l’égard des passions dépri- mantes ; impressionnabilité qui se traduit à tout propos par de la con- striction et du malaise à l’épigastre, de l’oppression dans la poitrine, des palpitations, un étranglement à la gorge, des vertiges, des souffrances dans les membres, des sanglots et des pleurs Relativement au caractère proprement dit, « on peut distinguer, avec M. Briquet, en trois classes la manière de sentir des femmes hystéri- ques. La plupart d’entre elles sont douées d’une extrême susceptibilité, s’offensant de tout, se piquant pour des riens, tout leur portant om- brage ; le reste se compose à peu près en parties égales, de femmes emportées violentes, intraitables, et de sujets doux, sensibles, de véri- tables souffre-douleur. » Les anciens et un certain nombre de modernes accordent, en outre, une grande importance aux penchans lascifs, comme prédisposant à l’hystérie : nul doute qu’il n’y ait une extrême exagération à placer le besoin d’amour physique au premier rang des causes de cette maladie ; mais est-il également bien démontré qu’il n’en faille tenir aucun compte ? f. Education et genre de vie. — On s’est trop habitué à envisager l’hystérie comme une maladie complètement inconnue dans les campa- gnes ; il est certain néanmoins qu’elle est beaucoup plus commune dans les villes, surtout dans les grandes villes. Là sont réunies et comme accumu- lées les causes d’affaiblissement et de surexcitation, dont la névrose est comme le dernier terme, et surtout les dispositions morales indiquées tout à l’heure, trouvent dans les vicissitudes d’une existence agitée, ample occasion de se manifester et de s’accroître jusqu’à la maladie. Une édu- cation mal dirigée qui prend à tâche d’épargner aux jeunes personnes toute forte impression, une vie oisive et frivole (les romans, les spectacles, la musique, les parfums, etc.), ne peuvent que contribuer à ce résultat. Mais, dit avec grande raison M. Briquet, si la vie trop douce conduit à la névrose hystérique, une éducation dirigée d’après des principes contraires n’a pas des effets moins funestes. La manière dont les gens du peuple traitent leurs enfans fournit un exemple frappant de la vérité de cette proposition. Chez un certain nombre de ces enfans, il n’y avait pas eu besoin de l’intervention d’une cause déterminante pour faire éclater la maladie ; ces enfans avaient en quelque sorte succombé à la peine, quel- ques-uns avaient même eu leur première attaque au momentoù iis avaient été plus maltraités que de coutume. g. Alimentation. — L’expérience démontre qu’un régime trop substantiel, l’usage d’alimens trop épicés, du thé et du café, et d’autre part une alimentation trop ténue ou insuffisante, augmentent la dispo- sition à l’hystérie, soit que ces conditions en apparence opposées con- PATHOLOGIE MÉDICALE. vergent toutes, comme l’admet M. Beau, en un point qui est la dyspepsie, prélude, suivant lui, constant des accidens anémiques et névropathiques, soitqu’à l’exemple de M. Briquet, on veuille donner de leur influence l’ex- plication que voici : « chez les personnes d’un caractère violent, emporté, intraitable, un régime trop stimulant augmentera l’irritabilité, rendra ces femmes plus violentes, moins tolérantes, et les disposera à réagir plus vivement contre toutes les causes qui pourront les impressionner ; chez celles en plus grand nombre dont le caractère est ou très susceptible ou très doux, l’usage prolongé des débilitans, en diminuant la quantité du sang qui se trouve dans les vaisseaux, fera prédominer le système ner- veux ; celui-ci prendra l’empire et sera désagréablement impressionné par les causes les plus légères. » h. Passions et affections morales. — Contrairement à l’opinion géné- ralement accréditée, les recherches de M. Briquet démontrent de la ma- nière la plus positive ce fait, dont la portée ne sera méconnue de personne: que toutes les passionsne prédisposent pas indifféremment à l’hystérie. La joie, le bonheur, le plaisir moral et physique peuvent amener des né- vroses de toute espèce, mais point de névroses hystériques. Elles pourront provoquer quelques troubles chez des sujets déjà hystériques, mais elles ne produiront jamais l’hystérie. Les passions et les affections morales dépri- mantes, tristes, pénibles, ont seules ce pouvoir. Les mauvais traiterneus; — les tracasseries, les préoccupations, les soucis, les contrariétés prove- nant soit du ménage, soit de la famille, soit des relations illicites; — les inquiétudes suscitées par les affaires, les revers de fortune, les change- mens défavorables de position; — la nostalgie, l’ennui, le chagrin, la crainte continuelle, les déceptions, la jalousie; — enfin, dans un très petit nombre de cas, les affections de cœur contrariées; — tels sont, dans l’ordre de leur fréquence, les divers modes de souffrance morale que M. Briquet a notés chez cent trente hystériques, sans avoir ren- contré un seul fait où la prédisposition eût été produite par des affections morales autres que celles qui viennent d’être indiquées. i. Influence de la continence. — Depuis Platon qui comparait la ma- trice à un animal « qui veut à toute force concevoir et qui entre en fureur s’il ne conçoit pas», jusqu’à nos jours, il a été admis que la non-satis- faction des besoins sexuels est une cause puissante d’hystérie. M. Bri- quet, trouvant que celte croyance « a quelque chose de dégradant poul- ies femmes » et qu’elle conduit à de fausses applications en thérapeuti- que, consacre à la réfutation de ce qu’il déclare « être une erreur ridicule ■> de longs et intéressans développemens, appuyés pour la plupart sur des statistiques étendues. Nous ne pouvons reproduire son argumentation, mais nous croyons devoir en donner les conclusions: les femmes veuves ne sont pas plus que les autres femmes exposées à l’hystérie; — contrairement aux assertions des auteurs, l’hystérie est très rare au delà de l’ûgede trente ans, et très commune avant cet âge;— l’hystérie paraît chez un cinquième des malades avant l’époque de la puberté ; — elle est moins commune chez les femmes mariées que chez les filles, seulement dans la proportion de sept à neuf; — elle n’est pas plus commune, et il s’en faut de beaucoup, chez les personnes qui, par état, vivent dans la continence que chez les autres; — la satisfaction des besoins sexuels ne met nullement à l’abri de l’hystérie ; — il est faux que les attaques se terminent fréquemment par l’évacuation d’un liquide provenant des or- ganes génitaux ;— il n’est pas vrai que, dès que les organes génitaux sont arrivés à leur développement complet, il soit nécessaire que leurs fonc- tions soient mises en exercice, sous peine d’hystérie. Après avoir dé- mêlé avec une grande sagacité l’action des causes morales méconnues, dans la plupart des circonstances où les auteurs n’ont voulu admettre que la seule privation des plaisirs sexuels, l’auteur termine par cette dernière proposition, ou plutôt par celte concession : « Il est possible que dans quelques circonstances les besoins génitaux, naturellement ou artificiellement excités, et n’ayant pas une satisfaction suffisante, soient une cause d’excitation pénible de l’encéphale de laquelle pourraient naître des dispositions à l’hystérie ; mais jusqu’il présent cette prédispo- sition doit être admise comme résultat d’induction, plutôt que comme une conséquence directe de l’observation. » C’est un point sur lequel nous aurons à revenir. Passons maintenant à l’examen des conditions plus complexes, c’est- à-dire réunissant plusieurs de celles dont il a été question jusqu’à pré- sent. j. Influence de la position sociale. — On croit assez généralement que l’hystérie est l’apanage des classes élevées de la société, et que chez les femmes pauvres, habituées aux privations et aux duretés de la vie, la sensibilité morale étant à l’unisson de la sensibilité physique, l’hys- térie ne peut manquer d’être rare. L’observation est loin de confirmer cette idée. A supposer que les femmes du peuple fussent en effet moins impressionnables, elles sont soumises à des causes plus nombreuses et plus puissantes d’impressions pénibles que celles de la classe aisée. Pour déterminer, autrement que d’après de simples vues de l’esprit, le degré de fréquence de l’hystérie dans les classes pauvres, M. Briquet eut l’idée de visiter toutes les femmes qui se trouvaient à un moment donné dans les salles de la Charité, tant dans les salles de médecine que dans celles de chirurgie. Voici le résultat de cette enquête : Une hystérique avec attaques sur cinq femmes. Une hystérique sans attaques sur sept femmes ; — par conséquent une femme hystérique sur près de quatre. Une femme très impressionnable sur quatre. Enfin, un peu moins de la moitié seulement des femmes n’était ni fort impressionnable ni hystérique. II n’est pas possible d’avoir des renseignemens aussi précis sur les NÉVROSES. 646 femmes des classes aisées; mais bien évidemment l’hystérie y est moins commune. Quant aux classes très élevées, on doit supposer que la fré- quence de la maladie y est plus considérable que dans la classe moyenne. « Toutes les femmes, disait Duverney, peuvent devenir hystériques, pauvres et riches ; mais elles le deviennent en proportion des peines qu’elles endurent, et bien évidemment les pauvres en endurent plus que les riches. » k. Profession. — Les professions sédentaires , par la privation d’exercice, par le séjour dans un atmosphère confinée, par l’insuffisance du salaire qu’elles procurent, sont, ajuste titre, accusées de prédispo- ser à l’hystérie eu affaiblissant l’économie. D’autre part, la stimulation de l’encéphale par les travaux intellectuels a été également rangée au nombre des causes de celte maladie; mais il faut en imputer le dévelop- pement aux déceptions, aux rivalités, aux écarts, en un mot aux émo- tions si fréquentes chez les littérateurs et les artistes appartenant à la classe des femmes, bien plutôt qu’aux travaux mêmes auxquels elles se livrent. La stimulation des organes de la génération exerce-t-elle réellement cette influence considérable qu’on lui accorde si unanimement? M. Bri- quet, toujours en vue d’élucider celte question, a analysé avec un soin extrême l’influence de certaines professions dont les unes font de la con- tinence un devoir, les autres permettent la satisfaction du besoin géné- sique, et d’autres enfin «danslesquellesl’incontinence est en quelque sorte obligée. » La rareté de l’hystérie chez les religieuses, à moins qu’il ne s’agisse de celles qui se livrent à la prière incessante, aux austérités et à la vie contemplative (1), la fréquence considérable de la maladie dans la population de Lourcine, composée de jeunes domestiques, enfin ce fait digne d’attention que la moitié des prostituées de profession détenues à Saint-Lazare, est affectée d’hystérie, tout cela « détruit de la manière la plus décisive les assertions des auteurs sur les effets de la continence, et établit positivement que les faits sur lesquels ils ont prétendu les PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) « Autrefois, dit M. Briquet, quand la vie monastique n’était pas due au libre choix, quand elle était au contraire le résultat de la contrainte, quand dans les couvens on s’occupait plus du monde que des devoirs religieux, alors l’oisiveté, le regret du passé, l’ennui du présent, les préoccupations pour l’avenir, devaient nécessairement amener des perturbations dans le système nerveux et provoquer l’apparition d’accidens hystériques de toute espèce. Comme ces acci- dens nerveux se produisaient en face de personnes soumises aux mêmes influences, il en résultait facilement une diffusion de la maladie, et de là les épidémies d’hystérie si fréquentes à ces époques. C’était chez les Ursulines, chez les Car- mélites, religieuses qui étaient loin de suivre une règle sévère, que se trouvaient les miauleuses, les aboyenses, les sauteuses, les convulsionnâmes et tous les genres plus ou moins singuliers d’hystérie dont parlent les auteurs qui vivaient à ces époques. » NÉVROSES. appuyer, sont complètement controuvés, et que l’observation donne pré- cisément des résultats complètement opposés à ceux qui avaient été avancés. » (Briquet.) /. Etat de santé antérieure. Menstruation. Grossesse. — Les per- sonnes destinées à devenir hystériques présentent fréquemment dès avant l’invasion de la maladie, et quelquefois dès leur enfance, divers acci- dens : migraines, gastralgie dyspeptique, etc., qui trahissent chez elles l’existence de cette prédisposition; cependant un certain nombre d’entre elles n’éprouvent rien de semblable. Il existe, à ce sujet, une différence notable entre l’hystérie qui se manifeste d’une manière soudaine par une attaque convulsive, et celle qui débute lentement par des symptômes nerveux : l’aptitude à la première de ces variétés est plus grande chez les sujets dont la constitution n’a pas été détériorée; au contraire, l’hystérie à développement graduel s’observe de préférence chez les personnes qui, par suite de longues souffrances, se trouvent dans un étal d’anémie plus ou moins profonde. Les maladies douloureuses à longue durée, qui occasionnent un grand affaiblissement de l’économie, sont donc celles qui prédisposeront le plus à l’hystérie; or, toutes ces condi- tions se trouvent réunies à un haut degré dans les affections de l’appareil génital de la femme, et l’on peut se demander si ces affections exercent sur la production de la névrose qui nous occupe, une influence plus directe que les maladies des autres organes. Celte dernière opinion compte, comme on sait, de très nombreux partisans; tout en combattant avec succès, en ce qu’elle a d’exclusif et d’exagéré, la théorie surannée qui attribue le développement de l’hystérie de toutes pièces aux états morbides de l’utérus et des ovaires, quelques modernes vont peut-être trop loin en déniant à ces maladies toute influence spéciale; c’est au reste une discussion que nous reprendrons bientôt, à propos de la phy- siologie pathologique. IMais une question sur laquelle nous devons insister dès à présent, et qui a plus d’un rapport avec la précédente, c’est celle relative à l’in- fluence de la menstruation. Ici encore, les recherches de M. Briquet étant les plus étendues, c’est à elles que nous demanderons des éclair- cissemens sur ce point très controversé de pathologie : On peut établir, d’après une série de faits assez grande pour faire loi, que dans la majorité des cas (les cinq huitièmes) l’hystérie est indé- pendante de la menstruation, soit que le début de la maladie ait lieu avant la puberté ou après la ménopause, soit que, malgré l’existence de l’hys- térie, la menstruation continue à se faire régulièrement. C’est dans la minorité des cas seulement (les trois huitièmes), que divers troubles menstruels précèdent l’invasion de la névrose, ou que la première appa- rition des règles devient l’occasion de son développement ; — l’influence de la menstruation se fait sentir plus fortement de l’âge de douze ans à celui de vingt, qu’en tout autre temps; — les troubles menstruels pré- 648 PATHOLOGIE MÉDICALE. disposent bien plus à l’hystérie lente et graduelle qu’à celle dont le début est brusque et signalé par une attaque. On ne peut rapporter la prédisposition qui résulte de ces troubles, à la seule influence sympa- thique que les ovaires et l’utérus exerceraient sur le système nerveux ; car évidemment, dans bien des cas, la dysménorrhée, l’aménorrhée, les ménorrhagies ne sont elles-mêmes que la conséquence d’une alté- ration générale de l’économie. Quant à la grossesse, le plus souvent, comme nous l’avons dit, elle ne dispose à l’hystérie qu’en raison des conditions morales où les femmes se trouvent placées pendant la durée de la gestation. B. Après cette étude de la prédisposition, passons maintenant aux causes déterminantes de l’hystérie (bien qu’à vrai dire il soit souvent difficile d’établir entre les unes et les autres une ligne de démarcation précise). Étant donnée la prédisposition, il peut arriver que sans le con- cours d’aucune circonstance nouvelle, et par les seuls progrès de la mo- dification lente et profonde que les causes précitées ont imprimée à l’économie, l’hystérie éclate avec une sorte de spontanéité ; cependant cela est rare. Chez les cinq sixièmes des hystériques, dit M. Briquet, la maladie a suivi l’action d’une cause déterminante. 1° Tantôt celte cause consiste en une vive et pénible impression mo- rale ou physique (morale surtout) : chagrin, frayeur, perceptions senso- rielles intenses et désagréables : vue d’objets antipathiques, respiration d’odeurs fétides ou qui répugnent en raison de quelque idiosyncrasie, audition de sons éclatans, etc.; vue d’unq hystérique prise d'attaque, ce dont on se fait un mode de contagion dynamique ou par imitation. La part de l’imitation a été immense dans les épidémies d’hystérie dont l’histoire de la médecine conserve la relation ; — l’action de cet ordre de causes qui paraissent modifier primitivement l’encéphale, est noté dans la moitié des cas. 2° D’autres fois la cause occasionnelle se trouve dans diverses cir- constances qui tout ensemble affaiblissent l’économie et surexcitent le système nerveux. Sous ce chef il faut ranger les longues maladies, les médications débilitantes, les fatigues, les excès de tout genre, les affec- tions morales tristes de longue durée, l’alimentation insuffisante, etc. Quelques auteurs, Cullen, AVhylt, et surtout M. Beau, ont fait ressortir l’importance des troubles dyspeptiques, comme déterminant le dévelop- pement de l’hystérie; sans revenir sur ce qui a déjà été dit ailleurs (voy. Etat nerveux, p. ù90 et suiv.), relativement à la valeur réelle de cette cause, nous ferons remarquer que d’après la statistique de M. Briquet « un sixième seulement des causes déterminantes agit sur les organes de la digestion. » a0 « Un huitième au plus des causes déterminantes, ajoute le même auteur, se compose de modificateurs agissant sur les organes génitaux, NÉVROSES. en comprenant parmi ces causes les diverses maladies de ces organes et les troubles de la menstruation (phlegmasies aiguës ou chroniques des ovaires, du corps ou du col de la matrice, injections irritantes dans la cavité utérine ; suppression brusque des règles, etc.). Dans les cas même où cet ordre de causes a provoqué l’apparition de l’hystérie, on ne doit pas toujours rapporter la production de la maladie exclusivement à ces organes. » Ceci évidemment réduit de beaucoup l’importance de cer- taines causes dont les anciens ont exagéré la fréquence et la valeur; mais en même temps le passage que nous venons de citer textuellement consacre la réalité de ces influences (dans 1 cas sur 8). /i° Enfin, quelques autres causes déterminantes ont encore été no- tées : telle est l’action de vêtemens gênant la respiration, des corsets, des pressions désagréables, et encore des plaies, des écorchures très douloureuses, des contusions, etc. Parmi ces causes diverses, celles qui interviennent d’une manière ino- pinée et violente produisent de préférence l’hystérie débutant par une attaque, et au contraire celles qui lentement et sourdement modifient l’ensemble de la constitution, déterminent surtout l’hystérie à dévelop- pement graduel et successif. €. Cames qui provoquent le retour des accidens hystériques. — Toutes les circonstances qui viennent d’être énumérées comme pouvant donner lieu à la manifestation première de l’hystérie chez les sujets prédisposés, sont a fortiori susceptibles d’occasionner dans l’hystérie ancienne la réapparition des accidens habituels. Il serait donc oiseux d’en reproduire la longue liste. Disons seulement que, plus la névrose dont il s’agit est fortement accusée, plus elle est invétérée, et moins il est nécessaire que la cause soit puissante pour provoquer ces sortes d’exacerbations. Il vient un moment où, grâce à la susceptibilité ex- cessive des malades, des impressions minimes suffisent pour faire éclater de vives douleurs, des convulsions générales, etc. En outre, dans cet état, tel accident n’a qu’à paraître pour devenir à sou tour le point de départ d’une série d’autres symptômes : ainsi des attaques convulsives succèdent souvent à un accès d’hyperesthésie rachidienne ou gaslralgique, ou encore de prurit vulvaire; la rétention d’urine chez les hystériques paralysées amène fréquemment le même ré- sultat (1). MM, Piorry, Schutzenberger, Négrier et quelques autres, ont surtout fait remarquer la facilité avec laquelle on provoque des convulsions en pressant sur la région ovarique (ou plutôt inguinale) hy- (1) Nous tenons cette remarque intéressante de notre regrette confrère et ami, le docteur Boullay, qui avait eu l’occasion de faire à son établissement hydrothérapique d’Autcuil de nombreuses recherches sur les paralysies hysté- riques. 650 PATHOLOGIE MÉDICALE. peresthésiée ; mais après ce que nous venons de dire, il semble difficile de tirer de ce fait aucune conclusion positive relativement à l’origine ovarienne de l’hystérie. 2088. Physiologie pathologique. ■— L’hystérie est tout à la fois une névrose complexe, à laquelle n’échappe aucun des modes de l’activité nerveuse, et une névrose à caractère inconstant, en ce sens que l’in- nervation y pèche tantôt par défaut, tantôt par excès ou perversion. Tracer l’histoire complète de l’hystérie, sous le rapport de la physio- logie pathologique, serait recommencer à l’occasion de cette maladie l’étude de toutes celles que nous avons déjà décrites : hyperesthésies et anesthésies, convulsions et paralysies. Contentons-nous de jeter un simple coup d’œil sur l’ensemble de cette affection multiple : llias mor- horum. A. Et d’abord examinons l’hystérie convulsive, ou mieux tous ceux des phénomènes hystériques qui attestent une exaltation morbide de la motilité ; car, nous le répétons à dessein, s’il est utile en clinique d’accorder une attention particulière aux attaques convulsives, il faut bien reconnaître qu’au point de vue où nous nous plaçons eu ce moment, leur importance est infiniment moindre, puisque, d’abord, à l’égal des convulsions et des spasmes, on peut voir la douleur, la paralysie, le délire, apparaître sous forme d’accès chez les hystériques; puisque d’ail- leurs la convulsion est seulement l’un des modes que peut présenter chez elles l’altération delà motilité. La production des attaques convulsives est un résultat auquel deux élémens concourent constamment, en y prenant, il est vrai, une part inégale suivant les cas; ce sont: 1° la convulsibilité (excitabilité ou exaltation motrice, excès de motricité ou de puissance intrinsèque de la moelle allongée et épinière, etc.) : sorte de prédisposition sujette h s’ac- croître par moinens, au point de pouvoir se passer de l’addition de toute autre cause, et de devenir déterminante par elle-même, — susceptible aussi, à d’autres époques, de s’atténuer, la maladie persistant d’ailleurs, ou même de disparaître, pour laisser le champ libre à des manifestations hystériques d’autres espèces ; 2° Des excitations accidentelles, adventices, s’engendrant primitive- ment les unes dans le cerveau, comme les émotions morales, les autres dans les nerfs sensitifs, comme les souffrances physiques, réagissent par sympathie sur les centres moteurs et transforment la convulsibilité en convulsion actuelle. C’est, comme on le voit, le mécanisme des convulsions en général. Tout ce qu’il y a de spécial dans la convulsion hystérique se réduit aux faits suivans: intervention presque constante des causes occasionnelles, tan- dis que ailleurs on voit très souvent les convulsions éclater en leur absence; — prédominance considérable des causes morales parmi celles qui provoquent l’apparition des attaques, avec persistance plus ou moins évidente de perceptions pénibles pendant l’accès ; — la douleur mêlée aux convulsions, de façon que celles-ci, sous leur aspect le plus ordi- naire, ne paraissent être autre chose qu’une réaction consciente ou inconsciente contre la douleur. Il y aurait cependant exagération mani- feste et retour vers des idées justement abandonnées, à vouloir réduire l’attaque hystérique à cette sorte de lutte, surtout à vouloir l’iden- tifier avec ce qui a lieu chez une personne bien portante en proie à quelque vive souffrance : ce serait méconnaître l’existence chez les hys- tériques de la convulsibilité, à l’égard de laquelle les douleurs n’agis- sent que comme causes excitatrices et en quelque sorte complémen- taires. En effet, le plus souvent il n’y a nul rapport, soit de siège, soit d’intensité, entre les convulsions et la douleur qui les précède; cette douleur est dans bien des cas non point accidentelle, mais un symptôme de l’hystérie même, et, chose importante à noter, elle peut n’êlre que le résultat ou tout au moins l’accompagnement de quelques symptômes hystériques convulsifs. C’est ainsi que la sensation morbide notée le plus fréquemment au début des attaques et qui est suvie de perte plus ou moins complète de connaissance et de convulsions générales, c’est cette boule hystérique que nous avons longuement décrite. Or, la boule hystérique, sur l’explication de laquelle les auteurs ont beaucoup varié, paraît être une sensation de contraction, une douleur de spasme; sa marche ascendante résulte, selon toute apparence, d’une succession de contractions comme antipéristalliques qui se propagent du cardia, et peut-être d’une région encore plus déclive du tube digestif, jusqu’au pharynx où elle s’arrête, mais où elle peut aussi débuter et demeurer circonscrite (toutou s’étendant peut-être au larynx). Disons en passant, et sans insister sur desconsidérations hypothétiques qui nous entraîneraient trop loin, que l’étroite connexion notée entre la sensation de globe d’une part, la dyspnée et les palpitations de l’autre, semble attester une affection commune des diverses parties de la hui- tième paire, à son origine; celte supposition cadre fort bien avec l’idée d’un état d’irritation du centre d’où ce nerf se détache, c’est-à-dire de la moelle allongée, ayant pour conséquence la production des mouve- mens convulsifs généralisés. B. Renvoyant pour les autres symptômes aux articles où leur élude a été exposée (c’est-à-dire à l’histoire des névralgies, des anesthésies, des paralysies, etc.), nous devons seulement nous demander jusqu’à quel point la réunion de ces symptômes peut être considérée comme révé- lant l’existence d’une névropathie particulière appelée hystérie. Ne connaissons-nous pas, sous le nom d'état nerveux, un ensemble de phénomènes fort analogue à celui que présentent les femmes hystériques (les convulsions générales réservées) ? Et n’y a-t-il pas double emploi, quand on décrit sinon comme différens, du moins comme distincts, l’état NÉVROSES. 651 PATHOLOGIE MÉDICALE. 652 nerveux simple et l’état nerveux des sujets qui éprouvent des attaques convulsives? Nous avouons que cette objection nous paraît parfaitement fondée. Sans doute l'état nerveux des hystériques est souvent remar- quable par la violence et mobilité des accidens, mais des différences d’intensité ne suffisent pas pour créer des espèces en pathologie; aussi n’y aurait-il, ce nous semble, aucun inconvénient à distraire de l’hystérie tout ce qui est relatif à la variété dite protéiforme ou vaporeuse de cette névrose, pour en placer la description dans l’histoire de Yétat nerveux. Quoi qu’il en soit de ces questions de nosologie que nous avons déjà trai- tées ailleurs (voyez les considérations développées par M. Beau, p. 483), ce qui est essentiel au point do vue de la physiologie pathologique, c’est d’établir l’existence simultanée chez les hystériques et d’une disposition convulsive, d’où résultent les attaques, et d’une disposition aux autres modes de souffrance appartenant à l'état nerveux. La connaissance de ce fait d’observation est tout ce qui importe; le reste est affaire de clas- sification, c’est-à-dire chose toujours un peu arbitraire. C. L’annexion inévitable de l’état nerveux à l’hystérie fait de cette dernière une névrose en quelque sorte universelle, qui frappe le cerveau, la moelle et les ganglions, et dont les retenlissemens sur la vie végéta- tive sont aussi multipliés que la pénétration de toutes les fonctions par l’excitation nerveuse est elle-même un fait général. Devant un si vaste ensemble de faits morbides, c’a été la tendance naturelle des pathologistes de préciser le siège de la maladie, c’est-à-dire de déterminer quelle portion circonscrite du système nerveux donne lieu par son affection à tout ce cortège de symptômes; et les uns ont localisé l’hystérie dans les nerfs de l’utérus et de scs annexes, dont l’ex- citation rayonnerait sympathiquement sur le reste du système nerveux (voy. plus loin D) : d’autres ont cru y reconnaître une irritation spinale (voy. ce mot) ; d’autres, enfin, une encéphalopathie. Cette dernière hy- pothèse, soutenue par Georget avec un talent incontestable, assez géné- ralement admise aujourd’hui, mérite que nous nous y arrêtions un moment. Elle se fonde sur des faits et sur des raisonnemens. Les faits, c’est la puissance pathogénique incontestable des causes morales, c’est la modification plus ou moins profonde, mais constante, des facultés intellectuelles et affectives; c’est l’affinité cliniquement prouvée entre l’hystérie et l’aliénation, soit comme transmission par voie d’hérédité, soit comme succession chez le même sujet.— Quant au rai- sonnement, il est. aussi simple que spécieux : le cerveau ne résume-t-il pas en lui tout le système nerveux? Conséquemment, l’idée à'encépha- lopathie n’embrasse-t-elle pas l’ensemble de toutes les névropathies? Il s’en faut cependant que les idées de Georget puissent être admises. D’abord, les preuves alléguées en leur faveur et tirées de l’observation sont loin d’être péremptoires; elles établissent seulement qu’il existe une NÉVROSES. 653 encéphalopathie hystérique, ce qui n’implique en aucune façon qu’elle existe seule. Quant à l’interprétation, elle est manifestement toute gra- tuite : de ce que les nerfs du dos, des membres inférieurs ou de l’in- testin sont représentés dans l’encéphale, s’ensuit-il que la douleur rachi- dienne, la paraplégie ou la tympanite, puissent être considérées comme des phénomènes cérébraux ! En vain fera-t-on ressortir l’influence des causes psychiques, c’est-à-dire des actions cérébrales, sur la pro- duction première ou la réapparition de ces symptômes; de là résulte strictement une seule conséquence : c’est que ces causes ont impres- sionné primitivement l’encéphale et que c’est par son intermédiaire qu’elles ont agi sur les autres parties du système nerveux ; mais si, par la suite, l’encéphale se montre indemne et que la moelle ou les nerfs soient affectés, n’est-ce pas dans ces dernières parties que le pathologiste devra localiser l’affection? C’est ici le lieu de rappeler ce que nous avons déjà dit au sujet de la regrettable confusion qu’on fait souvent entre le point de départ des maladies et leur siège (voy. Épilepsie, p. 584, n° 2076, II. A). Dans l’hystérie, nous rencontrons à chaque pas des phénomènes qui, par leur isolement ou leur prédominance dans certaines circon- scriptions nerveuses, et malgré leur apparition à la suite d’une émotion morale, réfutent de la façon la plus complète la théorie exclusive de l’en- céphalopalhie. Force est donc de renoncer à la tentative certainement ingénieuse, mais stérile, de découvrir le point isolé, la région précise dont l’affection entraînerait comme conséquence l’ensemble des névro- pathies hystériques ; sachons nous en tenir à cette notion plus vague en apparence, quoique en réalité plus exacte, que l’hystérie est une ma- ladie générale du système nerveux, qu’elle consiste dans une aptitude de toutes les parties de ce système à s’affecter simultanément ou suc- cessivement. Et nous concevons d’autant moins l’opposition que rencontre cette manière de voir (voy. le Traité de l'hystérie, de M. Briquet, p. 595), que la maladie ainsi comprise, loin d’être morcelée, comme on le pré- tend, est, au contraire, envisagée au point de vue le plus étendu et le plus naturel; au surplus l’étude d’autres affections nerveuses con- duit à des conclusions identiques qui ne soulèvent aucune objection. Nous faudra-t-il citer de nouveau l’exemple de l’intoxication satur- nine? Là aussi nous voyons s’affecter, seulement sous l’influence d’une cause plus facile à suivre dans ses effets, et les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs et l’encéphale, à mesure qu’ils sont impressionnés par l’agent morbifique ; là aussi existe une disposition morbide générale du système nerveux, sans qu’il y ait lieu de localiser autrement cette disposition. t). Après avoir apprécié les hypothèses qui ont pour objet le siège de l’hystérie, disons maintenant un mot des opinions émises sur la nature de cette névrose. Ici encore nous voyons la tendance à la simplification 654 PATHOLOGIE MÉDICALE. ihéorique ou plutôt à l’unification, se heurter contre la complexité des faits. Plusieurs pathologistes se sont efforcés de découvrir quelle est dans celte maladie la condition morbide fondamentale d’où dérivent toutes les autres. Nous avons à signaler dans ce sens l’essai de ramener tous les phénomènes hystériques ou du moins la plupart d’entre eux à un excès d’action réflexe, h un excès de sensibilité, à un défaut de sensi- bilité (anesthésie superficielle et profonde), à un affaiblissement de la volition, à un trouble de l’intelligence, etc. Évidemment parmi tant de conjectures il n’en est aucune qui réponde aux exigences d’une logi- que sévère, et chacune d’elles laisse en dehors de l’explication proposée une foule de faits importans considérés à tort comme accessoires. On peut en dire autant d’une idée au développement de laquelle M. Briquet a consacré en grande partie son important ouvrage sur l’hystérie. Estimant que les termes de mobilité, de susceptibilité de l’en- céphale sont trop généraux et s’appliquent aussi bien aux névropalhi- ques qu’aux hystériques, pensant qu’il faut déterminer en quoi consiste la susceptibilité spéciale propre à l’hystérie, cet auteur la considère « comme le produit de la souffrance de la portion de l’encéphale des- tinée à recevoir les impressions affectives et les sensations; comme une névrose de cette portion d’encéphale. —«L’hystérie n’est qu’une manifes- tation passionnelle », telle est la thèse soutenue par M. Briquet (p. 661 de son Traité). Toutes les causes hystérifiques (suivant l’expression de l’au- teur) n’agissent qu’en affectant péniblement cette portion particulière du cerveau ; et de même tous les symptômes hystériques ne sont que « la reproduction des phénomènes qui s’observent chez les divers individus, quand ils sont en proie à quelque vive souffrance physique ou morale». La frayeur, le chagrin, le désespoir, la douleur, troublent les idées, pré- cipitent la respiration et les battemens du cœur, serrent la gorge, font naître une pression à l’épigastre, font tomber les bras, plier les jambes, etc., etc., autant de phénomènes qui, en s’exagérant et en se répétant, deviennent les symptômes mêmes de l’hystérie : délire ou perte de connaissance, palpitations, strangulation pharyngée, gastralgie, para- lysie des membres, etc. Dans ce parallèle établi entre les effets des passions et les phénomènes hystériques, on ne saurait méconnaître un rare et fin talent d’observation ; mais les conclusions auxquelles aboutit cette comparaison ne nous paraissent pas avoir toute l’importance qu’on leur attribue. Car, en définitive, que sont les passions, les émo- tions violentes, dont on confronte les manifestations avec celles de l’hys- térie? Ce sont des affections nerveuses accidentelles et transitoires; entre elles et la névrose chronique il n’y a d’autre différence que celle qui sépare l’accident de l’infirmité (1). Au lieu de considérer l’hys- (I) Le langage populaire et même le langage médical, où se révèle souvent nu si profond instinct d’observation, ont de tout temps consacré cette analogie entre les passions et les maladies. Les termes mêmes de paasio, affectio pris pour sy- NÉVROSES. 655 térie comme une sorte d’émotion morale prolongée, on pourrait donc retourner cet énoncé et dire que les émotions violentes sont une courte névrose, une hystérie en petit. Cela revient à établir que de part et d’autre il y a un trouble du système nerveux ; rien de plus. Quoi de surprenant si, dans les deux cas, les manifestations extérieures sont analogues ou même identiques ? N’cst-ce pas toujours par des actes in- tellectuels, par des sensations, des mouvemens, des sécrétions diverse- ment modifiés, que se traduit un trouble quelconque du système ner- veux, et peut-il même s’exprimer autrement? Il nous semble donc que la concordance entre les symptômes de l’hystérie et ceux des névroses momentanées que nous appelons des émo- tions violentes, ne justifie aucune autre déduction que celle-ci, aussi incontestable qu’incontestée, à savoir: l’hystérie est une affection du système nerveux: parmi les symptômes de l’hystérie, il en est un certain nombre qui appartiennent au trouble des fonctions encéphaliques. Bien loin de mettre en doute l’importance des émotions dans la patho- génie des affections hystériques, nous voulons seulement faire apprécier à sa valeur réelle la similitude des uns et des autres, en montrant que cette similitude est inévitable, que les mêmes organes ne peuvent souf- frir sans qu’il en résulte les mêmes phénomènes. Réduire l’hystérie à une « manifestation passionnelle » prolongée, c’est admettre que cette névrose est une simple modalité du tempérament nerveux, c’est en faire une sorte de maladie physiologique, continuation et amplification de l’exer- cice normal des fonctions ; en un mot, c’est confondre la cause de la maladie avec la maladie même. Autant vaudrait envisager la chorée succédant à une frayeur comme le tremblement de la peur indéfiniment continué! la névralgie rebelle produite par un coup, comme la douleur de la contusion passée à l’état chronique! l’amaurose occasionnée par l’impression d’une vive lumière comme un éblouissement permanent ! Et ainsi du reste. Ausurplus, l’analogie dont il s’agit(enlre les manifestations des passions elles symptômes hystériques) cesse d’exister, pour peu que la névrose acquière une certaine intensité. Il nous suffira de citer à cet égard les propres paroles de M. Briquet :«... Alors les actes qui constituent les ma- nifestations passionnelles seront augmentés, annihilés ou pervertis. La portion affective de l’encéphale deviendra, qu’on me passe le mot, pres- que folle, ses réactions ne seront plus normalement dirigées, et alors elles se manifesteront par des actes que l’âge, la constitution, l’habitude, ont rendus familiers aux malades; ou bien ces manifestations, au lieu d’être celles des passions tristes, sont celles des passions gaies. Bien plus, en butte à des réactions presque continuelles, les organes qui en sont le nonyraes d’état morbide eu font foi ; il en est encore ainsi d’une foule d’autres expressions, tels que : commotion morale, choc, cœur brisé, déchiré, âme meur- trie, etc., empruntées au traumatisme. 656 PATHOLOGIE MÉDICALE. siège finiront par se troubler, leur sensibilité s’exaltera, il y surviendra des névroses ou desphlegmasies (?)qui, à leur tour, venant compliquer la scène, arriveront, eux aussi, à être le centre d’une réaction qui s’étendra plus ou moins loin » E. Nous l’avons déjà fait remarquer h propos de Vétat nerveux, et nous le répétons ici : ni le défaut, ni l'excès d’innervation (de quelque nom qu’on les décore : hypersthénie et asthénie nerveuse, atonie et toni- cité excessive, dépression et exaltation, affaiblissement ou irrita- tion, etc.), n’embrassent la généralité des phénomènes dont se compose l’hystérie; on y voit se mêler et se côtoyer en quelque sorte les phéno- mènes de l’ordre le plus opposé Les termes vagues de susceptibilité, d’oscillation, de mobilité, de polarité, de modalité particulière, nous paraissent préférables pour l’expression de l’inconnue qu’il s’agit d’indi- quer. Si nous y insistons, c’est parce que parmi les auteurs modernes il en est encore qui, envisageant l’hystérie comme une excitation morbide du système nerveux, se perdent en explications hypothétiques lors- qu’il s’agit de certains phénomènes négatifs, tels que l’anesthésie ou la paralysie primitives : ils cherchent alors, en dépit de l’observation, à rat- tacher ces phénomènes à quelque excitation antérieure, ne pouvant se résigner à admettre dans les fonctions nerveuses des évanouissemens fonctionnels non moins certains, quoique sans doute tout aussi em- barrassans, que l’excitation fonctionnelle spontanée. F. Toutes les questions qui précèdent ont pu être discutées avant que nous n’en ayons abordé une qui semblerait dominer l’histoire de l’hys- térie, à en juger par le nom de la maladie (vçrepov, utérus), et par cer- taines doctrines relatives à sa nature. En effet, depuis l’antiquité jusqu’aux temps actuels, la plupart des auteurs ont développé ce thème : l’hystérie a pour point de départ l’utérus ou ses annexes. Non point qu’on consi- dérât l’hystérie comme ayant, à proprement dire, son siège dans ces organes : ses symptômes dénotent trop visiblement une affection du sys- tème nerveux; mais les organes génitaux de la femme étaient accusés d’être la source première de cette affection, leur mode d’action étant d’ailleurs diversement interprété. Suivant les idées particulières de l’époque, pour les uns c’était un foyer où l’absorption puisait des pro- duits nuisibles, pour d’autres un lieu d’où s’élevaient des vapeurs irri- tantes, pour d’autres encore un centre d’irradiations nerveuses sympa- thiques, etc. L’étude historique de cette doctrine, uniforme au fond, malgré la diversité des formes sous lesquels elle se produit, serait curieuse; mais elle nous entraînerait trop loin. Qu’il nous suffise de faire remarquer combien est universelle cette croyance à un point de départ utéro-ova- rien de l’hystérie, et combien sont peu nombreux, même de nos jours, les médecins qui la rejettent d’une manière absolue. NÉVROSES, 657 Voyons sur quelle base elle s'appuie et quelles objections elle soulève. Il serait bien superflu d’entreprendre la réfutation de certaines idées qui n’ont plus de valeur aujourd’hui qu’au seul point de vue de l’archéologie médicale: telles sont les fabuleuses migrations de l’utérus desséché à la recherche de Xhumide, la rétention du sang menstruel et d’un prétendu sperme féminin, les fermentations fantastiques d’une foule d’humeurs elles-mêmes imaginaires. Et toutefois, disons-le, de ce que de semblables conceptions sont erronées ou ridicules, nous ne serions pas encore en droit de conclure à l’inexactitude du fait pathogénique qui leur sert de base; pour être sérieuse, la discussion doit porter exclu- sivement sur les argurnens tirés de l’observation clinique ; et il peut n’être pas inutile de résumer, en les examinant au point de vue d’une critique impartiale, tontes les circonstances relatives aux causes de l’hys- térie, à ses symptômes, à sa marche, par lesquelles on a cru démontrer l’influence du système génital sur le développement de cette maladie. 1° Principaux faits etiologigues. — a. Sexe. — « L’hystérie est essentiellement une maladie féminine, donc elle se rattache à l’influence des organes génitaux. » Faible raisonnement, dont cependant bien des pathologistes se sont contentés. Comme si les sexes ne différaient pas profondément l’un de l’autre par tout l’ensemble de l’organisation! Rien de moins vrai, en physiologie comme en pathologie, que cet apho- risme échappé h Van Helmont : propter solum uterum mulier est quod est (dût-on même y ajouter avec les modernes : et propter avaria). D’ailleurs l’hystérie a été observée chez l’homme. h. Age. — » L’hystérie appartient exclusivement à la durée de la vie sexuelle de la femme (époque comprise entre la nubilité et l’âge cri- tique). » Cette assertion est inexacte : voir les recherches de M. Briquet qui établissent la fréquence à tort méconnue de l’hystérie dans l’en- fance; voir aussi les faits d’hystérie développée après la ménopause. c. Tempérament. — « L’hystérie attaque de préférence les femmes lascives, celles chez qui les fonctions sexuelles ont une énergie prédo- minante, etc. « L’observation prouve que s’il est un fait général qu’on puisse avancer à l’égard de la constitution et du tempérament, c’est que les victimes de l’hystérie se trouvent surtout parmi les femmes douées d’une très grande sensibilité morale. d. Continence. — « La non-satisfaction du besoin génitale dispose à l’hystérie. » Ici nous devons rappeler les intéressantes recherches de M. Briquet sur les filles publiques; et cependant il ne semble pas qu’on puisse écarter par une simple fin de non-recevoir les exemples cités par les auteurs, où la continence prolongée a pris une part évi- dente au développement de la maladie. e. Troubles menstruels. — Dans l’opinion de plusieurs médecins, l’hystérie ne serait guère autre chose qu’une aménorrhée accompagnée de troubles nerveux sympathiques, tant la suppression du flux men- 658 PATHOLOGIE MÉDICALE. struel leur paraît jouer un rôle capital dans l’étiologie de cette névrose. Si nous interrogeons les faits, nous reconnaissons : l°que l’hystérie peut se montrer longtemps avant la nubilité ou après la ménopause; 2° qu’elle n’est pas incompatible avec la persistance d’une menstruation régulière; 3° que, chez un certain nombre de femmes, la diminution ou l’arrêt du flux menstruel dispose à cette affection ou en détermine la première apparition. Les cas de ce dernier ordre s’observent, d’après M. Bri- quet, dans la proportion de 3 sur 8. Encore faut-il avoir égard aux causes dont les troubles divers de la menstruation sont la conséquence, causes souvent étrangères à l’appareil génital lui-même. Les observations d’hys- térie imputables aux organes génitaux seuls sont en fort petit nombre : 30 sur plus de à 00 malades, au dire de M. Briquet ; ce chiffre est certai- nement minime, mais il ne faut cependant pas l’effacer. Quant à l’influence que l’époque des règles exerce sur le retour des accidens hystériques, elle est incontestable; mais elle ne prouve rien ni pour ni contre l’origine génitale de l’hystérie, puisque tous les accidens nerveux possibles subissent des recrudescences aux mêmes momens. f. Maladies utérines.— <■ Les inflammations légères (car les profondes désorganisations paraissent susciter moins de sympathies morbides) de l’ovaire ou de l’utérus, les déplacemens, les ulcérations du museau de tanche, etc., sont des causes d’hystérie, et leur guérison peut être suivie, de la disparition de la névrose. » Quelques observations démon- stratives ont été citées à l’appui, par M. Landouzy surtout, et de simples dénégations ne sauraient pas en diminuer la valeur. Seulement la fré- quence de ce genre de faits a été à coup sûr exagérée. g. Appartiennent aux faits encore plus exceptionnels, les exemples de femmes chez lesquelles une métrite ou une ovarite aiguë, l’introduction de l’hystéromètre, une injection irritante poussée dans la matrice, le travail de l’accouchement, ont directement provoqué des attaques d’hys- térie. Presque toujours, on le sait, c’est à la suite d’une violente pertur- bation morale que se montrent les premiers accidens de la maladie. 2° Principaux faits de symptomatologie.—Sans revenir à ce pro- pos sur les dérangemens des règles dont il a été déjà question, nous nous arrêterons surtout aux points suivans : a. « Les attaques convulsives d’hystérie ne sont que la reproduction du spasme cynique. » Nous renvoyons à la description des attaques; c’est la meilleure manière de réfuter cette allégation. b. « La boule hystérique s’élève presque toujours de la région de l’hy- pogastre. » La région épigastrique est le point de départ le plus ordi- naire de la sensation de globe. c. « La pression sur la région ovarique détermine le retour des accès convulsifs. » Mais d’abord la sensibilité de la région sus-inguinale est- elle constamment en rapport avec celle de l’ovaire? Puis, chez combien de femmes la manœuvre dont il s’agit demeure sans aucun effet! Une NÉVROSES. 659 attaque survient quelquefois à la suite d’une pression exercée sur la ré- gion slernale (Brodie), sur la région rachidienne, etc. d. « Les attaques convulsives se terminent habituellement par l’émis- sion d’un liquide accompagnée d’une sensation voluptueuse. » C’est quelquefois qu’il faudrait dire, et même assez rarement. M. Briquet n’a pas une seule fois observé ce phénomène sur un total considérable de malades. e. Que dire des prétendues preuves de la sympathie ovarienne qu’on a cru trouver dans le développement persistant du tissu graisseux chez les hystériques, dans le volume des mamelles, la richesse du système pileux de la tête, l’aphonie, etc, ! (Laycock.) Nous croyons inutile de nous arrêter h des argumens d’une aussi faible valeur, 3° Principaux faits relatifs à la marche de l'hystérie. — Aux obser- vations d’hystérie guérie par le mariage, on peut en opposer de bien plus nombreuses où le mariage a été suivi d’une exaspération très vive des symptômes, si même il n’en a pas occasionné la première apparition; de même l’arrêt des accidens pendant la grossesse est moins fréquent que leur aggravation dans le cours de la gestation. Bien qu’il soit vrai de dire qui la maladie décroît dans l’âge adulte et devient rare après la ménopause, c’est-à-dire à la fin de la vie de repro- duction, néanmoins, il est à remarquer que le décroissement dont il. s’agit précède de plusieurs années l’extinction de l'énergie génitale (voy. plus haut, Etiologie, p. 6ô0, n° 2087, b), et que l’invasion après l’âge critique n’est pas sans exemple ; h plus forte raison en est-il ainsi de la persistance de l’hystérie dans la vieillesse. U° Nous pourrions ajouter ici quelques déductions tirées des faits thérapeutiques, mais il nous semble préférable d’en ajourner l’expo- sition qui trouvera naturellement sa place au traitement de l’hystérie. Que conclure maintenant de toute cette discussion? D’abord, que l’influence des organes génitaux a été évidemment surfaite. Les résul- tats de la statistique ne permettent plus de soutenir aujourd’hui ni la constance, ni même la généralité de ce point de départ de l'hystérie. Mais convient-il de pousser la réforme de la doctrine traditionnelle jusqu’à une négation complète, radicale ? Nous ne le pensons pas, et cela parce que : 1° Il existe des faits positifs que les opposans même les plus décidés de la doctrine en question ne peuvent nier, ou qui subsistent malgré leurs dénégations: influence évidente qu’exercent dans certains cas, sur le développement de l’hystérie, un tempérament lascif, la continence ou l’excitation génésique artificielle, l’aménorrhée ou les troubles locaux qui accompagnent une menstruation difficile, ou encore la présence de maladies utérines ou ovariennes ; — cessation des accidens hystériques chez quelques femmes, par le fait du mariage ou pendant la grossesse ; — rapports incontestables entre l’hystérie et l’aliénation mentale sous la 660 PATHOLOGIE MÉDICALE. forme de nymphomanie;—apparition pendant les accès ou dans leur intervalle d’hyperesthésies occupant les ovaires, l’utérus, la vulve, etc. Dans quelle proportion les cas de cette espèce sont-ils à l’égard de ceux où les organes sexuels doivent être complètement innocentés ? C'est ce qui reste à déterminer; quant aux faits en eux-mêmes, pour être beaucoup plus rares qu’on le croyait autrefois, ils n’en demeurent pas moins réels et conservent toute leur signification. 2° Il est des circonstances où le problème se complique des inextri- cables difficultés inhérentes à l’action intime que le moral et le phy- sique exercent l’un sur l’autre, et où par conséquent l’appréciation de l’un et l’autre élément, cérébral et génésique, devient difficile ou im- possible : soit, par exemple, une passion sexuelle contrariée donnant lieu à des accidens hystériques; sera-t-on en droit d’y nier toute participa- tion de l’excitation génitale et de n’admettre que le pur érotisme psy- chique ? Au risque de paraître partager une croyance « qui a quelque chose de dégradant pour la femme » (considération peu scientifique, croyons- nous) , nous devons rappeler que les vétérinaires ont étudié chez les femelles d’animaux des accidens nerveux assez analogues à l’hystérie, et auxquels ils assignent pour cause la non-satisfaction du besoin de reproduction. La solution la plus naturelle peut-être à donner à ce début, con- sisterait à reconnaître, avec un certain nombre d’auteurs, une variété d’hystérie due à l’influence de l’appareil sexuel, tout en établissant que cette variété est loin d’être la plus commune, et que les causes mo- rales jouent le principal rôle dans la plupart des faits de celle névrose. 2088. Diagnostic. — La division de l’hystérie en convulsive et vapo- reuse ou protéiforme, si discutable qu’elle puisse être en théorie , offre cependant l’avantage de faciliter le diagnostic, en permettant de grouper sous deux chefs différens les considérations relatives, les unes aux atta- ques, les autres aux accidens névropathiques. A. Diagnostic des attaques hystériques. — On pourrait confondre les convulsions de l’hystérie avec celles de l’épilepsie ou de l’éclampsie. Voici à l’aide de quels caractères différentiels on évitera aisément cette erreur : a. Les attaques hystériques succèdent presque toujours à l’action d’une cause évidente, spécialement aux impressions morales pénibles ; au contraire, les attaques épileptiques surviennent souvent d’une ma- nière inopinée, sans aucun motif apparent. 11 est cependant des attaques hystériques qui se renouvellent à des époques fixes et apparaissent à des intervalles très rapprochés, en l’ab- sence de toute cause occasionnelle manifeste, à la manière de l’épilepsie; mais alors la régularité même ou la grande fréquence de ces retours devient une présomption en faveur de l’hystérie. Les prodromes ne font presque jamais défaut à l’approche d’une attaque NÉVROSES. 661 hystérique, et l'aura consiste ordinairement en malaise, douleurs épigastriques avec ascension de boule et constriction pharyngée ; l'aura épileptique manque assez souvent, de sorte que la chute et la perte de connaissance sont instantanées; quand il existe des sensations prodro- miques, presque toujours elles siègent dans les membres. Un cri unique, inarticulé, rauque, signale le début de l’attaque d’épi- lepsie; les hystériques, lorsqu’elles crient au commencement de leurs accès, profèrent des sons plaintifs, articulés, multipliés. Avant de tomber, l’hystérique a le temps de gagner un abri; la chute de l’épileptique est subite, imprévue : on peut dire que l’une se laisse tomber, tandis que l’autre est jeté à terre. (Willis. ) La perte de connaissance, toujours ou presque toujours absolue dans l’épilepsie, peut être incomplète dans l’hystérie ; il est rare surtout qu’elle y arrive d’emblée, dès les premiers momens de l'attaque. Les convulsions hystériques sont désordonnées, et reproduisent en partie la mimique des passions, des sensations ou des actes ordinaires de la vie. Les convulsions épileptiques se succèdent toujours dans le même ordre, d’abord toniques, puis cloniques ; elles ne sont pas expres- sives et s’éloignent complètement des mouvemens physiologiques. Dans l’hystérie, la face exprime la souffrance, elle se décolore ou s’in- jecte, mais n’offre que très rarement la distorsion, la pâleur mortelle et la lividité qui se remarquent dans l’épilepsie. L’écume à la bouche, le relâchement des sphincters et surtout la morsure de la langue sont caractéristiques de celte dernière névrose. L’attaque hystérique dure au moins un quart d’heure, souvent davan- tage; l’attaque épileptique simple se prolonge tout au plus pendant quel- ques minutes. On trouve d’autres différences dans la manière dont l’accès se termine : chez l'hystérique il y a des pleurs, des sanglots, la connaissance se rétablit promptement, il est rare que le sommeil arrive ; l’épileptique, revenu à lui, a la face hébétée, un grand trouble dans les idées, il s’en- dort profondément, ou d’autres fois revient immédiatement à l’état normal et reprend son occupation interrompue. L’hystérique accuse de la céphalalgie, du malaise, de la courbature des membres pendant vingt-quatre heures après l’attaque ; ces symptômes peuvent manquer, et en général ils persistent moins longtemps à la suite d’un accès d’épilepsie. Le diagnostic ne devient difficile que dans certaines circonstances rares, par exemple si chez une hystérique les sensations prémonitoires de l’attaque partent d’un point autre que l’épigastre, si les convulsions sont accompagnées d’écume à la bouche, et suivies d’assoupissement. On devra alors prendre en grande considération les accidens antérieurs : en effet, entre l’état habituel des hystériques et celui des épileptiques, il y a des différences tranchées que nous avons eu soin d’indiquer et qui 662 PATHOLOGIE MÉDICALE. ne laisseront pas de doute sur la véritable nature de la maladie. *■— Quant aux attaques mixtes, hystéro-épiléptiqües, il nous paraît superflu d’insister de nouveau sur leurs caractères. h. Entre l’éclampsie et l’épilepsie, l’analogie est extrême, parfois l’identité complète, du moins quant aux symptômes; aussi, pour les différences des attaques hystériques et éclamptiques, nous suffira-t-il de renvoyer au parallèle ci-dessus. Bien entendu qu’il faut retrancher du nombre des caractères différentiels tous ceux des signes indiqués qui se rattachent à la chronicité de la maladie, le propre de l’éclampsie étant de ne former qu’un accident ou un épiphénomène.— Ce diagnostic acquiert une haute importance dans certaines conditions particulières, par exemple chez les femmes grosses ou en couche ; heureusement il est en général facile de l’établir par l’examen des antécédens et l’obser- vation des phénomènes actuels : M. Landouzy signale ici l’état du pouls comme décisif : à peine accélérés dans les plus violens accès d’hys- térie, les battemens de la radiale deviendraient dans l’éclarapsie extrê- mement fréquens et si faibles qu’on a de la peine à les sentir. c. Nous croyons superflu d’énumérer tous les signes qui permettront de distinguer les attaques comateuses, léthargiques, délirantes, catalep- tiques, etc., des maladies organiques du système nerveux qui peuvent avoir pour symptômes de semblables manifestations. D’une part, l’ab- sence de tout indice de lésion matérielle ; de l’autre, l’existence anté- rieure ou actuelle de divers accidens notoirement hystériques, tels sont les élémens du jugement à porter en pareille circonstance. Eu d’autres termes, le diagnostic de ces diverses attaques se confond avec celui de la névropâlhie hystérique dont nous allons maintenant aborder l’étude générale. B. Diagnostic de l'hystérie sans attaques. — En présence des acci- dens névropathiques de l’hystérie, deux questions doivent être posées, questions d’une importance fort inégale et qui peuvent être formulées en ces termes : 1° N’y a-t-il qu’un trouble fonctionnel, ou bien existe-t-il une lésion matérielle appréciable ? 2° Étant reconnue l’absence de toute lésion organique, est-ce à l’hys- térie ou à une autre tlévhose que l’on a affaire? Élucider le premier point, c’est acquérir toutes les notions essen- tielles pour le pronostic et le traitement; le second point importe beau- coup moins au praticien, vu le degré d’importance relative des distinc- tions nosologiques en matière de névroses. I. Voyons d’abord à l’aide de quels signes on peut se convaincre qu’îY s'agit d’une simple nécrose, et, dans ce but, revenons sur plusieurs con- sidérations déjà exposées dans les articles précédens. Le sujet est assez grave pour qu’il nous semble utile de résumer encore une fois l’ensemble de ces signes distinctifs. — Plusieurs cas peuvent ici se présenter. NÉVROSES. 663 Premier cas. — L'organe dont on constate le trouble fonctionnel est facile à explorer. — L’ayant examiné avec soin, si l’on n’y découvre aucun changement, on en conclut que le trouble fonctionnel est bien le seul fait pathologique à constater, ce qui revient à dire que l’affection est toute dynamique. Il en est ainsi pour la peau, les os, les articulations, les mamelles, une partie du tube digestif ou de ses annexes, une partie de l’appareil génital, et aussi, grâce aux progrès de la sémio- logie physique, pour les poumons, le cœur, les gros vaisseaux. Que, par exemple, et pour ne citer que les faits les plus saillans, l’examen attentif des membres ne montre ni altération des os, ni épancbement articulaire, on évitera de prendre pour des rhumatismes ou pour des tumeurs blanches de simples arthralgies nerveuses ; le cathétérisme de l’œsophage démontre-t-il la parfaite perméabilité de ce conduit et la souplesse de ses parois, c’est qu’un spasme ou une para- lysie des fibres musculaires est la seule cause de la dysphagie observée, et l’on rejettera la pensée d’un rétrécissement squirrheux; le défaut de toute induration de la glande mammaire, dans un cas de mastodynie, permettra d’écarter la supposition d’une tumeur maligne, justiciable d’une opération sanglant*' ; si par le cathétérisme on constate l’absence d’un calcul vésical, que certains phénomènes cystalgiques auront fait soupçonner, on s’abstiendra de tentatives opératoires toujours regretta- bles, alors même qu’elles n’ont pas de conséquences fâcheuses ; dans maintes affections douloureuses de l’utérus ou des ovaires, le palper de l’abdomen, le loucher vaginal, l’inspection des liquides excrétés, dis- siperont les craintes d’un cancer ou de kystes de ces organes et condui- ront à reconnaître une simple névralgie. De même, y eût-il dou- leurs vives, essoufflement, toux incessante, irrégularité des batternens du cœur, pulsations abdominales énergiques, si le murmure respira- toire est normal, si la matité précordiale est dans ses limites connues, s’il n’y a pas de bruits de râpe ou de scie (car on trouve fréquemment le souffle doux caractéristique de l’anémie), on sera autorisé à nier l’existence d’une lésion pulmonaire, pleurale ou péricardiaque, d’une hypertrophie du cœur, d’une altération valvulaire, d’un anévrysme de l’aorte, etc. Indépendamment de l’exploration directe des organes, la connaissance des synergies pathologiques habituelles fournira à ce diagnostic né- gatif un supplément d’éclaircisseraens, c’est-à-dire que le manque de cer- tains symptômes, accompagnement presque inévitable des lésions orga- niques, viendra prouver le caractère nerveux du trouble fonctionnel. A cet égard, l’isolement du phénomène douleur mérite surtout d’attirer l’at- tention. Les hyperesthésies des parois thoraciques ou abdominales pourraient faire songer à une pleurésie ou à une péritonite, n’était l’apyrexie, l’état naturel de la face ; le soupçon d’un ulcère ou d’un cancer de l’œsophage, de l’estomac ou du rectum, suggéré par l’hy- 664 PATHOLOGIE MÉDICALE. peresthésie de ces organes, s’évanouira devant l’immunité de la nutri- tion générale ; l’absence de cachexie et d’expectoration purulente ras- surera le praticien alarmé par les douleurs vives que les malades accusent dans divers points de la poitrine, y eût-il de la dyspnée, une toux habituelle, et môme une fébricule simulant celle de la phthisie. Des souffrances à la région précordiale, l’irrégularité du pouls, les pal- pitations, les soulèvcmens de l’aorte abdominale, perdront leur signi- fication comme symptômes d’une cardiopathie ou d’un anévrysme, si, malgré la longue durée de ces phénomènes, on trouve le volume du cœur naturel ou à peine augmenté, la circulation capillaire et veineuse libres, comme l’atteste le défaut de cyanose et d’œdème, etc. En un mot, la non-existence de perturbations fonctionnelles simultanées ou consécutives, rapprochée des résultats négatifs que fournit l’exploration directe des organes, achèvera de démontrer l’isolement de l’état mor- bide qu’on a sous les yeux, et aidera grandement à établir ce diagnostic: névropathie. Cependant une extrême réserve est imposée au médecin par les considérations suivantes : 1° Quelque perfection qu’ait acquise de nos joui s le diagnostic anato- mique, il n’arrive que trop souvent encore, même aux plus habiles et aux plus attentifs, de méconnaître des altérations organiques graves quand elles sont profondes, circonscrites, disséminées, susceptibles d’être confondues avec d’autres plus bénignes, etc. 2° Il est des faits dits anormaux, où les lésions organiques se forment et grandissent en dehors des conditions ordinaires de leur développement, demeurent longtemps latentes, ou révèlent leur présence par des sym- ptômes insolites, produisant indirectement et par voie de sympathie des phénomènes étranges, non prévus par la symptomalologie classique. Tout alors porte à nier la lésion, à affirmer la névrose pure; et cependant l’événement vient à la fin prouver la réalité de l’altération matérielle méconnue, parfois même d’une désorganisation profonde. 3° Quand un malade présente simultanément un grand nombre de perturbations fonctionnelles, on risque certainement moins de se tromper en les attribuant toutes à une névrose générale qu’en essayant de rattacher chacune d’elles à une lésion organique particulière. Mais encore cette invraisemblance se réalise-t-elle dans certains cas, où des lésions disséminées sont cause du trouble dynamique multiple ; ou bien, et ces faits ne sont pas très rares, une partie des symptômes est l’expres- sion directe d’une altération matérielle, et une autre partie le résultat d’une névropathie surajoutée. Nouvelle raison pour ne jamais négliger, même quand on la croirait tout d’abord superflue, l’application de tous les moyens d’investigation directe : auscultation, percussion, spéculum, ophthalmoscopic, laryngoscopie, etc. 4° Enfin, on voit quelquefois un trouble fonctionnel opiniâtre être suivi NÉVUOSES, 665 à la longue d’une altération matérielle dans l’organe affecté. Ce n’est pas ici le lieu de discuter le mécanisme de ce mode de filiation (ou peut-être de simple succession) qui a été noté pour le vomissement et le cancer de l’estomac, pour les palpitations et les affections organiques du cœur, etc. Il suffit que de semblables faits aient été observés, pour que le médecin se fasse un devoir d’apporter dans le diagnostic et le pronostic des névropathies plutôt un excès de prudence que de hardiesse. Deuxième cas. •— Les organes dont on observe la perturbation fonc- tionnelle se dérobent à toute exploration directe. Tel est, en première ligne, le système nerveux lui-même, dont nous ne savons apprécier les états pathologiques que par les changeraens survenus dans les sensa- tions, les mouvemens, l’intelleclion, le moral, et indirectement dans les fonctions organiques; changemens qui peuvent être semblables sinon identiques, soit qu’il y ait des modifications de texture dans les centres nerveux ou les nerfs, soit qu’il n’en existe pas trace, « L’affection hys- térique, dit Sydenham (et cela peut être appliqué à toutes les névropa- thies), imite presque toutes les maladies qui arrivent au genre humain», proposition certainement entachée d’exagération, quand on veut l’étendre aux maladies avec lésion prédominante des fonctions nutritives, mais parfaitement exacte, si on la restreint aux seuls troubles de l’innervation. Hypereslhésies et anesthésies, phénomènes convulsifs et paralytiques, délire et idiotisme, tout cela existe dans la névrose, aussi bien que dans le cas de lésion de l’appareil nerveux. A quels indices pourrons-nous donc reconnaître la nature névrosique de l’affection? C’est la question que nous allons maintenant examiner; seulement, au lieu de passer en revue toutes les manifestations névropathiques, pour les comparer successivement à toutes les maladies qu’elles peuvent simuler, nous nous contenterons d’indiquer d’une façon générale les élémens essentiels de ce diagnostic. a. Elémens de diagnostic pris dans l’étiologie. — Une présomption en faveur de la névropathie, mais rien de plus, résultera de l’étude des circonstances qui ont paru présider au développement de l’état morbide actuel : hérédité, maladies nerveuses antérieures, éducation et hygiène vicieusement dirigées; constitution originellement délicate ou débilitée accidentellement; impressionnabilité morale excessive; menstruation difficile, irrégulière, douloureuse; relation bien constatée entre les symptômes existans, et quelque vive émotion ou quelque pas- sion déprimante ayant servi de point de départ à leur première apparition. a\ Retour ou exacerbation des phénomènes sous l’influence de causes morales. — « Toutes les fois, dit Sydenham, que des femmes me consultent pour telle ou telle affection qui échappe aux principes ordi- naires du diagnostic, je ne manque jamais de leur demander si le mal dont elles se plaignent les fait surtout souffrir au moment où elles sont 666 PATHOLOGIE MÉDICALE. éprouvées par la tristesse, l’iuqniétude ou toute autre perturbation ; répondent-elles affirmativement, c’en est assez pour que je n’hésite pas à ranger la maladie dans l’ordre dont il s’agit. » h. Caractères empruntés à la marche de la maladie. —L’invasion brusque d’une série de symptômes qui, s’ils résultaient de quelque lésion d’organe, ne se développeraient qu’avec lenteur et ne s’accroî- traient que par degrés, voilà une donnée des plus importantes pour le diagnostic de la névropathie, surtout si l’on y ajoute l’inégale intensité du phénomène comparé à divers momens, et parfois à quelques heures d’intervalle, à plus forte raison s’il y a intermittence complète, ce qui est loin d’être rare, c. Signes fournis par la seule observation des perturbations fonc- tionnelles. — Dans les cas douteux, on aura égard à la multiplicité des symptômes nerveux, et, en opposition avec leur grand nombre, à la persistance d’un état assez satisfaisant de la nutrition. La mutabilité de ces mêmes symptômes qui semblent se convertir les uns et les au- tres, comme autant d’expressions différentes d’un même fond patholo- gique permanent, jusqu’à un certain point aussi l'intensité exces- sive de quelques-uns de ces phénomènes, devront faire admettre plutôt une perturbation dynamique qu’une lésion de texture : c’est le propre des palpitations nerveuses d’être bien plus violentes que celles dont s’accompagnent les lésions valvulaires du cœur; une pneumonie même double ne donne pas lieu à une dyspnée qui puisse être comparée à cer- taines anhélations hystériques; les algies sans cause matérielle appré- ciable sont souvent plus atroces que les douleurs du phlegmon ou du cancer ; l’insensibilité et l’immobilité plus absolues dans telle paralysie hystérique que dans les maladies de la moelle, etc. Enfin, la bizarrerie de certains symptômes, ou mieux leur irré- ductibilité aux règles de la pathologie organique, constitue un élément précieux de diagnostic. Les recueils d’observations nous fourniraient des exemples sans nombre de ces aberrations inouïes qui n’appartiennent absolument qu’aux névropalhiques. Il y a une grande vérité dans ces paroles de Sydenham, qui ont été cependant l’objet de sévères critiques : « Quand fai bien examiné une malade, et que je ne trouve en elle rien qui se rapporte aux maladies connues, je regarde l’affection dont elle est prise comme une hystérie, » d. Etude des phénomènes concomitans. — Il est des symptômes ou groupes de symptômes à peu près complètement étrangers aux mala- dies organiques du système nerveux, et qui conséquemment, dans un cas douteux, peuvent servir à révéler la nature névropalhique des acci- dens qu’ils accompagnent ou compliquent: telles sont, en premier lieu, les attaques convulsives d’hystérie et la strangulation pharyngée, puis les hyperesthésies réunies du raclns, de l’épigaslre et du côté, ou encore l’hémiplégie exclusive de la sensibilité, etc. NÉVROSES. 667 IL Après les signes qui permettent d’affirmer avec plus ou moins de certitude l’existence d’une névropathie, nous avons maintenant à faire connaître les caractères particuliers et distinctifs de la névropathie hys- térique. Cette deuxième partie de la question pourrait encore être for- mulée ainsi ; déterminer les différences qui séparent ■Vélut nerveux simple de Yétat nerveux hystérique. A. Or, les principaux caractères de ce dernier sont : a. Existence antérieure ou actuelle d’attaques hystériques convul- sives. Une circonstance utile à connaître, au point de vue du diagnostic, c’est que parfois on observe une sorte d’alternance entre les attaques et les autres manifestations hystériques, que, par exemple, les paraly- sies, les hyperesthésies très tenaces et très tendues, se voient princi- palement chez des femmes qui depuis longtemps ont cessé d’éprouver des accès de convulsions générales. h. Présence de certains symptômes particuliers et constans. Nous en empruntons l’énumération au livre de M. Briquet : « Une hystérique présente toujours, quels que soient les accidens » auxquels elle est en proie, ou quel que soit le calme où elle se trouve, » les phénomènes suivans qui peuvent servir à caractériser l'état » hystérique : » 1° Elle a été dès son enfance très impressionnable, très facile à » émouvoir, tellement sensible aux reproches qu’elle en éprouvait des » étouffemens et des malaises, et tellement accessible à la pitié que le » moindre récit d’une chose triste la faisait pleurer à chaudes larmes ; » cette disposition morale est tellement caractéristique qu’il y a au plus » une hystérique sur vingt qui ne la présente pas. » 2° Lors des émotions ou lors des affections morales, elle éprouve un » sentiment de malaise et de resserrement à la région épigastrique, puis » de la strangulation à la gorge, et souvent des palpitations, ainsi que » de l’agitation dans les membres... » 3° Toute hystérique a eu, ou a encore, quelquefois l’une et le plus » souvent les deux ou les trois hyperesthésies suivantes : épigastralgie, » pleuralgie, rachialgie. (Voy. p 623 la description de ces douleurs.) » L\° L’état hystérique se reconnaît encore à un caractère très saillant, » très général..., je veux parler de l’existence extrêmement fréquente » des hyperesthésies, des anesthésies, des convulsions chroniques et des « paralysies dans le côté gauche du corps. » D’autres caractères déjà indiqués, tels que : 5° L’exacerbation des troubles hystériques sous l’influence des causes morales ; 6° Leur extrême instabilité ; 7° L’excrétion d’une urine dite spasmodique ; 8° Le succès de certaines médications (opiacés, antispasmodiques, PATHOLOGIE MÉDICALE. électricité), — achèveront de caractériser la maladie et d’en rendre le diagnostic presque toujours facile. B. Au surplus, nous le répétons, ce qu’il importe de bien établir, c’est moins le caractère spécialement hystérique que la nature névro- pathique générale de la maladie, cette donnée étant suffisante pour en faire apprécier avec justesse le degré de gravité et les indications thérapeu- tiques. Aussi n’attachons-nous qu’une médiocre importance au parallèle de l'hystérie sans attaques et de Y état nerveux, et ne craignons-nous pas de déclarer ou trop subtiles ou même positivement mal fondées des distinctions du genre de celles-ci : « Les femmes simplement nerveuses et non hystériques n’ont pas été dans leur jeunesse plus impressionnables que d’autres, mais elles ont toujours été plus excitables... La névro- patine est rarement le produit des affections morales...; elle suit souvent la rétrocession d’affections morbides habituelles... Les troubles qu’elle provoque ne sont pas les analogues de ceux qui appartiennent à la manifestation des passions,.. ; les affections morales les influencent beau- coup moins que l’action des agens physiques... ; la durée est en quelque sorte illimitée...; enfin, le traitement moral est presque sans influence... » (Briquet, Traité, p. 562.) Le lecteur qui prendra la peine de parcourir l’histoire de l’élat ner- veux y trouvera presque à chaque ligne la négation de ces prétendues différences. L'état nerveux que détermine la présence des vers intestinaux est quelquefois caractérisé par des symptômes dont M. Landouzy signale avec insistance la trompeuse analogie avec ceux de la névropathie hys- térique : convulsions, paralysies partielles, syncopes, etc. La prédo- minance d’accidens gaslralgiques et entéralgiques, les nausées, les vomissemens, les perversions de l’appétit, la dilatation des pupilles, le prurit des narines ou des paupières, le strabisme passager, et surtout l’issue des helminthes et la guérison qui suit leur expulsion, permet- traient de reconnaître la véritable cause de la névropathie. Nous croyons devoir passer sous silence le diagnostic, autrefois clas- sique, de l’hypochondrie et de l’hystérie, nous étant déjà suffisamment expliqué sur ce que ces deux névroses ont d’analogue ou de différent, suivant que sous le nom d’hypochondrie on veut désigner le seul tra- vers intellectuel qui constitue la nosomanie, ou qu’on appelle ainsi l’étal nerveux accompagné de cette nosomanie. (Voy. ci-dessus, p. 632, b, et surtout la communication de M. Beau à l’Académie de médecine, 1860, l. XXIV, p. 750.) 2089. Pronostic. — L’hystérie n’est pas mortelle (voy. Teimiinaisons, p. 638), mais elle est à peine curable. Celle qui débute dans l’enfance ou l’adolescence, se rattachant h l’hérédité ou à une disposition consti- tutionnelle, dure en général toute la vie; l’hystérie qui survient passé l’àge de vingt-cinq ans, étant plus souvent accidentelle, offre aussi des NÉVROSES. 669 chances meilleures; de même, toutes les fois qu’elle se lie à quelque condition susceptible d’être modifiée avec le secours de l’hygiène ou de la thérapeutique (lymphatisme, chloro-anémie, maladies utérines ou autres), son pronostic est moins défavorable que lorsqu’elle en est indé- pendante (tempérament sanguin, nutrition active). L’hystérie produite par des causes dont l’action a été prolongée et énergique, peut guérir quand on réussit à éloigner ces influences; résulte-t-elle, au contraire, d’une prédisposition originelle h laquelle n’ont aidé que des causes occa- sionnelles légères, sa gravité est d’autant plus grande. N’oublions pas d’ajouter, avec Georget, que les causes morales qui président au déve- loppement de l’hystérie ne sont pas sous l’empire du médecin, et que la volonté des malades elle-même est insuffisante pour les combattre. Quant au pronostic des divers accidens hystériques considérés en eux-mêmes, nous avons eu soin de l’indiquer à propos de chacun de ces phénomènes. (Yoy, l’histoire particulière des liyperesthésies, anes- thésies, etc.) Indépendamment de la gravité relative à l’individu, il y a lieu de tenir compte encore, au point de vue de l’espèce, de ce fait que les en- fans nés de mères hystériques meurent en plus grand nombre et bien plus jeunes que les autres (Briquet); il faut aussi se rappeler que la maladie, ou plutôt la disposition à en être affectée, se transmet sou- vent par voie d’hérédité des mères aux filles. 2090. Traitement. — 1° La prophylaxie de l’hystérie comprend l’ensemble des moyens, du ressort de l’hygiène morale et physique, qui ont pour but soit de soustraire le système nerveux aux causes di- verses d’excitation ou d’épuisement, soit d’accroître la force de résis- tance que l’organisme est en mesure de leur opposer. Au besoin, une médication tonique, instituée dès le jeune âge, viendra en aide à l’hy- giène. Les maladies de l’appareil génital ou des autres organes seront combattues chez les femmes prédisposées à l’hystérie avec une énergie d’autant plus grande qu’on aura lieu de redouter le développement de la névrose, comme conséquence de la réaction prolongée de ces états locaux sur l’ensemble de l’économie. 2° Quant au traitement proprement dit, il faut distinguer celui qu’on dirige contre la disposition morbide générale du système ner- veux, et les moyens qui servent à combattre telle ou telle de ses mani- festations. A. Traitement général de //hystérie. — Remédier à l’altération générale de la constitution (anémie, quelquefois pléthore) ; faire cesser tous les états morbides locaux qui paraissent avoir pris part au déve- loppement de la surexcitabilité nerveuse ou qui la font persister (névralgies diverses, phlcgmasics ou déplacement de l’utérus, vers intestinaux, etc.); éloigner, autant que faire se peut, toutes les causes de souffrance morale; régulariser l’exercice des principales fonctions par 670 PATHOLOGIE MÉDICALE. l’emploi combiné des modificateurs généraux et d’une médication topi- que (aménorrhée, constipation, etc.); dans certains cas, prescrire la satisfaction du besoin génital ; telles sont les principales indications du traitement de l’hystérie. L’usage des moyens pharmaceutiques est loin de fournir ici les bril- lans résultats annoncés par plusieurs auteurs ; il exige une grande per- sévérance et présente de nombreuses difficultés qui s’augmentent encore de ces idiosyncrasies, impossibles à prévoir et à calculer, que les hystériques présentent à l’égard d’une foule de substances. Parmi les moyens mis en usage, ceux de la classe des excitans se trouvent aujourd’hui à peu près complètement bannis de la pratique; les antiphlogistiques proprement dits sont réservés pour un petit nombre de cas spéciaux : diathèse hémorrhagique, suppression des règles, acci- dens congestifs très intenses. Les adoucissons, tels que les bains tièdcs, les lavemens émolliens, un régime ténu, peut-être trop négligés, sont utiles contre les exacerbations de l’éréthisme nerveux dont ils détermi- nent l’apaisement mieux qu’aucune autre médication ; les antispnsmo- diques (asa foelida, musc, castoréum, valériane, éther, etc.), malgré le crédit séculaire de leurs vertus antihystériques, ne procurent d’autre avantage qu’un soulagement momentané; nommons encore les stupé- fiais, et surtout l’opium, l’un des meilleurs agens qu’on puisse opposer à l’excitabilité excessive du système nerveux et qui, administré à haute dose (car, à petite dose, il ne produit le plus souvent aucun effet nar- cotique), produit quelquefois des guérisons remarquablement rapides (Sydcnbam, Hoffmann, Roerhaave, Gendrin, Briquet); après l’opium, mais à un rang bien inférieur, nous citerons aussi les préparations de belladone, de jusquiame, de stramonium, etc. Les révulsifs, frictions sèches ou médicamenteuses, électricité ; les rubéfions, les vésit atoires, la cautérisation transcurrente que réclame le traitement de certains acci- dens particuliers sont insuffisans pour le traitement de la maladie elle- même. Les vomitifs et les purgatifs drastiques doivent être évités autant que possible, à moins d’indication urgente. L’hydrothérapie, médication puissante qui combine heureusement les effets des stimulans, des caïmans et des révulsifs, est une des ressources les plus précieuses non-seulement dans les cas d’hystérie chronique, mais encore contre les accidens aigus, tels que fièvre hystérique, délire, insomnie, agitation excessive, convulsions, éréthisme et surexcitation générale. Il nous reste à mentionner quelques substances employées empiri- quement, comme l’arsenic, le nitrate d’argent; la difficulté de manier ces rnédicamens fait au médecin un devoir de n’y recourir que dans les cas les plus graves et les plus rebelles. Inutile de parler de certaines pratiques qui, comme le magnétisme, paraissent agir sur la seule imagi- nation des malades, et qui par conséquent rentrent dans la médication NÉVROSES. 671 morale déjà indiquée. Nous renvoyons au surplus le lecteur au traite- ment de Vétat nerveux, celui de l’hystérie n’en différant que par un petit nombre de points d’une importance secondaire. Il Traitement des accidens hystériques. — Sans revenir sur les indications que peuvent suggérer les byperesthésies ou anesthésies, convulsions ou paralysies hystériques, et dont il a été question dans les articles consacrés à ces différons états morbides, nous devons faire observer d’une manière générale que, dans le traitement de ces divers accidens, mieux vaudrait encore l’expectation pure qu’une médicamen- tation trop énergique et trop assidue. Qu’on se rappelle l’influence très réelle de l’imaginalion et du moral sur les symptômes de l’hystérie, et l’on sentira combien de circonspection exige l’emploi des remèdes, qui, d’une part, fixent vivement l’attention des malades sur les points affectés, et, d’autre part, surtout s’ils sont douloureux (comme le cathétérisme répété, les vésicatoires, les cautérisations, les raoxas, etc.), peuvent di- rectement accroître l’excitabilité déjà existante. Il faut ne pas paraître accorder trop d’importance aux doléances des hystériques, s’efforcer de remédier à leurs douleurs par les moyens les plus simples, tels que la faradisation, quelques rubéfians, etc., ne se décider à une intervention énergique que lorsqu’elle est impérieusement exigée, et attendre plus de la médication d’ensemble que du traitement en détail de chacune des manifestations hystériques. Pour empêcher ou retarder le retour des accidens, l’essentiel est donc de remplir soigneusement toutes les indications fournies par l’état général, d’éloigner toutes les causes nouvelles de perturbation ; clans quelques cas rares de périodicité, on aura recours à la quinine. Le seul accident hystérique dont nous ayons à nous occuper plus spécialement, est Y attaque convulsive. Est-on appelé auprès d’une hystérique prise de convulsions, il faut se hâter d’enlever les vêtemens serrés, les ligatures de toute sorte, puis on contiendra la malade fortement, mais cependant sans violence, on fera respirer (souvent sans beaucoup de profit) du vinaigre, un peu d’éther ou d’ammoniaque ; on aspergera ou lotionnera la tête avec de l’eau froide ; quand il y a beaucoup de strangulation, il est utile de faire boire, de force ou de gré, plusieurs verres d’eau froide coup sur coup, moyen excellent, justement préconisé par M. Cruveilhier. Les ligatures, l’application de topiques caïmans, de l’électricité, etc., sur les points du corps d’où semble partir Y aura prodromique, prévien- nent assez souvent le développement de l’attaque ; de même, les anes- thésiques (éther ou chloroforme) employés dès le début, manquent rare- ment de l’enrayer ou d’en atténuer la violence. L’emploi de l’asa fœtida, du casloréum et d’autres substances prétendues sympathiques à l’utérus, est loin d’avoir une semblable efficacité. En somme, l’attaque hystérique, considérée eu elle-même étant, en général, sans gravité, on fera bien de 672 PATHOLOGIE MÉDICALE. s’en tenir à cette médication simple et de s’abstenir de cette foule de moyens violens ou bizarres, quelques-uns trop bizarres, que les anciens étaient dans l’habitude d’y opposer. ADDITION AU CHAPITRE DES NÉVROSES. ARTICLE LV1ZI. DE L’A TAXI E MUSCULAIRE. 2091. Bibliographie. — Yoy. celle de l’article XXXIV, Anesthésie des nerfs musculaires. J. Cruyeilhier. Paraplégie par dégénération grise des cordons de la moelle, dans Anatomiepalhol. du corps humain. Paris, 1830- 1842, in-fol., 32e livraison, pl. III, et 38e livr. pl. Y. M. IL Romberg. Tabès dorsalis, dans Lehrbuch d. Nervenkrankh. Berlin, 1851, in-8, III Bd., 2te Ablh., p. 184. Gull. Cases of paraplegia [Guy’s Hosp. Reports, 1858, 3° série, t. IV, p. 169). Duchenne (de Boulogne). De Vataxie locomotrice progressive ; recherches sur une maladie caractérisée spécialement par des troubles généraux de la coordination des mouvemens [.Arch. gén. de rnéd., 1858 et 1859, 5e série, t. XIII, p. 641, ett. XIV, p. 36 et seqq.). — Voy. aussi le chapitre XVI de son ouvrage De l’élec- trisation localisée. Paris, 1861, p. 547, 2e édit., in-8, Bouillaud. •—■ Des signes propres à faire distinguer les hémorrha- gies cérébelleuses des hémorrhagies cérébrales, leçons recueillies par le docteur A. Voisin (Union médicale, nouvelle série, 1859, t. II, p. 535). —• Comparez l’article Ataxie du Traité de Noso- graphie médicale. Paris, 1846, in-8, t. V, p. 317, et les Recher- ches expérimentales et cliniques tendant à réfuter l’opinion de Gall sur les fonctions du cervelet [Arch. gén. de méd., 1827, lre série, t. XV, p. 64). Trousseau. De l’ataxie locomotrice progressive, leçons cliniques publiées par le docteur Dumontpallier [Union médicale, 1861, nouvelle série, t, IX, p. 178). — Clinique méd. de VHôtel-Dieu. Paris, 1862, in-8, t. II, p. 181 etp. 821. J. Lecoq. Deux observations d’ataxie locomotrice [Arch. gén. de méd., 1861, 5e série, t. XVII, p. 688). ÎIipp. Bourdon. Etudes cliniques et histologiques sur Vataxie locomotrice progressive [Arch. gén. de méd., 1861, 5e série, t. XVIII, p. 513). — Nouvelles recherches cliniques et anato- miques sur Vataxie locomotrice progressive [Même recueil, 1862, vol. I, p. 385). NÉVROSES. 673 Dlménil. Note sur la dégénérescence avec atrophie des cordons pos- térieurs de la moelle épinière et ses rapports avec l'ataxie loco- motrice progressive {Union méd., 1862, nouvelle série, t. XIII, p. 261). OüLMONT. Observation cVataxie locomotrice {Union méd., 1862, nouvelle série, t. XIV, p. 5h). — Marrotte. Observation d’ataxie locomotrice suivie d'autopsie {Ibid., p. é68). ïeissier (de Lyon). De l’ataxie musculaire, leçons recueillies par le docteur Perroud {Gaz. méd. de Lyon, 1861, p. 539). Paris, 1862, in-8. Jacgoud. Sur l’ataxie musculaire {Gaz. hebdom. de méd. et de chir., 1862, t. IX, p, lié). Dujardin-Baumetz. De l’ataxie locomotrice (thèses de Paris, 1862, iu-é). J. M. Charcot et A. Yülpian. Note sur un cas d’atrophie des cordons postérieurs de la moelle épinière et des racines spinales postérieures (ataxie locomotrice progressive), dans Gaz. hebdom, de méd. et de chir., 1862, t. IX, nos 16 et 18. 2092. Des travaux récens viennent de rappeler l’attention des mé- decins sur certains troubles pathologiques signalés depuis longtemps, qui ne sont ni des convulsions, ni des paralysies, et que caractérise essentiellement une coordination défectueuse des raouvemens volon- taires. On doit à M. Duchenne l'étude approfondie d’une maladie chronique du système nerveux, confusément décrite avant lui par la plupart des auteurs, et dont le symptôme le plus saillant consiste juste- ment en celle incoordination ou ataxie (« privatif, raÇiç ordre) des actes musculaires. En raison de la légitime sensation produite par le mémoire de M. Duchenne, du nombre et de l'importance des travaux qu’il a pro- voqués, et de l’intérêt que le sujet présente par lui-même, nous croyons devoir y consacrer quelques pages, bien que celte question ne touche pas ou ne louche que très partiellement à l’histoire des névroses pro- prement dites. Etablissons tout d’abord une distinction importante. L'incoordination des mouvemens est un phénomène, ou, si l’on veut, un état morbide ; Vataxie locomotrice progressive, de Ai- Duchenne, est une maladie, en ce sens que Vataxie n’en est que l’une des manifestations; qu’elle affecte une marche successive déterminée, et aussi (comme le prouvent des recherches qui étonnent presque par l’uniformité de leurs résultats) en ce qu’elle possède des caractères anatomo-pathologiques à peu près constans et invariables. Nous aurons par conséquent à étudier d’abord le phénomène ataxie du mouvement, pris en lui-même, sauf à signaler ensuite les maladies, et plus spécialement l’une des entités morbides 674 PATHOLOGIE MÉDICALE. où ce désordre fonctionnel s’observe, comme nous le verrons, au mi- lieu de beaucoup d’autres. A. De l’ataxie du mouvement. — Son existence peut être établie à l’aide de deux sortes de caractères, les uns négatifs, les autres positifs. 1° Négativement, par l’absence de toute paralysie proprement dite : la contractilité des muscles persiste, et elle peut être mise en jeu soit par la volonté du malade, soit par des stimulans artificiels, tels que l’élec- tricité ; la force musculaire est elle-même conservée, quelquefois à un haut degré, ainsi qu’il est facile de le constater à l’aide du dynamo- mètre. Quant à la sensibilité, bien que souvent elle soit plus ou moins compromise, cependant on s’accorde à reconnaître qu’elle peut demeurer intacte, et que i’ataxie peut exister en l’absence de toute anesthésie cutanée ou musculaire. 2° Passons aux signes positifs. Ils varient suivant les régions où se rencontre rincoordination des actes musculaires : a. Lorsque celle-ci frappe les muscles des extrémités inférieures, on remarque d’abord un défaut de précision dans les mouvemens : le ma- lade, bien que capable encore de marcher, de courir, de sauter, ne peut cependant suivre aisément une ligne droite, ni s’arrêter une fois qu’il a pris son élan ; son allure est un peu titubante, et il trébuche facilement quand on l’oblige à tourner sur lui-même pour revenir sur ses pas : plus tard sa marche est encore moins assurée, il festonne comme un homme ivre ; bientôt il ne peut plus rester debout sans être soutenu par des aides; il projette les jambes à droite et à gauche, follement, d’une façon incohérente et désordonnée, et ce désordre s’accroît en pro- portion même des efforts que fait le malade pour le réprimer. A une période plus avancée enfin, la station debout ou assise devient elle- même impossible. Chose remarquable : même à ce moment, le malade n’a pas encore perdu la faculté d’exécuter dans son lit, avec une grande vigueur, les mouvemens simples de flexion ou d’extension des jambes; toutefois il le fait, en général, avec une sorte de brusquerie étrangère aux mou- vemens normaux. b. L’ataxie des membres supérieurs se manifeste par des phénomènes analogues : difficulté d’abord, impossibilité ensuite de se servir des doigts pour tout mouvement complexe et qui exige de la précision : pour saisir un objet, faire un travail manuel, pour écrire, pour manger; aug- mentation du désordre quand la volonté intervient pour le réparer, et, comme contraste, persistance de la vigueur musculaire et de la faculté de fléchir ou d étendre, de placer dans telle ou telle altitude simple, les divers segmens du membre supérieur (1). (1) M. Teissier (de Lyon), à qui l’on doit un excellent mémoire sur l’état morbide qui nous occupe, indique les signes suivans comme révélant l’ataxie de NÉVROSES. 675 B. L’incoordination qui vient d’être décrite peut se rencontrer quel- quefois, au moins temporairement, à l’état d’isolement complet (voyez l’observation I de M. Teissier) ; d’autres fois, et plus souvent, elle appa- raît au milieu d’un cortège de symptômes appartenant à diverses affec- tions du système nerveux, telles que l’intoxication saturnine ou alcoo- lique, diverses lésions du centre nerveux. Parmi les lésions de ce genre, on en trouve un certain nombre qui, accompagnées d’une ataxie loco- motrice très évidente et localisées dans le cervelet, viennent à l’appui des belles recherches de SI. Bouillaud sur les fonctions de cet organe; nous citerons parmi les observations pathologiques les plus probantes, celle de M. Hérard (Tumeur du cervelet, etc., Union médicale, août 1860). Cependant toutes réserves faites quant à l’interprétation des phénomènes, il est certain que des altérations siégeant dans des centres nerveux autres que le cervelet peuvent s’accompagner de symptômes très analogues, comme nous le démontrerons tout à l’heure. Peut-être existe-t-il des ataxies purement névropathiques. Mais la maladie où ce phénomène est surtout prononcé, et qui devra nous arrêter le plus longtemps, est cette affection chronique à laquelle M. Duchenne a pro- posé de donner le nom d'ataxie locomotrice progressive, et dont nous allons esquisser rapidement la symptomatologie. Suivant M. Duchenne, on peut diviser en trois périodes l’évolution habituelle des accidens. I. Première période. — Elle est caractérisée par la paralysie d’un ou de plusieurs nerfs moteurs de l’œil, par l’amaurose et par l’existence de douleurs spéciales. a. La paralysie d’un des nerfs moteurs oculaires, avec ses consé- quences ordinaires: strabisme et diplopie, appartient en général aux symptômes du début. Elle manque quelquefois. Le plus souvent elle atteint la sixième paire d’un côté ou des deux côtés à la fois ; la troisième paire est beaucoup moins fréquemment atteinte. La paralysie des muscles oculaires peut s’améliorer ou guérir, sans que les autres la langue, des joues et des lèvres ; ataxie qui est un phénomène assez rare pour qu’on ait pu songer à la nier. Embarras de la parole, se traduisant par une hésitation de plus en plus mar- quée; le malade en parlant passe sous silence des mots ou parties de mots. La parole devient traînante. Quelques mots d’abord, puis les syllabes elles-mêmes se font attendre, ou bien ce n’est qu’avec une sorte de bégaycment qu’elles sont prononcées. Cependant la langue et les lèvres gardent toute leur puissance musculaire; on peut s’en convaincre quand, ayant engagé le malade à les con- tracter, on essaye de forcer leur résistance. Mouvemens désordonnés des muscles qui concourent à l’expression du visage : chez l’un des malades de M. Teissier, chaque fois qu’il voulait parler, on voyait survenir des contractions irrégulières du masque facial, et surtout un clignote- ment involontaire et très incommode des paupières. 676 PATHOLOGIE MÉDICALE. accidens de la maladie cessent de poursuivre leur marche. A titre d’exception, on peut rencontrer aussi la paralysie de la cinquième paire, celle de la septième, etc. h. Un affaiblissement plus ou moins marqué de la vue, hors de toute proportion avec le degré du strabisme existant (amblyopie, amaurose), complique assez communément ces désordres ; il peut même se mon- trer le premier. Borné le plus ordinairement à un seul côté, il frappe d’autres fois les deux yeux simultanément ou successivement, et se termine presque toujours par la perte absolue de la vision. L’amau- rose peut devenir complète avant que les désordres de la molilité aient apparu ou se soient généralisés. Les autres sens restent d’ordi- naire à l’étal normal, cependant on a observé quelques cas de surdité. c. Des douleurs se montrent de bonne heure chez les ataviques: elles sont térébranles, comparables à celles que produirait un instrument enfoncé dans les tissus, et auquel on imprimerait un mouvement de torsion; quelquefois c’est seulement un élancement qui se propage au loin. Ces douleurs se font sentir dans un point très limité, au niveau duquel la peau est hypereslhésiée (seulement pendant la durée de l’accès) dans l’étendue de quelques centimètres : le plus léger frottement y est alors intolérable. Revenant, en général, par paroxysmes qui durent de quelques minutes à plusieurs heures : ces douleurs sont tantôt rapides comme une décharge électrique ou un coup de marteau, tantôt persis- tent pendant plusieurs secondes ou plusieurs minutes ; elles sont erra- tiques, quoique fixes dans la même région à chaque crise; extrêmement vives, elles arrachent des cris au malade qui est toujours surpris par leur invasion soudaine. A ces douleurs subites s’on ajoutent quelquefois d’autres qui, pendant toute la durée de l’accès, se font sentir d’une façon continue sur de plus grandes surfaces, au tronc, à la tempe, à la nuque. Enfin, les malades se plaignent parfois de sentir une partie de leurs membres comme saisie dans un étau, fortement serrée dans un anneau, ou la base de la poitrine comprimée dans une sorte de cuirasse. — Les crises douloureuses subissent les influences de l’atmosphère ; elles sont provoquées par le mauvais temps, et annoncent, comme le baromètre, le passage d’un temps sec à la pluie, au vent, et vice versa; très souvent aussi elles surviennent sans cause connue ; quelquefois elles s’exaspèrent le soir ou la nuit. Voici donc une première période de la maladie, pendant laquelle il peut arriver que Vataxie locomotrice progressive ne soit encore carac- térisée par aucun symptôme ataxique. Cependant il est beaucoup plus commun de noter dès ce moment quelques-uns des phénomènes mor- bides qui constituent la période suivante. IL Deuxième période. —Elle est marquée par l’apparition de \in- coordination musculaire et de l'anesthésie, dans les membres inférieurs d’abord, et plus tard dans les membres supérieurs. o. Nous n’aurions qu’à reproduire ici le tableau déjà tracé plus haut de Vataxie musculaire. Qu’il nous suffise de dire que dans les cas qui nous occupent les phénomènes d’incoordination du mouvement sont ou ne peut plus marqués et que presque constamment ils sont accompagnés d’une anesthésie plus ou moins profonde. Une particularité que Roinberg dit avoir notée dans tous les cas de cette espèce, c’est que si les malades ferment les yeux, la difficulté de la station et de l’équilibration augmente à l’instant même de manière à amener des oscillations, puis la chute du corps; quand l’amaurose sur- vient, ils ne peuvent mêmes plus se tenir assis sur une chaise, on les voit glisser et tomber, après quelques vains efforts pour se maintenir dans celte attitude. b. Plusieurs fois, dit M. Duchenne, j’ai constaté l’existence des trou- bles de la coordination bien avant la manifestation de Vanesthésie cutanée ou musculaire; mais, eu général, la sensibilité des pieds et des mains est plus ou moins diminuée dès l’apparition des troubles de la coordi- nation, surtout aux faces plantaire et palmaire. A la peau, la sensibilité tactile et la sensibilité douloureuse sont quelquefois lésées simultané- ment, plus souvent la sensibilité douloureuse est intacte ou peu altérée; la sensibilité à la température est la dernière affectée; assez souvent les sensations qu’on provoque artificiellement n’arrivent qu’avec une certaine lenteur des extrémités inférieures au sensorium : deux ou (rois secondes, parfois un temps plus long encore s’écoulent entre l’impres- sion et la perception. L’anesthésie et l’analgésie qui régnent aux faces plantaire et palmaire, s’étendent ordinairement du pied à la cuisse et de la main au bras, ou même à diverses régions du tronc, en diminuant un peu à mesure qu’on s’éloigne de leur siège primitif (1). III. Dans la troisième période, les accidens se généralisent et s’aggra- NÉVROSES. (1) D’après les observations de MM. Chaiicot et Vulpian, l’anesthésie serait chez les ataxiques un fait général, et qui aurait été souvent méconnu , faute de recherches suffisamment précises; il arrive en effet facilement, si surprenant que cela paraisse au premier abord, qu’après une exploration un peu rapide, l’ohservatenrdéclare la sensibilité intacte chez des sujets anesthésiques, classez anesthésiques pour n’avoir plus le sentiment de la position de leurs membres. De plus, ce qu’on prend pour la persistance pure et simple de la sensibilité à la dou- leur ou à la température, est souvent une véritable hyperesthésie associée à l’anesthésie et analogue à celle qui existe aux doigts après la compression du nerf cubitai : elle fait paraître extrêmement pénibles des impressions modéré- ment douloureuses ou uu degré de chaleur supportable à l’état normal. Ces remarques tendraient à restreindre encore le nombre des faits d’ataxie muscu- laire exemptes de lésion de la sensibilité ; mais peut-on nier l’existence de sem- blables faits? Et à quelles conclusions conduit cette négation? Nous aurons soin d’examiner tout à l’heure ces questions dont l’importance au point de vue de la physiologie pathologique n’échappera à personne. 678 vent ; les malades, incapables de faire un pas, hors d’état même de se tenir debout ou assis, et de plus aveugles quelquefois, gardent une im- mobilité complète; mais même dans cet état ils conservent encore la faculté d’exécuter avec leurs membres des raouvemens partiels assez énergiques. L’excrétion des matières fécales et de l’urine est tantôt rendue difficile ou impossible par une paralysie du rectum et de la vessie, tantôt involontaire par suite d’une faiblesse des sphincters cor- respondans. Au milieu de ces graves symptômes, la digestion et l’assi- milation sont médiocrement troublées; cependant à la longue un amai- grissement notable survient ; des eschares se forment, et la mort arrive, comme dans les cas de paraplégie, soit par le fait de la maladie princi- pale, soit en raison de quelque complication accidentelle. Variétés. — Il ne faut pas s’attendre à trouver dans tous les cas une évolution des symptômes aussi régulière que celle indiquée ci-dessus. Les accidens de la première période (paralysie des muscles oculaires, amaurose, douleurs) peuvent manquer ou survenir tardivement, ou en- core, après une disparition plus ou moins prolongée, récidiver au milieu des symptômes ataviques proprement dits (constituant la deuxième et la troisième période). Durée et terminaisons.— La maladie dont nous exposons l’histoire a une durée en général très longue; à moins que des affections intercur- rentes ne viennent abréger son cours, on la voit persister pendant dix, vingt ans et davantage, avec des améliorations passagères, mais avec une tendance constante à l’aggravation progressive des symptômes. Etiologie. — C’est celle de toutes les maladies chroniques des centres nerveux, et notamment des maladies de la moelle, et il nous sem- blerait inutile d’y insister (voy. Myélite chronique, t. II, p. 102). Nous noterons seulement, avec Romberg, le développement plus fré- quent de l’affection chez les hommes, à la suite d’excès vénériens, de refroidisseraens répétés et avec le concours d’une disposition rhuma- tismale. 2093. Anatomie pathologique. — Depuis que les recherches de M. Flourens, et celles plus précises de i\L Bouillaud, ont fait con- naître les résultats spéciaux des lésions cérébelleuses, on a été conduit à admettre l’existence d un centre nerveux coordinateur des rnouve- mens volontaires, et les médecins ont cherché à contrôler par l’ana- tomie pathologique les données de la physiologie expérimentale. Voici à cet égard ce que les faits nous apprennent, et nous nous bornons pour le moment à les énoncer tels que l’observation les fournit, nous réservant d’en discuter plus tard les conséquences. 1° Dans une première série de faits, sur des malades morts avec une incoordination manifeste des mouvemens de locomotion, l’autopsie a permis de constater différentes altérations pathologiques du cervelet. Ces faits se sont présentés en assez grand nombre pour que, pendant PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 679 longtemps, leur conformité avec ceux fournis par l’expérimentation, ait paru démontrer péremptoirement la réalité du rôle physiologique exclusif attribué au cervelet. 2° Cependant, chez d’autres malades, en apparence exactement sem- blables aux précédons, du moins quant au trouble de la locomotion, aucune lésion n’a été rencontrée ni dans le cervelet, ni dans d’autres parties des centres nerveux. Parmi ces faits négatifs ou plutôt neutres, puisqu’ils n’excluent pas l’hypothèse d’une modification inappréciable du cervelet, nous devons mentionner quelques-unes des observations que M. Duchenne rapporte à l’ataxie locomotrice progressive. 3° Enfin il existe des cas, et ce sont les plus nombreux de tous, où dans les mêmes circonstances (incoordination des mouvemens observée pendant la vie), le cervelet a été trouvé intact, tandis que de profondes altérations de texture étaient notées dans d'autres parties des centres nerveux. C’est ainsi que dans les faits d’ataxie locomotrice recueillis depuis le mémoire de M. Duchenne, l’autopsie a révélé l’existence de lésions graves de la moelle épinière, lésions dont le siège anatomique et la nature sont à peu de chose près toujours les mêmes. Nous les trouvons très bien décrites par Romberg, au chapitre du Tabès dorsualis (nom sous lequel cet auteur a tracé avec une exactitude irréprochable l’histoire de la maladie appelée depuis ataxie locomotrice progressive, par M. Du- chenne). Le professeur de Berlin résume l’étude de ces altérations qui toutes se rattachent à l’atrophie partielle de la moelle, dans les termes suivans que nous croyons devoir citer textuellement : « L’atrophie partielle occupe le plus souvent la partie inférieure de la moelle, à partir du renflement lombaire, ainsi que les cordons nerveux qui s’en détachent à ce niveau. Le volume de l’organe est réduit à la moitié ou aux deux tiers d’une moelle saine... et cette dimi- nution porte tantôt à la fois sur la substance grise et blanche, tantôt sur une seule d’entre elles. On a noté souvent la disparition du contenu des faisceaux nerveux qui forment la queue de cheval, au point qu’il n’en semblait rester que les gaines névrilemmatiques vidées. Les racines des nerfs insérés plus haut participent à l’atrophie, et quelquefois, point intéressant à noter, ce sont exclusivement les racines sensitives et les faisceaux correspond ans, tandis que les parties antérieures conservent leur apparence normale. Quand il y a eu araaurose, on trouve presque toujours une atrophie du nerf optique, du chiasraa et des bandelettes optiques ; l’une des couches optiques, ou les deux sont ou atrophiées ou modifiées dans leur texture et leur coloration. Les autres altérations de la moelle dans le tabès dorsualis, sont variables : quelquefois c’est une condensation de la substance blanche qui la fait ressembler à du cuir: plus souvent c’est un ramollissement de la substance grise... Les membranes elles-mêmes sont rarement intactes : l’arachnoïde, 680 épaissie, couverte de petites plaques cartilagineuses ou calcaires, ren- ferme dans sa cavité une quantité plus ou moins grande de liquide séreux. Par contre, l’enveloppe osseuse ne présente qu’exceptionnelle- ment quelque altération morbide. » L’examen microscopique des parties altérées (1) a presque toujours fait constater des particularités identiques qu’il nous suffira de résumer en peu de mots : hypérémie générale assez notable, mais sans exsudât, de la moelle épinière, de la plupart des racines nerveuses et des gan- glions intervertébraux ; — altération très marquée des cordons posté- rieurs de la moelle, la substance blanche de ces cordons offrant une teinte grise ou jaunâtre, une consistance molle, un aspect translucide ; les tubes nerveux étant revenus sur eux-mêmes, ratatinés, plus ou moins complètement vidés ou renfermant une matière granuleuse ; — déve- loppement considérable du tissu conjonctif (névroglie de YirchowJ qui est parcouru par de nombreux vaisseaux, et contient souvent une grande quantité de corpuscules amylacés. — Quant à la substance grise de la moelle, ramollie surtout dans ses portions centrales, elle présente une coloration rougeâtre due au développement des vaisseaux, et quelquefois noirâtre en raison des granulations pigmentaires qui y abondent; on y rencontre aussi des granulations graisseuses ; les fibres nerveuses sont souvent détruites, les cellules nerveuses déformées, anguleuses, déchi- quetées, etc. — Les altérations des racines nerveuses ne diffèrent pas de celles que nous venons d’indiquer dans les faisceaux postérieurs — Quelquefois ou en rencontre aussi de semblables dans le bulbe et la pro- tubérance annulaire, etc. Enfin, les enveloppes de la moelle, y compris la dure-mère, sont souvent vascularisées à un haut degré. Nous devons ajouter qu’à côté des fibres atrophiées, vidées ou granu- leuses h leur intérieur, MM. Charcot etVulpian en ont rencontré d’autres qui présentaient tous les caractères de fibres nerveuses en voie de régé- nération, fait qu’il ne faut pas perdre de vue quand il s’agit d’apprécier le degré de curabilité de la lésion. 209fi. Physiologie pathologique. — Plusieurs questions distinctes se présentent ici à notre examen, et afin d’en simplifier l’exposé, nous croyons devoir envisager d’abord l’ataxie du mouvement en elle-même, PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) Voy. à ce sujet: R. Virchow, Pathologie cellulaire, trad. docteur Paul Picard. Paris, 1861, iu-8, p. 235. —E. Sellier, De la nature et du siège de certaines paralysies isolées de la sensibilité (thèses de Strasbourg, 1860, iu-4, n° 514). — Michel, Du microscope, de ses applications, etc. Mémoire couronné (Mém. de VAcad. de méd., t. XXI. Paris, 1857, iu-4, p. 395). L’autcpsie em- pruntée à la clinique de M. Schutzenberger et dont il est question dans ce tra- vail, se trouve également relatée dans : Ch. Sizaret, De l’anesthésie musculaire (thèses de Strasbourg, 1860, in-4). — Ldys (dans le mémoire de M. Bourdon, Etudes cliniques et hislologiques sur l’ataxie locomotrice. Archives gàn. de 1861, l. VIII, et dans le travail do M. Oclmont, Union méd., 1862, t. XIV. NÉVROSES. 681 sauf ensuite à rechercher le rapport qui existe entre ce phénomène et l’état morbide de telle ou telle partie du système nerveux. I. De Vincoordination du mouvement considérée en elle-même. — Une vérité dont il faut bien se pénétrer, c’est que, à Vétat physiologique, on n’observe jamais de contractions musculaires isolées, semblables à celles que nous provoquons h l’aide de l’électricité ou d’autres excitans artificiels. La volonté, disait judicieusement le professeur Bérard, ne com- mande pas aux muscles, mais à la fonction. En d’autres termes, tout mouvement volontaire est un acte complexe: 1° parce qu’il exige la con- traction simultanée de tout un groupe de muscles synergiques; 2° parce qu’il faut que cette contraction s’accompagne non point du brusque relâchement, mais de la détente graduelle et proportionnelle des mus- cles antagonistes. Sans cette action, à la fois associée et équilibrée, dont M. Duchenne a fait une savante analyse, toute la mécanique de la station, de l’équilibration, de la locomotion, etc., se trouve profondé- ment troublée, et c’est justement ce qui a lieu dans les étals patholo- giques dont nous nous occupons. On y voit, la volition persistant, la contractilité musculaire intacte et quelquefois même très énergique, la sensibilité musculaire elle-même conservée dans certains cas ; bien plus, les mouvemens simples de flexion, d’extension, etc., pouvant encore être exécutés, et cependant les malades si inhabiles à les coordonner dans un but fonctionnel, que jusqu’à ces derniers temps on a pu les croire affectés d’une véritable paralysie du mouvement. Tout en nous réservant d’indiquer plus loin dans leurs détails les ca- ractères distinctifs de l’ataxie musculaire, nous croyons suffisamment établie la spécialité du phénomène pris en lui-même. Qu’une altération du mouvement existe, dans laquelle on doive reconnaître l’incoordina- tion de l’action nervo-rausculaire, et que cette altération soit également distincte et de la paralysie du mouvement et de la convulsion, c’est là un fait désormais incontestable. Seulement ce fait a reçu des interpréta- tions assez différentes, comme on en jugera par le court aperçu que nous allons en donner. II. Des conditions organiques (ou de la cause prochaine) de Vataxie musculaire. a. La manière la plus simple, sans contredit, d’expliquer le défaut de coordination des mouvemens, consiste à l’attribuer h la perle d’un prin- cipe de coordination inhérent à telle portion des centres nerveux que la physiologie et la clinique ont pour devoir de déterminer. Dans cette supposition, l’incoordination traduit aussi directement l’absence du pou- voir coordinateur, que la démence exprime le défaut d’intellection, que l’anesthésie révèle la perte de la sensibilité, ou que la paralysie implique la négation de la molilité. Tout le monde connaît les expériences de M. Flourens et celles encore plus variées de M. Bouillaud, qui tendent à établir l’existence d’une sem- 682 blable faculté coordinatrice cl à localiser cette faculté clans le cervelet, à l’exclusion des autres centres nerveux. Il est certain que l’ablation du cervelet, les lésions traumatiques et quelquefois les altérations morbides de cet organe, peuvent donner lieu à une série de phénomènes exac- tement semblables à ceux que nous venons de décrire sous le nom d’ataxie locomotrice ; rien de plus curieux que la parfaite concordance entre les faits cliniques de M. Duchenne et les observations expérimen- tales de M. Bouillaud; non-seulement l’analogie est extrême quant au désordre proprement dit de la locomotion, mais elle s’étend encore aux phénomènes accessoires, tels que l’affaiblissement de la vue, le strabisme, suite de la paralysie des muscles oculaires, etc. Et néanmoins on peut, sans hésiter, énoncer les deux propositions que voici : 1° Les lésions cérébelleuses n’ont pas pour effet unique et constant de déterminer l’incoordination du mouvement; 2° Les lésions du cervelet ne sont pas les seules qui donnent lieu à l’incoordination du mouvement. A l’appui de la première proposition nous rappellerons les exemples nombreux d’altération cérébelleuse (hémorrhagie, ramollissement, tuber- cules, cancer, etc.), donnant lieu soit à des paralysies du mouvement, soit à des attaques convulsives, en un mot, à des troubles de la motilité bien différons de l’ataxie et qui, sur le vivant, ne permettraient pas de soupçonner une lésion quelconque du cervelet (voy. les observations de M. Amiral, Clinique méd., t. V). L’existence d’autres faits de maladie cérébelleuse (et leur proportion relative est encore à fixer) dans lesquels le symptôme incoordinations été remarqué, ne suffit en aucune façon pour faire récuser les précédens. Quant à la deuxième proposition, elle est démontrée jusqu’à l’évi- dence par toutes les autopsies où, pour justifier l’ataxie locomotrice, on n’a trouvé dans le cervelet aucun changement, tandis que la moelle épinière présentait des altérations atrophiques extrêmement avancées. Et ce qui prouve bien que ces autopsies sont en opposition formelle avec la loca- lisation cérébelleuse du pouvoir coordinateur, c’est qu’à une époque où les résultats de l’examen nécroscopique n’étaient pas encore bien connus, ces mêmes faits d’ataxie étaient revendiqués par M. Bouillaud comme confirmatifs de sa théorie (1), tant les symptômes observés semblaient indiquer clairement une altération du cervelet, et tant on était loin de supposer qu’une affection de la moelle ait pu leur donner naissance ! PATHOLOGIE MÉDICALE. (1) Ils y paraissaient en effet d’autant plus favorables qu’ils présentaient: 1° l’incoordination dos mouvemcns de locomotion ; 2° le strabisme, l’affaiblisse- ment de la vue, phénomènes qui semblaient s’expliquer tout naturellement par l’extension de la lésion cérébelleuse aux organes voisins (nerfs moteurs de l’œil, tubercules quadrijumeaux, etc.) ; 3° la persistance de la coordination pour les NÉVROSES. 683 De ces considérations nous pouvons déduire les conclusions suivantes, qui ne sont pas sans intérêt pour le clinicien, à savoir : 1° que Y absence d’ataxie du mouvement dans une maladie de l’encéphale n’implique pas l’absence d’une lésion du cervelet; 2° que si le siège encéphalique de la maladie n’est pas d’ailleurs démontré par l’ensemble des autres sym- ptômes, l'existence d’une ataxie du mouvement n’autorise pas davantage à affirmer le siège des altérations dans le cervelet. Et nous ajouterons, au point de vue de la physiologie du système ner- veux, que l’hypothèse d’une faculté de coordination résidant exclusi- vement dans le cervelet ne peut plus être admise désormais, bien que, selon toute probabilité, cet organe à fonctions obscures joue un cer- tain rôle dans l’harmonie des mouvemens volontaires. Quelle est au juste la part qu’il y prend? En quoi consiste son action? Gomment est-elle renforcée, continuée ou suppléée par d’autres parties des centres ner- veux? Autant de questions qu’il appartiendra à l’avenir de résoudre. b. L’étude des faits compris sous le nom d'ataxie locomotrice progres- sive conduit dès à présent à quelques résultats dignes de remarque, résultats les uns négatifs, les autres positifs, ceux-ci, il faut en con- venir, moins bien établis que ceux-là. Ainsi, en premier lieu, ces faits viennent corroborer ceux recueillis depuis quelques années, et qui contredisent formellement la théorie de Ch. Bell sur les attributions fonctionnelles des faisceaux postérieurs de la moelle, prétendus sensitifs, et des faisceaux antérieurs considérés comme purement moteurs. Déjà plusieurs physiologistes et surtout M. Brown-Séquard avaient démontré expérimentalement l’insuffisance de cette espèce de dichotomie ; mais les preuves pathologiques laissaient peut-être encore à désirer : aujourd’hui, grâce aux autopsies dont nous avons indiqué les résultats, il est bien prouvé qu’une altération de fais- ceaux postérieurs qui équivaut à leur destruction complète dans une no- table étendue du cordon spinal, peut se concilier avec le maintien d’une sensibilité normale ou à peu près normale. Dira-t-on qu’il suffit pour cela de quelques traclus nerveux épars au milieu des faisceaux altérés? Mais le nombre minime et la ténuité de ces filamens échappés à la désorga- nisation, leur absence même dans quelques cas, ne permettent pas de s’arrêter à une pareille interprétation. Et quand bien même une anes- thésie légère aurait existé chez le malade et passé inaperçue, il y aurait toujours une disproportion bien singulière et bien imprévue entre le trouble imperceptible de la fonction et la lésion profonde de l’organe mouvemens qui concourent à l’articulation de la parole (mouvemens auxquels M. Bouilland assigne un organe coordinateur spécial, placé dans les lobes an- térieurs du cerveau). N’oublions cependant pas de rappeler les faits signalés par M. Teissier (de Lyon), dans lesquels il y avait incoordination simultanée des mou- vemens de la langue. (Voy. plus haut, p. 674, note.) PATHOLOGIE MÉDICALE. qu’on en suppose chargé. Aussi a-t-on cru devoir transporter aux fais- ceaux latéraux de la moelle le rôle physiologique assigné d’abord aux faisceaux postérieurs, elc. Chez quelques-uns des ataxiques qui avaient paru conserver une per- ception très nette des impressions tactiles, douloureuses et caloriques, et chez lesquels la sensibilité des muscles avait été respectée, l’au- topsie a montré une atrophie complète non-seulement dos faisceaux pos- térieurs de la moelle, mais encore des racines postérieures des nerfs rachidiens. Si l’on acceptait sans restriction ces résultats, on arriverait à ceci : que les racines postérieures elles-mêmes n’importent pas à la transmission des impressions sensitives ! Avant de s’arrêter h une pareille conclusion, avant même d’imaginer une diffusion de la sensibilité per- mettant aux racines demeurées saines de remplacer celles qui ont été détruites, ou de proposer telle autre explication, il nous semble absolu- ment indispensable que le fait lui-même (persistance de la sensibilité, avec atrophie des racines postérieures) soit soumis à des vérifications nouvelles et minutieusement exactes. Revenons aux cordons postérieurs de la moelle. Ici la physiologie et la pathologie sont d’accord, en ce sens que l’expérimentation aussi bien que la clinique nous montre une destruction de ces faisceaux n’em- pêchant pas la persistance de la sensibilité. Mais l’incertitude commence lorsqu’il s’agit d’établir quelles sont les véritables fonctions de ces fais- ceaux. Quelques expérimentateurs ont cru reconnaître que les cordons spinaux postérieurs exercent sur la coordination des mouvernens une influence directe. Les faits pathologiques fourniraient à l’appui de cette opinion jusqu’à présent un peu isolée, des preuves remarquables en raison de la netteté avec laquelle l’atrophie partielle de la moelle se circonscrit parfois aux seuls faisceau v postérieurs, se propageant dans leur substance longitudinalement, sans dépasser leurs limites, sans se compliquer ni de lésions du voisinage ni de l’irritation toujours un peu diffuse du traumatisme, double écueil que l’expérimentation la plus habile ne réussit pas toujours à éviter. En présence de cette altération à limites anatomiques si précises, en présence de ces symptômes si remarquables par leur uniformité, nous faudra-t-il donc maintenant étendre aux faisceaux postérieurs ce qui avait été envisagé d’abord comme l’apanage exclusif du cervelet, et tout en lui retirant, et pour cause, la qualification de psychique, devrons- nous placer la faculté de coordination h la fois dans le cervelet et dans les faisceaux postérieurs de la moelle épinière? Tel n’est pas, croyons-nous, l’enseignement à tirer de ces observations. La coordination du mouve- ment est un fait; rien ne prouve que ce soit une force. Des conditions où l’incoordination peut apparaître, deux seulement sont aujourd’hui connues : certaines lésions du cervelet et certaines autres occupant les faisceaux postérieurs de la moelle; sans hasarder aucune conjecture NÉVROSES. 685 sur la raison qui rend semblables les effets physiologiques des unes et des autres, nous devons nous borner à constater celte similitude comme un simple résultat de l’observation, et l’ataxie locomotrice sera pour nous un symptôme commun aux lésions cérébelleuses et aux lésions des faisceaux postérieurs de la moelle. c. A l’égard de ces derniers on pourrait faire une objection spé- cieuse, à laquelle nous devons nous arrêter un moment. Revenant aux idées de Ch. Bell, on pourrait dire que ces faisceaux (faisceaux sen- sitifs) étant altérés, ainsi que les racines postérieures des nerfs rachi- diens, il s’ensuit comme conséquence inévitable, une anesthésie cutanée et musculaire, et que Vataxie locomotrice n’est que l’accompagnement de celte anesthésie. Ce que nous avons dit dans un précédent para- graphe nous permettra de réfuter en peu de mots cet argument, 1° Le trouble des mouvemens qu’entraîne à sa suite la seule anes- thésie cutanée et musculaire diffère notablement de celui qui caractérise l’ataxie locomotrice (voy. Diagnostic). 2° L’anesthésie musculaire, dont on prétend que l’ataxie est un effet, paraît avoir manqué complètement chez quelques sujets ataviques; chez un grand nombre d’entre eux, avec une insensibilité légère, on a rencontré une désharmonie extrême des mouvemens, preuve qu’on ne saurait admettre entre les deux phénomènes morbides, c’est-à-dire entre l’insensibilité et l’incoordination, ni une relation directe, ni même une exacte proportion. Il n’en est pas moins vrai que, soit par le fait du rôle partiellement sensitif des cordons postérieurs, soit en raison de l’altération simultanée des racines nerveuses, la sensibilité subit presque constamment chez les ataxiques une atteinte assez profonde, de telle sorte qu’on trouve habituel- lement chez eux un mélange de symptômes anesthéliques et ataxiques. 209ü. Quelques remarques nosologiques. — I. L’incoordination des mouvemens volontaires est un symptôme, et sou élude appartient, à proprement parler, à la sémiologie, comme celle de la paralysie, comme celle de la contracture ou de la douleur ; ce qui est du ressort de la nosographie, ce sont les diverses maladies dans lesquelles ce sym- ptôme se manifeste, soit seul, soit associé à d’autres troubles fonction- nels. Or, ces maladies sont loin d’être toujours semblables par leur siège et par leur nature. a. Relativement au siège, il y a lieu de distinguer les affections avec ataxic du mouvement, qui sont localisées dans le cervelet, et celles qui occupent la moelle épinière. M. Teissier (de Lyon) y ajoute certaines affections cérébrales proprement dites, mais sans preuves nécroscopiques à l’appui de celte assimilation. b. Quant à leur nature, parmi les affections ataxiques cérébelleuses, il en est qui ont pour caractère anatomique des hémorrhagics, d’autres des phlegmasics, dos ramollissemens, des productions accidentelles du cer- 686 velet (voy. principalement les travaux de M. Bouillaud) ; à côté de ces lésions on pourrait ranger les modifications que subissent les centres nerveux de la part de certaines substances toxiques, l’alcool par exemple. Des altérations non moins diverses de la moelle épinière, pourvu qu’elles soient limitées aux faisceaux postérieurs, peuvent selon toute probabilité donner lieu à l’ataxie des mouvemens; mais celle qu’on a constatée le plus souvent chez les ataxiques est l’altération décrite plus haut sous le nom d'atrophie partielle. S’agit-il là d’une lésion primitive du tissu nerveux ? N’est-ce pas plutôt le dernier terme d’une série de changemens antérieurs qui appartiendraient aux phlegmasies chroni- ques ? A cet égard rien de positif ne peut être établi. L’ataxie locomotrice peut-elle ne se rattacher qu’à l’une de ces mo- difications insaisissables des centres nerveux (cervelet et faisceaux pos- térieurs de la moelle) que nous supposons exister dans le cas de simple névrose? Jusqu’à présent l’existence de semblables ataxies purement névropathiques a été plutôt admise sur la foi d’une légitime analogie que démontrée par l’observation directe. IL La maladie décrite sous le nom d'ataxie locomotrice progressive et appelée ainsi d’après l’un de ses principaux symptômes (l’incoordina- tion du mouvement), avait été primitivement rangée par M. Duchenne, au nombre des névroses, et cela d’après un examen qu’il y a tout lieu de croire insuffisant (l’étude nécroscopique y ayant fait défaut). Cette névrose ataxique était localisée dans le cervelet. Mais, depuis, la com- paraison d’un assez grand nombre d’autopsies, presque toutes identiques quant aux faits essentiels, est venue modifier doublement celte opi- nion : 1° en faisant constater l’existence de lésions très caractérisées, là où l’on avait supposé une affection sine materia-, 2° en montrant que ces lésions avaient pour siège constant la moelle épinière. A la faveur des mêmes constatations, l’ensemble de phénomènes compris sous le nom d'ataxie locomotrice progressive, auquel on avait cru pouvoir refuser la valeur d’une espèce morbide distincte, se trouve désormais à l’abri de toute contestation semblable. Du moment, en effet, que le nom symptomatologique d'ataxie locomotrice progressive a pris pour synonyme analomo-pathologique Vatrophie des cordons postérieurs de la moelle, toute confusion devient impossible entre l’in- coordination des mouvemens décrite par M. Duchenne, et celle qui peut se rencontrer dans diverses autres circonstances. Mieux vaudrait peut-être, pour éviter tout malentendu, que le nom de la maladie fût emprunté à ses seuls caractères anatomiques, comme cela se fait pour d’autres affections, quand nous substituons, par exemple, le mot d’hé- morrhagie cérébrale à celui d’hémiplégie, etc. Mais jusqu’à présent un doute subsiste encore quant à la véritable signification des lésions atro- phiques de la moelle ; puis en dehors de celles-ci il est d’autres alté- rations spinales également susceptibles de donner lieu au même désordre PATHOLOGIE MÉDICALE, NÉVROSES. 687 de la locomotion, de sorte que l’appellation anatomique aurait peut- être le tort de s’appliquer à la dernière phase seulement du travail mor- bide ou à l’une seulement des lésions qui se traduisent par des sym- ptômes d’ataxie. Pour toutes ces raisons, nous donnerions volontiers la préférence au vieux terme de tabès dorsmlis qui ne préjuge en rien la nature de l’altération ou des altérations spinales, qui a l’avantage de rappeler à la fois la chronicité habituelle et la marche progressive de la maladie {tabès), tant en indiquent le siège des lésions avec une précision suffisante [dorsualis). Ajoutons que sous ce même titre de tabès dor- smlis, Romberg a tracé, il y a longues années déjà, une description fidèle et complète de l’affection qui depuis a reçu le nom d’ataxie locomotrice. 2096, Le diagnostic comprend la solution de deux questions dis- tinctes : le trouble du mouvement constaté dans un cas donné est-il bien l’ataxie locomotrice? à quelle cause doit-on le rapporter? A. Reconnaître Vincoordination du mouvement est une tâche aisée pour quiconque a examiné attentivement, fût-ce un seul ataxique, tant les caractères de cette aberration du mouvement sont, en général, tran- chés et faciles à apprécier. Nous croyons inutile de les énumérer de nou- veau, et il nous suffira de les mettre en regard des symptômes appar- tenant à quelques autres états morbides de la motilité, qui, au premier abord, pourraient donner le change à l’observateur. a. Dans la paralysie du mouvement, supposée à l’étal de complet isolement, la vigueur musculaire est anéantie, ou du moins considéra- blement diminuée; dansl’alaxie elle subsiste à peu près entière. Aussi, dans l’une, la difficulté que le malade, éprouve à se mouvoir est-elle proportionnée au déchet de la force, tandis que dans l’autre on observe un contraste frappant entre cette difficulté qui est extrême et celte force qui est intacte ; aussi, le paralytique, quand il veut soulever ses membres inertes, accuse-t-il une sensation de pesanteur que l’ataxique n’éprouve point; celui -ci étend ou fléchit facilement les parties dont cependant il ne peut faire un emploi utile, faute de savoir les gouverner ; chez le paralytique, au contraire, les mouvernens simples eux-mêmes sont difficiles ou impossibles. b. La paralysie du sentiment est quelquefois plus difficile à distin- guer de l’ataxie locomotrice ; non point sans doute la paralysie de la sensibilité cutanée: celle-là occasionne seulement une certaine mala- dresse des actes musculaires, que l’attention corrige presque toujours, et qui n’atteint dans aucun cas à l’extrême embarras du mouvement dont l’ataxique présente le spectacle : mais bien la paralysie de la sen- sibilité musculaire. Ici quelques détails ne seront point superflus, bien que le sujet ait déjà été traité ailleurs (voy. article XXXIV). Comparons entre eux deux individus affectés, l’un d’ataxie locomo- trice pure, l’autre de simple anesthésie musculaire (précaution indis- pensable, puisque l’anesthésie et l’ataxie existent souvent réunis). Nous 688 verrons alors chez l’un et l’autre les divers actes locomoteurs s’exécu- tant mal, première analogie; — cet embarras du mouvement coexistant avec une vigueur musculaire remarquable, deuxième analogie, qui devient un caractère différentiel commun, en ce sens que dans les deux cas elle exclut l’existence d’une véritable paralysie du mouvement; chez l’un et l’autre enfin le trouble de la station et l’équilibration aug- mentent quand le sujet ferme les yeux. Mais la part des ressemblances étant ainsi faite, nous allons trouver, dans l’examen comparatif et des mouvemens et de la sensibilité, les élémens d’une distinction importante. Mouvement. — L’ataxique, quoi qu'il fasse, est incapable d’exécuter des mouvemens précis, et par conséquent de combiner son action mus- culaire en vue des fonctions locomotrices, en raison du grand nombre de contractions involontairement synergiques qui les entravent ; l’anesthé- tique, au contraire, bien que d’ordinaire ses mouvemens restent en deçà des limites qu’il veut atteindre, ou les dépassent, conserve la pos- sibilité, dans certaines conditions données, de faire des mouvemens justes, c’est-à-dire exactement proportionnés au but qu’il se propose, et exempts de tout mélange de contractions involontaires. Il suffit pour cela que l’aneslhétique supplée par la vue h la sensibilité musculaire qui lui fait défaut, ce qui n’a pas lieu citez l’ataxique. Ainsi, pour prendre un exemple, l’ataxique aura beau suivre des yeux l’action de ses membres inférieurs, il n’en persistera pas moins à projeter follement ses pieds, à mouvoir ses jambes d’une manière dés- ordonnée, en un mot, chez lui les trois temps successifs de la marche n’en continueront pas moins à se mêler de manière à le faire chanceler et quelquefois tomber ; l’anesthétique, lui, s’il prend de même la pré- caution de surveiller ses mouvemens du regard, pourra marcher à peu près aussi régulièrement qu’un individu en bonne santé. Sensations. '■— On ne trouve point dans le cas d’ataxie locomotrice simple, ce sentiment de légèreté des membres et cette absence de fati- gue, si marqués dans les cas d’anesthésie musculaire et si différens de ceux qui accompagnent la paralysie du mouvement. De plus, l’exploration directe soit par la palpation ou l’électrisation, soit en imprimant aux membres des mouvemens passifs, permettra de re- connaître l’insensibilité des muscles dans l’un des cas que nous étudions, et dans l’autre, la conservation de leur sensibilité normale ou quasi-normale. c. Si l’ataxie locomotrice est accompagnée, ainsi que cela a lieu assez souvent, d’une anesthésie musculaire plus ou moins profonde, on recon- naîtra encore l’un et l’autre état morbide à ses caractères particuliers, c’est-à-dire à ceux qu’il ne perd pas par le fait même de la compli- cation : d’une part, incoordination des actes musculaires ; de l’autre, défaut de sensibilité à la pression ou au passage du courant ou encore pendant les mouvemens passifs. Il faudra avoir soin de bien constater les phénomènes appartenant à chacune des séries coexistantes et d’en PATHOLOGIE MÉDICALE. NÉVROSES. 689 apprécier le degré, en observant que l’anesthésie peut être légère, alors que l’incoordination est extrêmement marquée, et vice versa. d. Quant à l’état morbide tout à fait spécial signalé par i\i. Üucheune et que cet auteur envisage comme la perle de l’aptitude motrice indé- pendante de la vue, ses caractères, déjà indiqués dans un autre article (art. XXXIV) sont trop tranchés pour qu’on risque jamais de con- fondre avec l’ataxie locomotrice celte singulière et énigmatique aberra- tion de la sensibilité. e. Nous serons bref sur tout ce qui regarde la distinction de l’ataxic d’avec divers états convulsifs. La chorée est celui de ces états qui s’en rapproche le plus, et encore, sans entrer dans tous les détails que comporterait une comparaison complète, nous suffira-1-il de faire res- sortir ici une différence facile à saisir au premier coup d’œil et prise dans les conditions physiologiques les plus essentielles des deux affec- tions. La chorée (pour peu qu’elle ait d’intensité), outre certains phé- nomènes apparens d’incoordination, est caractérisée, comme toutes les maladies convulsives, par des contractions musculaires spontanées, qui se font en l’absence de toute volition ; dans l’ataxie, au contraire, le sys- tème moteur reste dans un repos complet, aussi longtemps que la vo- lonté ne vient pas commander un mouvement déterminé, et c’est seu- lement h l’occasion de ce mouvement que les contractions morbides se manifestent. En un mot les mouvemens choréiformes des ataxiques ne sont jamais des mouvemens involontaires. f. 11 serait également superflu d’insister sur le diagnostic de l’ataxie et du tremblement, et puisque nous ne faisons ici que comparer des symptômes, abstraction faite des maladies, nous ne nous aiderons même pas de toutes les données que pourraient nous fournir les phéno- mènes concomitans, la connaissance des causes, etc. : à ne le prendre qu’en lui-même, le symptôme tremblement est encore trop manifeste- ment différent de l’incoordination du mouvement pour qu’il y ait là de quoi embarrasser sérieusement l’observateur, La spontanéité des se- cousses involontaires, que le tremblement partage avec les affections convulsives, la perte de la vigueur musculaire, qui lui est commune avec les paralysies, enfin la faible étendue des mouvemens anormaux et leur succession rhylhraique, qui lui appartiennent en propre, per- mettront toujours de reconnaître sans difficulté le tremblement, à quel- que cause qu’il se rattache. Nous en dirons autant de l’état de la motilité qui s’observe dans la paralysie générale, accompagnée ou non de troubles intellectuels. Au début, cet état se rapproche beaucoup du tremblement dans la plupart des cas ; plus tard il peut aboutir à une véritable paralysie du mouve- ment, et les caractères de celle-ci sont suffisamment connus ; enfin il peut exister chez les paralytiques un certain degré d’incoordination du mouvement, et alors ce n’est plus le symptôme qu’il s’agit de recon- 690 PATHOLOG [E MÉDICALE. naître, mais bien la maladie à laquelle il appartient, et ceci rentre dans le deuxième or re d’études qm nous reste à indiquer. B. Déterminer à quelle maladie doit être rapporté le symptôme ataxie locomotrice. — Celte partie du diagnostic est à la fois la plus difficile et la plus importante; cependant un examen attentif conduira souvent à une certitude presque complète quant au siège de la maladie, et four- nira au moins d’assez grandes probabilités concernant sa nature. 1° Siège de la maladie. — Nous savons que les lésions de deux organes possèdent principalement, sinon exclusivement, la propriété de donner lieu à l’incoordination du mouvement, à savoir : les lésions du cervelet et celles des cordons postérieurs de la moelle épinière. a. Cervelet. — Ou aura tout lieu d’y supposer quelque altération, si l’on trouve l’ataxie locomotrice réunie aux symptômes qui indiquent une maladie de l’encéphale : douleurs de tète fixe, troubles sensoriels, complication facile de délire ou d’attaques convulsives, phénomènes sympathiques, parmi lesquels le vomissement mérite surtout de fixer l’attention. (Voy. à ce sujet les remarques de M. Andral, Clinique médicale, deuxième édition. Paris, 1850, in-8°, t. V, p. 692 ; et le travail de M. Hillairet, De Vhémorrhagie cérébelleuse, dans Archiv. gén. de méd., 1858, 5e série, t. X.T.) Quant à l’ataxie elle-même, son siège, son mode de développement, la manière dont se produisent les désordres sensoriels qui l’accompagnent, diffèrent notablement aussi de ce qu’ils sont dans les affections spinales; il s’en faut surtout qu’on trouve alors l’espèce de régularité dans l’évolution des accideus que nous avons notée dans les affections spinales avec ataxie locomotrice. b. Cordons postérieurs de la moelle. — De même que la notion du siège cérébelleux de là lésion se déduit d’un ensemble de signes en rapport avec une encéphalopalhie, de même aussi la localisation spi- nale s’appuie sur tons les caractères propres aux affections de la moelle épinière. Nous laissons de côté la douleur rachidienne, au sujet de laquelle manquent des renseignemens précis, pour insister sur les dou- leurs en ceinture à la base de la poitrine, les sensations morbides de froid, de brûlure, de formication et de souffrance aiguë et subite, accu- sées dans les membres inférieurs et quelquefois dans les membres supé- rieurs ; autant désignés qui, à quelques nuances près, sont communs aux diverses maladies de la moelle et à celle qui a reçu le nom d’ataxie loco- motrice progressive. La progressivité même, c’est-à-dire la marche ascendante et l’apparition successive des phénomènes morbides sen- sitifs (douleurs, anesthésie,), et moteurs (ataxie musculaire), dans les membres inférieurs d’abord et ensuite dans les membres supérieurs, est encore un indice de maladie rachidienne. Il en est de même de l’affec- tion symétrique et à peu près égale des deux côtés du corps : nous la rencontrons dans la plupart des maladies médullaires, tandis que les lésions de l’encéphale donnent plutôt lieu à des phénomènes hémiplé- NÉVROSES. 691 giques ou tout au moins prédominans dans le côté droit ou gauche. Quant aux troubles sensoriaux, loin de faire rejeter le siège spinal de l’ataxie, nous savons qu’ils peuvent au contraire le rendre probable, quand on les voit se manifester dans certaines conditions et dans l’ordre que la description des symptômes nous a fait connaître. 2° Nature de la maladie. —- Ce n’est jamais chose facile de préciser sur le vivant la nature d’une maladie de l’encéphale ou de la moelle ; parfois il n’existe que des nuances légères entre les symptômes d’une congestion ou d’une inflammation chronique, et ceux d’une héraor- rhagie ou d’une production accidentelle. Ces difficultés, nous les re- trouverons lorsqu’il s’agira de déterminer la nature de la lésion céré- belleuse ou spinale à laquelle se rattache l’ataxie locomotrice avec son cortège de phénomènes accessoires. Nous n’entreprendrons pas de traiter cette question dans tous ses détails, d’autant que le nombre des observations cliniques qui pourraient servir de base à une semblable discussion est jusqu’à présent encore trop restreint : c’est à peine si l’on possède des exemples d’incoordination des mouvemens survenant dans le cours d’une maladie aiguë des centres nerveux (sauf peut-être quel- ques cas d’iiémoirbagie cérébelleuse); et quant aux maladies chroni- ques, nous nous verrions réduits, pour le cervelet, à quelques faits peu nombreux de foyers apoplectiques anciens, de ramollissement ou d’abcès, et pour la moelle, à peu près à la seule atrophie dont il a été longuement question dans tout ce qui précède. Qu’il nous suffise donc d’établir que d’une manière générale, pour reconnaître la nature de l’af- fection encéphalique ou spinale, on devra faire ici l’application des mêmes règles qu’on suit dans le diagnostic des pblegmasies, des bémorrba- gies, du ramollissement et des autres lésions des centres nerveux. Si les circonstances étiologiques connues et les signes positifs d’une altération organique faisaient défaut, si l’on trouvait réunis chez le ma- lade un grand nombre de manifestations névropathiques, que d’ailleurs l’ataxie locomotrice, au lieu d’être permanente ou progressive, affectât une marche inégale et intermittente, on pourrait admettre une simple névrose comme point de départ de ce trouble fonctionnel. Mais, nous l’avons déjà dit, l’existence de pareils faits doit être admise jusqu’à pré- sent comme seulement probable (1). (1) Le malade dont l’observation a été publiée par M. le docteur Bourguignon (Union médicale, 1862) était-il bien réellement affecté d’une simple névrose alaxique locomotrice, comme l’auteur paraît disposé à le croire? Les heureux effets de l’hydrothérapie ne suffisent pas pour trancher la question dans ce sens, et l’analogie complète du faitcn question avec ceux recueillis parM. Duchenne ei d’autres observateurs invite au contraire à penser qu’il s’agissait là d’une alté- ration organique de la moelle, au moins d’une altération commençante. Nous y insistons parce que le succès du traitement dans un cas de cette gravité ren- ferme un enseignement important qui ne doit pas être perdu. PATHOLOGIE MÉDICALE. 2097. Pronostic.— Sachant quelles sont les conditions organiques qui donnent lieu le plus souvent à l’ataxie locomotrice, nous devons considérer comme graves et très graves les cas où se présente ce sym- ptôme. On a eu tort de penser que l’étude approfondie du phénomène ataxie locomotrice conduirait en clinique à distinguer de la paralysie une autre altération de la motililé moins redoutable ; ce n’est malheu- reusement pas leur pronostic qui diffère ; peut-être même l’ataxie loco- motrice est-elle la plus fâcheuse des deux ; du moins est-il permis de le penser en présence des lésions profondes et irrémédiables auxquelles nous la trouvons liée dans la plupart des faits connus. C’est ainsi particulièrement que l’ataxie locomotrice progressive ou tabès dorsualis est une maladie à peu près constamment incurable : « nul espoir de guérison, dit Romberg, ne luit pour ceux qui en sont atteints; tous sont condamnés sans appel. » Traitement. — Il va sans dire qu’à titre de symptôme, l’ataxie loco- motrice ne réclame point, comme la douleur ou la convulsion, un trai- tement spécial. Il ne peut donc être question que de la thérapeutique des étals morbides dont l’incoordination du mouvement est la consé- quence. C’est là un point-sur lequel il n’est pas inutile d’insister, quand on voit les idées erronées qu’on s’était d’abord formées de l’ataxie loco- motrice faire perdre de vue aux médecins l’indication principale, qui est d’agir sur le centre nerveux affecté, pour fixer exclusivement leur atten- tion sur l’indication tout accessoire de modifier l’état local des mem- bres frappés d’ataxie. Il est vrai de dire que les lésions des centres nerveux qu’il s’agit ici de combattre, sont presque toujours au-dessus de nos ressources, sur- tout quand elles n’en sont plus à leur période initiale, et que notamment dans le traitement de l’atrophie spinale, les anliphlogisliques (sangsues et ventouses scarifiées sur la colonne vertébrale), les révulsifs (vésica- toires, moxas, cautères), les altérans (eaux minérales diverses), etc., ne sont que trop souvent employés en pure perte, non sans fatigue ni même sans préjudice pour les malades. L’hydrothérapie, aidée d’un régime reconstituant et de l’usage des toniques, de la strychnine, compte quelques succès bien avérés ; le nitrate d’argent à l’intérieur, administré, à l’exemple du professeur Wunderlich, par MM. Charcot et Yulpian à plusieurs sujets qui présentaient à un haut degré les signes de l’ataxie locomotrice progressive, a conduit à des résultats remarquables objet en ce moment de l’attention générale. [Sur remploi du nitrate d’argent dans Vataxie locomotrice progressive ; Bulletin de théra- peutique, 1862.) Espérons donc que l’aveu décourageant cité plus haut, à l’occasion du pronostic, n’est pas le dernier mot de l’art médical sur cette triste maladie. TABLE DES MATIÈRES Avertissement de l’éditeur Art. i. Considérations générales sur les névroses 128 Art. il. Classification des névroses 153 Art. ni. Des névroses en particulier 156 A. NÉVROSES DE LA SENSIBILITÉ. Première classe des névroses de la sensibilité .' Hypéresthésies. Névralgies. Des névralgies en général 156 Des névralgies en particulier 179 Art. iv. Névralgie faciale 179 Art. v. Névralgie cervico-occipilale 192 Art. vi. Névralgie cervico brachiale 196 Art. vu. Névralgie dorso-intercostale 199 Art. vin. Névralgie mammaire 211 Art. ix. Névralgie lombo-abdominale 213 Art. x. Névralgie crurale 218 Art. xi. Névralgie sciatique ou fémoro-poplitée 219 Art. xii. Névralgie multiple et névralgie erratique 226 Art. xiii. Névralgie générale 228 Art. xiv. De l’hypéreslhésie musculaire 231 Hypéresthésies des organes sensoriels 234 Art. xv, Hypéreslhésie de la peau (dermalgie ou dermatalgie) 234 TABLE DES MATIÈRES. Art. xvi. Des autres hypéresthésies sensorielles 240 Hypéresthésies des nerfs viscéraux 240 Art. xvii. Névralgies des viscères, viscéralgies 240 Art. xviii. Viscéralgies des voies digestives 243 Art. xix. De la gastralgie 244 Art. xx. De l’entéralgie 253 Viscéralgies des annexes du tube digestif . 256 Art. xxi. De l’hépatalgie (névralgie du foie; colique hépatique) 256 De la splénalgie (névralgie de la rate) 260 Art. xxii. Viscéralgies des voies respiratoires et circulatoires 261 Art. xxm. Viscéralgies des voies urinaires 263 Art. xxiv. Viscéralgies des organes génitaux 264 Des hypéresthésies dont le siège anatomique n’est pas exactement déter- miné 268 Art. xxv. De la migraine 268 Art. xxvi. Du vertige 278 Art. xxvn. De l’irritation spinale 284 Art. xxviii. De l’angine de poitrine 300 Art. xxix. De l’arthralgie (douleurs nerveuses des articulations) 315 Deuxième classe des névroses de la sensibilité : Anesthésies. Art. xxx. Des anesthésies en général 320 Des anesthésies en particulier 326 Art. xxxi. Anesthésie du nerf trifacial 326 Art. xxxii. Anesthésies des nerfs optiques, acoustiques, olfactifs et gustatifs. 328 Art. xxxiii. Anesthésie des nerfs de la peau 331 Art. xxxiv. Anesthésie des nerfs musculaires 338 Art. xxxv. De quelques autres états morbides anesthésiques 350 B. NÉVROSES DE LA MOTILITÉ. Première classe des névroses de la motilité : Convulsions et spasmes. Art. xxxvi. Des névroses convulsives et spasmodiques en général 351 Des névroses convulsives et spasmodiques en particulier 381 Art. xxxvii. Convulsions de la face 381 TABLE DES MATIÈRES. 695 Art. xxxviii. Contracture de la face 385 Art. xxxix. Des crampes 388 Art. xl. Crampes des écrivains 389 Art. xli. Contracture des extrémités 393 Art. xlii. Spasmes des voies digestives. Dysphagie spasmodique. ...... 405 Art. xliii. Spasmes des voies respiratoires. Spasme de la glotte 410 Art. xliv. Spasmes des voies circulatoires. Palpitations nerveuses 420 Art. xlv. Palpitations artérielles 428 Deuxième classe des névroses de la motilité : Névroses paralytiques Art. xlvi. Des névroses paralytiques en général 431 Art. xlyii. Paralysies générales ou progressives 435 Art. xlvin. Paralysie diphthérique 440 Art. xlix. Des paralysies consécutives à certaines maladies aiguës 447 Art. l. Paralysies limitées 451 Art. li, Du tremblement 471 C. NÉVROSES COMPLEXES. Art. lu. Considérations générales 474 Art. lux. De la chorée 494 De l’éclampsie 521 Art. liv. Éclampsie des enfants 522 Art. lv. Éclampsie puerpérale 541 Art. lvi. De l’épilepsie 549 Art. lvii. De la catalepsie 601 Art. lviii. De l’hystérie 604 ADDITION AU CHAPITRE DES NÉVROSES. Art. lviii bis. De l’ataxie musculaire ... 672 Pans. - Imprimerie de E, Martinet, rue Mignon, 2