DE L'AUSCULTATION MÉDIATE. DE L'AUSCULTATION MÉDIATE OU TRAITÉ DU DIAGNOSTIC DES MALADIES DES POUMONS ET DU COEUR, FONDÉ PRINCIPALEMENT SUR CE NOUVEAU MOYEN D'EXPLORATION. R. T. H. D. M. P., Médecin de l'Hôpital Necker, Médecin honoraire des Dispensaires, Membre de la Société de la Faculté de Médecine de Paris et de plusieurs autres sociétés nationales et étrangères. Je iytZpa.i «tmj tïw To Juvct<rfia.i a-x-OTrùv. Pouvoir explorer est, à mon avis, une grande partie de l'art. Hipp., Epid. lit. TOME PREMIER. A PARIS, | - Chez J.-A. BROSSON et J.-S. CHAUBÉ, Libraires, rue Pierre-Sarrazin, n° g. 1819. DE L'IMPRIMERIE DE FEUGUERAY, rue du Cloître Sainl-Beuoit; n° 4* RENAT. THEOPIIIL. HYACINT. LAENNEC , FACULTATIS MEDICÆ PARISIENSIS | PROFESSORIBUS s. morborum pectoris indagando- rum rationem pùblici juris facturus ? non unâ de causa meum opus uobis quorum pie- rosque magistros , nonnullos condiscipulos habui, dicare et commendare decrevi. Ht primant} quurn multa in eo sint ad \Anatomen pathologicam pertinentia, quae à. multis jam annis in gremio Facultatis nos- irae summo studio colitur ? magnisque et assiduis laboribus augetur ? eorum si pars aliqua fui , meum quoque symbolum in communem Facultatis thesaurum afferre aequum mihi visum est. Praetereà quum in observationïbus meis nonnulla omninb nova et inaudita uixque credïbilia occurrerent , medicos ad eas probandas promptiores fore censui si uo- bis primùm qui rerum testes novistis autex parte fuistis > eas offèrrem ? et quasi auc- toritate uestrâ tuerer. Nostra enim ætas incuriosa quoque suo- rum ; et si quid novi ab homine coœvo i. a * viij in medlo ponitur,risu ut plurimiim inep- tisque cavillationibus excipiunt : quippéja- cilius est aspernari quàm experiri. De talibus alioquin dicteriisparîim euro; nempè cum Avenbruggero dicere possum « Expertus affirmo quôd signa de quibus » hic agitur gravissimi momenti sint non » solùni in cognoscendis, sed etiam curandis » morbis (a) ». Imb neminem hanc met ho- dum expert uni deinceps cum Baglivio dic- turum esse spero ; « O quantum difficile est » dignoscere morbos pulmonum ! » Nullum potiùs cordatum fore confido diligen- ter perpensâ, non fateaturpulmonum pleu- raeque jnorbos plerosque et gravissimos haud jàm cognitu difficiliores quàm ossium fracturas > nec cordis laesiones abstrusiores esse calcula in uesicâ delitente ; ideôque forsa7i et minus verum eritposteà ejusdem magistri alterum dictum : « O quantb dif- iicilius curare ! » Pectoris enim morbos per Auscultationem dig7ioscere licet etiamnùm in ipso or tu , et, ut ità dicam> in incuna- bulis 7 quo tempore utiliùs Medicina paratur, Nec mala per longas invaluére nieras. (a) Avenbrugger, monitorium ad omnes medico*. Nec tamen is sum qui pute ni haec signa, etiamsi non excogitata, sed inter labores et tædia(éz)7'ejnerZÆ, multiplicique observations recognita, doctorum virorum à me saepiùs antè oculosposita ,etipsorum probationefir- mata , s tatim etfacilè vulgari praxi accom- modari posse. Commuais enini omnium ho- minum morbus incuria , et quidquid haud sine labore acquiritur , ut plurimùm negli* gitur. Avenbruggeri methodus abhinc octo- ginta ferè annos evulgata , paucis diebus ediscenda, facillimè et absque instrumenta ullo experienda , à clariss. praeceptore meo J, N, Corvisarto, oblivioni erepta ïllustrior- que quàm ab ipso auctore facta, nondum 'uulgaris inter medicos est. Quinetiam ! ex tôt discipulorummillibus quibus lianeartem edocuit, pauci admodùm eam sat sibi ex- perientiâ propriam fecêre, ut inde aliquem utilitatis fructum capere possint ! Caeteri pectus unum aut alterum in toto anno 9g ra- vis re aliquo casu occurrente ? temerè et in- cautè percutiunt, et incertain methodum causantur ! Illustrissimi Jenneri inventum illud, humani generis gratis laudibus ex- ceptum, cujusque de efflcaciâ innumeris ex- IX (7») Avenbrvgger, præfatio* X perimentis dudùm constat, jampenè memo- riâ excidisset aut saltem usum ferè non ha- beret, ni totâ regunt potestate , provincia- runt urbiumque praefectorum providentiel, sacerdotum, antistitum , bonorumque om- nium adhortatiouibus , medicorum ad hoc praepositorum cura, publicisque impensis , indesinenter promoveretur. Quid igitîir de propriâ méthode censeam liquet, quae nec Jennerianac utïlitatem rus- ticiori cuique perspicuam, nec Hvenbrugge- rianae promotorem habeat quacque insu- per, utpotè longe plura indicans, majorent curam, tempus longius in explorando re- quirat, cujusque etiam cognitio non nisi sat magno studio et labore plenè et per- fecté comparetur. Hoc ntihi satis est quod bonis doctisque viris nonnullis acceptant, aegratis que mul- tis utilem, hanc methodum fore confîdcre possim; hominem unum ereptum orco dulce dignumquemeae atque etiam majoris operac praemiuntfore existimem. Valete. Lutetiæ Parisioruni, X2° kalendas sextiles iSrg. INSTITUT DE FRANCE. ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES. Le Secrétaire perpétuel de l'Académie pour les Sciences mathématiques certifie que ce qui suit est extrait du procès-veibal de la séance du lundi 29 juin 1818 (ci). Dans l'une des précédentes séances, l'Académie nous chargea, MM. Portai, Pelletan et moi, de lui faire un rap- port sur la mémoire que venait de lire M. le docteur Laen- nec, ayant le titre suivant : Mémoire sur T Auscultation à laide de divers instrumens d? acoustique > employés comme moyens d'exploration dans les maladies des viscères thora- ciques , et particulièrement dans la Phthisie pulmonaire. Le peu d'avantages qu'on retire dans beaucoup de cas de la percussion de la poitrine suivant la méthode d'Aven- brugger, et la considération de la facilité avec laquelle le son se transmet à travers les corps solides ont suggéré à l'auteur l'idée d'étudier , à l'aide d'intermédiaires sembla- bles, les différons bruits que les mouvemens des organes respiratoires et circulatoires peuvent produire dans l'inté- rieur de la poitrine, et de rechercher si les bruits dont il s'agit donneraient des signes plus certains que ceux que nous connaissons , relativement aux maladies des organes contenus dans cette cavité. Il croit pouvoir résoudre cette question par l'affirmative. L'auscultation de la voix, de la respiration, du râle, des battemens du cœur, et, dans cor- («) Ce rapport est relatif à un Mémoire qui contenait seule- ment un extrait de la première partie de cet ouvrage. XII RAPPORT. tains cas, de ceux de l'aorte , est, suivant lui, possible et même facile, au moyen d'un corps intermédiaire qui, selon les circonstances, doit être un cylindre plein, un tube à parois épaisses, ou un tube évasé en forme d'entonnoir à l'une de ses extrémités. Le premier instrument est celui qui convient le mieux pour l'exploration des batlemens du coeur et de l'aorte 5 le second sert à l'exploration de la voix, et le troisième à celui de la respiration et du râle. L'auteur ne présente aujourd'hui à l'Académie que la partie de ses recherches relatives à l'exploration de la voix : nous allons en donner une analyse succincte. L'instrument dont M. Laennec se sert pour cette explo- ration est un cylindre d'un pied de longueur, de seize li- gnes de diamètre , et perforé dans son centre par un canal d'environ trois lignes de diamètre. Ce cylindre, appliqué sur la poitrine d'un individu sain qui parle ou qui chante? ne fait entendre qu'une sorte de frémissement plus marqué dans certains points de la poitrine que dans d'autres. Mais lorsqu'il existe un ulcère dans le poumon , ce frémissement se change en un phénomène tout-à-fait singulier; la voix du malade cesse alors de se faire entendre par l'oreille restée libre, et elle parvient toute entière à l'observateur par le canal pratiqué dans le cylindre. Nous avons vérifié ce fait sur plusieurs phthisiques qui nous ont été présentés par l'auteur - il nous a paru frappant et très-propre à fournir un signe certain et facile à distin- guer de quelques altérations du poumon, que, dans l'état actuel de la médecine, on ne pouvait jamais que soup- çonner. M. Laennec attribue ce phénomène à la résonnance plus forte de la voix dans une cavité plus étendue que les bron- ches. Son opinion parait d'autant plus probable, que le même phénomène a lieu lorsqu'on applique le cylindre sur la trachée-artère ou sur le larynx. RAPPORT. XII Ce phénomène, auquel M. Laennec donne le nom de Pectoriloquie, présente un grand nombre de variétés que l'auteur distribue en trois classes sous les noms de loquies parfaite et imparfaite ou douteuse. Plusieurs de ces variétés indiquent les circonstances les plus importantes à connaître relativement aux ulcères du poumon , et particu- lièrement à leur grandeur, leur état de vacuité ou de plé- nitude et la consistance de la matière qu'ils renferment. L'auteur s'est borné à la simple exposition de ces faits, et du parti qu'on peut en tirer sous le rapport du diagnostic de la phthisie pulmonaire. Il n'a pas cru devoir entretenir l'Académie des inductions pratiques qu'il est possible d'en tirer. Quoique l'étude de la phthisie pulmonaire par l'auscul- tation de la voix soit l'objet principal du Mémoire dont nous rendons compte à l'Académie, nous avons cru devoir vérifier aussi ce que l'auteur avance touchant l'auscultation de la respiration et des battemens du cœur. Nous avons en conséquence écouté, avec le cylindre, la respiration dans les diverses parties de la poitrine chez un homme sain, et nous avons trouvé qu'elle s'entendait parfaitement dans tous les points de cette cavité qui correspondent aux poumons. Nous avons trouvé également que les mouvemens du cœur s'entendaient de la manière la plus distincte, et il nous a semblé, en conséquence, que les assertions de l'auteur sur la possibilité d'obtenir par ces deux espèces d'auscultations des signes certains de plusieurs maladies des poumons et du cœur, avaient pour elles au moins une forte probabilité. L'idée d'appliquer l'oreille sur la poitrine et de chercher ainsi des signes de l'altération des organes qu'elle renferme n'est pas tout-à-fait neuve. Hippocrate flib. IIde Morbis') conseille cette application sur le côté du thorax pour re- connaître l'existence de l'empyème. Ce procédé, au reste, d'après ce qui nous a été communiqué verbalement par M. Laennec, ne donne absolument aucun indice. XIV RAPPORT. Quelques médecins avaient aussi depuis long-temps l'ha- bitude d'appliquer l'oreille sur la région du cœur pour reconnaître plus exactement la force de scs battemens ; mais cette méthode n'avait jamais donné de résultats utiles, pour des raisons que l'auteur indique en partie , et qu'il se propose de développer avec plus de détails dans un autre mémoire. Vos Commissaires, rendant à M. le docteur Laennec , déjà très-avantageusement connu par de savantes recher- ches sur divers sujets de médecine, toute la justice qui lui est due, ont l'honneur d'assurer à l'Académie que ce méde- cin, dont elle n'ignore point les titres à la confiance et à l'estime publiques, a mérité sa bienveillance particulière et un témoignage spécial de sa satisfaction pour le nou- veau travail dont il lui a fait hommage. Signé Purtal , Pelletan -, Percy , rapporteur. L'Académie approuve le rapport et en adopte les con- clusions. Certifié conforme à Voriginal. Le Secrétaire perpétuel, chevalier des Ordres royaux de Saint-Michel et de la Légion-d'Honneur, \ • Delambre. P R É F ACE. Jai commencé, il y a environ trois ans, les recherches dont je publie aujourd'hui le ré- sultat. Quoiqu'il ait surpassé les espérances que j'en pouvais concevoir dans l'origine, j'aurais attendu encore à le faire connaître si , dans l'état actuel des sciences et avec les nombreux moyens de communication qui existent entre les hommes qui les cultivent, il était possible de mûrir long-temps le silence des es- sais de cette nature. Je n'ai, d'ailleurs, pas cherché à tenir les miens secrets. Le désir de les rendre plus au- thentiques et d'éviter les erreurs auxquelles l'amour-propre d'inventeur peut facilement conduire, m'a porté à ne refuser aucun té- moin. Mes observations ont été faites en pré- sence de plusieurs élèves qui suivent habituel- lement ma visite, et sans l'aide desquels je n'aurais pu en tenir des notes exactes et détail- lées. Plusieurs de mes confrères, et même quel- ques médecins étrangers ou des départemens, m'ont fait l'honneur de venir prendre connais- sance par eux-mêmes des résultats principaux. XVI PREFACE. Enfin mon ami M. Récamier, médecin de l'Hôtel-Dieu, à qui je les avais communiqués de bonne heure, a bien voulu les vérifier de- vant un concours nombreux d'élèves. D'un autre côté, l'emploi que j'ai fait dans la ville du même moyen d'exploration, du moment où j'en eus reconnu l'utilité, a contribué à le faire connaître, mais plus imparfaitement en- core. Quelques personnes en ont pris occasion de faire, sans mon aveu, des communications verbales sur ce sujet à diverses sociétés savan- tes; des journaux de médecine et même des feuilles politiques ont recueilli ces notions très-incomplètes, et dont quelques-unes sont également propres à faire méconnaître l'instru- ment e,t le but de mes recherches, et à en faire présumer d'avance l'inutilité (a). Le moyen d'exploration que je propose, quoique très-simple en lui-même, deman- dant cependant une certaine étude lorsqu'on veut en obtenir tous les résultats qu'il peut donner, il importe qu'aucun préjugé défa- vorable ne détourne les médecins de les vé- rifier. (a) Voyez Annales politiques, morales et littéraires , 26 septembre 1817. - Journal universel des Sciences médicales, tom. vi, pag. 124* PRÉFACE. XVII Ce motif m'a déterminé à communiquer une partie de mes recherchesà F Académie des Sciences. Il contribue encore aujourd'hui, autant que le jugement favorable qu'en a bien voulu porter cette illustre compagnie, à me décider à les publier en entier, quoiqu'elles ne soient peut-être pas encore tout-à-fait arri- vées au terme où j'aurais pu les conduire avec plus de temps. Ce qui leur manque, au reste , consiste en un assez petit nombre de points qui ne peuvent être éclaircis qu'à mesure que se présenteront des occasions d'étudier, par cette méthode d'exploration, certains cas plus ou moins rares. 11 est évident que plusieurs observateurs obtien- dront ce résultat beaucoup plus vite qu'un seul. J'espère donc que d'autres mains ajouteront à ce livre. Je desire surtout qu'on y trouve peu de chose à effacer, et j'ai fait ce qui était en moi pour atteindre ce but. J'ai indiqué plusieurs faits comme certains, d'autres comme douteux, quelques-uns comme pouvant seulement être soupçonnés. Parmi les premiers, si quelques-uns doivent être infirmés par de nouvelles observations , j'ose croire qu'ils sont en petit nombre, et j'ai même la conviction que l'expérience fera reconnaître XVIII PREFACE. pour constans la plupart de ceux que j'ai in- diqués comme douteux. Les recherches d'anatomie pathologique auxquelles beaucoup de médecins se sont li- vrés depuis le commencement de ce siècle dans presque toute l'Europe , et plus qu'ai Heurs dans le sein de la Faculté de Paris, ayant donné des résultats qui ne sont encore qu'in- complètement connus , et dont la plupart meme n'ont point encore été publiés, au moins par les auteurs des recherches, l'état actuel de la science, et particulièrement de la science écrite, laisse nécessairement beaucoup à dé- sirer sous ce rapport. Livré moi-même à ce genre de travail depuis dix - huit ans, si je m'étais borné à exposer les signes des lésions du poumon ou du coeur sans décrire ces deinieies , j aurais couru souvent le risque de n etre pas compris, ou, ce qui est plus dange- i eux, de i etre mal. J ai cru ne pouvoir évi- ter cet écueil qu'en décrivant les lésions dont j'indique les signes. J'ai tâché de rendre ces descriptions concises , et cependant exactes et assez complètes pour qu'on pût bien recon- naître les objets décrits. Un second motif m'a porté à m'imposer cette tache. Convaincu de l'utilité pratique du moyen d exploration que je propose , j'ai dû PRÉFACE. XIX ne négliger aucun moyen d'en répandre l'usage et de l'empécher de tomber dans l'oubli. J'ai pensé qu'un des meilleurs moyens que je pusse prendre à cet effet était de rattacher l'expo- sition de cette méthode à une description plus exacte qu'aucune de celles qui existent jus- qu'ici des lésions qu'elle fait connaître, et qui servît à-la-fois à en rendre l'emploi plus fa- cile, à en faire connaître toute l'utilité, et à en lier le souvenir à celui de plusieurs autres faits nouveaux. J'ai d'ailleurs beaucoup gagné en clarté et en brièveté en adoptant cette méthode ana- tomique. L'anatomie pathologique est une science beaucoup plus sûre, et présente des objets d'étude plus distincts que la nosologie symptomatique. Il est beaucoup plus facile de décrire les tubercules et d'indiquer leurs sym- ptômes , que de définir la phthisie pulmonaire des pathologistes, et de chercher à établir des divisions d'après ses causes. L'emphysème du poumon, dont on trouvera la description dans cet ouvrage, est une altération qui peut être décrite exactement en peu de mots, et dont les signes peuvent être exposés facilement de manière à la faire reconnaître. On ne par- viendra pas aisément à une semblable préci- sion en étudiant l'asthme à la maniéré de Sau- XX PRÉFACE. vages; il faudrait, avant d'arriver à quelque chose de positif, consacrer un volume à des généralités. On dira peut-être que la méthode anatomique a l'inconvénient de fonder des es- pèces dont les principaux caractères ne peu- vent être hien vérifiés que par l'ouverture des cadavres. Ce reproche mérite à peine d'être réfuté : il faudrait dire aussi que les chirur- giens ont tort de distinguer la fracture du col du fémur de la luxation de la tète de cet os, et qu'on ne doit pas faire des espèces diffé- rentes du catarrhe pulmonaire et de la péri- pneumonie. L'altération des organes est, sans compa- raison , ce qu'il y a de plus fixe , de plus posi- tif et de moins variable dans les maladies lo- cales j c'est de la nature et de l'étendue de ces altérations que dépend toujours le danger ou la curabilité de ces maladies : c'est par consé- quent ce qui doit lès caractériser ou les spé- cifier. Le trouble des fonctions qui accompagne ces altérations est, au contraire, extrêmement variable ; il est le même sous l'influence de causes tout-à-fait dissemblables, et par con- séquent il peut rarement servir à faire distin- guer des objets même très-différens. On aurait tort d'ailleurs de croire que les espèces nosologiques établies d'après les don- PRÉFACF. xxj nées que fournit l'anatomie pathologique ne peuvent être reconnues que sur le cadavre : elles sont,- au contraire, plus faciles à recon- naître sur le vivant, et présentent même alors à l'esprit quelque chose de beaucoup plus clair et de plus positif qu'aucune distinction noso- logique fondée sur les symptômes. La périto- nite est certainement une maladie facile à re- connaître sur le vivant, et sur vingt médecins instruits en anatomie pathologique que l'on appellerait auprès d'une malade atteinte de cette maladie, pas un ne la méconnaîtra et ne variera sur son nom. En pourrait-on dire au- tant de médecins habitués à ne voir dans les maladies que des symptômes ? N'arriverait-il pas nécessairement que l'un y verrait iléus, l'autre une colique hépatique , un troisième une fièvre puerpérale , etc. ? On en peut dire autant de la péripneumonie , de la néphrite , de l'hépatite, etc. ; et j'espère qu'après la lec- ture de cet ouvrage, on conviendra qu'il en est de même de la plupart des maladies des poumons , de la plèvre et du cœur. L'anatomie pathologique est donc incontes- tablement le flambeau le plus sur qui puisse guider le médecin, soit pour reconnaître les maladies, soit pour guérir celles quiæn sont susceptibles. Ce n'est pas cependant que cette xxij PRÉFACE. science n'ait aussi ses points obscurs. Il est facile Sans cloute de distinguer les lésions bien caractérisées ; mais il est des altérations lé- gères et fugaces dans lesquelles il n'est pas aisé d'apprécier ce qui est sain et ce qui est malade y ce qui est cause de maladie et ce qui n'en est que X effet ; de déterminer enfin si ce que l'on voit est une lésion réelle et morbifique, ou bien un accident de nutrition ou de cir- culation survenu seulement dans les derniers instans de la vie ou même après la mort. 11 faut savoir s'arrêter à ce qui est clair et évi- dent , et ne pénétrer qu'avec prudence au-delà, sous peine de s'égarer, et défaire de l'anato- mie par la seule force de son génie ? comme le disait avec une bonne foi assez plaisante un professeur connu par la bizarrerie de ses idées, et qui s'appliquait cette espèce de louange. Surtout, en transportant l'anatomie pathologique dans la médecine - pratique, il faut' suivre le principe d'Hoffmann : Nu?i- quàm aliquid magni facias > ex merâ con- jectura aut hypothesi) et se garder de croire que la seule connaissance exacte du siège et de l'espèce de la maladie puisse dispenser d'é- tudier son génie propre et ses indications dans l'épidémie régnante et dans l'idiosyncrasie da sujet. PREFACE. xxiij D'après ce qui précède, on voit que cet ouvrage ne doit point être, comme celui d'A- venbrugger, une simple exposition d'une nou- velle méthode d'exploration et des résultats qu'on en peut obtenir ; ce n'est pas non plus tout-à-fait, et dans le sens où l'on prend com- munément ce mot, une monographie des ma- ladies de la poitrine ; car je me suis fort peu étendu sur les signes généraux, communs , et par conséquent incertains de ces maladies, c'est-à-dire, sur ce qui compose presque uni- quement leur histoire dans la plupart des Trai- tés de Pathologie, et je n'ai point parlé dûTeur traitement. C'est encore moins un ouvrage de médecine-pratique , quoique tous les faits qui y sont exposés tendent immédiatement à éclai- rer la pratique de l'art, et que plusieurs points importuns de thérapeutique y soient examinés avec quelque étendue. On y trouvera de toutes ces choses, et je ne sais trop si l'on trouvera que je les ai présentées avec assez d'ordre, et que j'aie suflisamment évité des disparates cho- quantes. La méthode et l'ensemble étaient, en effet, ce qu'il était le plus difficile d'obtenir dans un travail qui renferme beaucoup d'objets tout- à-fait neufs , beaucoup de très-connus, d'au- tres qui ne le sont qu'imparfaitement, ou seu- xxiv PRÉFACE. lement par la tradition de l'enseignement, et qui présentent encore des points contestables ou contestés. Les différentes parties de cet ouvrage ont dû par conséquent se ressentir de la diversité de la matière, et quelques-unes se rapprochent de la forme d'un mémoire sur des recherches nouvelles, d'autres de celle d'une dissertation où l'on discute des faits et des opinions; plusieurs, au contraire, sont traitées dans la manière compendieuse et di- dactique d'un livre élémentaire dont l'auteur a cherché seulement à se tenir au niveau de la science , et meme à en reculer les bornes , en joignant aux faits contenus dans les précé- dons ouvrages du même genre tout ce que les mémoires publiés de son temps, la tradition orale et ses propres recherches ont pu lui ap- prendre de plus. Au reste, je puis me rendre ce témoignage, que je n'ai pas cherché à rattacher à mon su- jet des choses qui, pour être neuves et inté- ressantes par elles-mêmes, n'y seraient pas moins étrangères; et qu'ayant eu pour but de faire reconnaître et distinguer les diverses maladies des organes contenus dans la poitrine, tant pendant la vie qu'après la mort, j'ai tâché de me renfermer exactement dans ces bornes. L'objet principal de mon ouvrage étant de PRÉFACE. XXV faire connaître le parti que l'on peut tirer du cylindre pour distinguer les diverses lésions du poumon, j'ai dû tout subordonner à ce dessein ; et les faits d'anatomie pathologique mêmes, quoiqu'occupant une place beaucoup plus considérable, n'y sont que comme acces- soires. J'ai , en conséquence, été entraîné à séparer des choses qui, dans un Traité de Médecine-Pratique ou d'Anatomie patholo- gique , devraient être réunies. La première partie de cet ouvrage, par exemple , est pres- qu entièrement relative à la phthisie pulmo- naire. Plusieurs faits importans concernant la même maladie se trouvent cependant dans la seconde, la troisième et la quatrième partie , parce que la respiration, le râle et les bat- temens mêmes du cœur donnent des indices sur plusieurs des circonstances de cette mala- die. Quelquefois cependant, après avoir ex- posé les caractères anatomiques d'une lésion , j'ai indiqué de suite tous ses signes, quoique quelques-uns d'entre eux appartinssent à un autre mode d'exploration que celui sous lequel j'ai rangé la description de la maladie : ainsi, l'absence* de la respiration étant le principal signe de la péripneumonie, j'ai placé l'histoire de cette maladie dans la deuxième partie , qui contient- les signes qu'on obtient par l'explo- xxvj PRÉFACE.' ration de la respiration. Le signe pathogno- monique du premier degré de la péripneumo- nie ne se tire cependant point de cette fonc- tion , mais d'une espèce de râle particulière et très-caractéristique. J'ai mieux aimé le décrire de suite que de rejeter la description de la pé- ripneumonie commençante dans la troisième partie, après avoir décrit la péripneumonie intense dans la seconde. D'autres fois j'ai été obligé de parler d'un accident avant d'avoir décrit la maladie à laquelle il appartient : ainsi j'ai exposé ce qui concerne Fégophonie, signe qui indique une circonstance particulière de la pleurésie , dans la première partie de cet ouvrage, parce que ce signe s'obtient par l'ex- ploration de la voix; et la description de la pleurésie ne se trouve cependant que dans la seconde partie, parce que ses signes principaux se tirent de l'exploration de la respiration. Ce défaut d'ordre tient à la nature des choses qu'il s'agissait de décrire; j'ai tâché seulement de le rendre le moins sensible que j'ai pu. Quant au style, je ne l'ai soigné qu'au tant que le demande le respect du au public. Dans un ouvrage purement descriptif, tel que celui-ci, l'écueil le plus difficile à évi- ter est la répétition des mots et des choses. J'avoue que j'ai fait peu d'efforts à cet égard PREFACE. xxvij toutes les fois que j'ai eu à craindre de ne pouvoir donner à mon travail ce genre de me'rite qu'aux dépens de la clarté. Je n'ai joint à cet ouvrage qu'un assez petit nombre d'observations particulières, si on le compare à celui des cas qu'il s'agissait de faire connaître. Je les donne seulement comme des exemples propres à faire connaître la marche que j'ai suivie dans mes recherches et le degré de confiance qu'on peut y accorder, à éclaircir quelques points d'anatomie pathologique, ou à rendre les descriptions générales plus faciles à comprendre par la comparaison de descrip- tions particulières faites d'après nature. Si j'a- vais voulu les présenter comme preuve des faits que j'ai avancés, relativement à l'utilité de l'aus- cultation médiate, j'aurais pu facilement en ajouter trois cents autres , car le nombre des autopsies par lesquelles j'ai vérifié ces faits va au-delà , et plusieurs ont été faites, tant à l'hôpital que dans la ville, en présence de confrères recommandables à tous égards, et qui jouissent d'une réputation méritée ; mais de semblables preuves me satisferaient peu : je n'en desire point d'autres que celles que pourront facilement acquérir tous les méde- cins qui voudront répéter mes expériences. Recueillir des observations particulières est xxviij PRÉFACE. sans contredit, pour un élève , la meilleure manière d'acquérir des connaissances solides en médecine-pratique ; c'est presque la seule méthode qui puisse conduire le médecin pra- ticien à étendre par des découvertes réelles le cercle des connaissances médicales ; mais l'u- sage, aujourd'hui trop commun, d'imprimer ces sortes d'études à la suite des résultats qu'on en a obtenus, me semble propre à dégoûter le lecteur, et à faire en quelque sorte croulei' la science sous son propre poids. On trouvera peut-être plusieurs de mes ob- servations un peu longues. J avoue que, loin de chercher à éviter ce défaut, j'ai toujours tâché au contraire de n'oniettre aucun détail, et surtout de ceux qui sont propres à peindre l'objet décrit, et à faire que le lecteur, puisse juger par lui-même avec le plus d'indépen- dance possible du jugement de l'auteur, et y voir, s'il y a lieu, ce que l'auteur lui-même n'a pas aperçu. Je n'en ai pas même retran- ché les détails qui paraissent étrangers au cas qu'il s'agit de faire connaître. Un extrait d'ob- servation fait dans un but quelconque prouve bien peu de chose et mérite bien peu de con- fiance. Toutes ces observations ont été re- cueillies de la manière suivante. Lorsqu'un malade entre à l'hôpital, un élève est chargé PRÉFACE. xxix de recueillir de lui les renseigne mens ana- mnestiques peut donner sur sa maladie, et d'en suivre la marche. En examinant moi- même le malade, je dicte les symptômes prin- cipaux que j observe, ceux surtout qui peuvent servir à établir le diagnostic ou les indications curatives, et je porte mon jugement, sauf à le redresser, s il y a lieu, par des observations subséquentes. Cette dictée, qui se fait en la- tin , pour des raisons faciles à sentir, est re- cueillie par l'élève chargé du malade, et en même temps sur un cahier séparé que j'appelle feuille du diagnostic } et qu'un autre élève est chargé spécialement de tenir, afin qu'on puisse me le représenter, et le relire au besoin a chaque visite. Lorsqu'il se présente quelque signe nouveau et propre à modifier le pre- mier diagnostic , je l'y fais ajouter également. Si le malade succombe, le procès-verbal de l'ouverture est recueilli par l'élève chargé de l'observation. Je relis ce procès-verbal en pré- sence de tous ceux qui ont assisté à l'ouver- ture , et s'il y a lieu d'y faire quelque correc- tion , je la fais sur-le-champ, et après avoir pris leur avis. La plupart des mesures de grosseur et de capacité employées dans les descriptions ana- tomiques sont indiquées par la comparaison xxx VRF.FACr, d'objets naturels très-connus, comme la gros- seur d'une amande , d'un pois, d'un grain de millet, la capacité de la coquille d'un œuf ou d'une noix. Ces mesures, d'une exactitude suf- fisante , et tout aussi exactes d'ailleurs qu'au- cune mesure de convention , présentent à l'es- prit quelque chose de plus positif et de plus propre à peindre sur - le - champ l'objet que l'on veut décrire. Les mesures géométriques ont d'ailleurs l'inconvénient de varier suivant les temps et les pays , et beaucoup d'observa- tions contenues dans le Sepulchretum de Bo- net, dans les Ephémérides des Curieux de la Nature, et dans plusieurs autres recueils sem- blables , sont presque inintelligibles, à raison de l'ignorance où l'on est de la valeur des mesures indiquées par leurs auteurs. J'ai cité peu d'auteurs. La carrière que j'a- vais à parcourir était à-peu-près neuve ; j'ai cru, pour les faits déjà connus, devoir m'at- tacher uniquement à ceux qui les ont le mieux présentés, et en conséquence je me suis presque borné aux ouvrages de M. Corvisart (a) et de («) Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur et des gros vaisseaux, par J.-N. Corvisart, membre de l'institut, etc., 3e édit. Paris, 1818, in-8°. Nouvelle méthode pour reconnaître les de la poitrine par la percussion de cette cavité , par Aven- FH1EACE. XXX j M. Bayle (a) , comme offrant à - peu - près complètement l'état actuel de la science sous le rapport des maladies du cœur et du poumon. Si j'ai combattu quelquefois leur manière de voir, j'espère que personne ne se méprendra sur le motif qui m'a porté à le faire. Uni dès le commencement de mes études à M. Bayle par les liens de la plus douce ami- tié , disciple de M. Corvisart, personne plus que moi n'a été à portée d'apprécier leur mérite personnel et celui de leurs ouvrages , et quoi- qu'obligé quelquefois d'attaquer, dans l'intérêt de la science , les opinions de mon maître ou celles de mon ami, je n'en reconnais pas moins tout ce que je leur dois. 11 est plus aisé de cul- tiver un champ bien préparé que de défricher une terre aride et inculte. Je ne puis d'ailleurs me défendre de trouver que les ouvrages de M. Corvisart, rédigés par des mains étrangè- res, sont loin de donner une idée de ce que valait l'auteur. Il est à regretter que ses nom- breuses occupations, et depuis, un état d'infir- mité déplorable, ne lui aient pas permis de s'en occuper lui-même. Le peu de certi- bru gger, ouvrage traduit du latin et commenté par J.-N. Cor- visart , etc. Pans, 1808, in-8°. (<z)Rccherclies sur la Phthisie pulmonaire, par G.L. Bayle mcd. de 1 hùp, de la Charité, etc. Paris, 1810. in-8a. xxxij PRÉFACE. tude des signes attribués à chaque maladie, le vague des descriptions ont quelque chose de frappant pour les médecins qui, élèves de ce grand praticien, ont été tant de fois témoins de la hardiesse et de la sûreté de son diagnos- tic. Cela dépend cependant en partie de ce qu'il y employait surtout ce tact indéfinis- sable qui fait une grande partie de l'art du mé- decin , et qu'il possédait au plus haut degré. J'espère que l'utilité de l'auscultation mé- diate ne se bornera pas à la médecine humaine, et que l'art vétérinaire pourra en tirer quelque parti. Je ne crois pas cependant qu'elle puisse jamais devenir aussi utile chez les animaux que chez l'homme. Outre les signes tirés de l'exploration de la voix, qui deviennent nuis chez les premiers, et que l'on ne pourra jamais remplacer qu'imparfaitement par ceux que peuvent donner la toux, le hennissement, le mugissement, etc., d'autres obstacles s'oppo- seront encore à ce qu'on puisse obtenir des résultats aussi étendus que chez l'homme. Mes occupations ne m'ont pas permis de faire beau- coup de recherches de ce genre} mais les pre- mières que j'ai faites m'ont montré tout de suite que, pour appliquer l'auscultation à l'art vétérinaire, il faudrait une étude toute nou- velle et de longues observations comparatives PRÉFACE. xxxiij faites sur les animaux sains et malades. Voici les principaux obstacles que j'ai rencontrés : i°. Chez les grands quadrupèdes, tels que le che- val et le bœuf, le cœur n'est pas facile à sentir, à cause de la position gênante qu'il faut prendre pour le trouver, et de la forme du sternum ; 2°. chez le cheval, et probablement chez tous les herbivores , la respiration est si peu bruyante qu'on l'entend à peine, même quand l'ani- mal vient de courir. Je crois cependant que, dans l'état de maladie, elle serait plus facile à entendre dans les parties saines du poumon, dont l'action se trouve, dans ces cas, doublée ou triplée, et j'ai même reconnu une péripneu- monie chez une vache aussi facilement que j'eusse pu le faire chez l'homme. Chez le chien, le chat, et probablement chez tous les carni- vores, la respiration est aussi facile à entendre que chez l'homme. Malgré les inconvéniens que je viens d'in- diquer , je ne doute pas qu'à l'aide d'observa- tions attentives et suivies, on n'obtienne encore de l'auscultation médiate beaucoup de résul- tats utiles à l'art vétérinaire, surtout en y joignant la percussion de la poitrine. Il est encore un autre art aussi étranger à celui dont je viens de parler qu'à la médecine humaine, qui pourra peut-être retirer quelque xxx iv PRFFACE. avantage de l'auscultation médiate : je veux parler de l'éducation des sourds et muets. M. Itard, médecin de l'institution des Sourds- Muets à Paris, a prouvé dans deux Mémoires lus il y a quelques années à la Société de la Faculté de Médecine de Paris (a), que la plu- part des sourds et muets ne sont pas complè- tement sourds ; que beaucoup ne le sont qu'à un assez médiocre degré, et qu'une simple dureté d'ouïe qui forcerait à peine un adulte chez lequel elle surviendrait tout - à - coup à prêter l'oreille plus attentivement et à faire parler un peu haut, suffit, lorsqu'elle est con- génitale, ou lorsqu'elle est survenue dans les premières années et avant que l'enfant ait ap- pris parfaitement à parler, pour produire le même effet que la surdité complète , c'est-à- dire, le mutisme. M. Itard est parvenu, à force de soins et de patience, à rendre plus ou moins complètement l'ouïe et la parole à quelques- uns de ces sujets. Parmi ceux qu'il a pré- sentés à la Société de la Faculté, il y en avait un entre autres qui, ayant le dos tourné , entendait très-bien ce qu'on lui disait à huit ou dix pas de distance, et qui commençait à (<r) Bulletin de la Société de la Faculté de Médecine de Paris, 1808, n° y. PRÉFACE. XXXV parler fort bien. Le procédé employé par M. Itard consiste à faire peu à peu l'éduca- tion de l'ouïe , en faisant entendre d'abord des sons très-forts ou aigus , puis des sons moins bruyans et d'une autre nature, et successive- ment la voix articulée. L'une des expériences consignées dans cet ouvrage ( § 25 ) me pa- raît propre à rendre cette éducation plus fa- cile et à en abréger la durée. Je cherchais de- puis quelque temps une occasion de faire quel- ques essais à cet égard, lorsqu'un sourd-muet entra à l'hôpital Necker vers le commence- ment du mois de mai dernier pour une indis- position assez légère. Cet homme, fort connu dans les rues de Paris, vit en vendant de petits gâteaux qu'il annonce au son de la trompette. 11 est naturellement intelligent, a reçu pendant quelque temps les leçons de M. l'abbé Sicard, et écrit de manière à se faire bien comprendre. Comme presque tous les sourds-muets, il entend certains bruits très- forts , comme ceux d'un coup de canon ou de fusil, d'une cloche sonnée à peu de distance, etc. J'appliquai sur ma trachée l'une des extrémi- tés du stéthoscope, et posant l'autre sur son oreille , je prononçai quelques mots. 11 retira aussitôt la tête, se frotta l'oreille, et témoigna que ce qu'il avait entendu lui produisait la XXXVI PKFPACE. même sensation que plusieurs coups de fusil tirés coup sur coup. Je recommandai à un élève de répéter plusieurs fois l'expérience , et au bout de deux ou trois jours, il y était habitué, et n'en éprouvait plus de sensation désagréable. Je mis alors devant lui cinq ob- jets différons, un morceau de bois , une clef, une pièce Rangent, une plume et des ci- seaux je lui en prononçai les noms à tra- vers le stéthoscope appuyé sur ma trachée, pendant qu'un élève indiquait les objets, et je lui fis entendre par écrit que je desirais qu'il me les désignât, s'il trouvait quelque différence entre les sons de chacun d'eux. Je les lui fis désigner d'abord dans l'ordre où ils se trou- vaient, puis dans l'ordre inverse,et enfin en les nommant dans un ordre variable. Au bout d'un quart d'heure, il distinguait parfaitement bois et ne le confondait avec aucun autre mot; mais il se trompaitsouvent Rangent à ciseaux et de clef a. plume. Le lendemain , les erreurs étaient moins fréquentes , et à la troisième le- çon , elles étaient plus rares encore. Mes occu- pations ne me permettant pas de suivre plus long-temps cet essai , je recommandai à un élève de continuer les leçons ; mais au bout de peu de jours, le malade se trouvant tout-à-fait rétabli , sortit de l'hôpital. Quoique l'on ne PREFACE. XXXVII puisse, à proprement parler, tirer aucune con- clusion d'un essai de cette nature, je liai pas cru devoir le taire ; je pense qu'il suffit pour engager les hommes qui en auront le temps et l'occasion à répéter la même tentative d'une manière plus suivie , et particulièrement chez les sujets qui, par leur jeunesse et par la per- sistance d'un reste de la faculté d'entendre, peuvent donner plus d'espérance de succès. En terminant cette Préface, je crois devoir y consigner mes remercîmens aux élèves ins- truits et laborieux qui m'ont aidé dans mes recherches, et sans le secours desquels il m'eût été impossible d'obtenir en aussi peu de temps autant de résultats. Je dois citer particulière- ment MM. Beaugendre, actuellement médecin à Quimperlé; Rault, élève interne à l'hôpital Necker, et mon jeune cousin M. Mériadec Laennec, étudiant en médecine, qui m'ont secondé avec un zèle non interrompu. Je dois également un témoignage de recon- naissance à plusieurs élèves qui, quoiqu'ils n'aient pas pu suivre aussi long-temps mes expériences, ne m'en ont pas été moins utiles pendant le temps qu'ils y ont donné, et parti- culièrement à MM. Ambroise Laennec, actuel- lement docteur en médecine à Nantes ; No- verre, ancien élève interne à l'hôpital Necker; XXXVIII PRÉFACE. Dalbant, élève externe au même hôpital; Baumes, actuellement docteur en médecine, et Toulmouche, élève de la Faculté. Ce dernier a fait en outre, d'après nature , la plus grande partie des dessins sur lesquels ont été gravées les planches jointes à cet ouvrage. TABLE ANALYTIQUE DU PREMIER VOLUME. Introduction. Fréquence et danger des affections thoraci- ques, pag. 1. - Obscurité des signes propres à les faire reconnaître et distinguer, 3. -«- Percussion de la poitrine découverte par Avenbrugger , 4* - Elle laisse beaucoup à desirer , ibid. - Auscultation immédiate des anciens , 6. - A-peu-près impraticable, 7. -Première idée de l'aus- cultation médiate, ibid. - Division de 1 ouvrage , 9. - Instrumens de l'auscultation médiate , 10. - Description du cylindre ou stéthoscope, 11. - Précautions à prendre pour son emploi , 12. -Etude de l'auscultation médiate, ibid. - L'auscultation médiate ne doit pas faire oublier la méthode d'Avenbrugger, i3. - Elle s'aide quelquefois de di- verses méthodes d'exploration plus bornées dans leur objet , ibid. - L'habitude de l'auscultation médiale ne peut guère s'acquérir que dans les hôpitaux, i4- PREMIÈRE PARTIE. EXPLORATION DE LA KOIX. CHAP. Ier. Exploration deda voix en général, i5. - Fré- missement des parois thoraciques quand un homme sain parle ou chante, ibid.-Découverte de la pectoriloquie, 17. •- Elle indique toujours une excavation dans le poumon, 18. - Un phénomène semblable a lieu quand on applique le cylindre sur le larynx ou la trachée d'un homme sain, ibid. CHAP. II. De la Phthisie pulmonaire ou de faffection tuber- culeuse du poumon. Art. Ier. Tubercules du poumon, 19. - Description des tuber- cules du poumon ,21.- Leur ramollissement ,22. - Ex- pulsion de la matière tuberculeuse ramollie, 2.3. •-Variétés de forme des excavations tuberculeuses , 24. - Fausse mem- brane qui les tapisse, 25. - Développement secondaire d'une membrane cartilagineuse, 27. - Tubercules enkystés de XL TABLE ANALYTIQUE. M. Bayle, 28. - Variétés clans la marche de l'affection luber- x culeuse, 29. - Coïncidence de la péripneumonie avec les tubercules , 3i. -Le développement des est le résultat d'une disposition générale , ibid. - Variétés acciden- telles dans la couleur des tubercules , 38. Art. IL Variétés de la pectoriloquie, 4.0. - Pectoriloquie évi- dente ou douteuse, ibid. -Pectoriloquie parfaite ou impar- faite , 4-2• - Expériences faites dans le dessein de rendre la pectoriloquie plus évidente, 44* -Différences de la pecto- riloquie, indépendantes de l'instrument dont on se sert, 46. - Variétés sous le rapport de la voix en elle-même, 4j- - Bruits étrangers à la voix qui peuvent accompagner la peclo- riloquie, -L'extinction de voix n'empéche pas la pec- toriloquie , 49. - Différences de la pectoriloquie suivant le siège et la forme des excavations tuberculeuses , 5o.-Ma- nière d'explorer la voix j 5i. Art. III. Appréciation de la valeur respective. Des dijjérens Agnes de la phthisie ,52. - Degré de certitude de la peclo- riloquie comme signe , ibid. - Cas où elle peut n'élre pas reconnue, 54- - Appréciation des autres signes de la phthi- sie , 57. Art. IV. Examen de cette question : La guérison de la phthi- sie est-elle possible? 5g. - Phthisie regardée généralement comme incurable , ibid. -Possibilité de sa guérison , 60. - Description des fistules pulmonaires, 61. - Obs. iT». Ulcères du poumon guéris par leur transformation en fistules demi-cartilagineuses , 63. - Obs. 11. Ulcère du poumon transformé en fistule demi-cartilagineuse, et tubercules crus et miliaires chez un sujet mort d une maladie cérébrale, 68. - Obs. m. Ulcère transformé en fistule demi-cartilagi- neuse dans le poumon, chez un sujet qui en présentait un second non guéri , et qui avait en outre des tubercules crus , 72.- Obs. iv. Phthisie pulmonaire guérie par la trans- formation de la cavité ulcéreuse en fistule , 76. - Cicatri- sation des fistules pulmonaires, 79. •- Obs. v. Fistule cartilagineuse du poumon en partie cicatrisée, chez un sujet qui avait d'ailleurs des tubercules à divers degrés et une fistule pulmonaire non cicatrisée, ibid. - Description des cicatrices pulmonaires, 84. - Flaccidité et noirceur du tissu pulmonaire autour de ces productions, ibid. -Dépressions inégales de la surface du poumon dans le lieu où ces pro- ductions existent, 86. -Oblitération des rameaux bron- chiques et des vaisseaux sanguins qui s'y rendent, 87. -- Obs. vi. Cicatrice celluleuse ancienne dans le poumon , TABLE ANALYTIQUE. XLI ehez un homme mort d'une pleurésie chronique et d'une péritonite aiguë , 88. - Obs. vu. Cicatrice fibro-cartilagi- neuse ancienne dans un poumon, chez un homme mort de péripneumonie, g5.-Réflexions sur les observations précé- dentes, ïoo. - Variélésdes cicatrices pulmonaires , io3. - Guérison momentanée de la phthisie, ibid. - Obs. vin. Phthisie pulmonaire suspendue dans sa marche et en appa- rence guérie, 104.-Causes probables de la suspension de la marche de la phthisie. io5. - Considérations sur la marche des tubercules, 106. - Signes qui peuvent faire espérer la guérison de la phthisie, 108. - Obs. ix. Phthisie pulmo- naire guérie, 109. - Obs. x. Phthisie pulmonaire guérie, 112. Art. N .De l'Expectoration de la matière tuberculeuse ou des vomiques , n3. - Description des vomiques du poumon, ibid. -Opinion d'Hippocrate sur cette maladie , 1i4- -Les vomiques sont le produit du ramollissement d'une grande masse tuberculeuse, 116. -Caractères des crachats dans la première période de la phthisie, 117.-Dans la seconde pé- riode , 118. -Coïncidence de la pectoriloquie avec l'ap- parition des crachats de la seconde espèce , 119. -Rapports de l'état des crachats avec la lésion organique qui constitue la phthisie, 120.-Conclusion du chapitre II, 123. Chap. III. Delà Dilatation des bronches , 124. - Description de cette altération organique, 125. - Maladies qui la pro- duisent, 12G. - Signes qui peuvent la faire reconnaître, 127. - Obs. xi. Dilatation aigue des bronches à la suite de la coqueluche, 128.- Obs. xn. Dilatation chronique des bron- ches , i33. Chap. IV. De VEgophonie ou de la pectoriloquie chevrotante, i38. -Analogie de ce phénomène avec la pectoriloquie, ibid. - Description de l'égophonie, i3g. - Précaution né- cessaire pour bien l'entendre, i4o.-Cas où elle a lieu, ibid. - Endroits où elle s'entend, 142.-Opinion sur la cause de ce phénomène, i43. - Pronostic qu'on doit en tirer, 147. Doutes non encore éclaircis sur ce phénomène, x48.-Sus- pension momentanée de l'égophonie, i5o. •- Coïncidence de ce phénomène avec la pectoriloquie, ibid. XLII TABLE ANALYTIQUE. DEUXIÈME PARTIE. EXPLORATION DE LA RESPIRATION. CHAP. Ier. Exploration de la respiration en général, i5r. -• Utilité de l'auscultation de la respiration dans presque toutes les affections des poumons , ibid. - Bruit de la res- piration chez un homme sain , rfJ2. - Causes qui peuvent empêcher son appréciation exacte , ibid. - Moyens à pren- dre pour la rendre plus sonore et plus facile à explorer, r 53. - Influence de l'âge sur l'intensité du bruit de la respira- tion , i54- - Caractères du bruit de la respiration chez les enfans , ibid. - Chez les adultes , 155.- Causes de la dif- férence du bruil de la respiration dans l'enfance et dans l'âge adulte , i56. -Le bruit de la respiration sensible à l'oreille nue ne peut servir de mesure à celui que l'aus- cultation médiale fait entendre, i58. - Signes généraux fournis par l'absence du bruit de la respiration, i5g. CHAP. II. De la Péripneumonie. Art. Ier. Caractères anatomiques de. la péripneumonie , 160. - La péripneumonie présente trois degrés sous le rapport anatomique, ibid. - Etat du poumon dans le premier de- gré , 161. - Dans le deuxième degré, ibid. -• Dans le troi- sième degré, ï64. - Abcès du poumon, i65. - Différences entre ces collections purulentes et les masses tuberculeuses ramollies , 166. - Réunion des trois degrés de la péripneu- monie dans le même poumon , 167. - Résolution de la pé- ripneumonie, 168. Akt. IL Des Signes de la péripneumonie, 169. - Insuffisance de la plupart des signes attribués par les auteurs à la péri- pneumonie , ibid. - Caractère des crachats dans la péri- pneumonie, 170. - Utilité de la percussion pour recon- naître cette maladie , 17 1. - Avantages de l'exploration à l'aide du cylindre, 172. - Caractère du bruit de la respira- tion dans le premier degré de la péripneumonie, ibid. - Absence totale de ce bruit dans les deux autres degrés, ibid. - Précision de l'auscultation médiate pour apprécier les progrès de la guérison dans la péripneumonie, 1y.3. - Avantages de ce résultat, 174. - Circonstances qui donnent encore à l'auscultation médiate un grand avantage sur la percussion, 176. - Comparaison de ces deux méthodes TABLE ANALYT1QÜÉ. XLIII d'exploration, et précautions nécessaires pour rendre la der- nière aussi utile que possible , 17g. Aht. III. De la Gangrène du poumon, 181. - Rareté de cette affection, ibid.-Variétés qu'elle peut présenter, 182.- Caractères anatomiques de la gangrène non circon- scrite du poumon , ibid. - Ses symptômes, 183. - Marche plus lente de la gangrène circonscrite , 184. - Description des eschares gangréneuses du poumon , ibid. - Ramollisse- ment de ces eschares, i85. --Caractères des excavations qui en résultent, ibid. -Symptômes de la gangrène partielle du poumon , 186. - Les excavations gangréneuses donnent la pectoriloquie , 187.- Obs. xiii. Eschare gangréneuse superficielle du poumon ayant déterminé une pleurésie , 188. - Obs. xiv. Gangrène du poumon, eschares gangréneuses détachées et formant bourbillon, ig3. - Obs. xv. Gangrène partielle du poumon ; eschare tombée en deliquium putride, 197. - Obs. xvï. Pleurésie et pneumo-thorax par suite de la rupture dans la plèvre abcès gangréneux du pou- mon , 19g. - Variété fort rare de la gangrène circonscrite du poumon, 208. -Description de celte altération , 209.- - Signe qui peut la faire reconnaître , ibid. CHAP. III. De l"Emphysème du poumon , 210. - Fréquence de celle maladie el causes qui l'ont fait méconnaître , ibid. -Description du tissu pulmonaire sain, ibid. -Changemens qui s'y opèrent dans l'emphysème léger, 211. - Rupture des cellules aériennes dans l'emphysème du poumon porté plus loin ou survenu trop brusquement, 2r2. - Etat du tissu pulmonaire après celle rupture, 2i3. - Il est facile de méconnaître l'emphysème quand il affecle les deux poumons, 214. - Aspect des poumons emphysémateux, 215. - Signes généraux de l'emphysème du poumon ,217. - Signes pathognomoniques fournis parl'auscultation médiate el la percussion, 21g. - Maladies avec lesquelles on peut confondre l'emphysème du poumon, 220. - Conjectures sur la manière dont se développe celte maladie ,221.-Faits à l'appui de ces conjectures, 222. - Cas qui font exception, 224- - Auteurs qui ont entrevu l'emphysème du pou- mon, 22G. -Obs. xvn. Emphysème partiel des poumons, 23o. - Obs. xviii. Emphysème du poumon el hypertro- phie du cœur à la suite de catarrhes habituels, 234. - Obs. xix. Emphysème total des poumons , 23g. - Obs. xx. Emphysème des poumons à un.inédiocre degré, catarrhe suffocant et péripneumonie légère , 247- - Obs. xxi. Em- physème du poumon avec crevasses du tissu pulmonaire chez XLIV TABLE ANALYTIQUE. une femme guérie depuis long-temps de la phthisie pulmo- naire., 251. CHAP. IV. Des Productions accidentelles développées dans les poumons. Art. Ier. Des Productions accidentelles du poumon en géné- ral, 263. - Symptômes communs que présentent ces pro- ductions ? 264. -Signes fournis par l'auscultation médiate lorsque ces productions sont volumineuses , 265. -Cas où ces signes manquent, ibid. - Inutilité delà percussion dans les cas de productions peu volumineuses , 266. - Possibi- lité de reconnaître les tumeurs volumineuses développée* dans le médiastin, 267. Art. II. Des Kystes développés dans le poumon , ibid. - Dé- finition des kystes, ibid. - Description générale de ces productions5 leur état simple ou composé, 268. -Rareté de ces productions chez l'homme, ibid. -Description d'un kyste composé situé dans le lobe inférieur du poumon droit, 269. Art. III. Des Vers vésiculaires développés dans le poumon , "ijo. - Description des acéphalocystes ou hydatides , ibid. - Variétés des kystes dans lesquels sont renfermés ces vers, 272. - Observation sur unedouble hydalide dévelop- pée dans les poumons, par M. Geoffroy, 278. - Possibilité d'obtenir quelques signes par l'auscultation médiate dans un cas semblable, 277. Art. IV. Des Productions cartilagineuses} osseuses, calculeu- ses et crétacées du poumon , 278. - Fréquence de ces pro- ductions , 279. - Irrégularité de l'ossification des produc- tions cartilagineuses , ibid. - Variétés des ossifications ac- cidentelles, 280. - Description de ces productions, ibid. - Opinions des pathologistes sur la cause des concrétions calculeuses ou crétacées des poumons, 282.- Examen de l'opinion de M. Bayle sur la phthisie calculcuse, 284. - Incertitude des symptômes attribués à l'existence des pro- ductions osseuses ou crétacées du poumon, 286. Art. V. Des Mélanoses du poumon, 288. -Considérations sur les productions accidentelles qui n'ont point d'analogue dans les tissus naturels, ibid. -Descriptions des mélanoses , 289. - Mélanoses enkystées, ibid. - Non enkystées, 290. - Infiltration des organes par la matière des mélanoses, 291. - Elïets généraux des mélanoses, 292. - Eifels locaux produits par leur développement dans le poumon, ibid. - Rareté du développement dés mélanoses flans le tbsn pul- TABLE ANALYTIQUE. XLV tnonaire, 2g/t. -Différences delà matière des mélanoses et de la matière noire pulmonaire, ibicl. - Difficulté de distinguer ces deux matières dans quelques cas, 2g5. - Des- cription de la matière noire pulmonaire, 296. - Circon- stances qui donnent lieu à un développement plus grand de cette matière, 297.- Règle à suivre pour la distinguer de la matière des mélanoses, 298. - Obs. xxn. Mélanoses déve- loppées dans un grand nombre d'organes, 29g. - Obs. xxm. Cicatrices imparfaites dans les poumons me'lées de produc- tions cartilagineuses et crétacées avec accumulation de ma- tière noire pulmonaire, 3o2. - Réflexions sur ces deux ob- servations, 809. Arvr. VL Des Encéphaloïdes du poumon , 3i2. - Les encé- phaloïdes ne peuvent constituer une espèce de phthisie , ibid. -Variétés et développement de la matière cérébriforme, 313. - Description de la matière cérébriforme parvenue à son entier développement, ibid. - Ramollissement de la ma- tière cérébriforme, 3i5.- Masses cérébriformes enkystées, 316. - Non enkystées, 319. - Infiltration des organes par la matière cérébriforme, 321.- Syihptômes produits par le développement de la matière cérébriforme , 322. Art. VIL Exploration des tubercules, par la respiration, 323. Insuffisance de l'auscultation de la respiration dans le cas de tubercules crus et disséminés, 824. - Caractère du bruit de la respiration dans les points correspondans à des ca- vités ulcéreuses, 325. - Phénomène fort remarquable qui accompagne quelquefois le bruit de la respiration dans ces cas, 827. CH AP. V. De la Pleurésie. Abt. Ier. Caractères anatomiques de la pleurésie, 828.-Dé- finition de la pleurésie et sa distinction de la péripneumo- nie , ibid. - Rougeur de la plèvre dans la pleurésie aiguë, 38o. - Exhalation qui accompagne l'inflammation de la plèvre, 331. -Description des fausses membranes pleu- rétiques , ibid. - Epanchement séro-purulenl qui accom- pagne leur formation , 333. - Fausses membranes sans épanchement séreux, 335. - Transformation des fausses membranes pleurétiques en tissu cellulaire, 336. - Déve- loppement de vaisseaux sanguins dans ces productions acci- dentelles , 387. - Rougeur des lames séreuses acci- dentelles produite par l'organisation des fausses membranes pleurétiques, 33g. -Etat du poumon dans la pleurésie ai- guë, 34o. -Carnification du poumon , ibid. Art. IL Caractères anatomiques de la pleurésie chronique t XLVI TABLE ANALYTIQUE. 341 Caractères des fausses membranes et de l'épanche- ment séro-purulent dans la pleurésie chronique, 342. - Celte maladie a peu de tendance à la guérison , 343. - Dilatation du côtéaffecté, état du poumon dans la pleurésie chronique, ibid.- Variétés de cette maladie , 344* Art. III. Signes delà pleurésie, 345. - Signes généraux de la pleurésie, ibid.-Signes fournis par la percussion , ibid. - Signes plus conslans et plus certains fournis par l'auscul- tation médiale , 347.-Absence subite du bruit de la respi- ration dans presque tout le côté affecté, 348. - Persistance du bruit de la respiration le long de la colonne vertébrale , 349. -Circonstances où le bruit de la respiration ne dimi- nue que peu à peu , 35o. - Signes qui annoncent la ré- sorption de l'épanchement pleurétique, 351. - Signes que fournit la mensuration de la poitrine , 352. - Signes four- nis par l'égophonie, 353. - Obs. xxir. Pleurétique égo- phone guéri, 354- - Obs. xxy . Pleurésie chronique du côté gauche avec ascite et maladie organique du foie, 35q. Art. IV. Du Rétrécissement de la poitrine à la suite de certai- nes pleurésies , 36g. - Persistance de l'absence du son dans le côté affecté, dans quelques pleurésies chroniques , ibid. Changemens qui surviennent dans la conformation de la Îioitrine dans ces cas, 870. - Organisation irrégulière des ausses membranes dans les pleurésies suivies de rétrécisse- ment de la poitrine , 872. -Caractère de la membrane ac- cidentelle unique qui succède alors, 878.- Opinion sur la manière dont se forme cette membrane fibro - cartilagi- neuse , 874. - Fausses membranes fibro-cartilagineuses in- complètes, 875.-Autre mode deformation des membranes fibro-cartilagineuses accidentelles, 876. - Caractères des diverses couches de la membrane fibro-cartilagineuse dans quelques pleurésies chroniques, 877. -Signes généraux de la terminaison d'une pleurésie par la formation des fausses membranes fibro-cartilagineuses , 878.-Signes constans et certains fournis par la percussion et l'auscultation médiate réunies, 879. - Etat du poumon chez les sujets morts d'une pleurésie chronique ainsi terminée, 880.-Causes de l'ab- sence du bruit respiratoire dans ces cas, ibid. - Lenteur d.e la terminaison de ces pleurésies chroniques, 38i.- Conclusion de ce qui précède, 388Obs. xxrr. Rétré- cissement de la poitrine chez une phthisique, 884. - Obs. xxkii. Rétrécissement delà poitrine à la suite d'une pleurésie chronique chez un sujet atteint de la diathèse tuberculeuse TABLE ANALYTIQUE. XLVII et mort d'une pleurésie aiguë, 388. - Obs. xxriu. Rétré- cissement commençant de la poitrine, 3g3. Art. V. De la Gangrène de la plèvre et de celle desfausses membranes pleurétiques, 4o4- -Rareté de la gangrène de la plèvre, ibid. - Description de cette altération, ibid. - Gan- grène des fausses membranes pleurétiques, 4°5. -Abcès extérieurs produits par la gangrène de la plèvre, Art. VI. De la Pleurésie circonscrite , 4°7 •-Variétés de cette affection , ibid. - Etat du poumon dans les pleurésies cir- conscrites, 4*8* - Signes auxquels on peut reconnaître ces pleurésies, ibid. GH AP. VI. De VHydropisie des plèvres. Art. Ier. De UHydropisie idiopathique des plèvres. - Ra- reté de l'hydro-thorax idiopathique, 409- -Caractères ana- tomiques de cette affection, 4io. - Symptômes auxquels elle donne lieu, 41 --Difficulté de distinguer l'hydro- thorax de la pleurésie chronique, ibid. - Réflexions sur quelques cas analogues de difficulté de diagnostic, 412* Art. II. De 1'Hydropisie symptomatique des plèvres. - Fré- quence et signes de celte affection , l*il*.- Caractères de lepanchement, 4 Art. III. Des Productions accidentelles de la plèvre qui peu- vent y déterminer un épanchement liquide. - Masses can- céreuses développées sur la plèvre, l*iô. - Tubercules dé- veloppés sur la plèvre , l*i6. ■- Aspect de la plèvre dans ce dernier cas , 4(7- -Granulations développées sur la plè- vre, ibid. - Caractères de l'épanchement dans ces cas, ibid. CH AP. VII. Des Épanchemens de sang dans la cavité des plèvres.-Causes variées de ces épanchemens, l*\ 8. -Gra- vité de l'épanchement sanguin idiopathique , 419- - Possi- bilité et promptitude de la résorption de cet épanchement, ibid. - Signes qui peuvent en annoncer Fexistence, 420. - CHAP. VIII. Productions accidentelles et autres corps solides dans la cavité des plèvres. Art. Ier. Des Productions accidentelles développées dans la ca- vité des plèvres, 1*20.-Exemples de sécrétion de matière can- céreuse ou tuberculeuse dans la plèvre, 1*21. - Obs. xxix. Masse tuberculeuse développée dans la plèvre, 422.-Signes qui pourraient faire reconnaître de semblables produc- tions , 427- " Tumeurs développées sur la face exerne de la plèvre, 428. Art. II. Des Hernies intestinales diaphragmatiques. - Causes XLVIII TABLE ANALYTIQUE. variées de ces hernies , /t2g. - Signes que pourrait fournir l'auscuitation médiate dans des cas de hernies diaphragmati- ques, 43o. - Hernies du poumon, 431 •- Signes que doit donner l'auscultation médiale dans les hernies du pou- mon, ibid. CHAP. IX. Du Pneumo-thorax ou des épanchemens aéri- formes dans la cavité des plèvres. Art. Ier. Caractères anatomiques et variétés du pneumo-tho- rax, -Affection à peine indiquée par quelques auteurs. ibid. - Causes du développement du pneumo-thorax , 434- - Coïncidence du pneumo-thorax avec des pleurésies laten- tes , ibid. - Avec une communication des bronches et de la plèvre, 435. - Avec un épanchement séreux , 436. - Avec la gangrène du poumon ou de la plèvre , ibid. - Avec un épanchement de sang, ibid. - Avec une rupture des cellules aériennes , après une chute ou dans l'emphysème du poumon, • -Pneumo-thorax produitpar simple exha- lation d'un fluide aériforme dans la plèvre., ibid. -Effets du pneumo-thorax, 43g- - Obs. xxx. Pneumo-thorax simple chez un homme attaqué de phthisie pulmonaire la- tente , ibid. - Réflexions sur cette observation, 446» Art. IL Des Signes du pneumo-thorax, 447- - Signes géné- raux presque nuis, ibid. - Erreurs auxquelles expose la percussion , 44$* -Memes inconvéniens attachés à la men- suration de la poitrine, ibid. -Signes certains obtenus par la comparaison des résultats de l'auscultation et de la per- cussion, 449- - Différences des signes du pneumo-thorax et de l'emphysème du poumon , 45i. - Utilité d'un dia- gnostic exact du pneumo-thorax , 452. - Obs. xxxi. Pneu- mo-thorax avec épanchement pleurétique , ibid. FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE DU PREMIER VOLUME. DE L'AUSCULTATION MÉDIATE. INTRODUCTION. i. De toutes les maladies locales, les affections des organes contenus dans la cavité thoracique sont sans contredit les plus fréquentes; leur danger ne peut être comparé qu'à celui des altérations organiques du cerveau; et, quoiqu'ordinairement moins présent, il est souvent tout aussi grave. Le cœur et le poumon for- ment en effet avec le cerveau, suivant l'ingénieuse ex- pression de Bordeu, le trépied de la vie; et aucun de ces viscères ne peut être altéré d'une manière un peu forte ou étendue sans qu'il n'y ait danger de mort. Les mouvemens continuels des viscères thoraciques, la vie plus active en -eux que par-tout ailleurs, la dé- licatesse de leur organisation, expliquent la fréquence et la gravité de leurs altérations : aussi n'est-il aucun tissu de l'économie animale dont l'inflammation idio- pathique et primitive devienne aussi souvent que celle du poumon une cause de maladie sérieuse ou de mort ; aucun n'est aussi sujet à devenir le siège de productions accidentelles de toute espèce, et particulièrement de la plus commune de toutes, les tubercules. Le cœur, quoique d'une structure plus robuste, est également exposé à des altérations très- O FREQUENCE ET OBSCURITE variées, dont quelques-unes, il est vrai, sont assez rares ; mais d'autres ne le sont nullement, et l'accrois- sement de nutrition, ainsi que la dilatation de cet or- gane surtout, sont au nombre des maladies les plus communes. 2. Comme complication ou effet d une cause gé- nérale qui porte son influence sur plusieurs organes à-la-fois, les affections thoraciques tiennent encore le premier rang, soit sous le rapport de la gravité, soit sous celui de la fréquence. Dans les fièvres essen- tielles , par exemple, un léger degré de péripneumo- nie, un afflux sanguin vers le poumon, ou au moins un catarrhe qui engorge de mucosités les ramifications bronchiques, rougit et épaissit leur membrane in- terne, sont des affections locales au moins aussi con- stantes que les rougeurs, les épaississemens ou les ul- cérations de la membrane muqueuse intestinale, dans lesquelles plusieurs auteurs anciens et modernes ont cru trouver la cause de ces maladies. On peut même dire que, dans toute espèce de mala- dies, quel qu'en soit le siège, la mort n'arrive presque jamais sans que les organes thoraciques ne soient affec- tés d'une manière quelconque , et que le plus souvent le péril de mort ne commence qu'au moment où s'annoncent les signes de l'engorgement pulmonaire, d'un épanchement séreux dans les plèvres , ou d'un grand trouble dans la circulation. Le cerveau ne se prend ordinairement qu'après ces organes, et souvent, jusqu'au dernier instant de la vie, il reste dans l'état d'intégrité le plus parfait. 5. Quelque dangereuses que soient les maladies de la poitrine, elles sont cependant plus souvent curables qu'aucune autre maladie interne grave ; et, sous ce double rapport, les médecins de tous les âges ont dû nécessairement chercher des signes propres à les faire reconnaître et distinguer entre elles. Leurs efforts, jusqu'à ces derniers temps, ont été suivis de peu de succès ; et cela devait être tant qu'on s'en est tenu aux signes que peuvent donner l'inspection et l'étude du trouble des fonctions. Avec ces données seules, le diagnostic des maladies de poitrine devait nécessairement être, comme le trouvait Baglivi, in- comparablement plus obscur que celui des affections de tout autre organç interne. En effet, les maladies du cerveau, peu nombreuses, se reconnaissent, en gé- néral , à des signes certains et frappans ; les parois molles et souples de l'abdomen permettent de palper les organes qu'il renferme, et de juger jusqu'à un cer- tain point de leur volume, de leur position , de leur degré de sensibilité, et des productions accidentelles qui peuvent s'y être développées. Les maladies des organes thoraciques, au contraire, extrêmement nom- breuses et très-diversifiées, ont presque toutes des symptômes semblables. La toux, la dyspnée, et, dans quelques-unes, l'expectoration, sont les principaux et les plus saillans ; et les variétés que présentent ces symptômes ne correspondent pas, à beaucoup près, d'une manière constante à des différences dans les alté- rations organiques qui les occasionnent : aussi est-il impossible au médecin le plus habile, lorsqu'il n'a d'autres moyens de reconnaître ces maladies que l'exploration du pouls et l'examen des symptômes , de ne pas méconnaître la plupart du temps celles mêmes d'entre elles qui sont les plus communes et DES AFFECTIONS THORACIQUES. 3 4 PERCUSSION d'âVENBRUGGER. les mieux connues. Je ne crains pas d'être désavoué par les médecins qui ont fait avec suite et pendant un certain temps des ouvertures de cadavres, en avançant qu'avant la découverte Âveiïbrugger , la moitié des péripneumonies et des pleurésies aiguës, et presque toutes les pleurésies chroniques, devaient nécessairement être méconnues, et que, dans les cas mêmes où le tact d'un médecin exercé pouvait lui faire soupçonner quelque chose de semblable, il pou- vait rarement lui inspirer assez de confiance pour le déterminer à employer un moyen héroïque d'après une semblable conjecture. 4. La percussion de la poitrine, suivant la méthode de l'ingénieux observateur que je viens de citer, est sans contredit l'une des découvertes les plus pré- cieuses dont la médecine se soit jamais enrichie. Elle a soumis au jugement immédiat des sens plusieurs maladies que l'on ne reconnaissait jusque là qu'à des signes généraux et équivoques, et en a rendu le dia- gnostic aussi sûr que facile. 5. On ne peut nier cependant que cette méthode d'exploration ne laisse encore beaucoup à desirer. Elle n'indique souvent rien dans la phthisie pulmo- naire , et dans aucun cas elle ne peut faire distinguer cette maladie de la péripneumonie chronique. Dans la péripneumonie même, elle est d'un faible secours quand l'engorgement inflammatoire occupe seulement le centre du poumon, ou quand les deux poumons sontaffectes a-la-foisd une manière légère ou à-peu-près égale; elle ne donne aucun signe propre à faire distin- guer cette maladie de la pleurésie, de l'hydrothorax, ou de tout autre épanchement dans la plèvre. Elle ne four- PERCUSSION d'àVENBRUGGER. 5 nit aucun moyen de reconnaître le pneumo-thorax, ou plutôt elle devient une cause presque nécessaire d'erreur dans ce cas. Elle ne fait reconnaître les ma- ladies du cœur que lorsque cet organe est devenu très-volumineux ; et le plus souvent la mort arrive avant que la maladie soit parvenue à ce degré. Elle n'a jamais donné d'indices sur l'existence de l'ané- vrysme des gros vaisseaux, que dans des cas où l'appli- cation de la main et la vue même en fournissaient de plus sûrs encore. Les résultats de la percussion sont d'ailleurs équi- voques quandl'absence du son n'existe qu'à lapartiein- férieure droite de la poitrine ; ils sont souvent trom- peurs quand la poitrine est déformée, même à un léger degré , par l'effet du rachilis ; enfin ils sont fort in- certains, et même nuis, quand les légumens de la poitrine sont infiltrés ou chargés d'une quantité con- sidérable dégraissé, et surtout quand ils sont devenus flasques par une légère diminution de cet embonpoint excessif. L'art de percuter, d'ailleurs, quoique très-simple en apparence, exige, pour donner des résultats réel- lement utiles, une grande habitude, et une dextérité que beaucoup d'hommes ne peuvent acquérir. La plus légère différence d'inclinaison dans l'angle sous lequel les doigts frappent le thorax peut faire croire à une différence de résonnance qui réellement n'existe pas. Beaucoup de médecins ne peuvent parvenir à tirer du son qu'en employant assez de force pour que les malades trouvent le procédé douloureux. D'autres circonstances indépendantes de l étal réel de la poitrine peuvent également faire varier l'intensité 6 AUSCULTATION IMMEDIATE. du son : ainsi une poitrine dont le son a paru pres- que mat lorsqu'on a percuté le malade dans une chambre petite et remplie de meubles , ou dans un lit entouré d'épais rideaux, paraîtra le lendemain beaucoup plus sonore si l'exploration se fait dans un appartement plus vaste ou dans un fauteuil. 6. C'est surtout dans les maladies du cœur que se fait fréquemment desirer un signe plus con- stant et plus certain que celui que fournit la percus- sion. Le\ symptômes généraux de ces maladies sont -communs à beaucoup d'autres affections organiques ou nerveuses. L'application de la main donne bien quelques indices par l'étendue, la force et le rhythme régulier ou anomal des baltemens du cœur ; mais ces battemens sont rarement bien distincts ; et l'embon- point ainsi que l'infiltration les rendent très-obscurs , meme tout-à-fait imperceptibles. 7. Quelques médecins ont essayé, dans ces cas, d'appliquer l'oreille sur la région précordiale. Les battemens du cœur, appréciés ainsi à-la-fois par les sens de l'ouïe et<du tact, deviennent beaucoup plus sensibles. Cette méthode est cependant loin de donner les résultats qu'elle semblerait promettre. Je ne l'ai trouvée indiquée nulle part ; tous les médecins à qui je l'ai vu pratiquer l'avaient apprise par tradition. J /idée première en a peut - être été puisée dans un passage d'Hippocrate que j'aurai occasion d'examiner ailleurs; elle est si simple, au reste, quelle doit être fort ancienne : cependant je ne sache pas que per- sonne en ait jamais tiré un certain parti ; et cela tient sans doute à ce qu'elle peut souvent induire en erreur, pour des raisons diverses qui seront exposées chacune PREMIERE IDÉE DE l'aüSCULTAT. MEDIATE. 7 en son lieu. Aussi incommode d'ailleurs pour le médecin que pour le malade , le dégoût seul la rend à-peu-près impraticable dans les hôpitaux; elle est à peine proposable chez la plupart des femmes, et chez quelques-unes même, le volume des ma- melles est un obstacle physique à ce qu'on puisse remployer. Par ces divers motifs, ce moyen ne peut être mis en usage que très-rarement, et on ne peut par con- séquent en obtenir aucune donnée utile et appli- cable à la pratique ; car on n'arrive à un* résultat semblable, en médecine, que par des observations nom- breuses et assez rapprochées pour permettre d'établir facilement entre les faits des comparaisons propres à les réduire à leur juste valeur, et à démêler la vérité au milieu des erreurs qui naissent continuellement de l'inexpérience de l'observateur , de 1 inégalité jour- nalière de son aptitude, de l'illusion de ses sens, et des difficultés inhérentes à la méthode d'exploration qu'il emploie. Des observations faites de loin en loin ne surmon- teront jamais des obstacles semblables. Cependant, faute d'un moyen plus sûr, j'avais depuis long- temps l'habitude d'employer la méthode dont je viens de parler, lorsque, dans un cas obscur, elle se trouvait praticable ; et ce fut elle qui me mit sur la voie pour en trouver une meilleure. 8. Je fus consulté , en 1816, pour une jeune per- sonne qui présentait des symptômes generaux de maladie du cœur, et chez laquelle 1 application de la main et la percussion donnaient peu de résultat a raison de l'embonpoint. L'âge et le sexe de la malade 8 PREMIÈRE IDÉE DE l'aUSCULT. MEDIATE. m'interdisant l'espèce d'examen dont je viens de parler, je vins à me rappeler un phénomène d'acoustique fort connu : si l'on applique l'oreille à l'extrémité d'une poutre, on entend très-distinctement un coup d'épin- gle donné à l'autre bout. J'imaginai que l'on pouvait peut-être tirer parti, dans le cas dont il s'agissait, de cette propriété des corps. Je pris un cahier de papier, j'en formai un rouleau fortement serré dont j'appli- quai une extrémité sur la région précordiale, et posant l'oreille à l'autre bout, je fus aussi surpris que satisfait d'entendre les battemens du cœur d'une manière beaucoup plus nette et plus distincte que je ne l'avais jamais fait par l'application immédiate de l'oreille. g. Je présumai dès-lors que ce moyen pouvait devenir une méthode utile, et applicable non-seule- ment à l'étude des battemens du cœur , niais encore à celle de tous les mouvemens qui peuvent produire du bruit dans la cavité de la poitrine, et par consé- quent à l'exploration de la respiration, de la voix, du râle, et peut-être même de la fluctuation d'un liquide épanché dans les plèvres ou le péricarde. Dans cette conviction, je commençai sur-le-champ, à l'hôpital Neclœr, une suite d'observations que je n'ai pas interrompues depuis. J'ai obtenu pour ré~ sultat des signes nouveaux, sûrs, saillans pour la plupart, faciles à saisir, et propres à rendre le diagnostic de presque toutes les maladies des pou- mons , des plèvres et du cœur, plus certain et plus circonstancié peut-être, que les diagnostics chirur- gicaux établis à l'aide de la sonde ou de l'introduction du doigt. 10- Je diviserai mon travail en quatre parties. La INSTRUMENS DE L'AUSCULTATION MEDIATE. 9 première renfermera les signes que l'on peut obte- nir de la voix à l'aide du cylindre ; la seconde ceux que fournit la respiration ; la troisième ceux que donne le râle, et, par appendice, les résultats que j'ai obtenus de mes recherches sur la fluctuation des li- quides épanchés dans les cavités du thorax ; la qua- trième contiendra l'analyse des battemens du cœur dans l'état de santé et de maladie, et les signes par- ticuliers des maladies du cœur et de l'aorte. 11. Avant d'entrer en matière , je dois faire con- naître les essais presqu'entièrement infructueux que j'ai faits pour perfectionner, soit sous le rapport de la forme , - soit sous celui de la matière , l'instru- ment d'exploration dont je me sers; afin que, si quel- qu'un veut tenter la même chose, il suive une autre route. Le premier instrument dont j'aie fait usage était un cylindre ou rouleau de papier de seize lignes de dia- mètre et d'un pied de longueur, formé de trois ca- hiers de papier battu, fortement serré, maintenu par du papier collé , et applani à la lime aux deux ex- trémités. Quelque serré que soit un semblable rou- leau , il reste toujours au centre un conduit de trois à quatre lignes de diamètre , dû à ce que les cahiers qui le composent ne peuvent se rouler complète- ment sur eux - mêmes. Cette circonstance fortuite m'a, comme on le verra, donné occasion de faire une observation importante : ce conduit est indispensable pour l'exploration de la voix. Un corps tout-à-fait plein est le meilleur instrument dont on puisse se ser- vir pour l'exploration du cœur : il suffirait même pour celles de la respiration et du râle ; cependant ces deux IO INSTRUMENTS DE e'aUSCULTATION MEDIATE. derniers phénomènes donnent plus d'intensité de son à l'aide d'un cylindre perforé et évasé à son extrémité, jusqu'à la profondeur d'environ un pouce et demi, en forme d'entonnoir. 12. Les corps les plus denses ne sont pas, comme l'analogie pourrait le faire penser , les plus propres à former ces instrumens. Le verre et les métaux , outre leur poids et la sensation de froid qu'ils occasionnent en hiver , communiquent moins bien que des corps moins denses les batlemens du cœur et les sensa- tions que produisent la respiration et le râle. D'après cette observation, qui me parut d'abord singulière, j'ai voulu essayer les corps les moins denses, et j'ai fait faire en conséquence un cylindre de baudruche tubulé que l'on remplit d'air au moyen d'un robinet, et dont le conduit central est maintenu par un tube de carton. Ce cylindre est inférieur à tous les autres ; il donne une moindre intensité de son, et a d'ailleursl'inconvénientde s'affaisser au bout de quelques minutes , surtout quand l'air est froid; il donne, en outre, plus facilement qu'au- cun autre, un bruitétranger à celui que l'on explore, par la crépitation de ses parois et le frottement des vête- mens du malade ou de la main de l'observateur. i5. Les corps d'une densité moyenne, tels que le papier, le bois, le jonc à canne, sont ceux qui m'ont constamment parus préférables à tous les autres. Ce résultat est peut-être en contradiction avec un axiome de physique ; mais il me paraît loul-à-fait constant. Je me sers, en conséquence, actuellement d'un cy- lindre de bois percé dans son centre d'un tube de trois lignes de diamètre, et brisé au milieu à l'aide d'une vis, afin de le rendre plus portatif. L'une des pièces esi INSTRUMENS DE l'àUSCULTATION MEDIATE. 11 évasée à son extrémité, à une profondeur d'environ un pouce et demi, en forme d'entonnoir. Le cylindre ainsi disposé est l'instrument qui convient pour l'ex- ploration de la respiration et du râle. On le convertit en un simple tube à parois épaisses, pour l'explora- tion de la voix et des battemens du cœur , en intro- duisant dans l'entonnoir ou pavillon un en-bout de meme bois qui le remplit exactement, et qui se fixe à l'aide d'un petit tube de cuivre qui le traverse et entre dans la tubulure du cylindre jusqu'à une certaine profondeur. ( Voyez pl. 1.') Cet instrument suffit dans tous les cas, quoique, comme je l'ai dit, un corps tout-à-fait plein ait peut-être quelque avan- tage pour l'exploration des battemens du cœur («). 14. Les dimensions que j'ai indiquées ci-dessus 2) ne sont pas tout-à-fait indifférentes : un plus grand diamètre ne permet pas toujours d'appliquer exacte- ment le cylindre sur tous les points de la poitrine ; plus long, l'instrument devient difficile à maintenir dans cet état d'application exacte; plus petit, il obli- gerait souvent le médecin à prendre une position gê- nante, et c'est ce qu'il doit éviter sur toutes choses, s'il veut observer exactement. J'aurai soin, en parlant de chaque espèce d'explo- ration , d'indiquer les positions que l'expérience m'a ap- (aj Je n'avais pas cru nécessaire de donner un nom à un instrument aussi simple; d'autres en ont jugé autrement, et je l'ai entendu désigner sous divers noms , tous impropres et quelquefois barbares, et entres autres sous ceux de sonomètre, pectoriloque, pectoriloquie, thoraciloque , cornet médical, etc. Je pense que si l'on veut lui donner un nom, celui qui con- viendrait le mieux serait stéthoscope. 12 ÉTUDE DE l'AUSCULTATION MEDIATE. pris être les plus favorables à l'observation et les moins fatigantes pour le médecin et pour le malade. Il suf- fit de dire ici que, dans tous les cas, le cylindre doit être tenu comme une plume à écrire , et qu'il faut placer la main très-près de la poitrine du malade, afin de pouvoir s'assurer que l'instrument est bien appli- qué. 15. L'extrémité du cylindre destinée à être appli- quée sur la poitrine du malade, c'est-à-dire celle qui est formée par Xen-bout ou obturateur , doit être très-légèrement concave ; elle en est moins sujette à vaciller , et cette cavité, que la peau remplit très- facilement , ne forme jamais de vide, même sur les points les plus plats de la poitrine. Lorsqu'un amaigrissement excessif a détruit les muscles pectoraux , au point de laisser entre les côtes des gouttières assez profondes pour que l'extrémité du cylindre ne puisse porter de toute sa surface , on remplit ces intervalles de charpie ou de. coton re- couvert d'un linge ou d'une feuille de papier. La même précaution doit être prise pour l'exploration du cœur , chez les sujets dont le sternum est enfoncé en arrière dans sa partie inférieure , comme il arrive fré- quemment chez les cordonniers et chez quelques au- tres artisans. J'ai fait subir au cylindre diverses autres modifica- tions , et j'ai fait quelques essais avec des instrumens d'une forme différente ; mais leur emploi ne pouvant être général , j'en parlerai seulement dans leur lieu. 16. Quelques-uns des signes que l'on obtient par l'auscultation médiate sont très-faciles à saisir, et il suffit de les avoir entendus une fois pour les recou- ETUDE DE l'AUSCULTATION MEDIATE. i3 naître toujours : tels sont ceux qui indiquent les ul- cères des poumons, l'hypertrophie du cœur à un haut degré , la communication fistuleuse entre la plèvre et les bronches, etc. Mais il en est d'autres qui deman- dent plus d'étude et d'habitude; et par cela même que cette méthode d'exploration porte la précision du dia- gnostic beaucoup plus loin que les autres , il faut aussi se donner plus de peine pour en tirer tout le parti possible. 17. L'auscultation médiate, d'ailleurs, ne doit pas faire oublier la méthode d'Avenbrugger ; elle lui donne, au contraire, une importance toute nouvelle, et en étend l'usage à beaucoup de maladies dans les- quelles la percussion seule n'indique rien , ou peut même devenir une source d'erreurs. Ainsi c'est par la comparaison des résultats donnés par l'un et l'autre procédés , que l'on obtient des signes certains et évi- dens de l'emphysème du poumon, du pneumo-thorax, et des épanchemens liquides dans la plèvre. Il en est de même de plusieurs autres méthodes d'exploration plus bornées dans leur objet , et particulièrement de la commotion hippocratique , de la mensuration du thorax , et même de l'auscultation immédiate. Ces méthodes tombées dans l'oubli, et qui par elles-mêmes sont en effet aussi souvent propres à tromper qu'à éclairer le praticien , deviennent, dans des cas qui seront exposés dans cet ouvrage, des moyens miles pour confirmer le diagnostic établi par l'auscultation médiate et la percussion , et pour la porter au plus haut degré de certitude et d'évidence qu'on puisse obtenir dans une science physique. 18. Par ces divers motifs , ce n'est guère que dans H ÉTUDE DE l'aUSCULTATIOTN- MEDIATE. les hôpitaux que l'on peut acquérir d'une manière sure et complète l'habitude de l'auscultation médiate , d'autant qu'il est nécessaire d'avoir vérifié, au moins quelquefois, par l'autopsie, les diagnostics établis à l'aide du cylindre , pour être sûr de soi-même et de l'instrument, prendre confiance en son observation propre, et se convaincre par ses yeux de la certitude des signes donnés par l'ouïe. 11 suffit, au reste, d'avoir observé deux ou trois fois une maladie pour appren- dre à la reconnaître sûrement ; et la plupart désaffec- tions des poumons et du cœur sont si communes, qu'après les avoir cherchées pendant huit jours dans un hôpital, il ne restera plus guère à étudier que quelques cas rares, qui presque tous se présenteront encore dans le cours d'une année, si l'on examine atten- tivement tous les malades. Ce serait sans doute trop exiger d'un médecin livré entièrement à la pratique civile, que de l'engager à suivre un hôpital pendant un temps aussi long ; mais le médecin chargé du ser- vice, et obligé par devoir à cet examen journalier de tous les malades , peut facilement éviter cette peine à ses confrères en les avertissant lorsqu'il rencontrera quelque cas rare ou intéressant. PREMIÈRE PARTIE. EXPLORATION DE LA VOIX. CHAPITRE PREMIER. EXPLORATION DE LA VOIX EN GÉNÉRAL, 1g. Ijorsqu'un homme sam parle ou chante, sa voix Retentit dans l'intérieur delà poitrine, et produit dans tonte l'étendue des parois de cette cavité une sorte de frémissement facile à distinguer par l'application de la main. Ce phénomène n'existe plus lorsque, par l'effet d'une maladie quelconque, le poumon a cessé d'être perméable à l'air, ou se trouve séparé des parois thoraciques par un liquide épanché. 20. Ce signe, au reste, est d'une médiocre valeur , parce qu'un grand nombre de causes font varier l'in- tensité du frémissement, ou le rendent même tout-à-fait nul. Il est peu sensible chez les personnes gfasses, chez celles dont les tégumens ont une certaine flacci- dité, et chez celles dont la voix est aiguë ou peu forte. L'infiltration des parois thoraciques le rend tout- à-fait insensible dans des cas même où les poumons sont ' sains. Chez les hommes les mieux constitués , il n'est bien évident qu'à la partie antérieure supérieure 16 EXPLORATION DE LA VOIX. delà poitrine, sur les côtés et dans la partie moyenne du dos. Enfin ce frémissement n'ayant, dans aucun cas , une grande intensité, il est difficile de faire des examens comparatifs à cet égard, et par conséquent d'en tirer des résultats applicables au diagnostic des maladies du poumon. Comme on ne le sent bien d ail- leurs qu'en appliquant la totalité de la main sur la poitrine , on peut seulement conclure, quand il existe, qu'une grande partie du poumon est perméable à l'air; mais on ne peut trop préciser le point où il ne l'est pas, ni meme reconnaître l'imperméabilité si elle a lieu vers les parties inférieures de la poitrine, comme il arrive le plus souvent dans la péripneu- monie. 21. Je devais cependant , pour compléter la série de mes observations, vérifier jusqu'à quel point le cylindre communique à l'oreille le frémissement des parois thoraciques. Je trouvai qu'il était moins distinct que par l'ap- plication de la main, et cela devait être, puisque le cylindre couvre une moindre étendue de la poitrine; je reconnus aussi que ce frémissement et le retentis- sement de la voix qui l'occasionne présentaient des différences d'intensité dans les diverses parties de la poitrine. Les points où il en a le plus sont l'aisselle , le dos, entre le bord interne de l'omoplate et la co- lonne vertébrale, et la partie antérieure supérieure de la poitrine , vers l'angle formé par la réunion du sternum et de la clavicule. Lorsqu'on applique le cylindre sur ces points, la voix paraît plus forte et plus rapprochée de l'observateur qu'à l'oreille nue : dans les autres parties de la poitrine, au contraire, et DÉCOUVERTE DE LA PECTORILOQUIE. *7 particulièrement en bas et en arrière , elle paraît plus faible et plus éloignée. □2. En me livrant à des recherches comparatives relativement à la résonnance de la voix chez plusieurs sujets sains et malades , je fus frappé par un phéno- mène tout-à-fait singulier. Le sujet qui le présentait était une femme d'environ vingt-huit ans, attaquée d'une légère fièvre bilieuse, et d'une toux récente qui ne présentait d'autres caractères que ceux d'un ca- tarrhe pulmonaire. Lorsque, tenant le cylindre ap- pliqué au-dessous de la partie moyenne de la clavi- cule droite , je faisais parler la malade , sa voix sem- blait sortir directement de la poitrine et passer toute entière par le canal central du cylindre. Ce phéno- mène n'avait lieu que dans une étendue d'environ un pouce carré. Dans aucun autre point de la poi- trine , on ne trouvait rien de semblable. Ne sachant à quoi attribuer ce phénomène , j'examinai sous le même rapport la plupart des malades existant à l'hô- pital , et je le retrouvai chez une vingtaine de sujets. Presque tous étaient des phthisiques arrivés à un de- gré avancé de la maladie ; chez d'autres , l'existence des tubercules était encore douteuse, quoiqu'il y eût des raisons de la craindre. Enfin deux ou trois, comme la femme qui m'avait offert pour la première fois le phénomène, ne présentaient aucun symptôme de cette maladie, et leur embonpoint ainsi que l'état de leurs forces semblaient même devoir éloigner toute crainte à cet égard. 23. Je commençai cependant dès-lors à soupçon- ner que le phénomène pouvait être dû à ces cavités anfractueuses produites par le ramollissement des tu- i8 EXPLORATION DE LA VOIX. hercules , et connues sous le nom d'ulcères du pou- mon. L'existence du phénomène chez des sujets qui ne présentaient aucun signe de phthisie pulmonaire ne me paraissait pas détruire cette conjecture, parce qu'il arrive fréquemment de rencontrer des tuber- cules , et même des tubercules excavés ou ulcères du poumon, chez des sujets morts de maladies aiguës, et chez lesquels la phthisie a toujours été latente. La plupart des malades qui présentaient ce phé- nomène étant morts à l'hôpital, je pus reconnaître par l'autopsie que j'avais rencontré juste. Chez tous je trouvai des cavités plus ou moins vastes, dues au ramollissement de la matière tuberculeuse, et commu- niquant avec des rameaux bronchiques d'un diamè- tre variable» 24. Je trouvai que la pectoriloquie ( c'est ainsi que j'ai cru devoir nommer ce phénomène) était d'au- tant plus prononcée , que la cavité ulcéreuse était plus voisine de la surface du poumon ; et qu'elle n'était jamais plus frappante que lorsque , ce viscère adhérant intimement à la plèvre costale , les parois de la poitrine formaient presque immédiatement une portion de celles de l'ulcère , ce qui, comme on le sait , arrive assez fréquemment. 25. Cette circonstance conduisait naturellement à penser que la pectoriloquie est due à la résonnance plus forte et plus sensible de la voix dans des points qui la répercutent par une surface plus solide et plus étendue ; je présumai en conséquence qu'un phé- nomène analogue devait avoir lieu en appliquant le cylindre sur le larynx et la trachée-artère d'un hom- me sain. Ma conjecture se trouva juste. 11 y a une TUBERCULES DU POUMON. '9 identité parfaite entre la pectoriloquie et la voix sortant du larynx à travers le cylindre , et cette ex- périence est même un très-bon moyen de se faire une idée exacte de la pectoriloquie lorsqu'on n'a pas de malades à sa disposition. 26/ Les phthisiques formant plus du tiers des ma- lades traités dans les hôpitaux de Paris, des faits nombreux vinrent bientôt se joindre aux précédens, et me mirent promptement à portée de reconnaître les variétés du phénomène, les inductions pratiques que l'on en peut tirer et les cas d'exception. Il est inutile que je continue d'indiquer la marche suivie dans ces recherches ; je me contenterai d'en rapporter les résultats : comme ils servent tous à faire reconnaître la phthisie pulmonaire et quelques affec- tions que l'on peut confondre avec elle , je com- mencerai , par l'exposition des caractères de cette ma- ladie , ce que j'ai à dire de ses nouveaux signes. CHAPITRE II. DE LA PHTHISIE PULMONAIRE, ou de ïAffection tuberculeuse du poumon. ARTICLE Ier. Des Tubercules du poumon. Les cavités qui produisent la pectoriloquie sont celles que l'on appelle vulgairement ulcères du pou- mon. Elles ne sont pas, comme on l'a cru long-temps et comme le pense encore le commun des praticiens, un effet de l'inflammation et de la suppuration du tissu IO TUBERCULES DU POUMON. pulmonaire. Les progrès récens de l'anatomie patho- logique ont démontré jusqu'à l'évidence que ces ca- vités sont dues au ramollissement et à l'évacuation consécutive d'une espèce particulière de production accidentelle à laquelle les anatomistes modernes ont appliqué spécialement le nom de tubercule, donné autrefois, en général, à toute espèce de tumeur ou protubérance contre nature. L'existence des tubercules dans le poumon est la cause et constitue le caractère anatomique propre de la phthisie pulmonaire Les excavations tuberculeuses diffèrent essentielle- ment d'un ulcère en ce que ce dernier s'étend en corrodant le tissu dans lequel il s'est formé ; tan- (/z) Je n'entends parler ici que de la phthisie tuberculeuse. Je pense meme que l'on ne doit admettre aucune autre espèce de phthisie pulmonaire, si ce n'est la phthisie nerveuse ou le catarrhe simulant la phthisie tuberculeuse. Les espèces éta- blies par divers nosologistes ou praticiens, sous les noms de phthisie scorbutique, vénérienne, etc.., sont toutes au fond des phthisies tuberculeuses, et ne diffèrent que par la cause à la- quelle on attribue, gratuitement peut-e'tre, le développement des tubercules. Quant aux espèces décrites par M. Bayle sous les noms de phthisie granuleuse , phthisie avec mélanose, phthisie ulcéreuse, phthisie calculeuse et phthisie cancéreuse, la pre- mière n est, comme nous le verrons tout-à-l'heure, qu'une variété de la phthisie tuberculeuse; les quatre autres, au con- traire, sont des affections qui n'ont de commun avec la phthi- sie tuberculeuse que d'exister dans le meme organe, et qui rarement produisent l'eflel dont cette maladie tire son nom, c est-à-dire, la consomption. Il me semble, par conséquent, qu'il y a plus d'inconvéniens que d'avantages à réunir ces di- verses affections sous un nom commun. Nous parlerons d'ail- leurs de chacune d'elles en leur lieu. TUBERCULES DU POUMON. 21 dis que les premières, effet de la destruction spon- tanée d'une production accidentelle qui a écarté et re- foulé , et non détruit le tissu pulmonaire, n'ont aucune tendance à s'agrandir à ses dépens. 28. La marche du développem ent de ces productions morbifiques a été décrite par M. Bayle (7z) d'une ma- nière beaucoup plus exacte et plus complète qu'on ne l'avait fait jusqu'à lui. Cependant des observations faites depuis la publication de ses Recherches m'ayant mis à portée de rectifier ou d'étendre quelques-unes des siennes, je crois nécessaire à l'intelligence de plusieurs des choses que j'aurai à dire d'exposer d'une ma- nière abrégée les caractères et le mode de dévelop- pement des tubercules, points sur lesquels j'aurais pu sans cela renvoyer à l'excellent ouvrage que je viens de citer. 29. Les tubercules se développent sous la forme de petits grains demi-transparens , gris , quelquefois même diaphanes et presqu'incolores ; leur grosseur varie depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'un grain de chenevis : en cet état, on peut les nommer tubercules miliaires. Ces grains grossissent, devien- nent jaunâtres et opaques, d'abord au centre, et, suc-f cessivemcnt, dans toute leur étendue. Les plus voisins se réunissent en se développant, et forment alors des masses plus ou moins volumineuses, d'un jaune pâle , opaques et d'une densité analogue à celle des fromages les plus fermes : on les nomme alors tubercules crus. 30. C'est ordinairement vers cette époque du dé- (rz) Recherches sur la Phthisie pulmonaire; par G. L. Bayle, Paris, 1810. 22 veloppement des tubercules que le tissu pulmonaire jusqu'alors sain, commence à devenir dur , grisâtre et demi-transparent autour des tubercules , par une nouvelle production de matière tuberculeuse au pre- mier degré ou demi-transparente, qui s'infiltre dans la substance. Quelquefois même des masses tuberculeuses d'un grand volume se forment par suite d'une semblable im- prégnation ou infiltration, et sans développement préa- lable de tubercules miliaires. Le tissu pulmonaire ainsi engorgé est dense , humide , tout-à-fait imperméable à l'air; et lorsqu'on le coupe, les incisions présentent une surface lisse et polie. A mesure que ces indura- tions passent à l'état de tubercules crus , on y voit se développer une multitude de très-petits points jaunes et opaques qui, en se multipliant et en grossissant, finissent par envahir la totalité de la portion endurcie. 5i. De quelque manière que les tubercules crus se soient formés, ils finissent, au bout d'un temps plus ou moins long et dont la durée paraît très-variable , par se ramollir et se liquéfier. Ce ramollissement com- mence vers le centre de chaque masse , qui, de jour en jour, devient plus molle et plus humide , jusqu'à ce que le ramollissement ait gagné la circonférence et soit devenu complet. / Dans cet état, la matière tuberculeuse peut se pré- senter sous deux formes différentes : tantôt elle res- semble à un pus épais , mais inodore et plus jaune que les tubercules crus ; tantôt elle est séparée en deux parties, l'une très-liquide, plus ou inoins'trans- parente et incolore, à moins qu'elle ne soit souillée de sang ; l'autre opaque et de consistance de fromage TUBERCULES DU POUMON. TUBERCULES DU PÔUMON. 2? mou et friable. Dans ce dernier état, qui se rencontre particulièrement chez les sujets scrophuleux, elle res- semble souvent tout-à-fait à du petit-lait dans lequel nageraient des fragmens de matière caséeuse. 32. Lorsque la matière tuberculeuse est complè- tement ramollie , elle s'ouvre un passage dans quel- qu'un des tuyaux bronchiques les plus voisins. Cette ouverture étant plus étroite que l'excavation avec la- quelle elle communique, l'une et l'autre restent né- cessairement fistuleuses, même après l'évacuation com- plète de la matière tuberculeuse. Il est extrêmement rare de ne trouver, dans un poumon ainsi affecté, qu'une excavation unique. Le plus souvent ces excavations sont entourées de tuber- cules crus et de tubercules miliaires qui se ramol- lissent successivement, viennent s'ouvrir dans l'exca- vation principale, et forment les anfractuosités que l'on y remarque communément , et qui, dans quelques cas , se propagent de proche en proche jusqu'aux ex- trémités du poumon. 33. Des brides ou colonnes de tissu pulmonaire condensé et ordinairement infiltré de matière tuber- culeuse, traversent souvent ces excavations, et présen- tent quelque ressemblance avec les colonnes charnues des ventricules du cœur ( 'voy. pl. I. ) : elles sont plus minces vers leur milieu qu'à leurs extrémités. Ces colonnes ont été souvent prises pour des vais- seaux, et je crois que M. Bayle lui-même est tombé quelquefois dans cette erreur'; car il dit (cz) que les excavations tuberculeuses sont souvent traversées par Op. cil.j pag. 24. 24 TUBERCULES DU POUMON. des vaisseaux; et ce cas, au contraire, m'a toujours paru très-rare. Je n'ai même jamais trouvé un vais- seau sanguin d'un certain volume dans l'intérieur des brides dont il s'agit. L'ouvrage de M. Bayle n'en offre non plus aucun exemple , et je me souviens seu- lement de lui avoir oui dire qu'il avait trouvé, à l'ou- verture d'un phthisique mort d'une hémoptysie fou- droyante, un vaisseau pulmonaire traversant une vaste excavation, et présentant, vers le milieu de son trajet, une rupture qui avait donné lieu à l'hémorrhagie à laquelle avait succombé le malade. Dans les cas assez rares où j'ai rencontré des vais- seaux sanguins dans l'intérieur de ces colonnes, ils n'en formaient qu'une partie, et ils y étaient presque toujours oblitérés. Communément même on ne peut les suivre qu'à une petite distance du point par lequel ils pénètrent dans les colonnes ; un peu plus loin, ils se confondent entièrement avec le tissu pulmonaire infiltré de matière tuberculeuse. Il semble que la matière tuberculeuse, en se déve- loppant, écarte et déjette communément les vaisseaux sanguins, car on en trouve souvent de très-gros, rampant le long des parois des cavernes et en faisant immédiatement partie. Ces vaisseaux sont ordinai- rement aplatis; il est rare qu'ils soient oblitérés; mais celles de leurs ramifications qui se dirigent vers l'excavation ou vers des masses tuberculeuses le sont évidemment, et en injectant avec précaution un liquide coloré dans ces vaisseaux , on ne le fait point pénétrer dans l'excavation. Le docteur Baillie (a) avait déjà (<z) Traité d'Anat. palhol. , trad. de l'angl. Paris, i8o3; p. 66. TUBERCULES DU POUMON". 25 fait cette observation. Le docteur Starck, cité par le même auteur, paraît avoit trouvé les mêmes extré- mités vasculaires oblitérées par du sang coagulé (æ). Les ramifications bronchiques , au contraire , pa- raissent être ordinairement plutôt enveloppées qu'écar- tées par la matière tuberculeuse, et il paraît aussi que la compression qu'elles en éprouvent les détruit promp- tement , car on ne distingue presque jamais de bron- ches dans les masses tuberculeuses, et cependant il est très-rare de trouver une excavation, même très-petite, dans laquelle ne viennent s'ouvrir un ou plusieurs tuyaux bronchiques de différons diamètres, et dans une direction telle qu'il est évident que leurs tubes se prolongeaient primitivement à travers la matière tuber- culeuse. Presque jamais ces tuyaux ne sont ouverts par le côté ; ils sont coupés net au niveau des parois de l'excavation. 34. A mesure qu'une excavation commence àse vi- der , ses parois se revêtent d'une sorte de fausse mem- brane , mince, égale, d'un blanc presque entièrement opaque, d'une consistance assez molle et presque friable, que l'on enlève facilement en raclant avec le scalpel. Cette membrane est ordinairement complète, et tapisse la totalité des parois de l'excavation. Quelquefois cepen- dant on trouve à sa place une exsudation pseudo-membra- neuse moins épaisse, plus transparente, moins friable, plus intimement adhérente aux parois de l'excavation, et qui ne les tapisse ordinairement que par endroits ; si on la retrouve par-tout, elle présente ça et là une épaisseur beaucoup plus grande, et qui semble (<x) Traité d'Anat. patliol., trad. de l'angl. Paris, ï8o3; p. 66. 2Ô TUBERCULES DU POUMON-. annoncer qu'elle est le produit d'une exsudation qui a commencé dans plusieurs points différens à-la-fois. Assez souvent on trouve cette seconde membrane au-dessous de la première, qui est alors tout-à-fait sans adhérence et lacérée dans plusieurs points. Quelquefois enfin on ne trouve aucune trace bien sensible ni de l'une ni dé l'autre espèce de fausse mem- brane, et les parois de l'excavation sont formées par le tissu pulmonaire, ordinairement durci, rouge, et infiltré de matière tuberculeuse à divers degrés dfe développement. D'après ces faits , je pense que la seconde espèce de fausse membrane n'est que le premier degré du déve- loppement de la première ; que, lorsque celle-ci est complètement formée, elle tend à se détacher , et est expectorée par parties et remplacée par une nou- velle , et que cette matière entre pour quelque chose dans les crachats des phthisiques. 55. M. Bayle pense que cette fausse membrane sécrète le pus qu'expectorent les malades (rz). Cette opinion est fondée sur l'analogie qui existe entre elle et celle qui se forme à la surface des vésicatoires et des autres ulcères. Quoi qu'il en soit, il me semble évident que la plus grande partie des crachats expec- torés par les phthisiques est le produit de la sé- crétion bronchique, augmentée à raison de l'irri- tation qui existe dans les poumons. Quoique je ne veuille pas nier absolument celle qui peut se faire dans les excavations, je dois cependant observer que, lors- qu'elles sont tapissées par la fausse membrane molle Op. 22. TUBERCULES DU POUMON. *7 décrite ci-dessus, elles sont souvent entièrement vides, ou que, si elles contiennent une matière pu- riforme , cette matière ressemble beaucoup moins aux crachats du malade que celle qui est contenue dans les bronches. 56. Si la maladie reste long-temps stationnaire , au-dessous de cette fausse membrane se développent bientôt çà et là des plaques d'un blanc grisâtre, demi- transparentes, d'une texture analogue à celle des cartilages, mais un peu plus molles , et intimement adhérentes au tissu pulmonaire. Ces plaques, en s'agrandissant, se réunissent, tapissent complètement l'excavation ulcéreuse, et se terminent, comme par continuité de substance , à la membrane interne des tuyaux bronchiques qui viennent s'y ouvrir. Lorsque cette membrane cartilagineuse est com- plètement formée, elle est ordinairement blanche ou d'un gris de perle ; ou, si elle paraît avoir une légère coloration rougeâtre ou violette, elle la doit à son peu d'épaisseur et à sa demi-transparence, qui transmet- tent la couleur du tissu pulmonaire. Quelquefois cependant, et lors même que la mem- brane cartilagineuse a beaucoup d'épaisseur, sa surface interne présente une couleur rosée ou rouge, qu'on ne peut faire disparaître par le lavage , qui est proba- blement due au développement d'un réseau vasculaire, mais où cependant on ne peut apercevoir aucun vais- seau distinct, sans doute à raison de leur petitesse. 5y. Dans quelques cas rares , on trouve des tuber- cules complètement ou presque entièrement ramollis, au milieu d'un tissu pulmonaire parfaitement crépi- tant ; et, dans ce cas, que j'ai rencontré deux ou trois 28 TUBERCULES DU POUMON. fois seulement depuis dix - huit ans, les parois de l'excavation sont lisses, et paraissent formées seule- ment par le tissu pulmonaire un peu refoulé, sans aucune espèce de membrane accidentelle. 58. Nous reviendrons plus bas sur la formation de la membrane cartilagineuse des excavations pulmo- naires, et sur quelques productions analogues qui se développent quelquefois dans le même cas. Je n'ai jamais vu ces kystes, soit primitifs , soit consécutifs, passer à l'étal osseux ; très-rarement même j'ai trouvé leur fermeté égale à celle des cartilages diarthrodiaux. M. Baylé paraît y avoir rencontré quelquefois des ossifications Ça). 5g. Quelquefois, mais très-rarement, cette mem- brane demi-cartilagineuse préexiste au ramollissement des tubercules, et la date de sa formation paraît être aussi ancienne que celle des tubercules eux-mêmes. Cette disposition constitue les tubercules enkystés de M. Bayle Çb). La texture de ces kystes est tout-à-fait semblable à celle des cartilages , mais seulement un peu moins ferme : ils appartiennent par conséquent aux produc- tions cartilagineuses imparfaites dont j'ai donné la description ailleurs (c). Us adhèrent fortement par leur surface externe aux parties qui les environ- nent, et ne peuvent en être séparés qu'en coupant ou en déchirant. La matière tuberculeuse, avant son en- (a) Op. cil.j pag. 22. (Z>) Ibid., p. 21. (c) Dictionnaire des Seiences médicales, art. Cartilages ac- cidentels. TUBERCULES DU POUMON. 29 tîer ramollissement, leur est aussi fort adhérente; mais on peut cependant l'en détacher, et l'on trouve alors la surface interne du kyste lisse et polie , quoiqu'iné- gale, et quelquefois même comme raboteuse. On trouve plus souvent des tubercules enkystés dans les glandes bronchiques que dans le tissu pulmonaire lui-même. 40. Le mode de développement des tubercules que nous venons de décrire est le plus commun , mais il n'est pas l'unique. Il en existe deux autres , qui ne sont probablement que des variétés dans la marche de l'affection tuberculeuse, mais qui présentent cepen- dant des différences assez marquées pour mériter d'être notées. Quelquefois , dans un poumon qui présente d'ail- leurs des tubercules à divers degrés de développement, on trouve de petites portions de tissu pulmonaire in- filtrées d'une matière gélatiniforme , humide plutôt que liquide, et demi-concrète , transparente , légère- ment grisâtre ou sanguinolente. On ne distingue plus dans ces points ainsi infiltrés les cellules aériennes ; mais on y aperçoit une multitude de très-petits points d'un blanc jaunâtre et opaque, qui sont évidemment formés par la matière tuberculeuse déjà parvenue au second degré, et autour desquels on n'aperçoit pas le tissu gris qui constitue le premier. 41. Le second mode de développement anomal des tubercules paraît aussi avoir lieu sans la formation préa- lable du tissu gris ; ou au moins , s'il existe j le passage du premier degré au second est si rapide que je n'ai jamais pu apercevoir le premier. Cette variété se présente sous la forme suivante : on trouve çà et là dans le poumon des masses tu- 5o TUBERCULES DU POUMON. berculeuses d'un blanc jaunâtre, beaucoup plus pâles, plus ternes et moins distinctes de la substance du pou- mon que les tubercules crus ordinaires. Ces masses sont irrégulières, anguleuses, et n'ont jamais la forme à-peu-près arrondie des tubercules ordinaires. Elles paraissent, comme la variété décrite dans le pa- ragraphe précédent, et la matière grise diffuse dont il a été parlé plus haut 3o ), être le résultat d'une es- pèce d'infiltration de la matière tuberculeuse dans le tissu pulmonaire, tandis que les tubercules arrondis sont des corps étrangers qui repoussent et refoulent le tissu du poumon dans tous les sens plutôt qu'ils ne le pénètrent : ces masses pourraient être par conséquent désignées convenablement sous le nom dinfiltration tuberculeuse du poumon. Elles occupent quelquefois une partie considérable d'un lobe ; mais lors même qu'elles arrivent jusqu'à la surface du poumon , elles n'y font point saillie et n'en altèrent nullement la forme; en se développant, elles prennent la couleur jaune des autres tubercules, et finissent par se ramollir de la même manière. 42. Les trois modes de développement que nous venons de décrire s'observent souvent dans le même poumon. Quelquefois j'ai trouvé le dernier seul dans des poumons affectés de péripneumonie, et dans la partie hépatisée même. Le petit nombre , le peu d'é- tendue et la couleur très-pâle des niasses tubercu- leuses montraient évidemment que leur formation était récente; mais on ne pourrait nullement en conclure que ces tubercules fussent un effet de l'inflammation; car , outre la rareté de ce cas comparée à la fréquence de l'hépatisation du poumon, j'ai trouvé aussi la même TUBERCULES DU POUMON. 3i variété des tubercules, et au même degré, chez des sujets dont les poumons étaient tout-à-fait sains à cela près. M. Bayle a d'ailleurs parfaitement démontré que les tubercules ne peuvent être regardés comme un effet ou une terminaison de l'inflammation (a). 45. On ne peut nier, il est vrai , que la péri- pneumonie aiguë ou chronique ne coïncide quelque- fois avec les tubercules ; probablement même elle peut devenir l'occasion de leur développement chez des sujets qui y sont d'ailleurs disposés; tandis que, dans d'autres cas , l'irritation déterminée par la pré- sence de tubercules un peu nombreux peut déter- miner une péripneumonie. Il est impossible de ne pas croire à ces deux possi- bilités lorsqu'on ouvre des cadavres avec quelque suite ; mais, d'un autre côté , une multitude de faits prouve que le développement des tubercules est le ré- sultat d'une disposition générale, qu'il se fait le plus souvent sans inflammation préalable, et que, lorsque cette dernière coïncide avec l'affêction tuberculeuse, elle lui est le plus souvent postérieure en date. 44. Pour se convaincre de l'exactitude de la dernière proposition , il suffit d'examiner la marche du déve- loppement des tubercules dans les glandes scrophu- leuses. On voit très-souvent ces glandes se tuméfier et rester pendant un temps très-long en cet état, sans rougeur , non-seulement de la partie voisine de la peau, mais du tissu même de la glande. Ce n'est souvent qu'au bout de plusieurs années qu'il se manifeste des signes d'inflammation, qui alors pa- (a) Op. cit., pag. i36 et passim. 32 TUBERCULES DU P0UM01V. raissent hâter le ramollissement de la matière tubercu- leuse. Quelquefois cependant ce ramollissement, et même la perforation de la peau et l'évacuation de la matière ramollie, ont lieu sans qu'on puisse distin- guer, à proprement parler, aucune trace d'inflam- mation. Lorsqu'il en survient, cette inflammation a évi- demment son siège dans les parties qui avoisinent la glande tuberculeuse, et non dans cette glande elle- même. 45. On peut tirer une autre preuve non moins forte de 1 existence simultanée des tubercules dans plusieurs organes a-la-fois. 11 est rare que, chez les phthisiques, le poumon seul contienne des tuber- cules; presque toujours les intestins en contiennent en meme temps dans leurs parois, où ils déterminent des ulcères qui deviennent la cause de la diarrhée col- quative qui accompagne souvent la phthisie pulmonaire. Il n'est peut-être aucun organe qui soit exempt du développement des tubercules, et où on n'en rencontre quelquefois chez les phthisiques. J'indiquerai ici ceux dans lesquels j en ai trouve, et à-peu-près dans l'ordre de la fréquence des tubercules dans chacun d'eux : les glandes bronchiques et médiastines, les glandes cervicales, les glandes mesenteriques, celles de toutes les autres parties du corps, le foie, dans lequel les tubercules forment des masses tres-volununeuses et arrivent rarement jusqu'au ramollissement complet; la prostate, dans laquelle, au contraire, les tubercules se ramollissent souvent, etlaissent, apres leur évacuation pai 1 uretre, des excavations plus ou moins vastes (æ); (a) J'ai rencontré assez souvent cette lésion chez des sujets TUEËRCÜLÉS OÙ POLMOX. 55 la surface du péritoine et des plèvres, où les tuber- cules, petits et très-nombreux, se rencontrent ordi- nairement dans l'état gris et demi-transparent, ou de crudité, et produisent toujours la mort par Fhydro- pisie avant d'être parvenus au ramollissement com- plet; l'épididyme, le conduit déférent, le testicule, la rate, le cœur, la matrice, le cerveau et le cervelet, l'épaisseur des os du crâne , le corps des vertèbres , ou l'intervalle de leurs appareils ligamenteux et de ces os eux-mêmes ; l'épaisseur des côtes ; enfin des tumeurs de 1 espece de celles que l'on confond ordinairement sous le nom de squirrhe ou de cancer, et dans les- quelles la matière tuberculeuse se trouve confondue par mélange intime, ou séparée en masses isolées et très-distinctes au milieu d'une ou de plusieurs autres sortes de productions accidentelles. 46. Les tubercules se développent plus rarement dans les muscles du mouvement volontair e que dans aucune autre partie. Le cas le plus remarquable de ce genre que j'aie vu est un phthisique qui présen- tait des tubercules dans presque tous les organes que je viens de nommer, et chez lequel, en outre, les ure- tères, dilatés de manière à pouvoir recevoir le pouce , étaient tapissés intérieurement d'une Couche de matière tuberculeuse très-adhérente, et qui paraissait être le produit de la transformation de leur membrane in- terne en tubercules. L'extrémité inférieure d'un des muscles sterno-mastoïdiens était également trans- formée en matière tuberculeuse ferme et consistante. morts Je la phthisie pulmonaire. Aucun d'eux ne s'était plaint de douleurs ou d'aucun embarras dans cette partie. 54 EXPLORATION DE LA V01X. La forme des faisceaux musculaires était encore con- servée dans les parties les plus transformées; dans celles qui l'étaient moins et qui se confondaient, par une gradation insensible, avecla partie saine dumuscle, la matière tuberculeuse était à l'état gris et demi- transparent. Cet homme, dont j'avais suivi la maladie, ne s'était jamais plaint de douleur au cou; il éprouvait seule- ment quelque difficulté à mouvoir cette partie, dont toutes les glandes lymphatiques étaient d'ailleurs pleines de tubercules et très-volumineuses. 4_7 • Presque toutes les observations contenues dans l'ouvrage de M; Bayle présentent des exemples d'un développement simultané analogue de tubercules dans diverses parties du corps , et presque toujours sans qu'il ait existé dans les parties affectées ni douleur, ni aucun autre signe auquel on puisse reconnaître une affection inflammatoire. On peut en dire aulanjt des tubercules du poumon eux-mêmes, qui, presque jamais, ne produisent quelqu'altération dans la santé que lorsqu'ils sont déjà nombreux et volumineux. 48. Il faut, d'après ces faits, ou reconnaître que les tubercules ne sont point un produit et une terminai- son de l'inflammation , ou se résoudre à prendre ce mot dans une acception aussi générale et aussi vague que le mot irritation ; ou même le regarder comme synonyme de cause; ce qui n'a , ce me semble, au- cune espèce davantage. H y a assez d'obscurité dans l'étiologie des maladies sans que nous l'augmen- tions encore par des rapprochemens forcés. Ce que nous venons de dire de l'inflammation s'applique également, ainsi que l'a très-bien montré TUBERCULES DU POUMON. 55 M. Bayle («), à diverses affections generales et lo- cales auxquelles on a attribué la cause de la phthi- sie pulmonaire , et entre autres à la syphilis, à la coqueluche , au scorbut , aux maladies éruptives , à l'hémoptysie, au catarrhe ; et ces diverses affections contribuent seulement à hâter le développement des tubercules lorsqu'ils existent déjà (/;). Je crois que l'on peut accorder, en outre, qu'elles déterminent quelquefois ce développement, mais seulement chez des sujets qui y étaient primitivement disposés. Dans ces cas mômes, ce sont des occasions et non des causes : la cause réelle, comme celle de toutes les maladies, est probablement hors de notre portée. 49. M. Bayle ne paraît pas avoir bien connu les divers modes de développement des tubercules que nous avons décrits ci-dessus. Cela vient surtout de ce qu'il n'avait pas suffisamment distingué le tissu gris et demi-transparent qui constitue les tubercules dans leur état de crudité. Plusieurs de ses observations particulières, et entre autres les vie, xne, xme et xxive bisf montrent cependant qu'il l'avait entrevu, mais sans se rendre un compte bien exact des rapports et des différences qui pouvaient exister entre cette ma- tière grise, demi-transparente, et les tubercules jaunes et opaques. 50. Il a , au contraire, été trop frappé, peut-être , par les caractères très-particuliers , il est vrai, de la variété des tubercules miliaires qui est tout-à-fait transparente, et qu'il a décrite sous le nom de granu- (a) Op. cil., pag. 64 et suiv. (b) Ibid. 56 EXPLORATION DE LA VOIX. dations miliaires. Ces tubercules forment effective- ment une variété très-remarquable par leur trans- parence incolore , leur forme assez exactement arron- die ou ovoïde, leur surface lisse et luisante, leur grande fermeté, l'uniformité de leur volume, et leur multitude innombrable dans toute l'étendue du pou- mon, souvent tout-à-fait sain d'ailleurs, ou d'une grande partie de cet organe, sans qu'on en trouve ja- mais plusieurs réunis en un groupe. 11 semble qu'ils se soient tous développés le meme jour, et ordinaire- ment pas un ne paraît dans un état plus avancé que l'autre. 51. Cependant M. Bayle s'est évidemment trompé en regardant ces granulations comme une espèce de production accidentelle différente des tubercules ; et surtout en les considérant comme des cartilages accidentels (fl). Car, si son opinion était fondée, on les verrait quelquefois passer à l'état osseux, ce qui ne s'est jamais vu. En les examinant, au contraire, avec attention, on peut se convaincre que ces granulations se transforment en tubercules jaunes et opaques. On trouve , en effet, dans le centre de celles qui sont les moins transparentes, un point jaune et opaque, indice non équivoque du commencement de la transforma- tion. M. Bayle lui-même cite un exemple remar- quable de ce genre (6). (а) Op. cit., pag. 48. (б) Observ. ivr.- Chez un sujet qui toussait depuis trois ans, sans altération notable de la santé, et qui mourut d'une hémoptysie foudroyante, M. Bayle trouva lës poumons pleins de «granulations dures et résistantes, semblables à de petits TUBERCULES DU POUMON. 57 52. On trouve aussi, dansd'autres cas, des poumons remplis de tubercules, tous très-petits et de grosseur à-peu-près égale, mais d'ailleurs jaunes, opaques, et quelquefois meme dans un état de ramollissement déjà bien prononcé. M. Bayle donne encore un exemple bien caractérisé de ce genre (fl) ; et quoiqu'il avertisse de ne pas confondre ces tubercules miliaires avec les granulations, il me paraît indubitable qu'il n'y a d'autre différence entre les uns et les autres que celle qui existe entre un fruit mûr et un fruit vert. Les granulations miliaires ne se rencontrent guère d'ailleurs que dans des poumons où il existe en meme temps d'autres tubercules plus volumineux, et assez avancés pour que leur caractère soit incontestable. Le développement des tubercules, dans les di- vers systèmes d'organes , présente encore une série de faits propres à prouver que, dans leur premier état, et à une époque voisine de celle de leur forma- tion , ces productions accidentelles sont diaphanes ou demi-transparentes, incolores ou légèrement gri- ses. Les granulations tuberculeuses que l'on observe à la surface de la plèvre et du péritoine sont queL quefois incolores et tout-à-fait diaphanes, d'autres fois grises et seulement demi - transparentes. Dans » grains de grêle...., demi-transparens et d'un blanc luisant j il » y avait à leur centre un petit point opaque} noir ou blanc. » Ce point noir était dû à la matière noire pulmonaire dont nous aurons occasion de parler ailleurs. Quant au point blanc, il était évidemment, ainsi que le commencement d'opacité des granulations , l'indice de leur passage à l'état de tubercules ÿaunes et opaques. (a) Op. cit.j observ. xvi«. 58 l'un et l'autre état, elles présentent souvent un point jaune et opaque au centre; et quelquefois enfin, on les trouve converties en matière tuberculeuse plus ou moins ramollie. Il n'est pas rare de voir tous ces divers degrés de développement sur la même mem- brane. Les ulcères que l'on rencontre si souvent dans les intestins des phthisiques présentent ordinairement dans leur fond des tubercules miliaires qui offrent les mêmes variétés de couleur et de transparence. Le tissu des glandes lymphatiques qui contiennent des tuber- cules offre, autour de ces productions, une lé- gère demi-transparence et une teinte d'un gris de perle , indice non équivoque de la transformation pro- chaine et complète de la glande en matière tubercu- leuse. Enfin M. Bayle a trouvé la rate remplie de petits corps grisâtres qu'il regarde lui-même comme des tubercules (æ). 55, Oùtre les degrés de développement que nous venons de décrire, quelques causes accidentelles peu- vent faire varier la couleur des tubercules. L'ictère les jaunit, surtout à leur surface ; cela se remarque particulièrement dans les tubercules du foie. Lorsque la gangrène se développe dans leur voisinage, elle leur donne une teinte brunâtre ou d'un brun sale ; la ma- tière noire pulmonaire les souille quelquefois par en- droits , et mêle quelques points noirs ou gris et opaques à leur blancheur jaunâtre. Les tubercules développés dans les glandes bron- chiques surtout ( qui, comme on le sait, sont de cou- leur d'encre chez presque tous les adultes) sont sou- EXPLORATION UE LA VOIX. («) Op. cit.j, observ. xu. TUBERCULES DU POUMON. 5g vent teints, par endroits, d'un noir qui, semblable à l'ombre figurée parle crayon d'un dessinateur, est très-foncé dans quelques points, s'étend en dis- séminant les points qui le composent, et finit en mourant. La plupart des tubercules miliaires, soit demi-lrans- parens, soit déjà jaunes et opaques , présentent vers leur centre un petit point noir formé par la même matière, et qui disparaît ordinairement à mesure que le tubercule grossit. Cet accident ne doit pas être con- fondu avec les mélanoses du poumon, comme nous le montrerons en parlant de celte affection. 54. Lorsqu'il y a un grand nombre de tubercules, même très-petits , dans un poumon , la mort survient quelquefois avant qu'aucun d'eux soit arrivé à un degré de ramollissement tel que la matière tuberculeuse ait pu s'ouvrir un passage dans les bronches et donner lieu à une excavation ulcéreuse. 55. Quand, au contraire , il y a peu de tubercules, on les trouve quelquefois tous excavés, à l'ouverture des cadavres; mais dans le plus grand nombre des cas, le développement des tubercules est évidemment suc- cessif , et l'on trouve dans le même poumon des tu- bercules dans les quatre degrés de développement que nous avons décrits, c'est-à-dire : i°. à l'état de granu- lations grises ou incolores et demi - transparentes ; 20. à celui de tubercules gris plus volumineux et déjà jaunes et opaques au centre ; 3°. à celui de tubercules jaunes et opaques , mais encore fermes ; 4°« à celui de tubercules ramollis surtout vers le centre ; 5°. à celui d'excavations plus ou moins complètement vides. Nous verrons, dans la deuxième partie de cet ou- 4o exploration de la voix. vrage, à quels signes on peut reconnaître l'existence des tubercules crus dans le poumon ; l'exploration de la voix ne l'indique que lorsqu'ils commencent à s'excaver. ARTICLE IL Variétés de la Pectoriloquie, 56. Le siège le plus commun des excavations est dans les lobes supérieurs du poumon : c'est dans cette partie que les tubercules se développent ordinaire-, ment en premier lieu; par conséquent c'est là qu'on les trouve le plus souvent volumineux et avancés ; et, par la même raison, les points de la poitrine où l'on trouve le plus souvent la pectoriloquie sont sa par- tie antérieure supérieure, l'aisselle, l'espace compris entre, la clavicule et ]e muscle trapèze , et les fosses sus-épineuse et sous-épineuse de l'omoplate. L'épais- seur de l'omoplate et de ses muscles ne nuit pas à la perfection du phénomène , quoiqu'elle paraisse rendre le son de la voix moins bruyant, 5y. La pectoriloquie est évidente ou douteuse; elle est évidente quand die présente complètement les caractères indiqués ci-dessus ( § 22 et 25). Toutes les fois que l'on rencontre ce phénomène, ne fut-il sen- sible que par momens , on peut prononcer avec assu- rance qu'il existe, dans la partie du poumon corres- pondante au point des parois thoraciques où le signe se manifeste , une cavité contre nature communi- quant avec les bronches, 58. Le phénomène caractéristique de la pectoriloquie devient plus frappant si on bouche avec la main TUBERCULES DU POUMON'. 4i l'oreille libre. On reconnaît alors, avec la plus grande évidence, que la voix du malade et l'articulation des mots sont transmis par la cavité du cylindre. 5g. La pectoriloquie ést douteuse lorsqu'on appli- quant le cylindre sur un certain point de la poitrine, la voix du malade paraît un peu plus aiguë, et légère- ment tourmentée à la manière de celle des ventrilo- ques, ou qu'elle retentit sous le cylindre avec plus de force qu'elle n'en a à l'oreille nue , sans que d'ailleurs elle paraisse évidemment passer par le tube. 60. On peut se faire une idée exacte de la pecto- riloquie douteuse , en appliquant le cylindre entre le bord interne de l'omoplate et la colonne vertébrale , vers les points correspondans à l'origine des bronches, sur un sujet maigre et à voix aigue, mais d'ailleurs sain. EUe existe naturellement en cet endroit chez les personnes qui réunissent ces conditions, et même plus ou moins chez presque tous les hommes, par la raison qui a été exposée ci-dessus a5 ). Chez les enfans maigres et dont la poitrine est étroite, le voisinage des bronches donne même quelquefois en cet endroit une pectorilorpiie évidente, quoique les poumons soient sains. 6r. On ne doit, par la même raison, rien conclure dans beaucoup de cas de la pectoriloquie douteuse, lorsqu'elle n'existe qu'en ce point, sous l'aisselle , ou vers la réunion du sternum et de la clavicule. On peut même étendre cette proposition à toute la partie antérieure supérieure de la poitrine , jusqu'à la hau- teur de la troisième côte, quand le phénomène est très-douteux et qu'il existe également des deux côtés ; par le sommet du lolie supérieur du poumon 42 EXPLORATION DE LA VOIX. contient, proportion gardée , plus de rameaux bron- chiques d'un certain diamètre que les autres parties de cet organe ; et ces rameaux , quelquefois très- superficiels, produisent souvent le phénomène dont il s'agit, surtout quand le poumon est adhérent à la plèvre. 62. Mais quand la pectoriloquie douteuse se ren- contre dans des parties de la poitrine situées au- dessous de la troisième ou quatrième côte , ou d'un côté seulement, et non de l'autre, elle est au moins une forte présomption de l'existence d'une excavation ; et, si en même temps elle n'existe pas dans les autres points indiqués ci-dessus ( $ 5? ), cette présomption équivaut à une certitude complète, et on doit seu- lement penser que l'excavation est située profondé- ment dans le tissu du poumon , ou quelle est encore en grande partie remplie de matière tuberculeuse incomplètement ramollie. 63. En quelque point de la poitrine que ce soitz lorsque le retentissement de la voix est beaucoup plus fort que dans le côté opposé , et surtout lorsqu'il est tellement intense qu'il la fait paraître beaucoup plus forte et plus rapprochée de l'oreille de l'observateur que lorsqu'il l'écoute à l'oreille nue, le signe est aussi certain que si la voix passait évidemment par le tube, et la pectoriloquie est imparfaite et non douteuse. Au reste , entre la pectoriloquie la plus parfaite et celle qui est tout-à-fait douteuse, il existe des de- grés que l'usage apprend facilement à connaître, et qu'il serait aussi superflu que difficile de décrire. Ainsi, par exemple, la voix semble quelquefois s'introduire un peu à l'extrémité du tube , mais ne pouvoir le tra- TUBERCULES DU POUMON. 45 verser en entier. La respiration et le râle , examinés à l'aide du cylindre, et la comparaison des signes ainsi obtenus avec les résultats de la percussion, donnent d'ailleurs sur les excavations du poumon, ainsi que nous le verrons, des signes d'une nature différente et propre à faire apprécier la valeur de la pecloriloquie imparfaite ou douteuse. 64. La pecloriloquie est d'autant plus évidente que la voix du malade a un timbre plus aigu : les femmes et les enfans sont les sujets qui la présentent de la ma- nière la pins frappante , et ceux par conséquent chez lesquels il faut être le plus en garde contre la pec- toriloquie douteuse qui existe naturellement en cer- tains points de la poitrine. 65. Chez les hommes à voix très-grave, au con- traire , le phénomène est souvent imparfait et quel- quefois douteux, lors même qu'il existe dans les pou- mons des excavations dans l'état le plus propre à le produire. Plus la voix est grave, et plus elle résonne fortement dans l'intérieur de la poitrine : le frémisse- ment des parois thoraciques, dont il a été parlé plus haut , est alors tellement intense chez quelques sujets, qu'il masque en quelque sorte la pecloriloquie. La voix, trop agitée et comme tremblante, semble ne pouvoir s'introduire dans le tube, et retentit seule- ment à son extrémité avec une force et un volume souvent doubles ou triples de ceux qu'elle présente à l'oreille restée libre. 11 semble , en un mot, que le malade parle dans un porte-voix tout près de l'obser- vateur, et non pas qu'il lui parle à l'oreille à l'aide d'un tube. Au reste , ce phénomène, pour être moins extraor- 44 EXPLORATION DE LÀ VOIX. d inaire que la pectoriloquie, n'en est pas moins un signe très-caractérisé et suffisant dans la pratique , surtout quand il n'existe que d'un côté. On le rend encore plus frappant, comme nous l'avons dit, en bouchant l'oreille libre. La différence de la réson- nance de la voix dans le point malade et les autres parties de la poitrine devient alors tellement grande, que la certitude de l'existence d'une cavité ulcéreuse est toute aussi complète que si elle était annoncée par la pectoriloquie la plus parfaite. Il ne peut exister quelque doute à cet égard que lorsque Je phénomène est encore peu intense, et qu'il s'observe également des deux côtés de la poitrine. 66. Lorsque les excavations pulmonaires sont extrê- mement vastes , la pectoriloquie se change en un phé- nomène analogue chez les hommes à voix peu grave, et quelquefois même chezles femmes dont la voix n'est pas très-aiguë. Ainsi lorsque, chez un phthisique, la pectoriloquie évidente vient à se changer en un son plus fort, plus grave, et analogue à la voix transmise à quelque distance par une trompe ou un cornet de papier, on doit conclure que de nouveaux tubercules se sont ramollis, qu'ils ont produit des cavités qui s'ouvrent dans la première, et par conséquent que la maladie fait des progrès. 67. J'ai fait divers essais dans le dessein d'obtenir, dans ces cas, la pectoriloquie d'une manière plus évi- dente , en changeant la forme de l'instrument d'ex- ploration. Je me suis servi d'un tube de bois à parois minces et d'un pouce un quart de diamètre , d'un cornet de bois fait avec un pavillon de hautbois, de trois pouces dans son grand diamètre ct-d-un pouce TUBERCULES DU POUMON. 45 dans son diamètre supérieur; enfin, j'ai fait évâser de diverses manières, et particulièrement en forme d'en- tonnoir, l'extrémité du tube d'un cylindre ordinaire. Ces instrumens ont produit un résultat opposé à celui que je cherchais, c'est-à-dire que tous chan- gent plus ou moins la pectoriloquic la plus évidente en un retentissement semblable à celui qui a été dé- crit ci - dessus (§ 65) : l'articulation des mots devient moins nette, la voix , plus forte et moins aiguë , pa- rait seulement plus rapprochée de l'oreille de l'ob- servateur , mais ne passe plus par le tube. Le cylindre évasé à son extrémité en forme d'en- tonnoir altère moins la pectoriloquie que le simple cornet ou le tube , et donne une intensité de son à- peu-près égale : par cette raison , il peut être employé quelquefois avec avantage chez les sujets à voix grave, parce que, communiquant la résonnance de la voix avec plus de force que le cylindre simplement per- foré , il fait sentir davantage la différence qui existe à cet égard entre les parties saines du poumon et celles où se trouvent des excavations. 68. Enfin, malgré la répugnance naturelle qu'in- spire un pareil essai, j'ai voulu m'assurer si, par l'ap- plication immédiate de l'oreille , on pouvait obtenir le phénomène qui constitue la pectoriloquie. J'ai ap- pliqué , en conséquence , l'oréîlle sur la poitrine d'un phthisique pectoriloque au plus haut degré, et je n'ai encore obtenu que le signe douteux que je viens de décrire, et même avec moins d'intensité que lorsque je me servais du tube , du cornet, et surtout du cy- lindre creusé en entonnoir. On sent que je n'ai pas dû répéter souvent une ex- Z,6 EXPLORATION DE LA VOIX. périence d'une nature aussi dégoûtante. Il suffisait de constater le fait, que d'ailleurs le raisonnement pou- vait d'avance faire regarder comme certain ; car le caractère particulier que prend la voix humaine en traversant un tube étroit est, à proprement parler, ce qui fait de la pectoriloquie un signe frappant et facile à distinguer; et il est évident qu'on ne peut l'obtenir sans l'intermédiaire de cet instrument. Il est à peine nécessaire de dire que le cylindre plein ne donne pas la pectoriloquie ; il produit, à une moindre intensité de son près, le même effet que l'ap- plication immédiate de l'oreille. Le cylindre de jonc donne une sensation plus analogue à la véritable pec- loriloquie , sans doute à raison de la multitude de petits tubes dont il est composé. 69. La pectoriloquie la plus évidente peut pré- senter des différences assez notables, et indépendantes de l'instrument dont 011 se sert. Tantôt la voix passe continuellement à travers le cylindre, tantôt le phé- nomène est, en quelque sorte, intermittent, et, par instans seulement, quelques éclats de voix plus aigus percent le tube et viennent frapper directement l'o- reille. Cette espèce d'intermittence me paraît avoir lieu quand les excavations s'ouvrent dans des bronches d'un petit diamètre , ou par des ouvertures qu'obstruent en partie les crachats ou la matière tuberculeuse : au reste, le diagnostic n'en est pas moins sûr. 70. La pectoriloquie parfaite et continue elle-même est quelquefois interrompue par cette dernière cause. Assez souvent , au bout de quelques heures ou même de quelques minutes, on ne retrouve plus ce phéno- mène chez les malades qui l'ont présenté de la ma- TUBERCULES DÎT POUMON". 47 nière la plus frappante. Le râle que l'on entend alors dans le point où existait la pectoriloquie ne laisse au- cun doute sur la cause de sa cessation ; par cette rai- son, il ne faut jamais prononcer qu'un phthisique n'est pas pcctoriloque avant de l'avoir examiné plusieurs fois, à différentes heures du jour, et surtout immé- diatement après qu'il a craché. 71. La pectoriloquie présente encore d'autres va- riétés sous le rapport de la voix en elle-même. L'arti- culation des mots est plus ou moins distincte , la na- ture du son plus ou moins altérée. Le plus ordinaire- ment , la voix , un peu plus aiguë que lorsqu'on l'é- coute à l'oreille nue , a quelque chose d'étouffé et d'analogue à celle des ventriloques. Comme chez ces detrniers, l'articulation de certains mots est très-nette, et celle de beaucoup d'autres obscure et sourde. Quel- quefois elle est plus faible que la voix qui sort de la bouche du malade ; mais ordinairement elle est plus forte. Il m'est souvent arrivé, en examinant des phthi- siques chez lesquels la pectoriloquie existait dans le dos et dont la voix était très-faible, d'entendre com- plètement leurs réponses à l'aide du cylindre, tandis qu'à la même distance je ne pouvais, à l'oreille nue, en entendre que quelques mots entre-coupés; enfin, chez les hommes à voix grave , et chez lesquels la pectori- loquie devient cependant parfaite , malgré eette cir- constance défavorable, la voix semble dirigée vers l'oreille par un porte-voix ou un cornet de papier, plutôt que par un tube. Quelquefois même, il semble que le malade vous parle dans l'oreille , sans intermé- diaire aucun , et avec une voix tellement forte qu'elle retentit d'une manière désagréable dans la tête. 48 EXPLORATION- DE LA VOIX. Chez quelques'sujets, la voix, en traversant le tube?, prend un caractère tel qu elle semble retentir dans un tuyau d'airain , sans que d'ailleurs la voix naturelle du malade présente rien de semblable. Ce phénomène ne dépend nullement de la matière dont est formé l'instrument. 11 est accompagné d'une sorte de che- vrottement très-caractéristique, et ne doit pas être con- fondu avec la pectoriloquie : il sera décrit à la lin de celte première partie, sous le nom d''égophonie. r]'5. Quelquefois un bruit étranger à la voix ac- compagne la pectoriloquie. Je n'entends pas parler ici de ceux que produisent la respiration ou le râle, et qui seront décrits en leur lieu , mais seulement de phénomènes beaucoup plus rares et plus difficiles à expliquer. Ainsi, il arrive quelquefois qu'à chaque mot que prononce le malade, un tintement analogue à celui d'une petite cloche ou d'un verre qui finit de résonner, retentit dans le tube, et vient y mourir à une hauteur variable. Ce phénomène, que je nommerai tintement métallique, doit être distingué de la pectoriloquie; il indique quelque chose de plus qu'elle, et constitue un signe complexe que je ferai connaître, ainsi que ce qu'il signifie , dans la troisième partie de cet ouvrage? Chez d'autres sujets, et particulièrement chez les hommes à voix très-grave, chaque mot est quelque- fois accompagné d'une bouffée de souffle analogue à celui d'un homme qui veut éteindre une bougie, et qui, si le sens du tact ne rectifiait en ce cas la per- ception de l'ouïe, ferait croire à l'observateur que le malade lui souffle fortement dans l'oreille à travers le tube. On reconnaît facilement que le souffle et le tintement dont il s'agit suivent immédiatement la TUBERCULES DU POUMON. 49 voix plutôt qu'ils ne l'accompagnent, en faisant parler le malade par monosyllables ; il en est quelquefois de même de V égophonie. 7$. L'extinction de voix portée au plus haut degré n'empêche pas la pectoriloquie d'avoir lieu. Je l'ai trouvée tres-évidente chez des sujets qui parlaient à voix si basse , qu'on ne pouvait les entendre à trois ou quatre pieds de distance. 74* La pectoriloquie est, comme nous l'avons dit (§ 24)» d'autant plus évidente, que les parois de l'excavation ont moins d'épaisseur; cependant quel- ques lignes de plus ou de moins ne font pas une grande différence à cet égard. Je l'ai trouvée d'une manière très-distincte dans des cas où l'excavation était située à plus d'un pouce de la surface du pou- mon , et entourée d'un tissu pulmonaire très-sain et très-perméable à l'air, circonstance qui semble encore devoir être peu favorable à la propagation du son. y5. Les excavations d'une étendue moyenne et qui ont peu d'anfractuosités sont celles qui donnent la pectoriloquie la plus parfaite. Les plus petites la donnent souvent de la manière la moins équivoque. Je l'ai trouvée très-évidente à la réunion de la troi- sième côte et du sternum , chez une phthisique qui ne la présentait en aucun autre point de la poitrine. A l'ouverture du corps, les poumons, se trouvèrent pleins de tubercules qui n'étaient pas encore complè- tement ramollis : une seule excavation, de la gran- deur et de la forme d'un noyau de prune, existait au bord antérieur du poumon, et correspondait exac- tement au point indiqué. 76. Les excavations qui ont beaucoup moins d'é- 5o EXPLORATION DE LA VOIX. tendue dans une de leurs dimensions que dans les autres, et qui sont comme aplaties par l'affaissement de leurs parois, sont les moins propres à produire la pectoriloquie , et ne la donnent quelquefois point du tout. Cela arrive surtout lorsqu'une semblable exca- vation se trouve située très-près de la surface du pou- mon , et quand la plèvre pulmonaire, qui forme alors presque seule sa paroi antérieure, n'adhère point en cet endroit à la plèvre costale. On sent que cette paroi très-mince doit s'affaisser , et que, par conséquent, le phénomène ne peut plus avoir lieu. 77. Lorsqu'il existe un'grand nombre d'ex cava- tion s communiquant ensemble et présentant une multitude d'anfractuosités, la voix passe toujours évi- demment à travers le cylindre, mais l'articulation des mots a quelque chose de plus étouffé et de confus. Cela a presque toujours lieu quand la pectoriloquie s'entend dans une grande étendue de la surface de la poitrine. 78. Lorsque la pectoriloquie est continue et évi- dente, que la voix en traversant le cylindre est nette et bien articulée, sans mélange d'aucun bruit étranger , et qu'il n'existe point de râle au même point de la poi- trine , on doit conclure que l'excavation est tout- à-fait vide. Quand, au contraire, elle contient une certaine quantité de matière tuberculeuse ramollie à consis- tance de pus , la pectoriloquie est accompagnée d'une sorte de gargouillement qui rend l'articulation des mots moins distincte , et la respiration d'une espèce de râle dont nous indiquerons ailleurs les caractères. 79. Lorsque les excavations commencent seule- MANIÈRE d'explorer LA VOIX. 5i ment à se former, et qu'elles contiennent encore de la matière tuberculeuse ramollie à différens degrés, le phénomène présente tous les jours des variétés qu'il serait trop long d'exposer et difficile de décrire d'une manière satisfaisante, mais que l'habitude rend faciles à distinguer, et qui, combinées avec les signes donnés par la respiration et le râle, mettent l'observateur à même de suivre, jour par jour, les progrès du ra- mollissement des tubercules et de l'agrandissement des excavations; il suffira pour le moment de dire que c'est dans ces cas surtout que l'on observe la pectoriloquie en quelque sorte entrecoupée, dont il a été parlé ci- dessus ( § 69 ). 80. Pour faire commodément l'exploration de la voix , il faut, si le malade est au lit, le faire coucher sur le dos, et explorer dans cette position les parties antérieures de la poitrine, en se plaçant successivement des deux côtés du lit. Pour l'examen des parties laté- rales et de l'aisselle, 011 fait pencher le malade sur le côté opposé. Pour celui de la partie supérieure de l'épaule et de la fosse sus-épineuse , le malade doit être penché en sens inverse, c'est-à-dire, du côté de l'observateur. Enfin, pour explorer le dos, on fait asseoir le malade sur son lit, le corps un peu penché en avant, les bras croisés et le dos tourné du côté de l'observateur. Si le malade est assis dans un fauteuil, il vaut mieux mettre un genou en terre que de se courber pour ex- plorer les parties antérieures et latérales de la poitrine. Dans quelque position que se trouve le malade, j'ai toujours soin de lui faire tourner la tête du côté opposé à celui que j'examine ; cette précaution a le $2 DEGRÉ DE CERTITUDE double avantage d'éviter la rencontre de son haleine, et de rendre sa voix moins facile à entendre, et par conséquent la pectoriloquie plus évidente. ARTICLE III. Appréciation de la 'valeur respective des différons signes de la phthisie. 81. Surplus de deux cents phthisiques que j'ai ouverts , après avoir constaté leur état à l'aide du cy- lindre , il ne m'est pas arrivé une seule fois de ne pas rencontrer de cavités ulcéreuses dans un point du poumon où j'eusse trouvé la pectoriloquie d'une ma- nière évidente; et comme, chez la plupart de ces su- jets , je l'avais observée dans plusieurs points à-la-fois, j'ai réellement, sur ce fait, plusieurs centaines d'ob- servations positives et pas une négative (i). 82. D'un autre côté, il ne m'est jamais arrivé de (a) En faisant une ouverture avec peu de soin et d'une ma- nière précipitée, il pourrait arriver quelquefois que l'on ne ren- contrât pas une excavation ulcéreuse, qui cependant existerait réellement : cela peut facilement avoir lieu, surtout lorsque le poumon est fortement adhérent et l'excavation située très- près de sa surface. Comme en ce cas on ne peut enlever le pou- mon qu'en arrachant ou à l'aide du scalpel, il arrive quelque- fois que la portion de ce viscère qui renferme l'excavation reste attachée en totalité ou presqu'enlièrement aux parois tho- raciques. Une inadvertance de ce genre aurait eu lieu derniè- rement sans l'attention qu'eut M. Récamier de conserver la pièce. Nous avions été appelés l'un et l'autre en consultation pour un malade confié aux soins d'un de nos confrères, et qui présentait une pectoriloquie très - évidente, dans une étendue d environ un pouce carré, immédiatement au-dessous de la DE LÀ PECTORILOQUIE COMME SIGNE. 53 trouver des excavations pulmonaires communiquant avec les bronches chez un sujet que j'eusse exploré complètement et d'une manière suivie, pendant un cer- tain nombre de jours, sans rencontrer la pectoriloquie. On sent cependant que cela peut facilement arriver si l'on se contente d'observer une seule fois le malade, clavicule gauche. Le malade ayant succombé au bout de peu de jours, on en fit l'ouverture : je ne pus m'y trouver. Ayant rencontré le meme jour le médecin ordinaire, j'appris de lui que l'on n'avait trouvé aucune excavation, mais seulement des tubercules encore crus. D'après l'évidence de la pectorilo- quie chez ce sujet, je n'hésitai pas à lui dire que sans doute on n'avait pas bien cherché. Il m'avoua que les circonstances avaient forcé de faire l'ouverture avec un peu de précipitation , et me dit que M. Récamier, surpris autant que moi du résultat, avait fait emporter ce poumon pour pouvoir l'examiner plus à loisir. Je me rendis chez M. Récamier, qui avait attendu, pour examiner plus attentivement la pièce, que nous puissions le faire ensemble. Nous trouvâmes que le poumon était entier, sauf une petite portion du sommet qui en avait été détachée par arrachement en cherchant à détruire les nombreuses adhé- rences qui l'unissaient aux parois thoraciques. Au fond de cette déchirure nous trouvâmes une espèce de plancher cartila- gineux, long de plus d'un pouce et de la largeur du doigt, dont les bords frangés montraient évidemment qu'il avait fait partie d'un kyste considérable. Au milieu de ce plancher l'on voyait deux ouvertures à bords lisses, capables de recevoir une plume d'oie, et qui conduisaient à deux rameaux bron- chiques. Il est évident que, dans ce cas, si l'on eût examiné les parois thoraciques après l'enlèvement du poumon, on eût trouvé l'excavation presque toute entière au sommet de la ca- vité formée par la plèvre. J'ai vu pareille chose arriver très- fréquemment dans les' ouvertures journalières que j'ai fait faire. Mais, comme je m'y attendais, cela n'a jamais donne lieu a aucune erreur, 54 DEGRÉ DE CERTITUDE ou d'examiner seulement une partie de la poitrine. Lorsqu'on soupçonne qu'un malade est attaqué de phthisie pulmonaire, si l'on ne trouve pas au premier abord la pectoriloquie, on doit suspendre son juge- ment jusqu'à ce que des observations répétées à plu- sieurs reprises aient produit le meme résultat ; car, comme nous l'avons dit, les crachats, en obstruant momentanément la communication des cavités ulcé- reuses avec les bronches, suspendent quelquefois la pectoriloquie pendant plusieurs heures. Si, après des examens répétés ,'on ne trouve pas le phénomène, on doit conclure, d'après l'ensemble des signes géné- raux, que les tubercules sont encore crus, ou que, s'ils sont ramollis, il ne sont point encore en commu- nication avec les bronches, ou enfin que la maladie est d'une nature différente. 83. Quoique les lobes supérieurs des poumons soient le siège le plus ordinaire des excavations ulcé- reuses, on ne doit pas se contenter d'examiner les points indiqués ci - dessus ( § 5y ) si l'on n'y trouve pas la pectoriloquie. Il arrive quelquefois, quoique rare- ment, qu'il existe des excavations dans le centre du poumon, à ses parties antérieure, moyenne ou laté- rales, et même vers son bord inférieur, les lobes supérieurs étant tout-à-fait sains. 84. Deux ou trois fois seulement, chez des sujets que j'avais complètement examinés , mais un petit nombre de fois, et qui ne m'avaient pas présenté une pectoriloquieévidente, j'ai trouvé des excavations plus ou moins vastes ; et, dans un cas entre autres, j'en ai trouvé une assez étendue pour contenir une pomme de moyen volume ; mais ces cavernes étaient près- DE LA PECTORILOQUIE COMME SIGNE. 55 qu'entièrement pleines de matière tuberculeuse ra- mollie; elles ne communiquaient avec les bronches que par une ou deux ouvertures situées aux parties postérieures ou inférieures , et par conséquent les plus déclives de l'excavation , et d'une telle étroitesse, que le pus ne pouvait presque sortir par ces issues. Quelquefois même, j'ai trouvé chez des phthisiques, d'ailleurs pectoriloques, outre les cavités ulcéreuses qui avaient donné le phénomène , quelques autres excavations ordinairement petites, ou capables au plus de loger une amande , qui ne présentaient absolument aucune communication avec les bronches. Ces excavations étaient, pour la plupart, pleines de matière tuberculeuse ramollie à consistance de pus. Celles qui ne l'étaient pas entièrement n'avaient pu, par conséquent, se vider en partie qu'au moyen de l'absorption. Ces cas, comme l'on voit, rentrent par- faitement dans la catégorie des exceptions qui con- firment une règle , car il est évident que la pectorilo- quie ne peut avoir lieu sans la communication d'une cavité, au moins en partie vide, avec les bronches. 85. Au reste , sur dix phthisiques, il en est à peine un qui arrive au terme fatal avant l'époque du ra- mollissement complet d'une partie des tubercules, et par conséquent de la formation de quelque exca- vation ; il est beaucoup plus rare encore qu'une exca- vation se forme sans s'ouvrir presque aussitôt dans les bronches ; quelquefois même ces lésions organiques devancent de beaucoup l'époque de l'altération appa- rente de la santé. J'ai observé la pectoriloquie chez des sujets qui ne présentaient encore aucun symptôme caractéristique de la phthisie pulmonaire, et, comme 56 DEGRÉ DE CERTITUDE on l'a vu , la première malade chez laquelle j'aie rencontré ce phénomène en offre un exemple. Chez ceux de ces malades que j'ai pu suivre, j'ai vu succes- sivement se développer les symptômes de la mala- die , et je les ai vu paraître enfin de manière à ne pou- voir être méconnus par les yeux les moins exercés. Ce fait s'explique facilement en le rapprochant des données que fournit l'anatomie pathologique. L'exis- tence simultanée, dans les poumons de presque tous les phthisiques, de tubercules miliaires , de tubercules crus et à divers degrés de ramollissement, et enfin d'excavations ulcéreuses, doit, comme nous l'avons déjà dit ( § 55 ), faire penser que le développement de ces productions accidentelles est successif; que les premières peuvent être déjà arrivées à l'époque de leur destruction par le ramollissement, au moment de la naissance des autres ; et enfin rien n'empêche de concevoir qu'un seul tubercule excavé ne produise pas d'effets généraux bien sensibles sur l'économie ani- male , quoiqu'un grand nombre de productions sem- blables aient sur elle une action délétère et destructive; car les tumeurs scrophuleuses des glandes lympha- tiques, dues au développement de la même matière morbifique, présentent un effet analogue. On voit souvent une glande cervicale se tuméfier, et quelque temps après se détruire par le ramollissement et l'éva- cuation de la matière tuberculeuse ou scrophuleuse , sans qu'il en résulte aucune altération notable dans la santé, et souvent même sans inflammation locale sensible ; tandis que la même affection, répandue sur un grand nombre de glandes, détermine la fièvre hec- tique, le marasme et la mort. BE LA PECTORILOQUIE COMME SIGNE. 57 86. De tout ce qui précède, on doit conclure que la pectoriloquie est un véritable signe pathognomo- nique de la phthisie pulmonaire, et qu'il l'annonce quelquefois d'une manière certaine, long-temps avant qu'aucun autre puisse la faire soupçonner. Je dois ajouter qu'il est le seul que l'on puisse regarder comme certain. 87. La toux, la dyspnée, les crachats puriformes, la fièvre hectique, l'hémoptysie, le marasme , l'en- semble complet enfin des symptômes dont Arétée a tracé le tableau effrayant de vérité, se rencontre quel- quefois chez des malades que l'on voit, contre toute espérance, revenir à la santé (a). Nous montrerons plus bas que quelques-uns de ces cas sont peut-être propres à faire concevoir l'espérance de sauver cer- tains malades atteints de la véritable phthisie ou de la phthisie tuberculeuse ; mais d'autres doivent être con- sidérés comme des exemples 'd'affections organiques simulées par des affections nerveuses ou sans matière, pour parler le langage des anciens. J'ai vu mourir , il y a quelques années, une femme encore jeune avec tous les symptômes de la phthisie pulmonaire. A l'ou- verture du corps, les poumons se trouvèrent tout-à- fait sains ; mais le foie était dans l'état que l'on dési- gne communément sous le nom de joie gras : il n'y avait aucune autre lésion organique (Z»). 88. D'un autre côté, l'on remarque souvent , chez (a) Acry- Recherches, etc., par M. Bayle. Observ. l, li , ni, lui et liv. (Z») M. Bayle donne deux exemples semblables. Observ. xlyiii et xlix. 58 APPRÉCIATION DES AUTRES SIGNES des malades atteints de la véritable phthisie tuber- culeuse, l'absence de presque tous les symptômes qui accompagnent ordinairement cette maladie. La toux manque quelquefois absolument, ou est interrompue pendant des mois entiers ; la fièvre hectique est sou- vent peu sensible, et quelquefois cesse pendant des intervalles assez longs. L'amaigrissement même, d'où les médecins grecs ont pris le nom de la maladie, est quelquefois presque nul, et la mort peut arriver par les seuls progrès de l'affection tuberculeuse avant qu'il soit sensible. Enfin, dans beaucoup de cas , une diar- rhée colliqualive et la fièvre hectique sont les sym- ptômes uniques, et par là même nécessairement équi- voques de la maladie. 8g. L'exploration par le cylindre remplira, sous ce rapport, une des lacunes de la science médicale, et contribuera à faire distinguer les cas qui sont évidem- ment au-dessus des ressources de la nature et de l'art, et ceux où l'on ne doit pas perdre toute espérance. go. Il me reste maintenant à examiner si, dans tous les cas, la pectoriloquie doit donner la désolante cer- titude de l'existence d'une cavité ulcéreuse du pou- mon et d'une mort inévitable. Nous verrons , à la fin de cette première partie, que la pectoriloquie peut être quelquefois confondue avec un phénomène analogue, qui n'indique cependant pas la même chose, et que, dans un cas même, la pectoriloquie véritable est produite par une affection beaucoup moins grave que la phthisie. Nous nous con- tenterons d'examiner ici si l'existence constatée d'une excavation ulcéreuse du poumon doit entraîner néces- sairement un pronostic de mort ; ou , en d'autres ter- nE la phthisie. 59 mes , si la guérison de la phthisie tuberculeuse arrivée au dernier degré , c'est-à-dire, à celui de ramollisse- ment , est possible. ARTICLE IV. Examen de cette question : la guérison de la phthisie est-elle possible ? gi. Concevoir la possibilité de la guérison dans quelques cas, après la formation d'une cavité ulcéreuse du poumon , est une chose qui paraîtra peut-être assez simple à beaucoup de médecins praticiens, et non anatomistes , mais qui pourra cependant paraître ab- surde à la plupart de ceux qui se sont livrés avec quel- que suite à des recherches d'anatomie pathologique. g?.. Avant que les caractères etla marchedu dévelop- pement des tubercules fussent bien connus, et lorsque l'on attribuait généralement la phthisie à une inflamma- tion chronique, et aune suppuration lente du tissu pul- monaire , les médecins ne doutaient pas plus que le public ne doute encore de la possibilité de guérir par un traitement convenable la phthisie pulmonaire, surtout lorsqu'on s'y prend à temps, et lorsque la maladie est encore au premier degré. Tous les hommes de l'art qui sont au courantdes progrès récens de l'ana- tomie pathologique pensent, au contraire, aujourd'hui que l'affection tuberculeuse est , comme les affections cancéreuses, absolument incurable, parce que la nature ne fait que des efforts contraires à la guérison, et que l'art n'en peut faire que d'inutiles. M. Bayle, sur- tout, regarde positivement la phthisie tuberculeuse comme incurable, en admettant toutefois la possibi- 6o POSSIBILITÉ DE LA GUERISON lité d'une très-longue prolongation de la maladie (a).' g5. Les observations contenues dans l'ouvrage de M. Bayle, ainsi que ce que nous avons dit nous- mêmes ci-dessus du développement des tubercules, prouvent suffisamment que l'idée de la possibilité de guérir la phthisie au premier degré est une illusion. Les tubercules crus tendent essentiellement à grossir et à se ramollir. La nature et l'art peuvent bien ralentir leur développement, en suspendre la marche rapide, mais non pas lui faire faire un pas rétrograde. Mais s'il est impossible de guérir la phthisie au premier degré , un assez grand nombre de faits me donnent la conviction intime que, dans quelques cas, rares à la vérité, un malade peut guérir après avoir eu dans les poumons des tubercules qui se sont ramollis et ont formé une cavité ulcéreuse. g4- On trouve de temps en temps , chez des sujets affectés d'un catarrhe chronique, et morts de quelque maladie que ce soit, des cavités anfractueuses tapissées par une membrane demi-cartilagineuse, et tout-à-fait semblable à celle qui tapisse les ulcères anciens du pou- mon (w. auxquels ces cavités ressemblent entièrement, à cela près quelles ne contiennent point de matière tuberculeuse. Si on ainterrogé avec soin ces malades, on trouve qu'ils rapportent tous l'origine de leur catarrhe chronique à une maladie grave qu'ils ont éprouvée à une époque antérieure, et qui a présenté les symptômes de la phthisie pulmonaire, et souvent de telle manière qu'on avait considéré dans le temps ces malades comme des poitrinaires désespérés. («) Op. cil., pag. ii 6. DE LÀ PHTHISIE. 6i g5. D'un autre côté , chez les phthisiques dont la maladie a duré extrêmement long-temps, plusieurs années par exemple, on trouve assez communément de ces cavités vides ou à-peu-près vides de matière tuberculeuse, et entièrement tapissées par une mem- brane demi - cartilagineuse ; mais on y trouve en même temps d'autres excavations dont la membrane cartilagineuse est plus molle ou n'est pas tout-à-fait complète , et qui contiennent encore une assez grande quantité de matière tuberculeuse. On y trouve quel- quefois également des cavités ulcéreuses dont les pa- rois ne présentent presque dans aucun point la mem- brane demi-cartilagineuse, et qui sont encore à demi pleines de matière tuberculeuse puriforme ; et enfin presque toujours on y rencontre, en outre, des tuber- cules ramollis à divers degrés, des tubercules crus, et même des tubercules demi-transparens et miliaires. Cette réunion de tubercules dans tous leurs degrés de développement, comparée à la marche lente de la maladie, prouve, ce me semble, jusqu'à l'évidence que, chez ces sujets, le développement des tubercules s'est fait à plusieurs époques différentes, et que les plus anciens, c'est-à-dire ceux qui ont donné lieu à la formation des cavités ulcéreuses vides et tapissées par la membrane cartilagineuse parfaite, se sont dé- veloppés souvent plusieurs années avant les derniers. 96. La formation de la membrane demi-car lilagi- neuse 36) sur la surface des ulcères tubercu- leux me paraît évidemment devoir être considérée comme un effort de la nature médicatrice. Lorsque cette membrane est complètement formée, elle con- stitue une sorte de cicatrice interne assez analogue aux 62 EXPLORATION DE LA VOIX. fistules, et dont l'existence n'a pas plus d'inconvéniens pour la santé que beaucoup d'entre elles. Tous les sujets dont j'ai parlé ci-dessus 94) étaient morts de maladies qu'on ne pouvait nullement lui attribuer. Tous avaient vécu un plus ou moins grand d'années dans un état de santé très-supportable , et étaient seulement affectés de catarrhe chronique. Quel- ques-uns éprouvaient une dyspnée plus ou moins marquée, mais sans fièvre et sans amaigrissement. 97. Je traite actuellement quelques malades atta- qués de catarrhes chroniques, et qui présentent la pec- toriloquie d'une manière évidente , quoique d'ailleurs ils n'aient aucun symptôme de phthisie pulmonaire. J'en ai rencontré quelques autres chez lesquels le meme phenomene existe avec une légère toux habituelle , souvent même tres-rare , presque sans expectoration , et sans altération notable de la santé. Une dame qui est dans ce cas a eu autrefois pour médecin M. Bayle. 11 lui a laissé , suivant son usage , des notes qui con- tiennent l'histoire de sa santé pendant le temps qu'il lui a donne des soins. J'y ai trouvé la description d'une maladie qui ressemblait entièrement à la phthisie pul- monaire et qui a eu lieu il y a huit ans. La malade a guéri contre toute espérance; elle a de l'embonpoint; et les incommodités qu'elle éprouve de temps à autre, sauf une petite toux rare et à peine sensible , sont des accidens purement nerveux. Elle est pectoriloque de la manière la plus évidente au sommet du poumon droit. Je ne doute nullement qu'il n'existe chez ces individus des cavités semblables à celles que je viens de décrire. 98. Je me tiens également pour assuré qu'à mesure que l'usage du cylindre explorateur deviendra général, FISTULES PULMONAIRES. 65 et que l'on examinera par ce moyen un grand nombre de phthisiques, on trouvera que les malades chez les- quels la phthisie pulmonaire évidente et caractérisée par la pectoriloquie vient à se changer en catarrhe chronique restent pectoriloques toute leur vie; et qu'à l'ouverture du corps de ces sujets , on trouvera con- stamment des cavités anfractueuses et tapissées par une membrane demi-cartilagineuse. 99. Pour rendre ce qui précède plus clair et plus intelligible , je crois devoir joindre ici cinq observa- tions qui offrent des exemples des faits exposés ci- dessus. La première présente deux ulcères du poumon guéris ou transformés en fistules par le développement de la membrane demi-cartilagineuse chez un sujet qui d'ailleurs n'avait plus de tubercules dans les poumons. La seconde offre la même disposition chez un sujet qui ne présentait qu'un petit nombre de tubercules crus isolés, et des granulations miliaires qui, d'après leur état peu avancé et la vigueur du sujet, ne l'au- raient probablement point empêché de vivre encore fort long-temps. La troisième offre l'exemple d'une excavation guérie dans l'un des poumons , et de tu- bercules crus en petit nombre avec un ulcère tuber- culeux peu étendu dans l'autre. La quatrième est l'his- toire d'une femme encore vivante et bien portante , et qui, après avoir éprouvé une maladie qui présentait tous les symptômes de la phthisie pulmonaire , est restée pectoriloque après la guérison. Observation ire. Ulcères du poumon guéris par leur transformation en fistules demi-cartilagineuses. - La femme Day, âgée d'environ soixante-huit ans, 64 EXPLORATION DE LA VOIX. toussait et crachait beaucoup depuis plusieurs an- nées. Elle avait habituellement la respiration courte, et s'essoufflait facilement par l'exercice le plus modéré. Cependant , à ces incommodités près , qu'elle qua- lifiait d'asthme , elle se portait assez bien, et vaquait de jour et de nuit à un service très-pénible auprès d'une dame octogénaire et infirme. Elle avait les lèvres et les joues d'un rouge violet, de l'appétit et assez d'embonpoint. Le 5i décembre 1817 , elle fut prise de fièvre, avec dyspnée très-forte, toux, crachats très-visqueux, spu- meux , de couleur vert d'eau pâle, demi-opaques. Une saignée fut pratiquée et procura quelque soulagement. Le 5 janvier, quatrième jour de la maladie , la ma- lade fut transportée à l'hôpital Necker , où , examinée à l'aide du cylindre , elle présenta les symptômes sui- vans : la respiration ne s'entendait presque point, et était accompagnée d'un râle bien marqué dans la par- tie inférieure et gauche de la poitrine , jusqu'à la hau- teur de la quatrième côte ou à-peu-près. La percus- sion donnait un son plus mat dans la même étendue , et particulièrement dans le dos. Les battemens du cœur ne donnaient aucune impulsion ; ils s'enten- daient dans toute l'étendue des parties antérieures et la- térales de la poitrine , et un peu dans la partie gauche du dos. Les contractions des oreillettes et des ventri- cules donnaient un bruit marqué et à-peu-près égal. Les veines jugulaires externes étaient gonflées. L'op- pression et les crachats présentaient les caractères in- diqués ci-dessus. D'après ces données, le diagnostic suivant fut établi : Péripneumonie de la partie inférieure du poumon FISTULES PULMONAIRES. 65 mon gauche. Dilatation légère des ventricules du cœur. Une seconde saignée, deux applications successives de sangsues et un vésicatoire appliqué sur le côté, pro- duisirent un soulagement momentané ; mais, le 8 jan- vier , la fièvre devint plus forte, et il survint une stu- peur mêlée de délire. Le même jour, on observa que la respiration s'entendait avec beaucoup plus de force dans la partie supérieure du poumon gauche que par- tout ailleurs. Ce signe devait naturellement faire soup- çonner que la malade était pectoriloque. Son état ne permettait plus de s'en assurer. Elle succomba le len- demain. Ouverture faite vingt-quatre heures après la mort. -Le crâne ne fut pas ouvert. Al 'ouverture de la poitrine, on trouva les poumons adhérens à la plèvre costale , dans presque toute leur étendue, au moyen d'un tissu cellulaire abondant, bien organisé et évidemment d'ancienne date. Celui du côté droit , crépitant et très-sain , présentait à son sommet une excavation capable de loger une grosse aveline. L'intérieur de cette cavité était tapissé par une membrane lisse, mince, égale, d'un gris de perle, et de nature demi-cartilagineuse, dans laquelle s'ou- vraient plusieurs tuyaux bronchiques extrêmement di- latés, et qu'on aurait pu prendre au premier abord pour des appendices de cette même cavité. La membrane muqueuse de quelques-uns de ces tuyaux était très- pâle ; celle de plusieurs autres était rouge , mais sans gonflement. Le poumon gauche présentait, à son sommet, une cavité anfractueuse dont la partie principale, de forme 66 ovoïde, aurait pu contenir une noix. Un grand nombre de tuyaux bronchiques, du diamètre d'une plume de corbeau, venaient s'y ouvrir ; leur muqueuse était con- tinue avec la membrane interne de l'excavation, qui offrait la même texture que celle du côté opposé, c'est- à-dire , une consistance et un aspect moyens entre ceux d'une membrane muqueuse et d'un cartikgc. Cette caverne ne contenait qu'une petite quantité de sérosité presque incolore. Il n'y avait dans les poumons ni tubercules, ni granulations miliaires. Le tissu pul- monaire environnant les deux excavations était cré- pitant et sain : seulement quelques-unes des anfractuo- sités adossées en quelque sorte l'une à l'autre étaient séparées par un tissu dur, formé du mélange d'une substance blanche , comme fibro-cartilagineuse , et de la matière noire pulmonaire. Fendu longitudina- lement , le poumon présentait dans tout son lobe inférieur et dans la partie inférieure du lobe supé- rieur une consistance analogue à celle du foie. Un li- quide purulent, mêlé de sang , suintait de toute l'é- tendue de l'incision. Ce liquide abstergé , la sur- face de l'incision offrait un tissu grenu , compacte , nullement crépitant, fortement rougi par endroits , et dans d'autres légèrement jaunâtre, mêlé d'un grand nombre de points noirs formés par la matière noire pulmonaire. La cavité droite du thorax était évidem- ment plus grande que celle du côté gauche Ça). EXPLORATION DE LA VOIX. Ça) Ce rétrécissement ne dépendait nullement de la maladie actuelle; il était beaucoup plus ancien. Nous parlerons ailleurs de cette disposition; qui n'est nullement rare, et nous indi- querons sa cause. 67 Le cœur avait quelque chose de plus que le volume ordinaire. Le ventricule droit surtout était évidemment plus grand que dans l'état naturel ; il était rempli par du sang coagulé et par des concrétions polypiformes qui s'étendaient assez avant dans l'artère pulmonaire. Le ventricule gauche était également rempli par du sang caillé et par des concrétions polypiformes qui adhéraient fortement à la cloison. Ces concrétions étaient très-fermes et ressemblaient à de la chair. Les parois des ventricules, et surtout du côté droit, étaient minces, eu égard au volume du cœur. Le foie débordait les fausses côtes de deux tra- vers de doigt ; il était uni au péritoine qui les tapisse par un tissu cellulaire très-fin et bien organisé. La face inférieure de ce viscère adhérait, par des lames cellulaires plus longues au.colon transverse et à l'extrémité droite de l'estomac. La vésicule du fiel, très-petite, contenait très-peu de bile, et trois calculs rugueux et jaunâtres, dont deux du volume d'un pois , et l'autre du volume d'une petite noisette. Le canal cystique était oblitéré, le cholédoque ne l'était point. La muqueuse de l'estomac était légèrement rougie ; celle de l'intestin était pâle dans toute son étendue, même vers la terminaison de l'iléon , qui paraissait rongea l'extérieur, à raison de l'injection des capil- laires qui rampent sous la tunique péritonéale. La muqueuse du cæcum était assez rouge, boursoufiléç et comme fongueuse. Le rein droit était refoulé par le foie jusque vis-à-vis la crête de l'os des iles. L'u- FISTULES PULMONAIRES. (a) Traces d'une ancienne péritonite. 68 térus était renversé en arrière, et comme plie en deux vers le milieu de son col. Obs. iïe. Ulcère du poumon transformé en fis- tule demi-cartilagineuse , et tubercules crus et mi- liaires , chez un sujet mort d'une maladie cérébrale. -Pierre Bel lot, âgé de trente-deux ans , d'une forte constitution , donnait de temps à autre, depuis environ six mois , des signes d'une aliénation mentale sur la nature et l'origine de laquelle on n'a pu obtenir aucun renseignement. Le 23 décembre 1817 , à la suite d'une orgie, il éprouva une violente céphalalgie et du dé- lire sans beaucoup d'agitation. Cet étal persista jus- qu'au 26, jour de son entrée à l'hôpital Necker. Le 27 , je trouvai le malade couché sur le dos , le cou et le corps courbés en avant par la contraction permanente des muscles du cou et de l'abdomen. Les muscles biceps étaient encore plus fortement con- tractés, et maintenaient les avant-bras dans une flexion difficile à vaincre. La face était rouge et exprimait la plus grande stupeur. Le malade ne pouvait parler, et paraissait à-peu-près sans connaissance. Les conjonc- tives étaient injectées, la pupille droite un peu plus dilatée que la gauche, le pouls dur, un peu rare, la chaleur de la peau forte; il y avait constipation. Les sangsues avaient été appliquées la veille. D'après ces sym >tômes, je pensai qu'il existait une inflammation des méninges aux environs du pont de Varole et de la moelle allongée. J'ajoutai à ce diagnostic, que le cœur était d'un grand volume mais bien propor- tionné, d'après l'exploration par lé cylindre , qui don- nait le résultat suivant : contraction des ventricules EXPLORATION DE LA VOIX. FISTULES PULMONAIRES. 6g accompagnée d'une forte impulsion et peu sonore; contraction des oreillettes sonore. Il y avait un rire sardonique très-prononcé.. On appliqua quatre sangsues aux tempes. Le 29, il y avait une légère amélioration ; la stu- peur était moins grande. Le malade ne pouvait parler, mais paraissait avoir quelque connaissance. Le 2 janvier 1818, stupeur très-profonde, perte de toute connaissance, pupille droite très-dilatée, pu- pille gauche très-resserrée; le soir, raie ires-fort, contractions spasmodiques des bras,, pouls très-fre- quent, faible et facile à déprimer, insensibilité com- plète. Mort le lendemain matin. On ne s'est pas aperçu que ce malade ait toussé ou crache pendant le temps qu'il a passé à l'hôpital ; et par cette raison., ainsi qu a cause de la difficulté de le mouvoir, on n avait pas examiné la poitrine. Ouverture Jaite 'vingt-quatre heures après la mort. - État extérieur. - Cadavre de cinq pieds quatre pouces, bien conformé; embonpoint musculaire graisseux assez prononcé, cheveux noirs. A l'ouverture du crâne, il s'écoula beaucoup de sang ; les vaisseaux de la pie - mère en étaient gor- gés. Les circonvolutions du cerveau étaient forte- ment aplaties; sa substance était plus ferme que dans l'état naturel. Les ventricules latéraux, très-dilatés, étaient remplis d'une sérosité limpide que l'on pouvait évaluer à quatre onces. Après son écoulement, le ven- tricule gauche offrit, à la surface du corps cannelé, des granulations très-fines, et qui ressemblaient à du sable fin jeté sur un corps humide ; en les raclant avec le scalpel n'enlevait que de la sérosité, et l'an 7° reconnaissait facilèment que ces granulations n'étaient que de très-petites bulles d'air enfermées dans un li- quide un peu visqueux, et analogues aux bulles que l'on forme en faisant mousser un liquide albumineux ou de l'eau de savon. Les troisième et quatrième ven- tricule étaient aussi dilatés et remplis de sérosité. La partie inférieure antérieure de l'hémisphère gauche avait une mollesse égale à celle du cerveau des enfans, et qui contrastait fortement avec la fermeté extraordi- naire du reste de la substance cérébrale. La totalité du pont de Varole était également ramollie , sans désorganisation d'ailleurs. Sa consistance était celle de O la substance médullaire d'un cerveau sain ; et celle du cerveau , au contraire , était celle que présente , dans l'état naturel , le pont de Varole («). Près de la commissure des nerfs optiques , entre le pont de Va- role et les lobes antérieurs du cerveau , l'arachnoïde était épaissie par une couche pseudo-membraneuse grisâtre et demi-transparente par endroits, un peu jaune et opaque dans d'autres, et, dans quelques points, déjà transformée en tissu cellulaire. Le cervelet était aussi un peu plus mou que dans l'état naturel. La base du crâne contenait peu de sérosité. A l'ouverture de la poitrine, le poumon gauche d'un quart moins volumineux que le droit, adhérait à la plèvre costale par des lames cellulaires nom- breuses. 11 était d'ailleurs sain et crépitant dans toute EXPLORATION DE LA VOIX. (<z) Cet état de mollesse du pont de Varole s'observe presque constamment dans les cas où le reste de la substance cérébrale estplup ferme que dans l'état naturel, et particulièrement dans celui d'accroissement de nutrition de cet organe. FISTULES PULMONAIRES. 71 son étendue ; on y rencontrait seulement çà et là sept à huit tubercules grisâtres et demi-transparens , de la grosseur d'un grain de chenevis, et offrant au centre un point jaune et opaque. Le poumon droit, d'un volume considérable , adhérait par son sommet à la plèvre au moyen d'une lame de tissu cellulaire bien organisé , et offrait en cet endroit une exca- vation qui aurait pu contenir un œuf. Cette caverne, remplie par un caillot de sang , était tapissée par une membrane demi-cartilagineuse, épaisse d'un quart de ligne , d'une couleur gris de perle, très-lisse et comme polie , mais cependant un peu inégale et parsemée de petites tubérosités à sa surface. Plusieurs tuyaux bron- chiques de différens diamètres s'ouvraient dans cette excavation. Le poumon , parfaitement crépitant dans toute son étendue , et même autour de l'excavation , était fortement coloré par le sang, et parsemé d'une quantité innombrable de tubercules ou granulations de la grosseur d'un grain de millet au plus , trans- parens et d'un gris presque incolore («). On y trou- vait en outre trois ou quatre tubercules de la grosseur d'un noyau de cerise ou d'un grain de chenevis , et d'un gris un peu plus foncé à raison de leur épais- seur plus considérable. Ces derniers étaient tous con- vertis , vers le centre, en matière tuberculeuse jaune, opaque et déjà un peu friable. Le péricarde contenait peu de sérosité. Le cœur, d'un tiers plus gros que le volume du poing du sujet, offrait des cavités proportionnées à son volume. Le (a; Ceci est un exemple des granulations miliaires de M. Bayle. EXPLORATION DE LA VOIX. ventricule gauche descendait un peu moins bas que la pointe du cœur. Des concrétions polypiformes d'un volume considérable adhéraient aux parois des ventricules. L'estomac était sain ainsi que l'intestin ; la membrane muqueuse du cæcum un peu rouge. Les autres viscères n'offraient rien de remarquable. Obs. nie. Ulcère transformé en fistule demi-car- tilagineuse dans le poumon , chez un sujet qui en présentait un second non guéri , et qui avait en outre des tubercules crus. - Une femme âgée d'environ quarante ans , bien conformée, d'une taille moyenne, d'un tempérament lymphalico-sanguin, entra à l'hôpital Necker le 19 décembre 1817. Elle se disait depuis long-temps sujette à une toux assez fréquente, et à une gêne de la respiration qui devenait plus grande par moment, et surtout par l'influence de certains états de l'atmosphère ; ces accidens, qu'elle regardait comme l'effet d'un asthme, ne l'avaient ja- mais empêchée de vaquer à ses travaux : depuis quinze jours seulement ils l'avaient obligée à garder la cham- bre. La toux augmentant et produisant l'insomnie, la malade se fit transporter à l'hôpital. Examinée le lendemain , elle présenta les symptômes suivans : La malade, assise plutôt que couchée dans son lit, ne pouvait supporter une autre position. La face était pâle et bouffie, les yeux abattus et un peu lar- movans, les lèvres violettes, les extrémités inférieures infiltrées, la respiration courte, accélérée, haletante. La poitrine, percutée, résonnait assez bien par-tout, mais peut-être un peu moins que dans l'état naturel. Immédiatementau-dessous des clavicules, on entendait, FISTULES PULMONAIRES. 75 au moyen du cylindre, un râle assez marqué dans les deux poumons. Les parois du thorax étaient soulevées avec force à chaque inspiration, et de manière à donner à l'oreille, par l'intermède du cylindre, un choc désagréable. La toux, assez fréquente, était suivie de l'expectoration de crachats jaunes et opa- ques : on ne trouva pas dans ce premier moment la pectoriloquie. Le pouls était fréquent, petit, sans irré- gularités; le ventre était un peu ballonné ; les veines ju- gulaires externes étaient gonflées et offraient des pulsa- tions assez marquées ; les battemens de cœur, examinés par le cylindre, étaient assez profonds, réguliers, donnaient un son peu fort, et ne soulevaient pas sen- siblementl'oreille. D'après cet examen, jeme crus fondé à penser que, malgré les symptômes généraux qui semblaient caractériser une maladie du cœur portée à un assez haut degré, il n'existait aucune lésion notable de cet organe, en conséquence, j'établis le diagnostic suivant : Phthisie saris maladie du cœur. Je fis appli- quer quatre sangsues à l'épigastre, et je prescrivis des boissons pectorales. Le 2i, le nez et les lèvres offraient une couleur li- vide ; la respiration était courte et précipitée, le cou- cher en supination impossible , le sommeil nul. Ce même jour , la contraction des ventricules donnait quelque impulsion ; symptôme qui, joint aux batte- mens des jugulaires, et eu égard à la saignée faite la veille , devait modifier le diagnostic précédent, et faire penser que le ventricule droit avait proportion- nellement un peu trop d'épaisseur. Du 22 au 27, di- minution progressive de la lividité de la face et de la gêne de la respiration ; toux fréquente, expectoration 74 EXPLORATION DE LA VOIX. abondante. Ce mieux ne fut néanmoins que passager. Dans îes premiers jours de janvier 1818, la respiration redevint très-difficile ; l'infiltration fit des progrès ; elle était plus marquée du côté gauche. Le 18 janvier , tout le côté gauche du thorax et les extrémités du même côté offraient une infiltration considérable, conservant l'impression du doigt ; la face était livide , la peau froide, le pouls petit et fréquent. On trouva la pectoriloquie d'une manière évidente vers le tiers antérieur du quatrième espace intercostal du côté droit, point qui n'avait pas été examiné la première fois. Les facultés intellectuelles étaient in- tactes ; mais la parole était difficile, et la malade suc- comba le 19 au matin. Ouverture du cadavre. - Infiltration considérable du côté gauche de la poitrine et des extrémités du même côté. Abdomen un peu ballonné. Le crâne ne fut pas ouvert. Le cœur était d'un volume naturel. L'oreillette droite était fortement distendue par du sang noir en partie coagulé. L'appendice auriculaire était exacte- ment remplie par une concrétion polypiforme ou fibrineuse assez ferme et mêlée de sang. Le ventricule droit, d'une capacité bien propor- tionnée à celle du gauche, avait des parois peut-être un peu plus épaisses que dans l'état naturel. Une ec- chymose de la grandeur de l'ongle se remarquait sur la surface interne du péricarde. Environ une pinte de sérosité était épanchée dans le côté gauche du thorax. Le poumon de ce côté adhérait à la plèvre, vers son sommet, par une bride celluleuse ferme et très-courte. Vers l'endroit de celte adhérence,, le poumon offrait FISTULES PULMONAIRES. 75 plusieurs lignes ou raies irrégulières et enfoncées abou- tissant à un centre commun, et plus déprimées en- core vers le centre. Le sommet du poumon présentait, dans le point correspondant, trois ou quatre lames assez larges, formées de tissu cellulaire condensé, qui ]e traversaient en divers sens, et en se croisant par en- droits entre elles. On trouvait encore au même endroit une douzaine de tubercules de la grosseur d'un grain de chenevis , isolés , jaunâtres et opaques au centre , gris et demi-transparens à la circonférence , et une petite excavation tapissée par une fausse membrane molle et blanchâtre , sous laquelle les parois de l'ul- cère présentaient le tissu pulmonaire à nu , un peu rouge et durci. Cette cavité , capable de loger une petite aveline, était remplie d'une matière tubercu- leuse ramollie en partie à consistance caséeuse, en par- tie à consistance de pus. Le reste du poumon était crépitant et gorgé de sang. Le poumon droit adhérait fortement dans toute son étendue à la plèvre costale. A un demi-pouce envi- ron de profondeur, et immédiatement vis-à-vis le quatrième espace intercostal, se trouvait une excava- tion capable de loger une noix. Elle était tapissée par une membrane demi - cartilagineuse , lisse , épaisse d'un quart de ligne au plus , de couleur gris de perle, mais qui , au premier coup-d'œil, à raison de son peu d'épaisseur et de sa demi-transparence, parais- sait avoir la couleur rougeâtre du tissu pulmonaire. Sa cavité contenait une petite quantité d'une matière puriforme jaunâtre. Vers la partie qui répondait à la racine du poumon , on distinguait une ouverture éva- sée , dont le contour se continuait évidemment avec 76 EXPLORATION DE LA VOîX. les parois de la cavité. Cette ouverture , que Fou reconnut être un tuyau bronchique un peu plus-gros qu'une plume de corbeau, était obstruée en partie par une petite concrétion calcaire qui n'y adhérait nul- lement. Le tissu pulmonaire contenait sept à huit pe- tites concrétions semblables , intimement unies à son parenchyme. Deux de ces concrétions , situées immé- diatement sous la plèvre , avaient la grosseur d'un noyau de prune. Du reste, le poumon était crépitant et un peu gorgé de sang. Le cæcum et une partie du colon étaient fortement distendus par des gaz. L'estomac était vide. Sa mem- brane muqueuse, ainsi que celle de la fin de l'iléon et du cæcum , offraient une rougeur assez marquée. Le foie était d'un bon volume , un peu dur et comme- ridé à sa surface. Les appareils urinaire et reproducteur étaient dans l'état naturel. io3. Obs. iv. Phthisie pulmonaire guérie par la transformation de l'excavation ulcéreuse en fistule.. - Madame G***, âgée de quarante-huit ans , était née avec une forte constitution , et avait joui d'une santé parfaite jusqu'à l'âge d'environ trente ans. A cette époque , elle éprouva pendant long-temps des pertes et des flueurs blanches dont l'abondance épui- sait ses forces. On reconnut que ces accidens dépen- daient du développement d'un polype vésiculeux au col de l'utérus ; on en fil la ligature, et madame G*** se rétablit parfaitement. Peu de temps apres, elle de- vint sujette à des catarrhes pulmonaires très-intenses,, qui presque tous devenaient chroniques , et dont 77 plusieurs la forcèrent à garder le lit pendant deux ou trois mois ; ils étaient ordinairement accompagnés d'un amaigrissement notable. A la suite d'un de ces catarrhes , elle éprouva une diarrhée qu'on ne put modérer qu'au bout d'un temps fort long , et après laquelle les selles continuèrent pendant quatre ans à être liquides, quoiqu'il n'y en eût plus qu'une ou deux par jour, et que, d'ailleurs, la santé ne parût pas en souffrir. Vers la fin de l'année 1816, madame G*** se por- tait fort bien. Il y avait long-temps quelle n'avait eu de catarrhe. Au commencement de l'année suivante , elle fut prise d'une toux assez fatigante , quoique peu forte , et sans autre expectoration qu'une petite quan- tité de crachats visqueux , diffluens , transparens , et tout-à-fait incolores. Au mois de juillet, elle me consulta pour la première fois. 11 y avait, à celte épo- que , un amaigrissement notable. La malade , quoique pouvant vaquer à ses affaires, était faible et languis- sante. Le pouls et la chaleur de la peau ne présentaient cependant pas toujours de caractères fébriles évidens. La respiration s'entendait assez bien par-tout , mais moins fortement au sommet da poumon droit que dans les autres parties de la poitrine. D'après ce signe et les caractères des crachats , je regardai la malade comme attaquée de tubercules miliaires et crus. Je lui prescrivis un régime adoucissant, et m'attachai surtout à combattre la pléthore locale par des appli- cations de sangsues assez fréquemment répétées. Les symptômes restèrent à-peu-près dans le même état pendant le reste de la belle saison et le commence- ment de l'hiver suivant. fistules pulmonaires. 78 EXPLORATION DE LA VOIX. Vers la fin de février 1818, la toux devint tout- à-coup grasse , et la malade commença à expectorer des crachats jaunes, épais et puriformes. Celte expec- toration dura environ un mois ; ensuite la toux dimi- nua beaucoup, et devint peu à peu rare et presque sèche. Cet accident, que la malade prit pour un rhu- me, ne l'inquiéta pas beaucoup, et elle ne me fit point appeler. Je la voyais rarement à raison du peu de changement qu'avait présenté jusque là son état. Au commencement d'avril, elle me consulta pour savoir si elle ne devait pas se purger après le catarrhe qu'elle venait d'éprouver. J'examinai de nouveau la poitrine , et je trouvai une pectoriloquie des plus évi- dentes à la partie antérieure supérieure droite de la poitrine. Il devenait dès-lors certain pour moi que ce prétendu catarrhe n'était autre chose que l'évacua- tion de la matière tuberculeuse ramollie. La respira- tion s'entendait d'ailleurs très-bien dans toute l'éten- due de la poitrine, et aux environs mêmes de l'exca- vation. Le pouls était peu fréquent, la chaleur de la peau médiocre , et je conçus , en conséquence , l'es- poir de voir la maladie se terminer heureusement. Je prescrivis le lait d'ànesse. La toux et l'expectoration continuèrent effectivement- à diminuer progressive- ment , l'embonpoint et les forces reparurent ; et, vers le commencement de juillet, madame G*** avait repris toutes les apparences de la santé la plus parfaite, quoique la pectoriloquie existât toujours. Je communiquai alors cette observation à la Société delà Faculté de Médecine , comme un exemple vivant de la possibilité de la guérison de la phthisie pulmo- naire par la transformation des excavations ulcéreuses CICATRISATION DES FISTULES PULMONAIRES. 79 en fistules; et j'engageai la Société à désigner des com- missaires qui pussent vérifier le fait. MM. Husson, Guersent et Renauldin furent nommés à cet effet. Nous examinâmes ensemble la malade le 27 juillet, et nous constatâmes qu'elle présentait toutes les appa- rences du retour complet de la santé, et en éprouvait le sentiment, quoique le phénomène de la pectori- loquie fût encore de la plus grande évidence chez elle, sous la partie antérieure de la seconde côte droite, dans une étendue d'environ un pouce carré. Pendant l'hiver dernier, madame G*** a éprouvé un rhume qui n'a duré qu'environ quinze jours , et n'a été accompagné d'aucun accident grave. Elle a passé très-bien le reste de l'hiver ; et elle se porte parfaitement, quoiqu'elle soit toujours pectoriloque au même degré. Son pouls est plutôt rare que fré- quent ; elle tousse rarement, et à-peu-près sans expectoration. 104. D'après les faits rapportés ci-dessus, d'après la forme des fistules pulmonaires, l'aspect lisse et la tex- ture de la membrane qui les tapisse, ainsi que d'a- près l'analogie des phénomènes que présentent les fis- tules en général, on serait naturellement porté à croire que le développement de la membrane demi-cartila- gineuse est le dernier effort que puisse faire la nature pour la guérison , après la formation d'une cavité ul- céreuse dans le tissu pulmonaire, et qu'il est impos- sible que les parois d'une cavité ainsi tapissée puissent se réunir par une véritable cicatrice. L'observation suivante me paraît cependant prouver le contraire. Obs. v. Fistule demi - cartilagineuse du poumon 8o CICATRISATION COMPLETE en partie cicatrisée , chez un sujet qui avait d'ailleurs des tubercules à divers degrés, et une autre fistule pulmonaire non cicatrisée. - Un Polonais entra à l'hôpital Necker, le 27 novembre 1817, pour une diarrhée qui paraissait dépendre uniquement de la constitution régnante, et qui, comme toutes celles de la saison, fut fort opiniâtre. Pendant le séjour du malade à l'hôpital, on s'aper- çut en outre qu'il toussait quelquefois, et qu'il expec- torait quelques crachats jaunes et opaques. Cependant, il maigrissait peu, et même moins que la persistance de la diarrhée n'eût pu le faire présumer. Aucun symptôme grave n'existant chez ce malade, son observation ne fut point recueillie. Le Ier février, il fut pris tout-à-coup d'une affection cérébrale caractérisée par des alternatives d'assonpis- sement et de délire, des mouvemens convulsifs des yeux et la dilatation des pupilles. Le 8 février, la paupière supérieure gauche et la vessie furent para- lysées. Le malade perdit tout-à-fait connaissance le*), et succomba dans la journée. A l'ouverture du corps, on trouva une grande quantité de sérosité dans les ventricules du cerveau, à la base du crâne et dans la cavité de la colonne vertébrale. L'arachnoïde était tapissée, autour du pont de Varole, de fausses membranes encore molles, en partie jaunes et opaques , et en partie demi-trans- parentes, et déjà presqu'incolorcs. Le poumon droit adhérait vers son sommet à la plèvre , au moyen de quelques lames cellulaires assez longues. Il était libre dans tout le reste de son étendue. Il présentait en cet endroit, qui correspondait aux parties latérale externe et postérieure du lobe supé- rieur, une dépression profonde qui, au premier coup- d'œil, semblait produite par l'affaissement des parois amincies d'une excavation ulcéreuse; mais en y tou- chant, on trouvait, au lieu de la sensation du vide, une dureté bien marquée. Le poumon ayant été in- cisé longitudinalement, on vit que du centre de cette dépression partait une lame blanche d'environ une demi-ligne d'épaisseur , opaque, d'une consistance tout-à-fait analogue à celle des cartilages, mais un. peu moins' ferme , qui se dirigeait à-peu-près hori- zontalement en dedans. Arrivée environ à un demi- pouce de la sur face opposée du poumon, elle se divisait manifestement en deux lames, qui se rejoignaient bien- tôt en se confondant l'une avec l'autre, et formaient une petite cavité ou kyste capable de contenir l'amande d'un noyau de prune. Cette cavité était à moitié rem- plie par un flocon de matière tuberculeuse d'un blanc jaunâtre , opaque , friable , beaucoup plus sèche que ne l'est ordinairement la matière tuberculeuse ra- mollie au même degré, mais bien reconnaissable encore , tant à ses caractères propres, qu'à quelques points de matière noire pulmonaire qui s'y trouvait mê- lée. Les parois de cette cavité, à raison de leur épais- seur de moitié moindre que celle de la membrane car- tilagineuse avec laquelle elles se continuaient, et dont elles semblaient être un dédoublement, avaient une légère demi-transparence, et empruntaient la couleur rougeâtre du tissu pulmonaire qui les entourait DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 8i (a) Cette cicatrice incomplète est celle qui a servi de modèle à la figure 4; planche n. 82 CICATRISATION COMPLETE A environ deux lignes au-dessus de celte membrane, se trouvait une portion de tissu pulmonaire durcie, d'environ un pouce cube d étendue, qui occupait lout-à-fait le sommet du poumon. Cet endurcissement était dû à un grand nombre de petits tubercules d'un jaune blanchâtre, opaques au centre , gris et demi- transparens vers la circonférence , parfaitement isolés les uns des autres, et dont la grosseur variait depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'un grain de chenevis ; quelques-uns d'entre eux étaient loul-à-fait blancs et opaques, et commençaient à se ramollir vers le centre. Le tissu pulmonaire qui les séparait était infiltré d'une matière demi-transparente et en apparence sé- reuse, mais sanguinolente, gélatiniforme, et beaucoup plus dense meme que de la gelée, quoique très-humide. Tout le reste du poumon contenait çà et là un assez grand nombre de tubercules loul-à-fait semblables , également isolés , et, en général , fort écartés les uns des autres. Le tissu pulmonaire était par-tout, excepté vers scs parties antérieures, plus ou moins rougi par une légère infiltration ou transsudation sanguine. La partie postérieure et inférieure du poumon était beau- coup plus gorgée de sang ; mais cet engorgement n'avait d'autre caractère que celui de l'infiltration ca- davérique ; car le tissu pulmonaire était par-tout for- tement crépitant, excepté dans les parties les plus gorgées de sang , cl dans la partie endurcie décrite ci-dessus. La crépitation cl la perméabilité à l'air'du tissu pulmonaire étaient mémo très - marquées au- tour de la petite excavation et de l'espèce de cica- trice avec laquelle elle se continuait : seulement cette dernière avait en- dessus et en-dessous une espèce DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 85 d'enveloppe d'un gris noirâtre et d'environ une demi- ligne à une ligne d'épaisseur, qui paraissait formée par du tissu pulmonaire condensé , humide de sérosité, et mêlé d'une grande quantité de matière noire pul- monaire. Le poumon gauche était absolument dans le même état quant à l'infiltration sanguine, au nombre, au volume des tubercules , et à l'état de crépitation par- faite du tissu pulmonaire, même autour des tuber- cules. 11 ne présentait ni dépression extérieure, ni endurcissement, ni cicatrice analogue à ce qui exis- tait dans le poumon droit; mais, à environ un pouce de son sommet, qui adhérait aussi à la plevre par quelques lames cellulaires , se trouvait une excavation légèrement anfractueuse , et capable de loger une amande revêtue de son écorce ligneuse. Cette exca- vation , entièrement vide, était tapissée par une membrane d'environ un quart de ligne d'épaisseur, lisse, égale, demi-transparente, et d'une consistance analogue à celle des cartilages, quoique plus souple. Cinq ou six tuyaux bronchiques s'ouvraient dans cette excavation, et leur membrane interne paraissait évi- demment se continuer avec celle de la cavité. Le tissu pulmonaire , aux environs de cette excavation, était tout-à-fail sain et crépitant (#). io5. La disposition anatomique dont on vient de lire la description me semble être évidemment le résultat du rapprochement des parois d'une cavité («) Cette excavation aurait donné infailliblement la pectori- loquie la plus évidente, si on eût examiné la poitrine de ce malade. é>4 CICATRISATION COMPLÈTE ulcéreuse tapissée par une membrane demi-cartila- gineuse. Le recollement n'a pu être complet, à raison de l'existence d'une petite partie de la matière tuber- culeuse qui était restée encore dans l'excavation. Ce cas peut être regardé comme très-rare; il est le seul de son espèce que j'aie rencontré ; mais il est assez commun de trouver dans diverses parties du poumon , et particulièrement dans le sommet du lobe supé- rieur, lieu où , comme l'on sait, se forment le plus souvent lesexcavations tuberculeuses, des lames ou des espèces de cloisons plus ou moins étendues, formées par un tissu cellulaire condensé, quelquefois mêlé de portions fibreuses ou fibro-carlilagineuses qui con- trastent singulièrement par leur blancheur avec le tissu pulmonaire, et qui présentent tout-à-fait l'aspect d'une cicatrice plongée dans ce tissu. Quelquefois, au lieu des lames dont il s'agit, on trouve des masses plus ou moins volumineuses de tissu cellulaire con- densé , ou de tissu fibro-cartilagineux. Assez ordinairement le tissu pulmonaire, aux en- virons de ces productions accidentelles, est imprégné d'une beaucoup plus grande quantité de matière noire pulmonaire que par-tout ailleurs , et quelque- fois même il en prend entièrement la. couleur. Il semble que le travail de la nature nécessaire pour le développement des productions accidentelles dans le poumon soit nécessairement accompagné d'une for- mation extraordinaire de cette matière noire, qui , ainsi que nous le dirons ailleurs, peut être re- gardée comme à-peu-près naturelle, et ne doit pas etre confondue avec les mélanoses. Les parties le plus fortement colorées sont ordinairement plus fias- DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 85 ques et moins crépitantes que dans Tétât naturel. Dans quelques cas, ce tissu noirci et flasque se trouve en quelque sorte entremêlé par lames ou par masses irré- gulières avec les productions fibro-cartilagineuses,qui, à raison de leur demi-transparence, paraissent alors plus grises que ne le sont ordinairement les cartilages naturels. Enfin, il n'est pas rare de rencontrer dans les mêmes poumons des concrétions ostéo-terreuses, ou une matière crétacée de consistance de bouillie. Nous reviendrons sur cette altération complexe en parlant des productions crétacées du poumon. J'avais souvent observé ces dispositions sans trop savoir à quoi les attribuer , et sans y attacher beaucoup d'importance ; mais depuis que des faits analogues a ceux qui ont été exposés ci-dessus m'eurent fait conce- voir la possibilité de la guérison des cavités ulcéreuses du poumon, je pensai que la nature avait peut-être plus d'une voie pour opérer cette guérison, et que, dans certains cas , les excavations, apres s'être debarrassées, parle ramollissement, l'expectoration ou l'absorption, de la matière tuberculeuse quelles contenaient, pou- vaient peut-être se cicatriser, comme les solutions de continuité des muscles ou de tout autre organe, parle simple rapprochement de leurs parois , et sans le dé- veloppement préalable de la membrane demi-cartilagi- neuse. J'examinai, en conséquence, avec attention les poumons dans lesquels se trouvaient des cloisons cellu- leuses ou des masses fibro-carlilagineusesde 1 espècede celles dont il s'agit. Dans tous les cas, ces productions ac- cidentelles pouvoir être regardées comme des cicatrices ; et dans plusieurs, elles me parurent évi demment ne pouvoir être prises pour autre chose. 86 CICATRISATION COMPLETE i 06. Je trouvai que, dans tous les cas où ces cica- trices existent, la surface du poumon présente, au point où elles s'en rapprochent le plus, une dépression plus ou moins marquée, et dont la surface est dure, inégale, et creusée de sillons qui tantôt la divisent en bosselures irrégulières, tantôt se réunissent à un centre commun, de manière à imiter le froncement d'une bourse. Des adhérences celluleuses existent or- dinairement en ce point entre les plèvres costale et pulm onaire. Ces dépressions se trouvent le plus souvent aux parties supérieure, postérieure ou externe du som- met du poumon. Lorsqu'elles sont très-profondes , il arrivé quelquefois que le bord antérieur du poumon, attiré en haut et en arrière par la perte de substance et le resserrement subséquent que paraît avoir éprouvé l'intérieur de l'organe, se reporte sur le point dé- primé | et le recouvre à-peu-près comme le cimier d'un caSque. Le bord postérieur du poumon présente quelquefois la même -disposition , mais d'une manière beaucoup moins marquée. ( Lq/. fig. i et 2, pl. ni. ) 107. Quelque ressemblance que ces dépressions aient avec des cicatrices , je ne pense pas que telle soit effectivement leur nature, et je les comparerais plutôt aux enfoncemens également froncés que l'on rencontre souvent à la surface d'un sein squirrheux, et qui dépendent aussi d'un travail intérieur de l'organe subjacent. La surface du poumon est ici attirée en dedans d'une manière inégale parle resserrement in- térieur de l'organe , de même que la peau l'est dans certains points à la surface d'une tumeur cancé- reuse. DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 8y io8. En disséquant avec soin ]es poumons qui pré- sentaient à leur surface des dépressions semblables , j'ai trouvé constamment, à une demi-ligne, une ligne ou deux lignes au plus de profondeur de la surface de la dépression , une masse celluleuse , fibreuse ou flbro-cartilagineuse semblable à celles que je viens de décrire ( § 106). Le tissu pulmonaire compris dans cet espace est presque toujours flasque et non crépitant, même lorsqu'il ne présente aucune trace d'engorge- ment et qu'il n'est point imprégné de matière noire. Dans tout le reste du contour de ces productions ac- cidentelles , au contraire, il est souvent parfaitement sain et crépitant. ioq. En suivant les rameaux bronchiques dans les environs de ces masses , j'ai trouvé que ceux qui se di- rigent vers elles sont ordinairement dilatés. Dans plu- sieurs cas , j'en ai trouvé qui venaient , ainsi que quel- ques vaisseaux sanguins , aboutir à ces cicatrices et s'y perdre en quelque sorte , de manière cependant que , quoiqu'oblitérés, on pouvait les suivre encore à quelque distance à travers le tissu fibro-cartilagineux, avec le- quel ils ne faisaient plus qu'une seule et même masse. Ce fait, dont la figure 2, pl. 11, présente un exem- ple , me semble ne laisser aucun doute sur la nature des masses dont il s'agit, et sur la possibilité de la ci- catrisation des ulcères des poumons. Il prouve en outre que quelquefois une bronche peut traverser une masse tuberculeuse , et par suite une excavation, sans être détruite, cas très - rare, comme je l'ai dit au commencement de ce chapitre (§ 33). Les dépressions extérieures et froncées décrites ci- dessus ( § 106) ne sont donc point elles-mêmes des 88 CICATRISATION COMPLETE cicatrices ; mais elles sont l'effet, en quelque sorte mé- canique , d'une cicatrice réelle placée plus profondé- ment dans le tissu pulmonaire. 110. Aucun trouble dans les fonctions n'annonce or- dinairement l'existence de ces cicatrices, surtout lors- qu'elles sont le plus parfaites et formées par un tissu tout-à-fait analogue aux tissus naturels de l'économie animale. J'ai observé seulement , sur quelques sujets dont l'histoire donnait lieu de soupçonner le dévelop- pement d'une pareille cicatrice , que la respiration se faisait entendre avec moins de force dans le point où on pouvait en supposer ; mais quand la cicatrice est mêlée de beaucoup de matière noire, et surtout quand il s'y trouve des concrétions crétacées ou ostéo-ter- rcuses, le malade conserve pendant long-temps, et quel- quefois toute sa vie, un peu de toux et une expectora- tion muqueuse, demi-transparente, très-visqueuse, et mêlée de points noirs. Les deux observations suivantes présenteront des exemples remarquables des cicatrices pulmonaires que je viens de décrire. in. Obs. vi. Cicatrice celluleuse ancienne dans le poumon , chez un homme mort d'une pleurésie chronique et d'une péritonite aiguë. - Un ancien no- taire de Nantes , âgé de soixante-cinq ans, tombé dans l'indigence, et exposé depuis plusieurs années à des besoins de toute espèce, entra à l'hôpital Necker le 29 décembre 1817 , ne se plaignant d'autre chose que d'une gêne de la respiration à laquelle il était sujet de- puis long-temps et qu'il qualifiait d'asthme. La percussion ne donnait aucun résultat, à raison de l'embonpoint excessif du sujet ; la poitrine parais- DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 89 sait seulement résonner un peu moins sous la cla- vicule droite; mais la respiration, examinée à l'aide du cylindre , ne s'entendait nullement dans toute l'é- tendue du côté droit, et était au contraire très-sonore dans le côté gauche de la poitrine. D'après ces symptômes , je regardai le malade comme atteint d'une péripneumonie latente du côte droit. Le 4 décembre, je reconnus un léger œdème du tissu cellulaire sous-cutané du côté droit de la poitrine; et, en appliquant le cylindre dans le dos, je trouvai que la respiration s'y entendait un peu le long de la colonne vertébrale du côté droit, quoique moins bien que du côté gauche. Le malade toussait très- peu et ne crachait presque pas. Ces symptômes indi- quant plutôt une pleurésie qu'une péripneumonie, devaient nécessairement modifier le diagnostic. Les jours suivans, il y eut quelque amélioration; l'oppres- sion devint moindre, et l'on commença à entendre un peu la respiration , à Faide du cylindre, au-dessous de la clavicule droite. La voix résonnait avec force au même point, et y offrait un caractère tremblant ou chevrotant qui fit ajouter à la feuille du diagnostic, pectoriloquie très-douteuse (//) ; mais ce phénomène disparut au bout de quelques jours. Le 11 décembre, la poitrine résonnait évident- (a) Ce phénomène, que je confondais encore avec la pec- toriloquie, était Végophonie, dont je parlerai plus bas. Si on l'eût cherché dans le dos, on l'y eût certainement trouvé, sur- tout vers l'angle inférieur et le bord interne de l'omoplate, et probablement aussi au bas de l'aisselle, à la hauteur où il existait antérieurement. 9° CICATRISATION COMPLETE ment mieux dans le même endroit, et la respiration s'y entendait aussi bien que de l'autre côté ; mais elle n'exis- tait pas plus bas que la troisième côte. Elle s'enten- dait assez bien entre la colonne vertébrale et l'omoplate. Le malade commença à expectorer quelques crachats opaques, jaunes et puriformes. Les jours suivans, il alla de mieux en mieux. Cependant Fœdème du côté persistait et gagnait l'extrémité supérieure; la main sur- tout était assez enflée. Le malade donnait de temps en temps quelques signes de démence plutôt que dedélire. Dans les premiers jours de janvier , il se trouva plus faible, et ne pouvait descendre de son lit sans éprouver une lipothymie. Il était d'ailleurs sans fièvre, et l'œdème ne faisait pas de progrès. 11 ne se plaignait plus du tout de gêne de la respiration, quoi- que les signes donnés par le cylindre fussent toujours les mêmes. Pendant ce mois et le commencement du suivant, il maigrit beaucoup. Depuis son entrée à l'hô- pital il avait une aversion constante pour les alimens et mangeait extrêmement peu. Le 11 février, l'état du malade était encore le même. Il déraisonnait plutôt qu'il ne délirait. Dans les points du côté droit où l'on pouvait entendre la respiration, on entendait une sorte de crépitation à la fin de l'inspiration. Le i4, il y avait un changement total dans le faciès du malade. Le front était fortement ridé, et tous les traits sem- blaient tirés en haut (a). Le malade se plaignait d'une douleur aiguë dans l'abdomen. 11 avait été toute la (a) Signe pathognomonique d'une affection douloureuse de l'abdomen. (Voy. Journal de Médecine, etc., par MM. Corvi- sart, Leroux et Boyer, tom. IV, p. 5o3.) DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 9T nuit précédente dans un état de véritable délire. D'a- près ces symptômes, je fis ajouter au diagnostic, péri- tonite. L'état de faiblesse du malade et la diète sévère qu'il observait depuis plus de deux mois ne permet- taient pas de recourir aux saignées locales , qui d'ail- leurs avaient été employées précédemment sans succès, ainsi que les exutoires de diverses espèces. 11 mourut dans la journée. Ouverture cadavérique faite vingt-quatre heures après la mort. - Pâleur générale, embonpoint mé- diocre. Infiltration des membres thoraciques, et sur- tout du côté droit. Le lobe gauche de cerveau était plus volumi- neux que le droit. Les circonvolutions cerebrales of- fraient un léger aplatissement a leurs parties moyennes et supérieures. L'arachnoïde était un peu infiltrée et épaissie cà et là dans des points correspondans aux scissures des circonvolutions du cerveau, ce qui la rendait un peu opaque et blanchâtre dans ces endroits. Les vaisseaux de la pie-mère étaient peu gorges de sang. Les ventricules latéraux, de grandeur inégale, comme les lobes, contenaient environ deux onces de sérosité roussâtre, répartie inégalement dans chacun d'eux. La substance cérébrale était assez molle , hu- mide. Il ne s'écoulait, à l'incision, que très-peu de gouttelettes de sang. La protubérance annulaire était beaucoup plus molle que dans l'étal naturel. Le cer- velet était aussi un peu mou. La cavité de la plèvre droite contenait environ une pinte de sérosité un peu trouble, jaunâtre. Le poumon du même côté adhérait au diaphragme et à la partie inférieure de la paroi postérieure de la 92 CICATRISATION COMPLETE poitrine, par un tissu cellulaire accidentel bien or- ganisé, très-court et très-résistant. A la partie anté- rieure et moyenne du poumon, on trouva une fausse membrane de la largeur de la paume de la main , encore molle, opaque, jaunâtre, ayant, au premier coup-d'œil, l'aspect d'un crachat épais et puriforme, et une consistance inférieure à celle de l'albumine à demi-concrète. Cette fausse membrane était parcou- rue par de petits vaisseaux sanguins très-nombreux , et adhérait à la plèvre costale par une bride plus con- sistante, demi-transparente, dans laquelle on voyait aussi un grand nombre de vaisseaux sanguins, et dont la texture approchait davantage de celle du tissu cel- lulaire accidentel parfait. En haut et en arrière, le poumon adhérait à la plèvre au moyen d'une espèce de couenne albumineuse d'un jaune de pus, très- consistante, parcourue par de petits vaisseaux, et dont quelques parties plus blanches commençaient à se séparer en lames cellulaires. Le tissu du poumon était assez crépitant dans sa moitié supérieure, quoiqu'un peu infiltré de sérosité sanguinolente. Sa moitié inférieure présentait un tissu plus compacte, d'une couleur rouge plus foncée, et offrant par endroits des parties un peu grenues, à l'incision; elle était aussi gorgée de sang et de sérosité, et moins crépitante que la partie supérieure. Le poumon gauche adhérait par son sommet à la plèvre costale, au moyen d'un tissu cellulaire ac- cidentel ancien et bien organisé. A l'endroit où cette adhérence avait lieu, se trouvait une dépression comme froncée , au centre de laquelle existait une pe- tite ossification ; de ce point partait une traînée de DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 95 tissu cellulaire très-blanc , assez fortement condensé, mais qui, cependant, n'avait pas tout-à-fait la con- sistance membraneuse. Cette sorte de traînée avait environ un pouce de longueur sur six lignes de lar- geur et trois ou quatre d'épaisseur inégale. Des tuyaux bronchiques de la grosseur d'une plume de corbeau ou un peu plus volumineux , se terminaient dans ce tissu cellulaire, dont la couleur blanche contrastait singulièrement avec la teinte grise du tissu pulmo- naire, et qui était évidemment une cicatrice. Ces ra- meaux bronchiques paraissaient oblitérés. Je fis mettre en réserve la pièce pour les suivre et les examiner à loisir ; mais elle fut enlevée, par l'inadvertance d'un garçon d'amphithéâtre, avec d'autres débris anato- miques. Le tissu du poumon était crépitant dans toute son étendue , et un peu infiltré de sérosité sanguino- lente. 11 n'y avait de tubercules ni dans l'un ni dans l'autre poumon. Le péricarde contenait quelques onces de sérosité limpide. Le volume du cœur était supérieur à celui du poing du sujet. Les parois du ventricule gauche avaient environ huit lignes d'épaisseur à l'origine des piliers, et six lignes à la base du ventricule ; leur tissu était très-ferme; la cavité était très-petite. Le ven- tricule droit paraissait aussi un peu petit relativement au volume du cœur, et semblait en quelque sorte pratiqué dans l'épaisseur du gauche; ses paaois étaient d'une épaisseur naturelle, et paraissaient par consé- quent très-minces en comparaison de celles du gauche. Ces cavités étaient vides de sang ; la gauche contenait CICATRISATION COMPLETE une concrétion polypiforme qui s'étendait jusque dans les premières divisions de l'aorte (æ). a r ouverture des parois abdominales, il s'écoula environ deux pintes de sérosité trouble, mêlée de flo- cons albumineux. Les intestins étaient médiocrement distendus par des gaz ; on remarquait çà et là, sur leur bord libre, de fausses membranes molles, faciles à en- lever, et une rougeur par plaques de différentes gran- deurs, et formées par la réunion d'un grand nombre de petits points distincts. L'estomac était contracté près de l'orifice pylorique ; en l'incisant, on trouva sa tu- nique musculeuse épaisse de deux lignes dans cet en- droit et très-ferme, mais saine ; sa tunique muqueuse ainsi que celle des intestinsétaientsaines. Le foie était un peu volumineux et graissait légèrement le scalpel. Les autres viscères contenus dans l'abdomen étaient sains. Obs. vu. Cicatrice fibro-cartilagineuse 'Ancienne dans un poumon , chez un homme mort de péripneu- monie. - Un manœuvre âgé de soixante-deux ans, d une forte constitution et d'un tempérament sanguin, toussait habituellement depuis cinq ans. Le 4 avril 1818, il fut pris, en travaillant, d'une douleur assez vive dans la partie latérale et inférieure gauche de la poitrine : («) Cet état du cœur est une hypertrophie très - caractérisée du ventricule gauche. Elle n avait pas été soupçonnée, quoi- que les battemens du cœur eussent été explorés plusieurs fois. Cette absence des signes d'une maladie du cœur portée ce- pendant à un assez haut degré tient, ainsi qu'on le verra dans la quatrième partie de cet ouvrage, à ce que le malade n'a etc examiné que pendant la durée d'une maladie qui gênait l'action des poumons. DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 95 bientôt cette douleur s'étendit à presque tout le côté gauche ; la respiration devint difficile, haute et dou- loureuse ; le malade ne pouvait se coucher sur le côté affecté. Cet état s'aggrava chaque jour. 11 entra à l'hôpital Necker le 8 du même mois. Examiné le même jour , il présenta les symptômes suivans : Embonpoint médiocre, pâleur générale, pommette gauche légèrement colorée , lèvres bleuâtres, gonfle- ment des jugulaires externes, pouls faible et fréquent, respiration courte, haute , douloureuse, et se faisant la bouche très-ouverte ; toux peu fréquente et par quintes, expectoration très - visqueuse, spumeuse, demi-transparente, peu abondante, et mêlée de quel- ques crachats jaunes et opaques. La poitrine , percutée, rendait un son assez bon à droite , moindre à gauche. L'examen de la respiration par le cylindre donnait une différence beaucoup plus marquée , car on ne l'entendait nullement dans presque toute l'étendue du côté gauche , tandis qu'à droite elle était assez forte et accompagnée de râle et d'une sorte de sifflement. Les battemens du cœur * étaient fréquens et assez réguliers. Les contractions des ventricules donnaient un son très-obtus et une impulsion peu forte ; celles des oreillettes étaient accompagnées d'un son assez clair; on entendait bien les dernières sous les clavicules. La pâleur du malade et la toux à laquelle il était sujet depuis long-temps , devant faire soupçonner l'existence de tubercules dans les poumons, on chercha la pectoriloquie dans plu- sieurs points sans pouvoir la trouver ; on n'examina pas sous ce rapport le sommet de l'épaule, 1 état du malade ne permettant pas de longues recherches. 96 CICATRISATION COMPLETE D'après ces données, on établit provisoirement le diagnostic suivant : pleuro-pneumonie du côté gauche• Tubercules? Légère dilatation du cœur ? Le malade mourut dans la nuit suivante. Ouverture du cadavr efaite trente-six heures après la mort. - Cadavre de cinq pieds un pouce , mus- cles développés, pâleur générale. La poitrine , per- cutée , rendait un son assez clair antérieurement. Le crâne ne fut pas ouvert. La cavité gauche du thorax était plus vaste que la droite. Le poumon droit adhérait à la plèvre dans toute son étendue par un tissu cellulaire bien organisé , abondant, et évidemment d'ancienne date. Au som- met du poumon, l'adhérence était beaucoup plus intime, et avait lieu au moyen d'une substance blan- che et fibro-cartilagineuse qui faisait corps avec le poumon, et embrassait son sommet en formant une sorte de calotte épaisse de plus de trois lignes au cen- tre. Cette épaisseur diminuait graduellement vers la circonférence , jusqu'à la hauteur de la seconde côte , où la calotte dont il s'agit finissait en se confondant avec la plèvre pulmonaire. Le poumon, très-crépitant antérieurement, l'était très-peu en arrière, et présentait dans ses deux tiers postérieurs un tissu flasque, très-mou, et fortement infiltré de sang très-liquide, comme séreux, et à peine spumeux. Ce poumon était marbré d'un assez grand nombre de taches formées par la matière noire pulmonaire. Le sommet du lobe supérieur présen- tait une disposition tout-à-fait remarquable : jusqu'à la hauteur de la deuxième côte x il offrait un tissu très- DES EXCAVATIONS UlCÉREVSEÜ. 97 ferme et nullement crépitant : cette disposition dé- pendait de la présence d'une masse fïbro-cartilagineuse de la grosseur d'une noix et de forme irrégulièrement conique, qui était, en cet endroit, plongée dans le tissu pulmonaire , auquel elle adhérait intimement et par continuité de, substance. Cette masse , d'un blanc brillant et opaque, contrastait singulièrement avec le tissu pulmonaire , qui, en cet endroit, contenait beau- coup plus de matière noire que par-tout ailleurs. La couche de ce tissu qui séparait la masse dont il s'agit de la calotte décrite ci-dessus, était épaisse d'une à deux lignes , suivant les endroits , tout-à-fait noire , et ne contenait pas une bulle d'air , quoique sa tex- ture fût encore très-reconnaissable. Incisée dans divers sens , la masse fibro-cartilagineuse présentait tout-à- fait l'aspect d'une cicatrice ; on y distinguait , dans un ou deux points très-peu étendus , une texture plus molle, analogue à celle du tissu cellulaire. Ces points étaient infiltrés d'une sérosité transparente. Plusieurs tuyaux bronchiques venaient se perdre et s'oblitérer dans cette masse. Deux , entre autres, aussi gros qu'une plume d'oie , se rendaient à sa partie infé- rieure, et se terminaient là en formant un cul-de-sac. L'un d'eux pouvait être suivi, jusqu'à une distance d'un demi-pouce, dans la niasse cartilagineuse. Immédia- tement après avoir formé le cul-de-sac indiqué ci- dessus, dont le diamètre avait au moins deux lignes, et dont la membrane muqueuse était d'un rouge très- intense , ce rameau se rétrécissait tout-à-coupen en- trant dans la tumeur , de manière à égaler à peine le volume d'une plume de corbeau. Il ne présentait plus de cavité, et acquérait une blancheur et une tes- 9$ CICATRISATION COMPLETE lure tout-à-fait semblables à celles de la tumeur, dont il se distinguait cependant très-bien par la direction de ses libres. Une légère nuance dans la couleur de ces mêmes fibres faisait reconnaître encore dans le fais- ceau formé par le rampau bronchique oblitéré les pa- rois de ce tube et la place qu'avait occupée sa cavité. ÇKojez pl. iij lig. 5. ) Le poumon gauche adhérait, ainsique le droit, à la plèvre dans toute son étendue ; il avait un volume d'un tiers plus grand que celui du côté opposé ; son quart antérieur et son sommet étaient bien crépitans. Vers le sommet se trouvait une petite excavation ca- pable de contenir une noisette , tapissée par une mem- brane grise, mince , demi-transparente , de consis- tance demi-cartilagineuse, et à travers laquelle on apercevait la matière noire, qui était très-abondante dans toute la partie crépitante du poumon. Cette excavation contenait une petite quantité de matière tuberculeuse friable et de consistance de fromage mou. Le tissu pulmonaire au milieu duquel elle était placée était parfaitement crépitant? Vers l'origine des bronches se trouvait un scrd tubercule de la grosseur d'un grain d'orge , ramolli à consistance de f romage mou, et entouré d'une membrane ferme, grisâtre et demi-transparente , de la nature des demi-cartilages ou cartilages imparfaits. Dans ses trois quarts postérieurs, ce poumon offrait une consistance semblable à celle du foie. Incisée dans toute sa longueur, la portion ainsi durcie laissait suinter une médiocre quantité de sérosité mêlée de pus très-reconnaissable et71'un peu de sang. Le tissu pulmonaire durci, très-rouge par endroits, simple- DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. 99 nient rougeâtre dans d'autres, légèrement jaunâtre dans les lieux les plus infiltrés de pus, rendu grisâtre ou même noirâtre dans des parties assez étendues, par une espèce d'exhalation diffuse de la matière noire pulmo- naire, et piqueté çà et là de petits points noirs formés par la même matière, offrait tout-à-fait l'aspect de certains granits. Abstergée avec un linge et examinée à contre jour, la surface des incisions paraissait comme grenue. La base du poumon gauche, qui adhérait au dia- phragme par toute l'étendue de son bord, en était séparée au centre par une couche de matière albumi- neuse opaque, d'un jaune citrin et de consistance de blanc d'œuf cuit. Celte couche était divisée en deux lames, dont l'une tapissait la plèvre pulmonaire, et l'autre la plèvre diaphragmatique ; elles étaient unies par un grand nombre de lames transversales de même nature . qui présentaient déjà la disposition des lames du tissu cellulaire et étaient séparées par une sérosité citrine. Au-dessous de cette couche albumi- neuse , qui s'enlevait facilement, on voyait la plèvre pulmonaire rougie. La surface interne du péricarde présentait, à l'en- droit de son adhérence au diaphragme, dans une étendue d'environ un pouce carré , une rougeur in- tense formée de petits points distincts quoique très- rapprochés. Le péricarde contenait deux ou trois flocons albumineux demi-concrets, et environ deux onces de sérosité fortement sanguinolente. Le cœur surpassait en volume le poing du sujet ; on remarquait sur sa face antérieure une plaque blanche, de nature celluleuse, et de la grandeur de l'ongle. ÎOO CICATRISATION COMPLETE L'oreillette droite et son appendice étaient forte-* ment distendues par une concrétion polypiforme qui s'étendait jusque dans le ventricule du même côté, et était fortement intriquée dans ses colonnes charnues. Ce ventricule était plus vaste que dans l'état naturel ; ses parois avaient à-peu-près leur épaisseur ordinaire ; mais leur tissu était jaunâtre, pâle et flasque. Le ventricule et l'oreillette gauches étaient vides. Le premier était évidemment dilaté ; ses parois avaient au plus quatre à cinq lignes d'épaisseur, et leur tissu présentait le même état de ramollissement et de pâleur que celui du ventricule droit. Les intestins étaient peu distendus par des gaz. L'estomac était vide, et présentait, vers la partie moyenne de sa grande courbure, une plaque de la grandeur de la main , d'une rougeur assez marquée, et qui ne disparaissait pas en raclant la membrane' muqueuse. Le reste du tube intestinal, ainsi que les autres viscères de l'abdomen, n'offraient rien de re- marquable. 112. Les observations que l'on vient de lire prou- vent, ce me semble, que les tubercules du poumon ne sont pas, dans tous les cas, une cause nécessaire et inévitable de mort ; et qu'après que leur ramollisse- ment a formé dans l'intérieur du poumon une cavité ulcéreuse, la guérison peut avoir lieu de deux ma- nières : ou par la conversion de l'ulcère en une fistule tapissée , comme toutes celles qui peuvent exister sans compromettre la santé générale, par une membrane tout-à-fait analogue aux tissus de l'économie animale saine ; ou par une cicatrice plus ou moins parfaite, et de nature celluleuse , fibro-cartilagineuse, ou demi-» DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. lot cartilagineuse. La nature tout-à-fait semblable des excavations observées chez les malades'qui font le sujet des observations première, deuxième, troisième, cinquième et sixième, ne permet pas de douter quelles n'aient eu la même origine , et qu'elles n'aient été produites par le ramollissement de tubercules au- trefois contenus dans leurs cavités. La femme qui fait le sujet de l'observation première pouvait être regar- dée comme tout-à-fait guérie, puisqu'il n'existait plus de tubercules dans le poumon. On peut en dire au- tant du sujet de l'observation septième, puisqu'il n'exis- tait plus chez lui qu'un seul et très-petit tubercule. Les malades des observations deuxième, troisième et cinquième auraient eu sans doute des récidives, parce qu'il existait chez eux des tubercules crus ou miliaires qui se seraient nécessairement développés parla suite ; mais ce développement eût pu n'arriver que dans un temps fort éloigné, et laisser encore aux malades l'es- pérance d'une longue vie. M. Bayle a observé, avec raison, que les tubercules crus, et surtout les tuber- cules miliaires, existent souvent pendant un grand nombre d'années sans altérer la santé d'une manière grave. ii3. Si l'on eût pu obtenir des renseignemens sur les maladies antérieures des sujets de ces observations , on eût appris sans doute que tous avaient éprouvé, à une époque quelconque, ou une toux de longue du- rée, ou un catarrhe grave, ou même une maladie prise long-temps pour la phthisie pulmonaire, et ter- minée par une guérison inespérée. Ces notions nous manquent. Quelque soin que l'on mette à interroger les malades, il est très- 102 CICATRISATION COMPLETE dans les hôpitaux surtout, d'obtenir des renseigne- inens exacts et complets sur les maladies antérieures qu'ils peuvent avoir éprouvées, lorsqu'ils n'imaginent pas eux-mêmes qu'il peut y avoir quelque relation de dépendance entre ces maladies et celle qu'ils éprouvent actuellement. ii 4. A défaut de ces renseignemens, on peut au moins remarquer que les faits dont il s'agit rendent parfaitement raison de la marche en quelque sorte in- termittente de certaines phthisies, et des guérisons ex- traordinaires qui ont lieu dans d'autres. Ce n'est pas que je veuille nier que, dans certains cas, la phthisie puisse être complètement simulée par une simple af- fection catarrhale, et sans qu'il existe aucun tubercule dans le poumon. J'ai cité plus haut un exemple d'une semblable affection ; mais ce cas est tres-rare, et le fait que j'ai rapporté ( § 87) est le seul qui se soit jamais présenté à moi. L'ouvrage de M. Bayle en contient deux autres également vérifiés par l'autopsie (rz). 115. Les exemples de fistules et de cicatrices pul- monaires, au contraire, sont extrêmement communs : je n'en ai rapporté qu'un petit nombre et je les ai choisis parmi mes observations récentes, parce qu'ayant porté depuis quelque temps une attention plus particulière sur ce point d'anatomie patholo- gique , j'ai pu observer et décrire ces faits avec plus d'exactitude ; mais j'avais eu antérieurement occasion de rencontrer assez fréquemment des dispositions sem- blables , et je les ai même décrites en partie ailleurs (6), (а) Op. cit., obs. XLvni et xlix. (б) Dictionnaire des Sciences médicales, art. Cartilages accidentels, DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. io5 Je puis assurer que quiconque se livrera d'une ma- nière assidue à des recherches d'anatomie pathologique dans un hôpital, ne passera pas six mois sans rencon- trer plusieurs Ibis des cicatrices et des fistules pulmo- naires. Ces dispositions se présenteront souvent avec des caractères très-variés. 11 serait aussi difficile que super- flu d'essayer de les décrire tous. Je dois seulement ajou- ter à ce que j'en ai déjà dit, que le développement du tissu cartilagineux accidentel paraît être le moyen qu'affecte particulièrement la nature pour remédier aux destructions produites par les tubercules excavés , et que souvent elle semble produire cette substance réparatrice avec une abondance en quelque sorte exu- bérante. Ainsi, outre la cicatrice qui remplace une excavation formée dans le lobe supérieur du poumon, et voisine de sa surface, on trouve quelquefois le som- met de ce poumon enveloppé d'une calotte cartilagi- neuse (obs. vu), qui semble être un moyen employé par la nature pour empêcher l'effusion de la matière tuberculeuse dans la plèvre. Dans d'autres cas, le kyste qui forme les parois d'une fistule cartilagineuse offre une épaisseur inégale , d'un demi-pouce à un pouce , et une cavité très-petite, en sorte que la nature médi- catrice semble avoir hésité entre le choix d'une fistule et celui d'une cicatrice pleine. (Foj. fig. 5, pl. m.) 116. Les guérisons momentanées qui ont lieu chez certains phthisiques s'expliquent facilement par la ci- catrisation d'un tubercule ramolli et le ramollisse- ment consécutif de tubercules qui étaient encore crus à l'époque de la guérison du premier. On conçoit, par exemple, que le Polonais dont 1 histoire a ete lappor- io4 CICATRISATION COMPLETE tée ci-dessus, s'il n'eût été emporté par une affec- tion cérébrale intercurrente, eût pu, après la cica- trisation complète de l'excavation existante au pou- mon droit , jouir pendant plusieurs années d'une santé assez parfaite, ou troublée tout au plus par la toux avec expectoration pituiteuse que déterminent ordinairement les tubercules miliaires Ça) ; mais le dé- veloppement de ces tubercules eût nécessairement ra- mené tôt ou tard les symptômes de la phthisie. J'ai eu occasion de voir, en 1814, un exemple remarquable de ces guérisons momentanées de la phthisie. Obs. vme. Phthisie pulmonaire suspendue dans sa marche , et en apparence guérie. - Une jeune dame vint à Paris dans le dessein d'y chercher des secours contre une maladie pour laquelle elle avait déjà employé un grand nombre de remèdes en pro- vince. M. Récamier et moi fûmes consultés par elle. Elle présentait tous les signes de la phthisie pulmo- naire ; toux fréquente, crachats puriformes , amaigris- sement considérable, fièvre hectique, sueurs noc- turnes. Plusieurs glandes lymphatiques du cou étaient dures et tuméfiées. A ces symptômes se joignaient , depuis quelques jours, une diarrhée assez forte. Nous conseillâmes quelques astringens, les bains sulfureux et l'usage du lait d'ânesse. Ces moyens furent suivis d'un succès tellement prompt, qu'au bout de deux mois les forces, l'embonpoint et la fraîcheur étaient redevenus ce qu'ils étaient avant la maladie. La toux avait tout-à-fait disparu ; le Volume des glandes cer- («) Payez Recherches, etc., par M. Bayle, j ag. 26, DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. io5 vicales avait diminué de moitié, et la malade retourna chez elle dans un état de santé parfait. Elle passa très- bien l'hiver; mais au mois d'avril la toux et tous les symptômes de la phthisie reparurent, firent des progrès rapides, et la malade succomba vers la fin de l'été. 117. Les exemples de guérison momentanée, et cependant aussi parfaite, sont rares dans la phthisie pulmonaire ; mais il ne l'est pas autant de voir des sujets qui vivent un grand nombre d'années avec tous les symptômes de la phthisie , éprouvant alternative- ment des convalescences imparfaites et des rechutes plus ou moins graves. C'est principalement ce cas que M. Bayle avait en vue lorsqu'il disait que la phthisie peut quelquefois durer quarante ans (a). Je pense qu'il doit être attribué au ramollissement successif de plu- sieurs tubercules et à leur conversion en fistules pul- monaires , tandis que les guérisons momentanées plus parfaites et avec cessation totale de la toux me pa- raissent dues à la formation d'une cicatrice fibreuse ou fibro-cartilagineuse. En effet, les cas de ces deux es- pèces que j'ai le mieux observés jusqu'à présent me pa- raissent donner les résultats suivans : la guérison des tu- bercules, par la formation d'une fistule demi-cartilagi- neuse , laisse assez ordinairement après elle un catarrhe chronique plus ou moins intense et accompagné d'une expectoration quelquefois assez abondante; les cica- trices , au contraire , ne produisent guère d'autre in- commodité qu'une toux sèche, rare et peu forte, et souvent même n'en occasionnent point du tout, surtout lorsque leur texture se rapproche beaucoup des tissus (a) Voyez Recherches, etc., par M. Bayle, pag. 43. io6 naturels de l'économie, et particulièrement du tissu cellulaire ou des fibro-cartilagcs. Lorsqu'au contraire le tissu de la cicatrice est d'une nature moins parfaite et plus éloignée de celle des tissus sains de l'économie animale , et quelle est mêlée de beaucoup de matière noire pulmonaire , comme on le voit dans l'observa- tion septième , il reste une toux habituelle, sèche ou accompagnée d'expectoration pituiteuse, et un véri- table état de cachexie morbide , même aprèfe la des- truction complète des tubercules. 118. Si on réfléchit que le développement des tu- bercules dans le poumon paraît être ordinairement le résultat d'une diathèse générale , que souvent on en trouve en même temps dans les parois des intestins , où ils déterminent des ulcères, et, par une suite nécessaire, la diarrhée colliquative ; et que dans certains cas enfin les glandes lymphatiques, la prostate, les testicules, les muscles, les os, etc., en contiennent également on sera sans doute porté à croire que la guérison la plus parfaite d'une phthisie pulmonaire ne peut être que momentanée ; mais en admettant les conséquences les plus lâcheuses que l'on peut tirer de ces cas extrêmes, et rares au reste, eu égard au grand nombre des phthi- siques , il n'en restera pas moins constant que, dans beaucoup de cas de phthisie pulmonaire , on peut encore concevoir , d'après les exemples que nous avons rapportés, F espérance d'une guérison réelle, ou au moins d'une suspension dans les accidens qui en est presque l'équivalent, puisque le malade peut être rendu à un état de santé assez parfait pour remplir toutes les fonctions de la vie civile , et pendant plu- sieurs années , avant que le développement des tuber- CICATRISATION COMPLETE DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. ioy cules restés dans l'état de crudité détermine une nou- velle et dernière attaque de phthisie. i ig. Enfin , quoique la plupart des sujets chez les- quels jai rencontré des fistules ou des cicatrices pul- monaires portassent des tubercules à différens degrés de développement , et par conséquent une cause ne- cessaire , quoique peut-être encore éloignée, du retour de la maladie , cependant j'ai trouvé aussi les mêmes traces de guérison chez beaucoup de sujets qui n'of- fraient plus de tubercules , ni dans les poumons ni dans aucun autre organe : les observations première et septième en offrent des exemples. On supposera peut-être que , chez ces deux sujets , les cicatrices ou fistules pulmonaires pouvaient être dues à de véritables abcès, résultat de l'inflammation du poumon, et non pas à des tubercules ; mais celle supposition serait tout-à-fait gratuite. Lorsqu'on fait habituellement des ouvertures de cadavres , on peut suivre pour ainsi dire jour par jour la formation des membranes demi- cartilagineuses à la surface des ulcères tuberculeux ; et, d'un autre côté , la formation d'une collection de pus ou d'un véritable abcès par suite d'inflammation dans le tissu pulmonaire, quoiqu'elle ne soit pas tout- à-fait impossible , est tellement rare , comme nous aurons occasion de le montrer en parlant de la péri- pneumonie, qu'elle peut être mise au nombre des cas d'anatomie pathologique les plus extraordinaires, et qu'elle ne peut nullement rendre raison d'une chose aussi commune que les fistules et les cicatrices dont il s'agit. 120. Ces considérations doivent porter à ne pas perdre toute espérance dans les cas de phthisie pul- io8 cicatrisation complète monaire dans lesquels la percussion et l'exploration par le cylindre indiquent que la plus grande partie du poumon est encore perméable à l'air ; et, dans des circonstances semblables, quoique l'on puisse pro- noncer avec certitude qu'un malade pectoriloque a une excavation ulcéreuse dans le poumon, on pourrait quelquefois se tromper en assurant qu'il succombera. 121. On peut même dire, en général, que, quand les crachats sont jaunes et opaques , l'amaigrissement considérable , la fièvre hectique très-intense , et en un mot les symptômes ordinaires de la phthisie très-pro- noncés , on doit les regarder en quelque sorte comme d'un moins fâcheux augure lorsque la pectoriloquie est en même temps manifeste , que lorsqu'ils existent sans ce phénomène : car , dans le premier cas , on peut les attribuer aux efforts de la nature pour le ramollisse- ment et l'évacuation de la matière tuberculeuse, et espérer qu'ils cesseront quand l'excavation sera tout- à-fait vide , si d'ailleurs la plus grande partie du pou- mon paraît saine d'après le résultat de l'exploration de la respiration : dans le second cas, au contraire , on doit penser qu'il existe un grand nombre de tuber- cules, puisqu'ils déterminent des effets généraux et très-graves avant que leur ramollissement soit assez avancé pour produire des cavités ulcéreuses. 122. Je dois regretter de n'avoir point eu de ren- seignemens sur les maladies qui avaient produit les ci- catrices ou fistules pulmonaires observées chez les ma- lades des observations ire, 2e, 5e, 5e, 6e et 7e ; mais, à défaut de ces faits , je puis rapporter deux observa- tions qui, avec la 4e, présenteront en quelque sorte la contre-partie des deux précédentes : ce sont celles de deux hommes qui ont été bien évidemment atteints de la phthisie pulmonaire , et qui jouissent depuis plu- sieurs années d'une santé parfaite. 123. Obs. ix. Phthisie pulmonaire tubercu-* leuse guérie. - M. G. . . Anglais, détenu à Paris comme prisonnier de guerre, âgé d'environ trente-six ans , d'une haute stature , d'une assez forte constitu- tion, d'un tempérament lymphatico-sanguin, éprouva, au commencement de septembre i8i3, une hémo- ptysie assez abondante, suivie d'abord d'une toux sè- che , et, au bout de quelques semaines , de l'expec- toration de crachats jaunes et puriformes. A ces sym- ptômes se joignait une fièvre hectique bien prononcée, une dyspnée considérable et des sueurs nocturnes abon- dantes. L'amaigrissement faisait des progrès rapides, et les forces diminuaient dans la même proportion. La poitrine résonnait bien dans toute son étendue, excepté sous la clavicule et l'aisselle droites. L'hémoptysie re- paraissait de temps en temps, mais avec une abon- dance médiocre. Dans le courant de décembre , il se manifesta une diarrhée qui ne fut modérée qu'avec beaucoup de peine par l'opium et les substances gom- meuses. Au commencement de janvier , le malade était arrivé à un degré de marasme et d'affaiblissement tel qu'on pouvait s'attendre chaque jour à le voir suc- comber. MM. Hallé et Bayle, qui le virent en con- sultation , en portèrent, ainsi que moi, ce jugement. Le i5 janvier 1814, le malade éprouva une quinte de toux plus forte qu'à l'ordinaire; et, après avoir rendu quelques crachats de sang presque pur , il expectora une masse de consistance ferme et de la DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. ing I IO CICATRISATION COMPLÈTE grosseur d'une petite noisette. Je fis laver celte masse, et je vis qu'elle était composée de deux substances très-distinctes , l'une jaune, opaque , de consistance de fromage, un peu friable, mais cependant encore assez ferme. Cette matière, qui formait à-peu-près les trois quarts de la masse, était facile à reconnaître au premier coup-d'œil pour un tubercule qui avait éprouvé un premier degré de ramollissement. L'autre substance élait grisâtre , demi-transparente, très-ferme dans certains points , molle, flasque et rougeâtre dans d'autres , et ressemblait entièrement à un petit mor- ceau de tissu pulmonaire en partie imprégné ou infiltré de la matière grise des tubercules commençans et dans l'état d'endurcissement enfin que l'on rencontre au- tour des masses tuberculeuses un peu volumineuses et des excavations ulcéreuses. D'après cet accident et l'état général du malade , je ne doutai pas qu'il ne dût succomber dans quelques jours, et peut-être dans quelques heures. L'amaigrissement était porté au der- nier degré , et depuis près de trois semaines le malade ne pouvait plus se soutenir sur ses jambes, même quelques inslans. Il resta dans le même état jusqu'à la fin de janvier. Au commencement de février, les sueurs et le dé- voiement cessèrent spontanément, et, contre toute espérance , l'expectoration diminua notablement ; le pouls, qui jusqu'alors passait habituellement cent-vingt pulsations, tomba à quatre-vingt-dix ; l'appétit, nul de- puis le commencement de la maladie, reparut peu de jours après ; le malade put faire quelques pas dans sa chambre ; bientôt l'amaigrissement diminua, et, vers la findumois, toutannonçait une véritable convalescence. DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. III Dans le courant de mars , la toux cessa entièrement, l'embonpoint revint graduellement, les muscles re- prirent leur forme , le malade put monter à cheval et même faire d'assez longues courses. Au commence- ment d'avril, il était parfaitement rétabli. Depuis cette époque M. G a presque conti- nuellement voyagé. 11 a parcouru successivement la France, l'Italie et l'Allemagne , revenant de temps en temps à Paris ou à Londres, et changeant ainsi quelquefois de climat d'une manière assez brusque ; vivant habituellement d'une manière assez sobre et assez régulière, mais se laissant entraîner de temps en temps à des parties de plaisir que, parmi ses com- patriotes , les hommes de bonne compagnie ne s'in- terdissent pas toujours , mais qu'en France on appel- lerait des orgies. 11 n'a pas éprouvé la moindre rechute et il ne tousse jamais. Se trouvant à Paris au mois de mars 1818 , il me consulta de nouveau pour une légère affection bilieuse. Je profitai de l'occasion pour examiner sa poitrine à l'aide du cylindre ; je trouvai que la respiration était beaucoup moins sonore dans tout le sommet du pou- mon droit , jusqu'à la hauteur de la troisième côte, que dans le reste de la poitrine. Cette partie cepen- dant résonne aussi bien que le côté opposé , et il n'y a point de pectoriloquie. D'après ces signes, je pense que l'excavation d'où est sorti le fragment de tu- bercule décrit ci-dessus, a été remplacée par une cicatrice cellulaire ou fibro-cartilagineuse. L'absence totale de la toux , de la dyspnée et de l'expeclora- tion , depuis quatre ans, ne permet guère de soupçon- ner qu'il puisse exister chez lui d'autres tubercules , Iî2 CICATRISATION COMPLETE et je pense, en conséquence, qu'il est parfaitement guéri. « 124* Je d°is regarder comme certain, d'après les nombreuses observations que j'ai déjà sur cet objet, que , si l'on eût examiné ce malade avec le cylindre , à l'époque où il rendit un fragment de matière tu- berculeuse, on l'eût trouvé pectoriloque; et que, peu de temps après, la cessation du phénomène eût indiqué la formation d'une cicatrice ; et je suis con- vaincu qu'à mesure que l'usage de ce moyen d'ex- ploration se répandra , il arrivera assez souvent de voir ainsi paraître et cesser la pectoriloquie, non-seu- lement dans des cas qui présentent d'une manière aussi prononcée que celui que l'on vient de lire les symptômes de la phthisie pulmonaire , mais encore chez des malades attaqués de toux suspectes et opi- niâtres, qui font plutôt craindre au vulgaire des pra- ticiens le développement futur des tubercules du poumon , que soupçonner leur existence actuelle et que l'on voit cesser au bout d'un temps plus ou moins long. Car l'existence d'une excavation ulcéreuse du poumon,etmême de plusieurs excavations assez vastes, ne produit pas toujours, à beaucoup près, des sym- ptômes généraux aussi graves et aussi rapides dans leur marche que chez M. G: on en peut juger par l'histoire de la malade qui fait le sujet de l'obser- vation IVe. i2Ô. Obs. x. Phthisie pulmonaire guérie. -- M. Bayle a consigné dans ses Recherches sur la phthi- sie pulmonaire (a) une observation que je lui avais (a') Op. cit.j obs. liv; pag. DES EXCAVATIONS ULCEREUSES. n5 communiquée, et dont le sujet, après avoir éprouvé aussi tous les symptômes d'une phthisie pulmonaire parvenue au dernier degré , a parfaitement guéri par le changement d'air et l'habitation des bords de la mer. La guérison de la phthisie nous paraissant impossible, nous pensions , M. Bayle et moi, que sa maladie avait été un catarrhe chronique, et l'observation est ainsi intitulée. J'ai acquis depuis la certitude qu'il y avait eu chez ce malade quelque chose de plus qu'un ca- tarrhe ; j'ai eu occasion de le revoir en 1818 : j'ai exploré sa poitrine avec le cylindre ; j'ai trouvé que la respiration s'entend parfaitement chez lui dans toute l'étendue de cette cavité, excepté au sommet du pou- mon droit, où elle manque totalement jusqu'à la hau- teur de la deuxième côte. Je regarde en conséquence comme certain que cette partie du poumon a été le siège d'une excavation ulcéreuse qui a été remplacée par une cicatrice pleine et solide. Cet état paraît n'in- fluer en rien sur la santé du sujet. M. D*** est ac- tuellement procureur du Roi dans un tribunal de province. Depuis plusieurs années, il porte fréquem- ment la parole, et il parle souvent plus d'une heure de suite sans en être aucunement fatigué. Il éprouve quelquefois une petite toux sèche, surtout aux chan- gemens de temps; mais il s'enrhume très-rarement. ARTICLE Vk Del'Expectoration de la matièl e tuberculeuse, ou des vomiques. 12Ô. Il est encore un cas de médecine plus connu en théorie qu'il n'est commun dans la pratique } et qui 114 des vomiques nu poumoNv s'explique très-bien par la cicatrisation des excavations tuberculeuses, ou leur conversion en fistules demi- cartilagineuses : je veux parler des vomiques du pou- mon. On entend communément par ce nom une expectoration subite et abondante de matière puri- forme survenue à la suite d'un état de maladie qui, ordinairement, présente tous les symptômes de la phthisie commençante. Dans ces cas, on voit quelque- fois, après une expectoration tellement abondante que la quantité des crachats rendus en vingt-quatre heures suffirait presque pour remplir un des côtés de la poi- trine , la toux diminuer progressivement au bout de quelques jours, l'expectoration suivre la même marche, et le malade revenir peu à peu à une santé parfaite et durable; mais le plus souvent, après une amélioration momentanée dans les symptômes , la phthisie suit sa marche , devient même plus évidente , et conduit bientôt le malade au terme fatal. 127. Ces cas, très-remarquables lorsqu'ils sont ca- ractérisés comme je viens de l'indiquer, avaient fixé l'attention des médecins dès l'origine de l'art. Hippo- crate en a longuement parlé dans plusieurs endroits de ses ouvrages. Il considérait les vomiques comme de véritables abcès du poumon, et désignait, en consé- quence , les malades qui en étaient affectés sous le nom à'empjfiques ou suppures (ë/znuoi), nom qu'il ap- plique également à tous ceux qui sont attaqués d'une suppuration de quelque partie que ce soit, mais dont les chirurgiens modernes ont restreint depuis la signi- fication aux collections purulentes dans la plèvre. 11 paraît, d'ailleurs, regarder ce cas comme différent de la phthisie pulmonaire. 11 pensait que l'abcès pouvait DES V0MIQÜË5 DÜ POUMON. ï i5 s'ouvrir, soit dans les bronches , soit dans la cavité de la plèvre. La première terminaison lui paraissait heureuse , et il cherchait même quelquefois à la pro- duire artificiellement en secouant fortement le tronc du malade (7z). La seconde était, selon lui, la cause ordinaire de l'empyème pleurétique. 128. Ces idées, fort inexactes sous plusieurs rapports, sont encore celles de beaucoup de médecins étran- gers aux recherches d'anatomie pathologique : elles sont fausses sous un rapport très-important, celui de l'origine ; car, comme nous l'avons déjà dit, et comme nous le montrerons encore en parlant de la péripneu- monie, la formation d'un abcès ou d'une collection de (a) Ce procédé hardi n'a pas été compris de la meme ma- nière par tous les commentateurs d'Hippocrate : leurs réflexions diverses sur le passage suivant en sont la preuve: Oifft o'Êtofxévotai nûov xa't oucmOcç à7roAÀu>rat côr ra ttoÀàsc. Foes. Coac.: Francf. Houlier n'a pas jugé ce passage digne d'attention > et n'en dit rien ; Jacotius l'explique ainsi : « Concuti aütem ægrum dixit, » cùm thoracem valida robore comprimit ad puris exclusio- » nem. » Ce qui serait sans doute d'une témérité punissable. (Voy.MagniHippocratis Coaca Præsagia, cum interprétations etcomm. J.Hollerii, nunc primùm D. Jacotii opéra in lucem editis, etc. Lugduni, apudGulielmumRovilium. 1676. In-jol.') Duret, qui lit év asicptoïciv au lieu de ffstofzfvoiutv, commente ce passage comme s'il s'agissait des secousses de la toux, du hoquet, de l'éternuement ou du frisson. (Hippocratis Magni Coacæ Prænotionesj etc., interprété et enarratore Ludovico Dureto. Lugduni, 1784. In-Jbl. De Pleuritide et Peripneu- moniâ, § 47 •) Foës a mieux compris le sens d'Hippocrate} quoiqu'il ex- prime encore quelque doute à cet égard. « lllud («toptgvoicj 1i6 DES VOMIQUES DU POUMON. pus dans le tissu pulmonaire, par suite de l'inflamma- tion, est un cas des plus rares ; il l'est au moins cent fois plus que celui d'une vomique bien caractérisée, et nu lie fois plus que l'empyème. 129. Je regarde les vomiques , telles que les con- naissent les praticiens et que je viens de les décrire , comme le produit du ramollissement d'une masse tuberculeuse d'un grand volume. L'abondante expec- toration qui a lieu ordinairement pendant quelques jours à la suite de leur rupture ne peut pas être regar- dée comme formée uniquement par la matière tuber- culeuse contenue dans l'excavation. J'ai vu un malade purulentorum sectionem aut ustionem prodit. Quânam enim parte pus decumbat ad sectionem aut ustionem concussione explorât Hippocrates, lib. il de Morbis. Aut certè validum thoracis moturn indicat, dùni concutitur ad puris exclusionem, quo concussu pus editur et virus suum exhalat. Foës.,loc. cit.) Le passage dont il s'agit ne peut cependant présenter aucune difficulté, si on le compare au suivant : orav èx TreptTrÀcuptovôjç é'jZîrvoç ysvïjrat xivjjaat tqv upov , xai, fxL Û7rô toutou rà Tïüov pa-p* et oè [AT], 'érepov « Lorsque, par l'etfet d'une » péripneumonie, il s'est formé une collection purulente dans » le poumon.... , secouez l'épaule du malade; et si, par ce » procédé, le pus s'écoule, le malade s'en trouve bien; dans » le cas contraire , il faut faire autre chose. » (De Morbis, lib. ii, § 44. Vanderlinden.) Il me semble incontestable, d'après ce passage, que la com- motion de la poitrine faite dans le dessein de procurer la rup- ture et l'évacuation d'une vomique était pratiquée par les As- clépiades, absolument de la meme manière que lorsqu'ils vou- laient s'assurer de l'existence d'un empyème, c'est - à-dire, en secouant fortement le malade par les épaules. Nous aurons, au reste, occasion de revenir ailleurs sur ce procédé, em- ployé comme méthode d'exploration. DES VOMIQUES DU POUMON. IT7 qui, après avoir éprouvé , pendant plusieurs mois , une toux sèche accompagnée de dyspnée , de fièvre hectique et des autres symptômes propres à faire soup- çonner l'existence de tubercules crus, expectora tout- à-coup, à la suite d'une violente quinte de toux, près d'un verre de crachats puriformes, opaques et presque diffluens. Pendant environ huit jours, il rendit, toutes les vingt-quatre heures, environ trois livres d'une matière semblable. L'expectoration diminua ensuite graduellement , et cessa enfin totalement, ainsi que les symptômes qui l'avaient précédée, et le malade sortit de l'hôpital parfaitement guéri au bout d'un mois. Une expectoration aussi abondante ne peut s'expliquer que par une sécrétion, et on ne peut guère douter que celle dont il s'agit avait pour siège prin- cipal les parois d'une excavation tuberculeuse très- vaste , et en outre les bronches irritées par l'éruption de la matière tuberculeuse ramollie ; il est également probable que l'expectoration n'a cessé que par la ci- catrisation de l'excavation. 150. Au reste, le cas de médecine-pratique connu sous le nom de vomique, et que l'on regarde avec raison comme assez rare, ne diffère que par une inten- sité plus grande de cas très-communs et que l'on peut voir souvent si l'on examine d'une manière suivie et comparative les crachats d'un grand nombre de phthisiques, comme on peut le faire dans un hôpital. 151. En effet, la phthisie, considérée sous le rapport de l'expectoration, présente dans sa marche deux époques très-distinctes. Dans la première, la toux est sèche, dure , fatigante, et les crachats, lorsqu'il en existe, sont formés uniquement de salive cl de mucus 118 CARACTÈRE DES CRACHATS guttural et buccal, dont la réunion forme une expec- toration abondante, transparente, incolore, liquide et filante, un peu spumeuse à la surface. Quelquefois il s'y joint un peu de celte matière visqueuse, grise, demi-transparente, assez souvent mêlée de points noirs, à laquelle on donne le nom de mucus bron-> chique. Dans ce dernier cas, l'expectoration est très- peu abondante ; dans le premier, elle l'est quelque- fois beaucoup, et ces deux espèces d'expectoration indiquent des tubercules crus. Mais ce signe seul serait fort insignifiant, puisqu'un grand nombre de personnes saines rendent habituellement de semblables crachats, et souvent en plus grande quantité que les phthisiques. » 132. Dans quelques cas cependant, l'expectora- tion est excessivement abondante, filante; mais tou- jours presque incolore et demi-transparente. Ce cas dénote, ainsique l'a fort bien observé M. Bayle, l'exis- tence d'un grand nombre de tubercules crus et mi- liaires; mais il n'indique pas exclusivement, comme il le pensait, la variété qu'il a désignée sous le nom de granulations. Tant que les crachats présentent l'un ou l'autre de ces aspects, il est inutile de chercher la pectoriloquie; on ne la trouverait point : les tubercules sont encore crus. 133. Dans la seconde époque, les crachats prennent un aspect tout différent : ils deviennent opaques, d'un jaune pâle, quelquefois légèrement verdâtre; ils ont plus ou moins de ténacité ; quelquefois ils ressemblent parfaitement à ceux d'un simple catarrhe; d'autres fois, au contraire, ils sont diffluens et puriformes. Dan% DANS LA PHTHISIE. TI9 certains cas, on y distingue des fragmens de matière tuberculeuse incomplètement ramollie. Ce dernier caractère, qui semblerait devoir être tout-à-fait patho- gnomonique, ne doit cependant point inspirer une grande confiance ; car il se forme fréquemment dans les amygdales une matière sébacée, friable et demi- concrète, que des sujets très-sains rendent de temps en temps par fragmens, et qui ressemble tont-à-fait à ces morceaux de matière tuberculeuse. Ils en diffèrent cependant par deux caractères : la matière sébacée a ordinairement une fétidité particulière, et lorsqu'on la fait chauffer sur du papier , elle le graisse. Ces caractères n'existent pas dans la matière tubercu- leuse. 154. Le passage de l'une à l'autre époque est quel- quefois brusque et complet, c'est-à-dire que l'ex- pectoration transparente et muqueuse cesse au mo- ment où commencent à paraître les crachats jaunes et puriformes. L'apparition de ces derniers est quelque- fois accompagnée d'une légère hémoptysie : un sou- lagement momentané la suit presque toujours. Ces cas,, qui ne sont point rares, présentent, comme on le voit, en petit tout ce qui caractérise les vomiques. i35. Si, à cette époque, on examine le malade avec le cylindre , la pectoriloquie , qui jusqu'alors, n'existait pas, commencera à se manifester , et un antre signe particulier indiquera également la forma- tion d'une cavité ulcéreuse , comme nous le dirons en parlant du râle. La pectoriloquie deviendra de jour en jour plus évidente, et quelquefois même au bout d'un petit nombre d'heures elle est parfaite. Cela a sur- tout lieu lorsque les cracliats [aunes et opaques sont 1 20 CARACTÈRE DES CRACHATS expectorés en grande quantité dès le moment de leur apjKuiiion. 156. On doit inférer de ces observations qùe l'em- ploi du cylindre est un moyen certain d'obtenir des lu- mières rassurantes dans le catarrhe chronique accom- pagné de symptômes fébriles. On sait combien cette maladie est difficile à distinguer de la phthisie pulmo- naire. Si, dans un cas de cette nature , après des exa- mens répétés, on ne trouve pas la pectoriloquie, quoi- que le malade rende depuis long-temps des crachats jaunes et puriformes, et si, d'ailleurs, les autres signes donnés par la respiration et le raie , ainsi que par la percussion , sont également négatifs, on peut assurer, malgré les apparences contraires , que le ma- lade n'est pas phthisique. i5y. Assez souvent le passage de la première épo- que à la seconde n'est pas aussi tranché que nous venons de le décrire. L'expectoration muqueuse et transparente continue encore après que les crachats opaques et puriformes ont commencé à paraître; et, si l'on s'en tenait à ce seul signe, on ne saurait trop si les nouveaux crachats sont dus au ramollissement de quelque tubercule ou à un catarrhe pulmonaire greffé en quelque sorte sur la toux ancienne du malade. Le cylindre peut seul encore lever ce doute. 158. Ces deux états différens des crachats sont dans un rapport parfait avec la lésion organique qui consti- tue la phthisie pulmonaire , puisqu'ils indiquent l'état de crudité des tubercules et l'évacuation, par les bron- ches, de la matière tuberculeuse ramollie. Les crachats de la première espèce ne sont autre chose qu'un mucus bronchique sécrété un peu plus abondamment qu'à DANS LA PHTHISIE.' 121 l'ordinaire, en raison de l'irritation causée par les tuber- cules existans dans le tissu pulmonaire. Les crachats jaunes et opaques , au contraire , formés en partie 9 et surtout dans le principepar la matière tubercu- leuse ramollie, sont ensuite dus à une sécrétion pu- rulente ou puriforme des parois de l'excavation ulcé- reuse et des bronches elles-mêmes; car la plupart des phthisiques expectorent tous les jours une quantité de crachats telle que leur poids et leur volume quo- tidiens surpassent ceux de tous les tubercules qu'ils ont dans les poumons. i3g. Les symptômes généraux de la maladie ne sont pas à beaucoup près dans un rapport aussi exact, soit avec l'état des crachats , soit avec l'étendue du désordre qui existe dans les poumons. La fièvre hectique et l'amaigrissement existent quelquefois à un haut degré avant l'apparition des crachats jaunes et opaques, et quelquefois même ces symptômes, joints à la dyspnée, déterminent la mort dans celte première période (a). D'autres fois, au contraire, l'embonpoint et un état de santé supportable persistent encore assez long-temps après l'apparition des crachats opaques et de la pectoriloquie. Plusieurs faits même me portent à croire que, dans la plupart des cas où la phthisie, bornée à une petite partie du poumon, se termine heureusement par la formation d'une fistule demi- cartilagineuse ou d'une cicatrice, le malade a parcouru toutes les périodes du développement, du ramollisse- ment et de l'évacuation de la matière tuberculeuse, sans qu'on le crût attaqué d'autre chose que d'une toux («) Recherches, etc., par M. Bayle, p. 27, et obs. xiv etxv. 122 nerveuse ou d'un catarrhe un peu suspect. L'ob- servation iv en offre un exemple, et très-probable- ment le défaut de repseignemens sur les maladies qui ont déterminé la formation des fistules ou des cica- trices chez les sujets dont j'ai rapporté plus haut les histoires (obs. ire, 2e, 5e, 5e, 6e et 7e) tient à ce que chez eux les choses se seront passées ainsi, et que les maladies qui ont eu ces conséquences n'ont en ni une durée assez longue, ni des symptômes assez graves au jugement du malade , pour laisser dans sa mémoire une certaine impression ; car , à l'imitation de M. Corvisart, que j'ai eu l'avantage d'avoir pour maître , je mets toujours un soin particulier à inter- roger les malades sur les maladies anciennes qu'ils peuvent avoir éprouvées , et je lâche d'inculquer l'uti- lité de cette habitude aux élèves qui m'aident dans mes recherches. i4o. Ces observations rendent peut-être raison des difficultés qu'éprouvent les praticiens et les nosolo- gistes à tracer des degrés dans la marche de la phthisie pulmonaire. Ces divisions établies sur l'ensemble des symptômes généraux, et principalement sur l'amaigris- sement, les sueurs, le fièvre hectique, la diarrhée, etc., portent sur des bases très-variables : celle que je pro- pose , au contraire , c'est à-dire, la comparaison de l'examen des crachats et des résultats de l'exploration par le cylindre, me paraît tout-à-fait sûre parce qu'elle est en quelque sorte anatomique ; et elle me paraît en même temps plus pratique, en ce que, dans une ma- ladie locale, les indications les plus certaines sont celles qui s'appuient sur une connaissance exacte et approfondie de l'état de l'organe affecté. CARACTÈRE DES CRACHATS DANS LA PHTHISIE. 125 i41 - termine ici ce que j'avais à dire sur la possi- bilité de la guérison dans la phthisie pulmonaire. J'es- père qu'on me pardonnera la longueur de cet article en faveur de l'importance du sujet. Les questions que je viens d'examiner ne sont pas d'ailleurs étrangères au sujet principal de mon ouvrage, car il suit des divers rapprochemens que j'ai été amené à faire que l'exploration par le cylindre est le meilleur moyen de reconnaître, dans tous les cas, un mal variable dans ses symptômes et dans sa gravité même. Quant aux faits particuliers que j'ai rapportés pour prouver la pos- sibilité de la guérison de la phthisie pulmonaire , je pense que tout observateur attentif et qui voudra em- ployer les mêmes moyens que moi, c'est-à-dire l'aus- cultation médiate et l'ouverture des cadavres , en ren- contrera fréquemment de semblables. Tout me porte à croire que ces cas sont extrêmement communs. Les exemples que j'ai rapportés se sont offerts à moi dans l'espace de quelques mois, et dans le même temps, ou depuis, j'en ai vu plusieurs autres semblables. 142. Je ne crois pas pouvoir attribuer cette circon- stance à une réunion fortuite de cas rares de leur na- ture , mais bien plutôt à la fréquence de ces cas. J'ai déjà dit que j'avais rencontré assez souvent autrefois des dispositions semblables , sans y faire grande atten- tion; et, dans les sciences naturelles, lorsque l'altenlion n'est pas spécialement dirigée vers un objet, on peut Je voir tous les jours sans le connaître. Un jardinier sait rarement distinguer la dixième partie des plantes qui croissent sur le sol qu'il cultive. Pour prendre un point de comparaison dans la science même dont il s'agit, un anatomiste peut n'entendre rien aux altéra- 124 DILATATION DES BRONCHES. lions organiques du corps humain, quoiqu'il les aperçoive tous les jours en suivant des vaisseaux ou des filets de nerfs; et je puis attester, d'après ma propre expérience, qu'on peut oublier l'anatomie descriptive quoique l'on ouvre tous les jours des cadavres. Au reste, la guérison dans les cas de phthisie pulmonaire où l'organe n'a pas été entièrement en- vahi ne présente, ce me semble, aucun caractère d'im- possibilité, ni sous le rapport de la nature du mal, ni sous celui de l'organe affecté ; car les tubercules du poumon ne diffèrent en rien de ceux qui, placés dans les glandes, prennent le nom de scrophules, et dont le ramollissement est, comme on le sait, suivi très-souvent d'une guérison parfaite. D'un autre côté, la destruction d'une partie du tissu pulmonaire n'est point un cas mortel de sa nature, puisque les plaies même de cet organe guérissent assez souvent malgré la complication fâcheuse qu'y ajoute nécessairement l'ouverture des parois thoraciques et l'introduction de l'air dans la plèvre. CHAPITRE III. DE LA DILATATION DES BRONCHES, i44- L'altération organique dont je veux parler dans ce chapitre ne paraît pas avoir plus fixé jusqu'ici l'attention des anatomistes que celle des médecins praticiens. /Vucun auteur, que je sache, n'en a parlé. Cela dépend sans doute de ce qu'ayant rarement lieu dans toute l'étendue des bronches, on peut facile- ment la rencontrer sans l'apercevoir , lors même ia5 qu'elle est portée à un degré très-marqué ; car un ra- meau bronchique dilaté ressemble tout-à-fait à une branche plus considérable ; et en incisant simple- ment le poumon , on le prendra nécessairement pour tel ; il faudrait , pour reconnaître la dilatation , et constater que le rameau a un plus grand diamètre que la branche qui lui donne naissance , suivre toutes les divisions de l'arbre bronchique ,* ce qui se fait très- rarement dans les ouvertures de cadavres. 145. Cette dilatation ne se rencontre que chez des sujets morts à la suite de catarrhes chroniques. Elle est quelquefois assez considérable pour que des ramifi- cations qui, dans l'état naturel , pourraient à peine recevoir un stylet très- fin, acquièrent un diamètre égal à celui d'une plume d'oie , ou même à celui du doigt. Les extrémités des tuyaux bronchiques ainsi dilatés se terminent par des culs-de-sacs ou cellules capables de loger un grain de chenevis , un noyau de cerise , une aveline ou même une amande. Leur membrane in- terne ou muqueuse , ordinairement rougie ou vio- lette , est en outre évidemment épaissie. Les cerceaux cartilagineux font corps avec elle, et paraissent chan- gés en un tissu fibreux qu'on ne peut plus séparer de la membrane muqueuse par la dissection. 146. Celte lésion organique peut exister dans toutes les parties du poumon; mais elle est plus commune dans le lobe supérieur. Ordinairement elle n'affecte qu'un petit nombre de ramifications bronchiques ; quelquefois , cependant, elle existe dans un lobe en- tier du poumon et dans tous les rameaux bronchiques qui s'y distribuent. Dans ce cas , la dilatation est tou- jours beaucoup plus grande, non-seulement propor- DILATATION DLS BRONCHES. Ï2Ô dilatation des bronches. tion gardée , mais encore absolument parlant, dans les petites ramifications que dans les rameaux dont elles prennent naissance, et dans ceux-ci que dans leurs troncs. Le tronc commun des bronches est ra- rement dilaté d'une manière sensible, lors même que ses subdivisions le sont assez pour que quelques-unes d'entre elles égalent presque son diamètre. Lorsque la dilatation des bronches est aussi étendue, le tissu pulmonaire intermédiaire est flasque , privé d'air , évidemment comprimé, et tout-à-fail dans le même état que celui d'un poumon refoulé vers la co- lonne vertébrale par un épanchement séreux ou puru- lent dans la plèvre. i4y« La dilatation des bronches doit toujours son origine à un catarrhe chronique , ou à toute autre ma- ladie capable de produire des quintes de toux lon- gues , violentes , et qui se répètent pendant un temps un peu considérable. La coqueluche est peut-être de toutes les maladies celle qui produit le plus souvent l'altération organique dont il s'agit. 148. Lorsque la dilatation est bornée à un ou deux rameaux bronchiques, il n'en résulte d'autre incom- modité qu'une toux habituelle , ordinairement rare et peu forte , et une expectoration muqueuse peu abondante ; mais quand un grand nombre de bron- ches sont dilatées dans toutes leurs ramifications , il en résulte un catarrhe chronique qui dure autant que la vie du malade, et qui quelquefois même peut l'a- bréger , à raison de l'épuisement produit par la dys- pnée , par la force et la durée des quintes de toux, et surtout par l'abondance des crachats , qui sont d'un jaune grisâtre et tout-à-fait pu ri formes. Quelquefois DILATATION DES BRONCHES» 127 cependant des malades qui éprouvent tous ces sym- ptômes parviennent, malgré l'état d'infirmité qui en résulte , à un âge avancé. i4q- Depuis le moment où l'observation m'eut amené à reconnaître que la pectoriloquie dépendait de la résonnance de la voix dans une cavité placée au mi- lieü du tissu du poumon , et que le même phéno- mène existe sur la trachée-artère et le larynx , je ne doutai pas que la lésion dont il s'agit ne dût donner le même résultat. La rareté de cette altération orga- nique ne m'a permis encore de vérifier qu'une seule fois cette conjecture. Une femme d'environ cinquante ans mourut à l'hôpital Necker, au mois de décem- bre 1817 , d'une maladie étrangère aux viscères thora- ciques. Elle avait depuis plusieurs années une expec- toration habituelle , peu abondante, jaune et opaque ; et elle avait présenté , pendant son séjour à l'hôpital, la pectoriloquie d'une manière assez évidente , à la hauteur de la troisième côte droite. Nous trouvâmes , dans la partie correspondante du lobe supérieur du poumon , deux tuyaux bronchiques dilatés de ma- nière à présenter un volume triple de l'état naturel > et un d'eux se terminait par une sorte de cul-de-sac capable de loger une petite aveline. i5o. On peut regarder comme indubitable que, dans le cas de dilatation générale des bronches dans un lobe entier ou dans la totalité d'un poumon , la pectoriloquie s'entendrait dans toute l'étendue de la poitrine correspondante à la partie affectée. Je regarde comme également certain , d'après quelques données analogiques , que , dans ce cas , le caractère de la voix et celui du bruit de la respiration indiqueraient 128 DILATATION DES BRONCHES. outre l'étendue de la surface sur laquelle le phéno- mène aurait lieu , les signes propres à faire recon- naître quil n'est pas dû à des excavations ulcéreuses ; mais n'ayant point eu occasion de rencontrer une di- latation étendue des bronches depuis que j'ai com- mencé à employer l'auscultation médiate, je crois inutile d'exposer d'une manière plus détaillée mes conjectures à cet égard. Je me contenterai donc de donner deux exemples propres à faire connaître plus amplement l'altération organique assez rare dont il s'agit : ils m'ont été communiqués l'un et l'autre par M. Cayol, D. M. P. J'avais assisté à l'ouverture du sujet de la première observation ; la seconde a été faite sous les yeux de M. Bayle. i5i. Obs. xi. Dilatation aiguë des bronches à la suite de la coqueluche. - Henri-Alexandre Lajoie , âgé de trois ans et demi, assez gras , ayant les che- veux blonds , les yeux bleus , entra à l'Hôpilal des Enfans le 3o janvier 1808. Il toussait depuis trois mois, par suite d'une coqueluche. La toux reve- nait par quintes à des intervalles de plusieurs heures, et était suivie d'une expectoration abondante, liquide, jaune, excessivement fétide, et tout-à-fait puriforme ; quelquefois cependant il s'y joignait un peu de mu- cosités. Celle matière avait à-peu-près la même odeur que le pus qui sort d'un abcès par congestion à la suite d'une carie vertébrale. Ce n'était point des cra- chats , mais des gorgées de ce liquide qui coulaient pendant plusieurs instans de sa bouche, après une quinte de toux assez forte, pénible, et dans laquelle le visage devenait très-rouge. DILATATION DES BRONCHES. 129 Le 5 février , on remarqua que le malade était toujours couché sur le côté gauche ; on percuta ce côté de la poitrine, qui rendit un son mat ; on y ap- pliqua un vésicatoire. Le i/F février , comme le vésicatoire n'avait pas pro- duit de soulagement marqué , on appliqua un large cautère au bras : depuis ce jour , l'enfant dépérit très-rapidement. 11 était toujours couché, ou au moins penché, sur le côté gauche. Dans les intervalles de la toux ', il n'éprouvait aucune douleur ; le sommeil était bon ; la face, ronde et fleurie lors de l'entrée du malade, devint, ainsi que les mains, un peu bouf- fie. A ce symptôme se joignit un dévoiement très- fort ; la peau devint chaude , le pouls petit et de plus fréquent, la soif plus intense. Les trois derniers jours, l'expectoration diminua , et enfin , le i5 février, elle se supprima entièrement ; l'enfant fut tout le jour dans un état d'accablement ; le soir , il commença à pousser des cris aigus, quil ne discontinua pas jus- qu'à onze heures. Un moment après , on le trouva mort. Ouverture Jaite trente-six heures après la mort. -Léger amaigrissement, plus apparent aux membres qu'à la face ; chairs molles , sans infiltration sensible ; face pâle, sans altération notable des traits. Le vé- sicatoire était livide. 11 n'y avait aucun épanchement dans les cavités sé- reuses. Les poumons s'affaissèrent peu après l'ouver- ture de la poitrine. Le gauche était faiblement adhé- rent à la plèvre costale dans toute sa moitié inférieure ; son lobe supérieur, de couleur fauve claire, était libre , léger et crépitant ; mais le lobe inférieur était ï5o DILATATION des feRONCUES. dur , pesant, d'une couleur violacée livide à l'ex- térieur. Par une incision longitudinale profonde et une légère pression , il en sortit au moins une once et demie de liquide purulent et fétide, semblable à celui que le malade expectorait, si ce n'est qu'au lieu d'étre jaune il tirait un peu sur le grisâtre (différence qui pouvait dépendre de l'altération cadavérique ). Ce liquide était contenu dans une multitude de cavités rondes, lisses, très-rapprochées, communiquant fré- quemment entre elles, et séparées par des cloisons minces , dont l'aspect avait quelque chose d'analogue aux colonnes charnues du cœur. Les plus grandes de ces cavités auraient pu loger l'extrémité du doigt; d'autres, plus nombreuses, auraient contenu un gros pois. Un examen attentif nous convainquit, M. Laen- nec et moi, que toutes ces cavités se prolongeaient en conduits qui aboutissaient, par un trajet plus ou moins long et dans des directions différentes, jusque dans les bronches, dont elles étaient*évidemment la suite. Au moyen du bistouri, conduit par la sonde can- nelée , j'ouvris environ huit ou dix de ces ramifications dans toute leur longueur, et je vis distinctement que chaque rameau bronchique, après un trajet d'en- viron un demi - pouce dans le poumon , se dilatait considérablement augmentait de diamètre en s'éloi- gnant du tronc , et enfin se terminait, par un large cul-de-sac, à une ligne ou deux de la surface du pou- mon. y ers leur terminaison , la plupart auraient pu admettre le petit doigt ; d'autres pouvaient contenir un tuyau de plume ordinaire. Dans leur trajet , ils donnaient quelques rameaux qui se terminaient aussi DILATÀTION DES BRONCllËS. ï 51 eil culs-de-sac, après une étendue de deux pouces au plus ; tous contenaient plus ou moins du liquide pu- rulent dont j'ai parlé. La membrane muqueuse était par-tout d'un rouge foncé et livide, qui n'était point affaibli lorsqu'on avait enlevé la couche de sang dont elle était enduite ; cette membrane était notablement amincie. Examinée par-tout avec le plus grand soin , elle n'offrit pas la moindre altération , et il était évi- dent que le pus expectoré par le malade avait été sé- crété par elle. Jusqu'à environ deux pouces des pre- mières divisions bronchiques , on distinguait les cer- ceaux cartilagineux ; mais au-delà ils semblaient dé- générer en tissu cellulaire dense, et se confondre avec la membrane muqueuse, qu'on pouvait à peine sé- parer , par la dissection, du tissu pulmonaire dense qui l'environnait. Les conduits que je viens de décrire formaient au moins les trois-quarts du volume de celte portion du poumon ; on ne pouvait faire une incision sans en di- viser un grand nombre. Le tissu pulmonaire inter- médiaire , réduit à un très-petit volume , était com- pacte et d'une couleur grisâtre , mais flasque et non pas dur comme celui qu'on trouve souvent autour des tubercules. Il ne présentait aucune trace de son organisation et de sa structure celluleuse. La sur- face de l'organe offrait une couche d'une ou deux lignes d'épaisseur de tissu pulmonaire sain et seule- ment gorgé de sang. On voyait aussi çà et là, dans cette portion du pou- mon , au moins dix ou douze glandes lymphatiques rougeâtres, de grosseur variable depuis celle d'un pois jusqu'à un volume double et triple : la plupart 132 dilatation des bronches. avaient toutes les apparences des glandes lympha- tiques qu'on trouve dans le reste du corps ; quelques- unes présentaient à leur centre une substance molle et grise , semblable à du mucilage ; toutes étaient ap- pliquées sur des ramifications bronchiques et péné- traient avec elles jusqu'au milieu du poumon. De plus , il y en avait à-peu-près un égal nombre de plus volumineuses , situées à la racine dupou- mon , autour de la division des bronches, des vais- seaux et de la terminaison de la trachée. Parmi ces dernières, quelques-unes avaient la couleur noire et le volume ordinaire des glandes bronchiques ; deux ou trois seulement étaient rougeâtres et du volume d'une petite noix - On ne put suivre les divisions de l'artère et de la veine pulmonaire , parce que ces vaisseaux n'étaient pas injectés ; mais elles n'étaient bien visibles qu'à la surface du poumon , qui était probablement la seule partie qui servait à la respira- tion, avec le lobe supérieur. Ce dernier, quoique cré- pitant et sain dans son tissu , offrait néanmoins deux ou trois rameaux bronchiques dilatés à leurs extré- mités, et terminés en culs-de-sac comme ceux du lobe inférieur. Ces renflcmens ne contenaient pas de pus: lu membrane muqueuse y était rouge et enduite de , sang. Le poumon droit n'offrit rien de semblable. Il ad- hérait un peu à la plèvre par ses faces postérieure et inférieure, qui étaient d'un rouge livide. La partie antérieure et supérieure était légère et de couleur fauve; mais tout le lobe inférieur était pesant, rouge, violacé, se précipitait au fond de l'eau, et ne conser- vait pas d'apparence celluleuse, si ce n'est un peu à|l la surface. Il était très-gorgé de sang («). La mem- brane muqueuse de la trachée était d'un rouge livide, surtout inférieurement; l'intérieur du larynx était au contraire fort pale. Le foie, très-volumineux, remontait jusqu'à la sixième côte, descendait à droite jusqu'à deux ou trois lignes de la crête iliaque, et occupait tout l'épigastre. Son tissu était jaune, de consistance pâteuse, et cou- vrait de graisse la lame du scalpel. La vésicule était médiocrement distendue par de la bile filante, d'un vert foncé , qui avait coloré les parois de son réservoir. La rate, l'estomac et tout le canal digestif étaient tout-à-fait sains, ainsi que l'appareil urinaire. Le mésentère ne contenait pas de graisse, et ses glandes étaient un peu gonflées, mais sans altération. Dans le crâne, il n'y avait rien de remarquable. i5a. Obs. xii. Dilatation chronique des bronches. - Mademoiselle M***, âgée de soixante-douze ans, maîtresse de piano, était affectée depuis l'âge.d'environ seize ans , et par conséquent depuis plus de cinquante ans, d'une maladie de poitrine qui offrait la plupart des symptômes de la phthisie pulmonaire : hémo- ptysies très-fréquentes, renouvelées par les causes les plus légères; toux habituelle avec expectoration de crachats jaunes, opaques, ayant les caractères tantôt du pus, et tantôt du mucus puriforme; respiration courte, souvent un peu gênée. Ces symptômes va- riaient très-souvent; ils avaient des remissions très- dilatation des bronches. 153 (a) Ceci est l'engorgement sanguin cadavérique; et non pas la péripneumonie. 154 Dilatation des bronches. marquées , niais presque pas d'intermission. Sc croyant d'une santé trop délicate pour se marier, die se voua au célibat, et eut constamment des moeurs très-pures. Comme ce qu'elle éprouvait ne l'avait presque jamais empêchée de se livrer à scs occupations, elle ne s'était jamais regardée comme malade. Quoique déjà cassée de vieillesse lorsqu'elle vint à l'hôpital de la Chanté, on pouvait encore juger qu'elle était assez bien prise dans sa taille , qui était au-dessous de la moyenne; sa poitrine, sans être ample, n'était pas mal conformée; en un mot, elle n'avait pas la structure pththisique. Son embonpoint était médiocre, et tout son exté- rieur annonçait un tempérament nerveux lymphatique. Sa physionomie avait une expression de douceur et une sérénité que sa conversation et ses manières ne démentirent jamais, même au plus fort de ses souf- frances. Quoiqu'elle ne parût pas fort malade lors de son entrée, et qu'elle ne présentât d'autres sym- ptômes que ceux qu'elle disait éprouver depuis long- temps , aggravés seulement par un peu de dévoiement et un léger œdème aux jambes, elle se regardait comme touchant à la fin de sa carrière, et elle en voyait approcher le terme avec le calme le plus par- fait. Eli earrangeait, jusque dans les moindres détails, ses affaires temporelles et spirituelles; elle s'informait souvent, même pendant son agonie, qui fut longue et douloureuse, du temps qui lui restait encore à vi- vre, et elle ne paraissait éprouver d'autre sentiment que l'espérance d'être bientôt délivrée de ses souffrances. Depuis son entrée jusqu'à sa mort, accroissement progressif de l'œdême, qui devint très-volumineux aux membres tant supérieurs qu'inférieurs et au tronc. DILATATION DES BRONCHES. 135t La dyspnée augmentait en proportion de l'œdème. La malade restait presque toujours sur son séant ; sou- vent elle s'endormait dans cette position, et alors sa tête tombait en avant et venait presque s'appuyer sur ses genoux» Les derniers jours, l'œdème fit de tels pro- grès que la malade ne pouvait exécuter aucun mou- vement; ses bras et ses mains étaient gonflés, lui- sans, et comme transparens ; les déjections devinrent involontaires. Plusieurs excoriations considérables se formèrent sur le sacrum. Cependant la toux et l'expec- toration n'augmentaient pas; les crachats étaient tou- jours jaunes, épais et opaques, et nullement sanguino- lens; de sorte que, selon la remarque de M. Bayle, qui faisait alors le service de l'hôpital, la malade pa- raissait succomber à l'hydropisie plutôt qu'à la phthisie. Ouverture du cadavre faite environ quarante- quatre heures après la mort. - OEdême universel, majs surtout très-marqué aux membres tant supé- rieurs qu'inférieurs et aux parois abdominales. En fai- sant abstraction de l'œdème, le corps était encore assez éloigné du marasme. Les poumons s'affaissèrent peu à l'ouverture de la poitrine ; ils adhéraient aux côtes et au médiastin par un tissu cellulaire lâche et d'ancienne formation. Ce tissu cellulaire était le siège d'une infiltration sereuse considérable, qui lui donnait une apparence gélati- neuse. En palpant les poumons , on sentait a travers, leur tissu, qui était mollasse et sans ressort, des por- tions durcies de diverses grosseurs : c'était surtout dans le lobe supérieur du poumon droit qu on en sentait le plus. En incisant ce lobe, on trouva dans son intérieur un grand nombre de cavités arrondies, a parois lisses. i3G DILATATION DES BRONCHES. et rougeâtres, d'un aspect un peu analogue à celui de l'intérieur des ventricules du cœur, ou de certains trajets fistuleux: Ces cavités, dont les unes étaient vides et le§ autres renfermaient une matière puru- lente, jaune, épaisse, semblable à celle que la ma- lade avait expectorée, étaient d'un volume fort inégal: les plus grandes auraient pu contenir l'extrémité du pouce. Elles étaient séparées les unes des autres par des cloisons assez fermes, formées par le tissu pulmo- naire condensé. Ces cavités ne ressemblaient en aucune manière à celles qui résultent de la fonte des tubercu- les, non plus qu'à celles qu'on trouve dans la phthisie ulcéreuse. En les examinant avec attention , on re- connaissait qu'elles communiquaient avec les bron- ches , dont elles étaient évidemment la continuation. Ces conduits, a peu de distance de leur origine, et à-peu-près vers l'endroit où ils cessent d'être carti- lagineux , se dilataient considérablement, et se conti- nuaient les uns avec le même diamètre, les autres en devenant de plus en plus larges dans toute leur éten- due , c'est-à-dire, jusqu'au voisinage de la surface du poumon. Dans leur trajet, ils donnaient, de distance en distance, des rameaux dont les uns étaient dilatés et les autres ne l'étaient point. Les parois des portions dilatées présentaient ça et là de petits points cartilagi- neux , et quelques points osseux, qui existaient pour la plupart sur les petits eperons que forme, à l'in- teneur des conduits bronchiques, l'origine des bran- ches collaterales. Il fut impossible de distinguer dans ces parois plusieurs membranes : elles ne paraissaient formées que dune seule beaucoup plus dure et plus Jjsse que les parois saines des bronches après la termi- DILATATION DES BRONCHES. 137 naison du cartilage; niais celte membrane ne pou- vait être isolée du tissu pulmonaire. On ne put dé- couvrir nulle part la moindre ulcération , de sorte que le pus que ces cavités contenaient paraissait avoir été exhalé. Tel était l'état de presque tous les vaisseaux bronchiques appartenant au lobe supérieur du poumon droit. Les plus dilatés pouvaient avoir acquis sept à huit fois leur volume ordinaire ; il y en avait qui l'étaient beaucoup moins , et d'autres l'étaient d'une manière à peine sensible. Toutes ces cavités parais- saient occuper environ les trois quarts du lobe supé- rieur du poumon ; quelques-unes n'étaient séparées que par des cloisons très-minces , formées par le tissu pulmonaire condense et réduit a 1 état d une véritable membrane. Dans ces cloisons , de meme * que dans presque tout le reste de ce lobe, le tissu pulmonaire était noirâtre, compacte, et parseme de beaucoup de points noirs, parmi lesquels on distinguait quelques portions de mélanose de ]a grosseur d une lentille et plus ; le tissu pulmonaire paraissait plutôt con- densé par la pression que réellement endurci. Quel- ques portions , vers la surface , étaient seulement flas- ques et un peu engouées, mais d ailleurs encore perméables à l'air. Dans les lobes moyen et inférieur du meme poumon, il n'y avait que quelques bron- ches dilatées , dont aucune ne formait de cavité bien considérable. Il y avait ça et la quelques poi lions de tissu pulmonaire noir ou noirâtre et dur ; tout le reste était mou, sans ressort, et un peu engoué de sérosité Sanguinolente, surtout posterieurement. Dans le lobe supérieur du poumon gauche, il y avait deux ou trois bronches sensiblement dilatées, 158 pe l'égophonie. rouges, dures, et enfin dans l'état décrit ci-dessus; mais elle ne formaient pas de cavité considérable. On n'aperçut aucune bronche dilatée dans le lobe infé- rieur de ce poumon ; son tissu était d'ailleurs sem- blable à celui du poumon droit. La membrane muqueuse du larynx et de la trachée était saine. Le cœur était sain. Quelques points osseux exis- taient à la surface interne de l'aorte, à son origine. Le foie était sain. La vésicule biliaire renfermait une bile verte et épaisse, et de plus deux calculs dont l'un du volume d'une grosse aveline, l'autre un peu moindre. Les conduits biliaires étaient sains. La matrice était volumineuse, bosselée à sa sur- face, ce qui était dû à plusieurs corps fibreux ren- fermés dans son tissu, et dont le plus gros avait le vo- lume d'une noix. Le col de l'utérus formait dans le vagin un bourrelet épais , qui paraissait dû à l'in- filtration de son tissu. La membrane hymen existai! dans toute son intégrité. CHAPITRE IV. DE PÉGOPHONIE , ou de la Pectoriloquie chevrotante. i53. Le phénomène que je désigne sous ce nom a une grande analogie avec la pectoriloquie. Je l'ai long-temps confondu avec elle , et j'ai cru qu'il tenait à quelque variété de forme ou de situation des cavités ulcéreuses. Mon erreur a été d'autant plus longue que presque tous les malades qui m'ont offert ce phe- DE L'ÉGOPHONIE. i5g jiomène ont guéri ou sont sortis de l'hôpital avant leur mort ; et que , dans le très-petit nombre de ceux qui ont succombé sous mes yeux , je n'ai pu faire faire que deux ouvertures , les autres n'étant point des ma- lades de l'hôpital. Ces faits , et surtout la cessation prompte et sans retour de l'égophonie chez plusieurs individus, et chez ceux mêmes qui l'avaient offerte de la manière la plus frappante, ont éveillé mon atten- tion , et j'ai observé avec plus d'exactitude le phéno- mène et les circonstances qui l'accompagnent. Les pleurésies des mois de mars et d'avril dernier m'ayant mis à portée de l'étudier chez plusieurs malades à-la- fois , j'ai obtenu les résultats suivans, qu'il sera facile de compléter à mesure que l'occasion se présentera d'ou- vrir des sujets chez lesquels ce signe aura existé. i54- L'égophonie ressemble à la pectoriloquie, en ce qu'elle consiste aussi en une forte résonnance de la voix sous le cylindre. Assez rarement cependant la voix paraît s'introduire dans le tube, et presque jamais elle ne le traverse évidemment comme dans la pecto- riloquie parfaite. La voix , plus aiguë , plus aigre que celle du malade , et en quelque sorte argentine , produit seulement une illusion telle qu'il semble que quelqu'un parle dans la poitrine du malade. Elle a , d'ailleurs , un caractère constant d'où j'ai cru devoir tirer le nom du phénomène : elle est en quelque sorte tremblotante et saccadée comme celle d'une chevre ; et son timbre. d'après la description que nous venons d'en donner, se rapproche également de celui de la voix du meme animal. Ce caractère ne présente que des variétés légères dont on peut se faire une idee exacte en se rappelant l'effet que produit un jeton T 4° PE l'ÉGOPIIOIXIE. placé entre les dents et les lèvres d'un homme qui parle , celui de la voix transmise à travers un roseau fêlé , ou le bredouillement nasal des bateleurs qui font parler le fameux personnage de tréteaux connu sous le nom de polichinelle. Cette dernière comparai- son est souvent de la plus parfaite exactitude, surtout chez les hommes à voix un peu grave. 155. Cette espèce de chevrotement semble le plus souvent tenir à l'articulation même des mots, quoi- que la voix qui sort de la bouche du malade n'offre rien de semblable. Mais quelquefois il en est tout-à- fait distinct, et l'on entend séparément, quoique dans le même instant, la voix résonnante et Je chevrote- ment , de manière que ce dernier semble se faire dans un point un peu plus éloigné ou plus rapproché de l'oreille de l'observateur que la résonnance de la voix. Quelquefois même , lorsque le malade parle lente- ment et par mots entrecoupés , le chevrotement se fait entendre immédiatement après la voix, et non pas avec elle. 156. Pour bien entendre le chevrotement, il faut appliquer fortement le cylindre sur la poitrine du malade , et poser légèrement l'oreille sur le cylindre. Si l'on appuie fortement cette dernière , le chevrote- ment diminue de moitié , et le phénomène se rap- proche d'autant de la pectoriloquie ordinaire. i5y. En comparant les premières observations que j'ai faites sur ce phénomène avec les plus récentes, il me paraît certain qu'il n'existe que chez des sujets at- taqués de pleurésie aiguë ou chronique , avec un épanchement médiocrement abondant dans ]a plèvre. Comme il paraît dépendre de cet épanchement même, UE L'ÉGOPHONIE. i4i je pense qu'il doit également avoir lieu dans l'hydro- thorax et dans les autres épanchemens liquides des plèvres. Tous les sujets chez lesquels je l'ai rencontré , de- puis que j'ai appris à le distinguer de la pectoriloquie, offraient en même temps des signes certains d'un épanchement pleurétique. Dans les pleurésies que j'ai pu suivre depuis les premières heures de la maladie jusqu'à sa terminaison , je ne l'ai vu ordinairement se manifester que le second, troisième ou quatrième jour, et jamais avant que la respiration ne fût deve- nue presque insensible ou tout-à-fait nulle , et le son de la poitrine mat dans le côté affecté. Je l'ai trouvé chez tous les pleurétiques que j'ai ob- servés depuis trois mois, excepté chez ceux que je n'ai vus que tard , et à l'époque où leur maladie de- venue chronique commençait à tendre vers la guéri- son , ainsi que dans quelques cas de pleurésie très- légère dans lesquels l'épanchement était peu de chose, car la respiration n'était pas très-affaiblie et le son ne manquait pas absolument. i58. Il m'a paru constant que l'égophonie devient moins évidente, et cesse graduellement à mesure que l'absorption dissipe l'épanchement. Dans quelques pleurésies aiguës que j'ai traitées ce printemps, elle n'a duré que deux ou trois jours , pendant lesquels elle a été très-évidente , et a disparu ensuite tout-à- fait. Dans les pleurésies chroniques, je 1 ai vue quel- quefois persister pendant plusieurs mois , avec des alternatives d'évidence plus ou moins grande qui, à ce que je pense, tenaient à des variations dans 1 exhalation et l'absorption du liquide épanché. l42 DE L*EGOPHONIE. i5g. Il m'a paru également constant que , lorsque l'épanchement pleurétique devient très-abondant, et surtout lorsqu'il le devient assez pour que la poi- trine soit évidemment dilatée, l'égophonie cesse d'a- voir lieu. Je ne l'ai jamais trouvée dans les empyèmes anciens et dans lesquels le poumon était refoulé vers le médiastin. Quelques malades qui, au moment oit je les ai vus pour la première fois , présentaient tous les signes d'un épanchement abondant dans la plèvre et n'étaient point égophones, le sont devenus à l'é- poque où la dilatation du côté affecté a diminué , et où les autres signes ont commencé à annoncer l'ab- sorption d'une partie du liquide épanché. 160. L'égophonie s'entend toujours dans une cer- taine étendue, et non pas dans un seul point, comme la pectoriloquie. Le plus souvent l'égophonie s'entend à-la-fois dans tout l'espace compris entre le bord in- terne de l'omoplate et la colonne vertébrale, dans tout le contour de l'angle inférieur de cet os, et dans une zone d'un à trois doigts de largeur , qui se dirige , en suivant la direction des côtes, du milieu de l'omoplate au sternum. La plupart des malades chez lesquels l'é- gophonie existe la présentent, d'une manière plus ou moins évidente , dans toute l'étendue de cette bande irrégulière qui correspond évidemment aux points de la poitrine où le liquide épanché forme , à la surface du poumon, une couche de peu d'épaisseur ; car on sait que , dans un épanchement médiocre sous le rapport de la quantité , le liquide se rassemble principalement dans la partie inférieure de la poitrine, lorsque le malade est assis ou couché sur le dos ; que, lors même que , dans cette position , la totalité de la nu l'egopîionië. 145 surface du poumon est enveloppée par l'épanchement, l'épaisseur de la couche de liquide qui l'environne va en diminuant de bas en haut, et que jamais elle n'est aussi considérable en avant qu'en arrière. 161. Je pense que l'égophonie est due à la réson- nance naturelle de la voix dans les rameaux bron- chiques ( § 60 ) , transmise par l'intermède d'une couche mince et tremblotante de liquide épanché, et devenue plus sensible à raison de la compression du tissu pulmonaire, qui le rend plus dense que dans l'état ordinaire, et par conséquent plus propre à trans- mettre les sons. Beaucoup de faits et de raisons viennent à l'appui de cette opinion. Les points dans lesquels s'observe constamment le phénomène sont, comme nous ve- nons de le voir , ceux qui indiquent la partie supé- rieure de l'épanchement et les endroits où il a le moins d'épaisseur, le malade étant assis ou couché sur le dos. Si, au contraire , on le fait coucher sur le ventre , l'égophonie n'a plus lieu dans tout l'espace compris entre l'omoplate et la colonne vertébrale, ou au moins on ne l'y entend plus que très-faiblement, tandis qu'elle persiste dans le côté. Si l'on fait coucher le malade sur le côté opposé au siège de l'épanchement , l'égophonie devient aussi moins sensible , ou disparaît entièrement dans la partie latérale devenue supérieure. 11 m'a paru que l'effet du changement de position sur l'égophonie était beaucoup moins marqué dans les cas où la quantité du liquide épanché était un peu au-dessus ou au-dessous du médiocre , que dans ce dernier cas. 162. On peut encore remarquer que les points où iz|4 de l'égophonie. l'égophonie est le plus distincte , c'est-à-dire les en- virons de l'angle inférieur de l'omoplate et l'espace compris entre le bord interne de cet os et la colonne vertébrale, correspondent aux parties du poumon où se trouvent les rameaux bronchiques les p!us volumi- neux et les plus rapprochés. Enfin la cessation du phénomène quand l'épanche- ment devient très-abondant , et son retour quand cette abondance diminue , sont encore propres à confirmer l'opinion émise ci-dessus (§ 161 ) sur la cause de l'égophonie ; car , lorsque l'épanchement devient très-considérable , les bronches elles-mêmes se trouvent comprimées comme le tissu pulmonaire ; et quand il diminue , elles doivent nécessairement re- prendre leur volume avant ce dernier , à raison de leur plus grande élasticité. i63. Il m'est arrivé aussi quelquefois d'observer, dans le lieu et l'étendue de l'égophonie , une varia- tion bien remarquable , et dont on peut tirer la même induction. Chez des sujets qui avaient présenté l'é- gophonie d'une manière très-prononcée et exacte- ment dans l'étendue de la zone décrite ci-dessus, et qui offraient en même temps, par la percussion , l'ex- ploration de la respiration et les symptômes généraux, des signes certains d'un épanchement pleurétique , à l'époque où les mêmes signes annonçaient une dimi- nution notable dans la quantité de l'épanchement, j'ai trouve, du jour au lendemain , le changement sui- vant sous le rapport de l'égophonie. Le phénomène était moins bruyant par-tout ; son siège avait perdu trois pouces d étendue de haut en bas , entre l'omo- plate et 1 epine , un pouce dans le côté , et il n'v avait plus (lu tout d'égophonie en avant ; mais en revanche elle était devenue très-distincte, quoique peu bruyante, dans toute la partie inférieure latérale et inférieure postérieure de la poitrine , où , la veille, elle n'avait nullement lieu. Je pense que ce changement indiquait que l'épanr- chement avait abandonné les parties supérieures de la poitrine , et avait beaucoup diminué dans sa partie inférieure. 164* Il me semble, en effet, tout-à-fait certain que, pour que l'égophonie ait lieu, il faut que le poumon ne soit enveloppé que d'une couche assez mince de liquide; et qu'elle ne s'est manifestée inférieurement, dans les cas dont il s'agit , que parce que la quantité de l'épanchement avait diminué. Cela me paraît d'autant plus probable que la respi- ration s'entend toujours assez bien dans les points où l'égophonie a lieu , qu'elle ne s'entend pas ou qu'elle ne s'entend que très-faiblement au-dessous , et que , lorsque l'égophonie descend, comme il vient d'être dit, la respiration devient plus forte dans les points qu'elle abandonne , et redevient sensible dans ceux où l'égophonie se fixe. On peut en outre remar- quer , ainsi qu'il a déjà été dit ( § i5g) , que dans les épanchemens très-abondans, dans ceux qui sont ac- compagnés d'une dilatation très-notable de la poi- trine, dans les empyèmes anciens, par exemple, il n'y a pas ordinairement d'égophonie, ou que si on la retrouve un peu, c'est seulement aux environs de la racine du poumon, point où, en pareil cas, la sé- rosité s'accumule toujours moins que par-tout ailleurs. iG5. 11 sera au reste assez difficile de déterminer DE l'i'gOPHOME. i45 i46 de lVo-opiiONie. d'une manière plus exacte que je ne viens de le faire, quel est l'état des bronches ou le rapport des brom- ches avec l'épanchement qui produit l'égophonie, et cela ne pourra être que le résultat d'observations fré- quemment répétées et faites avec beaucoup de soin et d'attention par des hommes habitués aux recherches d'anatomie pathologique ; car il n'est pas aisé de dé- terminer d'une manière exacte le rapport d'un rameau bronchique avec un point donné de la poitrine sur le- quel on aura entendu l'égophonie. D'un autre côté , très-peu de sujets peuvent servir à cette recherche, puisque la plupart de ceux qui présentent le phéno- mène dont il s'agit guérissent. Dans le petit nombre de ceux qui meurent , plusieurs ne succombent que parce que l'épanchement est devenu très-abondant; et le phénomène, ayant disparu chez eux long-temps avant leur mort , on peut être sûr d'avance que l'état et le rapport des parties n'est plus le même que lors- qu'il existait. Ce ne sont plus par conséquent des sujets propres à l'observation, au moins sous ce rapport. Le nombre des sujets par l'ouverture desquels on pourra obtenir des lumières sur la cause de l'égo- phonie se réduit donc aux malades qui sont enlevés par une affection concomitante dans le temps même où ils présentent encore l'égophonie. Ce nombre doit nécessairement être très-petit. 166. Je pense que l'égophonie a lieu dans tous les cas de pleurésie , si on en excepte deux , celui d'un épanchement survenu d'une manière très-rapide et assez abondant pour refouler tout-à-coup le poumon contre le médiastin , et celui d'une pleurésie surve- nant chez un individu qui, par suite d'une semblable DE L'ÉGOPHONlEk affection plus ancienne , aurait la partie postérieure du poumon assez intimement adhérente à la plèvre costale pour que le liquide épanché ne pût s'insi- nuer à travers les lames du tissu cellulaire accidentel qui forme cette adhérence. 167. On peut conclure de ce qui précède que l'égophonie est un signe favorable dans la pleurésie, puisque tout semble annoncer quelle indique un épanchement d'une médiocre abondance. Sa persis- tance pendant plusieurs jours, et au-delà de la période aiguë de la maladie, est d'ün favorable augure , puis- qu'elle montre que l'épanchement n'augmente pas ; quand le phénomène dure autant que la fièvre, et persiste encore après elle , je crois qu'on peut assurer sans crainte que la convalescence est proche, et que la maladie ne deviendra point chronique , cai la pleu- résie ne devient chronique que lorsque l'épanchement est extrêmement abondant. J'ai porté fréquemment ce pronostic dans les pleurésies du printemps dernier, et je ne me suis jamais trompé. Dans tous les cas où j'ai vu passer la pleurésie de l'état aigu à l'état chronique, l'égophonie a cessé avant qu'il n'y eût aucune diminution des symptômes fébriles. Quoique les données anatomiques sur lesquelles se fonde ce pronostic ne soient peut-être pas encore suffisamment vérifiées, je ne l'en crois pas moins sûr ; car, comme je l'ai déjà dit, presque tous les su- jets chez lesquels j'ai observé l'égophonie ont guéri ; et dans le petit nombre de ceux qui ont succombe , il n'y en avait pas un qui n'eût, outre la pleurésie , une maladie beaucoup plus grave. 168. La péripneumonie, portée même jusqu au ï4S de l'égophonie. degré d'hépatisation, lorsqu'elle coïncide avec un épanchement pleurétique, n'empêche pas l'égopho- nie d'avoir lieu : seulement elle rend peut-être la voix moins chevrotante : cependant je regarde ce point comme ayant besoin d'être vérifié. Je regarde aussi comme à-peu-près certain que l'égophonie n'existe jamais dans la péripneumonie simple et sans au- cune complication d'épanchement dans les plèvres; mais je n'oserais non plus l'assurer positivement. Cependant, si l'égophonie coïncidait avec la péri- pneumonie simple, il me paraît à-peu-près impossible que je n'eusse pas constaté ce fait ; car la péripneu- monie sans épanchement pleurétique a été très-com- mune depuis trois ans, et particulièrement dans l'hi- ver de 1816 à 1817. A cette époque, il y avait habituellement une trentaine de péripneumoniques dans les salles de l'hôpital Necker; et dans le cours de l'hiver et du printemps, il s'en est présenté suc- cessivement plus de cent cinquante : comme je les exa- minais tous très-attentivement, un phénomène aussi frappant que l'égophonie n'aurait guère pu échapper à mon attention , si réellement il eût existé chez eux. D'un autre côté , si la péripneumonie donnait lieu à l'égophonie, l'endurcissement du tissu pulmonaire par toute autre cause , et particulièrement celui qui est dû à l'accumulation des tubercules ou à l'infil- tration de la matière tuberculeuse, devrait aussi produire le même effet ; et je puis assurer positive- ment que cela n'est pas, d'après le grand nombre de phthisiques dont j'ai fait faire l'ouverture, et chez lesquels l'exploration de la voix avait été faite avec soin dans toute l'étendue de la poitrine, et un grand DE l'ÉGOPHONIE.. i4g nombre de fois, pendant la durée de leur maladie mortelle. 16g. Ces remarques peuvent paraître en quelque sorte contradictoires avec l'opinion émise ci - dessus 161) sur la cause probable de l'égophonie ; car l'hé- patisation et l'engorgement tuberculeux des poumons, comme leur compression par un liquide épanché , font communiquer les bronches avec les parois tho- raciques par un intermédiaire plus dense que le tissu pulmonaire sain ; mais cette contradiction n'est qu'apparente si, comme je le pense, le chevrotement et le timbre aigre et grêle qui caractérisent parti- culièrement l'égophonie dépendent de la nature li- quide de l'épanchement, et de l'agitation qu'il éprouve par les rayons sonores. 11 me paraît probable que la densité augmentée du poumon dans la péripneumonie et dans l'engorge- ment tuberculeux tendrait à rendre plus évidente la pectoriloquie douteuse qui, comme nous l'avons dit (§ 60), existe naturellement vers la racine du poumon; mais il me paraît également évident que, dans ces cas , les bronches sont fortement comprimées et rétrécies par l'engorgement du tissu pulmonaire , et que cette circonstance établit une compensation plus que suf- fisante pour que ce phénomène n'ait pas lieu. Aucune induction d'ailleurs ne conduit à présumer que , lors même qu'une induration quelconque du poumon pourrait rendre plus évidente la pectoriloquie douteuse donnée par les gros troncs bronchiques, elle pût également y ajouter le chevrotement qui carac- térise proprement l'égophonie ; ou plutôt toutes les inductions prouvent le contraire. i5o DE l'ÉGOPHONIE. 170. L'cgophonie , comme la pectoriloquie, est quelquefois suspendue pendant quelques minutes ou meme quelques heures, et reparaît après que le ma- lade a toussé ou craché. On doit en conclure que la suspension est due à l'obstruction momentanée des bronches par la matière des crachats. 171. L'égophonie peut être quelquefois réunie à la véritable pectoriloquie, quand il existe à-la-fois une cavité ulcéreuse dans le poumon et un épanchement pleurétique peu abondant dans le point correspon- dant à l'excavation. C'est alors surtout que la voix chevrotante traverse évidemment le tube du stétho- scope. Lorsque le malade guérit, le chevrotement dis- paraît long-temps avant la pectoriloquie ; et quelque- fois cette dernière persiste même après la guérison , à raison de la transformation de la cavité ulcéreuse en fistule. J'ai rencontré ce cas plusieurs fois, et c'est même ce qui a contribué à m'empêcher pendant long- temps de distinguer l'égophonie de la pectoriloquie. Il suit des observations exposées ci-dessus, i°. que l'égophonie est un phénomène facile à distinguer de la pectoriloquie , par son caractère propre et par la grandeélendue dans laquelle il a lieu; 20. que tout an- nonce qu'il est un signe p ilhognomohique de l'épan- chement pleurétique : cependant ce dernier résultat ne pourra être regardé comme lout-à-fait certain que lorsqu'on l'aura vérifie par l'ouverture d'un grand nombre d'égophones. DEUXIÈME PARTIE EXPLORATION DE LA RESPIRATION. CHAPITRE PREMIER. EXPLORATION DE LA RESPIRATION EN GENERAL,. 172, L'auscultation de la respiration à l'aide du cy- lindre fournit des signes facilesà saisir, et propres à faire reconnaître F existence et l'étendue de la plupart des affections organiques des viscères thoraciques , et par- ticulièrement de la péripneumonie , de la phthisie pulmonaire, de l'œdème et de l'emphysème du pou- mon , des diverses espèces de tumeurs ou productions accidentelles développées dans ce viscère , de la pleu- résie , de l'hémoptysie , de l'hydropisie de poitrine , et du pneumo-thorax ou développement d'air dans les cavités des plèvres.. La description et les signes de quelques-unes de ces affections ne seront cependant exposés que dans la troisième partie de cet ouvrage , parce que leurs si- gnes principaux ou les plus faciles à saisir se tirent de l'exploration du râle. i?3. Le cylindre évasé à son extrémité en forme d'entonnoir est celui dont on doit se servir pour 1 ex- ploration delà respiration. Si l'on applique ce cylindre sur la poitrine d'un homme sain, on entend , pendant 152 EXPLORATION DE LA RESPIRATION. l'inspiration et l'expiration, un murmure léger mais extrêmement distinct, qui indique la pénétration de l'air dans le tissu pulmonaire et son expulsion. Ce murmure peut être comparé à celui d'un soufflet dont la soupape ne ferait aucun bruit, ou mieux encore à celui que fait entendre à l'oreille nue un homme qui, pendant un sommeil profond mais paisible, fait de temps en temps une grande inspiration. On le distin- gue à-peu-près également dans tons les points de la poi- trine, et surtout dans ceux où les poumons sont le plus voisins de la surface de la peau, c'est-à-dire , dans les parties antérieure-supérieure, latérales, et postérieure- inféneure. Le creux de l'aisselle et l'espace compris entre la clavicule et le bord supérieur du muscle trapèze sont les points où il a le plus de force. On l'entend également bien - très sur le larynx et la portion nue ou cervicale de la trachée-artère, et même , chez beaucoup d'hommes , dans toute l'éten- due de ce conduit et jusqu'au bas du sternum ; mais sur la trachée, et même un peu à la racine des bron- ches , le bruit de la respiration a un caractère parti- culier qui fait reconnaître évidemment qu'il se passe dans un conduit plus vaste que les cellules aériennes ; assez souvent, en outre, il semble* que le malade attire, en inspirant, l'air contenu dans le tube du sté- thoscope , et l'y repousse en expirant. Pour bien juger de l'état de la respiration à l'aide du cylindre, il ne faut pas s'en rapporter aux premiers înstans de 1 examen. L oreille placée de manière à ce que 1 application de 1 instrument produise la sensation du bourdonnement, 1 espece de crainte , de gêne ou d embarras qu éprouve le malade , et qui lui fait nia- EXPLORATION DE LÀ RESPIRATION. i53 chinalement diminuer l'étendue de sa respiration ; quelquefois la position trop gênante de l'observateur lui-même, les battemens du cœur qui, plus bruyans, frappent d'abord seuls l'oreille, sont autant de causes qui, au premier moment, peuvent l'empêcher d'ap- précier exactement ou même d'entendre l'inspiration et l'expiration. Ce n'est qu'au bout de quelques se- condes que l'on peut en bien juger. 174. Il est à peine nécessaire de dire qu'il faut qu'aucune espèce de bruit ne se fasse entendre auprès du malade. iy5. L'épaisseur des vêtemens, même lorsqu'elle est considérable, ne diminue pas sensiblement l'in- tensité du bruit produit par la respiration ; mais il faut avoir soin qu'ils ne produisent pas de frottement soit entre eux soit contre le cylindre ; car ce frotte- ment , surtout lorsque les vêtemens sont de soie, ou d'une étoffe de laine mince et sèche , produit un bruit propre à induire en erreur par son analogie avec celui de la respiration. L'embonpoint excessif ou l'infiltration des parois de la poitrine ne nuisent pas non plus d'une manière notable à l'audition du bruit de la respiration. 176. Le murmure de la respiration est d'autant plus sonore qu'elle est plus fréquente. Une inspira- tion très-profonde, mais faite très-lentement, s'entend quelquefois à peine, tandis qu'une inspiration in- complète, et dans laquelle la dilatation des parois du thorax est à peine sensible à l'œil, peut être tres-bruyante si elle est faite avec rapidité. Par cette raison, lors- qu'on veut explorer la respiration à l'aide du cylindre, il est bon, surtout si l'on est peu exerce, de recom- 154 EXPLORATION DE LA RESPIRATION. mander au malade de respirer un peu f réquemment. Cette précaution devient, au reste, inutile dans la plupart des maladies des organes thoraciques qui occa- sionnent une oppression un peu marquée ; car la dys- pnée rendant presque toujours la respiration plus fré- quente, elle en devient nécessairement plus sensible. Il en est de même de l'état de fièvre et de celui d'agitation nerveuse. 177. Plusieurs autres causes peuvent faire varier l'intensité du bruit de la respiration ; 1 âge surtout a une grande influence à cet égard. Chez les enfans , la respiration est très-sonore , et même bruyante ; elle s'entend aisément à travers des vêtemens épais et multipliés. Il n'est pas même besoin, dans ce cas, d appuyer fortement le cylindre pour empêcher leur frottement ; le bruit qui pourrait en résulter est cou- vert par l'intensité de celui de la respiration. 178. Ce n'est pas seulement par celte intensité que la respiration desenfans diffère de celle des adultes. Il y a en outre dans la nature du bruit une différence très- sensible qui, comme toutes les sensations simples, est impossible à décrire , mais que l'on reconnaît facilement par la comparaison. Il semble que, chez les enfans , 1 on sente distinctement les cellules aeriennes se dilater dans toute leur ampleur ; tandis que , chez les adultes , on croirait qu'elles ne se rem- plissent d air qua moitié, ou que leurs parois, plus dures, ne peuvent se prêter à une si grande disten- sion. Cette différence de bruit existe principalement dans 1 inspiration ; elle est beaucoup moins marquée dans 1 expiration. La dilatation de la poitrine qui ac- compagne chaque inspiration est aussi plus grande- EXPLORATION DF. LA RESPIRATION. 155 chez l'enfant que chez l'adulte. Ces caractères de la respiration sont d'autant plus marqués que l'enfant est en plus bas âge; ils persistent ordinairement d'une manière plus ou moins prononcée jusqu'à la puberté ou un peu au-delà. 179. Chez l'adulte , le bruit de la respiration varie beaucoup sous le rapport de l'intensité. 11 est des hommes très-sains chez lesquels on l'entend à peine, à moins qu'ils ne fassent une grande inspiration ; et dans ce cas même, quoiqu'on l'entende bien, et qu'elle soit tout-à-fait pure, c'est-à-dire, sans mé- lange de raie et d'autres bruits étrangers, elle offre deux fois moins de bruit et de frémissement que chez la plupart des hommes. Ces personnes sont surtout celles dont la respiration n'est pas habituellement fréquente ; et souvent ce sont celles qui sont le moins sujettes à la dyspnée et à l'essoufflement par quelque cause que ce soit. 1 80. D'autres personnes ont la respiration natu- rellement assez bruyante pour être très-facilement en- tendue , même en faisant une inspiration ordinaire , sans être pour cela ni plus ni moins sujettes à ta courte haleine que les premières. Enfin un petit nombre d'individus conservent jusque dans l'extrême vieillesse une respiration semblable à celle des enfans, et que, pour celte raison , j'indiquerai quelquefois sous le nom de puérile dans le cours de cet ouvrage. Ces personnes sont presque toutes des femmes, ou des hommes d'un constitution nerveuse. On remarque assez ordinairement dans leur caractère quelque chose de la mobilité et surtout de l'irascibilité de 1 enfance. Quelques-unes n'ont, à proprement parler, aucune i56 EXPLORATION DE LA RESPIRATION. maladie des organes respiratoires ; mais elles s'essouf- flent facilement par l'exercice, lors meme qu'elles sont maigres, et elles s'enrhument facilement. D'autres sont affectées de catarrhe chronique accompagné de dyspnée , et ce cas constitue , comme nous le ver- rons ailleurs, l'une des maladies auxquelles on donne le nom d'asthme. 181. Hors ces cas d'exception, un adulte, quel- ques efforts d'inspiration qu'il fasse, ne peut rendre à sa respiration le bruit sonore et le caractère particu- lier quelle avait dans l'enfance. Mais, dans quelques cas pathologiques, la respiration reprend ce caractère puéril, spontanément en quelque sorte , et sans que le malade paraisse inspirer plus fortement qu'à l'or- dinaire. Cela se remarque surtout quand un poumon entier ou une portion notable des deux poumons sont devenus imperméables à l'air par suite d'une ma- ladie quelconque , et surtout d'une maladie aiguë. Les portions de l'organe pulmonaire restées saines font entendre , dans ces cas , une respiration tout-à- fhit semblable à celle des enfans. La meme chose s'observe dans toute l'étendue du poumon , chez les malades atteints de fièvres essentielles un peu graves, ou de certaines affections nerveuses. 182. Lorsque l'on fait pour la première fois la com- paraison de la respiration chez l'enfant et chez l'adulte, on serait tente de croire que l'intensité plus grande du bruit chez le premier dépend de la moindre épais- seur des muscles qui revêtent les parois thoraciques, et de la souplesse plus grande du tissu pulmonaire ; mais la première de ces causes influe fort peu sur cette différence ; car la respiration des enfans les plus gras s'entend avec plus de force à travers des vête- mens épais que celle de l'adulte le plus maigre exa- miné à nu ; et parmi les hommes faits qui présen- tent le phénomène de la respiration puérile, il en est qui ont beaucoup d'embonpoint. Chez les femmes qui réunissent ces deux conditions, on entend sou- vent la respiration avec beaucoup de force , même à travers les mamelles. La respiration moins bruyante de l'adulte ne dé- pend pas davantage d'un endurcissement quelcon- que ou d'un défaut de souplesse du tissu pulmonaire, puisque la respiration peut quelquefois, chez lui, re- devenir accidentellement ce qu'elle était dans l'en- fance. Je crois plutôt que cette différence prouve que les enfans ont besoin d'une plus grande quantité d'air, et par conséquent d'une inspiration plus complète que les adultes , soit à cause de la plus grande activité de la circulation chez eux , soit à raison de quelques différences dans la composition chimique de leur sang. 11 est au moins très-probable que le sang des enfans est beaucoup plus oxygéné que celui des adultes. On en peut dire autant des asthmatiques dont la respiration est puérile, comparés aux individus attaqués d'une autre espèce d'asthme qui fera le sujet d'un des cha- pitres de cette deuxième partie (voy. Emphysème du poumon ), et dont la respiration, très-faible, se sus- pend en outre totalement pendant des heures entières, tantôt dans une partie du poumon , tantôt dans une autre. Les premiers ont souvent une carnation qui an- noncerait la santé la plus parfaite , tandis que les se- conds ont toujours la face et les extrémités livides. C'est à ces derniers seulement que peut quelquefois EXPLORATION DE LA RESPIRATION. i5? 158 EXPLORATION DE LA RESPIRATION. s'appliquer avec justesse le proverbe populaire , que l'asthme est un brevet de longue vie. Cela tiendrait-il à ce que , respirant peu , ils vi- vent, en quelque sorte, moins à-la-fois , à-peu-près comme une lampe dont la mèche Irès-mince donne peu de clarté, et paraît prête à s'éteindre au moindre souffle , peut cependant brûler trcs-long-temps, parce qu'elle ne consume l'huile que peu à peu ? Quoi qu'il en soit, il me paraît tout-à-fait constant que la constitution del'organepulmonairela plus favorable à la santé et à la longue durée de la vie est celle des hommes qui n'ont besoin habituellement que d'une médiocre dilatation des poumons , et dont la respira- tion est beaucoup moins bruyante que celle des en- fans. Cet état, par conséquent, doit être considéré comme l'état naturel : Id est maxime naturale, quod natura fieri optimè patitur. i83. La respiration la plus bruyante à l'oreille nue ne se fait pas entendre pour cela avec plus de force dans l'intérieur de la poitrine. Je n'entends pas parler ici de celle qui est accompagnée de râle, de sifflement , ou de quelqu'aulre bruit étranger , mais de la respi- ration simplement bruyante qui a lieu dans plusieurs maladies aiguës ou chroniques , et particulièrement chez les personnes attaquées de dyspnée, quelle qu'en soit la cause. Ce bruit , qui n'est en quelque sorte que l'exagération de celui que produit chez beaucoup d'hommes la respiration pendant le sommeil, et que l'on peut facilement imiter à volonté, se passe entière- ment dans les fosses nasales et l'arrière-bouche, et tient uniquement à la manière dont l'air frappe le bord de la glotte, le voile du palais, et les parois des fosses na- Exploration- de la respiration. i-9 sales. Je connais un homme asthmatique par suite d'une dilatation des ventricules du cœur, et dont la respiration peut habituellement être entendue à vingt pas.de distance. Le murmure produit par l'inspiration et l'expiration dans l'intérieur de la poitrine est moins fort chez lui que chez la plupart des hommes. La même remarque s'applique au ronflement qu'un homme sain fait entendre pendant le sommeil. Pour compléter la série de ces observations , j'ai cru devoir examiner la poitrine d'un de ces bateleurs qui imitent parfaitement avec la voix le bruit d'une scie, d'un rabot, etc. J'ai encore obtenu le même résultat, c'est-à-dire que tous ces bruits se passent dans l'arrière-bouche et les fosses nasales , sont dus à la manière dont l'air inspiré et expiré est agité dans ces parties, et n'influent en rien sur le murmure de la res- piration. 184. Lorsque l'on entend distinctement , et avec une force à-peu-près égale , la respiration dans tous les points de la poitrine , on peut assurer qu'il n'existe ni épanchement dans les plèvres , ni engorgement d'une nature quelconque dans le tissu pulmonaire. Lorsqu'au contraire on trouve que la respiration ne s'entend pas dans une certaine étendue , on peut as- surer que la partie correspondante du poumon est devenue imperméable à l'air par une cause quel- conque. Ce signe est aussi caractérisé et aussi facile à distinguer que l'existence ou l'absence de son don- née par la percussion suivant la méthode d Aven- brugger, et il indique absolument la même chose. Si l'on en excepte quelques cas particuliers dans les- quels la comparaison des deux méthodes devient la i6o ENGOUEMENT DU POUMON. source de signes tout-à-fait pathognomoniques , l'ab- sence du son coïncide toujours avec celle de la res- piration. L'auscultation a , comme nous le verrons , l'avantage d'indiquer d'une manière plus fidèle les différences d'intensité des diverses espèces d'engorge- mens pulmonaires. Elle a l'inconvénient de deman- der un peu plus de temps ; mais son emploi demande moins de soin et d'attention que celui de la percussion, et elle peut être employée dans tous les cas, et dans ceux mêmes où la méthode d'Avenbrugger ne donne absolument aucun résultat. Nous allons examiner successivement les diverses maladies dans lesquelles l'auscultation de la respira- tion peut servir à établir le diagnostic des affections thoraciques, ou de quelques-unes de leurs circon- stances. CHAPITRE IL DE LA PÉRIPNEUMONIE. ARTICLE I". Caractères anatomiques de la Péripneumonie. 185. La péripneumonie est l'inflammation du tissu pulmonaire. Considérée sous le rapport anatomique , cette maladie présente trois degrés très-tranchés et fa- ciles à reconnaître. 186. Dans le premier, le poumon, plus pesant que dans l'état naturel, présente à l'extérieur une cou- leur livide ou violacée, et une fermeté beaucoup plus grande que dans l'état naturel. Il est cependant en- core crépitant ; mais lorsqu'on le presse entre les ENGOUEMENT DU POUMON. iôi doigts, on sent qu'il est engorgé par un liquide, et que la crépitation est beaucoup moindre que dans l'état sain. Lorsqu'on le coupe, son tissu paraît d'un rouge li- vide et tout infiltré d'une sérosité plus ou moins san- guinolente , spumeuse et trouble, qui coule avec abondance de la surface des incisions. On distingue cependant encore très-bien la texture alvéolaire et en quelque sorte spongieuse du poumon. C'est cet état du tissu pulmonaire que M. Bayle a désigné sous le nom d'engouement du poumon (af 187. Dans le deuxième degré , le tissu du poumon ne crépite plus du tout sous le doigt qui le presse , et acquiert une pesanteur et une fermeté tout-à-fait ana- logues à celles du foie. Les anatomistes modernes ont, par cette raison, désigné sous le nom hépatisation ou de carnification l'inflammation du tissu pulmo- naire. La première de ces expressions est assez juste ; la seconde est tout-à-fait impropre, et conviendrait beaucoup mieux à un autre état pathologique du poumon dont nous aurons occasion de parler plus bas. 188. Dans le second degré d'inflammation , le pou- mon paraît souvent moins livide à l'extérieur que dans le premier degré ; mais il présente intérieurement une couleur rouge plus ou moins foncée , et sur laquelle tranchent d'une manière très-remarquable les taches formées par la matière noire pulmonaire , les rameaux bronchiques , les vaisseaux sanguins , et les cloisons celluleuses minces qui divisent le tissu du poumon en (a) Recherches sur la Phthisie pulmonaire, obs. 4-7 ? pag. 379. IÛ2 HÉPATISATION DU POUMON. masses de grandeur inégale. Ces cloisons membra- neuses , assez difliciles à apercevoir dans l'état natu- rel , deviennent alors beaucoup plus distinctes. Elles paraissent souvent ne point participer à l'inflamma- tion , et leur blancheur les rend , par cela même , extrêmement sensibles. 189. Si l'on coupe en plusieurs morceaux un pou- mon ainsi affecté, il ne suinte presque rien de la sur- face des incisions : seulement, en la raclant avec le scalpel, on en exprime une nlédiocre quantité d'une sérosité sanguinolente plus trouble et plus épaisse que celle qui a été décrite ci-dessus , et dans laquelle on distingue souvent une matière plus épaisse, opaque , blanchâtre et puriforme. Si l'on expose à contre-jour la surface de ces in- cisions , la substance du poumon ne présente plus rien de cellulaire , mais bien une surface comme grenue , ou formée de petits grains rouges, obronds et un peu aplatis. Cette sorte granulation me paraît être le caractère anatomique propre de l'inflammation pulmonaire , et celui qui peut mieux la faire distin- guer de l'engorgement tuberculeux et des diverses autres sortes d'endurcissement auxquelles il est sujet. 190. Lorsqu'un poumon est hépatisé en entier il semble, au premier coup-d'œil, plus volumineux que dans l'état naturel; mais celte apparence est trompeuse: elle vient de ce que le poumon ne contenant point d air, ne peut s'affaisser sur lui-même à l'ouverture de la poitrine, et continue a la remplir exactement. J'ai souvent examine les dimensions de cette cavité chez les péripneumoniques, tant sur le vivant que sur le- cadavre, et je n ai jamais pu apercevoir le moindre HÉPATISATION' DU POUMON. i63 degré de dilatation dans le côté affecté ; ce qui, comme nous le verrons, établit déjà une grande différence entre les signes de la péripneumonie et ceux de la pleurésie. 191. Il paraît même que l'engorgement inflamma- toire du poumon, loin d'être capable de lutter contre la résistance que lui oppose la contexture solide des parois thoraciques, ne peut surmonter la plus faible cause de compression. J'ai vu, sur un poumon hépa- tisé en totalité, une dépression de plus d'une ligne de profondeur, exactement circonscrite, et tout- à-fait semblable à celle que produirait un coup de marteau fortement appliqué sur une masse de plomb. Cette dépression avait été produite par la présence d'une fausse membrane albumineuse de consistance de blanc d'œuf cuit, qui la remplissait exactement. Tout le reste de la surface du poumon adhérait à la plèvre par un tissu cellulaire abondant, bien organisé, et de formation beaucoup plus ancienne que la ma- ladie à laquelle le sujet avait succombé. Le tissu cel- lulaire était infiltré d'une sérosité d'un jaune citrin très-foncé. Un médecin qui a l'habitude de soutenir ses opi- nions avec beaucoup de chaleur, consultant un jour avec M. Récamier et moi, nous dit avoir trouvé quel- quefois des poumons hépatisés sur lesquels l'impres- sion des côtes était marquée. Je crois que sa mémoire le trompait, ou que, dans les cas qu'il avait en vue, ses yeux l'avaient trompé. Je n'ai jamais vu pareille chose, et je crois même qu'elle est impossible ; car les côtes, à la paroi interne de la poitrine, sont absolu- ment sur le même plan que les muscles intercostaux ; i64 SUPPURATION DU TISSU PULMONAIRE. et ces derniers, à raison de leur tension, offrent une résistance à-peu-près égale à celle des côtes elles- mêmes , qui ne peuvent par conséquent, en aucun cas, faire saillie à l'intérieur. Si pareille chose pouvait arriver quelquefois, ce serait peut-être chez des sujets qui, par suite du rachitis ou d'une fracture, auraient quelques côtes proéminentes en dedans. 192. Dans le troisième degré, le tissu pulmonaire, en conservant la même dureté et l'aspect granuleux que nous venons de décrire, prend une couleur jau- nâtre pâle et analogue à celle de la paille, et laisse suinter plus ou moins abondamment, de la surface des incisions que l'on y fait, une matière jaune, opa- que, visqueuse et évidemment purulente, mais d'une odeur fade, et qui n'est pas, à beaucoup près, aussi désagréable que celle du pus d'une plaie extérieure. Cet état est, à proprement parler, la suppura- tion du tissu pulmonaire ; car, nonobstant l'opinion des anciens et les idées communément répandues parmi les médecins praticiens, sur les abcès du pou- mon que 1 on désigne aussi sous le nom de vomiques, il n'y a pas de lésion organique plus rare qu'une vé- ritable collection de pus dans le tissu pulmonaire. La vomique d'Hippocrate ou celle des praticiens est, comme nous l'avons déjà vu ( § 126), et comme nous aurons occasion de le montrer encore, l'effet du ra- mollissement d'une masse un peu considérable de matière tuberculeuse. igS. Sur plusieurs centaines d'ouvertures de péri- pneumoniques, il ne m'est pas arrivé plus de cinq ou six fois de rencontrer des collections de pus dans un poumon enflamme. Elles étaient fort peu considé- ABCÈS DU POUMON. i65 râbles, peu nombreuses, et dispersées çà et là dans des poumons qui présentaient le troisième degré d'inflam- mation décrit ci-dessus. Leurs parois étaient formées par la matière pulmonaire infiltrée de pus et dans un état de ramollissement putrilagineux qui allait en di- minuant à mesure qu'on s'éloignait du centre du foyer. Une seule fois j'ai rencontré un foyer purulent un peu considérable. Le sujet avait succombé au vingtième jour de la maladie. Le foyer, situé à la partie antérieure moyenne du poumon, était de forme aplatie et allongée ; on aurait pu y placer trois doigts; ses parois ne présentaient point, à proprement parler, de surface ; à mesure qu'on s'éloignait du centre le pus se changeait en détritus purulent ; puis l'on trouvait un tissu plus ferme mais très-fortement infiltré de pus ; et enfin , à un demi-pouce du foyer, l'infiltration purulente n'était plus que ce qu'elle est dans un pou- mon enflammé au troisième degré. Dans ce cas, comme dans tous ceux où j'ai rencontré des foyers plus petits, la péripneumonie n'occupait qu'une partie d'un seul poumon. Cette circonstance peut servir à expliquer la rareté des collections purulentes dans le poumon ; car une péripneumonie partielle cède ordinairement aux efforts de la nature et de l'art, et une péripneu- monie très-étendue emporte le malade avant que l'in- filtration purulente soit assez avancée pour que le pus ait détruit le tissu qui le renferme et formé des foyers. ig4' D'après la description que nous venons de donner de ces collections purulentes, il est facde de voir combien elles diffèrent des excavations formées par le ramollissement de la matière tuberculeuse. En i66 ABCÈS DU POUMON. effet, quoique la couleur et l'aspect de cette matière soient assez semblables dans quelques cas à ceux du pus, ils en different cependant le plus ordinaire- ment par le mélange de fragmens de tubercules ra- mollis à consistance friable. La fermeté, d'ailLurs , l'exacte circonscription des excavations formées par le ramollissement de la matière tuberculeuse, la fausse membrane molle qui les revêt dans tous les cas, et la membrane demi-cartilagineuse qui lui succède quel- quefois suffisent pour caractériser une lésion bien dif- férente de celle des foyers purulens décrits ci-dessus. ig5. Ces trois degrés d'inflammation se trouvent assez ordinairement réunis de diverses manières. Fort souvent l'un des poumons est enflammé au troisième degré dans toute son étendue, et l'autre présente seu- lement quelques portions enflammées au premier ou au second degré. Quelquefois les trois degrés s'ob- servent dans le même poumon , et Je divisent en au- tant de zones très-tranchées ou se confondant par des nuances insensibles. 196. Le passage d'un degré à l'autre est marqué par le développement de quelques points d'un en- gorgement plus avancé au milieu d'un tissu engorgé au degré inférieur : ainsi le passage du premier au second degré est caractérisé par un tissu rouge lais- sant suinter une grande quantité de liquide spumeux et sanguinolent , mais encore un p<ru crépitant à la pression , au milieu duquel on distingue des parties plus rouges , beaucoup plus fermes, non crépitantes, laissant suinter une moindre quantité de sérosité sanguinolente , et offrant à l'incision des surfaces grenues. ABCÈS DU POUMON. 167 197. Le passage du second au troisième degré se reconnaît à des taches jaunâtres , informes, non cir- conscrites, et qui se confondent, par une dégradation de ton insensible, avec la couleur rouge du tissu pul- monaire enflammé au second degré. O C'est surtout dans cet état que le poumon , à rai- son du mélange de ces deux couleurs et des stries noires ou grises formées par la matière noire pulmo- naire , offre tout-à-fait l'aspect d'un granit qui serait composé de feld-spath rouge et jaunâtre , de quartz gris et de mica noir. 198. Les parties inférieures du poumon sont le lieu qu'occupe le plus ordinairement la péripneu- monie ; et lorsqu'elle envahit successivement tout le poumon , c'est encore dans ce point qu'elle com- mence presque toujours. 199. Quand un poumon présente les trois degrés d'inflammation dans des parties différentes , ce sont encore les parties inférieures qu'occupe ordinairement l'engorgement le plus avancé. Rien n'est plus rare que de rencontrer une inflammation bornée au lobe supé- rieur du poumon (a). Il l'est un peu moins de trouver une portion enflammée vers le centre du poumon , sa surface étant crépitante dans tous les points , ex- cepté cependant le milieu de la face inférieure , qui (a) Ce fait incontestable est propre à montrer combien. £st peu exacte l'opinion émise dans un ouvrage d'ailleurs estima- ble [Traité des Phlegmasies chroniques, etc., par M. Brous- sais, D. M. P.). Si, comme le veut l'auteur de cet ouvrage, les tubercules étaient le produit d'une inflammation du pou- mon, les lobes supérieurs de cet organe ne devraient pas elre le siège principal et le plus ordinaire de ces productions; et i68 RÉSOLUTION alors meme participe presque toujours à l'engorge- ment. 200. On ne trouve jamais la totalité des deux pou- mons enflammée au troisième ou meme au second degré , et l'on conçoit facilement que cela ne peut être , puisqu'un pareil engorgement ne peut pas se faire en un instant , et qu'il rendrait la respiration tout-à-fait impossible. Mais il n'est pas rare de ren- contrer des sujets chez lesquels un poumon entier et plus de la moitié du second sont tout-à-fait imper- méables à l'air. 201. Chez d'autres sujets, au contraire, la péri- pneumonie détermine la mort avant que l'engorge- ment ait envahi le quart de l'organe pulmonaire. Ce fait est propre, ainsi que beaucoup d'autres, à prouver que , dans les altérations de nos organes , la mort est souvent due à l'affaiblissement du principe de la vie beaucoup plus qu'à l'intensité ou à l'étendue de l'af- fection locale. 202. La péripneumonie, même parvenue au troi- sième degré ou à celui d'infiltration purulente, peut encore se terminer par résolution ou plutôt par l'ab- sorption du pus, et sans désorganisation du tissu pul- monaire. Si, dans ce cas, le malade vient à mourir pendant la convalescence , ce qui arrive quelquefois, surtout chez les sujets âgés, le tissu pidmonaire ne pré- sente plus la dureté hépatique ; il n'a plus que le degré Ja partie inférieure du poumon, qui en présente plus rare- ment et toujours beaucoup moins, devrait au contraire en être remplie, puisqu'elle est le siège le plus ordinaire de 1 inflam- mation. DE LA PERIPNEUMONIE. i6g de densité que produisent la péripneumonie au premier degré ou l'œdème du poumon ; il crépite légèrement sous le doigt ; il ne va pas toujours au fond de l'eau; incisé, il laisse encore suinter une certaine quantité de pus très-liquide ; la surface des incisions présente une teinte jaunâtre sale ou légèrement verdâtre et très- pâle , qui contraste sensiblement avec les portions res- tées saines de l'organe pulmonaire. Si la résolution est très-avancée, cette teinte seule existe encore. Le tissu pulmonaire est seulement plus humide que dans l'état naturel, mais il n'en suinte plus de pus reconnaissable. 2o3. La péripneumonie chronique, lorsqu'elle n'est pas combinée avec le développement des tubercules ou de quelque autre production morbifique, présente absolument les mêmes caractères anatomiques que la péripneumonie aiguë, et il serait fort difficile à l'homme qui a le plus d'habitude des recherches d'anatomie pa- thologique, d'indiquer, à l'ouverture du corps d'un péripneumonique, la durée approximative de la ma- ladie. ARTICLE IL JDes Signes de la pe'ripneumonie. 2o4- La péripneumonie est une des maladies les plus anciennement connues , et il semblerait que ses signes ne dussent laisser aucune incertitude ; il n en est cependant point ainsi. La gêne de la respiration , une douleur profonde dans le côté affecte , 1 impossi- bilité de se coucher sur le côté sain , la fièvre , la toux, l'expectoration visqueuse et quelquefois melee de sang, les urines d'un rouge foncé , sont les principaux sym- iyo SIGNES ptômes que les auteurs assignent à cette maladie : il n'est cependant aucun d'eux qui ne puisse manquer, même dans la péripneumonie la plus intense ; et d'ailleurs ces symptômes sont presque tous communs à beaucoup d'autres maladies. 205. Chez un grand nombre de péripneumoniques la douleur n'existe pas ; la dyspnée est quelquefois très-peu marquée , et souvent elle est insensible pour le malade, lors même qu elle paraît évidente aux yeux des médecins et des assistans. Quelques malades ne peuvent se coucher sur le côté affecté, quoique le contraire soit beaucoup plus commun. La toux est assez souvent rare et peu forte ; et, dans les péripneu- monies chroniques surtout, ainsi que dans celles qui, après avoir été aiguës, passent à cet état, elle est quelquefois si peu de chose qu'on la prendrait plutôt pour une mauvaise habitude que pour un symptôme de maladie , et que le malade lui-même assure qu'il ne tousse pas. La lièvre même , compagne insépara- ble des maladies inflammatoires, au moins dans leur début , manque quelquefois entièrement dans celle-ci après les premiers jours de la maladie. 206. De tous les symptômes de la péripneumonie, le seul que l'on puisse regarder comme pathogno- monique , parce qu'il n'existe que dans cette maladie, est l'expectoration de crachats d'un blanc légèrement jaunâtre ou verdâtre, unpeudemi-transparens , mêlés de bulles d'air qui ne peuvent s'en échapper à raison de la viscosité de celte matière, viscosité tellement tenace, que l'on peut souvent renverser le vase et le tenir long-temps dans celte position sans que les crachats , quoiqu'on grande abondance , se détachent DE LA PERIPNEUMONIE. *7* de ses parois : mais ce signe n'est pas toujours aussi tranche que nous venons de le décrire ; il n'existe non plus d'une manière bien marquée que dans les premiers jours de la maladie, et dans certaines con- stitutions épidémiques il est hien moins caractérisé que dans d'autres. Il l'était beaucoup plus dans les péri pneumonies qui régnèrent dans l'inver de i8o3 à 1804 que dans toutes celles que j'ai vues depuis. De ces considérations il résulte que les méde- cins qui, dans les maladies de la poitrine, se bor- nent à l'examen des signes généraux , sans employer aucune autre méthode d'exploration, doivent souvent méconnaître les péripneumonies chroniques, et quel- quefois meme les péripneumonies aiguës, surtout lorsqu'ils ne sont appelés qu'après les premiers jours de la maladie, ou quand l'inflammation du poumon survient comme complication dans le cours d'une autre maladie. 207. La percussion de la poitrine, suivant la mé- thode d'Avenbrugger , est un moyen beaucoup plus sûr que l'examen des symptômes extérieurs pour recon- naître la péripneumonie à quelque époque que ce soit de la maladie. Le peu de temps et de peine quelle demande, et la certitude des résultats qu'elle donne devraient empêcher de chercher aucune autre méthode d'exploration, si elle était applicable dans tous les cas ; mais, comme nous l'avons déjà dit (§ 5 ) , elle est à-peu-près sans résultats dans beaucoup de circonstances sur plusieurs desquelles nous aurons oc- casion de revenir. 208. L'exploration par le cylindre 11 a pas cet in- convénient ; elle indique l'engorgement pulmonaire '72 SIGNES dans tous les cas possibles , et elle a, en outre , l'a- vantage d'en indiquer le degré avec beaucoup plus de précision que la percussion. 209. Dans le premier degré de la péripneumonie ( $ 186 ) , la respiration s'entend encore dans le point affecté , soit que la percussion donne en cet endroit un son mat, soit qu elle n'indique aucune différence sensible, ce qui varie; mais la respiration, quoique sensible dans le lieu affecté , est cependant beaucoup moins grande et moins sonore que dans les autres parties de la poitrine elle êst, en outre , accompa- gnée , dans l'inspiration surtout, d'une espèce de crépitation ou de râle léger , dont le bruit peut être comparé à celui du sel que l'on fait décrépiter en le chauffant dans une bassine ; ce râle , que j'appelle râle crépitant, est le signe pathognomonique du premier degré de la péripneumonie. Il serait difficile de le mieux décrire ; mais il suffit de l'avoir entendu une seule fois pour ne plus le méconnaître. 210. Le second et le troisième degré de la péri- pneumonie i88et 192) se reconnaissent à l'absence totale du murmure produit par la respiration. Dans cet état, si le malade fait une forte inspiration , on sent et on voit le mouvement des parois thoraciques , mais on n'entend rien. Quelquefois cependant on en- tend , non pas le bruit respiratoire, mais un râlemu- queux plus ou moins marqué. Cela a surtout lieu quand à la péripneumonie se joint un catarrhe pul- monaire , ou quand l'expectoration glutineuse et te- nace qui accompagne l'invasion et l'état de la péri- pneumonie 206 ) s'est changée, vers son déclin, en crachats cuits. DE LA PÉRIPNEUMONIE. i73 211. On remarque assez ordinairement, en outre, dans les trois degrés de la maladie, mais surtout dans les deux premiers, que la respiration redevient puérile (§ i8i)dans les parties du poumon restées saines; cela est moins commun ou devient moins sensible dans la péripneumonie au troisième degré, surtout quand la maladie a déjà duré un certain temps ; sans doute parce que la nature, chez le malade , a pris l'habitude d'une respiration moindre que celle qui existait dans l'état de santé. 212. Lorsqu'une péripneumonie se termine heu- reusement , le cylindre devient un moyen sûr d'ap- précier les progrès de la guérison. Avant que la per- cussion puisse indiquer aucune diminution dans l'in- tensité de l'engorgement pulmonaire , le cylindre commence à faire entendre légèrement le murmure de l'expiration. Ce phénomène n'a lieu d'abord que dans un point , et toujours dans la partie supérieure de l'endroit affecté : tous les jours le signe devient plus marqué, et le lieu qui le donne gagne en étendue jusqu'à la résolution parfaite. Si, dans cet état, on fait faire au malade une grande inspiration, on en- tend souvent, au moment où elle se termine, une sorte de crépitation analogue à celle de l'air que l'on insuffle dans le tissu cellulaire des animaux que l'on tue dans les boucheries , ou d'une vessie sèche que l'on distend en la soufflant. La percussion ne fait or- dinairement reconnaître les progrès successifs de la résolution , quant à l'intensité et à l'étendue , que quatre à cinq jours plus lard ; de sorte que souvent toute l'étendue du poumon donne par le cylindre l'indice du retour plus ou moins complet de la per- i?4 SIGNES méabilité à l'air , lorsqu'une grande partie des parois thoraciques rend encore par la percussion un son aussi mat qu'au moment de la plus grande intensité de l'inflammation. Quand on n'obtiendrait que ce seul résultat de l'em- ploi du cylindre dans la péripneumonie, il suflirait, ce me semble , pour établir sa supériorité sur la per- cussion , même dans ce cas, qui est sans contredit celui où cette dernière méthode peut être employée avec le plus d'utilité. Il n'est pas plus indifférent , sous le rapport thérapeutique que sous le rapport moral, de reconnaître quelques jours plus tôt ou plus tard les progrès de la guérison , et on ne pourrait pas ici, à défaut de la percussion, s'en rapporter à l'amé- lioration de l'état général du malade. On ne voit que trop souvent des exemples de péripneumonies qui , après l'emploi de la saignée et des anti-phlogistiques, paraissent au bout de quelques jours à-peu-près gué- ries , si l'on s'en rapportait aux symptômes extérieurs : la fièvre a cessé, la douleur n'existe plus , la toux de- vient rare et peu pénible , l'expectoration est mé- diocre , les forces renaissent, l'appétit reparaît et de- vient quelquefois même très-vif, et cependant l'en- gorgement pulmonaire n'a nullement diminué : la percussion donne un son mat, le cylindre ne fait rien entendre. Au bout de quelques jours, et même de quelques semaines d'une fausse convalescence, les forces tombent de nouveau , et, suivant l'âge du ma- lade , un nouvel appareil inflammatoire ou une dys- pnée accompagnée d'affaissement et de symptômes de congestion cérébrale sont promptement suivis de la mort. DE LA PÉRIPNEUMONIE. i75 215. Dans des cas plus communs encore , la péri- pneumonie n'a le caractère d'une maladie aiguë que pendant quatre ou cinq jours , et cependant la réso- lution parfaite de l'engorgement pulmonaire n'a lieu qu'au bout de plusieurs semaines. La constitution de l'hiver de 1816 à 1817 a offert un grand nombre d'exemples de ce cas. 214- H est encore d'autres cas dans lesquels l'aus- cultation donne sur l'engorgement pulmonaire des ren- seignemens que la percussion ne fournit point. On sait que chez la plupart des hommes, le côté droit de la poitrine ne donne qu'un son mat dans son tiers in- férieur, à raison de la présence du foie. Chez quel- quels sujets même cette absence de son s'étend laté- ralement beaucoup plus haut que sur les parties an- té rien re-inférieure et postérieure-inferieure du thorax, qui correspondent cependant à des appendices très- minces du poumon, tandis que le côte correspond a la masse de cet organe. Il est d'expérience qu'on ne peut rien conclure de celte absence de son du cote droit, lors même qu elle s'étend presque jusque sous l'aisselle. 215. Le côté gauche présente quelquefois une cause d'illusion tout-à-fait contraire. La distension de l'es- tomac par des vents peut rendre le son clan dans la partie inférieure gauche du thorax , quoique le pou- mon soit hépatisé. On distingue , il est vrai , avec un peu d'habitude, ce son de celui qui est dû a 1 état sain du poumon ; mais comme le son abdominal est plus fort que le pulmonaire , on ne peut, quand il existe , savoir si le poumon est permeable a 1 an ou non. 216. L'auscultation devient également utile dans i ?6 SIGNES les cas où la percussion n'indique presque rien à rai- son d'un embonpoint excessif. Ce cas a quelquefois même lieu , surtout chez les femmes et chez les su- jets d'une constitution molle, pour peu que l'em- bonpoint soit au-dessus du médiocre. Le léger amai- grissement produit par quelques jours de maladie suffit alors pour donner à la peau, au tissu cellu- laire graisseux , et aux muscles des parois thoraci- ques une flaccidité qui ne permet plus d'entendre que le son mat des tégumens. Ces dispositions peuvent laisser d'autant plus d'ob- scurité sur le diagnostic de la péripneumonie , que l'inflammation du poumon commence ordinairement par les parties inférieures de cet organe. Le cylindre supplée ici à l'insuffisance de la percussion ; car, s'il n'y a pas de péripneumonie , l'intensité de la res- piration sera égale dans les deux côtés : dans le cas contraire, elle sera moindre du côté affecté. 217. On sait également que, chez les rachitiques, lorsque le thorax est déformé, meme à un léger degré, on trouve souvent dans divers points de ses parois une absence de son qui, quoique très-marquée, n'em- pêche pas que les poumons ne soient dans l'état d'in- tégrité le plus parfait. Ce phénomène est tellement fréquent, et il est si impossible de s'en rendre raison, qu'il en résulte que l'emploi de la percussion ne peut, dans aucun cas, indiquer d'une manière certaine l'en- gorgement pulmonaire chez les rachitiques. L'auscul- tation de la respiration n'a pas cet inconvénient ; car ici, comme dans tous les cas, elle fait toujours en- tendre la respiration dans tous les points où le pou- mon est perméable à l'air. LA PÉRIPNEUMONIE. >77 318. Enfin il est des sujets, en petit nombre il est vrai, chez lesquels, dans l'état de santé même , la poi- trine rend un son très-médiocre dans toute son étendue, sans qu'on puisse accuser l'embonpoint ou la flacci- dité des parois thoraciques. Cette disposition se ren- contre même quelquefois avec un état de maigreur habituel et dépendant de la constitution du malade. Dans des cas de cette nature, je n'ai jamais trouvé de difficulté à reconnaître, par la moindre intensité de la respiration , une péripneumonie que les sym- ptômes généraux et la constitution régnante faisaient soupçonner , mais sur laquelle la percussion ne don- nait que des renseignemens obscurs et équivoques. 21 g. Quand les deux poumons sont enflammés à- la-fois dans des points correspondans, la percussion ne donne encore aucun indice certain. Les côtés opposés de la poitrine rendant un son absolument semblable , on ne peut trop , lors même qu'il serait tout à-fait mat, être sûr que cette circonstance ne tient pas à une disposition individuelle du genre de celle dont je viens de parler ( g 218). 220. Enfin, quand les deux poumons sont affectés à-la-fois et dans une grande étendue, la percussion n'est plus d'aucune utilité , la mort arrivant presque toujours dans ce cas avant que l'engorgement inflam- matoire du tissu pulmonaire soit porté assez loin pour que le son de la poitrine puisse l'indiquer. Le cylindre, au contraire, faisant connaître la plus légère diffé- rence dans l'intensité de la respiration, permet de re- connaître la péripneumonie dès son début, et d en assigner exactement l'étendue. Outre 1 espece de cré- pitation légère qui accompagne la respiration dans le 178 SIGNES premier degré de la péripneumonie , et que nous avons décrit ci-dessus (§ 186 ), et l'intensité plus grande du murmure respiratoire dans les points restés sains, le cylindre donne un signe tout-à-fait caractéristique dans le cas dont il s'agit; car, quoique la respiration s'entende encore dans les parties du poumon enflam- mées , on reconnaît que son intensité est fort au- dessous de ce quelle devrait être, eu égard à sa fré- quence et à la dilatation des parois de la poitrine, qui, dans ces cas, est tellement forte quelle soulève désagréablement l'oreille. O 221. L'exploration par le cylindre est alors un moyen d'autant plus utile, que la double péripneu- monie est une des maladies les plus insidieuses qui existent, et qu'elle est très-facile à confondre avec une attaque d'asthme ou de dyspnée nerveuse, surtout lorsqu'elle survient, comme il arrive fréquemment, dans le cours d'une fièvre essentielle ou chez un sujet attaqué de maladie du cœur. Une saignée faite à pro- pos , et dont les symptômes généraux ne fournissent presque jamais l'indication, sauve souvent alors le ma- lade. L'épidémie de 18o3 , connue sous le nom de grippe, offrit un grand nombre d'exemples de péri- pncumonics doubles : aussi, dans cette épidémie, ren- contrait-on très-fréquemment, dans les ouvertures de cadavres, la péripneumonie au premier degré. Ce cas a été beaucoup plus rare dans les constitutions des dernières années. 222. Enfin, pour exposer complètement le parti relatif que l'on peut tirer de la percussion et de l'aus- cultation dans la péripneumonie, il est encore un cas fort commun dans lequel cette dernière méthode DE LA PÉRIPNEUMONIE. *79 est seule applicable : c'est celui où, après l'emploi de la saignée, le médecin a fait appliquer un large vé- sicatoire sur la partie de la poitrine correspondante au lieu affecté. La percussion devient alors imprati- cable dans ce point, tandis que l'application du cy- lindre peut se faire sans occasionner la moindre dou- leur, et sans que l'épaisseur du bandage empêche d'en obtenir des résultats. 225. Je dois ajouter encore que , dans tous les cas, et dans ceux même où la percussion donne les rensei- gnemens les plus positifs, l'auscultation médiate en donne de plus convaincans encore, car l'altération du son thoracique peut à la rigueur, et malgré les ap- parences contraires, tenir à toute autre cause qu'à l'imperméabilité du poumon, tandis que dans l'aus- cultation c'est le jeu même de l'organe que l'on entend ou que l'on n'entend pas. 224* Malgré ces avantages, l'exploration par le cy- lindre ne doit pas faire négliger l'emploi de la per- cussion dans la péripneumonie. La dernière mé- thode, il est vrai, n'est pas, comme la première, applicable à tous les cas; mais dans ceux où elle l'est, elle a l'avantage d'être un peu plus expéditive et moins gênante pour le médecin. Elle a l'inconve- nient d'être plus difficile à bien pratiquer , et de de- mander plus de soin et d'attention. Celte proposition semblera peut-être paradoxale aux médecins qui auront peu pratiqué l'une et l'autre méthode; mais je crois qu'elle paraîtra de toute justesse à ceux qui les auront longuement expérimentées. En effet, 1 auscultation n'exige que deux précautions, celle de faire respirer un peu fréquemment le malade, et celle de tenir le i8o SIGNES DE LA PERIPNEUMONIE. cylindre exactement appliqué sur la poitrine. La per- cussion, au contraire, demande d'abord que l'on compare exactement les parties semblables des deux côtés de la poitrine. Il faut prendre garde, par exem- ple , après avoir percuté sur une côte à droite, de ne pas frapper à gauche sur un espace intercostal; il est encore nécessaire d'avoir soin que la peau et les muscles soient également tendus des deux côtés, ce qui souvent est difficile quand le malade est affaissé à un certain degré. 11 faut avoir soin surtout de frapper avec une force égale des deux côtés, et d'une ma- nière parfaitement perpendiculaire; car, pour peu que l'extrémité des doigts arrive sur la poitrine obli- quement et en dédolant, le son devient moindre de moitié, et on pourrait croire à urr engorgement qui n'existe point. On doit également avoir soin de frapper les parties semblables dans le même sens et dans la même étendue; il ne faudrait pas, par exemple, frapper à-la-fois plusieurs côtes en travers du côté droit, et une seule à gauche dans le sens de sa lon- gueur. Il faut encore ne pas ajouter trop de confiance à une différence de son même assez marquée, si l'on n'a pas percuté avec la même main, et exactement dans la même position de la main relativement aux deux côtés de la poitrine. 11 m est souvent arrivé, étant placé à la droite du malade et percutant les deux côtés de sa poi- trine avec la main droite , de trouver les parties anté- rieure et postérieure gauches moins sonores que les droites, la partie latérale gauche , au contraire, plus sonore que le cote droit : le contraire avait heu sur-le- champ si, passant à la gauche du malade, je percutais de nouveau dans celte position. Celte différence, que GANGRENE DU POUMON. 181 j'ai fait souvent observer aux élèves qui me suivent, tient à celle de l'angle sous lequel les doigts frappent la poitrine. Quelque attention que l'on y apporte, il est à-peu-près impossible de percuter d'une manière également perpendiculaire les deux côtés de la poi- trine , et la plus légère différence d'inclinaison en. donne une très-grande dans la résonnance, surtout chez les sujets à poitrine arrondie. 22Ô. Les précautions que nous venons d'indiquer sont surtout indispensables quand la différence de résonnance n'est pas très-grande, ce qui arrive sou- vent. C'est sans doute faute de les avoir prises que beaucoup de médecins n'ont pas trouvé dans la per- cussion les avantages annoncés par Avenbrugger, et que, malgré l'utilité pratique qu'en a tirée M. Cor- visart dans l'exercice de la médecine et dans ses leçons cliniques, parmi ses nombreux élèves, bien peu se servent habituellement de cette méthode d'ex- ploration et savent en tirer autant de parti que lui. L'emploi successif des deux méthodes donne, dans les cas douteux, une certitude que l'une des deux n'eût pu seule faire acquérir. ARTICLE IIL De Ici Gangrène du poumon. 22Ô. La gangrène du poumon est un cas fort rare ; on peut à peine ]a ranger au nombre des terminai- sons de l'inflammation de cet organe , et encore moins la regarder comme un effet de son intensité ; car le caractère inflammatoire est très-peu marque dans cette affection, soit sous le rapport des symptômes, 182 GANGRÈNE DU POUMON. soit sous celui de l'engorgement du tissu pulmo- naire. La gangrène du poumon semble , par conséquent, se rapprocher de la nature des affections essentielle- ment gangréneuses , telles que l'anthrax, la pustule maligne, le charbon pestilentiel, etc. ; et, comme dans ces affections, l'inflammation développée autour de la partie gangrénée paraît être l'effet plutôt que la cause de la mortification. 227. La gangrène du poumon peut être non cir- conscrite ou circonscrite : ces deux variétés sont très- tranchées sous le rapport de leurs effets comme sous celui de leur caractère anatomique. La première peut être mise au nombre des maladies organiques les plus rares; je ne l'ai vue que deux fois en dix-huit ans, et je n'ai guère connaissance, dans le même espace de temps , que de cinq ou six observations semblables faites dans les hôpitaux de Paris. Celte altération présente les caractères suivans : le tissu pulmonaire, plus humide et beaucoup plus facile à déchirer que dans l'état naturel, offre le même degre de densité que dans la péripneumonie au premier degré , l'œdème du poumon, ou l'engor- gement séreux cadavérique ; sa couleur présente des nuances variées depuis le blanc sale et légèrement verdâtre jusqu'au vert foncé et presque noir, quel- quefois avec un mélange de brun ou de jaune bru- nâtre terreux. Ces diverses teintes sont mêlées irrégu- lièrement dans les diverses parties du poumon , et on y distingue, en outre , des portions d'un rouge livide plus humides que le reste, et qui paraissent simple- ment infiltrées d'un sang très-liquide, absolument GANGRÈNE DU POUMON. i83 comme dans la péripneumonie au premier degré. Quelques points çà et là sont évidemment ramollis et tombent en deliquiurn putride. Un liquide sanieux, trouble, d'un gris verdâtre et d'une fétidité gangréneuse insupportable , s'écoule des parties altérées à mesure qu'on les incise. Cette altération occupe au moins une grande partie d'un lobe , et quelquefois la plus grande partie d'un poumon ; elle n'est nullement circonscrite. Dans quelques points, le tissu pulmonaire sain, ou pres- que sain , se confond insensiblement avec les parties gangrénées ; dans d'autres, il en est séparé par un engorgement inflammatoire au premier degré ; rare- ment , et dans quelques points seulement, par un en- gorgement porté au degré d'hépatisation. 228. Pour peu que l'altération soit étendue, la marche de la maladie est extrêmement rapide. Les forces sont anéanties dès le premier instant ; le ma- lade tombe dans un état de prostration complète ; l'oppression devient sur-le-champ extrême ; le pouls est petit, déprimé et très-fréquent ; la toux est plutôt fréquente que forte ; les crachats sont difîluens et d'une couleur verte très-remarquable ; leur odeur est extrêmement fétide et tout-à-fait semblable à celle qu'exhale un membresphacélé. L'expectoration, assez abondante pendant quelque temps, se supprime bientôt par défaut de forces, et le malade meurt suffoque par le râle. 22g. La gangrène circonscrite ou partielle du poumon diffère de la précédente en ce qu elle n oc- cupe qu'une petite partie de l'organe , et qu elle ne paraît avoir aucune tendance à envahir les parties en- i84 GANGRÈNE DU POUMON. vironnantes; par cela même sa marche est beaucoup plus lente ; elle l'est quelquefois assez pour se rappro- cher de celle de la phthisie, parmi les espèces de la- quelle M. Bayle l'a rangée (a) ; et peut-être même cette maladie n'est-elle pas toujours au-dessus des efforts de la nature, surtout si l'art les seconde par l'emploi sagement combiné des anti-phlogistiques, des excilans et des toniques. La gangrène partielle peut se développer dans toutes les parties du poumon. Elle doit être consi- dérée dans trois états différens, celui de mortification récente ou d'eschare gangréneuse, celui de sphacèle déliquescent, et celui d'excavation formée par le ra- mollissement complet et l'évacuation de la partie gangrénée. Les eschares gangréneuses du poumon for- ment des masses irrégulières et dont la grosseur est très-variable. La couleur de la partie mortifiée est d'un noir tirant sur le vert; sa texture est plus humide, plus compacte et plus dure que celle du poumon; son aspect est tout-à-fait analogue à celui de l'eschare produite sur la peau par l'action de la pierre à cau- tère ; elle exhale d'une manière très-marquée l'odeur de la gangrène. La partie du poumon qui l'environne immédiatement présente, jusqu'à une certaine dis- tance, l'engorgement inflammatoire au premier ou au second degré. Quelquefois cette eschare, en se décomposant, se détache des parties environnantes comme l'eschare formée par le feu ou par la potasse caustique , et (fl) Rccherches; etc., pag. 3o. gangrène dv poumon.' i85 forme alors une espèce de bourbillon noirâtre, ver- dâtre , brunâtre ou jaunâtre, d'un tissu comme fi'a- menleux, plus flasque et plus sec que l'eschare récemment formée. Ce bourbillon reste isolé au milieu de l'excavation formée par la destruction de la partie mortifiée. 251. Plus ordinairement l'eschare se ramollit en entier sans former de bourbillon distinct, et se con- vertit en une espèce de bouillie putride, d'un gris verdâtre sale, quelquefois sanguinolente et d'une horrible fétidité. Celle matière ne tarde pas à se faire jour dans quelqu'une des bronches voisines , est ainsi évacuée peu à peu , et laisse à sa place une excavation véritablement ulcéreuse. 23a. Les parois de ces excavations deviennent alors le siège d'une inflammation secondaire qui paraît conserver encore long-temps quelque chose du carac- tère de la gangrène ; elles se revêtent d'une fausse membrane grisâtre, opaque , molle, qui sécrète un pus trouble de même couleur, ou une'sanie noire, et elles exhalent encore l'odeur gangréneuse. a53. Assez souvent celte fausse membrane n'existe point, et le pussanieux, trouble, noirâtre, verdâtre, grisâtre ou rougeâtre, et toujours plus oumoins fétide ,, est sécrété immédiatement par les parois de l'ulcere. Ces parois sont ordinairement denses, d'un rouge brun tirant sur le gris , et les incisions que l'on y fait pré- sentent une surface grenue. Cet état d'engorgement, qui constitue évidemment une péripneumonie chro- nique et sans tendance à la suppuration , ne s etend pas ordinairement à plus d'un demi-pouce ou un pouce de l'excavation : quelquefois cependant il oc- 186 GANGRÈNE DU POUMON. cupe tout le lobe dans lequel elle est située. Dans d'au- tres cas , les parois de l'ulcère sont mollasses, comme fongueuses ou putrilagineuses, et faciles à détruire en grattant avec le scalpel. Des vaisseaux sanguins assez volumineux, dénudés et isolés, mais tout-à-fait intacts, traversent quelquefois l'excavation. D'autres fois, au contraire, ces vaisseaux sont détruits, et leurs bouches béantes donnent lieu à une hémorrhagie qui remplit l'excavation de caillots de sang. 234. Ces excavations gangréneuses constituent la phthisie ulcéreuse de M. Bayle. Quoiqu'il n'indique pas précisément leur origine , la description qu'il en donne et les observations qu'il rapporte laissent voir qu'il l'a soupçonnée Ça). Peut-être a-t-il été écarté à cet égard de la route qui aurait pu le conduire à re- connaître pleinement cette origine par les considéra- tions , trop légères à mon avis , qui l'ont porté à faire de celte maladie une espèce de phthisie. 235. Quelquefois l'eschare gangréneuse décom- posée se fait jour dans la plèvre , et devient la cause d'une pleurésie ordinairement accompagnée d'un pneumo-thorax qui paraît être l'effet du gaz exhalé par le putrilage gangréneux. D'autres fois , l'excavation gangréneuse s'ouvrant à-la-fois dans la plèvre et dans les bronches, l'air extérieur contribue évidemment au développement du pneumo-thorax. 236. Les symptômes de la gangrène partielle du poumon sont extrêmement variables et diffèrent beau- coup aux diverses époques de la maladie. Le début (a) Op. cil. j pag. 3o; obs. xxv, xxvi, xxvn, xxvin, xxix et xxx. GANGRENE DU POUMON. i8y est caractérisé par des symptômes de péripneumonie légère, accompagnés d'une prostration de forces ou d'une anxiété qui ne sont nullement en rapport avec le peu de gravité des symptômes locaux et la petite étendue dans laquelle la respiration et le son man- quent. Plus tard , le malade expectore des crachats verts ou verdâtres , d'une odeur analogue à celle de la gangrène, et ensuite des crachats puri formes d'un gris tirant sur le jaune verdâtre. Dans ces deux épo- ques de la maladie , il éprouve quelquefois des dou- leurs très-vives dans la poitrine et des hémoptysies quelquefois graves et abondantes. Son teint devient pâle , oa plutôt blême et plombé. Quand la maladie passe à l'état chronique , le ma- lade éprouve une fièvre hectique constante , quelque- fois vive, mais cependant ordinairement moins intense que celle de la plupart des phthisiques ; sa peau est chaude, et quelquefois même d'une chaleur mor- dicante; ses crachats et son haleine exhalent une odeur excessivement fétide qui conserve encore quel- que chose de celle de la gangrène, et se fait sentir d'assez loin. Dans cet étal, il maigrit quelquefois avec une grande rapidité, et peut alors facilement être pris pour phthisique. Mais le plus souvent la mort arrive avant que l'amaigrissement soit porté loin, et celte maladie semble même avoir plus de tendance à pro- duire la cachexie que le marasme. aSy. Les excavations gangréneuses produisent la pectoriloquie , de même que les excavations tuber- culeuses. Quand elles communiquent à-la-fois avec la plèvre et les bronches , et qu elles ont détermine une pleurésie avec pneumo-tliorax , elles donnent i88 GANGRÈNE DU POUMON. en outre lieu au phénomène qui sera décrit dans la troisième partie de cet ouvrage sous le nom de Tin- tement métallique. a58. Je joins ici quatre observations de gangrène du poumon. Dans la première , l'eschare gangré- neuse est encore entière ; la seconde la montre à Fê- tât de bourbillon; la troisième, à celui de ramollisse- ment déliquescent, et la quatrième offre un exemple de la rupture de l'excavation gangréneuse dans la plèvre et les bronches à-la-fois, et des accidens con- sécutifs décrits ci-dessus. La seconde m'a été commu- niquée par M. Cayol ; une autre faisait partie des manuscrits inédits de M. Bayle : elle a été recueillie postérieurement à la publication de son ouvrage, et l'on y pourra voir, par les expressions dont il se sert, que ses idées sur la maladie dont il s'agit s'etaient beaucoup rapprochées de celles que renferme la des- cription que l'on vient de lire. L'observation de M. Cayol était accompagnée de réflexions et de co- rollaires tirés de sa comparaison avec plusieurs faits analogues. Je ne les ai point transcrits, parce qu'ils n'offriraient que la répétition d'une partie de ce qui a été dit ci-dessus sur l'origine, la nature et les sym- ptômes de la maladie dont il s'agit. 11 suffit que j'in- dique ici celte conformité de manière de voir qui prouve , ce me semble, en faveur d'elle-même. 2§g. Obs. xiii. Eschare gangréneuse superficielle du poumon ayant déterminé une pleurésie. - Un boucher âgé de quarante ans, d'un tempérament sanguin, d'une forte constitution, adonné aux bois- sons spirilueuses, fut affecté , à la suite d'un excès de GANGRÈNE DU POUMON." i89 vin, d'une céphalalgie très-intense et de douleurs dans les articulations. Le lendemain, il fut pris de fièvre avec délire. On le transporta alors à l'hôpital Necker. Le 28 novembre 18 f 8, jour de son entrée à l'hos- pital, il n'éprouvait, disait-il, d'autre incommodité qu'une douleur assez vive aux talons et dans les arti- culations tibio-astragaliennes. La face était très-rouge, les conjonctives un peu injectées, la peau chaude et souple, le pouls très-fréquent sans être fort. Les mains étaient tremblantes, ce que le malade attribuait à l'usage immodéré des boissons spiritueuses. La langue était humide et blanche ; il y avait soif et con- stipation sans douleurs de ventre. Les facultés intel- lectuelles paraissaient intègres. Pendant la nuit le malade est pris de délire ; il se lève et se promène dans la salle. On le replace dans son lit et on l'y maintient au moyen de la camisole. Bientôt il est agité d'un délire violent et se livre aux vociférations les plus effrayantes. 11 ne parle que de sang, d'assassins , d'animaux prêts à le dévorer, etc. L'agitation était extrême, la face très-rouge, les con- jonctives un peu injectées, la peau chaude et humide, le pouls fréquent, régulier et assez fort ; le ventre un peu dur , non douloureux à la pression. ( Douze sangsues au cou ; glace sur la tête ; sinapismes aux pieds et aux cuisses. ) Vers les huit heures du matin le délire était beau- coup moins violent, mais continuel ; du reste meme état. (Dix sangsues a chaque tempe; tisane commune; lavement purgatif; glace sur la tête.) i9° GANGRÈNE DlT POUMON. Le délire continua toute la journée. Le 3o, nuit assez calme, délire tranquille, face rouge, conjonctives injectées , yeux brillans , pu- pilles médiocrement dilatées, pouls fréquent, régu- lier, assez développé. Le lavement n'a point été rendu. (Seize sangsues autour de la télé ; glace ; sinapismes aux genoux ; diète.) Le 31 , la face reste rouge et couverte de sueur ; la langue est blanche et assez humide, la chaleur de la peau modérée, la respiration libre; délire tran- quille. (Tisane commune; épithème froid; vésicatoire à la nuque.) Ier décembre. Nuit calme, face rouge, sueur vis- queuse sur tout le corps, réponses promptes justes, cessation du délire, tremblement des mains, mouve- mens convulsifs des yeux cl des muscles de la face, mouvemens continuels de mastication, langue hu- mide et blanchâtre, point de selles, urines assez abon- dantes et un peu rouges. (Epithème froid; looch avec seize gouttes de lau- danum. ) 2 décembre. Nuit très-calme, face dans le même état que la veille, point de délire. Le malade se plaint de douleurs dans les articulations. La langue est blanche , un peu sèche au centre ; la soif vive, le ventre un peu ballonné. ( Tisane d'orge ; looch avec vingt-quatre gouttes de laudanum. ) 3 décembre. Même état. (Même prescription; on fait en outre appliquer deux sangsues à chaque tempe.) Le 4 décembre , un peu de délire pendant la GANGRÈNE DU POUMON. J9T journée : cependant le malade répond juste aux ques- tions qu'on lui fait. Face rouge, pupilles contractées, peau cliaude, souple et humide; pouls fréquent, ré- gulier , peu développé et assez mou ; langue blanche et humide, ventre ballonné, un peu sensible à la pres- sion vers la région hypochondriaque droite ; plusieurs selles dans la journée, douleurs vives dans les articu- lations scapulo-humérales. ( Tisane d'orge ; vingt-quatre grains de musc. ) Les 5 et 6 décembre, même état. ( On substitue au musc six grains de juscpiiame. ) Le 7, point d'effet marqué de la jusquiame ; météo- risme , langue sèche et un peu brunâtre, délire par instant, deux selles, pouls très-fréquent. Les 8 et 9, même état. La respiration est un peu embarrassée ; elle s'entend moins à droite au moyen du cylindre. On ne peut explorer que les parties antérieures de la poitrine, à raison de l'agitation du malade et de la difficulté de le mouvoir. Le thorax ré- sonne médiocrement, mais également de chaque côte. ( Vingt-quatre grains de jusquiame. ) Le io , langue fuligineuse , affaissement des traits de la face , pouls faible , petit et irrégulier ; météo- risme , diarrhée, respiration stertoreuse. Le 11 décembre , mort à quatre heures du matin. Ouverture du cadavre jaite vingt-quatre heures après la mort. - Cadavre d'un homme de cinq pieds quatre pouces. Embonpoint médiocre , muscles sail- lans , poitrine large et bien conformée ; deux petits ulcères au sacrum. Peu de sang s'écoula à l'ouverture du crâne ; 1 hé- misphère gauche du cerveau était un peu plus volu- lu- GANGRÈNE DU POUMON. mineux que le droit, par une disposition naturelle ; dans l'un et l'autre, les circonvolutions étaient très- marquées. La pie-mère, comme boursouïïlée , était infiltrée d'un peu de sérosité ; les ventricules latéraux contenaient environ une demi-once de sérosité trans- parente ; à la base du crâne, il y en avait environ une once. La substance cérébrale était ferme ; celle du cervelet et de la protubérance annulaire paraissait l'être moins que dans l'état naturel. Le poumon droit adhérait antérieurement à la plèvre costale par une fausse membrane grisâtre, molle , facile à déchirer ; la base du poumon était unie au diaphragme par une membrane de même na- ture. Le côté droit de la poitrine contenait environ une pinte et demie d'un liquide séro-purulent. Le pou- mon du même côté , réduit à-peu-près à moitié de son volume naturel, ne contenait qu'une très-petite quantité d'air ; son tissu, sain dans presque toute son étendue , offrait vers sa base et en arrière une tache d'un noir verdâtre, de la grandeur des plus grandes fèves de marais, répandant une odeur gangréneuse , infecte et nauséabonde ; sa consistance était humide, et son aspect était analogue à celui de l'eschare pro- duite par l'application de la potasse caustique ; on la réduisait en putrilage en la grattant avec le scalpel. Celte tache ou eschare pénétrait d'environ six lignes dans le tissu du poumon , auquel elle adhérait inti- mement, et qui offrait autour d'elle, et à la distance d'environ un pouce, la densité hépatique et un tissu rouge et grenu à l'incision. Le poumon gauche offrait une couleur marbrée ; son tissu était sain et bien cré- pitant. - Le cœur , d'un volume naturel, était très- GANGRÈNE DU POUMON. ic)3 bien proportionné ; ses ventricules contenaient quel- ques concrétions polypiformes. La membrane muqueuse de l'estomac était pâle ; il y avait seulement un peu de rougeur vers l'orifice car- diaque. L'intestin grêle présentait, dans toute son éten- due , une couleur jaune foncée qui ne disparaissait pas par le lavage. Il n'y avait pas d'ulcérations dans le cæcum , non plus que dans le reste du gros in- testin. Tous les autres organes étaient sains. 240. Obs. xiv. Gangrène du poumon , eschares gangréneuses détachées et formant bourbillon (à). '- Un agent de police , âgé de cinquante-trois ans , grand, bien constitué , d'un tempérament bilieux et lymphatique , était malade depuis six semaines lors- qu'il entra à l'hôpital de la Charité le 16 juin 1811; il avait la respiration gênée, une toux fréquente, assez facile, avec expectoration de crachats jaunes , opa- ques , assez épais, et remarquables par une odeur très- infecte , analogue à celle de la gangrène ; l'haleine avait cette odeur plus encore que les crachats : la poi- trine résonnait bien par-tout. Depuis le début de la maladie, il était dans un état de faiblesse qui aug- mentait chaque jour. Les chairs étaient molles, le teint fort blême, et l'amaigrissement peu marqué. Depuis le jour de son entrée jusqu'à sa mort, on remarqua peu de changement dans les symptômes ci- dessus ; la maigreur fit peu de progrès ; les chairs devinrent de plus en plus molles et flasques , et, les (a) Par M. Cayol, D. M. P. icj4 GANGRÈNE DU POUMON. derniers jours , les mains s'infiltrèrent ; l'odeur gan- gréneuse de l'haleine devint de plus en plus pro- noncée. Les quinze ou vingt derniers jours, le ma- lade restait toujours couché sur le côté droit. Il n'y eut ni hémoptysie, ni altération dans les facultés in- tellectuelles. Le 20 juillet, au matin, il se trouvait un peu mieux : cependant, à l'approche de la nuit, il prévit qu'il ne la passerait pas. Il mourut effective- ment vers huit heures du soir. Ouverture du cadavre faite dix heures après la mort. -La peau était pâle et jaunâtre, les chairs molles et dans un état voisin de l'infiltration ; mais il n'y avait d'oedème bien marqué qu'aux mains et aux avant-bras ; les yeux étaient ouverts et encore assez brillans ; les traits de la face n'étaient pas altérés ; la roideur cadavérique, assez prononcée aux membres infé- rieurs , l'était peu aux membres supérieurs, et n'exis- tait pas encore au cou et à la tète. Le thorax, large et bien conformé , résonnait bien à droite, et presque comme un tambour à gauche ; ce qui fît penser à M. Bayle qu'il y avait pneumo- thorax de ce côté. Cette opinion fut bientôt confir- mée par l'issue avec sifflement d'une assez grande quan- tité de gaz extrêmement fétide, à travers une petite ouverture pratiquée au milieu d'un espace intercostal. Ce côté de la poitrine renfermait, en outre, deux ou trois pintes d'une sérosité noirâtre, bourbeuse , d'une fétidité repoussante. Le poumon, noirâtre et refoulé à la partie supérieure de la poitrine et vers le médiastin , semblait au pre- mier coup d'œil presque entièrement détruit ; il avait à peine le cinquième de son volume, et présentait à son GANGRÈNE DU POUMO1V. '95 sommet une cavité anfractueuse capable de loger un œuf de cane. La substance pulmonaire qui formait en dehors les parois de cette cavité était si mince et si facile à déchirer , que , quoique nous ayons trouvé la cavité ouverte après l'écoulement du liquide renfermé dans la poitrine , nous n'oserions assurer que cette ouver- ture n'avait pas été produite en cherchant à détruire les adhérences de cette partie du poumon ; cependant M. Bayle penchait à croire qu'elle s'était produite long-temps avant la mort : quoiqu'il en soit, la cavité était pleine du même liquide que ce côté de la poi- trine. Sa surface interne n'offrait aucune trace de cet enduit purulent , membraniforme , qu'on trouve or- dinairement dans les cavités ulcéreuses du poumon, et l'on y voyait à nu le tissu pulmonaire devenu noi- râtre , mou, très-facile à déchirer ; elle était anfrac- tueuse , et les anfractuosités formaient comme autant de cavités secondaires et inégales. Chacune de ces ca- vités secondaires, ainsi que la cavité principale, conte- nait , indépendamment du pus dont nous avons parlé plus haut , des masses putrilagineuses entièrement isolées , d'un jaune brun , se déchirant très-facilement, et se résolvant en une sorte de putrilage assez sem- blable à un paquet de filasse putréfiée. Celle de la grande cavité avait à-peu-près le volume d'une noix ; le volume des autres était proportionné à la grandeur des cavités qui les renfermaient. On voyait encore dans le centre de ces masses putrilagineuses beaucoup de filamens noirâtres analogues au tissu pulmonaire , ce qui indiquait qu'elles n'étaient que des eschares dé- tachées du poumon ; et en efïet, elles avaient une grande analogie avec les lambeaux de tissu cellulaire J96 GANGRÈNE DU POUMON. gangrenés et putréfiés qu'on relire de certains abcès très-considérables et compliqués de gangrène. Tout le lobe supérieur du poumon était si inti- mement adhérent à la plèvre costale qu'il était tout- à-fait impossible de l'en séparer. Le tissu pulmonaire, dans l'endroit de celte adhérence , était plus dur que dans l'état ordinaire ; mais par-tout ailleurs , dans les parois de la cavité ulcéreuse comme dans tout le lobe inférieur, il était noirâtre , mou, sans élasticité, sans trace d'inflammation ni de tubercules. La plèvre qui le recouvrait, dépouillée de l'enduit pultacé noirâtre qu'y avait laissé le pus épanché , paraissait à peine un peu plus épaisse et un peu plus opaque que dans l'état ordinaire, mais sans rougeur ni injection. La plèvre costale , dans l'endroit de son adhérence avec le poumon , était très-épaissie , dure , comme fibreuse, noirâtre, et tout-à-fait identifiée avec le tissu pulmonaire. Dans le reste de son étendue , elle était recouverte par une fausse membrane d'une demi-ligne au moins d'épaisseur, et qui s'en détachait avec la plus grande facilité. Cette fausse membrane, brune à sa surface interne , probablement à cause de son contact avec la sérosité brune et bourbeuse dont j'ai parlé , était jaune dans toute son épaisseur , homogène, de la consistance du blanc d'œuf cuit; en un mot, elle avait tous les caractères des fausses membranes albumi- neuses récentes. Quant à la plèvre elle-même , elle était à-peu-près dans son état naturel, et l'on distin- guait à travers elle les côtes et les muscles intercostaux ayant une légère teinte brune, différente de celle que détermine un commencement de putréfaction (d'ail- leurs le sujet était encore chaud ). GANGRÈNE DU POUMON. '97 Le côté droit de la poitrine renfermait environ une pinte de sérosité roussâtre et limpide. La plèvre n'offrait aucune altération , et le poumon, libre de toutes parts, crépitant quoique peu élastique , était d'ailleurs parfaitement sain. La matière noire pulmo- naire y était très-abondante , et on y voyait en outre quelques petites masses noires d'une grosseur apprécia- ble, ou même égale à celle d'un grain de blé, et d'une consistance plus forte que celle du blanc d'œuf durci. La membrane muqueuse de la trachée-artère était d'un rouge livide très-intense , surtout à l'endroit de sa division en bronches. Cette teinte, qui s'éten- dait très-peu dans la bronche du côté droit , se pro- longeait jusque dans les deuxième et troisième divi- sions de la bronche gauche; mais ensuite la membrane muqueuse des ramuscules bronchiques, et de ceux même qui s'ouvraient dans la cavité ulcéreuse , re- prenait sa couleur naturelle. Dans le larynx, la membrane muqueuse était à peine un peu plus rouge que dans l'état naturel. Le cœur et les gros vaisseaux, ainsi que les viscères abdominaux , n'offrirent rien de remarquable. 241 • Obs. xv. Gangrène partielle du poumon; es- chare tombée en déliquium putride («).-Un homme âgé de quarante-cinq ans , d'une forte constitution , d'un tempérament bilieux , était affecte depuis trois mois de coryza continuel, ou plutôt d enchifrenement. Depuis la même époque, il avait de temps en temps de la fièvre; il avait maigri considérablement, et 11 était (a) Par M. Bayle. i98 GANGRÈNE DU POUMON. plus en état de travailler lorsqu'il entra à l'hôpital de la Charité le i5 octobre 1811. Voici ce qu'il présentait alors de remarquable. La partie supérieure du nez paraissait plus large que dans l'état naturel ; de sorte qu'à l'aspect du malade, on soupçonnait un polype dans les fosses nasales. Cepen- dant on n'en voyait aucune trace en regardant dans le fond de la gorge. Le malade ne se plaignait d'autre chose que d'un enchifrènement continuel, de n'avoir pas d'appétit, et de perdre ses forces de jour en jour. 11 avait une petite toux assez fréquente ; mais il n'ex- pectorait autre chose que de la salive. Il n'avait ja- mais craché de sang , n'avait aucune douleur de poi- trine, se couchait indifféremment sur les deux côtés , et n'avait d'autre gêne de la respiration que celle qui paraissait résulter de l'embarras des fosses nasales. La toux paraissant dépendre uniquement de l'écou- lement du liquide qui, «des fosses nasales, tombait dans l'arrière-bouche, on pensa que le malade n'a- vait autre chose qu'un polype , et on le lit transférer dans les salles de chirurgie, où il mourut au bout d'environ deux mois , le 20 décembre 1811. Dans cet espace de temps, il toussa de plus en plus ; il eut, dans les derniers temps, la respiration très- gênée et une douleur vive dans la région du larynx , ce qui fit penser à M. Boyer qu'il était atteint de phthisie laryngée. Ouverture. Le sujet était très-amaigri, mais cepen- dant encore assez charnu. On ne trouva aucune lésion dans l'abdomen ni dans le crâne. Le larynx était sain et pâle, et n'offrait absolument GANGRÈNE DU POUMON. '99 aucune lésion. - La trachée-artère , examinée jusque dans ses troisièmes ramifications, ne présentait aucune trace d'inflammation ; elle était par-tout pâle, et ren- fermait seulement une assez grande quantité d'un mu- cus très-liquide. Le poumon droit offrait un grand nombre d'adhé- rences celluleuses fort serrées et d'ancienne date ; il était d'ailleurs sain dans son tissu. Le poumon gauche était dense , d'un rouge livide dans sa moitié inférieure , qui avait un volume con- sidérable. Elle était dans un état d'engouement très- prononcé et très-voisin de l'hépatisation ; mais ce der- nier état n'était nulle part bien marqué. On trouvait, vers la partie inférieure du lobe inférieur de ce pou- mon , une portion de la substance pulmonaire ré- duite en une sorte de putrilage grisâtre et d'une odeur gangréneuse, semblable à celle des ulcères gangréneux qui constituent souvent la phthisie pulmonaire ulcé- reuse. Celte substance putrilagineuse était parfaitement continue avec la substance pulmonaire environnante , qui n'était que rouge et engorgée , et sur laquelle elle tranchait par sa couleur et sa consistance. Il n'y avait point de cavité avant qu'on eût enlevé cette substance putrilagineuse , qui n'avait pas de forme régulière ni bien circonscrite, et dont le volume pouvait être évalué à celui d'une grosse noix. Le poumon n'oflrait d'ailleurs aucune autre lésion ; il ne contenait point de tubercules, et adhérait comme le droit à la plèvre costale par un tissu cellulaire assez abondant. Le cœur était parfaitement sain. 242. Obs. xvi. Pleurésie et pneumo-thorax peu 200 GANGRENE DU POUMON. suite de la rupture, dans la plèvre , d'un abcès gan- gréneux du poumon. -* Michel Hardy, journalier, âgé de quarante-deux ans , d'un tempérament bi- lieux, d'une bonne constitution, marié, travaillant au flottage des bois, s'était bien porté jusqu'à l'âge de vingt ans. A cette époque il eut une fièvre tierce qui dura un an ; apres quoi elle devint quarte et dura en- core six mois. Deux ans après , il éprouva pendant un mois une céphalalgie violente, qui céda à l'usage des bains de pieds froids. Cette céphalalgie reparut trois fois à des intervalles de six mois ou un an. Il se porta bien ensuite jusqu'à l âge de trente-six ans, qu'il fut pris , en travaillant, de douleurs très- vives entre les deux épaules. Il entra à l'hôpital de clinique de la Faculté. On lui appliqua deux moxa , l'un sur la quatrième vertèbre dorsale , l'autre sur la huitième ou neuvième. Les douleurs cessèrent aussi- tôt après l'application des moxa. Le malade rèsta quinze jours à l'hôpital ; après quoi il reprit son tra- vail habituel, quoique les plaies des deux moxa con- tinuassent à suppurer. Au bout de six mois, la sup- puration s'arrêta et les douleurs reparurent. Le ma- lade rentra à l'hôpital de clinique. On lui fit des fric- tions avec le linimént volatil ; les douleurs diminuè- rent , mais ne cessèrent pas entièrement. 11 sortit de l'hôpital après deux mois de séjour , et y rentra en- suite deux autres fois à cinq ou six mois d'intervalle. Vers les premiers jours d'avril 1818, il prit, par le conseil d'un empirique, deux bouteilles de jus d'herbes : ce qui lui procura plusieurs selles , à la suite desquelles les douleurs cessèrent; mais l'appétit se perdit, et il survint de la toux avec une expectoration GANGRÈNE DU POUMON. 201 abondante , tellement fétide quelle lui causait un dé- goût extrême , et souvent même des nausées. Cet état continuant , le malade entra à l'hôpital Necker le 5o mai 1818 , et présenta l'état suivant. Embonpoint médiocre, peau brune , décubitus pouvant avoir lieu sur tous les côtés , plus facile sur le côté gauche ; toux fréquente , et le plus souvent par quintes ; expectoration assez abondante, jaune et opaque ; la respiration s'entendait très-bien à droite, beaucoup moins à gauche et avec un râle muqueux ; la poitrine résonnait un peu moins à gauche tant an- térieurement que postérieurement. D'après ces signes, on porta le diagnostic suivant : péripneumonie chro- nique légère , occupant le centre du poumon gauche. Le cœur était dans l'état naturel. Du 3o mai au 7 juin, même état. Le 7 juin, après les quintes de toux, le cœur don- nait une impulsion assez forte. La respiration s'enten- dait bien dans le côté droit; mais à gauche, on ne l'entendait plus du tout, si ce n'est vers le sommet du poumon, où elle était beaucoup plus faible queles pre- miers jours, et à sa racine, où , au contraire, elle s'en- tendait beaucoup mieux. Le côté gauche de la poitrine résonnait encore plus mal que le jour de l'entrée du malade. D'après ces signes, je fis ajouter à la feuille du diagnostic : la péripneumonie a commencé a se résoudre vers la racine du poumon ; mais il est sur- venu une pleurésie avec épanchement séro-purulent dans la plèvre gauche. Le 12 juin, la respiration s'entendait, mais très-peu, sous la clavicule gauche, l e 16, on pouvait soupçonner plutôt que l'on n'en- tendait le bruit de la respiration dans la moitié ante- □ 02 GANGRÈNE DU POUMON. rieure-supérieure gauche de la poitrine et dans le côté. Le son était redevenu très-clair dans cette étendue. D'après ce signe , je fis ajouter au diagnostic du 7 juin, pneunio-thorax. Le malade toussait beaucoup; les crachats étaient assez abondans, opaques et filans. La céphalalgie était intense, surtout dans les quintes de toux, au milieu desquelles le malade était souvent pris de vomissemens. Le 17 juin, la respiration s'entendait peut-être un peu mieux dans la partie du côté gauche désignée ci- dessus. La douleur du dos, qui avait disparu depuis le mois d'avril, se manifesta de rechef entre les cin- quième et sixième côtes gauches. Cette douleur était très-vive, et il semblait au malade qu'elle était mo- bile , mais sans sortir de l'intervalle indiqué. Du 17 au 24, même état. La douleur était toujours aussi forte; le malade se couchait alternativement sur les deux côtés ; mais restait beaucoup plus long-temps sur le gauche. Le 24, la respiration s'entendait moins et avec un léger râle au sommet de l'épaule gauche, entre la cla- vicule et le muscle trapèze. Le cœur avait assez d'im- pulsion. On n'entendait pas la respiration sous la cla- vicule gauche. Le côté gauche de la poitrine paraissait plus étroit postérieurement que le droit. Du 24 juin au ier juillet, même état. Le ier juillet, la respiration ne s'entendait pas à gauche. Le 5 , la poitrine résonnait également bien dans les deux parties antérieures et latérales. La respiration s'entendait bien à droite, nullement à gauche, tant antérieurement que postérieurement , excepté à la ra- GANGRENE DU POUMON. 2o5 cine du poumon , et peut-être un peu sous la clavi- cule. Le malade avait éprouvé des douleurs plus vives dans le dos ; depuis la veille, la toux était plus vio- lente; vers midi, il eut une quinte très-forte pendant laquelle il ressentit une douleur vive et déchirante dans le côté gauche. Il expectora dans l'espace de quelques minutes environ une demi-pinte de crachats jaunes, opaques, un peu filans, et paraissant con- tenir du pus en grande quantité. Cette expectoration sembla soulager et affaiblir à-la-fois le malade. Du 5 au 7 , même état. Expectoration abondante pendant les quintes de toux. Le 7, la respiration ne s'entendait nullement sous la clavicule gauche quoique la poitrine sonnât bien dans cet endroit. La poitrine résonnait moins bien en arrière du même côté. On entendait un peu la respiration dans la fosse sus-épi- neuse et au-dessus de la clavicule gauche. Dans la nuit du 7 au 8, douleur plus vive dans le dos, difficulté plus grande de respirer, expectoration la même. Le 8, la respiration s'entendait un peu sous la clavicule gauche et sans aucun râle jusqu'à la troi- sième ou quatrième côte, mais beaucoup moins qu'à droite. L'impulsion du cœur était plus forte sous la clavicule gauche qu'à la région du cœur. Cette impul- sion se faisait un peu sentir en arrière du côté gauche, où l'on entendait aussi un peu la respiration vers la racine du poumon, mais beaucoup moins qu'à droite. Du 8 au 17 juillet, même état. La céphalalgie et la toux privaient le malade de sommeil ; l'anxiéle était très-marquée, l'appétit encore bon; l'expectoration, par instant très-difficile, nécessitait des efforts qui provoquaient le vomissement. 204 GANGRÈNE DU POUMON. Le 17,la poitrine résonnait un peu mieux dans le côté droit du dos que dans le gauche, mais cependant la différence n était pas très-tranchée.La pectoriloquie, cherchée dans plusieurs points, ne fut point trouvée. La voix frémissait seulement avec plus de force entre le hord interne de l'omoplate et l'épine, vers la racine du poumon («). La respiration était dans le même état. Le 18, le malade éprouvait des douleurs assez vives qu'il rapportait aux régions épigastrique et hypochon- dnaques. Le ventre était un peu tendu et les urines ne coulaient pas. Même état du reste. Du 18 au 24 , même état. Le 24 , face plus altérée, anxiété plus grande, douleurs extrêmes en toussant, expectoration peu abondante. («) On ne devait rien conclure de ce frémissement plus fort qui, à raison du lieu, devait être attribué aux gros troncs bronchiques. Si l'on eut exploré un peu plus bas, on eût re- connu infailliblement l'ulcère par une pectpriloquie plus évi- dente. On n'a point entendu non plus chez ce malade le tin- tement métallique dont il sera parlé dans la troisième partie de cet ouvrage. Il est probable que ce phénomène n'avait pas lieu, ou au moins il ne pouvait exister que très - rarement, et pendant des intervalles très-courts, à raison de la position déclive de l'ouverture de l'ulcère : au reste, ce phénomène n'aurait été utile au diagnostic qu'en avertissant de chercher avec plus de soin l'ulcère dont il suppose toujours l'existence préalable ; car le pneumo-thorax et l'épanchement liquide étaient déjà, comme on l'a vu, suffisamment constatés. La contre-épreuve par la commotion, qui nécessairement aurait eu ici un résultat positif, comme le prouveront les faits ex- posés dans la troisième partie, a été négligée, ou au moins il n en est pas fait mention dans les notes recueillies au lit du malade , d'après lesquelles cette observation a été rédigée. GANGRÈNE DU POUMON. 205 Du 24 juillet au Ier août, exacerbation des sym- ptômes, anxiété extrême, écume à la bouche, suffo- cation imminente , face violette. Mort dans la nuit du 3i juillet au Ier août. Ouverture cadavérique faite vingt-quatre heures après la mort. - Cadavre de cinq pieds un pouce, maigreur peu marquée, front sillonné de rides longi- tudinales , surtout au-dessus du nez ; peau d'une cou- leur jaune terreuse; lèvres violettes, couvertes de sa- live écumeuse. Le crâne ne fut pas ouvert. Le côté gauche de la poitrine était visiblement plus petit que le droit (tz). La poitrine , percutée, rendait un son assez bon par-tout antérieurement, moins bon ou mauvais postérieurement à gauche. Lorsque le scalpel pénétra dans la cavité gauche de la poitrine, il en sortit, avec sifflement, une quantité assez considérable ( à en juger par le temps que dura ce sifflement) d'un gaz fétide, répandant une odeur d'hydrogène sulfuré insupportable et analogue à celle de la gangrène. Le poumon gauche, refoulé vers la colonne verté- brale et le médiastin, adhérait aux cartilages des côtes par son bord antérieur, au moyen d'une exsudation pseudo - membraneuse d'un blanc très - légèrement jaune, et dont la consistance était analogue à celle du blanc d'œuf cuit, avec beaucoup plus de lermete. 11 (dj Ce fait est propre à prouver que le rétrécissement de la poitrine à la suite des épanchemens thoraciques peut com- mencer long-temps avant qu'il y ait une absorption notable et efficace , et que la dilatation du côté affecté est loin détre uu signe constant de l'empyème. 2OG gangrène du poumon. adhérait au médiastin et à la portion postérieure des côtes jusqu'à leurs angks par une fausse membrane molle, jaunâtre, épaisse d'une ligne à une ligne et demie, et dans laquelle on remarquait un commencement d'organisation. La plèvre costale et la face externe du poumon étaient recouvertes d'une fausse membrane semblable, enduite en dedans d'une couche de pus d'un jaune verdâtre, friable, demi-liquide, que l'on enlevait facilement avec le manche du scalpel sans al- térer la fausse membrane. L'espace compris entre le poumon et les côtes était à moitié vide, ce qu'on ne pouvait attribuer qu'à la sortie de l'air lors de l'ouverture de la poitrine. Le reste de cet espace était rempli par un liquide jaunâtre, demi-transparent. Au fond était déposée une assez grande quantité de matière purulente semblable à celle qui recouvrait la plèvre pulmonaire et costale, mais plus liquide. La base du poumon adhérait dans toute sa circon- férence au diaphragme, par une fausse membrane analogue à celles qui formaient les autres adhérences. Cette adhérence presqu'intime n'était interrompue que vers la partie antérieure du poumon, et dans une étendue d'un pouce et demi seulement. En enlevant le poumon, on trouva à la partie moyenne de sa face inférieure une ouverture à bords minces, noirâtres, inégaux et comme lacérés, dans laquelle on aurait pu introduire une grosse plume d'oie. La couleur noire s'étendait circulairement à deux ou trois lignes du bord de l'ouverture, en formant une tache qui, par son ramollissement hu- mide ainsi que par son odeur et son exacte circon- GANGRÈNE DU POUMON. 207 scription, avait tout-à-fait les caractères d'une eschare gangréneuse. L'ouverture située au milieu de cette eschare con- duisait, après un trajet de quatre à six lignes, à une cavité capable de loger une grosse noix, et placée dans la partie moyenne ou centrale de la base du poumon- Les parois de cette cavité présentaient plusieurs an- fractuosités irrégulières , et étaient tapissées par une fausse membrane d'un blanc grisâtre, sale et enduite de matière purulente de couleur cendrée. Cette exca- vation était évidemment le foyer de l'odeur gangré- neuse que l'on avait sentie à l'ouverture de la poitrine r car elle l'exhalait d'une manière beaucoup plus forte. Plusieurs rameaux bronchiques venaient s'y ouvrir. Le tissu du poumon était flasque , carnifié, et con- tenait peu de sang ; sa densité était plus grande et presque hépatique dans les parois de l'excavation et dans un rayon d'un demi-pouce autour. Les ramifications bronchiques, au voisinage de l'ul- cère , étaient très-dilatées. Plusieurs des plus super- ficielles, et qui, dans l'état naturel, n'auraient pu. admettre une plume de corbeau, avaient acquis le diamètre d'une petite plume d'oie ; leur membrane muqueuse était rouge , et couverte d une mucosité puriforme , sanguinolente et spumeuse. Le poumon droit, volumineux, était sain et très- crépitant dans toute son étendue ; il adhérait au som- met de la cavité de la plèvre par deux ou trois lames celluleuses longues d'un pouce et bien organisées. Il n'y avait de tubercules ni dans l'un ni dans 1 autre poumon. Le cœur était sain et de bonne proportion. Les in- 208 GANGRENE DU POUMON. testins étaient fortement distendus par des gaz. Le foie n'offrait rien de remarquable. La vésicule biliaire, aussi distendue que celle d'un veau, contenait une bile verte foncée. La rate offrait à sa face externe une couleur rouge pâle. Elle était couverte en cet endroit d'une fausse membrane molle et jaunâtre. L'estomac présentait de la rougeur dans presque toute son étendue, et contenait un ver lombric. Les autres organes étaient sains. 243. Outre les affections essentiellement gangré- neuses du poumon dont nous venons de donner des exemples, il existe une autre espèce de gangrène cir- conscrite du poumon : c'est celle qui survient quel- quefois dans les parois d'une excavation tuberculeuse. Ce cas est des plus rares ; il l'est au moins dix fois plus que la gangrène essentielle du poumon : il rentre cependant dans l'analogie de cas qui sont fort communs ; car il se forme souvent à la surface des cancers de l'utérus, de ceux de l'estomac et même de ceux de la mamelle, une eschare peu profonde, d'un gris verdâtre et sale ou même noirâtre , qui tombe en putrilage et exhale l'odeur de la gangrène. Quelquefois même cette eschare envahit peu à peu la presque totalité de la masse cancéreuse, et la détruit successivement. Peut-être même certains cancers utérins, dans les- quels on ne trouve autre chose, à l'ouverture des ca- davres , qu'une destruction plus ou moins complète de cet organe par une espèce d'ulcère phagédénique et très-superficiel, au-dessous duquel ce qui reste du tissu utérin paraît sain et sans aucune infiltration GANGRÈNE DU POUMON. de matières cancéreuses quelconques, ne sont-ils autre chose qu'une destruction du cancer par la gangrène. Je serais d'autant plus porté à le croire , que le fond et les bords de ces ulcères présentent un mélange de teintes livide, brune, noire, verte, ver- dâtre et grisâtre, et que l'odeur exhalée par les parties affectées est tout-à-fait analogue à celle de la gangrène. 244. Lorsqu'une affection semblable se développe dans une excavation tuberculeuse , ses parois , dans l'épaisseur d'une ou de deux lignes , sont converties en une eschare gangréneuse molle, humide, d'une cou- leur sale tirant sur le gris , le brun, le vert ou le noir. On ne distingue plus , dans cette eschare, l'en- gorgement gris qui entoure o dinairement les exca- vations tuberculeuses ; mais on y distingue encore les tubercules crus qui y sont compris , quoiqu'ils soient souillés de la couleur de l'eschare. Cette eschare, après s'être ramollie, est expectorée peu à peu ; mais, de même que dans les ulcères qui succèdent à la gan- grène essentielle du poumon , les parois de l'excava- tion continuent, long-temps encore après la destruc- tion totale de l'eschare, à sécréter un pus grisâtre, Sanieux , et d'une fétidité gangréneuse bien marquée. Cette fétidité , la couleur verdâtre ou grisâtre des crachats et la prostration extrême des forces , indi- quent cette gangrène ainsi que celle qui a été décrite ci-dessus. 22g et suivons.) Il serait cependant facile de l'en distinguer si l'on avait suivi le malade et reconnu la pectoriloquie an- térieurement à l'époque de l'apparition des symptô- mes dont il s'agit. 209 7.Ï&- EMPHYSÈME DU POUMON. CHAPITRE III. DE LE M PH YSÈME DU PO U M ON. 245. La maladie que je désigne sous ce nom est fort peu connue, et n'a été jusqu'ici exactement décrite par aucun auteur. Je l'ai cru long-temps très-rare, parce que je ne l'avais rencontrée ou remarquée qu'un petit nombre de fois. L'usage du cylindre m'ayant conduit à en soupçonner l'existence chez plusieurs malades, et l'autopsie ayant vérifié ce diagnostic , j'ai lieu de croire qu'elle est assez commune ; que beaucoup d'asthmes regardés comme nerveux dé- pendent de cette cause, et qu'elle n'a échappé pres- que entièrement aux recherches des anatomistes que parce qu'elle n'est en quelque sorte qu'une exagéra* lion de l'état naturel du poumon. 246. Pour donner une. idée exacte de la lésion dont il s'agit, il convient de rappeler quelques faits relatifs à l'organisation du tissu pulmonaire. Si l'on examine à un beau jour la surface d'un poumon sain , la transparence de la plèvre qui en forme l'enveloppe extérieure permet de reconnaître , même à l'œil nu, que son parenchyme est formé par l'aggrégalion d'une multitude de petites vésicules irrégulièrement sphé- roïdes ou ovoïdes, pleines d'air, et séparées par des cloisons blanches et opaques. Ces vésicules, qui se pré- sentent à la surface du poumon sous l'apparence de petits points transparens, ne paraissent pas absolument égales entre elles ; les plus vastes présentent tout au EMPHYSÈME DU POUMON-.' 21 I plus le tiers ou le quart du volume d'un grain de elles sont groupées par masses ou lobules que séparent des cloisons plus épaisses et plus opaques que celles des cellules aériennes, quoique fort minces encore et formées de tissu cellulaire fortement con- densé. Ces cloisons, qui pénètrent le poumon dans tous les sens , forment, en se coupant sous divers angles à sa surface, des espèces de losanges, de carrés, de trapèzes ou de triangles irréguliers. C'est le long des lignes qui dessinent ces figures que se dépose le plus abondamment la matière noire pul- monaire dont nous avons déjà parlé, et sur laquelle nous aurons encore occasion de revenir. Dans l'emphysème du poumon, la grandeur de ces vésicules devient beaucoup plus considérable et moins uniforme ; celle du plus grand nombre égale ou surpasse un peu le volume d'un grain de millet; quelques-unes atteignent celui d'un grain de chenevis, d'un noyau de cerise ou même d'une fève de haricot. Ces dernières sont probablement dues à la réunion de plusieurs cellules aériennes par suite de la rupture de leurs cloisons intermédiaires ; quel- quefois cependant elles semblent évidemment formées par la dilatation d'une cellule unique. Les vésicules les plus dilatées ne dépassent sou- vent nullement la surface du poumon ; d'autres fois elles y forment une légère saillie. Dans ce dernier cas, elles donnent au tissu pulmonaire une ressemblance frappante avec les poumons vésiculeux des animaux de la famille des batraciens. Quelquefois, quoique plus rarement, on voit des vésicules aériennes distendues jusqu'à la grosseur d'un 212 EMPHYSÈME DU POUMON. noyau de cerise et même au-delà , lout-à-fait saillantes à la surface du poumon, assez exactement globuleuses, et comme pédiculées. Si on les incise , on reconnaît qu'elles n'ont point de pédicules réels, mais seule- ment un simple étranglement au point où elles commencent à s'élever au-dessus de la surface du poumon. Leur cavité, d'ailleurs, s'étend au-dessous de ce point ; elles forment en cet endroit un creux dont les parois ne s'affaissent point par l'incision, comme la partie saillante; et au fond de ce creux on aperçoit de petites ouvertures par lesquelles la cellule aérienne ainsi dilatée communique avec celles qui l'avoisinent et avec les bronches. On reconnaît que les vésicules ainsi saillantes sont ducs à la dilatation d'une cellule aérienne, et non point à l'extravasation de l'air sous la plèvre , non-seulement à la prolon- gation de leur cavité dans la substance du poumon, mais encore à ce que l'on ne peut les déplacer et les faire voyager sous celte membrane en les poussant avec le doigt. 247- Tant que la maladie se borne là, l'air est encore renfermé dans ses vaisseaux propres, et la maladie consiste uniquement en une distension per- manente , excessive et contre nature des cellules aériennes ; mais lorsque cette distension devient trop considérable ou se fait d'une manière trop rapide , les cellules aériennes se rompent dans quelques points, et il se fait dans le tissu cellulaire ambiant du pou- mon une véritable infiltration d'air tout-à-fait sem- blable à celle qui a lieu dans l'emphysème sous- cutané. On trouve alors, à la surface du poumon, des EMPHYSÈME DU POUMON. 2l5 vésicules de forme irrégulière, et qu'on peut facilement déplacer en les poussant avec le doigt. Leur volume varie depuis celui d'un grain de chencvis jusqu'à celui d'une noix ou même d'un œuf. Ces vésicules, de même que les cellules aériennes dilatées , ne con- tiennent absolument que de l'air , qui s'en échappe lorsqu'on les perce avec la pointe d'une aiguille. Quelquefois l'air , quoique réellement extravasé sous la plèvre, ne peut être déplacé avec le doigt, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Cela arrive quand l'extravasation a lieu au point de réunion des cloisons qui séparent les diverses masses de cellules aériennes, et dessinent à la surface du poumon des espèces de losanges. L'air sorti des cellules aériennes rompues se creuse alors en cet endroit une petite cavité ; l'ampoule qui en résulte affecte une forme triangulaire, et ne fait pas de saillie notable à la sur- face du poumon. 248. Je n'ai jamais vu l'infiltration de l'air péné- trer plus loin dans l'épaisseur de ces cloisons inter- lobulaires ; je ne l'ai jamais trouvée non plus dans le tissu cellulaire qui accompagne les gros troncs san- guins et bronchiques ; mais j'ai vu des ruptures inté- rieures du tissu pulmonaire occasionnées par l'excès de distension des cellules bronchiques. Cette lésion présente les caractères suivans : dans le point du pou- mon correspondant à la rupture, on voit une bosselure irrégulière et de grandeur variable , sur laquelle les cellules aériennes présentent d'ailleurs le même état de dilatation que dans les autres points de la surface du poumon. En incisant en cet endroit, on trouve , à une profondeur variable , une cavité proportionnée 2l4 EMPHYSÈME DU POUMON. à la grandeur de la bosselure , et d'où il s'échappe de l'air. Cette cavité contient quelquefois, en outre, un peu de sang , tantôt caillé , tantôt comme décompo- sé , mais toujours en petite quantité , comparative- ment au volume de la cavité et à ce que l'on trouve dans les cas d'aploplexie pulmonaire dont il sera parlé par la suite. Les cellules aériennes qui forment immé- diatement les parois de l'excavation sont affaissées, et ne présentent plus, ni à l'œil nu ni à la loupe, la forme globuleuse qui leur est naturelle. A une très- petite distance , au contraire, on trouve toutes les cellules aériennes distendues par l'air. 249- Les rameaux bronchiques, et particulière- ment ceux d'un petit calibre, sont quelquefois dilatés d'une manière évidente dans les parties du poumon où l'emphysème existe. Cette disposition est facile à constater par la comparaison des parties saines , lors- qu'une portion seulement du poumon est affectée d'emphysème. On la conçoit sans peine , et il est meme difficile de comprendre qu'elle ne soit pas plus commune , puisque la cause qui dilate les cellules aériennes doit également agir sur les bronches. Néan- moins elle est assez rare. 2Ôo. L'emphysème peut attaquer les deux pou- mons à-la-fois, un seul, ou une partie seulement de l'un d'eux ou de chacun d'eux. Dans ce dernier cas, et même dans tous ceux où la maladie n'est pas très- considérable , et où il n'existe pas de vésicules d'un certain volume saillantes à la surface du poumon , il est très-facile de méconnaître la maladie à l'ouverture des cadavres, et je regarde comme certain que les mé- decins qui se sont le plus livrés à l'étude de l'anatomie EMPHYSÈME DU POUMON. 215 pathologique ont rencontré souvent des poumons dans cet état sans y faire attention. J'ai la certitude presque entière que pareille inadvertance m'est arrivée à moi- meme plusieurs fois. Je ne doute même nullement que , si l'on exami- nait avec beaucoup d'attention les poumons des sujets qui ont éprouvé , par quelque cause que ce soit, une grande et longue gêne de la respiration, on trouverait chez presque tous , çà et là , quelques vésicules aériennes dilatées. J en ai quelquefois aperçu deux ou trois seulement dilatées au point d'égaler la grosseur d'un grain de chenevis, dans des poumons remplis de tubercules, et qui ne présentaient d'ailleurs aucune autre trace d'emphysème. 251. Mais lorsque la maladie existe à un haut degré et occupe un poumon entier ou la totalité de l'organe pulmonaire , il est difficile de n'êlre pas frappé de l'as- pect qu'il présente : il semble gêné dans la capacité de la poitrine ; et au moment où l'on ouvre cette ca- vité , au lieu de s'affaisser , comme dans l'état natu- rel, sous la pression de l'air extérieur, il s'échappe, en quelque sorte , de la cavité , et vient faire une lé- gère saillie à l'extérieur. Si, dans cet état, et sans déplacer les poumons, on les presse entre les doigts, leur tissu paraît plus ferme que dans l'état naturel, et il est plus difficile de les aplatir et de les rendre flasques par la pression, La crépitation qu'ils produisent sous les doigts ou lors- qu'on les incise est moindre et d'une nature un peu différente ; elle se rapproche davantage du bruit que produit l'air qui s'échappe lentement d un soufflet; et en somme, le déplacement de l'air paraît se faire beau- 2l6 fmphysf.me nu poumon. -coup plus facilement que clans l'état naturel. Si l'on détache le poumon , la crépitation devient moins sen- sible encore, et la sensation que l'on éprouve en le pressant entre les doigts ressemble beaucoup à celle que l'on éprouverait en maniant un oreiller de duvet. 252. Si l'on met un poumon emphysémateux dans un vase plein d'eau , il s'y enfonce beaucoup moins qu'un poumon sain , et souvent même il reste à la surface du liquide sans y plonger sensiblement. 253. Le tissu pulmonaire est moins humide dans un poumon emphysémateux que dans un poumon sain , et on n'y trouve ordinairement, même vers la racine, aucune trace de l'engorgement cadavérique séreux ou sanguin. Je ne parle que de ce qui est le plus ordinaire ; car, dans quelques cas rares, l'infiltration séreuse, sanguine ou sanguinolente , même générale , peut coïncider avec l'emphysème pulmonaire le plus intense. On en verra un exemple dans les observations particulières qui suivent cet article. On trouve dans le Recueil pé- riodique de la Société de Médecine de Paris, t. xi, pag. 5?5 , une observation de M. Taranget, qui me paraît, autant qu'on en peut juger d'après le peu de détails descriptifs qu'elle renferme , devoir aussi être rapportée à cette complication. Au reste, il est probable que, dans ces cas , comme dans la plupart de ceux où l'on trouve une infiltration séreuse ou san- guinolente considérable du tissu pulmonaire, cet acci- dent n'a précédé la mort que de peu d'instans. 264. Lorsqu'un poumon seul est affecté, il est beaucoup plus volumineux que l'autre ; quelquefois même il l'est au point de déjeter de côté le cœur et le EMPHYSÈME DU P0UM0X. 217 médiastin. La cage osseuse de la poitrine est en outre évidemment dilatée du côté affecté. 255. De ce qui précède , il résulte que l'emphy- sème du poumon consiste essentiellement dans la dila- tation des cellules aériennes , et que ïextravasation de l'air qui forme les vésicules volumineuses et sail- lantes à la surface du poumon n'est qu'un accident consécutif, et indépendamment duquel la maladie peut exister. Il est d'ailleurs fort peu grave , compa- rativement à la dilatation des cellules bronchiques ; car on ne voit pas trop par quel moyen et jusqu'à quel point la nature et l'art peuvent remédier à cette der- nière affection , tandis que l'air extravasé dans le tissu cellulaire ambiant du poumon ou de toute autre partie peut être facilement éliminé par l'absorption , comme le prouve la facilité avec laquelle disparaissent les emphysèmes du tissu cellulaire sous-cutané. 256. Les signes généraux de cette maladie sont assez équivoques : la dyspnée en faisant le principal caractère , elle est du nombre de celles que l'on con- fond sous le nom ({'asthme. La gêne de la respiration est habituelle; mais elle augmente par accès qui n'ont rien de régulier pour le retour et la durée ; elle s'accroît encore par l'effet de toutes les causes qui influent sur la dyspnée , quelle que soit la lésion à laquelle elle est due, comme le travail de la digestion , les vents existant en grande quantité dans l'estomac ou les intestins, la contention d'esprit, l'habitation des lieux élevés , les exercices pénibles, et particulière- ment l'action de courir ou de monter. 11 n'y a point de fièvre ; le pouls est, en général, régulier. La couleur de la peau et l'habitude du corps ne ai8 EMPHYSÈME DU POUMON. présentent rien de particulier quand la lésion est peu intense ; mais pour peu qu'elle le soit, la peau offre ordinairement un aspect terne et comme terreux, avec une légère nuance de violet par endroits. Les lèvres sont violettes , grosses , et paraissent gonflées. Je n'oserais assurer que l'emphysème du poumon ne puisse jamais exister sans toux ; mais tous les malades chez lesquels j'ai rencontré cette affection étaient su- jets à une toux habituelle , tantôt rare , peu forte et seche, ou suivie seulement de l'expectoration d'un peu de mucus bronchique grisâtre , très-visqueux et transparent; tantôt plus forte, revenant par quintes, et amenant des crachats muqueux. J'ai vu quelques malades qui assuraient n'avoir ni toux ni expectora- tion habituelles; mais en les observant avec soin , j'ai trouvé que ceux-là même toussaient légèrement une ou deux fois par jour , au moins , et qu'ils expecto- raient tous les matins un peu de matière visqueuse bronchique. La maladie commence souvent dans l'enfance , peut durer un très-grand nombre d'années , et n'em- pêche pas toujours le malade d'arriver à un âge assez avancé, quoique la complication fâcheuse qu'une res- piration habituellement imparfaite établit relative- ment à toutes les maladies intercurrentes un peu gra- ves , doive nécessairement rendre la probabilité de durée de la vie beaucoup moindre. Les efforts habituels et souvent très-grands que le ma- lade est obligé de faire pour respirer déterminent souvent à la longue l'hypertrophie ou la dilatation du cœur. aôy. Lorsque l'emphysème n'occupe qu'un seul côté, ou existe à un degré beaucoup plus considérable dans un EMPHYSÈME DU POUMON'. 2IÇ côté que dans l'autre, ce côté est évidemment plus vo- lumineux j les espaces intercostaux sont plus larges ; le côté affecté ou le plus affecté rend un son plus clair par la percussion, quoique l'autre résonne bien. Si les deux côtés sont affectés également, la poitrine rend par-tout un son très-clair, et présente une forme presque cylindrique ou comme globuleuse, bombée en avant et en arrière, au lieu de la forme déprimée qui lui est naturelle. 258. Le caractère pathognomonique de l'emphy- sème du poumon se tire de la comparaison des signes donnés par la percussion et de ceux que fournit l'aus- cultation médiate. Si l'on applique le cylindre sur la poitrine d'un homme attaqué d'un emphysème du poumon , la respiration ne s'entend pas dans la plus grande par- tie de cette cavité, quoiqu'elle rende un son très- clair par la percussion ; et le bruit respiratoire est très- faible dans les points où il s'entend encore. Ces points varient, surtout dans l'emphysème général , et sou- vent les parties où , à la première exploration, on avait trouvé l'absence la plus complète de la respira- tion , deviennent, au bout de quelques heures , ceux où on l'entend le mieux , tandis qu'elle n'existe plus dans ceux où on l'avait d'abord entendue. Si la maladie n'est pas portée à un très-haut degré, la respiration s'entend encore, mais d'une maniéré beaucoup plus faible que la résonnance des parois thoraciques ne devrait le faire présumer. On entend en même temps , dans les points correspondais à la partie affectée , un léger râle sibilant ou analogue au cliquetis d'une petite soupape. Ce raie est rare, et 220 EMPHYSÈME DU POUMON. ne se fait entendre que de temps en temps , surtout pendant les plus grandes inspirations. A la nature du bruit qu'il produit, on juge aisément qu'il est dû au déplacement d'un peu de mucus visqueux par le passage de l'air dans les petits rameaux bronchiques. Si l'emphysème est général , ces phénomènes s'ob-' servent dans toute l'étendue de la poitrine : s'il est partiel , on ne le trouve que dans le lieu affecté , et la respiration s'entend bien dans tout le reste de la poitrine. a5g. Ce seul caractère de l'absence de la respira- tion chez un sujet dont la poitrine est sonore, suffit pour faire distinguer l'emphysème du poumon de toutes les autres affections organiques de la poitrine , à l'exception du catarrhe pulmonaire et de l'épan- chement d'air dans la plèvre. La première de ces maladies pourrait être quelquefois confondue avec l'emphysème partiel. Nous verrons ailleurs comment on peut les distinguer. Nous nous contenterons seulement de dire ici qu'il faudrait une grande inattention pour tomber dans une semblable méprise , les autres signes et les sym- ptômes généraux des deux maladies étant totalement différons. 260. L'emphysème total d'un poumon serait plus facile à confondre avec l'épanchement aériforme dans la cavité de la plèvre, d'autant que celte dernière maladie peut aussi être quelquefois accompagnée d'une augmentation sensible de volume du côté affecté. Nous exposerons, en parlant du pneumo-thorax, les différences qui existent entre ses signes et ceux de l'emphysème du poumon. EMPHYSÈME DU POUMOK. 221 261. Il est difficile de se rendre raison de l'absence du bruit de la respiration dans une maladie qui con- siste essentiellement dans la dilatation des cellules aériennes , et dans laquelle, par conséquent, l'air non-seulement pénètre dans toute l'étendue da pou- mon , mais même y existe en plus grande quantité que dans l'état naturel. Cependant lorsque l'emphysème du poumon est ac- compagné, comme il arrive le plus souvent et peut-être toujours , d'une toux occasionnée par la sécrétion ha- bituelle d'un mucus visqueux , on conçoit que ce mu- cus , en obstruant une partie des ramifications bron- chiques , peut suspendre la respiration dans les par- ties du poumon auxquelles elles se distribuent ; on conçoit, en outre , que les cellules aériennes les plus dilatées comprimant celles qui les environnent, peu- vent empêcher l'air d'y pénétrer et d'en sortir faci-r lement. 262. Enfin, lorsque le catarrhe chronique qui ac- compagne l'emphysème du poumon a évidemment préexisté à son développement, on pourrait en donner une explication en quelque sorte mécanique. On conçoit, en effet, que la mucosité sécrétée dans les bronches par suite du catarrhe pulmonaire, doive opposer, surtout si elle est très-visqueuse, une grande résistance au libre passage de 1 air in- spiré et expiré; et nous montrerons, en parlant du raie, que cette résistance va souvent jusqu'à pro- duire l'obstruction complète, quoique momenta- née, d'une partie des ramifications bronchiques. Or, comme les muscles qui servent a 1 inspiration sont forts et nombreux ; que l'expiration, au contraire , 222 EMPHYSÈME DU POUMOX. n'est produite que par l'élasticité des parties et la faible contraction des muscles intercostaux, il doit souvent arriver que l'air, après avoir forcé, dans l'in- spiration, la résistance que lui opposait la mucosité, ne peut la traverser dans l'expiration, et se trouve en quelque sorte emprisonné par un mécanisme à-peu- près analogue à celui de la crosse d'un fusil à vent. Les inspirations suivantes , ou au moins les plus fortes d'entre elles, amenant dans le meme lieu une nou- velle quantité d'air, produisent nécessairement la dilatation des cellules aériennes auxquelles se rend la bronche oblitérée; et, pour peu que l'accident soit durable, cette dilatation doit devenir un état fixe et permanent. 265. Des faits pratiques me paraissent appuyer cette explication. Lorsqu'un homme attaqué d'em- physème du poumon vient à s'enrhumer , il éprouve assez ordinairement une oppression beaucoup plus marquée, et quelquefois même des accès de suf- focation au début de la maladie. Mais dès que l'expectoration commence, il se trouve beaucoup mieux, et sa respiration devient même plus libre qu'avant le catarrhe. Il semble que le mucus vis- queux qui obstrue habituellement les bronches de- vienne moins tenace, ou soit entraîné par la sécré- tion plus liquide et moins adhérente aux bronches qu'occasionne l'affection catarrhale. 264» Long-temps avant que j'eusse été amené à bien connaître les faits anatomiques relatifs à l'em- physème du poumon qui ont été exposés dans ce chapitre, j'avais déjà remarqué que plusieurs asthma- tiques toussaient de temps en temps et expectoraient EMPHYSÈME DU POUMON". 225 habituellement une petite quantité de mucus bron- chique très-visqueux, quoique ces accidens les in- commodassent assez peu pour qu'ils n'y fissent en quelque sorte aucune attention, et que plusieurs d'entre eux assurassent même n'avoir ni toux ni ex- pectoration habituelles. 265. D'après cette observation , j'avais l'habitude d'employer chez ces sujets les moyens propres à rendre les sécrétions muqueuses plus liquides , et par- ticulièrement les hydro-sulfures , les alcalis et les sels neutres en bains, et à l'intérieur les pilules savonneuses, et l'usage long-temps continué des décoctions de polygala de Virginie et de saponaire. J'ai réussi par cette médication à rendre l'expectoration habituelle plus abondante et moins visqueuse, et la respiration beaucoup plus libre, chez un grand nombre d'asthma- tiques. J'ai obtenu depuis le même résultat chez des sujets attaqués d'emphysème du poumon bien con- staté par l'auscultation. Je pense en conséquence que l'emphysème du pou- mon à un médiocre degré n'est pas une maladie très-grave ; j'ai même la certitude que c'est , de tous les asthmes , celui qui peut le plus permettre au ma- lade l'espoir d'une longue vie. Enfin je regarde comme certain que , quand la dilatation des cellules aeriennes n'est pas très-intense ou très-étendue , 011 peut par les moyens indiqués ci-dessus, auxquels il faut ajouter l'emploi des saignées, des vésicatoires ou des emétiques dans les attaques de suffocation diminuer beaucoup la lésion organique, et réduire le trouble des fonctions à des incommodités très-supportables. 266. Cette explication , au reste, ne pourrait s ap- 224 EMPHYSEME DU POUMON-. pliquer aux cas où les signes de l'emphysème du pou- mon seraient antérieurs au catarrhe chronique qui l'accompagne , et encore moins à ceux où la maladie ne serait accompagnée ni de toux ni de râle, si toutefois ces cas se rencontrent. 267. Quelques faits, que j'ai plutôt entrevus que je ne les ai observés attentivement, me feraient cepen- dant soupçonner que, dans certains cas, la dilatation des cellules bronchiques est primitive et le catarrhe consécutif. J'ai remarqué constamment, ce me semble, que , chez les sujets asphyxiés par le gaz des fosses d'aisance , les poumons sont très-volumineux , et que, quoique parfaitement crépitans, ils ne s'affaissent pas à l'ouverture de la poitrine. J'avais fait peu d'at- tention à cette circonstance avant l'époque où j'ai commencé à distinguer la dilatation des cellules aé- riennes , et je n'ai pas eu occasion de revoir depuis des sujets asphyxiés par ces gaz ; mais il me paraît très-probable que la disposition que je viens de dé- crire est l'effet d'une dilatation générale des cellules aériennes. Si ma conjecture est bien fondée , on ne pourrait guère attribuer un semblable effet qu'à la dilatation subite du gaz méphitique opérée par la température du poumon. Peut-être pourrait-on rendre raison de cette manière de l'asphyxie elle-même , au moins dans tous les cas où le gaz qui la détermine est plus dilatable par l'effet de la chaleur que l'air atmo- sphérique ; et le nombre des gaz qui tuent par un effet délétère inexplicable serait peut-être restreint de beaucoup. 268. On pourrait encore concevoir de la même manière le développement de l'asthme chez des in- dividus qui vivent habituellement dans certaines usines, et en général dans des lieux mal aérés et pleins de gaz étrangers à l'air atmosphérique et plus dila- tables que lui. Enfin on pourrait expliquer ainsi pourquoi l'air des vallées nuit à certains asthmatiques, et pourquoi celui des montagnes leur convient. 269. Quoi qu'il en soit de ces explications , qui sont sans doute attaquables de plus d'un cote, et que je ne chercherai pas beaucoup à defendre , 1 emphyseme des poumons que je viens de décrire me paraît être, ainsi que je l'ai déjà dit, une maladie jusqu'ici in- connue. 11 n'en existe aucune description générale : on trouve , il est vrai , dans divers observateurs quelques faits qui se rapportent a celte maladie , mais dont aucun n'est assez bien décrit pour qu'on puisse voir en quoi elle consiste. Bonet (a) et Mor- gagni (Z>) donnent quelques exemples de poumons très - volumineux et distendus par de 1 air. Van-* Swiéten (c), Stork (d), rapportent quelques cas dans lesquels il y avait en outre des vésicules pleines d'air sous la plèvre. Floyer (e) a vu la même chose chez une jument poussive. L'auteur de l'article Em- physème du Dictionnaire des Sciences medicales rap- porte une observation tout-à-fait semblable à ces der- nières, qui lui a été communiquée par M. Magendie; EMPHYSÈME DU POUMO.Y. 22$ (a) Sepulchretum , tom. i , pag. (b) Epist. 4, § et epist. 18, § i4* (c) Comment, in Boerh., aph. 1220. (<7) Ann. med. prim., p. n4> Ann. med. secund., p. 23g, (e) Traité d« f Asthme. 22Ô EMPHYSÈME DU POUMON. mais les auteurs d'aucune de ces observations ne paraissent avoir aperçu ce qui constitue réellement la lésion anatomique dans ces cas, c'est-à-dire la dila- tation des cellules bronchiques : tous paraissent avoir cru, comme l'auteur de la dernière, qui exprime son opinion à cet égard d'une manière positive , que la lésion dont il s'agit consiste essentiellement dans une infiltration de l'air dans le tissu cellulaire inter- lobulaire du poumon. Ruisch et Valsai va sont les seuls auteurs , à ma con- naissance, qui aient aperçu dans des cas particuliers la dilatation des cellules bronchiques. L'observation du dernier, fort incomplète d'ailleurs, présente un exemple d'emphysème partiel des poumons joint à un em- pyème. Elle a été employée par Morgagni} qui ne l'a envisagée que sous le rapport de l'cmpyème , et ne paraît pas avoir bien compris la nature de la première lésion ; il semble porté à croire qu elle était la source du pus épanché dans la plèvre. La description de cette altération est, au reste, assez exacte pour ne laisser aucun doute sur sa nature. « Sinistri pulmonis lobus superior quâ claviculatn spectcibat, vesiculas ex quibus constat miruni in modum auctas habebat; ut nonnullœ avellanœ magnitudinem œquarent; cœ- teræ multo minores erant. Quœdam globuli jigurd, rcliquas oblongâ et ovali : omnes plenœ erant aeris.... una insuper minima quœdam foraminula per inte- rioremjaciem hiantia ostendit (y/). Le cas vu par Ruisch est évidemment aussi un em- physème partiel du poumon : « In aliquâ autem pulmo- (æ) De Sed. et Caus. Morb., lib. n> epist. 22, n°* 12 et i3. EMPHYSÈME DU POUMON. 22'] nis parte inveni vesieularum pellucidarum acervum} ab acre expansarum et ita obstructarum ut levi co/n- pressions eas ab aere evacuare haud potuerim. Itn- pulsum per asperam arteriam jlatum nulluin com~ merciu ni cum hisce expansis vesiculis ampliùs ha* bere propter earum obstructionem expertus sum. Post, aere per asperam arteriam vehementer adacto disrumpebantur nonnullœ ex his vesiculis » (a). Le même auteur a peut-être une seconde observation sem- blable ( obs. 20 ) ; mais elle est trop mal décrite pour qu'on en puisse rien conclure. Le docteur Baillie, auteur d'un Traité d'Anatomie pathologique très - succinct , publié il y a quelques an mies en Angleterre, a bien vu les trois circon- stances principales qui constituent 1 empbyseme du poumon , c'est-à-dire , l'ampleur de l'organe, la di- latation des cellules aériennes et les vésicules formées par l'extravasation de l'air sous la plèvre; mais il n'a pas connu la dépendance réciproque de ces trois disposi- tions, et il les a considérées comme trois affections diffé- rentes, ainsi qu'on peut s'en convaincre par les passages suivans, qui renferment tout ce qu'il dit à ce sujet. « Sect. vi. Poumons distendus par de l'air. - » L'ouverture de la poitrine laisse souvent apercevoir » les poumons dans un état de dilatation et remplis- » sant exactement la cavité du thorax de chaque » côté. Lorsqu'on examine ces organes dans cet état, on » trouve leurs cellules pleines d air, de manieie qu on » peut apercevoir à leur surface, immédiatement au- » dessous de la plèvre, un nombre prodigieux de (a) Ruisch, Obs. anat. centur., obs. xix. 228 EMPHYSÈME DU POUMON. » petites vésicules blanches. Les bronches conlien- n nent souvent en même temps beaucoup de liquide » muqueux (ci). » Sect. vu. Cellules aériennes des poumons aug- » mentées. - Les poumons sont quelquefois parta- » gés en un petit nombre de grandes cellules , en » sorte qu'ils ressemblent à l'organe pulmonaire de » quelques animaux amphibies. Quoique j'aie vu trois » exemples de ce phénomène, je le crois cependant » très-rare. Cet élargissement contre nature des cel- » Iules ne peut être vraisemblablement attribué qu'à » quelque empêchement à la sortie de l'air , d'où » suit son augmentation dans les cellules, et proba- » blement la rupture de leurs cloisons, en sorte que » plusieurs cellules contiguës n'en forment plus qu'une » seule dans cet état contre nature. » Sect. viii. Césicules aériennes attachées aux » bords des poumons. - De pareilles vésicules ont été » trouvées quelquefois complètes en elles-mêmes, et » sans faire partie des poumons. Au premier coup- » d'œil, on pourrait croire qu'elles étaient des cellules » aériennes agrandies ; mais puisqu'elles ne commu- » niquent avec aucune cellule aérienne, cette opinion » ne paraît pas fondée. Il paraît plus probable qu'elles » constituent un état pathologique, et quelles se » forment de la même manière que les vésicules aé- » riennes que l'on trouve attachées aux intestins et » au mésentère de quelques quadrupèdes, et que les » très-petits vaisseaux sanguins qui se ramifient sur (a) Traité d'Anatomie pathologique, par Baillie, traduit de l'anglais par Ferrai!, D. M. Paris, i8o3, p. 72. EMPHYSEME DU POUMON. » ces vésicules ont la faculté de sécréter de l'air Ça). Plus loin , l'auteur ajoute : « Quand les cel- » Iules des poumons ont été distendues ou augmen- » tées en capacité, les personnes ont resté long-temps » sujettes à une grande difficulté de respirer ; mais » je ne crois pas qu'on reconnaisse aujourd'hui au- » cun symptôme par lequel on puisse distinguer cette » maladie de quelques autres qui attaquent la poi- » trine (b). » 270. Je n'entends, au reste, parler, dans ce chapitre, que de l'emphysème du poumon de cause interne , et je ne veux rien préjuger sur les cas chirurgicaux que l'on désigne communément sous le même nom. La plupart des auteurs de chirurgie, et particulière- ment M. Richerand , l'un des derniers et des plus recommandables, ont parlé d'un emphysème du pou- mon produit par l'introduction d'un corps étranger dans le larynx ou les bronches , et qu'ils font con- sister dans l'infiltration de l'air dans le tissu cellulaire intermédiaire des cellules aériennes Çc). On sait, en effet, qu'outre l'accident dont il s'agit> des cris forcés, une inspiration violente faite en sou- levant un fardeau, les efforts de l'accouchement, etc., déterminent quelquefois un emphysème du cou , des parties antérieures de la poitrine, et même de tout le tissu cellulaire sous-cutané, accident accompagne d'une grande dyspnée , et que l'on ne peut concevoir {d) Op. cil., pag. 74. (Z>) Op. cil., pag. 81. (c) Nosographie chirurgicale} par Anthehne Richerand, 3e édit., tom. iv, pag. i4/- s5o EMPHYSÈME DU POUMON. sans la rupture de la trachée, des grosses bronches ou de quelques cellules aér iennes vers la racine du pou- mon ; niais, dans ce cas, y a-t-il réellement pénétra- tion de l'air dans le tissu cellulaire inter-lobulaire de cet organe ? Je n'ai jamais eu occasion de faire l'ouver- ture d'aucun sujet mort d'un semblable accident, qui ordinairement cède à des mouchetures pratiquées en différent points. Mais je doute fort que, dans aucun cas, l'air échappé des cellules aériennes rompues puisse s'infiltrer ailleurs que dans le tissu cellulaire qui sépare la plèvre du poumon , ou tout au plus dans celui qui environne les troncs bronchiques et les vaisseaux, à leur entrée dans cet organe. Quant aux cloisons celluleuses qui séparent l'une de l'autre les alvéoles aériennes, examinées à l'œil nu ou à la loupe, elles paraissent d'une texture si dense qu'il me semble bien difficile que l'air y puisse jamais pénétrer. J'en dirais même autant des cloisons plus épaisses qui séparent en lobules les diverses masses de cel- lules aériennes agglomérées , et qui forment par leur réunion les espèces de losanges irréguliers que l'on remarque à la surface du poumon. Ce que nous avons dit des épanchemens aériens qui se forment quelquefois au point de réunion de ces cloisons ( g 247 ), et des ruptures du tissu pulmonaire pro- duites par la même cause ( § 248), semble prouver qu'une infiltration réelle de l'air dans ce tissu est tout-à-fait impossible. Les observations suivantes fourniront des exemples de la plupart des faits que j'ai avancés dans cet article. 271. Obs. xvii. Emphysème partiel des poumons. EMPHYSÈME DU POUMON 23 I - Une femme âgée de cinquante ans, d'une taille moyenne, d'une bonne constitution, d'un tempéra- ment bilioso-sanguin, entra à l'hôpital Necker le 2i décembre 1818, après la visite, et mourut avant la suivante. M. Rault, élève interne de l'hôpital, qui l'avait examinée à son arrivée, recueillit les renseigne- mens suivans. Depuis environ trois semaines, elle éprouvait beau- coup de gêne dans la respiration, et la difficulté de respirer avait surtout beaucoup augmenté depuis sept ou huit jours. Depuis cette époque, il existait un peu d'œdème aux pieds. La malade assurait n'avoir jamais éprouvé de palpitations. Elle présentait d'ailleurs les symptômes suivans : embonpoint médiocre , peau d'une couleur brune foncée, ongles violets, décubi- tus en shpination , conjonctives comme ternies par l'injection des vaisseaux capillaires veineux, lèvres vio- lettes, respiration courte, accélérée, interrompue par quelques quintes de toux. La poitrine résonnait très- bien par-tout, même à la région du cœur; la langue était humide, d'un rouge tirant sur le violet; la soif et l'appétit nuis, le ventre un peu ballonné , mais non douloureux à la pression ; les selles dans l'état na- turel ; la chaleur de la peau était plutôt diminuée qu'augmentée. Les battemens du cœur se faisaient fa- cilement sentir à la main, à la région précordiale et sous les clavicules; le pouls était mou et tres-faible. La poi- trine ne fut point examinée avec le cylindre. Quoique les accidens ne parussent pas devoir se terminer d une manière aussi promptement lâcheuse , 1 intensité de la dyspnée détermina M. Rault à appliquer six sangsues à l'épigastre. La malade mourut pendant la nuit. a3a EMPHYSEME DU POUMOX. Ouverture du cadavre faite trente-sia: heures après la mort.-Embonpoint médiocre, face violette et très- gonflée, ce qui dépendait en partie de la position déclive dans laquelle se trouvait la tête depuis plusieurs heures. Beaucoup de sang s'écoula à l'incision des tégumens du crâne. Les vaisseaux de la pie-mère étaient gorgés de sang. Les circonvolutions cérébrales du côté gauche étaient un peu aplaties. Une plaque rouge, produite par du sang infiltré dans la pie-mère, se remarquait à la partie antérieure et supérieure de l'hémisphère droit du cerveau. Quelques plaques semblables exis- taient à la base du cerveau, principalement vers la commissure des nerfs optiques. La substance céré- brale était assez ferme, et laissait suiter une grande quantité de gouttelettes de sang. Environ six gros de sérosité étaient contenus dans les ventricules laté- raux. 11 s'en trouvait une quantité à-peu-près égale à la base du crâne. Le cœur surpassait le volume des deux poings réunis du sujet. Celte augmentation de volume dé- pendait en grande partie de la distension de l'oreil- letie droite, exactement remplie de sang noir coa- gulé. Les parois de celte cavité étaient très-minces ; les autres cavités étaient bien proportionnées entre elles, mais un peu grandes relativement à la taille du sujet. Les poumons étaient libres dans la cavité du thorax * leur volume était assez considérable ; leur pesan- teur spécifique paraissait moindre que dans l'état naturel; une grande partie du poumon droit et presque tout le lobe inférieur du gauche offraient une surface lisse et brillante quoiqu'un peu inégale. Ces parties s'affaissèrent très-peu après que les poumons furent EMPHYSEME DU POUMON". détachés, et formaient par là un contraste sensible avec le reste de l'organe. On distinguait, au premier coup-d'œil, sur ces surfaces brillantes, un grand nombre de petites vési- cules transparentes, de la grosseur d'un grain de millet ou de chenevis, ou même d'un noyau de cerise. Ces dernières étaient un peu saillantes ; les autres ne dépassaient pas le niveau de la surface du poumon ; et, en les examinant avec attention, il était facile de les reconnaître pour des cellules aériennes dilatées par l'air qu'elles contenaient. Les cellules qui les envi- ronnaient, ou plutôt toutes les cellules aériennes, dans toutes les parties non affaissées du poumon, étaient plus ou moins dilatées et beaucoup plus faciles à dis- tinguer que dans l'état naturel : cette disposition donnait à ces parties du poumon un aspect analogue à celui des poumons vésiculeux des animaux à sang froid. On remarquait en outre, en deux ou trois endroits, sous la plèvre pulmonaire, des bulles d'air de la grosseur d'une petite aveline, et faciles à distinguer des cellules aériennes dilatées , en ce qu'on pouvait facilement les déplacer avec le doigt. En pressant les parties du poumon qui présentaient cette dilatation des cellules aériennes, elles présentaient une résistance molle, différente de la crépitation natu- relle du poumon, et l'on sentait fuir sous les doigts un fluide élastique qui se dégageait en produisant un petit sifflement. En y pratiquant des ponctions, on voyait le tissu pulmonaire s'affaisser et perdre l'aspect que nous venons de décrire. En l'incisant , la résistance et le bruit qu'il produisait sous le scalpel différaient aussi un peu de ce qui s'observe sur un poumon sain. Du 254 EMPHYSEME DU POUMON. reste, le parenchyme pulmonaire n'offrait aucune autre altération. Les ramifications bronchiques , et particulièrement les plus petites, présentaient une dilatation très-mar- quée dans les parties ainsi affectées. Elles étaient rem- plies par une mucosité très-visqueuse, presque inco- lore , ou légèrement jaunâtre ou blanchâtre ; leur membrane interne était uniformément teinte d'un rouge très-foncé. Tous les organes contenus dans la cavité abdomi- nale étaient sains. 272. Obs. xviii. Emphysème du poumon et hy- pertrophie du cœur à la suite de catarrhes habituels.- Marie C..., couturière, âgée de quarante-un ans, née d'une mère saine et d'un père valétudinaire et asthmati- que, était d'une petite stature, d'une constitution déli- cate, d'un tempérament lymphatique et nerveux. A l'âge de quatre ans, elle avait éprouvé une forte maladie depuis laquelle elle fut sujette pendant tout le cours de sa vie à des maux de tète presque habituels, à un sentiment de froid dans les pieds, et à des rhumes très-fréquens accompagnés de saignemens de nez. Ces rhumes se succédaient presque sans interruption pen- dant l'hiver. L'été, il ne restait qu'une toux légère. Les règles parurent à neuf ans ; et, après avoir duré trois ou quatre jours, elles cessèrent pour ne reparaître qu'à fâge de dix-huit ans. Dans cet inter- valle , aux affections précédentes se joignit une chlo- rose très-prononcée, et accompagnée de l'appétit pour le charbon et les substances terreuses, connu sous le nom de pica. EMPHYSÈME DU POUMON-. 255 L'exercice soulageait beaucoup la malade dans ces diverses indispositions. A vingt-huit ans, elle éprouva un chagrin vif et de longue durée ; elle fut prise en même temps d'un catarrhe très-intense qui dura plu- sieurs mois. Elle commença alors à éprouver des étouffemens pendant la nuit ; la toux augmentait en marchant, et était souvent accompagnée de vomisse- mens; les règles étaient peu abondantes, quoiqu'elles durassent sept à huit jours. A trente-cinq ans, Marie C.... se maria, et au bout d'un an, elle devint enceinte. La grossesse fit dispa- raître les maux de tête et diminua les saignemens de nez ; mais les étouffemens augmentèrent, et ils eurent lieu même pendant le jour, et surtout après le repas. Le sang sc portait avec force à la tête ; deux saignées furent pratiquées du premier au sixième mois ; une fluxion de poitrine obligea d'en faire trois autres au commencement du septième. Après l'accouchement , les étouffemens furent moins fréquens ; les règles revinrent aussi abondam- ment qu'auparavant ; mais les accidens existans de- puis l'enfance , c'est-à-dire les maux de tête, les rhumes , les saignemens de nez, le froid des pieds, persistaient toujours ; et même , depuis le mariage , les efforts de la toux amenaient quelquefois des cra- chats sanguinolens. A trente-huit ans , la perte de son mari et des revers de fortune lui occasionnèrent une suppression de treize mois, pendant laquelle les accidens ordi- naires n'augmentèrent pas sensiblement. A trente- neuf ans, les règles reparurent trois fois comme a l'ordinaire, puis une quatrième et dernière fois avec a56 EMPHYSÈME DU POUMON. abondance. Elles furent remplacées par des flueurs blanches presque habituelles , et les étouffemens augmentèrent. Vers l'âge de quarante ans , la malade prit tous les jours, pendant quelque temps, par le conseil d'un empirique , une tisane fortement purgative et deux lavemens drastiques. Au bout de quelques jours de ce traitement, les flueurs blanches cessèrent, les maux de tête diminuèrent ; mais les urines , aupara- vant très-abondantes, ne coulèrent plus qu'en petite quantité, et il parut de l'œdème autour des malléoles. L'enflure gagna insensiblement les jambes et les cuisses ; et, six mois après son apparition, la malade fut obligée de garder le lit, où elle ne pouvait se tenir qu'assise. De ce moment la respiration devint habituellement très-gênée après le dîner , et pendant toute la nuit l'étouffement était tel que la malade en exprimait le degré en disant qu'il lui semblait que sa poitrine fût fortement serrée entre deux planches. La nuit, il y avait de temps en temps des accès de toux convulsive qui se terminaient, vers le matin , par l'expectoration de quelques crachats blancs et écu- meux , après quoi la malade se trouvait un peu mieux pour quelques heures. Admise à la Clinique interne de l'Ecole de Méde- cine , le 27 février 1802 , la malade présenta les sym- ptômes suivans : face bouffie , infiltrée , point de mal de tête , langue nette , appétit assez bon , désir extrême de manger du charbon, respiration haute, pé- nible et accompagnée d'un sifflement léger, quintes de toux assez fortes pendant la nuit, suivies vers le matin de l'expectoration de quelques crachats muqueux. EMPHYSÈME DU POUMON-. Q.'b-f La poitrine résonnait bien par-tout ; le son était seulement un peu moindre au-dessous du sein gauche. Les baltemens du cœur étaient forts, durs , embar- rassés ; le pouls régulier et assez dur. Depuis trois mois il existait des palpitations qui se manifestaient trois ou quatre fois par jour , et surtout pendant les étouffemens. L'estomac se gonflait beau- coup après le repas ; la gêne qui en résultait dimi- nuait sensiblement lorsque la malade rendait des vents par la bouche. Le ventre, tendu , un peu dur , lé- gèrement douloureux à la pression vers l'ombilic , présentait une fluctuation douteuse. Les jambes et les cuisses, infiltrées et froides au toucher , faisaient éprouver à la malade un sentiment de froid incom- mode et accompagné d'une anxiété qui allait quel- quefois au point de faire craindre la syncope. Les extrémités supérieures étaient également infiltrées , mais moins à droite qu'à gauche. Depuis l'origine de la leucophlegmatie, la malade était sujette à se réveiller en sursaut au moment où elle s'endormait. M. Corvisart caractérisa la maladie une. affection organique du cœur par débilité ou astheme ori- ginaire et habituelle du poumon. L'état de la ma- lade ne lui parut pas permettre d'espérer qu'on pût éloigner de beaucoup la mort. Les jours suivans , les mêmes symptômes persistèrent sans changemens remarquables. Le i5 mars, elle mourut. Ouverture du cadavre. - Cadavre d'environ quatre pieds et demi. Visage sans bouffissure (il y en avait beaucoup pendant la vie) et sans émaciation ; levres violettes et livides ; poitrine un peu amaigrie , ré- sonnant moins bien à gauche qu à droite ; cote droit a38 EMPHYSÈME DU POUMON. de la poitrine plus volumineux et plus saillant que l'autre , cuisses et jambes infiltrées. En incisant les chairs de la poitrine, qui étaient médiocrement colorées , il en suintait un sang noir. Il n'y avait point de sérosité dans les plèvres. Le poumon droit, beaucoup plus volumineux que dans l'état naturel et distendu par l'air qu'il conte- nait , était réellement emphysémateux. 11 remplissait complètement la cavité droite en refoulant un peu le cœur à gauche , et ne s'affaissa nullement à l'ou- verture de la poitrine. Son tissu , quoique très-cré- pitant, était plus dense et plus ferme que dans l'état naturel. On y apercevait çà et là quelques petits tu- bercules crus , jaunes et fort durs. On n'y distin- guait aucune trace d'infiltration sanguine cadavérique. Il présentait à sa surface , et principalement vers ses bords et à sa face interne , des vésicules pleines d'air et formées par un soulèvement local de la plèvre. La plupart avaient le volume d'un petit œuf de pi- geon; quelques-unes étaient plus petites (a) On voit que, dans cette description, rien n'indique l'état des cellules aériennes. Je regarde cependant comme certain qu'elles étaient dilatées, et meme à un plus haut degré que chez le sujet de l'observation précédente. Mais cette espèce d'alté- ration étant beaucoup moins sensible que les autres disposi- tions que présentait ce poumon, ne m'avait pas frappé. Cette observation est un des premiers cas de ce genre qui se soit présenté à moi, et il faut avoir observé plusieurs fois une alté- ration pour être en étal de la décrire bien et complètement. Je ne choisis pour exemple le fait dont il s'agit, que parce qu'il présente la maladie dans un grand degré de développe- ment. EMPHYSÈME DU POUMON. 2$9 Le poumon gauche , moins volumineux , était du reste dans le même état que le droit, mais d'une ma- nière moins marquée. Il contenait de plus , vers sa racine , un peu de sang noir infiltré dans son tissu. Il n'y avait nulle adhérence. Le péricarde, très-développé mais sain , ne con- tenait aucun liquide. Le cœur, très-volumineux et dur, était gorgé d'un sang noir et poisseux qui remplissait toutes ses cavités. Les parois du ventricule gauche avaient un pouce d'épaisseur et une grande fermeté. Le ventre , dont les parois étaient très-minces , contenait environ deux pintes de liquide de couleur citrine. L'estomac était fortement distendu par des gaz et par une matière fétide grisâtre ; le reste du conduit alimentaire n'offrait rien de remarquable. . Le foie , beaucoup plus noirâtre qu'à l'ordinaire , tant à l'extérieur qu'à l'intérieur , et d'une couleur lie de vin foncée , entremêlée de points grisâtres , criait davantage sous le scalpel et le teignait d'une couleur orangée. La vésicule biliaire était pleine d'un liquide presque aqueux , d'une couleur rousse. La matrice était très-petite et saine. 273. Obs. xix. Emphysème total des poumons J. B. Cocard, cultivateur à Courbevoie, âge de trente- sept ans, entra à l'hôpital Necker le 2Ô mai 181b, pour s'v faire traiter d'une infiltration aux extrémités in- férieures qui durait seulement depuis quelques jours. Cet homme, d'une constitution assez robuste, d un tempérament bilioso-sanguin, était affecté depuis EMPHYSÈME DH POÜMOft. l'âge de trois ans d'une toux habituelle avec expec- toration muqueuse. Celle affection , qu'il attribuait à ce que sa nourrice l'avait fait coucher pendant un an dans une cave froide et humide , l'incommodait fort peu dans sa première jeunesse. Il avait seulement la respiration courte et gênée ; mais cela ne l'empê- chait pas de continuer de se livrer aux travaux de la campagne. Jusqu'à l'âge de seize ans , il fut en outre sujet à des éruptions cutanées que l'on qualifiait de gourmes. Pendant l'hiver, la toux augmentait, et il était tou- jours obligé de garder le lit pendant quelques jours. A l'âge de trente-trois ans , à la suite de quintes de toux plus fortes qu'à l'ordinaire , il fut pris d'un vomissement de sang qui n'eut pas de suites. A trente-six ans , dans un moment où la toux l'incommodait également plus que de coutume , il s'aperçut que son ventre était un peu enflé. Cet ac- cident le détermina à interrompre ses travaux ; mais, malgré le repos, le volume du ventre augmenta , et il se manifesta un peu d'infiltration au prépuce. Le ma- lade se décida alors à entrer à l'hôpital, où, examiné le jour de son entrée, il présenta les symptômes suivans : Peau d'une couleur terreuse et brunâtre , avec mélange d'une nuance de violet à la figure et aux mains. Face portant l'empreinte de la stupidité , quoi- que la conversation du malade prouvât un dévelop- pement ordinaire des facultés intellectuelles ; lèvres bleuâtres ; respiration courte et très-gênée ; toux assez fréquente , sonore, et assez forte , suivie de l'ex- pectoration d'un liquide filant, incolore > spumeux EMPHYSÈME DU POUMON. et peu abondant, voix très-sonore et un peu rauque, naturellement grave, mais passant quelquefois comme involontairement à l'aigre ; peau d'une chaleur na- turelle ; pouls fréquent, régulier ; infiltration des té- gumens du ventre , des parties génitales et des extré- mités inférieures. La poitrine résonnait très-bien dans toute son éten- due ; mais le cylindre faisait à peine entendre la res- piration, même au-dessous des clavicules, quoique le malade inspirât avec de grands efforts et avec un soulè- vement très-grand des parois thoraciques. On ne l'en- tendait pas dans tout le reste de la poitrine : seulement on pouvait par momens la soupçonner en quelque sorte plutôt que l'entendre, et alors elle était accom- pagnée d'un léger râle sibilant, ou semblable au cli- quetis de quelques petites soupapes qui auraient été placées dans les bronches. Le sternum , bombé dans toute sa longueur , donnait antérieurement à la poitrine une forme cy- lindrique ; postérieurement elle était en outre voutee et régulièrement arrondie , de manière que 1 angle inférieur de l'omoplate, immédiatement appliquée aux côtés , était plus saillant que l'épine transverse de cet os. Le cœur donnait peu d'impulsion et de bruit. (Prescription. Tisane apéritive.) Du 27 au 29 mai, même état. Le 5o , soulagement marqué ; le ventre et les cuisses étaient moins infiltrés , l'appétit avait reparu, la soit était presque nulle. Le 3i, céphalalgie. L'état de la poitrine était tou- jours le même ; elle résonnait tres-bien dans tous les EMPHYSÈME DU POUMON. points ; la respiration ne s'entendait qu'auprès de la région du cœur ; l'oppression était assez forte ; les lè- vres et la face conservaient leur couleur bleuâtre. J'étais fort incertain sur le diagnostic de cette ma- ladie : la lividité d'une partie de la peau pouvait faire soupçonner la non oblitération du trou de Bolal ; mais le peu de trouble de la circulation m'empêchait de m'arrêter à cette idée. Le 8 juin , le malade se trouvait très-bien ; l'in- filtration des extrémités et des parties génitales était dissipée ; la toux était rare , l'appétit bon ; la respi- ration était toujours très - courte ; mais l'oppression était beaucoup plus sensible pour les assistans que pour le malade, qui considérait celle disposition comme une chose qui lui était naturelle. 11 demanda sa sortie le 9 juin 1818. Le Ier juillet suivant, il rentra à l'hôpital, et nous apprit qu'après s'être assez bien porté pendant environ quinze jours, il avait été pris d'un rhume avec aug- mentation de gêne dans la respiration ; ce qu'il attri- buait à ce qu'il avait un jour dormi quelques heures en plein air. L'infiltration des extrémités et des par- ties génitales avait reparu. L'exploration de la poitrine donnait les mêmes signes. ( Quatre sangsues à l'épigastre, tisane apérilive, looch avec deux gros de terre foliée de tartre. ) Le 2 juillet, toux fréquente , expectoration abon- dante , orthopnée , sommeil court ; même état de la peau, de la respiration et de la circulation que lors de la première entrée. La persistance de l'état de ces fonctions et la comparaison de quelques cas analogues que j'avais vus depuis peu ou antérieurement, ainsi que EMPHYSEME DU POUMON. 245 les signes exclusifs de toute autre affection de poi- trine, me portèrent alors à penser que le malade était attaqué d'emphysème total des deux poumons, et, en conséquence , je fit porter ce diagnostic sur la feuille d'observation. Du 3 au 6 juillet , meme état. Le 7 , toux très-fréquente , suivie d'une légère hé- morrhagie nasale , urines peu abondantes, diminua lion de l'infiltration des tégumens du ventre et des ex- trémités ; œdème plus considérable au scrotum. Le 8, le malade reprend de la gaîté et demande des alimens. ( Infusion de baies de genièvre avec dix grains de sel de nitre, looch avec deux gros de terre foliée de tartre.) Le 11 , mieux sensible depuis quelques jours; l'in- filtration des extrémités et de l'abdomen est tout-à fait dissipée; la toux est encore fréquente, l'expectoration peu abondante ; le pouls est petit, mais régulier ; la chaleur de la peau naturelle. Le 14 juillet, le malade se trouve très-bien. Le 19, il sort de l'hôpital, conservant seulement la dyspnée et la petite toux auxquelles il était sujet depuis l'enfance. Pendant tout le temps de son séjour à l'hôpital, le cylindre ne fit jamais entendre la respiration que dans quelques points variables, et encore tres-faiblement. L'espace compris entre les clavicules et la troisième côte était celui où on la distinguait le plus souvent et le mieux. Vers la fin de septembre 1818, Cocard rentra à l'hôpital Necker pour la troisième fois. J étais absent a cette époque, et mon confrère M. Cayol me rem- *44 EMPHYSEME DU POUMON-. plaçait dans le service de cet hôpital. Le reste de l'ob- servation et les résultats de l'ouverture ont été recueillis sous ses yeux par M. Rault, élève interne. Le malade présentait absolument les mêmes symptômes sous le rapport de la respiration et de la circulation ; il était, en outre , affecté d'une diarrhée assez forte, qu'il at- tribuait à l'usage du vin nouveau. (Eau de riz édulcorée avec deux onces de sirop des cinq racines apérilives, looch gommeux. ) Au bout de quelques jours , la diarrhée cessa ( l'eau de riz fut remplacée par les diurétiques déjà indiqués); l'infiltration diminua, la respiration devint plus libre , l'appétit se fit sentir. Le malade se considérait déjà comme convalescent, lorsque, le 8 octobre , il fut pris de fièvre avec céphalalgie , perle d'appétit et dé sommeil, nausées et vomissemens : les yeux devinrent larmoyans, la diarrhée reparut. Le 12 , apparition de boutons rougeâtres au front et sur les membres. Le malade n'avait point eu la pe- tite-vérole et n'avait point été vacciné. Le 15 , il n'y avait plus de doute sur l'existence de la variole; les boutons étaient petits et aplatis. Les 16 et 17 , les boutons étaient blancs, la fièvre modérée; la respiration, très-gênée, ne s'entendait nul- lement au moyen du cylindre ; la peau paraissait plus rembrunie. Le 18 , assoupissement, parole lente et difficile , pouls petit et très-faible. ( Infusion de serpentaire de Virginie , sinapismes aux cuisses. ) r • Le ig , affaissement des boutons, respiration très- difficile , lente ; la poitrine résonne bien par-tout ; le EMPHYSÈME DU POUMON. 245 passage de l'air n'est point entendu au moyen du cy- lindre ; mort pendant la nuit. M. Cayol fut curieux de vérifier le diagnostic établi précédemment sur ce malade, d'autant que, ne con- naissant pas les inductions qui m'avaient déterminé à le porter, il devait lui paraître au moins hasardé. 11 assista, en conséquence, à l'ouverture, qui fut faite vingt-quatre heures après la mort et présenta les faits suivans. Couleur brune de toute la surface du corps ; tho- rax présentant la conformation indiquée ci-dessus ; embonpoint médiocre, muscles assez développés. Le cerveau et les méninges étaient assez injectés ; il n'y avait point d'épanchement dans les ventricules. Le cœur était double de son volume naturel; le ven- tricule gauche avait une grande capacité et des parois d'une bonne épaisseur , d'un tissu rouge et ferme ; le ventricule droit, très-vaste, était rempli de sang noir coagulé ; ses parois étaient beaucoup plus épaisses que dans l'état naturel ; le trou de Botal était oblitéré (rz). Les deux poumons étaient sans aucune adhérence ; ils remplissaient exactement la cavité du thorax, et y sem- blaient, en quelque sorte, gênés; ils ne s'affaissèrent nullement par l'introduction de l'air extérieur. Leur surface était lisse, brillante, plus sèche que dans l'état (a) Ce sujet offre , comme celui de l'observation vï y un exemple d'une hypertrophie avec dilatation du cœur, qui na donné aucun signe de son existence , ni par le cylindre , ni par la percussion, ni par les symptômes généraux. L œdème des pieds et la coloration de la peau faisaient cependant soup- çonner une maladie organique du cœur; mais tous les autres signes, excepté la dyspnée, étant négatifs, ceux-ci sont trop 246 EMPHYSÈME DU POUMON. naturel, et en quelque sorte onctueuse. Ils offraient , vers leur bord antérieur et leur sommet, des vési- cules transparentes, évidemment formées par la plèvre soulevée et distendue par un fluide aériforme; leur grosseur variait depuis celle d'une aveline jusqu'à celle d'une amande ou même d'une noix. La pesanteur spécifique des poumons était moindre de moitié au moins que dans l'état naturel ; placés dans un vase rempli d'eau, ils se tenaient à la surface du liquide , sans s'y enfoncer même de quelques lignes ; en les comprimant avec les doigts, on sentait le dé- placement d'un fluide élastique, plutôt que la crépi- tation naturelle au tissu pulmonaire. Les poumons res- taient flasques en cet endroit. Incisés , ils faisaient en- tendre un sifflement léger produit par le fluide élas- tique mis en liberté. Le tissu pulmonaire était plus sec que dans l'état naturel : seulement en quelques points moins emphysémateux, et situés dans le centre ou vers la racine des poumons , il suintait de la surface des incisions un peu de sérosité très-spumeuse et lé- gèrement sanguinolente. Du reste, le tissu pulmo- naire n'offrait aucune altération Ça). Le foie était d'un bon volume et assez gorgé de sang; équivoques pour qu'on en pût rien conclure. Nous verrons, en traitant des maladies du cœur, à quoi lient celle absence de leurs signes chez quelques sujets : au reste, il est évident que, dans le cas dont il s'agit, la maladie du cœur n'était que consécutive, puisque le malade ne s'était jamais plaint que de dyspnée et de toux. (a) L'état des cellules aériennes n'est pas décrit non plus dans cette observation, et par la raison que j'ai exposée (p. a38). L'au- teur de cette description voyait pour la première fois celte altéra- EMPHYSÈME DU POUMON. 247 l'estomac et les intestins offraient intérieurement une rougeur assez foncée ; la membrane muqueuse de l'estomac s'enlevait facilement dans plusieurs points. Tous les autres organes étaient dans l'état naturel. Obs. xx. Emphysème des poumons à un médiocre degré f catarrhe suffocant et péripneumonie légère. - C*** charretier, âgé de trente ans, d'une petite taille, ayant la colonne vertébrale déviée à gauche, les membres assez grêles , quoique les muscles fussent bien développés, avait été valétudinaire pendant son enfance; mais depuis l'âge de la puberté sa santé s'était fortifiée et n'avait plus été troublée que par des incom- modités légères et de peu de durée : seulement, depuis l'âge de vingt-huit ans, il était devenu sujet à une petite toux avec gêne habituelle de la respiration. Vers le commencement de décembre 1818, il fut pris d'un catarrhe pulmonaire qu'il négligea d'abord et qui ne l'empêcha pas de vaquer à ses travaux. Mais au bout de quinze jours, la gêne de la respiration et l'augmentation de la toux le forcèrent à garder le repos. Quelques jours après, la dyspnée ayant consi- dérablement augmenté, C*** entra à l'hôpital Necker, et présenta, le 4 janvier 181g, les symptômes suivans : amaigrissement médiocre, thorax bombé et presque cylindrique antérieurement, voûté postérieurement; tion , et n'a pu la voir et surtout la décrire dans tous ses de- tails. Au reste ; en lui faisant examiner, quelque temps après, les poumons du sujet de l'observation xvm, il a reconnu qu ils étaient absolument dans le meme état, à 1 étendue de la lésion près, que ceux dont on vient de lire la description. 248 EMPHYSEME DU POUMON. muscles de l'abdomen rétractés et rendant par là les fausses côtes saillantes, décubitus horizontal difficile. Le malade se tenait presque assis dans son lit, le tronc un peu fléchi en avant ; la chaleur de la peau était mo- dérée ; la respiration était haute, courte et entrecoupée par des quintes de toux suivies de l'expectoration d'un mucus filant, demi-transparent et un peu spu- meux ; les pommettes, les lèvres et les ongles étaient d'une couleur violette. Le thorax donnait un son très-clair dans toute son étendue, excepté postérieurement et inférieurement à droite, où il était presque nul. La respiration, explorée par le cylindre, était à peine sensible et mêlée d'un peu de râle tantôt muqueux, tantôt sibi- lant dans toute l'étendue du côté gauche de la poi- trine. La partie supérieure du côté droit présentait les mêmes phénomènes; mais, dans la partie inférieure de ce côté, on n'entendait qu'un léger râle crépitant, sans mélange du bruit naturel de la respiration. Les battemens du cœur étaient faibles et s'entendaient à < * 1 peine. Le pouls, peu fréquent et faible, présentait quelques intermittences. Les jugulaires externes étaient gonflées, mais elles n'offraient point de pulsations. Le ventre n'était nullement douloureux à la pression. La soif et l'appétit étaient nuis; les facultés intellectuelles intègres. Diagnostic : Emphysème du poumon, avec ca- tarrhe suffocant et légère péripneumonie de la partie inférieure du poumon droit. ( Infusion béchique avec une once d'oxymel scilli- tique, looch gommeux incisif, sinapismes aux cuisses.) Le 5, couleur violacée de la face plus marquée, EMPHYSÈME DU POUMOJY. 24o orthopnée; memes observations par le cylindre; pouls très-faible, yeux entrouverts, parole difficile. (Vésicatoires aux jambes.) Le soir, le malade tomba dans une espèce de co- ma ; la peau était froide, le pouls à peine sensible. On entendait, à l'oreille nue, un râle très-fort dans la trachée-artère. Mort pendant la nuit. Ouverture du corps faite trente-six heures après la mort. - Cadavre d'un homme de trente ans , pré- sentant les apparences indiquées ci-dessus. 11 coula peu de sang à l'incision des tégumens du crâne. L'hémisphère gauche du cerveau avait un peu plus d étendue d'avant en arrière que le droit. Celle disposition était évidemment originelle. Une assez grande quantité de sérosité était infiltrée sous la pie- mère. Les ventricules latéraux en contenaient à-peu- près un gros chacun. Les veines des méninges étaient gorgées de sang.' A l'ouverture de la poitrine, le poumon gauche vint faire saillie au-devant du médiastin ; sa surface était unie, lisse, un peu luisante et comme onctueuse ; il remplissait exactement la cavité de la plèvre, et ad- hérait en deux points à cette membrane par une bride celluleuse transparente et bien organisée; il donnait au tact une sensation en quelque sorte moyenne entre celle d'une vessie humide à demi pleine d'air que l'on presse entre les doigts et la crépitation naturelle au tissu pulmonaire sain. L'air semblait se déplacer sous la pression plus facilement que dans l'état naturel, et en plus grande quantité a-la-fois. Les vésicules aériennes, évidemment dilatées, pré- sentaient à l'œil nu, dans presque toute la surlace du 15o EMPHYSÈME DU POUMON. poumon, la grandeur qu'elles offrent ordinairement à la loupe, c'est-à-dire , celle d'un pépin de raisin pour les plus grosses, et celle d'un grain de millet pour les plus petites. Leur figure était globuleuse ou ovoïde. En outre, aux points de réunion des intersections qui séparent les diverses masses des cellules aériennes et dessinent à la surface du poumon des espèces de losanges, on voyait çà et là des ampoules trois ou quatre fois plus grandes et de forme à-peu-près trian- gulaire, mais également sans saillies quoiqu'elles fussent produites par l'air placé entre la plèvre et le tissu pul- monaire. En les ouvrant avec la pointe d'un scalpel, on trouvait une cavité capable de loger un grain de chencvis ou meme un noyau de cerise, formée par l'écartement de trois ou quatre masses ou lobules de cellules aériennes qui se réunissaient au même point. Les parois de cette cavité, excepté celle qui était formée par la plèvre, ne s'affaissaient pas par la piqûre, et laissaient voir à la loupe, et même à l'œil nu, qu'elles étaient formées par les cellules aériennes dont les bosselures étaient plus saillantes qu'à la surface du poumon; d'ailleurs, l'air extravasé ne paraissait pas pénétrer plus loin dans le tissu des intersections dont il s'agit, car elles étaient aussi minces et aussi denses que dans l'état naturel. Le tissu pulmonaire, incisé, crépitait moins sous le scalpel que dans l'état naturel ; il ne laissait suinter ni sang ni sérosité, et était moins humide que le pou- mon le plus sain, par-tout ailleurs que vers la racine. Les bronches étaient très-rouges, et remplies d'un mu- cus blanc et filant. Les tuyaux bronchiques parais- saient plus dilatés que dans l'état naturel. EMP1IYSÈMÏS DU POUMON. a5i Le poumon droit présentait f dans ses lobes supé- rieur et moyen, le même état que le gauche; infé- rieurement il offrait une dureté plus grande dans son tissu, et, à la partie postérieure - inférieure surtout, il avait une fermeté égale à celle du foie. Dans cet endroit, son tissu était d'un rouge violet, mêlé de teintes jaunâtres, et offrait à l'incision une surface grenue. Un peu plus haut et plus en avant, il était encore un peu crépitant quoique très-gorgé de sang et de sérosité sanieuse, qui suintait en grande quan- tité des incisions faites dans toute la partie durcie. Le cœur, d'un volume naturel, avait des cavités bien proportionnées ; son tissu était rouge et ferme. Le péricarde contenait une petite quantité de sérosité. L'estomac et les intestins étaient un peu dilatés par des gaz ; ils n'offraient d'ailleurs aucun altération dans leurs membranes. Les organes urinaires et reproducteurs étaient sains. 274. Obs. xxi. Emphysème du poumon, avec crevasses du tissu pulmonaire, chez une Jemme gué- rie depuis long-temps de la phthisie pulmonaire. - Jeanne Jolivet, veuve Cherouge, femme-de-chambré, âgée de cinquante-deux ans, d'une taille ordinaire, d'un tempérament lymphatico- sanguin, entra à l'hô- pital Necker le 7 janvier 181g. Depuis l'age de trente- quatre ans, elle avait la respiration courte et une toux habituelle sans beaucoup d'expectoration , qui était souvent assez fréquente pour la priver du sommeil. Elle éprouvait aussi de temps en temps des palpita- tions. Ces incommodités l'obligeaient pour la première fois d'interrompre son travail. 252 EMPHYSÈME DU POUMON. Examinée le 8 janvier, elle présentait l'état sui- vant : amaigrissement médiocre , teint de la face et du tronc un peu brunâtre , lèvres légèrement vio- lettes , position horizontale impossible , figure mo- rose , fonctions intellectuelles lentes quoique saines, respiration courte et difficile , toux assez frequente , forte et en quelque sorte convulsive, se rapprochant de celle qui a lieu dans la coqueluche, c'est-à-dire qu'une inspiration sonore et prolongée était suivie de plusieurs expirations ; expectoration d'une matière fi- lante et transparente , assez liquide, dans laquelle na- geaient quelques crachats jaunes et opaques ; chaleur de la peau à-peu-près naturelle ; pouls faible , un peu fréquent. La poitrine résonnait bien ; la respiration était nulle sous les clavicules et sur les côtés ; elle s'entendait très-peu postérieurement à gauche et à droite. La pectoriloquie était parfaite dans l'espace compris entre la clavicule droite et le bord supérieur du trapèze, douteuse à la racine de chaque poumon. Les ventricules du cœur donnaient une impulsion médiocre , presque sans son , et la contraction des oreillettes était également peu sonore. Les jugulaires externes étaient très-gonflées , mais elles n'offraient point de pulsations (æ). D'après ces signes , je fis porter sur la feuille de dia- {a) Il y avait encore chez cette femme, comme on le verra par l'ouverture, une le'gère hypertrophie avec dilatation du ventri- cule droit, et une dilatation me'diocre du gauche. L'examen des battemens du cœur n'indiquait pas non plus ces lésions dans le tiennent où je l'ai fait. On verra, comme je l'ai déjà dit, dans EMPHYSÈME DU POUMON." 255 gnostic : Excavation au sommet du poumon droit, dilatation des bronches, et particulièrement des gros troncs bronchiques. J'attribuai à cette dernière cause la pectoriloquie douteuse que l'on trouvait vers la racine des poumons. L'état de la respiration, la com- paraison des signes donnés par la percussion et par le cylindre et l'ensemble des symptômes indiquaient aussi l'emphysème du poumon ; mais, étonné en quelque sorte du nombre de malades chez lesquels je trouvais les signes de cette maladie depuis que j'y portais une attention particulière , je suspendis mon jugement à cet égard jusqu'à un examen ultérieur, présumant, d'ailleurs , que la dilatation des bronches soupçonnée d'après la pectoriloquie douteuse qui exis- tait à la racine des poumons pouvait, si elle était gé- nérale et un peu intense, comprimer assez le tissu pulmonaire pour rendre le bruit de la respiration très- peu sensible. (Infusion béchique, looch gommeux , quatre sang- sues à l'épigastre. ) Le 10 janvier, la respiration paraissait plus embar- rassée , sans pourtant que la malade exprimât aucune plainte à cet égard. La peau était froide , le pouls pe- tit et faible. Mêmes caractères de la toux , même ob- servation par le cylindre. Le soir , la malade tomba dans une espèce de coma ; un râle assez fort s'enten- dait dans la trachée ; la respiration était courte et rare. la quatrième partie de cet ouvrage, la cause de jette intermis- sion des signes des maladies du cœur. Au reste, ici encore, il est évident que la maladie du cœur était consécutive à celle du poumon. 9.54 EMPHYSÈME DU POUMON. Le 11, couleur brune plus foncée de la face , lèvres plus violettes , sorte d'anéantissement successif des fa- cultés intellectuelles, poids à peine sensible. Mort dans la journée, sans plaintes et sans agonie. Ouverture fai te trente-six heures après la mort.- Cadavre d'environ cinq pieds, dont la maigreur pa- raissait tenir à la constitution du sujet plutôt qu'à un amaigrissement morbide. Poitrine un peu arrondie en avant et presque égale dans ses deux diamètres trans- verse et antéro-postérieur. La substance du cerveau était très-ferme et laissait suinter beaucoup de gouttelettes de sang. Les circon- volutions cérébrales étaient légèrement aplaties. La substance du cervelet et celle de la protubérance mé- dullaire étaient plus molles que celle du cerveau. Au côté droit et un peu au-dessus de la glande pi- tuitaire , existait un petit corps rond, de la grosseur d'une noisette, d'une couleur gris-rose, de forme absolument sphérique, et qui était comme enchatoné par une portion de sa surface dans un petit enfon- cement de la glande pituitaire. Cette tumeur était com- posée d'un grand nombre de petits grains de couleur rosée , humides et friables , gros comme des têtes d'épingles, et réunis entre eux par une substance molle , comme filamenteuse , et évidemment vascu- laire. Les deux poumons adhéraient avec tant de force à la face interne des côtes au moyen de lames membra- neuses fort courtes et assez épaisses, qu'on eut beau- coup de peine à les détacher. Le poumon gauche offrait à sa surface , dans les points qui ne correspondaient pas aux adhérences , EMPHYSÈME DU POUMOK. □55 un aspect lisse et luisant. Une intersection naturelle séparait le lobe supérieur en deux parties , dont la plus petite formait dn sommet du poumon comme un troisième lobe de la grosseur et à-peu-près de la forme de la moitié d'une pomme d'api. Ce lobule surnuméraire était replié sur lui-même en dedans et en arrière , et maintenu dans cette position par trois ou quatre petites brides membraneuses très-fermes , qui, parlant de sa face interne, à un demi-pouce au- dessus de l'intersection qui le séparait du reste du lobe supérieur, allaient se rendre au bord supérieur de ce dernier. Il présentait, de cette manière, une face interne concave et repliée sur elle-même, et une face externe et supérieure bombée. Cette dernière, sans adhérence avec la plèvre costale, offrait une surface lisse et toute couverte de vésicules demi - transpa- rentes , légèrement saillantes, et dont la grosseui' va- riait depuis celle d'un grain de chenevis jusqu'à celle d'un gros noyau de cerise. Ces vésicules, pleines seulement d'air, et qu'il était facile de reconnaître pour les alvéoles aériennes elles- mêmes plus ou moins dilatées, étaient tellement nom- breuses qu'elles couvraient plus des deux tiers de la surface du lobule indiqué , et lui donnaient un aspect fort analogue à celui des poumons d'une grenouille. Les alvéoles intermédiaires à celles qui étaient ainsi distendues étaient aussi dans un état de dilatation notable, quoique moindre , les plus petites ayant le volume d'un grain de millet. On voyait, en outre, dans la scissure qui séparait le lobule décrit ci-dessus du reste du lobe supérieur , deux vésicules de la forme et de la grosseur d'un pois, EMPHYSÈME DU POUMON< toul-à-fait saillantes à la surface du poumon et un peu étranglées au point où elles en sortaient. En les in- cisant , on voyait que leur cavité se prolongeait à en- viron une ligne de profondeur dans la substance pul- monaire, et on apercevait au fond, de meme que dans celui des autres vésicules moins saillantes et di- latées au même degré, de petites ouvertures par les- quelles elles communiquaient sans doute avec les vé- sicules voisines ou avec les bronches. On ne pouvait déplacer avec le doigt et faire courir sous la plèvre les vésicules saillantes dont il s'agit, comme on le fait des bulles d'air extravasées qui se trouvent quel- quefois sous cette membrane dans l'emphysème du poumon. L'ouverture de deux ou trois vésicules n'avait pas affaissé sensiblement le lobule décrit; mais une inci- sion d'un demi-pouce l'aplatit toul-à-coup presqu'en- tièrement. Dans presque tout le reste de la surface du poumon, cette dilatation des cellules aériennes était encore très- notable , quoique portée moins loin que dans l'en- droit dont nous venons de parler. Elles offraient en- core assez de capacité pour pouvoir loger presque toutes au moins un grain de millet , et quelques-unes cà et là offraient le volume d'un grain de chenevis ou d'un petit pois; mais ces dernières étaient beaucoup plus clair-semées que dans le lobule supérieur. Les faces externe et postérieure du même poumon étaient celles où la dilatation était portée le moins loin. On apercevait çà et là, et particulièrement à la partie latérale moyenne du poumon , quatre ou cinq bos- selures de la grosseur d'une amande et de forme irré- EMPHYSÈME DU POUMOV. gulièrement ovale : leur surface était couverte de vé- sicules aériennes dilatées, de la grosseur d'un grain de chenevis. Ces bosselures correspondaient à des ex- cavations situées à deux ou trois lignes de profondeur dans le tissu pulmonaire , et qui étaient évidemment le produit de ruptures qui s'y étaient faites. Ces excavations , dont la plus grande aurait pu Con- tenir une noix de moyenne grosseur, et les plus pe- tites une aveline , étaient pleines d'air, et s'affaissè- rent dès qu'elles furent ouvertes. La surface interne de deux d'entre elles était, en outre, teinte de sang, ce qui lui donnait un aspect assez analogue à celui des corps caverneux. Une de ces dernières contenait même un petit caillot de sang qui occupait à-peu- près le quart de sa cavité. Les parois des autres exca- vations n'offraient pas plus de rougeur que le reste du tissu pulmonaire, et présentaient des cellules aériennes évidemment rompues et affaissées jusqu'à une pro- fondeur d'environ une demi-ligne. Plus loin , ces cellules étaient encore dilatées , tant du côté de la surface du poumon que du côté de son intérieur ; ce qu'on reconnaissait en ce que son tissu présentait >■ au moment où on l'incisait , une foule de petites ou- vertures béantes dont les plus grandes auraient pu loger un grain de chenevis, et étaient séparées par des cellules plus petites et rougeâtres. Il est à remarquer que cette disposition n'existait nulle part plus loin qu'à un pouce de la surface du poumon , et que , plus profondément, on n'aperce- vait plus de traces bien distinctes de la dilatation des cellules pulmonaires. Il était également évident que les alvéoles dilatées n'étaient ni plus grosses ni en 258 EMPHYSÈME DU POUMON. plus grand nombre dans les environs des ruptures ; que rien n'indiquait en ces endroits que l'air se fût in- filtré dans le tissu inter-alvéolaire , ou plutôt que l'as- pect des parties indiquait positivement le contraire. Outre cette dilatation des cellules aériennes, le tissu du poumon était encore teint et un peu humecté d'une sérosité fortement sanguinolente ; nulle part cepen- dant il n'était durci ; mais il crépitait moins sous le doigt que dans l'état naturel. Le poumon droit adhérait à la plèvre costale, laté- ralement par quelques lames cellulaires, supérieure- ment d'une manière intime et si forte qu'on fut obligé de le détacher avec le scalpel. Dans le reste de son étendue, il offrait à sa surface, de même que le gauche, un aspect lisse et brillant , et une sorte de demi-trans- parence. On apercevait également sous la plèvre pul- monaire les alvéoles aériennes dilatées à divers degrés et séparées par des cloisons blanches et opaques. Ce- pendant la dilatation des cellules pulmonaires était moins forte que dans le poumon gauche, et on ne voyait point ici de ces bosselures répondant à des ex- cavations formées' par la rupture du tissu pulmonaire, ni de ces petites tumeurs immobiles sous la plèvre soulevée. A la partie poslérieure-supérieure de ce poumon, on remarquait une excavation ovale , longue d'en- viron deux pouces et large de quinze lignes au moins dans son milieu, ayant à-peu-près deux lignes de profondeur , dont la surface interne, lisse et comme polie, quoiqu'un peu inégale , était blanche, avec des taches rougeâtres par endroits, formées par le rappro- chement d'un grand nombre de petits vaisseaux. On EMPHYSÈME DU POUMON. y voyait, de plus , quelques petits fragmens d'une matière opaque , très-sèche , à demi friable , et d'un jaune d'ochre pâle , adhérens et comme implantés dans ses parois. Dans le fond de cette excavation ve- naient aboutir trois rameaux bronchiques gros comme des plumes d'oies, et dont l'ouverture était béante , lisse , arrondie, et unie par continuité de substance avec les parois du kyste : la communication de ces rameaux avec leurs troncs était parfaitement libre. Ce kyste , dont la partie supérieure-postérieure pré- sentant une excavation d'une égale capacité était restée adhérente aux côtes lorsqu'on avait détaché le pou- mon , avait une épaisseur fort inégale. Dans la partie restée adhérente aux côtes , elle était d'environ deux lignes ; dans celle qui était enfoncée dans le tissu pul- monaire , elle variait de trois à sept ou huit lignes. La substance de ce kyste offrait une couleur blanche et brillante, une légère demi-transparence, une texture tout-à-fait semblable à celle des cartilages inter-ver- tébraux , avec une fermeté peut-être plus grande. Sa cavité était tout-à-fait vide , car il ne s'en était rien écoulé lorsqu'on la coupa en deux en détachant le poumon. la fig. 5, pl. m.) A la partie inférieure moyenne du kyste, point où ses parois étaient le plus épaisses , il en partait quatre ou cinq lames d'épaisseur irrégulière , formées par la même substance cartilagineuse , qui pénétrait dans le tissu pulmonaire à une profondeur d'environ un pouce, en divergeant irrégulièrement. Le tissu pulmo- naire placé entre ces lames , qui lui adhéraient inti- mement ainsi que le kyste, était flasque, grisâtre, com- primé , mais d'ailleurs tout-à-fait sain. 2ÔO EMPHYSÈME DU POUMON. Le reste du tissu pulmonaire , beaucoup moins in- filtré de sérosité sanguinolente que le poumon gauche, excepté vers la base de l'organe , oflrait cà et là , mais en petit nombre, quelques petits kystes parfai- tement arrondis et gros comme des grains de che- nevis ou des noyaux de cerise. Ils contenaient une matière - d'un jaune d'ochre pâle , à peine humide , évidemment crétacée, mais plus grasse que de la craie pure , et qui paraissait composée d'un mélange de matière crétacée et de matière tuberculeuse. On la faisait facilement sortir, par la pression, des kystes qui la renfermaient. Ces kystes avaient une épaisseur assez égale , d'une ligne ou d'une demi-ligne , une cou- leur grisâtre , une demi-transparence bien marquée, et une texture évidemment demi-cartilagineuse. Le cœur, d'un volume un peu plus considérable que celui du poing du sujet, offrait sur sa face ex- terne plusieurs plaques blanchâtres de la grandeur d'une pièce de six francs. Son ventricule gauche avait des parois assez minces et une cavité assez vaste ; il était distendu , ainsi que l'oreillette du même côté, par un sang noir et demi-caillé. Le ventricule droit offrait aussi une cavité assez vaste , mais jointe à des parois presqu'aussi épaisses que celles du ventricule gauche. Les colonnes charnues y étaient peut-être aussi plus fortes , proportion gardée , que celles de ce dernier. L'oreillette droite n'offrait rien de remar- quable. Les autres viscères étaient sains. Les quatre observations que l'on vient de lire mon- trent l'emphysème du poumon dans ses divers degrés. La dernière donne, en outre, un exemple de la pos- EMPHYSÈME DU POUMON. 201 sibilité (le la guérison de ce qu'on appelle ordinaire- ment un ulcère du poumon, et, par conséquent, une nouvelle preuve à ajoutera ce que nous avons dit à cet égard (§ g4et suiv.). Cette observation est d'autant plus remarquable qu'elle offre à-la-fois l'exemple des deux modes de guérison que nous avons décrits, la cicatrisa- tion et la fistule ; car l'épaisseur considérable du kyste fistuleux à sa partie inférieure , et les lames cartilagi- neuses qui en partaient, ne peuvent être regardées que comme l'effet de la production surabondante de ma- tière cartilagineuse qui a quelquefois lieu dans ces cas , et dont il a été parlé §117. Il resterait à déterminer quelle est la matière mor- bifique qui avait donné lieu à la cavité ulcériforme, et dont on trouvait encore quelques fragmens comme desséchés , implantés superficiellement dans les parois du kyste. Je crois , comme je le dirai plus bas , que c'était un mélange de la matière tuberculeuse et de la matière crétacée. Au reste, je pense que cette ma- tière , quelle quelle soit, était, pour me servir de cette expression , dans un état de mort. Cette opinion est peut-être hasardée ; mais l'observation ne permet pas de douter , ainsi que l'a dit mon excellent ami M. Bayle (fl), que les productions accidentelles, telles que les tubercules et les diverses espèces de cancers, ne jouissent d'une véritable vie dont les lois et la durée diffèrent seulement de celles de la vie des tissus natu- rels de l'économie animale. Dans l'origine , ces productions ont une consi- (a) Dictionnaire des Sciences médicales, au mot Anatomie pathologique (Considérations sur l'}. L>G2 emphysème du poumon. stance ferme, quelquefois dure ; elles sont alimen- tées par des vaisseaux sanguins appareils, ou au moins par des vaisseaux lymphatiques. Dans cet état, elles s'accroissent indéfiniment. La lenteur ou la rapi- dité de leur croissance n'est pas plus fixe que son terme. Quand cet accroissement est terminé , la tu- meur peut rester stationnaire pendant un temps plus ou moins long, en conservant son organisation primi- tive , qui constitue ce que j'ai appelé Vétat de crudité; ou bien elle passe sur-le-champ à un second état qui doit amener sa destruction : c'est le ramollissement. Ce ramollissement se fait aussi suivant des lois diffé- rentes de celles que suit la décomposition chimique des substances animales : jusqu'à ce qu'il soit complet, la production accidentelle est soumise à l'influence des forces de la vie ; et, par une conséquence néces- saire , elle réagit sur l'économie animale , et y pro- duit une impression plus ou moins délétère : de là la fièvre , l'amaigrissement et le trouble des fonctions des organes les plus éloignés de celui qiti est le siège de la maladie, symptômes qui accompagnent le plus ordinairement la période la plus avancée du ramol- lissement (<z). Mais si, à une époque quelconque du ramollisse- ment, une partie de la production accidentelle vient à se détacher de la masse et des tissus voisins, et qu'elle se trouve libre et flottante dans l'excavation qu'a déter- minée le ramollissement, dès-lors elle cesse de se ra- mollir, elle devient un corps inerte, et ne peut plus agir (a) JAjy. Dictionnaire des Sciences médicales, au mot Ana- tomie pathologique. PRODUCTIONS ACCIDENTELLES. 265 sur l'économie animale que comme un corps etranger : c'est cet état que j'appelle Vétat de mort. L'observa- tion v (§ .en offre un exemple plus évident encore que celui-ci. CHAPITRE III. DES PRODUCTIONS ACCIDENTELLES DÉVELOPPÉES DANS LES POUMONS. ARTICLE 1er. Des Productions accidentelles du poumon en general. Diverses espèces de cancer, des kystes qui contiennent des liquides de nature variable, ou des vers vésiculaires , des tumeurs cartilagineuses, osseu- ses ou calculeuses , se développent quelquefois dans le poumon. Je ne parlerai ici que de celles de ces productions que j'ai eu occasion de bien étudier, ou qui ont fixé d'une manière particulière l'attention des observateurs. Ces productions sont : i° les kystes proprement dit j 2° les kystes contenant des vers vé- siculaires ; 3° les masses fibreuses f cartilagineuses , osseuses ou osséo-crétacées; 4° les tubercules; 5° 1 es- pèce de cancer que j'ai désigné sous le nom dEnce~ phaloïde ou de Matière cérébriforme ; 6° celui au- quel j'ai donné le nom de Mélanose. Je parlerai séparément de chacune de ces espèces de productions, après que j'aurai exposé ce quelles offrent de commun sous le rapport de leurs «ignés, et particulièrement de ceux que peut donner l'auscultation médiate. 276. Quelle que soit la nature des tumeurs dévelop- pées dans le poumon, les symptômes qu elles produisent 2Ô4 PRODUCTIONS ACCIDENTELLES sont presque toujours les mêmes , et se réduisent ordinairement à une dyspnée dont l'intensité est pro- portionnée au volume des tumeurs, et* à une toux plus ou moins forte, tantôt sèche, tantôt accompa- gnée d'une expectoration de nature variable. Les can- cers, même les plus délétères de leur nature, l'encépha- loïde ou matière cérébriforme, par exemple, arrivent souvent à un volume considérable, et produisent la mort par suffocation avant d'avoir produit une alté- ration notable dans la nutrition et les autres fonctions de l'économie Ça). 27 7 • Les tubercules produisent, beaucoup plus com- munément qu'aucune autre production accidentelle , une influence générale sur l'économie, et par suite l'al- tération de la nutrition , l'amaigrissement et la fièvre hectique. Quoique ces symptômes ne surviennent ordinairement qu'à l'époque de leur ramollissement, et que, dans la plupart des cas, les tubercules , non plus qu'aucune autre production accidentelle, ne donnent des signes généraux de leur présence que long-temps après l'époque de leur formation, ainsi que l'a démontré M. Bayle, cependant on voit dans quelques cas, rares à la vérité , tous les signes de la phthisie se développer , et la mort survenir chez des sujets à l'ouverture desquels on ne trouve encore que des tubercules crus. 278. Lorsqu'une tumeur quelconque a un volume un peu considérable, celui d'un œuf, par exemple, le cylindre indique sa présence par l'absence de la (a) Dictionnaire des Sciences médicales, au mot Encé- phaloïdes. r DÉVELOPPÉES DANS LES POUMONS. 2 65 respiration dans le lien où elle existe. Mais quand les tumeurs sont petites, si Je tissu pulmonaire est d'ailleurs sain dans leurs intervalles , en quelque nom- bre que soient ces tumeurs, le cylindre n'indique plus rien. J'ai souvent entendu la respiration se faire avec une force et une netteté égales dans les deux côtés chez des sujets qui, à l'ouverture, présentaient un poumon sain , ou contenant seulement quelques tubercules d'un très-petit volume , et l'autre rempli de tumeurs de même genre dont la grosseur variait depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'une aveline, et dont le nombre était tel que le poids de ce poumon était double ou triple de celui d'un poumon sain. 27g. 11 est à remarquer que, dans ce cas, c'est-à-dire dans celui où le poumon rempli de tubercules a cepen- dant fait entendre la respiration d'une manière presque parfaite jusqu'au dernier moment de la vie , le tissu pulmonaire, dans les intervalles des tubercules, est tout aussi crépitant que celui du poumon le plus sain, et ne présente aucune trace de la compression que ces tumeurs sembleraient avoir dû exercer sur lui ; et cependant, dans beaucoup de ces cas, le volume réuni des tubercules peut être estimé à plus du quart de celui du poumon, et leur poids à une ou deux livres, tandis que quelques onces de sérosité produisent toujours sur une partie du poumon une compression suffisante pour empêcher l'air d'y péné- trer, rendre la respiration moins bruyante, et donner au tissu pulmonaire une flaccidité particulière qui sera décrite plus bas en parlant des suites de la pleurésie. 280. On peut même poser en principe que, z66 PRODUCTIONS ACCIDENTELLES dans aucun cas, les tubercules ne compriment le tissu pulmonaire ainsi que le font les épanchemens dans la plèvre, au point d'en exprimer l'air et de le rendre non crépitant. Car lors même que les inter- valles des tubercules sont imperméables à l'air , en examinant attentivement, on voit que cette imper- méabilité dépend ou de l'engorgement gris (§ 3o) qui constitue le premier degré de l'infiltration de la matière tuberculeuse, ou de l'engorgement séreux qui remplace quelquefois ce tissu gris ( § 4°), ou plus rarement d'une véritable inflammation ; mais jamais on n'y remarque rien qui ressemble à la flac- cidité résultante de la compression. On observe au contraire assez souvent cette flaccidité autour des cicatrices pulmonaires , et particulièrement de celles qui sont cartilagineuses, dures , informes , formées de lames irrégulièrement entre-croisées , et environ- nées de beaucoup de matière noire pulmonaire. Ce que je viens de dire des tubercules s'applique également aux autres espèces de tumeurs qui se dé- veloppent dans le poumon. J'ai trouvé dans cet organe des encéphaloïdes du volume du poing, autour des- quels le tissu pulmonaire était tout-à-fait crépitant et ne présentait aucune trace de compression. La percussion ne peut, non plus que l'auscultation par le 'cylindre, faire connaître l'existence des tumeurs peu volumineuses et isolées du poumon, en quelque nombre quelles soient; mais quand le tissu pulmonaire qui sépare ces tumeurs est engorgé d'une manière quelconque, la percussion donne un son mat, et la respiration cesse de se faire entendre dans le point affecté. DEVELOPPEES DANS LES POUMONS. 2G7 281. Les tumeurs qui se développent dans le tissu cellulaire du médiaslin pourraient peut-être aussi, lorsqu'elles ont un certain volume , être reconnues par l'exploration de la respiration. Il se développe quelquefois dans cette partie des masses tubercu- leuses ou cancéreuses d'un volume considérable. J'en ai trouvé de plus volumineuses que le poing : les ané- vrysmes de l'aorte en forment souvent de plus consi- dérables encore. Dans l'état naturel, la respiration s'entend dans toute l'étendue du sternum. 11 est très-probable, pour ne pas dire certain, que , dans le cas où il existerait une tumeur semblable à celle dont je viens de parler, 011 ne l'entendrait pas dans le point correspondant. Je n'ai pas eu occasion de vérifier cette conjecture. Au reste, la percussion donnerait dans les mêmes cas un indice équivalent ; et, quant à l'anévrysme de l'aorte, il pourrait en outre être indiqué par l'auscultation de la circulation, comme nôus le verrons plus bas. ARTICLE II. Des Kystes développés dans le poumon. 282. J'entends par kystes, avec la plupart des ana- tomistes modernes, une membrane accidentelle for- mant une sorte de sac sans ouverture , ordinairement obrond, quelquefois cependant irrégulier et anfrac- tueux , et contenant une matière liquide ou demi- liquide, sécrétée par la membrane même qui forme le kyste. 283. 11 est encore une autre espèce de kystes : ce sônl ceux qui renferment des substances plus solides 268 DES KYSTES. et étrangères à l'économie animale saine , comme la matière tuberculeuse et les diverses espèces de cancers auxquelles ils servent seulement d'enveloppe. Je n'entends parler dans cet articlé que des kystes de la première espèce. Ces kystes sont toujours formés par un tissu naturel, c'est-à-dire, semblable à quelques-uns de ceux qui existent naturellement chez l'homme sain. Le plus ordinairement la membrane qui les constitue ressemble tout-à-fait aux membranes séreuses, telles que la plèvre et le péritoine, ainsi que l'a observé Bi- chat ; quelquefois cependant elle se rapproche davan- tage des membranes muqueuses, telles que celle de la vessie où des intestins. Assez souvent une couche de tissu fibreux ou de tissu cellulaire condensé, plus ou moins épaisse et ordinairement incomplète , enve- loppe extérieurement les kystes et les unit aux parties voisines. 284» Quelquefois même on trouve des kystes uni- quement formés par un mélange de ces deux derniers tissus, auxquels se joignent alors assez ordinairement le tissu cartilagineux et même des lames osseuses plus ou moins grandes. La surface interne de ces kystes composés n'offre presque jamais l'aspect lisse et poli des kystes séreux et muqueux ; elle est au contraire inégale , raboteuse, et souvent tapissée çà et là par une matière albumi- neuse ou fibrineuse , demi-concrète , qui fait corps avec les parois mêmes du kyste et se confond insen- siblement avec elle. 285. Les kystes sont, de toutes les productions ac- cidentelles, celles qui se développent le plus rarement dans le poumon de l'homme : Morgagni n'en donne développés dans les poumons. 269 qu'un seul exemple (fl). Mais il n'est pas rarq d'en trouver dans celui de certains animaux, et particu- lièrement dans celui des bœufs et des moulons. Ces derniers sont ordinairement séreux, contiennent un liquide ténu et très-limpide, et sont formés par une membrane très-mince. Chez l'homme , au contraire, je n'ai jamais trouvé dans le poumon que des kystes com- posés, de l'espèce de ceux que j'ai décrits ci-dessus, et j'en ai rencontré tout au plus trois ou quatre. Le plus volumineux que j'aie vu eût été capable de con- tenir une pomme ; il était situé dans le lobe inférieur du poumon droit. Sa forme était très-irrégulière ; ses parois, inégalement épaisses de deux à quatre lignes, étaient revêtues intérieurement par une substance d'un blanc jaunâtre , albumineuse ou fibrineuse , qui se rapprochait beaucoup, pour l'aspect, de la tunique moyenne des artères , et dont la surface inégale sem- blait en quelques points tomber en détritus. Plus extérieurement, ce kyste présentait une texture parfai- tement fibreuse et semblable à celle d'un tendon. Par endroits, il avait la consistance et l'aspect des cartila- ges. On y voyait aussi plusieurs plaques ou pointes osseuses, de longueur variable, dont les unes étaient parallèles à la direction de ses parois, d'autres la tra- versaient presque perpendiculairement, et venaient faire saillie, d'une part dans le kyste, de l'autre dans le tissu pulmonaire, dont elles étaient séparées par une couche fibreuse épaisse, qui adhérait très-fermement à l'ossification, et qu'il était également impossible de séparer du tissu pulmonaire, quoique la ligne de sé- (a) Epist. LXIX, n° 8. J O DES VERS VESICULAIRES paratjoii entre ces deux tissus fût très-marquée. Toutes les plaques osseuses avaient une gaine semblable lors- qu'elles étaient dans le tissu du kyste ou du poumon; mais les points qui pénétraient dans la cavité du kyste étaient parfaitement à nu. Ce kyste contenait un li- quide jaunâtre puriforme. Il n'est pas douteux qu'un kyste de ce volume ne dût produire l'absence ou une diminution très-notable du bruit de la respiration dans les points correspon- dans de la poitrine. ARTICLE III. Des J ers vésiculaires développés dans le poumon. 286. La seule espèce de vers vésiculaires que j'aiè trouvée dans les poumons appartient au genre auquel j'ai donné le nom d'acéphalocystes Ça). Ces vers, désignés par les observateurs anciens sous le nom éé hjdati.de s et long-temps confondus avec les kystes , se présentent sous la forme d'une simple vessie d'un volume très-variable , molle, d'une consistance et d'un aspect tout-à-fait analogues à ceux du blanc d'œuf à demi cuit et de forme sphéroïde ou ovoïde. Leurs parois sont diaphanes ou demi-transparentes , incolores ou d'une couleur laiteuse, quelquefois un peu rougeâtre, jaunâtre, verdâtre ou grisâtre. (a) Ces vers se trouvent décrits dans un mémoire qui fait partie de ceux de la Faculté de Médecine, imprimés en 1806, mais que des circonstances particulières ont forcé de laisser inédits jusqu'à ce jour. On trouve dans le bulletin de la meme Faculté (an xin, i8o4, n° 10) un extrait du mémoire dont il s'agit. DÉVELOPPÉS DANS LES POUMONS. 27I La cavité de ces vessies renferme un liquide plus ou moins abondant, ordinairement séreux et lim- pide , quelquefois trouble et souillé de jaune ou d'une teinte sanguinolente. Quelquefois une grande acéphalocyste en renferme dans sa cavité plusieurs petites ; d'autres fois on en trouve de plus petites encore adhérentes à la surface ex- terne ou interne de leur mère, dont elles ne parais- sent se détacher que lorsqu'elles ont acquis une cer- taine grosseur. 287. Les acéphalocyste» n'ont d'ailleurs aucun or- gane distinct, et présentent le type de l'animal le plus simple que l'on puisse imaginer : c'est sans doute ce qui a porté M. Rudolphi à leur refuser cette qua- lité , et à penser que je m'étais trompé en la leur accordant («). Il serait trop long d'exposer ici toutes les raisons par lesquelles je pourrais soutenir ma manière de voir, et ce n'est pas ici le lieu. Je me contenterai seule- ment de dire que M. le professeur Percy a vu des hydatides de ce genre se mouvoir d'une manière très- distincte , et que j'ai observé tous les degrés de la re- production de ces vers , qui se fait, comme chez certains polypes , par des espèces de bourgeons qui, nés dans l'épaisseur des parois du ver , se pro- noncent à l'une ou à l'autre de ses surfaces, devien- nent creux, prennent une forme arrondie en gros- sissant, et finissent, comme je viens de le dire, par se détacher de leur mère. («) Enlozoorum sive vermium intestinalium historia na- turalis. Auctore Car. Asmundo Rudolphi. Amstel. in-S°, 1810, vol. il, pars il, pag. 36/, in addit. 272 DES VERS VÉSICULAIRES. 288. Les acéphalocystes sont toujours renfermées dans un kyste qui les sépare entièrement des parties environnantes. Ces kystes sont ordinairement fibreux; mais assez souvent on y trouve en outre des points cartilagineux ou osseux. Leur surface interne est ra- rement lisse ; souvent même elle est tellement inégale qu'elle paraît comme déchirée. Quelquefois elle est tapissée par une matière albumineuse opaque, demi-concrète, d'un jaune d'oclire un peu fauve, et en partie réduite en détritus. Quand il y a plusieurs acéphalocystes dans un même kyste , on y trouve en outre un liquide tantôt limpide , tantôt trouble, jaunâtre ou sanguinolent, dans lequel nage les vers ; mais lorsque le kyste n'en renferme qu'une seule, elle le remplit quelquefois en entier et tapisse immédiatement ses parois. 28g. Les acéphalocystes peuvent se développer dans presque tous les organes du corps humain. On les a rencontrées souvent dans le poumon; ou au moins toutes les observations A'hydatides trouvées dans cet organe me paraissent devoir se rapporter à ce genre de vers. Les plus remarquables sont celles qui ont été publiées par Johnson , Collet (ô) , Malloët(c), M. Baumes (fZ) et M. Geoffroy (e). Je crois devoir donner ici un extrait de cette der- nière, parce qu'on pourra reconnaître clairement qu'il (a) Abrégé des Transact. philosoph, part, vu, pag. 180. (Z») Commentarii de rebus in scient, nalural., volume xix, pag. 222. (c) Mémoires de l'Académie des Sciences, ann. 1782. [fï) Annales de Montpellier, tom. 1. (e) Bulletin de FEcole de Médecine, an xin, n° 12, 1800. DÉVELOPPES DANS LES POUMONS. 2j5 eût été facile de suivre les progrès de la maladie à l'aide du cylindre , et qu'il eût peut-être même été possible d'arriver à un diagnostic assez exacUpour se déterminer à tenter la guérison par l'ouverture de la poitrine. 290. Un jeune homme né de parens sains avait eu à dix-huit ans une péripneumonie qui avait élé guérie parfaitement. Les deux années suivantes, sa-santé avait élé notablement dérangée par des excès véné- riens , par les fatigues de la guerre , et par plusieurs affections syphilitiques négligées. A vingt-quatre ans , il avait éprouvé un rhume très-violent et très-opiniâtre, accompagné de vives douleurs au côté gauche qui l'empêchaient de pouvoir se coucher sur ce côté. Ces douleurs cessèrent avec le rhume; mais la cause la plus légère les faisait reparaître. Au mois de juillet 1800, ce jeune homme fut af- fecté d'un ictère qui se dissipa au bout de tiois mois. A cette époque , il rendit de très-petits morceaux de tænia. Quelque temps après, la douleur de côté et une toux sèche reparurent , et avec tant de violence que le malade ne pouvait faire le moindre mouve- ment. Bientôt celle douleur et celle toux dimi- nuèrent; mais peu de temps après, le jeune homme se plaignit d'une petite tumeur dont le sæge était, selon lui, dans l'hypochondre droit. Celte tumeur, peu sensible d'abord , le devint bientôt davantage et fut parfaitement reconnue. A cette époque, la toux sèche reparut accompagnée détouffemens momen- tanés. Au rapport du malade , il y eut déplacement de la tumeur, qui, à mesure qu'elle augmentait de volume, 274 DES VERS VÉSICULAIRES se rapprochait de la région ombilicale: effectivement le point de côté avait disparu , et il avait été rem- placé par de violentes coliques et des maux de tête très-fréquens. Au mois de mai i8o5 , le malade se présenta à M. Andry et à M. Geoffroy, qui le trou- vèrent dans l'état suivant : il était fort maigre ; il avait le faciès des personnes sujettes aux obstruc- tions : s'étant couché pour faire palper sa tumeur , elle parut d'un volume si considérable que la main pouvait à peine en embrasser la moitié ; sa durete était telle qu'elle ne cédait point sous le doigt ; sa surface semblait être très - lisse. Elle était mobile, et pouvait être facilement déplacée d'un pouce soit à droite , soit à gauche. La peau qui la recouvrait ne présentait aucun changement de couleur. Les mus- cles droits paraissaient dans un état de contraction spasmodique. Les batlemens du cœur étaient si vio- lons dans la région épigastrique qu'ils étaient sensibles même à l'œil. Le malade se plaignait d'un étouffement continuel et d'une espèce d'étranglement lorsqu'il montait un escalier. Cet étouffement lui occasionnait un mouve- ment des mâchoires qui ressemblait assez à un bâille- ment répété. Il éprouvait des faiblesses assez fré- quentes, toussait de temps en temps, et crachait parfois un peu de sang. Il avait aussi un tremblement presque continuel. Ces symptômes étaient plus prononcés dans les temps froids; ils diminuaient notablement lorsque la température était douce. Cependant l'appétit était toujours resté assez bon; quelquefois même il était excessif. Le sommeil, quoiqu'agilé , lui avait toujours procuré un peu de repos. Son pouls n'offrait point développés dans les poumons. de dérangement notable. Les urines étaient peu char- gées, et les selles avaient besoin detre provoquées par des lavemens. Cet état fut à-peu-près le même jusqu'au mois de janvier 1804, époque à laquelle la gêne de la respira- tion augmenta considérablement, ainsi que tous les autres symptômes déjà détaillés. Il eut encore quel- ques alternatives de mieux jusqu'au mois de mai; enfin, vers le commencement de juin, il éprouva deux accès très-violens, à un jour de distance, qui faillirent le suffoquer. Il revint à Paris pour con- sulter M. Geoffroy II avait fait dix lieues en voi- ture. Rendu chez lui, il se trouva assez bien, et soupa légèrement. Quelques heures après, il fut pris d'un nouvel accès de strangulation dans lequel il périt pen- dant qu'on était allé chercher le médecin. Il avait vingt-huit ans révolus. L'ouverture fut faite par MM. Dupuytren et Geof- froy. Us trouvèrent dans le lobe gauche du foie un kyste en partie caché dans la substance de ce viscère , en partie saillant dans la cavité abdominale, et sem- blable à une vessie qu'on pouvait mouvoir et déplacer à volonté. Les parois du kyste étaient minces et cepen- dant fibreuses ; elles semblaient retirées sur elles- mêmes et comme racornies. Sa cavité contenait , i° une certaine quantité d'un liquide de couleur brune; 20 un grand nombre de petites hydatides, la plupart de la grosseur d'un pois : on en remarquait une ou deux qui pouvaient avoir celle d un jaune d'œuf. La partie du kyste hydatique qui était placée hors du foie adhérait fortement à la petite courbure de 276 DÇS VERS VÉSICULAIRES l'estomac, et cependant il n'existait aucune trace de cicatrice sur la membrane interne de cet organe. La poitrine avait une dimension considérable, et était si exactement remplie, que le cœur, repoussé en bas, correspondait, comme M. Geoffroy l'avait remarqué sur le vivant, à la partie supérieure de l'épi- gastre. Les deux poumons, comprimés , aplatis et réduits à un feuillet très-mince, étaient refoulés vers la partie antérieure de la poitrine, derrière les carti- lages des côtes. Le reste des cavités des plèvres était 'occupé par deux tumeurs très-volumineuses, étendues l'une et l'autre depuis le sommet de la poitrine jusqu'au diaphragme ; elles adhéraient intimement aux côtes et à la totalité du médiastin, et avaient repoussé Je cœur hors de la cavité de la poitrine. Les deux tumeurs, également tendues et fluctuantes, avaient une enve- loppe blanche, fibreuse, assez mince, quoiquè fort résistante, et renfermaient chacune une énorme hyda- tide. Ces hydatides remplissaient exactement chaque kyste et semblaient y adhérer à l'aide d'une matière glutineuse. Le liquide parfaitement limpide quelles Contenaient fut évalué à cinq pintes et demie pour chacune. Leur longueur était d'environ onze pouces. La description des rapports des kystes n'est pas assez détaillée dans cette observation pour qu'on puisse assurer absolument qu'ils fussent situés dans le tissu pulmonaire, plutôt que sous l'un ou l'autre feuillet de la plèvre. Cependant il me paraît probable qu'ils s'é- taient développés primitivement dans le poumon , et qu'en se développant ils se sont portés a sa partie ex- terne , et 1 ont refoulé contre le médiastin. Une con- sidération plus importante paraît avoir frappé l'auteur: DÉVELOPPÉS DANS LES POUMONS. il demande, à la suite de son observation, si, dans un cas de cette nature , en supposant que, par un grand nombre d'observations , on pût trouver des signes propres à l'indiquer , on ne pourrait pas tenter la ponction. Je pense que l'auscultation médiate résoudrait facile- ment la première partie de cette question; car 1 augmen- tation progressive de la surface dans laquelle on n enten- drait pas la respiration indiquerait parfaitement lelieu et le développement du kyste. Mais comme on ne pour- rait jamais savoir si la tumeur qui comprime le pou- mon est un corps solide ou liquida, je pense qu on devrait préférer l'opération de l'empyème (qui, dans tous les cas , ne peut avoir un grand inconvénient) à la simple ponction , qui pourrait en avoir si la tumeur était un corps solide placé dans la plevre ou dans le poumon. M. Cayol a présenté depuis à la Société de la Fa- culté une observation à-peu-près semblable à celle de M. Geoffroy; mais elle n'a point encore ete publiée. . On trouve dans le Journal de Médecine par MM. Leroux et Boyer («) , 1 histoire d un homme qui a rendu pendant plusieurs mois, par 1 ex- pectoration, des pellicules obrondes, qu il est facile de reconnaître pour des débris d'acéphalocystes, et dont quelques-unes paraissent être des acephalocysles en- tières mais affaissées. J'ai vu un cas semblable à 1 Hôtel-Dieu de Nantes, en 1798, et M. Pobes m'en a lait voir un second il y a quatre ou cinq ans. Ces deux malades ont guéri , (aj Tom. n, cahier de prairial, an ix- • 278 DES PRODUCTIONS OSSEUSES, etc? ainsi que le sujet de l'observation insérée dans le Jour* nal de Médecine 3 et, par conséquent, on n'a pas pn vérifier quel était le siège des acéphalocystes ; mais il n'est guère probable qu'il fût ailleurs que dans le poumon. 292. J'ai été consulté, il y a sept ou huit ans , pour une jeune personne qui éprouvait une grande dys- pnée , avec toux, expectoration abondante et amai- grissement notable. L'ensemble des symptômes qu elle présentait annonçait, en un mot, la phthisie pulmo- naire. Un jour, elle éprouva des douleurs très-vives dans la région épigastrique, et, quelques heures après, elle rendit par les selles une quantité considérable d'a- céphalocystes, dont la grosseur variait depuis celle d'une aveline jusqu'à celle d'un œuf de pigeon. Dès ce moment, la lièvre hectique , le catarrhe et la dys- pnée cessèrent, et peu de temps après la malade avait repris son embonpoint et ses forces. Ne peut-on pas penser que, chez cette malade, un kyste placé dans le poumon gauche se sera ouvert à travers le diaphragme, dans l'estomac ou le colon transverse? Quoi qu'il en soit, dans ce cas, comme dans celui des hydatides crachées , le cylindre donne- rait certainement des lumières que l'on ne pourrait obtenir par aucun autre moyen. ARTICLE IV Des Productions cartilagineuses 3 osseuses3 calculeuses et crétacées du poumon. 2q5. Des concrétions cartilagineuses, osseuses, pé- trces, crétacées, se voient assez fréquemment dans les nu poumon. 279 poumons, et elles y ont été rencontrées par presque tous les anatomistes qui se sont livrés à l'examen des alté- rations pathologiques , depuis le 16e siècle jusqu'à ce jour. Pour mettre quelque ordre dans, ce que nous avons à en dire , nous décrirons d'abord les formes assez variées sous lesquelles elles peuvent se présenter; nous parlerons ensuite des accidens qu'on leur a attri- bués , et de leur origine. Nous avons déjà parlé de diverses productions fi- breuses ou cartilagineuses accidentelles qui peuvent se développer dans le poumon, et entre autres de celles qui forment des kystes renfermant des tubercules (§5g), des vers vésiculaires (§ 288) , ou des li- quides de nature variable ( § 284) , et de celles qui constituent les fistules (§56, g4 Pt suiv.) et les ci- catrices pulmonaires ( § 106 et suiv. ). 294. On trouve encore quelquefois dans le pou- mon des kystes cartilagineux qui renferment des concrétions osseuses ou crétacées de l'espèce de celles qui seront décrites plus bas , et des productions carti- lagineuses informes , ordinairement d'un médiocre volume, et qui présentent souvent çà et là quelques, points d'ossification commençante. 295. L'ossification accidentelle qui se dévelop- pe , soit dans ces cartilages , soit sans leur forma- tion préalable, et dans le tissu pulmonaire lui-même, n'est jamais parfaite , ou au moins je n'ai jamais vu dans le poumon de productions de ce genre qui pré- sentassent la texture fibreuse et la cohérence solide de la partie moyenne des os longs, et encore moins la substance spongieuse qui remplit l'extrémité de ces os ou. le centre des os courts. Il semble que > dans le dé-» 280 DES PRODUCTIONS OSSEUSES, CtC. veloppement de ces ossifications accidentelles , la na- ture emploie une plus grande quantité de phosphate calcaire et une quantité beaucoup moindre de gé- latine que dans celui des os ; d'où il résulte que ces ossifications présentent plus souvent l'aspect d'une petite pierre que celui d'un os, et c'est sans doute pour cette raison qu'elles ont été nommées calcuteuses ou lophacées par plusieurs auteurs. Quelquefois même il paraît qu'aucun atome de gé- latine ne s'y trouve mêlé , et alors le phosphate calcaire se présente sous l'apparence de la craie à demi sèche ou délayée d'eau. Nous décrirons successivement ces diverses variétés sous les noms d''ossijications imparfaites ou pétrees et de concrétions crétacées. 296. Les ossifications imparfaites sont enkystées ou non enkystées. Les premières sont fort rares dans le poumon ; elles forment de petites niasses rondes , dont le volume varie depuis celui d'un grain de che- nevis jusqu'à celui d'une noisette, et qui sont enve- loppées d'un kyste cartilagineux, d'une demi-ligne à une ligne d'épaisseur, qui leur adhère intimement. 297. Les ossifications non enkystées du poumon sont d'une forme extrêmement irrégulière. Leur sur- face est anfractueuse et hérissée d'aspérités, à-peu- près comme celle de la pierre meulière. Leur centre est blanc, opaque, d'une apparence tout-à-fait calcu- leusc, et il est facile a réduire en poussière par le broiement. Leurs parties' les plus extérieures, au contraire, sont un'peu jaunâtres, offrent une demi- transparence légère et comme cornée, sont plus diffi- ciles à réduire en poudre sous le marteau, et parais- du poumon. 281 sent dans un état d'ossification un peu plus parfaite. 298. Ces ossifications se trouvent quelquefois plon- gées dans le tissu pulmonaire, auquel elles adhèrent intimement; d'autres fois, elles se développent, comme nous l'avons dit, au milieu d'une niasse cartilagi- neuse. Enfin on les trouve très - fréquemment au centre d'une masse tuberculeuse, et particulièrement de celles qui se développent dans les glandes bron- chiques. Dans ce dernier cas, lorsque le tubercule vient à se ramollir, la concrétion osseuse reste libre et flottante au milieu de l'excavation qui lui succède (obs. ni); et, lorsque Son volume ne s'y oppose pas, elle passe dans les bronches qiiÿ-icommuniquent avec l'excavation tuberculeuse, et est rejetée au dehors par l'expectoration. Les concrétions crétacées se présentent, comme nous l'avons dit § 2g5, sous l'apparence de la craie légèrement humide ou mêlée d'une assez grande quan- tité d'eau pour la délayer entièrement. Dans ce dernier état, elle est toujours enkystée; dans le premier, elle peut ne pas l'être, quoiqu'elle le soit ordinairement. Lorsqu'on écrase entre les doigts cette matière cré- tacée, elle paraît quelquefois réduite en poudre im- palpable , mais assez souvent elle contient quelques petits fragmens d'ossifications pélrées qui donnent la même sensation que des grains de sable mêlés à de la craie plus ou moins délayée. 299. Les kystes qui renferment la matière crétacée sont ordinairement cartilagineux. Ils sont sphéroïdes ou informes : j'en ai vu un qui présentait assez exac- tement la forme d'une pyramide à quatre pans iné- gaux. 282 DES PRODUCTIONS OSSEUSES, CtC.' 3oo. Les kystes arrondis sont quelquefois osseux mais d'une ossification imparfaite , ou tout - à - fait senfblable à la croûte extérieure et demi-transparente des concrétions osséo - terreuses décrites ci - dessus. J'ai trouvé quelquefois des concrétions de ce genre formées par plusieurs kystes osseux ou cartilagineux semblables, s'enveloppant les uns et les autres, et séparés par une couche de matière crétacée humide. 11 est beaucoup plus commun de trouver la matière crétacée à demi liquide placée au centre d'un tuber- cule , et particulièrement de ceux qui se développent dans les glandes bronchiques.* Quoiqu'aussi humide que la matière tuberculeuse elle-même, il est facile de l'en distinguer à son opacité plus grande, et à sa blancheur qui contraste avec la couleur jaune pâle des tubercules. Si on laisse sécher cette matière crétacée, elle devient plus blanche que lorsqu'elle était humide, et acquiert une sorte de cohésion qui ne permet pas de la réduire en poudre en la pressant entre les doigts, Soi. Les concrétions osseuses ou crétacées du poumon sont ordinairement fort petites. Je n'en ai jamais trouvé de plus grosses qu'une amande. Je n'ai jamais vu non plus la transformation com- plète d'une portion du poumon en une substance osséo-pétrée; j'ai seulement trouvé quelquefois autour des cicatrices pulmonaires imparfaites 10G) une petite quantité de matière crétacée disséminée et comme infiltrée dans le tissu pulmonaire. 5oa. On trouve dans la plupart des pathologistes des opinions assez singulières sur la cause et l'origine des concrétions osseuses et crétacées du poumon. J'exa- minerai seulement celles qui sont le plus spécieuses,. OU POUMON'. 285 ou qui ont été émises par des hommes dont le nom fait le plus autorité. Cullcii, après beaucoup d'au- tres, les regarde comme une cause fréquente de l'asthme, et pense qu'elles peuvent être dues aux émanations pulvérulentes mêlées dans l'air et que respirent habituellement les hommes voués à certaines professions, comme les amidonniers, les lapidaires, les chaufourniers , les voituriers , etc. La nature chimique des concrétions dont il s'agit, mieux connue depuis les belles analyses de Schéele, rend aujourd'hui cette étiologie ridicule, quoiqu'elle ait été long-temps universellement adoptée , et dis- pense de la réfuter. Je n'entends pas nier , d'ailleurs, qu'une certaine quantité de poussière introduite chaque jour dans les bronches avec l'air que l'on respire ne puisse occa- sioner une dyspnée momentanée, et à la longue, peut-être, devenir la cause occasionelle d'une maladie quelconque du poumon; mais le séjour de celte es- pèce de corps étrangers dans les bronches n'est ja- mais très-long , et il suffit d'examiner l'expectoration d'un homme qui a passé la nuit dans une atmosphère épaissie par la fumée d'une lampe, ou la journée sur une grande route couverte de tourbillons de pous- sière, pour se convaincre que dans l'espace de vingt- quatre heures ces corps étrangers sont expulsés à l'aide dn. mucus bronchique qui les enveloppe. Si, d'ailleurs, ils pouvaient séjourner dans le pou- mon , ce serait sans doute dans les bronches qu ils s'accumuleraient , et on y trouverait un amas consi- dérable de matières diverses suivant la nature des émanations au milieu desquelles vivrait le malade ; DES PRODUCTIONS OSSEUSES, CtC. or, cela ne s'est jamais vu, que je sache ; et, pour mon compte, je n'ai rencontré rien de semblable, quoique j'aie ouvert les corps d'un grand nombre d'individus, qui avaient passés leur vie dans des ateliers dont l'at- mosphère est continuellement chargée de poussières calcaires ou autres. 3o5. Je n'entends pas nier non plus que l'exis- tence d'un grand nombre de concrétions osseuses dans les poumons ne puisse produire une dyspnée ha- bituelle et d'une certaine intensité ; mais je puis as- surer que j'ai trouvé des concrétions osseuses ou ter- reuses assez nombreuses chez des sujets qui avaient la respiration parfaitement libre; et surtout, d'après les ouvertures de cadavres contenues dans les recueils des observateurs, ainsi que d'après celles que j'ai faites moi-même, il me paraît certain qu'on n'a jamais trouvé dans le poumon des concrétions osseuses ou cré- tacées d'un assez grand volume, ou assez nombreuses, et assez rapprochées pour qu'on pùt, en aucun cas , leur attribuer un degré de dyspnée aussi intense que celui qui caractérise l'asthme des praticiens. 3o4- M. Bayle a émis sur les effets de ces concré- tions une opinion d'autant plus extraordinaire qu'il n'a pas même cherché à l'établir par l'exposition de quel- ques raisonnemens ou de quelques analogies , et que les faits qu'il apporte à l'appui sont plutôt propres à la renverser qu'à la confirmer. 11 a rangé ces produc- tions parmi les causes de la phthisie pulmonaire, et il décrit leurs symptômes de la manière suivante : « La plupart des sujets affectés de cette maladie ren- » dent par l'expectoration de petits débris calculeux » blanchâtres ou grisâtres , souvent fort nombreux ; nu poumon.; 285 » la plupart d'entre eux ont eu pendant fort long- » temps une toux sèche (7z). » 11 esta remarquer que M. Bayle ne met ni l'expecto- ration, ni la gêne de la respiration, ni l'amaigrissement, ni la fièvre hectique au nombre des symptômes de la maladie; et par conséquent on ne conçoit pas quel motif a pu le porter à la classer parmi les e pèces delà phthisie. Lesdeux exemples qu'il en donne n'éclaircissent pas da- vantage celte question. Le premier (Z>) est un homme attaqué d'une toux avec expectoration glaireuse, mê- lée de crachats puriformes , et dans lesquels se trou- vaient quelquefois de petits calculs crétacés. Au bout de neuf mois , la fièvre hectique se joignit à ces sym- ptômes; et, dans l'espace de six semaines , le malade fut réduit au marasme et succomba. A l'ouverture du corps , on trouva dans les poumons un grand nombre de petites concrétions crétacées , sèches ou humides , enkystées ou non enkystées. Le tissu pul- monaire, légèrement durci autour de ces concrétions, était d'ailleurs sain. 11 est évident que dans ce cas la consomption et la mort ont été dues à un catarrhe chronique ; et je ne vois aucune raison d'attribuer ce dernier aux concré- tions existantes dans les poumons , puisqu'on en trouve souvent en aussi grand nombre sans qu'il en résulte rien de semblable. La seconde observation de M. Bayle (c) est celle d'un homme mort d'une fièvre essentielle avec pleuro- (a) Bayle, Recherches sur la Phthisie pulmonaire, pag. 34- (Z-) Op. cit., oh», xxxin. (c) Idem, obs. xxxiv. a86 DES PRODUCTIONS OSSEUSES, CtC? péripneumonie. Cet homme éprouvait depuis un aïl de la dyspnée , une toux fréquente , suivie de cra- chats muqueux ; il n'avait presque pas maigri. Ce fait ne me paraît pas beaucoup plus propre à établir l'opi- nion de l'auteur , car on ne voit ici presque rien de ce qui caractérise, à proprement parler, la phthisie. 3o5. En comparant les observations de concré- tions osseuses ou crétacées du poumon contenues dans Morgagni, dans le Sepidcfiretum de Bonet, et dans divers autres recueils, il est facile de voir que, dans le plus grand nombre des cas , l'existence de ces productions n'était accompagnée d'aucun symptôme grave qu'on pût lui attribuer; et que, quoiqu'on ait observé assez souvent chez ces sujets une toux sèche ou avec une expectoration glaireuse ou filante , ces symptômes, très-vagues d'aillears de leur nature, ne peuvent être regardés comme constans. Les ouvertures de cadavres que j'ai faites moi-même nie donnent un résultat semblable. J'ai trouvé souvent des concrétions de l'espèce de celles dont il s'agit chez des sujets qui n'avaient présenté aucun signe de gêne ni d'embarras dans les organes respiratoires. D'au- tres avaient éprouvé une toux sèche ou accompagnée d'une expectoration de nature variable, avec ou sans dvspnée ; mais ces derniers avaient presque tous quel- qu'aulre altération du tissu pulmonaire à laquelle on pouvait attribuer, avec autant ou plus de fondement, les symptômes existans. 5o6. 11 est surtout très-commun de rencontrer en même temps que les concrétions osseuses ou crétacées, des indices intérieurs et extérieurs de cicatrices de l'es- pèce de ceux qui ont été décrits dans la première DU POUMON-.' □8? partie de cet ouvrage , et de trouver en même temps le tissu pulmonaire flasque , durci et infiltré d'une grande quantité de matière noire pulmonaire autour des concrétions et dans les interstices qui les sépare des cicatrices cellulaires fibreuses ou cartilagineuses dont il s'agit § 106 et suiv. D'après ces faits , je suis porté à croire que , dans le plus grand nombre dès cas , les concrétions os- seuses et crétacées du poumon se sont développées à la suite d'une affection tuberculeuse guérie , et sont le produit des efforts de la nature, qui, cherchant a cicatriser les excavations pulmonaires , a développé avec trop d'exubérance le phosphate calcaire néces- saire à la formation des cartilages accidentels qui constituent le plus souvent les fistules et les cicatrices pulmonaires. Plusieurs des observations que j'ai rapportées (obs. ni et vi) présentent des faits propres à appuyer cette opi- nion , et l'on en trouvera quelques autres dans le cours de cet ouvrage. Je ne veux pas nier cependant qu'il ne puisse se développer primitivement et indépendamment de l'existence antérieure des tubercules, des concrétions osseuses on crétacées dans le poumon ; mais je regarde ces cas comme très-rares ; et il me paraît à-peu-pres certain que c'est surtout alors que l'existence de ces concrétions ne produit aucune espèce de trouble dans les fonctions. 5oy. Les concrétions osseuses et crétacées des pou- mons n'ayant jamais un grand volume , leur existence ne peut être ni connue ni même soupçonnée par le cylindre, à moins qu'elles ne se trouvent dans une □88 MÉLANOSES DU POUMON. portion du poumon devenue flasque et imperméable à l'air par l'effet de la cicatrisation d'une excavation tu- berculeuse. ARTICLE V. Des Mélanoses du poumon. 5o8. Les anciens chirurgiens et, à leur imitation, les anatomistes modernes ont confondu sous les noms de squirrhe, de cancer ou de carcinome, des produc- tions accidentelles qui n'ont aucun caractère commun entre elles, si ce n'est de n'avoir aucun analogue dans les tissus naturels, ou dans ceux de l'économie ani- male saine, de naître dans un état de dureté ou de crudité, et de tendre à se détruire en se ramollis- sant (a). Convaincu que celle confusion est une des causes qui ont le plus nui aux progrès de l'anatomie patho- logique , dès le moment où j'ai commencé à me livrer à l'etude de cette science, je me suis attaché à recher- cher les caractères distinctifs des diverses espèces de productions dont il s'agit, afin d'arriver ensuite à une connaissance plus exacte de leurs effets. J'ai réussi à en distinguer plusieurs espèces très- tranchées : celle dont je vais parler est la plus facile à reconnaître dans tous les organes, excepté dans le poumon , où , par la ressemblance de,sa couleur, elle est quelquefois très-difficile à distinguer delà matière noire pulmonaire, comme nous le dirons plus bas. {a} Koy. Dictionnaire des Sciences médicales, au va.o\. Ana- tomie pathologique. MELANOSES DU POUMON. 289 J'ai décrit les mélanoses dans un mémoire lu il y a plusieurs années à la Société de la Faculté de Médecine ; mais comme il est encore inédit, il est nécessaire de donner ici une description abrégée de ces productions. 3og. Dans l'état de crudité, ces productions offrent une consistance égale à celle des glandes lymphati- ques, Une couleur noire foncée, un tissu homogène un peu humide, opaque, d'un aspect fort semblable à celui du tissu des glandes bronchiques. Lorsque ce tissu commence à tendre au ramollissement qui est ordinaire aux substances morbifiques de celte classe, il laisse suinter par la pression un liquide roussâ- tre, ténu , mêlé de petits grumeaux noirâtres, quel- quefois assez fermes , d'autres fois friables ; mais qui, lors même qu'ils sont friables, présentent encore quelque chose de flasque au toucher. A une époque plus avancée du ramollissement, ces grumeaux, et bientôt tout le reste de la masse dont ils font partie, deviennent tout-à-fait friables, et ne tardent pas à se convertir en une sorte de bouillie noire. 310. Les mélanoses peuvent exister sous quatre formes différentes, savoir : i° sous celle de masses renfermées dans des kystes; 2° sous celle de masses non enkystées ; 3° sous celle de matière infiltrée dans le tissu d'un organe ; 4° sous celle de matière déposée à la surface d'un organe. 311. ire Sorte. Mélanoses enkystées. - Les kystes qui renferment des mélanoses sont assez régulièrement arrondis; leur volume varie depuis celui d une petite Bulletin de la Faculté de Médecine de Paris. 1806, n° u. 2QO MÉLANOSES du poumon. aveline jusqu'à celui d'une noix : au moins n'en ai-je pas vu de plus petits ni de plus volumineux. Ils ont une épaisseur assez égale , mais peu considérable, et qui ne va guère au-delà d'une demi-ligne. Le tissu cellulaire paraît être le seul élément qui entre dans leur' composition. Ils adhèrent, au moyen d'un tissu cellulaire très-fin, au tissu de l'organe dans lequel ils se développent, et l'on peut les en séparer facilement par la dissection. Leur face interne est assez lisse ; mais elle adhère cependant à la matière morbifique qu'elle revêt. Le moyen de cette union m'a paru être un tissu cellulaire imparfait, et tellement fin qu'on ne le distingue pas toujours , surtout quand les mélanoses sont un peu ramollies. Je n'ai trouvé jusqu'à présent de mélanoses enkystées que dans le foie et dans le poumon : encore n'ai-je rencontré dans ce dernier organe qu'une seule masse de celte sorte. 312. 2e Sorte. Mélanoses non enkystées. -Cette sorte de mélanoses est beaucoup moins rare que la pré- cédente. Je l'ai rencontrée dans le poumon, dans le foie , dans la glande pituitaire et dans les nerfs. Le volume des mélanoses non- enkystées n'offre rien de constant ; il varie depuis celui d'un grain de millet jusqu'à celui d un œuf, et peut même quel- quefois être plus considérable. Leur figure est aussi fort irrégulière. Elles adhèrent ordinairement très- étroitement aux parties dans lesquelles elles se sont dé- veloppées ; quelquefois cependant elles leur sont unies par un tissu cellulaire visible quoique fin , et qui per- met de les détacher sans rien rompre. Dans ce dernier cas, elles ont ordinairement une forme arrondie. MÉLANOSES DU POUMON. 291 3i5. 5e Sorte. Infiltration des organes par la matière des mélanoses. - Il arrive assez souvent que la matière des mélanoses, au lieu d'être rassemblée en masses plus ou moins considérables, se trouve dis- séminée dans le tissu d'un organe et placée dans les interstices de ses molécules intégrantes. L'aspect et la couleur des parties attaquées de cette sorte d'infiltration peuvent présenter un assez grand nombre de variétés qui dépendent de la texture de l'organe affecté, de la quantité de matière morbifique déposée, et de l'état de ramollissement ou de crudité dans lequel se trouve cette matière. Lorsque l'infiltration a commencé depuis peu , et que la matière morbifique n'est pas encore très-abon- dante , l'aspect de la partie altérée ne diffère de celui qui lui est naturel que par de petits points ou des stries noires qui s'y trouvent mêlées, et dans les in- tervalles desquelles le tissu de l'organe affecté pré- sente encore son aspect naturel ; mais à mesure que la maladie fait des progrès , les stries formées par la matière des mélanoses augmentent en nombre et en volume ; le tissu naturel intermédiaire s'amoindrit au contraire chaque jour, et bientôt il disparaît entière- ment. Ce n'est ordinairement qu'à cette époque que la matière infiltrée commence'à se ramollir; mais si le ra- mollissement commence avantque la destruction et 1 ab- sorption de l'ancien tissu de l'organe soient complétés, il arrive assez souvent que ce tissu lui-même se ramol- lit et se mêle à la matière des mélanoses , dont il change alors la couleur noire en une couleur brunâtre , jau- nâtre ou grisâtre. 592 MÉLANOSES DU POUMON. 5i4. Les mélanoses, comme toutes les matières accidentelles qui n'ont point d'analogues dans les tis- sus et les liquides de l'économie animale , produisent des effets généraux et des effets locaux. Parmi les pre- miers , le plus constant est la diminution graduelle des forces vitales, et une altération très-marquée dans la nutrition , d'où résultent un amaigrissement con- sidérable et l'hydropisie du tissu cellulaire, quel- quefois même celle des membranes séreuses. Les sujets que j'ai vus mourir par suite du développement des mélanoses dans un organe quelconque, et ceux même chez lesquels cette matière occupait une grande partie du poumon , n'avaient pas de fièvre continue et bien marquée ; les deux observations de méla- noses du poumon sans complication contenues dans l'ouvrage de M. Bayle (r/) donnent le même résultat. Si ce caractère est constant, comme je suis très-porté à le croire , il pourra servir à faire distinguer pen- dant la vie la consomption produite par les mélanoses du poumon, de la phthisie tuberculeuse, qui, comme l'on sait, est constamment accompagnée pendant presque toute sa durée d'une fièvre hectique assez or- dinairement caractérisée par deux exacerbations, dont l'une a lieu vers le milieu du jour et l'autre dans la nuit. 3i5. Les effets locaux les plusconstans des mélanoses développées dans le tissu du poumon sont une dys- pnée proportionnée à l'étendue de l'affection , et une toux souvent sèche , quelquefois accompagnée d'une (/?) Recherches sur la Phthisie pulmonaire; obs. xx et xxi. MÉLANOSES DU POUMON. 2 expectoration pituiteuse , mêlée assez ordinairement de quelques crachats puriformes. 316. Les mélanoses du poumon peuvent se ramol- lir quelquefois complètement, et, après avoir versé dans les bronches la matière qui les formait, donner lieu à des excavations semblables à celles que pro- duit le ramollissement des tubercules. Je n'ai jamais trouvé moi-meme , dans le poumon , d'excavations occasionnées par ce genre de productions ; mais j'en ai trouvé dans le foie, et l'ouvrage de M. Bayle contient deux observations qui prouvent incontesta- blement la possibilité de leur formation dans.le pou- mon («). Dans ces deux cas , le tissu pulmonaire , infiltré par la matière des mélanoses au point d'avoir acquis une densité égale ou supérieure à celle du foie, et de crier sous le scalpel , présentait une multitude de petites cavités évidemment formées par le ramol- lissement de quelques portions de la même matière. 317. Il est évident que , dans des cas de cette nature, la pectoriloquie existerait du moment où une semblable cavité viendrait à communiquer avec les bronches. 11 est également clair que le cylindre ferait recon- naître l'imperméabilité du poumon dans l'infiltration de ce viscère par la matière des mélanoses , mais qu'il ne pourrait faire distinguer ce cas de la péripneumonie chronique. 318. Les mélanoses sont une des espèces de cancer les moins communes , et il est extrêmement rare sur- (a) Foy. Recherches sur la Phthisie pulmonaire, obs. xx el xxi. mélanoses du poumon. tout d'en rencontrer dans le tissu pulmonaire. Cette assertion pourra paraître singulière, d'après l'assertion contraire de M. Bayle (fl), et les observations rap- portées dans son ouvrage sous le nom de phthisies avec melanoses. Quelque défiance que j'aie de moi- même toutes les fois que je me trouve en contradic- tion avec cet excellent observateur, dont j'ai été à portée plus que personne de connaître l'extrême exac- titude , je ne puis m'empêcher de penser qu'il s'est trompé sur le point dont il s'agit, et qu'il a quel- quefois confondu avec les mélanoses la matière noir® pulmonaire. J'avoue que ces deux substances se res- semblent beaucoup par leurs caractères extérieurs, et que je ne sais pas trop si l'œil le plus exercé pourrait trouver quelque différence entre une mélanose déve- loppée dans le tissu du foie ou de tout autre organe , et une glande bronchique tout-à-fait noire, comme on en trouve souvent dans des poumons très-sains. On pourrait tout au plus soupçonner quelque différence entre les deux substances dont il s'agit d'après les ca- ractères suivans : 5ig. Les mélanoses ramollies, et même la matière qui suinte par la pression de celles qui sont encore fermes, teignent la peau en noir; mais celte couleur tient peu et s'enlève très-facilement en lavant, ca- ractère par lequel les mélanoses diffèrent beaucoup des glandes bronchiques ; car la matière que l'on ex- prime de ces dernières tient tellement à la peau, qu'elle y reste attachée pendant plusieurs jours si on la laisse sécher avant d'essayer à l'enlever. L'analyse chimique (a) Op. cit.j pag. 28. MÉLANOSES du poumon. 2g5 indique aussi des différences très-essentielles entre ces glandes et les mélanoses. Les glandes bronchiques contiennent, ainsi que l'a dit Fourcroy , une grande quantité de carbone et d'hydrogène, principes qui ne se rencontrent point dans les mélanoses : ces dernières sont presque entièrement composées d'albumine, et leur matière colorante est d'une nature particulière (zz). □ 20. Les mélanoses, au reste, malgré leur ressem- blance presque exacte avec une glande bronchique noire, sont évidemment une production morbifique et très-délétère ; car elles produisent tous les effets locaux et généraux des autres cancers lorsqu'elles sont dé- veloppées en certain nombre dans nos organes; et on les trouve souvent réunies à une ou plusieurs autres espèces de productions morbifiques dans les tumeurs cancéreuses composées. 321. Lorsque les mélanoses forment des masses un peu volumineuses , ou lorsqu'elles infiltrent le tissu pulmonaire assez fortement pour lui donner une cou- leur d'un noir foncé et une consistance égale à celle du foie , il est difficile de ne pas reconnaître cette es- pèce de production accidentelle ; mais lorsqu'elle existe sous la forme d'infiltration commençante et est trop peu abondante pour durcir notablement le tissu du poumon , on peut difficilement la distinguer de la matière noire pulmonaire. (æ) Mon ami M. Clarion, professeur à 1 Ecole de pharmacie de Paris, a fait, il y a quelques années, à ma prière, 1 ana- lyse de ce genre de productions morbifiques 5 mais les notes qu'il en avait prises ayant été perdues, je ne puis donner ici que ce qu'il m'en a dit verbalement. 296 MÉLANOSES DU POUMON. 522. Nous avons déjà parlé plusieurs fois 106 et 520) de cette dernière matière à laquelle les ana- tomistes ont fait peu d'attention , mais qui existe si communément dans les poumons, et dans ceux meme des hommes les mieux portans, qu'il est difficile de ne pas la regarder comme naturelle. On la trouve plus ou moins abondamment dans les poumons de presque tous les adultes , et elle paraît devenir plus abondante à mesure que l'on avance en âge. Dans la première enfance, au contraire , on n'en aperçoit or- dinairement aucune trace, et les poumons sont d'une couleur rose aussi pure que les poumons des bœufs et de plusieurs autres animaux. Peut-être la matière noire n'existe-t-elle que chez l'homme et les animaux car- nivores ; mais je me suis trop peu livré à l'anatomie comparée pour pouvoir rien assurer à cet égard. 52ô. Lorsque cette matière existe en petite quan- tité , elle donne seulement au poumon une teinte lé- gèrement grise. A la surface du poumon , elle est dis- séminée sous la forme de petits points noirs qui, plus nombreux et plus rapprochés le long des intersections des lobules pulmonaires , y forment des stries, de pe- tites taches ou des lignes ponctuées. Ces points, plus rapprochés encore çà et là, soit à la surface , soit dans l'intérieur du poumon , forment des taches plus ou moins nombreuses et étendues ; quelquefois elles le sont assez pour donner une teinte noire à des portions très-grandes du poumon ; mais elles n'allèrent en rien la souplesse et la perméabilité de son tissu ; et c'est en quoi elles diffèrent de l'infiltration produite par la matière des mélanoses. 5 a4- C'est surtout dans les glandes bronchiques que MÉLANOSES DU POUMON. 297 se trouve en grande abondance la matière des méla- noses. On sait que chez l'adulte, et particulièrement chez les vieillards , ces glandes sont, comme nous l'avons dit 520 ) , souvent teintes en totalité d'un noir d'encre ; et que , chez d'autres sujets, elles sont teintes en partie seulement de la même couleur, qui semble alors avoir été appliquée irrégulièrement avec un pinceau. Un état aussi commun ne peut être re- gardé commfc une disposition morbifique , d'autant qu'il existe chez une foule de sujets qui n'ont jamais éprouvé ni toux, ni dyspnée , ni aucun accident qu'on pût y rapporter. Cette couleur des glandes bronchi- ques paraît seulement être la cause de la couleur grise du mucus bronchique qu'expectorent beaucoup d'individus sains d'ailleurs , et des petits points noirs qui se trouvent souvent dans cette matière transpa- rente. Ce caractère du mucus bronchique établit encore une différence entre la matière noire pulmonaire et celle des mélanoses; car le développement de cette der- nière dans le poumon , même à un haut degré , ne donne pas lieu à une expectoration noire (yz), si ce n'est peut-être au moment où la matière des mélanoses ra- mollie s'évacue dans les bronches. 525. Le développement des tubercules dans le pou- mon et surtout la cicatrisation des excavations tuber- culeuses, donnent souvent lieu, comme nous 1 avons dit, à une sécrétion plus abondante de la matière noire pulmonaire. Quelquefois cette abondance est telle (û) Recherches sur la Phthisie pulnion. par M. Bajle? observ. xx et xxi. 29S MÉLANOSES DU POUMON. que , jointe à l'état de compression dans lequel se trouve le tissu pulmonaire par suite du développe- ment des tubercules et par celui des cicatrices carti- lagineuses 106) et de la matière crétacée qui les accompagne, il en résulte l'imperméabilité à l'air de la partie affectée du poumon, et une flaccidité de son tissu jointe à une dureté bien marquée, mais due plutôt au mélange des cartilages et ossifications acci- dentelles qu'à la matière noire. Cependant, j'avoue que, dans les cas extrêmes de ce genre, il est difficile de reconnaître si la couleur et la densité de la partie affectée sont dues à l'infiltration de la matière noire pul- monaire ou à celle de la matière des mélanoses ; mais dans la plupart des cas , cette distinction est facile à faire , et la règle que l'on doit suivre à cet égard est la suivante. 320. On ne doit admettre l'existence des mélanoses dans le tissu pulmonaire que lorsqu'on y rencontre des masses de cette nature d'un certain volume et déjà ramollies, ou au moins placées et configurées de telle manière qu'on ne puisse nullement les confondre avec les glandes bronchiques. On ne doit admettre l'infiltration du tissu pulmo- naire par la matière des mélanoses que lorsqu'elle est portée au point de donner à ce tissu une densité égale à celle du foie et dure ; mais lorsque cette densité est flasque et que la dureté qui s'y mêle est due à des points osseux ou cartilagineux , on doit regarder la couleur noire comme produite par la matière noire pulmonaire. 027. Pour rendre celte distinction plus facile, je joins ici deux observations. La première est un exemple de melanoses développées dans les poumons et dans MELANOSES du poumon. 399 plusieurs autres parties du corps. Je la choisis parce qu'elle montre la maladie dans un grand degré de dé- veloppement , et parce qu'elle n'a été recueillie ni par moi ni sous mes yeux : je l'ai extraite des registres d'observations des élèves des hôpitaux de Paris, pour l'année 1816, conservés dans les archives de l'admi- nistration. La seconde observation est un exemple d'un des cas dans lesquels il est le plus difficile de dis- tinguer des mélanoses la matière noire pulmonaire. 328. Obs. xxue. Mélanoses développées dans un grand nombre d'organes (a). Alexandrine Gautier, cuisinière , âgée de cinquante-neuf ans , d'une assez bonne constitution , entra à l'hôpital Saint-Louis le 27 août 1816 , pour une affection qui s'était mani- festée deux mois auparavant, à la suite de chagrins violens. La maladie avait débuté par une lassitude uni- verselle , tellement forte que la malade ne pouvait se soutenir sur ses jambes; elle éprouvait en même temps une sorte d'engourdissement dans presque tous les muscles, et, quelques jours après , elle fut obligée de s'aliter : bientôt elle perdit l'appétit et le sommeil. 11 survint une diarrhée accompagnée de vomissemens, et de petites tumeurs noires se développèrent dans l'é- paisseur de la peau en diverses parties du corps. Au moment de son entrée , elle était dans l'état suivant. Un grand nombre de tumeurs de la grosseur, de la forme et surtout de la couleur d'un grain de cassis, occupaient la partie antérieure du thorax, ou (a) Recueillie parM. Junin, élève interne à 1 hôpital Saint- Louis. 3oo MÉLANOSES DU POUMON. quelques - uns des espaces qui existaient entre elles étaient remplis de petites taches ressemblant assez bien à des piqûres de puces. Ces tumeurs étaient tel- lement rapprochées sur les seins, qu elles y formaient une large plaque. On en voyait aussi quelques-unes sur l'abdomen , et la plus large de celles-ci avait deux pouces de circonférence. Les bras et les cuisses en présentaient également, surtout à leur partie interne; les avant-bras et les jambes n'en offraient pas. La malade était dans un étal de faiblesse extrême, avait tout-a-fait perdu l'appétit et le sommeil, et vomissait le peu d alimens qu elle prenait ; la diarrhée conti- nuait ; la respiration était difficile ; il y avait une toux frequente ; le pouls était extrêmement mou , et dis- paraissait facilement sous les doigts. Les jours suivans , ces symptômes continuèrent en augmentant progressivement d'intensité. Ils furent bientôt aggravés par un œdème général qui donnait a la peau une teinte blanche , luisante , qui faisait ressortir encore davantage la couleur noire des tu- meurs. La malade succomba le 25 septembre sans avoir éprouvé d'agonie. Ouverture. - Les tumeurs dont la peau était par- semée offraient, à l'incision, une substance homogène, d un noir plus ou moins foncé et d'une densité tantôt très - considérable , tantôt comme pulpeuse. Cette substance, toujours renfermée dans un kyste cellu- leux, nous parut etre évidemment celle qui a été dé- crite sous le nom de mélanoses Ça). Dans presque toutes les parties du tissu cellulaire (rt) Bulletin de la Faculté' de Médecine de Paris. 1806. n° 11. MÉLANOSES DU POUMON. 5oi sous-cutané, on trouvait de ces memes tumeurs , mais beaucoup moins aux membres qu'au tronc, et surtout qu'au-dessous des parois abdominales : elles étaient moins régulièrement arrondies et plus molles. Le tissu cellulaire qui entoure les vaisseaux et les glandes lymphatiques en était, pour ainsi dire, surchargé; elles y formaient par leur agglomération des paquets de la grosseur du poing qui enveloppaient les nerfs et les vaisseaux qui se rendent aux extrémités. Les nerfs étaient encore sains ; mais les vaisseaux se con- fondaient déjà avec les niasses noires, dont ils ne pou- vaient être séparés sans rupture. Dans le parenchyme même de la glande thyroïde, on trouvait également de pareilles tumeurs parfaite- ment distinctes des lobules de la glande. Les poumons , dont la couleur était rosée , pré- sentaient quelques petites tumeurs de même nature; mais vers leurs bases et autour des glandes bronchi- ques, on en trouvait un grand nombre et de beaucoup plus grosses : les glandes elles-mêmes n'étaient pas noires. Dans l'épaisseur du médiastin et au-dessous des plèvres costales, on voyait également des méla- noses dont le volume variait depuis celui d une ave- line jusqu'à celui d'une noix. Dans les épiploons et le mésentère, ces tumeurs étaient accumulées en grand nombre ; les duplica- tures de ces .membranes en étaient comme farcies. Elles y étaient plus petites que par-tout ailleurs, et les plus grosses n'avaient guère que le volume d'un noyau de cerise. On en rencontrait encore autour de tous les organes renfermés dans 1 abdomen , dont aucun n e- tait altéré , excepté le foie , qui était graisseux , et la 3o2 MELANOSES DU POUMON. vésicule du fiel, qui contenait, dans l'épaisseur de scs parois, cinq à six des mêmes tumeurs. Le cœur et le cerveau étaient sains. Les os n'étaient pas plus cassans que ceux des ca- davres d'individus morts de maladies aiguës qui se trouvaient dans l'amphithéâtre. 629. Oes. xxm. Cicatrices imparfaites dans les pou- mon j mëlees de productions cartilagineuses et cré- tacées avec accumulation de matière noire pulmo- naire. - Un homme de soixante ans entra à l'hôpital Necker le 2g octobre 1817, dans un état cachectique assez prononcé. Il avait une légère toux, suivie de l'ex- puition de crachats gris, demi-transparens et un peu filans, ce qui fit croire d'abord que ses poumons pou- vaient contenir des tubercules miliaii es. Examiné à cette époque an moyen du cylindre, il offrit les phéno- mènes suivans: la contraction des ventricules était assez sonore et. tout aussi courte que celle des oreillettes. On sentait quelqu'impulsion à la région précordiale. Les battemens du cœur s'entendaient dans le dos assez bien à gauche et un peu à droite. On porta en conséquence le diagnostic suivant : cœur assez 'volu- mineux , à cavités un peu dilatées, avec une légère hypertrophie de ses parois. Le malade resta dans le même état jusqu'au 28 jan- vier 1818, epoque a laquelle la toux parut augmenter un peu, et où la poitrine, percutée, parut ne pas ré- sonner très-bien en avant et en haut à gauche. L'in- spiration s'entendant aussi moins bien dans ce point que par-tout ailleurs , l'idée que cet homme était af- fecté de phthisie, et que ses poumons contenaient des MÉLANOSES DU POUMON-. 3o5 tubercules miliaires, dut se réveiller , et on ajouta au diagnostic précédent : tubercules commençans ? Le 20 mars , la toux avait cessé depuis quelque temps; la poitrine résonnait bien de toutes parts ; mais l'abdomen était météorisé, et il était survenu une lé- gère tympanite. L'abdomen resta ainsi distendu pen- dant quelques jours sans que le malade y ressentît au- cune douleur , et sans que la pression y en développât. Le 24 mars, on sentit assez évidemment de la fluc- tuation dans l'abdomen. Le malade n'éprouvait au- cune douleur, et voyait seulement avec chagrin son' 'ventre enfler de jour en jour. L'amaigrissement, déjà assez considérable, devint plus marqué encore; les extrémités inférieures s'œ de mat 1er eut , et le malade mourut le i3 avril. Ouverture. -Cadavre bien conformé ; muscles peu volumineux et légèrement infiltrés. La plèvre droite contenait une pinte d'une sérosité fauve etlimpide. Le poumon,libre dans presque toute son étendue, adhérait en un seul point, vers son som- met, à la plèvre costale par un faisceau de tissu cellu- laire accidentel formant une membrane irrégulièrement plissée sur elle-même dans le sens de sa longueur , et dont la consistance très-forte se rapprochait par en- droits, et surtout vers ses attaches, de celle du tissu fi- breux. Ce faisceau, fixé par une extrémité à la plèvre costale, à la hauteur de la seconde côte, venait de l'autre se rendre à la partie antérieure externe du sommet du poumon. Au point même où il était im- planté , la surface du poumon était fortement dé- primée , et de cet enfoncement partaient sept ou huit sillons irréguliers et tortueux qui présentaient tout-à- 3o4 MELANOSES DU POUMON. fait l'aspect de cicatrices profondes venant se réunir à un centre commun. Les intervalles de ces sillons for- maient des espèces de nodosités irrégulières. La partie de la surface pulmonaire qui présentait cet aspect était à-peu-près de la grandeur d'une pièce de cinq francs ; elle était déprimée et très-dure au toucher, et la partie voisine du bord antérieur du pou- mon , parfaitement crépitante et attirée en haut par le froncement de cette partie dure et déprimée, ar- rivait jusqu'au niveau du sommet du poumon. On sentait évidemment en cet endroit, dans l'épaisseur du lobe supérieur, une tumeur très-dure, irrégulière, ayant à-peu-près la grosseur d'un œuf de pigeon. Le lobe moyen et le lobe supérieur étaient intimement unis entre eux par un tissu cellulaire très-court et très* ferme. Le poumon ayant été incisé dans le sens de sa lon- gueur , on vit que la tumeur sentie extérieurement dépendait d'un endurcissement non circonscrit de son tissu. Le lobe supérieur , d'un quart moins volu- mineux que dans l'état naturel , était par-tout in- filtré d'une telle quantité de matière noire , qu'à l'ex- ception de son bord antérieur, qui était seulement grisâtre , les portions crépitantes même offraient une couleur aussi foncée que l'ardoise, et par endroits que l'encre la plus noire. Tout le centre et les parties pos- térieure et supérieure du lobe supérieur étaient com- pris dans l'endurcissement dont nous avons parlé. Cet endurcissement dépendait du développement d'une matière grise, demi-transparente , ayant la consis- tance et la texture des cartilages , et qui ne formait pas une masse pleine, car elle était presque par-tout ir- régulièrement entremêlée de tissu pulmonaire flasque et très-noir. On y trouvait aussi par endroits de pe- tites excavations entièrement remplies d'une matière terreuse blanche et humide, semblable à de la craie délayée dans un peu d'eau. La même matière était évidemment infiltrée , dans quelques points peu éten- dus , dans le tissu pulmonaire , et alors plus ou moins souillée par la matière noire. Ces productions acci- dentelles et la grande quantité de matière noire iu- fil ti ■ée dans le tissu du poumon donnaient au lobe supérieur de cet organe un aspect assez semblable à celui d'un morceau de savon noir. On trouvait aussi, dans les interstices que laissaient entre elles les masses de substance cartilagineuse, quel- ques petites excavations tout-à-fait vides et capables de contenir un grain de chenevis. Plusieurs tuyaux bronchiques venaient aboutir à cette partie endurcie du poumon. Ils étaient remar- quables par leur grand développement ; un , entre autres , avait la grosseur d'une plume d'oie immé- diatement avant de pénétrer dans la tumeur. En y entrant, il se rétrécissait tout-à-coup de manière à égaler seulement le diamètre d'une plume de corbeau; et, après un trajet d'environ un demi-pouce dirigé vers le centre du froncement observé à l'extérieur du poumon , il se terminait tout-à-coup en cul-de-sac sans fournir aucune branche. La portion ainsi en- durcie n'allait jusqu'à la surface du poumon que dans le point où existait la dépression extérieure ; par-tout ailleurs elle était entourée d'un tissu pulmonaire tres- crépi tant quoique fortement imprégné de matière noire. MÉLANOSFS DU POUMON. 5o5 3gG P.1LLAN0SES DU POUMON. Les lobes moyen et inférieur du poumon étaient sains , mais un peu flasques et médiocrement cré- pitans. Us étaient assez peu marbrés de matière noire tant intérieurement qu'extérieurement , surtout com- parativement au lobe supérieur. Quelques tubercules miliaires d'un gris presque incolore , transparens et plus petits que des grains de millet, se trouvaient disséminés de loin en loin dans le tissu pulmonaire. Le sommet du poumon gauche offrait le même aspect que celui du poumon droit, mais à un degré bien plus marqué. Il présentait un enfoncement de plu- sieurs lignes de profondeur et d'un pouce carré de sur- face, inégal et sillonné comme celui du poumon droit. Le bord postérieur du poumon, parfaitement crépitant, dépassait de plusieurs lignes le niveau de cet enfon- cement , et se portant en avant, en recouvrait une petite partie. Le reste était presqu'entièrcment recou- vert par le bord antérieur du poumon , également crépitant, entraîné en haut et en arrière par suite du froncement de cette espèce de cicatrice, et se recour- bant sur elle de manière à imiter le cimier d'un casque. Du centre de celte dépression partait un lien membraneux moins large que celui du poumon droit, mais plus long, plus épais, plus ferme et d'une con- sistance presque fibreuse; il allait adhérer à la plèVre costale vers la partie moyenne de la première côte. La surface de la portion déprimée présentait çà et la quelques petites plaques cartilagineuses et d'une couleur gris de perle due à leur transparence et à la couleur noire du tissu pulmonaire suhjacent. Cette dépréssion de la surface du poumon répon- dait également à un endurcissement de la substance melanoses du poumon. 90? pulmonaire qui occupait tout le sommet de l'organe, jusqu'à la hauteur du troisième espace intercostal. Cette partie endurcie présentait absolument le même aspect que du côté droit. On y trouvait seulement un peu plus de matière crétacée ou osséo-terrcuse et quelques petites ossifications de la grosseur d'un noyau de cerise, enchatonées dans la substance du poumon. Dans le reste de son étendue et autour même de l'endurcissement, le tissu pulmonaire était crépi- tant et seulement un peu infiltré d'une sérosité san- guinolente. On y remarquait aussi quelques tubercules miliaires, et un ou deux un peu plus gros déjà opaques et en partie ramollis. Les bronches, à leur entrée dans le poumon, étaient ossifiées. Le péricarde adhérait au cœur, dans presque toute son étendue, au moyen d'un tissu cellulaire bien organisé et assez ferme, ayant une longueur de- deux ou trois lignes à la face postérieure du cœur, où l'adhérence était interrompue par endroits ; mais très- court et très-serré sur la face antérieure , où l'adhé- rence était complète. Le cœur avait un volume un peu supérieur à celui du poing du sujet. Son ventricule droit offrait une cavité très-vaste, et des parois médiocrement épaisses et très-flasques. Son ventricule gauche offrait égale- ment une cavité assez vaste, des parois minces et un peu flasques. La chair de ces deux cavités était peu vermeille, et sa couleur tirait un peu sur celle de feuille morte. L'origine des gros vaisseaux et l'aorte pectorale étaient entourées d'un tissu cellulaire assez fortement infiltré de sérosité. 5o8 MÉLANOSES DU POUMON. La cavité abdominale contenait une très-grande quantité de liquide d'un jaune verdâtre, lim- pide. Le péritoine offrait dans toute son étendue un aspect fort remarquable : il était d'une couleur grise sale. et parsemé d'une quantité innombrable de petits points rouges, gris ou noirs. Les points rouges, rassemblés par plaques de grandeur variable, pré- sentaient tous les caractères d'une ancienne inflam- mation. Les autres formaient sur la surface du péri- toine de petites tumeurs dont quelques-unes avaient le volume d'un gros grain de chenevis et paraissaient être de petits tubercules encore gris et demi-transpa- rens. Ceux qui étaient noirs et opaques étaient évidemment formés par la matière des mélanoses. Ces deux sortes de granulations étaient plus répandues sur la partie du péritoine qui enveloppe le tube intestinal. La piqueture en rouge était plus marquée, au contraire, sur les mésentères et sur l'épiploon. Ce dernier était froncé sur lui-même, et formait une sorte de tumeur dure et irrégulière dans l'hypo- chondre gauche. Le péritoine semblait plus épais et beaucoup plus mou que dans l'état naturel ; ce qui provenait d'une exsudation albumineuse, molle et comme glulineuse, interposée entre les granulations, et formant une couche mince sur toute la surface de celte membrane. La face convexe du foie était recouverte par une fausse membrane mince, jaunâtre, et si molle quelle offrait un aspect presque semblable à celui d'une couche de pus. La muqueuse de l'estomac présentait quelques piquelures d'un rouge assez foncé. Les in- testins étaient distendus par des gaz, et contenaient des MÉLANOSES DU POUMON. 5og matières extrêmement liquides et jaunes. Dans quel- ques endroits des intestins grêles, la couleur des matières fécales avait transsude à travers les parois du tube intestinal, dans une étendue assez grande. La rate était fort petite et saine. Le foie, très-petit aussi, était d'une couleur plus pale que dans l'état naturel. Les muscles abdominaux étaient infiltrés de séro- sité. 33o. Dans la première de ces observations, il ne peut exister aucun doute sur la nature des tumeurs noires observées dans le poumon. La co-existence de tumeurs semblables dans diverses parties du corps, et l'absence de la couleur noire dans les glandes oron- cliiques elles-mêmes , lèvent à cet égard toute espèce de difficulté. Mais dans la seconde observation , au contraire, plusieurs circonstances se réunissent pour qu'il soit difficile de décider si la couleur noire de la portion endurcie du poumon dépendait de l'accu- mulation de la matière noire pulmonaire ou de l'in- filtration de la matière des mélanoses. On peut dire, en faveur de la première opinion , que le développement des productions fibreuses, carti- lagineuses , osséo-pélrées et crétacées, dans le pou- mon, ainsi que les enfoncemens en forme de cica- trices observés à la surface de cet organe, annon- cent la préexistence de tubercules qui , après s'etre excavés, ont été remplacés par des cicatrices cartila- gineuses dont le propre est, comme noms lavons vu 106) , de déterminer autour d'elles une sécrétion considérable de matière noire pulmonaire. Quelques tubercules crus restés encore dans les poumons, et 5io MELANOSES du poumon. une péritonite tuberculeuse servent en quelque sorte de témoins à l'existence antérieure de l'excavation tuber- culeuse ; et, d'un autre côté , on peut remarquer que l'endurcissement du tissu pulmonaire autour des cica- trices et entre elles était dû principalement aux pro- ductions osséo-terreuses ou crétacées; car, dans les points où il n'y en avait pas, le tissu pulmonaire, quoique fortement noirci et privé d'air, était simple- ment flasque et non pas durci. On peut dire, en faveur de la seconde opinion, qu'il y avait quelques mélanoses mêlées aux tuber- cules développés sur le péritoine, et que, par con- séquent , la couleur noire du tissu pulmonaire pou- vait Bien être due à l'infiltration de la même matière. Je crois que les motifs qui appuient la première opi- nion sont beaucoup plus forts que ceux dont pourrait s'étayer la seconde. Cependant j'atoue que le cas est un peu douteux de sa nature ; mais il est très-rare de trouver des cas où le doute puisse être aussi bien fondé que dans celui que je viens de rapporter; et il n'en reste pas moins constant que, quoique difficile à distinguer de la matière noire du poumon , dans quelques cas particuliers, les mélanoses ne sont pas moins des productions tout-à-fait différentes de cette matière. ô3i. D apres plusieurs des observations contenues dans son ouvrage , M. Bayle paraît n'avoir pas toujours bien distingué ces deux matières. Il a fait une espèce particulière de phthisie des cas dans lesquels on ren- contre dansle poumon des mélanoses en masses distinc- tes , ou 1 infiltration du tissu pulmonaire par la même matière morbifique, et il me paraît évidemment avoir MELANOSES du poumon. 5n confondu avec ce dernier cas celui où il y a simple- ment accumulation de matière noire pulmonaire. La classification des mélanoses parmi les especes de la phthisie me paraît aussi mal fondée sous le rapport pratique que sous celui de l'anatomie patho- logique. En effet, au licu .de l'amaigrissement pro- gressif et de la fièvre hectique, qui sont les symptômes les plus constans des tubercules développés dans le poumon , les mélanoses ont pour effets principaux la tendance à la cachexie et à l'anasarque , et le plus souvent elles tuent avant d'avoir déterminé un amai- grissement bien notable. Si l'on se déterminait à classer les maladies d'après d'aussi faibles analogies, il faudrait également ranger parmi les especes de phthisie les pleurésies, péri- pneumonies et catarrhes chroniques , et plusieurs es- pèces de maladies du cœur , ou plutôt toutesles ma- ladies qui peuvent quelquefois produire de la dyspnée et de l'amaigrissement. 552. On trouve dans les recueils des observateurs très-peu de cas que l'on puisse rapporter aux mélanoses ; cela prouve sans doute la rareté de cette espèce de pro- duction accidentelle, car ses caractères sont si tran- chés , surtout hors des poumons , qu'il est impossible de la confondre avec aucune autre. Haller est l'auteur dans lequel on trouve les faits les plus reconnaissables à cet égard. « J'ai vu, dit-il (/?) , » une horrible espèce de phthisie pulmonaire. Un. » homme avait un des poumons rempli non pas » de pus, mais d'une matière noire comme de (a) Opusc. palholog.j obs. xvti. 512 encéphaloïdes du poumon. » l'encre. J'ai trouvé depuis, chez un autre sujet, » une matière semblable dans la cavité de la poi- » trine. » Quelque abrégées que soient ces observations, il est impossible de méconnaître dans la première l'infil- tration du tissu pulmonaire par la matière des méla- noses portée jusqu'au ramollissement ; et dans la se- conde , une sécrétion de même nature dans la plèvre. ARTICLE VI. Des Encéphaloïdes du poumon. 335. Cette espèce de production accidentelle, qui a été décrite pour la première fois dans le Diction- naire des Sciences médicales Ça), est encore une de celles que l'on a confondues sous les noms de squirrhes et de cancers, et c'est même une des plus communes. J'ai cru devoir lui donner ce nom à raison de la ressem- blance frappante qu'elle présente avec la substance du cerveau. C'est la seule espèce de cancer que M. Bayle et moi ayons trouvée dans le poumon. 334. M. Bayle a encore fait de celte maladie une espèce de phthisie, sous le nom de phthisie cancé- reuse. Je ne répéterai pas ici les raisons qui me por- tent à rejeter cette espèce ; elles sont à-peu-près les mêmes que celles que j'ai données en parlant de la phthisie avec mélanoses du même auteur Je puis ajouter que, dans tous les cas dans lesquels j ai trouvé des encéphaloïdes dans le poumon, la mort (a) Article Encéphaloïdes. ENCÉPHÂLOÏDES DU POUMON. 313 est arrivée par suffocation avant l'époque où ces pro- ductions auraient probablement pu produire la mort par suite de consomption. Les observations particu- lières de cancer du poumon sans complication de tu- bercules , contenues dans l'ouvrage de M. Bayle, et la description générale même qu'il donne de cette affection , se rapportent également à ce que nous venons de dire. 335. La matière cérébriforme peut exister sous trois formes différentes : elle est enkystée , rassem- blée en niasses irrégulières, et sans kyste ou infiltrée dans le tissu de l'organe. Quel que soit celui de ces trois états sous lequel la matière cérébriforme existe , elle présente dans ses développemens trois périodes distinctes : celle de sa formation ou de crudité («) ; celle de son entier développement, dans lequel sur- tout elle offre la ressemblance avec le tissu cérébral qui la caractérise spécialement ; et celle de son ramol- lissement. Je vais exposer d'abord les caractères qu'elle pré- sente au point de son entier développement. Cette époque est celle où les trois sortes d'encépbaloïdes que nous venons d'indiquer ont le plus de ressem- blance entre elles : avant et après ce temps elle pré- sente souvent des caractères très-variés. 536. La matière cérébriforme , parvenue à son en- tier développement, est homogène , d'un blanc lai- teux , à-peu-près semblable à la substance médullaire du cerveau; elle offre ordinairement, par endroits, (a) Dict. des Sciences médicales, au mot Anatomie pathologique. 314 ENCÉPHALbÏDES DU POUMON. une légère teinte rosée ; coupée par tranches minces , elle a une légère demi-transparence ; elle est opaque quand on en examine une masse un peu épaisse. Sa consistance est analogue à celle du cerveau humain ; mais son tissu est ordinairement moins liant ; il se rompt et s'écrase plus facilement entre les doigts. Suivant que cette matière morbifique est plus ou moins ramollie, elle présente une ressemblance plus exacte avec telle partie du cerveau qu'avec telle autre. Mais la plupart de ces tumeurs ont toujours plus d'ana- logie avec la substance médullaire d'un cerveau un peu mou, comme celui d'un enfant, qu'avec aucune autre partie de la substance cérébrale. Lorsque la ma- tière cérébriforme est réunie en masses plus ou moins volumineuses , ces masses présentent ordinairement un assez grand nombre de vaisseaux sanguins , dont les troncs parcourent leur superficie et s'enfoncent dans leurs scissures , tandis que leurs ramifications pénètrent le tissu même de la matière morbifique. Les tuniques de ces vaisseaux sont fort minces et peu consistantes : aussi sont-ils fort sujets à se rompre. lue sang qui s'extravase alors forme des caillots, souvent assez volumineux , au milieu de la matière cérébri- forme, qui, dans ces cas, retrace quelquefois d'une- manière frappante les lésions que l'on observe dans le cerveau d'un homme mort d'apoplexie sanguine. 337. Ces épanchemens peuvent quelquefois être très-considérables , et envahir la totalité de la masse cérébriforme , dont quelques points restés intacts in- diquent seuls alors la nature. Cet accident survenu dans les tumeurs cancéreuses placées à la surface du corps me paraît avoir donné lieu à la dénomination ENCÉPHALOÏDES DU POUMON. 315 de jongus hœmatoïdes par laquelle quelques chirur- giens modernes ont désigné des cancers qui, après s'être ulcérés, présentent une surface boursoufllée et répandent une grande quantité de sang ; mais il me paraît également qu'ils ont confondu sous le même nom des tumeurs d'espèces différentes , particuliè- rement celles que l'on nomme communément va- riqueuses, et qui consistent dans Je développement d'un tissu accidentel fort analogue à celui des corps caverneux de la verge. 558. Je n'ai pas aperçu de vaisseaux lymphati- ques dans les tumeurs formées par la matière céré- briforme ; mais il est probable que le système de la circulation y est complet, car j'ai vu ces tumeurs for- tement teintes en jaune chez des sujets affectés d'ictère. 55g. La matière cérébriforme ne reste pas long- temps dans l'état que je viens de décrire ; elle tend sans cesse à se ramollir, et bientôt sa consistance égale à peine celle d'une bouillie un peu épaisse. Alors commence la troisième période : bientôt les progrès du ramollissement deviennent plus prompts et la ma- tière cérébriforme arrive peu à peu à un état de li- quidité semblable à celle d'un pus épais ; mais elle conserve toujours sa teinte blanchâtre ou d'un blanc rosé. Quelquefois, à cette époque du ramollissement, ou même un peu avant, le sang extravasé des vais- seaux qui parcourent la masse cérébriforme se mêle à cette matière, et lui donne une couleur d'un rouge noir et un aspect semblable à celui des caillots de sang pur. Bientôt le sang ainsi extravasé se décom- pose; la fibrine se concrète, et se combine, ainsi que sa partie colorante , avec la matière cérébriforme , 316 encéphAloïdes du poumon. tandis que sa partie séreuse est absorbée. Cette ma- tière cérébriforme ainsi mêlée de sang n'a plus aucune ressemblance avec la substance cérébrale ; elle pré- sente une couleur rougeâtre ou noirâtre, et une con- sistance analogue à celle d'une pâte un peu sèche et friable. Quelquefois le mélange est si intime que l'on pourrait être tenté de regarder les niasses cérébri- formes ainsi infiltrées de sang comme des matières morbifiques d'une espèce particulière ; mais ordinai- rement quelques portions de la tumeur exemptes de l'infiltration sanguine indiquent, comme je l'ai dit, sa nature. Dans d'autres cas , il existe à-la-fois, chez le sujet qui offre une tumeur ainsi altérée , d'autres masses de matière cérébriforme pure ; de sorte qu'il est rare qu'avec un peu d'habitude on ne reconnaisse pas, au premier coup-d'œil, l'espèce d'altération de la matière cérébriforme que nous venons de décrire. 34o. Tels sont les caractères que présente la ma- tière cérébriforme dans les deux dernières périodes de son développement. Ces caractères étant absolument les mêmes dans les trois variétés indiquées ci-dessus , je vais maintenant décrire ceux que chacune de ces variétés présente dans sa première période. 34i • ire Sorte. Masses cérébriformes enkystées - La grosseur des masses cérébriformes enkystées est très - variable. J'en ai vu d'aussi petites qu'une aveline et de plus volumineuses qu'une pomme de moyenne grosseur. J'en ai trouvé de ce volume dans le poumon. Les kystes dans lesquels elles sont contenues ont des parois assez égales et dont l'épaisseur n'est guère de plus d'une demi-ligne ; leur couleur est d'un blanc encéphaloïdes du poumon. 317 grisâtre, argenté ou laiteux ; ils ont une demi-trans- parence plus ou moins marquée suivant leur épais- seur. Leur texture ressemble absolument à celle des cartilages, et n'a le plus souvent rien de fibreux ; mais elle est beaucoup plus molle et ne se rompt pas comme ces derniers lorsqu'on les plie. On doit par conséquent ranger ces kystes parmi les cartilages im- parfaits La matière cérébriforme contenue dans ces kystes n'y adhère pas tellement qu'on ne puisse l'en détacher avec assez de facilité. Elle est ordinairement séparée en plusieurs lobes par un tissu cellulaire tres-fin , et qui, sous ce* rapport, pourrait être comparé à la pie-mère , à laquelle il ressemblerait encore beaucoup par le grand nombre de vaisseaux sanguins qui le parcourent. Ces vaisseaux, dont les parois sont, comme nous l'âvons dit, très - minces eu égard à leur vo- lume , pénètrent dans l'intérieur de la matière céré- brifornie même , et s'y divisent en ramuscules déliés qui lui donnent l'aspect rosé ou légèrement violacé quelle offre par endroits. Ce sont eux qui forment, en se rompant, les caillots de sang dont il a été parlé. Quelquefois les troncs situés dans les intervalles des lobes de la tumeur se rompent • eux-mêmes, le sang qu'ils contiennent s'épanche dans le tissu cellulaire délié qui les accompagne, et lui donne, en le refou- lant et le détachant de la tumeur , la forme d'une membrane. C'est principalement dans leur première période ou (ci) Dict. des Sciences médicales, art. Cartilages acci- dentels. 318 encéphaloÏdes nu poumox. période de crudité que les tumeurs cérébriformes enkystées présentent des lobes très-marqués. Ces lobes sont surtout prononcés à la surface extérieure de la tumeur, où leurs divisions représentent quelquefois assez bien les circonvolutions du cerveau. La mem- brane du kyste ne s'insinue pas dans leurs interstices, qui sont, en général , très-étroits. Elle ne laisse pas même paraître à l'extérieur les bosselures que forment ces lobes réunis et rapprochés les uns des autres. Dans cette même période, la matière cérébriformc, d'une fermeté assez grande, et souvent même supé- rieure à celle de la couenne du lard, coupée en tran- ches minces , offre une légère demi-transparence ; sa couleur est d'un blanc terne , gris de perle ou même jaunâtre. Si on incise en deux parties une tu- meur cérébriformc à cette époque de son développe- ment, son tissu paraît subdivisé en lobules beaucoup plus petits que ceux que l'on voit à sa surface exté- rieure. Ces lobules, intimement appliqués les uns aux autres , ne laissent aucun intervalle entre eux. Leurs divisions sont seulement indiquées par des lignes rou- geâtres , traces du tissu cellulaire injecté de petits vais- seaux qui les sépare. Ces lignes s'entre-ci oisent rare- ment ; elles se suivent plutôt en traçant des espèces de volutes et d'autres courbes irrégulières. Lorsque les tumeurs cérébriformes enkystées ont passé à leur second état, ou à celui dans lequel elles présentent la plus grande analogie avec le tissu du cerveau, leur texture devient plus homogène; on n'y voit plus de traces des lobules que l'on y distin- guait dans le premier état ; mais les divisions des grands lobes sont toujours très-marquées, surtout à la encéphaloïdes nu poumon. 319 surface des tumeurs. Les vaisseaux qui se trouvent dans les scissures que laissent entre eux ces lobes, et dans le tissu cellulaire ténu qui revêt la tumeur, sont beaucoup plus développés que dans le premier état : ce n'est que dans cette période , ou même à l'époque où elle approche de la troisième, que les épanche- mens sanguins ont lieu. La troisième période commence , ainsi que nous l'avons dit plus haut, quand la matière cérébriforme a acquis une consistance analogue à celle de la bouil- lie ou d'un cerveau extrêmement humide et ramolli par un commencement de putréfaction. Dans cet état, elle présente eneore souvent beaucoup d'analogie avec la substance cérébrale. Je n'ai pas observé que les tumeurs cérébriformes enkystées ou non enkystées se ramollissent beaucoup davantage, et que la matière qu'elles contiennent soit absorbée ou évacuée de ma- nière à laisser à leur place un kyste vide ou une exca- vation , comme il arrive pour les tubercules ; et par conséquent il n'est pas probable que, dans aucun cas, on puisse trouver la pectoriloquie par suite d'un can- cer cérébriforme du poumon. Je n'ai rencontré, jusqu'à présent, de tumeurs cé- rébriformes enkystées que dans les poumons , dans le l'oie et dans le tissu cellulaire du médiastin. 342. 2e Sorte. Masses cérébriformes non en- kystées. - On rencontre très-souvent les encepha- loïdes sous cette forme. Le volume des masses cé- rébriformes non enkystées est extrêmement variable : j'en ai vu d'aussi grosses que la tête d'un fœtus a terme, et d'aussi petites qu'un grain de chenevis. Leur forme, ordinairement sphéroïde, est quelquefois apla- 320 ENCÉPIIALOÏDES DU POUMON. tie, ovoïde , ou tout-à-fait irrégulière ; leur surface extérieure , divisée en lobes que séparent des scis- sures plus ou moins profondes, est cependant, moins régulièrement bosselée que celle des tumeurs enkystées de meme nature ; leur structure inté- rieure est d'ailleurs absolument la même dans les deux dernières périodes ; la membrane cellulaire qui les enveloppe est plus ou moins marquée, sui- vant quelles sont placées dans un tissu cellulaire lâche , ou dans la substance d'un -organe dont la tex- ture est serrée ; dans le dernier cas, la membrane dont il s'agit est beaucoup plus mince et moins pro- noncée. Dans leur premier état, ou dans leur période de crudité, les masses cérébriformes non enkystées pré- sentent un tissu plus demi-transparent que par la suite, presque incolore, et offrant d'une manière très-légère un œil bleuâtre; il est assez dur et divisé en lobules nombreux ; son aspect est alors gras et assez semblable à celui du lard. Mais, dans cet état même, la matière cérébriforme ne graisse pas le scalpel , et die se coagule par l'action de la chaleur sans donner un atome de graisse. Quelquefois aussi elle présente un aspect plutôt humide que gras , ce qui me paraît avoir lieu lorsque les tumeurs cérébriformes com- mencent déjà à passer à leur second état. Ce passage se fait de la manière suivante : le tissu de la tu- meur devient plus opaque, plus mou; il blanchit; la plupart des intersections qui indiquaient sa di- vision en lobules s'effacent ; les parties voisines des grandes intersections ou se trouvent les gros vaisseaux de la tumeur sont celles qui conservent le plus lông-temps leur texture primitive. J'ai trouvé en ces endroits des portions encore dures et lardacées dans des tumeurs déjà passées à leur troisième pé- riode. Toutes les observations que j'ai pu faire jusqu'à présent me portent à croire que les tumeurs cérébri- formes enkystées ne diffèrent pas , dans leur première période et dans leur mode de développement, de celles qui viennent d'être décrites. Les tumeurs cérébriformes non enkystées peuvent se développer dans toutes les parties du corps hu- main ; mais c'est surtout dans le tissu cellulaire lâche et abondant des membres et des grandes cavités que l'on en rencontre plus communément. J'en ai trouvé dans le tissu cellulaire de l'avant-bras, de la cuisse, du cou et du médiastin ; on en rencontre plus souvent encore au milieu du tissu cellulaire qui en- toure les reins et la partie antérieure de la colonne vertébrale , dans l'abdomen ; et assez ordinairement les tumeurs cérébriformes situées dans ces parties ac- quièrent un volume énorme. Quoiqu'on trouve aussi assez fréquemment des tu- meurs cérébriformes dans les organes intérieurs, elles y sont cependant plus rares que dans le tissu cel- lulaire. 345. 3e Sorte.-Infiltration d< parla matière cérébriforme. - Je n'ai jan trouvé l'in- filtration cérébriforme dans les poumons : c'est pour- quoi je ne la décrirai point ici. Je me conten- terai de dire qu'on la distingue des encéphaloïdes non enkystées en ce qu'elle forme des masses non circonscrites, et dans lesquelles la matière cérébri- DU POUMON.' 321 322 DES PRODUCTIONS OSSEUSES, CtC. forme se montre d'autant plus voisine de l'état de crudité, qu'on l'examine plus loin du centre de ces masses. Elle présente en outre un aspect très-varié par son mélange en diverses proportions avec les diffé- rons tissus organiques dans lesquels elle se déve- loppe. 344. Pendant la plus grande partie de l'existence des encéphaloïdes, il n'y a pas de fièvre sensible, et, dans beaucoup de cas même, la mort arrive sans que le pouls du malade ait jamais présenté d'altération notable. Quand il existe un mouvement fébrile bien marqué, il paraît ordinairement dû à des circonstances accidentelles, plutôt qu'au développement des encé- phaloïdes en lui-même. Ainsi, lorsque ces tumeurs, à raison de leur position, gênent des organes essen- tiels, ou occasionnent une inflammation locale plus ou moins étendue; lorsque l'irritation produite par leur présence détermine un flux abondant d'un li- quide quelconque, la fièvre se développe assez sou- vent , et peut même devenir continue et très - forte. Mais ce n'est guère qu'aux approches de la mort que Ion voit paraître la fièvre, sans qu'on puisse l'attri- buer a autre chose qu'à 1 action délétère de la matière morbifique sur l'économie animale. Les encéphaloïdes peuvent exister pendant long- temps sans produire un amaigrissement notable. Mais ce symptôme est constant vers l'époque de la terminaison de la maladie , et il marche alors d'une maniéré très - rapide. Les seuls cas où la mort arrive sans qu il y ait eu d'amaigrissement sont ceux ou elle est determinee par la situation même des tu- meurs morbifiques, et par la pression qu elles exer- DU POUMO1Y. 323 cent sur des organes essentiels, comme le cerveau ou le poumon. Les cas, au contraire, où l'amaigrissement commence de bonne heure et presque dès l'origine de la maladie sont ceux où la matière morbifique, à raison du lieu où elle s'est développée, occasionne un flux coliiquatif, propre par lui-méme à causer l'amaigris- sement, comme il arrive dans les squirrhes de la ma- trice. L'hydropisie n'est point un effet nécessaire du dé- veloppement de la matière morbifique dont il s'agit ; mais elle survient cependant assez fréquemment aux approches de la mort, surtout lorsque la matière cé- rébriforme s'est développée dans le foie ou dans la matrice. 545. De ce qui précède, comparé à ce qui a été dit plus haut (§ 278), il résulte que le cylindre doit indiquer l'existence des encéphaloïdes du poumon lorsqu'elles forment des masses volumineuses, ce qui est assez ordinaire à cette espèce de production ac- cidentelle. L'ouvrage de M. Bayle contient une ob- servation de ce genre que je lui avais communi- quée (a) : je n'en donnerai point ici d'autres, parce que les encéphaloïdes sont très-faciles à distinguer de toute autre espèce de cancer. ARTICLE VIL Exploration, des tubercules par la respiration. 346. L'exploration de la respiration fournit peu de données relativement a la phthisie pulmonaire simple, (a) Recherches sur la Phthisie , etc., obs. xxxw, 324 EXPLORATION DES TUBERCULES c'est-à-dire, sans complication d'inflammation. Elle est, sous ce rapport, très-inférieure à l'exploration de la voix , et même à celle du râle. Cependant les ren- seignemens qu'elle fournit ne sont point à dédaigner , et deviennent même précieux dans quelques cas. 347. Lorsqu'il existe dans les poumons des tuber- cules crus , et qui sont disséminés d'une manière à- peu-près égale dans toutes les parties de ces organes , l'auscultation de la respiration, comme nous l'avons dit (§278), n'indique rien; et, s'il n'existe en même temps aucune autre espèce d'engorgement pulmo- naire, la respiration s'entend bien dans toute l'é- tendue de la poitrine ; ou si l'intensité <lu bruit res- piratoire diffère un peu dans ses diverses parties, cette différence est si peu marquée qu'on n'en peut rien conclure. La percussion, dans ces cas, n'indique non plus aucune diminution du son. Mais lorsque les tubercules sont accumulés en grand nombre et de manière à former des masses volumineuses dans quelque partie du poumon , ce qui arrive surtout , comme on lésait, dans le lobe supérieur, la respi- ration ne s'entend plus dans le point ainsi affecté, et la percussion n on tire qu'un son mat. La respiration s'entend parfaitement dans les points de la poitrine correspondans aux cavités ul- céreuses , même quand ces points rendent un son tout-a-fait mat par la percussion, à raison des tu- bercules crus ou de l'engorgement tuberculeux ou inflammatoire qui existe autour des excavations. La respiration est alors d'autant plus sonore que 1 excavation a plus d ctendue. On peut même dire , eji général, que le bruit produit par la pénétration PAR LA RESPIRATION. 325 de l'air dans les cavités ulcéreuses est plus fort que ' celui de la respiration dans un poumon sain ; mais ce dernier est accompagné d'une sorte de murmure ou de crépitation due à la dilatation des cellules aériennes, et qui lui donne un caractère tout particulier : ce mur* mure n'existe plus d'une manière sensible dans le premier. Celui-ci , au contraire , de même que le bruit respiratoire exploré sur le larynx ou la trachée, a plus d'analogie avec le bruit du vent ou avec celui d'un soufflet. Ce caractère est meme beaucoup plus marqué que sur la trachée. Avec de l'habitude, on sent facilement que l'jûr pénètre dans des cavi- tés plus amples que les bronches et les vésicules aériennes; et, à ce seul signe, on pourrait déjà avoir au moins une forte présomption de l'existence d'une cavité ulcéreuse. Cette différehce est surtout remar- quable quand l'excavation , comme il arrive le plus souvent, est implantée au milieu d'une portion du poumon engorgée et durcie ; parce que le bruit de l'air pénétrant dans cette cavité n'est pas altéré par le murmure naturel de la respiration , tandis que si l'excavation est placée dans une partie du poumon tout-à-fait saine d'ailleurs , les deux bruits, étant en- tendus à-la-fois ne peuvent être bien distingués. 349- Lorsque la percussion donne un son mat dans une partie quelconque de la poitrine , et que , dans, un point peu étendu, de cette portion engorgée , la respiration s'entend plus fortement que dans l'état na-> turel, et sans la crépitation propre ao tissu pulmo- naire, on peut assurer qu'il existe en ce lieh une excava-, tion ulcéreuse placée au milieu d'une portion du pou-i mon endurcie par l'accumulation de tubercules très- 326 EXPLORATION DES TUBERCULES rapproches les uns des autres. Si, dans ce cas, la pec- toriloquie n'existe pas au moment où l'on fait l'exa- men , on peut assurer qu'elle se manifestera dans un autre moment, et que sa Suspension momentanée dé- pend de l'obstruction des bronches par la matière des crachats 70).' Dans le cas dont il s'agit, il semblerait d'abord que la percussion eût quelque avantage sur l'ex- ploration par le cylindre, puisque la première in- dique l'engorgement pulmonaire par un signe très- évident , tandis que la seconde ( si la pectoriloquie n'existe pas dans le moment ) n'annonce l'existence d'une excavation ulcéreuse que par une nuance du bruit de la respiration assez difficile à saisir pour un homme qui ne serait pas très-exercé : mais cet avan- tage n'est qu'apparent ; car si l'on promène le cylindre autour du point où existe une excavation ainsi entou- rée de tissu pulmonaire engorgé, on n'entendra plus du tout le bruit de la respiration. 350. Il est un cas aussi fréquent que le précédent , et dans lequel la percussion ne donne pas le moindre renseignement, quoique la lésion du poumon soit des plus graves. Lorsque, dans un point quelconque de cet organe, et particulièrement vers son sommet, il existe une excavation très-vaste , ou plusieurs excavations rapprochées les unes des autres , la poitrine rend tou- jours , en cet endroit, un son très-clair, quel que soit le degre de l'engorgement du tissu pulmonaire envi- ronnant. C'es.l même à cette cause qu'est due la ré- sonnance parfaite de la poitrine chez un grand nombre de phthisiques. 351. Assez souvent aussi, le bruit de la respiration. PAR LA RESPIRATION. 327 dans les excavations tuberculeuses , est accompagné d'un phénomène qui a également lieu quelquefois chez les égophones, et même sur le larynx et la trachée d'un homme sain. 11 semble qu'au moment où le malade inspire, il attire à lui la colonne d'air contenue dans le tube du cylindre , et qu'il l'y re- pousse en expirant. Ce phénomène n'existe, en géné- ral, que chez des sujets dont les excavations sont tout- à-fait vides et communiquent avec les bronches par un petit nombre d'ouvertures ; il est surtout très- marqué, de même que la pectoriloquie qui est accom- pagnée d'un souffle venanj par bouffées 7$), quand il existe deux ou plusieurs excavations de gran- deur à-peu-près égale, communiquant entre elles par une ouverture étroite. 352. Chez quelques pectoriloques, j'ai trouvé que l'expiration produisait dans les excavations un bruit sensiblement plus fort que l'inspiration , ce qui est le contraire de l'état naturel. D'apçès l'autopsie de ceux de ces sujets que j'ai eu occasion d'ouvrir, en assez petit nombre il est vrai, je pense que ce signe annonce une caverne vide placée dans une portion crépitante du. poumon, susceptible, par conséquent, d'affaissement, et s'ouvrant par une seule ouverture ou par un petit nombre dans les bronches. Cette caverne se remplis- sant et se vidant d'air par le même mécanisme qu'un soufflet, doit, comme ce dernier, produire plus de bruit lorsque ses parois se rapprochent que lorsqu'elles s'écartent. 328 DE LA PLEURESIE# G H A P I T R E V. E E .4 P l. E U R É S I E, ARTICLE Ier. Caractères anatomiques de la pleurésie. 353. La pleurésie est l'inflammation de la plèvre. Elle tire son nom de la douleur de côté qui en est or- dinairement le symptôme principal. Le mot , dans le sens que lui donne Hippocrate, signifie même , à proprement parler , toute espèce de douleurs de côté } et surtout celles qui sont un peu fortes et per- sistantes. Cette circonstance , et le peu de progrès qu'avait faits l'anatomie pathologique jusqu'à la fin du dernier siècle , ont été causes de beaucoup de contro- verses sur les caractères propres et le siège de la pleu- résie. On s'est long-temps demandé si la pleurésie avait pour cause l'inflammation de la pl'èvre ou celle du poumon ; si ces deux organes étaient affectés à-la- fois dans celte maladie, ou si elle était placée tantôt dans l'un et tantôt dans l'autre ; on a même cherché la cause de la pleurésie dans les adhérences cellulaires qui unissent si fréquemment la plèvre et le poumon. A une époque très-rapprochée de nous, on trouve encore ces questions longuement discutées et assez mal résolues par Morgagni («) , que l'on peut regarder comme le créateur de l'anatomie pathologique, et par (a) Epist. xx, iC 38 ; Epist. xxr, n05 3; e\seq. DE LÀ PLEURÉSIE. 329 Sarcone Ça) , qui fut peut-être le praticien le plus, remarquable du dernier siècle. Ces questions sont aujourd'hui oiseuses , au môins en France , où , depuis la publication de l'ouvrage de M. Pinel, les médecins n'emploient plus le mot pieu- reste que pour indiquer l'inflammation de la plèvre. Il est certain , au reste, que dans beaucoup de cas la pleurésie et la péripneumonie existent simultanément ; que, dans des cas où la plèvre seule est enflammée, le point de côté , qui fait le caractère principal de la TrXevpirtç des anciens et de la plupart des praticiens mo- dernes , est à peine marqué; et par momens seule- ment ; que quelquefois même il ne se manifeste à aucune époque de la maladie ; que dans d autres cas, au contraire , où il y a à-la-fois une péripneumonie très - forte et une pleurésie très - légère et très-peu étendue, il peut y avoir un point de côté des plus violens ; mais il est également constant que l'inflam- mation de la plèvre peut exister sans celle du poumon et vice versa. H y a des constitutions épidémiques dans lesquelles on les trouve communément isolées, et d'autres où elles sont ordinairement réunies ; mais , en général , on trouve plus souvent, à l'ouverture des cadavres, la péripneumonie sans pleurésie, que la pleurésie sans péripneumonie , par la raison que presque toutes les pleurésies simples se terminent par la guérison. 354. La pleurésie peut être aiguë ou chronique. (a) Istoria ragionata de mali osservati in Napoli j nelV inte.ro Corso dell' anno 1764, scritta da Michèle Sarcone. Rapoli, 1765, m-8°, parte seconda, § iSi et seq. 330 PLEURÉSIE, ROUGEUR DE LA PLEVRE. Le caractère anatomique de la pleurésie aiguë, comme celui de l'inflammation de toutes les membranes sé- reuses, est la rougeur de la membrane affectée. Cette rougeur est, en quelque sorte, ponctuée et semblable à ce qu'elle serait si l'on avait formé avec un pinceau, à la surface de la plèvre , un grand nombre de petites taches de sang très-irrégulières et très-rapproebées les unes des autres. Ces points rouges péftètrent toute l'é- paisseur de la membrane , et laissent entre eux des intervalles dans lesquels on distingue encore très- bien la couleur blanche de la plèvre. 11 n'y a pas de doute que , pendant la vie , la rougeur ne doive être uniforme, et que les intervalles que l'on y observe après la mort, et qui la rendent ponctuée , ne doi- vent être comparés, ainsi que le faisait Bichat pour des dispositions anatomiques analogues , à la disparition presque totale de la rougeur que l'on observe souvent dans les cadavres des sujets morts d'érysipèle. Outre cette rougeur ponctuée, et lors même qu'elle est très-peu considérable, on trouve toujours les vais- seaux sanguins qui rampent à la surface de la plèvre beaucoup plus ronges et plus apparens que dans l'état naturel , et comme injectés. 555. Quelques médecins regardent l'épaississement de la plèvre comme un effet assez ordinaire de son inflammation. Ce caractère ne m'a jamais paru bien évident, et il est certain que, dans la plupart des cas où l'on a cru trouver cette disposition, on a pris pour un épaississement, des tubercules miliaires très-nom- breux développés à la surface interne ou externe de la plèvre , des incrustations cartilagineuses placées entre cette membrane et les parties qu'elle revêt, ou PLEURÉSIE, ÉPAISSISSEMENT, CtC. 331 des fausses membranes plus ou moins denses, intime- ment adhérentes à sa surface interne. 356. L'inflammation de la plèvre est toujours ac- compagnée d'une exhalation à sa surface interne ; cette exhalation, qui est, à proprement parler, le mode de suppuration propre des membranes séreuses, paraît commencer dès les premiers instans de l'inflammation, et présente presque toujours deux matières de nature différente, l'une demi-concrète, l'autre aqueuse et très-liquide. La première est connue sous le nom de fausse membrane, la seconde sous le nom de sé- rosité ou d''épanchement séro-purulent. L'une et Vautre présentent beaucoup de variétés. 55?. Les fausses membranes sont formées par une matière d'un blanc plus ou moins jaune, opaque , ou très-légèrement demi-transparente , dont la consis- tance , quelquefois à peine supérieure à celle du pus, est, dans d'autres cas , égale à celle du blanc d'œuf cuit, ou de la couenne inflammatoire du sang, à la- quelle les fausses membranes ressemblent beaucoup par tous leurs caractères physiques. Cette matière, étendue sous forme de nappe sur toute la partie en- flammée de la plèvre , en suit, quand cette inflam- mation est générale , tous les contours, tant sur les poumons que sur les parois externes du thorax, et lui forme une sorte de doublure intérieure et com- plète. Dans les cas où l'inflammation est bornée à la plèvre pulmonaire ou à la plèvre costale, la partie en- flammée est seule recouverte d'une fausse membrane. Dans les cas d'inflammation générale , assez souvent les portions de la fausse membrane qui revêtent le poumon et la plèvre costale sont réunies entre elles 332 PLEURÉSIE, FAUSSES MEMBRANES.' par des lames de même nature qui se rendent de l'une à l'autre , en traversant le liquide séreux épanché dans l'espèce de sac formé par l'exsudation pseudo- membraneuse. Dans cet état, les fausses membranes adhèrent très-peu à la plèvre , et on peut aisément les enlever en raclant avec le manche du scalpel. L'épaisseur ordinaire des fausses membranes varie d'une demi-ligne à deux lignes ; elle est, en général, assez uniforme; (quelquefois cependant elle est plus considérable dans certains points, et surtout à la face inférieure du poumon et sur la partie correspondante du diaphragme. Dans certains cas, la fausse membrane présente dans toute son étendue des épaississemens répandus çà et là sous forme de lignes qui s'entre-croi- sent et forment une sorte de réseau irrégulier ; d'autres fois, au contraire, ces épaississemens, très- rapprochés les uns des autres, forment des espèces de petites tubérosités irrégulières qui donnent à la fausse membrane un aspect granulé. Dans l'un et l'autre cas, les portions intermédiaires étant ordinairement fort minces, et paraissant transparentes et incolores , par opposition aux parties plus épaisses qui conservent leur couleur et leur opacité, les fausses membranes présentent alors un aspect fort analogue à celui d'un épiploon un peu chargé de graisse. Cette ressem- blance est surtout frappante quand déjà il s'est développé des vaisseaux sanguins dans la fausse membrane. 558. Quelquefois, et surtout quand la sérosité épanchée est abondante, les fausses membranes se détachent de la plèvre en tout ou en partie et flottent librement dans la sérosité ; il arrive même de trouver PLEURÉSIE , ÉPANCHEM. SÉRO-PURULENT. 553 dans le liquide des niasses assez considérables d'exsu- dation albumineuse concrète, dont la forme globu- leuse et irrégulièrement ovoïde semblerait annoncer qu'elles n'ont jamais été adhérentes à la plèvre; ce qui me paraît cependant impossible à concevoir. Il est probable que ces sortes de masses se forment dans les parties anguleuses que présente la cavité de la plèvre, vers les attaches du diaphragme et la racine des poumons; et qu'en nageant ensuite dans le liquide, elles se roulent en quelque sorte sur elles-mêmes. 55g. L'épanchement séreux qui accompagne pres- que toujours la formation des fausses membranes se présente ordinairement sous la forme de sérosité de couleur cilrine ou légèrement fauve , dont la trans- parence n'est troublée que par de petits fragmens du pus concret ou pseudo-membraneux, ou par quelques filamens de même nature. Elle ressemble alors assez bien à du petit-lait non clarifié , et cette ressemblance est même telle qu'elle a fait tomber dans une erreur grossière quelques praticiens qui ont cru reconnaître le lait dans l'épanchement séro-purulent de la péri- tonite des femmes en couches; et effectivement l'er- reur serait pardonnable si la même chose ne s'ob- servait pas dans l'inflammation de toutes les mem- branes séreuses, et chez les hommes comme chez les femmes. w 56o. Dans quelques cas, la sérosité est d'une cou- leur fauve très-foncée, rousse , et évidemment mêlée de sang ; quelquefois même elle est tout-à-fait san- guinolente. Cette couleur, lorsqu'elle est très-foncée, paraît tenir à une inflammation secondaire et déve- loppée dans les fausses membranes elles-mêmes , 534 PLEUR! SIE, ÉPANCIIEM. SFRO-PURULENT. car on les trouve alors assez ordinairement fortement teintes en rouge , ou parcourues par un grand nom- bre de vaisseaux sanguins encore imparfaits, mais déjà reconnaissables. La plèvre, au-dessous des fausses membranes qui présentent cet aspect, est elle-même beaucoup plus rouge que dans l'inflammation récente la plus aiguë. L épanchement pleurétique est communément ino- dore dans la pleurésie aiguë. Je ne l'ai trouvé fétide que chez un homme mort de pleuro-péripneumonie a la suite d un empoisonnement par l'opium. Chez ce sujet, 1 epanchement séreux elles fausses mem- branes exhalaient une odeur vineuse aigrelette extrê- mement nauséabonde. 561. Les proportions relatives de la sérosité épan- chée et de l'exsudation albumineuse n'ont rien de constant. Quelquefois on trouve une quantité énorme de sérosité et peu de fausses membranes ; dans d'autres cas, le contraire a lieu. En général, plus le caractère inflammatoire de la maladie est prononcé, et plus les fausses membranes sont épaisses et étendues. Chez les sujet s faibles et lymphatiques, au contraire, on trouve, à la suite des pleurésies, une grande quan- tité de sérosité limpide et des fausses membranes peu épaisses, souvent flottantes dans la sérosité. La pleu- résie semble en quelque sorte se confondre dans ces cas, par des degrés insensibles, avec l'hydro-thorax, ainsi que nous aurons lieu de le montrer en parlant de cette dernière maladie. En général, dans l'épan- chement pleurétique, la sérosité est d'autant plus lim- pide qu il y a moins de fausses membranes ; et cela se conçoit facilement, puisque les petits fragmens d'albumine concrète qui la troublent proviennent de cette exsudation. 362. Dans quelques cas rares, on trouve une ex- sudation pseudo-membraneuse unissant les surfaces contiguës de la plèvre sans épanchement séreux. Ce cas serait fort commun si on rangeait dans la même catégorie les pleurésies dont la guérison commence à s'opérer , et dans lesquelles, comme nous le verrons tout-à-l'heure, le premier effort de ' la nature pour le rétablissement de l'état naturel des parties con- siste dans l'absorption de la partie séreuse de l'épan-r chement. Dans le cas dont je veux parler, on trouve , à la suite d'une pleurésie peu intense et partielle qui compliquait une maladie plus grave à laquelle le malade a succombé , une exsudation d'un blanc presqu'incolore et demi-transparente, qui, quand elle est encore récente, permet de séparer les parties qu'elle réunit, et reste sur la surface de chacune d'elles ab- solument comme de la colle de farine un peu épaisse et encore humide qui réunirait deux feuilles de papier. 365. Dans les péri pneumonies , et particulière- ment dans celles qui sont légères et partielles , on trouve aussi quelquefois la plèvre pulmonaire , au voi- sinage de la partie enflammée , recouverte , dans une petite étendue, par une fausse membrane qui, suivant qu'elle est plus ou moins récente , est jaune, opaque, et peu adhérente aux parties contiguës , ou ferme , demi-transparente , rougie par un grand nombre de petits vaisseaux , et déjà divisée en feuillets membra- niformes. Dans certains cas , on ne trouve en même temps aucun épanchement séreux , et j'ai observé des PLEURÉSIE SANS EPANCHEMENT LIQUIDE. 555 556 PLEURÉSIE, TRANSFORMATION pleurésies partielles de ce genre dans lesquelles la per-» cussion et le cylindre n'avaient donné aucun signe d'épanchement dans la poitrine, quoique ces moyens d'exploration , et surtout le dernier , fissent recon- naître d'une manière évidente des quantités de sérosité très-peu considérables épanchées dans la plèvre. La même chose s'observe aussi assez fr équemment chez les phthisiques ; et il paraît que les adhérences in- times, soit celluleuses, soit cartilagineuses, du sommet du poumon, que l'on rencontre si souvent chez ces sujets , se forment ordinairement de cette manière. Au reste, ces pleurésies partielles, et qu'on pour- rait appeler sèches, par opposition à celles qui sont accompagnées d'épanchement séro-purulent, sont or- dinairement des complications très-peu considérables qui se joignent à une maladie beaucoup plus grave ; et souvent le médecin et le malade lui-même ne s'en aperçoivent à aucun symptôme bien caractéristique. Une sensation locale d'ardeur ou quelques douleurs pongitives légères et fugaces , sont ordinairement le seul qu'elles présentent chez les phthisiques. 564- Les fausses membranes pleurétiques tendent essentiellement, et toutes les fois que le travail de la nature n'est pas troublé par une cause quelconque , à se convertir en tissu cellulaire, ou plutôt en un vé- ritable tissu séreux analogue à celui de la plèvre. Cette conversion s'opère de la manière suivante : le liquide séreux qui accompagnait l'exsudation pseudo- membraneuse est absorbé ; le poumon comprimé par l'épanchement se développe, et n'est plus séparé des parois thoraciques que par les fausses membranes, qui s unissent alors entre elles et ne forment plus qu'une DES FAUSSES MEMBRANES. 007 seule masse. Bientôt celte couche informe se divise en feuillets assez épais et encore opaques , séparés par une très-petite quantité de sérosité. C'est à cette époque que l'on commence ordinai- rement à y apercevoir des vaisseaux sanguins. Les rudimens de ces vaisseaux se présentent d'abord sous la forme d'une traînée de sang tout-à-fait irrégulière, et beaucoup plus volumineuse que les vaisseaux qui doivent lui succéder. Ce sang semble avoir pénétré dans le tissu de la fausse membrane, comme s'il y eût été poussé par une forte injection ; et si l'on exa- mine les points de la plèvre correspondans à l'origine de cette traînée , on les trouve plus rouges que par- tout ailleurs et comme maculés de sang. Bientôt les feuillets pseudo-membraneux deviennent plus minces et moins opaques; les traînées de sang prennent une forme cylindrique, et se ramifient à la manière des vais- seaux sanguins, mais en conservant toujours un dia- mètre considérable. Si on lés examine à celte époque, on trouve que ces vaisseaux, très-rouges; présentent une couche extérieure molle et formée de sang à peine concrété à laquelle ils doivent leur couleur. Après avoir incisé cette couche, on en retire une sorte de moule ou de faisceau arrondi, blanchâtre, fibrineux , formé évidemment par de la fibrine concrète, et dont le centre paraît perforé et perméable au sang, que l'on y reconnaît à sa couleur. Quelque petit que soit le canal , c'est ce faisceau fibrineux qui doit, en s'amin- cissant , former les tuniques des vaisseaux sanguins. Plus tard les feuillets de la fausse membrane de- viennent tout-à-fait transparens et à-peu-près aussi minces que des lames de tissu cellulaire. Leurs vais- 358 PLEURÉSIE, TRANSFORMATION seaux deviennent absolument semblables à ceux qui rampent à la surface interne de la plèvre. Mais ce tissu accidentel n'a pas encore le même degré de consistance que le tissu cellulaire naturel ; il est souvent même assez mou pour pouvoir être rompu lorsqu'on veut le soulever avec le doigt pour l'exa- miner; ses vaisseaux , plus volumineux encore jus- que dans leurs plus petites ramifications, présentent l'aspect d'une injection anatomique très-fine : ce n'est qu'au bout d'un certain temps que les lames qui le composent présentent entièrement la consistance et les caractères du tissu cellulaire ou plutôt du tissu séreux; car ces lames ne sont jamais uniques , elles sont toujours continues et repliées sur elles-mêmes , ou adossées l'une à l'autre , de manière quelles pré- sentent , comme la plèvre même, à laquelle elles adhè- rent par leurs extrémités , une surface exhalante , lisse et lubrifiée par une légère humidité , et une surface extérieure ou adhérente , par laquelle elles se réunissent entre elles , et sur laquelle rampent les vaisseaux sanguins dont nous venons de parler. J ai trouve quelquefois des lobules de graisse dé- veloppes dans les duplicatures de ces lames ; mais cela est fort rare. Ces lames accidentelles sont ordinairement dirigées perpendiculairement à la direction de la plèvre , de manière qu une de leurs extrémités étant fixée à un point quelconque de la plèvre costale , diaphrag- matique ou mediastine , 1 autre va s'insérer au point oppose du poumon en faisant un angle à-peu-près droit. Parvenues a cet état, les lames séreuses acciden- telles, quelque nombreuses qu'elles soient, ne nuisent DES FAUSSES MEMBRANES, 559 plus en aucune maniera à la santé ; la respiration même ne se ressent nullement de leur existence , excepté dans quelques cas particuliers dont nous au- rons occasion de parler plus bas. Ces lames jouis- sent de toutes les propriétés du tissu séreux naturel ; elles sont, comme lui, susceptibles d'exhalation et d'ab- sorption; et, chez les hydropiques, on trouve souvent une assez grande quantité de sérosité épanchée entre elles. Quelquefois même elles s'enflamment, et alors leur surface est recouverte de fausses membranes tout-à- fait semblables à celles qui leur ont donné naissance , et leurs intervalles sont remplis de sérosité ; mais ce cas est très-rare , et il semble même qu'une forte pleurésie qui s'est terminée par des adhérences nom- breuses rende le retour d'une semblable maladie beau- coup plus difficile que dans l'état naturel des parties. Je n'ai pas vu plus de trois ou quatre fois l'inflam- mation des lames séreuses accidentelles que je viens de décrire, quoiqu'il n'y ait rien de plus commun que de voir des poumons adhérens de toutes parts à la plèvre costale. 11 est même à remarquer que lors- qu'il survient une pleurésie chez un sujet dont le poumon adhère, dans une certaine étendue, à la plèvre costale par suite d'une pleurésie antérieure, l'inflammation, l'exsudation albumineuse et l'épan- chement séro-purulent s'arrêtent au point où com- mence l'adhérence; en sorte que l'on pourrait poser en principe que pins une pleurésie a été grave , et moins son retour est à craindre dans la suite de la vie. 565. Lorsque la pleurésie est simple, on ne trouve aucun signe d'inflammation dans le tissu du poumon, 94° ÉTAT DU POUMON DANS LA PLEURESIE. meme au voisinage des points où la plèvre pulmo- naire est le plus violemment enflammée : seulement, en raison de la compression que ce tissu a éprouvée par l'épanchement, il devient plus dense et moins crépitant que dans l'état naturel. Si l'épanchement a été très-considérable, le poumon s'aplatit et de- vient tout-à-fait flasque ; il ne contient plus du tout d'air, et par conséquent ne crépite plus à la pression ; ses vaisseaux sont aplatis et presqu'entièrement ex- sangues ; ses bronches , à l'exception des plus gros troncs, sont évidemment rétrécies; mais sa texture est encore très-reconnaissable ; il ne présente aucune trace d'engorgement analogue à celui qui a lieu dans la péripneumonie ; et, si on insuffle de l'air dans les bronches , on voit le tissu pulmonaire se développer plus ou moins parfaitement. 366. Quelquefois cependant on rencontre dans ces cas des portions du poumon qui, sans être plus denses ni moins souples que les autres parties du tissu pul- monaire comprimé , présentent une rougeur tout-à- fait semblable à celle des muscles, et une texture ho- mogène et compacte dans laquelle on ne distingue plus de traces des cellules aériennes. Ce tissu incisé pré- sente une surface lisse , et qui n'a rien de l'aspect granulé du tissu pulmonaire enflammé au second ou au troisième degré ; il ne laisse suinter qu'un peu d'humidité incolore ou à peine sanguinolente, et nul- lement spumeuse , et diffère par là de la péripneu- monie au premier degré. J'appliquerais volontiers à cet état du poumon le nom de carnification , impro- prement donné par quelques auteurs à ï hépatisation ou.inflammation au second ou troisième degré. On CARNIFICATION DU POUMON. 541 le rencontre quelquefois vers les parties centrale, pos- térieure ou inférieure du poumon , dans des cas où l'épanchement n'était pas considérable , et où les par- ties supérieures du poumon étaient encore crépitantes. Dans d'autres cas, on trouve çà et là, au milieu d'un poumon très crépitant, des portions delà grosseur d'une aveline ou d'une amande dans cet état de com- pression ou d'endurcissement rouge et flasque. Je pense que cet état pathologique est le résultat d'une inflammation légère ou au premier degré, dont la résolution , hâtée peut-être par la compression du poumon, s'est opérée d'une manière irrégulière et im- parfaite. Quelques observations me portent également à croire que la résolution imparfaite de l'engorgement hémoptysique, dont il sera parlé dans la troisième partie de cet ouvrage , produit quelquefois le même effet lorsqu'elle s'opère sous l'influence d'un épanchement un peu abondant dans les plèvres. Nous verrons plus bas que cette carnification du poumon, ou au moins sa compression portée au point de le rendre tout-à- fait vide d'air, peut durer un grand nombre d'années quand un seul poumon est affecté. ARTICLE IL Caractères anatomiques de la pleurésie chronique. 567. La pleurésie chronique ne diffère pas essen- tiellement, sous le rapport anatomique, de la pleurésie aiguë. La plèvre est ordinairement plus fortement rougie que dans cette dernière. L'épanchement sé- reux, plus abondant, est presque toujours moins limpide et mêlé d'une grande quantité de très-petits 542 PLEURÉSIE CHRONIQUE, flocons albumineux. Leur abondance et leur petitesse sont quelquefois telles que le liquide en paraît entiè- rement puriforme, même sans avoir été agité. Plus communément la sérosité est citrine, quoique moins limpide que dans la pleurésie aiguë, et mêlée d'une très-grande quantité de fragmens pseudo-mem- braneux extrêmement petits, qui, semblables à une farine grossière délayée dans un liquide, se précipi- tent au fond par l'effet du repos. On trouve alors, à l'ou- verture des cadavres, ces fragmens puriformes accu- mulés en grand nombre dans les points les plus dé- clives des parois thoraciques, et établissant une sorte de gradation de consistance entre l'épanchement séro-purulent et les fausses membranes. Ces der- nières n'oflrent presque jamais, comme dans la pleu- résie aiguë, la consistance du blanc d'œuf cuit. On les rompt ou on les écrase avec la plus grande faci- lité lorsqu'on veut les détacher de la plèvre ; elles sont friables sous le doigt, et quelquefois les molé- cules qui les composent offrent si peu de cohésion entre elles qu'on pourrait prendre ces fausses mem- branes pour un dépôt formé à la surface delà plèvre par lapartie la plus épaisse du pus. 368. Les épanchemens produits par la pleurésie chronique ne sont presque jamais aussi parfaitement inodoies que ceux qui ont heu dans la pleurésie aiguë j quelquefois même ils ont une odeur fade, plus dé- sagréable que celle du pus de bonne qualité. 36g. La pleurésie chronique , en bornant ce nom à celle que nous venons de déerve, et en ne com- prenant pas sous celle dénomination les pleurésies aiguës qui se terminent lentement, tend rarement à la CARACTÈRES DE l'ÉpANCHEMENT. 545 guérison ; et dans des épanchemens qui durent depuis plusieurs mois, on ne distingue souvent aucun travail de la nature propre à amener la conversion des fausses membranes en tissu cellulaire. La guérison a quel- quefois lieu cependant d'une autre manière, ainsi que nous le montrerons plus bas. 3yo. L'épanchement produit par la pleurésie chro- nique tend le plus ordinairement à devenir de jour en jour plus considérable. Le côté affecté se dilate et devient manifestement plus volumineux que l'autre. Les espaces intercostaux s'écartent et s'élèvent au niveau des côtes et quelquefois même au-dessus. Le poumon , refoulé vers le médiastin et la colonne vertébrale , et maintenu dans cette position par l'exsudation pseudo - membraneuse qui le recouvre en entier , est quelquefois réduit à un si petit vo- lume qu'il offre à peine quatre à six lignes d'épais- seur, même vers sa partie moyenne ; et que, si on ne le recherche avec soin, on pourrait le croire entière- ment détruit. Son tissu, flasque, souple, et dense comme un morceau de peau, ne crépite plus sous le doigt qui le presse; il est plus pâle que dans l'état naturel, quelquefois grisâtre et tout-à-fait ex- sangue. Ses vaisseaux, aplatis, paraissent souvent tout- à fait vides. Sa texture cellulaire est cependant encore très-reconnaissable. Rarement il offre dans quelques points l'état de carnification décrit ci-dessus (§ 366). Ce cas constitue l'empyème des auteurs , ou au moins celui des modernes ; car je ne pense pas qu'il existe encore aucun médecin qui pense que l'em- pyème soit le produit d'une vomique qui s'cst ouverte dans la plèvre au lieu de s'ouvrir dans les bronches. 544 PLEURÉSIE CHRONIQUE, Un tubercule ramolli peut s'ouvrir dans la plèvre et devenir ainsi la cause d'un épanchement considé- rable , en excitant une pleurésie chronique ; mais , dans ce cas même, l'épanchement entier ou à-peu- près sera fourni par la plèvre enflammée , et la petite quantité de matière tuberculeuse qui s'y trouvera mê- lée ne pourra être considérée que comme l'agent mé- canique ou chimique qui a déterminé l'inflammation. C'est encore à cette espèce de pleurésie qu'il faut rapporter les histoires de poumons entièrement dé- truits par la suppuration , que l'on trouve dans les recueils des anciens observateurs. $71. La pleurésie chronique, telle que je viens de la décrire , est telle de sa nature, ainsi que je l'ai déjà dit 36g ), et à aucune époque de la maladie, elle ne présente la fièvre intense, la vivacité de douleurs et l'é- nergie de réaction qui caractérisent une maladie aiguë. Elle attaque ordinairement des sujets devenus cachec- tiques par une cause quelconque, et particulièrement par suite de l'affection tuberculeuse des poumons ou de toute autre partie : cette complication , autant que le peu d'intensité des symptômes généraux et locaux , contribue à la rendre le plus ordinairement latente : aussi est-elle presque toujours méconnue. 672. Il est encore une autre sorte de pleurésie chronique : c'est la pleurésie aiguë devenue telle par une cause quelconque qui s'oppose à la prompte absorption du liquide épanché et à la conversion des fausses membranes en tissu cellulaire. Cette cause est ordinairement aussi un état de débilité générale et de cachexie dû à une complication antérieure à la pleurésie ou survenue depuis son apparition. CARACTERES DE l'ÉPANCHEIIENT. • 545 5y5. La pleurésie aiguë passée à l'état chronique peut présenter un grand nombre de variétés : il se- rait difficile de les exposer toutes. Nous en décrirons deux dans la suite de ce chapitre, une autre dans celui de l'Hydro-thorax; et nous aurons encore occasion de revenir sur cet objet dans la troisième partie de cet ou- vrage. Nous nous contenterons, en conséquence, d'in- diquer ici une des plus communes et des plus nota- bles. 3y4- A l'époque où des vaisseaux sanguins com- mencent à se développer dans les fausses membranes, il s'y fait souvent un afflux de sang trop considérable: la totalité de la fausse membrane, ou au moins de sa superficie , est teinte d'un rouge de sang , et le plus souvent même elle en est imprégnée dans toute son épaisseur : la sérosité épanchée devient égale- ment sanguinolente , et quelquefois elle l'est assez pour ressembler à du sang délayé dans très-peu d'eau ; il n'est même pas rare d'y trouver, dans ces cas , de petits caillots de sang pur. Cet accident met un grand obstacle à la guérison ; et, lorsqu'il ne s'y oppose pas tout-à-fait, il la recule au moins beaucoup, et il paraît être la cause d'une modification dans la forme et la texture des adhé- rences qui fera le sujet du quatrième article de ce chapitre. ARTICLE III. Des Signes de la Pleurésie. 5y5. Une pleurésie aiguë et dont les symptômes $onl bien tranchés est ordinairement facile à recon- 546 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. naître. Le point pleurétique, la dyspnée, la fièvre, la toux sèche et accompagnée seulement de crachais glaireux et presque incolores, suffisent souvent pour donner une certitude morale de son existence , sans qu'il soit besoin de recourir, à aucune méthode d'exploration ; mais outre que ces symptômes peuvent quelquefois exister sans pleurésie , il n'est pas rare de voir des pleurésies, même aiguës , dans lesquelles plu- sieurs de ces symptômes manquent ; et dans les pleu- résies chroniques surtout, ils sont souvent si peu ca- ractérisés et accompagnés de tant d'anomalies diverses de toutes les fonctions , que ce -n'est ordinairement qu'au bout de plusieurs semaines, et même au bout de plusieurs mois, qu'on peut soupçonner le véritable caractère de la maladie. 3y6. La percussion indique d'une manière bien plus sûre la pleurésie. Dès que l'épanchement est formé, le son manque dans toute la partie où il existe. On ne sait trop, il est vrai, si l'absence du son est due à une péripneumonie ou à une pleurésie ; mais les sym- ptômes généraux , et surtout ceux que présentent les crachats , ainsi que la présence ou l'absence du point de côte , peuvent aider à faire celte distinction ; et, dans les cas même où elle est le plus difficile à faire, on reconnaît toujours que la maladie est une affection inflammatoire ou du poumon ou de la plèvre , et c'est ce qu'il y a de plus essentiel à savoir sous le rapport du traitement. 377. J'ai vu quelques médecins essayer d'obtenir, par la percussion, un signe distinctif entre la pleu- résie et la péripneumonie , en plaçant le malade dans differentes positions. J'ai répété moi-même cette DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 547 expérience sans obtenir aucun résultat satisfaisant, et cela est facile à concevoir : les liquides ne changent de place , par la position, que dans un vase vide , et la poitrine est pleine dans l'état naturel ; le liquide épanché ne se fait place qu'en comprimant le poumon. Il est vrai que , quand l'épanchement est peu considé- rable, le liquide, comme plus pesant que le poumon , tend à occuper les parties postérieure et inferieure de la poitrine si le malade est couché sur le dos; et le poumon , comme plus léger , tend , au contraire, a se porter en avant et en haut. Mais pour peu que l'épanchement soit considérable , le liquide se répand sur toute la surface du poumon , et l'écarte des parois thoraciques, à moins qu'il n'y ait des adhérences an- ciennes dans quelques points. A ces considérations, il faut ajouter que le poumon comprimé par l'épanchement devient beaucoup moins mobile ; que les adhérences anciennes ou les fausses membranes récentes le fixent le plus souvent d'une manière invariable dans la même position ; et qu'en supposant même qu'il en pût changer ou qu'il y eût quelque vide dans la poitrine , ce qui ne peut être (hors le cas de pneuino-thorax, dans lequel la per- cussion ne dirait plus rien) , la péripneumonie qui accompagne souvent la pleurésie empêcherait en- core d'obtenir des résultats de la méthode dont il s'agit. 5y8. L'auscultation médiate donne des moyens de distinguer beaucoup plus sûrement ces deux mala- dies, et fait reconnaître avec certitude, non-seulement l'existence de l'épanchement pleurétique, mais même son abondance plus ou moins grande. 548 DES SIGNES DE LÀ PLEURESIE.' Une grande diminution ou l'absence totale du bruit de la respiration , l'apparition, la disparition elle re- tour de l'égophonie, sont les signes par lesquels le cy- lindre annonce l'existence de l'épanchement pleuré- tique et en indique la mesure. Nous allons exami- ner successivement ces deux espèces de signes. Lorsque, comme il arrive souvent, l'épan- chement pleurétique est très - abondant dès les premiers instans de sa formation, l'absence de la respiration est dès-lors totale, et on ne l'entend plus du tout dans tout le côté affecté, excepté le long de la colonne vertébrale , où elle "s'entend encore dans une largeur d'environ trois doigts, quoiqu'avec moins de force que du côté opposé. Cette absence totale de la respiration après quelques heures de maladie est un signe tout-à-fait pathognomonique de la pleurésie avec épanchement abondant, lors-méme que le point pleurétique n'existe pas : on peut dans ce cas pro- noncer , sans crainte de se tromper , qu'il existe un épanchement dans la plèvre; car, comme nous l'a- vons dit 20g et suiv.), l'absence de la respiration dans la péripneumonie est en quelque sorte graduelle; elle est plus ou moins forte dans divers points de la poitrine; elle n'existe presque jamais sous la clavi- cule; et, dans ce cas meme , les parties supérieures du poumon ne sont envahies qu'au bout de plusieurs jours ou meme de plusieurs semaines de maladie. L'ab- sence totale du bruit de la respiration dans la péri- pneumonie est d'ailleurs toujours précédée, pendant vingt-quatre ou trente-six heures, par l'apparition d'un raie crépitant et tout-à-fait 209). Dans la pleuresie avec épanchement abondant ? au DES SIGNES DE LA PLEURe'siE. 549 contraire, l'absence de la respiration est non-seule- ment subite, mais égale, uniforme, et si complète que l'on n'entend absolument rien, quelle que soit la force avec laquelle les efforts de la respiration soulèvent les parois du thorax. 58o. La persistance de la respiration dans une étendue d'environ trois travers de doigt tout le long de la colonne vertébrale n'est pas un signe moins constant de la pleurésie. Il existe meme dans les pleurésies chroniques dans lesquelles l'épanchement est le plus considérable, et le poumon tellement com- primé contre la partie postérieure des côtes et la colonne vertébrale qu'à l'ouverture de la poiirine il faut le chercher pour le trouver. Ce signe s'ex- plique , au reste, très-bien par le refoulement même du poumon vers sa racine par l'effet de l'épan- chement. Chez un petit nombre de sujets, la respiration s'en- tend encore assez bien immédiatement au-dessous de la clavicule, quoique tous les autres signes annoncent un épanchement considérable et formé tout-à-coup, comme nous venons de le dire. On peut dans ces cas être certain que le sommet du poumon est uni à la plèvre costale par des adhérences d'ancienne date. Cette cessation totale et subite du bruit de la respi- ration dans les épanchemens abondans et formés tout- à-coup ne doit pas faire croire que, dans ces cas, l'épanchement soit sur-le-champ aussi considérable qu'il l'est dans les pleurésies chroniques ou devenues telles , dans lesquelles la respiration est également nulle, et où l'on trouve, à l'ouverture de la poitrine, le poumon tout - à - fait aplati contre le médiastin. 35o 11 paraît que lorsque, dès le premier instant de la ma- ladie, l'épanchement devient toul-à-coup aussi abon- dant, le poumon est d'abord suffoqué en quelque sorte, et cesse d'admettre l'air et de se dilater, quoiqu'il ait à peine perdu un quart de son volume , et que la com- pression qu'il éprouve ne soit pas très-forte. Souvent dans ce cas, au bout de quelques jours, le poumon s'habitue en quelque sorte à ce degré de compres- sion; et quoique l'épanchement n'ait point diminué , et qu'il ait même quelquefois un peu augmenté, on recommence à entendre ou au moins à soupçonner le bruit de la respiration dans plusieurs points. J'ai con- staté plusieurs fois ce fait par l'autopsie, et par la com- paraison des signes donnés par l'auscultation médiate et du résultat delà mensuration de la poitrine dont il sera parlé tout-à-l'heure. L'épanchement abondant et subit que nous venons de décrire a surtout lieu dans les pleurésies qui atta- quent les vieillards ou les adultes disposés à la cachexie séreuse ; et, lorsque la cessation du bruit de la res- piration est ainsi totale et absolue, le pronostic doit, en général, être fâcheux. On peut être assuré d'a- vance que la résolution des fausses membranes en tissu cellulaire et la résorption de l'épanchement ne se feront pas ou se feront mal, et que la pleurésie passera promptement à l'état chronique. 381. Chez les enfans et chez les sujets doués d'une bonne constitution, l'épanchement n'est presque jamais aussi promptement abondant. A près quelques heures ou même quelques jours de maladie, la respiration s'en- tend encore dans tout le côté affecté, et même mieux que le peu de son donne par la percussion ne le fe- DES SIGNES DE LA PLEURESIE. DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 55i rait espérer. Cependant le bruit de la respiration est beaucoup moindre que du côté sain ; il est d'ailleurs sans mélange de raie , à moins qu'il n'y ait en même temps un catarrhe pulmonaire, ce qui est rare. Dans ce cas, comme dans le précédent, la respiration s'en- tend toujours mieux vers la racine du poumon que par-tout ailleurs. Si l'épanchement augmente, le bruit de la respi- ration devient moins fort encore; le frémissement qui l'accompagne cesse d'avoir lieu ; il semble qu'on n'en- tende plus la respiration que de loin; bientôt on ne fait plus que la soupçonner, et enfin on ne l'entend plus du tout, si ce n'est vers la racine du poumon, où elle existe toujours un peu lors même qu'on n'en trouve plus de trace autre part. La diminution du son donné par la percussion ne suit pas à beaucoup près cette progression croissante, et ordinairement même le son est tout aussi mat à l'époque où l'on entend encore assez bien la respiration qu'à celle où l'on cesse de pouvoir la distinguer. Lorsque l'épanchement pleurétique est un peu con- sidérable, le respiration devient ordinairement pué- rile 180) dans le côté sain. 582. Lorsque l'épanchement commence à diminuer par l'effet de l'absorption, on s'en aperçoit d'abord à l'intensité plus grande du bruit de la respiration dans la partie du dos où il n'avait jamais cessé entièrement de se faire entendre ; bientôt on commence à l'entendre également à la partie antérieure-supérieure de la poi- trine et sur le sommet de l'épaule ; quelques jours après, on l'entend sous l'omoplate, et enfin il reparaît peu à peu et successivement dans le côté et les parties in- 352 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. férieure - antérieure et postérieure - inférieure de la poitrine. Cet ordre successif est quelquefois dérangé par des adhérences anciennes existant vers le bord antérieur du poumon ou dans toute autre partie. Dans tous les cas, les points où une adhérence un peu étendue a lieu font toujours entendre plus ou moins la respira- tion , au plus fort même de l'épanchement ; et c'est toujours dans ces points qu'elle commence à se faire entendre avec plus de force quand l'épanchement di- minue. 583. Le retour du bruit de la respiration est or- dinairement beaucoup plus long dans la pleurésie que dans la péripneumonie; et chez les sujets cachectiques surtout il se passe quelquefois des semaines et même des mois entre le moment où l'on a commencé à en- tendre de nouveau la respiration sous la clavicule , et celui où l'on peut commencer à l'entendre dans les parties inférieures de la poitrine. Souvent, plusieurs mois après la convalescence du malade, la respiration a encore une intensité de moitié moindre dans le côté affecté que dans le côté sain. Je pense que ce phéno- mène est dû à une conversion très-lente des fausses membranes en tissu cellulaire. La percussion , dans ces cas, donne encore un son tout-à-fait mat très-long- temps après l'époque à laquelle le cylindre a recom- mencé à faire entendre la respiration. 384» L'augmentation et la diminution successives de la quantité de l'épanchement sont encore indiquées par un signe beaucoup moins sensible, moins constant et moins sûr, et qui ne laisse pas cependant que d'être assez souvent utile. Si on fait déshabiller un malade DES SIGNES DE LÀ PLEURESIE; 555 attaqué de pleurésie avec épanchement un peu abon- dant , on reconnaît facilement, dans la plupart des cas, que le côté affecté est plus dilaté que le côté sain. Cette remarque a déjà été faite par tous les au- teurs qui ont traité de l'empyème, depuis Hippocrate jusqu'à nous ; mais je puis assurer que la même chose a lieu dans les épanchemens pleurétiques même ré- cens. J'ai trouvé souvent cette dilatation très-marquée après deux jours de maladie. Elle l'est beaucoup plus chez les sujets maigres que chez ceux qui ont beau- coup d'embonpoint. Elle l'est fort peu chez les femmes dont les mamelles sont volumineuses. Si l'on mesure avec un ruban le côté dilaté, on trouve sa circonfé- rence plus grande que celle du côté sain ; mais la différence n'est jamais aussi grande qu'elle le paraît à l'œil : une différence d'un demi-pouce dans la me- sure de la circonférence est extrêmement sensible à la vue de la poitrine. A mesure que l'épanchement di- minue, la dilatation de la poitrine disparaît insensi- blement; et quelquefois même, après la guérison, le côté affecté devient plus étroit qu'il ne l'était avant la maladie, ainsi que nous le verrons tout-à-l'heure. 585. A ces signes il faut encore joindre , comme nous l'avons dit, l'egopÆozzœ , signe tout-à-fait ca- ractéristique , suivant toutes les apparences, et qui paraît indiquer constamment un épanchement d'une médiocre abondance. Nous ne répéterons point ici ce que nous en avons dit i54 et suivans); nous nous contenterons de rappeler que l'égophonie paraît vers l'époque où l'épanchement commence à devenir un peu notable, le son mat, et la respiration moins sensible dans le côté affecté (§ i58); qu'elle dis- 554 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. paraît quand l'épanchement devient très - abondant ($ 160) ; qu'elle peut persister pendant plusieurs mois quand l'épanchement reste long - temps an même point ; qu'elle reparaît de nouveau quand il commence à diminuer ; et que, lorsqu'il est réduit à très-peu de chose, elle disparaît entièrement et pour toujours i5g). Nous rappellerons également qu'elle paraît indiquer la partie supérieure de l'épan- chement ou celle où il a le moins d'épaisseur (§ 162) ; que , dans les points où elle a lieu , on obtient sou- vent le phénomène de la respiration trachéale ou bronr chique 17 5 ) , c'est-à-dire que le malade semble respirer par le tube du stéthoscope. Ce signe deman- dant encore une certaine suite de recherches compa- ratives faites sur le vivant et sur le cadavre pour ac- quérir le degré d'utilité dont il est susceptible, je joins ici deux observations propres à Je faire mieux connaître et à indiquer la direction qu'il convient de donner aux recherches à faire à cet égard. La pre- mière montrera la marche de l'égophonie chez un su- jet atteint d'une pleurésie aiguë et qui a été prompte- ment guérie; la seconde fera connaître l'état des bron- ches, et les rapports du poumon avec la c irface de la poitrine chez un sujet qui a succombé à un épan- chement pleuretique, long-temps après la disparition de 1 égophonie. J'aurais désiré joindre à ces faits l'ou- verture de quelque sujet mort égophone; mais la seule observation complété de ce genre que j'aie faite a été perdue par la négligence de l'élève chargé de la rédiger. 386. Obs. xxiv. Pleuretique égophone guéri.- Simon Villeron, âgé de quarante - deux ans, entra DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 555 à l'hôpital Necker le avril 181Cp Il avait été soldat pendant dix - huit alis, et avait joui d'une bonne santé pendant tout ce temps. Seulement, depuis quel- ques blessures qu'il avait reçues sur la tête, il était devenu sujet à des maux de tête assez fréquens. Re- tiré du service, il avait pris le métier de chapelier, qui l'obligeait à être souvent dans l'eau. 11 avait eu, à trente-sept ans, une fluxion de poitrine assez forte, pendant laquelle il avait éprouvé un violent point de côté à gauche. Depuis cette maladie, il était devenu sujet à s'enrhumer, surtout pendant l'hiver. Au prin- temps de 1818, il avait eu une seconde fluxion de poitrine, toujours avec point de côlé à gauche, et, depuis lors, il toussait presque continuellement. Lorsqu'il entra à l'hôpital Necker, il était malade depuis quatre jours : il toussait, avait la respiration gênée et une fièvre assez forte; il éprouvait une dou- leur pongitive dans le côté gauche; il ne crachait point le sang. On lui avait appliqué des sangsues à l'anus , on l'avait saigné , on lui avait donné un vomitif , et tout cela l'avait fort peu soulagé. Examiné le jour de son entrée , il présenta les sym- ptômes sifrvans : les pommettes étaient très-rouges, le pouls fréquent, la peau chaude ; le.malade ne pouvait se coucher sur le côlé gauche ; sa voix était faible et un peu enrouée ; il éprouvait une douleur très-aiguë dans le côté gauche. La respiration s'entendait bien, et même avec force , sous la clavicule gauche, et an- térieurement du même côlé jusqu'à la cinquième côte («), médiocrement sous l'aisselle, fort peu en («) Il est probable par conséquent que , par suite d'une des 556 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. arrière, surtout inférieurement, où elle était jointe a un léger râle crépitant presque muqueux. A droite, la respiration s'entendait moins bien sous la clavicule qu'à gauche ; en arrière et sous l'aisselle elle s'enten- dait assez bien, mais avec peu de force. La poitrine résonnait peut-être un peu moins sous la clavicule droite que sous la gauche ; mais en arrière et sous l'aisselle , elle résonnait beaucoup moins à gauche qu'à droite , surtout inférieurement; la différence de son était sensible, même quand on percutait sur les omoplates. égophonie était extrêmement évidente vers la pointe de l'omoplate gauche et tout le long de son bord interne» La voix du malade produisait une illusion telle qu'elle semblait traverser, non pas le tube du stéthoscope, mais une trompette. L'égophonie avait également lieu sous l'aisselle , à la hauteur de la cin- quième côte, mais d'une manière moins marquée. On porta, en conséquence de ces signes , le diagnostic suivant: Pleurésie du côté gauche , avec complication d'un léger degré de péripneumonie (rz). (Saignée de deux palettes.) Le 24 avril, les pommettes étaient toujours très- rouges, la fièvre très-forte; le malade ne pouvait se coucher sur le cote gauche ; il toussait presque conti- nuellement ; les crachats étaient liquides, demi-trans- parens, et adhéraient peu au vase qui les recevait ; la respiration s'entendait bien à gauche antérieurement , précédentes pleurésies , le sommet du poumon gauche adhérait à la plèvre7 surtout en avant. (a) Cette dernière partie du diagnostic était fondée seule- ment sur l'existence du râle crépitant. DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 35? jusqu'à la cinquième côte ; dans toute la partie posté- rieure gauche, elle ne s'entendait pas du tout, et était remplacée par un râle muqueux et légèrement crépi- tant ; elle s'entendait très-bien dans le côté jusqu'à la septième côte. L'égophonie n'avait pas lieu supérieu- rement et antérieurement, où la respiration s'enten- dait encore; on la soupçonnait antérieurement au- dessous de la cinquième côte seulement ; elle était des plus évidentes dans toute la partie postérieure. Près de la pointe de l'omoplate, il semblait qu'en par- lant le malade soufflât dans le tube du cylindre. On eut dit aussi qu'il aspirait l'air par ce tube , et qu'il l'y repoussait en expirant. Rien de tout cela n'avait lieu dans le côté droit, où la respiration s'entendait bien par-tout. Quand on faisait coucher le malade sur le ventre , l'égophonie devenait moins marquée. Je pensai, d'après ces signes, que le poumon gauche avait été refoulé en haut et dans le côté, et adhérait à la plèvre costale dans ces endroits. ( Huit sangsues sur le côté gauche. ) Le 25 avril, la pommette gauche seule était fort rouge ; la fièvre était toujours forte , le pouls fré- quent , la peau chaude ; le malade avait beaucoup sué pendant la nuit ; il respirait plus facilement , et était moins agité que la veille. Les crachats étaient un peu rouillés , pris en nappe et adhérons au cra- choir Ça). Le résultat de l'examen par le cylindre fut le même que celui de la veille. (On prescrivit de nouveau huit sangsues à l'anus. ) Le 26avril , la douleur de côté était presque nulle, (a) Signe confirmatif de la complication péripneumonique. la toux beaucoup moindre, l'expectoration plus fa- cile, les crachats plus jaunes et plus opaques, le pouls moins fréquent. Le jnalade avait bien dormi ; et, quoiqu'il ne pût encore se coucher sur le côté gauche, il se sentait et était évidemment beaucoup mieux. On ne l'examina pas ce jour-là au moyen du cy- lindre, parce qu'il était assoupi au moment de la visite. ( On prescrivit une petite saignée. ) Le 27 , le malade n'avait presque plus de fièvre , respirait facilement, et n'éprouvait aucune douleur de côté. La respiration s'entendait mieux à gauche, et l'égophonie était beaucoup moins marquée. A droite, la respiration s'entendait très-bien par-tout. ( On prescrivit un vésicatoire sur le côté gauche. ) Les 28 et ag avril, l'état du malade fut à-peu-près le même ; il toussait encore beaucoup , mais il expec- torait facilement, n'avait presque plus de fièvre , et pouvait se coucher sur les deux côtés ; les crachats étaient en partie spumeux et demi-transparens , en partie jaunes et opaques. Le malade témoigna de l'ap- pétit, et on ajouta un vermicelle aux quatre bouillons auxquels on l'avait tenu jusqu'alors. Le Ier mai, le malade était très-bien, et n'avait plus qu'un léger dévoiement qui lui était survenu la veille. On l'examina avec soin ce jour-là pour s'as- surer de l'état du poumon gauche : on trouva que 1 égophonie était toujours évidente, quoique moins forte , tout le long du bord interne de l'omoplate , et meme dans toute la partie postérieure du côté gauche ; niais la respiration , jusque là simplement bronchique dans les endroits où l'égophonie avait lieu, s'y entendait alors avec le frémissement particulier qui indique la 558 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. dilatation du tissu pulmonaire ; elle s'entendait par- faitement et avec force dans le côté , excepté infé- rieurement , où elle était beaucoup moins forte. Les jours suivans, le malade continua à aller de mieux en mieux. L'égophonie devint chaque jour moins marquée : elle cessa entièrement le 8 de mai. Le 21 du meme mois , jour de sa sortie , il pouvait être regardé comme tout-à-fait bien portant. Seule- ment il éprouvait encore une douleur très-légère dans le côté gauche quand il toussait ou respirait fortement; il avait de l'appétit , de la gaîté , et ses forces reve- naient rapidement. 11 dormait bien , ne toussait et ne crachait que fort peu , et le matin seulement. La res- piration s'entendait très-bien dans tout le côté gauche, quoique avec un peu moins de force peut-être que dans le côté droit, surtout inférieurement. 38y. Obs. xxv. Pleurésie chronique du côté gauche avec asciteet maladie organique dujoie.-Jean Edme, âgé de quarante - sept ans, d'une assez haute taille , d'un embonpoint musculaire médiocre , ayant la peau brune, le visage marqueté de petites taches rougeâtres, les yeux roux , les cheveux et la barbe noirs , entra à l'hôpital Necker le i5 mars 181g. 11 avait eu la variole à huit ans , et avait conservé depuis cette époque un léger strabisme de l'œil gauche. A vingt-quatre ans , il eut une fluxion de poitrine du côté gauche : comme il servait alors dans l'armée de Dumourier, il entra à l'hôpital militaire de Bruxelles, d'où il sortit parfaitement guéri au bout de trois se- maines. Quatre ou cinq ans après cette fluxion de poitrine, il fut pris d'une fièvre tierce qui dura neuf DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 359 56o DES SIGNES DE LA PLEURESIE. mois. Dans sa trente-troisième année, il fit une chute de cheval d'où résulta une contusion de tout le côté ex- terne du membre inférieur droit, compliquéede plaies, ce qui l'obligea de marcher pendant neuf mois avec des béquilles. L'année suivante, il se retira du service et vint habiter Paris , où il se mit à travailler dans une filature de coton. Il jouissait alors d'une santé fort bonne et qui ne cessa d'être telle que vers le mois de juillet 1818. A cette époque, il s'aperçut que ses jambes et ses avant-bras enflaient le jour et repre- naient leur volume ordinaire par le repos de la nuit. Celte enflure augmenta pendant l'automne et l'hiver suivans, quoiqu'elle disparût toujours pendant la nuit. Vers le mois de décembre , il commença à tousser et à expectorer une petite quantité de crachats. Au moment de son entrée à l'hôpital, il présentait les symptômes suivans : œdème médiocre des pieds et des jambes, expectoration peu abondante de matières spumeuses, blanchâtres, demi-transparentes, avec de petites portions d'un jaune opaque. La poitrine ré- sonnait assez également dans toutes ses régions ; et la respiration , explorée un peu rapidement , parut dif- ficile à entendre des deux côtés. Le i5 mars, l'enflure des jambes n'existait plus. Le 17 , la poitrine, examinée avec plus de soin , pré- senta les signes suivans : la partie postérieure gauche parut résonner plus mal que la droite ; les deux côtés rendaient l'un et l'autre un son presque mat; les par- ties antérieures-supérieures résonnaient mieux. La res- piration s'entendait bien dans tout le côté droit. A gau- che, an contraire, on ne Fcntendait que très-peu au- dessous de la clavicule et à la racine du poumon, et DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 561 on n'entendait rien dans le reste de ce côté. On porta alors le diagnostic suivant : Pleurésie mal guérie à gauche, co-existant peut-être avec des tubercules. Sur la fin de mars , l'enflure reparut ét gagna les cuisses} le ventre se météorisa, l'appétit diminua. L'exploration de la poitrine donnait alors le résultat suivant : la respiration s'entendait avec un râle fort et sonore antérieurement et sur le côté , à droite ; elle ne s'entendait presque pas en arrière du même côté , ainsi que dans tout le côté gauche , sur la partie la- térale duquel on la soupçonnait à peine ; le son man- quait dans tout ce côté, excepté à la partie antérieure- superieure ; tout le côté droit résonnait bien. L'ego phonie avait lieu dans la fosse sus-épineusegau- che, d'une manière très prononcée. La voix, très chevro- tante, semblait passer par le canal du cylindre, et était plus aiguë que celle du malade écoutée à l'oreille nue. On modifia alors le diagnostic ainsi qu'il suit : pleu- résie chronique du côté gauche avec catarrhe pul- monaire (a). Du 5o mars au 15 avril, l'examen souvent re- nouvelé déjà poitrine fïtconnaîtrç que , du côté droit, le râle sonore avait cessé en grande partie, et que la respiration s'y entendait plus fortement que dans l'état naturel, et avec le bruit particulier qui caractérise la respiration puérile ; tandis que , du côté gauche , on la soupçonnait seulement le long du bord interne de (a) Cette dernière affection était caractérisée par le râle so- nore qui existait à droite, et par la diminution du bruit respi- ratoire vers la racine du poumon droit , où la poitrine réson- nait cependant bien. 562 l'omoplate et à la partie antérieure-supérieure , im- médiatement au-dessous de la clavicule. Ce côté de la poitrine ne donnait un peu de son que dans ce der- nier point. I/égophonie s'entendait encore dans les premiers jours d'avril, le long de la marge interne de l'omoplate et dans la fosse sous-épineuse ; mais la voix chevro- tante avait pris un son grave , et s'entendait mieux avec le cylindre évasé qu'avec le simple tube. La respiration, écoutée à l'oreille nue, était courte et un peu bruyante , et le malade ne pouvait faire une grande inspiration. L'cgophonie disparut tout-à-fait du 4 au 5 d'avril. Le malade était habituellement couché sur le côté gauche , quelquefois sur le dos ; il lui était impossible de rester quelque temps sur le côté droit; il con- servait toujours un peu d'appétit , quoiqu'il se con- tentât de deux soupes. L'expectoration était toujours la meme. Le ventre était météorisé ; les selles et les urines étaient rares ; l'œdème des extrémités infé- rieures augmentait, tandis que les parties supérieures maigrissaient sensiblement. Du i5 au i y mai , la respiration sembla devenir un peu plus facile; le malade pouvait quelquefois rester deux ou trois heures sur le côté droit; les cra- chats devinrent fïlans et prirent une teinte grise-jau- nalre uniforme; le volume du ventre augmenta, et la fluctuation devint très-manifeste dans sa moitié in- ferieure : 1 œdeme des extrémités inférieures resta stationnaire ; il augmentait seulement quand le ma- lade se tenait debout pendant quelque temps , et les bourses acquieraient alors presque sur-le-champ un DES SIGNES DE LA PLEURESIE. DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 565 volume prodigieux. La fièvre hectique se déclara. Presque tous les jours il y avait un paroxysme, irrégu- lier pour l'heure à laquelle il arrivait et pour celle où il finissait, précédé ou non, pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure, d'un sentiment de froid, sans tremblement, dans les jambes , les genoux et le dos. Pendant ]a durée du paroxysme, la peau était brûlante, légèrement moite, le visage enluminé , le pouls fort et fréquent ; il y avait insomnie ou léger assoupissement, point de sécheresse à la bouche ni de soif, et parfois des douleurs ou crampes légères dans les membres , et surtout dans l'avant-bras gauche. La bouche était tou- jours mauvaise et pâteuse. Du 7 au 14 mai, le son de la poitrine devint plus clair antérieurement et supérieurement à gauche ; la respiration s'entendait aussi un peu mieux dans ce point; elle s'entendait également un peu sous faisselle, avec un râle muqueux assez fort ; mais elle manquait toujours , ainsi que le son , dans tout le reste du côté gauche. Le malade fut pris d'une diarrhée assez forte, accompagnée de coliques passagères mais assez vives. Ce dévoiement sembla diminuer un peu le volume du ventre. Les urines étaient toujours rares. Une soif assez vive se joignit aux symptômes de la fièvre hectique , et le malade était presque constamment assoupi. Du 14 au 17, le dévoiement s'arrêta; mais les autres symptômes persistèrent; le pouls devint plus fréquent et plus faible. Le 17 au malin , les crachats étaient mêlés à un liquide un peu filant, d'un brun noir foncé, que le malade disait avoir vomi pendant la nuit ; les cautères, qui, depuis plusieurs jours , ne fournissaient que du 564 DES SIGNES DE LÀ PLEURESIE. pus sanieux , ne donnèrent ce jour-là que de la sé- rosité rougeâtre ; ils avaient une teinte brune livide. Dans le milieu de la journée , le malade se gorgea d'alimens ; à deux heures de l'après-midi, il eut un redoublement de fièvre , comme à l'ordinaire ; à huit heures du soir, râle, voix faible et altérée, réponses lentes; mort à cinq heures du matin. Ouverture du cadavre faite trente heures après la mort.-Des alimens liquides et solides s'écoulaient par la bouche; le tissu cellulaire sous-cutané des extrémités inférieures , des parois abdominales , et du côté droit de la poitrine, était infiltré de sérosité qui en cou- lait par la pression comme d'une éponge. L'infiltra- tion n'était pas assez considérable pour donner à la peau la tension et le luisant qui caractérisent le der- nier degré de l'œdème. Le tissu cellulaire intermus- culaire était très-peu infiltré ; le thorax paraissait plus large à sa partie supérieure gauche que du côté opposé ; tandis que, dans la moitié inférieure gauche, il était un peu plus aplati et plus rentré que du côté droit, et que les muscles intercostaux s'y trouvaient plissés. La cavité de la plèvre gauche contenait au moins deux pintes d'une sérosité fortement sanguinolente ; le pou- mon était refoulé vers le médiastin et le sommet de la poitrine par cet épanchement , qui mettait un grand intervalle entre lui et les côtes. Cet intervalle allait en diminuant de bas en haut; mais il était en- core de plus d'un pouce à la hauteur de la partie moyenne de l'omoplate (//). (a) L égophonie ne pouvait plus exister par celte raison et DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 565 L'écartement des plèvres qui renfermait ce liquide était tapissé par une fausse membrane, dont la sur- face interne était uniformément teinte du rouge écar- late le plus vif. Une multitude de cloisons pseudo- membraneuses plus ou moins larges étaient tendues, ou flottaient entre ses parois comme des toiles d'arai- gnées , dont elles avaient, pour la plupart, la té- nuité ; des lames semblables allaient çà et là de l'une à l'autre de ces cloisons. Celles-ci, après avoir été lavées , étaient transpa- rentes oit demi-transparentes : dans ce dernier cas , elles conservaient leur couleur rouge, mais beaucoup moins intense et nuancée d'une teinte jaunâtre ou gri- sâtre ; leur tissu ressemblait à un réseau fin et irré- gulier, ce qui dépendait de l'inégalité de leur épais- seur; elles revenaient sur elles-mêmes lorsqu'on les étendait, absolument comme un lambeau mince de tissu cellulaire, dont elles avaient presque la consis- tance. Parvenues sur les plèvres, ces membranes se réfléchissaient sur elles, et formaient ainsi la couche la plus interne de la fausse membrane dont la plèvre se trouvait recouverte dans toute son étendue. Celte couche interne, dont on connaît déjà la cou- leur , pouvait facilement être divisée en plusieurs la- melles ; son épaisseur , en général d'une' demi-ligne , était beaucoup plus considérable là où plusieurs cloi- sons se réunissaient ensemble. On trouvait çà et là , à cause de la compression des bronches. Il est probable qu elle a cessé au moment où l'épanchement a augmenté, à raison du travail de la nature, qui avait rendu la sérosité sanguinolente et rougi les fausses membranes. 5GG des signes de Là PLEURÉSIE. mais principalement à l'endroit de ces réunions, du sang noir liquide, infiltré dans l'épaisseur des fausses membranes, ou épanché en caillots membraniformes souvent très-minces et très-étendus. On séparait très- facilement cette couche de sang de la fausse mem- brane, à laquelle elle paraissait cependant agglutinée par des filamens très-fins. Celte dernière, épaisse d'une à deux lignes , devait la plus grande partie de son épaisseur à la couche profonde ou adhérente à la plèvre. La couleur de celte couche était d'un gris jaunâtre ; son tissu était homogène et assez analogue à celui des fibro-car filages , dont il avait presque la consistance. Cette couche contenait dans son épais- seur une quantité innombrable de tubercules grisâtres, dont la grosseur variait depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'un grain de blé ou même d'un pois. Leur consistance était un peu plus grande que celle du tissu dans lequel ils étaient plongés, et où ils occupaient plus d étendue que les intervalles qui les séparaient. La fausse membrane , ainsi composée de deux cou- ches distinctes, semblait être confondue avec la plèvre, soit pulmonaire , soit costale , tant elle lui adhérait à l'aide de nombreux filamens très - serrés ; mais , par une dissection un peu attentive , on parvenait à isoler cette dernière , qui alors ne paraissait pas no- tablement épaissie. Le poumon gauche , refoulé, comme je l'ai déjà dit , se trouvait réduit au quart à-peu-près de son vo- lume ; sa face interne, son sommet, et les deux tiers supérieurs de sa face externe adhéraient à la plèvre cos- tale ; il était libre dans le reste de son étendue , don- DES SIGNES DE LA PLEURESIE. 36y nant cependant attache, dans plusieurs points, aux cloisons pseudo - membraneuses mentionnées plus haut. Dépouillée de la fausse membrane qui la recouvrait, la surface externe de cet organe était lisse dans l'en- droit de son adhérence , ridée là où elle était libre ; elle présentait la meme couleur que le tissu pulmo- naire , qui était d'un gris foncé , un peu brunâtre , et irrégulièrement marbré d'une grande quantité de ta- ches formées par la matière noire pulmonaire. Ce tissu était flasque et ne contenait noint d'air ; mais, dans sa moitié inférieure , il était un peu crépitant, élastique , et infiltré d'un peu de sérosité très-spu- meuse. Les vaisseaux sanguins de ce poumon étaient apla- tis , et ne contenaient presque pas de sang. Les bronches elles-mêmes, à l'exception du tronc bron- chique , étaient tellement resserrées , qu'elles sem- blaient être remplies par leur membrane interne re- vêtue d'un peu de mucosité. Le poumon droit n'adhérait que dans quelques points par des liens celluleux parfaitement organisés; il était gorgé d'une grande quantité de sérosité spu- meuse qui ruisselait à l'incision ; son tissu, néanmoins, était par-tout plus ou moins mou et crépitant, d'un gris marbré de noir, livide à la partie postérieure, parce que , dans cet endroit, la sérosité était san- guinolente et en plus grande quantité. La membrane interne de la trachée et des bronches avait sa couleur grise-jaunâtre ordinaire , quoique ses canaux fussent en partie remplis par un mucus sé- reux d'une couleur sale et noirâtre. 568 DES SIGNES DE LA PLEURESIE. L'estomac et les intestins étaient énormément distendus par des gaz, excepté le colon descen- dant et le rectum, qui étaient très-rétrécis, et dont la membrane muqueuse offrait sur ses replis une couleur rosée qui n'existait pas dans tout le reste du tube intestinal. La cavité du péritoine contenait cinq à six pintes de sérosité jaunâtre ; cette membrane avait entièrement perdu de sa transparence, et elle se trouvait tachée en noir dans plusieurs points peu étendus, qu'on remarquait surtout dans la région iliaque et sur le gros intestin. Le foie , réduit au tiers de son volume ordinaire, se trouvait, pour ainsi dire, caché dans la région qu'il occupe ; sa surface externe, légèrement mamelonnée et ridée , offrait une teinte grise-jaunâtre * incisé , il paraissait entièrement composé d'une multitude de petits grains de forme ronde ou ovoïde, dont la gros- seur variait depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'un grain de chenevis. Ces grains, faciles à sé- parer les uns des autres , ne laissaient entre eux pres- qu'aucun intervalle dans lequel on pût distinguer en- core quelque reste du tissu propre du foie ; leur cou- leur était fauve ou d'un jaune roux, tirant par en- droits sur le verdâtre ; leur tissu, assez humide, opa- que , était flasque au toucher plutôt que mou , et en pressant les grains entre les doigts, on n'en écrasait, qu une petite partie : le reste offrait au tact la sensa- tion d'un morceau de cuir mou (a). (a) Celte espèce de production est encore du nombre de celles que I on confond sous le nom de squirrhe. Je crois devoir la désigner sous le nom de cirrhose, à cause de sa couleur. Son PLEURÉSIE , RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. Une bile épaisse , noire , poisseuse , se trouvait en quantité médiocre dans la vésicule du fiel. La rate avait trois à quatre pouces de longueur ; son tissu était sain. L'appareil circulatoire ne présentait rien de remar- quable que l'extrême réplétiondes divisions de la veine cave supérieure. Le cerveau était mou ; ses surfaces externe et in- terne étaient baignées par deux ou trois onces de séro- sité transparente. 569 ARTICLE IV. Du Rétrécissement rie la poitrine à la suite de certaines pleurésies. 388. Il est des pleurésies dans lesquelles le côté affecté ne redevient jamais sonore, quoique la maladie se soit bien terminée et que l'épanchement ait été complètement absorbé. Ce cas , moins rare qu'on ne pourrait le penser , est encore du nombre de ceux qui n'ont pas fixé jusqu'ici l'attention des praticiens ; et la disposition anatomique qui l'occasionne , quoi- qu'elle ait été entrevue par plusieurs observateurs , développement dans le foie est une des causes les plus com- munes de l'ascite, et a cela de particulier qu'à mesure que les cirrhoses se développent , le tissu du foie est absorbéj qu il finit souvent, comme chez ce sujet, par disparaître entière- ment,' et que, dans tous les cas, un foie qui contient des cir- rhoses perd de son volume au lieu de s'accroître d'autant. Cette espèce de production se développe aussi dans d'autres organes, et finit par se ramollir comme toutes les productions morbi- fiques. 5?o PLEURÉSIE , n'a jamais été non plus ni complètement décrite, ni ralliée à son effet. Les sujets qui présentent celte absence du son tho-r racique sont très-reconnaissables, même à leur con- formation extérieure et à leur démarche. Ils ont l'air d'être penchés sur le côté affecté lors même qu'ils cherchent à se tenir droits. La poitrine est manifes- tement plus étroite de ce côté; et, si on le me- sure avec un cordon, on trouve souvent plus d'un pouce de différence entre son contour et celui du cote sain ; son elendue en longueur est également diminuée; les côtes sont plus rapprochées les unes des autres, 1 épaulé est plus basse que du côté opposé; les muscles, et particulièrement le grand pectoral, présentent un volume de moitié moindre que ceux du côté opposé. La différence des deux côtés est si frappante, qu'au premier coup-d'œil on la croirait beaucoup plus considérable qu'on ne la trouve en mesurant. La colonne vertébrale conserve ordinai- rement sa rectitude : cependant elle fléchit quelquefois un peu à la longue , par l'habitude que prend le malade de se pencher toujours du côté affecté. Cette habitude donne à sa démarche quelque chose d'ana- logue à la claudication. Les figures i et 2 , pl. iy, offrent un exemple de ce cas. 38g. La plupart des sujets chez lesquels j'ai observé cette disposition rapportaient l'origine de la défor- mation de leur poitrine à une maladie grave et longue, dont le siégé était dans cette cavité, mais dont le caractère n avait jamais pu être bien déterminé. *•** J'ai rencontré quelquefois cette déformation, et meme a un très-haut degré, chez des hommes qui ne RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. S en étaient jamais aperçus eux-mémes. Tous avaient éprouvé quelque maladie longue, et dont le siège principal paraissait avoir été dans la poitrine. Cher, plusieurs cette maladie ne paraissait avoir jamais eu un certain degré de gravité. Quelques-uns avaient eu des pleurésies ou pleuro-péripneumonies d'un caractère bien tranché, mais dont la guérison s'était fait long-temps attendre. 3go. J'ai remarqué cette déformation particulière du thorax long-temps avant d'avoir eu l'occasion de reconnaître par l'autopsie la lésion qui la produit i J'ai donné des conseils pendant plusieurs années à un homme chez lequel elle existait au plus haut degré depuis quinze ans, et avec une absence Complète de son du côté affecté. Cet homme était attaqué d'un catarrhe chronique , et avait la respiration assez gênée pour pouvoir être rangé dans la classe des asthma- tiques. La gêne de la respiration dépendait probable- ment chez lui beaucoup plus du catarrhe que de la dé- formation de la poitrine ; car la plupart des sujets chez lesquels j'ai observé cette déformation> quoiqu'ayant la respiration plus courte que la plupart des hommes , n'avaient pas cependant, à proprement parler, de dyspnée habituelle. Je puis même citer un exemple très-remarquable de ce genre. M. ***, chirurgien très-distingué de Paris, a le côté gauche de la poitrine dans cet état de rétrécis- sement depuis une pleuro-péripneumonie qu'il a éprouvée dans' sa jeunesse. Ce côté rend un son tout-à-fait mat dans les parties latérales et inférieure. La respiration s'y entend cependant bien, et seu- lement avec un peu moins de force que du côté PLEURÉSIE, droit. M.*** jouit au reste habituellement d'une très-bonne santé ; il a la voix forte et sonore ; il se livre avec beaucoup de succès à l'enseignement de- puis plusieurs années , et il lui arrive souvent de faire chaque jour deux leçons d'une heure chacune sans se fatiguer. Il a éprouvé, il y a six ou sept ans, une fièvre essentielle des plus graves, dans le cours de laquelle la respiration n'a pas paru plus em- barrassée que chez un autre malade. 3g t. Les cas de rétrécissement très-grand de la poitrine sont rares ; mais ceux où le rétrécissement est peu marque et n est accompagné que d'une légère diminution de 1 intensité du son sont assez communs; cl je connaissais depuis plusieurs années la lésion qui produit ce rétrécissement de la poitrine sans savoir que ce fût elle qui produisît cet effet. Depuis que je me sers du cylindre , de nouvelles observations m'ont mis à même de rapprocher ces deux ordres de faits, et de reconnaître leurs rapports. 5g2. Ce rétrécissement est dû à une terminaison en quelque sorte irrégulière de la pleurésie chronique ou de la pleurésie aiguë devenue chronique. Dans ces cas, l'épanchement séro- purulent ayant duré très- long-lemps, les fausses membranes qui recouvraient la plèvre et le poumon acquièrent une sorte de dureté particulière et un commencement d'organisation qui les rend assez semblables à la couenne du lard : dès- lors elles ne sont plus susceptibles de se transformer en tissu cellulaire. Lorsque l'épanchement vient à être résorbé, le poumon, depuis long-temps comprimé et maintenu d ailleurs dans cet état par une fausse membrane épaisse qui 1 enveloppe de toutes parts, ne RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. / peut se dilater assez promptement pour suivre les progrès de la résorption du liquide épanché ; les côtes se rapprochent alors, et la poitrine se resserre. Lorsque le liquide est totalement absorbé , la partie costale et la partie pulmonaire de l'exsudation pseudo- membraneuse se trouvent en contact, et ne tardent pas à contracter ensemble une adhérence tout-à-fait intime, et telle que l'on croirait quelles ne forment qu'une seule et meme membrane dont le tissu devient de jour en jour plus ferme, et finit, au bout de quel- ques mois, par acquérir la consistance et tous les caractères d'une membrane fibreuse ou flbro-carti- lagineuse. 3g3. Dans cet état, si on dissèque avec attention une semblable membrane accidentelle, on voit qu'elle adhère intimement à la plèvre costale et à la plevre pulmonaire, mais qu'on peut cependant la séparer presque par-tout de l'une et de l'autre. Si on la coupe transversalement, on reconnaît qu'elle présente trois couches distinctes : deux sont extérieures _, opaques, blanches, et presqu'entièrement fibreuses, quelquefois cartilagineuses , et même osseuses dans certains points; elles sont réunies par une couche moyenne, demi-transparente, qui ressemble parfaite- ment aux parties centrales et les plus transparentes des cartilages inter-vertébraux. 3g4- Cette lame intermédiaire est évidemment 1« moyen d'union employé par la nature pour souder en quelque sorte et réunir en une seule membrane la couche costale et la couche pulmonaire de l'exsudation albumineuse. Quoiqu'elle soit certainement le produit d'un travail 5?4 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE,' secondaire qui ne peut avoir lieu qu'a une époque où l'organisation des fausses membranes est déjà très-avan- cée, je ne crois pas que ce travail soit, à proprement par- ler, une inflammation : je le comparerais plutôt à l'exsu- dation gélatiniforme et demi-transparente par laquelle commence la réunion dans les fractures des os et des tendons. Un fait assez remarquable vient à l'appui de cette opinion. J'ai trouvé, chez un sujet mort quel- que temps après la guérison d'une pleurésie chroni- que , le poumon gauche adhérent dans toute son étendue au moyen d'une fausse membrane semblable à celle que je viens de décrire. Cette fausse mem- brane avait une épaisseur assez uniforme, de trois ou quatre lignes dans toute son étendue; mais, à la hau- teur des cinquième et sixième côtes sternales, elle pré- sentait un renflement qui lui donnait en cet endroit environ huit lignes de largeur. Çet épaississement était dû à une matière transparente, presqu'incolore, mais de consistance un peu plus ferme que la gelée de viande. Cette matière était beaucoup plus consis- tante à sa circonférence , et acquérait insensiblement l'aspect et la fermeté des fibro - cartilages, dans les point par lesquels elle se continuait avec la couche moyenne ou intermédiaire de la membrane acciden- telle. Les couches costale et pulmonaire de cette membrane étaient tout-à-fait fibreuses et opaques, et Savaient qu'une épaisseur d'environ une ligne ou une ligne et demie au point du renflement. L'épaisseur ordinaire de ces fausses membranes fibro-cartilagineuses varie de deux à cinq lignes. Elle est d'autant moindre qu'on les examine à une époque plus éloignée de leur formation : elle doit ptre nécêr'- MEMBRANES FIBR0-CÀRT1LÀGINEUSES. 575 sairement proportionnée à celle de la couche albumi- neuse qui leur a donné naissance, et elle est toujours beaucoup moins considérable. SqS. Quelques faits me portent à croire que, dans certains cas de pleurésie chronique, il peut se for- mer sur la plèvre une exsudation albumineuse assez étendue, d'un à six pouces carrés, par exemple, sans épanchement séreux notable. J'ai rencontré de semblables exsudations qui étaient évidemment assez récentes, car elles avaient encore une couleur très- jaune et une consistance à peine égale à celle du blanc d'œuf durci. Cette exsudation unissait les plèvres costale et pulmonaire, et il n'existait en même temps aucune trace d'épanchement séreux : par endroits seu- lement, quelques gouttes de sérosité séparaient en feuillets une portion de l'exsudation. Il se peut cepen- dant que, dans ces cas, il ait existé un épanchement séreux qui ait été promptement absorbé. Quoi qu'il en soit, une exsudation aussi épaisse suffisant pour comprimer le poumon et l'empêcher de se dévelop- per facilement de nouveau, il me semble proba- ble qu'alors l'exsudation albumineuse doit avoir une plus grande tendance à se changer en une mem- brane dense qu'en tissu cellulaire, et c'est peut-être de cette manière que se forment certaines fausses membranes fibro-cartilagineuses ou cartilagineuses, rares il est vrai, qui n'offrent pas d'une manière bien évidente la distinction en trois lames décrites ci-dessus, et qui souvent sont en quelque sorte incomplètes, de manière que le poumon , quoiqu'adhérent de toutes parts, l'est dans certains points d'une manière intime : ce sont ceux où cette adhérence a lieu au moyen de 5?6 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE , ]a fausse membrane fibro-cartilagineuse ; tandis que, dans d'autres points, l'adhérence a lieu seulement au moyen d'un tissu cellulaire très-condensé, mais que l'on peut encore déchirer avec e doigt. Il est encore possible que ces sortes de calottes cartilagineuses qui embrassent quelquefois le sommet du poumon et l'unissent à la plèvre costale, dans les cas d'excavation tuberculeuse ou de fistule pulmo- naire ( § 117 ) , soient formées de la même matière. 3g6. Je pense cependant que ce n'est pas là le mode de formation le plus commun des membranes fibro-cartilagineuses, et particulièrement de celles qui présentent d'une manière très-évidente la division en trois couches dont nous venons de parler 3c,*3). Il me paraît certain qu'elles sont le produit d'une irrégularité dans le travail de la nature lors du déve- loppement des vaisseaux sanguins dans la fausse mem- brane. C'est ce même travail irrégulier qui, comme nous l'avons vu ( § 3y4 ) , produit la rougeur uni- forme et intense de la surface interne de cette fausse membrane , et en même temps mêle du sang liquide ou cadlé à la sérosité quelle renferme. Il paraît qu'au moment où se fait cette exhalation de sang nécessaire au développement des vaisseaux acci- dentels 564), une certaine quantité de fibrine se mêle à l'albumine qui composait primitivement la fausse membrane , et la dispose par là à se changer en un tissu fibreux ou cartilagineux. D Cette origine des fausses membranes fibro-cartila- gineuses est démontrée pour moi par le rapproche- ment de beaucoup de cas dans lesquels je les ai trouvées à tous les degrés de consistance/-* Dans toutes •MEMBRÀNES F1BRO-CARTILAGINEUSES. 377 les pleurésies aiguës devenues chroniques par suite de l'exhalation sanguine et de la rubéfaction de la fausse membrane, que j'ai eu occasion de voir, j'ai trouvé, comme chez le sujet de l'observation xxv, la couche profonde ou adhérente des fausses mem- branes beaucoup plus dense que leurs couches super- ficielles, et dans un état plus où moins avancé de trans- formation en fibro - cartilage. Lors meme que cette couche profonde était le plus molle, elle présentait un aspect en quelque sorte moyen entre celui de la fibrine du sang , de la tunique fibrineuse des ar- tères , et des fausses membranes ordinaires ou albu- mineuses. La possibilité de ce mélange de la fibrine du sang ou du sang lui-même à l'albumine pseudo-membra- neuse , pour la formation des membranes acciden- telles dont il s'agit , me paraît d'ailleurs démontrée par plusieurs analogies. On rencontre, non-seulement sur la plèvre , mais encore sur d'autres membranes séreuses, des exsudations pseudo-membraneuses for- tement souillées de sang ou même formées par une stratification d'albumine demi-concrète et de sang caillé. Les fausses membranes souillées de violet, de brun, de jaune d'oclire, que l'on trouve quelquefois a la suite des péritonites chroniques , ne me paraissent pas avoir une autre origine; et, si l'on rapproche la nature de l'exsudation qui détermine la formation du cal dans les fractures de plusieurs faits analogues d'a- natomie pathologique, il paraîtra très-probable que l'exhalation de la fibrine est aussi nécessaire à la for- mation d'un tissu osseux, fibreux ou cartilagineux ac- cidentel , que celle de l'albumine au développement 578 du tissu cellulaire qui forme les adhérences à la suite de la pleurésie ou des autres inflammations des mem- branes séreuses. 3g?. Les fausses membranes fibro-carlilagineuses ont été communément désignées, par les observateurs qui en ont rencontré, sous le nom iïépaississemens de la plèvre. Il est, en effet, facile de commettre cette erreur, si l'on s'en tient aux apparences que présentent au premier coup-d'œil ces membranes ac- cidentelles ; mais en disséquant avec soin, on parvient toujours, comme nous l'avons dit, à séparer la plèvre, qui n'a que son épaisseur naturelle. 3g8. On ne doit pas confondre les membranes ac- cidentelles fibro-cartilagineuses avec les incrustations de même nature qui se forment quelquefois à la sur- face extérieure ou adhérente de la plèvre, et dont nous avons donné ailleurs la description (a). 3gg. Les signes des pleurésies qui se terminent par la formation des fausses membranes fibro-cartilagi- ncuses sont souvent extrêmement obscurs ; leurs sym- ptômes sont très-variables et leur marche très-irrégu- lière : très-souvent leur début n'a rien qui ressemble aux symptômes de la pleurésie aiguë , et ce sont, sans contredit, celles qui méritent le plus souvent le nom de pleurésies latentes. La douleur pleurétique est rare, fugace, et souvent si peu intense que les ma- lades ne s'en plaignent pas , à moins qu'on ne les in- terroge sur ce point. La gêne de la respiration est quel- quefois très-peu marquée ; la toux est rare et sèche. PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LÀ POITRINE,' (a) Dictionnaire des Scienc. jnédic., art. Cartilages acci- dentels. MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 579 Quelquefois, au contraire , et particulièrement chez les asthmatiques et les personnes sujettes aux rhumes, il y a une oppression marquée et une expectoration plus ou moins abondante; mais l'ensemble de ces symptômes présente plutôt les caractères d'un ca- tarrhe ou d'une attaque d'asthme que d'une pleurésie. Enfin, dans beaucoup de cas , l'appareil des sym- ptômes est tel qu'on serait porté à chercher par-tout ailleurs que dans la poitrine le siège de la maladie. Un état de langueur et de faiblesse extrême, un mou- vement fébrile peu marqué dans le pouls , une ano- rexie disproportionnée , eu égard surtout à sa longue durée , au peu de gravité apparente de la maladie, sont souvent les seuls symptômes qu'elle présente. I a toux est si peu de chose que le malade et le méde- cin lui-même n'y font souvent aucune attention. ' Le cylindre et la percussion sont les seuls moyens de reconnaître la nature de la maladie. La percussion seule et par elle-même ne permettrait cependant que de la soupçonner , sans qu'on pût assurer si l'absence du son dépend d'un engorgement du poumon ou d'un épanchement pleurétique : elle ne dirait rien d'ailleurs si le siège de la maladie était borné à la partie inférieure droite de la poitrine. Mais en y joi- gnant l'auscultation médiate , l'absence de la respi- ration par-tout ailleurs qu'à la racine du poumon ne laisse aucun doute sur l'existence de l'épanche- ment. 4oo. Le rétrécissement de la poitrine, qui coïncide avec l'absorption de la partie séreuse de 1 épanchement, n'est souvent sensible qu'après plusieurs mois de ma- ladie ; et souvent même le malade est depuis long- 58o PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE , temps dans un état de convalescence douteuse avant que ce rétrécissement soit tout-à-fait manifeste. Enfin, au bout d'un temps plus ou moins long, mais toujours très-long, et dont la durée peut aller jus- qu'à deux ou trois ans, les forces , l'appétit et le senti- ment de la santé renaissent; mais la poitrine rend tou- jours un son plus mat et souvent tout-à-fait mat dans le côté affecté; la respiration s'y entend ordinairement avec moins de force , et presque toujours elle ne s'en- tend plus, ou elle ne s'entend qu'à peine dans les par- ties inférieures de cette cavité. Cet état dure toute la vie et s'allie souvent à une assez bonne santé. 401. A l'ouverture des sujets qui présentaient le rétrécissement de la poitrine à un aussi haut degré, j'ai toujours trouvé la membrane fibro-cartilagineuse décrite ci-dessus, et le poumon dans cet état de com- pression et de flaccidité qui le fait ressembler entiè- rement à de la chair musculaire dont les fibres se- raient tellement fines qu'on ne pourrait les distinguer. Son tissu en a quelquefois la rougeur ; d'autres fois, au contraire , il est d'un gris un peu plus foncé et moins transparent que celui des muscles des poissons. Je pense que celle dernière couleur est celle que doit présenter naturellement le tissu pulmonaire simple- ment comprimé; et que la couleur rouge, quand elle existe , indique un léger engorgement sanguin de la nature de l'engorgement cadavérique : c'est au moins ce qui me paraît résulter de la comparaison des divers cas dans lesquels on observe la flaccidité ou la carnification du poumon. 366 et 5yo. ) 402. L absence de la respiration dans le cas dont il s agit ne lient point, comme on pourrait être tenté 58i de le croire, à l'épaisseur de la membrane acciden- telle. Dans la pleurésie aiguë meme , quelque con- sidérable que soit l'épanchement, ce n'est point à là distance qu'il établit entre le poumon et la surface extérieure de la poitrine qu'est due l'absence du bruit de la respiration. L'embonpoint le plus considérable, le volume du sein chez la femme , l'infiltration des parois thoraciques , plusieurs doubles vétemens épais, ne paraissent pas sensiblement diminuer ce bruit ; tandis qu'on ne l'entend presque point chez les sujets les plus maigres , lorsque naturellement, ou par l'es- pèce d'appréhension que cause à certains malades la première application du cylindre , ils retiennent en quelque sorte leur respiration et ne font qu'une inspi- ration peu profonde. C'est donc à la dilatation incom- plète des cellules aériennes, beaucoup plus qu'à l'épaisseur du corps comprimant, que sont dues la diminution ou l'absence du bruit respiratoire dans ces divers cas. 4o5. Dans les cas moins graves que celui que je viens de décrire , et quand le rétrécissement est peu considérable , lorsque la conversion de la fausse mem- brane en membrane cartilagineuse est tout-à-fait ter- minée , la respiration s'entend un peu dans le côté affecté, quoiqu'avec moins de force que du côté op- posé. C'est dans ce cas surtout que l'on peut juger combien de temps demande cette conversion, et par conséquent la terminaison parfaite de l'espèce de pleu- résie chronique dont il s'agit. Chez le malade d'après lequel ont été dessinées les figures i et 2 , pl. iv , ce n'est qu'au bout de deux ans et demi à compter du début de la maladie , et d'un an à compter de la con- MEMBRANES F1BRO-CARTILAGINEUSES. 582 PLEURÉSIE RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE , valescence , que j'ai commencé à entendre un peû la respiration sous la clavicule et à la partie supérieure du dos. Enfin, quelquefois la respiration revient bien dans les parties supérieures de la poitrine, et nullement dans les parties inférieures. Je pense que cela est dû à ce que la membrane fibro-cartilagineuse n'oc- cupe que les parties inférieures de la plèvre, et que les parties supérieures de cette membrane ont été préservées de l'inflammation par des adhérences d'an- -cienne date. Au reste, dans le cas même où la respi- ration s'entend un peu dans toute l'étendue de la poi- trine , elle a toujours plus d'intensité vers la partie supérieure. 4o4- Quelque faible et imparfaite que soit la res- piration dans un poumon ainsi comprimé , cet état n'en est pas moins une .véritable guérison , puisque, lors même qu'il est porté au plus haut degré , il né rend pas toujours valétudinaire le sujet chez lequel il existe ; et que , dans les cas moins graves ' il peut s'allier encore à une certaine vigueur générale : il ne laisse d'ailleurs après lui aucune crainte de récidive ; car si, comme nous l'avons dit ( § 364) , pleurésie s'observe très-rarement dans les cas où les plèvres cos- tale et pulmonaire sont unies par un tissu cellulaire abondant , elle doit être regardée comme à-peu-près impossible lorsque cette union a lieu au moyen d'un tissu aussi peü dispose à l'inflammation que l'est le tissu fibro-cartilagineux. 4o5. Quoique, toutes les fois que j'ai eu occa- sion d ouvrir des sujets qui présentaient un rétré- cissement très-prononcé d'un côté de la poitrine, j'aie MEMBRANES FIBR0-CART1LAGINEUSES. 385 trouvé le poumon adhérent par une membrane fibro- cartilagineuse , je pense que la meme disposition pourra se rencontrer à un degré moindre dans des cas où une pleurésie se sera terminée lentement, quoique par des adhérences cellulaires ; et je dois même dire que , toutes les fois que j'ai trouvé un poumon adhérent de toutes parts par un tissu cellulaire abondant, ce côté de la poitrine m'a toujdhirs paru un peu plus étroit que l'autre. Quand les deux pou- mons sont dans cet état, la poitrine, en général, est très-étroite, et probablement plus quelle ne l'était primitivement. 406. J'ai rencontré quelques sujets dont la poi- trine assez étroite résonnait bien dans toute son éten- due, quoique la respiration s'y entendît très-faible- ment ou d'un côté ou des deux côtés. Ces sujets avaient tous une dyspnée habituelle plus ou moins marquée. Je pense que ces signes indiquent un cer- tain degré de rétrécissement d'un côté ou des deux côtés de la poitrine par les adhérences cellulaires dont je viens de parler ; mais je n'ai pu encore vérifier suffisamment celte conjecture par l'autopsie. Au reste, on ne peut nier que, dans beaucoup de cas, des adhé- rences celluleuses même presque générales n'influent en rien sur la respiration et la santé : presque tous les cadavres des adultes en présentent, comme l'on sait, plus ou moins. 407. De ces faits opposés on peut conclure que ce ne sont pas les adhérences elles-mêmes qui rétrécis- sent la capacité de la poitrine, mais la manière plus ou moins lente dont elles se sont développées ; et que, dans une pleurésie, plus la résorption de l'épanche- 384 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. ment séro-purulent aura été prompte, moins le rétré- cissement de la poitrine sera à craindre. En effet, plus le poumon a été long-temps com- primé, et moins il conserve de l'élasticité nécessaire pour revenir à son premier état. U en est dans ce cas du poumon comme de tous les autres organes , et comme des muscles mêmes: lorsqu'un membre a été soumis pendant long-temps à une compression forte, à celle d'un bandage, par exemple, les muscles repren- nent beaucoup plus lentement leur volume et leur énergie que lorsque la compression n'a duré que quel- ques heures. Or, comme la cage osseuse de la poitrine revient sur elle-même et se resserre à mesure que l'épanchement diminue, parce que cet effet est physi- quement nécessaire et que le vide ne peut exister dans l'économie animale, il faut nécessairement que la poitrine se rétrécisse si le poumon ne peut se dilater. Le rétrécissement de la poitrine étant un cas fort peu connu , je crois devoir joindre ici les trois ob- servations suivantes. La première et la seconde pré- sentent la maladie entièrement terminée ; dans la troi- sième , on verra sa marche , ainsi que l'état des or- ganes à une époque assez voisine de sa terminaison. 408. Obs. xxvi. Rétrécissement de la poitrine chez une phthisique. - Une femme âgée d'environ trente- sept ans entra à l'hôpital Necker le 10 mai 1818. Elle toussait, disait-elle, depuis plusieurs années ; mais sa toux était beaucoup plus considérable depuis quatre mois. Elle était dans un état d'amaigrissement voisin du marasme ; sa peau était pâle et comme ter- reuse ; il y avait une fièvre hectique très-intense ; la MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 385 voix résonnait fortement sous la clavicule et l'aisselle droites , mais ne paraissait pas passer par le tube du stéthoscope. On entendait, dans les mêmes points, un râle ou gargouillement très-fort, indice certain du pas- sage de l'air à travers la matière tuberculeuse ramollie. Les crachats étaient jaunes, opaques, puriformes, et un peu diffluens. Ces caractères suffisant pour constater une phthisie désespérée , et l'hôpital offrant dans le même temps beaucoup de sujets d'observation plus intéressans, cette malade ne fut pas examinée d'une manière par- ticulière. Les jours suivans, l'amaigrissement fil des progrès rapides. Le 19, la malade, examinée de nouveau, présenta la pectoriloquie d'une manière évidente sous l'aisselle droite. Deux ou trois jours après , elle tomba dans un état d'affaissement très-prononcé. Elle succomba enfin le 24 de mai. A l'ouverturQ du corps, on reconnut une défor- mation dont on ne s'était pas aperçu pendant la vie , parce que la malade était toujours enveloppée de vête- mens nombreux et épais : le côté gauche de la poi- trine était manifestement rétréci «dans toutes ses di- mensions; les espaces intercostaux étaient tellement resserrés que les côtes semblaient se loucher; le côté droit, au contraire , était bien conformé et semblait de moitié plus vaste que le gauche. Le poumon droit adhérait au diaphragme et au médiastin , dans toute son étendue, par un tissu cel- lulaire accidentel bien organisé, mais assez facile à détruire, excepté vers le diaphragme, où 1 adhérence était plus intime et avait lieu au moyen d'un tissu 586 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. cellulaire plus compacte et plus court. Vers le som- met du poumon , on trouva une cavité anfractueuse capable de loger un petit œuf de poule. Elle renfer- mait environ deux cuillerées de matière tuberculeuse un peu souillée de sang et ramollie à consistance de pus, et elle était tapissée par une membrane molle, blanchâtre , interrompue par endroits , et facile à dé- truire en raclant avec le scalpel. On remarquait, dans le lobe supérieur, plusieurs autres cavités plus petites, encore pleines de matière tuberculeuse ramollie à consistance de pus , et mêlée, comme dans la première excavation , de grumeaux friables et de consistance de fromage mou. Ce lobe et le reste du poumon contenaient en outre un grand nombre de tubercules crus de diffé- rente grosseur. Les plus petits étaient grisâtres, demi - transparens ; et quelques - uns d'entre eux of- fraient au centre un point ou noyau jaune et opaque. Les plus gros étaient d'un blanc jaunâtre , opaques et plus ou moins ramollis. Le tissu du poumon était dur, grisâtre, infiltré de sérosité , et à peine crépi- tant , excepté vers la base , où. il était encore per- méable à l'air dans une assez petite étendue. Le poumon gauche , refoulé vers la colonne ver- tébrale et les côtes, de manière que sa face interne était tournée en avant, était de moitié moins volumi- neux que le droit ; il ne dépassait pas antérieurement l'origine des cartilages des côtes , et ne recouvrait nul- lement le cœur ; il adhérait tellement aux côtes qu'on ne put l'enlever sans le séparer de la plèvre pulmonaire. Celte adhérence avait lieu au moyen d'une sub- stance absolument semblable par sa texture, sa cou- 58y leur et sa consistance, aux fibro-cartilages. Cette sub- stance avait environ deux lignes d'épaisseur , et était divisée en deux lames ou couches séparées l'une de l'autre par une troisième beaucoup plus mince que les deux premières, et dont la couleur, d'un gris bleuâtre et demi-transparente, contrastait avec la blancheur et l'opacité des deux autres. Cette couche moyenne res- semblait parfaitement à la partie centrale et transpa- rente des fibro-cartilageà inter-vertebraux , et parais- sait moins ferme que les deux couches qu'elle unis- sait, quoiqu'on y reconnût bien distinctement, comme dans ces dernières, la texture fibreuse. Les plevres pulmonaire et costale , et surtout la première, se dis- tinguaient parfaitement en dehors des deux couches extérieures, auxquelles elles étaient uniès comme si elles y eussent été collées. Le tissu du poumon, flasque et plus rouge que dans l'état sain, n'était nullement crépitant, et avait l'as- pect et la consistance de la substance musculaire. On voyait vers son sommet une excavation ulcereuse qui aurait pu contenir une grosse noix. Cette cavité était, comme celle de l'autre poumon, tapissée par une membrane molle et blanchâtre. Le reste du pou- mon , et surtout le lobe supérieur, contenait plusieurs tubercules de différente grosseur. Le cœur était sain. Le ventricule droit renfermait une concrétion polypiforme assez volumineuse. Les intestins étaient pâles à l'extérieur et à l'inté- rieur. Environ une pinte de sérosité était épanchée dans la cavité abdominale. Cette sérosité contenait quelques flocons albumineux. Les membres inférieurs étaient œdématiés. MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 588 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. 4og. Obs. xxvh. Rétrécissement de la poitrine à la suite dune pleurésie chronique chez un sujet atteint de la diathèse tuberculeuse et mort d'une pleurésie aiguë. - Louis Coulon, maçon, âgé de dix-huit ans, ayant la peau blanche, les cheveux châtains, les muscles peu développés, était né de pa- ïens sains. Il fut affecté, dans l'hiver de 181G à 1817, d'un rhume violent, avec douleur vive dans le côté gauche de la poitrine, toux forte et fréquente, et gêne très-grande de la respiration. Dans le cours de ce rhume , qui dura près de deux mois , il éprouva une hémorrhagie nasale très-abondante qui l'affaiblit sans le soulager. Depuis cette maladie, Coulon avait toujours conservé une gêne assez grande de la respi- ration , jointe à une faiblesse qui l'obligeait souvent à suspendre son travail. Vers le milieu du mois de février 1818, il fut pris en outre d'une diarrhée très-forte. Le 24 mars , il entra à l'hôpital Necker, et présenta les symptômes suivans : maigreur assez marquée, joues un peu caves, pommettes légèrement colorées, pouls sans fréquence, ventre un peu tendu et sensible à la pression , selles liquides et fréquentes, appétit presque nul, et dégoût pour beaucoup d'alimens, sueurs nocturnes. Le côté gauche de la poitrine était évidemment plus étroit que le droit dans toutes ses dimensions; en sorte que, 1 épaule de ce côté étant moins haute que celle du coté droit, le malade avait dans sa démarche quel- que chose de gêné et d'analogue à la claudication : il tendait la jambe gauche plus que la droite ; et lors- qu il se tenait droit, il avait l'air d'être appuyé sur la hanche gauche. Tout le côté gauche de la poitrine MEMBRANES F1BRO-CARTILAGINEUSES. 389 rendait un son mat par la percussion. La respira- tion ne s'y entendait nullement par le cylindre , si ce n'est un peu, mais très - faiblement, sous la seconde côte et vers la racine des poumons, le long de la colonne vertébrale. Le côté droit, au contraire , résonnait très-bien, et la respiration s'y entendait parfaitement. r D'après les signes que nous venons d'exposer, le diagnostic suivant fut établi : Diarrhée chez un sujet guéri d'une pleurésie par l'adhérence de la plèvre cos- tale au poumon au moyen d'une fausse membrane fibro-cartilagineuse. L'état du malade fut à-peu-près le même jusqu'au 24 avril. Le dévoiement continuait; le malade allait trois ou quatre fois à la selle dans les vingt-quatre heures. Il éprouvait de temps à autre une céphalalgie assez forte ; l'appétit était presque nul ; les. forces ne revenaient point; la respiration était assez libre, et il n'y avait point ou presque point de toux. La santé de Coulon parut ensuite s'améliorer pen- dant environ un mois. Le dévoiement diminua et finit par cesser entièrement ; la toux cessa , les forces revinrent un peu et l'appétit reparut. La respira- tion devint beaucoup plus sensible à la racine du poumon gauche et à la partie anterieure-superieure du même côté, où 011 l'entendait tres-bien depuis la clavicule jusqu'à la quatrième côte, quoiqu'avec moins de force que du côté droit. Mais le 22 mai , le malade se donna une indigestion à la suite de laquelle il éprouva quelques coliques, vomit beau- coup et fut repris du dévoiement. Quelques jours avant, il s'était plaint d'une légère douleur dans le côté 5go PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LÀ POITRINE/ droit de la poitrine, qui avait cédé à une application de sangsues sur le point douloureux. Jusqu'au 17 juin , l'état du malade alla en empi- rant. Le dévoiement était continuel et assez abondant, l'appétit presque nul, les forces très-abattues. A ces symptômes se joignirent un léger météorisme de l'ab- domen et une sensibilité très-grande de cette partie quand on la pressait avec la main. Le pouls était petit et un peu irrégulier; les traits étaient tirés en haut. Ces derniers signes, joints à l'opiniâtreté du dé- voiement, firent ajouter au diagnostic, ce qui suit: Péritonite chronique; peut-être des tubercules tant dans les poumons que sur le péritoine ? peut-être des ulcères tuberculeux des intestins ? (Quelques sangsues furent appliquées sur le ventré, et le malade fut mis à un régime plus sévère. ) Même état jusqu'au 6 juillet. Le dévoiement était continuel ; l'abdomen douloureux à la pression, surtout vers le cæcum ; la langue un peu sèche et rouge aux bords, l'appétit nul, la faiblesse très-grande; la toux avait reparu et continuait, mais sans expec- toration. Le 6 juillet, le malade vomit deux fois pendant la nuit des matières très-liquides. Le ventre était tendu , douloureux à la pression ; la langue rouge et sèche à sa circonférence, couverte d'un enduit blanchâtre au centre; appétit nul, céphalalgie, dé- voiement, pouls fréquent et assez régulier, toux, faiblesse plus grande : le malade ne pouvait plus se lever. (Application de six sangsues. ) Les quatre jours suivans , le malade fut un peu MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. mieux ; mais le 11 juillet , la douleur de l'abdomen devint plus vive , les vomissemens reparurent, la lan- gue devint plus rouge , la faiblesse plus grande. ( Six sangsues au creux de l'estomac , deux grains d'extrait gommeux d'opium. ) Le 12 juillet, aux symptômes précédons se joignit une douleur pongitive très-forte dans le côté droit , devenant aigue par la toux et les fortes inspirations. La respiration devint dès-lors très-gênée : d'ailleurs, les autres symptômes persistaient. Le malade vomissait la soupe, ce qu'il n'avait presque jamais fait jusque là : cependant la douleur de l'abdomen lui paraissait moins vive. • La poitrine, examinée de nouveau, présenta les phénomènes suivans : la respiration s'entendait bien et avec une force médiocre à gauche, depuis la cla- vicule jusqu'au quatrième espace intercostal antérieu- rement ; postérieurement, depuis le sommet de l'é- paule jusqu'à la sixième côte. On commençait , en outre , à l'entendre un peu dans les parties inferieures de ce côté ; mais elle ne s'entendait plus dans toute l'étendue du côté droit, excepté entre la clavicule et la seconde côte , et le long du bord antérieur du poumon, c'est-à-dire,.sous les cartilages sterno-cos- taux : encore s'entendait-elle beaucoup moins dans ces points que dans la partie supérieure du côté gauche.. On l'entendait un peu mieux dans la partie pos- térieure droite , mais avec mélange d'un léger raie. Tout-à-fait à la racine du poumon droit, elle s'enten- dait avec plus de force que dans aucun autre point de la poitrine. D'après ces signes, on ajouta à la feuille du diagnostic : Pteuro-péripneumonie récente à droite. 5g2 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE.' L'épanchement est encore peu considérable, et ras- semblé en plus grande quantité dans la partie laté- rale de la cavité de la plèvre. (Quatre sangsues sur le côté droit, deux grains d'o- pium. ) Le 14 juillet, le point de côté était presqu'entière- ment dissipé; la toux était toujours forte et fréquente, les crachats jaunâtres , mêlés de bulles d air, mais non adhérons au vase ; la peau était chaude , le pouls petit et faible ; le dévoiement continuait ; la respira- tion s'entendait un peu et assez également, mais avec un léger mélange de râle muqueux , dans tout le côté droit de la poitrine (rz). Elle s'entendait plus forte- ment à la racine de ce poumon et dans tout le côté gauche , à l'exception des parties situées au-dessous de la sixième côte (6) ; la respiration était moins gê- née ; la douleur de côté avait presqu'enlièrement cessé; mais, malgré cette légère amélioration , la per- sistance du dévoiement, celle des signes de la péri- tonite chronique et le développement d'une pleurésie nouvelle au côté droit d'un sujet dont le poumon gauche , quoique rétabli dans ses fonctions à la suite d'une affection semblable, n'avait point encore , à beaucoup près , une étendue de respiration naturelle, firent pronostiquer la mort prochaine du malade. (é) Ces signes, comparés à ceux de la veille, indiquaient que l'épanchement du côté droit était peu considérable, et s'éten- dait uniformément sur toute la surface du poumon. Je ne distinguais pas bien encore à celte époque l'égopho- nie de la peeloriloquie, et je ne connaissais pas la cause du pre- mier de ces phénomènes : en conséquence je ne l'ai point cherché chez ce malade. Il est indubitable que j.e l'y eusse trouvé. MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINET7SES. 593 Le malade fut mieux pendant quelques jours ; puis la faiblesse augmenta. Le dévoiement continuant tou- jours, Louis Coulon s'éteignit enfin le 12 août. J'étais absent à cette époque : l'ouverture fut recueillie par M. Rault, sous les yeux de M. le docteur Cayol, qui me remplaçait Ouverture du corps. - Maigreur considérable, principalement de la face et des extrémités ; thorax dans l'état décrit ci-dessus. La pie-mère était un peu infiltrée de sérosité lim- pide ; le cerveau était sain. Le côté gauche de la poitrine était d'un tiers plus petit que le droit, tt les espaces intercostaux étaient beaucoup moins larges. Le poumon de ce côté était intimement uni à la plèvre costale, dans toute son étendue, par une fausse membrane blanche, épaisse d'une ligne dans sa partie supérieure , et de deux lignes au moins dans sa partie inférieure. Sa con- sistance était presqu'égale à celle des fibro-cartilages, dont son organisation rappelait aussi la texture ; car on y distinguait d'une manière évidente , surtout dans sa partie inférieure , des fibres longitudinales et transversales. Dans quelques endroits, la fausse membrane ne tenait à la plèvre que par un tissu cellulaire infiltré de sérosité; (Jans d'autres, elle lui était intimement unie, mais pourtant facile à en distinguer. Le poumon était aplati contre le médiastin ; son tissu était encore un peu crépitant, quoique flasque et infiltré de sérosité ; il était, en.outre , parsemé de tubercules pour la plupart miliaires. Le poumon droit adhérait à la plèvre costale par 594 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. des fausses membranes molles , qui offraient en quel- ques points une couleur rougeâtre due à des appa- rences de vaisseaux sanguins très-fins répandus sur leur surface. Les plèvres pulmonaire et diaphragma- tique étaient recouvertes par une couche assez épaisse d'une matière albumineuse jaunâtre semblable, mais plus ferme et tachetée de petites plaques rouges dans lesquelles on ne pouvait apercevoir de vaisseaux dis- tincts. La cavité de la plèvre contenait environ un verre d'une sérosité rougeâtre. Le tissu du poumon était crépitant ; il laissait suinter une assez grande quan- tité de sérosité Ça) , et contenait plusieurs tubercules miliaires , dont quelques-uns offraient à leur centre un point jaune et opaque. Le médiastin antérieur était infiltré de sérosité ; le péricarde en contenait environ deux onces. Le cœur était du volume du poing du sujet, et ses cavités étaient bien proportionnées. Tous les intestins étaient réunis entre eux et à la paroi antérieure de l'abdomen par un tissu cellulaire bien organisé , parsemé de petites masses de matière tuberculeuse jaune et sèche. On distinguait, en outre, plusieurs petits tubercules sur la tunique péritonéale de l'intestin grêle. Le foie était un peu ratatiné et grais- sait légèrement le scalpel ; il adhérait au diaphragme par sa face supérieure. La membrane muqueuse du (a) Il est probable que cette infiltration, qui existait aussi à gauche, comme on vient de le voir, n'a eu lieu que dans les der- niers jours, ou dans les dernières heures5 car pendant tout le temps que j'ai suivi le malade (jusqu'au 10 août), il n'a jamais présenté le râle crépitant, indice de l'œdème du poumon. MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 595 cæcum et du colon offrait dans plusieurs endroits des ulcérations à bords inégaux, et dont le fond était noi- râtre; ces ulcérations intéressaient toute l'épaisseur de la membrane muqueuse. Les autres viscères étaient sains. 410. Obs. xxvm. Rétrécissement commençant delà poitrine. - Un maçon âgé de soixante-six ans, homme robuste et d'un tempérament sanguin, ayant toujours joui d'une bonne santé , était occupé , au mois d'oc- tobre 1817 , à rouler des pierres dans une allée où passait un courant d'air très-froid. Quelques jours après, il fut pris d'une toux sèche et perdit l'appétit. Ces accidens persistèrent jusqu'au Ier janvier 1818 , jour où le malade toussa plus que de coutume , et rendit, pour la première fois, une assez grande quan- tité de crachats mêlés de sang rouge et écumeux. Les jours suivans , il éprouva de fortes douleurs dans la poitrine, qui cessèrent par l'apparition de quelques hémorrhagies nasales. Il toussait cependant toujours, et avait des sueurs abondantes toutes les nuits. Des pesanteurs de tête et des étourdissemens se manifestèrent; une oppression assez forte etdesbat- temens de cœur incommodes se joignirent à ces sym- ptômes ; les digestions étaient pénibles ; le malade ne crachait presque pas; lorsqu'il buvait du vin, la toux augmentait ; enfin l'oppression devint telle qu'il ne pouvait plus monter ni même marcher un peu vile sans être presque suffoqué. La fièvre se déclara et reparut tons les soirs avec des frissons qui duraient trois quarts d'heure , et auxquels succédait une chaleur ardente. Il entra dans cet état à l'hôpital Necker, le 1 2 mars 596 PLEURESIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LÀ POITRINE.' i8i8. Observé le lendemain, il présenta les sym- ptômes suivans : face rouge , anorexie , langue blan- che , pouls dur et fréquent ; le malade toussait beau- coup et rendait des crachats jaunâtres, demi-transpa- rens , un peu spumeux, et d'une telle viscosité que l'on pouvait retourner le crachoir sans qu'ils tombas- sent à terre. La poitrine, percutée, résonnait très-bien, dans toute l'étendue du côté gauche ; la respiration s'y entendait très-bien ; a droite, la poitrine réson- nait moins bien dans toute sa partie antérieure , mal dans le dos. La respiration ne s'entendait pas dans la moitié inférieure du dos et du côté ; elle s'entendait médiocrement sous l'épaule et antérieurement. Les battemens du cœur étaient d'une force médiocre ; la contraction des ventricules était accompagnée de quel- qu'impulsion et d'un son assez marqué quoiqu'obtus ; celui des oreillettes l'était aussi ; il n'y avait pas de pectoriloquie. On porta en conséquence le diagnostic suivant : Pleurésie chronique à droite, avec légère péri- pneumonie aiguë (yz); tubercules ; cœur d'un bon volume} à parois assez épaisses, à chair un peu molle. Le i5 et le 16 , le malade fut saigné, et s'en trouva très-bien ; la fièvre cessa presqu'entièrement, et la toux diminua ; les crachats devinrent moins abon- dans , moins visqueux et plus transparens. (<z) La péripneumonie était indiquée par la nati e des cra- chats. Je ne sais ce qui m'avait porté à soupçonner l'existence des tubercules : il est probable que c'était la marche de la ma- ladie vers son début. 397 Le 20, une douleur assez vive au coté droit déter- mina à y appliquer des sangsues; le malade s'en trouva bien. Le 22 , la poitrine résonnait un peu mieux sous la clavicule droite ; la respiration s'y entendait aussi un peu mieux, mais avec un léger râle. Le 3 avril, le malade était assez bien ; il avait peu de fièvre ; la poitrine résonnait à-peu-près également sous les deux clavicules ; la respiration cependant s'en- tendait toujours moins sous la droite ; elle ne s'enten- dait point dans le reste de ce côté. Pendant une quinzaine de jours, la maladie sembla tendre à une terminaison heureuse ; le malade se cou- chait toujours sur le côté sain. Le 22 avril, la poitrine , examinée de nouveau, résonnait évidemment moins dans sa partie postérieure droite ; elle résonnait beaucoup mieux que les pre- miers jours à la partie antérieure-supérieure ; la res- piration cependant ne s'y entendait presque pas , et on ne l'entendait pas du tout plus bas que la deuxième côte; sous l'aisselle, elle était accompagnée d'un légèr râle; postérieurement, on l'entendait un peu dans une largeur d'environ trois travers de doigt, le long de la colonne vertébrale- ; dans tout le reste du côté droit, on n'entendait absolument rien. Pendant les quinze premiers jours de mai, le ma- lade éprouva des insomnies presque continuelles , les jambes commencèrent à s'enfler ; vers la fin du mois, l'œdème gagna les cuisses et le scrotum. Le malade toussait toujours , et rendait des crachats jaunes et opaques qui quelquefois nageaient dans une grande quantité de salive ; il maigrissait et devenait plus pâle: MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 398 PLEURÉSIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. • I cependant le son de la partie antérieure-supérieure droite de la poitrine devenait meilleur , et la respi- ration s'y entendait dans une plus grande étendue , surtouten dedans, sous les cartilages des fausses côtes; on l'entendait un peu en cet endroit jusqu'à la cin- quième ou sixième côte , mais toujours beaucoup moins que du côté opposé. Le 6 juin, on s'aperçut que les espaces intercos- taux du côté droit devenaient plus étroits , et que la poitrine semblait se rétrécir de ce côté. Le 18 du même mois, ce rétrécissement était lout- à-fait évident, et l'on reconnut une fluctuation ma- nifeste dans l'abdomen. Le 20 , le malade commença à avoir un peu de délire. Les jours suivans , pouls faible, insensible par mo- ment ; abattement extrême, léger délire , traits de la face contractés de manière qu'ils semblaient tirés en haut Ça). Le 27 , raie dans la trachée-artère et les gros troncs bronchiques. Le 28 , mort. Ouverture jaite dix-huit heures après la mort. Cadavre d'environ cinq pieds cinq pouces ; face colorée , maigreur assez grande ; le côté droit de la poitrine paraissait un peu plus étroit dans toutes ses di- mensions que le gauche ; les extrémités inférieures étaient œdématiées, surtout du côté gauche. A l'ouverture de la poitrine , on reconnut que le («) Signe de péritonite. (Fby. obs. vi, § ni; et Journal de Médecine par MM. Corvisart, Leroux et Boyer, t. iv, p. 5o3.) MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. 399 côte droit de cette cavité était plus étroit que le côté gauche d'environ un pouce dans le sens de la largeur. La même différence existait dans le diamètre antéro- postérieur des deux côtés. lues espaces intercostaux étaient évidemment plus étroits du côté droit. Le poumon gauche, d'un bon volume , n'adhérait nulle part à la plèvre ; il était crépitant dans toute son étendue, quoiqu'assez fortement gorgé d'un sang noir , liquide et peu spumeux , qui s'en écoulait abondamment lorsqu'on incisait le tissu de l'organe. Cette infiltration sanguine était plus forte vers la ra- cine et les parties postérieures du poumon , auxquelles elle donnait une couleur rouge noirâtre. Vers les par- ties antérieure et inférieure, au contraire, le pa- renchyme pulmonaire offrait une couleur d'un rose pâle , et le scalpel n'en exprimait qu'un peu de sé- rosité à peine sanguinolente ; quelques tubercules du volume d'un grain de chenevis ou plus petits se trou- vaient disséminés çà et là dans ce poumon. Presque tous étaient gris et demi-transparens ; quelques-uns seulement étaient opaques et jaunes. Le poumon droit, d'un tiers moins volumineux que le gauche , adhérait intimement à la plèvre costale par toute la surface de son sommet , jusqu'à la hau- teur de la deuxième et troisième côte. Cette adhé- rence avait lieu au moyen d'un tissu cellulaire abon- dant , mais à lames très-courtes , très-fermes, parfai- tement organisées, et évidemment d'ancienne date. Les plèvres costale et pulmonaire étaient encore in- timement unies dans toute l'étendue de la base du poumon, et dans toute la partie de la face antérieure de cet organe qui correspond aux fausses côtes. Mais 400 PLEURESIE, RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. celte adhérence, évidemment récente, avait lieu au moyen d'une couche albumineuse concrète et mem- braniforme d'environ trois lignes d'épaisseur , d'une couleur jaune et opaque , teinte de sang par endroits. Cette couche pouvait être enlevée par lames ou feuil- lets dont la consistance devenait de plus en plus forte à mesure qu'elles s'approchaient des plèvres et surtout de la plèvre pulmonaire , où elles avaient une con- sistance fort voisine de celle des fibre-cartilages. La O partie moyenne de celte couche albumineuse , au con- traire , avait à peine le double de la consistance du blanc d'œuf cuit. Arrivée au point de réunion des côtes à leurs car- tilages, et en bas aux faces externe et antérieure du poumon, cette couche albumineuse se divisait en deux lames dont 1 une se réfléchissait sur toute la sur- face du poumon restée libre, c'est-à-dire sur ses faces externe et postérieure , tandis que l'autre se réflé- chissait sur la partie opposée de la plèvre costale , de manière que l'une et l'autre venant à se rencontrer et a se confondre , formaient une espèce de sac sans ouverture, dont la surface interne était presque par- tout d'un rouge vif*, qui semblait appliqué comme avec un pinceau , et dans lequel on ne distinguait point de traces de vaisseaux. Celte couleur ne pénétrait point dans l'épaisseur de la couche albumineuse , qui offrait par-ioul une teinte d'un blanc jaunâtre et une légère demi-transparence. Cette teinte devenait plus blanche et plus opaque dans les couches les plus fermes, cest-à-dire , les plus voisines des plèvres. Ce sac contenait environ deux verres de sérosité sanguinolente, mais assez limpide. La présence de MEMBRANES FIBRO-CARTILAGINEUSES. /tOI Cette sérosité refoulait en cet endroit le poumon vers le médiastin , de manière que vers sa partie moyenne il y avait environ un pouce et demi d'écartement entre les côtes et lui. Huit ou dix lames pseudo-mem- braneuses étaient tendues transversalement, dans cet écartement, de la fausse membrane pulmonaire à la fausse membrane costale, avec lesquelles elles se con- fondaient vers leurs extrémités. Ces lames, plus molles et beaucoup plus faciles à rompre que ne le sont les adhérences cellulaires parfaites , étaient très-minces, diaphanes et incolores vers leur milieu ; à leurs ex- trémités , au contraire , elles acquéraient graduelle- ment environ une ligne d'épaisseur , et prenaient l'o- pacité et la couleur rougeâtre à la surface , jaune à l'intérieur , des couches albumineuses avec lesquelles elles se confondaient. Le poumon , enlevé , présenta vers son sommet un enfoncement irrégulier , peu profond , allongé de de- dans en dehors et d'avant en arrière , situé au côté externe du lobe supérieur. Cet enfoncement répon- dait à une espèce de cicatrice fibro-cai tilagincuse exis- tant dans le tissu de l'organe, cicatrice dont la forme était celle d'une lame épaisse d'une demi-ligne à une ligne, large de deux lignes à un demi-pouce, qui se ter- minait à peu de distance de la surface du poumon par une sorte de cul-de-sac évasé et vide dont la surface interne était très-lisse, et qui aurait pu contenir un pois (fl). Le tissu pulmonaire présentait un aspect différent Voilà encore un exemple delà cicatrisation d une fistule pulmonaire : celle-ci ne diffère de la disposilion qui existait /|O2 PLEURÉSIE , RÉTRÉCISSEMENT DE LA POITRINE. dans les diverses parties de l'organe : dans les trois quarts inférieurs, il était flasque, non crépitant , d'une couleur absolument semblable à celle de la chair musculaire par endroits , d'un gris assez pâle dans d'autres , et il ne laissait rien suinter. La par- tie supérieure-antérieure, jusque vers la quatrième côte, était assez crépitante, d'une couleur rose , et laissait suinter un peu de sérosité spumeuse. Le centre du lobe supérieur était farci d'un très-grand nombre de tubercules de la grosseur d'un grain de cbenevis, rassemblés par masses plus ou moins vo- lumineuses, et presque tous jaunes et opaques, mais encore très-fermes. Dans cette partie du poumon, la matière noire pulmonaire était plus abondante qu'ail- Icurs, et donnait au tissu de l'organe une couleur ar- doisée, marbrée parles tubercules : le reste du pou- mon n'offrait pas de tubercules. Les bronches ne pa- raissaient pas dilatées. La plèvre , dans les parties correspondantes aux fausses membranes, était beaucoup plus rouge que dans l'état naturel. Le cœur avait le volume du poing du sujet ; ses cavités étaient bien proportionnées, ses parois d'une bonne épaisseur, et ses colonnes charnues très-fortes; la chair en était un peu jaune et flasque. La cavité du péritoine contenait environ quatre pintes d'une sérosité rousse , médiocrement limpide. Toute l'étendue du péritoine , tant sur les parois ab- dominales que sur le mésentère et les intestins , était chez le sujet de 1 observation v, § 8o; qu'en ce que la partie non recollée de la futaie ne contenait absolument rien. MEMBRANES FIBRO-CARTILÀGINEUSES. 4o5 hérissée d'une quantité innombrable de petits tuber- cules gris et demi-transparens. Ces tubercules , sur le mésentère et les intestins , offraient uniformément la grosseur d'un grain de millet; ils formaient une saillie bien marquée à la surface du péritoine et étaient pres- que entièrement transparens. Sur les parois abdomi- nales , au contraire, ils étaient, en général , plus gris et moins diaphanes. Leur grosseur et leur forme offraient quelques variétés; quelques-uns d'entre eux étaient déprimés, et formaient à la surface du péritoine de petites tubérosités aplaties en forme de lentille. Le péritoine offrait en outre çà et là , particulièrement vers la paroi antérieure de l'abdomen , des plaques rouges, ponctuées, dont la couleur , assez claire par endroits , était dans d'autres presque noirâtre. En raclant en ces endroits avec le scalpel, on en enlevait une petite quantité d'une exsudation demi- transparente , grisâtre , mêlée de points ou petits grumeaux de sang. La consistance de cette matière était un peu plus forte que celle de la colle de fa- rine , à laquelle elle ressemblait assez. Après l'avoir enlevée , le péritoine restait un peu moins rouge. Elle formait un enduit si peu épais à sa surface , qu'on ne pouvait l'apercevoir autrement qu'en grattant. Quelque fortement que l'on raclât avec le scalpel, on ne pouvait enlever les tubercules, qui paraissaient faire corps avec le péritoine. L'épaisseur de cette membrane n'était pas sensiblement augmentée. Les tuniques musculeuse et muqueuse des intestins et de l'estomac étaient parfaitement saines. Cette der- nière était très-pâle dans toute l'étendue du can<l ali- mentaire. 4°4 GANGRÈNE DE DA PLEVRE Le foie, assez volumineux , était d'une couleur beaucoup plus jaune que dans l'état naturel : il grais- sait le scalpel. La vésicule biliaire était pleine d'une bile verdâtre. Les autres organes abdominaux étaient sains. ARTICLE V. De la Gangrène de la plèvre, et de celle des fausses membranes pleurétiques. 411. La gangrène de la plèvre est une altération très-rare ; presque jamais elle n'est générale ou même un peu étendue ; il est également rare qu'elle soit primitive , et je n'ai vu aucun cas dans lequel elle parût être un effet de la violence d'une inflamma- tion aiguë; le plus souvent elle n'a lieu qu'à la suite de la rupture dans la plèvre d'un abcès gangréneux du poumon 235) ; quelquefois aussi elle survient dans les pleurésies chroniques, et lorsque la maladie a déjà eu une certaine durée. 412. La gangrène de la plèvre se reconnaît à des taches d'un vert brunâtre ou noirâtre, tantôt rondes, tantôt ir- régulières , qui comprennent seulement l'épaisseur de la plèvre. Les points ainsi affectés sont ramollis et tom- bent facilement en détritus. Lors même que, par suite de ce ramollissement , la tache gangréneuse a été entièrement détruite, le contour de F ulcération qu'elle laisse à sa place reste encore noirâtre pendant fort long- temps. Quelquefois les parties subjacentes sont égale- ment frappées de gangrène, mais à une petite profon- deur; et meme, dans presque tous les cas, le tissu cellulaire qui environne la plèvre est d'un vert plus ou moins marqué, et infiltré de sérosité jusqu'à une certaine distance de l'eschare. Dans quelques cas, les muscles intercostaux ou le tissu pulmonaire parti- cipent à cette affection , et les cotes, dénudée® dans unepetite étendue par l'infiltration séreuse, présentent çà et là quelques points de carie. Les parties ainsi affectées exhalent toujours l'odeur propre à la gan- grène. 4i3. Une inflammation générale de la plèvre , et, par suite, la formation de fausses membranes éten- dues et d'un épanchement abondant, suivent tou- jours le développement des eschares gangréneuses de la plèvre', lorsqu'elles ne sont pas consécutives elles- mêmes à une pleurésie déjà ancienne. Dans tous les cas, les fausses membranes anciennes ou nouvelles contractent ordinairement l'odeur propre de la gan- grène , et quelquefois même elles prennent une teinte grisâtre , brunâtre ou verdâtre sale, et une consistance putrilagineuse, qui annoncent qu'elles sont elles-mêmes frappées de gangrène. Cela se voit surtout quand un abcès gangréneux du poumon s'est ouvert dans la ca- vité de la plèvre. Une seule fois, j'ai vu une affection semblable des fausses membranes pleurétiques chez un sujet qui avait en même temps dans le poumon trois excavations gangréneuses à demi pleines d'«un putri- lage grisâtre et horriblement fétide. Aucune de ces excavations ne communiquait avec la plèvre , et ce- pendant la cavité de cette membrane contenait envi- ron une demi-pinte d'un liquide absolument semblable et seulement un peu plus ténu. Ce liquide était ras- semblé dans la partie inférieure de la cavité droite de la poitrine, et renfermé dans une fausse membrane molle, ET DES FAUSSES MEMBRANES. 4o5 4o6 GANGRÈNE DE LÀ PLEVRE , etc. presque putrilagineuse , d'un gris brunâtre et d'une odeur gangréneuse très-fétide. La plèvre elle-même était intacte au-dessous de cette fausse membrane. Il est évident que , dans ce cas, la gangrène de la fausse membrane était l'effet d'une diathèse générale. 4i4- Lorsqu'à la suite d'une pleurésie chronique il se forme une eschare gangréneuse sur la plèvre , il arrive quelquefois que l'épanchement s'infiltre par ce point à travers les muscles intercostaux , et vient for- mer sous la peau un abcès dont l'ouverture naturelle ou artificielle a procuré, dans quelques cas rares, la guérison de l'empyème. Ces espèces d'abcès, connues dès l'origine de l'art, ont été observées de temps en temps par les chirurgiens, et leur ouverture con- stitue ce que l'on appelle communément l'empyème de nécessité. Ce cas est aussi fort rare: mon ami M. Ré- camier m'a dit l'avoir observé deux fois : je ne l'ai ren- contré qu'une seule, 415. La gangrène delà plèvre n'est pas le seul moyen que la nature emploie pour portera l'extérieur le liquide sero-purulent épanché dans la plèvre; elle atteint quel- quefois le même but par le développement d'un abcès qui, formé entre les deux couches des muscles inter- costaux, ou entre ces muscles et la peau , s'ouvre à-la- fois a 1 extérieur du corps et dans la plèvre. Je n'ai vu encore ce cas qu'une seule fois. La guérison a suivi assez ordinairement 1 ouverture de ces sortes d'abcès ; mais elle est rarement parfaite ; communément ils dé- génèrent en fistules incurables , et cola se conçoit <1 autant plus facilement, que souvent les côtes sont ca- riées , dans ce cas comme dans le précédent. 407 PLEURÉSIE CIRCONSCRITE. ARTICLE VI. De la Pleurésie circonscrite. 416. Il arrive quelquefois, surtout dans la pleu- résie chronique, que l'épanchement est circonscrit dans une petite étendue de la cavité de la plèvre, 1<* reste de cette cavité n'existant plus à raison des adhé- rences anciennes qui unissent par-tout ailleurs le pou- mon à la plèvre costale. Ces pleurésies circonscrites se rencontrent principalement en trois endroits : j° à la partie latérale inférieure de la cavité de la plèvre ; 2° dans l'espace compris entre la base du poumon et le diaphragme ; 5° dans les scissures des lobes du poumon. Dans ces trois cas, l'épanchement est renfermé dans une fausse membrane qui tapisse exactement les par- ties environnantes. Le liquide quelle contient est ordinairement puriforme. 417. Lorsque le siège de l'épanchement est dans les scissures des lobes du poumon, les bords de ces scissures adhèrent entre eux d une maniéré intime par un tissu cellulaire très-court, et qui parait évidemment de date beaucoup plus ancienne que la maladie ; les surfaces correspondantes des lobes, au contraire, sont écartées l'une de l'autre par l'épanchement séro-pu- rulent. M. Bayle a fait connaître le premier celle espèce de pleurésie locale, qu'un observateur peu attentif pourrait prendre facilement pour un abcès du poumon Ce cas est rare, et cela peut paraître étonnant, car il est («) Recherches sur la Phthisie, etc., pag. 15. PLEURÉSIE CIRCONSCRITE. 4o8 fort commun, dans les péripneumonies accompagnées d'une pleurésie très-légère, de trouver les bords des scissures agglutinés par une fausse membrane qui ne pénètre pas dans leurs intervalles. 11 est évident que, dans les cas de ce genre où la résolution de la péri- pneumonie a lieu, les scissures du poumon doivent se trouver transformées en une espèce de sac sans ouverture, et que, s'il survient par la suite une in- flammation de la portion de la plèvre qui tapisse ces scissures, il en résultera l'espèce d'épanchement en quelque sorte enkysté que nous venons de décrire. 418. L'épanchement renfermé entre la base du poumon et le diaphragme présente absolument la même disposition anatomique et est encore plus rare. L'épanchement circonscrit dans la partie latérale postérieure et inférieure delà poitrine est au contraire assez commun. 419. Ces trois espèces d'épanebemens, lorsqu'ils sont un peu abondaus, refoulent très-fortement le tissu du poumon , parce qu'ils ne peuvent s'étendre autrement, et le creusant en quelque sorte, de ma- nière qu'au premier aspect on serait tenté de croire qu'il est corrodé ; mais si, après avoir évacué le pus, on enlève la fausse membrane qui tapisse le foyer de l'épanchement, on reconnaît que le poumon est simplement refoulé, et que la plèvre même est intacte. 420. L'absence de la respiration est le seul signe par lequel le cylindre puisse indiquer l'existence de ces collections circonscrites 11 serait, par conséquent, assez difficile de les distinguer d'une tumeur volumi- neuse développée dans le tissu pulmonaire, ou de la HYDROPISIE DES PLEVRES. 4°9 péripneumonie chronique. Cependant, si le point pleurétique a existé au début de la maladie , il ne peut y avoir de doute sur sa nature. A ces signes se joindra d'ailleurs assez souvent une dilatation locale très-notable des parois thoraciques, et la marche de ]a maladie donnera en outre, dans beaucoup de cas, des renseignemens qui seuls seraient équivoques , mais qui, joints aux résultats de l'auscultation et de la percussion, deviendront positifs, et ne permettront pas de méconnaître la maladie. CHAPITRE VI. DE L> HYDROPISIE DES FLÈVRES. ARTICLE I". De U Hydropisie idiopathique des plèvres. 421. Cette maladie , vulgairement connue sous le nom d'hydrothorax ou d'hydropisie de poitrine , passe, aux yeux de beaucoup de praticiens, comme à ceux du vulgaire, pour une maladie fort commune et pour une cause fréquente de mort. Z]22. L'hydrothorax idiopathique, et porté à un *degré tel qu'il puisse seul et par lui-même produire la mort, est cependant une des maladies les plus rares. Je ne crois pas qu'on puisse en établir la proportion à plus d'un sur deux mille cadavres. J'ai vu désigner sous ce nom par des praticiens peu instruits en ana- tomie pathologique, et par conséquent très-faibles en matière de diagnostic, des maladies qu'il était facile de reconnaître pour des accroisscmens de nutrition 4io du cœur, des anévrysmes de l'aorte , des plitliisics pulmonaires à symptômes un peu irréguliers, et meme des squirrhes de l'estomac ou du foie. M. Cor- visart avait déjà signalé ces méprises , surtout pour les deux premières affections. 425. Une des choses qui ont le plus contribué à faire regarder l'hydrothorax idiopathique comme beaucoup plus commun qu'il ne l'est réellement , c'est qu'on a souvent pris pour tel un épanchement séro-purulent, à raison de la transparence d'une partie de ce liquide. L'épanchement qui accompagne la pleurésie n'est bien connu que depuis un petit nombre d'années, et des hommes très-habiles sont tombés dans l'erreur dont il s'agit, à une époque très- rapprochée de nous. Morand lui-même a donné, sous le nom tVhydropisie de poitrine, une observation de pleurésie guérie par l'opération de l'empyème (ci). 424. L'hydropisie idiopathique des plèvres n'existe ordinairement que d'un seul côté. Ses caractères anatomiques consistent seulement dans l'accumulation d'une quantité plus ou moins considérable de sérosité dans la plèvre, qui d'ailleurs est toul-à-fait saine : le poumon, refoulé vers le médiaslin, présente un tissu flasque et privé d'air comme dans les épanche- mens pleurétiques. Quand l'épanchement est très - considérable , le côté affecté est visiblement dilaté et beaucoup plus volumineux que l'autre. J'ai vu l'hydrothorax porté à ce degré sans qu'il existât ni épanchement dans IIYDROPISIE DES PLEVRES. (<?) Mémoires de l'Académie royale de Chirurgie, loin, n, pag. 543. IIYDROPISIE DES PLEVRES. 4n aucune autre membrane séreuse, ni infiltration dans le tissu cellulaire. 425. Le symptôme principal et presque unique de cette maladie est la gêne de la respiration : la percussion y ajoute le son mat, et le cylindre l'ab- sence de la respiration en tout autre lieu qu'à la racine du poumon. Il me paraît indubitable que l'é- goplionie doit aussi se joindre quelquefois à ces sym- ptômes. Les symptômes généraux et la marche de la maladie peuvent seuls faire distinguer cette affection de la pleurésie chronique. Il peut même se rencontrer des cas où cette dis- tinction serait tout aussi difficile à faire sur le cadavre que sur le vivant. Quelque différence qu'il y ait> soit sous le rapport des symptômes , soit sous celui des caractères de la lésion organique , entre un hydrothorax et une pleurésie aiguë, entre une ascite par suite de débilité générale ou de maladie orga- nique du cœur ou du foie et une péritonite bien franche, et, en généra], entre une hydropisie et une inflammation , il n'en est pas moins vrai que ces deux espèces d'affections , si opposées dans leur plus grand degré de développement, se confondent pour ainsi dire dans l'autre extrémité. On trouve souvent, parmi la sérosité accumulée dans le péritoine d'un hydro-» pique, ou dans le plèvre d'un homme attaqué d'hy- drothorax , des filamens demi-transparens, blancs lai- teux on jaunâtres , formés par de l'albumine concrciée presque au même degré que dans les fausses membra- nes. J'ai trouvé, chez une vieille femme morte de péri- pneumonie , le poumon droit adhérent par un tissu cellulaire ancien infiltré d'une sérosité abondante, 4l 2 analogie des hydropisies limpide, et mêlée de gros flocons d'albumine faible- ment concrétée, transparente, fauve, tremblotante comme de la gelée, affectant une forme globu- leuse, et enfin présentant, le même aspect que les concrétions polypiformes les plus molles que l'on rencontre dans le cœur et les gros vaisseaux. D'un autre côté, des faits analogues se remarquent dans d'autres espèces de maladies : ainsi l'œdème du poumon est quelquefois difficile à distinguer de la péripneumonie au premier degré ; on voit souvent régner dans le même temps des érysipèles accompa- gnés d'un œdème plus ou moins marqué des parties voisines, et des œdèmes occupant la plus grande partie du corps, accompagnés seulement d'un léger érythème : dans l'inflammation des membranes sé- reuses , muqueuses et synoviales , l'exhalation d'une sérosité abondante accompagne toujours celle du pus concrété ou liquide ; la même chose a souvent lieu dans l'inflammation du tissu cellulaire. Ces faits peuvent servir à expliquer pourquoi cer- tains auteurs ont admis des hydropisics inflammatoi- res ; pourquoi la saignée est quelquefois utile dans des maladies de ce genre ; et pourquoi elle est sou- vent nuisible dans des affections dont le caractère inflammatoire n'est nullement équivoque , surtout lorsqu'on la pousse trop loin , et lorsque la maladie a un caractère chronique, ou dépend d'une cause qui n est pas de nature à céder aux seuls anli-phlogisti- ques. Les causes des maladies sont malheureusement le plus souvent au-dessus de notre portée; mais l'ex- périence pratique nous montre tous les jours qu'elles établissent des différences plus grandes entre clics, au ET DES INFLAMMATIONS. 4i5 moins sous le rapport curatif , que la nature même et l'espèce des levions organiques locales. Beaucoup de pleurésies et de péritonites ne cèdent pas mieux à la saignée qu'un bubon ou un ulcère vénérien de la gorge, une tumeur du genou produite par la goutte , ou l'inflammation qui précède la gangrène d'hôpital. Je suis loin de nier Futilité de l'étude des espèces anatomiques des maladies. Je ne me suis guère occupe d'autre chose, et cet ouvrage même y est tout entier consacré. Je crois que cette élude est la seule base des connaissances positives en médecine, et qu'on ne doit jamais la perdre de vue dans les recherches étiolo- giques , sous peine de poursuivre des chimères et de se créer des fantômes pour les combattre. Il n'est pas donné à tous les hommes de s'élever comme Sydenham à ce degré de tact médical d'où l'on peut négliger avec quelque sécurité les détails du diagnostic, et se diriger dans la pratique de l'art à 1 aide des seules indications. Je pense même que cet illustre praticien eût été plus étonnant encore s'il eût eu autant de connais- sances sur les altérations des organes qu il a montré de profondeur dans l'observation des symptômes et d'habileté dans l'emploi des moyens de guérir. Mais je crois aussi qu'il est également dangereux d'appor- ter à l'étude des affections locales une attention tel- lement exclusive qu elle fasse perdre de vue la diffé- rence des causes dont elles peuvent dépendre, ou, si l'on veut, de leur génie connu ou caché. L inconvé- nient nécessaire d'une manière de voir aussi courte est de faire souvent prendre l'eflet pour la cause, et de faire tomber dans la faute plus grave encore de 4*4 IIYDROP1SIE DES PLEVRES. considérer comme identiques et de traiter par les memes moyens les maladies dans lesquelles les seules altéra- tions visibles sont des lésions semblables sous le rapport anatomique. Cette erreur, qui paraît être celle de quelques pra- ticiens de notre temps, me semble tout-à-fait incon- cevable. Elle peut être la suite d'une application médiocre et superficielle à l'étude de l'anatomie patho- logique. Mais je regarde comme impossible qu'un homme doué d'un bon esprit, qui s'occuperait d'une manière suivie et sans préventions systématiques de recherches de ce genre, pût y persister long-temps. ARTICLE II. De r Hydropisie symptomatique des plèvres. 426. L'hydrothorax symptomatique est aussi com- mun que l'idiopathique est rare. Il peut également compliquer toutes les maladies aiguës ou chroniques, générales et locales : son apparition en annonce pres- que toujours la terminaison prompte et funeste , et ne la précède souvent que de quelques instans. 11 n'est peut-être pas plus commun chez les sujets atta- qués de leucophlegmatie ou d'ascite qu'à la suite de toute autre maladie. 11 se rencontre le plus souvent chez les personnes mortes de fièvres aiguës , de mala- dies du cœur , de tubercules ou de cancer de divers organes. Ses signes, semblables en tout à ceux de l'hydrothorax idiopathique, ne commencent ordi- nairement à se développer que quelques jours et même quelques heures avant la mort. Quand l'épan- HYDROPISIE DES PLEVRÊS. 4i5 chement existe des deux côtés à-la-fois, il rend l'ago- nie pénible et accompagnée de suffocation. Quelque- fois cependant on trouve un épanchement consi- dérable dans les deux plèvres de sujets morts sans avoir éprouvé de dyspnée notable. Ne peut-on pas penser que , dans ces cas, l'épanchement n'a eu lieu qu'au moment de la mort ou dans les premiers ins- tans qui l'ont suivie ? Les fonctions du système capil- laire , comme I on sait , ne cessent pas immédiatement avec la vie. 427. La quantité de la sérosité épanchée varie de quelques onces à une ou deux pintes. Elle est ordi- nairement incolore ou citrine , quelquefois fauve , rousse et même sanguinolente. ARTICLE III. Des Productions accidentelles de la plèvre qui peuvent y déterminer un épanchement liquide. 428. Il est une autre sorte d'hydrothorax sym- ptomatique : c'est celui qui dépend d'une affection organique de la plèvre même. Les affections de la plèvre qui peuvent donner lieu à cet accident sont principalement les productions cancéreuses et tuber- culeuses développées à la surface de cette membrane. Les premières sont le plus ordinairement formées par ]e cancer cérébriforme ; elles se présentent sous la forme de masses d'un volume variable mais qui dépasse rarement celui d'une amande ; elles sont for- tement adhérentes à la plèvre, et présentent les carac- tères propres à l'espèce de production accidentelle à 416 laquelle elles appartiennent. Ces tumeurs sont ordi~< mûrement entourées d'une rougeur de la plèvre qui s'étend à quelque distance , et est formée par le rap- prochement d'un grand nombre de petits vaisseaux finement ramifiés. Quelquefois aussi on distingue vers leur base des stries noires qui s'étendent également sur la tumeur et sur la plèvre, et qui sont formées par la matière des mélanoses. 42Q- Les tumeurs dont il s'agit sont rarement en grand nombre ; les tubercules développés à la surface de la plèvre , au contraire , sont ordinairement très- nombreux et d'une grosseur qui varie tout au plus depuis celle d'un grain de millet jusqu'à celle d'un grain de chenevis. Us sont très-rap proches les uns des autres, et souvent réunis entre eux au moyen d'une fausse membrane assez molle et demi-transparente. Quand on peut les observer à une époque voisine de leur formation , on parvient quelquefois à enlever , en raclant avec le scalpel, cette fausse membrane, et avec elle la plus grande partie des tubercules , qui parais- sent évidemment développés dans son épaisseur et font corps avec elle plutôt qu'avec la plèvre. A une époque plus éloignée, on ne retrouve plus la fausse membrane , parce qu'elle s'est déjà organisée et reunie avec la plèvre, qui alors paraît épaissie. Les tubercules , dans ce cas , sont extrêmement adhérens à la plèvre et paraissent implantés dans son épaisseur. Quelquefois ces tubercules sont au premier degré , c est-à-dire demi-transparcns , grisâtres ou presque incolores ; d'autres fois , au contraire , ils sont au second degré , c'est-à-dire jaunes et opaques. Je ne lésai jamais observés dans l'état de ramollissement. Les PRODUCTIONS DÉVELOPPÉES interstices des tubercules sont souvent fortement rou- gis et même parcourus par des vaisseaux sanguins très- distincts. 430. Dans cet état, la plèvre présente un aspect assez analogue à celui de certaines éruptions miliaires de la peau. On distingue souvent aussi, au milieu de cette rougeur , des stries noires qui paraissent être de la nature des mélanoses. 431. On rencontre encore quelquefois à la surface de la plèvre une autre espèce de granulations qui ressemblent également aux éruptions cutanées : ce sont de petits grains blancs , opaques, aplatis , très-rap- prochés les uns des autres , et dont la texture très- ferme a de l'analogie avec celle des membranes fi- breuses. Cette espèce d'éruption, qui est aussi accom- pagnée d'épaississement de la plèvre , me paraît être le résultat d'un travail imparfait d'organisation dans une fausse membrane granulée de l'espèce de celles que nous avons décrites ci-dessus 35?). 43a. Ces deux dei nières espèces de productions sont fort rares sur la plèvre ; elles sont au contraire très- communes sur le péritoine. Bichal est le premier qui lésait observées ; mais il ne me paraît pas en avoir bien connu la nature. Elles sont, toujours accompagnées d'hvdrothorax : les tumeurs cancéreuses ne le sont pas aussi constamment, quoiqu'elles le soient le plus ordinairement. La sérosité épanchée dans tous ces cas est presque toujours rousse ou sanguinolente. Le cylindre fera toujours alors reconnaître l'existence de l'épanchement séreux ; mais il ne peut donner d'm- dication sur la lésion organique qui l'a occasioné, et on ne peut s'aider à cet égard que des signes généraux. A LA SURFACE DE LA PLEVRE. 4'7 418 ÉPANCHEMENT DE SANG Les incrustations osseuses, cartilagineuses ou fibro- cartilagineuses développées dans la plèvre ou plutôt à sa surface extérieure {a) , ne donnent jamais lieu à l'hydrothorax, et probablement même n'occasionent aucun trouble notable dans l'exercice des fonctions. CHAPITRE VII. DES EPANCHEMENS DE SÀNG DANS LA CAVITE DE LA PLÈVRE, .455. Les plaies pénétrantes de la poitrine occa- sionent presque toujours un épanchement de sang dans la cavité de la plèvre. Les anévrysmes de l'aorte s'ouvrent quelquefois dans la même cavité et la rem- plissent de sang : on a vu ï apoplexie pulmonaire pro- duire le même effet, comme je le dirai en parlant de cette maladie. Une forte contusion sur la poitrine peut encore donner lieu au même accident, par la seule irritation qu'elle produit dans la plèvre et sans qu'il y ait eu aucune dilacération du poumon. Enfin il me paraît incontestable que, dans certains cas , une exha- lation de sang , même très-abondante, peut avoir lieu dans la plèvre d'une manière spontanée , et indépen- damment de toute espèce de solution de continuité ou de violence extérieure. Je n'entends pas parler seu- lement de l'espèce d'exhalation de sang qui a quelque- fois lieu à l'occasion du développement des vaisseaux sanguins dans les fausses membranes 564), de la (a) Vby. Dict. des Sciences médicales, art. Cartilages acci- dentels. DANS LA CAVITÉ DE LA PLEVRE. 4t9 légère exhalation qui rend sanguinolens certains épan- cbemens séreux (§427 et 4^2 ) > n)a*s , en outre, de l'exhalation primitive et idiopathique du sang dans les plèvres par suite d'une disposition analogue à celle qui produit toutes les hémorrhagies actives ou passives. Ce dernier cas est le plus rare de tous ; mais cepen- dant plusieurs observations d'épanchement sanguin dans la poitrine ne peuvent être considérées autre- ment. Ces divers cas constituent ce que les chirur- giens ont improprement appelé empyèmede sang. Le plus commun, sans contredit , de ces épanchemens sanguins est celui qui a lieu par suite de l'exhalation sanguine dans les fausses membranes 3? 4) ; et presque tous les empyèmes de sang que j'ai vu opérer m'ont paru appartenir à celte catégorie, car les épan- chemens sanguins dans la plèvre produits par une ■violente contusion se résolvent en général assez faci- lement , et ceux qui sont l'effet d'une plaie s'écou- lent par cette plaie même. 435. L'épanchement sanguin spontané est le plus grave de tous, parce qu'il est ordinairement l'effet d'une diathèse hémorrhagique générale , qui , lors même que la nature ou l'art parviendrait à détruire la collection formée dans la plèvre , produirait bientôt ailleurs des effets tout aussi graves. 436. Le sang exhalé ou épanché dans la cavité de la plèvre peut d'ailleurs être absorbé tout aussi faci- lement que celui qui s'épanche dans le tissu cellulaire par suite d'une contusion. On sait que d'énormes épanchemens de ce genre .sont souvent resorbes en quelques semaines et même en quelques jours. J'ai 420 PRODUCTIONS ACCIDENTELLES vu des épanchemens sanguins qu'on pouvait évaluer à près d'une pinte, formés sous la peau du crâne à la suite de coups , disparaître totalement en moins de quinze jours. 457. L'épanchement de sang dans la plèvre pré- sente , sons le cylindre et par la percussion, les mê- mes caractères que l'épanchement pleurétique : ainsi je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit à ce sujet. Dans tous les cas , l'auscultation médiate en fera connaître l'étendue de la manière la plus exacte. 438. Lorsqu'à la suite d'un épanchement sanguin dans la plèvre , l'absorption du sang épanché n'est pas faite promptement, ce sang se décompose quelque- fois , et de la décomposition résulte le dégagement d'un fluide aériforme dont nous parlerons en traitant du pneumo-thorax. CHAPITRE VIII. Productions accidentelles et autres CORPS SOLIDES DANS LA CAVITE DES PLEVRES. ARTICLE I". Des Productions accidentelles développées dans la plèvre» 459. La plèvre , comme toutes les membranes sé- reuses et même les muqueuses , peut éprouver une altération telle dans ses propriétés vitales, qu elle vienne à sécréter une matière tuberculeuse ou cancé- reuse , au lieu de la sérosité qu'elle fournit naturel- DANS LA CAVITÉ DES PLEVRES. 421 leinent. Cette matière, en s'accumulant dans la cavité de la plèvre, refoule peu à peu le poumon vers la co- lonne vertébrale, et finit par remplir en entier le côté de la poitrine où elle s'est développée. Ce cas diffère to- talement des éruptions tuberculeuses à la surface de la plèvre dont nous avons parlé ci-dessus (§ 4X9) '■> car> dans ces dernières, la matière tuberculeuse n'est pas exhalée par la plèvre, mais développée dans une fausse membrane pleurétique. Les productions dont il s'a- git sont très-rares ; on n'en trouve aucun exemple bien décrit dans les recueils des observateurs ; mais il est probable que la plupart des exemples de masses squirrheuses remplissant un côté de la poitrine que l'on rencontre dans ces recueils , appartiennent à la catégorie des faits de ce genre. La masse de ma- tière blanche trouvée par Boerhaave à l'ouverture du corps du marquis de Saint-Auban, et qui remplis- sait tout un côté de la poitrine (fl) , me paraît, entre autres , pouvoir être regardée comme une accumu- lation de la matière cérébriforme dans la plèvre. Haller paraît, comme nous l'avons déjà dit (§ 35a) avoir trouvé une quantité considérable de mélanoses ramollies dans la même cavité. J'ai rencontré deux fois une quantité considérable de matière tuberculeuse dans la plèvre : dans l'un et l'autre cas , celte matière était ramollie à divers de- grés de consistance. Ses parties les plus fermes rem- plissaient le fond de la cavité de la plèvre , et formaient sur le'reste de cette membrane une couche de plus d'un pouce d'épaisseur. Le reste de la matière tu- (a) Koy. Zimmermann, Traité de 1 Expérience. /p2 PRODUCTIONS ACCIDENTELLES berculeuse, tout-à-fait ramollie, était contenu au centre de cette espèce d'enveloppe. 44°. Voici un troisième exemple d'une semblable production, et dans lequel la matière tuberculeuse formait encore une masse très-ferme. La pièce m'a été montrée dans le temps par mon ami M. Cayol, qui a lui-même recueilli l'observation. Obs. xxix. Masse tuberculeuse développée dans la plèvre. - Un petit nègre , âgé de six ans , entra , le i5 décembre 1807, à l'hôpital des Enfans. On ne put savoir depuis combien de temps il était malade, vu que ses parens ne parlaient pas français. Il avait au milieu de la région temporale gauche un ulcère pro- fond avec écoulement abondant d'un pus fétide, et gonflement douloureux des parties environnantes. Pendant son séjour à l'hôpital , il parut toujours souffrir beaucoup de la tête, et eut une diarrhée con- tinuelle ; il toussait fréquemment sans expectorer; sa respiration ne paraissait pas du tout gênée. 11 avait tous les jours la fièvre à des heures variables, mais prin- cipalement le soir. Il s'affaiblit progressivement sans présenter aucun autre symptôme remarquable. Le 8 janvier, il eut quelques montons de délire ; on 1 entendait chanter et parler tout seul, ce qui ne lui était pas encore arrivé. Le 9 , il demandait à manger avec instance, et paraissait fort inquiet. 11 mourut le io à deux heures du matin. Ouverture du corps fade 'vingt-quatre heures aptes la mort. -■ L émaciation était telle qu'on pou- vait entourer d une seule main la partie la plus épaisse de la cuisse. Il n'y avait pas la plus légère infiltra- tion. La face conservait encore beaucoup de graisse relativement aux autres parties. La couleur noire de la peau semblait éclaircie par une légère nuance de jaune ; elle se rapprochait assez de la couleur olivâtre des Indiens. La région temporale gauche présentait le même aspect qu'avant la mort, si ce n'est que l'engorge- ment s'étendait jusqu'aux paupières et à la joue du même côté. L'ulcère avait à-peu-près la largeur de l'ongle ; ses bords, minces et mous, se confondaient presque avec sa surface , qui avait un aspect putri- lagineux. 11 fut compris dans une incision cruciale par laquelle on mit à découvert toutes les parties en- gorgées. Le muscle temporal et son aponévrose , ainsi que la moitié externe du palpébral, et tous les muscles de la région maxillaire supérieure, étaient macérés dans un pus ichoreux très-fétide; ils avaient une couleur brune-verdâtre , comme les chairs en putréfaction. Les parties subjacentes avaient la même couleur , qu'elles ne perdaient point par le lavage à grande eau, et présentaient, en outre , les altérations suivantes. A la réunion de la grande aile du sphénoïde avec le temporal et le pariétal , endroit où correspondait l'ul- cère extérieur , il y avait un trou à bords inégaux et vermoulus , capable d'admettre un tuyau de plume, et par lequel on pénétrait facilement dans le crâne. Au-devant de ce trou, une portion de la largeur d'un sou, et de toute l'épaisseur du crâne, pouvait être sé- parée du reste de l'os, auquel elle n'était unie que par les parties molles ; cette portion était noirâtre, DANS LA CAVITÉ DES PLEVRES. 425 424 PRODUCTIONS ACCIDENTELLES inégale, comme spongieuse, et pénétrée dans tous ses points par Vichor fétide dont il a été parlé. La même altération, mais moins profonde, se prolongeait trans- versalement sur la face externe de l'aile du sphénoïde jusqu'à l'apophyse orbitaire externe du coronal in- clusivement, et à son articulation avec l'os malaire. Ce dernier était vacillant et pouvait être détaché sans peine , quoiqu'il fût bien moins carié que les parties auxquelles il était intermédiaire ; cependant il était . réduit à la moitié de son épaisseur naturelle. L'os maxillaire supérieur ne présentait, au lieu de sa face antérieure et de sa portion palatine, qu'un séquestre de forme cuboïde , inégal , poreux , pénétré par le pus, et sur lequel on distinguait encore les alvéoles avec deux dents. Cette masse informe remplissait tout le sinus maxillaire , et lorsqu'on l'eut enlevée ( ce qui se fît presque sans effort ) , on voyait les parois de cette ca- vité par-tout inégales, recouvertes d'un enduit pultacé très-félide, et percées postérieurement, de sorte que, sans la membrane palatine, le pus aurait pénétré sans obstacle dans la bouche. On avait cru reconnaître qu'il en coulait quelquefois par le nez, du vivant du malade. Toutes ces parties exhalaient une odeur de gangrène insupportable. La portion de dure-mère qui correspondait au trou dont j ai parle était très-épaisse, d'une couleur d'ar- doise et d'un aspect fongueux , surtout sur sa face externe , dans une étendue égale à un écu de six livres; mais elle n était nulle part percée. La portion du cerveau contiguë avait aussi une couleur d'ardoise, mais beaucoup plus claire. Il esta remarquer que, malgré ce changement de couleur qui s'étendait jus- DANS LA CAVITÉ DES PLEVRES. 425 qu'à une ligne d'épaisseur dans la substance médul- laire , le cerveau n'était pas sensiblement ramolli dans cet endroit ; la pie-mère offrait un peu d'infiltration ; l'arachnoïde parut saine. Tout le reste du cerveau , examiné avec soin , n'offrait aucune lésion ; il était seulement un peu mou et humide. A l'extérieur du crâne, on remarquait, en outre, deux tubercules. L'un d'eux , situé au - dessus de l'angle postérieur de l'occipital, un peu à gauche , avait le volume d'une grosse noisette ; il était formé entièrement de matière tuberculeuse jaunâtre , à son premier degré de ramollissement, et implanté dans l'os , qui était creusé assez profondément. L'autre tu- bercule , absolument de même consistance que le précédent, mais de moitié plus petit, était au-devant de l'apophyse mastoïde. Ces deux tubercules n'étaient pas visiblement enkystés. Le poumon droit paraissait absolument transformé en une masse tuberculeuse ; mais , en l'examinant plus attentivement, on put se convaincre que cette matière était contenue dans la cavité même de la plèvre, qu'elle remplissait : c'était une masse de consistance caséeuse, dans laquelle on ne distinguait aucun tuber- cule séparé. Elle avait une épaisseur d'environ deux travers de doigt sur les parties antérieure et posté- rieure du poumon, et un peu moins sur le côté. Une portion de cette matière, du volume d'une noix , pé- nétrait entre la septième et la huitième côte , qui étaient notablement corrodées (surtout l'inférieure) , perçait les muscles intercostaux , et venait adhérer à la peau. Cette portion était ramollie à consistance de pus vers le centre. Une autre portion de matière 426 tuberculeuse servait de moyen d'adhérence entre la face inférieure du poumon et le diaphragme, de meme qu'entre ce muscle et les neuvième et dixième côtes. Lorsqu'on ratissant, on dépouillait la surface de la plèvre de cet enduit, qui était comme pâteux, on voyait que cette membrane , au lieu d'être lisse, of- frait l'aspect de la surface inégale des kystes tuber- culeux. On distinguait même quelques prolongemens très-courts et semblables à un tissu cellulaire très-fin , qui de sa surface s'enfoncaient dans la matière tuber- culeuse. Au milieu de cette masse, le poumon , très- comprimé et réduit au cinquième de son volume , était d'ailleurs sans aucune lésion ; il n'y avait pas la moindre trace de tubercules dans son tissu. Le poumon gauche avait quelques adhérences cel- lulaires anciennes vers le sommet ; il était un peu in- filtré , et baignait dans deux ou trois onces de sérosité limpide; son tissu était par-tout sain. Le larynx et la trachée-artère étaient dans l'état naturel. Toute la sur- face du cœur adhérait au péricarde d'une manière si intime qu'on ne pouvait les séparer par la dissection sans intéresser l'un ou l'autre. A l'ouverture de l'abdomen, il s'écoula environ une pinte de sérosité incolore et transparente. Le pé- ritoine n'offrait aucune trace d'inflammation. Le foie paraissait un peu gros ; son tissu, formé de grosses gra- nulations jaunes, avait une consistance pâteuse, quoi- qu'il fût tres-diflicile à déchirer; sa surface était inégale, et paraissait ratatinée («) ; il ne graissait pas le scalpel. PRODUCTIONS ACCIDENTELLES (û) Cet état du foie me paraît être un exemple des cirrhoses dont il a été parlé plus haut , p. 368. DANS LA CAVITÉ DES PLEVRES. 427 La vésicule était médiocrement distendue par de la bile verdâtre et très-liquide. Tous les autres viscères, examinés avec soin, n'of- frirent rien de remarquable. Le mésentère était sain , de même que les organes urinaires et reproducteurs. 44 !♦ Le cylindre semble d'abord ne devoir donner d'autres signes de Inexistence d'une semblable tumeur que l'absence absolue de la respiration ; et, par con- séquent, il ne paraîtrait pas que l'emploi de cet instru- ment pût faire distinguer le cas dont il s'agit d'un épanchement pleurétique , d'un hydrothorax , on même d'une péripneumonie arrivée au degré d'hépa- tisation : cependant je pense qu'il ne serait pas im- possible de reconnaître, ou au moins de soupçonner la nature d'une tumeur semblable , et de la distin- guer des cas dont il s'agit à l'aide d'une exploration bien faite et suffisamment répétée. En effet, on pour- rait la distinguer de l'épanchement pleurétique et de l'hydrothorax , en ce que l'absence de la respiration , au lieu d'arriver subitement comme dans ces derniers cas , doit commencer par une simple diminution dit bruit de la respiration , qui devient peu à peu plus pro- noncée, et qui ne se change en une absence totale que d'une manière progressive et probablement fort leptc. On distinguerait le même cas delà péripneumonie, en ce que la diminution d'intensité de la respiration ne serait point accompagnée de l'espèce de râle crépitant dont nous avons parlé, et qui est le symptôme pathognomo- nique de la péripneumonie au premier degré ; et, en outre, en ce que, malgré le volume de la masse tu- berculeuse , la respiration s'entendrait encore, au moins pendant long-temps, vers la racine du poumon. 428 ' PRODUCTIONS ACCIDENTELLES, etc. 442. On trouve aussi quelquefois des tumeurs de dif- férons genres développées entre la plèvre costale et les parois thoraciques. Je n'ai jamais rencontré dans ce lieu que des encéphaloïdes ou des tubercules d'un petit volu- me , et des productions cartilagineuses aplaties ou in- crustations dont j'ai parlé ailleurs (a). Haller y a trouvé un kyste très-volumineux, plein d'une sérosité verdâtre, et qui remplissait presque tout le côté gauche de la poitrine , de manière que le poumon , aplati contre le médiastin, avait à peine le volume de la main. Il re- connut évidemment que ce kyste était développé entre les muscles intercostaux et la plèvre (ô). M. Dupuy- tren , chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Paris , a trouvé , à l'ouverture d'un jeune homme qui mourut de suffocation après avoir éprouvé pendant quelque temps une dyspnée qui s'accroissait progressivement, deux kystes énormes qui remplissaient presque entiè- rement chacune des cavités de la poitrine. Les pou- mons , rejetés en avant et fortement aplatis , ne con- tenaient presque pas d'air. « Les deux kystes avaient » onze pouces dans leur diamètre longitudinal; leurs » parois étaient tapissées par un grand nombre de » couches albumineuses , et présentaient dans quel- » ques points des grains très-déliés qui étaient des » accidensde nutrition; dans d'autres, de petites vési- » cules ou kystes (c). » D'après ces expressions , il ne serait pas impossible que les kystes dont il s'agit (fl) Dictionnaire des Sciences nifedic., art. Cartilages acci- dentels. ,(£) Opuscul. patliolog., obs. xiv. (c) Essais sur 1 Anatomie palhol.; etc., par J. Cruveilhier, doct. me'd. Paris, 1816, in-8°; tom. ier; pag. 265. n'eussent contenu des acéphalocystes, car lorsque ces vers sont très-volumineux on peut diviser leurs parois en plusieurs lames, et on trouve souvent, comme nous l'avons dit , soit à la face interne, soit à la face ex- terne de ces parois, des acéphalocystes plus petites qui y adhèrent. Quoi qu'il en soit, il est presque certain que, dans des cas de cette espèce , on obtiendrait, par la comparaison attentive de la marche de la maladie et des signes donnés parla percussion et l'auscultation, une connaissance assez claire de la nature delà maladie pour être conduit à tenter l'opération de l'empyème, qui probablement serait assez souvent suivie de succès, surtout en faisant ensuite des injections propres à pro- curer l'inflammation et l'adhérence du kyste. Je sais que cette dernière pratique ne serait peut-être pas toujours sans danger ; mais, dans une maladie mor- telle de sa nature, lorsqu'il se présente un moyen pro- bable de guérison, on doit dire, avecCelse, Meliits est anceps eocperiri auxilium quàm nullum. HERNIES DIAPHRAGMATIQUES. 429 ARTICLE IL Des Hernies intestinales diaphragmatiques. 443. On a vu quelquefois, à la suite de plaies pénétrantes de l'abdomen qui avaient intéressé le dia- phragme , les viscères abdominaux faire hernie dans la cavité de la plèvre gauche («). La même chose est (a) Ambroise Paré, liv. ix, chap. xxx.-Leblanc, Traité d'opérations, tom. n, pag. 416.- Fabrice de Hilden, cent, u, obs. xxxm.- Fanton, Obs. med. et anat., pag. 167. 430 quelquefois arrivée par l'effet d'une rupture sponta- née de ce muscle occasionée par une chute, par des efforts violens (cz), ou par une énorme distension de l'estomac (6). Une ouverture existante au diaphragme par suite d'un vice de conformation peut encore donner lieu au même accident (c) ; et il paraît même que l'on a quelquefois vu l'estomac et les intestins passer dans la poitrine par les ouvertures qui donnent pas- sage à F œsophage, à l'aorte et même au nerf grand sympathique (</). On a trouvé quelquefois l'estomac et la plus grande partie de la masse intestinale dans celte cavité de la poitrine. Un semblable cas serait fort aisé à reconnaître à l'aide du cylindre. Outre l'absence de la respiration , produite par l'interposition des intestins, les borbo- rygmes entendus et sentis dans un point supérieur à la région de l'estomac feraient reconnaître avec la dernière évidence la nature de la lésion. Si l'on ac- quiérait une semblable connaissance peu de temps apres sa formation, serait-il trop hardi de faire aux parois ah dominales une incision suffisante pour intro- duire dei ix doigts, retirer les intestins dans la cavité abdomin; de , et les y maintenir par la position verticale long-tenqps continuée et la diète presque absolue ? HERNIES INTESTINALES (а) Joun lal de Chirurgie de Desault, tom. ni, pag. 9. - Traité des Hernies , de A.-G. Richter, trad. par J.-C. Rouge- mont ; 2e é< dit. an 7, § 628, tom. n, pag. 34/ • (б) Haller, Disp, chirurg., tom. ni, pag. 218. (c)Hist. de l'Acad. royal, des Scienc., 1729. - Obs. anat. 11. - Hist. de l'Acad. royal, des Scienc., 1772, 2e partie, pag. 81. - Richtei ; et Rougemont, op. cit.} § 529. (d} Rich ter et Rougemont, op. cit., § 53o. diaphragmatiques. 431 444. Il est une autre espèce de hernie beaucoup plus rare que la précédente, et que l'on reconnaîtrait avec une égale facilité à l'aide du cylindre : je veux parler de celle du poumon à travers les muscles in- tercostaux. Grateloup, médecin à Dax, a publié une belle observation de ce genre. L'accident avait été produit par de violens efforts de toux (<z). Boerhaave a vu une semblable hernie déterminée par les efforts de l'accouchement (3), et Sabatier en a observé une qui avait paru après la cicatrisation d'un coup de bayonnette entre les cinquième et sixième côtes ster- nales (c). La Bibliothèque de chirurgie allemande de Richter en contient un quatrième exemple (<7). Dans un cas de cette nature , l'application du cy- lindre sur la tumeur ferait certainement entendre la pénétration et la sortie de l'air, de manière à ne laisser aucun doute sur la nature de la maladie. {a) Journal de Médecine, tom. lui, pag. (A) De Haen, Prælect. in Boerhaav. Instit. pathol, tom. /, pag. 167, in-4°. (c) Médecine opératoire, t. n. (d) Tom. ni, pag. i38. 432 DU PNEUMO-TIIORAX.' CHAPITRE IX. DU PNEUMO - THORAX, Ou des Epanchemens aérljormes dans la cavité de la plèvre. ARTICLE I. Caractères anatomiques et variétés du Pneumo- thorax. 445. On rencontre quelquefois dans les plèvres des fluides aériformes quelquefois inodores, plus souvent fétides et exhalant une odeur analogue à celle de l'hydrogène sulfuré. La quantité de ces gaz est quel- quefois telle qu'ils refoulent violemment le poumon vers sa racine, et qu'ils distendent d'une manière très- sensible les parois thoraciques. Les côtes en sont écar- tées ; le diaphragme, repoussé vers la cavité abdomi- nale , y forme une saillie considérable quand l'épan- chement aériforme est du côté gauche ; s'il est à droite, le foie est pousse en bas de piamère à dépasser le ni- veau des fausses côtes. 446- Quoique ce cas ne soit pas excessivement rare, il a peu fixé jusqu'ici l'attention des médecins. On en trouve a peine chez les observateurs quelques exemples très-incomplètement décrits ; la plupart sont de simples remarques d'anatomistes qui, en ou- vrant un cadavre , ou de chirurgiens qui, en faisant l'opération de l'empyème, ont vu de l'air s'échapper à l'ouverture de la poitrine («). Il n'existe , à ma con- (a) Voy. Riolan, Enchirid. Anat., Ub. iiijcap. u.- Pouteau, OEuvres posthumes, tom. ni. DU PNEUMO-THORAX. 433 naissance, d'autre mémoire spécial sur ce sujet qu'une dissertation inaugurale de vingt pages par M. Iiard, actuellement médecin de l'établissement des sourds et muets (a). "L'auteur a désigné sous le nom de pneumo-thoraæ les épanchemens aériformes qui se développent dans la cavité des plèvres ou du péricarde. 11 rapporte cinq observations de congestions gazeuses dans les plèvres : trois lui sont propres, une est ex- traite du recueil de Selle (b) , la cinquième lui a été communiquée par M. Bayle. Dans toutes, le pneumo- thorax coïncidait avec la phthisie pulmonaire et la pleurésie chronique. Le poumon du côté affecté , refoulé vers sa racine et réduit à ne plus former , suivant l'expression de l'auteur, qu'une sorte de moi- gnon , avait cédé la place à un fluide aériforme plus ou moins fétide. Quelques cuillerées de pus seule- ment se trouvaient dans la cavité de la plèvre, dont les parois étaient revêtues d'une fausse membrane puri- forme, au moins dans les cas les moins succinctement décrits. L'auteur, partageant les opinions admises avant les progrès récens de l'anatomie pathologique, pense, en conséquence des faits qu'il rapporte, que le pncumo-lhorax est toujours une affection consécu- tive qui se lie essentiellement à l'histoire de la phthisie pulmonaire latente ; qu'il a pour cause déterminante Dissertation sur le pneumo-thora» ou les congestions gazeuses qui se forment dans la poitrine, présentée et sou- tenue à l'Ecole de Médecine de Paris le 11 messidor an ij. Paris, i8o3. (Z>) Selle, Observations de médecine, traduites par Coray. 434 DU PNEUMO-THORAX. a la foule colliquative du poumon par suite d'une » suppuration sourde, le séjour prolongé du pus » dans une cavité sans ouverture, d'où suit l'ab- » sorplion de ce liquide stagnant et sa décompo- » sition en un fluide aériforme » Nous avons montré ailleurs 3yo) que ccllc consomption du poumon (pulmones assunipti, Lieutaud ) n'est point due , comme on le pensait , à k destruction du tissu pul- monaire par suite d'une suppuration , cl que l'épan- chement puriforme qui existe dans ces cas dans la cavité de la plèvre est la cause et non l'effet de la réduction du poumon à un si petit volume. Cette vérité , que M. Corvisart a , je crois , le premier dé- montrée dans ses leçons de clinique , est aujourd'hui d'une évidence incontestable pour tous les médecins qui se sont livrés avec quelque suite à l'ouverture des cadavres. Nous avons vu , d'ailleurs , que le poumon peut être refoulé et réduit à un très-petit volume par un épanchement purulent ou même aqueux , dans des cas où il ne contient ni tubercules, ni rien autre chose que l'on puisse prendre pour un indice de suppuration. 447. Les observations réunies par M. Itard sont donc des cas où le pneumo-thorax s'est développé à la suite d'une pleurésie latente qui accompagnait la phthisie pulmonaire, et par suite de l'absorption de la plus grande partie du liquide épanché. 11 est assez probable que, daps ccs cas , le développement du gaz est le produit de la décomposition d'une partie de la matière albumineuse puriforme épanchée : l'odeur d hydrogène sulfure exhalée par ce gaz porte natu- rellement à le croire. Celle espèce de pneumo-thorax DU PNEL'MO-THORAX. 435 est assez commune ; mais elle n'est pas la seule. J'ai eu occasion d'en distinguer plusieurs autres très- tranchées. 448. J'ai rencontré plusieurs fois le pneumo-thorax coïncidant avec un épanchement séro-purulent consi- dérable dans la de la plèvre , et une commu- nication établie entre la cavité de cette membrane et les bronches au moyen d'un tubercule ramolli ou vo- mique qui s'était ouvert à la-fois dans les bronches et dans la plèvre. Je regarde celte espèce de pneumo- thorax comme la plus commune de toutes: au moins est-ce celle que j'ai trouvée le plus fréquemment. Dans ces cas, il semble naturel de penser que le gaz exis- tant dans la plèvre n'est autre chose que de l'air at- mosphérique introduit par l'ouverture de communi- cation qui existe entre celle cavité et les bronches. On trouvera, à la fin de cet article , un exemple remarquable de celte espèce de pneumo-thorax , et on en verra plusieurs autres dans la troisième partie de cet ouvrage. 44g. Il est possible que, dans ce cas, l'introduc- tion de l'air dans la cavité de la plèvre détermine l'inflammation de cette membrane, et par conséquent que la pleurésie soit ici l'effet du pneumo-thorax , tandis que, dans l'espèce décrite par M. llard , elle en est la cause. Cependant il peut arriver aussi qu'une vomique tuberculeuse s ouvre dans la plevre sans s ou- vrir dans les bronches , et que la seule présence de la matière tuberculeuse dans cette membrane déter- mine une pleuresie, et par suite un pneumo-thorax dû seulement à la décomposition du liquide épanché. Ce cas rentre dans 1 espece décrite par ±VL ilard , avec 436 DU PN EUMO-T1IOR AX. celle différence qu'ici la quantité du liquide épanché est encore considérable. 450. Le pneumo-thorax peut encore être joint à l'épanchement séreux dans les plèvres. Je n'ai jamais rencontré cette complication ; mais plusieurs obser- vations supposent nécessairement son existence. Il est probable, il est vrai, que la plupart d'entre elles sont du nombre des cas dans lesquels on a pris, comme nous l'avons dit .p5 ) , des épanchemens pleuré- tiques pour des hydrothorax. M. Bajle en donne un exemple incontestable : c'est celui d'un sujet chez lequel il trouva très-peu de sérosité et une grande quantité d'air dans la cavité de la plèvre 451. Le pneumo-thorax a encore presque toujours lieu lorsqu'une eschare gangréneuse du poumon, com- plètement ramollie , vient à s'ouvrir dans la plèvre. Celte matière putrilagineuse , et qui se décompose sous l'influence presqu'exelusive des lois chimiques , laisse dégager une quantité considérable de gaz , qui, joints à l'épanchement séro - purulent que l'irritation de la plèvre par ces corps étrangers appelle nécessai- rement , compriment le poumon et dilatent le côté affecté. Nous avons donné plus haut (Obs. xiv et xv) deux exemples de celte espèce de pneumo-thorax. 402. La gangrène delà plèvre produit encore ordi- nairement le même effet à raison de la putréfaction et de la décomposition du liquide épanché dans celte membrane. On verra dans la troisième partie de cet ouvrage un cas de ce genre. 453. Les épanchemens de sang formés dans la (a) Op. cit.j obs. u. DL PNEUMO-TIIO* AX. 437 plèvre par une cause quelconque se décomposent ussi assez souvent, et le dégagement du gaz qui en résulte donne lieu à un pneumo - thorax sou- vent très-considérable. A l'ouverture du corps d'un homme qui mourut après cinq jours de maladie , Littré trouva , dans la cavité de la plèvre, deux pintes de sang et une énorme quantilé d'air. 454- H paraît même qu'à la suite d'une chute ou d'un coup porté avec violence sur les parois thora- ciques, la plèvre pulmonaire peut quelquefois être dé- chirée et quelques cellules aériennes rompues, et que de cet accident peut résulter un pneumo-thorax , qui doit plutôt être attribué à l'extravasation de l'air dans la plèvre, qu'à la décomposition de la très - petite quantité de sang qui a pu couler par l'effet de la rup- ture. Williams Hcwson a vu, à la suite d'une chute, la plèvre pulmonaire déchirée , et un pneumo-thorax considérable résultant de cette déchirure , sans qu'il y eût en même temps ni emphysème du poumon , ni épanchement de sang dans la plèvre («). 455. Il paraît encore probable que , dans le cas d'emphysème du poumon avec rupture des cellules aériennes cl passage de l'air sous la plèvre 247), cette membrane elle-même peut aussi se rompre à son tour et donner ainsi lieu à un pneumo-thorax. Je crois même avoir vu ce cas ; mais les notes que j'en avais prises ayant été perdues , je n'oserais l'assurer. 456. Enfin un fluide aériforme peut être exhalé dans la cavité de la plèvre et sans qu'il y ail ni solution de (zi) Medical Observ. and Inquiries by a Society qf physi- eians in London ; tom. m, art. xxx/r> pag. ']$■ 438 DU PNEUMO-THORÀX. continuité, ni aucune autre altération visible de cette membrane, ni épanchement quelconque dans sa ca- vité. 457. 11 m'est souvent arrivé, en ouvrant des su- jets dont les poumons étaient tout-à-fait sains*, -d'en- tendre sortir avec sifflement une.quantité plus ou moins considérable de gaz ordinairement inodores,' et de trouver cependant la plèvre tout-à-fait saine.- Quel- quefois cependant elle paraît moins humide que dans l'état naturel ; et je me rappelle même avoir vu un cas dé pneumo- thorax du côté gauche où cette mem- brane était par endroits presqu'aussi sèche que du par- chemin. Je sais qu'on pourrait alors soupçonner qu'une rupture de la plèvre et du tissu pulmonaire , assez petite pour n'être pas facilement aperçue, pour- rait être la cause de l'introduction de l'air dans la ca- vité de la plèvre ; mais, outre qu'un pareil accident ne se conçoit guère que par l'effet d'une violence ex- térieure, l'exhalation d'un fluide aériforme dans la plèvre est un fait qui rentre dans l'analogie de beau- coup d'autres , et dont on ne peut nier l'existence : c'est ainsi que l'on rencontre quelquefois une assez grande quantité d'air dans le péricarde, lors même que cette membrane ne contient aucun autre épan- chement : on en trouve aussi quelquefois, quoique plus rarement, dans la cavité du péritoine. 458. 11 paraît même, d'après les recherches de M. Ribes, qu'un fluide aériforme existe naturellement en petite quantité dans la plèvre. Cet habile anatomiste m'a dit qu'en ouvrant avec précaution, chez les chiens, les cavités tapissées par des membranes séreuses, il s est toujours aperçu qu'au moment où le scalpel nu pneumo-thorax. 439 V pénétrait, il s'en échappait un peu d'un fluide aéri- forme. Il est probable que ce fluide n'est autre chose que la sérosité elle-même réduite en vapeur par la chaleur animale , et il n'est pas probable que le gaz dont l'exhalation forme le pneumo-lhorax simple soit de même nature. 45g. Au reste , quelle que soit la nature du gaz qui occupe la cavité de la plèvre dans le pneumo-lhorax simple , on conçoit que l'épanchement aé ri forme puisse subsister dans ce cas dans son état de simpli- cité, sans déterminer une inflammation de la plè- vre comme l'air extérieur introduit par une excava- tion tuberculeuse ouverte d'un côté dans cette mem- brane et de l'autre dans les bronches. En effet , ce gaz sorti des vaisseaux exhalansde laplèv redoit êlreen quel- que sorte animalisé et moins propre à affecter désagréa- blement la sensibilité organique de cette membrane, qu'un agent aussi étranger à l'économie animale que l'est l'air atmosphérique. Au reste, l'introduction del air dans la cavité de la plèvre par la voie que nous venons d'indiquerne produit peut-être pas toujours une pleu- résie mortelle ou même très-intense. L'observation suivante peut le donner à penser, et fournira de plus un exemple curieux d'une maladie sur laquelle il n'exislç encore qu'un très-petit nombre d'observations, et la plupart fort mal décrites. 460. Obs. xxx. Pneumo-thorax simple chez un homme attaqué de phthisie pulmonaire latente. -Un homme d'environ soixante-cinq ans , d'une haute sta- ture, d'une assez forte constitution, attaque depuis deux ans d'une toux qui ne l'empêchait pas de vaquer à 44° du pneumo-thorax; ses occupations , fut pris le i5 octobre 1816, au soir, de coliques violentes qui le déterminèrent à entrer à l'hôpital Necker. II fut à peine au lit qu'il se trouva beaucoup plus mal. Il mourut dans la nuit. Après la mort, on remarqua que le corps, quoique amaigri, présentait encore un embonpoint musculaire assez marqué. La peau était blanche plutôt que pâle, peu vergetée, même aux parties postérieures. Le côté droit de la poitrine, évidemment plus ample que le gauche, résonnait fortement par la percussion, et peut- être même plus que ne le fait ordinairement la poi- trine d'un homme sain. Le côté gauche résonnait comparativement assez mal dans presque toute son étendue. Ouverture faite vingt-deux heures après la mort. - On trouva les vaisseaux de la dure-mère assez gorgés de sang ; ceux de la pie-mère l'étaient peu ; il y avait près d'une once de sérosité limpide à la surface de 1 arachnoïde. La pie-mère était assez fortement infil tree d'une sérosité semblable. Les ventricules laté- raux , le troisième et le quatrième ventricules étaient pleins d une sérosité également limpide , dont la quan- tité totale pouvait être d'environ une once et demie. La substance cérébrale , médiocrement terne, laissait suinter par 1 incision un assez grand nombre de gout- telettes de sang. La glande pinéale, petite et aplatie, mais d ailleurs saine , avait exactement le volume et la forme d'une lentille. Au moment où le scalpel pénétra dans la cavité droite de la poitrine, il s'en échappa un gaz inodore et tres-abondant, a en juger par la force et la durée du sifflement. Le sternum enlevé laissa voir le pou- DU PNEUMO-TIIORAX. 44* mon droit un peu refoulé vers sa racine , mais con- servant encore à-peu-près les trois quarts de son vo- lume ordinaire. La cavité droite de la poitrine , considérablement dilatée , aurait pu contenir , outre le poumon ainsi refoulé, environ deux pintes de liquide, et on ne peut par conséquent évaluera une moindre quantité le vo- lume de gaz qui la remplissait. Les surfaces pulmo- naire , diaphragmatique et costale de la plèvre étaient plus sèches que dans l'état naturel , et plutôt légère- ment onctueuses qu'humides; nulle parcelles n'étaient recouvertes de fausses membranes , et la cavité de la plèvre ne contenait aucun liquide. Le poumon adhérait à la plèvre costale, vers la par- tie latérale moyenne de son lobe supérieur , par un faisceau de lames celluleuses delà grosseur du pouce et d'environ un pouce de longueur. Ces lames, fermes, mais qui ne paraissaient pas être de très-ancienne date, étaient encore épaisses d'un quart de ligne, blanches, presque opaques, et parcourues par quelques petits vaisseaux sanguins ; au point de leur réunion , elles devenaient un peu plus épaisses , plus opaques , et se confondaient avec une couche pseudo-membraneuse lisse, et d'un aspect analogue à celui des cartilages, qui recouvrait en cet endroit la plèvre pulmonaire dans une étendue égale à celle de la paume de la main, et y adhérait intimement. Cette fausse membrane , d'un blanc opaque, un peu jaunâtre au point de réu- nion avec les brides décrites ci-dessus , avait environ une ligne et demie d'épaisseur en cet endroit. Celle épaisseur diminuait graduellement vers les bords. Sa consistance était moindre que celle des cartilages, avec 44* DU PXEUMO-THORAX. lesquels elle avait* d'ailleurs beaucoup d'analogie par sa coupe fibreuse et une légère demi-transparence. 1 a surface du poumon était beaucoup plus marbrée de noir que dans l'état naturel. En rompant l'adhérence décrite ci - dessus , on aperçut à sa base, sur la surface du poumon, une petite ouverture ovale d'environ une ligne et demie de dia- mètre. Quoiqu'on ne puisse assurer absolument quelle n'ait pas été faite accidentellement en détachant le poumon cela, est cependant peu probable, à raison de 1 épaisseur et de la consistance de la membrane demi- cartilagineuse décrite ci-dessus, et au centre de laquelle se trouvait celle ouverture. Elle communiquait avec une cavité située dans le lobe supérieur du poumon et qui aurait pu contenir une orange. Celle cavité était assez régulièrement sphérique ; elle était presque vide, et contenait seulement une cuillerée d'une matière puriforme, inodore; scs parois, assez égales, mais ru- gueuses et non lisses , étaient formées par le tissu pulmonaire, dans l'état d'altération qui sera décrit ci-dessous. A la partie correspondant à l'ouverture , les parois de cette cavité, dans une étendue de plus d un pouce carré , n'élaient formées que par la fausse membrane demi - cartilagineuse. Elles n'étaient nul- lement affaissées sur elles- mêmes. En pressant le poumon dans divers points de sa surface , il semblait que des bulles d'air en sortissent, soit en traversant la plèvre pulmonaire devenue per- méable , soit par des ouvertures accidentelles assez pe- tites pour être invisibles (a). {a) Je n attache aucune importance à cette observation , qui nu PINEUMO-THORAX. 445 Le tissu du poumon, beaucoup plus blanc que dans l'état naturel et en quelque sorte exsangue, même dans ses parties postérieures , ne présentait nulle part l'espèce d'engorgement qui constitue l'inflammation cadavérique; mais il présentait presque par-tout, et surtout autour de l'excavation , de petites indura- tions ou nodosités dues à la présence d'un grand nombre de tubercules d'un blanc jaunâtre , les uns très-durs , les autres déjà presque friables. Ces tuber- cules , à-peu-près arrondis , avaient assez uniformé- ment la grosseur d'un grain de cbenevis ; ils étaient parfaitement isoles dans la plus grande partie du pou- mon, mais aux environs de l'excavation ils étaient réunis de manière à former des masses assez fortes. Le poumon était en outre farci d'un très-grand nombre de petites mélanoses très - noires , d'une dureté presque aussi grande que celle des cartilages , et d'une forme très- irrégulière. Les plus volumineuses formaient des lames d'une ligne et demie de large, sur deux ou trois lignes de longueur et une demi-ligne d'épaisseur. Le tissu pulmonaire, crépitant autour de ces deux espèces de productions accidentelles dans les points où il y en avait peu, ne l'était presque point aux en- virons de l'excavation, où il était comprime par leur grand nombre , sans être cependant aussi flasque et aussi compacte que la chair musculaire, et même sans avoir perdu son aspect celluleux. Les glandes bronchiques étaient saines. est peut-être fausse. La chose m'a paru ainsi, et je l'ai notée en conséquence; mais un phénomène de cette espèce n'est pas assez évident pour qu'on puisse être sûr d'avoir bien vu. 444 DU PNEUMO-THORAX. Les trois lobes du poumon étaient réunis entre eux par des lames cellulaires minces, transparentes, nom- breuses, assez longues, et parcourues par des vais- seaux sanguins nombreux et assez volumineux. Le poumon gauche adhérait à la plèvre costale dans toute son étendue par un tissu cellulaire court et ferme. II était, comme le droit, rempli de tuber- cules miliaires et de mélanoses aplaties et d'un petit volume. Il présentait, en outre , vers sa partie postérieure, un peu d'infiltration sanguine cadavérique , mais çà et là seulement et en très-petite quantité. Vers le centre de son lobe supérieur se trouvait une excavation anfractueuse vide qui, avec tous ses sinus, aurait pu contenir une demi-once d'eau. Ses parois étaient assez inégales. On voyait ramper à leur surface, dans une étendue d'un demi-pouce, deux rameaux artériels tout-à-fait dénudés. Deux ramifica- tions bronchiques d'une ligne de diamètre s'y ou- vraient. Ces parois étaient tapissées d'une légère cou- che de pus épais et presque friable. Le tissu pulmo- naire était plus durci dans les environs qu'autour de 1 excavation du poumon droit. On y distinguait même, dans quelques points , une véritable infiltration de matière tuberculeuse légèrement ramollie , qui rem- plaçait entièrement le tissu pulmonaire dans une éten- due d un demi-pouce carré ou un peu plus. Le péricarde contenait environ trois onces d'une sérosité citrine un peu roussâtre, mais diaphane , dont la surface était couverte d'une écume assez abondante, analogue à celle que produit la bière qui cesse de mousser , ou a une légère dissolution de savon ; celte du pneumo-thorax. 445 écume se réunissait surtout au bord du liquide , c'est-à-dire le long du cœur et des parois du pé- ricarde. Le cadavre n'offrait aucun signe de putréfac- tion. Le cœur, volumineux , mais non pas trop eu égard à la taille du sujet, était d'ailleurs bien proportionné dans toutes scs parties. Les cavités droites , très-gor- gées de sang assez fortement caillé , contenaient en outre une concrétion polypiforme d'environ une once et demie. Le ventricule gauche, presque vide , en contenait une beaucoup plus petite et aplatie. Il y avait une petite ossification à l'entrée de l'artère coro- naire. Le foie , volumineux , était d'ailleurs sain. La vé- sicule biliaire était distendue par une bile d'un vert sale. La rate avait environ cinq pouces de longueur, et était tout-à-fait saine ; très - près d'elle adhéraient à l'épiploon deux petites rates surnuméraires, l'une de la grosseur d'une aveline, l'autre un peu moins grosse qu'une noix : F une et l'autre étaient tout-à-fait de la même texture que la rate, et revêtues comme elle d'une tunique propre et d'une tunique péritonéale ; elles rece- vaient de l'épiploon des vaisseaux sanguins assez volu- mineux , dont un rampait assez long-temps à la sur- face de la plus petite avant d'y pénétrer. L'estomac et les intestins grêles avaient un volume médiocre : ces derniers avaient tout au plus un pouce de diamètre; les vaisseaux qui, du mésentère, se répan- dent sur leur bord adhérent, étaient assez injectés , même dans leurs ramifications. Le colon ascendant , dans toute sa longueur , était fortement contracté sur lui-même , de manière qu il paraissait ne laisser intérieurement aucune cavité. Il avait, dans presque toute son étendue, une grosseur .moindre que celle du petit doigt du sujet; il conte- nait seulement çà et là quelques matières durcies très- peu volumineuses , et dans ces endroits il avait à peine la grosseur du doigt médius du sujet. Le dia- mètre du rectum , plein de matières durcies , était d'environ un pouce ; celui du cæcum, un peu dis- tendu par des gaz , était tout au plus d'un pouce et demi. < La cavité du petit bassin contenait environ deux onces de sérosité cilrine, dans laquelle se trouvait une petite masse albumineuse de même Couleur, trans- parente , avec quelques stries plus opaques et plus blanches, un peu plus concrète que le blanc d'œuf cru , mais cependant tremblante et gélaliniforme. 46i. On voit que dans ce cas on peut, avec une pro- babilité presqu égalé , attribuer l'épanchement aéri- forme existant dans le côté droit de la poitrine à la rupture dans la plèvre et les bronches à-la-fois de 1 excavation tuberculeuse existant au sommet du pou- mon droit, ou bien à une simple exhalation aériforme de la plèvre. La première hypothèse a pour elle l'ou- verture qui paraissait exister à la base du faisceau membraneux qui unissait le sommet du poumon à la plèvre. L état des fausses membranes, et particuliè- rement leur épaisseur vers la base , favorise encore celte opinion, en montrant que leur origine peut tout au plus elre reportée à quelques mois. Dans celte sup- position , les fausses membranes seraient le produit de 1 irritation locale qui a précédé et suivi l'ouverture de 446 DU PXEUMO THORAX. la vomique tuberculeuse dans la plèvre, et de l'in- troduction de l'air par celle ouverture ; mais en meme temps il demeurerait constant que l'introduction de l'air dans la plèvre par une semblable voie peut ne pas toujours déterminer une inflammation générale et considérable de cette membrane. La seconde hy- pothèse semble , au reste, beaucoup plus probable, à raison de l'incertitude de l'existence de l'ouverture de communication entre la plèvre et l'excavation ulcé- reuse, et surtout à raison de la coexistence d'une ex- halation aériforme dans le péricarde , fait qui sem- blerait indiquer une disposition générale des mem- branes séreuses à de semblables épanehemens chez ce sujet. 462. Ce fait vientencorcà l'appui de ceux par lesquels nous avons établi que la phthisie pulmonaire peut quelquefois parcourir toutes ses périodes sans être ac- compagnée d'aucun des symptômes qui indiquent une maladie sérieuse ; et si le maPade dont il s'agit n'eût eu que celte maladie , je pense que , d'après l'état de vacuité des excavations et le petit nombre des tuber- cules crus exislans , il eût pu arriver à une guérison parfaite , ou au moins obtenir un intervalle de santé de plusieurs années. SIGNES DU PNEUM0-TII0RAX. 447 ARTICLE IL Des Signes du pneumo-lhorax. 46S. Les symptômes du pneumothorax sont fort peu connus et fort obscurs de leur nature , en ce qu'ils peuvent appartenir à beaucoup d'autres affec- lions. Le seul qui soit bien constant est un degré quelconque de dyspnée. La toux ne paraît pas accom- pagner essentiellement celle affection. 464. La percussion , seule et par elle-même , ne donne, dans ce cas, aucun renseignement constant. Quand l'épanchement aériforme est très-considérable, le côté affecté rend un son plus clair que le côté sain; mais cette différence, lors même qu'elle est bien tran- chée, loin de faire découvrir la maladie existante, conduit plutôt à une double erreur , en donnant à penser qué le côté qui résonne le moins est engorgé d'une manière quelconque , et en faisant regarder comme sain le côté réellement affecté. 11 arrive sou- vent d'ailleurs , dans les pneumo-thorax compliqués d'épanchemens liquides, que les deux côtés résonnent également , ou même que le côté affecté résonne moins. Ces différences dépendent entièrement de la quantité du gaz développé dans la plèvre. 465. L'inégalité des deux côtés de la poitrine pour- rait encore donner quelque indice* de l'existence du pneumo-thorax ; mais elle n'a pas toujours lieu, et dans quelque cas même le côté affecté reste plus étroit que 1 autre. Lors même que la dilatation existe d'une manière visible , ce signe n'est pas plus sûr que la» percussion. Si l'épanchement est abondant , le côté affecté est plus volumineux que l'autre; mais, comme il résonne mieux , on doit le croire sain , et on sera par conséquent porté à penser que l'inégalité de vo- lume dépend du rétrécissement de l'un des côtés et non pas de la dilatation de l'autre. On prendrait, en conséquence, naturellement un cas de celte espèce 448 SIGNES DU PNEUMO-THORAX. SIGNES DU PNEUMO-THORAX. 449 pour un rétrécissement de la nature de ceux dont nous avons parlé ci-dessus ( § 388 ). 466. On peut regarder ces erreurs comme tout- à-fait inévitables ; ou si, une fois par hasard, le son tympanique et la dilatation de la poitrine peuvent faire reconnaître le pneumo-thorax , comme M. Bayle l'a fait dans un casque nous avons rapporté plus haut, il arrivera beaucoup plus souvent que ces signes tromperont, au lieu d'éclairer. Quelques faits qui seront examinés dans la troisième partie de cet ouvrage prouveront plus amplement l'exactitude de cette proposition. Je me contenterai de dire ici que j'ai vu faire l'ouverture de plusieurs sujets attaqués de pneumo-thorax pendant que je suivais les leçons de clinique de M. Corvisart , et que chez au- cun cette affection n'avait été soupçonnée. On ne con- testera à ce célèbre professeur ni le talent de l'obser- vation ni l'habileté à tirer parti de la percussion; et par conséquent la meilleure preuve que l'on puisse donner de l'insuflisance de cette méthode pour faire connaître le pneumo-thorax est qu'il a été méconnu dans ces cas. 467. Le véritable signe de cette affection se trouve dans la comparaison des résultats obtenus par l'aus- cultation médiate et par la percussion. Lorsque , chez un homme dont la poitrine résonne mieux d'un côté que de l'autre, on entend bien la respiration du côté moins sonore , tandis que de l'autre on ne l'en- tend pas du tout, on peut assurer qu'il est affecté de pneumo-thorax dans ce dernier côté. On pourrait encore porter avec assurance ce diagnostic lors même que les deux côtés de la poitrine seraient également 45o SIGNES DU PNEUMO-THORAX. sonores, et même lorsque le côté affecté serait moins sonore que le côté sain. Ce dernier cas a surtout lieu lorsque le pneumo- thorax se développe à la suite d'un épanchement pleu- rétique ou de tout autre épanchement liquide. Dans ce cas, avant l'apparition du pneumo-lhorax , le côté affecté rendait un son tout-à-fait mat, et la respiration ne s'y entendait pas ou s'y entendait très-mal. Dès que l'accumulation du fluide aériforme dans la plèvre commence , le son thoracique reparaît un peu dans la partie qu'il occupe , sans être cependant aussi clair que du côté sain. De jour en jour l'étendue et la force de la résonnance augmentent sans que la res- piration reparaisse ; et, s'il y avait auparavant quelque reste du bruit respiratoire , il disparaît tout-à-fait. Ce signe est aussi sûr que facile à saisir. 468. Une seule circonstance pourrait, dans quel- ques cas, rendre le diagnostic plus difficile : c'est celle où le poumon adhérerait à la plèvre costale dans une partie de son etendue au moyen d'un tissu cellulaire très-court : la respiration devant nécessairement s'en- tendre dans ce point , un observateur peu attentif, et qui n'aurait appliqué le cylindre que dans cette partie , pourrait encore méconnaître le pneumo- thorax. 46g. 11 est à peine nécessaire de dire que, dans le pneumo-lhorax comme dans la pleurésie et dans l'hy- dropisie des plèvres, à moins que la compression du poumon ne soit tout-à-fait extrême , on entend encore un peu la respiration dans la partie du dos corres- pondant à la racine de cet organe. 470. La seule maladie qui présente sous le cylindre SIGNES DU PNEUMO-THORAX. 451 des signes analogues à ceux du pneumo-thorax est l'emphysème du poumon ; mais les différences qui exis- tent à cet égard entre les deux affections sont encore tellement saillantes, qu'il faudrait un grand défaut d'attention pour les confondre. Les principales sont les suivantes : dès que l'épanchement aériforme existe dans la plèvre, l'absence de la respiration est complète, avec quelque effort que les parois thoraciques se sou- lèvent dans l'inspiration ; mais la respiration s'entend encore bien, comme nous venons de le dire, quoi- que plus faiblement que dans l'état naturel, entre le bord postérieur de l'omoplate et la colonne épi- nière , au point correspondant à l'attache du poumon, chose qui n'a point lieu dans l'emphysème , qui d'ail- leurs n'offre jamais une absence aussi absolue du bruit de la respiration ; car, dans les cas les plus graves, on l'entend encore, quoique très-faiblement, dans quel- ques points variables a58 ). Le râle léger qui ac- compagne cette dernière maladie ( ibid. ) n'a jamais lieu dans la première. L'épanchement aériforme survient brusquement, et ne peut durer long-temps sans produire des accidens très-graves et même la mort. Je ne l'ai jamais observé chez aucun malade qui ne fut alité , tandis que l'emphysème du poumon se développe avec une progression lente ; et lors même qu'il existe au degré le plus intense et dans les deux poumons à-la-fois , les malades peuvent encore vac- quer à leurs occupations habituelles. 4y i. Les signes que nous venons de décrire sont les mêmes dans toutes les espèces de pneumo-thorax : mais lorsque l'épanchement aériforme est accompagné d'un épanchement liquide, on reconnaît ce cas à l'ab- SIGNES DU PNEUMO-THORAX. seuce complète de son et de la respiration dans les par- ties occupées par le liquide, et à l'absence de la respi- ration seulement dans celle qu'occupe le gaz. Ces com- plications ainsi que la communication fistuleuse ehlre la plèvre et les bronches se reconnaissent en outre à d'autres signes plus évidens encore, dont nous par- lerons dans la troisième partie de cet ouvrage. 472. Le diagnostic exact du pneumo-thorax et de son état de simplicité ou de complication ne doit pas être regardé comme une connaissance purement spé- culative et propre seulement à assurer le pronostic du médecin. Il est extrêmement probable, ainsi que l'ont pensé Hewson (a) et M. Rullier (6) , que le pneumo- thorax simple serait le cas où l'on pourrait se pro- mettre le plus de succès de l'opération de l'empyème ou d'une simple ponction du thorax. Cette opinion se trouve appuyée par une assertion de Riolan , qui dit avoir vu faire plusieurs paracentèses pour des ma- ladies que l'on regardait comme des hydropisies de poi- trine , et dans lesquelles il ne sortit, au lieu d'eau, que de l'air qui s'échappait avec une sorte d'explosion (c). 4yS. Je joins ici un exemple de pneumo-thorax reconnu avant la mort du malade : on en a déjà vu un semblable (obs. xvi) , et on en trouvera plusieurs autres dans la troisième partie de cet ouvrage. Obs. xxxi. Pneumo - thorax avec épanchement (a) Medical Observ. and Inquiétés, tom. m, art. xxxr, pag. 72. (A) Diction, des Scienc. méd., art. Empyème. (c) Enchiridion anat., lib. ni, cap 11. SIGNES DU PNEUMO-THORAX. 455 pleurétique. - Arsène Léraut, âgée de vingt-six ans, couturière, d'une taille assez élevée, d'une faible con- stitution , d'un tempérament lymphatique, entra à l'hôpital Necker au mois de janvier 1819. Elle était , disait-elle , enrhumée depuis trois mois. Depuis un mois seulement elle avait perdu l'appétit et était tom- bée dans un état de faiblesse qui l'empêchait de tra- vailler. Elle porlaitdepuis plusieurs années des glandes lymphatiques engorgées sous Faisselle droite. Le jour de l'entrée de la malade, la poitrine résonnait médio- crement dans toute son étendue ; le son paraissait plus mat à la partie antérieure-supérieure gauche ; dans le même point, la pectoriloquie existait, mais d'une manière imparfaite , et la malade, en respirant, semblait aspirer l'air contenu dans le tube du stéthos- cope. Sous l'aisselle du même côté , la respiration était accompagnée d'un râle muqueux ou gargouil- lement assez prononcé pour qu'on ne pût l'attribuer qu'au passage de l'air à travers de la matière tubercu- leuse ramollie. On porta en conséquence sur la feuille du diagnostic: Tubercules dans les poumons ; exca- ration tuberculeuse au sommet du poumon gauche. La malade étant évidemment dans un état déses- péré , elle ne fut pas fréquemment examinée. Le 5 mars, je répétai l'exploration, qui donna le même résultat : seulement la pectoriloquie était de- venue de la plus grande évidence. Les jours suivans, la respiration devint chaque jour plus gênée ; la diarrhée , qui n'avait cessé que par intervalles très-courts, augmenta et devint tout-à-fait continue. Le 16 mars, la faiblesse était extrême, la respi- 454 SIGNES DU PNEUMO-THORAX. ration courte et accélérée , le pouls faible et très- fréquent. Le 17 au matin , le nez était un peu violet et les extrémités paraissaient plus froides que le tronc. En appliquant le cylindre à la hauteur de la troisième côte , j'y entendis un léger tintement métallique (<2). Ce phénomène était plus évident encore au-dessous de la mamelle. La respiration pouvait à peine être soupçonnée, ou plutôt ne s'entendait pas du tout, dans toute l'étendue du côté gauche. Ce côté réson- nait cependant beaucoup mieux que le côté droit , dans lequel la respiration s'entendait assez bien. J'an- nonçai alors qu'en secouant le tronc de la malade, on allait entendre la fluctuation du liquide. La com- motion pratiquée à la manière d'Hippocrate donna effectivement ce résultat de la manière la plus évi- dente. La pectoriloquie était toujours très-évidente depuis la clavicule gauche jusqu'à la deuxième côte; elle l'était assez aussi dans la fosse sus - épineuse du même côté. En conséquence de ces observations , je fis ajouter au diagnostic précédent: Pleurésie et pneu- mo-thorax du côté gauche produits par l'éruption dans la plèvre d'une excavation tuberculeuse. La malade succomba dans la nuit suivante. Ouverture du corps faite vingt-quatre heures après la mort. La tête ne fut point ouverte. Au moment où le scalpel pénétra dans le côté gauche de la poitrine, il (fit) Ce signe indiquait déjà d'une manière certaine l'existence du pneumo-thorax avec épanchement liquide ; comme on le verra dans la troisième partie. Le reste de l'exploration n'a été fait que dans le dessein de confirmer ce qu'on savait déjà par 1 existence de ce premier signe. SIGNES DU PNEUMOTHORAX. 455 s'échappa avec sifflement un gaz à-peu-près inodore qui paraissait fort abondant. La poitrine ouverte, ce côté parut à moitié vide ; le poumon gauche était refoulé en haut et en arrière, de manière qu'il n'avait guère que le tiers de son volume naturel. La sur- face de la plèvre offrait par endroits une rougeur ponctuée ; sa cavité contenait environ une demi- pinte d'un liquide transparent , un peu jaunâtre , mêlé de quelques flocons blanchâtres. Le poumon adhérait intimement à la plèvre dans presque toute la surface de son lobe supérieur. Sa face externe pré- sentait, immédiatement au-dessus de cette adhérence et au niveau de la partie moyenne de la troisième côte, une ouverture ou ulcération de la largeur de l'ongle, recouverte d'un mucus jaune assez épais, à travers lequel s'échappaient des bulles d'air, en pressant légèrement au-dessus. Cette ulcération était la termi- naison d'un trajet fistuleux très-court, capable d'ad- mettre le petit doigt, et communiquant avec une vaste excavation presque vide qui occupait une grande partie du lobe supérieur du poumon. L'intérieur de cette caverne présentait divers enfoncemens en forme de culs-de-sac, qui la rendaient anfractueuse; on y distinguait en outre l'ouverture de deux ou trois tuyaux bronchiques de la grosseur d'une plume de corbeau. Elle était tapissée dans toute son étendue par une fausse membrane assez molle. Dans quelques points , on apercevait le tissu pulmonaire durci, un peu rou- geâtre et tout-à-fait à nu ou revêtu de quelques rudi- mens d'une membrane plus ferme , intimement adhé- rente , et évidemment demi-cartilagineuse, qui existait aussi un peu par endroits sous la fausse membrane 456 SIGNES DU PNEUMO-THORAX. molle. Les parois de cette ulcération n'étaient formées, à leurs parties supérieure et interne, que par ces mem- branes accidentelles et une couche de tissu pulmo- naire condensé, d'une ligne au plus d'épaisseur. Le reste de l'organe était comme ridé à sa surface; son tissu était flasque ; il contenait peu de sang et un grand nombre de tubercules jaunes et opaques. Le poumon droit remplissait la cavité de la plèvre , à laquelle il adhérait fortement dans presque toute son étendue par un tissu cellulaire court et bien organisé. Il était rempli d'un grand nombre de tubercules blancs et de la grosseur d'un noyau de cerise. Le tissu pul- monaire interposé entre ces tubercules était assez crépitant, quoiqu'un peu teint de sang. La surface de la plèvre costale offrait postérieurement une rougeur ponctuée , plus marquée que du côté gauche ; elle contenait environ deux verres de sérosité jaunâtre. Le cœur était bien proportionné à la taille et à l'âge du sujet ; ses cavités n'offraient aucune altération. L'estomac et les intestins étaient peu distendus par des gaz ; la surface de leur membrane muqueuse pré- sentait, dans quelques points, une rougeur peu intense. Le foie descendait presque jusqu'à la crête iliaque ; sa surface était jaunâtre ; il graissait assez fortement le scalpel. Les autres organes ne présentaient rien de remarquable. La tumeur située sous l'aisselle droite était formée par une masse de matière tuberculeuse, jaune, opa- que , et divisée en lobules de la grosseur d'une noix par un tissu cellulaire blanc et assez dense. FIN DU TOME PREMIER. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE PREMIÈRE. Figure i. Le cylindre, réduit au tiers de ses di- mensions naturelles. a. L'obturateur ou en-bout. b. Le corps infe'rieur du stéthoscope. c. Le corps supérieur. d. L'extrémité auriculaire ou destinée à être appliquée contra l'oreille. Figure 2. Coupe du stéthoscope dans le sens de sa longueur. a. L'obturateur ou en-bout. b. Point de réunion des deux corps du cylindre. c. Le corps supérieur. Figure 3. Cette figure représente la meme coupe, l'obturateur étant enlevé. a. Corps supérieur ou auriculaire. b. Corps inférieur ou pectoral. Figure 4* L'obturateur oti en-bout. a. Le corps de l'obturateur, fait de meme bois que le reste du stéthoscope. b. Petit tube de cuivre qui traverse Pen-bout et sert à le fixer dans le canal du stéthoscope. Figure 5. Le corps supérieur du stéthoscope. a. Le corps du stéthoscope. b. Vis au moyen de laquelle il s'articule avec le corps in- férieur ou pectoral. EXPLICATION- DES PLANCHES. Figure 6. Diamètre réel du stéthoscope. a. Diamètre du canal du stéthoscope. Figure 7. Cette figure représente une coupe du lobe supérieur du poumon , présentant des tubercules à divers degrés , et une vaste excavation tuberculeuse. On y distingue çà et là quelques taches pulmonaires ; elles sont réunies en plus grand nombre entre l'exca- vation et le sommet du poumon. a. Excavation tuberculeuse très-vaste et anfractueuse, pro- duite par le' ramollissement 'de la matière tuberculeuse qui tapisse encore çà et là ses parois. bb. Sorte de colonnes informes et irrégulières traver- sant d'une paroi de l'excavation au côté opposé. Ces co- lonnes sont formées par du tissu pulmonaire condensé et compriméj elles sont recouvertes d'une couche légère de matière tuberculeuse. cc. Masses formées par la réunion de plusieurs tubercules crus, et dont la coupe offre une figure découpée à la ma- nière du trèfle des cartes à jouer. Les parties ombrées indiquent le tissu gris et demi-transparent des tubercules commençans ; les points blancs indiquent la matière tu- berculeuse déjà jaune et opaque. d. Granulations miliaires de M. Bajle. ee. Rameaux bronchiques s'ouvrant dans l'excavation, yi Portion de la surface extérieure du poumon. Figure. 8. Cette figure représente une coupe du lobe supérieur du poumon gauche. On y voit une fistule pulmonaire vaste et très-ancienne, traversée par des vaisseaux sanguins oblitérés; elle est tapissée par une membrane demi-cartilagineuse, mince et d'une épaisseur uniforme. On distingue en outre dans ce poumon un certain nombre de taches noires pul- monaires, entre la fistule et le sommet du poumon : EXPLICATION DES PLANCHES. elles teignent tout-à-fail eu noir le tissu de cet organe. a. Le fond de la fistule tapissé par la membrane demi-carti- lagineuse. b b b. Rameaux bronchiques s'ouvrant dans la fistule. ccc. Vaisseaux sanguins oblitérés , traversant la fistule et se ramifiant ensuite dans l'épaisseur de ses parois. d. Petites excavations ou ulcérations légères entamant seu- lement une partie de l'épaisseur de la membrane demi-car- tilagineuse. ee. Portion de la surface extérieure du poumon. PLANCHE DEUXIÈME. Figure t. Celte figure représente diverses formes de la matière tuberculeuse et quelques-uns de ses effets. aaa. Tubercules crus et déjà tout-à-fait jaunes. b. Groupes de tubercules commençans, et dont l'extérieur est encore gris et demi-transparent. c. Petit kyste cartilagineux qui a contenu de la manière tuberculeuse, et qui s'est vidé par son entier ramollisse- ment. d. Excavation tuberculeuse tout-à-fait vide et tapissée par deux membranes, l'une extérieure et demi-cartilagineuse, l'autre intérieure et molle : on y distingue l'ouverture d un rameau bronchique. c. Petite excavation tuberculeuse tout-à-fait vide, et qui n'est tapissée par aucune membrane. f. Partie de la surface extérieure du poumon. g. Tubercule déjà en partie ramolli et évacué. h. Infiltration tuberculeuse commençante du tissu pulmo- naire. explication des planches. Figure 2. Cette figure représente une dépression en forme de cicatrice à la surface du poumon , in- dice d'une cicatrice réelle à l'intérieur. a. Dépression formée au voisinage du sommet du poumon. b. Lames de tissu séreux accidentel réunies en forme de faisceaux, et unissant le sommet du poumon à la plèvre pulmonaire. Figure 3. Cette figure représente une coupe du lobe supérieur du poumon qui a fourni la figure précédente. a. Cicatrice fibro-carlilagineuse au milieu d'un tissu pulmo- naire assez fortement taché de matière noire , mais d'ail- leurs parfaitement sain et crépitant. b. Rameau bronchique très-dilaté se terminant en cul-de-sac à la cicatrice. c. Le meme rameau oblitéré} se continuant dans la cica- trice. (Quelques autres rameaux brochiques béants à la sur- face de la coupe indiquent le diamètre primitif du rameau dilaté. ) d. Faisceaux de tissu séreux accidentel qui unissent le sommet du poumon à la plèvre costale. Figure 4* Cette figure représente la cicatrisation incomplète d'une excavation tuberculeuse. a. Groupe de tubercules commençans, presque tous gris et demi - transparens dans leur circonférence, jaunes et opaques au centre. Dans leurs intervalles , et entr'eux et la cicatrice, le tissu pulmonaire est tout-à-fait noirci par l'ac- cumulation de la matière noire, dont on distingue çà et la d'assez larges taches dans le reste du poumon. b. Cicatrice cartilagineuse et presque linéaire. ç. Extrémité de cette cicatrice divisée en deux feuillets, et formant une espèce de loge qui contient un petit morceau de matière tuberculeuse flottant et à demi desséché. explication des planches. d. Vaisseaux sanguins be'ants à la surface de la coupe. e. Tubercules crus. y Portion de la surface extérieure du poumon. PLANCHE TROISIÈME. Figure i. Cette figure représente une forte dé- pression de la surface du poumon coïncidant avec une cicatrice intérieure. a. Portion du lobe supérieur du poumon. b. Dépression analogue à une cicatrice, dont la surface, comme mamelonnée, est très-dure. c. Portion du bord antérieur du poumon se recourbant sur la dépression comme le cimier d'un casque. d. Portion du bord postérieur du poumon dépassant le ni- veau de la dépression. / Figure 2. Cette figure représente une fistule car- tilagineuse et à parois très-inégales dans le sommet du poumon. a. Portion de la surface extérieure du poumon. b. Pointes où appendices formées par la matière cartilagi- neuse. C.d. Masses cartilagineuses. ee. Portion de tissu pulmonaire comprise entre la cicatrice et le sommet du poumon : elle est tout-à-fait noircie par la matière noire pulmonaire. f. Cavité fistuleuse située au milieu de cette masse et pré- sentant deux rameaux bronchiques béants. Figure 3. Cette figure représente une portion du lobe supérieur du poumon qui offre plusieurs cel- lules aériennes énormément dilatées. aa. Les bords du poumon. EXPLICATION DES PLANCHES. bbb, Grosses ve'sicules transparentes cl pleines clair , for- mées par la re'union de plusieurs cellules aériennes for- tement dilatées et confondues en une seule. c.c. Vésicules aériennes dilatées à un moindre degré. Figure 4- Celle figure représente une portion du lobe supérieur d'un poumon emphysémateux. aaa. Vésicules aériennes dilatées et faisant saillie à la sur- face du poumon. b. Bosselure couverte de vésicules dilatées, et correspondant à une rupture intérieure du tissu pulmonaire. c. Vésicule aérienne fortement dilatée, saillante et comme pédiculée , à la surface du poumon. d. Grosses bulles d'air placées entre la plèvre et le tissu pul- monaire. Figure. 5. Cette figure représente le sommet du lobe supérieur d'un poumon emphysémateux , lie de manière que l'air ne puisse en sortir, et desséche au soleil. On y a fait ensuite une coupe à l'aide d'un rasoir bien tranchant, afin de voir le degré de dila- tation des cellules aériennes. a. La surface extérieure du poumon. b. Surface de la coupe, où on distingue les cellules aériennes énormément dilatées et d'une manière inégale. c. Portion de la substance du poumon détachée par la sec- tion, et où l'on distingue également la dilatation des cel- lules pulmonaires. Figure 6. Celte figure représente une portion d'un poumon sain liée et desséchée de la meme manière que la pièce précédente, et divisée ensuite d'un coup de rasoir, afin de voir la grandeur des cellules aé- riennes dans l'état sain. a. Surface extérieure du poumon. EXPLICATION" DES PLANCHES. b. Surface de la coupe faisant voir la grandeur naturelle des cellules aériennes (i). PLANCHE QUATRIÈME. Figure i. Cette figure a été dessinée d'après un homme dans la force de l'âge et de la constitution la plus robuste , dont la poitrine a été rétrécie du côté droit par suite d'une pleurésie chronique et latente. Quoique parfaitement droit et vu de face , si l'on couvre le côté gauche d'une feuille de papier blanc jusqu'à la ligne médiane, il a l'air, au premier coup • d'œil, d'être penché sur la hanche droite. Cependant, en examinant la position du bassin et des extrémités inférieures, on reconnaît qu'il se tient aussi droit qu'il lui est possible, et que l'inclinaison apparente du tronc vient de ce que le côté droit de la poitrine est rétréci dans le sens de sa longueur, comme dans celui de son diamètre transversal. La saillie moindre de la partie antérieure droite montre que le diamètre antéro-postérieur de la poitrine est également ré- tréci. Les muscles du bras droit et le grand pectoral ont évidemment perdu de leur volume. 11 n'y a pas de différence sensible dans celui des extrémités in- férieures. a. Le côté gauche dans l'état naturel, présentant des muscles athlétiques , une poitrine vaste et des fausses côtes sail- lantes malgré l'embonpoint du sujet. (i) Les quatre dernières figures ne donnent qu'une idée très-imparfaite de l'emphysème du poumon. Cette lésion est fort difficile a rendre par la gravure et le dessin : peu content des essais que mes élèves et moi avions faits à cet égard, j'ai cru devoir donner les pièces mêmes au graveur, qui n'a pas mieux réussi. EXPLICATION DES PLANCHES. b. Le côté droit rétréci dans toutes ses dimensions, présen- tant des muscles moins volumineux de moitié : le rebord des fausses côtes est à peine senti. Figure 2. Cette figure représente Je même sujet ▼u par derrière : il paraît penché sur la hanche droite, quoique la colonne vertébrale soit dans une parfaite rectitude. L'épaule droite est sensiblement plus basse que la gauche ; l'omoplate droite plus détachée du tronc, et les muscles très-longs du dos moins saillans de ce côté_> montrent qu'il est fortement rétréci dans son diamètre antéro-postérieur. a. Le côté gauche sain. ' b. Le côté droit rétréci. FIN DE L'EXPLICATION DES PLANCHES. Fÿ i'F Fu,.2. Fÿ. 3. Fy. £. Fiy. 7. s- 3. î'y. G. Fcy.3 . Fiy. i-. 3- Fy. 3. F,J.,'- Fig. 5. Fig. 4- Fg. 2. FV. 1" Fw Q-