MÉMOIRE MÉMOIRE SUR la bactériologie, pathogénie, traitement et prophylaxie de la fièvre jaune PRÉSENTÉ AU CONGRÈS INTERNATIONAL D'HYGIÈNE ET DÉMOGRAPHIE DE MADRID PAR LE / V \ Dr. D OMINGOS R El RE Directeur de l'institut bactériologique de Rio de Janeiro JTio de Janeiro Typographia T_j TOUT Z IN" G-ER 1898 A' MM. les Membres du Congrès d'Hygiène et Démographie de Madrid Un Congrès Médical international n'est pas simplement un conclave, où des délégués illustres de chaque nation vien- nent offrir le résultat de leurs investigations scientifiques. Je pense qu'il est également un tribunal, devant lequel l'on juge des droits sacrés d'auteur, qui sont la propriété de chaque membre qui présente ses recherches, surtout celles concernant des questions d'un ordre général et social, telles sont les découvertes sur l'épidémiologie. Vous verrez, Messieurs, par l'exposé que je vais faire dans ce Mémoire, que j'appartiens au nombre de ceux qui ont accouru, à peine sonnée la première alarme, à la brèche de la Bactériologie. Mes recherches ne sont pas une com- mande de la dernière heure, arrangée dans quelques mois et propagée par une réclame faite à cor et à cri. Elles repré- sentent l'ensemble d'une étude lente et réfléchie depuis l'année 1880 jusqu'ici. A chaque page de ce Mémoire, vous verrez que je re- vendique des faits et des doctrines que j'avais déjà démontrés, qu'on avait alors trouvé bizarres et qui sont aujourd'hui admises couramment. Dans la mesure de mes faibles ressources j'ai prétendu contribuer ainsi à l'avancement des questions bacté- riologiques et hygiéniques. II Ce n'est donc pas la vanité qui m'a mené à rappeler la priorité qui m'appartient dans beaucoup de démonstrations expérimentales, et de déductions doctrinales. C'est que, discuté, contrarié jusqu'au ridicule et à l'injure par mes adversaires et détracteurs, la revendication que je prends, est non seulement un droit légitime qui est à moi, mais encore une satisfaction que je donne aux sociétés scientifiques qui ont bien voulu accueillir mes communications, aux Congrès médicaux qui m'ont encouragé avec leurs motions approba- tives, à mes confrères amis qui ont défendu avec ardeur mes idées en Europe et en Amérique, et aux hautes autorités sanitaires de mon pays, qui m'ont accordé le patronage de l'emploi des inoculations préventives contre la fièvre jaune. J'ai l'honneur de vous présenter mes découvertes accom- pagnées de preuves et documents à l'appui et ratifiées par le temps, l'élément précieux d'une valeur inestimable pour ceux qui savent le comprendre. Je confie que le savant Congrès d'Hygiène et Démo- graphie de Madrid rendra justice à mes efforts et m'hono- rera de la même faveur que m'a accordée le Congrès congénère tenu dernièrement à Buda-Pest, auquel j'ai concouru avec un modeste Mémoire sur le même sujet - fièvre jaune. Veuillez agréer, Messieurs les Membres du Congrès d'Hy- giène et Démographie de Madrid, mes plus solennelles pro- testations de la plus haute estime et considération. Rio Janeiro, le 3 Février, 1898. eFtcite. CHAPITRE I Sommaire. - La fièvre jaune telle qu'elle était conçue autrefois. - Con- ception actuelle. - Critique des idées étiologiques proposées pour l'expliquer. - Fondation de la théorie microbienne. Il ne faut pas prendre de la fièvre jaune telle qu'on la concevait autrefois, l'idée que nous en avons aujourd'hui. Je ne veux pas signifier par cet énoncé, que la fièvre jaune aie changé le fond de sa nature ou subi une évo- lution spéciale, semblable à celle que subissent les êtres organisés. Cette évolution se fait en fonction de temps, de races, d'assainissement des régions ; ces éléments ne sont pas encore, à l'heure actuelle, suffisants pour impri- mer des caractères de variétés aux maladies infectieuses en général, même les plus civilisées (que l'on me permette l'expression). De même que la fièvre typhoïde, le choléra et la peste bubonique des anciens temps sont identiques à la fièvre typhoïde, an choléra et à la peste bubonique de ce siècle, la fièvre jaune primitivement observée et décrite par le médecin portugais Ferreira da Rosa, en 1687, et par Gastelbondo, en 1729, présente les mêmes allures que celle qui dévaste actuellement les régions de l'Afrique et de l'Amérique ; même correspondance dans les époques de l'invasion et de la cessation des épidémies, mêmes symptômes caractéristiques, mêmes lésions cadavériques, l'identité est complète. « La fièvre jaune, dit Pariset, qui en 1821 a désolé Barcelone, Malaga, Raima, Cadix, le port de SJ* Marie, est la même que la fièvre jaune des 6 Antilles, la même qu'on a vue tant de fois, depuis vingt ans, dans plusieurs villes du Sud et de F Est de l'Espagne. C'est, donc, une chose acquise; la fièvre jaune est une, toujours et partout. » Littré disait à peu près la même chose en 1838: «Un grand nombre d'épidémies de fièvre jaune, a-t-il écrit, ont déjà été observées, et la maladie a toujours présenté essentiellement le même caractère. », Mais, si la physionomie générale de l'espèce nosolo- gique s'est conservée inaltérée jusqu'ici, il n'en est pas de même par rapport à l'interprétation de ses causes, symptômes, traitement et prophylaxie. Sous ces différents points de vue, la révolution a été radicale, le change- ment a été complet. Qu'il me soit permis de rappeler que moi, le premier, j'ai mis mains à cette œuvre de réforme, en 1880, en m'inspirant dans les premiers travaux de Pasteur sur le choléra des poules et le charbon. A cette année là, j'ai publié à Rio-Janeiro mes premières recherches sur la fièvre jaune, dans le Recueil des travaux chimiques, sous le titre : - Recherches sur la cause, la nature et le traitement de la fièvre jaune. A la page 211 de ce mémoire je m'exprime dans ces termes : « A la vérité, si mou esprit était hier favorable à la théorie du parasitisme dans la fièvre jaune, aujourd'hui, après les nombreux témoignages fournis par les faits, après des observations soigneusement faites, il ne peut qu'embrasser cette théorie et chercher à la développer au moyen de nouvelles expériences. » J'ai fait cette profession de foi, en plaçant les pre- mières assises de ma théorie au chevet du malade, aussi bien que sur la table du laboratoire et à travers le mi- croscope. 7 Plus tard, eu 1883, j'ai publié un autre mémoire: - Études expérimentales sur la contagion de la fièvre jaune, - où je démontre par les faits la transmissibilité de la maladie d'animal à animal, et l'atténuation des cultures de son microbe, crypto ou micrococcus xanthogénique. A cette même année j'ai commencé l'inoculation préven- tive au moyen de ses cultures atténuées, en l'appliquant avec réussite sur 418 personnes. Eu 1885, j'ai publié un volume de 632 pages, sous le titre Doctrine microbienne de la fièvre jaune, où je rends compte de la mission officielle dont j'ai été chargé par mon gouvernement, dans le but d'étudier la nature et le traitement curatif et préventif de la fièvre jaune. Là, je défine d'une manière positive le parasitisme de cette pyréxie, là j'émets des doctrines qu'on a regardées alors comme hasardées et paradoxales, mais qu'on a adoptées peu à peu plus tard, ce que je prouverai dans le parcours du présent ouvrage. Avant mes recherches, on avait beaucoup parlé du parasitisme dans la maladie dont nous uous occupons, mais on n'avait avancé rien de sûr à cet égard ; on n'avait produit que des assertions vagues, des hypothèses plus ou moins ingénieuses, mais on n'avait jamais présenté des faits comprobants, sur lesquels on pût l'appuyer. Il échut à la fièvre jaune le même sort réservé à toutes les pyréxies ; elle voguait à merci des théories de chaque époque; aussi elle n'a pu échapper à l'exclu- sivisme de Broussais, surtout à cause de ses symptômes gastriques. Personne ne milite plus aujourd'hui sous cette bannière. Plus durable a été l'école du soi-disant miasme palu- déen, comme cause déterminante du fléau. Lorsque cette théorie parut sous les auspices de Tho- mazini et Gilbert, Devèse et Guénaud, le mot miasme 8 n'avait qu'un sens tout-à-fait vague et abstrait, c'était un être à peu près imaginaire, une sorte d'éther des phy- siciens, jugé nécessaire comme une hypothèse pour l'ex- plication des faits. Le sens ambigu de ce mot se dédoublait en deux autres hypothèses: tantôt ce miasme était analogue ou identique aux exhalaisons paludéennes, tantôt il était d'une nature hybride, végétale et animale à la fois (théorie phytozoémique de Torres-Homem). Toutes ces hypothèses ont fait leur temps. Elles ne s'appuyaient nullement sur l'expérimentation; et les rai- sons d'observation qu'elles présentaient en leur faveur, ne pouvaient pas résister à une critique sérieuse. En effet, on avait fait appel à l'identité de conditions topographiques choisies par la fièvre jaune et par l'impa- ludisme, ainsi qu'à l'influence commune de la chaleur et l'humidité sur leur production. Or, il existe des régions où ces conditions se trouvent réunies, sans que pourtant la fièvre jaune y sévisse. Par exemple, au Nord de l'A- frique et au Midi de l'Europe, il y a des régions où le pa- ludisme avec ses formes pernicieuses se développe avec fureur, mais la fièvre jaune n'y est pas connue, ni sporadi- quement, ni endémiquement. D'autre côté, il y a des pays, oii la topographie amarille (disons-le ainsi) n'est pas ob- servée, et qui sont précisément le nid où la fièvre jaune se cache souvent. Je citerai à l'appui l'île de la Trinité, placée au milieu de l'Océan Atlantique, au sud-ouest de l'Afrique, très loin de la côte, battue et lavée par les vents purs de la haute-mer, et qui a déjà été plusieurs fois le théâtre des ravages de la fièvre en question. En outre, les symptômes et la marche des affections paludéennes ne ressemblent pas à ceux de la fièvre jaune, il est toujours possible d'établir un diagnostic différentiel entre les deux pyréxies. La fièvre bilieuse des pays chauds, qui est l'espèce 9 qui ressemble le plus à la fièvre jaune, offre pourtant des signes et une marche ne permettant aucune confu- sion entre les deux maladies. Une première attaque de fièvre jaune confère une immunité presque absolue, ce qu'il n'arrive pas aux fièvres paludéennes. La . fièvre jaune se développe à bord des navires avec une grande facilité ; les affections paludéen- nes sont, au contraire, extrêmement rares sur les navires au large. La thérapeutique elle-même, s'incombe aussi de montrer la profonde divergence de nature entre les deux affections. Ainsi, tandis que les sels de quinine sont des médicaments héroïques contre l'impaludisme, ils sont inefficaces pour combattre la fièvre jaune, sauf les cas de complication. Dutroulau, sur 100 cas traités par le sul- fate de quinine n'obtint, que deux guérisons, à Guadeloup. Granizo y Ramirez déclare ouvertement que les résultats négatifs du traitement quinique conspirent contre l'idée de considérer le vomito comme étant de nature palu- déenne. Toutes ces raisons sont plus que suffisantes, afin de montrer la profonde différence quant à la nature des deux affections. Ce n'est pas que je veuille dire que le germe du mal amaril ne puisse vivre dans les marais, dans les terres humides et incultes, où le germe du paludisme trouve un milieu propice à son évolution. Je suis, au contraire, enclin à admettre que souvent les deux germes y vivront ensemble. Ce que je veux signifier c'est que les deux germes sont loin d'être iden- tiques, quant à leurs manifestations respectives au. con- tact de l'organisme. En effet, la flore et la faune micros- copique des marais se composent d'espèces innombrables ; parmi celles-ci il peut bien s'y trouver le germe de la 10 fièvre jaune, d'autant plus que j'ai déjà démontré expéri- mentalement que la terre humide est un de ses milieux de culture, ainsi que nous le verrons plus loin. Analysons d'autres hypothèses qui out été imaginées, pour expliquer la géuèse de la maladie. On avait pré- tendu qu'elle était due à un empoisonnement par la bile. Or, la bile ne se trouve que par exception dans le sang et les urines ; en tout cas, elle apparaît seulement à la 2.me période, indiquant un trouble de la fonction de la glande biliaire ; elle se montre alors comme un effet et non comme cause de la maladie. Il y a eu des auteurs qui ont attribué la fièvre jaune à l'action de l'urée sur les centres nerveux. «Une théorie pareille, comme l'affirme judicieusement Mr. Graniso y Ramirez, est également denuée de fondement; car de même que les précédentes elle laisse un vide, difficile à expliquer, entre l'invasion du mal et l'apparition de l'urémie ; tout au plus, pour- rait-on admettre raisonnablement sous ce rapport que l'intoxication urémique imprime le caractère d'ataxie à certains cas graves, où l'accident ci-dessus cité survient d'une façon aussi rapide qu'intense, même en ne prenant aucun compte des perturbations de la fonction rénale, qui ne sont, du reste, ni nécessaires, ni constantes. » (*) Enfin, on a avancé assez légèrement l'opinion que le typhus ictéroïde n'est qu'une simple intoxication par le phosphore : L'analyse chimique ayant trouvé de petites quantités de phosphore dans l'air de quelques localités infectées et la dégénérescence graisseuse déterminée par le phosphore étant une des lésions de la fièvre jaune, ou s'est cru autorisé à un rapport de cause à effet, qui pour être réduit à néant, il suffit de considérer que la propor- (*) Granizo y Ramirez - La fièvre amarilla, Estudio téorico-pratico - Granada, 1884, pag. 181. 11 tion de phosphore trouvée par les analyses de l'air, a été tellement petite qu'elle serait absolument incapable d'into- xiquer une population toute entière. Toutes ces hypothèses ne sauraient satisfaire aux es- prits imbus des idées actuelles sur la génèse des maladies infectieuses et contagieuses. La conception de miasmes et virus des anciens médecins était quelque chose d'in- saisissable et avait une existence presque immatérielle. Les pathologistes, ne pouvant pas eux-mêmes définir les nébulosités du terme, en donnaient des explications qui obscurcissaient encore davantage sa signification. De même qu'il n'y a pas de chaleur séparable des corps, disaient-ils, mais des états chauds et froids de la matière relativement, de même il n'y a pas de virus, en tant que choses pondérables, mais des états virulents des corps organisés. Les miasmes étaient des émanations inappréciables par les procédés de la Physique ou de la Chimie ; ils se répandaient dans l'air, sous forme de substances organi- ques à divers états de modifications catalytiques. Rien de plus vague qu'un tel point de départ pour les inductions étiologiques. Aussi, on raisonnait à l'aise au milieu d'un champ sans bornes, eu se laissant entraîner par des théories errantes, qui possédaient tous les charmes imaginables, excepté celui de la réalité. Les miasmes étaient les agents de l'infection, les virus ceux de la contagion ; telle était la ligne plus tranchante de démarcation entre-virus et miasmes. Aujour- d'hui sous l'influence de la réforme étiologique dont Pas- teur a poussé le cri d'alarme, les virus autant que les miasmes représentent des matières plus on moins bien définies, des poisons organiques fabriqués de toutes pièces par les microbes aux dépens des substances organisées, sur- tout albuminoïdes ou leurs congénères. Qu'il me soit 12 permis de rappeler ici que j'ai admis, le premier (ce me semble) une rélation directe entre la présence de ces poisons naturels et les phénomènes symptomatiques, qui constituent l'évolution régulière des maladies infe- ctieuses. En effet, depuis 1883 (*) que j'ai conçu cette idée et en 1885 (**), dans un mémoire que j'ai présenté à la Académie Impériale de Médecine de Rio, (pag. 9), en en terminant l'introduction je déclare: «Le point de vue que je me propose de viser par rapport à la fièvre jaune, c'est que la formation des ptomaïnes de cette maladie est corrélative avec la marche et le développement des micro- organismes, qui constituent son élément étiologique essentiel. J'ai prouvé ce fait au moyen d'expériences concluantes, aux quelles je me rapporterai plus loin. » Cette relation que j'ai démontrée entre le tableau des symptômes de la fièvre jaune spontanée et celui des signes d'empoisonnement produit par l'iujection des ptomaïnes de la même maladie, a été adoptée plus tard par plusieurs auteurs distingués, en vue d'interpréter la pathogéuic d'autres affections, parmi les quelles, le choléra indien, dont ont attribue le syndrome clinique presque exclusi- vement à l'absorption des poisons préparés par le mi- crobe dans le canal intestinal. Les recherches suivies que Mr. Pasteur entreprenait sur l'étiologie du charbon eu 1880, m'a donné l'idée de mettre en œuvre l'étude du fléau des Antilles, acclimaté malheureusement dans certaines zones du Brésil. Les doctri- nes prêchées par tous les auteurs qui avaient écrit sur la fièvre jaune jusqu'alors, étaient sur-années, ayant pour (*) Voyez - Etudes expérimentales sur la contagion de la fièvre jaune, Rio; 1883. (**) Memoria sobre as ptomaïnas da febre amarella (Mémoire sur les ptomaïnes de la fièvre jaune), présenté à l'Académie Impériale de Mé- decine de Rio Janeiro. 13 base l'ancienne conception de miasmes et virus ; elles ne se prêtaient à aucun progrès réel et scientifique ni sous le point de vue de l'étiologie, ui guère sous le point de vue du traitement et de la prophylaxie. J'ai résolu d'aborder l'étude microscopique des hu- meurs et des parties solides des malades. On ne connais- sait rien de positif sur ce sujet. Les observations de la matière du vomissement noir, faites em 1820 par Rhees de Philadelphie, qui y a rencontré des vibrions ; celles de Luzeau em 1839, qui semble y avoir découvert des ramifi- cations végétales ; enfin, celles de Blaer et Alvarenga, qui confirmaient l'existence de vibrions dans les liquides vo- mis, constituent des indications tellement vagues et incom- plètes, qu'elles n'ont rien avancé de nouveau quant à la nature de la maladie, ces auteurs n'ayant tâché nul- lement de découvrir des relations fixes de cause à effet, entre les productions qu'ils ont observées et les manifes- tations symptomatiques et anatomiques. Ces observations ne comptent pas comme ayant influé, sur l'avancement des idées étiologiques proprement dites par rapport à la fièvre jaune; et la preuve en est que ces idées ont continué inaltérées à travers les temps; Crevaux,Cornilliac, Dutrouleau, Berenger Féraud etc., ont décrit avec détail la maladie dont nous nous occupons dans leur traités d'ail- leurs très profitables, sans qu'ils aient modifié leur ma- nière de penser quant à la nature de la maladie, qu'ils regardaient simplement comme s'originant de miasmes in- connus, décomposés sous l'action collective de la chaleur et l'humidité. La première tentative de révolte contre-l'ancienne école, les premiers travaux de réforme radicale, appuyés sur des observations microscopiques systématisées et mises d'accord avec les faits cliniques, recueillis dans les hôpitaux spéciaux, datent de 1880. 14 Bien ou mal tracée, cette nouvelle voie est due â mes efforts. Elle a été féconde en résultats pratiques, dé- duits des théories que j'ai créées afin d'interpréter logi- quement les phénomènes, qui paraissaient condamnés aux lois aveugles d'un empirisme grossier. Dix sept ans d'un travail assidu et ininterrompu, attestent l'ardeur avec laquelle je me suis livré à ces difficiles recherches. Les contradictions, les luttes, les objections de toute sorte, la guerre acharnée des esprits obsédés par les traditions du passé, les ressentiments des expérimentateurs qui ne consentaient pas à m'accorder l'honneur d'une découverte, par le seul motif qu'ils n'a- vaient pas eux-mêmes obtenu des résultats positifs ; le ridicule, la colère, le mépris, les affronts d'auteurs qui ont préféré de gronder à discuter, comme si j'étais un enfant de collège ; j'ai dû subir tous ces accidents désagréables, qui auraient fait décourager à un autre quelconque qui n'eût connaissance de l'histoire de toutes les découvertes, auxquelles a été en tous les temps réservé un martyrologe long et pénible. Eu dépit de tous les obstacles, je suis parvenu à fonder ma théorie sur les bases inébranlables des faits. Mes armes scientifiques ont été l'observation et l'ex- périence, suivies sans interruption et contrôlées sans cesse. A l'heure qu'il est, je garde dans mon cœur une consolation bien significative: c'est que beaucoup défaits que j'avais publiés et ont été regardés comme des ab- surdes et des paradoxes, courent maintenant comme des vérités incontestables. C'est une revendication, que je rendrai évidente dans cet écrit. Je vais montrer dans les pages suivantes quelles sont les assises sur lesquelles j'ai bâti la théorie microbienne de la fièvre jaune. CHAPITRE II Sommaire. - Le microcoque xanthogénique - Son siège dans l'organisme - Sa morphologie - Sa physiologie - Autres bactéries qu'on a pro- posées comme élément spécifique. Quelle est la valeur de ces obser- vations - Confirmation de l'existence de microcoques par un grand nombre d'auteurs - Mes adversaires eux-mêmes avouent l'existence du microcoque. J'ai donné le nom de cryptococcus ou micrococcus xan- thogenicus à un petit organisme de la classe des micro- coques, que j'ai trouvé constamment dans les cas bien avérés de fièvre jaune. C'est ce microbe que j'ai étudié profondément non seulement quant à sa morphologie et caractères extérieurs, mais encore quant à sa physiologie propre et à ses relations avec les appareils normaux des animaux et de l'homme lui-même, c'est-à-dire quant à sa pathogénie. De ces recherches j'ai cru devoir conclure qu'il est l'agent spécifique de la fièvre jaune, qui s'in- troduisant par diverses voies dans l'intérieur du corps, donne lieu à uue série de phénomènes bio chimiques, analogues aux fermentations, d'où il resuite la fièvre et tous les désordres graves et souvent mortels. Le microbe de la fièvre jaune fixe son habitat dans le sang des malades, aussi bien dans celui du cœur et des grands vaisseaux que dans celui des ca- pillaires qui baigneut les viscères parenchymateux, où il forme des colonies plus ou moins serrées. C'est dans cet état qu'il réside dans le foie et dans les reins, dont il obli- tère souvent les tubuli urinifères. 16 Cette prédilection envers les ramifications capillaires explique les foyers apoplectiques et les lésions que nous étudierons plus tard, siégeant dans la trame la plus in- time des tissus. Le microbe de la fièvre jaune se géné' ralise, donc, dans les profondeurs de l'économie, ce qu'il n'arrive pas à bien d'autres maladies virulentes ; c'est ainsi que, d'après les observations de Jolyet, les microbes de la variole préfèrent le canal thoracique, la lymphe et les ganglions lymphatiques. Le même fait a été observé chez des animaux qui sont morts du charbon à Calais. On sait que le vibrion cholérique habite exclusive- ment l'intestin. Le lieu d'élection du microbe amaril étant dans l'in- timité des organes, il faut que l'observateur s'entoure de quelques précautions au moment de faire la récolte dans certains endroits, tels que les muscles, le tissu nerveux, etc. Pour les muscles, il faut les triturer d'avance, en ayant le dû soin pour se prémunir contre les impuretés, car les colonies du microbe se trouvent enclavées dans les gaines qui protègent les fibrilles musculaires et il est nécessaire de déchirer ces gaines afin de pouvoir les recueillir pour les cultures ou les rendre visibles par un examen direct. Le même traitement préalable sera appliqué au cerveau et au tissu nerveux eu général, car c'est dans l'inté- rieur même des cellules nerveuses que le microbe amaril demeure, en y provoquant leur dégénérescence. Afin de rechercher le microbe dans les coupes du cerveau, nous nous sommes servis avec avantage de la méthode de Sahli (coloration au moyen du bleu méthylène et borax à 5 °/0), qui permet de faire une différentiation des éléments, tout eu se détachant la nuance bleu qui colore le microbe. 17 Il faut ajouter que la matière du vomissement brun, jaune ou noir et les selles noircies renferment également le microcoque xanthogénique, mais mélangé avec de nom- breux bacilles de différentes espèces et d'autres productions. On sait que le tube intestinal est le nid de micro-orga- nismes des plus variés, même à l'état normal. Cependant, on rencontre par hasard le microcoque presque pur dans certains estomacs de cadavres, à l'état de va- cuité, ne contenant que de la matière noire adhérente à la muqueuse. C'est ce qui nous avons observé une fois, leDr.Gonsaga Fils et moi, chez une malade morte de fièvre jaune à l'hô- pital de N. D. de la Santé. Nous avons mis à découvert l'estomac, nous en avons cautérisé la surface, et l'avons percé avec une tige de platine stérilisée à la lampe ; au bout de la tige nous avons recueilli une petite particule de substance noire, que nous avons cultivée dans l'agar pe- ptonisé. Nous avons obtenu des colonies du microcoque, qui n'étaient impurifiées que par des monades pyriformes en petite quantité. Au moyen de la méthode des dilutions et des cultures sur plaques, nous avons séparé les deux micro-organismes et avons pu caractériser parfaitement le microcoque xanthogénique. Ceci posé, nous allons faire la description minutieuse de la morphologie et de la physiologie du même microcoque. A l'Académie des Sciences de Paris nous avons présenté la note suivante, où à côté d'autres renseigne- ments se trouve la morphologie et la physiologie du microcoque amaril. Elle a été publiée dans les comptes rendus de la savante Académie, pag. 614. 31 octobre 1897. La voici : « Depuis la dernière communication que j'ai faite à cette savante académie, j'ai poursuivi sans cesse l'étude de la fièvre jaune, non seulement dans le but de contrôler 2 18 la présence de son microbe, le micrococcus xanthogenicus, dans le sang et les tissus des malades, mais encore afin d'ajouter de nouveaux faits à l'histoire de sa morpho- logie, pathogénie et prophylaxie. La morphologie du microcoque amaril peut se ré- sumer aujourd'hui dans ces termes : Il se présente sous la forme d'une cellule ronde, mesurant d'un à deux micromillimètres, mobile à l'aide de 2 ou 3 cils vibratils, mis en évidence dernièrement par le Dr. S. Barradas, grâce à leur coloration avec le taunate de fer. Ces mi- crocoques se groupent diversement, tantôt formant des chaînes, tantôt des grappes, tantôt isolés. Ils présentent un point clair central, réfringent, très caractéristique. La fuchsine, le violet méthyle, le bleu méthyle, le violet gentiane, etc., les colorent rapidement. Ils tiennent le Gram. Le microbe amaril est aérobie. Il se cultive dans la gélose peptonisée (à une température de 20°-38°), en y formant des colonies en forme de clou, dont la tête s'étale à la surface, tandisque la pointe descend au long du trajet de la piqûre. Les colonies sont blanches d'abord, donnant à la longue un pigment jaune d'ocre et un autre brun et même noir. Les cultures liquides (bouillons Miquel, Lœfier, lait écrémé, etc.) se troublent au bout de quelques jours, un dépôt blanc d'abord, noirâtre plus tard s'y montre au fond des ballons, la nuance du liquide devenant de plus en plus jaune. Le microbe amaril liquéfie la gélatine, en formant une coupole arrondie, avec un sédiment lourd et brunâtre au fond de l'excavation. Sur l'agar-agar incliné la croissance des colonies se fait à côté de la rayure ; ces colonies sont blanches, mais en quelques jours elles jaunissent. Le même microcoque se développe aussi sur la pomme de terre, dont il brunit peu à peu 19 la masse, en donnant sur la surface des colonies jaune brun grenues. Il ne détermine pas la fermentation du lactose, ni guère celle du glucose. Il ne donne pas la reaction de l'indol. Il se reproduit par spores, dont la structure anato- mique est tellement résistante, qu'elle subit sans se désorganiser des températures supérieures à 200°. Il jouit de la propriété de s'incapsuler, surtout à la saison d'hiver. Cultivé sur plaque ou dans des tubes Esmarch, il pro- duit dans la première semaine, de petites colonies blanches, couleur de lait, rondes, avec des bords réguliers, liqué- fiant peu à peu la gélatine tout autour. Après une quinzaine de jours, ces colonies grandissent, prennent une nuance jaune foncé avec un noyau central noir, ressemblant à une pustule variolique. Examinée à la loupe chaque colonie présente des amas granuleux coufus avec des bords légèrement froncés. La vitalité du microbe amaril résiste à une température au-dessus de 60°, il peut vivre dans l'eau potable, dont la matière organique lui sert de nourriture, en y formant un dépôt de petits grains comme de la semoule. La terre arable se prête également à son développement. Les cultures du microcoque amaril exhalent une odeur vireuse, à cause des leucomaïues, qu'il élabore. Les cultures de l.erpassage sont très toxiques, même à petite dose (l.oc à2.cc) pour les cobayes et les lapins, hypodermiquement. Plus on repète les passages, plus on diminue leur virulence. Celles de 3.me passage injectées, à 5 pour 100 du poids de l'animal, dans le péritoine de cobayes ou lapins, les tuent dans l'espace de 3 à 12 jours, avec fièvre de 40°, 41°, amaigrissement rapide, photophobie, dyspnée, ataxo- adynamie, ictère, quelquefois des hémorrhagies nasales, etc. Au moyen de la trépanation, d'après la méthode que l'immortel Pasteur a mise en pratique pour l'inoculation 20 de la rage, les cultures, même de 4.,ne et 5.me passage sont très virulentes, à la dose de quelques gouttes. Les animaux succombent en 24, 36 heures, atteints de phénomènes bul- baires et troubles du côté du nerf-grand-sympathique. En effet, les battements artériels se précipitent, les mou- vements respiratoires subissent des alternatives de retard et d'accélération, la pression du sang est tantôt augmentée, tantôt diminuée, tous ces désordres rappellent un bon nombre de symptômes de la fièvre jaune. Ainsi que j'avais déjà communiqué à cette savante corporation, les cultures atténuées du microbe amaril, reproduisent chez les animaux et l'homme lui-même une forme benigne de la fièvre jaune, capable de leur con- férer l'immunité contre une attaque ultérieure de la maladie. Depuis 1883 jusqu'ici j'ai inoculé avec ces cul- tures plus de douze mille personnes, avec des résultats positifs, la mortalité chez les inoculés n'étant que de quatre dixièmes à cinq dixièmes pour cent, malgré les épidémies violentes auxquelles ces individus se sont ex- posés, la plupart d'eux étant nouvellement arrivés et par conséquent au maximum de réceptivité. Les inoculations préventives de la fièvre jaune sont pratiquées aujourd'hui à l'institut Bactériologique sous notre direction, maintenu par l'Etat et la municipalité. Vu que la pratique de longues 14 années a mis en évi- dence la valeur prophylactique de telles inoculations, une commission a été nommée, sur notre demande, par le gouvernement, afin de contrôler l'ensemble de tous les résultats acquis, dans le but de reconnaître officiellement notre moyen vaccinal, déjà récommandé d'ailleurs par le Congrès médical international de Washington (1887) et par celui d'Hygiène et démographie tenu à Buda-Pest en 1894 (section de maladies tropicales) ». Après que j'ai annoncé la doctrine parasitaire de la 21 fièvre jaune il n'a pas manqué, ainsi qu'il arrive tou- jours dans des cas pareils, des contestations et comme conséquence... de nouveaux microbes en substitution au mien. C'est seulement alors que s'est allumé le zèle à la recherche du germe amaril. 11 en a résulté la confusion, le chaos, dont ont profité habilement mes contradicteurs. Il a été nécessaire de développer une énergie et une forcé de volonté extraordinaires, afin de défaire le brouil- lement exprès que le parti pris a opposé contre nous. Tantôt c'était Carmona avec son peronosperon lutea, contenu dans l'urine des malades et apporté dans des bou- teilles non stérilisées des hauts plateaux de Mexico, afin d'être analysées à Vera-Cruz. Naturellement c'était un pandémonium qui venait là dedans. Tantôt, c'était Lacerda, parodiant Carmona, avec son fungus febris flavœ, qu'il n'a jamais vu que dans son imagination, car ce médecin n'a jamais suivi des malades de fièvre jaune, et n'a jamais fait des récoltes de germes. Je ne l'ai jamais vu dans les hôpitaux de Rio, où il habite. Gibier, qui s'était associé à moi à Paris pour les recherches sur la fièvre jaune, abandonna sa place de naturaliste du Muséum d'Histoire naturelle, pour courir à Havaua, où il n'a fait que confirmer mes recherches, tout en voulant, disait-il, imposer un bacille qu'il avait découvert dans l'intestin. D'ailleurs, un examen impartial prouvera que Gibier lui-même est tombé d'accord avec moi. C'est ce qu'on infère de plusieurs passages de la Réfutation des expli- cations données par le Dr. Gibier sur un tube bactériolo- gique semé par lui-même, écrite à la Havaua par Finlay et Delgado. En effet, nous rencontrons à la page 16 de la Réfutation citée, la conclusion suivante : « Sous la garantie des faits relatés par le docteur Fernandez Alvarez, on peut affirmer qu'un tube de cul- 22 ture semé par M. Gibier avec du saug du cadavre d'une personue morte de la fièvre jaune, a produit toute une colonie de microcoques typiques, de couleur jaune serin. Ce résultat ne parait pas avoir été le premier ni l'unique obtenu par le docteur Gibier avec ses ensemencements de produits de la surdite maladie. Ces faits sont en opposition avec les déclarations du docteur Gibier, faites dans le sein de cette Académie, relativement à l'absence totale de résultat de ses ensemencements de produits de la fièvre jaune». A la page 6 de la Réfutation précitée nous trouvons encore l'expressif passage qui suit: « Nous avons appris, postérieurement, de personnes très autorisées que la culture mentionnée n'est pas la première ni la seule qui ait donné au docteur Gibier des résultats positifs, car à l'occasion d'une visite dont l'ho- norèrent MM. Joli, Malo et Fernandez, il a déclaré à ces messieurs que dès le commencement de ses recher- ches il avait obtenu, avec des produits provenant de malades de la fièvre jaune, uue culture dont la colonie était égale à celle qu'il possédait du docteur Freire, et également à uue des nôtres qui lui avait été donnée par le docteur Finlay». Dans la même réfutation se trouve le passage suivant (page 4), que je traduis mot pour mot : « Les faits que sous la garantie du docteur Fernandez Alvarez nous admettons comme exacts sont les suivants ; « 1? Que le 23 décembre, vers les six heures du soir, le docteur Gibier a recueilli du cadavre d'un individu mort de fièvre jaune, le sang qui lui a servi pour ense- mencer un tube. « 2? Que le 28 décembre, vers les quatre heures de F après midi, le docteur Gibier a remis au docteur Fer- nandez Alvarez le dit tube ensemencé. 23 « 3? Que lorsque le docteur Fernandez Alvarez reçut ce tube, il ne présentait d'autre signal de semence qu'une petite tache de sang superficiellement implantée au milieu de la gelée nutritive. «49 Que après avoir passé une douzaine de jours sans songer à examiner le tube, le docteur Fernandez Alvarez a vu la superficie de l'agar-agar envahie par la culture. «5? Que le docteur Fernandez Alvarez n'a touché en aucune façon au tampon de coton qui fermait l'orifice du dit tube, depuis le moment où il l'avait reçu, jusqu'à celui où il observa le développement de la culture qu'il contenait. « 6? Que les ensemencements faits ensuite avec la cul- ture primitive de M. Gibier, se développèrent seulement après vingt-quatre heures. « 7? Que la couleur de la semence primitive, comme celle des semences faites ensuite au moyen de celle-ci, était d'une couleur jaune, dite jaune-serin. « 8? Que des préparations microscopiques faites avec toutes ces cultures, primitives ou secondaires, ont claire- ment révélé l'existence d'abondants et beaux microcoques, tantôt isolés, tantôt réunis en masses zoogleïques ». Dernièrement Havelburg a présenté un bacille, qui d'après son aveu, n'est qu'un simple bacille septicémique intermédiaire au bacillus coli communis et à celui de la fièvre typhoïde. Finalement, M. Sanarelli a proposé, de son côté, un nouveau bacille, qui se présente rare- ment, dit-il. Vu la grande propagation qu'il a fait de l'édition de son mémoire, je consacrerai tout à l'heure quelques mots à la critique du prétendu bacille ictéroïde de ce médecin. 24 On voit que Finlay et Delgado affirment catégori- quement l'existence de microcoque, comme l'élément étiologique de la fièvre jaune. On peut lire in extenso leurs travaux dans la Chronique médico-chirurgicale de la Havaua, (1887). Ils ont lu leurs observations devant la Société Boyale des sciences médicales et naturelles de Cuba, et confirmé devant la même Société la présence du microbe dans le sang et dans les sécrétions des ma- lades. Ils ont fait, en outre, l'exposition de leurs recher- ches communes sur l'inoculabilité de la fièvre jaune par le culex-mosquito. (*) (*) Les cultures sur agar-agar faites par Finlay présentent le même aspect et la même marche que les miennes. On lit dans le Dictionaire de géographie médicale de M. Bordier, publié em 1884, que MM. Capitan et Charrin ont trouvé dans les cas de fièvre jaune des microcoques, soit isolés, soit réunis et formant des bâ- tonnets. On trouve également consigné, dans le compte rendu de l'Académie des Sciences du 17 Septembre 1883, que M. Babés a rencontré dans le tissu du foie et des reins d'individus morts de fièvre jaune des microco- ques sous forme de grains elliptiques, groupés deux à deux (diplocoques), et en plus grand nombre, simulant à cinq ou six cents diamètres des filaments homogènes, mais se montrant composés à l'objectif de Zeiss des éléments que nous venons de citer. En comparant les dessins que M. Cor- nil présente dans son Traité sur les bactéties avec les dessins que je présente dans mes ouvrages, on s'aperçoit que la ressemblance est parfaite. Les dimensions du microcoque dessiné par Cornil sont les mêmes que celles du microcoque que j'ai décrit. En outre, M. Girerd, chirurgien-chef de l'hôpital du Panama, a re- trouvé dans le sang de malades de fièvre jaune des cellules, sous la forme d'une tête d'épingle, avec tous les caractères des germes que j'avais dé- crits. 11 a aussi injecté le sang des malades de fièvre jaune dans des cochons d'Inde, qui ont succombé par ce fait (Voir Evening Telegramm, de New-York, du 19 Juillet, 1884. Mr. Matienzo, du Mexique a fait des observadons analogues aux précédentes. Ajoutons à tous ces témoignages étrangers ceux de médecins bré- siliens, telsque les docteurs Caminhoâ père et fils, Auguste César, Philidory, Dona, etc., et nous demanderons si les négations de mes contradicteurs peuvent résister à un nombre ausssi grand d'affirmations sérieuses. Maintenant deux mots à Mr. le docteur Sternberg, qui a publié dans le Médical News un petit rapport dans lequel il conteste le mérite de mes travaux. Or, ce médecin a séjourné très peu de temps au Brésil, et à une époque où il n'y avait pas d'épidémie; il n'a examiné qu'un seul cas sporadique de fièvre jaune ; il n'a fait aucune autopsie, c'est-à-dire, 25 Aux îles du Salut (Guyanne Française), M. Rangé, médecin de première classe de la marine, a également signalé la présence d'an micro-organisme dans les liquides provenant de malades, et il a fait des expériences qui prouvent la transmissibilité de la maladie au moyen de cultures injectées dans des animaux. Ces recherches ont été publiées en 1886 dans les Annales de médecine navale. Dans une lettre qu'il a bien voulu m'écrire le 17 juillet 1886, ce savant confrère s'exprime ainsi.: « J1 ai conservé plusieurs préparations microscopiques de liquides virulents, cultures du microbe, sang, voniito, coupes de divers organes etc.» Et en se rapportant aux inoculations faites aux cobayes, il déclare dans la même lettre : « Les lésions microscopiques que fai constatées sont en grande partie celles que vous décrivez dans votre ouvrage, et les inoculations de cultures faites à ces animaux ont, dans mes mains comme chez vous, été suivies des mêmes résultats » (Textuel). Enfin année 1886, le docteur Maurel, également mé- decin de la marine, a communiqué à la Société de Biologie une note confirmative de nos recherches, quant à la présence d'un micro-organisme dans le sang des individus atteints de la fièvre jaune. Cette étude, faite aux Antilles françaises, a été publiée dans les Annales de la même société. qu'il n'a pas recueilli les données nécessaires pour une contestation même médiocre. J'ai publié en 1889 une réfutation contre le rapport de M. Sternberg, que j'ai l'honneur de vous remettre, où j'ai détruit par des raisons solides et rigoureuses, toutes les accusations que ce médecin a formulées contre moi. Dernièrement M. Griffiths, membre de la Société chimique de Paris et de la Société royale d'Edimbug, bactériologiste bien connu par ses travaux sur les ptomaïnes, a non seulement isolé notre microcoque, mais encore essayé sur celui-ci l'action d'un desinfectant de Jeyes. 26 M. Sternberg, d'ailleurs, s'est livré, à de nouvelles in- vestigations, d'après les quelles il a abjuré l'affirmation qu'il avait avancé à la pag. 163 de son - Report on the etiology and prévention of Yellow fever (1890), c'est à dire tique Von ne trouve jamais des microcoques dans le sang et les tissus des cadavres de fièvre jaune» (micrococci are not found in the blood and tissues of Yellow fever cadaver ». En effet, à la pag. 158 du Centralblatt fur Bactério- logie, (September, 1897), Sternberg a déclaré, à mon grand étonnement, qu'il a trouvé en 18 coupes de foie, 8 de reins etc., des microcoques. «Les micrococci, écrit-il, avaient la forme des bien connues embolies et se trouvaient dans les vaisseaux sanguins du foie et des reins, par- ticulièrement dans les glomérules. » De plus, les micrococci que Sternberg a rencontrés étaient tellement abondants, qui dans un seul cas, on a vu des bacilles dans les tubuli rénaux, (nur in einem Falle zeigten sich Bacillen in deu Roerchen der Niere). » A' la pag. 156 du même Centralblatt, Sternberg si- gnale encore une fois des microcoques, dans ces termes : «Dans le parcours de mes longues recherches, j'ai vu deux ou trois groupes de micrococci, ou qui tels parais- saient être ». Est-ce tout cela casuel ? Non, car un fait répété si souvent ne peut pas être attribué au hasard. Si Stern- berg s'était donné la peine de cultiver le microcoque qu'il a observé dans ces nombreux cas, il aurait constaté les caractères de notre microcoque xanthogénique, y compris son activité pathogénicpie, caractères qui le distinguent évidemment de tous les microcoques connus. En somme, un grand nombre d'observateurs ont vu des microcoques dans le sang et les tissus des malades de fièvre jaune. Or, le même fait signalé dans des pays distants les uns des autres, au Brésil, Méxique, Cuba, 27 Etats-Unis, Antilles Françaises et Anglaises, par des médecins qui n'ont rien combiné entre enx et par ceux mêmes qui niaient auparavant l'existence de micro- coques, est à coup sûr, la garantie la plus sérieuse de son exactitude et de sa véracité. Maintenant quelques mots que j'ai promises aux études des M. Sauarelli. Tout de suite après la publication d'une conférence que ce médecin a faite au théâtre Solis, de Montevidéo, en exposant ses recherches sur la fièvre jaune, j'ai fait de mon côté une autre à la Faculté de Médecine de Rio Janeiro, afin de réfuter ces recherches. Là j'ai prouvé que le bacille de M. Sauarelli n'était qu'un bacille septicémique, analogue à ceux qui ont été déjà décrits par Rosenbach et autres auteurs. En effet, les symptômes produits par l'inoculation de ce bacille ne se ressemblent pas à ceux de la fièvre jaune, mais à ceux d'une entérite hémorrhagique septicémique, ce que l'on peut constater en comparant les descriptions que M. Sana- relli consigne pour la fièvre jaune expérimentale produite par son prétendu typhus ictéroide avec les symptômes de la même affection chez l'homme, rapportés par les nom- breux auteurs classiques, tels que Dutrouleau, Bérenger- Féraud, Cornilliac, Corre, Arejula, Granizo y Ramirez, Joseph Jones, etc., etc. L'anatomie pathologique de la maladie, obtenue expé- rimentalement par le médecin en question et celle de la maladie spontanée, ne concordent point. Ainsi, la rate que tous les auteurs ci-dessus cités ont trouvé sans altération appréciable se présente,au contraire, profondément atteinte par suite de l'injection des cultures du bacille dit ictéroïde. Or, tout le monde sait que c'est justement dans les infections septicémiques, que la rate est spécialement atteinte. 28 Encore plus, le bacille ictéroide est pyhémique. Les expériences citées par l'auteur lui-même le prouvent. Je ne rappellerai que celle qu'il rapporte au paragra- phe D - infection amarile chez les chiens exp. I. (*), où l'animal a offert après l'injection de 10cc d'une culture tous les signes d'une forte infection purulente généralisée, tels que fièvre, catarrhe aïgu des conjonctives et des narines, diarrhée, kératite purulente, produisant l'opacité de la cornée, et ensuite une cécité complète ; coryze violent, accompagné de toux et râlements, indiquant une broncho-pneumonie asphyxique. Des narines il sort, dit l'auteur, une abondante exsudation catarrhale cou- leur verdâtre. Dix-sept jours après, le pauvre chien présente une violente inflammation aux articulations des membres antérieurs, probablement une arthrite puru- lente ! Ce chien est resté malade pendant un mois et demi, c'est-à-dire, il a eu une fièvre jaune phénoménale qui a duré le temps nécessaire pour six fièvres jaunes en- semble ! En présence de la description que je viens de donner, je demande aux savants qui font partie de ce congrès, parmi lesquels se trouvent un grand nombre qui connaissent à fond le syndrome caractéristique de la fièvre jaune, s'il est vraisemblable de trouver une ana- logie quelconque, quelque lointaine qu'elle soit, entre les symptômes de cette maladie et ceux présentés par le chien injecté par Sanarelli avec la culture de son bacille. La réponse ne sera qu'une seule : - Jamais ! Ce que le chien a eu c'est une scepticémie pyhémique générale. Le plus étonnant c'est que M. Sanarelli déclare dans son mémoire que ce cas est des plus typiques et qu'il (*) Sanarelli - Étiologie et pathogénie de la fièvre jaune, 1897. Montevidéo. 29 le réserve pour les expériences de vaccination ! S'il a l'intention d'appliquer une vaccination pareille chez l'homme, je jdains d'avance les désastres qui s'en sui- vront. Assurément, ceux qui s'exposeront à cette preuve auront la même sort de ces 5 malheureux individus humains, qui sont tombés sous les mains de M. Sanarelli pour des expériences in anima vili, et qui, d'après toutes les apparences, n'ont pas pu résister aux injections de sa toxine septique, vu les souffrances atroces auxquelles l'expérimentateur a assisté impassible et les graves sym- ptômes, qui sont régardés comme le prélude d'une mort certaine. A part toutes ces raisons, plus que suffisantes pour montrer que M. Sanarelli s'est égaré dans de fausses voies à la recherche du microbe amaril, je ferai remar- quer également cette circonstance étrange, que le bacille dit ictéroïde est très difficile à être rétrouvé et lorsqu'il a la complaisance de comparaître à l'appel de l'obser- vateur, ou bien il se présente en quantité insignifiante, ou bien il a peur de se présenter tout seul, s'accom- pagnant toujours de microcoques, que M. Sanarelli, sans en donner les preuves, classifie comme staphylocoque pyo- gènes aureus et streptococcus pyogenes, c'est-à-dire, les micro-organismes producteurs d'abcès, de l'ostéomyélite suppurée, de l'infection purulente et de l'erysipèle. Or, dans la fièvre jaune les abcès sont des accidents ex- trêmement rares, l'ostéo myélite n'a jamais été obser- vée, l'infection pyhémique et les érysipèles n'ont pas été signalées non plus. Donc, c'est ici le clou de la question, ces microcoques ne peuvent pas du tout être classifiés comme pyogènes. Pour moi, ils ne sont que le microcoque xanthogénique que j'ai découvert, lequel, le lecteur s'en souvient, jouit de la propriété de se grouper diversement, soit en grappes (staphylocoques), 30 soit en chapelet (streptocoques). Nous avons vu que certains caractères du microcoque xanthogénique sont analogues à ceux du staphylocoque pyogènes aureus ; - M. Sanarelli s'est laissé guider par les apparences, en faisant une classification erronée. (*) Il s'ensuit que le microcoque que j'ai découvert a été retrouvé par ce médecin, à son insu. Comme le personnage de Le Sage, il a passé indifférent devant ce micro-organisme: au lieu de le cultiver et d'expérimenter avec ses cultures, il l'a méprisé pour aller à la recherche d'un prétendu bacille spécifique, producteur de pus et pourriture, et qui n'est qu'un micro-organisme dû à l'altération des organes ou à l'impureté des milieux de culture. Ceci posé, quelle valeur devra-t'on attribuer aux expériences de séro-thérapie tentées par M. Sanarelli au moyen des injections de ses cultures? C'est la séro- thérapie d'une forme de septicémie pyhémique ce qu'il a fait, mais de la fièvre jaune... jamais ! C'est avec le microcoque qu'il a mis de côté qu'il faut préparer le sérum spécifique. Il est temps qu'il revienne de sa déplorable erreur. (*) Dans le Jornal do Commercio' (Rio de Janeiro), du 30 octobre 1897 j'ai fait une critique sévère et impartiale de la partie hygiénique du Mémoire déjà cité du Dr. Sanarelli. Dans cette critique je montre l'ab- surdité de ses illations, fondées sur un commensalisme et une symbiose qui n'ont existé que dans l'imagination de son auteur. CHAPITRE III Sommaire- Expériences d'inoculation du microbe amaril chez les animaux - Démonstration de sa spécifité au moyen d'injections du sang des malades, des cultures virulentes et des ptomaïnes élaborées par lui même - Propriétés physiques, chimiques et physiologiques de ces ptomaïnes. - Synopse des faits recueillis sur ce sujet. Il ne suffit pas d'isoler tel ou tel microbe pour affirmer qu'il est le producteur de telle ou telle maladie. Il faut pour cela le mettre en rapport avec le réactif physiologique, c'est-à-dire qu'il faut l'inoculer dans des animaux réceptibles, afin de produire chez eux des sym- ptômes pareils à ceux observés chez l'homme. Faute d'obéir à ce précepte, beaucoup de microbes proposés à la légère comme cause de certaines maladies, ont été forcés de se retirer de la scène de la science, pour faire place à d'autres qui ont pu satisfaire à la même règle. C'est ainsi que à la dipthérie il n'a pas manqué de prétendus microbes spécifiques, même des mycélium et des spores de leptothrix ou de oïdium existant normale- ment dans la bouche. Plus tard on a signalé dans les fausses membranes des micrococci, que ne sont réellement que le streptocoque pyogène de Rosenbach, et qui sont in- capables de produire par eux-mêmes les symptômes d'une diphthérie. Dérnièrement, on s'est arrêté au bacille décrit il y a longtemps par Loëfler, tout en accordant que d'autres micro-organismes, le streptocoque de l'érysipèle 32 surtout, puissent concourir pour aggraver la situation du malade. Il en a été de même pour la fièvre jaune depuis les vibrions trouvés par Rhées dans la matière noire du vo- missement et l'opuntia mexicana que Gama Lobo a trou- vée dans les marais, jusqu' à la série déjà assez longue de bacilles de toutes sortes. Mais aucune de ces produ- ctions n'est capable de donner lieu à des manifestations semblables à la fièvre jaune humaine. Le bacille proposé dernièrement par Sanarelli est dans le même cas ; ce qu'il produit par l'inoculation, est une septicémie et une py- hémie vulgaires, avec tuméfaction de la rate, des abcès métastatiques, etc. Le seul microbe qui parvient à reproduire un tableau analogue à la fièvre jaune est celui que nous avons isolé et décrit sous le nom de micrococcus xanthogénicus. C'est ce qui nous allons rendre évident dans ce chapitre, au moyeu des inoculations expérimentales. Nous avons employé différentes espèces d'animaux, lapins, cobayes, poules, pigeons, chiens, grenouilles, singes. Les lapins, les cobayes et les chiens, se prêtent parfaitement à la démonstration de l'inoculabilité de la fièvre jaune au moyen de l'infection par les cultures virulentes de son microbe. Afin de pouvoir apprécier aisément l'action du poison amaril sur les divers appareils, nous nous sommes servis avec avantage des chiens et des grenouilles, qui se montrent très sensibles aux ptomaïnes de la fièvre jaune. Les poules et les pigeons sont réfractaires à la maladie. En outre, elles servent pour régénérer la viru- lence des cultures atténuées, comme nous le verrons. Nous avons varié le plus possible les procédés d'ino- culation. Nous avons fait agir le virus sur l'appareil respiratoire et digestif, ou par des injections sous-cutanées, 33 intra-veineuses, intra-péritonéales, sous la dure-mère, et même dans le tissu du foie. Lorsque la culture est de l.ère virulence, elle produit des effets mortels à petite dose et simplement par ino- culation hypodermique. Les cultures de 3.ine virulence ne déterminent la mort qu'à de plus fortes doses, au moyen d'injections intra-péritonéales et intra-veineuses. Les cultures de 4.me, 5.me virulence tuent les cobayes en en injectant quelques gouttes sous la dure-mère. Quelques gouttes d'une culture de l.ère de 2.me viru- lence, introduites dans le tissu hépatique, suffisent pour tuer la cobaye. Nous avons prouvé l'inoculabilité de la fièvre jaune et l'action physiologique de son poison, non seulement en injectant le sang des malades et des cadavres de sujets qui venaient de mourir ou mourants, mais en- core en nous servant des cultures du microbe dans du bouillon de bœuf gélatiné et peptouisé, et des ptomaïnes extraites du substratum du vomissement noir. i.èrc - Inoculations du sang des sujets atteints de fièvre jaune La première transmission de la fièvre jaune de l'homme à un animal date du 14 avril 1883. Nous avons pris avec tout le soin possible un gramme du sang extrait du cœur d'un individu mort de la fièvre jaune il y avait une heure à peine, et l'avons inoculé dans la saphène d'un lapin. Cinq minutes après, l'animal s'est montré anxieux, comme s'il était en proie à l'asphyxie. Un quart d'heure après, des convulsions tétaniques se manifestèrent et il succomba foudroyé par le virus introduit directement dans le grand torrent circulatoire- 34 Dans ces temps-là, cette expérience suscita des criti- ques amères. On était imbu encore des idées de M. Pasteur. Le maître soutenait que c'était le microbe lui-même qui était l'agent nuisible, on n'admettait point que les mi- crobes pussent fabriquer des poisons, lesquels, agissant sur les grands appareils produississent la maladie et la mort. Moi le premier j'ai présenté cette idée, dont autres s'em- parèrent plus tard en la généralisant, sans que mon nom eût été cité par ces auteurs dans le bilan de ce mouve- ment scientifique. Dans l'expérience ci-dessus citée, la mort de l'animal dans une vingtaine de minutes a été due aux ptomaïnes de la fièvre jaune, agissant brusquement sur les centres nerveux à la façon d'un toxique violent. En effet, ces ptomaïnes jouent un rôle prépondérant dans la sympto- matologie de cette maladie, ainsi que nous le verrons à la suite de ce chapitre. Afin de faire disparaître toute incertitude sur la valeur de cette première expérience, nous avons rétiré un gramme du sang de ce lapin mort et nous en avons fait une injection hypodermique dans un cochon d'Inde. Or, cet animal est mort quelques heures après. Nous avons trouvé dans son sang une quantité remarquable de microcoques et nous avons constaté chez lui des lésions anatomo-pathologiques rappelant celles qui caractérisent les cas de fièvre jaune chez l'homme. Nous injectâmes de nouveau un gramme de sang de cet animal mort chez un autre cobaye. Au bout de quel- ques heures faiblesse, oppression, oreille et pattes refroidies, tremblement aux membres, déjections de couleur noire. Une goutte de sang de cet animal révéla une grande quantité de microcoques. Mort après trois jours de maladie. Ces expériences, me semble-t-il, mettent en évidence, non seulement la contagion du mal, mais encore la spé- 35 cificité de la cause, car dans tous les cas on a mis hors de doute la présence des microcoques dans l'organisme des animaux. Eh bien ! Ces expériences ont été contrôlées par d'au- tres. Je vais en décrire quelques unes : Du cadavre encore tiède d'un individu qui venait de succomber de la fièvre jaune, nous avons extrait, au moyen d'une pipette stérilisée que nous avons fait péné- trer dans l'intérieur de la veine cave, un demi-gramme de sang à peu près. Avec ce sang nous avons pratiqué une injection intra-veineuse chez un cochon d'Inde. L'animal a eu en conséquence une fièvre intense et en est mort à la fin du 2e jour. A l'autopsie, on a noté les lésions caractéristiques d'une fièvre jaune. Nous avons passé le sang de cet animal à un autre cochon d'Inde qui est mort au bout de 4 jours avec tous les phénomènes ordinaires. Un troisième animal soumis à la même expérience a succombé et a révélé clairement tous les signes nécroscopiques de la fièvre jaune. Dans une troisième série d'expériences, nous avons injecté à peine trois gouttes du sang de la veine porte d'un malade mort de la fièvre jaune dans une cobaye. L'injection fut faite par ponction dans le tissu du foie. Mort après 24 heures avec forte réaction fébrile et phé- nomènes d'ataxie. Une dernière expérience a été faite eu pratiquant une injection d'un demi-gramme de sang virulent dans la veine d'une cobaye. Cet animal est mort le jour suivant. Ces exemples prouvent évidemment la contagion de la fièvre jaune et ceux qui s'obstinent à contester ces expériences le font probablement parce qu'ils n'ont pas su ou voulu les reproduire convenablement, ou alors ils font la guerre par système, ce qui (hélas!) est la cataracte incurable des incrédules ! 36 La relation entre la causalité et la communicabilité du mal étant ainsi démontrée, on se demande : - Cette transmissibilité est-elle une propriété absolue? Nous ré- pondons que non. Même dans l'espèce humaine il y a des individus immunes par nature. Il y a également des races d'animaux qui sont com- plètement réfractaires. Nous pouvons citer entre autres les gallinacés, ordre d'animaux tout-à-fait résistants à l'action du virus amaril. Ce fait trouve des analogues pour d'autres affections. En effet, ou sait que les adultes d'une espèce bovine habitant l'Afrique sont immunes contre le charbon symptomatique à l'occasion des épi- zooties de cette maladie. Le parasite du choléra des poules se localise dans la région inoculée quand il est inoculé dans des cochons d'Inde. Nous avons à l'appui de nombreux faits qui confirment la singulière immunité des poules pour la fièvre jaune, immunité qui résulte, soit des conditions de race et d'espèce, soit d'une vaccination inconsciente par suite de la cohabitation de ces animaux avec l'espèce humaine. Entre autres nous citerons l'expérience suivante: A l'hô- pital de Jurujuba, près du lit même d'un malade, on a pratiqué l'injection sous-cutanée de sang sur une poule. Ce sang provenait d'une hémorrhagie du scrotum d'un malade de fièvre jaune. Avant l'expérience la température de l'animal était de 41°, le jour suivant elle s'élèva jusqu'à 42°,2. Cet animal continua à vivre sans présenter lien d'extraordi- naire. On a obtenu les mêmes résultats négatifs avec les pigeons. Quelques-unes de nos expériences faites en 1880 avaient montré que les chiens étaients à peu près dans les mêmes conditions de résistance naturelle. Le chien résiste à l'action 37 de doses considérables de ptomaïne préparée avec les humeurs des individus atteints de fièvre jaune ; mais les cultures du microbe les tuent promptement, comme nous le dirons plus loin. Dans l'espèce humaine nous assistons à des faits assez curieux par rapport aux races. Ainsi, la race mongole, <pii est si aisément sujette au poison cholérique, se carac- térise par une résistance exceptionnelle au virus amaril. La race africaine est bien moins apte à contracter la fièvre jaune que la race caucasienne, laquelle possède la réceptivité maxiraa pour le mal. A quoi attribuer ces variations? En admettant la théorie des phagocytes, on dirait (pie les races réfractaires en contiennent en grande quantité et sont douées d'une énergie singulière. S'il m'est permis, j'expliquerai la chose autrement, je pense qu'il s'agit d'une affaire de composition chimi- que du sang. En effet, le microbe xanthogénique cherche de préférence les individus robustes et sanguins, ceux qui habitaient les climats froids, et la preuve indirecte en est que les épidémies de fièvre jaune ne sont pas connues au delà du cercle parallèle 25° lat. S. et 35 lat. N. C'est que le sang de ces habitants posséderait quelques proportions de ses sels ou bien quelque substance indé- terminée qui provoquerait l'appétit du parasite. Ne sait-on pas que lorsqu'on ajoute au liquide nutritif le plus favo- rable au développement de l'aspergïllus niger un seize cent millième (!) de nitrate d'argent, la végétation est brus- quement arrêtée? et qu'elle ne peut même pas commencer dans un vase d'argent, bien que l'analyse chimique la plus délicate soit impuissante à découvrir la moindre trace d'argent dans le liquide ? Qui sait si les races réfrac- taires n'ont pas quelques traces anti-microbiennes (dias- tases ou autres), organiques ou même minérales? 38 Cette idée, que j'ai présentée en 1893, le premier, dans la Bévue médico-chirurgicale du Brésil, dirigée par notre illustre confrère M. Brissay, est adoptée aujour- d'hui, car on admet que la base de la sérothérapie est la production d'anti-toxine, au moyen de doses croissantes de virus, anti-toxines (espèces de diastases ou ferments), qui ont la propriété de neutraliser ou servir d'antidotes aux toxines des maladies infectieuses. Il ne faut pas objecter que l'analyse qualitative et quantitative du sang est un problème définitivement résolu. Les anciennes analyses du sang d'Andral et Gavar- ret, réligieusemeut citées par tous les pathologistes, se montrent insuffisantes et erronées à la lumière des analyses modernes, qui ont reconnu des ptomaïnes et d'autres corps das le sang des individus morts d'affections infecto-conta- gieuses. A toutes les preuves précédentes de la toxicité du sang des malades amarils nous avons voulu ajouter une contre-preuve. Si réellement les microbes sont bien la cause du typhus ictéroïde, une fois qu'ils ont été détruits dans un liquide organique, ce liquide introduit dans le torrent circulatoire d'un animal doit être complètement inoffensif. L'expérience suivante le démontre: Nous avons broyé rapidement dans un mortier stérilisé un fragment du muscle biceps, tiré d'un individu qui venait de mourir de la fièvre jaune à l'hôpital de N. D. de la Saude ; et nous avons mélangé la pâte ainsi obtenue avec une petite quantité d'eau stérilisée. Nous avons filtré sur un linge fin et pur de microbes et avons inoculé un cochon d'Inde. Cet animal succomba au bout de deux jours de maladie. En même temps que nous injectâmes cet animal, nous inoculâmes un autre cochon d'Inde avec le même liquide desséché jusqu'à 280°, dissous après dans de l'eau pure. 39 Ce dernier animal n'éprouva absolument rien. C'est qu'il a été injecté avec un liquide inerte. A 280° les mi- crobes étant morts ils ne purent pas évoluer ; et leur ptomaïnes décomposées ne purent agir. Une ébullition rapide ne suffit pas pour détruire ces ptomaïnes. Nous avons prouvé cela expérimentalement, depuis 1883. Un gramme de sang d'un malade de fièvre jaune a été injecté chez une cobaye, après une préalable ébullition rapide. L'animal a eu une hyperthermie pendant 3 jours, chute de la température vers le quatrième jour. Il est mort au cinquième jour. Dans le gramme de sang, qui a servi à cette expérience, la chaleur s'est distribué irrégulièrement. Les portions centrales ont été à peine chauffées ; l'albu- mine et la fibrine coagulées ont joué le rôle d'une enve- loppe protectrice qui a empêché de communiquer une forte température aux microbes emprisonnés dans ses mailles. Cette expérience invraisemblable au premier abord, trouve ainsi son explication raisonnable. Ou connaît, d'ailleurs, l'expérience de Toussaint, qui en faisant cuire un morceau de viande, a noté que les parties superficielles sont soumises à une température très élevée, pendant que l'intérieur du morceau ne marque pas plus de 70° cent. D'un autre côté Sormani, professeur à l'université de Pavie, a constaté que du lait contenant des bacilles de la tuberculose et chauffé jusqu'à l'ébullition, peut encore communiquer la phthisie à des cobayes. En conclusion, le sang des malades de fièvre jaune, injecté chez des animaux receptibles, peut leur commu- niquer la maladie, en leur produisant la mort. Ce sang agit par la présence du microbe spécifique corrélative avec celle des poisons, élaborés par celui-ci. 40 2.me - Inoculation des cultures du microcoque amaril Les preuves directes de la communicabilité de la fièvre jaune au moyen du saug amaril, mettent hors de doute la nature contagieuse de cette maladie, et le fait de sa transmission expérimentale d'individu à individu, rend évident que l'agent producteur est un être vivant, susceptible de réproduction par transmissions successives. Bon nombre de symptômes observés chez les animaux ressemblent à ceux de la maladie spontanée chez l'homme, telles que l'anxiété et l'oppression épigastrique, la fièvre suivie d'une chute brusque de la température, l'ictère etc. On sait qu'un des caractères cliniques les plus rémar- quables de l'évolution amarile type c'est le manque de parallélisme entre la marche du pouls et de la température. Pendant que la température tend à monter, le pouls tend à descendre ; dans la période appelée de rémission, où la température subit une dépression brusque, le pouls continue néanmoins sa descente-progressive. Après cette phase il s'établit un parallélisme entre les deux courbes, rompu tout de suite après, ou par une nouvelle ascension ther- mique, ou par une hypothermie exaggérée, cas où le pouls devient au contraire très fréquent. Eh bien ' En faisant une étude comparative entre les variations thermiques de la fièvre jaune expérimen- tale et de la même pyrexie chez l'homme, on aura une preuve de plus à ajouter quant à l'identité des deux tableaux morbides. En effet, en consultant les pages 355 et 356 de mon livre - Doctrine microbienne de la fièvre jaune où nous présentons la marche de la température de 9 animaux (cobayes et lapins), inoculés avec du sang amaril, nous y rencontrons pendant les premiers jours la même ascension fébrile, suivie de rémission, et après 41 nouvelle ascension thermique terminant par la mort. Souvent, comme chez l'homme, la mort a lieu par suite d'un brusque abaissement de la température (*). La ré- lation entre ces variations thermiques et le pouls sera donnée tout-à-1'heure, à l'occasion des expériences au moyen des ptomaïnes. Les inoculations faites avec le sang des malades démontrent la réproduction de la fièvre jaune en bloc, car la composition du sang subit des modifications nota- bles, que j'ai discutées largement dans mes ouvrages. Les matières minérales s'y trouvent en excès à la 3.me période de la maladie, de 27,310 pour 1.000, d'après nos analyses, au lieu de 20,760 à 22,760, qui est la proportion normale d'après Gautier et Dénis. D'un autre côté, il se réalise dans l'organisme des malades, une métamorphose incomplète des albuminoïdes, par suite de l'appauvrissement en oxygène des hématies, ce qui empêche la transformation en urée, qui par cette raison diminue dans le sang, qui au contraire s'en- richit d'acide urique. C'est au moment où la lumière des tubuli urinifères s'oblitère à cause des lésions rénales, que l'urée est retenue dans le sang, y augmente en quantité et contribue pour la production de l'urémie. Ainsi, des matières organiques, outre les sels mi- néraux, s'accumulent également dans le sang amaril Depuis 1885 j'affirme que «dans l'urémie, le sang ne se charge pas seulement d'urée, mais encore de tous les autres principes de l'urine. Les matières colorantes de ce liquide, les sels minéraux et organiques qu'il contient sont également des produits destinés à être éliminés avec l'urée elle-même, représentant des résidus, qui ne (*) Doct. micr., pag. 294 et suivantes. (**) Doct. microb., pag, 309. 42 sont pas indispensables à l'accomplissement des actes physiologiques normaux ; et leur rétention dans le sang doit être par conséquent également nuisible, parce qu'ils sont des matériaux inabsorbables, qui serviraient seule- ment à troubler les fonctions. Chacun des principes de l'urine, qui devait être excrété comme inutile et qui continue à s'accumuler dans le sang, est, de cette manière, un facteur qui joue son rôle dans l'ensemble de tous les symptômes qui caractérisent l'intoxication urémique. » Afin de parer à l'objection que c'est à ces pro- ductions secondaires, variables en qualité et eu propor- tion, que le sang des malades doit sou pouvoir toxique, en tuant les animaux, je me suis livré au travail de démontrer que les cultures elles-mêmes du microbe, ne contenant que ce microbe et ses produits toxiques (pto- maïnes, etc,), sont capables de causer les mêmes dés- ordres, les mêmes symptômes, que le sang des malades. J'ai fait un grand nombre d'inoculations dans des cobayes, des lapins et des chiens, de cultures pures du microcoque amaril dans de la gélatine et dans du bouillon de bœuf et je suis parvenu à réproduire les symptômes les plus caractéristiques de la maladie, même l'ictère, des hémorrhagies (nasales, gastriques, intestinales), et le dépôt de matière noire dans l'estomac. Dans une note quÊ nous avons présentée à l'Aca- démie des sciences de Paris (*), nous avons donné un résumé de noS expériences, en y insistant dans ces termes : «La transmissibilité de la fièvre jaune aux animaux est possible par l'injection des matières mor- bides, ainsique par les liquides de culture, principa- lement aux lapins, aux cobayes et aux oiseaux. (*) Du microbe de la fièvre jaune et de son atténuation (en colla- boration avec MM. Gibier et Rébourgeon). Comptes rendus de l'Académie des Sciences de 21 Mars 1887. 43 Une longue série d'expériences nous a permis de constater ce fait». A la pag. 181 de l'annexe n. 4 de mon ouvrage-Doct. micr. de la fièvre jaune (1885), j'avais déjà cité l'expé- rience, où l'injéction inter-hépatique chez une cobaye de quelques gouttes de première culture du microcoque rencontré dans l'urine d'un Anglais malade de fièvre jaune, a produit la mort de l'animal au bout du 7.rae jour. Dernièrement, devant la commission nommée par le gouvernement, sous ma demande, afin de contrôler les ré- sultats de mes expériences, on a pratiqué de nombreuses inoculations soit intra veineuses, soit intra péritoniales, de cultures de 3.me passage, où la spécifité du microbe est démontrée d'une façon incontestable. Je ne pourrais faire rien de mieux, que de répéter ipsis verbis ce que la com- mission a vérifié et décrit dans le rapport qu'elle vient de remettre au Ministre de l'intérieur. Ce rapport rendant compte de la l.ère partie de sa mission, que l'on m'accorde la permission de le transcrire textuellement. Cette trans- cription nous obligera de revenir sur la morphologie du microcoque, déjà décrite au Chap. 2.me. Vu qu'il s'agit d'un document officiel important, pour le cas, le lecteur m'excusera ces répétitions. Ce rapport se trouve dans l'Appendice à la fin du présent Mémoire. En conclusion, les cultures pures, virulentes, du microcoque amaril, inoculées dans les animaux receptibles, reproduisent chez eux des symptômes très semblables à ceux de la fièvre jaune, en déterminant les mêmes lésions anatomo-pathologiques. 44 3.me-Inoculations au moyen des ptomaïnes de la fièvre jaune Depuis 1883 j'ai signalé l'existence de ptomaïnes dans l'organisme des malades de fièvre jaune (*), M de Brun, à la pag. 66 de son mémoire - Maladies des pays chauds, {maladies climatériques et infectieuses), récemment publié, dit par rapport au vomissement noir « on en a extrait des ptomaïnes dont l'une au moins est capable de provoquer des accidents typhiques mortels (Lapeyrère).» Je ferai remarquer à Mr. de Brun que c'est à moi qui revient le droit de cette découverte, ainsi que je viens de le prouver par les dates. Non seulement eu 1883-1885, j'ai noté plusieurs pto- maïnes de la matière des vomissements et du sang lui- même des malades amarils, mais encore j'ai décrit leurs propriétés physiques et déterminé leur action physiologi- que. C'est ce que nous allons développer. Nous avons préparé trois ptomaïnes, dont l'un gazeuse et deux liquides (**). Disons quelques mots sur les caractères de ces pto maïnes bactériennes, que nous avons extraites au moyen des méthodes habituelles. La « ptomaïne est un liquide oléagineux, légèrement jaune, soluble dans l'alcool et dans l'éther, formant avec l'eau une émulsion opaline. Elle bleuit fortement le papier rouge de tournesol. Chauffée avec la potasse elle fournit d'abondantes vapeurs ammoniacales. Elle est in- flammable, chauffée sur une lame de platine elle brûle (*) Études expérimentales sur le contagion de la fièvre jaune, 1883, Rio, pag. 6 et suivantes. (**) Voyez, pag. 194 de la Doct. microb. de la fièvre jaune 1885. 4 5 avec une flamme jaune en laissant un résidu charbon- neux. Sou odeur est irritante. Comme la conicine et la nicotine, elle donne d'épaisses fumées, blanches, à l'apro- che d'un bâton trempé dans l'acide chlorhydrique. La composition centésimale de cette ptomaïne est : carbone, 20,976; hydrogène, 15,098; azote 63,926. Un litre de matière vomie nous a fourni de 4 à 5 grammes de ptomaïne. Cette ptomaïne donne des précipités par l'iodure de potassium iodé, par le tannin. Elle décolore l'iodure bleu d'amidon et avec le terri-cyanure de potassium, additioné de perchlorure de fer et de quelques gouttes d'acide chlorhydrique elle manifeste une belle couleur vert émeraude, ressemblant à celle produite par la quinine au contact de l'eau chlorée ammoniacale. Elle se résinifie à l'air. La 6 - ptomaïne est assez soluble dans l'eau et insoluble dans l'éther ; elle a une odeur vireuse, causant de la céphalalgie. Sa densité est supérieure à celle de la a ptomaïne. Sa couleur est semblable à celle de l'huile de croton. Saveur acre. Evaporée au B. M. ou exposée à l'air elle finit par se résinifier. Elle reprend une nuance claire après filtration sur charbon animal. Elle bleuit fortement le tournesol. Elle donne d'épaisses fumées en présence de HCl. Le tannin ne la précipite pas. Elle précipite par l'iodure de po- tassium iodé. Par le réactif Brouardel et Boutmy, elle donne vert émeraude. Elle décolore l'iodure bleu d'ami- don, et précipite par le tétrachlorure de platine. Ptomaïne gazeuse.- Quant à la ptomaïne gazeuse, elle est précipitée par les réactifs suivants, après sa transfor- mation en sulfate : Tétrachlorure de Pt. : Poussière en suspension. 46 lodure de potassium, Idem. Tannin. : Idem, lodhydrargyrate de potassium. : Trouble jaune. Elle ne donne pas la réaction de Brouardel ; elle donne de l'am- moniaque, en étant chauffée avec de la potasse. Lorsque j'ai annoncé en 1885 la production d'une ptomaïne gazeuse, dans les cas de fièvre jaune, cette nou- velle a été reçue avec une certaine surprise, touchant à la méfiance. Aujourd'hui on est d'accord qui une produ- ction pareille est possible pour plusieurs maladies. En effet, Cher vin et Arnaud ont communiqué à l'Académie des Sciences en 1890 que parmi les toxines, les substan- ces volatiles ne faisaient pas défaut. Les expériences de Brown Sequard et de d'Arsonval prouvent d'ailleurs que l'air expiré est toxique non seulement à cause de l'acide carbonique, mais encore à cause d'élements organiques particuliers, dont on ignore la composition exacte. L'existence d'une ptomaïne gazeuse toxique dans les cas de fièvre jaune explique certains faits qui avaient vivement frappé les observateurs. Dans l'épidémie de 1883, il s'est passé un fait intéressant à cet égard. Un élève en Médecine de la Faculté de Rio, de nom Monlevade, examinait la matière du vomissement noir qui venait d'être rejetée par un malade de la ].ère infir- merie de clinique, à la charge du Prof. Torres Homem ; et comme il s'agissait d'un cas douteux, l'élève disait au Prof, avec la conviction de celui qui avait trouvé les éléments d'un diagnostic certain: «voici la preuve qu'il s'agit d'un cas de fièvre jaune. » Et examinant les ma- tières vomies, il aspira fortement les émanations qui s'en dégageaient. Le même jour il fut atteint de la fièvre jaune, avec un cortège de symptômes qui prirent un telle intensité, que le malheureux jeune homme succomba au bout de peu de jours, juste au moment où il allait terminer ses études. 47 Action physiologique des ptomaïnes amariles Nous avons déjà fait remarquer que nous avions re- gardé, le premier, que beaucoup de symptômes de la fièvre jaune étaient dûs à l'influence pathogénique des pto- maïnes ou toxines alcaloidïques. Nous allons, en donner la démonstration expérimen- tale, en en donnant le visum et repertum d'expériences pra- tiquées sur des chiens et des grenouilles (*). A. - Expériences sur des chiens l.ère EXPÉRIENCE Faite le 20 Juillet 1883. Chien A, de taille moyenne, calme. Temperat. avant l'expérience, 39.° cent. On constate 80 pulsations par minute à la fémurale. Le tracé normal étant vérifié au kymographe, on a injecté dans la saphène 1 gramme de a-ptomaïne (**). L'appareil a enregistré de suite une descente de la presion à 8.mm Des vomisse- ments se sont manifestés. Abondante émission d'urines. Quelques minutes après, on a injecté 1 gramme de plus de a-ptomaïne. Le pouls est descendu jusqu'à 72, sept minutes après ; (*) Il faut signaler que la pression sanguine, pendant ces expériences a été soigneusemente prise au moyen du kymograplie. Les tracés ont été faits par mon collaborateur, Mr. le Dr. Doria. (**) Le livre Doct. microb. de la f. j. 1885, donne tous les tracés rela- tifs à ces expériences. Les ptomaïnes, pures sont très difficiles à préparer. Nous avons cher- cher à les obtenir au meilleur état possible. 48 la température jusqu'à 38,°1. La pression du sang s'est réduit à 6.mra. Un quart d'heure après, nouvelle injection d'un gram- me. Il s'est ensuit aussitôt des battements desordonnés du cœur. On marque 21 mouvements respiratoires par mi- nute. A ce moment la pression était de 7.mm Pouls à 120. Aussitôt que les mouvements respiratoires ont baissé à 20, on a injecté encore 1 gramme du poison. Les pul- sations n'ont pas tardé à s'élever à 180 et les mouve- ments respiratoires à 24 et à 20 par minute. Tremblement général. Grande oppression thoracique (dyspnée). Tem- pérature fébrile, 39°,9. On a injecté en totalité 3,5 grm. de a-ptomaïne. 2.me EXPÉRIENCE Faite le même jour sur le chien B. Taille moyenne. Temperat. 39.° La communication établie entre le kymo- graphe et la carotide gauche, on a obtenu un tracé normal (15.mm). On a alors injécté dans l'une des saphènes un centi- mètre cube de /î-ptomaïne. Dix minutes après, les phé- nomènes suivants se sont manifestés : Dépression dans les mouvements cardiaques et res- piratoires, et quatre minutes passées, amplitude des mêmes suivie d'irrégularités, traduites, tantôt par la dépression, tantôt par de l'amplitude. La pression du sang a baissé à 13.mm La température au pli de l'aïne a marqué 40,1. Le lendemain, la temperat. était 39°,7. Le chien était triste et avait la respiration accélérée. Les plaies résultant de l'opération ne présentaient au- cune réaction inflammatoire susceptible de donner lieu à un mouvement fébril. La «-ptomaïne est une toxine py- rétogénique. 49 3.'"e EXPÉRIENCE Faite le 26 Juillet 1883, sur le chien C. Taille moyenne. Calme. Tempérât. 39°,8. Le tracé normal a été trouvé 7,mm5. Le pouls à 80. On a injecté en une seule foislOcc de /î-ptomaïne. Une minute après, la pression du sang est descendue à 4,mm5. Dyspnée. Trois minutes après, le pouls se maintenant à 80, la pression a baissé jusqu'à 3mm. Mouvements respiratoires 24, pulsations 120. Vingt minutes après le commencement de l'expérience, pouls à 120, mouvements respiratoires à 20 par minute. Tempérât. 40°,5. On a fait alors une nouvelle injection de 10.cc- Le pouls n'a pas tardé à s'élever a 200 par minute. Tremblement général. On a compté 16 mou- vements respiratoires. Totalité du liquide injecté 20 gram- mes. Action pyrétogène. 4.me EXPÉRIENCE Faite le 28 Juillet 1883, sur le chien D. Grande taille. Peu calme. Tempérât. 38.°6. Pouls à 79. Pression du sang 6.111111 à 7.'"'" Ou fait une injection intra-veineuse de 10 cent, cubes de ptomaïne. La pression a aussitôt baissé à 4,mm Aii bout de quelques minutes elle remonte à 8.m,u. Alors, on excite au moyen de l'appareil de Dubois-Reymond, le nerf sciatique qui avait été préalablement découvert. Aucune modification, l'influence paraît agir totalement sur le centre circulatoire. Au moment de faire une nouvelle injection de 10.cc, la pression était à 10.miu. Après l'injection, elle est des- cendue à 5.mni. Le pouls marquait alors 126 par minute. La pression est remontée de nouveau à 8.111111 et 9mm. Pupilles contractées. 4 ao Un quart d'heure après, nouvelle injection intra- veineuse de 10.cc suivie des mêmes phénomènes ; trem- blements aux membres postérieurs. Dix minutes après, nouvelle injection de 20.cc suivie d'une autre à la même dose. Le pouls a marqué alors 160 battements, affaibli. - 30 mouvements respiratoires. Quelques minutes après, 10.<c en plus étant injectés, le pouls a enregistré 180. Avec 10.pc en plus, 150 pul- sations, 36 mouvements respiratoires. Tempérât, à l'aîne 38°, 1. L'animal est devenu très abattu, quantité totale injectée 90.cc. 5.me EXPÉRIENCE. Faite le 31 Juillet 1883, sur le chien E. Petite taille Vif. Tempérât 39°. Pression du sang 15.mni. A la suite d'une injection de 10.co de ptomaïne, pression à 10.mm et 9.'UIU et deux minutes après à 7.ni" Par l'excitation du nerf sciatique au moyen da l'appareil Bois Reymond, aucune modification sensible. Contraction pupillaire. La pression étant de nouveau à 10.mm, on a injecté 10.cc, qui l'ont fait baisser à 7.inm. L'excitation éléctrique à l'extremité périphérique du pneumo gastrique n'a pas modifié le tracé. Troisième injection de 10.ec Profonde dépression du cœur. Pression à 7.m,n. Un petit drapeau fixé à la région cardiaque a cessé d'onduler. L'animal étant pincé n'accuse aucune douleur. Nerf sciatique excitable. Émission d'urine et de fèces. Tremblement général. Dyspnée. 220 pulsations, très faibles et très oscillantes. Une nouvelle dose de 10.cc étant injectée, il se pro- duit un trismus. Tempérât, à 40°. A la suite d'une autre injection de 10.cc la paralysie de la langue se dé- 51 clare. Avec 20.cc de plus, pupilles grandement dilatées. On injecte encore 10.cc. Faiblesse générale. Marche va- cillante. Quantité totale injectée 90.cc. 6.uie EXPÉRIENCE. Faite le 6 Août 1883. Chien F. Taille moyenne, irri- table. Tempérât, réctale 39°,3. Pouls à 80. Pression du sang 12.mm à 15mra. Après l'injection de 10.cc de ptomaïne, des vomis- sements, la pression baissant à 7.mm. Tempérât. 38°. Insensibilité tellement prononcée, que l'animal ne paraît rien ressentir, lorsque l'on en traverse la peau avec la pointe d'un bistouri. Le tracé offre les mêmes varia- tions brusques décrites dans les expériences antérieures. Une nouvelle injection de 10.cc apporte affaiblis- sement et intermittence des battements du cœur ; 16 mouvements respiratoires. Tremblements. La section d'un filet nerveux cutané n'a produit aucune douleur. Tempérât. 38°. Une dernière injection de 10.cc fait redoubler les tremblements. Total injecté 30.cc. B. - Expériences sur des grenouilles l.ère expérience. - Faite le 3 Septembre 1883. Gre- nouille de taille moyenne. On a mis à découvert le cœur de l'animal. On a laissé tomber goutte à goutte sur cet organe encore re- vêtu du péricarde un peu de ptomaïne. Les mouvements 52 systoliques et diastoliques sont devenus aussitôt irrégu- liers, il y-a eu un moment où le cœur s'est arrêté en diastole, sans toutefois tarder à reprendre ses mouve- ments. Quelques gouttes de plus ont augmenté l'irrégu- larité des battements et diminué la force d'impulsion cardiaque. Le péricarde étant incisé, on a introduit dans la cavité de cette séreuse quelques gouttes de ptomaïue. Les battements du cœur sont devenus très faibles, la systole et la diastole ne paraissant se faire que partiellement. On a remarqué au bout de quelques minutes l'insensibilité signalée dans les expériences sur les chiens. Cette expérience directe sur le cœur nous amène à croire que la ptomaïue a une action spéciale sur les centres auto moteurs du cœur ; elle nous montre en outre que l'action sur le centre circulatoire précède l'action anesthésiante. 2. me expérience. Le 4 Septembre 1883 sur une gre- nouille de petite taille. On en a isolé le train postérieur au moyen d'une ligature fortement serrée, à l'exception des nerfs cruraux. On a fait une injection de l.cc de ptomaïue dans le train antérieur. Huit minutes après, les mouvements volontaires sont abolis dans le train antérieur, tandis que les membres postérieurs les conservent. On fait une autre injection de l.cc et quelques mi- nutes après de 2.cc dans le même train antérieur. Les mêmes phénomènes dans ce train ; le train postérieur commence aussi à se ressentir de la même influence, ce qui s'explique, comme dans les expériences de Cl. Ber- nard, par une absorption très lente effectuée par les parties profondes. 3. m" expérience. - Faite le 5 Septembre sur une grenouille, dont on a isolé le train postérieur au moyeu d'une ligature, eu laissant intacts les nerfs cruraux. 53 On a pratiqué dans le tronc et au dessus des liga- tures les injections suivantes: à 12h,35 minutes 3.cc ; à 12h,45 minutes 3.cc; à lh 3.cc. Cinq minutes après la dernière injection, diminution dans la mobilité des muscles du tronc et des membres antérieurs. L'animal étant couché sur le dos, n'a pas cherché à se remettre sur ses pattes. L'excitation électrique sur les nerfs cruraux n'a dé- terminé qu' un léger tremblement aux membres antérieurs, au lieu que les postérieurs répondent parfaitement à cette excitation. A lh,32 minutes on a enlevé la ligature. Après 4 minutes, les membres postérieurs sont à peine capables d'exécuter de légers mouvements. 4.me à 9.me expériences.- Faites sur des grenouilles avec la ptomcüne gazeuse. cC) On a d'abord transformé cette ptomaïne en chlor- hydrate et en sulfate. Le 17 Octobre 1883, on a fait une injection de lgr d'une solution du chlorhydrate dans de l'eau distillée. Au bout de 20 minutes, anesthésie avec immobilité complète. Le lendemain, la grenouille fut trouvée morte. Pendant l'action du poison, on a noté une hémiplégie du côté opposé à celui où l'injection avait été pratiquée. &) Sur une autre grenouille, de grande taille, on a fait l'injection de lgr,5 du sulfate de la même ptomaïne; cet animal est mort au bout d'un quart d'heure, dans un état d'anesthésie et complète immobilité, comme dans l'expérience précédente. Il a présenté également une hémiplégie du côte op- posé à celui de l'injection. c) On a répété la même expérience sur une autre grenouille, qui a présenté les mêmes phénomènes, en suc- combant au bout de 10 minutes. L'autopsie étant faite, Ô4 6n a trouvé le cœur anémié et les poumons et le foie congestionnés. d) On a injecté sur une quatrième grenouille 1ST du sulfate de ptomaïne. Ail bout de 20 minutes, commence l'anesthésie, sui- vie d'un hémiplégie complète du côté opposé à celui de l'injection. Cette grenouille est morte au bout de deux heures. (e /) On a répété la même expérience sur nne 5.me et une 6.me grenouille et les résultats en ont été en tous points semblables. Nous devons faire remarquer que les ptomaïnes liqui- des injectées chez des grenouilles, n'en ont pas déter- miné leur mort. La ptomaïne gazeuse possède une action toxique beau- coup plus violente. En faisant une synopse des faits recueillis dans les expériences précédentes, on parvient aux résultats sui- vantes : 1? Les battements artériels se précipitent suivant une marche régulièrement ascensionnelle avec une légère dé- pression. 2? Les mouvements respiratoires subissent des alter- natives de retard et d'accélération, indice d'une pertur- bation profonde des fonctions respiratoires, lesquelles ne gardent aucunement proportion avec la marche ascen- sionelle des battements artériels. 3? Les chiffres qui représentent la pression kymo- graphique nous montrent également des alternatives de diminution et d'augmentation. 55 4? Les ptomaïues agissent sur les nerfs pneumo- gastriques, le nerf grand sympathique .et les extrémités périphériques des nerfs sensitifs. Le cœur perd le rythme normal, tous les organes qui sont sous la dépendance des pneumo gastriques et du grand sympathique offrent des désordres, dont les allures ressemblent à un bon nombre de symptômes caractéristiques de la fièvre jaune. Dans le chapitre suivant nous discuterons sommaire- ment ces quatre propositions, qui condensent la théorie pathogénique que nous adoptons pour expliquer la marche évolutive de la maladie (*). (*} Dans ce mémoire destiné à un aperçu général sur mes recherches sur la fièvre jaune, je ne saurais pas rentrer en développements trop étendus sur cette discussion, laquelle se trouve in extenso aux pags. 327 à 354 de mon livre - Doctrine microbienne de la fièvre jaune, 1885, Rio Janeiro. CHAPITRE IV Sommaire. - Interprétation pathogénique de la fièvre jaune. - Les symp- tômes produits par les ptomaïnes comparés à ceux produits par la fièvre jaune spontanée chez l'homme. - Les infections secondaires, leur découverte et interprétation. Nous sommes maintenant en possession des principaux éléments pour établir la théorie pathogénique de la ma- ladie dont nous nous occupons. Comme base de cette théorie nous adopterons l'in- fluence des ptomaïnes, sur les pneumo-gastriques et le grand sympathique. Ces toxines étant un produit d'élaboration des micro- bes aux dépens des principes albuminoïdes du sang et des tissus, il est clair qu'elles augmenteront de quantité et par conséquence d'énergie physiologique dans la raison directe du nombre et du temps durant lequel le microbe aura séjourné dans l'organisme. De là une multitude de variantes dans l'intensité, la durée et la manière de se présenter de l'état morbide. Prenons pourtant les faits à un point de vue général. Nous nous réglerons dans nos appréciations par la mo- yenne pathologique des cas typiques, dans le but de comparer plus ou moins exactement les phénomènes pro- voqués par les toxines chez les animaux avec ceux pro- voqués par les mêmes dans l'économie humaine. Un des symptômes qui ont le plus frappé les obser- vateurs de tous les temps, c'est l'hyperhémie intense qui 58 apparaît à la première période de la fièvre jaune. Cette hyperhémie est surtout remarquable à la face, aux yeux et à la partie antérieure du thorax. Cette hyperhémie s'accompagne de fièvre, pouls fré- quent (115 a 120 battements), nausées, vomissements aqueux, oppression épigastrique. Or, tous ces phénomènes se sont produits dans les expériences précédentes. Certes, chez les animaux l'hyperhémie extérieure ne peut être bien aperçue qu'aux conjonctives oculo-palpébrales, où elle s'est montrée avec évidence. Le tableau suivant résume les indications trouvées quant aux maxima de température, du pouls et à d'autres symptômes de la première période : TEMPÉRATURE POULS VARIATIONS DU KY- MOGRAPHE OBSERVATIONS Chien A. ( Avant l'ex J périence... ( Après 39° 39,°9 Avant... 72 Après.... 176 De 8mm à 5mm et à 7 mm Oppression, vomisse- ments. Tremblement comme des frissons. Chien B. J Avant (Après 39, °9 40, °1 Avant... 80 Après... 110 15mmî 13mm Oppression. Tremble- ments. Chien C. f Avant ( Après 38,°8 40,°5 Avant... 80 Après. . 200 9mm à 6mm Tremblements. Oppres- sion. Chien D. J Avant (Après 38,°G 38,°9 Avant... 79 Après... 190 De 8mm à 16mm à 7mm à 5rnm à 9mm Tremblements. Contra- ction des pupilles. Chien E f Avant (Après 39, 40, Avant... 80 Après... 220 10mm à 9 mm à 8mm et à 10mm Emission d'urines et fèces. Pupilles dilatées. Chien F ( Avant (Après 39,°3 38,° Avant... 80 Après... 120 12mm à 15mm et à 7mm Insensibilité. Tremble- ments. A part les symptômes subjectifs, qui ne peuvent pas être accusés par les animaux, à part les différences im- primées par la hiérarchie dans l'échelle zoologique, et 59 par la circonstance que chez l'homme ce qui agit c'est le microbe en fonction lui-même, taudis que chez les chiens nous n'avons fait agir que les toxines qu'il avait fabri- quées, à part ces conditions, dis-je, personne ne saurait se refuser à admettre des analogies frappantes entre ces symptômes expérimentaux et ceux de l'invasion de la fièvre jaune chez l'homme : la même marche rapide et ascendante de la température, sauf le chien F., où il paraît que la maladie a passé d'emblée à la période de rémission, le même développement et fréquence du pouls, qui peut aller chez l'homme jusqu'à 150, les mêmes vomis- sements et oppression épigastrique. Tous ces phénomènes dénoncent un trouble profond dans les fonctions des pneu- mo-gastriques et grand sympathique. Tout le monde sait que les nausées, les vomissements, la dyspnée, sont des phénomènes reflexes, qui s'expliquent par l'influence du pneumo-gastrique, le grand régulateur de la respiration et de la circulation. En consultant le tableau ci-dessus, on vérifie que, bien qu'il y ait accélération des battements artériels, la pres- sion du sang diminue, et les pulsations s'affaiblissent de plus en plus. En plaçant la main à la région cardiaque, lorsque l'animal est sous l'influence maximum de la toxine, l'observateur perçoit avec difficulté les mouvements du cœur. C'est que les ganglions auto-moteurs du cœur ont déjà grandement perdu de l'énergie physiologique. Nous avons vu que les expériences sur des grenouilles ont rendu évidente l'influence locale de la toxine sur le terri- toire cardiaque. En outre, l'innervation vaso-motrice, qui dérive du grand sympathique, subit une profonde modi- fication sous l'action du poison. Son énergie étant ébranlée, l'action des nerfs vaso-dila- tateurs donne lieu à une diminution de pression, qui favorise les stases sanguines au niveau des capillaires, ainsi 60 que les hémorrhagies interstitielles dans la trame des organes parenchymateux. Quel rôle incombe-t-il au ptomaïnes dans la 2.nie pé- riode, appelée période de rémission ou de transition ? Elle est caractérisée par un calme relatif et souvent illusoire, « qui trompait (comme l'a dit avec raison Mr. le baron du Lavradio), non seulement les malades qui se croyaient guéris, mais encore les médecins eux-mêmes, qui la confon- daient fréquemment avec la résolution des cas bénins » (*). En effet, dans cette période, la température devient nor- male et au dessous et le poids subit un retard considé- rable (50, 40 et même 36 battements par minute). Dans cette phase de la maladie, les microbes, déjà maîtres de tous les départements de l'organisme, sont arrivés à leur maturité, ils se reposent, pour ainsi dire, un instant avant de reproliférer. La preuve qu'ils ont atteint le terme de leur développement, c'est qu'ils répan- dent la matière colorante jaune, produit de leur élabora- tion, dans les téguments, et l'ictère se montre. Cette jaunisse microbienne envahit les organes les plus profonds, jusqu'à où le torrent circulatoire entraîne ce pigment jaune, dont le pouvoir colorant peut être comparé à celui de l'acide pi crique. Que cette matière colorante n'est pas de la bile, on le démontre par les réactions chimiques. Qu'on infuse le sang ou un organe quelconque d'un malade de fièvre jaune, dont la peau soit bien teinte en jaune, dans l'éther sulfurique ou le chloroforme. Ce liquide se saturera de la matière colorante. Après évaporation spontanée, que l'on traite les résidus par l'eau distillée et l'on soumette la solution aqueuse aux réactifs de la bile. Les (*) Dr. Pereira Rego (barâo do Lavradio) Historia e descripçâo da febre amarella que grassou no Rio de Janeiro. 61 résultats seront négatifs, le réactif Gmelin y montrera l'absence des substances colorantes de la bile; le réactif Pettenkoffer n'y révélera non plus la présence des acides biliaires ou leurs dérivés. Ces observations sont, d'ailleurs, concordantes avec les expériences les plus récentes sur la sécrétion biliare dans les maladies en général, spécialement les infectieuses. Quanta celles-ci, affirme M. Roger, professeur à la Faculté de Paris, appuyé sur les recherches de Liebermeister et Pisenti, que «pendant l'hyperthermie des maladies infec- tieuses, la quantité de la bile est diminuée et en même temps le liquide est plus riche eu mucus, plus coloré et plus chargé de sels ». Or, si la bile est diminuée, comment concilier ce fait avec un épanchement biliaire dans la 2.me période1? Citons encore la circonstance que ce pigment jaune se forme dans les cultures solides et liquides du micro- coque amaril, ainsi que nous l'avons déjà décrit à propos de la morphologie de ce microbe. J'ai, donc, à mon actif, des preuves positives eu faveur de ma théorie. Ajoutons une autre preuve d'ordre clinique : c'est que la présence de la bile dans l'urine des malades de fièvre jaune ne se montre qu'à la période de défervescence, alors que la stéatose du foie étant diminuée, permet le travail sécréteur des cellules hépatiques en voie de régénération. Rappelons, pour terminer, le fait bien connu que c'est souvent après la mort (pie l'ictère se manifeste. Or, personne n'oserait avancer que la ré- sorption de la bile se fait après que la vie a abandonné l'individu. Lorsque j'ai proposé depuis 1880 (*), cette interpré- (*) Voyez pag. 205 et suivantes de mon Recueil des travaux chimi- ques, 1880, et pages 290 de ma Doctrine microbienne de la fièvre jaune, 1885, Rio. 62 tation de la jaunisse dans le typhus ictéroïde, la surprise des pathologistes s'est traduite par une opposition ténace contre une idée qui allait à l'encontre des théories bili- phéïque et hémaphéïque, deux théories qui se débattaient en vain, sans qu'elles pfissent jamais venir à un accord. Cependant, on connaissait déjà, par les travaux publiés par Cohn et autres naturalistes, que beaucoup d'êtres microscopiques jouissaient de la propriété de fabriquer des matières colorantes de nuances les plus variées. Plus tard, on s'est obstiné à croire (*) que les micro- bes chromogènes ne pouvaient pas être pathogènes, idée contre laquelle j'ai toujours protesté dans mes écrits. A la fin, d'autres expérimentateurs prouvèrent, après moi, qu'une division pareille n'a aucune raison d'être, parce qu'il existe un nombre considérable de bactéries chromogènes qui sont à la fois pathogènes. D'un autre côté, ainsi que le dit judicieusement M. Arloing dans son Traité sur les virus (1891) : « Il est un certain nombre de microbes réputés zymogènes qui, introduits dans l'orga- nisme sain, donnent lieu à des accidents pathologiques. » Pour ne citer que quelques exemples, le baciïlus pyocyaneus, élabore un belle matière bleue, et il est pourtant très virulent: son poison, la pyocyanine, étant le sujet actuel- lement d'un grand nombre de recherches intéressantes. Le staphylococcus pyogenes aureus, qui donne un produit jaune orange, quoique chromogène, est l'agent cause de de l'ostéomyélite et de l'infection purulente généralisée. Du reste, j'ai peine à comprendre cette opposition à regarder la fièvre jaune comme une maladie à pigment spécifique ; à l'heure qu'il est, on tâche d'appliquer la même idée à d'autres affections, particulièrement aux (*) Van-Tieghen, Klein, Cornil et Babès et beaucoup d'autres auteurs, dit Arloing, adoptèrent la division de Cohn en micro-organismes chromo- gènes, zymogènes et pathogènes. es fièvres paludéennes. Ainsi, M. Laveran (*), faisant la des- cription de l'hématozoaire du paludisme, admet, ainsi que j'avais déjà fait depuis 1880 par rapport à la fièvre jaune, que l'hématozoaire vit aux dépens des hématies, et contient, pendant ses diverses phases, des grains de pigment plus ou moins agglomérés, qui se répandent dans le sang en y prenant la forme de corpuscules colorés; les leucocytes eux-mêmes deviennent noirs (leucocytes mélanifères) ; la rate et le foie prennent une teinte bru- nâtre très caractéristique. Sur les coupes histologiques on y constate la présence des éléments parasitaires pig- mentés. Le cerveau lui-même n'échappe pas à cette infil- tration de matière colorante. » Un autre symptôme qui se manifeste à cette période pour atteindre son maximum vers la troisième, ce sont les hémorrhagies. D'après tous les observateurs, le caractère de ces hémorrhagies est l'atonie et la passivité ; elles sont l'œuvre de l'influence des ptomaïnes toxines sur les nerfs vaso-moteurs, qui, privés de l'action anta- goniste constrictrice, dilatent et paralysent les parois des vaissseux capillaires, déjà compromis par la dégéné- rescence graisseuse. Chez un des chiens soumis à nos expériences, nous avons produit l'hémorrhagie en nappe en coupant les extrémités digitales de l'animal, et dans l'autopsie de l'un de ces mêmes animaux, nous avons trouvé des foyers hé- morrhagiques dans les poumons et dans le foie (**). La cause de la lenteur du cœur et du pouls dans la deuxième période réside dans l'épuisement du pneumo- gastrique ; en outre, le sang appauvri par suite de la destruction d'un grand nombre d'hématies, n'offre plus (*) Laveran. - Du paludisme. Paris, 1892. (Aide-mémoire Leauté). (**) Voyez pag. 239-340 de la Doctrine microbienne de la fièvre jaune. Rio, 1885. Op. cit. 64 une quantité suffisante de oxy-hémoglobine destinée aux combustions. En revanche, les poisons microbiens abon- dent dans le torrent circulatoire. Les ganglions cardiaques obéissent mal au faible stimulant d'un sang vicié. La 3.me période est l'aggravation de la période de rémission ; elle serait la répétition fidèle des symptômes de la l.ère période si l'on n'y rencontrait pas un sang- impropre à la réproduction des memes faits, des tissus déjà dégénérés par la première invasion des parasites, et des centres nerveux déjà saturés des produits fournis par les mêmes parasites. Non obstant, quelques phéno- mènes sont comme un pâle reflet de la phase initiale. C'est ainsi que les vomissements reparaissent sous l'as- pect formidable du vomissement noir, quelquefois incoer- cible. La respiration devient de plus en plus pénible, le pouls précipite ses battements, la température s'élève de nouveau, les hémorrhagies deviennent de plus eu plus abondantes et le malade succombe par suite de cette espèce de récapitulation de la l.ere période, chevauchant, pour ainsi dire, un organisme déjà affaibli par les coups de l'invasion. Dans les expériences faites sur les animaux avec les ptomaïnes, un fait frappe de prime abord ; c'est l'action fugace de cette substance. Après de si graves pertur- bations qui semblaient devoir occasionner la mort, les chiens se sont peu à peu rétablis, après quelques jours de fièvre et d'abattement. Ceci fait supposer que les ptomaïnes sont facilement éliminées. Si dans le processus morbide de la fièvre jaune, il agissait seulement une dose limitée de to- xines, cette maladie ne revêtirait pas la gravité qui la rend redoutable ; tout se bornerait à des désordres pas- sagers. Mais les choses ne se passent pas ainsi, parce que la toxine résulte du microbe, et celui ci prolifère; 65 d'où de nouvelles doses de toxine qui, sans cesse, s'accumulent dans le sang, en en modifiant la composition normale et communiquant des dégénérescences aux élé- ments anatomiques. Cette distinction que je faisais déjà en 1885, entre l'action des ptomaïnes ou toxines d'un côté et celle du microbe en fonction périodique dans l'organisme où il évolue (*), est aujourd'hui généralement adoptée par les bactériologistes, dans le but de bien étudier les phéno- mènes de l'infection proprement dite et ceux de l'into- xication par les produits élaborés par les microbes. Que l'on me permette encore une fois cette revendication. Les expériences que nous avons faites chez les gre- nouilles avec le sulfate et le chlorhydrate de ptomaïne gazeuse, ont mis en évidence une action énergique sur les centres nerveux, d'où il est résulté un état d'insen- sibilité et d'immobilité, dénotant des modifications rapides dans le fonctionnement du bulbe rachidien et des hémis- phères cérébraux. Quant à la diminution de la sensi- bilité cutanée, qu'aucun auteur n'avait encore signalée, j'ai eu l'occasion de mettre ce fait en évidence chez quelques malades de l'Hôpital de N. D. de la Santé, en me servant des indications fournies par le compas de Weber appliqué dans différentes régions du corps. La syncope mortelle qui termine souvent la fièvre jaune (Ru fs, de Lavison, Bérenger-Féraud etc.), s'ex- plique de deux manières : ou par une thrombose formée par les détritus des microbes et des caillots de sang dans l'intérieur des vaisseaux, ou alors par une action brusque des toxines sur le bulbe. Il nous reste de donner l'interprétation expérimen- tale de deux phénomènes capitaux, c'est-à-dire, le vomis- (*) Voir op. cit. Doct. lïiicrob. de la f. jaune, pag. 341. 66 sement noir et l'albuminurie, qui marquent le passage de la 2.rae pour la 3.me période, pendant laquelle ils se prolongent ; l'un d'eux, l'albuminurie, étant souvent le prodrome de l'urémie. Pendant la phase de pigmentation du mierobe amaril, il se forme, outre le pigment jaune, les pigments brun, bistre et noir. Comme dans les cas de malaria, ces derniers pigments étant insolubles, ils se déposent dans l'intérieur des vaisseaux capillaires et des cavités des organes creux, tels que l'estomac et les intestins, où ils prennent l'aspect tantôt de la suie, tantôt du papier brûlé et de la poudre de café torréfié. J'ai isolé cette matière noire, qui est soluble dans l'alcool ; je l'ai desséchée à 100°, je l'ai obtenue sous la forme granuleuse ; elle ne présente ni saveur, ni odeur. Pour moi, elle résulte d'une trans- formation du pigment jaune, à l'aide soit d'une oxyda- tion, soit d'une hydratation. La couleur noire des matières vomies n'est, donc, due à du sang altéré, comme l'ont songé les médecins du commencement de ce siècle et l'ont soutenu, par respect à la tradition, beaucoup de médecins actuels. Il peut y avoir et il y en a positivement des hémorrha- gies à travers la muqueuse gastrique et intestinale. Alors le sang est réjeté en nature ou tout au moins on y découvrira sa structure caractéristique. Mais, les vomis- sements noirs types sont sans une seule trace de sang. C'est ce qui démontre l'analyse chimique et l'ana- lyse spectroscopique. La lère ne révèle dans la matière noire aucune trace de fer,constant dans les globules du sang.La 2.me ne montre pas les raies de l'hemoglobine, ni guère celle de l'hématine. Passons à l'albuminurie. Quel est son mécanisme? Par suite de la combustion exaggérée de la l.ère pé- riode, la partie albumineuse et fibrineuse du sang ayant 67 été en grande proportion consumée, le sérum change de densité, et transude à travers l'épithélium rénal avec autant de facilité, que cet épithélium lui-même se déchi- quète et se détruit, à cause de la dégénérescence granulo- graisseuse qu'il éprouve. Les lésions produites finissent par l'oblitération de la lumière des canalicules des reins, d'où Vanurie. Cette oblitération est causée non seulement par les débris des cellules épithéliales décollées, mais encore par les détritus des microbes accumulés en colonies, ainsi que le dé- montrent les coupes histologiques, et par les épanche- ments de sang, qui est souvent hémorrhagiquement rejeté par l'urine. On sait que la conséquence de l'anurie est l'urémie, que j'ai expliquée le premier, en 1885, contre toutes les écoles admises, comme étant la résul- tante de divers poisons et non d'un seul exclusivement. En effet, voici ce que j'ai écrit à la page 309 de la Doct. micr. de la fièvre jaune : « Dans l'anurie le sang ne se charge pas seulement d'urée, mais encore de tous les autres principes de l'urine. Les matières colorantes de ce liquide, les sels minéraux et organiques qu'il contient, sont également des produits destinés à être éliminés avec l'urée elle-même, représentent des résidus qui ne sont pas indispensables à l'accomplissement des actes physiologiques normaux ; et leur rétention dans le sang doit être par con- séquent également nuisible, parce qu'ils sont des matériaux inabsorbables qui serviraient seulement à troubler les fon- ctions. Chacun des principes de l'urine qui devrait être excrété comme inutile et qui continue à s'accumuler dans le sang, est, de cette manière, un facteur qui joue son rôle dans l'ensemble de tous les symptômes qui caractérisent l'intoxication urémique. » Nous n'avons compris dans l'interprétation pathogé- nique que nous venons de développer, que l'action toxique 68 du microbe amaril. Mais le microbe amaril, comme corps étranger, est-il passif dans la scène morbide1? Non, certes. L'organisme subit l'impression d'un agent qui détruit son équilibre, aussitôt que cet agent s'introduit dans ses appareils. De là l'étourdissement, la céphalalgie, des frissons, des douleurs articulaires etc., en vertu de la compression exercée par les microbes sur la masse encé- phalique, au long de la moelle épinière etc. NT. Lavéran s'est rallié à cette interprétation, qu'il a appliquée à la pathogénie des accidents palustres (*). « La présence des hématozoaires, dit-il, dans les vaisseaux des centres cérébro-spinaux fournit une explication satisfaisante des symptômes nerveux : céphalalgie, rachialgie, délire, con- vulsions, coma et aussi des accès de fièvre ; le frisson n'est manifestement qu'un symptôme nerveux. » A. - Infections secondaires An temps où j'avais annoncé an monde scientifique, depuis 1880, que dans certains cas de fièvre jaune, on rencontrait, outre le microcoque xanthogénique, d'autres micro-organismes, tels que des bacilles et des vibrions de plusieurs espèces, on croyait qu'une proposition sem- blable était une hérésie, que j'avais été victime d'erreurs grossières et on me reprochait de cultiver des bouillons impurs. L'époque de cet unicisme est passé, et on admet aujourd'hui ce que j'avais depuis si longtemps avancé pour la fièvre jaune, que les maladies infectieuses pos- sèdent bien leur agent spécifique, mais qu'elles peuvent, dans certaines formes, donner entrée à d'autres agents (*) Lavéran, pag. 108 - Du Paludisme, op. cit. 69 microbiens secondaires, qui surajoutent leur action pathogénique à l'action principale. Afin de prouver que j'ai eu réellement la précé- dence quant à ce fait incontesté, surtout pour certaines maladies offrant de larges portes d'entrée aux germes, comme la diphthérie, la fièvre typhoïde, la variole etc., je vais transcrire textuellement les paragraphes, où j'ai traité de ce sujet. Les voici : « Aussi, le vomissement noir est suivi d'un accable- ment des plus profonds, et d'un état de débilité le plus souvent mortelle. Tout l'organisme a alors perdu son impulsion ; on peut dire que ce n'est pas du sang qui circule dans les vaisseaux du malade ; c'est une masse informe de cryptocoques, bactéries, vibrions et détritus de toutes sortes. Enfin, le malade ne pouvant pas résister à tant de causes d'épuisement tombe dans le coma et meurt. D'autres fois, nue vraie septicémie occasionnée par la putréfaction des détritus des êtres microscopiques, s'établit et emporte le malade dans l'espace de quelques jours » (*). Plus tard, j'ai écrit (**) : « Eu effet, dans un grand nombre de cas de forme typhique, le sang devient le ber- ceau de nouveaux parasites ; et sa composition se modifie si profondément qu'il se transforme en un nouveau milieu adapté au développement d'autres germes et plus spécia- lement des germes septiques, qui rencontrent dans les débris des cellules des cryptococci et dans les détritus qui résultent de la destruction des éléments anatomiques les matériaux, qui constituent pour eux une excellente source d'alimentation. De la même manière, dans des (*) Recueil des travaux chimiques, suivi des recherches sur la cause la nature et le traitement de la fièvre jaune, 1880. Rio de Janeiro, pag. 256. (**) Doct. microb. de la fièvre jaune, 1885, Rio Janeiro, pag. 306. 70 Conditions en dehors de l'organisme, nous voyons les fer- mentations se succéder entre elles par la modification des milieux que chaque génération d'êtres microscopiques laisse comme héritage». J'insiste, donc, sur ce point, que les infections se- condaires qu'on signale à l'époque actuelle, comme d'im- portants facteurs dans les maladies infectieuses en géné- ral, ont été signalées par moi depuis longtemps déjà, par rapport à la fièvre jaune, avec cette restriction qu'elles ne sont que des accidents exceptionnels qui arrivent dans les formes typhoïdes. B.-Lésions anatomo-pathologiques La similitude entre la fièvre jaune expérimentale- ment provoquée et la fièvre jaune humaine ne se limite pas au tableau symptomatologique, elle s'étend également aux lésions anatomo-pathologiques, aussi bien macro que microscopiques. Nous avons démontré cette ressemblance à l'aide de 27 autopsies de cobayes et lapins, autopsies dont le compte rendu détaillé occupe 35 pages in-4? du livre Doct. microb. de la fièvre jaune, que j'ai publié en 1885. (*) Devant la commission officielle qui examine à présent mes travaux, on a encore plusieurs fois constaté cette si- mulitude chez des cobayes, lapins et chiens, qui ont suc- combé par suite de l'inoculation des cultures virulentes du microcoque xanthogénique. (Voyez à la fin - Ap- pendice). En effet, examinons les principaux organes atteints. (*) Pages 149 à 184. 71 Qu'est-ce que l'on trouve relativement aux poumons dans les cadavres humains? Des congestions, de véritables foyers hémorrhagiques contenant un sang noir plus ou moins diffluent. Or, c'est exactement ce qu'on rencontre chez les animaux victimes de la fièvre jaune expérimen- tale. Il n'a même pas manqué les plaques ecchymotiques à la surface du poumon, si caractéristiques dans les ca- davres humains. Si nous comparons les lésions du foie, nous verrons que cet organe,de même que dans les nécropsies humaines, a présenté chez les animaux, dans la généralité des cas, des altérations dans la couleur, le volume et la contexture. Ainsi, ces paroles de Costa Alvarenga qui s'appli- quent au foie humain : « Il est rare, excessivement rare, que le foie aie conservé sa coloration naturelle chez les morts de fièvre jaune», sont parfaitement applicables au foie des animaux qui ont succombé à cette maladie. On en a trouvé dont la couleur était noirâtre, lie de vin, couleur paille, bronzé, marbré de jaune etc. Du reste, les congestions et les infarctus hémor- rhagiques, l'augmentation de volume, totale ou par- tielle, ont été appréciées dans le foie des animaux avec les mêmes caractères que chez les sujets de l'espèce humaine. Et les hyperhémies du côté du cerveau, de la moelle, des méninges crânio-rachidiennes, ne nous offrent-elles pas également un spécimen probant de l'identité des lé- sions chez l'homme et chez les animaux? Cette identité devient encore plus remarquable, lorsque nous nous rappor- tons à la même suffusion ictérique des tissus, au contenu jaune et noir de l'estomac et des intestins, à l'hyperhémie des reins et à la présence fréquente de l'albumine dans les urines. Chez les lapins, nous avons trouvé la vessie le plus souvent vide, ainsi que chez les chiens ; chez les 72 cobayes, elle s'est montrée, au contraire, à l'état de plé- nitude dans la proportion de 95 °/0. Enfin, nous appelons encore l'attention sur le poin- tillé ou plaques hémorrhagiques que l'on rencontre dans les muqueuses gastro-intestinale et vésicale, les caillots noirs qui remplissent les oreillettes et les ventricules du cœur, phénomènes qui sont également observés chez les cadavres humains. Les deux tiers des animaux, aux quels on a inoculé la fièvre jaune expérimentale, sont morts pendant la première huitaine, c'est-à-dire qu'ils ont offert la durée ordinaire de cette pyréxie. Quant à l'examen histologique des coupes des différents organes, examen fait en 1885 par la commission alors nom- mée par le Ministre de l'Empire, et cette année même par les Dis. Barradas e Clarimundo Mello, membres techniques de la commission à laquelle je me suis rapporté plus d'une fois, il démontre que les mêmes altérations trouvées chez l'homme se reproduisent chez les animaux. Que l'ou consulte la pag. 103 de la Doct. micr. de la fièvre jaune (1885), et l'on y verra le chapitre Lésions produites par V inoculation du microbe de la fièvre jaune sur le cochon d'Inde. Là on lit que les coupes du cerveau de ces animaux ont montré une hyperhémie considérable de tous les capillaires, qui étaient remplis d'un sang foncé, présentant de distance en distance quelques petits points noirs. La masse cérébrale présentait une teinte jaunâtre prononcée. Ce sont les mêmes altérations rencontrées dans le cerveau de l'homme. Les noyaux des fibres musculaires du cœur des ani- maux se sont montrés augmentés de volume, de même que ceux des fibres du cœur humain. Les foyers hémorrhagiques des poumons des cobayes, examinés au microscope, présentent à peu près le même 73 aspect trouvé chez l'homme. Là, comme ici les alvéoles sont remplis de sang, qui empêche la pénétration de l'air dans ces petites cavités. Les lésions du foie chez l'homme existent aussi chez le cochon d'Inde, plus ou moins prononcées. La dégé- nérescence graisseuse se rend évidente par l'emploi de l'acide osmique. Cette dégénérescence n'est pas une simple infiltration, elle atteint profondément la cellule hépatique, qui perd sa forme polygonale, et présente dans son in- térieur même des granules de graisse mélangée à du pi- gment. La cellule hépatique tombe à la fin en nécrobiose, pourtant sa régénération est possible. La stéatose dans la fièvre jaune a, donc, un caractère passager. L'aspect de sécheresse que présente le foie amaril paraît donner raison à l'idée de Péris, qui admet, dans la stéatose hé- patique un remplacement de la graisse aux parties li- quides et solides. On a noté, comme chez l'homme, à la muqueuse de l'estomac, de petits foyers hémorragiques, accompagnés d'une augmentation de volume des éléments morpholo- giques de la muqueuse. Le rein présente sur les petits cadavres de cochons d'Inde des lésions qui sont très comparables à celles que l'on trouve sur le rein de l'homme. Les cellules qui forment les parois des canaux sont gonflées. Quelques tubes (ceux des anses de Henle principale- ment), présentent desquamation épithéliale, et, sur une des coupes, on a vu des tubes obstrués par des cylindres granuleux. La coloration du rein s'est montrée plus pâle que la normale, avec quelques nuances jaunâtres. On y a trouvé la dégénérescence graisseuse et gra- nuleuse. En conclusion, il y a une concordance frappante entre 74 les altérations microscopiques rencontrées chez les ani- maux et chez l'homme. Cette concordance sert de contrôle éloquent pour mettre au-dessus de toute contestation l'identité de l'état mor- bide que nous avons transmis de l'homme aux animaux, au moyen des inoculations, et représente la confirmation de nos déductions à l'égard de la nature parasitaire de la maladie. CHAPfTBE V Sommaire. - Thérapeutique et prophylaxie de la fièvre jaune. L'ancien traitement était purement empirique. Thérapeutique moderne: Traite- ment anti-parasitaire. Traitement bactérien. Séro-therapie anti-amarille. Depuis les traitements les plus spoliatifs jusqu'à l'inertie de l'expectation, qui est l'abdication avouée de l'impuissance de l'art, tous les moyens ont été employés à l'envi pour combattre la fièvre jaune. Ces moyens n'obéissaient à aucun plan appuyé sur la nature du mal, car l'ignorance était absolue à cet égard. Au lieu d'étudier le fond de la maladie afin d'appliquer les méthodes curatives, on créait ces méthodes, en dédaignant tout-à-fait les recherches étiologiques, l'investigation des causes internes et extérieures. D'où les tâtonnements et le chaos qui rendaient la thérapeutique de la fièvre jaune un amas de ressources empiriques, tantôt à dis- crétion des caprices du médecin, tantôt subordonnées aux préjugés d'une école dominante. La méthode la plus ancienne avait pour base les saignées générales, qui étaient proposées en vue des phénomènes congestifs de la première période. L'extra- ction du sang n'empêchait pas moins l'évolution du mal, caria cause de la congestion continuait à agir dans l'inté- rieur du corps et y préparait le théâtre pour des scènes adynamiques diamétralement opposées au premier aspect inflammatoire de l'infection. D'après les livres de Desportes et Dépeirières ce 76 traitement constituait l'engouement des praticiens du siècle XVIII. Sous l'influence des idées de Broussais, la ferveur pour le traitement anti phlogistique ne s'est pas bornée à la phlébotomie; on l'associait largement aux émis- sions sanguines locales. En se rapportant à ces faits dit Béranger-Féraud : «Il faut songer qu'à l'époque où Chevé, Calvé et Catel écrivaient, l'école physiologiste florissait, et Chevé fut si frappé d'admiration, en arrivant en France, des résultats de la méthode de M. Bouillaud, qu'il exprima le regret dans sa thèse de n'avoir pas appliqué les saignées coup sur coup à la fièvre jaune de G orée. » Les médecins anglais ont modifié radicalement cette méthode. Ils appliquaient à la prèmiere période les dras- tiques, spécialement le calomel, en même temps que la saignée et réservaient la poudre de quinquina pour la 2.ine période. Aujourd'hui ce traitement profondément débilitant, dont l'issue était de hâter et aggraver la 2.me période, a été pour ainsi dire abandonné, et les sangsues elles- mêmes ne sont employées qu'avec une certaine réserve pour modérer les symptômes d'hyperhémie à la l.ére pé- riode. La médication émétique a joui de faveur pendant un certain temps. Or, la grande irritabilité de l'estomac étant un symptôme constant, nous pensons, avec Cédont, Granizo y Ramirez, Grizolle et autres, qu'il faut épargner le plus possible l'estomac et user de la plus grande ré- serve dans l'emploi des vomitifs, surtout le tartre émé- tique, dont l'action hyposthénisante est bien connue. Les laxatifs sont, au contraire, généralement utiles, dans le commencement de la maladie ; le calomel, suivi de l'huile de ricin deux heures après, ont l'avantage de préparer 77 le tube intestinal à l'absorption des médicaments qu'on administrera plus tard, tout en produisant une dérivation utile sur l'appareil hépato biliaire, ainsi qu'un abais- sement de la pression sanguine du côté du système de la veine porte. Les diaphorétiques, à la l.ère période, ont été proposés à titre de provoquer l'élimination des principes morbides par la sueur. Cette élimination est pourtant bien pro- blématique. L'émonctoire cutané ne saurait se comparer aux émonctoires intestinaux et surtout rénal. Or, par suite des rélations fonctionnelles entre le travail des glandes sudoripares et celui du filtre rénal, on courrait le risque de favoriser la suppression des fonctions de ce dernier, en stimulant outre mesure la diaphorèse, d'autant plus que la dysurie et l'anurie, sont des symptômes qui tendent à se manifester pendant l'évolution de la fièvre jaune. Je pense donc que, sans bannir tout-à-fait l'usage des sudorifiques, nous devons nous borner à entretenir la moiteur de la peau, en évitant l'emploi des diapho- rétiques très violents, qui donneraient lieu à un mou- vement contraire par rapport aux reins. Sappey insiste beaucoup sur cette alternance de la fonction cutanée et rénale, dont les intensités suivent une marche directement inverse. En un mot, aucun des traitements si variés, que l'on a essayés jusqu'ici n'a pu s'imposer comme des méthodes générales ; et les médecins ont dû les employer comme médication symptomatique à peine, au fur et à mesure des indications qui se présentent. Pour les cas légers, les médicaments légers réussissent souvent, de même qu'une simple expectation. Mais la thérapeutique des cas graves ne pourrait se contenter de moyens si incertains et qui sont répudiés tous les jours par les résultats pratiques. 78 Pour terminer ce court aperçu sur les traitements proposés, nous allons condenser dans les chiffres qui suivent, les résultats recueillis en Guadeloupe par Du- trouleau, dans les cas graves de fièvre jaune (*) : Par la méthode des saignées, la mortalité a été de 61,1, pour 100. Par le traitement mixte, elle a été de 65,8 °/0. Par l'emploi de l'émétique, elle a été de 82,5 °/0. Par le sulfate de quinine elle a été de 92 °/0. On voit que le sulfate de quinine a donné une statis- tique déplorable. Il eu a été de même chez nous, malgré les affirmations du prof. Terres Homem, qui en fut le plus grand, enthousiaste pendant longtemps. La majorité des médecins est d'accord que l'usage des sels de quinine doit être banni de la thérapeutique de la fièvre jaune, excepté s'il y avait une complication paludéenne, cas où il sera, au contraire, indispensable. Devant le tableau si triste d'insuccès répétés, quelque soit la méthode de traitement employée, j'ai eu l'idée depuis 1880 d'imprimer une réforme radicale dans la thérapeutique de la fièvre jaune. Au lieu de l'aveugle empirisme, je suis allé à la recherche d'une médication raisonnable, en harmonie avec la cause morbigène. On sait aujourd'hui que la cause est parasitaire, c'est le parasite qui altère les organes et fonctions, c'est le parasite qui tue le malade. Eh bien ! La conclusion est logique : Tuons le pa- rasite. Nous devons, donc, recourir à la protection des an- tiseptiques, en y choisissant ceux qui sont des poisons énergiques du petit être microscopique, sans l'être à la fois de l'organisme humain. (*) Dutronuleau - Maladies des Européens dans les pays chauds. Pag. 460. 79 Parmi tous les agents chimiques, je n'ai trouvé qu'un seul qui satisfasse à cette condition : c'est l'acide salicylique à l'état de salicylate de sodium. A. - Traitement de la fièvre jaune par le salicylate de sodium Je n'en veux pas parler maintenant pour mon compte. Donnons la parole à ceux qui l'ont expérimenté ; au moins on ne me taxera pas de soupçon. Voici les mots textuels d'un professeur de la Fa- culté de Rio, M. le Dr. J. Maria Teixeira, opinion très valable vu qu'il était habitué à soigner un grand nombre de malades de fièvre jaune à l'hôpital de Jurujuba : « Pendant plusieurs épidémies de fièvre jaune, aux- quelles nous avons assisté (dit-il) (*), bien que nous eussions employé l'acide phénique, ainsi que quelques autres confrères l'ont fait, nous n'avions pourtant pas encore administré le salicylate de soude, et nous ne l'avons fait que lorsque nous avons vu que le distingué et éclairé professeur de chimie organique, le Dr. Do- mingos Freire (**), avait obtenu de bons résultats au moyen des injections hypodermiques de cette substance. Ainsi, après avoir pris des renseignements sur la manière d'agir de notre habile confrère et distingué ex- périmentateur, nous nous sommes décidé à faire une série d'expériences sur l'emploi du salicylate de soude dans la fièvre jaune, en variant les doses et le mode d'ad- ministration ». (*) Le salicylate de soude dans la fièvre jaune : Mémoire présenté à l'Académie de médecine de Rio, 1886 (page 9). (**) Merci pour les éloges immérités, N. de l'A. 80 A la page 63 du mémoire que je viens de citer, le même savant Professeur s'exprima ainsi : «Par l'analyse des résultats obtenus dans le traite- ment de la fièvre jaune, au moyen du salicylate de soude, on voit que pour les malades traités depuis l'invasion de la maladie, la mortalité a été à peine de 2,17 (deux et dix-sept centièmes) pour cent ; car, parmi 46 malades il n'y a eu qu'un seul mort. Voyons les résultats obtenus durant les épidémies antérieures au même hôpital de Jurujuba, pour les ma- lades rentrés dans le mêmes conditions, mais traités par d'autres méthodes. A l'épidémie de 1887 la proportion a été de 9,9 pour cent ; em 1878, cette proportion a été 6,70 °/0, et en 1879 elle a été de 12,52 °/0. Les relevés statistiques et comparatifs sont donc d'accord pour déposer en faveur du salicylate de soude à la première période du mal de Siam ; et la différence en est tellement sensible que notre avis ne saurait être que favorable à l'usage de ce médicament dans les cir- constances mentionnées. Pendant l'épidémie qui a sévi cette année même, la différence a été aussi remarquable, que nous pouvons affirmer, malgré des données statis- tiques qui nous manquent, que le résultat a été bien moins satisfaisant au moyen des autres traitements ». M. le Dr. Teixeira termine son intéressant mémoire par les mots suivants : « Ce travail écrit et lu en 1880 a reçu la sanction de la clinique. MM. les Conseillers Torres-Homem, Souza Costa, B. de Ibituruna, ont employé avec un grand succès ce sel de sodium contre la fièvre jaune. Durant l'épi- démie de Vassouras eu 1881, nous-même et le distingué Dr. Lucindo fils nous avons employé ce remède avec beaucoup de succès. Mais l'honneur de ces recherches appartient au distingué chimiste Dr. Domingos Freire, 81 qui non seulement emploie largement le salicylate de soude tous les jours, mais encore ne cesse d'en prôner par la presse l'application comme étant d'une immense utilité» (*). Je pourrais me borner (les éloges à part) à ces ci- tations concluantes ; mais je ne peux me passer d'appeler également à mon aide le témoignage important de M. le Dr. Donovan, médecin de l'amirauté la Ja- maïque, qui a obtenu une mortalité de 10 pour cent à peine, dans les cas les plus graves qu'il a choisis exprès à la première période de la maladie. C'est à peu près le taux pour cent que j'ai obtenu à l'Hospice de la Saude en 1880 et 1885, en prenant en bloc les cas sans distinction de périodes. Le lecteur pourra consulter à ce sujet les observations que j'ai publiées dans mes livres : Recueil des travaux chimiques, suivi des recherches sur la fièvre jaune, Rio 1880, et Doctrine microbienne de la fièvre jaune, Rio 1885. La dose du salicylate variera d'après le mode de l'administrer. Si l'on administre par la voie hypoder- mique, la quantité de médicament sera de 1 à 2 grammes dans les 24 heures. Il faut dissoudre le sel dans une pro- portion de 4 parties d'eau distillée et stérilisée pour une partie de salicylate, afin d'éviter la formation d'eschares. Dans le même but, nous recommandons aussi la pureté chimique du médicament, vu que dans le com- (*) À la thèse inaugurale de M. le Dr. Felicissimo Fernandes sur le salicylate de soude, page 35, se trouve l'opinion bien explicite du Dr. Souza Costa, le regretté Professeur d'Hygiène à la Faculté de Médecine de Rio : « Les résultats obtenus par nous dans le traitement de la fièvre jaune au moyen du salicylate de soude sont d'autant plus importants, par rapport à la terminaison favorable de cette affection, que dans l'année courante, avant d'avoir employé la médication par le salicylate de soude, nous avons soigné beaucoup de malades à l'aide du jaborandy, acétate d'ammoniaque, aconit, digitale, nitre, purgatifs, sulfate de quinine, toniques, alcooliques, etc., avec des résultats aussi défavorables, que nous avions déjà perdu la croyance quant à la thérapeutique de cette maladie». (Voyez Thèse inaugurale du Dr. Felicissimo Fernandes, 1881, Rio Janeiro. 6 82 merce on fournit souvent du salicylate renfermant de l'aeide phénique, dont l'action irritante contribue à la production d'eschares. Intérieurement, la dose du sel pourra être élevée à 4, G, et même 10 grammes dans les 24 heures, selon la gravité du cas. Le savant Professeur Campos da Paz le prescrit tou- jours à dose élevée et s'est très bien trouvé de cette pra- tique. Il faut remarquer que le salicylate de soude n'est utile qu'à la l.ère période de la maladie et vers le com- mencement de la 2.me, vu qu'il jouit de la propriété de produire l'abattement des forces, et il serait imprudent de le donner, surtout à hautes doses, parce qu'on pro- voquerait un collapsus, auquel les malades se trouvent déjà prédisposés dans les degrés, avancés de l'affection. M. le Dr. Donovan déjà cité plus haut, conseille de l'as- socier à des potions stimulantes avec du rhum, afin de contre balancer l'abaissement du niveau général des forces. Plusieurs médications fondées sur la nature micro- bienne de la fièvre jaune ont été proposées. Ainsi, le Dr. Wolfred Nelson, de New-York, a eu l'idée d'essayer l'ingestion de potions acides, vu que (dit-il avec raison) les milieux acides sont impropres au développement des bactéries. Nous trouvons cette idée très profitable, nous avons l'habitude de prescrire à nos malades des limonades (citrique, sulfurique, chlorhydrique, etc.), lesquelles au- raient, eu outre, l'avantage de combattre la soif et mo- dérer F hyperthermie. Le Dr. Angelo Simôes (médecin de l'Etat de Saint- Paul) a employé avec succès l'eau chlorée. Or, on sait que le chlore jouit depuis longtemps de la renommée de décomposer les miasmes, en vertu de sa grande affinité 83 pour l'hydrogène. Cette médication est donc, ration- nelle (*). Le naphtol, le phénol ordinaire, le bichlorure de mer- cure, l'acide borique, ont été également employés contre la fièvre jaune. Mais l'expérience s'est chargée de démontrer que aucune de ces substances ne vaut le salicylate de soude. Le bichlorure de mercure s'est même montré nui- sible chez nous. Son maniement est d'ailleurs fort dan- gereux, et sa toxicité redoutable est un obstacle sérieux à un dosage convenable. Outre les opinions autorisées que nous avons déjà citées sur la valeur exceptionelle du salicylate, nous men- tionnerons celle du Dr. Olyntho de Magalhâes, qui se rallie aux bonnes références des praticiens qui ont essayé ma méthode dans ces termes : « Nous nous prononçons dorénavant en faveur de son indication, car nous avons non seulement le droit de croire à l'aveu de médecins distingués qui l'ont expérimenté avec succès, mais encore nous jugeons que son emploi constitue une thérapeutique rationnelle et d'accord avec les principes modernes sur la pathogénie de cette pyréxie.» (**) Le regretté Prof. Caminhoâ, dans un long et intéres- sant article publié dans le Journal do Commercio (Rio) de 18 Décembre 1895, déclare à son tour, les faits à la main, que le salicylate de soude et l'acide salicylique sont les meilleurs médicaments contre cette maladie. Granizo y Ramirez s'exprime ainsi sur le même (*) Dans une des conférences publiques que j'ai faites en 1896 sur le fièvre jaune, j'ai démontré expérimentalement sur des animaux que le chlore introduit dans le torrent circulatoire s'y transforme en acide chlorhydrique, en vertu de la grande affinité pour l'hydrogène, qu'il enlève aux corps organisés qu'il rencontre. Cela veut dire que le sang devient acide et impropre à la vie du microcoque amaril ; le chlore agi- rait, donc, comme antiseptique et comme modificateur du milieu. (**) Olyntho de Magalhàes, Febre amarella, Thèse inaugurale pré- sentée à la Faculté de Médecine de Bahia, 1887. 84 sujet : « Si la méthode désinfectante est, comme nous le croyons le seul espoir qui reste à la médecine contre cette maladie, nous ne devons pas chanceler à en avoir recours, tout de suite après l'administration de l'émétique. Par suite de la commodité et de la rapidité d'absor- ption, il faut choisir la peau comme voie préférable. On emploiera les injections hypodermiques 2 ou 3 fois jour- nellement durant les 3 premiers jours, en introduisant sous la peau à chaque séance de 0gr,25 à 0gr,30 de salicylate de soude dissous dans 3 ou 4 grammes d'eau distillée; de façon qu'on aie la certitude que le sang aura reçu 1 gramme ou un peu plus de cette substance dans les 24 heures. Si le malade s'oppose formellement au pré- cieux moyeu hypodermique, on lui administrera le même médicament par lavements. ... La méthode désinfectante, telle quelle nous l'éta- blissons, se comporte comme un anti-thermique puissant, combattant la maladie aussi bien dans sa cause spéci- fique, que dans ses manifestations symptomatiques, en calmant la fièvre. » (*) Dans la séance de la Société de Médecine de Rio de Janeiro du 25 Juin 1889, l'un de ses membres les plus distingués, Mr. le Dr. Pereira da Costa, s'est exprimé d'une manière décisive sur la valeur du même médica- ment : « Je suis un apologiste très ardent du salicylate de sodium, a t'il dit. Je l'ai employé après en avoir vu les bons résultats obtenus par le Dr. Freire contre la fièvre jaune, et ceci quand j'étais encore étudiant. Je l'emploie systématique- ment dans la fièvre jaune et j'affirme que la statistique que je possède et que je peux citer, est la plus favorable (*) Granizo y Ramirez, La fièbre amarilla. Estudio téorico-pratico, Granada, 1884. 85 possible. Je cite le fait d'une jeune fille de 18 ans qui s'est rétablie eu 24 heures. » (*) Encore deux autres témoignages avant de terminer : Le Dr. Lopes Rodrigues se déclare sur ce sujet comme il s'ensuit : « Le tube gastro-intestinal ne se trouve dans aucune maladie aussi délicat que dans la fièvre typhique et dans le typhus ictéroïde et pourtant le salicylate de soude est employé avec profit contre ces deux affections. Le Dr. Alexandre Bayma, illustre médecin, l'a appliqué le le premier à la province de S.te Catherine, en 1880, avec succès ; il continue à en tirer de bons résultats dans sa vaste clinique, toujours pleine d'enseiguement pour ceux qui la suivent. L'humanitaire et infatigable Dr. Frédéric Rolla a ré- cueilli également beaucoup de profit avec ce même puis- sant ansi-thermique, qu'il prescrit sans cesse contre les pyréxies. » (**) Après l'exposition des témoignages précédents, qui par eux-mêmes seraient plus que suffisants pour conso- lider la valeur du salicylate de sodium dans le traite- ment de la fièvre jaune, qu'il me soit permis de faire un abrégé statistique des faits recueillis par moi-même dans les hôpitaux de N. D. de la Saude et de Jurujuba : I.-Emploi du salicylate de soude à la l.ère et 2.rae PÉRIODE (À PEU PRÈS DANS LES PREMIERS QUATRE JOURS DE MALADIE). Traités à l'hospice de N. D. de la Saude 68 Traités à l'hôpital de Jurujuba 42 Total 440 (*) Bulletins de la Société de Médecine et Chirurgie de Rio de Janeiro, l.cr semestre de 1889. (**) Febre dengue, Opuscule du Dr. Lopes Rodrigues, pages 19 et 20, 1889. S.ta Catharina. 86 Guéris 98. Ce qui donue uue mortalité de 10 pour 100 à peine. Rappelons que la médication a compris des cas de l.èrc et 2.me période ou de rémission, cette dernière abou- tissant aisément à la 3.me période. II.-Emploi du salycilate de soude, seulement À LA l.ère PÉRIODE Traités à F Hospice de N. D. de la Santé 46 Traités à Jurujuba 42 Total..' 88 Guéris 83. Ce qui donne uue mortalité encore moindre (6,8 pour 100). Eu présence de cette proportion, demandons : Quel est le traitement capable de guérir 94 fois sur 100 et 98 sur 100 (statistique du Dr. Teixeira), à l'occasion d'épidémies intenses comme celles dont nous traitons, et lorsqu'on sait que pour 100 cas de première période, 60 au moins traversent les trois périodes de la maladie? - Je ne dis pas qu'on doive mépriser tout-à-fait les symptômes. Il y en a qu'il faut modérer au moyen de correctifs appropriés, parce qu'ils épuiseraient les forces du malade ; tels sont les vomissements, les hémorrha- gies, le délire etc. Mais ce que je veux signifier c'est que la médecine symptomatique n'agit point sur le fond de la maladie. Le seul concourant du salicylate n'est jusqu'ici que le traitement bactérien, que nous allons décrire tout-à- l'heure. 87 B. - Traitement bactérien L'application des cultures du microbe de la fièvre jaune atténué, comme agent thérapeutique de cette mala- die, c'est ce que j'appelle traitement bactérien. Bien avant que l'éminent Pasteur eût appliqué le virus hydrophobique à la cure de la rage, j'avais déjà essayé les cultures amariles, non seulement à titre pré- ventif, mais encore comme médicament curatif proprement dit. Cela se prouve par une simple confrontation de dates. En effet, la première application du traitement Pasteur contre la rage a eu lieu le 4 juillet de 1885 sur l'enfant Joseph Meister, alsacien, tandis que j'employais mon vac- cin contre la fièvre jaune depuis 1883, en vertu d'un avis de mon Gouvernement du 9 novembre de la même année. Afin de prouver que j'ai inoculé les mêmes cultures dans un but curatif également, il suffit de rappeler que ce fut le 6 mars 1885, c'est-à-dire, 1 mois avant l'illustre Pas- teur, que j'ai appliqué pour la première fois cette méthode de traitement. C'est ce que l'on peut vérifier à la page 23 de ma brochure publiée à Rio de Janeiro, en 1886, sous le titre - Le vaccin de la fièvre jaune - Résultats statistiques de janvier à août de 1885. Pour s'assurer que ce fut bien le 6 mars de la dite année que j'ai introduit ce traite- ment, on peut consulter le registre d'entrée des malades à l'hospice de N. D. de la Saude. En effet, la première expérience a été faite sur deux femmes entrées dans mou service, à cet hôpital, les ob- servations détaillées de ces cas et d'autres se trouvant aux pages 21 à 29 de ma brochure ci-dessus citée. Là je me suis exprimé ainsi : « Le nombre de cas dans lesquels il a été fait l'application de ce traitement, n'est pas encore considérable puisqu'il se limite à sept, desquels 88 trois à l'hôpital de Nossa Senhora da Saude à Rio de Janeiro et quatre au domicile des contaminés, durant la période de mars à mai de cette année. Les résultats cependant ont été si encourageants, que je ne puis me dispenser de les faire connaître et, surtout après l'exemple donné par l'insigne fondateur de la doctrine parasitaire, lequel a cru devoir soumettre à l'appréciation du monde scientifique la même découverte relative à l'hydrophobie rabique ; afin de prouver que dès l'époque de la dernière épidémie j'avais atteint le résultat obtenu par notre savant maître, je vais décrire les observations que j'ai recueillies sommai- rement et que j'expose ci-dessous. Les notes auxquelles ont donné lieu ces observations sont extraites du cahier n. 35 des études faites sur la fièvre jaune et qui a pour titre : « Traitements avortifs » cahier signé par Charles Brown et moi. » Je crois de mon devoir de transcrire ici de nouveau ces observations. Les voici : Première observation. - Maria Joaquina Videira, 21 ans, portugaise, mariée, domiciliée rue dos Arcos, arri- vant de Portugal depuis deux mois, est entrée dans mon service à l'hôpital de Nossa Senhora da Saude, le 6 mars 1885, son état présentant tous les symptômes caractéristi- ques de la fièvre jaune à sa première période et tendance à entrer dans la deuxième. La céphalalgie frontale est intense ; il existe une forte hyperhémie de la membrane muqueuse de l'œil et de la peau à la région thoraxique antérieure. Douleurs contu- sives générales. Température 39°,5. Urines albumineuses. Le 7, l'état du sujet s'aggrave. - Vomissements mu- queux. - Une plus grande proportion d'albumine dans les urines. Le 8. - Le traitement ordinaire appliqué a produit un effet à peu près négatif. - Je me résous à pratiquer 89 une injection hypodermique composée d'un gramme de liquide delà culture atténuée du microbe de la fièvre jaune. L'injection est pratiquée dans la région deltoïde. Je fais suspendre tout traitement, ne permettant à la malade que l'usage de la limonade sulfurique pour atténuer la soif. Le 9, je constate une amélioration. La malade avait bien reposé, la céphalalgie était moins intense ; la tem- pérature de 36°,2, le pouls à 68. La patiente se plaint de sou état de faiblesse. Je continue à prescrire la limonade. Le 10, je trouve la malade sur son séant, apyrétique, pleine d'animation au point de vouloir se lever pour aller voir son mari en traitement dans le même hôpital pour la même maladie, à laquelle il a succombé, dans un autre service que le mien. Les urines contiennent encore de l'albumine. Je prescris des aliments légers et du vin généreux. Les 11, 12 et 13 l'état s'améliore, le 14 la malade entre en convalescence ; enfin le 6 avril, cet-à dire un mois après son entrée dans mon service, je lui donne son exeat. Deuxième observation. - Marie Angélique, 47 ans, veuve, mère de la précédente, portugaise, domiciliée 47 rue dos Arcos, au Brésil depuis deux mois, entre dans mon service le même jour que sa fille, le 6 mars - pré- sentant les symptômes bien accusés de la première période. - Température 40°. Le 8, je pratique une injection d'un gramme du liquide de la culture atténuée du microbe de la fièvre jaune. L'amélioration, comme dans le cas précédent, progresse graduellement à la suite d'une unique injection. Je pro- nonce l'exeat le 6 avril. Troisième observation. - Genoveva de Jésus, por- tugaise, 22 ans, veuve, blanchisseuse, domiciliée rue du Comte d'Eu n. 314, résidante au Brésil depuis un an, 90 traitée à domicile à partir du 10 mai 1885. - Douleurs térébrantes dans diverses régions du corps et particuliè- rement dans les articulations et dans les reins. - Cépha- lalgie frontale atroce. - Température 39°. - 140 pulsa- tions. - Urines albumineuses. - Visage et yeux injectés. - Traitement: application de sinapismes aux extrémités. - N'ayant pas sur moi, à l'occasion, de culture atténuée, ce n'est qu'à 1 heures du soir que je puis pratiquer une injection hypodermique d'un gramme de culture atténuée. Le 11, la température descend à 37°,8. Je constate encore la présence de l'albumine, mais l'amélioration est évidente. A minuit la température est de 37°,3. Le 12, la malade s'est levée saus permission, est sortie et a pris un petit verre d'eau de vie de canne. Récrudes- cence violente des symptômes. A partir de ce moment il se manifeste un refroidissement des extrémités, hoquet pertinace, dysurie, état adynamique. Je pratique une deuxième injection d'un gramme du liquide de la culture atténuée du microbe, et demi heure plus tard une injection d'ether sulfurique. A minuit la malade était mieux ; la température de 36°,9. - Urine peu abondante.- Je prescris du vin de Porto chaud. Le 13 la température est de 36°,8. La malade a uriné deux fois, abondamment, me dit-on. Le 14, température 37°, 1 - 86 pulsations - Appétit. Franche émission d'urine sans albumine.-Sommeil calme. - Légère transpiration des régions frontale et cervicale. Le 15, la malade déclare ne plus souffrir ; le rétablis- sement complet suit une convalescence de quelques jours. Quatrième observation-Ricarda Maria de Araujo, 23 ans, célibataire, domestique, native de la province de S. Paulo (Brésil), domiciliée rue Vicomte d'Itauna n. 73, entrée à l'hôpital da Saude le 4 mai 1885 présentant les symptômes de la 3.1UB période.-Température 36°,4 - 91 Urine peu abondante contenant de l'albumine,- ictère extraordinairement prononcé et général. -Conjonctives oculaires couleur de safran-Epistaxis.-Hémorrhagie par les gencives. Le 5, à 9 heures du matin je pratique une inoculation hypodermique d'un gramme du liquide de la culture atténuée du microbe.-Lavage à l'eau acidulée du suc de citron pour détacher des fragments de sang coagulé et sec adhérents aux lèvres. Le 6, à 9 '/2 h., témperature 36°,8 ou +0,4 que celle du jour précédent.-96 pulsations. - Urines abondantes. Le 7, j'observe une amélioration sensible.-Tempé- rature 36°,9. - 98 pulsations. - Emission franche d'urines bilieuses.-L'hémorrhagie des gencives a cessé.-Sommeil calme.- Je prescris des bouillons gras et du vin et une potion tonique pour combattre l'adynamie. Les 8 et 9, la température se maintient entre 36°,9 et 37°, le pouls à 98 et 81. Je permets à la malade de se lever. - Les 10 et 11, la convalescence commence et quelques jours après je prononce l'exeat. Outre ces 4 cas, ou compte, en 1885, encore trois autres, suivis de guérison, par l'emploi exclusif de la même méthode. Les bulletins de ces trois observations étaient avec mon regretté auxiliaire. Mr. Brown, au mo- ment où un lamentable accident m'a privé pour toujours de son amitié et de son valable concours. A ma clinique particulière, je compte encore sept cas guéris. En outre j'ai guéri au Lycée des Arts et Métiers, trois étrangers nouvellement arrivés au Brésil, ainsique le prouve le certificat suivant, qui m'a été accordé par 92 Mr. Bittencourt da Silva, l'émérite directeur du même Lycée : Mr. le Dr. Domingos Freire Je réponds à votre demande et comme témoi- gnage de la vérité, j'ai le plaisir de déclarer que les individus employés au service du Lycée des Arts et Métiers qui ont été soumis à votre traitement et tous guéris, sont : José dos Santos Valdejon, portugais, âgé de 20 ans environ, (grièvement atteint), Antonio José de Souza, portugais, de 20 à 30 ans, et Adriano de Menezes, portugais, 30 ans plus ou moins. En peu de jours et seulement au moyen de l'application de votre médicament, ils se rétablirent et vivent encore. Je ne plains qu'une chose, que d'autres individus également employés dans cette maison et atteints de fièvre jaune, n'eussent été soignés par vous ; c'est-à- dire un espagnol et deux portugais. Votre etc. etc. (signé) J. Bittencourt da Silva. 10 - 12 - 95, Kio.» J'ai l'intention de poursuivre la vérification de ces ré- sultats excellents lors de la prochaine épidémie. Certes, un moyen qui fournit dans 17 cas, 17 guéri- sons mérite d'être généralisé. Dès l'apparition des pre- miers symptômes les malades devraient se soumettre à ces inoculations, afin de provoquer le plus tôt possible l'avortement de la maladie. Quelle interprétation donner à cette action des cultures atténuées sur l'évolution du processus mor- bide ? 93 Est-ce une phagocytose exaggérée, que produisent les nouveaux hôtes qu'on introduit d'emblée dans l'économie? Est-ce l'influence d'une antitoxine quelconque fabriquée par le microbe dans les bouillons de culture, laquelle irait détruire, comme un antidote, les effets mortels de la toxine naturelle? C'est l'hypothèse la plus conforme aux idées courantes. Cependant, j'avais donné de ce fait une interpréta- tion, qui présente à l'appui des analogues en biologie générale. En effet, voici ce (pie j'avais écrit dans un de mes ouvrages: «Il est probable que l'introduction subite du microbe, préalablement atténué dans l'appareil circu- latoire, aie la propriété d'atténuer à son tour le microbe virulent, lequel exercerait sur les organes son action des- tructive, et qu'il aie le pouvoir, pour ainsi dire, de le domestiquer par l'effet d'un contact assez semblable à celui qui s'opère chez certains animaux alors que se produit le phénomène du croisement de races. Et en effet, il n'est pas difficile de concevoir cette assimilation. Le microbe atténué u'est-il pas une variante du microbe virulent ? Et de ce fait n'est-il pas permis de conclure que du contact de celui-ci et de celui-là il peut résulter une troisième variété atténuée à son tour? De là l'arrêt de toutes les manifestations morbides, l'avortement de la maladie et sa guérison rapide. » (*) C. - La sérothérapie dans la fièvre jaune Quoique les résultats pratiques de la sérothérapie n'aient pas confirmé jusqu'ici les espérances que l'on ima- ginait pour la guérison des maladies infectieuses en gé- (*) Voyez ma brochure: Le vaccin de la fièvre jaune, résultats sta- tistiques de janvier à août de 1885, pages 22 et 23. Rio-de-Janeiro, 1886. 94 néral, à part la diphtérie, bien que les statistiques ue soient toutes d'accord dans les différents pays pour attester l'efficacité du sérum anti-diphthérique ; je prépare actuel- lement mou matériel séro-thérapeutique contre la fièvre jaune: car j'appartiens au nombre de ceux qui croient qu'on peut découvrir plusieurs médicaments possédant le pouvoir de combattre une maladie seule, et que les hom- mes de l'art ne peuvent pas demander mieux que d'avoir à leur disposition un grand nombre de munitions théra- peutiques, destinées à chaque état morbide. Je commence à immuniser des chiens, des moutons et des chèvres avec les bouillons contenant les poisons amarils, auxquels je me suis déjà rapporté dans ce mé- moire. Mais, vu qu'on ne peut pas livrer bataille sans que l'ennemi se présente, j'attends une épidémie de fièvre jaune afin d'entreprendre les essais du sérum anti amaril au chevet des malades. Je répète des expériences sur des animaux, afin de me certifier d'abord s'ils acquerront l'immunité contre le virus mortel, au moyen des injections du sérum préparé, ce qui étant obtenu ne veut point dire qu'il en sera de même pour l'homme. Nous savons tous que le sérum anti-tétanique, qui guérit les animaux tétanisés, n'a aucune influence curative sur le tétanos humain ; chose que j'ai déjà constatée trois fois, pour mon observation personelle. Maintenant, une réflexion pour terminer. J'accorde la plus haute estime aux travaux de M. Roux et ses collaborateurs, et je suis incapable de penser qu'il aie bu ses inspirations en dehors de ses élucubrations. Ce que je vais dire ne doit, donc, nullement être pris en mauvais sens. Mais qu'il me soit permis de rappeler ici que le principe de ce qu'on appelle à l'heure qu'il est la sérothérapie, a été formulé expérimentalement par moi depuis 1883. 95 Ceci se prouve par la citation suivante du texte de mon mémoire - Etudes expérimentales sur la contagion de la fièvre jaune, Rio-de-Janeiro, imprimérie du Messager du Brésil, 1883, mémoire cité par J. Rochard, à la page 542 du tome l.er de son Encyclopédie dJHygiène, ainsi qu'à la page 575 du tome XIII du Bulletin de VAcadémie de Mé- decine de Paris. Voici ce que j'ai écrit aux pages 37 et 98 de mon mémoire ci-dessus mentionné : '( Transplantant les microbes dans le sang de poules et de poulets, et en l'inoculant ensuite à des cochons d'Inde, ce sang qui, au microscope, montre de rares mi- crobes, arrive également à communiquer l'immunité à ces cochons. En effet, deux cochons d'Inde qui furent vaccinés avec du sang de poule qui avait subi une injection intra- veineuse avec un gramme du sang d'un malade de la fièvre jaune à sa dernière période, ne présentèrent aucun symptôme, si ce n'est une légère augmentation de tempé- rature et une petite diminution de poids quand, douze jours après cette vaccination, ils eurent à supporter une injection du sang d'un individu mort de la fièvre jaune. Plus d'un mois s'est déjà passé et les animaux sont encore vivants, tandis que deux antres cochons, en bonnes con- • ditions de santé, mais non vaccinés, ayant été, en même temps que les précédents, injectés avec le sang du même cadavre, moururent dans l'espace de deux jours. » De cette expérience il résulte trois conclusions : 1. ère Que j'ai saturé l'organisme de poules et de poulets avec les produits toxiques du sang du cadavre d'un ma- lade de fièvre jaune; 2. me Que le sang de ces poules et de ces poulets a ac- quis la propriété de rendre immunes des cochons d'Inde, injectés avec le sang du dit cadavre. 3. me Que des cochons témoins injectés en même temps 96 avec le sang de ce cadavre, sans avoir été préalablement immunisés par le sang des poules et des poulets, ont suc- combé, mettant ainsi au dessus de contestation que la ré- sistance au sang virulent avait été réellement communiquée parle sang des poules et poulets, immunisés, c'est à dire contenant des anti-toxines amariles. N'est-ce-pas le fondement de la sérothérapie curative actuelle ? CHAPITRE VI Sommaire.- Introduction à l'Hygiène de la fièvre jaune. - Division des saisons. Expériences sur l'action de la température ; électricité, ozone, lumière, altitude, topographie, aliments. Eau potable, terres, air atmosphérique, cimétières. Rôle des habillements, des navires, des marchandises en généralAntagonisme entre les germes de la putréfac- tion et celui de la fièvre jaune.-Diverses influences météorologiques importantes. Dès le commencement de nos investigations, nous avions remarqué que la prolifération du microbe est bien plus lente pendant l'hiver que pendant l'été ; c'est pen- dant l'hiver qu'il tend à former des agglomérations et à s'incapsuler, en se conservant dans un état d'inertie relative. De là l'existence de deux époques pour chaque an- née : 1?, une saison épidémique comprise entre les mois de Novembre et Mai ; 2?, une saison de repos entre les mois de Juin et Octobre, pendant les quels on ne remar- que que de rares cas sporadiques. La première saison commence quelquefois plus tard, en Janvier ou Février, pour finir également plus tard, vers la fin de Juin. Il est clair que ces divisions ne sont applicables qu'aux régions intertropicales proprement dites, surtout pour la latitude de Rio Janeiro 22°, 53' 51" S. A cette latitude, l'été commence en Décembre et l'hiver en Juin. Ceci veut dire que les épidémies de fièvre jaune préfèrent les saisons d'été et automme (de Décembre à Juin). Cette prédilection parait indiquer 7 98 que la chaleur est l'un des excitants physiques plus im- portants pour la croissance et le développement du mi- crobe. Les expériences in vitro que j'ai faites, confirment cette idée. i?re Expérience sur l'action de la chaleur En effet, que l'on place dans une étuve maintenue entre 38° et 40° un ballon contenant une culture sur gélatine. Cette culture, avant son entrée dans l'étuve, se composait de colonies languissantes ; inoculée dans un cobaye, elle y détermina à peine une légère hyperthermie. Au bout d'une semaine, la même culture montra un développement beaucoup plus considérable, non seulement à l'égard de la grandeur des microcoques, mais encore par rapport à leur quantité. Cependant, l'expérience prouva que la toxicité de la culture n'avait pas augmenté d'une manière sensible. D'un autre côté l'expérience démontre qu'un abaissement de température (zéro et au-dessous), empêche l'évolu- tion du microcoque amaril. L'expérience suivante fut plus concluante (*) : Nous avons inoculé un cobaye avec la même culture. La température de l'animal était de 39°, 1. Nous le plaçâmes ensuite dans une étuve à la tem- pérature constante de 38° à 40°, en y faisant pénétrer continuellement l'air nécessaire à la respiration de l'ani- mal. Les parois de l'étuve étant en verre permettaient à la lumière de pénétrer à son intérieur. Le jour suivant l'animal se montra inquiet et abattu, sa température (*) Lisez Doct. micr. de la fièvre jaune, Rio, 1885. Pag. 237 à 288, 99 s'éleva à 41°,3. Le troisième jour, sa température mar- quait 38°,6, le même état général continuait. Le 4.mejour, tempérât. 39° ; l'animal demeure toujours abattu, maigri, sans appétit. Le 5.me jour, il mourut. Ou en a fait l'autopsie, qui révéla des foyers con- gestifs dans les poumons, dans les reins, etc. Le foie, vo- lumineux, offrait une couleur jaune paille. Couleur jaune des organes, surtout l'intestin grêle, les capsules surrénales et le péritoine. Oreillettes du cœur noirâtres. Des caillots de sang dans les deux ventricules. Peu d'urine dans la vessie. Le traitement par la chaleur et l'acide azotique y révéla beaucoup d'albumine. (*) 2.rae Expérience sur l'action de l'électricité Nous avons fait intervenir les décharges électriques simultanément avec la chaleur. Les animaux placés dans l'étuve sous l'influence combinée des deux agents présen- tèrent (les mêmes animaux ayant été préalablement in- oculés avec une culture atténuée), des phénomènes plus accusés ; aucun pourtant n' a succombé. Dans tous les cas, l'électricité ne paraît influer nul- lement en neutralisant l'énergie du microbe, ainsi que l'ont prétendu quelques épidémiologistes. Telle opinion n'a aucun fondement même a priori, si l'on admet que la cause animée de la fièvre jaune est un végétal, une algue microscopique. (*) Dans le laboratoire de F École pratique de Paris, en 1887, nous avons fait (Gibier, Rebourgeon et moi), des expériences analogues, avec des rats qui injectés avec des cultures atténuées du microbe amaril et conservés dans une étuve à 87?, succombèrent au bout de peu de jours, avec fièvre, dyspnée etc. Dans le sang de la queue on a trouvé des mi- crococci abondants et caractéristiques. 100 Depuis les expériences des abbés Bertholon et Nol- let, et celles plus positives encore de Berthelot quant à l'influence des effluves électriques sur les formations syn- thétiques des végétaux, on sait que l'électricité contribue au contraire à accélérer le mouvement végétatif. Le mi- crocoque amaril étant une plante ne saurait échapper aux lois générales de la biologie agronomique. Il est d'observation que, dans les époques épidémi- ques, les orages accompagnés de forts éclairs et coups de tonnerre, aggravent l'état des malades, même de ceux qui marchaient vers une guérison probable. 3.me Expériences sur l'action de l'ozone On sait que la formation continuelle de l'ozone atmos- phérique est due en grande partie aux décharges obscures de l'électricité atmosphérique. On a voulu inculper l'ab- sence de cet ozone comme la cause efficiente des épidémies de fièvre jaune. Bien qu'il résulte de mes expériences per- sonnelles, en 1885 (*), que la quantité proportionnelle d'ozone diminue considérablement pendant les intervalles non épidémiques, pour augmenter de nouveau pendant les époques d'épidémie; non obstant je m'occupe encore de cette importante question, en qualité de membre du service ozonométrique de France, dirigé par notre sa- vant confrère Mr. le Dr. Foveau de Courmelles, l'électro- thérapeute bien connu. Ce que je peux garantir pour le moment c'est, que l'ozone se trouve très fractionné dans l'athmosphère. Est-ce qu'il s'épuise à cause du travail utile de destruction des germes microscopiques, aussitôt qu' il se forme ? La moyenne des observations (*) Vide op. cit. Doct. microbe de la fièvre jaune. Annexes, page 165. 101 que j'ai faites ici à Rio de Janeiro, pendant 5 mois, (Juillet à Novembre 1895), oscille entre 1,8 et 4,7, ce qui converti en milligrammes d'après l'échelle de Mr. Lévy de Montsouris, correspond à lmm,l et 2mra,3. Il faut remarquer que le papier ozonométrique resta exposé à l'air libre, sous un cône en carton pendant 4 heures, matin et soir. Quoiqu'il eu soit, ce sujet réclame des recherches nom- breuses, afin qu'on puisse s'arrêter à une opinion décisive. 4.me Expériences sur l'action de la lumière Jusqu'à 1885, on ne connaissait que des expériences isolées, quant à l'influence de la lumière sur les bactéries, ces expériences se bornant à son influence sur la végéta- tion et non sur la virulence ou l'atténuation des cultures. Telle était l'orientation des travaux de Vau Tieghen, En- gelmann, Down et Blunt. En 1885 j'entrepris des recherches relatives aussi bien à l'action des rayons solaires sur l'évolution du microbe amaril qu'à la même action sur l'énergie patho- génique de ses cultures. A la même année, M. Duclaux, ignorant mes recherches de même que j'ignorais les siennes, étudia l'influence de la lumière du soleil sur la vitalité des germes du Tyrothrix scaber, et seulement plus tard sur quelques microcoques pathogènes; c'est-à dire que quant au premier point, il y a eu simultanéité entre nos études, mais quant au second point la priorité m'appar- tient assurément. Mes recherches dans cette direction ont été publiées à la page 394 de ma Doct. microb. de la fièvre jaune, Rio 1885. Je vais transcrire textuellement ce que j'ai écrit sur ce sujet, à la page 394 de l'ouvrage cité, dont 102 la lecture rendra évident qne j'ai fait cette recherche en 1883, deux ans avant celle de l'illustre Mr. Duclaux. Voici le texte : «Nous avons fait de curieuses expé' riences relatives à l'influence de la lumière sur l'évo- lution du microbe. Nous avons pris deux ballons Pasteur et nous avons introduit dans chacun d'eux 4 cent. cub. d'une culture dans 45 cent. cub. de solution de gélatine, le 20 Novembre 1883. Six mois après plus ou moins, le 15 Mai 1884, nous avons examiné ces deux ballons, dont l'un avait pendant tout ce temps été exposé à la lu- mière directe du soleil et l'autre enveloppé dans un papier et maintenu daus un endroit obscur. Le ballon exposé à la lumière solaire avait pris une teinte jaune clair, tandisque celui qui était resté dans l'obscurité avait acquis une couleur jaune très intense (orangée). D'un autre côté, dans le ballon exposé à la lumière il existait un dépôt obscur abondant et occupant le fond, mais daus l'autre ballon la limpidité était presque complète. Cette simple inspection nous a mené à penser que la lumière influe, en activant bien la prolifération du microbe xanthogénique, mais en en retardant la production du pigment jaune. L'obscurité a une influence contraire : elle diminue la prolifération en activant la production de ce pigment jaune. Dans le but d'établir une conclusion plus positive à ce sujet, j'ai vérifié au moyeu du micros- cope que la quantité des cellules microbiennes dans la cul- ture exposée à la lumière était relativement à celle des mêmes dans la culture conservée dans l'obscurité, dans la proportion de 1000 à 625. Un essai au moyen du colori- mètre de Houton Labillardière a montré que 10cc de la culture faite à l'ombre étant placés dans la cuve de l'appareil à côté de 10<c de la culture à la lumière, il a fallu 14cc,5 d'eau pour ramener la teinte de la culture daus l'obscurité égale en intensité à celle de la culture 103 faite à la lumière, proportion de 10 à 24,5 qui montre une intensité 14,5 fois moins grande dans la richesse de coloration de la culture à la lumière. Cette observation corrobore ce que nous avait indiqué l'examen fait à l'œil nu». Quant à la influence de la lumière sur la virulence des cultures, j'ai écrit à la même page ci-dessus citée que « le germe xanthogénique redoute les espaces libres aérés, et se plâit dans les atmosphères confinées où s'ag- glomèrent des matières animales, produit de la respi- ration en commun qui lui servent d'aliment. Semblable aux malfaiteurs il propose ses plans d'attaque dans les cachettes», c'est-à-dire dans les endroits où la lumière est misérable. Cependant les cultures exposées à une impression même prolongée de la lumière, pourvu que ce ne soient point des rayons solaires très intenses et directes, con- servent encore leur virulence d'une manière sensible. 5.me -Influence de l'altitude Ou sait que dans les petites Antilles les localités si- tuées à 500 ou 600 mètres au-dessus du niveau de la mer sont généralement à l'abri des épidémies de fièvre jaune ; au Méxique, la maladie ne se montre pas au-delà des terres chaudes (1000 à 1100 métrés). A la Jamaïque, à St. Do- mingue, les habitants des hautes montagnes, jouissent d'une immunité parfaite, tandis que la côte est dévastée (Jones). Parmi nous, il n'y a pas d'exemple qu'il se soit ma- nifesté d'épidémies de fièvre jaune dans les villes de Petropolis et de Thérèsopolis, qui sont placées sur des montagnes très élevées (760 et 1900 mètres). 104 La raison de l'immunité dont jouissent les grandes altitudes s'explique d'une manière satisfaisante par la doctrine des germes. J'en ai donné des preuves expérimentales. (Voyez Doct. microb. de la fièvre jaune, page 255). En 1885, j'ai placé dans la chambre des internes du lazaret de Jurujuba, chambre contiguë à l'une des infirmeries de fièvre jaune, un flacon préalablement chauffé à 160°, con- tenant de l'eau stérilisée. Au bout de 7 jours, cette eau renfermait des micrococci semblables en tout à ceux trouvés dans les malades. D'un autre côté, nous fîmes placer des flacons stérilisés comme les précédents et contenant de l'eau également pure, au sommet de la colline de Jurujuba, située à 300 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Sept jours après, on y a trouvé les micrococci caractéristiques, mais en nombre excessi- vement inférieur à celui qui existait dans l'eau de la première expérience. Si à 300 mètres, au-dessus d'un endroit infecté, le microbe devient rare, cette diminution doit être encore plus grande à 1.000 ou 2.000 mètres, le microbe doit même disparaître, car il n'y trouve plus un air assez dense pour pouvoir vivre ; à part cela, sa densité est considérable et il tend à s'agglomérer dans les couches inférieures de l'atmosphère. En 1896, j'ai répété la même expérience sous une autre forme. J'ai pris deux tubes de gélose, que j'ai piquée avec une même quantité de culture du microcoque amaril. J'ai placé l'un de ces tubes dans le Corcovado, montagne de Rio Janeiro, située à 710 mètres de hauteur. L'autre tube est resté dans le laboratoire, situé dans la plaine. Huit jours après, nous avons fait la comparaison entre les colonies développées. Celles du tube placé sur la montagne étaient languissantes ; tandis que celles du tube gardé au laboratoire florissaient abondamment, en- 105 vahissant la surface presque totale de la gélose. Ces tubes ont été présentés aux nombreux assistants d'une de mes conférences publiques, en 1896. Cependant, il ne faut pas déduire de ces expériences, que les grandes altitudes constituent des barrières in- franchissables aux épidémies. L'histoire des épidémies, montre plusieurs cas où la fièvre jaune a violé cette loi. Même chez nous, à Cam- pinas (ville de l'État de S.' Paul), à 1.000 mètres à peu près d'altitude, des épidémies assez mortifères se sont déjà développées ; par exemple, celle de 1889, dont je me suis occupé à la Société de Médecine et Chirurgie de Rio de Janeiro, dans la séance du 30 Avril de la même année. Dans cette communication j'ai fait remarquer que la résistance aux épidémies amarilles opposée par l'altitude est annullée par les conditions topographiques de la ville, enclavée dans un profond bassin, formé dans les montagnes qui l'entourent, ainsi quo par les mau- vaises conditions hygiéniques des maisons et de leurs habi- tants, dont une grande partie se composaient d'Italiens de la plus basse classe, accoutumés à vivre en dehors de toutes les règles de propreté. L'usage des eaux de puits comme boisson, a contribué grandement à la dissémi- nation du mal, ces puits se trouvant à quelques pas des habitations. Le manque d'égouts pour les matières fécales a fourni de sa part un contingent pour la contagion. Le germe de la maladie a été introduit à Campinas par la voie de Santos, il s'est développé dans cette ville-là grâce à sa topographie défavorable et au manque d'hy- giène. L'altitude n'a, donc, qu'une importance relative contre l'invasion des épidémies de fièvre jaune. 106 6.mt - Influence de la topographie On dit généralement que les populations vivant au bord de la mer sont très sujettes aux invasions de la lièvre jaune. Sans le nier, je ne puis pas me passer de rappeler que les communications entre les nations se faisant par voie maritime dans les pays de fièvre jaune (Amérique et Afrique), il n'est pas étonnant que ce soient les endroits situés au bord de la mer ceux qui sont le plus souvent poursuivis par les épidémies. D'autre part, les communications entre les rivages et l'intérieur étant rares et difficiles, il est naturel que les terres intérieures aient été épargnées. Mais à proportion que les commu- nications deviendront plus rapides, la contagion se ré- pandra à l'intérieur des continents américain et africain, sauf des mesures rigoureuses d'isolement et de désinfection. C'est pourquoi l'on a vu dernièrement atteintes par le fléau, des popidations florissant au centre de quelques États du Brésil et de l'Union américaine, où grâce aux désinfections des wagons des chemins de fer et aux qua- rantaines terrestres, l'incendie n'a pu se propager plus loin. 7.1116 - Aliments du microbe Vu la circonstance, que les épidémies de fièvre jaune apparaissent généralement dans les populations malpro- pres, vivant au milieu d'un air vicié par les exhalaisons dégagées des ordures en putréfaction, dans des habita- tions malsaines, où les micro-organismes de toutes sortes rencontrent une nourriture abondante, il est à supposer 107 que le microbe amaril aime les substances organiques en voie d'altération. L'expérimentation directe m'a démontré que le microcoque amaril vit très bien sur la viande cuite, sur les haricots assaisonnés et sur tous les aliments froids azotés en général. Beaucoup de médecins ont supposé que les pertur- bations gastro-intestinales favorisent l'irruption du mal, par le fait que à une simple indigestion il s'ensuit souvent la fièvre jaune. Il faut, pourtant, considérer ces indigestions comme le premier signe d'une infection déjà introduite dans l'organisme au moyen des germes spécifiques existant dans les aliments ingérés. Nous avons vu, à propos de la morphologie et de la physiologie du mi- crobe, qu'il n'est pas trop exigeant quant à ses milieux de culture. L'eau potable elle-même lui fournit pendant un cer- tain temps au moins, quelques provisions pour vivre. (*) La terre des rues, la terre arable, toujours azotées, con- stituent des milieux aux quels il s'adapte, pourvu que l'on y entretienne de l'humidité et de l'air. L'air est nécessaire, vu que le microbe appartient au groupe des aérobies. (*) Je viens de faire sur ce sujet une expérience indiquant, que dans les analyses bactériologiques de l'eau il ne faut pas se contenter de l'examen de petits échantillons pour en tirer une déduction quelconque. En effet, nous avons introduit dans des matras, bouchés avec de la ouate et stérilisés eux-mêmes, de l'eau commune stérilisée: le matras n. 1 contenant 20°° d'eau; le n. 2... 40°°, le n. 3... 60oc; le n. 4... 80co ; le n. 5... 100cc. Dans chacun de ces matras nous avons semé une seule goutte de culture du microcoque amaril bien proliféré dans du bouillon de boeuf. Vingt quatre heures après, le matras n. 1 était visiblement trouble, et l'examen microscopique y a montré des colonies en groupes. L'examen de tous les autres matras n'a rien révélé. Ceci prouve que l'eau potable peut contenir réellement beaucoup de microbes, sans que le microscope en décèle dans une goutte, à cause de leur grande dilution. Il est donc nécessaire pour les examens bactériologiques des eaux, d'en concentrer un grand volume d'avance dans le vide stérilisé et en présence d'un vase contenant de l'acide sulfurique pur. Le résidu de l'évaporation, sera alors soumis aux cultures et aux examens microscopiques directs et indirects. 108 Aux poussières qui voltigeut dans l'atmosphère des villes les microbes adhèrent et peuvent ainsi être trans- portés par les vents à des distances parfois considéra- bles, en y implantant des cas épidémiques sans qu'aucun malade, sans qu'aucune communication casuelle, puisse expliquer une semblable invasion. Au moyen de l'appa- reil de Hesse, j'ai démontré en 1896, dans mes conférences publiques, que pendant la saison d'hiver le microbe est absent dans l'air, pour s'y montrer de nouveau durant l'été, alors que les cas de fièvre jaune se manifestent (*). (*) Depuis 1860, que les célèbres expériences de Pasteur contre les hétérogénistes, démontrèrent que l'air contient des êtres organisés, en posant ainsi la base inébranlable de tous les travaux de micrographie atmosphérique, pour me servir de l'expression de Miquel. Plus tard Tyndall, Eiselt, Salisbury, Selmi, qui ont analysé l'air des marais, Parkes, Franck, Devergie, Vallin, Maddox, Moreau, Klebs, Soyka, Miquel et une foule d'autres expérimentateurs, confirmèrent l'existence de germes de toutes sortes dans l'air libre ou confiné, surtout celui des hôpitaux et des casernes où l'on a trouvé les cocci du pus, de la pneumonie, de l'érysipèle, le bacille de la fièvre typhoïde etc. Quant à la fièvre jaune, Joseph Jones, le premier, a examiné l'air, pendant une épidémie à New-Orleans, en 1883 ; il affirme dans son rapport « qu'il a trouvé dans l'air des sporules ressemblant beaucoup à micrococci et qu'il a observé des particules semblables dans le sang des malades de fièvre jaune ». De mon côté j'ai décrit dans ma Doct. microb. si souvent citée ici, l'expérience que j'ai faite, en grattant les murs des infirmeries de l'Hôpital de la Saude, destiné alors à l'admission exclusive de malades de fièvre jaune, pareillement à ce que Miquel avait fait, en grattant le parquet de la caserne de Château d'Eau, à Paris. Une seule goutte de l'eau pure dans laquelle j'avais délayée la chaux détachée du mur, a montré une quantité extraordinaire de micrococci, semblables par leurs carac- tères à celui de la fièvre jaune. On y a vu aussi des vibrions et des bacilles. A la page 398 de mon livre ci-dessus cité, je présente un dessin, montrant l'infinité de micrococci résultant de ce grattage. A la page 254 du même livre on voit un dessin montrant les êtres microscopiques ren- contrés dans l'air du laboratoire, recueilli par congélation en dehors de l'époque épidémique. On y voit des mycélium et spores de champignons, des grains de pollen etc., et de très rares micrococci. Je suis très content de constater que Turino analysant Pair des hôpitaux militaires, en 1890, à Turin, a fait une expérience analogue à la mienne, en révélant des microbes dans le produit du raclage des murs, sur- tout des cocci pyogéniques. (Voir la thèse de M. Arantes Pereira, Analyse microbiologie» do ar, Porto, 1894, pag. 32). Que le typhus ictéroide peut se propager par l'air nous l'avons prouvé depuis 1883. A' la page 32 de l'opuscule Etudes expérimentales sur la contagion de la fièvre jaune, nous écrivons : «Le 18 Avril nous 109 A l'occasion des mêmes conférences, j'ai présenté des tubes de culture du microbe amaril dans la terre préala- blement stérilisée. En 1885, j'avais déjà fait l'examen de la terre de la rue S. José (Rio de Janeiro), sur le bord d'une excava- tion que l'on avait faite ; nous y avions trouvé le micro- coque amaril (*). Tous ces faits militent au profit de l'idée que les cimétières sont des pépinières vivaces du microbe de la fièvre jaune. Les terres remuées pendant les exhumations périodi- ques quinquennales, surtout celles des fosses communes, système qui n'a pas encore été malheureusement aboli chez nous, font revenir à la vitalité les spores des microcoques amarils, qui (comme nous l'avons vu) jouissent d'une résis- tance extraordinaire. Les pluies et les vents s'incombent du reste. Depuis 1883 que j'ai fait des expériences directes sur ce sujet, eu me servant de la terre qui recouvrait les sépultures du cimètiére de Jurujuba, spécialement destiné aux morts de fièvre jaune dans l'hôpital du même nom. Ces résultats ont fait du retentissement et, malgré les contestations de MM. Mozly et Harrison, que j'ai refutées, l'opinion générale c'est que les cimétières ne sont pas les sites enchantés, dont le sol aurait la vertu mystique de détruire tous les germes malfaisants, même les germes de destruction de la santé et de la vie. (**) avons placé un cochon d'Inde dans une athmosphère-qui fut facilement saturée des pores des micro-organismes et cet animal mourut dans l'espace de 7 jours, offrant tous les symptômes du typhus ictéroïde. Plus en- core, le sang de cet animal fut injecté sur un autre, qui mourut le l.er Mai dans l'espace de six jours.» (*) Op. cit. Doctrine microbienne de la fièvre jaune. Pages 230-231. (**) Après moi, d'autres observateurs ont fait des recherches ana- logues. Ainsi, Schottelius a trouvé des bacilles tuberculeux dans les cadavres enterrés depuis trois ans. Les insectes, les vers, les larves, 110 Comme corollaire, j'ai conseillé la crémation; ce conseil a été mon plus grand péché, et l'opposition réli- gieuse s'est élevée avec ferveur contre une mesure qui portait atteinte aux croyances orthodoxes. De sorte que nous assistons ainsi à une scène tout-à- fait paradoxale : une réligion qui prêche la charité auprès du lit des malades et excommunie le suicide, s'oppose la première, formellement à la crémation, qui est la sauve- garde contre la contagion, et autorise tacitement l'infection, c'est-à-dire, la mort volontaire des survivants, au nom d'un principe exegétique facilement révocable. Personne ne respecte plus que moi les croyances d'autrui, mais, en fait de protection hygiénique, je suis intransigeant et je pense que sdlus populi suprema lex. Que l'on développe toute la rigueur devant un microbe qui vit de peu et fait mourir de trop. Le microbe amaril est tellement tenace dans sa viru- lence qu'il peut se nourrir aisément même aux dépens des linges sales et des habillements servis. Citons à l'appui le fait suivant, rapporté par Freschi. Le fait s'est passé à la Havane : Informé qu'une grande épidémie de fièvre jaune y sévissait, le Dr. Valli s'est rembarqué pour cette ville afin d'y faire une expérience audacieuse. Il a déshabillé le cadavre encore chaud d'un sujet qui venait d'être victime de la fièvre et s'est mis longtemps en contact avec sa chemise, qu'il a habillée, en s'adressant ensuite ouvrent des fentes dans le sol, à travers lesquelles les germes des maladies peuvent monter à la surface, emportés par ces petits animaux, comme dans le cas bien connu du charbon, se propageant à l'aide des vers de terre. Le Dr. Dœring, de Berlin, a montré que les bacilles du choléra sont vivants dans les sépultures et peuvent se diluer dans les eaux et transmettre la maladie. D'ailleurs, on rapporte de nombreux cas d'epi- démies paraissant à cause d'excavations faites dans les cimétières. Le Dr. Wheelhouse a décrit une épidémie de scarlatine, à Leeds, attribuée aux cadavres exhumés après 30 ans. Bianchi a prouvé que la peste de 111 chez un ami avec lequel il a dîné. Trois jours après cette aventure, il est mort du typhus ictéroïde. Les navires sont des conducteurs excellents du germe amaril, à cause de cette facilité que possède ce germe de s'implanter sur tous les objets où il trouve une propor- tion meme misérable de matière alibile, comme toutes les marchandises en général, surtout en voie de décomposition. La première épidémie qui a éclaté au Brésil, a été due à l'ouverture d'un baril de viande pourrie, provenant de St. Thomas, où il régnait la même maladie. Ceci nous ramène naturellement à parler de l'anta- gonisme entre le microcoque amaril et les germes de la putréfaction. Il est résulté de mes expériences person- nelles (en 1885), que les vibrions de la putréfaction ne sont pas incompatibles avec le microcoque xanthogénique; et dans le struggle for life entre ceux-là et ces derniers germes, la victoire échoit au microbe amaril. J'ai examiné une culture un an et deux mois après que j'avais semé ensemble les microbes septiques et le microbe amaril ; les vibrions avaient été dévorés par celui-ci. C'est que le microcoque amaril vit en dehors de notre organisme aux dépens des produits d'élaboration de la fermentation putride (*). 8?- Diverses influences météorologiques importantes Passons en revue l'action de certaines modifications météorologiques, que j'ai tâché depuis beaucoup d'années Modena de 1878 a été due à des remuements de terre dans laquelle 300 ans auparavant (!) les victimes d'une telle maladie avaient été ensevelies. (*) Op. cit. Doctrine microbienne de la figure jaune, 1885. Page 83, 112 déjà de mettre en relation avec les épidémies (♦). L'ob- servation de deux années de suite a donné les résultats suivants : a) La pression barométrique augmente pendant l'inter- valle des épidémies; elle diminue pendant la période épidémique. b) La température régionale est plus haute dans la saison épidémique que dans celle de repos. Lorsque le thermomètre descend à 24° l'épidémie tend à s'éteindre. Une température de 27°-28° et au-dessus est favorable à l'éclosion épidémique. c) La. tension de vapeur est plus forte pendant la pé- riode épidémique. d) L'état hygrométrique de l'atmosphère n'offre aucune relation fixe avec les invasions épidémiques, si ce n'est qu'il faut toujours un degré assez élevé d'humidité pour l'évolution du microbe et l'apparition du fléau. e) L'évaporation au soleil est abondante d'à-peu-près une quantité égale, aussi bien pendant l'époque épidé- mique que pendant l'époque du repos. f) L'évaporation à l'ombre est dans le même cas que la précédente. g) Quant aux pluies, on ne peut découvrir aucune re- lation générale avec l'évolution épidémique, quoiqu'on en dise le contraire. Pour arriver à ces conclusions j'ai eu recours aux tables météorologiques dressées à l'observatoire astrono- mique, sous la savante direction de Mr. Cruls. J'ai calculé les chiffres, en prenant la moyenne durant les années de 1883 et 1884. (*) Op. cit. Doctrine microbienne de ia fièvre jaune, 1885. Page 1Ç1 de l'Annexe n. 3. CHAPITRE VII Sommaire. - Corollaires hygiéniques dérivant des expériences du chapitre précédent. Mesures d'ordre général. Isolement.-Quarantaines du sys- tème Joseph Holt. - Opinion de Wolfred Nelson. Hygiène indivi- duelle. - Atténuation du microcoque amaril.- Sa vertu prophylactique. - Inoculations préventives de la fièvre jaune. Statistiques et documents comprobatoires. - Autorisations officielles. L'exposition des faits expérimentaux consignés dans le chapitre précédent, nous a mis sur la voie d'une pro- phylaxie efficace, en même temps qu'elle nous a donné des leçons éloquentes pour l'avenir. En effet, on s'est laissé imposer pendant longtemps par des apparences trompeuses, on a cru à tort que la fièvre jaune étant une affection, dont le foyer infectieux était local, ne possédait pas la prérogative de se pro- pager au loin ; et que les navires eux-mêmes où elle se manifestait ne jouaient que le rôle d'un centre non de contagion, mais d'infection à peine. En un mot, la fièvre jaune n'était pas une maladie à miasme, comme la ma- laria par exemple. Ces idées ont prévalu et formé école, en divisant les médecins en deux champs opposés, celui des infection- nistes et celui des contagionistes. Les documents recueillis par Chervin, Louis et Trousseau, envoyés à Gibraltar afin d'observer l'épidémie de 1828, ne sont pas parvenus à ébranler les convictions des partisans de l'infection. De là, les mesures hygiéniques irraisonnables, ne servant qu'à entretenir la calamité dans les populations. 8 114 L'isolement, les quarantaines, les cordons sanitaires furent dans un certain temps répudiés comme des me- sures inutiles, vu que l'on n'admettait aucun principe morbide analogue à celui de la variole ou de la scarla- tine, à titre d'agent inoculable de proche en proche. Le mal était dû à des émanations malsaines des localités, à quoi bon ces précautions rigoureuses, qui ne pouvaient servir de rempart contre l'infection1? Il a fallu que les expériences décisives de la théorie des germes microscopiques pathogènes vinssent rouvrir de nouveaux horizons, pour que de semblables théories littéralement aériennes fussent définitivement abandon- nées. A l'heure qu'il est, l'infection et la contagion se con- fondent; toutes les deux sont dues à des êtres vivants, doués de caractères définis, s'introduisant dans l'éco- nomie et évoluant, chacun avec son énergie spécifique et ses mœurs innées, de manière à imprimer dans les organes des lésions caractéristiques et à présenter à l'ob- servation médicale des signes apparents, servant à désigner tel ou tel état morbide, comme une espèce nosologique à part. La notion des maladies infecto-contagieuses ainsi conçue, il est évident que nous pouvons dorénavant fouler le sol de leur prophylaxie avec un pas bien plus ferme qu'autrefois. En possession, ainsi que nous l'avons décrit dans les chapitres antérieurs, d'un ensemble d'expériences, ré- vélant les conditions générales de la vie du microbe eu relation avec les accidents météorologiques, les agents physiques et les lois cosmographiques qui régissent notre planète, de manière à établir un accord parfait entre le milieu où est né le petit être microscopique et ses habi- tudes biologiques, nous sommes à même de poser des règles plus ou moins précises, dans le but, sinon de 115 détruire totalement les effets malfaisants du germe patho- génique, comme les agriculteurs détruisent les herbes nuisibles qui entravent leurs plantations, tout au moins nous pouvons modérer ses dévastations, en protégeant des populations tout entières contre les attaques des épi- démies. Comme mesure générale d'une haute portée, l'isole- ment des premiers cas et les quarantaines doivent être citées d'une manière spéciale. Nous n'avons pas l'inten- tion de nous étendre sur tous les détails au sujet des réglements sanitaires concernant la navigation ; on en trouve dans les traités généraux d'hygiène. Mais, relati- vement à la fièvre jaune nous recommanderons un sys- tème quarantainaire qui a réussi à merveille dans la pratique. Nous voulons parler du système Joseph Holt, de Louisiana, (États Unis). Nous donnerons une idée de ce système, en nous servant des indications fournies par le Dr. Wolfred Nelson, membre du Collège de Médecins et Chirurgiens, de Quebec (*). Les passagers à peine débarqués sont introduits dans des salons spéciaux pour les hommes et pour les femmes. On enlève tous les effets de leurs colis, et on les fait tomber à l'aide d'un méchanisme particulier, dans un grand réservoir contenant de la vapeur. La disposition de ce réservoir est telle que ses différents compartiments sont munis extérieurement d'étiquettes, correspondant à un numéro pour chaque individu. Les bagages sont chauffés ensuite à l'aide de la chaleur sèche d'abord et humide plus tard jusqu'à 230° F., pendant une demi- heure. Les objets les plus délicats ne sont pas endommagés, (*) Wolfred Nelson.-Yellow-fever. Absolute protection secured by Scientific Quarantaine. New York, 1889. 116 malgré ce traitement. Quant aux objets en cuir, en caoutchouc etc., ils sont plongés dans une solution de bichlorure de mercure. Les vêtements des passagers subissent également l'action de la chaleur, comme les bagages. Les passagers remplacent les habillements qu'ils portent sur eux par d'autres désinfectés d'avance, en attendant que les pre- miers soient soumis à l'étuve. En même temps que les passagers et leurs effets, le navire subit une désinfection rigoureuse. Un petit bateau à vapeur s'approche du navire et introduit de- dans, sous pression, moyennant un méchanisme qu'il serait trop long de décrire ici, un courant de gaz sul- fureux. Ce gaz traverse un tube en asbeste et parcourt toutes les pièces du navire. Toutes les ouvertures étant closes, le gaz agit pendant deux heures environ, afin de lui donner le temps nécessaire pour pénétrer partout. Enfin, les toitures et toutes les parties du vaisseau sont complè- tement lavées avec une solution de bichlorure de mercure. Tous les linges sales du vaisseau sont désinfectés sur le rivage. Il faut ajouter que, à peine arrivé à l'embouchure du Mississipi, le navire reçoit la visite du médecin de la Junte de Santé. Il y fait une inspection sévère dans le but de se certifier s'il y a ou non des cas de maladies pestilentielles à bord. Dans le cas où l'inspection n'a rien décélé d'anormal, le navire poursuit sa route jusqu'à la station quarantainaire, où l'on applique les traitements déjà expliqués ci-dessus. Mais, s'il y a des cas à bord, de maladies infecto-contagieuses, le navire se met immédia- tement au large et va s'abriter dans une rade, où l'on fait toutes les démarches nécessaires à une désinfection totale. 117 Les malades sont placés dans un petit hôpital, et le navire séjournera dans la rade durant 4 ou 6 jours, selon les circonstances. Les passagers descendent à terre, afin que le vaisseau subisse le procédé régulier de fumigation et désinfection. Ensuite, il prend la direction vers la station de quarantaine, où l'on répète encore une fois les mêmes traitements décrits. Toutes ces applications ne réclament que l'espace de 6 heures, Le trafic est, donc, notablement facilité avec le système Holt, dont les avan- tages et l'ingéniosité sont palpables. Le distingué hygiéniste Dr. W. Nelson est un apolo giste ardent de ce système, qu'il a intitulé - quarantaine idéale. New-Orléans a été protégée contre l'importation du germe amaril et d'autres maladies contagieuses, grâce à cette organisation quarantainaire, qui n'a d'ailleurs rien de véxatoire, comme les quarantaines de Lisbonne, par exemple, qui ont été condamnées par le dernier Congrès d'Hygiène tenu à Buda-Pest. La section des maladies des pays chauds du même Congrès a fixé à huit jours la durée de l'incubation et a délibéré que l'on pouvait accorder la libre pratique aux navires, lorsqu'aucun cas de fièvre jaune n'eût été observé huit jours avant leur départ. Il convient d'appliquer aux communications ter- restres la même rigueur qu'à la voie maritime ; et nous avons eu chez nous des preuves de cette nécessité dans l'éruption d'épidémies à Vassouras, ville de l'intérieur de l'État de Rio, en 1881, et à Campinas située à l'inté- rieur de S. Paulo, en 1889. Les germes ont été assu- rément apportés à la faveur des communications rapides par chemin de fer entre Rio de Janeiro et ces localités. Aux États-Unis, grâce à l'initiative particulière, des précautions sont prises pour s'opposer au transport des 118 germes infecto-contagieux par les voies ferrées. Pendant les phases épidémiques on réduit et on suspend momen- tanément les communications directes avec les foyers et F on adopte les mesures suivantes : désinfection des wagons à chaque tête de ligne ; sièges, coussins, tapis, tout est porté au grand air, battu, brossé, fumigué avec du gaz sulfureux. Chaque wagon est lavé en dedans et en dehors et désinfecté. Après une exposition à Pair, pendant quelques heures, les wagons et les équipements sont arrosés avec une solution phéniquée, qui est con- servée en outre dans des vases à F intérieur des wagons. Pendant le voyage on ventile les wagons en main- tenant ouvertes les portes et les fenêtres. Si une per- sonne tombe malade dans le train, cette personne et tout le matériel du wagon où elle se trouve descend à la station voisine. Le matériel mis de côté est tout-à-fait détruit (*). Dès que les circonstances de la vie obligent un individu à émigrer vers un foyer amaril où à demeurer dans une ville sujette aux épidémies de cette maladie, il faut qu'il se procure une habitation sèche et bien aérée, qu'il s'entoure de tous les soins de proprété de son corps, de son appartement et de ses vêtements. Sa nourriture doit être simple et composée d'aliments non altérés; les viandes froides, la charcuterie eu général, pouvant servir & habitat au germe seront bannis, sauf si on les chauffe préalablement. On doit se servir d'une eau de bonne qualité, qui sera conservée fraîche à l'abri des poussières. Il faut s'abstenir le plus possible des boissons fermentées, les quelles provoquent souvent des irritations gastro- intestinales, qui pourront prédisposer au mal, en altérant (*) Spreading of yellow fever by rail-road cars. Chicago - Med. Journal and exam. Nord. 1881 - (Medical News, 4 Mai 1882). 119 les sucs digestifs, qui se prêteront ainsi à la culture du germe ingéré par hasard. Au surplus, la bière et autres boissons pareilles, se putréfient pendant les fortes chaleurs, et peuvent servir de nid au germe xanthogène répandu dans l'atmos- phère. Ou doit éviter de rendre visite aux personnes atteintes de la maladie ou d'accompagner leurs dépouilles mortelles à la dernière demeure. Les tuyaux d'égouts, s'ouvrant à l'intérieur des maisons doivent être très bien lavés à grande eau et avec des solutions désinfectantes. On évitera la fatigue, l'insolation, les chagrins et les excès de toute espèce. Toutes ces mesures sont proposées, non à la légère, mais comme une conséquence logique des études expéri- mentales dirigées sur le micro-organisme spécifique lui- même. Grâce à ces études, l'Hygiène agit actuellement en pleine connaissance de cause et non à l'aventure comme jadis, alors qu'elle ignorait l'enchaînement naturel des faits. Mais, bien que toutes ces règles soient rationnelles, elles manquent souvent leur point de mire et de nom- breux obstacles inhérents aux conditions sociales an- nullent leur effet. D'un autre côté, s'il y a des pre- scriptions sanitaires, dont l'administration publique se réserve l'exécution, ou bien qui sont à la portée des ressources de la classe aisée, il y en a bien un plus grand nombre qui restent ad libitum des populations ou qu'elles ne peuvent pas mettre en pratique, parceque, ces mesures réclament des frais supérieurs à leurs gains. L'Hy- giéniste ne doit pas législer simplement pour les riches ; c'est la classe prolétaire, qui a bésoin, beaucoup plus qu'une autre quelconque, de ses conseils et de son secours. Donc, il faut tâcher d'offrir aux pauvres des moyens dont ils puissent s'utiliser sans que leur petite bourse soit lésée ; au contraire, il ne vivrait pour autre chose, 120 que pour se pourvoir de l'argent nécessaire afin de faire face aux défenses sanitaires. La grande découverte de Jenner réalise le remède des pauvres et des riches à la fois, pouvant être distri- bué partout, sans exiger des frais considérables, soit publiques, soit particuliers. Eh bien ! A la quarantaine idéale de Joseph Holt, nous pouvons ajouter aujourd'hui la prophylaxie indivi- duelle idéale de la fièvre jaune, au moyen de la vacci- nation anti amarile, c'est-à-dire l'inoculation préventive des cultures atténuées du microbe de la fièvre jaune. Ce moyen, que j'ai proposé en 3 883, n'a jamais démenti sa valeur jusqu'ici. Il a fait ses armes pendant de nombreuses campagnes épidémiques, toujours vainqueur au milieu des ravages. Ce recours, en se répandant largement, rentre dans la classe des moyens prophylatiques généraux, car (ainsi que le dit judicieusement M. le Dr. J. Caminhoâ (*), « des centaines de milliers d'individus se trouvant incom- patibles pour être attaqués par un germe pathogène, il est clair que celui-ci ne se développera pas, si ce n'est que d'une manière comparativement insignifiante, vu qu'il manque, pour ainsi dire, le combustible pour le bûcher. » Abordons quelques détails pour l'obtention des cul- tures atténuées du microcoque amaril. a) Procédés pour Vatténuation des cultures du microcoque xantogénique.-Manière de les appliquer.-Effets produits. - Régénération de leur virulence. L'atténuation des cultures du microcoque amaril peut avoir lieu de diverses manières, que j'ai déjà décrites (*) Dr. J. Caminhoa Fils. Thèse de doctorat sur la fièvre jaune. Page 201, 1886. Rio de Janeiro. 121 dans mes ouvrages. La méthode la plus pratique consiste à en répéter les cultures jusqu'à 4, 5 et 6 transplanta- tions successives. L'activité des cultures va en diminuant au fur et à mesure de ces passages ; de sorte que la pre- mière culture étant virulente, la deuxième l'est moins, la troisième encore moins, et ainsi de suite. Enfin, à la septième, huitième transplantation, nous aurons des cul- tures dont l'énergie est presque nulle (*). (*) Les cultures atténuées ainsi, peuvent-elles redevenir virulentes par des moyens artificiels ? J'ai publié en 1886 une brochure - Notice sur la régénération de la virulence des cultures atténuées du microbe de la fièvre jaune, où j'ai décrit le procédé suivant, qui m'a permis la résolution de cet important sujet. Le voici : 1. J'ai pratiqué l'inoculation par la méthode hypodermique, en faisant, sous l'aile des pigeons ou des poules, une injection d'un gramme de culture atténuée qui m'a servi pour les inoculations sur l'espèce humaine ; 2. Trois heures après, j'ai sacrifié les volatiles dans le sang desquels la culture avait été à l'état d'incubation ou de digestion, recueillant ce sang dans des ballons stérilisés ; opération à laquelle j'ai procédé avec toutes les précautions techniques nécessaires pour empêcher l'introduction de germes étrangers dans les ballons ; 3. Immédiatement après, j'ai inoculé ce sang à de petits oiseaux dans une proportion égale à 0,3 centimètre cube pour 30 grammes du poids des animaux. Tous ceux qui ont servi à cette expérience ont succombé dans un espace de un à sept jours. L'expérience répétée quinze fois sur des tiés et des sauhassûs (*) a fourni des résultats identiques. 4. L'au'opsie pratiquée, j'ai trouvé dans le corps des oiseaux des lésions semblables à celles produites par la fièvre jaune et entre ces signes je citerai, comme étant d'une haute importance diagnostique la matière noire couleur d'encre à écrire rencontrée dans le gésier et dans les intestins. Le sang de ces oiseaux, examiné au microscope, montrait les mi- crobes caractéristiques de la maladie. 5. Le sang des poules et des pigeons sacrifiés, d'après ce que j'ai dit au paragraphe 2.°, a conservé la virulence mortifère durant 16 jours après lesquels l'atténuation s'est déclarée. 6. Le même sang inoculé à des cochons d'Inde (cobaye) (inocula- tion intra hépatique, dans le péritoine ou simplement sous-cutanée) et ce dans la proportion de 0,5 de centimètre cubes pour 500 grammes du poids de l'animal a manifesté également la propriété toxique, tuant les sujets dans un espace qui a varié entre 2, 3, 7 et 10 jours.. Les lésions anatomiques confirmèrent le diagnostic de la fièvre jaune; (*) On donne ces noms à des oiseaux appartenant au genre tanagra, et qui se nourrissent d'oranges, de bananes et d'autres fruits. 122 Ces faits ont été constatés au moyen d'expériences sur des animaux. Sur l'homme lui-même, on remarque une gradation identique. Je n'ai jamais osé lui injecter une culture de premier ou deuxième passage, ne voulant pas courir le hasard de provoquer des accidents graves ou même la mort. J'ai injecté quelquefois, pendant les épidémies très intenses des cultures de troisième passage, et la réaction qui en a résulté a été tellement forte, qu'elle a simulé une attaque de fièvre jaune, sans que pourtant les individus inoculés eussent manifesté aucun accident sérieux. Tout au contraire, ils se sont rétablis promptement sans intervention thérapeutique. En général, je préfère, pour les inoculations vacci- nales, les bouillons de trosième et quatrième transplanta- tion, lesquels donnent lieu à des réactions suffisamment énergiques pour imprimer dans l'organisme l'effet spéci- fique, d'où il résulte la résistance individuelle connue sous le nom Quelle est la cause de cette atténuation par transplan- tation ? Je ne crois pas que ce soit l'oxygène de l'air l'agent atténuant, ainsi que l'éminent M. Pasteur l'a admis par rapport à certains autres microbes ; car, s'il en était ainsi, le liquide rencontré dans l'estomac était très obscur et noir et les urines contenaient de l'albumine. 7. Si on injecte le sang du pigeon ou de la poule n. 1 à un de leurs congénères numéros 2, 3, 4 ou 5, on remarque que l'énergie du virus diminue progressivement à mesure que s'élève le nombre des transplanta- tions faites successivement d'un animal à un autre. On peut donc ainsi se procurer constamment une série de cultures systématiquement graduées. 8. Les cultures atténuées inoculées à des animaux (oiseaux ou cochons d'Inde) leur confèrent l'immunité de la vaccination, les rendant réfractaires à l'action du virus mortifère. 9. On trouve, dans tous les cas, dans les cultures graduées ainsi, le microbe spécifique avec ses caractères ordinaires. La nature se sert-elle de procédés analogues à celui-ci, afin de ré- veiller l'activité du microbe endormi pendant la période d'hiver ? L'état actuel de nos connaissances ne permet pas de répondre à cette question. 123 les germes de la maladie, qui voltigent constamment dans la nature, où les provisions d'oxygène sont illimitées, ne parviendraient jamais à reprendre leur virulence. Or, les épidémies qui se manifestent de temps en temps démon- trent tout le contraire. Je pense que l'atténuation en question doit être expliquée par analogie. Ainsi, de même que certains végétaux toxiques, soumis à des cultures répétées, deviennent à la fin dépourvus de leur poison, et si innocents qu'il se prêtent comme aliment usuel, le microcoque amaril lui-même, soigné de ballon en ballon, comme l'agriculteur qui soigne la plante toxique de terrain en terrain, perd peu à peu la propriété d'élaborer dans ses cellules les ptomaïnes qui constituent son principe immédiat. Il ne faut jamais employer les cultures vaccinales chez l'homme, sans en avoir expérimenté d'avance l'in- tensité au moyen d'inoculations dans des animaux (co- bayes et lapins). Passons maintenant à décrire le modus faeiendi des vaccinations et leurs effets sur l'organisme humain. La région choisie pour l'inoculation est la deltoïde. On lave d'abord les points destinés à la piqûre avec une solution de bichlorure de mercure à 1 pour 1000 ; ensuite, au moyen d'une seringue de Pravaz, on y injecte hypodermiquement la culture. La dose à injecter varie selon l'âge de la personne. Pour les adultes on en emploie 1 à 2 grammes. Pour les enfants, ne comptant que quel- ques mois jusqu'à deux ans d'âge, la quantité de liquide à inoculer ne doit dépasser un quart de gramme. Entre 3 et 8 ans, on en injectera un tiers de gramme ; entre 9 et 16 ans, un demi-gramme à 1 gramme. L'inoculation des cultures atténuées est suivie de phé- nomènes de réaction locale et générale, la première s'éten- dant plus ou moins au long du bras et se traduisant par une rougeur exanthématique superficielle, peu douloureuse. 124 La réaction générale dessine le syndrome atténué de la première période de la fièvre jaune ; céphalalgie sus- orbitaire, conjonctives oculaires injectées, oppression épi- gastrique, douleurs gravatives dans les reins et dans les membres, langue pâteuse et rougeâtre à la pointe, nausées et quelquefois vomissements, hyperthermie de 38°, 39°, et rarement 40°. Tous ces phénomènes se dissipent sponta- nément après une durée de 24 heures à 3 jours au maxi- mum. Il arrive parfois qu'il se manifeste un ictère partial et même général. Dans tous les cas, les points de l'ino- culation s'entourent d'une zone plus ou moins vaste d'une belle nuance jaune. Dans quelques cas on a remarqué de l'épistaxis. Pendant la réaction, fébrile l'urine, contient une petite quantité d'albumine. Le tableau suivant indique la fréquence avec laquelle se sont produites les réactions sur un total de 748 indi- vidus. Je classifie les réactions en 4 variétés, à savoir : 1? fortes ; 2? régulières ; 3? faibles ; 4? nulles. Sur 768 personnes, nous comptons : Réactions fortes 360,- régulières 195,- faibles 148,- nulles 31. Total 768 moins 34, qui se composent d'individus qui se sont soumis à une 2me vaccination et qui ne présentèrent aucune réaction par le fait de la 2me inoculation. Cette circonstance inté- ressante prouve qu'ils avaient bien subi l'imprégnation du virus atténué qui leur avait communiqué une résis- tance fixe à son action postérieure. N'y a-t-il pas, dans ce fait, un vrai contrôle de la spécificité du microorga- nisme inoculé à titre prophylatique ? b) - Résultats statistiques des inoculations préventives contre la fièvre jaune Les statistiques vont répondre à cette question, les statistiques, appuyées (disons-le avec intention) sur un de 125 leurs éléments les plus nécessaires et le plus souvent oubliés, c'est-à-dire, le temps. En effet, j'en ai déjà publié huit, correspondant à huit épidémies assez intenses et à huit années de longue expé- rience ; les résultats inédits de deux autres correspon- dant aux deux dernières années seront consignés ici. Les inoculations ont été pratiquées chaque année dans les foyers même de l'infection et pendant la durée de la ré- volution épidémique. J'ai toujours tâché d'assigner toute authenticité pos- sible aux données recueillies. Depuis 1888, afin d'éviter des critiques malveillantes et injustes, je fais accompagner mes statistiques des signatures des personnes les plus respe- ctables de chaque localité, où les inoculations sont faites. Faisons remarquer que c'est avec l'autorisation du gouvernement de mon pays et de la junte d'Hygiène publique, que j'applique les inoculations préventives contre la fièvre jaune, depuis 1883 (acte du 9 novembre) (Voir à l'appendice). En 1888, la municipalité de ma ville natale de Janeiro) a voté à l'unanimité, une somme afin que je puisse poursuivre mon travail des inoculations préven- tives du terrible fléau. Cette somme vient d'être augmen- tée dans le budget de l'année présente. Le 19 décembre 1890 (acte n. 2.428), le gouvernement a créé un Institut bactériologique sous ma direction, afin d'étudier la nature des maladies infecto-contagieuses en général et de préparer les cultures vaccinales pour la fièvre jaune. Afin de subvenir aux frais de cet Institut, le pouvoir législatif a voté en 1891 une somme annuelle de six contos de reis et plus les dépenses d'installation et achat d'appareils. Depuis l'année passée cette somme a été élevée à 10 contos de reis, allouée pendant l'espace de sept ans. 126 Ainsi, malgré toutes les difficultés, toutes les ca- lomnies, toute la mauvaise volonté et perfidie de mes adversaires et des ennemis de l'humanité, mon idée marche en avant, appuyée solidement sur les faits, la seule assise naturelle, la seule autorité capable d'accorder sans pro- testation une sanction pure et exempte de passion sur la valeur d'une découverte quelconque, elle marche appuyée également sur les résolutions autorisées de l'administration publique et des Congrès et associations savantes. Dans la séance du 12 Février de 1889, la Société de Médecine et Chirurgie de Rio de Janeiro, a résolu sous l'indication du Prof. Barata Ribeiro, que cette société soit tenue de s'adresser aux agents consulaires résidants dans le pays, en les invitant de conseiller leurs compa- triotes à se soumettre aux inoculations préventives contre la fièvre jaune, vu les résolutions prises par le Congrès Médicale International de Washington de 1887. (Voir Bulletins de la Soc. de Med. et Chir. de Rio de Janeiro, 1889. Page 62 - 63). I. - Résultats des vaccinations pratiquées de 1883-8 En résumant ce que j'ai publié sur ce sujet dans mon livre Doctrine microbienne de la fièvre jaune-(Annexe page 11 et suivantes), on voit que j'ai pratiqué 418 vacci- nations, 307 sur des étrangers, 111 sur des brésiliens. Je ferai remarquer d'avance que la plupart des inoculations ont été faites au moyen de la lancette ; ce ne fut qu'en 1885 que j'ai adopté le moyen bien plus sûr des injections sous-cutanées au moyen de la seringue Pravaz. Sur ces 418 vaccinés, il y a eu 7 insuccès. Dans les maisons où cohabitaient des personnes vaccinées et non vaccinées, ces dernières ont été mortellement atteintes, au lieu que les personnes vaccinées étaient très légère- ment attaquées ou même complètement épargnées. Dans 127 le même laps de temps de 1883-84, il s'est produit plus de 650 décès de personnes non vaccinées, se trouvant dans des conditions de réceptivité identiques à celles où étaient les 418 vaccinés. Parmi les 650 décédés non vaccinés on comptait 577 étrangers et 73 brésiliens, 319 individus étaient nouvelle- ment arrivés à Rio. II.- Résultats de Vannée 1885 Cette statistique a été publiée in extenso dans une brochure - Le vaccin de la fièvre jaune, 1886, Rio. J'en ferai le résumé. On a pratiqué 3.051 inoculations dans les quartiers les plus infectés de la ville de Rio. 865 étaient des étrangers et 2.186 des brésiliens. La plupart des étran- gers étaient nouvellement arrivés au Brésil. L'immunité des vaccinés a été absolue, tandis que 278 non vaccinés sont morts de fièvre jaune (200 étrangers et 78 bré- siliens). III. - Résultats de 1885-86 (Voir pour les détails la brochure que j'ai publiée à Paris eu 1887, sous le titre : Statistique des vaccinations de Septembre 1885 à Septembre 1886). Dans ce laps de temps (1885-86), le nombre des vac- cinés a été de 3.473, ainsi répartis : étrangers 710, bré- siliens 2.763. Remarquons que parmi les 2.763 Brésiliens, 222 provenaient de diverses provinces de l'intérieur et par conséquent étaient aussi réceptibles que les étrangers eux-mêmes. De plus, 489 étaient fils d'étrangers, tous des enfants, conditions de réceptivité en double. C'est donc, en réalité à 1.421 vaccinés qu'il faut porter le nombre de ceux, pour lesquels le séjour ne peut être invoqué comme cause d'immunité contre la contagion. Les vaccinations ont été portées surtout dans les points ori le mal s'est 128 développé avec le plus d'intensité. Il n'y a eu qu'un seul mort vacciné en 1885 et 7 en 1886, ce qui donne un taux de deux dixièmes pour cent à peine. Il y a eu 1.667 décès par fièvre jaune parmi les personnes non vaccinées. IV.-Résultats de 1888-89 (Sous le titre : Statistique des vaccinations au moyen du microbe atténué pendant Vépidémie 1888-1889, j'ai publié à Rio 1890 une brochure avec tous les détails). On a inoculé 3.525 personnes, dont 988 étrangers, 2.537 brésiliens. Les inoculations furent faites dans diffé- rentes villes victimées par le fléau, à savoir : A Rio Ja- neiro 2.087 ; à Campinas 651 ; à Vassouras 199 ; à Ni- cteroy 163 ; à Santos 133 ; à Desengano 102 ; à Serraria 80 ; à Rezende 54 ; Cataguazes à 56. Le taux pour cent de la mortalité générale parmi les inoculés a été de 0,79. A Santos, à Serraria, à Rezende et à Cataguazes, l'immunité a été absolue. La mortalité par la fièvre jaune parmi les non inoculés a été de 4.135, dont 2.800 étaient des étrangers. Parmi les 2.537 brésiliens inoculés, ou rencontre 1.740, qui peuvent se rattacher aux étrangers inoculés sous le point de vue de la réceptivité, car ce chiffre comprend des individus provenant de l'intérieur du pays, c'est-à-dire, non acclimatés, ainsi que des enfants, qui sont aussi ré- ceptibles que les étrangers eux-mêmes, comme le démontre 1' expérience chez nous. V. -Résultats de 1889-90 (Pour les détails, voir la brochure parue à Berlin en 1891, sous le titre: Statistique des vaccinations pendant le paroxysme épidémique de 1889-90). 129 On a pratiqué 363 vaccinations, ainsi réparties : 97 à Rio de Janeiro, 215 à Campinas, 51 à Miracema. Il y avait, parmi le total, 41 étrangers, qui étaient nouvellement arrivés à Rio de Janeiro. Parmi les 215 vaccinés à la ville de Campinas, où les vaccinations ont été faites pour la deuxième fois la plupart se composait de personnes non acclimatées. Le taux de la mortalité parmi les vaccinés a été de 1 pour 100. La mortalité des non vaccinés a été de 1.086, dont 724 à Rio, 350 à Campinas et 12 à Miracema. VI.- Résultats de 1891-92 (Voir pour les détails la brochure que j'ai publiée à Rio, 1893). On a vacciné 39 personnes à Rezende, 81 à Nictheroy, 34 à Parahyba du Sud, 28 à Barra Mansa, 818 à Rio Janeiro. Total 1.000, dont 377 étrangers. Presque tous les individus portaient en eux les conditions les plus favorables à contracter la maladie. La mortalité parmi les vaccinés a été de huit dixièmes pour cent. D'un autre côté, la mortalité parmi les non vaccinés est montée à 3.830. A Parahyba du Sud, à Rezende et à Barra Mansa, l'immunité a été absolue pour les inoculés, tandis que la mortalité des non inoculés y a été de 139 personnes. VII. -Résultats de 1892-1893 Cette période a été une des plus heureuses pour la ville de Rio Janeiro, sous le point de vue de la santé publique. A peine s'y est-il manifesté un léger paroxysme, donnant une mortalité très réduite comparativement à celle des années antérieures. Aussi l'affluence à l'institut pour les inoculations a 130 été peu considérable, car (répétons encore une fois cette malheureuse vérité) le peuple toujours négligeant pour ce qui touche de près leurs intérêts vitaux, ne se laisse en- traîner que par la panique. Il ne cherche les ressources prophylactyques qu'en dernier cas. La même indifférence se déclare par rapport au vaccin contre la variole, à ce point que les parents cachent leurs enfants afin de les soustraire aux bienfaits salutaires de la lymphe jennérienne. Les transactions commerciales, aux quelles se livrent fébrilement les colonies étrangères leur font oublier que le premier capital qu'ils doivent conserver est leur santé et leurs vies! Voici les données sur les inoculations pratiquées : Chiffre total 183 : 158 à Rio Janeiro et 25 à Santos (S. Paulo). Étrangers, 122. Brésiliens, 61. La mortalité parmi les vaccinés n'a été, que de 1 pour 100. 122 personnes étaient âgées de 1 à 30 ans. Les décès par fièvre jaune de Juillet de 1892 à Juillet de 1893 a été de 542 à Rio Janeiro, sans y compter Santos, 385 étant compris entre quelques mois et 30 ans, comme âge, 136 personnes n'avaient que de 1 mois à 3 ans de séjour à Rio. VIII. - Résultats de 1893-1894 On a inoculé 290 personnes, étant 107 étrangers, et 183 brésiliens. On y compte 274 âgés de 1 à 30 ans.- 90 personnes séjournaient à Rio depuis quelques jours à 3 ans. Les vaccinés habitaient pour la plupart les points les plus infectés de la ville, là où les documents officiels ont signalé un grand nombre de décès. 131 L'épidémie de 1893-1894 a été une des plus morti- fères ; on a inscrit sur le régistre des morts 4.900 cas, dont 4.506 étrangers. L'âge la plus recherchée a été de 11 à 40 ans. Parmi les vaccinés le taux de la mortalité a été de 2 pour 100. Le calcul de Jemble appliqué, nous devrions avoir perdu non 2 vaccinés, mais 35, parmi les personnes qui avaient à Rio Janeiro de 1 à 3 ans de séjour. Ce fut pendant cette période néfaste, que la ville de Rio fut bombardée par la marine, ce qui explique le petit nombre des inoculations. IX.-Résultats de 1895 à 1896-1897 On a inoculé 336 personnes, ainsi distribuées : étran- gers 153, brésiliens 183. On compte dans la totalité 119 étrangers qui résidaient au Brésil depuis quelques jours jusqu'à 3 ans au maximum. Parmi les 336, sont rétournés à l'institut afin de prêter des renseignements sur les réactions produites par suite de l'inoculation 227 personnes ; on a noté de réactions fortes, 103 ; régulières, 72 ; faibles, 41 ; milles 11, ce qui montre le taux de 45 °/0 de réactions fortes, et de 4,8 de réactions nu]les, ce qui veut dire dans d'autres termes que la presque totalité des individus vaccinés, se trouvaient à l'état de récéptivité. Parmi les vaccinés, 9 à peine étaient de race noire. Quant aux âges, on a inoculé 170 personnes, c'est-à-dire, la moitié environ, dont les âges étaient comprises entre quelques mois et 30 ans, ce qui est la limite de la plus grande réceptivité pour la maladie. Il y a eu un individu qui a été révacciné. La mor- talité parmi les non vaccinés a été de plusieurs centaines de personnes à peine. L'immunité des inoculés a été sans exception. 132 La période de 95-96-97 a été d'un calme relatif, ce qui explique le peu d'affluence aux inoculations. Le peuple ne se souvient du remède qu'au moment du péril. Résumé général des vaccinations Total des inoculations pratiquées de 1883-1897 : 12,665 ainsi distribuées: ANNÉES BRÉSILIENS ÉTRANGERS 1883-84 111 307 1884-85 2.186 865 1885-1886 2.763 710 1888-89 (*) 2.588 988 1889-90 263 100 1891- (**) 1892- 623 377 97 61 1893-94 183 107 1895-97 163 173 8.977 3.688 Si F on compte la totalité des insuccès, nous trouvons que le taux pour cent pour la mortalité parmi les ino- culés a été à peine de trois dixièmes (0,3) pour 100. (*) Entre 1887-88, l'auteur se trouvait en commission aux Etats- Unis, afin de représenter le Brésil au Congrès Médical International de Washington. (**) Entre 1890-91, l'auteur était à Berlin, commissioné par le gou- vernement afin d'étudier les effets de la tuberculine Koch. 133 Application du calcul de M. Jemble aux inocula- tions PRÉVENTIVES DE LA FIÈVRE JAUNE M. Jemble s'appliqua au Sénégal, à déterminer la relation existante entre la réceptivité individuelle pour la fièvre jaunne et le temps de séjour des étrangers qui arrivent dans cette colonie. Il a observé que de 1 à 3 ans de séjour 3 iudividus sur 4 sont atteints de fièvre jaune et que 2 sur 3 succombent de cette maladie. Je réduirai cet énoncé aux formules suivantes, où m réprésente la morbidité et Jf la mortalité pour les étrangers résidents de 1 à 3 ans: m - 0,75 X 4 = 4 sur 100 (1) 4 M = 0,666 X 2 = 4 sur 100 (2) O La totalité des iudividus comptant de 1 à 3 ans de séjour dans les endroits infectés, y compris les brésiliens non acclimatés lesquels se trouvent dans le même cas que les étrangers nouvellement arrivés au Brésil, peut être calculée au minimum en 4.400 environ, depuis 1883 jusqu'à 1897. Appliquée à ce chiffre la formule (1), nous verrons que 3.300 devaient être tombés malades et 2.930 devaient avoir succombé. Or, nous n'avons eu qu'une mortalité de 0,5 pour 100. Donc, nous avons épargné 2.908 vies sur le total de 4.407 dans les conditions de 1 à 3 ans de séjour. Si nous comparons ces résultats avec ceux que donne la vaccine contre la variole et celle contre la rage, nous rendrons encore plus évidente la valeur prophylactique de nos inoculations. En effet, les statistiques de l'institut Pasteur donnent une moyenne de 0,6 pour 100, pour les individus traités 134 au moyen du virus rabique atténué, et encore on y fait rentrer en ligne de compte des individus mordus par des chiens qui n'étaient pas réellement enragés ou tout au moins à peine suspects de l'être. La vaccine contre la variole, d'après les calculs de M. Bousquet et autres, donne une mortalité pour les vaccinés 5 fois moins grande que chez les non vaccinés. Notre proportion est bien plus favorable, vu que dans les épidémies où la mortalité des non inoculés est montée à 30, 40, 50 pour 100, la mortalité chez les inoculés s'est bornée à 0,5, 0,6 et tout au plus 1 pour 100, la moyenne actuelle étant de 0,3 pour 100, ainsi que nous l'avons prouvé par les chiffres. 135 Neuvième congrès médical international, quinzième se- ction (hygiène publique et internationale). Washington Septembre 10, 1887. M. LE PROFESSEUR DOMINGOS FREIRE-RIO-JANEIRO BRÉSIL Cher Monsieur-Nous avons l'honneur de vous trans- mettre par cette lettre les résolutions suivantes, votées dans la quinzième section (hygiène publique et interna- tionale) immédiatement après la lecture et la discussion de votre communication sur la vaccination avec la cul- ture atténuée du microbe de la fièvre jaune. Il a été résolu : Que des remerciments empressés soient adressés au docteur Domingos Freire, du Brésil, pour sa très éloquente, scientifique et magistrale conférence exposant les résultats d'une doctrine, dont les consé- quences causant l'extinction graduelle d'une des maladies les plus fâcheuses qui attaquent le genre humain, pour- ront jusqu'à un certain degré révolutionner les conditions politiques et sociales du monde entier, plus particuliè- rement celles de plusieurs zones de notre Union. Il a été résolu également : Que la commission exé- cutive du neuvième congrès international soit solicitée instamment à publier in extenso votre discours dans le compte-rendu du congrès. Nous avons l'honneur, etc. (Signés) -Joseph Jones, président de la quinzième section du neuvième congrès international des sciences médicales. - Walter Wymann, chirurgien de la marine des États-Unis, secrétaire de la quinzième section. 136 Neuvième congrès médical international, quinzième se- ction d'hygiène publique et internationale, troisième jour, 7 Septembre 1887. Après lecture par le docteur Domingos Freire, de Rio-Janeiro, représentant, dans le congrès le gouver- nement brésilien, d'une adresse intitulée Vaccination avec la culture atténuée du microbe de la fièvre jaune, avec des démonstrations, sous le microscope, du même microbe, le préambule et les résolutions suivantes ont été adoptées par le section : Attendu que l'inoculation contre la fièvre jaune, dans le cas où un examen préalable prouvera son effi- cacité, est jugée un bienfait à la race humaine dans tous les pays du monde ; Et, attendu que les faits présentés par les expériences du docteur Domingos Freire donnent une assurance rai- sonnable de son influence protectrice à Rio-Janeiro ; donc Il a été résolu que cette section recommande l'inves- tigation coopérative des résultats obtenus par l'inoculation de la fièvre jaune, comme une garantie contre cette ma- ladie, et que les providences appropriées pour le même but soient adjugés par les gouvernements représentés dans ce congrès. Il a été résolu que cette délibération soit commu- niquée immédiatement à l'assemblée générale du congrès, afin qu' elle la prenne en considération. - Dr. Joseph Jones, président de la quinzième section.- Walter Wymann. sécretaire de la même section. 137 Instructions pour la préservation de la fièvre jaune par les docteurs Gélineau, Grand et Goyard Pour se préserver de la fièvre jaune soit dans le régions où elle est à craindre, soit au milieu d'un foyer épidémique, on doit prendre quatre précautions que nous caractériserons ainsi : 1. La propreté des voies digestives ; 2. L'entretien de la force nerveuse ; 3. La vaccination ; 4. Les dispositions hygiéniques. Vaccination Le principe de la vacination découle d'une de ces remarques populaires, qui sont la leçon des faits ; il est né le jour où l'on a vu que les maladies infectieuses confèrent, par une première atteinte, une sorte d'immu- nité. De là l'inoculation de la variole, qui est pratiquée depuis des siècles dans l'orient de l'Europe et en Asie. Jenner a rendu le procédé plus pratique et plus inoffensif, en substituant à l'inoculation la vaccination, c'est-à-dire le virus atténué. Cette atténuation du virus se fait, pour la variole, d'une façon toute physiologique, dans l'organisme de la vache. Les autres virus peuvent être atténués par des procédés analogues ; et aujourd'hui c'est là l'objet des recherches passionnées d'un grand nombre de savants. L'atténuation du virus de la fièvre jaune a été réa- lisée par le docteur Domingos Freire (de Rio-Janeiro). Ce nouveau vaccin se prépare suivant des régies précises par le passage successif du virus primitif à travers des organismes de cobayes ou de lapins, puis par des cul- 138 tures dans la gélatine ou par une dessication partielle. Tout médecin peut donc en être facilement pourvu dans les domaines de la fièvre jaune. L'inoculation de ce vaccin se fait par une simple et unique injection, sous la peau du bras, de quelques gouttes du liquide préparé. L'immunité est obtenue par le procédé que la nature elle-même met en oeuvre et que nous avons rappelé. En ce qui concerne la fièvre jaune particulièrement, l'observation journalière prouve qu'une première atteinte de la maladie préserve des suivantes, quelque faible que soit cette atteinte. Une courte fièvre, une diarrhée, un simple malaise de nature réellement amarile, préservent des attaques ultérieures de la maladie. Le virus atténué produit cette très légère atteinte de fièvre jaune ; c'est un frisson, de la chaleur, des malaises, qui restent toujours sans danger ; ces malaises, débutent ordinairement quatre heures après la vacci- nation, et sont entièrement disparu au bout de trois ou quatre jours. Cette vaccination s'affirme donc par des phénomènes spécifiques, comme celle de Jenner ; les signes de l'in- prégnation amarile ont seulement un caractère plus bénin. Cette bénignité est elle-même une raison nouvelle pour chacun d'avoir recours, toutes les fois qu'il y a lieu, au vaccin amaril, mais elle n'infirme en rien son efficacité. Celle-ci est établie par les faits suivants, que nous empruntons aux premières statistiques du docteur Do- mingos Freire : Vaccinations en 1885 3051 Vaccinations en 1886 3473 Total 6524 Morts vaccinés 8 139 A côté de ces chiffres, ceux de la mortalité des non vaccinés dans la même période, nous donnèrent la mesure de l'efficacité de la vaccine. Morts non vaccinés 1667 sur une population totale d'environ 160.000 habitants (*). Par conséquent la mortalité pour les vaccinés est de un pour mille, et pour les non vaccinés de un pour cent. Si l'on considère en outre que les vaccinés com- ptaient tous parmi les plus exposés aux foyers épidé- miques, on conviendra que la vaccine amarile peut désormais prendre son rang dans l'hygiène prophyla- ctique. Ce sont surtout les étrangers et les nouveaux venus qui sont exposés à contracter l'infection. Aussi est-il très important pour eux de se faire vacciner, soit sur les navires, avant d'aborder les pays contaminés, soit aussitôt qu'ils sont installés à terre. Les habitants, même parfaitement acclimatés, dès qu'ils se voient exposés aux redoutables miasmes de la maladie, doivent également avoir recours à ce moyen préventif. Si les épidémies re- paraissent à courtes périodes, le mieux est de faire re- nouveler la vaccination tous les deux ou trois ans. L'immunité toutefois, comme on l'a vu, n'est pas absolue, pas plus avec cette vaccine qu'avec aucune autre. (Extrait des publications de la Société Thérapeutique Dosimétrique de Paris, sous le titre déjà indiqué ci dessus, 2me édition, 1888. Paris). La commission qui a rédigé ces instructions a été nommée par la même Société. (*) Cette population se rapporte seulement aux quartiers bien déli- mités où l'on a pratiqué les inoculations, et non à la population totale de la ville, qui est calculée en 500.000 habitants. (Note de l'auteur). 140 Résolutions du Congrès international d'hygiène et de démographie tenu à Buda Pest en 1894 Le Congrès international d'hygiène et de démographie, réuni au mois de Septembre à Buda-Pest a adopté les conclusions suivantes, relatives à la fièvre jaune, dans sa setion de maladies des pays chauds: 1? - Il est un fait acquis pour la science, grâce aux travaux du professeur Domingos Freire, suivis de ceux de plusieurs médecins brésiliens et observateurs d'autres pays, qu'un microbe (cryptococcus xauthogenicus de Do- mingos Freire ou bactérie de Ledantec), est la cause productrice de la fièvre jaune. Ce microbe se trouve dans le sang des malades, surtout celui des grands vaisseaux du cœur et aussi dans les organes parenchymateux, où il forme des colonies plus ou moins nombreuses. D'après le professeur Domingos Freire, il mesure à peine 1 millième de millimètre, pouvant prendre un diamètre plus grand dans les cultures liquides, surtout si elles sont chauffées entre 37° et 40° pendant plusieurs jours. Il exécute des mouvements très rapides, fait remarqué par un grand nombre d'observateurs. Examiné à l'état frais, sans être coloré, ce microbe présente au centre un point clair caractéristique. Le microbe de la fièvre jaune se colore très aisément par la fuchsine, par le bleu et le violet de méthylène. Après la coloration le point central disparaît complète- ment. Il liquéfie la gélatine, et d'après les observations du professeur Domingos Freire, il se reproduit par sporulation. 2? - Le microbe de la fièvre jaune produit des ptomaïnes, qui infectionnent l'organisme. D'après les recherches du professeur Domingos Freire, ces alcaloïdes se forment aux dépens des matières albu- 141 minoïdes de l'économie. Il a isolé deux ptomaïnes li- quides et une gazeuse. Le substratum du vomissement noir, le sang des malades et les cultures du microbe contiennent de ces ptomaïnes. 3? - On doit continuer les expériences et les études sur les inoculations préventives contre la fièvre jaune, comme le moyen le pins sûr pour combattre V existence et le développement de cette maladie. 4? - D'après la pratique et l'observation du Dr. Mi- randa de Azevedo, la thérapeutique qui donne des ré- sultats les plus constants et avantageux, est le bichlo- rure de mercure, le salicylate de sodium et le napthol intérieurement. Le Dr. Angelo Simôes, de Saint Paul, a employé avec succès l'eau chlorée. 5? - On doit bannir le traitement par les sels de quinine, qui est le plus souvent nuisible, prédisposant les malades aux vomissements. 6? - En employant les moyens conseillés par l'hy- giène, c'est'à-dire, la prophylaxie, la désinfection, l'assai- nisement des villes, on peut faire disparaître le germe producteur de la fièvre jaune, comme on l'a fait à Cam- pinas, ville de l'État de Saint Faut (Brésil). 7? - La fièvre jaune n'est pas endémique dans tout le Brésil, elle ne se développe que lorsque l'on n'observe pas les lois de l'hygiène, de même qu'elle peut paraître dans tous les endroits où le microbe est transporté et trouve les conditions nécessaires à sa prolifération. 8? - La période d'incubation ne dépasse généra- lement pas huit jours ; on doit donc condamner les qua- rantaines vexatoires, qu'observent à Lisbonne les navires, venant du Brésil, surtout lorsqu'aucun cas de fièvre jaune n'a été observé huit jours avant le départ de ces navires. 142 Traduction de l'information officielle du Ministère de l'intérieur sur les travaux de l'institut bactério- logique. On lit à la page 287 du Rapport présenté à Mr. le Président de la République du Brésil, par Mr. le Mi- nistre de l'intérieur l'information suivante sur l'institut bactériologique sous ma direction : «Cet établissement a complété en 1894 la troisième année d'existence et pendant cette période a rendu des services signalés, en étudiant la nature des maladies infecto-contagieuses, en cultivant le microbe atténué de la fièvre jaune, en faisant d'autres recherches scienti- fiques relatives au but pour le quel cette institution a été crée.» Il s'ensuite à ce texte le résultat des inoculations préventives, qui nous ne répétons pas, parce qu'il se trouve déjà inscript aux pages de ce livre. Quant à la présentation de mon mémoire devant le Congrès International de Buda-Pest, le même rapport s'exprime ainsi qu'il suit: « Le délégué nommé par le gouvernement brésilien pour le représenter dans le Congrès International d'Hy- giène et Démographie de Buda-Pest, sous les auspices du gouvernement autrichien-hongrois, a présenté au même Congrès, un mémoire du Directeur de l'institut bacté- riologique sur les investigations qu'il a faites relative- ment à la fièvre jaune, travail qui a été dûment aprécié dans ce tournoi scientifique et qui a inspiré plusieurs conclusions, lesquelles ont été adoptées par la séance générale du Congrès.» APPENDICE Rapport de la commission nommée par le gouverne- ment, AFIN DE VÉRIFIER LES RECHERCHES SUR LA FIÈVRE JAUNE FAITES PAR M. LE PROFESSEUR ÜR. Domingos Freire. Ce rapport ne comprend pour le moment que la pre- mière partie des recherches, concernant l'étude des cultures du micrococcus xanthogénicus. Je vais en faire la transcription textuelle (traduction du portugais), en me limitant à la partie proprement technique et aux conclusions. Je dois remarquer que c'est moi-même qui a demandé cette commission. Caractères des colonies dans les divers milieux nutritifs Plaques de gélatine Koch. - En culture sur plaque, le cryptocoque Freire donne de petites colonies lisses, rondes, blanches, au bout de 24 à 48 heures. Ces colonies augmentent peu à peu de diamètre, la couleur blanche passant au jaune de chrome. Cette nuance jaune devient de plus en plus nette, tandis que la géla- tine est liquéfiée avec rapidité. Après plusieurs jours de prolifération, les colonies présentent un point noir au centre. 144 Tubes de gélatine peptonisée. - En piqûre dans un tube de gélatine, la prolifération de ce micro-organisme est rapide et se fait à la fois à la surface et suivant le trajet de la piqûre, la colonie prenant l'aspect d'un clou. La colonie offre tout d'abord une couleur blanche, qui passe au jaune de chrome, à la surface du milieu. Au bout du deuxième ou troisième jour, la gélatine se liquéfie sous la forme d'une coupole ; beaucoup de jours après elle devient tout-à-fait liquide et trouble, présentant un dépôt jaune avec des grumeaux obscurs. Tubes de gélose glycérinée. - En piqûre, le micrococcus xanthogénicus prolifère rapidement à la surface et suivant le trajet de la piqûre, présentant, comme dans la géla- tine, la forme d'un clou. Les colonies ont une couleur blanche, qui passe au jaune de chrome. Tubes inclinés de gélose. - Les cultures en strie sur gélose inclinée présentent l'aspect de raies blanches au long de la strie. Ces raies augmentent de plus en plus et la couleur blanche passe au jaune de chrome. Pomme de terre. - Les cultures en strie sur pomme de terre donnent une abondante prolifération de ce mi- crobe, laquelle, commençant au long de la strie, se pro- page sur la surface tout entière du milieu nutritif. Les colonies ont la nuance jaune de chrome et le fragment de pomme de terre se montre notablement obscur. Bouillon de bœuf Lœfler. - Semé dans du bouillon de bœuf, neutre ou légèrement alcalinisé, ce microbe se développe parfaitement et en abondance. Au bout de 24 heures, le liquide devient trouble, la prolifération marche rapidement et il se forme un dépôt blanc passant au jaune de chrome et mélangé avec une substance noire et pulvérulente. Dans les cultures vieilles le dépôt noir est abondant. 145 Lait écrémé.- Le micrococcus xanthogénicus se déve- loppe bien dans ce milieu complètement neutre. Au bout de 36 heures, le liquide se trouble et la prolifération marche rapidement, en même temps qu'il se forme un dépôt blanc, passant au jaune. Le milieu se conserve neutre et ne devient alcalin qu'après une prolifération abondante et longue. Un fait opposé se passe avec le micrococcus pyogenes aureus de Rosenbach, qui rend le milieu franchement acide avec rapidité, ainsi que nous avons eu l'occasion d'ob- server, en semant dans des ballons contenant du lait écrémé ce dernier micro-organisme, en même temps que nous faisions des ensemencements avec le micrococcus xanthogénicus. Les cultures de ces deux microcoques furent con- servées pendant 72 jours dans une étuve à incubation, à 28°, et seulement alors nous les examinâmes. Les cultures d.u micrococcus xanthogénicus se montrè- rent légèrement alcalines, et celles du microcoque pyogène étaient franchement acides. Sérum de sang de mouton. - En piqûre, les colonies du micrococcus xanthogénicus se développent et se com- portent comme dans les tubes de gélatine. En strie, elles ont le même aspect des cultures en gélose inclinée, aspect qui ne tarde pas à disparaître à cause de la liquéfaction du milieu. Des expériences concluantes nous ont certifié que le micrococcus xanthogénicus est aérobie. D'ailleurs, l'aspect des cultures en gélatine, en gélose, par piqûre, suffirait par lui seul pour éloigner tous les doutes à cet égard. La température la plus convenable à la prolifération rapide du micrococcus xanthogénicus est de 20° à 37°. Les cultures, dans les différents milieux, surtout celles en plaque, ont une odeur vireuse. Elles sont très Vis- io 146 quenses, elles ne donnent pas la réaction de l'indol et chauffées à 70° pendant 10 minutes ne perdent pas leur virulence, le micrococcus conservant sa vitalité. Examen microscopique Nous avons examiné soigneusement au microscope les colonies développées dans les différents milieux de cul- ture. en nous servant non seulement des préparations fraîches, où nous avons vu les micro-organismes vivants, au moyen de la chambre humide de Ranvier, mais encore de préparations colorées avec les diverses couleurs basiques d'aniline. Nous avons constaté que toutes les cultures étaient pures, contenant une seule espèce de micro-organisme, le même que nous avions rencontré dans les cultures qui nous avaient été fournies par Mr. le Dr. Freire comme étant des cultures pures du micrococcus xanthogénicus. Ce micro-organisme se présente sous la forme de petites cellules sphériques, douées d'une grande réfrin- gence, translucides, contenant un ou plusieurs noyaux et mesurant de 9 dixièmes à 1,2 millièmes de millimètres. Il appartient à la famille des cocci et au genre des microcoeci. Il se colore très bien au moyen des couleurs d'aniline et ne se décolore pas par la méthode de Gram. Ce micro-organisme est doué de mouvements rapides et possède deux cils et quelquefois encore plus ; ces cjls ont été observés premièrement par Mr. le Dr. Barradas et vérifiés par nous. Est-ce grâce à de tels cils que ce micro-organisme exécute ses mouvements rapides? L'incapsulation de ce microbe est une propriété, que nous avons eu également l'occasion d'observer. Les ceb 147 Iules de ce microcoque résistent à une température de 160° sans se désorganiser. Après cette étude, nous avons comparé ce micro- organisme avec d'autres micrococci qui liquéfient la géla- tine, ainsi que vous pourrez constater dans le tableau ajouté au présent rapport. Le seul micrococcus, dont les caractères se rappro- chent à ceux du cryptocoque xanthogénique, est le mi- crococcus pyogenes aureus, de Rosenbach ; mais il y a des différences radicales entre les deux, ce que nous allons rendre évident par les considérations qui s'ensuivent : Cultures en bouillon. - Les vieilles cultures de cryp- tococcus xanthogène présentent, outre un dépôt jaune, une substance pulvérulente et noire, qui devient, à la longue, tellement abondante, qu'elle prédomine à la fin sur le jaune. Ceci ne s'observe pas dans les cultures du micro- coque pyogenes aureus, quelque vieilles qu'elles soient. Cultures sur plaque.- Les colonies du cryptocoque xan- thogénique ont une odeur vireuse, celles du pyogenes aureus ont une odeur de lait aigri. Tubes de gélatine. - En piqûre, les colonies du cryp- tococus xanthogénique se développent simultanément à la surface et au long de la piqûre. En piqûre, la colonie du pyogenes aureus se dévelop- pent abondamment suivant le trajet de la piqûre, et seulement beaucoup plus tard elles commencent à proli- férer à la surface. Cultures sur pomme de terre. - Le cryptocoque xan- thogène se développe vite et abondamment, les colonies y prenant la couleur jaune de chrome et se propageant sur la surface tout entière du milieu nutritif. Les colonies du pyogenes aureus s'y développent tardi- vement, en formant une légère couche couleur jaune. 148 Lait écrémé complètement neutre. - Le cryptocoque xanthogénique y prolifère bien. Le milieu se conserve neutre pendant un certain temps ; mais peu à peu, il devient alcalin, au fur et à mesure de la prolifération., Le pyogenes aureus y prolifère très bien, mais il com- munique rapidement au milieu une réaction franchement acide. Nous avons fait ce contrôle, en semant des ballons de lait écrémé, neutre, le même jour où nous avons ense- mencé le cryptocoque xanthogénique, et en les examinant avec soin durant 72 jours. Au surplus, les inoculations faites avec les cultures du pyogenes aureus donnent lien à la formation d'abcès. Les inoculations, que nous avons faites avec les cul- tures du micrococcus xanthogénicus, n'ont jamais produit des abcès, même pas d'inflammations locales remarqua- bles. Après ces études, nous avons entrepris des expériences sur des animaux. l?re EXPÉRIENCE Nous avons injecté dans le péritoine d'un cobaye pesant 350 grammes, le 15 septembre 1897, à 3 heures du soir, 17 grammes d'une culture du micrococcus xantho- génicus en bouillon de bœuf Lœfler. La culture employée était de troisième passage. - Température normale de l'animal 38°,8. Après l'opération, qui a été exécutée sans accident, l'animal s'est montré légèrement inquiet. Peu de temps après, la température est montée' de quelques dixièmes, la respiration s'est accélérée et les battements du cœur sont devenus plus rapides. - A 6 heures du soir, respiration haletante, battements du cœur désordonnés. Tempérât. 38°,2.-A huit heures du soir, forte dyspnée, battements du cœur désordonnés, abatte- ment. Tempérât, 37°,6. - A 10 heures du soir, forte dys- 149 priée, abattement profond, l'animal se conserve couché, il est presque comateux. Tempérât. 36°,6.-A 10 heures et 20 minutes, légères convulsions et mort. On n'a pas remarqué de diminution de poids. Autopsie. - Les méninges injectées. Poumons conges- tionnés. Cœur plein de sang et de caillots noirs. Foie cou- leur obscure, montrant des foyers congestifs, en étant sectionné. Vésicule biliaire pleine. Peins congestionnés. Vessie incomplètement pleine d'une urine non albumi- neuse. Estomac dilaté, contenant une petite quantité d'aliments. Muqueuse estomacale ramollie légèrement hy- perhémiée. L'examen du sang a révélé la présence du micro- coque xauthogénique. Les autres organes sans altération. 2.1,,e EXPÉRIENCE A 4 heures du soir du 15 Septembre 1897, on a fait dans un cobaye pesant 500 grammes, une injection intra- péritonéale de 25 gr. d'une culture du microcoque xau- thogénique en bouillon de bœuf Lœfler. La culture employée était de 3.me passage et la tem- pérature normale de l'animal 39°. L'opération terminée sans aucun accident, l'animal s'est montré inquiet. Sa température est montée à 39°,3. et sa respiration était accélérée, ainsique les battements; du cœur. A 6 heures du soir, les mômes symptômes. Tempé- rature 38°,8. -A 8 heures du soir, forte dyspnée, batte- ments cardiaques accélérés. Température 38°,6. - A 10 heures du soir, les mômes symptômes. L'animal est triste et abattu. Tempérât. 38°. Le jour suivant, à 8 heures du matin, forte dyspnée, abattement profond, l'animal est couché et présente de 150 légers tremblements. Tempérât. 37°,6.- A 11 heures du matin, état à peu près comateux, les yeux fermés, légers tremblements, extrémités froides. Tempérât. 37°. - Al heure après midi, l'animal est comateux. Respiration courte et fréquente, battements du cœur affaiblis et dés- ordonnés, extrémités froides. Tempérât. 36°, 7 -Al heure et 45 minutes, mort. On n'a pas noté diminution du poids. Autopsie.- Méninges injectées. Poumons congestion- nés. Cœur plein de sang et de caillots noirs, arrêté en dias- tole. Foie augmenté de volume ; étant sectionné, il présen- tait plusieurs foyers hémorrhagiques. Vésicule biliaire pleine. Reins congestionnés. Vessie incomplètement pleine d'urine albumineuse. Estomac contenant une petite quantité d'aliments. Muqueuse de l'estomac ramollie, hyperhé- miée, montrant quelques foyers hémorrhagiques. L'examen du sang a révélé la psésence du microcoque xanthogénique. Les autres organes n'offraient pas d'alté- ration. Nous pensons que ces animaux ont été victimes d'un empoisonnement produit par les toxines élaborées par les microcoques xanthogéniques dans les bouillons de culture eux-mêmes. 3.me EXPÉRIENCE Faite le 20 Septembre 1897, à 3 heures du soir. Nous avons injecté dans le péritoine d'un lapin pesant 1790 grammes, 80 grammes d'une culture de 3.me passage du cryptocoque xanthogénique en bouillon de bœuf Lœfler. Température normale de l'animal 39°,3. Après l'opération, exécutée avec succès, l'animal s'est montré calme.-A huit heures du soir, respiration accélérée, battements du cœur rapides. Température 39°, 8. 151 Le jour suivant (21), le poids de l'auimal était 1790 grammes. Respiration fort accélérée. L'auimal était très inquiet. Grande rapidité des battements du myocarde. - A 10 heures du matin, la température de l'animal était de 40° ; à 3 heures du soir, 40°,5. Le 22, le poids de l'animal est descendu à 1770 grammes. Les mêmes symptômes. -A 10 heures du matin, 40°, 2 ; à 3 heures du soir 40°, 8. Le jour 23, le poids s'est réduit à 1750 grammes. Les mêmes symptômes. Grande anxiété. Dyspnée.-A 10 heures du matin, 40°,6 ; à 3 heures du soir, 41°. Le jour 24, le poids était de 1740 grammes. L'animal est plus calme. Abattement.- A 10 heures du matin, 39°,4 ; à 3 heures du soir, 39°,3, Le jour 25, poids 1725 grammes. Respiration accé- lérée, très forte dyspnée, battements du cœur rapides et désordonnés, anxiété, urines rares.-A 10 heures du matin, 40°,6 de température ; à 3 heures du soir, 40°,8. Le jour 26, poids 1710 grammes. Les mêmes symptô- mes.- A 10 heures du matin, 40°,5 ; à 3 heures du soir, 40°, 8. Le jour 27, poids 1700 grammes. Les mêmes sym- ptômes, mais moins intenses. L'animal urine mieux. Abat- tement.- A 10 heures du matin, 39°, 8 ; à 3 heures du soir, 40°. Le jour 28, poids 1.680 grammes. L'animal est calme, mais très abattu • il refuse les aliments ; à 10 heures du matin, 39° ; à 3 heures du soir, 39°, 4. Le jour 29, poids 1.660 grammes. Profond abat- tement. L'animal continue à refuser les aliments. Quelques tremblements. Yeux fermés ; à 10 heures du matin 38°, 6 ; à 3 heures du soir, 39°. Le jour 30, poids 1.650 grammes. Abattement très profond. Extrémités froides. Tremblements. A 10 heures 152 du matin, 38°, 2; à 3 heures du soir 38°. L'animal se conserve couché. Mort à 11 heures du soir. Autopsie.-Rigidité des membres. Méninges fortement injectées. Poumons rougeâtres. Étant sectionnés, ils pré- sentaient un grand nombre de foyers hémorrhagiques. Le cœur, arrêté en diastole, était augmenté de volume et plein de caillots noirs. Le foie augmenté de volume, marbré, présentant, par la section, beaucoup de foyers hémorrhagiques. Vésicule biliaire vide. Reins fortement congestionnés. Vessie contenant peu d'urine non albumi- neuse. Estomac sans aliments, mais contenant une sub- stance noirâtre et pulvérulente en petite quantité. Mu- queuse estomacale très ramollie et hyperhémiée, présentant plusieurs foyers hémorrhagiques et érosions. Muqueuse intestinale hyperhémiée. Les autres organes sans alté- rations. 4.lne EXPÉRIENCE Faite le 29 Septembre 1897, à 4 heures du soir, sur un lapin pesant 1.880 grammes. On lui a fait une in- jection intra-veineuse de 20 grammes d'une culture de 3.me passage du cryptocoque xanthogénique. La culture employée était en bouillon de Lœfler. La veine où l'in- jection a été faite a été l'une de celles de la face exté- rieure de l'oreille. La température normale de l'animal était 39°. L'opération terminée, l'animal s'est montré calme et a tâché de manger. Peu de temps après, il s'est montré inquiet et a abandonné la nourriture. Le jour 30, son poids était 1.880 grammes. Battements du cœur accélérés, ainsi que les mouvements respira- toires. A 7 heures du matin, 39°, 5 de température de l'animal ; à 1 heure après-midi, 39°, 8 ; à 4 heures du soir, 40°, 2. Le l.er Octobre, le poids est descendu à 1.870 grammes. 153 Les mêmes symptômes. État anxieux. A 7 heures du matin, 40° ; à 1 heure après midi 40°, 2 ; a 4 heures du soir, 40°, 6. Le jour 2, poids 1.860 grammes. Les mêmes sym- ptômes. Urines rares. Diarrhée obscure. A 7 heures du matin, 40°, 5 ; à 1 heure après-midi 40°, 8 ; à 4 heures du soir, 40°, 8 Le jour 3, poids 1.840 grammes. L'animal se montre un peu calme. Les symptômes présentent moins de gra- vité. Grand abattement. A 7 heures du matin, température de l'animal 39°, 6; à 1 heure après-midi, 39°, 7 ; à 4 heures du soir, 40°,4 ; Le jour 4, poids 1.815 grammes. Les symptômes montrent une grande gravité. État anxieux, convulsions, diarrhée obscure. Anurie. A 7 heures du matin, 419; à 1 heure après-midi 41°, 5. Mort à 2h,25' après-midi. Autopsie.-Rigidité cadavérique. L'examen du sang révèle la présence de microcoques. Méninges conges- tionnées. Poumons très congestionnés, présentant plusieurs foyers hémorrhagiques. Cœur augmenté de volume et plein de caillots noirs. Foie augmenté de volume, marbré, montrant, étant sectionné, de larges foyers hémorrha- giques. Vésicule biliaire pleine. Reins très congestionnés. Vessie vide. Estomac contenant une petite quantité d'ali- ments. Muqueuse estomacale friable et hyperhémiée, présentant plusieurs foyers hémorrhagiques. Muqueuse intestinale hyperhémiée. Contenu intestinal très obscur. Rien d'anormal dans les autres organes. 5.me EXPÉRIENCE Faite le 13 Octobre 1S97 à 3 heures du soir, sur un chien gras et de petite taille, pesant 5.600 grammes. Cet animal a subi une injection intra-péritonéale de 30 grammes 154 et une autre intra-veineuse de 20 grammes d'une culture de 3.nie passage du microcoque xanthogénique. La cul- ture employée était en bouillon de bœuf (Lœfler). La température normale de l'animal était 39?. L'opération a été exécutée sans accident ; elle était terminée à 3 heures et 35 minutes. La veine choisie a été la saphène. L'opération terminée, l'animal a commencé à éprou- ver tout de suite de fortes contractions au diaphragme et a eu des vomissements alimentaires. Les battements du cœur étaient très accélérés, ainsi que les mouvements respiratoires. Ces troubles sont devenus de plus en plus graves et la température est montée à 40°,8. L'animal a eu des selles diarrhéiques noires et sanguinolentes. Les vomisse- ments sont devenus bilieux et teints de sang. La tempé- rature est montée à 41°, 4. Orthopnée, convulsions, mort à 10h,42 minutes du soir. Poids de l'animal 5.600 grammes. Autopsie.-Rigidité des membres. L'examen du sang a révélé la présence de microcoques xanthogéniques. Ménin- ges fortement hyperhémiées. La masse encéphalique étant sectionnée, nous avons observé un pointillé hémorrhagique. Les poumons fortement congestionnés, présentant des ecchymoses à la surface, et par la section de nombreux foyers hémorrhagiques. Le cœur, arrêté en diastole, présentait des taches lactées à la surface, injection des veines coronaires, des caillots noirs dans les deux ventricules.- Foie marbré, présentant par la section plusieurs foyers hémorrhagiques. Vésicule biliaire vide. Reins fortement congestionnés. Vessie vide. La muqueuse de l'estomac friable, ramollie, fortement hyperhémiée, présentant de larges foyers hé- morrhagiques et quelques érosions. L'estomac renfermait 155 45 grammes d'un liquide épais et obscur. La muqueuse in- testinale fortement hyperhémiée présentait de larges pla- ques hémorrhagiques. Le contenu intestinale était noir sanguinolent. Rien d'anormal dans les autres organes. 6.mc EXPÉRIENCE Nous avons tâché d'injecter quelques gouttes d'une culture du cryptocoque xanthogène entre les méninges et le cerveau d'un lapin. Mais, la couronne du trépan étant trop grande, tout le liquide est ressorti au même moment, sans que l'on pût retenir une seule goutte. On a fait le pansement de la plaie et l'animal s'est rétabli promptement. Manque d'un autre trépan, on n'a pas pu répéter cette expérience. Il va sans dire que dans toutes les expériences précé- dentes on a pris rigoureusement tous les soins anti- septiques. Les doses employées dans nos expériences n'ont pas été exaggérées, attendu que nous n'avons employé que des cultures de 3.me passage, dont la virulence n'était pas très forte. Si l'on emploie des cultures de l.ère passage, on en pourra réduire beaucoup les doses, quoique celles que nous avons inoculées n'aient pas été supérieures à celles em- ployées par d'autres expérimentateurs dans des cas pareils. Les observations n'ont pas été plus complètes, parce qu'il nous manquait des appareils enregistreurs des mouvements respiratoires, des battements du cœur, de la pression du sang etc. (*). (*) Dans nos expériences en 1884, nous avions à notre disposi- tion tout cet instrumental, ainsi que le lecteur a déjà lu dans un des chapitres antérieurs de ce mémoire, lorsque nous avons décrit les expériences que fîmes sur des chiens. N. de l'A, 156 Examen microscopique des organes des lapins et du chien, qui ont été l'objet des expériences Sang. - L'examen du sang a toujours révélé la pré- sence du microcoque xanthogénique. Peins. - Sur les coupes que nous avons faites, on a mis en pratique la double coloration, les préparations étant montées selon les procédés techniques courants. Nous avons trouvé augmentation de volume des cel- lules et oblitération d'un grand nombre de canaux uri- nifères. Par l'emploi de la méthode de Gram, double colo- ration, nous avons observé la présence des microcoques xauthogéniques, tantôt isolés, tantôt formant de petits groupes. Foie. - Nous avous remarqué nue franche dégénéres- cence graisseuse, rendue incontestable au moyen de l'acide osmique, d'après la technique adoptée. Les cellules hépatiques étaient déformées . Par la méthode de Gram, double coloration, on a constaté la présence du microcoque xanthogénique, soit isolé, soit formant de petits groupes et courtes chaînes. CONCLUSIONS 1. - Le micro-organisme, rencontré et étudié dans les cultures qui nous ont été données par M. le Prof. Dr. Domingos Freire, comme cultures pures du micro- coque xanthogénique, appartient à la famille des cocci et au genre des micrococci. 2. - Il a la forme de petites cellules sphériques, douées d'un grand pouvoir réfringent, translucides, con- tenant un ou plusieurs noyaux, se colorant bien par les couleurs d'aniline et mésuraut 9 dixièmes à 1, 2 de millième de millimètre. 157 3. - Ce micro-organisme est aérobie, le traitement de Gram ne le décolore pas, il est doué de mouvements rapides et possède deux cils et quelquefois plusieurs. 4. - Les auteurs que nous avons consultés, ne men- tionnent aucun microcoque pouvant se confondre avec le microcoque xantliogénique. Il est différent du micro- coque pyogenes aureus de Rosenbach. Donc, nous le regardons comme une espèce nouvelle, qui a été étudiée par Mr. le Prof. Domingos Freire, comme cause de la fièvre jaune. 5. - Les inoculations des cultures du cryptocoque xantliogénique, dans des cobayes, lapins, chiens, pro- duisent des symptômes et lésions anatomo-pathologiques, qui ressemblent beaucoup à celles de la fièvre jaune. Rio de Janeiro 14 Janvier 1898. (Signés) : Dr. Campos da Paz, Professeur à la Faculté de Médécine de Rio Janeiro, Président de la Commission. Dr. Henrique Monat. Dr. José de Gôes, secrétaire. Dr. Clarimundo de Mello, membre technique, prépa- rateur à la Faculté de Médecine de Rio Janeiro. Dr. Aagusto Pereira das Neves, Directeur de l'Hospice de Nossa Senhora da Saude. Les Drs. S. Barradas et Araujo Lima n'ont pas signé, parcequ'ils n'ont pas assisté à la séance dans laquelle le rapport a été discuté et mis à voix, le pré- mier étant absent à l'État de St. Paul. Le rapport a été adopté à l'unanimité des membres présents. Les travaux de la commission ne sont pas encore terminés. 158 Elle attend des ressources pour pouvoir continuer et des malades de fièvre jaune, qui n'existent point à l'heure qu'il est. Le tableau ci-joint résume les caractères comparatifs entre le microcoque xanthogénique et les autres micro- coques, qui comme celui-ci liquéfient la gélatine. Ce tableau a été dressé par la Commission elle-même. Avis du gouvernement autorisant les vaccinations contre la fièvre jaune ( Traduction ) l.ëre Direct.-Ministère de l'empire. -Rio, le 9 No- vembre 1883.- Au Président de la Junte Centrale d'Hy- giène Publique-La Junte Centrale d'Hygiène Publique en séance du 16 du mois d'Octobre ayant autorisé l'ino- culation du liquide de la culture préservative de la fièvre jaune, conformément à ce que vous avez communiqué le 29 du dit mois, vous pouvez faire annoncer sur le Journal Officiel, ainsique dans un autre journal quelconque parmi ceux de grande circulation, invitant, ainsique vous le proposez, les personnes nouvellement arrivées à cette ville et toutes celles qui voudront se soumettre à la dite inoculation, afin de comparaître à l'institut de vaccin, tous les mercredis et samedis, de 10 heures à midi ; les frais de publication des annonces courant par compte de ce Ministère. Dieu garde, etc. A Mr. le Président de la Junte Centrale d'Hygiène. (Signature du Ministre) F. A. Maciel. 159 Après le changement du régime monarchique pour le régime républicain, j'ai cru nécessaire une ratification de l'avis précédent, ce que j'ai obtenu promptement, ainsique le prouve le document suivant : 2.me Section - Direct, de l'Intérieur. - Capitale Fé- dérale, le 20 Décembre 1890. Je vous déclare, en réponse à l'avis du 17 du mois courant, qu'il n'y a eu aucun acte du gouvernement re- tirant la permission accordée par avis du 9 Novembre 1883, au Dr. Domingos José Freire, alors Président de la Junte Centrale d'Hygiène Publique, pour faire des annonces par la presse, invitant les personnes nouvellement arri- vées et toutes celles qui voudront se soumettre aux ino- culations préventives de la fièvre jaune, d'après le pro- cédé de ce médecin, autorisées par la Junte mentionnée plus haut, dans le but de constater l'efficacité de ce moyen prophylactique. (Signature du Ministre de l'intérieur) José Cesario de Faria Alvim. A Mr. le Ministre et Secrétaire d'État des Affaires de l'instruction Publique, Courriers et Télégraphes. Ouvrages que le Professeur Domingos Freire a publiés sur la fièvre jaune I.- Recherches sur la cause, la nature et le trai- tement de la fièvre jaune. Rio, 1880. II. - Études expérimentales sur la contagion de la fièvre jaune. Rio, 1884. III. - Doctrine microbienne de la fièvre jaune et ses inoculations préventives ( Un gros volume de 632 pages, contenant la première statistique des vaccinations contre cette maladie). Rio, 1885, 160 IV.- La vaccine de la fièvre jaune (Résultats sta- tistiques de Janvier à Août 1885). Rio. V. - Notice sur la régénération de la virulence des cultures atténuées du microbe de la fièvre jaune. Rio, 1886. VI.- Memoria sobre as ptomaïnas da febre ama- rella. Rio, 1886. VII.- Consideraçôes sobre a vaccina da febre ama- rella.- Resposta a varios quesitos formulados pelo consulado gérai dos Estados-Unidos da Ame- rica do Norte n'esta cidade. (Revista dos cursos fheoricos e praticos da Faculdade de Medicina'). Rio, 1886. VIII.-Résultats statistiques de la vaccination contre la fièvre jaune pendant l'épidémie de 1886. Paris, 1887. IX.- Conférence sur la fièvre jaune, prononcée devant la Société de Thérapeutique Dosimé- trique de Paris (Répertoire universel de médecine dosimétrique, numéro de Mai). Paris, 1887. X.- La vaccination de la fièvre jaune. - Discours prononcé devant le Congrès médical interna- tional tenu à Washinghton, 1887, Septembre. (Voir les comptes-rendus du même Congrès). XI.- Du microbe de la fièvre jaune et de son atté- nuation (En collaboration avec MM. P. Gibier et C. Rebourgeon). - Note présentée à l'Aca- démie des Sciences de Paris, compte-rendu du 21 Mars, 1887. XII.- Résultats obtenus par l'inoculation préventive du virus atténué de la fièvre jaune à Rio Ja- neiro (En collaboration avec MM. Gibier et C. Rebourgeon). -Note présentée à l'Académie des Sciences de Paris, compte-rendu du 4 Avril, 1887. 161 XIII. - Réfutation des recherches sur la fièvre jaune, faites par M. P. Gibier à la Havane. Rio, 1888. XIV. - La mission du Dr. Sternberg au Brésil.- Réfutation du rapport publié par ce médicin dans le Medical News, de Philadelphie, le 28 Avril 1887. Rio Janeiro, 1889. XV. - Statistique des vaccinations pendant l'épi- démie de 1888-1889. Rio, 1890. XVI.-Das gelbe Fieber und seine Verwehrungs- impfungen. - Conférence prononcée devant la Société Medicale de Berlin, compte-rendus de la même Berlin, 1891. XVII.- Statistique des vaccinations contre la fièvre jaune pendant le paroxysme épidémique de 1889 - 1890. Berlin, 1891. XVIII.- Statistique des vaccinations contre la fièvre jaune pendant l'épidémie de 1891-1892. Rio, 1893. XIX.- Relatorio sobre o Instituto Bacteriologico e o resultado das inoculaçôes preventivas da febre amarella, apresentado ao ministro do interior da Republica do Brasil. Rio, 1893. XX. - Nature, traitement et prophylaxie de la fièvre jaune. - Mémoires présentés au Congrès du monde tenu à Chicago à l'occasion de l'exposi- tion universelle, et au Congrès médical interna- tional d'hygiène et de démographie de Buda- pest eu 1894. Rio, 1893-1894. XXI.-La fièvre jaune et ses inoculations préventives. Aperçu général sur les résultats de ces inocula- tions, suivi d'une notice sur le microcoque amaril, etc., etc. Rio, 1896. XXII.-Considérationsupon yellowfever audits préven- tive inoculations (Publiées dans le rapport de la junte de santé de l'État de Californie). États-Unis. 162 XXIII.- Communications sur la fièvre jaune faites à la Société de Biologie de Paris ( Publiées dans les Bulletins de la même de 1888, etc.). XXIV.- Idem faites à Académie des Sciences de Paris en 1885-1893. (Publiées dans les comptes-rendus de la même). XXV.-Idem présentées à F Académie de Médecine Rio Janeiro (Discussions publiées dans les bul- letins de la même). XXVI.- Note sur le microcoque xanthogénique, pré- sentée à F Académie des Sciences de Paris, Octobre 1897. XXVII.- Conférence sur la fièvre jaune, réalisée le 19 Juin 1897, à la Faculté de Médecine, contes- tant les recherches du Dr. Sanarelli, sur la fièvre jaune, 1898. XXVIII. - Critique de l'article publié par le Dr. B. de Lacerda dans le Journal du Commerce, du 19 Octobre 1897, sur les recherches du Dr. Sana- relli. (Voyez Jornal do Commercio, de Rio de Janeiro, du 30 Octobre 1897). XXIX.- Mémoire sur la bactériologie, pathogénie, traitement et prophylaxie de la fièvre jaune, 1898. Rio. XXX.- Exposition sommaire pour servir d'indica- tion aux documents qui prouvent l'efficacité des moyens proposés par le Prof. Dr. Domingos Freire pour la guérison et prévention de la fièvre jaune, présentée au Congrès Fédéral du Brésil, 1896. AVERTISSEMENT Les figures qui accompagnent le présent mémoire re- présentent : Fig. 1. - Le microcoque xanthogénique diversement groupé (isolé, deux à deux, en chapelets et en amas), (diplocoques, streptocoques et staphylocoques). Toujours comme je l'ai décrit. Cette figure a été tirée d'une photographie que le Dr. Sternberg a fait faire, en se servant d'une culture que je lui ai donnée moi-même lorsqu'il est venu au Brésil. La dite photographie se trouve dans le Report on the etiology and prévention of yellow fever du même auteur. La fig. 2 représente les colonies en clou du micro- coque xanthogénique sur agar-agar nutritif (dans les pre- miers jours de développement). La fig. 3 représente le dévelopement du même micro- coque sur gélatine peptonisée. On y en voit la liquéfaction sous forme de coupole. Fig. 1 Fi'S. 2 Fig. 3 MICROCOQUES. JQUÉFIANT LA GELATINE TABLEAU COMPARATIF entre ceux-ci et le microcoque xanthogénique Freire Espèces Cultures sur plaques Cultures en gélatine (Tubes) Cultures en gélose inclinée (Tubes) 1 Cultures sur pommes de terre Cultures en bouillon Caractères des cellules OBSERVATIONS 1 M. prodigiosus d'Ehrenberg Petites colonies arrondies, granuleu se grises, passant, peu après, à la couleur rouge. La liquéfaction est rapide. Le liquide est trouble, présentant un dépôt au fond. Colonies rouges avec reflets métalli- ques. Colonies blanc-rose, qui deviennent rouges couleur de sang. Cellules sphériques ou ovale de 0mm,5 a llum. 2 Cellules oblonges de Omm,l à 0mœ,2, réunies en chaînes flexueuses. 3 Colonies jaunes. Après quelques joû'~ de prolifération on aperçoit un poil11 central opaque et une zone annulaire extérieure, formée par la liquéfaction de la gélatine. L'anneau s'attache 1 centre par des tractus présentant l'a* spect d'une roue de voiture. Colonies jaunes. Liquéfaction rapide. Le liquide est clair et présente un sédiment jaune et épais. ' Epaisse couche jaune-brillant. Grandes cellules sphériques en diplo- coques ou en petits groupes. 4 M. flavus desidens de Flugge Colonies jaunes brunâtres, arrondiiesl de bord sinueux, pouvant atteindra à 1 centimètre de diamètre. La gé- latine se ramollit autour des colonies. A la superficie, une membrane jaune; au canal de la piqûre une massé blanche. Ramollissement et ensuite liquéfaction lente du milieu. Pellicule muqueuse de couleur jaune- brun. Cellules sphériques en diplocoque ou en courtes chaînes. 5 A la superficie, flocons jaune-orange. Liquéfaction rapide. - • Taches blanches, qui deviennent jaune- orange . Colonie jaune-orange. Cette nuance se présente dès le premier jour. Cellules sphériques de 0mm,5 a lmm. 6 1 etites colonies jaune-gris, circulaires, granuleuses. La gélatine se ramollît-, ensuite est liquéfiée autour des colo- nies. A la superficie, colonies blanches, qui deviennent grises et ensuite jaunes. Rien au trajet de la piqûre. Plaques grises, devenant jaunes cou- leure ocre. Le développement est rapide. Les colonies vieilles perdent; la couleur. 1 Prolifération grise très-peu apprécia-' ble. Trouble en 15 heures à 35°, il se forme un dépôt jaune. Diplocoques de 2miu a 2mm}6 e até 3mm en bouillon. Ne se décolorent pas par la méthode de Gram. 7 Colonies blanches. Liquide laiteux et dépôt blanc. Couche grise à bords festonnés et plus épais que le centre. La colonie prend peu à peu la couleur jaune. Grumeaux blancs. Cellules sphérique S de lmm. 8 M. de la nécrose progressive du tissu conjonctif des rats (Koch). Colonies blanches, liquéfiant dès le deuxième jour la gélatine en forme de cône au sommet duquel se dépose la culture. La colonie se développe au dans le trajet de la piqûre. Pellicule épaisse et blanche, devenant peu à peu jaune. Cellules sphériques de Omm 5, formant de longues chaînes sinueuses. 9 M. de la mammite gangreneuse des brebis, de Nocard Colonies blanches, rondes, offrant tache ycntpiîe une - 1 Trouble en 24 heures. Cellules sphériques de Omm,3 a 0mm,5| isolées ou en groupes, jamais en' chaînes. Ne se décolorent pas par la méthode de Gram. 10 M. radiatus de Flugge Colonies blanches avec reflets jaune verdâtre, présentant des prolonge, ments qui les font ressembler, parfois 1 à des étoiles de mer. | Colonies qui se développent dans le « trajet de la piqûre, formant prolon- gements en forme de rayons. La /liquéfaction est lente. Couche jaune-brun. Trouble rapide. Dépôt blanc. Cellules sphériques de 0nim,8 a lmm en groupes ou en courtes chaînes. Il y a formation d'acide lactique dans les cultures en bouillon. 11 31. salivarius pyogenes de Biondi Colonies blanches, opaques, liquéfiant lentement la gélatine. Colonie blanche, qui se développe en premier lieu à la superficie, après dans le trajet de la piqûre. La li- quéfaction est lente. Le liquide est trouble, ayant en suspension gru- meaux d apparence graisseuse. Au long de la strie, large bande de couleur jaune-orange, au centre et aux extrémités, blanc. Î-- Cellules sphériques de 0mm(3 a Omm,5. Ne se décolorent pas par la méthode de Gram. 12 i M. pyogenes citreus Passet | Liquide trouble. Dépôt jaune citron obscur. Couche épaisse de couleur citrine foncée Grumeaux visqueux. Couleur blanche. 13 M. pyogenes albus de Rosenbach Colonies blanches. La gélatine, liqué- fiée, reste toujours couleur de lait. Colonie blanche. Liquéfaction rapide Liquide laiteux et dépôt blanc. Large couche blanc-grisâtre. Membrane blanche, sèche, mince. Liquide trouble et dépôt blanc. Cellules sphériqm !S de lmm. Il a les caractères du pyogenes aureus, excepté par la couleur. 11 paraît être une variété du - aureus. 14 15 M. pyogenes aureus de Rosenbach.... M. xanthogenicus Freire Colonies rondes, jaune brun. Examinées j sur un fond noir, présentent couleu, jaune d'or. Liquéfaction rapide. Point central obscur, entourée d'une zône i annulaire formée par la gélatine ]j quéfiée. Colonies blanches, petites, rondes, p ses, d'abord blanches, passant jaune chrome; la gélatine est rapj4 11 ment liquéfiée. Ces colonies augril(/'~ tent de plus en plus de diamètre - couleur jaune devient plus nette U quelques jours après on aperçoit .et centre de chaque colonie un noir. \u bout de 24 heures, il se développe uni masse granuleuse uniquement dans le trajet de la piqûre. Rien à la surface. En 48 heures est formée une coupole de liquéfaction pleine d un liquide blanc et trouble ; au fond un depot couleur d'or. Les colonies ne continuent pas à progrès- S'teX". j.our> va jusqu a 1 extrémité de la nioûre et occupe toute la largeur du ube Le liquide est trouble Au long de la strie, des bandes épais- ses couleur jaune-d'or. Mince couche couleur jaune-d'or. Le développement est lent. Liquide trouble et dépôt jaune. Cellules sphériques de Omm,1 a lmm,2, isolées, ou groupées de plusieurs ma- nières. Ne se décolorant pas par la méthode de Gram. Les cultures ont odeur de lait aigri. 11 se forme de l'acide lacti- que dans les cultures en lait. Prolifération simultanée à la superficie et dans le tra et <î« i„ • . h e étant la forme d'un clou^lT6 1 est d'abord blanche dévJ î:O1OnW b aucoup de jours jaune &PreS et liquéfiant la gélaX t C/°m6 de coupole, dans le fond'de"laquelle on voit un dépôt d'une Li. * jaune-brun foncé. substance Au long de la strie, de larges bandes qui deviennent après jau- ne-chrôme. Prolifération abondante aux points des stries, se propageant totalement dans le milieu nutritif. Les colonies ont la couleur jaune de chrome et le fragment de pomme de terre se pré- sente très-obscur. Dans le commencement liquide trouble et dépôt blanc. Plus tard, le dépôt devient jaune. Dans les anciennes cultures, le dépôt jaune se trouve mélangé avec la substance noire pul- vérulente. Petites cellules ques, douées d't fringent, mesur et diversement les ont un ci corpuscule* r • translucides, sphéri- n grand pouvoir re- .nt de 0mm, 1 a 0mm2, groupées. Ces cellu- P urs noyaux Ne se décolorent pas par la méthode Gram. Les cultures ne donnent pas la réaction de l'indol. Odeur vireuse. Ce micro-organisme, cultivé en lait, rend alcalin le milieu ; il ne le rend jamais acide. MÉMOIRE SUR la bactériologie, pathogénie, traitement et prophylaxie de la fièvre jaune PRÉSENTÉ AU CONGRÈS INTERNATIONAL O'HYCIÉNE ET DÉMOGRAPHIE DF MADRID PAR LE Dr. D OMINGOS FrEIRE Directeur de l'institut bactériologique de Rio de Janeiro JR.IO DE JANEIRO Typographia IjTCTJZUSTGtEK 1898 ZEZRÆRaÆT-A. Pages Lignes Au lieu de: Lisez : 27 21 typhus bacille 27 6 promises promis 29 5 la même sort le même sort 30 note illations inductions 43 10 sous sur 46 8 qui une qu'une 68 25 passé passée 80 12 1887 1877 86 12 6,8 5,6 Ibidem 14 94 95 109 29 des pores de spores À la fig. 1 ajoutez Au tableau comparatif des microcoques liquéfiant la gélatine faites les corrections suivantes : À l'avant-dernière colonne, 2.me case, au lieu de 0mm,l à 0mm,2, lisez lmm à 2mtn ( mm = 1 micro). À la même colonne, 14.m® case, au lieu de 0mm,l à lmm,2, lisez 0mm,9 à lmm,2. À la 15.me case, lisez 0mm,9 à lmm,2, au lieu de 0mm,l à 0mm,2.