AVANT-PROPOS. H n'est point, à mes yeux, de problème plus difficile â ré- soudre ou de mystère plus impénétrable que ces fléaux qui viennent périodiquement s'abattre, les uns sur les grandes villes, les autres sur le monde entier, franchissant quelque- fois l'espace avec une rapidité merveilleuse, et semant la mort avec une effroyable prodigalité. Problème toujours étudié et jamais résolu dans l'ordre physique, mystère im- pénétrable dans l'ordre moral. Il y a bien deux mille ans qu'on cherche la cause des épidémies, et nous ne sommes guère plus avancés qu'au point de départ. Bien mieux, pour ce qui concerne notre propre ville, nous en sommes en- core à douter si la fièvre jaune y est endémique ou si elle y est importée, tant les faits sont difficiles à observer, et tant IV 1ms taieux observés renferment de contradictions. Cepen- dant notre esprit veut la certitude ; il y tend par une loi ir- résistible de sa nature, et plutôt que de s'arrêter en route, là où la lumière lui manque, il s'empare avidement des faits acquis, les dispose, les combine à sa guise et se bâtit un sys- tème capricieux dans lequel il se retranche, et d'où il re- pousse tout, même les salutaires attaques de la vérité. Loin de se récrier contre cette disposition de l'esprit humain, le philosophe y voit une des lois du progrès. C'est, en effet, à cette soif insatiable de la certitude, c'est même à l'aheurte- ment aux opinions erronées que nous devons tant de subli. mes ouvrages écrits pour revendiquer les droits do la vérité, et, même au milieu de tous ces systèmes où l'erreur domine, que de belles pages à lire, que d'utiles enseignements à pui- ser 1 C'est aux générations qui suivent à séparer l'ivraie du bon grain ; chaque siècle a son ménage à faire. Il n'est point de question médicale qui ait plus divisé les esprits, qui ait soulevé plus de discussions, qui ait été l'occa- sion de plus d'écrits que la fièvre jaune ; et cependant que savons-nous de cette affreuse maladie ? Le nom même qu'elle porte n'est-il pas la preuve de notre ignorance sur sa nature ? Passons à son étiologie ; qu'en sait-on ? On parle bien d'un miasme paludéen, d'un principe miasmati- que, mais qui l'a prouvé ? Sa pathogénie elle-même, si ca- pricieuse, si variée, si dissemblable à elle-même dans les dif- férents cas, qui peut la saisir et la fixer ? Sommes-nous plus avancés dans son traitement ? Lisez les auteurs qui p.n parlent : quelle diversité, quelles contradictions, quels tâtonnements, quel empirisme aveugle, quel chaos ! C'est à coup sûr une de ces maladies où la puissance et la pré- voyaaee de la nature médicatrice éclatent le plus manifeste- V ment. C'est là ce qui rend compte de ces cures miraculée- ses que revendiquent, à leur propre gloire, toutes les mé- thodes thérapeutiques, peu soucieuses de rendre à César ce qui appartient à César. C'est également ce qui fait la for- tune des charlatans, ces forbans de la médecine, que n'arrêtent ni le respect dû aux misères humaines, ni la douleur d'une fa- mille en larmes, ni le spectacle lugubre et sacré de l'agonie. Mais qui prétendra extirper du monde le charlatanisme, ce fléau moral mille fois plus hideux que le mal physique, cette vermine immonde attachée aux flancs de la société, où la maintiennent l'ineptie et la crédulité de la foule. Il y a dans toute société, à quelque époque qu'on l'étudie, une certaine couche où les lumières n'arrivent qu'avec une dif- ficulté infinie ; c'est à peine si le mouvement de la civilisa- tion s'y fait sentir. C'est là que tombent, pour y rester éternellement, tous les préjugés, toutes les superstitions, toutes les sottises humaines que l'on secoue en haut. Elle est comme le réservoir de la barbarie primitive, qu'elle garde en dépôt et que dans ses grandes agitations elle fait quelquefois remonter à la surface. C'est là que fleurit le charlatanisme ; c'est là qu'il s'engraisse aussi, bien aux dé- pens des petites que des grandes fortunes, car la grande ri- chesse n'exclut pas la grande sottise. Le charlatanisme est singulièrement aidé pdr la crédulité de l'esprit humain, par son amour pour le merveilleux, et par la haine envieuse de l'ignorance pour tout ce qui est science, particulièrement pour la médecine. Les ignorants ont généralement une aversion invinci- ble pour la science médicale ; ils lui préfèrent l'em- pirisme grossier qui consulte le grimoire, qui prescrit de porter des amulettes, du qui fait usage de plantée VI sauvages dont les noms ne se trouvent pas dans les livres; ce qui est très important. Cette médecine-là est à la hauteur de leur génie ; quant à l'autre, elle n'a pas leur estime : si elle la veut acquérir, qu'elle s'abaisse au niveau de leur vue ; ce n'est pas à eux à monter. Cicéron, dans son Traité de la Divination, raconte qu'un Romain ayant aperçu, en entrant dans sa chambre, un serpent enroulé autour de son bâton, courut tout pâle de frayeur, consulter le devin sur ce phéno- mène qui lui paraissait étrange : " Ce qui eût été étrange, lui répondit le devin, c'eût été de trouver ton bâton en. roulé autour du serpent." Nous avons encore de nos jours beaucoup de Romains de cette force ; les serpents ne nous manquent pas, non plus que les bâtons, mais ce qui nous manque, c'est un augure assez honnête pour éclairer son client au lieu d'exploiter sa crédulité. Il est vrai que l'his- toire ne nous dit pas si ce devin-là ne s'était pas déjà enri- chi à mentir et à tromper. Le charlatan devenu riche se fait honnête, : c'est toujours un hommage rendu à la vertu que de la rechercher alors même qu'on peut s'en passer. Puisque j'ai entamé ce chapitre, je veux l'épuiser. Ce n'est pas faire de la science, j'en conviens, mais c'est encore la servir que de secouer en passant les parasites qui l'em- barrassent dans sa marche. Indépendamment des charla- tans, le monde est plein de bonnes gens qui prétendent en savoir plus que les médecins, et qui les contrecarrent en toutes choses. Excellentes gens, dira-t-on, et remplis de bonnes intentions. Accordé ; mais l'enfer lui-même est pavé de bonnes intentions. A entendre ces personnes-là, elles sont toujours en possession de quelque remède merveil- leux applicable à chaque cas particulier. Elles le propo- VII nent clandestinement, et recommandent expressément que le médecin de la maison n'en soit pas averti, renversant ainsi les rôles, puisque ce serait au médecin à prémunir le malade contre le danger de leur pratique. C'est le satanisme de l'orgueil joint au satanisme de la perfidie ; satanisme de l'or- gueil, puisque l'on revendique la gloire d'une cure dont on n'a pas eu le mérite ; satanisme de la perfidie, puisqu'on s'abrite derrière le médecin en cas d'insuccès. Je sais que ces personnes-là ne sont pas malintentionnées ; qu'elles veu- lent même le bien des malades dont elles ont la hardiesse d'entreprendre la guérison ; mais je sais aussi que c'est l'or- gueil qui les pousse, et qu'elles visent à la gloire singulière de dépasser, sans étude, des hommes qui ont pâli sur les li- vres de science. C'est aux personnes de cette nature que Bourdaloue faisait allusion; quand il expliquait à son audi- toire la volonté de perfection : " Cette volonté est que cha- cun soit dans le 'monde parfaitement ce qu'il est ; qu'un roi y soit parlaitejleitfj ydij; père y fasse parfaitement l'office d'un père ; un juge la fonction déjugé ; qu'un évê- que y exerce le ministère d'un prélat ; que tous marchent dans la voie qui leur est marquée; qu'ils no se confondent point, et que les uns no s'ingèrent point do ce qui est du ressort des autres ; car si cela était, et que chacun voulût se réduire à ce qu'il doit être, on peut dire que le monde serait parfait." Cette digression faite, je reviens à mon sujet. Il s'est élevé depuis quelques années une question pleine d'intérêt et d'actualité, celle de savoir si les créoles sont susceptibles ou non de contracter la fièvre jaune. Deux doctrines sont enjprésence l'une de l'autre, celle-ci niant que les personnes nées dans la ville soient sujettes à cette maladie, celle-là nu professant l'opinion contraire. Les partisane de la pre- mière doctrine vont même jusqu'à nier la propagation de la fièvre jaune dans les campagnes. Les épidémies qu'on y a observées, ne sont autre chose, à leurs yeux, que la fièvre pernicieuse larvée revêtant les apparences de la fièvrejaune elle-même. 11 ne paraît pas que les anciens praticiens aient jamais remarqué le vomissement noir chez les créoles nés dans la ville. Pour mon compte, je ne l'avais jamais ob- servé avant 1853. La première épidémie qui s'est offerte à mon observation est celle de 1847. J'ai visité considéra!' blement de malades à cette époque, sans avoir jamais ren- contré le vomissement noir ailleurs que chez des étrangers. C'est donc une question neuve ; elle est même complexe, comme on le verra. Je l'aborderai avec la réserve que commandent, à la fois, et la nouveauté du sujet et la haute estime que j'attache à l'opinion des adversaires que je vai® reu contrer. FIEVRE JAUNE. Epidémie de 1858* PRECIS HISTORIQUE DE LA FIEVRE JAUNE. Avant de décrire l'épidémie de 1858, je crois néces- saire de donner un aperçu historique de la fièvre jaune. Cette étude préliminaire, dont j'ai senti moi-même le be- soin, jettera du jour sur la question toute entière. 11 est vrai que ce n'est pas un travail aisé que de remonter à l'origine de celte maladie, et de fixer son point de départ, tant les données que nous possédons sur ce sujet sont susceptibles d'interprétations différentes. Quelque ardue que soit cette tâche, je m'efforcerai de la remplir aussi bien qu'il est permis de le faire avec les documents in- complets qui sont en ma possession. Quelques médecins ont cru reconnaître la fièvre jaune dans le causus d'Hip- pocrate. Mais la fièvre ardente que le père de la méde- cine décrit sous ce nom ressemble bien plus à la rémit- tente bilieuse des pays chauds, dont la fièvre jaune, aux yeux de plusieurs praticiens éminents, n'est que le maxi- mum. En appelant l'attention sur ce sujet, dit M. La Roche, dans son savant et inappréciable ouvrage, vol. l,p. 47, je 1 2 ne m'étendrai pas sur ce fait, que les voyageurs qui ont les premiers visité les colonies, ainsi que les premiers co- lons, que même les compagnons de Colomb, s'il faut en croire les descriptions incomplètes de Herrera; d'Oviedo, de Gomara, de Pierre Martyr, ainsi que les circonstances qui se lient à l'origine et à la propagation du mal, ont considérablement souffert d'une maladie qui ressemble beaucoup à la fièvre jaune. Je m'appesantirai moins encore, ajoute-t-il, comme quelques-uns l'ont fait, sur ce qui arriva aux Indiens en 1G20, avant l'établissement des blancs, époque à laquelle les tribus furent, dit-on, réduites de 3G00 à 300, par une maladie qui offre quelque analo- gie avec la fièvre jaune. Bien que l'on rapporte que les malades.saignaient du devenaient jaunes comme em.rubanjle c&té que l'on Htxutç comme une preuve d'identité), on nous permettra de mettre en doute l'identité de cette maladie avec la fièvre jaune, attendu qu'il est reconnu qu'elle fit ses ravages pendant l'hiver. " Elle (la fièvre jaune) a tiré ce nom, dit Volney, de l'un de ses symptômes distinctifs, la couleur de citron foncé, que dans la dissolution des humeurs, prennent les yeux, puis la peau de tout le corps. Les Français l'ap- pellent/ferre ou mal de Siam, soit parce qu'elle vint d'a- bord de ce pays, soit parce que la couleur de ces Asiati- ques est assez semblable." Je vais donner maintenant la traduction de quelques pages de l'intéressant opuscule du Dr. W. M.Carpenter, relativement à l'origine de cette maladie. "11 y a de bonnes raisons de supposer que la fièvre jaune, regardée généralement comme endémique dans l'Amérique tropicale et dans les Indes Occidentales, n'a pas toujours existé dans ces contrées, mais qu'elle y a été introduite depuis l'établissement des Européens dans ces pays. Los raisons qui militent en faveur de cette opi- nion sont : lo. " Qu'aucune maladie de ce genre n'a été observée, 3 soit dans les Indes Occidentales, soit dans le Mexique ou dans aucune partie de l'Amérique, à l'époque de la dé- couverte de ces pays ou long-temps après ; 2o. " Si une pareille maladie eût existé dans ces con- trées, les Européens qui pénétrèrent dans les villes, et qui résidèrent même parmi les indigènes, ne pouvaient man- quer d'en être informés, ni d'en être atteints. 3o. " Le matlazahuatl, la seule maladie endémique con- nue des aborigènes, n'était pas la fièvre jaune, attendu qu'elle ne sévissait que sur les Indiens, les blancs en étant exempts. La fièvre jaune, au contraire, choisit principa- lement ses victimes parmi les blancs, attaquant très peu les Indiens et les noirs, pour qui elle est rarement mor- telle. En outre, la fièvre jaune, au Mexique et aux Indes Occidentales, s'attache principalement aux villes et aux lieux où la chaleur est intense, tandis que le matlazdhuatl répand également la terreur et la désolation parmi les habitants épars des rpontagnes ainsi que dans les régions les plus froides et les plus arides. (Humboldt, Essai sur la Nouvelle-Espagne, vol. I, p. 88.) 4o. " Comme le prouve un rapport authentique sur son introduction dans les Indes Occidentales après l'établis- sement des Européens dans ces contrées. Voici un ex- trait du rapport topographique et physique de l'île de St. Domingue (vol. 1, p. 700), de Moreau St. Méry, historien intègre et plein de candeur. " Eu 1690, une révolution sanglante éclata dans l'empire de Siam. Les Français établis dans ce pays s'embarquèrent pour la France à bord de l'Oriflamme, commandé par M. Lestrides, et de deux autres vaisseaux de la Compagnie des Indes, la Laure et le St. Nicholas. Pendant leur trajet vers la France, le gros temps les contraignit de s'arrêter à Fort- Royal de la Martinique. Ils portèrent avec eux une fièvre pestilentielle, dont moururent M. Lestrilles et une grande partie de l'équipage, et qui, se répandant dans la ville de Fort-Royal, enleva un grand nombre de ses habitants. 4 Le fléau se répandit également à bord de tous les navires du port, parmi lesquels se trouvaient deux vaisseaux de Pondichéry, et s'étendit au navire Mignon, ainsi qu'à une escadre de trois vaisseaux de guerre, commandée par M. Ducasse. Une grande partie des équipages mourut de la maladie, vers juin 1691. L'escadre de M. Ducasse vi- sita les îles Ste. Croix et St. Christophe, et y porta la fièvre. La maladie, introduite de cette manière, se répandit dans toutes les villes des Indes Occidentales où, au rap- port de notre historien, elle n'avait jamais existé, et con- tinua à dévaster successivement la plupart des villes du continent américain et a été importée des Indes occiden- tales, comme d'un foyer d'infection, à toutes les parties du monde qui entretiennent avec ces dernières des rela- tions commerciales. C'est ainsi que nous la voyons écla- ter dans plusieurs ports de mer de l'Espagne et de la France qui ont de fréquentes relations commerciales avec les Indes Occidentales; c'est ainsi qu'aux Etats-Unis, elle fait souvent son apparition à Charîeston, à Philadelphie et à New-York, toutes villes qui font un commerce con- sidérable avec ces îles. Cette fièvre, en raison de son origine, reçut le nom de "mal de Siam." Les malades devenaient tous jaunes, particulièrement dans les cas qui se terminaient fatale- ment. L'année 1792 ouvrit une nouvelle ère à l'histoire de la fièvre jaune sur notre Continent. Elle prit alors un ca- ractère plus malin que jamais, en raison de l'introduction d'une maladie à forme pestilentielle importée de Bulam, sur les côtes d'Afrique. Voici un extrait du compteren- du que fait Chisolm de son introduction dans les Indes Occidentales. " Le navire Hankey partit de l'Angle- terre de conserve avec un autre navire, tous deux nolisés par la Compagnie de Sierra-Léon et chargés de marchan- dises et d'aventuriers en vue d'un projet de colonisation 5 à Bulam vers le commencement d'avril 1792. Il y avait environ 200 personnes à bord du Hankey, ayant toutes joui d'une parfaite santé pendant la traversée. Mais après être restées quelque, temps à Bulam, elles furent prises d'une fièvre maligne. Le capitaine Cox, s'aper- cevant que l'eau était malsaine à Bulam, dirigea son na- vire vers Bissac, où les Portugais ont des établissements ad hoc. Une douzaine d'hommes environ conduisaient le navire ; la plupart d'entre eux n'avaient pas éprouvé la maladie, mais ils en furent atteints à bord à Sierra- Léon. Neuf d'entre eux moururent avant le retour du Hankey à Bulam, et le reste, ainsi que le capitaine, tom- bèrent dans un état déplorable. Le projet de coloniser Bulam fut dès lors abandonné, et vu l'impossibilité d'ob- tenir de nouveaux matelots, le Hankey fubobligé de met- tre en mer avec seulement quatre hommes d'équipage. Ce ne fut qu'avec grande difficulté qu'ils arrivèrent à St. lago où ils rencontrèrent heureusement deux vaisseaux de le Charon et le Scorpion. Le capitaine Todd, du Charon, leur porta avec beaucoup d'humanité tous les secours qu'il put, et en les quittant, céda quatre de ses hommes au Hankey qui, grâce à ce supplément, put met- tre à la voile'pour les Indes Occidentales. Trois jours après leur départ de St. lago, les quatre matelots supplé- mentaires furent pris de la fièvre; deux d'entre eux mou- rurent et les deux autres furent débarqués à Grenada au commencement de l'année 1793. La maladie se propa- gea aux équipages d'un grand nombre de navires, à com- mencer par ceux du Charon et du Scipion à St. lago, et se répandit bientôt dans les îles de la Jamaïque, de St. Domingue, des Barbades, de Dominique et d'Antigoa, et, en raison de la reprise de nos relations commerciales, favorisée par la fin de la révolution ainsi que par diffé- rents traités de paix et de commerce, le fléau fut im porté durant cette même année, à Charleston, à Phila- delphie et à New-York, villes où il ne s'était pas montré 6 depuis une période de trente ans. Depuis lors, il est im- porté presque annuellement des Indes Occidentales ou du Mexique dans nos cités, suivant que l'immigration fa- vorise son développement ou jpi'une quarantaine bien entendue nous protège ou non contre son introduc- tion. A partir de cette époque, la dénomination de fièvre de Bulam, et finalement celle de fièvre jaune, fut substituée à l'ancienne dénomination de " mwZ de Siam." Il résulterait donc de la relation de Moreau de St. Méry que la fièvre jaune serait d'origine asiatique comme le choléra, et qu'elle aurait été importée de l'Asie dans les Indes Occidentales par les Européens que la révolution avait forcés d'émigrer de l'empire de Siam. C'était aussi la croyance populaire du temps, comme- le prouve évidemment la dénomination de mal de Siam., primitive- ment donnée à cette affreuse malade, Ces évènements s'accomplissaient en 16S0. Mais voici qu'en 1792, c'est- à-dire 112 ans plus tard, le même fléau, empreint tou- tefois d'un caractère bien plus grave, est importé aux Indes Occidentales de l'Afrique par deux navires partis de l'Angleterre pour aller établir une colonie à Bulam, de sorte que les Indes Occidentales deviennent comme l'entrepôt de cette peste, qui de là se répand, à de certains intervalles, dans presque tous les ports qui entretiennent avec elles des relations commerciales. A-t-elle été im- portée d'Asie en Afrique ; est-elle plutôt endémique dans ces deux pays ? C'est là ce que je ne puis établir par les documents que j'ai devant les yeux. Il serait aussi très intéressant de savoir si elle était connue dans l'empire de Siam antérieurement à l'époque dont parle Moreau de St. Aléry, c'est-à-dire avant 1690. D'après Vinet, elle fit sa première apparition aux Bar- bades en 1647. Ligon qui rapporte le même fait, nous ap- prend que les habitants de l'île, ainsi que les marins, en lurent si rudement éprouvés, qu'en moins d'un mois après 7 l'apparition du fléau, les vivants ne suffisaient plus à enterrer les morts. En parlant de l'année suivante, 1G48, du Tertre dit : " Cette peste, inconnue dans ces îles jus- qu'au moment où les Français vinrent s'y établir, y fut introduite par quelques navires. Elle commença à St. Christophe, et dans le cours de dix-huit mois, elle enleva le tiers des habitants." Rochefort qui écrivait dix ans après, fait la remarque "que cette peste était jusqu'alors inconnue dans les Indes Occidentales, aussi bien qu'en Chine et dans quelques autres contrées orientales." Je vais donner ici, d'après le Dr. Carpenter, le tableau chronologique des épidémies les plus importantes de fiè- vre jaune, plus particulièrement de celles qui ont régné dans les villes des Etats-Unis et de l'Europe, avec une notice sur le mode de propagation de cette fièvre, ap- puyée sur les documents les plus authentiques. ANNEES EE I/IMPORTATION. 1690- Importée de Siam (Asie) dans les Indes Occidentales et ap- pelée pour cette raison mal de Siam. (Moreau de St. Méry, description topographique de St. Domingue, etc., p. 700, V. 1.) 1691- A régné dans les Indes Occidentales. 1694-Importée des Indes Occidentales à Rocliefort, port de mer. (France.) 1700-D'après la tradition, elle a régné cette année à Charleston, C. du Sud. Hewatt l'appelle une maladie infectieuse. (Voy. son hist. dp la C. du Sud, Vol 1, P. 142.) 1728-Il régna cette année à Charleston, C. du Sud, une maladie in- fectieuse et pestilentielle, vulgairement appelée fiivre jaune. Hewatt, Vol. 1, p. 316. C'est la première apparition men- tionnée de cette maladie dans cette ville. (Ramsen, hist. de la Car. vol. 1, p. 84, et Strobel sur la fièvre jaune, p. 218 et suivantes.) 1732-La maladie fut introduite à Charleston, C. du S. (Sining, Edim- bourg. phys. and literary essays, vol, 2, p. 408.) 1739- Importée à Charleston, C. du S. (Sinning, vol. 2, p. 408, 427.) 1740- Introduite à Guayaquil de Panama par les Galions. (Ulloa, relation hist., d'un voyage dans l'Amérique Méridionale. 8 ANNEES DE L'INTRODUCTION. 1741-Introduite à Malaga (Espagne) par des personnes qui impor- tèrent des marchandises des Indes Occidentales, (Villaba, epi- demaologie de Espana, etc.) !t Introduite cette même année à Philadelphie par le moyen d'une malle pleine de linge appartenant à un jeune homme mort aux îles Barbabes. (Rush.) 1743-Elle régna simultanément aux Indes Occidentales, à la Ha- vane, à la Vera Cruz et à la Jamaïque pendant mars et avril. 1745-Introduite à Charleston, C. du S. (Lining; Strobel.) 1748-Introduite à Charleston, C. du S. (Lining.) 1753-Charleston, C. du S. 1755-Charleston, C. du S. 1762-New-York. • :c Philadelphie. 1784-Cadix (Espagne.) Importée par un vaisseau des Indes Occi- dentales. (Lind, sur les maladies des pays chauds.) 1765-Pensacole (Floride.) C'est la première épidémie qui fut éprou- vée à Pensacole. Ce fut à la fin de la guerre de la France avec l'Espagne. " Les anglais avaient envoyé pour occuper la ville une garnison qui passa par les Indes Occidentales, et y prit le germe de la maladie.'7 (Mouette, p. 121; William, hist. de la Floride, p. 15.) 1791 -N ew-Y ork. 1792- Une fièvre jaune de caractère très grave fut importée aux Indes occidentales de Bulam (Afrique) par le navire Hankey. On l'appelle la fièvre de Bulam. (Chisolm, sur la fièvre jaune.) Charleston, C. du S. 1793- Charleston, C. du S. " Importée à Philadelphie par un navire arrivé des Indes Occi- dentales en juillet. (Rapport de Cary sur la fièvre jaune de 1793.) « Importée à New-York des Indes Occidentales par des navires dont plusieurs portaient des réfugiés qui fuyaient de St. Do- mingue pour échapper au massacre général. Un navire ve- nant du Cap Français (St. Domingue,) entra dans le port, ayant à son bord plusieurs cas de lièvre jaune. (Rapport de Cary sur la fièvre jaune de 1793.) 1794- Indes Occidentales. " Baltimore. 9 1794- New-Haven (Connectent) Attribuée à r:mportRt:nn du con- tag uni. (Monson : Collection des pap'ers do Webster ) 1795- à New-York par un vaisseau du Port-au-Prince. (Hosack ; Traité pratique, p. 201.) " Huxting rox, Longlsland-Importée de New-York. (Hosack.) 1796 -Charlestox, C. du S. " Nouvelle-Orlean*. C'est la prem'ère épidém'e de fièvre jaune observée dans cette v.lie. Ou l'attr bue à un navre qui l'au- ra t importée. (Observation sur l'importation de la fièvre jaune. Courrier de la Louisiane, 27 novembre 1820.) " New-York. " Chatham. sur la rivière Connecticut, vis-à-vis de M'ddleton. Importée en août par le br ck Polly, capitaine Doan. venant du Cap St Nicbolas (St. Dom ngue). ayan1 de la fièvre jaune à son bord et ayant perdu plusieurs hommes de son équipage. (M ner et Tully, sur les fièvres, p 359.) o Kxowles' sur la riv'ère Connecticut, six m'Ues au- dessous de M'ddleton. Il y eut plusieurs cas de fièvre jaune/ II fut ela rement démontré que chacun de ces cas provena't de commun'cations entretenues an mois d'août, avec un navire infecté venant des Indes Occ'den'ales. (M'ner et Tulley. Med. and phys. jour. vol. 1. p. 153-8) Probablement le même vaisseau qui Infecta Chatham. 1797_Charlestox, C. du S. " Philadelphie. Son introduction fut attribuée â des navire® étrangers. 1798-Boston. « New-York. Importée par des vaisseaux venant des Indes Occ dentales; elle se répandit d'abord le long du quai. (Mc Kn ght's statement of facts on the yellow fever of 1798, Re- gister V. 3 ) Ph ladelphie Introduite par le navire Deborah. venant de Jérôme (St. Dom'ngue.) lequel avait son équipage et des pas- sagers atte nts de la fièvre jaune. Ce navire entra dans le port le 8 juillet. Le br ck Marie y entra également le 29 du même mo's venant de la Jamaïque ; mais la maladie avait déjà fait quelques progrès dans la ville avant l'arrivée de ce dernier. (W. Curr.e. Mémo.re sur la f, j. de 1798. p. 130 ) " Kens'NGTON. près Ph'ladelphie. Le navire Deborah qui avait porté la malad e à Ph ladelph'e. s'ôtât rendu à Kensington, pour se faire réparer, et peu de jours aprèk le mal fit son ap- parit'on dans e village. Los premières personnes qui en fu- rent attaquées avaient communiqué avec ce navire, et celles qui le furent plus tard ava ent visité ou so'gné les premier» malades. (Currie, p. 130, Mém. surl'épidé. de 1798.) ? 10 1798-Chester à 15 mille» de Philadelphie. Importée de cette der- nière ville. (Currie, même ouv.) " Marcus Hook, à 20 milles de Philadelphie. Importée de cette dernière ville. (Currie, même ouv.) " Wilmington, à 28 milles de Philadelphie. Importée de cette dernière ville. (Currie. même ouv.) Dr. Litton ajoute " pre- sonne n'ignore que la maladie n'a été importée de Philadel- phie par les bateaux, les chaloupes, etc." (Med. rep. v. 3, p. 128, 30.) '• Petersbourg. Importée de Philadelphie par le navire Nestor, (Currie, ouv. cit.) 179?-Charleston, C. du S. " Nouvelle-Ori.eans. On considère l'épidémie de cette année comme une preuve de l'importation de la fièvre jaune. (Cour- rier de la Louisiane, 27 novembre 1820.) " Philadelphie. " New-York. • " Boston. 1800.-Charleston, C. du S. " Cad x (Espagne.) Importée de la Havane par plusieurs na- vires. Arrivèrent alors de la Havane ou régnait la maladie le navire espagnol E. L. Aguila, avec une partie de son équipage atteinte de la fièvre jaune ; le Jupiter, ayant la fièvre jaune à son bord et en ayant perdu quelques hommes pendant le voyage, et la corvette américaine Delphine, avec son équipage et ses passagers malades de la fièvre jaune. Une partie des passagers se rendit à Séville, l'autre resta à Cadix. La fièvre jaune éclata presque simultanément dans les deux villes. (Rapp. de la Société méd. de Cadix.) " Seville. Importée comme il a été établi plus haut. De Cadix, la maladie se propagea cette même année aux villes suivantes de l'Andalousie: Espéra, Ubrique, Moron. Puerto Real, Rota, St. Fernando, Port S te Marie, Arcos la Rambla, le Briza, Las Cabezas de San Juan, Carlotta, Xeres de la Fronterra, San Lucar, Carmona, Carolina, Louisiana et Cordova. (Rapp. cit.) 1801-Charleston, C. du S. '• New-York. <; Cadix (Espagne.) " Seville L'on pense que la maladie y fut introduite par l'ou- verture d'une boîte renfermant les vêtements d'une dame morte de la fièvre jaune. Tous ceux qui ont aidé ou assisté à l'ouverture de la boîte ont en la maladie et ça été les premier» cas. (Rapp. de la Soc. Méd. de Cadix.) Il 1801- Médina (Sidonia). Importée de Cadix par un marchand d'habits. (Rapp. cit.) 1802- Charleston, C. du S. " Philadelphie. 1803- New-York. Le 30 de juillet, il éclata quelques cas d'une fiè- vre maligne : un homme en mourut après deux jours de mala- die au Coffee House Slip. Environ à cette époque, plusieurs navires ayant des malades à leur bord reçurent l'ordre de se retirer à la quarantaine. Le 6 d'août, le maire rapportait 33 cas, sur lesquels 16 morts. (Townsend, p. 368.) " Charleston, C. du S. " Philadelphie. " Malaga (Espagne). S'est répandue par infection. (Arejula.) 1804- Nouvelle-Orleans. " Charleston. ° Livourne (Italie). Le 15 août, le navire espagnol Anna Ma- ria, capitaine Salvador Liamosi, arriva de la Havane à Li- vourne, par la voie de Cadix et de Gibraltar, ayant perdu cinq hommes de son équipage pendant le voyage. A leur arrivée à Livourne, quelques-uns des malades furent envoyés à une auberge dans la ville. De ce lieu le mal se propagea à d'autres où les malades avaient été transportés et envahit bientôt toute la ville. de Thiébau.t de Bernard au professeur Dégenettes ) " Cadix. Il y était entré plusieurs navires venant des Indes Oc- cidentales, parmi lesquels se trouvait celui qui avait infecté Livourne et qui s'arrêtait à Cadix pour y compléter son équi- page. (Arejula.) 1804- De Cadix, la maladie se répandit à Ximena, Los Barrios, Port St. Maria et Rota. (Arejula.) " Gibraltar. " Algesiras. Importée de Gibraltar par des contrebandiers. (Arejula.) " Ayamonte. Importée de Gibraltar par des pêcheurs. (Are- jula) f " Malaga. " Importée de Malaga à Espejo, Esperra, Bonda, Arcos la Rambla et à Xeres de la Fronterra. (Arejula.) 1805- Charleston, C. du S. " Philadelphie. " New-York. 12 1805- Amboy (N J ) Un nay;re arrvé de New-York ayant de U fièvre jaune à son bord étayant conséquemment reçu la dé- fense d'y décharger sa marchand se. se rend t à Amboy. ou il débarqua sa carga'son La malad e se commun'qua au vil- lage (Le,0ns orales de Chapman, reçue Ihes par Strobel, P 120.) " New-Haven, (Conn ) " Providence, (Rhode-Island.) 1807-Charleston. (C. du S.) " Savannah, (Ga ) Importée de Charleston. (Strobel.) 1809 -N.jwelle-Orlkans. 1810- Cadix (Espagne.) " Gibraltar. 1811- Nocvei.le-Orleans. 1813-Cadix, (Espagne.) " Sta Maria. Importée do Cadix, (Rap. méd. de la société de Cad x.) M Gibraltar. 1817-Nol'Velle-Orleans. Importée de la Havane. Le 18 de juin, le côtre angla s Ph • n'x. arriva de la Havane avec la fièvre jaune parm les hommes de son équipage. Le 30. le Dr. Ker donna des sons à quatre de -ses matelots atte.nts de cette ma- lad e. Deux d'entr'eux moururent. . Vers le 10 de juillet, un autre navire, le Vi-gii del Mar. ai* riva de la H ivane, après avoir ptyidu une partie de son équi- page pendant la traversée Tand s que ce navire monta.t le fleuve, il perd t plus eurs hommes, d'autre- pér rent quelques jo irs apres son entrée dans le port ; tous succombèrent au vo- xn ssement noir. Plus'eurs autres navires venant des Indes Occidentales en- trèrent dans le port à peu près à la même époque. Tous les prem ers cas qui se man testèrent dans la ville provenaient des deux va sseaux sus-ment.onnés. Après la m -juillet, la m i ad e dev nt ép.dém que. (.\ew Orléans Gazette, 5 février 1818) • En cons dératon des preuves pos t'ves de importation de la mauid e dans la de-a treuse année 1817. la Lég slature qui sié- g -a 'h ver su.vaut. pas. a ne lo de quaranta neqif, quo que Io n d être parta te, po ;va t être consdérée comme une mesure d'eifij.icus prûcaut o.h." (N O Gazette, 23 oct. 1819) " Wh tzel Land ng, 20 m lies au-dessous de Natchez. Importée par ies bateaux de la Nouvelle-Orléau*. 13 1817- Natchez. Importée de la Nouvelle-Orléans. " Le bateau à vapeur Wash ngton y débarqua plus.cure passagers atteints de fièvre jaune. De ce moment, la malad.e se répandit rapi- * dément. (Mouette, d'après D. Perlec ) " Charleston. C. du S. 11 Beaufort. Importée de Charleston. " Philadelphie. 1818- Importée par un navire de la Havane. (Le;. Or. de Chapman, citées par Strobel, p. 120.) " La loi de quaranta ne promulguée pendant l'hiver de 1847, pour la protect.on de la Nouvelle-Orléans, fut rappelée sans qu'on eût eu la preuve de son inefficacité, vu qu'il ne s'était pas déclaré d'ép.démie depuis sa passât.on. 11 y a plus : en mainte occasion, la fièvre jaune qui sévissait sur des navi- res forcés de s arrêter au terra.n réservé à la quaranta ne, n avait jamais franchi les lim.tes de celui-ci. (New Orléans Gazette, Janv. 1820.) 1819- NouvBLLE-ORLEAys. En juin, plusieurs navires montés par des équipages attaqués de fièvre jaune, Vinrent de la Havane, et, v rs le prem er juillet, q ieiq les cas éclatèrent dans le port. Le Gouverneur proclama aiors la quaranta.ne, < n vertu du pouvoir que lui donnait l'acte qui rappela t la loi. Mais la ma- ladie avait déjà tait des progrès. On négl gea de mettie la mesure à exécution, et les navres cont.nuèrent à arr ver 1 bre- ment, b<en qu'on n' gnorât pas que plusieurs, venus de la Mar- tin.que, ava.ent eu à leur bord, non-seulement en mer. mais encore dans le M ssissipp, des mortalités dues au vomito prieto." de la forme la plus redoutab.e. Néanmo'ns il ne s'éle- va pas une vo x , our les empêcher de mouiller à quai. La maiad.e devint épidémique avant la m -août et revêtit b'entôt un caractère d'excessive malgn té ; les ressources de l'art de- vinrent impuissantes, et des m 11 ers de vict mes descendirent au tombeau. (New Orléans Gazette, 7 . anv. 1826.) " Natchez. Importée de la Nouvelle-Orléans. Elle devint épi- démique vers le 15 septembre. (Mouette, p. 64.) " Charleston, C. du S. Baltimore. Nous tenons d'un médecin de nos amis qui habitait Baltimore lors de l'apparit on de la malad e dans cette ville, qu'un navire venant de la Havane avec la fièvre jaune à son bord était entré dans le port ou il avait communiqué avec la ville. " New-York. Il se manifesta un grand nombre de cas de fièvre jaune parmi les nav res en quaranta ne, avant le 1er août. Son introduction a probablement été ia suite d'une négligence dans le service de la quarantaine, attendu que les prem ers cas éclatèrent à Old Slip et à Coffcc Home Slip, vers le 5. (Towusend and Tables AppendiX.) 14 1819- Cadix (Espagne). Importée do la Havane par un navire qui transportait des fonds publies, et auquel on refusa l'entrée du port parce que la fièvre jaune régnait à son bord. Mais le gouvernement, dans son empressement de prendre possession de ses trésors, autorisa l'admission du navire en violation des lois de la quarantaine. La maladie se répandit immédiate- ment dans la cité, et gagna bientôt les autres villes de l'An- dalousie. (Constitutionnel de Paris, 1819.) " Seville. Importée de Cadix. " San Fernando. Importée de Cadix. (Rapp. de la Soc. méd. de Cadix. " Port Sta. Maria. id. id. ' id. id. " Rota id. id. id. id. " Xeresde la Fronterra id. id. id. id. " San Lucar de Barrameda id. id. id. id. 1820- Nouvelle-Orlkans. Vers le 20 juillet, le bruit se répandit que plusieurs cas de fièvre jaune s'étaient montrés dans le port ainsi que dans quelques auberges, lorsque le Maire " chargea le Dr. Davidson d'examiner tous les navires récemment arri- vés dans le port de la Nouvelle-Orléans et venant des Antilles ou régnait alors la fièvre'jaune." Après une minutieuse en- quête sur les causes qui avaient donné naissance à la rumeur que le fléau venait d'éclater dans 1a ville, le Dr. Davidson rapporta que : La goélette Gold Huntress, venant de la Havane, était entrée le 17 de juin, ayant perdu dans sa traversée deux hommes de la fièvre jaune: Que le brick Charles Fnwcett, de Matanzas, était arrivé le 10 de juillet après avoir perdu deux hommes dans sa traversée et ayant encore d'autres malades à son bord ; Que la fièvre jaune était devenue épidémique du 1er au 15 août. (Lettre du Dr. G. C. Forsyth ; extrait du N. O. Gazette Nov. 15 1820.) Le 22 novembre, le gouverneur Villeré, dans son discours d'a- dieu à la Législature, recommanda fortement l'établissement d'une quarantaine contre la fièvre jaune. Le 18 décembre, le gouverneur Robertson, dans son message inaugural, recommanda à la Législature de décréter une loi de quarantaine contre la fièvre jaune. (V. le message.! " Savannah, Ga. Importée par un navire venu de la Havane ; elle prit le caractère épidémique vers le 1er septembre. " Philadelphie. « M ddletown (Conn.) Dès le commencement de juin, le sloop Antelope, de New-York, mouilla à Middletown, ayant à son bord un matelot de la goélette .Milo, récemment arrivée de Sa- vannah. Ce matelot était atteint de fièvre jaune et succomba peu de jours après. Le capitaine de l'Antelope fut pris de la même maladie avant la mort du premier, mais il se rétablit. 15 Dans les premiers jour» de juin, le brick Sea Island de St. lago de Cuba, arriva à M ddletown, après avoir perdu deux hommes dans sa traversée et ayant à son bord d'autres ma- lades attaqués de fièvre jaune. Harrington, officer du port, le prem er qui se rendit à bord, fut aussi la première vict'me parmi ceux qui commun quèrent avec ce navir.e. Tous les prenrers cas qui éclatèrent dans le voisinage furent évidem- ment dus à des communications avec l'équipage. (Rapp. de Beck au Bureau de Santé de New-York, sur la fièvre jaune de Middletown ) Le 15 juin, le brick Défiance, des Antilles, par la voie d'O- rom ko, arriva également. L'infection paraît être principalement attribuée nu brick Sea Island. (R. de Beck, déjà 1820-Cadix (Espagne.) " Xeres de la Fronterra. Importée de Cqdix. (Rap. de la Soc. Méd. de Cadix ) " Port Sta. Maria. Importée de Cadix. (Rapp. ut supra.) 1821 - En février, la Législature delà Louisiane passa une loi de quarantaine, à l'effet de protéger l'Etat contre l'importation de la fièvre jaune et autres maladies infectieuses. " St. Augustin (Floride.) Importée de la Havane de la manière suivante : " Le 10 juillet 1821, eut l'eu l'échange des pavillons, par lequel le territo re concédé de la Floride fut transféré par les Espagnols au Gouvernement des Etats-Unis. Ce dernier mit les moyens de transport nécessaires à la disposition des trou- pes espagnoles et d'un grand nombre d'habitants désireux d'ém grer lors du changement de rég'me. Ils mirent, en con- séquence, à la voile, le 25 juillet, et arrivèrent à la Havane le 2 août, tandis que la fièvre jaune y causait de grands ravages. La goélette Florida et le sloop Rapid, rentrèrent le 12 d'août, après avoir perdu, de la fièvre jaune, plusieurs hommes d'é- quipage. La goélette Alexander, conduite dans le port par deux marins de St. Augustin, rentra le 19. privée de son capi- taine et de tout son équipage, à l'exception du cuisinier : tous avaient succombé à la même maladie. A bien peu de jours de là, la fièvre jaune éclata dans la ville. Les prem ers cas eurent évidemment pour cause les communications établies avec les navires infectés. En septembre, la maladie devint épidémique et revêtit un caractère d'excessive malignité, à tel point que la plupart des cas se terminèrent d'une manière fatale par le vomissement noir. (V. Strobel, p. 131. Lettre du Dr. Francis ; Townsend, p. 380.) " Charleston, C. du 8. Baltimore. " Norfolk. Va, 16 1821-Barcelone (Espagne). Le 19 avril, nn convoi, composé de 37 voiles quitta la Havane, en de-t nat on de d fférents ports d Es- p gne. *0118 escorte de la corvette Prompte. De ce nombre. 24 arrivèrent à Barcebmne, entre le 17 de juin et le 25 de ju llet. Sur les 24 navires, dix furent signalés comme ayant des ma- lades parmi les hommes d'équipage. On ne tarda pas à re- connaître que 11 malad e avait un mauvais caractère : le vo- m'ss ment noir en éta t le symptôme prédom'nant. Un mîdec'n de grande d st, notion, la déclara contagieuse. Elle se répandit b entôt dans la ville, attaquant les ouvriers et les personnes employées dans les env rons. ou celles qui avaient comm in'qué avec ces navires. Vers le 8 août, les autorité» prirent des mesures pour en enrayer la marche : mais les élé- ments de destruction avaient déjà envahi la ville : et, en dépit de la désert'on de la mo tié de la population, le fléau fit en peu de temps 17.0 ;0 v et mes, parmi les c toyens qui ne s'éloi- gnèrent pas de leurs foyers. Une quantité de navres qui fai- sa ent le cahofage, part'c'pant à l'mfect on. contribuèrent à transporterie mal d ms ben des villes de la Méditerrannée. (Audouard, Relation historique et médicale de la Fi vre jaune de Rarcelon'' en 1821; Pariset, François et Bailly, Histoire médicale de la fièvre jaune, p. 137 ) 44 Cadix. Importée par des navires formant le convoi qui in- fecta Barcelone. Ojv. c té.) il Malaga. Imposée par un brick danois, le Gneison, venant de Barcelone. (Audouard.) 44 Fortosa, sur l'Ebre. Importée de Barcelone. (Audouard.) u Palm a, île de Majorque. 44 Mahon, île de Minorque. (Audouard.) 44 Port S ta. M aria. Importée de Cadix. " Xeres de la Fronterra. Importée de Cadix. 44 K osa. Importée de Barcelone. 44 San Lucar de Barrameda. Importée de Port St. Maria. 44 Lebrija. Importée de Sta. Maria. 44 Marseille (France). Importée par le br'ck danois Nicolino, infecté à Malaga. Lorsque ce br.ck reçut, de ce dernier port, l'ordre d'aller fa re quaranta ne à Mahon, le cap ta ne prit sur lui d'entrer à vlarse Ile. Pendant le trajet, quelques matelots moururent de la fièvre jaune, et peu de jours après son arri- vée. plusie urs n avires de son vo s n ige mméd.at furent atteints de cette affect on qui de là se répandit dans la ville. Les ef- forts et l'activ té des autor tés frança ses parvinrent à l'empê- cher do gagner les autres v.lles du royaume. Le moyen mis en œuvre fut une surveillance m litaire qui intercepta toute com- munication et eut pour résultat de concentrer la malad:edans les lim tes de la ville. (Andouard, Franço s Pariset et Bailly ; Dupuytren, Rapp. sur la fièvre jaune de Marseille, Répertoire de Chirurgie et de Médecine Clinique.} 17 182Î--Pinbacole (Floride). Jusqu'au 12 du mois d'août, la Tille de- meura parfaitement saine. Vers cette époque, arrivèrent de la Havane, dans le court espace de deux semaines, plusieurs na- vires infectés de fièvre jaune. Le premier fut le côtre Alabama, dont le capitaine, atteint de cette maladie, fut transporté à. l'hôtel, d?ou se répandit l'infection. Quelques jours après le côtre Alabama, le brick Fran* klin, de la Havane, entra dans le port, avec un équipage ma* lude. Quelques uns de ses matelots moururent du vomisse* ment noir, un jour ou deux après son arrivée. Vers le 19 août> on en signala quelques cas dans la ville, et la maladie devint bientôt épdémique. (Lettre de P. Alba, de Pensacole, insérée dans le Louisianais, 15 février 1823.) « Le brick Franklin, en sortant de la baie de Pensacole, fut jeté à la côte par une tempête, à Fort Barrancas. La garnifoh vint à son secours, et l'aida à se remettre à flot. Après son départ, la fièvre jaune éclata dans le Fort, et fit beaucoup de victimes." 4< Nouvelle Orléans. Importée de Pensacole, par la voie des Passes et par celle du Lac, notamment : " Vers le 21 d'août, arrivèrent de Pensacole à la Nouvelle-Orléans, par le bayou St. Jean, deux sloops, l'Ann et l'Eliza, tous deux encombrés de passagers, qui fuyaient l'épidémie. Quel- ques passagers, déjà malades au moment de l'embarquement, d'autres atteints en route, moururent de la fièvre jaune avant l'arrivée de ces navires. La plupart de ceux qui parvinrent au port se dispersèrent dans les divers quartiers de la ville, mais ils ne tardèrent pas à succomber aussi. Les premiers cas qui se montrèrent parmi les citoyens de la Nouvelle-Orléans, eurent lieu à la suite de communications avec les passagers. (Lett. de P. Alba; Rapp. du Bureau de Santé de la N. Orléans à la Législature, 15 janv. 1823.) Il appert également d'un rapport d'un officier de santé, qu'il arriva à la quarantaine pendant l'été un nombre considérable de navires infectés; et, çu'i l'aide des moyens mis à sa disposition iln'était pas toujours en son pouvoir de s'opposer aux commu- nications avec les navires infectés, non plus que d'empêcher les passagers et les marins de quitter leurs navires et de se rendre à la ville ; et. de plus, qu'on laissa entrer dans le port une quantité de navires, sans avoir pris à leur égard les précautions nécessaires. Aussi, est-ce au Bureau, ajoute le rapport, qu'il appartient de décider quel rôle ont dû jouer ces navires dans la production et dans le développement de l'affreuse épidémie qui désola la ville. (Rapp. du Dr. Forsyth, offic. de santé, au Bu- reau de Santé, 31 Déc. 1822.) M New-York. Pendant l'été, il arriva à Nèw-York des Indes Occidentales, 71 navires, ayant en tout 56 cas de fièvre jaune, au moment de leur entrée à la quarantaine ; liste à laquelle il faut ajouter le brick des Etats-Unis Enterpgize et quelques autres navires venus soit de la Nouvelle-Orléans, soit de Pen- sacole. Entre le 1er et le 9 de juillet, on transporta, à Paide 3 i8 d'embnrcntions légères, sur le quai, situé au pied de Reetor Street, 24 chargements de fret provenant de 1 navires de le Havane; tous quatre avaient des cas de fièvre jaune à leur ho d. Vers le 10 de juillet, la maladie éclata s multanément dans les deux maisons placées en regard l'une de l'autre, et formant les deux angles par lesquels Hector Street aboutît au quai. Ces deux maisons frétaient qu'à 59 pieds environ de l'endroit ou furent déposées les cargaisons. L'une de ces maisons serva't à un débit d'épiceries, (groceries) Son 'com- mis, nommé Thomas, fut le prem'er atteint de la maladie ; l'autre maison éta t occupée par un tonnelier du nom de Ri- der, qui a va t entrepris la réparât'on des barils, boîtes, etc., débarqués des navires infectés. Deux de ses filles-, l'une de 9 ans, l'autre de 11. qui se tinrent souvent près de lui tandis qu'il s'acquittait de ses travaux, tombèrent malades dans la même journée que Thomas. Le 16. celui-ci mourut du vo- missement noir ; le 15, la plus jeune fille de Rider succombait à la même affection. Le 5, John Rider, frère de cette der- nière. était pris de fièvre jaune et mourait le 22. Le 20, une jeune fille, enfant de M. Rose, qui avait joué avec les enfants R der, fut à son tour atteinte de la maladie et peu de jours suf- firent pour l'emporter. Du 21 au 25 se déclarèrent dans la maison de Mr Rose, 4 nouveaux cas C'est a'nsi que, grâce aux comm in cations, le fléau se propagea de fam'lle en fa- mile. jusqu'à ce que l'épdém'e se fat étendue d'une manière générale. (V. Townsend, sur la fièvre jaune de New-York, en 1822.) . (Jette année-là, les lo:s relatives à la quarantaine à New- York et à Philadelphie furent mot!ifiées de manière à en faire disparaître la plupart des imperfections signalées par les doc- teurs Bayley. 'Townsend et autres ; rendues plus rigides, elles devinrent infiniment plus *efficaees. 1823-Nouvelle-Orleans. Au mo:s de juillet apparurent d'abord, dans le port, quelques cas de fièvre jaune ; au mois d'août, celle ci avait envahi la ville et y régnait épidémiquement. " Natchez. Importée de la No ivelle-O/'éans par des bateaux à vapeur. Les premiers cas se montrèrent dans la ville vers la mi-août. Elle devint épidémique en septembre. (Mouette, P- 65.) « Coonville, à 4 milles de Natche/ Importée de cette der- nière ville par des fain lies qui fiya'ent le fléau. L'infec- tion fut au moins aussi grande à Coonville qu'à Natchez. Bien des personnes qui ne firent que traverser ce foyer d'ép démie furent atteintes de la maladie et allèrent mourir, de vomisse- ment noir, dans les campagnes voisines. (Mouette, p. 66.) " Brooklyn (New-York.) Importée par le navire Diana de la Nouvelle-Orléans. " Ile d'Asccnsion, sur l'Océan Atlantique. Petite île monta- gneuse et aride située à environ 1000 milles de la côte d'Afri- que. Importée de Sierra-Leone par le sloop de guerre anglais 19 3*nn. (Rapp. de William Barry, chirurgien d'état-major, de l'Ascension.) 1824- Nouvelle-Orleans. Importée parles bateaux à vapeur qui recevaient l'infect on des navires qu'ils touaient et la trans- mettaient à leur tour à la ville. Les premiers cas qui eurent lieu, éclatèrent sur ces'remorqueurs. (V. les pièces relatives à l'introduction de la fièvre jaune à la Nouvelle-Orléans en 1824.) 1825- Nouvelle-Orleans. " Natchez. Importée par des bateaux venant de la Nouvelle- Orléans. Les prem'ers cas se montrèrent au bas de la collne près d i fleuve, parmi les employés d'une maison de commis- sion et autres établissements d:i débarcadère. Elle ne se ma- n'festa dans la partie haute de la v lie qu'après la translation des malades de la partie basse. (Monette, p. 67.) 1827-Washington, 6 m'ilesen arrière de Natchez. Importée par des fugitifs de Natchez, ou la maladie régnait épidémiquement. Mo ns de d x jours après leur venue à Washington, il en mou- rut 8 de la fièvre jaune ; après quoi, la malad e sévit épidémi- quement dans le village. (Mouette, p. 67 et 68.) 1829 -Nouvelle-0 rubans. " Bvton-Rouge. Cette année-là, une quantité d'Espagnols, chassés du Mex'que à la su.te d'un mouvement politique, émi- grèrent à la Nouvel e-Orléans. Peu de temps après leur arri- vée dans cette ville, la fièvre jaune y éclata, ils se réfugièrent à Bâton-Rouge. Mais fuya ont un foyer d'infect on après y pendant plusieurs jours : aussi, la fièvrejaune ne tarda pas à les atteindre en assez grand nombre. Il en pé- rit beaucoup. B entôt la maladie s'étendit à la population résidante et y exerça d'immenses ravages. " Natchez. Importée de la Nouvelle-Orléans. (Monette.) 1830- Charleston. 1831- Charleston. " Nouvelle-Orleans. 1832- Charleston. " Nouvelle-Orleans. 1833- Nouvelle-!'rle »ns. 1837-Nouvelle-Orleans. Les premiers cas eurent lieu à bord de« navires venant des Indes Occidentales. " Baton-Rouge. u Natchez. Importée dHa Nouvelle Orléans. (Monette.) " Plaquej.ine. de la Nouvelle-Orléans. 40 1837-Orelousas. Importée par une personne qui arriva malade de la Nouvelle-Orléans. (V. Lettre du Dr. Cook, sur la Fièvre jaune des Opelousas, en 1837.) " Ile de l'Ascension. Importée de Sierra-Leone par la hrigan- tine Forrester. (V. les faits, etc.) 1839-Nouvelle-Obleans. Importée de la Havane. Il est démontré que les premiers cas se manifestèrent à bord des navires ve- nant de la Havane. Pendant quelque temps, la maladie se concentra dans le port. Vers la mi-août, elle se répandit épi- démiquement dans la ville. Mobile. Importée de la Nouvelle-Orléans. Biloxi. id. id. ■" Tampa Bay. id. id. " Chantier naval a Pensacole-Importée de la Nouvelle-Or- léans. Les premiers cas qui eurent lieu au chantier furent d'abord : celui d'un voyageur arrivé de la Nouvelle-Orléans ; il fit sa maladie chez le Dr. , de la marine, et mourut du vomissement no r, le 5 septembre; puis celui du docteur lui- même, ainsi que celui d'un nègre qui avait soigné l'étranger. Ils furent atteints simultanément après la mort du premier. Bien- tôt le fléau s'étendit à quelques autres membres de la famille du docteur, aussi bien qu'aux différentes personnes et aux mé- decins qui en prirent soin pendant leur maladie. De là l'in- fection se propagea au chantier tout entier. (Dr. J. A. Widderburn, U. S. A.) " Galveston (Texas.) Importée de la Nouvelle-Orléans. (Ash- bel Smith, sur la Fièvre jaune.) " Houston (Texas.) '■ Donaldsonville. Importée de la Nouvelle-Orléans. " Plaquemine. id. id. " Port Hudson. id. id. " Bayou Sara. id. id. H Fort Adams. id. id. " Natchez. id. id. (Monetto.) " Grand Gulf. id. id. " Vicksbürg. id. id. ■" Franklin. Importée de la Nouvelle-Orléans : * " Les communications directes entre la Nouvelle-Orléans et les Attakapas ont rarement lieu avant le mois de janvier, épo- que à laquelle s'ouvre la navigat.on par le Bayou Plaquemine. hn octobre 1839, le navire à vapeur Tomochichi entreprit un service régulier entre ces deux ports par la voie de mer. A -on premier ou à son second voyage de la Nouvelle-Orléans à 21 Franklin, dans une saison où la fièvre jaune régnait épidémi- quement dans la première de ces deux villes, un nommé Thomp- son, l'un des rares passagers du steamer, fut atte nt de fièvre peu de jours après son arrivée et fut le premer qui mourut du vomissement noir dans le village. La fam llede M. B rdt-all lui prodigua dans sa malad e les soins les plusass'dus. Tous les mem- bres de cette famille furent pris delà même affection et plusieurs en moururent. Les voisins qui eurent quelques rapports avec la famille Birdsall en ressentirent plus ou mo ns l'influence, et, partout où éclata la maladie, il était facile de s'assurer, qu'elle était le résultat d'une infection transmise d'un malade à une personne qui avait communiqué avec celui-ci." (Wilson, Plan- ter's Banner, de Franklin.) 1839-Nouvelle-Iberie. On nous assure que les circonstances qui se rattachent à l'introduction de la fièvre jaune dans ce village, en 1839,sont les suivantes : " Un jeune médecin, le Docteur Smith, mourut à Plaque- mine de cette affect'on: ses restes furent transportés auprès de sa famille à Nouvelle-Ibérie et selon l'usage catholique, expo- sés dans l'église paroissiale. Parmi les personnes qui pénétrè- rent dans l'église pendant l'exposition du corps, plusieurs fu- rent atteintes de la maladie, quelques-unes y si ccombèrent et la transnf rent à d'autres." (Ces renseignements sont dus aux docteurs Cooke & Taylor, d'Opelousas.) " St. Martinville. Importée de la Nouvelle-Orléans. " Opelousas. Importée de la Nouvelle-Orléans. (Pour plus am- ples informations sur son introduction, V. Lettre du Dr. Taylor sur la fièvre de 1839.) " Alexandrie. Importée de la Nouvelle-Orléans. ° Charleston, C. du S. Importée par des navires venus des Indes Occidentales, au nombre de 36, entre le 1er mai et le 30 juillet. Les premiers cas qui se manifestèrent eurent lieu sur le navire Burmah, le 7 de juin. Ce navire avait quitté la Havane le 1er juin. La maladie se déclara d'abord dans le port, et vers le 10 juillet, elle s'était propagée dans la ville, ot y régnait épi- démiquement. (Strobel, p. 171.) 1839-Savannah (Ga.) Importée de Charleston. (Strobel.) " Aügüsta (Ga.) Importée de Charleston. (Strobel.) a Portland (Me.) Importée par un navire venant des Antilles. 1841-Nouvelle-Orleans. Importée de la Havane. On se souvient encore dans cette ville que les premiers cas se déclarèrent à bord du , venant des Antilles, et que la maladie régna pendant quelque temps dans le port, avant de devenir épidé- mique dans la ville. " Chantier de la marine a Pensacole. Le sloop de guerre des Etats-Unis, le Levant, arriva de Vera-Cruz, ayant plusieurs cas de fièvre jaune parmi les hommes d'équipage ; ce qui fut 22 que les matelots de ce navire le désertèrent pour camper «ouB un grand hangar du chantier de marine. La maladie continua à sévir sur l'équipage pendant quinze jours sans se propager aux habitants du chantier. Mais, passé ce temps, elle s'étendit au bâtiment le plus voisin du hangar, puis au reste de l'établissement. (Dr J. A. Wedderburn. U. S. N.) " Une quarantaine établie à Natchez a eu, depuis ce temps, pour résultat d'empêcher l'introduction de la fièvre jaune dans la ville." 5842-Nouvelle-Orleans. Les premiers cas de fièvre jaune se décla- rèrent dans le port, parmi les navires venant des Antilles et du Mexique. Elle y régna pendant quelque temps avant de de se propager à la ville. " Opelousas. Importée de la Nouvelle-Orléans. Le prem'<r cas de fièvre jaune fut celui d'un jeune Français du nom d'E- tienne Franquez, faisant métier de colporteur. 11 venait de la Nouvelle-Orléans, ou régnait alors la maladie. El e se déclara chez lui, le jour même de son arrivée aux Opelousas, et lui fut fatale. Le second cas fut celui de Chassan, commis dans le magas'n de Chaudet ; il avait soigné Franquez, et avait passé près de lui une ou deux nuits. Il succomba également au vomissement noir. Le troisième cas, fut celui de Renaud, commis dans le ma- gasin de Blanchin, Riche & Go., qui avait communiqué avec les deux premiers malades. Il mourut après avoir vomi noir. D'autres cas suivirent immédiatement ceux-ci, et la maladie revêtit bientôt un caractère épidémique. (Ces renseignements sont fournis par un témoin occulaire.) 1843-Nouvelle-Orleans. Tous les premiers cas qu'on observa, se dé- clarèrent chez des personnes récemment arrivées par des na- vires venant de la Havane, de Vera-Cruz, etc. Ceux qui furent à même de les constater, ne doutent pas de leur origine étran- gère. La ma ad;e devint épidémique au commencement de septembre. " Mobile. Importée de la Nouvelle-Orléans. Elle n'y fit non apparition que vers le milieu d'octobre. " Bâton Rouge. La maladie se déclara dans cette localité en octobre. Les communications avec la Nouvelle - Orléans avaient lieu quotidiennement par les bateaux à vapeur. " Port Hudson. Il se déclara plusieurs cas dans ce poste, en octobre. Les communications avec la Nouvelle-Orléans, par les bateaux, ne furent jamais interrompues un seul jour. " St. Francisville. Plusieurs cas de fièvre jaune, avec vomis- sement noir, éclaté) ent dans le village. On crut d'abord à l'or'g'ne locale de cette afl'ect on. mais on sut plus tard qu'un malade fut transporté de Bâton-Rouge à St. Francisville; et, 23 M. Xatlifi- affirme avoir vu mourir du vomissement noir e l'hôtel do St. Francisville un voyageur venant de la Nouvelle- Orléans, bien avant qu'on eût signalé un seul fait de fièvre jaune parmi les citoyens. Le caractère infectieux de la fièvre, dans ces cas. n'est nullement douteux, vu que la connexion entre eux est démontrée jusqu'à l'évidence. 1841-Vicksburg. Probablement importée de la Nouvelle-Orléans, attendu qu'il existait entre les deux po ts une ligne constante de bateaux indépendamment de ceux qui n'en faisaient pas le service régulier. " Rodnky. Venant de la même source que celle qui régna à Vicksburg. " Washington, C. du N., à l'embouchure deTar River. Importée par un navire arrivé des Antilles. ( Washington Republican, 4 sept. 1843.) J'ai publié, au mois de juin dernier, dans le TVew Or- léans Medical and Surgical Journal, l'observation d'un cas de fièvre jaune, que je croyais être le premier de la saison. Je reproduis ici cette observation, telle qu'elle a paru à l'époque. Nouvelle-Orleans, 21 juin 1858. "Mercredi dernier, 16 courant, je fus prié de passer chez une cliente, rue du Quartier, entre Bourgogne et Dau- phine, pour y voir quelqu'un de malade. Lorsque j'y arrivai, il était neuf du soir. La dame me dit que sa domestique blanche avait été prise de la -fièvre vers les quatre heures du matin. La crainte dans la mai- son était que ce ne fût la variole ou la scarlatine. La domestique logeait dans une soupente attenant à la chambre de la maîtresse de la maison. J'examinai la malade à la lumière d'une bougie. Je fus frappé de l'expression morbide de sa physionomie, comme on l'est en rencontrant dans la rue une personne qu'on a perdue de vue depuis long-temps, et que l'on croyait absente. J'avais reconnu le cachet de la fièvre jaune. Je communiquai mes soupçons à la maîtresse- 24 ne voulant rien affirmer en présence des faits négatifs dont j'étais environné. En effet, il n'y avait eu encore aucun cas de fièvre jaune signalé à la Nouvelle-Orléans; la malade logeait dans un quartier généralement sain , habité par d'anciennes familles créoles, et qui n'a jamais été, que je sache, le berceau d'aucune épidémie. Voici maintenant les détails concernant la malade. Catherine Maxwell est une jeune fille d'environ 18 ans, native d'Irlande, arrivée à la Nouvelle-Orléans dans le mois de janvier dernier. Elle a les cheveux châtains, la peau blanche, fine et tachée d'éphélides. Elle a tou- jours joui d'une excellente santé. Elle est employée depuis trois mois dans la maison, oü sa seule occupa- tion est de blanchir. En raison d'un mal qu'elle avait à un doigt, elle ne faisait rien depuis huit jours, si ce n'est de lire dans sa chambre. Mardi 15, elle s'est couchée en bonne santé, ne ressentant de douleur dans aucune partie du corp«. Le matin, à 4 heures, elle est réveillée par un violent mal de tête. Les lombes sont éga- lement douloureux, mais la douleur n'est pas intense. La figure est d'un rouge cramoisi, les yeux fortement injectés. Le poids marque 120. La peau est couverte d'une transpiration abondante, offrant néanmoins une chaleur âcre, mordicante, très désagréable au toucher. Langue blanche, épaisse, sur elle-même, et pointillée de rouge à l'extrémite. Gencives rouges, sans liseré blanc. Etat de somnolence assez prononcé. Pas d'évacuations depuis cinq jours- Je prescris un purgatif salin pour le lendemain de bonne heure. Jeudi 17. Je retourne auprès de la malade à 10 heu- res, niais sa sœur venait de la faire transporter rue Tré- mé, entre Ursulines et St. Philippe. Je m'empresse d'y aller, et je trouve Catherine dans une chambre parfaite- ment aérée, étendue sur un lit de repos, en proie à une violente céphalalgie, et paraissant extrêmement fatiguée 25 du trajet qu'elle venait de faire. Etat général, le même ; liseré blanc sillonnant, sous la forme linéaire, le bord su- périeur de la gencive inférieure ; rien à la supérieure.- Prescription. Une médecine de sel en lavage. - Deux heures après midi. Pas d'évacuations.-Nouvelle dose de sel avec addition d une once de feuilles de séné en dé- coction. - Sept heures après-midi : cinq évacuations copieuses. La malade a uriné eu allant à la garde-robe. -Pas de changement dans l'état général. Liseré b anc, envahissant de plus en plus la gencive inférieure.-Pres- cription. Limonade légèrement purgative pour boisson.- Vendredi 18 : céphalalgie notablement diminuée ; liseré blanc envahissant toute la gencive inférieure ; pas de vomissement, ni d'envies de vomir; léger assoupissement; pouls plein, mais très < épressible. Les Drs Faget et Alfred Mercier, qui ont vu la malade avec moi le 17, croyaient reconnaître aussi le cachet de la fièvre jaune.- Vendredi, à ma visite du soir, j'apprends que Cathe- rine a été transportée à l'hôpital du Dr. Stone, là per- sonne chez qui elle logeait ayant été effrayée de la pré- sence de la fièvre jaune dans sa maison. Je me suis rendu le lendemain à l'établissement du Dr. Stone, où j'ai pu, avec l'assentiment du médecin traitant, suivre les diffé- rentes phases d'une maladie qui avait, pour ainsi dire, éclaté sous mrs yeux. A partir de ce moment, mon rôle n'a plus été que celui d'observateur.-Samedi, 19 : état de prostration extrême. La face, qui était très rouge, commence à pâlir. A travers, ou plutôt derrière la pâ- leur, on peut déjà découvrir une légère teinte jaune. Le pouls, moins plein, est d une dépressibilité excessive.- Vomissements-noirs copieux; suppression des urines; céphalalgie moindre.-Samedi soir, même état ; n'a pas uriné; faiblesse extrême.-Dimanche, 20 : pouls 96; res- piration suspicieuse, 26 à la minute ; langue dépouillée de toute saburre, plutôt scarlatineuse ; enduite, au milieu, de matière noire ; gencives rouges, enflées, comme scor- 36 butiques. Teinte ictérique manifeste à la partie supé- rieure de la poitrine.-20, au soir : les vomissements noirs» au dire de sa sœur, ont été fréquents et copieux dans la nuit.-Catherine a succombé cette après-midi. Réflexions.-Voici un cas de fièvre jaune confirmée, le premier, si je ne me t rompe, qui éclata soudainement dans une rue parfaitement aérée, dans une maison tenue avec une propreté exquise, dans un quartier habité par l'ancien- ne population, exempte habituellement de fièvre jaune, où il n'y a ni misère, ni conditions hygiéniques défavorables. La victime est une jeune fille de 18 à 20 ans, à la ville depuis six mois, ne l'ayant jamais quittée, robuste, saine, ayant joui jusque-là d'une santé parfaite, se tenant pro- prement, nourrie de la table de la maîtresse de la maison, gardant la chambre depuis huit jours, ne se livrant à aucun genre de tra\ail, ne s'étant pas exposée aux ardeurs du soleil, et n'ayant commis aucun excès quelconque. D'autre part, les autorités préposées aux différentes quarantaines n'ont signalé aucun navire arrivant d'un port infecté et portant à son bord rien qui ressemblât à la fièvre jaune. Ce cas, à supposer même qu'il reste isolé, ne prouve-t-il pas que cette fièvre est susceptible de prendre son origine parmi nous? S'il était permis de garder des doutes auparavant, il me semble que la ques- tion est résolue à l'heure qu'il est, tant les faits sont clairs, précis, dégagés de toute équivoque et de tout nuage. A supposer maintenant que nous soyons réellement menacés d'une épidémie, est-il permis d'augurer, d'après ce cas, quel sera le génie de cette épidémie ? En raison- nant par analogie, je crois qu'on peut se hasarder à pré- dire la forme adynamique. L'adynamie a été le caractère dominant chez Catherine Maxwell : or, le premier cas qui précède une épidémie est généralement la formule algébrique de ceux qui. doivent le suivre- D'autre part, c'est aussi le caractère des maladies qui régnent depuis 27 un mois et plus. Nous avons vu depuis quelque temps, et bon nombre de médecins avec nous, une quasi-épidé- mie de diarrhée atonique, sans irritation, sans colique, ne semblant tenir qu'à une diminution dans la tonicité des organes." Mais il semble que ce soit la destinée de la fièvre jaune de dérouter les observateurs et de déjouer toutes les théo- ries dans lesquelles on essaie de l'emprisonner. Des in- formations ultérieures nous apprennent " qu'un certain Edmond Cook, tombé malade le 13 juin, mourut à l'hô- pital de la Charité le 3 de juillet. Les registres de l'hô- pital portent qu'il est mort de la fièvre jaune, et que c'est le premier cas admis dans cet établissement cette année." TVew Orléans Medical and Surgical Journal, vol. XV, No. 6, november, 1858. Je traduis du même journal les détails qui suivent : " Le 20 juin, trois Italiens furent attaqués de la même maladie. Ils furent admis à l'hôpital de la Charité le 23; et " le 25, un quatrième Italien s'y présenta. Ils moururent " tous entre le 25 juin et le 2 juillet. Ils appartenaient " au brick Rosalie, dont le capitaine, tombé malade à la " même époque, mourut aussi. Ce brick Rosalie, parti de " Païenne le 4 avril, n'étant entré dans aucun port in- " termédiaire, et n'ayant eu aucun malade à son bord " pendant la traversée, avait atterri à la borne No. 21, " 2me district. " Vers le 20, le jour même où les trois Italiens tombè- " rent malades, la Rosalie avait été remorquée à la borne " No 52 (4me district). Sans aucun doute, la maladie " avait été contractée antérieurement à la borne 21. A la " même borne, était le R. C. fVright, arrivé le 5 juin de " Rio Janeiro; et un peu au-dessous, à la borne 19, était " le A. Stevens, arrivé le 4 juin de la Havane. La fièvre "jaune régnait dans ces deux derniers ports au moment " où ces navires les quittèrent. A la borne 21, était aussi " le Pizarro, de Stonington, arrivé le 17 juin, et à la 2« " borne 22, le W. H. Stuart, de Liverpool, arrivé dans " notre port le 4 juin. La fièvre jaune n'éclata à bord " d'aucun de ces navires, mais un matelot de la barque " Flight, stationné aussi à la borne 22. mourut à I hôpital " de la Marine, le 4 juillet, de cette maladie. Eh bien ! " dans les quatre salies où les matelots de la Rosalie " avaient fait leur maladie et en étaient morts, il y avait " à la même époque, du 23 juin au 2 juillet, vingt-quatre " malades non acclimatés, dont onze n'habitaient la Nou- " velle Orléans (pie depuis un an ou moins. Pas un n'eut " la fièvre jaune pendant son séjour à P hôpital. L'un " d'eux fut renvoyé après dix jours de séjour à l'hôpital, " le reste y demeura trois semaines et plus, fournissant * ainsi au contagium une ample opportunité de se mani- " fester. " A la borne 23 (3ème district), environ cinq îlets* au- -dessous de la borne 21, où stationnait la Rosalie, on " avait rem jrqué deux navires, VElizabeth Elle a. capi- " taine Staigg, et, côte à côte de la Rosalie, VIndépen " dance, capitaine Eustis. Le dernier navire, arrivé de "New-York, était dans notre port depuis plusieurs mois. - Immédiatement après ces deux vaisseaux, étaient le " Trumball, capitaine Smith, et le F- R. Cuttmg, capi- " taine Lyons, tous les deux arrivés depuis quelque temps " de New-York- L'Elizabeth avait, séjourné enviion " deux mois à St. Thomas, où la fièvre jaune faisait alors " de grands ravages. Le 8 de m li, il mil à la voile pour " la Nouvelle-Orléans avec onze passagers. Le 24 du " même mois, il perdit un des hommes de son équipage. " Le capitaine déclare qu'il a vomi du sang, mais il "ajoute qu'il était phthisique. Ce navire arriva à la »• quarantaine le 4 de juin, fut visité, fumigé et autorisé à " se rendre à la Nouvelle-Orléans le même jour. Le ca- " pitaine Staigg déclare que pendant la traversée il avait ♦ On désgne à la Nouvelle-Orléans sous lo nom d'ilet, l'intervalle compris entre deux rues. Chaque ilet comprend 300 pieds.) 29 eu à son bord quelques cas d'une fièvre suivie dejau- " nisse légère et d'abcès, mais qu'il ne considère pas être " la fièvre jaune, laquelle il avait déjà eue lui-même. A " l'exception du matelot qui mourut et de ces quelques cas, " il n'y avait eu aucune maladie à bord. Le second et " la chambrière confirment ce témoignage. Néanmoins, " le capitaine Eustis affirme que Staigg lui a dit que cette " maladie était la fièvre jaune. Le capitaine Healy, " mort depuis, avait entendu Staigg lui-même, je crois, " dire la même chose, et une personne digne de foi, rési- " dant dans cette ville, certifie qu'un membre de la fa- " mille de Staigg, ayant des relations quotidiennes avec " ce dernier, affirme que c'était réellement la fièvre "jaune. En outre, le second, antérieurement au témoi- gnage qu'il donna devant le Bureau de Santé, avait dit " à un médecin de cette ville qu'un cas ou plusieurs cas " de fièvre jaune avaient éclaté à bord de VElizabeth " avant son arrivée à la Nouvelle-Orléans. Aux témoi- " gnages qui précèdent, on peut ajouter le suivant : " M. Alexandre Wolfif est un natif de St. Thomas etse " trouvait à bord de l'Elizabeth lors de son voyage de St. " Thomas à la Nouvelle-Orléans pendant le mois de " mai. Il a déjà vu la fièvre jaune, et il apprit du capi- " taiue qu'un des hommes de l'équipage était mort pen- " dant la traversée. Il ne l'a pas vu, mais il a su qu'il " avait vomi du sang et de la matière noire, et que son " agonie avait été pénible et accompagnée de cris. En- " viron six ou sept autres matelots contractèrent la ma- " ladie, mais en guérirent. Ils se plaignaient, pendant " qu'ils étaient malades, de douleurs à la tête et aux " lombes. Le capitaine lui-même eut une fièvre violente " avec délire pendant 24 heures. Sa figure était jaune et " rouge pendant la fièvre, mais jaune seulement pendant " la convalescence. 11 avait également des furoncles sur " tout le corps. Le fils du capitaine eut aussi la fièvre. 30 " Aucun des passagers ne fut malade. Ils étaient princi- " paiement de St. Thomas et de Rio Janeiro. (Signé) A. WOLFF. " Nouvelle-Orléans, 1er septembre 1858. " Que l'un des hommes de son équipage ait "eu ou non la fièvre jaune six jours avant leur entrée " dans le port, c'est à-dire le 10 de juin, toujours est-il " que la fille du capitaine Eustis, restant à bord du na- " vire de son père, \' indépendance, fut prise de la fièvre et " mourut le 22- Le 14, son fils tomba également malade " et mourut le 20 ; le 24, ce fut le tour de son neveu qui " recouvra la santé. Antérieurement au 27, l'un des " matelots, Thomas Mervins, tomba malade et mourut " le 1er de juillet. A l'autopsie, on trouva de la matière " noire dans l'estomac. A peu près à la même époque, " (entre le 20juin et le 1er juillet), le capitaine Smith, du " Trumbull, et le capitaine Lyons, du F. B. Cutting, " ainsi que la fille.de ce dernier et son second furent pris " de la fièvre : les deux premiers moururent. On doit " se rappeler que les deux navires ci-dessus mentionnés " stationnaient dans le voisinage de l'Elizabeth EUen et " de l'Indépendance. Le capitaine Healey tomba égale- " ment malade en se rendant au Nord, et mourut, après " avoir, dit-on, vomi noir, le 5ème ou le 6ème jour, près " de Cairo. Ce dernier était l'ami des autres malades, " et il avait aidé Smith, Lyons et son second à retirer le " corps de Eustis fils, arrivé à un degré très avancé de " corruption, d'un cercueil ordinaire pour le mettre dans " un de métal. Le 28 juin, un matelot du F. B. Cutting " fut admis à l'Hôpilal de la Marine et y mourut le 10 "juillet. A l'autopsie, on trouva de la matière noire " dans l'estomac. Le 6 juillet, un autre matelot du " même navire tomba malade, mais il recouvra la santé. " Nous avons donc jusqu'ici onze cas d'une fièvre sus- " pecte ayant éclaté à bord de ces trois vaisseaux qui 31 " stationnaient à côté de VElizabeth FAlen récemment " arrivé de St. Thomas où régnait la fièvre jaune.1' Voici maintenant une lettre adressée au Dr. Chaillé, l'auteur de l'article que je traduis ici, lettre contenant une narration exacte des faits. Hôpital de la Marine des Etats-Unis, Nouvelle-Orléans, 4 octobre 1858. Mon cher Monsieur, En réponse à votre note du 21, je dois vous informer que le Dr. Kerr, chirurgien en chef de l'Hôpital delà Marine des Etats-Unis, m'a assuré (pie le fils et la fille du capitaine Eustis, commandant V Indépendance, ainsi que le capitaine Lyons, le second du F. B. Cutting, et Smith, capitaine du Trunibull avaient réellement eu la fièvre jaune. Quant à la fille du capitaine Lyons, il ne croit pas que ce soit la fièvre jaune qu'elle ait eue. Léonard Eustis fut transporté du navire Vlndcpen- dance à l'hôpital le 21 juin. A l'époque de son entrée, il n'avait pas de fièvre ; mais il semblait convalescent, se plaignant seulement d'une grande débilité. Je ne puis conséquemment déclarer que ce fut la fièvre jaune qu'il eut. Les premiers cas de fièvre jaune admis à l'hôpi- tal de la Marine cette année sont les suivants : Thos. Merxins, matelot du navire VIndépendance, en- tré le 27 juin, mort le 7 juillet. (Matière noire dans l'es- tomac.) John Robinson (homme de couleur libre), matelot du F. B Cutting, admis le 29 juin, mort le 7 juillet. (Ma- tière noire dans l'estomac.) » Geo. Miller, matelot du F. B. Cutting, admis le 6 juil- let, renvoyé le 16 du même mois. John Melroy, matelot du Revenue, borne 39, (3ème district,) admis le 7 juilllet, mort h* 16 du même mois. Hugh Mcl ntosch, de la barque Flight, borne 22, (2me district,) admis le 12 juillet, mort le 14 du même mois. 32 Deux autres individus, employés à bord du remor- queur K. H. Ivy, furent admis le 10 juillet, et moururent tous les deux après avoir vomi noir. Le nombre de personnes renvoyées guéries de la fièvre jaune a été de 23 dans le mois d'août ; de personnes qui ont succombé, 21 ; renvoyées guéries en septembre, 29 ♦ mortes, 19. Je suis, etc., Médecin résidant de l'Hôpital de la Marine J. Winchester Brfædlove, des Etats-Unis. " On mentionne une autre personne, morte de la fièvre "jaune, le 1er juillet, rue du Maine, No. 29, à environ un "demi-mille au-dessus de VElizabeth. Le 6juillet, un " individu du nom de F. Collins mourut à l'Hôpital de " Charité. 11 venait du navire P. E. Stringer, (borne " 43,3ème district), amarré un peu au-dessous de VEli- " zabethP iV. O. Medical and Surgical Journal. Standford Chaille, Tels sont les faits recueillis avec beaucoup de soin par le Dr. Chaillé, concernant l'origine et le développement de la lièvre jaune qui vient d'exercer de si grands rava- ges dans notre ville. Il paraît évident, ou du moins très probable, d'après l'histoire des quatre Italiens appartenant au brick Rosalie, que la fièvre jaune aurait été importée par le R. C. Wright, venant de Rio Janeiro, et parle Stevens arrivé le 4 juin de la Havane, la maladie régnant dans ces deux ports lorsque ces navires en sont sortis. O.i la voit pour ainsi dire marcher et se propager de pro- che en proche au Rosalie, au Flight, à l'Elizabeth Ellen, à P Indépendance ; ces deux derniers navires étant dans notre port depuis plusieurs mois, venant de New-York, où il n'existait aucun germe de la maladie à l'époque de leur départ. Il reste à expliquer comment cette même fièvre, qui s'est propagée du R- C. Wright, et du Stevens 33 aux navires qui les entouraient, ne s'est commune quée à aucun des vingt malades non acclimatés qui ont séjourné trois semaines dans les quatre salles où l'on avait transporté les matelots de la Rosalie 1 II est assez curieux maintenant de voir la marche que la maladie va suivre dans une prison. Le 8 de septembre dernier, il entra à la prison de l'Etat, dont je suis le médeein, une femme condamnée à une détention de quelques jours, pour bris de paix. Lors- qu'elle se présenta, elle avait le front bandé, les yeux et la figure très rouges, ayant l'apparence des nombreuses ivrognesses que l'on conduit là chaque jour. On l'enferma dans le compartiment des femmes ; elle y occupait une cellule où elle couchait sur le plancher pêle-mêle avec une dixaine de prisonnières comme elle. Le lendemain elle me fit prier de la visiter, et il me fut facile de cons- tater qu'elle avait la fièvre jaune. Elle m'assura qu'elle avait été prise de la fièvre la veille au soir, au corps-de* garde, où elle avait passé la nuit. Je me hâtai de la faire transporter dans une vaste chambre donnant sur la rue d'Orléans et dans laquelle était couchée une négresse ma- lade. La porte de cette chambre ouvrait sur un corridor qui servait de lieu de promenade aux prisonniers pour dettes et aux témoins de l'Etat dans les affaires criminel- les pendantes à la 1ère Cour de District. Elle séjourna environ deux jours dans cette chambre, car dans l'après- midi du second jour, j'obtins qu'elle fut transportée à l'Hôpital de la Charité. Eh bien, le 11 du même mois, c'est- à-dire trois jours après l'entrée de cette femme à la pri- son, il s'y déclara un cas de fièvre jaune, non parmi les femmes comme on pourrait le croire, mais parmi les pri sonniers qui avaient fait leur lieu de promenade du corridor dont il a été fait mention plus haut. Ce prisonnier m'af- firma qu'il n'était pas entré dans la chambre de la ma- lade, mais qu'il passait fréquemment devant la porte de 34 communication et qu'il s'y était même arrêté plusieurs fois. Le second cas se manifesta le 12, provenant de la cour sud, située au-dessous de la galerie des femmes. Nous eûmes un répit complet jusqu'au 3 octobre, époque à laquelle il nous vint un malade de la cour nord sépa- rée de la cour sud par un mur épais. Le 14, un blessé qui était à l'hôpital depuis près de deux mois fut attaqué de la maladie. Un mois auparavant, il était mort de la fièvre jaune un malade occupant le lit voisin du sien. Puis il se déclara successivement de nouveaux cas le 25 octobre, le 4, le 10 et le 25 novembre, en tout sept parmi les anciens prisonniers. La fièvre jaune a-t-elle été importée dans la prison, ou bien y est-elle née spontanément ? J'avoue mon embar- ras à répondre à celte question. Si elle a été le résultat de l'importation, comment expliquer que pas une des nombreuses prisonnières qui ont subi le contact de la ma- lade (les 10 ou 12 surtout qui couchaient avec elle dans la cellule), n'a pris la maladie ? Mais ce qui paraît vrai- ment étrange, indépendamment de la marche déréglée que celle-ci a suivie, c'est qu'ayant une fois éclaté à la prison, au milieu d'une population de 350 individus, (hommes et femmes), agglomérés dans un espace étroit, couchant jusqu'à douze dans une cellule, elle se soit bor- née à ne frapper qu'un si petit nombre. Remarquons aussi la marche lente et capricieuse qu'elle suit : le 11 septembre, le 1er cas se manifeste chez un homme habi- tant le compartiment des prisonniers pour dettes, lequel déclare s'être promené dans le corridor contigu à la chambre où avait été placée la malade mentionnée plus haut, et avoir stationné plusieurs fois à la porte de cette chambre. Le 12, un prisonnier de la cour est pris à son tour, mais il n'est en prison que depuis trois jours, et les renseignements qu'il fournit permettent de croire qu'il a porté avec lui le germe de la maladie Du 12 septembre 35 au 3 octobre, pas un nouveau cas, j'entends parmi les anciens prisonniers. Du 3 au 14 octobre, répit complet ; mais le 14, un prisonnier, entré à l'hôpital depuis près de deux mois, e t pris subitement de la fièvre et meurt en soixante heures. Un mois auparavant, il était mort, dans le lit voisin du sien, un prisonnier dont la maladie avait suivi également une marche aiguë. Le 25 du même mois, il nous arrive deux nouveaux malades, tous deux de la cour nord ; enfin le 4, le 10 et le 25 novembre, il se manifeste trois autres cas qui furent les derniers. Il est bon de no- ter en passant que le premier coup de nord se fit sentir le 3 de ce même mois. Voilà les renseignements les plus exacts concernant l'origine de la dernière épidémie, ainsi que sa marche et son développement aussi bien dans la ville que dans la prison de l'Etat- Je vais passer main- tenant à l'étude de la maladie elle-même, telle qu'elle s'est présentée à mes yeux l'année dernière. SYMPTOMES. Bien que la fièvre jaune soit toujours la même, quant au fond, dans les différentes épidémies, il est essentiel de taire observer que la forme en varie, et offre des nuances très marquées. Le génie morbide lui-même revêt un caractère différent, très grave une aimée, très bénin dans l'autre. En 1847, par exemple, la maladie cédait avec une merveilleuse facilité au traitement; en 1853 elle était indomptable. En 1847, j'étais émerveillé, comme d'autres l'avaient été avant moi, dans des circonstances analogues du grand nombre de guérisons, et j'en fesais honnem*au sulfate de quinine. Les épidémies de 1853 et de 1858 m'ont complètement désabusé. C'est ce qui fait que les médecins, même les plus expérimentés, étudient attenti- vement les premiers cas afin de saisir le génie épidémi- que. Quoi qu'il en soit, voici le tableau de la maladie. 36 Le plus généralement, elle éclate brusquement, quel- quefois même sans le moindre prodrome. J'ai vu, en 1853, un jeune français, nouvellement débarqué, qui après avoir bien dîné, éprouva soudainement, en causant gaîment avec un ami, une céphalalgie violente qui fut le début du mal. J'ai observé depuis, bon nombre de cas semblables et dans des circonstances analogues. Il sem- ble que les excès de table favorisent singulièrement l'é- closion de la maladie qui, sans cela, resterait plusieurs jours de plus à l'état d'incubation. J'ajouterai que ces cas m'ont toujours paru les plus graves. Les malades se plaignent aussi d'une vive douleur lombaire, de lassitude dans les membres, quelquefois de frissons violents qui s'apaisent pour renaître au bout de quelques minutes, d'autres fois d'une chaleur qui les dé- vore. La figure devient vultueuse, les yeux rouges, in- jectés, la peau d'une chaleur âcre, mordicante, qui se lait jour à travers la transpiration, même la plus abondante, et qui occasionne, au toucher, une sensation désagréable à laquelle on se soustrait avec plaisir. La langue s'épais- sit, devient rouge à la pointe, suburrale dans le reste de son étendue, offrant tantôt un aspect cotonneux, tantôt une apparence limoneuse. Les gencives se recouvrent d'une matière crémeuse qui débute aux rebords alvéolai- res sous la forme d'un liseré blanc. La respiration de- vient précipitée, quelquefois suspirieuse, ce dernier symp- tôme constituant presque toujours un signe grave. Le pouls est plein, fréquent, développé, mais dépressi- ble, même au début, cédant invariablement à la moindre pression, s'effaçant complètement si la pression est pous- sée un peu lojm Il existe le plus communément une dou- leur à l'épigastre, tantôt vive, tantôt légère, et s'exaspé- rant toujours au toucher. Le ventre est indolore, resserré. L'insomnie accompagne le plus habituellement le début de la maladie. Les urines deviennent moins fréquentes et prennent une coloration foncée. 37 Au bout de 48 à 60 heures, la lutte s'apaise. La cé- phalalgie, même sans le secours de Part, ce*se ou dimi- nue d'une manière notable. Le pouls devient moins fré- quent, la peau moins chaude, la chaleur moins vive et il semble au malade qu'il entre en convalescence, tant les douleurs qu'il vient de traverser oui été poignantes. Mais le médecin expérimenté n'est pas dupe de ce calme trompeur. Les vomissements qui, au début, étaient bilioso- muqueux, prennent souvent, dans celte période, une cou- leur chocolat, avant-coureur du vomissement noir. Lors- que la maladie doit avoir une terminaison fatale, déjà au second jour la scléiotique offre une teinte safranée qui se manifeste aux tempes, puis aux cou, à la poitrine et gagne lecorpstout entier- Cet ictère précoce est l'indice d'une profonde altération du sang ; il faut se garder de croire, cependant, qu'il soit un signe infaillible de mort. Je ne connais aucun symptôme de la fièvre jaune qui puisse être considéré comme tel, mais il autorise un pro- nostic grave. Cette couleur ictcrique de la fièvre jaune me paraît due au sérum du sang extravasé ; elle rappelle la teinte jaune que revêt, au bout de quelques jours, le pourtour d'une ecchymose résultant d'un coup ou d'un choc. C'est aussi dans cette période de la maladie que se manifestent surtout le corps des pétéchies qui ressem- blent, à s'y méprendre, à la piqûre du moustique. Il y a peu de place pour l'espoir si à la teinte ictérique viennent se joindre les vomissements noirs. Une particu- larité qui m'a toujours frappé, c'est la spontanéité de ces vomissements ainsi que la facilité avec laquelle ils s'opè- rent. Les malades en sont pour ainsi dire pris à l'impro- viste, en causant ou en faisant un effort pour changer de position. On les voit pincer brusquement les lèvres et en. fier les joues, comme si le liquide était déjà rendu à la bouche. Mais à peine ont-ils le temps de se mettre en position que le liquide fait éruption malgré qu'ils en aient. 38 Une chose encore digne de remarque, c'est, l'extrême dé- pression des forces après chaque vomissement noir. Le malade sejaisse lourdement retomber surfe lit pour res- ter en proie à un accablement sans égal jusqu'à ce qu'un nouveau besoin de vomir vienne l'arracher à cet état de torpeur. Le pouls devient petit, misérable, la parole fai- pénible. Il semble que la vie elle-même soit entraî- née avec les matières rendues : c'est qu'en effet le vomis- sement noirjest le résultat d'une hématémèse spécifique : il n'est pas constitué par de l'utrabile, comme le pensent quelques praticiens, mais bien par du sang, ce qui rend compte de cette dépression si rapide et si grande de la force vitale. En effet, c'est précisément dans la période où le vo- missement noir survient que l'on observe les hémorrha- gies passives, billes proviennent principalement des mem- branes muqueuses, nasale, buccale, intestinale, bronchi- que, etc. La langue et les gencives en sont souvent le siège ; il suffit d'y passer doucement un linge sec, et de les dépouiller ainsi du sang noir, à demi-figé qui les re- couvre, pour voir l'hémorrhagie se faire aussitôt à leur surface. On la voit aussi se produire sur différents points du corps; un furoncle qui s'est ouvert, une piqûre de sangsue, une plaie quelconque, un rien suffit pour déter- miner'un écoulement de sang souvent très-difficile, quel- quefois impossible à arrêter. Aussi, faut-il bien se garder d'appliquer des sangsues à cette période de la maladie, particulièrement sur des points où la compression offre des difficultés. De toutes ces hémorrhagies, la gastrique est incontestablement la pins grave. Celle qui se fait à la surface de la muqueuse, soit intestinale, soit vésicale, est moins sérieuse ; dans quelques cas même, on peut la considérer comme favorable, il arrive assez fréquemment aussi que le sang s'épanche dans l'épaisseur des muscles. Cette dernière hémorrhagie est très grave. C'est aussi du 39 troisième au cinquième jour qu'on observe un symptôme des plus alarmants, je veux parler de la suppression des urines. Ce n'est pas que la vessie soit complètement vide, car un médecin qui a pour habitude de pratiquer le ca- thétérisme dans ces cas, m'a dit en avoir retiré le plus souvent une certaine quantité d'urine. La respiration suspirieuse an début de la maladie, l'ic- tère au second jour, et le vomissement noir, sont les trois signes les plus graves que l'on puisse rencontrer. Toute- fois, il ne faut pas se hâter de désespérer; il ne faut même jamais désespérer, car je pourrais citer, pour mon compte» un bon nombre de malades qui ont guéri, je puis dire par un miracle de la nature médicatrice, contre toutes mes prévisions, alors que tous ces signes se trouvaient réunis. Je n'oublierai jamais deux femmes que j'ai soignées en 1847, arrivées toutes deux aux limites de l'agonie, d'un jaune safrané, vomissant noir depuis deux jours, en proie à un hoquet incoercible, les lèvres supérieure et inférieure noires du sang qui s'y était coagulé, aptes s'être échappé des narines et de la bouche, rejetant, à la minute tout ce qu'on leur faisait prendre, comme si la nature voulait con- sacrer ainsi son titre à la gloire de la guérison, et qui sont revenues insensibletnent à la santé, après une lutte désespérée et une convalescence pénible, long temps dou- teuse. Ce sont de ces cas qui font la fortune d'un méde- cin sans scrupule, et même, d'une doctrine qui voudrait s'appuyer sur l'ignorance et la crédulité. Mais le méde- cin philosophe, ami de la science et de l'humanité, ob- serve, cherche, médite, et admire la majestueuse puissance de la nature, en attendant qu'il hii ravisse son secret. Je voudrais que le monde, sans avoir l'expérience, ni les connaissances du médecin, put cependant se pénétrer de cette vérité que toutes les guérisons miraculeuses dont on fait tant de bruit quand elles proviennent d'un char- latan, sont dues, soit à la nature médicatrice, soit à un 40 emprunt fait à la science. L'ignorance n'a jamais enfanté que les ténèbres ; en espérer autre chose, c'est mécon- naître à la fois la grandeur de Dieu et la sublime mission qu'il a confiée à l'homme. Qu'on y prenne garde ; je ne veux pas glorifier la na- ture aux dépens du médecin : je connais sa puissance, et je sais jusqu'à que! point faire fond sur elle, mais je n'i- gnore pas ses écarts : gloire au médecin qui lui vient sagement en aide ; elle lui donne assez d'enseignements pour en espérer quelques secours. Je viens de faire le tableau général de la fièvre jaune, mais ce serait être incomplet que de, ne pas signaler les exceptions. Je n'écris pas pour ceux qui ont étudié la maladie, qui la connaissent et la comprennent mieux que moi peut-être. J'ai particulièrement en vue les médecins étrangers, que leur destinée peut pousser en Louisiane, car je ne doute pas que la fièvre jaune de toute autre contrée n'exige une étude spéciale. Je trouve que les descriptions qu'on a faites de cette affection sont en géné- ral trop scholastiques, trop délimitées. Il semblerait, après ]es avoir lues, qu'on ne peut éprouver aucun embarras au lit du malade*. Il n'en est rien. Le médecin le plus ex- * La fièvre jaune a, certes, un cachet propre qui la différencie de toute autre affection. Elle prete quelquefois sa physionomie à d'autres maladies, mais elle ne leur emprunte jamais la leur. Ce n'est guère qu'au milieu d'une épidémie qu'il peut exister un peu de confusion, alors qu'elle déteint en quelque sorte sur les maladies intercurrentes. Ce fut à la campagne, à trois ou quatre milles de la ville, que j'eus l'occasion de voir le premier cas de fièvre jaune. Je la reconnus d'emblée, autant à la description que j'en avais lue dans les livres, qu'à son cachet par. ticulier, qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais vu. L'animation du visage, l'extrême mobilité des yeux, leur éclat, l'expression de frayeur, ou au moins d'anxieté, peinte sur la physionomie du malade, consti- tuent un ensemble de caractères qui lui appartient exclusivement. Mais au milieu d'une épidémie, je le répète, le diagnostic n'est paa aussi facile, à cause de la raison qne j'ai donnée plus haut. 41 périmenté, même au milieu d'une épidémie, hésite plus d'une fois à la première, et mêm • à la seconde visite. Cela se conçoit aisément, quand on réfléchit que toutes les maladies intercurrentes revêtent pinson moins fidèle- ment la physionomie de la fièvre épidém que. D'ailleurs, le typhus ictérode offre des degrés infinis, depuis la forme bénigne qui ne semble être que l'ombre de la maladie elle-même, jusqu à la forme maligne qui tue en quelques heu res. Il ne faut donc pas s'attendre à trouver constamment réunis les symptômes signalés plus haut. Quelquefois la céphalalgie est très légère, la rachialgie insignifiante ou nulle. La douleur épigastrique manque dm s beaucoup de cas. Le visage, d'ordinaire vullueux, m'a offert, même au début de la maladie, mais rarement il est vrai, nue pâleur profonde. La langue, qui présente habituellement le plus de constance dans ses expressions pathologiques, est loin d'être toujours la même. J ai vu des m dades chez les- quels, même au deuxième jour, ePe n'offrait aucune allé ration,alors que la maladie était parfaitement caractérisée Le vomissement, soit bilieux, soit noir, n'a pas toujours lieu. Il y a des m dades qui meurent sans avoir vomi et sans avoir présenté la suppression des urines. La chaleur cutanée, l'un des phénomènes les plus constants, manque quelquefois. Ce n'est, guère que par une vue de l'ensem- ble que l'on peut diagnostiquer la fièvre jaune de prime- abord, en tenant compte également des antécédents du malade. J'ai soigné pendant la dernière épidémie un jeune étranger qui a été atteint de cette forme bénigne dont j ai fait mention plus haut, et qui semble n'être en réalité que la pâle image de la fièvre jaune. Il a gardé la fièvre trois ou quatre jours, offrant tous les symptômes qui ac- compagnent le typhus ictérode, mais singulièrement di- minués. La plupart des auteurs qui ont écrit sur la fièvre jaune 6 4$ ont cherché a classer les différentes formes de cette ma- ladie. Comme il est facile de le prévoir, ces classifications ne s'accordent pas. Les uns ont accusé deux formes ; les autres trois; d'autres quatre ; le Dr. Jameson, de Balti- more, en reconnaît six. Je crois que l'on pourrait aller bien plus loin, si l'on voulait tenir compte des mille nuan- ces qui s'offrent à l'observation, et qui tiennent évidem- ment à l'idiosyncrasie fies individus. Il y a incontestable- ment un génie épidémique, en vertu duquel le mal revê- tira, d'une manière générale, telle forme plutôt que telle autre, mais combien le type commun va se modifier sui- vant les tempéraments, l'âge, la condition sociale, le sexe, etc. Chez celui-ci, la forme sera nerveuse, c'est-à- dire que le système nerveux aura ressenti plus vivement l'action de l'agent morbifique ; chez cet autre ce sera la forme gastrique, parce que l'estomac aura été plus forte- ment impressionné, etc. -Maintenant, mettez enjeu les sympathies, ces mystères de l'organisme, et vous aurez des combinaisons variées à l'infini. Je m'abstiendrai donc d'entrer, à ce sujet, dans des détails qui rebutent l'esprit et découragent le lecteur. Il est impossible de prévoir, tel individu étant donné, quelle forme va hu échoir. Ce n'est qu'après coup, et au lit du malade, qu'on apprend ce qui en est, et il devient facile alors de remplir les indi- cations qu'exige charpie type particulier. Période d'incubation.-Le Dr. Harrisson, qui a vu un si grand nombre de malades à l'hôpital de. la Charité, a re- marqué que les personnes parties des lieux les plus sains, même de l'autre bord de l'Atlantique, et anivant dans notre ville au milieu d'une épidémie, sont prises de la maladie vers le sixième, cinquième, quatrième, et même troisième jour. Le Dr. Wallace croit que, généralement parlant, elle n'éclate que dix ou douze jours après que l'individu s'y est exposé. Mr. Moreau de Jonnès cite un cas qui prouverait que la période d'incubation peut être 43 très longue. Le malade (un matelot), s'embarqua le 4 de mars 1809, à Foit. Royal (Martinique), et laissa Sr. Pierre le 14. Dans ( intervalle, il ne descendit pas à terre, et il tomba mala 'e en mer le 1er d'avril. Si l'on suppose qu'il a pris le germe de la maladie à Fort Royal, l'incubation a été de vingt-huit jours; si de St. Pierre, elle a été de dix-sept jours. Mais comme la fièvre ne régnait pas alors dans celte dernière ville, si ce n'est sporadiquement, et comnjp d'ailleurs l'individu n'avait pas été à terre, il est à présumer qu'il en puisa le principe à Fort Royal, où sévissait la maladie. Le Dr. Reed a observé un cas où la période d'incubation auiait été de 4 mois. Pronostic. - Le pronostic de la fièvre jaune est grave ; il le sera plus telle année que telle autre, en raison du génie épidémique régnant. La violence des symptômes au début n implique pas toujours que le cas sera sérieux. J'ai vu des individus attaqués d'une manière extrême- ment violente, supporter victorieusement la lutte de la première période, et entrer en convalescence sans éprou- ver aucun des graves accidents qui appartiennent à la seconde. Le vomissement, au début de la maladie, est un signe fâcheux ; la respiration suspirieuse l'est encore bien plus. Le vomissement noir, s'il se manifeste dans les premiè- res heures de l'attaque, ce qui est très rare, est mortel : je ferai la même remarque à l'égard du délire. L'ictère précoce doit faire craindre un résultat fatal, ainsi que le chevrotement de la voix et le tremblotement de la langue. La suppression des urines doit figuier parmi les signes les plus redoutables. t Lorsqu'elles reparaissent, c'est de bonne augure, surtout si elles sont de couleur aca- jou. Après avoir traversé la première période, si le malade demande à se lever, par e do ses affaires et ae croit es 44 étfit d'y vaquer, on peut le considérer comme perdu, bien que ses idées soient parfaitement suivies. L t jactitation et l'insomnie sont de mauvais signes. Il faut aussi considérer comme tels, une prostration très grande des forces, un pouls petit qui s'éteint sous la moindre pression. L'urine albumineuse, que j'ai observée cette année pour la première fois, me paraît être un signe grave. Les six premiers cas où je l'ai rencontrée se sont terminés fatale- ment. D'après les quelques observations que j'ai pu re- cueillir, je trouve neuf cas de mort sur treize albumineux. Jlai fait, à ce sujet, de nombreuses expériences, et contre- expériences, à la prison de l'Etat, p ndant la dernière épidémie. J'ai expérimenté simultanément sur les urines : lo. d'indi. idus bien portants ; 2o. d individus atteints de la fièvre jaune; 3o. de personne- en proie à toute autre maladie, particulièrement au scorbut, qui est assez corn, mim dans la prison. Le réactif (pii m'a donné les résultats les plus satisfaisants a été l'acide nitrique. Je n'ai, dans aucun cas, obtenu de précipité albumineux dans I urine •des personnes en santé, ni dans celle des individus atta- qués du scorbut, tandis que le précipité avait le p us sou- vent lieu dans l'urine de ceux qui avaient la fièvre jaune. Lorsqu'il venait à manquer, il me suffisait le plus ordinai- rement pour l'obtenir, d'ajouter quelques gouttes d'am- moniaque; ce qui n'avait jamais lieu pour les autres uri- nes. Il se dissolvait sous l'influence d'une nouvelle quan- tité d acide, et se formait de nouveau par l'addition de quelques gouttes d'ammoniaque, et ainsi de suite indéfini- ment. J'ai été plus loin ; j ai rangé sur une tablette une quinzaine de fioles étiquetées contenant, les unes I urine de personnes en santé, les autres celle de personnes atta- quées de la fièvre jaune, ou de toute autre affection. J'ai eu pour résultat un dépôt albumineux spontané-, quelque- fois très-aboi) laid dans I urme des malades de la seconde 45 catégorie, jamais dans celle de< individus des deux autres catégories. Le précipité albu nineux s'est montré quel- quefois le premier jour, mais le plus ordinairement le deuxième ou le troisième. Je l'ai vu persister jusqu'au dernier terme de la convalescence ; le Dr. Blair a remar- qué que. l'urine n'est point albumineuse lorsque la mala- die a été jugulée par le sulfate de quinine, ou quand on a administré le croton tiglium au début. Il n'a jamais rencontré le précipité albumineux dans les fièvres inter- mittentes, ni dans la variole, le rhumatisme, la pleurésie ou la pneumonie. Au lieu du albumineux, j'ai cons- taté plusieurs fois un précipité vert, de bouteille, dû sans doute à la présence de la bile dans les urines. 11 est un signe, assez rare, qui n'apparaît que dans la convalescence, et qui mérite d'être noté pour mettre le médecin en garde contre les craintes qu'il inspire tout d'abord, je veux parler d'une extrême lenteur du pouls. L'année dernière même, il s'est présenté à mon observa- tion chez un malade qui a guéri. Son pouls était descendu à 45 pulsations, bien que l'état général fût des meilleurs. La première impression est pénible et inquiétante; il semble que la vie va s'échapper. Il suffit d'un cordial, d'un peu de bouillon ou d'un peu de vin récidivé prudem- ment pour réveiller la vitalité engourdie et accélérer la circulation. Etiologie.-Aux Etats-Unis d'Amérique, dit Mr. Pari- set dans son remarquable Traité sur l'Epidémie de Cadix en 1819, la fièvre jaune a presque uniquement pour cause les effluves pernicieux que laissent dégager les immondi- ces des villes, ou les terrains fangeux dans les ardeurs de l'été." Cette proposition me paraît trop absolue. Je ne puis l'accepter en entier, sans rien retrancher néanmoins de la haute considération que je professe pour une des célébrités médicales de l'Europe. Il peut se faire que les effluves pernicieux jouent un rôle dans la produc- 46 tion du typhus ictérode. Il n'est pas nécessaire d'être médecin pour comprendre les avantages d'une atmos- phère pure. " Nous vivons de pain et d'air, mais nous " vivons de pain a de certains intervalles, tandis que " nous vivons d'air a chaque instant, à chaque souffle de " la resp ration. Les principes de vie que nous puisons " dans ce dernier, ont donc besoin d'être constamment '' renouvelés. Or, quand l'atmosphère est lourde, épaisse, méphitique, toujours la même, il est évident que loin de " revivifier le sang par la respiration, on l'altère profon- " dément, et il n y a pas de source de maladie plus abon* " dante que celle-là. C'est surtout flans les grandes " villes que les effets de cette cause sont les plus remar- quables." Réveillé Parise-Physiologie et Hygiène, p. 227. Voilà certes de grandes vérités qui devraient être écou- tées et méditées par toutes les autorités préposées à l'ad- ministration des grandes villes. Mais encore un coup, la malpropreté des grandes cités n'est pas la cause unique de ces terribles fléaux qui viennent périodiquement les ravager. S'il en était ainsi, notre ville si mal partagée sous le rapport de la propreté, devrait recevoir annuelle- ment la visite de la fièvre jaune. Il n'en est pourtant rien, l'état des rues et des égouts restant le même, c'est ainsi que l'on trouvera dans le résumé qui suit, le chiffre delà mortalité pour trois s lisons consécutives : du 1er avril 1 55 au 1er de mai 1853, 2670;-II 1er mai au 1er décembre 1856, 74;-pour les derniers six mois de 1857, 198 ;-pour l'année 1853, de juin en décembre, 4845. Il est de toute évidence que la différence annuelle de propreté ou de malpropreté ne saurait expliquer de si grandes variations dans les chiffres de la mortalité. Si la proposition du cé.èbre médecin français était vraie d'une manière absolue, il en résulterait que le retrait des wux après une inondation serait très propre à engen- cirer une épidémie ; or, en 1819, la ville est restée sub- mergée plusieurs mois, et celte année a él? très saine, bien que les eaux se soient retirées précisément à l'épo- que hab.tuelle du développement de la fièvre jaune. " En effet, l'année 1816 fut signalée par une rupture des bords du fleuve, suivie d'une inondation presque générale de tout le pays compris entre la rive gauche et le lac Pontchartrain. Cet évènement était arrivé au commen- cement du printemps. Les eaux séjournèrent plus de six semaines sur le sol et y laissèrent en se retirant une épaisse couche de limon. Cependant, malgré la chaleur qui régna ensuite, la saison fut des plus salubres. • Peu lant l'été de 1831, une tempête affreuse ayant refoulé les eaux de la mer dans le lac, il en résulta en- core une inondation de tout l'espace compris entre la ville et le lac. Des pluies abondantes et continuelles eurent lieu en même temps, et l'on vit bientôt, comme dans le cas précédent, une large superficie de terres basses transformées en lac. et une partie de la ville et des faubourgs submergée pendant plus d'une semaine. Cette masse liquide composée d'eau de mer et d'eau douce, mélange qui passe pour favoriser la putréfaction à un très haut degré, ne s'écoula qu'en partie. La plus grande quantité fut évaporée par l'ardeur du soleil et laissa à dé- couvert un sol humide et fangeux, avec tous les éléments d'un vaste marais subissant l'influence d'une atmosphère brûlante. Quoique cet événement fût ai rivé au mois d'août, époque la plus favorable au développement de la fièvre jaune, il ne s'en montra pas un seul cas." {Jour, de la Soc. Méd. de la fl.-O., No? 4, Ire année. Nov. 1839. - Mémoire de MM. A. Bahier, S. H. Daret, Ed. Fortin. Nos campagnes portent encore ]es traces df s affreux ravages occasionnés il y a quelques mois par les crevasses Bell et Labranche. Eh bien, Gretna, village d'environ L500 âmes, à 3 milles de distance de la ville, dont les ha- 48 bitants ont été obligés de fuir devant l'eau qui envahis- sait leurs maisons, n'a que très peu souffert de l'épidémie de l'année dernière, bien que son sol fut mis à nu au fort de. la maladie, tandis qu'en H47 où il n'y eut pas d'inon- dation, le fléau y frappa un grand nombre d'habitants. Je n'accorderai pas non plus aux fouilles une part d'in- fluence aussi grande que celle qu'on leur attribue généra- lement. On pourrait citer bon nombre de cas où des fouilles considérables n'on' pas été suivies de fièvre jaune. Je suis convaincu néanmoins que. jointes à d'au- Ires causes dont je vais parler, elles sont loin d'être inno- centes.* Aussi la population s'indigne-t-elle à bon droit de ce que certaines compagnies ai*mt le privilège de faire pratiquer, au cœur de l'été, les fouilles nécessaires à la réparation des tuyaux à gaz. C'est un privilège exorbi- tant sur lequel on ne saurait trop appeler l'attention de nos autorités. Plus on médite sur la cause de la fièvre jaune, plus on se convainct qu'elle est complexe. Il me paraît conve- nable de la décomposer pour la ramener à ses éléments constitutifs. Quels sont les conditions nécessaires ou plutôt essentielles à la production du typhus ictérode ? Les voici : lo. Chaleur ; 2o. Agglomération (plus ou moins prolongée) de su- jets; 3o. Voisinage des mers, des lacs ou des cours d'eau. Ce sont là les éléments que l'on peut considérer comme essentiels. J'ai mis la chaleur en tête, parce qu elle est la condition sine quà non. "La chaleur, dit Mr. Ro- " choux, dans ses savantes recherches, est incontestable* " ment la cause la plus active de la fièvre jaune, et l'opi- " nion des médecins qui ont pensé autrement, est de reste " combattue par l'expérience de tous les jours. On voit '' en effet, au continent d'Amérique, la fièvre jaune paraî- « tre et s'en aller avec la chaleur, et dans les Antilles, 49 " cette fièvre ne jamais cesser, parce que la chaleur y " dure toujours ; seulement elle diminue en fréquence "quand la chaleur est moins forte." J..A. Rochoux- Recherches sur la ferre jaune. Je ferai observe' que la chaleur, outre'qu'elle est bien plus intense dans les villes que dans les campagnes, en raison de l'obstacle appoité par l'agglomération des de- meures à la libre circulation de l'air, s'y prolonge long- temps après le coucher du soleil, grâce à la réverbéra- tion par les murs. J'ajouterai que cette chaleur par ré- flexion est bien plus incommode que celle qui nous arrive directement. Elle est très sensible surtout quand on entre dans la ville après avoir passé la journée à la cam- pagne. Les habitants de la Nouvelle-Orléans savent combien il est pénible, en été, long-temps après la dispa- rition du soleil, de se tenir sur le balcon à cause de cette émission du calorique par les murs : il m'est arrivé plu- sieurs fois d'y appendre un thermomètre alors qu'ils ne recevaient plus les rayons du soleil, et je l'ai vu marquer jusqu'à 15 ° de plus que dans la chambre. Pour ma part, je suis disposé à accorder une immense influence à la chaleur comme cause détermnante du typhus ictérode. Il*est bien certain qu'elle suffit à elle seule pour produire une foule de troubles plus ou moins graves dans les fonctions organiques. Quel habitant de la ville ne se rap- pelle, avec une sorte de terreur, ces chaleurs tellement brûlantes de certains étés que l'air raréfié à l'extrême oblige de quitter le lit au milieu de la nuit pour aller de- mander au balcon un soulagement aux angoisses d'une asphyxie imminente. "Les praticiens de St. Domingue, " de la Jamaïque, de la Caroline, des Antilles et des " Etats-Unis, ont tous reconnu comme un fait, que la fiè- " vre jaune dépend de la chaleur combinée avec I humi- " dité." Tommassini-Recherches pathologiques sur la fièvre jaune d? Amérique. Cette assertion si positive, répétée par Tommassini, est 50 contredite par les statistiques qui suivent. Je les emprunte aux rapports si remarquables adressés annuellement à la Législature par mon ami et estimable confrère le Dr. Axon, Président du Bureau de Santé. Mayenne mensuelle, thermamétrique et hygrométrique Fièvre jaune. 1856. Therm. Hygrom. Mortalité. 7 lis av.M. 2 hs ap.M. 9 lis. ap.M. 7hsav M. Shsap.M. 9 ap.M. Mai, 77.35 81,03 78.87 70.87 72.16 71.97.... 0 Juin, 81.13 85.06 82.70 77.61 76.41 77.16.... 0 J uillet, 82.55 86.13 83.70 78.40 78.06 78 71.... 0 Août. 81 93 85.55 84,19 78 38 78.93 79 48.... 14 Septembre, 77.4 ) 80.46 79.13 73.93 74.73 75 03. .. . .40 Octobre, (.7.90 72 64 71.00 65 64 67.96 67.74.... 16 Novembre, 59.93 65,13 6416 57.76 60.60 61,16.... . 4 Décembre, 51,00 56,41 55.00 48,96 53,32 52,90.... 0 Total, 74 pour l'année 1856, Tour l'année 1857. Mai, 70.51 76,90 75.09 67.67 70,32 70.74.. -• 0 Juin, 77.20 82.13 80.96 73.93 74.90 76,03.. .. 1 Juillet. 79.64 83.48 82.29 76 25 77.12 77.61.. .. 1 Août, 80.16 83,06 82.19 77.36 78,12 78,45.. .. 1 Septembre, 77,66 82,20 80.60 73.70 75.80 76.23.. ..•8 Octobre, 67.64 71,42 70.25 64,87 66.67 66,77.. ..98 Novembre, 57,63 63,96 61,83 55,53 59,33 59.00.. ..82 Décembre, 55,51 60,16 58,74 53,96 57,03 56,87.. .. 8 Total, 198 Pour l'année 1858. Mai, 67,09 66,61 66,55 58,84 62,84 62,84.. ... 0 Juin, 79.43 Juillet, 1-0.96 82,26 81.53 76,53 76.66 77.46.. ... 2 84.67 84 09 79.32 79.16 80,29.. .. 132 Août, 81.64 85.64 84.10 78,45 79.12 80,38.. ..1140 Septembre, 77.46 81,70 80.73 74,13 76,10 76.96.. ..2204 Octobre, 72.35 77.19 75,35 70,61 7351 73,16.. ..1137 Novembre, 51,83 56,96 55.40 50.56 54.60 53,83. ...244 D4«*mbre. 59.77 62,71 61.93 58,58 60.93 60,58. ... 5 Total, 4844 51 Il suffit de jeter un coup d'œil sur ces tables, compre- nant trois années si différentes sous le rapport de la mor- talité, pour se convaincre de l'inanité d'une pareille pro- position. Prenez pour termes de comparaison les mois de septembre 1853 et 1858. vous y trouverez comme moyennnes thermométrique et hygrométrique les chiffres que voici : Thcrm. Septembre 1856, 77.40.. 80,46.... 79,13 Hygrom. 7393.. 74,73.... 79,40 Therm. Septembre 1858, 77,45.... 81,70.... 80,73 Hygrom. 74-13....76,10....76,96 On voit que la température a été la même pendant le mois de septembre 1856 que pendant le même mois en 1858; quant aux chiffres hygrométriques, ils sont presque identiques; et cependant quelle différence dans la mortalité ! 74 décès en septembre 1856, et 2204 en sep- tembre 1858. L'opinion des observateurs cités par Tom- massini porte donc à faux. Ils se sont appuyés sur des coïncidences; car si la combinaison delà chaleur et de l'humidité était, comme ils 1 affirment, la cause produc- trice du typhus ictérode, nous ne verrions pas cette énorme différence dans la mortalité entre deux années où cette combinaison a existé au même degré. Il y a cependant une foule d'assertions de ce genre qu'on rencontre dans les auteurs qui ont écrit sur la fiè- vre jaune sans prendre la peine de véiifier si elles sont réellement fondées, et, comme elles sent icj élées | ar des médecins d'une haute autorité, elles s'accréditent et pren- nent place dans le domaine de la science. Je considère que dissiper des erreurs c'est se rapprocher de la vérité, et que dans une question aussi obscure que l'étiologie de la fièvre jaune, c'est faire du chemin que d'arriver 52 à démontrer péremptoirement le peu de fondement des causes prétendues sur lesquelles on s'appuie pour bâtir des systèmes. Rien n'est plus pénible que le spec- tacle de l'esprit engagé dans une impasse, se hei rt mt obstinément aux mêmes obstacles, et s'épuisant dans de louables efforts pour se faire jour. Cependant cette lutte est noble ; elle est digne de l'homme : il ne doit pas se Rebuter. L'histoire du passé est là pour lui apprendre ce qu'il peut à l'aide de la patience, de l'énergie et de la volonté. A côté des causes signalées plus haut, je placerai jcomme causes accessoires ou adjuvantes : lo. La malpropreté ; 2o. La pérégrinité des sujets. (Qu'on me passe ce mot emprunté au judiciaire.) J'aurai l'occasion d'étudier ces deux questions dans d'autres chapitres. Voilà donc les éléments tant essentiels qu'accessoires de la cause complexe de la fièvre jaune. Et cependant, il faut bien le confesser, cela ne suffit pas. Tous ces élé- ments ont existé simultanément pins d'une fois dans notre ville sans occasionner d'épidémie. S'il fallait donc formuler algébriquement cette cause complexe, je le ferais de cette manière : lo. Chaleur; (il n'est pas nécessaire qu'elle'1 soit excessive ) ; 2o. Agglomération d'habitants ; >n|usr 3o- Voi'inage des mers ou des grands fleuves; [ ? 4o. iVlalpropreté urbaine; 5o. Pérégrinité des sujets *. > Quel est cet x? Est-il dans les circumfusa, comme la plupart des éléments que je viens de passer en revue? Esi-il dans les infestai Le mal prend-il naissance dans l'in- dividu sous l'influence de la cause complexe que je viens * 11 faut convenir, néanmoins, que ce sont là plutôt lee circons- tances de !i> cause que la caugj» 53 de décomposer ? J examinerai, ce point dpns le chapitre où j'aborderai la question de l'endémie. Prophylaxie.-Pour empêcher le retour d'une mala- die (j'entends ici celle qui est épidémique), il faut en éloi- gner la cause, ou bien quelques uns de ses éléments, si elle est. complexe. Quels sont les éléments que I on peut écarter? Combien en faut-il éliminer pour se mettre à l'abri d'une récidive ? Ce problème renferme à la fois une question d'hygiène publique, la quarantaine comprise, et une de prophylaxie individuelle. Je vais les examiner toutes deux. Il est de toute évidence qu'en détruisant un seul des éléments en question, la chaleur, on abolirait en même temps la fièvre jaune; or, pour cela, il faudrait modifier la nature du climat, ce qui n'est pas au pouvoir de l'hom- me. Mais n'est-il pas possible d'atténuer la chaleur par un système bien entendu d'irrigations quotidiennes, de manière à amoindrir l'influence si puissante de cet agent morbifique ? Ne peut-on pas du même coup la- ver nos rues et les débarrasser des immondices qu'on y laisse séjourner avec une négligence si coupable 1 N'est- il pas aisé de donner plus d'espace aux nouvelles rues que l'on ouvre chaque jour, afin de permettre une plus libre circulation à l'air et de diminuer ainsi le mauvais effet de l'encombrement ? Tout cela est facile, et ce- pendant on ne le fait pas. Ce n'est certes point faute d'avertissements et de conseils de la part des membres delà profession. Nous n'avons guère de pavée que la portion commerciale de la ville ; tout le reste est un amas de boue, d'immondices jetées par tombereaux avec des bêtes mortes qu'on y laisse pourrir. " Dans les premiers temps, dit le Dr. Laroche (vol 1, p. 593), lorsque la ville (Philadelphie) était peu spacieuse, n'ayant çà. et là que quelques maisons, séparées par des terrains vides et abandonnés, entrecoupée de courants d'eau maréca- geuse qui la parcouraient darfi presque toute son éten- 54 diio, de cloaques artificiels ou naturels répandus sur dif- férents points, n'ayant point de rues pavées, la fièvre y était commune et les épidémies n'y étaient pas rares. A présent, la fièvre paludéenne est inconnue dans la ville p op einent dite, ainsi que dans les parties des faubourgs bien desséchées et où les bâtisses sont compactes." Quarantaine, transmissibilité.-On a écrit des volumes sur la quarantaine, les uns pour, les autres contre, il est hors de doute que la fièvre jaune est transmissible dans de certaines conditions encore inconnues. Il nous a été souvent permis de la voir arriver dans notre port et de la suivre, pour ainsi dire, pas à pas dans sa marche, se pro- pageant de navire à navire, de maison à maison, envahis- sant peu à peu un quartier tout entier, s'étendant de là sur la localité voisine et finalement embrasser toute la ville,en obéissant toujours à la même loi de progression. Je sais que l'on m'objectera des faits contradictoires. Je sais que les preuves de non contagion occupent 255 pages dans le savant ouvrage du Dr. Laroche. Maisjenepuis refuser de me rendre à l'évidence quand elle se montre avec des caractères aussi tranchés. Lorsque des faits contradictoires se présentent à l'esprit, il faut les méditer, les étudier attentivement, long-temps, au besoin, sans idées préconçues, afin de trouver une conciliation, si c'est possible ! Ne la trouva t-on pas, mieux vaut suspendre son jugement que d'adopter une opinion que l'on défend ensuite avec d'autant plus d'aigreur qu'on en sent da- vantage la faiblesse. Parcourez la table que j'ai traduite de l'excellent tra- vail du Dr. Carpenter, que de preuves accumulées en fa- veur de la contagion ! Lisez après cela l'article non i conta- gion du Dr. Laroche, quel arsenal d'arguments pour les non-contagionnistes ! Eh quoi, pensez-vous faire plier les faits à la commodité de vos théories ? Empêcherez-vous que la fièvre jaune ait été transmissible quand elle l'a été, w.i qu'elle n'ait pas été transmissible quand elle ne l'a 55 pas été ? N'est-il pas plus logique de chercher et de s'assurer, autant que l'état actuel de la sc/ence nous le permet, si elle n'a'pas ses conditions de transmissibilité ? Ne voyez-vous pas des personnes s'exposer dix fois im- punément au virus de la variole, de la scarlatine, et s'infecter à la onzième? Quel médecin peut se flatter, quelque perspicacité dont il soit doué, de voir bien clair dans ce monde semi-métaphysique des causes invisibles et impalpables ? A l'appui de la thèse que je soutiens, relative aux conditions de transmissibilité, je vais trans- crire ici une observation des plus intéressantes que j'em- prunte à l'ouvrage du célèbre astronome français, F. Arago. Il s'agit de l'influence exercée sur certaines ma- ladies par un vent d'Afri pie qui s'appelle V harmattan. L'auteur explique d'abord ce que c'est que V harmattan : " C'est un vent qui souffle trois ou quatre fois chaque saison, de l'intérieur de l'Afrique vers l'Océan Atlantique, dans la partie comprise entre le Cap Vert (lat. 15° N.) et le Cap Lopez (lat. 1 ° S.) L'harmattan se fait princi- palement sentir dans les mois de décembre, janvier et fé- vrier. Sa durée est ordinairement d'un ou deux jours, quelquefois de cinq ou six. Ce vent n'a qu'une force mo- dérée. L'extrême sécheresse de l'harmattan est un rie ses caractères les plus tranchés. Si ce vent a quelque durée, les branches des orangers, des citronniers, etc., se des- sèchent et meurent ; les reliures des livres (et l'on ne doit pas en excepter ceux-là même qui sont placés dans des malles bien fermées, et recouverts de linge), se courbent comme si elles avaient été exposées au grand feu. Les panneaux des portes et des fenêtres, les meubles dans les appartements craquent et souvent se brisent. Les effets de ce vent sur le corps humain ne sont pas moins évi- dents. Les yeux, les lèvres, le palais deviennent secs et douloureux. Si l'harmattan dure quatre ou cinq jours, les mains et la face se pèlent. Pour prévenir cet accident, les Fantee se frottent tout le corps avec de la graisse. 56 Après tout ce que nous venons de rapporter des fâ- cheux effets que produit l'harmattan sur les végétaux, on pourrait croire que ce vent doit être très insalubre, c'est cependant tout l'opposé qu'on a observé. Les fièvres intermittentes, par exemple, sont radicalement guéries au premier souffle de l'harmattan. Ceux que l'usage ex- cessif qu'on fait de la saignée dans ces climats avait exténués, recouvrent bientôt leurs forces ; les fièvres ré- mittentes et même épidémiques disparaissent aussi comme par enchantement. Telle est enfin l'influence salutaire de ce vent, que pendant sa durée, l'infection ne peut pas être communiquée, même par l'art. Voici le fait sur le- quel se fonde cette assertion ; il est rapporté par un an- cien voyageur anglais, Mathieu Dobson. En 1770, il y avait à Whydah, un bâtiment anglais, the LmYy, chargé de plus de 300 nègres. La petite vérole s'étant déclarée chez quelques-uns de ces esclaves, le pro- priétaire se décida à l'inoculer aux autres. Tous ceux chez lesquels on pratiqua l'opération avant le souffle de l'harmattan gagnèrent la maladie. Soixante-dix furent inoculés le deuxième jour après que l'harmattan avait commencé à se faire sentir : aucun d'eux n'eut ni mala- die, ni éruption. Toutefois quelques semaines après, à une époque où l'harmattan ne régnait.plus, ces mêmes in- dividus prirent la petite vérole, soit naturellement, soit artificiellement. Ajoutons, que pendant cette seconde éruption de la maladie, l'harmattan ayant recommencé à souffler, les so xante-dix esclaves qui en étaient atta- qués furent tous guéris." [Astronomie populaire, p. 593, vol. 1.] Remarquez qu'il existe, dans la même contrée, d'autres vents analogues, le semoun et le chamsin, qui, d'après le même auteur, sont particulièrement chauds et secs, et en- traînent avec eux des tourbillons de poussière. "Le se- moun, ajoute-t-il, dessèche les outres dans lesquelles les voyageurs réunis en caravanes portent leur eau, et c'est par là surtout qu'il est à craindre. En juin 1815, Burck- hardt, allant de Tor à Suez, vit une outre perdre en une matinée le tiers de son eau par l'évaporation qu'occa- sionna le semoun." - Même ouv., p. 595, vol. 1. Voilà donc un vent qui a la singulière vertu de faire cesser brusquement des fièvres intermittentes, rémitten- tes, même épidémiques, et qui arrête ex abrupto le déve- loppement fie la variole, soit naturelle, soit artificielle. Exp'ique qui pourra comment le semoun, comment le chamsin qui dure 50 jours, revêtus à peu près tous deux des mêmes caractères que l'harmattan, n'exercent au- cune influence analogue à celle fie ce dernier vent sur les maladies, quand les effets opérés sur les végétaux sont presque identiques? Ici, la cause et l'effet sont parfaite- ment saisissahles, grâce à l'invariabilité des résultats pro- duits. L'harmattan souffle t-il, la maladie s'arrête brus- quement ; cesse-t-il de souffler, le mal reprend son cours. Impossible fie nier le merveilleux effet de l'harmattan. Mais en vertu de quel le loi pro luit-il cet étrange résultat, à l'entière exclusion du semoun et du chamsin qui lui ressemblent d'ailleurs à tous égards? Il y a évidemment là un emboîtement de causes plus ou moins nombreuses. Eh bien ! pour en revenir au typhus ictérode. ne peut il pas exister, comme nous venons de le voir pour la variole, soit naturelle, soit artificielle, pour les fièvres intermit- tentes, rémittentes, et même épidémiques, des conditions latentes de transmissibilité qui expliquent sa propagation dans certains cas, tandis que ces conditions manquant, la propagation n'a plus lieu l Reconnaître à la fièvre jaune un caractère de trans- missibilité, dans de certaines conditions, c'est admettre l'utilité de la quarantaine. Mais je me hâte d'ajouter que celle établie dans notre port est loin de répondre au but qu'on se propose. Pour que cette fut efficace, il faudrait qu'elle fût géné- rale. C'était eu vuj de traçai un plau uniforme de quaram 8 58 taine pour toute l'Union, qu'a eu lieu, il y a deux ans, à Philadelphie, une grande convention de médecins députés par chaque Etat; mais elle n'a conclu à rien. On comprend que la quarantaine de la Balise et celle de i'Aichafalaya seront toujours vaines, tant que les voyageurs pourront nous arriver par la Mobile. On trouvera dans les excel- lents rapports annuels du Dr. Axon des vues très sages sur ce sujet et des conseils qui devraient être mieux écoutés. La fièvre jaune est-elle endémique en Louisiane? Il rè- gne encore une grande divergence d'opinions à ce sujet parmi les médecins. Les uns la croient toujours importée, les autres pensent qu'elle appartient au sol. D'après le tableau historique du Dr. Carpenter, la première épidé- mie, celle de 1796, aurait été importée. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on ne trouve (pie rarement un exemple non équivoque de fièvre jaune ayant pris spontanément nais- sance parmi nous. J'ai pensé d'abord que le cas de Mary Maxwell aiderait à trancher la question dans le sens de l'affirmative, mais on a vu que des informations ultérieu- res sont venues infirmer cette opinion. En effet, de l'aveu même de ceux qui soutiennent la doctrine de l'endémie, nos épidémies de fièvre jaune sont, presque toutes, précé- dées plus ou moins de temps avant l'explosion, de plu- sieurs, ou au moins d'un cas importé de quelque port infecté. En outre, il est très digne de remarque que les premières attaques prennent toujours naissance dans le voisinage des vaisseaux (pii garnissent notre port. Voyons si nous trouverons dans les faits de quoi résoudre lp diffi- culté. Parmi les partisans de l'endémie, le Dr. E. D. Fenner est un de ceux qui se sont le pins ardemment occupés de cette question, et il l'a fait, il faut le dire à sa louange, avec une impartialité que les hommes de science ne sauraient trop imiter. Voici le lésumé de investiga- tions relatives à l'épidémie de 1853 : " La maladie fit sa première apparition parmi l'équi- 59 page de VAugusta, qui arriva directement de Brême ici, le 17 de mai, et alla se placer en face de la rue Joséphine, dans le 4me district. En m'enquérant des faits, j'appris que ce navire avait amené plus de 230 passagers d Europe. et que ceux-ci avaient joui d'une parfaite santé pendant tout le voyage. Il était mort seulement deux enfants de la diarrhée, lue navire Augusta avait été remoiqué de l'em- bouchure du fleuve à la ville, par le même bâteau à va- peur que le Ca rnboden-Castle, bâtiment anglais venant de Kingston (Jamaïque). Pendant le trajet sur le fleuve, il avait existé une libre communication entre les deux vais- seaux. Ayant ouï-dire que la fièvre jaune sévissait dans le moment à Kingston, et (pie le Camboden-Castle y avait perdu son capitaine et plusieurs hommes de l'équipage,je me rendis avec le Dr. Dalton chez le consignataire, oü je fus assez heureux pour rencontrer le capitaine qui me dbnna les renseignements qui suivent : "Le capitaine Chaplin a pris le commandement du na- vire Çamboden Castle à Kingston, le 1er de mai dernier. Il y avait alors à Kingston un grand nombre de cas de fièvre jaune, et le Cumboden-Castle avait perdu, de cette maladie, plusieurs hommes de l'équipage. Le vaisseau était resté six ou huit semaines dans ce p rto .Le capi- taine engagea sept nouveaux matelots pour remplacer ceux qui étaient morts. Ils étaient, les uns, Américains, les autres, Anglais : il croit, sans pouvoir l'affirmer, qu'ils n'étaient point acclimatés, li partit, sur leste, le 2 de mai, de Kingston pour la Nouvelle-Orléans. Il dit que son navire fut complètement nettoyé avant de sortir, etqu'on l'arrosa de chlorure pour prévenir tout danger de maladie en mer. 11 arriva à la Balise le IG mai, à la Nouvelle- Orléans le 17, et amarra à la borne 27, à la partie supé- rieure du 4me district. Le navire Augusta et le C. Castle furent remorqués par le même bateau à vapeur. Le ca- pitaine Chaplin affirma qu'aucun cas de jièvre jaune n'a éclaté à son bord depuis son départ de Kingston, soit en 60 mer, soit dans le port."-History of the Epid. YpIIow fever ; given, June the 8lh.. N. O. 1853. Il est bon fie noter qu'une fois arrivés à la Nouvelle- Orléans, les deux navires se séparèrent et se placèrent à la distance d'un mille l'un de l'autre. Ceci se passait le 17, et voilà que le 23 du même mois, un matelot de l'yltz- gusta, âgé de 21 ans, tomba malade. Il fut examiné par le Dr. Schappert, qui crut reconnaître les symptômes d'une gastro-duodénite : peau chaude et sèche, pouls à 100, haleine fétide, nausées et vomissements jaunes. Il sortit guéri le 14ème jour. Le 25, un second matelot fut attaqué des mêmes symptômes, à bord de \'Au- gusta; le 27, deux autres; le 30, un cinquième, qui mourut, et dans l'estomac duquel on trouva, à l'autopsie, environ deux onces de Black vomit. Il éc'ata d'autres cas, ajoute le Dr. Fermer, mais il ne put recevoir, à cet égard, aucun renseignement du Dr. Schappert. Aucun fies ma- lades ne vomit noir, mais on trouva du Black vomit, dans l'estomac de tous ceux qui moururent. Le Dr. Fermer passe ensuite au premier cas observé dans la ville par le Dr. Schappert. " Le sujet est un boucher âgé de 23 ans, à'Ia Nouvelle-Orléans depuis un an, demeurant dans la rue Chipewa, quatrième district, à trois ïlets du fleuve, et à onze au-dessus del Augusta. Il n'avait eu, qu'on sache, aucune communication avec le navire. Il fut pris le 26 mai d'une fièvre forte, d'une vio- lente céphalalgie, de douleurs aux lombes aux mem- bres ; la langue était suburrale. la soif grande 1 il y avait constipation- Le jour suivant, il se manifesta fies pété- chies sur tout le corps, mais principalement aux extré- mités ; hémorrhagie du nez et fies gencives ; la peau et les yeux légèrement jaunes. Un purga if donna lieu à des évacuations noires et fétides. En même temps le ma- lade rendit par la bouche une grande quantité de matières noires. L'hémorrhagie nasale continua plusieurs jours et la peau devint tout à-fait jaune." 6l Le premier cas observé à l'hôpital éclata chez un cer-* tain James McGuigan, Irlandais, âgé de trente-six ans. Il entra à l'hôpital le 27 de mai. Il déclara être malade depuis plusieurs jours. 11 était passager à bord du Northampton, venant directement de Liverpool, ayant à bord trois ou quatre cents passagers. Il arriva dans notre port le 9 de mai. On se rappelle que V Augusta était ar- rivé le 17 du même mois. Ces deux navires étaient amar- rés à cent yards de distance l'un de l'autre. Ici nous trouvons une contradiction flagrante entre la déclaration du capitaine du Northampton. et celle de Mr. Parshley, l'arrimeur. " Mr. Parshley rapporte que le 10 on envoya du monde à bord pour nettoyer le navire, et qu'on fut obligé de suspendre ce travail à cause qu'on découvrit à l'infirmerie quelque chose qui ressemblait au black vomit. Le capitaine affirma de son côté qu'à son arrivée, son navire était dans un état de propreté supérieur à celui de la plupart des autres. Pendant tout le temps de son sé- jour ici, il n'eut qu'un seul cas de fièvre à bord, sur un jeune garçon qui tomba malade le 10 juin et qui fut soi- gné par les Drs. Austin et Thorp qui déclarèrent que c'était la fièvre jaune. Le jeune homme guérit. Le ca- pitaine ajoute qu'après avoir quitté le port (le 14 juin,) son second fut atteint de la fièvre jaune et mourut le 18. Lui-même fut légèrement frappé le 20, sans même être obligé de garder le lit." De quelque côté que soit la vérité, nous avons toujours la certitude, lo que le Northampton et l'Augusta étaient amarrés à cent yards l'un de l'autre ; 2o que le premier de ces navires a quitté le port le 14 juin, c'est-à-dire vingt- et-un jours après l'explosion de la maladie à bord de V Augusta ; 3o que la fièvre jaune s'est manifestée parmi l'équipage du Northampton peu de temps après qu'il eût quitté le port. Est-ce pure coïncidence que tout cela, ou bien, est-il permis de voir là une liaison de cause à effet ? Pour ma part, je penche fortement vers la dernière hypo- 62 thèse. Je m'appuie sur les considérations suivantes : îo les antécédents du Camboden-Castle, qui avait séjourné six ou huit semaines dans le port de Kingston où régnait une forte épidémie, et qui y avait perdu sept matelots; 2o fesant partie du Bureau de Santé depuis plusieurs an- nées, je connais l'aversion des capitaines pour les lois de quarantaine, et je sais combien ces Messieurs sont dési- reux d'y échapper. La version de Air. Parshley me pa- raissant complètement désintéressée, il est de bonne phi- losophie, je crois, de lui accorder plus de crédit. Passons à l'épidémie de 1854. "Le 8 d'avril 1854, (je traduis le Dr. Fenner,) une dame arriva ici de la Ha- vane, rendue à la dernière période de la fièvre jaune. Elle en avait été atteinte peu de temps après avoir quitté le port. Elle fut transportée à l'hôtel St. Louis, l'un de nos plus vastes hôtels, où elle mourut le jour suivant, après avoir vomi noir. La peau était jaune; ce fut un cas isolé. Pas un des pensionnaires de rétablissement ne contracta la maladie." Notre confrère ; aile d'un second sujet qui mourut le 18 juin. Je passe ce fait sous silence, parce que lui-même ne paraît y attacher aucune importance. Le premier cas authentique fut admis à I hôpital Luzemberg le 17 de juin. Le malade était un Allemand robuste, âgé d'environ trente ans, dans le pays depuis trois ans, employé pres- que exclusivement à bord dts bateaux à vapeur qui font le voyage de la Nouvelle Orléans à St. Louis et à Louis- ville. Il arrivait de l'une de ces deux villes, et alla loger dans la rue Fulton, entre la 8ème et la 9ème rue, dans le haut du 4ème district, près de Lafayette. Le Dr. Lan- genbacher qui l'a traité, a reconnu une véritable fièvre jaune. Le second cas se manifesta sur une Allemande depuis six mois dans la ville et qui demeurait rue Nouvelle-Le- vée, 74, près du fleuve- Elle fut conduite à l'hôpital Lu- zenberg le 24 juin. Aux yeux du Dr. Langenbacher à. 63 qui appartiennent ces premières observations, c'était vé- ritablement de la fièvre jaun . La malade eut plusieurs hémorrhagies nasales et devint jaune. La troisième personne atteinte fut une servante alle- mande d'environ 17 ans, demeurant dans la rue Jeffer- son ; petite rue qui aboutit au port. Elle habitait la ville depuis six mois. Elle fut transportée à l'hôpital Luzenberg le 29 juin, et y mourut le 2 juillet, après avoir vomi noir. Enfin le4ème malade fut un boulanger allemand d'en- viron 32 ans. Il habitait la ville depuis six mois, demeu- rait dans la rue Quatrième (haut de la ville). Il entra à l'hôpital Luzenberg le 30 juin, trois jours après l'invasion de la maladie. Il vomit noir le jour même de son entrée, et mourut le lendemain, avec hémorrhagie nasale et in- testinale. Cet homme travaillait dans l'intérieur de la Boulangerie delà Louisiane, n'étant jamais employé à apporter le pain, soit dans la ville, soit à bord des na- vires. Cas importé de la Havane.-" Le jour même de l'entrée du dernier malade à l'hôpital, on porta dans la même chambre, continue le Dr. Fenner, un matelot espagnol arrivé à la dernière période de la maladie. Il mourut le 3 de juillet. Il venait d'un navire qui arrivait de la Ha- vane ayant à bord plusieurs personnes atteintes de la fiè- vre jaune. Ou porta à I hôpital p usieurs autres marins provenant du même navire, qui avait mouillé près de la presse à coton d'en bas, à deux milles au moins de l'en- droit où le premier cas de fièvre jaune ci dessus mention- né a. ait pris naissance, H est bien vrai, néanmoins, qu im- médiatement après l arrivée de ce navire de la Havane, la Jièvre jaune éclata à bord, des vaisseaux voisins et devint épi- démique dans cette partie de la ville, longtemps avant de le devenir dans le lieu d origine des premiers cas." Quelle part a eue le navire, se demande le Dr. Fenner, dans cette 64 étrange propagation ? 11 laisse au lecteur le soin de tirer ses propres conclusions Je passe à l'épidémie de 18'6. 1er cas-(Dr. Fenner's reports, 1854-56.)-John Hailey entra à l'hôpital le 30 avril et mourut le 3 de mai. Il paraîtrait qu'il est tombé malade en descendant le fleuve à bord du Louisa ou du Rapid, où il était employé comme cuisinier. Comme il n'était pas question de fièvre jaune dans le moment, on avait considéré sa maladie comme une forme bilieuse, lorsqu'il vint à vomir noir. Les appréhensions oc- casionnées dans l'établissement par ce vomissement noir, ne tardèrent pas à se calmer. Mais voilà que le 19 de juin, on porta à l'hôpital un malade gravement atteint. Il mourut le 20, après avoir eu des vomissements noirs abondants. Cet homme s'appelait Barneman ; il était Al- lemand; âgé de 21 ans ; à la Nouvelle-Orléans depuis un mois. Il demeurait rue Girod et travaillait sur la Levée au chargement des bâteaux. Il était tombé malade le 15 juin. A l'autopsie, on trouva une grande quantité de black vomit, dans l'estomac. Cependant, continue le Dr. Fermer, en consultant les rapports de juillet dernier, on verra que déjà le 15 juin, il était entré à l'hôpital un certain Ch. Draugod, natif d'Allemagne, atteint de fièvre jaune, arrivant directement de Liverpool. 11 était à la ville depuis cinq semaines lors- qu'il tomba malade. Depuis son arrivée, il était em- ployé comme domestique dans l'établissement, de Frank Weber, et n'avait jamais eu de communication avec au- cun vaisseau. Comme les autres faits quecite l'auteur sont tous identi- ques à ceux déjà mentionnés, je me dispenserai de les re- later. Les personnes qui désireront les consulter, les trouveront p. 17 et suiv., dans le rapport du Dr. Fenner pour l'année 1856. Une courte analyse maintenant de tout ce qui concerne les épidémies de 1853, 54 et 56 : La maladie en 1853 éclate évidemment à bord de 65 VAugusta, (venant il est vrai de Breme où le typhus icté- rodeest inconnu), ma s ayant rem mté le fleuve en compa- gnie du Camboden Castle, qui seize jours auparavant, avait la s é le port de Kingston après y dvoir fait un séjour de sept ou huit semaines, en présence d'une épidémie violente. Le Camboden perd sept de ses matelots. Il est vrai que depuis lors le Gambolen n'a eu ni en mer, ni dans le port, aucun nouveau cas de fièvre jaune. Il ne resterait donc plus que cette double* alternative : lo. Ou la fièvre jaune quia éclaté à bord de V Augusta lui a été communiquée par le Camboden Castle • 2o. Ou elle a pris spontanément naissance sur le premier de ces deux navires. C est un dilemme auquel on ne peut échapper. Eh bien, consultons les faits. Le Dr. Laroche, dans son savant ouvrage, cite bon nombre de navires à bord desquels la fièvre jaune a éclaté spontanément. Il est démontré que dans tous ces cas, les navires étaient dans un grand état de malprof r té ; d'autre part qu'ils n'avaient touché à aucun port in- fecté. C'est très bien. Mais si le typhus ir.t érode, en rai- son de la malpropreté, peut naître spontanément à bord d'un vaisseau, le séjour de ce même vaisseau dans un port infecté ne doit-il pas favoriser, activer même le déve- loppement de cette maladie à bord ? Or, celle-ci une fois engendrée (de quelque façon que ce soit), ne doit-elle pas tendre à se communiquer non-seulement aux personnes du navire, mais aussi à celles qui se trouvent dans son voisinage, s'il est actuellement dans un port ? Car en- fin, de quelle manière se transmet-elle aux hab tants du navire, si ce n'est par l'air infecté contenu dans les flancs de celui-ci. Or, si cet air infecté si* répan I dans le voisi- nage du vaisseau, parmi la population qui borde les quais, en vertu de quelle loi cette population échappera t-elle à son influence délétère? Cela me paraît logi pie, et c'est dans le Dr. Laroche lui-même (vol il, p. 413) que je veux puiser un argument à l'appui de mon raisonnement 66 "En 1799, le sioop Mary fut envoyé à Philadelphie. 11 ne venait point d'un port infecté, et à l'époque de son arrivée, il n'y avait personne de malade à bord. Dès qu'on l'eut eu déchargé, on lava le pont, et l'on ferma les écoutilles et les hublots. Il demeura trois semaines dans cet état, le temps étant alors très chaud et très sec. L'intérieur et les espaces compris ertire les courbes con- tenaient une quantité de substances végétales (du café) qui, mêlées avec l'eau de la cale et celle provenant du la- vage du pont, entrèrent en fermentation, grâce à l'éléva- tion de la température ainsi qu'à un air non renouvelé, et donnèrent lieu à l'effluence de gaz délétères. Ces effluves pernicieux, créés en si grande abondance, dit le Dr. Cald- well, n'ayant aucune issue pour s'échapper et se dissiper ainsi dans l'atmosphère, se mêlèrent avec l'air renfermé dans le sloop et l'infectèrent. Les personnes qui travail- laient dans le voisinage du wharf [quai] ne tardèrent pas à découvrir une odeur analogue à celle de l'eau de cale ordinaire, mais plus nauséabonde, et à en être incommo- dées. On s'aperçut à la fin qu'elle prenait sa source à l'endroit même où le Mary était amarré. On n'eut pas plus tôt ouvert les hublots et les écoutilles que l'air cor- rompu s'échappa à torrent, et répandit dans le voisi- nage une odeur suffocante. Plusieurs personnes qui s'é- taient exposées à cette effluence pernicieuse présentèrent, quelques jours après, tous les symptômes de la fièvre jaune Ainsi, plusieurs personnes exposées à ces effluves offri- rent quelques jours après les symptômes caractéristiques de la fièvre jaune. Remtyquez que le Dr. Laroche ne dit pas : "-plusieurs personnes du bord", ce qui permet de * Si, dans les exemples cités, l'éclosion spontanée de la fièvre jaune était due uniquement à l'état de malpropreté des navires, pourquoi de pareils faits ne s'observeraient-ils pas dans les ports de Liverpool, du Havre, etc., où il se trouve, à coup sûr. des vaisseaux offrant les menue conditions de malpropreté ? 67 supposer qu'il est aussi bien question des personnes d'a- lentour. En effet, il n'était pas nécessaire de s'expliquer plus clairement, car il est de toute évidence que cet air pestilentiel qui donnait la fièvre jaune aux personnes du bord, devait produire le même effet sur celles qui de- meuraient à proximité du navire. Supposé maintenant que cela se passe dans une localité propre au développe- ment du typhus ictérode, et dans un moment où les con- ditions qui favorisent l'éclosion se trouvent réunies, n'e-t- ce pas assez, je vous prie, pour allumer l'incendie? C'est précisément ce qui a eu heu cette année, comme tou- jours ; car nous voyons que le premier cas authentique observé à l'hôpital est celui de McGuigan qui a présenté, de son vivant, le groupe de symptômes propre à la fièvre jaune, et après sa mort les lésions pathologiques caracté- ristiques de cette maladie. Or, d'où venait ce McGuigan ? du Noithampton amarré à cent yards de VAugusta. Mais, la vérité se montre d'une manière plus éclatante encore pendant l'épidémie de 1851. Rappelez-vous ce matelot espagnol arrivé de la.Havane, à la dernière période de la maladie. Rappelez-vous cette si remarquable circons- tance du mal qui se propage aux navires voisins ; de là, dans le quartier le plus prôche pour revêtir la forme épi- démique dans cette partie de la ville, alors que quelques cas qui auraient éclaté bien avant dans le haut de la cité res- taient à l'état sporadique. Les mêmes faits se reprodui- saient l'année dernière ; qu'on se souvienne du brick Rosa- lie, du Wright, du Stevens, etc. En voilà suffisamment,je crois, pour prouver que la fièvre jaune peut être transmise après avoir été importée. * * * Les faits suivants relatés par le Dr. R. B. Hargis, médecin de l'hôpital do la marine de Pensacole, militent fortement en faveur de la transmission individuelle. li Le 14 septembre 1854, Joseph Gol- der, capitaine de la barque Afjred Exall, de la Havane, entra à l'hôpital avec la fièvre jaune. Comme nous avions alors dans l'éta- blissement plusieurs personnes atteintes d'autres maladies, et uns 6S Mais il est un point important et digne d'être médité sur lequel je veux m'appesantir ; j'y appelle toute la ré- flexion du lecteur : je veux parler du choix constant que la fièvre jaune fait du quai pour berceau. Cette particu- larité est vraiment frappante. Notre regrettable confrère le Dr. Thomas, qui vient de terminer à Paris une carrière laborieuse et honorable est tombé, à ce sujet, dans une singulière contradiction, entraîné qu'il était par l'idée de non contagion. Dans son rapport à l'ancienne Société Médicale sur l'épidémie de 1837, il dit : " La sécheresse jointe à une forte chaleur, succédant à des pluies abondantes et long temps prolongées, agit sur les eaux croupissantes déposées par ces mêmes pluies; elle les corrompt ainsi que les matières végétales et animales qui s'y trouvent mêlées. De là une émanation donza'ne de convalescents, le malade, conformement aux réglements établis à l'égard des affections contag euses, fut placé dans une salle séparée, toute commun'cat'on étant interdite, si ce n'est avec les personnes qui le soignaient. Deux des convalescents se mirent en contravention avec les réglements: l'un d'eux, D iv.dson, écrivit le 20 septembre, plusieurs lettres sur la table de Guider ; le 23, il tomba malade et mourut le 24 en vomissant noir. Bynton, convalescent d'une affection hépatique, fut pris de la fièvre le 23 et mourut le 25 en vomissant noir également. Dans ces deux ca>, on put voir se dé- velopper tous les symptômes de la fièvre jaune. L'examen cadavé- rique confirma le d.agnostic. Comme cette année, l'hôpital était trop encombré pour permettre d'isoler les individus atteints de fièvre jaune, six autres des conva-. lescents contractèrent la maladie.-A'ew Orléans Medical iXews and Oazette Hospital, 1859." Le Dr. Harg.s cont nue et c te plusieurs autres cas qui ont succédé à ceux signalés plus haut. Nous avons vu, au contraire, que la m.ilad e, dans des circonstances analogues, ne s'est pas propa- gée dans notre hôpital de la marine. Pour expliquer ces faits con- tradictoires, il faut admettre Vopportunité Brovinièn°. Celui qui voudrait s'en donner la peine, recueillerait indubitablement des faits identiques concernant la scarlatine, la variole et même la syphilis, nui doute cependant de la transmissibilité de ces maladies? 69 de gaz délétères, etc. Ces gaz ou miasmes étant comme on sait la cause principale du développement de. ce fléau dans les pays chauds, il n'est donc pas étonnant, etc." Puis il ajoute immédiatement : u En effet les premiers cas observés vers la moitié du mois de juillet se montrèrent non loin du fleuve, dans le centre de la ville, puis la maladie gagna ses divers quar- tiers, non de proche en proche, comme le veulent les con- tagionistes. mais affectant d'abord les endroits situés près de foyers miasmatiques." Mais, de grâce, où trouve-t-on de plus vastes foyers miasmatiques qu'autour de nos faubourgs, surtout à l'é- poque où le Dr. Thomas écrivait les réflexions que je viens de citer ? Or, pourquoi la fièvre jaune ne prend- elle pas naissance là, au milieu de ces marécages où fleurit le miasme paludéen, auquel, soit dit en passant, on fait jouer, parmi nous, un rôle plus important qu'il ne le mérite. J'ai cité ce passage avec tout le respect dû à la mémoire d'un médecin qui a été utile à la science, pour faire voir à quelles contradictions entraîne une idée systé- matique. Je ne nie pas le miasme paludéen ; il existe des faits qui obligent à l'admettre, bien que l'eudiométrie n'ait dé- couvert jusqu'à présent dans la malaria que les gaz hy- drogènes sulfuré et carboné, qui certes n'expliquent pas les funestes effets des marécages. Les expériences de M. Gasparin, citées par M. Becquerel, ne me paraissent pas concluantes. M. Gasparin, après avoir recueilli une certaine quantité de cette vapeur condensée [des ma- rais], en frictionna des moutons et leur en fit boire ; il vit se développer chez eux la maladie à laquelle on donne le nom d'hydrémie. L'hydrémie n'est pas une maladie spécifique ; elle peut être le résultat de causes tout-à-fait étrangères à fa malaria. Un fait qui me paraît bien plus concluant, c'est celui cité dans le même ouvrage de M. Becquerel ( ÏVa/té élémentaire d'Hygiène, p. 211}, et emprunté à Gaëtano- 70 Giorgini. Il s'agit de l'effet pernicieux du mélange des eaux douces et des eaux salées.' 11 Ainsi, d'après Giorgini. la plaine marécageuse formée dans l'Etat de Massa, par l'Arno et le Perchio, recevait constamment l'eau salée que les marées lui envoyaient, et la ville de Viareggio ainsi que les environs, offraient jusqu'en 1741, l'aspect d'une dépopulation due à l'in- fluence de ces marais. A cette époque, une écluse de séparation des eaux douces et des eaux salées fut cons truite ; dès l'année suivante, les effluves ne reparurent plus dans le voisinage, et la population s'accrut ; mais en 1768 et 1769, les écluses endommagées laissèrent péné- trer l'eau de la mer, et ces deux années Viareggio et les bords des lacs de Massacuccioli furent de nouveau rava- gés par la maladie ; le rétablissement de l'écluse la fit cesser ; un oubli pareil, en 1784, amena les mêmes résul- tats. Les habitants de Montignoso, placés dans des con- ditions pareilles, sollicitèrent les mêmes secours ; une semblable écluse améliora leur sort. Deux autres furent construites à Montrone, en 1818, et à Tonfalo en 1820 ; le même succès couronne ces travaux." Becquerel, 7r. d'Hyg., p, 212. Qu'on se rappelle, à côté de cela, le fait relaté dans un chapitre précèdent relatif à l'année 1831, pendant laquelle une tempête affreuse (Journ. de la Soc. Méd. de la N. O.] avait refoulé les eaux de la mer dans le lac. "Il en résulta, ajoute l'auteur de l'article, une inondation de tout l'espace compris entre la ville et ce lac. Des pluies abondantes et continuelles eurent lieu en même temps, et l'on vit bientôt une large superficie de terres basses transformées en lac, et une partie de la ville et de ses faubourgs submergée pendant plus d'une semaine. Cette masse liquide, com- posée d'eau de mer et d'eau douce, mélange qui passe pour favoriser la putréfaction à un très haut degré, ne s'écoula qu'en partie; la plus grande quantité fut évaporée rer 1'; vleur du soleil, et laissa à découvert un sol humide 71 et fangeux, avec tous les éléments d'un vaste marais su- bissant l'influence d'une atmosphère brûlante. Quoique cet évènement fut arrivé au mois d'août, époque la plus favorable au développement de la fièvre jaune, il ne s'en montra pas un seul cas cependant." J'ai répété à dessein cette citation à côté de l'extrait emprunté à Mr. Becquerel pour faire voir que des causes identiques, du moins en apparence, ne donnent pas tou- jours lieu aux mêmes effets. Néanmoins je suis convaincu, d'après mes propres ob- servations, que le miasme paludéen n'est pas aussi fré- quemment qu'on le suppose, la cause, même des fièvres in- termittentes qui régnent en Louisiane. Je crois que dans la grande majorité des cas elles sont dues au refroidisse- ment. Remarquez qu'elles deviennent communes en au- tomne, époque à laquelle commence à souffler le vent de nord, vent qui, à partir d'octobre jusqu'à la fin de l'hiver, reparaît périodiquement tous les trois ou quatre jours d'une manière brusque, et si violente dans le cœur de 1 hiver, que l'on désigne ici son apparition sous le nom do " coup de nord."" J'ai eu l'occasion l'année dernière, vers la fin d'octobre, d'observer au vieux lac (à trois milles de la ville), les fièvres intermittentes qui y régnent périodi- quement dans cette saison, et que les habitants de la lo- calité qualifient de fèvres dulac, précisément parce qu'el- les apparaissent avec le vent de nord qui souffle du large. Les quelques casque j'ai traités là cédaient diffi- cilement au sulfate de quinine. Je me suis vu obligé de faire transporter à la ville une négrite qui en était at- teinte, et qui n'a pu en être débarrassée autrement. Je ferai remarquer que la maison habitée par les per- sonnes que j'y allais visiter est bâtie sur une butte de coquilles. Elle est entourée à la fois du lac, d'un bayou qui la côtoie, et d'immenses lagunes remp ies d'eau salée qui monte et descend avec le flux et le reflux , se renouvelant ainsi sans cesse. Les mai- sonnettes d'alentour, élevées sur les bords du bayou, sont submergées toutes les fois que le vent nord vient augmenter la force du flux. A l'époque de l'an- née dont je parle, les jouas qui occupent les lagunes sont en pleine végétation On ne peut donc alléguer des détri- tus de végétaux donnant, lieu par la fermentation à l'ef- fluence de gaz délétères. Il me paraît dès lors de toute évidence que les fièvres qui régnent dans cette localité à l'époque dont il est question, sont dues à une transition brusque de température : au refroidissement. J'ai rencontré, dans le cours de ma pratique, un grand nombre de fièvres intermittentes réfractaires aux diffé- rentes préparations de quinine et qui ont cédé, comme par enchantement, à l'usage d'un gilet de flanelle qui en- tretenait une perspiration douce et constante. C'est l'effet qu'accusaient les fébricitants à qui j'avais conseillé ce moyen. Je crois qu'il est très important, sous le point de vue thérapeutique, d'appeler l'attention sur cette cause si fréquente des-fièvres intermittentes, dans ce cas impro- prement appelées paludéennes. Les médecins qui ont beaucoup vu. savent, du reste, combien sont variées les causes productrices de ces fièvres. Mon dessein n'est pas de les passer ici en revue. Je le répète, si la fièvre jaune était due au miasme palu- déen, elle devrait toujours naître dans le voisinage des marais, et de là se propager aux lieux voisins, en atta- quant de préférence, dans sa marche, les localités les plus basses et conséquemment les plus paludéennes. C'est le contraire qui a lieu. Les premiers cas éclatent inva- riablement dans le voisinage du fleuve, presque toujours même à bord d'un navire ou nouvellement arrivé ou dans le port depuis quelque temps. Si quelqu'un d'étranger au vaisseau est frappé le premier, vous pouvez affirmer que c'est un riverain qui a communiqué avec les navires du port. J'insiste sur ce point, parce qu'il me paraît de la plu» haute importance, tant sous le point de vue de l'é- 73 tiologie, que sous le rapport de la prophylaxie. Eu sou. mettant ce fait à une analyse rigoureuse, voyons c e qu'il est logiquement permis d'en induire. A quoi tient cette éclosion constante du typhus icté- rode sur la rive urbaine du Mississipi ? L'attribuera-t- on à la malpropreté des demeures situées le long de la levée? Je réponds que la même cause existe dans la pro- fondeur des faubourgs, dont les maisons, grâce à la modi- cité du loyer, sont habitées par des familles pauvres. Si l'on m'objecte la pérégrinitc des riverains, je fais observer que nos faubourgs sont habités en grande partie par des étrangers à petites ressources qui vont y chercher une vie économique. J'ajouterai que ces derniers vivent dans le voisinage de canaux sans cesse récurés et de marais in- fects. 11 ne reste, à mon avis, que deux explications plau- sibles, dont la justesse est prouvée dans le chapitre même que le lecteur vient de parcourir. Nous venons de voir en effet : lo. Que la fièvre jaune peut être transmise ; 2o. Qu'elle peut prendre spontané- ment naissance à bord d'un navire, lors même qu'il ne vient point d'un port infecté. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin ; l'explication est trouvée, si les deux propositions émises plus haut sont vraies. Or, il me sem- ble difficile d'en douter, en présence des faits que j'ai cités à l'appui. En outre, elle satisfait l'esprit, puisqu'elle rend parfaitement compte de cette éclosion constante, inexplicable autrement, du typhus ictérode sur la rive urbaine du Mississipi. Il paraît très probable que si notre port était déplacé, et que les vaisseaux allassent séjourner à proximité de toute autre ville suffisamment peuplée, sur un point quelconque le long du fleuve, il paraît proba- ble, dis je, que la fièvre jaune éclaterait là comme plie le fait à la Nouvelle-Orléans, en raison de la présence des navires*. Si cette assertion n'est pas juste, il restera * Plusieurs cas de jaune éclatèrent aux collines de B ible, à environ trente-cinq milles au-dessus de l'embouchure de la rivière 10 74 toujours cette question, autrement impossible, a résoudre: pourquoi la fièvre jaune naît-('Ile constamment le long de la rive urbaine ? Cette particularité ne tient, nous l'a- vons déjà vu, ni à la malpropreté des deuxuires, ni à la pérégrinité des sujets, puisque cette double condition est identique dans les faubourgs. A quelle cause faut-il donc la rattacher? La solution s'offre naturellement par le double'fait de l'importation et de la naissance spon- tanée de la fièvre jaune à bord de navires, même en pleine mer, et ne venant point de ports infectés. En dehors de cette? interprétation des faits, l'explosion constante de la maladie dans le' port ou dans son voisinage (dans ce dernier cas, chez des personnes ayant communiqué avec les navires) devient inexplicable. Qu'on se rappelle l'exem- ple du Tonnerre en 1857. Ce navire, dont l'équipage et les passagers furent plus que décimés par la fièvre jaune, fut soumis à une quarantaine sévère, et la ville fut exempte d'épidémie cette année. Qu'on se rappelle à côté de cela ce vaisseau qui, en proie au typhus irtérode, vint se placer, en 1854, au bas de. la ville. On vit le mal se propager de navire en navire, de proche en proche, et s'épidémiser dans cette partie de la cité, tandis que quel- ques cas isolés, éclatés plus haut, deux ou trois semaines auparavant, restaient à l'état sporadique. Il est digne de remarque qu'à la Vera-Cruz, port maritime, la fièvre Déméréra. Néanmoins, on ne les observa qu'il bord de vaisseaux qui, après avoir vainement attendu du frit à Georgetown, s'étaient rendus aux collines pour se lester. Pendant l'épidémie, plusieurs navires s'é- taient avancés dans l'intérieur, par la rivière Essequibo, pour y cou- per du bois de construction, alors en demande eu Europe. Ils restèrent là plusieurs semaines, les matelots étant soumis à toutes les intem- péries, se livrant à des travaux rudes, le corps souvent plongé dans l'eau, exposés d'ailleurs à un soleil ardent, et cependant ils furent exempts de la fièvre jaune, tandis qu? les navires placés i l'embou- chure de la Déméréra perdaient, de cette maladie, le tiers ou la moitié de leurs hommes.- (Some account of the last A ellow Fever Epidémie of British Guiana, p. 32. Daniel Blair.) * 75 jaune sévit annuellement, tandis qu'à Tabasco, situé à une trentaine de lieues dans l'intérieur, elle ne se montre qu'occasionnellernent, et à de rares intervalles. PR0PHYLAX1E INDIVIDUELLE. - ACCLIMATEMENT. RECIDIVE. Un individu peut-il, en se soumettant à de certaines règles hygiéniques, échapper à la fièvre jaune, et acqué- rir ainsi le privilège de l'acclimatement ? Sans répondre affirmativement à cette question, je puis dire qu'un étran- ger, en menant une vie réglée, en se soustrayant com- plètement, s'il le peut, à l'action immédiate du soleil de l'été, en fuyant tout excès quelconque, en évitant avec soin de s'exposer aux refroidissement nocturne, en por tant, l'été, une flanelle légère pour empêcher (pie la trans- piration ne se refroidisse sur la peau, etc., obtiendra pour résultat, sinon de se garantir de la maladie, du moins d'en atténuer la gravité. Je citerai, à l'appui de mon assertion, ce qui se passe généralement à la prison de l'Etat, où l'épidémie ne pénètre que très tard, et où elle ne pénétrerait peut-être pas du tout, si les prisonniers qu'on y conduit quotidiennement n'y établissaient une communication permanente avec le dehors. "Il est tellement vrai, dit Volney [t. 11, p. 351], que leur régime [des Américains] est une des grandes causes prédisposantes aux maladies et à la fièvre jaune, que dans le plus fort des épidémies, jamais un seid accident ne s'est montré dans l'enceinte de la prison de Philadelphie, et cela évidemment parce que le système alimentaire y est calculé sur une échelle de tempérance qui ne laisse prise à aucune surchage de l'estomac. " Je possède, en outre, quelques exemples de personnes qui ont eu assez de volonté pour se renfermer chez elles durant toute une épidémie, et qui n'ont eu qu'à se louer d'une mesure si sage, mais d'ailleurs si difficile à prati- 76 quer rigoureusement. Je sais qu'il y a des except ons a cette règle; mais qu'y a-t-il de fixe et de certain dans ce monde, si ce n'est, comme le dit notre Franklin, la taxe et la mort ? Je suis naturellement conduit à parler de l'acclimate- ment. Quel est le teime requis pour être sûr d'y arriver? Parmi les auteurs qui en parlent, il en est qui l'accordent, à bon compte, et qui précisent, presque à jour fixe, le laps de temps nécessaire pour être acclimaté. Cela est très facile dans 1rs livres; mais l'expérience dément ces théo- ries. il est très commun, pendant une épidémie, de ren- contrer des individus en proie à la fièvre jaune, après avoir passé trois, quatre et même cinq étés dans la ville. Pas plus tard que l'année dernière, j'ai perdu en trois jours de maladie un Irlandais, qui était à sa septième an- née de séjour à la Nouvelle-Orléans, et qui, jusqu'alors, avait joui d'une complète immunité. La maladie avait été précédée chez ce sujet de la fièvre-intermittente, qui avait cédé à l'emploi du sulfate de quinine. Il existe des exemples, très rares il est vrai, de personnes qui, après avoir demeuré impunément pendant dix ans dans notre ville, ont néanmoins contracté à la fin une fièvre jaune mortelle. L'on peut dire toutefois, d'une manière générale, que l'acclimatement exige de trois à cinq ans de séjour dans la cité. Peut-on avoir la fièvre jaune deux fois ? Il n'est pas permis d'en douter; il y a assez de faits (pii le prouvent. Le 19 juillet dernier, je fus appelé pour traiter un Fran- çais atteint d'une fièvre jaune parfaitement caractérisée. La maladi» fut grave, la convalescence lente, périlleuse. Je l'engageai à s'éloigner du foyer d'infection, et il alla passer deux semaines sur les bords de la rivière Amile [Bâton-Rouge]. Il revint en parfaite santé, et reprit sa besogne comme à l'ordinaire. Le 14 d'octobre suivant, on me rappela pour lui. Quelle fut ma surprise, en me retrouvant eu présence du même cortège de symptômes 77 que j'avais observés au mois de juillet. Le mal avait dé- buté de la même manière, suivi le même développement, et une marche identique, à la seule exception que les urines présentaient, cette fois, une grande quantité d'al- bumine, tandis qu elles n'en avaient offert aucune trace pendant tout le cours de la première invasion. Le cas me parut assez curieux pour le faire voir à mon esti- mable ami et confrère le Dr. Alfred Mercier, qui re- connut d'emblée la fièvre jaune la mieux dessinée. Le malade recouvra de nouveau la santé, mais comme à la première invasion, la maladie fut sérieuse, et la conva'es- cence long-temps douteuse. Quelque temps après, le Dr. Alfred Mercier eut l'occasion de traiter un cas de récidive qu'il eut la complaisance de me faire voir à son tour. Il n'est guère de médecin qui n'ait rencontré des faits semb'ables dans le cours de sa pratique. J'en avais observé un pareil en 1847 *• JJe la nature de la jièvre jaune. - La connais ance de la nature de la fièvre jaune est intimement liée à celle de sa cause. A défaut d'évidence matérielle, il est permis de supposer que cette maladie est due à l'introduction dans l'organisme d'une matière toxique. ''Le préjugé vulgaire, dit Barthez, est que les poisons agissent en altérant la constitution matérielle des organes. Mais il en est qui produisent des effets délétères, sans porter la moindre at- teinte à l'organisation sensible." Plus loin, il ajoute : * Le Dr. Blair, qui a pratiqué long-temps dans la Guyane anglaise, parle d'un ind viduqui a failli mourir d'une seconde attaque survenue plusieurs années apres la première. Il fait observer que la personne s'était, en quelque sorte, désacclimatée, pour avoir long-temps vécu en dehors de la zone ou la fièvre jaune se développe. Il donne même l'observation (p. 87) d'un malade admis à l'hôpital le 12 septembre 1840, le cinquième jour après l'invasion de la malad e, et qui vomit noir le jour de son entrée. Le 14, il entra en convalescence, et fut renvoyé guéri le 16. Mais, le même soir, il retomba malade, vomit noir de nouveau, et sortit guéri une seconde fois. (Some account of the last Yellow Fever of British Guiana.) 78 " Lorsque le sentiment des impressions d'un poison s'é- tend à tout le système avec une grande célérité, elles peuvent causer la mort avant qu'il ne se forme des inflam- mations, ou d'autres corruptions de l'organe auquel le poison s'applique, ou de celui qu'il affecte spécifiquement. Dans une semblable commotion universelle, la nature ne peut produire ces suites de mouvements synergiques dont le concours est nécessaire pour qu'il se forme un état d'inflammation ou d'autre lésion organique". C'est pré- cisément ce qui arrive quelquefois dans la fièvre jaune, chez des individus qui en meurent, sans que l'examen cadavérique décèle aucune lésion oiganique qui puisse rendre compte de la mort. Dans des recherches de ce genre, il faut donc s'aider de la pathogénie, de l'anatomie pathologique, et môme entrer dans la voie de l'analogie- Je n'ignore pas combien cette voie est large, semée d'écueils et d'obscurité,. mais on y rencontre toujours quelque lueur qui permet d'entrevoir la vérité. La soudaineté de l'attaque, la céphalalgie violente qui marque le début de la maladie, concurremment avec la douleur lombaire, alors qu'aucun organe ne paraît parti- culièrement affecté, tout indique que c'est le système ner- veux qui est primitivement atteint. C'est du moins lui qui jette le cri d'alarme. Le Dr. J. Harrisson qui avait une si grande expérience de cette maladie, l'ayant étudiée pendant treize ans, trois ans dans la pratique privée, dix à l'hôpital, oü il a eu l'occasion de voir plusieurs cen- taines d'autopsies, la plupart à lui propres, constate, dans son précieux traité, cette soudaineté de l'attaque au mi- lieu de la santé la plus parfaite. Je ne prétends pas que la fièvre jaune soit une maladie du système nerveux, je fais seulement remarquer que les premiers troubles qui se manifestent lui appartiennent. Il est même probable qu'il n'entre ainsi en jeu que par sympathie. D'autre part, l'extrême dépressibilité du pouls, même dès l'invasion du 79 mal, l'absence, dans un grand nombre de cas, de douleur à la région gastro-hépatique, et même dans toute l'éten- due de l'abdomen, tout repousse l'idée d'une inflamma- tion locale. Voilà pour la pathogénie. Passons à l'ana- tomie pathologique. N'ayant eu que rarement l'occasion de pratiquer des autopsies, je m'appuierai sur l'expéiience si précieuse et si grande dans cette matière, du Dr. Harrison. Je tra- duis de son intéressant travail les détails qui suivent : Cerveau.-On y découvre quelquefois une congestion sanguine ; d'autres fois, on trouve dans les ventricules et sous l'arachnoïde une petite quantité de sérosité. La pie-mère est quelquefois finement in- jectée; la dure-mère est rarement altérée et présente, quand elle l'est, quelques petites taches de sang à sa surface séreuse. Le p'us ordinairement, le cerveau n'offre aucune altération appréciable. L'on peut en dire autant de la moelle épinière et des ganglions sympathi- ques. Poumons.-Ils sont quelquefois manifestement congestionnés. Ils ne se rétractent pas, comme ils le font habituellement après l'abla- tion du sternum. Ils sont aussi considérablement décolorés par en- droits. Une fois, en 1839, j'ai constaté dans le poumon gauche, une apoplexie de la dimension d'une piastre. Le sang était extravasé et coagulé. Un grand nombre de fois, les muqueuses trachéale et bron- chique offraient une injection fine ou quelques taches de sang. Mais dans le plus grand nombre des cas, la majorité peut-être, les pou- mons ne contenaient aucune lésion appréciable. Cœur.-Rarement altéré, si toutefois il l'est. L'endocarde est quelquefois légèrement modifié dans sa couleur. On trouve aussi sur sa surface quelques taches sanguines analogues aux pétéchies obser- vées à la peau. On rencontre généralement des caillots dans le cœur, mais ils contiennent plus de matière colorante, et sont plus mous que ceux que l'on observe dans d'autres maladies. Foie.-Je n'ai jamais observé dans cet organe aucune lésion que l'on pût attribuer aux effets de la maladie. Il n'est point de viscère qui présente des apparences aussi variées que celui-là : quelquefois il est d'un noir foncé et dans d'autres cas d'un jaune pâle. Dans les autopsies faites à l'hôpital de la Charité, nous avons constaté plus d'une fois des lésions chroniques de cet organe, mais elles ont été éga- lement observées sur d'autres corps et dans une autre saison, il est évident qu'elles ne sont pas propres à la fièvre jaune, soit comme 80 cause, soit comme effet. Nous y avons fréquemment découvert des conditions patholog:ques de date ancienne qui rendaient difficile à comprendre comment elles ne s'étaient pas manifestées par des symptômes frappants et sans équivoque. Le foie contient dans cer- tains cas, mo ns de sang qu'on y en trouve communément : dans ces circonstances, il est plus pâle et plus sec que d'ordinaire. Dans d'au- tres occasions, néanmoins, il est gorgé de sang et saigne abondam- ment quand on le coupe. Mais cette condition est commune à tous les autres viscères, et son existence paraît tenir plutôt à l'état du malade lui-même, lors de l'invasion de l i maladie ou au traitement qu'il a subi. Chez les individus ou la sa'gnée a été employée libéra- lement, on trouve généralement le fo:e pâle. Vésicule biliaire. - Le plus souvent elle contient la quantité ordi- naire de bile, laquelle paraît normale. Quelquefois celle-ci est forte- ment épaissie ; dans d'autres cas la bile contient un plus fort mé- lange d • mucus. Je n'ai trouvé quelquefois dans la vésicule biliaire qu'une petite quantité de mucus glaireux ; mais ces faits sont rares. La membrane muqueuse de cet organe, offre, comme toutes les mem- branes du même genre, soit une injection, soit quelques taches de sang. Le plus communément, elle ne présente pas d'altération. Rate.-Généralement saine Quelquefois elle est gorgée de sang ; alors elle est plus volumineuse et plus molle. Pancréas.-Je ne l'ai jamais trouvé altéré dans la fièvre jaune. Vessie. - Apparence généralement normale. La sécrétion mu- queuse est quelquefois plus copieuse que d'ordinaire, et dans quelques cas sa membrane muqueuse est pointillée de sang. Reins - Ils contiennent parfois une grande quantité de sang. On n'y découvre que rarement, en les incis mt, quelque lésion appré- ciable. Estomac et Intestins.-Très fréquemment l'estomac est pointillé de sang. Non-seulement la membrane muqueuse présente une altéra- tion dans sa couleur, même chez les individus examinés immédia- tement après la mort, mais on y trouve encore des érosions. Quel- quefois toute la surface de l'estomac est altérée ; dans d'autres cas, l'injection ou l'épanchement est borné à la région pylorique ou car- diaque. Le tissus sous-muqueux est aussi généralement injecté. Le duodénum et une grande partie des petits intestins offrent fréquem- ment le même état pathologique. Ailleurs, mais plus rarement, l'es- tomac, le duodénum et tout le tube intest'nal ne présentent presque aucune trace de lé lion pathologique appréciable. Une particularité remarquable dans la fièvre jaune, c'est la fréquence des invagina- tions de l'intestin grêle. Les autopsies faites en 1839 nous en ont dé- 81 célé un très grand nombre. Dans quelques cas, les glandes de Brun- ner présenta ont un aspect m'Iiaire ; je ne puis dire s'il était dû ou non à la malad e ; dans d'antres à forme typhoïde, où l'on avait ob- servé avant la mort un sous-délire nerveux, nous avons trouvé, quel- quefois des ulcérât'ons des plaques de Péyer, d'autres fo's l'hypertro- phie et le ramollissement de ces gla des. Nous avons rencontré, mais rarement, l'ulcération des glandes de Brunner ; il y avait eu alors hémorrhagie intest'nale pendant le cours de la mn'ad'e. Les glandes mésentériques sont quelquefois très volumineuses Cela s'est rencontré généralement, surtout lorsque la mort est survenue après le septième ou le huitième jour, et aussi chez des individus qui avaient été traités par la méthode mercurielle. Sang.-On ne trouve pas dans l'apparence de ce fluide les change- ments auxquels il est permis de s'attendre après un ébranlement si violent de tout le système. On a prétendu qu'il perd de sa eoigula- bilité. Je ne nie pas qu'il en so t a'nsi dans quelques c'rconstances, mais il en est certes pas de même dans la grande major té des cas, car nous trouvons des caillots dans le cœur, et le sang tiré des gros vaisseaux se coagule généralement après un certa'n laps de temps. Néanmoins, il est incontestable qu'l met plus de temps à se coagu- ler, et que le caillot est plus gros et plus mou qu'il ne l'est habi- tuellem nt. Le sang tiré du bras est rarement couenneux. si toute- fois il l'est jamais. Celui provenant des ventouses ne m'a jamais présenté de couenne. Je m'appuie avec confiance sur l'iiitorité du Dr. Har- rison qui a fait une étude minulieuse, suivie ei conscien- cieuse de la maladie, dont je traite. Le résumé d'exa- mens cadavériques qu'il nous donne dans son remarqua- ble travail est le résultat de centaines d'autopsies faites avec soin. On n'y trouve pas ces gangrènes du foie, de l'estomac, ces épanchements purulents dans la poitrine, le péricarde et l'abdomen, etc., dont parlent Tommasini, Guitardet autres médecins (pii ont écrit d'après des mo- nographies, sans expérience personnelle. Or, les nom- breuses autopsies pratiquées par le Dr Harrison, ainsi que celles appartenant à d'autres médecins di.-tinixiiés de cette ville, prouvent que la fièvre jaune n'est pas une ma- ladie locale, telle qu'une gastrite ou une gastro hépatite, puisque l'estomac, le foie, le tube intestinal, non plus H 8« qu'aucun autre organe, considéré à part ne porte les marques constantes de lésions pathologiques. Le sang, au contraire, paraît invariablement altéré, soit qu'on le considère pendant la vie ou après la mort, il importe de remarquer que les hémorrhagies passives ne se manifestent généralement qu'après la période de réaction, c'est-à-dire vers le deuxième, troisième ou quatrième jour, alors que le sang, profondément altéré par la cause morbifique, acquiert cette fluidité, (la moindre des alté- rations subies peut être par ce liquide) qui explique l'im- puissance des agents hémostatiques à l'arrêter lorsqu'il vient à couler. Les cas où les hémorrhagies passives n'ont pas lieu sont certainement les moins graves. Qu'on prenne bien garde que ce n'est pas la quantité de sang perdu qui constitue le danger, si ce n'est dans quelques exceptions rares. J'ai vu en 1853 des individus nouvel- lement débarqués mourir rapidement après trois ou qua- tre vomissements noirs peu copieux. Mais, déjà avant de vomir, l'état général était très inquiétant : l'ataxie était portée à un haut degré ; jactitation, expression d'effroi, voix, chevrotante, etc. Voyons maintenant si l'analogie viendra à l'appui de cette manière de voir. A cet effet, j'aurai recours aux expériences faites par Mr. Gaspard : " Le 19 juin 1809, j'injectai, dit-il, dans la veine jugulaire d'une petite chienne une demi-once d'un liquide fétide, provenant de la putréfaction simultanée de la viande de bœuf et de sang de chien. A l'instant, l'ani- mal fit à plusieurs reprises des mouvements de dégluti- tion, et bientôt après il se manifesta de la dyspnée, du malaise et de la faiblesse. Il se coucha sur le côté, refu- sant de prendre aucune nourriture ; peu de temps après il urina et rendit des excréments. Au bout d'une heure, prostration des forces, déjections alvines fréquentes, géla- tineuses et sanguinolentes, dyssenterie, rougeur de la con- jonctive. Un peu plus tard, douleur au thorax, ventre dur, douloureux au toucher ; extinction graduelle des 83 forces ; vomissements bilieux, gélatineux et sanguino- lents; mort trois heures après l'injection. Autopsie faite le corps encore chaud : poumons enflammés, ou plutôt singulièrement engorgés, mais peu crépitants, de couleur violacée ou noirâtre, parsemésd'échymoses ou de petites taches pétéchiales qui existaient aussi dans le ven- tricule du cœur, la rate, les glandes mésentériques et même dans le tissu cellulaire sous-cutané. Le péritoine contenait quelques cuilllerées de sérosité rougeâtre ; mais c'est dans la membrane muqueuse du tube intesti- nal que l'on remarquait le plus d'altération. Celle de l'estomac était légèrement enflammée ; celle des intes- tins, particulièrement du duodénum et du rectum, l'é- tait considérablement. Elle avait une couleur livide, était tachetée de points noirs et recouverte d'une subs- tance gélatineuse, sanguinolente, ressemblant à la lie du vin ou à la lavure de chair. En outre, l'inflammation était accompagnée d'un léger épaississement des tissus et revêtait l'aspect hémorrhagique ou scorbutique." Autre expérience du même auteur : " Le 14 juillet 1821, j'injectai, dans la veine jugulaire droite d'un gros chien, deux onces et demie d'un liquide fétide provenant de feuilles de choux en fermentation de- puis deux jours à une température de 20 deg R. Ce li- quide était épais, nullement acide, et mêlé avec une égale quantité d'eau. Quelques heures après, malaise général, thorax douloureux à la pression, respiration gênée, diffi- cile, accompagnée de plaintes; apparence de péripneumo- nie ; puis vomissements et grande faiblesse tout le jour. Au bout de neuf heures, il eut dans la nuit une selle li- quide, copieuse et très fétide, noire comme de la suie, analogue aux évacuations dans le méléna *, formée d'un * Ce fait que Mr Gaspard a été le premier à observer, d't Magen- die, est des plus remarquables. Il démontre évidemment la cause du vomissement noir qui a lieu dans la fièvre jaune et autres typhus. «4 peu d'excréments, de mucus et d'une grande quantité de sang en apparence putréfié. Quelque temps après, il eut une autre selle, mais simplement mucoso-sanguino- lente. I 15 juillet, faiblesse plus considérable ; adynamie, déçu- l)itns latéral, ou m irche vacillante ; pouls petit, fébrile ; soif ardente et inextinguible; urines na urelles et assez abondantes; respiration libre,mais faible. Le 16. un peu de mieux ; moins de faiblesse, mais soif encore ardente. Refus de prendre aucune nourriture; fièvre, et parfois vomissement des liquides bus. Le <7, même état. Le 18, aggravation des symptômes ; délibilité extrême, mar- che chancelante ; yeux rouges, enfl imméset larmoyants: narines enflées, remplies de mucosités qui font obstacle au passage de l'air. Membrane muqueuse buccale rouge- violacée et enflammée. Vers midi, déjection alvine li- quide. de couleur gris-blanchâtre entremêlée de grumeaux sanguins, offrant l'aspect et l'odeur du pus. Mort danslq, nuit, le cinquième jour après l'expérience." L'autopsie cadavérique démontra à peu de chose près ]es mêmes lésions que dans le cas précédent. Je pour- rais multiplier ces citations d'expérience faites par Mr. Gaspard in (tnimu vili, expériences répétées en France par un médecin célèbre, le Dr. Magtndie, ici par le Dr. Harrison, et confirmant celles de leur prédécesseur. MaL il suffit de dire qu'elles ont toutes donné les mêmes résultats. On ne peut méconnaître les points d'analogie existant, et dans les symptômes, et dans les lésions anatomiques, en're la fièvre j unie et 1i m da lie artificielle qui vient de passer sous nos yeux. Et en effet, s'il fallait localiser le typhus ictérode, quelle siège lui assigner ? Serait-ce une gastro-hépatite, comme le croyait Broussais? Mais nous avons vu que d ms certains cas, exceptionnels il est vrai, les symptômes de la gastro-hépatite font défaut, de même □ue les lésions anatomo-pathologiques qui 85 cette double inflammation. La'fièvre jaune, telle qu elle m'apparaît, est une pyrexie, c'est-à dire, une altération générale du système sans maladie locale primitive. La phlegmasie gastro hépatique qui se déclare plus ou moins de temps après la manifestation des symptômes nerveux, est un effet, et non une cause. Une maladie qui me paraît plus facile à confondre avec la fièvre jaune, c'est la fièvre bilieuse, quand elle prend le type continu (ce qui est rare), et surtout, lors- qu'elle affecte, en même temps, la forme épidémique. La difficulté augmente, si la fièvre bilieuse se montre con- curremment avec la fièvre jaune qui, pour ainsi dire, dé- teint sur elle. J'ai lu avec beaucoup d'attention les savantes recher- ches pathologiques de Tommasini sur la fièvre de Li- vourne, qu'il assimile au typhus ictéiode de l'Amérique. On ne peut nier qu'il y ait une grande analogie entre la maladie qu'il décrit et notre fievre jaune. Néanmoins, j'y vois aussi d'assez grandes dissemblances, et dans les symptômes, et dans le» lésions pathologiques. Il parle d'un pouls vibrant et dur. Le caractère du pouls de la fièvre jaune, que j'observe ici depuis 1847, est un défaut général de résistance, souvent même au début de l'affec- tion. Il parle aussi d'un sang couenneux; s'il existe dans le sang des malades que nous traitons ici, c'est certaine- ment la grande exception. ''Stoll, dit-il, a vu dans un grand nombre de malades, particulièrement pendant l'épidémie qui régna en Hongrie, en 1773, les yeux bril- lants et rouges, le pouls dur, le visage jaune, l'oppression à la région précordiale, la cardialgie, les hypocondres douloureux au toucher, le vomissement bilieux et même noir." Et même noir, indique évidemment que c'est l'ex- ception, tandis que chez nous, le vomissement noir est la règle dans les cas graves. J'en dirai autant des lésions pathologiques, trace* certaine* ri'une phlegnt gcmgr#- 86 neuse au. foie, à la portion correspondante du diaphragme ; la gangrène plus ou moins étendue à l estomac et aux in- testins ; tou'es choses qu'on n'a point observées sur les corps des individus morts de la fièvre jaune en Loui. si a ne. La description de la fièvre de Livourne par le célèbre médecin italien, ressemble beaucoup à celle de Mr Wade Shields, chirurgien du Centurion, d'une épidémie de fièvre bilieuse connue qui éclata parmi l'équipage. J'emprunte les détails qui suivent à 1 intéressant article Fièvre bi- lieuse, de Mr. E. Littré, Dict. en 25, t. 5, p. 275. " Le 2 mars i804- le Centurion jeta l'ancre dans le port de B >mbay, venant de Surate. L'équipage se portait bien. Le temps, la semaine suivante, fut chaud le jour, froid la nuit, et il soufflait des vents de terre fort piquants. "10 mars. Dixhommes, dit Mr. Wade Shields, se plaignent à moi, ce matin, d'avoir été soudainement in. disposés cette nuit. Ils avaient éprouvé de la douleur dans la tête, les bras,-.les lombes et les extrémités inférieures, de la gêne à travers la poitrine, une vive souffrance à l'épigastre, des renvois et des coliques. Chez quelques- uns, le pouls était intermittent et la température de la peau augmentée. D'autres avaient des frissons avec des sueurs visqueuses et pai tielles. mais tous avaient une flou, leur sus-orbitaire, et la plupart la langue couverte d'un enduit blanc." L'épidémie continua ainsi jusqu'au 30. Tous les jours, il entrait fie nouveaux malades, par 5, 6 ou 7. "Je n'irai pas plus loin, dit Mr. Littré, dansce récit intéressant. 11 suffira rie savoir que chaque jour il y eut de nouveaux malades jusqu'au 3.1 mars. Alors la fièvre cessa. Le Centurion partit le 26 avril pour Goa, laissant trente- deux malades à Bombay, et < n emmenant quatre vingt- quatre dans un état de convalescence rapide. Le nombre des cas avait é'é de cent cinquante, et quelque violente qu'eût été la maladie, il n'y avait pas une seule mort." 87 On remarquera, ajoute plus loin Mr. Littré, des vomis- sements bilieux énormes et la teinte jaune, le type con- tinu, l'invasion subite, chez quelques-uns, par un délire furieux- Air. Wade Shields fait remarquer que si cette maladie avait éclaté à Gibraltar, ou à Philadelphie, on l'aurait qualifiée de fièvre jaune, et qu'on se serait vanté d'avoir guéri tant de malades. C'est là, à coup sûr, une assertion un pe-u hasardée. A supposer que les symptô- mes et la marche des deux maladies fussent identiques; ce qui n'est pas, les médecins de Philadelphie et ceux de Gibraltar sont trop modestes, trop véridiques, et ne sont pas assez naïfs, je suppose, pour se vanter de guérir, ou d'avoir guéri cent cas de fièvre jaune sur cent. La fièvre jaune et la fièvre bilieuse sont donc de nature différente. La première est continue, la seconde est le plus souvent rémittente. Le vomissement noir et les hé- morrhagies passives constituent la règle dans le typhus ictérode ; ils sont tout-à-fait exceptionnels dans la fièsre bilieuse *. L'hipercrinie bilieuse est propre à cette der- nière maladie, et l'accompagne pendant presque toute sa durée; dans la première, la sécrétion bilieuse est moins abondante, même au début, et diminue progressivement» pour être remplacée par le vomissement noir. Enfin, le traitement lui-même établit une différence tranchée. Les vomitifs répétés, alternés avec les purgatifs, et l'applica- tion de sangsues, combattent efficacement la fièvre bi- lieuse ; le même mode de traitement, surtout les vomitifs répétés, sont plutôt nuisibles qu'utiles dans la fièvre jaune. ♦ Tommasini, dans scs recherches sur la fièvre de Livourne, dit qu'on y a observé le vom ssement bilieux, et m'me noir. Il ne donne aucun détail sur ce vom sscment noir, relativement, ni à la quantité, ni à la qualité. Il ne mentionne qu'en passant quelques cas d'ép'tax's mais ne d t rien de ces hémorrhagies si fréquentes de toutes les mu- queuses dans la fièvre jaune. Le Dr. Wade Shields ne parle aucune- ment de vomissement noir à propos des cent cinquante cas de fièvre bi- lieuse continue qu'il a observés à bord du Centurion. 88 C'est le mode thérapeutique que je viens de mentionner, qui a été employé avec de succès par le Dr. Wade Shields à bord du Centurion. Ainsi, en consultant la pa'hogénip, l'anatomie patholo- gique et l'analogie, voire même la mé'hode thérapeuti- que, on arrive à cette conclusion que la fièvre bilieuse et la fièvre jaune sont deux maladies parfaitement distinctes. Si le typhus ictérode, comme Tommasini et d'autres au- teurs le prétendent, était le maximum de la fièvre bi- lieuse, il en résulterait, suivant la judicieuse remarque du Dr. Laroche, que" la fièvre jaune la plus légère serait plus sérieuse que l'attaque la plus grave de fièvre bilieuse, ce qui n'est pas, tant s'en faut. Il resterait à savoir quelle est l'altération du sang dans la fièvre jaune ; quelle est aussi la nature de l'agent mor- bifique. Relativement à la première question, l'analyse du sang nous manque complètement. Il n'est guère permis de se flatter que des médecins soumis aux mille exigen- ces tyranniques de la profession puissent se livrer aux re- cherches minutieuses et difficiles que demande le sujet. Espérons que notre Législature, mue par le sentiment de l'intérêt de l'Etat tout entier, prendra la question à cœur et confiera bientôt à une commission médicale le soin de l'approfondir. Relativement au second point, mille hy- pothèses ont été avancées. Je n'imposerai pas au lec- teur lès fatigues stériles que j'ai éprouvées à les lire. Traitement.-" ]! est trop vrai de dire que le degré d'impuissance de l'art contre une maladie, est en raison directe du nombre de moyens de guérison que la théra- peutique lui oppose. Si ce précepte de tous les temps n'était d'une vérité vulgaire, le témoignage de la fièvre jaune contribuerait plus que tout autre à en démontrer la justesse." C'est ainsi que commence l'article " Thérapeuti- que" dans le mémoire de la Société Médicale de la Nouvelle-Orléans sur l'épidémie de 1839. Nous sommes 89 en 1559, et ces réflexions n'ont rien perdu de leur à-pro- pos. Cependant, hâtons-nous de le dire, si la thérapeuti- que n'a pas enctfre de spécifique à opposer à la terrible maladie qui nous occupe, il faut néanmoins reconnaître que la médication suivie de nos jours par tousJf s méde- cins éclairés a le précieux mérite d'être plus méthodique que celle de nos devanciers. En lisant l'extrait suivant que je fais de de Volney (vol. U, p. 32G, édit de 18t3), on verra que le traitement de nos ancêtres, outre qu'il man- quait de méthode, était intempestif et le plus souvent meurtrier. Mais pour être juste, il faut tenir compte de l'époque dont parle le célèbre voyageur fiançais. " Les médecins américains, pour qui cette maladie a été une nouveauté, ont eu à se créer une méthode cura- tive adaptée à leur climat et à la constitution de habi- tants. Malheusement. j'ose le dire *, la plupart se sont trop pressés de croire l'avoir trouvée dans les principes théoriques de Brown, dont la doctrine a été accueillie aux Etats-Unis avec un engouement scholastique : ce système qui explique tout par deux états simples de débilité di- recte et indirecte, et par la soustraction ou l'application de stimulants aussi directs et indirects, a fait d'autant plus de prosélytes, qu'il a ce caractère tranchant et positif qu'aime la jeunesse, et qu'il dispense des lenteurs de l'ex- périence que redoute la paresse de tous les âges. Rai- sonnant donc avec cette dangereuse confiance de certi- tude qui exclut le doute et l'observation, ils ont le plus souvent administré les cordiaux et les toniques les plus actifs, au début de la maladie, prétendant qu'il fallait re- lever les forces accablées : ils y ont joint les purgatifs dras- tiques les plus stimulants pour chasser les humeurs mor- bifiques. Ce traitement fut surtout mis en usage a Philadelphie, dans la funeste année de 1793. La pratique la plus gé- * Volney avait fait des études médicales 12 90 hérale des médecins de cette ville, fut de donner le jalap à 20 et 25 grains; la préparation mercuriale, dite calomel, a 10 et 15; la gomme gutte même ; pour boissons, on or- donnait les eaux de camomille, de menthe, de cannelle, et le vin de inadère jusqu'à plus d'une pinte par jour. En outre, dans les mois d'août et de septembre, et dans un pays chaud à 25o R., par un temps calme, et étouffant, l'on tenait les malades hermétiquement clos dans leurs chambres; on surchargeait de deux et trois couvertures de laine leurs lits de plumes, et quelquefois l'on faisait du feu dans la cheminée. L'objet était de provoquer impé- rieusement une sueur. Les effets de ce traitement furent ce qu'ils devaient être ; une mortalité effrayante par le nombre et par la rapidité ; peu de malades passaient trois jours, et l'on peut dire que sur cinquante il ne s'en sauvait pas deux. Tous portaient les signes d'une suffocation gangréneuse. La terreur s'empara des esprits ; le mal fut regardé comme contagieux et pestilentiel, son atteinte comme incurable* Tout malade fut abandonné, le mari par sa femme, les parents par leurs enfants, les enfants même par les pa- rents. Les maisons désertes restèrent infectées par les cadavres ; elles furent marquées à la craie, comme en temps de proscription, et les habitants éperdus s'enfuirent dans les villages voisins, ou campèrent en rase campagne, comme si l'ennemi eût pris leur ville." Certes, la fièvre jaune n'a pas cessé d'être une maladie des plus graves ; cependant, de nos jours, la plus forte mortalité, dans l épidémie la plus meurtrière, n'a jamais été au-delà de un sur trois. Je crois qu'on serait près de la vérité si, en considérant l'ensemble des épidémies, l'on portait la perte, de bon an à mal an, à un sur huit, ce qui ferait un peu moins de sept sur cinquante, au lieu de qua- rante-huit, comme à l'époque dont parle Volney. On ne peu! donc raisonnablement nier qu'il n'y ait un grand progrès, dû indubitablement* à une médication plus mé 91 thodique, basée elle-même sur une connaissance plus ri- goureuse et plus approfondie de la maladie. Qu'on ne dise pas que celle ci a diminué d'intensité de nos jours. C'est une observation que j'ai souvent ouï faire. Il suffit d'avoir vu l'épidémie de 1853 pour se convaincre que le typhus ictérode n'a rien perdu de sa vigueur ni de sa puissance. C'est le propre de l'esprit humain d'amplifier le mal qui menace et d'oublier la grandeur de celui qui est passé. Il suffit, du reste, de connaître superficiellement la fièvre jaune, de l'avoir vue seulement en passant, pour com- prendre que la doctrine de Brown appliquée, sous la for- me thérapeutique, au début de cette affection, devait ame- ner des résultats désastreux; car c'est précisément à cette période que les congestions tendent à se faire, et que les phlegmasies locales menacent d'éclater. Or, qu'on juge des effets pernicieux que devaient avoir ces excitants ap* pliqués sous toutes les formes au moment même de l'in- vasion, particulièrement cette énorme dose de calorique artificiel, alors que le malade suffoquait de chaleur. Avant de faire connaître le traitement que j'ai adopté, je crois devoir parler de deux méthodes thérapeutiques qui ont été en vogue ici pendant un temps : je fais allusion à la saignée syncopale et au sulfate de quinine. Si je les examine, c'est moins pour les recommander que pour signaler le danger de la première, et l'inefficacité, sinon le mauvais effet de la seconde, quand on fait abus de l'alca- loïde. J'établirai d'abord comire règle, d'après ma propre expérience, que la saignée générale, même dans les ma- ladies franchement inflammatoires, n'est pas aussi bien supportée ici qu'elle l'est en France, par exemple, en rai- son d'une modification, soit dans le système nerveux, soit dans le sang lui-même. Je ferai, de plus, observer que la classe d'individus que le médecin est appelé à soigner de la fièvre jaune fait généralement abus de liqueurs alcoo- liques, ce qui, comme on le sait, est une contre-indication à la saignée. Quoiqu'il en soit, j'ai expérimenté ce moyen 9Ü en 1847, et je me suis hâté de l'abandonner, m'étant fort mal trouvé des premières tentatives. J'ai été effrayé de l'état de prostration dans lequel tombaient les malades soumis à la phlébotomie, alors même que la quantité de sang tiré était modique. Je lis les réflexions qui suivent dans le Mémoire sur l'épidémie de 183,), publié par MM. Bahier, Sabin Martin, H. Daret et E. F' ortin : " Les individus pléthoriques, ceux d'un tempérament sanguin, chez lesquels le système musculaire était forte- ment développé; ceux dont la constitution n'était pas affaiblie par l'abus des liqueurs fortes, par des excès vé- nériens, par l'âge ou par les effets débilitants d'une mau- vaise alimentation, et chez lesquels la maladie débutait par un appareil de symptômes franchement inflamma" toires, la saignée générale a été souvent pratiquée avec succès, mais rarement répétée, à cause de la diminution considérable et presque instantanée qu'elle manquait ra- rement d'amener dans la vitesse du pouls, meme chez les sujets les plus vigoureux. Cette particularité, qui s'est fait remarquer dans quelques épidémies antérieures, n'a ja- mais élé aussi manifeste que dans celle qui nous occupe. Chez les individus qui ont présenté des dispositions oppo- sées à celles que nous avons décrites, les saignées géné- rales ou locales ont rarement été avantageuses." J'ajouterai (pie les partisans de la saignée syncopale n'ont pas fait de prosélytes, et que ceux d'entre eux qui vivent encore l'ont considérablement modifiée, si toutefois ils ne l'ont pas abandonnée. Un autre mode thérapeutique qui a joui d'une grande vogue, il y a quelques années, c'est la méthode spécifique, laquelle consiste dans l'emploi du sulfate de quinine. Ceux qui les premiers y ont eu recours, ont évidemment été conduits, par une idée d'analogie, sinon d'identité, entre la nature de la fièvre jaune et celle des fièvres dites palu- déennes. Je l'ai adoptée moi-même en 1847, avec une grande apparence de succès, mais l'expérience m'a dé- 93 montré depuis que j'avais tiré une conclusion trop préci- pitée du pont hoc, ergo propter hoc. 11 n'y a pas crime h être dans l'erreur, mais bien à y persister par la crainte puérile de se dédire. Cette médication, régularisée ici pour la première fois en 1837 par le Dr. A. P. Lambert, échoua, en 1839, entre les mains de cet habile praticien qui fut le premier à signaler l'infidélité de ce moyen thé- rapeutique, sur lequel il avait d'abord fondé de si grandes espérances. Je vais citer ici de nouveau le remarquable mémoire publié sur l'épidémie de 1839. L'auteur de l'article '-Thérapeutique", arrivé au traite- ment par le sulfate de quinine, fait les réflexions sui- vantes : " Maintenant, les traitements oü le sulfate de quinine a joué le principal rôle, ont-ils été plus heureux que ceux où ce médicament n'a nullement figuré? Nous n'avons pu obtenir que de sept médecins des renseignements sur la méthode (pie nous appelons spécifique, c'est à-dire celle qu'on peut assimiler au mode de traitement généralement appliqué aux fièvres pernicieuses. Ces renseignements nous ont fourni un total de 402 malades, dont 34 sont morts, ce qui donne à peu près la proportion d'un décès sur 12 malades, tandis que la méthode symptomatique n'en compte qu'un sur 14 ; gardons nous toutefois d'en inférer que l'une de ces méthodes l'emporte sur l'autre de toute la valeur de cette différence, qui, déduite d'une plus grande masse d'observations, pourrait s'affaiblir, et peut-être même s'effacer entièrement ; mais il nous est rigoureusement permis d'en tirer cette conclusion : que le traitement par le sulfate de quinine n'est pas le meilleur qu'on puisse appliquer à la fièvre jaune. " Poursuivant l'examen de cette question, l'auteur de ce remarquable chapitre continue ain-i : " Ainsi, dans l'observation quatrième de la troisième variété, nous voyons qu'après le traitement de la première période, le pouls, vers la fin du troisième jour, est tombé 94 de 120 pulsations par minute à 96 d'abord, puis à 80, et qu'aussitôt, deux gros de sulfate de quinine ont été em- ployés en frictions, et 15 grains du même médicament en lavement. Le quatrième jour, le pouls a encore diminué de fréquence, et n'offre plus que 60 battements par mi- nute. Les douleurs sont milles la peau est humide, mais au milieu de celte apparente rémission, les urines sont déjà rares, le malade est triste, les réponses sont lentes et embarrassées : la maladie a donc contint é de marcher. La même dose de sulfate de quinine est administrée tant à l'extérieur qu'à l'intérieur ; le lendemain (cinquième jour), le pouls est toujours lent, mais misérable ; il y a de plus ictère générai et sueurs froides. Le malade est évi- demment plus mal (pie 'a veille. La meme prescription est répétée, et n'offre pour résultat le lendemain (6ème jour), qu'un grand abattement, une respiration pénible et suspicieuse, une langue sèche et brune, une soif ardente, des lipothymies et des vomissements noirs. Ici, cesse l'usage du sulfate*de quinine. Le septième jour, survien- nent le hoquet et les hémorrhagies passives, et les vomis- sements noirs continuent. Le huitième jour, les urines so suppriment pendant douze heures, mais la nuit suivante, elles coulent abondamment, et déposent un sédiment noi- râtre. A partir de cette crise, les symptômes s'amendent graduellement et le malade entre en convalescence le onzième jour. Que les praticiens de bonne foi comparent cette maladie avec celles du même degré de gravité où l'emploi du sul- fate de quinine a été suivi de succès, et ils reconnaîtront que si ce médicament a a«i, il ne l'a pas fait à la façon accoutumée dans les fièvres périodiques. Qu'ils la com- parent ensuite avec les cas de même genre qui ont été guéris sans sulfate de quinine, et ils constateront qu'avec ou sans ce médicament, la marche de la maladie a tou- jours été la même." Je n'ignore pas qu'il y a encore des médecins qui em- 95 ploient le sulfate de quinine contre la fièvre jaune, et quj y ont une 'grande confiance. Mais il est bon de faire ob- server que dans des affections de ce genre, où tant de méthodes thérapeutiques ont été essayées sans résultat définitif, le médecin, quelque progressif qu'il soit, arrive invinciblement au statu quo. Ce n'est pas une critique que je veux faire ici, mais c'est un fait, en quelque sorte fatal, que je tiens à constater. L'esprit individuel se fatigtie dans cette lutte inégale du bien contre le mal, et finit par adopter un terme moyen, résultat de l'expé- rience commune, auquel il s'arrête par épuisement. Mais il arrive alors d'autres champions plus frais et plus dispos qui reprennent l'œuvre au point où elle a été laissée, et lui impriment un mouvement nouveau ; car la science, comme la vie, c'est le mouvement. Je dirai seulement à ceux qui croient à l'efficacité du sulfate de quinine : " Si d'autres arrivent au même résultat que sans recou- rir au même moyen, vous devez avouer au moins que ce moyen est une superfluité. " En admettant, ce qu'il est supposer jusqu'à preuve du contraire, que la fièvrejaune soit due à l'intro- troduction dans l'économie d'une matière morbifique, d'un poison, il est évident que le moyen curatif par excellence serait la découverte d'un antidote. Cet antidote n'ayant pas encore été trouvé, il reste à combattre les effets pa- thologiques qui se développent sous l'influence de cette matière morbifique, comme on le fait dans le cas d'un empoisonnement ordinaire, alors que l'agent toxique a donné lieu, à la fois, à des accidents locaux et généraux. Je suis loin de nier qu'on ne trouvera un jour un spéci. fique contre la fièvre jaune, et contre tant d'autres ma- ladies réputées incurables jusqu'à piésent. Avant l'admi- nistration interne du mercure par Paracelse, la décou- verte des effets du quinquina contre les fièvres inieim t- tentes, du fer dans la chlorose, etc., les médecins qui se trouvaient en présence des maladies syphilitiques, des 9* lièvres paludéennes, de la chlorose, etc., éprouvaient les mêmes découragements que nous éprouvons aujourd'hui en présence de certaines affections, qontre lesquelles nous sommes le plus souvent impuissants. Que le passé nous serve de leçon, et nous donne confiance dans l'avenir. Je reviens au traitement du typhus ictérode. Je le di- viserai en deux : moyens généraux et moyens locaux ; ceux applicables à la première période, et ceux qui con- viennent à la seconde. Le symptôme le plus saillant de la première période, c'est la céphalalgie. J'ai obtenu inva- riablement un excellent effet des ventouses scarifiées à la nuque. Je fais tirer de 8 à 16 onces de sang. Je ne me rappelle pas un malade qui, peu de temps après cette sai- gnée locale, n'ait éprouvé un soulagement considérable. Des compresses d'eau glacée sur le front ; des lotions d'eau fraîche répétées à de courts intervalles sur tout le corps, en ayant soin d'enlever la sueur s'il en existe, sont des moyens adjuvants précieux, ainsi que des frictions Jaudanisées sur les lombes. Immédiatement après ( à moins de contre-incÜBwion impérieuse du côté de l'esto- îhac),je prescris un salin. Dans où il existe une susceptibilité' gastrique un peu prononcée, j'em- ploie de préférence des pilules composées de calomel et de jalap. Quoi qu'en dise Volney, ces pilules, loin d'être offensives, produisent des purgations abondantes sans occasionner aucune co'ique. Elles ont l'avantage d'être mieux gardées que les purgatifs liquides qui favorisent le vomissement en distendant l'estomac. A supposer même qu'il survienne quelques vomissements, le défaut de prise empêche qu'elles ne soient rendues. Je n'ai jamais re- marqué qu'elles irritassent le ventricule. Il m'arrive de purger deux et même trois jours de suite, lorsque les pre- mières médecines n'ont pas produit des évacuations assez abondantes. Le second jour, si la fièvre et la chaleur persistent, je fais usage de bains tièdes prolongés. Je n'ai jamais employé les bains d'eau glacée. Volney affirma 97 ce moyen, employé par les médecins américains au dé- but de la maladie, dans les cas oü il y avait frénésie, a opéré des cures étonnantes. L'eau de seltz est la boisson que les malades supportent le mieux, à quelques excep- tions près. Il faut bien se garder de négliger le moral du malade. Je ne connais pas de maladie oü l'intelligence devienne, dans la période d'invasion, plus nette, plus acide, comme aurait dit Guy-Patin. Les malades sont inquiets sur leur sort et cherchent à lire le pronostic sur la physionomie du médecin. Au bout d'une soixantaine d'heures, la scène change. A un pouls fréquent et développé, succède un pouls lent, faible, quelquefois misérable. L'animation de la figure est remplacée par la pâleur, et la force factice développée par la réaction est suivie d'une extrême prostration. C'est alors qu'il y a lieu de commencer l'administration des to- niques ; c'est alors qu'il faut se défier des accidents gas- triques, car c'est la période oü se manifestent les vomis- sements noirs. Il est donc essentiel de ménager le ven- tricule. Le meilleur tonique est indubitablement le quin- quina jaune, à la dose d'un et même de deux gros par jour, en lavement. Il est d'autant plus indiqué qu'il sur- vient souvent, dans cotte période de la maladie, des acci- dents périodiques. S'il n'y a pas de contre-indication, on permettra au malade de prendre, à de longs intervalles, une ou deux cuillerées de bouillon de poulet léger. Dans le cas oü le vomissement noir viendrait à éclater, on ob- tiendra souvent de bons effets de l'eau glacée en boisson, à petites doses récidivées, et d'un vésicatoire sur la région épigastrique. Le sulfate de morphine, employé dans une potion contre cet accident, a paru éloigner les vomisse- ments en paralysant l'action du diaphragme, mais il n'a semblé modifier en rien la gastrorrhagie. Je ne crois pas prudent de chercher à arrêter, dès le principe, l'hémor- rhagie intestinale ; mais quand elle persiste au-delà d'un 13 98 certain terme, on la combattra avantageusement à l'aide de lavements acidulés avec de l'eau de Rabel, répé" tés suivant le besoin. On opposera à la diminution des sécrétions urinaires, les demi-bains tièdes, les boissons gazeuses, les frictions avec l'huile camphrée et les cata- plasmes émollients renouvelés aussi souvent qu'il sera nécessaire pour entretenir une température uniforme. Les symptômes ataxiques seront combattus par les anti- spasmodiques, parmi lesquels on fera un choix approprié à l"idiosyncrasie de l'individu. Le malade lui-même pouria éclairer le médecin à ( et égard ; dîfhs le cas con- traire, celui-ci sera quelquefois obligé de revenir sur ses pas. " Certaines liqueurs fermentées, telles que la bière et le cidre, coupés avec de l'eau fraîche, sans concourir puissamment à une terminaison heureuse, ont néanmoins assez souvent fait disparaître, ou ont suspendu, pour quelque temps, ce redoutable symptôme [le vomissement noir]. Cet effet salutaire des boissons effervescentes, plus ou moins alcoolisées, nous rappelle que dahs une des épi- démies antécédentes, l'usage du vin de Champagne avait acquis un grand crédit. Un estimable confrère nous, as- sura dernièrement qu'en 1837, un de ses malades, qui se trouvait dans un état très grave, ayant avalé par erreur une solution alcoolique de sulfate de quinine, avait vu s'arrêter des vomissements jusqu'alors incessants, et s'é- tait rétabli. Un des plus anciens praticiens de cette ville nous raconta qu'en 18'23, un malade qu'il soignait, et qui semblait voué à une mort certaine, par le concours des symptômes les plus fâcheux, parmi lesquels le vomisse- ment noir prédominait, était tombé de son lit, dans son agitation, avait roulé dessous, et que ce ne fut qu'au bout de quelques heures qu'on l'y découvrit, achevant de vider une cruche qui contenait une grande quantité d'eau-de- vie. Ce malade guérit. " (Journ. de la Soc. Méd. de la N. O., No. 4, Nov. 1839.) J'ai vu moi-même deux cas de ce genre. L'un des 99 sujets était précisément l'une des deux femmes auxquel- les j'ai fait allusion dans un des chapitres précédents; l'autre un Irlandais, qui, vers le troisième jour de sa ma- ladie. alors que les vomissements étaient fréquents, reçut de sa mère des nouvelles attristantes, et se mit à boire pour dissiper sa mélancolie. Tous deux guérirent, et je dois ajouter que ces libations, que je croyais au moins intempestives, parurent exercer une influence salutaire contre les vomissements. Est-ce à dire qu'il faille créer une médication alcoolique ? Je ne le crois pas, et l'auteur de l'article cité plus haut ne le pense pas non plus. Néan- moins des faits de ce genre se sont répétés trop souvent pour ne pas mériter l'attention du praticien. Le mieux qui s'est opéré dans ces différents cas était-il dû à l'action de l'alcool, ou n'était-il qu'une simple coïncidence ? Je n'hésite pas à me prononcer pour l'affirmative, et voici pourquoi. A propos de l'usage de la saignée générale, j'ai fait remarquer que la classe d'individus que le méde- cin est appelé à soigner de la fièvre jaune dans notre ville est généralement adonnée à la boisson. Or, l'absten- tion, pendant deux ou trois jours, de cet aiguillon quoti- dien, jette leur estomac dans un état d'asthénie, par dé- faut de stimulus. Que le ventricule soit satisfait, il ac' quierc, pour quelque temps du moins, le ton qui lui man- quait et qu'il avait coutume de puiser à cette source ar- tificielle, ce qui lui permet de réagir. Ce qu'il y a de certain, c'est que les deux malades auxquels je viens de faire allusion avaient l'habitude, à l'état de santé, de faire abus des liqueurs alcooliques. C'est au médecin à peser les choses, et à juger s'il y a opportunité à employer ce moyen, qui peut être utile dans des circonstances excep- tionnelles, mais qu'il serait peu sage de généraliser. Enfin, je crois devoir consigner ici l'essai qui a été fait, in articulo mortis, de la transfusion par le Dr. N. B. Bé- nédict, de cette ville. "La malade, Aille J. B., était une jeune fille qui avait vécu dans le Nord jusqu'à l'âge de 100 puberté. En 1845, elle se rendit dans l'Etat du Mississipi, et de là, à la Nouvelle-Orléans, où elle a toujours résidé depuis les quatre dernières années. Depuis quatorze ans, elle n'avait fait aucune maladie grave. A la consultation du matin, les Drs. Kennedy et White déclarèrent que, dans leur opinion, elle ne pouvait vivre au-delà de trois ou quatre heures. Je leur dis alors : c'est un vieux dicton, " que l'homme qui se noie s'accroche à une paille." Depuis 24 heures, je me torture l'esprit pour trouver cette paille ; je l'ai trouvée enfin; c'est la trans- fusion. Une autre personne qui ne quittait pas la malade, écri- vait les lignes suivantes à un ami commun : "Je ne doute pas qu'elle ne meure avant l'opération." Ses extrémités étaient froides ; elle avalait avec difficulté ; elle avait le nez effilé et pincé ; les lèvres étaient exsangues, et l'état de faiblesse était extrême. L'opération commença quel- ques minutes avant une heure, et fut terminée quelques minutes après, d'une manière complètement satisfaisante. La transfusion eut pour effet immédiat de calmer le sys- tème nerveux. Le lendemain matin, ses lèvres étaient vermeilles. Elle ne ressentit plus aucun malaise, si ce n'est de la sécheresse à la bouche, et de la raideur dans les muscles qui président à la déglutition. C'était en quelque sorte un être nouveau. Elle était sauvée. J'ajouterai que le pouls qui, sous l'influence de l'exci- tation mentale, marquait 136 pulsations, à minuit et de- mie, tomba à 125 immédiatement avant l'opération ; après celle-ci, il descendit à 120; il conserva cette allure trois heures après la transfusion, ayant acquis toutefois plus de force et de plénitude. La voix reprit son volume ordinaire, le visage son animation, et les boissons étaient parfaitement supportées. Depuis lors l'amélioration ne s'est pas démentie un seul instant, et la santé de la ma- lade n'inspire plus aucune inquiétude. La seringue dont on s'était servi contenait 2 onces et demie de sang. Quel- loi que minime qu'ait été la dose, elle a cependant suffi pour opérer la guérison." 'N. O. Medical News and Hospital Gazette, Janua»ry, 1859. C'est là un essai fort encourageant, et qui mérite d'être répété dans tous les cas désespérés. Si l'expérience ve- nait à en constater l'efficacité, ce que l'observation pré- cédente permet d'espérer, le Dr. Bénédict aurait rendu un grand service à l'humanité en introduisant dans la thérapeutique de la fièvre jaune cette ressource précieuse, ultima ratio. QUELQUES OBSERVATIONS PRISES A LA PRISON DE L'ETAT. PREMIERE OBSERVATION. 11 Septembre 1858.-Daniel Smith, âgé de 34 ans, né dans la Pensylvanie ; depuis un mois dans la Louisiane et dans la prison où il est détenu comme témoin d'un meurtre commis à bord d'un navire. Entré à l'hôpital avant-hier soir, il a été pris dans la nuit du 10 au 11 de violentes douleurs en marchant. Il couchait près d'une croisée ouverte, subissant ainsi, toute la nuit, l'influence de l'air extérieur. Vu le 11 au matin : figure rouge ; yeux légèrement injectés ; peau peu chaude ; transpira- tion assez abondante ; céphalalgie violente ; douleur aux lombes. A ma visite du matin, l'infirmier lui avait déjà fait prendre 40 grains de sulfate de quinine. 12--La figure est devenue pâle : langue à peu près comme à l'état de santé ; pouls à 96, plein, mais dépres- sible ; chaleur peu intense : a vomi trois ou quatre fois cette nuit ; céphalalgie moindre ; évacuations abondantes dans la nuit, à la suite d'un lavement purgatif ; douleur légère à la région épigastrique, mais seulement à la pres- sion. Les urines ne contiennent pas d'albumine.-Pres- cription'. Un lavement purgatif; eau de seltz pour boisson. 13.-Pouls à 83 ; langue bonne : peau moite et fraîche. Pas de céphalalgie ; soif assez intense : pas de vomisse- ment, ni d'envie de vomir. Les urines contiennent un nuage floconneux (mucosine) ; mais l'acide nitrique ne décèle aucune trace d'albumine.-Prescription : continuer l'eau de seltz. 103 13, soir. à 5| heures.-Peau fraîche ; pouls à 96 ; très faible et très dépressible; transpiration froide aux poi. guets, au visage et au cou. Ventre légèrement chaud ; la peau y est sèche; langue bonne, humide, sans saburre. Pas de douleur ni à la tête, ni à la région lombaire.- j Prescription : limonade vineuse ; bouillon de veau répété plusieurs fois le jour. 14 {matin.)-Pouls à 76, petit, dépressible. Le malade n'éprouve aucune douleur.-Prescription : Bouillon ; eau de seltz.-Guérison. DEUXIEME OBSERVATION. 16 septembre, heures du matin.-Martin Cm le, Irlan- dais, âgé de 30 ans; cheveux bruns ; est entré à l'hôpi- tal le 15 après-midi. Je ne l'ai vu que le 16 au matin. 11 était déjà malade quand il est entré à la prison. Figure vultueuse; yeux médiocrement injectés; douleurs lom- baires ; céphalalgie ; peau chaude ; pouls à 95.-Prescrip- tion : purgatif salin. 17-Peau fraîche ; pouls à 72; visage extrêmement rouge ; langue presque naturelle ; douleur épigastrique excessive ; céphalalgie ; nausées sans vomissement. Les urines contiennent une grande quantité d'albumine.- Prescription : un second purgatif, le premier n'ayant produit que très peu d'effet. Après-midi, à 1| heure.-Pouls à 72 ; peau à peine chaude; visage vultueux ; a eu plusieurs évacuations quoique ayant vomi une partie de la médecine ; les urines n'ont pas été gardées ; douleur épigastrique très vive. La céphalalgie persiste. Après-midi, à 6 heures.-Pouls à 64, dépressihle; peau moite ; hoquet ; respiration difficile ; vomit tout ce qu'il prend ; suppression des urines. Mort dans la nuit, sans avoir vomi noir. 12 septembre.-François Otrosky, né en Pologne; dans la ville depuis le printemps dernier ; âgé de 58 ans ; che* TROISIEME OBSERVATION. 104 veux noirs, est entré à l'hôpital ce matin à 4 heures. Visage vultueux ; yeux fortement injectés ; peau chaude et sèche ; pouls à 96, plein, mais dépressible. Céphalal- gie intense ; douleur permanente à l'épigastre, s'exaspé- rant à la moindre pression. Langue sèche et râpeuse ; soif très grande : conduit à la prison trois jours avant de tomber malade.-Prescription : purgatif,salin. 13, à 8 heures du matin.-Pouls à 103, mon et dépressi- ble ; peau médiocrement chaude ; la céphalalgie persiste; langue sèche et râpeuse ; persistance de la douleur épi- gastrique ; a été médiocrement purgé. Les urines trai- tées par •l'acide nitrique, laissent déposer une énorme quantité d'albumine.-Prescription : limonade purga- tive. 13, soir, à 5 heures.-Pouls petit, à 104, très dépressi- ble ; peau moite plutôt que froide ; figure rouge, yeux; in- jectés. Le malade se met souvent sur son séant, a l'air de chercher quelque chose, se saisit de ses «ouvertures, les tire à lui, les abandonne et se recouche. Les urines soumises de nouveau à l'action de l'acide nitrique lais- sent déposer une énorme quantité d'albumine. 14 au soir.-Pouls à 76, mou, petit et dépressible. 15 au matin.-Mort la nuit dernière sans vomissement noir ; n'a pas eu d'hémorrhagie passive pendant le cours de la maladie; une épistaxis le premier jour. Plusieurs heures après la mort, le corps n'avait pas jauni. QUATRIEME OBSERVATION. 3 octobre.-James Thomas (prisonnier de la cour nord), âgé de 21 ans, natif d'Ecosse; en Louisiane depuis deux mois; conduit à la prison, le jour de son arrivée, pour cause d'insubordination à bord d'un navire. A été pris subitement, à 4 heures de l'après-midi, de céphalalgie et de douleurs lombaires ; pas la moindre douleur épigas- trique. Langue assez bonne ; visage légèrement coloré ; yeux nullement injectés ; pouls à 120. - Prescription : Pilules purgatives, jalap et calomel. 105 Le 4, à dix heures du matin : Peau fraîche, pouls à 100; pas de douleur épigastrique ; langue bonne ; pas de liseré blanc sur les gencives : a eu quatre évacuations. L'acide nitrique ne précipite pas d'albumine. Le 5, à 8 heures : Pouls à 100; peau fraîche ; langue légèrement saburrale au milieu ; pas de douleur épigas- trique. Le malade demande à manger. Le 6, à onze heures : Etat général excellent; peau, fraîche ; pouls à 72, développé, mais dépressible. - J'a1 accoidé un peu de bouillon au malade. Le 7, dans la matinée : Même état ; 3 bouillons par jour ; un peu d'eau de seltz et de vin.-Guéri. 14 octobre. - Barisien, né en France, âgé de 34 ans, robuste, et jouissant habituellement d'une excellente santé : dans le pays depuis un an ; dans la prison depuis cinq mois; à l'hôpital depuis le 17 d'août dernier, pour cause de flacture à la jambe. A trois heures de l'après- midi. a été pris subitement d'un frisson violent, de cé- phalalgie intense. Peau brûlante ; pouls à 118;conjec- tive injectée, surtout la palpébrale; douleur violente aux lombes ; langue légèrement saburrale. Prescription : Pilules purgatives, à prendre une toutes les demi-heures, jusqu'à effet purgatif suffisant. 15 au matin, à 9 heures : Peau brûlante ; pouls à 118 î visage vultueux ; yeux injectés ; subdelirium ; urines for- tement albumineuses ; a eu 3 évacuations. Prescription : Nouvelle dose de pi'ules. 17, dans la matinée : Peau médiocrement chaude ; pouls presque imperceptible, marquant 120 à la minute? douleur épigastrique très prononcée; conjonctive perpé- brale très injectée; hoquet depuis minuit; langue lourde, mais non tremblotante ; n'a pas uriné depuis avant-hier ; a été agité toute la nuit ; s'est levé deux fois, et a marché sans béquilles, ce qu'il ne faisait pas avant sa maladie. Langue sèche et râpeuse, comme dans la fièvre typhoïde. CINQUIEME OBSERVATION. 14 106 18, au matin : Mort cette nuit, à deux heures, avec vomissements noirs copieux ; n'a uriné qu'une fois dans tout le cours de la maladie. J'ai en ce moment sous les yeux la matière noire vo- mie à l'époque par ce malade. Je l'ai gardée jusqu'à ce jour, en repos, dans une fiole parfaitement fermée. Voici l'apparence qu'elle offre. Elle est divisée en deux cou- ches, l'une supérieure, liquide, transparente ; l'autre infé- rieure, ressemblant exactement à des parcelles de sang coagulé, à moitié délayé dans l'eau. En plaçant sous le nez le flacon débouché pour la première fois depuis six mois, il s'en exhale une odeur nauséabonde, difficile à définir. Le papier de tournesol plongé dans la couche liquide, rougit à la minute. SIXIEME OBSERVATION. 25 octobre. -Thomas Convvay. âgé de 22 ans, che- veux châtains; dans l'Etat depuis cinq ans; dans la ville depuis quatre. Jl est né dans l'Ohio : tombé malade dans Ja nuit d'avant-hier, à 4 heures. N'a pas éprouvé de fris- son. Douleurs à la tête et aux lombes. N'est entré à l'hôpital qu'aujourd'hui 25.-Peau médiocrement chaude; pouls à 96; langue presque naturelle; soif assez vive. Prescription : 15 grains de sulfate de quinine. (Les quatre années de séjour de ce sujet dans la ville me firent espé- rer, tout d'abord, que je n'aurais affaire qu'à une fièvre intermittente. Le 26, même état ; pouls à 96 ; peau médiocrement chaude ; souffre plus particulièrement du côté gauche de la tête ; urines fortement acides ; précipité albumineux par le deuto-chlorure de mercure, lequel précipité se dis- sout entièrement par l'addition de quelques gouttes d'a- cide acétique. Prescription : Pilules purgatives (calomel et jalap.) Le 27 : Pouls à 88 ; peau chaude ; céphalalgie violente pendant la nuit, moindre ce matin ; soif ardente ; langue légèrement épaissie et blanchâtre; pas de nausées; dou- 107 leur épigastrique par intervalles; nulle ce matin, pas même à la pression. Le malade a uriné trois fois assez co- pieusement cette nuit. Précipité abondant d'albumine avec le sublimé corrosif, aucun avec l'acide nitrique ; urines fortement acides. Le visage est encore coloré, et les vaisseaux de la'conjonctive fortement injectés. Trois évacuations. Prescription : Eau de seltz pour boisson ; un lavement purgatif pour ce soir. Le 28 : Peau fraîche ; faciès bon ; langue épaisse, et recouverte d'un enduit bilieux; pouls à 72; aucune dou- leur. N'a pas uriné depuis hier. J'ai retiré, à l'aide du cathétérisme, deux ou trois onces de liquide ; les urines, traitées par l'acide nitrique, donnent un précipité albu- mineux. Prescription : Frictions camphrées sur les reins; eau de seltz pour boisson. Le malade demande à man- ger : bouillon de jarret de veau récidivé trois ou quatre fois dans la journée. Le 29 : Peau fraîche; pouls à 72; langue suburrale gencives scorbutiques. Le malade a eu dans la nuit un peu de fièvre et de frisson; il a souffert légèrement de la tête et a transpiré. Il se plaint d'une douleur qui de l'épi- gastre s'étend au bas-ventre; a uriné deux fois librement et copieusement dans la nuit : n'a eu ni vomissement, ni nausée; pas de céphalalgie. Les urines mises de côté dans une fiole laissent déposer de l'albumine. La partie qu'on en décante rougit fortement le papier de tournesol ; traitée par le Sublimé, elle prend une couleur laiteuse que l'ammoniaque ne change pas ; mais elle redevient limpide par l'addition de quelques gouttes d'acide nitri- que. Prescription : Un quart de lavement avec un gros d'extrait de quinquina jaune et 10 grains de sulfate de quinine ; eau de seltz ; deux bouillons dans la journée. Le 30 : Légère douleur, réveillée par la percussion à la région hépathique. Matité dans cette région, au-dessus des côtes ; peau fraîche ; langue bonne ; le malade accuse 108 un mieux général. Prescription: Pilules purgatives (jalap et calomel), eau de seltz pour boisson. Le 31, peau fraîche ; pouls à 5G ; gencives boursouflées et saignantes ; aucune douleur; la région hépatique est dégagée. Langue naturelle ; l'appétit est revenu; le ma- lade a bien dormi ! Prescription : Lavement de quinquina, comme plus haut. Bouillon et pain ; eau de seltz et vin. 1er novembre : Peau moite; langue naturelle ; pouls à 64. Précipité albumineux à l'aide du sublimé, ainsi qu'a- vec l'acide nitrique seul. Prescription : Lavement de quinquina; bouillon et pain ; eau de seltz et vin. Le 2 : A eu un peu de fièvre cette nuit. Pas d'albumine à l'aide de l'acide nitrique seul, mais il s'en forme un dépôt abondant à l'aide d'une addition de quelques gouttes d'ammoniaque. Prescription : Lavement de quin- quina avec 12 grains de sulfate de quinine. Le 3 : Le malade se sent bien ; l'acide nitrique seul ne précipite pas d'albumine; mais il s'en dépose si on ajoute quelques gouttes d'ammoniaque; un excès de cet alcali dissout le précipité. Prescription : Soupe et viande blan- che ; eau de seltz et vin.. Le 4 : Rien de nouveau. Le 5 : Les urines sont redevenues albumineuses ; l'état général est excellent ; beaucoup d'appétit. Le 6 : Tout à-fait bien. Les urines continuent à être albumineuses pendant plusieurs jours.-Guéri. 25 octobre : J. C. Adams,, âgé de trente ans, né dans la Caroline du Sud; n'a jamais passé d'été à Charleston (capitale de la Caroline), où la fièvre jaune règne souvent épidémiquemenl ; a vécu long-temps dans l'Etat du Mis- sissipi : habite la Louisiane depuis douze mois, la ville depuis quatre; a passé sept mois au lac Providence. Constitution robuste; cheveux châtains.- Peau chaude; fièvre ; céphalalgie et douleur aux lombes ; pouls à 100 ; SEPTIEME OBSERVATION. 109 n'a pas éprouvé do frisson. Prescription : Pilules purga- tives. Le 26 : même état ; peau fraîche; pouls à 96, petit, fai. blej difficile à saisir à cause de sou extrême dépressibilité. Le sublimé précipite une matière blanche des urines ; l'acide nitrique ne produit aucun effet. Le malade a eu plusieurs selles ; céphalalgie moins intense qu'hier : épis- taxis abondante. Le 27 : adynamie très prononcée : pouls à 96, excessi- vement faible et dépressible ; douleur épigastrique s'exas- pérant à la pression. Le malade s'est levé en ma pré- sence pour se mettre sur le vase, et est tombé lourdement en s'y asseyant : immédiatement après le choc, il est sur- venu une épistaxis copieuse. Prescription .'Eau de seltz avec un peu de vin : quart de lavement avec un gros d'extrait de quinquina jaune. Le 28 : Il y a.eu un coup de nord dans la nuit. Peau fraîche ; pouls à 100 ; langue bonne : pas de céphalalgie ! Le malade a eu une douzaine de vomissements dans la nuit, mais peu copieux. Douleur épigastrique à la pres- sion seulement ; gencives scorbutiques ; trois mictions fa- ciles dans le courant de la nuit ; l'acide nitrique précipite une très forte quantité d'albumine dans les urines. Pres- cription : Eau de seltz avec un peu de vin ; quart de lave- ment avec un gros d'ext. de quinquina jaune ; quelques gouttes de parégorique répétées de temps à autre pour calmer la susceptibilité gastrique. Le malade a encore eu plusieurs épistaxis. Le 29 : Peau fraîche ; pouls à 88, si faible et si miséra- ble qu'il échappe presque aux doigts ; douleur épigastri- que très vive, augmentant à la pression. Les vomisse- ments, dus surtout à la grande quantité de liquide que le malade prenait coup sur coup, se sont arrêtés depuis que la boisson lui est mesurée : crachement fréquent de sang; Je malade assure qu'il le sent venir de la poitrine ; respi- ration normale ; battements du cœur mous, comme velou- 110 tés : gencives boursouflées, scorbutiques, saignant facile- ment. Le crachat qu'il vient de rejeter en ma présence, contient une grande quantité de sang coagulé. Il n'a pas eu de miction cette nuit ; a uriné ce matin ; pas de dou- leur, si ce n'est dans les mouvements de la respiration. Région hépatique douloureuse à la percussion. Le foie remonte très haut : teinte ictérique sur tout le corps. Les urines, après avoir reposé quelque temps, laissent voir un léger précipité, rouge-brique [acide urique.j Elles rougis- sent fortement la teinture de tournesol. Traitées par l'a- cide nitrique, elles donnent un précipité albumineux très abondant qui se dissout également par un excès d'acide nitrique ou par l'addition de quelques gouttes d'ammo- niaque. Le sublimé n'y produit aucun changement. Prescription : Quart de lavement avec un gros d'extrait de quinquina et 10 grains de sulfate de quinine. Eau de seltz pour boisson. Le 30 : Peau fraîche ; pouls à 100 ; langue uniformé- ment rouge ; plus cependant à la pointe qu'aux au- tres parties. Gencives saignantes. Ne crache plus le sang, ne vomit plus, mais fait des efforts sans résultat. Douleur épigastrique moins vive ; teinte ictérique plus prononcée. Ihécipité abondant d'albumine par l'acide ni trique seul, se dissolvant sous l'influence d'une addition de quelques gouttes d ammoniaque, et se reproduisant par un excès d'acide nitrique, et vice versa. Prescrip- tion : Quart de lavement avec un gros d'extrait de quin- quina jaune et 10 grains de sulfate de quinine. Eau de seltz pour boisson. Le 31 • peau presque normale ; pouls à 100 ; un peu plus résistant ; langue comme écorchée ; gencives bour- souflées, très saignantes ; douleur épigastrique légère à la pression ; plus de vomissement, quelques efforts seule- ment de temps à autre. Soif très grande ; a eu plusieurs selles après un lavement purgatif. Insomnie permanente; le malade s'agite et changerait souvent de lit si l'infirmier ru le laissait faire. Les urines sont toujours fortement albu- mineuses. Prescription : Potion calmante ; quart de la. vement de quinquina ; eau de seltz avec un peu de vin. Le 1er novembre : Délire permanent hier et toute cette nuit; hémathémèse; suppression des urines; selle noire vers 10 heures du soir. A partir de minuit, le malade se re- froidit. Mort à 10 heures du matin. HUITIEME OBSERVATION. Le 4 novembre: Francis Crosby, âgé d'environ 30 ans; barbe et ckeveux ronges, natif de Boston (Etat de Mas- sachussets.) la Louisiane depuis 14 mois, la ville depuis juillet dernier, la prison depuis son arrivée à la ville. Peau à une bonne température; pouls à 100, faible et depressible ; gencives boursouflées et rouges ; langue humide, légèrement saburrale. Pas de douleur épigastri- que, pas de vomissement, pas de nausée : réseaux vascu- laires de la conjonctive injectés. Soif presque nulle. L'infirmier lui a fait prendre un purgatif hier à 5 heures du soir. Il a été purgé une fois copieusement. 11 se sent considérablement soulagé depuis la purgation. Les urines, filtrées, laissent déposer , sur'le papier,* en grande abondance, une sorte de sable jaune (sans doute de l'a- cide urique coloré par la bile.) L'acide nitrique en préci- pite une forte quantité d'albumine, en ajoutant toutefois quelques gouttes d'ammoniaque. Prescription : Pilules purgatives [les mêmes.] Le 5 : Peau fraîche et moite ; pouls à 96, faible, dé- pressible ; langue large, humide, légèrement saburrale. La fièvre a été forte dans la nuit. Le malade a uriné abondamment. L'urine ne rougiPpas le papier de tourne- sol ; l'acide nitrique en précipite l'albumine, pourvu qu'on ajoute quelques gouttes d'ammoniaque. Passée à travers le filtre, elle donne lieu à un dépôt jaune, abon- dant, comme plus haut. Prescription : Lavement pur- gatif: une heure après, un quart de lavement avec extrait de quinquina jaune. 112 Le 6 : Peau fraîche ; pouls à 80 ; langue humide, légè- rement blanche ; pupilles très dilatées (phénomène que j'ai observé souvent dans la fièvre jaune.) Le malade a pris un peu de bouillon ce matin. Les urines traitées par l'acide nitrique et l'ammoniaque continuent à présenter de l'albumine. Le précipité se dissout immédiatement dans un excès d'acide nitrique. Le 7 : Tout-à-fait bien. Dépôt albumineux dans les urines pendant plusieurs jours. Guéri. NEUVIEME OBSERVATION. 10 novembre : McLalas, natif d'Irlande, âgé de 21 ans, est arrivé de St. Louis depuis quelques mois : est entré à l'hôpital ce malin. Visage coloré ; langue saburrale au milieu, rouge aux bords et à la pointe ; pouls à 88, plein, très dépressible. A été pris subitement cette nuit de fièvre avec frisson. Pas de douleur épigastrique. Urines albu- mineuses. Prescription'- Pilules purgatives. Le 11, la fièvre a été très forte jusqu'à minuit. Ce ma- tin, la figure est rouge, la langue comme hier. Peau fraî- che ; pouls à 45 (ce poids ne s'observe guère que dans la convalescence1 *), très faible et très dépressible. Le ma- lade n'a eu ni vomissement, ni nausée ; n'est pas altéré. Pas de douleur épigastrique. La céphalalgie est encore intense Urines très abondantes et de couleur foncée. Elles ne rougissent le papier de tournesol qu'après un certain laps de temps. L'acide nitrique les trouble sans précipiter l'albumine. Prescription : Lavement de quin- quina jaune ; eau de seltz avec un peu de vin. Le 12 : Peau médiocrement chaude ; visage coloré ; langue sale, rouge aux bords et à la pointe. Pouls à 98. La fièvre a été forte toute la nuit. Gencives très rouges à * Le Dr. S. Martin m'a cité l'exemple d'un individu qui a conser- vé le pouls à' 45, une quinzaine de jours après qu'il eut déjà com- mencé à vaquer à ses affaires. 113 la base, présentant au sommet un liseré blanc. Le ma- lade a eu trois évacuations dans la nuit. L'acide nitrique trouble seulement les urines. Prescription : Lavement de quinquina ; eau de sellz et vin. Le 18 : Peau bonne ; pouls à 45 ; transpiration abon- dante hier. Le malade a encore eu la fièvre cette nuit; se sent très faible. L'acide nitrique trouble les urines sans précipite» d'albumine. Prescription : 15 grains sulfate de quinine ; à continuer le vin et l'eau de sellz. Le 14: Peau bonne ; pouls fort, développé, marquant 60 à la minute. Langue humide, rouge seulement à la pointe. Taches bleues sur l'abdomen, disparaissant à la pression des doigts et renaissant lentement quand la pres- sion a cessé. Gargouillement dans la fosse-iliaque droite. Le malade a été brûlant cette nuit ; a transpiré vers les cinq heures du matin ; se sent faible ; n'a pas eu de vin hier ; a eu plusieurs selles dans la nuit. Soif ardente, insomnie. L'acide nitrique donne naissance à un dépôt albumineux. Prescription: 20 grains sulfate de quinine à prendre en deux fois, à 3 heures de distance. Eau de seltz et vin. Le 15 : Peau bonne ; pouls à 45 ; langue humide, en- core rouge à la pointe ; fièvre légère peu lant la nuit ; soif assez marquée ; urnes albumineuses à l'aide de l'a- cide nitrique avec a 1 lition de quelques gouttes d'ammo- niaque ; deux évacuations dans la nuit. Prescription: Lavement de quinquina avec 10 grains de sulfate de qui- nine. Le 13 : Peau fraîche ; langue humide, légèrement sa- burraleà la base ; pouls à 45 ; pas de fèvre la nuit der- nière, ni iis tr inspiration ; b mdante. Appétit ; les urines comme hier. Prescription : La même que la précédente. Le 17 : Pas de fièvre cette nuit ; le malade a bi< n dormi ; pouls à 48 ; appétit ; les urines contiennent du mucus en suspension ; plus de précipité albumineux avec 15 114 l'acide nitrique. Prescription : Un peu de bouillon ; vin et eau de seltz. Le 18 : L'urine mise de côté depuis hier présente un précipité albumineux à l'aide de quelques gouttes d'acide nitrique. La convalescence marche bien ; rien de re- marquable, si ce n'est une grande soif. Les taches bleues signalées plus haut, étaient encore apparentes hier. Le 19 : Urines albumineuses. Le malade se lève et se promène. • Le 29 : Les urines traitées par l'acide nitrique, avec addition de quelques gouttes d'ammoniaque, donnent un précipité abondant d'albumine. Le 21 : Le sujet continue à aller mieux.-Guéri. QUESTION DE LA FIEVRE JAUNE, lo. CHEZ LES CRÉOLES DE LA CAMPAGNE; 2o. CHEZ CEUX DE LA VILLE. Je ne mettrai certainement ni beaucoup de de temps, ni beaucoup de difficulté à retracter mon opinion, mes principes, si la comparaison des deux doctrines et le jugement des autres l'exigent. Je connais assez la pathologie, la médecine, et leur versalité. pour ne tenir extrê- mement ni à un système médical, ni à. une doc- trine pathologique quelconque. (Tommasini, Ouv. cité.) Je suis très-éloigné de me croire à l'abri de l'erreur. Il faudrait avoir peu étudié et peu réfléchi pour n'être point arrivé à reconnaître l'extrême faillibilité de l'esprit hu- main, et j'entends de l'esprit le mieux doué de la nature et le mieux cultivé. Certes, c'est un acte grave que de produire et de défendre une opinion qui pourrait être erronée ; mais lorsqu'on a la ferme conviction que loin d'être telle, elle est, au contraire, l'expression de la vérité, c'est un devoir de la publier et de la soumettre avec can- deur à l'examen de ceux qui sont juges compétents delà matière. S'il y a quelque chose de grand, de noble et de beau sur cette terre, à coup sûr, c'est la vérité. L'homme doué de quelque réflexion n'est satisfait qu'autant qu'il l'ait découverte. S'est-il laissé tromper aux apparences, il faut encore lui savoir gre des efforts qu'il a faits pour la découvrir. D'ailleurs, s il est sincère, et s'il n'est mû que par l'amour du vrai, il se hâtera d'abjurer l'erreur qu'il aura défendue, dès qu'elle lui aura été démontrée. 116 Ce n'est pas à la légère que j'ai adopté l'opinion que je vais développer. J'ai hésité long-temps avant de me pro- noncer, enchaîné que j'étais par la croyance, populaire plutôt jue traditionn die. Je me souviens d'avoir vu en 1853 des enfants créoles qui offraient tout le groupe de symptômes appartenant au typhus ictérode. J hésitais, et je disais aux parents : " Si j avais affaire à un étranger, j'affirmerais que c'est la fièvre jaune." Aujourd'hui mon opinion est arrêtée, appuyée qu'elle est sur des observa- tions mieux étudiées, plus approfondies. Je vais essayer de la justifier. Mais avant d'entrer dans le cœur du sujet, je tiens à faire ici quelques citations générales, pour faire connaître au lecteur la manière de voir de quelques mé- decins de grand mérite dans la question dont je m'oc- cupe. " Elle (la fièvre jaune) n'attaque que les étrangers; les personnes nées à la Nouvelle-Orléans en sont complète- ment exemptes, bien que ce soit encore une question de savoir si elles ne l ont pas eue dans leur anfance." Har- rison (Ouv. cit ) " Aux Etats-Unis, personne, à ce qu'il paraît, n'est épargné; Indiens, anciens et nouveaux habitants, fixes ou passagers, tous, jusqu'aux noirs d'Afrique et aux hom- me* de couleur, y sont également exposés, quels que soient le sexe, I âge ou le tempérament. J ajoute que la répétition de la maladie dansle meme sujet, nulle à la Vera- Cruz et si rare aux Antilles, est très fréquente aux Etats- Unis [Observations sur la Flèvre jaune, faites à Cadix, par MM i ariset et Mazrt, p. 117.) Attribuée [la fièvre jaune à Guayaquil] à une impor- tation du Panama, par un navire du commerce, la Reine Victoria, elle atteignit presque toutes les classes de la population, meme les noirs, qui cependant ne fournirent aucun décès ; sévit avec moins de rigueur sur les enfants blancs, indigènes ou métis, et sur les créoles, dont plu- sieurs payèrent tribut au fléau." [Relation médicale d'une 117 campagne aux mers du Sud, par Ernest Berchon, 21 juin 1858.] "Les noirs et les gens de couleur, bien qu'ils ne soient pas toujours exempts de cette maladie, y sont compara- tivement bien moins sujets." (D. Blair, ouv. cité.) " Au commencement de l'épidémie et jusqu'à ia fin de 1837, des Européens qui avaient plusieurs années de rési. dence dans le pays [Guyane anglaise], quelques noirs et gens de couleur, ainsi que des Indiens, contractèrent la maladie. Néanmoins elle n'était que rarement fatale pour les Européens depuis long-temps dans le pays et pour les créoles blancs des Indes Occidentales, bien qu'elle revêtît le type le plus grave, [ü. Blair, même ouv., p. 59.) " On n'a jamais observé qu'un nègre, immédiatement importé d'Afrique, ait été atteint de la maladie ( fièvre jaune), mais ceux qui ont voyagé en Europe, ou dans les latitudes élevées de l'Amérique, y deviennent sujets à leyur retour dans les Indes Occidentales." (Jackson, Treatise of the fevters of Jamaica.) " Le nègre, né en Afrique, et transporté dans les An- tilles par la traite, n'a rien à craindre de la fièvre jaune. Il n'en serait pas de même du nègre né dans le Nord. 11 pourrait très bien être atteint de cette maladie. 11 n'y a peut-être pas d'épidémie de fièvre jaune au continent nord de l'Amérique, durant laquelle il ne périsse quelques- uns des nègres ordinaires de cette contrée." (Rochoux, Recherches sur lafèvre jaune, p. 259.) J'arrive maintenant à la question de la fièvre jaune rurale. Je n'ai pas à démontrer que les créoles qui habitent la campagne sont aptes à contracter la maladie, s'ils vien- nent à la ville pendant une épidémie. Je crois que tout le corps médical est unanime sur ce point. La question en litige est de savoir si le fléau' peut se propager dans les campagnes. Quelques médecins justement estimés le nient. On a avancé même que c'était là une assertion us toute nouvelle ; que la croyance générale, il y a quelques années, était, qu'il suffisait de sortir de l'enceinte de la vilie, ou au moins de se réfugier dans la campagne voi- sine pour se mettre à l'abri du mal. Il n'en est rien ce- pendant. J'ai sous les yeux un mémoire manuscrit d'un ancien praticien de cette ville, le Dr. J. P. Dufour. Ce mémoire inédit, adressé à la Société Académique de Marseille, a valu à l'auteur le titre de membre corres- pondant de cette même société. J'ajouterai qu'il est rempli d'observations très intéressantes. J'y lis les ré- flexions suivantes : " En 1820. l'épidémie fut générale. La population qui se rendit a la Baie St. Louis fut très peu nombreuse. La fièvre y fut importée ; il en mourut plusieurs personnes, même de celles qui habitaient la localité depuis long- temps. Cette même année, l'épidémie se propagea avec une grande rapidité par les bateaux à vapeur jusqu'à Nâtchez où elle fit de grands ravages." Dans l'histoire générale de l'épidémie de 1839 (Jour, de la Soc. Médicale de la JNlie-Orléans), il est dit, page 159 : " Chose inouïe jusqu'alors, à mesure que l'épidémie paraissait perdre de sa force en ville, on était informé que -de tous côtés elle se répandait dans les campagnes. Les plus petites localités, qui passaient pour en être complète- ment à l'abri, en subissaient l'influence, et là, elle se mon- trait presque tout aussi sur les indigènes que sur les étrangers." Je sais qu'il est permis d'objecter que tous les médecins cités plus haut ont pu se tromper, et que ceux qui pro- fessent la même opinion de nos jours se trompent égale- ment ; que les uns et les autres ont pris pour le typhus ic- térode, ce qui n'est qu'une fièvre larvée, c'est-à dire une fièvre pernicieuse revêtant les formes de la terrible affec- tion qui nous occupe. Je ne veux rien rejeter ; j'admets la possibilité de l'erreur de la part de l'immense majorité* 119 Mais avant tout, il fuit s'entendre sur la valeur des ter- mes. Qu'pst-ce qu'une fièvre larvée ? <k Le quatrième genre (des fièvres intermittentes) com- prend les fièvres dites larvées ou masquées, dans lesquel- les il n'y a ni frisson, ni chaleur, ni sueur, et qui consis- tent uniquement dans l'apparition périodique d'un symp- tôme plus ou moins grave.''-F. C. Maillot, des Fièvres intermittentes, p. 45. " Ce symptôme périodique, dit Mr Bonnet, consiste dans des douleurs violentes ayant leur siège, soit dans les articulations ou dans les muscles, soif dans les nerfs des membres ou des organes des sens, soit dans la substance cérébrale elle-même, soit dans l'un des viscères abdomi- naux ou thoraciques ; tantôt dans les vertiges, le délire, la chorée, des convulsions, l'insomnie, un sommeil coma- teux, le cauchemar, l'aphonie, une grande loquacité ; tantôt enfin dans un phénomène tel que la soif, la toux, la dyspnée, l'éternuement, le hoquet, les palpitations, Ip vomissement, les hémorrhagies diverses, la salivation, le diabétès, une rétention d'urine, l'ictère, etc." Pour ma part, je n'ai rien vu de pareil dans les fièvres à vomissement noir que j'ai observées chez les aréoles. " Selon la remarque de Senac, il est peu de fièvres continues qui, dans la rigueur, soient homotones, c'est-à- dire que dans aucune le pouls ne se soutient avec la même intensité, qu'il y a des exacerbations et des rémissions, etc. Il observe d'abord qu'il y a plusieurs points de si- militudes qui unissent ces deux ordres de fièvres. Dans les rémittentes, les accidents se manifestent souvent avec moins de violence un jour que dans l'autre ; on observe même quelquefois quatre exacerbations dans l'espace de vingt-quatre heures ; les intervalles qui séparent ces exa- cerbations sont tantôt plus longs, tantôt plus courts. Lorsque les accidents s'aggravent, la maladie est pour ainsi dire entraînée dans son cours et ne suit aucune marche régulière. H y a néanmoins toutes les trois ou 120 quatre heures des paroxysmes qui ne tardent pas à re- naître, dès qu'une fois ils ont décliné. En second lieu, lorsqu'il y a deux ou trois paroxysmes, res paroxysmes ne sont pas égaux; il en est un (pii domine en quelque sorte sur les autres. Senac parle d'une épidémie de fièvres ma" ligues où cette prédominance était très manifeste. Il y avait une exacerb ition le m it in ; m i s vers les 10 heures, il survenait une exacerbation qui s'appaisait dans l'es- pace de trois ou quatre heures. Cette rémission n'était pas de longue durée, car vers les neuf heures, tous les symptômes renaissaient et continuaient avec violence toute la nuit. On ne peut donc juger des symptômes qui appartiennent aux fièvres rémittentes, ni d'après le temps, ni d'après le nombre des exacerbations. Dans les continues, les paroxysmes n'ont pas lieu en général, à une heure déterminée. Leurs rémissions ne présentent point un mieux sensible ; la peau ne présente point cet état de moiteur qui laisse un cours facile aux excrétions et aux sécrétions, etc."-Alibert, Disserl. sur les jièvres intermittente s, p. 110 et 111, édit, de 1801. Je passe maintenant à l'épidémie qui a régné en 1853 à la paroisse St. Jean-Baptiste. A cette époque, I opi- nion générale des médecins de la ville était qu'on avait affaire dans cette paroisse à la fièvre pernicieuse plu- tôt qu'à la fièvre jaune. J'inclinais moi-même vers cette croyance et ce fut sous l'empire de cette préven- tion que je partis pour étudier les faits sur les lieux mê- mes. Je fus accueilli par mon ami et estimable confrère le Dr. Fortinau, qui s'empressa de me faire voir tons les malades qu'il avait en traitement, et ils étaient extrême- ment nombreux. C'est à peine s'il pouvait suffire à la tâche. Nous visitâmes ensemb'e, pendant une semaine, de cinquante à soixante malades par jo r. Plusieurs d\ ntre eux étaient étrangers, ce qui nous fournissait l'a- vantage d'étudier comparativement la maladie s ir les deux populations, indigène et étrangère. Je demandai au 121 Dr. Fortinau s'il avait fait usage du sulfate de quinine au début de la fièvre ; il me répondit qu'il l'avait donné à haute dose et qu'il y avait renoncé à cause de son inef* cacité. Un des premiers malades que je vis, fut une mulà- tresse anivée au cinquième ou sixième jour de la mala- die. Elle était étendue sur le plancher, dans le décubitus dorsal, complètement insensible. Sa peau était de couleur jaune-safranée ; couleur plus manifeste encore sur la sclé- rotique. Le sang qui lui coulait du nez et de la bouche fesait disparate avec la couche noire de sang coagulé sur laquelle il avait à passer. Il s'en échappait également des oreilles, de l'anus et du vagin. Je n'ai revu depuis que deux ou trois exemples de ce type hideux de la fièvre jaune arrivée à son complet développement. Le pouls ne se sentait presque plus. La bouche qui restait entr'ou- verte, laissait voir, dans sa cavité, un mélange de sang noir coagulé et de sang liquide provenant de la langue, des gencives, de l'arrière gorge et probablement aussi des bronches.il n'y avait là rien de larvé, pas même la mort, profondément empreinte sur le visage de la malade, la- quelle survécut à peine quelques heures à m i visite. La série de cas observés subséquemment ne tarda pas à détruire la prévention avec laquelle j'étais venu, et à me convaincre que j'étais en face d'une épidémie de fièvre jaune la mieux caractérisée. Néanmoins, je voulus me satisfaire, et ayant eu une ample occasion d'essayer I al- caloïde, je le fis libéralement dès le début de la fièvre. Loin d'en tirer aucun profit, je m aperçus qu'il exaspérait les symptômes nerveux, et qu'il augmentait la susceptibi- lité gastrique, conséquemment les vomissements. J y renonçai entièrement, si ce n'e.-t dans des cas exception- nels, où son usage me paraissait clairement indiqué. Parmi les quelques observations que j'avais prises à l'époque, je retrouve les deux suivantes qui sont com- plètes. 122 Paroisse St. 6 octobre 1853. - Joseph Fraisky, âgé de sept à huit ans, est tombé malade hit r matin. Douleur à la tête et aux jambes, mais pas aux lombes; poul plein, très fréquent, dur. Langue blanche au milieu, ronge aux bords. Pas de nausées; respiration snspirieuse ; peau chaude ; chaleur âcre, mordicante. mal- gré la transpiration. Ventre libre. - 6 au soir. - Même état. Prescription : Lavement purgatif; après quoi, 15 grains de sulfate de quinine, mêlés avec quelques grains de calomel. Le 7, au matin : Même état ; quelques évacuation» ont eu lieu. 9 heures du soir : Figure très colorée; peau sèche ; chaleur mordicante; pouls à 142; respiration suspirieuse se répétant fréquemment ; gencives saignantes, sillonnées à leur partie supérieure d'un liseré blanc, sorte de secré- tion crémeuse. Le 8, à 8 heures du matin : Pouls à 160, petit, très dé- pressible ; agitation extrême, figure présentant l'expres- sion de la frayeur; mouvements désordonnés; respiration fortement suspirieuse ; gencives rouges, boursouflées, recouvertes de pseudo-*membranes extrêmement épaisses et se détachant avec une grande facilité; peau sèche, cha- leur âcre, mordicante; céphalalgie ; miction difficile; selle» copieuses, involontaires ; vomissements bilieux ; surdité. 7 heures du soir : Pouls à 168, très faible. Insensibilité presque complète ; état voisin du coma. Le petit malade ne répond plus. Pas de vomissement ; plusieurs évacua- tions noires. Le 9 octobre : L'enfant est mort à minuit, rendant des selles que la garde malade compare à du goudron. PREMIERE OBSERVATION. DEUXIEME OBSERVATION. Le 6 octobre 1853 : Mme Aimé, âgée d'environ 30 ans, !Wt tombée malade ce matin. Frissons irréguliers, reve» 123 nant aux moindres mouvements. Céphalalgie ; douleur» lombaires, qu'elle dit être différentes de celles qu'elle éprouve dans les accès de fièvre intermittente, à laquelle elle est sujette. Pouls fréquent, peu élevé; peau chaude, moite; respiration suspicieuse. La malade est inquiète sur >on état. Yeux injectés; visage [eu coloré. Mme A. a pri une médecine de magnésie qui lui donne des nau- sées, et qui a provoqué toutefois trois évacuations bilieu- ses. La langue est blanche au milieu et rouge aux bords. Le 7 au matin : Trois évacuations nocturnes provo- quées par un lavem *nt ;deux au trois vomissements après avoir bu du thé. Peau un peu moins chaude; pouls le même; respiration toujours suspicieuse. La céphalalgie et les douleurs lombaires ont disparu. Le 7, au soir : Peau chaude, et sèche; pouls à 120; lasigue saburrale au milieu, rouge aux bords et à la pointe. Gencives rouges, gonflées, comme scorbutiques; matière crémeuse très abondante sur les gencives. Le 8, à sept heures du malin : Pouls à 120, plus petit qu'hier ; grande agitation; respiration toujours suspicieuse. Teinte iclértque très prononcée de la face ; yeux injectés; regard farouche ; surdité m mifeste; paroles entrecoupées. La malade a eu des vomissements bilieux. Sensibilité épigastrique très grande : peau sèche et chaleur mordi- cante ; miction diffici.e et rare. Le 8. à 6 heures du soir : Pou's à 112, petit; peau fraîche sans moiteur; les gencives sont gonflées, comme sur le point de saigner ; la langue est légèrement humide; respiration suspiiieuse très fréquente. Regard effrayé et scrutateur: plus de céphalalgie ni de douleurs lombaires, La malade a transpiré dans la journée ; n'a pas dormit Suppression des urines. Mme A. se plaint de gaz dan» l'estomac ; elle est très agitée ; elle a vomi un peu de sang. Sa sœur lui a fait prendre un lavement purgatifqui a déterminé plusieurs évacuations. Le 9, à 6 heures du matin .* Insomnie pendant la nuit ; 124 tendance au refroidissement. Poufs fréquent, petit, et très dépressib'e ; hémorrhagie des gencives ; respiration tou- jours suspirieuse ; surdité moindre; même expression du regard ; voix éieinte; envies de vomir; plusieurs évacua- tions nocturnes. Légère hémorrhagie vulvaire. L'agita- tion est extiême. 5 heures du soir : Peau fraîche ; pouls presque imper- ceptible; pyrosis ; nausées moins fréquentes; phénomènes de diplopie ; suppression des urines; teinte ictérique liés prononcée. Le 10 : La malade est morte dans la nuit, en vomis- sant noir. Voici maintenant trois observations prises en ville pen- dant la même épidémie. Je copie textuellement mes notes. Le 12 d'août, à 2 heures él demie, je causais avec Mr. l'allié, en parfaite santé dans le moment. 11 plaisantait sur l'épidémie, prétendant être trop maigre pour donner prise à la maladie. A trois heures moins le quart, il tra- versa la rue, pour aller prendre un petit verre d'absinthe au café voisin, et de là se dirigea vers sa demeure, rue Claiborne, à environ douze îlets de l'endroit qu'il venait de laisser. A peine était-il à moitié route, qu il éprouva gubÀarnent un malaise généial. A 6 heures, il me fit ap- peler, et je le trouvai dans l'état suivant : 11 est couché sur le dos, recouvert d'un édredon. L'an- xiété est peinte sur la figure, qui du reste est pâle comme à l oidinaire. Le malade dit que la tête lui paraît lourde plutôt que douloureuse. Il n accuse qu'une légère rachial- gie. Li peau est recouverte d une transpiration abon- dante, a travers laquelle on sent néanmoins une chaleur âcre, mordicante. Le pou s est a IâÜ ; il est plein, mais dépres>ible. Prescription : Infusion de camomille chaude; t>aajs de* pieds sinapisés après le frisson ; une bouteille PREMIERE OBSERVATION. 125 d'eau de sedlitz pour le lendemain de bonne heure, si la fièvre persistait; 24 grains de sulfate de quinine si elle venait à céder. Le 13, à 7 heures du matin : La peau est chaude ; le pouls à 96. Langue saburrale, rouge à la pointe. La tête est lourde, mais pas de céphalalgie; rachialgie légère. La médecine, prise à 4 heures du matin, a produit huit éva- cuations abondantes. Prescription : Voyant le pouls à 96, je prescrivis 24 grains de sulfate de quinine en trois doses. Après-midi, à 5 heures : Même éwit ; pouls toujours à 96 ; peau sèche. La figure commence à se colorer. Le 14, au malin : Peau sèche ; chaleur mordicante » pouls à 96; langue saburrale, rouge à la pointe; visage légèrement congestionné; pas de céphalalgie, mais la tête est lourde ; douleur légère aux lombes. Le malade a vomi deux fois dans la nuit, et a uriné assez copieusement. Ce malin, en ma présence, il a vomi, avec de grands efforts, de la matière bilieuse. Prescription : Limonade ; deux pilules d'opium, d un demi-grain chaque, à prendre dans la journée. A onze heures du matin, le pouls est à 88, plein et dé- pressible. Les vomissements se sont arrêtés; peau sèche; la chaleur mordicante persiste; assoupissement léger; pas de céphalalgie. Prescription. : Un quart de lavement, avec un gros d'extrait de quinquina jaune et 15 grains de sulfate de quinine. A sept heures et demie du soir : Peau chaude ; pouls plein, dépressible, 84 à la minute. Le malade a vomi deux fois depuis 11 heures. Langue humide et saburrale. Le lavement fébrifuge a été gardé. Le ventre est un peu ballonné. Le malade a dormi à plusieurs reprises ; à mon arrivée, il dormait d'un sommeil profond. Piescription : Lavement purgatif ; pour demain matin de bonne heure, un quart de lavement, avec la même dose de quinquina et de sulfate de quinine que plus haut. 126 Le 15 à 8 heures du matin : Le malade a passé une nuit très agitée ; s'est plaint beaucoup. La peau est sè- che : le punis marque 83 à la minute; pas de céphalalgie ni d-' doul tir aux lombes. Le ventre est tendu, inétéo- risé. L 'S urines sont troubles. Le quart de lavement a été girdé. La langue est toujours saburrale. Les yeux sont rouges, fortement injectés : le corps est couvert de pétéch es. Les gencives sont très rouges, presque sai- gnantes. Prescription : Une limonade au citrate de ma- gnésie. 3 heures après-midi : Chaleur âcre; peau sèche ; figure rouge. Langue moins épaisse, toujours saburrale, rouge à la pointe. La voûte palatine est très rouge ; le malade se plaint de la gorge ; pas de céphalalgie ; grande anxié- té ; respiration suspirieuse. Pas d urine depuis ce matin. Vo nissement couleur chocolat ; altération de la voix. Le purgatif a été vomi en partie. Prescription : 4 ventouses sur le creux épigastrique, dont deux scarifiées pour tirer 4 onces de sang. Le lo au matin : La nuit a été mauvaise ; le malade a vomi deux fois ; a ren lu une grande quantité de ma- tière catarrhale. Le visage est profondément pâle ; les yeux injectés. Le pouls est misérable, à 8 ). L'intelli- gence est obtuse ; la langue lourde. Le malade s'endort en causant, ou plutôt, tombe dans un état semi-coma- teux. La respiration est stertoreuse. Lorsqu'on le ré- veille, la physionomie prend l'expression de la frayeur; les yeux papillotent avant de se fixer sur une des per- sonnes présentes. Le malade a eu deux selles ; on n'a pu me dire s'il avait uriné. Prescription : 2 vésicatoires aux mollets. Le 16, à 11 heures : Grande agitation ; subdélirium ; expectoration catharrale très copieuse. Mort à 2 heu- res de i'aprè -midi. DEUXIEME OBSERVATION. Le 15 août 1853 : Martin Spintler, natif d'Allemagne, 127 a senti un malaise général qui ne l'a pas empêché ce- pendant de continuer son travail. Ce m itin. il souffre de la tête, des lombes et des genoux. La es* h i ni le, mais offre néanmoins une chaleur mord cante. La langue est légèrement recouverte d'une cou "h • saburrale verdâ- tre. Le pouls est à 120. Prescription'. Une bouteille d'eau de sedlitz. 6 heures du soir : Peau sèche ; chaleur âcre : figure co- lorée ; pouls à 120, dépressible ; céphalalgie intense. Le malade a été purgé sept fois, a uriné p'usieurs fois co- pieusement. Les urines sont foncées en couleur. La lan- gue est moins saburrale. Les eencives sont rouges, un peu gonflées, la respiration gênée. Le malade n'a pas dormi. Prescription : 3 ventouses scarifiées à la nuque pour tirer 8 onces de sang. Sinapismes aux jambes. Tisane de chiendent et d'orge. Le 16, à 10 heures du matin : visage roloré ; yeux in- jectés ; langue moins épaisse, un peu saburrale ; cépha lalgie intense ; peau sèche; chaleur âcre ; pouls à 100. Le malade a dormi un peu cette nuit ; a eu une légère transpiration. La bouche est sèche et la soif grande. La miction a été fréquente et copieuse. Prescription : Sina- pismes aux jambes ; compresses d'ea t froide sur la tête. Le 17 : Même état. Le 18 : Le malade est mort à minuit. TROISIEME OBSERVATION. Le 14 août 1853 *. Marguerite Sangle, âgée d * 15 ans» née en Bavière, s'est sentie malade ce matin. Je l'ai vue à midi. Céphalalgie violente ; peu de douleur aux lom- bes ; mais les jambes et les genoux sont très douloureux. Le visag' est rouge ; la langue blanche, épaisse et pon- (illée. l'eau chaude, légèrement humide ; pouls à 1'20, dépressib'e. Les gencives sont très rouges, sans le liseré blanc. Pas de douleur à la région épigastrique. La m*c- tioa est facile La malade est assoupie, et parle par ma- 128 ments, en s'agitant. Elle dit avoir été traitée pour la jîèvre jaune, il y a trois semaines, par un médecin très connu à la Nlle-Orléans. Prescription. : 3 ventouses scarifiées à la nuque pour tirer six onces de sang ; une bouteille d'eau de sedlitz. Le 15, à 7 heures du matin : Peau chaude ; pouls à 100 ; figure très colorée ; assoupissement. La malade a parlé toute la nuit ; douleur légère à la tête, nulle aux lombes. Langue rouge à la pointe, recouverte au mi- lieu d'une saburre verdâtre. La médecine a provoqué cinq évacuations. Prescription: Sinapismes aux jam- bes ; compresses d'eau froide sur la tête. 6 heures après-midi : Peau moins chaude, sèche ce- pendant. Langue moins épaisse et moins* saburrale. Cé- phalalgie très légère. Miction fréquente ; cinq évacua- tions. Prescription : 6 pilules de sulfate de quinine avec addition d'un demi grain d'opium, à prendre en 3 fois. Le 16 : à 10 heures du matin : Peau fraîchi* ; pouls à 96; figure bonne; langue large et blanche, légèrement ronge à la pointe. La in i'a le a bien dormi cette nuit ; a uriné. Pas de céphalalgie ni de douleur aux lombes ; res- piration très bonne. La malade fl.■mande à manger. Le 17, à sept heures du matin ; Peau fraîche, langue encore saburrale. La nuit a été bonne ; plus de céphalal- gie ni de douleur aux lombes. Prescription : Bouillon de veau. Guérison. Il me paraît difficile de nier l'identité des deux maladies que je viens de comparer et qui ont régné simultanément à la ville et à la paroisse St. Jean-Baptiste en 1853 Au lieu de deux malades dont j'ai donné plus haut l'histori- que, qu'on s'en figure une centaine échelonnés le long des deux rives du fleuve, les uns créoles, les autres étrangers, offrant identiquement les mêmes symptômes, et qu'on me dise si un médecin quelque peu expérimenté, étant d'ail- leurs sur ses gardes, a pu méconnaître la nature de l'af- freuse épidémie qui a décimé la paroisse St. Jeau Baptiste 129 en 1853? D'ailleurs, le Dr. Fortinau qui est appelé cha- que année à voir la fièvre jaune sur des individus arrivés de la ville, se serait-il aussi étrangement mépris? Voici, du reste, la note qu'il a bien voulu me communiquer à ce sujet : " La première personne atteinte (une dame) demeurait dans un endroit éloigné du fleuve, loin de l'attérage des bateaux. File n'était pas sortie de la paroisse. Elle a succombé le quatrième jour, ayant vomi noir. Elle avait pris d'énormes doses de quinine. Dans un grand nombre d'autres cas analogues, en 1853, j'ai administré le sulfate de quinine, également sans succès. Ce médicament ne m'a réussi que lorsqu'il y avait complication de fièvre intermittente. Je n'ai jamais vu la fièvre intermittente prendre le masque de la fièvre jaune, et lorsqu'une de ces njaladies venait compliquer l'autre, il m'a presque tou- jours été permis de démêler les symptômes appartenant à chacune d'elles. Ils apparaissaient dans l'ordre suivant : un premier accès de fièvre, bientôt suivi d'un second, présentant les caractères de la fièvre jaune, et durant de deux à trois jours; puis venait une apyrexie de quelques heures ; ensuite un nouvel accès ressemblant au premier. Alors, seulement, le sulfate de quinine était donné avec efficacité. Il est bon de remarquer que nous avons rarement eu, comme à l'époque qui a précédé l'apparition du fléau, aussi peu de maladies à forme intermittente. Pendant la durée de l'épidémie, dans notre paroisse, les conditions atmosphériques n'étaient guère favorables à son dévelop- pement; température douce; ciel sans nuage, radieux, etc. Deux ans plus tard, en 1855, j'eus dans ma pratique plus de 70 cas de fièvre jaune. Je ne donnai pas de qui- nine à mes malades; beaucoup ont vomi noir; six seule- ment succombèrent. La maladie était la même qu'en 1853 ; mais sa constitution était modifiée. La mortalité, en 1853, était de 1 sur 3 ; en 1855, de 1 sur 13. 17 130 Dans aucun cas, la fièvre jaune ne m'a paru se déve- lopper par contagion. On la gagnait en venant dans une localité infectée. Un individu atteint, transporté dans un endroit sain, ne communiquait pas la maladie à ceux qui lui donnaient des soins. Généralement, à son sum- mum d'intensité dans un lieu donné, elle gagnait le voi- sinage en perdant de sa force, épargnait deux, trois ou quatre maisons, puis trouvait dans une autre localité des conditions favorables à son développement et se compor- tait comme je viens de le dire. Trois mille/de parcours du fleuve ont parfois été épar- gnés sur une rive, quand la rive opposée était plus que décimée. Dans les fièvres intermittentes, je n'ai rien observé de pareil, à moins de circonstances particulières, parfaitement appréciables; ainsi le voisinage de terres accidentellement inondées. " * En admettant d'ailleurs que la fièvre pernicieuse puisse revêtir la forme de la fièvre jaune, on ne conçoit pas qu'elle le fasse dans une localité où cette dernière maladie ne régnerait pas simultanément. On m'objectera peut-être que la pernicieuse cholérique se manifeste loin du foyer d'origine du choléra, et dans des lieux où il n'en existait pas, dans le moment, un seul cas. Je réponds que la science ignore encore la différence qui existe entre la nature du choléra et celle du typhus ictérode. J'ajoute, d'ailleurs, qu'il faudrait, pour que l'objection fût juste, que la pernicieuse à forme fièvre jaune se montrât, à l'instar de la pernicieuse à forme cholérique, relativement au choléra, dans les lieux les plus éloignés du foyer d'ori- gine du typhus ictérode : ce qui, je crois, ne s'est pas en- core vu. Je terminerai ce chapitre sur la fièvre jaune rurale par une note que je dois à l'obligeance de mon ami etconfièie le Dr. Sabin Martin, qui a le double avantage d'avoir étu- dié la maladie, à la ville et à la campagpe, avec cet esprit éclairé qu'on lui connaît. 131 " 11 y a vingt-trois ans que j'exerce la médecine en Loui- siane. Je compte treize ans de pratique dans notre cité et dix au-delà de ses limites. J'ai invariablement lemar- quéque la fièvre jaune sévissait à la campagne comme à la Nouvelle-Orléans. Pendant mon séjour à Donaldson- ville, de 1840 à 1850, je n'ai jamais manqué de consta- ter, comme règle, que toutes les fois qu'une épidémie frappait la population de la Nouvelle-Orléans, elle ne tardait pas à se montrer dans les campagnes. Seulement, elle y apparaissait un mois ou six semaines plus tard, at- taquant d'abord les étrangers: les Irlandais de préférence, probablement parce que, par la nature de leurs travaux et de leurs habitudes, ils s'exposent davantage aux causes déterminantes du fléau ; en second lieu, venaient les Al- lemands, puis les Français. Les créoles bien que beau- coup moins sujets à contracter la maladie, étaient loin d'en être exempts. J'ai fréquemment observé celle-ci, non-seulement dans un centre de population (à Donald- sonville, par exemple), oü l'on pourrait alléguer des con- ditions d'agglomération ou quelques relations avec des malades ; mais encore au milieu de la campagne, chez des indigènes qui n'avaient pas quitté la localité de toute la saison et qui n'avaient nullement communiqué avec des personnes infectées. Ces cas ont été assez nombreux pour* lever complètement mes doutes à l'égard de l'exis- tence du typhus ictérode dans les campagnes, et trop tranchés pour qu'il me fût permis de les méconnaître. Leur invasion et leur marche ; l'ensemble et la succession des symptômes, en un mot, ne différaient aucunement, quelle que fût la nationalité, de ce que j'ai eu occasion d'observer de 1837 à 1840, et de 1850 à 1859, dans la for- midable affection qui vient périodiquement ravager notre florissante métropole." 132 2o. CRÉOLES DE LA VILLE. Voici ce qu'on lit, p. 375, dans l'intéressant ouvrage de! Mr. C. Gayarré, intitulé "History of Louisiana ; Spanish domination." Je traduis textuellement : " De grandes améliorations furent apportées à la con- " dition de la Nouvelle-Orléans qui, malheureusement, " eut à souffrir de la fièvre jaune, pour la première fois, " dit-on, pendant l'automne de 1796. Cette même au- " tomne fut également malsaine sous bien d'autres rap- " ports. L'intendant Ventura Moralès, dans une dépê- " che en date du 31 octobre, parle de cette épidémie en " ces termes : " Une épidémie qui a éclaté vers la fin d'août et qui règne " encore en ce moment, a jeté dans une terreur qui n'est " pas passée, toute la population de la ville. Quelques " membres de la faculté donnent à cette maladie le nom " de fièvre maligne ; d'autres assurent que c'est la mala- " die si bien connue en Amérique sous la dénomination " de "black vomit" ; d'autres enfin affirment que c'est " cette même fièvrejaune qui a été si meurtrière à Phila- " delphie pendant l'automne de 1794. Bien que le chif- " fredes morts ne soit pas encore très élevé, puisque, d'a- " près les registres de la paroisse, il n'excède pas 200 " blancs depuis l'invasion de l'épidémie, puisque aussi " beaucoup de décès sont dûs à d'autres affections ; " néanmoins, on doit reconnaître que la mortalité a été " très grande ; car, indépendamment de ceux qui sont morts en dehors desprecincts de la ville et des protes- " tants (en très grand nombre) qui n'ont pas été enregis- " très, le nombre de décès excède de deux tiers ceux des " années ordinaires pour le même laps de temps. " Une particularité vraiment digne de remarque, c'est " que cette maladie attaque les étrangers de préférence " aux indigènes Ce qui est encore singulier,•c'est qu'elle " frappe plus particulièrement les Flamands, les Anglais 133 " et les Américains, dont peu réchappent, et qui meurent "généralement du deuxiè ne au troisièm e jour après l'in- "va s:on. Tel ri est pas le cas pour les Espagnols et les " gens de couleur qui ont ressenti de merveilleux effets de '' la recette du Dr. Masdeueal." Les personnes qui ont lu le remarquable ouvrage au- quel j'ai emprunté cet extrait, ont pu apprécier l'esprit d'exactitude et de sage critique qui y domine. Ainsi, d'après l'intendant Morales, la fièvre jaune sé- vissait, en 1793, sur toute la population de la Nouvelle- Orléans, étrangers et indigènes. "Une particularité digne de remarque, observe-t-il, c'est que cette maladie attaque de préférence les étrangers." C'est ce qu'on observe en- core de nos jours, non-seulement en Louisiane, mais dans bien d'autres endroits, comme on a pu s'en convaincre, en lisant, dans le chapitre précédent, les opinions (pie j'ai citées à ce sujet. L'intendant, après avoir constaté la gravité de cette fièvre chez les Flamands, les Anglais et les Américains, ajoute aussitôt :"tel n'est pas le cas pour les Espagnols et les gens de couleur qui ont ressenti de merveilleux effets de la recette du Dr. Masdewal." Voyons maintenant en quoi consiste cette recette du Dr» Masdewal. L'électuaire de Masdewal ou de Desbois de Roche- fort, est une préparation dans laquelle prédomine le quin- quina gris joint au tartre émétique, à la crème de tartre et au sel ammoniac. (Voy. VOffcinede Dorvault, p. 229.) Je ne dirai rien de l'incompatibilité des médicaments qui entrent dans la composition de cette recette. J ad- mettrai même que le quinquina qui s y trouve ait seul agi et que son action n'ait été aucunement contrariée ; qu'en conclure ? Mr Bouchardat va répondre pour moi. " Quand le médecin prescrit les préparations de quin- quina, il doit toujours avoir présent à la mémoire que le Codex a adopté, dans la plupart de ses recettes, le quin- 134 quina gris, et qu'on obtient ainsi des médicaments presque complètement inertes. D'abord, le quinquina gris de bonne qualité ne contient que de la cinchonine, et il est souvent remplacé par le quinquina gris ten pale qui, comme je l'ai vérifié, ne contient même pas de cinchonine." (Bou- chard.it, Formul., ôèrne édition, 1853, p. 290.) Peut-on croire maintenant à l'efficacité de la recette du Dr. Masdewall, en raison du quinquina qui y figure ? Remarquez qu'à l'époque en question le sulfate de qui- nine était inconnu*. J'ajouterai que cette recette a été employée sans succès pendant les épidémies de 1817, 1819 et 1820 ; c'est du moins ce que je lis dans une note que j'ai prise. J'ai malheureusement oublié, contre mon habitude, de mettre au bas le nom de l'ouvrage et celui de l'auteur. Maintenant, je le demande, n'est-il pas na- turel de supposer que. la merveilleuse recette du Dr. Mas- dewal devait être avidement recherchée des étrangers atteints de la fièvre jaune, en raison des cures nombreu- ses qu'elle était censée avoir opérées sur les gens de cou- leur et sur les indigènes? Il n'est pas permis d'en dou- ter ; il est de toute évidence qu'elle aura échoué. Pour- quoi, s'il vous plaît ? parce que, par une fausse in- duction, on lui avait attribué une vertu qu'elle n'a pas. * On sait que de toutes les maladies, la fièvre pernicieuse est celle qui cède le plus rarement aux seuls efforts de la nature. La mortalité occasionnée par cette fièvre serait effroyable, si nous n'a- vions pour combattre celle-ci, le quinquina, et surtoutJ'alcaloïde qu'on en retire. Cette simple considération suffit pour convaincre les plus in- crédules que la fièvre qui sévissait, suivant Moralès, sur les créoles de l'époque, n'était point la pernicieuse. On ne peut raisonnablement admettre que la recette à peu près inerte du Dr. Masdewal ait eu l'honneur des guérisons nombreuses opérées alors sur les créoles. L'expérience prouve qu'il n'en est pas de même pour la fièvre jaune dans la guérison de laquelle la nature médicatrice a une immense part. C'est aussi une vérité reconnue de nos jours que le typhus ic- érode offre beaucoup moins de gravité chez les indigènes, surtout chez les noirs. 135 Les indigènes et les gens de couleur ne guérissaient plus facilement qu'à cause de leur nationalité. C'est ce qui se voit encore de nos jours ; c'est aussi ce qui a été ob- servé par les Drs. Blair, Jackson, Rochoux, Berchon, etc. Qu'on se rappelle à côté de cela la remarque du Dr. Fortinau : " Deux ans plus tard, en 1855, j'eus dans ma pratique plus de 70 cas de fièvre jaune. Je ne don- nai pas de quinine à mes malades ; beaucoup ont vomi noir. Six seulement succombèrent." Supposé que no- tre estimable confrère eût employé la médication du Dr. Masdewal, ne se serait-il pas cru en droit, lui aussi, de faire honneur à cette méthode thérapeutique des nom- breuses guérisons qu'il a obtenues ? J'ai eu tort d'avancer, dans mon avant-propos, que la question dont je m'occupe dans ce chapitre est toute nou- velle. Voici ce que je lis dans le remarquable rapport sur l'épidémie de 1839 : " On a dit et affirmé que la fièvre jaune n'était autre qu'une fièvre pernicieuse intermittente ou rémittente. Nous ne nions pas qu'elle ait pu revêtir l'un ou 1 autre de ces types dans des épidémies que nous n'avons pas observées ; mais pour juger de la valeur de cette asser- tion, relativement à celle de cette année, examinons ce qu'on entend par ces dénominations : On comprend sous le nom de fièvres intermittentes, des maladies qui offrent des symptômes communs à tou- tes les fièvres, avec cela de particulier, que ces symptômes cessent etese reproduisent à des intervalles plus ou moins rapprochés, et forment, d'une seule affection, une série d'affections très courtes, à peu près semblables entre elles, et désignées sous le nom d'accès. Par fièvres intermit- tentes pernicieuses : un groupe de fièvres dont l'intensité est si grande, qu'elles se terminent par la mort dans le cours de quelques accès. Leur marche est fort rapide ; le danger augmente à chaque accès. Le quatrième ou le cinquième est inévitablement mortel. Les fièvres remit- 136 tentes ne diffèrent des précédentes qu'en ce qu'il n'existe pas de cessation complète des symptômes, mais seulement une diminution hotable de ces symptômes entre les accès. Or, nous le demandons : l'épidémie de celte année a-t-elle présenté dans sa marche, soit des accès ou des exacerbations, soit des internûssions ou des rémissions qui aient la moindre analogie avec ceux dont nous venons de parler ? Nous ne balançons pas à nous prononcer pour la négative. Qu'arrive-t il, en effet, dans la fièvre jaune? Après une réaction vive, qui dure plusieurs jours, le pouls tombe, et ne se relève plus; les autres symptômes qui accompagnent cette réaction sont remplacés, pour la plu- part, par des phénomènes plus graves et d'une nature toute différente. Les auteurs ont. il est vrai, qualifié de rémission trompeuse cet état où le poids perd de sa fré- quence ; mais d est impossible, ce nous semble, d'invo- quer cette prétendue rémission en faveur de l'opinion que nous combattons : nous avons démontré qu'il n'y avait ni intermission, ni rémission. Le sulfate de quinine, dont l'action est si énergique rontre toutes les affections inter- mittentes, semble appuyer ce que nous avançons. Non seulement il n'empêchait pas la maladie de suivre son cours, et n'avait aucune influence sur son issue, mais en core, nous citerons pour dernière preuve, de son ineffica- cité, les cas appartenant à notre première variété, dont la guérison pouvait toujours s'obtenir sans qu'on eût besoin d'y avoir recours. Nous le répétons : la fièvre jaune ne peut-être assimilée aux fièvres pernicieuses, intermit tentes, soit rémittentes." (Journ. de la Soc. Méd. de la N. O., 1839, p. 238.) Comme on le voit, c'est la même thèse de part et d'au tre, à cette exception près, que les adversaires combattus par l'auteur que je viens de citer, généralisaient une pro- position qui n'est maintenue aujourd'hui qu'à l'égard des Créoles. Maintenant, quelle est la nature de cette fièvre à vo- 13? missement noir des Créoles ? J'entends qu'on me répond, '''■jièvre larvée". Mais d'abord, d'après Mr. Maillot, "la fièvre larvée ou manquée, est une intermittente (4me genre), dans laquelle il n'y a ni frisson, ni chaleur, ni sueur, et qui consiste conséquemment dans l'apparition périodique d'un symptôme plus ou moins grave." Ce symptôme, d'après Mr. Bonnet, consiste dans des douleurs violentes, ayant leur siège, soit dans les articu- lations ou dans les muscles, soit dans les nerfs des mem- bres ou des organes des sens ; soit dans l'un des viscères abdominaux ou thoraciques, etc., etc. De grâce, qui a vu tout cela? Ce n'est pas moi, à coup sûr. Avant d'aller plus loin, je dois dire que le Dr. Jackson, qui a écrit un remarquable traité sur les fièvres de la Jamaïque, il y a soixante-quatre ans, avait déjà jeté un coup d'œil sur la question même que je traite en ce moment. Voici ce qu'il dit : " Je ne sache pas que la maladie connue sous le nom de fièvre jaune, et particulièrement cette forme qui se ca- ractérise par le vomissement noir, ait été décrite par les praticiens des autres pays. Dans les'fièvres automnales de bien des climats, de même que dans les fièvres rémit- tentes de la Jamaïque, l'ictère n'est pas, à la vérité, chose rare. On en peut dire autant du vomissement de matières brunes, quelques instants avant la mort. Toutefois, autant qu'il m'est permis d'en juger d'après ma propre expé- rience et d'après celle des autres, l'affection qui fait le sujet de ce Traité, possède des caractères essentiels qui la différencient de toute autre. Je n'ai pas la prétention de préciser en quoi consiste cette différence caractéristique ; cependant, je crois pouvoir affirmer, en toute confiance, que la forme qui donne lieu aux vomissements noirs, peut avec certitude, être distinguée dès les premières heures de son invasion, soit des fièvres automnales des contrées paludéennes) soit des fièvres rémittentes endémiques de la 18 138 Jamaïque. J'avoue, néanmoins, qu'il existe une sorte de maladie que j'éprouve de la difficulté à classer convena- blement, parce (pie ses rémissions sont obscures, et parce que les signes d'une affection nerveuse et souvent même d'une inflammation apparente y sont plus tranchés que les symptômes putrides. Personne n'a moins que moi l'intention de multiplier les noms ou de créer des distinc- tiens qui n'existent pas en réa'ité ; cependant, comme il m'est souvent arrivé d'observer des fièvres dont l'ictère et les vomissements noirs ne semblaient pas être les ca- ractères essentiels, mais dans lesquelles les paroxysmes et les rémissions étaient d'une extrê e obscurité, ou peut- être n'existaient pas. j'arrivai, en dernière analyse, à con- clure qu'un tel état morbide avait plus d'analogie avec l'affection actuellement connue sous la dénomination de fièvre jaune, qu'avec la rémittente endémique habituelle du pays Je le décrirai donc comme l'une des formes de cette maladie, bien que je sois moins désireux de lui assi- gner son véritable rang dans le cadre nosologique, que d'en fournir un historique qui le fasse aisément reconnaî- tre." [R. Jackson, a Treatise on the Fevers of Jamaica, p. 161-1795.] Comme on le voit, 'a difficulté ne date pas d'hier. Quant au Dr. Jackson, il n'hésite pas à considérer comme iden- tiques la fièvre jaune et la prétendue fièvre larvée. Outre l'identité de pathogénie, de symptômes, de sai- son, etc-, il y a encore d'autres raisons qui militent en faveur de cette opinion. lo. Je ferai d'abord observer que cette fièvre des créo- les, telle qu'elle se comporte pendant une épidémie, c'est- à-dire se développant et marchant exactement comme la fièvre jaune, ne se fait pas voir dans toute autre saison, ou même à l'époque habituelle des épidémies, si d'ailleurs le typhus ictérode ne règne pas dans le moment. 2o. J'ajouterai qu'elle atteint principalement les enfants de quatre à sept ans, précisément ceux nés dans l'in- 139 tervalle de deux épidémies, et qui, conséquemment, se trouvent dans des conditions analogues à celles des étran- gers non acclimatés. On en voit bien qui ont traversé une, deux et même trois épidémies, et qui cependant sont atta- qués de la maladie. Mais il en est de même pour les étrangers. Je ne prétends pas que les Ciéoles adultes échappent à la fièvre jaune, mais j'affirme qu'ils y sont comparativement bien moins sujets. Je les range dans la catégorie des étrangers qui s'acclimatent sans avoir été malades, ou de ceux qui le deviennent après avoir subi impunément l'action de plusieurs épidémies. J'ai vu, en 1853, avec le Dr. H. Daret, un Créole d'environ dix-huit ans, qui offrait tout le groupe de symptômes appartenant à la fièvre jaune. Il était né à la ville, et ne l'avait jamais quittée. La violence de la céphalalgie nous engagea à lui faire une application de sangsues aux mastoïdes. 11 se fit par les piqûres une hémorrhagie que nous eûmes assez de peine à arrêter, malgré la facilité qui* cette partie offre pour la compression. 11 survint des vomissements noirs copieux et récidivés. Lejeune homme guérit, n'ayant pris en tout, le premier jour seulement, qu'une douzaine de grains de sulfate de quinine. C'est bien peu pour une pernicieuse larvée, qui dora trois ou quatre jours, et qui fut suivie d'une convalescence ressemblant, en tous points, à celle de la fièvre jaune. 3o. La fièvre pernicieuse est très sujette à se répéter. Si la fièvre à vomissement noir des créoles se répète, c'est à coup sûr la grande exception. Pour ma part,je ne connais pas un seul exemple de récidive. Il faut bien admettre néanmoins qu'il en doit être ainsi, puisqu'il existe des exemples de récidive de la fièvre jaune sur les étrangers, même avec le vomissement noir à chacune des attaques. 4o. La fièvre pernicieuse et les intermittentes, en géné- ral, attaquent plutôt les adultes que les enfants. " Cle- ghorn remarque judicieusement que les anciens médecins 14Ü grecs et romains ont eu tort d'avancer que les sont plus exposés que les autres individus aux fièvres ataxiques intermittentes. Les observations journalières prouvent au contraire qu'elles sont beaucoup plus fré- quentes chez les adultes et les gens âgés. (Alibert, Dissert, sur les Fièvres pernicieuses, p. 73.) A supposer que cette proposition pût être mise en doute, je maintiens que la fièvre pernicieuse est, pour le moins, aussi commune chez les adultes que chez les en- fants. Or, pourquoi les médecins n'auraient-ils pas ob- servé aussi fréquemment chez les premiers que chez les derniers cette fièvre pernicieuse larvée qui ne se montre que pendant l'existence de la fièvre jaune. Pour ma part, j'ai vu, l'année dernière, pendant l'épidémie, bon nombre de cas de fièvres pernicieuses, à formes lypothymique, syncopale,, algide, diaphonique, etc., etc., et j'affirme que huit fois sur dix c'était chez des adultes. J'ajoute que le diagnostic de ces fièvres, pernicieuses-type, n'offrait pas l'ombre d'une difficulté, tant les caractères qui les distin- guent du typhus ictérode sont tranchés. 5o. Le sulfate de quinine, ce critérium de la perni- cieuse, ne m'a jamais paru exercer aucune action sur la marche de la fièvre à vomissement noir des créoles *. Loin de l'enrayer, il ne la modifie même pas. Dans les cas où la susceptibilité gastrique était très marquée, il ne manquait jamais, administré par la bouche, d'aggraver la maladie, en rendant les vomissements beaucoup plus fré- quents, et peut-être aussi en augmentant la gastrorrha- gie, si ce n'est en la provoquant quand elle n'exiete pas. * Je ne prétends pas que tous les créoles qui sont attaqués de eette fièvre vomissent noir. Loin de là, il en est beaucoup chei les- quels la maladie parcourt toutes ses phases sans que le vomissement noir ait lieu. A cet égard, il en est de même pour les étrangers, dont un grand nombre guérissent ou meurent sans avoir présenté ce for- midable symptôme. 141 Voici maintenant deux observations que j'ai pu recueil- lir au milieu de la dernière épidémie. Je regrette de n'a- voir que ces deux exemples à offrir au lecteur, mais je puis affirmer que les autres cas graves qui se sont présen- tés dans ma pratique, ne sont en quelque- sorte que les calques de ces deux-là. PREMIERE OBSERVATION. Le 18 septemnre 1858: C. P., enfant de 11 ans, d'une intelligence remarquable, offrant un crâne extrêmement développé, cheveux châtains, teint pâle, jouissant ha- bituellement d'une bonne santé, a été pris de la fiè- vre à 3 heures. Le jeune C. est né à la Nouvelle Orléans ; il l'a quittée à l'âgp de huit mois, y est revenu âgé de sept ans et l'habite depuis quatre. Je l'ai vu ce soir à 7 heures. Il dit avoir eu froid aux côtes et aux mains. La peau est brûlan/e, la tête chaude. Cépha- lalgie violente ; pouls à 120. Pas de douleur épigastri- que ; pas de nausée. Prescription: Un bain de pieds sina- pisé ; un lavement purgatif ; boisson tiède.; 18 grains de sulfate de quinine à prendre en 3 fois dans la nuit. Le 19 au matin : Eièvre intense ; pouls fréquent ; cé- phalalgie violente ; gencives offrant le liseré blanc ; yeux injectés ; figure vullueuse ; langue légèrement saburrale. Le 19 au soir : Même état. Prescription : Pilules jalap et calomel. Le 20 au matin : Céphalalgie violente ; peau chaude ; pouls à 140 ; langue bonne ; yeux injectés ; pas de dou- leur épigastrique. Le petit malade a été purgé deux fois copieusement. L'acide nitrique précipite une grande quantité d'albumine des urines. Prescription: 4 sangsues aux molléoles. Nouvelles pilules purgatives. Le 20, à midi : Pouls à 120 ; chaleur moindre ; assou- pissement ; subdelirium. Le 20, à 5 heures de l'après-midi : Pouls â 123 ; faible, dépressible. Tête chaude; figure pâle : chaleur extrême au cou et à la poitrine. Les urines, sans l'action de l'acide 142 nitrique, laissent déposer une énorme quantité d'albu- mine ; assoupissement continuel ; décubitus latéral. Pres- cription : 2 vésicatoires aux mollets, potion tonique et antisceptique. Le 20, à 9 heures du soir : Même pouls (128), extrême- ment petit et dépressible : peau excessivement chaude au cou, à la poitrine et à la tête ; assoupissement, respiration lente. Le petit malade entre en fureur quand on veut lui faire boire sa potion : (il est naturellement obéissant et très doux), il pousse des cris aigus, frappe sa mère et les personnes qui l'entourent, veut sortir de la maison et tu- toie tout le monde. Les urines traitées par l'acide nitri* que donnent un précipité albumineux abondant. Les mains se sont notablement refroidies après l'accès de co- lère qu'il vient d'avoir. Le 21, à 7 heures : Même état général ; pouls imper- ceptible ; peau fraîche. Le malade a uriné au lit. Le 21, à midi : Mains froides ; pouls insensible ; pom- mettes légèrement colorées; agitation extrême ; mussita- tion ; subdelirium ; yeux injectés ; urines extrêmement al- bumineuses. Mort à 3 heures. DEUXIEME OBSERVATION. Le 30 octobre 1853 : Le sujet de cette observation est une mulâtresse d'environ 18 ans. Elle est née à la campagne il est vrai, et n'a jamais passé d'été en ville. Je l'ai vue à midi. Peau chaude ; pouls à 120 ; céphalalgie violente ; rachialgie assez intense ; douleur épigastrique à la pres- sion. Elle avait déjà commencé à boire une limonade purgative ; je conseillai de continuer. Le 1er novembre : Même état ; même pouls ; vomisse- ments por racés. La médecine a provoqué quelques éva- cuations *. pouls à 120. Prescription : Pilules de calomel et de jalap. Le 2 : Même état ; vomissements porracés. Prescrip- ton : Purgatif au citrate de magnésie. 143 Le 3 : Même état. Prescription : Lavement de quin* quina avec 10 grains de sulfate de quinine.-Dans l'après- midi, on m'informe qu'elle a eu un frisson très violent ; craignant une complication de phénomènes pernicieux, je prescris un lavement (qui a été gardé), avec 40 grains de sulfate de quinine à prendre en deux fois à une heure de distance. Le 4 : Aux vomissements porracés succèdent des vo- missements noirs copieux, analogues au marc de café. La malade prenait un peu d'eau et de vin ; je recomman- dai d'en suspendre l'usage. Le 5 au matin : Pouls à 100 ; les vomissements noirs qui se sont répétés plusieurs fois dans la journée, se sont arrêtés.-A midi, le mieux continue. Le 6, au matin : Pouls à 96. - Le 6, au soir: Le pouls est à 80. Le 7, au matin : La malade entre en convalescence ; les urines ne laissent plus déposer d'albumine. Guéri- son. Relativement à la première observation, celle du jeune C. P., l'on m'objectera, je sais, qu'il s'était désacclimaté par un long séjour en Europe. Cependant, j'ai tenu à. citer cet exemple pour la satisfaction des médecins qui pensent qu'il suffit d'être né dans la ville pour être à jamais exempt de la fièvre jaune. L'on remarquera néanmoins que cet enfant était de retour depuis quatre ans dans sa ville natale. D'ailleurs, je pourrais citer de mémoire, plusieurs observations faites l'année dernière même, sur des enfants nés à la Nouvelle Orléans, n'étant jamais sor- tis de son enceinte, et qui ont présenté l'ensemble des symptômes appartenant au typhus ictérode; même inva- sion, même développement, même marche, même couva lescence quand ils guérissaient; même terminaison quand ils succombaient. Pressé par les idées dominantes, et aussi par acquit de conscience, j'ai dû employer le sulfate de quinine, et 144 je l'ai fait le plus souvent. Je l'administrai par le rectum et en frictions. Or, je le déclare, et j'en appelle ici aux parents, la maladie a uivi son cours, et a parcouru toute sa période habituelle, sans avoir été le moindrement mo- difiée par l'alcaloïde. La position sociale de ces petits êtres rend difficile l'examen cadavérique, mais le jour qu'il sera permis de le faire, je ne doute pas qu'on ne trouve les mêmes lésions pathologiques que sur les indi- vidus morts de la fièvre jaune. J'entends que l'on me dit : " Mais cela ne s'était ja- vais vu ; les anciens praticiens n'ont jamais observé pa- reille chose." Je pourrais me contenter de répondre "Ce- la ne s'était jamais vu, mais cela se voit actuellement." J'ajouterai toutefois que la nouveauté est tout aussi étran- ge dans un sens que dans l'autre, soit que l'on considère la maladie en question comme étant la fièvre jaune, soit qu'on la regarde comme une fièvre pernicieuse de pro- duction récente. Comme il existe une affinité très appré- ciable entre tous les typhus ; comme, d'ailleurs, les diffé- rentes formes de la fièvre pernicieuse se montrent égale- ment dans toutes les localités propres au développement de cette dernière affection, j'ajoute qu'on a le droit, si la doctrine contraire est vraie, de s'attendre à voir cette prétendue fièvre larvée des créoles se manifester dans tous les lieux oü la fièvre pernicieuse elle-même est sus- ceptible de prendre naissance, comme il arrive pour les formes cholérique, dyssentérique, etc. Voilà ce que j'avais à dire sur la fièvre jaune des créo- les. La question est assez importante pour mériter toute l'attention des médecins qui pratiquent dans cette ville. L'éveil qui a été donné ne manquera pas de stimuler leur zèle. Pour ma part, je me propose de continuer cette étude avec un soin plus scrupuleux que jamais, et si je venais à être convaincu d'erreur, je me rétracterais sans délai, comme sans honte. RÉSUMÉ. 1. La fièvre jaune est une maladie exotique, importée d'abord dans les Indes Occidentales. "Celte peste, dit du Tertre, inconnue dans ces îles jusqu'au moment ( <n 1648) où les Français vinrent s'y établir, y fut introduite par quelques navires. Rochvfort. qui écrivait dix ans plus tard, fait la «marque "que cette peste était jusqu'à lors inconnue dans les Indes Occidentales " En ce qui concerne la Louisiane, l'origine exotique du typhus i 'téro le ressort de ce fait : que la maladie éclate invariablement dans le port, soit à bord d'un navire in- fecté, soit dans son voisinage, mais alors chez des per- sonnes qui ont communiqué plus ou nroius directement avec le susdit vaisseau. 11. L'invasion dp la maladie est le pins généralement brus- que, sans prodrome. Celle-ci comprend deux périodes : rime fébrile, ou de réaction; l'autre apyrétique, ou d'as- thénie. Les symptômes de la première période sont : frisson; pas toujours; céphalalgie; rachialgie ; chaleur âcre, mordicante à la peau ; yeux plus ou moins injectés, pleins d'éclat et d'une mobilité extrême ; langue rouge à la pointe, saburrale au milieu, cotonneuse ou limoneuse; gencives offrant aux rebords alvéolaires un liseré blanc, formé d'une matière crémeuse; soif variable ; douleur épigastrique, dans un grand nombre de cas; constipation ; IP 146' pouls généralement de 100 à 120, plein, développé, mais dépressiblc ; respiration suspirieuse dans les cas graves. Seconde période. - La céphalalgie et la douleur loinJ baire cessent généralement; la chaleur cutanée diminue ;; quelquefois elle persiste; le visage pâlit; les yeux sont moins injectés; la langue commence à se nettoyer; les gencives se boursouflent et deviennent molles ; la douleur épigastrique disparaît ou diminue; le pouls devient faible, petit, d'une dépressibilité plus grande, et descend quelque- fois à 50, même à 45 pulsations. La prostration des forces est extrême, et la maigreur généralement très sensible. Dans les cas graves, il se manifeste, à cette période, des symptômes très sérieux, tels que : la teinte ictérique ; à la sclérotique d'abord, puis aux tempes, au cou, etc.; des hémorrhagies dans les differentes muqueuses, sous la forme d'épistaxis, d'hématémèse, de vomissement, noir, d'évacuations alvines sanguinolentes, etc. : on remarque des pétéchies sur tout le corps, quelquefois des ecchymo- ses. C'est alors aussi que se manifestent la suppression des urines et le hoquet, les deux signes incontestablement les plus fâcheux, 111. La période d'incubation est de trois à six jours. Moreau de Jonnès cite un cas (pii prouve qu'elle peut être de vingt huit jours. Reed a observé une incubation de qua- tre mois. IV. Le pronostic de la fièvre jaune est généralement grave. Il l'est plus ou moins, suivant le génie épidémique ré- gnant. La violence de l'attaque au début n'implique pas toujours que la maladie sera grave. Les signes fâcheux sont : Le vomissement, le délire, la respiration suspirieuse au début de la maladie. 147 Le vomissement noir dans les premières heures nu- nonce une mort prompte. L'ictère précoce, le chevrotement de la voix et le trem- blotement de la langue sont de mauvais augure. La suppression des urines doit figurer, avec le hoquet, parmi les signes les plus redoutables. La jactitation et l'insomnie, à la seconde, période ne présagent rien de hou. La présence de l'albumine dans les urines, autant qu'il est permis de se fonder sur une année d'expérience, es* un signe de la plus haute gravité. V. La cause productrice de la fièvre jaune na pas en- core été démontrée. On suppose que c'est un miasme spécifique. On ne connaît encore que les circonstances qui lui sont indispensables pour être efficient. Ces cir- constances sont : la chaleur, l'agglomération d'habitants, le voisinage des mers, ou des cours d'eau, comme élé- ments essentiels ; la malpropreté urbaine et la pérégrinité des sujets, comme éléments secondaires. VI. La propagation de la fièvre jaune dans la ville, quand il y arrive un navire infecté; l'immunité qui résulte, au contraire, de la rétention à la quarantaine de vaisseaux infectés, prouve abondamment l'utilité de cette mesure préventive. Le typhus ictérode paraît avoir ses conditions de trans- missibilité, dépendantes probablement de l'état atmosphé- rique, météorologique, etc., etc., des villes, dans lesquelles il vient à éclater. Comme les conditions sanitaires de toute cité peuvent être modifiées favorablement par une administration éclairée, il est nécessaire d'appeler sur ce sujet l'attention des autorités compétentes. On obtiendrait d'excellents effets d'un système d'irri- 148 gâtions quotidiennes à l'aide de tranchées pratiquées à Ix levée de d.stance en distance. Il est de la plus haute im- portance que les rues soient pavées et tenues avec une gra ide propreté, ainsi que les cours. De larges courants d'eau auraient le double avantage de nettoyer les rues et de rafraîchir l'atmôsphère urbaine. Un étranger1, en menant une vie réglée, en se sous- trayant complètement, s'il le peut, à l'action immédiate du soleil de l'été, en fuyant tout excès quelconque, ert évitant aveé soin l'atmosphère nocturne, en portant l'été une flanelle légère, pour empêcher que la transpiration ne se refroidisse sur la peau, etc., obtiendra pour ré- sultat, sinon de se garantir le plus souvent de la maladie, du moins d'en atténuer la gravité. Vil. VIII. La fièvre jftnrïe parait être due à une altération du sang. La soudaineté de l'attaque ; la nature nerveuse des premiers symptômes, tels que, le frisson, la céphalalgie, la rachialgie, alors qu'il u'existe encore aucun phénomène indiquant une ph'egmasie locale; tout concourt à décéler Une pyrexie. L'anatomie pathologique et l'analogie ne font que corrolxirer cette opinion. IX. La fièvre jauftp ïfpst pas le maximum de la fièvre bi* lieuse, comme le pensent quelques auteurs, entre autres Tommasini. le cé èbre médecin italien. Le vomissi ment n >.r et l'hâ il nŸ.n'ie das m 11 1 • i*e<i c ».»<lil lent la régla dans les ras graves de typhus irtérode; ils sont 1 ou t-à-fait exceptionnels dans la fièvre bilieuse, L hyperciinie b.« I eu*e est propre à re'te dernière maladie, et I arrompa* gne peu lant presque toute sa durée. Dans la première, la ftécrélion bilieuse est moins abon lauie, mè ne au début, «L duMiuuw poar être rea>p*doéd uuyl jw» 149 fois par le vomissement noir. Enfin le traitement établit lui-même une grande différence entre ces deux affections. X. Le traitement du typhus ici érode comprend, lo. les moyens généraux et les moyens locaux ; 2o. ceux appli- cables à la première période, et ceux qui conviennent à la seconde. Première période. - Saignée locale ; compresses réfri- gérantes sur le front; lotions avec, de l'eau fraîche sur tout le corps, répétées à de courts intervalles; frictions ano- dines sur les lombes; purgatif, répété deux, et même trois jours de suite, s'il y a indication. Les pilules de jalap et de calomel constituent un excellent moyen cathartique. Le bain tiède prolongé est très utile. Suivant Volney, les bains d'eau glacée ont opéré des cures étonnantes, entre les mains des médecins américains. L'eau de seltz est là boisson généralement la plus agréable et la mieux sup- portée. La saignée générale, même peu copieuse, jette les malades dans une grande faiblesse, sans donner un seul avantage qui la justifie. Seconde convient alors d'avoir recours aux toni pies : le meilleur est le (pim piin t j tu ie par le rectum, à la dose d'un ou (U deux gros par jour. Lorsqu'il n'y a pas de contre indication, on ne doit pas craindre d accorder un peu de bouillon léger de poulet au malade, et même un peu de vin avec son eau d.» seltz. On combattra le vomissement noir par l'eau glacée en I oisson, et un vé- sicatoire de 2 a 3 pouces cari és sur le creux épigastrique. Ne pas trop se presser de combattre l'hémorihagie intes- tinale ; 1 eau de Rabel, en lavement, est d'ailleurs un bon moyen a opposer àee symptôme. Le smfate de quinine ne saurait constituer une métho lo générale de traitement. Néanmoins, il peut être trè» utdo pour combattie les complications intermittentes. La truusfuAion a été empmyeu comme moyeu extrême, 1'50 dans un cas désespéré, par le Dr. N. B. Bénédicte de la Nouvelle-Orléans. Le magnifique succès qui a couronné cette opération, autorise à la répéter dans des circons- tances analogues. XL La fièvre jaune est susceptible de se propager dans les campagnes; témoin l'épidémie de 18'20 (Dr. J. P. Dufour), celle de 1833 (Jowrn. de la Soc. Méd. de la N. O.), et enfin celle de 1853. La maladie qui a régné en 1853, à St. Jean Baptiste, est identique à celle qui sévissait, en même temps, à la Nouvelle Orléans. Il n'y a aucune différence, dans l'in- vasion, la pathogénie, les symptômes, ni dans l'ensemble des signes graves, caractéristiques du typhus ictérode. Le sulfate de quinine, loin de l'enrayer, l'aggravait le plus souvent. xn. Les créoles de la ville eux-mêmes, sont susceptibles de contracter la fièvre jaune. Elle les atteint principalement dans l'enfance, rarement à l'âge adulte. Les noirs et les gens de couleur y sont aussi sujets ; néanmoins, elle est plus rare chez eux, et bien moins grave que chez les individus de toute autre nationalité. La fièvre qui régna en 1793 sur les créoles et les gens de couleur, n'était point la pernicieuse, puisqu'il en gué- rissait un grand nombre sans le secours du spécifique qui seul combat victorieusement cette maladie, tandis que les étrangers succombaient presque tous. La même diffé- rence se remarque encore de nos jours. CONCLUSION. "Je termine ici mon travail. Loin de moi l'idée de croire que j'aie parcouru tonte l'étendue de ce vaste sujet « je n'oftre qu'une exquisse, d'autres feront le tableau. Lecteur, couvrez de votre indulgence les imperfections de ce livre ; compensezles par le désir d'être utile, par les efforts du zèle et les difficultés de l'entreprise. Ces diffi- cultés sont inséparables de tout ce qui tient à la science de la vie. Cette science sublime, on le sait, reposant pres- que entièrement sur une inconnue, est à peine ébauchée. Malgré les travaux accumulés des siècles précédents malgré ceux de notre âge, nous trouvons toujours l'incer- titude dans nos théories, toujours le doute au bout de nos expériences; la cause du plus petit phénomène vital paraît encore un impénétrable mystère. Dans l'économie comme dans l'univers, ce qui est, l'éternel désespoir et l'éternel attrait du philosophe, se dérobe sans cesse à nos re- gards." "J. H. Rkveillb-Parise." FIN.