CLIMATOLOGIE MEDICALE DE LA. RÉPUBLIQUE ARGENTINE ET DES PRINCIPALES VILLES D'AMÉRIQUE CLIMATOLOGIE MÉDICALE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE ET DES PRINCIPALES VILLES D'AMÉRIQUE T, Par le Dr. Ancien Président du Circulo Médico Argentine, Officier d'Académie, Médecin de la Maternité de l'hôpital Rawson, Membre associé étranger de la Société Française d'Hygiène Ouvrage honoré d'une médaille d'or (prix de la Municipalité de Buenos Aires) au concours Sud-Américain tenu dans cette ville en 1893, sur l'initiative du Circule Médico Argentine Préface par le Dr. EMILE R. CONI Lauréat de l'Académie de Médecine de Paris et de la Faculté de Médecine de Buenos Aires (Prix Ratvson.) AUGUSTIN ETCHEPAREBORDA, Libraire-Editeur 359-RUE TACUAR1-359 BUENOS AIRES - 4012-Imprimerie «Mariano Moreno», rue Corrientes 829 1895 AVANT-PROPOS La climatologie médicale de l'Amérique et principa- lement celle de la République Argentine, n'avait pas été décrite jusqu'à ce jour. Le livre que je présente au monde scientifique n'a pas la prétention de combler cette lacune, mais il em- brasse un ensemble de questions traitées avec impar- tialité et en se basant sur des documents véridiques, qui permettront à tout moment de connaître d'une fa- çon générale la morbidité et les conditions d'hygiène publique de ces pays. Bordier {Géographie médicale;) Armand {Climatologie générale du globe;) plus récemment Davidson {Geo- graphical Pathology) tout en donnant presque en détails une étude de la pathologie universelle, sont peu pro- digues de renseignements concernant le Nouveau Monde et spécialement les nations Sud-Américaines. Qu'il suf- fise de dire que dans le dernier de ces ouvrages, on dédie seulement 47 pages à l'Amérique du Sud et qu'on englobe en 52 lignes tout ce qui concerne la Républi- que Argentine. L'Encyclopédie d'hygiène et de médecine publique de Jules Rochard s'occupe plus longuement de ces contrées; elle émet des jugements basés sur quelques publications locales, dont certaines contiennent des informations très exactes. J'ai voulu suppléer aux omissions de ces auteurs et dans ce but j'ai recherché les éléments nécessaires pour ma tâche dans les revues, les journaux médicaux et dans tous les documents qui pouvaient me servir. VI Le résultat de mes observations qui sont le fruit de trois années de travail, est consigné dans ce volume, que je publie en français afin de divulguer son con- tenu. La Climatologie médicale de la République Argentine et des principales villes d'Amérique, a été écrite à l'occa- sion du concours Sud-Américain de médecine tenu à Buenos Aires en 1893, sur l'initiative du Circula Médico Argentino, qui a adhéré de cette façon aux fêtes or- ganisées en octobre 1892, pour commémorer le quatrième centenaire de la découverte de l'Amérique. Dans ce concours, mon travail fut honoré d'une mé- daille d'or, offerte par la Municipalité de Buenos Aires à la meilleure œuvre sur la climatologie, la géographie médicale, l'hygiène et la démographie. Le Circula Médico Argentino célébra la distribution des récompenses par une cérémonie publique, et dans cette séance solennelle, le Dr. J. J. Montes de Dca. pré- sident du Conseil Municipal, en remettant le prix à l'auteur, lui adressa les paroles suivantes : Dr. Gâche: Le Circule Médico Argentino m'a fait l'honneur, comme président du Conseil Municipal de Buenos Aires devons remettre le prix que vous avez obtenu dans la belle lutte à laquelle vous avez pris part. L'esprit est véritablement réconforté lorsqu'il voit, en dépit des agitations de la politique qui absorbent tant de temps, que les in- telligences argentines s'efforcent de conquérir un rang envié dans le monde scientifique et nous font assister à ces beaux tournois du savoir, dont les seules armes sont le talent, l'application et l'étude. Si nous ne pouvons nous glorifier encore d'occuper un poste distingué parmi les nations régies par des institutions libres, c'est pour nous un spectacle consolant que celui de ces batailles paci- fiques, qui donnent à la patrie lustre et splendeur, dans les hautes sphères de la pensée humaine. Vous avez remporté une victoire dont les lauriers ceindront désormais votre front, mais ne vous arrêtez pas dans la voie que vous avez si brillamment parcourue. Souvenez-vous que des hommes éminents vous ont précédé ; souvenez vous que les Arge- rich, les Fernandez, les Alcorta, les Rawson, ont porté haut parmi VII nous la science d'Hippocrate, et que c'est par une étude de chaque jour, par une persévérance et une abnégation exemplaires que vous arriverez à pénétrer dans les arcanes profonds de la médecine, et à placer votre nom à côté de ceux de ces bienfaiteurs de l'humanité souffrante. Dr. Gâche: recevez le prix de vos efforts avec les félicitations de celui qui est fier de vous adresser la parole en ce moment. En terminant, je remercie le savant hygiéniste et compatriote, Dr. Coni, pour la préface qu'il a voulu écrire pour mon livre. Je tiens à remercier aussi mon traducteur, Mr. G. Barret. Samuel Gâche. Buenos Aires, 23 Mars 1895. VERDICT DU JURY Parmi les travaux soumis à la section d'hygiène, dé- mographie, épidémiologie, géographie médicale, le prix de la Municipalité de Buenos Aires (médaille d'or) est adjugé à celui intitulé Climatologie médicale de la 'République Argentine et des principales villes d'Amérique qui a pour devise : Patria y Ciencia. C'est un ouvrage d'un grand mérite, en raison de son originalité, de la somme de travail quhl représente, du développement donné aux sujets qu'il traite, et de son caractère éminemment na- tional et américain tout à la fois. Buenos Aires, l«r. Mai 1893. Enrique E. del Area, Eduardo Obejero, J. B. Senorans, P. N. Arata, Luis Güemes, Facundo T. Larguia, Julio Mendez, G. N. Châves, Emilio R. Coni, Ignacio Pirovano. A. E. Amoretti. Secrétaire. PRÉFACE La littérature médicale du pays ne comptait pas jus- qu'à présent un travail consciencieux et complet sur la climatologie de la République Argentine. L'honneur d'avoir comblé cette lacune, revient au Dr. Samuel Gâche, un des rares médecins argentins, qui ait eu l'énergie et la persévérance suffisantes pour entrepren- dre un travail de longue haleine, au milieu d'une at- mosphère d'indifférence, nous dirions presque d'hostilité, qui paralyse ou tue, parmi nous, toute initiative de production scientifique. Pour démontrer, d'une façon évidente, combien était ingrate la tâche que l'auteur a menée à bonne fin, il suffira de rappeler un antécédent, qui nous est person- nel. En caractère de directeur du bureau de statistique de la province de Buenos Aires, nous avions formé le projet, en 1883, de réunir les premiers éléments, qui serviraient de base à la climatologie médicale de cette province. Dans ce but, nous nous adressâmes aux prin- cipaux médecins, résidant dans la contrée, en leur de- mandant de nous envoyer des renseignements sur le climat, les maladies, la mortalité, les travaux d'assai- nissement, etc. des localités qu'ils habitaient. Malgré nos démarches réitérées, nous ne pûmes obtenir qu'un nombre très restreint de renseignements, qui parurent dans El Anuario Estadïstico de 1882; malheureusement ce travail ne put être continué les années suivantes, faute de la coopération de presque tous les médecins. Nos successeurs à la tête du bureau de statistique, n'ont pas été plus heureux, puisqu'aucun des annuaires, qui ont paru par la suite, n'a renfermé le chapitre relatif X à la climatologie médicale que nous avions eu la satis- faction de créer. Il a fallu une période de plus de dix ans depuis cette première tentative, pour qu'un pionner infatigable de la science, comme le Dr. Gâche, s'engage dans la même voie. Plus heureux que nous, il a pu réunir des docu- ments précieux sur la climatologie de toute l'Amérique et particulièrement de la République Argentine. L'ou- vrage que nous avons l'honneur de présenter, a obtenu le premier prix au concours du Circule Médico Argen- tine de 1893, et certainement il recevra l'accueil le plus favorable dans le monde scientifique. Nous pouvons affirmer, sans crainte de nous trom- per, que dans aucun pays Sud-Américain on n'a pu- blié un travail aussi complet et conçu sur un plan aussi vaste. Cet ouvrage commence par un chapitre intéressant sur l'aspect général de la République Argentine, dans lequel sont successivement étudiés la géographie phy- sique, l'étendue du territoire, la démographie, les cul- tures, le bétail et les principales productions du pays. L'auteur examine ensuite l'origine et le développe- ment de la population argentine, en mettant à contri- bution les documents historiques les plus sérieux. Les considérations que lui a suggérées la disparition lente et progressive de la race indienne décimée par ces deux fléaux: la variole et la tuberculose, méritent de fixer l'attention. Le Dr. Gâche fait remarquer, avec beaucoup de rai- son, que la majeure partie du territoire de la Républi- que Argentine se trouve dans une zone tempérée et que son climat est un des plus favorisés du globe. Le chapitre relatif à la géographie médicale, contient une énumération très détaillée des maladies régnantes dans les différentes contrées et ensuite un résumé très complet de pathologie américaine. En ce qui concerne le pays, l'auteur étudie, avec de nombreux documents à l'appui, la topographie, les pro- duits, la climatologie et les affections régnantes dans les districts fédéraux. XI La première partie de l'ouvrage traite de la Capitale de la République et de la province de Buenos Aires. Pour la première, l'auteur examine la nature du sol, le climat, la démographie, en s'attachant spécialement à l'examen des maladies infectieuses et de la mortalité des enfants. Il s'occupe aussi, dans leurs moindres dé- tails, des travaux d'assainissement qui ont été exécu- tés, et des services hygiéniques établis, et qui ont contri- bué à améliorer sensiblement la salubrité de cette ville. Dans le chapitre consacré à la province de Buenos Aires, le Dr. Gâche étudie le sol. le climat, la popula- tion, les maladies et la mortalité des principales lo- calités, en faisant ressortir les causes de l'insalubrité de chacune d'elles et indiquant les moyens d'y remédier. Il insiste d'une façon spéciale sur l'étiologie de la fièvre typhoïde qu'on peut considérer comme endémique dans le plus grand nombre des parages, et sur le nombre insolite d'affections de l'appareil digestif qu'il faut at- tribuer à la mauvaise qualité des eaux qu'on con- somme. La fièvre typhoïde dans toutes les endroits où elle sévit, est l'objet d'observations très complètes; avec beaucoup de raison, l'auteur attribue cette maladie et le développement alarmant qu'elle prend à certains moments de l'année, au système déplorable des latrines construi- tes, en général, à peu de distance des puits et creusées, pour la plupart, jusqu'à la première couche souter- raine; par suite, des infiltrations se produisent dans le sous-sol et contaminent l'eau qui sert pour l'alimenta- tion. Afin de remédier à cet état de choses, il propose, entre autres mesures de salubrité générale, l'organisa- tion dans chaque localité d'un service d'eaux courantes, en utilisant, dans ce but, la seconde couche d'eau qui existe dans toute la région Nord de la province de Buenos Aires, ainsi qu'on l'a déjà fait dans plusieurs des villes principales. XII La seconde partie de cet ouvrage est consacrée à la description des treize autres provinces de la République. Chaque chapitre renferme des renseignements sur la géo- graphie, la population, le climat, les produits, les mala- dies et la mortalité, les travaux d'assainissement, la provision d'eau, etc., des capitales et des villes les plus importantes. De même que pour la province de Buenos Aires, l'auteur étudie, avec soin, l'étiologie de la fièvre typhoï- de dans les localités où elle règne à l'état endémique, et il arrive à cette conclusion qu'ici, comme là, les causes de cette maladie sont analogues. Dans la section consacrée à la province de Corrientes, il faut mentionner un travail sur la dysenterie, qui se présente comme une maladie endémique dans un grand nombre de pays. Par rapport à celle de Mendoza, l'auteur appelle l'at- tention sur la mortalité très considérable provoquée par les maladies infectieuses (principalement la diphté- rie, la variole, la fièvre typhoïde), qui a été observée dans la capitale de cette province, depuis l'apparition du choléra de 1886-1887, épidémie qui a eu un carac- tère très violent. Avec le concours de la statistique, il démontre que Mendoza est une des capitales argentines qui a le besoin le plus urgent de travaux d'assainisse- ment perfectionnés. Le Dr. Gâche prouve que l'insalubrité d'un grand nombre de provinces, provient, en grande partie, de la provision d'eau destinée à la consommation, presque toujours mauvaise et défectueuse, par suite de l'instal- lation du système primitif des canaux. En ce qui concerne Tucuman, il fait remarquer la mortalité très accrue que provoque le paludisme en- démique et l'existence des fièvres typho-malariennes, affec- tion complexe, qui remplace, pour ainsi dire, la fièvre typhoïde qui règne dans les autres provinces. XIII La troisième partie est consacrée au goitre et au cré- tinisme, au paludisme et aux saisons climatériques et thermales de la République Argentine. L'auteur, après avoir analysé scientifiquement les dif- férentes théories émises, depuis Boussingault, pour ex- pliquer l'étiologie du goitre, énumère succinctement les travaux modernes basés sur la bactériologie, qui démon- trent l'origine bactérienne de cette affection. Le chapitre consacré au paludisme est un des plus complets. Après un résumé des recherches remarquables du Dr. Laveran, on énumère les diverses formes que revêtent les fièvres paludéennes à Tucuman, Salta, Jujuy, Catamarca, La Rioja et Corrientes, qui sont les pro- vinces argentines dans lesquelles sévit cette endémie. L'auteur se basant sur la statistique mortuaire de Tucuman, fait ressortir le lien étroit qui existe entre la cachexie palustre et la mortalité des enfants, et ré- vèle en même temps l'influence qu'exerce le paludis- me sur la décadence de l'organisme. En s'occupant de la prophylaxie, il passe en revue les substances qui rendent l'organisme réfractaire au poison palustre et il indique les travaux d'assainisse- ment qu'il convient d'exécuter dans les régions maré- cageuses (dessèchement des marais, drainage et culture du sol), ainsi que l'emploi d'eaux absolument exemptes de toute contamination. Pour le traitement, il préconise comme remède le plus efficace, les injections hypodermiques de bichlorure de quinine. Cette partie de l'ouvrage se termine par la descrip- tion d'un cas de paludisme expérimental observé sur la personne du Dr. G. Araoz Àlfaro, qui présente une grande importance par ses conclusions scientifiques. L'étude de l'alcoolisme dans la République Argentine, offre beaucoup d'intérêt. XIV Enfin, la quatrième section contient des observations très complètes sur la climatologie médicale de Monte- video; Rio de Janeiro, Porto Alegre et Bahia au Brésil; Santiago, Valparaiso et Conception, au Chili; Lima; New York, Brooklyn, Buffalo, Mansfield et Maine, aux Etats-Unis du Nord; Mexico; et Cali (Colombie). Presque tous les ouvrages de climatologie et de géo- graphie médicale les plus répandus, comme ceux de Bordier, De Brun, Armand, Lombard, etc., et même un des plus modernes, celui de Poincaré çde Nancy), ren- ferment des erreurs et présentent des lacunes au sujet des nations américaines. Que le beau livre du Dr. Gâche serve à corriger les pre- mières et à combler les secondes, tel est le souhait que forme le signataire de ces lignes. Emile R. Coni. l«r août 1894. I. - Avant-propos v II. - Verdict du Jury vin III. - Préface du Dr. Coni ix I. - Aspect général de la République Ar- gentine 1 II. - Caractère ethnique de la population de la République Argentine 18 III. - Décadence de la race indigène 48 IV. - Climat de la République Argentine... 58 V. - Géographie médicale. Résumé de pa- thologie Américaine 77 VI. - L'alimentation dans la République Ar- gentine 98 VII. - Moyenne de la vie. Longévité et morts subites dans la République Argentine. 120 VIII. - Buenos Aires. Climat et démographie. 135 IX. - Morbidité et mortalité générale à Bue- nos Aires. Mortalité chez les enfants. Enfants mort-nés 180 X. - La fièvre typhoïde à Buenos Aires.... 232 XI. - Province de Buenos Aires. Ville de La P lata. Région du Sud 269 XII. - Province de Buenos Aires. Région cen- trale 329 XIII. - Province de Buenos Aires. Région Nord. 358 XIV. - Province de Santa Fé 388 Chapitre XVI Chapitre XV. - Province d Entre Rios 401 XVI. - Province de Corrientes 418 XVII. - Province de Cérdoba 448 XVIII. - Province de San Luis 462 XIX. - Province de Mendoza 484 XX. - Province de San Juan 509 XXL - Province de La Rioja 523 XXII. - Province de Catamarca 538 XXIII. - Province de Santiago del Estero 547 XXIV. - Province de Tucuman 557 XXV. - Province de Salta 576 XXVI. - Province de Jujuy 585 XXVII. - Districts fédéraux 594 XXVIII. - Le paludisme dans la République Ar- gentine 628 XXIX. - Le goitre dans la République Argen- tine 662 XXX. - L'alcoolisme dans la République Argen- tine 678 XXXI. - Parasitologie Argentine 699 XXXII. - Stations climatériques et thermales de la République Argentine 706 XXXIII. - République Orientale de l'Uruguay... 736 XXXIV. - République du Paraguay 748 XXXV. - République des Etats-Unis du Brésil . 757 XXXVI. - République du Chili 786 XXXVII. - République de Bolivie 845 XXXVI11. - République du Pérou 849 XXXIX. - République de Colombie 881 XL. - Etats-Unis du Nord-Amérique 896 XL1. - République du Mexique 906 CHAPITRE PREMIER ASPECT GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Situation. - Limites. - Etendue. - Division territoriale. - Densité de la population. - Immigration. - Intérieur du pays. - Opinion de Sarmiento. - Orographie. - Les Cordillères. Topographie et géologie d'après Bur- meister. - Vallées. - Hydrographie. - Fertilité de la terre. - Région des céréales. - Région des sucres. - Elevage du bétail. - Faune. - Flore. - Richesses minérales. - Les sables aurifères du Chubut et de la Terre de feu. - Le pétrole de Jujuy, de Mendoza, du Chaco. - La houille de San Rafael. - Les marbres de San Luis, etc., etc. « La partie habitée de ce pays privilégié, qui réunit tous les climats, peut se classer en trois régions distinctes qui impriment à la population des manières d'être diverses, suivant les conditions de la nature qui les entoure. Au Nord, et se confondant avec le Chaco, une espèce de bois couvre de ses rameaux impénétrables une étendue que nous appellerions inouïe si, par extraordinaire, il pouvait y avoir quelque chose d'inouï en Amérique. Au centre, et dans une zone parallèle, les pampas et les bois se disputent le terrain sur une vaste étendue; dans certaines parties dominent les forêts, qui se terminent en bruyères grêles et épineuses ; la forêt se reproduit encore, grâce à quelques cours d'eau qui favorisent son développement, jusqu'à ce que, enfin, vers le Sud, la pampa triomphe et découvre à l'infini sa surface belle et unie, sans limites connues et sans accidents notables; c'est l'image de la mer sur la terre, de la terre attendant encore qu'on lui ordonne de produire». Sarmiento La République Argentine, l'un des plus vastes pays du continent américain, est située entre les 22e et 56e de- grés de latitude méridionale et les 53e et 73e de longitude occidentale (méridien de Greenwich). CLIMATOLOGIE MEDICALE. 1 2 Ses limites sont: au nord, la Bolivie, le Paraguay et le Brésil ; à Best, le Brésil, la République Orientale de l'Uruguay et l'Océan Atlantique ; au sud, le même Océan et le Chili et à l'ouest, le Chili, dont elle est séparée comme de la Bolivie, par la Cordillère des Andes. (') Elle est formée par quatorze provinces ou Etats auto- nomes, subordonnés à la constitution fédérale, et neuf gouvernements ou districts fédéraux. La ville de Bue- nos Aires est la capitale de la nation. La population totale est aujourd'hui évaluée à plus de cinq millions d'habitants. Le recensement de 1869, le dernier effectué, donnait le chiffre de 1.877.490 âmes. Mais en tenant compte de l'énorme développement pris dans ces dernières années par la République Argentine,, en calculant ce qu'ont donné l'immigration, l'augmen- tation végétative, etc., il n'est pas exagéré d'admettre la réalité de cette évaluation, que d'autre part, les recen- sements partiels faits dans diverses provinces et quel- ques principales villes rendent très acceptable. L'étendue du territoire est de 2.894.444 kilomètres carrés, ce qui permet d'espérer la création de nouveaux centres de production et de nouvelles sources de richesses. Notre sol, en effet, peut être habité par les hommes de toutes les zones, et, grâce à son climat, il se prête à toutes les cultures dans des conditions exceptionnelle- ment avantageuses, comme nous le verrons plus loin. Les renseignements suivants se réfèrent à l'étendue des provinces et des districts fédéraux et à leur popu- lation, calculée le 1er Décembre 1894. (*) Les limites définitives avec le Paraguay furent fixées en 1878 par sentence arbitrale de M. Hayes, alors président des Etats-Unis du Nord. Celles relatives au Brésil (question des Missions) seront établies par M. Cleveland, président de la grande République, désigné comme arbitre spécial. Les limites avec le Chili dépendent des opérations géodésiques pratiquées dans les Cordillères par les commissions argentine et chilienne nommées ad hoc, et nos frontières avec la Bolivie ont été établies par un traité récemment conclu avec ce pays. 3 CAPITALE, PROVINCES ET DISTRICTS FÉDÉRAUX Kilomètres carrés Population Habitants par kilomètre carré Capitale (Buenos Aires) 187 640.000 3422.5 Province de Buenos Aires 311.377 940.000 3.0 - de Santa Fé 131.582 430.000 3.3 - de Entre Rios 75.457 400.000 5.3 - de Corrientes 81.148 272.000 3.3 -- de Côrdoba 174.767 470.000 2.6 - de San Luis 75.917 125.000 1.6 - de Mendoza 160.813 180.000 1.1 - de San Juan 97.505 165.000 1.7 - de Rioja 89.030 125.000 1.4 - de Catamarca 90.644 150.000 1.7 - de Santiago del Estero.. 102.355 270.000 2.6 - de Tucuman 24.199 250.000 10.3 - de Salta 128.266 270.000 2.1 - de Juiuv 45.286 100.000 2.2 District de la Pampa 144.919 65.000 0.4 - du Neuquen 109.081 30.000 0.2 - du Rio Negro 212.163 28.000 0.1 -- du Chubut 247.331 6.000 0.02 - de Santa Cruz 276.910 3.000 0.01 - de la Terre de Feu 21.048 350 0.01 - du Chaco 124.834 36.000 0.3 - de Formosa 115.671 6.000 0.05 - des Missions 53.954 40.000 0.7 2.894.444 5.001.350 1.7 D'après ces chiffres, la densité moyenne de la popula- tion serait de 1.7 habitants par kilomètre carré. Certes, la proportion est faible. Toutefois, si l'on tient compte de la fertilité de ses immenses étendues de terrain encore vierge, on peut entrevoir le brillant avenir réservé à la République Argentine, le jour où ses enfants, réalisant la pensée de Bacon, abandonneront les utopies pour s'a- donner à l'agriculture et transformer les champs en véri- tables greniers du monde. En comparant, dans divers pays, le nombre d'habitants par kilomètre carré, nous obtenons les proportions sui- vantes : Allemagne, 91.4; République Argentine, 1.7; Autri- che Hongrie, 64; Afganistan, 8; Andorre, 13: Antilles, 19: 4 Belgique, 242; Belutchistan, 1.4; Bulgarie, 32; Brésil, 1.6; Bolivie, 1; Corrée, 48.1; Congo, 6.2; Canada, 0.5; Colombie, 3.6; Amérique du Centre, 6; Costa-Rica, 5.5; Chili, 4.5; Danemarck, 5.6; Espagne, 34; Egypte, 10; Etats-Unis du Nord, 7; Equateur, 3; France, 72; Grande- Bretagne, 122; Grèce, 33; Guatemala, 12; Guyane, 0.7; Hollande, 138; Haïti, 33; Hawaï, 5.3; Honduras, 3; Italie, 105.3; Empire Chinois, 34; Indes Anglaises, 74; Indo-Chine, 9 ; Japon, 99; Liberia 40.7 ; Luxembourg, 82; Maroc, 10; Mexique, 6; Monaco, 577; Monténégro, 26; Norwège, 6; Nicaragua, 2.5; Portugal, 51; Perse, 4.8; Paraguay, 2; Pérou, 3; Roumanie, 41; Russie, 18; Suisse, 69; Suède. 10; Serbie, 45; Saint-Marin, 94; Siam, 12; San Salvador, 37; Saint Domingue, 10.5; Transvaal, 2.3; Tripoli, 1; Turquie d'Europe, 32; Turquie d'Asie, 19; Uruguay (République Orientale), 4.2 ; Venezuela 2.2. Soit le résumé suivant : En Amérique, 2.5; en Eu- rope, 32; en Asie, 19; en Afrique, 6. L'immigration étant le principal facteur dans le mou- vement de population de notre pays, nous allons donner quelques chiffres pour que l'on puisse se rendre compte de sa rapide augmentation. Depuis 1857 jusqu'au 31 décembre 1893, Pim migration est représentée par 1.977.818 individus et rémigration par 587.998, ce qui laisse en faveur de l'immigration un excédent de 1.389.824 personnes. Le plus grand nom- bre se recrute, par ordre d'importance, parmi les Ita- liens, Espagnols, Français, Anglais, Suisses, Allemands, Portugais, Autrichiens, Belges, etc. Les Italiens forment les deux tiers de l'ensemble. Dans une longue période de 37 ans, à trois époques seulement le courant s'est ralenti. Ces ralentissements ont eu pour causes : l'épidémie de fièvre jaune, qui a sévi en 1871 ; la crise financière de 1875-1876, et, enfin, les troubles politico-économiques des dernières années. Sauf les Etats-Unis de l'Amérique du Nord, aucune nation n'a jamais reçu une quantité aussi considérable d'immigrants. Il est à remarquer d'autre part, que ceux-ci s'établissent à demeure dans le pays, et que ce n'est que 5 par exception et à la suite des commotions révolution- naires de 1890-1891, que l'émigration a dépassé l'immi- gration. Aujourd'hui, heureusement, la situation a changé et tout porte à croire que les choses ne tarderont pas à reprendre définitivement leur état normal. Les causes qui produisirent les désordres d'autrefois ont disparu ; une ère de travail et de bien-être commence pour nous, sous les auspices du respect aux institutions. La terre est très abondante, mais l'eau manque abso- lument dans quelques-unes de ses parties. Cette priva- tion de l'un des éléments les plus indispensables exerce une très regrettable influence sur la population. Les fleuves, rivières, lacs et ruisseaux sont très nom- breux, mais leur répartition inégale ou leur absence complète, dans certaines régions, sont un obstacle au progrès. Cependant, ce terrible inconvénient paraît appelé à disparaître. Le Congrès étudie un projet de grands bassins artificiels, pour les provinces de San- tiago del Estero, de la Rioja et de Catamarca qui seront, de cette manière, constamment pourvues de l'eau indis- pensable à l'homme, à l'élevage du bétail et à l'agri- culture. Ainsi se transformeront ces contrées qui, s'ouvrant à la vie et à l'activité, ne tarderont pas, par leur abon- dante production, à rétribuer amplement les dépenses du trésor public. L'excès d'extension territoriale a retardé le dévelop- pement des campagnes, en faisant obstacle à la forma- tion de centres populeux, indispensables aux créations industrielles et manufacturières. Sarmiento écrivait en 1851 : « Le mal le plus affligeant pour la République Argentine est son étendue. Le désert l'entoure de toutes parts et s'insinue jusque dans ses entrailles. La solitude, les endroits inhabités sont ordi- nairement les limites non contestées des diverses pro- vinces. Là, on voit l'immensité de tous côtés : des plaines infinies, de vastes forêts, de larges rivières, l'horizon toujours incertain, toujours se confondant avec la terre, 6 au milieu de nuages colorés et de légères vapeurs, qui ne permettent pas de reconnaître, dans la lointaine perspec- tive, le point où finit la terre et où le ciel commence. » (*) Le tableau a changé complètement. Le désert disparaît chaque jour devant les villes, le chemin de fer transforme et vivifie les éléments de progrès et là où, il y a vingt ans, l'indien plantait sa hutte, s'élèvent aujourd'hui des cités florissantes, des colonies prospères qui font l'étonne- ment de tous et concourent, par leurs produits, à accroître la richesse nationale. La nature de cet ouvrage ne nous permet pas de pré- senter un tableau détaillé de la configuration du pays, mais les données suivantes, aideront à s'en former une idée approximative. Notre territoire est divisé géologiquement en deux parties bien distinctes : la région montagneuse et la plaine. Dans la première région on peut comprendre les quatre groupes suivants : 1° Les Cordillères et leurs contre-forts du territoire argentin. 2° Les montagnes isolées dans la portion septen- trionale. 3° La chaîne centrale de la plaine, représentée par la Sierra de Côrdoba. 4° Le système de la Pampa méridionale avec les pics de la Sierra de la Ventana. Selon Paz Soldan, l'orographie argentine est consti- tuée par les deux grandes Cordillères, généralement connues sous le nom de Andes*, mais il les distingue par les noms de Cordillère orientale des Andes, et de Cordillère occidentale ou Real. Celle-ci s'étend paral- lèlement à la côte du Pacifique, à vingt lieues de dis- tance environ. De celle des Andes, se détachent plusieurs chaînes qui pénètrent en territoire argentin et dont les trois principales sont : la Cordillère Orientale, la Cor- dillère Centrale et la Pre-Corclillère, cette dernière sui- vant la Cordillère Real, parallèlement jusqu'au 42e degré (x) Sarmiento: Facundo 6 Civilixacion i Barbarie. 7 de latitude à peu près, où elle commence à disparaître, en se ramifiant vers l'Ouest et le Sud-Ouest. (l) La Cordillère des Andes offre des élévations impo- santes notamment près du 32e degré de latitude Sud, entre autres les pics de FAconcagua à 6835 mètres, le Merce- nario à 6797, le Tupungato à 6710, le Juncal à 6000, le Maipo à 5500, sans compter le Nevado de Famatina, le cerro Bonete à une hauteur d'environ 6000 mètres, etc. L'aspect de ces pics est majestueux et quelques-uns d'entre eux demeurent couverts de neige pendant toute l'année. Sur le versant argentin, ils ont été explorés en diverses occasions, au double point de vue des com- munications et de leurs richesses minérales, et les ré- sultats obtenus ont été satisfaisants. Les vallées qui existent dans ces régions élevées sont splendides. Leur fertilité est étonnante et elles se prê- tent très-bien, non-seulement à l'établissement de grandes industries, mais aussi à celui de maisons de santé, sa- natoriums, qui, bien dirigés, seraient, grâce au climat, d'une utilité incontestable pour les malades. Nous empruntons à l'excellent ouvrage de M. Napp, les lignes suivantes qui donnent une idée parfaite de la topographie et de la géologie du pays, d'après Burmeister. Le territoire de la République Argentine se déroule sous la forme d'une plaine s'inclinant du Nord-Ouest au Sud-Est et connue généralement sous le nom de Pampa. Voici quelques observations au sujet de cette inclinaison : L'altitude du village de Capacavana, au pied occiden- tal des Cordillères, est de 1168 mètres; celle de la ville de Mendoza, près de la chaîne d'Uspallata de 772 mètres; Rio Cuarto, à une distance à peu près égale de Mendoza et de Buenos Aires, présente une altitude de 1414 mètres, tandis que les bords de la Saline Centrale, entre le Capacavana et le rio Paranâ, près du village de las Tocas, ne sont qu'à une hauteur de 188 mètres. D'après les observations du capitaine Page, les eaux du Paranâ sont, près de Buenos Aires, à 10 pieds au dessus du (x) Mariano Felipe Paz Soldan : Geografia de la Repûblica Argen- tina, 1886. 8 niveau de la mer, à 60 pieds au Rosario, à 100 pieds à La Paz, endroit situé presque sur le même degré que las Toscas, à 200 pieds à Corrientes et atteignent 300 pieds au 22e degré de latitude. La grande Saline Centrale est donc la partie la plus basse de la plaine argentine, puisque son altitude n'est que de 300 pieds au-dessus du niveau de la mer, ou 400 pieds au-dessus du niveau du Paranâ sous le même degré de latitude. Aucune observation n'a été faite dans le Sud; nous savons seulement que la plaine patagonienne est assez élevée, offrant de tous côtés de nombreux contre-forts qui vont s'élevant vers les Cordillères. La surface de cette vaste plaine ne présente pas tou- jours la même configuration. Bien que la Pampa s'étende du Nord au Sud, elle n'est pas une plaine homogène ou régulière. Elle ressemble plutôt à une vaste plage accidentée et crevassée par endroits. Les montagnes au pied desquelles elle s'étend, la divisent en diverses vallées peu profondes dont nous allons dire quelques mots : 1. - La vallée du Nord-Est est la plus grande; elle est limitée au Nord-Est par la chaîne du Despoblado et la Sierra Aconquija, à l'Ouest et au Sud-Ouest par la Sierra de Côrdoba, et ses ramifications du Sud, jusqu'à la latitude de Santa-Fé. Au Nord, elle est le prolongement de la plaine centrale du Brésil, qui est limitée, à l'Est, par les fleuves Paraguay et Paranâ. Tous les affluents de ces derniers, sur le territoire ar- gentin, appartiennent au bassin que nous appellerons bassin du Paranâ, et qui constitue l'une des régions les plus fertiles de ce pays. Les provinces de Salta, Tucu- man, Santiago del Estero, les forêts vierges du Gran Chaco, la partie orientale de la province de Côrdoba et la moitié de Santa Fé, au Nord, sont comprises dans ce bassin. 2. - Près de cette vallée, on rencontre, à l'Ouest, une région étroite mais très caractéristique, qui commence au nord de la province de Catamarca, comprend toute cette province, la partie Nord-Ouest de celle de Côrdoba 9 et la partie orientale de celle de la Rioja, jusqu'à la Sierra de Famatina, se continue au Sud-Est en traver- sant la province de San Luis, et se dirige au Sud à travers la Pampa dans la même direction. Cette région est la plus sèche, et par conséquent, la plus stérile de la République Argentine; elle n'est arrosée par aucun cours d'eau de quelque importance, et ne possède que de rares prairies dans la partie méridionale. 3. - Une troisième plaine s'étend à l'Ouest ; elle com- mence au .Nord-Ouest de la province de la Rioja par la vallée étroite du rio Jagüé, entre le Famatina et les Cordillères, se continue au Sud, dans les provinces de San Juan et de Mendoza, est limitée à FEst par les Sierras del Gigante, de las Palomas, del Alto Pencoso, touche plus au Sud aux terrains marécageux de la la- gune Bebedero, et de là se dirige jusqu'à la latitude de la Sierra Ventana et de Bahia Blanca, dont la baie, qui pénètre profondément dans les terres, forme sa limite méridionale. 4. - La partie Sud-Est de la région précédente est une continuation du bassin du Paranâ auquel elle s'unit au 32e degré de latitude pour se prolonger ensuite jus- qu'à la Sierra Ventana et Bahia Blanca. Elle forme une plaine presque sans interruption, généralement couverte de hautes graminées touffues qui, surtout dans la Pro- vince de Buenos Aires, constituent des prairies excel- lentes à l'élevage du bétail. 5. - A côté de la Pampa, on trouve au Sud, la plaine patagonienne couverte d'immenses forêts, mais d'une exploitation encore difficile. 6. - La partie qui s'étend plus au Sud-Est, entre le Paranâ et l'Uruguay, a reçu, à juste titre, le nom de Mésopotamie Argentine. Cette région consiste en quelques plaines peu étendues, et comprend les provin- ces d'Entre Rios et de Corrientes. Elle ressemble bien plus, - à cause de ses collines et de son terrain acci- denté - au Sud du Brésil et à la République de l'Uru- guay, qu'à aucune autre partie de la République Argentine. On .n'y rencontre ni pampas, ni rochers, ni plaines stériles; au contraire, une herbe touffue y recouvre le sol 10 ondulé; les vallées et les bords des deux grandes rivières sont ombragés par des arbres magnifiques; et toute cette région est sillonnée par une multitude de petites rivières qui descendent du plateau central et portent partout une prodigieuse fertilité (l). Le pays possède donc une topographie variée aux conditions de laquelle le climat est subordonné; des régions hautes favorables au traitement de certaines maladies; des vallées et des plaines qui offrent une quantité d'éléments précieux pour le développement d'une incomparable richesse, aidée d'une bonne hygiène. Le système des eaux est amplement et abondamment re- présenté,bien que leur distribution irrégulière soit la cause de sérieux embarras, ainsi que nous l'avons dit. On pourrait signaler, d'après Sarmiento, comme un caractère remarquable de la physionomie de ce pays, l'ag- glomération des rivières navigables qui, vers FEst, vien- nent de tous les points de l'horizon, se réunir dans la Plata, et offrir dignement à l'Océan le colossal tribut de leurs eaux. Napp classe les rivières en cinq groupes : Le système du Rio de la Plata, un des plus grands fleuves du monde, est formé par le confluent de six gran- des rivières, dont Lune, le Rio Uruguay, se jette directe- ment dans le Rio de la Plata, tandis que les autres vont grossir successivement le Paranâ, la plus importante de toutes. Un seul cours d'eau, le plus occidental, le Salado, est absolument argentin; les autres prennent tous leur source hors des limites de la République. De ces six fleuves, deux viennent du Nord-Est, l'Uru- guay et le Paranâ; trois, de moindre importance, descen- dent du Nord-Ouest; le dernier, le Paraguay, qui prend sa source au Nord, peut être considéré comme l'axe de tout le système des eaux, puisque c'est lui qui lui imprime sa direction générale. Par leur importance, le Bermejo et le Pilcomayo se rattachent à ce système, ainsi que plusieurs autres ri- (x) Napp : La Repûblica Argentina. 11 vières de moindre étendue et qu'il est inutile de men- tionner ici. Le second système appelé central, est constitué par cinq petites rivières et différents cours d'eau qui, pre- nant leur source dans la Sierra de Cordoba, se dirigent à l'Est et au Sud-Est. Beaucoup d'autres, sortis de la même sierra coulent vers l'Ouest et le Nord-Ouest. Le troisième système, celui des Cordillères, comprend : le rio Capacavana (appelé plus bas rio Colorado), le rio Bermejo Chico, le rio San Juan, le rio de Mendoza, le rio Tunuyan, le rio Diarnante, le rio Atuel, etc. Quant au système dit de la Pampa, il se compose de plusieurs cours d'eau qui se déversent presque tous dans l'Océan. Ce sont : les rios Salado, Quequen- Grande, Napostà et Sauce Chico. En outre, le rio Sauce Grande, le Quequen Salado et divers autres de moin- dre importance. Le cinquième système appelé patagonien, comprend des rivières qui prennent toutes leur source dans les Cor- dillères. Elles sont navigables dans la plus grande partie de leur cours et se jettent dans l'Océan. Ce sont les rios Colorado, Negro, Chubut, Deseado et Santà-Cruz. L'énumération complète des rivières, des cours d'eau et des lacs de la République Argentine, serait très longue. La description de chaque province implique aussi son hydrographie, nous croyons par suite inutile de donner ici plus de détails. Avec des éléments aussi considérables et aussi variés, il n'y a donc rien d'étonnant que la fertilité du sol soit remarquable. Une couche abondante d'humus, qui, en certains endroits, atteint un mètre d'épaisseur, donne à l'agriculture un rendement surprenant. Les produits les plus divers s'obtiennent ici, et comme toutes les zones sont représentées dans notre pays, la végétation y est singulièrement exhubérante et capricieuse. Au Nord, les régions tropicales; au Sud, les froids extrêmes, et sur le littoral, les zones tempérées. Voilà une réunion véri- tablement merveilleuse. Les énormes productions de la terre ont accru les 12 industries, et sous ce rapport on peut diviser notre sol en trois grandes sections, comme Fa fait M. Fliess. Région des céréales : Blé, maïs, orge. La région em- brasse 95 millions d'hectares, propres à la culture, sur lesquels 2,384,508 seulement étaient en exploitation, à la fin de l'année 1891; soit pour la Province de Buenos Aires ... 962.467 hectares - de Santa Fé 656.287 » - de Cordoba . 524.068 » - d'Entre Rios 241.696 » Le total d'hectares de céréales en culture en 1892, s'élevait à 2.887.166. Au mois de mai 1893, a eu lieu, à Londres, le Milling and Baking Exhibition, où la République Argentine a figuré avec 53 échantillons distincts de blés, celui de la colonie Alvear (Entre Rios), obtenant une médaille d'or et les productions du Tandil, de Olavarria, de Hinojo, de Chivilcoy, de Nueve de Julio (province de Buenos Aires), Canada de Gomez et Sunchales (Santa Fé) et Gualeguayc.hu (Entre Rios), une mention honorable. Le rendement moyen du blé, par hectare, est le sui- vant : Province de Buenos Aires .... 1.400 kilos - de Santa Fé 1.200 » - de Entre Rios 1.000 » Dans la province de Buenos Aires, le maïs produit 2.700 kilos par hectare et dans les bonnes années il peut arriver à 4.700. La région des vignobles, s'étend principalement dans les provinces de Mendoza et de San Juan. De même à Entre Rios, Cordoba, Salta, Rioja et Cataraarca, on travaille à implanter l'industrie viticole; et certes jus- qu'ici les résultats sont encourageants. Les vignobles en culture en 1893, occupaient une étendue de 29.090 hec- tares dans tout le pays. La région du sucre, comprend : Santiago del Estero, Tucuman, Salta, Jujuy, les Missions, le Chaco et For- mosa. La superficie propre à la culture de la canne 13 à sucre est de 1.580.000 hectares, dont 25.668 seu- lement étaient en exploitation en 1891. Cette industrie était représentée par 46 établissements, qui produisi- rent 720.719 tonneaux de canne moulue et 43.373.155 kilos de sucre. De ce total, 40.217.242 kilos appartien- nent aux planteurs de Tucuman. L'hectare a donné 28.070 kilos de canne, et 1.689 kilos de sucre, et chaque mille kilos de canne 60.18 de sucre. L'élevage du bétail, s'est développé d'une manière surprenante. Par le tableau suivant on peut se rendre compte des quantités d'animaux existant aujourd'hui dans nos campagnes. (') Espèce ovine .... 90.000.000 de têtes - bovine 25.000.000 » - chevaline .. 5.000.000 » - porcine. .. 500.000 » Chèvres... 1.700.000 » Lamas 50.000 » Sans être d'une richesse extraordinaire, la faune in- téresse néanmoins le naturaliste, et sous ce rapport, notre territoire mérite également d'appeler l'attention, mais nous ne nous étendrons pas sur ce sujet. La végétation (2) de la République Argentine se com- pose de plus de 3000 phanérogames distribués dans le pays conformément aux conditions climatologiques et à la configuration du sol en général. Les conditions géo- logiques n'ont qu'une influence secondaire. Il suffit de se fixer sur la grande étendue du territoire, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, de songer que dans cette dernière direction il s'élève à 6800 mètres au-dessus du niveau de la mer, pour pouvoir s'expliquer suivant les zones les différentes formations et sous-formations géologiques : La formation antarctique qui comprend la Terre de Feu et les environs des Andes Australes. i1) Renseignements de M. Fliess. (a) G. Niederlein : La riqueza florestal delà Repûblica Argentina en la exposition universal de Paris, 1889. 14 La formation patagonique qui s'étend depuis le Chu- but jusqu'au détroit de Magellan et depuis le pied des Andes jusqu'à la mer; La formation appelée puna, qui embrasse toute la région des Cordillères des Andes et des montagnes qui en dépendent: elle présente une végétation alpine rabou- grie et très clairsemée ; La formation de la pampa, sans arbres ni arbustes in- digènes, qui s'étend sur la campagne de Buenos Aires, une partie de Santa Fé, de Cordoba, de San Luis et de la Pampa Central (et dont on retrouve la trace dans une grande partie de l'Entre Rios et de Corrientes) est in- terrompue par la région des chaînes de montagnes pam- péennes où on rencontre de petits arbustes et des brous- sailles, comme les Colletia Cruciata, Mimosa, Plantago Bismarckii; La formation des monts, avec la sous-formation des monts du Sud, de l'Ouest, de l'Est qui occupent les territoires du Rio Negro, du Neuquen, de la Pampa Central, ainsi que les provinces de Mendoza, San Juan, La Rioja, San Luis, une partie de Santiago del Estero, de Catamarca, de Santa Fé et d'Entre Rios. Cette formation comprend également la végétation des grandes Salines; La formation sous-tropicale qui, par ses différents caractères se divise en sous-formation sous-tropicale des Andes, des montagnes septentrionales et de leurs environs, en sous-formation des plaines du grand Chaco, et en sous- formation mésopotamique située entre les grands cours d'eau, l'Uruguay et le Parana. Les plantes textiles sont: le coton (gossypium bar- badense), le chanvre (cannabis sativa), le caraguatâ (bromelia spinosa), le chaguar (id. serra), le curuntiy (tréma sp.) l'escoba negra (pavonia spinifex), le guembé (philodendron sp.), l'ibirâ (bromelia longifolia), le lin (linum usitatis simum), le mbocayâ(acrocomiatotai mart), le palo borracho ou samohu, Paina (chorisia insignis Kth), l'ortiga brava (urena baccifera Gaud), le quyryryby (loranthus sp.), le yatay-pony (diplothemium littorale mart). 15 La distribution de ces différentes espèces dans la flore générale est la suivante: Formation sous-tropicale en général, 12 espèces; sous- formation mésopotamique, 11 espèces; sous formation des plaines du Chaco, 8 espèces; sous-formation sous- tropicale des Andes du Nord, 6 espèces; formation de la pampa, 2 espèces. Dans cette dernière formation on cultive le lin et le chanvre. La formation sous-tropicale présente dans toutes ses sous-formations le coton et la curundiy, la escoba negra, le palo borracho, la ortiga brava. Le chaguar est une des particularités de la sous-formation sous-tropicale. On rencontre dans la sous-formation mésopotamique comme dans les plaines du Chaco les espèces suivantes: Caraguatâ, Ibirâ et Guembé. La sous-formation mésopota- mique possède, en outre, le quyryryby, le yatay-pony, le Mbocayâ ou coco. (*) Le résumé des plantes colorantes est le suivant: 12 Synanthereœ, 8 genres (Flaveriœ, Baccharis, Flouren- sia, Eupatorium, Pectis, Heterothalamus, Solidago, Parthenium). 9 Leguminosœ, 9 genres (Acacia, Indigofera, Peltopho- rum, Erithrina, Piptadenia, Cœsalpinia, Pterogyne, En- terolobium, Prosopis); 5 Anacardiacœ, 4 genres (Schinus, Lithraœ Duvaua, Astronium); 5 Rubiacœ, 1 genre (Relbunicum Galium); 3 Rhamneœ, 3 genres (Scutia, Zyzyphus, Discaria); 3 Zygophylleœ, 3 genres (Porliera, Larrea, Bulnesia); 2 Solaneœ, 2 genres (Grabowskya, Cestrum); 2 Bignoniacœ, 2 genres (Bignonia, Tabebuia); 2.Lichenes, 1 genre (Usnea). 1 Capparidea (Atamisquea); 1 Berberidea (Berberis); 1 Myrtacea (Eugenia); 1 Euphorbiacea (Croton); 1 Chenopiodacea (Chenopodium); 1 Verbenacea (Lippia); (x) Niederlein : Ouvrage cité. 16 1 Apocinea (Tabernae-montana); 1 Cactea (Cereus); 1 Meliacea (Trichilia); 1 Olacinea (Ximenia). En ce qui concernent les couleurs qu'elles produisent, ces matières se divisent ainsi : 17 plantes teignent en jaune, 9 en rouge et coloré, 8 en noir, 8 en vert, 4 en couleur café, 3 en rose, 3 en violet, 3 en couleur plomb, 2 en bleu, 2 en orange, 2 en foncé. Les matières servant à la tannerie sont représentées par 33 espèces, 30 genres et 17 familles. Dans ce nom- bre figurent: le canelon, la myrsine floribunda; le curupay, la peptadenia cebil; la catiguâ, trichilia catiguâ; l'Ivapo- riti, l'Eugenia Miclielii; le quebracho blanc, l'aspidos- perma quebracho; le quebracho Colorado, la schinopsis Balansœ; l'arazâ, la Psidium guava Raddvar; le Gua- yacan, le Cœsalpinia melanocarpa. Les analyses pratiquées prouvent qu'ils contiennent des matières servant à la tannerie et du tannin en quan- tité plus considérable que les produits similaires d'Eu- rope, et il en existe d'autres qui sont encore plus riches. Les plantes médicinales sont ainsi distribuées : Formation sous-tropicale, 290 espèces; sous-formation mésopotamique, 147 espèces; sous-formation du Chaco, 89 espèces; sous-formation sous-tropicale des Andes du Nord, 229 espèces; formation du Monte, 175 espèces. En 1889, Niederlein calculait ainsi la superficie de la République Argentine plantée d'arbres ou d'arbustes: 370.000 hectares de forêts épaisses sous-tropicales. 195.000 hectares d'arbres de forêts clairsemés de la formation des monts. 12.000 hectares d'arbres de forêts antarctiques. 776.500 hectares d'arbustes isolés ou mélangés avec des arbres de différentes formations. En comparant ces chiffres avec ceux des autres pays, l'auteur nous fournit les renseignements suivants: Russie, 1.906.090 kilomètres carrés de forêts ; Finlande, 213.800; Suède, 167.741 ; Norwège, 76.601 ; Autriche, 94.265; Hongrie, 92.742; Allemagne, 108.644; Espagne, 105.600; 17 Suisse, 7.714; Roumanie, 22.220; France, 83.571; Italie, 46.641; Belgique, 4.461; Grèce, 6.100; Portugal, 7.100; Hollande, 2.157; Danemark, 1.760; Angleterre, 11.195; Japon, 116.000; Algérie, 18.000; Canada, 200.000; Etats- Unis, 761.000. Notre richesse forestière est immense, et un brillant avenir lui est réservé si, par des lois prudentes, l'on favorise son développement. Nous venons de voir que les régions auxquelles appar- tiennent les provinces d'Entre Bios, Corrientes, Salta et Tucuman, ainsi que le Chaco et les Missions, pos- sèdent des forêts colossales qui peuvent fournir à l'in- dustrie des quantités incalculables de bois de diverses qualités, tels que le quebracho, blanc et rouge, l'urunday, le lapacho, le cèdre, le clianar, l'algarrobo, le cocotier, le nandubay, l'oranger, le tataré, la tacuara, le nangapirü, le noyer, le palmier, l'acacia. Les plantes de jardin sont belles et présentent des variétés extraordinaires. Quant aux fruits, le'pays produit les plus fins et les plus exquis: F abricot, la pêche, la fraise, la prune, la poire, le brugnon, la banane, la pomme, l'orange, la figue, le melon, la nèfle, la chirimoya, le tout en abon- dance. Les plantes potagères se développent très bien. La flore argentine, connue par les travaux de Bonpland, Heusser, Claraz, Burmeister, Lorentz, Doering, Hierony- mus, Parodi, Arata, Niederlein,Schickendantz et autres, ne saurait être étudiée dans un résumé succinct. Qu'il nous soit permis de répéter à ce sujet les paroles d'un pro- fesseur distingué: (Q « Plus encore que toutes les riches- ses de la production actuelle, ce sol vierge, qui peut pro- duire tous les fruits de la zone tempérée et torride, attirera sans doute l'immigrant dont la vie sera facile et agréable par suite d'un climat magnifique. Celui qui arrive sans espérances exagérées, mais avec la ferme volonté de travailler sérieusement, peut être assuré du succès, tout au moins en ce qui concerne les promesses (x) Dr. P. G. Lorentz. CLIM ATOLOGIE M ÉD IC ALE. 18 de la végétation. Il y gagnera l'indépendance et un avenir assuré; il laissera à ses enfants un héritage béni ». Les richesses minérales sont considérables aussi, mais le défaut d'encouragement et le manque de garanties empêchent leur mise en valeur. L'emploi de grands capitaux pour ces industries sera certainement pro- ductif, mais il s'écoulera néanmoins un long temps, avant qu'elles puissent donner les résultats attendus. Au Chili, où elles sont mieux exploitées, elles cons- tituent une source immense de richesse ; pourquoi n'en est-il pas de même dans la République Argentine ? Aucune raison ne peut être invoquée, d'autant plus que les premiers essais ont été satisfaisants, comme le prou- vent ceux que l'on a pratiqués dans les cerros de Fa- matina (Rioja), et quelques autres de Cordoba, de San Juan, de Catamarca et de Jujuy. Les sables aurifères de la Terre de Feu et du Chu- but contiennent le secret de grandes fortunes, et avant longtemps des espérances nouvelles se transformeront facilement en réalités. Dans la province de Buenos Aires existent les car- rières du Tandil et de Olavarria, qui fournissent d'énor- mes quantités de granit, et tout récemment, le marbre a été découvert dans la province de San Luis, où il se trouve en une vaste étendue de terrain. Son exploi- tation promet d'importants bénéfices dans un avenir que l'on peut croire prochain. Aux métaux précieux ci-dessus mentionnés et aux ri- ches marbrières de San Luis, nous devons ajouter le kaolin de Salta, le pétrole de Jujuy, de Mendoza et du Chaco, la houille de San Juan et de San Rafael ('), les carrières de Cordoba et de Paranâ, les eaux miné- rales de Mendoza, de Santiago, de San Juan, et de Salta, le guano des côtes de l'Atlantique; enfin tout ce qui peut suffire à constituer la grandeur d'une nation. (*) San Rafael, département de la province de Mendoza. CHAPITRE II CARACTERE ETHNIQUE DE LA POPULATION DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Origines de la population argentine. - Influence de la civilisation Quichua. - Opinions de Lopez (V. F.) et de Mitre. - Les conquérants espagnols. - Nations diverses d'indiens ayant peuplé l'Amérique Méri- dionale et particulièrement le Rio de la Plata. - Appréciations d'Azara. - Les Indiens missionnaires et Sarmiento. - La Pampa et ses Indiens. - Le Dr. Puga Borne et la population indigène du Chili. - La conquête américaine et la civilisation espagnole. - Les Espagnols, les Indiens, les créoles hispano-américains, les métis et les nègres africains. - Ela- boration de la famille argentine, grâce au mélange de types divers. - Quatrefages.-L'immigration européenne intervient, modifiant favora- blement le type national. - Le gaucho argentin. Il est dans la nature des choses que, seuls, les peuples conquérants, par leurs armes et par leur langue, peuvent donner à la terre qu'ils foulent le baptême éternel de leur gloire et de leur esprit. Bien que les livres ne nous apprennent rien des Romains, il nous suffirait de suivre les traces de leur langue dans la géographie du monde moderne pour que nous puissions reconstruire entière- ment les grandes lignes de leur génie et de leur empire. Les Quichuas ont rempli ce même rôle sur le continent sud- américain. Leur gloire et leur langue se trouvent gravées en carac- tères impérissables sur la terre argentine dont ils ont été les pre- miers civilisateurs. Ce furent eux qui, faisant naître sur le territoire argentin la vie sociale, arrachèrent le pays à la barbarie primitive et le préparèrent à de nouvelles destinées. Et comme la justice de Dieu est toujours grande et lumineuse dans les choses humaines, quand les siècles seront venus s'ajouter aux siècles et quand le terri- toire occupera dans le monde le rang et la grandeur auxquels il est appelé, la langue des Quichuas vivra unie à la gloire des lieux célébrés déjà par les armes ou par les richesses du pays. Vicente Fidel Lofez La population de la République Argentine est aujour- d'hui la résultante de la fusion de l'élément espagnol 20 dans la masse primitive indigène, avec le mélange ulté- rieur d'individus de toutes les zones et de toutes les ra- ces, mais particulièrement d'européens. En recherchant les origines de cette population, on reconnaît immédiatement l'influence d'une civilisation qui a précédé celle des conquérants, qui a facilité considérablement leur œuvre et préparé la voie qui devait être suivie pour que les centres existants et ceux de nouvelle formation fussent plus tard de grands cen- tres d'activité et de progrès. Cette influence est manifeste dans la partie de notre territoire où elle s'exerça et qui se différencie d'une ma- nière sensible de celles qui, moins fortunées, ne la subirent pas.La différence, très notable, entre le littoral et l'intérieur devait avoir, selon Lopez, une cause beaucoup plus sé- rieuse que celle d'une simple occupation fortuite par les Espagnols. Pourquoi le littoral était-il resté barba- re ou du moins sauvage? Pourquoi les campagnes cen- trales de Côrdoba, et au delà, offraient-elles la vie paisible et civilisée de l'agriculteur, avec une population étendue qui se montrait toujours et partout soumise aux lois et fidèle au gouvernement général? La raison en était que tout le territoire argentin, de Ju- juy à Côrdoba et Cuyo avait déjà subi une transforma- tion; qu'il avait été façonné à la civilisation par une conquête antérieure à celle des Espagnols, et, que ceux-ci, en l'occupant à leur tour, ne firent qu'implanter et constituer leur autorité dans les centres mêmes créés par les conquérants précédents, les Quichuas, tandis que sur le littoral, l'Espagne avait dû affronter le dé- sert et la barbarie primitive contre laquelle elle lutta pendant deux siècles et demi sans que ses efforts arri- vassent, à Buenos Aires, à Santa Fé, et sur le littoral, à réaliser l'œuvre qu'elle avait trouvée accomplie dans l'intérieur. (l) L'Espagne rencontre donc, sous ce rapport, la tâche simplifiée, puisqu'une civilisation relativement avancée (*) Vicente Fidel Lopez: Historiade la Reyûblica Argentina, tomel 21 l'avait précédée dans ces contrées où elle avait consti- tué, comme il vient d'être dit, une société administra- tive et industrielle, qui, par sa propre organisation se prêtait facilement à la prédominance de la race con- quérante européenne, étant déjà habituée, comme elle l'était, au travail sédentaire sous l'empire de la loi et de l'organisation publique. On comprend facilement toute la puissance du vaste territoire quichua, étant donnée son extension géogra- phique et la diffusion de sa civilisation, qui comprenait des artistes, des écrivains, des agriculteurs. Lopez dit que les Quichuas étaient très habiles dans la fabrication des tissus. Ils les ornaient, les brodaient, les teignaient d'une façon admirable. Leurs étoffes de coton fin, brodées de fleurs, pourraient rivaliser avec les meilleurs produits des manufactures européennes; au- jourd'hui même, les toiles et manteaux blancs qui sor- tent de leurs métiers sont particulièrement estimés des gens du pays et des étrangers. Quant aux tissus de lai- ne, nous dirons seulement que les fabriques européennes elles-mêmes, ne produisent rien qui soit supérieur aux célèbres tissus indigènes en laine de vigogne. C'était avec ces étoffes que s'habillaient la famille impériale et les nobles auxquels on permettait d'en faire usage, par grâ- ce spéciale et en récompense de quelque grand service. Celles que portait l'Inca étaient d'une teinte rouge ou couleur de café grillé ; le centre et les bords en étaient toujours ornés de grecques, trait singulier de ressem- blance avec le manteau des archontes helléniques et des consuls romains, qui eux-mêmes, au dire de Varon, avaient emprunté aux pontifes étrusques cette partie de leur costume. (') L'influence de la civilisation quichua fut si grande et ses projections sur le continent sud-américain si consi- dérables, « que si elle ne nous avait pas préparé le ter- rain pour recevoir le germe de la vie sociale, nous n'au- rions aujourd'hui ni ce principe ni ces résultats, et serions dans les mêmes conditions que les Pampas, Vicente Fidel Lopez: Les races aryennes du Pércni. 22 l'Araucanie ou le Chaco, dont la conquête était en voie de réalisation quand elle fut arrêtée subitement par les décrets inexorables du Destin ». Possesseurs d'une science profonde, à la manière des anciens peuples asiatiques, ajoute-t-il, très-versés dans les arts, dans l'astronomie, dans la littérature, dans l'agriculture, dans l'administration, dans la stratégie et dans la politique, l'ambition des Quichuas s'étendait sur tous les horizons du vaste continent dont ils occupaient le centre et ils en avaient entrepris la conquête géné- rale, suivant le tracé d'un plan gigantesque autant qu'habile. Ce n'est pas seulement la géographie, qui révélé la grandeur impériale des Incas, mais aussi la langue argentine avec les innombrables emprunts qu'elle a faits à leur langue, avec l'accent doux et harmonieux que le Quichua lui a transmis pour lui donner une physio- nomie spéciale dans le corps même du langage espa- gnol. Comme l'anglais dans l'Amérique du Nord, l'es- pagnol dans le Rio de la Plata, conserve quelque peu de sa douceur primitive dans l'accent si caractéristique et dans l'inflexion de voix si sympathique des Yaravis. C'est là un cachet précieux que nous devons conserver â notre langue, si nous voulons consacrer enfin notre style et donner à notre nationalité une originalité spéciale. (l) Considérons maintenant le mouvement colonisateur de ces pays, et nous nous expliquerons les diverses influences qui ont contribué à l'organisation ethnique du caractère et du peuple argentin. Deux courants humains, écrit Mitre, ont contribué à (x) Vicente Fidel Lofez; Historia de la Repûblica Argeniina. A propos de leur type, on sait que les Quichuas ont la teinte du bronze, de même que les mulâtres. Leur stature est basse, solide et trapue, mais sans obésité: ce sont les plus robustes montagnards. Epaules carrées, poitrine basse, volumineuse, bombée, qui agrandit le tronc au détriment des extrémités inférieures, tête trop large par rapport aux autres membres; jambes musculeuses et pourvues d'une grande force; pieds et mains très petits; le pied est toujours ramassé et fort haut de cou, le pouce extrêmement relevé, la che- ville relativement étroite, la plante épaisse et d une solidité que j'appellerai métallique.- V. F. Lopez : Les races aryennes du Pérou. 23 fonder cette colonisation, déposant pendant une durée de près de trois siècles dans le sein de sa population bâtarde, les germes de la civilisation européenne que des lois fatales devaient modifier. L'un venait directement de la mère-patrie, d'au-delà les mers, de l'Espagne, et occupait, peuplait les rivages du bassin de la Plata, au nom du droit de découverte et de conquête et les fécon- dait par le travail. L'autre venait de l'ancien empire des Incas déjà dompté par les armes espagnoles explorant l'in- térieur du pays compris entre le Pacifique et l'Atlantique, occupant les territoires au nom des mêmes droits et les exploitant à l'aide d'un système de servitude féodale. Il convient de rappeler ici, avec l'éminent historien, que les colonisateurs primitifs du Rio de la Plata, sans être moins avides ni moins grossiers en général que les hommes de leur époque et la masse du pays au- quel ils appartenaient, furent, plutôt que des aventuriers, de véritables immigrants recrutés dans les classes et dans les lieux les plus avancés de l'Espagne, qui, en raison de leur rang et de leur provenance et étant données les conditions spéciales dans lesquelles ils se trou- vaient, devaient influer sur l'organisation et les desti- nées futures de la colonie. Originaires en grande partie des provinces de Bis- caye et d'Andalousie, ils apportaient dans leur tempé- rament ethnique les qualités de deux races supérieures l'une altière et virile, l'autre ardente et d'une imagination vive et souple. Nés et élevés, en grande majorité, dans des contrées laborieuses, dans des ports de mer comme Cadix, Séville et San Lûcar, dans des villes comme Madrid, Tolède, Valladolid. Cordoue, Saragosse et Salaman- que, ils apportaient dans leur esprit d'autres no- tions pratiques et d'autres connaissances qui manquaient aux habitants des vallées et des hameaux de l'Estra- madure, de la Gallice ou de la vieille Castille qui fournirent leur contingent à la colonisation du Pérou, dont le plus grand chef ne savait pas écrire son nom.f) (1) Bartolomé Mitre : Historia de Belgrano y de la Independencia argentina, tome 1, 4e édition. 24 Quelques considérations au sujet des indiens qui occupaient l'Amérique Méridionale et en particulier ceux qui habitaient la région appelée Rio de la Plata, ne seront certainement pas déplacées ici. Les Charruas peuplaient la partie nord de la rivière de ce nom, depuis Maldonado jusqu'au Rio Uruguay, trente lieues au nord paralèllement à ce dernier. Du côté de l'ouest ils étaient un peu voisins des Yâros qui vivaient vers l'embouchure du rio San Salvador ; au nord, un grand désert les séparait de quelques groupes guaranys. Les Espagnols voulurent s'établir dans cette région et, à cet effet, ils élevèrent quelques constructions à la Colonia du Sacramento, comprenant un fort et trois villas qui furent détruits par les indiens qui ne voulaient permettre à personne de pénétrer sur leurs domaines. Ce n'est que lorsque les conquérants fondèrent Montevideo en 1724 qu'ils furent obligés de se retirer vers le Nord, abandonnant la côte et poursuivis par les conquérants. En ce temps-là, les Charruas avaient attaqué et exter- miné les nations indiennes appelées Yarôs et Bohânes; mais ils s'allièrent et contractèrent une amitié intime avec les Minuanes pour se soutenir mutuellement contre les Espagnols. Ceux-ci dont le nombre augmentait considérablement à Montevideo, gagnèrent continuellement du terrain au nord, après nombre de batailles et parvinrent à établir des postes pour leurs troupeaux. Plus tard, ils réus- sirent à forcer une partie des Charruas et des Minuanes à s'incorporer aux habitations les plus méridionales des Missions des Jésuites sur l'Uruguay; tandis que d'autres furent obligés de venir habiter Buenos Aires où d'aucuns consentirent à vivre tranquilles et soumis à Cayasta, près de la ville de Santa Fé de la Vera- Cruz. (*) Yâros et Bohânes. Les premiers habitaient la côte orientale du rio Uruguay et les seconds, la rivière du même nom, au nord du Rio Negro. Les uns et les au- (/) Félix Azara : Voyages dans ïAmérique Méridionale,édition 1809. 25 très étaient voisins des Chanâs et furent soumis par les Charruas. Chanâs. Ceux-ci occupaient les îles de l'Uruguay en face du Rio Negro. A l'époque de la conquête, ils émigrèrent à la côte orientale de l'Uruguay, un peu au sud du Rio San Salvador, puis ils retournèrent ensuite à leurs anciennes positions insulaires. L'île des Bis- cayens était leur lieu de résidence, et comme ils redoutaient les Charruas, ils appelèrent à leur secours les Espagnols de Buenos Aires, s'engageant à vivre unis sous leur dépendance, ce qui leur fut accordé. Minuanes. Ces Indiens vivaient dans les plaines du nord du Paranâ et occupaient le pays depuis le con- fluent de cette rivière avec le rio Uruguay jusque devant la ville de Santa Fé. Ils se joignirent aux Charruas quand ceux-ci regagnèrent le nord et après avoir vécu ainsi quelque temps, ils s'allièrent définitivement à eux pour attaquer Montevidéo. Sous la direction du jésuite François Garcia, il se forma une peuplade de Minuanes, qui porta le nom de Jésus-Maria, près de l'I'bicuy ; mais la plupart des in- diens retournèrent à leurs anciennes coutumes, et le petit nombre de ceux qui restèrent se joignit à la popu- lation de Guaranys, de San Borja. La taille des indiens était semblable à celle des Espa- gnols ; mais ils se rapprochaient des Charruas sous beaucoup de rapports. Guaranys. C'était l'agglomération la plus nombreuse. Les Guaranys s'étendaient sur toutes les possessions portugaises du Brésil et probablement de la Guyane. Leurs domaines, selon Azara, comprenaient le nord du pays des Charruas, des Bohânes et des Minuanes, jus- qu'au 16e parallèle, sans dépasser la partie occidentale du rio Paraguay et ensuite le Paranà, à l'exception des deux extrémités ; c'est-à-dire qu'ils occupaient également le territoire de San Isiclro ,'et de las Couchas, près de Buenos Aires, et la partie méridionale jusqu'au 30e degré ainsi que les îles de ce côté, sans passer à la rivière opposée; vers l'autre extrémité, à l'ouest de la rivière du Paraguay, ils pénétraient dans la province 26 de Chiquitos, jusqu'aux croupes des Andes où étaient établis un grand nombre des leurs sous le nom de Chiri- guanas. Mais on doit observer qu'entre les Chirïguanas et les Guaranys de la même nation, que j'ai dit se trouver dans la province de Chiquitos, il y avait un grand espace de terrain intermédiaire, occupé par plusieurs nations très différentes. On doit observer également que dans l'espace que j'ai assigné à la nation Guarany, il y avait d'autres peuples enclavés au milieu d'elle et qu'elle entourait de tous les côtés, tels que les Tupys, les Guyanâs, les Nuarâs, les Nalicuégas et les Guasarapos. (') Toutes différaient beaucoup les unes des autres, ainsi que des Guaranys (2). Ces derniers n'avaient pas de chef commun. Ils vivaient en petits groupes disséminés, indépendants les uns des autres et sous des dénominations différentes, ce qui fit que les Espagnols leur donnèrent des noms divers, comme ceux de Mbguas, Caracaras, Timbus, Tucagués, Calchaguis, Quilvazas, Carios, Mangolas, Itatines, Tar- cis, Bombois, Curupaitis, Curumais, Caaiguas, Garanys, Tapes, Chiriguanas, etc. De ces Guaranys, ceux qui furent soumis par les Portugais, furent vendus comme escla- ves et se mélangèrent avec les nègres importés d'Afrique. Les Espagnols, au contraire. m'en vendirent aucun. Ils vivent aujourd'hui en liberté au Paraguay et au Chaco. Les indiens du Grand Chaco forment actuellement les nations suivantes : Chiriguanos, Matacos, Tobas, Chunupies, Payaguàs, Guanàs, Mocovies. En 1875, le général N. Uriburu. gouverneur de ce district, estimait leur nombre à cent mille; le colonel Fontana réduisit ce chiffre à cinquante mille. Les deux opinions sont res- pectables, car les militaires en question connaissent bien la région pour y avoir vécu plusieurs années. Le colonel Fontana écrit que ces nations habitent une même zone. Leurs inclinations sont identiques, et P) Ces tribus habitaient le territoire guarany. (a) Azara : Œuvre citée. 27 quelques-unes suivent les mêmes coutumes ; quant au physique, il est à peu près identique chez les uns et chez les autres. Les Chiriguanos, occupent le territoire compris entre les hautes montagnes du sud de la Bolivie et s'éten- dent à l'Est jusqu'à Santa Cruz de la Sierra. Ils sont d'un caractère doux, moins belliqueux que celui des autres nations, et redoutent particulièrement les Tobas, dont les incursions chez eux étaient fréquentes, il n'y a pas longtemps. Les Chiriguanos sont moins nomades, et la réunion de leurs huttes (tolderias) représentait une sorte de campement (rancheria), ayant presque l'aspect d'un vil- lage. Ils sèment le maïs, le manioc, et plantent la canne à sucre ; ils possèdent des animaux domesti- ques, et cultivent une espèce de tabac, et le coton spontané dont la bourre est moins grande que celle généralement connue. De ce coton et de la peau de cer- tains animaux, ils font leurs vêtements, c'est-à-dire le poncho, des couvertures, des ceintures, des chemises et autres pièces d'habillement. ([) Les Matacos s'étendent depuis Itijuri, jusqu'à 120 lieues du Rio Bermejo, au-dessous d'Oran, et de là à l'Est, vers la côte occidentale du rio Pilcomayo. Leur nombre est réduit et ils n'ont pas la valeur des Tobas. D'après Fontana, les Tobas sont les plus nombreux et occupent un territoire plus vaste que les autres nations du Chaco. Leurs domaines s'étendent du Sud au Nord, sur les bords du rio Paranà et du rio Paraguay; ensuite, de la côte occidentale du Salado jusqu'au rio Verde, soixante lieues plus loin, au nord du Pilcomayo, jusqu'aux limites argen- tin o-paraguay en nés. Tous les excès et les vols pratiqués dans plusieurs établissements proches de Villa Occiden- tal, ont eu pour auteurs des indiens appartenant à cette nation, et non à d'autres qui ont occupé ces terres, mais qui n'existent déjà plus, ou sont près de s'éteindre. Dans le premier cas, il faut citer les Lenguas et les Machicuys qui ont disparu avec leur idiome et leurs (x) Luis Jorge Fontana : El Gran Chaco, 1881. 28 coutumes, et dans le second, les Guanâs complètement sauvages qui rôdent sur les rives du Haut Paraguay, et les Payaguâs, absolument domptés. Ce sont des nations dont il ne reste que très pende représentants. La taille des Tobas est élevée. Le cacique Tiicâ me- surait 1 mètre 82 de hauteur. Il n'est pas rare de ren- contrer parmi les Tobas des exemplaires de 1,79 et 1,77. Les Chunupies, appelés aussi Ocoles ou Vilelas, ap- partiennent à une nation jadis puissante et guerrière qui habitait les côtes du rio Paranâ, particulièrement à l'embouchure du plus grand nombre de ses affluents. C'étaient, et ils le sont encore aujourd'hui, des indiens navigateurs, et au moment de la conquête, ils régnaient en maîtres sur les cours d'eau qui se déversent dans ce grand fleuve, pendant que les Aguaces et les Payaguâs se battaient dans les rapides du rio Paraguay; protégés par leurs forêts, ces peuples se lançaient nus dans la mêlée et souvent abordaient les barques des conqué- rants à la nage, ou montés sur de fragiles embarcations, semblables à celles qu'ils emploient aujourd'hui et fabri- quées au moyen de gros troncs d'arbres; ils étaient à chaque instant décimés dans ces luttes, où l'emportait sur le nombre la supériorité des armes, et ils Unirent par succomber d'une façon plus radicale que bien d'au- tres nations qui, vaincues et épouvantées, se réfugièrent dans les bois les plus solitaires, guidés par l'instinct de la conservation. (*) Les Payaguâs n'existent pour ainsi dire plus. Les Guanâs, considérés comme les plus intraitables de la région, étaient très sauvages ; ils vivaient absolu- ment en dehors de toute civilisation. Les Mocovies ont formé, peut-être â une époque loin- taine, une seule nation avec les Tobas. Paresseux, au- jourd'hui, ils étaient autrefois batailleurs, féroces et orgueilleux, Ils composaient quatre tribus principales. Les Àvipones, comme les précédents, habitaient les environs de la province de Santa Fé. Les anciens Espa- gnols les appelaient Mepones, les indiens Lenguas leur (x) Fontana : Œuvre citée. 29 donnaient le nom d'Ecusginas et les Enimagas celui de Quiabanabailés. Ils soutinrent des guerres avec les Mo- covies, et comme ceux-ci étaient plus puissants par le nombre, les Avipones sollicitèrent la protection des conquérants qui les aidèrent et fondèrent avec eux plu- sieurs établissements qu'ils placèrent sous la direction des Jésuites. Les Mbayas étaient anciennement maîtres du Chaco, entre le 20fi et le 22e degré de latitude, et s'étendaient à l'Est du rio Paraguay. Amis des dangers, conqué- rants et guerriers, ils se croyaient la nation la plus noble du monde, la plus généreuse, la plus loyale, lapins vaillante, et comme leur taille, la beauté et l'élégance de leurs formes, ainsi que leurs forces, étaient bien supérieures à celles des Espagnols, ils regardaient la race européenne comme très-inférieure à la leur. (') D'autres tribus ou peuplades indigènes, telles que les Tupys, les Nuarâs, les Nalicuégas, les Guasarapos, les Guatos, les Aguitequedichagas, les Ninaquiguilas, les Enémagas, les Guentusés, les Pitilagas, les Aguillots, les Vilelas, les Jarayes ont existé, mais ce qui a été dit suffit pour donner une idée des races diverses qui peuplaient ces territoires à l'époque de la conquête. Sarmiento dit que, quant aux anciens indiens mis- sionnaires, ils sont représentés par leurs descendants dans les provinces argentines de Corrientes et d'En- tre Rios et dans l'Uruguay et le Brésil, où ils commu- niquèrent à l'ensemble de la population le type de leur race, soit de domesticité soit de barbarie. Toutefois, il est à remarquer que les Guaranys, sans être féroces, n'avaient pas l'absolue docilité et l'absence de volonté propre des Quichuas., soumis depuis des siècles au Pérou, en Bolivie, dans l'Equateur et dans tout le pays conquis par les Indiens qui, il y a peu d'années, s'étendaient jusqu'à Cordoba de ce côté des Andes et jusqu'au Maipü où même jusqu'au rio Bio de l'autre côté, en appuyant vers le ter- ritoire des Araucans, jusqu'au moment où ils rencon- trèrent la race araucanienne qui les arrêta, de même (x) Azara : (Euvre citée. 30 qu'elle avait arrêté les Espagnols et plus tard les Chiliens leurs successeurs. Ainsi s'était effectuée la conquête des Incas, les Espagnols, à leur tour, les dépossédèrent et étendirent leur domination jusqu'au Paraguay. Vers l'année 1557, « quarante mille indiens furent mis en déroute dans la province de Guayra, près du Paranâ et, à la suite de plusieurs tentatives de rébellion, furent définitivement incorporés et confondus avec les conquérants, bien que formant une classe inférieure et la partie la plus basse de la population, car ils avaient déjà modifié leur condi- tion en se mélangeant avec les Espagnols. (') » Les indiens Pampas occupent la grande plaine qui porte leur nom. Ils furent connus des conquérants sous le nom de Querandis, et il paraît qu'entre eux ils s'appe- laient Puelches. Ces indiens constituent une branche importante des Araucans. Lors de l'arrivée des Espagnols, ils erraient sur la rive méridionale de la Plata, en face des Charmas, sans communiquer les uns avec les autres, parce qu'ils n'avaient ni barques, ni canots. Du côté de l'ouest, ils touchaient aux Guaranys de Monte Grande et de la vallée de Santiago, appelés aujourd'hui San Isidro et las Couchas; du côté de l'est, du sud et du nord, ils n'avaient aucun proche voisin. Cette nation disputa le terrain aux fondateurs de Buenos Aires, avec une vigueur, une constance et une valeur admirables. Les Espagnols, après des pertes considérables, abandonnèrent la place, mais ils revin- rent une seconde fois pour reprendre la fondation de la ville ; et comme alors ils étaient forts en cavalerie, les Pampas ne purent leur résister, et ils se retirèrent au Sud, à l'endroit où ils sont à présent. Ils y vivent comme auparavant, de la chasse du tatou, du lièvre, du cerf et des autruches, qu'on y trouve en grande abondance ; lorsque les chevaux sauvages se multi- (1) Blackenridge, secrétaire de la légation Nord-Américaine de la « Congreso ». Voyage io South America, vol. 11, cité par Sarmiento en Conflictos y armonias de las raxas en America, tome I. 31 plièrent, ils commencèrent à en prendre et à en manger, et c'est ce qu'ils font encore aujourd'hui; ils se nour- rissent de la chair de ces animaux et des autres dont nous venons de parler. (l) Les indiens Querandis commandaient dans les en- virons de ce qui devait être plus tard l'opulente Buenos Aires et prétendirent résister, une seconde fois, aux Espagnols ; mais Garay (2) décida une battue avec tous ses gens sans attendre que ses adversaires contractas- sent une alliance avec les autres tribus ; et, tombant sur leur campement, sur les bords du Riachuelo, à quatre lieues de la ville, les tailla en pièces complètement, tuant un si grand nombre d'indigènes que de cet événement dériva le nom de Rio de la Matanza, donné à cette partie du Riachuelo. Les Aucas, appartenant probablement aux Araucans du Chili et plusieurs autres tribus de noms divers, étendaient leurs domaines à l'ouest, aux alentours de la ville de Mendoza. Aux Pampas, s'allièrent les Calchitas, les Ubiliches, les Tehuelches et autres, poussés par le désir de voler les troupeaux de la province de Buenos Aires, dont ils furent pendant longtemps les plus terribles ennemis. Les Ranqueles sont aussi, selon le Dr. E. Zeballos, et comme leur nom l'indique, d'origine araucanienne. Ils constituent probablement une branche des primitifs Aucas, du nord du rio Negro et occupent la partie des bois pampéens qui s'étendent au nord des domaines des caciques de Salinas Grandes. Ils vivent dans des huttes, au bord des lacs dont les bords, dans ces régions, sont couverts de joncs et de bois. S'ils sont moins nombreux que les Puelches, ils sont aussi voleurs et aussi sauvages qu'eux. Les Tehuelches sont plus civilisés, plus pacifiques et plus humains. Leurs armes sont la lance, le revol- ver et le fusil. L'indépendance est un de leurs traits distinctifs les plus saillants. (x) Azara. : Voyages dans l'Amérique Méridionale. (a) Pelliza : El pais de las Pampas. 32 Le Dr. Puga Borne, croit que l'hypothèse la plus plau- sible entre toutes celles que l'on a faites pour expliquer l'origine ethnographique de la population indigène du Chili que les conquérants espagnols ont rencontrée, est de sup- poser que dans le principe, il existait une seule race qui occupait tout le territoire et qu'une nouvelle famille, celle des Puelches ou Araucans, plus avancée, envahit ensuite le territoire repoussant la première vers le Sud, et la laissant reléguée sur les côtes et dans l'archipel de la Patagonie occidentale. La nouvelle race était partie des vallées andines ou de l'intérieur de la Cordillère orientale. Par le Nord, les Araucans eurent plus tard des rapports avec la race Quichua, mais sans se avec elle d'une manière sensible. (l) Sarmiento parle de la surprise que les conquérants éprouvèrent en présence de la résistance sérieuse, opposée par les indiens d'Arauco, lorsqu'ils eurent pris possession du Chili, après quelques escarmouches seu- lement. Dans la partie supérieure de la vallée de Calin- gasta de San Juan, passant par le Paso de los Patos, et aussi, selon nous, au nord de Uspallata, on traverse le chemin de l'Inca, dont le terre-plein blanchâtre stéri- lisé après cinq siècles, montre que les Quichuas s'en servaient quand ils envahissaient, car Uspallata est un mot quichua. Partout où la conquête avança, les tribus s'adoucirent, comme s'apaisent les flots quand on laisse tomber de l'huile sur eux. Les Rotos (2) de Santiago du Chili appartiennent à une tribu que les Espagnols y rencontrèrent. Ils avaient obtenu qu'il fut prohibé aux gentilshommes de les frapper à coups de pied etc.; une loi municipale sanc- tionnait cette défense, mais dans la pratique, les indi- vidus qui consentaient à recevoir les coups, perdaient le droit de se plaindre s'ils percevaient ensuite le mon- tant de l'amende qu'encouraient les infracteurs. Les (*) Pu g a Borne : Elemenios de higiene, tome II. Santiago du Chili. (a) La partie la plus basse de la population. 33 Araucans étaient plus indomptables, c'est à dire plus farouches, plus opiniâtres, plus rebelles et moins aptes à la civilisation. Ils résistèrent avec férocité, parce que la conquête et l'assimilation européennes ne laissaient pas d'être cruelles et barbares. (l) La synthèse de la conquête de l'Atlantide, décrite par Découd, comprend deux phases : L'une de constance et de valeur, et l'autre de perfidies, de trahisons et de terreur. A la simplicité des races., l'astuce fut opposée avec un incroya- ble raffinement de déloyauté. Tous les aventuriers renou- velèrent le terrible exploit de César dans les Gaules, et s'imposèrent par la terreur : liant les mains des prison- niers, et les laissant ensuite libres mais hors d'état de s'employer. C'est avec raison que Bancroft déplore souvent le passage des Européens, à travers les contrées du Pacifique. Ce fut précisément chez les deux nations les mieux constituées qu'ils trouvèrent moins de résistance; elles obéissaient sans doute aux préoccupations du moment et aux augures. En cédant ainsi au début, elles se privèrent de la faculté d'organiser plus tard une réaction. Par contre, les tribus sauvages se défendirent vaillamment, parce qu'elles considéraient le concurrent non comme un usurpateur, mais comme un oppresseur. Les nombreuses peuplades des Etats-Unis, les Sioux, les Natchez et les Peaux-Rouges principale- ment, gravèrent en caractères de sang l'histoire de leur défense de la terre qu'ils aimaient. Des années et des siècles ont été nécessaires pour les déloger et en- core, aujourd'hui, dans leurs déserts et dans leurs montagnes, ils n'abandonnent pas leurs coutumes et leurs moeurs, pour rester fidèles à leurs traditions. Dans l'Amérique du Sud, à l'exception des Guaranys, des Moxas et des Chiquitos, les autres tribus opposè- rent une résistance longue et désespérée. Mais les armes des aventuriers, bénies par le pape, finirent par exterminer les infidèles et les conquérants accom- plirent leur mandat avec un zèle sauvage, saisissant ce (x) Sarmiem'o : Conflictos y armonias de las raxas en America, tome I. CLIMATOLOGIE MÉDICALE 34 prétexte de la conquête pour détruire, ruiner, brûler, tuer et changer tout ce qu'ils rencontraient. La lutte dans laquelle ils s'étaient engagés demandait des victimes, sans doute, ils devaient aller toujours de l'avant et ne pas cesser de vaincre pour ne pas être anéantis à leur tour ; mais la conquête n'en demeure pas moins odieuse, parce qu'elle usurpait, elle incendiait, elle arrachait par la force, elle assassinait et réduisait en esclavage. Elle n'est civilisatrice en elle-même que par les conséquences de l'assimilation des industries et des races; mais cette civilisation déchoit à son tour, quand le sys- tème colonial, aussi funeste qu'absurde, auquel elle est soumise, s'oppose à son développement. Conquérir, c'est soumettre, et les aventuriers espa- gnols n'ont pas compris autrement leur conquête. Dès le jour où il vainquit, le soldat fut oppresseur et l'in- dien devint esclave. Les faveurs de la fortune rendirent le premier arrogant, intransigeant et rétrogade ; il n'en- seigna pas parce qu'il ne savait rien, et si quelques notions avaient pu être inculquées, il obéit au prêtre qui l'empêcha de répandre la lumière par crainte de voir dominer une race que ce dernier jugeait inférieure à la sienne, ce qui pouvait devenir un danger plus tard. (') A l'appui des citations précédentes, nous dirons avec Lopez que la civilisation espagnole absorba et dévora, et qu'après s'être gorgée des somptuosités du festin qu'elle trouva servi, elle resta, comme les boas dans la somnolence que procure une digestion difficile et maladive. Elle domina sans rien créer hors des ports maritimes improvisés par le commerce européen,, dont le vrai développement ne date que du mouvement né de la guerre de l'émancipation. Le tissage, l'agriculture, la métallurgie, l'irrigation, la vie civile, les arts, tout existait déjà. Après la conquête, dans l'Amérique du Sud, comme dans le royaume arabe de Grenade, tout ce qui était industrie, liberté et travail commença à disparaître. Le p) D. Découd : La Atlântida. 35 christianisme fut le seul élément nouveau apporté par la société espagnole, qui se présenta comme germe de vie destiné à nous rendre propices les moyens de la régénération morale et commerciale, voie dans laquelle sont entrés les descendants des colons européens, à l'époque de la révolution de 1810. (') Les races indiennes qui ont peuplé le Nouveau Monde sont très anciennes et on ne pourrait les juger avec sûreté d'après celles qui leur survécurent. Un grand nom- bre sont errantes, nomades : toutes portent le sceau de la décadence. En ce qui concerne leur éducation actuelle, en commençant par les Peaux-Rouges pour finir par les tribus du sud de PAmèrique Méridionale, toutes pré- sentent des degrés divers, suivant lesquels on a voulu établir les caractères de l'évolution des Américains sauvages. Letourneau dit que les indigènes de la Terre de Feu, les Pécherais ou Fuégiens, sont très voisins encore de l'état bestial et peuvent être regardés comme assez ana- logues à l'homme américain primitif. Par leur langue, ils sont parents des Patagons, des Araucans, des Puel- ches. (2) Le goût de la parure forme le plus clair de leur esthétique. Ils se peignent le corps, se chargent de coquillages, se coiffent de plumes afin de se faire beaux. (3) Les Fuégiens n'auraient pas encore de danse, parait-il, (4) mais probablement l'observation des voya- geurs a-t-elle été sur ce point insuffisante. Ils n'ont point d'instrument de musique, mais souvent ils chantent et leurs airs, ordinairement gais, sont toujours en mineur. Chez eux, la parole s'est à peine encore unie au chant, puisqu'on chantant ils se contentent de répéter indéfi- niment un seul mot, parfois même une seule syllabe. Aussi, n'ont-ils rien produit qu'on puisse appeler poésie (x) Lopez : Historia de la Répuiblica Argentina. (2) A. d'Orbigny : VHomme Américain, 1, 418. (3) Ibid. I, 414. - Cook (2e voyage), Hist. univ. voy. vol. 18. (4) Hyades : Bull. Soc. d'Anthropologie, 330 (1887). 36 ou littérature ; pourtant leur langage est imagé comme celui de tous les primitifs et des enfants. Ç) Nous savons peu de chose de la littérature sauvage dans le reste de l'Amérique Méridionale, si ce n'est que le goût de la musique y est extrêmement vif. Les instruments indiens sont des flûtes et des tambours. Chez les Moxas, ces flûtes ' primitives ont parfois six pieds de long. Tous, Moxos, Chiquitos, Chiriguanos, etc., ont un goût prononcé pour la musique et la danse. Les Chiquitos sont tous musiciens et passent leur vie à composer des airs et des chants. (2) Quand Chris- tophe Colomb débarqua à Cuba, les insulaires furent émerveillés du bruit des sonnettes ; sans hésiter ils donnaient des lingots d'or en échange de ces mélodieux instruments, et croyaient avoir fait un excellent mar- ché. (3) On pourrait citer des faits du même genre ob- servés chez toutes les peuplades de l'Amérique Méri- dionale. (4) Nous avons demandé Popinion du Dr. Moreno, di- recteur du Musée de la Plata, sur les passages que nous venons de reproduire, et il nous a confirmé en partie les assertions du savant français. Les Fuégiens, d'après lui n'ont actuellement ni danse, ni musique, ni littérature. Néanmoins, il existe des traces démontrant que ces indigènes en ont eu au- trefois. 11 sait qu'ils narrent des contes, et, se servant des renseignements fournis par le Révérend Th. Bridges, Moreno ajoute que l'on retrouve des ves- tiges de pièces ayant l'apparence de « drames », et que dans les occasions oû les Fuégiens les rappellent, ils se couvrent le visage de masques, faits avec l'écorce du Fagus antarctica employant des gestes et des contorsions régulières, ce qui pourrait bien être un reste d'ancien- (i) Ibid, 330. (2; A. d'Orbigny : L'Homme Américain, II, 164, 231. - P. Mante- gazza, Rio de la Plata, 429. (3) Hist. univ., voy., t. XXXVIII, 112. (4) Letourneau : L'Evolution littéraire. 37 nés danses comme celles des Mapuoches (Araucans), disparus aujourd'hui. Nous ignorons si ces indiens pos- sèdent des instruments de musique. Les Téhuelches se servent d'un instrument composé d'une espèce d'archet recourbé, et d'une sorte de violon fait d'un os de condor perforé, dont ils tirent des sons extrêmement doux. Le tambour de basque est général dans cette tribu, et parmi les Araucans, de même que chez tous les indigènes de l'Amérique du Sud. Chez les Ma- puoches, j'ai entendu souvent la rutruca. espèce de corne des Alpes formée par un long bambou creux avec une corne à l'extrémité; ils ont aussi des flûtes fabriquées avec des roseaux. (') Chez les Peaux Rouges, au contraire, dit Letourneau, nous voyons toute une évolution littéraire se dérouler devant nous. C'est d'abord, le chant tout à fait primitif, le chant interjectionnel, dépourvu de sens et persistant à titre de survivance: ce chant n'est encore qu'un cri modulé, mais non articulé. Presque toujours ce chant et aussi le chant parlé, plus intelligent, qui lui a suc- cédé, s'associent à la danse scénique, pantomimique, dans de grandes représentations nationales, auxquelles prennent part tous les hommes du clan républicain. Dans ces solennités, marquant tous les actes importants de la vie publique, la danse, la mimique et le chant s'entr'ai- dent et se confondent pour exprimer des événements, des idées, des sentiments intéressant toute la communauté. A côté de cette littérature publique, d'autres branches littéraires naissent et se développent. Il y a d'abord une littérature débitée en récitatifs ou simplemement parlée. Elle se compose de légendes traditionnelles et mystiques, de récits relatant des faits notables de la vie quotidienne, enfin, de poésies personnelles, dont l'origine est très visible. La littérature communautaire, la grande littérature, ne peut s'occuper que des faits généraux intéressant tout le monde; mais la vie sociale ne saurait abolir la vie (1) Lettre du Dr. F. P. Moreno à l'auteur. 38 individuelle, qui. elle aussi, a besoin de se manifester littérairement. L'amour sexuel, l'amour maternel répon- dent à des sentiments à la fois très violents et très personnels; ce sont eux, que chante la première poésie individuelle. Enfin, à côté de la littérature chantée ou rythmée, la constitution républicaine du petit groupe social donne naissance à une autre branche littéraire, à l'art oratoire. Dans la forme très républicaine de la tribu peau-rouge, l'éloquence, l'art de bien dire, était absolument nécessaire, puisque aucune résolution in- téressant la communauté ne se prenait sans de longs débats publics; puisque même on reconnaissait à un individu le droit de ne pas prendre part à une expé- dition guerrière, s'il la désapprouvait. Nous avons vu que cette éloquence peau-rouge participait de la poésie par sa vigueur d'expression et par son besoin d'ima- ges. C) Le même auteur ajoute encore ces mots : Au Brésil, les Indiens qui avaient, comme les Peaux- Rouges, la coutume de torturer leurs captifs, étaient, de plus, cannibales; les guerriers ne manquaient jamais, entre autres bravades, de se vanter de leurs exploits anthropophagiques. En ce qui concerne les grands em- pires du Mexique et du Pérou, les danses chorales sont toujours en usage: mais il n'est plus question de liberté esthétique. Tout est devenu rituel. Un clergé omnipotent a'imposé une orthodoxie même à la danse: tout chassé-croisé in- correct est illicite ; c'est peut-être même un péché. La dan- se, la poésie, la musique sont choses confisquées par l'autel et le trône; l'esthétique est devenue l'apanage des prêtres. Les règles poétiques s'enseignent aux jeunes nobles, dans des sortes de petits séminaires. A Tezcuco, on est même allé plus loin, en instituant un tribunal dit de musique, parce que la poésie se chante encore; ce tribunal a un pouvoir inquisitorial; il dé- cerne des prix à la poésie orthodoxe; il châtie les po- ètes hétérodoxes. L'inspiration n'est plus guère tolérée que si elle est assez docile pour s'enfermer dans des (J) Letourneau: Ouvrage cité. 39 formules toutes faites. Aussi la verve, sauvage sans doute, mais parfois originale, que nous avons rencon- trée chez les Peaux-Rouges, est à peu près éteinte dans ces empires si bien réglés. La rudesse, la spontanéité primitives ne persistent plus que dans certaines poésies mythiques, réputées sacrées, par suite, immuables et qui datent de l'àge précédent. Çà et là, cependant, quelques courtes compositions lyriques se chantent encore sans souci des rites lit- téraires. Elles se rattachent au genre sentimental et personnel, que nous avons vu naître durant la phase républicaine. Ce sont des poésies affectives. Toute cette évolution atteste hautement l'étroite soli- darité des formes esthétiques et des institutions politi- ques, qui les maîtrise et leur impose tel ou tel dé- veloppement. - Cette situation dépendante de l'esthéti- que littéraire est générale. (l) Ces deux [éléments combinés ainsi, le natif et l'im- porté, le premier disparut lentement, cédant le pas à l'action de la nouvelle sociabilité qui introduisait non seulement le sang de sa race, mais aussi le germe de la civilisation européenne, laquelle s'implantant dans la population naissante allait mettre en œuvre les moyens de constituer plus tard les divisions territoriales et les autonomies respectives dans les limites de leurs propres organismes. Les vicissitudes que la colonie argentine a éprouvées l'ont rendue forte dès son origine, car elle s'appuya sur la loi inflexible de sa propre conservation, grâce aux principes sauveurs dont elle s'inspira pour soutenir le combat contre les causes perturbatrices. Selon l'opinion de Mitre, les indigènes soumis se fa- çonnaient à la vie civile des conquérants; ils arrivèrent à former la masse de leur population; leurs femmes constituèrent les foyers naissants et les enfants de ces unions formèrent une nouvelle et belle descendance, où domina le type de la race européenne avec tous ses P) Letourneau : Dévolution littéraire. 40 instincts et toute son énergie, bien qu'elle portât dans son sein les mauvais germes de sa double origine. De cette façon, les indigènes réduits à la servitude sociale et non à l'esclavage, reçurent comme leurs maî- tres, leur part des avantages et des misères de la nou- velle vie civile, travaillant pour eux et avec eux, et partageant le même pain. (*) Si les effets de la conquête opérée dans les diverses régions de l'Amérique s'étudient et se comparent, on voit que celle du Rio de la Plata, a été servie par des ins- truments moins coercitifs, parce que l'oppression fut moins sensible et accorda une certaine latitude et quel- ques avantages aux natifs qui se refondirent dans la masse européenne absorbante. Elle s'effectua sans sacrifices ni grands ni cruels, et sans produire de froissements. Le résultat de la tâche fut plus humain ; la soumission s'adoucit et, « de cette façon, la race indigène, sans s'éteindre complètement, diminua peu à peu et son sang mêlé au sang européen, arriva à féconder une nouvelle race destinée à dominer le pays. » De ce mélange d'éléments distincts, mais conservant la force et la vigueur des diverses collectivités, il ne pouvait naître une race rachitique parce que la loi eth- nologique de la perpétuation des types se serait contre- dite: « Une individualité surgit, empreinte d'un certain caractère d'indépendance sauvage qui présageait le type d'un peuple nouveau, avec tous ses défauts et ses qua- lités. » Cinq races, qui pour les effets de la synthèse histo- rique peuvent être réduites à trois, peuplaient l'Améri- que méridionale à l'époque où éclata la révolution dite de l'indépendance: les Espagnols européens, les créoles hispano-américains, les métis, les indiens indigènes et les nègres provenant d'Afrique. Les Espagnols consti- tuaient la race conquérante, privilégiée, qui, par le simple fait de son origine, avait la prédominance politique et (i) B. Mitre: Historia de Belgrano y de la Independencia Argentina, tome 1, édition de 1887. 41 sociale. Les indiens et les nègres formaient la race ser- vile, celle des esclaves. Elle manquait réellement d'éner- gie. Les métis représentaient les races intermédiaires entre les Espagnols, les Indiens et les Africains et sur quelques points, étaient la grande majorité des habi- tants. Les créoles, descendants directs des Espagnols pur sang, mais modifiés par le milieu et par leurs alliances avec les métis avec lesquels ils s'assimilaient, étaient les véritables enfants de la terre colonisée et consti- tuaient la force sociale. Ils figuraient le nombre et aussi la puissance civili- satrice de la colonie. C'étaient les plus énergiques, les plus intelligents et ceux qui avaient l'imagination active. Avec les vices dont ils héritaient et leur manque de pré- paration pour la vie libre, eux seuls, étaient cependant animés d'un sentiment de patriotisme inné dont le dé- veloppement devait se convertir en élément de révolu- tion, d'organisation spontanée et, ensuite, en principe de cohésion nationale. (') Cette race créole est celle qui peuple l'Amérique du Sud et celle qui, grâce à sa force et à sa résistance contre les attaques et les vicissitudes d'ordres distincts a montré ses capacités pour le gouvernement libre, pré- parant sa propre indépendance et scellant avec la cons- titution organique de ses Etats le mouvement progressif du Nouveau Monde. Le peuple argentin actuel s'est développé et formé au moyen de cette race docile, assimilable et absorbante. Le plus grand nombre des créoles, dit Lopez, (2) avaient le teint blanc et le sang européen circulait dans leurs veines, mais la forme générale du corps et la physio- nomie différaient complètement. Leurs yeux étaient vifs et malicieux, le regard plein de mobilité en même temps que scrutateur, fin et réservé. Ces accidents de leur caractère provenaient naturelle- (1) Mitre: Historia de San Martin y de la emancipacion Sud-Ame- ricana, tome I, édition 1890. (a) L'auteur se réfère à la population de 1806. 42 ment d'une vie et d'une tradition domestiques, au milieu desquelles, et par la raison même du bon marché des aliments et de l'habitation, la classe populaire avait grandi et s'était augmentée de père en fils, sans avoir besoin d'être protégée par une classe supérieure. Les membres du créole étaient fins, en général; ils manquaient d'embonpoint, mais ils étaient flexibles comme des fils d'acier, tandis que ceux des européens rappelaient communément la nature pesante du fer. De là résultaient deux types différents. Le créole avait une ceinture mince et flexible, le dos souple, les épaules délicatement contournées, le cou élevé, les traits géné- ralement corrects, la bouche fine, le nez effilé, la tête ronde et le plus ordinairement petite, et pour marcher il ne portait presque jamais le poids du corps sur le talon ou sur la plante du pied, comme l'européen, mais sur l'empeigne et les jointures articulaires qui commu- niquent le mouvement aux doigts; et si sa marche était privée de la solidité et du poids que l'on remarquait chez ses pères, en échange, son allure était plus légère et il paraissait, par son indescriptible agilité, prêt à faire une conversion ou à se retourner complètement. (l) Le créole de rang élevé, ajoute-t-il, et né de parents aisés, avait le même type que celui de souche commune, considérant les choses comme on est obligé de le faire, en pareil de cas, depuis le colonel Dorrego qui était le type achevé du porteîïo, depuis Bustos ou Guëmes jus- qu'au petit charretier de la douane ou le travailleur du quai; et ainsi, de même que l'on a remarqué avec justesse que dans l'ancien noble de Madrid il y avait beaucoup du manolo et dans ce manolo beaucoup du noble, ainsi chez le créole argentin de classe élevée il y avait beaucoup du plébéien et du flâneur des rues, et dans le plébéien, beaucoup d'élévation et de distinction. Les nègres, les mulâtres, les chinos ont représenté d'autres éléments importants dans la composition de la population argentine. Parmi les premiers, on comptait (!) Vicente F. Lopez : Historia de la JRepûblica Argentina, tome I, édition 1883. 43 des créoles et quelques africains importés par les Por- tugais du Brésil et qu'on employait pour les travaux intérieurs des maisons. Les mulâtres résultaient du mélange avec le sang africain. Ils avaient l'aspect vigoureux et étaient belli- queux, ce qui les faisait respecter comme hommes d'ini- tiative et d'action, d'après Lopez. Ils étaient loquaces, intelligents et fidèles imitateurs de la jeunesse aisée qu'ils suivaient et aimaient non seulement comme leur modèle, mais aussi parce qu'ils étaient les antagonistes de l'influence et de l'arrogance des européens. Cette qualité faisait que les Espagnols les haïssaient profon- dément. La vérité est que les mulâtres étaient aussi les con- fidents, les agents et les courtiers de toutes les affaires de caractère privé ayant un rapport avec la jeunesse élégante et avec ses amours légitimes ou illégitimes. A la désinvolture et à l'impassibilité, ils réunissaient de très remarquables talents pour les arts, pour la musique, la manière de se vêtir et la façon de se con- duire en société. Leur bravoure était pleine d'une fougue et d'un éclat que les événements politiques et la guerre justifièrent brillamment dans notre histoire militaire. (£) Les chinas descendaient des indiens recrutés ou des contingents guaranys qui, en diverses occasions étaient venus du Paraguay. C'étaient des métis de mère indi- gène et de père espagnol, ou bien de mulâtresse ou de négresse et d'un indigène. Le tempérement des chinas était généralement sérieux et réservé, et bien qu'habituellement calmes et doux, ils devenaient irrascibles quand ils recevaient une offense ou quand ils étaient l'objet d'une attaque. Au demeu- rant, ils respectaient les blancs et vivaient entièrement confondus et unis avec le commun de la population. Braves, fidèles et disciplinés, ils obéissaient aux auto- rités publiques et possédaient, en somme, presque tous, les qualités qui distinguaient la race guarany. Leur (1) Lopez: Historia de la Repûblica Argentina. tome I. 44 aspect svelte et viril était complètement distinct de la taille courte, large et robuste qui caractérisait les indi- gènes péruviens et surtout les Quichuas. (l) Le détail de tous les phénomènes qu'offre le croise- ment des diverses races humaines est difficile. Quatre- fages se borne à dire que la race métisse est loin de présenter toujours un type réellement intermédiaire entre les deux races parentes. Bien des circonstances influent pour que l'un des types prédomine plus ou moins sur l'autre. En outre, chez l'homme comme chez les animaux, on constate des phénomènes tantôt de fusion, tantôt de juxtaposition des caractères de toute nature. Loin d'être par lui-même une cause de dégradation, le croisement ne peut être qu'un élément de progrès. Toute race bien assise a ses aptitudes propres. Isolée, elle se renfermera dans le cercle tracé par elles. Qu'une race étrangère ayant des instincts différents vienne à se mêler à elle, ce cercle est brisé d'abord, élargi ensuite. La race métisse réunit les aptitudes des deux types; et même d'autres nouvelles qui sont les résultantes de tendances différentes, de même que le vert est produit par le mélange du jaune et du bleu. Aussi, que l'on consulte l'histoire et Ton verra presque toujours les grands mélanges de peuples amener une de ces ères qui font époque dans la vie des nations. Tout d'abord, il en résulte une confusion parfois très grande. C'est la période du moyen-âge. Puis les éléments ethniques se juxtaposent ou se fondent et Tordre reparaît. Mais c'est un ordre nouveau, et une civilisation nouvelle, avec son caractère propre ne tarde pas à se dégager de ce qui semblait un chaos. (2) Le même auteur dit que dans les croisements qui s'accomplissent sur une large échelle, l'avantage revient habituellement au Blanc, en se sens que son sang finit par l'emporter. Ce n'est pas que sa faculté de reproduc- tion soit plus considérable; c'est que les idées sociales (i) Lopez : Œuvre citée. I'3) A. de Quatrefages: Encyclopédie d'hygiène et de médecine pu- blique. 45 lui viennent en aide. La femme blanche répugne en général aux unions avec une race de couleur, avec la noire surtout. Partout l'homme, moins délicat sur ce point que la femme, ne craint pas de descendre. Il en résulte que le premier métis a presque toujours un père blanc. Les métisses à leur tour, hères de leur part de sang blanc, refusent de s'unir à la race maternelle. Ce sentiment se prononce de plus en plus chez la tierce- ronne, la quarteronne de telle façon que, quoique libre, le croisement devient unilatéral, dans le sens de la race blanche. Celle-ci ne peut donc que l'emporter dans la descendance du premier métissage. Ce fait est général en Amérique, excepté peut-être au Pérou. Là, dès les premiers temps de la conquête, les deux races se sont mélangées régulièrement. Certains chefs espagnols ont épousé des femmes appartenant à la noblesse locale. Cet exemple a été suivi; et, au moins dans les rangs inférieures de la société, le nombre des indigènes devait l'emporter. Par suite, le sang indigène a, pour ainsi dire, submergé le sang étranger sur bien des points. (') Les avantages du climat, les facilités du transport, les profits rapides que procure le commerce et l'exces- sive liberté dont on jouit chez nous ont attiré l'immi- gration européenne à laquelle s'est mêlé le type qui dominait dans les premières années du siècle, obtenant ainsi de la fusion avec les nouveaux venus des conditions spéciales d'énergie et d'activité ainsi qu'un goût pro- noncé pour les industries et les arts. Ce mélange d'éléments du Vieux Monde, cette adap- tation des dits éléments à notre sociabilité, acceptant nos usages et nos coutumes, ont tranformé la façon de vivre de nos populations, en inoculant en elles, non seule- ment la sève féconde du travail, mais en introduisant aussi des améliorations dans ses caractères ethniques. Le créole pur n'existe aujourd'hui que dans la cam- pagne où il s'éteint par suite de l'irruption des groupes européens et par le* croisement. Le fait est saillant dans (x) Quatrefages : Œuvre citée. 46 les provinces du littoral; il n'y a que dans celles de l'intérieur, où l'immigration afflue en moindre quantité, que la fusion soit plus lente. L'inclination de l'européen pour la femme créole est incontestable. Il s'assimile promptement et s'unit à la famille du pays, donnant en échange du toit qui lui est offert et que le mariage protège, les trésors de son expérience dans le travail et sa volonté d'obtenir le bien être. Ces transformations opérées par l'action des courants humains que l'Europe nous envoie ne se sont pas arrêtées là. « Le gaucho argentin, espèce d'arabe et de cosaque modifié par le climat et possesseur du fatalisme de l'un et de la vigueur de l'autre, » selon l'expression de Mitre, disparaît lentement et graduellement. Il ne conserve déjà plus l'intensité originelle de son caractère national que son aspect particulier lui donnait dans la masse générale; et les habitants des campagnes vivent de plus en plus la vie civilisée des villages. De la fusion de l'élément indigène avec l'élément es- pagnol et avec les étrangers qui, successivement, se sont incorporés à lui, est formé l'argentin actuel, qui, dans la plupart de nos villages et de nos villes, offre des spécimens de beauté fière et virile dignes, à tous égards, d'être mentionnés. L'influence de ce mélange est plus évidente dans les grands centres où l'immi- gration européenne a afflué en plus grande quantité. Dans l'intérieur et dans les campagnes, où les bienfaits de l'immigration se sont moins répandus, et particulière- ment dans ces dernières, cette influence est moins accen- tuée et le type actuel conserve encore quelques traits du type primitif, traits qui, sans aucun doute, dimi- nueront à mesure qu'augmenteront les croisements de races. Tel qu'il est, l'argentin, au physique, présente des carac- tères nettement définis. Il est grand généralement; sa taille moyenne, calculée d'après la statistique des registres de la garde nationale, est de 1 m. 75. Il est bien conformé, actif, entreprenant, sans être très robuste, il est cepen- dant fort et résiste facilement aux fatigues de la guerre. 47 Il est d'ordinaire de teint bronzé et a les yeux noirs. Il aime les aventures et les émotions violentes; il est généreux et son développement intellectuel est géné- ralement précoce. Quant à la femme, la sveltesse de ses formes et sa beauté physique sont reconnues. Douée d'une imagination vive et d'une intelligence claire, la femme argentine est remarquable par la noblesse de ses sentiments et la constance de ses affections en toutes les occasions de la vie. Les devoirs du foyer et de la famille, elle les remplit sans affectation mais avec dévouement. Elle est douce, toujours prête pour le travail, et sait toujours être à la hauteur de la tâche que son rang et son sexe lui imposent. CHAPITRE III DECADENCE DE LA RACE INDIGENE Sommaire. - Influence de la civilisation sur les Indiens.- Soumission par les armes. - Action de la petite vérole, de l'alcoolisme, de la tuberculose. - Pourquoi les Indiens meurent-ils phtisiques? - Le séjour des villes les tue. - Régénération de la race par l'infusion d'un sang nouveau. - Pauvreté physiologique; dénutrition. Peter et Lancereaux.- Rôle delà constitu- tion. - Différence de milieu. - Opinions de Bouchard et Lombard. - Bennet. Tous les peuples vivant de la vie sauvage, quels qu'ils soient, nègres, indiens, etc., ne connaissent pas la phtisie pulmonaire, et si, à notre contact, ils sont plus exposés que nous à cette maladie, cela tient uniquement au changement d'habitudes, aux excès com- mis, et aussi à une position sociale tout à fait inférieure, de telle sorte que la tuberculose est, pour ainsi dire, la maladie de la civili- sation. Lancereaux Les Indiens qui, en d'autres temps, ont habité d'im- menses territoires de la République Argentine, sont au- jourd'hui en complète décadence. Sous l'influence de la civilisation, leur nombre s?est réduit, et le désert qu'ils occupaient jusqu'à l'année 1877, conquis à cette époque par le gouvernement, est livré actuellement aux éleveurs et à de nombreux industriels. Plusieurs causes ont produit ce phénomène. Les plus puissantes sont: 1° la soumission opérée par les armes; 2° les maladies et l'abus de l'alcool. Cette race a été à diverses reprises décimée par la 49 petite vérole: et les ravages de cette maladie s'expliquent par le défaut de propreté, par la promiscuité dans la- quelle les indiens vivaient mêlés avec les animaux et par l'absence complète de la vaccine. On a pu faire la même constatation dans les pays où sont allés ces malheureux qui voyaient se déclarer des épidémies sur leur passage. Une prophylaxie bien entendue a permis heureusement de mettre un terme à ces maux. Les circonstances, de plus, ne pouvaient que favoriser la diffusion de ces maladies: l'ignorance, la rigueur des saisons, les vicissitudes atmosphériques, et le genre d'a- limentation de ces habitants de la Pampa. La tuberculose les atteint de préférence quand ils sont transplantés dans des centres peuplés ; mais avant de parler de cette maladie, nous ferons remarquer la fâcheuse influence de l'alcool sur leur tempérament. Il est bien connu : 1° que l'Indien abuse des spiritueux, quelque mauvais qu'ils soient ; 2° que l'effet immédiat de ces boissons est la ruine de l'économie, la destruction des tissus, la dénutrition. Nous savons déjà que les Indiens aiment l'alcool, et alors nous pouvons renouveler la fameuse question tant de fois formulée: L'alcoolisme produit-il le tuber- cule? Oui et non, vous sera-t-il répondu. Cela dépend des cas, certes. Que le vigneron de Bourgogne, par exem- ple, .boive beaucoup, se grise même assez volontiers de son bon vin, il ne deviendra pas pour cela tubercu- leux, parce qu'il vit en plein air et mène une existence active. Mais, pour l'ouvrier des villes qui reste tout le jour enfermé et s'enivre de breuvages détestables dans d'infects débits de boissons, il n'en est plus de même: on le voit contracter la maladie sous l'influence non pas de l'alcool, mais de l'alcoolisme. L'alcool a une ac- tion topique qui s'exerce spécialement sur les organes digestifs ; le vomitus matutinus potatorum, la cirrhose, voilà les effets de l'alcool en soi. (') Confirmant ce qu'il vient de dire, Peter ajoute: Les médecins de Londres vous affirmeront que l'alcoolisme (r) Peter: Leçons de climqïie médicale. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 50 conduit à la tuberculisation, parce que l'ouvrier londonien, sujet de leurs observations, passe des journées à s'eni- vrer lugubrement dans les tavernes fameuses de la cité. Lancereaux croit de son côté que ce sont les excès de bois- sons alcooliques qui rendent phtisiques un certain nombre de paysans destinés à vivre longtemps. Mais c'est dans les grandes villes, où souvent ils s'ajoutent à d'autres conditions mauvaises, que ces excès font les plus grands ravages. Les alcooliques deviennent tuberculeux et le fait est tellement manifeste que quand il s'agit d'hom- mes robustes comme les porteurs aux halles, les charre- tiers de l'entrepôt des vins et du port de Bercy qui boivent de 3 à 6 litres de vin par jour, un grand nombre meurt, à un âge peu avancé, de tuberculose des pou- mons, du péritoine ou des méninges. Il en est ainsi des buveurs d'alcool et des buveurs d'absinthe qui, le plus souvent, sont emportés par cette même maladie. Cette fréquence de la tuberculose est facile à comprendre parce que les spiritueux exercent sur l'organisme humain une double action: action de dénutrition par la diminution de l'appétit et des oxy- dations et action d'irritation pulmonaire par leur éli- mination. La coïncidence relativement fréquente de la cirrhose hépatique avec la tuberculose est une preuve de l'in- fluence des boissons alcooliques, et des excès de vin en particulier, sur cette dernière maladie, puisque le vin, bien plus que l'alcool, est l'agent pathogène de la cirrhose du foie. (') Ajoutons que les Indiens de notre pays ont non seu- lement abusé des boissons alcooliques, mais encore qu'ils les ont toujours prises très fortes et de mauvaise qua- lité. Nous sommes édifiés sur l'action pernicieuse de l'al- coolisme, et nous savons comment il provoque la tuberculose. La petite vérole a une influence identique et nous dirons t1) Lancereaux: Clinique médicale. 51 avec Peter que l'antagonisme entre l'un et l'autre est à peine sensible. Le professeur a observé en effet, à loisir, un fait de tu- berculisation dérivant de la variole. En ce qui concerne la fréquence de la tuberculose parmi les Indiens, il existe une autre raison basée sur la faiblesse organique, sur la décadence d'une race dont le sang ne s'est mélangé avec aucun autre sang. Pendant des siècles entiers de domination dans la Pampa, elle a souffert les dures conséquences de la vie sauvage et nomade. De mœurs barbares conduisant aux abus de tous genres; s'unissant entre eux sans respecter les lois de parenté; n'ayant pour règle de conduite que celle que leur propre état inculte leur suggérait; procréant dans les premières années de puberté une nombreuse de- scendance; se multipliant entre eux sans recevoir le con- cours de nouveaux éléments qui les auraient vivifiés et auraient réparé leurs forces, ils vécurent dans le plus complet isolement et livrés aux plaisir de l'alcool. Toutes ces circonstances représentent une succession sans nombre de transgressions aux lois fondamentales qui protègent l'espèce, transgressions qui ont produit la perte graduelle de la puissance conservatrice à la- quelle on peut ajouter le manque de nutrition que le temps a accentué. Nutrition imparfaite, affaiblissement organique, épui- sement physiologique, diminution de l'énergie vitale imposée à une race qui a vécu de ses seules forces, sans recevoir la chaleur d'un nouveau sang; ainsi s'ex- plique la cause de la disparition des Indiens chez les- quels la tuberculose est la plus haute manifestation d'extinction. Toutes ces particularités constituent un état spécial qui provoque dans l'organisme des pertes incessantes qui ne se récupèrent point. La nutrition se vicie fon- damentalement, elle place l'économie en une situation de faiblesse physiologique; la capacité de résistance di- minue et l'immunité qui, seule, peut protéger contre les causes morbides, disparaît peu à peu. 52 La nutrition est essentiellement la vie, dit Bouchard, c'est le phénomène primordial, antérieur et nécessaire pour l'apparition de toutes les autres manifestations de l'acti- vité des êtres vivants. La nutrition rend l'organisme apte à fonctionner; mais le fonctionnement ne résulte pas de la nutrition, et le mouvement nutritif n'a pas une intensité proportionnelle à l'intensité du fonction- nement. Le fonctionnement naît des forces qui sont produites par des métamorphoses de la matière, autres que les mu- tations nutritives. Le fonctionnement exige des forces qui sont produites surtout par des actes chimiques et plus particulièrement par des oxydations, et la matière consommée n'est généralement pas celle que constituent les éléments anatomiques en fonctionnement. Ce qui sert à créer la force de fonctionnement, c'est surtout la matière circulante, (') Les forces ultérieures varient suivant les éléments; et, pour l'organisme total, la somme de ces forces varie suivant l'àge, le sexe, l'individu. Il n'y a pas pour cha- que homme un équivalent fixe de forces intérieures, il y a plus ou moins de force, plus ou moins de vie. On peut faire varier la quantité de forces qui résulte des mutations fonctionnelles et respiratoires, car elles sont en relation avec la quantité de la matière consommée; on a moins d'empire sur les forces produites par les mu- tations nutritives. L'intensité de ces dernières varie suivant les individus, non seulement suivant leur âge, mais suivant leurs origines. La rapidité ou la lenteur des mutations nutritives, l'activité plus ou moins grande de la nutrition, peuvent se transmettre héréditairement, soit d'un individu à un autre individu, soit dans un même individu, d'une cellule en prolifération aux cel- lules de nouvelle formation. On comprend ainsi com- ment dans les familles humaines pourront se transmettre héréditairement certaines maladies qui dérivent d'un vice constitutionnel de la nutrition ; comment chez divers individus, les produits morbides créés par un (i) Bouchard: Maladies par ralentissement de la nutrition. 53 même processus pourront parcourir des destinées dis semblables, les uns poursuivant toutes les phases de leur évolution naturelle, les autres s'arrêtant en chemin et s'immobilisant dans un état intermédiaire. (') Ainsi donc des mutations fonctionnelles qui créent des forces agissantes existent et ces forces sont rapide- ment épuisées par le fonctionnement; au contraire des mutations nutritives « produisent des forces qui s'é- teignent également en provoquant la rénovation des élé- ments mais qui se renouvellent incessamment ». Pourquoi insister sur les dangers de l'insuffisance de nutrition, si à ce sujet, il existe une opinion générale que l'on ne saurait méconnaître ? Mentionnons un autre élément important qu'il convient de rappeler dans notre étude, c'est la constitution qui se modifie suivant des circonstances diverses et imprime à l'individu et à la race des caractères spéciaux en harmonie avec les causes qui la troublent. La constitution, pour Bouchard, c'est tout ce qui con- cerne les variations individuelles dans la charpente et dans l'architecture du corps, dans la proportion des or- ganes, des appareils, de l'organisme entier, dans l'adap- tation physique de chaque partie à sa fonction, dans la répartition de la matière, soit dans la totalité de l'orga- nisme, soit dans chaque élément. La constitution a donc trait à la structure du corps ; elle est une caractéristique statique; elle est donnée par la naissance, elle est mo- difiée par l'âge; elle peut être transformée par la maladie et par l'hygiène. La constitution d'une race, modifiée et débilitée, entraîne forcément le développement de maladies plus mortelles chez elle que chez d'autres. Nous avons vu les causes qui peuvent engendrer l'ap- titude de l'organisme à contracter l'infection ; il est juste maintenant d'examiner les modificateurs hygiéniques qui sont de nature.à augmenter la résistance de ceux-ci contre celui-là. Ces modificateurs convenablement employés mettent l'homme à même de faire face et de triompher (i) Bouchard: Œuvre citée. 54 des microbes générateurs de la maladie. L'air, la lumière, le froid, le chaleur, la sécheresse, l'activité nerveuse, l'a- limentation, etc., exercent une influence puissante sur l'économie, secondant la nutrition pour qu'elle s'effectue bien et pour que toutes les fonctions tendent vers ce but, c'est-à-dire qu'elles lui créent une immunité natu- relle qui lui permet de lutter et de vaincre. Cette immu- nité s'obtient par la nutrition particulière imposée par différentes conditions hygiéniques, et le fait suivant cité par Bouchard le démontre: les moutons algériens sont réfractaires au charbon; les moutons français y sont très prédisposés, et obtiennent l'immunité par suite de leur transplantation en Algérie ; l'hygiène a suffi pour faire disparaître la prédisposition morbide de la race primitive. Les conditions contraires à celles qui créent l'immunité naturelle rendent l'organisme animal capable de contrac- ter des maladies. Une mauvaise hygiène diminue la résistance vitale, augmente l'aptitude à devenir malade, crée la prédisposition morbide. La pathologie humaine à l'appui de cette assertion nous fournit, entre autres, l'exemple de la tuberculose. Tous les cliniciens savent que les chagrins, les influences morales dépressives, l'ennui, la vie en captivité, volontaire ou non, la privation d'air et de lumière, le séjour dans une atmosphère viciée, l'habitation dans un appartement humide où ne pénètre pas le soleil; tout le monde sait que les excès, le surme- nage, l'alimentation insuffisante ou défectueuse dimi- nuent la résistance que pourrait opposer l'organisme à la phtisie. Il y a des degrés dans l'aptitude à contracter la tuberculose. L'homme n'est pas l'espèce la plus pré- disposée à cette maladie. Il est exposé à une contami- nation incessante, parce qu'il vit en société. Mais il y a dans les particularités de la nutrition de l'homme quel- que chose qui le met en général à l'abri de l'atteinte du bacille. Seulement, si son énergie vitale vient à s'a- moindrir, sa résistance à l'infection diminue, et il acquiert au contraire une prédisposition morbide, f1) Appliquons ces notions à notre sujet et nous ver- p) Bouchard : Thérapeutique des maladies infectieuses. 55 rons comment les causes mentionnées agissent sur lui. La nutrition étant diminuée par l'effet des divers moyens perturbateurs que nous avons examinés, il en ré- sulte la prédisposition à la tuberculose. L'Indien, subi- tement éloigné d'un centre rempli de lumière et d'air, comme la Pampa, abandonnant le lieu où il est né et où il s'est développé suivant les coutumes de sa race, changeant jusqu'à son alimentation et transplanté dans un endroit moins éclairé et ventilé comme l'est une ville, où tout lui est étranger, soumis depuis lors à une discipline et aux devoirs qu'impose son assujettissement à la vie civilisée, doit logiquement souffrir et payer son tribut à l'acclimatation. Dans ces conditions, la ma- ladie éclate, le changement radical réveille le germe morbide. L'absence de soleil abaisse le taux nutritif, a-t-il été dit, et il est indéniable que si l'indien en a joui en abondance dans ses domaines, sa diminution dans les villes lui occasionnera des troubles funestes. Si l'aération est salutaire non pas parce que l'oxygène tue les microbes, mais parce que l'aération fait vivre l'homme avec plus d'intensité, nous avons raison de penser que ce modificateur hygiénique intervient puissamment dans la pathologie des sauvages conduits dans les centres urbains où ils se tuberculisent. Lombard a reconnu que le passage de la vie nomade ou sauvage à la civilisation est l'une des circonstances les plus favorables pour amener le développement de la phtisie; c'est ce que l'on voit non seulement chez les hommes, mais aussi chez les animaux sauvages retenus en captivité et qui succombent si fréquemment à la phtisie. A ce propos, Lancereaux écrit avec raison : On conçoit que des sujets vivants dans un même mi- lieu encombré puissent souffrir, se dénourrir, et se trou- ver, par cela même, prédisposés à l'action nuisible du bacille tuberculeux. Des observations journalières nous ont conduit à reconnaître et à enseigner que la phtisie est relativement fréquente chez les jeunes sujets qui quittent, tout à coup, la vie active de la campagne 56 pour l'existence sédentaire d'un grande ville. Ce fait est, du reste, conforme à la statistique de la ville de Paris, où les deux tiers environ des personnes mortes de tubercu- lose sont de la province. De ce qui précède, il résulte donc que Vair, cet élément vital, ce stimulant de la nutrition générale, joue un rôle des plus importants dans la genèse de la phtisie. Son insuffisance a pour conséquences forcées la dénutrition, la débilité et la prédisposition à cette funeste maladie; mais, à cette influence, nous devons ajouter celle qui ré- sulte de l'alimentation et du défaut d'exercice muscu- laire, car la race, contrairement à une opinion généralement acceptée, ne joue, dans l'espèce, qu'un faible rôle. Si les nègres qui, à l'état sauvage, ne connaissent guère la phtisie, y sont chez nous plus disposés que les blancs, cela tient en grande partie à la nature de leurs habitudes, à la misère, au régime qu'ils suivent, au passage de la vie sauvage à la vie domestique, non à la race ou à l'action du froid. On peut en dire autant des singes de nos ménageries, puisque ces animaux enfermés, deviennent phtisiques à Gorée tout aussi bien qu'à Paris. Par con- tre, il est reconnu que les animaux carnivores sont beaucoup moins que les herbivores exposés à la tuber- culose, et nous savons que les peuples du Nord, dont l'alimentation est surtout composée de matières grasses, de lait, de substances animales en un mot, sont peu su- jets à cette maladie. C'est aussi ce qui arrive pour les Kirghiz, qui se nourrissent surtout de lait fermenté, tandis que les habitants de plusieurs îles polynésien- nes, les Chinois, etc., qui vivent presque exclusivement de matières végétales et de riz, sont très sujets à cette maladie.-L'exercice musculaire n'est pas moins impor- tant, puisque, dans un même milieu, ce sont les per- sonnes exerçant des professions sédentaires, les soldats casernes, les prisonniers, qui sont particulièrement at- teints. Au contraire, les peuples restés à l'état sauvage, chasseurs ou pêcheurs, ne connaissent pas cette mala- die. Nous savons, en effet, qu'elle est rare chez les In- diens des deux Amériques et qu'elle sévit à peine chez les nègres d'Afrique, habitués à vivre en liberté, tandis 57 qu'elle devient commune chez ces memes individus, lors qu'ils ont pris les habitudes de la vie civilisée, et surtout lorsqu'ils font abus de boissons alcooliques. (') Peter confirme les mêmes faits observés par le profes- seur Hind, du Canada et cités dans un ouvrage sur le Labrador. La phtisie est à peu près inconnue aux habitants de ce pays désolé, bien qu'ils y vivent à l'aventure dans ses plaines et sur ses montagnes, sous des huttes faites de branches de sapin, imparfaitement recouvertes de peaux et plus ou moins ouvertes de toutes parts à l'air extérieur, et bien qu'ils soient exposés périodiquement à la famine, ainsi qu'à toutes sortes d'épreuves. Or, quand ces mêmes indigènes descendent jusqu'au fleuve Saint-Laurent pour prendre part aux pêches qui s'y font, ils habitent des maisons bien bâties, et, étant grassement payés, se nourrissent copieusement; cepen- dant la plupart, dans l'espace d'un an ou deux, devien- nent phtisiques et meurent misérablement. (2) Bennet (3) est convaincu que la principale cause du développement de la phtisie dans ces conditions est que ces pauvres gens vivent alors dans l'atmosphère viciée de demeures trop bien closes; il ajoute que, sans au- cun doute, le développement de la maladie dans nos villes, ne saurait avoir d'autre cause. Ces faits d'observation commune chez les Indiens de nos déserts ont été confirmés ailleurs. Les Araucans et les Peaux-Rouges sont victimes de trois facteurs de ma- ladies qui les déciment: la privation d'aliments néces- saires, les excès alcooliques et la variole. Cette dernière a réduit d'un quart les indiens Snakes de l'Utah. Disons, pour terminer, que la tuberculose n'a jamais attaqué les Indiens de la République Argentine dans leurs propres domaines, et que cette maladie ne les a frappés que lorsqu'ils se sont transportés dans les cen- tres civilisés. (*) Lancereaux: Clinique médicale, 1892. (2) Peter: Leçons de clinique médicale, tome IL (3) Cité dans le même ouvrage. CHAPITRE IV CLIMAT DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Généralités. - Tableau des divisions climatologiques de la République Argentine : latitude, altitude, température absolue et température relative, pression atmosphérique, humidité, pluie, vents. - Régions froides, tempé- rées et chaudes. - Le Sud, le Nord et le Centre. - Comparaisons. - Classification des climats, par Rochard. - Le climat argentin est doux. - Appréciation d'Arnould sur les climats. - Sous le rapport du climat, la République Argentine se divise en trois sections : le littoral, les provinces de l'intérieur et les provinces Andines. - Caractère de chacune de ces régions. - Localités situées sur le Rio de la Plata et leur salubrité. - Le vent Zonda. - Le climat de montagne. - Opinion de G. Hayem. - Les vallées. - Puente del Inca et Uspallata, - Les sierras de Côrdoba : Cosquin, Rio Ceballos, Alta Gracia, Capilla del Monte, Qûilino, etc. - Rosario de la Frontera, Calingasta. - Autres points propres à des stations sanitaires. - Le régime des pluies. - Le littoral est la zone la plus plu- vieuse, 1.035 millimètres par an: la région de l'intérieur vient ensuite avec 621 millimètres; puis le reste du pays avec 194 millimètres. - Tableau complet des pluies dans la République Argentine, par G. Davis. - Relation des pluies en France. - Etudes comparatives de Fonssa- grives. - Adaptation des divers groupes humains au sol argentin. - Le climat et la production de la terre chez nous. -Développement de.la population sous l'influence du climat. - Les étrangers s'y fixent. Les pays tempérés, considérés dans leur ensemble, sont salubres. C'est là que la race caucasique s'est développée dans toute sa puis- sance et qu'elle subit, pour le moment, la mortalité la plus faible. Le cadre nosologique y est beaucoup plus varié que sous les lati- tudes extrêmes et plus immédiatement soumis à l'empire des saisons et des vicissitudes atmosphériques. Tandis qu'entre les tropiques le règne pathologique est dominé par une cause constante et se montre immuable comme elle, dans les pays tempérés, il obéit aux moindres influences et partage la mobilité de leur climat capricieux. Jules Rochard Le climat de la République Argentine offre des con- ditions et des avantages particuliers qui le rendent 59 habitable pour les individus de toutes zones. Dans l'im- mense étendue du pays on rencontre les régions les plus variées qui contrastent les unes avec les autres et présentent dans leur ensemble de multiples aspects subordonnés aux influences naturelles, et certes, ils sont du plus haut intérêt en ce qui concerne la production de la terre qui est d'une richesse extraor- dinaire. Les caractères distinctifs de notre sol promettent pour un avenir qui n'est pas éloigné, de grandes transfor- mations qui permettront l'agrandissement des villes et des villages actuels. Une immigration nombreuse, in- terrompue pendant quelque temps, recommence à affluer et revient continuer l'œuvre ardemment désirée, le dé- veloppement des industries naissantes. En échange de son activité, nous offrons à l'immigrant un climat ad- mirable, un travail facile; la terre donne à ses cultures un prodigieux rendement. Nous pouvons donc espérer que bientôt la population augmentera et que la propor- tion de 1.7 habitant par kilomètre carré deviendra celle que l'on constate chez les nations puissantes par le grand nombre de leurs fils. Les hommes, à quelque zone qu'ils appartiennent, qui se décideront à venir vivre parmi nous, ne tarderont pas à y faire fortune, pourvu qu'ils sachent profiter des éléments qui sont mis à leur disposition. Les champs propres à l'agriculture et à l'élevage du bétail sont d'une étendue inouïe et peuvent être achetés à un très bas prix dans l'intérieur et dans les districts fédéraux. Ac- tuellement les colonies agricoles, fondées par des Euro- péens dans les provinces de Buenos Aires, Santa Fé et Entre Rios, prospèrent d'une façon merveilleuse; les chemins de fer et les bateaux à vapeur sont là pour transporter les produits de tous côtés; les progrès aug- mentent en tout et ils ne peuvent qu'augmenter chaque jour davantage. Le tableau suivant réunit tous les renseignements relatifs à notre climat. 60 VILLES Latitude Altitude (mètres) TEMPÉRATURES Pression atmosphérique Humidité relative en centimètres de saturation Pluie annuelle en millimètres VENTS Maximum absolu I Minimum 0 œ cô 0 a 'O 0 ê Moyenne 1 de l'hiver Moyenne annuelle Capitale (Buenos Aires).. 34o 36' 21" 4 20 39.5 - 2 22.5 11.3 17.16 760.53 74.4 894 N. NE. SO. SE. La Plata 34o 54' 30" 18 36 - 0.2 21.8 10.9 16 645 77 877 N. NE. SE. S. Rosario 32o 56'41" 7 39 38.7 0.9 22.5 12.2 18.5 759.40 77.3 950 N. NE. E. SE. Santa Fé 30o 40' 13" 37 37.5 2.8 24.31 11.60 17 759.25 79 850 N. S. SE. Paranâ 31o 43'45" 78 37.4 0.6 24.69 11.85 19 755.25 76.2 955.4 N. NE. S. SE. Corrientes 27o 27' 55" 77 37.1 5 26.5 15.7 21.4 756.28 72 1.301 N. et S. francs. Côrdoba 31o 25' 15" 4 439 44 8.9 23 9 16.8 725.36 63.4 600 NE. N. San Luis 33o 18'31" 759 38.6 7.2 24.63 8.17 17 694.40 54.1 550 E. SE. N. NO. Mendoza 32o 53' 805 41.5 7.5 23 7.5 16 695 72 160 S. SO. N. San Juan 31° 30' 643 44 3 25.5 12.3 18.8 702.5 64.5 100 S. SE. O. Tucuman 26o 50'31" 465 40 0.9 24.3 13.3 19.5 72.2, 71 73.4 970.8 S. N. francs, SO. NO Salta 24o 46' 24" 1202 43 5.8 22 12 17.5 661.55 71 7 550 N. NE. NO. Santiago del Estero 27° 48' 2" 214 44 - 2.7 26 14.4 21.4 744.16 62.6 488 S. N. E. NE. Rioja 29° 18'58" 505 44 0 26 12 19.9 716.7 61.3 267 S. SO. SE. E. Catamarca 28° 28' 8" 572 44 0.4 26.3 13.2 20 715.39 52.6 250 N. NE. E. Jui uv 24o 10'54" 1260 30 0.1 21.36 8.93 16.7 660 78 568 N. (?) Concordia 31° 25' 61 41 (1) 0.8 24 16 18.9 760 75 1.090 N. NE. SE. SO. Goya 29° 9' 6" 63 36 0.5 24.7 14.6 19.6 757 80 1.083 SE. S. N. NE. E. Baliia Blanca 38° 42' 52" 22 41 (2) - 0.8 22.2 8.5 15.2 758 63.3 488.2 NO. N. O. SE. S. Formosa 26o 13'44" 84 0 0 0 0 0 0 0 1.369 - (p Cette température est e sceptionnelle. L 1 moyen 1 ie générale de l'été est de 19» 5. (2) Exceptionnelle; la- température générale en chiffres absolus, en été, est de 38°. 61 Par ce tableau nous voyons que notre pays possède des régions de température basse, comme le Chubut et la Terre de Feu; la première avec 10 degrés 2 au-dessous de zéro et la seconde, 10 degrés 8, le froid étant sec et permanent. D'autres, comme Tucuman, Salta et leurs dépendances, Rosario de la Frontera et Oran où l'hiver est tiède; certaines contrées, Santiago del Estero, Cor- rientes, le Chaco, les Missions où les étés se font sentir d'une façon extraordinaire et enfin Buenos Aires avec une température très variable. Ainsi, donc, tandis que l'ex- trême Sud offre les conditions des régions antarctiques, le Nord de la République jouit .d'un printemps presque constant; le littoral est le centre d'une température mo- yenne annuelle de 18° avec un climat, un ciel et des sites pareils à ceux qui ont rendu célèbres Naples, Pa- ïenne, Marseille, Toulon, Hyères,Barcelone,Cadix, Séville, Malaga, Lisbonne, Smyrne, Alger. Ces particularités autorisent à dire que notre terre possède des avantages qui attirent l'immigration de toutes les parties du globe et que dans la variété de ses productions, toutes les races peuvent y trouver des moyens assurés de subsistance. Tenant compte du tracé des lignes isothermes, Jules Rochard a divisé les climats en cinq classes: 1° Les climats torrides, s'étendant de l'Equateur thermal à la ligne isotherme de 25 degrés au-dessus de zéro. 2° Les climats chauds, depuis la ligne de 25 degrés jusqu'à celle de 15 au-dessus de zéro. 3° Les climats tempérés compris entre le 15e et le 5e degré au-dessus de zéro. 4° Les climats froids, entre le 5e degré au-dessus de zéro et le 5e degré au-dessous. 5° Les climats polaires entre 5 et 15 degrés au-dessous de zéro. Sous ce rapport, la République Argentine est comprise dans la catégorie des climats tempérés, où l'on ne con- naît «ni les chaleurs énervantes de la zone torride ni Faction dépressive des froids polaires ». Tous les éléments de la météorologie s'y font remar- 62 quer par leur variabilité, qui contraste avec le caractère uniforme des climats extrêmes. Ainsi, tandis que dans certaines localités les moyennes des mois extrêmes pré- sentent à peine une différence de sept degrés, il en est d'autres où l'écart va jusqu'à quarante. Les saisons y sont bien tranchées et d'une longueur à peu près égale. Elles donnent une idée des étés des pays chauds et des froids rigoureux qu'on rencontre dans la zone supérieure, mais la durée de leur influence est si courte qu'elle ne suffit pas pour altérer la santé. Ces chan- gements périodiques lui sont, au contraire, très salu- taires. ([) Arnould croit qu'il serait apparemment avantageux de joindre à la division en zones la distinction des cli- mats en climats continentaux, maritimes et de montagnes. On subdiviserait ces derniers en climats de montagnes proprement dits et en climats d'altitudes. Il y aurait donc des climats continentaux, maritimes ou de montagnes, de la zone chaude, de la zone tem- pérée, de la zone froide. La prééminence du caractère chaleur serait respectée, tout en fixant par le détermi- natif continental marin etc., des circonstances d'intérêt capital. Ainsi qui dit climat continental, dit climat exces- sif, subissant les extrêmes de température que comporte la zone, à pression voisine de la normale, avec une quantité modérée de pluies, inclinant plutôt vers la sécheresse, à ciel souvent découvert, à vents variables. Le climat maritime ou marin implique la constance, l'atténuation des extrêmes, les fortes pressions, l'humidité, des pluies d'abondance moyenne, un ciel brumeux et souvent nua- geux, des vents souvent réguliers. Enfin, le climat de montagnes, comporte la température et la pression dé- croissantes, les grandes précipitations aqueuses, la haute hygrométrie avec de faibles quantités d'eau, un ciel souvent découvert, des vents déterminés par la confi- guration du sol. Lombard (de Genève) s'est servi de ce mode de distribution des climats et nous-mêmes l'avons appliqué à la climatologie de la France. Çà et là des (x) Rochard : Encyclopédie d'hygiène et de médecine publique. 63 régions particulières se présentent avec des caractères climatologiques tellement accentués qu'on se voit amené à désigner le climat par le nom même du pays: climat sénégalien, climat saharien, climat algérien, etc. Un des plus légitimes, à ce point de vue, est le climat médi- terranéen, qui a le singulier privilège d'être le trait d'u- nion des trois parties de l'ancien monde, de rapprocher Marseille, Smyrne et Alger, et d'être comme une preuve que le littoral méridional de l'Europe est une terre africaine, détachée de l'énorme presqu'île dans les âges géologiques. (') Connaissant déjà les classifications qui ont été don- nées à ce sujet, voyons maintenant ce qui se passe chez nous. Le climat de la République Argentine présente à l'étude de multiples aspects, soit sous le rapport de la topographie générale, soit par le bel ensemble de ses éléments, soit aussi par la météorologie et par conséquent par la varia- bilité de température des diverses régions qu'elle com- prend. A ce sujet, nous pourrons considérer notre territoire comme divisé en trois sections: 1° Le littoral; 2° les provinces de l'intérieur ; 3° les provinces andines. 1° Le littoral comprend la ville et la province de Buenos Aires, cette dernière située en partie sur l'A- tlantique, le Rio de la Plata et le Paranâ, les provinces de Santa Fé, d'Entre Rios, de Corrientes, les districts du Chaco et de Formosa et quelques autres du Sud. Cette vaste région a les températures suivantes : Été, maximum 39°5 et seulement par exception 42; moyenne, 24°7; générale 36. Hiver, minimum 0°9 au-dessous de zéro, moyenne 12°2 au-dessus de zéro, générale 16°6. La moyenne du printemps est de 17° et celle d'automne 18°; celle-ci est la plus uniforme. La température moyenne annuelle sur le littoral est de 18°, c'est-à-dire qu'elle correspond à celle de la région isotherme qui comprend les localités les plus fameuses, non seulement par les productions du sol, mais aussi par le charme de leur climat, telles que Marseille, Toulon, Barcelone, (x) Arnould: Nouveaux éléments d'hygiène. 64 Cadix, Naples et autres villes déjà nommées, avec cette différence que chez nous les gelées sont moins fortes que sur ces points. Les variations sont fréquentes en été; c'est un carac- tère qui distingue spécialement le pays. D'un côté nous avons l'action des brises de l'Océan, du Rio de la Plata, du Paranâ et de la Pampa, et de l'autre les fortes pluies à la même époque de l'année qui expliquent ces oscil- lations du thermomètre qui arrivent à 6° et jusqu'à 18° dans une même journée. Martin de Moussy dit que quoique le climat paraisse irrégulier par suite des changements brusques de tem- pérature, conséquence des orages assez fréquents et des vents du Sud et du Sud-Ouest, les moyennes de tem- pérature annuelle sont, à bien peu de chose près, les mêmes; la plus forte différence que nous ayons trouvée en dix années, entre l'année la plus froide et l'année la plus chaude à Montevideo, a été 9/10 de degré. Les observations faites à Paranâ, Gualeguaychû, et à Cor- rientes, semblent confirmer cette extrême égalité des moyennes annuelles de température sous ce climat. (*) Les heures de plus grande ascension du thermomètre sont entre midi et 3 heures de l'après-midi, et alors, on arrive à sentir des chaleurs insupportables comme dans l'été 1893-94 où elles furent constantes par suite d'une sécheresse prolongée de plusieurs mois. Quand en été la chaleur est généralement forte, les matinées et les après-midi offrent des changements qui sont reçus avec satisfaction. Comme élément de nature à modifier et à adoucir les températures élevées de cette saison, nous avons la fréquence des pluies. Depuis la ville de Buenos Aires où elle acquiert une moyenne annuelle de 894 millimè- tres, jusqu'à Corrientes où elle atteint 1.301 millimètres, et Formosa avec ses 1.369 millimètres, sa quantité aug- mente à mesure qu'elle se rapproche du Nord. Les vents du Nord et du Sud sont les plus fréquents. Le premier, particulièrement en été, avec tous ses in- (x) M. de Moussy: Description physique de la République Argentine. 65 convénients de température élevée, de tension électrique, etc., est un vent suffocant, d'influence nuisible sur le système nerveux, qui prédispose à beaucoup de maladies et aggrave celles qui existent déjà. On le sent venir; l'organisme subit à l'avance son influence et pendant tout le temps qu'il dure, une grande fatigue et un grand malaise s'emparent des individus. Sa durée est heureu- sement courte, c'est-à-dire qu'il n'est pas constant. Ce désagréable état atmosphérique change au bout de quel- ques jours. Il se produit alors un grand orage accom- pagné de manifestations électriques, tonnerres, éclairs et pluie, auxquels succède un agréable vent de Sud-Ouest, pampero, sec et salutaire, qui rétablit l'équilibre perdu. Parfois, cependant, ce vent de Sud-Ouest est si intense qu'il occasionne de sérieux préjudices, car il prend les proportions d'un véritable ouragan. L'abaissement de la température qui en résulte produit de cette façon des troubles dans l'appareil respiratoire; c'est pourquoi à cette époque, il n'est pas rare de voir apparaître les bron- chites, les pneumonies, les pleurésies souvent de carac- tères graves. Le firmament est d'une belle limpidité qui réjouit l'esprit que l'action de l'ouragan avait attristé. L'hiver commence au mois de mai et finit en septem- bre. La température minima est de 0°9 au-dessous de zéro;, la température générale 15° au-dessus et la moyenne 12°2. C'est la saison des froids pendant laquelle dominent les vents du Sud-Est, très violents et accompagnés d'orages dont les effets sont terribles dans le Rio de la Plata. L'horizon est souvent nuageux; l'hurnidité considérable pendant plusieurs jours. La plus grande pression atmosphérique, 778 millimè- tres, s'observe en hiver dans le mois d'août, à Corrientesr et la moins forte 579, en février, dans la ville de La Plata, capitale de la province de Buenos Aires. Les localités et les villes situées sur le Rio de la Plata jouissent d'un bon régime salubre, de même que toutes celles du littoral argentin. A part plusieurs épidé- mies mortifères qui se présentent après un intervalle de plusieurs années et de quelques maladies déjà considérées- CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 66 comme endémiques, bien que sans être notables par leur intensité, nous pouvons dire que les conditions générales de ces localités sont bonnes. En ce qui concerne Buenos Aires, ces conditions sont plus remarquables parce que cette ville possède un réseau d'égouts à peu près terminé et qui sera très complet. Les saladeros Q) qui, il n'y a pas vingt ans encore, exis- taient à la Boca et à Barracas, souillant l'eau du Rio de leurs impuretés, représentaient un danger sérieux pour la population; mais le progrès de nos mœurs et les enseignements de l'hygiène ont amené l'éloignement de ces établissements insalubres et leur installation sur des points très distants des centres importants. La région intérieure (Côrdoba, Santiago del Estero, Tucuman, Salta, Rioja et Catamarca) est caractérisée par ces deux éléments dans ses rapports avec le littoral : extrêmes marqués dans les températures et sécheresse atmosphérique. Vents chauds du Nord (41° et même 44°), air surchargé d'électricité, pluies, sinon toujours en petite quantité, du moins très inégalement distribuées, plaines immenses, en général sans aucun abri., voilà le tableau de l'été dans la majeure partie de l'intérieur. (2) Quant à l'hiver, l'irradiation du sol favorise les grandes gelées et la température se con- serve plus basse de 8° au-dessous de zéro. Dans cette dernière saison, il y a peu de pluies; elles sont certes plus abondantes en automne. Quoi qu'il en soit, cette région occupe le second rang dans la météo- rologie argentine. Sans être fréquente, la grêle tombe assez forte, surtout à Côrdoba où la pluie est assez intense, ou tout au moins tombe en quantité abondante, bien qu'à intervalles très courts. La végétation, pauvre en beaucoup d'endroits, présente, en échange, des richesses inestimables et des produits de premier ordre. Nous savons déjà que la température maxima est de (x) Etablissements destinés à saler la viande (tasajo) et les peaux pour l'exportation. (2) A l'exception de Tucuman et Salta, où la pluie abonde en été. 67 44° et que la minima est de 8°9 au-dessous de zéro; la moyenne annuelle est de 17°. La pression atmosphéri- que oscille entre 667 et 744 millimètres. Dans la région des grandes plaines, comme la pro- vince de Buenos Aires, nous voyons la température s'é- lever beaucoup pendant la journée, puis descendre ensuite considérablement pendant la nuit. Il résulte des observations intéressantes faites par Ch. Martins, (l) sur les refroidissements de l'air pendant la nuit, que le froid diminue à mesure qu'on s'élève au- dessus du sol jusqu'à une certaine hauteur, particuliè- rement lorsque les nuits sont sereines. L'accroissement de la température est d'abord très rapide, puis plus lent. C'est pour cette raison que les brouillards couvrent le sol dans les plaines et dans les bas-fonds et que les étages élevés des maisons et des hôpitaux sont plus secs et plus sains que les rez-de-chaussée. D'après Hayem, dans les pays de collines, les oscilla- tions de la température sont moins étendues que dans les grandes plaines; mais réchauffement du sol par les rayons solaires a lieu d'une manière inégale et il en résulte des vents locaux, accompagnés de changements plus ou moins brusques de température et d'humidité. (2) La région andine (San Luis, Mendoza, San Juan et les vallées intérieures de Catamarca, de la Rioja, de Salta et de Jujuy) jouit d'un climat splendide, main- tenu par une température variable et généralement agréa- ble, bien que nous ayons pu reconnaître quelques extrêmes élevés, 44°, particulièrement quand souffle le vent appelé Zonda, remarquable par la violence de ses effets sur l'économie. Vallées magnifiques et de végétation exhubérante ; montagnes couvertes de neige pendant la plus grande partie de l'année; cours d'eau souvent impétueux; ciel limpide; air rempli d'ozone, voilà ce qui caractérise cette belle région, et cela même lorsque le thermomètre (x) Citées par G. Hayem. (a) G. Hayem : Leçons de Thérapeutique. Les agents physiques et naturels, 1894. 68 marque en été 44°, comme cela est arrivé à San Juan. La température minima, en hiver, dans la contrée andine est 7°3 au-dessous de zéro; la moyenne annuelle 16°3 au-dessus. La pression atmosphérique est de 710 mm. Les saisons sont absolument tranchées. L'hiver est très froid et l'été chaud. Quant à la configuration du sol, nous pouvons dire ici avec Hayem, que les chaînes de montagnes produi- sent sur les régions voisines des effets qui varient avec la hauteur des sommets, l'étendue et la direction de la chaîne, la nature et la plus ou moins grande abon- dance de la végétation. Ces chaînes peuvent servir de barrière à des vents froids ou à des vents chauds et, par suite, élever ou abaisser la température annuelle des points qu'elles abritent. Elles exercent, de plus, une action sensible sur les vents eux-mêmes, surtout quand ceux-ci sont chargés d'humidité dont elles provoquent la condensation. Dans les pays situés sous le vent de la montagne, le climat est plus sec. Q) Ceux qui ont vécu dans ces parages connaissent bien tous ces détails. L'air est sec et la sécheresse vient à être plus grande à cause de l'altitude, au point que l'hygromètre de Saussure a rétrogradé à 5°, selon des observations faites à 4.000 mètres de hauteur sur les Andes. L'influence de cet état atmosphérique se fait sentir d'une façon remarquable sur la peau surtout et sur les muqueuses. A mesure que l'on monte dans ces lieux imposants par la majesté des montagnes et après avoir dépassé 3.000 mètres d'élévation, ce phénomène s'accentue; la peau devient tendue, elle se gerce et tombe en petites écailles. Dans les premiers moments, la raréfaction de l'air produit des troubles respiratoires, qui se tradui- sent par un malaise général; la respiration s'accélère jusqu'à ce que surviennent, ensuite, la diminution de toutes les fonctions vitales, le vertige et l'anoxihémie. Cette étrange manifestation qui surprend les voya- geurs quand ils atteignent les hautes localités a été (*) G. Hayem: Les agents physiques et naturels, 1894. 69 désignée de diverses manières: soroche, bootie, paramo; mais dans les Cordillères andines on l'appede puna; elle n'est autre chose que la diminution de la tension de l'oxygène, la désoxydation des globules du sang. Les gens de la région la combattent en administrant au patient une décoction d'une herbe très connue là-bas par ses propriétés stimulantes sur les fonctions nerveuses et respiratoires: la diaeoma, décrite par Sarmiento. Dans cette région, et à diverses hauteurs, jusqu'à celle de 4.000 mètres, certaines parties sont habitées par des individus acclimatés. La limite des neiges perpétuelles oscille autour de 4.500 mètres; à partir de cette hau- teur, la vie est impossible en hiver, par suite de l'ag- glomération successive de la neige qui arrive à couvrir complètement les habitations. D'un autre côté, dans cette saison, les froids sont extraordinairement rigoureux, les ouragans fréquents et les vents plus violents. On ne peut entreprendre la traversée des Cordillères, même en été, sans avoir pris auparavant de sérieuses précautions, afin d'éviter les inconvénients des basses températures. Celles-ci descendent tant, qu'au Puente ciel Inca (Mendoza), situé à 2.753 mètres, et en plein été, le 30 décembre 1887. le thermomètre marqua 8 degrés au-dessous de zéro après que la neige fut tombée en abondance. Néanmoins, le climat est notoirement sec, et nous avons vu disparaître sous son influence des rhumatismes, des bronchites et diverses affections une fois soumises à son action évidente. Dans ce sens, ces lieux réunissent des caractères spéciaux qu'il convient de signaler et de faire connaître pour le bien de ceux qui ont besoin de moyens particuliers pour rétablir leur santé chancelante. Comme les bienfaisantes propriétés de ces sites sont connues au Chili et dans les localités voisines, un grand nombre de malades à la recherche d'une amélioration ou des personnes jouissant de santé mais désireuses de profiter d'un bon climat, accourent de toutes parts pour se procurer le repos, la vie à bon marché et des eaux médicinales. De magnifiques vallées se rencontrent sur ces hau- 70 teurs. Elles présentent des conditions exceptionnelles pour une saison climatérique. Quel est celui qui n'a pas parcouru, par exemple, la célèbre vallée d'Uspallata, à plus de 3.000 mètres d'élévation et qui ne s'est pas senti réconforté, plus vigoureux, ses douleurs physiques atté- nuées, ses chagrins adoucis? Cette atmosphère absolu- ment privée des éléments solides, liquides et gazeux qui altèrent celle des grands centres peuplés, stimule le sang, rend l'hématose plus complète, active les fonctions, facilite les mouvements musculaires, excite l'imagination et l'économie entière prend sa part de l'influence recons- tituante du climat de l'altitude. C'est précisément la pureté de l'air qui, par son action stimulante, prime dans la cure climatérique. Nous-mêmes, avons bénéficié des avantages de ces hauteurs, lorsque, après une longue maladie de l'appareil respiratoire, nous nous rendîmes à Uspallata. Nous y trouvâmes un tel soulagement à nos maux que ce n'est pas sans un profond sentiment de gratitude que nous évoquons le souvenir de ces sites solitaires et salu- taires. Il existe beaucoup de localités, dans la République Argentine, qui présentent des conditions très favorables pour servir de sanatoriums; des régions qui ne sont pas très élevées comme les Sierras du Tandil, d'autres plus hautes, comme celles de Côrdoba, avec des climats superbes et des paysages pittoresques, tels que Cosquin, Capilla del Monte, Rio Ceballos, Alta Gracia, etc., et à des altitudes supérieures, divers endroits connus à San Juan, Mendoza, Tucuman, Salta et Jujuy où, si l'on ne vit pas avec tout le confort nécessaire, l'on trouve du moins tous les avantages naturels du climat des endroits élevés. Rosario de la Frontera est aujourd'hui chez nous une station d'hiver fréquentée par les malades qui récla- ment une température douce. La Crucecita (Mendoza), Cosquin (Côrdoba) et Calingasta (San Juan) sont les points recherchés par les tuberculeux et les neurasthéniques qui ont besoin de l'air des montagnes. Puente del Inca (Men- doza) et Laja (San Juan) seront, avec le temps, de grands centres préférés pour les rhumatisants qui s'y ren- 71 dront, attirés par la renommée de leurs eaux spéciales. Nous pourrions parler ainsi de beaucoup d'autres en- droits comme Copahues, Villavicencio, etc. f) En étudiant le régime des pluies dans la République Argentine, nous trouvons qu'on peut le diviser en trois catégories. La première, celle où elle tombe en plus grande abondance, comprend le littoral: capitale de la nation, provinces de Buenos Aires, de Santa Fé, d'Entre Rios, de Corrientes et le district de Formosa; la seconde embrasse indistinctement quelques régions de l'intérieur et des provinces Andines : Tucuman, Côr- doba, Santiago del Estero, Salta, Jujuy et San Luis, et la troisième le reste du pays, où elles tombent en quantité insignifiante. Les régions de la première catégorie sont certaine- ment favorisées par des pluies copieuses qui permettent d'assurer non seulement les avantages d'un climat agréa- ble, mais aussi d'étendre leur influence sur l'agriculture qui y a pris un développement extraordinaire. Celles de la seconde catégorie la reçoivent en moins grande quan- tité, mais suffisamment; quant aux contrées de la troi- sième catégorie, elles manquent généralement d'eau. Dans cette dernière, la population est victime de la sécheresse qui se prolonge pendant un long espace de temps. Les productions de la terre étant subordon- nées à l'action de l'eau, et d'un autre côté les rivières et ruisseaux faisant défaut, comme il arrive en certaines parties, on comprend les maux qu'occasionne cet état de choses et les troubles qu'il apporte à l'alimentation et à l'hygiène publiques. Les chiffres suivants, qui nous ont été fournis par M. G. Davis, directeur du bureau de météorologie na- tionale, rendent compte de la marche des pluies dans notre pays : (x) La Crucecita, Calingasta, Rosario de la Frontera, Cosquin, Puente del Inca, Copahues etc., sont étudiés dans des chapitres spéciaux. 72 MOIS Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Buenos Aires Rosario Paranâ 1 1 taordia Corrientes Janvier 73 6 101 9 126 8 115 6 165 5 Février 66 5 80 7 90 4 87 6 142 4 Mars 103 6 123 8 113 8 85 6 140 5 Avril 74 6 73 6 104 6 159 6 149 4 Mai 73 4 56 5 33 6 59 4 96 4 Juin 72 6 39 5 26 6 53 5 67 3 Juillet 52 4 48 4 25 6 91 6 54 3 Août 56 5 46 4 36 4 93 4 29 2 Septembre... 74 5 43 5 56 3 78 5 84 4 Octobre 83 7 73 8 131 8 65 6 115 5 Novembre... 67 6 113 8 96 7 68 6 116 5 Décembre.... 95 7 138 8 119 8 138 7 144 5 Totaux. .. 888 67 933 77 955 74 1091 67 1301 49 Villa Formosa Côrdoba San Luis Mendoxa San Juan Janvier 167 8 116 9 56 9 13.5 4 15.5 2.0 Février 173 6 100 6 71 7 12.2 4 12.0 1.9 Mars 168 6 92 5 80 7 29.8 4 9.9 0.9 Avril 126 5 34 3 36 4 20.4 3 2.7 0.5 Mai 82 4 19 2 10 2 1.7 1 1 .7 0.4 Juin 83 4 5 2 10 3 7.5 1 0.9 0.2 Juillet 38 2 4 2 2 1 3.9 1 0.2 0.2 Août 32 2 11 2 6 3 4.4 1 1.6 0.4 Septembre... 76 4 24 2 26 3 6.1 2 0.0 0.4 Octobre 157 6 66 6 39 5 25.4 3 4.6 0.0 Novembre... 160 6 115 6 106 6 21.9 4 4.2 0.8 Décembre.... 184 6 116 6 112 7 20.6 4 11.4 0.5 Totaux. .. 1446 59 702 52 554 57 167.4 32 64.7 11.2 Santiago La Rioja Catamarca del Estera Tucuman Salta Janvier 72 8 79.3 5.3 59 5 181 9 134.8 10 Février 37 6 40.2 3.8 77 5 158 10 119.7 11 Mars 55 6 45.8 4.4 117 6 173 11 106.3 9 Avril 16 3 20.8 2.6 33 4 52 6 19.5 3 Mai 1 1 17.1 2.2 16 2 26 3 6.4 1 Juin 5 1 4.4 1.5 10 1 11 3 0.5 0 Juillet 10 1 0.3 0.2 8 1 10 1 0.0 0 Août 5 1 2.5 0.2 2 1 8 1 0 Septembre.. 3 1 1.8 0.5 22 2 13 3 5.1 2 Octobre 11 1 22.8 3.0 28 4 70 6 11-2 3 Novembre... 42 5 38.7 4.2 53 6 94 7 61.9 6 Décembre.... 40 4 31.9 5.0 63 5 155 8 64.9 8 Totaux. .. 297 38 305.6 32.9 488 42 951 68 531.5 53 73 MOIS Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours Quantité Nombre de jours 1 District Ushuaiâ Ile des Etats Chubut Bahia Blanca de la Pampa Janvier 62 16 100 20 10 4 35 4 78 5 Février 62 15 140 19 72 3 48 5 80 5 Mars 52 14 133 21 24 6 70 5 64 6 Avril 70 14 127 20 17 6 44 5 39 3 Mai 56 15 149 26 25 6 22 4 49 2 Juin 52 13 171 26 1.4 8 26 3 23 2 Juillet 36 10 132 25 11 4 25 2 19 2 Août 37 10 92 20 17 7 28 3 27 3 Septembre... 32 7 103 20 20 6 39 5 26 3 Octobre 40 14 77 17 10 5 53 6 48 5 Novembre.... 38 13 78 18 24 5 51 6 43 4 Décembre.... 50 15 118 20 29 6 47 5 54 5 Totaux. .. 587 156 1421 252 208 66 488 53 550 45 Réunissant les moyennes de pluies tombées dans plu- sieurs années, nous obtenons les chiffres suivants: Région du littoral... 1.035 mm. pendant l'année - intérieure.... 0.621 - - Reste du pays 0.194 - - Donc, la moyenne annuelle de pluies dans le littoral argentin dépasse celle de France, évaluée à 605 milli- mètres par Levasseur, selon Arnould, à 681 millimètres par Ch. Martins, à 719 millimètres par Vallès, à 770 par Delesse et à 810 par Fonssagrives. Comparant la moyenne des provinces intérieures avec celle de la région méridionale française, on constate une relation approximative, dont on peut se rendre compte par le tableau ci-après appartenant à V. Roulin. Agen 679 Poitiers 576 La Rochelle 655 Bordeaux 792 Pau 1190 Toulouse 585 Bayonne 1290 Perpignan 529 Clermont-Ferrand 529 Châlons-sur-Saône 623 Lyon 681 Le Puy 672 Limoges.. 883 Montpellier 866 Chambéry 1026 Grenoble 972 Briançon 522 Orange 804 Marseille 476 Toulon 721 Nice 792 Cannes 898 74 La proportion avec la France septentrionale s'établit ainsi : Strasbourg 673 Metz 677 Nancy 710 Fort de doux 1008 Besançon 1062 Lons-le-Saunier 1016 Reims 464 Sens 605 Cambrai 413 Valenciennes 689 Melun 417 Versailles 555 Bourges 621 Saint-Dié 1082 Vezoul 612 Bourg 982 Dijon 696 Abbeville 697 Paris 570 Orléans 634 Tours 562 Saint-Omer 490 Bar-le-Duc 872 Châlons-sur-Marne 585 Bourbonne-les-Bains .... 612 Laon 652 Verdun 809 Dunkerque 520 Lille 681 Calais 735 Rouen 687 Fécamp 817 Par ces tableaux l'on voit que l'abondance des pluies, toujours notable sur le littoral océanique, augmente dans les régions hautes et diminue généralement dans les zones plus continentales. On peut y voir que, pour la France, la mer intérieure (Méditerranée) n'élève pas sensiblement la quantité d'eau tombée annuellement. (') Fonssagrives évalue à 113 le nombre moyen des jours de pluie en France. D'après Kœnitz, ce nombre serait de 152 jours par an pour l'Angleterre et la France occi- dentale; 147 pour l'intérieur de la France; 141 dans les plaines de l'Allemagne; 112 à Bude; 90 à Kasan et seu- lement 60 en Sibérie. La ville de Lille (V. Meurein) a près de 200 jours de pluies, année moyenne; comme d'autre part, elle ne reçoit pas plus de 700 millimètres d'eau, cette pluie à petites doses, mais répétées sans cesse, donne quelque chose de particulièrement maussade à la physionomie delà cité. Sur d'autres points, il y a parfois des averses d'une singulière abondance; en 1772 à Mar- seille, une seule averse fournit 325 millimètres; à Jo- yeuse, le 9 août 1837, en 24 heures, il tomba 792 milli- (*) Arnould: Nouveaux éléments d'hygiène, 1889. 75 mètres d'eau. C'est une pluie semblable qui submergea le village de Goucelin (Isère) et l'engouffra dans un val- lon voisin. Celle qui ravagea Sain-Etienne en 1824, versa à Saint Symphorien-le-Chàteau 325 millimètres. De Gasparin a noté, à Orange, les averses suivantes: le 7 Octobre 1820, 153 millimètres, le 14 septembre 1839, 145 millimètres, le 4 octobre 1842, 128 millimètres, (*) Nous venons de voir que les zones variées de la Ré publique Argentine réunissent des conditions distinctes de climat, et permettent non seulement l'adaptation de groupes humains de diverses provenances qui représen tent la force et l'activité, mais aussi la culture plus facile de la terre. A ce point de vue la production du sol est remarquable. La région du Nord produit la canne à sucre, le riz, le coton, l'orange. Sur le littoral on rencontre des fo- rêts immenses de bois durs, le tabac et beaucoup de céréales de rendements extraordinaires. Dans le centre, la vigne et les fourrages naturels se développent mer- veilleusement, et au Sud tout ce dont un nombreux et exigent bétail a besoin pour sa subsistance et son accrois- sement s'y trouve en abondance, sans oublier les blés qui ont donné des bénéfices incalculables jusqu'à ce jour, comme on l'a vu dans le chapitre premier. A ce sujet nous ajouterons que le climat varie sui- vant l'absence ou l'abondance de la végétation et aussi suivant la nature de celle-ci. Au dire de Hayem, les effets de la dénudation dépen- dent des qualités conductrices du sol pour la chaleur. La végétation qui recouvre la terre empêche d'une manière plus ou moins complète les rayons solaires d'arriver jusqu'au sol; il modère par conséquent à un degré va- riable réchauffement. D'autre part, les plantes elles- mêmes sont modératrices de la chaleur en raison de l'évaporation constante dont elles sont le siège. Mais, les effets produits par la végétation varient souvent, suivant que celle-ci est constituée par des forêts, par des herbes ou des bruyères, ou par de la tourbe. (x) Arnould: Eléments d'hygiène, édition 1889. 76 La population se développe admirablement sous le climat de la République Argentine et les étrangers s'ac- climatent facilement, en général. Si l'on excepte la région paludéenne, la seule offrant des dangers au nouveau venu, tout le territoire peut être habité impunément, avec l'assurance de ne pas être incommodé par des affections imputables aux conditions locales. Si l'organisme souffre quelque altération, c'est seulement d'une façon momen- tanée et l'origine en est due certainement à l'usage d'une eau malsaine. La salubrité publique est bonne, car il n'existe pas de ces maladies endémiques qui, dans d'autres nations, sont de véritables fléaux. Si le paludisme règne dans les provinces du Nord, on peut lui opposer avec effica- cité les ressources de la science. Quant aux autres maladies, nous aurons l'occasion de les étudier. Les conditions tout particulièrement favorables dans lesquelles la nature a placé la République Argentine permettent amplement de prévoir et de prédire sa gran- deur future, le jour où, sur son vaste territoire, existeront les immenses populations qu'elle peut nourrir. Son état actuel, de paix et de tranquillité, justifie cet espoir. Rien ne nous manque pour arriver à constituer une grande nation. Nos petits neveux bénéficieront de ce résultat vers lequel nous nous acheminons à grands pas, grâce aux progrès sérieux réalisés chaque jour par notre pays. CHAPITRE V GÉOGRAPHIE MÉDICALE. RÉSUMÉ DE PATHOLOGIE AMÉRICAINE Sommaire. - Les maladies, les climats et les races. - Affections ubiquitaires : grippe, pneumonie, bronchite, tuberculose, syphilis, rhumatisme, cancer. - Distri- bution des maladies. - Prédispositions morbides et réaction de l'atmos- phère sur le sol, et vice-versa.- Influence des races. - Importance du milieu. - Opinion de Rochard. - L'hématurie en Egypte - La lèpre. - La malaria. - La syphilis. - Le rhumatisme et les régions froides et tempérées. -Le tétanos neo-natorum et sa fréquence en Europe, en Afri- que et en Amérique. - L'aliénation mentale et l'alcoolisme - La rage. - La fièvre fluviale au Japon. - L'ulcère de Bassac chez les Annamites. - Le pié de madura et les Hindous. - Le cancer et les Celtes. - La carie den- taire et les Kymris. - Le typhus exanthématique en Arabie, en Pologne, en Irlande et en Silésie. - Le Brahmapoutra et le Gange, foyers du choléra. - La côte du golfe de Guinée, la Havane et le Brésil, foyers de la fièvre jaune. -La dysenterie endémique au Sénégal, au Siam, en Birmanie, en. Cochinchine, etc. - La fièvre typhoïde. - La tuberculose, inconnue en Islande, l'est à peine dans le nord de la Norwège et dans les îles Ferroë. - La scarlatine. - La diphtérie et sa diffusion universelle ; elle ne sévit que très peu dans l'Inde et au Mexique. - La coqueluche au Danemark et en Hollande. - Les convulsions épileptiformes chez les enfants. - Les maladies- des yeux sont très communes en Egypte, en Syrie, à Malabar, au Siam, en- Abyssinie, à Loango, à Sierra Leone. - La cécité chez les Arabes. - La trychinose en Allemagne, en Angleterre et dans l'Amérique du Nord. - La plique de Pologne. - Le bouton des Gibons en Algérie. - Le pian et les nègres. -Le goitre et sa diffusion en Amérique et en Europe; il n'existe pas en Hollande. - Le crétinisme. - Distribution géographique des calculs urinaires. - Leur plus grande fréquence chez les blancs. - Le pelagre. - Le ténia. - La dengue. - Le béri-béri et sa sphère endémique. - La peste. L'Inde et le choléra. - L'insolation à Saïgon et dans la Cochinchine. - La dysenterie, l'hépatite et l'éléphantiasis des Arabes, à Pondichéry. - Le Sénégal et la dysenterie endémique. - Il n'y pas d'affections de poitrine à Singapoure. - Les maladies à Manille, Canton, Macao, Batavia, Bornéo, Taïti. - L'insolation.- L'hypnose et les nègres. - Le ponos, maladie d'Hydra. - Le scorbut. - Bermudes, Bahama, Cuba, Jamaïque, Haïti, Puerto-Rico, Guadeloupe, Martinique, Guyanes anglaise, française, hollan- daise. - Amérique Centrale : Honduras, Guatemala, San Salvador, Nica- ragua, Costa-Rica. - Résumé de la pathologie aux Etats-Unis du Nord, Mexique, Havane, Brésil, Venezuela, Colombie, Nouvelle Grenade, Equateur, Pérou, Chili, Paraguay, Bolivie, République Orientale de l'Uruguay, Répu- blique Argentine. Les maladies se déclarent, régnent et se modifient suivant les aptitudes que les climats confèrent à chaque 78 contrée. Chaque zone a ses conditions spéciales de sol, de météorologie, etc., et, selon que l'ensemble de ces éléments est ou n'est pas favorable, il résulte que les maladies se fixent ou qu'elles disparaissent. Le climat n'est pas le seul facteur qui exerce une in- fluence sur l'adaptation et le développement des causes morbides, la race intervient aussi et il se produit, de l'action combinée de l'une et de l'autre, des variations pathologiques que la clinique a découvertes. Tandis que certaines affections s'étendent dans l'uni- vers entier, d'autres restent cantonnées sur des points déterminés, où leur sphère de diffusion se borne à quel- ques latitudes. Il y en a, comme la grippe, qui envahis- sent toutes les régions; cette maladie étant, d'après Hirsch, et quant à sa distribution géographique, com- plètement indépendante des circonstances locales du sol et du climat, est répandue sur tout le globe et ne peut être comparée avec aucune autre maladie zimotique. Dans la catégorie des maladies ubiquitaires, nous devons citer la pneumonie, existant un peu partout, bien qu'en Afrique sa fréquence soit relativement moindre qu'en Amérique et en Europe; puis, la bron- chite dont Lombard dit qu'il n'est pas un seul pays que l'on puisse signaler comme complètement à l'abri des phlegmasies bronchiques, aiguës et chroniques. Une classification égale correspond à la tuberculose qui respecte les régions polaires seulement; la syphilis, la pathologie cardiaque, le cancer, les entozoaires, la folie, l'alcoolisme et le rhumatisme, ce dernier quoiqu'il pa- raisse appartenir aux pays froids, humides et doux, se rencontre également dans les climats chauds. L'eczéma, le psoriasis, l'érysipèle, le pemphigus et l'urticaire figurent par leur dissémination dans la caté- gorie précédente. Néanmoins, d'après ce que nous avons dit dans ce chapitre, il faut reconnaître que, comme dit Muhry ('), les maladies n'ont pas été jetées au hasard sur la terre et qu'on retrouve dans certains climats, des prédilections pathologiques qui dépendent des con- (x) Cité par J. Rochard. 79 ditions faites à l'habitant par la réaction de l'atmos- phère sur le sol et réciproquement. Et c'est précisément parce que chaque région du globe a ses caractères distinctifs, son cachet spécial, produit de la prédominance de certains éléments de leur cons- titution géologique, météorologique ou géografique, que la pathologie est diversement distribuée dans ses ma- nifestations aux facilités que les divers milieux offrent à son développement. Pourquoi Pimpaludisme, les hépatites et la dysenterie sont-ils endémiques dans les pays chauds, et pourquoi la tuberculose est-elle inconnue dans les régions po- laires? Pourquoi les fièvres existent-elles sous les tropiques et pourquoi les causes de maladies sont-elles négatives dans les zones glaciales? Pourquoi y-a-t-il des maladies qui déciment certaines contrées et n'envahissent pas d'autres points? Pourquoi les blancs paient-ils un plus fort tribut à la fièvre jaune que les noirs et pourquoi ces derniers sont-ils réfractaires au trachome? Pourquoi l'hypnosie affecte-t-elle exclusivement les nègres africains et ceux des Antilles? La raison en a été donnée: Pintervention de circonstan- ces locales inhérentes à des aptitudes propres de climats et modifications imprimées par les races. Une même maladie peut se déclarer dans un pays sous un aspect différent de celui qu'il revêt dans un autre, et cela est justement dû à l'influence climatérique, car, ainsi que l'assure Rochard, au fur et à mesure que les travaux de pathologie exotique font avancer l'étude de toutes ces questions, on reconnaît que le cadre nosolo- gique, au lieu de s'enrichir, se restreint de plus en plus, et que certaines affections considérées autrefois comme des entités morbides, ne sont que des manifestations d'une autre maladie modifiée par le passage, non seulement d'un climat à un autre, mais encore d'une race à une autre. L'action du climat est très manifeste; la fièvre jaune, par exemple, a son foyer endémique exclusif dans la 80 zone torride; le typhus abdominal est inconnu dans les Cordillères. Quant à l'influence de la race, nous pouvons dire qu'elle n'est pas moins certaine, puisque le choléra atta- que les nègres de préférence, tandis que le cancer et la fièvre jaune les respectent jusqu'à un certain point et que la fièvre typhoïde paraît ne pas rencontrer chez eux beaucoup d'éléments de développement. La lèpre, au contraire, les affecte facilement et l'hypnosie est une maladie connue seulement des africains et dans les An- tilles. L'hématurie est endémique en Egypte. Elle est pro- duite par un nématodo, büharza hematobium, comme on la voit dans l'Afrique centrale et orientale, à Madagas- car et dans les îles de la Réunion et Maurice, où, chez les enfants seulement, elle constitue la 3e partie de la mortalité générale. Sa présence se fait aussi sentir sur la côte de Natal, au Zambèze, dans le lac Nyanssa et dans la colonie du Cap. Quelques contrées de la Norwège, de la Suède, de la Finlande, de la Russie, et les îles Britanniques restent jusqu'à ce jour pour ainsi dire indemnes, et selon Lom- bard, le Danemark, la Belgique, le centre de l'Allema- gne, de la Suisse, et de la France, y sont très peu sujets. L'Afrique lui paie un immense tribut. L'Asie centrale pas autant, mais avec une assez grande intensité sur le cours des fleuves, du Syr Davia, de l'Amou-Davia et de ['Indus et sur les bords des marécages qui se trouvent entre le Béloutchistan et la Perse. La Sibérie, la Mon- golie, une partie du désert de Kohi, du Nord de la Chine, du Thibet, de l'Hymalaya, l'Arménie, la Perse et le Turkestan sont préservés de cette maladie endé- mique; mais en échange, elle prédomine d'une manière extraordinaire dans l'Asie Mineure, en Crète, dans l'île de Chypre et en Syrie. L'impaludisme sévit aussi en Arabie, dans les vallées de l'Arménie et avec une assez grande intensité en Birmanie, à Siam, à Laon et en Conchinchine. Il existe très fortement dans l'Empire Chinois. Cette endémie est très répandue dans toute l'Amérique. Du Nord au 81 Sud du Nouveau Monde elle n'épargne presque aucun pays. La syphilis se rencontre dans le globe entier, depuis l'Islande, où elle est pour ainsi dire très bénigne jus- qu'à la Chine, le Japon et l'Archipel de la Sonde où elle atteint un développement et une malignité hors de toute comparaison. La rhumatisme règne sous tous les climats et parti- culièrement dans les régions froides et tempérées. Le tétanos neo natorum, a produit en d'autres temps le tiers de la mortalité en Islande. Sa ténacité est re- marquée dans l'île de Westmanô, au Danemark, en Suède, en Russie, aux Etats-Unis, au Brésil, au Chili, au Pérou, et dans la République Argentine. Sur le Haut Nil, les côtes occidentales de l'Afrique et en Algérie, il est fréquent. On ne l'a jamais vu chez les Hottentots, chez les Cafres ou chez les Bassoultes des régions méridio- nales. Lombard dit que si le tétanos des nouveaux-nés existe sous toutes les latitudes, depuis les régions bo- réales jusqu'aux pays tropicaux, il est pourtant plus répandu dans ces derniers où il se développe sous l'in- fluence du refroidissement de la surface, de l'exposition à des courants d'air froids et humides, surtout par la négligence des soins hygiéniques et par l'application de substances irritantes sur la plaie ombilicale. C'est une maladie microbienne. L'aliénation mentale produit des victimes chez tous les peuples; dans les régions rurales comme dans les gran- des villes, principalement dans ces dernières où l'acti- vité intellectuelle et commerciale, les causes d'excita- bilité et les émotions sont plus violentes. Ces conditions dangereuses qui se rencontrent de préférence dans les pays les plus civilisés (') acquièrent une prépondérance incontestable dans les grands centres de population, dans les villes industrielles, dans les grandes capitales où viennent affluer ces existences ca- tilinaires qui, pour bien des prédisposés, sont le vesti- bule de la folie. (B B. Ball: Maladies mentales CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 82 L'alcoolisme a fait irruption partout, dans les nations civilisées comme dans les contrées sauvages. Il suffit de dire qu'en Russie ses victimes dépassent le chiffre de 100.000 par an et en Allemagne 50.000. La Suisse, l'Ecosse, l'Angleterre, le Danemark, les Etats-Unis, la Guyane hollandaise, le Chili, la Polynésie sont égale- ment les plus atteints par cette calamité. Le delirium tremens exerce ses ravages à Stockholm, Copenhague, Kiel, Aldenbourg, New-York, Londres, Glascow, Saint-Hélène, Ceylan, et les Petites Antilles. La rage si répandue aujourd'hui de toutes parts a trouvé dans le traitement prophylactique de Pasteur le moyen de sauver beaucoup d'existences qui, sans lui, auraient sûrement rencontré la mort. La fièvre fluviale sévit au Japon; le ponos est parti- culier aux îles de Hydra et Spetzia; l'ulcère de Bassac aux Annamites; le pied de madura aux Indous; le cancer poursuit les Celtes; la carie dentaire est fréquente chez les Kymris; le typhus exanthématique règne en Arabie, en Pologne, en Irlande et en Silésie; le Bra- mapoutra et le Gange sont les foyers du choléra, de même que le golfe de Guinée, la Havane et le Brésil sont ceux de la fièvre jaune. La dysenterie est endémique dans les régions chau- des comme le Sénégal où elle constitue le tiers de la mortalité et au Siam, (') en Birmanie et en Cochinchine;. l'ankilostoma duodenal envahit de préférence certaines localités de l'Afrique, la Sierra Leone, l'Algérie, l'Egypte et une bonne partie de l'Italie; la fièvre typhoïde est commune en France, en Algérie, en Allemagne, en BeL Igique, en Danemark, en Espagne, en Portugal, en Hol- lande, en Russie, en Finlande, dans le Groenland, au Labrador, à Tahiti et dans quelques régions de l'Amé- rique méridionale. La variole, la syphilis et la tuberculose existent par- tout, et, particularité singulière, cette dernière est inconnue (i) Cette maladie se présente habituellement â l'observation dans la province de Corrientes (République Argentine), mais avec un ca- ractère bénin. Voir le chapitre relatif à cette province. 83 en Islande, dans la Russie Orientale habitée par les Kirghises, parmi les Samoyèdes et les Lapons nomades du Nord de la Norwège, de la Suède et de la Finlande de même que dans les îles Feroë. Les fièvres paludéennes produisent le tiers des décès à Athènes; les mêmes fièvres et la dysenterie sont fréquentes à Bombay, au Bengale et à Madras; lascar- latine et la rougeole font le tour du monde; la diphtérie prend un caractère épidémique en Finlande, à Bruxelles, à Madrid, en Russie, en Suède et en Nor- wège et bien qu'elle se présente de tous côtés, elle paraît être plus rare dans l'Inde et au Mexique; la coqueluche est commune en Danemark et en Hollande, de même que les convulsions épileptiformes sur la côte d'Afrique, parmi les enfants de race blanche et les mulâtres. Les maladies des yeux existent en- grand nombre en Egypte, en Syrie, au Malabar, au Siam, en Abyssinie, à Loango, à Sierra Leone; la cécité se voit parfois parmi les Arabes. Le dystome hématobium est endémi- que en Egypte; les trychines abondent en Allemagne, en Angleterre et dans l'Amérique du Nord; la plique est particulière à la Pologne ; le bouton de Zibons existe en Algérie; le pian est la maladie des nègres. Le goitre constitue une endémie très répandue dans quelques pays montagneux d'Amérique : la République Argentine (provinces andines), le Pérou, le Brésil, la Bolivie, la Colombie, le Venezuela (bassin de Meta et d'Apure), le Guatemala, le Nicaragua. Il l'est aussi dans certaines parties de la France, de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Italie, de la Suède, de la Mongolie, de la Chine mais n'existe pas en Hollande. Le crétinisme se présente simultanément avec le goitre; tous les goitreux cependant ne sont pas crétins. Les calculs urinaires sont fréquents en Italie, surtout dans la Lombardie, à Lodi, à Crémone, en Vénétie, à Turin, à Naples, en Sicile, en Sardaigne, de même qu'en Islande, en Danemark, dans quelques départements du Nord et de l'Ouest de la France, en Egypte, en Syrie, en Arabie, en Perse et dans les Indes orientales. A Thaif, à l'Est de la Mecque, cette maladie est endémique. 84 Les blancs en sont plus communément atteints que les nègres. Expliquant sa fréquence dans l'Inde, Proust dit que les natifs de ce pays s'accroupissent pendant l'acte de la mixtion, au lieu de se tenir debout comme nous le faisons en Europe (et en Amérique), et il n'est pas douteux, selon Currant, que cette attitude ne soit défa- vorable à l'évacuation complète et facile du contenu de la vessie. La pellagre, (') maladie moderne, propre à l'Europe, limitée au Sud par les latitudes de Rome et de Madrid, se manifeste au Nord jusqu'au niveau d'une ligne qui, du cap Finistère gagnerait les bouches du Danube. Son historique est absolument subordonnée à l'expansion in- cessante prise depuis un siècle par la culture du maïs; elle apparaît dans la Haute Italie quelques années après l'introduction de cette céréale: en France elle suit éga- lement, dans le bassin de la Garonne, le développement donné à la culture et à l'usage de cette plante. On la rencontre aussi en Roumanie. La pellagre n'est qu'un épiphénomène d'un état ca- chétique fébrile, développé dans les pays de marais et rizières surtout, où l'on fait usage du maïs, dont les grains sont très souvent altérés par un parasite toxique, notamment dans le Nord de l'Italie (Milanais), dans le midi de la France (Gironde, Adour). Le spori- sorcum myadis est le champignon parasite qui se déve loppe sur l'épiderme, durant les années pluvieuses. (2) Les ténias existent en Europe et sont spécialement connus en Abyssinie. La maladie hydatique (3) fréquente en Europe, surtout dans les régions du Nord, en Danemark et en Hollande, est répandue en Australie et en général chez tous les peuples pasteurs, élevant de nombreux troupeaux de moutons. Par contre, elle se voit relativement peu dans (1) Rochard: Encyclopédie d'hygiène et de médecine publique. (a) Armand : Climatologie du globe. (3) Lancereaux: Leçons de clinique médicale (années 1879-1893) 1894. 85 les Etats-Unis d'Amérique, aux Indes et en Egypte. Son origine aujourd'hui nettement déterminée est l'ingestion des œufs ou plutôt des embryons du ténia echino- cdque qui vit dans le canal intestinal du chien et se rencontre encore chez le mouton, le cheval, le porc, le chevreuil, le singe et le chameau. Dans la République Argentine, le ténia echinocoque est assez répandu, comme nous le verrons plus loin quand nous traiterons de nos endémies. La dengue (') est une fièvre éruptive qu'on observe dans les climats chauds et qui est caractérisée par un exanthème de forme variable et par des douleurs arti- culaires et musculaires. Comme depuis très longtemps, elle a parcouru l'Inde, l'Afrique, l'Arabie, la Syrie, l'A- mérique où elle a attaqué les Etats-Unis, le Mexique, les îles Bermudes, le Pérou et le Brésil. L'Europe a été visitée aussi par cette maladie. Le béri-béri, appelé kakké au Japon, s'étend, au dire de De Brun, « comme une ceinture autour du globe, occupant les régions intertropicales du 30e degré Nord au 30e degré Sud et pouvant, sur certains points, dé- passer cette limite. » Sa sphère endémique est grande et c'est ainsi que nous voyons le béri-béri étendre ses do- maines dans l'Inde, en Chine, au Japon, en Annam, en Malaisie, en Polynésie, en Arabie, à Madagascar, à Zan- zibar, aux Antilles, au Brésil, ce qui démontre que son développement augmente et que les contrées qui lui laissent un facile accès sont plus nombreuses qu'on ne le supposait quand les études sur cette affection ont com- mencé. La peste règne à l'état endémique à Cyrénaïque, Assyr, Bagdad, en Turquie, Kurdistan et Khorassan, en Perse, et aux sources du Gange, dans l'Inde. Elle s'est éten- due, en outre, aux rivières de la Mer Rouge, du golfe Persique et de la mer Caspienne. Dans l'Inde, sévissent le choléra, la dysenterie, l'hé- patite, les fièvres paludéennes, la variole, le béri-béri, l'éléphantiasis, l'antrax, le pied de madura. (x) Fernand Roux: Maladies des pays chauds. 86 S'occupant de la première de ces maladies, Armand dit que: «dans l'Inde la réaction n'a jamais la violence qu'on observe en Europe. On ne voit pas cette fièvre intense, avec accidents typhoïdes. La durée ordinaire du choléra est de 10 à 12 heures; quelquefois la mort arrive en 3 ou 4 heures. » A Saïgon et en Cochinchine, l'insolation est très commune, ainsi que les fièvres pernicieuses, la dysen- terie et l'hépatite. Comme dans tous les pays chauds, la dysenterie accompagnée d'hépatite est très répandue; nous la voyons avec ce caractère, et sous un aspect menaçant, à Pondichéry où elle est, après le choléra, la maladie pro- duisant le plus de victimes, surtout dans la saison du mousson du N. E., selon les observations des mé- decins de la localité. Les fièvres intermittentes y régnent aussi de janvier à juillet. L'éléphantiasis des Arabes y est également fréquente et acquiert des proportions mons- trueuses. Les observations de plusieurs médecins ont démon- tré qu'au Sénégal la dysenterie endémique prédomine pendant le premier et le quatrième trimestre, c'est-à-dire, au moment où la température est moins élevée, et au commencement de la saison sèche; l'hépatite, surtout dans le 2e trimestre, quand le vent d'Est (ou de l'inté- rieur de l'Afrique) règne avec toute l'intensité de ses rafales brûlantes; enfin, les fièvres d'accès sont fréquen- tes toute l'année, surtout pendant l'hivernage. L'hépatite suit presque toujours la dysenterie. A Singapoure, on voit peu de dysenterie et de fièvres intermittentes. Il n'y a pas de maladies de poitrine et ceux qui sont atteints de ces affections guérissent pres- que complètement en peu de temps. Il a été constaté que, comme les Malais et les Chinois du Sud vont presque entièrement nus, le corps exposé au soleil, à la poussière, aux intempéries, il y a un certain nombre de vitiligo alba et de lèpres vulgaires, d'autant plus visibles que les peaux sont plus bronzées. Le choléra est endémique à Manille; la dysenterie, 87 les fièvres intermittentes, bilieuses et pernicieuses y exis- tent aussi. A Canton, l'angine, la bronchite, l'impaludisme, la phtisie sont fréquentes parmi les Chinois; les européens qui vont s'y fixer deviennent phtisiques en peu de temps, par suite du climat qui les anéantit, avec sa forte chaleur, l'immense humidité et les grandes va- riations atmosphériques. L'ophtalmie catarrhale se pré- sente communément sous forme d'épidémie; en été, les embarras gastriques fébriles surviennent d'ordinaire. La fièvre éphémère, la rhumatisme musculaire aigu, les angines et les bronchites sont fréquents à Macao. La variole, la rougeole et la scarlatine sont épidémiques en février, mars et avril. En été, on observe la dy- senterie, l'hépatite, les diarrhées, les fièvres pernicieu- ses et le choléra. A Batavia, et à Bornéo, les fièvres pernicieuses sont communes; à Sourabaya et à Samarang on note les fièvres intermittentes quotidiennes; la dysenterie déci- me la population. Dans Elle d'Amboine, le bouton de Moluques ou frambœsia est fréquent. Dans l'Océanie centrale, spécialement dans les îles Tahiti, se présen- tent très souvent des fièvres semblables à celles que dans les îles Sandwich on nomme bouchu. Dans son étiologie entrent principalement les influences du climat et des saisons. La fièvre tiphoïde règne d'une façon endémique à Tahiti; elle atteint les étrangers, de préférence. La bronchite, la pneumonie, l'asthme, la scrofule, les deux éléphantiasis, l'ectime sont communes; la phtisie est un véritable fléau. Les rhumes et les diarrhées prédominent à la Mar- tinique. Dans les Antilles, les fièvres pernicieuses sont endé- miques, les affections du foie et la dysenterie très communes, de même que les ulcères phagédéniques, le béri-béri et la fièvre jaune. L'insolation est commune entre les tropiques. On l'ob- serve surtout dans la mer Rouge, sur les bords de la mer Morte, dans la mer des Indes, dans les Indes, en 88 Cochinchine, en Chine, au Sénégal, dans la Guyane. Rare quand la température ne dépasse pas 30° à l'om- bre, elle devient fréquente quand celle-ci s'élève au delà de 35° et surtout quand elle atteint 45° et 50°; on peut alors voir éclater de véritables et désastreuses épidémies d'insolation. (J) L'étude plus approfondie de l'action des climats nous apprend qu'en même temps que la zone torride est le foyer principal de la fièvre jaune, elle l'est aussi de l'anémie tropicale, essentielle, primitive et que celle-ci augmente en fréquence à mesure que l'on se rapproche de l'é- quateur. La maladie du sommeil ou hypnosie, maladie des nègres africains, caractérisée par une tendance marquée au sommeil et une perte graduelle des forces, se ren- contre sur la côte d'Afrique, au Sénégal, sur le littoral de la Côte d'Or, du golfe de Bénin, du golfe de Biafra, au Gabon, au Congo, à Saint Paul de Loanda. Des nègres de ces diverses contrées sont morts de la ma- ladie aux Antilles françaises, après quelques années de séjour. (2) Parmi les affections insuffisamment déterminées jus- qu'à ce jour, bien que d'origine présumée infectieuse, nous mentionnerons le ponos, maladie d'Hydra, spé- ciale aux îles d'Hydra et de Spetzia (archipel grec) et qui, d'après H. De Brun, est une maladie propre aux enfants âgés de 10 mois à 6 ou 7 ans. Les conditions de vie et d'hygiène n'ont aucune influence sur sa pro- duction, dit-il, mais les parents ont eu parfois la ma- laria dans leur enfance et sont fréquemment tuberculeux. Les conditions météorologiques et géologiques paraissent n'avoir aucune influence. Nous citerons aussi la fièvre fluviale du Japon, dont la manifestation clinique caractéristique est la « pro- duction inévitable d'un point de sphacèle cutané ayant les dimensions d'une pièce d'un franc au niveau du (x) H. De Brun : Maladies des pays chauds (?) H. De Brun : Ouvrage cité. 89 pli de Faine ou du creux axillaire, survenant au milieu de douleurs assez vives vers la fin du premier septé- naire: c'est, d'autre part, l'apparition ultérieure d'un exanthème rubéolique pouvant se généraliser à toute la surface du corps ou rester localisé au visage, et dont la durée est de 3 à 10 jours. » Le scorbut se déclare dans toutes les latitudes, sous l'influence de la mauvaise alimentation, de l'usage exa- géré de la viande salée et du manque de végétaux frais. C'est pour cette raison qu'il se présente à la suite de longs voyages ainsi que dans les villes assiégées et dans les endroits où existe une grande agglomération d'individus et où les conditions d'hygiène sont mau- vaises. Il règne dans le Nord à l'état endémique, dit Armand, depuis les régions polaires jusqu'au 55e ou 60e degré de latitude, parmi les populations pauvres de la mer du Nord et de la Baltique. En Irlande, en Suède et en Norwège; en Russie, dans les provinces de l'Ouest et du Nord et plus spécialement dans celle d'Olonetz. Il se place au premier rang des causes de décès à côté de la dysenterie et des maladies de poitrine. Cette maladie a visité la plus grande partie de l'Eu- rope où elle a été épidémique à diverses époques. L'A- frique l'a peu connue et l'Asie encore moins. Aux Indes orientales elle a très souvent sévi. En Chine, elle est endémique et à Pékin elle atteint surtout les mendiants. Le scorbut est très rare dans les Etats-Unis du Nord, au Mexique et dans l'Amérique Australe. On ne l'a jamais vu aux Antilles, mais à Cayenne il s'est dé- claré dans quelques établissements insalubres. Le Brésil lui paie un tribut ainsi que la ville de Lima, il y a quelques années. Dans la République Argentine, il est presque absolument inconnu, de même qu'au Chili et en Bolivie; tout au moins on n'a pu constater sa présence, chez nous, où très peu de cas ont existé, et seulement par exception. Aux îles Bermudes la fièvre typhoïde est endémique et généralement accompagnée de sérieuses complications thoraciques. Le dengue est épidémique et parfois l'on a 90 eu à signaler l'apparition de la diarrhée, la dysenterie et le choléra sporadique. La tuberculose est très rare. A Bahama la malaria cause une mortalité de 2.05 pour 1000. La tuberculose occasionne 11.04 morts pour 1000; elle est très-fréquente chez les soldats nègres. La dotineuthérie, la dysenterie et la diarrhée sont rares et bénignes. Le paludisme domine à Cuba et surtout dans la pro- vince de Matanzas. La fièvre jaune est endémique sur les côtes, de même que la dysenterie. Mais cette der- nière affection n'y est pas maligne comme dans les provinces de l'Est. La petite vérole et la variole sont généralement épidémiques et font un grand nombre de victimes. L'hépatite et la lèpre sont fréquentes. A la Jamaïque, la malaria sévit parmi les soldats. La fièvre entérique et la diphtérie ne sont pas rares, et la dysenterie est très-répandue. A Puerto Rico l'on trouve les fièvres paludéennes; mais elles sont en général bénignes. La fièvre typhoïde et la fièvre jaune, la coqueluche et la rougeole sont fréquentes. Depuis 1876 la variole y est endémique. En quelques endroits de la Guadeloupe et de la Mar- tinique la malaria sévit cruellement. Dans la première de ces îles le typhus est endémique. Dans l'une et l'au- tre la fièvre jaune est apparue. La dysenterie est fré- quente dans les endroits marécageux. La phtisie est mortelle chez les nègres et la lèpre est fréquente parmi eux. A la Guyane Anglaise, la malaria, la diarrhée, la lèpre,, la pneumonie sont communes. La cirrhose attaque les Indiens; le rhumatisme et l'anémie sont fréquents. La dysenterie, le choléra, la variole et la consomption ont fait beaucoup de victimes parmi les indigènes. Dans la Guyane Hollandaise on trouve les maladies suivantes : l'impaludisme, la chloro-anémie, appelée dans le pays hati wiri, la phtisie, la dysenterie, la diarrhée, l'éléphantiasis; les affections hépatiques sont des plus communes. A la Guyane française la malaria domine. La fièvre 91 typhoïde est assez générale. La fièvre jaune, la diphtérie se déclarent parfois. La dysenterie existe aussi, et dans les plaines la phtisie sévit. Parmi les nègres régnent les pneumonies et les bronchites, et la lèpre est endé- mique parmi eux. On rencontre aussi Fankilostoma, le rhumatisme et la chloro-anémie. Aux îles Falkland l'impaludisme n'existe pas. En re- vanche la fièvre entérique est constante. La coqueluche et le rhumatisme sont fréquents aussi. Le nombre des dyspeptiques est considérable, par suite de l'abus du thé et du café. Depuis quelques années la diphtérie règne dans l'île de la Trinité, la dysenterie est endémique; la phtisie très fréquente et mortelle; le vent du Nord y cause nom- bre de bronchites et de laryngites; la lèpre n'existe pas. Aux Etats-Unis du Nord, la malaria est très-intense, la variole y a détruit la plus grande partie des Indiens. Les maladies qui y font le plus de victimes sont la phtisie, la fièvre typhoïde, la diphtérie, Férysipèle, la pneumonie, le trismus nascentium, etc. Dans les pays de l'Amérique centrale, la pathologie est représentée de la manière suivante, par Davidson : Au Honduras, les varioles sont fréquentes ainsi que la fièvre jaune; la scarlatine est rare, mais sa forme est maligne; la dysenterie attaque avec une certaine inten- sité; la phtisie, peu fréquente dans la population stable, est très commune parmi les troupes nègres, et ses effets sont fatals. Au Guatemala, le typhus et le croup se montrent à peine. La diphtérie y est inconnue. U y eut une épi- démie de variole, en 1890, qui produisit 20,000 victimes dans les villes de ce pays. En se rapprochant des côtes du Pacifique, on constate la prédominance des maladies endémiques. Les alentours des rivières sont des foyers de malaria. Le port d'Istapa est cité pour le développe- ment de cette maladie endémique. Le goitre est aussi répandu sur cette vaste étendue des zones tempérées. La fièvre rhumatismale est fréquente. A San Salvador, la phtisie est rare parce que la ré- gion est élevée; l'hépatite est commune dans la plaine 92 et dans la Sierra ; la dysenterie règne d'une façon per- manente dans les deux parages. Les cas de diarrhées abondent. L'impaludisme est souverain au Nicaragua et la ca- chexie, qui en est la conséquence, se fait sentir extrê- mement. La fièvre jaune ne s'est jamais montrée. En 1851, il y eut une épidémie de typhus. Le choléra a fait trois apparitions. La pneumonie est relativement rare, mais la phtisie s'observe très souvent sur les côtes. La syphilis est très répandue, excepté parmi les Indiens qui ne l'ont pas encore contractée. Le goitre se ren- contre dans les districts montagneux. (*) Suivant une relation publiée dans la Revista Médico Quirûrgica Americana (New-York), la dysenterie existe au Nicaragua sous les formes paludéenne, endémique et épidémique. La première, dans les mois de décembre, de janvier et de février; la seconde, en mars, avril et mai, et la troisième pendant le reste de l'année. A Costa Rica, comme dans les autres nations de l'Amérique du Centre, les cas de malaria sont nombreux sur les bords des rivières, ainsi que la dysenterie, sur les mêmes bords et dans les vallées. La fièvre typhoïde est plus marquée dans l'intérieur que sur le littoral. La variole a fait des ravages chez les Indiens, à diverses époques; actuellement, la population blanche est victime de cette maladie. La pneumonie et la phtisie sont rares, ainsi que les bronchites. La lèpre se présente dans quelques vallées, mais sans grande intensité. Le goitre est endémique dans certains parages. La pathologie comparée des divers autres pays de l'Amérique nous démontre ce qui suit : Au Mexique, le typhus et la fièvre typhoïde prennent des proportions affligeantes ; ces maladies arrivent à constituer le 11 % de la mortalité totale, comme cela s'est produit en 1893; les pneumonies, les entérites, les bronchites et la tuberculose, particulièrement les deux premières, sont d'une fréquence alarmante. P) Davidson : Geographical Pathology, 1892. 93 La ville de Panama est assise sur un terrain fan- geux, humide, donnant lieu à une infinité de cas de fièvres paludéennes; la dysenterie et la diarrhée abon- dent. La fièvre jaune, sans être endémique, sévit parfois avec une certaine intensité; le choléra s'est déclaré plusieurs fois, mais dura peu de temps. La tuberculose est commune, surtout parmi les européens. La Havane et le Brésil sont, en Amérique, les foyers de la fièvre jaune. Le béri-béri et la malaria sont en- démiques dans ce dernier pays, de même que les né- phrites, les maladies mitrales aortiques y sont extrê- mement fréquentes. Il a été noté que cette fréquence se propage en progression ascendante dans les villes comme Bahia où la cause de l'arterio-sclérose rénale est attri- buée à l'alimentation urbaine et l'alterio-sclérose car- diaque à la fatigue imposée au cœur par l'ascension constante des cerros. Au Venezuela, le goitre est endémique dans le bassin de Meta et Apure. On ne le connaît pas dans celui de l'Orénoque. La fièvre jaune a paru plusieurs fois à la Guayra et une fois à Puerto Cabello et Angostura. Le choléra s'est déclaré en 1855. La malaria se ren- contre principalement dans les vallées basses. En Colombie, l'impaludisme est fréquent, surtout sur la côte de Caribe, ainsi que la dysenterie et le goitre. La fièvre jaune est épidémique sur les bords de l'Atlan- tique. La lèpre est endémique. Un journal médical de New-York a affirmé qu'il existe 30,000 lépreux en Co- lombie; mais le docteur Joseph Lévy (E. U.) croit que ce chiffre est exagéré, car, d'après son opinion, on doit attribuer à la syphilis un grand nombre de cas consi- dérés comme lèpre. Il cite, en outre, des erreurs de diagnostics qui démontrent la vérité de son affirmation. Dans certaines localités de ce pays, Popayan par exemple, les maladies de l'appareil digestif, causées par la mauvaise qualité des eaux, abondent extraordinaire- ment. La dysenterie, la fièvre typhoïde, les entérites et les gastro-entérites, les hépatites presque toujours sup- putées, selon le Dr. Villamil, et le ténia (le botriocéphale généralement) réclament presque tous les jours les soins 94 du médecin. Le carafe, dermatose de marche lente et envahissante, qui ne se guérit pas spontanément, et qui, endémique sous les climats tempérés et chauds de l'Amérique, est caractérisé par une coloration anormale et accentuée de la peau, par une desquamation presque constante, avec variation de nuance selon l'époque de la maladie: gris, bleu, rouge, blanc, (') est une affection très commune dans ce pays, d'après le Dr. Josué Gomez, par l'usage des eaux salées des puits. La commission spécial d'hygiène de Popayan ajoute que dans un mous- tique noir, dont la tête est rouge et qui abonde dans certaines régions de Colombie, se trouve un des princi- paux facteurs producteurs de cette maladie, et la nature parasitaire de celle-ci est généralement admise. En parlant de la pathologie de cette nation, nous reviendrons sur le carate, mais, dès maintenant, nous avertirons la commission colombienne qu'elle tend à répandre une erreur quand elle dit dans son rapport que cette maladie est « endémique dans les pays tem- pérés et chauds de l'Amérique ». Elle le sera sans doute, sous quelques climats qui, chauds et tempérés, réunissant certaines conditions par- ticulières, favorisent le développement de cette der- mathose; mais le fait d'affirmer et de généraliser sa sphère d'action ou son domaine est par trop absolu; nous avons en effet comme climat tempéré celui de la République Argentine, de l'Uruguay et du Chili, et franchement dans ces pays, non seulement le carate n'est pas endémique, mais aucune maladie ayant quel- que rapport avec lui n'y règne sous forme de der- mathose. Les fièvres pernicieuses prédominent dans l'Equateur, les formes délirante et comateuse étant fréquentes. La fièvre jaune a fait deux grandes invasions, en 1740 et en 1842. On dit qu'en 1852, il y en eut une troisième, mais on a consigné des affirmations contraires et on assure qu'il ne fut question, alors, que d'une fièvre in- (xf Rapport de la Commission d'Hygiène de Popayan. Boletin de Medicina de Cauca. Mars 1893. 95 termittente avec dysenterie à laquelle succéda une sorte de fièvre typhoïde. Celle-ci se voit fréquemment, particulièrement sous la forme ataxo-adinamique. La variole s'est montrée rarement avec un caractère épidémique. La dysenterie est la plus cruelle des affections de la saison des pluies; elle se termine souvent par la mort, d'après M. Destruges, (*) du 12e au 14e jour. Il n'est pas rare d'observer dans le cours de cette affec- tion des ulcérations de l'anus et la perte de la con- tractilité du sphincter. Ces ulcérations prennent rapidement l'aspect gangréneux, symptôme regardé comme le signe d'une mort inévitable. L'ipéca, administré à la brési- lienne, est le médicament qu'on emploie avec le plus de confiance. L'anasarque est une complication funeste. La dysenterie chronique enlève aussi beaucoup de malades. (2) L'hépatite est très commune. La scrofulose et la phtisie pulmonaire s'observent fréquemment. Le Pérou nous présente la verrue (maladie de Carion) et la «pustule du chimü». Au Chili, nous voyons la dysenterie et l'abcès hépa- tique conjointement avec la tuberculose et la pneumonie, constituer des entités fréquentes dans les tableaux de sa pathologie. Le chavalongo est une maladie très semblable à la fièvre typhoïde et peut-être bien est-ce la même affec- tion. Elle est, probablement, ce qu'en Bolivie etàJujuy on appelle tabardillo. Les lepidias avec crampes, sont des cholérines qui, en temps d'épidémie, sont très alar- mantes. En Bolivie le goitre est très fréquent, et à ce sujet nous nous en référons au chapitre qui traite de ce pays. (l) Cité par Armand, dans la Climatologie générale du globe. (a) Armand : Ouvrage cité. 96 Au Paraguay, le rhumatisme, les maladies cardio vasculaires, le goitre, la lèpre, l'éléphantiasis et les fiè- vres intermittentes sont communes. A Montevideo la tuberculose n'est pas rare. Dans la République Argentine, nous avons la fièvre typhoïde répandue sur une grande partie de son terri- toire, spécialement dans la capitale et dans la province de Buenos Aires; les maladies de l'appareil respiratoire sont fréquentes dans tout le pays. Lhmpaludisme et les tipho-malarias dans la région du Nord, Tucuman, Salta, Jujuy, Catamarca et aussi dans les Missions, le goitre dans le centre et dans les trois premières des contrées palustres, la dysenterie et le tétanos infantil à Consentes, le tétanos et les enté- rites à Santa Fé, le tétanos et la coqueluche à Cordoba, le gastro-entérite et la diphtérie au Rosario, la variole, la diphtérie et la fièvre typhoïde à Mendoza et à Con- ception de l'Uruguay, les affections gastro-intestinales à San Luis, les états typhoïdes et la constipation à San Juan (à cause de la composition des eaux), les ophtalmies, les angines, la dysenterie, les entérites et entero-colites à Santiago del Estero, la gastro-entérite à La Rioja. Le kyste hydatique est fréquent dans la province de Buenos Aires où abondent les chiens. Le pays a souffert, en outre, d'épidémies de choléra, de fièvre jaune, de varioles qui méritent d'être signa- lées pour leur intensité; ajoutons, cependant, que la dernière affection, la variole, se rencontre seulement par exception et chez les gens malpropres qui ne pro- fitent pas des avantages de la'vaccine. influence en 1890 et dans les années suivantes a sévi en se signalant par sa violence et le nombre de ses victimes, particulièrement parmi les tuberculeux ou parmi les cardiaques dont la fin fut précipitée. Elle a rendu rapidement tuberculeuses les personnes déjà prédisposées. La diphtérie, la scarlatine, la rougeole pénètrent dans divers points du territoire argentin, causant, principale- 97 ment la première, de véritables ravages. Dans les cha- pitres suivants, nous reviendrons sur ce sujet. Lfimpaludisme dans les provinces du Nord et le goitre dans quelques-unes d'elles et dans des parties déterminées du centre, peuvent être considérées comme endémiques; en effet, si la fièvre typhoïde et la diphtérie apparaissent avec une certaine fréquence en plusieurs endroits, elles ne revêtent point, pour cela, un aspect insolite; en général les mesures prises pour les com- battre sont efficaces. Les varioles ont été désastreuses autrefois, mais au- jourd'hui, avec les progrès de la vaccination, elles ont passé heureusement à l'état de souvenir. Ceux qui les contractent maintenant sont des individus vivant dans de mauvaises conditions d'hygiène et de logement; les cas en sont devenus très rares. La fièvre jaune et le choléra ont été épidémiques à Buenos Aires, il y a quelques années. La première en 1858, occasionna 198 morts, et en 1871 elle a causé 17.084 décès. Elle attaqua aussi la province de Corrien- tes, cettp même année, mais nous ignorons le nombre de victimes qu'elle fit. Les ravages du choléra ont été considérables en 1868-69. 11 reparut en 1886-87 dans diverses localités: Buenos Aires, Mendoza, Salta, Tucuman, Catamarca et Jujuy. Celle qui souffrit davantage fut Mendoza à cause de la mauvaise qualité de l'eau dont est obligée de faire usage la classe pauvre. CLIMATQLOGIE MÉDICALE. CHAPITRE VI L'ALIMENTATION DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - L'alimentation dans la République Argentine, autrefois et aujourd'hui. Les villes et les campagnes. - Le mate, la maxamorra, le charqui, le manioc, le locro, le coca, la chicha, la aloja, le guarapo. - La pêche. - Les habi- tants des sierras.-Le lait.- La viande de bœuf est la base de l'ali- mentation. - Les alcools. - La bromatologie à Buenos Aires. - Les végétaux. - Régime alimentaire au collège Saint-Joseph. - Rations dans les hôpitaux de Buenos Aires. - Ration du soldat et du matelot dans la République Argentine et au Chili.- Dujardin-Beaumetz et Gauthier.- Etudes de Bouchard. - Pertes de l'organisme. - Substances féculentes et matière azotée. - Ralentissement de la nutrition. - Régime animal selon Bouchard. - Le régime végétal et Bouchut. - Nécessité d'adapter le régime alimentaire à l'âge, le sexe, l'époque de la vie, la profession, le climat. - Opinion de G. Sée et Arnould. - La digestion et la température. - Le froid et la nécessité de se nourrir. - Les climats et les aliments. - Nutri- tion retardante. L'alimentation proprement nationale a été, jusqu'à ce jour, parmi nous, très simple et peu variée. Sa base était la viande de bœuf que son prix très modique mettait à la portée de toutes les bourses, le poisson, quelques céréales, des légumes, des fruits et des œufs. Le pot au feu, le rôti, un ragoût ou une friture ont constitué en général le menu habituel. C'est avec ce régime que se sont déve- loppées de nombreuses générations de travailleurs. Toutefois, l'incorporation constante des Européens à notre activité, le progrès continu de nos mœurs, l'im- plantation d'habitudes plus avancées ont modifié l'art culinaire et transformé son caractère primitif un peu lourd en celui qui existe actuellement qui, tout en flat- tant le goût du palais, ne répond pas absolument aux prescriptions d'une hygiène alimentaire parfaite. 99 Au point de vue de l'alimentation, la population ar- gentine se divise en trois catégories: 1° Buenos Aires et les principales villes; 2° les centres de moindre im- portance: 3° les campagnes. A Buenos Aires, domine la cuisine française, quoique dans la pratique elle se combine avec quelques plats nationaux. Dans les villes de second ordre, on retrouve assez généralement la nourriture primitive; quant à la cam- pagne, les aliments qui prédominent sont le mate, (l) la mazamorra, (2) le charqui (3) et la viande de mouton ou de chèvre. Les habitants des sierras de Côrdoba et de San Luis mangent beaucoup cette dernière viande; ceux de Santiago del Estero consomment en grande quantité le fruit du caroubier, l'algarrobo. Le manioc dans la province de Corrientes est l'aliment le plus répandu et celui qui répond le mieux aux goûts du plus grand nombre. On le fait cuire comme les pom- mes de terre, et on obtient également de lui une farine très fine qu'on emploie dans la préparation des pâtes alimentaires. Le popi, est le manioc sec, très en faveur parmi les campagnards. La farine de blé, le riz, les haricots, les pois chiches, sont aussi des aliments très recherchés. Dans certaines localités de l'intérieur on mange beau- coup de gibier; malheureusement, il n'est pas très abon- dant . A Catamarca, on consomme beaucoup le loero de maïs (4) et dans les localités de l'Ouest de cette pro- vince, le coca, importé de Bolivie, est d'un usage très (x) Mate: infusion de l'herbe mate. (2) Maxamorra : bouillie très savoureuse faite avec du maïs écrasé, du lait et du sucre. (3) Charqui'. viande sèche et salée. (-) Loero: ragoût de maïs écrasé, ou de blé, auquel on ajoute quelquefois des morceaux de viande. 100 général. Tomar un acullico, signifie, parmi les habi- tants de cette région, se mettre dans la bouche quel- ques grammes de côca, en exprimer le suc et l'ava- ler jusqu'à ce qu'il n'en contienne plus. Cette coutume, qu'on observe surtout après les repas, est basée sur les propriétés digestives de cette substance. La aloja, préparation faite avec du caroubier, du molle., ou du coing, en faisant fermenter ces substances pendant plusieurs jours dans une certaine quantité d'eau, est la boisson que préfèrent les habitants, qui d'ailleurs consomment également différentes classes de liqueurs. D'après le Dr. F. Espèche, les indigestions, les apo- plexies sont assez fréquentes, sans doute par suite du manque de précautions hygiéniques qui sont chaque jour plus nécessaires et qui commencent à être obser- vées grâce aux progrès des populations et à la pré- voyance des individus. A Jujuy, la classe pauvre se nourrit principalement avec du maïs cuit, grillé ou moulu. Elle mange du fruit en abondance et à certaines époques de l'année, c'est son aliment à peu près exclusif. Le mate, la chicha, (') la aloja, le guarapo et les boissons spiritueuses sont également en usage. Sur le littoral, la pêche joue un grand rôle dans l'alimentation générale. Le lait abonde de toutes parts. L'importation d'une immense quantité de vaches anglaises et hollandaises a donné naissance à plusieurs industries. L'élaboration du beurre et du fromage a fait de remarquables progrès, et les produits obtenus sont partout d'excellente qualité. Le mate est l'aliment indispensable à la campagne; il constitue le déjeuner obligatoire du paysan qui ne sort jamais sans l'avoir pris. Dans les villes, il n'est presque plus admis; toutefois dans quelques régions de (x) Chicha. Boisson fermentée qu'on consomme beaucoup dans cette province. Le Dr. Ismael Carrillo dit qu'on la prépare avec du maïs ayant germé, qu'on fait fermenter avec la levure, mais que plus généralement on emploie la mastication par la ptyaline de la salive qui se mélange et détermine la fermentation. 101 l'intérieur son usage est tellement exagéré qu'on lui attribue de nombreuses dispepsies. Le genièvre, l'eau-de-vie, la caria, l'absinthe et le co- gnac sont les boissons préférées du gaucho. En général, l'on peut dire que dans nos villes, et particulièrement dans les principales, à Buenos Aires, à La Plata, au Rosario, à Côrdoba, la viande est la base de l'alimentation; les végétaux ne se consomment qu'en proportion relativement minime. Nous voudrions présenter un tableau complet de l'ali- mentation argentine qui permettrait de se rendre un compte exact du manque de proportion entre le ré- gime carné et le régime végétal. Les renseignements précis font malheureusement défaut; pourtant ceux que nous offrons plus bas, relatifs à la bromatologie à Buenos Aires, suffiront peut-être à donner une idée de cette différence. Pendant l'année 1893, la population de la capitale évaluée à 580.000 habitants, a consommé les articles sui- vants: (unités) bœufs, génisses et veaux, 476.143; mou- tons et agneaux, 677.519; porcs, 14.009; cochons de lait, 2.682; poules, 791.114; poulets, 615.966; dindes, 78.734; canards, 85.687; perdrix, 1.052.286; pigeons, 241.056; lapins, 70.471 ; tatous, 12.565; oies, 43.888; œufs, 4.074.131 douzaines; légumes 47.328.753 kilos ; fromage, 362.041 k.; fruits,22.629.212 k.; poisson, 1.774.842 k.; escargots, 180.006 k.; beurre, 316.905 k.; gras-double et tripes, 879.387 k.; pain, 34.834.357 k.; (') articles divers, 2.559.702 k. D'après ce résumé, chaque habitant de Buenos Aires consommerait 28 grammes de légumes par jour. En tenant compte des enfants, des malades et de ceux qui s'abstiennent de végétaux, on peut élever ce chiffre jusqu'à 50 grammes. La proportion n'en demeure pas moins très-petite, si on la compare avec la quantité qui est généralement reconnue comme nécessaire à une ali- mentation bien entendue. Nous avons cherché à avoir des renseignements au (x) Cette quantité de pain provenait de 267 boulangeries. Le prix moyen du kilog. de pain était de 0.18 centavos. 102 sujet de l'alimentation des élèves pensionnaires dans les principaux collèges de la ville. Voici ceux que nous avons pu nous procurer: Collège Saint Joseph : à huit heures du matin, café au lait ou chocolat, avec un pain de 90 à 120 grammes; à midi, soupe, deux plats de viande, dessert, pain à dis- crétion, vin et eau. A quatre heures, goûter, un pain de 90 à 120 grammes. A sept heures, dîner, un plat de viande, généralement accompagné de légumes, dessert, pain à discrétion, vin, eau et thé. Le P. Magendie, directeur de cet établissement et qui nous a fourni ces renseignements, nous a assuré que, grâce à ce régime, les élèves du collège se conser- vent en bonne santé et se fortifient. « Quant au régime végétal, nous ne l'avons pas essayé. Pendant le carême, il n'y a qu'un jour maigre par se- maine, tous les autres jours, la viande est permise au repas principal. Ainsi je ne puis vous dire quelle influence le régime végétal exerce sur l'organisme humain. » (') Dans les hôpitaux de l'Assistance publique de Bue- nos Aires, on s'occupe actuellement d'établir un régime uniforme d'alimentation pour les malades. Chacun d'eux recevrait une ration composée comme suit : Poids Azote Carbone Viande sans os gram. 350 10.50 38.50 Lait 500 3.00 40.00 Pain 320 3.26 96.00 Œufs 100 1.90 13.50 Riz 50 0.54 20.50 Pommes de terre 150 0.50 16.50 Poisson 100 2.08 16.00 Légumes frais 30 0.08 2.00 Vin français 250 0.37 10.00 Café 60 0.65 6.00 Graisse et huile 50 0.32 41.00 Fruits frais ou secs 30 0.20 9.00 Fromage 30 1.00 12.00 Totaux 24.40 321.00 (x) Lettre du P. J. Magendie à l'auteur. 103 C'est là le régime alimentaire indépendant des pres- criptions spéciales du traitement que doit suivre le malade ; les équivalents nutritifs se conserveront plus ou moins selon, les cas particuliers. Dans l'armée argentine la ration du soldat n'est pas uniforme; elle varie suivant que les bataillons se trou- vent à la frontière ou dans les villes. Même dans ce dernier cas elle est sujette à des modifications. Dans quelques régiments de Buenos Aires la ration est ainsi composée: Viande fraîche avec os, 1.378 gram- mes; biscuit, 250; riz, 56; sel, 20; herbe du Paraguay, 77; sucre argentin, 100; café moulu, 36. (') Vin? les jeudis et les dimanches, légumes et maza- morra avec du lait. Dans la division de Santa Catalina, près de la capi- tale, la ration journalière est la suivante: Viande avec os, 1300 grammes; riz, 40; pain, 300; vermicelle, maïs, blé, haricots, 100 de chaque; farina, 32. (2) Les jeudis et les dimanches, le soldat reçoit en plus une ration de mazamorra au lait. La quantité de viande est certes suffisante, mais celle de pain est loin de l'être; il manque aussi un peu de graisse et d'alcool. Quant aux aliments végétaux, il convient de faire remarquer qu'on pourrait les aug- menter, ce qui serait un avantage positif pour les intéressés. La base de l'une et de l'autre ration est la viande, qui, dans toutes les deux, se retrouve presque dans la même proportion. L'alimentation du soldat ne doit pas être d'une uni- formité absolue et doit varier selon l'arme et le climat. D'un autre côté les principes hygiéniques auxquels elle (x) Le sucre et le café ne se donnent que pendant les mois froids, d'Avril à Septembre. De plus chaque soldat reçoit journellement et pendant toute l'année 32 grammes de tabac et 15 gr. de savon. (a) L'analyse que le Dr. Arata a faite de la farina, a donné les résultats suivants, quant à sa composition: Amidon 29.166; subs- tance amylacée et fibreuse, 48.928; résine élastique, 0.428; albumine soluble, 1.266; sucre, 0.383; dextrine, 12.100; eau, 6.285; sels inorga- niques, 1.444; azote, pour cent, 0.322. 104 obéit seront les mêmes quand il s'agit de l'armée, sui- vant les lieux où elle peut se trouver. Mais pour cela il faut tenir compte des conditions climatologiques. En même temps il est naturel que la nourriture varie selon qu'il s'agit d'un régiment en garnison dans une ville où l'on peut obtenir tous les comestibles frais, ou qu'il s'agit d'un régiment envoyé loin des centres où les fa- cilités d'approvisionnement sont moindres. Il est nécessaire de faire une étude consciencieuse de l'hygiène alimentaire dans l'armée et de rechercher si la ration actuelle satisfait l'appétit, si la préparation des aliments offre des difficultés et si son degré de diges- tibilité est ou non en rapport avec les facultés d'assi- milation de chaque soldat. La ration du marin de la flotte argentine, dans les ports, se compose de : Poids et quantité Azote Carbone Graisse Viande fraîche et os gram. 918 16.50 60.50 36.72 Riz et haricots 56 1.73 23.00 0.99 Biscuit 350 5.60 140.00 7.00 Graisse de bœuf 14 10.94 14.00 Légumes frais 50 0.16 2.70 Café 28 0.35 2.50 Sucre 56 22.40 Vin millilitres. 296 0.46 12.38 - Alcool 37 0.16 1.20 Totaux 24.96 275.62 58.71 Ce tableau nous montre tout d'abord combien la composition de la ration est défectueuse, quant aux principaux éléments indispensables pour le marin, étant donnée la nature de son travail. La graisse varie en une grande proportion selon que l'on considère la viande maigre ou demi-dégraissée, et la somme totale du carbone de l'ensemble complexe des aliments est environ celle que l'on exige pour la ration nécessaire somme totale nécessaire 105 à l'alimentation, mais inférieure à celle qui doit corres- pondre à un travail actif. (') La ration en mer est la suivante : Poids Azote Carbone Graisse Valeur nutritive des substances de la ration dans les ports, assimi- lée à la ration en mer 7.86 215.12 21.99 Viande salée grain. 459 8.75 30.25 5.50 Morue 56 2.81 8.96 0.21 Saindoux 14 - 13.72 13.44 Porc salé 28 0.38 19.92 19.88 Pommes de terre ' 56 0.18 6.16 0.06 Farina 28 0.09 5.25 - Totaux 20.07 299.38 61.08 Pareille composition peut fournir les éléments nutri- tifs nécessaires; mais en aucune façon elle ne répond aux véritables exigences de la vie en nier, par suite de la mauvaise combinaison des matières qui la consti- tuent et parce que l'on a oublié d'y inclure des élé- ments de grande utilité pour arrêter les effets perni- cieux d'une alimentation où la viande salée prédomine. (2) Le Dr. Araoz croit cependant que cette ration serait acceptable à cause de la quantité totale de substances alimentaires qu'elle contient, si la viande conservée était la même que celle donnée dans les armées et les flottes européennes, et dont la valeur nutritive est plus grande que celle de nos salaisons. Malgré cela, le peu de variété dans la ration la rendra toujours mauvaise, insuffisante et pernicieuse, circonstance qui est encore aggravée par le peu de valeur nutritive de la viande mal préparée que reçoit le marin quand il se trouve loin des ports. Si l'on examine cette opinion au point de vue des nécessités de l'homme de mer, en se gui- (1) Dr. Benjamin F. Araoz : La ration del marinero en la escuadra argeniina. Thèse, Buenos Aires, 1890. (2) Thèse citée. 106 dant par les leçons de l'expérience, on ne tarde pas à se persuader que la ration est non-seulement insuffi- sante, mais aussi très mauvaise. En conséquence, il propose la ration suivante, pour le marin dans les ports : Viande fraîche, 750 grammes; pain, 500; riz, 60; pommes de terre, 200 ; graisse, 14 ; légumes, 120 ; sucre, 56; café, 28; vin, 296 millilitres; alcool, 37; vinaigre, 25; poivre, 3 grammes; sel, 14; tabac, 10. Ce serait là les éléments constants; les éléments variables seront: 100 grammes de maïs, les lundis, mercredis et samedis; 60 grammes de haricots et 14 d'huile d'olive, les mardis, jeudis et dimanches. L'équivalent nutritif, pendant les quatre premiers jours cités, est de : azote, 23.54; car- bone, 334.42; graisse, 55.61. Pendant les trois autres jours, il serait de : azote, 24.29; carbone, 329.41; graisse, 61.84. Quant à la ration en mer, le même auteur a proposé la suivante : ELEMENTS DE LA RATION Lundi Mercredi et Vendredi Mardi et Samedi Jeudi et Dimanche Viande salée . gram. 300 300 300 Viande conservée.. 200 200 200 Biscuit 350 350 350 Farina 250 250 250 Pommes de terre... 200 200 200 Légumes secs 50 50 50 Porc salé 28 28 28 Sucre 56 56 56 Café 28 28 28 Maïs 100 - - Haricots Riz 60 60 Morue - 56 Graisse - 14 - Saindoux - - 14 Equivalent nutritif calculé en azote... 24.93 24.93 25.48 - - - carbone 416.89 387.81 373.45 - - - graisse. 48.56 54.31 52.43 107 De plus, la ration se composera de : sel, 14 grammes; vin, 50 centilitres ; eau-de-vie de 19 degrés ou alcool de 18, 37 millilitres; vinaigre, 25 millilitres; poivre, 3 grammes; tabac, 10; jus de citron, 30 grammes. Cette dernière substance sera administrée d'après ordonnance du médecin, selon les cas. (') Le soldat, dans l'armée du Chili, a la ration sui- vante, selon le règlement de 1884 : Viande, 460 grammes; riz et blé, 120; farine, 340; haricots, 250; graisse, 40; sucre, 45; pommes de terre, 100; café, 15; sel, 25; poivre, 5; oignons, 50. Pour les malades, on augmente de 230 grammes la quantité de viande. Dans la flotte, chaque marin en campagne, d'après le règlement d'approvisionnement, a droit à : biscuit, 300 grammes; viande sèche, 115; viande salée, bœuf ou porc, 230; haricots verts, 150; farina, 260; riz, 60; graisse, 30; sel, 15; sucre, 75; cacao, 28; poivre, 3; café 14; légumes secs, 50; alcool, 5 centilitres; vinaigre, 2 centilitres. La ration d'aliments frais, admise à bord des navires de station, à Valparaiso, est, par individu : viande, 700 grammes; pain frais, 460; cacao, 28; sucre, 75; légu- mes, 110; oignons, 120; pommes de terre, 460; sel, 20; riz, 10; poivre, 3; café, 14. Parmi nous, on abuse de la viande dans l'alimenta- tion; autrefois même, cet abus était encore plus pronon- cé. On peut affirmer que la fréquence des manifestations arthritiques dans la République Argentine a sa cause logique dans cette habitude pernicieuse. Le fonctionnement de l'organisme occasionne des pertes qui varient avec l'âge, le sexe, la profession, l'état de repos ou de fatigue, le climat. Ces pertes sont aqueuses ou carbonées. Les premières se trouvent dans les ma- tières fécales et les urines; les secondes s'effectuent par la respiration. (9 Thèse du Dr, Benjamin F. Araoz, Buenos Aires, 1890. 108 Un adulte perd en l'espace de 24 heures, 20 grammes d'azote, 328 grammes de carbone, 30 grammes de sels et 2.500 grammes d'eau. Il lui faut nécessairement com- penser ces pertes pour conserver l'intégrité de ses fonc- tions organiques. Au dire de Dujardin-Beaumetz, le régime le plus simple, capable de réparer ces pertes, est le suivant: Azote Carbone Viande 300 gr., ce qui équivaut à gr. 10.00 + 44.00 gr Pain 600 gr., - 6.48 + 177.50 gr Beurre et graisse . 60 gr., - 0.35 + 50.08 gr Haricots 50 gr., - 2.00 4- 21.50 gr Il ajoute que ce régime ne sert qu'à entretenir les forces; si l'homme est obligé de se livrer à un travail pénible, il lui faut alors augmenter les doses. D'après A. Gauthier, le régime d'un travailleur devrait être : viande, 544 grammes; pain, 1190; graisse, 93. Ce qui représente 28 grammes 74 d'azote et 459 de carbone. La quantité de viande indiquée ne nous semble pas excessive; mais celle de pain nous paraît exagérée. Bouchard estime que l'homme adulte échange chaque jour avec le monde extérieur de 2250 à 4500 grammes de matière. Dans ces chiffres, la matière solide sèche n'est représentée que par 500 ou 600 grammes. Cette matière sèche est associée à l'eau qui a servi à la pré- paration des aliments, ce qui double à peu près son poids et élève à 900 ou 1200 grammes le chiffre des éléments solides introduits dans l'organisme. A cela il faut ajouter l'eau des boissons, qui varie de 600 à 2500 grammes, et qui est en moyenne de 1000 à 1500 grammes. Ces aliments sont mis en conflit dans l'orga- nisme avec 700 à 750 gramme d'oxygène. Le produit de cette oxydation, c'est l'urée et autres produits azotés moins oxydés, les matières minérales excrémentielles, l'acide carbonique et l'eau. Il s'élimine par la peau, 300 grammes d'eau et 500 par les poumons. Comme l'eau 109 formée dans l'organisme par la combustion des aliments n'excède guère 300 grammes, et que celle qui a servi à leur préparation ne dépasse presque jamais 600 gram- mes, on voit que l'eau introduite avec les aliments so- lides et l'eau formée dans le corps suffisent à peu près exactement aux exhalations pulmonaires et cutanées, deux pertes aqueuses que l'homme ne peut ni suppri- mer ni modérer. L'eau des urines dépendra donc presque tout entière des boissons, et puisque 500 centimètres cubes d'urine sont un minimum, l'homme qui se nourrit normalement devra ajouter à ses aliments solides au moins 400 à 500 grammes de boisson. Si l'organisme n'a pas chaque jour à sa disposition ce minimum de boisson, la nutrition se ralentit, la température s'abaisse, le sang et les tissus s'encrassent, l'acide urique aug- mente, les urates s'accumulent et se précipitent. Ce minimum de boisson devra augmenter si les aliments solides augmentent, car les produits de leur combustion exigeront une plus grande quantité de liquide dissolvant. Il devra augmenter de même si les aliments sont réduits ou supprimés, car nous avons dit qu'ils introduisaient déjà 400 à 600 grammes d'eau qu'il faudra remplacer. Ç) Ainsi l'alimentation physiologique de l'homme obéit à des principes que règlent les proportions des diffé- rentes substances qui y entrent; il n'est pas indifférent à l'intégrité normale de ses fonctions d'employer arbi- trairement des éléments quelles que soient leur nature et leur propriété digestive. Bouchard croit que pour chaque kilogramme du corps, quatre grammes de viande alimentaire comptée sans os, sans aponévroses et sans graisse, représentent la quan- tité nécessaire pour remplacer les pertes qui résultent des mutations nutritives et qu'il faut y ajouter pour la destruction de la matière azotée circulante un surplus d'aliments protéiques que fourniraient 3 grammes de viande, mais qu'il vaut mieux cependant demander ces 3 grammes au lait, aux œufs, au pain, aux légumineux; 0) Bouchard: Maladies par ralentissement de la nutrition. 110 tous ces aliments étant plus ou moins riches en ma- tière protéique, leur usage, simultané ou alterné, a l'a- vantage d'introduire, en même temps, dans l'organisme, les différents sels minéraux qui ne se trouvent pas réunis en proportion convenable dans un seul de ces aliments. Le rapport entre la matière ternaire varie de un à cinq : ce rapport maintient l'équilibre physiologique qui dis- paraît si cette proportion s'altère pendant longtemps. Beneke cite le cas d'un établissement où les pommes de terre, vu leur prix élevé, ont été remplacées par du riz: cette proportion a été diminuée de 1/7 et même 1/8, ce qui a occasionné une endémie de scrofule aiguë. Disons maintenant avec Bouchard, que si au lieu de substances féculentes, c'est la matière azotée qui pré- domine, l'albumine augmente dans le corps en même temps que les acides gras volatils, l'acide oxalique, l'acide urique avec tendance aux précipités uriques ou uraliques, soit dans les urines émises, soit dans les voies urinaires. L'on voit alors survenir non plus la scrofule, mais la pléthore, les maladies de la peau, la goutte, la gravelle. Le vice d'alimentation dû à l'excès relatif de la matière protéique est aujourd'hui plus général qu'il ne l'a jamais été. Je ne me plains pas que l'usage de la viande se soit répandu, que les villages où la viande faisait son apparition une ou deux fois par an, aient aujourd'hui leur boucherie, où l'on tue deux fois par semaine. Je trouve bon que l'ouvrier des villes, le tra- vailleur des champs ait sa part dans l'alimentation azo- tée, mais je ne veux pas que cette part soit exagérée; je ne voudrais pas que, demandant à la viande de réparer les éléments anatomiques, on lui demandât encore d'être le combustible qui devra créer la chaleur et la force. Chaque homme doit faire une consommation de viande dans la proportion de la niasse de son corps et de l'activité de ses mutations nutritives; doivent seuls en faire une consommation plus grande les penseurs et ceux qui, ayant des mutations plus actives, ont besoin 111 de forces en réserve pour pouvoir, à un moment donné, fournir un travail extraordinaire. (l) C'est ainsi que l'éminent professeur enseigne que la viande ne convient pas au travail musculaire; que ce travail musculaire doit se faire avec du pain et de la graisse; que cette richesse doit être économisée et qu'on ne crée pas aux classes nécessiteuses des besoins factices et coûteux. Il adresse en même temps un appel aux mé- decins pour qu'il disent la vérité à ce sujet et pour qu'ils démontrent l'abus que l'on fait de la viande ainsi que les préjudices qui résultent de cet état de choses non seulement pour la richesse, mais pour la santé publiques. Nous en avons assez dit pour démontrer le nécessité de soumettre à une proportion exacte les éléments qui concourent à la nutrition et pour qu'on en déduise l'in- fluence nuisible qu'exercera l'absence de cette pro- portion. Le régime animal chez l'adulte, d'après Bouchut, pres- que exclusivement adopté par quelques personnes dans l'intention de favoriser le développement du corps, a pour effet l'excitation constante des voies digestives, d'où résulte une constipation et une soif habituelles. La peau reste chaude, sèche, fébrile; le pouls est fort et plein; le sang perd une partie de son eau et s'enrichit de globules et de fibrine; l'urine rare et acide, dépose de l'urée et de l'acide urique en abondance. De telles modifications sont la préparation ou la prédisposition à la pléthore, aux phlegmasies en général, à la dispepsie et aux phlegmasies Intestinales en particulier, à la gra- velle, aux calculs. On mange trop de viande en France dans les grands villes, et cette habitude que, dans l'in- tention de tonifier l'organisme, les médecins ont tant contribué à répandre, me paraît être très préjudiciable à la santé publique. Les paysans, les nègres ne mangent presque jamais de viande et ils sont assurément plus (x) Bouchard: Maladies par ralentissement de la nutrition. 112 forts et plus robustes que les carnivores habitants de nos cités. Le régime végétal même exclusif n'a jamais, sur la santé, autant d'inconvénients que l'abus du régime ani- mal. Cependant il détermine, avec le temps, l'atonie des voies digestives, la dispepsie, la gastralgie, la pneuma- tose intestinale, l'abondance et la mollesse des matières fécales, l'entérite, les ascarides lombricoïdes, la diar- rhée enfin, et avec tout cela une tendance au refroidis- sement accompagné de faiblesse générale. Cette alimen- tation prédispose à l'anémie caractérisée parla diminution proportionnelle des quantités de la fibrine, des globules ou de l'albumine et plus tard à l'anasarque et aux hydropisies comme toute alimentation insuffisante. L'idée dominante, selon laquelle il y aurait infiniment plus d'éléments nutritifs dans les aliments animaux que dans toute autre sorte d'aliments, est une erreur, dit Bennet. La viande doit ses propriétés nourrissantes ou réparatrices des pertes de nos tissus, à l'albumine ou à l'azote qu'elle contient; mais, l'albumine est également un des principaux éléments d'autres aliments animaux, comme le lait, les œufs, le poisson, la volaille. Cet auteur, d'accord avec la table de Schlossberger et Kemp, déduit que la quantité de matière albumineuse contenue dans le poisson et dans la volaille est égale et même parfois supérieure à celle contenue dans la viande. Il ajoute que la preuve la plus exacte d'une diges- tion parfaite de la nourriture se trouve dans l'exa- men de l'urine plusieurs heures après le repas. Lorsque la nourriture est parfaitement digérée et que le chyle provenant de l'opération de la digestion est assimilé comme cela arrive dans la nutrition normale, l'urine reste claire et exempte de tout dépôt, même lorsqu'elle est refroidie. Lorsque au contraire les opérations de la digestion sont défectueuses, et le chyle imparfait, il se forme des dépôts d'urate d'ammoniaque et d'autres sels morbides, qui rendent l'urine trouble en se refroi- O E. Bouchut: Pathologie générale. 113 disant. Plusieurs causes, ordinairement peu étudiées et mal appréciées, troublent la digestion des dyspep- tiques, et sont suivies de ce résultat. L'alimentation doit être réglée suivant la période de la vie dans laquelle se trouve l'individu, suivant la profession, le sexe, le climat. Il est évident que le nouveau-né ne peut se nourrir qu'avec du lait. Si on lui fait absorber des graisses ou autres aliments solides, immédiatement surviendront des troubles digestifs, des vomissements, des diarrhées, des entero-colites. Jusqu'au moment du sevrage, le lait suffit; depuis ce moment jusqu'à l'âge de trois ans, on continue ]e régime lacté, mais en y joignant un œuf, du pain, un peu de viande et quelques légumes bien cuits; un peu de sel et de sucre est aussi nécessaire. Les farines Dutaud, Nestlé, de Faust, l'avoine et la phos- phatine Fallières conviennent, mais on ne doit les em- ployer qu'avec beaucoup de précaution, à cause des faciles altérations dont elles sont susceptibles. Après l'âge de trois ans, la dentition s'est opérée et l'on peut donner du beurre, du poisson, des légumes cuits, de la viande rôtie, des œufs, des volailles, du pain, et des soupes aux biscottes. Polin et Labit recommandent, avec raison, d'éviter les légumes de consistance dure ou élastique, riches en cellulose, l'amidon, les acides organiques, le sucre, le pain chaud ou trop frais, le pain très acide, trop riche en son, ce qui contrarie l'action de l'azote, les fruits verts, à écorce dure, les champignons, les épinards, la salade verte, les choux, les pommes de terre en trop grande quantité, les su- creries et pâtisseries, les truffes, le gibier faisandé, les conserves, la charcuterie, les épices, le café, le thé, le vin pur, la bière forte, qui nuisent, par l'excitation d'un système nerveux fragile encore et très impres- sionnable. Après six ans, et à mesure que s'approche l'âge de la puberté, la viande et le pain seront permis en abondance. Pour un enfant de trois ans, pesant 12 kilos 6, il CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 114 faut 44 grammes 8, d'albuminates (Camerer). - Pour un enfant de six à dix ans, la combinaison alimentaire sera: 69 grammes d'albuminates, 21 grammes dégraissé, 210 grammes d'hydrates de carbone (Hildestein). A l'or- phelinat de Munich la proportion quotidienne pour un enfant de six à quinze ans est de 79 grammes d'albu- minate, 35 de graisse, et 25 grammes d'hydrates de carbone. (Voït); « ce régime alimentaire est considéré le meilleur pour la croissance des enfants. » Pour la femme, des conditions spéciales imposent la nécessité d'une alimentation essentiellement réparatrice. Ces conditions sont: 1° la menstruation; 2° la grossesse; 3° l'allaitement. La menstruation se produit en général dans notre pays à l'âge de 14 ans; toutefois il y a des exceptions comme dans la province de Corrientes où la tempéra- ture est très chaude, et où la menstruation se déclare souvent dès l'âge de 12 ans. On conçoit la nécessité de combattre l'influence d'une cause d'affaiblissement ac- compagnée de tant de phénomènes comme en provoque l'hémorragie menstruelle qui, par son abondance, en- traîne l'anémie dans certains cas. Dès lors il est très à propos de faire une consommation abondante de vian- de et d'introduire ainsi dans l'économie tous les prin- cipes nutritifs, la fibrine, le fer, l'hémoglobine. La grossesse est également un état pendant lequel le régime alimentaire doit être aussi réparateur que possible. Il s'agit, dans ce cas, non seulement de sou- tenir un organisme, mais encore d'en développer un autre, qui prend à la mère tous les éléments de vie. Le sang maternel est chargé de fournir au nouvel être tout ce qui lui est nécessaire pour son développement et pour les actes physiologiques de la vie intra-utérine et, par suite, la dépense de celle-ci doit être considé- rable. On est amené à penser que l'augmentation de l'm- gesta suffit pour satisfaire à cette dépense; mais on ajoute avec raison qu'il y a une limite rationnelle que les organes digestifs et surtout les voies d'absorption ne sauraient franchir sans préjudice pour la mère; on 115 ne saurait faire avec trop de soin, parmi les aliments usuels de la mère une sélection utile pour qu'ils s'adap- tent efficacement au corps de l'enfant. G. Sée a établi que toutes les matières alimentaires sont également nécessaires pour la composition des organes de l'enfant; les albuminates doivent cependant prédominer, car ils sont partie intégrante des tissus du nouveau-né, et les mutations moléculaires des tissus qui sont d'ordre albumineux sont très marquées à la naissance; les graisses, au contraire, s'assimilent diffi- cilement à l'organisme infantil; il en est de même des hydrates de carbone, de sorte qii'en résumé, s'il s'agit du fœtus dans les derniers mois de la vie maternelle en comparaison des premiers mois qui suivent la nais- sance, c'est encore aux matières chimiques albumineuses que la mère devra recourir de préférence, surtout pen- dant les derniers temps de la grossesse. Quant aux nourrices, le régime de la viande est tout indiqué pour elles. L'alimentation des vieillards est une question déli- cate. Il faut tenir compte que chez eux, l'absence de dents rend la mastication difficile, et que l'absorption intestinale est défectueuse à cause des altérations vas- culaires qui affaiblissent la circulation dans l'intestin. Dans le régime alimentaire du vieillard, les graisses ne conviennent pas parce qu'elles sont par elles-mêmes difficiles à absorber. On peut en dire autant des aliments végétaux de nature grossière, tels que les choux, les salades etc. qui séjournent dans le tube digestif par suite de l'atonie intestinale et donnent lieu à la tym- panite. L'expérience a démontré que les aliments les plus favorables pour eux sont : le lait, les œufs peu cuits, le pain blanc, les viandes tendres, les volailles, le gibier, les soupes de pâtes, le macaroni, le cacao, la fécule de pommes de terre, le riz, les carottes, les fruits mûrs, les soupes, la bière, le café, le thé. La ration quotidienne recommandée sera de 80 grammes d'albu- minates, 40 de graisse, 350 de matières hydro-carbonées. Les alcools doivent être pris avec prudence et en tenant toujours compte de l'état des vaisseaux. 116 Des éléments climatériques, le seul qui ait une action évidente sur la nutrition, c'est la température. La constitution albumineuse des tissus de l'organisme humain est sans doute indépendante de la température extérieure, dans de vastes limites, d'après Schleich; ce n'est que quand, sous l'influence thermique du dehors, la chaleur corporelle se trouve surélevée, que les albu- minates se détruisent en plus grande quantité dans le corps que par une température normale ou même à un certain degré de refroidissement. L'effet de l'air ambiant exerce, au contraire, d'après les recherches de Pflûger, de Voit, et du Comte Charles Théodore de Bavière, une notable influence sur la décomposition des graisses de l'homme ou de l'animal, comme le prouve l'exhalation plus marquée d'acide carbonique. En général, par une température environnante basse, il se détruit plus de graisse, et sensiblement moins par une température élevée. Quand la chaleur extérieure vient à se rappro- cher de la nôtre, quand nos pertes de calorique sont ralenties au point qu'il puisse s'en suivre une rétention de la chaleur animale, la dépense de graisse corporelle augmente alors à nouveau. Il semble que dans le pre- mier cas, le froid excite la contraction des muscles et nécessite ainsi une consommation plus abondante de substances calorifiques. (*) Le pouvoir régulateur de l'organisme place l'homme dans une condition de lutte et de défense. Il se pro- tège contre les milieux qui peuvent lui être nuisibles et les exigences de son économie pour réparer ses pertes seront d'autant plus impérieuses que la dépense ou la diminution de sa provision aura été plus considé- rable. Au dire de G. Sée, l'influence des climats hyper- thermiques ne se traduit pas par une diminution phy- siologique des oxydations ni de la production de chaleur. Le besoin d'albuminates est le même que dans les climats tempérés, et l'usure des substances non azotées (graisses, fécules) ne s'amoindrit pas sensiblement. Les G. Sée: Du régime alimentaire. 117 décompositions moléculaires de l'homme produisent, malgré l'excès de température environnante, un degré constant de chaleur, contre lequel l'homme parvient également à se prémunir; elle est réglée jusqu'à un certain point, tant que la nourriture se compose d'élé- ments tertiaires, qui fournissent, en l'oxydant, des coéf- ficients variés de chaleur. En appliquant maintenant les données connues aux exigences imposées par le climat pour l'alimentation, comme il est évident que dans les régions froides, l'organisme a besoin d'aliments différents de ceux qu'il consommerait dans des pays chauds, nous dirons que dans la République Argentine, le colon du territoire de Santa Cruz ne peut vivre avec les mêmes substances que l'habitant de Corrientes, de Formosa ou de San José de Metan. Si on oblige les personnes qui vivent sous des latitudes différentes à se nourrir d'une façon identique et uniforme, on les verra bien vite perdre la santé. La digestion elle-même est influencée par les diffé- rences de température. Les chaleurs la dépriment et modèrent considérablement l'appétit, et sous leur action l'économie réclame beaucoup de liquides. Dans ce cas, on évite autant que possible de provo- quer la chaleur par la consommation de la graisse que l'on remplace par les féculents et le sucre, comme on a l'habitude de le faire dans les pays chauds. Sous l'action du froid, la nécessité de manger est plus impérieuse; l'emploi des graisses et des hydrocarbones s'impose. C'est pour cela qu'Arnould prétend que les gros mangeurs supportent mieux le froid que d'autres. D'après Voit, les explorateurs des mers polaires em- bauchent de préférence pour leurs expéditions les mate- lots doués d'un robuste appétit, et se munissent de provisions en conséquence. Cependant les observations de Larrey pendant la retraite de Russie (1812-1814), celles des médecins de la guerre de Crimée (1854-1856), de Lebastard au Fleta des Douairs (1879) ont prouvé que les individus de race liguro-ibérique, et même les arabes bruns, secs et petits mangeurs, résistent mieux au froid 118 que les hommes blonds, à vaste estomac, de race ger- manique. Charles Martins insinue que les habitants des pays chauds ont emmagasiné, pendant leur séjour sous leur ciel natal, de la chaleur, dont ils dépensent le superflu lorsqu'ils sont transportés dans des latitudes moins heureuses. (l) En résumé, il faut dire que dans les pays chauds, les hydro-carbonés domineront parce qu'ils ont moins de propriétés calorigènes que les graisses; celles-ci seront employées de préférence dans les régions froides. Dans les premières, le meilleur régime (G. Sée) se com- posera de viandes maigres, de volailles, de lait écrémé, de vin, qui est pauvre en graisse, de farine, de légumes secs, de fruits bien mûrs. Pas de boissons froides, du thé et du café à une température tiède. Dans les se- condes, des viandes et des aliments gras. Nous avons exposé les principes aujourd'hui en vogue. On peut en déduire quelle est l'importance de l'alimen- tation, soit qu'on la considère au point de vue de l'homme pris isolément, soit qu'on l'envisage au point de vue de l'intérêt général. Une foule de questions inté- ressantes se rattachent à l'alimentation, car selon qu'elle est bonne ou insuffisante, elle produit des troubles qui peuvent influer sérieusement sur la collectivité. Nous savons à quels périls nous sommes exposés si nous violons les lois de l'hygiène. Ces dangers se résument d'une manière précise en ces mots : nutrition retardante. Pour prouver l'action exercée par la nutrition retar- dante sur le développement de certaines maladies, nous rappellerons que Bouchard a étudié le rôle des acides sur l'organisme, démontrant que leur accumulation pouvait être le résultat de l'arrêt ou du ralentisse- ment des transformations de la matière. Des travaux de ce professeur il résulte : que la prédominance des acides peut, par elle-même, constituer une maladie; que ce premier effet de l'entrave apportée aux actes nutritifs joue un rôle dans la production des maladies (x) Arnould: Nouveaux éléments d'hygiène. 119 engendrées par l'élaboration trop lente d'autres princi- pes immédiats; que le manque d'oxydation des acides peut occasionner l'insuffisante élaboration d'une autre substance organique, comme il arrive dans le cas de la lithiase biliaire; que cette insuffisance d'élaboration intra-organique portant sur la graisse produit l'obésité; portant sur le sucre, elle produit le diabète; affectant la matière azotée, elle occasionne la goutte et la gravelle. Dans chacune de ces maladies, il est parvenu à dé- couvrir que, si un principe immédiat est plus particu- lièrement soustrait à la destruction, les autres principes immédiats, à des degrés divers, subissent également un arrêt ou un ralentissement dans leurs transforma- tions destructives. De là l'explication naturelle de cette loi, déduite de l'observation clinique, que, à chaque maladie caractérisée par l'insuffisante élaboration d'un principe immédiat, s'associent presque fatalement, chez l'individu et dans sa famille, les maladies caractérisées par l'accumulation des autres principes immédiats. La sta- tistique clinique et l'analyse physiologique nous ont expliqué cette association si remarquable et si fréquente de la dyscrasie acide, de l'oxalurie, de la lithiase bi- liaire, de l'obésité, du diabète, de la gravelle et de la goutte, qui constituent comme les premières assises sur lesquelles reposent les nombreuses maladies qui, toutes, relèvent de la nutrition retardante. (*) (J) Bouchard : Maladies par ralentissement de la nutrition. CHAPITRE VII MOYENNE DE LA VIE. LONGÉVITÉ ET MORTS SUBITES DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Vie moyenne dans la République Argentine. - Longévité. - Recense- ment de 1869. - Longévité dans diverses nations d'Amérique et d'Europe. - Age moyen à Buenos Aires. - Argentins et étrangers. - Recensement de la province de Buenos Aires en 1881. - Longévité et morts subites. - Etudes comparées. - Provinces de Buenos Aires, Santa Fé, Entre Rios, Corrientes, Cordoba, Santiago del Estero, San Luis, Mendoza, San Juan, La Rioja, Catamarca, Tucuman, Salta, Jujuy. - Influences météorologi- ques. - Maladies du cœur. - Hémorragies cérébrales. Les renseignements qu'on va lire donneront une idée assez complète des importantes questions traitées dans ce chapitre. Il n'y a pas de travaux qui permettent d'établir le chiffre exact de la moyenne de la vie dans la République Argentine, mais les observations que nous consignons plus loin, se prêtent à des déductions qui se rappro- chent beaucoup de la vérité. Les prenant pour base, nous calculons que la vie moyenne parmi nous est de 30 ans. En Belgique, elle est de 30 ans 1/2; de 25 au Chili; de 40 en France; de 41 en Angleterre et de 37 en Hollande. Quant à la longévité, on peut dire qu'elle présente en général des cas vraiment extraordinaires, surtout en ce qui concerne les habitants de quelques provinces. M. de Moussy cite l'histoire de cette négresse qui est morte à la fin du siècle dernier à l'âge de 180 ans et que le 121 doyen Funes a vue à Cordoba où elle habitait. Cette femme était née au Paraguay; elle fut amenée à Tucu- man par le premier évêque de cette ville en 1630 ; c'est ainsi que l'on put savoir son âge. car l'arrivée de cet évêque fut un événement historique. Ce fait de lon- gévité est très remarquable et on le considère comme le plus authentique de tous ceux que la science possède. Pauly, étudiant les chiffres réunis par cet auteur, dit que l'on peut en déduire que le nombre de vieillards appartenant aux classes civilisées, et au-dessus de 80 ans, est moins grand peut-être qu'en Europe. En France, sur un million d'habitants, le nombre de ceux qui dépassent 80 ans s'élève à 7.302, c'est-à-dire 7 pour 1000. Dans la province de Corrientes, le recense- ment de 1854, fait avec beaucoup d'exactitude et qui présente un total de 82.500 âmes, offre, en fait de lon- gévité, 397 individus au-dessus de 80 ans, ce qui n'est pas tout à fait 5 pour 1000 et, par conséquent, il sem- blerait que la longévité n'atteint pas le chiffre de la France, 7 sur 1000. (') Malgré cela, la statistique des dernières années dé- montre que la population argentine compte le double de centenaires que la France, toutes proportions gardées d'ailleurs, comme le prouvent les lignes suivantes : Le recensement de 1869 donnait 147 femmes et 87 hommes centenaires dans notre pays. Si nous prenons les proportions établies dans d'autres nations, sur 100.000 habitants, il résulte: NATIONS Années Proportion République Argentine 1869 13.4 Chili 1866 19.1 Etats-Unis 1870 9.4 Espagne 1860 1.4 France 1872 6.0 Italie 1871 1.5 (!) P. Ch. Pauly : Climats et endémies. 122 On voit, par suite, que chez quelques peuples du Nou- veau Monde, la longévité est supérieure à celle de l'Europe, ce qui peut s'expliquer par les conditions du climat et par les facilités de la vie qui ne présente pas ici les mêmes préocupations que là-bas. Chez nous, les provinces les plus favorisées sous ce rapport sont Buenos Aires, Santa Fé, Corrientes, et Jujuy. Dans cette première province, la proportion des centenaires était, en 1881, de 13.3 pour 100.000 ha- bitants; dans la deuxième, elle était, en 1887, de 10.4. Les 23 centenaires comptés à Santa Fé, étaient Argentins. Un fait parfaitement prouvé est la fréquence de la longévité chez les Indiens et les nègres. Les premiers, abandonnés à leurs moeurs primitives, sur leurs pro- pres domaines, présentent des cas de longue vie ex- traordinaires; mais nous savons déjà que la tuberculose les tue quand on les transporte à des endroits civilisés. Les nègres fournissent aussi des cas de longévité, et ils sont nombreux, parmi eux, ceux qui dépassent cent- ans. Cependant la race nègre actuelle est faible et dis- paraît rapidement. Les guerres, la phtisie et d'autres maladies tendent à les décimer peu à peu. Pour la ville de Buenos Aires, en comprenant toute la population, Latzina s'appuyant sur le recensement de 1887, conclut que Page moyen des personnes ins- crites sur les registres est de 24.4 années et en excluant les mineurs de cinq ans, de 26.9 années. Les Argentins du sexe masculin donnent en général 15.7 années; du sexe féminin, 18.2; des deux sexes réunis, 17 années. En excluant les mineurs de 5 ans, les Argentins du sexe masculin donnent 20.2 années; du sexe féminin 22.6 années, et des deux sexes réunis, 21.5. Les étrangers hommes, donnent en général 32.4 années; les femmes, 30.7, et les deux sexes réunis, 31.6 années. Si on ne tient pas compte des enfants au-dessous de cinq ans, on a pour les étrangers: hommes, 32.9; fem- mes, 31.6; les deux sexes, 32.4. Comme on le voit, la moyenne de la vie des étran- gers est, si on considère tous les âges, presque le 123 double de celle des Argentins, et si on ne tient compte que des personnes au-dessus de cinq ans, cette moyenne dépasse d'un tiers celle des Argentins. Ce qui réduit considérablement la moyenne de ces derniers, c'est le nombre très considérable d'enfants à la procréation des- quels contribuent les étrangers aussi bien que les Ar- gentins. (l) ' Pour mieux apprécier cette disproportion, nous ren- voyons le lecteur aux considérations que nous ferons plus loin au sujet de la mortalité des enfants. C'est un facteur qui contribue d'une façon très sérieuse à diminuer le chiffre de la moyenne de la vie à Buenos Aires, puisque cette mortalité est malheureusement très considérable dans la ville, et qu'il faut y faire figurer les fils d'étrangers nés parmi nous qui, d'après nos lois, sont Argentins. La durée moyenne de la vie des étrangers est supé- rieure à celle des Argentins dans une proportion que Latzina calcule ainsi: De 10 ans et au-dessous 3.3 De 10 » à 20 ans 4.2 De 20 » à 30 » 3.6 De 30 » à 40 » 2.8 De 40 » à 50 » 2.0 De 50 » à 60 » 0.8 De 60 » à 70 » 0.6 De 70 » à 80 » 1.6 De 80 » à 90 » 1.2 L'écart le plus considérable est à 11, 12 et 13 ans où il est de 4.4 années et le plus faible à 62 ans, où il est de 0.3 années. Ce résultat est le meilleur témoignage qu'on puisse donner de la salubrité du climat. En dépit des variations de température, les étrangers accusent une vitalité plus grande que les indigènes eux-mêmes. (2) f1) Latzina: Censo municipal de Buenos Aires, 1887. (2) Latzina: Œuvre citée. 124 Dans une période de 16 ans, comprise entre 1872 et 1887, il est mort à Buenos Aires 190 personnes âgées de plus de 100 ans, se divisant ainsi: Hommes 21 argentins, 35 étrangers. Femmes 81 argentines, 53 étrangères. Total.... 102 argentins, 88 étrangers. Le recensement de 1887 a établi que dans la capitale argentine le nombre des personnes âgées de plus de soixante ans était le suivant : ARGENTINS ÉTRANGERS Hommes Femmes Totaux Hommes Femmes Totaux De 60 à 70 ans .. 991 2128 3109 3968 2573 6541 De 70 à 80 ans .. 366 901 1267 956 735 1691 De 80 à 90 ans .. 87 328 415 222 180 402 De 90 à 100 ans ... 18 61 79 22 41 63 De plus de 100 ans. 5 14 19 5 8 13 Nous savons que les personnes qui ont dépassé 60 ans sont nombreuses chez nous, et il n'est pas rare de rencontrer parmi elles des hommes très actifs et en parfaite jouissance de toutes leurs facultés. Nous ferons remarquer également que les générations passées atteignaient un âge plus avancé, sans doute parce qu'elles menaient une existence plus tranquille et plus morale, à l'abri des mauvaises influences qui agis- sent aujourd'hui sur les sociétés. Nous pouvons citer comme exemple, les guerriers de l'indépendance sud- américaine que nous avons connus et qui conservaient jusqu'à 90 et 100 ans toute leur vigueur et leur énergie physiques. Dans la statistique de la mortalité pendant les sept 125 dernières années, nous trouvons, dans la catégorie vieillesse, les chiffres suivants : Année 1887 102 - 1888 102 - 1889 127 - 1890 100 Année 1891 102 - 1892 99 - 1893 105 Total 737 On ignore l'âge de chacune de ces 737 personnes, mais il est permis de calculer qu'elles ont vécu plus de 80 ans. Dans la ville de Buenos Aires, les morts subites sont d'environ 70 par an. Elles se produisent surtout dans les saisons extrêmes, pendant les froids de juin et de juillet et pendant les fortes chaleurs de décembre et de janvier, durant lesquels les insolations ne sont pas rares. Généralement les victimes sont des individus atteints d'affections cardiaques. Le recensement de la province de Buenos Aires, dressé en 1881, a établi qu'elle comptait 4537 individus âgés de 70 à 100 ans, se divisant ainsi : Hommes.. 1543 3305 argentins. Femmes... 1762 1232 étrangers. Hommes.. 801 Femmes... 431 Les centenaires étaient au nombre de 70, savoir : Hommes.. 34 59 argentins. Femmes... 25 11 étrangers. Hommes.. 6 Femmes... 5 Le plus grand nombre de ces vieillards habitait la région nord. Le centre (l'ouest) venait ensuite; le sud était le moins favorisé. 126 Dans la province de Santa Fé, d'après le recensement de on comptait 23 personnes centenaires: 19 fem- mes et 4 hommes. C'est un nombre considérable et consolant qui fait l'éloge des particularités que présente cette riche contrée de la République Argentine. Dans la ville du même nom, les morts subites sont rares. Ses conditions météorologiques et sa propre situa- tion y contribuent. Ordinairement sa température est inférieure à celle de la ville du Rosario où les morts subites sont fréquentes. Santa Fé est comme encaissée; son terrain est bas; on n'y rencontre pas ces aptitudes naturelles qui créent pour l'homme un danger imminent de mort soudaine. D'autre part, l'existence s'y passe tranquillement à l'abri des grandes et fortes émotions. Dans l'Entre Rios la moyenne de la vie est de 28 ans; dans la ville de Paranâ, elle est un peu inférieure; 27 ans et 5 mois. A Nogoyâ., Victoria, Villaguay et Tala, elle est de 29 ans et 3 mois. Nous ne sommes pas en mesure de donner des ren- seignements exacts sur la longévité, mais M. C. Ripoll, directeur du bureau de Statistique, nous a fourni les chiffres suivants qui font connaître le nombre de personnes âgées de plus de 70 ans qui ont succombé dans la province d'Entre Rios pendant Tannée 1893. VILLES Nombre de morts Dépassant 70 ans Paranâ 590 39 Diamante 146 9 La Paz 219 11 Feliciano 68 H Federacion 64 5 Concord ia 348 17 Colon 138 25 Uruguay 284 39 Gualeguaychù 535 27 Victoria 372 22 Nogoyâ 267 19 Tala 211 15 Villaguay 212 23 Fédéral 63 5 Villa Libertad 87 6 127 La statistique de la ville du Pavana révèle que sur le chiffre des personnes décédées au-dessus de 70 ans, on en compte 13 de 80 ans, 6 de. 85, 3 de 95 et 1 de 100. Des renseignements officiels que nous avons sous les yeux démontrent que les morts subites sont peu fré- quentes dans toute la province d'Entre Rios. Durant Pannée 1893, il s'en est produit trois seulement au Pa- ranâ, l'une en avril et les deux autres, en août. Sur une mortalité de 3.698 personnes, qui a été constatée dans toute la province pendant cette même année, 19 rentrent dans cette catégorie et ont eu lieu pendant les mois d'août et de septembre. A Corrientes, d'après le recensement de 1854, sur une population de 84.570 habitants, il y avait 64 indi- vidus âgés de 90 à 100 ans, et 20 qui avaient plus de 100 ans; parmi ces derniers, on citait un vieillard de 105 ans, au village de Empedrado, et un autre de Caa- Cati, que M. de Moussy a connu en 1856, et qui comp- tait 106 ans, était en pleine jouissance de sa raison, encore très vigoureuse, et s'occupait aux travaux des champs. Ce bon vieillard se souvenait de l'expulsion inique des jésuites en 1768 et de leurs belles propriétés et établissements de Loreto, car il avait à cette époque 18 ans et était employé chez eux. En 1854, on connaissait, à San Roque, don Bartolomé Segura, âgé de 106 ans, et aux environs, don Eelipe Frutos, âgé de 108 ans et don Do- mingo Bandil, de 105 ans. A Curuzû-Cuatiâ, dona Pe- trona Cuarayabay avait 130 ans, et l'on assurait qu'une dame Molina, qui venait de mourir, avait atteint l'âge de 137 ans et sa fille celui de 110 ans. (') Pendant les heures des chaleurs qui, en été, sont excessivement fortes, le peuple ne travaille pas, et cette habitude permet d'éviter les insolations et leurs conséquences foudroyantes. A Cordoba, les morts soudaines sont d'une fréquence alarmante, si l'on en juge par les données que nous fournit à ce sujet la thèse du Dr. A. Cordoba. Selon (x) Martin de Moussy : Description physique de la République Argentine. 128 lui, les causes de cette fréquence seraient surtout les influences météorologiques qui, comme les vents du Nord aux mois d'août, septembre et octobre se font sentir avec violence et changements brusques de tem- pérature, spécialement du chaud au froid, qui occa- sionnent des congestions rapides. L'alimentation de mauvaise qualité et insuffisante dans la classe pauvre est une autre cause importante de la répétition de ces accidents. On voit là des gens qui travaillent dix heures consécutives sans prendre d'autre aliment que du mate. Les victimes, constatées pendant les années 1886,1887, 1888 et 1889 ont été au nombre de 274, soit par mois : MOIS 1886 1887 1888 1889 Janvier 4 5 5 4 Février 6 1 7 5 Mars 7 9 4 3 Avril 3 4 4 8 Mai 6 5 5 6 Juin 5 3 6 5 Juillet 7 6 9 11 Août 11 4 H H Septembre 12 8 9 6 Octobre 5 4 8 7 Novembre 6 3 6 4 Décembre 4 5 5 4 Totaux. .. 76 57 79 62 L'âge de 183 d'entre elles était : De 3 heures à 10 ans 4 De 11 ans à 20 » 3 De 21 » à 30 » 31 De 31 » à 40 » 44 De 41 » à 50 » 43 De 51 » à 60 » 21 De 61 » à 70 » 20 De 71 » à 80 » 11 De 81 » à 90 » 6 On ignore l'àge des 91 autres personnes. 129 Les données que nous avons sur Santiago del Estero nous fournissent les renseignements suivants: En 1876, il est mort 120 personnes dont 63 hommes et 57 femmes. Sur ce chiffre, on comptait 2 femmes de 80 ans, 3 hommes et 1 femme de plus de 70 ans. En 1877, sur 297 décès (140 hommes et 157 femmes), 10 avaient dépassé 75 ans. En 1878, sur 293 décès (144 hommes et 149 femmes), 10 avaient dépassé 80 ans, une femme était âgée de 110 ans. En 1879, sur 218 décès (105 hommes et 113 femmes), 10 avaient dépassé 80 ans. En 1880, sur 167 décès (88 hommes et 79 femmes), une femme avait atteint 90 ans. En 1879 on a enregistré 4 empoisonnements par l'arsenic. En 1880 - 1 - par la strychnine. En 1880 - 1 suicide par revolver. En 1881 - 1 noyé. En 1881 - 1 suicide. A San Luis, on signale assez souvent des morts vio- lentes causées par des maladies cardiaques et princi- palement par les anévrismes. Le recensement de 1869 accuse un cas de longévité sur une population de 5.921 habitants, et d'après le même document, la moyenne de la vie serait de 18.6 ans. Ce chiffre est extraordinairement bas et d'après l'opi- nion de M. G. A. Lallemant, il semble difficile qu'on puisse garantir son exactitude. Ajoutons que certaines personnes voudraient l'expli- quer par les nombreux fusillements et crimes politiques qui ont été effectués dans cette province, mais on a peine à le croire. A Mendoza, la fréquence des morts soudaines est reconnue. Les autopsies ont démontré presque toujours que les victimes étaient atteintes d'affections cardio- vasculaires qui, sous l'influence des conditions météo- CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 130 rologiques, éclataient et produisaient une syncope mortelle. Le vent appelé Zonda, qui est accompagné d'une température très élevée (44°), exerce une action aussi évidente que nuisible sur ces affections, et quand il règne, il provoque de graves phénomènes atmosphéri- ques qui ont une influence sur l'économie. C'est alors que les cardiaques sont les plus exposés à ses funestes conséquences. A San Juan, la moyenne de la vie atteint une pro- portion qui s'explique par l'existence tranquille qu'on y mène. Plusieurs circonstances contribuent à ce résul- tat: le mouvement commercial actif est nul, et par suite on n'y rencontre pas les émotions et les préoc- cupations qu'il fait naître; les moeurs sont tranquilles, la moralité très prononcée. Les personnes ne commettent pas d'abus et ne contractent pas les maladies qui, comme la syphilis et d'autres, précipitent son malheur. On peut aussi invoquer avec raison la plus grande résis- tance vitale de ces habitants des régions montagneuses et enfin l'absence de tout ce qui peut être un prétexte à agitations et à soucis. Les morts subites ne sont pas communes. Celles qui se produisent sont attribuées à différentes causes, no- tamment aux affections cardiaques, au ramollissement cérébral qui, sous l'action de certaines vicissitudes at- mosphériques, accélèrent la fin de leurs victimes. En ce qui concerne les lésions organiques du cœur si répandues dans cette ville, le Dr. Aubone appelle l'attention sur la facilité incroyable avec laquelle l'or- ganisme les supporte à San Juan. Les individus peu- vent se livrer à leurs travaux sans être incommodés par la maladie, quoiqu'elle soit complètement confirmée et qu'ils ne la combattent par aucun remède. On observe beaucoup de cas de ramollissement céré- bral et ils sont prématurés. Avec ces deux affections on comprend que le vent Zonda accompagné d'une température de 44 degrés à l'ombre, qui fait respirer un air excessivement chaud 131 pendant plusieurs heures, parfois pendant 2 ou 3 jours, on comprend, disons-nous, que l'organisme déjà malade, avec des vaisseaux atteints, succombe sous Faction de la dépression barométrique. Ajoutez à cela, la grande dif- férence de température qui se sent d'un instant à l'autre quand le vent du Sud, si froid, vient remplacer le Zonda (Ouest) après une lutte formidable. C'est les premiers jours du printemps, Fépoque où ce vent souffle le plus communément, et le Dr. Aubone a remarqué également que c'est la période pendant laquelle il se produit le plus de morts foudroyantes. Son influence est donc évidente. San Juan offre quelques rares cas de longévité. En 1894, il est mort une femme de 128 ans; et il n'est pas exceptionnel de rencontrer des personnes de 80 et 90 ans qui supportent leur grand âge dans des conditions heureuses. A la Rioja, sur un total de 213 décès qui ont été enregistrés en 1893, il y a eu 6 morts soudaines, et elles sont survenues : 1 en avril, 2 en juillet, 2 en septembre et 1 en novembre. Dans cette ville, sur une mortalité de 2.713, constatée depuis 1853 jusqu'à 1877, le 5.60 0/0 dépassait 50 ans, et dans ce calcul proportionnel figure une seule personne de 100 ans. La moyenne de la vie est ici de 18 ans. La Rioja a fourni un des cas les plus remarquables de longévité. En Juin 1894 est mort dans cette ville une femme de 115 ans, très connue et très respectée pour ses vertus qui lui avaient valu le qualificatif de Maria Santisima. D'après les journaux de la localité, cette femme est morte sans avoir un cheveu blanc et ce phé- nomène est attribué au climat et à la vie exemplaire de la défunte. A Catamarca, il y a eu 263 décès en 1893 et sur ce nombre figurent les diagnostics suivants : 1 an- gine de poitrine, 3 hémorragies cérébrales, 2 congestions cérébrales. Sur ces 6 cas, 3 correspondent au mois de mai, et les autres à mars, avril et octobre. Les morts subites ne sont pas fréquentes, mais on en observe 132 quelques-unes pendant le mois de décembre, quand les habitants se rendent aux fêtes de la Vierge del Valle. On s'explique le fait en se souvenant que pendant ce mois la température est, dans ce pays, extrêmement élevée et que l'agglomération, la fatigue, les émotions des pèlerins peuvent produire ces accidents sur les per- sonnes atteintes d'affections cardiaques ou menacées d'une maladie cérébrale. Sur le chiffre général de 263 décès, six sont dans la catégorie vieillesse. Il n'est pas étonnant, étant données les conditions de vie et de moralité de cette région recu- lée, que la moyenne de la vie se prolonge plus que dans les populations vivant sous l'influence du commerce et de la politique. ' A Tucuman, d'après le Dr. M. Cossio, il n'est pas éton- nant de rencontrer parmi les classes moyenne et inférieure, des individus qui surprennent par le nombre d'années qu'ils ont et par leur bon état de conserva- tion; parmi les riches, il y a très peu de septuagé- naires. La grande majorité des hommes meurt de 50 à 65 ans. On note une différence en faveur des femmes et il est assez fréquent que les aïeules survivent aux aïeuls. Les morts subites sont rares si on déduit celles qui sont une conséquence des maladies cardiaques ou cérébrales; mais on les voit davantage à la campagne où elles sont presque toujours le résultat de fortes indigestions. A Salta, d'après le Dr. A. Valdez, on peut calculer qu'il y a annuellement 8 de ces accidents. Ils sont dus à des lésions cardiaques et des hémorragies céré- brales, déterminées par les grandes différences de pression atmosphérique qui ont lieu pendant les mois d'août et de septembre. On compte cependant un certain nombre de vieillards de 60 à 85 ans. A Jujuy, la moyenne de la vie est plus élevée que dans les autres provinces. Il faut l'attribuer à sa situa- tion très éloignée et à l'absence de ces causes sociales, 133 politiques et commerciales qui, clans les grands centres, contribuent souvent à précipiter la fin de l'existence. Cependant notre collègue, le Dr. S. de Bustamante, nous a rapporté que l'alcoolisme et la syphilis sont très communs dans cette contrée. Il faut y joindre le palu- disme et la misère qu'on peut considérer avec raison comme exerçant une influence défavorable. Dans les départements du Nord, les jujehos imitant les Boliviens, consomment du coca et on a observé qu'absorbant du mate et mâchant du côca, ils ont une vie beaucoup plus longue que dans le reste de la pro- vince. En général on atteint un âge assez avancé à Jujuy. Dans la décade de 1880-1889, on a enregistré 2.837 décès sur lesquels, en comptant les individus ayant dépassé 60 ans, on avait: De 60 à 70 ans 136 De 71 à 80 » 59 De 81 à 90 » 41 De 91 à 100 » 19 De plus de 100 8 Nous avons donc, dans un période de 10 ans, 263 habitants morts ayant plus de 60 ans. Sur ce chiffre, on comptait 138 hommes et 125 femmes. Ceux qui ont succombé subitement figurent dans cette proportion, pendant la décade de 1880-1889 : Hommes, 58; femmes 33. Total 91. L'âge qui a fourni le plus grand contingent de ces victimes est le suivant • 11 de 21 à 30 ans; 22 de 31 à 40; 14 de 41 à 50; 19 de 51 à 60; 18 de 60 et au-dessus. Il résulte que les deux périodes de la vie les plus éprouvées par ces malheureux accidents, sont représentées par les âges de 30 à 40 ans et de 60 ans, c'est-à-dire l'époque de la plus grande activité et des besoins organiques les plus pressants, et l'époque 134 de la décadence des fonctions pendant laquelle les artères épuisées ne résistent pas aux nécessités du renouvellement matériel et cèdent facilement à l'action destructrice de divers milieux. Les chiffres suivants nous fournissent des données sur la longévité dans la ville de Jujuy: En 1874 sur 171 décès 9 dépassent 70 ans. En 1875 » 208 » 8 - - En 1876 » 251 » 14 - - Les départements dans lesquels la vie atteint la moyenne la plus élevée sont ceux de Humahuaca, Co- chinoca et Javi. Par ce qu'on vient de lire, on peut calculer la vie moyenne et déduire le nombre de vieillards existant dans la République Argentine. Puiss-t-il nous être possible de dire de nous ce que M. Bernard Ornstein disait récemment au sujet de la Grèce, la nation dans laquelle, proportionnellement à la population, on rencontre le plus de centenaires. Cet auteur attribue cette longévité au climat de la Grèce, à la sobriété de ses habitants, et il ajoute qu'au- tant dans ce pays qu'en Turquie, ceux qui atteignent cent ans ont neuf chances sur dix de vivre trente ou quarante ans de plus, fait qui ne se produit pas parmi les autres peuples d'Europe, où les centenaires n'arri- vent que rarement à l'âge de cent quinze ans comme maximum. CHAPITRE VIII BUENOS AIRES. - CLIMAT ET DÉMOGRAPHIE Sommaire. - Situation. - Idée générale de la ville. - Promenades et jardins publics. - Géologie. - Etudes de Arata. - Climat; température et pluies. - Vents et ouragans. - Travaux de Eguia, de Boer et Rosetti.- Opinion de Gould. - Moyennes ozonométriques. - Humidité atmosphérique. - Pression baro- métrique. - Nuages. - Analyse bactériologique de l'air. - Approvisionne- ment d'eau. - La nappe souterraine. - Egouts. - Population. - Immigra- tion. - Mariages.-Naissances. - Naissances illégitimes à Buenos Aires. - Etude comparative avec d'autres villes. - D'où provient le grand nombre de naissances illégitimes. - Observations de Coni. - Nécessité de combattre l'illégitimité. - Les quartiers de Flores, Belgrano et Villa Catalinas. La ville de Buenos Aires, capitale de la République Argentine, est située sous le 34°36'2r'4 de latitude Sud, et le 58°21'33"3 de longitude Ouest de Greenwich. Son altitude est de 20 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa superficie est de 187 kilomètres carrés. Les rues sont formées en carrés de 120 mètres cha- cun, leur largeur d'un trottoir à l'autre est de 15 mètres, mais dans les avenues et les boulevards, elle s'élève à 32 et 35 mètres. La surface est plane en général avec de légères dé- clivités vers les quatre côtés qui rompent à peine la monotonie propre de sa configuration. Buenos Aires n'est pas une grande ville comme on pourrait l'exiger dans l'acception européenne du mot, si on la compare avec les principales cités du vieux monde; néanmoins, il est hors de doute que c'est le centre le plus peuplé, le plus commercial, le plus riche, 136 le plus intellectuel de l'Amérique, après les grandes collec- tivités des]Etats-Unis du Nord. Au point de vue de la culture sociale, des commo- dités et du luxe, elle atteint le niveau de quelques capi- tales d'Europe. Comme population, nous dépassons toutes les villes sud-américaines (640.000 âmes); le chiffre des nais- sances est surprenant et est peut-être le plus grand de l'univers (42 pour 1000 en 1892). L'instruction publique est profusément répandue; les services sanitaires se perfectionnent de jour en jour et nous nous assimilons ce que l'expérience démontre avantageux chez les nations les plus avancées; nous avons des hôpitaux de premier ordre et des institutions scientifiques qui rendent des services importants; notre climat convient aux hommes de toutes les zones; nous n'avons pas de maladies qui ne soient susceptibles de bénéficier d'une bonne prophylaxie; les conditions de sa- lubrité s'améliorent chaque jour, grâce aux travaux de drainage et autres complétant un plan hygiénique; la vie est facile et le travail abonde; la construction mo- derne convertit les vieilles maisons en palais de cinq ou six étages; on ouvre de nouveaux boulevards et nous possédons des avenues comme celles de Mayo, d'Alvear, de Julio, de la Repûblica, de Santa Fé, de Callao. Montes de Oca, d'Entre Rios, Independencia, Belgrano, Cor- rientes, qui montrent de somptueuses mansions, parais- sant plutôt des résidences nobiliaires que des logements de simples citoyens; le pavage en bois s'étend; le réseau de tramways est un des plus vastes du globe; notre port nous met en communications rapides avec le monde entier; et de notre ville partent des lignes de chemin de fer qui se dirigent dans différents pays du continent; vers notre capitale convergent divers chemins de fer de la République et de l'extérieur. Nous avons enfin, de grandes places, les meilleurs et les plus luxeux théâtres qui se construisent aujourd'hui, des musées, des promenades comme le « Parc 3 de Febrero » (Palermo), Lezama, Recoleta, des lieux de plai- 137 sance pour tous les goûts et enfin tout ce que le confort et une bonne existence peuvent inspirer. Nous jugeons à propos de faire remarquer ici que la ville de Buenos Aires compte 45 places et jardins pu- blics qui occupent une superficie totale de 4.964.415 mètres carrés qui sont ainsi distribués: Place de Mayo 19.716 mètres carrés - General San Martin 27.729 - - General Belgrano 6.372 - - Libertad 10 286 - - Lorea 7.458 - - Independencia 7.228 - - General Laval le 25.645 - - de Julio 14.624 - - Vicente Lopez 22.311 - - de la paroisse de Belgrano 10.200 - - de Flores 14.535 - - Herrera 5.772 - - 11 de Setiembre 27.055 - - Constitucion 50.063 - - Invalides 20.964 - - San Antonio 31.170 - - 29 de Noviembre 10.048 - - Sarmiento 17.730 - - de la Floresta 12.225 - - Santa Rosa 32.580 - - Villa Crespo 12.100 - - Rodriguez Pena 20.176 - - du marché Belgrano 2.514 - - General Hornos 18.000 - - de la Boca 8.788 - - de Armas 86.548 - Parc 3 de Febrero 3.677.464 - - Lezama 100.000 - - Intendente Alvear (Recoleta) 54.132 - - Barranca de Belgrano 15.622 - - Saavedra 196.308 - - Rivadavia 43.371 - 138 Jardin Municipal 29.684 mètres carrés - Zoologique 191.112 - - Botanique 77.664 - - de l'hôpital San Roque 21.475 - - - Français 6.305 - - de l'hospice Las Mercedes 8.775 - - du Pavillon Argentin 13.543 - Bajada de Maipù 8.125 - Square Santa Fé 10.063 - - del Carmen 1.632 - - del Caballito 1.141 - - del Temple 636 - - Alsina 136 - Quand les travaux entrepris dans quelques-unes de ces promenades seront terminés, Buenos Aires aura en places, jardins et squares, sans compter les avenues et les boulevards plantés d'arbres, une superficie de plus de 800 hectares, que l'ingénieur paysagiste, M. Cb. Thays, directeur des jardins municipaux, s'est efforcé de con- server et d'améliorer sans cesse. Nous formons donc un grand centre d'activité en tout sens, et il y a lieu d'espérer que les nuages du présent dissipés, la capitale argentine continuera son œuvre civilisatrice de travail et de progrès. Dans la constitution géologique de Buenos Aires, il faut tenir compte de la formation pampéenne (D'Orbi- gny) qui présente superficiellement une légère couche sablonneuse, sous laquelle existe une autre couche de marne, de sable, rouge-jaunâtre; deux autres couches sédimentaires de formation terciaire viennent ensuite, la plus superficielle patagonienne, la plus profonde guara- nienne. La couche patagonienne moderne contient du sable, de l'argile et du calcaire dont l'origine provient de triturations conchyliennes. La couche guaranienne se compose de superpositions argilo-sablonneuses. Dans le terrain pampéen sur lequel repose notre ville, dit Arata, la marne jaune-rougeâtre varie dans 139 sa composition chimique, par la prédominance de l'ar- gile sur le sable et aussi par le mélange de ces éléments du sol avec le carbonate calcaire qui, dans certains points, s'empâtent de telle manière qu'ils constituent des masses considérables, de véritables bancs durs et résistants, vulgairement connus sous le nom de toscas. A Buenos Aires et ses environs, la formation pam- péenne, selon Aguirre, a une épaisseur de 40 â 50 m., entièrement composée d'argile-calcaire d'une couleur rougeâtre produite par l'oxyde de fer. Le sol est ainsi compact et quelque peu perméable dans ses parties su- périeures seulement, aux endroits où les noyaux irré- guliers de tosquilla ne sont pas agglomérés. La quantité de sable interposée qu'il contient est très petite; on note uniquement quelques crevasses pleines de sable siliceux très fin ayant pénétré postérieurement. La stratification qu'olfre cette couche diluvienne est très peu appa- rente; on remarque néanmoins une couche mince d'argile imperméable qui suit les ondulations du terrain à une profondeur d'un mètre approximativement et au-dessus de laquelle se trouve l'humus végétal. Au-dessous de cette couche d'argile plastique, sans nodules, com- mence la véritable formation pampéenne. Cette couche d'argile qui s'étend dans presque toute la région, exerce une influence notable sur la distribution des eaux plu- viales parce qu'elle les retient à la superficie, favorisant leur évaporation et les séparant des eaux de la première nappe ou des puits ordinaires que l'on rencontre à un niveau inférieure de plusieurs mètres. Il y a lieu d'ob- server que dans la formation pampéenne voisine des sierras, il n'existe aucune séparation entre les eaux superficielles et celles de la première nappe, car tout le terrain est perméable, bien qu'en degré minime. La formation pampéenne de l'estuaire repose sur une couche de sable très fin, dont l'épaisseur est d'environ 30 m., laquelle s'appuie à son tour sur les couches tertiaires de l'époque patagonienne caractérisées par les argiles verdâtres du Paranâ. Les sables paraissent pro- venir des dunes ou avoir tout au moins une origine alluvienne, car les restes de mollusques ne se décou- 140 vrent pas entiers et les grains sont fins et bien arrondis. Cette couche de sable est celle qui contient l'eau de la seconde nappe dont la pureté et l'abondance assurent à cette région des facilités d'approvisionnement d'eau qu'aucune autre du monde ne possède dans de meilleu- res conditions. (l) Le Dr. Arata a étudié divers échantillons de terres provenant de trous faits à Buenos Aires dans des pa- rages situés à 20 mètres sur le niveau du rio de la Plata, et leur examen microscopique démontre que le sable quartzeux constitue leur élément minéralogique fondamental. Ses grains arrondis et d'une ténuité ex- trême nous représentent encore, dans leur aspect mi- croscopique, les cailloux qui forment le lit des rivières. En outre, une masse granuleuse amorphe d'argile se trouve mêlée avec quelques dystomacées extrêmement rares dans les nappes superficielles et dont le nombre augmente dans les couches plus profondes. Nous avons pu observer quatre formes distinctes. L'une arrondie et marquée de points dans tout le disque qui la compose; deux autres quadrangulaires allongées, et enfin une dernière ayant l'aspect d'aiguilles extrêmement fines, déjà signalée par le Dr. Burmeister dans ses études de géognosie de notre sol. (2) Nous examinerons maintenant le climat de Buenos Aires et commencerons par dire qu'il est tempéré. Les saisons sont nettement tranchées. Les températures les plus variées se font remarquer. La plus grande éléva- tion thermométrique, 39° appartient au mois de février 1877; la plus petite, 2°0 à juillet 1862. Néanmoins ces chiffres sont exceptionnels. La température, en été, est communément de 32 à 33°, et en hiver de 3°, 4°, avec les variations propres à toutes les saisons. (x) Aguirre : Constitution geolôgica de la Provincia de Buenos Aires. (2) Arata: Contributiones al conocimiento higiénico de la ciudad de Buenos Aires. 141 Les valeurs mensuelles, dérivant de 31 ans, sont : janvier 24.07; février 23.23; mars 21.36; avril 16.93; mai 13.43; juin 11.16; juillet 10.16; août 12.05; sep- tembre 13.86; octobre 16.84; novembre 20.24; décembre 22.63. La moyenne annuelle est de 17°16. Les observations faites pendant 82 ans donnent les moyennes suivantes d'après les saisons: été 22°50; automne 17; hiver 10.86; printemps 16.40. La température se maintient élevée en été depuis la fin de novembre jusqu'aux premiers jours de mars, avec les oscillations qui en résultent; mais bien qu'elle des- cende au point de produire quelques troubles dans l'é- conomie, le cas n'est pas commun et ces abaissements sont tout à fait exceptionnels. Cette chaleur si stable est accablante, suffocante même; l'atmosphère surchauffée et l'absence des pluies, parfois prolongée, rendent cette saison ennuyeuse. L'hi- ver, sans être très vif, offre quelquefois des tempéra- tures extrêmement basses comme nous l'avons déjà vu. Les mois de mai, juin et juillet sont les mois signalés par ces inclémences, comme août pour les vents. En échange, septembre et une grande partie d'octobre et avril ont des températures agréables. La moyenne annuelle des pluies de 1861 à 1888 est de 894 millimètres, se décomposant ainsi pour les mois : janvier 64 mm. 8; février 65.8; mars 95.8; avril 75.4; mai 75.4; juin 76.7; juillet 45.7; août 33.0; septembre 81.7; octobre 87.7; novembre 69.9; décembre 101.3. Divisant les quantités par saisons, nous avons: au- tomne 247.6; hiver 175.4; printemps 239.3; été 231.9. Les observations de MM. Eguia, de Boer et Rosetti sur les pluies à Buenos Aires, condensées et réunies en un tableau, donnent les résultats ci-après: 142 Moyenne. OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOQOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOQOOOOOOO x a: x xocœa œcc 'J 'J-J o o. c. oo® X < O. O' X (O O Û X < O. ci 4- X to ~ O C' X < c. CO X K' ANNÉES 64.8 ü U'-'O1 O'0'1 O M K'►- X X X - 62 X G G (2 Î2 O © © © " UT U' X X © X O X 62 G. X G - Janvier 65.8 ÎO h--- - O - 62 Cl X- Cl (4x UT (X CO UT - 00 CO 00 © C» Cl -4 00 UT 0-'£CX K' -J X O C" O X O- -J (0 1:0 O O X G tû -■! O< X O' -1 -c X to ►- OCOOC'COOOOC'OOGiUXXaO. OÛIXXXOIC'GC Février 95.8 - - - _ K) 1- - cixo"iou'(Oxgc a h--.1(0 0'iotxc'icxoxxcix-jgx' -J M 'J H- X O O G O O O ci (O XG O 0'0 >- X X - O ci XO Mars en O (4X - w - - - - x x x u< - g X x ic x g - en - x x o< g X c. O! (O (O X (O O O 0'1 G <?O < G C' X (O X ci >k X < -■ i (O g c: Avril 62 - © Ci 62 CO (4x © - CO UT 62 63 - © 00 00 62 00 -4 00 -4 rfx C O (0 X X -4 X O! G G G X 'i G X X X O - (0 G X X X' OOOOOOOOOOOOOOXXOOÜTK)X--©<(N)620- Mai O 62 62 © 62 UT-4 4x 62 O CO © CO- -©UT -CO-4 00 © ~4 - ~X-4 62 - 62 - O 00 -4 62 CO 62 - X X-J -4 -4 C G 4-XXX G G X G G 4- X OOOOOOOOOOOOOO©- XXOG-4OXO(2 KGX Juin & (4x © - (»x Cl 62 - (4x ai 62 © © 62 CO - 00 - C0-4 62 00 UT062CO©©620©UT62 62UT62UT©62(X©UT 6262 O O O O O O O O O O O O O 6C.' O ÎO UT CH O © (X- © O © © 62 62 CO Juillet 53.0 62' UT © - CO © © 62 62 © - 62 - © ({XC0 62UTO0 CO © (X © CO UT 00 00OC0-4O-4 62 - ~4 - G G X U'O G X G'G XX X G (C U> OOOOOOOOOOOOOOOOO(4xO(4x62OUT<162(fxOUT Août 00 - - CO- - - - - C0-4(4x62(fx^tC0-4(4x--4 - 6262 - (4X4XCO G G 12 CT G O X -4 G. GXXXGXXOXK XXXC1XÜ1GUIU1XOGXGXKXX O © O O O O O O O O O O O G. X (2 12 U< O - O X O. X X O G G Septembre 00 >-< 60 .- - 62 i-' - <jUT©(X<{©COOO©©60UT<OUT(X.COCOOOCO<l(X X æ X - 62 UT O O G G x X U< G O ~ rfx -X UT OO (4x © © 62 © CO -4 © ~4 U' CO (X (ïx O O O O O O O OO OO O O O (X UT© O (4x -4 -4 -4 O O 620 062 Cn Octobre 69.9 ©4xC00100C10©UT~-4©(4x62 - (4XOU1 - - CO'OOO - - (4XC1C0O62 - ©62O 00 62 C0 00 -4© - U! O GG G. G. X U W UX4 OO O O O O O O O O O O O O CO © OO 62 UT© -4 © 0(4- Cl O Novembre 101.3 - - - - -62- - - - - - - - - œ'OOUXXX-OXOUIXXXX-GX'CIGOXXG.GU'- ©CO62CO©CO©UT - - XOOOO62UT©62-4 62©OC0O - CO<1 OOOOOOOOOOOOOOdx - - -4O000001©)0 0CC0(4xCX> Décembre 894.1 cx©o -- © CGC. G©x©©'4 -1 XX - - G- XX-1 -) CCI oo O - G C UT X X O X X G X X G. X X jI X -4 X O X X X C G. X -XQC UT © UT O © Cl - - O X (2 © O © X O G. (2 G. G (2 X X - OCO 00000000000006262 - b2*-4UT6SOC©62OC - XX© Totaux 143 QUANTITÉ DE PLUIE PAR MOIS, PAR SAISONS ET PAR AN Observations du Dr. J. Ledesma ANNÉES Janvier Février 'O s Mars Avril cô s Automne Juin Juillet l Août Hiver Septembre Octobre Novembre Printemps Décembre Total de l'année 1875.. 63.9 122.0 216.4 37.3 134.4 158 .5 330.2 22 .4 14.1 28.1 64.6 147.8 39.1 120.9 307.8 152.1 1040.6 1876.. 164.4 56.5 373.0 80.0 59.0 42.0 181.0 123.5 27.5 145.7 296.7 31.9 73.1 133 4 238.4 46.3 983.3 1877.. 36.5 37.6 120.4 106.2 108.1 200.0 414.3 21.9 155.7 25.7 203.3 K >.5 48.5 48 3 112.3 152.2 956.2 1878.. 131.7 63.3 347.2 193.2 111.7 73 .8 378.7 70 .9 46.0 76.5 193.4 6( 1.9 43.6 80 6 185.1 193.1 1145.3 1879.. 27.4 49.6 270.1 57.9 70.6 40 .9 169.4 136.0 14.6 22.8 173.4 16.9 47.8 91 8 156.5 73.7 650.0 1880.. 107.4 27.9 209.0 94.4 24.6 125 .3 244.3 71 .0 62.0 21.0 154.0 4< PO 25.0 26.0 95.0 101.0 729.6 1881.. 129.0 0.0 230.0 56.0 85.0 5.0 146.0 122.0 20.0 62.0 204.0 17( ).O 86.0 144 0 400.0 225.0 1104.0 1882.. 151.2 47.7 423.9 46.8 29.8 22 .8 99.4 40 .0 46.2 158.3 244.5 51 1.1 28.4 68 3 154.8 136.4 834.0 1883.. 44.5 3.0 183.9 123.9 37.5 154 .2 315.6 159.4 137.0 34.1 330.5 158.6 83.9 57.3 299.8 40.2 1033.6 1884.. 49.8 29.2 119.2 134.0 188.3 13 .1 335.4 44 .8 14.0 16.7 75.5 3K 1.0 78 6 85 1 476.7 39.2 1005.8 Totaux.. 905.8 436.8 2493.1 929.7 849.0 835.6 2614.3 811 .9 537.1 590.9 1939.9 1016.7 554.0 855.7 2426.4 1159.2 9482.4 Par ordre de saisons : 1. Automne; 2. Eté; 3. Printemps; 4. Hiver. 1 1. Décembre. 3. Mars. 5. Novembre. 7. Mai. 9. Août. 11. Juillet. Par ordre mensuel ( 2. Septembre. 4. Janvier. 6. Avril. 8. Juin. 10. Octobre. 12. Février. 144 Gould, commentant sérieusement ces chiffres, dit que l'opinion pour ainsi dire unanime est, qu'à Buenos Aires, la quantité d'eau tombée en hiver dépasse considérablement celle de l'été. Le phénomène présente- rait ainsi un contraste notable avec la grande abondance de pluie des mois d'été qui tomberait dans l'intérieur du pays. Les chiffres que nous venons de donner nous enseignent que cette supposition est erronée et que dans la ville de Buenos Aires même, la quantité de pluie en hiver est très inférieure à celle de l'été. En effet, si les déterminations précédentes se distri- buent selon les saisons de l'année, en réunissant pour chacune les observations faites pendant les trois mois que d'une manière populaire on assigne à chaque sai- son, nous retrouvons les mêmes chiffres sous la forme suivante : ANNÉES ÉTÉ Décembre Janvier, Février AUTOMNE Mars, Avril Mai HIVER Juin, Juillet Août PRINTEMPS Septembre Octobre Novembre Totaux mm. min. mm. mm. mm. 1861.. 106.10 106.50 85.60 231.70 583.90 1862.. 282.80 261.40 228.80 287.40 1060.40 1863.. 298.10 158.50 165.80 79.00 701.40 1864.. 146.40 263.10 157.30 177.30 744.10 1865.. 102.60 249.30 253.30 169.60 774.80 1866.. 145.40 238.30 139.90 358.00 882.20 1867.. 153.30 193.40 147.60 112.60 606.90 1868.. 402.50 235.34 171.30 337.70 1146.84 1869.. 374.70 388.30 65.90 342.60 1171.50 1870.. 120.90 472.50 138.04 105.10 836.54 1871.. 190.50 228.50 198.20 135.25 752.45 1872.. 299.20 213.30 126.50 139.20 778.20 1873.. 344.60 185.30 67.20 192.05 779.15 1874.. 162.00 139.50 253.50 405.20 960.20 1875.. 300.40 303.60 33.20 297.00 934.20 1876.. 362.25 164.25 264.25 226.00 916.75 Moyenne. 233.48 237.61 156.02 224.73 851.84 De ces données on déduit donc que la quantité moyenne d'eau pluviale en hiver est inférieure à celle de 145 n'importe quelle autre saison, et Gould fait remarquer avec raison: « que la croyance générale est erronée quand elle soutient que les pluies de l'hiver sont supé- rieures à celles de l'été à Buenos Aires, quant à la quantité d'eau tombée, bien que cette opinion paraisse fondée, si nous considérons seulement la durée du temps pluvieux sans nous fixer sur la quantité de pluie. » Par rapport à son intensité, calculée depuis 1856 jus- qu'à 1876, voici des chiffres comprenant 21 années d'ob- servations: MOIS Pluies fortes Pluies fines MOIS Pluies fortes Pluies fines Janvier 24 76 Juillet 9 58 Février 27 91 Août 11 75 Mars 24 79 Septembre 17 89 Avril 15 75 Octobre 24 102 Mai 24 61 Novembre 24 102 Juin 13 100 Décembre 26 97 Gould déduit de ce qui précède, qu'il existe en réalité deux époques de maximum et deux de minimum dans l'année, les unes apparaissant un mois environ après les équinoxes et les autres aux approches de la plus grande chaleur et du froid. Ceux qui s'occupent de météorologie, chez nous, savent que dans les années 1861-62, 1868-70 et 1876-77, les pluies furent très abondantes. Les investigations faites pour dé- couvrir une influence périodique n'ont pas donné de résul- tats; les observateurs n'ont même pu reconnaître dans leurs chiffres aucun rapport entre la variation de la quan- tité d'eau tombée annuellement et la période solaire qui semble pourtant être en relation directe avec plusieurs phénomènes météorologiques et la physique terrestre. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 146 Dans les dernières années le pluviomètre a marqué : 1885m. 1029.0 1886 915.0 1887 708.0 1888 1087.0 1889 1278.0 1890 631.0 1891 831.6 1892 701.0 1893 554.0 On voit, par suite, que l'année la plus pluvieuse est celle qui a fourni 1278 m., et la moins pluvieuse celle qui a donné seulement 554 m. De cette façon nous restons dans le terme moyen des deux villes Sud-Américaines les plus marquées au point de vue de l'abondance et de la rareté des pluies: Ma- ranhao au Brésil, avec ses sept mètres de pluie par an, et Lima, où elle tombe seulement par exception. De cette étude nous pouvons conclure que Buenos Aires est une ville qui vit sous un régime normal de pluies, au point de vue de la quantité; et que de ce côté elles se produisent, suivant les saisons, dans l'ordre ci-après: automne, printemps et été, hiver. Les vents les plus fréquents sont N. NE. SO. et SE. Les orages se présentent assez souvent et ceux de l'hi- ver ont une intensité considérable. Gould a dit à ce sujet: Il y a peu de régions dans le globe terrestre, situées dans les limites des zones tempérées, qui se distinguent autant par la force et la fréquence des ora- ges, que l'embouchure de la Plata. Les vents du Sud Ouest qui soufflent de la Pampa ouverte se désignent à Buenos Aires sous le nom de* Pamperos, et ces vents très véhéments succèdent aux fortes tempêtes, de sorte que l'on donne aussi localement le nom de « pampero » aux orages mêmes. La ville se trouve exposée d'une façon remarquable à l'intensité de vents très-violents, car elle est entourée au Nord et à l'Est par la vaste plaine de l'estuaire de la Plata, et dans les autres directions par l'étendue encore plus vaste et presque illimitée de la Pampa. Aussi n'est-ce pas sans raison que les marins redoutent particulièrement les ouragans de la Plata, spé- cialement dans les mois de l'hiver et du printemps. 147 Une énumération très bien faite par M. Eguia de toutes les tempêtes observées pendant vingt ans, de 1856 à 1875, donne un total de 400, dont 93 entrent dans la catégorie des forts ouragans ayant généralement duré plusieurs jours, tandis que les 307 autres n'ont eu qu'une extension et une violence moindres. La variation an- nuelle dans la fréquence des tempêtes n'est pas très régulière, bien qu'elles se succèdent plus souvent dans les mois de septembre à février et qu'il y ait un mi- nimum assez prononcé d'apparition dans le mois de juillet, comme il a été constaté par ce savant. Les vents du Nord sont généralement malsains. Les moyennes mensuelles ozonométriques de jour et de nuit, en 100 m. cubes d'air, révèlent: MOIS JOUR NUIT Titrage MOIS • JOUR NUIT Titrage Titrage Papier échelle Chevreul Titrage Papier 1 échelle Chevreul y Janvier, .mgr. 1.11 0.92 1.66 Juillet.. mgr. 1.02 1.07 1.08 Février 1.26 1.34 1.72 Août 0.91 0.83 1.60 Mars 1.27 1.20 1.77 Septembre .. 0.95 0.85 1.60 Avril 0.96 0.80 1.55 Octobre 0.96 0.93 1.50 Mai 1.00 0.98 1.40 Novembre... 0.96 0.90 1.05 Juin 0.81 0.98 1.25 Décembre... 0.87 0.90 1.07 L'humidité atmosphérique est ainsi représentée en te- nant compte des moyennes mensuelles: MOIS Absolue mm. Relative 0/0 MOIS Absolue mm. Relative 0/0 Janvier 14.6 68.0 Juillet 8.3 27.0 Février 13.9 68.5 Août 8.5 86.0 Mars 14.2 80.0 Sèptembre.. 9.3 81.0 Avril 10.9 82.0 Octobre 10.7 78.0 Mai 9.4 84.0 Novembre... 13.4 73.0 Juin 8.4 87.0 Décembre... 13.3 72.0 148 Les pressions barométriques extrêmes sont: 753.58 en février et 764.67 en mai; la moyenne annuelle est de 760.53. Quant à l'évaporation pour laquelle on emploie la méthode du vase de verre exposé à l'action de l'air et préservé de l'invasion du calorique, nous savons qu'elle fut en 1891: janvier 164 millimètres; février 148; mars 96; avril 71; mai 58; juin 41; juillet 33; août 51; septembre 54; octobre 86; novembre 116; décem- bre 139. La nébulosité déduite de plusieurs années d'observa- tions présente comme moyenne mensuelle: janvier 41; février 42; mars 40; avril 40; mai 51; juin 58; juillet 50; août 48; septembre 46; octobre 53; novembre 45; décembre 40. La détermination de l'acide carbonique de l'atmos- phère a donné sur la terrasse du laboratoire de chimie municipal: " g > 5 Jr 3 g 3 £ ®' B 3 r â â • • • • Œ CD MOIS S K K (v W ii ►D (0 O< O O O< Nombre d'analyses co co co co co co B. 01 Ü1 b> O1 rf». 0 K CO 00 CO CD CD CH F Acide carbonique dans 10.000 litres d'air Juillet Août Septembre .. Octobre Novembre... Décembre... 0 K) îo ;o ÇJ-J Q< Qt Nombre d'analyses CO CO CO CO CO CO B J- m D C'1 C. % it -0 (o -* cd >- 0 r> Acide carbonique dans 10.000 litres d'air L'analyse bactériologique de l'air pratiquée au Labo- ratoire de chimie a donné comme moyenne mensuelle: 149 MOIS RENCONTRÉ DANS UN METRE CUBE D'AIR Bactéries Moisissures Totaux Janvier 243 266 509 Février 404 349 753 Mars 349 313 662 Avril 369 192 561 Mai 150 200 350 Juin 222 30 252 Juillet 191 84 275 Août 153 87 240 Septembre 144 84 228 Octobre 130 131 261 Novembre 159 169 328 Décembre 178 169 335 Le climat entre donc dans la catégorie des climats tempérés et permet aux individus de toutes les zones de s'y accoutumer. Avec des éléments naturels semblables, la « grande capitale du Sud » est arrivée à parcourir en peu de temps un vaste chemin, en appelant à elle une nom- breuse immigration; et si des circonstances acciden- telles ont arrêté pour un moment sa marche rapide, il y a lieu d'espérer que prochainement, très prochai- nement même, elle rentrera dans la période de labeur qui l'a placée, si justement, à une si grande hauteur, reprenant ainsi son rôle proéminent de facteur puissant de progrès sur les nations voisines. La ville de Buenos Aires reçoit sa provision d'eau d'un des courants du rio de la Plata, appelé del Ca- pitan, à 1625 mètres de la côte. L'installation de toutes les dépendances de ce service est bien comprise et très complète. Cette eau est bonne et a été reconnue comme telle par les examens chimiques et bactériologiques, pra- tiqués par les professeurs Arata et Wernicke, en 1891 et 1892. Le premier a déclaré dans son rapport « que les eaux courantes de Buenos Aires sont les plus pures et 150 les meilleures de la ville et doivent continuer à inspi- rer la confiance qu'on a toujours eu en elles. La quan- tité de bactéries qu'elles contiennent n'a rien d'anor- mal. » Le Dr. Wernicke confirme cette appréciation et déclare que « nos eaux courantes ne sont pas contaminées poul- ie moment, mais que l'examen pratiqué dans le labora- toire bactériologique de l'Assistance Publique n'a d'autre importance que d'être le premier d'une série qui fera connaître la flore microbiologique de nos conduites d'eaux courantes. » Le Dr. Lavalle dit à ce sujet: que l'eau du rio de la Plata, tant dans ses divers affluents, qu'au point de prise pour la consommation de la ville, est assez bonne par sa constitution chimique, mais mauvaise au point de vue physique, parce qu'elle est trouble, chaude et peu appétissante. En ce qui concerne sa corrélation avec les maladies infectieuses, elle est suspecte. Les eaux potables, qui sont un des facteurs les plus importants pour la santé des habitants, laissent à désirer à Buenos Aires; et il est urgent de régulariser le système et les moyens de purification des eaux du rio, et d'établir une provision avec des puits semi-jaillissants; en attendant, il faut contribuer par une purification pratiquée sur une petite échelle, obligatoire dans les établissements publics, écoles, hôpitaux, cafés, restaurants, etc., à atténuer les préjudices que peut causer une eau qui est dans de mauvaises conditions. (') La moyenne de la consommation d'eau par jour, pen- dant l'année 1893, a été de 63.000 mètres cubes; pour 1894, on peut la calculer à 80.000; plus tard, elle attein- dra 120.000. Ces chiffres représentent presque exclusi- vement la consommation particulière. Pendant cette dernière année, le nombre de maisons pourvues d'eau courante s'élevait à 35.000, et il reste encore toute une série assez considérable qui ne les a (x) F. P. Lavalle : Las aguas corrientes de la ciudad de Buenos Aires. Thèse, 1893. 151 pas encore. Ce sont ces édifices dans lesquels on a re- cours aux puits et aux citernes. Ces renseignements permettent de calculer à 220 litres minimum la quantité d'eau que chaque individu con- somme journellement. La longueur totale des conduites d'eau courante en décembre 1893 s'élevait à 603.567 mètres. Le nombre d'immeubles dans lesquels les égouts fonctionnent est actuellement de 18.000, ce qui corres- pond à 22.000 maisons environ. La longueur totale du réseau des égouts est de 340.928 mètres. (*) Ces services fonctionnent avec une régularité absolue. Nous devons ces informations à la complai- sance de M. G. Villanueva, ingénieur, président du comité des travaux de salubrité. On sait, et nous le verrons en parlant de la section Nord de la province de Buenos Aires, qu'il existe sur ce point une seconde couche d'eau souterraine qui s'étend jusqu'à notre municipe. Les études pratiques faites à ce sujet par l'ingénieur E. Aguirre établissent : que l'épais- seur de la couche de sable fluide est de 25 mètres dans la ville de Buenos Aires. On calcule que la quantité d'eau pure représente un tiers, de manière que l'épaisseur d'eau disponible est de 10 mètres. L'eau est parfaitement limpide en la laissant reposer pour qu'elle dépose les grains de sable qu'elle charrie quand on commence à la prendre ou quand on donne une grande rapidité à son courant. Elle a une saveur alca- line très peu sensible surtout si on l'agite convenable- ment avant de la goûter; ce goût provient du carbonate et du silicate de soude. Pour tous les usages industriels, elle est égale ou supérieure à l'eau du rio de la Plata. Pour les services d'une population, elle est d'excellente qualité. Elle rappelle par sa saveur l'eau de Vichy. Sa température permanente est 17°.5. Elle ne contient pas de matières organiques, puisqu'on n'y trouve pas de nitrates en quantité appréciable. Théoriquement on peut (x) Décembre 1893. 152 conclure, il me semble, avec toute probabilité, que les forces humaines ne pourraient épuiser cette couche d'eau. Dans l'opinion du même auteur, cette couche est li- mitée, à l'Ouest, par la chaîne de collines qui s'étend du côté du Bragado et de Junin; au Sud il semble qu'elle suit le cours du rio Salado, sur sa rive droite, jusqu'à la partie Sud de la baie de San Borombon; au Nord et à l'Est, ses limites sont celles de la province de Buenos Aires et probablement elle s'étend au-delà, surtout dans la direction du Nord. On calcule que sa longueur est de 80 à 100 lieues, sa largeur est approxi- mativement de 40 lieues, et son épaisseur de 10 mètres au moins. Son abondance a été démontrée par les puits creusés à Buenos Aires, Mercedes, San Carlos, Chivilcoy, qui ont fourni des quantités d'eau considérables. (l) Le maire de Buenos Aires reconnaissant la bonne qualité de ces eaux, et désirant déterminer les avantages que procure actuellement l'existence de cette couche, a dicté une ordonnance le 26 février 1892 décidant la for- mation d'un registre spécial sur lequel on inscrira les établissements industriels, les collèges, etc., ainsi que les maisons particulières qui ont des puits creusés jus- qu'à cette couche, soit pour la provision d'eau, soit pour se débarrasser des eaux sales ou des résidus de toute classe. Le but de cette résolution est d'éviter la conta- mination ou la pollution de ces eaux. La population de la ville de Buenos Aires est évaluée aujourd'hui à 640.000 habitants, chiffre dépassant celui de n'importe quelle autre capitale sud-américaine. Comme nous savons que l'étendue de son territoire est de 187 kilomètres carrés, il résulte une proportion de 3.422 âmes par kilomètre carré. Si nous examinons un instant son développement depuis les premiers temps de sa fondation, nous voyons qu'elle compte 300 individus en 1580 et 500 en 1602. Trelles lui assigne, en 1664, seulement 250 (x) E. Aguirre : Estudio sobre pozos artesianos en laprovincia de Buenos Aires. 153 habitants résidants, mais, malgré le respect que mérite une opinion aussi autorisée, Lopez ne la partage pas et dit qu'Ascarate du Biscay qui vint deux fois à Buenos Aires, de 1658 à 1663, donnait déjà, pour la première époque 400 maisons, ce qui fait supposer l'existence d'un nombre égal de familles qui fourniraient ainsi un chiffre approximatif de deux mille personnes. Le service domestique, à une époque où l'esclavage rendait le nombre des parasites énorme dans chaque famille, de- vait donner à la ville un total de huit mille âmes au moins entre hommes, femmes et enfants de toutes con- ditions. Quelques écrivains adoptant un terme moyen au milieu de calculs si divers, se rallient à la quan- tité de 4000 habitants pour l'année en question. Un siècle plus tard (1764), Buenos Aires comptait 24.205 habitants; en 1810, 46.000; en 1822, 55.416 et en 1852, 76.000. En 1864, la population s'élevait à 140.000; en 1869, selon le recensement, elle était de 177.787; et en 1871, de 195.262. L'épidémie de . fièvre jaune qui se déclara en cette même année de 1871, interrompit le développement de cette progression, car le chiffre d'habitants n'était que de 204.634 en 1872, soit une augmentation de 9.372 seulement sur l'année précédente, ou un accroissement relatif de 4.7. En 1875, la ville avait 230.000 âmes. En 1879 257.440 d'après Coni. » 1880 270.000 - » 1881 289.925 - » 1887 433.375 recensement officiel (Dr. Crespo). » 1888 455.167 - - » 1889 523.452 - - » 1890 547.144 - - » 1891 535.060 » 1892 554.713 - » 1893 580.371 » 1894 640.000 - - La diminution notée dans l'année 1891 s'explique par la sortie d'émigrants qui se virent obligés d'abandonner 154 Buenos Aires à cause de la crise financière, croyant rencontrer ailleurs de meilleures conditions de travail et d'économie. La population s'est accrue de nouveau en 1892, et il y a lieu de croire que l'augmentation continuera comme auparavant et qu'elle recouvrera bientôt son ancienne vi- gueur un instant paralysée. Le facteur le plus puissant que nous ayons eu a été la grande immigration venue au pays et de laquelle une bonne partie s'est établie dans la ville, représentant ainsi une force et un élément de production et de con- sommation. Il est regrettable que le mouvement immigratoire se soit arrêté dans les dernières années, car s'il avait con- tinué dans les proportions que nous lui avons connue de 1886 à 1890, la population aurait atteint un chiffre fabuleux. Des circonstances d'ordre financier ont influé sur cette diminution et ont provoqué, comme en 1891, un grand excédent de l'émigration sur l'immigration. Les renseignements complets sur ce point se trou- vent à la page 4. L'immigration augmente considérablement en 1885; elle progresse encore en 1887, puis en 1888 et arrive en 1889 à son chiffre le plus élevé, 260.909. Le pays na- geait alors dans une fausse prospérité et le gouverne- ment entretenait même en Europe des agents chargés d'offrir des passages gratis à ceux qui voulaient venir travailler chez nous. Pendant la durée décenale-1884-93, l'immigration et 1'émigration ont été ainsi représentées à Buenos Aires : Immigrants Emigrants 1884.. 77.805 14.444 1885.. 108.722 14.586 1886.. 93.116 13.907 1887.. 120.842 13.630 1888.. 155.632 16.842 Immigrants Emigrants 1889.. 260.909 40.649 1890.. 110.594 82.981 1891.. 52.097 81.982 1892.. 73.294 43.853 1893 ... 84.420 48.794 Heureusement qu'en ce qui se rapporte à 1892, on constate une amélioration, un excédent de 29.441 en- 155 trées sur le nombre des sorties. En 1893, cet excédent s'élève à 35.626. Les mariages ont passé par des phases diverses à Bue- nos Aires et bien que, actuellement, ils ne figurent pas dans la démographie avec les chiffres qui conviennent aux lins ultérieures de la société, il est juste de reconnaître qu'ils ont subi une augmentation considérable. Des investigations de Coni, il résulte que le chiffre respectif s'est accru de l'année 1858 à 1873; que ce chiffre a diminué graduellement depuis cette année jusqu'à 1877 et que de cette époque à 1881, on observe un état stationnaire. Quel est le motif de cette diminution et de ce station- nement? Rappelons que la crise politique qui éclata en 1872, au moment de la période électorale, se prolongea après 1874, non plus seulement sous cette forme, mais aussi et surtout comme crise économique, ce qui obligea les Argentins à réduire le montant de leurs frais. Le trésor public appauvri et la fortune privée considérablement diminuée à cause de l'épizootie qui se déclara dans ces années, paraissaient se réunir pour creuser davan- tage l'abîme d'où nous sommes heureusement sortis à la suite de sacrifices considérables. Dans des conditions semblables, les mariages n'étaient pas fréquents et se bornaient à ceux que contractaient les gens de position aisée. En 1878, la proportion de mariages, comparée avec la population, fut de 6.3 pour 1000; en 1879 de 6 et en 1881 de 6.1. chiffre très-inférieur à celui que présente la période de 1869-77 qui s'éleva à 8.1 par mille. Mais à partir de 1881, un phénomène social s'accomplit, phénomène en relation avec l'état d'abondance du pays qui ne devait cette transformation factice qu'à des emprunts et à des irrégularités financières dont les enfants de nos enfants auront à supporter les conséquences. Quand l'argent est abondant, la nuptialité est plus 156 développée. C'est ainsi qu'en 1890 on a pu noter parmi nous qu'elle était exprimée par la proportion de 10.13 par mille habitants. Le fait est positif et la statistique le prouve. C'est la représentation matérielle d'une époque dans laquelle tout semblait permis et facile. Les données ci après font connaître le nombre de mariages effectués pendant les dix dernières années (1884-1893). ANNÉES Population Mariages Proportion par 1000 habitants 1884 365.302 2.774 7.06 1885 381.492 3.200 8.03 1886 400.951 3.141 7.08 1887 433.375 3.428 7.82 1888 455.167 4.498 9.88 1889 523.452 4.159 7.94 1890 547.144 5.545 10.13 1891 535.060 5.007 9.35 1892 554.713 4.712 8.00 1893 580.371 4.919 8.00 Sous ce rapport, Buenos Aires vient à être plus fa- vorisée que Saint-Petersbourg où la proportion de la nup- tialité est de 6.4 par 1000 habitants; à Rome elle est de 6, à Naples de 7.3, à Anvers de 8.6. Paris dépasse ces proportions avec 11 mariages par 1000 eûmes et Boston avec 13.9. Berlin est au même point que notre capitale. Nous avons dit que notre population est cosmopolite; et en effet, après le groupe national qui domine natu- rellement, les Italiens occupent le premier rang, les Espa- gnoles viennent ensuite, puis les Français, les Anglais, les Allemands, etc. L'étude des naissances à Buenos Aires nous fournit 157 l'occasion de faire quelques considérations sur la fécondité de la femme argentine. Cette fécondité est très considérable; cependant elle est dépassée par celle des Italiennes, comme on peut s'en rendre compte par les tableaux suivants relatifs aux accouchements qui ont eu lieu à Buenos Aires pendant les années 1892-1893. 1892 Pères Argentins Pères Italiens Pères Espagnols 72 CÔ a c6 £ 03 CD £ Pères Anglais Pères Allemands Pères Uruguayens Autres nationalités Totaux 1er accouchement.. 1250 1340 708 291 60 50 99 197 3495 2e - 1132 1785 698 266 42 40 108 130 4201 3e - 862 1757 576 217 44 20 53 103 3642 4e - 698 1562 449 146 22 24 45 75 3021 5e - 421 942 266 72 11 7 22 61 1792 6e - 295 604 209 45 11 8 26 33 1231 7e - 235 408 117 28 9 5 13 25 840 8e - 148 299 113 18 8 3 13 19 621 9e - 106 177 54 15 1 1 12 15 381 10e - 77 108 42 44 2 7 9 259 lie - 49 73 25 6 2 1 4 7 167 12e - 33 54 14 3 1 5 2 111 13e - 24 23 14 1 2 64 14e - 9 14 8 2 2 2 1 38 15e - 6 7 3 1 1 18 16e - 4 2 2 2 10 17e - 2 2 1 1 6 18e - 1 1 2 19e - 1 1 1 3 20e - 21e - 1 1 22e - 2 2 23e - 1 1 24 e - 25e - 26e - 27e - 1 1 Accouch. inconnus.... 40 32 9 11 2 1 2 2751 2848 Total général 23255 158 Totaux.... > 63 63 63 63 >- >- 1- H- _ g w io O' û z -i a üi û: ti c e œ '■i O' û: W - g OŒ<CŒQaaaOCI><Pa<DCD<pœoO<t!<î<D<DŒ 1 » - O = • 1 i 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ? 5 | 1893 5964 - ;û z œ a w c: -O -J i?i Z ( i ~ - C' as,- W t£ Z A (£ 'Z ZZ ül W C. C li Pères Argentins 10230 H- 63 1- - >- 00 - i 63 O CO JO CO (C <£ ci - t 4- O> W C. C - K) O 00 UI U' IC (C '1Z*C'I ci C. Z Z Z O C> Kl O"ZZ -1 Z Pères Italiens 3694 - (O CO >UCO 00 CO K ci Z Z H- a K C> W O Z O Q Z K CI Pères Espagnols 1152 ■ 63 65 •- - KZCI'IZOZ C- -4 >- MKiZO.OK'ZK'OZZOOZ Pères Français 200 co cn >- 63 co 1- 00 - 00 «0 CD 63 Pères Anglais 166 H- 62 CO CO >- 63 Pères Allemands 609 - >- 63 4- 4- O >- 62 <- ~ ~ K) K K K Z K O Z O 21 - - - Z D Pères Uruguayens 3776 63 O ~ K) K> -j - - - - z o: z z c - O 62 63 62 en 1- O> >- CO4^63i-OOcOCN Autres nationalités 25791 - 62 CO 4- CO - - et a K1 2' - - 00 "I-■ 63 62 CO O 4- 63 O OS Cn 4i. Oi CO 05 05 Cn CO ►- Totaux La lecture de ces tableaux donne lieu à des déductions sérieuses et intéressantes; la première est la grande su- périorité des naissances de fils de pères étrangers et particulièrement des Italiens par rapport aux autres, y compris les Argentins. Le résumé suivant explique encore mieux ces chiffres : Sur 25.791 naissances qui ont eu lieu en 1893, les nationalités des parents sont ainsi représentées: Argentins 5.964; Italiens 10.230; Espagnols 3.694; Français 1.152; Anglais 200; Allemands 166; Uru- guayens 609. C'est-à-dire que plus des trois quarts des naissances 159 qui se sont produites à Buenos Aires, sont de parents étrangers, tandis que celles correspondant à des parents Argentins forment seulement presque un quart. Parmi les étrangers, ce sont les Italiens qui dominent ; leurs fils représentent le 40% de l'ensemble des nais- sances, et le double approximativement de celles des nationaux. Les mêmes observations peuvent se faire à propos des années antérieures. Cette fécondité exceptionnelle des Italiennes nous dé- montre un fait certainement étonnant prouvé par les statistiques de 1892 et 1893 respectivement; une femme de cette nationalité a eu son 23e accouchement; une autre son 27e. Ces phénomènes relatifs aux naissances qui se pro- duisent dans les pays d'immigration ont été déjà cons- tatés ailleurs. Notre savant hygiéniste et maître, le Dr. G. Rawson, l'a affirmé lorsqu'on parlant de ces questions il disait : La statistique matrimoniale en ce qui concerne la nationalité des conjoints paraît présenter une propor- tion identique dans les naissances par rapport à la na- tionalité des parents. Dans les tableaux qui suivent, je limiterai mes exemples aux naissances d'enfants dont les deux parents étaient Argentins ou étrangers, en omet- tant les cas dans lesquels les parents étaient de natio- nalité mixte : Lun argentin, Pautre étranger, ainsi que d'autres cas non spécifiés. ANNÉES Père et mère argentins Père et mère étrangers Proportion 1869 1512 3314 1 à 2.9 1870 1403 3881 1 à 2.7 1871 1564 4019 1 à 2.4 1872 1580 4351 1 à 2.8 1873 1543 4738 1 à 3.0 La proportion des enfants de parents étrangers com- 160 parativement aux enfants de parents Argentins augmente de 1 à 2 en 1869, jusqu'à de 1 à 3 en 1873, et il est à noter que cette augmentation coïncide avec le dévelop- pement de l'immigration. Je trouve encore ici les mêmes analogies que j'ai déjà observées entre Buenos Aires et New York. Elles résul- tent du tableau ci-dessous dans lequel figurent seulement les enfants nés de parents américains et de parents étrangers. ANNÉES Père et mère nord-américains Père et mère étrangers Proportion 1869 2457 9080 1 à 3.7 1870 2553 9282 1 à 3.6 1871 2631 14144 1 à 3.8 1872 3721 14829 1 à 3.9 1873 3827 15353 1 à 4.0 A New-York l'excédent des naissances de fils d'étran- gers par rapport à celles de fils d'américains est encore pins considérable, puisqu'il atteint en 1873 la proportion de 4 à 1. Cette proportion extraordinaire est encore beaucoup plus forte que celle des mariages par natio- nalité. Elle laisse présumer que la fécondité de ces dif- férentes classes de personnes est subordonnée à d'autres causes ainsi que le prouvent les deux faits suivants : 1° Le nombre des garçons est plus considérable que celui des filles chez les enfants d'étrangers en compa- raison de celui des enfants de parents américains. 2° D'après une observation résultant des tableaux de la statistique publiée par le Comité Sanitaire de New- 161 York de 1870 à 1873, parmi les mères américaines dont les enfants avaient été inscrits pendant cette période: 35 avaient eu 12 enfants 17 - 13 - 9 - 14 - 5 - 15 - 2 - 16 - 1 - 18 - 69 et parmi les mères étrangères, on en comptait 215 qui avaient eu 12 enfants 119 - 13 - 57 - 14 - 17 - 15 - 12 - 16 - 11 - 17 - 4 - 18 - 1 - 19 - 436 Ce qui donne un total de 436 mères étrangères fé- condes contre 69 Nord-Américaines seulement, et la fé- condité de ces dernières était très inférieure à celle des premières. (') Des recherches statistiques publiées, il résulte que les mariages produisent chez nous un terme moyen de 5 enfants, et c'est en vertu de ce facteur et de la grande immigration qui s'est toujours dirigée vers nos plages, que la République Argentine a pu offrir une augmenta- tion de population qui, de 1.877.490 habitants en 1869, est évaluée aujourd'hui à plus de 5.000.000. Les naissances, dans les localités argentines, ont atteint des chiffres très élevés et pour ne citer que deux cas, nous nous occuperons de Buenos Aires et de La Plata, qui, toutes proportions gardées, peuvent figurer au premier rang, sous ce rapport, parmi les nations du monde entier, à l'exception du Caire. Mais nous Guillermo Rawson: Estadistica vital de Buenos Aires. Voir ses Escritos y diseursos, 1891. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 162 ferons remarquer que si au Caire, selon la statistique de 1891, la natalité est plus grande que dans nos deux villes en question, il y a, en échange, une mortalité énorme, et il résulte que, s'il se produit 51 naissances pour 1000 âmes, il meurt 50.6 individus également sur 1000, ce qui donne une augmentation végétative extrêmement pauvre : 0.4 pour 1000 habi- tants. La Plata f) figure dans la dite augmentation avec 23.85 et Buenos Aires avec 21.6, cette propor- tion étant obtenue par le moyen suivant : Natalité en 1891 (à Buenos Aires) 24.591 - par 1000 habitants 45.95 Mortalité absolue 14.332 - par 1000 habitants 24.32 Augmentation végétative absolue 10.259 - - par 1000 habitants. 21.6 Ces chiffres montrent une quantité de naissances très- élevée et si l'on exclut celui de 118 pour 1000 à Buenos Aires en 1872, après l'épidémie de fièvre jaune de 1871, jamais on n'a constaté des données aussi satisfaisantes. La Plata, capitale de la province de Buenos Aires, offre les renseignements ci-après, comprenant 5 années : ANNÉES Natalité par 1000 habitants Mortalité par 1000 habitants Augmentation végétative par 1000 habitants 1884 42.90 17.74 25.16 1885 37.16 19.07 18.07 1886 48.20 21.93 36.07 1889 43.83 25.46 18.37 1890 49.62 25.77 23.85 (x) Le chiffre de La Plata correspond à l'année 1890. 163 Selon les données démographiques des différents peu- ples du monde que nous avons sous les yeux, la na- talité extraordinaire de La Plata, en 1890, place donc cette belle cité au premier rang, au point de vue de l'augmentation végétative de sa population. Buenos Aires vient ensuite, et l'étude de la natalité de la capitale argentine est flatteuse, si Bon considère que les chiffres élevés qu'elle accuse lui assignent une place exceptionnellement favorable parmi les principales cités du globe. La natalité de Buenos Aires dans la décade 1884-93, la proportion entre les naissances et la population, et la relation de prédominance du sexe masculin, sont expri- mées dans le tableau ci-après: 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 CDcDcOcOOOOOOOOOOOOO ANNÉES ut ut ut en en 4- 4- 4- co co 00 UT CO to UT CO O OC 02 O 4-05 -1 CO UT -4 O 4- UT CO <1 O 1- 42- ►- 00 CD 4- 'CD -4 - G 4- U' G- -1 Ü< O O - o: 0 4- (i ui ►-■ w K Population K K K K K r- - h- >- - UT U 4. U K' U U< 4- iv >- ~-4 bS UT O O ►- CO O UT 00 O UT CD ÎO 42- CO O 00 -4 >- u - o o O' C' o: >- c Natalité tu - <G - 1- CO 00 -4 02 02 O X U< K -4 K K D C 00 >-' CO UT 05 iU IU CO CO (C H- K OO 4- U! M G C Sexe masculin w - K1 -■ O U O. O UT œ co o ;o - i co - oo 4- -4 -IX2CD' - -4 4-4- CD 4- CD CO 02 UT 02 UT O Sexe féminin 4- 4- 4- >- 4. 4- CO U 'G o: 4- - CI K M (C G 4- M to 4- O CO O >--O4-O-Î4- rf4- O UT -» O O O tO (O CO Proportion de naissances par 1000 habitants oooooooooo C 4- CO 4- 4- 4- G G 4- CO Garçons pour chaque 100 filles Les naissances à Buenos Aires pendant les années qui vont de 1884 à 1893, selon la nationalité de leurs parents, sont exposées de la façon suivante : 164 Totaux.. oooooooooooooooooooo cocococoooooooooœoo ANNÉES ■ < . . L 1 |. ■ 1 ' ' ' £o 4- 'CO 00 40 40 " O i- h-,-- -< -4O<- - o 00 1- 00 " - Cl 1O 4- -4 Argentin et Argentine . ■ ■ u-J t-1 1-1 i--< >-J ►-1 |-< CH 00 4 0 40 " KKCCOO O -4 OcDCOCOOCObOO CO -4oocioococnci"cn w >-■ bo ci 4- 00 40 ce 4- - oo ci O' cOcObO'- Argentin et mère étrangère CO Cnrf^tnCOCOCObO""- " et inconnue J 00 co co en co -4 ►- - o w 4- y Cl æ oo -4 --ici ci ci en en o- en --i ci 4- 4- o eo en ce -- O 00 COCO -1 " -4 10 CO -1 40 Italien et Argentine C0 OC -1 -1 Cl Cl U' " 4- 4- 4- bO cO "ClbOCOCOtOOOOCl" b£> Cl COCObObObObObObObObO - H- ~-) Ci '1 Ci! K OI C K CO COOO Ci -4 40 bO - à Ci Espagnol et Argentine b2 00 40 40 40 40 40 " 40 " 40 o- en oo Ci - co co 40 co >- Ci Ci en no 4- o -4 ci 4- ci ci o Ci CO K . CO CO -4 00 CO 40 -4 CO O Français et Argentine O ►U oo Ci oo Ci Ci ci en en -jo 00 C 00 ~j C K O Ù'I C C O 4- 4- 4- 4- 4- 4- CO CO 40 40 ("2*3 co^ooi-icocio-icn Ci ÎO>- bOOO-»OCOCOOOCO enenoooe-bO»- ""J Italien et Italienne / 00 4- 4- 4- 4- 4- 4- 00 JO ÎO (O frf - Miocicncn - - c a e hrj ' en OOCOCOObOOOl-CO~44O ce CO en Ci 4- 4-. CO O J en 4- 4- CO CO Cicn-^icDcocn- en • J -~J 40) CO 4- O' Ci -■ Espagnol et Espagnole CD f bO bD - Kc - 4- 40 •- >- ci 4- Cl en 00' CO b3 4-4-4-4-4-4\0~-■►- 40 i- O bO 40-4'-' 00 00 Cl O en CO bO Français et Française CO CD CO CO oi 4X co 40 - I- - - 1- \ c© 00 00 00Ci ►-1 CO bO '-j44.oocicncocico-40 oococnbseni- 00 O Père étranger et inconnu 324 et mère Argentine œ-iJ-eeneeKOO co>-cncoGiooi-000" 1 bO Ci b3 bS b3 bO bO >- " cokco k o o oca en 40 -4 4- 4- 40 U' 4- 00 ©! Cn-3cOOOOOcOcD-)IOO 498 Père étranger et inconnu 6t H < Ci O 40 bO b2 bO bS " " bobocoi-ocncoooocn •n mère étrangère et inconnue CO 0004CC04000'-00-4 Ci oooeno-icn-ioo 165 Les quantités relatives (par 100) qui correspondent à la nationalité des parents sont : NATIONALITÉ DES PARENTS ANNÉES 1884 1885 1886 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 Argentins et Argentines .... 18.04 16.81 15.31 12.08 12.55 11.23 10.70 10.84 11.42 11.04 - Etrangères.... 2.57 2.44 2.64 2.02 2.70 3.58 3.44 4.21 4.48 4.42 Italiens et Italiennes 42.01 43.06 43.31 44.11 44.09 42.39 40.09 38.96 37.36 37.58 Espagnols et Espagnoles ... 6.35 6.20 6.64 6.80 7.62 9.60 11.87 11.74 12.29 12.42 Français et Françaises 3.06 2.89 2.62 2.30 2.09 3.61 4.13 3.94 3.43 3.11 Anglais et Anglaises - - - 0.42 0.44 0.68 0.69 0.65 0.60 0.51 Allemands et Allemandes... - - - 0.65 0.62 0.55 0.59 0.44 0.55 0.42 Uruguayens et uruguayennes - - - - 0-43 0.28 0.26 0.25 0.34 0.50 L'étude de ces chiffres confirme nos appréciations an- térieures et révèle éloquemment l'importance de l'immi- gration qui vient se fixer parmi nous. Heureusement, les fils d'étrangers, nés dans le pays, sont argentins suivant nos lois et demeurent incorporés, attachés à notre sol auquel ils apportent le concours de leur activité et de leur travail. C'est ainsi que la République Argentine a pu prospérer et résister à la mauvaise in- fluence des circonstances qui l'ont momentanément arrêtée dans sa marche. Les proportions que Buenos Aires offre au point de vue de la natalité étant connues, nous allons les com- parer maintenant avec celles d'autres villes d'Amérique et d'Europe : 166 VILLES Natalité par 1000 habitants Mortalité par 1000 habitants Augmentation végétative par 1000 habitants Buenos Aires 45.95 24.32 21.6 La Plata 49.62 25.77 23.85 Montevideo 38.03 22.06 15.7 New-York 27 25 2 Paris 25 22.3 2.7 Marseille 30.8 30.6 0.2 Londres 32 21 11 Cardiff 36 22 14 Dublin 28 27 1 Sheffield 36 24 12 Edimbourg 28 22 6 Birmingham 34 22 12 Liverpool 33 27 7 Aberdeen 32 20 12 Leads 34 22 11 Berlin 32 21 11 Francfort 28 18 10 Mulhouse 34 15 19 Brême 29 20 9 Dantzig 35 25 10 Leipzig 40 20 20 Hambourg 35 20 15 Nuremberg 37 24 13 Munich 37 26 9 Hanovre 35 21 14 Budapest 35 27 8 Madrid 26.2 (1) 38 26.3 0.1 Valence 29 9 Lisbonne 35 34.87 0.13 Rome 27 23 4 Milan 31 30 1 Turin 26 31 5 Saint-Pétersbourg 30 28.4 1.6 Moscou 38 37 1 Varsovie 38 22 16 Copenhague 32 21 11 Stockolm 34 23 11 Berne 30 20 10 Genève 21.1 20.7 0.4 Zurich 29 19 10 Bàle 29 17 12 Alexandrie 42 38 4 Le Caire 51 50.6 0.4 (!) En 1891, Madrid a eu plus de mortalité que de natalité. 167 L'illégitimité dans les naissances de Buenos Aires est représentée comme suit : ANNÉES Naissances Légitimes Illégitimes Proportion des illégitimes par 100 naissances 1884 11.870 11.053 817 6.8 1885 12.581 11.765 816 6.4 1886 14.003 12.862 1.141 8.1 1887 15.939 13.965 1.974 12.3 1888 19.119 16.785 2.361 12.3 1889 22.044 19.246 2.798 12.6 1890 23.020 20.007 3.013 13.0 1891 24.591 21.249 3.342 13.5 1892 23.255 20.313 3.042 14.9 1893 25.791 22.413 3.378 15.0 L'illégitimité est favorisée en ce moment à Buenos Aires par la rareté de l'argent dont toutes les classes sociales se plaignent, principalement les plus modestes, celles qui fournissent le plus fort contingent de nais- sances, et paient, par conséquent, le plus fort tribut à la mortalité infantile. Le tableau précédent indique clairement que la mo- yenne de l'illégitimité dans la capitale argentine est de 10 pour 100 naissances et révèle un fait bien triste: celui de son augmentation de plus en plus considérable. Tandis que pendant la période de 1884-85, la proportion des naissances illégitimes était de 6.8 et de 6.4, nous la voyons s'élever graduellement jusqu'au point d'at- teindre le chiffre de 15 par 100 en 1893. Quelles sont les causes qui peuvent exercer leur fu- neste influence sur ces graves faits? La principale doit être attribuée à la crise économique qui pèse sur le pays depuis quatre ans, rendant ainsi le mariage difficile et poussant une grande quantité de gens à contracter des unions illégales. 168 La crise occasionne d'abord l'absence de travail, la diminution des dépenses, l'impossibilité pour beaucoup de remplir leurs obligations; de là survient l'illégitimité qui complète la série des revers. En 1879, la proportion de l'illégitimité s'éleva au chiffre énorme de 14.5, puis elle rétrograda successi- vement dans cette forme: en 1880, 10.2; en 1881, 7.7; en 1882, 8 et en 1883,7.6. Constatons, encore, qu'avant l'organisation de l'Etat-Civil, en 1883, le calcul était très difficile à établir parce qu'un grand nombre d'en- fants illégitimes morts un peu après la naissance ne figurent pas certainement dans les registres de parois- ses, seules sources d'informations démographiques que l'on possédât jusqu'alors. Dans la période décenale de 1875 à 1884, la moyenne de l'illégitimité à Buenos Aires s'évaluait à 9.2, mais on peut calculer qu'en réalité elle était plus élevée pour les raisons données plus haut. A cette époque, les naissances illégitimes étaient dans les proportions suivantes dans les pays ci-dessous: - Italie 6.7; France 7.4; Angleterre 5.2; Ecosse 9.2; Ir- lande 2.6; Empire d'Allemagne 8.5; Prusse 7.4; Ba- vière 15.2; Saxe 13.2; Wurtemberg 10.1; Bade 9.3; Alsace Lorraine 7.1; Autriche 13.3; Hongrie 7.4; Suisse 4.5; Belgique 7; Hollande 3.3; Suède 10.1; Norwège 8.4; Danemark 10.7; Espagne 5.6; Grèce 1.2; Rou- manie 4.3; Serbie 0.56; Russie 2.8; Finlande 7.6. Nous savons déjà qu'en 1891. les naissances illégi- times à Buenos Aires ont été de 13.5 pour cent. Si on compare cette proportion avec celle des autres villes importantes, on constate qu'elles sont moins nombreu- ses que dans la plupart d'entre elles, comme on peut s'en rendre compte par le tableau ci-joint: Paris 28.6; Copenhague 25; Bruxelles 22.5; Lisbonne 21; Saint-Pétersbourg 20; Dresde 18; Madrid 17.2; Ber- lin 14.9. Il résulte que plusieurs des grandes villes d'Europe présentent à ce sujet une proportion beaucoup plus élevée que Buenos Aires. 169 Parmi nous la proportion de l'illégitimité se réduit, généralement, dans la première année de la naissance, soit par le mariage, soit par la reconnaissance des deux parents ou de l'un d'eux, ce qui modifie notablement la statistique et la condition des enfants. Dans cinq années, de 1889 à 1893, sur 15.573 nais- sances illégitimes constatées à Buenos Aires, 3.215 enfants ont été reconnus, ainsi que l'établit le tableau suivant: Illégitimes RECONNUS PAR Sans œ 8 ANNÉES reconnus le nère la mère les leux spécification  c3 œ Sexe \ asculin / x .S Sexe 'i masculin / Sexe éminin / Sexe \ masculin 1 « CD 'S * .s O ü par .- g o TJ * o g mts g ° 'S .S ° s 02 -g O X O masculin a O "c x .s 1 Totaux es reconnais S 1889.. 240 215 153 123 76 69 6 20 5 3 455 1890.. 365 315 253 163 112 127 19 17 2 8 680 1891.. 298 315 155 167 121 123 17 23 5 2 613 1892.. 341 345 ]79 201 147 123 13 15 2 6 686 1893.. 395 386 216 196 156 172 21 17 2 1 781 Il est logique d'espérer que chaque jour se réduiront les effets de ce mal social qui se traduit par la séduc- tion et l'abandon de la femme. L'éducation du caractère, la pratique des habitudes modérées, le respect de la société et de la morale doivent influer considérablement sur la diminution des naissances illégitimes et, par suite, sur les causes des morts nombreuses du premier âge qui sont souvent, en pareil cas, l'œuvre du crime destiné à cacher la faute. En Autriche, d'après Coni, la forte proportion de l'illé- gitimité a imposé l'introduction de sérieuses réformes dans la législation. Quand une jeune fille enceinte ou une fille-mère veut obliger celui qu'elle dit être son séducteur, au mariage ou à une indemnité pécuniair s'il y a lieu, sa demande est toujours prise en cons 170 dération. La requérante n'a besoin d'aucun témoin ap- puyant sa cause, et légitimant sa réclamation, son témoi- gnage seul suffit; elle prononce le nom du coupable et si la vraisemblance du fait ou sa possibilité peut exister, pour que le séducteur souffre une condamnation, ce dernier doit verser une certaine somme en rapport avec son état de fortune, dans le cas de refus de mariage, ce qui arrive généralement. Mais, ce n'est pas seulement en Autriche qu'on a adopté de sérieuses mesures ten- dant à la diminution du nombre des naissances illégi- times, puisque les Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne admettent la recherche de la paternité, faisant de la sé- duction un délit. La France également s'est préoccupée de l'influence de la légitimité sur la mortalité infantile; et à cet effet elle a créé diverses institutions, l'une de protection à l'enfance, au moyen d'asiles et de com- missions départementales et une autre, dont l'objet est de secourir à domicile, avec une mensualité déter- minée, les filles-mères pour les aider à élever elles-mêmes leur enfant. La statistique a démontré déjà les bons résultats de cette oeuvre humanitaire; la mortalité est de beaucoup inférieure chez les enfants depuis l'âge d'un jour jus- qu'à celui d'un an, laissés aux soins de leurs propres mères et assistés temporairement par l'administration publique (29 %) à celle des enfants trouvés (57 %). (') Si l'on suivait les enfants naturels pendant leur pre- mière année, dit Fonssagrives, si on calculait pour chaque mois les probabilités de vie qui leur reviennent, on constaterait une fragilité bien autrement grande pour les enfants naturels que pour les enfants légitimes. Ces calculs ont appris en effet que la mortalité des enfants légitimes étant représentée par 1, celle des enfants naturels est, pour la première semaine 1.68, celle de la deuxième semaine 2.38, celle de la deuxième quinzaine 2.61, celle des cinq mois suivants 2.12, enfin (!) Emile R. Coni : Causes de la morbidité et de la mortalité de l'enfance à Buenos Aires, 1886. 171 celle des six derniers mois 1.75. La mortalité de la première année pour les enfants légitimes étant 1, celle des enfants naturels est 1.92. Le Dr. Coni ajoute à la fois : En présence de semblables résultats produits par l'il- légitimité, nous ne pouvons pas faire moins que de nous déclarer contre la disposition du Code Civil de divers pays, et entre autres du nôtre, défendant la re- cherche de la paternité. La principale raison qu'on puisse invoquer en sa faveur, est, comme nous l'avons dit plus haut, le scandale évité. «Mais l'objection de cet argument, a dit à ce propos M. Serré dans un travail remarquable sur l'article 340 du Code Civil, est usé et amène une réponse topique, à ce point évidente qu'elle est tombée dans le lieu commun: le scandale est dans la violation de la loi morale, il n'est pas dans la répres- sion : la répression est exemplaire, loin d'être démoralisa- trice. L'argument du scandale, si on devait s'y arrêter, pa- ralyserait toute justice. Tous les jours des procès civils en séparation de corps ou en désaveu de paternité et des poursuites criminelles pour attentats aux mœurs, amènent la divulgation de faits déplorables. A-t-on jamais pensé à élever, en pareille matière, la fin de non- recevoir du scandale? Il y a quelque chose de plus contagieux que le mal lui-même et de plus démoralisa- teur, c'est l'impunité du malQuiconque a transmis la vie à un être humain lui doit la subsistance et l'édu- cation, l'assistance morale et l'assistance corporelle. Tout au moins, et ne fût-ce que cela, il lui doit l'aveu et la reconnaissance publique de sa paternité. Le déni de paternité est, entre tous les dénis de justice, le plus impie et le plus dénaturé ». La question de la paternité est intimement liée à celle des tours, si souvent débattue en Europe. En France ils furent supprimés pour combattre les naissances illé- gitimes et l'abandon. Le Dr. Fonssagrives dit qu'il s'est fait, dans les discussions, une confusion entre les tours fermés ou clandestins et les tours ouverts ou surveillés: les premiers sont incontestablement une incitation à la débauche et au délaissement des enfants, non plus seu- lement de ceux qui naissent en dehors du mariage, mais 172 même des enfants légitimes; et que la pensée qu'ils peuvent diminuer l'infanticide ou l'exposition, est en opposition avec les données de l'expérience. (') L'abbé Gaillard soutient que les lois restrictives du mariage multiplient les naissances illégitimes; et J. Rouvier cite le fait qu'en Bavière, depuis que ces lois ont été abrogées, le nombre des naissances illégitimes diminue, d'après Jacques Bertillon, mais lentement, comme toutes les mauvaises habitudes. Dans quelques cantons suisses où, par une philanthropie mal éclairée, on a voulu interdire le mariage aux individus trop pauvres pour pouvoir élever une famille, le résultat a été aussi fâcheux qu'en Bavière. A Buenos Aires il n'y a pas de lois restrictives pour le mariage; au contraire, on facilite en tout sa réalisa- tion; cependant les naissances illégitimes ne laissent pas d'être fréquentes. La cause principale de cette fréquence est l'abus de la liberté dans lequel tombent les jeunes gens, à peine arrivés à l'âge de 20 ans et qui se livrent presque sans aucune retenue, pour la plupart, à tous les plaisirs, au jeu, à tous les genres de sport et à la licence qui aboutit au vice. Disons aussi que la plupart des jeunes mères non mariées se recrutent parmi les européennes. En dehors de la question 'de morale, il faut consi- dérer en ce cas la grande quantité de morts que fournit le nombre des enfants illégitimes comparé . au nombre fourni par les enfants légitimes. Résumant ces considérations, nous dirons qu'au Chili, sur 1000 naissances, 259 sont illégitimes. A Lima, sur 3.820 naissances qui se sont produites durant l'année 1884, on en comptait 1.759 légitimes et 2.061 illégitimes. Ce qui donne une proportion de 54 de ces dernières pour 46 des premières. p) Emile R. Coni: Œuvre citée. 173 Avant d'étudier la morbidité et la mortalité, nous cro- yons utile de faire quelques observations sur les prin- cipaux districts qui, comme San José de Flores, Belgrano, et Villa Catalinas, voisins de Buenos Aires, dépendent de sa municipalité. San José de Flores. - Cette localité, située à l'Ouest de Buenos Aires, est très importante par les belles proprié- tés et les jardins qui lui ont valu une légitime réputa- tion. Elle compte dix mille habitants environ. C'est un endroit agréable qui, pendant la saison d'été, offre de grandes commodités à ceux qui viennent y habiter. Le terrain sur lequel il est situé, est bas; le sol de ses rues est voûté et seules les principales sont pavées en pierres; dans toutes les autres, les eaux pluviales stationnent sur les côtés des trottoirs. Cet inconvénient s'ajoutant à la richesse de la dépouille des arbres des maisons particulières et de la voie publique provoque une décomposition au grand détriment de la santé. Les plantations d'arbres sont nombreuses et l'ombre qu'elles produisent entretient une humidité constante. Malgré l'influence hygiénique qui résulte de la végé- tation, il existe un autre désavantage sérieux, dû à l'étroitesse des rues. La provision d'eau se fait au moyen de citernes et de puits. Ces derniers sont évidemment dans de mau- vaises conditions; creusés à côté des latrines, ils sont exposés à des filtrations qui provoquent les troubles qu'il est aisé de présumer. La section appelée La Calabria, habitée par des ou- vriers Italiens et qui embrasse un rayon d'un kilomètre de chaque côté, se sert exclusivement de l'eau des puits qui sont contigus aux lieux d'aisance. La configuration et les dimensions des terrains (9 mètres de façade pour 50 de profondeur) font qu'il en est forcément ainsi. La plupart des citernes ne sont pas dans de meil- leures conditions. Elles se trouvent presque toujours à 3 ou 4 mètres du dépôt des latrines, et comme il n'est pas possible d'obtenir une imperméabilité absolue de 174 leurs parois, on peut déduire facilement les conséquen- ces que doit avoir un pareil état de choses. Les eaux qu'on boit à Flores, sont donc de mauvaise qualité et on doit les remplacer par les eaux courantes, qu'il est urgent d'installer. La fièvre typhoïde est endé- mique dans cette localité; elle s'y montre quelquefois avec un caractère épidémique bien marqué. Il est per- mis de penser qu'un élément important de cet état morbide consiste dans ce qu'on appelle le baïiado de Flores, un terrain très bas couvert d'eau et de boue pendant une partie de l'année. De là, d'après le Dr. Caminos, se dégagent des éma- nations pestilentielles, et il serait à propos d'étudier les rapports que ces marais peuvent avoir avec les eaux souterraines qui alimentent la localité. Une circonstance qu'il importe de mentionner, c'est l'influence que les vents du Nord en chassant les miasmes du cimetière de la Chacarita, peuvent avoir sur l'apparition périodique de la fièvre typhoïde dans cette localité. Une autre condition dont il faut parler et qui est certainement un facteur des maladies infectieuses ou qui les favorise, c'est la rivière Maldonado, qui, depuis les environs de Belgrano, remonte pour se perdre dans quelques terrains de Liniers, passe à peu de distance de Flores, traversant ses faubourgs de l'Est à l'Ouest. Le courant de cette rivière n'est pas rapide et sur plu- sieurs points ses eaux sont stagnantes. Ajoutons aussi qu'elles sont contaminées par les détritus qu'elles recueil- lent sur leur chemin. On voit, par suite, que dans ce riche et aristocratique quartier de Buenos Aires, à côté de ces édifices luxueux qui y ont été construits, il y a des éléments d'insalubrité que la main de l'homme peut faire disparaître. Humidité, mauvaise qualité des eaux, système déplorable de latrines et de puits, rivière dont les eaux sont contami- nées, voilà certainement des causes qui contribuent à fa- voriser le développement des maladies infectieuses. L'apparition de la fièvre typhoïde coïncide avec l'en- 175 trée de l'automne; elle' dure deux mois, plus ou moins, jusqu'à ce que l'hiver s'accentue. La seconde quinzaine de mars, les mois d'avril et de mai, sont ceux pendant lesquels les cas sont nombreux, et il arrive quelquefois que l'invasion de la maladie se prolonge jusqu'au milieu de juillet. Telles sont les observations presqu'invariables de toutes les années et particulièrement de ces dernières années. La forme abdominale domine. Dans l'épidémie qui s'est déclarée en 1892, la dothiénen- thérie s'est sérieusement aggravée par suite des complica- tions cérébrales, pulmonaires et cardiaques; du côté abdominal, par suite des péritonites et des hémorragies. Nous ne devons pas oublier, à propos des accidents pulmonaires et cardiaques, l'influence qu'a certainement exercée la grippe qui était alors épidémique. La durée moyenne de la maladie est de 34 jours, mais parfois elle se prolonge pendant 62 jours comme cela s'est produit l'année précédente, dans deux cas qui, selon le Dr. Caminos, n'ont cependant pas été des plus graves, ni dans leur forme ni dans leur caractère. Le traitement consiste dans l'emploi de l'antisepsie intestinale; régime tonique; médication dirigée contre les symptômes ou complications; naphtol, quinine, calomel, salicilate de bismuth. Quant à la mortalité, on peut équitablement la calculer au 4 %. L'expérience démontre que le typhus abdominal chez les enfants n'est pas aussi rare que sur d'autres points. En novembre et décembre, on constate de fréquentes perturbations de l'appareil digestif provoquées par les chaleurs; souvent elles sont le point de départ d'un véritable état typhoïde qui a tout l'aspect de cette maladie. Les faits antérieurement relatés démontrent un état d'insalubrité très marqué à Flores. Il est urgent d'y installer les eaux courantes, comme première mesure, de faire disparaître l'humidité, les 176 marécages, et de supprimer toutes les causes qui peu- vent influer au détriment de ce parage si beau, si riche et si élégant. Belgrano.-Cet important district de la capitale argen- tine, qui lui a été annexé en 1887 en vertu d'une cession votée par les chambres de la province de Buenos Aires, est non seulement le centre d'une population qui aug- mente sans cesse, mais encore un séjour d'agrément et une résidence d'été pour bien des personnes qui émigrent du centre de la ville pour chercher du repos. Il y a à Belgrano de nombreuses maisons de campagne et de superbes jardins, qui suffiraient pour convertir cette localité en un endroit délicieux, sans une topographie défectueuse et sans les marais qu'on rencontre sur son territoire. Strictement on peut diviser Belgrano en deux sections : la partie haute, la plus peuplée, bien construite partie basse, qui, dans sa plus grande étendue, est p-n marais entretenu par les crues du rio de la Plata et par les pluies abondantes. Parmi la population quia habité cette dernière jusqu'à ce jour et qui se sert de l'eau de puits qu'on rencontre souvent à fleur de terre, la fièvre typhoïde a sévi en tout temps, et en 1881, elle a été vraiment épidémique. Elle a continué à faire des victimes, ainsi que la variole, la rougeole, le rhumatisme, la bronchite, les scrofules, la tuberculose, la pneumonie, la pleurésie, etc. Qu'on se figure une série de petites constructions hu- mides, mal bâties, entourées de boue, sans lumière, re- cevant toutes les émanations malsaines des marais, et dans l'intérieur, une promiscuité d'hommes, de femmes, d'enfants, de chiens et de chats, dans une pièce de 3 mètres sur 4, qui sert en même temps de chambre, de salle à manger, de dépense etc. Comme si cette agglomération n'était pas suffisante pour expliquer les maladies qui y régnent, nous avons encore la contamination des eaux des puits qui ser- vent exclusivement pour l'alimentation de cette po- 177 pulation et des propriétés du quartier : Saavedra, Mas- sini, Ortuzar, Catalinas qui n'en ont pas d'autres. Qu'on sache encore que cette infection augmente par l'habitude de jeter les eaux sales à côté des puits et de laver sur place toutes sortes de linges, même ceux des typhoïdés qui contiennent parfois des matières fécales. Ces inconvénients deviennent chaque jour plus graves parce que la population tend à augmenter; quoique cet endroit soit dans de mauvaises conditions, les néces- sités et le progrès y ont fait naître, en effet, des industries qui avant m'existaient pas. On a observé que quelques-uns de ces établissements, considérés comme insalubres, versaient leurs détritus dans le ruisseau Vega qui se jette dans le rio de la Plata, à peu de distance du point de prise et on a ordonné l'enlèvement de toutes ces matières qui pouvaient obs- truer l'écoulement des eaux. Cet ordre a-t-il été exécuté? Nous craignons bien que non. Au dire du Dr. Cortina, la fièvre typhoïde à Belgrano sévit non seulement dans la partie basse, mais encore elle fait des victimes parmi les habitants du centre et des quartiers bien peuplés. Pendant plusieurs années, elle a été la maladie dominante, et en 1891 elle a fait une invasion qui s'est généralisée. Comme toutes les maladies infectieuses, elle tend à diminuer actuellement, et son caractère est plus bénin. C'est ce qui explique ce fait favorable de la di- minution de 1/4 % de la mortalité générale pendant l'année 1892. Afin de modifier dans une certaine mesure les mau- vaises conditions hygiéniques que nous venons d'expo- ser, on a entrepris quelques travaux : le pavage et le nivellement de certaines rues, la reconstruction de l'an- cien marché, la plantation d'arbres, l'installation d'égouts, etc., qui ont certainement amélioré la localité; mais on ne réussira à faire disparaître le danger qu'en exécutant l'assainissement définitif et en organisant un service complet d'approvisionnement d'eau pour tous. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 178 On pourra retirer temporairement quelque bénéfice de ces mesures, mais la réforme fondamentale reste en suspens, et cette réforme est basée sur les exigences mentionnées ci-dessus. Il est regrettable que ce parage agréable, qui fait partie intégrante de la ville de Buenos Aires et qui a une popu- lation nombreuse, de belles rues, des jardins, etc., con- tinue à être un foyer d'insalubrité, quand on pourrait le transformer en un endroit délicieux, plein d'attractions, si on l'assainissait convenablement. Il est indispensable que Belgrano soit placé dans de bonnes conditions, et dans ce but il faut stimuler l'ac- tion des autorités. Villa Catalinas.- Catalinas est un centre de création récente, voisin de Belgrano, entouré de petites collines. Il a près de 5.000 habitants et présente quelques parties basses dans lesquelles se forment des marais. L'eau des puits qui est la seule qui serve pour l'ali- mentation, se trouve généralement à 15 ou 20 mètres de profondeur. Il n'y a pas d'agglomération de population; bien au contraire, dans la partie peuplée on pourrait placer trois fois la population actuelle. La fièvre typhoïde y a régné pendant les années 1891, 92 et 93. Dans la première année il y a eu 40 malades, et 15 dans la seconde; tous les cas ont été bénins. Les com- plications du côté du poumon, du cerveau, etc., ne se sont presque jamais manifestées, et la durée moyenne de la maladie a été exactement de trois semaines. Comme compensation de la fièvre typhoïde qui, en 1892, n'a causé que peu de malades, les cas de rougeole ont été, pendant cette même année, extrêmement fréquents, mais sans gravité. Certainement, ces malades ont dû être très nom- breux puisque, quoique la classe pauvre et les Italiens aient souffert la maladie sans assistance médicale, ceux qui ont bénéficié de ces soins sont 35 ou 40. On peut 179 conclure que l'invasion a été générale. Des enfants de 7 à. 16 mois lui ont payé leur tribut, mais heureusement ils se sont sauvés. Pendant cette même année, la grippe a également compté quelques victimes, mais sans conséquences fâ- cheuses, selon le Dr. Carisomo. En 1890 et 1891, il s'est produit 7 ou 8 cas de variole qui, tous, ont été guéris. Etant données les conditions topographiques de « Ca- talinas », sa population très restreinte, on doit conclure que les maladies sont fréquentes. Cela peut s'expliquer par la classe de personnes qui y vivent. Ce sont tous des travailleurs qui ne sont pas habitués aux meilleures conditions pour la conservation d'un bon état hygiénique; alors même que chaque ha- bitant dispose d'un espace plus considérable que celui qui lui est nécessaire, il y a d'autres circonstances qui contribuent à maintenir un chiffre relativement élevé de malades. Ce sont: la mauvaise alimentation, les eaux de puits, les latrines mal construites. CHAPITRE IX MORBIDITÉ ET MORTALITÉ GÉNÉRALE A BUENOS AIRES MORTALITÉ CHEZ LES ENFANTS - ENFANTS MORT-NÉS Sommaire. - Prédominance des maladies infectieuses. - Tuberculose. - Humidité. - Drainage du sol. - Opinion de Rawson. - IJinfhienxa et sa diffusion. - Tuberculeux et cardiaques. - Pneumonie et broncho-pneumonie. - La diphtérie, ses principaux foyers. - Les morts de diphtérie à Buenos Aires et dans d'autres villes. - La variole et les Indiens. - La vaccine. - Scarlatine et rougeole.- Coqueluche. - Maladies de l'appareil circulatoire. - Rhumatisme. - L'alcoolisme. - Folie. - La rage et le laboratoire Pas- teur.- Calculs vésicaux. - Siphylis. -Lésions traumatiques. - Maladies de la peau. - La lèpre.- Gale. - Les maladies vénériennes. -Affections gynécologiques et puerpérales. - Maladies dentaires suivant le Dr. N. Etchepareborda. - Les maladies des yeux. - Statistique du Dr. Lagleyze. - Mortalité chez les enfants. - Etudes de Coni. - Opinions de divers au- teurs. - Enfants mort-nés. - Buenos Aires comparée à d'autres villes. - Le suicide à Buenos Aires. - Tableaux de la mortalité générale depuis 1887 jusqu'à 1893.- Les hôpitaux à Buenos Aires. - Crémation des cadavres. Les maladies infectieuses dominent à Buenos Aires, et s'il est consolant de constater que quelques-unes d'elles ont diminué il est triste de dire que d'autres ont augmenté, comme le prouvent les chiffres suivants relatifs à leur mortalité. MALADIES 1886 (i) 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 Tuberculose 863 1041 1069 1245 1168 1017 1078 1103 Fièvre typhoïde 272 280 388 509 628 408 214 214 Diphtérie 453 995 1385 905 1037 623 609 658 Variole 536 1299 657 185 2198 275 30 14 Scarlatine 60 62 17 17 26 11 12 59 Rougeole 141 99 261 80 54 188 82 Coqueluche 29 35 67 85 57 93 29 54 (') En 1886 le choléra a produit 530 décès. 181 Ce qui donne la proportion, par lOO, sur la mortalité générale : MALADIES 1886 % 1887 % 1888 % 1889 % 1890 % 1891 % GQ 05 j \è 00 1 1893 % Tuberculose 8.6 8.5 8.6 8.4 7.1 7.8 8.0 8.4 Fièvre typhoïde 2.7 2.3 3.1 3.4 3.7 3.1 1.6 1.6 Diphtérie 4.5 8.6 11.2 6.1 6.3 4.7 4.5 5.0 Variole 5.3 10.7 5.3 1.2 13.3 2.1 0.2 0.1 Scarlatine 0.6 0.5 0.1 0.1 0.1 0.08 0.09 0.4 Rougeole 0.5 1.1 0.8 1.7 0.5 0.4 1.4 0.6 Coqueluche 0.3 0.2 0.5 0.5 0.3 0.7 0.2 0.5 Quelques considérations rétrospectives sur la tuber- culose rendront plus évident ce que nous disons. Le tableau suivant fait connaître la marche de cette maladie pendant les 24 dernières années. oooooooooooooooooooooooo i»iœçn*-WK)->-'p ANNÉES K> 4- Cj O O CO 00 CH UX -4 m Mortalité par la tuberculose bO o>*4oicncncno~4cncnocn o: c -i o< en œ s ') x ►-'-40 c. c: 4- o x tr- -■ - % a Mortalité générale <C C' - c: (C 4* (O o te o a 4- Proportion O/o OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO OîOcOîDOOOOOOOOOOOOOOOO Ç4 je >-' p p CO 4 p ÇX 4- W K> ANNÉES bOOOOOOOOOO <o 4 - g 4- ~. 4- ® h- or x o CO 00 -4 00 CH O CC -4 CO ÎO 00 Mortalité parla tuberculose 4- 4* 4- 4 jj OC îe © X X 4 C - OC te OC X S CO ■:£ 4- O' C o te te - to te 4- 4- et te -■ a Mortalité générale Proportion O/o Les proportions de 14.8, de 13.6 et de 12.9 °/o mortalité tuberculeuse par rapport à la mortalité géné- f1) Epidémie de fièvre jaune qui occasionna 13761 décès. 182 raie étaient certainement très élevées et sérieusement alarmantes. L'augmentation progressive de la tuberculose à un moment où les infirmités zimotiques tendent à diminuer, à l'exception de la variole qui obéit à des causes spécifiques, d'après Rawson, peut seulement s'ex- pliquer par l'humidité du sous-sol se combinant avec les autres causes d'insalubrité. Heureusement la proportion a diminué pendant ces dernières années de plus de la moitié de ce qu'elle était à l'époque dont parle le savant hygiéniste, époque pen- dant laquelle la population était seulement de 220.000 habitants. Ainsi nous voyons que la tuberculose qui, en 1876, causait le 14.8 % de la mortalité, a atteint seulement 8.63 et 8.66 dans les années 1886 et 1887. Elle n'a représenté que 7.1 % en 1890 avec une population de 547.144 âmes, et le 8.4% en 1893. La décroissance de ces chiffres dans la mortalité est due aux améliorations urbaines, aux travaux de salubrité, au fonctionnement régulier de plusieurs sections d'égout, à la disparition de la crainte qu'inspirait en d'autres temps l'idée d'entrer dans un hôpital, aux bons soins que ces établissements donnent non seulement aux malades qui y sont logés, mais encore à tous ceux qui viennent au service de consultations qui y fonctionne, à l'action tou- jours active des nombreux asiles qui recueillent les enfants qui, sans les soins qui leur sont prodigués se- raient tôt ou tard victimes de la maladie. On peut l'at- tribuer aussi au développement de l'instruction du public qui sait aujourd'hui beaucoup de choses qu'il ignorait autrefois. Mais de toutes les circonstances favorables qui ont produit cet heureux résultat, le drainage est certainement la plus importante. Le Dr. Buchanan, après avoir observé les effets des tra- vaux de drainage dans vingt cinq villes de l'Angleterre, concluait que dans toutes, la mortalité avait diminué et en particulier les décès provoqués par la fièvre typhoïde et la diarrhée. Toutefois dans les villes qui avaient été dotées de grands travaux d'écoulement, sans qu'on ait 183 installé un système efficace de drainage du sous-sol, ni la consomption pulmonaire, ni les affections catar- rhales n'avaient diminué. L'effet immédiat du drainage est de dessécher le sol, en permettant que l'air pénètre et occupe la place de l'eau à travers la couche de terre sèche, accélérant ainsi l'oxygénation des substan- ces en décomposition et mettant le sol dans des con- ditions salubres. De plus ce procédé de dessèchement exerce une puissante influence sur les couches atmos- phériques immédiatement contiguës au sol et qui forment l'air que respirent les habitants. On a observé comme une règle invariable, qui s'explique facilement par les lois physiques, que les brouillards disparaissent ou di- minuent d'une façon notable dans les villes et sur tous les points où la terre a été desséchée par les travaux de drainage. Des deux faits précédents on doit déduire que l'aug- mentation de la tuberculose correspond à l'augmentation de l'humidité du sous-sol, unie à d'autres influences fâcheuses, et que si nous voulons enrayer cette grave maladie dont le caractère le plus redoutable est d'être héréditaire, il est nécessaire que dans les travaux entrepris actuellement, on fasse figurer un système très complet de drainage du sous-sol, non-seulement pour prévenir les invasions de nouvelles masses d'eau, mais encore pour sécher celle que la terre renferme, et se débarrasser ainsi de l'infection actuelle. (') Une autre considération dont il faut tenir compte en faveur de la diminution positive des décès causés par la tuberculose, c'est l'épidémie ftinfluenza qui, en 1890, 91, 92 et 94 a attaqué la population de Buenos Aires en faisant beaucoup de victimes et en réveillant cette maladie. Par suite, du chiffre correspondant à ces der- nières années, il faudrait déduire de nombreux cas qui ont été provoqués par la grippe qui a joué ainsi le rôle de réactif. En comparant la mortalité de tuberculose à Buenos (i) Cité par Rawson. 184 Aires et dans les principales villes du globe, on peut se convaincre que notre capitale offre sous ce rapport une statistique plus favorable que les autres. A F appui de cela il faut rappeler que tandis que cette maladie repré- sente, à Buenos Aires, le 7.1 % des décès pendant l'année 1890, la statistique des autres villes donne pour la même année: le 13.41 % à Bruxelles, le 13.30 % à Berlin, le 12.25 % à Baltimore, le 9.85 % à Londres, le 22.10 % à Madrid, le 19.51 % à Paris, le 9.26 % à Rome, le 17.51 % à Saint-Pétersbourg, le 22.10 % à Vienne et le 14.82 % à Copenhague. La tuberculose fait des victimes dans toutes les classes sociales; mais ceux qui lui payent le plus fort tribut sont les personnes déjà affaiblies et chez lesquelles la ma- ladie se déclare par suite de circonstances multiples. Toutes les personnes se livrant à des travaux pénibles, qui portent la prédisposition du mal, sont les plus expo- sées. Nous la constatons chez les journaliers, les ouvriers paveurs, ceux qui travaillent aux briqueteries, soumis à l'action d'une poussière irritante, ainsi que chez les alcooliques, etc. Le Dr. Lagneau a dit que ses recherches sur le rapport qui peut exister entre la profession de l'individu et le développement de la tuberculose, lui permettent d'affirmer que la plupart des morts causées par la phtisie se produi- sent chez des ouvriers respirant un air chargé de matières irritantes. En Suisse, 10 % des tailleurs de pierre meu- rent phtisiques. En Angleterre, sur 1000 morts arrivées parmi ces mêmes ouvriers, 340 étaient dues à la phtisie. La tuberculose sévit cruellement chez les individus qui, pour travailler, occupent généralement une position courbée en deux, et chez ceux qui ont une vie sé- dentaire et se consacrent aux travaux de l'esprit. Sur 1000 morts qui sont survenues en Italie parmi des étu- diants et des séminaristes, 450 cas étaient dus à la tuberculose, c'est-à-dire presque la moitié du total des morts. En Angleterre, sur 1000 morts arrivées chez des ouvriers imprimeurs, 430 cas furent causés par cette affection. D'un autre côté, la statistique démontre qu'il est très 185 rare que cette maladie cause la mort chez les gens qui vivent en plein air. En Suisse, sur 1000 morts qui se produisent chez les paysans ou les fermiers, à peine un ou deux cas proviennent de la phtisie. En Italie, parmi les bergers ou les fermiers, c'est à peine si, sur 1000 morts, il y a 44 ou 45 cas causés par elle. En France, la statistique de 662 villes démontre que plus la population est dense, plus lés habitants sont ravagés par la tuberculose. (*) On se souviendra toujours des hivers 1891, 92 et 93 pendant lesquels X'influenza a frappé sur toutes les maisons et où on a vu des familles entières qui en étaient atteintes en même temps. En 1894, elle a sévi de nouveau, toutefois ses effets ont été moins désas- treux. \2influenza qui existe parmi nous depuis 1890 n'a jamais cessé, et au contraire elle a contribué considé- rablement à augmenter la proportion des décès annuels. Sans tenir compte des diverses complications qu'elle fait naître, elle a occasionné 188 morts en 1891. Son action a été évidente, insurmontable, et l'intensité de l'attaque si violente parfois que nous avons vu des malades se tordre dans le lit, en réclamant un soula- gement pour les douleurs atroces qu'ils ressentaient. Dans la grande majorité des cas, une forme bénigne dominait, mais en revanche on signalait au moment de l'invasion delà grippe, une recrudescence des anciennes affections de l'appareil respiratoire occasionnant une aug- mentation de la mortalité et mettant en lumière ses conséquences évidentes et pernicieuses. Les chiffres des pneumonies et des broncho-pneumonies d'origine grippale sont effrayants. Les effets terribles de X'influenza ne s'arrêtent pas là. Indépendamment des affections notées ci-dessus qu'elle favorise, il y a la tuberculose provoquée par la grippe, qui se développe tacitement par suite de l'action qu'elle a exercée sur l'organisme affaibli. (l) (Medical record). Buffalo, medical and surgical journal. Au- gust, 1894. 186 Les caractères les plus rares se sont présentés à l'ob- servation clinique, et après les complications pulmonai- res et cardiaques qui ont été les plus communes, les phénomènes nerveux ont pris une forme très marquée de persistance. On a constaté beaucoup de névralgies. Dans certains cas on a vu la fièvre typhoïde se dé- clarer et s'affirmer pendant l'influenza; l'étude de San Nicolas de los Arroyos à laquelle nous nous livrerons plus loin nous en fournira plusieurs exemples. Toutefois, quelque étranges qu'aient été les accidents que nous avons vus se produire pendant cette maladie, ils n'ont pas été aussi extraordinaires que ceux qui ont été signalés dans certaines villes, où l'on nota par exemple l'apparition de la gangrène. Le Dr. Büngner a rapporté dans le XXe Congrès de la Société allemande de Chirurgie (séance du 4 avril 1891) le cas d'une gangrène hiperacuta du scrotum chez un homme de 28 ans atteint de la grippe quelques jours avant. Le Dr. Jahunsen (') a décrit un cas de gangrène pénis post influenzam. Dervient a fait connaître un autre cas dans lequel la gangrène se déclare le 4e jour de la maladie. Hunter, en expliquant ces faits, croit à un spasme des artères; Jahunsen les attribue à une trombosis veineuse qui est une conséquence de l'influenza. Büngner a fait des cultures de staphylococcus pyogè- nes aureus avec du pus provenant d'abcès de l'aine gauche et du pénis; il croit que la gangrène est causée par l'invasion de ce coccus, le terrain étant d'ailleurs bien préparé par l"affection régnante. Il suffit d'une excoriation de la peau du pénis pour que le coccus pénètre; toutefois, ainsi que Ta prouvé Garré, cité par Froënel, cela n'est pas nécessaire puis- que le staphilococcus aureus pénètre également dans une peau intacte, à travers les pores des glandules cutanées. (r) Peters, med. Wochenschrift n°. 46 (1891). 187 La pneumonie a été, en] 1892, désastreuse par son in- tensité et sa fréquence. Sur 14.612 décès généraux, 1.343 (13 %) ont été causés par elle. Ses ravages ont été plus accentués que ceux de la tuberculose (1.078) qui a toujours été un facteur important de la mortalité. Si aux 1.343 cas de pneumonie nous ajoutons les 936 qui ont succombé à une broncho-pneumonie, la proportion s'élève extraordinairement. Il faut voir là une influence évidente de la grippe qui a sévi spécialement en 1890, 91, 92 et 1894, compliquant les états morbides, provo- quant les broncho-pneumonies infectieuses, et faisant naître la tuberculose en mettant l'organisme en condi- tions d'être facilement atteint par elle. Les chiffres relatifs à la pneumonie et à la broncho- pneumonie que nous venons de donner ci-dessus, sont les plus considérables qu'on ait enregistrés parmi nous, et c'est ainsi que nous voyons qu'ils ont été pendant ces dernières années: MALADIES 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 Pneumonie 802 811 1016 1075 910 1343 987 Broncho-pneumoni6 303 303 642 583 520 936 771 La diphtérie a été plusieurs fois un fléau pour la population, et les chiffres qu'elle fournit révèlent une augmentation proportionnelle si on les compare avec ceux des années les plus reculées. Il suffit de lire le tableau suivant pour se rendre compte de la marche qu'elle a suivie parmi nous : 188 ANNÉES Mortalité diphtérique ANNÉES Mortalité diphtérique ANNÉES Mortalité diphtérique 1871 30 1879 384 1887 995 1872 75 1880 376 1888 1385 1873 100 1881 240 1889 905 1874 152 1882 221 1890 1037 1875 152 1883 193 1891 623 1876 168 1884 253 1892 609 1877 195 1885 336 1893 658 1878 260 1886 493 L'augmentation de la mortalité provoquée par la diphtérie est considérable depuis l'année 1884, pendant laquelle elle s'est élevée à 253. En 1886, sa proportion a presque doublé et atteint 493, pour monter jusqu'à 975 en 1887 et à 1.381 en 1888. Ce dernier chiffre est le plus fort qu'on ait enregistré jusqu'à aujourd'hui. En 1889, il diminue d'un quart, il remonte en 1890 pour baisser de nouveau en 1891 et plus encore en 1892. Les chiffres que nous venons d'examiner démontrent qu'à ce sujet nous sommes dans de mauvaises condi- tions et il est regrettable que nous ayons à présenter une statistique aussi défavorable sous ce rapport. Elle se modifiera certainement avec les mesures de désin- fection à domicile qui se pratiquent aujourd'hui, avec les conseils et avertissements qu'on adresse au public; toutefois, tant que subsisteront, dans le centre de la ville, les conventillos (maisons ouvrières), les laiteries, les écuries, nous aurons constamment le danger devant nous. Malgré tout, nous pouvons espérer que de même qu'elle relativement a diminué en 1891 et 1892 grâce à l'action des moyens hygiéniques employés, elle continuera à réduire ses ravages jusqu'à ce que nous nous trou- vions dans la situation la plus favorisée. Les quartiers dans lesquels elle fait le plus grand nombre de victimes sont ceux des paroisses San Cris- 189 tobal, Balvanera, Santa Lucia et Pilar, qui comptent la population pauvre la plus nombreuse et qui sont privées de commodités. Dans les environs de la place Once de Setiembre. de Constitution et du cimetière du Sud, cette maladie a toujours été fréquente, et c'est dans ces parages qu'on rencontre le plus de conditions favorables à son. déve- loppement. L'automne et l'hiver sont les saisons pendant les- quelles elle sévit avec une intensité marquée. Si nous faisons des comparaisons entre la mortalité diphtérique de Buenos Aires et celle d'autres villes qui présentent la proportion la plus élevée, nous trouvons, sur 100 décès généraux dans les années 1886 à 1890 : VILLES 1886 1887 1888 1889 1890 Buenos Aires 4.53 8.6 11.4 6.3 6.4 Berlin 4.90 4.6 3.7 3 7 4 7 Brooklyn 7.1 8.9 5.4 7 4 6 5 Philadelphie 5.3 4.0 1.7 3.5 4.1 Copenhague 4.16 5.1 5.2 g 7.4 Marseille 4.4 4.7 4 3 3 3 5 2 Madrid 6 7 3 7 3 4 Chicago - 9.1 7.7 8.9 5.7 Ce sont les villes dont les statistiques connues indi- quent la mortalité diphtérique la plus considérable. Nous voyons que parmi elles, Buenos Aires se distingue, mal- heureusement, par la haute proportion des décès occa- sionnés par cette maladie relativement à la mortalité générale. La variole a produit de véritables épidémies à Buenos Aires jusqu'à ces dernières années, et principalement 190 au moment de la conquête du désert (1879), qui a eu pour résultat l'incorporation de plusieurs milliers d'indiens, dans les maisons comme domestiques, dans les caser- nes, comme soldats. La prédisposition et la facilité que les Indiens offrent à une invasion variolique est bien connue. Après plusieurs années pendant lesquelles elle était relativement calmée grâce à la prophylaxie de la vaccine, la variole a repris avec une nouvelle force en 1887, et les décès qu'elle a occasionnés ont doublé comparati- vement à Vannée précédente; elle a diminué de moitié en 1888, descendu à 185 Vannée suivante et en 1890 elle a redoublé d'intensité en produisant 2.198 décès. Fai- sons remarquer que pendant cette année, à l'occasion de la révolution de juillet, des bataillons venus de dif- férents points entrèrent dans la ville, et on peut supposer à bon droit que ce fait a contribué à la diffusion de la maladie par suite de l'agglomération et d'autres circons- tances. En 1891, la mortalité provoquée par la variole a été seulement de 275 ; en 1892, de 30 et en 1893 de 14. La vaste diffusion de la vaccine a donné ces résul- tats bienfaisants, à tel point que la mortalité est tombée à un chiffre insignifiant. Le tableau suivant démontre le nombre de vaccinés, des revaccinés et des morts par- la variole, à Buenos Aires. ANNÉES Vaccinés et revaccinés Mortalité par la variole ANNÉES • Vaccinés et revaccinés Mortalité par la variole 1883 6.906 1.510 1888 . 941 657 1884 3.006 142 1889 18 349 185 1885 5.600 736 1890 38 247 2.198 1886 4.205 536 1891 13 056 275 1887 2.726 1.299 1892 19.274 30 1893 20.038 14 Pendant l'année 1894 jusqu'au 20 octobre, elle a produit 2 morts. 191 La scarlatine diminue d'une façon notable, à tel point que sa marche décroissante indique la possibilité d'une disparition complète. Par contre, les chiffres de rougeole sont restés nom- oreux pendant quelques années et en 1892, les cas ont été considérables. Comparons la mortalité de. ces deux maladies : MALADIES 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 Scarlatine 62 17 17 26 11 12 59 Rougeole 141 99 261 80 54 188 82 La coqueluche augmente alors même que les propor- tions ne sont pas extraordinaires. Cependant sa mortalité qui a été de 35 en 1887, s'est élevée à 67 en 1888, à 85 en 1889, à 93 en 1891 ; mais en 1892 elle est tombée à 29 et en 1893 a reculé à 54. Les affections de l'appareil circulatoire sont très gé- nérales et on les observe surtout parmi les personnes jeunes. Il convient de faire remarquer ici que l'existence à Buenos Aires est très agitée. On y mène une vie fié- vreuse, et les émotions de l'activité commerciale si dé- veloppée parmi nous sont très fortes et parfois très violentes. L'artério-sclérose est prématurée. Le rhumatisme est très fréquent surtout en hiver. Cependant on le constate en toute saison, et on doit attribuer le nombre relativement considérable de per- sonnes qui en sont atteintes à l'influence du régime alimentaire dans lequel la viande abonde et les végé- taux n'ont que peu de place. L'alcoolisme, sans être d'une intensité et d'une fré- quence excessives, demande beaucoup d'étude. On lui est redevable de nombreuses maladies du foie, de l'estomac ainsi que de différentes formes de l'aliéna- tion mentale. Les maladies mentales sont représentées par les en- 192 trées dans les trois établissements spéciaux qui existent pour elles à Buenos Aires et qui sont : Hospice de las Mercedes, pour hommes (municipal) 920 lits Hospice des femmes folles, (national) 570 - Institut phrénopatique (particulier) 70 - Les deux premiers sont généralement pleins. La distribution pathologique des internés peut se faire ainsi par ordre de fréquence: 1° alcoolisme sous-aigu, id. aigu; 2° paralysie générale, progressive, chronique; 3° manies: aiguë, sous-aiguë, périodique; 4° mélancolie: alcoolique, simple, apatique, avec idées de persécution. Dans la statistique de 1893, sur 829 fous soignés à l'hospice de las Mercedes, 308 figurent comme guéris. Les caractères de l'aliénation dont ils étaient atteints étaient les suivants : excitation maniaque 6; manie aiguë 14; mélancolie 21; mélancolie apathique 19; id. avec idées de persécution 13; id. alcoolique 10; alcoolisme sous-aigu 60; id. aigu 52; id. chronique 57; pseudo- paralysie alcoolique 1; délire des persécutions 35; folie religieuse 6; folie épüéptique 2; paralysie générale pro- gressive 12. Les professions qui fournissent le plus fort contingent sont les journaliers, les artisans et les commerçants. L'àge durant lequel la folie fait le plus de victimes est de 26 à 40 ans. Quant à la nationalité, ce sont les Italiens qui domi- nent; les Argentins occupent le second rang, les Espa- gnols le troisième et les Français le quatrième. La mortalité dans ce même établissement s'est élevée à 121 en 1893. Les causes principales ont été : paralysie générale 33; congestion cérébrale 17; consomption 12; marasme 10; hémorragie cérébrale 10; congestion pul- monaire 9, etc. En ce qui concerne la rage, nous pouvons dire ce qui suit: En 1886, sur l'initiative du professeur Pirovano, une commission dont nous fûmes le secrétaire avec le Dr. Amoretti, se constitua à Buenos Aires, pour or- 193 ganiser les travaux tendant à implanter dans le pays la méthode préventive de Pasteur. Les Drs. L. G-üemes et J. B. Senorans, alors à Paris, dé- signés pour étudier le nouveau système, n'acceptèrent pas parce qu'ils étaient obligés de rester en France; on nomma alors le Dr. Davel qui était sur le point de revenir dans la République Argentine. Il accepta et se mit au travail avec enthousiasme, il s'embarqua, em- portant avec lui un lapin enragé et tous les éléments nécessaires pour les séries successives d'inoculations qu'il devait faire pendant la traversée. Le laboratoire Pasteur dirigé par le Dr. Davel fonc- tionne parmi nous depuis le 4 septembre 1886, date de la première inoculation. Il est soutenu par la Munici- palité et fait partie de l'Assistance Publique. Depuis cette date jusqu'au 20 septembre 1894, on y a traité 1999 personnes avec une mortalité de 0.70%. Au dire du Dr. Davel, la rage est peu commune dans les provinces, et moins encore dans la campagne. C'est la province de Buenos Aires avec ses centres de popu- lation importants, qui fournit le plus grand contingent du laboratoire; Mendoza et San Juan où cette maladie est relativement assez fréquente, viennent ensuite. A Corrientes et à Tucuman, quelques rares cas se produi- sent. Ailleurs, la rage est exceptionnelle, et à Côrdoba elle est inconnue, d'après l'opinion de plusieurs médecins de cette localité. Les affections chirurgicales qu'on voit le plus ordi- nairement à Buenos Aires sont en premier lieu les traumatismes; viennent ensuite celles d'origine tuber- culeuse, l'arthrite, l'ostéo-miélite, etc.; puis les affections cancéreuses, etc. Les calculs de la vessie ne sont pas si rares qu'on le croit; la plupart des cas se constatent chez les ha- bitants de l'intérieur et de la campagne. L'alimentation spéciale et l'eau dont on fait usage contribuent sans aucun doute à cette fréquence. Beaucoup d'étrangers, surtout des Italiens, sont atteints de la pierre. La syphilis est très répandue. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 194 Les maladies de la peau le sont aussi; et selon notre collègue le Dr. M. Bengolea, celles qui se présentent le plus souvent sont: 1° l'acné; 2° l'eczéma; 3° l'impétigo; 4° la gale. Un 60 % des cas d'impétigo se produit chez les. enfants, qui sont aussi assez atteints de prurigo. La lèpre s'observe malheureusement et elle a ten- dence à croître. Dans la maison d'isolement, on a soigné 17 lépreux en 1893. Sur ce nombre, 9 sont sortis qui se convertiront en de nouveaux foyers. Ces cas fréquents de lèpre, doivent fixer l'attention des autorités sanitaires. Quant à l'éléphantiasis, elle est connue à la province d'Entre Rios. La gale est assez commune. En 1891, elle s'est dé- clarée avec un caractère épidémique dans la police de Buenos Aires, et au dire de nos dermatologistes, elle conserve, aujourd'hui, ce même caractère. Les maladies vénériennes, tout en étant assez répan- dues, ne sont pas aussi désastreuses qu'elles pourraient l'être, grâce à l'action de l'Assistance Publique qui a institué le « Dispensaire de salubrité » où les prostituées vont deux fois par semaine subir l'inspection médi- cale. Celles qui sont malades sont soignées dans l'hôpi- tal Nord (sifilicomio), spécialement destiné à cet objet. Ce que nous venons de dire à propos des maladies vénériennes explique le grand nombre d'affections gyné- cologiques. Les métrites et les endométrites dominent la pathologie féminine, et on constate aussi assez sou- vent les ovarites et les salpingites. L'investigation éthio- logique rend compte presque toujours de l'action du gonococcus de Neisser. L'infection gonorrhéique existe sans aucun doute dans le cas dont nous parlons, et pour ceux qui s'occupent de ces maladies, sa confirmation est facile. De jeunes femmes mariées depuis peu de- temps, qui ont toujours eu une bonne santé, consultent parfois le médecin sur certains malaises qui se sont présentés comme une conséquence de leur mariage, et qui ne sont autre chose que des manifestations de la blénorrhagie de leurs maris, qui certainement se sont 195 crus guéris, mais qui ont conservé des vestiges nuisibles. La maladie en se réveillant, se transmet à l'épouse, et avec le temps celle-ci arrive à souffrir de salpingites suppurantes qui rendent la vie insupportable. Sur l'origine gonorrhéique des affections des femmes, tous les gynécologistes comme Nôggerath, Bernutz, Law- son-Tait, Pozzi, etc. sont d'accord. Ce dernier dit à ce sujet qu'un nombre considérable de jeunes mariées se- raient ainsi infectées et que les prétendues fatigues du voyage de noces seraient beaucoup moins responsables qu'on ne l'a cru jusqu'à ce jour. Une légère endomé- trite et une salpingite catarrhale intense sont souvent produites de la sorte; l'avortement en est la conséquence et aggrave la situation de la jeune femme qui peut de- meurer indéfiniment souffrante et stérile. (') Nous pourrions multiplier les cas, mais ce que nous avons dit suffit, et nous n'avons pas besoin de rappeler que cette malheureuse histoire se répète journelle- ment à Buenos Aires. Disons aussi que les maladies utérines sont très nom- breuses parmi nous; elles sont causées certainement par l'imprudence des jeunes femmes qui ne prennent pas assez de précautions pendant leurs règles, ne se privent pas de fortes émotions et ne se garantissent pas contre l'humidité, le froid, etc. La dysménorrhée s'observe fréquemment, elle est pres- que toujours due à la sténose du col, aux flexions, à la métrite. L'avortement intervient également pour influer sur la prédominance des affections en question. Des restes de membranes, des sous-involutions, l'abandon prématuré du lit, telles sont les circonstances qui favorisent le déve- loppement de souffrances qui, à la longue, exigent une sérieuse intervention. Les quistes de l'ovaire et les tumeurs fibreuses, sans f1) S. Pozzi: Traité de gynécologie. Paris 1890. 196 être très communs, s'observent cependant quelquefois. Les affections puerpérales étaient très générales à Buenos Aires avant l'application de l'antisepsie à stétrique, et la fièvre du même nom a produit plusieurs épidémies jusqu'à il y a dix ans. La maternité de l'an- cien hôpital des femmes a été envahie par elle à diffé- rentes reprises, et dans le public on a vu jusqu'à cette époque des cas très nombreux. Heureusement sa diminution est évidente comme on peut s'en rendre compte par le tableau suivant : ANNÉES Nombre d'accouchements Mortalité générale Mortalité puerpérale 1880 10.341 7.073 36 1881 10.533 6.216 48 1882 10.477 7.196 64 1883 10.792 8.501 52 1884 11.870 8.242 52 1885 12.581 9.295 77 1886 14.003 9.993 59 1887 15.939 12.894 47 1888 19.919 13.482 71 1889 22.044 16.039 85 1890 23.020 17.721 75 1891 24.591 14.332 25 1892 23.255 14.612 23 1893 25.791 14.290 15 Les progrès de la science et l'application de l'asepsie ont donné les résultats satisfaisants que nous venons de consigner. Aujourd'hui l'infection puerpérale est presque incon- nue parmi nous, et on peut affirmer que les rares cas 197 qui se présentent sont dus aux mains sales de quelque accoucheuse ignorante. Malgré les succès qui sont établis par la statisti- que, il convient d'observer toujours le puerpère et d'é- viter la moindre infraction aux lois de l'hygiène, d'au- tant plus que les dangers qui assiègent une femme en couches sont très nombreux. Qu'on nous permette de reproduire ici quelques passa- ges d'un rapport que nous avons présenté au Circulo Médico Argentino en 1891 : Ainsi donc, la porte d'entrée des germes infectieux c'est le traumatisme produit par l'accouchement, soit la blessure placentaire, soit les dé- chirures de l'un des organes génitaux que Barr a décrit d'une façon si complète. Ces déchirures sont, comme dit Dolèris, les conditions indispensables de la septicémie,, conditions qui sont en rapport direct avec le nombre et l'importance des lésions. Toutes fournissent des liqui- des plastiques, le sang, la lymphe, éléments morpholo- giques, dans lesquels les organismes peuvent pulluler; et ils pullulent d'autant mieux que l'alcalinité de ces liquides est plus prononcée, car l'alcalinité est la règle; dans les premiers jours qui suivent l'accouchement. La blessure placentaire doit suivre toutes les périodes jusqu'à la formation complète d'une nouvelle muqueuse, et on comprend son importance si on se rappelle les conditions si faciles d'absorption que présente la ma- trice. De cette connaissance est venue l'application de l'antisepsie, parce que la contagion étant facile, ainsi que le démontre l'observation, l'infection se produit et provoque les terribles conséquences que l'on connaît. (*) Les bassins rachitiques constituent une cause de dis- toce qu'on observe à Buenos Aires. Le Dr. E. Dudignac a soumis récemment à la Faculté une thèse sur cette question ; il signale 18 cas qui ont été constatés à la Maternité de l'hôpital San Roque, pendant une année.. I1) Samuel Gâche: Antisepsia puerpéral. Anales del Circulo Mé- dico Argentine. Abril 1891. 198 Les conséquences des accouchements parmi nous sont normales, et s'ils sont bien dirigés, tout se passe sans accident. Les affections dentaires sont très communes à Buenos Aires et dans toutes les provinces Argentines. Les In- diens eux-mêmes y sont sujets, comme on peut s'en rendre compte en examinant leurs dents sur les crânes qui sont au Musée de La Plata. Les plus générales, d'après le Dr. N. Etchepareborda, sont: 1° la carie; 2° la gingivite simple et ulcéreuse; 3° l'ostéo-périostite alvéolo-dentaire; 4° la périostite al- véolaire; 5° la nécrose dentaire et la chute spontanée des dents; 6° la névralgie faciale; 7° la périostite du corps des maxillaires; 8° la carie et la nécrose des maxillaires. La carie est générale dans les provinces de Tu- cuman et de Corrientes par suite de la canne à sucre dont on abuse tant dans ces contrées. L'alimentation ne paraît pas avoir une influence nuisible; mais il n'en est pas de même des substances sucrées à cause des fermentations qu'elles provoquent. Le Dr. N. Etchepareborda assure que le rhumatisme est si fréquent à Buenos Aires qu'il a pu recueillir sans difficulté des indications suffisantes pour une étude et une statistique à ce sujet; il a vu dans sa clientèle de nombreuses personnes qui présentaient des accidents rhumatoïdes de siège et d'intensité variables, et il a vu également dans les hôpitaux un certain nombre d'autres personnes qui présentaient des symptômes aigus. (l) Quant aux maladies des yeux, leur fréquence est con- sidérable. Un grand nombre des malades cependant sont des gens qui viennent, des provinces et des campagnes, suivre à Buenos Aires des traitements spéciaux qui ne peuvent s'appliquer hors des grands centres. Le professeur Lagleyze, parmi 7.354 malades des yeux (!) N. Etchepareborda : Influence du rhumatisme sur la production des maladies de la bouche et particulièrement du système dentaire. 199 qu'il a vus dans sa clinique particulière de 1890 à 1894, a pu observer les causes principales suivantes: Syphilis: Périostite orbitaire 1; lagophtalmos para- lytique 1; paralysie du moteur oculaire commun, totale 11; id. partielle 31; id. de l'oblique majeur 2; id. du mo- teur oculaire externe, 31; kératite intersticielle, 10; iritis, 44; irido-choroïdite, 13; choroïdite atrophique, 2; choroï- dite exsudative, 10; chorio-rétinite, 4; hémorragie choroï- dienne, 1; hémorragie rétinienne, 1; rétinite exsudative 2; rétinite pigmentaire, 4; décollement de la rétine; névrite optique, 7; atrophie de la papille, 25. Rhumatisme: périostite orbitaire, 1; dacryo-adénite, 2; lagophtalmos paralytique, 1 ; ténonite, 3; xérosis, 1; sclérite, 39; kératite intersticielle, 1 ; iritis,22; iridocho- roïdite, 11; choroïdite exsudative, 2; choroïdite atrophique, 1; scléro-choroïdite antérieure, 5; glaucome aigu, 2; glau- come chronique, 8; paralysie du moteur oculaire commun, totale, 3; id. partielle, 6; id. du moteur oculaire externe, 7; chorio-rétinite, 3; hémorragie rétinienne, 1 ; nevro-ré- tinite, 2; névrite optique, 1; atrophie papillaire, 7. Albuminurie: rétinite, 14; névro-rétinite, 2; décolle- ment de la rétine, 1; atrophie de la papille, 1. Glycosurie: paralysie du moteur oculaire commun, totale, 2; id. partielle, 3; id. du moteur oculaire externe, 1; chorio-rétinite, 1; rétinite, 2; ambliopie, 2; cataracte, 4. Influença: névralgie orbitaire, 3; dacryo-adénite, 1; paralysie du droit externe, 1; iritis, 2; choroïdite exsuda- tive, 1; névro-rétinite, 1 ; névrite optique, 4; décollement de la rétine, 1. Alcool et tabac : ambliopie, 54; atrophie papillaire, 16; hémorragie rétinienne, 1; névrite optique, 3; myosis monoculaire, 1. Sur les maladies des yeux, les statistiques de l'hôpi- tal de Cliniques nous donnent comme diagnostiques les plus communs : Paupières: blépharite glandulaire; id. pitiriasique; eczéma; entropion inflammatoire; chalazion; thrichiasis; 200 orgelet; blessures; ectropion sénil, cicatriciel, inflamma- toire et paralytique; œdème; simblepharon ; quiste der- moïde. Dans les blépharoplasties faites dans les cas d'ec- tropion on a employé les procédés de Wharton-Jones, Lagleyze, et la greffe dermique de Wecker. On a réalisé aussi les opérations de Spencer-Watson, de Arlt, les sutures de Snellen, de Gaillard, de Pagenstecher, la. transplantation du sol ciliaire (Warlomont). Muscles des yeux: Strabismes vrais; ptose paralyti- que; paralysie de la 3e paire; id. du muscle droit in- terne. On a effectué des avancements et ténotomies. Conjonctive : Conjonctivite catarrhale, granuleuse, leucorrhéïque, phlycténulaire, blénorrhagique, des nou- veaux nés. Cornée: Kératite phlycténulaire, granuleuse, intersti- tielle, névro-paralytique, ponctuée; abcès,corps étrangers, leucome central, ulcères sthéniques, asthéniques et ron- geurs; nécrose; staphylomepartiel opaque; id.total; bles- sures ; brûlures. On a fait aussi les opérations suivantes: extraction de corps étrangers, kérato-ectomies; opéra- tions de Saemish; transplantation de cornée. Sclérotique: Scléro-coroïdite antérieure; staphylome de la cornée et sclérotique; épisclérite rhumatismale. On a pratiqué diverses sclérotomies dans le traitement du glaucome. Le Dr. Lagleyze, dans ces cas, fait une sclé- rotomie sub-conjonctivale. Son procédé opératoire est le suivant : Après l'anesthésie au moyen d'une solution de chlorhy- drate de cocaïne au 5 % instilée sur la conjonctive et après avoir placé le blépharostate avec un couteau de Graefe, on fait une ponction à la sclérotique à 1 1/2 millimètre de son point d'union avec la cornée et au-dessus du mé- ridien horizontal; on traverse la chambre antérieure et l'on fait la contre-ponction sur la sclérotique en un point symétrique à celui de la ponction. On s'arrête sans blesser la conjonctive sur la sclérotique et toujours en respectant la première, on opère sur la seconde par pe- tites incisions en donnant au couteau l'inclination con- 201 venable. L'humeur aqueuse pénètre bientôt sous la con- jonctive et permet au couteau d'avancer sans blesser la muqueuse. Les avantages que présente ce procédé sont qu'il rend difficile la hernie de l'iris, que la cicatrisation est plus rapide et plus sûre et qu'il diminue considérablement les probabilités d'infection. Iris: Irido-ciclite syphilitique; id. traumatique; kéra to-irite traumatique; irido-choroïdite syphilitique; id. rhumatismale; irite syphilitique; id. rhumatismale; si- néchies antérieurs; hernie de l'iris. Les interventions- les plus communes sont: l'iridorrexis, l'herniotomie,. l'iridotomie, l'iridectomie optique et thérapeutique, l'iri- do dialise. Dans les glaucomes secondaires qui se produisent dans les cas d'adhérences antérieures (sinéchies) de l'iris, on pra- tique dans le service de l'hôpital une double iridectomie, suivant le procédé adopté pour la première fois par les professeurs Aguirre et Lagleyze. Voici en quoi il con- siste: Le malade étant placé dans les conditions conve- nables pour l'opération, on fait deux ponctions avec le couteau lancéolaire, une de chaque côté du leucoma adhérent. On introduit ensuite les pinces d'iridectomie, en pratiquant une double opération de ce genre. Cette méthode offre deux avantages: on diminue la tension intraoculaire par l'iridectomie et l'on supprime en même temps les causes déterminantes des mouvements glau- comateux. Cette méthode s'applique également avec avantage aux cas de staphylome partiel opaque adhérent. Cristallin : Cataractes : sénile, traumatique, crayeuse, capsulaire antérieure, zonulaire; luxation du cristallin. On a employé dans ces cas les procédés suivants : disci- sion; extraction simple à petite incision périphérique supérieure; extraction combinée; id. linéaire simple. Pour l'extraction de la cataracte, le Dr. Lagleyze pro- cède ainsi: après l'antisepsie minutieuse de la région où il opère, et après avoir anesthésié l'œil par la co- 202 caïne, il place le blépharostate et soutient le globe avec une pince qui saisit la conjonctive bulbaire sous la cornée. Avec le couteau de Graefe il fait une incision périphérique supérieure et brise la capsule avec le quis- totome. Il enlève ensuite le blépharostate et obligeant le malade à baisser les yeux le plus possible, il combine des pressions doubles avec les pouces, qui agissent sur les paupières et indirectement sur le globe de l'œil jus- qu'à ce que le cristallin sorte. De cette façon l'opération est simplifiée et l'on évite la sortie du vitrée grâce à la douceur de la pression des doigts et à l'absence du blépharostate. Le mouvement de rotation du doigt, en agissant sur la blessure à travers la paupière supérieure facilite le retour de l'iris à sa position normale dans les cas où, entraîné par la lentille, l'iridectomie semble inévitable. Choroïde: Les maladies les plus fréquentes de cette membrane, qui se sont présentées pendant deux ans à l'hôpital de Cliniques ont été : glaucome chronique irri- tatif 29; choroïdite atrophique 8; staphylome postérieur 9; glaucome simple de Donders, 6; hydrophtalmie, 2; mélano sarcome, 1; rupture de la choroïde, 1; choroïdite goutteuse, 1; id. syphilitique, 1; id. suppurative, 1. Rétine: Décollement delà rétine, 7; rétino-choroïdite syphilitique, 3; rétinite albuminurique 3; id. diabétique; 1; id. pigmentaire, 1; embolie de l'artère centrale, 1; glyome de la rétine, 1. Nerf optique : hyperhémie des deux papilles, 2; névrite optique de cause cérébrale, 2; atrophie: glaucomateuse 6; progressive, 19; tabétique, 17; œdème de la papille, 1. Amblyopies et amauroses: alcoolique, 11; nicotinique, 4; syphilitique, 1. Réfraction et accomodation : Astigmatisme, 57; hyper- métropie, 82; myopie, 25; presbytie, 36; paralysie de l'accomodation, 4. Pour les vices de réfraction l'on a toujours employé la kératoscopie dans la recherche du degré et de la na- 203 ture des diverses anomalies,, en même temps que pour la prescription des lunettes. C'est le système que suit le professeur Lagleyze. Ophtalmie sympathique: Les affections qui ont été les causes efficientes des ophtalmies sympatiques ont été: irido-ciclite, 12; atrophie oculaire, 8. La méthode chirurgicale employée a été celle de Bonnet (de Lyon), ainsi que des énucléations préventives. Globe-oculaire : Blessures, 9; panophtalmie, 14; atrophie oculaire, 27; contusions, 3. Région orbitaire: Contusions, 7; fractures, 2; carci- nome, 1; fibrome adhérent au périoste, 1; kyste hyda- tique, 2; phlegmon, 1; blessure, l;ostéome (supérieur), 1; ténosite. 1. La fièvre typhoïde sera traitée spécialement dans le chapitre suivant. Les renseignements que nous venons de donner sur la morbidité de Buenos Aires font connaître l'état de la ville, l'importance de ses services sanitaires et le pro- grès auquel elle est arrivée. Cet état de choses s'accen- tuera chaque jour, grâce aux mesures conseillées par l'hygiène et par notre propre expérience. Les maladies infectieuses qui sont le fléau de tous les pays ont été enrayées parmi nous et quelques-unes ont diminué d'une façon évidente. La population boit une eau qui est bonne, et les autorités veillent sur le maintien de la propreté et des meilleurs conditions gé- nérales. Les hôpitaux sont bien tenus et offrent toutes les commodités et tous les éléments les plus perfectionnés. Nous allons étudier maintenant la mortalité en com- mençant par celle des enfants. La mortalité des enfants dont le chiffre est malheu- reusement si élevé, présente un contraste frappant avec les progrès rapides que Buenos Aires a réalisés pen- dant ces 15 dernières années. 204 Ce fait observé partout se constate également parmi nous; les enfants au-dessous d'un an payent le tribut le plus considérable à la mortalité respective; et nous pouvons dire que pendant qu'il meurt 36.568 enfants de 1 année comme cela s'est produit de 1875 à 1890 à Buenos Aires, il est mort pendant la même période de 15 années 15.653 enfants de 1 à 2 ans. La proportion de la mortalité pour les enfants au- dessus de 1 an est de 17 % parmi nous, tandis que aans d'autres pays d'Europe elle atteint 34 %. C'est-à- dire plus du tiers des naissances. Le tableau suivant fait connaître le nombre des nais- sances, d'enfants morts de 0 à 2 ans et de ceux qui ont survécu depuis 1875 jusqu'à 1890. ANNÉES Naissances en éliminant les mort-nés Enfants morts au-dessous de 1 an Survivants Enfants morts de 1 à 2 ans Survivants 1875 9.945 1 .939 8.006 927 7 079 1876 9.647 1.463 8.184 521 7 663 1877 9.530 1.636 7.894 644 7.250 1878 9.656 1.540 8.116 571 7 545 1879 10.616 1.621 8.995 920 8 075 1880 10.077 1.582 8.495 761 7.734 1881 10.221 1.557 8.664 729 7.935 1882 11.137 1.671 9.466 921 8.545 1883 11.434 1.986 9.438 912 8 526 1884 12.551 2.117 10.434 1 022 9 412 1885 13.839 2.338 11.501 928 10.573 1886 14.003 2.745 11.258 889 10 369 1887 15.939 3.002 12.937 1 456 11 481 1888 19.119 3.291 15.828 1.315 14.513 1889 22.044 3.967 18.077 2 280 15 797 1890 23.020 4.113 18.907 1.857 17.050 Des recherches faites par le Dr. Coni, il résulte que 205 de 1875 à 1890, il est mort 53.221 enfants de moins de deux ans, classés ainsi : Appareil digestif 12.320 - respiratoire 10.002 - circulatoire 298 Maladies du système nerveux 8.104 - infectieuses à localisations typiques (x).. 10.500 - infectieuses à localisations variables (*).. 4.134 - de la nutrition (3) 78 - génito-urinaires.» 184 - de la peau 164 - du sang (4) 46 Sans classification 7.391 Total 53.221 La prédominance des maladies infectieuses est nota- ble; les décès qu'elles ont provoqués représentent 27.4 % et sont ainsi divisés d'après les diagnostics: Tétanos 4.983 Variole 3.356 Diphtérie et croup 2.529 Syphilis 802 Tuberculose (scrofule, tabes mésentérique, méningite tuberculeuse) 801 Rougeole 759 Coqueluche 557 Dysenterie 279 Fièvre typhoïde 244 Erysipèle 172 Scarlatine 127 Maladies diverses 25 Total 14.634 (*) Rougeole, scarlatine, typhus exanthématique, érysipèle, herpès, variole, rhumatismes articulaires, fièvres paludéennes, coqueluche, grippe, parotidite, fièvre typhoïde, dysenterie, choléra asiatique et nostras, fièvre jaune, tétanos et méningite cérébro-spinale. (2) Tuberculose dans ses différentes formes, scrofules, syphilis, lèpre, diphtérie, pustule maligne et rage. (3) Rachitisme. (4) Leucocythémie, anémie pernicieuse progressive, chlorose, pur- pura, hémophilie et scorbut. 206 Les maladies de l'appareil digestif sont également fréquentes: les 12.320 (23%) sont ainsi classifiées: Gastro-entérites 4.482 Entérites 2.838 Atrepsie 2.485 Entéro-colites 1.314 Choléra infantile 359 Diarrhée 12'5 Hépatite 97 Gastrite 86 Fièvre gastrique 82 Cholérine 57 Maladies diverses 394 Total 12.320 Les affections de V appareil respiratoire sont au nom- bre de 10.002; elles représentent le 18.7% et sont les suivantes : Pneumonies 5140 Bronchites 2575 Broncho-pneumonies 1755 Laryngites 140 Congestions pulmonaires 130 Pleuro-pneumonies et pleurésies.. 152 Diverses 110 Total 10002 Aux maladies du système nerveux (8.104) correspond le 15 %; voici les chiffres: Méningites 5248 Congestion et transport cérébral. 1172 Eclampsie 978 Hydro-céphalie 232 Méningo-encéphalite 172 Encéphalite 143 207 Des calculs mensuels on déduit que la mortalité in- fantile à Buenos Aires a atteint le 52% de la mortalité totale, et oscille généralement entre le 44 et le 46 %. Ces chiffres sont d'ailleurs alarmants et doivent appe- ler l'attention des médecins et des familles. Les raisons qu'on invoque pour expliquer cette pro- portion étrange sont nombreuses. Voyons quelques-unes des opinions émises à ce sujet : Boeckh (de Berlin) l'at- tribue au mode d'alimentation; Wassefuhr, aux chaleurs de l'été, à la pauvreté et aux naissances illégitimes; Kuborn (de Liège) à l'ignorance, à la saleté, à la su- perstition; Janhson (de Saint-Pétersbourg) aux mauvaise conditions de l'hygiène générale; Pachiotti (de Turin) au manque de lait sain ou aux conditions défectueuses d'hygiène des habitations; Félix (de Bucharest) à la mauvaise alimentation; Bambas (d'Athènes) à la pau- vreté, aux chaleurs excessives de l'été, à l'alimentation défectueuse et prématurée et aux habitations; Combes (de Lausanne) à l'alimentation défectueuse et à l'emploi des biberons à tubes; Desguins (d'Anvers) à l'insuffi- sance de l'alimentation, à la mauvais hygiène en général et aux préjugés populaires; Hornemann (de Copenha- gue) à l'illégimité, à l'alimentation défectueuse et mal- saine, aux habitations insalubres dans les quartiers populeux de la ville, aux mauvais traitements des nour- rices, à l'abus de l'alcool et au manque de propreté. Janssens (de Bruxelles) et Van Overbeck (d'Utrecht) ont prouvé que les affections de l'appareil digestif occa- sionnent à elles seules le tiers de la mortalité des en- fants. Coni (de Buenos Aires) dit que si l'abandon de l'allai- tement par la mère exerce une influence considérable sur la mortalité infantile, une alimentation prématurée, cause de nombreuses maladies, fournit aussi à la mor talité un contingent important. Les familles et particulièrement celles des classes pauvres, ont la fâcheuse habitude de donner à leurs enfants, dès le premier âge, des aliments de toute na- ture, sans se préoccuper de la question de savoir s'ils 208 peuvent se les assimiler. De là, des altérations profon- des de l'appareil digestif (des vomissements, des diar- rhées), altérations considérées comme peu importantes et qui renferment cependant le principe de graves mala- dies. Les mères qui recourent à l'allaitement artificiel volontairement ou non, ignorent presque toujours certains préceptes aussi simples qu'indispensables pour que ce mode d'alimentation ne produise pas de mauvais ré- sultats. (*) Un fait certain dans le domaine de la pathologie in- fantile, c'es l'influence de l'alimentation quand elle est insuffisante ou défectueuse. Pour remédier à cet incon- vénient dans la mesure du possible, on a établi à Paris, à Lausanne, à Berlin et à Stockholm des services spéciaux. On a constaté dans la première de ces villes une dimi- nution des maladies de l'appareil digestif des enfants en bas âge, dès qu'on veille avec soin à éviter la falsi- fication du lait. En ce qui concerne les deux dernières villes, on ne peut rien affirmer d'absolu, mais on peut •espérer d'heureux résultats des mesures adoptées. En France, il existe un usage qui serait très utile si les mères de famille se donnaient la peine de s'y confor- mer. Il consiste à distribuer dans les bureaux de l'Etat Civil, aux parents qui viennent inscrire les enfants, une brochure renfermant des instructions sur l'hygiène de la première enfance; mai souvent il arrive que ces con- seils ne sont pas lus et, par suite, restent ignorés. Quant aux saisons pendant lesquelles il meurt le plus d'enfants, nous dirons que les 53.221 décès d'enfants au-dessous de deux ans enregistrés de 1875 à 1890 se sont produits ainsi : Eté 14.808 Printemps 14.088 Hiver 12.761 Automne 11.564 (?) Coni: Causes de la morbidité et de la mortalité de l'enfance, à Buenos Aires, 1886. 209 L'été est la saison pendant laquelle se produit le plus grand nombre de décès. Il convient d'observer ici l'action de la chaleur, le lait qui se décompose, les fruits, les eaux de mauvaise qualité, les variations de température, et dans bien des cas, le défaut de soin et de propreté, etc. Comparons les renseignements que Landouzy et Napias nous fournissent sur la mortalité infantile à Paris et nous verrons ce qui suit : ANNÉES Mortalité totale Mortalité infantile de 1 jour à 1 an Mortalité infantile de 1 an à 2 ans 1881 57.066 10.180 3.415 1882 58.702 10.541 3.320 1883 56.707 10.282 3.555 1884 56.970 9.970 3.803 1885 54.616 8.897 3.367 Pendant la même période (1885-90), il e&t mort à Buenos Aires 3.858 enfants de 5 à 10 ans ainsi classés : Appareil digestif. 222 - respiratoire 385 - circulatoire 56 Maladies du système nerveux 398 - infectieuses à localisation typique. 926 - - - variable. 1.547 - de la nutrition 13 - génito-urinaires 87 - de la peau 6 - du sang H Sans classification 207 Total 3.858 CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 210 Alors même que l'examen comparatif avec d'autres pays nous est favorable, nous devons reconnaître que nous sommes loin de fournir des données bien flat- teuses; il est toutefois consolant de dire qu'on signale dans ce sens un mouvement qui doit avoir dans la suite d'excellents résultats. Le Patronato de la infancia institution créée à l'instar de celles qui existent en Europe, tend en principe à diminuer les ravages des maladies infantiles, en fondant des maternités et des asiles, en surveillant l'allaitement mercenaire, les fa- briques dans lesquelles les mineurs travaillent, et en cherchant par tous les moyens possibles à assurer la santé des enfants par de bonnes conditions, de façon à ce qu'ils développent les forces de leur corps et se pénètrent de l'esprit du travail dont nous avons besoin pour prospérer. Avant de terminer, nous présenterons quelques consi- dérations au sujet du tétanos neo-natorum si fréquent autrefois à Buenos Aires, et dont la diminution s'ac- centue heureusement aujourd'hui, comme on peut le voir dans le tableau ci-après : 1875 436 1882 241 1889 403 1876 412 1883 286 1890 352 1877 430 1884 264 1891 319 1878 372 1885 302 1892 379 1879 308 1886 302 1893 237 1880 255 1887 212 1881 237 1888 265 Dans ces chiffres le sexe masculin prédomine. Quant au moment de la vie durant lequel la mortalité frappe le plus cruellement, c'est entre la Ie et la 2e semaine qui suit la naissance. Pendant cette période se produit plus de la moitié des décès occasionnés par le tétanos. L'automne et l'hiver sont les saisons dans lesquelles les enfants succombent le plus à cette maladie. (x) Association protectrice de l'enfance. 211 Avant les théories microbiologiques, le tétanos était d'une fréquence effrayante à Buenos Aires. Cependant à la Maternité, il n'était pas connu, grâce aux soins qui étaient pris. Aujourd'hui que les accoucheuses reçoivent une bonne instruction pratique et que les bienfaits de l'asepsie se répandent, la maladie diminue considérablement. Cela veut dire qu'elle est subordonnée en grande partie à l'ignorance et au manque de soins qui en est la consé- quence. Le tétanos étant, comme il l'est, le résultat d'une in- fection (bacilus Nicolaier), le pansement aseptique du cordon, et l'observation d'une hygiène rigoureuse s'im- posent. Il disparaîtra avec les progrès et avec l'application des méthodes modernes par les accoucheuses. La proportion de la mortalité infantile par année dans les différents pays est la suivante, pour mille habitants : NATIONS 0 à 1 an 1 à 5 ans Sur 1000 habitants de tout âge Italie 234.9 66.6 30.1 • France 179.8 27.5 22.3 Angleterre et Galles.. 167.5 32.6 22.2 Ecosse 121.6 59.8 (de 0 à 5 ans) 22.6 Prusse 222.2 40.6 25.9 Bavière 319.6 116.7 (de 0 à 5 ans) 30.5 Saxe 312.3 114.9 ( id. id. ) 29.3 Wurtemberg 340.7 29.6 27.1 Bade 268.9 29.0 25.5 Alsace-Lorraine 240.9 33.4 25.9 Autriche 230.2 52.8 30.1 Suisse 220.1 23.1 23.8 Belgique 176.3 34.0 24.6 Pays-Bas 195.5 30.3 22.8 Suède 127.9 26.1 17.5 Norwège 101.3 18.6 16.2 Danemark 151.9 20.9 19.0 Espagne 239.7 64.3 29.7 Portugal 132.5 (de 0 à 5 ans) 20.5 Grèce 91.9 26.8 18.3 Finlande 165.6 38.1 21.5 Irlande 96.8 19.3 17.7 212 D'après ce tableau, la Grèce et l'Irlande présentent la statistique mortuaire infantile la plus faible, tandis que le Wurtemberg, la Bavière et la Saxe accusent des proportions très élevées. Nous avons déjà dit au sujet de Buenos Aires que le chilfre des enfants qui meurent de 0 à 1 an est de 17 sur cent qui sont venus au monde vivants, ce qui assi- gne à cette ville des conditions meilleures que celles de nombreux pays Européens pour lesquels ce chiffre est beaucoup plus considérable. A Buenos Aires, de ceux qui survivent à la première année, le 9 % meurt pendant la seconde. De 1885 à 1890 (inclusivement) 5.384 enfants de 2 à 5 ans sont morts des maladies suivantes : Infectieuses à localisations variables.. 1.797 ~ - typiques .. 1.153 Appareil respiratoire 885 Maladies du système nerveux 729 Appareil digestif 432 Maladies génito-urinaires 92 - de la nutrition 62 Appareil circulatoire 23 Maladies du sang 10 - de la peau 6 Sans classification 195 Total 5.384 Les mort-nés à Buenos Aires sont arrivés à présenter une statistique bien lugubre. Il faut l'attribuer non seu- lement à l'accident naturel de la mort, mais encore très souvent au résultat d'un crime. Les maternités particulières qui, jusqu'à ces derniers temps, échappaient à la surveillance de l'autorité, ont été, dans bien des cas, les principaux facteurs de cette 213 entité que la morale et une bonne police feront dimi- nuer. L'inspection respective a été déjà organisée par l'Assistance Publique. Un autre agent qui contribue beaucoup à augmenter ce c'est l'illégitimité et avec elle la misère. Le tableau suivant que nous avons dressé d'après les renseignements de M. Martinez (A. B.), fait voir la pro- portion des mort-nés sur 100 décès généraux. ANNÉES Naissances générales Mort-nés Proportion des mort-nés et des naissances générales pour 1000 Décès généraux Proportion des mort-nés sur 100 décès généraux 1872.. 8.078 90 11.1 5.671 1.5 1873.. 8.559 122 14.2 5.891 2.0 1874.. 8.864 154 17.4 7.190 2.1 1875.. 9.202 139 15.1 6.751 2.0 1876.. 8.967 194 21.6 5.277 3.6 1877.. 8.833 181 20.5 5.538 3.2 1878.. 8.993 158 17.6 5.550 2.8 1879.. 9.878 167 16.9 6.794 2.4 1880.. 9.401 220 23.4 7.073 3.1 1881.. 9.576 280 29.2 6.316 4.4 1882.. 10.477 352 33.6 7.196 4.8 1883.. 10.792 407 37.7 8.501 4.7 1884.. 11.870 413 34.8 8.242 4.9 1885.. 12.581 454 41.1 9.295 4.8 1886.. 14.003 517 36.9 9.994 5.1 1887.. 15.939 775 48.6 12.894 5.9 1888.. 19.119 1.115 58.2 12.482 8.8 1889.. 22.044 1.303 58.9 16.039 8.8 1890.. 23.020 1.304 56.6 17.721 7.6 1891.. 24.591 1.318 53.6 14.332 10.1 1892.. 23.255 1.271 67.5 14.612 11.5 1893.. 25.791 1.290 60.7 14.290 9.2 Comparant le chiffre des mort-nés à Buenos Aires, avec celui des autres villes Argentines, nous avons: 214 VILLES ANNÉES Moyenne des mort-nés sur 100 décès généraux Buenos Aires 1887 - 91 8.2 Rosario 1889 5.5 La Plata 1889 9.5 Santa Fé 1889 3.6 Paranâ 1889 4.9 Corrientes 1889 0.5 San Nicolas 1889 5.3 Santiago ciel Estero 1889 0.8 Bahia Blanca 1889 3.5 Conception de l'Uruguay .... 1889 6.4 Tandil 1892 9.5 En faisant la même comparaison avec d'autres villes européennes, on obtient: VILLES ANNÉES Moyenne des mort-nés sur 100 décès généraux Buenos Aires 1887 - 91 8.2 Vienne 1865 - 74 5.3 Copenhague 1865 - 74 5.6 Paris 1866 - 75 8.4 Rome 1871 - 74 6.5 Berlin 1869 - 73 5.7 La Haye 1865 - 74 6.7 En 1893, on a enregistré 1.290 mort-nés. Ce chiffre est inférieur à celui des années 1889, 90 et 91. 215 Maintenant nous présenterons quelques considéra- tions sur la fréquence du suicide à Buenos Aires. Nous devons certes tenir compte de l'augmentation cons- tante de la population, de l'hétérogénéité de ses élé- ments, de l'extraordinaire activité commerciale, du mouvement prodigieux que l'on remarque de tous côtés; toutes ces circonstances en effet influent sur la produc- tion du phénomène qui nous occupe. Le mélange des races, des caractères et des sentiments, des aspirations et des passions, a envahi le milieu où nous vivons au point d'y déterminer des états spéciaux que la démographie est tenue d'étudier comme ils le méritent. L'élément étranger arrive en foule dans notre pays, attiré par la renommée qui le lui a représenté comme la « terre promise »; l'action évidente de son caractère se révèle dans la lutte fébrile qu'il soutient chaque jour et qui arrive à produire en lui des effets qui se tradui- sent par la rupture de l'équilibre dans son mécanisme organique. Nous Lavons déjà dit: notre capitale est une ville essentiellement cosmopolite; elle est soumise à des cau- ses diverses qui produisent des accidents non moins divers. Si à cela nous ajoutons l'abus que l'on fait du crédit, les mauvaise affaires, les plaisirs, le sybaritisme qui a pénétré dans certaines classes de la société, le désir exagéré de faire promptement fortune qui se ré- veille chez certains individus, l'alcoolisme, l'amour, la misère, les ennuis; tout cela, aidé jusqu'à un certain point par les vicissitudes atmosphériques : voilà l'étiologie du suicide; voilà aussi sa filiation patho- logique. (') Il faut espérer qu'un tel état de choses se modifiera sûrement, grâce à l'éducation, à l'encouragement par les bons exemples et aux facilités de la vie que nous offrons. (x) Samuel Gâche: Esludio de psico-vaiologia. Thèse. Buenos Aires, 1886. 216 Le tableau ci-après donne le chiffre des suicides depuis l'année 1881 jusqu'au 30 septembre 1894: Années Suicides Années Suicides 1881 28 1888 23 1882 69 1889 18 1883 26 1890 21 1884 31 1891 25 1885 30 1892 23 1886 27 1893 18 1887 32 1894 18 La proportion la plus grande appartient aux Argentins, viennent ensuite les Italiens, les Espagnols, les Fran- çais et les Allemands. Contrairement à ce que constate la statistique criminelle des villes d'Europe, où les moyens de suicide sont la pendaison ou l'asphyxie par l'oxyde de carbone, la sub- mersion, etc., à Buenos Aires nous remarquons que Bon se sert presque toujours de l'arme blanche ou de Larme à feu, ou bien encore le poison, de préférence le phosphore et l'acide oxalique. Les armes sont employées parles hom- mes; les femmes préfèrent les poisons. La quantité de suicides diminue relativement à la population; mais cette diminution serait plus grande si la presse, par sa publicité accompagnée parfois de dessins et illustrations, donnait moins pâture aux mau- vaises passions. Lorsque, au Cercle Médical Argentin, nous élevâmes la voix en 1884, par protester contre la publicité donnée au crime, nous disions que l'observation journalière démontre que « l'action électrique de l'exemple se pro- 217 page avec son maximum de force et de rapidité ». Quelle que soit l'explication que l'on donne aux progrès que fait la folie du suicide, nous pouvons conclure, avec Tarde, qu'il a surtout des causes sociales et qu'il est le résultat d'une évolution, d'une transformation histo- rique, du désespoir. Les convenances sociales réclament le silence de la presse sur un sujet aussi grave. Elle seule est, jusqu'à un certain point, responsable de cette fâcheuse diffusion. Il est digne, il est humain, c'est élever la mission du journalisme, que de faire ce que nous disons, de taire les crimes: grâce à l'influence puissante de la presse, le nombre des suicides ne peut que diminuer. Nous allons étudier la mortalité à Buenos Aires, en prenant pour base la statistique des années qui se sont écoulées depuis 1887 jusqu'à 1893. Tout d'abord nous pouvons dire que le chiffre de la mortalité sur 1000 habitants a été parmi nous, en 1893 de 23.4 y compris les mort-nés. Comparant ce chiffre avec celui des années antérieures nous avons : 1887 27 pour 1000 1888 27 - - 1889 28 - - 1890 29 - - 1891 24 - - 1892 24 - - 1893 23.4 - - Ces proportions nous permettent d'ores et déjà de comprendre l'évidente diminution progressive de cet important facteur démographique. Ce résultat doit être attribué à l'influence des travaux de salubrité publique et à l'action des mesures prophylactiques aujourd'hui en vogue, connues et appliquées par tout le monde. Cette diminution dans la mortalité s'est opérée sur- tout après la réalisation de la canalisation souterraine; il est hors de doute que ses bienfaits se feront de plus en plus sentir à mesure que les diverses sections du municipe seront pourvues de cette canalisation. Les tableaux suivants qui embrassent les années de 1887 à 1893 indiquent la marche de la mortalité à Bue- nos Aires. 218 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 CO 3 O CO co cô <D Ph i 1 l Maladies générales I.- Malac lies d' origint bacté vienne A Béribéri 2 2 Coqueluche 35 67 85 57 93 29 64 430 4.2 Diphtérie et croup 995 1385 905 1037 623 609 658 6212 60.1 Fièvre typhoïde 280 388 509 628 408 214 214 2641 25.5 Influenza - - - 24 11 188 35 258 2.5 Rougeole 141 99 261 80 54 188 82 905 8.7 Scarlatine 62 17 . 17 26 11 12 59 204 2.0 Variole 1299 657 185 2198 275 30 14 4658 4.5 Totaux 2812 2613 1964 4050 1475 1270 1126 15310 148.1 B Lèpre 6 3 6 3 3 1 22 0.2 Méningite tuberculeuse.... - - - - 44 59 77 180 1.7 Rage 2 - 7 2 2 1 4 18 0.2 Scrofulose 23 25 15 18 9 7 11 108 1.0 Syphilis des adultes 18 12 16 16 14 13 21 110 1.1 - infantile 98 92 106 68 63 62 53 542 5.2 Tuberculose pulmonaire... 1041 1069 1245 1168 1017 1078 1103 7728 74.7 - laryngée 8 19 18 14 12 16 15 102 1.0 - du mésentérique 17 10 21 28 22 22 26 146 1.4 - de divers orga- nés - - - - 7 10 31 48 0.5 Totaux 1213 1230 1434 1317 1200 1269 1341 9004 87.1 C Pustule maligne 3 6 5 3 4 4 5 30 0.3 Tétanos infantile 212 266 403 352 319 279 237 2068 20.0 - traumatique 33 34 34 44 33 31 31 240 2.3 Totaux 248 306 442 399 356 314 273 2338 22.6 219 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1891 1892 1893 ? O CO 1887 1888 1889 1890 D Broncho-pneumonie 303 303 642 583 520 936 771 4058 39.2 Pleurésie 35 40 54 68 58 57 36 348 3.3 Pleuro-pneumonie 39 45 43 69 59 74 80 409 3.9 Pneumonie 802 811 1016 1075 910 1343 987 6942 67.1 Totaux 1179 1199 1755 1795 1547 2410 1872 11757 113.7 E Choléra morbus 530 530 5.1 - infan til 23 20 60 26 31 23 22 205 2.0 Cholérine 4 2 3 1 1 2 2 15 0.1 Dysenterie 51 72 69 42 58 42 38 372 3.6 Fièvre jaune - - - - 1 - - 1 - Totaux 608 94 132 69 91 67 62 1123 10.8 F Anthrax 1 3 2 3 1 2 12 0.1 Erysipèle 18 32 23 22 23 17 22 157 1.5 Gangrène 34 38 39 67 38 37 24 277 2.7 Phlébite 1 4 2 1 - 2 4 14 0.1 Phlegmon 13 11 18 10 14 7 12 85 0.8 Totaux 67 88 84 100 78 64 64 545 5.2 G Infection purulente........ 26 53 21 50 25 15 13 203 1.9 - putride 3 8 2 - 1 1 1 16 0.1 Septicémie • 16 18 27 23 18 20 24 146 1.4 Totaux 45 79 50 73 44 36 38 365 3.5 H Arthrite 1 7 8 2 4 2 3 27 0.3 Tumeur blanche 3 7 6 6 2 1 2 27 0.3 Totaux 4 14 14 8 6 3 5 54 0.6 1 Fièvre puerpérale 21 27 35 35 38 30 31 217 2.1 Flegmasie alba-dolens 1 2 1 1 - 1 1 7 - Métrite 6 19 3 2 3 - 2 35 0.3 Métro-péritonite 10 20 15 6 17 20 11 99 1.0 Péritonite.'. 1 3 5 1 5 3 2 20 0.2 Totaux 39 71 59 45 63 54 47 378 3.6 220 MALADIES ANNÉES 1893 TOTAUX 1887 1888 1889 1890 | 1891 1892 œ | I < ! rcn <D Ph 1 II. 1 - Autres m 1 1 aladies générales I i i Anémie pernicieuse - - 2 2 2 2 8 - Athrophie musculaire 1 - 2 2 2 - - 7 - Cancer de la bouche 1 4 4 6 3 8 - 26 0.2 - de l'estomac 58 47 69 65 63 73 85 460 4.4 - du foie 19 29 53 31 49 43 44 268 2.6 - de 1 intestin 3 11 9 7 9 9 5 53 0.5 - de l'œsofage 16 21 22 14 16 32 17 138 1.3 - de l'utérus 37 29 33 29 43 28 54 253 2.4 - d'autres organes... 132 160 162 156 141 177 212 1140 11.0 Chloro anémie 1 - - - 6 3 6 16 0.1 Diabète sucré 14 10 14 9 15 27 26 115 1.1 Goutte - - - - - 2 - 2 - Hémophilie 9 5 7 5 8 2 3 39 0.4 Impaludisme 8 1 11 2 6 3 4 35 0.3 Leucocythémie 5 - 2 5 9 2 6 29 0.3 Maladie d'Addison 5 - 3 1 - 2 2 13 0.1 Mal de Basedow - - - - - 1 1 2 - Purpura hémorragique.... 13 10 9 19 13 7 6 77 0.7 Rachitisme 13 16 15 10 15 20 17 106 1.0 Rhumatisme 20 30 29 18 12 6 16 131 1.2 Scorbut - - 1 - - 4 - 5 -î- Totaux 355 373 447 381 412 451 504 2923 28.2 Maladies locales III. - - Maladies du système nerveux Abcès cérébral 1 2 5 4 3 1 16 0.1 Alcoolisme 64 60 92 68 54 62 50 450 4.3 Anémie cérébrale 19 17 17 47 29 22 12 163 1.6 Apoplexie et hémorragie cé- rébrales 222 286 310 303 260 267 268 1916 18.5 Ataxie locomotrice 1 5 3 4 2 6 10 31 0.3 221 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 W £ o ■J) fCQ le O Ph Commotion cérébrale 7 5 11 10 8 5 8 54 0.5 Compression - 2 4 7 4 1 18 0.2 - médullaire... 2 2 1 1 1 1 8 Congestion et épanchement cérébraux 224 253 269 325 274 283 237 1865 18.0 Délire aigu 6 3 3 2 2 4 2 22 0.2 Démence 1 2 7 1 4 15 0.1 Eclampsie infantile 103 101 126 117 144 139 131 861 8.3 Embolie cérébrale 9 20 19 20 21 24 113 1.1 Encéphalite 40 32 25 38 24 39 25 223 2.1 Epilepsie 6 7 16 12 14 5 9 69 0.7 Hémiplégie 3 2 9 3 17 0.2 Hydrocéphalie 21 18 37 24 19 23 23 165 1 6 Hystérie 3 1 1 2 7 Méningite 599 666 721 770 820 846 916 5338 51 6 Méningo-encéphalite 42 34 49 56 53 33 40 307 2.9 Morphinisme - 2 3 Mvélite 25 28 Paralysie générale progrès- 43 31 31 23 31 212 2.0 sive 17 12 24 34 28 49 58 222 2 1 Paraplégie 1 2 1 2 1 1 1 9 Ramollissement cérébral... 32 35 48 32 26 32 31 236 2.3 Sclérose cérébrale 4 3 3 2 1 2 3 18 0 2 - cérébro-spinale... 1 4 5 7 2 1 2 22 0.2 - médullaire 2 8 9 6 6 3 34 0 3 Spina-bifida 5 5 1 2 2 8 3 26 0 2 Tumeur cérébrale 12 11 12 6 10 10 10 71 0 7 Autre maladie 1 3 1 11 5 7 5 33 0.3 Totaux 1459 1612 1859 1936' 1864 1903 1913 12546 121.4 222 MALADIES ANNÉES TOTAUX. 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 02 O 02 02 IV. - Malad les de 1 1 1 l'appareil circulatc rire l Anévrysme 18 33 43 31 21 31 31 208 2.0 - de l'aorte 42 59 92 122 133 74 66 588 5.7 Angine de poitrine 16 27 36 26 24 26 57 212 2.0 Aortites 2 - 1 - 2 - 4 9 - Artério-sclérose 5 7 12 4 20 29 65 143 1.4 Endocardite 17 24 26 52 46 51 67 283 2'. 7 Endo-péricardite - 6 ] 5 - 1 - 13 0.1 Goitre exophtalmique - - 1 - - 1 2 4 - Hémorragie 20 29 41 61 31 48 39 269 2.6 - ombilicale 7 8 17 5 10 8 7 62 0.6 Hémophilie 9 5 7 5 8 2 3 39 0.4 Maladies organiq. du cœur. 570 624 693 589 533 578 632 4219 40.8 Myocardite.. 1 3 8 13 32 38 50 145 1.4 Péricar.dite 15 20 29 30 20 24 19 157 1.5 Totaux 723 845 1007 943 880 911 1042 6351 61.4 V. - Maladies de l'appareil respiratoire Abcès pulmonaire 1 - 2 1 3 1 6 14 0.1 Apoplexie pulmonaire 10 25 14 10 4 9 10 82 0.8 Asthme 17 10 17 26 13 13 9 105 1.0 Atélectasie pulmonaire.... - 2 2 4 3 2 - 13 0.1 Bronchite 281 342 479 472 436 498 510 3018 29.2 Congestion pulmonaire.... 39 65 66 57 53 92 82 454 4.4 Embolie - 4 4 2 3 2 4 19 0.2 Emphysème 5 9 18 26 14 17 8 97- 0.9 Gangrène - - 7 5 8 15 7 42 0.4 Hémorragie 13 9 35 48 22 21 25 173 1.7 Laryngite 27 44 25 56 51 69 64 336 3.2 Œdème de la glotte 10 14 15 32 35 38 24 168 1.6 - pulmonaire 5 4 6 8 5 5 11 44 0.4 Pio-thorax et pneumo-tho- rax 3 2 6 5 6 8 6 36 0.3 Spasme de la glotte 3 8 1 7 8 5 7 39 0.4 Sténose laryngée 1 4 1 2 1 - 1 10 0.1 Tumeur du larynx 2 1 1 2 1 2 2 11 0.1 Autres maladies - - - - 2 7 5 14 0.1 Totaux 417 543 699 763 668 804 781 4675 45.2 223 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 S O CQ CQ O VI.- l 1 1 1 - Maladies de l'appareil digesh f Abcès du foie 2 7 7 7 13 14 10 60 0.6 - rétro-pharyngien.... 2 2 1 - 1 1 1 8 - Angine phlegmoneuse - 6 6 3 3 3 6 27 0.2 - diverses - - - - 1 3 1 5 - Athrepsie 327 352 540 390 457 392 397 2855 27.6 Athrophie du foie 2 3 19 8 2 3 4 41 0.4 Congestion - 1 1 3 1 - 1 1 8 - Dégénérescence du foie.... - - 1 - 2 2 2 7 - Dilatation de l'estomac.... - - - 2 - * 3 1 6 - Dyspepsie 1 3 4 8 7 6 11 40 0.4 Entérite 324 428 630 466 593 481 479 3401 32.9 Entéro-colite 83 86 193 128 158 90 105 843 8.1 Entérorragie 4 9 5 9 10 13 8 58 0.6 Fièvre gastrique 10 19 13 11 H 9 12 85 0.8 Gastrite 15 23 31 34 15 30 33 181 1.7 Gastro-entérite 412 488 1017 865 884 712 830 5208 50.4 Hépatite 68 71 73 67 67 48 41 435 4.2 Hernie 10 15 18 14 12 17 10 96 0.9 Hydatides du foie - 2 2 - 1 3 8 Hypertrophie du foie 2 6 8 12 5 5 6 44 0.4 Ictère 15 15 10 15 15 23 18 111 1.0 Indigestion 7 6 9 6 11 14 23 76 0.7 Kyste du foie 2 4 - 1 3 7 10 27 0.2 Lythiase biliaire 2 3 4 1 - 4 2 16 0.1 Muguet 5 3 8 4 2 4 3 29 0.2 Noma 13 11 17 9 4 9 4 67 0.6 Occlusion intestinale 39 51 64 83 79 58 58 432 4.2 Paralysie - 1 1 2 2 2 1 - 9 - Péritonite Rétrécissement de l'œso- 90 129 142 170 145 145 138 959 9.3 pliage 16 14 7 11 15 5 7 75 0.7 Sclérose du foie 81 78 72 114 96 116 87 644 6.2 Sténose de l'œsophage. ... - - 1 - 1 5 -■ 7 Stomatite 2 4 3 2 2 3 - 16 0.1 Tumeurs diverses 5 3 5 11 4 14 11 53 0.5 Typhlite et pérityphlite.... 3 1 4 5 5 3 6 27 0.2 Ulcère de l'estomac 6 4 8 12 3 15 6 54 0.5 - intestinale 1 ] - 1 4 3 1 11 0.1 Autres maladies 4 5 4 2 8 7 10 40 0.4 Totaux 1555 1854 2931 2474 2640 2270 2345 16069 155.4 224 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 CQ 2 O en 42 "ce <» Ph VIL - M aladiet 1 de ïappare génr do-uri naire Albuminurie 6 5 13 4 4 5 11 48 0.5 Calculs des reins 1 - 2 1 1 2 2 9 - Cystite chronique 13 Il 9 9 10 4 6 62 0.6 Fibrome utérin.. 6 3 4 1 4 1 3 22 0.2 Fistule urinaire 2 1 1 - 2 2 - 8 - Kvste de l'ovaire 2 1 3 3 4 1 1 15 0.1 Mal de Bright 14 12 30 26 31 24 35 172 1.6 Métrorragie 3 5 10 5 6 8 3 40 0.4 Néphrite 64 67 101 110 134 88 149 713 6.9 Pelvi-célulite 2 2 5 1 - 3 - 13 0.1 Pelvi-péritonite - - l - 1 2 1 5 - Rétention d'urine 2 1 : 1 3 1 - 8 - Salpingite supurée - - - - 2 2 2 6 - Tumeurs 1 - 3 3 l 3 - 11 0.1 Urémie 49 45 64 63 79 72 78 450 4.3 Autres maladies 3 1 7 1 6 9 12 39 0.4 Totaux 168 154 253 228 288 227 303 1621 15.7 VIII. - Maladies puerpérales non bactériennes Eclampsie 11 10 33 41 22 9 11 137 1.3 Hémorragie 4 5 8 6 3 6 5 37 0.4 Autres maladies 3 3 5 4 4 3 24 0.2 Totaux 18 17 44 52 29 19 19 198 1.9 225 MALADIES 1887 ANNÉES -- 1893 TOTAUX 1888 1889 1890 1891 1892 en JS o CQ en " ri <» « IX. - Male idies a e la p eau et du. ti s su ce Uulairt Abcès 9 7 1 8 12 7 3 47 0 4 Adénite 2 3 1 1 7 Eczème 3 1 2 5 4 4 7 26 0 2 Linfo-adénome 3 1 1 8 4 2 3 22 0 2 Ostéo-sarcome 2 2 4 Pemphigus 1 - 1 3 1 2 1 9 - Sclérème 1 4 2 5 4 6 2 24 0 2 Autres maladies 3 3 5 1 4 16 0.1 Totaux 22 16 15 29 26 28 19 155 1 5 X.- Ma ladies des oi ganes de la locom otion Carie 3 8 3 1 3 18 0 2 Coxalgie 3 2 2 1 1 2 2 19 0 2 Fractures 39 52 70 77 48 50 53 389 3 7 Mal de Putt 11 10 12 5 11 15 13 77 0 7 Autres maladies 3 3 6 7 2 1 22 0.2 Totaux 59 75 93 89 68 72 69 525 5 1 XL -Jfo rt-nés ou m orts aj ores la nais,. lance Débilité congénitale 291 298 413 420 371 316 330 2439 23.6 Mort-nés 810 1115 1303 1304 1318 1271 1290 8411 81 .3 Persistance du trou deBotal 4 11 10 10 7 9 10 61 0.6 Vice de conformation 10 5 3 3 4 4 3 32 0.3 Autres maladies 2 3 1 6 Totaux 1117 1429 1729 1737 1703 1600 1634 10949 105.9 CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 226 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 œ o CQ "ce « XII. - Mo rts vio lentes Asphyxie par submersion.. 51 71 90 102 78 85 85 562 5.4 - suspension... 5 5 20 12 6 6 2 56 0.5 - suffocation... 2 3 7 9 5 3 7 36 0.3 - strangulation 4 4 2 4 5 5 1 25 0.2 Blessures 106 116 125 166 132 118 150 913 8.8 - par arme à feu... 19 29 33 263 56 51 41 492 4.7 Brûlures 44 65 36 49 40 51 49 334 3.2 Contusions 12 18 20 15 13 22 8 108 1.0 Empoisonnement 10 13 14 21 18 15 18 109 1.0 Suicide 14 14 16 17 14 6 1 82 0.8 Divers 13 15 13 10 9 2 2 64 0.6 Totaux 280 353 376 668 376 364 364 2781 26.9 XIII. - - Sans classification Anémie 53 41 52 32 36 35 31 280 2.7 Ascite 5 9 7 7 6 7 5 46 0.4 Asphyxie 14 22 17 13 22 14 14 116 1.1 Consomption 118 179 243 195 134 110 • 90 1069 10.3 Hydropisie 9 3 19 5 3 4 2 45 0.4 Inanition 70 43 49 31 43 21 33 290 2.8 Marasme - - 9 36 60 50 37 192 1.8 Mort subite 16 17 17 11 14 12 14 101 1.0 Syncope 7 26 25 19 18 7 15 i 17 1.1 Vieillesse 102 102 127 100 102 99 105 737 7.1 Sans spécification 112 75 87 116 80 117 123 710 6.9 Totaux 506 517 652 565 518 476 469 3703 15.9 227 MALADIES ANNÉES TOTAUX 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 U2 ' o CQ rO <4 Relatifs J 1 Résumé général 1. - Maladies d'origine bactérienne 6215 5694 5934 7856 4860 5487 4898 40874 394.4 II. - Autres maladies générales 355 373 447 381 412 451 504 2923 28.2 111. - Maladies du systè- me nerveux 1459 1612 1859 1936 1864 1903 1913 12546 121.4 IV. - Maladies de l'ap- pareil circulatoire.. V. - Maladies de l'ap- 723 845 1007 943 880 911 1042 6351 61.4 pareil respiratoire.. VI. - Maladies de l'ap- 417 543 699 763 668 804 781 4675 45.2 pareil digestif 1555 1854 2931 2474 2640 2270 2345 16069 155.4 Vil. - Maladies de l'appa- reil génito-urinaire. 168 154 253 228 288 227 303 1621 15.7 VIII. - Maladies puerpéra- les non bactériennes. 18 17 44 52 29 19 19 198 1.9 IX. - Maladies de la peau et du tissu cellulaire X. - Maladies des orga- 22 16 15 29 26 28 19 155 1.5 nés de la locomotion. 59 75 93 89 68 72 69 525 5.1 XL - Mort-nés, etc 1117 1429 1729 1737 1703 1600 1634 10949 105.9 XII. - Morts violentes.. 280 353 376 668 376 364 364 2781 26.9 XI11. - Sans classification 506 517 652 565 518 476 469 3703 15.9 Totaux généraux.... 12894 13482 16039 17721 14332 14612 14290 103370 1000.0 228 Nous savons déjà que la mortalité à Buenos Aires, qui était autrefois de 29 par 1000 habitants, est aujour- d'hui de 23.4, en comprenant les mort-nés. Cette dimi- nution est due aux travaux de salubrité qui ont été exécutés et à une meilleure observation de l'hygiène publique et privée. Comparons maintenant les chiffres de la mortalité, par 1000 habitants, à Buenos Aires, avec ceux d'autres villes d'Amérique et d'Europe (*). Buenos Aires (*) 23.4 Montevideo 18 2 Assomption (a) 17.4 Rio Janeiro (3) 33.5 Santiago du Chili (4).... 34 Valparaiso 55.5 Conception 55.5 Mexico (5) 62 Baltimore 21 Brooklyn 21.4 Berlin 21 Breslau 3L6 Bordeaux 24.2 Bologne 25.5 Birmingham... 21.9 Bucharest 30.8 Buda-Pesth 26.7 Christiania 18 Catane 27.9 Copenhague 20.5 Dresde 23.6 Dublin 26.9 Edimbourg 19.8 Francfort 18.4 Florence 22.9 Philadelphie 21.2 Glascow 23.3 Gênes 24.7 Hambourg 20.4 Leipzig 22.4 Londres 20.8 Liverpool 27 Livourne 22.2 Lyon 22 Monaco 26.4 Milan 26 Naples 30.7 Odessa 25.8 Paris 21.8 Prague 23.2 Rome 22.2 Stockholm 19.1 Turin 21.3 Trieste 27.9 Venise 26.8 Vienne 23.5 Varsovie 24.2 Nous voulons terminer ce chapitre en disant que la ville (') Les renseignements des autres villes correspondent à la mor- talité de l'année 1893. (H Les mort-nés compris. (2) Proportion de l'année 1892. {') Proportion de l'année 1892. (4) Proportion de l'année 1882, d'après Espejo V. (5) Proportion de l'année 1892. 229 de Buenos Aires compte 19 hôpitaux qui ont la capacité suivante : Dépendant du Gouvernement National Hôpital des Cliniques 245 lits - Rivadavia 312 - - militaire 350 - - d'enfants 100 - (x) Maison des enfants trouvés 150 - Hospice de folles 570 - Dépendant de l'Assistance Publique (municipaux) Hôpital San Roque 340 lits - Rawson 320 - (a) Maison d'isolement 105 - (3) Hospice de las Mercedes (fous) 920 - Hôpital Norte (sifilicomio) 130 - - Belgrano 120 - (4)' Pavillons de chroniques 130 - Hôpital Français 135 lits - Espagnol 155 - - Italien 190 - - Anglais 100 - - Allemand 60 - Institut phrénopathique 70 - Hôpitaux particuliers (B) De plus, il y a de bonnes maisons de santé, comme celle du Dr. Llobet qui est montée à l'instar des prin- cipales d'Europe, pour le traitement exclusif des mala- (*) Le nouvel hôpital d'enfants, qui sera bientôt terminé, peut contenir 350 lits. (2) On projette trois nouveaux pavillons pour 100 malades. (3) Quand le nouvel édifice sera terminé, il pourra contenir 400: malades. (4) Pour le moment, 40 lits seulement sont installés. (5) Ces hôpitaux sont soutenus par les sociétés philanthropiques des differentes nationalités. L'institut « phrénopathique » appartient à une société de trois médecins argentins. 230 dies chirurgicales, où les malades vivent et sont soignés avec toute commodité. Le cabinet de consultation ophtalmologique de la société de Bienfaisance, dirigé par le Dr. Roberts, et plusieurs autres de même nature, rendent également d'importants services. C'est dire que Buenos Aires, pour faire face aux né- cessités des indigents, a 4.562 lits pour une population de 640.000 habitants, et bientôt ce nombre sera élevé à 5.000. Quant à la crémation des cadavres, elle est pratiquée à la « Maison d'isolement » et principalement pour les personnes mortes de maladies infectieuses. Les chiffres des incinérés sont les suivants : Années Crémations Années Crémations 1886 471 1891 824 1887 1003 1892 228 1888 1211 1893 239 1889 2108 1894 174 P) 1890 2233 Les tentatives faites pour établir cette réforme ont enfin produit le résultat cherché. En 1884, nous fîmes de la propagande dans les « Annales du Cercle Médical Argentin » en faveur de la crémation facultative. Nous disions alors : En examinant les études que l'on a faites (i) Pendant les dix premiers mois de 1894. 231 sur la crémation dans tous les pays, nous voyons que l'Espagne et la République Argentine ne l'ont pas en- core acceptée et même n'ont encore rien essayé de sé- rieux pour faciliter son adoption. Comme il est nécessaire que l'initiative vienne de quelque part, le Cercle Médical Argentin la prend avec enthousiasme, afin que la ques- tion de l'incinération des cadavres venant à être discutée dans les réunions, bon puisse prendre les mesures con- venables. Ce n'est pas l'œuvre d'un jour que de réaliser semblable entreprise. On ne perd pas tout d'un coup des habitudes enracinées, mais le temps à la fin triom- phe de tout. Nous présentâmes, par suite, à nos collègues de la So- ciété, au mois de mars 1884, le projet suivant: «Le Cercle Médical Argentin résout: 1° De travailler à la formation d'une société de cré- mation dans la République Argentine. 2° De demander au Pouvoir Exécutif ou au parlement qu'il reconnaisse la crémation facultative et qu'il con- tribue pécuniairement à son établissement. 3° La crémation aura lieu après que l'on aura constaté la mort et rempli toutes les formalités établies par le Congrès International d'Hygiène et Démographie réuni à Genève en 1882. (*) f1) S. Gâche : Article « Crémation ». Annales du Cercle Médical Argentin, Avril 1884. CHAPITRE X LA FIEVRE TYPHOÏDE A BUENOS AIRES Sommaire. - Epoque de l'apparition de la fièvre typhoïde à Buenos Aires. - Epidé- mies. - Théories de Pettenkofer. - Investigations du Dr. Arata. - Opinion de Brouardel et Jaccoud. - Murchison et Budd. - Action des matières fécales. - Arnould. - Rôle de l'eau dans la transmission de la fièvre typhoïde. - Exemples pour démontrer son influence. - Koch. - Transmis- sion par le lait. - Epidémies dues à cette cause. - Bouchard. - Etudes de Chantemesse. - Rôle de l'air. - Expériences de Sicard (de Béziers). - Refuge du bacille d'Eberth dans le sol. - Conclusions de Grancher et Richard. - Résultats de l'expérimentation. - Transmission du microbe de la mère au fœtus. -La fièvre typhoïde à Buenos Aires et les eaux de puits. - Analyses des eaux courantes par les docteurs Arata, Wernicke et Lavalle. -Fréquence de la maladie suivant les saisons. - Epidémies récentes. - Statistique. - Le Dr. E. Coni. - Foyers typhiques à Buenos Aires. - Mesures de l'Assistance Publique. - Comparaison avec l'Angleterre. - Opinion de Thorne-Thorne. - Diminution des maladies infectieuses à la suite des travaux de salubrité. - Observations de Farr. - Paris et Berlin. - L'assistance des maladies infectieuses à Buenos Aires.- La Maison d'isolement. Il serait bien difficile de déterminer exactement l'épo- que à laquelle la fièvre typhoïde fit sa première appari- tion à Buenos Aires. On peut cependant affirmer, d'accord en cela avec les statistiques des hôpitaux, que dès les premières années du siècle elle était connue dans cette ville. Depuis lors elle n'a cessé de se produire, occa- sionnant soit des cas isolés, soit des épidémies. C'est sous ce caractère épidémique qu'on Fa vue dans les années 1822, 1826-1827, 1830-1833, 1860, 1871, 1881 et 1886. Pendant cette dernière année elle se répandit dans plusieurs villes et villages de la province. Depuis, elle 233 semble s'être localisée dans la capitale. C'est donc une- erreur de croire que la fièvre typhoïde ait été introduite chez nous, vers l'année 1840 par des colons Irlandais qui furent s'établir dans le voisinage de la Recoleta. Bien qu'elle soit évitable, elle figure communément dans notre morbidité. Cette classification parmi les causes de la mortalité n'est que trop fondée; et il est juste aussi de faire remarquer que les sages mesures prises par l'Assistance Publique, en l'année 1892, ont obtenu une diminution dans le nombre des décès de fièvre typhoïde, diminution qui, heureusement, n'a fait que s'accentuer davantage, grâce aux conseils publiés pendant l'année 1893-94. L'étude de cette maladie a donné lieu à diverses doc- trines qui ont passionné les esprits, sans pourtant arriver toujours à convaincre. Aujourd'hui elle est bien connue et il est convenable de rappeler ici les principaux travaux dont elle a été l'objet. Pettenkofer, dans sa théorie sur les causes de certaines- maladies infectieuses, comme le choléra et la fièvre ty- phoïde, disait « que cette dernière était due à la varia- tion du niveau des eaux souterraines. Ces variations permettent aux eaux de mouiller le sol et de se retirer ensuite en le laissant empreint d'humidité. C'est quand il est mouillé ainsi que le sol devient dangereux. Une trop grande sécheresse du sol ou une trop grande hu- midité provoquent l'apparition de cette maladie. » Le Dr. Arata, le seul parmi nous qui ait entrepris de sérieuses études sur la fièvre typhoïde, résume son opinion en ces mots: « Les phénomènes observés pen- dant trois années, permettent d'affirmer que les faits cités par l'illustre hygiéniste de Munich se vérifient à Buenos Aires avec une étonnante régularité. Mais cela ne nous oblige pas à admettre les explications de Pet- tenkofer et encore moins à accepter aveuglément sa théorie; nous constatons tout simplement qu'à Buenos Aires ses idées se justifient. L'affirmation que la baisse dans le niveau de l'eau souterraine est un facteur puis- sant qui augmente la fréquence des maladies infectieu- 234 ses, est pour nous un fait acquis, que nous ne pouvons même pas discuter, bien que l'explication que ce sa- vant donne de ce phénomène soit en elle-même très discutable et même susceptible d'être repoussée ». Au dire de Brouardel, la théorie de Pettenkofer est vraie en grande partie, mais pourtant elle demeure in- complète. Lorsque le niveau de l'eau souterraine vient à baisser, les sources et les fleuves souffrent aussi une diminution dans le niveau de leurs eaux; de plus, il se produit dans ces eaux souterraines un courant qui met en mouvement les matières organiques et les en- traîne vers les parties basses où les eaux se réunissent. D'autres fois, lorsque la fièvre typhoïde coïncide avec l'élévation de la couche souterraine, la contamination se produit par un puits, c'est-à-dire que cette couche d'eau qui vient élever le sous-sol s'écoule vers un puits où elle favorise le développement des bacilles typhiques. On a attribué le principe générateur de cette affection aux matières fécales et leur influence a été démontrée par Murchison, Budd et autres. Jaccoud, donnant son opinion sur ce point, disait, en 1877, à l'Académie de médecine : « Les 106 cas d'épidé- mies réunis par moi sont de trois ordres; 15 cas pro- viennent de l'action directe des matières fécales; 74 sont dus à l'impureté de l'eau potable; les 17 derniers cas, qui forment la troisième catégorie, ont pour cause l'altération du lait. » Des faits observés dans plusieurs villes: l'épidémie de Mayence, attribuée au débordement des lieux d'aisance; celle de Eggenstett, causée par les émanations excrémen- tielles; celles de Croydon, Vienne, Munich, Gœttingue, etc., ont justifié tour à tour cette manière dépenser. A Arnolds Court Couvent, il se produit une épidémie dothiénentherique, et l'on arrive à prouver qu'elle est due aux infiltrations de matières fécales dans le sol. A Munsinger, on constate le même fait; de même à Bamberg, Lausen, Liège, au Palatinat, à Mansfield et dans bien d'autres localités. Partout, il a été démontré 235 que chaque fois que l'on a cherché la cause de l'épi- démie dans les infiltrations du sol, l'opinion de Griesin- ger se justifiait, car le développement de la fièvre typhoïde peut être dû à l'action des émanations putrides, prove- nant des lieux d'aisance, ou des excréments à l'état stagnant dans les égouts. A ce sujet, l'observation suivante de Murchison est bien probante : Il y a quelques années une épidémie de la même nature se déclara dans l'école d'enfants an- nexée à l'Asile de Colchester. Sur environ 36 élèves, 28 furent attaqués. Les cas qui se déclarèrent les premiers et furent les plus graves se produisirent chez les enfants qui, dans la classe, occupaient les bancs exposés à un courant d'air qui allait des lieux d'aisance ouverts dans le corridor, à la porte et au poêle allumé alors tous les jours. On ferma les lieux d'aisance et la fièvre disparut promptement. Toute possibilité d'impor- tation doit être rejetée en ce cas, soigneusement étudié d'ailleurs. Auparavant, aucun cas de fièvre typhoïde ne s'était produit dans l'Asile ; il ne s'en reproduisit aucun dans la suite. Les élèves qui furent atteints étaient dans l'établissement depuis nombre d'années et depuis long- temps ils n'avaient jamais eu un seul jour de sortie. L'établissement est situé en dehors de la ville et ses latrines ne communiquent qu'avec celles de maisons riches, où aucun cas de fièvre ne s'était produit. Murchison rappelle aussi l'épidémie qui sévit à Windsor pendant l'automne de 1858 et pendant laquelle 440 per- sonnes furent atteintes et 39 moururent. Les cas les plus graves et les cas mortels, moins un, se produisirent dans les quartiers situés au bords de la Tamise, avec des lieux d'aisance et des égouts complets. Une sécheresse prolongée étant survenue et les dépôts n'étant pas pleins, il n'était pas possible que les matières fécales s'écou- lassent, et ainsi elles s'accumulèrent. La ventilation imparfaite des égouts permit aux émanations putrides d'envahir toutes les maisons. Le résultat fut que dans ces deux quartiers, riches et pauvres furent atteints par la fièvre, surtout ceux qui habitaient les parties basses, dans les endroits près desquels les fosses d'aisance se 236 réunissaient et où l'inclinaison du terrain était peu prononcée. La mauvaise odeur était insupportable. Au Chateau de Windsor, qui possédait des lieux d'aisance spé- ciaux sans communication avec les autres, bien aérés et lavés à grande eau, il ne se produisit aucun cas de fièvre. Gielt, cité par Bouchard, parle du cas de cet homme qui, à Ulm, contracta le germe du typhus abdominal et retourna à son village où jamais la maladie n'était ap- parue depuis de longues années. L'affection se développa chez cet homme et suivit son cours, passant par toutes ses périodes. Les déjections du malade étaient jetées sur le tas de fumier. Au bout de quelques semaines cinq personnes furent chargées d'enlever le fumier. Quatre d'entre eux furent attaqués de fièvre typhoïde; le cin- quième fut atteint d'un catarrhe intestinal suivi de tu- méfaction de la rate. Les déjections de ces nouveaux malades furent jetées dans une autre cour de la ferme qui, neuf mois après, fut nettoyée par deux hommes. L'un deux contracta la même affection et mourut. Ces faits sont pour nous l'indéniable démonstration de l'importance qu'en certains cas il faut attribuer aux matiè- res fécales quant à l'origine de la dothiénentherie. Il s'agit ici d'un élément que l'on considère aujourd'hui moins important qu'on ne le faisait autrefois. Certes,.les lieux d'aisance influent sur le développement de la fièvre typhoïde quand elles en contiennent le germe; mais on ne peut pas dire qu'elles soient toujours la cause de la maladie. La preuve que l'influence fécale est indirecte, qu'elle ne fait qu'augmenter l'adaptation des milieux et la ré- ceptivité des individus, dit Arnould, est que, s'il est vrai que souvent elle soit évidente, la plupart du temps ses effets sont rares ; c'est-à-dire qu'eZ/e ne cause ni ne favorise la fièvre typhoïde. Bien plus, les matières féca- les peuvent manquer et la maladie se développera ce- pendant. La connaissance que nous avons actuellement de la fièvre typhoïde, et de son facteur étiologique, le ba- 237 cille de Eberth, permettent d'affirmer qu'elle est pro- duite par l'intervention d'éléments mieux déterminés et au sujet desquels l'opinion est unanime : nous voulons parler du rôle joué par l'eau. Les études modernes ont démontré son importance dans la propagation de la dothiénentherie, et c'est à Brouardel que revient l'honneur d'avoir fondé une doc trine. aujourd'hui acceptée par tous, pour l'expliquer. La théorie hydrique de la fièvre typhoïde, appelée, en Allemagne, Trinkwasser Théorie, en opposition à la Grun- dwasser Théorie, de Pettenkofer, lui appartient et c'est elle qui domine à ce moment. Bien que des observations aient été faites qui vien- nent diminuer la valeur de cette affirmation, c'est au- jourd'hui une vérité axiomatique que l'eau potable est le véhicule de la fièvre typhoïde, de laquelle Brouardel a dit, au Congrès d'hygiène de Vienne en 1887: «quant au tribut que les populations paient à cette maladie, l'eau est le facteur qui produit 90 cas sur 100 ». Quand un puits a été infecté par le bacille typhique, il empoisonne une famille; si c'est une source, la ma- ladie s'étend à un groupe de maisons; une ville entière est sa victime, quand le fleuve qui la traverse ou l'une des sources canalisées est infectée. Pour démontrer cette proposition, je m'appuie sur des faits récemment observés par Chantemesse à Pierrefonds, Lorient et Clermont-Ferrand; par Dunand à Genève; par Gabriel Pouchet à Joigny et par Michel à Charmont. Je pourrais ajouter bien d'autres épidémies sur lesquelles des mem- bres du comité ont fait des recherches depuis cette épo- que. Dans tous ces cas, l'on a trouvé que les habitants qui faisaient usage d'une eau contaminée payaient un fort tribut à la maladie, que lorsque dans une ville in- fectée il existait plusieurs sources, l'un d'elle pouvait être contaminée et les autres pures, créant ainsi une sorte d'immunité, souvent absolue, pour tous ceux qui, enfermés dans un couvent, un lycée, une prison, n'a- vaient pas pu, dans la ville, boire de l'eau infectée. Ces groupes isolés représentent pour nous ce que dans le laboratoire on appelle des témoins, mis à l'abri des in- 238 fections que Ton administre, à titre d'expérience, à d'au- tres animaux de la même espèce. (') .Pour rendre plus évidente cette action de l'eau, nous citerons encore les paroles du même savant : Un de mes élèves, Mosny, interne des hôpitaux de Paris, qui m'avait accompagné au Congrès de Vienne en 1887, avait été très surpris des paroles qu'avait pro- noncées le professeur Nohtnagel en nous montrant dans son service un malade attaqué de fièvre typhoïde : « C'est là un cas étrange, pour nous qui employons l'eau de source; et quand par hasard, il se produit un cas sem- blable, je le signale aux étudiants comme étant très intéressant. Je dois ajouter encore que le plus grand nombre de cas de typhus abdominal nous viennent des environs de la ville ». Mosny resta deux mois à Vienne. Les autorités sa- nitaires et en particulier le professeur Drasche lui four- nirent tous les documents qu'ils possédaient et il dé- montra à la « Société de Médecine Publique » (janvier 1888) que lorsque 7 pour 100 des maisons de Vienne étaient alimentées en eau de source, la mortalité ty- phoïde annuelle atteignait parfois 200; que 15 ans plus tard, quand 90 pour 100 des maisons étaient desservies par l'eau de source, la mortalité était tombée, par an, au chiffre 10. (2) Les morts de dothiénentherie à Vienne furent au nombre de 68 en 1887 ; 86 en 1888 ; c'est-à-dire de 8 et 10 pour 100.000 habitants, ce qui prouve l'influence de l'appro- visionnement d'une eau de bonne qualité et assure de grands bénéfices pour la santé publique, grâce aux soins de l'autorité sanitaire. Ces mêmes faits sont confirmés dans la lettre sui- (x) Brouardel: Congrès de Vienne. (a) Brouardel: Les maladies évitables, 1891. 239 vante adressée à l'auteur de cet ouvrage par le profes- seur Schenk: Vienne, le 23 avril 1892. Monsieur, Je serais charmé si je pouvais vous envoyer les renseignements que vous avez demandés; mais ce n'est pas démon ressort, et tout ce que je puis faire, c'est vous annoncer que nous avons, depuis dix-huit ans, une eau potable qui est la meilleure du continent. Avant 1874 nous usions de l'eau filtrée du Danube, et la fièvre typhoïde était très fréquente. Comme il n'existe pas de marais à Vienne, notre santé publique est très bonne. Recevez, monsieur, l'assurance de ma profonde estime. Schenk. Lancereaux admet l'opinion de Brouardel • sur le rôle de l'eau et dit qu'un nombre déjà considérable de cas bien observés semble démontrer que ce liquide est un des principaux agents producteurs des épidémies de dothiénen- therie et que nous devons commencer par chercher cet agent dans l'eau qui est la cause la plus vraisemblable de la maladie. Lorsqu'eut lieu l'épidémie de fièvre typhoïde qui sé- vit à Bordeaux, en 1887, avec une grande intensité, on put aussi démontrer que la cause en était due à l'im- pureté des eaux potables. On a constaté le même fait dans plusieurs villes de la vallée de Merrimack, à Lorwell et Lawrence où la lièvre typhoïde a sévi depuis 1888 jusqu'à 1893, pro- duisant une mortalité de 106 et 127 personnes par 100.000 habitants. Des recherches faites il résulte que dans ces localités la maladie est entretenue par l'eau potable mais de mauvaise qualité, eaux polluées par les immondices de villes importantes. L'étude de cette épi- démie démontre qu'en 1890 elle se répandit dans les villes situées en aval sur les cours de Merrimack, tandis que dans cette même année Nashua, située en amont, n'a qu'un cas de mort par le typhus. Au mois d'août 1892, il éclata une épidémie de fièvre 240 typhoïde à Sommerville, qui dura trois semaines et attaqua 35 personnes, dont 5 provenaient de localités différentes. Rien ne pouvait faire soupçonner l'origine du mal- l'eau, le drainage, la vidange, étaient hors de cause; seul, le lait, fourni par le même laitier, pou- vait être supposé la cause efficiente du mal. Ce lait venait des fermes de Littleton; et dans aucune d'elles on ne put constater l'existence de la fièvre typhoïde, ni ancienne, ni récente. Mais l'on découvrit qu'avant d'en- trer à Sommerville où il était vendu, le lait était trans- vasé et mélangé, afin qu'il eût toujours le même degré, dans une espèce de hangar appelé «la maison laitière ». Le lait versé dans des récipients plus petits était expé- dié dans des wagons distincts et par des voies différentes aux divers consommateurs. L'épidémie existait dans les localités qui se trouvaient sur les deux trajets. Dans la maison de l'homme chez qui l'on faisait les mani- pulations, il y avait un jeune homme attaqué de typhus abdominal; c'était son fils; mais le père soutint qu'il ne touchait pas au lait et se bornait à laver les pots destinés à le recevoir. Le fils succomba des suites de plusieurs hémorragies intestinales. Il est facile de sup- poser que si, malade, en pleine période diarrhéique, il continua son travail et que si, sans se laver les mains peut-être, il toucha les pots et autres objets employés dans la laiterie, il leur communiqua le germe de son mal. Ce qui le prouve, c'est que tous ceux qui prirent du lait avant qu'il n'eût été mélangé dans « la maison laitière », ne furent pas atteints par l'affection. Au mois d'août 1892, la fièvre typhoïde se déclara à Midnight, district de la ville de Springfield. On attribua l'épidémie aux eaux de puits, aux eaux de source, aux vidanges, au drainage, mais sans résultat aucun. Des gens qui habitaient près d'un cimetière crurent être les responsables; les recherches démontrèrent qu'ils n'étaient coupables en rien. Les familles malades recevaient toutes leur lait d'un même laitier et l'on soupçonna que là devait être l'origine de la maladie. Après beau- coup de recherches on put démontrer : que le laitier avait conduit le médecin inspecteur à toutes les fermes 241 dont il tirait son lait, moins une, située à Heeding-Hills, parce qu'il savait qu'elle n'était pas en d'aussi bonnes conditions que les autres. Dans cette ferme, il y avait eu un cas de fièvre typhoïde pendant le printemps an- térieur; les déjections de la malade avaient été jetées aux lieux d'aisance sans avoir été désinfectées; plus tard le contenu de la fosse avait été étendu sur un champ de tabac en guise de fumier; sur ce champ travaillaient des hommes qui aussi s'occupaient de la laiterie et étaient chargés de descendre les pots de lait dans les puits à rafraîchir, à défaut de glace pour cette opé- ration. On, remarqua que la descente des pots de lait dans le puits, était facilitée par l'établissement d'une sorte de plancher appuyé contre la margelle, par les crevasses duquel les souillures des souliers pouvaient tomber dans l'eau. Le laitier niait que le lait de la ferme en question eût été vendu aux maisons, contaminé; mais les recherches finirent par démontrer que dans toutes ces maisons on recevait le lait de Heeding-Hills; et que dans les maisons qui ne l'avaient pas employé, aucune maladie ne s'était déclarée. Le laitier de Midnight, effrayé, ne voulut plus du lait de Heeding-Hills, qui fut vendu dans d'autres parties de la ville où la fièvre typhoïde ne tarda pas à se dé- clarer; en l'espace de trois mois, elle produisit 150 cas, dont 35 furent mortels. (') Ce même fait a été constaté dans plusieurs localités. Nous empruntons à une thèse récente les lignes sui- vantes qui sont relatives à une grande ville de France, et qui sont particulièrement intéressantes et signi- ficatives : Quand Marseille n'avait pas le canal de la Durance, les sources dont elle disposait étaient trop peu consi- dérables pour assurer son approvisionnement en eau ; (x) Investigations of two épidémies of typhoid fever due to infected milk; by W. T. Sedywick and Walter H. (Jhapin. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 242 aussi dans la plupart des maisons, on creusait un puits, qui à des hauteurs variables mettait à jour les eaux de la nappe souterraine, de telle sorte qu'à Marseille, dans presque toutes les maisons, il y a un puits. D'après le Dr. David (') le nombre des puits serait d'environ 18.000; et le volume d'eau débité journellement serait de 800 mètres cubes environ. Naturellement ces eaux de puits provenant de la nappe souterraine sont très fraîches pendant l'été, aussi on en faisait autrefois une énorme consommation. Et maintenant encore, malgré toutes les recommandations, un grand nombre d'habitants trouvant pendant l'été l'eau du canal trop chaude, ne boivent que de l'eau de puits. C'est là un usage tout à fait perni- cieux. Qu'on se serve de ces eaux de puits dans les vastes campagnes, où les infiltrations venues de la sur- face sont peu à craindre, il ne saurait y avoir de gra- ves inconvénients. Mais l'usage de ces eaux devient au contraire la plus grande cause d'infection typhique, dans une agglomération aussi compacte que celle de Mar- seille, où toutes les infiltrations malsaines et les souil- lures sont possibles, dans une ville où tous les détritns, toutes les déjections diluées provenant de nombreuses tinettes filtrantes, se déversent dans les canaux voi- sins des conduits d'eau d'alimentation, où les pluies d'orage emportent dans les nappes souterraines tous les germes pathogènes et les poussières de la rue, où les fosses d'aisance sont mal établies, où se pratique encore dans quelques endroits le système des latrines et de l'éponge qui laisse s'écouler dans le sol les liqui- des les plus infects, où les égouts parfois mal construits ou détériorés par les trépidations incessantes d'un énorme trafic, contaminent l'eau par leurs dangereuses filtrations. (2) Le rôle joué par l'eau dans la transmission de certaines maladies est maintenant bien connnu et hors de doute. (*) Etudes sur les eaux d'alimentation à Marseille. (2) Henry Reynés: La fièvre typhcnde à Marseille, 1894. 243 D'après Kock, l'importance de ce rôle est démontré par les épidémies qui ont eu lieu dernièrement à Hambourg, Al- tona et Wandsbeck, villes voisines les unes des autres mais qui ont des services d'eaux courantes distincts. La dernière de ces villes reçoit ses eaux d'un grand lac qui n'est pas exposé à l'infection par les matières fé- cales; Hambourg reçoit ses eaux de l'Elbe, sans avoir été filtrées, en dehors de la ville; Altona les reçoit aussi de l'Elbe, mais filtrées plus bas que la ville. Hambourg fut ravagé par le choléra; les deux autres villes, en re- vanche, souffrirent relativement peu et l'on put remar- quer ce fait dans la division de Hambourg et d'Altona qui ne sont séparées que par une place: les maisons qui recevaient leur eau d'Altona étaient moins attaquées par l'épidémie; de façon que ceux qui employaient de l'eau non filtrée étaient plus exposés que ceux qui bu- vaient de l'eau filtrée. Suivant ce professeur, il est fa- cile de démontrer que les microbes étaient introduits à Hambourg dans l'eau non filtrée ou dans les déjections des personnes attaquées par le choléra et qui vivaient dans des embarcations; de là, par suite, l'importance de la filtration. Dans la dernière épidémie, les filtres des eaux courantes ont démontré leur supériorité; sur 500 cas de choléra qui se produisirent, 400 furent importés de Hambourg, suivant les renseignements officiels et véridiques. Il est toujours bon de tenir compte de la filtration de l'eau. Cependant tous les filtres ne répon- dent pas aux nécessités du moment; il manque encore un régulateur qui normalise la vélocité de l'opération. Le filtre de Nietleben comble cette lacune et bien qu'il fonctionne lentement, il peut fournir l'eau nécessaire, assez bien filtrée. L'on avait cru que si de l'analyse il résultait que l'eau fût exempte d'ammoniaque et d'acide nitrique, le filtre était excellent. L'on ne savait pas alors que pour être convenablement filtrée l'eau devait reposer 24 heures sur du sable. Au commencement l'on mit un très grand soin à la filtration ; mais peu à peu on vint à se relâ- cher, au point que le professeur Pfuhl analysant l'eau de la Saale avant et après la filtration, trouva dans un 244 centimètre cube, dans le premier cas 302.400 germes et 52.410 dans le second cas. Le savant de Berlin a dit que si l'on analysait tou- jours l'eau on pourrait éviter de grandes épidémies. Il parle à ce sujet de l'asile de fous près de Nietleben. L'asile reçoit l'eau qui passe par une infinité de filtres de sable naturel; ces filtres naturels sont toujours en parfait état de propreté et ainsi l'asile ne reçoit que de l'eau absolument pure. Les eaux courantes d'Altona sont les plus anciennes de toute l'Allemagne; il existe entre elles de grandes différences suivant le niveau des eaux de l'Elbe. Chaque filtre occupe une superficie de 800 mètres carrés; des filtres l'eau se rend à un dépôt d'une capacité de 3.050 mètres cubes et de là elle est envoyée à la ville. Depuis 1890, l'on analyse l'eau chaque semaine au point de vue bactériologique et chaque fois les analyses donnent par centimètre cube moins de 100 germes, généralement 20; et par exception seulement le chiffre arrive à 50. Ce résultat se doit à la bonne administration. On a remar- qué souvent, comme en 1893, une grande augmentation de germes atteignant parfois le chiffre de 1.400; mais cela n'arriva pas avec tous les filtres et l'on pouvait toujours fermer ceux qui ne communiquaient pas avec les autres. (') La question de l'eau dans une population a une im- portance capitale; c'est pourquoi Brouardel a dit : «pour qu'une ville soit à l'abri des épidémies de fièvre ty- phoïde et de choléra, il faut fournir aux habitants de l'eau d'alimentation absolument pure, veiller à ce que les matières de vidanges soient évacuées, sans qu'aucun contact puisse exister entre elles et l'eau de boisson, enfin faire disparaître les logements insalubres ». Des conditions diverses pourront influer sur les ma- nifestations de la dothiénentherie; mais l'action de l'eau O R. Kock : Water filtration and choiera. The Sanitarian. Sep- tembre et octobre 1893. 245 sur sa production est une vérité axiomatique et ad- mise sans contredit. Cette découverte a permis au Ministre de la Guerre en France d'affirmer au Parlement que cette affection diminuait dans l'armée grâce à l'emploi de l'eau de source de préférence aux eaux d'autres provenances et à défaut d'eau de source, grâce à l'usage des filtres. Par ces me- sures bien simples et de facile et immédiate exécution, le pays entier a vu le typhus diminuer peu à peu. Ajoutons qu'à ces mesures prises au sujet de l'eau potable, est venue se joindre la suppression des lieux d'aisance fixes. D'autres circonstances qui favorisent le développement de l'affection sont l'atmosphère méphitique et l'agglo- mération d'individus. Comme exemples on peut citer les cas qui se produisent chez des personnes qui font usage d'eaux complètement pures et saines, mais réputées nuisibles; et ceux qui se présentent dans certaines ca- sernes où la maladie se déclare, pour disparaître ensuite, dès que l'on change de garnison, bien que l'on boive toujours la même eau. Ce fait se produisit à Pau en 1884. Au mois de décembre 1887 et en janvier 1888, une épidémie de fièvre typhoïde se déclara dans la garnison d'Angoulême, à la suite de l'arrivée des nouveaux cons- crits. Remarquons que l'eau de la Charente était exempte de bacilles de la fièvre typhoïde, comme le prouvèrent les travaux du docteur J. Lemaistre et que par excès de précaution on avait distribué à la troupe de l'eau de source. La maladie attaqua cependant trois régiments et 30 soldats en furent atteints. Des ordres sévères pres- crivirent l'aération nocturne. De temps en temps, cha- que nuit, on ouvrit portes et fenêtres dans la caserne pour renouveler l'air des chambres. Il y eut force rhumes, mais l'épidémie naissante disparut presque immédiatement. (*) (x) Parod : Contribution à l étude de l'étiologie de la fièvre typhoïde. Thèse. Paris, 1891. 246 La grande agglomération de personnes, modifiant les conditions de la vie, viciant l'air que l'on respire, con- vertissant en foyer d'impuretés un lieu sain auparavant, rendant, en un mot, plus difficile l'exercice de toutes les activités, favorise la production de la maladie, et tout au moins met l'organisme dans un tel état de récepti- vité que la cause qui, en tout autre cas, n'agirait pas, arrive à avoir des résultats funestes. On reconnaît aujourd'hui comme un fait indiscutable que l'air peut servir de véhicule au germe du typhus et que sa contamination provient surtout des déjections des typhiques, desséchées et déposées à la surface du sol. Il faut remarquer que la transmission des germes infectieux par l'air semble se produire seulement dans le voisinage immédiat des sources d'infection. L'on a voulu attribuer à la transmission par l'air une épidémie de fièvre typhoïde qui sévit à la caserne Saint Bernard près d'Anvers. Froidbise étudia tous les an- técédents, examina les eaux d'alimentation, les liquides des lieux d'aisance et des égouts voisins de la caserne, sans rien rencontrer de suspect. La caserne, ni aucun lieu du voisinage n'avaient été visités par la fièvre ty- phoïde. Mais à une distance d'à peu près 1.800 mètres, une estacade avait été récemment construite dans l'Escaut, et 300.000 mètres cubes de vase avaient été remués et transportés; or le Ruppel, lui, se jette dans l'Escaut près de là, reçoit les eaux d'égout de Bruxelles où depuis longtemps déjà se pratique le système du « tout à l'égout », de Malines et d'un grand nombre d'autres localités plus petites. Froidbise remarqua que la di- rection des vents était très favorable au transport des germes par l'air, depuis le centre des travaux effectués jusque vers la caserne, et on pouvait légitimement con- clure que l'air et le vent régnant avaient été les agents de propagation de la maladie. On ne peut accepter cette opinion qu'avec la plus extrême réserve, car l'auteur 247 n'a joint à son travail aucune analyse pouvant déceler le bacille typhique dans la vase ou dans l'air. (l) Le germe pathogène peut se trouver sur les mains sales et être ainsi porté à la bouche avec les aliments. Le linge des typhoïdés, au lavage, répand ces germes qui vont ensuite attaquer d'autres personnes et produi- sent la dothiénentherie. Les lieux d'aisance et la boue les conservent éga- lement. Le germe se transmet aussi par d'autres moyens con- tre lesquels il faut se mettre en garde. Il est prouvé que le lait, le fromage et le beurre, dans des conditions déterminées, contiennent le bacille d'Eberth, venant ainsi à être de puissants facteurs de la propagation du mal. Dans les dernières années on a étudié plus que jamais le mode de transmission du bacille par le lait. Chavane, interne des hôpitaux de Paris, s'est occupé de cette importante étude et nous fournit les rensei- gnements suivants : Pendant l'épidémie de l'infirmerie de Leicester, citée par Edgar Buck, 12 malades buvaient du lait cru. Ils étaient soumis presque exclusivement au régime lacté. Le lait provenait d'une ferme où le puits se trouvait à côté d'une fosse, à l'air libre, et pleine d'eau sale. Le fermier succomba victime d'une hémorragie intestinale produite au cours de la fièvre ty- phoïde. On supprima le lait et l'épidémie cessa. Dans l'épidémie d'Edimbourg, citée par Penkert, tous les cas se produisirent simultanément et tous chez les personnes qui buvaient le lait d'une même ferme. Trois des habitants de la ferme tombèrent malades; l'eau em- ployée pour laver la vaisselle était souillée par un égout voisin. On défendit la consommation de ce lait et la maladie disparut. Elle n'en avait pas moins fait 178 vic- times pendant le seul mois de décembre 1890. On cons- tata le même fait chez les 17 soldats qui furent attaqués (0 Henry Reynés : La fièvre typhoïde à. Marseille, Thèse, 1894. 248 de fièvre typhoïde après avoir bu du lait de cette ferme. (') La transmission, d'après Chantemesse, peut se faire : 1° par les matières fécales ; 2° par l'urine qui contient de l'albumine; 3a par le sang qui provient des hémorragies intestinales; 4° par les produits de l'expectoration; 5° par l'ouverture de foyers d'infection où les bacilles ont pu s'agglomérer d'une façon anormale. Quant au premier mode de transmission, nous n'a- vons rien à ajouter à ce que nous avons dit plus haut. Le professeur Bouchard, en 1881, trouva des bacilles dans une urine typhique et depuis lors ce fait est demeuré acquis à la pathologie. L'influence du sang qui provient d'hémorragies chez des dothiénentheriques ne peut être mise en doute. Celles des produits de l'expectoration est évidente. Les expériences faites à ce sujet par Sicard (de Bé- ziers), ont démontré que l'air qui sort de la bouche des typhoïdés, recueilli avec précaution, de façon à ce qu'il ne contienne ni particules solides ni particules liquides, sert de véhicule au germe de la fièvre typhoïde. Etudiant quelles pouvaient être les conditions capa- bles de favoriser la transmission par l'air du bacille du typhus, plusieurs professeurs, Miflet, Lassime, Bordas, etc., en sont arrivés à conclure que seulement l'air hu- mide lui sert de véhicule. Une fois dans l'atmosphère, il pénètre dans l'orga- nisme soit par l'appareil digestif, soit par l'appareil res- piratoire. Sur le premier cas, point n'est besoin d'insister; d'autant moins que nous savons que même les légu- mes peuvent être matière infectieuse par le germe en question. (x) Chavane : De l'allaitement artificiel et de l'emploi du lait stérilisé. Semaine médicale, 24 décembre 1892. 249 Au dire de Sicard, en ce qui concerne les voies pulmo- naires, les travaux de Morse, Ducloux, Potain, Lépine, Klebs, Flügge, Pettenkofer, Arnold, Frânckel, Arthaud, Chantemesse, Widal et autres, ont démontré qu'en thèse générale, l'appareil respiratoire peut servir et sert sou- vent à favoriser l'introduction dans l'économie de l'in- fection typhique. Localisé parfois exclusivement dans les bronches ou dans le tissu pulmonaire, le germe est souvent entraîné ensuite par la masse du sang, pour aller se fixer dans l'intestin ou les plaques de Peyer, sans, toutefois, que ces dernières présentent les lésions propres à la dothiénentherie. f1) Le Dr. Paul Grellety-Bosviel a fait une sérieuse étude des altérations de la bouche dans le typhus abdominal. Le résultat de ses observations est le suivant: La bouche est fréquemment altérée pendant cette affection. Les lésions qu'elle peut présenter sont de deux sortes: les unes dépendent directement de la maladie; les autres ne sont qu'un phénomène résultant de l'intervention d'un élément étranger. Les premières 'sont le résultat d'une localisation du poison typhique dans le tissu adé- noïde de la muqueuse. Elles présentent, légèrement mo- difiés par l'influence du milieu, les caractères habituels des lésions typhoïdiques. Les secondes ont une origine indépendante de l'empoisonnement typhique qui n'in- tervient qu'à titre occasionnel, en altérant les liquides buccaux et en diminuant la résistance des tissus. (2) On sait qu'à l'état normal la bouche contient une quantité considérable de bactères qui demeurent inactifs tant qu'il n'existe pas de cause capable de les mettre en mouvement. Sous l'influence des phénomènes qui accompagnent la dothiénentherie, la salive s'altère. Dans les cas ordinaires, il se produit une réaction très-prononcée; et il est difficile de dire à quoi elle est (J) Dr. Sicard : Semaine Médicale, 20 janvier 1893. (a) Grellety-Bosviel: Contribution à létude des altérations delà bouche dans la fièvre typhoïde. Thèse. Paris, 1889. 250 due. Elle s'observe surtout chez les individus qui se nourrissent de lait et ont toujours la bouche ouverte. Il reste à déterminer la nature de l'acide; c'est presque toujours de l'acide lactique; mais on a constaté aussi la présence de l'acide butyrique, de l'hydrogène sulfuré, qui sont des produits de la putréfaction. Quant à ses propriétés, il est certain qu'à l'exception des cas très rares où il existe de la sialorrhée (Otto de Copenhague) la salive s'épaissit notablement, devient visqueuse et cette viscosité cause, sans aucun doute, la soif qui tourmente les malades. La salive devient impropre à remplir ses fonctions et son pouvoir saccharifiant di- minue considérablement. (l) Le sol offre au bacille un refuge favorable où il de- meure assez longtemps. Tryde et Salomonsen (de Co- penhague) l'ont trouvé dans le sol d'une caserne de marine infectée par la fièvre typhoïde. Cette caserne, d'après Grancher, est située dans la partie basse de la ville et le sol sur lequel elle est construite est fréquemment inondé par les infiltrations provenant d'un canal voisin. L'eau du canal, au moment où les eaux croissent, va se jeter dans les puits du réfectoire de la caserne. Tryde prit un peu de terre du sol près du puits, à cinq pieds de profondeur; il prit aussi un peu du sol situé sous le lit du premier marin attaqué de fièvre typhoïde. Dans ces deux échantillons il trouva le bacille d'Eberth à l'état vivant. (2) Utpadel, d'Augsbourg, et Birsch-Hirschfeld, de Leipsig, ont fait les mêmes expériences avec les mêmes résultats. Résumant l'exposition faite au Congrès d'Hygiène de Paris en 1889, Grancher dit : 1° Les germes pathogènes déposés sur le sol sont toujours réunis sur les couches supérieures, à la surface; à la faible profondeur de 0.50 centimètres ou 1 mètre on n'en rencontre presque plus. 2° Les germes pathogènes se multiplient difficilement (x) Grellety-Bosviel: Thèse citée. Paris. (2) Grancher et Richard : Action du sol sur les germes pathogènes. 251 dans le sol, mais ils peuvent s'y conserver à l'état de spores, pendant longtemps. 3° Les germes pathogènes du sol sont détruits par la concurrence des saprophytes. 4° Chaque fois que l'on remue la terre on met en circula- tion un grand nombre de germes pathogènes. On a démontré que ces germes peuvent vivre dans le sol pendant cinq mois et demi; mais tout dépend des conditions de température, d'humidité et de la nature du sol, etc. Des nombreuses expériences que Ton a faites, il ré- sulte que l'inoculabilité du bacille typhique est un fait indéniable. •Letzerich, (l) en l'année 1881, fit des études à ce sujet, cherchant à découvrir si le bacille en question se trou- vait ou non dans les organes des typhiques. Il se servit d'une goutte de crachat mise dans une solution de gé- latine avec toutes les précautions nécessaires. Le résultat fut satisfaisant. Le liquide de culture fut inoculé à des lapins, sous la peau, et les inoculations furent positives. L'animal inoculé, après une fièvre continue, maigrit con- sidérablement et à l'autopsie on découvrit en lui des lé- sions analogues à celles que détermine la dothiénentherie: infiltrations des plaques de Peyer, engorgement des ganglions mésentériques, engorgement et ramollissement de la rate. Klebs (2) a fait les même études sur des lapins, en se servant de matières intestinales en dissolution. Plu- sieurs animaux inoculés sont morts, présentant à l'autopsie, la rate agrandie et ramollie, les ganglions mésentériques engorgés, la partie inférieure de l'intestin enflammée, les plaques de Peyer tuméfiées par suite d'infiltrations. Les symptômes, tant dans les cas observés par Let- zerich que dans ceux étudiés par Klebs, ont été analo- P) Archiv. f. experim. Pathol, und Pharmakol, Bund XIV, heft 2. (3) Arch. f. exper. Pathol, und pharmakol. 252 gués à ceux qui accompagnent la dothiénentlierie chez l'homme, et l'autopsie, dans les deux cas, a donné les mêmes résultats. Des expériences postérieures ont été faites par Bruschet- tini,Stern, Bitter et d'autres, etpar Metchnikoff et Sanarelli à l'institut Pasteur. Les déductions faites par Chantemesse et Wiclal peu- vent se résumer en ces mots: 1° Une femelle de lapin, pleine, inoculée, devient ma- lade, avorte au bout de 48 heures, et guérit. Les fœtus étaient envahis par le bacille typhique. 2° Des animaux (souris), inoculés sous la peau avec de la culture de bacilles typhiques prises sur des pommes de terre, ont succombé après un certain nombre de jours. Ils présentaient dans leurs organes et jusque dans le cerveau le microbe d'Eberth. 3° Les animaux (souris) inoculés avec une culture de bacilles typhiques, faite dans du bouillon à une tempé- rature favorable (35°), succombent presque toujours; inoculés dans les mêmes conditions, avec une culture (même origine de la culture, même âge, même quan- tité) très riche en germes typhiques, mais s'étant déve- loppée à une température qui atténue la virulence des mi- crobes (42°-45°), ils ne meurent qu'exceptionnellement. (') Il est démontré que le microbe d'Eberth peut être transmis par la mère au fœtus, et «la transmission semble favorisée par les altérations placentaires qui ouvrent la voie au bacille pathogène ». Neuhauss a retiré le bacille typhique du foie et de la rate d'un fœtus rejeté par une femme attaquée de fiè- vre typhoïde, et Chantemesse a rencontré en grande quantité le bacille d'Eberth dans 1e. placenta d'une femme attaquée de cette affection au quatrième mois de la grossesse et qui avorta deux jours après que la fièvre se fut déclarée. Nous savons déjà que l'eau est le véhicule du germe générateur de la dothiénentlierie. Si cette eau se trouve à (x) Chantemesse : Traité de médecine, par Charcot, Bouchard. 253 être classée parmi celles réputées potables, il est facile de s'imaginer quel sera l'état d'infection de l'eau des puits soumise aux infiltrations du sol, chargées d'élé- ments putrides de toutes provenances et de matières étrangères qui passent au travers des parois. C'est là ce qui arrive à Buenos Aires et aussi dans tous les villages de campagne dont nous aurons à parler dans la suite. Dans les villages, l'eau de puits est la seule que l'on boive; ces puits sont souvent à fleur de terre, dans le voisinage des lieux d'aisance et reçoivent une infinité de substances dont la décomposition ultérieure ne tarde pas à influer sur la santé générale. Les exemples sont nombreux et l'on pourrait les mul- tiplier à Finfini. Leur explication est toute simple. Gé- néralement ceux qui boivent cette eau ne sont pas à même de s'en procurer de meilleure. Près du puits on accumule les détritus, le fumier: de sorte que toutes ces matières organiques venant à se décomposer doivent forcément produire les funestes effets que l'on observe. Analysons un fait d'observation commune. Dans les hôpitaux, demandons aux malades de fièvre typhoïde quelle eau ils buvaient jusqu'au jour où ils sont tom- bés malades; tous nous répondrons: de Veau de puits. Tous ceux qui sont atteints de dothiénentherie dans les quartiers « Once de Setiembre », Almagro, Belgrano, Palermo et les quartiers du Sud font invariablement la même réponse. Quand la brigade du général Pahicios vint camper à Palermo, on eut une autre preuve de ce fait: la fièvre typhoïde augmenta, causée par l'emploi d'eau de mau- vaise qualité, en même temps que par l'humidité, par d'un grand nombre d'individus, etc. A Belgrano, Faction de l'eau est évidente, ainsi que nous l'avons démontré en parlant de cette localité. Dans la campagne il en est de même, bien que pres- que toujours les gens se refusent à croire à Finfluence pernicieuse de l'eau de puits et à employer les filtres. Ils ne peuvent se résigner à considérer comme mauvais 254 et dangereux ce qu'ils sont accoutumés à employer jour- nellement et à regarder comme salutaire et inoffensif. Effet de l'ignorance. Chaque jour cependant nous fournit une preuve nou- velle du mauvais effet de l'eau de puits. En 1886-87, une petite épidémie de fièvre typhoïde se déclara aux environs du quartier « Once de Setiembre »; en 1890, il se produisit la même épidémie dans plu- sieurs maisons des rues Tucuman et Corrientes à la hauteur de la rue Andes. Tous les malades auxquels on demanda quelle eau ils buvaient, avouèrent n'em- ployer d'autre eau que celle des puits. Nous devons dire que les eaux courantes de Buenos Aires, provenant du Rio de la Plata, sont bonnes, comme l'ont démontré diverses analyses. Le Dr. Arata s'exprime ainsi à ce sujet: 1° Il n'y a aucun danger d'infection, parce que, étant donnée la pauvreté de nos eaux courantes en matières organiques, les bactères pathogènes ne peuvent y vivre et qu'il se produit ainsi ce phénomène de l'autopuri- fication. 2° Les eaux courantes de Buenos Aires sont les plus pures et les meilleures de la ville et l'on peut avoir en elles la pleine confiance que l'on a toujours eu. 3° La quantité de bactères des eaux courantes ne pré- sente rien d'anormal. Le public a pleine confiance dans la valeur de ce rapport et il est juste d'observer que jusqu'à ce jour, rien n'est venu le démentir. L'opinion des docteurs Wernicke et Lavalle, sur nos eaux courantes, que nous avons reproduite (pages 149 et 150), permet à la population d'avoir foi entière en leur bonne qualité. Il est inutile de revenir ici sur ce sujet. Quant aux saisons, le Dr. J. Ledesma a remarqué que pendant les dix années qui vont de 1875 à 1884, la plus grand intensité de la maladie s'est produite pen- dant l'automne et l'été; viennent ensuite l'hiver et le printemps. D'après lui, la fièvre typhoïde commence à 255 se développer aux approches du printemps pour attein- dre son maximum d'intensité en automne, à la suite de l'action continue des causes produites dans la saison antérieure. Elle commence à décroître en hiver et con- tinue à diminuer jusqu'au printemps. D'après les observations faites par le Dr. Ledesma, avril et octobre, qui sont les mois les plus caractérisés de l'automne et du printemps, occupent les deux extrêmes quant au degré d'intensité de la maladie. Dans une pé- riode de neuf ans (1876-1884), l'été fournit 391 décès de fièvre typhoïde; l'automne 612; l'hiver 387 et le prin- temps 285; ce qui donne un total de 1575. (*) De notre côté, nous avons observé un grand nombre de cas en été et plus encore en automne; nous en avons vus aussi durant l'hiver, pendant ceux des années 1891 et 1892, par exemple. En général l'on peut dire que la fièvre typhoïde se retrouve dans toutes les saisons, bien que dans quelques-unes elle semble être comme endor- mie pour atteindre ensuite son maximum de fréquence en automne et en été. Cette préférence pour ces deux saisons provient sans aucun doute de faction du prin- temps qui, par ses pluies et par la chaleur de la saison suivante, prépare le terrain pour que la maladie se dé- veloppe sous l'influence de causes immédiates. Cela s'est remarqué à l'occasion de l'épidémie de fièvre typhoïde et de choléra qui se déclara pendant l'automne et l'été de l'année 1869, après de grandes pluies. Au sujet de l'influence des saisons, il convient de citer les circonstances qui contribuent à faire de l'été l'époque où se développe de préférence la dothiénentherie. Ces cir- constances, outre celles que nous avons déjà énumérées, sont les troubles digestifs si fréquents à cette époque par suite de la consommation abondante d'eaux impures, de fruits et de légumes mal préparés ou crus. Ces trou- bles qu'au début l'on croit passagers et auxquels, par (x) Dr. Justiniano Ledesma.: Anales del Circulo Médico Argentine, Année 1885. 256 suite on fait peu attention, ne tardent pas à s'aggraver et à mettre l'organisme en de dangereuses conditions de réceptivité du germe typhique. Ainsi s'explique cette persistence de la maladie et son apparition plus constante dans certains quartiers qui, pour n'avoir pas de services d'eaux courantes, font usage de l'eau des premières couches souterraines, contami- née par les infiltrations des lieux d'aisances. C'est-à-dire qu'à l'action permanente des eaux de mauvaise qualité viennent s'ajouter les pernicieux effets des fruits crus ou verts encore, qui ouvrent la porte à la maladie. Ainsi se ranime le germe pathogène; la maladie se développe à nouveau; des foyers d'infection sont créés, qui se multiplient et répandent la contagion. La fièvre typhoïde, sans avoir jamais été d'une fré- quence excessive, a toujours existé à Buenos Aires, comme nous l'avons dit au commencement de ce cha- pitre. Elle s'est déclarée comme épidémie surtout dans les années 1822, 26, 27, etc., et l'on cite comme ayant été l'épidémie la plus cruelle celle qui sévit pendant l'au- tomne et l'été de 1869. Cette épidémie éclata en même temps que le choléra qui eut des conséquences terribles. Le nombre de décès de fièvre typhoïde fut alors de 600 environ sur une po- pulation qui était à cette époque de 177.787 âmes: cela seul donne une idée de l'intensité du mal. Aujourd'hui avec une population plus de trois fois plus considérable, le nombre des décès de fièvre typhoïde est de 214 (comme en 1893) et certes ce chiffre ne peut qu'aller en diminuant chaque jour, puisque les progrès actuels ren- dent cette maladie évitable. En observant la marche de la dothiénentherie, nous voyons que depuis l'épidémie de 1869, elle a continué à faire des victimes. A partir de l'année 1887, elle a aug- menté malheureusement, par rapport à ce qu'aurait dû être son développement, grâce aux progrès de. l'hy- giène publique et de la bactériologie. En 1891, elle di- minua un peu; en 1892, cette diminution s'affirme; ainsi qu'en 1893 et 1894, à la suite des mesures adoptées 257 pour améliorer les conditions sanitaires, en combattant les causes d'insalubrité et employant tous les moyens connus pour assurer la prophylaxie. Les dix années qui vont de 188.4 jusqu'à 1893, ont donné les chiffres suivants pour les décès de fièvre typhoïde : Proportion par 10.000 habitants 1884. 193 5.08 1885.. 209 5.05 1886.. 272 6.09 1887.. 280 6.07 1888.. 388 8.06 1889.. 509 9.07 Proportion par 1Ü.000 habitants 1890.. 628 11.07 1891.. 408 7.05 1892.. 214 3.09 1893.. 214 3.06 1894.. 108 1.06 (i) Résumant dans un tableau la mortalité qu'elle a causée dans ces dernières années, nous avons : ANNÉES Mortalité totale Mortalité typhoïde ANNÉES Mortalité totale Mortalité typhoïde 1887 12.894 280 1891 14.332 408 1888 13.482 388 1892 14.612 214 1889 16.039 509 1893 14.290 214 1890 17.721 628 1894 10.727 108 (a) Ces chiffres établissent bien clairement la proportion que représente le typhus abdominal dans la mortalité générale de Buenos Aires. Ils sont satisfaisants, car ils prouvent que cette maladie tend à diminuer chaque jour parmi nous. En ce qui concerne d autres villes importantes d'Eu- (1-a) Jusqu'au 30 septembre. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 258 rope, nous constatons que la mortalité typhique par 10.000 habitants, est la suivante : Londres (1888) 1.6 Edimbourg 2.0 Bruxelles 2.5 Paris (1888) 9.0 Berlin 1.4 Vienne 1.2 Stockholm 1.7 Saint-Pétersbourg. 9.2 Helsingfors 2.0 Le Dr. Coni a publié une sérieuse étude relative à la marche du typhus à Buenos Aires pendant les années 1889, 1890 et 1891. Durant ces trois ans, la mortalité causée par cette maladie est représentée par le chiffre 1.554. Elle se répandit dans toute la ville, mais avec plus de violence cependant dans le port, alors en construction, sur les quais du Sud, à la Boca et en général dans tous les quartiers riverains et Sud-Ouest du municipe. On remarque que dans les rues centrales, depuis celle de Moreno, jusqu'à celle de Cangallo, il y eut peu de cas de fièvre typhoïde; des quartiers entiers sont de- meurés indemnes et l'on a pu prouver ce que nous avons déjà dit: que les faubourgs, les maisons où l'on faisait usage de l'eau de puits, furent les plus cruellement atteints. Le Conseil Municipal de Buenos Aires, sur l'initiative de la Direction Générale de l'Assistance Publique, a dé- fendu d'admettre dans les hôpitaux de la ville les per- sonnes attaquées de maladies infectieuses et a créé une maison d'isolement pour recevoir ces malades. Bientôt elle comptera 400 lits. Dans cet établissement la fièvre typhoïde en 1890 figure pour un 14 % sur le nombre des décès généraux; pour un 13 % en 1891; pour un 12 °/0 en 1892, et pour 20.3 en 1893. Afin de pouvoir contrôler les cas de maladies infec- tieuses et d'appliquer la désinfection et l'isolement là où ils étaient nécessaires, l'Assistance Publique a or- 259 donné que les maisons où se produisaient des cas de de cette nature lui fussent signalées; cette mesure a donné jusqu'à aujourd'hui de bons résultats, en per- mettant de diminuer l'intensité du mal et de détruire les foyers d'infection. La désinfection des locaux, du linge et des objets se fait très bien et se généralise promptement. Nous de- vons ajouter que Buenos Aires possède, à son extrémité Nord, un établissement de désinfection, copié sur celui de Berlin; et que sous peu il en sera construit un autre au Sud. L'hôpital San Roque a une étuve de désinfec- tion; l'hôpital Rawson en aura une aussi. Grâce aux travaux de drainage qui bientôt seront terminés; grâce à toutes les mesures prophylactiques, aux conseils et aux avertissements donnés par les au- torités sanitaires; grâce aussi aux précautions prises par chacun, à l'emploi des filtres, etc., nous voyons la fièvre typhoïde diminuer pendant les dernières années, comme le démontre la statistique de 1892, 1893 et 1894, jusqu'au mois d'octobre. C'est là le résultat des ressour- ces que l'hygiène met à la portée de tous pour se mettre en garde contre les maladies ou pour les guérir quand elles se déclarent. On a fait les mêmes observations partout où l'on a adopté de sages mesures de prophy- laxie. L'Angleterre, par exemple, a vu diminuer la mortalité générale, grâce aux mesures hygiéniques qu'elle a adop- tées, non sans de considérables dépenses. Ces mesures ont fait dire à Thorne-Thorne : « L'on a découvert que si les immondices ont un si grand pouvoir de nuire, c'est parce qu'elles constituent un nid d'où proviennent et où se multiplient les contagions spécifiques de certaines maladies; c'est à la découverte de cet important principe que l'on doit les dépenses immenses qu'ont exigées les travaux sanitaires. (') (1) Thorne-Thorne : On the progress of préventive medicine. 260 On peut dire que l'Angleterre est le pays qui dépense le plus pour la salubrité; qu'il suffise de dire à ce su- jet que de 1876 à 1884, l'Angleterre a dépensé annuel- lement environ 218.750.000 francs. L'on est en droit de croire que depuis 1884 les dépenses n'ont pas diminué. Il y eut sans doute moins de travaux à entreprendre, puisque toutes les villes sont pourvues du nécessaire. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a pas de quartier ni de village qui ne réclame énergiquement l'amélioration de ses conditions sanitaires: de l'eau po- table; l'évacuacion rapide des immondices; l'inspection sérieuse des maisons. Ces dépenses ont amélioré l'état sanitaire et la mor- talité a considérablement diminué. De 1866 à 1875, le chiffre moyen des décès en Angleterre est de 22.19 pour 1000 habitants. De 1880 à 1889, ce chiffre pour chaque mille habitants, vient à être : 1880 20.5 1881 18.9 1882 19.6 1883 19.5 1884 19.5 1885 19 1886 19.3 1887 18.8 1888 17.8 1889 17.9 L'on a fait la supposition que les travaux sanitaires ne s'étaient pas réalisés- que de 1880 à 1889 il y eut la même moyenne de mortalité que de 1866 à 1876 et alors l'on est arrivé à la conviction que les vies qui ont été préservées de 1880 à 1889, ont été : 55.183 en 1880 85.722 en 1881 68.543 en 1882 72.177 en 1883 62.286 en 1884 87.522 en 1885 80.545 en 1886 95.747 en 1887 125.680 en 1888 142.466 en 1889 Ce qui revient à dire que 876.851 vies ont été con- servées, gràc'e à l'influence des progrès de la salubrité. Tarr (cité par Monod), dans son ouvrage P7W Statics, estime qu'en Angleterre. la vie d'un homme vaut envi- 261 ron 3.875 francs. Par suite, ces existences qui ont été sauvées, grâce aux travaux sanitaires, représentent un ca- pital de 3.242.757.625 francs. Cela soit dit quant à la mortalité générale. Voyons maintenant celle qui se rapporte à ce que les Anglais appellent maladies zimotiques. Le tableau suivant, démontre clairement leur dimi- nution : De 1861 à 1870' 1. Scarlatine 9.71 2. Diarrhée, dysenterie. 9.68 3. Fièvre typhoïde 8.86 4. Coqueluche 5.30 5. Rougeole 4.42 6. Diphtérie 1.87 7. Variole 1.62 8. Choléra 1.08 De 1880 à 1889 1. Diarrhée, dysenterie. 7.12 2. Coqueluche 4.52 3. Rougeole 4.40 4. Scarlatine 3.79 5. Fièvre typhoïde 2.50 6. Diphtérie 1.54 7. Variole 0.48 8. Choléra 0.17 L'on voit donc que la scarlatine, la fièvre typhoïde et la dysenterie, surtout les .deux premières, ont diminué extraordinairement; et si l'on considère une maladie spéciale pour étudier l'influence des travaux sanitaires, cette maladie serait la fièvre typhoïde. Cette influence est évidente. Qu'on se rappelle seulement que de 1861 à 1870 la dothiénentherie en Angleterre fournissait le 8.86 de la mortalité sur 10.000 habitants et que de 1880 à 1889 ce chiffre est descendu à 2.50. Comme on l'a vu pour d'autres maladies zimotiques, dit Monod, Faction des mesures sanitaires a fait dispa- raître dans le régime de la fièvre typhoïde les irruptions épidémiques fréquentes autrefois; la courbe de la mor- talité ne présente que de légères fluctuations dans une direction générale descendante. Le nombre des indivi- dus attaqués est encore considérable; mais le remar- quable résultat des dix dernières années permet de prévoir que la maladie continuera à diminuer. Il ne faut pas croire en effet que toute l'Angleterre ait profité des 262 résultats acquis. Il existe d'importantes différences entre les divers districts quant à la salubrité; ici l'on tra- vaille avec activité; là on ne fait rien; et malheureu- sement les districts qui ont le plus besoin d'aissainis- sement sont ceux qui montrent le plus de négligence. C'est surtout dans certains districts ruraux que l'on ren- contre le plus d'incurie, la plupart des membres du Conseil Sanitaire étant de simples fermiers qui ne comprennent rien à l'hygiène et ne s'y intéressent que fort peu. Les agents médicaux ont beaucoup de peine à les arracher à leur apathie. (*) Le fait le plus remarquable est la diminution de la mortalité absolue à Londres, qui est arrivée à n'être que de 11.4 pour 1000 habitants en 1888, par exemple, la proportion pour la fièvre typhoïde étant alors de 0.9% sur le nombre total des décès. Ces résultats, obtenus dans la grande capitale anglaise démontrent ce que peuvent produire la constance bien entendue et l'abondance des moyens sagement em- ployés. Nous faisons des vœux pour que Buenos Aires puisse bientôt fournir des chiffres aussi réduits. Mais cela viendra. Les choses finissent par s'imposer et par vaincre. Il résulte des recherches de Pietra Santa sur la statis- tique mortuaire de la ville de Paris pendant la période décennale de 1884-1893, que cette période se distingue de celle qui l'avait précédée par une diminution mar- quée des taux de léthalité afférents aux décès généraux, aux décès par maladies zymotiques, et plus particuliè- rement aux décès par fièvre typhoïde. Sur une popula- tion moyenne de 2.404.520 habitants, le taux de la léthalité par dothiénentherie, pendant cette période décen- nale, est descendu de 3.62 (pour 100 décès généraux) à 1.67 (1.07% en 1893) soit de 1883 à 1893, une diffé- rance de 2.55 décès typhoïdiques par 100 décès gé- néraux. (x) Mémoire du Local Government Board, cité par Monod. 263 A son avis, ces heureux résultats doivent être attri- bués, pour la plus grande partie, aux progrès de la sa- lubrité et de l'hygiène publique. Toutefois, il faut'reconnaître que, partout et toujours, la fièvre typhoïde, maladie essentiellement humaine et endémique, est soumise à des exacerbations dites au- tumno-hivernales, en relation directe avec des conditions atmosphériques saisonnières, qui engendrent les consti- tutions médicales régnantes. En Europe, comme aux Etats-Unis, le typhus abdominal a présenté, pendant ce dernier quart de siècle, une diminution régulière, en nombre et en gravité, au fur et à mesure que les grands travaux d'assainissement et les prescriptions de l'hy- giène générale ont reçu un développement plus consi' dérable et plus intelligent. D'autre part, en Europe et aux Etats-Unis, comme en France, le plus grand nom- bre de décès par fièvre typhoïde a coïncidé avec la pé- riode de l'année comprise entre les mois d'octobre et de janvier. Les chiffres minima de mortalité ont été enregistrés pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet. L'ensemble de ces faits autorise à Pietra Santa à con- clure que la fièvre typhoïde ne peut être rattachée à une étiologie simple et unique (théorie fécale, hydrique, météorologique, de l'auto-infection, etc.). Un certain nombre de facteurs morbigènes concourent à sa pro- duction, et les principaux sont incontestablement: l'en- combrement, la souillure et la malpropreté, sous toutes ses formes,, l'usage d'eaux impures et contaminées, les conditions professionnelles spéciales, l'auto-infection et, enfin, les constitutions médicales régnantes. (*) Rochard a communiqué récemment à F Académie de médecine, que la mortalité causée par la fièvre typhoïde, à Paris, a diminué rapidement depuis 12 ans. En 1893, elle a été inférieure d'un tiers à celle de 1869, malgré l'augmentation considérable du chiffre de la population. Il attribue cette diminution aux progrès de l'hygiène, à la distribution plus large d'une eau de meilleure qua- (x) Pietra Santa: Archives générales de médecine, Paris, 1894. 264 lité, à la salubrité des habitations, à l'inspection sanitaire des logements garnis, au service de désinfection par les étuves municipales. Nous pouvons heureusement en dire autant. La fièvre typhoïde diminue à Buenos Aires parce qu'on met des entraves à sa diffusion. La désinfection des locaux, des vêtements et des personnes, l'isolement etc., ont produit ces résultats si satisfaisants. L'Assistance Publique dispose d'étuves de désinfection, d'appareils Géneste-Herschell, d'un personnel complet pour désinfecter, d'ambulances et de tout ce qui est nécessaire pour lutter contre l'invasion de maladies in- fectieuses. D'après Thoinot, il semble que la règle de l'épidé- miologie typhoïdique à Paris, peut, depuis 1882, se ré- sumer de la façon suivante : à chaque distribution d'eau de rivière, soit pendant la période estivale, alors que les sources donnent un débit insuffisant, soit à la suite d'un accident fortuit, interrompant la canalisation de la Vanne, correspondait une poussée de typhoïde, durant le temps même où l'eau de rivière entrait dans la con- sommation. Voilà un fait que nous n'avons pas eu à redouter à Buenos Aires. L'étude des maladies infectieuses, à Berlin, démon- trent aussi l'influence des mesures sanitaires, pendant les années 1887-1888 : MALADIES 1887 1888 Malades Morts Malades Morts Rougeole 6295 565 3531 222 Scarlatine 2739 271 2881 256 Variole 36 3 16 3 Diphtérie 6352 1535 5357 1304 Typhus 1181 222 1273 230 Fièvres diverses d'enfants.. 262 158 217 122 265 Pour mieux apprécier les renseignements qui précèdent, il faut tenir compte de la population et de la mortalité générale de Berlin. ANNÉES Population Mortalité totale 1887 1.414.046 34.293 1888 1.470.232 30.333 1889 1.453.571 34.458 1890 1.556.835 33.393 La proportion de la mortalité par rapport à la popu- lation a été, à Berlin, de 21 pour mille habitants en 1893. De ces renseignements il résulte que pendant l'année 1887, sur 16.865 malades de rougeole, scarlatine, va- riole, diphtérie, typhus et diverses fièvres d'enfants, il s'est produit 2.764 décès; en 1888, sur 13.275 personnes atteintes des mêmes maladies, il y a eu 2.137 décès. Si on compare ces chiffres avec ceux de la mortalité générale, on voit qu'ils ne représentent qu'une propor- tion minime. La variole est presque inconnue; le typhus est très rare; la diphtérie est la plus commune des maladies infectieuses. Le principal bienfait, d'un bon système sanitaire, consiste dans la réduction de la morbidité; c'est pour cela que nous ne cesserons pas d'insister sur la néces- sité de compléter et de perfectionner parmi nous tous les procédés susceptibles de contribuer à ce résultat. La condition sine qua non de ces conquêtes, c'est une provision d'eau pure, et c'est à elle que l'on doit la di- minution des maladies infectieuses/ S'il était nécessaire d'ajouter quelque chose pour prou- ver ce que nous disons, voici les paroles de Palmberg : 266 La fièvre typhoïde, qui dans toutes les grandes villes a le caractère endémique, est, de toutes les maladies infectieuses, celle qui prouve le plus clairement l'influence des mesures hygiéniques. La fréquence plus ou moins grande de cette maladie peut servir à mesurer l'effica- cité des travaux entrepris dans l'intérêt de la santé publique. En plaçant en regard de la mortalité générale celle des cas de fièvre typhoïde, on obtiendra donc une comparaison des plus instructives. (') Dans notre ville, les causes de mort dans la fièvre ty- phoïde sont généralement la péritonite et la mio-cardite. Les rechutes ne sont pas fréquentes, et quand elles surviennent on peut les imputer à quelque infraction au régime alimentaire. Elles produisent alors des hémorra- gies qui compliquent une situation assez grave par elle- même. En général, la convalescence se passe bien, et les accidents ne se présentent pas, particulièrement les abcès, qui sont si redoutés. Melchior (2) a observé que ces abcès se produisent consécutivement à la fièvre typhoïde jusqu'à trois mois après cette maladie. Les cultures des bacilles qu'ils renfermaient n'ont pas donné les réactions du coli- comunis; elles ont toutes donné celles du véritable ba- cille d'Eberth; pour cette raison l'auteur croit que ce microbe reste longtemps dans les personnes qui ont eu la fièvre typhoïde et provoque des accidents d'un genre spécifique. Mais à Buenos Aires ces accidents n'ont été constatés que par exception. Le traitement de cette maladie varie suivant le crité- rium clinique de chaque médecin, mais on suit tou- jours, parmi nous, les indications de Bouchard, Potain, Liebermeister, etc. Dans la « maison d'isolement », la méthode de Brandt a donné de très-bons résultats. Le Dr. E. Segura, mé- decin de cet hôpital, dit que cette méthode est « le meil- (i) A. Palmberg: Hygiène publique. (a) Hôpital Tidende 1892. 267 leur traitement qu'on puisse employer aujourd'hui pour combattre la fièvre typhoïde, et dans l'application que nous en faisons chaque jour, nous n'avons éprouvé au- cune déception, car s'il est vrai que quelques malades ont succombé, la cause en est dans ce qu'ils étaient entrés dans une période trop avancée de la maladie, et qu'ils avaient contracté quelqu'une de ces complications qui aggravent le pronostic, comme les affections cardia- ques etc., mais parmi tous les malades auxquels le traitement a pu être appliqué en temps opportun, nous n'avons pas eu un seul décès ». (*) Dans les autres hôpitaux de Buenos Aires, on ne reçoit pas de typhiques depuis plusieurs années, et on les envoie tous à la « maison d'isolement» spécialement destinée aux maladies contagieuses; mais quand il a été nécessaire d'y recevoir des typhoïdés, la désinfection intestinale pratiquée avec du salol, du naphtol, en même temps que l'on administre du camphre, du calomel, etc., a été couronnée de succès et la mortalité s'est réduite dans ces différents cas au 2 %. Pendant l'année 1893, le mouvement qui s'est produit dans cet hôpital est représenté par les renseignements suivants : Fièvre typhoïde : 109 malades traités, 78 guéris, 27 morts, proportion 24.8%, mais en déduisant les mori- bonds, elle se réduit à 20.3%, proportion supérieure à celle de 1892, qui, dans des conditions égales, avait été de 12%. Il s'est produit 11 rechutes. 314 tuberculeux pulmonaires ont été soignés; 131 sont sortis guéris, 152 sont morts. Proportion des décès 53.7 %. La diphtérie accuse malheureusement un chiffre de mortalité très élevé, qui tend cependant à diminuer, par suite des mesures prophylactiques et des désinfections qui sont aujourd'hui pratiquées rigoureusement. La pro- t1) Eliseo V. Segura: El método de Brandt en la fiebre iifoidea. Anales del Circule» Medico Argentine». Buenos Aires, mars 1894. 268 portion qui,, en 1892, s'était élevée à 65 %, n'a été que de 45% en 1893; depuis 1887, elle varie autour de 50 %. Si on tient compte que sur les diphtériques ad- mis en 1893 à la « maison d'isolement », 13 ont succombé immédiatement, la proportion des morts se réduit à 32 %. Il est entré 55 malades de rougeole, sur lesquels 4 sont morts. Sur 20 malades de scarlatine, 10 ont été guéris; et sur 31 d'érysipèle, il est mort le 9.6%. Tous les varioleux ont été guéris. Le Dr. Wible (*) du « Homestead Steel-Works hospital » (Munhall, Allegheny-County) a employé l'acide tymique pour le typhus abdominal, donnant 25 centigrammes tou- tes les 3 heures, en continuant jusqu'à la convalescence ou jusqu'à ce que la température du malade se soit rapprochée du degré normal. Le meilleur moyen pour l'administrer est en pilules avec du savon ou de la glucose comme excipient. Résultats : mortalité 4 pour cent. Les mala- des restent 30 jours à l'hôpital. Il serait à propos de déterminer l'influence du médi- cament sur la marche de la fièvre. Le médecin nord-américain vante beaucoup ce traite- ment, mais il faut avouer qu'il y a de meilleurs résul- tats statistiques que les siens. En résumé, nous pouvons dire que la fièvre typhoïde diminue d'une façon évidente à Buenos Aires, et que, sous l'influence des travaux sanitaires et des mesures prophylactiques, elle atteindra des chiffres aussi mini- mes que ceux constatés dans les principales villes d'Europe. (i) International Medical Magazine, septembre 1893. CHAPITRE XI PROVINCE DE BUENOS AIRES - VILLE DE LA PLATA RÉGION DU SUD Sommaire.- Situation géographique, limites, population, division territoriale, rios de la province de Buenos Aires. - Les plaines. - La végétation. - Conditions favorables et défavorables de son territoire. - La flore, la faune, d'après Holmberg. - Climat : Saisons, température, pluies, hauteur barométrique, humidité, nuages, vents. - Action de l'ozone et les vents d'Ouest. - Tourmentes. - Salubrité générale. - Morbidité : Fièvre ty- phoïde, dyphtérie, tétanos, entérite, etc., sa fréquence. - Influence de de l'eau de puits. - Provision d'eau. - La seconde couche et les puits jaillissants. - Projet de M. Falcon. - Plausible initiative. - Cons- truction défectueuse des latrines. - Mortalité générale : distribution pathologique. - La Plata : Son origine, sa fondation, sa situation, ses rues, ses avenues, ses boulevards. - Géologie. -Etude de l'ingénieur Aguirre. - Population. - Les étrangers. - Le climat. - Les eaux courantes. - Les puits. -Les latrines. - Morbidité. - Opinion du Dr. Arce Penalva. - Maladies infectieuses. - Statistique. - Le Dr. V. Gallastegui. - Né- cessité de réformes urbaines. - Acclimatation des étrangers. - Région Sud : Etude de cette région comprenant la topographie, le climat, la morbidité, la mortalité à Quilmes, Ensenada, San Vicente, Magdalena, Chascomûs, Dolores, Las Flores, Tapalqué, Tandil, Azul, Olavarria, Très Arroyos, Pueyrredon (Mar del Plata), Bahia Blanca. Avant d'aborder l'étude de son climat et de sa salu- brité, nous présenterons quelques considérations géné- rales que nous jugeons utiles, étant donné le caractère de cet ouvrage. La province de Buenos Aires s'étend du Nord au Sud, depuis le 34°8' jusqu'au 41° de latitude Sud, et de l'Est à l'Ouest, depuis le 1°36' de longitude Est du méridien de la ville de ce nom jusqu'au 5° de longitude Ouest du même méridien. 270 Elle a pour limites: au Nord, les provinces de Cor- doba, Santa Fé et Entre Rios; elle est séparée de cette dernière par l'Ibicuy et le Paranâ-Guazü; au Sud, l'Atlan- tique et le district du Rio Negro; à l'Est, l'Atlantique et le Rio de la Plata, et à l'Ouest, les districts fédé- raux du Rio Negro et de la Pampa. L'étendue de son territoire est de 311.377 kilomètres carrés, et sa population actuelle de 940.000 habitants, ce qui donne 3 habitants par kilomètre carré. La population primitive était indigène, elle s'est mé- langée plus tard avec les conquérants. Les renseignements les plus exacts que l'on a sur son développement par- tent de 1810 et sont les suivants : 1810 90.000 habitants. 1859 340.000 - 1869 495.107 - Recensement national. 1880 800.000 - Calcul. 1881 526.581 - P) Recensement provincial. 1882 577.230 - Recensement provincial. 1886 684.555 - 1894 940.000 - Calcul. Ces chiffres signalent une augmentation évidente qui ne s'arrêtera pas. La province s'étant dépouillée en 1880 de la princi- pale de ses villes qui était la première de la République Argentine et sa population de 800.000 habitants ayant été réduite à 500.000, aujourd'hui, malgré la crise et des difficultés qui pèsent sur le pays, nous la voyons (J) En 1880 la province avait 800.000 habitants et en 1881 elle figure seulement avec 526.581. Cela est dù à ce que la ville de Buenos Aires capitale de la province de Buenos Aires, a été cédée à la nation comme capitale fédérale, et par conséquent sa population n'est plus calculée comme appartenant à l'ancienne province. 271 reconquérir ses 940.000 habitants et ce détail prouve, en dépit des tristesses du présent, ce fait consolant : la pro- vince de Buenos Aires a presque doublé sa population dans une période de 14 ans, en proie à toutes sortes de difficultés et de malheurs publics. Cette augmentation permet d'espérer des jours meil- leurs pour le peuple qui, malgré toutes les calamités, se redresse grâce à l'exubérance de ses forces et à la vigueur de ses richesses. En ce qui concerne la proportion des nationaux et des étrangers, elle a été déterminée ainsi : d'après le recen- sement de 1869, elle était de 801 argentins pour 199 étrangers; le recensement de 1881, accuse 133.099 de de ces derniers sur un total de 526.581 habitants, ce qui donne 747 Argentins pour 253 personnes d'autres nationalités. Parmi les étrangers, les Italiens sont les plus nom- breux; viennent ensuite les Espagnols, les Français et les Anglais. Etant donnés le nombre d'habitants et l'étendue du territoire, on a une densité de 3 pour chaque kilomètre carré. Dans la géologie de la province, d'après Aguirre, le sol est constitué par deux groupes deformations: celui des montagnes dont les divers horizons géologiques, quoique insuffisamment déterminés, sont antérieurs au crétacé, et la plaine constituée par le terciaire et les terrains postérieurs. L'étude de la plaine est relativement avancée par suite de la détermination des nombreux fossiles qui ont été trouvés dans ses différentes couches marines et terres- tres, et il reste seulement à déterminer les limites de chaque élément de formation, et à établir les rapports de leurs gisements. Il n'en est pas de même de l'étude des montagnes où l'absence absolue de tous fossiles empêche une classi- fication stratigraphique bien fondée et où l'on n'arrive à établir qu'une classification générale sans distinguer chacun des terrains qui composent les montagnes. 272 Cette étude géologique comprend les formations ar- chaïques, paléozoïques, mézosoïques, cénézoïques, qua- ternaires ou pampéennes et celles d'alluvion. Les différentes conditions naturelles de cette province permettent de la diviser en trois régions, savoir: la région Nord, limitée par les rios Paranâ, de la Plata et Salado, elle a deux couches d'eau souterraines; la se- conde qui est à vingt-cinq mètres au-dessous de la pre- mière, est celle qui donne naissance aux puits jaillissants; la région centrale, limitée par les rios Salado, de la Plata, l'Océan Atlantique, le méridien 5° et les chaî- nes de montagnes du Tandil, est très basse et sujette à des inondations, depuis 1881 on y a entrepris de grands travaux de canalisation; la région du Sud ou des montagnes, limitée par leschaînes du Tandil, l'At- lantique, le rio Sauce Corto et le parallèle de la dune de Lopelicurâ, s'étend jusqu'aux districts fédéraux de cette côte. L'étendue des côtes que baignent l'Atlantique et les rios Paranâ, de la Plata et Negro est de 1.907 kilo- mètres. Elle se divise ainsi : celle du Nord baignée en totalité par le rio Paranâ et le Nord de la Plata, (') 639 kilomètres; celle du Sud baignée par le Rio Negro depuis son embouchure dans l'Océan jusqu'au méridien 5° Ouest de Buenos Aires, 99 kilomètres, et la maritime qui embrasse la région baignée par l'Atlantique jusqu'à l'embouchure du Rio Negro, 1169 kilomètres, c'est-à- dire depuis le Cap San Antonio jusqu'à l'extrémité Sud de la province. Les rivières, les cours d'eau, les étangs abondent, les premières dépassent le nombre de 300. et les seconds 600. Leur énumération serait très longue; citons cepen- dant le Salto, l'Areco, l'Arrecifes, les cours d'eau del (x) Le Rio de la Plata, au confluent du Paranâ et de l'Uruguay, a une largeur approximative de 40 kilomètres, qui s'augmente gra- duellement dans un parcours de 390 kilomètres au Sud, entre les caps San Antonio et Santa Maria (République Orientale de l'Uruguay); il se confond avec l'Atlantique. A son embouchure sa largeur est de 175 kilomètres. 273 Medio, de Ramallo et de la Cruz qui se jettent dans le Paranâ; le Lujan, las Couchas, le Matanzas (Riachuelo), le San Borombon et le Salado sont affluents du rio de la Plata; les rios Quequen (grand et petit), le Napostâ, le Sauce Grande, le Sauce Chico, le Colorado qui prend sa source dans la Cordillère des Andes ainsi que les cours d'eau del Pescado, Cristiano Muerto et Très Ar- royos se jettent dans l'Atlantique. La plupart des rivières qui débouchent dans le rio de la Plata et dans l'Atlantique sont navigables. Dans la vaste région riveraine que nous avons men- tionnée on rencontre plusieurs ports, parmi lesquels les principaux sont: celui de La Plata, d'un grand avenir, et qui rend d'immenses services; celui de Bahia Blanca sur l'Océan, très important et très commode; le port de San Nicolas qui a un mouvement important et, par sa situation et les facilités qu'il offre pour les opérations, est un instrument puissant pour le progrès de la partie Nord du littoral. On compte aussi plus de vingt autres ports que nous n'avons pas à citer ici. Dans Fimmense territoire de cette province domine une plaine vaste et fertile à peine interrompue par de grandes ondulations de terrain au Nord, et au Sud par les chaînes de montagnes du Tandil et de la Ventana qui constituent son système orographique. Les premières (celles du Tandil), correspondent au système qui commence à l'extrémité du Cap Corrientes, sur l'Atlantique, et qui se dirige du Sud-Est au Nord- Ouest, sous la forme d'un banc de pierres sous-mari- nes qui, graduellement, s'élargit et se divise en plu- sieurs cordons. La base de ce système embrasse 7.000 kilomètres carrés et son élévation varie entre 300 et 400 mètres. Les principales montagnes sont connues sous les noms de San Pedro, de los Padres, de las Barbosas, du Vul- can, de la Tinta, de Chapaleofü, de los Huesos, de l'A- zul, de Tapalqué et d'Olavarria. La chaîne de la Ventana est parallèle à la précédente. Elle en est séparée par une vallée de 40 lieues environ. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 18 274 Elle a la même nature et la même forme; elle va du Sud-Est au Nord-Ouest, elle a plus d'élévation et moins d'étendue. Trois sections inégales la divisent: monta- gnes de la Ventana, de Pillahuinco, et de Currumalal. La première est la plus élevée (1.160 mètres d'après Fitz-Roy), elle se trouve au milieu. Le système en ques- tion est constitué de différents cordons transversaux unis entre eux par des rochers métamorphiques qui inclinent au Sud-Est, présentent des points escarpés au Nord- Ouest et envoient des ramifications vers le rivage de la mer. La base de ce système comprend plus de 2.500 kilomètres carrés et son élévation générale varie entre 400 et 1.160 mètres. La fertilité du sol est énorme; les récoltes compensent largement les sacrifices de l'agriculteur, et les colonies qui s'y sont installées ont prospéré immédiatement. Les céréales donnent des rendements extraordinaires: le maïs, le blé, l'orge s'exportent en grandes quantités. Les pâturages croissent avec une abondance inusitée. Les fruits et les légumes sont excellents. Les plantes de jardin sont de toute beauté et présentent des varié- tés infinies. L'élevage du bétail, principale industrie de la Républi- que Argentine, se développe davantage chaque jour dans la province de Buenos Aires et ses résultats sont surpre- nants. Rien ne manque pour compléter la grandeur du pays : richesses naturelles, fertilité, extension, tout a été donné à pleines mains et il ne reste plus qu'à savoir les utiliser. De riches pâturages, des troupeaux qui comptent des millions de têtes couvrent les champs vierges sur plu- sieurs points, attendant le bras qui doit soulever la terre pour lui livrer la semence fertilisante qui est la vie et le progrès. Son sol présente d'innombrables avantages par suite des conditions exceptionnelles dans lesquelles il se trouve; sa topographie, son hydrographie, sa viabilité, sa salubrité, tout est favorable au développement des grandes industries qui constituent l'avenir des nations. La preuve en est dans la prospérité de l'élevage 275 ■et de l'agriculture qui donnent des résultats splendides et des bénéfices extraordinaires offerts à la consom- mation du pays et aux marchés Européens. Pour justifier ces appréciations qui résultent d'une observation impartiale des faits, nous n'avons qu'à con- templer son territoire horizontal qui facilite le transport: sa situation enviable qui lui permet d'entretenir des rapports commerciaux avec tous les grandes centres du monde; sa fertilité qui lui assure les premières cé- réales du globe; la distribution de ses cours d'eau, de ses étangs; son climat qui admet les habitants de toutes les zones; son étendue énorme qui peut recevoir une population dix fois plus considérable que celle qu'elle ■compte actuellement; ses côtes qui donnent abri aux navires de toutes les nations. Comme conditions défavorables, il faut citer les brus- ques variations de température qui ont une influence très marquée principalement sur l'appareil respiratoire et sur les végétaux; l'irrégularité des pluies qui fait à certaines époques le désespoir de l'agriculteur et de l'éleveur; l'existence de régions basses qui constituent un véritable danger par suite des inondations qui s'y produisent; l'épaisseur très minime de la couche de terre végétale dans certains endroits du Sud. De plus on observe l'absence des bois qui, comme élément clima- térique, ont une grande importance. A ce propos quel- ques députés s'occupent de faire disparaître cet incon- vénient, en étudiant les mesures convenables. Les premiers de ces inconvénients comme le dernier sont susceptibles de se modifier et de se transformer sous l'action de la végétation, action évidente, certaine et de résultats positifs. En ce qui concerne les inonda- tions, elles ne constituent pas un danger qu'on ne puisse éviter, puisqu'on pratiquant les travaux nécessaires de drainage, on rendra au travail et à la fertilité les zones submergées. L'insuffisance de l'épaisseur de la couche végétale, dans le Sud, n'est pas davantage un mal irrémédiable. Il se produira là ce qui s'est produit à Olavarria et dans d'autres localités: on s'abstiendra d'y planter des 276 arbres aux profondes racines, et la végétation qu'on ob- tiendra ne sera pas moindre. Par contre, dans le Nord et dans l'Ouest cette couche est très épaisse et donne des rendements exagérés. Au Nord on rencontre également la seconde couche d'eau souter- raine. Disons que la flore qu'on commence à étudier est abondante. Malgré l'homogénéité apparente de la plaine porteîla, et de la végétation qui la recouvre, (l) on y distingue trois formations phytogéografiques bien caractérisées auxquelles nous laisserons les noms que leur donne Lorentz: 1° formation mésopotamique ou entreriana; 2° formation del monte (du bois ou del Chaùar)] 3° for- mation pampéenne. En général on peut dire que chacune d'elles correspond aux terrains dans lesquels elle se trouve : la première aux riches sédiments du rio Paranâ; la seconde, aux sables ou aux terrains de gros sables de la Patagonie septen- trionale; la troisième, au dépôt argilo-sablonneux de la Pampa. Considérée au point de vue de son étendue, au- cune n'occupe une surface aussi vaste que la dernière, précisément parce que si quelque chose caractérise la physionomie de la province de Buenos Aires, c'est la supériorité de cette région phytogéographique constituée presque dans sa totalité par les plantes herbacées. Nous ne pouvons entrer dans des détails à ce sujet; ce serait trop long, mais ce que nous avons consigné dans ces pages, suffit pour notre but. Quant à sa faune actuelle, son existence se trouve subordonnée, d'après Holmberg, en grande partie, comme dans tous les cas, à ses caractères botaniques et géolo- giques, ainsi qu'aux phénomènes paléomorphiques qui les précèdent et les déterminent. Contrée relativement jeune dans la marche silencieuse du temps incalculable. (l) Holmberg. 277 elle a reçu sa population animale des pays voisins, et on ne trouve pas dans toute son étendue une seule es- pèce des plus rares qui lirait ses représentants dans les régions voisines, comme cela arrive, par exemple, pour beaucoup d'insectes du Tandil qu'on a rencontrés seu- lement dans la République Orientale de l'Uruguay, et qui doivent sans doute leur dispersion actuelle à ces phénomènes paléomorphiques. (') Cependant on peut dire qu'elle est bien représentée. L'abondance des volatiles et des oiseaux est extraor- dinaire; nous n'en donnons pas l'énumération, parce qu'elle serait très-incomplète. Le climat est tempéré: il présente des variations dans les différentes zones. Dans le Nord, il est plus unifor- me, tandis que dans le Sud, les changements sont fré- quents et brusques. Toutefois la moyenne thermomé- trique dans la province oscille autour de 16°5 c. Les saisons sont très bien définies. L'été est chaud, mais les brises de la côte et de la « pampa » rafraî- chissent les nuits. L'absence d'arbres augmente les ar- deurs du soleil. L'hiver est rigoureux, pluvieux dans certaines parties, et très sujet aux vents. Les températures les plus élevées qui aient été ob- servées et qui sont exceptionnelles atteignent à 41 de- grés comme à Bahia Blanca, en janvier et avec vent du Nord; les plus basses sont de 5° au-dessous de zéro, en juillet, pendant que règne le vent Nord-Ouest. A Patagones, l'ascension thermométrique la plus grande arrive à 40 degrés. La température moyenne annuelle et la quantité d'eau pluviale sont les suivantes dans différentes localités de la province : C) Holmberg. 278 VILLES Température moyenne Pluie moyenne La Plata 16.2 859.4 Las Flores 15.2 786.1 Lincoln 21.2 702.8 Ayacucho 14.4 635.6 Dolores 16.0 845.2 Tandil 874.7 25 de Mayo 16.0 925.5 San Nicolas 13.4 147 en décembre. Très près de la ville de Buenos Aires, au Sud, on observe des températures extrêmes de 40°3 en février et de 4°2 en mai. Dans la zone Nord, nous trouvons des températures maxima de 36°7 à San Nicolas, en janvier. Cette zone Nord est particulièrement privilégiée par sa constitution géologique, par une abondante provision d'eau. Dans la formation pampéenne à laquelle elle appar- tient, on rencontre une couche de sable qui retient l'eau de la seconde nappe dont la pureté et l'abondance, d'après Aguirre, donnent pour la provision d'eau des facilités telles qu'aucune autre région du monde ne peut se trou- ver dans de meilleures conditions. Les pluies ne sont pas constantes, dans la province, mais si elles sont irrégulières elles sont cependant très abondantes. On peut calculer à 900 millimètres la mo- yenne annuelle. La hauteur barométrique maxima a été 779.6; la mi- nima 726 (Tandil); la moyenne varie autour de 758 millimètres. La plupart du temps l'atmosphère est assez chargée d'humidité. Le territoire renferme une grande quantité 279 d'eau. Les mois les plus secs sont janvier, février, mars, novembre et décembre; les autres sont humides. L'étude des temps nuageux n'offre rien de particulier. Ordinairement le firmament est clair, limpide, surtout en été; en hiver, il est rare de voir une journée com- plètement couverte. Les matinées sont souvent brumeu- ses dans cette saison. Quant aux vents, nous dirons que les plus fréquents sont ceux du Nord-Est, Sud-Est et Sud-Ouest. Ceux de l'Est sont rares, ainsi que ceux de l'Ouest. Burmeister dit à ce sujet, qu'en été, le courant de l'Equateur comme vent du Nord, Nord-Est et Nord-Ouest domine le matin jusqu'à midi; à partir de 5 heures il se convertit en un courant polaire qui se prolonge jusqu'à l'entrée de la nuit, en s'annonçant fréquemment par des décharges électriques. Le contraire se produit en hiver où les vents du Sud dominent le matin et ceux du Nord, le soir. Le com- mencement de l'automne ressemble à l'été, la fin de l'hiver et le printemps en diffèrent. Les vents du Sud et de l'Ouest soufflent surtout en hiver; ceux de l'Est, en automne et au printemps; ceux du Nord, en été. Il se produit de grands ouragans qui reviennent plus ou moins à époques fixes, à la fin de l'été et à la fin de l'hiver. Ceux qui viennent de l'Est, du côté de la mer, vers l'embouchure du rio de la Plata, sont particulièrement redoutés des marins à cause des préjudices qu'ils causent dans les ports et dans les mouillages. Ceux qui viennent du Sud et du Sud-Ouest et plus rarement ceux du Nord et Nord-Ouest sont des tempêtes de terre accompa- gnées quelquefois de grêle. Les vents sont alors si vio- lents qu'ils arrachent les arbres et démolissent les mu- railles. Les dommages qu'ils causent aux semences sont énormes. Les vents de l'Ouest sont très chargés d'ozone, comme le sont en Angleterre les vents qui soufllent dans la. même direction. 280 Il est inutile d'insister sur l'influence que cet agent exerce sur l'air qu'il rend plus vif, et sur la salubrité générale comme oxydant et comme moyen de destruc- tion des germes de la putréfaction, en précipitant peut-être la combustion des matières organiques. Le climat de la province de Buenos Aires est. par suite, bénin; il a beaucoup d'analogie avec celui de Mar- seille et de Naples dont il rappelle le beau ciel. Il se prête favorablement pour que les hommes de toutes les zones et de toutes les latitudes puissent s'y fixer, puis- que, ainsi que nous l'avons vu, dans l'immense étendue de son territoire on rencontre les conditions de tempé- rature les plus variées. Avec de tels éléments, la salubrité en général est bonne. Il n'existe pas de maladies endémiques, de pa- ludisme ou autres affections qu'on puisse considérer comme le résultat de foyers constants. Celles qui y ré- gnent parfois sont évitables. Dans le cadre nosologique figurent principalement : la tuberculose pulmonaire, le tétanos des nouveaux-nés, la pneumonie, la variole, la fièvre typhoïde, les lésions car- diaques, la rougeole, la méningite, l'entérite, la gastro- entérite. la bronchite, la coqueluche, l'apoplexie céré- brale, la dyphtérie, le rhumatisme, le cancer, la cyrrhose hépatique, la péritonite, le choléra infantil, etc. La fièvre typhoïde, la diphtérie, le tétanos néo-nato- rum, l'entérite, enlèvent de nombreuses personnes vic- times de l'ignorance; la tuberculose représente le 7 % de la mortalité absolue; la petite vérole fait irruption sur plusieurs points, mais on la domine par la vaccine; les affections des appareils respiratoire et digestif sont communes; les premières sont provoquées par les brus- ques changements de température; les secondes, par la mauvaise qualité des eaux de puits dont on se sert ex- clusivement dans la campagne. La dothiénentherie est assez fréquente, et elle doit être attribuée uniquement à cette cause, car les eaux pro- viennent des puits creusés à proximité des latrines; de l'un à l'autre s'établissent des filtrations, les matières 281 fécales communiquent avec l'eau et les germes circulant ainsi, l'infection se produit. Cette maladie existe toute l'année; ses conséquences ne sont pas toujours désolantes, mais on peut empêcher son invasion, puisque nous savons, par Brouardel, qu'on arrive parfaitement à l'éviter. En disant qu'elle existe toute l'année, nous ne voulons pas lui attribuer le ca- ractère d'endémité, pour toutes les localités du pays ; elle l'est, jusqu'à un certain point, mais nous devons nous hâter d'ajouter que si elle est endémique, elle l'est à un faible degré, sauf naturellement, dans certaines contrées où, par exception, elle constitue un foyer me- naçant. Elle est parfois épidémique et alors l'intensité de ses effets s'accentue et elle se propage dans plusieurs centres de population. Nous avons dit que la fièvre typhoïde figure dans la catégorie des maladies évitables. En effet, on peut l'éviter au moyen d'une prophylaxie facile : boire des eaux bonnes; les filtrer ou les faire bouillir est une pratique qui assure ce résultat. Mais dans notre campagne on ne peut faire pareille recom- mandation, parce que l'état rudimentaire de l'instruction des paysans ne leur permet pas de comprendre la por- tée de cette précaution. Ils ne conçoivent pas que l'eau puisse être la cause de maladies; et, par suite, ils ne la filtrent pas et ne la font pas bouillir, et le puits existe toujours à côté de la latrine. Nous étions occupés à étudier la question de l'appro- visionnement de l'eau dans la province de Buenos Aires en utilisant la deuxième couche souterraine si abondante et de si bonne qualité, et nous nous proposions de faire de la propagande en ce sens, lorsque nous avons vu notre tâche singulièrement simplifiée par l'initiative prise par le sénateur M. Falcon, qui a présenté aux Chambres de la province de Buenos Aires le projet suivant : Art. 1°. Le Pouvoir Exécutif fera construire dans cha- que ville et village de province un puits semi-jaillissaiït, destiné à l'approvisionnement d'eau potable à l'usage de la population. 282 Art. 2°. Les excavations auront un diamètre de 7 à 15 centimètres et se feront sur la place publique ou à l'endroit que la Municipalité jugera convenable. - Cha- que puits sera pourvu d'une pompe à main de modèle perfectionné. Art. 3°. Le Pouvoir Exécutif fera construire ces puits, après adjudication publique, par un ou plusieurs en- trepreneurs et par sections de dix villages chacune. Art. 4°. Le Pouvoir Exécutif livrera les puits aux Mu- nicipalités respectives, en prélevant pour le rembourse- ment des frais le 50 % du produit des contributions et patentes. Nous savons, et d'ailleurs nous le verrons aussi en étudiant chaque village, que dans les campagnes on viole les lois les plus élémentaires de l'hygiène, en construi- sant les puits dans le voisinage des lieux d'aisance sans que ni les uns ni les autres n'aient de parois étanches; nous savons que ce grave défaut de précaution pro- duit les effets pernicieux que nous avons constatés sur la santé publique et c'est pour cela que nous ne ces- serons pas d'indiquer la nécessité de changer de sys- tème et d'adopter les mesures nécessaires. En ce sens le projet dont nous avons parlé représente un grand progrès et résout jusqu'à un certain point la question salubrité. En étudiant séparément les principales localités de la province de Buenos Aires, nous verrons les condi- tions de chacune d'elles et les sérieux inconvénients de ces habitudes et de tant d'autres qui sont la cause de véritables calamités. La proportion de 7 % sur le total des décès qu'attei- gnait le tétanos néo-natorum est très forte. Heureusement c'est là une maladie qui disparaît des grands centres, par suite de l'asepsie qui transforme les statistiques et qui diminue ces proportions si consi- dérables et si désolantes, il y a dix ans. L'ignorance de nombreuses accoucheuses qui, sans avoir acquis de diplômes à la Faculté, exercent la pro- 283 fession dans la campagne; la hardiesse des « curanderos » « rebouteurs » et autres personnes sans titre profes- sionnel et sans aptitude pour soigner, sont les causes qui produisent ces chiffres actuellement alarmants d'en- fants morts du tétanos. Quoique ces chiffres soient encore très élevés, ils l'étaient beaucoup plus, il y a quelques années, même dans la ville de Buenos Aires où ils constituaient une vérita- ble calamité. En ce qui concerne cette maladie dans cette dernière ville, il est juste de dire que si en 1875, sur une popu- lation de 250.000 âmes, 436 enfants mouraient du tétanos, en échange, aujourd'hui, sur une population de 640.000 habitants, il n'en meurt plus que 237. Tel est le ré- sultat d'une bonne hygiène et des précautions récom- mandées par les accoucheurs. La pneumonie et la bronchite représentent des fac- teurs très importants dans la mortalité; il faut les imputer aux changements soudains qu'on observe dans la température et qui provoquent ces maladies. La diphtérie se localise sur certains points et frappe des familles entières. Elle a représenté pendant quel- ques années le 8 % de la mortalité générale. La variole a été autrefois le fléau de nos populations, mais actuellement ses ravages sont beaucoup moins in- tenses car l'influence de la vaccine se fait sentir de tous côtés depuis plusieurs années. Les épidémies de choléra en 1868 et 1869, ont laissé de bien tristes souvenirs. La grippe en 1891, 92, 93 et 94, a apporté un appoint considérable aux maladies sévissant sur la province et a augmenté les décès par suite des complications broncho- pulmonaires. Dans quelques localités, comme à San Ni- colas, après trois ou quatre jours ïï influença les mala- des étaient atteints de fièvre typhoïde. Dans tout le pays elle a eu des conséquences fâcheuses, surtout pour les cardiaques et les tuberculeux. 284 Le kyste hydatique abonde, comme nous le verrons en un chapitre spécial. On constate assez la rage à la campagne. Nous ne possédons pas de renseignements complets sur la mortalité générale dans la province de Buenos Aires; mais ceux que nous avons obtenus sur le pre- mier trimestre de 1893, suffisent à donner une idée approximative. Pendant les mois de janvier, février et mars 1893, les décès ont été les suivants : MALADIES Hommes Femmes Totaux Fièvre typhoïde 103 90 193 Variole 28 12 40 Rougeole 13 6 19 Scarlatine 11 12 23 Coqueluche 20 14 34 Diphtérie 32 35 67 Tuberculose pulmonaire 94 141 235 Tuberculoses diverses 18 18 36 Cancer 46 34 80 Tumeurs diverses 2 3 5 Méningite simple ;.. 136 142 278 Congestion et hémorragie cérébrales.. 87 49 136 Paralysie sans cause déterminée 9 6 15 Ramollissement cérébral 2 1 3 Maladies organiques du cœur 122 87 209 Bronchite aiguë 30 31 61 - chronique 5 1 112 6 Pneumonie et broncho-pneumonie .... 122 234 Gastro-entérite 460 368 828 Athrepsie 120 95 215 Affections hépatiques et biliaires 34 12 46 Fièvre puerpérale - 17 17 Autres maladies puerpérales - 34 34 Maladies des voies urinaires 15 10 25 Péritonite no-puerpérale 19 30 49 Chlorose et anémie 4 10 14 Faiblesse congénitale 89 71 160 Mort-nés 158 133 291 Vieillesse 21 42 63 Suicides 6 3 24 9 Autres morts violentes 239 263 Autres causes de morts 318 216 534 Causes inconnues 70 52 112 Totaux généraux 2.416 1.918 4.334 285 Les principales causes de mortalité sont donc les sui- vantes : 1° gastro-entérite; 2° mort-nés; 3° méningite; 4° tuberculose; 5° pneumonie et broncho-pneumonie; 6° atrepsie; 7° maladies organiques du cœur; 8° fièvre ty- phoïde; 9° faiblesse congénitale; 10° congestion et hé- morragie cérébrales. Sur 4.334 décès, il y eut 2.416 hommes etl.918fem- mes; ces chiffres se décomposent en 3.713 argentins, 236 Italiens, 135 Espagnols, 97 Français, 48 Anglais, 24 Uruguayens, etc. Nous savons que pendant le premier trimestre 1893, il est mort, dans la province, 4.334 personnes; nous som- mes donc en droit de calculer que la mortalité pendant toute Vannée aura été 4.334 par 4, ce qui nous donne un total approximatif de 17.000 décès. La Plata. - La Plata, fondée le 19 novembre 1882, comme capitale de la province de Buenos Aires, est la ville sud-américaine la plus moderne. (l) Elle est située au 34°, 5, 4'30'' latitude Sud et 57°, 5, 4'15" longitude Ouest de Greenwich, à sept kilo- mètres et demi des rives du grand fleuve qui est en même temps la principale artère de ses progrès les plus féconds, puisqu'il la met en rapport avec tous les mar- chés du monde. Elle est à 57 kilomètres de la ville de Buenos Aires. Son orientation est bonne. Ses rues sont larges; ses avenues et ses boulevards plantés d'arbres; et les parcs qui l'entourent en partie (l) Les événements politiques qui se sont déroulés en 1880 dans la République Argentine, et qui ont eu pour théâtre principal la pro- vince de Buenos Aires et la ville de ce nom. ont entraîné la fédération de cette dernière, que la province a cédée à la Nation comme capi- tale permanente. La province devant donner un siège définitif à ses autorités, on fonda La Plata pendant l'administration du gouverneur, Dr. Dardo Rocha. 286 lui donnent un bel aspect. Si, au début, on avait exécuté quelques travaux préalables, ce serait aujour- d'hui une cité modèle au point de vue de l'hygiène. Malheureusement il n'en est pas ainsi, et nous le prou- verons plus loin en parlant des maladies. Le terrain sur lequel elle est construite présente diffé- rentes ondulations. La couche d'humus est, sur quelques points, de 20 centimètres au maximum; elle augmente progressivement. Vient ensuite l'argile, le sable, la marne argileuse; on rencontre également des dépôts de con- chües en quantités telles que leur exploitation peut être considérée comme une source de travail et de gros bénéfices. Mais, avant tout, écoutons les paroles de l'ingénieur Aguirre qui, parlant de la géologie de cette région, s'exprime ainsi : La partie basse de la Ensenada, est une formation moderne d'alluvion et présente les mêmes couches d'argile et de sable que les plaines de Quilmes et Barracas, bien que sa formation soit plus récente et se continue encore par les sédiments du Rio de la Plata. La partie garnie de collines est formée par un terrain quaternaire avec tous ses caractères qui sont d'ailleurs communs au reste de la province. On note une formation marine dans une couche peu épaisse dans la partie la plus élevée des coteaux; elle est postérieure au quater- naire et marque le commencement de l'époque actuelle. Les mollusques sont d'une espèce actuellement vivante (Holuta brasiliensis Ostrea sp. etc., etc.) et sont agglo- mérés en de telles quantités qu'il ont donné lieu à la fabrication de la chaux. Il y a une formation de dunes, qui correspond au commencement de l'époque actuelle, lorsque les terrains bas étaient couverts par l'eau de la mer. On la rencontre à partir du second kilomètre au Nord de Tolosa, le long des coteaux et sur une très grande étendue; elle marque l'ancien rivage de la mer. Actuellement elle est conso- lidée par la végétation. On en extrait un sable quartzeux 287 et fin d'un grain anguleux qu'on emploie avec avan- tage pour les constructions. La partie basse offre en général pour les fondations de mauvaises conditions; en effet, non seulement le ter- rain est creux, mais encore sur plusieurs points il présente une couche très épaisse de boue. Cependant à une profondeur de 7 mètres on a trouvé une couche de marne argileuse dans les points où l'on a installé les ponts de fer et sur elle on a fait les fondations pour les arcs-boutants. Dans la partie haute ces conditions sont les mêmes que celles qui ont été constatées à Quilmes, et identi- ques à celles de Buenos Aires. Comme terrain de culture, la partie basse est mauvaise en raison de son imperméabilité et de l'insuffisance de la terre végétale. Ôn ne peut l'utiliser qu'en pratiquant de grands travaux de drainage et en employant les en- grais, comme l'ont fait quelques habitants, dans les terres sujettes aux inondations existant en face de la ville, entreprenant ainsi, comparativement à l'état de notre agriculture, une culture intensive au plus haut degré. Ces terrains sujets aux inondations ont un caractère marécageux plus marqué que ceux qui sont situés sur la rive du rio de la Plata, en face de Barracas. Dans la partie haute, les conditions sont bonnes comme dans le reste de la province; on y constate une couche très épaisse d'humus. Ces champs sont actuellement presque tous ensemencés et la culture extensive y est très dé- veloppée. (') La population a augmenté dans les proportions sui- vantes : (x) E. Aguirre : Voir Resena esiadistica y descriptiva de La Plata, par Coni, 1885. 288 1884 mars, 1er recensement p) 10.407 habitants - novembre, 2e recensement (a).... 21.349 - 1885 octobre, 3e recensement (3) 26.327 - 1886 Calcul 30.000 - 1889 4e recensement 65.000 - 1894 68.000 - La population de La Plata se composait, au début, des travailleurs que le gouvernement occupait au tracé des rues et à la construction des différents travaux publics. Aujourd'hui encore, elle est essentiellement cosmopo- lite et constituée par l'élément ouvrier qui est celui qui s'installe le plus facilement dans un centre de création récente, qui manque des attractions et des ressources nécessaires aux personnes habituées aux plaisirs et au confort. L'élément étranger figure pour une grosse part dans ces chiffres et, d'après le recensement de 1885, il repré- sente les 2/3 des habitants. Conformément aux rensei- gnements que nous fournit cette opération, il y avait cette année là, 26.327 habitants, sur lesquels on comp- tait 10.480 Argentins, 10.809 Italiens, 2.246 Espagnols, 1.045 Français, 719 Uruguayens. Venaient ensuite les Autrichiens, les Belges, les Anglais, les Suisses, les Hollandais, etc., en nombre infime. En envisageant le sexe de la totalité de la population, on trouvait 17.924 hommes et 8.403 femmes. Il s'est produit à La Plata ce fait si souvent constaté que dans toute ville qui se crée, accourent des éléments p) Dirigé par le Dr. Emile R. Coni, chef du bureau de statistique de la province de Buenos Aires. (2) Dressé par la Municipalité. Dans ce recensement sont compris les habitants deTolosa, des fours à briques et des maisons de cam- pagne. La, population de la Ensenada n'y entre pas, ainsi que les travailleurs du port de La Plata, de même que leurs familles qui re- présentent un total de 1.500 personnes. (8) Dirigé par le Dr. Coni. 289 étrangers qui luttent dans leur patrie contre la misère et qui émigrent chassés par elle, dans l'espérance de rencontrer des jours meilleurs et la fortune qu'ils ont cherchée en vain dans leur terre natale. L'immigration italienne qui affluait dans notre pays a pris des proportions extraordinaires dans les années qui se sont écoulées entre 1882 et 1889; et c'est à tel point qu'en se répandant sur le territoire Argentin, nous la voyons fournir un contingent plus considérable que celui des fils du pays dans les premières années d'exis- tence de la nouvelle capitale. Les facilités accordées par les autorités, les grands bénéfices obtenus dans les affaires, le bas prix des terrains vendus par le gouvernement, etc., ont attiré à La Plata cette masse extraordinaire d'étrangers, qui sont la force et le nerf du progrès de cette belle et moderne cité. Il faut regretter que, par suite de la crise, son mou- vement progressif se soit arrêté et avec lui le chiffre de la population qui est actuellement de 68.000 habitants seulement. Son climat a beaucoup d'analogie avec celui de Bue- nos Aires; il est tempéré. Dans une même journée, le thermomètre accuse des différences de 16°, mais, d'après Beuf, ces irrégularités ne font pas perdre au climat de la ville le caractère de douceur qui lui est particulier. Les températures extrêmes sont: en été, 36° comme le 18 novembre 1891 et 35°5; en hiver, 2° au-dessous de 0; la moyenne est, en été. 21°1; en hiver, 10°9. La pression atmosphérique moyenne est de 645; l'humidité relative en été 71; en hiver 83.6; la tension de la vapeur de l'eau en été 12.8; en hiver 9.2. Les pluies suivent la marche ci-après en prenant comme base les mois compris entre octobre 1890 et sep- tembre 1891 (en millimètres) : Octobre 17.9; novembre 20.7; décembre 49.9; janvier 41.3; février 53.2; mars 143.6; avril 78.6; mai 98.5; juin 99.9; juillet 114.1; août 132.7; septembre 18.9. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 19 290 En additionnant, on a pour l'année une quantité d'eau égale à 877.1 millimètres. Cette eau est tombée en 74 jours. Dans la période comprise entre octobre 1890 et sep- tembre 1891 on a observé par ordre de fréquence les vents suivants: Nord 283; Nord-Est 135; Est 51; Sud-Est 143; Sud 265; Sud-Ouest 44; Ouest 15; Nord-Ouest 33; calme 12.7. Le service d'eaux courantes établi par des conduites se fait avec l'eau provenant des différents puits jaillis- sants (2e nappe); elle est de bonne qualité, d'après les examens chimiques et bactériologiques qui ont été pra- tiqués. Un tiers de la population se sert des puits communs (première couche). Cette dernière eau n'est pas de bonne qualité; elle renferme une grande quantité de sels calcaires, elle coupe légèrement le savon et durcit les légumes qu'on fait cuire. On l'a analysée plusieurs fois en la prenant sur différents point où il n'y a pas de service d'eaux cou- rantes, et on y a trouvé quelques bacilles provenant probablement des latrines et des égouts qui sont très rapprochés des puits. Il semble incroyable que dans une ville fondée en 1882, dans laquelle on a pu et on a dû mettre à profit tous les préceptes de l'hygiène, afin d'éviter la pollution des eaux souterraines, la municipalité n'ait pas dicté une ordonnance réglementant la construction et la dis- position des latrines. Ce ne sont en général que des puits ordinaires qui arrivent jusqu'à la première couche où les matières fé- cales contaminent les eaux et un sol vierge de tout travail que les autorités auraient dû se préocuper avant tout de conserver dans cet état. Nous avons déjà vu que La Plata est à une distance de 7 kilomètres du rio du même nom. Le cours d'eau qui la baigne s'appelle la rivière del Gato (du chat), de faible courant, il l'entoure presque, sert d'écoulement aux eaux pluviales et emporte les eaux sales des lavoirs des maisons situées à proximité. A deux kilomètres à l'Ouest de Tolosa, existe une 291 rivière, et là même il y a une couche perméable du sol qui renvoie les eaux à un autre affluent de la rivière précitée. Cette eau est bonne; le carbonate de soude y domine. Au Nord-Ouest de la ville, on trouve d'autres lacs et marais; mais ce quartier est peu habité et jamais on n'a constaté que les maladies y fussent plus fréquentes que dans les autres. En ce qui touche la morbidité, la fréquence des affec- tions de l'appareil digestif appelle l'attention. Si on en cherche la raison, on ne la trouve que dans la mauvaise qualité de l'eau que consomme une certaine classe de personnes. Nous savons déjà que contrairement à toutes les notions élémentaires de l'hygiène, les latri- nes à La Plata se sont construites à côté des puits, dont se sert un tiers des habitants; c'est dans ces eaux ainsi infectées par les filtrations des latrines que réside la cause de la fréquence des maladies gastro-intestinales; cette opinion est confirmée par l'examen bactériologique qu'on en a fait. Dans les premières années après la fondation de la ville, on a commencé à se rendre compte des inconvé- nients d'un pareil système; aux troubles intestinaux et aux fièvres gastriques a succédé la fièvre typhoïde. A cette époque, on a observé également la scarlatine, la rougeole, la diphtérie, la variole hémorragique; heureu- sement ces maladies n'ont sévi que dans de faibles pro- portions. Pendant les hivers qui ont suivi, La Plata a été cons- tamment visitée par les maladies des voies respiratoires : la bronchite, la pneumonie, la pleurésie, la broncho-pneu- monie. Le rhumatisme et les névralgies y sont fréquents, provoqués, comme les précédentes, par les variations constantes de la température et par l'humidité de certains endroits. Les affections hépatiques ne sont pas rares. L'in- fluenza l'a envahie comme tout le reste du pays. Le Dr. Arce Peîïalva, en parlant des vers intestinaux (ascarides lombricoïdes), déclare que les cas en sont si nombreux que souvent il a vu survenir les symptômes 292 d'une occlusion intestinale qui disparaissaient sous l'ac- tion d'un purgatif, grâce auquel le malade en rejetait un très grand nombre qui étaient entrelacés au point d'obs- truer l'intestin. Le Dr. P. de Peralta avait observé un fait analogue à San Fernando. Le tétanos infantil a été très fréquent pendant les premières années d'existence de la ville par suite du manque de soins aseptiques donnés aux nouveaux-nés. Les maladies vénériennes et syphilitiques sont éga- lement très communes. Mais ce qui a principalement appelé l'attention des mé- decins, c'est la fièvre typhoïde; on peut dire qu'elle est endémique à La P lata. comme dans la majorité des villes et villages de la province de Buenos Aires. On doit l'attri- buer à l'emploi des eaux de puits contaminées par les ma- tières fécales qui, par les infiltrations des dépôts sans revêtement, établissent une communication entre les deux. Cette maladie se déclare pendant les mois compris entre mars et juin; elle se produit dans toutes les sec- tions du municipe. La forme qu'elle présente le plus fréquemment est l'abdominale, adynamique ; les autres sont très rares. Pour la combattre, on emploie les désinfectants intes- tinaux (naphtol, salol), la quinine, l'antipyrine, et les stimulants généraux, les bains. Les enfants peu robustes sont très sujets à la fièvre typhoïde. Le Dr. V. Gallastegui nous a fourni les renseigne- ments que nous avons sur les années 1890, 1891 et 1892, relativement à la mortalité générale et aux décès pro- voqués par la fièvre typhoïde, la diphtérie et la variole. La mortalité générale pendant les années 1890 et 1891, a été : 293 MOIS 1890 1891 MOIS 1890 1891 Janvier 93 179 Juillet 144 104 Février 121 114 Août 156 81 Mars 141 121 Septembre 115 102 A vri 1 155 116 Octobre 135 91 Mai 144 124 Novembre 215 117 Juin 147 92 Décembre 258 134 La mortalité par la fièvre typhoïde, la diphtérie et la variole, pendant les années 1891 et 1892, a été la suivante • MOIS 1891 - 1892 Fièvre typhoïde Diphtérie Variole Fièvre typhoïde Diphtérie Variole Janvier 8 10 1 7 1 2 Février 2 14 1 4 1 Mars 15 3 1 1 4 \vril 11 2 1 11 1 Mai 10 1 3 4 2 1 Juin 7 3 1 7 Juillet 5 4 \oùt 3 1 2 Septembre I Octobre 1 Novembre Décembre 1 Le tableau qui précède nous apprend qu'en 1890, il est mort 1.824 personnes dans cette ville, 1041 du sexe masculin et 783 du sexe féminin; sur ce total on compte 916 enfants de moins de cinq ans, c'est-à-dire plus de 50%. De ces 1.824 décès, 177 ont été causés par la diphtérie, 145 par la gastro-entérite, 147 par la fai- blesse congénitale, 44 par la fièvre typhoïde, 92 par 294 la tuberculose, 55 par la variole, 125 par la pneumonie, 102 par les bronchites. En 1891, il s'est produit 1.375 décès, dont 57 causés par la fièvre typhoïde, 41 par la diphtérie et 8 par la variole. Ce total est très élevé si on tient compte que, pendant cette année, le dépeuplement de La Plata était très pro- noncé, et que cette ville comptait à peine 25.000 âmes, ce qui donne une proportion de 55 décès pour mille ha- bitants. Quelles sont les causes qui ont pu contribuer à pro- voquer une telle mortalité dans une ville qui compte seulement 12 ans d'existence et qui est dotée de ser- vices publics plus ou moins réguliers? Il ne s'est pas déclaré une de ces épidémies qui dé- ciment les populations et abattent l'esprit public, et ce- pendant le nombre des morts durant l'année est énorme, si considérable qu'il est suffisant pour discréditer cette ville si digne d'un meilleur sort, si ses autorités n'en étaient responsables à nos yeux, par suite de l'état d'aban- don dans lequel elles l'ont laissée. Il ne faut pas oublier les terrains marécageux qui l'environnent, Eu sage des eaux de puits, la construction si défectueuse et si dangereuse des latrines, l'humidité et plusieurs autres causes qui contribuent, ainsi que les autres, à maintenir cette morbidité et à accroître consi- dérablement le nombre des décès. D'après le Dr. V. Gallastegui, des mesures prophylacti- ques d'un caractère général sont adoptées chaque fois que le mal augmente, mais les médecins les prennent isolément, en ayant soin que chaque malade se trouve dans les meilleures conditions possibles et en veillant à ce qu'on procède à la désinfection des matières féca- les, du linge, etc. Les étrangers et particulièrement ceux du midi de l'Europe, s'acclimatent très bien dans cette région. Il est nécessaire de procéder à des travaux d'assainisse- ment pour compléter avec des égouts les services hygié- niques déjà établis; il faut veiller à la conservation dans 295 un bon état des terrains bas situés autour de la ville, et ainsi La Plata arrivera à être ce qu'avaient espéré ses fondateurs; mais la crise et d'autres causes qu'il n'y a pas lieu d'analyser ici, ont arrêté ses progrès et, par suite, les manifestations de son activité comme centre de labeur. Pendant l'année 1892, en présence des craintes d'une invasion de choléra, on a parlé de canaliser la rivière del Gato, en assurant son écoulement facile dans le rio de la Plata, et cette idée est restée à l'état de projet. Il faut espérer que l'action du nouveau gouverneur se fera sentir au profit de la salubrité générale de la belle capitale de la province. Quilmes. - Cette localité est très rapprochée de Bue- nos Aires, et ses conditions ont beaucoup d'analogie avec celle-ci. Dans sa pathologie on rencontre assez fréquemment la fièvre typhoïde, la diphtérie, la coque- luche, la scarlatine, la rougeole. La variole a disparu. La diphtérie diminue sensiblement, et le Dr. Masi n'a constaté que trois cas dans un an. L'influenza s'est propagée durant les dernières années, spécialement en 1894. Comme on le voit, les mêmes affections qui dominent à Buenos Aires, se produisent à Quilmes. Ce fait s'ex- plique par la proximité des deux endroits, ce qui per- met la translation des foyers. Les familles de la capi- tale y transportent leurs convalescents de coqueluche, de scarlatine, etc. et c'est ainsi que se produit la diffu- sion des maladies. Dans la mortalité figurent en première ligne la tuber- culose et la gastro-entérite. La diphtérie a été particu- lièrement terrible en 1889-1890; mais heureusement, aujourd'hui, elle a diminué. La variole a fait des ravages, mais la vaccination a pu la dominer. La fièvre typhoïde fait en général quelques victimes chaque année; la broncho-pneumonie aussi, durant l'hiver, comme une conséquence de la grippe. La méningite tuberculeuse, sans être très commune, contribue à la mortalité. 296 En examinant la petite statistique de ce bourg, l'at- tention est éveillée par la fréquence du tétanos chez les enfants. Pendant les années 1889-1890, la première de ces maladies a causé 12 morts, et la seconde, onze. En vérité ces chiffres paraissent très élevés. Ensenada. - Ce point voisin de La Plata est en- touré de parages bas, qui en d'autres temps se conver- tissaient en rios, par suite de l'agglomération des eaux pluviales, mais il s'est beaucoup transformé avec les travaux de canalisation et de nivellement qui ont été exécutés. Cette humidité ainsi maintenue par les eaux, la végétation et la chaleur ont été les causes qui ont pu engendrer le paludisme, qui d'ailleurs ne s'est ma- nifesté que faiblement et dans de rares occasions. Le nombre très réduit de la population, et la circons- tance que seule la partie élevée de la localité est habi- tée, ont contribué à cet heureux résultat. Le rhumatisme chronique est fréquent. Les vers intestinaux sont observés assez souvent sur les enfants, de même que le tétanos neo-natorum. La pustule maligne s'est produite quelquefois parmi les travailleurs des fabriques de viandes salées qui existent dans ce parage. La diphtérie et les maladies éruptives ne se sont pas fait remarquer par leur persistance. San Vicente. - A 29.2 m. au-dessus du niveau de la mer, et à 40 kilomètres au Sud de la ville de Buenos Aires, est situé San Vicente qui compte 3.000 habitants; c'est le centre d'un pays qui, en comprenant toute sa population, renferme 10.000 âmes composées principale- ment de nationaux, d'Italiens, de Basques et d'Anglais. Son territoire est très horizontal, comme l'est toute la région voisine, et son plan compris dans le second bassin, que forment les eaux régionales de la province, s'étend depuis Glew jusqu'au rio San Borombon, pré- 297 sente une légère ondulation dans la direction de ce rio, qui déverse ses eaux dans la baie du même nom. Les eaux pluviales de l'hiver rencontrent un terrain peu perméable, et ne sont absorbées qu'en petite quan- tité; le reste séjourne dans les fossés, dans les bas-fonds jusqu'à ce que les chaleurs de l'été favorisent son éva- poration, ou s'écoule lentement vers un étang situé au Nord. Ces inconvénients augmentent encore, si on se souvient que par sa situation, San Vicente reçoit les eaux qui s'écoulent des contrées environnantes. Les terrains de cette localité peuvent se diviser en trois catégories : les bons, les médiocres et les mauvais; ces deux derniers dominent et ils sont très pauvres en hu- mus. Il sont peu favorables pour l'agriculture, sauf pour le blé qui y vient très bien parce qu'il n'a pas besoin d'une grande richesse nutritive pour se développer. Les pluies n'ont pas été bien fréquentes en 1891 et 1892; ces deux années ont été des années de sécheresse. En juin et juillet 1892, il a plu quelquefois, et depuis très rarement jusqu'à la fin de l'année. Les changements de température sont brusques aux différentes heures du jour, et il arrive qu'après avoir joui d'un air agréable, on sent un froid extrêmement vif, surtout pendant la nuit, avec un vent du Sud-Ouest qui est très violent. D'après le Dr. Lopez Rojas, les épidémies sont très rares dans cet endroit. Le choléra de 1868-1869 a pro- voqué une mortalité considérable; la variole en 1889 s'est propagée parmi la classe pauvre; ce sont les seules maladies qui se soient présentées jusqu'à ce jour avec ce caractère. La diphtérie a été importée en 1889 et a attaqué plu- sieurs enfants. En 1891 et en juin et juillet de 1892, l'influenza a sévi et on peut dire qu'elle a frappé les trois quarts de la population. Sa marche a été complètement anormale, et ses dé- terminations très variées. Les vieillards et les personnes affaiblies qui étaient 298 atteints, succombaient à des complications pulmonaires, aux pneumonies infectieuses, etc. On a observé également durant l'année 1892 des en- térites, des gastro-entérites, la rougeole (cas isolés), la variole, des rhumatismes musculaires et articulaires, le tétanos néo-natorum. La fièvre typhoïde se montre également. Dans le cours de 1891-1892, sur quinze cas qui se sont produits, 12 malades ont été guéris et 3 sont morts. La majorité des personnes atteintes était composée d'adultes. On attribue la fréquence de la dothiénentherie aux cau- ses suivantes: 1° aux émanations putrides qui, en temps de sécheresse et en été, se dégagent des détritus orga- niques végétaux et animaux, soumis à une fermenta- tion lente et régulière dans la lagune de San Vicente, qui reçoit en outre les eaux du cimetière situé sur une de ses rives et dont le terrain incline de ce côté; 2° aux mauvaises conditions des latrines qui sont toutes creusées sans un mur protecteur et à proximité des puits qui alimentent la population. Il faut recon- naître cependant qu'on a travaillé à améliorer les con- ditions de salubrité, et que les efforts des autorités locales tendent à ce but. La mortalité totale a été en 1892 de 122. Sur ce chiffre on compte 66 personnes du sexe masculin et 56 du sexe féminin. La mortalité des enfants représente 44 Magdalena. - Située à 112 kilométrés au Sud de Buenos Aires, cette petite localité se dresse sur un pla- teau à une lieue du rio de la Plata; elle a 6.000 habitants; les conditions de son sol ne diffèrent pas de celles de cette région de la province, et on peut considérer que les petits ruisseaux qui l'entourent contribuent à former la rivière d'Atalaya. Comme plusieurs pays voisins, elle présente cette particularité qu'on y rencontre une quan- tité énorme de coquillages fossiles sur les bords du rio. Par suite de l'action des pluies qui sont abondantes, 299 et de la topographie du terrain qui incline vers le rio, il se forme en hiver de grands marais dans la partie de la Magdalena qui est comprise entre le centre du village et la rivière. En ayant, comme on l'a dit, humidité, chaleur et végé- tation, - éléments du paludisme - on pourrait supposer avec quelque fondement, la présence de cette endémie; mais il n'en est pas ainsi heureusement, et si parfois on observe son influence, c'est seulement sous la forme larvée, ou de névralgies. La majeure partie de la population se sert de l'eau de puits qui est en général saumâtre et impropre à l'ali- mentation. Exceptionnellement elle fait usage de l'eau de pluie. Plusieurs cours d'eau plus ou moins importants et le rio de la Plata sont les courants qui y existent. Les latrines sont situées presque toujours à proxi- mité des puits qui fournissent l'eau pour les usages domestiques. La morbidité est représentée principalement par les angines catarrhales, les amygdalites aiguës, le tétanos infantil, les catarrhes pulmonaires, et parfois la dysen- terie, les affections gastro-intestinales chez les enfants, les maladies vénériennes et la syphilis, la rougeole, la roséole, la coqueluche et la fièvre typhoïde. Pendant plusieurs années, ces cinq dernières maladies ont été épidémiques. La scarlatine est rare, de même que la diphtérie. En 1882, une épidémie de fièvre typhoïde a régné et on a observé qu'elle a était particulièrement grave chez les malades venant de la campagne; le plus grand nombre d'entre eux mourait, tandis que dans le pays la fièvre était bénigne et les personnes atteintes guérissaient. Depuis cette date quelques cas se sont produits surtout à la fin de l'été, en automne et au commencement de l'hiver C'est la maladie la plus fréquente après les af- fections éruptives. 300 Cependant dans ces trois dernières années, elle a fait peu de victimes et il a été possible de réduire beaucoup sa mortalité. D'après le Dr. E. Pardo, on n'a plus ob- servé ces formes violentes qui ont rapidement raison de la vie du malade; au contraire, presque toujours sa mar- che a été régulière, la fièvre n'a pas dépassé 39°, il s'est produit de légers sous-délires, le tympanisme et la diarrhée. Comme traitement, on a suivi celui de Jaccoud; on a donné quelquefois de l'antipyrine avec les soins né- cessaires. Les mesures prophylactiques sont prises en particu- lier par les médecins quand leurs soins sont réclamés, mais les autorités ne prennent aucune résolution d'un caractère général. De tous les travaux d'assainissement qui sont cepen- dant réclamés, aucun n'a été exécuté. Il y a plusieurs années on a entrepris une canalisation pour le dessè- chement des terrains envahis par les eaux qui entou- rent le village, mais on n'en projette pas d'autre pour le moment. Chascomûs. - Chascomûs est un centre important d'industries productrices, et sa campagne est riche en pâturages et en bétail. Sa population est de 5.000 ha- bitants. Son sol est sablonneux et argileux. La température ne descend pas au-dessous de 0 en hiver, et ne s'élève pas au-dessus de 36° en été. Le» pluies sont irrégulières. On boit des eaux de puits et de citerne. La grande lagune Chascomûs s'étend à l'Ouest jusqu'à 12 lieues; elle communique avec le rio Salado et la mer. Les poissons y sont très abondants. Son eau saumâ- tre a une profondeur de 4 mètres. Dans les périodes de grande sécheresse, le niveau de la lagune baisse consi- dérablement. Dans cette circonstances, on a observé une augmentation des maladies dans la population. Les latrines n'ont pas un emplacement spécial; elles 301 sont en général mal construites et très rapprochées des puits. Les mois de février, mars et avril sont ceux pendant lesquels la fièvre typhoïde atteint sa plus grande inten- sité, comme on l'a constaté en 1890 et 1892. Elle ne semble pas avoir de préférence pour un quar- tier déterminé, et les cas constatés se sont produits dans toutes les directions. D'après le Dr. Castagnone, la proportion des malades de fièvre typhoïde est presque égale au total des per- sonnes atteintes d'autres maladies infectieuses. Si on compare la mortalité typhoïdique avec celle des autres maladies infectieuses, elle représente 50 mais par rap- port à la mortalité générale, elle est de 10 %. Le traitement consiste à administrer du naphtol, de la quinine, du salicylate de bismuth, de l'antipyrine, des stimulants, l'eau froide, etc. Comme mesures prophylactiques, on ne peut rien éta- blir, tout est subordonné à la position sociale et pécu- niaire du malade. La mortalité infantile provoquée par la fièvre typhoïde est minime. On n'a entrepris et on ne projette aucun travail d'as- sainissement. Il n'existe pas, à proprement parler, de maladie endé- mique, on observe seulement en été une augmentation du nombre des personnes atteintes d'affections de l'ap- pareil digestif, et en hiver une augmentation des mala- dies des voies respiratoires, mais sans caractères spé- ciaux. Pendant les grandes chaleurs, on observe quelques cas de fièvres intermittentes, et pendant l'hiver de 1892, principalement en juin et juillet, il s'est produit des cas très nombreux d'inlluenza accompagnés de complications pulmonaires qui ont entraîné la mort surtout chez les enfants et les vieillards. Les maladies les plus communes à Chascomus sont: la pneumonie et la broncho-pneumonie, la tuberculose et quelques calculs hépatiques. En revanche les calculs de la vessie n'existent pas. 302 Dolores. - Parmi les nombreuses localités du Sud de Buenos Aires, Dolores est une des villes les plus importantes. Centre d'un vaste et riche district rural, qui nourrit des millions de têtes de bétail, elle a au- jourd'hui 12.000 âmes, d'abondantes plantations d'ar- bres, ses habitants y jouissent d'une étendue considé- rable et on y rencontre en général des conditions favorables pour toutes les activités. Dans les environs de la ville existent des marais; les matières organiques qui y sont déposées, les feuilles d'arbres, les racines, les détritus d'animaux mélangés avec Peau y fermentent sous l'action de la chaleur et répan- dent des odeurs insupportables. Les températures extrêmes sont 35° en été, et 2° au- dessous de zéro en hiver; la moyenne est calculée à 20 ou 22°. La nuit, quand la journée a été très chaude, on sent un air frais, sauf quelquefois pendant les mois de janvier et de février. On doit imputer à ces changements les nombreuses maladies des appareils respiratoire et digestif. La popu- lation fait usage de l'eau des citernes et des puits. Dans ces derniers, on la trouve à peu de profondeur et dans quelque point elle arrive tellement à la surface du sol, surtout après les grandes pluies, qu'on n'a pas besoin de se servir d'un seau pour la puiser. Les affections de l'appareil respiratoire, les bronchites, les pneumonies, les broncho-pneumonies et les pleuré- sies prédominent. La tuberculose est commune. Les maladies intestinales aiguës abondent, surtout chez les enfants, et dans ce dernier cas, le caractère infectieux accompagné de ses symptômes s'observe pres- que toujours. L'eau de puits est, sans aucun doute, l'élément qui favorise le développement de ce genre d'affections. La lièvre typhoïde, sans être à proprement parler en- démique, existe presque toujours dans ce village. Ses victimes ne sont pas nombreuses, mais on en constate toute l'année. 303 Cependant autrefois elle a été très fréquente et très cruelle, d'après les souvenirs que l'on a à ce sujet. On voit les fièvres éruptives, la varicèle, la rougeole, la scarlatine à l'état permanent. En 1892, la coqueluche a attaqué de nombreux enfants et a revêtu une gravité inusitée par suite des complications qui se sont produites et surtout de la bronchite capillaire. La diphtérie a été terrible, il y a quelques années, mais actuellement elle semble décliner et les cas qui se présentent sont bénins, selon le Dr. Llanos. Les brusques changements de température déterminent des angines catarrhales et autres qui sont en général sans gravité; Le rhumatisme est rare. La grippe a fait de nombreux malades en 1892. La variole, qui autrefois se produisait de temps à autre, a diminué d'intensité avec les progrès de la vaccination. La mortalité générale dans l'année s'élève à 340. Le choléra de 1868, qui a été épidémique, a causé un grand nombre de morts. Las Flores. - La population est de 3.500 habitants, mais elle atteint 15.000 en comptant les personnes vi- vant à la campagne. Dans son sol, il faut observer une couche de terre végétale de 30 centimètres, une autre sablonneuse d'un mètre environ qui repose sur un rocher de craie mélangée de couches sablonneuses jusqu'aux premiers versants. Leur niveau varie beaucoup avec les pluies, mais géné- ralement on le rencontre à 4 ou 5 mètres. Cette région est formée par un bassin très bas dont le niveau n'est pas à plus de 41 mètres au-dessus de celui de la mer. Il y a plusieurs lagunes et des gorges dont l'in- fluence sur la santé publique a été constatée. Le climat est plutôt modéré; la température est su- jette à de nombreuses variations aussi bien en hiver 304 qu'en été. Les vents du Sud et du Sud-Ouest sont ceux qui régnent le plus souvent. Sauf pendant ces deux dernières années, depuis 1886, les pluies ont été très abondantes et ont même causé des inondations. Les gelées sont très vives en hiver et cette saison est très humide. Les cours d'eau vont de l'Ouest à l'Est, mais il y a des exceptions. Les habitants consomment l'eau des puits. Ces eaux, d'après le Dr. Meana, sont, en temps normal, à quatre ou cinq mètres de profondeur, mais leur niveau varie suivant l'abondance des pluies, puisque dans les mo- ments de crue, elles arrivent à quelques centimètres de la surface du sol; ces variations sont observées très fréquemment. Elles ne sont pas potables en général à cause des sels calcaires qu'elles renferment; celles de la seconde couche, semi-jaillissantes, sont à 30 mètres environ. Les latrines et les puits sont contigus, et les eaux des premières arrivent jusqu'à celles des seconds. La conta- mination est sûre. Les maladies infectieuses s'observent assez commu- nément comme nous le verrons plus loin. Dans la morbidité générale, le plus grand nombre des cas est fourni par les affections de l'appareil respira- toire, tuberculose pulmonaire, pneumonies, pleuro-pneu- monies, bronchites. Viennent ensuite les maladies du tube digestif et particulièrement la gastro-entérite chez les enfants. La lièvre typhoïde, la rougeole, la coqueluche, sont endémiques. La scarlatine, la diphtérie, la variole sont fréquentes. Cette dernière a été épidémique en 1887 et 1891; son chiffre de mortalité est aujourd'hui de 35%. En 1888, la diphtérie a fait invasion dans une grande quantité de maisons où elle fit un nombre considérable de victimes. Actuellement le 45 % des malades qui en sont atteints, succombe. La lièvre typhoïde, nous l'avons dit, est endémique; mais ses invasions ont lieu surtout en automne et au 305 commencement de l'hiver. Dans le cours de plusieurs années, le Dr. Harostegui a pu constater que cette ma- ladie est d'autant plus fréquente que le niveau des eaux de puits baisse davantage. Ce fait s'explique par la plus grande concentration des matières organiques en dissolution; en effet, lorsque les eaux de puits baissent, elles font syphon par rapport aux matières liquides des latrines et des cloaques qui sont en général creusés à une profondeur moindre. Les habitants du village y sont plus sujets que ceux de la campagne. La densité de la population et l'action des autres causes qui en dépendent, contribuent à ce résultat. La proportion des décès causés par cette maladie est de 14 à 15%; mais il faut tenir compte que bien des malades se font soigner au début par des rebouteurs (curanderos) et n'appellent le médecin que lorsqu'ils sont au plus mal. La forme abdominale est la plus fréquente; la céré- brale s'observe quelquefois. Le traitement varie suivant la forme et l'intensité du mal, conformément aux conditions fournies par les cli- niciens : antisépsie intestinale, bains et toniques, sans négliger une hygiène rigoureuse pour tout ce qui se rapporte au malade. La mortalité typhoïde représente le 6 % environ de la mortalité générale. Les médecins recommandent l'usage de l'eau de citerne et de l'eau de puits bouillie et sucrée, l'emploi de filtres et la précaution de faire bouillir le lait pour prévenir la contamination qu'il pourrait avoir souffert s'il a été falsifié avec de l'eau de puits. Tapalqué. - Tapalqué, situé au Sud-Ouest de la province de Buenos Aires, possède aujourd'hui 7.000 habitants avec la population rurale. Ses terrains sont bas comme le sont en général ceux de la contrée. La provision d'eau s'obtient au moyen de puits. Un cours d'eau important existe et porte le même nom que CLIMATOLOGIE MEDICALE. 306 le bourg. Les parties marécageuses se rencontrent sur divers points. Le caractère qui distingue la pathologie de cette ré- gion est l'abondance alarmante de la tuberculose sous toutes ses formes, pulmonaire, des os, etc., selon la version du Dr. G. Hunt. La cause doit en être attribuée assurément à la mauvaise topographie et à l'humidité de ce point. Les maladies qui apportent un plus fort contingent à la statistique mortuaire sont : la tuberculose, la fièvre typhoïde, la variole, la rougeole. La diphtérie, la fièvre puerpérale et la coqueluche ne présentent que des cas isolés. La mortalité générale dans le village, qui compte 1.800 âmes, a été la suivante: Année 1883.... 76 - 1884.... 55 - 1885.... 66 - 1886.... 74 - 1887.... 57 - 1888.... 71 Année 1889.... 51 - 1890.... 102 - 1891.... 82 - 1892.... 98 - 1893.... 67 Il est nécessaire de faire remarquer, cependant, que dans ces chiffres figurent les morts de tout le district et même quelques-uns de plusieurs autres petits en- droits voisins. L'augmentation graduelle des décès est véritablement inquiétante et l'adoption de mesures tendant à l'enrayer s'impose. Les maladies qui se représentent toujours dans la sta- tistique que nous venons de donner et dont les quantités sont relativement élevées, sont la tuberculose pulmonaire et le typhus abdominal. Ce dernier apparaît au printemps mais ne se pro- page pas. Il envahit seulement les maisons les plus pauvres et celles où l'hygiène est toujours relâchée. 307 L'emploi de l'eau des puits et le séjour dans des terrains bas expliquent suffisamment son existence. Un épidémie de variole importée de l'Azul éclata en 1883. D'autres épidémies de la même maladie se décla- rèrent en 1872 et en 1878, mais avec la vaccination ces malheurs publics ne sont plus à redouter. Préoccupé de la salubrité de Tapalqué, le Dr. Hunt a indiqué aux autorités les mesures d'hygiène publique susceptibles d'être prises pour améliorer les conditions générales de la localité. Ayacucho. - Ayacucho, au Sud de la province de Buenos Aires, compte 5.500 habitants et la population rurale s'élève à 11.000. Il y a presque les mêmes ca- ractères généraux que dans les localités voisines. Le ruisseau Tandileofù, qui prend sa source dans les collines du même nom, traverse le bourg de l'Ouest à l'Est et va se perdre dans le district du Vecino. La salubrité publique est bonne en général et les maladies que l'on voit davantage sont : les pneumonies, les broncho-pneumonies, tant chez les enfants que chez les adultes, la coqueluche, la diphtérie, la rougeole, la variole, la scarlatine, le rhumatisme, le cancer de l'oeso- phage et de l'estomac et la fièvre typhoïde. Il ne faut pas croire, cependant, que la fréquence de ces affections soit très prononcée. La fièvre typhoïde ap- paraît parfois, mais, au dire du Dr. Berra, elle n'est pas endémique. Elle a été observée dans les dernières années sans revêtir un caractère inquiétant. Les calculs vésicaux sont inconnus, sauf chez quel- ques étrangers qui les ont apportés de leur pays. Les affections gastro-intestinales chez les enfants en allaitement sont communes. En 1892 et en 1893., il n'y eut aucune épidémie. Des cas isolés de rougeole, de scarlatine et de variole se sont produits. La coqueluche fit son apparition, mais elle put être combattue avec succès. 308 En 1893, également, et particulièrement pendant les mois de mars et avril, des cas répétés de diphtérie se montrèrent, dont quelques-uns furent fatals. Tandil. - Au milieu de jolies montagnes qui enca- drent un paysage d'une riche végétation, s'élève la ville du Tandil, à 330 kilomètres de la capitale, à 10 heures environ de chemin de fer. Dans la composition de ces coteaux entre le gneiss, le feldspath, le quartz, etc. Jusqu'à présent cette formation n'a révélé l'existence d'aucun minerai métallique. D'après Aguirre, l'élévation au-dessus du niveau de la mer, des collines laurentiques, est plus considérable au milieu de la chaîne près du Tandil et elle décroît aux extrémités. Dans celles qui sont voisines du Tandil, il a trouvé une hauteur maximum de 420 mètres. Heusser et Claraz ont fait une observation analogue. Au sommet de la chaîne de montagnes Siempre amigos (30 k. au Sud de l'Azul) l'élévation est de 270 mètres environ, et sur le pic Redondo de la montagne Baya, elle est de 250 mètres : c'est le point le plus élevé de cette formation dans tous les environs. La montagne Chica et celle de Sotuyo ont un niveau plus bas entre 180 et 230 mètres. L'élévation relative des collines par rapport à la plaine va en diminuant du Tandil dans la direction du Nord- Ouest. Non seulement sa hauteur absolue décroît, mais encore la plaine s'élève progressivement du côté de l'Ouest. Le gneiss disparaît à l'extrémité de la chaîne sur le bord de la mer, sans atteindre jusque là, puisqu'il est recouvert par du sable; mais on observe quelques mine- rais en renfermant, poussés par les vagues, ce qui fait supposer que la formation se continue encore sous la mer. (*) (*) Eduardo Aguirre: Constitucion geolôgica de la provincia de Buenos Aires. 309 Considérons maintenant les éléments climatériques de cette région. Les températures extrêmes sont: 30° en été (janvier) et 0° en hiver (juillet). Les moyennes: 11° la nuit, et 17° le jour, en décembre. Il pleut rarement en hiver, et la quantité d'eau qui tombe en été peut-être calculée à 280 millimètres. En 1891, il y a eu une grande sécheresse qui s.'est pro- longée jusqu'au 29 mai, et à la même époque, il se produisit de grandes gelées. Les vents régnants sont ceux du Sud et particulière- ment du Sud-Ouest; mais de temps à autre soufflent les vents du Nord et surtout du Nord-Est. Les jours nuageux sont exceptionnels, le firmament est toujours clair en toute saison. Des montagnes descendent des ruisseaux dont l'eau est potable, fraîche et limpide; ils forment des cours d'eaux qui sillonnent le pays; après avoir effectué un certain trajet pendant lequel ils recueillent les dépouil- les d'une végétation exubérante, ils traversent des pa- rages marécageux qui arrêtent leurs courants, leurs eaux s'altèrent évidemment et prennent une odeur et une saveur désagréables. On les utilise pour le lavage. Une des curiosités de cette contrée, c'est la pierre mobile très connue, et dont les habitants du Tandil sont très fiers. La population compte 17.000 habitants, dont 8.000 dans la ville et le reste, dans la campagne. Le sol est calcaire; la consistance du sous-sol, son imperméabilité garantissent les bonnes conditions des eaux qui sont reconnues comme aptes pour l'alimen- tation. Nous avons ainsi une qualité qui garantit sa prove- nance et sa conservation. D'autre part, la municipalité a pris des dispositions pour que les latrines et les égouts n'atteignent pas les eaux, mais il est assez fréquent d'observer des infractions à cette ordonnance. Presque toujours ils sont situés dans le centre de la propriété, et dans la majeure partie du pays leurs conditions sont défectueuses. 310 La fièvre typhoïde existe toute Vannée, et elle pré- sente souvent un caractère épidémique sans être, ce- pendant, très accentué. Elle sévit principalement en hiver et particulièrement dans les mois de juillet et août. En novembre, elle décline et en été elle disparaît. La classe pauvre qui vit dans de mauvaises conditions d'hygiène, fournit le plus grand nombre de malades. Il n'y a pas à chercher longtemps les causes de cette pro- pagation de la maladie si on se souvient de la malpro- preté dans laquelle la population passe son existence; il faut dire que dans cette localité comme dans tous les pays de la campagne, les habitudes de propreté n'ont pas fait grands progrès sauf dans les familles qui ont de l'instruction. Il ne faut pas oublier que c'est une tâche difficile de faire comprendre à un paysan qu'il ne doit pas faire usage de l'eau de puits et qu'on doit désinfecter les déjections d'un typhique. Rien de tout cela n'est possible, étant donnée l'éducation de nos campagnards habitués dès leur naissance à un ordre de choses qui se succèdent sans changement pendant plusieurs générations, et qui existeront pendant des an- nées, jusqu'à ce que les bonnes habitudes se soient frayé un chemin. On peut faire les mêmes considérations à propos de la diphtérie et de la variole; cependant en ce qui con- cerne cette dernière, il faut reconnaître que la résis- tance à la vaccination tend à disparaître, en présence des résultats qu'elle produit. Le tableau suivant donne les chiffres que chacune de ces maladies représente dans la mortalité totale. 1887 1888 1889 1880 1891 1892 Mortalité générale 347 396 276 388 435 171 Fièvre typhoïde 10 7 2 30 16 22 Diphtérie 21 73 13 3 3 - Variole 2 59 - 19 138 - 311 On voit par suite qu'en plus de cinq ans, sur une mortalité totale de 2.013 personnes, la fièvre typhoïde représente 87 décès, c'est-à-dire 4% environ; la diphté- rie 112, (6%) et la variole 208 (10.4%). Selon le Dr. Vivot, la forme clinique qui domine est l'ataxo-adinamique; la forme pulmonaire est assez fré- quente et explique la quantité de pneumonies qu'on constate. Le traitement s'établit en ayant en vue ces objectifs: abaisser la température, pratiquer l'antisepsie intesti- nale, soutenir les forces du malade. Dans ce but on emploie les bains, l'antipyrine, le salicylate de soude, le calomel, le salicylate de bismuth, l'alcool et autres toniques. Le tétanos neo-natorum est une maladie commune dans cette localité; il faut l'attribuer à la négligence et au défaut de pansement convenable de la blessure om- bilicale. Au Tandil, le charlatanisme a atteint son plus grand dé- veloppement, mais ce n'est pas tout. Le chiffre des mort- nés est énorme. Dans le seconde semestre de 1892, il est né 327 enfants, sur lesquels 39 sont allés au cime- tière avec la classification de mort-nés. Le crime est évident, soit qu'il ait été commis vo- lontairement, soit qu'il soit le résultat de l'ignorance des personnes qui interviennent dans les accouchements sans avoir de titres professionnels. Il n'est pas possi- ble d'expliquer autrement que la statistique mortuaire établisse une proportion de 9 % de mort-nés sur la to- talité des naissances. Il est urgent de faire cesser cette énormité, qui, par suite de l'incurie des autorités, pren- dra chaque jour de plus grandes proportions, en cor- rompant les moeurs, en détruisant la famille et en prenant l'assassinat comme un moyen de justification ou de dissimulation de ce qu'on désire tenir caché. Une me- sure qui contribuerait à ce résultat, consiste dans l'or- ganisation d'une petite salle d'accouchements où les femmes pauvres seraient délivrées, sans avoir besoin de donner de renseignements, ni leurs noms, ni leur do- 312 micile; on sait, en effet, que souvent dans le but de cacher toutes ces choses, les jeunes filles aiment mieux être mal soignées dans une maison que d'aller chercher un bon traitement dans un hôpital. Azul. - L'Azul est, sans contredit, la ville la plus importante de la province de Buenos Aires, après La Plata.Elle compte aujourd'hui une population agglomérée de 15.000 habitants environ et un chiffre à peu près égal de personnes vivant dans les champs. Elle est située dans la zone appartenant aux chaînes de collines d'Olavarria qui présentent un si beau panorama à la vue du voyageur. Dans son sol, on trouve une couche sablonneuse qui diminue et devient siliceuse à mesure qu'on s'avance vers le Sud-Est; le calcaire abonde. L'humus est d'une épaisseur considérable et la végétation est très belle. Il y a beaucoup d'arbres et tous ceux qui poussent dans les collines sont rabougris et terminent en joncs et roseaux. La rivière de l'Azul vient des vallées de la chaîne de montagnes qui existe au Sud-Est; elle est à sa naissance comme un filet d'eau et elle accroît son importance avec les perforations que l'on pratique dans son lit. Les cours d'eau qui existent dans cette localité et dans la campagne sont: la rivière de l'Azul ainsi nommée à cause de la nuance de ses eaux, phénomène dû sans doute à la présence de certaines substances organiques; la rivière de los Huesos, qui sépare l'Azul du Tandil, la Corina, l'Hinojo, la Nievas. Les eaux de cette dernière se réunissent dans la di- rection du Nord-Est où le terrain est très-bas. Les autres cours d'eau vont jusqu'à Las Flores ou Tapalqué sous la forme de ruisseaux bourbeux. Le climat présente les caractères les plus marqués : froids intenses, températures de 9° au-dessous de zéro comme on l'a constaté pendant l'hiver de l'année 1870; chaleurs de 40 degrés à l'ombre, en été. 313 Les oscillation thermométriques observées en août, septembre et octobre, exercent une impression très dé- sagréable sur l'organisme. Pendant ces mois, des vents violents et prolongés maintiennent l'économie sous le coup d'une menace et la prédisposent à contracter faci- lement les maladies. C'est une saison variable, de tran- sition entre l'hiver et l'été et qui est reconnue favora- ble au développement de plusieurs affections. Les mois de juin et juillet sont marqués par des froids rigoureux, qui sont réguliers dans leur apparition et dans leurs effets. Durant les hivers de 1892 et 1893, presque tous les arbres ont péri par suite de l'inclé- mence de la température. Les pluies n'ont pas été fréquentes pendant les an- nées 1892, 1893, 1894, mais avant cette époque elles étaient très abondantes, particulièrement en automne et en hiver. La provision d'eau se fait au moyen de citernes, de puits et de la rivière de l'Azul. Le conseil municipal de la ville a ordonné que dans un certain périmètre les habitants ne pouvaient faire usage que de l'eau de citerne. Le niveau des eaux souterraines est à un mètre et demi dans les bas fonds et à 2 1/2 dans les collines. Les personnes qui connaissent bien la région assurent qu'elles sont de bonne qualité. En présence des progrès rapides de cette localité, il ne faut pas s'étonner du bon service d'égouts qui a été installé. Toutefois les vieilles maisons avec leurs cons- tructions défectueuses n'en bénéficient pas. Il faut constater cependant une évolution dans le sens d'une transformation favorable qui est due non seule- ment aux autorités, mais encore à l'action des nombreu- ses colonies d'européens et tout particulièrement des français. Au point de vue des maladies, indépendamment des affections ubiquitaires, il faut reconnaître ce fait qui domine, on peut le dire, la pathologie de l'Azul: la fré- quence de la tuberculose et de la fièvre typhoïde. La première sévit chez les femmes et particulièrement 314 chez les filles du pays, en général nerveuses, mal nour- ries, presque toujours seulement avec du mate, mères de très bonne heure, ayant une nombreuse famille, et souffrant très souvent des rigueurs de la saison et des privations de la misère. La fièvre typhoïde, d'après le Dr. Sayüs, est endémi- que; mais pendant ces dernières années, elle semble avoir diminué d'intensité. Elle exerce ses ravages prin- cipalement chez les hommes et frappe surtout les habi- tants des faubourgs écartés. Il faut reconnaître l'erreur très grave qu'on commet en permettant aux blanchisseuses de laver tout leur linge dans un même cours d'eau où, par suite, le linge des ma- lades de fièvre typhoïde, sans qu'on l'ait désinfecté au préalable, est mélangé à l'autre, etc. Les foyers principaux se rencontrent dans les fau- bourgs où les habitants vivent en général dans de mau- vaises conditions d'hygiène. Le printemps est l'époque de son plus grand déve- loppement. On a observé que pendant ces dernières années la maladie a pris un caractère moins grave qu'autrefois. Jusqu'alors presque tous les typhoïdés mouraient et aujourd'hui cela n'arrive plus parce que la maladie est mieux connue, grâce aux moyens plus efficaces qu'on a pour la combattre et à une prophylaxie très avancée. La diphtérie n'est pas fréquente. En 1890, elle a sévi sur la campagne, dans les terrains bas et cette invasion fut terrible. Dans quelques maisons, 5 et 6 personnes sont mortes. Celles qui échappaient à la maladie pré- naient la fuite. Dans la ville, les ravages furent moins considérables. La présence de nombreux étrangers, favorise le déve- loppement des mesures prophylactiques auxquelles ils contribuent avec la meilleure volonté. Olavarria. - Olavarria est une localité située à 365 kilomètres au Sud de Buenos Aires. Sa population de 3.500 habitants s'élève jusqu'à 20.000 en comptant la 315 campagne qui comprend des petits centres, comme Hi- nojo très important autrefois, par suite de l'exploitation de ses carrières, Nièves. et plusieurs colonies de Russes et d'Allemands qui se dédient à l'agriculture. Cette loca- lité s'élève à 15 m. au-dessus du niveau de la mer. Elle est entourée par une série de montagnes qui appar- tiennent à la chaîne du Tandis et qui correspondent au système qui commence à l'extrémité du Cap Corrientes, sur l'Atlantique, du Sud-Est au Nord-Ouest, sous la forme d'un banc de pierres sous-marines qui s'étend graduellement et se divise en plusieurs cordons. La base de ce système embrasse 7.000 kilomètres carrés, et sa hauteur varie entre 300 et 400 mètres. Un autre système appelé de la Ventana, dont la base est de 2.500 kilomètres carrés, et dont l'élévation maxima est de 1.160 mètres, est séparé du premier par une vallée de quarante lieues. Les rues sont droites, d'une largeur de 17 mètres et terminées par un boulevard de circonvallation de 30 mètres. Son orientation est bien comprise. Le terrain est peu accidenté, aussi les eaux plu- viales ne recontrant pas d'obstacles qui les arrêtent, s'écoulent facilement et vont se jeter dans différents cours d'eau. Dans la composition du sol dominent les éléments calcaires et siliceux au-dessus de l'argile et de l'humus; pour cette raison la végétation n'est pas abondante, comme on en a la preuve par le peu de développement des arbres qui ont de profondes racines. Sa profondeur est de 15 à 80 centimètres, et une grande partie repose sur un sous-sol de marne argileuse et un autre sur un lit épais de craie avec une grande quantité d'argile. Malgré cela, on rencontre certains parages que le travail continu de la terre a permis de transformer et de ren- dre aptes à la culture au point de vue d'une bonne végétation. Certains autres présentent un contraste frap- pant avec ceux que nous venons de citer par leur ri- chesse en principes nutritifs, par l'épaisseur considérable de leur couche d'humus, qui les rendent d'une fertilité 316 extraordinaire. En 1892, on a semé 40.000 hectares de blé, et tout aujourd'hui assigne à cette contrée une im- portance spéciale pour la culture de cette céréale. Ses rendements seraient incalculables sans l'influence de certaines conditions climatériques qui mettent à con- tribution la constance et la bonne volonté de l'agricul- teur. La température très variable empêche d'obtenir tous les résultats qu'on pourrait retirer de la richesse du sol; en décembre elle s'élève à 35°. Le pays est traversé par la rivière « Tapalqué » qui prend sa source dans les versants du « Perdido », et se dirige du Sud-Est au Nord-Est; après avoir par- couru un trajet de 30 lieues, il se perd dans les envi- rons du « Salado ». Son volume d'eau est abondant, même en temps de sécheresse; il augmente pendant les périodes de pluie. Sa profondeur est grande, et comme son courant est rapide et constant, l'industrie a mis à profit les conditions qu'il présente pour faire fonctionner deux moulins qu'elle a installés sur ses rives. Il y a d'autres petits cours d'eau provenant des sour- ces des montagnes; les uns se jettent dans le Tapal- qué, les autres vont se perdre dans les terres perméa- bles qui les absorbent et ils vont alimenter les eaux qui constituent la première couche souterraine. Le climat est froid et très variable. L'hiver se prolonge longtemps, et on peut dire que durant huit mois de l'année les habitants de Olavarria sont sous l'influence de cette saison. En juin et juillet, la température en général est de 3° au-dessous de 0, et en juin 1892, elle a baissé jus- qu'à 7°. Dans les autres mois de l'hiver, le thermomètre mar- que en moyenne 2 et 3° au-dessus de 0, à 8 heures du matin, et on a constaté d'autre part des variations qui font monter le thermomètre de 10° à 12° dans un même jour. Par contre, l'été est très tempéré, surtout en décembre et janvier, ce qui n'empêche pas que la température atteint quelquefois 38° (maximum) et oscille autour de 317 35° pour redescendre rapidement. On comprend, avec de telles variations, que les céréales souffrent et que les récoltes ne donnent pas les bénéfices espérés. Les tem- pératures basses et continues jusque pendant le printemps tuent les pâturages et détruisent les grains. Les vents régnants sont ceux du Sud et du Sud-Est; parfois on sent les vents du Nord et plus rarement en- core le pampero. Les premiers sont continus et souvent violents. Il pleut très peu. La population fait usage de l'eau de puits qui est en général mauvaise. On y rencontre en abondance des sels calcaires à tel point qu'en la soumettant à la cha- leur on fait précipiter une partie de l'excédent qu'elle renferme, sous forme d'une couche de sédiment qui vient adhérer au récipient. Cette eau provient de la première couche, à 8 ou 10 mètres de profondeur, à l'exception de celle qu'on trouve dans les terrains bas qui est à 1 ou 2 mètres de la surface du sol. Nous verrons plus loin quelle est son influence sur la salu- brité en général. Les latrines sont installées comme dans les autres localités rurales; des fosses perméables qui arrivent jusqu'à l'eau. Cependant la municipalité a fixé la forme de leur disposition et de leur construction. Elles doivent avoir des parois imperméables et se trouver à une cer- tain distance des puits, mais on a tenu peu de compte de ces prescriptions. On peut dire la même chose des égouts. Olavarria est certainement un pays malsain. La fiè- vre typhoïde y est endémique et prend la forme épidé- mique en décembre, janvier et février. Durant les mois de juin, juillet et août de 1892, il ne s'est pas produit un seul cas de cette maladie et pendant cette période la température est restée constamment très basse, lais- sant un souvenir très marqué de sa rigueur, d'après le Dr. A. Pintos. Les chiffres les plus considérables de personnes at- teintes s'observent pendant les étés qui ont été pré- 318 cédés par des hivers pluvieux, et on a constaté que lorsque les hivers sont secs, le nombre des typhoïdes est moins élevé durant les chaleurs. Les premiers cas se produisent dans le quartier bas et se disséminent ensuite de tous côtés. En ce qui concerne la fréquence de la maladie, il faut dire qu'en 18 mois (année 1891 et premier semestre de 1892) il y a eu environ 400 dothiénentheriques sur les- quels 60 sont morts, c'est-à-dire 15 %. La raison principale de ce chiffre énorme réside, comme pour les localités que nous avons déjà étudiées, dans la mauvaise qualité des eaux, qui sont le véhicule de cette maladie, véritable fléau de la campagne. Ces eaux renferment le plus souvent des nitrates, des matières organiques de diverses origines, sans ou- blier celles qui proviennent des filtrations des latrines dont le contenu vient se mélanger avec elles. Aussi voit-on dans cette population se produire dans un an et demi 1000 cas d'entérites, gastro-entérites et entéro-colites; 400 de dothiénentherie etc. Peut-on in- troduire dans l'organisme une eau impure? Les faits sont là pour nous répondre. Les formes cliniques du typhus les plus communes sont l'abdominale et la thoracique. La maladie dure environ un mois, sauf dans les cas très bénins et dans ceux qui produisent des compli- cations ou autres symptômes qui lui enlèvent son caractère normal. Les épidémies typhoïdiques reviennent périodiquement chaque année, attaquent beaucoup les enfants de 5 à 15 ans, mais on ne peut préciser le chiffre des décès qu'elles provoquent. Nous avons dit que sur 400 ty- phiques, 60 succombent; nous devons faire remarquer que dans ce chiffre sont compris non seulement les malades de cette localité et de sa campagne, mais en- core ceux des pays voisins qui représentent le 20 % du total: Laprida, Pigüé, Sauce Corto, Coronel Suarez. En décembre 1891 et en janvier 1892, les petits vil- 319 lages de Lamadrid et Hinojo, ont été visités par la fièvre typhoïde qui y a fait de nombreuses victimes. Ces villages sont situés dans des terrains bas où l'agglomération des eaux est facile; ils présentent éga- lement d'autres conditions d'une influence malfaisante. Une circonstance qui contribue à augmenter la statis- tique, réside dans la négligence du public pour se faire soigner. Il est fréquent de rencontrer des individus qui sont dans un état maladif très déclaré et qui ne reçoivent aucuns soins, et il faut ajouter à cela le peu de précautions que l'on prend pour détruire le foyer épidémique ou atténuer ses effets. Le traitement employé est antiseptique et stimulant. Il consiste dans le calomel au début; 4 ou 5 jours après, le salol, la quinine, l'antipyrine, le salicylate de bis- muth, l'infusion de café, et la potion Jaccoud ou Todd, si cela est nécessaire. Afin d'éviter autant que possible la propagation de la maladie, on veille à ce que les personnes soignant les typhiques vivent dans les meilleures conditions, avec une ventilation bien comprise, une bonne hygiène dans les habitations; on procède à une désinfection des ma- tières fécales et des linges des malades, et on leur fait boire de l'eau ayant bouilli. Voyons la marche des autres maladies : la rougeole atttaque des personnes de tout âge et spécialement les enfants. Elle fait son apparition chaque année en octo- bre et atteint sa plus grande intensité en novembre et décembre, jusqu'à février et mars où déjà les cas sont plus bénins. Quand les étés sont pluvieux, les cas de rougeole sont plus compliqués et plus graves. On peut calculer à 600 le nombre des personnes atteintes de cette ma- ladie; mais sur le total, la moitié seulement reçoit des soins médicaux. Sa mortalité est très faible. On a ob- servé qu'elle se déclarait de nouveau chez des enfants qui l'avaient déjà eue. La scarlatine apparaît de temps à autre, et ses victi- mes sont rares; ceux qui en sont atteints ne doivent pas être plus de 40. 320 La variole qui, en d'autres temps, a décimé cette po- pulation, a disparu grâce aux progrès de la vaccination. En 1882-83 elle a été épidémique; mais aujourd'hui, c'est à peine si dans tout le pays ceux qui en sont at- teints arrivent à 40. La coqueluche attaque chaque année une grande quan- tité d'enfants. Les dangers qu'elle provoque sont aggra- vés par les changements de température qui déterminent des accidents redoutables. L'influ.enza s'est déclarée en 1891, et s'est propagée dans toute la contrée, à tel point qu'il n'y avait pas de maison dans laquelle il n'y eût un ou plusieurs ma- lades. Elle a été bénigne dans ses formes; mais les complications qu'elle a entraînées ont augmenté le chif- fre de la mortalité. En 1892, son invasion a été li- mitée. Au dire du Dr. Pintos, la diphtérie est peu connue à Olavarria et les cas qui ont été observés, ont été importés des villages voisins. Cette maladie a été béni- gne ici et ne s'est pas propagée, de sorte que quand elle prend fin, elle ne laisse pas de foyer. La tuberculose, si commune dans le reste de la pro- vince de Buenos Aires, n'a pas dans cette localité les proportions qu'elle a ailleurs. Sa mortalité est de 30 par an, mais sur ce total, la majeure partie correspond à des malades venus du dehors. Les variations fréquentes de température, les vents constants, la poussière qu'ils soulèvent etc., influent puis- samment pour précipiter le dénouement de la maladie. Nous le répétons, le plus grand nombre des tubercu- leux qui meurent ici, viennent d'autres endroits. L'ac- tion irritante de la poussière que le vent soulève, se fait sentir non seulement sur l'appareil respiratoire, mais encore sur les yeux et détermine de nombreuses affections de ces organes. Très Arroyos. - Cette localité du Sud de la pro- vince de Buenos Aires, compte aujourd'hui près de cinq mille habitants. Elle est située sur un terrain élevé, 321 entre trois cours d'eau, c'est de là que vient son nom. Les rues sont larges, et il y a plusieurs avenues. On n'a pas d'observations thermométriques, mais on peut affirmer que la température y est assez fraîche; en été même les jours de chaleur sont peu nombreux. Les soirées et surtout les nuits sont froides et il faut l'at- tribuer aux brises de la mer. Des vents violents soufflent parfois et principalement le pampero, qui est très sec et a une influence très salutaire. Le pays est ainsi constamment balayé par eux, et ce fait contribue puissamment à maintenir en bon état la salubrité publique. Le sous-sol est compact, de marne argileuse, couvert par une couche de terre végétale régulièrement épaisse. L'eau est à peu de profondeur, et comme eau de puits c'est une des meilleures. Malgré les bonnes conditions générales de cet endroit, il a été attaqué pendant ces deux dernières années par trois épidémies considérables : la première a été la rou- geole dont les cas ont été très nombreux. Heureusement les malades se sont guéris en dépit des complications qui se sont produites chez les enfants et chez les adul- tes: les pneumonies et les broncho-pneumonies. La se- conde a été l'influenza et son invasion a pris de telles proportions qu'on peut dire en vérité qu'elle n'a épar- gné personne. La troisième a été la fièvre typhoïde qui, durant la majeure partie de l'année 1892, a causé des ravages sérieux. Elle a commencé en mars et a conti- nué jusqu'à juillet avec une grande intensité et il faut remarquer que sur 30 malades, 5 sont adultes et les 25 autres, des enfants de 6 à 14 ans. Sur ce même chiffre de 30, il s'est produit une mor- talité de six: 2 adultes et 4 enfants. D'après le Dr. Puch, les premiers cas ont été impor- tés de plusieurs points de la campagne et on doit tenir compte de cette circonstance quant à l'issue fatale que la maladie a eue parfois. Ces décès sont dus à l'abandon des malades, à leur arrivée dans la localité en mauvais état; ils étaient fati- CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 21 322 gués par le voyage, et leur affection était très avancée. Nous avons dit que les enfants jusqu'à 14 ans avaient fourni le plus fort contingent, et il faut observer cette particularité que dans ce chiffre figurent justement les élèves des écoles. D'où provient cette préférence mar- quée de la fièvre typhoïde pour les enfants des écoles? Si nous en cherchons la raison, nous la trouvons dans ce fait que tous ceux qui habitent ces établissements boivent la même eau, et que cette eau vient de puits creusés à quelques mètres des latrines; ce voisinage facilite les filtrations et le passage des matières fécales à travers les parois du puits. La cause de ces faits étant connue, on s'est occupé d'y remédier. La pneumonie a été en général la complication des fièvres typhoïdes, et c'est à elle qu'ont succombé ceux qui figurent dans la statistique mortuaire. Cette maladie a été accompagnée de grands troubles nerveux, et on a constaté seulement chez deux malades qui ont succombé la forme ataxo-adinamique. Le traitement a consisté dans l'emploi de la liqueur de Van Switen associée au perchlorure de fer et au chlorate de potasse, et l'on a suivi toutes les indica- tions à mesure qu'elles se présentaient, facilitant ainsi la fin de l'affection. Dans les cas les moins graves et spécialement sur les enfants, le salicylate de soude a produit de bons effets. L'acide salicylique a été peu employé, mais toutes les fois qu'on y a eu recours, il n'a pas donné de résul- tats encourageants. On a fait usage également de l'antipyrine seule et mélangée avec du sulfate de quinine, des potions toni- ques, des désinfections intestinales, etc. La mortalité provoquée par la dothiénentherie est de toute façon considérable, et on peut dire qu'elle repré- sente le 3(1% de la mortalité générale. Pendant la pé- riode où cette maladie a dominé, sa proportion a été de 2 à 6. 323 La diphtérie se montre quelquefois; dans une seule maison cinq cas se sont produits dans l'espace de quel- ques jours et tous ont été guéris. L'entérite et la gastro-entérite s'observent également chez les enfants, mais ceux qui en meurent sont très rares. La municipalité manque de ressources pour entrepren- dre les travaux d'assainissement nécessaires, mais on a comblé dernièrement les marais qu'il y avait et on a empêché la stagnation des eaux pluviales. Plus tard il sera possible de faire d'autres efforts pour améliorer les conditions générales. D'un autre côté les médecins prodiguent de bons conseils et s'efforcent de propager toutes les mesures utiles et hygiéniques. Pueyrredon (Mar del Plata). - A 399 kilomètres au Sud de la ville de Buenos Aires, se trouve Mar del Plata, pays nouveau, sur l'Atlantique, présentant les magnifi- ques constructions que l'opulence et le bon goût ont réunies dans cette importante station maritime. Les ondulations du terrain couvert en partie d'une végétation abondante et spontanée, qui augmente avec les progrès de la culture; de grandes plantations d'ar- bres dans les environs; un climat froid; les commodi- tés et les attractions de la vie font de cette station balnéaire un centre de prédilection qui est très fréquenté à l'époque des chaleurs. Le sol est formé par une couche épaisse d'humus e par des terrains calcaires. La température est très variable, et ses oscillations très marquées d'un jour à l'autre, et même dans le cours de 24 heures. Les brises de l'océan d'une part, et les vents des collines voisines de l'autre expliquent ces changements. La moyenne est la suivante: hiver,8°; printemps, 16°• été, 22°; automne, 13°. Les plus grandes variations s'observent au printemps et en automne. 324 Des vents violents se font sentir quelquefois de 8 h. du matin à 5 ou 6 h. du soir, mais pendant le reste de la journée, le calme est à peu près complet. En hiver et au commencement du printemps, de véritables ou- ragans et des pluies torrentielles alternent avec un temps très tranquille. L'humidité en hiver est considérable, et la topogra- phie de la localité y contribue. Sauf les familles qui peuvent employer l'eau des ci- ternes, la majorité de la population fait usage de l'eau de puits comme boisson. Ces eaux sont assez bonnes comme qualité et paraissent réunir des conditions qui les rendent propres à la consommation. Par suite des ondulations du terrain, les eaux plu- viales ont un écoulement facile, ce qui n'empêche pas que dans certains parages quelques marais se forment. Ils sont sans importance, car ils disparaissent bien vite sous l'action des vents forts qui soufflent constam- ment. La pathologie de Mar del Plata est représentée: en hiver, par les maladies inflammatoires causées par les froids et les brusques changements de température; au printemps, par les catarrhes laryngés, les bronchites, les pneumonies, les pleurésies, les broncho-pneumonies; en été, par les catarrhes gastro-intestinaux, surtout chez les enfants, les méningites et autres affections cérébra- les; en automne, par les maladies infectieuses et spé- cialement par la fièvre typhoïde qui, dans ces dernières années, a eu un caractère sporadique. Cette maladie est presque toujours importée par des malades de la cam- pagne ou de petits villages environnants qui accourent à la recherche de soins. On la constate également parmi les habitants de la localité, sans qu'on puisse dire qu'il y ait un quartier plus attaqué qu'un autre; cependant elle se présente plusieurs fois dans des maisons qui sont dans de mauvaises conditions, où il y a agglomération de personnes., et où, par suite, l'hygiène manque. Il est certain que l'eau des puits, lorsque ceux-ci sont voisins des latrines, est un moyen de transport du germe typhique. De tous les typhoïdés, soignés pendant ces 325 cinq dernières années, un seul faisait usage de l'eau de citerne; tous les autres buvaient de l'eau de puits. L'unique épidémie typhoïdique qui se soit produite, est celle qui a régné pendant les années 1889-1890, durant laquelle, sur 452 malades, 43 ont succombé. La forme clinique qui se présente le plus fréquem- ment est l'abdominale; on constate également une forme spéciale caractérisée, d'après le Dr. Hermida, par la persis- tance d'une forte fièvre, la tuméfaction de la rate et quel- ques épistaxis sans qu'on signale la présence d'autres symptômes qui accompagnent habituellement cette affec- tion. Elle se termine par la guérison, après trois ou quatre semaines,, dans l'immense majorité des cas. Comme traitement on a employé l'antisepsie du tube intestinal par le naphtol, on donne des bains tièdes, du vin de peptone, du lait, du café, des stimulants; on combat les complications à mesure qu'elles se pré- sentent. On procède, en outre, à la désinfection des ma- tières fécales, du linge et des latrines, on recommande l'emploi de l'eau ayant bouilli et l'observation de tous les bons conseils hygiéniques. La mortalité typhique est de 10 %. En dépit du caractère bénin qu'elle affecte générale- ment, c'est la plus meurtrière des maladies qui régnent dans cette localité; pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que Xinfluenza, dont les cas ont été si nom- breux, n'a pas occasionné de morts; la rougeole et la coqueluche, le 3 ou 4%; la variole, le 1 %. La fièvre typhoïde comparée avec les autres maladies infectieuses, est plus meurtrière que toutes les autres réunies. Le 5 % des enfants qui en sont atteints, succombe. L'acclimatation se fait très bien pour l'étranger, qui jouit d'une bonne santé; toutefois les affections pulmo- naires s'aggravent ici sous l'influence d'une tempéra- ture extraordinairement variable. Comme travaux d'assainissement, on a fait construire des latrines imperméables en briques recouvertes avec du ciment de Portland; ainsi pourront être évitées les tiltrations, etc. 326 Bahia Blanca. -C'est un des ports les plus importants de la République Argentine, sur l'Atlantique; il est à 680 kilomètres au Sud de la ville de Buenos Aires. Son importance résulte des facilités qu'il offre, de la richesse de la grande zone d'agriculture et d'élevage dont il est le centre, et de l'immense avenir commercial qui lui est réservé. Parmi ses éléments climatériques, nous devons si- gnaler les suivants : les températures extrêmes qui ont été observées sont: maxima 41° en janvier 1877; 40 en février et mars 1867, avec un vent du Nord; minima 5° au- dessous de 0 avec un vent Nord Ouest; les moyennes selon les saisons, sont : été, 22°19; automne, 15°15; hiver, 8°53; printemps, 15°16; annuelle 15°26. La moyenne du mois le plus chaud (janvier) est de 23°07, et celle du mois le plus froid (juillet) 7°97. La pression atmosphérique la plus élevée est de 779 44 millimètres avec un vent Est, et la plus faible 734.80 millimètres avec un vent Nord-Ouest. La plus grande humidité atmosphérique s'observe en juin, 73.2; la plus petite, en décembre 53.6. Les époques les plus nuageuses sont en juin et juillet; celles pendant lesquelles le ciel est le plus serein, ont lieu en décembre, janvier et février. Les pluies sont abondantes; il arrive qu'il tombe dans une année 913 mm. 6 comme en 1876; mais la moyenne varie entre 400 et 600 mm. par an. Les mois les plus pluvieux sont généralement octobre, novembre, décembre, février et mars. La moyenne an- nuelle obtenue après 23 ans d'observations étant de 488 mm., chaque saison est représentée ainsi: été 130.3; automne 135.7; hiver 79.3; printemps 143.0. Les vents dominants sont Nord-Ouest, Nord, Ouest et Sud-Est; ils sont très forts, particulièrement au prin- temps et en été. Les ouragans se font sentir assez fréquemment. Les conditions topographiques de Bahia Blanca sont mauvaises. 327 L'enceinte de la ville représente un bas fond entouré de marais ; la rivière Napostâ, dont le cours est peu important et le lit boueux, coule à ses pieds. Les terrains adjacents sont plus bas que la ville, et les inondations provoquent la formation de lagunes qui, venant s'ajouter aux odeurs méphitiques produites par la décomposition des matières organiques, des cadavres d'animaux, des restes végétaux emportés par le courant, constituent un véritable danger pour la santé publique. Pareille énonciation se prouve sans effort; il en est de même de l'inconvénient sérieux que présente l'ancien cimetière situé à peu de distance- , de la place prin- cipale, dans un endroit très habité. Les latrines offrent les mêmes défauts que nous avons constatés et que nous rencontrerons dans toutes les localités de la campagne; ce sont des puits creu- sés à côté de ceux qui fournissent l'eau, et ils don- nent ainsi toutes les facilités pour qu'une commu- nication s'établisse entre eux. Les infiltrations sont évidentes : la fréquence de la fièvre typhoïde qui a souvent une grande intensité, le démontre. On est arrivé à constater 100 personnes atteintes de cette maladie, comme cela s'est produit en 1885, et sur ce nombre il en mourait 8 ou 10 par mois. Ajoutons que l'origine de la dothiénentherie est ici prouvée d'une façon indéniable par l'usage continu de l'eau des puits que fait -une grande partie de la population. L'état sanitaire laisse toujours à désirer : la morbi- dité en est la preuve. La tuberculose pulmonaire et toutes les affections des appareils respiratoire et digestif sont très fréquentes. Le chiffre de la mortalité varie autour de 300 par an. Les facteurs les plus importants dans la statistique mortuaire, au point de vue du nombre, sont : la gastro- entérite, la tuberculose pulmonaire, la faiblesse congé- nitale, la pneumonie, les lésions cardiaques, la gastrite, l'hépatite interstitielle, le tétanos infantil, la fièvre ty- phoïde, etc. Selon le Dr. Cabello, parmi les améliorations qu'il est indispensable d'introduire dans cette importante 328 ville, l'installation d'un bon service d'eau potable se recommande comme une mesure urgente; le déplace- ment du cimetière, le dessèchement des marais, les conseils donnés à la population sur l'hygiène générale en lui inculquant la notion des avantages de la propreté. La première, le service d'eau, est la plus nécessaire. L'ingénieur E. Aguirre, après avoir étudié spécialement cette question, a proposé sa solution sous cette forme : 1° Employer les eaux du Napostà; 2° par le moyen de puits creusés sur l'ancienne ligne de la côte (Coteau des Paraguayens), et 3° par des puits artésiens. Il ne fait pas figurer la. distillation de l'eau de mer, parce qu'en raison de l'importance de la dépense, il considère ce moyen comme la dernière ressource. Les navires s'approvisionnent d'une eau tirée d'un puits creusé dans le « Jimenez », à deux kilomètres de la ville et amenée jusqu'à l'extrémité de la jetée par un conduit. Dans ce même parage, on lave le linge et les animaux s'y baignent, ce qui constitue un danger à cause de l'infection qui peut en résulter. Cela s'est produit durant l'épidémie de 1886, pendant laquelle les eaux du Napostâ se contaminèrent et produisi- rent dans la population, proportionnellement au nombre des habitants, plus de victimes que sur tout autre point de la République, y compris Mendoza. Je n'ai pas de doute que la provision de la ville de Bahia Blanca pourra être fournie dans l'avenir par cette rivière en améliorant la prise de deux façons : 1° au moyen de puits séparés du lit de 100 mètres et plus, en mettant à profit quelque couche perméable pour la filtration; 2° en choisissant un point plus élevé que l'actuel et en remontant, si cela est nécessaire, jusqu'à sa source, à 80 kilomètres de Bahia Blanca. (4) (x) Aguirre: Pokos artesianos y provision de agua en la ciudad de Bahia Blanca. CHAPITRE XII PROVINCE DE BUENOS AIRES - REGION CENTRALE Sommaire. - Etude de cette région au point de vue de sa population, topographie, climat, morbidité, mortalité. - Maladies infectieuses : fièvre typhoïde, diphtérie, rougeole, scarlatine, variole. - Maladies générales. - Epidémies. - L'influenza. - Cette région embrasse les localités suivantes : Moron, San Justo, Merlo, Lujan. Mercedes, Chivilcoy, Saladillo, 25 de Mayo, Bragado, Bolivar, etc.- Statistique. - Observations et conclusions.- Néces- sités qui s'imposent. - Assainissement. Moron. - Moron est situé sur un point très bas; les ondulations des terrains immédiats se constatent facilement et présentent un contraste avec la topogra- phie de la localité qui est, par suite, humide. La végétation y est abondante. Son climat ne diffère pas de celui de la région à laquelle il appartient; les saisons y sont nettement marquées: fortes chaleurs en été, avec des abaissements respectifs de température; froids intenses et gelées en hiver. Dans la pathologie de cette localité et indépendam- ment des rhumatismes et des affections des voies res- piratoires durant l'hiver, des maladies du tube digestif pendant l'été, très communes surtout parmi les enfants, il faut noter ici les circonstances qui agissent certaine- ment pour maintenir un état maladif qui appelle l'atten- tion par sa fréquence. Tout d'abord nous trouvons l'humidité du sol et avec elle la tuberculose pulmonaire qui attaque de préférence la jeunesse. 330 Le Dr. Tornû nous a cité de nombreux cas de cette maladie, qui révèlent son apparition précoce dans des organismes en train de se développer. La fièvre typhoïde comme la diphtérie, sévissent à Tétât endémique et ces deux maladies constituent de véritables épidémies qui ont des conséquences fatales. La première se présente en généra] sous la forme cérébrale. Les complications qui Raccompagnent sont terribles et on a vu quelquefois survenir des entéror- ragies qui tuaient le malade. La population s'approvisionne d'eau de citerne et de puits; le plus grand nombre ne se sert que de ces dernières. Chez les enfants, on constate très fréquemment des perturbations du tube digestif, de gastro-entérite, de choléra infantil. La coqueluche envahit souvent. On voit, par suite, que les maladies infectieuses do- minent dans cette localité. Il faut l'attribuer surtout à la mauvaise qualité des eaux, la situation du village dans un bas fond, qui mantient une humidité cons- tante. Nous citerons aussi l'influence des résidus végé- taux qui, avec les pluies et sous l'action de la cha- leur, entrent bien vite en décomposition. Tels sont les éléments qui maintiennent l'infection, éléments perma- nents dont les effets sont évidents. Il serait bon que les autorités sanitaires intervins- sent en faveur de cet endroit, voisin de Buenos Aires, qui, pendant Tété, est visité par de nombreuses familles. San Justo. (') - Cette petite localité de la campagne Ouest de la province de Buenos Aires, compte 3.000 habitants, mais en y ajoutant ceux de la section rurale, elle atteint 6.000. (x) Les renseignements relatifs à ce bourg sont applicables à Liniers, Monte Castro, Ramos Mejia, Haedo, San Martin, qui se trou- vent dans des conditions analogues. 331 Son sol est perméable et se prête à toutes sortes de cultures; son climat tempéré. San JustoetRamos Mejia sont construits sur des terrains élevés, ils ont de nom- breuses plantations d'arbres, et dans l'un et l'autre la population rurale est très disséminée. Les habitants de cette région se servent de l'eau de puits qui est la seule qu'ils aient à leur disposition. Les latrines sont en général situées très près des ha- bitations, et arrivent jusqu'à l'eau. Il n'y a pas de marais. Les mois de mars et d'avril sont les époques où la fièvre typhoïde se développe, ainsi que l'a observé le Dr. Ardoino, en 1892, où cette maladie a pris les pro- portions d'une véritable épidémie; elle est également fréquente en septembre et octobre. Nous avons déjà fait observer l'influence des eaux sur la production de la fièvre typhoïde, et les rapports étroits qui existent entre elles et les latrines, qui sont souvent à fleur d'eau. Ajoutez à ces circonstances les dépôts de fumier amoncelés près des habitations et qui servent pour engraisser la terre; les fermentations qui s'y produisent sous l'action du soleil et de l'humidité; le peu de cas que l'on fait de toutes les autres pres- criptions hygiéniques, et on aura la mesure approxi- mative de l'existence que l'on mène dans ces petits villages. C'est pour toutes ces raisons que les maladies infec- tieuses s'y produisent constamment, et il suffirait de modifier les conditions de vie de ces populations pour diminuer notablement la morbidité. Mais comment faire comprendre à un pauvre campa- gnard qu'il est nécessaire de boire de l'eau préalable- ment filtrée? Quelle éloquence ne faudrait-il pas déployer pour le convaincre de l'utilité du filtre? Il faut continuer à vivre ainsi en luttant non seule- ment contre les difficultés spéciales des petits bourgs, mais encore contre l'ignorance et les préjugés des ha- 332 bitants. Il ne faut pas s'étonner, en tenant compte de ces observations, si sur 100 cas de maladies infec- tieuses se déclarant dans ces parages, 70 correspondent à la fièvre typhoïde, 10 à la rougeole, 5 à la scarlatine, 5 à la variole et 5 à la diphtérie, ainsi que le démontre l'observation des faits pendant l'année 1893. En mars et avril de la même année, la proportion de la fièvre typhoïde, par rapport aux maladies en gé- néral, a atteint 80 %; en septembre et octobre 50 %. et pendant les autres mois elle a été de 10%. Cependant la mortalité typhoïde comparée à celle des autres maladies infectieuses représente seulement en général 6 %; celle de la rougeole et de la scarlatine est la même; celle de la variole est double; celle de la diphtérie quadruple. En comparant la mortalité typhoïde avec la mortalité générale, il résulte qu'elle est de 10 %, d'après le Dr. Ardoino. Le nombre des enfants attaqués par cette dernière maladie a été considérable; mais comme presque tou- jours dans cette période de la vie, le pronostic de la fièvre typhoïde est favorable, il a été possible de sau- ver la grande majorité des petits malades et c'est ainsi que sur 50 cas,, un seul a succombé, ce qui donne une proportion de 2 %. Les formes cliniques de la maladie qui se sont pro- duites sont l'ataxo-adinamique et la cérébrale. Le traitement est celui que recommandent les auteurs. On n'a pas pris de mesures prophylactiques, si ce n'est les conseils donnés aux personnes, et les indica- tions relatives à l'emploi des filtres. Parmi les maladies régnantes, en dehors de celles que nous avons mentionnées, nous rappellerons particuliè- rement l'influenza et toutes les affections de l'appareil respiratoire qui, dans l'année actuelle, ont pris des pro- portions alarmantes. Merlo. - Merlo ne se distingue pas des localités voisines par des caractères spéciaux; sa topographie présente des ondulations marquées en raison desquelles 333 nombre de marais existent. Par suite, une partie du terrain est boueuse; de plus, la rivière qui divise les districts de Merlo et de Moreno déborde à des époques détermi- nées et contribue à rendre ce pays humide. Les chiffres des maladies ne sont pas élevés par rap- port à la population, qui est approximativement de 4.500 habitants. La fièvre typhoïde est cependant assez fréquente dans la classe pauvre, qui vit dans de mauvaises conditions d'hygiène et fait usage d'eau de puits peu profonds. IL se produit également quelques cas de variole, de rougeole et de scarlatine, mais on ne peut dire que ces maladies aient un caractère épidémique. Le Dr. Salaberry pense, avec raison, que le jour où l'Ouest de la province de Buenos Aires bénéficiera d'une canalisation bien dirigée qui permettra l'écoulement des cours d'eau, comme on projette de le faire dans le Sud, les conditions générales de ces endroits se modifieront complètement. On supprimera ainsi une grande quan- tité d'étangs et les bienfaits seront plus grands encore si on plante des arbres en abondance. La salubrité de la contrée y gagnerait beaucoup, la fièvre typhoïde se- rait moins fréquente et les champs si cultivés et si riches dans ces parages donneraient des produits bien plus considérables. Le climat est égal à celui des autres endroits dont nous venons de parler. Lujan. - Lujan est une ville située dans l'Ouest, ayant une population de 16.000 habitants, y compris la partie rurale. Le terrain présente des ondulations mar- quées, qui permettent le facile écoulement des eaux pluviales. Le sol est imperméable, de marne argileuse; dans la campagne, il est très perméable et les pentes conservent leur inclination. La circulation de l'air est remarquable, car la partie la plus peuplée se trouve précisément dans un parage élevé et par conséquent à l'abri des inondations. L'eau de la première nappe se rencontre à six ou 334 sept mètres de profondeur et c'est celle qui alimente les puits où les habitants s'approvisionnent. Il existe des puits jaillissants à 35 et 40 mètres de profondeur. Les latrines situées à 4 ou 5 mètres des puits sont creusées à la même profondeur que ces derniers; ce dangereux voisinage produit naturellement la contami- nations des eaux potables. La fertilité de la terre est extraordinaire. Il n'a jamais été remarqué que la région pût être marécageuse. Les débordements du rio qui passe très près du cen- tre de la cité sont assez rares, mais il conviendrait d'exécuter quelques travaux pour augmenter son lit et supprimer ainsi cet inconvénient par un plus grand courant donné à ses eaux. Le climat est doux et il n'y a pas de maladie qui lui soit imputable. Les températures sont, à très peu de différence près, celles de la ville de Buenos Aires et c'est sans doute grâce à la grande ventilation de la région que l'on sent moins la chaleur et davantage le froid. La santé publique est très satisfaisante, bien que dans les deux derniers étés des épidémies de variole se soient déclarées; grâce à la vaccination elles ont disparu. En septembre et en octobre 1893, le Dr. A. Reyna a constaté l'existence d'un nombre relativement élevé de pneumonies infectieuses. Il ne serait pas impossible que la plus grande partie soit la conséquence de l'in- fluenza. Parmi les maladies que l'on note, on ne peut pas dire que la fièvre typhoïde ait une prédominance mar- quée; c'est à la fin de l'hiver et à l'entrée du printemps qu'elle se présente, et c'est assurément à la mauvaise qualité des eaux de consommation qui, nous Lavons vu, proviennent des puits, trop rapprochés des latrines, que l'on doit l'attribuer. La forme abdominale est celle qui s'observe le plus. Le traitement est tonique; on obtient l'antisepsie intes- tinale au moyen du naphtol et du benzo-naphtol. On 335 rencontre aussi des cas de pneumonies, de pleurésies, de bronchites et autres affections qui fournissent à la statistique leur contingent habituel. La localité est en très bonne conditions de salubrité par sa situation quelque peu élevée et par la bienfai- sante aération dont elle jouit. En s'établissant dans cet endroit, les étrangers n'é- prouvent aucune altération dans leur santé; le climat est si tempéré que tous peuvent y fixer leur résidence. Lujan est considéré généralement chez nous comme un pays favorable aux tuberculeux. Le Dr. F. Ben- golea. médecin, qui y a exercé, nous a dit : Au cas où j'aurais à nie prononcer sur l'influence de ses conditions climatologiques et topographiques à propos de la fré- quence de la tuberculose, j'inclinerais à les réputer réfractaires jusqu'à un certain point au développement de cette maladie, car les cas qu'il m'a été donné de constater, ont été très rares pendant mes 20 mois d'exercice professionnel dans cette ville, même en tenant compte dans le total des individus provenant d'autres points. Mercedes. - Mercedes est une des villes les plus importantes de la province de Buenos Aires; siège des autorités judiciaires, elle est un centre commercial très actif à raison de sa proximité de la capitale fédérale. Elle a aujourd'hui 13.000 habitants, et en tenant compte de la population rurale, 25.000. Le terrain sur lequel elle s'élève est à 35 mètres au- dessus du niveau de la mer, et il résulte de la consti- tution de son sol que la première couche est formée de terre végétale extrêmement fertile, de 90 centimètres d'épaisseur, la seconde est argileuse et la troisième, en grande partie calcaire., de carbonates en particulier. Son nivellement convenable, sa topographie favorable, ses avenues plantées d'arbres, ses places, ses jardins et autres ornements publics lui donnent un aspect d'im- portance qu'elle a certainement; mais il faut dire que 336 la construction des maisons laisse beaucoup à désirer au point de vue de l'hygiène et que le sol est très hu- mide parce que la moitié des rues n'est pas pavée. Plus loin, en parlant des maladies, nous aurons à insister sur ces inconvénients. Examinons le climat et ses éléments. Les saisons sont bien caractérisées. En été, la chaleur est très forte, et le froid, en hiver, est intense. L'au- tomne et le printemps sont presque toujours doux et agréables. Les changements brusques de la température atmos- phérique influent notablement sur le climat. Nous ve- nons de signaler l'humidité du sol entretenue par le manque de travaux qui auraient amélioré ses conditions; disons aussi que la saturation de l'air par la vapeur d'eau est complète, ce qui est établi d'une façon évi- dente par l'influence que cet état hygrométrique exerce sur les manifestations de l'organisme. Dans les saisons intermédiaires, les pluies sont abon- dantes; en hiver, les gelées sont très fortes. Les vents régnants sont: le Nord, chaud et malsain, il a une action nuisible sur la santé et est très connu pour ses effets; le pampero, froid et violent. Il y a d'autres vents périodiques : le Nord-Est, chaud et sec, l'Ouest, humide et froid. La rapidité de ses courants atmosphériques est variable, elle oscille entre le vent modéré et l'ouragan. Mercedes n'a pas d'installation d'eaux courantes ; la population fait usage des eaux du rio, des citernes et des puits. Le rio Lujan, qui prend naissance à quelques lieues de la ville, la traverse dans ses faubourgs du Nord et de l'Ouest; ses eaux renferment diverses substances organiques qui les rendent impropres comme boisson; elles ont une couleur verdâtre et trouble, elles ne cui- sent pas bien les légumes qui se durcissent, et ne dis- solvent pas le savon. Une des causes qui certainement contribuent à la 337 mauvaise condition de ces eaux, est une prise (tajamar) construite aux portes de la ville pour approvisionner d'eau un moulin à vapeur dans lequel on prépare la majeure partie des grains de la province. Ce barrage reçoit des matières organiques qu'on jette du moulin et qui contribuent à conserver les eaux en mauvaise état. En présence de ces inconvénients qui menaçaient de convertir le rio en un foyer d'immondices, la com- mission locale d'hygiène résolut d'ouvrir les portes de l'écluse. Heureusement ces eaux sont peu utilisées pour les usages domestiques, de nombreuses maisons ont des citernes auxquelles s'approvisionnent les fa- milles d'une certaine position. Le premier courant souterrain qui sert pour alimen- ter les puits se trouve entre 7 et 9 mètres. Celui des eaux semi-jaillissantes de la première couche est entre 28 et 35 mètres; celui de la seconde à 70 mètres. L'eau des puits est employée comme boisson par une grande partie de la population. Elle n'est pas bonne pour cet usage parce qu'elle est chargée de sels qui la décomposent, mais les habitants ne veulent pas en- tendre raison et persévèrent dans leurs habitudes. Ajoutez à ces inconvénients la proximité des latrines qui sont toujours mal construites, sans un mur en ma- çonnerie qui empêcherait les filtrations et le mélange des eaux et des matières fécales. Nous avons dit que la moitié des rues n'était pas pavée. Il en résulte qu'avec les pluies abondantes de l'hiver, l'humidité se conserve indéfiniment et donne lieu sur certains points à la formation de bourbiers dont les éléments se décomposeront plus tard sous l'ac- tion de la chaleur. Voyons maintenant la morbidité. Les maladies de l'appareil respiratoire sont fréquentes; la tuberculose pulmonaire revêt des caractères très graves; très rapide dans ses évolutions, elle fait de nom- breuses victimes. Les affections cardiaques sont très communes, celles de la peau le sont moins. A des époques déterminées CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 338 de Tannées la dipthérie et les fièvres éruptives sévissent avec un caractère épidémique. La syphilis est très ré- pandue., mais ses symptômes ne sont pas très graves. Les vices de conformation sont extrêmement rares. Le paludisme ne se produit pas, les seuls cas qui se sont présentés n'ont pas eu d'importance. Le goitre est in- connu parmi les habitants. Les calculs de la vessie sont exceptionnels. Les étrangers s'acclimatent sans que leur santé soit atteinte. La mortalité des enfants est très considérable et parmi les maladies qui contribuent le plus à ce résultat, il faut citer celles des organes respiratoires. En nous occupant particulièrement de la fièvre ty- phoïde, nous dirons avec le Dr. J. Vasquez, médecin résident, qu'elle atteint sont plus grand développement à la fin de l'hiver et au commencement de Tété; pen- dant les autres saisons, elle est sporadique. On peut établir les caractères de cette maladie en constatant qu'elle se déclare de préférence dans les faubourgs, sur les bords du rio, dans les environs de la prison, dans les dépôts et autres établissements se trou- vant évidemment dans de mauvaises conditions d'hy- giène et on peut dire aussi qu'elle domine dans le Sud- Est de la ville où les terrains sont bas. De la proximité étroite existant entre les latrines et les puits dont se sert une grande partie de la popula- tion qui boit ainsi une eau à tous égards impure et malsaine, on déduit que la cause de la fièvre typhoïde réside dans cet état de choses qui, tout au moins, favo- rise la propagation de la maladie qui est endémique pour cette raison. Les statistiques qui ont été dressées établissent que par rapport aux maladies en général, la fièvre typhoïde représente de 8 à 10 %. Si on compare sa fréquence avec celle d'autres maladies, on constate que la variole sévit beaucoup plus, que les cas de rougeole sont deux fois plus nombreux, ceux de diphtérie le sont davan- tage encore et ceux de tuberculose cinq fois plus. 339 Toutes les formes cliniques se rencontrent dans le cours de la fièvre typhoïde, depuis la plus bénigne jus- qu'à la plus grave; mais celle qu'on observe le plus fréquemment, c'est l'ataxo-adynamique. La mortalité typhoïdique est élevée; 40 décès sur 100 malades. Ce chiffre est dû aux complications pulmo- naires et cérébrales qui surviennent. L'infection puer- pérale présente la même proportion. Les épidémies de typhus sont rares. Celles qui se sont produites en 1872 et en 1886 n'ont pas fait beau- coup de victimes. En avril 1892, cette maladie s'est répandue et a tué 10 personnes, ce qui est beaucoup pour cette saison de l'année. Le traitement conseillé par les bons praticiens a été suivi, et la statistique prouve les résultats obtenus: presque la moitié des malades a succombé. Ce qui a été appliqué avec succès, c'est l'entéroclise avec des so- lutions de bichlorure de mercure et de nephtaline al- ternées. La diphtérie tue de 85 à 90 de ses malades; la va- riole, le 35 %, la scarlatine et la rougeole le 10 %. Nous avons dit plus haut qu'à Mercedes il meurt beaucoup d'enfants. Il ne faut pas l'imputer à la fièvre typhoïde, mais plutôt aux affections de l'appareil respi- ratoire qui, par suite des conditions d'humidité de la localité, ont le caractère le plus grave. La phtysie est d'une fréquence alarmante et il n'est pas aventuré de soupçonner que la construction défec- tueuse des maisons presque toujours humides est une des raisons qui y contribuent. Selon le Dr. Vasquez, le chiffre total des morts a été de 368 en 1891 et de 392 en 1892. Quand on est sous le coup de la menace d'une épi- démie, on a recours aux mesures prophylactiques et dernièrement, lors qu'on craignait une invasion du cho- iera, on a mis la ville dans de bonnes conditions d'hy- giène ou tout au moins aussi bonnes qu'il était possible 340 de le faire avec les ressources limitées dont on disposait. Les puits ont été nettoyés, les latrines désinfectées, les égouts assainis, etc. On a pris également plusieurs mesures répondant au même but; on n'a pas oublié les leçons de l'expérience en tenant compte que, pendant l'épidémie de 1868, le choléra a produit le 70 % de la mortalité générale. Mercedes, par sa proximité de la Capitale de la Républi- que, par ses industries, par la richesse de ses établisse- ments d'élevage et son importance comme centre principal d'une grande zone de la province de Buenos Aires, est appelée à une heureuse transformation, et il importe que ses autorités se préoccupent de lui assurer les élé- ments nécessaires qui faciliteront son développement. Il faut compléter le pavage des rues, il est indispen- sable de la doter d'eaux courantes et d'autres services publics qui accentueront son caractère actuel comme ville de progrès et assureront sa salubrité dans l'avenir. Chivilcoy. - Chivilcoy, située à 158 kilomètres à l'Ouest de Buenos Aires, est, par la richesse de sa terre et par l'abondance de son bétail, un des points les plus importants de cette région. Le nombre actuel de ses habitants, composée princi- palement d'Argentins, comme aussi d'Italiens, d'Espa- gnols, de Français, d'Anglais, de Suisses et d'Allemands, est de 20.000, et s'élève à 30.000 si on tient compte de la population rurale. D'après les recensements de 1869, cette ville comptait 6.338 âmes. L'augmentation qui s'est produite est bien justifiée par la bonté du sol pour la culture, et par la facilité du développement commercial. Les terrains sur lesquels la ville est construite sont bas; c'est une raison pour que les eaux pluviales sé- journent et forment des marais qui rendent le transit difficile surtout pendant l'été. Durant cette saison, une poussière très fine qui est augmentée par le trafic, par la circulation des voitures et des chevaux se dégage du 341 sol, mais les plantations d'arbres qui existent dans quelques-unes des rues les plus larges, atténuent cet inconvénient. Le climat est variable. La température est douce; elle varie en hiver, entre 7 et 15°; et en été, entre 20 et 22°. L'automne et le printemps présentent des températures de 15 à 25°. Les vents qui régnent sont du Nord et du Sud; ce dernier produit parfois des différences thermométri- ques de 15 degrés en quelques heures. Ainsi s'expli- que la fréquence des bronchites, des laryngites, des pneumonies, etc. Quand le vent du Nord dure deux ou trois jours, le thermomètre marque de 25° à 28°. En général, d'après le Dr. Franceschi, après le vent du Nord et avec une pression barométrique de 74° à 76°, on peut annoncer la pluie et un changement subit de température avec un abaissement de 8° à 10° de chaleur après la tourmente. La moyenne hygrométrique dépasse 72° et il est à propos de dire que l'humidité du sous-sol est grande. Les rosées et les gelées sont fréquentes surtout au printemps, mais il n'est tombé de neige que bien rare- ment. Si le courant froid du pampero réussit quelque- fois à congeler la pluie dans l'air, celle-ci tombe sous forme de grêle qui se fond instantanément dès qu'elle touche le sol. Cependant ces grêlons atteignent parfois la grosseur d'un œuf de pigeon et même plus encore, et occasionnent des dégâts considérables aux végétaux et aux jeunes animaux. Sur plusieurs points de cette contrée, on rencontre des terrains bas qui, pendant les périodes de pluie, consti- tuent de véritables marais avec tous les dangers résul- tant de la putréfaction du terrain et des détritus animaux et végétaux. Cet inconvénient des bourbiers et des dé- pôts d'eaux peut être évité en faisant écouler les eaux vers les ruisseaux qui se dirigent du Nord au Sud. Ces ruisseaux sont à un niveau de 4 ou 5 mètres au-dessous de la localité et communiquent à une lieue du pays 342 avec le ruisseau appelé de Chivilcoy, qui se jette dans le rio Salado cinq lieues plus loin. Malheureusement ces marais sont permanents. Le Dr. F. Bengolea dit, avec raison, « que les émanations méphitiques qui s'en dégagent déterminent des fièvres intermittentes, remitentes et continues ayant parfois un caractère pernicieux; qu'elles provoquent des affections sporadiques, endémiques et épidémiques dont le déve- loppement ne saurait cependant leur être attribué ex- clusivement. Il est démontré actuellement que le voisi- nage des eaux bourbeuses abrège la vie humaine et décime les populations en contribuant au développement du germe des maladies infectieuses. Pour ma part, ajoute- t-il, je puis affirmer qu'à Chivilcoy le typhus abdominal et la diphtérie sont plus fréquents et plus graves dans les environs de la place Echeverria, où les habitants respirent les miasmes paludéens, foulent un sol cons- tamment humide et pourri, boivent une eau désagréable et extrêmement saumâtre. Il faut ajouter à cela la mau- vaise qualité de la viande qu'ils mangent, l'altération du lait, du vin, de l'huile et des autres articles de consom- mation. » Malgré tout, la mortalité a diminué et la po- pulation augmente rapidement. Tant que les marais n'auront pas disparu, on ne pourra améliorer les conditions de la vie des habitants; si on tient compte de l'importance des travaux de canalisation, non-seulement au point de vue de l'hygiène publique, mais encore à celui de la possibilité d'utiliser les champs pour l'élevage et l'agriculture, on comprend qu'ils soient réclamés avec instance, et on doit désirer qu'ils soient exécutés sans retard. Rappelons, à titre de renseignement, que dans quel- ques endroits de la province de Buenos Aires les inon- dations ont causé des préjudices considérables à l'éle- vage et à l'agriculture. Nous espérons que ces travaux se réaliseront, aussi bien dans cette région que dans l'autre, au profit des grandes richesses qu'elle contient. 343 Le système adopté pour la construction des latrines est des plus primitifs, et, bien qu'on veuille dire qu'il n'a pas influé ici d'une façon notable sur la santé pu- blique, nous ne pouvons moins faire que de le condamner comme anti-hygiénique. C'est un véritable attentat contre la santé et la vie des habitants que cette habitude de creuser un puits plus où moins éloigné de celui qui est destiné à four- nir de l'eau, pour en faire un réceptacle d'immondices qui, à la première couche d'eau, à 4 ou 5 mètres de pro- fondeur (ou moins encore), se mélangeront avec elle et s'infiltreront jusqu'au moment où le danger éclatera au grand jour sous la forme connue de certaines maladies infectieuses. La plupart des puits ne peuvent servir pour cette raison. Jusqu'à aujourd'hui, quand on construisait un édifice à la campagne, il était indispensable de creuser le puits à côté des latrines. Les excavations pour les latrines et les égouts se font jusqu'à la première couche d'eau, à 6 ou 8 mètres de profondeur, ou on traverse un filtre de sable de deux mètres environ; les parois du puits sont faits d'une terre poreuse qui est facilement attaquée et laisse pas- ser les matières des latrines qui saturent et corrompent l'eau. Dans les faubourgs de cette localité, soit qu'il n'existe pas de latrines, soit négligence des habitants, les ma- tières fécales et les eaux sales sont abandonnées à l'air libre, et parfois elles servent avec les autres détritus pour combler les marais. Malgré tous ces outrages faits à l'hygiène, en dépit des dépôts d'eaux immondes qui entourent les maisons des faubourgs; malgré l'agglomération dans laquelle vivent les pauvres privés de toute ventilation dans des cons- tructions sales, et exposés aux miasmes de tous ces marais, les épidémies n'ont pas fait de ravages à Chi- vilcoy. En cherchant la cause de cette atténuation des ma- 344 ladies, nous pouvons seulement la trouver dans la jeu- nesse relative de ce pays, et dans l'action du vent pampero. Que la situation topographique d'une localité soit un obstacle pour en faire une ville hygiéniquement habi- table, nous pouvons nous l'expliquer dans un pays essentiellement pauvre, mais à Chivilcoy où le centre peuplé est très important, où il y a des familles riches, des éleveurs et des agriculteurs dans une belle position, on ne peut accepter pareille situation, et les habitants ont le devoir de se donner le confort le plus élémen- taire que la science sanitaire prescrit. Quand ces notions d'hygiène publique se répandront dans les masses, quand la connaissance des causes de nombreuses infections se sera vulgarisée et aura pénétré dans les foyers, le peuple se convaincra de la menace et des préjudices réels qu'un tel état de choses exerce sur la santé publique. On commence cependant à faire quelque chose dans ce sens, et les partisans des théories modernes songent à supprimer les puits actuels et à les remplacer par des puits artésiens, qui arrivent à la seconde couche d'eau, 40 ou 50 mètres, dont l'eau est distribuée dans la ville au moyen de conduites qui partent d'un dépôt central. Alors même que ces eaux sont suffisamment pures, la population les refuse parce qu'elle ne les trouve pas assez fraîches en été et qu'elle préfère celles du puits de la cour. Toutefois bien que les habitants ne veuillent pas faire usage de l'eau des puits artésiens pour leur alimenta- tion, c'est déjà quelque chose que d'avoir trouvé le moyen de doter le pays de cette ressource pour le lavage et l'arrosage. Il y a environ quatre ans que cette eau est utilisée pour arroser la voie publique, et ainsi il a été facile de diminuer la poussière des rues, d'améliorer leur sol et de rafraîchir un peu l'atmosphère. 345 Toutes ces modifications sont encore insuffisantes et ne prémunissent pas contre le danger. Si nous étudions les maladies, nous dirons que la fièvre typhoïde a fait de nombreuses victimes en 1880, et si par la suite elle a paru avoir des tendances à prendre un caractère épidémique, elle a revêtu une forme bénigne dans la grand majorité des cas. Très rarement elle a causé la mort. Après les affections catarrhales, cette maladie est la plus fréquente. Le Dr. Franceschi a observé qu'elle fait son appari- tion annuellement (spécialement depuis 9 ans) soit comme endémique, soit comme épidémique, en se dé- clarant également dans les quatre sections de la ville, de préférence parmi les personnes nécessiteuses qui vivent dans un milieu propice pour la propagation du mal. Décembre et janvier, les mois de forte chaleur, du- rant lesquels les matières organiques se trouvant dans les marais se décomposent plus facilement et favorisent le développement du poison typhique, sont les plus dangereux. C'est pendant cette époque qu'on observe les premiers cas, qui.se propagent surtout pendant l'au- tomne et diminuent pendant le reste de l'année. La mortalité qu'elle provoque est de 15 à 20 %. Il paraît que le foyer principal de fièvre typhoïde dans cette région de la province de Buenos Aires se trouve à Alberti, petit village à six lieues de Chivilcoy, où cette maladie sévit en permanence sous la forme hémorragique. En cherchant la cause du foyer d'infection qui existe évidemment dans ce village, le Dr. Franceschi a ob- servé que les puits n'ont généralement pas de margelle en brique, quelques-uns consistent en une caisse de planches, qui, comme les briques à sec, laisse filtrer les immondices traînées à leur base par les pluies. Il a été prouvé (et pour notre part nous l'avons cons- taté chez des malades venant de la campagne) qu'un 346 grand nombre de ces cas se produisent dans les estan- cias où il n'y a pas agglomération d'individus, où Pair est bon, où chaque habitant dispose d'une grande étendue de terrain. Comment expliquer ce phénomène? Pour donner la raison de ce fait, nous trouvons en- core les puits. On sait que dans les estancias, les pay- sans ne se préocupent pas de l'emplacement du puits ni de celui des latrines (quand il y en a). Très généra- lement, par suite de l'inclinaison du terrain, les eaux, les résidus du dépôt du bétail et toutes les immondi- ces de la propriété sont chassés vers le puits; ainsi s'expliquent les cas si fréquents dans la province de Buenos Aires de la tœnia de echinococcus, ainsi que la présence de la dothiénentherie sans qu'il y ait le contact de foyers épidémiques. L'eau est le véhicule de la maladie et il faut arriver à convaincre les habitants qu'il en est ainsi, pour qu'ils se prémunissent contre elle, soit en la filtrant, soit en la faisant bouillir. Depuis trois ans que l'influenza a visité Chivilcoy, on a observé que la fièvre typhoïde se déclare après trois ou quatre jours de douleurs névralgiques très pé- nibles qui disparaissent ensuite pour faire place aux symptômes particuliers de la maladie. La fièvre alïecte généralement la forme abdominale. Les personnes de 18 à 30 ans fournissent le plus fort contingent: sa mortalité comparée avec la mortalité gé- nérale, représente 15 à 20 Comme traitement on emploie le calomel, la quinine ou l'antipyrine. Une boisson salicylée constitue, pour le Dr. Franceschi, la meilleure méthode d'antisepsie intes- tinale, et lui a suffi pour guérir la majeure partie de ses typhoïdés. La tuberculose est, en cette endroit, comme partout, la plus meurtrière des maladies. La population irlan- daise est la plus atteinte, tandis que dans d'autres pa- rages, ce sont les Basques. De 1880 à 1881, il y a eu quelques centaines de cas 347 de variole, et la population n'était pas vaccinée. Le foyer était constitué par le dépôt des Indiens prisonniers. Par la suite, quelques cas se sont produits, mais la vac- cination et la revaccination pratiquées ont donné de bons résultats. La coqueluche se produit en septembre et en octobre principalement. Le tétanos infantil trouve dans l'ignorance du public une facilité pour se propager; cependant il n'est pas fréquent. La pustule maligne ne l'est pas davantage. Les rares cas de fièvres paludéennes constatés ont été importés d'autres régions. Dans cette partie de la province de Buenos Aires, ces fièvres ne se contractent pas. Cependant, certains catarrhes gastriques, quelques for- mes de tuberculose et Xinfluenza au début, ont laissé croire à une infection paludéenne, qui plus tard a été démontrée inexacte, Xlinfluenza s'est déclarée depuis trois ans et dans cet intervalle, la scarlatine et la rougeole ont complètement disparu. En 1885, cette dernière maladie a régné avec un ca- ractère épidémique, se compliquant de bronchites et de pneumonies; quand ce dernier accident survenait, les malades succombaient. Le rhumatisme, les lésions or- ganiques du cœur, les anévrismes, l'alcoolisme sont constamment observés. Les accouchements suivis de fièvre puerpérale se produisent fréquemment. La dysenterie a causé plusieurs décès. La diphtérie a disparu depuis plusieurs années. L'explication du nombre relativement considérable des maladies des voies respiratoires, laryngites, bron- chites, pleurésies et pneumonies est fournie par les changements de température; les causes les plus com- munes des dysenteries, des gastrites, entérites, etc., se trouvent dans la mauvaise qualité des boissons, qui sont vendues au public, comme dans le mauvais état des viandes que mange la population. Les animaux qui 348 la fournissent sont mal traités dans les abattoirs; on ne leur donne ni eau, ni nourriture pendant un certain temps, et par suite ils ne sont pas aptes pour l'alimen- tation. Ajoutez à cela que le lait se vend falsifié. En comparant la statistique mortuaire de Chivilcoy avec celle d'autres villes argentines, nous voyons qu'elle est très favorable. En 1887.... il eat mort 115 personnes » 1890.... - 714 - (i) » 1891.... - 553 La diminution de la mortalité coïncide avec la réali- sation de quelques travaux publics qui ont été effectués, tels que l'entretien des rues, la canalisation des eaux stagnantes, les eaux courantes, l'arrosage. Il faut ajou- ter que les exhortations et les conseils donnés tant de fois, soit en particulier par les médecins, soit par la voie de la presse, finissent par agir sur l'esprit public. La mortalité infantile est ici considérable, elle est égale à la moitié de la mortalité totale et équivalente au 30 % des enfants malades. C'est au printemps et au commencement des chaleurs que les chiffres sont les plus élevés. Les affections de l'appareil digestif, les gastro-entérites, les entéro-colitis, le choléra infantil, les gastrites, l'atrepsie, l'indigestion sont les maladies dominantes. Saladillo. - Le terrain est peu élevé en général et sablonneux par suite des inondations ou des déborde- ments de ses rios, ce qui apporte de sérieux obstacles à l'élevage du bétail et à l'agriculture. Saladillo possède trois cours d'eau dont voici les noms : Las Flores, Salado et Saladillo. (x) Epidémie d'influenza. 349 La population s'approvisionne de l'eau de puits, très impropre à la consommation, car, en plus des mauvaises conditions qui lui sont particulières, il faut tenir compte aussi des détritus qu'on y jette facilement, car le plus grand nombre des puits manque de margelles et sont, en outre, très rapprochés des latrines. Sans être alarmante, la morbidité offre à l'observation, par sa fréquence, des cas de maladies infectieuses qui méritent qu'on en tienne compte,, par l'insistance avec laquelle elles sévissent. La fièvre typhoïde, la diphtérie, la tuberculose, l'in- fluenza se présentent souvent. L'époque du développement de la fièvre typhoïde est variable, bien qu'il ait été constaté dans les années 1892 et 1893 de petits foyers épidémiques qui ont exercé leurs effets pendant les mois d'avril et juin. En 1873, il y eut 13 décès de typhoïdiques ainsi distribués : 1 en janvier, 1 en février, 1 en mars, 5 en avril, 3 en mai, 1 en juin, 1 en août. En 1892, sur une mortalité géné- rale de 202 individus, il y eut 6 décès de fièvre typhoïde survenus de mai à juillet. Le Dr. F. Sarmiento nous a communiqué que la plus grande partie des cas de typhus abdominal provient de la population urbaine, où se trouvent réunis, sans doute, les causes prédisposantes et occasionnelles de cette ma- ladie, comme par exemple les eaux corrompues qui sé- journent dans les rues par suite de l'absence de nivellement et d'écoulement, le très mauvais système de nettoyage et d'enlèvement des balayures des maisons de familles; l'eau des puits spécialement, car tout le monde en boit; l'absence de règlementation municipale pour la cons- truction de latrines; l'absence d'inspection hygiénique dans les basses-cours ou les matières en décomposition s'accumulent. La négligence des autorités fait sentir ses consé- quences d'une manière funeste sur les individus; cette regrettable incurie devrait être combattue par les habi- tants, ce qui n'arrive pas malheureusement, étant don- nées la nonchalance et l'ignorance des gens de la cam- pagne. 350 Le fait suivant cité par le Dr. Sarmiento, confirme ce que nous venons de dire. Une famille composée de sept personnes loua, en 1893, une maison pour s'ins- taller, et sur l'emplacement de laquelle avait existé au- paravant un moulin, mis en mouvement par des animaux. Les nouveaux planchers de bois se placèrent sans aucun travail préalable d'assainissement du terrain surchargé de matières végétales en décomposition lente et évi- dente. Les murailles humides et la mauvaise distribution de l'air et de la lumière formaient un ensemble de con- ditions très favorables au développement des maladies, leur cause productrice étant toujours maintenues en ac- tivité. Dans de telles circonstances un cas se produisit parmi les locataires. Il fut fatal. Quelques jours après un nouveau cas éclata avec un résultat semblable, puis deux autres avec la même fin. La forme abdominale est la plus commune de la fièvre typhoïde. La mortalité des maladies infectieuses dans les années 1890, 91, 92 et 93 est la suivante : MALADIES 1890 1891 1892 1893 Fièvre typhoïde 5 3 6 13 Diphtérie 16 - 6 - Tuberculose 11 9 11 10 Variole 5 4 - - Influenza - - 30 - Rougeole 2 - 2 - L'âge des décédés de fièvre typhoïde varie entre 10 et 17 ans. Pas un seul enfant n'a payé un tribut, mais 351 le Dr. Sarmiento appelle Fa Mention sur le grand nombre d'entérites parmi l'enfance, ce qui lui inspire des soup- çons au sujet de l'exactitude des diagnostics. Le total général de la mortalité en 1891 a été de 164, mais dans les années 1890, 1892 et 1893, ce chiffre a oscillé autour de 200. Il s'est ainsi conservé avec très peu de variation. De 1890 à 1892, aucune augmentation notable n'a été remarquée dans la mortalité typhoïdique, excepté en 1893, grâce à une petite épidémie. Le traitement change selon la forme et la marche de la maladie. On emploie., en général, les toniques (potion de Todd, Jaccoud); les antiseptiques intestinaux comme le naphtol, le salicylate de bismuth, le salol, etc. et les bains suivant les indications. Les uniques mesures prophylactiques qui s'adoptent sont celles que les médecins conseillent d'une façon privée dans chaque cas, car nous avons déjà vu que les autorités ne font rien en faveur de l'hygiène publique. Les auties maladies, telles que rhumatismes, bron- chites, celles de caractères cardiaques, etc., ne sont ici pas plus fréquentes que dans le reste de la province. L'acclimatation s'effectue sans difficulté, étant donné qu'il n'y a pas d'endémies. Tous les étrangers s'habi- tuent promptement au régime alimentaire qui est essen- tiellement réparateur. Veinticinco de Mayo. - Cette localité de la province de Buenos Aires, est située au centre du territoire por- tant le même nom, qui a une superficie de 241 lieues espagnoles, est à 45 lieues de la capitale de la Répu- blique. En comprenant la population rurale, elle a 18.000 habitants. Son sol est très accidenté et forme des petites colli- nes dans différentes directions avec de légères dépres- sions, qui facilitent le prompt écoulement des eaux de pluie; par la pente naturelle de ces dépressions s'éta- 352 blissent des petits canaux qui forment de véritables ri- vières de peu de volume, il est vrai, dont la direction est du Nord-Ouest au Sud-Est. On les appelle Saladillos parce qu'ils sont constitués dans les plus grandes dé- pression du sol, et parce que leurs eaux contiennent des sels en dissolution qui se cristallisent abondamment sur de vastes étendues lorsqu'elles se retirent. Son climat est d'une douceur recommandable; le bon état de la population le prouve. Ses éléments sont les suivants : températures extrê- mes : maxima 37.9; minima 2.9. - La moyenne à dif- férentes heures de la journée, est la suivante: 7 heures du matin, 11.88; 2 heures du soir, 21.41; 9 heures du soir 13.63; la pression atmosphérique, 758 en moyenne; l'humidité, 800 en moyenne; pluie annuelle, 933 mm. 8. Les vents Sud-Est et Sud-Ouest dominent. Sous l'influence de ces bonnes conditions naturelles, on cultive la plupart des arbres fruitiers du monde qui donnent, dans ce pays, des fruits splendides; on peut en dire autant du blé, du maïs, des pommes de terre, des haricots et de la vigne. Grâce aux progrès de l'agriculture, les marais dispa- raissent. On emploie l'eau des puits pour les usages domesti- ques, elle est de bonne qualité, de l'avis des habitants de la région. Les puits qui la fournissent ont 4 ou 5 mètres de profondeur. Les latrines sont situées au fond des maisons, sans qu'elles obéissent à aucune règle d'hygiène, et au dire des habitants, jamais on n'a ob- servé les inconvénients d'un tel état de choses ! D'après le Dr. Alcorta, les cas de fièvre typhoïde sont rares, il se sont produits en automne ; ceux qui ont été observés en 1891 et postérieurement, étaient disséminés dans toutes les directions; et on ne peut dire qu'il y ait eu un quartier plus attaqué qu'un autre. Cependant il faut reconnaître que souvent on ren- contre un ou plusieurs marais fangeux dans les environs des maisons où cette maladie se déclare, et que près 353 des habitations des typhiques, existent des écuries et des étables qui maintiennent ces demeures dans de mauvaises conditions. Au point de vue des maladies, nous dirons que la tuberculose est bien plus fréquente que la fièvre typhoïde et la variole. La statistique mor- tuaire le prouve et démontre ce qui suit: année 1891, mortalité générale 182; sur ce chiffre, 7 fièvres typhoï- des (4 enfants, 3 adultes), 10 varioles, 16 tuberculoses. Il faut remarquer qu'il y a eu autant de cas de dothié- nentherie et de variole, mais cette dernière maladie four- nit un contingent plus considérable à la mortalité. Le traitement suivi a été : le calomel au début, et les salins; l'antisepsie avec le naphtol et le charbon; les toniques; les ablutions froides de tout le corps, etc. La forme ataxique est celle qui a entraîné la mort dans la presque totalité des cas. Les complications pulmonaires ont été celles qui se sont présentées le plus souvent au cours du typhus. Cette maladie n'a jamais eu un caractère épidémique. Comme mesure prophylactique, on a recours autant que possible à l'isolement. Jamais on n'a constaté que l'acclimatation ait provo- qué des désordres dans la santé des étrangers. Les seuls travaux publics qu'on ait exécutés pour améliorer les conditions hygiéniques, consistent dans l'entretien des rues qui a facilité l'écoulement des eaux pluviales. Bragado. - La population est aujourd'hui de 4.600 habitants, mais en y ajoutant ceux qui vivent dans la campagne, elle atteint 18.000. La couche végétale de ce terrain d'alluvion est très sablonneuse, elle présente sur quelques points jusqu'à 30 centimètres de sable pur, ce qui lui donne une grande perméabilité et une facilité d'absorption. La couche ar- gileuse se rencontre à un mètre cinquante centimètres de la surface du sol et son épaisseur varie suivant les points entre 0.50 et 2 mètres. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 354 La première couche d'eau est à 15 ou 20 mètres de profondeur. Cette eau est de très bonne qualité quoique un peu salée à certains endroits. La seconde couche fournit une eau excellente au moyen de puits semi- jaillissants. Cette localité est une des plus élevées de la région Ouest (centrale) de la province de Buenos Aires, et cependant les froids ne s'y font pas sentir autant que dans d'autres parages de la même zone. On peut l'at- tribuer avec raison à l'influence des grandes plantations d'arbres (saules et peupliers) qui, sans aucun doute, modèrent la température et atténuent en partie l'action des vents. Les observations thermométriques enregistrées par le Dr. Loudet, démontrent qu'en 1894, la température maxima de l'hiver, s'est élevée à 22° à midi (en mai), et la minima a été de 1°, à huit heures de soir (en juillet). Les vents régnants sont du Sud et du Sud-Ouest; vien- nent ensuite le Nord, l'Est et l'Ouest. Le Nord est peu fréquent, contrairement à ce qu'on constate sur plusieurs points de la province. En général on peu dire que les pluies sont rares, et la sécheresse se prolonge parfois pendant 4 ou 5 mois. La morbidité est représentée principalement par le rhumatismé et les affections du système digestif. Les maladies des appareils respiratoire et circulatoire sont moins fréquentes. La tuberculose est presque inconnue, et les quelques cas qu'on observe, sont certainement importés. La santé publique se mantient satisfaisante, grâce aux conditions générales qui sont très bonnes. Depuis l'épidémie de choléra de 1868, on n'en a si- gnalé qu'une de variole, qui a duré de novembre 1890 à mars 1891, et une autre & influença, qui a régné de mars à septembre 1892. En 1893, cette dernière ma- ladie a sévi de nouveau, mais elle a été bénigne. La fièvre typhoïde, la diphtérie, la rougeole, la scar- 355 latine, n'ont jamais été épidémiques, et les quelques cas isolés que l'on voit, n'ont jamais eu ce caractère. Ainsi les maladies infectieuses sont peu nombreuses. Relativement à la mortalité générale, nous pouvons donner les chiffres suivants: 224 en 1889; 449 (*) en 1890; 278 en 1891; 317 (2) en 1892; 298 en 1893. Dans ce chiffre figurent les décès non seulement du bourg, mais encore de tout le district du Bragado, ainsi que quelques morts provenant de parages voisins. Avec des conditions naturelles si satisfaisantes, les étrangers s'acclimatent sans aucune difficulté. Bolivar. - Cette petite localité de la campagne Sud- Ouest de la province de Buenos Aires, a aujourd'hui 3.500 habitants, sur lesquels 1.000 sont agglomérés. Son climat est variable. Dans une même saison et dans un même jour, il présente des changements nota- bles; la température passe du froid à la chaleur et vice- versa. Les vents du Sud et du Sud-Ouest dominent. On n'a fait encore que peu de plantations: le saule,, l'eucalyptus, le peuplier poussent très bien. La morbidité est très considérable, et certainement parmi les facteurs qui y contribuent, il faut citer les. brusques variations de température et la mauvaise qua- lité des. eaux de puits. Constatons d'abord que les dispepsies sont d'une fré- quence alarmante, selon le Dr. Altavista. En hiver les pneumonies sévissent sur les adultes, les bronchites, sur les enfants; en été, en automne et au printemps, la fièvre typhoïde et les catarrhes gastro- intestinaux, sur les grandes personnes; le choléra in- fanti], provoqué par l'allaitement artificiel mal dirigé, détermine de nombreux décès. (1) Epidémie de variole. (2) Epidémie d'm/Z«en«a. 356 En 1890 et il s'est produit une épidémie de rougeole durant l'été, et en 1892, Finfluenza et la variole se sont déclarées. De 1889 à 1891 la diphtérie a fait invasion; elle était importée de foyers qui s'étaient constitués dans des villages voisins où elle avait pris un caractère épidé- mique. Heureusement on a isolé les malades, on les a sur- veillés le mieux possible et on a réussi à limiter le nombre des personnes qui ont été atteintes. Un fait curieux dans la pathologie de Bolivar, c'est la fréquence du cancer de l'œsophage et de l'estomac, fréquence représentée par le chiffre de 6 ou 7 chaque année, qui est certainement élevé, étant donnée la popu- lation très restreinte. Quelques cas ne figurent pas dans la statistique, parce que ceux qui en sont atteints viennent dans la capitale pour s'y faire soigner jusqu'à leur mort. L'histérisme est fréquent ainsi que les méfiâtes, les gastrites, les aménorrhées. Les maladies qu'on observe le plus souvent chez les femmes de la classe pauvre, sont dues aux accouche- ments et aux suites de couches mal dirigées, puisqu'on sait qu'à la campagne l'usage veut que la femme se lève 3 ou 4 jours après et se livre à ses occupations ordinaires. On peut dire que la fièvre typhoïde est endémique, sauf en hiver où on ne constate que quelques cas isolés. Dans la période de 1889 à 1892, elle a causé 48 décès. La population boit l'eau des puits, qui n'est pas bonne; elle contient des sels qui la décomposent et une quantité de substances organiques. De plus, les habitants, qui en grande majorité sont pauvres, vivent dans de mauvaises conditions, agglo- mérés et sans hygiène. Le pays est un marécage, et les eaux stagnantes mé- langées aux matières organiques, entrent en putréfaction. La coqueluche, tout on ne présentant pas un carac- tère grave, fait son apparition tous les ans. 357 Le Dr. Fabregas a observé plusieurs cas de kystes hydatiques du foie et du poumon, qu'on a tous soignés par le traitement chirurgical usuel à Buenos Aires, où les malades ont été envoyés. La mortalité générale pendant les années 1889, 90, 91 et 92 a été de 642; ce chiffre est extraordinaire si l'on songe que la population de tout ce district est seule- ment de 3.500 âmes; mais dans ce chiffre il est pos- sible qu'on fasse figurer des décès qui se sont produits dans les environs. Si on considère qu'en quatre années il est mort 642 individus, on a une moyenne de 160 par an, qui, sur une population de 3.500, donne une proportion de 54 pour mille. Dans les tableaux mortuaires de Bolivar, le nombre de cas de tétanos appelle l'attention. Dans les années dont nous parlons, 45 personnes sont mortes de cette maladie; mais nous ne savons pas si son origine est spontanée ou si c'est le traumatisme. Il est très possi- ble que la statistique comprenne le tétanos infantil. Parmi les maladies qui, de 1889 à 1892, ont fourni le contingent le plus élevé, on trouve : 32 tuberculoses, 45 pneumonies, 49 lésions de l'appareil cardio-vascu- laire, 53 entérites et gastro-entérites, 15 cancers dont 5 de l'œsophage et 4 de l'estomac, 25 éclampsies, 32 en- fants mort-nés, 13 atrepsies. CHAPITRE XIII PROVINCE DE BUENOS AIRES - REGION NORD Sommaire. - Etude du climat. - Situation, population, morbidité et mortalité à San Isidro, San Fernando, Pilai-, Tigre, Las Conchas, Campana, Zârate, Arrecifes, Baradero, San Pedro, San Nicolas, Pergamino, Salto, Rojas. - Fièvre typhoïde, diphtérie, variole, scarlatine, rougeole, etc. - Influence de l'eau des puits. - Mauvaise construction des latrines. San Isidro. - San Isidro est une jolie et ancienne résidence d'été, située sur un coteau élevé qui domine le rio de la Plata. entourée de jardins et de potagers; elle constitue un centre agréable pendant la saison des chaleurs. Sa population permanente peut être calculée à 7.000 âmes, mais en été elle augmente considérablement. Bien qu'elle soit construite sur le bord du rio, les habitants ne consomment pas son eau, ils préfèrent boire celle des citernes; les pauvres font usage de celle des puits, et c'est là, sans doute, la cause des nombreux cas de dothiénentherie qui se produisent à certains moments. Au point de vue topographique, on ne peut offrir mieux; le panorama que présente San Isidro, avec ses hauteurs et sa végétation exhubérante. lui donne un coloris tout particulier. Tout contribue à sa salubrité; et pour le moment, il n'y a pas autre chose à réclamer que l'établissement 359 d'un service d'eaux courantes. On peut dire que la fièvre typhoïde qui, d'après les observations faites, est endémique depuis 1875, se montre chaque année, et, bien que les cas ne soient pas très nombreux, elle constitue parfois une véritable épidémie, comme pendant l'automne de 188.2. La forme adinamique est la plus commune; les hé- morragies intestinales sont produites très exceptionnel- lement, et ces cas ne sont pas ceux qui ont eu les résultats les plus funestes. La mortalité est faible. Au dire du Dr. Wells, à la même époque de 1882, se déclarèrent des fièvres infectieuses qui furent marquées par la rapidité avec laquelle elles se propagèrent, des sueurs intenses, une température initiale de 41 et 42% une somnolence, des douleurs musculaires aiguës, la dépression des facultés intellectuelles, l'humidité et un état saburral de ]a langue. Le malade, plongé dans un état léthargique, ne répondait pas aux appels qu'on lui adressait pour lui faire prendre les aliments et les médicaments. L'abdomen était entièrement restreint; il y avait constipation; les fèces étaient naturelles, bien for- mées, sans odeur fétide et légèrement bilieuses; burine naturelle et abondante, pas de soif, une prostration, une émaciation marquée, caquexie. A l'exception de ce cadre symptomatique, les malades ne présentaient pas de signes physiques de complications de leurs autres organes, sauf une légère tuméfaction de la rate qui n'était pas très fréquente. A la fin de la seconde semaine il survenait un changement comme une fausse crise; il était marqué par un abaissement rapide de la tempé- rature qui revenait presque à un degré normal, par des sueurs abondantes et une amélioration de tous les symptômes. La fièvre apparaissait de nouveau 24 heures après, avec une égale intensité et se prolongeait pen- dant 50 ou 00 jours, après lesquels la convalescence se déclarait franchement et l'évolution de la maladie sem- blait terminée. La médication adoptée a été infructueuse; les symp- 360 tomes ne s'atténuaient pas et la marche de la maladie ne subissait aucune modification. Les substances anti- thermiques, y compris la quinine, ne donnèrent pas de résultats. Il n'y avait qu'à entretenir les forces des ma- lades. Ceux-ci ne voulaient pas supporter les applica- tions froides sur la superficie du corps et demandaient de la chaleur. Il convient d'établir, pour prouver l'influence d'un agent infectieux dans toute cette maladie, que parmi les personnes atteintes de cette fièvre, quatre la con- tractèrent immédiatement après s'être rendues au rio, le matin de très bonne heure et à jeun, dans le but de se baigner. Le rio était très bas et ils avaient pris leur bain dans une de ces mares d'eau stagnante qui existent sur la côte. Ces personnes furent exposées pendant longtemps aux émanations d'une grande éten- due de boue et de détritus abandonnés à l'action du soleil pendant tout l'été. Les premières manifestations se déclarèrent dès que les baigneurs arrivèrent à leur domicile. Quelle est l'étiologie de cette affection et comment faut-il la classer? D'après le Dr. Wells il s'agit, sans doute, d'une maladie miasmatique comme on en rencontre dans d'autres régions qui présentent des caractères analo- gues, et à ce titre nous les consignons. Peut-être pourrait on la considérer comme une variété de la fièvre typhoïde, mais il nous semble plus juste de considérer ces fièvres comme des entités de la caté- gorie ci-dessus spécifiée, plutôt que comme des fièvres typhoïdes. Pourquoi ne pas admettre que, sans appartenir à la fièvre typhoïde, il y a, à San Isidro, comme dans d'au- tres endroits baignés par des cours d'eau, où le flux et le reflux quotidiens laissent exposée à l'action du soleil une immense quantité de boue et de détritus végétaux, des fièvres qui, dans chaque pays, affectent une forme et un caractère spéciaux, suivant le climat, la météorologie, les conditions locales et qui ont cepen- 361 dant les mêmes caractères généraux, la même étiologie et qui sont semblables dans leurs modalités cliniques. La fièvre de Crète est la même que celle de Malte, de Gibraltar, et aujourd'hui on la décrit sous le nom de « Danubian Fever » parce qu'elle s'est montrée sous des aspects identiques dans cette région. San Fernando. - Ce bourg de la côte, résidence d'été d'une partie de la population de Buenos Aires, possède 10.000 âmes. Il s'étend sur une superficie élevée où la grande majorité des habitants s'est concentrée. Le sol est fertile; dans les environs existent des terrains d'al- luvion qui présentent heureusement des déclivités suf- fisantes permettant de les livrer à la culture. La température est variable. En été, le thermomètre ne dépasse pas 32° c.; en hiver le minimum est de 10°; la moyenne annuelle est de 21°. Les vents habituels, en été, sont ceux du Nord et du Nord-Est. Dans l'après-midi ils passent à l'Est. En hiver les vents du Sud, du Sud-Est et de l'Est prédo- minent. D'après le Dr. M. A. Zavaleta, la provision d'eau est assurée par un puits semi-jaillissant. On a construit à proximité du rio un dépôt qui se remplit au moment des crues; son lit est sablonneux. Quatre cents maisons environ s'y approvisionnent; la consommation journa- lière, en hiver, est plus ou moins de 150.000 litres; en été elle augmente jusqu'à 900.000. La municipalité s'occupe actuellement de rendre obli- gatoire, pour les particuliers, l'usage des filtres. Les puits de la partie élevée fournissent une eau assez bonne. Il n'en est pas ainsi de la partie basse que les différences de son niveau expliquent. Les courants souterrains se dirigent de l'Est à l'Ouest. Les latrines se construisent généralement à 29 ou 30 mètres des habitations et sont très rapprochées des puits. L'infection de l'eau est facile parce que la cons 362 truction de toutes ces dépendances se fait sans souci d'aucune règle d'hygiène. Nous avons dit qu'il existe des terrains bas. Ceux-ci s'étendent particulièrement au Nord-Est et au Sud- Ouest. Ils sont de nature d'alluvion continuellement baignés par les grandes crues ou les eaux de pluies. Leur action sur la santé publique est nulle parce que leurs conditions naturelles d'écoulement rapide empêchent la stagnation des eaux. Les maladies qui se présentent, bien que peu fré- quentes, sont : la rougeole, la variole, la diphtérie, la tuberculose, l'influenza et la fièvre typhoïde, cette der- nière plus commune, quoique son développement ne soit pas inquiétant. Il convient de faire remarquer que, selon le Dr. V. Gandulfo, c'est dans les terrains bas, parmi les gens buvant l'eau de puits seulement, vivant d'une manière laissant à désirer au point de vue hygiénique, s'alimentant mal et affaiblis par le travail, que se propage cette maladie. Elle apparaît presque toujours au commencement des saisons de transition, en automne ou au printemps, mais sans caractère alarmant, augmentant ses proportions et per- sistant pendant l'été, grâce à l'abus des eaux de mau- vaise qualité, des fruits verts, etc. Le traitement employé est celui habituellement en usage, remplissant les indications selon son opportu- nité et observant les règles d'antisepsie intestinale pra- tiquées actuellement. On donne des conseils publics pour éviter la propagation et l'on procède à l'isolement des malades quand cette mesure est possible. On n'a pas gardé mémoire d'épidémie de fièvre ty- phoïde. Le tableau suivant fait connaître la mortalité géné- rale de ces cinq dernières années. 363 (t) P681 1893... 1892... 1891... 1890... • ANNÉES 197 195 00 îO Mortalité totale »£• Ci CB X2 Fièvre typhoïde |. | | CB Variole 1 K) •- Dysenterie S £ O O CO Tuberculose N) co to 00 Diphtérie O œ K) w K> O Gastro-entérite On voit que les années 1890 et 1892 sont celles pen- dant lesquelles la mortalité a été la plus forte, et cette augmentation, relativement aux autres années, est im- putée à l'influenza. La gastro-entérite est la maladie qui fait le plus de victimes, comme l'indique le petit tableau qui précède (32 sur 195 en 1893). La tuberculose vient ensuite. La fièvre typhoïde occupe le troisième rang et sa mor- talité a représenté le 8 % des décès en l'année 1893, pendant laquelle elle a eu la plus grande intensité. Ce chiffre est évidemment considérable et peut-être même l'est-il davantage, car il est à supposer que bien des cas diagnostiqués comme gastro-entérites soient plutôt des cas de typhus abdominal. Pilar. - Situé au Nord de la province de Buenos Aires, Pilar compte 9.000 habitants, en comprenant ceux de la campagne. La population se sert presque exclusivement de l'eau de puits, dont les caractères organoleptiques n'offrent rien de particulier. ' p) Jusqu'au 25 octobre. 364 Il y a très peu de citernes. L'eau des rivières et des ruisseaux ne s'emploie qu'exceptionnellement comme boisson et pour la préparation des aliments. Le rio Lujan traverse le district. Il y a quelques petits cours d'eau sans importance qui, très générale- ment, sont à sec pendant certaines saisons de l'année.. Les latrines consistent en des excavations à diffé- rentes profondeurs; elles sont à peu de distance des puits et leur construction est absolument défectueuse.. Dans diverses occasions, on a observé de petites épi- démies et notamment de fièvre typhoïde dans un nom- bre très restreint de maisons mal situées, sur les bords des étangs ou autour de marais; mais on a trouvé des typhiques dans tous les quartiers. Pendant l'hiver de 1891, plusieurs cas se sont produits; le plus grand nombre en mai. Durant cette année, le typhus est la seule maladie infectieuse qui ait régné à Pilar à l'ex- ception de Xinfluenza. En la comparant avec les autres maladies, on trouve que la dothiénentherie représente le 20 %, et parmi les malades du Dr. Vidal, la mortalité atteint 18 % (6 sur 34 et sur ce nombre 2 enfants). (') Très rarement on a pu constater la transmission di- recte par contagion, et il est à supposer que la conta- mination des eaux est un des principaux facteurs de sa propagation. Il faut faire remarquer la fréquence des complications pulmonaires graves.. Trois des malades du Dr. Vidal, sont morts du pneumo-typhus. Les hémorragies et les perforations intestinales, n'ont pas été observées, mais par contre, les rechutes et les récidives sont fré- quentes. Les mesures prophylactiques sont adoptées particu- (1) Le nombre des enfants attaqués légèrement est considérable. 365 librement par les familles, conformément aux conseils de leurs médecins. On n'a entrepris aucun travail important d'assainis- sement. En 1892, on a observé la coqueluche; et en février, il s'est produit quelques cas de rougeole. Tigre. - C'est un parage superbe et très fréquenté pendant l'été, à raison de sa proximité de Buenos Aires; il est appelé à être une grande station d'agrément. Nous n'avons pas à l'envisager ici au point de vue de ses avantages comme résidence d'été, mais nous avons à nous occuper plutôt de ses conditions sanitaires. A ce sujet les opinions sont contradictoires; tandis que certains considèrent le Tigre comme malsain, d'au- tres émettent un avis tout différent. Si nous consultons les faits, nous voyons que la morbidité y est très faible, que la constitution du sol ne favorise pas les ma- ladies paludéennes et que les eaux s'écoulent facile- ment. Les autres conditions qui pourraient faciliter la for- mation de marais n'existent pas pour la même raison; de plus, les marées continuelles renouvellent les eaux et empêchent le dépôt et la décomposition des matières organiques qui auraient pu rester sur le sol. Il est exact que les fièvres intermittentes régnent dans les endroits voisins, comme San Isidro; mais dans ce village les caractères locaux sont tout différents et très favorables pour le développement de ces affections; et cette circonstance ne porte pas atteinte aux avan- tages qu'offre le Tigre. Une partie de la population boit l'eau du rio, c'est l'exception; une autre emploie l'eau des citernes; les pauvres utilisent celle des puits. Comme maladies infectieuses, le Dr. E. Obejero signale la fièvre typhoïde, la diphtérie, mais dans de minimes proportions. D'après lui, ce bourg est très sain. 366 Bien des personnes lui attribuent des aptitudes recom- mandables pour le traitement de l'asthme, et il est cer- tain que plusieurs asthmatiques ont éprouvé ici un réel soulagement. La grosse question pour le Tigre consiste à éviter la contamination des eaux du rio; le jour où l'on aura réussi à conjurer ce danger, on aura résolu le problème de sa salubrité. Las Couchas. - Cette localité de la côte, située à 7 lieues au Nord-Ouest de Buenos Aires, sur un terrain très bas, est une petite station d'agrément formée par la réunion de nombreuses villas appartenant aux fa- milles de la capitale, qui les habitent seulement pen- dant Tété. Elle est entourée par les rios du Tigre, de las Conchas, et c'est là que commence la série des îles du Paranà. Son territoire qui est très bas, est inondé par les eaux du rio de la Plata au moment des grandes crues (mars) et celles-ci atteignent une hauteur de plus d'un mètre. Ce fait favorise l'humidité qui règne toute Tannée dans ce parage. Cependant ce pays est très sain en été, grâce à l'action des vents qui le dessèchent. Le Dr. Albarellos l'a constaté, et a remarqué aussi qu'il n'y a pas de maladies endémiques et qu'un grand nombre des habitants atteint un âge très avancé. D'a- près lui, les tuberculeux, à la première période de leur affection, et les asthmatiques se trouvent très bien à Las Conchas. Campana. - Campana est un endroit nouveau et prospère situé à 88 kilomètres au Nord de Buenos Aires, sur le bord du rio Paranà de las Palmas, qui le borne à l'Est. Au Nord, il a pour limite le même rio et le ruisseau de la Pesqueria, au Sud, le rio Paranà en partie et le rio Lujan, et à l'Ouest, une ligne qui unit ce rio avec le ruisseau de la Pesqueria. 367 Sa superficie est de 40 hectares approximativement, dont une cinquième partie est formée par des îles ou des terrains bas, facilement inondables par les crues continuelles du Paranâ, dues aux vents du Sud-Ouest. Le village est bâti sur de légères élévations qui, dans certains points et à une distance de 300 mètres en- viron, présentent des différences presque de 15 mètres. Jusqu'en 1890, Campana suivit un développement ra- pide, grâce à l'immigration, et arriva à avoir 6.700 ha- bitants, dont 5.000 vivaient dans la partie urbaine. Elle reste, aujourd'hui, presque stationnaire, mais les ren- seignements précédents permettent de prévoir l'impor- tance future de cette riche région, si l'on considère surtout qu'elle a été fondée il y a peu d'années. La fertilité de son sol, les pâturages et l'engraissement rapide des animaux, unis aux commodités et aux avan- tages de son port, font de Campana un marché de grand avenir. La majeure partie de la population est occupée dans les établissements situés sur les bords du Paranâ, tels que « The River Plate Fresh Méat Company » ou fa- brique de viandes congelées, la distillerie d'alcools de Devoto, Rocha et Ce. et les ateliers de machines et de wagons du chemin de fer de Buenos Aires et du Ro- sario. Dans la partie rurale existent des fermes seulement, qui, selon les saisons, donnent du travail à un nombre limité d'individus. La population urbaine éminemment ouvrière, qui vi- vait auparavant dans des habitations en mauvaises con- ditions et dans un véritable entassement, est arrivée à modifier sa façon de se loger; aujourd'hui, elle jouit de commodités relatives, grâce à la subdivision du terrain, innovation introduite par la « Société du port et de la ville de Campana ». La provision d'eau potable s'obtient au moyen de puits, avec les inconvénients des infiltrations du sous- sol, assez déclive et facilement perméable et les oscilla- 368 tions communiquées par les crues continuelles du Pa- ranâ. Obéissant à ces crues, le sous-sol, imprégnable dans la partie basse de la localité, ne l'est pas d'une façon permanente, car lorsque les crues diminuent, les eaux s'écoulent facilement. Pour donner une idée de la déclivité du terrain, on peut citer Fexemple que des puits situés à 200 mètres de la rivière, donnent de l'eau à 2 mètres de profondeur et plus loin à 300 mètres de distance du rio, on obtient l'eau seulement à 18 mètres. Le climat est variable. Les températures extrêmes se font sentir avec intensité. Les pluies sont abondantes en hiver et rares en été. Les vents régnants sont repré- sentés par les brises du Paranâ, qui maintiennent l'at- mosphère dans un état hygrométrique constant et marqué. Le vent du Sud-Ouest est exceptionnel. Le Dr. Jorge T. Rojo, médecin résident, nous a rap- porté que les maladies les plus communes sont celles de l'appareil digestif, que l'on doit imputer principale- ment à l'impureté des eaux de puits, à la mauvaise ali- mentation et à l'abus exagéré des alcools. Les affections de l'appareil respiratoire se présentent assez souvent, et dans leur production interviennent, d'un côté les températures extrêmes, et de l'autre, l'ac- tion des liqueurs. Les maladies infecto-contagieuses ont pris une fré- quence alarmante de 1887 à 1891, mais après, leur inten- sité a diminué à l'exception de la diphtérie qui a sévi quelquefois. Pendant les années citées, de véritables épidémies de choléra, de variole, de rougeole, de scarlatine, de coque- luche et de fièvre typhoïde se sont produites, grâce à diverses circonstances parmi lesquelles viennent en pre- mière ligne, l'existence errante des travailleurs, leur agglomération dans des habitations malsaines, l'aug- mentation rapide de la population due à une immigra- tion de dernière catégorie, sale et ignorante, vivant sans la plus élémentaire notion d'hygiène ou de convenance individuelle. 369 La disparition de plusieurs maladies infectieuses, coïncidant avec le départ de ces immigrants dès 1892, démontre amplement ce que nous venons de dire. C'est dans cette même année que le genre d'habitation de l'ouvrier se modifia par la subdivision du terrain que nous avons déjà mentionnée. A partir de cette époque, il a été constaté que la variole, la rougeole, la scarla- tine, la coqueluche et autres maladies infectieuses ne se présentent plus, ni sous un aspect épidémique, ni sous la forme endémique. La fièvre typhoïde a fait auparavant un grand nombre de victimes, mais aujourd'hui, bien qu'existant à l'état presque endémique, en beaucoup de cas elle s'est mani- festée dans des proportions fort réduites quant à l'inten- sité et à la malignité. Sa diminution pourrait cependant être encore plus grande si le système des latrines était modifié, ainsi que les conditions potables de l'eau. La population gagnerait immensément à cette amélioration et l'on ne connaîtrait guère que les affections gastro- intestinales, en général. Les maladies infantiles sont surtout produites par une alimentation mauvaise ou insuffisante; ainsi le mé- decin observe souvent, chez les enfants, la gastro-enté- rite due aux substances nuisibles que l'ignorance ou la négligence des gens ont permis de laisser arriver jusqu'à leur bouche. La diphtérie visite peu Campana et quand elle éclate, il est possible de reconnaître son origine importée, comme cela s'est produit en où la maladie régna épidémiquement, sa propagation ayant pu être arrêtée grâce, aux mesures adoptées. La mortalité totale pendant l'année 1893, a été de 138 personnes, dont 66 du sexe masculin et 72 du sexe fé- minin. Des 138 morts, 69 étaient des enfants de moins de 10 ans et parmi ces derniers, 30 avaient de un jour à un an. Les causes les plus communes de la mortalité abso- lue ont été : gastro-entérite, diphtérie, fièvre typhoïde, faiblesse congénitale, entérite chronique, bronchite, té- tanos, athrépsie, méningite, péritonite. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 370 Les mort:nés figurent, dans la statistique, avec un chiffre très élevé, 10 sur 138 décès. Le Dr. Rojo, avec juste raison, attribue ce phénomène à la débilité organique des mères ; et les cas de téta- nos (4) révèlent, à son avis, un manque de soins et l'état misérable des habitations contraire aux principes de l'hygiène. Zârate. - Ce bourg, situé sur la rive droite du rio Paranâ de las Palmas, possède 7.000 habitants, sans compter les 3.000 de la station Lima, qui se trouve aux environs. Il s'étend sur une partie élevée, à 25 mètres au- dessus du niveau de la mer, et sur une partie basse aux bords du même rio, qui l'inonde à chaque crue. Le sol est sablonneux. La provision d'eau s'obtient très généralement au moyen de puits et de quelques citernes. Les gens qui habitent la partie basse, boivent l'eau du Paranâ. Il existe trois puits jaillissants installés en 1889, à la suite d'une épidémie de fièvre typhoïde, qui produisit une grande mortalité. Depuis cette date, les nombreux puits qui existaient, furent fermés, mais aujourd'hui, il en a été ouvert 6 ou 8 autres, qui ont donné de l'eau à une profondeur de 1 mètre 30. La population de la partie haute, boit seulement l'eau de ces puits, qui se rencontre à 10 ou 12 mètres. D'après le Dr. San Germes, ses qualités chimiques et potables sont bonnes. On l'emploie sans la. filtrer au préalable. Les latrines, très défectueuses, sont construites à proxi- mité des puits. Le seul courant important est le Paranâ, qui fournit une eau très bonne, bien qu'il reçoive, avant d'arriver au bourg, les résidus des établissements « Las Palmas », fabrique de viande congelée, de la « Argentina », fabrique de papier, de la distillerie d'alcool, du Saladero « In- dustria », et de la fabrique de dynamite et d'acides, qui y jettent leurs impuretés. Parfois le rio sort de son lit et ses eaux couvrent les puits de la partie basse de 371 Zârate, mais comme le terrain est sablonneux et de dé- clivité bien marquée, il ne se forme pas de marais quand elles se retirent. Il semble que le ruisseau « Pesqueria » et d'autres plus petits n'exercent aucune action sur la salubrité générale. La pathologie infecto-contagieuse déduite de dix an- nées d'observations peut être condensée ainsi par ordre de fréquence : rougeole, tuberculose, fièvre typhoïde, va- riole. Le rhumatisme, la pneumonie, la bronchite, la gastro-entérite se voient également, mais en petit nom- bre. L'érysipèle et le charbon sont très rares. Au sujet de la fièvre typhoïde qui a pris un caractère épidémique pendant plusieurs années, il n'a pas été dé- montré qu'elle se présentât plutôt dans une saison que dans une autre. Néammoins, les épidémies qui ont précédé celle de 1889, se sont développées pendant les mois d'octobre et de novembre, bien que des cas isolés et plus ou moins nombreux se soient montrés pendant toute l'année, sauf en hiver. L'épidémie de 1889-90, eut lieu en décembre et en janvier; en 1892, il se produisit quelques cas en mai; en 1893, en octobre. En 1894, il y eut 3 cas en janvier et 4 en février. C'est la partie basse qui a toujours été infectée, ainsi que les fabriques et l'établissement de viandes con- gelées situées à 3 lieues au Nord du bourg, et représen- tant une population de 300 habitante. Le Dr. San Germes explique les causes de la fréquence de la fièvre typhoïde à Zârate par l'existence de trois foyers : le marché, la fabrique de viandes congelées et la Platita (réunion d'environ une centaine de huttes ou ranchos). situés sur le bord du rio, dans la partie basse et habités par les ouvriers des fabriques. Les deux pre- miers établissements sont particulièrement nuisibles par l'abondance des résidus qui se décomposent à l'air libre, par les puits publics qui ne sont pas maintenus propres, etc. Le nombre le plus considérable de typhiques n'a pas dé- passé le chiffre de 20. L'àge des malades a varié entre 12 372 et 32 ans. Le type muqueux se voit souvent. En général la maladie est considérée comme bénigne. Un des ty- phiques de 1894, mourut probablement d'embolie céré- brale; l'endocardite n'a pas été notée chez lui. Un autre eut une hémorragie et se guérit, de même que beaucoup d'autres. Arrecifes. - L'aspect de cette localité est pittoresque, elle est située sur un coteau. Son sol est argileux; l'in- clinaison naturelle du terrain, facilite l'écoulement des eaux pluviales. Le rio Arrecifes va de l'Ouest à l'Est; son cours est très tortueux; ses eaux sont très saumâ- tres. Le Dr. S. Dominguez les a employées sous forme de bains dans les affections herpétiques et exémateuses, et il a obtenu d'heureux résultats; ainsi en présence de cette propriété curative, l'attention est-elle éveillée par les conséquences qui pourraient en résulter pour la der- matologie. Les conditions hygiéniques sont généralement consi- dérées comme excellentes, bien qu'il existe au Sud- Ouest un parage situé dans un terrain bas, très exposé aux inondations, par suite des détours de la rivière, après les grandes pluies. Comme observations relatives au climat, on peut dire que la température maxima n'a pas dépassé 40° à l'om- bre, dans les jours de plus forte chaleur et n'est pas descendue à moins de 3° au-dessus de zéro, dans les hivers les plus froids; les oscillations thermométriques sont très accentuées et très fréquentes; il pleut beaucoup; les tourmentes se produisent assez souvent; les rosées comme les gelées sont fortes. Au point de vue des maladies, celles qu'on observe le plus souvent, sont: la tuberculose, le rhumatisme, les adénites scrofuleuses, surtout chez les enfants, les lésions cardiaques, les anévrismes, les angines simples, la pneu- monie, la dysenterie, les névralgies faciales, les lom- bagos, les méningites. Le tétanos, se rencontre parfois mais il semble diminuer. 373 La fièvre typhoïde a été épidémique pendant plu- sieurs années; elle était souvent accompagnée d'hémor- ragies intestinales, et presque toujours, ses formes ont été très graves, avec prédominance du caractère adi- namique. La diphtérie a sévi dans plusieurs occasions et infesté la population. La scarlatine frappe également à des époques déterminées, mais elle est généralement bé- nigne. La pustule maligne a fait des victimes, mais en nom- bre très limité. On a constaté que les fièvres puerpérales étaient com- munes auparavant, mais on a réduit leur fréquence par l'application de l'asepsie conseillée par les médecins. Les métrorrhagies s'observent ausssi. Baradero. - Ce pays, qui se distingue par sa ferti- lité, est livré à l'agriculture. Il offre cependant l'incon- vénient d'être à proximité d'une île, de huit à dix lieues carrées de superficie, formée par les rios Paranâ de las Palmas et Baradero, qui, sujette aux inondations et présentant une végétation abondante, constitue un danger par suite des manifestations paludéennes qu'elle pro- voque. Elle renferme des marais formés par l'inclinaison du terrain, qui concentre sur certains points les eaux plu- viales. Les fièvres intermittentes sont fréquentes; et d'après le Dr. P. Bermejo, « l'influence du paludisme est très marquée même dans les maladies qui, par leur na- ture, sont classées par la pathologie à l'antipode du paludisme. Elles ne cèdent pas à un traitement, si éner- gique qu'il soit, tant qu'on ne le combine pas avec le traitement anti-miasmatique. » Une des nombreuses curiosités pathologiques observées par ce médecin dans cette localité et qui démontre d'une façon évidente l'atmosphère morbide créée par cet agent infectieux, consiste dans des engorgements considérables du foie et de la rate, cas typiques et très marqués d'esplénite. 374 A son avis, les formes les plus communes qu'affecte la fièvre intermittente simple, sont la double quarte et la quotidienne double; les fièvres intermittentes perni- cieuses se présentent, au contraire, sous la forme tierce et la forme quotidienne. Leur influence se fait sentir principalement au printemps et en été. Cette action du- paludisme se manifeste sur l'économie par l'affaiblissement et la prédisposition aux maladies; c'est pour cela qu'on constate au Baradero une dimi- nution dans la moyenne de la vie. Indépendamment des fièvres intermittentes, on a ob- servé la fièvre typhoïde et la variole; cette dernière a été vaincue par la vaccine. La diphtérie, la dysenterie, la pustule maligne, les angines simples, ont envahi quelquefois ce village. San Pedro. - Ce bourg, au Nord de Buenos Aires, situé sur le bord du rio Paranâ de las Palmas, compte 6.000 habitants et plus de 12.000 si on comprend la population rurale. La couche végétale est une terre sablonneuse très fer- tile, et sauf quelques petits marais formés par les crues du rio, tout le district jouit des bienfaits de cette con- dition du sol agraire, qui lui vaut une légitime répu- tation. En été, comme en hiver, la température est peu va- riable; mais il n'en est pas de même au printemps, époque pendant laquelle on observe des changements très brus- ques, provoqués principalement par le vent pampero. La grêle est une de ses conséquences. Bien que les pluies y soient torrentielles, l'eau ne séjourne pas dans les champs, et l'agriculture tire un grand profit de cet avantage. Quoique le Paranâ coule à côté du village, la popu- lation ne boit pas son eau; elle préfère celle des puits, que l'on trouve dans toutes les maisons et qui sert à tous les usages. Il y a peu de citernes. 375 Indépendamment du rio, il y a une rivière appelée del Tala, qui prend sa source dans les localités voisines situées à l'Ouest et se jette dans le Paranâ. Les latrines et les égouts sont aussi imparfaits et anti-hygiéniques que dans le reste de la province. Au dire du Dr. Adolfo Castro, les maladies les plus constantes sont la tuberculose et celles de l'appareil cir- culatoire. La variole, la scarlatine, la rougeole et la diph- térie sont rares: La fièvre typhoïde est assez fréquente dans le centre pendant les mois compris entre février et juin; mais à la campagne les cas sont exceptionnels. La forme la plus commune est l'abdominale; l'hémorragique est celle qui provoque le plus de décès. Le traitement est antiseptique et stimulant. L'hydro- thérapie est employée. Il y a environ 5 ans que la maladie prit un carac- tère épidémique, et la mortalité atteignit la proportion de 70% sur le nombre total des malades. L'apparition de la fièvre typhoïde a coïncidé avec une baisse du rio. Les étrangers s'acclimatent facilement. San Nicolas. La ville de San Nicolas est construite sur le rio Paranâ; sa population est de 15.000 habitants et elle atteint 25.000 en tenant compte de celle qui est disséminée sur son territoire. Elle est le centre d'un grand mouvement commercial et agricole dans cette importante région Nord de la province de Buenos Aires. Son sol est'argileux et humide. Les saisons extrêmes présentent les caractères sui- vants : en été, fortes chaleurs, température maxima 30°7 à l'ombre; vents Nord et Nord-Est; tempêtes fréquentes, qui finissent en général par de grands vents du Sud et du Sud-Ouest; en hiver, le froid est peu rigoureux, et ne dure pas longtemps; les vents sont alors du Sud et du Sud-Est; il se produit trois ou quatre tempêtes accom- pagnées d'un vent Sud-Est et de grandes pluies qui durent quatre, six ou sept jours, 376 La pression atmosphérique moyenne est 757; l'humi- dité relative 65.00; l'ozone 6.0; la pluie la plus abon- dante (en décembre) a été de 145 mm. Il y a un service d'eaux courantes installé avec des conduites; la prise se fait dans le Paranâ à 80 mètres de la rive; l'eau est bien filtrée et abondante. Bien des per- sonnes cependant font usage, par habitude, des eaux de puits. Il existe, en outre, les rivières de Ramallo et del Medio, ainsi que des courants souterrains qui, venus de la campagne, vont se jeter, sous forme de ruisseaux, soit dans ces rivières, soit dans le Paranâ. Les latrines se trouvent dans le fond de chaque mai- son, très près des puits, ce qui facilite les filtrations et constitue une condition très favorable pour l'infec- tion. Au Sud, dans les faubourgs, on rencontre un étang- appelé de Zapata, qui a presque toujours de Peau et qui est en rapport, par suite de la pente du terrain, avec une partie de la section Est et Sud de la ville. Cet étang influe certainement sur la salubrité de San Nicolas, et c'est précisément sur le point où' il est situé que les maladies infectieuses sont les plus communes. Il y a dans la campagne d'autres étangs et marais, mais l'ac- tion qu'ils peuvent exercer n'a pas été déterminée. L'étude de la morbidité de ce pays démontre que la tuberculose et la pneumonie sont les affections qui font le plus de victimes; viennent ensuite, par ordre de fréquence, les gastro-entérites, les lésions organiques du cœur, les bronchites, le tétanos infantil, l'atrepsie, la fièvre typhoïde et la méningite. La fièvre typhoïde est endémique; c'est en été et en automne que les cas sont les plus nombreux. Pendant longtemps elle se déclarait surtout dans les maisons construites dans des rues non pavées, dans lesquelles se formaient des marais, et à la campagne; aujourd'hui on la rencontre indistinctement dans tous les quar- tiers, mais avec plus d'intensité cependant dans les faubourgs, les maisons de campagne et hors de la ville. 377 Presque toutes ses victimes sont des personnes buvant des eaux de puits qui, ainsi que nous le savons, sont de mauvaise qualité, par suite des filtrations auxquelles donne lieu leur proximité des latrines. En 1890, elle prit un caractère épidémique, pendant la plus grande partie de l'année; elle se déclara après les grandes pluies de 1887 et 1889, qui se prolongèrent pendant neuf mois. Lorsque la maladie cessa, il s'écoula un laps de temps assez long avant qu'elle ne fît sa réappa- rition. Les soulèvements du sol, qui furent pratiqués à cette époque pour le pavage, l'installation du service des eaux courantes et du gaz, influèrent sans doute sur cette invasion. De nombreux ouvriers employés à ces tra- vaux furent atteints; il en fut de même pour beaucoup de campagnards vivant sans aucune espèce d'hygiène, mangeant mal et buvant l'eau des puits. Durant cette épi- démie, presque la moitié des individus d'une colonie hol- landaise succombèrent; ils s'étaient établis dans la con- trée au nombre de 100. Il convient d'ajouter qu'ils n'étaient pas habitués à manger de la viande et étaient très sujets aux gastro-entérites. D'après le Dr. Ruiz Huidobro, l'influenza qui, dans ces dernières années, a fait tant de victimes, ne tardait pas à prendre, après 3 ou 4 jours, un caractère typhi- que très marqué et tuait les malades. La fièvre typhoïde se présente souvent sous des for- mes effrayantes et de nombreux cas sont adynamiques; les formes ataxiques sont rares. Les complications pul- monaires sont très fréquentes. Le traitement consiste à prendre des antiseptiques intestinaux et de la quinine, de l'antipyrine, des bains tièdes, des toniques, etc. Comme mesures prophylactiques, on ordonne la dé- sinfection des déjections, le plus grand isolement pos- sible, l'emploi des eaux du Paranâ, et l'interdiction absolue de celle des puits. La mortalité typhique peut être calculée au 15 %. Les maladies infecto-contagieuses ont donné pendant 378 la période de cinq ans, comprise de 1882 à 1886, la mor- talité suivante: MALADIES 1882 1883 1884 1885 1886 Totaux Variole 2 1 12 15 Tuberculose 45 46 58 33 51 233 Diphtérie 2 20 34 - 7 63 Pneumonie et broncho-pneu- monie 30 37 25 25 24 141 Croup 3 1 - 9 4 17 Fièvre typhoïde 4 6 16 6 9 41 Rougeole 20 3 1 - - 24 Scarlatine 20 6 2 - - 28 Coqueluche - 1 3 1 - 5 Septicémie 3 2 1 - 2 8 Choléra morbus - - - - 11 11 Durant la période de 1882 à 1886, la mortalité géné- rale a été de 2.344 personnes et sur ce chiffre on comp- tait 1.025 enfants au-dessous de 3 ans. Il meurt plus d'hommes que de femmes: 55.7% des premiers contre 44.3% des dernières, c'est-à-dire 125 hommes pour 100 femmes. Pendant ce temps il y a eu 3.859 naissances. On a donc une proportion de 165 naissances contre 100 décès, chiffre qui dépasse de 27 % celui qu'a donné la ville de Buenos Aires pendant la même période. (f) La mortalité annuelle serait de 467 et la moyenne mensuelle de 39, chiffre très élevé, puisqu'en calculant la population à 15.000 âmes, on aurait 31 morts pour mille habitants; mais il faut observer que dans les to- taux généraux on a fait figurer bien des individus qui appartenaient aux sections rurales du département. (*) De 1882 à 1886, la proportion des naissances par rapport aux décès a été, à Buenos Aires, de 138 pour 100. 379 La mortalité provoquée par les principales maladies, pendant les cinq années de 1887 à 1891, a été la sui- vante : MALADIES 1887 1888 1889 1890 Anévrisme 14 11 13 8 Atrepsie 15 26 25 28 Bronchites 30 39 25 25 Cancer (divers) 13 5 7 11 Choléra morbus 29 - - - Coqueluche - 6 3 - Congestion cérébrale 23 29 21 20 Faiblesse congénitale 19 20 46 29 Dysenterie - 7 2 - Entérite 23 17 42 46 Diphtérie - - - 4 Fièvres diverses 14 - 9 12 Fièvre typhoïde - 22 19 54 Gastro-entérite 16 10 39 20 Méningite 35 30 32 29 Blessures 14 17 15 14 Pneumonie 49 59 66 59 Péritonite 15 12 8 3 Mort-nés - 14 36 17 Rougeole 9 - 21 3 Tétanos infanlil 22 23 42 35 Tuberculose 35 54 66 47 Lésions organiques du cœur. 38 35 43 36 Variole 281 15 6 6 Causes diverses 147 - 31 59 Les chiffres de la tuberculose, de la pneumonie et des bronchites attirent l'attention; rappelons que le sol de cette localité est très humide et nous aurons l'explica- tion du phénomène. Selon le Dr. R. Huidobro, la variole a fait des ra- vages en 1887 et a formé le 30 % du total des décès, mais pendant les années qui ont suivi, elle n'a pas pris de proportions alarmantes. La mortalité des enfants oscille entre le 45 et le 50%. et les causes les plus communes sont : l'atrepsie, le téta- nos, la gastro-entérite, la méningite, la broncho-pneu- 380 monie. Nous trouvons extraordinaire la fréquence du tétanos néo-natorum, qui est aujourd'hui presque pros- crit de la nosologie; quoi qu'il en soit, en tenant pour vrais les chiffres indiqués, il faut reconnaître qu'il sont très élevés. En résumé, la mortalité générale dans la période de 1882 à 1890 a été la suivante: ANNÉES HOMMES FEMMES TOTAUX 1882 267 213 480 1883 247 196 443 1884 265 240 505 1885 229 183 412 1886 296 208 504 1887 476 384 860 1888 337 277 614 1889 386 322 708 1890 428 341 769 En examinant ce tableau, on constate une augmenta- tion évidente de la mortalité pendant ces dernières années, et particulièrement en 1887, mais il faut remar- quer, pour expliquer cette proportion qui correspondrait au nombre d'habitants ■ de la ville (15.000 âmes), que ces chiffres comprennent également les morts de la cam- pagne. Pergamino. - Le Pergamino situé à 229 kilomètres au Nord-Ouest de la capitale fédérale, compte aujour- d'hui 7.000 habitants et 23.000 dans toute l'étendue de son district. Son sol est accidenté et pierreux en partie; sa terre d'une fertilité extraordinaire; la végétation y donne des rendements considérables. 381 La rivière « Pergamino » traverse les faubourgs en se dirigeant vers le Sud-Ouest. Le climat est pareil à celui de la région Nord en gé- néral; la chaleur y est suffocante, en été ; le froid rigou- reux, en hiver; aussi les saisons sont-elles bien carac- térisées. Les pluies ne sont pas fréquentes. En 1892, elles ont été très rares et l'agriculture aurait souffert beaucoup sans celles qui tombèrent à la fin de cette même année. Presque toute la population fait usage de l'eau de puits qui est saumâtre et de mauvaise qualité; quelques familles se servent des citernes, mais elles sont peu nombreuses. Il y a quelques marais qui constituent un danger constant, par suite des émanations pestilentielles qui s'en dégagent. Un moulin a interrompu le cours de la rivière pour établir un barrage et comme le niveau des eaux s'abaisse à certains moments et charrie des animaux, détritus, etc., il en résulte une grande décomposition qui se fait sentir dans tout le pays. Parmi les maladies qui se produisent, nous avons Vinfluenza, qui a été épidémique en 1892-93, la rougeole, qui a sévi avec le même caractère en 1890; la variole, qui a diminué par suite de la vaccination, après avoir fait de grands ravages durant les années précédentes. La diphtérie et la scarlatine sont très rares. La fièvre typhoïde s'observe parfois, particulièrement en été, sans qu'elle sévisse de préférence dans un quar- tier déterminé. Cependant en 1891, il y a eu une petite épidémie de cette maladie, et ses foyers étaient bien caractérisés. La cause principale réside dans les marais et dans les soulèvements des terrains qu'on pratique constamment. Des familles entières furent attaquées. La mortalité que cette fièvre occasionne est très mi- nime; c'est une observation qu'ont faite tous les mé- decins de cet endroit. Dans l'hôpital, il n'est mort qu'un seul typhique dans une période de quatre ans, 382 d'après le Dr. L. Pereyra. Le traitement a consisté dans l'emploi des anti-thermiques, antisepsie intestinale, bains froids, etc. L'isolement, quand il est possible, et la désinfection des linges et des matières fécales sont de pratique en pareil cas. La mortalité infantile est très élevée. Les étrangers s'acclimatent facilement. Parmi les naturels du pays on n'a pas observé de calculs de la vessie, et cela tient probablement à ce que dans cette ville, comme dans d'autres du Nord de la pro- vince de Buenos Aires, les eaux sont fortement alcalines. Les quelques rares cas de calculs ont été constatés sur des Européens, qui certainement avaient déjà la maladie. Il n'y a ni paludisme, ni goitre. La mortalité serait considérable, si les décès enregis- trés s'étaient tous produits au Pergamino, mais il faut tenir compte qu'on enterre dans le cimetière local les morts des petits villages voisins. En 1890 il est mort 524 dont 231 enfants » 1891 - 572 - 315 - Les enfants représentent un chiffre énorme dans cette petite statistique : presque la moitié dans une année; plus de la moité dans l'autre. L'explication de ce fait, ici comme ailleurs, réside dans la mauvaise alimentation, dans la négligence ou l'ignorance des mères. D'autre part, les préceptes hygiéniques sont peu con- nus par les habitants de la campagne, et quand on donne des conseils au nom de la salubrité, ils ne sont pas compris le plus souvent. Comme travaux publics destinés à améliorer les condi- tions générales, on a pavé quelques rues, on a réparé les autres de façon à faciliter l'écoulement des eaux pluviales, et on a planté des arbres sur le boulevard. 383 Salto. - Située au Nord-Ouest de la province de Buenos Aires, cette localité possède aujourd'hui 8.000 habitants environ, la population rurale non comprise. Salto réunit, avec peu de différence, les mêmes con- ditions que les bourgs voisins. Il est bâti sur un coteau. Les trottoirs en direction au Nord ou au Sud sont secs pendant toute l'année. Les rues sont droites, bien nive- lées et bordées d'arbres. Les eaux des pluies s'infiltrent peu et coulent en grande partie vers le rio du Salto. L'inconvénient que le village offre, est la réflexion solaire, laquelle, produite par une superficie blanche, donne lieu à de fréquentes conjonctivites en été. Il n'y a pas de marais, même dans les environs. D'après le Dr. M. S. Cavia, la population emploie presque exclusivement l'eau de puits, et aux époques normales, celle-ci présente des conditions hygiéniques suffisantes, étant généralement limpide et agréable, bien qu'elle contienne des sels dont la composition chimique est ignorée. Le nouvel arrivé s'en aperçoit bientôt, car l'eau exerce chez lui une légère action laxative qui disparaît après quelques jours. En été, quand une grande sécheresse survient, comme celle de 1893-94, la nappe souterraine étant excessive- ment basse, l'eau est mauvaise, trouble et de saveur désagréable. En décembre 1893 et dans les premiers mois de 1894, son emploi donna lieu à une épidémie de gas- tro-entérite, dont les patients étaient rapidement débar- rassés en buvant de l'eau bouillie. Cette épidémie res- pecta les personnes qui se servaient de l'eau de citerne. Le système de latrines est détestable et offre des in- convénients dangereux pour la santé publique. Leur construction et celle des puits sont primitives. Ils man- quent tous de murs de revêtement et sont proches les uns des autres. La contamination des eaux a lieu, par conséquent, sans obstacles. La fièvre typhoïde a été observée à Salto dans toutes ses manifestations diverses; les formes adynamiques sont très nombreuses, les ataxiques exceptionnelles. Les compli- cations pulmonaires sont rares, mais les cas mortels 384 que l'on a enregistrés leur sont attribués. Le Dr. Cavia affirme qu'on a vu des enterorragies, chez les adultes, se terminer par la guérison. Cette maladie s'est présentée avec un caractère épidé- mique dans les dernières années. En 1892, elle frappa 100 individus environ avec une mortalité de 2 %. En 1893, il y eut une même mortalité sur un total de 50 typhiques. On peut dire, en général, que les décès qu'elle occasionne sont inférieurs en nombre à ceux des autres maladies infectieuses. Une particularité digne d'être notée, est que le chiffre d'enfants attaqués par la dothiénentherie est presque égal à celui des adultes. La proportion des décès est de 1 %. Le traitement consiste dans l'administration d'alcools et dans l'antisepsie intestinale. Les épidémies déjà mentionnées des années 1892-93, montrent un tiers de typhiques avec constipation; les eupeptiques et les lavements formaient la base thérapeu- tique. L'hypertermie a été combattue par la quinine et l'antipyrine, spécialement la première. Les médecins se substituent à l'action de l'autorité, en donnant des conseils et des instructions aux familles dans chaque cas. Aujourd'hui, l'idée s'est vulgarisée dans le public que la cuisson de l'eau diminue les probabilités d'inva- sion de la fièvre typhoïde. \linfluenza a été épidémique en 1893, et a atteint un assez grand nombre de malades, précipitant la fin de quelques cardiaques et tuberculeux. Rojas. - Situé à 269 kilomètres à l'Ouest de la ville de Buenos Aires, il compte aujourd'hui 14.000 habitants avec ceux de la campagne. Son terrain est élevé, son sol argileux presque partout, l'eau se rencontre à une profondeur qui varie entre 13 et 15 mètres. Il est en- touré d'une plaine fertile et cultivée; on n'y trouve pas d'eaux stagnantes, grâce à la canalisation faite il y a quelques années et qui a beaucoup contribué à améliorer la salubrité générale. 385 La température est très variable; la moyenne oscille autour de 24°. Le vent Sud-Ouest domine, il est en général très violent. Des pluies torrentielles accompagnent toujours ces tempêtes. Néanmoins, cette localité est plutôt sèche. Les eaux pluviales s'écoulent du Nord au Sud-Est et Sud-Ouest; elles se jettent dans une rivière sau- mâtre qui passe près du pays. La population se sert de l'eau de puits qui est de très mauvaise qualité et chargée de sels et de diverses subs- tances nuisibles, qui la rendent presque impotable. La construction de ces dépendances des maisons n'est régie par aucune disposition et, par conséquent, tout le monde suit la routine d'établir le puits, la cuisine, la latrine, le puisard à côté les uns des autres, sans se douter de la fâcheuse influence que peut avoir pour l'eau un pareil voisinage. Exemple : les personnes de deux familles qui buvaient l'eau provenant d'un même puits, ont contracté la fièvre typhoïde. Ce fait explique la fréquence des troubles gastro-in- testinaux qu'on observe. La fièvre typhoïde représente presque le quart des maladies en général; son plus grand développement coïncide avec les pluies qui suivent la chaleur et la sé- cheresse, surtout en automne. Elle attaque le plus sou- vent les habitants de la partie basse, qui est la plus peuplée. Dans la campagne, les cas sont très rares. De toutes les maladies infectieuses, c'est la plus fréquente; cependant elle m'est pas la plus meurtrière, et se dé- clare principalement en automne. La mortalité générale, en 1891, a été de 186, et sur ce chiffre figurent comme principaux les diagnostics suivants : variole 20; gastro-entérite 33; pneumonie 9; coqueluche 8; rougeole 5; tuberculose 9; dothiénen- therie, 2; rachitisme 7. Dans les quatre premiers mois de 1892, ils est mort 61 personnes de diverses maladies, savoir : 10 de gas- tro-entérite; 1 de pneumonie; 2 de coqueluche; 1 d'in- fluenza; 3 de tuberculose et 4 de fièvre typhoïde; alors CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 25 386 que dans toute l'année 1891, les décédés typhiques n'ont pas dépassé 2. Nous avons vu que le nombre des décès de gastro- entérite cholériforme est très considérable : 33 sur 186. Sur ce chiffre, un tiers correspond à des enfants mal nourris et certainement quelques-uns auront succombé à la dothiénentherie. Cette maladie, d'après le Dr. Rubido, a eu, dans le plus grand nombre des cas, une forme bénigne, comme le démontre la statistique. Parmi les morts qu'elle a causées en 1892, deux cas ont présenté une marche irré- gulière. Dans l'un, de grands phénomènes nerveux, température 39°, absence de catarrhe intestinal, et de tympanisme. Ainsi se passèrent 20 jours, après lesquels le thermomètre monta à 40°, le délire survint, il ne fut pas possible d'abaisser la température ni avec les antithermiques, ni avec les bains, et le malade suc- comba. Il avait des antécédents syphylitiques. Dans l'autre cas, survint une entérorrhagie. Le traitement consiste à administrer du calomel au début, du naphtol, le salol, la quinine et de l'extrait fluide de quina; on donna seulement l'antipyrine ou l'antifébrine au moment des grandes élévations de la température, les ablutions, les bains; la caféine, l'ergotine pour soutenir l'appareil cardio-vasculaire. La mortalité infantile, à Rojas, représente la moitié des décès et avant le traitement antiseptique, cette pro- portion était encore plus forte; on doit l'attribuer au désordre et à l'insuffisance de l'alimentation. Il est très probable que bien des cas figurant avec des dési- gnations spéciales correspondent au typhus. Les étrangers s'acclimatent bien; ils supportent faci- lement l'influence de ce climat tempéré, et comme leur vie est en général tranquille, ils sont plus à l'abri des causes morbides. Les mesures prophylactiques qu'il est possible d'adop- ter dans de petites localités où l'on manque des éléments nécessaires pour assurer leurs bienfaits, consistent dans l'emploi de l'eau bouillie, la désinfection des déjections, 387 mais tout cela est très irrégulier parce que les habi- tants, dans leur ignorance, n'ont pas foi en ces pré- cautions, y renoncent ou les oublient. On n'a pas entrepris et on ne projette pas de travaux d'assainissement. Il y a deux fossés qui, par suite de leur inclinaison, servent pour l'écoulement. Comme cause d'insalubrité qu'il est urgent de faire disparaître, signalons l'habitude de combler avec des résidus les inégalités du terrain qui existent dans cer- taines rues rapprochées du centre. On n'a jamais signalé de cas de paludisme. Ainsi se termine l'étude des centres les plus impor- tants de la province de Buenos Aires. CHAPITRE XIV PROVINCE DE SANTA FÉ Sommaire. - Situation, étendue, population, topographie, rios. - Fertilité du sol. - Colonies agricoles; leurs grands résultats. -Climat : températures, pluies, vents, pression atmosphérique, humidité. - Pathologie : moyenne de la vie. - Ville de Santa Fé : climat, morbidité. - L'humidité et la tu. berculose. - La variole. - La fièvre typhoïde. - Maladies de l'appareil digestif et de l'appareil circulatoire. - Mortalité générale. - Mortalité des enfants. - Tétanos néo-natorum. -Mort-nés. -Faiblesse congénitale.- Rosario : Situation, climat, provision d'eau, sites marécageux, morbidité et mortalité. Cette riche province argentine, aujourd'hui centre d'activité industrielle et commerciale, grâce à l'énorme fertilité de ses terres que peuplent des centaines de co- lonies florissantes, est située sur la rive droite du rio Paranâ; elle s'étend depuis le 29° jusqu'au 34°45 de latitude Sud, et elle est comprise entre les 59°20 et 63°10 de longitude occidentale de Greenwich. Sa super- ficie est de 128.684 kilomètres carrés, et sa population évaluée aujourd'hui à 430.000 habitants, a suivi cette progression : Année 1797. 12.000 âmes - 1825. ... 15.000 - 1857 (recensement national) ... 41.260 - 1863 ... 45.000 - 1869 (recensement national) ... 89.117 - 1887 ( - provincial) ... 220.332 - 1894 ... 430.000 389 La première population de cette province se composait d'indiens d'origine Guarany, Avipones et Charrua; plus tard, d'autres vinrent s'y incorporer provenant des tri- bus Tobas, Mocovies, etc. Actuellement, le santafecino est un type spécial pour l'agriculture; il est résistant et courageux et apte à toute sorte de travaux. L'augmentation rapide de la population est parfaite- ment justifiée, si l'on tient compte que l'immigration afflue dans cette contrée, attirée par la bonté de son cli- mat, la fertilité de ses terres, les rendements énormes de ses cultures et le grand développement de sa colo- nisation. On a dit, avec raison, que l'Australie et les Etats- Unis étaient les pays dans lesquels la multiplication de la population était la plus importante, et cependant les chiffres qu'ils accusent sont inférieurs à ceux de Santa Fé. En effet, la statistique comparée donne pour cette province une augmentation proportionnelle double de celle des régions les plus favorisées de l'Australie et triple de celle des Etats-Unis. D'après les renseignements officiels, sur 352 colonies existant dans la République Argentine en 1889, on en comptait, à Santa Fé, 231 qui avaient une superficie totale de 2.469.561 hectares. Au 31 juillet 1893,1e nombre des colonies de cette province s'élevait à 341 avec une superficie de 3.458.329 hectares. Comme renseignement significatif, il faut citer ce fait, que pendant la seule année 1892, il s'est fondé 40 colonies nouvelles avec une superficie de 463.492 hec- tares, et que, par suite, une plus grande quantité de terre a été livrée à la colonisation pendant cette année que pendant les irois précédentes réunies. L'étendue colonisée, jusqu'à décembre 1893, comparée avec la totalité de la province, représente le 26 La fertilité fabuleuse du sol assure une production inépuisable. Le blé, le maïs, l'orge, etc., qui s'exportent en quantités extraordinaires, représentent des richesses infinies et contribuent puissamment au développement de la fortune publique et privée. 390 L'avenir de Santa Fé est bien établi : climat favora- ble, terre donnant des produits sans nombre, telles sont les conditions qui lui assurent une place à part dans le tableau du progrès national. Ce sont ces condi- tions qui, en un jour peu éloigné, feront de ce terri- toire privilégié parmi les plus fameux de la République Argentine, un grand centre des industries sud-améri- caines, à l'égal de ses soeurs, Buenos Aires, Entre Rios, Mendoza, Tucuman. Bravard considérait la formation géologique de cette région comme appartenant au pliocène. La couche supérieure, l'humus, de 30 à 40 centimètres d'épaisseur, est continuée par une autre d'argile pam- péenne, jusqu'à 23 mètres de profondeur, où l'on trouve le rocher; vient ensuite une couche sablonneuse dans laquelle on rencontre l'eau. De nombreux courants d'eau sillonnent sa vaste superficie, et cet élément existe en grande quantité. Bien que cette eau soit un peu salée sur plusieurs points, on la consomme facilement, le bétail la boit sans répu- gnance et même avec plaisir. Santa Fé est, d'un côté, limitrophe de Santiago del Estero et son terrain présente l'horizontalité qui dis- tingue celle-ci. Les coteaux qui servent de lit au rio Paranâ conser- vent une hauteur presque uniforme depuis l'embouchure de la rivière del Medio, pour atteindre leur maximum (22 mètres) au Rosario. Ils gardent ce niveau et bais- sent progressivement jusqu'au rio Carcaranâ. On peut affirmer que dans toute l'étendue de ce pays on ne rencontre pas une seule montagne; quelques légères ondulations du terrain, dans les environs du Rosario, ont servi de prétexte pour baptiser du nom de « Bajo Hondo » un de ses districts ruraux, tandis qu'au Nord du rio Salado, on donne le nom de « Los Altos » à quelques inégalités du sol qui remontent dans la direc- tion de la province de Santiago. L'horizontalité est telle que le Chemin de fer Central Argentin qui tra- verse ces plaines en mettant en communication le Ro- 391 sario et Cordoba, a 396 kilomètres de voies qu'on a installées sans qu'on ait eu à construire de remblais ou de déblais dépassant quelques centimètres. Le Chemin de fer « Oeste Santafecino » offre, sur 50 kilomètres, des différences de niveau d'un mètre seulement. Dans le Nord, d'abondantes forêts se confondent avec celles du Chaco, et produisent des bois très ap- préciés dans l'industrie, tandis que dans le Sud, les arbres cèdent le terrain aux pâturages qui poussent avec vigueur et qui sont d'une richesse incomparable en substances salines. Les analyses des terres ont démontré que jusqu'à 20 centimètres de profondeur elles contiennent : azote, 3,000; acide phosphorique, 1,875; potasse, 7,000; chaux, 15,000. Le Paranâ traverse la province et baigne ses rives sur un parcours de 436 kilomètres. De grandes îles, d'une fertilité exhubérante, embel- lissent le paysage qu'offre ce beau fleuve. Après le Paranâ, les rivières les plus importantes sont le Carcaranâ et le Salado; ce dernier vient de la province de Salta, passe par Santiago (rio Juramento) et va à Santa Fé; en face de cette ville, il se jette dans le Paranâ. Le Carcaranâ prend naissance dans les montagnes de Cordoba, traverse cette province sous le nom de Tercero et pénètre à Santa Fé sous son nom actuel. Ses eaux, comme celles du Salado, sont légère- ment saumâtres. Les principaux cours d'eau sont : El Sauce, Pavon, Saladillo, Luduena, San Lorenzo, El Monje, Colastiné, Tortugas, Dulce, Amargo, Aguiar, Rey. Le grand lac Guadalupe, qui touche Santa Fé, a 26 kilomètres de long sur 5 de large; il y a également les lacs de « Los Porongos » et de « Las Viboras ». L'eau abonde et, grâce à cet élément, la végétation se maintient dans des conditions très favorables. Le climat est en général salutaire, chaud au Nord et tempéré au Sud. Les étrangers s'y habituent facilement 392 et y fixent leur résidence, sans éprouver la moindre altération dans leur santé. D'après le Dr. Carrasco, Santa Fé, située géogra- phiquement sous une latitude égale à celle du Midi de l'Espagne, de la Grèce et de la Sicile, possède un climat physiquement appelé « doux », comparable à celui des pays les plus universellement connus pour leur température agréable, comme Naples et Palerme, en Italie; Lisbonne, en Portugal; Valence, Barcelone et Séville, en Espagne, puisque sa température moyenne est de 17°, ainsi que Font établi les observations qui ont été faites. La différence entre la température maxima, à 2 heures du soir, et celle de la nuit est de 8 ou 10°. Les saisons, quoique bien définies, ne présentent pas de transitions brusques; ainsi, nous voyons que l'hiver est plutôt doux, le thermomètre ne descend jamais au- dessous de 0 pendant le jour. En été on observe ce phé- nomène, qu'à une température de 34° et au vent du Nord, succède une tempête accompagnée (Lune pluie abondante, suivie du « pampero » et que le thermomètre marque 22°. Il n'y a pas d'endémies, et, comme épidémies, on ne connaît que la variole. La maladie la plus fréquente est la tuberculose. Les étrangers s'y trouvent bien et l'acclimatation ne les fatigue pas. La preuve en est dans le développemant de la colonisation qui, chaque jour, acquiert de nouveaux et vigoureux éléments. Cette province est une des régions argentines où l'homme atteint l'âge le plus avancé. Le dernier recen- sement (1887) a établi qu'il y avait 23 individus ayant dépassé cent ans, 19 femmes et 4 hommes; le recen- sement de 1869 en avait signalé un seul sur une popu- lation de 89.117 habitants. Santa Fé est, par suite, une des contrées qui compte relativement le plus grand nombre de vieillards. Les 23 centenaires en question sont Argentins; 13 d'entre eux sont « Santafécins ». 393 Santa Fé. - La capitale de la province ainsi nommée, s'élève sur le rio du même nom, qui est un des bras du Paranâ; c'est la plus ancienne ville de celles qui ont été fondées dans les domaines du rio de la Plata. Son développement n'a pas répondu à son ancienneté, et sa population reste stationnaire au milieu des pro- grès des autres localités de la région. Elle a 15.000 ha- bitants et en 1797 elle en comptait 4.000. ■ Son climat, quoique froid en hiver, ne présente pas de grandes différences avec les caractères que nous venons d'étudier dans le chapitre précédent. Disons cependant, pour commencer, que l'humidité y règne, et c'est là une condition très défavorable, comme nous le verrons plus loin. Dans sa pathologie figurent principalement la variole, la tuberculose, le tétanos infantil, les rhumatismes, les affections de l'appareil respiratoire en général. Cette morbidité de Santa Fé est extraordinaire. Pendant les dernières années, la mortalité a été la sui- vante : 1874('),1098; 1875, 336; 1876, 290; 1877, 365; 1878, 326; 1879, 336; 1880, 376; 1881, 237; 1882, 431; 1883, 568; 1884, 522; 1885, 490; 1886, 552; 1887, 601; 1888, 541; 1889, 965; 1890, 710;. 1891, 643. Quelques-uns de ces chiffres sont très élevés, comme ceux des années 1883 (568) et 1884 (522); en calculant qu'à cette date la population était de 12.000 âmes, on obtient une proportion de 45 pour 1000. Mauvais, bien plus mauvais sont les chiffres de l'année 1889 : 965 décès sur 14.000 habitants (2), ce qui donne cette triste proportion : 1 mort sur 15 habitants ou 69 pour 1000. Santa Fé qui, en 1889, présentait une mortalité de 1 pour 15 et qui possède un Conseil d'Hygiène et une (x) Epidémie de variole qui a produit plus du 60 % du total des décès. (a) Population de l'année 1889. 394 Assistance Publique, est dans de très mauvaises condi- tions sanitaires, ainsi que le prouve sa propre statis- tique. Il n'existe pas, dans cette localité, de grandes agglomé- rations humaines, la vie y est tranquille, le travail facile, la misère y est inconnue, car la terre est riche en produits et le plus grand nombre vit dans l'aisance. Quelle est donc la cause qui engendre ce phénomène qui doit préoccuper sérieusement les autorités si elles ne veulent pas voir diminuer lentement la population? A notre avis, la cause réside dans l'humidité, favori- sée par la situation topographique de cette ville qui est encaissée. En veut-on la preuve? A Santa Fé régnent la tuberculose et les affections de l'appareil respiratoire. L'action que l'humidité produit sur l'organisme est bien connue; elle le prépare à contracter facilement la tuberculose, et en se basant sur l'influence que cette condition de l'atmosphère et du sol exerce sur la salu- brité, on déduit facilement qu'il faut lui attribuer le chiffre considérable de cette maladie ainsi que d'autres qui sont très susceptibles de se produire et de se dé- velopper grâce à elle. La variole a été un vrai fléau autrefois et bien que, dans ces dernières années, elle ait diminué beaucoup, elle existe toujours et fait des irruptions qui causent quelques victimes. La fièvre typhoïde, sans être épidémique, règne toute l'année, à cause des eaux de puits, dont la classe pau- vre fait usage. Trois ou quatre décès par mois, telle est la moyenne. Les puits et les latrines sont contigus, et, par suite, l'action de ces dernières sur les premiers est évidente. Les affections des organes digestifs sont d'une fré- quence remarquable, particulièrement les entérites et les gastro-entérites. Les lésions cardiaques sont souvent observées. 395 La mortalité des enfants est très élevée et elle repré- sente plus du 50 %. Parmi les maladies qui contri- buent à cette disproportion extraordinaire, il faut citer d'abord le tétanos, la gastro-entérite, la variole, la mé- ningite et la rougeole. La quantité de morts avec le diagnostic « tétanos néo-natorum » est extraordinaire, aujourd'hui que l'asep- sie est proclamée de toutes parts et que ses grands avantages sont reconnus. Avoir à enregistrer 62 décès par an, causés par cette affection, est vraiment honteux. Ou il n'y a pas d'ac- coucheuses capables, ou les principes de la science démentent, à Santa Fé, ce qu'ils ont proclamé dans toutes les grandes villes. Les enfants mort-nés, représentent un chiffre énorme. On peut dire, sans se tromper, que dans cette catégorie figurent de nombreux infanticides, parce que dans une population peu importante, pareille mortalité avec un chiffre de 40 ou 45 enfants, pour une année serait certainement alarmante s'il s'agissait seulement d'acci- dents dans la mesure du raisonnable et de l'acceptable ; mais il faut se défier et s'alarmer vraiment de ces révélations de la statistique. Sur ces 50 enfants morts en naissant, combien y en a-t-il qui ont succombé étouf- fés par leurs mères? Il est urgent d'adopter des mesures pour éviter ces scandales ; il faut aussi diminuer la mortalité des en- fants, causée par le tétanos ; pour l'un comme pour l'autre cas, l'autorité sanitaire locale doit montrer beaucoup d'énergie, si elle ne veut encourir une grave responsabilité pour un état de choses que sa négligence rendra chaque jour plus épouvantable. La faiblesse congénitale est un autre facteur signifi- catif dans la morbidité de cette ville, qui, à bien des points de vue, confirme notre manière de voir au sujet de la tuberculose et des conditions précaires dans les- quelles se fait la procréation sous l'influence des élé- ments de dénutrition qui appauvrissent l'organisme. Heureusement, comme en toutes choses, la loi de 396 compensation existe: disons que malgré le mauvais état sanitaire de Santa Fé, malgré les agents de destruc- tion ou d'atténuation des fonctions de la vie, le chiffre des naissances est supérieur à celui des décès, et parmi les naissances, les garçons sont en majorité. Le sexe masculin domine dans les tableaux mortuaires de toutes les années, sauf en 1884. En 1889, sur 965 morts, on a compté 521 hommes et 444 femmes. Des observations répétées on a déduit que la moyenne de la vie est un peu plus élevée pour la femme, dans une proportion de 19 %. Rosario. - La ville du Rosario, la plus importante de la province de Santa Fé, et une des plus commer- çantes de la République Argentine, est située aux 32°53 de longitude occidentale du méridien de Paris, sur la rive droite du Paranâ; elle compte aujourd'hui 70.000 habitants. Son élévation au-dessus du niveau moyen des marées du rio de la Plata est de 38 mètres. Au Nord et à l'Est, elle est limitée par le Paranâ; à l'Ouest, par la rivière Luduena, qui est souvent à sec; au Sud, par le Saladillo, cours d'eau salé, très trouble, et qui paraît contenir une grande quantité de matières orga- niques. A l'Ouest, on rencontre des terrains bas, cons- tamment sous l'eau, mais qui sont de peu d'étendue. Les rues sont étroites et mal orientées. Le pavage est mauvais, mais il a été refait sur bien des points. La température maxima atteint en été 38°7 (février), et la minima en mai et juin, descend à 0°9. La moyenne mensuelle prise à 7 heures du matin, 2 heures et 9 heu- res du soir, donne respectivement 16°, 21°70 et 17°90, correspondant à une moyenne annuelle de 18°5. Les vents du Nord dominent surtout pendant les mois de mars., avril, mai., juillet et août; ceux du Sud et du Sud-Est sont fréquents, mais ceux du Sud-Ouest et de de l'Ouest, très rares. Le calme atmosphérique annuel est représenté par le chiffre 87. 397 Les oscillations barométriques extrêmes sont: (moyenne annuelle) maxima 778.78 en août, et minima, en juillet, 743.27, et en décembre 743.64. L'humidité relative moyenne mensuelle (en centième de saturation) varie entre 87.7 et 90.3, d'avril à sep- tembre, à 7 heures du matin; de 73 à 77.5 à 2 heures du soir, et de 80.7 à 86.9 à 9 heures du soir. Durant les autres mois de l'année, elle varie de 75.5 à 79.1 à 7 heures du matin, de 53 à 60.61 à 2 heures du soir, et de 71 à 79.6 à 9 heures du soir. La moyenne annuelle de la pression de la vapeur atmosphérique varie de 8.61 (juin) à 15.23 (mars). Les pluies sont abondantes au Rosario, particulière- ment au printemps et en été; on peut les calculer à plus de 950 mm. En établissant une division d'après les saisons, nous avons : en été 307 mm. 9; en automne 264 mm. 6; en hiver 134 mm. 6; au printemps 274 mm. 6. La plus grand quantité d'eau correspond donc à l'été (octobre, novembre, décembre, mars et février), et il faut observer que le 26 mars 1890, entre 5 et 9 heures du matin, on a enregistré 254 mm. d'eau, sur lesquels, 80 mm. sont tombés en moins de 30 minutes. Le total de l'eau pendant ce mois atteignit 501 mm. Les rosées sont également abondantes, et leur quan- tité est telle que pendant les périodes de sécheresse elles suffisent pour rafraîchir la terre. La neige est rare et jusqu'à 1879, on ne l'avait ja- mais vue. La grêle tombe deux ou trois fois par an. Le système de provision d'eaux courantes au moyen des conduites est installé; mais dans les maisons de famille on emploie l'eau de citernes. Dans les maisons ouvrières, on fait usage de l'eau de puits. Celles qui ont un service d'eaux courantes re- présentent à peine une proportion de 5 %. La profondeur des puits est de 20 à 22 mètres; elle est seulement de 8 et même de 5, dans quelques points tels que la côte de la rivière Luduena et Bajo Hondo. Pour leur construction, on ne suite aucune règle fixe ni les dispositions qui seraient avantageuses à la ma- 398 jorité des habitants. Ainsi il n'est pas rare de rencon- trer un puits creusé à une distance de 10 mètres d'une latrine, qui reçoit les déjections de 20 ou 30 individus. On ne tient aucun compte pour la construction d'un puits de la direction de la couche d'eau par rapport à une latrine. Les eaux de puits du Rosario sont particulièrement impures; on doit l'attribuer probable- blement à la perméabilité de la couche d'argile qui va en diminuant à mesure qu'elle s'éloigne du Paranâ. Les analyses pratiquées révèlent que 80 et même 90 pour cent des eaux de puits sont impures et renferment de l'acide nitrique, nitreux, des sels alcalins, etc. Nous avons déjà vu qu'à l'Ouest de la ville existent des terrains marécageux de peu d'étendue ; mais comme à cet endroit la population est rare, on n'a pas constaté leur influence sur la santé publique; tout au moins jusqu'à aujourd'hui on n'a observé aucun trouble dont ils auraient été la cause. La morbidité est représentée principalement par la diphtérie, la tuberculose, la méningite, le tétanos in- fantil, la bronchite, la broncho-pneumonie, la pneumo- nie, l'entérite, la variole, la gastro-entérite, la fièvre typhoïde. L'été est l'époque du plus grand développement de cette dernière affection. Les causes auxquelles on peut l'attribuer sont : l'u- sage d'eaux impures, le mauvais Système des latrines et des égouts; l'agglomération des personnes dans quelques maisons; le défaut de propreté et de soins; la mauvaise alimentation; le soulèvement des terrains à certaines époques pour l'installation des travaux de salubrité; le défaut de précautions pour empêcher la propagation des épidémies, et la négligence que l'on apporte dans l'ob- servation de certains principes d'hygiène, alors même que, grâce au fonctionnement de l'Assistance Publique, on ait donné de bons conseils et des instructions favo- rables à la santé du municipe. Les formes bénignes s'observent fréquemment. Durant une épidémie qui s'est produite en 1890, le Dr. Firmat a pu constater un caractère de gravité très marquée 399 chez tous les malades; la fièvre affectait la forme cérébrale et faisait un grand nombre de victimes. Le traitement employé, consiste dans le régime lacté, les toniques, les stimulants suivant les cas, la désin- fection intestinale, le naphtol, l'acide salycilique, le salol, le salicylate de soude ou de bismuth, la naphta- line, les bains, etc., en observant, suivant les cas, les indications symptomatiques. Comme moyens de prévenir la maladie ou d'empêcher sa propagation, on indique: la règlementation des mai- sons ouvrières, la fermeture des puits, la construction des latrines d'après un système véritablement hygiéni- que, le service obligatoire des eaux courantes, l'établis- sement des égouts, le pavage des rues, en assurant leur nivellement, l'assainissement des terrains marécageux, en les comblant et en y faisant des plantations, l'ins- pection rigoureuse des abattoirs et des marchés, du lait et des autres articles de consommation, l'enseignement, donné aux habitants, des notions de l'hygiène, la sur- veillance des maisons habitées par les pauvres, etc. La mortalité causée, pendant les années 1890, 91 et 92, par les maladies les plus communes est la suivante : MALADIES 1890 1891 1892 Tuberculose 531 179 145 Fièvre typhoïde 254 78 67 Diphtérie 149 167 138 Variole 442 54 Scarlatine 5 1 Rougeole 12 3 71 Bronchite 133 86 102 Br on ch o-pn en m on i e 69 51 131 Coqueluche 31 15 Entérite 296 207 112 Gastro-entérite 122 154 100 Tétanos infantil 126 106 82 Méningite 135 97 72 Lésions cardiaques 155 109 63 Mort-nés 188 214 116 400 On voit que la tuberculose est la plus constante et la plus meurtrière des maladies. La fièvre typhoïde et la diphtérie la suivent. La variole a fait des ravages en 1890, par suite du séjour de bataillons venus de diffé- rentes provinces, pendant la révolution, et qui fu- rent condamnés à vivre agglomérés; l'année suivante, ces troupes s'étant dispersées, la même affection n'a causé que 54 décès. De ces renseignements on déduit que le typhus ab- dominal diminue graduellement et on le doit à Faction évidente des mesures adoptées par l'Assistance Publique de cette ville importante, mais il faut continuer la pro- pagande jusqu'à ce qu'on ait réduit à 0 le chiffre de la mortalité. La mortalité typhique des enfants est à peu près nulle. Les étrangers s'acclimatent bien et n'éprouvent pas plus de troubles dans leur santé que les naturels du pays. En consultant les âges, on voit que la vie au Rosa- rio arrive souvent à de très longues durées. Ainsi, par exemple, en 1890, il est mort 40 individus de 70 à 80 ans; 24 de 80 à 90 ans; 11 de 90 à 100 ans, et 2 de plus de 100 ans. Le chiffre correspondant au tétanos infantil est élevé, et quoiqu'il tende à diminuer, on doit espérer qu'il disparaîtra complètement. Le nombre des mort-nés est considérable. Certainement doivent figurer dans cette catégorie de nombreux in- fanticides résultant de relations prohibées. CHAPITRE XV PROVINCE D'ENTRE RIOS :Sommaire. - Situation, limites, rios, population, végétation. - Etudes de Lorentz. - Géologie, climat, salubrité. - Paranâ : Situation, géodogie. - Opinion de Scalabrini. - Climat : température, humidité, pression atmosphérique, pluies, vents, etc. - Provision d'eaux courantes. - Terrains bas. - Mor- bidité. - Fièvre typhoïde, etc. -Mortalité générale. - Concepcion del Uruguay: Situation, population.-Géologie. -Climat, vents, etc.-Rios, lagunes, marais. - Morbidité. - Fièvre typhoïde, diphtérie, variole, etc. - Epidémies. - Gualeguaychû : Population, situation, provision d'eau, morbidité, mortalité. - Fréquence du rhumatisme. - Influence de l'humi- dité.- La tuberculose. -Mortalité en 1893. - Concordia : Situation, climat, morbidité. - Epidémie de fièvre typhoïde. - Mortalité. La province d'Entre Rios qui fait partie de la zone appelée Mésopotamie Argentine, est limitée au Nord par les rivières Guayquirarô et Mocoretâ (') et par les cours d'eau Basualdo et las Tunas, qui la divisent de Cor- rientes. L'Uruguay, à l'Est, la sépare de la République Orientale; au Sud et à FOuest, le Paranâ Guazü, l'Ibi- cuy, le ruisseau Pavon et le rio Paranâ, la séparent de la province de Buenos Aires et plus au Nord, de la province de Santa Fé. Les deux grands rios Paranâ et Uruguay, situés en moyenne par 30° 1/2 de latitud Sud, entourent la pro- (*) La première se jette dans le Paranâ et la seconde, dans l'Uru- guay . CLIMATOLOGIE MEDICALE. 402 vince « en l'enfermant comme une île, que le delta du Paranâ, sous le parallèle 34°, complète dans le Sud ». Il n'est pas nécessaire de rappeler ici toutes les ri- vières, les lagunes, les ruisseaux qui parcourent son sol, mais nous devons dire qu'elle est bien desservie par un système naturel de cours d'eau abondants. Son étendue est de 75.457 kilomètres carrés, et sa population a suivi la progression que nous indiquent les chiffres ci-après. 1830 30.000 habitants 1849 47.000 - 1857 80.000 - 1864 107.000 - 1869 (recensement national) 134.271 - 1885 (calcul) 224.000 - 1894 (calcul) 400.000 - On a dit autrefois que la population d'Entre Rios doublait en onze ans; mais les chiffres antérieurs ne démontrent pas l'exactitude de cette affirmation. En tenant compte de l'étendue du territoire et du nombre d'habitants, on a 5.3 âmes par kilomètre carré. Le terrain est accidenté, il présente de nombreuses collines d'un très joli aspect, et sur les bords du rio Pa- ranâ on rencontre des coteaux élevés. La végétation est abondante et son sol se prête à toutes sortes de cultures. Tous les arbres fruitiers peu- vent s'y développer parfaitement bien; les vignes pro- duisent des fruit superbes et actuellement elles cons- tituent une des industries les plus importantes. Quelques endroits comme les environs du Paranâ, sont excellents pour les plantations du tabac et du coton. Montiel, est le nom d'une grande forêt au Nord-Ouest de la province ; elle est constituée par d'innombrables exem- plaires de talas, tunas, quebrachos, nandubays, molles, 403 chanares, coroinillos, yatays ,etc. On rencontre également l'arbre appelé brea. Lorentz dit à propos de Montiel, que c'est une forêt très homogène de mimosées, dans laquelle dominent, suivant les parages, l'espinillo, l'algarrobo, ou le nan- dubay, mais cette formation présente quelque chose.de particulier et mérite un nom spécial : formation de Montiel, par suite d'un autre élément qui se mêle cons- tamment avec les mimosées : la caranda qui est proba- blement le « Trithrinac brasiliensis ». Dans toute la province abondent les riches pâturages et les plantations d'arbres. Les bois sont très appré- ciés. Le sol est ainsi composé: une couche d'humus d'une épaisseur variable, au-dessous, une autre d'argile sablon- neuse mélangée avec des noyaux calcaires et plus bas une troisième de rochers et de pierres calcaires. La chaux abonde dans les coteaux qu'on rencontre sur les rives du Paranâ. Vers le Nord du Salto, sur le haut Uruguay, on ren- contre l'agathe, le cristal de roche, etc., de différentes couleurs. Le climat est en général agréable, quoique très chaud en été, mais les vents du Sud et du Sud-Ouest en at- ténuent les excès. La température du jour et de la nuit présente des variations extraordinaires. L'hiver est doux. La température moyenne dans la. province, oscille entre 17°o et 19°. Les pluies sont irrégulières en certaines saisons; elles sont cependant assez fréquentes et le pluviomètre mar- que 1.200 mm. par an. Rarement il tombe de la grêle. Les tourmentes se produisent parfois; elles sont ac- compagnées de fortes décharges électriques. La foudre a fait quelques victimes. On a toujours considéré cette province comme très salubre. Les fièvres infectieuses y ont été inconnues, et il n'y a pas eu d'autres épidémies que celles de rou- geole et de scarlatine. 404 Néanmoins, depuis quelques années, et spécialement à Concepcion del Uruguay, la diphtérie et la variole font des ravages et régnent constamment, comme nous le verrons plus loin en nous occupant de cette localité. Paranâ. - Située à gauche du rio du même nom et à deux kilomètres de la rive, la capitale de l'Entre Rios a aujourd'hui 25.000 habitants. Elle s'élève sur un terrain ondulé, qui, comme nous l'avons déjà dit, est celui de toute la province. Considéré au point de vue géologique, ce terrain cor- respond à différentes époques: la pampéenne (au-dessus) se compose d'argile et de rochers, etc.; la tertiaire su- périeure (Burmeister), tertiaire eocène (Darwin), mio- cène et eocène (Bravard). La forme calcaire constitue la première d'entre elles; l'argile et le sable qui sont au-dessous constituent la seconde. Scalabrini établit 4 époques géologiques à propos des terrains du Paranâ : 1° tertiaire eocène supérieure carac- térisée par l'argile et le sable; 2° tertiaire miocène qui est le propre de la formation calcaire; 3° tertiaire pliocène constituée par les couches au-dessus de la pierre cal- caire caractérisée par une espèce d'argile mélangée de détritus de coquillages; 4° quaternaire représentée par les argiles rouges pampéennes. Voyons maintenant quels sont les éléments du climat de cette ville. Les températures extrêmes qu'on a observées sont: les plus élevés 37°4 en février 1877 et en décembre 1882; 36°4 en décembre 1881 et 35°6 en janvier 1882. Les plus basses en juillet 1882 où le thermomètre a marqué 0.6 au-dessous de 0, et en juin 1876 où il a marqué 0.6. Les moyennes mensuelles donnent 24.69 pour janvier et 11.85 pour juin, ce qui offre une différence de 12°84 entre la moyenne correspondant au mois le plus chaud et au mois le plus froid. D'autres observations donnent des chiffres différents, et établissent ce qui suit: L'écart entre le mois le plus froid 10°04 et le plus chaud (jan- 405 vier) 24°57, est égale à 13°63. On note également que les différentes saisons présentent comme moyenne de température: l'été 25°; l'automne 18°6; l'hiver 12°5; le printemps 18°5. Les mois compris entre avril et août sont'les plus humides; la moyenne donne 76.2. L'humidité relative la plus faible a été observée le 16 décembre 1881 et le 9 juillet 1882; elle a été égale à 14 centièmes; le vent Sud-Est régnait à la première date, le vent Nord-Est à la seconde. La moyenne de la pression atmosphérique est de 755.25. Des observations pratiquées pendant 8 années consé- cutives (1875 à 1882), il résulte que la quantité moyenne par an d'eau pluviale est égale à 955 mm. 4 variant entre ces deux extrêmes: 783 mm. et 1181. Pour chaque saison on a: été 334 mm.; hiver 87.8; automne 249.8; printemps 283.5. La quantité de pluies correspondant à l'hiver est très faible; les inconvénients qui en résultent sont atténués par les fréquentes pluies fines. La quantité de 87 mm. 8 maintient la sécheresse dans d'autres régions du pays, mais au Paranâ, pareil fait ne se produit pas à cause des brumes qui, si elles ne font pas tomber beaucoup d'eau, favorisent certainement la végétation et l'air at- mosphérique. De 1876 à 1882, il y a eu dans la ville de Paranâ : 334 jours pendant lesquels il a plu. 173 - - il y eu du brouillard. 53 - - il y a eu des tonnerres et des éclairs. 12 - - il est tombé de la grêle. D'après des observations particulières, les vents Sud- Est et Nord-Est, dominent pendant le printemps; les premiers sont dans la proportion de 21.80% et les au- tres, de 21.50 %. En été, les vents du Sud-Est (24.2%), ceux du Sud (23.1%) et ceux du Nord-Est (21%). En automne, les vents du Nord-Est (26.6%), ceux du Nord 406 (20.2%). En hiver, les vents du Nord-Est (24.4%) et ceux du Nord (19.7%). En calculant dans son ensemble la fréquence relative des vents chauds et froids, on a : du Nord, vents chauds • au printemps 32 %; en été 33.6%; en automne 53.2%; en hiver 46.5%: du Sud (Sud-Est et Sud-Ouest) vents froids ou chauds: au printemps 51.2%; en été 42.1%; en automne 31.1 %; en hiver 37.5%. D'après ces ren- seignements, on peut s'expliquer jusqu'à un certain point pourquoi à Paranâ l'été est moins chaud, et l'hiver moins froid que ne le comporte sa latitude. Les observations faites à l'Ecole Normale, démontrent que les vents les plus fréquents sont: Nord, Nord-Est. Sud et Sud-Est. Les plus grands calmes se sont pro- duits en septembre et en juin. Nous avons déjà dit que Paranâ est construit sur un terrain inégal, dont les dépressions sont fréquentes; c'est ce qui explique la différence de profondeur à la- quelle on trouve l'eau souterraine qui varie entre 4 et 25 mètres. Les courants se croisent et traversent une couche nitreuse qui les rend impropres pour les usages domestiques. Dans ces cinq dernières années, on a constaté que ces courants sont beaucoup plus superficiels, à tel point que dans des parages où autrefois on ne recontrait pas d'eau à 10 mètres, aujourd'hui on en trouve à 2 mètres. On a attribué ce fait à l'abus exagéré des eaux cou- rantes dont la population a l'avantage d'être dotée de- puis l'année 1887, date de l'installation de ce service. Ces eaux courantes sont prises à 5 kilomètres au Nord-Est de la ville, en face d'un point appelé Saladero. D'après les analyses faites par le bureau chimique mu- nicipal, elles sont excellentes pour l'alimentation, et chaque habitant peut disposer de 300 litres environ. On n'observe aucune prescription hygiénique pour la construction des latrines et des puisards. Le caprice des propriétaires fait la loi; cependant l'ordonnance stipule que les latrines devront être creusées jusqu'à la pre- 407 mière couche d'eau et qu'elles devront être enduites d'un revêtement. Il n'y a pas de marais. Les terrains connus comme exposés à des inondations, qui sont à 4 kilomètres au Sud-Est, paraissent ne pas exercer d'influence sur la santé publique. La fièvre typhoïde a été inconnue à Paranâ jusqu'à 1870, époque où elle y fut importée par les soldats en- voyés là bas à l'occasion d'une révolution. L'automne est l'époque où cette maladie est la plus fréquente. D'après M. Rrppoll, les quartiers les plus attaqués par elle sont ceux situés au Sud-Est, qui sont très bas et probablement très humides, ceux du Nord-Ouest peut- être à cause de leur proximité du cimetière et qui sont des centres très populeux. Le tableau suivant fournit les renseignements relatifs à la mortalité générale, par la fièvre typhoïde spécia- lement et par les autres maladies infectieuses ainsi que leur proportion relative pour cent. Il comprend quatre années. ANNÉES Mortalité générale Maladies infectieuses (') Fièvre typhoïde Proportion de la mortalité par- les maladies infectieuses avec la mortalité générale Proportion de la mortalité par la fièvre typhoïde avec la mortalité générale (ville seulement) 1888.. 672 Ville...... 126 30 20 °/0 4.9 % Campagne. 31 15 24 » 1889.. 911 Ville 347 43 38 » 4.82 » Campagne. 87 25 41 » 1890.. 907 Ville 335 21 36.9 » 2.31 » Campagne. 96 - - 1891.. 517 Ville 97 12 18.76 » 2.32 » Campagne. 29 1 33 » (x) Sans compter la fièvre typhoïde qui est séparée. 408 Il résulte que de 1888 à 1891, il est mort dans la ville 2.947 personnes, sur lesquelles 106 de fièvre ty- phoïde, ce qui donne 3.06%. Dans le reste du district du Paranâ, sur une population calculée à 21.000 habitants, il s'est produit pendant la même période 678 décès, sur lesquels 41 de cette même maladie, ce qui donne une proportion de 6.08 %. Le traitement employé consiste dans l'antisepsie in- testinale, et l'administration des antithermiques, s'il y a lieu. On emploie le naphtol et le salicylate de bismuth, en cas de diarrhée, ou ce même agent combiné avec de la magnésie en cas contraire. On ordonne de plus, ordinairement, l'isolement et une minutieuse désinfection. Dans ces renseignements, que nous devons à la bien- veillance de M. Rippoll, il faut considérer que la morta- lité infantile par la fièvre typhoïde est ainsi représentée : en 1888, le 7%; en 1889, le 8.5%; en 1890, le 11%; en 1891, le 8.7 % (dans la ville). Les étrangers s'acclimatent bien. Comme travaux publics destinés à améliorer les con- ditions hygiéniques de la population, on peut mentionner l'établissement des eaux courantes. Concepcion del Uruguay. - Cette ville, ancienne capi- tale de la province d'Entre Rios, bâtie sur les bords durio Uruguay, a aujourd'hui 8.000 habitants. Elle est située sur un terrain ondulé, avec des coteaux élevés, et pré- sente à l'Est, à l'extrémité d'un bras de ce rio, des terrains submergés, de même qu'au Nord sur les ri- vières del Molino et de Curro, comme au Sud sur la rivière de la China et une partie à l'Ouest sur un bas fond. Elle est entourée de jolies collines et de nombreux cours d'eau qui vont se jeter dans l'Uruguay, le Gua- leguaychü, ou le Gualeguay. Il y a plusieurs lagunes dans lesquelles vivent de nombreux oiseaux aquatiques. 409 Le squelette dur des terrains de cette section de la pro- vince, d'après Lorentz, consiste en deux classes de rocs, l'une de marne argileuse et l'autre sablonneuse. La pre- mière est une pierre tendre, poreuse, calcaire, qui n'est pas stratifiée, d'une origine très nouvelle, sans pétrification; au Nord et à l'Ouest de la ville, il en existe une autre sablonneuse, dure, qui se fend à angle droit et qu'on utilise dans plusieurs constructions. Ce squelette solide est couvert d'une couche plus ou moins épaisse de pierre de Chine. Ce sont des rochers petits, ronds, de demi gemmes, de Chalcédoine, d'agathe et de jaspes qu'un grand courant d'eau a apportés du Nord, de l'intérieur du Brésil. Dans les environs de l'Uruguay, les plus gros ont plus ou moins le volume d'une noix; quand on remonte vers le Nord, le volume de ces pierres est plus considérable, et d'après ce qu'on me dit, à 60 lieues du Salto Oriental, on rencontre de véritables blocs qui sont transportés au Salto et expédiés de là en Europe, pour être convertis sur les rives du Rhin en objets d'ornement et de luxe, ou d'utilité pratique que nous rencontrons aussi bien dans les salons que dans les laboratoirs des chimistes (mortiers d'agathe). Nos petites pierres de Chine ne peuvent nier la légalité de leur origine puisque nous observons sur beaucoup d'entre elles les mêmes cavités de cristaux de quartz, beaucoup moins effacées sur celles d'un gros volume qui n'ont pas subi un long trans- port. Ces dernières ne se trouvent pas cependant dans leurs état primitif, dans les rocs qui se sont formés, mais isolées dans un terrain décomposé. J'ignore si on a exploré géologiquement les régions d'où elles sont venues. Ces pierres se trouvent dans différents états de conservation; tantôt transparéntes ou brillantes, elles paraissent fraîches; tantôt opaques et sans éclat; tantôt décomposées en un sable fin, très riche en fer et, par suite, d'un rouge vif, qui, bien des fois, a formé un ciment qui a réuni les pierres de Chine isolées en un roc souvent très compact. (') (x) Lorentz: La vejetacion del Nord-Oeste de la provincia de Entre Rios. 410 Il serait curieux de rechercher si les terrains ondulés qui existent dans ces parages sont constitués avec les dépouilles des pierres de Chine, ou bien si, comme on le suppose également ce sable provient de la décompo- sition des arénisques. Les géologues le diront. On a remarqué que l'eau des lagunes et des rivières est très saumâtre ainsi que celle des puits; on dit aussi que dans la région occidentale de l'Entre Rios, le sel est moins abondant dans le sol et que, par suite, les animaux sont obligés de parcourir des lieues afin de rencontrer dans quelques coteaux cet élément si pré- cieux pour la digestion. Nous avons dit déjà que beau est abondante; la couche d'humus est très épaisse et la végétation a une force extraordinaire. On rencontre sur d'immenses éten- dues des forêts renfermant des bois très riches et qui donnent au paysage un coloris spécial. Du centre de la ville, partent deux plans inclinés se dirigeant, l'un vers le Nord, l'autre vers le Sud-Ouest, et se perdant l'un et l'autre dans des terrains sub- mergés. La température atteint en été 32°; en hiver, elle des- cend rarement jusqu'à 2°. Les moyennes, par saison, sont: printemps, 17°4; été, 35°; automne, 20°; hiver. 12°8 ; ce qui donne, pour toute l'année, une moyenne annuelle de 18°8. La tem- pérature moyenne du mois le plus chaud est 25°7 (jan- vier); celle du plus froid 11°9 (juillet). La hauteur moyenne du baromètre est 762.4. Le vent du Nord règne à peu près la moitié de l'an- née, il est humide et chaud; le pampero souille plus ou moins 2 ou 3 mois; l'Est et le Sud-Est, un mois en- viron; pendant le reste du temps, les vents ne sont pas bien déterminés. Les pluies se produisent en général après les gran- des tourmentes accompagnées de vents du Nord. En pareil cas, les tonnerres sont fréquents. Les familles qui vivent dans un certain confortable 411 boivent l'eau des citernes, mais la grand majorité se sert de l'eau des puits et de celle du bras du rio Uru- guay, qui passe à FEst du municipe. Ce bras alimenté par la rivière del Molino et parcelle de Curro, ne communique pas avec le rio véritable, si ce n'est pendant les grandes crues. Dans sa partie basse, il reçoit les eaux de l'Uruguay dans les reflux. La rivière de Curro, prend sa source à 2 kilomètres à peu près de la ville, dans des terrains marécageux, elle reçoit tous les détritus des abattoirs construits sur ses bords, avant de se jeter dans la rivière del Molino, qui se confond avec le bras du rio Uruguay fournissant l'eau à la population. Les citernes sont généralement bien construites; mais les terrasses des maisons, auxquelles elles appartiennent sont rarement nettoyées et balayées. Il faut cependant remarquer que le plus souvent le public ne recueille pas la première eaux, il attend que les. terrasses et les conduites soient nettoyées de façon à ce que la citerne ne reçoive qu'une eau vraiment propre. La grande majorité des habitants fait usage de l'eau de puits, qu'ils ont très facilement dans les parages bas où on la trouve presque à fleur de terre; on a observé qu'elle est peu chargée en sels. Les puits ont généralement des eaux séléniteuses, et leur profondeur varie plus ou moins entre 2 et 10 mètres. Les latrines sont construites d'après un système pri- mitif. Ce sont des puits plus ou moins profonds, creu- sés sans aucune préoccupation et sans aucune règle de l'hygiène. Les marais provenant des crues des rivières et du rio Uruguay, ne semblent pas avoir une influence mar- quée sur la santé publique; toutefois, on dit que les points marécageux, alimentés par les eaux de pluie qui y séjournent, ont produit dans cette ville une pe- tite épidémie de fièvres intermittentes larvées, prin- cipalement chez les enfants, et de temps à autre de véritables épidémies de fièvre typhoïde et de diphtérie. On observe aussi assez -fréquemment la pneumonie. 412 La fièvre typhoïde fait des ravages. En 10 ans, le Dr. Reybel a observé à trois reprises différentes, un certain nombre de personnes atteintes de cette affection, ce qui peut constituer des épidémies. On observe assez fréquemment des cas isolés. Dans deux occasions, on a constaté que le foyer de l'infection partait du centre de la ville où existe un petit marais, qu'il suivait la pente dans la direction du Nord et du Sud-Ouest où les puits sont peu profonds et se remplissent souvent avec les eaux pluviales. Les formes adinamiques sont les plus fréquentes. On doit attribuer à l'eau de puits, consommée crue et non filtrée, la cause de la maladie; en effet, ces puits sont facilement contaminés par les matières en putréfaction des marais et par les ordures que les pluies entraînent. La fièvre typhoïde fournit le 20 % c^e mortalité générale, et la diphtérie le 60 %. Comme traitement de la dothiénentherie on emploie le calomel, la quinine et d'autres substances suivant les complications qui se présentent. Comme mesure prophylactique, on conseille de faire bouillir l'eau avant de la boire. La mortalité typhique parmi les enfants est très mi- nime. Les étrangers s'acclimatent bien. Le Dr. Reybel a observé en 20 ans un cas de nostalgie. Aucun travail public n'a été entrepris pour améliorer les conditions hygiéniques de la ville. Cependant il se- rait bien facile d'assainir les bourbiers qui existent dans le centre, et dans les faubourgs. Il faut, avant tout, niveler les rues, assurer l'écoulement des eaux et éviter la formation des marais dont l'influence désastreuse est démontrée. Grualeguaychù. - Gualeguaychù possède 12.000 âmes; c'est la localité la plus importante du département ainsi nommé qui compte une population de 25.000 habitants. Située sur le bord du Rio du même nom, elle est di- visée en deux parties par sa position: la ville basse qui 413 occupe la rive et qui est inondée de temps à autre, et la ville haute qui s'étend sur les collines voisines du rio; elle se compose de propriétés et de fermes bien cultivées. La partie basse, on le comprend aisément, est entourée de parages marécageux, qui s'étendent à une grande distance; tandis que la partie haute occupe des terrains superbes, secs et extrêmement fertiles. La cité est bien construite; ses rues sont coupées en carrés de 70 mètres de long pour 10 de large, elles sont bien aérées; les maisons sont spacieuses, et ont en général des jardins et des potagers; la vie y est confortable. Les habitants se servent directement de l'eau du rio qui, avant d'arriver à la ville, a un courant rapide, mais se trouble et se décompose dès qu'il a reçu les ré- sidus de la population et ceux des salacleros (fabriques de viandes salées), établis sur la rive. De plus ils se servent beaucoup de l'eau de citerne. Une grande par- tie et principalement la classe pauvre, boit les eaux de puits, qui sont saumâtres, bien que quelques personnes les trouvent douces et agréables. Les conditions climatologiques de cet endroit ont beaucoup d'analogie avec celles de Buenos Aires. Les saisons sont très bien déterminées : l'hiver est humide et froid; par contre, l'été est très chaud. Il n'y a pas de maladies endémiques, sauf la variole et d'autres affections générales qui sont communes à tous les pays. Sous un ciel très beau, l'étranger vit très bien. On en a la preuve avec les colonies florissantes et nom- breuses dans lesquelles ils travaillent et qui se multi- plient dans tout le territoire. La mortalité dans ces dernières années a été la sui- vante : En 1890 390 » 1891 309 » 1892 435 soit un total de 1134 414 Les maladies les plus meurtrières avec le chiffre respectif de leurs victimes durant ces trois années, sont: pneumonie 136; tuberculose 99; lésions cardio-vascu- laires 85; méningite 78; variole 72; arrêt de dévelop- pement 54; entérites et gastro-entérites 53; tétanos infantil 40; bronchites 32; eclampsie 22; diphtérie 19; hépatite 15; fièvre typhoïde 14; rhumatisme 3. L'influenza a fait peu de ravages; en 1892, elle a causé 3 morts. Au dire du Dr. Goyri, la variole a pris un caractère épidémique en 1891, et après avoir causé de nombreu- ses victimes, elle est revenue à sa forme endémique ordinaire. Il est satisfaisant de constater qu'en 1892, rarement cette maladie a figuré dans les diagnostics. La vaccination a donné d'excellents résultats. La scarlatine et la rougeole font parfois leur appari- tion, mais dans des proportions restreintes. La fièvre typhoïde n'est pas fréquente; elle a produit 14 décès dans la période 1890, 91 et 92. La forme la plus commune est l'abdominale. Il y a un facteur important qui exerce son influence sur les conditions hygiéniques de Gualeguaychü. C'est le rio dont les eaux reçoivent une grande quantité d'immondices, de détritus organiques provenant des sala- deros au moment des travaux, c'est-à-dire en été, et d'or- dures d'une partie de la population. Ces eaux ainsi décomposées servent pour l'alimenta- tion de bien de gens. On objectera que 14 décès de fiè- vre typhoïde en 3 ans, dans une ville de 12.000 âmes sont bien peu de chose, si on considère qu'il y a un danger permanent clans l'eau qui, ainsi que nous l'avons dit, reçoit toutes sortes d'immondices. Mais qu'on tienne compte qu'une grand partie de la population dont nous parlons, se sert de l'eau que les citernes fournissent en abondance et que celle qui employé celle du rio n'est qu'une minorité. Cette maladie n'a jamais régné avec un caractère épidémique, nonobstant cette circons- tance; les foyers, quand elle a éclaté, se sont limités à leurs sources originaires et ne se sont pas propagés, alors même que dans quelques maisons il y a eu jus- qu'à 4 malades. 415 L'attention est fixée par le nombre très restreint de rhumatismes qui figure dans la statistique; d'autre part, les lésions cardio-vasculaires sont très rares, si on tient compte que ces chiffres se réfèrent à une localité de 12.000 âmes et comprennent une période de 3 ans. Il faut ajouter, en outre, que dans cette statistique entrent certainement des individus de la campagne qui reçoi- vent une sépulture dans la ville. Pendant la même période, il est entré à l'hôpital 25 rhumatisants, ce qui évidemment ne semble pas ex- cessif, quand bien même dans la ville on s'alarme en pensant que tous ces malades constituent un nombre considérable. Si, en réalité, leur nombre augmente, ce n'est pas dans une proportion qui fasse redouter un danger. Au contraire, nous estimons que vu l'existence dans ce pays d'une zone basse, marécageuse, et d'une popu- lation nombreuse, travaillant à la campagne, les mala- dies imputables à l'humidité, comme les rhumatismes, sont rares. Par contre, nous remarquons que, par suite de cette même humidité, la tuberculose augmente- Elle seul a fait 99 victimes en trois ans; et si nous recherchons les autres affections de l'appareil respira- toire, il résulte que la pneumonie a causé 136 décès et la bronchite 32. Sur le total de la mortalité de 1890 à 1892, équiva- lant à 1134, les éléments tuberculose, pneumonie et bronchite, représentent 267 décès, c'est-à-dire un peu moins du 25 Disons à la décharge des conséquences que ces chif- fres entraînent, que la vie est facile, le travail n'épuise pas les individus, l'alimentation est abondante et saine, la misère rare et la population très disséminée. Pour nous, en pareil cas, l'humidité de la partie basse de la cité et les marais ont une importance considé- rable. On sait combien cet élément influe sur la salu- brité générale, et en nous basant sur l'expérience de tous les peuples de la terre, nous pensons que Guale- guaychû a besoin d'entreprendre des travaux d'assai- 416 nissement qui convertiront sa partie basse et humide en un parage salubre, et offriront la vie et la santé en échange de la maladie et de la mort si fréquentes aujourd'hui. En 1893, il est mort à Gualeguaychû 368 personnes. Sur ce nombre 67 ont succombé à des maladies infec- tieuses, savoir: 14 à la fièvre typhoïde, 1 à la rou- geole, 4 à la coqueluche, 34 à la tuberculose, 1 à la fièvre puerpérale, 12 au tétanos infantil. La fièvre ty- phoïde est très fréquente en février et mars. Concordia. - .Voici un des pays les plus impor- tants de l'Entre Rios. Par ses industries, par la bonne qualité de ses terrains, il est arrivé à occuper une place proéminente dans la province. Située sur le rio Uruguay, au-dessus de la ville du même nom, Concordia s'élève sur un terrain d'alluvion, et sa population est aujourd'hui de 9.000 habitants. Le climat est doux en général; les vents dominants sont: le Nord, Nord-Est, Sud-Est et Sud-Ouest; ceux de l'Ouest sont très rares. Les changements sont fré- quents et brusques, du Nord au Sud, et parfois en quel- ques heures les vents parcourent tout le cadran. Les températures extrêmes sont : en été 40° (excep- tionnel); en hiver 8°7. Les températures générales en été 39°; en hiver 13°. La moyenne annuelle est 18°9; la pression atmosphérique 760. La pluie dans l'année, 1090 mm. Les familles qui ont des citernes dans leurs maisons boivent cette eau; mais la majeure partie du public fait usage de celle du rio. On se sert peu de l'eau de puits, sauf dans les moments de sécheresse, et c'est alors que la dothiénentherie est fréquente. Les courants souterrains se trouvent à 8 mètres de profondeur. Il n'existe pas de marais; les terrains qui s'inondent se sèchent immédiatement dès que les eaux se retirent. Les maladies les plus fréquentes sont: la tuberculose 417 et l'alcoolisme avec ses manifestations gastriques, hépati- ques et cardiaques. La première de ces maladies (tuber- culose) a produit 41 décès sur 277, chiffre de la morta- lité totale en 1891. Selon le Dr. Heras, la fièvre typhoïde se présente gé- néralement aux époques de sécheresse, pendant lesquel- les les habitants sont obligés de se servir de l'eau des puits. Et ce n'est pas seulement l'eau de puits, toujours nuisible, qui entretient la cause de cette affection, mais encore celle du rio Uruguay, qui parvient à se contami- ner et à produire de graves désordres dans l'organisme. Il est arrivé, il y a quelque temps, qu'une épidémie de typhus abdominal s'est déclarée sitôt après l'installation à Concordia, d'une fabrique de viandes conservées, qui jetait dans le rio ses détritus organiques et ses matiè- res fécales. Cependant, en dehors des rares circonstances où cette maladie s'est montrée avec un caractère épidémique, elle n'est pas fréquente. On peut calculer que sa proportion est de 6 à 7 % sur la mortalité absolue. Dans ces derniers temps on a constaté quelques cas de récidive. Pour le traitement, on suit la méthode de Brandt, unie à l'antisepsie intestinale et aux toniques. On pratique la désinfection des fèces et des linges du malade avec le bichlorure de mercure. On recom- mande de boire de l'eau bouillie. L'étranger ne souffre pas dans son acclimatation. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. CHAPITRE XVI PROVINCE DE CORRIENTES Sommaire. - Situation, étendue, population. - Conditions générales du territoire. - Végétation et richesses naturelles.-Climat, température, vents, etc.- Rios, lagunes et rivières. - La lagune Iberâ. - Salubrité générale.- Ville de Corrientes ; Climat. - Morbidité et mortalité. - La fièvre typhoïde, le paludisme, la dysenterie endémique. - Etudes sur cette ma- ladie, au Japon, par Ogata. - Opinion d'Arnaud. - Etat actuel de la question. - Goya : Population. - Climat. - Avantages de cette ville. - Morbidité et mortalité. - Mercedes : Etude de cette ville. - Population. - Climat. - Pathologie. - Mortalité, etc. La province de Corrientes est située entre le 27° et le 30°30 de latitude Sud environ, et le 59° et 52° de longitude occidentale. Son riche territoire arrosé par un grand nombre de cours d'eau, son climat chaud, ses bois de construction et d'exploitation, très abondants, en font un des Etats Argentins qui se présentent à l'exa- men sous les plus favorables aspects. Le sol est argile-sablonneux sur plusieurs points; la couche d'humus est d'une épaisseur variable. Le sous- sol, indépendamment de l'argile qu'il renferme, est cal- caire. La population primitive était constituée par des in- diens Guaranys, Chinipies, Charmas, etc. qui, se mélan- geant plus tard avec les Espagnols, ont formé le type actuel, métis, très fort et très aguerri du Correntin. Il existe encore des tribus que la civilisation soumet et qui se confondent lentement avec la masse des peuples 419 voisins, au nom de cette légitime influence que le pro- grès exerce sur toutes les activités et qui triomphe à la fin, quelque réfractaires qu'elles soient. Aujourd'hui on évalue à 272.000 habitants au moins la population totale, et comme preuve de l'augmenta- tion jusqu'à ce jour, nous donnons les chiffres suivants: 1825 50.000 habitants 1854 (recensement provincial) 84.570 - 1857 ( - officiel) 85.447 - 1864 (calcul) 90.000 - • 1869 (recensement national) 113.793 - 1886 (calcul) 190.000 - 1894 - 272.000 - Son étendue est de 86.879 kilomètres carrés ('), ce qui établit que la densité de la population est de 3.2 habi- tants par kilomètre carré. L'élément européen est très mélangé à l'élément na- tional; les Italiens, les Espagnols, les Français, les Allemands, sont très nombreux. La province présente l'aspect d'une plaine avec de légères ondulations, dans une partie; elle offre à la vue d'immenses forêts de quebrachos blancs et rouges, urun- days, caroubiers, cèdres, chanars, iiandubays, cocotiers, orangers, tabarés, tacuaras, nangapirûs, ainsi que des pâturages excellents pour les innombrables troupeaux qui les peuplent. La canne à sucre, le manioc, Je manni, le •tabac, le coton et le café prospèrent parfaitement. De tous côtés on sent l'influence de ce climat tropical que révèle une végétation luxuriante. A ce sujet Mr. Z. Sanchez, ingénieur, dit: Si nous (x) A la page 3 de cet ouvrage nous assignons à Corrientes 81.148 kilomètres carrés, mais les derniers arpentages de M. Sanchez lui en attribuent 86.879. 420 apprécions la fertilité de notre territoire, par la nature de sa formation, nous devons conclure qu'aucun Etat de la République ne peut offrir de plus grands avan- tages à l'exploitation des richesses que l'effort de l'homme intelligent peut extraire de son sein. Si nous la jugeons par sa production spontanée et par celle que l'action du travail nous montre propor- tionnellement à la masse de notre population laborieuse, nous devons également assurer qu'aucun effort humain ne sf urait être déçu, quelle que soit la zone qui servi- rait de théâtre à l'application de son action intelligente. A Misiones, l'histoire des habitants qui ont peuplé ses terres, nous en dit assez sur leur fertilité prover- biale qui est confirmée scientifiquement par des autorités d'une compétence reconnue. Dans le Sud de la Province, comme dans le Nord, on ne connaît pas de terres dépourvues des principes nutritifs de la végétation; leur bonté est d'ailleurs dé- montrée par la variété, l'abondance des récoltes, ainsi que par la qualité qu'elles donnent chaque année. Si nous envisageons la terre en elle-même, en recher- chant dans ses entrailles d'autres ressources pour le travail, nous rencontrons des carrières de pierres belles et variées, dont l'exploitation suffirait pour construire des villes entières, sans parler de la terre-faïence, avec laquelle on fabrique les matériels et qui est si abon- dante dans notre contrée; les terres qui sont propres pour la fabrication des tuiles, des briques et des objets de poterie, ainsi que les veines de calcaire qui existent dans les environs de Mercedes et de Itaty. Si nous pénétrons dans nos forêts, les ressources que la nature offre aux arts et aux industries sont incal- culables; des bois de toutes classes applicables à tous les usages de la vie civilisée, des plantes textiles qui réclament des bras qui les transformeront en objets d'une utilité générale. La matière première est abon- dante, mais les bras font défaut; si on avait ici leur concours comme à Santa Fé et à Buenos Aires, per- sonne ne peut douter de l'immense richesse qui se développerait dans la province, si on tient compte que 421 ce sol éminemment fertile est complété encore par un climat très doux et par des lois très libérales. (') D'après Matoso, la province de Corrientes est située dans la zone tropicale ou torride. Malgré ce, les cha- leurs ne sont pas excessives, parce que le vent circule librement, et parce qu'elles sont tempérées par l'at- mosphère chargée de vapeur aqueuse. Ainsi on peut observer que les fils du pays aussi bien que l'étranger, qui ont à travailler sous les rayons du soleil, ne sont pas frappés d'insolation, comme cela se produit dans d'autres pays dont les températures sont plus basses. Les températures maxima dans le Nord de la province sont de 36°; les moyennes, de 22°; dans la partie cen- trale, les maxima sont de 35° et les moyennes de 21°; dans la partie méridionale, les maxima de 34° et les moyennes de 20°. Pendant quelques nuits d'hiver, la température descend, durant quelques heures, jusqu'à 0° dans la partie centrale, Est et Sud. Quand l'hiver est sec, les gelées se succèdent, et on est arrivé à observer 42 gelées dans un seul hiver. Le vent le plus chaud et le plus humide est celui du Nord; le plus fréquent est celui de l'Est; le plus froid et le plus sec, celui du Sud, tandis que celui de l'Ouest ne s'observe que très rarement dans l'année. Le ciel est dépouillé, l'atmosphère limpide et pure, et les nuits de lune superbes. Il ajoute que Corrientes est une des régions les plus saines de la terre, « dans laquelle on ne connaît pas de nombreuses maladies et où il n'y en a pas une seule qui soit endémique. » Cette province, comme beaucoup d'autres, participe un peu des saisons de sécheresse et de pluie de la zone torride. La flore correntine est la plus riche et la plus variée de la République Argentine; les rios très importants qui l'entourent et qui la baignent avec leurs eaux dans (x) Zacarias Sanchez: La provincia de Corrientes, 1895. 422 toute sa superficie, y ont déposé les semences qu'ils trans- portaient depuis des milliers de kilomètres; le Paranâ, l'Uruguay, l'ont enrichie avec la moitié de la flore Brésilienne, et ce dernier, grâce aux eaux du Pilcomayo et du Bermejo, l'a augmentée encore avec une partie de la flore Bolivienne, que ces rios charrient. (') Des rivières importantes, des lagunes d'une étendue extraordinaire, des ruisseaux et des cours d'eau sans nombre, conservent l'éternelle verdure de ses terres qui alimentent des grains et des fruits en quantités in- finies. De plus on rencontre là : l'or, l'argent, le mercure, l'antimoine, l'arsenic, le fer, le zinc, etc., qui plus tard, lorsque leur exploitation se fera sur une plus grande échelle, seront une source de grands revenus qui per- mettra à ces industries d'étendre leurs domaines en contribuant aux progrès de cette région priviligiée de la République Argentine. Le territoire peut se diviser en cinq zones, savoir: 1° celle comprise entre le rio Santa Lucia et le Paranâ, terrains bas, appelés broussailleux, laisses,lagunes, son fond est mouvant en général; elle présente d'abondantes forêts, en particulier de quebrachos. 2° zone comprise entre le rio Santa Lucia, le Corrientes, et la lagune Iberâ (2), de grandes laisses de roseaux et de terrains submergés; presque complètement dépourvue de forêts, sauf sur le bord des rivières où l'on rencontre des ar- bres et dans la direction du Sud où il y a quelques bois. 3° zone comprise entre les rios Corrientes, Guayquirarô, et Paranâ; elle présente des champs montueux, des ter- rains élevés, des marécages et des roseaux. 4° zone s'éten- dant entre les rios Corrientes, Mocoretâ, Uruguay et la lagune Iberâ, jusqu'au point où celle-ci se joint avec le Mirinay; cette étendue de terrains offre les mêmes ca- ractères que les champs de l'Entre Rios, terrains élevés, (x) Eduardo Matoso: Cien industriels. Notas sobre plantas utiles eseogidas de la flora eorrentina. (Corrientes, 1893). (a) Veut dire eau brillante, en guarany. 423 collines, forêts de nandubay. A partir de la barre du Mirinay, dans la direction du Nord au Sud, et sur toute la côte de l'Uruguay commencent les broussailles appelées de la Cruz, formant une ligne qui sépare les collines de la Iberâ de celle de la côte de l'Uruguay depuis San Martin jusqu'à San Carlos. La 5e zone est comprise entre la Iberâ et le haut Paranâ jusqu'aux limites avec Mi- siones; terrains bas en général appelés Ibibay qui veut dire en guarany, terre mauvaise. Dans cette dernière zone, il n'y a pas de forêts et dans l'avant dernière il y en a très peu. Le système hydrographique est principalement repré- senté par les rios Paranâ et Uruguay. Le premier a pour tributaires le Riachuelo, l'Empedrado, le San Lo- renzo, San Àmbrosio, Santa Lucia, Corrientes, Guayqui- rarô. Ceux du second, sont: l'Aguapey, Mirinay, Yaguary,. Curuzü-Cuatiâ, Timbô, Mocoretâ, et la rivière Chimiray, pour ne citer que les plus importants; mais disons aussi que les affluents du Corrientes sont le Batel et le Batelito, les rivières Payubre, Villanueva, Cuenca, Sauce, Salado, Molle et Santa Maria. Les lagunes qui offrent le plus d'intérêt sont : i'Iberâ, au centre de la région Nord et la Maloya au Nord-Ouest. De la première naissent presque tous les cours d'eau de la province; elle a 4.684 kilomètres carrés de super- ficie, et sa longueur comprend une très grande étendue du territoire du Sud au Nord. Elle est navigable dans une faible partie du 'côté de la rive orientale où elle fait sa jonction avec le Mirinay. A ce propos, M. Matoso dit : « L'Zôcrd, ancien lit du Paranâ, est un vaste réceptacle d'eau, qui commence dans les environs du village d'Ituzaingo, à 3 kilomètres des coteaux du Paranâ. Iberâ, avec une largeur mo- yenne de 25 kilomètres, se dirige d'abord vers le Sud et parcourt une distance approximative de 40 kilomètres; il décrit ensuite un arc dans la direction du Sud-Ouest et atteignant une largeur de 35 kilomètres, il parcourt jusqu'à sa jonction avec le Carambola une longueur totale de 120 kilomètres. » Il renferme quelques petites îles, dont les unes sont 424 mouvantes, les autres fixes; ni les unes, ni les autres ne semblent avoir d'importance, puisqu'il n'y pousse que quelques bois blancs et des roseaux; on observe cependant quelques rares lapachos dans celles qui ne sont pas mouvantes. » Sa superficie est de 4.684 kilomètres carrés; superficie bien inférieure à celle de 22.000 kilomètres carrés que lui assignent les textes de géographie Argentine et qui représenterait plus du quart du territoire de la pro- vince. » Sur Vlberâ, il s'est formé les légendes les plus fan- taisistes: il ne renferme que de petites îles; on n'y rencontre que des serpents et des lézards, mais il n'y a pas de tigres, de cerfs, ni de tapirs. Ceux-ci se rencon- trent sur ses bords, où ils peuvent trouver à se nourrir. Il n'est pas exact qu'il ait une communication souter- raine avec le Paranâ, comme le prétendent quelques-uns. Son niveau situé à 3 kilomètres de la côte du Paranâ est à 7 m. 24 au-dessus du niveau de celui-ci dans ses plus grandes crues ; les densités des deux liquides présentent une différence de plusieurs millièmes en faveur de l'Zôera; si cette lagune s'élevait avec les crues du rio, il se pro- duirait un phénomène contraire aux lois de l'hydrosta- tique, ce qui est beaucoup dire. » Cette lagune, ainsi que nous Pavons dit, a été dans un temps très reculé, le lit principal du Paranâ, et quand le lit actuel s'est formé l'autre s'est comblé et se com- ble chaque jour davantage avec le temps, tandis que le nouveau se creuse plus profondément, et, par suite, le niveau de l'ancien reste bien plus élevé. » L'Iberâ croit avec les pluies, qui, dans cette région, font partie des pluies tropicales, qui sont la cause des crues du Paranâ, et il n'est pas étonnant que quand le niveau de celui-ci est très élevé, celui de cette grande lagune le soit aussi; mais quand les pluies ne sont pas abondantes, le lac reste stationnaire et le Paranâ grossit par les affluents de son vaste bassin. » Les Jésuites ont fait ouvrir deux tranchées appelées Loreto et San Miguel, à peu de distance de l'endroit où 425 s'élève aujourd'hui le village d'Ituzaingo, soit pour fa- ciliter l'écoulement de l'Iberâ, soit pour créer des fossés; la vérité est que jusqu'à ce jour, même au moment des grandes crues du Paranâ, les eaux de l'Iberâ s'écoulent par une pente rapide dans le Paranâ. De plus ces eaux se sont ouvert un nouveau chemin vers ce rio, à l'Ouest du village, et menacent de le faire disparaître dans une des grandes cimes de cette lagune, parce que le sol du pays est sablonneux. » D'après Martin de Moussy, le célébré Félix de Azara est le premier qui ait établi que l'Iberâ a été, en d'au- tre temps, le lit du Paranâ. M. Martin de Moussy ne partage pas cette opinion et il dit, à l'appui de sa thèse, que les coteaux du rio Paranâ sur la rive gauche jus- qu'à Corrientes, étant formés par des roches ignées, ce fait n'a pu se produire. C'est tout le contraire ; Azara a dit la vérité. M. de Moussy. quand il a voyagé dans ces régions, a remonté l'Uruguay jusqu'à Santo Tomé; il a traversé la province jusqu'à la tranchée deSan José (aujourd'hui Posadas); là, il a remarqué que les coteaux étaient for- més de pierres à aiguiser et de basaltes; de ce point, il s'est dirigé par terre sur l'Asuncion et il est revenu à Corrientes par le rio Paraguay. II a remarqué que ces coteaux étaient formés de roches ignées sans les avoir suivis jusqu'à Posadas, et il a conclu qu'il était en présence de tout un cordon de rochers sans solution de continuité et que Azara s'était trompé. » Il n'en est pas ainsi; à partir d'un point situé au- dessous de Solis-Cué, jusqu'à Punta Narô, le sol et le terrain d'Ituzaingo ne sont pas de pierre, mais simple- ment de sable, et plus bas encore, d'argile plastique et de craie; ils ont la même nature et la même formation que les bancs du Paranâ; au Sud-Ouest du village Santa Maria, où l'on a ouvert la tranchée San Miguel, ils présentent une composition analogue; de sorte que ces deux points étaient les bouches du Paranâ, entre lesquels s'élevait une île qui est aujourd'hui le village de Santa Maria. » Iberd en guarany veut dire lagune, et c'est le nom qu'on leur donne au Brésil et au Paraguay; sa traduc- 426 tion littérale est eau qui brille ou eau limpide. C'est aussi la signification qu'on donne dans l'Amérique du Sud au mot lagune, puisque si un réceptacle d'eau n'est pas très clair et dépouillé d'herbes, on l'appelle étang. Au- trefois Ylberd était appelé par les naturels Iberd Pucü (grande lagune). » (J) Avec une telle abondance d'eau, il n'est, par suite, pas étonnant qu'il y ait des roseaux et des terrains sub- mergés. Il y a aussi des marais, principalement dans la région alluviale. Les pluies sont fréquentes; la plus grand sécheresse n'excède pas trois mois, spécialement en hiver. La température maxima de l'été est de 38°. Dans la ville de Paranâ, le thermomètre arrive à marquer 39°; à Santiago del Estero et à Catamarca, 44° en novembre. Cependant Corrientes conserve toujours la réputation de ses températures élevées; sa chaleur est très forte sans doute, mais elle est un peu modérée par l'action des rivières, des cours d'eau et des lagunes qui existent dans son territoire et par celle des forêts immenses qu'elle renferme. Malgré tout, la température du sol arrive en été à un degré insupportable; sur plusieurs points, comme dans la capitale elle atteint 60°. A ce sujet, Echevarria et Contreras disent que dans la même saison, lorsque domine le vent du Nord, chauffé déjà dans l'Equateur et maintenu dans sa température en traversant les plaines de Matto Grosso et les pampas de la partie la plus orientale de la Bolivie, la chaleur du climat de Corrientes augmente encore et accélère l'évaporation de ses marais et de ses lagunes; elle charge l'air d'humidité en formant de gros nuages et provoque des pluies fréquentes aussitôt que les frais, courants du Sud condensent ces masses de vapeur qui détruisent dans leur température l'équilibre de l'atmos- phère. La température élevée de ce vent explique les fré- (1) Eduardo Matoso : Cien indu strias. Notas sobre plantas utiles y; escogidas de la flora correntina. Corrientes 1893. 427 quentes tempêtes, les pluies soudaines et abondantes; tandis que se produit la saturation de l'air, elle expli- que aussi cette atmosphère chaude, humide, suffocante, qui provoque une transpiration considérable. Elle est la cause de quelques maladies, surtout de l'irritation du système nerveux. Tout cela justifie la réputation du vent du Nord, qui est considéré comme malsain. (') Les gelées blanches sont fréquentes. Les tourmentes sont toujours accompagnées de phé- nomènes électriques d'une grande intensité. Par suite, cette province présente dans son aspect climatologique des variétés de la zone torride et de la zone tempérée. La salubrité générale est bonne; si on excepte les fièvres paludéennes du No.rd, dans le territoire de Misiones, et la dysenterie, qui frappe les personnes de tout âge, on ne connaît pas de maladies endémi- ques. Son climat est très recommandé comme favorable aux tuberculeux, et nous connaissons des personnes qui y ont trouvé un grand soulagement de leurs affec- tions pulmonaires. Les produits du sol correntin, ont été étudiés autre- fois par Bompland, quand, dans ses 'voyages à travers la République Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, il a collectionné, en 1816, un herbier avec plus de 3.000 plantes, dont il a déterminé les propriétés avec le plus grand soin. Nous ne nous arrêterons pas à les énumérer, parce que ce serait trop long et que les principales d'entre elles sont déjà citées dans ce travail; cependant nous vou- lons mentionner spécialement quelques végétaux d'un usage thérapeutique très courant dans la province, ce sont : Guaco, plante grimpante, qui s'emploie efficacement en emplâtres sur les morsures faites par les vipères. Aguàribay, plante originaire de Misiones, s'emploie (x) Echevarria et Contreras : La provincia de Corrientes, 1864. 428 en emplâtres contre les coups, en infusion contre la toux. Elle est emménagogue. Granadilla, plante sauvage, ressemblant beaucoup à \'espinillo, de 1 1/2 à 2 mètres de hauteur; l'écorce de sa racine se fait cuire mélangée avec de l'eau de riz, pour combattre la dysenterie endémique à Corrientes. Tasi, plante grimpante dont les racines et les fruits ont des propriétés galactophores. Doradillo, petite plante qu'on trouve dans toutes les forêts du Nord de la province; son infusion jouit de propriétés émménagogues et dépuratives. Guayabo, astringent., s'emploie pour les diarrhées; son fruit guérit également les amygdalites. Llanten, très abondant, on l'emploie comme astringent. Yerba del polio, on la fait cuire; elle est très con- nue pour ses propriétés diurétiques et digestives. Gna, arbuste épineux, dont la feuille s'emploie appli- quée avec de l'huile pour faire mûrir les furoncles et pour guérir les plaies. Zarza blanche et violette, s'emploie, après cuisson, comme dépuratif. Zavza mil hombres, spéciale pour les maladies syphi- litiques, est très abondante à Misiones. On trouve éga- lement une immense variété de plantes de différente application. Corrientes n'a pas encore éveillé l'attention des grands entrepreneurs; aussi les produits que son sol exubérant peut fournir, ne sont pas exploités, mais un jour vien- dra où l'activité du commerce et de l'industrie mettra en valeur toutes ces richesses, et on verra alors com- bien a été criminel l'abandon dans lequel on l'a laissée en la réduisant à ses propres forces, toujours impuissan- tes parce que le capital et les bras dont elle a besoin, doivent lui venir du dehors. Provoquer cette action, est faire oeuvre de patriotisme. Corrientes. - La ville de Corrientes, capitale de la province de ce nom, construite sur la rive gauche du rio Paranâ, a aujourd'hui 25.000 habitants. 429 Le Paranâ est la limite d'un tiers au moins du mu- nicipe; un cours d'eau appelé Zalamanca, le traverse du Sud-Est au Nord-Ouest; il sert d'écoulement à une partie de la cité et aux terrains submergés adjacents; il se jette dans le Paranâ. Un grand fossé qui reçoit les eaux de cette zone et les porte dans le grand rio, l'entoure du côté de l'Est. Le sol est argilo-sablonneux; la couche d'humus très minime a de 4 à 10 centimètres d'épaisseur, aussi la végétation n'y est-elle pas exubérante. La première couche d'eau souterraine est à une profondeur de 8 à 14 mètres; elle est en communication directe avec le rio Paranâ. Le climat est chaud et sain. Le thermomètre présente des oscillations de cinq de- grés dans l'espace de quelques heures pendant l'hiver, mais il se maintient presque toujours uniforme durant l'été. Les températures extrêmes observées ont été de 37°1 le 22 janvier 1877 (maxima) et de 5° c. (minima) le 3 août 1881 et le 25 juin 1884. Les moyennes mensuelles accusent: 26°5 en janvier et 15°7 en juillet, ce qui donne une moyenne annuelle de 21°4. En parlant de la province en général, nous avons dit que par suite de Faction des rivières et des cours d'eau, des bois et des forêts, la température modère un peu ses effets ; mais nous devons observer que dans la ville, les sables de silice et de quartz des rues, de même que d'autres sites dépourvus de végétation, sont arrivés à atteindre 60° pendant l'été de 1883. La pression atmosphérique a été: maxima 778.03; minima 741.33. La moyenne de l'humidité atmosphérique est 72.0 et celle de la pression de la vapeur atmosphérique 14.10. Les vents Sud et Nord dominent dans une proportion qui est pendant l'année, de 380 pour les premiers cou- 430 tre 279 pour les seconds. Les vents de l'Ouest et du Nord-Ouest sont rares, à tel point qu'en 5 années d'ob- servations anémométriques, on les a constatés 49 fois seulement. Les plus grandes périodes de nuages coïn- cident avec ces vents et en général avec tous ceux du Nord. Les pluies se produisent fréquemment et sont extrê- mement abondantes, comme dans tout le reste de la province. Dans la période comprise entre 1873 et 1888, la plus faible quantité de pluie annuelle a été de 933 mm. 9 et la plus forte de 1832 mm. 5 En prenant toutes les quantités tombées pendant ce nombre d'an- nées, on obtient une moyenne de 1301.0 mm. En divisant par saisons, on a : hiver, 150.3; printemps, 320.1; été, 444.3; automne, 386.3. On voit que l'hiver est la saison la moins favorisée au point de vue des pluies; par contre, l'automne et surtout l'été sont les plus privilégiés. Le service d'eau se fait au moyen de porteurs am- bulants, qui transportent le liquide dans de grandes pipes, comme cela se faisait à Buenos Aires avant 1870. Cette eau, qui vient du rio Paranâ, est celle que con- somme l'immense majorité de la population. Les filtres des dépôts ne fonctionnent pas bien. Dans plusieurs maisons existent des citernes. On ne se sert pas de l'eau de puits, parce qu'elle est de mauvaise qualité; elle ne dissout pas le savon, et elle durcit les légumes. Les latrines sont en général loin des habitations, mais elles présentent les défauts des anciennes constructions que la routine maintient malgré tout. Elles ne réunis- sent pas les conditions hygiéniques, ne s'écoulent pas et sont par conséquent des foyers d'infection. Les maisons qui ont des puisards sont peu nombreuses, et comme il est nécessaire de se débarrasser des eaux sales, on les jette dans les cours, dans les fonds et même dans la rue furtivement. Une grande partie des terrains qui entourent la ville se compose de marais. 431 Les manifestations paludéennes ne sont pas fréquen- tes, et quand elles se produisent, ce sont les fièvres tierces qui dominent. Le Dr. Pacheco, sur un total de 313 malades soignés à l'hôpital pendant l'année 1890, a observé seulement chez cinq d'entre eux des accidents de cette nature. Mais dans toute la province et particulièrement dans le Nord, durant les premiers mois de 1892, il s'est pro- duit des pluies abondantes et continuelles qui ont eu pour conséquence le développement d'une fièvre palu- déenne dans presque toutes les villes et principale- ment à la campagne. Du 15 février au 15 juin, cette maladie eut sa plus grande intensité; en ce qui con- cerne la ville et ses environs, on peut calculer que le 5 % de la population en a été atteint. Pour expliquer la propagation de cette maladie dans toute la province, on pourrait admettre l'hypothèse que les moustiques serviraient de moyen de transport aux parasites; mais il est très probable qu'à l'infection par l'air, vient s'ajouter l'infection par l'eau. Cette invasion de fièvre a ouvert la route à l'influenza qui s'est déclarée à la fin de juin et qui a duré jus- qu'au milieu de septembre, frappant plus du tiers des habitants et augmentant le chiffre de la mortalité géné- rale, comme le prouvent la statistique et les observa- tions particulières. Nous venons de voir que l'influenza a été précédée par les fièvres paludéennes qui ont envahi toute la province et que dès que celles-ci ont disparu, l'influenza s'est présentée avec tout le cortège de symptômes qui carac- térisent ses trois formes cliniques bien connues au- jourd'hui: nerveuse, thoracique, abdominale. Le paludisme a réveillé ainsi l'action du nouvel agent infectieux qui est venu se greffer sur une économie af- faiblie par l'influence de cette première maladie. La bactériologie a ouvert la porte à toutes les théories et à toutes les discussions; en expliquant les phéno- mènes des associations des microbes, elle est arrivée à démontrer le rapport intime et l'appui mutuel que se prêtent les micro-organismes. 432 Un premier germe ouvre la brèche par laquelle vont passer ceux qui rôdent aux alentours; la maladie primitive appelle la maladie seconde. C'est le polymicrobisme. Aussi ce sont ces cas, et ceux-là seulement, qu'on dési- gne habituellement sous le nom d'infections secondaires, d'après Charrin. Nous comprenons, avec cet auteur, par infection secon- daire, une maladie microbienne secondaire à une mala- die microbienne; plus simplement, un second microbe qui s'additionne à un premier microbe, distinct, bien en- tendu, de celui qui vient après lui (*). Dans ces combinaisons morbides, selon Kelsch et Kiener, les deux maladies peuvent rester unies pendant toute leur durée, être indépendantes au début et à la fin, et se confondre pendant une partie seulement de leur évolution, ou enfin être complètement séparées : l'une marche sur les pas de l'autre et se développe sur le terrain préparé par la première. (2) Nous savons que l'hématozoaire de Laveran se com- bine avec le bacille d'Eberth, pour produire les formes de typho-malarienne, dont nous parlerons ultérieurement à propos du paludisme. L'un prépare le terrain que l'autre doit féconder ensuite; et pourquoi l'hématozoaire palustre ne pourrait-il pas coexister avec celui de Klebs ou avec le parasite de Teissier? Il peut très bien arriver que le premier prépare le terrain pour l'invasion et la fructification du second. La constitution médicale du temps et de la localité intervient dans ces phénomènes qui sont aujourd'hui fré- quemment observés. Les associations des microbes ex- pliquent tels faits qu'on attribuait jusqu'à présent aux transformations de telles ou telles maladies. Par suite, à Corrientes, le paludisme a ouvert la scène à l'influenza. (J) A. Charrin : Traité de médecine, publié sous la direction de Charcot, Bouchard, tome I. (2) Kelsch et Kiener: Traité des maladies des pays chauds. 433 On a fait en France une remarque analogue, selon le Dr. Grenier, et on a observé que la grippe a réveillé un paludisme ancien, sur plusieurs personnes, pendant l'épidémie grippale de 1889-1892. Etudions maintenant la fièvre typhoïde à Corrientes. Pour déterminer sa cause, on n'a pas pratiqué ici l'analyse des eaux, mais personne ne doute qu'elles ne soient le foyer de l'infection. Un fait à peu près démontré, c'est l'absence de cette affection dans toutes les localités situées dans l'intérieur des terres, tandis qu'elle se développe sur les rives du Paranâ et de l'Uruguay. D'après le Dr. Sanchez Negrette, elle est certainement fréquente, mais cette fréquence est peu alarmante par suite de son caractère bénin. Si on tient compte que la population est de 25.000 habitants et que le typhus a produit dans 4 années 62 décès, savoir : 22 en 1889, 30 en 1890, 8 en 1891, et 2 en 1892, on voit qu'il n'est pas bien meurtrier. Le total des décès s'élève à 700 environ par an, de façon que la proportion de cette maladie est minime. Toutes les formes cliniques sont représentées : la forme adinamique est celle qu'on observe le plus sou- vent; on constate aussi l'ataxo-adinamique, les formes légères et abortives. Le traitement consiste en purgatifs au début, antisep- sie intestinale, entretien des forces, bains chauds, diète lactée (lait stérilisé), et on soigne immédiatement toutes les complications qui peuvent se produire. Les seuls efforts tentés, en matière de prophylaxie sont dus à l'initiative privée. On a l'habitude de procéder à la désinfection des ma- tières fécales, d'isoler les typhiques dans la maison même; on pratique la stérilisation de l'eau qu'on boit, et les conseils qui peuvent contribuer à mettre toutes choses dans le meilleur état possible sont donnés de façon à limiter le foyer. La fièvre typhoïde attaque peu les enfants, et par conséquent la mortalité, en ce qui les concerne, est très minime. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 434 La dysenterie est endémique à Corrientes; le climat est favorable à son développement par suite de la tem- pérature élevée et d'un certain degré d'humidité. Elle domine dans toutes ses formes, elle se présente dans toutes les saisons et plus spécialement en été; elle attaque tous les âges et toutes les classes sociales. Le microbe de la dysenterie n'est pas encore abso- lument déterminé, mais les opinions sont uniformes sur la nature de la maladie. Les études bactériologiques faites à ce sujet, peuvent se résumer ainsi: Normand, en 1876, rencontra un para- site dans les excréments de soldats atteints de dysente- rie, venant de Cochinchine, et l'appella anguillula ster- coralis. Koch, en 1885, a découvert en Egypte, dans les in- testins d'individus morts de dysenterie, les amœba coli, que Lœsch, assistant de Eichwald, à Saint Petersbourg, a trouvés dans les déjections d'un malade qui souffrait d'une inflammation ulcéreuse du gros intestin. D'après Courtois-Suffit et Mathieu, depuis 1885, Kar- tulis s'est efforcé de prouver que ces amibes jouent un rôle prépondérant dans la pathogénie de la dysenterie; il a toujours constaté leur présence dans cette maladie et jamais il ne les a remarqués dans les autres affec- tions ulcéreuses de l'intestin: fièvre typhoïde, tuber- culose. En se basant sur ces recherches, on a décrit la dy- senterie amibienne, et Kwacs de Vienne, l'a étudiée sur un malade qui l'avait contractée à Sumatra. Cet individu avait chaque jour huit ou dix selles muqueuses et san- guinolentes, précédées de coliques et accompagnées de ténesme; le foie et la rate étaient gonflés; le sang ne contenait que 45 °/0 d'hémoglobine; le nombre de globules rouges était de 3 millions par millimètre cube. L'exa- men des matières fécales n'a rien présenté de caracté- ristique, mais dans les flocons muqueux il y avait une grande quantité d'amibes de Lœsch. Les complications le plus fréquemment observées dans cette forme de dysenterie sont les abcès hépatiques, qui 435 se localisent surtout sur le lobe droit; parmi les autres complications, il faut citer les abcès pulmonaires qui proviennent de l'émigration des collections purulentes hépatiques, et la péritonite par perforation. L'autopsie démontre l'infiltration et le ramollissement de la couche sous-muqueuse du gros intestin ; quelquefois elle cons- tate aussi des ulcérations. Tous les traitements ont échoué. Kwacs, étudiant le rôle étiox "ique des amibes, a essayé de les cultiver sans obtenir de résultats. Il a injecté les excréments du malade dans l'intestin de jeunes chats et dans un certain nombre de cas, il a réussi. Cepen- dant, l'auteur ne croit pas qu'on ait actuellement le droit d'affirmer que la amœba coli de Lœsch soit en réalité la cause de cette entérite. Quelques observateurs ont rencontré ces parasites dans d'autres affections que la dysenterie. En 1888, Cornil a lu à l'Académie de Médecine, un rapport de Chantemesse et Widal, rendant compte de leurs conclusions relativement au micro-organisme de cette maladie, après avoir fait leurs observations sur des individus qui avaient contracté la maladie dans des pays chauds. Ce bacille, d'après eux, se trouve pendant la vie des malades dans leurs déjections; dans l'autopsie, on le rencontre contre les parois de l'intestin, dans les gan- glions mésentériques et dans la rate. Il se présente sous la forme d'un bacille court, de 4 à 5 mm. de long, dont la distinction ne peut se préciser si ce n'est par le caractère des cultures et l'inoculation. Des travaux plus récents jettent une nouvelle lumière sur ces questions. On sait qu'au Japon, la dysenterie règne toute l'année, et voici quelques chiffres qui permettront de se rendre compte de son importance : 436 1884.. 52.702 malades de la dysenterie dont 6.036 morts 1885.. 47.377 - - 10.690 - 1886.. 24.328 - - 6.839 - 1887.. 16.123 - - 4.224 - 1888.. 26.789 - - 6.570 - 1889.. 22.873 - - 5.970 - 1890.. 42.632 - - 8.706 - Totaux. 202.732 - - 49.065 - C'est-à-dire que de 1884 à 1890, il y a eu dans tout le Japon 202.732 cas de dysenterie qui ont causé une mortalité de 49.065; ce qui donne une proportion de 25 morts sur 100 malades. Dans la province de Tukoucka, durant la période de 1885 à 1890, le nombre des malades de dysenterie s'est élevé à 33.852 et la mortalité à 6.783. Le professeur Ogata a étudié avec soin l'origine bac- tériologique de la maladie, et ses observations se résu- ment ainsi: il a examiné les déjections fraîches de 13 dysentériques : 4 étaient couleur chocolat et remontaient à plus d'une semaine ; 2 étaient séro-sanguinolentes et 7, couleur de sang, avaient de 3 à 7 jours. Depuis il a examiné le contenu du gros intestin et les abcès d'un cadavre dysentérique de onze jours; il a trouvé dans l'autopsie les parois de l'intestin très enflammées et très durcies; dans le côlon transvers et descendant, et sur- tout dans la S. iliaque, de petits abcès de la dimension d'un petit pois, très rapprochés les uns des autres et très serrés. D'autres foyers existent dans le côlon ascendant et dans le rectum; les glandes mésentériques très inflam- mées. Les autres organes étaient dans un état normal. Dans six excréments il a rencontré de petits bacilles fins, et dans les quatre autres, indépendamment de ces mêmes bacilles, de grands bâtonnets qui leur ressem- blaient beaucoup. Les bâtonnets étaient le plus souvent groupés dans le protoplasme cellulaire au nombre de 2, 4 et même 20; il y a également des cellules dont le proto- plasme était presque exclusivement rempli de bacilles 437 courts. Dans les excréments couleur chocolat, il a cons- taté, indépendamment de ces bacilles courts, plusieurs autres espèces de bacilles et un coccus; dans le con- tenu du gros intestin il y avait aussi des bacilles fins; dans le tissu conjonctif sous-muqueux, il en a ren- contré des quantités; leur diamètre est à peu près égal à celui du bacille de la tuberculose; leur longueur moyenne représente à peu près le quart de celle de ces derniers. Des cultures pratiquées selon la méthode de Esmarch, avec les déjections et le contenu du gros intestin, ont donné pour résultat le développement de bacilles courts, qui ne liquéfiaient pas la gélatine et qui se décolo- rent par la méthode de Gram. Ces bacilles ne sont pathogènes ni sur les rats ni sur les cobayes. Une autre classe de bacilles courts, fins, provenant de onze déjec- tions et abcès, liquéfie la gélatine et ne se décolore pas par la méthode de Gram; elle est pathogène pour les rats, les cobayes et les chats. Comme dimension, forme et sensibilité à la coloration, ces bacilles sont égaux aux bacilles fins rencontrés dans les déjections des dysentériques; rarement ils sont aussi longs que ceux des tuberculeux; leurs extrémités sont rondes; la ma- jeure partie de leurs petits bâtonnets sont liés comme des diplococcus et ont des mouvements propres très vifs. Les cultures se font bien. La majeure partie des animaux inoculés avec deux gouttes des déjections dysentériques dont le bacille avait été cultivé, a succombé; l'autopsie a démontré dans plus de la moitié des expériences, sur le point même de l'injec- tion, un œdème considérable ; dans le liquide séro-san- guinolent, il y avait des bacilles fins et courts. Dans une série de dix cas, Ogata a retrouvé dans presque tous les animaux des excréments très liquides, des bacilles fins dont il a été déjà fait mention; la rate et le foie hypertrophiés, présentaient des nœuds gris de la grosseur d'un grain de millet; une hyperhémie du pou- mon chez quelques-uns, et de l'intestin chez tous; une hémorragie du même organe chez un autre; les 438 glandes mésentériques sont enflammées. Quelques ani- maux, en particulier les rats, sont morts entre 12 et 30 heures. L'auteur déclare que ses études ne sont pas définiti- ves, mais il pose en principe, d'ores et déjà: qu'on no peut considérer comme des bactéries innocentes les ba- cilles fins qu'il a cultivés qui provenaient des déjections dysentériques et des abcès et qui liquéfiaient la gélatine nutritive; mais en les introduisant par une injection sous-cutanée, ils provoquent l'oedème chez les rats, et des diarrhées chez les cobayes; ils déterminent, avant tout,, l'œdème sur le point même de l'inoculation, des abcès et des hémorragies dans le gros intestin, la formation de nœuds dans le foie et dans la rate, l'inflammation des glandes mésentériques ; introduits sous forme de la- vement dans le rectum d'un lapin ou d'un chat ou bien en le leur faisant ingérer, ils produisent des dépôts san- guinolents, provoquent des abcès et des hémorragies dans le gros intestin et une inflammation des glandes mésentériques, sans formation de nœuds, dans la rate ni dans le foie. Il lui semble, par conséquent, très problable que les bacilles qu'il'a rencontrés et cultivés sont la cause de la dysenterie épidémique dans le Sud du Japon. (') D'après Arnaud, les examens directs des selles dy- sentériques, les cultures faites avec ces mêmes produits, les expériences sur les animaux fournissent un ensem- ble de résultats, dont la concordance autorise à attribuer une spécificité accidentelle, mais réelle au bacillus coli communis. Celui-ci paraît donc capable de produire la dy- senterie tout comme il peut engendrer le choléra nostras, des angiocholites, des abcès du foie, etc. Par suite de quelles circonstances cet organisme, hôte habituellement (x) Ogata: Comunicaciones provisorias sobre la etiologia de la disenteria. Centralblat fur Bakteriologie parasitenkunde. 1892. Bd XIN 9 u. 10. 439 inoffensif de l'intestin, arrive-t-il à acquérir cette viru- lence spéciale? Il faut sans doute, invoquer les causes énumérées par M. Laveran dans une récente communication à la So- ciété de Biologie : modification de la muqueuse intesti- nale, arrêt des sécrétions, changement dans la compo- sition du mucus, phénomènes qui se produiraient plus souvent et avec plus d'intensité dans les pays chauds que dans les pays tempérés. On doit également se demander si, parfois, on n'absorbe pas directement le bacillus coli, doué déjà de ces pro- priétés exceptionnelles. Il nous est arrivé d'isoler, dans des analyses d'eaux de boisson provenant de garnisons différentes du Nord de la Tunisie, un microbe absolu- ment semblable à celui que nous avons décrit, et doué également de la faculté de former, sur gélose, des arbo- risations. En dehors de ce caractère spécial, la ressem- blance avec le bacillus coli était frappante. Nous ne prétendons pas que toute dysenterie aiguë soit due au bacillus coli commuais. Les nombreuses re- cherches, entreprises dans ces dernières années sur l'étiologie de cette affection, semblent en effet prouver l'existence de plusieurs variétés de dysenterie. Council- man en admet trois formes. Des maladies, caractérisées par des symptômes et des lésions anatomiques, en ap- parence identiques, et désignées sous un même nom, peuvent, sans aucun doute, être provoquées par des microbes différents. U est donc possible que certaines dysenteries relèvent exclusivement de Xamœba coli, de Lœsch, ou encore d'un autre organisme inconnu. (') Il arrive aux conclusions suivantes: 1° Les caractères morphologiques et bio-chimiques du bacille qui nous paraît être l'agent pathogène de la dy- senterie des pays chauds, permettent d'assimiler ce bac- (1) 0. Arnaud: Recherches sur l'étiologie de la dysenterie aiguë des pays chauds. Voir Annales de ÏInstilut Pasteur. 25 juillet 1894. 440 cille au bacillus coli communis, qui aurait acquis, sous l'influence de causes qui restent à déterminer, une sur- activité végétative, en même temps que des qualités pathogènes spéciales. 2° Plus la dysenterie est grave, plus le bacillus coli tend à être seul dans le gros intestin et plus grande paraît être sa virulence. Liebermeister dit qu'on ne connaît pas encore d'une façon certaine la voie par laquelle se fait l'infection. L'air paraît être le véhicule habituel du germe morbide, mais on a accusé également, et probablement avec rai- son, l'eau que ton boit. On considère, à bon droit, comme particulièrement dangereux de manger des fruits qui ne sont pas murs. Les fortes oscillations de la tem- pérature, les nuits froides qui succèdent à des journées très chaudes ont ordinairement pour effet de provoquer de nombreux cas de la maladie. (') L'agglomération d'individus dans de mauvaises con- ditions d'hygiène, et en général toutes les causes qui peuvent influer sur le développement du choléra provo- quent également la dysenterie. Des faits nombreux paraissent prouver le rôle que joue Peau que l'on boit, comme véhicule de l'agent infectieux. Dans de nombreuses parties de l'Algérie, à Orléans- ville particulièrement, la dysenterie a diminué considé- rablement à la suite des travaux qui ont assuré à la population une provision d'eau suffisamment pure. A la Guadeloupe, on a vu s'atténuer beaucoup les épidémies de dysenterie chaque fois qu'au lieu de se servir d'eaux impures, les colons et les soldats ont pu faire usage de l'eau de pluie recueillie dans les citernes. Lalluyaux d'Ormay, cité par Courtois-Suffit et Mathieu, a prouvé qu'à Thu-Dan-Not, en Cochinchine, on faisait naître et disparaître à volonté la dysenterie en se ser- vant de certaines eaux ou en supprimant leur usage. (x) Liebermeister: Maladies infectieuses. 441 Les eaux de quelques fleuves de la Chine, sont no- toirement infectées et dangereuses comme boisson; elles produisent la dysenterie. (') Les eaux du Danube causaient à Vienne un grand nombre de cas de dysenterie, et depuis qu'on consomme une autre eau qui provient de la montagne de Schuc- berg, cette maladie ne s'observe plus. Si les arguments en faveur de cette appréciation fai- saient défaut, on pourrait citer les paroles de Colin : « Les preuves abondent du rapport qui existe entre l'im- munité ou les atteintes dysentériques de bien des po- pulations et le degré de pureté des eaux qui les ali- mentent. » Ogata rapporte des détails curieux sur la contagion de la dysenterie au Japon. D'après ses observations, les personnes qui étaient en contact direct avec les malades la contractaient. Ainsi* par exemple, à Oita, un enfant âgé de 3 ans en a été très sérieusement atteint le 21 juin 1891 et trois jours avant il était allé avec sa mère dans la maison d'un dysentérique à Nishioita. L'enfant mourut après 5 jours, et immédiatement toutes les personnes qui vivaient avec lui furent atteintes de la même maladie. Dans le voisinage de cette maison, le même jour, le 21 juin, tomba malade un homme, qui 4 jours avant, avait visité un ami atteint de dysenterie dans la même localité et qui avait mangé quelque chose dans la maison du malade. Deux de ses enfants contractèrent la dysen- terie le 27 du même mois et moururent le 4 juillet. Un neveu tomba malade le 22 juin, un frère et 2 sœurs le 28, leur père le 6 juillet, et le fils aîné mourut le 10. Le district rural d'Oita se compose de 34 villages et sur ce nombre un seul, appelé Jashino, comptant plus •de 500 maisons et 2.500 habitants, ne fut pas envahi (x) Courtois-Suffit et Mathieu : Traité de médecine, publié par Charcot, Bouchard. Tome 3. 442 par la dysenterie. Dans les autres, il y eut jusqu'à 300 malades. Des recherches minutieuses ont prouvé que Jashino n'eut aucune communication avec les localités infectées. Ce pays est en effet situé très loin, dans la montagne, et ses habitants suivent uniquement le chemin d'Usuki, tandis que ceux des autres villages communiquent avec la ville d'Oita et le village de Nishioita. A Hita, sur les hauteurs de la montagne, il y a un village de 13 maisons, dans lequel le premier septembre 23 personnes sont tombées malades de dysenterie. Le 30 août, un dysentérique était mort dans cette localité et à l'occasion de son enterrement, 20 personnes s'étaient réunies dans la maison et y avaient bu et mangé (sui- vant l'usage du pays). Le premier septembre, ces 20 personnes avaient la maladie et seule une femme de service qui m'avait ni bu ni mangé, n'en fut pas atteinte. Trois autres personnes qui n'avaient pas pénétré dans la maison du mort, tombèrent malades le même jour. L'examen des causes de cette affection établit que dans la transmission du poison dysentérique aux comestibles, les moustiques et les mouches semblent jouer un rôle important; en effet, dans les champs, il y a toujours de grandes quantités de ces animaux autour des malades, des déjections et des aliments non recou- verts. De plus il faut tenir compte que parmi les habi- tants de ces localités, on ne prend pas la précaution de se laver les mains antiseptiquement avant de toucher à ces comestibles. Ogata n'a pas pu prouver de cas d'infection par beau. Sur les personnes atteintes dans une année, 700 ont contracté la maladie deux fois et 81. trois fois. La dysenterie rencontre dans le climat très chaud de Corrientes tous les éléments nécessaires pour son déve- loppement; on en a la preuve par ses invasions cons- tantes, surtout au printemps et en été, période des dé- rangements intestinaux, provoqués par les fruits non mûrs, les eaux, etc. Toutefois, cette maladie n'a pas ici ]e caractère de gravité qu'elle a au Japon. Il est regrettable qu'on n'ait pas fait d'études bacté- 443 riologiques des eaux, pour déterminer son origine, mais malgré cette lacune, il est certain que cette maladie est extrêmement fréquente; heureusement ses victimes, si nombreuses qu'elles soient, se sauvent dans l'immense majorité des cas. Une question importante à résoudre consiste dans le rapport qu'elle peut avoir avec le paludisme, et ce rap- port pourrait expliquer sa fréquence. Cependant nous devons répéter qii'à Corrientes, tandis que les fièvres paludéennes ne sont pas fréquentes, la dysenterie l'est au contraire à un très haut degré. Des études ultérieures donneront la lumière à ce sujet. Le traitement de la dysenterie à Corrientes est essen- tiellement national; il consiste à faire cuire de l'écorce de racine de (') de la façon suivante : on prend 30 ou 60 grammes de cette écorce, on la mélange avec une cuillerée de riz grillé, et on les met dans un litre et demi d'eau ; on fait bouillir le tout jusqu'à ce qu'il soit réduit de moitié, et on l'administre par parts éga- les, en trois doses, dans la journée. L'efficacité de ce traitement est prouvée et les médecins de la localité comme les habitants de toutes les classes sociales, reconnaissent ses avantages. Son emploi est presque exclusif pour cette affection; quelques médecins le font précéder d'un purgatif de calomel. Des malades invétérés qui avaient résisté à toutes les substances astringentes recommandées et à tous les agents thérapeutiques ont retrouvé la santé, grâce à l'emploi de ce moyen très simple. Cette substance n'est pas la seule que la pharmacopée puisse utiliser dans cette riche province. Nous avons déjà parlé des propriétés du guaco, guayabo, doradillo, tasi, aguaribay, et autres très recommandables par leurs propriétés curatives dans de nombreuses affections. La granadilla vient à être ici ce qu'est le bailahuen au Chili, qui combat efficacement la même maladie,. C) Voir page 428, le mot granadilla. 444 ainsi que nous le verrons en nous occupant de la pa- thologie de ce pays. N'insistons pas davantage sur ce point et disons à propos de la corrélation étroite existant entre la dysen- terie et les abcès hépatiques, que la même observation a été faite à Corrientes, où chaque année 15 à 20 indi- vidus succombent à la même cause. Indépendamment des maladies que nous venons d'é- tudier, se produit encore : le tétanos infantil (très fréquent), la pneumonie, la méningite, la gastro-entérite, les lésions cardiaques, comme aussi la faiblesse congéni- tale. La variole qui causait autrefois 300 et 400 décès par an, a disparu aujourd'hui presque complètement, grâce à la diffusion de la vaccine. La tuberculose est rare. Nous devons rappeler que si les maladies puerpérales ne s'observent pas journellement, on rencontre assez souvent à la suite des couches un état typhique qui retarde la convalescence. Goya. - Cette ville importante de la province de Corrientes, établie sur une petite rivière à 7 kilomètres du rio Paranâ, compte aujourd'hui 10.000 habitants. En ajoutant la population de tout le département dont elle est le chef-lieu, le chiffre arrive à 25.000. Goya est situé dans la partie la plus basse de la région, parce que ses fondateurs cherchaient précisé- ment un emplacement proche de cette rivière. Le ni- veau très bas du sol est cause que les eaux pluviales séjournent un jour ou deux sur place, mais elles sont vite absorbées grâce à la qualité sablonneuse du sol. La topographie subit déjà quelques modifications dans les environs de la ville. A trois ou quatre lieues, le terrain s'élève et sur quelques points l'élévation est très marquée. Le climat est chaud. Les températures maxima en été oscillent autour de 37° (janvier) et les minima en hiver entre 4 et 5 degrés au-dessous de zéro (juin et juillet), mais il est à noter que ces deux dernières sont tellement exception- nelles qu'elles ont été observées deux fois seulement en 445 14 ans. La moyenne de l'été est de 24°, celle de l'hiver, de 14° et celle de toute l'année de 19°6. La pression atmosphérique moyenne annuelle est de 757.5, les extrêmes sont 776 et 742.6. L'humidité rela- tive par an, est de 80. Les pluies sont abondantes. Les quantités tombées de 1877 à 1887 sont les suivantes : 1877 1093 mm. 1878 1367 » 1879 1122 » 1880 1053 » 1881 1543 » 1882 974 » 1883 1143 mm. 1884 862 » 1885 1369 » 1886 846 » 1887 838 » La moyenne annuelle des pluies est de 1083 mm. Les vents Sud-Est, Sud, Nord, Nord-Est, Est, dominent. La salubrité générale est satisfaisante. Il existe peu de cas de paludisme. La fièvre typhoïde est fréquente en été, selon le Dr. Pacheco; la forme abdominale pré- domine, mais la commune est bénigne. D'autres maladies, telles que celles des appareils di- gestif, circulatoire et respiratoire, présentent aussi leur contingent. La partie haute de cette contrée, Lavalle par exemple, est particulièrement recommandée comme résidence aux tuberculeux, etc. Il a été observé que quelques-uns d'entre eux ont éprouvé une amélioration sensible dans la marche de leur mal et que la détention des symptômes graves, a été obtenue. Mercedes. - Mercedes est une localité importante de la province de Corrientes, ayant aujourd'hui presque la même population que Goya. 446 Son sol présente les particularités suivantes : la cou- che de terre végétale atteint peu de profondeur dans une certaine partie; dans d'autres, elle est argileuse, mêlée avec du sable et enfin, ailleurs, le sable seul s'offre à la vue. Le sous-sol est composé de pierre, de sable et de calcaire. Le niveau des eaux souterraines est profond. La température est variable. Dans une heure, il lui arrive de descendre de 8°, dans un jour de 24°. La moyenne de l'hiver oscille entre 5° et 8°; celle du printemps entre 16° et 17°; celle de l'été entre 26° et 27°; celle de l'automne entre 15° et 18°. La pression barométrique marque généralement de 754 à 766 mm. L'humidité varie dans un jour de 70 à 30, particu- lièrement dans l'après midi. Les vents régnants sont : Est, Sud-Est et Nord-Est. Le Nord dure peu de jours. Le territoire est arrosé par plusieurs cours d'eau qui augmentent leur volume avec les pluies et qui vont se jeter, les uns dans le rio Paranâ, et les autres dans l'Uruguay. La provision d'eau s'obtient au moyen des citernes dans les maisons de familles aisées, ainsi que des ruis- seaux et des puits dans lesquels les gens nécessiteux recueillent l'eau de pluie. Il n'existe pas de marais, mais à une distance ap- proximative de 15 à 20 lieues se trouve la lagune Iberâ. L'opinion accréditée est que dans cette région du cen- tre de Corrientes (Mercedes, Curuzù-Cuatiâ, etc.), la santé publique est très bonne et on considère que les facteurs qui contribuent à la maintenir ainsi sont : le peu de densité de la population, les grandes forêts, la grande étendue de terrain dont chaque habitant dis- pose, la profondeur du niveau des eaux souterraines, etc. Le Dr. Saliner, médecin résidant depuis longtemps dans la ville, nous a assuré qu'au point de vue rigou- reusement nosologique, on n'y observait aucun cas d'in- fection typhique, ni même sporadique. 447 Dans un espace de quatre ans, il a été constaté trois ■ou quatre cas diagnostiqués de fièvre typhoïde, mais il affirme qu'il ne s'agissait que de gastrites aiguës et il se base pour cela sur la symptomatologie pré- sentée par les patients. Le Dr. Saliner suppose que cette absence de typhiques n'est due à d'autres circonstances qu'à la profondeur du niveau de l'eau souterraine et à ce que l'eau bue par les gens pauvres ne contient pas d'agent pathogène malgré les impuretés qu'elle entraîne depuis sa source éloignée. On peut donc affirmer en toute justice que la santé publique est très bonne à Mercedes. On n'y connaît presque pas les maladies infectieuses et les maladies générales ne sont pas fréquentes, aussi la mortalité est- elle très faible. Les étrangers s'acclimatent facilement. CHAPITRE XVII PROVINCE DE CÔRDOBA Sommaire. - Situation, limites, étendue, population. - Type actuel du Cordobais. - Topographie, géologie. - Productions du sol. - Richesses naturelles.- Examen des terres. - Climat: température, vents, pluies. - Rios, rivières. - Climat d'altitude. - Absence d'endémies. - Démographie générale de la province. - Morbidité. -Absence de rhumatisants.-La tuberculose.- Ville de Côrdoba : Population, situation. - Les montagnes. - Provision d'eau. - Généralités sur les latrines et les puits. - Eléments du climat : pluies, vents, ozone, etc. - Morbidité : diphtérie, coqueluche, pneumonie (sa fréquence alarmante), variole, rougeole, fièvre typhoïde, choléra de 1886. - Dans cette ville il meurt plus de femmes que d'hommes. - Prostitution. - Mortalité générale et infantile. - Mort-nés. - Tétanos. - Rio Cuarto : Population. - Provision d'eau. - Morbidité. - Fréquence de la fièvre typhoïde et autres maladies infectieuses. - Mortalité générale. La province de Côrdoba est située entre les 29°40 et 34° de latitude Sud, 64° et 67°30 de longitude occiden- tale; elle est limitée, au Nord, par Santiago del Estero, au Sud par la province de Buenos Aires et le district de la Pampa, à l'Est par Santa Fé et à l'Ouest par San Luis, La Rioja et Catamarca. Son territoire a une étendue de 174.7G7 kilomètres carrés; sa population est actuellement de 470.000 habi- tants et elle a eu le mouvement suivant : 1779 (recensement) 44.052 âmes 1813 - 62.17G - 1826 (calcul) 90.000 - 1839 (recensement) 102.248 - 1852 - 110.539 - 1857 - 137.079 - 1869 (recensement national) 210.508 - 1886 (calcul) 310.000 - 1894 - 470.000 - 449 La densité de la population est représentée par 2.6 habitants par kilomètre carré. Le type du Cordobais, procédant de la fusion de l'élément espagnol et de l'élément indien, quichua, est intelligent, aimant le travail et le progrès. Pour connaître ce pays, il faut étudier la montagne et la plaine; la première, avec ses sommets de 2.000 mètres de hauteur, la seconde, avec sa végétation splendide, favorisée par les cours d'eau qui l'arrosent. La première est une formation granitique, et si on rencontre, sur quelques-uns de ses plateaux, le gneiss et la formation ce sont de simples accidents du soulèvement général, d'après Espejo. Elle contient des gisements métalliques d'or, d'argent, de fer, de plomb, de cuivre, de kaolin, de marbre, etc. On y rencontre éga- lement des pierres à aiguiser, des carbonates calcaires, des argiles réfractaires, de la chaux hydraulique, de l'ardoise, du cristal de roche, du sel, du plâtre en abon- dance et d'excellente qualité. Dans cette région, le climat est doux et la végéta- tion, en général, très productive. La plaine est argileuse et quelque peu saline; elle est très propice au développement des graminées. Le caroubier, le nandubay, le chanar, le quebracho, la toba, le brea, le cocotier prospèrent énormément, comme le blé, le maïs, les arbres fruitiers et les légumes. Il y a, dans cette contrée, beaucoup de terres très riches, mais qui ne peuvent donner tout leur rende- ment par suite du manque d'eau, dans certaines régions. Cependant, partout où cet agent arrive, soit naturelle- ment, soit artificiellement, l'élevage et l'agriculture produisent dans des conditions surprenantes. Les pluies tombent d'ordinaire en été et sont accom- pagnées de tempêtes. L'époque pendant laquelle elles favorisent le plus les montagnes est entre octobre et mars; les neiges sont de peu de durée, mais intenses. Les vents du Sud et du Nord dominent. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 450 L'hydrographie est représentée par différents rios, désignés par les chiffres de 1 à 5. Le Tercero est le plus important; il prend sa source dans la montagne, parcourt presque toute la province, va à Santa Fé où il prend le nom de Carcaranâ et se jette dans le rio Coronda. De nombreux cours d'eau, qui descendent des mon- tagnes, sont utilisés pour l'irrigation; malgré cela, plu- sieurs points sont privés d'eau. Cette province, dotée d'un bon système de canaux, atteindrait une importance beaucoup plus considérable puisqu'elle renferme des richesses naturelles qui n'ont besoin que d'arrosage pour produire et augmenter les rendements. La terre de Côrdoba est une des plus privilégiées;, la preuve en est dans l'abondance de ses cultures et dans les rendements qu'elles donnent. Ses pâturages ont une force nutritive extraordinaire; et, en général, toute la production du sol porte la marque d'une exu- bérance énorme. La couche d'humus a, sur certains points, 60 centimètres d'épaisseur. Les analyses de sa terre, jusqu'à 20 centimètres de profondeur, ont donné le résultat suivant: azote, 5,250; acide phosphorique, 5,750; potasse, 7,375; chaux, 15,500. La quantité des matières organiques représente 4.72 sur 100 parties. Les observations de la température démontrent de grandes différences dans les diverses régions de la pro- vince. La moyenne annuelle, au Nord, est supérieure de 4° à celle du Sud, à une longitude égale. Dans les montagnes, la température est plus basse de 4° que dans l'extrémité orientale, à latitudes égales. Dans la ville de Côrdoba, qui est située au Nord- Ouest, la moyenne annuelle de la température est de (1) Voir le livre La Provincia de Côrdoba, publié sous la direction de M. J. A. Alsina, directeur du bureau d'immigration. 451 16°8, Celsius. A Villa Maria, située au centre, la moyenne annuelle est de 18°5; et dans ïestancia San Jorge, au Nord-Ouest, la moyenne annuelle est de 15°. En automne, la moyenne est de 17°; au printemps, 18°; en été, 23°; en hiver, 11°. Le climat de Côrdoba est un des plus salubres de la République Argentine; il existe, dans son territoire, des parages dans lesquels on pourrait établir, avec d'incon- testables avantages, des sanatoriums qui seraient la consolation et le refuge de beaucoup de nos malades. Cosquin, Rio Ceballos, Quüino, San Roque, Alta Gracia, Calera, Capilla del Monte, et d'autres points, sont d'ex- cellentes résidences pour les tuberculeux, les rhumati- sants, les neurasthéniques, comme nous le verrons en parlant spécialement de ces parages. Température, hy- grométrie, oxygénation, altitude, tout est favorable. Le climat des hauteurs où l'air sec fournit de pré- cieuses indications pour le traitement des maladies pulmonaires, en ravivant l'hématose et en exerçant son action réparatrice sur l'organisme débilité et appauvri; des vallées et des collines d'une végétation splendide, d'une température agréable et offrant au voyageur d'abondants produits : une viande substantielle, un lait riche en principes nutritifs ; des panoramas superbes qui réjouissent la vue et égaient l'esprit: tout cela fait de ces localités des séjours d'agrément et d'une influence bienfaisante pour ceux qui souffrent. Ainsi s'explique la juste réputation de salubrité dont jouit ce pays, dans lequel il n'y a pas d'endémies. La démographie de cette importante province nous fournit les renseignements suivants : Ville Mariages 1876-80 Moyenne annuelle Baptêmes de 1876 à 1880 Moyenne annuelle Décès 1876-80 Moyenne annuelle 1.458 4.549 291.6 909.8 9.568 24.908 1931.6 4981.6 5.862 10.187 1172.4 2037.4 Campagne.. 452 La mortalité générale pendant les cinq années de 1876 à 1880, s'est élevée, dans toute la province, à 16.049; sur ce total, 5.862 correspondent à la ville et 10.187 à la campagne. Les maladies les plus fréquentes, dans la statistique qui nous occupe, sont : les fièvres diverses, avec 125 décès; la variole, avec 757; la gastro-entérite, 480; la pleurésie, 285; la coqueluche, 236; les maladies puer- pérales, 242; la pneumonie, 172; l'apoplexie, 152; les fièvres intermittentes, 150; la dysenterie, 125; la fièvre typhoïde, 123; la syphilis, 88; les occlusions intesti- nales, 87, etc. On doit remarquer que le rhumatisme ne figure pas parmi les diagnostics, et ce fait prouve précisément l'excellence du climat sec de Côrdoba, qui est très fa- vorable pour le traitement de cette maladie. La tuberculose figure, pour ces cinq années, avec 416 morts; ce chiffre ne doit pas nous alarmer puisqu'il représente moins du 3 % sur le total des décès, qui s'est élevé à 16.049. De plus, nous devons faire observer à l'appui de ce que nous avons déjà dit sur le climat salubre de Côrdoba, que de nombreux malades y vien- nent dans un état de santé très précaire, qu'il est im- possible d'améliorer, tandis que d'autres, se sentant soulagés par un séjour dans ce pays, retournent dans leurs villes, où ils contractent de nouvelles maladies ou voient s'aggraver celle qu'ils avaient avant, jusqu'à ce qu'obligés, par leurs souffrances, ils reviennent à cette station climatérique, où ils meurent, victimes de leur propre imprudence. Sur le total des morts: 6.593 correspondent à des enfants de 1 jour à 3 ans; ce qui donne une propor- tion de 41.10 %. Côrdoba. - Côrdoba, capitale de la province, a ac- tuellement une population de 70.000 habitants. Située dans le fond d'une vallée, à 437 mètres au-dessus du ni- veau de la mer, et entourée de montagnes qui commencent à 20 kilomètres à l'Ouest de son enceinte, elle n'est pas 453 une ville hygiénique, ce qui contraste absolument avec la généralité du territoire, qui jouit, au contraire, de bonnes conditions de salubrité; son sol est sablonneux et renferme des sulfates alcalins. La chaîne centrale de ses montagnes se dresse à une hauteur moyenne de 1200 mètres. Il existe un service d'eaux courantes qui viennent du rio Primero et qui circulent dans des conduites de fer. Elles sont bonnes et abondantes. Les latrines et les puisards sont généralement situés dans le fond des maisons, et atteignent jusqu'à la pre- mière couche d'eau ; ils sont comme ceux qui existaient à Buenos Aires avant la construction des égouts. L'inconvénient de cet état de choses saute aux yeux, mais, dans la pratique, il ne se fait pas sentir parce qu'on ne se sert presque pas des eaux de puits par suite de l'abondante provision d'eau courante. On ne rencontre pas le moindre parage marécageux à plusieurs kilomètres autour de la ville. Les éléments du climat sont : Température la plus élevée, observée 44° c. - - basse. - 80Q an-dessous de 0 Temp. moyenne du mois le plus chaud (janv.) 23° c. - - - froid (juin).. 9° c. - - annuelle .... 16°8 c. Humidité relative moyenne.. 63°4 Evaporation au soleil 2 m. 29 - à l'ombre 1 m. 17 Pluies dans l'année 670 mm. Vents dominants NE., N. NE. Vents les plus forts S. so. Les pluies tombent principalement en été; les mois de novembre, décembre et janvier sont ceux pendant lesquels elles sont les plus fréquentes. Depuis 1881 jusqu'à ce jour, la moyenne la plus faible, par année, a été de 482 mm. 2 en 1882; mais généralement elle dépasse 600 mm. 454 En hiver, il pleut rarement, spécialement pendant les mois de juin, juillet et août. Cependant, cette période de sécheresse relative ne nuit en rien aux bonnes condi- tions du pays. En divisant par saison les moyennes de pluie, nous avons : hiver, 16 mm.; printemps, 194 mm. 3; été, 310.6 mm.; automne, 144 mm. 3. Des observations de 16 ans et 3 mois établissent que pendant cette période il est tombé 1193 pluies qui ont produit 10 m. 948 d'eau, soit une moyenne de 918 mm- pour chaque année. Pendant la même période, il est tombé 33 fois de la grêle, le plus souvent durant les mois d'octobre, no- vembre et décembre. Les neiges font leur apparition surtout dans les montagnes de l'Ouest. Des observations ozonométriques, il résulte qu'en hiver la quantité d'ozone augmente légèrement. La plus consi- dérable est égale à 9, la plus faible à 0 et la moyenne annuelle à 5.1. On constate sa présence à l'occasion des tempêtes, quand les vicissitudes électriques sont bien définies; cependant à certains moments, même pendant ces phénomènes, c'est à peine si on sent son existence. Voyons, maintenant, la démographie de Côrdoba : ANNÉES BAPTEMES TOTAUX Décès (Mort-nés compris) Excédent des baptêmes sur les décès Garçons Filles 1881 993 1.002 1.995 1.293 702 1882 1.085 1.116 2.201 1.484 717 1883 1.131 1.137 2.268 1.590 678 1884 1.174 1.174 2.348 1.323 1025 1885 1.257 1.261 2.518 1.249 1279 1886 1.282 1.240 2.522 2.153 339 1887 1.389 1.278 2.667 1.796 871 1888 1.489 1.453 2.942 1.716 1226 1889 1.692 1.659 3.351 1.710 1641 1890 1.756 1.681 3.437 3.138 299 Totaux.... 13.248 13.001 26.249 17.452 8.797 455 La légitimité figure dans les proportions suivantes 1886 Proportion pour 100 1887 Proportion pour 100 Naissances légitimes 1695 67.21 1907 71.50 - illégitimes 827 32.79 760 28.50 Totaux 2522 100 2667 100 L'illégitimité, à Côrdoba, est représentée par des chif- fres très élevés. La prédominance du sexe masculin dans les nais- sances est évidente. La mortalité infantile est considérable; elle comprend 954 enfants de 1 jour à 3 ans sur un total de 2151 en 1886, c'est-à-dire qu'elle représente le 44.35 % de la mortalité générale. Sur les 1793 décès de 1887, elle figure pour 892, et sa proportion s'élève à 49.75 %. Si nous en cherchons la cause, nous la trouvons toujours dans une alimentation mauvaise ou insuffi- sante. Pour expliquer l'énorme quantité d'enfants succom- bant au tétanos, nous n'avons qu'à penser que les pre- miers soins à donner aux nouveaux nés sont ici quelque peu négligés. Les accouchements clandestins, l'igno- rance des personnes, le défaut d'asepsie dans les ma- nipulations pour couper et soigner le cordon, entraînent, comme conséquence, le chiffre énorme de tétanos néo- natorum que nous voudrions voir diminuer et disparaître. En 1891, la variole a causé 556 décès, la diphtérie, 273, et la fièvre typhoïde 14. La rougeole et la scarlatine ont fait seulement deux ou trois victimes, durant cette 456 année, mais à d'autres moments leurs cas sont plus nombreux. La vaccination et la revaccination des habitants ont contribué à atténuer les ravages de la variole. Au point de vue de la pathologie, nous devons dire, avec le Dr. Julio E. Pinero, que la diphtérie a été très fré- quente après l'année 1890, surtout dans les mois de décembre, janvier et février; elle est arrivée à repré- senter, comme en 1891, le 18 % de la mortalité -géné- rale, et le 8 % en 1892. La coqueluche, la pneumonie, sont également très fréquentes; la variole (des cas nombreux) dans les fau- bourgs, comme aussi la rougeole et, parfois, la scarla- tine. La syphilis et les affections vénériennes sont ex- traordinairement nombreuses, à tel point qu'on peut établir, avec certitude, que sur 100 individus, 90 ont souffert de l'une ou l'autre de ces maladies. L'influenza a sévi pendant les hivers de 1890, 1891, 1892. Le Dr. Freire, qui s'est attaché à étudier la fréquence de la pneumonie à Côrdoba, déclare que cette ville, cons- truite dans une vallée, présente un climat doux et tem- péré, sec et froid en hiver, chaud et humide en été; les saisons de l'année sont parfaitement divisées et se font sentir aux habitants. Malgré cela, l'attention des observateurs et des praticiens a été particulièrement frappée par les variations qui se produisent dans la température, non-seulement dans une saison, mais dans une même journée. On comprend facilement que ces chan- gements ont une influence très funeste sur les habi- tants. Qui donc, ayant séjourné à Cordoba, n'a eu l'oc- casion de constater et de sentir des températures très élevées en hiver comme en été et des changements très brusques? (') (x) Manuel C. Freire : Causas y frecuencia de la pneumonia en Cordoba : su tratamiento. Thèse de Côrdoba, 1885. 457 Faisant allusion à ces mêmes variations, il ajoute qu'elles permettent d'expliquer le rôle très important, joué dans cette ville par la cause a frigore comme agent producteur, c'est-à-dire comme cause occasionnelle de la pneumonie. Cette influence est démontrée par la statistique. Sur 105 pneumoniques, morts en 1883, vingt ont succombé en septembre, et il convient de remarquer que pendant la seconde dizaine de ce mois il y a eu des différences de température de 33 degrés. A la cause indiquée plus haut, il faut ajouter celles qui placent l'organisme en des conditions spéciales de récepti- vité. Ainsi, nous constatons que le plus grand nombre de personnes atteintes de pneumonie se rencontrent parmi les pauvres, parmi ceux qui vivent dans de mauvaises conditions d'hygiène, s'alimentent mal, souffrent plus du froid à cause de la misère et, par suite, offrent moins de résistance à l'invasion de la maladie. La proportion de la mortalité a varié, pendant plu- sieurs années, autour de 27 par 1000 habitants, mais, en 1890, elle a augmenté sensiblement et s'est main- tenue, depuis lors, très élevée. En 1891, les maladies infectieuses ont causé le plus grand nombre de décès. Elles atteignent le 41 °/o sur le total de la mortalité, par suite de la variole et de la diphtérie qui ont fait, respectivement, 584 et 285 victi- mes. Ces chiffres sont les plus élevés qu'on ait constatés pendant une période de treize ans. L'année 1887 vient ensuite avec une proportion de 40 la variole causa cette année-là 422 décès, et les autres maladies régnè- rent, y compris le choléra asiatique qui fit 34 victimes après en avoir fait 374 l'année précédente. En 1888, la proportion fut de 34 °/0 et on signala une épidémie de rougeole et de scarlatine qui cessa l'année suivante. Enfin, c'est eiï 1892 et 1893 qu'on constate une dimi- nution de la mortalité, résultant de maladies infectieuses, spécialement pendant la première année, où elles n'ont représenté que le 13 % de la mortalité générale. 458 Le tableau suivant fait connaître la mortalité causée par les maladies infectieuses de 1881 à 1893. Totaux.. 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 00 OîDïOOQCCOOOOOOOOOOOOOOO CC62 - - ANNÉES CP «q --?<jScj4-oo5X*"0 tcw CO O - a C. O >- 4* Fièvre typhoïde 62 N) CH 4- ? O - 62 oo o - co 62 - cp oo - - co on o. 4. <Æ 4- K (■£ C Cl K c œ Variole 476 co 62 >- co - oo cp 1 I - 1 oo - Rougeole 218 1 H- - | ,-SuÏK>4-O 1 col Scarlatine 199 1 -1 00 7} | O CO O 62 CO CO 1 1 Coqueluche 961 62 62 - CO «O 00 CO C5 -- 62 1- - co -i Diphtérie et croup o K-H-. - - - H- - 00010'0 -AOKOO-- -'JX'UlOOO-'jj-OCCO. - Tuberculose pulmonaire 6599 CO 62 - O AO--1 62 CO CO CO 44- 4- r j ci x ro (O w 'X ». ; c oc o: >4 00 CO 00 00 -1 O -» M M O O - - Totaux 62 - - CO 62 CO 44 62 - fO 62 62 CO -1 CO - 1- Proportion par 100 décès xO - O O CP O - O 4-- (G ûj o:- 131 -00000000.0 4.x0 Affections puerpérales 00 62 0.010000'010'40.0- -1- 4* 4X o 4- -IQOOO.'O 4 0 Tétanos infantil 3509 cocococnco - - toi-'îowtobs - 62 (O O CP 00 - CO iO O CO 00 -< (C X O O O O O l'J O - 62CO Entérite et gastro-entérite Le choléra a fait invasion en 1886 et a causé 412 décès. Les maladies qui ont provoqué le plus de morts, dans cette ville, sont les suivantes : 459 MALADIES 1876 1877 1878 1879 1880 1886 1887 Apoplexie 21 11 11 27 25 - 7 Congestion cérébrale. 13 11 15' 17 12 - 12 Bronchite - - - - - 83 50 Dysenterie 34 15 19 17 12 - 6 Coqueluche - - - - - 37 34 Entérite 3 5 10 9 6 87 123 Eclampsie - - - - - 42 33 Fièvres diverses 146 149 144 138 127 - - Gastrite 21 23 21 19 32 - 7 Gastro-entérite 25 24 36 23 31 228 63 Hépatite 24 25 28 22 29 - 1 Méningite - - - - - 35 63 Métrorrhagie 17 19 16 14 29 - - Pneumonie 26 22 30 29 44 30 47 Syphilis 22 34 34 18 29 ■ ■ 3 Tétanos infantil 97 75 101 83 102 27 93 - spontané... 7 3 14 18 5 03 4 Typhus abdominal... 7 12 12 33 50 63 54 Tuberculose 50 96 68 61 52 108 125 Variole 54 24 45 50 52 149 397 Lésions cardiaques .. 6 12 11 13 21 60 40 Mort subite - - - - - 65 57 Vieillesse - - - - - 30 26 Accidents de la den- tition - - - - - 85 54 La mortalité totale, par sexe et par année, est consi- gnée ci-dessous : Hommes 1876 1877 1878 1879 1880 1886 (') 1887 536 499 575 572 635 1061 939 Femmes 577 540 610 642 676 1090 854 Totaux 1113 1039 1185 1214 1311 2151 1793 (x) Epidémie de choléra qui a produit 412 décès. 460 En 1886, la statistique offre une augmentation con- sidérable, par suite de l'épidémie de choléra dont nous avons déjà parlé. Durant cette année, et en 1887, la mortalité repré- sente respectivement une proportion de 35 et de 27.1 pour 1000 habitants. Un fait qui appelle l'attention, c'est que, pendant plusieurs années, le chiffre des femmes est supérieur à celui des hommes dans la statistique mortuaire. La mortalité générale a atteint, en 1892, le chiffre de 1720. La coqueluche a régné pendant plusieurs mois. On n'a entrepris et on ne songe à entreprendre au- cun travail sérieux d'assainissement. La prostitution réglementée est mal surveillée par un personnel insuffisant; on ne fait rien pour réprimer la clandestine. Rio Quarto. - Cette ville, qui appartient à la pro- vince de Côrdoba, a 10.000 habitants. Elle est située sur un terrain perméable qui, sur quelques points, a une couche de terre végétale d'un mètre d'épaisseur- Son climat est variable, mais sec. Elle a des eaux courantes amenées par des conduites, mais elle a également des citernes et des puits. Les eaux de ces derniers sont employées par le plus grand nombre de personnes; elles contiennent du sodium et de la potasse. Les cours d'eau qui baignent Rio Cuarto sont le rio et la rivière de ce même nom. Il n'y a pas de parages marécageux. On a remarqué que le printemps et l'automne sont les saisons pendant lesquelles la fièvre typhoïde se dé- veloppe le plus. Elle se déclare indistinctement dans tous les quartiers. La proportion des personnes atteintes de fièvre ty- phoïde et autres maladies contagieuses est très consi- 461 dérable : la moyenne est 43 %, mais, dans certains mois, comme en mars 1892, cette proportion s'est élevée à 58%. En comparant la fièvre typhoïde avec la mortalité générale, nous trouvons, par exemple, pour le premier trimestre 1892 : 16 de la première pour 96 de la seconde. Ces cas se sont produits comme suit : 4 en janvier, 5 en février, 7 en mars. On peut établir une proportion de 1 à 6. La forme bilieuse est celle qui prédomine. Selon le Dr. Bejarano, le traitement consiste dans remploi opportun de purgatifs, sulfate de quinine, antipyrine, hydrothérapie, antisepsie intestinale, par le sulfure de carbone et la naphtaline ; les toniques. Par suite des mauvaises conditions hygiéniques de cette localité, il arrive que quelques épidémies de fièvre typhoïde et d'autres maladies se produisent avec un caractère alarmant. C'est ce qui explique la quantité relativement considérable de décès qu'elle provoque. Comme mesures prophylactiques, on pratique l'isole- ment et la désinfection. On n'entreprend aucun travail d'assainissement. CHAPITRE XVIII PROVINCE DE SAN LUIS Sommaire. - Situation, limites, division, étendue, population. - Géologie, montagnes, hauteurs, la plaine.- Fertilité du sol. - Bios, rivières et lagunes. - Climat. - Salubrité générale. - Opinion de Llerena. - Longévité. - Source d'eau minérale « La Huertita ». - Les marbres. - Ville de San Luis : Situation et population. - Climat. - Température absolue et moyenne.- Vents, pression atmosphérique, pluies, leur division par sai- sons. - Vents pamperos. - Sécheresse, irrigation, provision d'eau, les ruisseaux. - Morbidité : fièvre typhoïde, influence de l'eau, bronchite, coqueluche, influenza, variole, tuberculose, rougeole, dysenterie, entérite et gastro-entérite. - Mortalité générale, considérations à ce sujet. - Com- paraison avec d'autres villes. - La mortalité de San Luis est considérable par rapport à sa population, situation, etc. - Nécessité de la doter d'une bonne provision d'eau. - Réformes urbaines. - Villa Mercedes : Popu- lation. - Topographie, géologie, climat, saisons. - Provision d'eau. - Examen des eaux des rios Conlara et San José. - Eau des puits. - Les habitations des pauvres, les chaumières. - Fièvre typhoïde, variole, cho- léra infantil, tuberculose. - Mortalité générale. La province de San Luis fait partie de cette région de la République Argentine qu'on appelle Cuyo', elle est située entre le 32° et le 34°30 de latitude Sud et le 67° et le 68°30 de longitude occidentale; elle est limitée au Nord par La Rioja et Cordoba, au Sud par le district fédéral de la Pampa, à l'Est par Cordoba et à l'Ouest par San Juan et Mendoza. Le rio Desaguadero la sé- pare de cette dernière province. Son territoire est composé d'une succession variée et luxuriante de pampas, de bois, de collines escarpées et de chaînes de montagnes; il renferme des richesses minérales et végétales sur une grande partie de son étendue et il présente, dans ses propres limites, de su- 463 perbes panoramas et les qualités spéciales de son sol enrichiront plus tard sans doute cette région en en fai- sant un centre d'activité et de progrès incessants lorsque le développement des industries et du commerce se sera porté de ce côté. Géographiquement, ce territoire est divisé en douze zones qui lui donnent un aspect varié, avec ses plaines ondulées, ses montagnes, ses plateaux, ses bois, ses lacs et ses ruisseaux. Ces différentes zones constituent un paysage enchanteur; la température y favorise une vie agréable, sous une belle latitude, au milieu de ri- chesses sans nombre que la nature a réunies sur ce point. La population a suivi la progression suivante : 1770 4.000 habitants 1825 25.000 - 1854 32.000 - 1857 38.702 (x) - 1864 45.000 - 1869 (recensement national) 53.294 - 1888 (calcul de Latzina) 80.500 - 1894 (calcul) 125.000 - L'étendue de la province de San Luis a été différem- ment calculée. Le recensement national de 1869, lui assigne 126.890 kilomètres carrés; Burmeister 60.469 k.; Perthes 61.987 k.; Avé Lallemant 56.835 k.; Latzina 75.917 k. En prenant une moyenne, on obtient 76.419 kilomè- tres carrés, et si ce chiffre ne représente pas l'exacte vérité, il s'en rapproche; nous avons ainsi une densité de population de 1.6 par kilomètre carré. Le terrain est montagneux vers le Nord et le centre; (l) Dans cette population il faut compter 153 étrangers. 464 dans cette partie il monte du Nord au Sud sur une étendue de 128 kilomètres, depuis la Lomita jusqu'à Chorillo et sur une largeur de 95 kilomètres, il forme ce qu'on appelle la chaîne de montagnes de San Luis. Le versant occidental est très escarpé et arrive jusqu'à 990 mètres; le versant oriental présente des pentes douces, des plateaux jusqu'à Concoran, vallée où le terrain s'élève de nouveau jusqu'à ce qu'il atteigne les sommets de la chaîne de Cordoba. A FOuest des montagnes de San Luis, se trouve la plaine appelée Pozo de los algarrobos, à 570 mètres au-dessus du niveau de la mer, d'où descendent deux gorges; l'une se dirigeant au Nord, vers la grande saline de la Rioja, l'autre appelée del Balde, au Sud, vers la plaine de los Barreales. Limité par ces deux gorges, le terrain s'élève du Nord au Sud pour constituer en colline le Alto Pencoso à 750 mètres. La grande chaîne de montagnes a une hauteur relative de 1370 mètres et une élévation absolue de 2043 mètres. Son aspect est majestueux; elle présente des vallées, des rivières, des volcans éteints. L'énumération de tous les monts serait bien longue, nous mentionnerons entre autres: Esquina 1.586 m.; Santa Barbara, 1.395 m.; Potrerillo de las mulas, 1.420 m.; Ignacita, 1.438 m.; Chorillo, 1.219 m.; Alto Grande, 1.107 m.; Ferreyra (ô del Manantial), 1807 m.; Palmas, 1.474 m.; Barroso, 1.596 m.; Sololasta, 1.971 m.; Inti- guasi, 1.720 m.; Pelado 1.692 m. Le mont del Morro (1.665 m.) est un de ceux qui offrent à la vue le spectacle le plus pittoresque et le plus enchanteur. Dernier grand sommet dans la di- rection du Sud-Est, il présente sur sa cime un ancien cratère connu sous le nom de Potrero. Le diamètre de ce dernier est de 4.025 m. du Nord au Sud, et de 3.900 mètres du Sud-Est au Nord-Ouest. Une lagune de 1.324 mètres d'élévation complète ce splendide paysage. La plus grande partie du territoire est plane, et sur quelques points on rencontre de grandes forêts et de nombreux pâturages. 465 Le juinc, vidriera, zampa, molle, tala, quebracho, chaîîar, algarrobo, calden, acacia, peje, brea, retamo, jarilla, alvarillo, cocotier, palmier, saule, piquillin, tin- titaco, atamsûqui, mistal, cardo santo, alhucema, tartago, tasi, chamico, poleo, oranger, chilca, mio-mio abondent, ainsi qu'une infinité d'arbustes qu'il est impossible d'énu- mérer. La vigne y vient dans des conditions excellentes. Si on étudie la composition de son sol, on reconnaît qu'il est généralement dur, argileux et sablonneux, mais non calcaire; il renferme du mica dans quelques parties. Les détritus des rochers entrent dans la formation des gorges et des vallées; par suite, leur sol est granitique. Ces vallées et spécialement celle de Concorân sont très fertiles; elles fournissent de nombreuses graminées et verveinacées. Cette dernière vallée a une couche de terre végétale d'un mètre cinquante d'épaisseur et un sous- sol argileux mélangé de sels alcalins. L'humus est distribué d'une façon très inégale: il abonde dans les Talares, tandis que, sur d'autres points, la matière organique est rare; c'est un sol poreux, per- méable, dont le pouvoir hygroscopique et absorbant est très faible. En d'autres endroits, il est plus argileux et l'humus plus épais. La province a vingt huit rios, dont les 3 plus impor- tants sont le Desaguadero, le rio Quinto et le Bebedero; Les eaux du Desaguadero sont très amères et très saumâtres en temps de sécheresse, et deviennent très potables quand les dégels des Andes viennent les grossir. Le lit de ce rio et les terres qu'il baigne sont impré- gnés de sodium. Le rio Quinto naît dans les cimes centrales de la montagne de la Punta; il est formé des cours d'eau tributaires de la Canada Honda et de Pancanta; franchis- sant des rochers de plus de 30 mètres de profondeur, il descend dans la plaine en charriant des sables aurifères; il se perd dans les marais et dans les lagunes au-delà du Lechugo, après un parcours de plus de 50 lieues du Nord-Ouest au Sud-Est. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 466 Les eaux de ce rio sont si riches et si salubres, que d'après une observation, les animaux qui les boivent acquièrent une grande fécondité et produisent un lait, un beurre et un fromage d'une qualité incomparable. Le rio Conlara prend naissance dans les montagnes du district du même nom, il les traverse et court de l'Est à l'Ouest,; en arrivant à la vallée de Menca, il est rejeté vers le Nord par les hauteurs du Rosario; il traverse cette région d'algarrobos et de talas du Sud au Nord, en recevant plusieurs affluents; après un parcours de 30 lieues, il est dévié par la montagne du Poncho, double l'extrémité septentrionale de la chaîne de la Punta, se dirige du Nord au Sud et va se perdre dans une région de marais et de bois dans le parage des « Liebres », après un parcours de 45 lieues environ. Il y a neuf lacs ou lagunes. Les eaux du lac Bebedero sont vertes et ont la saveur des eaux de mer. D'après Llerenaf), son origine doit être assez récente, puisqu'on voit encore debout sur ses rives les squelettes pétrifiés, natronifiés, puisque leur conservation est due à la croûte de natrum qui les recouvre, ainsi que les bois qui oc- cupaient il n'y a pas bien longtemps son lit actuel. La révolution qui a provoqué ce changement de lit du lac qui, avant, devait se trouver plus au Sud à en juger par les dépôts de natrum qui couvrent le sol, ne doit pas remonter à 90 ans, et il y a encore dans le pays, à ce sujet, quelque chose qui ressemble à une tradition. Le jit actuel est sablonneux. Cent six rivières sillonnent cette province ; elles ont des eaux limpides, fraîches, parfumées dans les gorges qu'elles traversent, par la menthe, la sauge, le myrthe, le polleo et une quantité d'arbres et de plantes d'un arôme spécial. Les sources qui existent dans tout le territoire attei- (1) Juan Llerena : Cuadros descriptivos estadîsticos de las très pro- vincias de Cuyo. - Revista de Buenos Aires, tomes 9, 10 et 11. 467 gnent le chiffre de 2.600. Malgré cette quantité de rios, de rivières, de lagunes, etc., l'eau fait défaut sur cer- tains points, mais l'œuvre de l'homme y pourvoit en exécutant des travaux qui procurent beau nécessaire pour les besoins de la campagne. On comprend qu'avec de tels éléments naturels le climat soit agréable et facilite l'accomplissement des fonctions de la vie. Dans un pays si bien situé, si sain, si riche, dit Lle- rena, les maladies ont peu de prise, surtout sur le phy- sique des robustes habitants qui, pour la plupart, ne connaissent d'autre maladie que la vieillesse et les ac- cidents inséparables des professions rustiques. Aussi dans cette contrée, l'homme atteint à la période d'exis- tence la plus longue, et dans cette population de cin- quante mille âmes, on compte 300 vieillards forts et robustes, qui ont franchi la centaine et quelques-uns qui arrivent jusqu'à cent trente ans sans éprouver encore les infirmités de l'âge. Comparativement, San Luis pré- sente une mortalité moindre et une longévité supérieure à celles des autres sections de Cuyo. (l) Au sujet de la longévité, nous rappellerons qu'à Jujuy, l'existence humaine atteint également un âge très avancé. D'après le recensement de 1869, il y avait dans cette province 356 individus de plus de 80 ans et 19 de plus de cent ans, soit un sur 2.125 habitants, alors qu'à Santa Fé la proportion était de un pour 89.117 habitants. Les étrangers s'acclimatent bien et vite; c'est à peine si au début, ils ressentent quelques légers malaises oc- casionnés par les transitions des saisons. Les tremblements de terre sont rares, surtout à l'orient et dans la plaine. On rapporte qu'en 1849, il s'est produit une secousse qui a causé quelques dégâts. (1) Llerena a écrit ces lignes en 1866. Nous croyons exagérés les chiffres précédents. 468 Ajoutons que la province de San Luis compte d'im- menses richesses naturelles et que les marbres de ses carrières assurent à son industrie un très grand avenir. Nous compléterons ces renseignements en disant que parmi les rares sources d'eau minérale qu'elle ren- ferme, se trouve celle qui est appelée Huertita, dans le département de San Martin. Ses eaux n'ont pas encore été analysées, mais jusqu'à présent elles sont connues pour l'influence marquée qu'elles ont sur cer- taines maladies de la peau et de l'appareil gastro- intestinal. San Luis. - La ville de San Luis bénéficie grande- ment de toutes les conditions générales que nous ve- nons d'énumérer, et elle en reçoit tous les éléments qui les caractérisent. Située à 3 kilomètres de la chaîne de montagnes ap- pelée Punta del Chorillo, à 739 m. au-dessus du niveau de la mer, dans une plaine d'alluvions, elle a aujour- d'hui 12.000 habitants environ. Les températures extrêmes sont: maxima 38°6; minima 7°2 au-dessous de zéro. La moyenne d'hiver (en juin), 8°17; la moyenne d'été (en janvier), 24°63. La moyenne par saisons, est la suivante: printemps 20&37; été 23°33; automne 11°92; hiver 12°41. La moyenne annuelle est 17°. Le climat est tempéré quoique variable. La pression barométrique annuelle est en moyenne de 694.40. Quand le vent Ouest règne, la pression barométrique baisse; elle monte au contraire avec le vent Est. L'humidité relative annuelle est en moyenne de 54.1, et par saisons: été 52.5; hiver 48.1; printemps 53.2. La pression maxima de la vapeur qui a été observée est de 26.62 mm., la minima, de 0.00; la minima d'hu- midité relative 1.00. 469 Nous voyons par suite que le climat de San Luis est très sec; et que l'air contient une quantité de vapeur aqueuse si faible, avec une pression si basse, qu'il est difficile de la calculer au psychromètre. Sa séche- resse est une des plus marquées de la République Ar- gentine. Les renseignements relatifs aux vents se trouvent dans le tableau suivant: Proportion Rapidité moyenne par heure Calme Est 52 % 4.76 km. Nord 31 °/0 6.47 » | 10 °/o Ouest 10 % 4.21 » | Sud 7 7o 2.49 » Les vents Nord, Sud et Sud-Est sont secs, ce qui fa- vorise l'assainissement et le dessèchement du sol exté- rieur; les vents du Nord-Ouest amènent la pluie. Les principales variations qu'ils présentent se sentent à la fin de l'hiver et à l'entrée du printemps. Les ou- ragans se produisent parfois et lorsqu'ils ont passé, le firmament reprend sa splendeur sereine et son habi- tuelle limpidité. Les vicissitudes atmosphériques, sous la forme de tempêtes, sont accompagnées de phénomènes électriques d'une intensité considérable surtout pendant le printemps et l'été. Les brises sont fréquentes, et elle rafraîchissent tou- jours les nuits, même en été. En temps de sécheresse, il se forme des tourbillons. La quantité d'eau pluviale qui tombe dans une année 470 peut être calculée à 559 mm.; elle est ainsi distribuée par saisons : Eté 198.5 mm. formant le 35.50 % du total Automne 67.1 mm. - 12 - Hiver 32 mm. - 5.72 - Printemps. . .. 261.5 mm. - 46.78 - On est frappé de l'inégalité de cette distribution; très abondantes au printemps et en été, les pluies sont à peu près milles en hiver. Dans une tempête, on a vu tomber une très grande quantité d'eau, et après on a constaté plusieurs mois de sécheresse. Si elles ne sont pas fréquentes, les pluies tombent du moins en quantité régulière; elles offrent cependant l'inconvénient de ne pas arroser certaines régions et c'est pour cela que plusieurs parages de cette province sont totalement dépourvus de végétation, tandis que d'autres qui bénéficient de ces pluies ou d'un système d'irrigation sont, au contraire, d'une fertilité remarquable. Des observations faites pendant plusieurs années, il résulte que les plus grandes quantités d'eaux pluviales tombées à San Luis ont été: 160 mm. pendant une tem- pête, et 80.1 mm. dans une autre occasion (8 décem- bre 1874). Généralement, de novembre à mars, elles ont le carac- tère d'orages; elles sont accompagnées de vents violents et parfois de véritables ouragans, d'éclairs et même de grêle. En hiver, d'après le Dr. G. Davis, la neige tombe deux fois en moyenne, et elle dure peu; mais à une faible distance de la ville, dans les montagnes, elle tombe en abondance. Les brusques changements atmosphériques sont ici très remarquables. Il ne s'écoule souvent pas plus d'une ou deux heures entre une chaleur et une sécheresse presque insupportables provoquées par les vents du Nord 471 et du Nord-Est, qui précèdent les tempêtes, et une température basse provoquée par un vent très doux du Sud ou du Sud-Est. Il semble que la ville et la plus grande partie de la province sont également exposées aux pamperos, les vents caractéristiques de la région de la grande pampa, et aux Zondas, si redoutés dans les provinces andines. (l) Martin de Moussy fait remarquer un phénomène que présentent le versant occidental de la montagne de San Luis, et le grand plateau qui, de ses pieds, s'étend dans la direction de Alto Pencoso, Gigante, las Qui- jaclas, etc. Ce phénomène consiste dans la fréquence très marquée des pluies en toute saison et particulièrement en été, mais jamais ou presque jamais elles ne fran- chissent ce cordon. On dirait que les vapeurs partagées entre l'attraction de la chaîne des Andes et celle de San Luis s'arrêtent sur ce point intermédiaire pour se convertir en pluie. La période des journées nuageuses est représentée par 40 %. La grêle est assez fréquente; on a vu des grêlons pesant jusqu'à 150 grammes. Pendant l'hiver, la neige tombe dans les montagnes et leurs environs en petite quantité. Les gelées sont nombreuses dans cette même saison. Les rosées ont peu d'intensité. L'absence de rios, d'étangs, de marais et de terrains exposés aux inondations (dans la ville) imprime au climat un caractère essentiellement sec, et, par suite, Pair conserve très peu d'humidité; celle-ci est de 10 centiè- mes, et on remarque la rareté de la vapeur aqueuse. On a constaté, surtout au printemps et en été, que lorsque Peau de pluie tombe sur le sol pierreux et dur, dont l'inclinaison est très marquée, elle s'écoule rapi- (1) G. G. Davis : Lijeros apuntes sobre el clima de la Repûblica Ar- gentine. 472 dénient vers les vallées profondes qui doivent la rendre aux rios, de sorte que la seule eau qui séjourne est celle que le sol a absorbée. Les naturels du pays comme les étrangers sont d'ac- cord pour reconnaître les bonnes conditions climatéri- ques de San Luis; les saisons extrêmes ne présentent pas ces différences qu'on remarque dans d'autres régions de la République Argentine. Cette ville, par son climat, par la nature particulière de son sol, et par les autres conditions hygiéniques de sa situation privilégiée, devrait être une zone extraor- dinairement salubre. On a dit qu'il n'y régnait aucune endémie, et que les épidémies y étaient très rares. Nous ne partageons pas absolument cette opinion, et nous nous réservons de prouver plus loin avec la statistique même, que cette affirmation n'est pas tout à fait exacte. La ville de San Luis a passé par une période extraor- dinaire de sécheresse et, par suite, la population n'avait pas d'eau suffisante pour satisfaire à ses besoins. Dans ces dernières années, on a entrepris de grands travaux d'irrigation. On a construit les digues suivantes : Po- trero de Fîmes, d'où part un canal en maçonnerie qui conduit l'eau jusqu'à la cité; le Chorillo, destiné à élèver les eaux qui se perdaient dans les couches de sable de San Luis. Ces eaux sont également con- duites par un canal, elles se joignent à celles du Po- trero de Finies et se répandent dans la ville au moyen de nombreux canaux secondaires ou de ruisseaux. L'eau de ces ruisseaux arrive et se conserve dans des dépôts fermés, de 10 à 20 mètres cubes de capacité. Dans un grand nombre de maisons existent des ci- ternes. Les familles connaissent bien l'utilité des eaux cou- rantes, convenablement installées avec un système bien compris de conduites, et comme jusqu'à ce jour, il n'a pas été possible de réaliser ce progrès, elles ont pris l'habitude de purifier les eaux avec les filtres. 473 Tout le monde n'emploie pas cet appareil, et nom- breux sont ceux qui boivent l'eau telle que la fournis- sent les ruisseaux à fleur de terre, chargés de matières étrangères soit végétales, soit animales. On comprend sans effort, ce que doivent être ces eaux, courant dans les canaux à l'air libre, recueillant les feuilles et les dépouilles des arbres, les déjections laissées par les animaux sur la voie publique, et une foule d'autres matières qui s'incorporent à ce liquide pendant son trajet dans le canal. D'après l'opinion du Dr. T. Lemrae, elles sont la cause des maladies gastro-intestinales qu'on observe ici. Les familles pauvres recueillent l'eau pour leur alimen- tation dans des récipients peu profonds; elles vivent dans des chaumières et dans des cahutes, entassées les unes sur les autres, dans de très mauvaises conditions, alors même qu'elles jouissent d'un air excellent. Les latrines sont presque toujours situées dans un coin reculé des maisons; elles n'ont pas été construites conformément aux règles de l'hygiène et, par suite, sont dangereuses. Les puisards n'existent pas. En étudiant la pathologie de San Luis, nous consta- tons que la fièvre typhoïde est la plus tenace des ma- ladies qui y régnent. En 1890, elle représente le 10 % de la mortalité totale, et sa proportion est à peu près la même en 1891. On a observé des accidents cérébro-spinaux chez les typhiques qui avaient abusé des alcools; la maladie se présentait avec tout un cortège de phénomènes ataxo- adinamiques. Les ulcérations intestinales, les péritonites par perforation sont assez communes, et on a vu se produire une mort subite au cours de la convalescence. On a enregistré des cas qui ont duré jusqu'à 90 jours sous une forme très légère, et qui se sont terminés par une guérison complète sans autre accident que les dé- sordres intestinaux. La mortalité typhique infantile est relativement cou- 474 sidérable; on doit l'attribuer souvent à la négligence des mères qui abandonnent les malades à l'action de la nature. Le traitement consiste, au début, dans des purgatifs, dans l'antisepsie intestinale et on observe toutes les indications qui peuvent se produire. Quand la chose est possible, on isole le malade; on désinfecte ses linges et ses déjections, on fumige les habitations et on conseille l'emploi de beau ayant bouilli, quand la maladie tend à se propager. Il est bien difficile de déterminer d'une façon exacte, l'époque pendant laquelle cette maladie atteint son plus grand développement; on peut dire, cependant, que le printemps et l'été sont les saisons pendant lesquelles les cas sont les plus nombreux, ce qui permet d'établir le rapport qui existe entre cette fièvre et l'augmentation des pluies. Elle sévit sans distinction dans tous les quartiers de la ville, mais elle frappe particulièrement dans le Sud, dans le voisinage du cimetière, où habite la plus grande partie des indigents. Nous avons déjà vu, que l'eau des ruisseaux se dé- pose dans des sortes de réservoirs ou dans des citernes et c'est là que la population vient la prendre pour ses besoins. Ces conduites sales et à l'air libre sont ainsi le véhi- cule de l'infection, puisque l'eau qu'elles transportent reçoit, nous le répétons, des matières organiques en dé- composition, particulièrement au moment des pluies, époque de la plus grande intensité de la maladie. U faut, par suite, présumer que les excréments typhiques mélangés à l'eau et emportés par elle, constituent le principe actif de l'infection. Ou trouve certainement dans ce fait la cause d'une grande partie de la morbidité ; il est regrettable qu'avec des conditions naturelles aussi satisfaisantes, avec un climat qui en lui-même est très sain, San Luis ne puisse présenter une meilleure statistique. Les bronchites et les pneumonies ne laissent pas que d'être assez fréquentes. 475 La coqueluche se présente aux époques de transi- tion. En 1890, l'influenza a attaqué une grande partie de la population; après avoir disparu pendant quelques mois, elle a repris en 1892 avec une telle intensité que dans la plus grande partie des maisons tous les habi- bitants en ont été atteints. Elle a revêtu pendant cette année la forme nerveuse caractérisée par des névralgies. Les autres formes res- piratoires et gastro-intestinales ont été, la première sur- tout, aussi fréquentes que la forme nerveuse, mais elles ont produit moins de complications chez les malades. La variole a sévi sur quelques personnes en 1889, et elle a causé 23 décès en 1890. Les rares cas de dyphtérie qui se sont produits ont été importés. La tuberculose est une des maladies qui font le plus de victimes, mais il importe de faire remarquer que le plus grand nombre des malades, venus du dehors à la recherche d'un climat convenable, étaient déjà dans un état très grave. La rougeole fait quelquefois son apparition dans la ville, mais en général elle ne se complique pas d'acci- dents dangereux. La scarlatine n'est constatée que par exception, et sans complications. Par suite des variations de température qui se pro- duisent surtout au printemps, on signale des maladies des voies respiratoires et quelques néphrites. La variole sévit de préférence à la campagne, où il est difficile de pratiquer la vaccination. Les maladies de l'appareil circulatoire sont fréquentes; on observe principalement «ucvrismes, et on doit les attribuer à la vie fatigante que mènent les habitants du pays qui sont constamment obligés de gravir des montagnes et de les descendre. L'équitation à laquelle ils se livrent est une autre cause de ces affections. On a constaté également que la syphilis fait des 476 progrès alarmants, surtout depuis l'arrivée des soldats dans la ville. Le choléra a produit en 1887, une petite épidémie. Selon le Dr. Lemme, la dysenterie, la scarlatine, la gastro-entérite, sont fréquentes; il faut les attribuer à la mauvaise qualité des eaux des conduites. Cette der- nière maladie éveille spécialement l'attention de l'obser- vateur et dans les certificats de décès elle figure dans une proportion de 15 %. C'est un indice évident des altérations des voies digestives dans cette localité et dans ce cas, l'accusation pèse directement sur l'eau con- sommée. Il n'existe pas d'autre cause à laquelle on puisse l'imputer; San Luis a été, au contraire,, pourvue par la nature de tous les éléments qui peuvent favoriser le développement hygiénique de sa population et ce sont les eaux de ses conduites qui sont la raison de son insalubrité actuelle. Pareil état de choses est suffisant pour expliquer sa mortalité considérable. Dans les tableaux relatifs à 1890, nous trouvons que le chiffre des décès a été de 321; les renseignements particuliers que nous avons, nous donnent le chiffre de 400. Dans la première hypothèse, la proportion des décès est de 27 pour mille, et dans la seconde elle est de 33 pour mille. De toute façon, en acceptant comme exact le chiffre de 321, il est très élevé et rien ne le justifie, si ce n'est la négligence des habitants et le peu de soins qu'ils mettent à améliorer leurs propres conditions. Nous ne pouvons dissimuler l'impression fâcheuse que nous cause cette statistique. Nous savons que le Caire et Alexandrie présentent respectivement une mor- talité de 52 et 46 pour mille; Rouen, de 33 pour mille; Moscou, de 39 pour mille; Port Saïd, de 54 pour mille; Milan, de 33 pour mille; mais nous ne pouvions sup- poser qu'à San Luis, la mortalité atteindrait la propor- tion de 27 pour mille, puisque jamais il ne s'était pro- duit de faits pouvant justifier cette proportion. Quand nous avons examiné la démographie, elle nous 477 a révélé le véritable état sanitaire de cette ville. Disons cependant, qu'en 1878, avec une population de 5.000 âmes, il ne s'est pas produit un seul décès pendant une période de 41 jours, dans la ville de San Luis. Mendoza, qui également a payé son tribut à l'action de ses eaux de consommation, qui circulent aussi dans des ruisseaux, s'est rendu compte, enfin, de sa triste situation et a eu recours au Congrès en sollicitant des subsides qui lui ont, d'ailleurs, été accordés pour l'établis- sement définitif et complet d'un service d'eaux courantes. Quand fera-t-on la même chose à San Luis? Il ne suffit pas qu'une localité réunisse d'excellentes conditions de topographie, de température, etc.; il est nécessaire que ses eaux soient pures et circulent à l'abri de toute contamination, et que les services publics soient efficacement dirigés pour le bien de tous. La densité très infime de la population de la ville (12.000 habitants pour une superficie de 11.500 kilo- mètres carrés) ne permet pas d'expliquer les faits cités plus haut. L'air et l'espace abondent et on ne pourra jamais invoquer l'agglomération comme un facteur étiologique général. Comme travaux d'amélioration urbaine, on projette la translation du cimetière dans un endroit plus éloigné, ainsi que le pavage des rues. Près de la ville existe un parage appelé Belchite, situé au pied de la montagne, qui est considéré comme un point très favorable pour l'établissement d'un sana- torium. Villa Mercedes. - Villa Mercedes est un centre de 5.000 habitants; par sa situation comme point de tran- sit pour différentes provinces, elle a une grande impor- tance. Son sol est incliné de l'Ouest à l'Est. Ses rues sont larges et orientées du Nord au Sud, et de l'Est à l'Ouest; les vents qui soufflent avec des al- 478 ternatives bien marquées changent et renouvellent l'air fréquemment pour le plus grand bien de tous. C'est à ses conditions et à sa situation topographique qu'il faut attribuer le caractère bénin des épidémies qui se déclarent dans cette localité, malgré le mauvais état des conduites d'eau, malgré l'usage de l'eau de puits pour l'alimentation, comme nous le verrons plus loin. L'épaisseur de la couche de terre végétale varie entre 30 et 40 centimètres; au-dessous d'elle, on rencontre deux couches de sable de différente composition, à tra- vers lesquelles beau filtre facilement. Plus bas se trouve la marne argileuse en deux couches, dont la première a de 8 à 10 mètres de profondeur, et la seconde, de 15 à 18. Au-dessus de l'argile supérieure, on rencontre la première nappe d'eau et la seconde au-dessus de la plus basse. Le climat est chaud et sec; la température présente des variations de 10 et 12 degrés en un même jour, de midi au soir, surtout en hiver. Les vents sont fréquents et violents surtout en hiver; ceux du Nord dominent; ils sont accompagnés d'une température élevée et présentent les mêmes inconvé- nients que nous signalerons lorsque nous parlerons d'eux à propos de Mendoza; les vents du Sud sont froids et amènent presque toujours la pluie. En été, des tempêtes se produisent de temps à autre; elles sont accompagnées de tonnerres, d'éclairs et quel- quefois de neige. L'hiver n'est pas aussi doux qu'on l'a dit, mais il ne présente pas non plus les rigueurs qu'on signale dans d'autres régions. Par contre, l'été est très chaud ; toutefois, ses effets sont un peu mitigés par l'action des pluies, qui sont presque hebdomadaires dans cette saison, et par l'in- fluence de quelques vents frais, qui soufflent par mo- ments. La population reçoit sa provision d'eau du rio Quinto, dont les eaux descendent du sommet du Pancauta, ce 479 qui leur permet d'avoir toujours un volume assez con- sidérable par suite des neiges. Dans les environs de Villa Mercedes, au Sud, sur une étendue de 150 kilomètres, les rivières et les puits font complètement défaut, aussi les habitants réunissent-ils les eaux pluviales soit dans des citernes, soit dans des lagunes artificielles ou naturelles, situées dans les bas fonds et qui se remplissent pendant les tourmentes. Ces eaux contiennent une grande quantité de chlorure de sodium, propriété qu'on retrouve aussi dans quel- ques-unes des eaux de Tucuman. Il faut remarquer que les eaux de ces citernes ser- vent en même temps à de nombreux animaux qui les boivent et qui s'y baignent, et par conséquent leurs conditions de propreté ne doivent pas inspirer grande confiance. Le rio Quinto fournit une eau abondante à toute la population, au moyen de canaux ou ruisseaux analogues à ceux qui existent à San Luis, et qui traversent les rues dans divers sens. Cette eau est primitivement bonne : recueillie sur plusieurs points et analysée, elle a été reconnue d'ex- cellente qualité, surtout celle qu'on trouve à la prise, mais en circulant dans les ruisseaux de certains quar- tiers, où elle ramasse des détritus et des immondices de toutes sortes, elle se décompose et se transforme en un liquide plus ou moins infect, ce qui n'empêche pas de nombreuses personnes, de la classe pauvre naturel- lement, de s'en servir comme boisson. Comme il n'existe ni égouts, ni rien de pareil, et que les gens ne veulent pas comprendre que les ruisseaux ne peuvent ni ne doivent faire l'office de collecteurs, ils y jettent leurs eaux sales, leurs urines, etc. D'après le Dr. Goudard, l'eau du rio Quinto, à la prise, a beaucoup d'analogie avec celle des rios Conlara et San José, dont les analyses respectives donnent les résultats suivants : 480 CONLARA Par litre Carbonate de chaux. 0 g. 024 Sulfate de chaux.... 0 g. 198 Chlorure de sodium. 0 g. 054 Matières organiques (dosage par le per- manganate) 0 g. 022 Matières organiques (par calcination).. 0 g. 024 Résidu solide 0 g. 533 SAN JOSÉ Par litre Carbonate de chaux. 0 g. 006 Sulfate de chaux.... 0 g. 161 Chlorure de sodium. 0 g. 046 Matières organiques (dosage par le per- manganate) 0 g. 011 Matières organiques (par calcination).. 0 g. 005 Résidu solide 0 g. 449 Cependant à Mercedes, l'eau de puits est celle qui est le plus particulièrement employée. En parlant du sol, nous avons dit qu'il existe deux couches de sable, et qu'entre elles et sur une couche de marne il existe une nappe d'eau. Jamais les puits n'ar- rivent jusqu'à la marne inférieure; leur profondeur est de 4 à 6 mètres, et ils sont constitués avec des briques généralement bâties avec de la chaux. L'eau de ces puits est pure, inodore, sans couleur, limpide, elle contient peu de substances organiques et de sels de chaux qui la rendent impropre pour la cuisson. Ceci se rapporte aux eaux de puits qui n'ont ni fil- tration, ni communication avec des points infectés ; il en est d'autres qui sont troubles, qui laissent un dépôt abondant en se reposant, et qui ont une odeur désagréa- ble, qui ne permet pas de douter de leur contamination par les latrines ou les puisards. Mais les puits bien faits donnent une eau de bonne qualité et ne présen- tent pas les inconvénients notés dans le paragraphe précédent. Nous venons de voir l'action funeste du voisinage des latrines et des puits, et nous n'avons pas besoin de rappeler les effets pernicieux qu'ils exercent sur les per- sonnes qui vivent dans d'aussi mauvaises conditions d'hygiène. Nous rappellerons ici, qu'aux latrines il faut ajouter les dépôts d'eaux sales, les immondices répandues sur le sol, qui sont également des éléments positifs d'in- fection. 481 Comme il n'existe pas d'égouts, le service de l'enlè- vement des ordures se fait au moyen de chars aussi mal compris que possible, qui les transportent en dehors de la ville. En poursuivant le procès, que nous faisons à l'hygiène publique, il faut dire qu'ordinairement les latrines con- sistent en des trous découverts creusés dans le sol, qui sont dissimulés avec quelques branches. Quelques maisons ont des latrines construites avec des briques poreuses, plus ou moins bien reliées entre elles soit avec de la boue, soit avec de la chaux; les filtrations se produisent très facilement à travers ces murailles ainsi construites. Il faut ajouter, en outre, que par ignorance ou par négligence, on suit la pratique vicieuse d'installer ces latrines à côté des puits, qui sont déjà dans les condi- tions que nous avons décrites, et quelquefois elles se trouvent au-dessus de la couche d'eau. Le printemps et l'automne sont les époques pendant lesquelles la fièvre typhoïde a son principal dévelop- pement. Les épidémies qui se sont produites ici, ont presque toujours pris naissance dans les chaumières des bords du rio, et de là elles se sont propagées dans la ville. Les chaumières de Villa Mercedes, comme toutes celles de la province de San Luis, ont un cachet particulier de pauvreté, qui les distinguent des plus humbles de- meures des habitants de la campagne. < Ce sont de petites constructions en boue, qui tom- bent en ruines, généralement sans portes, avec des toi- tures qui laissent passer le soleil et la pluie. Dans l'intérieur, vivent dans une promiscuité dégoûtante, hom- mes, femmes, vieillards, enfants, qui dorment sans se déshabiller, enveloppés dans des ponchos, les uns à côté des autres, au milieu des chiens et des chats. Dans cette étable à cochons, on fait la cuisine, on lave, et à côté on dépose les immondices de tous ceux qui y vivent. C'est un tableau triste et qui vous émeut, lorsque vous contemplez ces êtres humains réunis dans une inti- mité complète avec les animaux. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 482 Il y a encore une autre catégorie plus pauvre et plus déshéritée qui n'a pas même de chaumière, qui se ré- fugie dans des cahutes ou des trous creusés dans la terre, en profitant de quelques accidents ou dépression du sol. Quiconque a parcouru ces régions du territoire ar- gentin a pu comprendre jusqu'où va l'indolence des habitants et l'indifférence de l'autorité et des sociétés de bienfaisance qui n'exercent pas leur action pour avoir raison de négligents et pour modifier ces habitudes de paresse invétérée. A l'instar de la Société protectrice des animaux, il devrait s'en fonder une autre pour pro- téger les êtres raisonnables de la catégorie de ceux qui nous occupent. En vivant dans des conditions pareilles, 11 est bien naturel que les maladies se produisent et se propagent; elles rencontrent le terrain préparé pour leur diffusion et envahissent les domaines ainsi constitués. C'est ce qui s'est produit en 1891, avec la variole; dans chaque chaumière il y avait des personnes atta- quées; des familles entières étaient la proie de la ma- ladie. Le même fait se produit avec la fièvre typhoïde; elle s'attaque de préférence aux habitants de ces demeures, par suite de leur mauvais état hygiénique et de l'igno- rance dans laquelle ils vivent au sujet des notions les plus élémentaires de propreté. En attendant, on remarque que les personnes suivant les conseils des médecins, ont pu échapper à la maladie et présenter un contingent bien plus faible à la statistique. La fièvre typhoïde a régné pendant l'année 1891 avec un caractère alarmant; durant plusieurs mois il s'est produit 45 cas avec des symptômes de dothiénentherie, et pendant la même période on a compté 150 malades de variole et 120 de diarrhée infantile, selon le Dr. Goudard. La mortalité typhique est faible; on en constate 4 seulement sur le registre municipal et sur ce chiffre, un malade a succombé à une complication pulmonaire et un autre à un alcoolisme invétéré. La forme appelée muqueuse a prédominé pendant cette 483 épidémie; elle a été très bénigne, et la plupart des malades ont pu se lever après 15 ou 18 jours, sans qu'il se soit produit de phénomènes ataxiques ni adinami- ques. Parmi les complications, il s'est présenté huit abcès chez un enfant, dans le corps et dans les jambes et il convient de remarquer qu'avec les premiers, les phénomènes adinamiques ont disparu. Le traitement a consisté dans l'administration du calomel à doses 0.05 centigrammes par heure jusqu'à l'apparition des dépositions verdâtres ; il a donné des résultats satisfaisants. On est arrivé dans la première et la seconde semaine à maîtriser la fièvre et à diminuer tous les autres symptômes. Plus tard on a employé les toniques, l'extrait de quina, la cafeine,le salycilate de bis- muth, le naphtol, l'acide salycilique. Une fois on a eu recours au bain froid et le résultat a été négatif. Il n'est pas possible d'adopter des mesures préventives, si on tient compte du milieu dans lequel on se trouve et qui est en général peu disposé (comme tous les habi- tants de la campagne) à comprendre ce qui peut lui être favorable. Tout ce qui est relatif à la prophylaxie, se réduit à interdire l'emploi de l'eau contaminée, à isoler les malades, autant que cela est possible dans une population pauvre, qui manque des éléments indis- pensables, et à désinfecter les matières fécales. La fièvre typhoïde chez les enfants, est extrêmement rare. Dans une période assez longue, trois cas seule- ment ont été signalés et les trois ont guéri. L'acclimatation paraît se faire saris difficulté. Sur les quatre morts de fièvre typhoïde, l'un était Anglais, al- coolique, et un autre, une jeune Italienne. Les maladies qui ont causé le plus'grande nombre de décès en 1891, sont : Variole 62; choléra infantil 26; tuberculose 21; fièvre typhoïde 4; diphtérie 3. Le total général (en comprenant d'autres maladies qui ne figurent pas ici) a été de 257 décès. Nous avons une proportion moindre de 2 % pour la fièvre typhoïde; de 25% pour la variole; de 9% pour le choléra infantil; de 12% pour la tuberculose. CHAPITRE XIX PROVINCE DE MENDOZA Sommaire.- Etendue, limites, population. - Les montagnes et la plaine. - Sommets principaux des Cordillères des Andes. - Bios, rivières. - Productions du sol. - Richesses minérales; la houille de San Rafael. - Ville de Men- doza : Population, situation, etc. - Le sol et sa composition. - Climat, températures, saisons, moyenne d'après diverses observations; pression atmosphérique, humidité, pluies et vents : le zonda et son influence sur l'organisme. - La neige et la Cordillère. - La puna (mal de montagne). - La chacoma. -Provision d'eau; ruisseaux. -Infection du sol. - Causes d'insalubrité : eaux corrompues, les latrines, les abattoirs, le marché, le cimetière, les immondices. - Morbidité : diphtérie, rougeole, variole, en- térite, scarlatine, fièvre typhoïde. - Mortalité infantile, défaut de dévelop. pement, etc. - Mortalité générale. - Tableaux statistiques. - Mendoza avant et après le choléra de 1886. - Provision d'eaux courantes. - Action des autorités sanitaires. - Le climat de Mendoza : asthmatiques et tuber- culeux. - Le goitre et le crétinisme. - La constipation et les eaux de consommation. - Mortalité des étrangers.- Tremblements de terre. L'étude de la province de Mendoza se présente sous un aspect doublement sympathique : son action féconde à l'époque de l'indépendance; son grand avenir comme région industrielle et productrice. Mais ce n'est sous aucun de ces deux aspects que nous nous occuperons de cette belle contrée Argentine, et nous nous placerons au point de vue qui intéresse le plan général de cet ouvrage. Cette province s'étend entre le 32°20 et 36° de latitude australe et 68°30 et 72° de longitude occidentale. Elle est limitée: au Nord, par la province de San Juan; au Sud, par les districts du Neuquen et de la Pampa; à l'Est, 485 par la province de San Luis dont elle est séparée par le rio Desaguadero; à l'Ouest, par les grandes Cordil- lères des Andes. Sa superficie est de 160.813 kilomètres carrés. D'après le recensement de 1857, sa population était de 47.378 habitants; en 1860, elle atteignait 50.000; le recensement national de septembre 1869, lui en assignait 65.413, et on peut assurer qu'elle arrive aujourd'hui à 180.000 habitants. Il convient de distinguer deux régions, dans le terri- toire qui nous occupe : la montagne constituée par les Andes, et la plaine. La première, d'un aspect imposant, avec ses cimes éternellement couvertes de neige, offre à la vue le Tu- pungato, au Sud-Ouest, qui a une élévation de 6.719 mètres au-dessus du niveau du Pacifique, et qui est visible à 100 lieues des plaines situées à l'orient; l'A- concagua (pic de Los leones) à l'Ouest Nord-Ouest, a 6.834 mètres; le pic de Peuquenes (volcan de Maipû) (') dominant la vallée de Tunuyan, a 5.585 mètres; le Descabezado, (2) a 4.366 mètres; le volcan de Antuco, a 2.871 mètres; le Nevado (de San Rafael), 1.493 mètres. La région des plaines, surtout au Nord, n'est pas aussi aride que celle de San Juan; elle présente quel- ques bois et quelques pâturages. Sur le Tunuyan et sur sont versant Nord on ren- contre des plantations de peupliers et de saules qui pro- curent au voyageur une ombre bienfaisante et réjouissent la vue par leur bel aspect. La vigne, la luzerne, les céréales poussent avec force. Par contre, au Sud de Tunuyan où l'irrigation est pauvre, la végétation se réduit au chanar, au caroubier et à quelques petits arbustes. (1) Dénomination donnée par Gilles et Pissis. (a) Cône tronqué; il y a un lac au sommet. 486 Tous les cours d'eau qui existent dans la province, sont formés par les neiges andines; ils s'appellent: Rio Mendoza, Tulumaya, Tupungato, de las Tunas, de las Vacas, San Carlos, Aguada, Diamante, Tunuyan, Atuel, Malargüe Grande, Neuquen, et beaucoup d'autres. Les fameuses lagunes Huanacache, sont formées par les rios San Juan et Mendoza. D'après Martin de Moussy, elles ne sont pas des lacs, mais des bas-fonds bordés d'une ligne épaisse de joncs et autres broussailles très hautes que limitent plusieurs petites lagunes salées, communiquant les unes avec les autres et formant un vaste demi-cercle d'où part le Desaguadero qui emporte toutes les eaux dans le Sud. C'est pendant l'été, au moment de la fonte des nei- ges dans cette partie des Andes, que les lagunes et par conséquent le Desaguadero ont leurs crues; les eaux sont alors beaucoup moins salées et presque potables. Les lacs andins sont : Inca, Laguna Negra, Verde, del Planchon, del Pinal, (') et Llanquehues. Les lacs de la plaine sont : Huanacache, del Rosario, San Miguel, del Salto, Chanar, del Arbol Solo, au Nord; l'Ure Lauquen, au Sud. On peut calculer à cinq mille, en y comprenant les petites rivières et les sources, les cours d'eau qu'on rencontre dans ce pays. Ils donnent certainement une grande valeur à son pittoresque territoire, et sont le facteur principal du secret de sa richesse. L'abondance des cours d'eau est telle, que s'ils étaient bien dirigés, on pourrait modifier totalement l'aspect d'une grande zone de cette province, en créant des ca- naux et des travaux d'irrigation qui augmenteraient le pouvoir producteur de cette terre privilégiée, comme on (i) C'est la lagune dans laquelle prend naissance le rio del Final, au 41e degré, ainsi nommé à cause des forêts de pins qui se rencon- trent à cette latitude; on voit flotter dans l'eau de grands rochers de pierre ponce. Le même fait se produit parfois dans la lagune Tunuyan. 487 l'a fait dernièrement dans quelques régions de l'Italie, avec un avantage indiscutable pour la fortune publique et privée. Pour terminer ce léger aperçu général de la province, rappelons avec Llerena, les richesses de son sol: dans le Sud, existe le pic minéral du Pallen, qui se détache des Andes, et dans lequel abondent les filons de cuivre et d'or. Plus au Nord, dans les cordillères du Planchon. près du point où on a découvert dernièrement dans les Andes une grande crevasse ou passage accessible même pour les chars, on connaît des veines très riches de cuivre et d'argent en exploitation ou sur le point de hêtre.. Il y a des traditions relatives à des mines d'argent, sur les hauteurs voisines et même sur le pic Nevado de San Rafael, dont nous avons parlé. Dans les montagnes voisines de San Rafael, qui lon- gent successivement la rive australe des rios Diamante et Atuel, on rencontre des vestiges d'or et de cuivre. Trois lieues à l'Ouest, existe une grande carrière de blocs d'albâtre transparent avec des reflets verdâtres. Dans les hauteurs de Tolditos, dans les Penas, groupe détaché des Andes à l'Est, et à 10 lieues au Nord de San Rafael, existent des veines très riches et inexplo- rées d'argent naturel. Le fer existe abondamment dans les cordillères es- carpées de San Carlos et dans les hauteurs des vallées de Tunuyan et du Portillo. Dans les mêmes parages existent des carrières de granit et de marbre, de pierres à aiguiser, de jaspe et d'albâtre. On y trouve en abon- dance certaines gemmes, telles que l'améthyste, l'agathe et d'autres. Dans les gorges du Tunuyan, situées aux pieds du cône élevé et couvert de neige du Tupungato, on con- naît des veines riches et nombreuses, aussi bien an- ciennes que récentes de cuivre et d'argent. Dans les collines de l'embouchure du rio Mendoza et en particulier dans celles de Pacheuta, de même que dans 488 celles de Jume, de Vistalba, Cerro Bayo, Papagayos, Je- jenes et Challao, toutes rapprochées de la capitale de la province, on rencontre en abondance le pétrole, le plomb, la galène argentifère, l'argent, le sélénium, le cuivre, l'amianthe, l'albâtre, le bitume, les pyrites ferrugineux, les grands dépôts de houille ou de charbon bitumineux, espèce de fais combustible comme le lignite. La pierre calcaire, la marne argileuse, le gypse, le sel gemme, les ardoises, et même l'amianthe, sont extrê- mement abondants dans les montagnes voisines de la ville. Il en est de même pour la houille de l'espèce que nous avons indiquée, l'asphalte et le pétrole minéral dont on rencontre de nombreuses sources dans toutes les directions. Le point minéral le plus important des cordillères de Mendoza se trouve dans les collines d'Uspallata, Jar- guarâ et Tontal, qui appartiennent au même système latéral parallèle des Andes, en face de la plaine. Dans les plaines d'Uspallata et de Paramillo, siège d'anciens et riches établissements minéraux antérieurs à ce siècle, on trouve en grandes quantités, l'amianthe, le cuivre, le plomb naturel, les galènes argentifères, l'argent, l'or naturel et la houille dans des dépôts iné- puisables. L'amianthe et la plombagine en particulier, sont si abondants qu'ils forment de véritables collines. La houille ou le charbon minéral bitumineux, se ren- contrent également en quantités telles que sur des ki- lomètres entiers, ils constituent des couvertures et des dépôts de plusieurs mètres d'épaisseur; leurs crêtes arrivent jusqu'à fleur de terre. A San Rafael, le Dr. Salas exploite actuellement, et avec succès une mine de houille; près de la ville on en a trouvé d'autres de pétrole qui donnent d'excellents résultats. Quant à la salubrité de la province, nous y revien- drons à la fin de ce chapitre. Mendoza. - La ville de Mendoza, capitale de la pro- vince du même nom, compte aujourd'hui 35.000 liabi- 489 tants, y compris tout son district; par sa situation spé- ciale, c'est une des plus jolies villes de la République Argentine. Entourée par les ramifications des Andes, qui lui for- ment un cadre splendide dans lequel s'élève la belle et coquette cité, elle montre de riches jardins qui cou- vrent son sol privilégié. Elle est à 725 mètres au-dessus du niveau de la mer et le paysage qu'elle offre à la vue est des plus pittoresques. Son sol d'alluvion est d'une nature siliceuse; les analyses pratiquées établissent que sa composition est la suivante : Nitrate de chaux 1.00 Sulfate de potasse 3.50 Sulfate de sodium 2.50 Chlorure de magnésie 4.50 Oxyde de fer 11.00 Oxyde d'alumine 1.00 Acide silicique 60.50 Perte 1.90 100.00 Le climat de Mendoza est très sain et d'une séche- resse remarquable; toutes les conditions des éléments qui le constituent, ont fait de cette localité une rési- dence très favorable pour les tuberculeux et les asthma- tiques; l'amélioration que ces malades y éprouvent est bien connue. Les accès de ces derniers s'espacent de plus en plus jusqu'à ce qu'ils disparaissent complète- ment, et les tuberculeux y trouvent de grands soulage- ments quand ils y viennent dans une période opportune de leur affection. Si on excepte quelques maladies de l'appareil circu- latoire et quelques troubles digestifs, provoqués par la mauvaise qualité des eaux, jamais on n'a constaté l'exis- tance d'épidémies ou de fièvres jusqu'en 1886, époque où le choléra fut importé du Chili. Mendoza a toujours eu la réputation d'un excellent climat, mais nous aurons à étudier plus loin les cau- ses qui contribuent à modifier ses conditions naturelles 490 et à mettre la population dans l'état où nous la voyons dans ces dernières années, en butte aux épidémies. La température correspond à celle de Naples, Mar- seille, Perpignan et Oporto. L'été est chaud, et la transpiration cutanée s'observe à peine; l'influence de la chaleur se fait cependant beau- coup sentir, mais la nuit, on peut respirer un air frais et agréable qui donne une nouvelle vigueur au corps fatigué. Les températures moyennes mensuelles résultant des observations faites à la « station agronomique », sont : janvier 25°30; février 23°85; mars 20°13; avril 16°13; mai 10°55; juin 7°22; juillet 6°60; août 10°55; septem- bre 12°24; octobre 17°; novembre 21°27; décembre 24°52. Ce qui donne une moyenne annuelle de 16°30. D'une autre série d'observations faites durant plu- sieurs années, il résulte que la moyenne mensuelle est la suivante: janvier 23°21; février 23°83; mars 20°02; avril 15°18; mai 10°55; juin 7°62; juillet 7°85; aoùt9°78; septembre 12°87; octobre 17°04; novembre 20°99; dé- cembre 23°65. La moyenne générale est de 15°16. Celle de la température d'été est de 22°; celle d'hiver de 10; celle d'automne de 16°. Parmi les oscillations thermométriques nous avons les chiffres suivants : 7°5 au-dessous de zéro le 8 août 1879 et 41°5 le 12 décembre 1886. Dans une même journée on note des différences de 27° et fréquemment il s'en produit de 24°. Les mois pendant lesquels le thermomètre marque les plus grandes chaleurs sont dans cet ordre: décembre, novembre, janvier, octobre, février et mars. La moyenne de la pression atmosphérique obtenue avec les observations des pressions extrêmes relevées dans l'année est: maxima 710.17, minima 680.60. Les mois d'août., juillet, mai, septembre, correspondent à la première; mars, avril et novembre, à la seconde. L'humidité moyenne mensuelle est: janvier 64.3; fé- vrier 67.8; mars 71.6; avril 80.1; mai 78.7; juin 79.7; juillet 76.8; août 69.5; septembre 68.03; octobre 70.1; novembre 67.5; décembre 64.2. 491 En août 1887, l'humidité moyenne a été de 56 par une température moyenne de 13.10. L'humidité relative la plus faible qu'on ait observée à Mendoza a été de 3 cent., le premier septembre 1886; le même jour la pression de la vapeur atmosphérique était de 0.84 mm. avec un vent Nord. Les vents du Sud et du Sud-Ouest dominent, mais ceux du Nord sont cependant très fréquents. La mo- yenne annuelle donne les chiffres suivants: Nord 125; Nord-Est 107; Est 94; Sud-Est 111; Sud 267; Sud-Ouest 107; Ouest 66; Nord-Ouest 40; calme 83. Les observa- tions du Dr. Loos, donnent: Nord 77; Nord-Est 149; Est 121; Sud-Est 181; Sud 159; Sud-Ouest 288; Ouest 77; Nord-Ouest 40. Les vents Sud et Sud-Ouest qui sont les plus com- muns, sont justement considérés comme exerçant une influence bienfaisante sur la santé publique; ils sont toujours accompagnés de beau temps et le second sur- tout se fait sentir chaque jour, parfois avec une vio- lence excessive. La plus grand fréquence de ces vents est évidente et leur action sur l'organisme est bien connue. Ajoutons que de ce côté il n'existe aucun établisse- ment insalubre. Si nous consultons les tableaux, nous verrons que tandis qu'ils soufflent 374 fois, ceux du Nord, Nord-Ouest et Nord-Est, ne régnent que 232 fois pendant le même laps- de temps. Les vents du Sud-Ouest sont, par suite, les plus fa- vorables pour les habitants de Mendoza. Ceux de l'Est sont fréquents, mais comme de ce côté de la ville, il existe des établissements connus pour leur insalubrité, ils sont nuisibles ou tout au moins considérés comme moins favorables comparés à ceux du Sud. Le vent du Nord s'observe particulièrement pendant les mois de janvier, février, mars, octobre, novembre, décembre, ce qui n'empêche pas que parfois comme pendant la mémorable journée du 19 août 1887, durant laquelle il soufflait, la température a monté de 8 à 24°, 492 s'est maintenue toute la nuit, et l'hygromètre est des- cendu de 58 à 18°. Sa pression est basse et c'est une circonstance qui favorise son influence malfaisante. En effet, dans sa course, il transporte à une faible hauteur des dépouilles organiques, des méphitismes provenant de l'incinération des immondices, de l'hôpital, du cimetière, de l'abbatoir qui justement sont situés au Nord et Nord-Ouest de la ville. L'action de ce vent est si bien constatée, la diminu- tion de la pression de l'air si évidente, que pendant qu'il soufflait, cinq individus sont morts subitement dans une seule journée, de congestion ou d'hémorragies cé- rébrales, de ruptures d'anévrismes, phénomènes très explicables par les conditions dans lesquelles se trouve l'organisme avec un pareil état atmosphérique. L'air entièrement sec produit ainsi de grands troubles dans l'économie et indépendamment de ceux que nous avons signalés, il faut compter ceux qu'il fait naître dans l'appareil respiratoire et même dans le moral des personnes. Le vent connu sous le nom de Zonda, souffle sur Mendoza dans la direction Nord-Ouest parce que, sui- vant l'avis du Dr. Salas (*), il ne va pas en ligne droite du Nord au Sud, il décrit dans son cours un cercle presque complet en arrivant sur la ville. Les habitants de ces régions sont tellement habitués au Zonda qu'ils ressentent ses effets à l'avance et qu'ils l'attendent et l'annoncent. Celui qui l'a éprouvé une fois, ne l'oublie jamais: la respiration absolument insuffisante l'oblige à faire des efforts extraordinaires; le cœur semble éclater; le pouls bat violemment; la tête paraît comprimée; le sang af- (J) José A. Salas : Consideraciones higiénicas sobre la ciudad de Mendoxa. 1889. 493 fine au cerveau; la peau se dessèche; l'air brûlant se sent de toute part, et une prostration générale envahit le corps désireux de s'affranchir le plus tôt possible d'un tel état de choses. Quand ce vent, qui dure parfois plus de 24 heures, a passé, celui du Sud-Ouest lui succède; il est si agréable, et si frais, qu'il semble que c'est une résurrection. Les plus grands calmes atmosphériques s'observent en mai, juillet et septembre. Les pluies sont rares, aussi le climat se mantient-il sec. Mars, avril, septembre et octobre sont en général les mois les plus pluvieux; en février, mai, juin, juillet et août on remarque l'absence à peu près absolue de ce phénomène. La moyenne annuelle de la quantité d'eau pluviale est de 140 mm. d'après les observations de cinq années; mais suivant d'autres qui ont été pratiquées, il résulte que cette quantité atteint 193 mm. et même 227 mm., d'après les études de Burmeister. Nous venons donc de voir que le printemps est la sai- son la plus pluvieuse: l'eau tombée pendant douze jours à ce moment de l'année a atteint 79 mm. 22. En été, la quantité est de 77 mm.; en automne, elle est la moitié moindre. Notons cette circonstance que des mois entiers s'écoulent sans pluie, et ce sont justement les mois qui correspondent à l'hiver. Il neige rarement, et quand ce fait se produit, c'est en petite quantité. Dans ces dernières années, il a été possible cependant d'observer le phénomène de la neige tombée une fois en telle abondance, qu'elle s'est con- servée pendant plus de 24 heures dans les rues. Malgré cela, les tempêtes dans la Cordillère sont fré- quentes et terribles pendant l'hiver. Leurs proportions sont effrayantes et devant la force de leur action, per- sonne ne résiste. Les rios desséchés dans cette saison se remplissent de neige, qui non seulement s'étend sur eux, mais en- vahit tout et recouvre les petites constructions des 494 postes (l) et des rares habitants de ces régions, qui pour communiquer d'une habitation à une autre située en face, sont obligés de creuser des tunnels sous la neige. Les avalanches sont fréquentes et augmentent les dan- gers de la traversée à cette époque de Tannée, jusqu'à ce que vienne l'été, et que les chemins soient pra- ticables par l'action de la chaleur qui fond la neige. Celle-ci tombe parfois en quantités telles, qu'on a vu à Puente del Inca, à 2753 mètres au-dessus du niveau de la mer, le 30 décembre 1887, neiger en telle abon- dance, qu'il s'est formé une couche de plus d'un mètre d'épaisseur et que la température a baissé à 8° au-des- sous de zéro. L'air à de telles hauteurs est d'une sécheresse extra- ordinaire et pendant les premières heures qu'on y passe on constate une différence énorme, quoique lorsqu'on y arrive, on s'y soit un peu habitué pendant le chemin. Mais le fait est qu'indépendamment des troubles res- piratoires et circulatoires constatés, on voit la peau qui se crévasse, de petites écailles qui se forment et tom- bent ensuite. Les mains et le nez se gercent et une sensation inconnue s'empare de tout l'organisme. Lorsque ces phénomènes suivent une marche ascen- dante, il survient la puna (mal de montagne), qui rend cyanotique celui qui en est atteint et qui le tue si on ne le soigne pas immédiatement. Il y a dans ces endroits une plante appelée Chacoma à laquelle on attribue de bonnes propriétés stimulantes et grâce à laquelle, au dire des habitants de la contrée, les individus condamnés à une mort certaine, revien- nent à la vie. A la hauteur considérable de ces régions, on a vu l'hygromètre de Saussure tomber à 5 degrés, ce qui (x) Cahutes dans lesquelles pendant la saison des neiges on dépose du pain et de la viande salée pour l'alimentation de l'employé des postes qui porte la correspondance, si la neige lui barre le chemin. 495 démontre la grande sécheresse de l'air qu'on y res- pire. Revenant à la ville de Mendoza, nous allons conti- nuer l'étude de ses services hygiéniques. La provision d'eau se fait de deux façons : par des conduites de fer et par des ruisseaux. Le premier système, c'est-à-dire celui des conduites de fer, reçoit l'eau du rio Mendoza qui y arrive par deux canaux, le Zanjon et de VEstado, dont le volume d'eau est augmenté par le canal Coria, qui se joint à eux à deux kilomètres et demi au Sud-Ouest de la ville. Le Tajamar qui traverse le centre de la ville aug- mente aussi la quantité d'eau. Préalablement filtrée par des procédés perfectionnés, l'eau du canal de YEstado circule par les conduites et va approvisionner une pe- tite partie (un tiers environ) de la population (1083 mai- sons pendant l'année 1890); tandis que du même canal part et se distribue au moyen de ruisseaux une eau non filtrée qui est utilisée pour l'arrosage des nom- breuses plantations d'arbres qui donnent aux rues de Mendoza un cachet spécial. En même temps cette eau est employée pour les services des maisons par la grande majorité des habi- tants et en particulier par ceux de la section Est qui n'en ont pas de meilleure à leur disposition. Ce système de ruisseaux courant à découvert sur le sol, qui pénètrent dans l'intérieur des maisons habi- tées et dont les eaux reviennent ensuite dans les canaux distributeurs, est celui dont se servent les deux tiers de la population. Ces petits canaux peu profonds sont le réceptacle de toutes les immondices que les personnes veulent y jeter : matières fécales, détritus de toute espèce. Ajoutez à cela les feuilles qui tombent en quantités considérables des arbres plantés dans les rues, et qui se corrompent là, entraînant en même temps beaucoup d'autres matières; les excréments des animaux, et même les résidus du bétail tué aux abattoirs, ainsi que le faisait un bou- cher, sous prétexte de combler des trous. 496 Tout cela circule dans les canaux et est emporté par l'eau qui renferme en dissolution tous les principes d'une pathologie infectieuse, qui chaque jour consume des forces puissantes. Qu'on s'imagine la quantité de gaz irrespirables qui se dégagent de ces ruisseaux et de ces terrains couverts d'une telle quantité de matières organiques décompo- sées par le soleil et l'humidité, dont l'action se répand de tous côtés, empoisonnant les tranquilles habitants de la ville andine, ainsi que l'infection de ce sol si riche en éléments propices pour la putréfaction ! Ce n'est pas seulement l'action que ces eaux décom- posées exercent sur les personnes qui les boivent, c'est encore le sol lui-même qui, en raison de sa perméabilité, absorbe facilement et s'infecte, contribuant ainsi à l'œuvre destructrice qui commence dans les ruisseaux et finit en causant la mort de nombreux habitants. L'infection du sol est évidente, et les observations auxquelles on s'est livré ne laissent aucun doute à ce sujet. D'après Arnould, les souillures du sol provien- nent: 1° de la dispersion d la surface des immondices des rues, ordures ménagères, eaux de vaisselle et de nettoyage, déjections des animaux, fumiers, excrétions humaines projetés sur le sol clandestinement ou par incurie ; 2° des infiltrations à la profondeur des matières excrémentielles collectionnées dans des récipients creusés en terre, fosses d'aisance, puits absorbants; 3° des irriga- tions avec les eaux des égouts et les eaux industrielles. Il ajoute qu'avec de bons règlements et de prudentes pratiques sanitaires, on peut réduire considérablement la niasse de celles des deux premières catégories. Les matières de la 3e catégorie se trouvent d'ailleurs à l'état solide, en suspension dans un liquide, ou dis- soutes. Dans les deux premiers cas, elles auront encore moins de difficultés que les micro-organismes à péné- trer dans l'épaisseur du sol, puisqu'elles n'ont aucune action vitale qui puisse compenser la filtration que le sol fera subir à l'air ou à l'eau qui les entraînent. En solution dans l'eau, les matières organiques pénè- trent dans le sol suivant certaines lois. 497 Nous devons rappeler que les abattoirs et le cime- tière se trouvent dans de mauvaises conditions d'hy- giène, et que par suite de leur situation, ils constituent également un danger pour la santé publique. Les premiers manquent des éléments nécessaires pour leur propreté et leur entretien; ils sont situés au centre de la ville, et l'on comprend facilement que quelques restes en putréfaction des animaux abattus doivent sortir des abattoirs pour aller se jeter dans les eaux du canal Zangon. Le cimetière a une superficie de 30.113 mètres carrés; il est à deux kilomètres du centre, et sa pente se dirige vers un ruisseau qui fournit l'eau consommée par les habitants de la section Las Heras. Ce ruisseau reçoit l'eau venant du cimetière. Quand le vent de cette direction souffle sur la cité, il se charge de toutes les odeurs méphitiques de cette région, et comme sa pression est très basse, il n'arrive pas à les pousser à une grande hauteur. Citons l'enlèvement des ordures qui se fait dans de mauvaises conditions, et leur incinération qui se prati- que dans un parage bas et rapproché de la ville ; celle-ci se trouve ainsi envahie par les mauvaises odeurs dé- gagées par ce foyer que le vent du Nord lui apporte. Une autre cause d'insalubrité réside dans les latrines actuelles, qui n'obéissent pas aux règles les plus élé- mentaires de l'hygiène. Comme les puisards, ce sont de simples trous absor- bants qui n'arrivent presque jamais jusqu'à la couche perméable du sol qui est à 10 ou 15 mètres. La population de Mendoza qui compte 35.000 habi- tants, occupe environ 2.600 maisons dans lesquelles tous ces services sont installés avec une imperfection des plus primitives. On peut calculer l'infection que la masse de matiè- res fécales de cette agglomération produit sur le sol, si on se rappelle que chaque individu en expulse ap- proximativement 200 grammes par jour, et que, par conséquent, la totalité des habitants de Mendoza évacue en vingt-quatre heures sept tonnes du contenu intes- tinal. CLIMATOLOGIE MÉDICALE 498 Les latrines sont mal construites, sans une couche qui rende leurs parois imperméables, et on peut se ren- dre compte du danger que présente un pareil état de choses qui vient aggraver encore une situation déjà assez mauvaise par elle-même. Ainsi rien ne manque pour la genèse et la diffusion des maladies infectieuses qui rencontrent là un terrain admirablement préparé pour la culture et la propaga- tion des micro-organismes; et la population par négli- gence ou ignorance, est assez insensée pour s'exposer à devenir la proie des calamités. Nous voyons, par suite, que les circonstances produi- sant l'infection du sol et de l'eau, sont bien déterminées à Mendoza. C'est ce qui explique la quantité considé- rable de facteurs qui interviennent dans sa morbidité et dans sa mortalité. Les micro-organismes trouvent dans les ruisseaux et dans le sol qui les reçoit des conditions spéciales de vitalité, et ils se développent avec une rare énergie. Un système aussi détestable équivaut à la boîte de Pandore de la légende grecque; il est inhumain, il est barbare de consentir de nos jours à une pareille vio- lation des lois les plus élémentaires de l'hygiène. Mendoza pourrait, avec ses seules ressources bien ad- ministrées, établir un service d'eaux courantes au moyen de conduites ad hoc pour tous ses habitants, compléter son assainissement au moyen de travaux de drainage, de pavage, d'installation convenable de latrines, d'une inspection des aliments, d'une distribution bien com- prise de ses établissements insalubres, etc. Pour tout cela, elle peut trouver la somme nécessaire dans ses propres ressources ou les augmenter au moyen d'un impôt spécial de santé publique. L'eau des puits, quelque défectueuse que soit leur cons- truction, ne semble pas avoir ici une grande impor- tance, parce qu'on n'a pas l'habitude de l'utiliser pour l'alimentation. On la rencontre de 20 à 80 mè- tres de profondeur; elle diminue vers l'Est où se trouvent les zones appelées Lagunita, Buena Nueva, 499 Vuelta de la Ciénaga, Borbollon et plus à l'Est, San Martin, vastes étendues de terrains marécageux qui alimentent de nombreux étangs et rivières; les deux premières sont les plus rapprochées de la capitale. Mendoza a toujours joui de la réputation d'être une ville très salubre, et il est vrai que cette réputation est méritée, puisque, si on excepte quelques cas de charbon qui, en d'autres temps, ne laissaient pas que d'être très fréquents, jamais les maladies n'y ont pris un carac- tère endémique. Mais la statistique de ces dernières années nous dé- montre que ces conditions ont changé et qu'actuellement cette ville est devenue un centre de maladies qui frap- pent cruellement sa population, depuis l'invasion de choléra en 1886. Les renseignements démographiques sont effrayants, et ce qui est pire, ils dénotent une augmentation tou- jours croissante des maladies infectieuses. On peut établir les progrès de la mortalité par mois, avec le tableau suivant : MOIS 1878 1882 1883 1884 1886 1887 1888 1891 1893 Janvier.. 64 56 81 77 63 182 115 91 105 Février.. 47 36 46 57 44 49 93 93 80 Mars 56 35 42 44 44 46 70 115 97 Avril.... 55 41 49 52 42 54 61 130 75 Mai 62 44 57 87 40 57 108 72 Juin 70 40 49 85 63 60 63 131 75 Juillet... 98 48 62 74 81 87 67 97 75 Août 97 58 50 107 75 84 88 113 87 Septeinb.. 52 61 61 148 68 65 125 76 123 Octobre.. 57 123 81 117 86 83 183 122 130 Novemb.. 59 235 87 140 115 103 175 104 98 Décembre 58 174 78 110 788 131 161 118 98 Dans le premier semestre de 1889, il y a eu 827 dé- cès et dans toute l'année, 1.775. 500 Les services statistiques sont encore imparfaits et il n'est pas possible de présenter de tableaux complets. Les renseignements que nous avons sous les yeux suffisent, cependant, pour démontrer l'augmentation con- sidérable de la mortalité et sa disproportion avec le chiffre des naissances. En 14 années, les chiffres de la première ont doublé, et la gradation, année par année, est évidente. ANNÉES Naissances Mortalité Proportion des naissances et de la mortalité 1878 775 (i) 1879 679 1880 689 1882 950 1883 735 1884 1008 1885 986 1886 524 (2) 1509 34.72% 1887 682 1000 68.20 » 1888 814 1258 63.79 » 1889 899 1775 50.65 » 1890 1251 1891 1299 1298 presque égale 1893 1156 1115 » » Ces chiffres ne sont pas d'accord avec l'augmentation de la population, qui, dans ces dernières années, s'est maintenue aux environs de 35.000 habitants. Comme on le voit, la disproportion entre les naissan- ces et les décès est très grande, et pendant une période de six ans, les premières présentent une infériorité ef- frayante : il n'y a que 2 années où elles dépassent les (x) Epidémie de variole. (2) Avant 1886 le registre civil n'existait pas. 501 décès et encore pour peu de chose. En 1886 (année de l'épidémie de. choléra), il s'est produit 1.509 décès et seulement 524 naissances, c'est-à-dire 3 pour 1. Les enfants meurent beaucoup. Sur le chiffre de 1.298 de mortalité générale pour 1891, on compte 480 enfants au-dessous de 2 ans, 133 de moins de cinq ans, 100 de moins de 8 ans, 790 de moins de 13, c'est-à-dire que les deux tiers de la mortalité géné- rale sont fournis par des enfants de 2 à 13 ans, et que sur cette proportion, un tiers correspond à des enfants de 2 ans. Les maladies qui, en général, fournissent le plus fort contingent à la statistique mortuaire, sont: la variole, l'entérite, la pneumonie, les bronchites, le défaut de développement, la fièvre typhoïde, l'hémorragie cérébrale, la dysenterie, la rougeole, la consomption, la méningite, la coqueluche et les maladies du cœur. Le tableau suivant se réfère à ces maladies princi- pales : MALADIES 1883 1884 1888 1889 (') Bronchite 42 67 77 35 Pneumonie 72 73 82 35 Broncho-pneumonie 2 18 17 Tuberculose 48 52 69 23 Défaut de développement 40 72 58 34 Congestion et hémorragie cérébrales... 26 14 29 20 Consomption 18 15 13 6 Dysenterie 25 14 4 7 Méningite 14 39 64 26 Coqueluche 2 14 66 Eclampsie 7 34 8 4 Maladies du cœur 40 25 48 23 Le tableau ci-après fait connaître la marche de la fièvre typhoïde, de la scarlatine, de la rougeole, de la (x) Un semestre seulement. 502 diphtérie et du croup, de la variole, de l'entérite et autres maladies de l'appareil digestif, pendant les dix années qui suivent : ooooooœœooœoooooo «oocooooooooooooooo co - * ANNÉES ta CO O1 O1 CCta4x-4C001-4CHC0O Fièvre typhoïde 1 1 en aï en 1 Scarlatine 1 1 1 63 CO 1, 1 1 1 OO Rougeole - co - O -4 - - - ta ta O - -4 ta -4 - CC - CO1 4- Diphtérie et croup en ta | -C'i'i ac. en xi i 1 ai -t co co co co en o 1 Variole ■4 1 | oout 1 1 1 ©<o en 1 1 o en J 1 1 o co Entérite - ta ta - ta ta ta - - 1 i ce ai ai ü en o ai col 1 oo co ai -4 ai oo o Diverses de l'appareil digestif Les chiffres relatifs à quelques-unes de ces maladies ne sont certes pas élevés pendant la période de 1883 à 1886, mais à partir de 1889 et en arrivant à 1891 et 1892, le contraste est évident. La mortalité résultant de maladies infectieuses qui s'est produite à Mendoza en 1891, est extraordinaire et n'a de précédents dans la statistique démographique d'aucune ville au monde. En comparant les décès qu'ont occasion nés la diphtérie, la variole et la fièvre typhoïde pendant cette année, nous avons par mois les résultats suivants : (x) En décembre de cette année, il est mort 634 malades de choléra. (a) En janvier et février de cette année, il est mort 140 malades de choléra. 503 MOIS Diphtérie Variole Fièvre typhoïde Totaux Janvier 19 3 2 24 Février 25 - 1 26 Mars 30 3 5 38 Avril 64 4 2 70 Mai 46 - 4 50 Juin 58 3 2 63 Juillet 30 1 1 32 Août 37 2 2 41 Septembre 15 - 4 19 Octobre 21 - 3 24 Novembre 17 - 4 21 Décembre 29 - 2 31 Totaux.... 391 16 32 439 Le tableau de la mortalité générale en 1891 nous donne 1.298 décès sur lesquels 859 correspondent à des ma- ladies diverses, et 439 à des maladies infectieuses, c'est- à-dire qu'un tiers de la mortalité est causé par trois maladies seulement, ce qui n'est que trop alarmant. Dans une ville comme Mendoza, de 35.000habitants, une statistique mortuaire qui donne un chiffre de 1.298, sur lequel 439 appartiennent à un seul groupe de ma- ladies, est vraiment effrayante. Il doit y régner des causes très graves d'insalubrité qu'il est urgent de faire cesser. La diphtérie n'a pas cessé de faire des victimes durant les dernières années, et il y a eu des mois pen- dant lesquels elle a causé 64 et 58 décès comme en avril et en juin 1891. L'hiver (juin, juillet et août) est la saison pendant laquelle elle frappe à coups redoublés, et nous remar- quons que lorsque la température commence à modifier les conditions générales, la mortalité est moindre; de 37. en août, elle tombe à 15 en septembre; tandis que de 30 au mois de mars, nous la voyons monter à 64, le mois suivant. C'est la plus meurtrière des maladies infectieuses; la 504 fièvre typhoïde occupe le second rang. Cette dernière atteint son plus grand développement en janvier, février, mars, septembre, octobre, novembre et décembre. La variole a fait peu de ravages, pendant l'année 1891 : 16 victimes. L'action de la vaccine s'est fait sentir et il est facile de supposer que, lorsque les personnes se- ront plus convaincues de ses résultats, ceux-ci seront plus importants encore. Malgré tout, cette maladie a toujours existé ici, dans des époques normales, depuis 40 ans; lorsque la mortalité était moins considérable, c'est elle qui a fourni le plus fort contingent. La marche de la fièvre typhoïde démontre que son invasion est beaucoup plus tenace pendant l'été. Les cas les plus nombreux sont enregistrés à cette époque, et on comprend qu'il en soit ainsi si l'on tient compte des conditions de la population, de l'usage fréquent de l'eau des puits, ainsi que de la facile décomposition des ruisseaux. D'après le Dr. Alvarez, les formes cliniques les plus communes sont : l'abdominale, d'une évolution très courte; la gastrique insidieuse et rarement l'ataxique. Jusqu'en 1891, la mortalité causée par la fièvre ty- phoïde- a été relativement minime, et les caractères ordinaires de la maladie étaient bénins. Les certificats de décès ne méritent pas grand crédit, puisqu'il arrive, comme en 1887, qu'on consigne dans l'annuaire du re- gistre civil de Mendoza, 95 morts de fièvre gastrique et 3 de fièvre typhoïde. Probablement le plus grand nombre ou la totalité de ces 95 morts de fièvre gastrique a succombé à la do- thiénentherie, et par suite d'une fausse classification de la statistique, ces cas figurent dans une autre catégorie que celle de laquelle ils dépendent. Comme traitement, on administre de légers laxatifs; on pratique l'antisepsie intestinale, et on observe les indications qui se présentent. Relativement à Page, nous remarquons que sur les 1.298 morts, il y en avait 613, c'est-à-dire le 50%, de 505 2 à 5 ans et dans cette proportion considérable figurent certainement les 391 diphtériques. Tous ces renseignements appellent singulièrement l'at- tention, car auparavant, la morbidité et la mortalité n'atteignaient pas des chiffres aussi élevés; à présent on doit étudier avec beaucoup d'intérêt des faits si riches en enseignements pour le médecin et l'hygiéniste. Mendoza traverse actuellement une période de cruelles épreuves. Nous avons déjà dit que sa triste situation actuelle a eu son point de départ lors de l'invasion du choléra en 1886, pendant laquelle l'eau des ruisseaux s'est con- vertie en véhicule de la mort. Des faits publics le dé- montrent; les malades des classes pauvres se précipi- taient sur l'eau, la buvaient, y rejetaient leurs vomissements et leurs déjections qui, dès lors, coulaient de tous côtés, emportant la contagion partout où cette eau arrivait. L'invasion augmentait, et les malades étaient chaque jour plus nombreux. La maladie commença à décliner, quand on combla les ruisseaux et quand on établit des services sanitaires destinés à enrayer les effets du mal: désinfection des locaux, emploi de l'eau bouillie, conseils au public, etc. Mais il fallait lutter contre l'ignorance et il n'était pas possible de faire comprendre aux paysans que la cause de la maladie résidait dans cette eau recueillie quelques jours avant dans le ruisseau et conservée au moyen de petits barrages construits avec la boue de cette même terre infectée. Malgré ces imprudences jour- nalières, le péril fut conjuré et la maladie disparut au bout de deux mois. Mais à partir de l'année où elle s'est déclarée, cette ville a été constamment victime de toutes sortes de maladies infectieuses: depuis 1886 jusqu'à ce jour, la fièvre typhoïde, la diphtérie, la scarlatine, la rougeole et tant d'autres affections ont pris droit d'asile, et leurs conséquences terribles consternent la population. L'état de la ville, aujourd'hui, est affligeant et mérite de fixer l'attention des autorités sanitaires. Comment ne serait-on pas épouvanté par les chiffres 506 que nous avons donnés, si on se souvient que pendant le premier semestre de 1864, il s'est produit 514 décès dans toute la province qui comptait alors 57.476 ha- bitants? Comment ne pas considérer comme un fléau les 1.775 décès enregistrés pendant l'année 1889, sur une popu- lation de 30.000 âmes environ? Heureusement il paraît que le moment des initiatives sérieuses en faveur de la salubrité de Mendoza est arrivé. La première mesure, la plus impérieusement réclamée, est celle relative aux ruisseaux, qu'il est nécessaire de faire disparaître, puisqu'il est démontré que l'eau qu'ils transportent est le véhicule des germes infectieux. La loi sanctionnée par le Congrès en juillet 1892 évi- tera les graves inconvénients signalés. Cette loi autorise le gouvernement fédéral à prêter à cette province 300.000 $ monnaie nationale, pour l'établissement défi- nitif et complet des eaux courantes qui desserviront toute la population. La belle ville andine reconquerra alors sa place parmi les plus salubres de la République Argentine. La création d'un conseil provincial d'hygiène, tend au même but. Son président, le Dr. Julio Lemos, se con- sacre aux devoirs délicats qui lui incombent et s'occupe de propager d'utiles conseils pour combattre le fléau des épidémies. Il a publié sous forme de conseils popu- laires, et dans un langage très simple, quelques indi- cations sur les causes de la diphtérie et sur les moyens de la combattre promptement. Nous avons déjà dit que le climat de Mendoza exerce une influence favorable sur la tuberculose et l'asthme; que son action peut arrêter le progrès tuberculeux au début et que l'asthmatique trouve sous son beau ciel des conditions favorables pour sa maladie, qui, grâce à elles, arrive à disparaître. Ces observations relatives à la tuberculose semblent être en contradiction avec les résultats de la statistique, 507 puisque cette maladie a causé 48 décès en 1883, 52 en 1884, 69 en 1888 et 23 pendant le premier semestre de 1889, chiffres considérables pour la population de la ville; mais il faut remarquer que la grande majorité de ces facteurs est constituée par des malades qui viennent du dehors, le plus souvent dans des périodes déjà très avancées et même parfois sont dans des condi- tions qui ne laissent plus aucun espoir. Ce qu'il y a de certain, c'est que parmi les fils de la localité, la tuberculose est très rare et que ceux qui figurent dans les décès sont venus du dehors. Le goitre est observé constamment ici; nous l'étudions spécialement dans un autre chapitre. Les rhumes communs et les diarrhées sont égale- ment fréquents; il faut les attribuer à la qualité des eaux qui renferment de la chaux, de la magnésie et du sodium. Ces sels agissent sur l'organisme et produisent des résultats suivant la susceptibilité de chacun d'eux. Les maladies de l'appareil circulatoire et les hémorra- gies cérébrales s'expliquent également par les mêmes causes; les premières notamment se présentent assez souvent, même chez des individus jeunes sur lesquels on remarque de bonne heure Tare sénile. Malgré tout, les eaux calcaires (nous parlons de celles qui sont véritablement potables) exercent une influence salutaire sur les troubles digestifs chez les personnes qui n'y sont pas habituées. On l'a constaté surtout sur les voyageurs, d'après les assertions des médecins du pays. La mortalité des étrangers est représentée par 7 %; ce contingent est fourni particulièrement par les Chiliens, Italiens, Français, Espagnols. Remarquons que les Européens sont peu nombreux à Mendoza, et que la majorité de l'élément étranger est constitué par des Chiliens. Les tremblements de terre s'observent assez fré- quemment. Après le tremblement qui a converti en ruines la ville de Mendoza, le 20 mars 1861, il ne s'en est plus 508 produit d'aussi violents, mais de temps à autre, on ressent de fortes secousses qui épouvantent les paisibles habitants. Toutes les années on observe ces mouvements de la terre; pendant Ja période de 1880 à 1886, il paraît qu'on n'en a pas constaté. En 1887, il s'est produit quelques légères secousses; celle qui s'est fait sentir à Buenos Aires, le 4 juillet 1888 à onze heures du soir, pour la première fois de- puis avril 1876, n'a pas eu son contre coup à Mendoza où elle n'a pas été observée. Le 3 août 1892, entre onze heures et minuit, il s'est produit un nouveau tremble- ment de terre, d'une force ordinaire. La secousse qui a causé tant de désastres à San Juan et La Rioja le 27 octobre 1894, s'est fait à peine sentir à Mendoza. Disons, pour terminer ce qui concerne la province de Mendoza, que pendant l'année 1893 elle a eu une mor- talité totale de 3.011 personnes, sur une population de 160.000 habitants environ. En dehors de la diphtérie, la variole, la scarlatine, qui ont régné avec intensité, de 1891 à 1894, on peut dire que, en général, la salubrité publique a été très bonne. > CHAPITRE XX PROVINCE DE SAN JUAN Sommaire. - Situation, limites, aspect général. - Plaines et montagnes. - Géologie. - Principales hauteurs de la province. - Produits du sol. - Rios, rivières et canaux. - Climat : température, vents, pluies, saisons. - Salubrité générale. - Absence d'endémies. -Diminution du goitre. - Ville de San Juan : Situation, population, aspect général. - Climat. - Opinion du Dr. G. G. Davis.- Sécheresse atmosphérique. - Rareté des pluies.- Provision d'eaux courantes. - Construction défectueuse des latrines. - Danger des immondices. - Région marécageuse. - Morbidité : bronchite, broncho-pneumonie, dispepsie, constipation, lésions cardiaques, méningite, fièvre typhoïde, grippe, chloro-anémie. - Rareté de la pleurésie. - Absence de la diphtérie. - Mortalité générale. - Améliorations urbaines. La province de San Juan, située entre les 28°55 et 32°25 de latitude Sud, et entre le 68°45 et 72°30 de lon- gitude Ouest du méridien de Paris, est limitée : au Nord par la Rioja, à l'Est par cette même province et San Luis, au Sud par Mendoza, et à l'Ouest par les ver- sants de la Cordillère des Andes, qui la séparent des provinces Chiliennes d'Aconcagua et de Coquimbo. San Juan et Mendoza ont été primitivement peuplés par des Indiens de la tribu Guarpes, établis dans les environs de la lagune Huanacache, qui se sont fondus plus tard avec les Espagnols. Cette fusion a produit le beau type vaillant, intelligent, courageux au travail, dont quelques spécimens priviligiés ont mon- tré des aptitudes remarquables dans les luttes de notre jeune et glorieuse nation. 510 Les recherches que nous avons faites sur le mouve- ment de la population de la province de San Juan nous indiquent qu'elle avait : En 1825 26.000 habitants 1830.... 35.000 - 1854 48.000 - 1869 (recensement national) 60.319 - 1885 85.000 - 1894 (calcul) 165.000 - Comme nous savons que sa superficie est de 97.505 kilomètres carrés, il résulte qu'il y a 1.7 habitants par kilomètre carré. L'aspect général du territoire est imposant non seu- lement à cause de l'élévation de ses montagnes, mais encore à cause du contraste de fertilité et d'aridité, de plaines et d'ondulations qu'il présente. On peut considérer cette province comme divisée en trois grandes régions, savoir: la montagneuse, consti- tuée par la chaîne centrale des Andes, qui traverse toute son étendue sur une largeur de 60 lieues; la région des plaines ou des vallées avec ses' forêts, ses dunes, ses étangs, etc.; celle des plaines marécageuses qui s'étend entre le Pié de Palo et les lagunes à l'Ouest, la chaîne du Gigante et de Orcon del Pencoso, et la chaîne de Los Llanos, à l'Est; son sol est sablonneux. Les chaînes suivantes correspondent au système de montagnes de la province: Tontal, à l'Est, 4.250 mè- tres d'élévation ; La Sierra, presque parallèle au précé- dent, 3.000 mètres; Rinconada (appelée Villicum et Mogna) à l'Est de la précédente, 2.000 mètres; Pié de Palo, 2.500 mètres; La Huerta ou Valle Fertil, d'une végétation remarquable, prend naissance à l'Est et s'é- tend vers le Nord-Ouest jusqu'à ce qu'elle pénètre dans la province de la Rioja. 2.000 mètres; Gigante, Quijadas, et Guayaguas de 1.500 à 2.000 mètres. 511 Les formations géologiques sont contemporaines, d'a- près Igarzabal, et semblables à celles des autres pro- vinces andines de la République Argentine, sauf les exceptions qu'ont provoquées les phénomènes locaux, qui sont très fréquents dans le globe terrestre, à toutes les époques de la création et qui, à San Juan, sont plus nombreux et plus importants que dans les provinces voisines, parce qu'ils sont parfaitement indiqués et sautent à la vue de l'observateur le moins curieux. On doit remarquer que dans cette province, il n'y a pas de ces puits improprement appelés artésiens, qui dans d'autres localités ont fait connaître la plus haute température de l'intérieur de la terre, ainsi que la com- position et la structure des nombreuses couches du sol. Nous devons ajouter à cela que les puits creusés sur ce point n'ont pas présenté de fossiles, même à la pro- fondeur où on en a rencontré dans les puits de Buenos Aires, sur d'autres points du littoral argentin et même de San Luis. (') Dans toutes les montagnes de la province, on trouve en abondance, le granit, le gneiss, le porphyre, la pierre à aiguiser, le quartz, le calcaire, la craie réfractaire. On rencontre également des dépôts de houille, les forma- tion de gypse, les basaltes, les laves modernes. Dans quelques parties il y a des minerais d'or, de cuivre, de fer, etc.; l'industrie houillère semble avoir ici un grand avenir, par suite de la richesse des mines. La couperose, l'alun, le chlorure de sodium, le plâtre, le zinc, le marbre, le carbonate de chaux, le soufre, etc., abondent également et seraient une source de prospérité pour le pays, s'ils étaient bien exploités. Au dire d'Igarzabal, on estime à 30, les vallées qui existent dans ce territoire, et l'étendue de chacune d'elles varie entre 2 et 15 lieues; leur constitution physique ne présente pas de variété et tout fait supposer qu'elles (x) R. S. Igarzabal : La provincia de San Juan en la exposieion de Côrdoba, 1869. 512 ont constitué autrefois une série de lacs formés pen- dant cette grande période de pluies, appelée déluge. Plus tard, à la suite des mouvements qui se sont pro- duits dans ces montagnes, ces lacs se sont répandus de la Cordillère dans la direction de l'Est, les uns sur les autres, jusqu'à ce que leurs eaux soient allées défi- nitivement aux lagunes de Huanacache, après avoir comblé les vallées. Le sous-sol renferme deux dépôts. Le premier est une couche de grands blocs de pierres mélangées avec du sa- ble très gros; il doit se composer en grande partie des dépouilles des plantes et des animaux de mer; mais il n'y a pas là de stratifications bien définies, parce que les vagues de la mer qui les ont déposés ne se sont retirées que tout d'un coup, par suite d'un cataclysme, après avoir baigné les montagnes et retourné le fonds des vallées à différentes époques. Sur cette partie du sous-sol, après que la mer s'est retirée, ont vécu les mam- mifères mégathérium, glyphtodonte, megalonium, toxe- donte, mylodonte et autres que firent périr les glaces de la période glaciale, laissant leurs squelettes déposés dans la terre, qu'on ne retrouve pas intacts comme ceux de la pampa, mais plutôt entièrement détruits et en morceaux. En effet, les eaux du déluge succédant aux glaces, les ont dénaturés, tandis que les autres ont été simplement recouverts par les sables chassés par les vents du Sud- Est dans la direction de la Cordillère. Le second dépôt est l'œuvre du déluge ; les glaces ont brisé en morceaux les rocs de toutes les montagnes; les eaux qui sont tombées ont entouré ces pierres et après les avoir transportées à de grandes distances, elles les ont déposées dans des couches stratifiées avec du sable. (') La production du sol est subordonnée à la distribu- tion des cours d'eau; ainsi on voit que tandis qu'une vaste zone est absolument stérile faute d'eau, une autre f1) Igarzabal: Ouvrage cité. 513 traversée par des rios et des rivières, dans laquelle il est facile d'organiser une irrigation artificielle au moyen de canaux et de ruisseaux, est peuplée de quebrachos, espinillos, chanars, caroubiers; le peuplier y vient bien, de même que le maïs, la vigne, le figuier, l'oranger, l'amandier et les plantes d'ornement. Par suite de la canalisation qu'on a pratiquée, il a été possible de rompre la désolante monotonie de cette aridité prolongée. Le territoire de la province est traversé par 12 rios, 43 rivières importantes et plus de 1.500 ruisseaux ou sources sans compter quelques lacs. Les principaux rios sont: le San Juan, qui naît sur le mont Volcan, au plateau de Los Patos, dont il prend le nom au début pour le changer plus loin en celui de San Juan. Ses eaux sont troubles, chargées de matiè- res salines et végétales, mais on ne les emploie jamais comme boisson, qu'après les avoir convenablement filtrées. Le rio Jachal prend naissance à 60 lieues au Nord, et augmente son cours de toutes les eaux qu'il reçoit pendant un trajet de 80 lieues à travers des Cordillères dans lesquelles les neiges et les chutes d'eau sont abondantes. On l'appelle rio Blanco dans la région des plateaux. Le rio del Agua Negra, d'après Llerena, jaillit tout d'un coup des entrailles de la terre, en formant un lac, aux pieds des montagnes voisines, au Sud de Jachal. Ses eaux sont cristallines et d'une couleur noirâtre, mais saumâtres. On attribue son origine aux infiltrations des lacs des Cordillères, et bien que ses eaux aient cette sa- veur, on les préfère à celles du précédent. Le rio Huaco, naît au Nord-Ouest et se dirige vers l'Est, il traverse les montagnes qui divisent au Nord- Ouest les vallées de Huaco et Jachal très réputées pour leurs bons pâturages, passe par une gorge riche en eaux thermales sulfureuses pour entrer dans la vallée qui porte son nom. Le rio Bermejo qui sort des cimes neigeuses du Bonete et passe à San Juan, est important par son étendue, mais ses eaux sont saumâtres. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 514 D'autres rios se forment dans la chaîne qu'on appelle de Valle Fertil, ce sont; Usno, Valle, Tumanas, Astica et la Huerta. D'autres encore, appartenant exclusive- ment à la Cordillère, sont pour la plupart des affluents du San Juan; ils s'appellent Castano, Leoncito, Calin- gasta, etc. La région des lagunes de Huanacache est située dans le triangle que forment les villes de San Juan, Men- doza et San Luis; elle est constituée par quatre lagunes, savoir: celle de Portezuelo, celle du Rincon ou du cen- tre, celle de Rosario et celle de Silverio ou Desaguadero. Toutes, à l'époque des crues des rios. se réunissent à d'autres de moindre importance et forment ainsi un demi-cercle dont le périmètre va de l'Ouest au Sud-Est, sur une étendue de 50 lieues. Ces lagunes sont profondes et leurs eaux sont sau- mâtres ; elles renferment des truites, des dorades, ainsi que des animaux et des plantes aquatiques. En 1872, il n'y avait dans tout le territoire de San Juan que 28 lieues en exploitation agricole, alors que le nombre des lieues cultivables s'élevait à 1.362. Elles avaient peu de valeur par suite du manque d'eau. On a dévié quelques-uns des nombreux rios, rivières et lagunes que la nature a placés là; on a construit des canaux et on a développé ainsi l'irrigation sans laquelle la végétation est d'une pauvreté inouïe. Heureusement les naturels du pays ont entrepris des travaux utiles qui ont eu pour conséquence, comme ceux de l'ingé- nieur Cipolletti à Mendoza, de fertiliser d'immenses régions qui, avant, étaient privées de cet élément. Pareils bienfaits augmenteront à mesure que les ressources per- mettront d'étendre la canalisation dans des zones qui la réclament. Grâce à ces travaux, la culture de la terre pourra donner à San Juan les rendements qu'on est en droit de lui demander. On a remarqué que là où l'arrosage à porté son influence bienfaisante, le sol produit des fruits exquis et on en a la preuve par les récoltes considérables de raisins excellents avec lesquels on fa- brique de grandes quantités de vins. 515 Les céréales, les légumes, les arbres fruitiers y pros- pèrent très bien. En général, le climat de la province est très sec; il pleut rarement dans la région montagneuse et moins encore dans la plaine. Les saisons sont bien déterminées : l'hiver est froid et sec. En juin et juillet, soufflent les vents du Sud; du- rant une partie de juillet, août et septembre, ceux de l'Ouest. L'été est très chaud ; l'air est brûlant, mais pendant la nuit on sent une brise agréable du Sud. Les températures moyennes de chaque mois et de chaque saison, sont : ÉTÉ AUTOMNE HIVER PRINTEMPS Décembre. 27o39 Mars.. . 20°69 Juin.... 10°36 Septemb. 14o68 Janvier... 23o77 Avril.. . 19078 Juillet. 9°85 Octobre. 18°94 Février... 24o Mai... . 13o29 Août.. 10072 Novemb. 26°45 Moyenne.. 25°05 IfioQO 10o31 20002 fenne annuelle. .. 18o 07 Les vents les plus fréquents sont ceux du Nord ainsi que celui de l'Ouest appelé Zonda. Le Sud est celui qui règne le plus souvent (54 %), et quoique en hiver il provoque quelques troubles dans la santé, on peut dire avec raison que généralement il est sain. Le Nord, dont la fréquence est en proportion de 7 souffle au prin- temps et à l'automne, principalement en mai. Il est très malsain et provoque une température élevée quoi- que, par exception, il soit parfois accompagné de fraî- cheur. On le pressent par suite des phénomènes nerveux qu'il provoque chez les personnes. Il règne presque 24 516 heures, et soulève pendant ce temps des nuages de poussière. Le Zonda souffle par intermittence de juillet à sep- tembre, presque constamment; il se présente également à d'autres époques. Il est précédé par une forte chaleur qu'on peut comparer aux plus intenses de l'été ; il est très violent et soulève la terre et le sable. Cet incon- vénient s'ajoutant à celui d'une température élevée, rend la vie insupportable, il exerce une influence sur les nerfs, le sang circule précipitamment, la respiration s'accélère, le pouls est irrégulier, la face se congestionne, la peau et les muqueuses se dessèchent, et le caractère se modifie. Celui qui l'a ressenti une seule fois en con- serve un souvenir ineffaçable. C'est un véritable ouragan qui renverse tout ce qu'il rencontre. Son action sur la salubrité et la végétation est évi- dente et nuisible. Il substitue aux froids les plus ri- goureux de l'hiver, les chaleurs les plus fortes, et on ne peut lui résister personnellement qu'en s'enfermant dans sa maison en attendant qu'il ait passé. Il règne depuis 8 ou 9 heures du matin jusqu'à 5 ou 6 heures du soir, où il fait place au vent du Sud% qui modifie complète- ment cette scène mortifiante et qui cause, lui aussi, des troubles et des maladies, puisqu'à ceux que provoque le Zonda, il faut ajouter ceux qui sont la conséquence du froid subit. Les vents du Nord et de l'Ouest sont périodiques; ceux du Sud et du Sud-Est sont réguliers; les autres très variables. Il n'y a pas d'endémies dans cette province; le goitre disparaît. Le choléra a éclaté en 1868 et a fait 1.200 victimes. La variole, fréquente autrefois, a disparu grâce aux pro- grès de la vaccination. Nous parlerons longuement, plus loin, de la mor- talité. Les tremblements de terre sont fréquents, et ils n'a- vaient pas eu d'importance jusqu'à présent, sauf celui qui s'est produit le 27 octobre 1894. 517 San Juan. - La ville de San Juan se dresse pres- que au centre de la vallée Tulum, sur un vaste plateau d'une excellente terre végétale, dont l'épaisseur varie entre quelques centimètres et plusieurs mètres; au-dessous, une couche de cailloux de différentes formes et dimen- sions. Ces pierres sont sablonneuses et présentent des schistes, des felds-paths, des calcaires, etc. San Juan, à 703 mètres au-dessus du niveau de la mer, a 15.000 habitants. La ville est entourée de gran- des avenues de 60 et 30 mètres de largeur. Plusieurs places avec de beaux jardins, un pavage en bon état, et l'ensemble en général bien tenu lui donnent un aspect agréable. Son climat est très sec et reconnu comme un des meilleurs de la République Argentine. L'atmosphère tranquille, pure et transparente, dispose favorablement l'esprit; sous l'influence de son soleil privilégié, les souffrances du corps se calment, et l'air chargé d'ozone tonifie les tempéraments en leur donnant la vigueur et la force pour résister aux atteintes des maladies. Les saisons sont bien déterminées. La température pendant l'été atteint 42°5, et s'élève même jusqu'à 44° quand le Zonda souffle, mais c'est exceptionnel ; généralement elle est de 40° pendant cette saison, et la moyenne est de 26°. La nuit, la brise du Sud rafraîchit l'atmosphère. En hiver, la température minima est de 3° au-dessous de zéro et la moyenne pendant toute l'année, 18°80. Les froids rigoureux du- rent peu; les gelées sont très fortes. On a observé dans un même mois (en août 1877), une variation de 33°6. Les mois pendant lesquels les changements de température sont les plus marqués sont : août, septembre et octobre, durant lesquels on constate des différences de 27° en quelques heures. La pression atmosphérique minima est de 681.05 mm.; la maxima, 724.14 mm.; la moyenne annuelle, 702.05 mm. L'humidité relative annuelle est de 64.5. La plus grande sécheresse observée à San Juan, s'est produite le 20 novembre 1875 à deux heures du soir, 518 l'humidité relative était seulement de 24 mm. et la pression de la vapeur atmosphérique 0.75 mm. Dans six occasions, nous avons des observations qui ont donné une humidité relative inférieure à 5 centiè- mes; elles coïncidaient avec les vents du Nord, Nord- Ouest ou avec ceux venant d'abord du Sud, et qui avaient changé pour prendre cette direction. C'est seule- ment dans les régions élevées des Cordillères, qu'on a constaté une sécheresse supérieure à celle qui règne ici. Sur le plateau de Uspallata, à une hauteur de 1.950 mètres, on a constaté plusieurs fois, dans les observa- tions pratiquées durant ces dernières années, que l'air était complètement privé de toute humidité. Ce phénomène paraît n'avoir été observé que dans le versant oriental des Andes, entre les parallèles de la- titude qui comprennent les pics les plus élevés, d'après G. G. Davis. Cette sécheresse extraordinaire a une influence sur l'organisme comme sur les objets, les meubles, etc. Les vents du Sud prédominent; ils présentent une proportion de 54%, tandis que ceux du Nord n'attei- gnent que 7 %. Le nombre des jours de calme est con- sidérable, il représente 18%. En parlant de la province en général, nous avons vu combien les pluies sont rares à San Juan; il faut dire la même chose pour la ville. La quantité d'eau de pluie qui y tombe annuellement varie entre 30, 60 et 150 mm. Les rares petites pluies qui se produisent sont accompagnées de vents violents et de décharges élec- triques. En octobre et novembre, la grêle est fréquente. Le rio San Juan constitue le cours d'eau le plus im- portant; c'est lui qui fournit à la population sa pro- vision d'eau. Au second rang, vient la rivière du Mar- quezado ou Zonda, qui prend sa source à cinq lieues environ de la place principale de la ville. La provision d'eau s'effectue par deux systèmes : celui des ruisseaux qui est défectueux et contraire à l'hygiène, il est utilisé pour l'arrosage et le lavage; le second consiste dans des eaux filtrées qui circulent dans des conduites : son installation remonte aux années 1884 et 519 1887, où on a complété les travaux nécessaires pour le développer. On a calculé que les travaux réalisés à ce moment, pourraient desservir une population de 50.000 habitants, mais on voit qu'ils ne suffisent pas pour une ville de 5.000 âmes. En effet, en mettant 5 personnes par maison ou service, et en multipliant seulement par mille installations, on a 5.000 personnes et encore faut-il qu'elles s'entendent pour se servir de l'eau, puisque cette ville compte 15.000 habitants. Aussi en été, à partir du mois de novembre, de 6 heures du matin à midi, on sert une section; de midi à 6 heures du soir, on en sert une autre et à partir de ce moment, le service est général. Mais il faut dire une chose, c'est que la pression de l'eau est insignifiante et que son débit est très faible. Avec des études sérieuses, faites avant de commencer les travaux, on aurait évité ces inconvénients; mais à San Juan il y a des eaux filtrées, quoique certains pré- tendent (le fait a été dénoncé à son comité d'hygiène) que le bassin dans lequel s'accumule beau filtrée avant d'entrer dans les conduites principales, renferme des rats morts et autres objets du même genre. Dans l'opinion du plus grand nombre, la solution la plus raisonnable et la plus favorable, consiste à as- surer la provision d'eau en pratiquant des travaux sur la rivière Zonda. Dans cette ville il n'existe pas de puits; les trois qu'on conserve depuis très longtemps ne sont pas utilisés. Le système des latrines est défectueux; elles sont fixes: un puits de cinq ou six mètres de profondeur. En général leurs parois sont perméables. 11 y a peu de puisards et ils sont bâtis dans les mêmes conditions que les latrines. On ne sait d'où peut venir cette croyance que les or- dures de cette ville ne sont pas nuisibles; et en se ba- sant sur cette opinion, on emploie les détritus de la population pour combler les rues, les places, les terrains à bâtir, les marais et les bas fonds. On arrive à ce point, que contrairement aux dispositions municipales, 520 la population achète aux charretiers les dépouilles qu'ils emportent, pour combler, avec elles, quelque puits et bâtir ensuite. Heureusement cette coutume déplorable a cessé depuis quelque temps, et il est à souhaiter que ce soit pour toujours. On comprend toutes les calamités qui se seraient abattues sur San Juan, si au lieu d'un climat sec et de pluies tombant rarement, celles-ci avaient été fré- quentes et si l'humidité se combinant avec la chaleur avait favorisé le développement des émanations putrides de ce sol ainsi comblé. Heureusement la nature atténue les conséquences de l'imprudence des hommes. Dans la direction du Nord-Est, à 7 kilomètres, com- mence une région basse et marécageuse qui s'étend vers le Sud-Est, dans les limites de la province et de celles de Mendoza et de San Luis; ces terrains marécageux présentent une végétation spéciale qui produit des dé- tritus grâce auxquels le sol s'élève progressivement. Partout où les conditions topographiques le permettent, il se forme une petite rivière d'une eau cristalline, agréa- ble au goût généralement, et qu'on boit sans inconvé- nient pour la santé. En mettant à profit ces avantages que procure le terrain, il s'est formé des sites agréables, dans lesquels les familles vont pendant l'été, pour respirer l'air de cette région, boire son eau, et passer leur temps au milieu de la tranquillité complète que ce parage offre pour le corps et l'esprit. La morbidité est représentée à San Juan par les bron- chites aiguës et chroniques, la pneumonie, la broncho- pneumonie, les dispepsies de différente nature, les con- gestions hépatiques, la constipation qui est assez fréquente (sans doute à cause de la qualité des eaux), les rhuma- tismes et les lésions cardiaques, la méningite, la fièvre typhoïde, la grippe, la chloro-anémie et les hémorragies cérébrales. La pleurésie est à peu près inconnue, et la diphtérie ne s'est jamais propagée. Si on observe quelque cas de fièvre paludéenne, on voit qu'elle a dû être certainement importée. Dans cette contrée, le paludisme n'existe pas. Le goitre a disparu 521 à tel point que les rares cas que l'on rencontre viennent de Mendoza ou d'autre part. L'influenza a régné depuis le milieu de juin 1892, jusqu'au 15 août de la même année; elle a atteint un grand nombre de personnes, mais a causé heureusement peu de morts. Le plus grand nombre de personnes atteintes étaient adultes; à partir de cette dernière date jusqu'à octobre, les enfants ont payé leur tribut, mais la mortalité a été également minime. La fièvre typhoïde a toujours été rare dans cette lo- calité et, par suite, jamais elle n'a été épidémique, et on ne peut attribuer ce caractère à une invasion petite et bénigne qui s'est produite en février et mars 1890. Quand cette maladie s'est présentée, elle n'a pas sévi de préférence dans un quartier déterminé. Les étrangers ont été principalement atteints. Il n'y a pas de cause à laquelle on puisse attribuer exclusivement cette fièvre, mais il est possible d'établir le rapport qu'elle peut avoir ainsi que certains symp- tômes typhiques avec quelques conditions des eaux filtrées, qui, ainsi que nous l'avons dit, ne sont pas d'une pureté irréprochable, surtout au moment des chaleurs. Ces états typhiques cèdent facilement devant le trai- tement. Indépendamment d'eux, on signale dans plu- sieurs maladies un élément étrange, inusité, qui leur donne un caractère particulier permettant de les consi- dérer comme une infection de nature typhique suscep- tible de se modifier sous l'action de purgatifs, selon le Dr. G. Aubone. Le traitement est principalement tonique; on emploie les alcools et en particulier le vin; comme désinfectants intestinaux, le sulfo-carbonate de sodium, le naphtol, la naphtaline, le salol, etc. Les bains ont été donnés avec succès. Quand la fièvre typhoïde se présente sous un aspect bien caractérisé, la forme adinamique est la plus fréquente. La mortalité générale dans la ville de San Juan s'est élevée à 648 en 1889, 317 du sexe masculin, et 331 du 522 féminin. Parmi ses facteurs nous trouvons : broncho- pneumonie 80; méningite 49; faiblesse congénitale 42; tuberculose 56; pneumonie fibrineuse 42; bronchite 32; pneumonie catarrhale 29; rougeole 32; gastro entérite 32; entérite 30; fièvre typhoïde 30; hépatite 16; hyper- trophie du cœur 14, etc. Sur ces 648 décès on compte 335 enfants au-dessous de cinq ans qui fournissent un contingent considérable aux maladies ci-dessus. On voit que la mortalité typhique représente moins de 5 % d'après les registres de 1889, mais la proportion est encore moindre actuellement. Le comité d'hygiène a pris des dispositions pour em- pêcher le développement des maladies infectieuses et il est regrettable de dire que ces résolutions, pourtant très raisonnables, ne sont pas respectées. Parmi les améliorations publiques, il faut mentionner un travail de drainage qu'on a entrepris dans la région marécageuse, dont nous avons parlé. Aucune autre n'a été réalisée jusqu'à présent. Il existe dans la province de San Juan, à 35 lieues environ à l'Ouest de la ville, une région appelée Calin- gasta, vallée très fertile, pittoresque et vaste, cachée au milieu des premiers contreforts des Andes, arrosée par le rio San Juan; sa température agréable, son ciel lim- pide, son air réconfortant, ses eaux exquises, et tous les éléments qui l'entourent en font une station clima- térique exceptionnelle qui mériterait d'être en vogue, si les facilités de transport et le confortable le per- mettaient. Ce parage est une résidence très favorable pour les tuberculeux qui éprouvent là une véritable transforma- tion et une amélioration notable. CHAPITRE XXI PROVINCE DE LA RIOJA Sommaire. - Situation, idée générale du pays. - Opinion de Sarmiento. - Population. Orographie. - Rareté des cours d'eau. - Productions du sol; sa fertilité.- Bios. - Géologie. - Climat. - Salubrité générale. - Ville de La Rioja : Situation, population, climat et saisons. - Manque d'eau. - Tremblements de terre. - Provision d'eau..- Latrines. - Marais. - Morbidité : gastro- entérite, tétanos, pneumonie, bronchite, lésions cardiaques; influence de la faiblesse congénitale. - Mauvaise qualité des eaux. - Fièvre typhoïde. - Acclimatation. - Nécessité d'améliorations urbaines. - Importance de la végétation. - Moyenne de la vie. -Régime alimentaire. Plantée sur le versant oriental de la Cordillère des Andes, limitée au Nord par la province de Catamarca, à l'Est par la grande Saline et la chaîne de montagnes de Côrdoba, au Sud par les provinces de San Juan, San Luis et Côrdoba, à l'Ouest par San Juan et la chaîne Velasco, La Rioja est comprise entre le 28°30 et 31° de latitude Sud et 67°30 et 71° de longitude occi- dentale. Pour donner une idée précise des conditions géné- rales de cette région, il n'y a rien de mieux que re- produire les belles lignes écrites par Sarmiento: « L'aspect du pays est en général désolé, le climat embrasé, la terre sèche et sans cours d'eau. Le cam- pagnard établit des barrages pour recueillir l'eau de pluie et donner à boire à ses troupeaux. J'ai toujours cru que l'aspect de la Palestine est semblable à celui 524 de La Rioja, jusque dans la couleur ocre ou rougeâtre de; la terre, la sécheresse de certains parages et les ci- ternes; jusque dans ses orangers, ses vignes et ses figuiers aux fruits exquis et énormes, qui poussent partout où coule quelque Jourdain marécageux. Il présente une étrange combinaison de montagnes et de plaines, de fertilité et d'aridité, de monts abrupts et escarpés, de collines vertes tapissées d'une végétation aussi colossale que les cèdres du Liban. « Ce qui rappelle à mon imagination ces réminiscences orientales, c'est l'aspect vraiment patriarcal des campa- gnards de La Rioja. « Aujourd'hui, grâce aux caprices de la mode, il n'est pas étonnant de voir un homme porter toute sa barbe à la façon des peuples de l'Orient; mais cependant on ne manquerait pas d'être surpris à la vue d'un peuple qui parle espagnol, qui porte et a toujours porté toute sa barbe tombant parfois jusque sur la poitrine; un peuple d'un aspect triste, taciturne, grave et dissimulé; arabe, qui chevauche sur des ânes, qui a pour vêtement une peau de chèvre, comme l'hermite d'Engaddy. Il y a dés parages dans lesquels les habitants s'alimentent exclusivement avec du miel sauvage et du caroube, comme Saint Jean se nourrissait de sauterelles dans le désert. Le llanüta (') est le seul à ignorer qu'il est la créature la plus malheureuse, la plus misérable, la plus barbare; et ainsi, il vit content et heureux tant que la faim ne le tourmente pas. (2) » La province a une superficie de 89.030 kilomètres carrés. La population provenant en grande partie d'indiens Calchaquies, mélangés plus tard avec les Espagnols, qui ont formé le type actuel du Riojano, très vaillant, ré- (x) L'homme habitant la plaine. (a) Sarmiento: Facundo 6 civilixacion y barbarie, 1851. 525 sistant aux fatigues de la vie des champs et de la guerre, a suivi la progression suivante: 1814 (recensement) 14.092 habitants 1825 25.000 - 1830 30.000 - 1855 (recensement) 34.431 (x) - 1864 40.000 - 1869 (recensement national) 48.746 - 1878 65.000 - 1886 90.000 1894 125.000 - d'où il résulte qu'il y a 1.4 habitant par kilomètre carré Nous avons fait observer que dans le recensement de 1855, le nombre des femmes excède de 2.155 celui des hommes; cela s'explique par les révolutions et les soulèvements, qui, pendant cette période de véritable évolution politique, étaient très fréquents dans le pays, produisant des morts nombreuses et entraînant les gens à se réfugier dans d'autres provinces. La vaste orographie de La Rioja appartient aux An- des, sauf la Sierra de Los Llanos. A l'Ouest, on voit le sommet de la Cordillère, à 4.000 mètres d'élévation, et ensuite ses contreforts qui for- ment les montagnes de Jagüel, Famatina et Velasco; cette dernière qui est plus à l'Est se réunit vers Le Nord par une chaîne transversale avec celle de Fama- tina. Ses ramifications aboutissent à l'extrémité australe du désert de Capacabana à Machigasta et de la saline de Andalgalâ et Belen. La montagne de Mazan pré- sente un autre système, mais peu important: située au (x) bans ce recensement il y a 2.155 femmes de plus que d'hom- mes; il y a seulement 39 étrangers. 526 Nord de la précédente, elle est constituée par la chaîne de l'Ambato dont elle est séparée par les gorges de la Cebila. Quelques points de la chaîne de Famatina atteignent une hauteur de 6.024 mètres; le Cerro Negro à 4.500 mètres, et le Velasco 3.500 mètres. Les vallées qu'on rencontre entre ces sommets sont quelquefois à 3.000 mètres de hauteur, comme celles de Jagüel et de Guandacol; celle de Vinchina est à 2.500 mètres, et celle de Famatina, qui est la plus vaste, à 1.200 mètres; elle se confond au Sud avec Los Llanos de La Rioja. La Sierra de Los Llanos a environ trente lieues de long sur une largeur qui varie entre 3 et 6 lieues; elle est divisée en cordons qui limitent les vallées avec quelques rivières et quelques bois. En revanche, d'au- tres régions très vastes sont des déserts argilo-sablon- neux, absolument secs, et si parfois on peut y creuser un puits, l'eau qu'on en retire est salée. Le principal inconvénient de La Rioja, consiste dans le manque de cours d'eau; si ceux-ci étaient nombreux, son sol donnerait des produits superbes, puisque par- tout où l'irrigation est possible la végétation se pré- sente dans des conditions exceptionnelles. Le quebracho, le caroubier, l'acacia, quelques mimo- sas, le maïs, le blé, la vigne, l'olivier, l'oranger, le figuier, le pêcher, le caféier, le bananier, la canne, le datier, la cochenille, le cotonnier, ainsi que les pâturages bénéficient largement de l'influence de l'eau, et il est certain que leurs fruits sont extraordinaires. 'Si la fertilité de cette terre pouvait être exploitée con- venablement au moyen de l'irrigation, ses richesses se multiplieraient d'une façon étonnante. Disons cependant, qu'en dépit des obstacles naturels qui paralysent son activité, on cultive environ 30.000 hectares par an, sur lesquels 5.000 sont plantés en vigne, 10.000 semés en luzerne et 6.000 en blé, etc. Mais nous l'avons déjà dit, c'estda rareté de cet élément primordial, l'eau, qui s'oppose au développement de cette province, très riche d'autre part en mines d'or, d'argent, 527 de cuivre, de nickel, de soufre, de houille, et dans la- quelle ou rencontre également le chlorure de sodium, l'alun, le plâtre, etc. Un des points les plus favorisés par les courants souterrains est celui qu'on appelle le Chamical, dans lequel on rencontre l'eau à quatre ou cinq mètres de profondeur. Le rio Bermejo, le plus important de tous ceux qui traversent sou territoire, et dont les eaux sont bien vite absorbées par la culture, prend naissance dans le mont Bonete (Cataraarca), il coupe la vallée de Jagüel, grossit son cours de quelques torrents qu'il reçoit du Valle Hermoso, ainsi que d'autres montagnes voisines, de la vallée Vinchina, du reste des eaux de la vallée Jachal vers le Sud, et il vient mourir dans la région sablonneuse qui entoure les lagunes Huanacache, après un parcours de 70 lieues dans la province. Ce même rio qui aug- mente en été au moment du dégel, a un volume d'eau très réduit dans les autres saisons. On comprend qu'en présence de pareils inconvénients naturels, il y ait beau- coup à lutter et à attendre l'action du temps qui trans- forme et bouleverse tout, pour voir La Rioja donnant tout ce qu'on peut attendre de son sol très riche. Quelques travaux publics qui ont été entrepris, le mouvement communiqué par le chemin de fer et par les industries qui s'établissent, donneront, à ce point de vue, d'excellents résultats et triompheront des obsta- cles actuels. Nous devons rappeler parmi les progrès réalisés, l'é- tablissement de plusieurs puits artésiens, dans lesquels réside le secret de son avenir immédiat. La masse principale de la région montagneuse est d'une nature porphyrique; le système de Los Llanos et la chaîne Velasco, présentent l'aspect métamorphique, le gneiss, le micaschistes, le granit, etc. La montagne Mazan a un aspect calcaire. Dans le sol des vallées de La Rioja on rencontre d'a-1 bord une couche de cailloux qui provient des montagnes voisines et ensuite une couche argileuse et saline. 528 Près de la chaîne Velasco, le sol est couvert d'un sable granitique; il est fertile lorsqu'il bénéficie de l'ac- tion de l'arrosage. Les terrains offrent différents caractères suivant le point de vue sous lequel on les examine. Le climat est variable suivant les localités et l'alti- tude. Nous observons que tandis que la ville de La Rioja a une température moyenne annuelle de 19°9, un autre point situé à une distance de 5 kilomètres au Nord-Ouest de cette ville et à 270 mètres plus haut, sur le même versant oriental du Velasco, a comme tem- pérature moyenne annuelle 17°85, d'après des observa- tions faites de 1878 à 1881. Les pluies sont rares; elles se produisent seulement en été et exceptionnellement. Pendant cette saison, la température est bénigne dans les départements de l'Ouest et du Nord, tandis que l'hiver y est très rigoureux, sur- tout pendant la nuit. Dans le reste de la province, l'été est chaud et l'hi- ver agréable. Il n'y a pas de grands vents. Dans la plaine, il ne tombe presque jamais de neige, mais les montagnes en sont couvertes. Dans les vallées de Famatina et de Guandacol, on signale quelques gelées blanches. La salubrité générale est satisfaisante; on ne connaît pas de maladies endémiques sauf le goitre, qui, très fréquent autrefois, ne s'observe plus aujourd'hui que dans un petite village du département de Chilecito, ainsi que le paludisme qui n'a pas ici de caractère grave. Dans l'Ouest, à Sarmiento et à Lamadrid, sur les rives du rio Bermejo, on constate des bourbiers; mais dans le reste de la province, les terrains durs et rocail- leux ne leur permettent pas de se former. Depuis 1875 jusqu'à ce jour, on a observé neuf trem- blements de terre. Le plus sérieux a été, sans contredit, celui qui s'est produit le 27 octobre 1894, dont la violence a détruit une partie de la ville et les villages de Arauco et Guandacol. 529 La Rioja. - La ville de La Rioja, bâtie sur le ver- sant oriental du Velasco, à 520 mètres de hauteur, compte aujourd'hui 10.000 habitants environ. Sa population est vraiment nationale et dans la ville comme dans le reste de la province, le croisement des races ou tout au moins des individus d'autres localités est très rare. Les mariages consanguins sont, par con- tre, très fréquents, et donnent, dans la pratique, des résultats bien connus. C'est ce qui arrive dans tous les pays qui n'ont qu'un mouvement très faible. Le sol sablonneux sur lequel elle est construite, les poussières minérales qui sont dans l'air, rendent la cir- culation dans les rues très désagréable; cet inconvénient est entretenu par la rareté des pluies qui certainement atténueraient son action. Cette rareté des pluies est pro- verbiale; des hivers s'écoulent sans qu'il s'en produise une seule. En été, les mois compris entre novembre et avril sont les plus favorisés par elles, mais ici encore la quantité des eaux pluviales est très limitée : 237 mm. 2 pendant toute l'année 1877 et 267 mm. 7 en 1878. La moyenne des grandes pluies pendant les années 1892-93 a été de 38, celle des petites, 25. Dans le parage appelé Saladillo, la moyenne annuelle de 1879 à 1881 a atteint 453 mm. 8 Les températures extrêmes sont: hiver, 0°0 et 24°; été, 12°7 et 44°; ce qui donne une moyenne de 12° pour les premières et de 16° pour les secondes. La moyenne annuelle est de 19°95. Nous avons mentionné plus haut, d'une façon géné- rale, les conditions de l'hiver dans cette ville. En van- tant la bonté de son climat, on est arrivé à dire que l'hiver n'existe pas ici. Pour le prouver, le Dr. Bialet Massé dit que pendant l'année 1876, il n'a gelé que pen- dant deux nuits, et en 1877, six fois seulement. Par contre, à 3 heures du soir, le 23 janvier 1877, le ther- momètre à l'ombre et exposé au Sud, a marqué 44° et pendant plus de trente nuits, il n'est pas descendu au-dessous de 28°. D'après le même collègue, à 4 lieues de la ville, dans CLIMATOLOGIE MEDICALE. 530 une localité appelée Sanagasta, les nuits sont toujours froides et le thermomètre n'atteint pas 34°; deux lieues plus loin, à Huasco, la température de l'été correspond à celle des saisons moyennes de La Rioja, et l'hiver est rigoureux. La différence qu'on observe et qui est basée sur les régions et l'altitude est, par suite, bien démontrée. Cette dernière est un facteur qui contribue à modifier beau- coup les climats. La plus forte pression atmosphérique a été de 732 mm. 85 avec un vent du Nord, et la plus faible de 699 mm. 84 avec un vent du Sud. La moyenne annuelle de l'humidité relative est de 61.3 et celle de la pression de la vapeur atmosphéri- que 11.07. L'automne avec 70.7 et le printemps avec 53.3, sont les saisons de la plus forte et de la plus faible humi- dité, et il faut ajouter que la moyenne en été qui est de 59.9 présente peu de différence avec celle de l'hiver 61.3. La plus grande sécheresse (7 cent.) a été observée deux fois en septembre 1877 et 1883, la première par un vent Nord-Est et la seconde par un vent du Sud. Les vents Sud, Sud-Ouest et Sud-Est dominent dans la proportion de 83 %; ils sont plus généraux pendant les mois de février, mars, avril mai, et août. Le vent du Nord est très rare. Les tourmentes ne sont pas fréquentes et les vents du Sud-Est les dissipent. Par suite de la situation de la ville abritée par le Velasco, on ne les ressent que bien peu alors même qu'elles soufflent avec la violence d'un ouragan. Pour compléter ces renseignements sur le climat de La Rioja, nous dirons qu'au printemps, on observe des températures de 42° qui descendent à 2° pendant la nuit. Durant cette saison, sous de pareilles influences, il se produit un nombre considérable de pneumonies et de pleurésies. La population de La Rioja se sert de l'eau d'une ri- 531 vière qui prend naissance dans la gorge de Sanagasta. Elle se divise en différents ruisseaux qui, à leur tour, suivent deux chemins: les uns traversent les terrains bas, entraînant tout ce qu'ils rencontrent sur leur pas- sage; les autres suivent la direction des trottoirs des rues et sont à l'air libre. Ils reçoivent tout ce qui peut y tomber et sont le réceptacle de toutes les immondi- ces qu'on y jette, même des eaux sales qui leur arri- vent des maisons. Ajoutez que d'ordinaire on les recueille dans des puits creusés sous des arbres dont les feuilles et les dépouilles se confondent avec l'eau, et on verra com- bien elle est impropre pour la boisson. Quelques maisons ont des citernes., mais de toute fa- çon l'eau qu'on y conserve est déjà sale et chargé de matières organiques parce qu'elle a une provenance im- pure. L'usage des filtres, quand il est possible, modifie ces mauvaises conditions. Indépendamment de l'alimentation, on l'emploie éga- lement pour l'arrosage. Le système des latrines ou de ce qu'on peut consi- dérer comme telles, est déplorable et des plus mal compris. Toujours dans de mauvaises conditions, soit qu'on les construise dans le fond des maisons, soit qu'on les installe à l'air libre, elles constituent une violation des lois les plus élémentaires de l'hygiène, et pareil état de choses subsistera Dieu sait pendant combien de temps, à raison de l'absence de tout mo- yen pour pratiquer les écoulements nécessaires. Une grande partie de la population ne se sert pas des la- trines. Les puisards sont indifféremment placés dans la pre- mière ou dans la seconde cour; et nous avons déjà vu qu'ils servent pour l'écoulement des eaux sales qui vont à la rue et qui sont emportées ensuite par celles qui courent le long des trottoirs. Le sol de la ville étant sablonneux et son inclinaison étant assez marquée, il est difficile qu'il puisse se for- 532 mer des marais. Dans quelques districts de la cam- pagne, au Sud (Llanos), on en rencontre et c'est dans ces parages que les fièvres paludéennes sont les plus fréquentes. Les maladies les plus communes ici, sont la gastro- entérite, le tétanos, la pneumonie, la tuberculose pul- monaire, la fièvre typhoïde, la coqueluche, les lésions valvulaires du cœur, la bronchite. L'attention est frappée par le nombre relativement considérable de cas rentrant dans la catégorie de la faiblesse congénitale. La fréquence de la gastro-entérite comme de toute affection de l'appareil digestif nous semble suffisamment justifiée par l'influence nuisible des eaux qu'on con- somme, qui, ainsi que nous l'avons dit, sont de mau- vaise qualité à cause du système défectueux qu'on em- ploie pour les faire arriver. De longtemps, il ne sera pas possible d'en employer un autre, parce que l'éta- blissement d'un service régulier d'eaux courantes est toujours une grande dépense; mais en attendant, les faits sont là qui sont bien plus éloquents que tous les arguments. La pneumonie et la bronchite peuvent s'expliquer par les brusques changements de température, qui sont très communs. Nous savons déjà qu'une température de 40° et 42° descend parfois à 2° pendant la nuit, ce qui suf- fit certainement pour provoquer de nombreux troubles dans l'organisme. La fièvre typhoïde a sa cause, comme la gastro-entérite, dans les eaux; d'après le Dr. Carreno, elle se présente non seulement durant l'été, mais encore dans les autres saisons. Pendant les chaleurs, sa recrudescence est favo- risée par la facilité avec laquelle les eaux se décomposent. A l'action de cet élément, il faut ajouter, comme causes prédisposantes, une alimentation mauvaise et insuffisante de la classe pauvre, les émanations infectes des pui- sards, etc. Les statistiques font défaut, il est impossible de donner des chiffres exacts; cependant on sait certaine- ment qu'en 1889, il est mort 12 typhiques à La Rioja, 533 ce qui donne une proportion inférieure à 5% sur la mortalité générale qui s'est élevée à 259 pendant la même année. Mais s'il est mort 12 personnes de la fièvre typhoïde, combien y a-t-il eu de malades? Ou tous les malades ont succombé, ou il y a eu un plus grand nombre de malades que de morts. On peut dire qu'en général les formes graves sont rares, tandis que les bénignes sont les plus fréquentes; mais il survient des complications du côté de l'appareil respiratoire, des pneumonies presque toujours, qui tuent les malades, alors que l'affection primitive ne présen- tait pas, par elle-même, un grand danger. Le traitement consiste presque toujours dans l'admi- nistration de toniques pour soutenir les forces, dans l'emploi des lotions, de bains tièdes, de quelques anti- thermiques, l'enteroclyse, etc. On n'a pas connaissance qu'une épidémie de fièvre typhoïde se soit déclarée à La Rioja. L'acclimatation des étrangers s'effectue sans difficulté; ceux qui vivent dans cette localité n'ont jamais éprouvé rien de spécial dans leur santé. On n'a malheureusement pas entrepris jusqu'à ce jour de travaux publics en vue d'améliorer les condi- tions de la ville. De ce nombre, les plus urgents con- sisteraient dans la suppression des canaux et l'établi- sement des eaux courantes, une installation bien comprise de latrines et de puisards. Ce sont pour le moment les nécessités les plus impérieuses. Viendrait ensuite le pavage qui, par suite de l'incli- naison du terrain, maintiendrait les rues dans un état de propreté. Les abattoirs et le cimetière qui sont respectivement à 400 et 300 mètres de la place principale, présentent un grand inconvénient pour les habitants, surtout lors- que, comme ici, on manque d'eau pour bien nettoyer les premiers et d'autorité pour maintenir le second dans de bonnes conditions d'hygiène. Ces inconvénients lorsqu'on sait que dans les environs de 534 Cochangasta, Pango et Vargas, on enterre dans les champs de nombreux cadavres; et il a été d'usage au- trefois de faire les inhumations sans attendre les 24 heures, ce qui est aussi une pratique anormale. Pour compléter les améliorations qu'il convient d'in- troduire dans cette ville, et pour parler seulement de celles qui ont un caractère urgent, nous mentionnerons les plantations d'arbres qui ont une influence bienfai- sante au point de vue des pluies. Le pouvoir condensateur des arbres est considérable et on peut en retirer un grand avantage en précipitant les nuages. Tout se réduira à planter dans un certain ordre des eucalyptus, des peupliers, des acacias, des cyprès, etc. Il y a excès de bras; que manque-t-il, donc? De la bonne volonté, rien de plus. Il faut se pénétrer d'un esprit nouveau, d'un esprit qui fera comprendre aux riojanos que leur avenir dépend de la question de l'eau, et qui leur inoculera des idées nouvelles, comme on ino- cule un sang vigoureux sur un organisme appauvri. Le concours que les bois apportent pour la salubrité et pour le régime des pluies est un axiome de la science. Il y a déjà longtemps que Boussingault (l) disait: « En ce qui me concerne, après avoir étudié sous les tro- piques les phénomènes de la pluie, je me suis formé une opinion sur la question de la coupe des arbres, une opinion que j'ai réussi à faire adopter aussi par d'au- tres observateurs. Je crois fermement que la coupe des arbres sur de vastes espaces diminue la pluie annuelle qui tombe dans une région. » C'est-à-dire que la végétation intervient puissamment dans ce phénomène, qui se trouve supprimé ou très réduit si on la fait disparaître. On prouve ainsi la nécessité des plantations pour ré- gulariser la précipitation des nuages; et pour donner encore une plus grande valeur à ces paroles, voici le (i) 1844. 535 témoignage du maréchal Marmont, duc de Raguse, et membre de l'Académie des Sciences, qui, dans son livre Voyage en Orient, affirme que depuis le mois de no- vembre 1798 jusqu'à la fin d'août 1799, où il comman- dait à Alexandrie (Egypte), il n'a pas plu une seule fois pendant une demi-heure; tandis qu'aujourd'hui il pleut chaque année pendant trente ou quarante jours, et quelquefois en hiver la pluie ne cesse pas pendant cinq ou six jours. « Au Caire, au lieu de quelques gouttes de pluie, qui étaient chose rare, il pleut quinze ou vingt jours par an et on suppose que cette modification dans le climat est le résultat des immenses plantations d'ar- bres qui ont été faites ». Près de vingt millions d'arbres ont été plantés au- dessous du Caire. Ce qui autorise à croire que cette cause est exacte, c'est l'effet inverse obtenu d'une façon incontestable dans la Haute Egypte. Alors les montagnes de Libye et d'Arabie qui forment la vallée du Nil, étaient recouvertes de plantes et d'ar- bres et les Arabes y gardaient leurs troupeaux; les ar- bres ont été détruits, les pluies ont cessé et les pâtu- rages se sont desséchés. Après avoir cité d'autres faits relatifs à l'Egypte, le maréchal Marmont conclut ainsi : « La conservation des arbres et des forêts et à leur défaut la conservation des plantations, agit, par suite, sur le climat d'une façon plus rapide, plus directe et plus efficace qu'on ne le croit généralement, et c'est une des bases de l'agricul- ture. » Presque en même temps, M. Balbi écrivait : « La des- truction des forêts peut quelquefois être utile pour un pays, parce qu'elle lui procure une circulation plus li- bre de l'air, mais poussée à l'excès, c'est un fléau qui dévaste des régions entières. Les îles du Cap Vert nous offrent de funestes exemples. (') » (x) Boussingault: Viajes cientificos â los Andes ecualoriales, 1849. 536 Aucun argument n'a plus de valeur que les paroles d'Arnould à ce sujet: « D'une part, la végétation annihile les effets de la décomposition spontanée sur un sol na- turel; de l'autre, elle rend inoffensifs les foyers putrides qne l'homme crée sur un sol modifié et même préparé pour ce but. » La question des plantations d'arbres a de tout temps préoccupé les gouvernements, à cause de l'action qu'ils exercent sur l'hygiène publique. C'est ainsi que le Par- lement Français a exonéré de toute contribution pendant un temps déterminé les propriétaires qui replanteraient des bois, et a contribué ainsi à provoquer des associa- tions pour le reboisement. Dans d'autres pays, on a établi le système de planter deux arbres pour un que l'on coupe; de cette façon l'industrie se développe et le régime des pluies avec toutes ses conséquences ne souffre pas de modifica- tions. » La région dont nous nous occupons, figure dans la zone paludéenne de la République Argentine, mais c'est celle qui fournit le moins de prise à l'endémie, comme nous le verrons plus loin en parlant du paludisme. La moyenne de la vie, qui est à La Rioja de 18 ans, est très inférieure à celle d'autres villes présentant plus de mouvement, dans lesquelles les incertitudes, les tra- vaux, les préocupations minent les existences et préci- pitent leur fin. Cette moyenne extrêmement faible est en contradiction avec les conditions générales de la lo- calité, les habitudes tranquilles des habitants et l'ab- sence complète des causes apparentes qui pourraient la justifier. Nous croyons pouvoir expliquer ce phéno- mène par l'alimentation insufisante peut-être, et par les efforts que sont obligés de faire les paysans pour gra- vir les montagnes. Ces conditions agissent sur l'appareil circulatoire. En vingt-cinq années, il est mort dans la ville de La Rioja, 98 personnes âgées de plus de 70 ans, sur lesquelles 24 avaient dépassé 90 ans. Il est indispensable d'introduire dans cette population 537 un nouveau genre de vie, un nouveau sang qui régé- nérera ce peuple et lui fera comprendre que quoique ses coutumes puissent être patriarcales, il est à propos de les modifier et d'entrer décidément dans la voie des réformes et du travail. Pour terminer, il faut faire comprendre aux individus de la classe pauvre que le mate et l'alcool leur sont nuisibles; qu'ils doivent renoncer à se nourrir seule- ment de maïs, et qu'ils doivent manger une plus grande quantité de viande. Ils doivent également se dédier au labourage et culti- ver les plantes potagères. CHAPITRE XXII PROVINCE DE CATAMARCA Sommaire.- Situation, limites, population, étendue, aspect général. - Climat. - Salubrité publique. - Le goitre. - Fréquence de la tuberculose. - La syphilis, la pneumonie, la variole et les maladies vénériennes. - Danger des canaux. - Alimentation.- Thermes.- Tremblements de terre. - Ville de Catamarca : Situation, population. - Provision d'eau.- Climat: températures diverses, pluies, vents.- Paludisme.-Maladies de l'appareil respiratoire et digestif. -Rareté de la fièvre typhoïde. -La diphtérie. - La variole. - Le goitre. - La tembladera chez les animaux. - Mortalité générale. Cette province est située entre les 26°20 et 28°30 de latitude Sud, 68 et 71 de longitude occidentale. Elle est limitée au Sud par La Rioja, au Sud-Est par Côr- doba, à l'Est par Santiago del Estero, au Nord par Salta et à l'Ouest par la Cordillère des Andes. La population primitive provenait d'indiens des tri- bus Calchaquies, qui, plus tard, ont fusionné avec les Espagnols. Actuellement elle compte 150.000 habitants environ. La progression qu'elle a suivie donne les chiffres suivants : En 1825 (calcul) 30.000 habitants 1830 - 35.000 - 1854 - 56.000 - 1864 - 80.000 - 1869 (recensement national) 79.962 - 1884 90.000 - 1894 150.000 - 539 L'étendue de son territoire est de 90.644 kilomètres carrés; on a donc 1.6 habitant par kilomètre carré. L'aspect de la région est varié : de belles vallées, des forêts abondantes et des montagnes éternellement cou- vertes de neige. On a décrit son orographie en disant que cette pro- vince est exclusivement composée par les formations géologiques qui interviennent depuis la longue période du gneiss, qui dessine les premiers reliefs de l'Améri- que du Sud jusqu'aux dernières de transition, en com- prenant la formation carbonifère. Parmi les roches ignées,, dit Éspeche, le granit se montre généralement dans les centres de leurs soulè- vements, il est enveloppé et confondu avec le gneiss et les autres roches; parfois il descend immédiatement sous les couches de sable rouge ou bleu, il constitue à lui seul des cordons d'une certaine importance. Des sommets granitiques, recouverts des plus anciennes for- mations du terrain de transition, des ardoises, du mica et de l'argile dans toutes leurs variétés, des sables et des quartz, telle est la composition, en général, des montagnes andines, de l'Aconquija et toutes ses rami- fications ainsi que de toute la base orientale des Andes. Mais, malgré cela, les montagnes argentines, en dehors de leur caractère parfaitement métallifère, prouvé par la richesse des mêmes formations dans l'ancien continent, et ici par celle de l'Aconquija, présentent de nombreux avantages et des facilités qui feront de ses mines un puissant élément de prospérité et d'amélio- ration à tous les points de vue. (*) Les principales montagnes sont : VAconquija à 4.800 mètres au-dessus du niveau de la mer; la superficie de sa base est de 38 lieues carrées, son sommet est tou- jours couvert de neige; YAmbato, à 4.000 mètres, l'A/Zo ou Ancaste, le Belen, etc. Dans les différentes chaînes que nous venons de f1) Federico Espeche: La provincia de Catamarca. 540 mentionner, existent des minerais d'or, d'argent, de , cuivre, etc. Les vallées, limitées par les montagnes, sont d'une fertilité étonnante dans leur plus grande étendue, et il faut noter à ce point de vue celles qu'on appelle Cata- marca, Paclin, Andalgalâ, Pozuelos, Tinogasta, de La Sierra, Pulcaria, sur lesquelles poussent d'excellents pâturages et des arbres d'exploitation tels que le cèdre, le lapacho. le caroubier, le quebracho, le noyer, le peu- plier, etc. Les rios de Catamarca sont: le Santa Maria, Belen, Tinogasta, Poman, del Fuerte, del Valle ou Catamarca, Capallan, Paclin et d'autres moins importants, comme le San Fernando, Gualfin, Villavil, Tala, de nombreuses rivières et des lagunes. Au point de vue du climat, cette province présente de très grandes variétés; des températures fraîches et agréables en été et très froides en hiver, dans certains points d'une élévation considérable, et vice versa, des hivers très doux et des étés extrêmement chauds, dans d'autres. Ces phénomènes s'observent dans des parages très rapprochés qui sont séparés les uns des autres par 5 ou 10 kilomètres. On a constaté, dans la capitale de la province, des températures s'élevant jusqu'à 47° c. à l'ombre, en jan- vier et février; le 18 novembre 1892, elle a été de 38° et cette chaleur est la plus forte qu'on ait ressentie pendant 40 ans, avant l'époque naturelle des grandes ascensions du thermomètre. La chaleur maxima de l'été est 44°. Le climat de Catamarca offre, d'après G. G. Davis,, le même caractère que celui des autres provinces andines : des températures ardentes en été, douces en hiver. Les vents Zonda, principalement ceux du Nord, soufflent fréquemment, surtout au printemps; quelquefois ils du- rent plus de 48 heures, et ils sont toujours moins forts pendant la nuit. La sécheresse est continue pendant huit ou neuf mois, et c'est seulement dans les terrains arrosés qu'on rencontre une végétation abondante. Ces 541 vents Zonda se sentent également dans l'Ouest; ceux de l'Est sont très doux. Toutes ces conditions ont fait dire à Espeche, qu'elles ont une influence, et elles en ont une considérable, sur l'état sanitaire de cette province. La température est des plus favorables pour la phtisie et les autres maladies d'une guérison difficile. Cet auteur se rappelle des per- sonnes très atteintes par la pneumonie qui se sont rétablies merveilleusement, grâce à un séjour dans quel- ques districts de TOuest de Catamarca, surtout à Santa Maria où de nombreux malades viennent se soigner dans un climat délicieux. En général, il pleut rarement en été; les neiges sont abondantes en hiver et arrivent à couvrir les vallées. Parmi les produits du sol de Catamarca, il faut citer le blé, le maïs, le riz, la vigne, la pomme de terre, le tabac, le figuier, la patate, l'oranger, le cotonnier, la canne à sucre, Forge, le pêcher, le pommier, le poirier, le cognassier, le prunier. La santé publique est bonne; il n'y a pas d'endémies, sauf le paludisme, au sujet duquel nous renvoyons au chapitre spécial, que nous consacrons à cette question. Le goitre s'observe dans la Capitale, à Piedra Blanca, à Poman, Belen et Andalgalâ, mais il tend à disparaître. Les maladies les plus fréquentes sont: la tuberculose (les personnes venues du dehors et déjà malades), la pneumonie, les affections vénériennes et syphilitiques, la variole (à la campagne), les maladies de l'appareil digestif. (l) On constate également quelques apoplexies cérébrales. En 1868, le choléra a fait son apparition pour la pre- mière fois; et en 1887 il s'est montré de nouveau mais sans causer une grande mortalité. Un danger pour la santé publique consiste dans les canaux par lesquels passent les eaux dont se sert la population. (J) Voir la page 546 la maladie tembladera. 542 Un fait absolument anormal et qu'il faut combattre énergiquement, consiste dans l'habitude existant sur plusieurs points, de construire les maisons sur Rempla- cement d'un canal, dont on a préalablement dévié le cours. L'humidité de la nouvelle construction peut se cal- culer sans effort. L'alimentation des habitants est appropriée aux con- ditions du sol et du climat: la viande, le lait, le riz, le maïs, le blé, la pomme de terre, les légumes et les fruits, suivant les habitudes anciennes qui se conser- vent encore. Comme boissons, on consomme le mate, le vin, la bière, le cognac, l'aloja (*) et l'alcool (les tra- vailleurs ). Cette province compte quelques thermes; les plus importants sont ceux de Gualfin, Fiambalâ et Ciénaga. Les premiers contiennent des carbonates alcalins, du fer, et leur température est de 55° à 60°; sur quelques points elle atteint même 64°. Ceux de Fiambalâ, 59 et 60°, sont calcaires et siliceux. Les tremblements de terre ne sont ni forts ni fré- quents. Catamarca. - La ville de Catamarca est actuellement la capitale de la province ; elle se dresse sur le ver- sant de l'Ambato, à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, et domine la vallée du même nom, sur la rive occidentale du rio del Valle, dont le lit est à sec une bonne partie de l'année, Son sol est pierreux. Sa popu- lation est aujourd'hui de 8.000 âmes environ. Elle se sert de l'eau de la rivière Tala qui se distribue par parts égales. Les canaux sont ici dans les mêmes con- ditions que dans les autres villes; mal compris, ils reçoivent toutes les immondices qu'on y jette. (x) Substance résultant de la fermentation dans l'eau, pendant plusieurs jours, du caroubier ou du coing. 543 Les eaux courantes telles qu'elles sont installées au- jourd'hui, dit le Dr. Vega, ne présentent aucun avan- tage au point de vue de leur pureté; le filtre est une pièce de six mètres de long sur trois mètres de large; la couche de charbon et de sable qui est au fond, n'a pas plus de cinquante centimètres d'épaisseur; l'eau se fraye facilement de larges chemins qui vont directe- ment aux conduites et c'est pour cela que les crapauds y circulent en toute liberté; le reste du filtre est un véritable bourbier. Aussi croit-il qu'en supprimant ce foyer d'infection qu'on appelle un filtre, et en amenant l'eau par des conduites qui partiraient directement du canal, on améliorerait les conditions hygiéniques de la ville, et on éviterait la grande humidité qu'on constate dans les maisons. Indépendamment des inconvénients de ce système de provision d'eau, nous avons ceux qui sont signalés dans les lignes suivantes : Dans les parties basses des rues, dans la ville, dans les fermes, les eaux pluviales et plus encore les débordements des canaux, forment des mares qui sont le réservoir obligatoire des immondices du quartier et de celles que la municipalité transporte avec ses chars. A l'Est de la ville, à 400 mètres de la place, il y a un puits assez profond, qu'on appelle puits de la Cruz, il est le bain obligatoire de la population infantile et reçoit tout le superflu des eaux de la partie Sud. Les enfants, qui sans le savoir, trouvaient dans ce bain un moyen de combattre l'intoxication telluri- que, y rencontreront désormais un foyer d'émanations malsaines. (1 ) Les eaux souterraines se trouvent à 40 mètres de pro- fondeur. Le climat de la localité, malgré les variations atmos- phériques qu'on ressent, et les abaissements rapides qui se produisent, est sain et sec. Les chaleurs sont excessives en été, particulièrement (x) F. dk laVega: El chucho en la Provincia de Catamarca. Tésis de Buenos Aires. 544 en décembre et janvier; mais il se produit parfois des courants qui rafraîchissent l'atmosphère et atténuent les ardeurs de la saison. D'un autre côté, l'air est généralement parfumé par les fleurs des innombrables orangers qui fournissent une ombre épaisse et produisent des fruits excellents. La température maxima qui ait été observée, a été de 44° c., mais c'est une exception. Dans une période de cinq mois, on en a constaté d'autres de 43°1. La minima est de 0°4 au-dessous de zéro. Les moyennes par année sont les suivantes: à 7 heures du matin, 16°72; à 2 heures du soir, 25°50; à 9 heures du soir, 20°23, ce qui donne une moyenne générale de 20°82. Nous avons déjà dit que depuis 40 ans, la tempéra- ture la plus élevée de novembre (commencement de l'été) qui ait été observée, s'est élevée à 38° à l'ombre; celle du sol est de 80°, parfois même de 100° à dix heures du matin. La pression atmosphérique minima, 703.33; maxima, 728.22; la moyenne annuelle, 715.39. L'humidité relative est la suivante : 7 heures du ma- tin, 63.3; 2 heures du soir, 40.3; 9 heures du soir, 55.1; moyenne, 52.6. La pluie annuelle est de 280.2 mm., et les mois pen- dant lesquels elle est la plus abondante sont janvier, novembre, décembre, mars, octobre, février et avril. La marche des pluies est établie par le tableau suivant: MOIS 1881 1882 1883 1885 1886 1888 MOYENNE Janvier 49.7 6.8 145.4 67.3 Février 0 34.6 46.6 27.1 Mars 20.1 37.8 29.0 Avril 21.2 21.1 21.2 Mai 32.0 0 0 10.7 Juin 10.8 0 7.0 5.9 Juillet 0 0 0.0 Août 15.0 0 0 3.8 Septembre .... 4.6 1.8 - - 0 - 1.6 Octobre 22.6 45.5 4.3 23.9 24.1 Novembre 57.4 42.1 - - 41.4 47.0 Décembre 20.3 32.5 - 43.4 - - 32.1 545 Les vents Nord, Nord-Est et Est dominent, ils repré- sentent la moitié de la totalité d'entre eux; ceux du Sud équivalent au 7%; les temps calmes représentent 25 Le paludisme domine la pathologie; et pour ce qui est relatif à ce sujet, nous renvoyons le lecteur au cha- pitre spécial à cette matière. Les maladies les plus communes ici, sont celles des appareils respiratoire et digestif. La fièvre typhoïde est très rare. La dysenterie est fréquente pendant l'été, mais elle n'est pas grave. La variole a fait des ravages dans la classe pauvre; en général elle attaque les populations de la campagne où il est difficile de répandre l'action de la vaccine. A ce point de vue, il est urgent de stimuler les autorités sanitaires pour qu'elles portent l'influence de cette mesure prophylactique, jusque dans les régions les plus reculées. La diphtérie fait parfois des invasions épidémiques. En s'occupant d'en rechercher la cause, le Dr. delaVega l'attribue aux poules et aux oiseaux de basse-cour. En effet, il est résulté de ses recherches que ces animaux étaient attaqués de ce que dans le pays on nomme la pepita, qui n'est autre chose que la diphtérie. Les en- fants s'approchent imprudemment de ces volailles, les prennent: la contagion s'établit et la maladie se déclare. De plus les gallens (organisateurs de combats de coqs) sont d'autres véhicules de l'agent infectieux. Le goitre a été très répandu autrefois à Catamarca, mais aujourd'hui sa disparition s'accentue. Sa diminu- tion a coïncidé avec l'incorporation d'éléments nouveaux apportés à la population nationale, qui a reçu ainsi une injection vigoureuse de types de différentes provenances. Auparavant, les mariages consanguins étaient très fré- quents et le goitre également. Aujourd'hui les mariages se font entre individus de différentes races et de ces unions naissent des enfants qui grandissent et arrivent à l'âge adulte, sans éprouver les phénomènes du goitre. La fusion des diverses races a produit ce fait singulier et bienfaisant de la diminution de l'endémie, parce que les nouveaux organismes développés sous l'influence CLIMATOLOGIE MEDICALE 546 de types différents ont en eux un sang renouvelé, une constitution modifiée par le croisement et des éléments de vitalité qui les mettent en condition de résister à la maladie. On assure aujourd'hui qu'à Catamarca aucun individu né.de l'union d'un fils du pays avec une étrangère ou vice-versa, n'a été atteint du goitre. Ce fait est prouvé par l'observation et a été constaté dans les localités où se sont fixés des étrangers: dans la Capitale, à Andal- galâ, Piedra Blanca et San Isidro; tandis que le con- traire se produit dans les parages qui reçoivent moins d'immigration, comme à Poman et Londres (Belen), c'est- à-dire là où le type primitif se conserve intact. La mortalité absolue, par an, oscille autour de 200. Parmi les éléments principaux, qui contribuent à ce chiffre, on constate: la diphtérie qui, en 1889, a fait 31 victimes; la gastro-entérite, 28; la faiblesse congé- nitale (influence paludéenne). 18; la tuberculose pulmo- naire, 16; la pneumonie, 24; la congestion cérébrale, 6; les bronchites aiguës, 4; les lésions du cœur, 3; les fièvres pernicieuses, 3; les hépatites, 3; l'entérite, 3; la broncho-pneumonie, 3; etc. Dans le chiffre de 200 décès annuels, la fièvre ty- phoïde figure seulement pour un. Le Dr. Pedro J. Acuîïa a observé à Catamarca que pendant l'été, les cystites et les ménorrhagies se cons- tatent souvent. Il existe dans cette province une maladie appelée tembladera, qui attaque les chevaux, les mulets, les bœufs, etc., et qui doit avoir une origine microbienne. Elle est commune dans les mines de cuivre du district d'Andalgala, parmi les animaux non acclimatés, et ses caractères sont: un tremblement général, la sueur; rani- mai baisse la tête, se couche sur le so], ne peut mar- cher et meurt au bout de 24 heures. M. Echegaray, chimiste de l'Université de Cordoba, a fait des études à ce sujet et dit avoir rencontré la substance qui provoque la tembladera, dans une herbe qui croit dans ces régions. CHAPITRE XXIII PROVINCE DE SANTIAGO DEL ESTERO (D Sommaire. - Situation, étendue, et population. - Géologie. - Rios, -Les plaines et les collines. - Produits du sol; bois. - Climat. - Ville de San- tiago del Estero: Population, situation, géologie. - Examen de la terre. - Provision d'eau; ruisseaux. - Climat. -Températures extrêmes. - Morbidité : fréquence des ophtalmies ; la pneumonie, la dysenterie, l'enté- rite et l'entero-colite, la fièvre typhoïde. - Mortalité générale. Cette province s'étend entre le 26° et le 30° de lati- tude Sud, 64°30 et 67° de longitude orientale, au Nord de Santa Fé et de Côrdoba, au Sud de Salta, à l'Est de Tucuman et de Catamarca, et à l'Ouest de Santa Fé et du Chaco. Elle a une superficie de 102.355 kilo- mètres carrés. Sa population constituée -par le type métis d'indiens Quichuas a suivi cette progression : En 1820 60.000 habitants 1857 (recensement général... 77:575 » 1863 (calcul) 90.000 » 1869 (recensement général) . 132.898 » 1884 180.000 » 1894 270.000 » Ce qui donne une densité de 2.6 habitants par kilo- mètre carré. (x) Par suite de la configuration horizontale du terrain, il se for- me des étangs (esteras) dans les environs des rios Salado (Jura- mento) et Dulce. De là vient le nom de Santiago del Estero. 548 Le terrain est en général plan. Le sol et le sous-sol sont constitués de sable, d'argile, de carbonate de chaux, de chlorure et de nitrate de sodium, de sels de potasse, d'humus, etc., suivant les points qu'on examine. On sait par les recherches qui ont été pratiquées que les terrains riverains du rio Dulce jusqu'aux Salines, une grande partie de la côte Est et Ouest du Salado et du Nord ont la même composition. Celui de la source de la Saline de Ambargasta renferme pour cent parties de terre superficielle : Sulfate de chaux 9.41 » magnésie 1.08 » potasse 10.40 » sodium 11.71 Chlorure de sodium 67.40 100.00 Dans les salines on rencontre également des restes minéraux transformés, et ceux qu'on peut voir facile- ment et qui forment des croûtes, lorsque les eaux des lagunes se dessèchent. Le même fait se produit sur les bords du Saladillo et de la lagune de los Porongos, cette dernière est très salée. A cet endroit, la terre végétale est riche. La plaine est traversée du Nord-Ouest au Sud-Est par les rios Salado (Juramento) (*) et Dulce qui sont les principaux. Le premier prend naissance dans les sommets de Cachi et Acay, au Nord-Est de Salta; le second, dans les montagnes Calchaqui et Guachipas; il arrive à San- tiago avec une pente de 0.70 par kilomètre et reçoit dans son parcours les eaux des rios Lules, Colorado, (x) Nom qui rappelle le serment prêté par l'armée du général Belgrano. 549 Famaillâ, Monteros, Rio Seco, Gastona, Médinas, Mara- pas et Graneros. A son origine, il s'appelle Choromoro; à Tucmnan, Sali; Rio Hondo, en pénétrant sur le terri- toire de Santiago; Dulce, ensuite. Quelques-uns de ses bras sont très importants par- les propriétés médicinales de leurs eaux, spécialement les rivières de las Punuitas et Caitaqui qui courent à travers de grandes ronceraies. On a observé que les eaux de ce rio sont saumâtres en été, à partir de Atamisqui, et qu'en hiver et au printemps, les animaux eux-mêmes ne peuvent pas les boire. A Gimenez et Copo 2e, il existe d'abondantes chutes d'une eau à peine potable, et d'autres dont l'eau est absolument imbuvable. La chaîne granitique de Guasayan, à l'Ouest de la ville, celles de Sumampa et d'Ambargasta, au Sud, le mont Colorado ou Remate du Sud de Salta et de pe- tites ondulations à FOuest et au Nord, interrompent l'horizontalité de son terrain; ces montagnes sont cons- tituées par des rochers qui renferment une quantité de sulfate et de carbonate de chaux. Au Sud, se dressent quelques petites collines qui se joignent à la montagne d'Albigasta (Catamarca); il existe entre elles des vallées d'une végétation extraordinaire. On rencontre des forêts de caroubiers, de quebrachos, de mistoles, de bréa; de plus, le palo santo, le chanar, le molle, l'espinillo, le saule, le tala, le seibo, le jarilla, le palo rosa, le retamo, etc., poussent en abondance. Le maïs, le riz, le blé, la canne à sucre prospèrent énormément. La partie comprise entre la lagune Porongos et le rio Salado est riche en pâturages de bonne qualité. Les arbres fruitiers donnent d'excellents fruits. Le climat est sec. Si on considère que cette province est divisée en trois zones isothermes parallèles de l'Est à l'Ouest, et d'une égale latitude entre elles, on observe que le cli- 550 mat est chaud dans la zone Nord, doux dans celle du Sud, et tempéré dans celle du centre. La ville de Santiago comprise dans cette dernière di- vision, présente cependant des températures extrême- ment élevées : 31°1 à 7 heures du matin en janvier 1880 et 41°8 à deux heures du soir, pendant le même mois. Pour nous résumer en quelques mots, nous dirons que dans le centre de la province, le climat est chaud et brûlant, en été; chaud et doux, en automne; doux et tempéré, en hiver; chaud, au printemps. Au Nord, il est ardent, en été; chaud, en automne; doux, en hiver; chaud et ardent au printemps. Au Sud, chaud, en été; doux, en automne; tempéré, en hiver; doux, au printemps. Dans les environs des Salines, le thermomètre mar- que quelquefois, en été, 42°. La moyenne annuelle est de 21°. Les pluies se produisent depuis la fin d'octobre jus- qu'en avril, c'est-à-dire, pendant l'époque des chaleurs. Durant le reste de l'année, il ne pleut presque jamais. La neige est exceptionnelle; dans les montagnes* elle tombe quatre ou cinq fois par an. Les gelées sont rares; la grêle tombe parfois au prin- temps et en été aux heures où la température est la plus élevée. Les rosées sont abondantes dans toute la province. Les vents du Sud dominent; il sont en général ac- compagnés de pluies; ils sont très violents en octobre, novembre et décembre. Ceux du Nord sont extrêmement chauds, il soufflent en août, septembre, pendant une partie de décembre, janvier et février; ils commencent à sept ou huit heures du matin, et durent jusqu'à six heures du soir; parfois ils se prolongent pendant vingt quatre heures. Santiago. - La ville de Santiago, capitale de la province de Santiago del Estero, a 22.000 habitants, elle est construite dans une plaine située sur la rive 551 droite du rio Dulce, à 162 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa situation du Nord-Ouest au Sud Est, lui donne une pente facile de ce côté; elle est comme assise dans un creux qui probablement a été le fonds d'une lagune d'eau douce, qui s'est formée peut-être lorsque la mer silurienne s'est retirée par suite du soulèvement de la terre. Cette lagune, comme d'autres de cette contrée, s'est comblée avec des matières d'alluvion formées en partie par les dessèchements salins, et dans les autres parties, par les eaux stagnantes. En perforant cette couche dans la propriété de M. Ri- ghetti pour chercher des eaux souterraines, on est arrivé à une profondeur de 26 mètres sans rencontrer autre chose que les matières d'alluvion; il n'y avait pas de nappe d'eau et celle qu'on a rencontrée provenait de filtrations. Deux tentatives de perforation ont donné ce résultat que le perforateur s'est brisé contre un banc de silicate de chaux qu'on a rencontré. Le même résultat a été obtenu en creusant un puits de 22 mètres de pro- fondeur. Dans les deux cas, on a remarqué l'absence complète de pétrifications; tandis qu'à Tepiro, dans les environs de la ville, on a rencontré des restes de mega- terium et de mastodontes qui sont aujourd'hui exposés au Musée national de Buenos Aires. On a découvert aussi un exemplaire de glyptodonte, à une certaine dis- tance de la ville; il semble que dans aucun autre point de la province, on ne fait de nouvelles découvertes. Son terrain d'alluvion est le résultat de la décom- position par l'action atmosphérique, des rochers solides et de leur trituration par les agents érosifs; leurs dé- tritus ou désagrégations charriés par les eaux, ont été transportés jusqu'aux parties basses de la plaine. Par suite de cette action continue, se forment ces terrains dont la masse se compose de sable, de calcaire, d'argile, de mica, de schiste, de limon, de boue et d'hu- mus, qui proviennent de la décomposition des matières organiques. Les montagnes de Bolivie, de Tucuman et de Catamarca ont contribué puissamment à la formation de ces terrains, par suite de la pente qu'on observe 552 clans leur configuration, qui va du Nord-Ouest au Sud- Est. Les matériaux les plus lourds sont restés en repos près des montagnes, tandis que les substances légères, pour la plupart en dissolution, et les insolubles en suspension, ont été entraînées et déposées dans le trajet. Le sol est perméable. La couche d'humus est faible, elle renferme des sels en abondance; elle manque de phosphate comme de potasse et celle-ci est remplacée par le chlorure et le nitrate de sodium. Elle contient beaucoup d'argile et de sable, comme on peut le voir par l'analyse suivante d'une terre recueillie dans les environs de la ville: (') Sable 42.50 Argile 38.00 Humus, autres matières organiques et eau. 12.66 Carbonate de chaux 6.84 100.00 Suivant qu'on examine les terres de la partie Nord ou Sud (terres naturelles et non cultivées), la quantité de ces éléments varie; les premières sont plus riches en sulfate de sodium, carbonate de chaux, chlorure de sodium, sulfate de chaux; les secondes, plus chargées de sable et de silicate d'aluminium. L'eau de puits est la plus employée pour l'alimenta- tion, elle renferme en général du sulfate de chaux, du bicarbonate de chaux, du chlorure de sodium, du sul- fate et du chlorure de magnésie et beaucoup de ma- tières organiques. Cette eau provient des infiltrations du rio à travers des couches de terrain sablonneux et il est probable qu'elle est contaminée par les latrines qui sont creusées au même niveau. Les cours d'eau qu'on rencontre, sont constitués par le rio Dulce qui coule aux pieds de la ville et par dif- férents canaux. La population se sert des eaux du rio (!) D'après Gancedo. 553 Dulce et de celles des trois canaux municipaux qui vont du Nord au Sud. Ces derniers charrient une eau trou- ble, chargée de matières organiques. Les latrines occupent le fond des maisons, ce sont des dépôts fixes. Il n'y a pas de puisards. Le climat est chaud. En été, la température atteint 44° centigrades à l'ombre; en hiver, la plus basse des- cend à 0°7 au-dessous de zéro; la moyenne annuelle est de 21°49. L'élévation de la température s'accentue surtout dans les environs des salines. Il souffle des vents qui suffoquent, mais ils durent peu, tandis que le vent du Nord, très fréquent, très sec, a une action vraiment brûlante; il dure parfois 24 heures. Celui du Sud est encore plus violent, et il est généra- lement accompagné de pluies. Très fréquentes en été. les pluies sont extrêmement rares en hiver. Il est arrivé de ne pas avoir eu de pluies pendant 10 mois, et cela produit de sérieux inconvé- nients. Leur distribution par saison, donne les chiffres sui- vants : Eté, 199 m. 01; Automne, 165 m. 77; Hiver, 20 m. 25; Printemps, 103 m. 01. La variation moyenne de l'humidité relative donne par an, comme chiffres extrêmes, suivant les heures: maxima 80.0 à 2 heures 46 du matin; minima 47.8 à 3 heures 9 du soir. La plus grande sécheresse est observée avec le vent du Nord dont l'influence moyenne pendant l'année en- tière, produit une baisse d'humidité jusqu'à concurrence de 50 mm. tandis que le vent du Sud est celui qui pro- voque la plus grande humidité, et produit en moyenne un effet de 40 mm. La moyenne des jours sans nuages est de 63 par an. L'atmosphère se charge beaucoup d'électricité à l'époque des pluies et les météores sont très violents. L'arc-en- ciel se voit quelquefois quand il pleut. 554 Des observations barométriques faites tous les jours pendant un an, on obtient les résultats suivants: 7 heures du matin 2 heures du soir 9 heures du soir 744.92 743.39 744.12 Ce qui donne une moyenne de 744.16 par an, le maximum étant 762.00 et le minimum 730.03. Au point de vue de la morbidité, nous devons cons- tater que les ophtalmies (*) sont fréquentes; elles sont dues à l'action irritante des poudres salines que le vent soulève et qui constituent parfois de véritables épidé- mies. Les maladies de l'appareil respiratoire sont éga- lement fréquentes, et en particulier la pneumonie à la fin de l'hiver et à l'entrée du printemps par suite des brusques changements de température. Selon le Dr. Coronel, pendant les mois de chaleur, comme novembre et décembre, on observe la dysenterie, l'entérite, l'entero-colite, qui sont provoquées par les chaleurs excessives, l'abus de l'eau et des fruits verts. Dans tout le territoire de la province il est mort 683 personnes en 1868; 429 en 1869 (2) et 547 en 1870; chiffres certainement peu considérables. Si nous localisons le mouvement mortuaire à la ville de Santiago del Estero, nous constatons: 1876 150 décès 1877 297 - 1878 293 - 1879 218 - 1880 167 - 1889 476 - Avec une population de 20.000 habitants environ, la (x) Les habitants de la campagne soignent l'ophtalmie avec la feuille du vinal de mauve ou de caroubier noir qui contient un principe astringent. (a) Avec 132.898 habitants. 555 statistique mortuaire a été de 476 en 1889, ce qui donne une proportion de 24 pour 1000. Les maladies les plus meurtrières, pendant cette même année, sont: la rougeole, 38 victimes; la tuberculose, 30; la gastro-entérite, 27; la diphtérie et le croup, 24; la scarlatine, 23; la pneumonie, 21; la gastrite sous- muqueuse, 19; la fièvre typhoïde, 18; l'anévrisme de l'aorte, 17; la congestion cérébrale, 17; la bronchite, 13; l'entérite, 10. Sur le chiffre total des décès (476), la mortalité infan- tile figure pour 284. Ses principaux facteurs sont: la rougeole, 32; le tétanos, 25; la gastro-entérite, 22; la gastrite sous-muqueuse, 19; la scarlatine, 16; la pneu- monie, 13; la bronchite, 11; la faiblesse congénitale, 11, etc. En 1889, la fièvre typhoïde a causé 18 décès. C'est le plus fort contingent qu'elle ait fourni jusqu'à ce jour. Dans les cas qui se sont produits, c'est la forme ab- dominale qui a prédominé. Quant aux causes qui ont engendré cette maladie, tout fait présumer que les con- ditions anti-hygiéniques des habitants de certains quar- tiers, que l'agglomération dans des parages malsains, que la mauvaise qualité des eaux, que la proximité des la- trines et des puits, ainsi que tant d'autres circonstances dont il faut tenir compte, ont exercé une influence cer- taine. Comme traitement on pratique la désinfection du tube intestinale, on emploie les antithermiques en général, en les variant suivant la forme de la maladie, et ces indications s'observent suivant les cas. Jusqu'à présent, on n'adopte pas des mesures prophylactiques, on n'enterdit même pas l'usage de l'eau des ruisseaux, qui est de mauvaise qualité. On prend l'habitude de désinfecter les appartements dans lesquels se produisent des cas de typhus, et on en fait autant avec les objets du malade. Nous ne pourrions déterminer exactement le nombre d'étrangers qui vivent à Santiago, mais certainement ils ne sont pas nombreux. 556 Dans la mortalité de 476, dont nous avons parlé, on en compte 18 de différentes nationalités (12 hommes et 6 femmes). Comme améliorations publiques., on a nivelé et pavé quelques rues; on projette l'établissement d'eaux cou- rantes pour les habitants, afin de les empêcher de se servir de celle des canaux, qui sont une source cons- tante de danger et de maladies. Il est urgent de dessécher les marais, qui se forment par suite du défaut de nivellement du sol, de fermer le cimetière actuel et d'en installer un autre à l'Ouest de la ville, parce qu'il ne souffle aucun vent de cette di- rection. En général, la salubrité publique est bonne, et les poitrinaires s'en trouvent bien. CHAPITRE XXIV PROVINCE DE TUCUMAN Sommaire. - Situation, limites. - Topographie: plaines et montagnes. - Sommets les plus élevés. - Géologie. - Climat. - Rios, rivières, sources, etc. - Irri- gation. - Végétation. - Saisons. -Paludisme. -Ville de Tucuman: Situation et population. - Végéta.tion. - Climat. - Différences de tempé- rature. - Comparaisons avec d'autres villes argentines. - Pluies, vents. - Vent du Nord. - Les ruisseaux. - Inondations. - Le paludisme. - Différentes formes de l'infection, -Absence de la véritable fièvre typhoïde. - La fièvre typho-malarienne. - Fréquence de la rougeole, de la pleuro- pneumonie, de la coqueluche, des névralgies, de la syphilis et de la gastrite. - Marche lente de la tuberculose pulmonaire. - Mortalité générale. - Dans la mortalité infantile figurent principalement la faiblesse congénitale, les fièvres intermittentes, la gastro-entérite. - Monteros : Population. - Situation. - Rios. - Climat. - Saisons. - Provision d'eau. - Marais. - Plantation de maïs et de riz. - Paludisme. - Fièvre typho-malariennne. La province de Tucuman comprise entre les 28° et 26° de latitude Sud, et entre les 67° et 68°30 de longi- tude Ouest (méridien de Paris), (') est la moins vaste de la République Argentine, puisque sa superficie est évaluée à 24.199 kilomètres carrés. On estime sa population à 250.000 âmes, ce qui donne une densité de 10.3 habitants par kilomètre carré. D'une fertilité extraordinaire, cette contrée renferme des beautés inégales et présente un aspect varié qui la distingue singulièrement de ses sœurs. On peut la (r) D'après Martin de Moussy. 558 considérer comme divisée en deux régions: la plaine, la plus vaste qui va depuis le pied de l'Aconquija, dans une direction du Nord-Ouest au Sud-Est, jusqu'à la limite de Santiago del Estero : c'est elle qui réunit les causes d'insalubrité; la montagne, qui occupe environ le tiers du territoire, est constituée par une chaîne qui la sépare respectivement de Salta et Catamarca. Cette dernière région est d'une salubrité absolue, les germes des infections qu'on rencontre dans la plaine, n'arrivent pas jusqu'à ces hauteurs et ne s'y propagent pas. La région montagneuse appartient au système du gneiss et de micaschiste; son aspect donne à cette pro- vince un caractère spécial; les collines du Nord, peu élevées, s'entrecroisent dans une forme capricieuse et produisent une série de petites chaînes au milieu des- quelles se détachent des vallées d'un gracieux paysage. A l'Ouest, on trouve l'Aconquija, à 4.800 mètres, qui envoyé ses prolongements parallèles vers le Sud; l'Am- bato (4.000 mètres d'élévation), coupé de l'Est à l'Ouest par la gorge de la Cebila, qui sépare les territoires de Catamarca et de La Rioja. Cette montagne prend au Sud le nom de Mazan et se termine à Punta Negra où elle se joint à l'extrémité Nord de la chaîne de La Rioja par l'intermédiaire de collines. Les chaînes de l'Alto et d'Ancasti appartiennent, comme une partie de celles d'Ambato, au système de micaschiste; elles forment au levant le contrefort de la vallée de Ca- tamarca et leur versant oriental descend jusqu'aux plai- nes de Santiago et de Tucuman. Au Sud, l'Ancasti ter- mine à la pointe de l'Orqueta. La ramification orientale de l'Aconquija constituée par le Nevado ('), atteint une élévation de 5.000 mètres; du Clavillo, partent de l'autre côté de la gorge de Tafi, en se dirigeant vers le Nord, les cimes célèbres de (x) Ainsi nommé parce qu'il est éternellement couvert de neiges. 559 Calchaqui, qui finissent au rio Guachipas. Plusieurs chaînes appelées Altos de las Salinas, Médina, Jaraini, Nogalito, Remate et autres semblables, « dernières ra- mifications des Andes, qui viennent mourir dans les grandes plaines de la Pampasie Argentine, » entourent la Capitale vers le Nord-Est. Dans les montagnes dont nous parlons, existent des minerais d'or, d'argent, de cuivre, de plomb, ainsi que le cristal de roche, le marbre, la chaux, etc. Le climat est sec et froid. On rencontre dans cette région montagneuse des res- tes volcaniques, mais il est très rare d'y trouver des terrains de cette nature. L'Aconquija est considéré comme le point principal du système extra-Andin, et d'après Martin de Moussy, ce qui le caractérise surtout, c'est la différence bien marquée qu'il établit entre le climat des Andes et celui des plaines. Sur son côté Ouest, il ne pleut qu'exceptionnellement et pendant l'été, tandis que sur son versant Est, les pluies sont continuelles, surtout pendant cette saison. A ce point de vue, l'année est divisée en deux pé- riodes : celle de sécheresse, qui comprend les mois d'avril., mai, juin, juillet, août, septembre et une partie d'octobre, pendant lesquels il y a cependant quelques petites pluies et de la rosée; et celle des grandes pluies qui comprend les autres mois de l'année (l'été). Ces pluies sont presque toujours accompagnées de tourmentes; elles sont plus abondantes et plus fré- quentes sur les montagnes. Les gelées sont observées exceptionnellement. Le versant occidental de l'Aconquija et ses vallées intérieures présentent une extrême sécheresse, tandis que les pluies sont abondantes dans la région opposée qui, ainsi que la chaîne de Zenta, offre une végétation superbe et produit les meilleurs bois de construction qu'il y ait dans le pays. Ainsi nous voyons que nonobstant la latitude, la végétation est exubérante et présente un contraste frap- pant avec celle qu'on observe dans d'autres régions. 560 Jusqu'à une hauteur de 1.000 mètres cette végétation est superbe et présente les caractères tropicaux qui la distinguent; à une hauteur de 2.000 mètres, elle offre la variété des produits de la terre du centre de l'Eu- rope. La chaleur et l'humidité dans la région basse con- tribuent à l'énorme développement des arbres, et il suf- fit de rappeler que quelques explorateurs ont vu là des oliviers dont le tronc mesurait 8.50 mètres de cir- conférence pour 3 de diamètre et 20 de hauteur. On rencontre, en outre, des fougères, des cèdres, des noyers, des urundays, le quebracho, le caroubier, le gayaco, le ceibo, l'oranger, etc., en quantités telles qu'ils constituent de véritables forêts. De tous ces bois, ceux qui se trouvent sur le versant oriental des chaînes d'Ancasti et de l'Alto, conservent en toute saison et sous toutes les influences leur fraîche verdure. La plaine appartient à la formation pampéenne; sa composition est argilo-calcaire, avec des couches de sable. On y a rencontré des restes de gliptodonte; nous avons déjà vu qu'à Santiago del Estero, on en a trouvé d'autres de megaterium et de mastodonte. Sur la formation diluvienne, existe celle d'alluvions, terre cultivable qui provient de la décomposition plus ou moins lente des rochers sous l'action de l'air et de l'eau, du transport de ces sables, de ces petits cailloux ou de ces poudres de minerais, jusqu'à la plaine, et de la décomposition des végétaux qui apparaissent sur la couche de la terre et y meurent. Il est clair, dit Groussac, que le sol cultivable doit tenir les éléments constitutifs des montagnes voisines, mais combinés entre eux et avec les agents énergiques qui ont contribué à les désagréger. C'est ainsi que les schistes qui dominent dans la région montagneuse de Tucuman ont augmenté la proportion de l'argile dans le sol de la plaine voisine; les sommets granitiques et les masses insulaires de granit attaquées par l'eau ont introduit dans ce terrain argileux des proportions plus ou moins fortes de silice, de potasse, de chaux, etc. 561 L'apparition des premières fongosités dans une su- perficie purement minérale est le point de départ d'une action progressive indéfinie. Ces plantes élémentaires en laissant dans le rocher leurs détritus azotés, prépa- rent la venue d'autres plus complexes et plus exigean- tes, des mousses, des lychens; celles-ci à leur tour laissent le champ aux graminées et ainsi successive- ment, avec le concours de cet agent tout puissant qui s'appelle le temps, le sol se désagrège, se charge de débris fertilisants, jusqu'à ce qu'il arrive à pouvoir nourrir les grands arbres de nos forêts de Tucuman. La couche superficielle cultivable, ainsi constituée, est celle qu'on appelle terre végétale. Elle forme le sol agraire et repose en général sur un sous-sol qui est la couche minérale perméable arrivant à son tour jusqu'à la couche imperméable. Dans la plaine de Tucuman, l'épaisseur de la couche de terre végétale est très va- riable, elle est tantôt de quelques décimètres, tantôt de plusieurs mètres. Dans les départements les plus fer- tiles des versants, cette épaisseur est de un à trois mètres. (*) Le rio Sali, qui coule du Nord au Sud, est le résultat de la réunion des eaux des montagnes. De l'Aconquija, au Sud de San Francisco, ces eaux s'écoulent abondan- tes en torrents, en ruisseaux, en rivières, de l'Ouest à l'Est et contribuant à le former. Parmi les bras et les cours d'eau qui le constituent, il faut citer le Riarte, le Tala et le Choromoro, les torrents d'Acequiones, Alurral- de et Vipos (à l'embouchure duquel il prend le nom de rio Sali), le rio de Famaillâ, le Monteros, le rio Seco, Conventillo, Médinas, Rio Chico. Matasambe, Marapa, les rivières la Calera, Potrillo et del Loro. Une quantité d'eau si abondante favorise spécialement la production du sol qui, dans cette province, est extra- ordinaire. Sur plusieurs points, les rochers sont cou- verts d'une couche épaisse de terre végétale, qui fait pousser sur eux un immense manteau de verdure. Ce (*) Pablo Groussac: Ensayo histôrico sobre El Tucuman. CLIMATOLOGIE MÉDICALE, 562 panorama de montagnes dont les unes sont couvertes de neige, les autres de verdure et à travers lesquelles se dessinent des cours d'eau, offre vraiment un ensemble enchanteur. Mais si l'irrigation peut se faire facilement grâce à cet énorme luxe de cours d'eau, en revanche cette même abondance peut causer un véritable préjudice, surtout au moment des pluies où les rivières montent et débordent, quand se forment des lagunes et de grands marais, dont l'influence nuisible est bien con- nue de tous ceux qui vivent dans les parages paludéens de Tucuman. Il convient de rappeler ici qu'il y a dans cette province des zones particulièrement marécageuses qui sont des foyers d'infection; d'autres, dans lesquelles ce danger se prsente sous une forme atténuée; d'autres, enfin, dans lesquelles il n'existe pas de tout. A ce sujet, le Dr. Canton va plus loin lorsqu'il dit que dans un pays comme celui qui nous occupe, aussi accidenté que pittoresque, il est facile de rencontrer dans un même district, quelques terrains marécageux dans lesquels il est dangereux de séjourner et des loca- lités qui, par leur élévation, sont complètement à l'abri de tous les germes infectieux qui prennent naissance dans les marais. Les départements de Tafi, de Famaillâ de Monteros, de Chicligasta, etc., offrent des exemples de ce genre. La superficie plane et régulière de chacun d'eux, qui se dirige vers l'Est, est semée d'un nombre considérable de foyers d'infection, tandis que dans la partie monta- gneuse qui se compose de vallées et de montagnes éle- vées, les. habitants jouissent de l'immunité la plus complète. Plus loin, en nous occupant de la pathologie, nous verrons l'influence de ces climats, le paludisme, son action sur les habitants, la façon dont il se combine avec la fièvre typhoïde pour produire la fièvre typho- malarienne si commune dans ces régions. Les oscillations thermométriques sont très marquées 563 en général dans tonte la province, et on est vraiment surpris lorsqu'on compare d'une année à l'autre les tem- pératures correspondant à une même région. Il suffit de savoir que pendant la totalité des jours du mois de février, en 1888 et en 1889, en prenant toujours la tem- pérature à deux heures du soir, la différence a atteint 8°. Les saisons extrêmes, l'hiver et l'été, sont très mar- quées ici. L'hiver sec, n'est pas très froid en général, il présente de grandes variations de température dans un même jour, et en particulier, dans une même nuit. L'été est la saison des pluies, et alors on observe toutes les conditions spéciales de l'humidité et de la chaleur. Dans ces circonstances, sous l'influence des vicissi- situdes atmosphériques qui les accompagnent, les oscil- lations thermométriques sont très marquées entre le jour et la nuit; des pluies abondantes, causant la for- mation de marais, qui envoyent leurs miasmes sur la population; des vents violents, mais qui durent peu; dans ces circonstances, disons-nous, l'organisme se res- sent d'un état qui pèse sur lui et qui lui fait souffrir de graves conséquences se traduisant par des désordres des appareils respiratoire et circulatoire principalement. Ceux qui sont déjà souffrants voient leur état s'aggraver et se trouvent dans des conditions qui les prédisposent à contracter d'autres maladies. Les étrangers s'acclimatent facilement; on n'a pas constaté qu'ils souffrent plus que les naturels de l'in- fluence des saisons et de l'endémie. Le contingent qu'ils fournissent à la mortalité est minime et grâce à l'emploi des moyens prophylactiques, ils se mettent à l'abri de l'invasion. Dans l'Infiernillo, gorge de la vallée de Taff, existe la maladie appelée tembladera qui tue les animaux, comme à Catamarca. (Voir page 546). Tucuman. - La ville de Tucuman, construite sur la rive droite du rio Sali, entourée de montagnes qui ap- partiennent au système de l'Aconquija, a aujourd'hui 45.0U0 habitants, y compris le département. Son sol est 564 d'une fertilité incroyable, et l'épaisseur de la couche de terre végétale varie entre cinquante centimètres et deux ou trois mètres. Ce fait explique suffisamment la production extraor- dinaire de cette contrée, justement appelée le jardin de la République Argentine. Le sous-sol est perméable. Le climat est chaud et sous son influence croissent et se développent les plantes tropicales que l'industrie cultive avec un grand succès. La canne à sucre et l'oranger, le caroubier et l'euca- lyptus, le figuier et le maïs, le riz et le tabac, le noi- setier et la le noyer et le palmier, de même que la vigne prospèrent sous ce beau ciel. La température moyenne de l'année atteint 19°5, mais certaines observations la font monter à 19°21. Dans toute la République Argentine, seules les températures mo- yennes de Catamarca (20°82), Corrientes (21°44), Santiago del Estero (21°49) et Formosa (21°73), lui sont supérieures. Les températures extrêmes qu'on a observées, sont: les plus élevées, de 40°, le 25 décembre 1862; de 39°9, le 20 décembre 1876 et le 21 novembre 1885, par un vent du Nord; de 40°3, le 7 février 1890; les plus bas- ses, de 1°1, les 7 et 8 juillet 1885 (vent du Nord) et 0°9 à 7 heures du matin, le 20 juillet 1885, les 10 et 12 juillet 1886 (vent du Sud) et de 1°9 au-dessous de zéro, le 13 juin 1890. Les mois de janvier et de février sont ceux qui pré- sentent le plus fréquemment les grandes oscillations thermométriques; les observations établissent qu'il est commun de rencontrer des températures de 40° centi- grades à l'ombre. Nous avons fait remarquer plus haut les différences de température qu'on observe à Tucuman, sur un même point, par comparaison à la même saison, d'une année à l'autre; cette différence est également très marquée quelquefois dans une même journée, où une pluie abon- dante modifie la température, en faisant succéder un air frais et agréable à une atmosphère chaude et suffo- cante. Citons, comme exemple, ce qui se produit après 565 le vent du Nord, où, par un contraste, on passe d'une température asphyxiante à la fraîcheur, grâce à l'action des nuages. Des observations de seize années, constatent que cinq fois seulement la température est descendue au-dessous de zéro, et cependant, pendant les mois d'hiver, les gelées et les gelées blanches sont fréquentes. Juin, juillet et août sont les mois les plus froids. La grêle est rare. Dans la ville on a vu seulement une seule fois tomber la neige. Ce phénomène a duré 4 heures, le 18 août 1859, et quand, par la suite, il s'est reproduit, il a eu des proportions insignifiantes et les flocons se fondaient en touchant le sol. A Tafi, il est arrivé que la couche de neige a eu 80 centimètres d'épaisseur. Les pluies sont fréquentes et torrentielles depuis le mois d'octobre jusqu'au mois de mars inclusivement, c'est-à-dire que leur période correspond avec celle des chaleurs. Généralement elles sont accompagnées de gran- des tourmentes et de décharges électriques. En hiver, on ne constate que quelques petites pluies. En juillet et août 1890, il n'est pas tombé une goutte d'eau. En moyenne, la quantité d'eau pluviale de chaque année est de 970 mm. 8, et si on réunit les moyennes mensuelles par saison, on obtient: été,488.2; automne, 233.6; hiver, 31; printemps, 205.3. Le calcul général de neuf années d'observations éta- blit que la moyenne annuelle d'eau de pluie est: jan- vier 187 mm. 3; février 167.5; mars 159.3; avril 44.9; mai 29.4; juin 12.6; juillet 13.0; août 5.5; septembre 16.3; octobre 78.7; novembre 110.3; décembre 145- Total 970 mm. D'après Groussac, la moyenne est de 776 mm; d'après Lillo, elle s'élève à 1023.6. En prenant un terme moyen entre les deux chiffres 970 et 1023, nous avons 996 mm. de pluies dans la ville de Tucuman, quantité bien inférieure à celle qui correspond à Cherrapoonjee, Seathvaite, Coimbre, Sin- 566 gapore, Sierra Leone, Vera Cruz. Maranhao et très su- périeure à celle du plus grand nombre des villes du midi et du nord de la France. Si l'on compare la moyenne des pluies dans les biffé rentes villes de la République Argentine, il résulte qu'à Formosa, Corrientes, Goya et Concordia il pleut plus qu'à Tucuman; que dans cette ville, il pleut autant qu'au Rosario, un peu plus qu'à Paranâ., plus encore qu'à Buenos Aires, un tiers de plus qu'à Côrdoba, deux fois plus qu'à Santiago del Estero, Salta et San Luis; trois fois plus qu'à La Rioja, six fois plus qu'à Mendoza, quinze fois plus qu'à San Juan. Au moment des pluies, celles-ci prennent la forme d'une tempête, elles durent plusieurs jours et tombent sans interruption; nous Pavons déjà dit, elles sont tor- rentielles. Il s'est produit quelquefois, comme en 1863 et 1872, que, par suite des pluies, les rios débordent, inondent la plaine, emportent tout ce qu'ils rencontrent en faisant de véritables ravages. Cependant, ces derniers phénomènes sont exceptionnels. Les lignes suivantes que nous empruntons à un jour- nal de Tucuman (12 février 1894), rendent compte d'une pluie vraiment extraordinaire: « Les personnes les plus âgées n'ont pas souvenance d'une pluie aussi abondante que celle qui est tombée hier dans la province. « En moins de deux heures, le pluviomètre a marqué l'énorme quantité de 117 millimètres de pluie, d'après les observations exactes de M. Lillo. « La ville et la campagne ont été inondées, les rues se sont converties en torrents, les champs ensemencés en lagunes, plusieurs maisons des faubourgs ont été dé- molies par le courant de l'eau, d'autres sont restées dans un mauvais état, et on peut craindre qu'elles ne s'é- croulent. « Les plantations, et particulièrement celles de tabac, ont souffert un préjudice énorme. « Pendant deux heures, le transit dans la ville a été complètement interrompu, les tramways ont suspendu leur service, parce que les rues étaient sous l'eau. » 567 Les vents du Sud et du Nord dominent; si on cherche à se rendre compte de la moyenne de leur fréquence relative d'après des observations de 3 heures différentes de la journée, on a par an: Sud 221, Sud-Ouest 193, Nord-Ouest 118, Nord 101, Sud-Est 92, Nord-Est 74. Les jours de calme sont re- présentés par 49. Les vents obéissent ici à des influences locales dé- pendant soit des montagnes, soit des grandes forêts qui entourent le territoire de la province. Des brises agréables rafraîchissent l'atmosphère pen- dant la nuit. Le vent du Nord, toujours chaud et malsain, a une action évidente sur l'organisme. La preuve en est dans l'extrême irritabilité qu'il produit sur le système ner- veux, dans le grand nombre de migraines qu'il occa- sionne, dans la fatigue qu'il fait naître dans l'économie qui perd tout équilibre, et dans tous les autres désor- dres qui en sont la conséquence. En général on le pressent, certaines personnes l'an- noncent sans se tromper. C'est le Zonda des provinces de Cuyo avec les mêmes inconvénients. Ce vent provoque toujours une élévation de la tem- pérature, car il vient de la zone torride, chargé de chaleur et d'humidité, mais il dure peu de temps, presque jamais plus de 24 heures. Généralement il est le messager de grandes tourmentes ou de vents du Sud-Ouest. La pression atmosphérique observée pendant trois heures différentes est la suivante: 7 heures du matin, 723.43; 2 heures du soir, 721.90; 9 heures du soir, 722.80; ce qui donne une moyenne de 722.71. La plus forte pression observée a été de 739 mm. 94 le 4 août 1881, avec un vent Nord-Nord-Ouest. La plus faible 709.40, le 14 juillet 1880, avec un vent Sud-Ouest. L'humidité atmosphérique est: 7 heures du matin, 77.3; 2 heures du soir, 66.6; 9 heures de soir, 76.1. Moyenne, 73.4. 568 Les vents du Sud-Est, Sud et Sud-Ouest, sont ceux pendant lesquels règne la plus grande humidité; pen- dant la durée de ceux du Nord-Ouest et du Nord-Est, l'humidité est la plus faible. Le jour de la plus faible humidité relative de l'air a été le 8 novembre 1885, avec 8 centièmes. La pression de la vapeur atmosphérique était, ce jour là, 7 mm. 16. La moyenne de la différence d'humidité produite par le vent n'atteint pas 8 centièmes. La moyenne an- nuelle des jours nuageux est de 52, et les mois qui fournissent le plus de jours pendant lesquels plus de la moitié du firmament est couverte de nuages sont dans cet ordre, comme fréquence: avril, mars, février, janvier, octobre, novembre, décembre et juin. La ville n'a pas encore de service d'eaux courantes; l'eau potable provient des pluies, et elle est recueillie dans des citernes. On se sert aussi de celle des puits, qui, sur bien des points, est dans de bonnes conditions, elle n'est pas salée et dissout le savon. Une grande partie des habitants ne se sert que de cette dernière. Les puits ont ordinairement de 10 à 15 mètres de profondeur; mais dans le quartier qu'on appelle le bajo, c'est-à-dire dans la partie comprise entre le rio et la ville, ils n'ont pas plus de 2 ou 3 mètres. Ce quartier est humide et fournit un contingent régulier de fiévreux. A proprement parler, il n'y a pas là de cours d'eau, puisque le rio Sali, sur la rive droite duquel la ville est construite, a son lit à deux kilomètres de distance. Dans les environs il existe une grande quantité de ruisseaux qui sont utilisés pour la culture des champs. Autrefois il y avait à Tucuman beaucoup de marais, mais actuellement ils diminuent par suite des progrès de l'industrie et de l'augmentation de la population, à tel point qu'on peut assurer qu'il n'existe de lagunes qu'à plusieurs kilomètres de la ville. Les pluies occasionnent de véritables inondations, et alors la partie basse se trouve*dans de très mauvaises conditions et est attaquée directement par l'action du paludisme. 569 Comme conséquence de ces inondations, la superficie envahie par les eaux, reste couverte d'une couche de matière organique qui n'attend que la présence de la chaleur pour produire des fermentations qui, à leur tour, engendrent la malaria. Ajoutez à cela la circonstance de l'humidité constamment maintenue par le peu de profondeur de la couche d'eau (un mètre sur certains points) et on comprendra toute l'importance de l'insa- lubrité de ce quartier. Les parages voisins de cette section qui présentent aussi des conditions très favorables pour le développe- ment de l'infection malarienne sont: San Felipe, Ma- nantial, Santa Barbara et entre autres la partie comprise entre la station Lules et la ville. Dans l'opinion du Dr. Canton, ce sont ces parages qui donnent, à la partie Sud de la ville de Tucuman, les caractères d'une zone éminemment palustre et occa- sionnent le plus grand nombre de cas de fièvre tierce, en faisant sentir leurs effets jusque dans les faubourgs. Comme bous n'avons pas l'intention de faire ici la géographie médicale du Paludisme, nous rappellerons seu- lement que parmi les localités paludéennes de cette province figurent les environs des ingénios, (') appe- lés Lastenia, San Juan, Pondal, San Andrés, Anil, dans le département de CruzAlta; Yerba Buena, Ojo de Agua, dans Tafi (2); Malvinas, Lules, Cuatro Sauces, et Campo Redondo(3), dans Famaillâ; Simoca, Polear, Pampa Mayo, dans Monteros; Concepcion, Gastona, Ingas, Santa Cruz, Florida, dans Chicligasta; Aguilares, Santa Ana, Naranjo, Esquina, dans Rio Chico; Cocha et Graneros, dans le département de ce dernier nom; Entre Rios, dans Leales. P) Ingéniés'- établissements pour les plantations et l'élaboration de la canne à sucre. (a) Dans ces deux localités de Tafi, l'infection s'engendre directe- ment dans le sol. (3) Dans ce pays, comme dans les deux dépendant de Tafi, cités précédemment, l'infection se produit sur le sol même. 570 Certaines localités situées à la droite du rio Grande et d'autres qui se trouvent dans les environs du rio Alurralde et de la rivière de Trancas, dans ce dernier district, certains villages près du rio du Zapallar, dans le Timbô, dans le Chanar et Burruyaco, sont également paludéens. La fièvre tierce est celle qui se présente le plus sou- vent; la quotidienne est également assez fréquente; la lièvre quarte est très rare. Nous étudierons plus loin les formes combinées des lièvres typho-malariennes qui, comme nous le savons, sont communes à Tucuman, et nous en parlerons à propos de la fièvre typhoïde, entité à peu près inconnue ici, puisque jamais elle ne se montre sous son aspect ca- ractéristique. Si on recherche les causes qui entretiennent dans cer- tains parages l'endémie paludéenne, on reconnaît qu'elle est favorisée par l'abondance des pluies, l'humidité naturelle du sol, sa propre richesse en matières orga- niques, les soulèvements de terrain, le défaut d'écoule- ment des eaux, la température élevée des plaines, l'action de la chaleur qui active la végétation, sans oublier celle qu'elle exerce naturellement sur l'évolution de plusieurs maladies et en particulier des maladies infec- tieuses. Les habitants des montagnes sont à l'abri de l'in- fection, et s'ils la contractent, c'est lorsqu'ils se rendent dans la région basse. La fièvre typhoïde ne s'observe pas ici avec des ca- ractères bien déterminés; il est très rare de rencontrer un cas typique, dont le diagnostic ne laissera aucun doute sur la véritable maladie. Mais par contre, ce qui abon- de, c'est, d'après le Dr. M. Cossio, « une variété infinie de fièvres rémittentes paludéennes qui, suivant les diffé- rentes saisons de l'année, prennent une forme distincte. » Durant l'été de 1891-1892, sous l'influence de fortes chaleurs, on a observé des cas très nombreux de fiè- vres continues dont la durée variait entre 8 et 30 jours et même davantage. Quand cette fièvre se prolonge, les 571 malades ont les apparences des typhiques, mais on ne pourrait dire qu'ils sont dans le véritable état qui ca- ractérise d'une façon spéciale la fièvre typhoïde. Le début de l'infection malarienne peut se confondre avec celui de la fièvre typhoïde; mais une observation attentive et l'absence presque totale de cette dernière comme maladie spéciale, isolée, concentrera toute l'at- tention du médecin sur la première de ces entités morbides. Plus loin dans le chapitre du Paludisme, nous verrons les caractères différentiels de l'une et de l'autre. Dans la morbidité de Tucuman, les affections de l'appareil digestif occupent le premier rang après la malaria, et à ce sujet il faut faire observer l'influencé de l'alimentation insuffisante et du mate. En ce qui concerne la première, on est d'accord pour reconnaître qu'elle est insuffisante, parce que les ali- ments ne renferment qu'une proportion très faible de principes nutritifs. Il en résulte très généralement dans le pays un état anémique, dont les mauvais effets sont aggravés notablement par l'irrégularité des repas. Les maisons dans lesquelles on mange à heure fixe sont bien rares, mais il faut remarquer que la nourriture est saine, et si les maladies de l'appareil digestif sont fréquentes, il faut les attribuer aux causes déjà indi- quées et à l'abus du mate, avec lequel les personnes absorbent une grande quantité d'eau, sans aucun profit. Quoique on s'accorde à reconnaître la bonne qualité des eaux de puits pour la consommation, une analyse serait nécessaire pour apprécier ce qu'elles valent réel- lement. L'abus que les paysans font de l'alcool, est une autre cause qui contribue à cette classe de maladies. La rougeole, la pleuro-pneumonie, la coqueluche, les névralgies, la syphilis, la dysenterie, la gastrite sont fréquentes. La variole, qui autrefois sévissait constamment, a dis- paru avec la vaccination. 572 La tuberculose pulmonaire est rare, et on a observé que sa marche est très lente; elle représente le 3 % de la mortalité générale. En 1889, il est mort à Tucuman 1.788 personnes, 935 hommes et 833 femmes; 1.722 étaient Argentins, 27 Espagnols, 16 Français, 11 Italiens, etc. Sur ce chiffre de 1.788, on compte 927 enfants. Les maladies qui ont fourni le plus fort contingent, en comprenant les enfants, sont: les fièvres paludéennes 209; pneumonie 250; péritonite 138; gastro-entérite 126; lésions cardiaques 59; méningite 54; congestion céré- brale 59; dysenterie 43; mort subite 34; diphtérie et croup 54; entérite et gastro-entérite 31; tétanos infantil 47; tuberculose pulmonaire 56, tandis que 2 seulement sont dus à la fièvre typhoïde. Les autres maladies figurent dans une proportion très faible. Dans la mortalité des enfants, qui s'est élevée au chiffre de 927, les facteurs principaux sont: faiblesse congénitale 188; fièvres intermittentes 145; gastro-enté- rite 45; péritonite 81 ; viennent ensuite avec des chiffres divers, la méningite, le tétanos, la coqueluche, la con- gestion cérébrale, la rougeole, la dysenterie, la pneumo- nie, etc. Ces renseignements donnent une proportion de 44 décès pour 1.000 habitants, qui est certes très considérable- La vérité est que pareil résultat doit être attribué aux effets du paludisme, à l'alimentation insuffisante et à l'abus de l'alcool par la classe qui travaille. Monteros. - Ce département, un des plus importants de la province de Tucuman, a une population de 30.000 habitants, sur lesquels 5.000 correspondent à la ville de Monteros, sa capitale, située à 391 mètres au-dessus du niveau de la mer, et dont nous allons nous occuper. Son sol est spécialement formé d'argile, de silex, de sodium, de potasse et de cailloux. La couche d'humus a jusqu'à 0.70 centimètres d'épaisseur et la végétation dans son territoire est extrêmement abondante, comme 573 elle l'est dans toute la province, ainsi que nous l'avons déjà dit. A l'Ouest se trouve la région montagneuse, qui lui donne son nom, dont les sommets atteignent jusqu'à 5.000 mètres; la plaine occupe le reste. La situation de cette localité est, de tous points, ex- ceptionnelle. C'est véritablement une île; elle est en- tourée de rios de tous les côtés et construite sur le bord d'une rivière très importante. Les rios qui la limitent et la traversent, s'appellent ainsi: Rio Seco, Valderrama, Romanos, Arenillas, du Pueblo Nuevo, Mandolo. Il y a en outre d'autres cours d'eau, mais qui sont très secondaires. Tout cela contribue à donner au paysage un aspect encore plus intéressant. Le climat est chaud et humide. L'été est pluvieux, et la température extraordinaire pendant cette saison, 40° c. à l'ombre. Après quelques jours d'une chaleur vraiment suffocante, durant lesquels on observe une augmentation de l'élévation thermomé- trique, très sensible d'un jour à l'autre, la pluie sur- vient, le thermomètre baisse et une fraîcheur délicieuse s'établit. Trois ou quatre jours se passent ainsi; l'air frais disparaît et la température s'élève de nouveau jusqu'à ce qu'une autre pluie redonne à la population une température supportable et très certainement agréa- ble. Si au lendemain d'une pluie, l'atmosphère est encore suffocante, il est certain qu'il en tombera une seconde qui rafraîchira l'air. Voici quelques renseignements thermométriques à l'appui de ce que nous venons de dire: le 10 février 1892, à 2 heures du soir, la température est de 27° à l'ombre; il pleut le même jour, et le lendemain elle s'abaisse à 22° et le jour suivant à 19°. La plus forte pression barométrique observée en 1892, arrive à 733. Les habitants se servent de l'eau de puits qu'on ren- contre à peu de profondeur; c'est là un sérieux incon- 574 vénient. En effet, connue la terre est très riche en substances végétales, on comprend que celles-ci doivent se mélanger avec l'eau à laquelle elles communiquent une saveur désagréable. Si nous ajoutons que ces eaux de puits sont, en général, par leur composition, impro- pres pour l'alimentation, il résulte que leur emploi in- térieur est très nuisible et se traduit par des affections bien déterminées, particulièrement de l'appareil digestif. Ces inconvénients qui sont observés journellement, sont aggravés encore par l'action indiscutable du sys- tème déplorable de latrines qui existe ici. L'éternelle routine de nos populations primitives: les latrines au fond de la maison et à côté du puits. Comme à Monteros, la couche d'eau souterraine est très super- ficielle, elle a les plus grandes facilités pour liquéfier les excréments et favoriser leur absorption par la terre que la végétation et les nombreux cours d'eau rendent cons- tamment humide. Ajoutez à ce tableau affligeant, véritable défi à l'hy- giène publique, la négligence et l'incurie qui font qu'on n'employe pas de substances désinfectantes et on se fera une idée de ses conditions sanitaires. Il nous reste encore à parler des marais. Il existe sur plusieurs points de la localité de véritables lagunes qui contiennent presque toujours de l'eau, des substan- ces végétales qui se décomposent sous le soleil ardent de la contrée. Parmi les parages marécageux, il y en a un qui est digne d'une mention spéciale: c'est le terrain sur lequel est construit X'ingénio Santa Lucia, à 10 kilomètres de cette localité; c'est un endroit extrêmement bas, qui favorise la stagnation des eaux de pluies et des détri- tus de la canne à sucre. Les plantations de maïs et de riz qui l'entourent, contribuent à lui donner la juste réputation d'être le point le plus insalubre du district, car il réunit toutes les conditions pour la mériter. S'il faut ajouter un nouveau détail pour confirmer cette appréciation, nous n'avons qu'à citer ce fait que 575 les trois quarts des paludiques soignés à l'hôpital de Monteros, viennent du foyer constitué par cet établis- sement. En 1891 et 1892. l'influenza, la variole et la coquelu- che ont envahi ce parage et ont fait de nombreuses victimes. Le typhus abdominal n'attaque pas ici avec des carac- tères bien déterminés, mais on observe assez fréquem- ment les lièvres typho-malariennes; l'énonciation des causes citées plus haut suffit pour se rendre compte de ces phénomènes. Relativement à l'âge, il faut remarquer que les enfants sont rarement atteints; parmi ceux qui ont eu cette dernière maladie, le plus jeune avait 13 ans. Les fièvres typho-malariennes, d'après le Dr. Julio B. Valdés, se sont présentées sous deux aspects: l'un, d'une évolution lente et d'une fièvre bien accentuée, mais avec des heures de complète apyrexie; l'autre, d'une évolution courte avec de petites réactions fébriles, mais avec un plus grand nombre d'heures apyrectiques. Tous les malades se sont guéris. Les complications broncho-pulmonaires ont été rares. Dans les cas qui se sont produits, on a donné de la quinine à haute dose dans les intervalles de la fièvre, et quand celle-ci était très élevée, on employait les lotions de vinaigre aromatique, en suivant les indica- tions de Jaccoud pour le traitement du typhus abdo- minal. Le paludisme est l'endémie régnante dans la province de Tucuman, et il se présente sous les différentes formes cliniques connues aujourd'hui. On ne peut dire qu'on ait adopté quelque résolution pour améliorer les conditions sanitaires; l'ignorance des habitants et l'incurie des autorités marchent de pair. CHAPITRE XXV PROVINCE DE SALTA Sommaire. - Généralités, aspect, population. - Géologie. --Produits naturels.-Fer- tilité de la terre. - Les tremblements. - Rios et rivières. - Les chaînes de montagnes. - Le climat. - Les pluies. - Ville de Salta : population, climat, etc. - Approvisionnement d'eau. - Action des pluies. - Le goitre. - Les latrines et les puisards. - Morbidité. - Le paludisme endé- mique à Salta. - La fièvre typhoïde, la pneumonie et l'adynamie. - Acclimatation. Salta est une des plus belles provinces argentines; son climat offre de nombreuses variétés qui permettent l'acclimatation des naturels de toutes les zones du globe. Ses montagnes, ses vallées, sa végétation, sa tempé- rature distribuées en différentes altitudes, lui donnent un aspect spécial qui laisse dans l'esprit du voyageur l'impression la plus favorable. Comme toute la région Nord, Salta offre un panorama enchanteur, la nature lui a prodigué ses richesses, et les beautés qu'elle présente sont infinies. Stations de bains, où la température en hiver ne descend pas au-dessous de 9°3, des eaux minérales dont les propriétés sont bien définies, terres d'une fer- tilité étonnante, climat favorable pour les malades, forêts immenses renfermant des bois en quantités in- calculables, minerais abondants : que manque-t-il à cette province, comme éléments naturels, pour se développer et pour occuper, au milieu des autres, le rang auquel elle a droit? 577 En compensation des conditions spéciales si nombreu- ses, si évidentes qui la distinguent, Salta a l'énorme inconvénient de son étendue, et c'est une des princi- pales raisons qui s'opposent à ses progrès. La popula- tion est minime relativement à l'immense superficie de terrain qu'elle compte. Son territoire embrasse 128.266 kilomètres carrés et contient 270.000 âmes environ. Ce chiffre a augmenté successivement dans les proportions suivantes : En 1825..... 40.000 habitants 1830 64.800 - 1854 80.000 - 1869 (recensement national) 88.000 - 1884 155.000 - 1894 270.000 - Ainsi à Salta, il y a 2.1 habitants par kilomètre carré. Considérées au point de vue géologique, ses monta- gnes peuvent se diviser en quatre catégories: porphyre, gneiss, roches métamorphiques, grès et pierres calcaires. On y trouve le marbre en abondance, le chlorure de sodium, la houille, l'asphalte, le pétrole, le plâtre, l'or, l'argent, le cuivre, le nickel, le fer, le plomb, etc. Les vallées Calchaquies sont célèbres par leurs richesses. Le kaolin existe très près de la capitale, à 30 kilomè- tres seulement, dans la direction de Jujuy, et il produit une porcelaine de première qualité. Le sol des plaines au levant des montagnes est ar- gilo-sablonneux, comme celui de Santiago del Estero, mais bien moins sec. Sur quelques points du centre de la province, dans certaines vallées, et particulièrement dans celle de Ler- ma, on rencontre de gros cailloux; les eaux des torrents et des lacs intérieurs se sont frayées un passage au mi- lieu d'eux en profitant des secousses que la terre a éprouvées et éprouve encore avec une intensité moins marquée. Nous avons déjà dit que la fertilité de son sol est étonnante, grâce à une humidité suffisante et à une CLIMATOLOGIE MEDICALE. 578 couche d'humus assez considérable. Le cèdre, l'urunday, le noyer, le lapacho, le quebracho, l'oranger, la chiri- moya, l'arrayan, le ceibo, le guayaco, le mistol, la canne à sucre, la tipa, les céréales, la vigne, le lin, la pomme de terre, les fruits se développent avec une force inu- sitée; à leur côté, croit également le jasmin; les pâtu- rages poussent avec vigueur et nourrissent les animaux innombrables qui vivent dans les champs. L'exubérance de la végétation à Cran est proverbiale. Les tremblements de terre qui ont été observés n'ont pas eu de grandes conséquences, sauf celui de 1844 qui a produit une vive alarme et qui a fait craindre que toute la ville de Salta ne fût détruite. Heureusement ce n'a été qu'une crainte. Ceux de 1858 et de 1862, n'ont pas eu d'importance; quelques autres très rares qu'on a sentis depuis, n'ont pas préoccupé l'attention des habitants. Les principaux rios de la province sont : leJuramento, le San Francisco et le Bermejo. Il faut citer également le rio de la Silleta, constitué par les eaux des gorges du Toro, de l'Escoipe et du rio Arias, qui se dirige sur la ville de Salta; quelques torrents allant vers le rio los Horcones qui nait à l'extrémité Nord de l'Aconquija et passe par le Rosario de Lerma. Des ramifications des Andes s'étendent sur cette pro- vince; et les principales sont celles de la Cordillère for- mant le versant occidental de la vallée de Calchaqui et de Santa Maria; plus loin, le plateau qui s'étend depuis Acay jusqu'aux vallées de Humahuaca et de Lerma; les chaînes de Zenta et de Calilegua avec leurs pro- longements vers le Sud; celle de la Lumbrera et les lignes secondaires au Sud du rio Juramento. Les sommets de quelques-unes de ces montagnes de la région Nord atteignent 6.000 mètres, comme ceux de l'A- cay, Cachi, Cerro Negro; 3.000 mètres, ceux des montagnes du Sud, et 2.500 mètres ceux de la Lumbrera à l'Est. Les plateaux du Nord atteignent à 4.000 mètres d'élévation. Etant donnée sa situation géographique, Salta devrait avoir un climat très chaud, mais son altitude se charge de le modifier, et il en résulte que la température des- cend proportionnellement à l'élévation du terrain; aussi 579 Oran et Campo Santo présentent seuls des climats tropi- caux; dans la première de ces deux localités, la végétation atteint le plus grand développement dans l'exubérance de la terre Saltena. A Oran et à Rivadavia, la tempéra- ture est plus élevée que dans le reste de la province; par contre à Cachi, Santa Victoria, Payogasta, on n'ob- serve presque aucune transition du printemps à l'été. Dans ces points extrêmes sont compris tous les climats et c'est pour cela que nous disions plus haut que sous le ciel de Salta, les hommes de toutes les zones peuvent vivre. En hiver, le temps est sec et frais; la neige tombe parfois dans les terrains situés à plus de 1.000 mètres, mais elle dure peu. Pendant le jour, le soleil répand une douce chaleur. Les pluies sont abondantes en été; en hiver, il pleut très rarement. Salta. - La ville de Salta compte 25.000 habitants environ. Son sol est peu perméable, très humide, et d'une fer- tilité extraordinaire; comme Tucuman, il est couvert d'une couche épaisse d'humus; des nappes d'eau appa- raissent à 1 et 2 mètres de profondeur. Le climat est tempéré; il présente des variations dans une même saison et dans un même jour. En prenant les températures extrêmes, par mois, dans différentes années, on obtient: MOIS Mâxima Minima Variations extrêmes Janvier........ 43.0 10 0 33 0 Février 38.0 12 0 26 0 Mars 35.0 9 6 25 4 Avril , 32.5 5 0 27 5 Mai 29.8 - 4.0 33.8 Juin 29.2 - 5.8 35 0 Juillet 28.0 - 2.0 30 0 Août 33.0 - 2 0 35 0 Septembre 35.0 1.0 34 0 Octobre 35.0 30 0 Novembre 38.0 8.0 30.0 Décembre 38.0 11.0 27.0 580 En considérant les moyennes mensuelles de 13 an- nées d'observation, il résulte: Janvier 22.13; février 21.48; mars 19.84; avril 16.90; mai 14.12; juin 10.58; juillet 11.41; août 14.21; sep- tembre 16.73; octobre 19.19; novembre 21.57; décem- bre 22.47, ce qui donne une moyenne annuelle de 17.55. Les oscillations sont, par suite, très marquées; par exemple, entre la température la plus élevée observée le 7 janvier 1875, et la plus basse le 29 juin 1873, on a une différence de 48.8. On a constaté que pendant 3 ans, la température n'est pas montée à 30°, pendant le mois de décembre, et en janvier 1881, elle a été seulement de 26°8. Voici les chiffres relatifs à l'humidité minima, maxi- ma et la moyenne de la vapeur atmosphérique: MOIS Humidité minima Humidité maxima Moyenne de la vapeur atmosphérique Janvier 25 78.1 15.15 Février 25 80.8 15.22 Mars 16 82.1 14.32 Avril 23 78.1 11.31 Mai 11 76.5 9.12 Juin 1 71.9 6.99 Juillet 2 66.3 6.67 Août 7 62.4 7.66 Septem bre 9 62.2 8.88 Octobre 7 6.3.2 10.31 Novembre 10 66.8 12.58 Décembre 11 71.0 14.22 Les périodes de nuages peuvent être calculées en tenant compte du nombre moyen de jours pendant les- quels la moitié du ciel est restée couverte et il résuite: janvier 61; février 57; mars 65; avril 67; mai 52; juin 40; juillet 29; août 26; septembre 37; octobre 55; no- vembre 60; décembre 35. La moyenne de la pression atmosphérique est 661.55. Les vents du Nord, Nord-Est et Nord-Ouest domi- 581 nent. Leur fréquence relative est représentée respecti- vement par les chiffres suivants: les premiers, 254; les seconds, 264; les troisièmes, 171. Les autres vents sont insignifiants. Les pluies sont extraordinairement abondantes pen- dant les mois de grande chaleur: décembre, janvier, février et mars; elles sont rares en août, octobre et novembre et presque nulles en juin, juillet et août. Durant neuf années consécutives, il n'a pas plu une seule fois pendant le mois de juillet. Très souvent les pluies d'été sont accompagnées de grandes tourmentes et de neiges abondantes. La moyenne annuelle, prise depuis 1873 jusqu'à 1882, est de 633.6 mm. Il faut observer que tandis que cette moyenne a donné seulement 287.6 mm. en 1875, et 398.1 mm. en 1885, elle s'est élevée à 519.1 mm. en 1883 et à 588.3 mm. en 1880. Il existe plusieurs contrées et notamment celles qui correspondent à TOuest de la région montagneuse qui ne sont pas privilégiées au point de vue des pluies et qui, par suite, sont extrêmement sèches. Dans la vallée de Lerma, la moyenne des pluies est ordinaire, mais elle est supérieure à Anta, Candelaria, Campo Santo, Métan, c'est-à-dire dans la région inter- médiaire entre la plaine et la montagne. Sous leur influence, les rivières et les lagunes mon- tent et quand après cette saison, les eaux se retirent et que ces rivières et ces lagunes se dessèchent, il se forme des marais dont l'action malfaisante est bien connue et qui sont les générateurs des fièvres palu- déennes. La population boit l'eau du rio Arias, qui coule au Sud de la ville et qui en est la limite. Le niveau de ce rio est plus élevé que celui de la cité. Un ruisseau, appelé Canal du Sud, coule dans les environs de Salta, mais ses eaux ne sont pas utilisées parce qu'on sait qu'elles charrient des immondices. Il faut ajouter que les autorités ne se préoccupent pas de les purifier. 582 La classe pauvre se sert généralement de l'eau de puits pour son alimentation. Dans la partie Nord, cette eau est de bonne qualité et presque potable. Les latrines ne sont pas installées convenablement et leur construction est très défectueuse. De plus, leur nombre est rare, et une partie des habitants n'en a pas à sa disposition. Ce fait constitue un danger sérieux pour la santé publique et il est urgent d'y remédier. Les puisards sont encore plus rares. Ces inconvénients qui subsistent et subsisteront long- temps encore, sont aggravés par les sites marécageux qu'on rencontre dans toutes les directions aux environ de la ville. Ils expliquent la présence de la fièvre paludéenne sous toutes les formes observées à l'état endémique et qui, pendant les mois de février et de mars principa- lement, prend un caractère épidémique. Le goitre s'observe assez souvent, comme nous l'avons vu pour Mendoza; il est produit par certaines eaux qui, d'après les études modernes, renfermeraient le micro-organisme générateur. On a constaté fréquemment la pneumonie, et toutes les maladies paraissent accompagnées d'une profonde ady- namie. Si nous cherchons les causes de la fièvre typhoïde, nous constatons en première ligne l'absence complète d'hygiène dans la construction et l'entretien des la- trines, la décomposition de la matière organique végé- tale et animale, qui s'agglomère dans les marais et s'exhale sous la forme de gaz, se répandant de toute part; des cadavres de chiens en putréfaction, etc., qu'on rencontre dans les faubourgs. Le traitement employé est, au début, une diète limitée à du vin et du bouillon; dans la première semaine, des purgatifs et parfois du calomel, de la quinine, des bains tièdes ou chauds, la désinfection intestinale par le salol ou le salicylate de magnésie. Suivant les cas, on isole le malade. La désinfection des matières fécales est pratiquée. 583 Selon le Dr. Arias, la fièvre typhoïde attaque rare- ment les enfants; il n'y a pas de statistique qui nous fasse connaître ses effets sur la mortalité générale. Relevons un fait constamment observé dans cette ré- gion: l'adynamie accompagne généralement la pneumo- nie et la dothiénentherie; cet état est dû certainement aux effets que la malaria produit sur l'organisme en l'appauvrissant et en l'entraînant sur la pente qui le conduit à la décadence. Nous avons rappelé la pneumonie qui fait ici des invasions assez fréquentes en montrant dans ses mani- festations de nombreux points de contact avec l'endé- mie paludéenne, et il est à propos de se demander est- elle évidemment d'une origine paludéenne ou bien vient- elle se greffer, au cours de la malaria, sans avoir avec elle aucun rapport étiologique? C'est là une question qui, pendant longtemps, a pré- occupé les cliniciens les plus expérimentés et a donné lieu à des théories et des explications qui n'ont pas toujours été satisfaisantes. D'après le professeur Baccelli, les deux maladies coexistent, et chacune conserve son caractère indépen- dant propre, sans qu'on ait à tenir compte de l'ordre dans lequel elles se sont présentées. Les phénomènes congestifs et fébriles de la pneumonie sont puissamment influencés par l'irritation occasionnée par la malaria. Nous avons donc deux types morbides distincts, l'un continu et l'autre intermittent. De l'action des deux, c'est-à-dire quand l'un fait son invasion, l'autre étant présent, il survient un état que cet auteur appelle « fièvre proportionnée. » Les manifestations paludéennes étaient autrefois très fréquentes à Salta. Aujourd'hui on observe heureuse- ment une diminution consolante due sans doute à quelques améliorations introduites dans l'hygiène pu- blique, au pavage des rues et au dessèchement des ma- rais. On peut calculer que le 25 à 30 % des malades entrant à l'hôpital est atteint de paludisme. On a constaté, ce qui s'est vu dans tous les pays où 584 règne cette endémie, des époques de repos, des époques d'activité. Les mois compris entre la fin de mai et la fin de septembre sont ceux pendant lesquels on a ici le plus de probabilités de ne pas être atteint par la malaria. Pour tout ce qui est relatif au paludisme, nous renvoyons au chapitre spécial qui traite de cette ma- tière. Les étrangers s'acclimatent bien; les fièvres paludéen- nes les atteignent, mais en général ils se guérissent. CHAPITRE XXVI PROVINCE DE JUJUY Sommaire. - Situation, limites, population. - Division territoriale. - Géologie. - Rios. - Les pluies. - La Puna.- Ville de Jujuy: Situation, hauteur, saisons.-Approvisionnement d'eau. - Opinion du Dr. Jaime Carrillo. - Les caneaux à l'air libre. - Les puits. - Les rios. - Les marais. - Morbi- dité.-Fièvre typhoïde.-Paludisme.-Le goitre. - La variole.-Mortalité. La province de Jujuy, située entre le 22° et le 24° de latitude Sud, le 66° et le 69° de longitude orientale, présente de grandes analogies avec celle de Salta; cette analogie résulte des conditions de son sol. de ses pro- duits, de son climat en général. Géographiquement, la première est considérée comme la continuation de la seconde, dont elle est limitrophe de plusieurs côtés. Sa population actuelle est de 100.000 habitants en- viron; sa superficie, de 45.286 kilomètres carrés. Il faut distinguer la région montagneuse et la plaine; la première est beaucoup plus importante que la seconde. Au Nord de la province, nous trouvons de hautes montagnes, de vastes plateaux, des lacs, des pics cou- verts de neige, un air sec et raréfié, une chaleur forte sous l'action du soleil et un froid très intense pendant la nuit. Ces variations journalières de la température sont parfois de 6° minimum et 28° maximum, en 24 heures. Au Sud et à EEst, au contraire, de larges vallées, de nombreux rios, des vents plus rares et moins vio- 586 lents provoquent une température agréable et qui varie peu pendant le jour. Astronomiquement, ce territoire est compris, dans sa partie Nord, dans la zone torride, au Sud, dans la zone tempérée. Relativement à sa constitution géologique, les études les plus récentes peuvent se condenser, selon le Dr. Joaquin Carrillo, en ces mots: La formation est extrê- mement variée; il semble que le sous-sol des monta- gnes est formé de gneiss auquel se mélangent des feld- spaths, des quartz et des granits. Ces superpositions et cette variété ne permettent pas une classification bien nette. Dans quelques régions, la formation silurienne domine, et un peu plus loin on observe la constitution sablonneuse et calcaire, ou bien celle résultant de l'al- luvion, soit encore du pétrole. Les montagnes renferment des veines de métaux variés: le quartz aurifère abonde en filons et en gisements, on trouve aussi le cristal de roche, des cailloux et des quartz hyalins des espèces les plus variées. Les roches métamorphiques sont re- marquables sur plusieurs points des montagnes du Nord et même de l'Est. Les terrains salins occupent une étendue considéra- rable sur les plateaux et les versants du Santa Bar- bara. On observe également des oxydes métalliques épars dans les terrains argileux. On a rencontré des fossiles d'animaux de l'époque primordiale dans plu- sieurs parages et des dépôts d'alun dans les points élevés de l'Est. La couche de terre végétale est variable dans les ter- rains d'alluvion; faible mais féconde dans les vallées étroites, elle est épaisse dans les plaines; on la trouve dans toute la région montagneuse de l'Est et dans le versant oriental de tous les autres cordons. Le rio Grande de Jujuy, que nous avons déjà connu sous le nom de San Francisco (Lavayen), constitue avec ses affluents, le système hydrographique de cette pro- vince, système qui est très riche. 587 Le grand nombre de rios, de rivières et de lacs, qui sillonnent cette contrée, favorisent la végétation, mais en même temps, contribuent au développement du pa- ludisme, ainsi que nous le verrons plus loin. La distribution des pluies démontre que, tandis que certaines régions sont très favorisées sous ce rapport, d'autres, au contraire, n'en bénéficient que rarement. Au Sud et à l'Est, les pluies fréquentes et abondan- tes atteignent jusqu'à 1.200 mm., comme moyenne an- nuelle, tandis que dans le Nord-Ouest, c'est à peine si le pluviomètre marque 350 mm. Le plateau La Pana à 3.500 mètres de hauteur, est très renommé à Jujuy. Jujuy. - La ville de Jujuy, capitale de la province, occupe une vallée pittoresque formée par deux chaînes de montagnes échelonnées, couvertes de végétation, se dirigeant vers l'Ouest pour se confondre avec d'autres hautes montagnes, ramifications des Andes qui limitent l'horizon de ce côté. A l'Est, la vallée est ouverte et présente un panorama vraiment superbe et d'une grande étendue. La cité est construite sur le versant d'un plateau peu élevé; ses rues sont orientées dans la direction des quatre points cardinaux; elle est séparée vers le Nord et vers le Sud de ses deux rios le Grande et le Chico, par des coteaux élevés. Le plan de la ville est dans la direction de ces rios; il est à une hauteur moyenne de 1.230 mètres au-dessus du niveau de la mer; son emplacement est exceptionnel; ses environs, très pittoresques, sont excellents pour la culture, et l'arrosage est abondant. Le sous-sol est formé d'une couche de cailloux unis entre eux par une terre argileuse jaune qui a plus de 20 mètres d'épaisseur; il est très perméable pour les pluies. Malgré le voisinage du tropique, le climat de Jujuy est doux, agréable, et la température moyenne est loin d'être celle des pays tropicaux. 588 Il n'y a presque pas de saisons intermédiaires; l'été et l'hiver sont bien définis. En été, le thermomètre marque rarement 30° et en hiver il ne descend presque jamais jusqu'à 0°. La mo- yenne de la température maxima est 21°36 et celle de la miniina 8°93. Le 11 et le 12 juillet 1892, il a mar- qué 0° et 1° au-dessous de zéro; il y a eu des gelées. Ainsi cette ville qui, par sa latitude, devrait avoir une hante température, présente seulement une moyenne de 16°72 à cause de son élévation et des brises venant des montagnes et des forêts voisines, de même que des nuages qui couvrent son ciel à partir de midi, pendant la majeure partie de l'année. Nous voyons, par suite, que les variations orographi- ques et autres modifient les climats et transforment un pays chaud en un pays doux et tempéré, comme nous l'avons déjà observé à propos de Salta. Ces phénomènes nous expliquent comment la ville de Buenos Aires, à 1.626 kilomètres au Sud, est reliée à Jujuy par la même ligne isotherme. Il pleut abondamment en été. irrégulièrement en sep- tembre et octobre, peu en avril, mai, juin, juillet et août, mais pendant ces mois les brouillards sont fréquents et la neige tombe quelquefois dans les environs des montagnes, tandis que leurs sommets, à 25 kilomètres à l'Ouest, en sont couverts toute l'année. La grêle est très rare. Les pluies d'été, qui sont torrentielles, sont accompagnées de nombreuses décharges électriques. On calcule à 568 mm. la quantité d'eau pluviale qui tombe dans la vallée de Jujuy, durant une année. En dix-sept mois, de 1891 et 1892, il a plu 42 fois, en comptant les orages et les petites pluies. L'hiver est tempéré et sec. Les vents sont rares et d'une faible intensité; les rafales ne sont pas fréquentes, quelquefois elles se pro- duisent dans le Nord, pendant le mois d'août; elles sont violentes, chaudes et sèches. Depuis 10 heures du matin jusqu'à 5 heures du soir, il souille des vents constants dans la vallée de Humahuaca et La Puna. 589 La. moyenne des observations barométriques est de 658.62 mm. Hygromètre 88. Les tremblements de terre ne se produisent que de loin en loin, et on se souvient avec terreur de ceux qui ont été ressentis en 1844 et 1858, qui heureusement n'ont pas eu de conséquences sérieuses. Le système pour la provision d'eau est certainement primitif; il consiste dans un grand canal qui reçoit l'eau du rio Reyes, à une distance de 20 kilomètres, et, en arrivant à la ville, se divise en petits ruisseaux qui pénètrent dans l'intérieur des maisons. Cette eau n'est utilisée que pour l'arrosage des po- tagers et des jardins. L'eau de puits a toutes les qualités d'une eau pota- ble, mais on ne l'a pas analysée avec assez de soin, pour que sa bonté soit considérée comme évidente. Avec le rio Grande et ses sources, elle fournit toute la popu- lation. Suivant ce que dit le Dr. Jaime Carrillo, l'eau de canaux à l'air libre n'est pas employée pour l'alimen- tation. L'affirmation de ceux qui disent qu'on boit ces eaux et qu'on doit leur attribuer la présence du palu- disme, est inexacte. Pour prouver encore mieux l'injustice de cette asser- tion, il est bon de rappeler que le plus grand nombre des individus atteints de cette maladie et soignés par le Dr. Baldi, en 1890, dans l'hôpital San Roque de Jujuy, étaient des habitants de la campagne, où ils avaient con- tracté le mal, et on peut établir avec exactitude que la proportion entre les paludéens de la ville et ceux des champs, est de 30% pour les premiers et de 70 % pour les seconds. La couche d'eau des puits se rencontre à une pro- fondeur de 16 à 20 mètres; il semble qu'elle provient ou tout au moins qu'elle s'augmente de l'eau qui vient du rio Reyes et qui filtre à travers la couche argileuse du sous-sol, puisqu'elle diminue et prend un goût plus saumâtre lorsque les ruisseaux sont à sec. Deux rios traversent Jujuy: l'un au Nord, l'autre au Sud; leurs cours est rapide, et l'inclinaison du terrain facilite l'arrosage. 590 L'eau du rio Grande est cristalline et dans d'excellentes conditions potables, tant qu'elle n'est pas altérée par les crues de l'été qui la rendent trouble. Celle du rio Chico et des nombreuses sources qu'on rencontre sur ses bords, serait dans les mêmes condi- tions si on réglementait un peu mieux l'emplacement que doivent occuper les laveuses qui accourent là de tous les points de la ville. Jusqu'à présent on n'a pas attribué à ce fait toute l'importance qu'il a réellement, et en dépit de l'usage que ces blanchisseuses font de cette eau, on les utilise pour l'alimentation, malgré le danger qui en résulte pour la santé publique; heureusement ceux qui l'utilisent comme boisson sont en nombre très réduit. Les blanchisseuses nettoient le linge des malades dans ce rio et ainsi le bacille typhique passe sur les rives et même dans le rio qui, après l'été, a très peu d'eau et un courant très faible. La classe pauvre fait usage de cette eau pour l'ali- mentation, parce qu'il n'y a pas de puits dans les maisons qu'elle habite, et comme il a été établi que les indigents sont ceux qui sont le plus atteints de cette affection, il résulte que l'eau contaminée est son véhicule. Le puits même sera la cause de la transmission de la maladie s'il est mal situé et s'il a des filtrations, con- ditions qui se produisent bien souvent et qu'il est très facile d'éviter. Mais de ce côté, il n'y a pas grand danger, parce que la grande majorité fait usage de l'eau qui vient des versants. On comprend combien il est difficile, dans dépareilles conditions, de mettre en pratique les derniers procédés de désinfection et d'antisepsie, lorsqu'il s'agit de ma- lades d'une ignorance absolue, qui, par leur obstination, empêchent tout traitement. Pour la construction des latrines, on a adopté le même système routinier que nous avons déjà constaté dans d'autres villes; ce sont des excavations plus ou moins profondes dans lesquelles sont déposées les matières 591 fécales et qui servent en même temps de puisards. Elles sont situées dans le parage le pins reculé de la maison, et on veille à ce qu'elles se trouvent à une certaine distance des puits, mais on ne prend aucun soin pour les maintenir en bon état et pour jeter dans leur inté- rieur des substances qui les désinfectent et qui chas- sent leurs mauvaises odeurs. Il n'existe pas de marais permanents dans la ville; mais on observe, dans le centre surtout, comme dans les environs, des parages accidentellement boueux, qui, pour la plupart, sont causés par les mauvaises condi- tions dans lesquelles s'effectue l'écoulement des eaux des maisons, par l'état du pavage qu'on ne répare pas assez vite, et par un nivellement défectueux qui n'as- sure pas aux eaux de pluie et à celles des ruisseaux un écoulement régulier. Dans les environs, ces points fan- geux sont attribués au mêmes défauts; les immondices qui sont déposées à trois ou quatre cents mètres du centre, sur le bord de coteaux déjà cités, apportent aussi leur appoint. D'après le Dr. Carrillo, l'action nuisible de ces bourbiers est évidente, et l'influence de leurs émanations pestilen- tielles n'est pas discutable. Presque tous les ans, à l'époque de l'été pluvieux, moment où ils se forment et où ceux qui existent déjà se développent, on cons- tate une recrudescence notable des fièvres paludéennes. On comprend aisément l'influence malfaisante des pa- rages en question si on se souvient qu'ils sont riches en matières organiques et si on tient compte de la dé- composition résultant de la chaleur qui agit sur eux. Qu'on n'oublie pas que c'est la classe pauvre, vivant dans de mauvaises conditions d'hygiène, au milieu de privations et exposée à contracter l'endémie, qui lui paye le tribut le plus considérable, tandis que la classe aisée, habitant des maisons bien construites, loin des éléments pernicieux qui agissent sur les pauvres, pré- sente bien rarement des cas de cette maladie. Le pa- ludisme revêt, en général, dans la ville, des formes bénignes. 592 La fièvre typhoïde ne présente pas de recrudescence à une époque déterminée, ainsi que le démontrent les rares statistiques qu'il est possible de consulter. Des renseignements fournis par le Dr. Baldi, il ré- sulte qu'en 1875, par exemple, il s'est produit dix cas de cette maladie, savoir: en mars 1; en mai 2; en juin 2; en août 2; en septembre 1; en décembre 2. Des renseignements plus récents, commençant en août 1891, date de l'installation du registre de l'état civil, et comprenant six mois jusqu'à janvier 1892, donnent les chiffres suivants: septembre 4; octobre 2; novembre 3; décembre 2; janvier 1. En comparant les éléments de ces deux petites sta- tistiques, on voit que le printemps et les premiers mois d'été sont les époques qui fournissent le plus grand nombre de typhiques; mais avec des renseignements aussi incomplets que ceux que nous avons pu réunir, il est difficile de se former une opinion définitive. Ce- pendant ces chiffres font comprendre que la fièvre ty- phoïde ne s'enracine pas dans cette ville. Nous savons déjà que dans les mois écoulés en- tre août 1891 et janvier 1892, les décès typhiques se sont élevés à 12; et la mortalité causée par les mala- dies infectieuses étant de 98, nous avons une propor- tion de 12 %. La mortalité générale ayant été de 197, il résulte une proportion de 6 % de typhiques sur l'en- semble des décès. Si on veut établir la distribution géographique de cette maladie, on n'a d'autres données que celles fournies par le Dr. Baldi. Il a observé un plus grand nombre de malades et même de petites épidémies de fièvre typhoïde dans les districts froids de La Puna, Tilcara et Humahuaca. On n'a pas d'observations sur ce fait qui semble étrange mais qui est prouvé par la pratique. Ces parages élevés sont cependant reconnus comme d'excellentes stations climatériques pour les maladies de l'appareil respiratoire. Le paludisme n'y a jamais fait son apparition. La tuberculose est presque inconnue dans ces parages comme dans la ville de Jujuy. 593 En ce qui concerne la fièvre typhoïde, c'est le type régulier qui s'observe le plus souvent; dans certains cas, les manifestations de la première période de la maladie sont très marquées et font supposer qu'il s'agit seulement du paludisme, mais ensuite, la régularité de la marche typhique s'accentue. Dans d'autres cas, le début est comme dans la forme précédente ; dans la seconde période, de graves accidents ataxiques et comateux unis à d'autres symptômes accu- sent le vrai caractère de la dothiénenterie. Cette intermittence a été également observée dans de nombreux cas de variole, qui se sont produits en 1891 à Ledesma, région paludéenne. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. CHAPITRE XXVII DISTRICTS FÉDÉRAUX Sommaire.-Etude des districts fédéraux de la République Argentine: La Pampa Cen- trale, Le Neuquen, Le Rio Negro, Le Chubut, La Terre de Feu, Santa Cruz, Le Chaco, Formosa et Misiones. - Situation.- Etendue. - Population.- Production du sol.-Climat et ses particularités.-Conditions spéciales à chaque district. - Rios, plaines et montagnes. - Eaux minérales. - Thermes. - Morbidité et mortalité. Pampa Centrale. - Le district de la Pampa Cen- trale a une étendue de 144.919 kilomètres carrés. Sa population est de 45.000 habitants. Sa topographie et ses conditions générales rappellent beaucoup celles de la province de Buenos Aires: de grandes plaines à peine interrompues de loin en loin par une succession de collines occupant jusqu'à trente lieues de pays. Dans le centre de la Pampa, à partir de Carhué et Puan, au Sud-Ouest, se déroule une surface absolument plane qui s'étend de tous les côtés. Le climat est sec. Les saisons se présentent avec leurs caractères très tranchés: l'été avec de fortes cha- leurs et l'hiver avec des froids intenses. Il ne pleut pas souvent, mais la pluie est toujours plus fréquente en été. A cette époque, de grands orages se forment, passent rapidement; ils sont chargés d'é- clairs et produisent de formidables détonations élec- triques. Les ouragans se succèdent souvent; ils arrachent les arbres, démolissent les murailles, etc. Les vents vien- 595 nent du Sud-Ouest. Les traces de pluie disparaissent rapidement, absorbées par le sable du sol. En hiver il tombe de la neige. Il n'y a pas de ma- récages. La terre contient d'abondants principes ferrugineux. La végétation est exubérante sur beaucoup de points et l'on cite la production d'un potiron qui mesurait 1 mètre 50 de long, mais il était flasque. Les pâturages croissent très bien, mais dans quelques endroits ils sont amers, et les animaux ne les consom- ment pas. Pour obvier à cet inconvénient, on transporte le fourrage nécessaire et on le met en vente dans les dépôts. Le bétail néanmoins se développe bien. Les rivières qu'on y rencontre sont le Cârhué et le Puan ; en général, l'eau est très salée. On trouve également de grandes salines. L'étranger non acclimaté à cette région éprouve des troubles digestifs produits par la mauvaise qualité de l'eau. La salubrité est bonne. Sauf deux épidémies de variole qui ont sévi sur les Indiens et sur les troupes en 1883 et en 1886, on ne saurait en citer d'autres. Selon le Dr. Villaruel, médecin militaire, celle de 1886 a fait de grands ravages. Sur 1.000 personnes, habitant General Acha, capitale du district, 300 furent malades et le plus grand nombre succomba. Il n'existe pas d'endémies. Bahia Blanca et General Acha se trouvent à la même hauteur au-dessus du niveau de la mer. Plusieurs mé- decins, connaissant la région, assurent que les deux localités présentent des conditions favorables pour le traitement de la tuberculose pulmonaire. On a noté l'arrivée de personnes atteintes de cette affection qui ont vu leur maladie s'atténuer au bout de quelque temps et ont pu vivre dans des conditions assez normales. Le Dr. Villaruel a rapporté que sur huit d'entre elles, trois s'y sont établies et leur état paraissait amélioré; quant aux autres, il ignore ce qu'elles sont devenues. 596 Néammoins les Indiens n'échappent pas à la tuber- culose; nous connaissons les ravages qu'elle exerce sur ces malheureux. Nous les avons- consignés dans le chapitre III. Le Neuquen. - Ce district, à proximité de la pro- vince de Mendoza, a une étendue de 109.081 kilomè- tres carrés et une population de 30.000 âmes, parmi lesquelles l'élément chilien entre pour une grande partie. Les femmes et les enfants constituent une proportion minime. La capitale est située dans la vallée de Chos-Malal. Les principales rivières sont: le Rio Negro, le Colo- rado et le Balcheta. De nombreux cours d'eaux sillon- nent le pays. Le climat est sec, frais et doux, en général; les pluies sont rares en été, mais fréquentes et abondantes en hiver; les vents sont forts. D'après le colonel M. Olascoaga, (') la température en été est extrêmement variable, qu'on l'observe, soit au dehors, au soleil ou à l'ombre, soit dans l'intérieur des habitations, soit aussi pendant la nuit et le matin, com- me on l'a constaté bien des fois. Au dehors, à l'ombre, la température maxima arrive souvent à 38° au-dessus de zéro, à midi, tandis que pendant la soirée et pendant la nuit, elle descend à 20° et 18°, et le matin à 3° et 1°. Les habitations pendant la journée ont une température de 29° et 30° au-dessus de zéro. En hiver, le thermomètre oscille entre 4° et 16° au-dessous de zéro. Le sol possède partout les meilleures conditions pour la production, mais les froids compromettent continuel- lement les récoltes; celles qui échappent à leur action viennent dans les vallées protégées contre le vent du (*) Ancien gouverneur du district. 597 Sud, telles que le Chos-Malal et autres existant dans les gorges où coulent des rivières ainsi que des rios. Pendant le mois de décembre, il survient parfois des ge- lées qui tuent les semences, et l'observation a révélé cette coïncidence singulière que ce phénomène se renou- velle généralement le 8 de ce même mois. Comme produit du sol, nous avons le blé dont la qualité est excellente et le rendement abondant, de même que le maïs et les produits horticoles. Les fruits, jusqu'à ce jour, n'ont pu être obtenus au Neuquen, exception faite, cependant, des pommes à l'état sauvage et, par conséquent, amères. Un autre fruit sylvestre qui croit en abondance est le pignon, que les Indiens et les familles pauvres recueillent et emmaga- sinent pour toute l'année. Olascoaga nous fait connaître qu'il y a peu de ma- rais dans le pays, mais que dans le nombre, il en est qui produisent de fortes émanations. Ceux qui connais- sent la région ne se fixent jamais dans ces parages, car il est reconnu que les animaux qui s'en appro- chent éprouvent une sorte d'ivresse dont ils meurent presque inévitablement. Les espèces chevalines et bovi- nes sont plus sujettes que les autres à ces attaques. A Norquin, existe un des plus grands marais de ce genre, et quoique ses émanations soient atténuées, grâce à l'étendue de la plaine immense qui l'entoure, et au vent qui souffle fréquemment, il a été observé que tous les chiens qui s'en approchent tombent ma- lades. Cette circonstance est très remarquée parce que ces animaux circulent avec un emplâtre de goudron sur la tête. C'est le traitement employé par les Indiens, bien que la maladie reste inconnue. Les caractères les plus saillants de cette dernière sont la tristesse et l'étour- dissement. Les individus ressentent rarement ces sym- ptômes. Ne pourrait-on pas plutôt attribuer cette mala- die à quelque herbage? Sauf cette action malfaisante que nous venons de men- tionner, la salubrité générale est bonne et même excellente. En été, les vents sont, pour ainsi dire, permanents et même désirés parce qu'ils modèrent l'ardeur du so- 598 leil. Ils ont une influence marquée sur la santé publique, et dans toute la région on leur reconnaît ce caractère. Avec des éléments semblables et en tenant compte du peu de densité de la population par rapport à une aussi grande étendue de territoire et de la distance qui le sépare des autres centres habités, on comprendra la raison pour laquelle le Neuquen n'a pas été visité, jusqu'à ce jour, par les maladies épidémiques. Une exception doit être faite, cependant, pour Chacay- Melehue où la variole hémorragique se développa en 1890, faisant beaucoup de victimes; mais nous ne devons pas oublier que la variole est fréquente parmi les Indiens, comme on a déjà pu s'en rendre compte à d'autres époques et sur le point même dont nous nous occupons, en particulier dans la Pampa. Cette maladie apparaît chaque cinq ou six ans, alors que l'état sanitaire de la localité est des plus satisfai- sants. Pendant l'épidémie de choléra au Chili, en 1887-88, épidémie qui fit tant de ravages dans ce pays et dans les environs chiliens du Neuquen, ce territoire n'eut pas un seul cas, malgré les rapports quotidiens des deux peuples. Sans affirmer l'existence de maladies endémiques, on doit consigner la fréquence relative des affections de la peau, des rhumatismes et même quelques attaques cé- rébrales, que l'on peut attribuer, en grande partie, à l'abus excessif des boissons alcooliques. On importe du Chili un alcool de maïs que les hommes, les femmes et les enfants consomment en grande quantité. La nature, très prodigue, a doté ce territoire d'une foule de plantes médicinales, employées par les indi- gènes; nous pouvons en citer quelques-unes. Le choy- que-lahuen (remède de l'autruche) d'une hauteur de 50 centimètres seulement, est couronné d'une fleur unique, jaune; sa feuille a la forme de celle du pêcher, mais elle, est plus grande et exhale une odeur rappelant la térébenthine. On l'emploie en frictions contre les ma- ladies fébriles; en frottant plusieurs feuilles entre les 599 mains et en en aspirant ensuite l'odeur fortement, il se produit une série d'éternuements qui dégagent beaucoup la tête à la suite d'un excès de boisson. Les Indiens assurent qu'une seule goutte du suc extrait de ces feuilles provoque la mort instantanée. Le pichi, diurétique, est employé en infusions contre les maladies de l'estomac. Le pithen (regalito) (') est une herbe ressemblant au trèfle, d'une odeur parfumée. On le fait frire dans la graisse, en le saupoudrant de sel en quantité, et lors- qu'il est froid et qu'il forme des corps solides et noirs, on le râpe avec le couteau sur la viande grillée. Le pithen est considéré comme appétissant et digestif. Le pithen-pithen a la forme d'un petit roseau de 5 millimètres de diamètre, avec des noeuds à 10 centi- mètres et des feuilles fines et longues. Il s'emploie en infusion comme le pichi, contre les dispepsies. Le que les Indiens mâchent, comme les matelots anglais le tabac à chiquer, semblable dans ses dimensions et dans sa forme au jarilla, avec sa même odeur prononcée; ses branches élevées se couvrent d'un groupe de petites fleurs blanchâtres. Elles s'emploient de la façon suivante: on prend une poignée de fleurs; après les avoir comprimées et en avoir formé une boule, facile à faire à cause de leur nature résineuse, on les mâche pendant un jour entier en avalant le jus. Olascoaga dit que cette substance ainsi préparée a deux applications qu'il a expérimentées lui-même et qui lui paraissent efficaces. Pendant le travail de mastica- tion, les angoisses extrêmes de la soif diminuent au point qu'on les oublie presque complètement; il croit, en outre, qu'utilisée dans la même forme, elle combat avantageusement la toux. On l'administre aussi dans les cas de trachéite. Sa saveur est douce, à peu près (x) Regalito, en français, « petit cadeau ». 600 comme celle de la réglisse; il se mêle à son goût une amertume ressemblant à celle du jarilla. Nous avons dans des versants variés, avec leurs ri- ches eaux d'une indiscutable application thérapeutique, un autre élément naturel caractérisant spécialement le territoire du Neuquen; celui appelé Copahues est le plus fameux. De nombreux visiteurs venant du Chili et de nos villa- ges indiens y accourent dans le but de trouver la gué- rison de leurs maladies, sa célébrité étant connue de temps immémorial. Les personnes qui ont usé de ses eaux ont été, à leur dire, parfaitement guéries. Leur action évidente est généralement reconnue dans les rhumatismes, les gastrites, les scrofules, les anémies, la lithiasis urique et les nombreuses affections de l'ap- pareil génito-urinaire. Leur composition n'a pas été encore complètement déterminée, mais on sait qu'il y entre de la magnésie, du fer, du soufre, etc. Quant à leur température, Olascoaga l'a notée personnellement au moyen de thermomètres qui ont indiqué depuis 45° jusqu'à 82° centigrades. Malgré les avantages qu'offrent les thermes de ces régions, la saison des bains comprend seulement les mois de janvier et de février. Comme les sources se trouvent presque sur la cime du cordon central de la Cordillère, une chute de neige peut couper la retraite aux baigneurs en les ensevelissant, sans aucun secours possible. Copahues est située dans une dépression de terrain, de forme presque elliptique, mesurant un kilomètre et demi environ dans son diamètre le plus grand et 1 kilomètre dans son diamètre le plus petit. C'est un véritable cratère volcanique ouvert au pied oriental du cordon du même nom. On rencontre aussi plus au Nord de Chos-Malal, des versants très sulfureux et froids. Les Indiens connaissent bien ces lieux et dans la saison des bains, il y en a toujours un pour indiquer 601 le puits et l'eau qui conviennent à chaque individu, et cette médecine fondée sur l'empirisme a contribué à rétablir un grand nombre d'organismes malades. Quand, à Copahues, à Puente de Inca et autres points les eaux seront analysées convenablement, et que le service des bains sera rationnellement appliqué, nous pourrons alors bénéficier de tous les avantages de cette riche thérapeutique. Nous dirons deux mots, avant de terminer, de l'abon- dance des produits orographiques du Neuquen. On y trouve le kaolin, le plâtre, le chlorure de so- dium, soit dans les massifs des Cordillères, soit en condensation dans les lagunes ou dans les mares; la houille en grande quantité, et beaucoup de liions métalli- ques dans lesquels prédominent l'argent et le plomb. Le fer et le cuivre existent également et il n'y a pas longtemps que des gisements d'or ont été découverts sur la côte du haut Neuquen; ils sont actuellement exploités, avec succès, par une compagnie anglaise à la tête de laquelle se trouve l'ingénieur des mines M. Corydon Hall. Le Rio Negro. - Ce district du Sud a une.étendue de 212.163 kilomètres carrés, et une population de 25.000 habitants environ. Ses limites sont: au Nord, le rio Colorado; à l'Est, le 5e méridien de Buenos Aires jusqu'au point où il rencontre le Rio Negro, et suivant celui-ci au Sud, jusqu'à l'océan Atlantique; le terrain compris entre le 5e méridien et la mer est limité au Nord par le Rio Negro, au Sud par le parallèle 42, à l'Ouest par la Cordillère des Andes sur une étendue approximative d'un degré géographique, jusqu'à sa rencontre au Nord avec le rio Limay, suivant le cours de celui-ci au Nord-Est jusqu'au 10e méridien de Buenos Aires qui lui sert de limite Ouest entre les rios Neuquen et Colo- rado. Les régions qui, en ce moment, offrent le plus grand 602 intérêt et vers lesquelles afflue la population, sont les bords des rios Negro et Colorado. Le terrain est sablonneux-calcaire. Les saisons sont bien marquées. Le climat dans la zone comprise entre le Rio Negro, le Colorado et les méridiens 5e et 10e ne présente pas de différence sensible d'un point à un autre; il y a lieu de supposer, cependant, qu'il est un peu plus chaud dans les parages du Colorado que dans ceux du Nord et plus froid près du 10e méridien dont l'altitude au-dessus du niveau de la mer est d'environ 300 mè- tres. Le voisinage des Cordillères produit, quoique faiblement, des changements de température dus au dégel de celles-ci. (')• Les températures annotées par le Dr. E. Fernandez et par les pères Salaisiens, sont: maxima 38°, minima 3°3; moyenne annuelle 14°6. Les changements brusques ne sont pas fréquents. Parlant du climat du Rio Negro, Oliveros Escola dit: « La fréquence des vents est la note saillante dans les phénomènes météorologiques. Celui de l'Ouest est le visiteur le plus assidu et rappelle le Zonda, véritable simoun avec ses ardents et ses desséchants effets. Sa plus grande vitesse est de 35 à 40 mètres et son action sur le baromètre le fait descendre de plus de. dix millimètres au-dessous de la moyenne. Ce vent est le pampero, avec cette différence qu'ici il n'est pas toujours le prélude de changements climatolo- giques. Il soulève des tourbillons de terre dans toute la vallée et il va sans dire que cette poussière dont l'air est imprégné, s'introduit dans les poumons où elle se dépose. On peut dire que les bourrasques de terre sont classiques; la poussière qu'elles soulèvent contient un élément graisseux dû à la marne qu'elle renferme. Elle pénètre dans les vêtements et dans tout ce qui est de nature perméable. Par contre, là où le sol est siliceux, (x) Rapport du gouverneur du Rio Negro, général Benavides, 1893. 603 le sable seulement s'élève et forme des monticules arti- ficiels, des bancs comme dans le lit d'une rivière quand elle est agitée par les vents ou les courants. La fré- quence des vents d'Ouest, le froid qu'ils provoquent s'expliquent facilement par la proximité des Cordillères, puisqu'ils viennent de ces régions. Seulement, avant d'arriver à destination et s'ils parcourent de longues distances, ils subissent l'influence des terres qu'ils tra- versent et qui modifient leur froideur par la chaleur et la radiation naturelle qui s'en dégagent. Parfois, en plein été, souffle après le coucher du soleil, une brise des collines septentrionales qui suffoque, par sa tem- pérature élevée; ces terres par leur composition sablon- neuse, se calcinent sous les rayons du soleil et quand celui-ci disparaît, la radiation ou la perte de calorique des montagnes est plus lente que celle des vallées. L'inégalité d'équilibre s'établit donc entre les deux cou- ches d'air dont la densité différente donne naissance à une brise comme celle qu'une chaudière à vapeur pour- rait produire, depuis les hauteurs jusqu'au rio, et vice- versa. « Le thermomètre ne descend pas à ce moment, et à minuit il marque 34°. Au plus fort de la saison, le ther- momètre monte jusqu'à 42° à l'ombre, à Choele-Choel, et dans tout le bassin du rio. « Les neiges des Cordillères atteignent presque toute la Patagonie et Choele-Choel. Elles ne sont pas fréquen- tes, cependant, et en plein hiver la température n'est guère que de 5 à 6° au-dessous de zéro. « Des brises andines glacées se font sentir et, en géné- ral, les g'rendes crues se produisent dans cette même sai- son, contrairement à ce qui se passe pour le Rio Negro, qui a les siennes en hiver, tandis que les rios du Nord et même le Colorado ont les leurs en été.» (l) La salubrité publique est bonne. Il n'existe pas de ma- ladies à l'état endémique et aucune épidémie n'a jamais (x) E. Oliveros Escola.: La Nacion, 29 juillet 1892. 604 sévi. Les maladies observées appartiennent à l'appareil respiratoire. On signale de temps à autre quelques rhu- matismes. Les productions du sol sont abondantes: le blé, le maïs, l'orge, la luzerne donnent un rendement extraor- ordinaire et leur richesse est inépuisable. Le calden, le caroubier, le pin, le cyprès et le bambou croissent avec vigueur, et le saule rouge forme de grands bois sur les rives du Rio Negro et du Colorado. Les légumes et les fruits sont excellents. Les citrouilles, les pastiques, les melons, les pommes, etc., atteignent une croissance extraordinaire ; la vigne se développe relati- vement bien dans tout le district et particulièrement aux environs des cours d'eau. Le vin de la région est de bonne qualité, ce qui fait supposer qu'avant peu, cette contrée se transformera en un centre industriel qui approvisionnera d'importants marchés de consommation quand le prix du fret dimi- nuera. Les fourrages naturels, bien que peu abondants, sont remarquables par leur pouvoir nutritif, ce qui permet au bétail de s'engraisser et d'atteindre un développement plus considérable que celui de la province de Buenos Aires. Les lignes qui suivent décrivent bien la flore du pays. « La flore se divise en deux catégories déterminées, qui correspondent à leur terrain propre: celle des col- lines et des montagnes et celle des vallées, la première se ressentant de l'aridité de la terre, et la seconde s'im- prégnant des sels végétatifs qui ont donné ni- renom à la vallée du Rio Negro. « Comme il a été déjà parlé du caractère géologique des deux terres, nous expliquerons la différence de leur fertilité, et cette différence sera plus évidente en nous occupant de l'avenir de l'agriculture et de l'élevage de ce territoire. « Là-bas, dans les Andes, une des richesses de ce sol édenien, est le cyprès majestueux, le pin, bien qu'au Sud du lac je ne l'aie pas vu, le nire, qui n'est autre 605 que le chêne dégénéré, le pommier, très rare. Le pre- mier et le troisième abondent et forment des manteaux verdoyants. Le pied des montagnes, les ondulations de terrains dites cuchillas, les pics, etc. poétisent le Nahuel- Huapi et sont des sources de production qui donnent déjà lieu à une spéculation rudimentaire, qui, faute de voie de communication, n'a pu prendre de plus grandes proportions. « La région appelée par un de nos naturalistes « Pampa stérile » a ici sa partie intégrante, la mésopotamie des rios Colorado et Negro ainsi que les déserts et les ter- rains élevés. Elle renferme d'innombrables arbustes rési- neux et ligneux, dont plusieurs sont d'une grande utilité industrielle. Le chanar, le brea, le piquillin, le peuplier, le cactus, le molle, le caroubier, l'alfilerillo, l'érodion, une espèce de chardons, le jume, le jarilla, l'espinillo? forment la flore ligneuse. « Dans les vallées, les lagunes et les îles, se détache le magnifique saule, qui ombrage les rivières. Au delà du confluent à 100 kilomètres plus haut, il est remplacé par le chacay, espèce de baccharis, la cortadera, le trèfle odoriférant et le trèfle sauvage, le fenouil, la mauve, le glaïeul, le romerillo, le sureau, qui est rare, le retortuno, le zampa, la camomille, également rare, des variétés de plantes grimpantes, des graminées de toute espèce, des cryptogames et des lichens variés, l'espartillo, la salsepareille, des fraises, celles-ci dans la Cordillère seulement; la ciguë, l'ortie, da guimauve, le cresson et une innombrable série d'autres végétaux qui pourront être certainement d'une grande importan- ce dans l'avenir. « On voit dès lors, que dans les deux parages, sur les points culminants comme dans les bas-fonds, c'est-à- dire dans la vallée, une multitude de plantes ornent et purifient la terre; depuis l'humble mousse jusqu'au co- lossal conifère et toutes, ou la plus grande partie des familles comme les synanthérées, les ombellifères, les labiées, les malvacées, les glumacées, les salicornées, les papillonacées, les mimosées, les cactées, les verbé- nacées, les onagrariées, etc. En résumé, prodigalité d'ar- 606 bustes ligneux et arborescents, de graminées vivant dans des vallées, riches en principes nutritifs, immen- ses champs de bruyères et magnifiques pâturages bien classés, durs et tendres, aigres et doux suivant l'empi- risme des cultivateurs. « Près de Nahuel-Huapi, les forêts vierges sont nom- breuses et entrelacées de lianes et de plantes grim- pantes. « De la flore rapidement énumérée, nous pouvons re- tirer des bénéfices inappréciables. Le jume calciné pro- duit la soude; le piquillin, le chacay, le jarilla, un bois qui ne s'épuisera pas de sitôt; le molle est une plante de teinture, utilisée depuis longtemps par les Indiens pour teindre les fils grossiers mais solides avec lesquels ils confectionnent les tissus pampéens. Le ca- roubier doux est rare (Valpataco est plus abondant); il est superflu de déterminer son utilité. Dans les collines, quand les grandes sécheresses tuent la végétation, Xalf- lerillo est un des aliments les plus recherchés des animaux, et comme il abonde dans ces parages, ils s'en nourrissent de préférence. ({) » Le sel, la chaux, le plâtre s'exploitent et procurent de véritables profits. La terre est d'une fertilité bien connue; les cultures agricoles et le développement de l'élevage du bétail le démontrent, mais l'absence de canaux d'irrigation em- pêche les produits de prendre encore plus d'importance. Le district du Rio Negro est destiné à un grand avenir, et avant longtemps il sera, à bon droit, un des plus riches et des plus florissants de la République Argentine. Chubut.- Le district du Chubut est limité au Nord, par le 42° de latitude; à l'Est, par l'Océan Atlantique, dans une direction se rapprochant du Nord-Est au Sud- (J) E. Oliveros Escola : La Nacion, 28 juillet 1892. 607 Est; au Sud, par le 46° de latitude et à l'Ouest, par la Cordillère des Andes qui le sépare du Chili. Son étendue est de 240.000 kilomètres carrés et son élévation au-dessus du niveau de la mer varie, selon les localités, entre 140, 1.300 et même 2.000 mètres. Entre la pré-Cordillère et la Cordillère Real, existe une dépression de terrain où l'on rencontre de petites et de fertiles vallées remplies de bois; l'une des prin- cipales, selon Conesa, est la vallée 16 de Octubre, où se trouve établie la colonie agricole de ce nom. Le ter- rain de cette dernière, comme celui de toute la zone des Cordillères dans ces parages, est non seulement favo- rable pour l'élevage des bestiaux et les travaux de l'agriculture, mais il offre aussi d'incontestables avan- tages pour l'exploitation des bois. La végétation est représentée par le caroubier, la ja- rilla, le palo de pecho, le molle, le calafate, le barba de chivo, le piquillin, le saule, le hêtre, le pin, le gro- seiller, le fraisier. Les pâturages sont abondants, sui- vant les pays. D'autres vallées comme celles de Genua, de Tecâ, de Los Martires, etc.,' présentent des conditions qui les re- commandent à l'industrie rurale. Elles pourraient être livrées à la culture avec un grand profit. La population relativement réduite et la grande éten- due du terrain s'opposent à un développement rapide; mais il y a lieu de supposer qu'avant longtemps la région se transformera en un centre important de pro- duction, ce qui est aujourd'hui une noble et généreuse espérance. Les rendements du blé, de forge et de la luzerne et généralement tous les produits de son sol si riche jus- tifient cette opinion. Les rios principaux sont le Chubut, qui se jette dans F Atlantique, le rio Chico, le Pichi-Leofu, le Sanger, le Corcovado, Je Lepâ, etc. Les cours d'eau les plus importants sont le Genua, J'Apelé, le Honhuel, le Cherquen et l'Agon. Les lacs les plus connus sont le Fontana, le Carreu- 608 Leufu, l'Amori, le Musters, le Colhué et la lagune Anion. Les rivières Sanger, Chubut, Lepâ, Tecâ et Corcovado roulent de For, qu'on recueille à raison de deux ou quatre paillettes par écuelle de sable, et il a été découvert à la suite de ces essais, aux environs de ces rivières, de grandes pépites effilées, ce qui prouve que les gise- ments ne sont pas éloignés. L'analyse d'un échantillon de rossicler a donné 65 % d'argent, 15 d'arsenic et 19 de sulfure, et celle d'une galène (minerai de plomb) trouvée dans la co- lonie 16 de Octubre, contenait aussi et en grande abon- dance le chlorure de sodium, le fer manganique et l'oxyde de fer. La présence de l'ardoise bitumineuse près de la vallée des Altares, fait croire à l'existence du pétrole dans ces régions.' Diverses expéditions faites dans le but de chercher l'or, ont donné d'excellents résultats. Selon Richards, le précieux métal rencontré dans plusieurs gisements ap- partient à la classe fine, le contenu des écuelles était excellent et le nombre de pépites dans chacune, consi- dérable. Sur plusieurs points, le résultat a été de 24 grains par écuelle de 14 livres de terre alluviale. Des expé- riences pratiquées pendant 14 jours sur deux ou quatre écuelles ont démontré que trois seulement étaient dé- pourvues du métal cherché. Au point de vue climatérique, le district peut être divisé en deux régions: celle de la côte et la région andine. La première est très sèche, et dans la seconde la pluie est fréquente. La salubrité générale est parfaite; il n'y a point de maladies endémiques et les épidémies ne sont pas connues. La seule affection qui se soit présentée quelquefois et à laquelle peu de personnes ont échappé, est un état spécial, ressemblant à l'influenza, mais dont les effets sont infiniment moins graves. En résumé, on peut dire que parmi les rares mala- dies constatées, celles de l'appareil respiratoire sont les 609 plus fréquentes et chaque apparition est due assurément à des circonstances locales. Les éléments climatériques du Chubut sont les sui- vants: températures observées: été, maximum 39 et 38°, température générale 33°; hiver, les plus basses, 10° et 10°2 au-dessous de zéro, température générale 10°. Moyenne en été 19°6; en hiver 6°6; annuelle 13°21. La pression atmosphérique annuelle est de 757.37. Les pluies sont rares entre les parallèles 42 et 48° de latitude. La quantité d'eau tombée dans les dernières années est évaluée ainsi: Année 1881 386 mm. » 1882 255 » » 1883 266 » » 1884 231 » Année 1885 169 mm. » 1886 150 » » 1887 179 » » 1888 307 » Ce qui donne une moyenne annuelle de 241 mm.; la pluie étant tombée 70 fois par an. L'humidité relative moyenne est de 75.5, Lan. Les vents Ouest, Sud-Ouest, Nord-Ouest et Sud-Est soufflent fréquemment. Terre de Feu. - Parmi les districts du Sud, la Terre de Feu occupe une place importante par ses conditions naturelles, la beauté de ses paysages, qui rappellent les plus vantés de la Suisse; F avenir que lui réserve le jour non éloigné où le mouvement transformateur de l'activité commerciale se portera de son côté, est certai- nement brillant. Ainsi se résoudra le problème délicat du peuplement de cette riche et fertile région. Lacs admirables, fourrages abondants, glaciers, tels que le Darwin et Sarmiento, arbres gigantesques, topogra- phie variée, tel est l'ensemble du panorama qui donne à ce pays un si beau coloris. Son étendue est de 21.048 kilomètres carrés et com- prend les localités d'Ushuaia, de Lapataia, d'Herbeston, CLIMATOLOGIE MÉDICALE 610 de Bahia Thétis, de Bahia San Sébastian, et de l'île des Etats. On peut diviser le territoire en deux régions: la plaine et la montagne, chacune d'elles signalée par des carac- tères bien tranchés. Dans les environs de la seconde on remarque la for- mation de la houille. Les fourrages croissent dans la plaine avec une force inusitée; malheureusement, ils sèchent sur pied ou meurent par l'absence de bétail suffisant pour les con- sommer. Le pays est sillonné par plusieurs rivières et des cours d'eau; les lacs sont nombreux. Le commandant Godoy, gouverneur actuel, dit dans un rapport intéressant: La région du Sud n'est pas, comme on le croit, un continuel supplice pour ceux qui s'y rendent. Le climat est relativement propice et si la température est basse, le froid sec et constant, le corps le supporte, je ne dirai pas avec plaisir, mais il le to- lère sans inconvénient. Moi qui suis né dans un climat tempéré, je n'ai pas vu à Ushuaia, pendant mon der- nier voyage en hiver, de jours suffisamment froids pour m'obliger à abandonner les vêtements que je por- tais habituellement à Buenos Aires, et recourir à la provision de réserve que j'avais formée sur la foi de versions en circulation. L'homme, comme les animaux, ne souffre pas ici dans sa santé d'altérations occasion- nées par le changement de climat. Au contraire, l'air de la mer et des montagnes paraît être un agent extrê- mement favorable pour donner de la vigueur. J'ai connu des personnes souffrant de l'appareil respiratoire et qui étaient, à Buenos Aires, des clients habituels de cabinets médicaux; |ici, elles sont en conditions de se croire guéries et servent, pour les habitants, d'exemples vivants qui viennent corroborer leur assertion quand ils dissertent sur les avantages de ces régions. (*) P. Godoy: Tierra del Fuego. Voir La Prensa, de Buenos Aires,. 16 octobre 1893. 611 La température générale, en été, oscille autour de 20 degrés, bien que le thermomètre marque exceptionnel- lement une ou deux fois 28 et 30 degrés au-dessus de zéro. En hiver, il varie entre 1° et 6°, mais il lui arrive de descendre jusqu'à 8° au-dessous de zéro. Les moyennes sont: 14° en été, et 1° en hiver. Les vents sont rares et peu violents en hiver, mais dans la partie montagneuse, il y a des rafales. En été, les vents se font sentir spécialement dans la région des plaines. Ce sont ceux du Sud et du Sud-Ouest qui dominent. La pluie tombe assez peu souvent en été dans la plaine; par contre, elle est fréquente quoique sans in- tensité, dans la montagne. L'atmosphère est presque toujours limpide. Les nuits d'été sont particulièrement agréables. En hiver, le soleil se montre de temps en temps; il manque de chaleur, ce qui entrave la production et ralentit la germination. Néammoins, les légumes, et les fleurs prospèrent fa- cilement. Les pensées atteignent d'énormes proportions, de même que les fraises sauvages. Il a été fait des essais pour la culture du navet, de la betterave, du chou, de la pomme de terre, et les spé- cimens obtenus présentaient un développement surpre- nant. Les forêts de chêne constituent une véritable richesse qu'un argentin, M. Ravié, est seul à exploiter. Sa scie- rie de Lapataia sera une vraie mine d'or si elle conti- nue à travailler avec l'impulsion qui lui a été imprimée jusqu'à ce jour. Il a été dit avec raison que si la République Argentine comptait seulement une cinquan- taine de pionniers comme l'industriel dont nous par- lons, les contrées du Sud se transformeraient bientôt en grands marchés de production et il ne serait plus, dès lors, nécessaire d'aller chercher l'or dans les sables de la côte; on le retirerait des bois séculaires et du sein de la terre vierge. Les arbres sont gigantesques et à portée de l'exploita- tion. Dans la scierie déjà mentionnée on conduit les troncs jusqu'au pied des machines sans avoir besoin de faire 612 un choix préalable, parce que tous sont utilisés à cause de leur nature robuste et de la qualité de leurs fibres. La population est très peu importante. Au mois de septembre 1893 elle se décomposait ainsi: hommes 184, femmes 19 et les indigènes 110. Ces derniers, selon Godoy, sont doux, portés à la bonté et travailleurs, particulièrement les femmes, qui, non seulement accompagnent et aident les hommes dans les rudes occupations de la chasse et de la pêche, mais entretiennent encore, avec une application exemplaire, leur foyer très primitif. Elles sont très chastes et fidè- les à l'homme auquel elles ont lié leur sort. Ces indigènes se divisent en trois races qui diffèrent complètement d'idiome, de coutumes et de constitution physique. Les Alacaluf, connus comme pirates, les Onas, chasseurs et habitant l'intérieur, et les Yaganes peuplant la région Argentine et vivant des produits de la pêche où ils se montrent habiles et hardis. Ils emploient de longs canots couverts de l'écorce d'un arbre au centre desquels ils placent un petit appareil pour faire le feu que les hommes sont chargés d'entre- tenir, et, sans autres armes que leurs harpons d'os, ils s'aventurent dans de longues expéditions à travers les canaux tortueux, poursuivant les loutres ou les crabes qui, non-seulement leur procurent un aliment, mais leur fournissent leurs coquillages aux couleurs variées dont ils se servent pour confectionner des ornements éclatants. Les missionnaires protestants exercent sur eux un grand ascendant. Ils leur ont enseigné leur idiome et leur religion. Les Indiens qui ont appris aussi le com- merce ne parlent que l'anglais et ignorent complètement les maximes de la religion catholique, ç1) Les Yaganes, indiens des canaux, comme on les ap- pelle, vivent de la pêche. Ils sont nomades, mais doux. Ils n'ont pas de mauvaises coutumes et se plient faci- lement aux pratiques de la vie civilisée. Leur taille est (4) P. Godoy: Travail cité. 613 petite, rachitique; leur aspect est grêle; ils passent leur existence assis clans leurs canots. Les Onas, qui habitent la région du Nord, sont ro- bustes, bien développés et vivent de la chasse. Ils sont doux, nomades et accessibles à la civilisation. La base des ressources de la population indigène, consiste dans les moules qu'on rencontre en grande abondance, malgré la consommation fabuleuse de ce mollusque. Les crustacés de différentes espèces et les poissons en général abondent moins parce que les loups-marins et les grands cétacés leur font la chasse. Néammoins, on rencontre de grands quantités de lan- goustes, de calmars, de cancres, de lépas, de sardines et une variété extraordinaire de poissons, non seulement remarquables par leurs chairs abondantes et succulen- tes, mais aussi par leurs couleurs et leurs formes capricieuses. La cuisine n'est pas très variée. On peut dire que les Indiens ne connaissent d'autre façon de préparer le poisson et les crustacés qu'en les faisant cuire sur la cendre chaude. Les moules se distinguent par leur dimension et leur qualité. M. Godoy en a apporté quelques-unes qui ont été mises en vente à Buenos Aires et ont ap- pelé l'attention des fins gourmets. Elles ont été très recherchées et libéralement payées. Parmi les feuilles noirâtres du cachiyuyo, qui entou- rent les côtes, figure le centoya ou crabe mons- trueux, dont la chair plus savoureuse et plus abon- dante que celle de la langouste, qu'il rappelle par sa forme, sert de mets préféré à la population civilisée. C'est un crustacé de couleur lacrée, présentant d'é- normes pattes articulées, qu'il est nécessaire de prépa- rer aussitôt qu'il a été retiré de l'eau, parce qu'il se décompose rapidement. Tout le territoire est peuplé de cailles, de perdrix, grives, canards, cygnes, flamants, et les côtes sont fré- quentées par de nombreuses bandes de mouettes roya- 614 les, pingouins et albatros, qui, selon les poètes de l'endroit, annoncent les rafales de vent qui roulent des avalanches de neige et déracinent les pins colossaux. Les animaux acquièrent un grand développement et une exceptionnelle vigueur. La toison, qui les couvre, est généralement plus épaisse et plus soyeuse, surtout chez la brebis qui, dans ces régions, atteint une très grande corpulence. Sa laine est plus longue, plus élas- tique et moins grasse. La richesse de la Terre de Feu n'est pas seulement, comme on le croit d'ordinaire, dans l'or du sable de ses rivières que les rêveurs de fortunes rapides recher- chent avec peine; elle consiste surtout dans l'exploi- tation méthodique de la chasse, de la pêche, du bois, et plus tard, assurément, des perles, des rubis, du fer, du plomb et du charbon, que les Indiens dans leur langage imagé appellent piedra de quemar (pierre à brûler). Ils affirment que dans l'intérieur de l'île, on la trouve avec facilité. Les conditions de salubrité dans tout le territoire sont bonnes et c'est pour cette raison que l'on n'y connaît pas de maladies. La capitale de la Terre de Feu est Ushuaia, pénin- sule argileuse, sur la côte Nord du canal de Beagle, en face de la Sonda de Ponsonby. C'est le siège de la station des missionnaires anglais. La température la plus haute qu'on ait observée a été 27°3 en plein été, à 2 heures de l'après-midi, en janvier, et la plus basse, 10°6 au-dessous de zéro en hiver, au mois de juillet. Les annotations faites démontrent que les change- ments de température ne sont pas excessifs pendant le jour. Le plus remarquable eut lieu le 16 octobre 1876, le thermomètre marquant 0.5 au-dessous de zéro à 7 heures du matin et 15° au-dessus à 2 heures de l'après- midi. Pendant sept ans, on a observé quatre fois seu- lement des oscillations de 15° entre 7 heures du matin et 2 heures de l'après-midi dans un même jour. La gelée se fait sentir pendant toute l'année, mais en intensité moindre en décembre et en janvier. 615 Les moyennes mensuelles de la pression atmosphé- rique varient de cette façon: janvier, 745 mm. 81 et septembre 749 mm. 79. La plus grande pression barométrique a été 772.65, elle fut notée le 18 août 1884, à 7 heures du matin, et la plus faible 716.78 à 9 heures du soir le même jour de 1882, soit 54.55 de variation. La plus grande diffé- rence observée dans un mois s'éleva à 45.79. L'humidité relative est représentée en centièmes de saturation, par 76.9 comme moyenne annuelle; la plus minime se produisant en janvier avec 70.6 et la plus forte en juin avec 85.2. La nébulosité moyenne exprimée sur une échelle de 1000, donne à l'année: journées claires 30, journées claires avec nuages 320, journées demi-nuageuses 569, journées nuageuses 81. Les pluies à Ushuaia sont très fréquentes, mais sans force. La moyenne annuelle peut être estimée à 587.6; selon les saisons, elles se divisent ainsi: été 174.4; automne 177.8; hiver 124.4; printemps 110. Il est rare que la pluie atteigne en un jour 20 mm. et même quand les ouragans se prolongent, elle n'est pas considérable. Le contraire se produit avec la neige dont l'épaisseur arrive parfois à un mètre en peu de temps. Selon G. G. Davis, la saison la plus sujette aux vents est l'été, pendant lequel les bourrasques sont fortes, fré- quentes et soufflent du Sud-Ouest, Ouest et Nord-Ouest. Le vent n'est jamais violent, entre le Nord-Est et le Sud, bien que de la mer, à l'Est de Ushuaia, soufflent sou- vent des ouragans du Sud-Est, pendant la plus grande partie de l'année. Les mois pendant lesquels il est le plus modéré sont ceux d'avril et de mai. Peu de renseignements peuvent être donnés au point de vue de la pathologie, mais ceux que nous possédons recommandent la salubrité de ce pays. M. Bridges, qui fut autrefois chef de la mission évan- gélique parmi les Yaganes, dit que depuis plus de vingt ans qu'il habite la localité avec sa nombreuse famille, il 616 n'a jamais vu se produire des affections graves. M. Lorentz, ancien résident, fait la même déclaration. Les maladies sont donc presque inconnues, ce qui aug- mente les avantages de la contrée. Santa Cruz. - Ce district très reculé du Sud de la République Argentine, a une superficie de 276.910 kilomètres carrés et sa population très réduite se com- pose de 3.000 personnes environ, parmi lesquelles il faut compter 350 indiens Tehuelches, très ressemblants aux Onas. Le nombre de ces Indiens, est aujourd'hui très restreint, par suite de l'influence des excès d'al- cool. Au sujet du climat de cette région, le capitaine Car- los M. Moyano, ancien gouverneur, nous a fourni les renseignements suivants: la température extrême en hiver, ne descend pas au-delà de 14° au-dessous de zéro; en été, la plus élevée atteint 33 et 34°. On observe des vents très violents; ceux de l'Ouest dominent et en été, ils soufflent avec plus de force et de persistance. La moyenne de la pluie annuelle est de 330 mm. en- viron; il pleut surtout dans les Cordillères. Les jour- nées nuageuses sont rares. Sur la côte, il n'y a pas de bois; dans les Cordillè- res on rencontre le fagm antarctica. La santé générale est bonne. Comme la population est très réduite, il n'y a d'ag- glomération d'aucune espèce ; au contraire, chaque individu jouit d'une quantité extraordinaire de bon air, de lumière, etc. On ne connaît pas les maladies épidémiques, et il n'y a d'endémies d'aucune sorte. En 1891, il s'est déclaré une maladie semblable à la rougeole ou à la scarlatine qui a fait de nombreuses victimes. On n'a pas établi de diagnostic, car il n'y a pas de médecins. 617 Le Chaco. - Une grande partie de l'immense éten- due de plaines qui occupe le centre de l'Amérique du Sud, sous le nom de Chaco, appartient à la République Argentine, qui y a créé un district de ce nom, s'éten- dant sur une superficie de 124.834 kilomètres carrés, avec 30.000 habitants. Ses richesses sont connues. Ses forêts où l'on trouve différentes sortes de bois magnifiques, représentent des éléments puissants pour le développement des in- dustries. Son sol produit en abondance le caroubier, le quebra- cho, l'espinillo, le tamarindus, l'urunday, le nandubay, le cèdre, le cupay, le guayacan, le lapacho, le palo santo, le duraznillo, l'aguay, le ceibo, le timbo, le nazare dont le bois est si fin, l'ibirâ-pyta, l'ici (encens), le caicobé, l'abati-irupé, le tatané, le taurama, le mamon, le tembatery, le vinal, le canelon, les palmiers, le pindo (coco australis), le limon subtil ou citron ordinaire, l'oranger, etc. Le blé, l'orge, la patate, la canne à sucre, le tabac, le mani, le maïs, le coton, rencontrent des conditions naturelles de développement facile et pros- pèrent singulièrement. Plusieurs rivières courent sur ce territoire; les prin- cipales sont: le Pilcomayo, le Bermejo et le Salado; beaucoup de cours d'eau, comme le Verde, Confuso, Riacho de Oro, Guaycurü, Ygné, Tragadero, Riacho Negro. Le Paranâ et le Paraguay reçoivent les eaux du Chaco. On y rencontre, selon Fontana, quatre grandes lagu- nes de pétrole, substance liquide qui, on ne peut en douter, vient de loin, se servant de canaux souterrains ou cherchant son niveau dans une nappe poreuse, exis- tant entre deux couches imperméables. Les animaux de toute espèce abondent, entre autres les tigres, les singes, les chauves-souris, les chats, les chiens, le tatou, les gamas, les cochons, les faucons, les perroquets, les pigeons, les nandü (autruches), les mouettes, les canards, les crapauds, les tortues, les ya- carés (caïmans), les serpents et de nombreuses variétés 618 d'arachnides, ainsi que les poissons connus dans le rio de la Plata. Nous ne mentionnerons pas le cheval, le bœuf, la ju- ment et le mouton, parce qu'on sait que l'élevage de ces animaux constitue la base de l'industrie nationale. D'après le Dr. Cabezon, médecin militaire, qui a ré- sidé dans ce pays, les reptiles venimeux ont de nom- breux représentants dans le Chaco. Les indigènes et les Paraguayens les désignent sous le nom générique de boy, qui en guarany veut dire serpent. Les principaux sont le quèrerêo ou vipère de la croix qui a une tache noire sur la tête, en forme de croix. Cet ophidien possède une belle peau de deux couleurs, noir et gris clair, dessinant des rhombes dont les extré- mités sont disposées longitudinalement et transversale- ment sur le corps. Son venin est un des plus mortels. Le nandurié, d'une longueur de quinze centimètres, et de quinze millimètres de diamètre dans sa partie la plus grosse. Sa couleur est gris foncé et son venin très actif. Le nacaninâ, est couleur gris obscur, sa longueur atteint trois mètres et son diamètre sept centimètres et demi. Le boy-chini, du guarany boy, vipère et chini, bruit, est le serpent à sonnettes. Il abonde dans le Chaco et c'est le reptile dont le venin est le plus actif. Sa couleur est vert obscur avec des rhombes tirant sur le jaune en direction transversale à l'axe longitudinal du corps. Les plus longs ont un mètre, et sept centimètres de diamètre. La vipère de coral a une longueur de 60 à 90 centi- mètres et un diamètre de 2 à 4 centimètres. Sa peau se compose d'anneaux alternativement blancs, rouges et gris d'un bel effet. Ses écailles très petites présentent des lo- sanges réguliers. La boy-houè ou vipère verte, est un reptile très agile. On le rencontre dans les terrains montueux. La boy-roê ou vipère d'hiver, est de couleur jaune 619 pâle; sa longueur atteint trois mètres et son diamètre, quinze centimètres. On la considère inoffensive. Le boy-curuyù est de couleur noire avec des raies jaunâtres. Sa blessure n'est pas mortelle. Le boy-amberé. Il existe deux variétés de ce nom, de la même grosseur que le nandurié. L'une est couleur noir obscur et l'autre plus claire avec de petits points blancs dans le do;. Leur venin n'a presque pas d'action. A côté de ces dangereux reptiles, il existe dans le Chaco un oiseau, qui rend de véritables services aux habitants en contribuant à l'extermination des serpents. On l'appelle Chuha. Cet oiseau pullule. (') La provision d'eau s'obtient au moyen de puits qui en fournissent une d'assez bonne qualité. A la colonie « Amalia », c'est un fait cité, existent deux puits dont l'un donne une eau exquise, et l'autre, situé à cent mètres du premier, une eau extrêmement salée, impropre pour la consommation. Les localités riveraines du rio Paranâ emploient cette dernière et la majorité utilise aussi l'eau de nombreuses lagunes qui existent dans ces parages. Les terrains marécageux abondent et occupent une grande étendue, particulièrement depuis le parallèle 28e où, selon le Dr. Roselli, la campagne est rase, et se remplit complètement d'eau, sauf dans quelques petites parties accidentées. Marais, végétation abondante et eau : dans cette région nous avons les éléments du paludisme. Le climat est chaud; les saisons sont bien caracté- risées; l'été qui dure de octobre à mai est l'époque des pluies; l'hiver régnant le reste de l'année est très sec. La température se maintient douce pendant cette dernière saison et ne s'altère sensiblement que deux ou trois jours seulement, lorsque le vent du Sud se (x) José Maria. Cabezon : Las Ponzoftas, tésis de Buenos Aires, 1882. 620 fait sentir. Néammoins bien que ces changements soient violents, ils n'ont jamais présenté une observation ther- mométrique au-dessous de zéro, la température la plus basse a été de 3° au-dessus de zéro. D'un autre côté, Fontana dit qu'il n'a jamais trouvé la colonne mercurielle au-dessus de quarante degrés centi- grades, dans une observation constante de trois années et lorsqu'elle s'en rapprochait, elle se tenait peu de temps dans ces extrêmes en été, pendant les mois de novembre et de décembre, de midi à trois heures 1/2 de l'après-midi; et en hiver du mois de juin à la moitié de juillet aux premières heures de la matinée. Toute- fois il a constaté, d'après des observations nombreuses, faites sur divers points, que la température moyenne du Chaco, pendant les deux saisons, est toujours uniforme dans les mois les plus chauds et dans les mois les plus froids où elle ne dépasse pas un degré et demi; le mini- mum s'observe au lever du soleil et le maximum à deux ou trois heures de l'après-midi, phénomène remarquable dans le climat de ce pays. Nous savons déjà que l'été est l'époque des pluies; même lorsque celles-ci sont fréquentes et abondantes, elles ne sont pas accompagnées d'orages. L'électricité atmosphérique est rare et les vents ne sont pas forts. Les observations de Fontana démontrent que pendant l'hiver, c'est-à-dire du mois d'avril au mois de septem- bre, les orages sont distribués d'une autre manière. Le temps est généralement serein, agréable; les vents varient de préférence entre le Nord et le Nord-Ouest; quand ils viennent du Sud, on peut prévoir sûrement une tempête plus ou moins violente. Le baromètre monte toujours au maximum au lever du soleil et se maintient ainsi jusqu'à sept heures du matin, moment où il commence à descendre lentement jusqu'au point le plus bas, entre deux et quatre heures de l'après-midi, pour s'élever de nouveau au coucher du soleil. Quant à la moyenne de la plus grande hauteur du baromètre, elle a lieu dans les mois de novembre et 621 de décembre et celle de la plus grande baisse en juin et en juillet. Cette élévation se produit à l'inverse de la tempéra- ture, le maximum de la hauteur coïncide toujours avec le vent du Nord. Il en est de même pour le vent du Sud qui, presque toujours, occasionne une température assez froide. De cette façon, les oscillations barométri- ques dépendent exclusivement des vents, car si celui du Sud fait descendre rapidement la colonne de mercure, celui du Nord la fait remonter lentement et ces varia- tions sont toujours accompagnées de grands mouvements atmosphériques, vents très violents, ouragans et pluies abondantes. Cependant, on ne saurait affirmer que dans ce climat le baromètre est l'indicateur fidèle de la pluie. S'il marque une pression assez basse, on peut augurer un ouragan avec ou sans pluie, selon la saison, mais si l'orage éclate et si la pluie persiste avec le vent venant du Sud, la pression atmosphérique est toujours très forte et se modère seulement si la pluie dure plusieurs jours; alors on peut compter sur l'arrivée d'un vent du Nord et de grandes chaleurs, qui accélèrent l'évapo- ration des eaux tombées, saturant conjointement avec elles les couches inférieures de l'air. (4) Les études hygrométriques pratiquées sur trois points différents du Chaco ont démontré que dans cette région, à l'époque de la plus grande sécheresse, l'aiguille doit marquer (Saussure) 35°, et cela accidentellement dans l'année. Au contraire, quand l'air est plus saturé d'hu- midité, c'est-à dire pendant la période des pluies, depuis le mois d'octobre jusqu'au mois de mai, il n'indique jamais plus de 81°, d'où l'on déduit que l'humidité de l'air n'est pas très considérable dans cette région, étant donnée sa situation géographique; il faut l'attribuer sans doute à ce que les vents les plus fréquents sont ceux (x) Luis J. Font an a: El (han Chaco. 622 du Nord et ceux, déjà très secs, qui viennent des Cor- dillères. La moyenne générale hygrométrique est de 60°. L'humidité la plus faible correspond au mois de juin qui est le plus froid et sa moyenne est de 55°5 pour 17°6. Les vents habituels sont ceux du Nord, du Sud et de l'Est et parfois leurs intermédiaires. Celui de l'Ouest ne se produit que dans les cas anormaux, orageux, etc. Le vent du Nord est extrêmement chaud, suffocant; il souffle pendant 3 ou 4 jours et généralement avec force; il est suivi d'ouragans; au bout de ce temps, il est rem- placé par le vent du Sud, qui produit une température délicieuse, suivant l'expression du Dr. Roselli, médecin de la localité. La pathologie est principalement représentée dans le Chaco par la malaria, car cette région dont les terrains sont en grande partie marécageux et facilement sub- mersibles, avec un climat chaud, de l'eau et une végé- tation abondantes (grandes plantations de cannes à sucre, de maïs, de tabac et forêts d'orangers) entre dans la zone palustre de la République Argentine, comme nous le verrons plus loin, au chapitre XXVIII. Malgré ces conditions naturelles, les maladies des pays chauds ne se sont pas encore développées d'une façon intense, circonstance satisfaisante, due probablement au chiffre peu élevé de la population du district: 30.000 habitants pour une étendue de 124.834 kilomètres carrés. Les maladies générales, rhumatismes, bronchites, pneu- monies, etc., ne sont pas fréquentes, mais elles consti- tuent les affections les plus communes. On ne connaît d'autre épidémie que la variole qui a envahi plusieurs points, particulièrement les campements militaires. Cette maladie a disparu aujourd'hui, depuis que la vaccination s'est vulgarisée. La fièvre typhoïde est presque inconnue. La mortalité générale est peu élevée. Les piqûres de serpents ne sont presque jamais mortelles. Les étrangers s'acclimatent facilement. 623 Formosa. - Ce district du littoral, situé dans le Chaco, entre les rios Bermejo et Pilcomayo, au 26°12' de latitude et 58°6'3" de longitude Ouest de Greenwich, à 82 mètres au-dessus du niveau de la mer, a une éten- due de 115.671 kilomètres carrés et une population de 6.000 habitants. Par sa situation, par la facilité des transports et par les richesses de son sol, un grand avenir est assuré à ce pays le jour où l'immigration le peuplera. La capitale, Villa Formosa, a été fondée en 1879, par le colonel Fontana, dont le nom ainsi que celui du géné- ral N. Uriburu, ancien gouverneur, sont intimement liés à son histoire récente et à ses progrès. La fertilité de cette contrée est extraordinaire. Une production exubérante permet de lui présager une pros- périté merveilleuse, et pour penser ainsi, il suffit de rap- peler qu'elle présente une couche d'humus variant de 50 centimètres à deux mètres d'épaisseur. Il résulte que cette terre est très noire et se trouve mêlée avec un sable très fin, circonstance qui influe pour qu'elle puisse être remuée facilement; elle repose sur un lit immense de formations sédimentaires argileuses de couleurs diverses, entremêlées de pépites d'oxyde de fer et de nodules de sulfate de calcium; on a constaté la marne argileuse sur divers points. Comme éléments de son climat, nous pouvons citer les suivants: températures extrêmes: été (janvier) 39°8; hiver (juillet), 1°3. La variation moyenne diurne calcu- lée pour l'année entière, selon Davis, donne une ampli- tude de 8°45; la valeur maximum 25°75 s'observe à 2 heures 3 minutes de l'après-midi, et la valeur minimum 17°30 à 4 heures 2 minutes du matin. En janvier, le maximum normal est 31°10 et le minimum 22°46; en juillet, successivement 20°33 et 12°60. La pression atmosphérique la plus élevée dans une période de 8 ans a été observée le 4 août 1881 ; elle atteignit 774.06 mm; et la plus basse fut de 738.71 mm. en décembre. L'humidité relative moyenne est la suivante: été 73, automne 79, hiver 81, printemps 71. 624 La plus grande humidité relative se présente entre 2 et 3 heures du matin, dans toutes les saisons; c'est pendant l'hiver qu'on observe le chiffre le plus élevé. La pluie est un phénomène fréquent en été. De 1880 à 1888, la quantité d'eau tombée a été comme il suit: Année 1880 1338 mm. » 1881 1868 » » 1882 1293 » » 1883 1396 » » 1884 1256 » Année 1885 1571 mm. » 1886 1373 » » 1887 1364 » ». 1888 1014 » La moyenne annuelle serait donc de 1369.9 mm. La division par saison s'établit ainsi: Eté...'. 435.0 Hiver 171.9 Automne 370.6 Printemps 392.4 Pendant la période décennale de 1879-88, Villa Formosa a reçu 522 pluies donnant une quantité de 12 m. 777 mm. et une moyenne de 24.48 mm. pour chaque averse. Les bruines et les brouillards s'observent toute l'an- née, mais plus fréquemment en hiver où ils sont constants sur tout le littoral. Les vents soufflant franchement du Nord et du Sud dominent et leur fréquence peut être établie par la mo- yenne annuelle ci-après: Sud 316, Sud-Ouest 39, Sud- Est 109, Nord 270, Nord-Ouest 5, Nord-Est 79, Est 87, Ouest 19, journées calmes 76. Les maladies sont rares, étant donnée la population réduite. On note, cependant, quelques cas de fièvres pa- ludéennes, car cette région appartient à la zone palus- tre, comme tout le Chaco. Les vipères et les serpents abondent; leurs morsures quoique fréquentes ne sont pas mortelles. Misiones. - Le district de Misiones, « un des joyaux les plus précieux du diadème Argentin », suivant Godio, en comprenant la partie en litige avec le Brésil, se 625 trouve entre les 25°30 et 28°10 de latitude Sud et entre les 55°50 et 50°81 de longitude Ouest du méridien de Greenwich. Sa superficie est de 53.954 kilomètres carrés et sa population de 40.000 habitants. Son terrain est généralement ondulé entre Corrientes et Posadas, capitale du territoire; à l'Est se rencontrent de superbes montagnes et des forêts de bois de cons- truction ainsi que de plantes très belles. La terre est chargée d'oxyde de fer, qui lui donne une couleur rouge; la couche d'humus est d'une ri- chesse admirable et, par suite, la végétation est surpre- nante. Le sous-sol est pierreux. Le Dr. Arata (') a examiné des spécimens de terre de la Pe et 2e couche du sol de Misiones pris entre le rio Paraiso ou Ipané et le Jaboti et il a obtenu les résul- tats suivants: Ire Couche 2® Couche Insoluble en H. Cl. sable, silice pour 100 55.70 55.90 Soluble en H. Cl. eau à 125 centg 8.089 8.070 Oxyde d'alluminium et fer 28.69 27.35 Acide phosphorique Chaux, magnésie, potasse et oxyde silicique so- 0.432 0.832 lubie 7.089 7.848 Matières combustibles et volatiles et eau chi- 100.000 100.000 iniquement combinée 11.771 11.750 Les rios et cours d'eau qui arrosent ce territoire pri- vilégié sont très nombreux et débouchent dans le Pa- ranâ et dans l'Uruguay. Avec l'immense réseau hydrographique que possède P) Juan B. Ambrosetti : Râpida ojeada sobre el territorio de Mi- siones. Buenos Aires, 1893. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 626 Misiones, dit Ambrosetti, alimenté constamment par les nombreuses sources et la pluie abondante que régulari- sent les immenses forêts qui couvrent son sol, dont la fertilité est merveilleuse, on peut affirmer que c'est la région la mieux arrosée de l'univers. Les chaînes de montagnes les plus importantes sont la Centrale, ITman, Victoria, San Antonio, Concepcion, Piray, San Juan, San José, etc. Il y a de grandes forêts qui produisent 140 classes de bois que l'industrie exploite; les plantes textiles sont nombreuses et les plantes médicinales connues dépassent 90. On cultive avec des résultats extraordinaires : la canne à sucre, le tabac, le coton, le café, le maïs, le manioc, le mani, la patate, le riz, le haricot, la banane, le sorgho, la vigne. L'industrie de la yerba-mate est très prospère. Le manioc est le principal aliment des classes pau- vres; l'amidon qu'il produit est très apprécié. L'élevage trouve ici des conditions très favorables pour se développer: bœufs, chevaux, mulets, chèvres, porcs, y prospèrent également. Dans les champs, on rencontre des cerfs, des tapirs, des sangliers, des singes, des tigres, des chats sauva- ges, des iraras, etc. La pêche est abondante. Le climat de Misiones est chaud, mais quoique pen- dant la journée la chaleur soit très forte, la nuit la température s'abaisse et cette fraîcheur est très agréa- ble. Toutefois, cette baisse peut être préjudiciable sur- tout en temps humide. Les pluies sont abondantes et accompagnées de grands phénomènes électriques. Les gelées sont très rares à Posadas. Relativement à la pathologie de cette région, nous pouvons dire ceci: les maladies du foie sont fréquen- tes, par suite de l'abus de l'alcool; celles du cœur le sont également. Les boissons spiritueuses et la syphilis contribuent à ce résultat. D'un autre côté, le rhuma- tisme est très commun à cause de l'action de l'humi- 627 dite et des brusques changements de température qui surviennent pendant la nuit. La coqueluche a été épidémique en 1894 et a été ac- compagnée de complications sérieuses, de paralysie, etc. Si au cours de cette maladie, il ne s'est pas produit d'accident du côté du poumon, on doit l'attribuer au climat. La variole a fait des ravages en 1891 pendant deux mois. Aujourd'hui elle a disparu grâce à la vaccine. Le Dr. B. Cortina a observé très fréquemment les fièvres intermittentes, surtout à Posadas, mais chez des individus venus de la campagne. Les fièvres typho-malariennes sont fréquentes. La dy- senterie sporadique s'observe assez souvent, mais elle cède facilement au traitement. L'anémie est commune chez l'homme; la chloro-anémie, chez la femme; parmi ces dernières, beaucoup sont stériles. Cet état est imputable à une alimentation insuffisante; elles mangent peu de viande, beaucoup de végétaux, elles travaillent avec excès; l'humidité et la chaleur sont très marquées, la transpiration constante. La carie et les névralgies dentaires sont générales, par suite de l'action de la canne à sucre. Les migraines le sont également. Les maladies vénériennes et syphilitiques sont com- munes et intenses; les affections de la peau, également et en particulier les eczémas, les érythèmes. On a ob- servé de nombreux cas de gale. Le pique (pulex penetrans), est très commun et frappe spécialement sur le nouveau venu, qui ne connaît pas encore ses effets désagréables et qui ne sait pas s'en débarrasser. Il se loge dans la couche profonde du der- me et tout son aspect est celui d'un petit kyste. La ura, est une autre maladie très fréquente chez ceux qui peuplent les forêts. Le Dr. Bertoni croit qu'elle est produite par une mouche. Ce qui est vrai, c'est que son évolution dure une ou deux semaines; elle est ca- ractérisée par un flegmon provoqué par une larve trans- formée en ver. CHAPITRE XXVIII LE PALUDISME DAIMS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Influence et résumé des études de Laveran sur le paludisme. - Diffé- rentes formes de la maladie. - Opinion de Trousseau. - Distribution géographique du paludisme dans la République Argentine. - Statistique comparée. - Cachexie palustre. - Mortalité infantile. - Foyers palustres : Tucuman, Salta, Jujuy, Catamarca, Corrientes et Misiones. - Action de la chaleur, de la végétation et de l'humidité. - Les canaux à l'air libre. - Le paludisme aigu et le paludisme chronique. - Opinion de Widal. - L'influenza et le paludisme. - Associations microbiennes. - Germain Sée. L. Colin. - Observations de Theophanides, et de Pampoukis d'Athènes.- Le paludisme en Grèce et au Tonkin. - Péritonites paludéennes. - Les fièvres typho-malariennes. - Diagnostic de la fièvre typhoïde et du palu- disme. - Prophylaxie. - Traitement. - Action du drainage. - Opinion de Graves. - Influence des pins. - Essais dans la Caroline du Nord. - Le bichlorure de quinine. - Le bleu de métylène. - Le phénocolle. - La cachexie palustre et l'hydrothérapie. - Observation d'un cas de paludisme expérimental à Buenos Aires. - Opinions diverses au sujet du paludisme. Les travaux récents de Laveran ont mis un terme à la longue discussion qui s'est élevée au sujet de l'ori- gine du paludisme, et l'état actuel de la question peut être condensé dans les conclusions suivantes, qui sont le résumé de ses études: 1° Les hématozoaires ont été retrouvés chez les pa- lustres de tous les pays avec les mêmes caractères et il existe une concordance remarquable entre les descrip- tions déjà nombreuses qui en ont été données. 2°. Jamais ces hématozoaires n'ont été rencontrés chez des individus qui n'étaient pas atteints de palu- disme. 3°. Le développement des hématozoaires se lie inti- 629 mement à la production de la mélanémie qui est la lé- sion caractéristique du paludisme. 4° Les sels de quinine font disparaître du sang les hématozoaires en même temps qu'il guérissent la fièvre palustre. 5°. On a réussi à transmettre le paludisme d'homme à homme, en injectant dans les veines d'un individu non entaché de paludisme une petite quantité de sang recueilli dans les veines d'un palustre et contenant des hématozoaires. Le parasite du paludisme est unique, polymorphe, et, par suite, les opinions d'après lesquelles on pourrait soutenir la doctrine de la pluralité des hématozoaires palustres, n'ont pas leur raison d'être. Il a des formes variées, qu'on peut réduire à ces qua- tre types: 1° corps sphériques; 2° flagella; 3° corps en croissant; 4° corps segmentés ou en rosace. La fréquence de ces différentes formes du parasite dans les 432 cas observés par le professeur du Val-de- Gràce, est la suivante : le corps sphérique seul, 266 fois; le corps en croissant seul, 31 fois; le corps sphérique et les flagellas, 59 fois; le corps sphérique, le corps en croissant et les flagellas, 33 fois. Pour expliquer la façon dont ce parasite pénètre dans l'organisme, on a pensé que les moustiques qui pullu- lent dans les marais pourraient lui servir de moyen de transport, comme l'eau et l'air. Cette endémie est la plus répandue du monde entier, toutefois son invasion est limitée par l'altitude. Ici même nous voyons et nous avons eu la preuve que tandis que la population d'une vallée est sujette à l'in- fluence de la malaria, telle autre qui habite sur une hauteur, n'est pas atteinte. Occupons-nous maintenant d'étudier son importance comme entité morbide, et rappelons d'abord Marchiafava, et Celli, Antolisei, Gualdi et Angelmi, Mariotti, Gia- rocchi, Pietra Santa et autres qui ont contribué à faire connaître le véritable caractère de la maladie, son ino- culation directe d'homme à homme, jusqu'à ce qu'on 630 ait atteint les résultats qui consacrent aujourd'hui la renonmée universelle de Laveran. Le paludisme est endémique dans une vaste région de la République Argentine, comme cela à été constaté par les travaux du Dr. E. Canton. Disons pour commencer que la période d'incubation est sujette à de nombreuses variations. Tantôt les phé- nomènes paludéens se présentent immédiatement; tantôt, après une semaine et même davantage; il arrive que chez certaines personnes ces phénomènes se produisent lorsqu'elles ont abandonné la région endémique, ainsi que nous Lavons observé sur un habitant de Buenos Aires qui avait séjourné quelque temps à Tucuman sans être attaqué, et qui ne ressentit cette affection qu'après son retour dans la Capitale. Ces faits ne sont d'ailleurs pas rares, et déjà Trousseau avait appelé l'attention sur eux. Ce professeur a divisé les accidents de la maladie en question, en fièvres intermittentes ré- gulières avec leurs formes quotidiennes, tierces, quar- tes, et leurs variétés de fièvres doubles et redoublées;(l) en fièvres intermittentes pernicieuses dont les formes sont l'algide et la sudatoire. Dans la première (l'algide), le froid est le signe ca- ractéristique depuis le commencement jusqu'à la fin; la soif est extraordinaire; le pouls faible. Dans la seconde (sudatoire) on constate les caractères comateux, délirant, convulsif, cardialgique, hémorragi- que, péripneumonique, pleurétique. Un fait, entre tant d'autres, permet de distinguer les accès de fièvre pernicieuse, c'est qu'ils ne se produi- sent pas à des intervalles aussi éloignés les uns des autres, que les accès de fièvre intermittente régulière. Ils sont anticipants, quand Taccès ayant commencé à midi, il se produit le lendemain six heures plus tôt; les subintrants, dont les accès se succèdent précipitam- (x) Ces dernières variétés sont très rares. 631 ment; le second survient avant que le premier ait dis- paru. De nos jours, nous voyons que Laveran a divisé les accidents du paludisme en fièvres intermittentes et fièvres continues. Il ajoute qu'on a décrit sous le nom de fièvres pernicieuses, les formes graves et inusitées et qu'on a fait figurer dans cette catégorie: 1° les for- mes continues et très graves; 2° les différentes compli- cations et les accidents qui peuvent survenir dans les fièvres à caractère intermittent ou continu. Pour mieux étudier toutes les formes que le palu- disme peut présenter, Laveran a établi les suivantes: intermittentes, continues, complications ou accidents appelés pernicieux, fièvres larvées, cachexie palustre. Nous n'avons pas besoin de rappeler ici que la fièvre intermittente est la forme la plus commune de la ma- laria et que les types quotidien, tierce et quarte sont les plus fréquents dans notre pays. Les heures qui s'écoulent entre minuit et midi sont celles pendant lesquelles la fièvre se présente de préfé- rence; c'est là un symptôme important qui permet de distinguer la fièvre intermittente ayant une origine pa- ludéenne, de celle qui a une autre cause. Ses éléments spéciaux, propres, sont: frisson, chaleur, sueur, états symptomatiques d'une grande importance. Les fièvres continues palustres sont simples et gra- ves; ces dernières sont également appelées pernicieuses. Dans les premières, il convient d'observer deux types: la fièvre gastrique (au début), caractérisée par des fris- sons, une fièvre (40°) de rémissions matinales, constipa- tion, vomissements constants, anorexie, céphalalgie, ra- chialgie violente, congestion et douleur du foie et de la rate; la fièvre bilieuse vient plus tard avec ce cortège; fièvre de 40° (continue ou d'accès intermittents au dé- but), pouls rapide, respiration précipitée, sécheresse et chaleur de la peau avec teinte ictérique, vomissements et diarrhée bilieuse, soif extraordinaire, foie et rate hy- pertrophiés et douloureux, urine colorée par le pigment bilieux, délire, défervescence, et tout est fini en deux semaines. 632 Sous les formes graves, on étudie la typhoïde palus- tre et la bilieuse grave. La fièvre gastrique palustre, en se prolongeant et en se compliquant d'un état typhique grave, constitue la typhoïde palustre qui, d'après Laveran, se distingue très difficilement de la fièvre typhoïde véritable. En effet, quoique ces deux maladies diffèrent au point de vue de l'étiologie et du traitement, leurs symptômes pré- sentent de grandes analogies; au sujet de la fièvre bi- lieuse grave, il dit qu'on l'observe presque toujours chez d'anciens palustres qui ont déjà souffert plusieurs attaques des fièvres rémittentes ou qui présentent des signes de cachexie palustre. Quelques médecins de Tucuman ont l'habitude d'ap- peler rémittente la forme continue de la malaria. Ils la divisent en commune et en grave. La gastrique, la gas- tro-intestinale simple et la bilieuse correspondent à la première; la gastro-intestinale typhique et l'hémorra- gique, à la seconde; mais il n'y a pas de raison suffi- sante pour cette nouvelle dénomination. Nous avons déjà dit que sa fréquence, dans cette ville, est très marquée et que pendant l'été de 1891-1892, les formes continues se sont montrées sous un aspect bien caractérisé et ont duré, dans certains cas, jusqu'à 30 jours. Les accidents pernicieux peuvent se produire dans les formes intermittentes ou continues, ce sont: des accès comateux, soporeux, apoplectiques, délirants, al- gides, diaphoniques, cholériformes, gastralgiques, car- dialgiques, convulsifs, syncopais, c'est-à-dire, les mêmes qui ont été classifiés par les cliniciens. Il faut ajouter à cette liste les larvés, c'est-à-dire ceux qui se dissimulent sous l'apparence d'un autre maladie, et dans ce cas on comprend les névralgies, les névroses, l'urticaire intermittent, qui constituent de véritables masques de l'infection malarienne. C'est ainsi, comme le dit Trousseau, que la fièvre pernicieuse si- mule la fièvre cérébrale, l'apoplexie, l'épilepsie, la pneu- monie, la pleurésie, la dysenterie ou le choléra. Néan- 633 moins, tout en empruntant à ces maladies quelques- uns de leurs principaux phénomènes, elle en conserve d'autres qui permettent de la reconnaître, quoiqu'il man- que à ces derniers plusieurs des caractères essentiels, qui appartiennent exclusivement aux affections dont les noms nous servent, faute de mieux, pour désigner les différentes espèces de fièvres pernicieuses. Je m'explique: la fièvre pernicieuse épileptiforme em- prunte à l'épilepsie les accidents convulsifs; mais elle diffère des vrais accidents de ce mal par sa marche et par la façon dont elle finit. Dans la pernicieuse pneumonique, les accidents tho- raciques, tels que les râles crépitants et l'expectoration sanguinolente, simulent ce qu'on observe dans certaines formes du catarrhe pneumonique; mais sans tenir compte d'autre chose que de l'aspect des crachats, on constatera des différences notables. La pernicieuse dysentérique, a aussi un caractère commun avec la dysenterie, c'est celui des selles san- guinolentes; mais le tenesme et les excrétions albumi- neuses qui ont une si grande importance dans un cas, font défaut dans l'autre. Si on observe de plus près la marche et l'aspect du mal, on ne, peut conserver un doute au sujet de sa nature. (l) La cachexie palustre est un état grave et chronique qu'on contracte par un séjour prolongé dans une région malarienne; elle se manifeste par une anémie spéciale, une hypertrophie de la rate, une décoloration particu- lière, et par une décadence sui generis de l'individu d'abord et de la race ensuite. Nous savons que dans la République Argentine, ce sont les provinces du Nord, Tucuman, Salta et Jujuy, qui sont les plus palustres, et les ravages qu'y fait le paludisme peuvent être établis par les renseignements suivants, qui sont relatifs à l'année 1890: (x) Trousseau: Clinique médicale. Tome 4. 634 TüCUMAN Salta JüJUY Cachexie palustre 20 11 3 Fièvres paludéennes (sans compter les enfants) 209 43 53 Enfants de 0 â 5 ans morts par suite d'influence paludéenne 134 19 36 Faiblesse congénitale (influence pa- ludéenne) 191 15 2 Mortalité générale 1788 958 297 Mortalité infantile 927 454 130 La proportion qui existe entre la fréquence du pa- ludisme et le nombre des victimes de la cachexie est démontrée par les chiffres précédents. Les imperfections de la statistique pourront la faire varier, mais son rap- port reste le même. Un fait certain est le lien étroit qui existe entre la cachexie palustre et la mortalité infantile, par suite de la dégénération organique imprimée par l'infection. Nous le constatons à Tucuman où, pendant l'année 1890, sur 40.000 habitants il meurt 927 enfants, (') sur lesquels 191 de faiblesse congénitale et 134 de paludisme évident. Il n'est pas nécessaire de discourir plus longtemps, pour démontrer l'influence de la malaria sur l'individu et sur la race: sur l'individu, en le mettant dans un état de pauvreté physiologique se traduisant plus tard par un ensemble de conditions morbides, qui précipitent sa fin; sur la race, en affaiblissant la résistance orga- nique, en engendrant des êtres étiolés, sans énergie pour la lutte et sans forces pour la vie individuelle, ce qui se traduit par une grande quantité d'avortements, de mort-nés et de décès par suite de faiblesse congé- nitale. Nous avons dit que le paludisme est endémique dans les provinces du Nord. C'est là, en effet, que se ren- (j) Presque le 60% du total. 635 contrent les conditions qui favorisent le plus son déve- loppement: la chaleur, l'humidité, le sol riche en ma- tières organiques et une végétation abondante. Depuis la forme la plus bénigne jusqu'à la cachexie, toutes les gradations peuvent s'observer et il est con- solant de dire que, grâce à l'action de l'hygiène publi- que et à la propagande du Dr. Canton, quelques villes, comme celle de Salta, voient diminuer le chiffre de leurs victimes. La région qui, dans notre pays, se distingue par son caractère spécialement palustre, comprend les provinces de Tucuman, Salta, Jujuy, Corrientes et les districts fédéraux du Nord. Toute cette région est particulière- ment dotée de forêts, de marais, d'eaux abondantes; sa température élevée favorise la décomposition des ma- tières contenues dans le sol. Dans cette zone, on trouve tous les éléments indispensables, pour la signaler comme un foyer de la malaria, mais il en existe une autre dans laquelle ni l'abondance de la végétation, ni la fréquence des pluies ne peuvent être invoquées comme des causes du paludisme, c'est celle de La Rioja et Ca- tamarca qui présente, sur quelques points, une certaine richesse en détritus organiques de la terre, favorisée par la chaleur qui exerce une influence sur la produc- tion de la maladie. A La Rioja, nous avons déjà vu, en nous en occupant spécialement, qu'il ne pleut presque jamais et que la végétation est généralement faible (quoiqu'il existe des bois dans certains parages). Ce ne sont pas des condi- tions qui favorisent la malaria; en deux mots: son sol n'est pas palustre. Cependant il intervient d'autres causes, qui forment des foyers accidentels; ce sont les ruissseaux avec leurs eaux de très mauvaise qua- lité et les puits dans lesquels ces eaux séjournent pendant un temps indéterminé. En somme, la maladie dans ce pays n'est ni fréquente, ni grave. Voyons maintenant ce qui se passe à Catamarca. L'absence de toute humidité apparente et de marais peut faire supposer que le paludisme n'y existe pas, 636 mais le sol est riche en substances organiques, la tem- pérature est élevée et ce sont là deux conditions favo- rables à la production de la malaria. De l'avis du Dr. delaVega, qui connaît les vallées de Catamarca et de Pasquin, où le chucho f1) est endémique, on n'arrivera pas à expliquer sûrement la cause ou la raison de cette endémie, qui sévit principalement dans les départements de la Capitale, Piedra Blanca et San Isidro. Dans toute l'étendue de la vallée, d'après ce qu'il dit, le sous-sol est constitué par trois couches principales, qui sont: celle de la surface formée de terre et de sa- ble, d'une épaisseur de 30 centimètres environ; une couche de sable plus épaisse et la troisième formée en partie d'argile et de schiste. Cette couche a son importance au point de vue étio- logique; elle forme un lit imperméable pour les eaux qu'absorbent les deux premières couches; le peu de profondeur à laquelle elle se trouve (2 mètres) et la perméabilité comme la porosité des deux autres assurent la facilité des changements d'air, et par suite, une fer- mentation constante. Nous trouvons la cause principale de l'infection dans le grand nombre de ruisseaux qui amènent l'eau depuis le Tala. Ces petits canaux entre- tiennent une grande humidité; ils ont une largeur de 0.70 centimètres et on peut dire que chacun envahit pour le moins un mètre de chaque côté, c'est du moins ce qui est visible, sans compter l'étendue qu'embrassent les filtrations. On peut en dire autant des villages dans lesquels on suit naturellement le même système de canaux à l'air libre pour la provision d'eau. En additionnant toute la superficie qu'ils parcourent on aura plusieurs milliers de mètres carrés d'un sol constamment humide, qui est un abondant dépôt de O Chucho, terme qui veut dire Paludisme- 637 détritus organiques et soumis à la température élevée de l'été. II faut ajouter à cela la mauvaise habitude de nom- breuses familles, qui consiste à déposer l'eau de bois- son dans des puits sans revêtement dans lesquels tombent les dépouilles des arbres qui contribuent, avec la chaleur, à les altérer. On voit par suite, que, dans les ruisseaux comme dans les puits des maisons, la matière organique abon- de; celle-ci, en subissant l'action des rayons solaires, engendre la malaria qui y rencontre tout ce qui lui est nécessaire. Dans les localités mentionnés plus haut, le paludis- me ne se présente pas sous un aspect franc, bien carac- térisé par ses périodes de chaud et froid ainsi que de sueurs; il a plutôt une forme larvée, il est dissimulé sous l'apparence d'une autre affection qui plus tard vient à être celle-là. Les médecins qui ont exercé dans ce pays disent qu'un grand nombre de personnes sont atteintes d'hé- patites chroniques qui sont certainement imputables à la malaria. Ceux qui viennent des départements de l'Ouest, sont ceux qui payent le plus fort tribut; il y a deux ans on m'envoya 15 familles de Tinogasta, et je les installai dans une maison de la Chacarita (municipe de la Capitale); trois mois après leur arrivée, toutes étaient atteintes de fièvre tierce; aujourd'hui une seule famille reste (les autres sont reparties) et ses membres souf- frent encore de temps à autre d'attaques de chucho (paludisme), type quotidien. Les travailleurs du che- min de fer de Chumbicha à Catamarca, venaient en grande partie de La Rioja et des départements de l'Ouest de Catamarca; ils ont été atteints également de la fièvre tierce. Les muletiers qui apportent les fruits de ces dé- partements sont fréquemment attaqués par le chu- cho. C) (x) Dr. F. de la Vega: El Chucho en la. Provincia de Calamarca; tésis, de Buenos Aires. 638 Durant une période de 14 ans, il est mort dans la ville de Catamarca, 127 palustres, sur lesquels on comp- tait 49 hommes, 38 femmes et 40 enfants de moins de 3 ans. Ce dernier chiffre est très élevé; quoiqu'il se réfère à une période de 14 années, il montre les ravages que fait cette maladie sur les organismes jeunes comme sur les adultes. Dans la province de Corrientes, au Nord, ainsi qu'à Misiones, on observe aussi les fièvres palustres. En 1892, après une série de pluies fortes et abondantes qui sont tombées sur toute cette région, les phénomènes du paludisme ont pris une grande intensité. En ce qui concerne la ville et ses environs, nous savons que la fièvre y a pris le type tierce, que ses effets ont été violents, et qu'elle a été suivie immédiatement par une invasion d'influenza qui a frappé presque la moitié des habitants et a causé de nombreux décès. Si on excepte l'épidémie palustre de l'année précé- dente, peu de cas de ce genre se présentent dans la ville de Corrientes. D'après le Dr. Pacheco, sur un total de 313 malades entrés en 1890, à l'hôpital « San Juan de Dios », il y en avait cinq seulement de cette catégorie. La clinique civile confirme cette observation relative à la rareté des cas de malaria dans cette con- trée. Les effets du paludisme aigu se font sentir sur tous les organes de l'économie; la rate, le foie, les reins, le cerveau, les muscles, les os souffrent des lésions constantes; le sang, diminue, devient fluide, et quand les malades sont apyrétiques, après les accès graves, il contient des leucocites en quantité anormale; les glo- bules rouges se déforment et disparaissent peu à peu. Telle est la mélanémie. Le paludisme chronique est caractérisé par une con- gestion permanente des viscères à la suite de fièvres d'accès répétés et prolongés, et pour constater son exis- tence, il n'est pas nécessaire qu'il se soit produit des accidents aigus. La cachexie palustre présente, d'après Widal, les plié- 639 nomènes suivants: surcharge ferrugineuse des organes (siderosis), atrophie, dégénération amyloïde; de plus surviennent les cirrhoses hépatiques, les néphrites, les pneumonies palustres. Selon cet auteur, dans tout le cours de la malaria se poursuit la formation de deux pigments dérivés de l'hémoglobine: le pigment mélanémique spécifique puisé dans les globules par le parasite, et le pigment ocre renfermant des fers plus ou moins intimement combinés; à mesure que l'affection devient plus ancienne, le pig- ment mélanémique diminue de quantité, mais la for- mation d'un pigment ferrugineux, imprégnant les cellu- les, va sans cesse augmentant. Laveran ne consigne que cinq formes de paludisme, mais Wida] en ajoute une sixième; c'est la forme com- binée ou compliquée qu'on appelait autrefois propor- tionnée et qui n'est autre chose que l'association de l'hématozoaire palustre avec une autre maladie infec- tieuse sur un individu. Un fait curieux qui entre dans le domaine des asso- ciations infectieuses, est la répercussion de l'influenza sur le paludisme; elle le réveille. Grenier l'a établi pendant l'épidémie de grippe en France (1889-1892), qui lui a fourni l'occasion d'obser- vers plusieurs cas de cette affection suivis d'accès de fièvres intermittentes : sur le nombre, un seul échappa à cette rechute. Dans tous ces cas, la fièvre a présenté le type quo- tidien, et s'est déclarée pendant la convalescence. La grippe a eu une évolution régulière et ensuite, la fièvre intermittente a fait à son tour son apparition. U faut remarquer que tous ces malades avaient pris du sulfate de quinine dans le cours de la grippe, ce qui, on le voit, n'a nullement empêché la production des accidents palustres. (') P) René Grenier: Notes sur six cas d'un paludisme réveillé parla grippe. Archives générales de médecine. Septembre 1892. 640 Quand ces combinaisons d'éléments infectieux dis- tincts se manifestent, les maladies peuvent coexister pendant toute l'évolution ou pendant une partie seule- ment; elles peuvent être complètement séparées. En étudiant la province de Salta, nous avons dit qu'il s'y était produit des pneumonies palustres. Cette mala- die n'a jamais été bien déterminée, et aujourd'hui en- core il existe des divergences à son sujet. Le même Trousseau parle de la pernicieuse péripneu- monique ou pernicieuse catarrhale, caractérisée par des accidents pulmonaires, et dans laquelle la respiration est difficile, opprimée, inquiète et la voix altérée; le visage enflé, les yeux injectés; le front et la poitrine se couvrent de sueur. A ces symptômes extérieurs d'un catarrhe suffocant, s'ajoute une expectoration abondante, muqueuse et sanguinolente, comme celle de certaines apoplexies pulmonaires, si bien que dans l'auscultation on entend des râles crépitants, très fins, dans toute l'étendue du thorax. (*) Jaccoud s'est occupé d'un cas d'accès de fièvre inter- mittente avec une fluxion pulmonaire aiguë qui n'est pas arrivé à l'hépatisation. Germain Sée parle des pneumonies spécifiques et étu- die celle qui a pour origine la malaria, avec les lésions profondes du poumon, l'engorgement pulmonaire, hépa- tisation, etc., la fièvre pneumonique soumise à l'élément pernicieux. Laveran et Teissier disent à ce propos que l'un d'eux a attiré l'attention sur cette forme de pneumonie chronique, remarquable surtout par la transformation de l'endothélium alvéolaire en un épithélium à cellules cylindriques au niveau des parties malades. (2) Colin n'accepte les pneumonies palustres que comme complications. P) Trousseau: Clinique médicale. Tome 4». p) Laveran et Teissier: Pathologie médicale. Tome I. 641 Tartenson, (') dans un travail sur les fièvres larvées, considère toute pneumonie accompagnée d'une tempé- rature de 39° au minimum, comme d'une nature infec- tieuse. Dans la généralité des cas, le poison palustre est l'élément infectieux. En somme, il considère que la pneumonie est due presque toujours à l'infection pa- lustre, et il admet la congestion pulmonaire palustre, la pneumonie lobullaire ou catarrhale palustre avec 39° ou 40°, la pneumonie lobaire ou fibrineuse palustre avec 40° ou 41°. Dans son opinion, la pneumonie fibrineuse n'est qu'un degré plus élevé et plus parfait de la pneumonie catarrhale. Antoniadès n'accepte comme déclaration palustre pneu- monique que la congestion, mais jamais Finflammation pulmonaire. Théophanides se basant sur trois cas de pneumonie palustre qu'il a vus, croit à son existence. Koramitzas soutient la pneumonie intermittente, qui ne dépasse pas le premier état. Pampoukis (d'Athènes) avec toute Fautorité que lui donne sa pratique dans le pays, où la malaria règne d'une façon désolante, dit qu'il existe une véritable pneumonie palustre, avec hépatisation pulmonaire. Cette pneumonie n'est jamais intermittente, comme déclara- tion pulmonaire; mais la fièvre qui, pendant quelques heures accompagne la pneumonie, peut se répéter par accès pendant le cours de la maladie pulmonaire, at- tendu que la fièvre de la pneumonie palustre durant le premier jour n'est autre chose qu'un accès palustre, qui cesse après quelques heures et qui peut se répé- ter par accès pendant la maladie, ou ne pas se repro- duire. Dans le premier cas, Finflammation qui se produit au poumon, suit sa marche avec ou sans fièvre inflam- matoire. Nous appelons cette pneumonie, la pneumonie palustre bénigne. Si le miasme palustre a agi rapidement (x) Cité par Pampoukis. Etude clinique et bactériologique sur les fièvres palustres de la Grèce. CLIMATOLOGIE MEDICALE. 642 et s'est développé sur un sujet déjà affaibli par une cause quelconque et se trouvant dans de bonnes conditions pour que le caractère pernicieux du paludisme se déclare dans les poumons, au lieu d'avoir une autre forme pernicieuse, nous aurons la pneumonie pernicieuse, avec une fièvre due à l'inflammation pulmonaire et à la puissance du miasme palustre pour agir ensuite sur la moelle épinière et provoquer la fièvre. Si faction inflam- matoire domine, nous avons la pneumonie pernicieuse avec fièvre continue. Au contraire si c'est l'action du miasme palustre, qui est la plus forte, nous aurons la peumonie pernicieuse avec ou sans fièvre, comme d'autre part on l'observe dans les autres formes pernicieuses. (l) A l'appui de sa doctrine, l'auteur cite une observa- tion de Solon Chomatianos. Que dirons-nous maintenant des péritonites palustres dont les médecins grecs prétendent avoir constaté plu- sieurs cas et dont les premières observations ont été recueillies, par Dascalakis de Smyrne? Plusieurs méde- cins de Grèce ont décrit plus tard cette forme de la malaria. Manginas (d'Athènes), Gravaris (de Salonique), ont vu des cas de ce genre; un autre médecin de Lamia (Phtiotis), dit que ces péritonites palustres sont fré- quentes dans ce pays, particulièrement en été après les repas copieux et après les fièvres qui n'ont pas été traitées par la quinine. Pampoukis appelle cet état morbide, une « congestion péritonéale palustre,» au lieu de péritonite palustre, parce qu'il ne s'est pas produit de cas mortels et que, par suite, on n'a pas fait d'autop- sie. On manque d'observations plus précises pour in- corporer à la pathologie cette nouvelle manifestation comme type caractérisé. A vrai dire, pareille forme n'a pas été décrite en- core, même au Tonkin où le paludisme envahit avec une rapidité extraordinaire et où le Dr. Challan pré- (x) PAMPOukis : Etude clinique et bactériologique sur les fièvres palus- tres de la Grèce. 643 tend avoir été témoin d'une fièvre syncopale, sans exclure la forme dysentérique elle-même dont le diagnostic est douteux et durant laquelle l'intermittence peu prononcée ne s'observe qu'au début et dont la fièvre est continue. La malaria dans ces régions prend des caractères de destruction si prononcés, que la cachexie elle-même se produit souvent au bout de peu de jours, comme con- séquence de manifestations d'une gravité moyenne. D'après le Dr. Rey, l'aspect de ces cachectiques est affligeant (peau d'un blanc sale, avec une teinte sub-icté- rique, lèvres blanches, maigreur excessive, yeux abattus, etc.); ils marchent en tremblant comme des vieillards, dans des vêtements qui sont restés beaucoup trop larges et flottants, tant ils ont maigri. Parfois cet état d'ap- pauvrissement, de misère physiologique, survient spon- tanément, sans cause appréciable, sous l'influence dépressive du climat torride: c'est l'anémie aiguë. Telle il l'a observée au Gabon, telle il l'a retrouvée au Ton- kin. La vie de ces pauvres malades est très compromise, parce que, par suite de cette anémie, la diarrhée chro- nique ou la dysenterie sont très graves. Les indigènes de ces contrées payent leur tribut au paludisme comme les étrangers. Parlons des fièvres typho-malariennes si fréquentes dans notre zone palustre et très bien étudiées en ce qui concerne à Tucuman par le Dr. Julio B. Valdéz. Les associations des différentes infections rencontrent leur type spécial dans les typho-malariennes; on voit couramment dans nos provinces du Nord, des malades qui, sans présenter de formes bien définies de l'une de ces affections, se trouvent cependant sous l'action d'un état grave, qui participe des deux. La fièvre typhoïde, nous l'avons déjà dit, s'observe rarement dans ce pays, comme maladie unique, isolée. Au début, on ne sait pas en présence de quelle affec- tion on se trouve; plus tard, la provenance du malade, et la marche de l'affection éclaireront la scène, et le diagnostic pourra s'établir. Parmi les caractères différentiels de l'une et de l'autre, nous trouvons: 644 Paludisme Fievre typhoïde 1" Provenance de la localité palustre 10 2° Céphalalgie, anorexie, per- 2° Céphalalgie, anorexie, vo- te de forces (phénomène très missements, perte de forces. accentué). 3° Epistaxis (dans la cache- xie palustre). 3° Epistaxis au début. 4° Préférence marquée pour la saison des chaleurs. 4° En toute saison. 5° 11 n'existe pas de douleurs dans la fosse iliaque droite. 5° Existe et très marquée. 6° Météorisme (rare). 6° Fréquent. 7o Frissons très marqués au 7° S'ils existent ils sont fai- début. blés et très rares. 8° Au début, diarrhée ou 8° Diarrhée fréquente surtout constipation. chez les adultes. 9° Augmentation du volume 9° L'est généralement moins de la rate, très marquée et cons- quoique évidente, est très dou- tante. loureuse à la percussion. 10° Pâleur des conjonctives, 10° Non. Stupeur. et tinte terreuse de la face. 11° Dans le cours de la ma- 11° Le tracé thermique dans ladie, la température est moins le premier période est très ré- régulière et présente de fré- gulier et soutenu; il présente quentes rémissions. rarement des rémissions. 12° Des fuliginosités se co-ns- 12o Dans la fièvre typhoïde tâtent quelquefois. elles existent toujours. 13° La température baisse ra- 13° La température comrnen- pidement (brusques déferves- ce à descendre dans le 3e sep- cencesj. tenaire, dans une marche ré- gulière, mais nous avons vu des malades exceptionnels chez les- quels une fièvre de 39°5 et 40° s'est maintenue pendant plus d'un mois après la troisième 1 semaine. 645 Paludisme Fievre typhoïde 14° Quelquefois rémissions 14° Dès que la maladie com- matinales, mence, la température monte (Ie semaine); elle se mantient stationnaire (2e semaine), et commence à descendre ensuite (3e semaine). 15° En administrant le sul- 15° Elle ne descend pas ou fate de quinine (jusqu'à 2 gram- presque pas jusqu'après la 2e mes) ou \ebichlorure de quinine, la fièvre descend. semaine. 16° L'examen histologique du sang pratiqué avant l'admi- nistration de la quinine, révèle l'hematozoaire du paludisme. 16o 17o 17o Pétéchies. Le nouvel arrivé, plus que tout autre, est exposé à souffrir les effets particuliers aux régions dans lesquelles régnent les maladies endémiques. L'air qu'il respire, la température ambiante, les émanations telluriques, la nature et la quantité des aliments, l'action des eaux, etc., sont des circonstances d'une portée primordiale, qui influent grandement sur la santé; par suite il est tenu d'observer un ensemble de règles pour que son organisme ne se ressente pas du changement et puisse s'acclimater dans ce nouveau milieu. La prophylaxie du paludisme consiste dans l'emploi de substances qui, introduites dans l'organisme, le ren- dent réfractaire, dans l'assainissement des régions pa- lustres et dans l'emploi d'eaux absolument affranchies de toute contamination. On obtient la première avec la quinine, et l'expérience des navigateurs, des voyageurs, des explorateurs de l'univers entier le démontre. Il suffit d'une quantité de 0.30 à 0.50 centigrammes par jour pour se préserver; si malgré ce, il survenait des manifestations de la ma- laria, on peut être certain qu'elles n'auront pas de carac- 646 tère grave, et que leurs formes seront bénignes. Dans ces conditions, les accidents pernicieux ne se présen- tent pas. Les médecins Italiens ont préconisé avec enthousias- me, l'acide arsénieux administré depuis 1 jusqu'à 8 mil- ligrammes progressivement et en maintenant cette dose, s'il n'y a pas d'inconvénient (sous forme de gélatine arsénicale); mais les expériences faites n'ont pas justi- fié les espérances qu'on avait fondées sur cet agent, comme prophylactique. On sait que le territoire de la Caroline du Nord pré- sente des climats et des températures variés, de gran- des richesses minérales et une puissante végétation, dans laquelle les plantes médicinales abondent. Par suite des conditions de son climat et de son sol si riche, les maladies paludéennes se produisent fréquem- ment; mais d'après L. Satchwell, (*) la résine des pins décompose et rend inerte le germe de la malaria et on observe que les personnes vivant dans les forêts de pins ne sont pas sujettes à l'infection palustre, à la consomption, à la fièvre puerpérale, à la diphtérie et à toutes les maladies microbiennes. Comme mesures d'assainissement, on conseille le dessèchement des marais, le drainage et la culture du sol. Pour la première, il convient de rappeler qu'il existe des saisons palustres, pendant lesquelles l'endémie rè- gne avec toute son intensité. A ce moment, on doit suspendre les travaux entrepris dans ce but, pour les reprendre lorsque le paludisme repose ou est moins violent. Dans la République Argentine, cette époque est com- prise dans les mois de mai, juin, juillet et août. Les bénéfices du drainage sont si bien connus et si bien prouvés, que déjà Graves les constatait quand il (J) The, Sanitarian. Our pine forests as factors of heath. No- vembre 1892. 647 disait: Il est certain que l'extension de l'agriculture et du drainage produit sur la santé en général des ef- fets très notables, en Irlande comme dans d'autres pays; moi-même j'ai souvent constaté l'amélioration qui en résulte pour l'état sanitaire du pays. Les accès de fiè- vres étaient autrefois très communs dans certains can- tons marécageux des environs de Dublin; ainsi à l'épo- que où je faisais mes études médicales, il y avait constamment dans les hôpitaux des cas plus ou moins nombreux de fièvre intermittente; mais aujourd'hui les sous-sols ont été drainés et les lièvres paludéennes ont disparu entièrement. (') On reconnaît à l'eucalyptus des conditions spéciales non seulement comme agent de drainage et de dessèche- ment du sol, mais encore comme destructeur du parasite de la malaria, par suite, d'après Laveran, des vapeurs aromatiques dotées de propriétés antiseptiques que cet arbre dégage. Ses feuilles et ses branches qui couvrent le sol contiennent une forte proportion d'eucalyptol, qui peut s'opposer au développement des germes du paludisme. On peut en dire autant du pin dont l'influence en pareil cas a été prouvée dans la Caroline du Nord, où l'on a observé l'absence de fièvres palustres dans toutes les forêts qu'ils forment. Quand on doit séjourner dans une région palustre, on doit chercher avant tout un point dont l'altitude mettra l'individu à l'abri de l'invasion; on ne boira pas d'eau sans connaître préalablement son origine; le mieux est de la faire bouillir et on évitera les causes d'affaiblissement. Tous les travaux d'assainissement que la région palus- tre de notre pays exige, ne pourront malheureusement pas se réaliser aussi vite qu'il est désirable, à cause des dépenses énormes qu'ils entraîneraient; mais les pro- grès de l'agriculture et les autres manifestations de l'activité humaine, contribueront certainement à faire (1) Graves : Clinique médicale. 648 disparaître en partie ces causes d'insalubrité de nos riches provinces du Nord, aujourd'hui sujettes à l'en- démie. Au mois de septembre 1894, se sont inaugurés les travaux maritimes exécutés dans le havre de la Gachère (Vendée), pour assainir les marécages voisins; et on a dit que nulle part en France on n'avait encore exécuté des travaux de ce genre, pour obtenir la disparition de la fièvre intermittente, résultat aujourd'hui acquis dans ce coin de la Vendée. Que n'en fait-on autant ici? Avant l'emploi du bichlorure de quinine, qui est au- jourd'hui l'agent le plus efficace contre la malaria, on a fait usage du sulfate de quinine, de l'arsenic, de l'eucalyptus, etc., et il est juste de reconnaître que cette substance a joui d'une vogue légitime. Rabuteau. se rapportant aux cas cités par Relier, mé- decin en chef de la compagnie des chemins de fer Au- trichiens, dit que le nombre des malades attaqués de fièvres intermittentes et traités par l'eucalyptus, a été de 432, sur lesquels 310, c'est-à-dire le 71.76% ont été guéris complètement, tandis que le sulfate de quinine avait été donné sans succès à 118 malades sur 432; de ces 118 cas, 91 ont été guéris avec l'eucalyptus. La forme sous laquelle on administre cette substance est la suivante: Feuilles d'eucalyptus 8 grammes Eau (faire infuser) 120 - ou bien : Feuilles d'eucalyptus... 30 à 40 grammes Eau 1 litre ou bien: Poudre d'eucalyptus 15 grammes Partout où ce traitement a été suivi, le résultat a été complet, quel que fût le caractère de la maladie. Mais, l'agent le plus répandu, celui dont les effets ont été toujours les plus probants, c'est le sulfate de quinine, et nous n'insisterons pas à son sujet. Est-il à propos de suspendre le sulfate de quinine, 649 donné à haute dose, quand les accès ont passé, faut-il continuer à l'administrer pendant longtemps? Graves, répondant à cette question, a dit que son ex- périence personnelle le porte à douter de la justice du raisonnement de ceux qui prétendent qu'on ne doit pas suspendre brusquement le médicament de peur que l'économie ne soit défavorablement impressionnée par l'absence de ce puissant tonique; il est convaincu « qu'en adoptant cette opinion, nous allons contre notre but, puisque nous accoutumons le malade aux effets de la quinine, alors que la fièvre intermittente n'existe pas.» Ce médicament est l'antagoniste direct de l'accès et il est bien toléré par l'organisme, tant que celui-lâ le demande. Au contraire, lorsque les paroxysmes ont cessé, les effets curatifs du sel de quinine semblent diminuer, et la constitution s'y accoutume tellement, que lorsque la fièvre revient, le remède a perdu ses propriétés anti- périodiques. (') Les toniques et l'hydrothérapie sont très indiqués dans cette maladie; les éméto-catharctiques dans quelques cas, et les injections sous-cutanées d'acide phénique à 1 pour 100 (16 cent, par jour) donnent également de bons résultats. Les injections intraveineuses de sels de quinine n'ont pas été employées dans la thérapeutique de la malaria. La maison Carlo Erba a préparé le bichlorure de qui- nine, agent nouveau et efficace contre la malaria, très soluble dans l'eau, s'absorbant facilement et rapidement, dans la composition duquel il entre 81.60% de qui- nine. Ce remède est préparé dans de petits flacons qui le renferment en solution de 1 à 5 grammes. Les quantités employées sont 0.50 cents., 1 gramme et jusqu'à 2 grammes en injections hypodermiques. Ses effets sont évidents; à Buenos Aires, Tucuman et Salta, son emploi a été couronné de succès. f1) Graves: Clinique médicale. Tome I. 650 Le Dr. Canton a constaté dans le sang d'un des malades sur lesquels on a fait les premier essais parmi nous, quelques-unes des formes du parasite de Laveran. G. Mya a essayé de faire usage du bleu de métylène dans neuf cas de paludisme, avec le résultat suivant: dans trois, il paraît avoir produit un effet certain sur la marche de la maladie; les plasmodies ont disparu du sang, la température a baissé et l'état du malade s'est amélioré; dans les six autres cas, après avoir ad- ministré une forte dose de la substance, les plasmodies ont persisté et les malades n'ont éprouvé ni amélio- ration, ni réduction aucune dans les dimensions de la rate. Le professeur Osler a employé le bleu de métylène sur sept palustres et a obtenu deux guérisons. La dose employée a été de 1 centigramme qu'on a augmentée jus- qu'à 5 centigrammes en une seule fois, mais cette quan- tité a produit au moment de l'absorption une sensa- sation d'étranglement et des symptômes d'irritation gastrique. Il n'est pas douteux que cet agent ait une action spécifique contre les germes palustres, mais son effica- cité est moindre que celle de la quinine. Son action est rapide, elle atténue les symptômes pendant 4 ou 5 jours; mais s'il reste dans le sang des micro-organis- mes qui résistent pendant ce temps à l'action du médi- cament, ces derniers continuent à se développer, alors même que le malade persiste à faire usage de ce remède. (l) Guttmann a appelé l'attention de la société de méde- cine de Berlin (séance du 14 décembre 1892), sur les nouvelles applications de cet agent contre les accidents malariens. Il l'a employé sur trois malades: le premier, était un homme de 32 ans, qui, avant d'entrer à l'hô- pital, avait eu quatre accès très graves de lièvre inter- mittente, tierce, avec une température de 42°2; on lui (*) British médical Journal. 651 administra 1 gramme de bleu de métylène par jour, en prenant dix doses; ensuite, on a réduit la dose à 50 cent, et à 30 cent, pendant 15 jours. A la suite de ce traitement, le malade n'avait plus eu d'accès et pa- raissait guéri, mais après 15 autres jours, la maladie a fait sa réapparition; on recommença l'emploi du médi- cament en continuant la quantité de 30 centigrammes pendant six semaines. Dès lors la guérison s'est main- tenue. Les deux autres malades ont été traités de la même façon, et ont été également guéris. Dans l'opinion de Guttmann, on doit continuer à administrer cette substance pendant quatre semaines au moins, après l'apparition du dernier accès; il ne lui reconnaît pas d'autre indication ni d'effets se- condaires; il ne prétend pas que son action soit supé- rieure à celle du sulfate de quinine, mais il croit qu'on peut la comparer. D'après ses recherches, le bleu de métylène contri- buerait à détruire les plasmodies dans le sang; trois jours après qu'on l'emploie, celles-ci commencent à di- minuer. Voici, d'après lui, la meilleure façon de donner ce remède: dans la première semaine, on prend chaque jour 50 centigrammes divisés en cinq doses de 10 cen- tigrammes. sous forme décapsulés; ensuite, pendant les cinq semaines suivantes, 30 centigrammes divisés en trois doses. Parenzki et Blatteio (*) déclarent qu'ils ont obtenu de très favorables résultats sur 35 personnes atteintes de malaria et traitées par le bleu de métylène. Dans dedx cas, dans lesquels on trouva le parasite en forme de croissant, cette substance se montra plus active que la quinine. Par contre, dans d'autres cas la quinine est plus efficace. En ce qui concerne les ré- cidives, elles sont plus fréquentes avec un traitement qu'avec l'autre. Les manifestations douloureuses sont heureusement I1) Therapeutische Monatsheft. 1893, janvier. 652 influencées par le bleu de métylène, dont l'action anal- gésique a été signalée par Ehrlich. La poudre était don- née en capsules de 0.4 à 0.5 deux ou trois fois par jour ou sous forme d'injections sous-coutanées à la dose de 0.05. La préparation de Tnerck mérite seule d'être recommandée. Les vomissements du début, la dysenterie disparaissent rapidement. La tolérance est vite établie. L'u- rine et les selles, si le médicament est administré à l'in- térieur, sont colorées de bleu, les crachats et les sueurs sont légèrement verdâtres; la coloration est moins in- tense avec les injections sous-cutanées. Récemment le Dr. Cervello a entrepris l'étude du chlo- rhydrate de phénocolle contre le paludisme, et sur 18 indi- vidus atteints d'accidents quotidiens et tierces, quinze ont été guéris rapidement. Sur trois seulement, le ré- sultat a été négatif et les trois avaient été réfractaires à la quinine. La dose du médicament est de un gramme ou un gramme et demi administré trois fois chaque deux heures, de façon à ce que la dernière dose soit prise deux heures avant le moment probable de l'accès. Son usage doit se continuer encore après que les attaques ont cessé. Cervello croit que le phénocolle est le véritable succé- danée de la quinine pour tous les cas où l'on ne peut donner cette substance. Il a sur la quinine l'avantage d'une absorption beau- coup plus rapide et d'une action antithermique très re- marquable. Les applications du nouvel agent contre la malaria, se généralisent en Italie. Toutefois, il n'a pas eu encore cours dans la thé- rapeutique générale, mais s'il est réellement doté de ces propriétés anti-palustres, analgésiques et anti-ther- miques, il fera facilement son chemin et s'incorporera à la série des bons médicaments. Dans une étude du phénocolle dans le traitement de la malaria, le Dr. Dali arrive aux conclusions sui- vantes : 1° Le phénocolle, s'il n'a pas de propriétés antipyrétiques 653 très énergiques contre la fièvre en général, est au moins aussi actif que la quinine dans la malaria. 2° Tandis que, dans bien des cas, la quinine provo- voque des symptômes toxiques, tels que des bourdon- nements d'oreilles, des éruptions cutanées, etc., le phé- nocolle, au contraire, n'a jamais produit d'effets pareils. 3° Le médicament en question, provoque de très bons résultats sur des malades pour lesquels la quinine avait échoué complètement. 4° Le goût de cette substance peut être dissimulé fa- cilement au moyen d'un sirop quelconque; sous cette forme les enfants eux-mêmes la prennent sans répu- gnance. Quant à la cachexie palustre, le meilleur traitement consiste dans l'hydrothérapie, d'après Rendu. La dou- che froide à la lance est un des plus puissants mo- dificateurs de d'état cachectique: elle agit à la fois sur la peau qu'elle fait fonctionner, sur le système nerveux qu'elle stimule, enfin sur les viscères qu'elle décongestionne. On voit parfois sous son influence, la rate diminuer manifestement de volume, même quand la splénomégalie est de vieille date, et Pleury cite à ce sujet des exemples concluants. (*) Les manifestations larvées de la malaria sont très fréquentes à Salta et Tucuman, où elles ont été étudiées par le Dr. Valdéz. Actuellement on a décrit la neurasthénie palustre, au sujet de laquelle le Dr. Triantaphyllidès (de Batoum) a dit: «Cette neurasthénie palustre, qui ne paraît pas avoir encore fixé l'attention des médecins, peut s'ob- server chez des sujets ne présentant aucun stigmate de l'impaludisme chronique comme tuméfaction de la rate ou du foie, anémie, accès de fièvre, etc. Il est donc important d'être prévenu de son existence possible, d'autant plus que, à l'inverse de la neurasthénie clas- (x) Rendu : Leçons de clinique médicale. Tome I. 654 sique, elle est susceptible de céder rapidement à un traitement approprié dans lequel la quinine figure, bien entendu, en première ligne. « Depuis quatre ans et demi que son attention a été attirée sur ce sujet, notre confrère a eu l'occasion d'ob- server une cinquantaine de cas de cette affection, dont l'origine palustre a pu être reconnue par la constatation des hématozoaires caractéristiques, comme aussi par les effets du traitement quinique. « La plus légère expression de l'impaludisme larvé se manifestant sous la forme de neurasthénie, consiste en un état d'apathie ou de malaise psychique assez sem- blable au spleen des Anglais. « A un plus haut degré de développement, la neuras- thénie palustre peut présenter à peu près tous les trou- bles psychiques, amyosthéniques, vasomoteurs et au- tres de la neurasthénie vulgaire. Cependant les trou- bles du sommeil, les troubles digestifs et le casque céphalique sont moins constants dans la neurasthénie palustre que dans la maladie de Beard. La plaque d'hyperesthésie spinale est également peu accusée et in- constante. Par contre, la plaque ombilicale manque rarement, de sorte qu'on peut, chez la plupart des neurasthéniques paludéens, provoquer une douleur as- sez vive en comprimant la région ombilicale du côté gauche. «L'invasion de la neurasthénie pahistre est rarement brusque. Elle est presque toujours précédée de troubles névropathiques vagues et procède d'abord par accès. Après un certain nombre de ces accès, l'état neurasthénique devient permanent. « Pour ce qui concerne le traitement de la neurasthénie palustre, on peut généralement obtenir une prompte guérison dans les cas récents de cette affection, au moyen d'une à quatre injections sous-cutanées de bi- chlorhydrate de quinine à la dose de 0 gr. 60 cent, à 1 gramme par injection. Les récidives exigent un nombre plus grand d'injections quiniques. Dans les cas invétérés qui, d'habitude, sont plus ou moins rebelles aux sels de quinine, le sulfate de cinchonine administré soit par la 655 bouche, soit par la voie hypodermique, ou bien le sul- fate de cinchonidine, secondé par certains moyens adju- vants tels que le drap mouillé, la suspension et surtout les bains de mer, ont souvent donné de bons résultats à M. Triantaphyllidès. » (l) Nous rapporterons à présent l'observation d'un cas de paludisme expérimental, à Buenos Aires, prouvé sur la personne d'un médecin distingué, le Dr. Gregorio Araoz Alfaro. Pour ne rien enlever de son importance à ce cas, nous reproduirons intégralement l'histoire de l'expérience rapporté par l'auteur, qui est la suivante: « Dans la croyance que l'effet se produirait très vite, je n'eus pas la précaution d'annoter la date de l'inocu- lation. Elle a dû être pratiquée le 30 ou le 31 mai, ou le 1er juin. «Le sang fut pris sur un malade de la salle N°8(de l'hôpital des Cliniques) venant de Chilcas (province de Salta). Le paludisme qui s'était déclaré deux mois avant et qui avait continué avec de courts intervalles dus à la quinine que prenait le malade, se présentait sous la forme d'accès quotidiens, qui commençaient en général à 1 ou 2 heures du soir et qui atteignaient leur acmé deux ou trois heures plus tard. « Après un lavage antiseptique rigoureux du bras du malade et du mien, on prit avec une seringue stéri- lisée dans l'étuve, un centimètre cube du sang d'une des veines du pli du coude. Le Dr. Malbran l'injecta, en suivant la pratique ordinaire, dans une des veines de mon bras droit. « L'examen du sang du malade pratiqué au même mo- ment (au milieu de l'accès) nous révéla la présence de l'hématozoaire de Laveran. « Pendant une semaine, je ne ressentis aucune nou- veauté. « Le 8 juin, me trouvant dans la rue, j'éprouvai à une heure du soir, un frisson assez intense qui dura plu- sieurs minutes. (x) La Semaine Médicale, 3 Octobre 1894. 656 « Comme la journée était très froide, je crus d'abord qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène pathologique. Mais durant les deux heures qui s'écoulèrent avant mon retour à la maison, les frissons se répétèrent plusieurs fois avec une intensité marquée. A 3 heures, je com- mençai à éprouver une sensation de chaleur, une cépha- lalgie supra-orbitaire, des douleurs musculaires et arti- culaires, un bourdonnement dans les oreilles, une grande soif. « A 3.15 la température était de 39°4 et le pouls mar- quait 102. « De temps à autre, de légers frissons persistaient. «Voici la marche de la température: A 4 heures 39°4 » 5.30 - 39°4 » 6.30 - 39°2 » 8 - 39o2 » 9 - 38°8 (Les sueurs commencent) » 10 - 38°2 « Je me suis endormi à cette dernière heure et me suis réveillé momentanément. On m'a dit que j'avais eu le subdelirium. L'accès a duré, par suite, certaine- ment plus de dix heures. « Le lendemain en me réveillant, j'étais bien et je me levai immédiatement en prenant à 7 heures du matin un gramme de chlorhydrate de quinine. « Pendant cinq jours je continuai avec la même dose et ensuite, avec des doses deux ou trois fois plus fortes, avec des intervalles d'un jour. « Pendant l'accès, je me tirai du sang de l'extrémité du doigt, que je n'ai pas examiné. « Le Dr. Canton m'a dit qu'au début, il n'y avait pas rencontré d'hématozoaires, mais je ne connais pas le résultat définitif de l'examen. « Dans les premiers jours d'octobre, j'ai eu un accès de fièvre, dont je ne pourrais affirmer le caractère palustre. « Il s'est déclaré également dans l'après midi, mais 657 sans frisson notable, et a atteint 40° à six heures du soir. « Toutefois il n'a pas disparu jusqu'au lendemain à 2 heures de l'après midi. « Malgré sa longue durée, j'incline à croire à sa na- ture palustre, d'autant que je n'avais ni embarras gas- trique, ni aucun phénomène qui permettait d'expliquer la fièvre. «Je pris de la quinine pendant plusieurs jours. « Je dois dire qu'à Tucuman j'avais eu le chucho pen- dant plus d'une année, mais depuis cette époque (il y a dix ans), quoique je me sois trouvé dans cette loca- lité au moment le plus propice et dans maintes occa- sions, la maladie ne m'avait plus attaqué. » A l'appui des idées émises aujourd'hui par quelques hygiénistes sur la production des fièvres intermittentes par l'eau que l'on boit, le Dr. Vaggener a publié dans le New Orléans Medical and surgical Journal, de cu- rieuses observations qui semblent prouver ce fait. Les villages de Warrington et Wolsey, situés sur les terrains de la réserve navale à Pensacola (Philadelphie) ont été jusqu'en 1872, non seulement très salubres et exempts de malaria et d'autres fièvres qui y étaient inconnues, mais encore des pays choisis à raison de leurs bonnes conditions sanitaires, comme séjour pour les individus d'autres localités, atteints de ces maladies. Faisons remarquer, cependant, que la pointe de terre sur laquelle s'élèvent ces villages est une plage basse et sablonneuse, qui est à six pieds seulement au-dessus du niveau de la mer; le terrain se compose d'une cou- che de sable mélangé avec des résidus organiques; le sous-sol est marécageux et argileux. L'eau se ren- contre pendant les sécheresses à une profondeur de trois pieds et demi, environ. Actuellement, de très sains qu'ils étaient, ces villa- ges se sont transformés en centres de maladies et sont dominés par les fièvres intermittentes. La population a fait usage jusqu'à ce jour de deux sources connues sous le nom de « sources du Comodore » CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 658 (Commodor's Springs), et qui sont préférées aux eaux des citernes à cause de leur fraîcheur. (l) A cette époque on a introduit les puits du système appelé Drivenwells et comme ils étaient peu coûteux, ils se sont bien vite généralisés, et actuellement on se sert beaucoup de leurs eaux. Leur profondeur est de 12 pieds et quelquefois de six seulement. Quarante soldats, qui arrivèrent à Pensacola en jan- vier 1886, en parfaite santé, furent installés dans une caserne neuve, dont les pavillons étaient bien aérés; on les prévint qu'ils devaient boire l'eau de deux citernes existant sur ce point. Se trouvant près du puits, ils s'habituèrent à en boire l'eau, et peu à peu ils tombèrent tous malades, à tel point que dans un même jour, ils se trouvèrent 25 à l'hôpital; aucun n'échappa, et il fut nécessaire de les déplacer; ils passèrent à Virginie, et quelques-uns dans de mauvaises conditions, mais tous guérirent. Par contre, les officiers et leurs familles qui avaient toujours fait usage des eaux de citerne n'ont pas souf- fert et leur santé a été parfaite. Au fort Barrancas, à une demi lieue de ce point, les recrues et le personnel de la garnison assez nombreux, qui n'ont bu que de l'eau de citerne, n'ont pas eu un seul malade, et l'état sanitaire est considéré comme excellent. L'eau de consommation employée jusqu'au printemps de 1890, à l'hôpital naval, provenait de deux puits de 18 pieds de profondeur; la santé publique était toujours altérée et chaque année il se produisait pendant l'été des cas de malaria. L'auteur auquel nous empruntons ces renseignements dit que durant la première année de résidence dans cet hôpital, il n'a pas été atteint par la maladie, mais (1) Les officiers firent bâtir ces deux sources avec des briques et les réservèrent pour leur usage et celui du chantier. 659 pendant les deux années suivantes, en 1888 et 1889, il a éprouvé des manifestations répétées de la fièvre des marais. Sa femme a souffert, pendant la première et la seconde année, des attaques encore plus violentes et plus prolongées que les siennes et celles qu'a ressenties sa fille ont présenté les symptômes les plus typiques de la fièvre intermittente. Au printemps de 1890, on ordonna la réparation d'une vieille citerne en briques, qui avait appartenu à l'hôpi- tal primitif, et du jour où l'établissement a fait exclusi- vement usage de cette eau, les symptômes même les plus légers de fièvre intermittente ont complètement dis- paru, quoiqu'il y ait eu deux étés très chauds. Il termine en faisant remarquer que l'atmosphère de la localité est exempte de tout miasme, grâce aux vents Sud et Sud-Ouest, qui soufflent constamment pendant l'été. Venant directement du golfe, ils sont absolument purs lorsqu'ils arrivent. Plus loin, cependant, ces vents s'altèrent en traversant les régions infectées et portent au loin les germes du mal qu'ils reçoivent de la terre. Le Dr. Chaillé, professeur à Tulane University (Loui- siane), s'est occupé de la question, en démontrant la convenance d'en rechercher les causes avec soin. Il résulte de ces faits que les fièvres en question ont attaqué les personnes qui buvaient l'eau de puits, tan- dis que celles qui faisaient usage de l'eau des citernes construites dans des conditions différentes, restaient indemnes. Celles-ci ont, en effet, des murs de revê- tement, que n'ont pas les premiers. Pour expliquer de tels phénomènes, l'étude étiologi- que de ces fièvres, au point de vue microbiologique, est indispensable. De plus il faut rappeler, avec Arnould, qu'on rencon- tre toujours, à l'origine des accidents palustres ou telluriques : 1° Le sol, perméable à la surface et jusqu'à une fai- ble profondeur. 2° La présence de détritus ayant appartenu au monde 660 vivant et qui subissent, abrités par les molécules du sol, la fermentation plus ou moins rapide. 3° L'accès de beau jusqu'au foyer où s'accomplissent ces phénomènes, et d'ordinaire la stagnation de cette eau, par défaut de pente et par imperméabilité de la couche sous-jacente. 4° L'accès simultané de l'air, dont l'oxygène participe aux combinaisons nouvelles, et qui peut-être apporte les agents de la décomposition organique, en même temps que les oscillations de l'atmosphère tellurique et les échanges gazeux, permettent la durée du phénomène. 5° L'action de la chaleur. Nous ne devons pas oublier non plus que le sous- sol des villages Warrington et Woolsey est marécageux et argileux, qu'on y rencontre l'eau pendant la saison de sécheresse à 3 pieds et demi de profondeur en moyenne. Ces idées préoccupent depuis longtemps les médecins Nord Américains. Relativement à l'étiologie du palu- disme, ils ont distingué la malarial fever et la aqua- malarial fever pour expliquer la plupart des phénomè- nes de cette entité morbide. Sous le nom de Danubian fever, le Dr. T. Oliver, médecin de l'infirmerie Royale de New-Castle, Upon- Tyne, a publié une étude à propos de quelques obser- vations de Hutchinson Milnes, sur des cas de fièvres dans la Méditerranée, la mer Rouge et autres. Il s'agit de marins et autres personnes qui ont visité le Danube et qui, pendant leur séjour ou à leur retour ont res- senti les lièvres. L'expérience acquise par Milnes pen- dant qu'il a été chirurgien dans ces régions, lui permet de parler avec autorité. Il croit que la fièvre en ques- tion n'est ni typhoïde, ni malarienne. Oliver, de son côté, a vu en peu de mois six ou sept cas de fièvres contractées dans la région du Danu- be. Le premier était un homme de 25 ans, qui avait séjourné plusieurs semaines dans ce parage. A Malte, il fut conduit à l'hôpital, il avait la diarrhée et des vomissements, ses déjections renfermaient fréquem- ment du sang; il sortit au bout de peu de temps et 661 se rendit à South Shield, où il eut de grandes sueurs et une température de 39°5 et 40°, l'édème, des héma- turies et hypertrophie de la rate. Il semblait que c'était la fièvre malarienne. On lui administra la quinine toutes les 3 heures, et quelques jours plus tard, des prépara- tions arsénicales. Dix jours après, le sang et l'albumine avaient disparu, la température était redevenue normale et le malade était rétabli. On a su par un de ses com- pagnons qu'il avait bu l'eau du Danube. Tous présentaient des symptômes subjectifs de l'em- poisonnement malarien, et, cependant, leur maladie n'était réellement ni la malaria, ni la fièvre typhoïde. Tous ces individus avaient séjourné, plus ou moins, aux bords du Danube et tous présentaient des symptô- mes de paludisme accompagné d'hématuries, albuminu- rie, hypertrophie de la rate; leur langue était très chargée. On appellera cette maladie fièvre du Danube, comme on appelle la fièvre de Malte, de Crête ou de Gibraltar, les affections analogues qui ont été constatées dans ces contrées. Il dépend d'études postérieures de le dire. Il n'est pas douteux qu'il s'agit d'une infection qui cède à la quinine, comme le démontre le résultat du traitement. Pour les détails relatifs à la malaria dans notre pays, on peut consulter l'ouvrage du Dr. Canton: El palu- disme) y su geografia médira en la Repüblica Argentina. CHAPITRE XXIX LE GOITRE DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Généralités. - Etiologie du goitre. - Différentes opinions et explica- tions. - Influences de la constitution géologique des terrains. - Etudes de Boussingault, Humboldt y Bordier. - Action de certaines eaux et leur composition chimique. - Les terres des régions goitreuses. - Opinion de Baillarger et Arnould. - Le micro-organisme du goitre. - Conclusions de Lustig et Carie au sujet des eaux de la vallée d'Aoste. - Idées de Chopinet sur cette affection. - L'hérédité, la génitalité, l'altitude. - Le goitre endémique dans la République Argentine, et sa zone de difusion à Mendoza, San Juan, Tucuman, Salta et Jujuy.-Les rios de ces provinces. - Nombre de goitreux. - Le crétinisme; sa fréquence à Mendoza. - Le goitre en Bolivie; l'arbre appelé Alixo. - La même maladie au Pérou, au Paraguay, au Mexique. Parmi les endémies de la République Argentine, le goitre est une des plus répandues. On a imputé à la nature géologique des terrains la cause de cette affection, mais on a dû renoncer à une pareille accusation en présence des résultats négatifs établissant qu'elle se développe sur des sols d'une ori- gine différente. On l'a cherchée avec des bases plus sé- rieuses dans la composition chimique des eaux, et les études faites dans ce sens n'ont pas satisfait davantage les observateurs. On l'a attribuée au manque d'oxigène, d'iode et de brome dans l'eau; on a songé aux eaux dans lesquelles la magnésie représente le 25% du total des sels; on l'a imputé aussi au fluorure de chaux, etc., mais on ne peut considérer toutes ces opinions que comme des appréciations particulières de faits isolés établissant des résultats contradictoires, puisqu'on a constaté la 663 même maladie dans des conditions essentiellement dis- tinctes. Les eaux de neige fondue, dit Boussingault, (*) sont considérées par quelques-uns comme une cause de goitre pour les personnes obligées de s'en servir. Effectivement, dans la Nouvelle-Grenade on observe cette maladie dans les parages dont les habitants boivent, en général, cette classe d'eaux, comme cela se produit pour les habitants de la ville de Mariquita, située sur la rive du Guali, qui sort des sommets neigeux de Ruiz, et pour les ha- bitants d'Ibague, qui vivent sur les bords du Combeyma; mais la majeure partie des localités dans lesquelles le. goitre est endémique, est très éloignée des neiges et les eaux qu'on y boit ne proviennent pas de la neige fondue. On a supposé également que les eaux de source pou- vaient être la cause, par suite de leur basse tempéra- ture et des matières salines qu'elles contiennent. Le même auteur, se référant aux observations faites dans le pays cité, dit qu'il ne connaît bien que deux localités dans lesquelles les habitants boivent exclusive- ments de Beau de source; ce sont: Nemocon, dans la province de Bogota, qui possède une source abondante, sortant d'une roche sablonneuse, et la ville de Socorro dont les habitants boivent une eau de source jaillissant d'une roche calcaire. Dans ce dernier parage, le goitre est très commun et il devient très volumineux, tandis qu'on n'en voit pas un seul à Nemocon. Nous sommes, en conséquence, en présence de deux faits. Les eaux qui courent à travers des rochers de quartz insolubles n'exercent aucune action sur le corps thyroïde, et les personnes qui boivent l'eau sortant d'une roche calcaire, soluble en partie, à raison de l'a- cide carbonique qu'elle contient, voient ce même corps s'hypertrophier et atteindre un très grand développement; (*) Boussingault : Voyages scientifiques aux Andes Equatoriales, 1849. 664 de là naît le problème de savoir si la nature géologique des terrains que les eaux traversent a, ou n'a pas une influence sur cet organe. Ce problème a été résolu par de nombreux auteurs, qui ont déclaré, après de sérieuses études, qu'à l'excep- tion des roches calcaires, la nature du sol ne paraît avoir aucune influence sur la fréquence du goitre, et que si cette influence existe réellement, elle ne s'exerce que dans les parages des roches calcaires secondaires, et dans le plus grand nombre des pays où le goitre est endémique, il n'y a pas de ces dernières. La supposi- tion d'après laquelle l'eau sortant de la neige ou des- cendant des hautes montagnes provoque le goitre, et qu'elle perd cette propriété quand elle s'éloigne de sa source et absorbe l'air dont elle a besoin, est repoussée par ce fait que dans des parages bas, dans lesquels on ne fait pas usage de l'eau venant des montagnes, le goitre est, cependant, constant et même très com- mun; on peut mentionner des centres importants dans lesquels on boit une eau qui, par son origine, contient très peu d'air et dont on ne rencontre qu'exceptionnel- lement des goitreux. Boussingault rapporte que ces derniers faits ont été prouvés dans des endroits peuplés parles Indiens, race qui, dans toute l'Amérique, paraît être à l'abri de cette maladie; pour le moins, ajoute-t-il, je n'en ai jamais vu un, de race pure, ayant le goitre. « A Coloya, à Pie- dras et sur les rives du Combeyma, cette tumeur est très fréquente parmi les nègres, les mulâtres, les métis, et les Indiens n'y sont pas sujets, quoiqu'ils fassent usage des mêmes eaux. Avant moi un célèbre voyageur avait fait la même observation. Les indigènes au teint bronzé jouissent, dit M. Humboldt, d'un avantage phy- sique qui provient sans doute de la simplicité du genre de vie de leurs ancêtres pendant des milliers d'années. Jamais je n'ai vu d'indiens bossus, et j'en ai rencontré rarement qui étaient louches, boiteux ou man- chots. Dans les parages où les habitants sont exposés au goitre, les Indiens ne sont pas atteints de cette maladie qu'on n'observe que rarement sur les métis. » 665 D'après Bordier, les Indiens sont, dans les Andes, sujets au goitre; les métis le sont moins, les blancs viennent ensuite, et les nègres en dernière ligne. Com- me on le voit, ces données diffèrent des précédentes. L'observation locale concorde avec celle de Bordier. On a dit que les Indiens Quichuas de Jujuy en sont exempts; mais la vérité est que dans cette province les Indiens sont atteints par l'affection, comme nous le ver- rons à la page 674. Les études de Grange ont, dans leur temps, fait la lumière sur ce point obscur de l'étiologie de l'endémie dont nous parlons; elles ont appelé l'attention sur cette circonstance, que dans toutes les vallées où elle règne, les eaux potables, quel que soit le terrain sur lequel elles coulent, contiennent une grande quantité de chlo- rure, de sulfate et de carbonate de magnésie. A son point de vue. c'est l'absence de la chaux dans les eaux riches en magnésie, qui cause le goitre; il propose de faire passer ces eaux nuisibles par des filtres ou des dépôts remplis de chaux carbonatée ou d'une couche très mince de chaux. L'étude chimique des terres des régions dans lesquelles le goitre sévit, semble également, d'après certains au- teurs, ne pas donner grand fondement à la théorie qui cherche dans les éléments qui les composent, l'origine de la maladie. Ne pourrait-on pas baser quelque soupçon sur l'action exercée par un élément spécial de ces terres sur les eaux qui les parcourent, qui contribuerait à expliquer la genèse des troubles qui nous occupent? Un examen bactériologique de ces terres pourrait élucider la ques- tion en déterminant la classe du germe qui intervient dans ces conditions. Après avoir repoussé les théories qui ont été émises pour établir plus ou moins scientifiquement l'étiologie que nous cherchons, et avoir reconnu avec Baillar- ger qu'il existe un agent spécial, unique, toujours le même, qui affecte les organismes et leur imprime une marque de dégénération toujours identique, dont le premier degré est le goitre et le dernier le crétinisme, 666 on devrait rechercher cet agent afin de prouver l'opinion émise, par Arnould, sur la question de savoir si la cause réside dans quelques-uns des éléments connus de l'eau ou dans quelque autre qu'on ne connaît pas encore. On pourra peut-être, d'après cet auteur, se rapporter au parasitisme, mais on devra reconnaître 1a. bactérie du goitre. C'est ce qui est arrivé en effet. Peu de temps après les prévisions du savant français, les Drs. Lustig et Carie publiaient les résultats des études qu'ils avaient faites des eaux de la vallée d'Aoste où le goitre est endémique, et ils établissaient les con- clusions suivantes: 1° Toutes les eaux examinées, qui servent pour la boisson ou pour les usages domestiques aux habitants affectés du goitre endémique, sont très riches en bac- téries. 2° Présence constante en quantité variable d'un ba- cille qui liquéfie la gélatine et qui a des caractères morphologiques et biologiques spéciaux. 3° Les expériences consistant à faire boire cette eau dans un district exempt de goitre, à des chevaux et à des chiens, absolument sains, nous ont démontré que l'eau a le pouvoir incontestable de produire une aug- mentation du corps thyroïde. 4° Il n'est pas encore démontré que l'élimination des microbes enlève à cette eau la propriété engendrant le goitre. L'étiologie du goitre se trouve ainsi bien établie et la prévision d'Arnould est confirmée par l'application de la théorie microbienne. La bactérie goitreuse se rencontre dans l'eau, mais il faut rechercher sa provenance, afin d'établir définitive- ment la portée que peuvent avoir le sol et l'eau dans cette étiologie compliquée. N'est-ce pas dans le sol que germe l'hématozoaire pa- lustre? Pourquoi le microbe du goitre n'y germerait-il pas également? 667 Il est raisonnable de supposer que la bactérie prend naissance dans le sol, en nous basant sur le fait sui- vant: que les eaux causant le goitre n'ont pas cette pro- priété dans toute l'étendue de leur cours, et on peut déterminer le commencement et la fin de leur action. Mais il est nécessaire recourir à la démonstration expérimentale. En d'autre temps, on attribuait une grande valeur étiologique à l'hérédité en première ligne, à la génitalité, l'altitude, etc. Il est très possible que toutes ces circonstances con- tribuent à réveiller la maladie, en préparant le terrain que la bactérie fécondera ensuite; mais avant tout, il faut reconnaître l'action directe de cette dernière, quel que soit son point de départ. Bordier qui a étudié spécialement ces questions de géographie médicale, dit que le goitre se rencontre sur- tout dans les montagnes, dans les pays froids comme dans les pays chauds, la condition essentielle étant le séjour dans les montagnes. Au dernier Congrès de « l'Association française pour l'avancement des sciences » (session de Pau, 21 septem- bre 1892), Cbopinet (de Lérouville) a exposé ses idées au sujet du goitre et du crétinisme, et a présenté les conclusions suivantes: 1° C'est dans le fond des vallées, au voisinage des ruisseaux, que s'observent presque exclusivement ces deux symptômes d'une même maladie. 2° L'endémie va en croissant d'intensité, de l'origine des vallées aux derniers contreforts de la chaîne (Pyré- nées ). Son maximum est dans les portions les plus larges des vallées. 3° L'endémie tend à s'atténuer d'une façon générale; elle a même disparu de plusieurs localités, jadis très affectées. Ce n'est pas à un changement dans la nature des eaux de boisson qu'on peut attribuer ce recul de la maladie, mais bien aux progrès de l'aisance et de l'hygiène générale. 668 4° Il n'y a que le lias schisteux qui, dans la consti- tution géologique du sol, joue un rôle nuisible incon- testable. 5° Les causes très nombreuses du goitre et du cré- tinisme sont, pour les Pyrénées surtout, l'humidité et la malpropreté des maisons, le défaut d'aération et de lumière solaire, la mauvaise alimentation. 6° Dans les Pyrénées, il n'y a que la doctrine des causes multiples du goitre, qui ne soit pas démentie par les faits. A ce même Congrès, Gils a rattaché l'origine de la maladie à un micro-organisme, en disant que puis- qu'elle avait pu se montrer momentanément et dispa- raître ensuite, dans des parages où elle était inconnue, il est logique d'attribuer sa cause à un principe vivant succeptible d'acquérir ou de perdre son caractère nui- sible; par suite, le goitre entrerait dans la catégorie générale des maladies produites par les micro-organis- et pourrait, sous certaines influences, s'étendre et se propager par leur invasion. Les questions de terrain ou de composition des eaux dans les pays où le goitre sévit, se réduiraient, d'après Gils, à une question de milieu de culture, propre au développement du micro-organisme, et dans ces condi- tions l'affection ne paraît pas comme fatalement inhé- rente à une région, susceptible d'être modifiée seulement par une révolution géologique, mais plutôt une infec- tion de milieu dont l'hygiène doit avoir raison. La théorie microbienne appliquée à l'étiologie du goitre gagne du et ainsi se confirment les prévi- sions d'Arnould. Dans la République Argentine, nous voyons le goitre se développer aussi vite dans les contrées montagneuses telles que les provinces de Mendoza, San Juan, Tucu- man, Salta,et Jujuy, qu'à Corrientes, remarquable par ses plaines recouvertes d'une abondante végétation. S'il règne dans les premières parce que le terrain est montagneux, quelle raison invoquera-t-on pour justifier sa présence dans l'autre qui est loin, très loin des montagnes? 669 On ne peut tirer un argument de ce que le nombre peu considérable des cas qui se produisent à Corrien- tes, est une preuve de l'influence de l'altitude, parce que si, aujourd'hui, le nombre des personnes atteintes est relativement restreint, par contre, cette affection a fait autrefois de nombreuses victimes. Dans quelques petits villages de Corrientes situés sur le rio Uruguay, en a retrouvé en d'autres temps beau- coup de goitreux, qui semblaient avoir contracté la maladie en buvant de l'eau de puits, au lieu de con- sommer de l'eau du rio, qui est infiniment supérieure. La diminution de la maladie dans cette province est évidente, et il n'est pas possible de l'attribuer à des modifications qui se seraient produites dans les condi- tions générales du terrain, dans la végétation ou dans les eaux. Est-ce que quelque foyer ignoré se serait détruit? Il nous paraît plus acceptable d'admettre l'action du croisement des races, qui se produit dans les pays du littoral, où l'étranger vient de préférence, apportant avec son sang de nouvelles forces, de meilleures dispo- sitions pour la lutte, et même une plus grande vigueur pour résister à l'action du climat et aux vicissitudes spéciales à chaque localité. Pourquoi San Juan, qui est entouré par les Andes comme Mendoza, s'est-il débarrassé du goitre? Pourquoi San Luis dans les mêmes conditions, n'y est-il pas sujet, tandis que Mendoza lui paye un large tribut? C'est qu'il y a quelque chose de plus que l'influence de l'altitude dans la production de ces faits. On ne peut davantage invoquer le défaut d'aération de l'eau, parce lorsqu'on arrive à la consommer, elle a parcouru un trajet de plusieurs centaines de kilomètres. La condition la plus favorable est, sans doute, le sé- jour dans une région de montagne; les différentes circons- tances et les agents climatériques sont des éléments qui entrent dans cette condition', il faut envisager les eaux qui traversent*des|terrains de constitution diverse, qui ont en dissolution ou en suspension des principes 670 qu'elles leur ont pris, et qu'il convient d'étudier en détail. Dans notre pays le goitre ne se produit pas uni- quement dans les provinces montagneuses, mais il se présente dans des localités qui en sont très éloignées et pour lesquelles il n'y a pas lieu de tenir compte de l'al- titude, qui est insignifiante. Cette condition n'est donc pas primordiale dans la pro- duction du goitre, quoiqu'elle exerce une action et qu'on la constate dans les parages où sévit cette endémie. Voyons maintenant sa fréquence dans la République Argentine. z A Mendoza, les cas sont nombreux et principalement chez les femmes. En 1879, il y avait dans la ville 245 femmes et 65 hommes atteints de goitre. Il existe dans cette province, à une faible distance de sa capitale, un parage appelé San Vicente, où cette maladie est si commune, que parmi les habitants des autres villages la qualité de ou goitreux est proverbiale, et que les deux sont synonymes pour le plus grand nombre. Quiconque a passé là-bas a pu se rendre compte du nombre considérable de ces mal- heureux. Dans toutes les sections de cette province on en ren- contre, et d'après le Dr. A. Lemos, la proportion varie entre 8 pour 100 habitants, comme à San Vicente et 1 pour 100, comme à Lujan, tandis que San Martin et la capitale représentent une moyenne de 3 pour 100. Cette proportion est peut-être exagérée en ce qui con- cerne cette dernière, mais elle ne l'est certes pas poul- ies autres districts nommés. Ainsi Mendoza se trouverait dans des conditions éga- les à celles de plusieurs départements de France, dans lesquels la proportion des goitreux est de 7.3 par 100 habitants, tandis que dans d'autres elle est de 3 et 1 pour 100. Dans tout ce dernier pays on calcule à 500.000 le nombre des personnes atteintes de cette difformité. 671 A San Juan, la maladie disparaît à tel point, qu'il est rare de rencontrer un goitreux. A San Luis, on n'en, voit que par exception. Le contraste que présentent les provinces déjà mention- nées, est remarquable. Très fréquente à Mendoza, l'endé- mie est presque nulle dans une autre province et nulle dans la troisième. Cependant, dans chacune on observe l'influence de l'altitude, la végétation, les eaux abondan- tes, et même l'absence dans la population de Télément étranger, qui, par son croisement avec l'élément natio- nal donnerait, comme résultat une modification du type qui serait favorable à la disparition de la maladie parce qu'il produirait des sujets moins aptes à la contracter. Par contre, dans les provinces argentines du Nord, le goitre prend des proportions alarmantes. A Tucuman, on le constate surtout dans la Capitale (au Sud) et dans les environs: Tafi, San Javier, Yerba- Buena; on l'observe aussi fréquemment à Lules, Fa- maillà, Monteros, de même qu'à Trancas, San Pedro de Colalao, Graneros, Chicligasta et Rio Chico. Dans la zone correspondant aux vallées Calchaquies, la maladie n'a pas été observée. Celle de Salta compte des régions dans lesquelles l'affection constitue un véritable fléau. Le plus fort con- tingent est fourni par les départements de la Capitale, Cerrillos, Chicoana, Caldera, Rosario de Lerma, Guachi- pas et Campo Santo, c'est-à-dire que c'est la contrée comprise dans la vallée de Lerma, qui paye le tribut le plus considérable à l'endémie. Il existe quelques villages dans lesquels la moitié des habitants est atteinte, comme à Calderilla, par exemple; Güemes et Santa Rosa, sont très attaqués. La ville présente de nombreux cas dissé- minés parmi toutes les classes sociales. Au dire du Dr. Nino, cette maladie ne remonte pas dans cette ville à une époque très reculée; elle est, au contraire, de date récente si on la compare à son ancienneté dans le reste du district. A son avis, on trouve l'explication dans les modifications qu'ont subies les eaux du rio Arias, que boivent les habitants. 672 D'après le Dr. Nino, (l) ce rio, par suite de crues an- ciennes, a augmenté son cours avec les eaux de celui de la Silleta, qui, abandonnant son lit. est venu se con- fondre avec lui, et depuis cette époque, le goitre a fait son apparition dans la Capitale. Il n'y a pas de doutes à ce sujet, puisque dans l'épidémie de choléra de 1886 et 1887, on a pu établir que lorsque les habitants ont fait usage d'eau bouillie, les goitres ont diminué de volume, en même temps que les fièvres intermittentes ont cessé de faire invasion. On conclut facilement de ce fait que le second de ces rios contient quelque prin- cipe ou germe morbide qui, par son action sur l'orga- nisme, produit l'endémie. Cette supposition est corro- borée encore par l'observation que la section de la Silleta est celle qui fournit les cas les plus marqués de goitre. Il faut donc étudier la composition des eaux de ce dernier et faire leur examen bactériologique. Si le fait observé est évident, comme nous le suppo- sons, et s'il est vrai qu'avant la jonction des eaux de ces deux rios, on ne connaissait pas dans la ville de Salta la maladie en question, il est urgent de recher- cher dans celles du premier, et dans les terrains qu'il traverse, la cause du mal. La bactériologie doit éclairer ce point; seule elle peut décider, en dernière instance, par un raisonnement basé sur la démonstration pratique, le bien fondé de ces appré- ciations, qui, à nos yeux, ont un caractère très sérieux. Dans la province de Jujuy, le goitre s'observe dans les départements suivants: San Pedro, Perico, partie méridionale de Valle Grande et Ledesma; ce dernier est celui qui est le plus atteint. Il en résulte que l'en- démie règne dans les villages situés à proximité du rio Grande. On a constaté une tendance évidente à une diminution. Dans la province de Catamarca, la région goitreuse comprend la Capitale, Piedra Blanca et Poman. Dans P) Francisco R. Nino: Geografia médica del bôcio en la Repûblica Argentina, tésis, Buenos Aires 1890. 673 ce dernier département le rio Belen disparaît, les deux autres sont arrosés par le rio del Valle, qui finit à Capallan. Andalgalà et Belen sont également très visités par la maladie. Le Dr. F. de la Vega croit que la consanguinité très fréquemment constatée dans cette province, est un élé- ment important, qui agit sur l'étiologie du goitre. La proportion entre les hommes et les femmes goitreux est de 1 pour les premiers contre 10 pour les secondes. Chez la femme, qui n'a pas eu d'enfants, la marche de l'affection est lente, tandis qu'elle est très rapide chez les multipares. Dans le Sud de la vallée de Catamarca, sur le bord du grand rio Salinas, on a remarqué dans plusieurs estancias l'existence de puits dont les eaux légèrement salées ont la propriété de faire disparaître l'hypertrophie du corps thyroïde après un usage de quelques mois, lorsque la tumeur n'est pas très développée. On suppose que ces eaux renferment de l'iode et du brome, mais aucune analyse sérieusement pratiquée n'a établi la présence de ces métalloïdes. Dans la province de La Rioja, on observe le goitre assez fréquemment dans un petit village du département de Chilecito, dans le fond d'une vallée dont les eaux sont calcaires comme la majeure partie de celles de la région. Il existe dans ce parage des familles entières de goi- treux, qui se marient avec d'autres goitreux et dont les enfants sont atteints de la même maladie. Il faut ajouter que des familles qui sont allées vivre dans ce pays, sont restées indemnes ainsi que leurs enfants, ce qui pourrait constituer un argument en faveur de l'hérédité, si des faits bien prouvés ne démontraient que des individus exempts de toute disposition hérédi- taire sont victimes de l'endémie; c'est là une obser- vation courante. La diminution du goitre lorsque le malade s'éloigne du point endémié, et son augmentation lorsqu'il y re- CLIMATOLOGIE MÉDICALE, 674 vient, ont été l'objet de sérieuses recherches qui ont établi le fait. En présentant sa fréquence dans la République Ar- gentine, sous forme de tableau, d'après les données du recensement de 1869, il résulte: PROVINCES Elévation au-dessus du niveau de la mer Nombre des goitreux. Buenos Aires 20 38 Santa Fé 37 18 Entre-Rios 78 69 Corrientes 77 244 Côrdoba 439 135 Santiago del Estero . 214 47 San Luis 759 58 Mendoza 805 1712 San Juan 643 64 La Rioja 5C5 136 Catamarca 572 222 Tucuman 465 605 Salta 1202 1150 Jujuy 1260 535 Sur le total des goitreux, 1701 correspondent au sexe masculin et 3.500 au sexe féminin. Telles sont les données sur lesquelles sont basées nos appréciations; mais il faut faire remarquer que le goitre tend à disparaître dans plusieurs provinces, tan- dis qu'il se maintient dans d'autres. A Tucuman où autrefois il était accompagné du créti- nisme, et où la population fut obligée d'abandonner sa position sur le rio du Pueblo Viejo, pour adopter celle qu'elle occupe aujourd'hui, sa diminution est sensible. A Jujuy, il disparaît également, et on le doit en grande partie aux épidémies de variole, qui sévissent de temps à autre sur 'les Indiens, et qui en tuent un grand nombre. De plus, parmi les causes qui influent pour obtenir ce bon résultat, il faut mentionner le grand 675 soin que prennent les personnes pour la propreté de leur corps, la diffusion des connaissances hygiéniques, qui préviennent les maladies, et surtout on doit citer le croisement de la population avec des étrangers ve- nues de différentes régions. Les observations constatant le temps nécessaire pour le développement du goitre dans notre pays font défaut, mais on sait que quelques sources du Vieux Monde le donnent en 15 jours, et que la résidence dans des pa- rages sujets à l'endémie, peut le produire dans quel- ques semaines, particulièrement chez le nouvel arrivé. Au sujet de la fréquence, Bordier cite les faits sui- vants: à Clermont, en 1851, sur 5.635 soldats, il y a eu 180 goitreux; en 1874, à Saint-Etienne, sur 1.400 hom- mes, 280 le contractèrent; à Colmar, en 1864, sur 600 individus, 107 furent attaqués, et à Annecy, sur 682 personnes, on en a compté 128. Nous présenterons maintenant quelques considérations sur l'état qui accompagne généralement le goitre: le véritable dégénération de l'espèce, dernier degré auquel aboutissent les conséquences de l'en- démie. Envisagée au point de vue étiologique, cette dégéné- ration a comme facteurs principaux le climat, l'alimen- tation, les maladies; il faut citer également les causes sociales, les mariages consanguins, l'absence de croise- ment avec des individus d'autres races, pouvant produire un renouvellement du type et lui donner d'autres apti- tudes. Toutes ces causes son trop connues et leurs effets trop déterminés pour que nous les exposions en détail. Il convient de rappeler que les climats agissent diffé- remment sur l'organisme, l'impressionnent le plus sou- vent d'une façon défavorable et le prédisposent aux maladies. Le climat du Nord de la République Argentine est par- fois préjudiciable à l'étranger, et le chucho l'envahit. Si nous avons des localités comme Rosario de la Frontera et Puente del Inca, qui sont très favorables pour la gue- 676 rison des rhumatismes; Cosquin, Mendoza et Lujan, (') résidences spéciales pour les tuberculeux; en revanche la ville de Buenos Aires offre un champ très vaste à ces affections qui attaquent un grand nombre d'habi- tants, sans oublier pour cela la fièvre typhoïde, la diphtérie et autres qui y sont enracinées. Nous avons dit que le goitre et le crétinisme ont des rapports étroits, et que le second est un état qui obéit à des causes qui agissent chronologiquement, enchaî- nant leurs effets désastreux qui se transmettent par hérédité, et dont le commencement se rencontre dans la première de ces maladies. Ce rapport est si évident qu'il n'échappe pas à une observation commune. La province de Mendoza avec son énorme quantité de goitreux, compte un nombre assez élevé de crétins particulièrement à San Vicente ou ceux-ci abondent extraordinairement. Si dans toutes les régions du pays où le goitre règne, on observe toutes les formes, c'est la bénigne qui est la plus commune. Il est absolument impossible de présenter des renseig- nements exacts; le recensement de 1869 est le dernier qu'on ait pratiqué, et on comprend qu'aujourd'hui on manque d'une base fixe pour apprécier les faits. Cepen- dant nous avons voulu offrir un aperçu à ce sujet, en consignant les données recueillis sur la question. En ce qui concerne les animaux, nous pouvons dire qu'à Tucuman on a vu des chiens et des chevaux avec une hypertrophie du corps thyroïde. En finissant nous pouvons déclarer que dans de nom- breuses localités de la République Argentine, le goitre diminue, et on doit l'attribuer à l'influence du croise- ment des races. L'infusion d'un élément nouveau dans une population non mélangée encore, produit certaine- ment un type plus fort, plus résistant et en conditions favorables pour lutter contre les maladies. P) Lujan, province de Buenos Aires. 677 En Bolivie le goitre est très, commun. La région orientale de ce pays est celle qui est la plus sujette à l'endémie et spécialement la partie comprise entre le Rio Grande et Santa Cruz. Dans le Sud, c'est Tarija, qui est le plus attaqué, à tel point que dans les parages élevés qui occupent une étendue considérable de la zone la plus peuplée, comme Potosi, Sucre, La Paz, Cochabamba, et autres, le qualificatif de Tarijeho est synonyme de goitreux. Ce même fait se produit comme nous l'avons vu parmi nous, avec les goitreux de San Vicente (Mendoza) qui sont appelés, par équivalent, Vicentinos. Toutes les vallées sont des centres de production de l'endémie. Sur les plateaux ou les plaines élevées elle n'est pas connue; cependant, les habitants la contrac- tent quand ils descendent dans ces parages. Les Boliviens attribuent l'origine de la maladie à un arbre appelé Alizo, qui pousse sur les bords des rios; parmi les Indiens et les gens du peuple, c'est une croyance générale que, si au moment où ils se baissent pour boire à ces rios, l'arbre leur adresse la parole, ils sont condamnés à subir les conséquences de l'affection. On a remarqué que dans la ville de Sucre où autre- fois le goitre n'existait pas, on le constate aujourd'hui. Sa présence a coïncidé avec un état particulier des con- duites de terre par lesquelles arrivent les eaux courantes; ces conduites sont sales et renferment un dépôt de matière organique. Au Pérou, dans le creux de Vilcamayo, le goitre est endémique, et le crétinisme l'accompagne le plus souvent. Au Paraguay, il est également fréquent, surtout à Villa Rica; à l'Asuncion, on l'observe dans toutes les classes sociales, mais il faut noter que probablement ces goitreux viennent de la campagne. Au Mexique, il existe dans les villages de Santiago Tuxtla, Huichapan, Huejutla, Michoacân, Guerrero et Sinaloa. CHAPITRE XXX L ALCOOLISME DANS LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Considérations générales.- Fréquence de l'alcoolisme.-Les alcooliques high-life. - Les alcooliques des estaminets et ceux des tavernes et débits; son influence dans la morbidité. - Buenos Aires et sa mortalité par l'alcoolisme; renseignements statistiques; l'ivresse pendant la période dé- cennale de 1885-94; déductions. - Diminution du chiffre d'ivresse dans les dernières années. - En 1888-89 tout le monde dépensait l'argent. - Aug- mentation des débits de boissons à Buenos Aires. - La consommation de la bière et du vin.- Opinion de Latzina.- L'importation des raisins secs. - Province de Buenos Aires; statistique de la mortalité par l'alcoolisme. - La cana, le mate et la taba. - Le Rosario est menacé par l'alcoolisme; le delirium-tremens. - Entre-Rios: statistique. - Corrientes.-Côrdoba: influence de l'alcool sur la fréquence de la pneumonie. - San Luis et la classe populaire.-A Mendoza et San Juan l'alcoolisme atteint des formes graves et fréquentes. - A Santiago del Estero, la population est sobre. - A La Rioja elle est adonnée au vin. - Influence du manque de travail. - A Catamarca, on boit beaucoup de vin et de bière; le mistela et l'aloja. - Tucuman.-A Salta, on constate la pneumonie parmi les buveurs.-A Jujuy on consomme l'eau-de vie.-Nécessité d'agir contre l'alcoolisme. - Mesures pour le combattre, en Suède, Norvège, France, Suisse, Etats-Unis. - Opinion de divers auteurs. L'alcoolisme dans la République Argentine, n'a pas été encore étudié au point de vue de la statistique et de l'influence qu'il exerce comme facteur étiologique, engendrant et aggravant différentes classes de maladies. Les documents sérieux et faisant foi, sur lesquels on pourrait baser des conclusions exactes, font défaut; mais l'observation clinique, avec les annotations correspon- dantes d'une part, et de Vautre la proportion de la con- sommation annuelle suffisent pour se faire une idée approximative du phénomène qui nous occupe. Pour démontrer son action terrible, nous n'avons pas 679 besoin de rappeler ici, avec Demeaux, que « l'alcoolisme n'est pas seulement une maladie de l'individu, mais, bien plus, il est une maladie de la famille, » puisque tous les médecins, et en particulier les aliénistes, ont constaté la dégénération de la descendance par l'influen- ce de l'alcool sur un des parents ou sur les deux, en la prédisposant à la folie, à l'idiotisme, à l'imbécillité, à l'épilepsie, à la surdi-mudité. Le fléau fait des progrès parmi nous; les nombreux malades soignés, soit dans leurs maisons, soit dans les hôpitaux en sont la preuve. Dans leurs commémoratifs on trouve cet important facteur étiologique avec une fré- quence alarmante, et nous devons déclarer ici que dans les grands centres, comme Buenos Aires, les étrangers qui, eux, boivent le plus d'absinthe, sont peut-être ceux qui fournissent le plus fort contingent à la statistique de l'ivrognerie. Dans les villes de second ordre, la ma- jorité se compose des naturels qui, pour leurs libations, préfèrent la genièvre ou la cana (eau-de-vie). Nous ne saurions établir une classification exacte des alcooliques; mais nous pouvons dire que certainement leur nombre est plus considérable qu'on ne le suppose. Il faut citer ceux qui, dans l'intérieur de leur maison, au milieu du confort, soit pour passer le temps, soit pour se donner des idées gaies, soit pour stimuler leur estomac, absorbent chaque jour plusieurs verres d'Oporto, de Jerez, de cognac, de chartreuse, d'.anisette, ou de toute autre liqueur. Ces buveurs de bon ton ne sont pas moins des al- cooliques, comme les charretiers et les commissionaires qui absorbent l'absinthe ou l'eau de vie dans les estami- nets; la police ne les arrête pas, parce qu'ils ont la pudeur de ne pas se montrer. Dans leur égoïsme, ils ne con- tribuent même pas à augmenter, en payant l'amende, les recettes de la Préfecture. Arrive un jour où le secret se dévoile. La perte de l'appétit, les cauchemars, les vomissements pituiteux, les gastrites, les hépatites, les troubles mentaux, les édè- mes, les lésions cardiaques, l'artério-sclérose, sont là comme des témoins éloquents de l'orgie journalière. 680 L'empoisonnement est produit, l'organisme ne résiste plus. Tel est le tableau de l'alcoolisme high Life dissi- mulé derrière des rideaux et des portières, au milieu des oreillers les plus mous et des tapis de Perse. Il en est un autre encore plus impudent : il boit dans les cafés ou tout au moins c'est là qu'il commence sa carrière. Le dernier, le plus franc, est celui qu'on rencontre chaque jour : ses ressources ne lui permettent d'entrer que dans les débits ou dans les cabarets d'où il sort complètement ivre, pour être traîné à son domicile par un ami ou au comissariat par le sergent de ville. Nous présenterons un tableau général de cette ma- ladie dans tout le pays. En ce qui concerne la ville de Buenos Aires, l'alcoo- lisme figure dans la mortalité générale durant les années comprises entre 1887 et 1894 dans cette proportion: 1887 il y a eu 64 décès par l'alcoolisme 1888 » 60 » » 1889 » 92 » » 1890 » 68 » » 1891 » 54 » » 1892 » 62 » » 1893 » 50 » » 1894 » 78 » » Ce qui donne un total de 528 décès dans une pé- riode de 8 ans. Mais ces chiffres ne sont relatifs qu'aux personnes qui ont succombé directement à l'alcoolisme, tandis qu'en réalité le nombre des alcooliques est beau- coup plus considérable, et se traduit par la grande quan- tité de maladies du foie, de l'estomac et par différentes formes de l'aliénation mentale et autres affections du système nerveux. L'alcoolisme dans la folie intervient 30 fois sur 100 dans notre pays. Les renseignements suivants font connaître le nom- bre de personnes entrées à la police de Buenos Aires pour délit à.'ivresse pendant une période de 10 ans, de 1885 à 1894 et, pour qu'on puisse se rendre un compte 681 exact de sa proportion par rapport à la population, nous mettrons en regard les chiffres de cette dernière. ANNÉES POPULATION DÉLITS d'ivresse 1885 381.492 28.252 1886 400.951 40.960 1887 433.375 44.570 1888 455.161 55.599 1889 523.452 40.593 1890 547.144 18.914 1891 535.060 19.860 1892 554.713 19.366 1893 580.371 20.619 1894 640.000 19.816 Ces renseignements donnent lieu à différentes déduc- tions. Tout d'abord, remarquons qu'à mesure que la population augmente, le nombre des ivrognes conduits à la police diminue. Ou bien l'éducation et les bonnes habitudes ont fait des progrès, ou bien la crise finan- cière actuelle ne permet plus les excès alcooliques. Les chiffres officiels sont là; ils dispensent de tout com- mentaire. Nous remarquons précisément que pendant les années 1886, 1887, 1888 et 1889, durant lesquels les banques étaient ouvertes même aux irresponsables et aux insol- vables, l'ivresse a fait un plus grand nombre de victi- times. Cela s'explique par l'abondance d'argent qu'il y avait à cette époque, abondance dont nous avons parlé à propos des mariages, à la page 155. Là, nous avons consigné les circonstances malheureuses qui ont en- traîné le pays à cet état de prospérité superficielle qu'on constatait alors. Ces mêmes circonstances, pendant lesquelles tout était permis et bon, ont provoqué la dégradation des moeurs, la diffusion des vices; de là, l'énorme déve- loppement de l'ivrognerie, qui, pendant les années 1886, 682 1887 et 1888, présentait la proportion d'un ivrogne sur 10 habitants, et encore plus. Heureusement pendant les années suivantes, il se produit un phénomène inverse: la population augmente et le chiffre des buveurs se réduit de moitié. Si cette constatation ne prouve pas absolument que l'alcoolisme diminue, elle est cependant consolante, parce qu'elle au- torise à croire qu'on évite au moins le scandale de rencontrer beaucoup d'ivrognes sur la voie publique. C'est là un contraste frappant. Afin qu'on puisse dé- montrer l'augmentation considérable des magasins, des débits de boisson, des estaminets qui s'est produite à Buenos Aires, comparons leur nombre en 1887 et 1894. 1887 1894 Augmentation proportionnelle Magasins de comestibles et boissons 2.340 3.580 + 53 % Cafés 202 426 + Hl 7o Confiseries 94 201 + H4 % Dépôts de vins 68 214 + 215 % Débits de boissons 230 1.193 + 419 % Auberges 496 492 - 0-8 % Hôtels 31 49 + 60% Distilleries et fabriques de liqueurs. 98 157 + 60% Fabriques de vins 4 88 + 21 % C'est-à-dire que les fabriques d'alcool, les estaminets, etc., qui en 1887, étaient au nombre de 3.563, ont aug- menté jusqu'à concurrence de 6.400 en 1894, ce qui prouve d'une façon évidente que la consommation des boissons est chaque jour une nécessité plus impérieuse. Les industries établies parmi nous, font une concur- rence très grande aux établissements similaires d'Eu- rope; on peut le constater par les paroles suivantes: « La consommation des boissons étrangères a dimi- nué de 28% environ, pendant ces dix dernières années, abstraction faite de l'augmentation de la population: 683 elle a diminué bien davantage, si Bon tient compte, comme on doit le faire, de l'accroissement du nombre des consommateurs qui s'est produit pendant ce laps de temps. « L'importation de la bière a baissé de 350.000 dou- zaines de bouteilles, à 12.000 douzaines; celle de l'al- cool et des liqueurs, d'un million et demi de piastres; celle des vins d'un million de piastres, en faisant tou- jours abstraction de l'augmentation du nombre des consommateurs. Les différences pour les bières, les al- cools et les vins sont fournies par l'industrie nationale qui rivalise avec les produits étrangers, sinon par la qualité, du moins par les prix très avantageux, grâce à la protection fiscale douanière dont elle bénéficie. (*) » L'élaboration des vins commence à se faire parmi nous. Les vins sont d'une qualité incomparable, et on dispose de tous les éléments pour implanter une bonne industrie viticole; mais la falsification et les mauvais procédés perdent tout. C'est pour cela que Latzina dit, que les 88 fabriques existant dans la Capitale avec leurs vins de raisin sec et leurs vins qui le plus souvent, ne sont pas même de raisin sec, contribuent à limiter l'importation des vins européens, et font une guerre aux produits légi- times du pays, en leur enlevant le meilleur marché de la République Argentine, qui est la ville de Buenos Aires. L'importation des raisins secs pendant les années com- prises entre 1887 et 1893, a été la suivante: 1887 547.224 k. 1888 57.221 » 1889 94.092 » 1890 357.768 » 1891 293.860 k. 1892 260.077 » 1893 503.657 » En ce qui concerne la Province de Buenos Aires avec sa population calculée aujourd'hui à 940.000 habitants, elle offre les renseignements suivants, pendant la pé- riode décennale de 1884-1893, d'après M. Salas, chef du bureau de statistique. P) Anuario del Departamento Nacional de Estadîstica, 1894. 684 NATIONALITÉ ANNÉE 1884 ANNÉE 1885 ANNÉE 1886 ANNÉE 1887 ANNÉE 1888 ANNÉE 1889 ANNÉE 1890 ANNÉE 1891 ANNÉE 1892 ANNÉE 1893 - H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. Tota H. F. o b- H. F. | Tota Argentins 10 - 10 12 1 13 9 - 9 13 4 17 7 1 8 22 3 25 1 24 4 28 10 2 12 24 I 25 22 3 25 Boliviens 1 1 Brésiliens 1 1 Chiliens - - - - - - 1 - 1 1 - 1 1 - 1 - - - - - - - - - 1 - 1 - - - Uruguayens... - - - - - - - - - 1 - l 1 - 1 1 - 1 3 - 3 - - - - - - - - - Paraguayens .. 1 1 1 1 Péruviens 1 1 Allemands 1 - 1 1 1 2 - 2' - 1 1 1 - 1 1 - 1 Autrichiens ... 2 1 1 1 Belges - - - - - - 1 - 1 - - - - - - - - - - - 1 - 1 1 - 1 1 - Danois 1 - 1 Espagnols 5 1 6 5 - 5 3 - 3 8 1 9 4 1 5 10 1 11 6 6 - - - 7 - 7 9 - 9 Français Hollandais .... 4 4 6 J 6 - 6 3 - 3 4 - 4 6 1 6 1 8 - 8 8 - 8 7 - 7 7 - 7 Anglais 4 - 4 3 - 3 3 - 3 3 1 4 4 - 4 4 - 4 8 1 9 7 1 8 4 4 6 - 6 Italiens 4 - 4 4 - 4 7 - 7 13 - 13 5 - 5 12 - 12 9 - 9 12 - 12 10 1 1 1 10 - 10 Portugais 4 1 - 1 Russes 1 1 1 - 1 Suisses J 1 1 2 - 2 Sans spécification 1 - - - - n 2 - 2 1 - 1 3 - 2 2 - 2 4 1 5 2 - 2 3 - 3 28 1 29 30 1 31 30 - 39 45 6 51 28 2 30 62 6 68 62 5 i 67, 45 5 50 60 2 62 62 3 65 Mortalité produite par l'alcoolisme dans la Province de Buenos Aires, pendant la période décennale de 1884 à 1893 685 Relativement à l'àge nous pouvons établir ce qui suit : 17 alcooliques avaient de 15 à 25 ans 89 » » 25 » 35 » 137 » » 35 » 45 » 151 » » 45 » 60 » 61 » » 60 » 75 » 12 » » 75 » 90 » . 3 » » plus de 90 » 13 » d'àge ignoré. Ces chiffres se rapportent seulement à la mortalité produite par l'alcoolisme, comme entité morbide, indé- pendante; mais nous devons le déclarer, le nombre de buveurs, qui influent sur la morbidité et sur les statistiques mortuaires est plus élevé, puisque parmi ces derniers ne figure pas le diagnostic étiologique, mais le diagnostic clinique, et, par suite, nombre d'hé- patites, de gastrites, d'affections du cœur et de la moelle, etc., sans oublier les mentales qui sont si fréquentes, et ont leur origine dans l'abus des spiritueux. Dans la campagne de la province de Buenos Aires et de toute la République Argentine il est très commun que les paysans déjeunent avec du mate et quelques petits verres de cana ou de genièvre; les dimanches et jours de fête, les habitants de divers points environnants se donnent rendez-vous dans un débit où il jouent à la taba; (*) ils boivent et même se battent si la nécessité ou l'occasion se présente. Disons cependant que cette habitude de boire quel- ques petits verres le matin, n'a pas d'autres conséquen- ces; en général les hommes se livrent à leurs occupa- tions habituelles, mais il n'en est pas moins vrai que cette coutume pousse, prédispose à l'alcoolisme auquel elle aboutit, si on n'a pas la force nécessaire pour résister. p) Astragale de bœuf qu'on lance en l'air, en pariant qu'elle retombera sur telle ou telle face. 686 Le Rosario, avec ses 70.000 âmes, présente malheu- reusement des cas très fréquents d'alcoolisme, dans toutes les classes sociales; on peut constater ses effets perni- cieux sous les formes les plus variées, delirium tremens, folie, etc. Les alcooliques chroniques sont nombreux. Ce fléau qui se propage chaque jour davantage, envahit les foyers respectables et exerce ses effets funestes sur des per- sonnes qui, par leur position et leur éducation, devraient être à l'abri du mal. Le Dr. Firmat considère comme une particularité de cette ville, la facilité avec laquelle des individus ayant reçu une bonne éducation, ayant des antécédents hono- rables, des jeunes gens de 18 à 20 ans, se livrent aux liqueurs. Il attribue ce fait à l'absence de tout milieu social pour la jeunesse, qui, par suite, se réunit toujours dans les estaminets et les billards. L'opinion de notre collègue du Rosario est absolu- ment juste, mais il faut convenir que dans cette ville il y a des centres sociaux et des moyens suffisants pour s'amuser sans être obligé de recourir au vin, à l'absinthe ou au cognac. Dans l'hôpital de la localité, il est bien rare qu'un mois se passe sans qu'il entre quelque victime du deli- rium tremens. Ce caractère de la maladie est plus commun parmi les étrangers que parmi les fils du pays, dont la basse classe est ici très adonnée aux boissons. Dans l'Entre Rios, pendant l'année 1893, sur un total de 3.968 décès, 13 ont été causés par l'alcoolisme, ce qui donne une moyenne de 0.33 pour 100. Dans les dix premiers mois de 1894, sur un total de 3.597 morts, on en compte 11, provoquées directement par l'alcool, ce qui donne une proportion de 0.30 pour 100. Pareils chiffres sont très satisfaisants et font le meilleur éloge de cette riche et progressive province, qui montre ainsi ses habitudes de sobriété. A l'inverse de ce que nous constaterons dans quel- ques contrées du Nord de la République Argentine, où 687 le manque de travail rend les gens vicieux, dans l'Entre Rios, les bonnes habitudes empêchent les habi- tants de se livrer à l'alcool. Ce n'est pas dire que dans la province en question on ne consomme pas une grande quantité de boissons, mais il faut se souvenir qu'elle compte 400.000 âmes environ, et on peut con- clure qu'heureusement l'ivrognerie y est rare. Ses principales manifestations s'observent dans le cours de certaines maladies, mais leur fréquence n'est pas alarmante. Le tableau suivant, dressé par Mr. Ripoll, directeur du bureau de statistique, fait connaître la marche de l'alcoolisme par rapport à la mortalité générale en 1893 et 1894, dans chaque district de cette province. DISTRICTS CO 3 "Ô _Q G0 r® O KD O NOMBRE DE DÉCÈS MOYENNE DE LA MORTALITÉ PAR L'ALCOOLISME 1893 0» a> •œ 4o *ô Q 8 a 1894 1893 1894 Paranâ 3 590 3 533 00 52 00 56 Diamante 146 136 La Paz 1 219 1 197 00 45 00 50 Feliciano 68 61 Federaciôn 151 149 Concordia 1 410 1 377 00 24 00 29 Colon 138 115 Uruguay 1 284 1 242 00 35 00 41 Gualeguaychù l 365 1 321 00,27 00,31 Gualeguay 2 535 1 482 00,37 00,20 Victoria 1 372 1 338 00 26 00 29 Noeovâ 1 267 1 237 00 37 00 42 Tala 1 211 183 00 47 Villaguay 1 212 1 226 00,47 00,43 Totaux 13 3.968 11 3.597 00,33 00,30 688 La province de Corrientes ne nous fournit pas de grands renseignements au sujet de la fréquence de l'alcoolisme; ce vice n'est pas enraciné dans les moeurs des Corren- tinos, et les quelques observations faites soit en ville, soit dans les hôpitaux ne font pas connaître exacte- ment son développement. On peut dire que les habitants de cette contrée sont sobres et qu'il est rare d'en ren- contrer quelques uns qui soient victimes d'une habi- tude invétérée des spiritueux. On y consomme une certaine quantité de cana. A Côrdoba, ce fléau s'étend chaque jour; ses effets s'exercent sur toutes les classes sociales sans épargner les plus élevées, et ils sont établis d'une façon éviden- te puisque dans les commémoratifs pathologiques, on découvre toujours, quand elle existe, l'influence de l'al- cool. Il est très possible que cet élément de destruction intervienne dans la fréquence de la pneumonie, fré- quence qui, ainsi que nous Lavons vu (page 456), y est très alarmante. On peut dire avec exactitude, que tous les hommes du peuple sont des buveurs et que dans la classe aisée on en constate également beaucoup. La genièvre et l'anis sont les boissons préférées et qu'on consomme presque exclusivement. San Luis offre sous ce rapport de meilleures condi- tions. Il est vrai qu'ici la classe populaire se surmène, mais on doit dire que ses excès sont assez modérés. Le nombre de buveurs de profession est très restreint; les naturels consomment l'eau-de-vie ou le genièvre, et les étrangers préfèrent l'absinthe. Mendoza est aujourd'hui un grand centre de produc- tion de raisins exquis et de différentes qualités; les vins qu'on y fabrique sont très bons et si abondants qu'à eux seuls ils pourraient suffire pour la provision de la République Argentine comme cela arrivera bientôt. L'ivrognerie est assez fréquente dans la classe ouvrière et elle présente des caractères alarmants pour l'avenir: son influence se fait sentir sur la morbidité, si on cherche dans les antécédents des malades quelque chose qui puisse expliquer l'étiologie à ce point de vue. 689 On peut dire qu'à San Juan l'alcoolisme est très ré- pandu; il sévit sur toutes les classes sociales. Le Dr. G. Aubone raconte le fait d'une famille de la bonne société, dont le père est un alcoolique invétéré et dont les sept enfants sont morts avant d'atteindre leur première année, victimes de la broncho-pneumonie. Cette circonstance prouve bien l'influence dégénératrice de ce vice sur la race, puisqu'on sait que les fils de buveurs ont une prédisposition à contracter les affec- tions de l'appareil respiratoire. Le fait que nous venons de citer confirme cette opinion. La classe qui travaille, les naturels du pays, contri- buent dans une large mesure à augmenter cette fatale statistique. Parmi eux, il est d'usage de consacrer chaque mois trois ou quatre jours aux excès alcooli- ques; on les voit aller de débits en débits jusqu'à ce que la police les arrête ou jusqu'à ce qu'ils rentrent à la maison. Généralement ils boivent de l'alcool ordi- naire ou encore de l'alcool mélangé d'anis; depuis quel- ques années, ils consomment beaucoup de bière qu'on fabrique dans la localité. Cette fréquence est plus accentuée dans les dépar- tements éloignés, comme Jachal, où les buveurs tuent le temps en libations, du matin jusqu'au soir; le même fait se produit à Calingasta, Valle Fertil, Lagunas. On pourrait s'expliquer la recrudescence de cet excès par la solitude de ces parages, par l'absence d'une police qui le réprime, et par l'impunité assurée presque tou- jours à ceux qui s'y livrent. Il faut rappeler que la plupart des crimes les plus affreux commis dans cette contrée, ont eu pour théâtre ces lieux reculés. Ajoutons qu'on élabore ici de grandes quantités de vin. D'après les renseignements officiels que nous avons sous les yeux, dans les diverses sections de police de la province de San Juan, les délits d'ivresse sont ainsi représentés pendant les années ci-après: 1892 1.627 1893 2.826 1894 1.351 •CLIMATOLOGIE MEDICALE. 44 690 On constate en 1893, une augmentation considérable sur l'année précédente, mais en 1894, le chiffre de 1.351 sur une population évaluée à 165.000 âmes révèle que le nombre des buveurs de profession a diminué extraor- dinairement. Ce résultat est dû à l'influence de la police dans les centres peuplés. A propos de Santiago del Estero, il est agréable de constater que ses fils sont très sobres; cette sobriété est en raison directe de sa pauvreté. Nous savons déjà que la grande majorité des habitants s'alimente avec du maïs; disons maintenant que si quelque bois- son se consomme, c'est le vin qu'on prépare dans le pays ou à La Rioja. Dans la campagne on boit de la cafia\ les débits de boissons ne prospèrent pas. L'alcoolisme est assez fréquent dans tous les districts de la province de La Rioja; on y boit beaucoup de vin et surtout d'alcool, qu'on fabrique en abondance dans la contrée. La cause principale de la fréquence de cet excès ré- side dans le manque de travail; il n'y a pas d'indus- tries, et la classe pauvre pour tuer le temps se livre au vice; l'influence de ce dernier se constate dans les nom- breuses manifestations morbides que la clinique découvre sous la forme de gastrites, hépatites, lésions cardiaques, pneumonies, etc., qui ont le plus souvent leur origine dans l'abus des liqueurs. Nous pouvons en dire autant de Catamarca, où l'al- coolisme s'observe cependant très peu comme entité mor- bide indépendante et dont les effets sont très rares. En 1893, une seule personne est morte de cette maladie; mais les habitudes alcooliques se répandent chaque jour, selon le Dr. Pedro J. Acuna, et leurs conséquences se manifestent dans la gravité de quelques névralgies, dysenteries, affections hépatiques, cardio-artérielles, etc., qui figurent dans la mortalité générale. Comme il est d'usage dans tous les pays qui n'ont pas de statistique bien organisée, on mentionne seulement dans les regis- tres mortuaires le diagnostic et non la cause patho- génique, et même dans ce cas il est souvent difficile pour la clinique de préciser la part que les diffé- 691 rents facteurs (alcoolisme, paludisme, etc.) ont pu avoir sur son développement. Dans les classes sociales inférieures, on consomme la cana introduite de Tucuman, d'autres boivent l'al- cool de vin fabriqué à Catamarca. Il est possible que la qualité de cette dernière boisson retarde les dégéné- rations organiques, laissant aux autres agents cités plus haut le principal rôle dans la gravité des maladies indiquées. On consomme beaucoup de vin et de bière; on boit également le mistela, (') la genièvre et le cognac. Nous avons vu que la aloja préparée avec du carou- bier ou du coing fermenté dans de l'eau, est une bois- son très en usage parmi les habitants. A Tucuman on abuse beaucoup de l'eau-de-vie, et ses terribles effets sont évidents. A Salta, d'après le Dr. Arias, les deux tiers de la classe pauvre sont des alcooliques intermittents, puis- qu'ils boivent seulement les samedis et les dimanches. On n'a jamais observé parmi eux, le delirium tremens, ce dernier degré qu'on constate chez les ivrognes invé- térés. Comme conséquence de cet abus, les maladies et spé- cialement la pneumonie ont raison des buveurs. De telle sorte que nous trouvons ici la réunion de deux conditions qui favorisent l'aptitude morbide: l'alcoolis- me d'un côté, et la malaria de l'autre. C'est pour ce motif, que la pneumonie y est si fréquente. Quant à Jujuy, nous avons déjà dit, page 133, que l'alcoolisme y est assez commun; les boissons préférées par les Indiens et le peuple sont l'eau-de-vie et la cerna. Dans les fêtes populaires, dans les réunions qui ont lieu le dimanche, on peut s'assurer du grand dévelop- pement de ce fléau. Contre cet état qui est une grave menace pour la fa- mille et la société, on a cherché des moyens considérés comme efficaces. (!) Teinture alcoolique aromatisée. 692 Les nations les plus civilisées, luttent pour diminuer le chiffre de leurs victimes; des associations de propa- gande se fondent dans le même but, et les Goods Tem- plars, puissants par leur nombre et leur activité, font vœu pour toute leur vie de ne faire usage des alcools sous aucune forme ni aucun prétexte. La Suède, la Norwège, la France, la Suisse et les Etats-Unis se préoccupent d'arrêter l'invasion du mal, et le combattent par tous les moyens que l'action pu- blique et privée peut employer. Comme un des plus efficaces, on doit citer la création et le fonctionnement des sociétés de tempérance, dans lesquelles chaque membre est un apôtre de ses idées qu'il essaye d'in- culquer aux autres, de façon à enrayer le plus possible les effets du fléau. D'autre part, il existe en Suède et Norwège, d'innombrables personnes qui, sans appar- tenir à aucun comité, ont renoncé formellement aux liqueurs. Les méthodistes ont adopté aussi l'abstinence complète et l'observent rigoureusement. Dans le dernier de ces pays, l'assemblée nationale a révisé les lois ten- dant à restreindre l'usage des boissons et elle a déclaré que les administrations communales ont la liberté d'in- terdire leur vente dans les localités. A l'occasion du IVe Congrès international contre Cabus des boissons alcooliques, tenu à La Haye le 16 août 1893, les déclarations les plus diverses se sont produites. Walbourg Schmidt (d'Amsterdam), pense que les co- mités contre l'abus des boissons alcooliques devraient inviter les médecins à ne pas prescrire l'alcool dans les maladies chroniques; cette médication aurait en effet, d'après lui, l'inconvénient de répandre l'habitude des boissons spiritueuses dans les familles. Baer (de Berlin) communique, de son côté, le résul- tat de ses recherches à ce sujet, et dit: 1° L'abus de l'alcool est très préjudiciable à la santé; il détermine divers symptômes morbides et est une cause de mort précoce. Il diminue et annihile même les fonctions cérébrales. Il devient l'origine d'impulsions criminelles et engendre la folie. 693 2° Mortalité, criminalité et folie augmentent en raison directe de l'abus des boissons alcooliques. Koch (de Scheveningue), dit que ses recherches per- sonnelles lui ont démontré que la plupart des prisonniers ont commis leurs crimes sous l'influence de l'alcool. Schmitz (de Bonn), déclare que les boissons alcooli- ques ne sont pas nécessaires à la santé; et que pris en quantité exagérée, l'alcool déjà nuisible pour les indi- vidus en bonne santé, devient absolument pernicieux pour les personnes d'une constitution nerveuse. Selon l'avis de Forel, les dangers que présente l'u- sage de préparations alcooliques falsifiées et impures, bien qu'ayant été très exagérés comparativement à la part qui revient en propre à l'alcool éthylique, n'en exis- tent pas moins réellement. Les produits falsifiés agissent surtout comme des poisons de l'encéphale; ils finissent par déterminer des lésions durables des tissus. Les altérations provoquées par l'intoxication alcooli- que du système nerveux, peuvent se grouper de la fa- çon suivante : a) Les altérations réparables, où les tissus n'ont pas encore subi de modifications durables. b) Les altérations irréparables, dans lesquelles les tis- sus sont modifiés d'une façon permanente. La deuxième classe d'altération se développe très len- tement, d'une façon presque insensible, et se termine par une transformation de la vie psychique, caractéri- sée surtout par un affaiblissement, plus ou moins con- sidérable des facultés morales. L'alcoolique invétéré souffre d'une maladie psychi- que chronique, au cours de laquelle se montrent souvent le delirium tremens, la manie aiguë alcoolique, etc. Des troubles psychiques incurables peuvent en être la conséquence. Les névropates sont prédisposés à l'alcoolisme; chez ces malades, de très petites quantités d'alcool peuvent déterminer des symptômes nerveux très accentués. L'alcoolisme chronique des parents cause la dégéné- ration physique et psychique des enfants. 694 Les boissons spiritueuses concentrées agissent plus énergiquement que les boissons faibles, mais la qualité peut être compensée par la quantité, et l'on connaît beaucoup de cas d'alcoolisme dus à l'abus du vin et de la bière. (') Pour terminer, nous croyons utile de reproduire ici les conclusions présentées par le Dr. Guillaume ( de Neuchâtel ), au sujet des mesures contre l'alcoolisme. 1. Pour combattre efficacement l'ivrognerie et l'in- tempérance, les mesures préventives sont préférables aux mesures curatives. 2. Les mesures préventives doivent déjà s'adresser à l'enfance, dont il faut s'appliquer à élever le niveau intellectuel et moral, en vue de former l'opinion publi- que de la nouvelle génération. 3. Parmi les moyens qui peuvent être employés dans la période de l'enfance, et qui sont plus spécialement du domaine de l'initiative privée, nous recommandons les suivants : a) Création, spécialement en vue des enfants de la classe pauvre, qui ne reçoivent pas à la maison les soins nécessaires et une éducation convenables, de sal- les d'asiles et d'écoles gratuites, autant que possible d'après le système Froebel. b) Encourager les sociétés ayant pour but de déve- lopper parmi les enfants et la jeunesse le goût des ré- créations intellectuelles et morales, sans négliger les exercices corporels. c) Fonder des caisses d'épargne scolaires. d) Développer les bibliothèques destinées à l'enfance, et pourvoir à ce qu'elles renferment des livres instruc- tifs et d'un caractère pratique. e) Surveiller les orphelins placés, par les communes, en pension et en apprentissage. f) Encourager les jeunes gens qui quittent l'école à entrer dans une société d'enseignement mutuel, d'union (i) Forel: La Semaine Médicale, Année 1893, tome XIII, page 315. 695 chrétienne ou dans une société de chant, de musique, de gymnastique, etc. g) Organiser dans chaque localité une école libre de dessin et de modelage. 4. L'Etat comme pouvoir législatif, peut et doit se- conder les efforts dus à l'initiative privée: a) En améliorant constamment le système pédagogi- que des écoles publiques et en rendant l'enseignement plus pratique. Les réformes devraient commencer dans l'école normale, en vue de former des instituteurs ca- pables, non d'enseigner beaucoup de choses, mais de donner surtout le goût de l'étude. De cette manière, il serait possible de décharger les programmes et de pré- venir chez les élèves le surmenage intellectuel. b) En faisant donner aux élèves des écoles primaires et secondaires des leçons d'hygiène, sans pour cela aug- menter le nombre des branches d'enseignement. c) En organisant, pour les jeunes filles, des écoles pratiques d'art culinaire. d) En organisant, pour les jeunes garçons âgés de 16 à 20 ans, des écoles professionnelles et en subvention- nant les écoles libres de dessin ou d'enseignement mutuel. 5. Parmi les moyens préventifs à appliquer dans la période de l'adolescence et de l'âge mûr, nous recom- mandons les suivants; a) Exercer constamment une influence individuelle et collective sur l'opinion publique, afin de l'habituer à condamner non seulement l'ivrognerie et l'usage de Feau-de-vie, mais même la consommation intempestive de toute boisson fermentée. b) Publier des brochures, journaux, ayant pour but de combattre l'abus des boissons alcooliques et d'éclai- rer l'opinion publique sur cette question. c) Favoriser toutes les mesures qui ont pour but l'a- mélioration des conditions hygiéniques de la popu- lation. d) Encourager les efforts des sociétés de tempé- rance. e) Fonder des sociétés de consommation et, en parti 696 culier, favoriser la vente de la bière et du vin à bon marché, afin de supplanter l'eau-de-vie. /J Mettre à l'index tous les magasins d'épicerie, qui sont des débits clandestins d'eau-de-vie, et s'engager à ne s'approvisionner que chez les marchands qui ne vendent pas l'eau-de-vie en détail. g) Ne pas offrir de l'eau-de-vie aux domestiques et journaliers. h) Organiser dans chaque localité un ou plusieurs cercles, accessibles à tout le monde et dans lesquels la consommation de l'eau-de-vie serait interdite, mais où le public trouverait non-seulement du vin et de la bière à bon marché et de bonne qualité, mais aussi des ré- créations intellectuelles, des conférences intéressantes, de la musique, des jeux, etc. O Créer un comité central, chargé de donner des ren- seignements sur la meilleure manière d'organiser ces cercles, de les administrer et de procurer des récréa- tions intellectuelles aux personnes qui les fréquentent. Æ) Organiser dans les principales localités un atelier dans lequel les journaliers trouveraient de l'occupation pendant les jours de chômage forcé. Un pareil atelier pourrait même être mis en connexion avec une cuisine économique. l) Organiser des bureaux de placement. m) Encourager les ouvriers, les journaliers, etc., à faire des dépôts réguliers à la caisse d'épargne. ri) Recommander les assurances en cas de décès, les sociétés de prévoyance, etc. 6. Afin de réaliser le programme qui précède et qui est loin d'être complet, il serait nécessaire d'unir tous les efforts tentés dans un pays pour prévenir l'intem- pérance et de fédérer toutes les sociétés d'utilité publi- que et de bienfaisance. Le plan de campagne serait élaboré dans des réunions annuelles des délégués et chaque société entreprendrait sa part d'activité dans l'œuvre commune et rendrait annuellement compte du résultat qu'elle aurait obtenu. 7. L'Etat, auquel incombe le droit et le devoir de ré- gler le commerce et la vente des boissons alcooliques 697 et d'exercer une surveillance sur les débits, devrait monopoliser la fabrication de l'alcool et, s'il en aban- donne la vente en détail à l'initiative privée, il devrait favoriser et même provoquer l'introduction du système de Gotembourg. En attendant, les lois et règlements devraient entre autres contenir les dispositions suivantes: a) L'autorisation d'ouvrir un débit ne devrait être accordée qu'à des personnes de toute moralité et à la condition que le local présente certaines conditions hy- giéniques, comme par exemple un minimum de mètres cubes d'air et de mètres carrés de fenêtres, et un sys- tème efficace de ventilation. b) Interdiction de donner à boire dans les établisse- ments publics à des enfants n'ayant pas atteint l'âge de 16 ans, ou de leur vendre des spiritueux. c) Surveillance officielle des établissements publics et des boissons qui y sont offertes en vente. d) Surveillance plus active des débits clandestins, no- tamment des épiceries. 8. L'ivresse devrait être considérée dans la règle comme un délit et ne pas être invoquée comme circonstance atténuante d'un crime. La plupart des desiderata formulés dans les résolu- tions qui précèdent ont trouvé en Suisse, presque par- tout, un commencement de réalisation, grâce aux efforts des sociétés libres d'utilité publique et de bienfaisance et à la sollicitude des gouvernements. Ce qui fait dé- faut, c'est une entente entre ces différentes associations et, par conséquent, l'absence d'un plan de campagne qui unirait ces efforts et faciliterait la tâche que ces sociétés se sont imposée. Au lieu de combattre isolé- ment, à la manière des francs-tireurs, il faudrait, pour vaincre l'ennemi, une armée bien disciplinée et bien organisée sous la direction d'un état-major composé des représentants de l'Etat et des sociétés d'utilité publique. (') (x) Guillaume; Congrès d'Hygiène et de Démographie, Vienne 1887. 698 Gartner, de son côté, dit que l'usage de l'alcool cons- titue pour l'ouvrier une source de grands dangers. Sans nul doute, l'ouvrier a besoin d'nn excitant, qui le sti- mule pendant la durée de son travail monotone et sou- vent pénible; c'est pour cela qu'il s'adresse à l'eau-de- vie, qu'il peut toujours se procurer aisément et qui est à la fois l'excitant le plus énérgique et le moins coû- teux. Si l'on veut combattre efficacement l'usage de l'eau-de- vie, il faut mettre l'ouvrier en état de se procurer, à l'atelier même, et à bon marché, un autre stimulant; à ce point de vue, l'établissement de débits de café dans les usi- nes, est très recommandable. Dans quelques centres industriels il existe aussi des débits publics de café, où sont aménagées des salles de lecture chauffées l'hi- ver; les ouvriers fatigués y trouvent le délassement corporel en même temps qu'un stimulant intellectuel. On a souvent formulé le désir de voir mettre à la dis- position de l'ouvrier une bière saine et à bon marché, qui lui ferait perdre l'habitude de boire du genièvre. L'idée est excellente, mais elle ne conduit pas tou- jours au but qu'on poursuit. La bonne bière coûte cher, et l'ouvrier ne se contente pas d'un unique verre de bière en toute la journée; il dépense plus facilement une partie de son salaire en buvant de la bière qu'en buvant de l'eau-de-vie. Il semble donc plus efficace de s'appliquer à préserver le jeune ouvrier de contracter l'habitude des boissons alcooliques. Il faudrait interdire aux ouvriers adolescents l'usage de la bière et de l'eau- de-vie, sur les lieux du travail. On devrait, par contre, leur fournir, même gratuitement, du café et du thé. C) (l) A. Gârtnhr: Précis d'hygiène publique. CHAPITRE XXXI PARASITOLOGIE ARGENTINE Sommaire.-Le pique ou pulex pénétrons. - Le bicho Colorado, ou tetranychus molestis- simus. - Pediculis : pubis, capitis et vestimenti. - Oxyures. - L'acarus de la gale humaine. -L'ankylostoma duodenale. - La trichine. - L'ollu- lanus tricuspis et le Dr. R. Wernicke. - Le ténia saginata, le ténia so- lium, le ténia nana. - Le distoma hepaticum (saguaypé); le distoma he- matobium; hematuria brasiliensis. - L'echinococcose; sa fréquence à Buenos Aires, Santa Fé, Entre-Rios. - Le kyste hydatique dans la Répu- blique Argentine. - Statistique. - Conclusions. Le Dr R. Wernicke, professeur de pathologie généra- le à Buenos Aires, s'est occupé spécialement de cette étude, et d'après lui, de tous les ecto et ento-parasites, qui s'observent sur l'homme dans la République Ar- gentine, un seul est indigène : c'est le pique ou pulex penetrans, qu'on rencontre dans les régions chaudes du Nord, ainsi que nous l'avons vu en parlant de Mi- siones. Cet hôte minuscule attaque de préférence le nouvel arrivé, qui ne sait pas se débarrasser de lui, tandis que les naturels du pays mettent bien vite en jeu les moyens qui leur permettent d'éviter ses effets dès qu'il a pé- nétré sous la peau. Les conséquences qu'il provoque sont en général égales à celles d'une blessure cutanée quelconque, entretenue par un corps étranger. Tout au plus il donne lieu à la formation d'abcès qui sont tou- jours accompagnés de symptômes fatigants; démangeai- sons aux orteils, etc. Les naturels de Corrientes, du Chaco, de Misiones et de Formosa sont très habiles pour extraire les piques; 700 ils employent pour cela la pointe d'un canif ou d'un couteau. Wernicke ne croit pas qu'on puisse citer parmi les véritables parasites de l'homme le bicho Colorado ou te- tranychus molestissimus, un acarus se logeant sur les feuilles des plantes, qui, à l'état de larve, attaque fré- quemment la peau de l'homme et même des animaux. Il se produit ainsi une dermatite très pénible, accom- pagnée d'une forte douleur; elle fait son évolution sans inconvénient, si la douleur n'oblige pas à se gratter la partie malade. Dans ce cas la petite blessure se compli- que et peut devenir une blessure infectée. Les autres parasites qu'on peut mentionner ont été importés, et assurément ils sont venus ici avec les im- migrants. Parmi les parasites fréquents du corps humain, fi- gurent les trois pediculi: capitis, pubis et vestimenti, qui ne se distinguent en rien de ceux d'Europe. L'acarus de la gale humaine produit de temps à autre, ici comme en Europe, de véritables épidémies dans les prisons et les hôpitaux. Ainsi que nous l'a- vons dit, page 194, cette maladie a été épidémique en 1891, dans la préfecture de police de Buenos Aires et elle conserve aujourd'hui encore ce caractère. Actuelle- ment elle est plus fréquente qu'il y a 12 ou 15 ans. Parmi les entozoaires qu'on observe le plus souvent parmi nous, nous devons citer en première ligne les trichocéphales; les oxyures abondent; l'ascaride lombri- coïde se constate ici moins souvent que dans le Vieux Monde où on le rencontre principalement en Hollande, en Suède, en Norwège et en Allemagne. Avec l'immigration, Yankylostoma duodenale est venu en Amérique; c'est lui qui produit la chlorose des tro- piques. Le premier cas d'ankylostomasie observé à Buenos Aires fut diagnostiqué par le Dr. Wernicke et sa description figure dans la thèse du Dr. Güiraldes. On ne peut encore établir d'une façon précise quelles sont les régions infestées. Dans l'opinion de ce profes- seur, il est indiscutable qu'il existe des foyers ou des 701 élevages de ce ver, dans la province de Corrientes, et il n'y a pas de raison pour qu'on n'en rencontre pas éga- lement à Buenos Aires, à Santa Fé, dans l'Entre Rios. L'ankylostome duodenale nous est venu peut-être par- les Italiens, soit encore par les nègres Brésiliens ou Africains. Au Brésil, il paraît qu'il a été importé d'Afrique où il abonde; au Paraguay, il existe également et peut être sa fréquence est-elle ignorée par erreur de diagnostic. La trichine n'a été observée, ni sur l'homme, ni sur le porc dans la République Argentine. Le Chili, affirme- t-on, est le seul pays Sud-Américain dans lequel elle existe. Le même auteur a décrit dans Los Anales del Circula Médico Argentino, tome XV (novembre 1892), une série de coupes pratiquées sur une langue de chat. Dans ces coupes, il a pu se convaincre qu'en réalité il ne s'agis- sait pas du premier cas de trichinose observé parmi nous, mais d'un lombric parasitaire pareil ou identique à celui que Leuckart a découvert et qu'il a décrit sous le nom de ollulanus tricuspis. La découverte ne pouvait être plus intéressante. L'état de conservation des pièces ne permet pas d'é- tudier en détail la structure du ver en question; mais le dessin publiée par ce professeur argentin coïncide avec celui de Leuckart et, par suite, il se croit autorisé à considérer ce ver comme un ollulanus. \dollulanus tricuspis est à la fois un parasite du chat et de la souris. Les expériences de Leuckart, dit Wer- nicke, prouvent que les ollulanus adultes vivent dans l'appareil digestif des chats; que les embryons émigrent et peuvent être rencontrés dans les poumons, dans les bronches, dans le diaphragme, dans le foie. Les exem- plaires que nous prétendons avoir trouvés devraient être considérés comme erronés. Avec les matières féca- les, les chats infectés expulsent les embryons, qui n'ont pas émigré de l'intestin ou de l'estomac, et des excréments des chats, ces embryons passent dans le corps des souris; avec la viande de souris les vers reviennent 702 dans le chat. Il reste à vérifier si les vers subissent une modification dans la souris. Le ténia le plus fréquent est le saginata ou inerme; il a été souvent constaté parmi les soldats qui garnis- sent les frontières. Le ténia solium s'est présenté dans quelques cas. La larve de ce ténia ou le cysticercus cellulosæ a été vue par le Dr. Wernicke dans le tissu sous-cutané et dans le muscle. Le Dr. Lagleize l'a trouvée dans le corps vitré. On ne connaît pas l'observation relative au Bothrio- céphale large, recueilli ici. Le ténia nana (') a été observé pour la première fois chez nous, par le Dr. Otto Wernicke. Le distoma hepaticum ou saguaypé (2) est l'hôte le plus fréquent de la brebis; on le voit également sur la race bovine, sur les chevaux et sur beaucoup de rumi- nants. Il constitue une véritable plaie pour la race ovine. On ne peut le considérer comme un parasite fré- quent chez l'homme; (3) je ne sache pas qu'on l'ait ob- servé comme tel dans notre pays. Le distoma hepaticum chez l'homme offre cette particularité qu'il a été rencon- tré assez souvent en dehors du point où il se fixe de préférence, constituant ainsi les cas appelés distomas hépatiques égarés. Si nous nous fixons au nom, nous devons toujours trouver le saguaypé dans le foie; non- seulement il s'installe dans les canaux biliaires et dans la vésicule, provoquant par sa présence des inflammations plus ou moins intenses des parois des canaux, inflam- mations qui se propagent au tissu hépatique et qui f1) Anales del Circula Médico Argentine), tome XIII, année 1890. (a) D'après le Dr. Berg, le mot saguaypé en guarany veut dire; lombric plat. (3) Dr. R. WernicRe: Anales del Circulo Médico Argentine, tome XV, Année 1894. 703 peuvent se terminer par la destruction ou l'atrophie d'une partie du foie. Les saguaypés occupant les canaux biliaires, on comprend que la circulation de la bile ne puisse s'effectuer convenablement; il se produira des rétentions qui provoquent des ictères plus ou moins in- tenses. Quand, ainsi que cela se produit souvent chez l'homme, le saguaypé se trompe de chemin et va se loger dans d'autres organes, il se produit autour du parasite des foyers inflammatoires qui peuvent aboutir à des supurations. Les annales de la médecine enre- gistrent plusieurs cas d'abcès sous-cutanés qui, au mo- ment où ils furent ouverts, donnèrent passage à un ou plusieurs saguaypés. Le distoma lanceolatus n'a pas été observé parmi nous. Le distoma hematobium ou bilharzia, cause de l'hé- maturie endémique, est un habitant des veines, spécia- lement des mésenthériques, vésicales, hémorroïdales et renales. Il est très fréquent en Afrique, à Madagascar, dans l'île de Maurice et Réunion où, parmi les enfants seulement, il occasionne le tiers de la mortalité géné- rale. On n'a pas connaissance qu'il se soit propagé dans l'Amérique du Sud, sauf au Brésil où il est fréquent et connu sous le nom de hematuria brasiliensis. Les cas de filaria sanguinis hominis constatés ici paraissent avoir été importés. Les individus qui en étaient atteints venaient du Brésil ou d'Afrique. L'echinococcus ou larve du ténia du chien qui porte ce nom, est très courant dans notre pays, surtout dans les régions où il y a des chiens ou des ruminants. Le foie est l'organe qu'il choisit de préférence pour se dé- velopper. Le ténia echinococcus dans la République Argentine a été l'objet d'études intéressantes de la part des Drs. E. Canton et A. Masi. Durant ces dernières années, on a constaté des cas nombreux dans la province de Buenos Aires. De toutes les localités de la campagne, il est venu de nombreuses personnes attaquées des kystes hydatiques. 704 La ville de La Plata a offert à la clinique plusieurs observations. L'augmentation du ténia doit préoccuper les éleveurs et les autorités sanitaires. On le rencontre aussi dans les autres provinces où l'élevage du bétail est très développé : à Santa Fé, Entre- Rios et Corrientes. Il existe très certainement au Rosario. De Gualeguaychû (Entre Rios), il est venu à Buenos Aires un homme attaqué du kyste hydatique; à Cor- rientes, on en connaît deux; à Côrdoba, un. En invoquant une expérience personnelle, le Dr. Can- ton dit que dans les provinces du Nord, Santiago del Estero, Tucuman, Salta et Jujuy, le parasite n'a pas eu le temps de voyager malgré le développement relatif de l'élevage de la race bovine et de la race ovine. C'est un grand bonheur que les contrées du Nord de la République Argentine ne soient pas soumises à ce fléau. C'est un motif puissant pour redoubler la surveil- lance qui empêchera l'entrée du ténia. Dans ce but il faut inspecter rigoureusement le bétail et les chiens. V? échinococcose est aujourd'hui d'une fréquence alar- mante ; les renseignements officiels fournis par le bu- reau respectif de l'Administration Sanitaire démontrent que le 49% des animaux de la race bovine tués dans les abattoirs de Buenos Aires, la portent dans leurs vis- cères; le foie et les poumons sont les organes qui sont le plus souvent attaqués. Ces animaux viennent pour la plupart de la pro- vince de Buenos Aires; d'autres, de Santa Fé; d'autres, de Côrdoba. La statistique relative au kyste hydatique dressée par le docteur A. Masi, (*) embrasse la période comprise entre 1884 et 1892, pendant laquelle on a fait 119 ob- (l) A. 'Axsi: Elkiste hidatidico en la Repûblica Argentina. Rapport récompensé par une médaille d'argent dans le concours Sud-Amé- ricain de médecine tenu à Buenos Aires, en 1893, par le Circula Médico Argentina. 705 servations de cas produits dans tout le pays, qui ont été soignés dans les hôpitaux suivants de Buenos Aires: hôpital des cliniques, 69; Rawson, 10; San Roque, 17; Rivadavia, 24. Ces renseignements se réfèrent seulement aux mala- des diagnostiqués, convenablement traités, pour lesquels l'opération a confirmé le diagnostic. Le rôle du chien dans la diffusion du ténia échino- coque est aujourd'hui bien connu, et il est inutile d'in- sister. Le Dr. Masi considère avec raison que le meilleur remède consiste dans la destruction des chiens, mais comme le procédé est trop radical et d'une application difficile, il conseille les mesures suivantes: 1° Pour chaque chien, on payera une forte patente, qu'on renouvellera tous les 3 mois. 2° Chaque chien portera au cou une plaque avec son numéro d'ordre et la date de sa patente. 3° Tout chien rencontré sur la voie publique, sans plaque, sera recueilli, sans que sous aucun prétexte il puisse être rendu à son propriétaire, et abattu sans retard. Pour ceux qui, malgré ces inconvénients, veulent con- tinuer à avoir de ces animaux, il conseille: 1° De ne jamais donner à un chien de la viande crue. 2° Eviter qu'il ne mange, en dehors de la maison, ce que son maître s'abstient de lui donner à l'intérieur. Cela s'obtient avec la muselière. 3° Ne pas leur faire manger le foie d'animaux at- teints d'échinocoques, parce que ce fait est une cause qui produit la maladie que le chien transmet à l'homme. 4° Quand on soupçonne que le chien a des lombrics, il faut le conduire sans retard au vétérinaire. Le Dr. Wernicke est d'avis qu'on devrait autoriser tout propriétaire à abattre un chien qu'il rencontre sur son champ, sans qu'il soit obligé d'en aviser préalable- ment ou de dénoncer-la mort de l'animal. CLIMATOLOGIE MEDICALE. CHAPITRE XXXII STATIONS CLIMATÉRIQUES ET THERMALES DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE Sommaire. - Cosquin; situation; avantages. - Traitement de la tuberculose. - Rapport du Dr. G. del Barco. - Capilla del Monte; description du Dr. Àdolfo Doëring.-Composition des eaux de cette localité. - Rio Ceballos: examen de ce parage. - La Crucecita. - Calingasta. - Belchite.-Rosario de la Frontera. - La Laja.-La Cieneguita.- Jachal.-Bains du «Chorro» - Bains de l'Mlfo. - Rivière de YAgua Negra. - Blanquitos. - Piedras pintadas. - Volcan. - Guaco. - Bains du Salado. - Pismanta.-Boca del Rio. - Villavicencio. - Puente del Inca. - Rio Hondo. - Bains de los Reyes et de Hualfin. - Thermes de Copahues. - Diverses sources. Cosquin. - A 55 kilomètres de la ville de Cordoba, aux 64°28'2" de longitude et aux 31°14' de latitude Sud,, se trouve Cosquin, endroit déjà bien connu, au milieu de forêts et au sommet de la vallée de la Punilla. Son altitude (720 mètres au-dessus du niveau de la mer), n'est pas la plus considérable qu'on rencontre dans cette chaîne de montagnes. Nous savons, par exemple, que le Pan de Azücar atteint à 1.257 mètres. Les conditions de son climat, de sa topographie, etc., ont donné à ce parage une légitime réputation que les résultats journaliers confirment et bientôt il sera converti en un véritable sanatorium pour le bien des malades. Voyons quels sont les éléments naturels qui contri- buent à en faire un point privilégié. La température fournit les indications suivantes: à 7 heures du matin, 12°1; à 2 heures du soir, 21°4; à 9 heures du soir, 15°7 en été. Les observations extrêmes du thermomètre disent que la maxima a été de 33° en janvier et la minima de 6° en juin. La moyenne dans l'année est de 16°2. 707 Par suite de l'influence des brises du Nord-Est, qui soufflent presque constamment, la chaleur de l'été est très tempérée, et les froids de l'hiver perdent de leur intensité grâce à l'abri qu'offre le Pan de Azücar et aussi à l'action du rayonnement solaire. On évalue à 700 mm. la pression barométrique. Au point de vue hygrométrique, il faut dire qu'à Cosquin l'humidité relative moyenne est inférieure à 60, c'est-à- dire moindre qu'à Côrboba où elle est de 63.4. Une simple observation suffit, d'après le Dr. Escalera, pour démontrer la sécheresse de ce climat. En effet, les baigneurs ont pu apprécier la rapidité avec laquelle disparaît l'humidité de la peau, par une prompte évaporation cutanée ou par celle du linge qui leur sert pour se sécher. Cet état de l'atmosphère est presque le même en été qu'en hiver, et pour prouver cette affirmation, il suffit de citer ce fait que pendant une année d'observation on n'a constaté de brouillards que trois fois, quoique la montagne soit enveloppée assez fréquemment dans un voile de vapeur, qui vient s'inter- poser du côté de l'Est entre elle et la ville. (l) Les vents de l'Est, transformés en vents du Nord par la disposition topographique de la montagne, dominent; ils ne sont pas très chauds et ils ne soufflent jamais avec la violence d'un ouragan. Les calmes relatifs atteignent une moyenne de 70%. En été, il se produit parfois de grandes tourmentes presque toujours accompagnées de phénomènes électri- ques très marqués; mais en général elles ne survien- nent que tous les deux mois. La poussière clans les rues est un inconvénient qu'on constate. Ainsi, il résulte de ces importants facteurs: que nous avons à Cosquin une altitude qui, sans être considéra- ble, est suffisante, à la rigueur, pour qu'on puisse le faire figurer dans la catégorie des parages élevés; un air sec et quelque peu raréfié; clés températures peu (*) Dr. José M. Escalera : Discours sur Cosquin. 708 variables; une grande luminosité etc., telles sont les conditions qui caractérisent un climat salutaire et bien- faisant. Les résultats de l'expérience se chargent de le prou- ver; pour ne pas faire de longues énumérations, nous citerons en général les bons effets qu'ont obtenus d'un séjour à Cosquin les tuberculeux, les neurasthéniques, les personnes souffrant de bronchites, de rhumatismes et autres. Tuberculeux avec des températures de 39° et de 40°, hémoptoïques incapables de marcher 50 pas, se sentent ici très soulagés; en peu de temps ils augmentent de poids, leur expectoration se modifie, la fièvre disparaît, de même que les hémoptysies, la toux, la dispnée et les sueurs; et ainsi transformés par cet ensemble d'élé- ments dans lesquels l'air sec et bien oxygéné remplit le principal rôle, ils se sentent renaître à une autre vie, sous les auspices d'un nouvel état qui leur procure de bonnes digestions, un sommeil tranquille, une respira- tion normale, leur permettant d'entreprendre des pro- menades et de chercher toutes sortes de distractions. S'il faut plaider encore la bonté de son climat, nous dirons que des tuberculeux déclarés et reconnus ont obtenu une amélioration évidente sous son influence. Ce fait a été prouvé cliniquement par la modification de l'état morbide, et bactériologiquement par la dimi- nution incessante du bacille de Koch. Plusieurs asthmatiques, avec des attaques répétées de- puis longtemps, ont bénéficié spécialement des avantages climatériques de ce point. En y arrivant, ils ont senti cesser l'oppression qui les étouffait, les mouvements respiratoires ont été plus amples, et toute l'économie a été impressionnée par cet air favorable. On peut en dire autant des malades atteints de bronchite ou de toute autre affection de l'appareil respiratoire, sans ou- blier les neurasthéniques et les rhumatisants; les uns rencontrent dans cette ville des conditions favorables pour leur guérison, les autres, une modification de leur maladie, dont les effets s'atténuent. Dans la République Argentine, le climat de Cosquin 709 jouit d'une légitime réputation, qui augmente chaque jour avec les succès que la pratique met en évidence. Nos observations personnelles confirment ce qui pré- cède; des tuberculeux et des neurasthéniques que nous avons envoyés là bas, ont éprouvé d'heureuses transfor- mations dans leur santé, et nous n'avons eu qu'à nous féliciter d'avoir procédé ainsi. Actuellement cette région est visitée par de jeunes tuberculeux que nous y avons envoyés, en leur recom- mandant d'y prolonger leur séjour. Chez certains d'entre eux, prédisposés à la maladie, la tuberculose s'est déclarée, après avoir souffert de la broncho-pneumonie, à l'occasion de l'influenza qui nous a visités en 1891, 92, 93 et 94. Ils se sentent très bien à Cosquin, et à leur retour à Buenos Aires, nous avons constaté une diminution évidente des lésions pulmonaires ainsi que des symptômes respiratoires et généraux, une augmentation de poids, un bon appétit, et un esprit bien plus gai. Toutefois, dans leur intérêt, nous avons cru devoir leur donner un bon conseil en les enga- geant à retourner dans cette résidence jusqu'à entière guérison. Pour compléter ces renseignements, nous reprodui- sons les paragraphes suivants d'un rapport du Dr. G. del Barco, adressé au Comité d'hygiène publique de Côrdoba: « Il n'y a à Cosquin aucune maladie épidémique. Les médecins de la localité n'ont vu ni diphtérie, ni co- queluche, ni scarlatine, etc., depuis longtemps. Jamais ces maladies n'y ont régné avec un caractère épidé- mique, et si quelques cas de rougeole ont été obser- vés pendant l'année 1893, ils ont été importés de Côr- doba par les familles venues à Cosquin pour faire changer d'air à leurs enfants atteints de cette ma- ladie. Les livres du bureau du registre civil ne men- tionnent que six décès de rougeole survenus pendant cette même année. En 1894, on n'a pas observé un seul cas de cette affection. «Quant à la tuberculose qui alarme tant le public, et 710 qu'on observe effectivement à Cosquin dans une pro- portion très limitée, les quelques cas signalés provien- nent, pour la plupart, de personnes de Buenos Aires, qui viennent demander la santé à ce climat d'une alti- tude bien reconnue. « Tous les malades qu'on rencontre dans les hôtels de Cosquin ne sont pas des tuberculeux; les uns sont at- teints de dispepsie (dilatés), les autres, de rhumatismes; ceux-ci sont emphysémateux, ceux-là asthmatiques, neurasthéniques, etc., et les moins nombreux sont les tuberculeux. Je ne crois pas que le chiffre de ces der- niers s'élève actuellement à six. « D'autre part, les pauvres tuberculeux, qui cherchent notre climat de montagne et y éprouvent un réel sou- lagement, ne constituent aucun danger, et il ne leur est pas facile de communiquer leur maladie aux autres habitants de la contrée. Le bacille tuberculeux a besoin, pour germer, d'un terrain approprié et il est incapable, dit Dareinberg, d'infecter tous les organismes, l'homme étant en général un être réfractaire à l'infection tuber- culeuse. « Je m'étends dans de longues considérations à ce sujet pour calmer le public et pour détruire la croyance que la tuberculose à Cosquin est extraordinairement con- tagieuse. «Si l'expérience a démontré que seuls les crachats, soit humides, soit desséchés, sont contagieux, il est facile de se prémunir contre ce danger. Il suffit d'ordonner, ou pour mieux dire, étant donné qu'il s'agit de Cosquin, de demander aux tuberculeux de ce pays de ne pas cracher sur le sol, soit dehors, soit dans les appartements. Cela s'observe déjà dans la mesure du possible. « Toutes les personnes qui vivent au Cosquin-Hôtel, qui est le plus commode et celui qui compte le plus grand nombre de passagers, soit malades, soit bien portants, ne crachent que dans des récipients convena- blement distribués et contenant une solution antisepti- que. Ces crachoirs, comme les eaux sales, sont vidés dans les latrines. Une fois ceux-là vidés, ils sont 711 passés à l'eau bouillante avant d'être livrés de nouveau au service. Ces mesures ont été ordonnées par le Dr. Llorente. « En ce qui concerne les autres hôtels, tons sont en excellentes conditions d'hygiène, et ne présentent aucun danger de contagion. « Quand il est arrivé qu'un tuberculeux est mort dans un hôtel, cas qui s'est produit cette année (1894), le sol, les murs, les meubles, etc., sont lavés soigneu- sement avec des solutions appropriées; le crépissage de l'habitation dans laquelle la mort s'est produite, est démoli et renouvelé. « En un mot, les rares tuberculeux des hôtels ne peu- vent communiquer leur maladie à ceux qui les entou- rent. Ceux qui vivent dans leurs maisons particulières, en supposant qu'ils ne prennent pas toutes ces précau- tions et qu'en sortant pour se promener, ils crachent sur la terre, ne sauraient produire qu'une contagion bien illusoire dans une vallée aussi bien aérée que Cosquin. « L'eau des bains, dans les hôtels, va également aux la- trines. Les phtisiques ne se baignent pas dans le rio ; le feraient-ils que les eaux ne s'infecteraient jamais. « Les vêtements des phtisiques ne sont pas contagieux, à moins que ceux-ci ne soient assez sales pour y cracher dessus. Il suffit d'ailleurs de les laver pendant un quart d'heure pour les débarrasser des microbes. « Un détail prouve qu.e les linges des tuberculeux ne sont pas contagieux; aucune blanchisseuse n'est morte phtisique et n'a été atteinte de la maladie. « Mais il y a un autre renseignement encore plus pré- cieux; il démontre que des tuberculeux, venus à Cos- quin pour se guérir, pas un n'a communiqué sa mala- die jusqu'à cette date. Je m'en réfère aux indications fournies par les médecins de la localité qui n'ont pas observé un seul cas de tuberculose parmi les naturels du pays, ainsi qu'aux renseignements du bureau du registre civil. « En 1893, il s'est produit à Cosquin, deux décès seu- lement de tuberculose pulmonaire. L'un a eu lieu le 8 712 mars sur la personne d'un malade venu de Buenos Aires, qui était atteint de cette affection et s'était trans- porté dans cette localité pour chercher la guérison. L'autre cas est survenu le 20 juin; c'était un Allemand venu avec une tuberculose très avancée. « En 1894, cette affection a causé trois décès les 14, 22 et 26 janvier. Le premier cas, fut celui d'une jeune fille du Rosario, qui vint à Cosquin et succomba quelques heures après son arrivée. Le second, une jeune fille de Buenos Aires, atteinte de tuberculose, qui résidait à Cosquin depuis un certain temps. Le troisième, un homme, également de Buenos Aires, qui mourut peu de jours après son arrivée. « Les livres du registre civil ne signalent aucun décès parmi les naturels de cét endroit. « Je crois qu'avec le temps, si le nombre des tubercu- leux augmente, il sera possible d'observer quelque cas de phtisie causé par la contagion, surtout si le tuber- culeux et ceux qui l'entourent ne prennent pas de précautions. Mais, je le répète, cela ne s'est pas encore produit. « Cette petite ville doit être pourvue d'eau pour l'arro- sage qui est très nécessaire. Les malades et les convales- cents (puisque ce parage est si favorable à raison de son air pour la guérison des tuberculeux pulmonai- res), ont besoin qu'on leur procure de l'ombre, qu'on les débarrasse de cette poussière que soulève le moin- dre vent. « Les plantations d'arbres si abondantes dans les en- virons, doivent s'étendre jusque dans le centre du pays. Toutes les rues et avenues devraient être plantées d'ar- bres, qui donneraient de l'ombre à tout moment. Sans eau, ce progrès est difficile à réaliser. Lorsqu'on aura organisé l'arrosage, cet endroit gagnera beaucoup. « L'initiative municipale ne se fait sentir en rien. Dans un point comme Cosquin, dont la réputation est légiti- mement établie, qui est visité tous les étés par d'innom- brables personnes malades ou bien portantes, venant respirer un air pur; dans ce pays, dis-je, il n'y a pas 713 un seul jardin, pas une rue pavée, ce qui pourrait se faire à peu de frais, puisque la pierre préparée existe en abondance. Il n'y a pas un jardin public convena- blement entretenu; en un mot, il n'y a rien qui rap- pelle l'action municipale. « Un autre inconvénient de Cosquin réside dans sa construction. Le tracé du pays en maisons groupées pour- rait convenir à une population saine, mais non à une réunion de malades, ce que Cosquin deviendra avec le temps. Cette symétrie choque l'hygiène et plus tard sera nuisible. Les maisons devraient être complètement isolées les unes des autres; par ce moyen, on obtiendrait une bonne orientation, une ventilation complète, une salu- brité parfaite. » Capilla del Monte. - C'est là une des résidences les plus recommandées aux tuberculeux. Elle est dans la chaîne de montagnes de Côrdoba, à 989 mètres au-dessus du niveau de la mer. C'est une vallée qui s'étend de l'Est à l'Ouest, abritée par les mon- tagnes contre les vents du Sud, qui, s'ils soufflent parfois, n'ont pas la même violence qu'à Cosquin, et ne sou- lèvent pas autant de poussière. D'ailleurs, ce pays est entouré de bois de tout côté; son sol est de granit et de gros sable. Nous avons la description la plus complète de ce parage dans la lettre suivante du Dr. Adolfo Doèring, professeur de sciences, adressée au Dr. J. L. Tessi, qui a eu la bienveillance de la mettre à notre disposition. « A Capilla del Monte, les points les plus abrités contre les vents sont situés sur la rive Sud du rio, en amont et en aval du pays actuel. A quelque distance à l'Ouest de cette localité, on ren- contre des sites délicieux, très abrités, près du chemin conduisant à los Mogotes, site très intéressant et pittoresque au milieu de configurations granitiques capricieuses, une des promenades les plus fréquentées par les touristes et les visiteurs. On rencontre également les bois et les plaines de terre végétale pour potagers et jardins, mais elles ont peu d'étendue. « 11 existe des endroits plus beaux encore, comme le rivage du rio, à l'Est de la population, c'est-à-dire vers la partie supérieure de 714 la vallée, où en réalité nous rencontrons un parage qui réunit ce que l'imagination peut rêver de plus précieux. Ici l'esprit abattu du malade se relève involontairement, aspirant de nouveau la vie et l'espérance, donnant des forces à la nature matérielle du corps pour lutter contre l'ennemi qui ronge sa constitution. « C'est là aussi qu'existe la végétation forestière la plus vigou- reuse, ainsi que les endroits les plus abrités et les moins exposés aux changements de température. « En suivant dans cette vallée le chemin qui va du pays vieux à ce centre de promenade très fréquenté dans les bois de la toma, nous rencontrons à 800 mètres du point de départ et à 200 ou 300 mètres avant d'arriver au versant de la montagne, dans l'angle de la vallée, un parage en forme de demi-cercle regardant le Sud, l'Ouest et le Nord, qui est dominé et complètement entouré de très près par les promontoires montueux de la Sierra Alta. C'est le point le plus abrité dans toute la vallée de Capilla del Monte. 11 est à 1050 mètres au-dessus du niveau de la plateforme de la gare du même nom. « L'extérieur de ce parage est actuellement un peu rustique et sauvage, mais il a l'aspect original et attrayant qui caractérise toute la vallée. « Sur une plaine un peu inclinée, on observe là une végétation primitive, des buissons épais formés par différents arbustes li- gneux parmi lesquels prédomine la Chilca des montagnes, un ar- buste résineux avec de belles feuilles lisses et luisantes, de couleur vert-olive, dont les exsudations balsamiques exhalent une odeur fraîche, aromatique qui rappelle celle des pins. « A une certaine époque de l'année il est recouvert d'un voile de fleurs jaunes. De distance en distance se détachent de superbes groupes de quebrachos rouges, dont la végétation est d'autant plus vigoureuse et épaisse qu'on se rapproche du rio et de la partie supérieure de la vallée. Sur plusieurs points on rencontre des pa- rages sous une voûte d'arbres séculaires qui ne laissent pas pas- ser pendant tout l'été un rayon de soleil à travers leur feuillage épais. « Il suffirait de créer quelques allées et chemins, d'y placer des sièges et des bancs pour se reposer, pour en faire un de ces parcs naturels, une de ces promenades qui sont le charme de toutes les personnes éprises des beautés de la nature vierge. Il faudrait un travail continu de plusieurs générations pour créer artificiellement un ensemble de bois pareils à ceux que la nature a réunis ici. Tout ce triangle supérieur de la vallée est facilement arrosable, et si on s'applique à mettre un peu d'art et de goût dans la dis- tribution des parcs et des jardins, dans la construction des édifi- ces, dans la création des avenues, on peut transformer ce parage en un véritable paradis. Le chemin étroit et irrégulier, qui actuelle- ment y conduit, peut être converti en une belle avenue qui, partant en ligne droite de la ville vieille, aboutirait à la maison de santé 715 qu'on pourrait construire par la suite, parce que tout le parcours est irrigable et très propice pour la plantation des arbres d'ornement. Le sol dans le haut de la vallée est d'une qualité extraordinaire. Comme produit immédiat de la décomposition de roches méta- morphiques, il est complètement dépourvu de ces efflorescences salitreuses (sulfates et chlorures), qui caractérisent non seulement le sol du bas de la vallée, mais encore .jusqu'à un certain point celui de toute la pampa en général Leur présence est un des facteurs principaux qui causent une dégénération rapide de nombreuses plantes de jardin et d'agriculture et constitue un sérieux inconvé- nient pour l'élevage d'une série de végétaux d'ornement. Le sol dans la partie basse du triangle de la vallée, est constitué par une terre fine meuble, qui présente d'excellentes conditions pour les jardins et les potagers. Au-dessus prédomine un terrain mélangé d'humus et de cailloux, c'est un sol idéal pour le développement vigoureux des plantes d'ornement. Là, sans aucun doute, on peut faire pousser facilement le beau Liriodendron à côté des châtai- gniers de l'Inde, des araucaries et probablement de la plus grande partie des pins, qui vivent dans les régions fraîches. En effet, la température maxima d'été est très modérée, elle est inférieure de à celle de la plaine, tandis que la température froide en hiver, n'est pas assez basse pour offrir un inconvénient à la culture des végétaux vivant sous les climats chauds. On n'a pas encore fait d'observations thermométriques dans cette partie de la vallée, mais on observe certains phénomènes dans le caractère et le déve- loppement de la végétation, qui font supposer que la température minima de l'hiver doit être, par suite de l'irradiation des masses montagneuses voisines, de 1 1/2 ou de 2 c. moins rigoureuse que dans d'autres parties plus exposées de la vallée, comme la rive Nord du rio. A cet endroit, mon frère Oscar a fait ses observa- tions météorologiques, de sa maison qui est située dans la direction du Sud. Dans la partie haute de la vallée existent des plantations de figuiers. Il n'y a pas d'exemple que ces ar- bres aient perdu leurs fruits, par suite de gelées tardives, même pendant les années où ce fait s'est produit partout ailleurs dans la partie basse de cette même vallée, ce qui indique que les brusques changements de température ne se produisent pas dans ce parage parfaitement abrité. « Ce point offre, de plus, beaucoup d'autres avantages au point de vue de l'installation d'un sanatorium. Je veux mentionner la facilité avec laquelle on peut doter toutes les maisons qui existent, au moyen de conduites, d'une provision d'eau courantes d'une qualité exquise et d'une pureté telle qu'on n'en rencontre pas de pareilles sur tout le littoral. Le rio est à peu de distance et on rencontre sur ses bords plusieurs sources. Ses eaux rapides et bouillonnantes courent â travers des masses rocailleuses et forment des milliers de cascades et de tourbillons ; elles sont cris- tallines, d'un goût frais et agréable et ne renferment qu'un résidu 716 de 1 1/2 décigrammes par litre de sels minéraux principalement,, du bicarbonate de soude et de chaux, avec des vestiges de sul- fates et de chlorures. Suivant le point de prise du tube conducteur on peut avoir beau avec une pression naturelle de 5 à 30 mètres et même plus. Au-dessus de ce point, il n'existe pas de centre im- portant et il ne peut s'en établir à cause de la nature accidentée et rocailleuse des terrains de la' montagne à travers le trajet des chutes d'eau du rio. « Très près de là, à quelque cent mètres au Nord-Est de ce point, commencent à se dresser les versants de l'imposante mon- tagne de Uritorro (Cerro de las Minas) dont la cime est le point le plus élevé de la première chaîne de Côrdoba, avec une hauteur ap- proximative de 2.000 mètres (1.963 mètres) au-dessus du niveau de la mer. 11 est seulement â 2 1/2 ou 3 kilomètres en ligne droite du parage en question. On monte facilement en deux heures à pas de mulet jusqu'à la cime et il faudra beaucoup moins de temps le jour où l'on aura réparé le chemin. Avant d'arriver au sommet, les tou- ristes peuvent prendre un repos prolongé dans un point superbe situé dans une échancrure ou dans un coin de la montagne, et savourer une eau fraîche, qui sort comme un fil cristallin d'un trou du rocher. « D'après les observations de mon frère, ce point est à une hauteur de 1.760 mètres, c'est-à-dire à plus de 700 mètres au-dessus de la vallée. A peu de distance en avant de la chute d'eau, existe comme une plateforme, un beau site de terre arrosable parfaitement bien disposé pour l'installation d'un jardin. C'est un parage qui semble créé spécialement pour fournir au sanatorium un emplacement propice comme résidence d'été pour les malades qui ne sont pas encore déclarés ainsi que pour les convalescents, et comme obser- vatoire scientifique pour étudier l'influence que les grandes élé- vations peuvent exercer sur le cours des maladies. « En présence de l'affluence chaque année plus considérable des touristes et des familles qui viennent passer l'été dans ces beaux parages de la montagne de Côrdoba; en tenant compte qu'à l'excep- tion de la gorge étroite et inhabitable du Rio Primero, Capilla del Monte est l'unique point où la voie ferrée aboutisse jusqu'aux pieds des montagnes élevées, je n'ai pas de doute que d'ici à peu d'an- nées, on construira là un petit embranchement d'agrément, un chemin de fer comme celui du Righi ou de Pilatus, qui franchira les quelques kilomètres entre la station actuelle et le sommet du Cerro de las Minas, où le panorama qui s'offre à la vue du voyageur est vraiment imposant et grandiose, embrassant une superficie énorme, ayant pour limites extrêmes les territoires de six ou sept pro- vinces de la République. « Le voyageur qui arrive du Sud dans les parages pittoresques de la grande vallée de la Punilla, et qui a passé par le point le plus haut de la voie ferrée dans la pampa de San Gérônimo, où les eaux se divisent, observera bien vite un changement notable dans la phy- 717 sionomie et dans la végétation des contrées que la ligne traverse ensuite. Après avoir passé Dolores (1.050 mètres), la vue est surprise agréablement par le spectacle nouveau inattendu de palmiers touffus, de forêts de quebrachos rouges mélangés avec les éléments de la végétation arboréenne du Sud. « A peu de distance, s élèvent étroits et abrupts jusqu'à une hau- teur de 1000 mètres au-dessus de la vallée, les sommets les plus considérables de la première chaîne de Côrdoba; leurs flancs sont recouverts jusqu à la moitié ou au tiers de leur hauteur de forêts épaisses ou d'arbres sombres. Plus loin, dans les échancrures et les recoins de la roche métamorphique, le vert plus clair des épais gazons et des prairies avec leur gramille et leur flore spéciale dans les hauteurs. Aux pieds de ces massifs imposants, se déroule le beau panorama d'une vallée montueuse et accidentée, traversée par les fils d'argent de cours d'eau cristallins offrant des points de vue originaux et vraiment pittoresques. « Le voyageur se demandera involontairement, par suite de quelle circonstance se produit cet ensemble harmonieux et spécial de ca- ractères si hétérogènes dans la végétation forestière de ce parage, ce mélange d'éléments arboréens des plaines brûlantes de Santiago del Estero et du Chaco avec les représentants du Sud, et des cimes glaciales des montagnes qui prospèrent seulement sur les points où les chaleurs de l'été ne sont pas intenses? « Ce phénomène ne peut être attribué logiquement qu'aux con- ditions spéciales du climat de cette contrée. A mesure que la vé- gétation originaire du Nord ne rencontre plus les gelées intenses de l'hiver, qui sont propres aux plaines du Sud, la végétation ca- ractéristique des pays froids ne rencontre pas non plus, pendant l'été, ce maximum de chaleur qui est défavorable pour son déve- loppement. « Effectivement, tandis qu'à raison de l'élévation du pays, la chaleur maximum du jour en été est constamment inférieure de 5° à celle de la plaine de Côrdoba, on est surpris, par contre, que l'intensité des rigueurs de l'hiver soit également inférieure. Les froids atteignent à peine le même degré dans les points les plus exposés de cette région, comme par exemple la rive Nord. Mais dans les parties abritées de la vallée, c'est-â-dire aux pieds des montagnes élevées, la température minimum d'hiver est moins rigoureuse de 2° que celle de Côrdoba. « Ces points sont bien célèbres, ces terrains ont une grande va- leur parce que jamais on n'y observe une de ces gelées tardives qui tuent la floraison des arbres fruitiers dans d'autres contrées, et parfois dans toutes les régions centrales et australes de la plaine Argentine. « Les montagnes forment ici un demi-cercle vers le Sud, l'Est et le Nord, qui s'avance de chaque côté sur deux files de promontoires ayant la forme de bras. Ces murailles massives et montueuses qui entourent la vallée constituent, non-seulement un abri contre l'in- 718 fluence directe des courants froids ou chauds de l'air, atténuant les oscillations et les rigueurs de la température, mais elles exercent en outre, une action directe considérable à cause de l'irradiation des montagnes. Ce phénomène est comparable jusqu'à un certain point, à l'effet produit par deux murailles très épaisses dans les maisons qui sont fraîches en été et chaudes en hiver. « Même en pleine saison d'hiver, la vallée ne perd pas complète- ment sa belle physionomie générale, quoiqu'elle soit loin de donner une idée de ce qu'elle est en été. Les journées nuageuses sont très rares en hiver, et si on en excepte quelques-unes pendant lesquelles le vent souffle, la température est délicieuse depuis neuf heures du matin jusqu'à quatre heures du soir. « Le plus grand nombre des arbres indigènes de la vallée a con- servé son feuillage, qui ne tombera pas sous l'influence de la gelée mais lorsqu'il sera chassé par le développement des bourgeons du printemps. L'éternelle verdure des palmiers imprime à la contrée un caractère de gaîté, qui contraste avec l'aspect triste et désolé d'autres parages et de la plaine. « Plus haut, sur les promontoires et sur les coteaux de la mon- tagne, à 80 et 150 mètres au-dessus du niveau de la vallée (celle-ci à 1.100 ou 1.200 mètres au-dessus du niveau de la merj on com- mence à observer l'effet des gelées plus importantes par l'altération dans la couleur des arbres et particulièrement du quebracho rouge dont le feuillage de vert sombre se transforme en rouge feu, contraste singulier et d'un grand effet, rappelant les paysages d'automne si caractéristique des forêts Nord Américaines. « Le caroubier rouge, qui, dans la montagne de Côrdoba arrive à la limite où il se propage dans le Sud, arbre toujours beau, avec son feuillage épais et sans épines, n'a pas ici la vigueur de la variété du Nord; mais on peut le considérer comme un thermo- mètre naturel très sensible pour se rendre compte de la bénignité du climat dans ces parages. Ennemi décidé des froids intenses, il se garde bien de se montrer sur les versants orientaux de la montagne de Côrdoba, où les gelées et les vents du Sud influent le plus directement. Ce même arbre apparaît d'autres fois comme par enchantement, dans les parages abrités, comme, par exemple, dans les courbes et recoins de l'étroite vallée de Rio Primcro, près de Casa Bamba, où, pour la première fois, le voyageur a l'occasion de l'observer. » Pour apprécier ses conditions climatériques, disons que des tuberculeux venus d'Europe, se sont trouvés très bien dans ce pays. Quant au confortable, il existe trois bons hôtels. La viande, le lait sont des aliments d'une qualité exceptionnelle. Les eaux sont très bonnes. Des analyses faites par 719 le Dr. A. Doëring, il est résulté que celle du rio, près de la prise, est d'une force spéciale, c'est à peine si elle renferme une quantité insignifiante de sels minéraux; dans celle qui vient de la chute principale, le bicarbo- nate de soude domine et on y observe également de fai- bles quantités de carbonate de chaux et d'acide borique. L'eau des chutes de la « Chacra de Vina, » a des pro- priétés très purgatives; elle est saturée de sulfate de sodium, de magnésie, de chlorures, etc. Rio Ceballos. - Rio Ceballos est un parage situé à 35 kilomètres au Nord de Côrdoba. Sa population est aujourd'hui très réduite; elle est disséminée sur le bord d'une rivière ayant très peu d'eau, qui court entre deux chaînes de montagnes parallèles. Le terrain est pierreux et sablonneux. L'altitude de Rio Ceballos est inférieure à celle de Cosquin, mais la différence n'est pas considérable; les deux parages sont également favorables, mais ce der- nier offre l'avantage d'être un centre peuplé et connu. Les conditions topographiques de Rio Ceballos le mettent à l'abri des grands vents. Son climat est sec et sa température agréable, même pendant les chaleurs de l'été. Les soirées et les nuits sont fraîches, mais jamais au point d'impressionner défavorablement l'organisme. La nuit, il tombe souvent des rosées. L'hiver est assez froid. L'air est tellement chargé d'oxygène qu'un individu souffrant des voies respiratoires, se sent soulagé de ses souffrances, après avoir passé huit ou dix jours dans cette station montagneuse. La viande, le lait et l'eau sont excellents; les deux premiers sont extrêmement riches en principes nutritifs et d'une saveur exquise. Ce parage n'ayant pas été exploité comme sanatorium et sa population étant très minime, on y conserve les coutumes primitives dans toute leur pureté. A l'exception de quelques maisons bâties en briques, toutes les autres sont des chaumières. 720 Par son climat, sa topographie, etc.. Rio Ceballos est destiné à un grand avenir, comme résidence de mala- des (neurasthéniques, dispepsiques, rhumatisants), et spécialement de ceux qui souffrent de l'appareil respi- ratoire. Sous son ciel pur, en contemplant le panorama de sa végétation, on sent renaître l'activité des fonctions en- gourdies par les causes multiples, qui agissent sur les habitants des grandes villes. L'hématose s'accomplit très bien, et grâce à cette oxygénation du sang, qui communique au corps une nouvelle vigueur, l'économie tout entière se sent réconfortée et amplement stimulée pour résister à la lutte contre la maladie. La digestion se fait facilement; le système nerveux, déprimé par l'action des agents destructeurs, recouvre sa puissance physiologique; les pauvres valétudinaires se transfor- ment en individus bien équilibrés; sous ces influences climatériques, les fonctions se normalisent et le corps redevient en état de résister aux nouvelles attaques qui peuvent se produire. La Crucecita.-A 30 kilomètres de la ville de Mendoza existe une localité appelée La Crucecita; située à 1.200 mètres d'élévation, elle se trouve dans des conditions exceptionnelles pour servir de station aux tuberculeux. Tout lui est favorable à cet effet: son altitude, son air sec, sa température, sa pression. Les résultats ob- tenus jusqu'à ce jour par les malades qui y ont vécu, sont aussi satisfaisants que concluants. Les tuberculeux qui. de tous les points du pays, sont venus à La Crucecita, ont vu disparaître l'hémopty- sie, la toux et autres symptômes; la digestion se réta- blit et les malades paraissent revenir à la santé. La situation de ce parage doit engager à y fonder un établissement ad hoc pour les malades. D'abord, il est à l'abri des vents; ensuite, son panorama est su- perbe; la vue des environs est gaie; les eaux sont bon- nes; le lait et la viande, d'excellente qualité; toutes ces circonstances ont une influence décisive en pareil cas. Le Dr. Salas, médecin à Mendoza, appréciant avec 721 raison ce parage, y a envoyé plusieurs malades. Il nous assure que La Crucecita est une résidence exception- nellement favorable pour les tuberculeux. Calingasta. - La vallée de Calingasta, située à l'Ouest de la ville de San Juan, occupe une étendue de plusieurs kilomètres. De l'avis de nombreux voyageurs qui ont parcouru ce parage, c'est un point délicieux. On n'a pas d'observations météorologiques à son ■sujet, mais certains faits prouvent que ce pays réunit d'excellentes conditions pour la résidence des tuber- culeux. Le Dr. Aubone nous a raconté le cas d'une dame atteinte d'une tuberculose héréditaire accompagnée d'hé- moptysies; en 1888 elle a passé cinq mois, sur son con- seil, à Calingasta, et en est partie guérie. Jusqu'à cette année (1895), cette dame n'a plus rien ressenti du côté ■de l'appareil respiratoire et sa santé paraît excellente. Belchite. - Nous avons vu à la page 477 que, très près de le ville de San Luis, existe un parage appelé Belchite, très recommandé comme résidence des tubercu- leux. Il est bien doté d'eau; c'est une localité extraordi- nairement sèche et très belle. Le Dr. D. Delgado a une expérience personnelle sur cet endroit et elle est formelle. Vallée de San Francisco. - Cette vallée, à Jujuy, paraît avoir de bonnes conditions climatériques pour les tuberculeux; mais nous n'avons pas de renseigne- ments exacts. Rosario de la Frontera. - La station thermale du Rosario de la Frontera, province de Salta, a acquis une grande réputation, et mérite de figurer parmi les pre- mières de la République Argentine. Par sa situation exceptionnelle, entouré de mon- tagnes qui forment un paysage superbe, par sa végéta- tion luxuriante, à une altitude de 930 mètres au-dessus CLIMATOLOGIE MÉDICALE. . 46 722 du niveau de la mer. avec une grande luminosité, un climat très favorable, sec et tempéré, sans variations mar- quées de température, ce qui procure en hiver un air agréable et modéré, ce parage constitue un centre de réu- nion pour les malades, qui, pendant l'époque des froids, abandonnent les villes pour chercher des localités plus bénignes. Sa température maxima est de 32°5 et la minima de 9°3. La pression atmosphérique est en moyenne de 720 millimètres. La tension moyenne de la vapeur atmosphérique, 12.74; la moyenne de l'humidité relative, 80.7; la quan- tité de pluie par mois est de 42.4 mm. Les vents de l'Est dominent avec quelques alternati- ves de Nord-Est et de Sud-Est. Les conditions climatériques de la région sont in- comparables; la topographie, les eaux, la chaleur, tout contribue à lui imprimer un cachet spécial, qui lui donne une place à part, comme station thermale. Les eaux sont de différentes compositions et jaillis- sent de rochers calcaires. Leur température varie; pour quelques-unes, elle est de 27° et pour d'autres, de 60°, de 83° et de 97°. Selon Brackebusch, cette haute température provient de la chaleur produite par l'oxydation d'une couche vaste et épaisse de pyrite de fer, chaleur qui à son tour est cause de l'apparition du pétrole de la même forma- tion dans la province de Jujuy. Les bains ont reçu différentes dénominations: eau de la Calera, Vichy, Salée, Bruland, Boca de Sapo, Sulfureuse, Siliceuse, de Zarza, etc. Il n'est pas possible de donner ici les résultats des analyses qui font connaître la composition de chacune d'elles, parce qu'ils sont très longs; mais nous signa- lerons leurs éléments constitutifs principaux. Eau de la Calera: chlorure de sodium, sulfate de so- dium, potasse, chaux, magnésie, bicarbonate de fer et de sodium, acide silicique. Elle est incolore et ino- dore. 723 Eau appelée de Vichy: mêmes substances que la précédente, mais en quantité moindre; température 27°; elle est claire et on ne remarque pas chez elle de dé- gagement de gaz. Eau salée: même composition que la première en y ajoutant du bicarbonate de chaux; en remplaçant le bicarbonate de sodium par celui de magnésie, la pro- portion de chlorure de sodium est presque double dans celle-ci; mais les autres éléments sont moindres dans la saléfi dont la température s'élève à 86°5. Eau Bruland: même composition que la première sauf le bicarbonate de fer, qui n'existe pas, mais toutes les proportions sont moindres dans celle-ci; en sortant de la roche, la température est de 80°, mais dans le puits elle est de 63°. Eau de la « Boca del Sapo »: chlore, acide sulfureux, chlorure de sodium et de potasse, acide silicique. Eau appelée Sulfureuse : chlorure de sodium, sulfate de sodium et de potasse, silicate et carbonate de so- dium, magnésie, fer, acide silicique. Il existe deux cre- vasses par lesquelles l'eau jaillit; la température est de 83° pour l'une et 87° pour l'autre. Eau Siliceuse: même composition que la première, mais en quantités moindres; deux crevasses; tempéra- ture 92° et 97°17. Eau de Zarza: chlorure et sulfate de sodium, chaux et magnésie, silicate et bicarbonate de fer, acide silici- que; température 53°. Tel est le résultat des analyses pratiquées par M. Frédéric Schickendantz. La composition de ces eaux étant connue, il résulte qu'elles devraient être employées avec profit dans le traitement des maladies qu'elles sont susceptibles de guérir. C'est ainsi que jusqu'à ce jour les bonnes conditions de ce climat et de ces thermes agissent favorablement sur la syphilis, le rhumatisme, les dispepsies gastro- intestinales, les dermatoses, les sciatiques, les métrites et endo-métrites, l'anémie, quelques affections de la 724 glande hépatique, l'asthme essentiel, la bronchite, la tuberculose. Ajoutons que les eaux appelées sulfureuses ne rem- plissent certainement pas les exigences d'un traitement rigoureux de la syphilis, mais il convient de les em- ployer à défaut d'autres meilleures, naturelles. De toute façon, cette maladie se modifie sensiblement ici. On y obtient des guérisons évidentes, confirmées par le temps, quand les accidents ne dépassent pas la 2e période. Le rhumatisme, les dispepsies, les sciatiques et au- tres disparaissent sous l'influence des thermes du Ro- sario de la Frontera. Cette localité se recommande par ses conditions, non seulement pour les malades et les convalescents, mais encore pour tous ceux qui, ne vou- lant pas affronter les rigueurs de l'hiver dans les villes cherchent un climat tempéré qui leur assurera une existence agréable en adoucissant les inclémences du temps. A ce point de vue encore, elle offre de réels avantages. La Laja. - La Laja, nom d'une source d'eau vive, du département d'Albardon, province de San Juan, est un rendez-vous de baigneurs, très connu dans ces ré- gions, par les propriétés thérapeutiques de ses eaux. Cette localité se trouve approximativement à 200 mè- tres au-dessus du niveau de la ville de San Juan, située elle-même à 660 mètres au-dessus de celui de la mer. La Laja s'élève à 20 kilomètres de cette dernière, et le voyage s'effectue à cheval ou en voiture. Le panorama qu'elle présente n'est pas pittoresque en général, car la végétation dans ses environs est pau- vre et comprend seulement la jarilla. la chilca et une espèce de paille qui croît sur les bords du petit ruis- seau formé par l'écoulement des puits à bains. Néam- moins la vue des montagnes ne manque pas de séduc- tions et au milieu de cette nudité monotone on découvre de splendides paysages. La vallée inférieure de San Juan s'étend vers le Sud 725 avec la rivière à distance et la longue série de peupliers se perdant dans l'horizon lointain, cachant sous leurs beaux ombrages les localités d'Angaco, Caucete, Con- ception, Chimbas, Albardon, etc. Au printemps et en été, la note de ce spectacle est superbe par la variété de tons que la diversité de verdeur des arbres se dé- tachant sous un ciel de toute pureté, offre à la vue. La forme capricieuse du bassin de La Laja, l'un des principaux versants du mont Villicum, est l'unique point offrant quelque intérêt dans cette campagne désolée. La constitution des rocs est de carbonate de chaux impur, qui se montre en immenses couches employées à la fabrication des trottoirs, de ponts, etc. Une grande quantité est en exploitation et son abondance est incal- culable. Les puits ou bains sont ici au nombre de trois. L'un porte le nom de et se trouve séparé d'un second par un cloison naturelle de pierre. Le dernier se nom- me Arriba et s'élève à 25 ou 30 mètres au-dessus de l'autre. Chacun d'eux mesure 3 mètres environ de long sur 1 mètre 50 de large. A 4 kilomètres à peu près de ces bains, existe vers le Nord-Ouest une troisième source de certaine importance et entièrement semblable aux deux premières, mais elle n'offre aucune commodité pour prendre des bains. D'après le Dr. Aubone, la température des eaux est de 28°. Le Dr. A. Arraga, qui y a pris plusieurs séries de bains, nous a assuré que son thermomètre n'a jamais marqué plus de 30°. L'assertion de Chernoviz, assignant aux eaux de La Laja une température de 75°, est donc inexacte et invraisemblable, car le bain pris à un degré aussi élevé n'est pas possible et nous savons que ken- droit est exclusivement fréquenté pour se baigner. Les eaux contiennent du sulfate de magnésie et une bonne partie d'acide sulfureux libre, dont l'odeur est très accusée dans toute l'enceinte des bains. Igarzabal dit qu'elles sont sulfureuses et chargées de sulfate de soude, de chaux, de magnésie et d'alumine avec du chlorure de sodium, de la potasse, quelques 726 vestiges de fer et de matières organiques. Dans sa chute, le dépôt de ces eaux met à découvert une forte quantité de carbonate de chaux qui, nous bavons vu déjà, constitue la pierre employée par l'industrie. Le Dr. Aubone a observé que dans toutes les mala- dies où la nutrition est altérée, les bains de La Laja donnent des résultats remarquables et que généralement leur action bienfaisante stimule toutes les fonctions, car il a expérimenté personnellement leurs effets excellents à la suite d'un affaissement physique et moral. Après une station de neuf jours seulement, il gagna quelques kilos de poids. Le rhumatisme et plusieurs maladies de la peau se modifient considérablement sous l'influence de ces eaux. Les rhumatisants de Buenos Aires et d'autres villes ar- gentines, qui y ont recouvré leur santé perdue, sont nombreux. Le Dr. Arraga nous a dit à ce sujet: « Je puis vous assurer que l'action thérapeutique des bains de La Laja est puissante: c'est la source sulfureuse la plus riche que je connaisse. J'ai visité aussi les bains de Rosario de la Frontera, et j'affirme que ce qu'on y appelle eau sulfureuse, n'admet pas de comparaison avec celle de San Juan. Dans celle-ci, les émanations de gaz sulfhy- driques se sentent à grande distance et l'action irri- tante que leurs eaux exercent sur la peau achève de confirmer leur richesse en soufre. « Atteint, en 1888, de rhumatisme et de bronchite chroniques, d'origine herpétique, ces deux affections se modifièrent rapidement par l'usage des eaux de La Laja, le climat de la province contribuant certainement à ob- tenir ce résultat. » La Cieneguita. - La Cieneguita est une petite lo- calité à peine habitée, située à l'Ouest de la ligne du chemin de fer et à huit kilomètres de la station Reta- mita (San Juan). D'après ce qu'il a appris, le Dr. Aubone n'attribue pas de grandes vertus médicinales aux bains de la Cie- 727 neguita. Les eaux sont potables; les diverses sources plus ou moins abondantes, sont employées à la petite culture. On obtient ainsi des figues et des raisins exquis. Cet endroit s'étend entre les villages des Berros, Bains du Sud, au Sud-Ouest de San Juan, au pied d'une mon- tagne, continuation de celle de Zonda. Jashal. - Jachal, la ville la plus importante de la province de San Juan, possède à 8 kilomètres au Nord, une source sulfureuse sulfatée et magnésique (?) appe- lée « Agua Hedionda ». Elle est située à l'Est de Pismanta. Bains du « Chorro ». - Le Pié de Palo, massif in- dépendant du système Andin et pampéen est situé à l'Est de San Juan; il renferme les bains du Chorro, dans un de ses versants. Leur réputation est bonne; on assure même que leurs eaux peuvent soutenir la com- paraison avec celles de Vichy. Les personnes qui en ont bu prétendent qu'elles sont aussi agréables pour la table que celles de Birresborn et de Krondorf. Bano del Alto. - Ce bain découvert en 1859, est situé très près de la ville de San Juan, à 5 kilomètres, dans la direction du Sud et à 30 kilomètres des mon- tagnes les plus rapprochées. Ses eaux sont sulfureuses; indépendamment du chlo- rure de sodium, de magnésie et de chaux, elles renfer- ment de l'acide carbonique et sulfhydrique libres. Elles sont très employées par les naturels de la loca- calité et des pays voisins pour combattre les maladies herpétiques, les rhumatismes, la goutte. Rivière del Agua Negra. - Ce cours d'eaux prend naissance sur le versant oriental de la colline San Roque. Ses eaux ont une couleur bleu foncé; elles 728 sont abondantes, très froides et sont réputées comme très salutaires. Blanquitos. - Le bain ainsi nommé est une source qui prend naissance à 5 kilomètres de la ville de Ja- chal, et qui sort de la colline San Roque. Il forme un petit 'puits duquel sort une eau très claire et réputée comme très'salutaire, qui court à travers les sinuosités du terrain, offrant de loin l'aspect d'un fil d'argent. Piedras pintadas. - Ce bain est considéré empiri- quement, comme offrant de bonnes conditions médici- nales. On dit que ses eaux sont diurétiques; elles sont très froides et quant à leur composition, on peut seu- lement assurer qu'elles contiennent de la magnésie. Il est situé à 50 kilomètres de la ville de San Juan dans la direction de l'Est, dans une gorge que forme le massif du Pié de Palo. L'eau de «Piedras pintadas» sort d'un rocher et s'ac- cumule dans un récipient qui constitue le bain. De nombreux malades ont éprouvé ses bienfaits et on lui attribue d'actives propriétés thérapeutiques. Volcan. - Le Volcan, à Jachal, est un puits d'une profondeur inconnue, d'après Igarzabal. Situé dans les montagnes voisines de la ville, il rend d'éclatants services aux malades de la région. C'est un volcan éteint, dont le cratère est occupé aujourd'hui par les eaux qui sont plus froides qu'on ne pourrait l'imaginer et qui sortent de la terre avec une force telle qu'on peut dire que c'est un volcan d'eau, constamment en ébullition. Guaco. - Cette source du département de Jachal, est un bain très recommandé à raison de la composi- tion de ses eaux dans lesquelles abonde principalement 729 l'acide sulfhydrique. Ces eaux déposent sur les rochers qu'elles baignent une quantité considérable de soufre et de sulfure de chaux. Leur température est de 25°. Bains du Salado. - Ils sont constitués par un cou- rant d'eau prenant sa source dans les montagnes et élévations voisines de la campagne de La Laja, non loin de celle-ci, à 40 kilomètres au Nord de la ville de San Juan. Ces bains sont très fréquentés, et ceux qui les connaissent ne tarissent pas d'éloges à leur sujet. Ils sont formés de deux puits d'eau salée très abondants. Nous ne connaissons par leur composition exacte. Pismanta. - La température des eaux sulfureuses de Pismanta est très élevée; malheureusement nous manquons de données certaines sur leur degré; peut- être serait-elle de 60°? Leur hauteur au-dessus du ni- veau de la mer doit être considérable, car la vallée occupant le pied de l'un des contreforts des Andes étant située à 200 ou 250 kilomètres au Nord-Ouest de San Juan, on peut présumer que leur élévation doit atteindre 1.500 à 1.800 mètres. L'eau de Pismanta est potable et est considérée comme excellente; elle est probablement ferrugineuse et apte pour l'agriculture. Ces bains sont formés par deux puits et leurs eaux offrent des températures diverses; l'une d'elles est si élevée qu'il n'est pas possible de la supporter plus de cinq minutes. Igarzabal dit que la croyance existe dans la vallée de Pismanta, que les puits communiquent avec l'Océan Pacifique. L'eau de cette source est éminemment sulfureuse et si efficace pour un grand nombre de maladies variées, que chez les Huarpes, habitants primitifs de San Juan, elles donnent lieu encore à mille superstitions, que la tra- dition conserve comme l'un des rares faits historiques 730 remontant à une époque ancienne. On rencontre des tra- ces de monuments ou caveaux sépulcraux antiques dans les environs; ils sont de pierre et conservent probable- ment les restes d'un grand nombre d'indiens accourus de tout le territoire de Cuyo, à la recherche de la santé. Le point où ces bains sont situés est beaucoup plus commode que celui où se trouve La Laja. Le terrain y est calcaire, entremêlé de vestiges volcaniques. (') Boca del Rio. - Mendoza si favorisée par ses ri- chesses naturelles, renferme dans son territoire des eaux thermales, qui, comme celles de la Boca del Rio, Villavicencio et Puente del Inca, méritent une étude spéciale. Les bains de la Boca del Rio, sont à 38 kilomètres de la Capitale de la province, à 1.200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et leur température varie entre 25° et 55°. L'analyse, qui a été pratiquée, révèle: Carbonate de soude 0.2750 » chaux 2.2050 Sulfate de chaux 2.2800 » magnésie 1.0158 » sodium 0.1850 Chlorure de sodium 1.1600 Acide silicique 0.0140 Total 6.1348 Tout fait présumer que ce point se convertira bien- tôt en une résidence de malades. Les tuberculeux, les asthmatiques, les dispeptiques, les rhumatisants, les syphilitiques, trouveront là des facilités de transport par le chemin de fer, un climat favorable, une tempéra- ture douce et peu variable, une grande luminosité, une sécheresse atmosphérique, des aliments nutritifs, un lait de bonne qualité et des eaux excellentes. (x) R. S. Igarzabal: La provincia de San Juan en la exposition de Côrdoba, 1873. 731 Villavicencio.-A 70 kilomètres de la ville de Mendo- za, et sur la route de Puente del Inca, se trouvent les bains de Villavicencio, dont la température est de 36° et dont la composition par litre (1.000 c. c.) est la suivante: Acide silicique 0.0258 grammes Sulfate de potasse 0.0618 » » chaux 0.0466 » » magnésie 0.0103 » Bicarbonate de magnésie... 0.0237 » » de fer 0.013. » » de sodium 0.8174 » Sulfure de sodium 0.2132 » Chlorure de sodium 0.1170 » Ces thermes, comme ceux de Puente del Inca, pro- duisent de très bons effets dans le traitement de la syphilis et du rhumatisme. Puente del Inca. - Puente del Inca est une station balnéaire située en pleine Cordillère, à 300 kilomètres environ de la ville de Mendoza, à 2.753 mètres au- dessus du niveau de la mer. Il a tous les avantages des climats d'altitude, mais il faut reconnaître que les variations de température y sont brusques, même en été. Il y a quatre thermes ainsi appelés: Champagne, Mercurio, Vénus, Karlsbadiana; leur température varie entre 30° et 34° et leur composition respective par litre (1.000 c. c.) est la suivante: Champagne Mercurio Vénus Karlsbadiana Acide silicique 0.035 0.035 0.045 0.136 » sulfurique 1.508 1.541 1.648 1 .497 » carbonique fixe 0.532 0.297 0.098 Chlore 8.497 8.338 4.122 Alumine 0.019 0.080 0.304 Oxyde de fer 0.014 0.280 0 304 Chaux 1.736 1 687 1 350 1 281 Magnésie 0.077 0.240 0 219 Soude 6.673 6.395 6.417 2 938 Potasse 0.268 0.270 0.241 0.070 732 Les bains de Puente del Inca exercent des effets in- contestables et évidents sur le rhumatisme et la syphi- lis. Sous l'influence de ces eaux, ces maladies et autres dyscrasiques se modifient sensiblement, l'appétit revient, les digestions se normalisent et la santé renaît au mi- lieu d'une activité nouvelle. Il existe d'autres bains très nombreux à Mendoza; ils sont très recommandés pour leurs propriétés thérapeuti- ques, mais nous ne nous attarderons pas à les exami- ner pour ne pas donner à ce travail trop d'extension. Disons que dans le district du Neuquen, il y a de nombreux thermes, connus seulement de quelques voyageurs et de chirurgiens militaires qui ont passé par là. Leurs propriétés paraissent être supérieures à celles de ceux que nous avons mentionnés. Voir les thermes de Copahues, à la page 734. Rio Hondo. - Ce parage de la province de Santiago del Estero, doté d'un climat sec et salubre, sans ma- ladies endémiques, présente plusieurs thermes, qui avec le temps, seront très fréquentés, et sont connus au- jourd'hui sous le nom d'eaux du Rio Hondo. Les sources d'Atacama, à moitié cachées, au milieu de superbes forêts, ont une température de 30°4 et leur composition est la suivante, par litre (1000 c. c.). Chlorure de sodium 0.1959 Sulfate de potasse 0.0330 » sodium 0.0739 » chaux 0.0630 Carbonate de sodium 0.1094 » de calcium 0.0035 » magnésie 0.0060 Acide silicique 0.0410 0.5307 Résidu fixe 0.5400 Eau du Sol (soleil): à 4 kilomètres, entre l'Est et le Nord-Est de Atacama, on rencontre ces sources, dont les 733 eaux ont une température de 42° et dont la composition par litre (1.000 c. c.) est la suivante: Chlorure de sodium 0.0831 grammes Sulfate de potasse 0.0129 » » sodium 0.0946 » » chaux 0.0082 » Bicarbonate de fer 0.0265 » » de sodium 0.1428 » » de chaux 0.0095 » » de magnésie.... 0.0014 » Acide silicique 0.0340 » Eaux chlorurées de Toroyaco: Plusieurs filets d'eau chaude jaillissent à un kilomètre au Nord des précé- dentes; leur température est de 30°l et 31°. Dans leur composition entrent surtout le chlorure de sodium et de plus les bicarbonates de fer, de sodium, de chaux, de magnésie, les sulfates de sodium, de potasse et de chaux, et de vestiges de matière organique. Gorge de Uturunco-Huasi: Ces eaux sont alcalines ferrugineuses, de 34° de température et renferment par litre (1.000 c. c.) Chlorure de sodium 0.0595 Sulfate de potasse 0.0243 » sodium 0.0544 » chaux 0.0026 Bicarbonate de magnésie 0.0019 » de fer 0.0149 » de sodium 0.1954 » de chaux 0.0081 Acide silicique 0.0310 Bains de los Reyes (des rois). - Ces bains situés à Jujuy, ont une température variable; leurs eaux con- tiennent silicate de chaux, de soude, alumine, sulfate de potasse, de chaux, bicarbonate de chaux, de soude, de fer et de magnésie, chlorure de sodium, et des ves- tiges de matière organique. Les autres du même nom, sont d'eau chaude et la composition est presque la même. Bains de Hualfin. - Ces bains situés dans la pro- vince de Catamarca, présentent à peu près la même 734 composition que ceux de Rio Hondo; ils renferment, en outre, un peu d'acide arsénique et de manganèse. Leur température est de 70°. Les thermes de Copahues. - Nous avons mentionné ces bains en parlant du district du Neuquen (page 600). Situés à 50 kilomètres au Sud-Ouest de la vallée de Norquin et à 2.500 mètres au-dessus du niveau de la mer, ces thermes commencent à être connus, bien que très éloignés des principaux centres et villes; ils sont sulfuro-ferrugineux. La région montagneuse où ils se trouvent est éter- nellement couverte de neige. Les voyageurs peuvent y arriver seulement de décembre à mars, époque du dégel. Un véritable mélange d'aridité et de fertilité se cons- tate en contemplant ce sol, dès l'entrée des bains. Sté- rile et pierreux d'un côté, il offre de petits groupes de pins géants de l'autre. Malgré cet aspect et les difficultés de l'accès, ces eaux sont fréquentées en été par de nombreuses famil- les de la population chilienne de Antuco, distant de deux jours et par les Argentins de Chos-Malal, capitale actuelle du district, situé à 100 kilomètres. On y vient aussi du Rio Negro, du Neuquen et de Limay. Dans la section Sud de la vallée, existe une petite lagune d'eau chaude et blanche de 8 à 10 mètres de large sur 15 à 20 de long, dont la profondeur est in- connue. Elle est séparée d'une seconde petite lagune d'eau chaude, mais de couleur jaune-verdâtre, par une langue de terre. On remarque également de nombreux puits dans les environs, les uns secs, les autres contenant de l'eau, ainsi que des crevasses d'où s'échappe du gaz sulfhy- drique en abondance. Les eaux des bains en question se composent de sulfu- re de fer, de potasse, de sodium et de soufre précipité, ce qui leur donne les couleurs si variées qu'elles présentent. L'emplacement de Copahues, avons-nous dit déjà, est une dépression de terrain de forme presque elliptique, mesurant un peu plus d'un kilomètre dans son plus 735 grand diamètre et 1 kilomètre dans son plus petit. C'est un véritable cratère volcanique ouvert au pied oriental de la chaîne du même nom. Un petit ruisseau, produit par la fonte des neiges voisines, le parcourt dans sa grande partie et cotoie le côté Ouest des thermes. Le versant Ouest et l'extrémité Sud de la vallée de Copahues sont couverts d'une épaisse couche de neige. On trouve dans les puits un dépôt abondant de sels sulfuro-ferrugineux qui sont saturés à l'excès, comme les eaux, d'acide sulfhydrique. Selon le Dr. E. Pietranera, la température de ces eaux varie depuis la plus froide jusqu'à celle de 95°. L'opinion de ce collègue distingué est que les eaux de ce point (qui a tout l'aspect d'un volcan éteint depuis longtemps) ne sortent d'aucun versant, mais pro- viennent des dégels, empruntant leur haute température aux gaz qui les traversent. Pour formuler cette hypo- thèse il se base sur le fait qu'en remplissant d'eau les puits désséchés situés en dehors du courant du ruisseau, leur température s'élève promptement. Pour produire l'abaissement de la température de quelques-uns des points de la lagune, il suffit d'y faire pénétrer une quantité d'eau froide du ruisseau. Le Dr. Pietranera a séjourné seulement une semaine dans la dite région, mais il a constaté les bons résul- tats qu'avaient obtenus les nombreux baigneurs qu'il y rencontra, gens pauvres et soldats en grande partie. Les maladies pour lesquelles les eaux de Copahues sont souveraines, sont le rhumatisme, la syphilis et l'eczéma; les malades atteints de cette dernière affec- tion, ont vu leurs souffrances disparaître. Il y a encore d'autres bains dans la République Ar- gentine, tels que ceux appelés Papagaijos, Los Lagos, Borbollon, Capi, Paraiso, etc. A la province de Catamarca, appartiennent les sources appelés Chamanpas, Fiambalâ, Vis-à-vis, Suri-Yaco, Cu- lampajd et autres; et à celle de Jujuy correspondent celles de Agua ealiente (55° c.,) Chuschal, Paso de Tala, San Miguel et la Quinta. CHAPITRE XXXIII RÉPUBLIQUE ORIENTALE DE LURUGUAY Sommaire. - Généralités sur le climat, topographie, population. -Naissances. - Mariages. - Maladies. - Mortalité. - Ville de Montevideo; Situation et population. - Géologie. - Climat: températures, pression barométri- que, pluies, vents. - Approvisionement d'eau. - Services hygiéniques.- Inspection d'aliments. - Démographie. - Influence du sol. - Examen bactériologique de l'air. - Morbidité: tuberculose, diphtérie, typhus, va- riole, etc. - Mortalité absolue pendant quelques années.-Progrès urbains. - Réformes nécessaires. C'est un des plus beaux pays de l'Amérique du Sud. Topographie, climat, richesses, tel est l'ensemble d'élé- ments naturels qui caractérisent cette région, nonobstant le peu d'étendue de son territoire. La production du sol est extraordinairement variée; la végétation splendide; les fleuves et les rivières abondent. Le terrain présente des ondulations et des dépressions qui lui donnent un cachet particulier. Nous dirons de son climat qu'il se prête à l'acclima- tation des hommes de toutes les latitudes. Il n'existe pas ici de maladies endémiques, et les épidémies qui ont sévi à certains moments ne se sont pas enracinées. La variole a fait des ravages, mais elle est combattue par la vaccination; la diphtérie attaque quelquefois; la tuberculose est particulièrement meurtrière. La population totale dépasse 850.000 habitants. On y rencontre indépendamment du groupe national prove- nant du mélange de l'élément primitif indigène avec l'Espagnol conquérant, les Italiens, les Espagnols, les Français, les Anglais, les Allemands, etc., qui contri- buent, par leur activité, à mettre en valeur les ri- chesses du pays. 737 En ce qui concerne le mouvement démographique de la République de l'Uruguay, voici quelques renseigne- ments relatifs à une période de dix années (1884- 1893). ANNÉES EXCEPTÉ LES MORT-NÉS Accroissement végétatif Mort-nés Mariages Population au 1er. Janvier Naissances Mortalité 1884 21.781 9.669 12.112 582 3.547 520.536 1885 23.707 9.720 13.987 553 3.657 559.668 1886 24.712 11.052 13.660 485 3.093 582.858 1887 25.132 12.028 13.104 545 3.428 596.463 1888 25.832 11.572 14.260 505 3.976 614.257 1889 26.981 12.362 14.619 520 4.175 648.297 1890 27.889 14.473 13.416 701 4.082 683.943 1891 28.696 12.419 16.277 727 3.524 706.524 1892 28.071 12.004 16.067 672 3.390 708.168 1893 27.388 12.551 14.837 731 3.349 728.447 (1884-1893). 260.189 117.850 142.339 6.021 36.221 Les coefficients démographiques par mille habitants pendant les dix années (1884-1893), pour tout le pays, sont les suivants: ANNÉES EXCEPTÉ LES MORT-NÉS Accroissement végétatif Mort-nés Mariages Naissances Mortalité 1884 41.84 18.57 23.27 1.11 6.81 1885 42.35 17.36 24.99 0.98 6.53 1886 42.39 18.96 23.43 0.83 5.30 1887 42.13 20.16 21.97 0.91 5.91 1888 42.05 18.83 23.22 0.82 6.47 1889 41.61 19.06 22.55 0.82 6.44 1890 40.77 '21.16 19.61 1.02 5.96 1«91 40.60 17.05 23.55 1.02 4.98 1892 39 64 16.95 22 69 0 94 4 78 1893 37.59 17.22 20.37 1.00 4.60 (1884-1893) 410.97 185.32 225.65 9.45 57.78 CLIMATOLOGIE MEDICALE. 738 Du tableau précédent, il résulte que les coefficients moyens par mille habitants, pendant la même période de 1884 à 1893, sont: Naissances (moyenne annuelle) 4R09 Mortalité » » 18.53 Accroissement végétatif (moyenne annuelle). 22.56 Mort-nés » » .. 0.94 Mariages » » .. 5.77 Ces chiffres permettent de dire que la République de l'Uruguay est un pays privilégié au point de vue dé- mographique; le nombre de ses naissances comparé à celui des autres nations est extraordinaire; la mortalité est faible; l'accroissement végétatif très important. M. C. Rollo fait remarquer, avec raison, qu'aucun pays n'a rela- tivement autant de naissances et que seules l'Irlande et la Norwège présentent une statistique mortuaire moindre. En 1893, on a enregistré 3.349 mariages. Pendant la même année, il y a eu 27.388 naissances, dont 14.136 du sexe masculin et 13.252 du sexe féminin. Au point de vue de la légitimité, nous avons les chiffres suivant: Masculin Féminin Total Légitimes ... 10.971 10.365 21.376 Illégitimes 3.165 2.887 6 052 C'est-à-dire que l'illégitimité représente presque le tiers des naissances; c'est une proportion très considérable. Sur 731 mort-nés, on en comptait 427 du sexe mas- culin, 304 du sexe féminin. La mortalité générale a été de 12.551 etsurce chiffre 3.315 étaient des enfants de moins d'un an. Les maladies infectieuses ont causé, en 1892 et 1893, les décès suivants: 1892 1993 Variole 169 39 Scarlatine 3 7 Rougeole 131 137 Typhus (différentes formes) 150 330 Diphtérie 373 234 Tuberculoses (diverses) 911 1041 Méningite tuberculose 122 111 Bronchite, pneumonie, broncho-pneu- monie 1488 1204 Entérite et gastro-entérite infantiles. 735 649 739 Montevideo. - Montevideo, capitale de la République de l'Uruguay, se dresse sur la rive orientale du rio de la Plata, entre les 34°54'20" de latitude Sud et 0°3'22" Est du méridien du Cerro. Sa position est très avanta- geuse non seulement pour le maintien d'une bonne hy- giène par suite de l'inclinaison de son terrain et de son aération, mais encore pour son développement commercial. Sa population est actuellement de 215.000 habitants, en comprenant tout le département. Comme données historiques, nous offrons quelques chiffres indiquant la progression qu'elle a suivie: En 1757 elle avait 1.667 âmes » 1803 » » 4.722 » » 1813 » » 21.000 » » 1818 » » 40.000 » » 1829 (1) » » 9.000 » » 1843 » » 31.000 » » 1860 » » 44.000 » » 1884 » » 150.000 » » 1889 » » 180.000 » » 1893 » » 215.000 » Cette population occupait en 1889, d'après le recen- sement, 18.174 maisons. La ville représente une péninsule; le rio de la Plata l'entoure de trois côtés. Un imposant banc de gneiss qui s'élève à dix mètres, environ, au-dessus du niveau des eaux, constitue son sol géologique, d'après Arechavaleta; une épaisse couche d'ar- gile jaunâtre mélangée, sur bien des points, avec une terre argilo-graphiteuse, et par ci par là, des dépôts de coquillages marins recouvrent ce banc presque unifor- mément, et ne laissent voir sa base pierreuse que sur quelques points de la ville et sur le rivage battu par les vagues. (*) Phénomène expliqué par l'épidémie de scorbut, le siège de la ville, l'émigration, etc. 740 Dans les parages où le sol n'a pas été soulevé, cette couche argileuse est couverte par un autre composée de sable et de limon que les vents et les courants accumulent avec le temps. Montevideo présente des points élevés, qui sont à plus de 28 mètres au-dessus du niveau de la mer; le Cerro ou mont qui se dresse vers le Nord-Ouest et qui a donné son nom à ce quartier, a une hauteur de 130 mètres. Les températures extrêmes sont: été, 37° et 38°; hiver, l°20. Les moyennes sont: été, 22° et 23°; automne, 16°;. hiver, 11°; printemps, 18°. Pendant la saison des chaleurs et quand le thermo- mètre marque des degrés très élevés, on sent le soir une brise du Sud-Est, qui rafraîchit l'atmosphère. La hauteur barométrique moyenne varie entre 757.01 mm. et 764.18 mm. Dans la période comprise entre 1881 et 1886, la quan- tité d'eau pluviale a varié entre 83.6 mm. et 421.95 millimètres. Les vents Nord, Nord-Est, Est et Sud-Ouest dominent. Avec de tels facteurs qui constituent un climat très doux, la salubrité générale devrait être meilleure qu'elle ne l'est en réalité, d'après les indications de la statis- tique. Des conditions d'un autre ordre, doivent contri- buer sans doute à produire ces phénomènes. La ville a un bel aspect; ses environs avec des col- lines et des vallées recouvertes de végétation sont éga- lement agréables. Le département dont Montevideo est la capitale a, indépendamment des rios de la Plata et Santa Lucia, les rivières de las Piedras, Toledo, Carrasco, Pantano- so, Miguelete, Penarol, Manga, Meireles. Le rio Santa Lucia fournit l'eau à la population. Depuis 1889, ce service s'est bien complété. On a construit un dépôt de décantation à l'air libre, d'une capacité de dix millions de litres, et deux dépôts de filtrage qui peuvent purifier respectivement quatorze et quinze millions de litres en 24 heures. La décantation en clarifiant l'eau, a produit jusqu'à 741 ce jour de bons résultats; quant au filtrage, il se pra- tique en utilisant les propriétés perméables du sable qu'on dispose convenablement en plusieurs couches. Certaines causes font suspecter la pureté des eaux de ce rio, au point de prise, par suite de la présence de matières organiques, qui sont apportées là des terrains cultivés, par les courants qui viennent déboucher sur ce point. On avait dit qu'il allait se fonder une fabrique de papier et de tissus de lin, de chanvre et de laine, dans les environs du village de Santa Lucia, près du rio de ce nom. Comprenant tout le danger qui pourrait ré- sulter pour la santé publique de pareilles installations qui contamineraient les eaux de ce rio et de ses affluents qui approvisionnent Montevideo, la municipalité de- manda au gouvernement d'imposer comme condition à l'établissement de ces industries, une permission préa- lable de l'autorité supérieure, et fixa les amendes pour violation de ces prescriptions. L'inspection des comestibles et des boissons est pra- tiquée par le laboratoire chimique municipal sous la direction du Dr. Arechavaleta. Les services hygiéniques ont ainsi une grande im- portance et le temps se chargera de démontrer leurs avantages. L'incinération des immondices, qui se faisait autre- fois dans l'île de Punta Carretas, se fait maintenant dans le Buceo. Le service des égouts, quelque effort que fasse l'en- treprise, pour maintenir les collecteurs en bon état, est une menace constante pour la santé publique, d'après le rapport municipal de 1889. A ce sujet on a bien dit: « Nous importons sans doute, d'Angleterre, notre ré- seau de collecteurs avec leurs conduites de communi- cation; de ce pays, nous avons fait venir les tuyaux cylindriques d'écoulement, les inodores, les syphons, les bouches d'air, la combinaison du service d'eau avec le lavage des latrines ainsi que tous les éléments du système de circulation continue; mais il faut encore 742 compléter ce service pour disputer les victimes à la fièvre typhoïde, à la variole et à la diphtérie. (') On a songé à construire le grand égout de circonval- lation, destiné à emporter toutes les immondices dans le Sud et à les rejeter dans les courants du rio de la Plata. Comme il était nécessaire de prendre les eaux sales de la rivière Seco, qui traverse des faubourgs très peuplés, et récemment créés, des maisons très commodes comme celles de Reus, comme il fallait assainir le quartier La- valleja, les environs du pénitencier et assurer l'écoulement delà caserne de ce nom, ainsi que de plusieurs établis- sements industriels, on a décidé la construction d'un égout de 1.70 de haut sur 1.30 de large, d'une forme ovoïdale. Par sa topographie et son climat, Montevideo se trouve dans des conditions très favorables pour s'assu- rer une faible morbidité. Son altitude, l'air chargé d'ozone qui vient de la mer, sa ventilation superbe qui soulève et emporte une quantité de substances, la pente de ses rues, qui ne permet pas la stagnation des eaux, son jour magnifique, son bon pavage, l'espace dont dispose chaque habitant, sont autant d'éléments qui lui permettent une existence privilégiée, et cependant nous voyons que sa statistique mortuaire donne, comme en 1891, un coefficient de 25 décès par 1000 habitants qui, après, a été réduit à 18.2 comme pendant l'année 1893. Des circonstances très sérieuses ont dû exercer leur influence pour que la démographie sanitaire de cette belle cité présente des chiffres si élevés comme ceux de 1891. Ces circonstances résident, sûrement, dans certains éléments du sol qui, comme la boue, ont formé un dé- pôt spécialement sur la rive Nord et qui, avec toutes leurs conséquences fétides à raison des matières orga- niques quffls renferment, agissent d'une façon évidente, surtout dans les marées basses. (J) Rapport du Président du Conseil Economique et Administratif de Montevideo. 743 Sur d'autres points favorisés par quelques sinuosités du terrain (rues de Cerro Largo et 25 Août), il s'est for- mé auparavant des dépôts de ces mêmes détritus. Au dire de Arechavaleta, la construction des rues et le pavage, firent disparaître ces anciens bourbiers, à la suite des travaux de nivellement; mais ils restèrent là et jouèrent probablement un rôle très important dans la propagation des épidémies qui affligèrent cette ville, et principalement dans la fièvre jaune de 1857, qui fit de si grands ravages. On peut faire remonter à cette épo- que la période d'activité des matières organiques qui est, comme on le sait, le pavulum indispensable des bacté- ries. Bien que nous n'ayons pas d'indications pour cor- roborer notre opinion, il est certain que ce terrible fléau ne s'est pas développé dans la partie Sud de la ville où on ne rencontre pas de pareilles accumulations de matières organiques, par suite de la direction des courants et de l'incessant mouvement des eaux. Le phénomène fut si remarquable que depuis cette époque les habitants ont eu la conviction que la partie Sud de la ville est plus salubre que la partie Nord. Sans que nous ayons pour le moment une idée bien arrêtée à ce sujet, nous devons dire qu'elle est basée sur certains faits qui la justifient dans une certaine mesure. (') Ces faits, indépendamment de ceux qui sont déjà connus, consistent dans le stationnement prolongé des résidus des égouts dans la partie Nord de la baie, jus- qu'à ce que les courants produits par les vents Sud et Sud-Ouest les entraînent. C'est là un sérieux inconvé- nient qui n'existe pas dans le Sud ou qui ne s'y pro- duit qu'accidentellement. L'examen bactériologique de l'air est un autre élément à l'appui de cette opinion; il établit de grandes diffé- rences entre l'un et l'autre point. Cet examen a été pratiqué dans divers quartiers; il a constaté que dans le Nord, sur 24 litres d'air (1) Arechavaleta: Rapport présenté au Conseil Economique et Administratif de Montevideo, 1889. 744 par pipette, on avait 4.333.000 bactéries par mètre cube, dans la rue Grillas del Plata, au coin de Daiman, le 12 octobre 1889; les quantités les plus faibles étaient 16.080 par mètre cube dans un nombre égal de litres d'air par pipette, dans la rue 25 de Mayo, au coin de Câmaras, le 5 octobre de la même année. On comptait 10.750 bactéries, en janvier, avant l'arrosage et 1.560 avec 48 litres par pipette, demi-heure après avoir arrosé, dans le même point. Au Sud, ces quantités furent 5.500 bactéries par mètre cube dans la rue Vallès, entre Florida et Andes, le 21 novembre de cette même année, en se servant de 48 litres par pipette; et 47.350 bac- téries par mètre cube, dans la rue Santa Teresa, au coin de Perez Castellanos, le 18 novembre. A l'Ouest, 12.450 bactéries dans la rue Sarandi au coin de Pata- gones, avec 24 litres par pipette, le 15 octobre. Dans les conduites principales on a obtenu les ré- sultats suivants: 662.500 bactéries dans la rue Juncal au point où elle se jette dans la baie (air pris sur la conduite) avec 8 litres par pipette; et 18.740 dans la rue Convencion, au Sud ( air pris à un mètre dans la conduite), avec 48 litres par pipette. Sur les places, le nombre des bactéries varie entre 20.800 et 30.510 par mètre cube. Maintenant que nous connaissons le climat et même la composition bactériologique de l'air de cette ville, nous devons examiner son mouvemement démographique. A Montevideo, il y a eu 1.045 mariages en 1892 et 1.088 en 1893. Ces chiffres sont faibles et expliquent le nombre des naissances illégitimes. La moyenne des naissances est dans ces années de 31.6 par 1000 habitants; celle de la mortalité, 18.2; ce qui donne un accroissement végétatif de 13.4, qui n'est dépassé qu'à Buenos Aires où il est de 23 et à Varsovie où il est de 18.3. En considérant la morbidité, nous devons constater d'abord la fréquence de la tuberculose, les maladies gastro-intestinales, la rougeole, le cancer, la fièvre ty- phoïde, la diphtérie, et les affections cardiaques. La prédominance des maladies infectieuses est d'une évi- 745 dence qui s'impose et nous en avons l'explication dans les considérations que nous avons présentées antérieu- rement. La mortalité absolue en 1893, a été de 4.051 se di- visant ainsi au point de vue des diagnostics: variole, 2; rougeole, 116; scarlatine, 5; coqueluche, 3; diphtérie, 98; érysipèle, 10; fièvre typhoïde, 60; fièvre jaune, 4; 0) anémie et chlorose, 14; maladies de l'appareil cardio- vasculaire, 324; congestion cérébrale, 71; eclampsie in- fantile, 109; ataxie locomotrice, 2; autres maladies du système nerveux, 242; méningite tuberculeuse, 73; mé- ningite simple, 192; entérite, 75; gastro-entérite infan- tile, 229; autres des organes digestifs et annexes, 158; péritonite, 20; syphilis, 25; maladies des femmes, 14; maladies des organes respiratoires (sans la phtisie), bronchites, pneumonies, etc., 96; tuberculose pulmonaire, 426; tuberculoses diverses, 132; scrofules, 19; atrepsie, 181; rachytisme, 4; cancer en général, 188; rhumatis- me, 9; alcoolisme, 15; diverses maladies, 86; vieillesse, 44; homicides, 14; suicides, 18; noyés, 23; brûlés, 9; accidents divers, 20. Le coefficient de la mortalité en 1891 est égal à 25 par 1000 habitants, mais en 1893 il était de 18.2. Il est démontré que la mortalité est plus considérable pendant l'été et notamment pendant les mois de novem- bre, décembre et janvier. Le premier rang, dans la statistique de la mortalité, appartient à la tuberculose qui représente le 11 % de celle-ci. Pour expliquer la fréquence des affections des bronches, des poumons, il faut tenir compte des brusques change- ments de température provoqués par les brises de la mer, et il est naturel qu'il en soit ainsi, puisque nous observons que le plus grand nombre de décès occasionnés par ces maladies se produit pendant les mois d'été, quand l'organisme, sous l'influence de la chaleur, reçoit celle p) Au lazaret de l'ile de Flores. 746 d'une basse température, qui l'impressionne défavora- blement. La variole a causé en 1887, le 6 % de la mortalité générale, et grâce à la vaccination amplement propagée, on a réduit ce chiffre en 1889, à 0,49 %. Toutefois malgré cet agent prophylactique, elle a atteint en 1891, presque le 10 % des décès, puisque sur le chiffre absolu de 4.857 morts, 473 sont causées par la variole. Pendant l'année 1893, elle a fait seulement 2 victimes. La diphtérie, qui en 1887 représente 12.13 % de la mortalité totale, le 9.45% en 1888, le 4.42% en 1889, descend à 3 % en 1891, et à 2.5 en 1893, ce qui démon- tre clairement qu'elle diminue. La fièvre typhoïde, très meurtrière en été et en au- tomne augmente, malheureusement. Sa proportion est la suivante: 1.11% en 1885; 2.85 % en 1886; 2.64% en 1887; 3.73 % en 1889; 2.66 % en 1891, mais en 1893 elle a diminué. La rougeole qui a disparu, en 1887 et 1888, s'est pré- sentée de nouveau en 1889 et a occasionné 1.14 % de la mortalité totale. En 1891, elle a causé seulement 3 décès; en 1893, la proportion a été 2.9 % sur la mortalité absolue. La méningite simple et les convulsions infantiles figurent à raison de 4.7 %, sur le total des décès. Les mort-nés sont au nombre de 328 dans la statis- tique de l'année 1893, soit une proportion de 8.2%. Au sujet des sexes, nous devons constater qu'il meurt plus d'hommes que de femmes. La mortalité absolue de Montevideo s'est élevée à 4.051 en 1893. Les maladies infectieuses sont représentées par les chiffres suivants: Variole, 2; scarlatine, 5; rougeole, 116; érésipèle, 10; diphtérie, 98; coqueluche, 3; influenza, 31; fièvre jaune, 4; cachexie palustre, 1; fièvres diverses, 6; tuberculose pulmonaire, 426; tuberculoses diverses 160. Montevideo a réalisé deux grands progrès dans ces dernières années: la désinfection à domicile en cas de 747 maladies infecto-contagieuses et la création du labora- toire de chimie municipal qui, comme celui de Buenos Aires, est un véritable Institut d'hygiène dans lequel on peut faire des études complètes et applicables à la localité. La première de ces institutions donne déjà d'heureux résultats qui s'accentueront encore avec l'établissement de désinfection; il faut espérer qu'alors il sera obliga- toire de dénoncer à l'inspection sanitaire tous les cas de maladies infectieuses dans lesquels son intervention doit être utile. Le laboratoire de chimie contribue à donner à la population des garanties au sujet de la qualité des arti- cles qu'elle consomme chaque jour. L'autorité s'occupe d'assurer aux habitants une bonne eau potable. Plusieurs réformes urbaines sont projetées; il est à souhaiter qu'on les exécute sans retard. CHAPITRE XXXIV RÉPUBLIQUE DU PARAGUAY Sommaire. - Généralités: limites, division territoriale, population. - Les indiens au Paraguay. - Opinion de Azara. - Le type actuel. - Prédominance des femmes. - Géologie. - Rios, collines, plaines, végétation. - Le Chaco: M. De Bourgade La Dardye. - Le bois. - Climat: températures, pluies, pression atmosphérique, vents. - Morbidité: la tuberculose et la femme paraguayenne. - Le goitre. - Ville de l'Asuncion: Population, climat, etc.- Approvisionnement d'eau.- Les latrines et les puisards.-Les ma- rais. - Maladies plus fréquentes. - Le paludisme. - Fièvre typhoïde.- Le goitre. - La tuberculose. -Mortalité absolue et mortalité infantile. - Acclimatation des étrangers. D'après le Dr. de Bourgade La Dardye, ce pays peut être considéré comme divisé en deux régions par le rio Paraguay. Limité au Nord par les rios Apa et Estrella; à l'Esc par les Cordillères de Amambay et Mbaracayû ainsi que par le rio Paranâ; au Sud par le même. Le Paraguay oriental s'étend du 22° au 27° de latitude Sud, et du 56° au 60° de longitude Ouest du méridien de Paris. Le Paraguay occidental ou Chaco occupe dans son ensemble une situation plus septentrionale; il s'étend le long du fleuve intérieur de l'embouchure du rio Pil- comayo par 25°20 de latitude Sud (Mouchez) à celle du rio Negro par 20°10 (Page). La superficie de son territoire, en comprenant le Chaco occidental, est de 230.000 kilomètres carrés et comme on calcule la population totale à 500.000 âmes, il ré- sulte que sa densité est de 2.2 habitants par kilomètre carré. Cette population est le résultat de la fusion des Indiens Guaranys avec les Espagnols. Les Guaranys 749 furent préférés par ceux-ci pour leurs unions; ils étaient moins belliqueux, moins actifs,, inférieurs comme tail- le et plus laids de physique que certains, mais ils n'étaient pas aussi dégradés et aussi barbares que tant d'autres. Les plus bas dans l'échelle étaient probable- ment les Guatos, qui vivaient au Nord du rio Apa, dans les îles d'un lac appelé lagune de Jarayes. Cette tribu composée de moins de 100 personnes, était plus inabordable que les bêtes féroces. Personne ne pouvait s'en approcher, qu'il fût indien ou étranger, sans qu'ils prissent la fuite et allassent se cacher dans leurs re- traites impénétrables. Pendant plusieurs générations, ils avaient habité cette région marécageuse et inaccessible sans augmenter ni diminuer de nombre. (') Nous empruntons à Azara quelques renseignements intéressants sur ces Indiens. La stature moyenne de cette race me parait, dit-il, inférieure de deux pouces à celle des Espagnols et par conséquent à celle de plusieurs autres nations du Sud- Amérique. Ils sont également plus camards et plus laids; ils ne sont pas aussi noirs que d'autres, ils ont plutôt la peau rouge; les femmes ont les pieds et les mains petits et d'autres particularités. Les hommes ont par- fois un peu de barbe et de poils sur le corps, ce qui les distingue des autres Indiens, quoique sur ce point ils diffèrent beaucoup des Européens. La fécondité de cette nation n'est pas égale à la nô- tre; c'est ainsi que je n'ai rencontré qu'un seul indien qui était père de plus de dix enfants. L'un dans l'autre, le nombre approximatif est de quatre enfants dans cha- que famille. Les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes dans une proportion de quinze à qua- torze. Leur physionomie est sombre, triste et éteinte. Ils parlent très peu, ils ne se plaignent et ne pleurent jamais. Leur voix n'est jamais rauque ni sonore; ils ne rient jamais aux éclats, et leur visage ne trahit (*) Vashburn : Revista del Paraguay. Année I, page 72. 750 jamais le moindre signe de passion. Ils sont très sales. Ils ne reconnaissent aucune divinité, ni récompense, ni loi, ni châtiment, ni obligation. Jamais ils ne regardent en face la personne avec laquelle ils parlent. Dans leurs mariages et dans leurs amours, ils affectent la plus grande froideur. L'union des sexes n'est ni précédée, ni suivie de préparation ou de démonstration. Ils ne connaissent pas ce que veut dire le mot jalousie. On sait déjà avec quel abandon, avec quelle satisfaction ils livrent leurs filles et leurs femmes aux conquérants et ils continuent à faire de même malgré leur conver- sion au christianisme. Les femmes se marient très jeu- nes, généralement à dix ou douze ans; les hommes un peu plus tard et de suite après ils forment une fa- mille à part. Jamais je n'ai trouvé dans les vieux ma- nuscrits quelque chose qui ait rapport à la musique ou à la danse parmi les guaranys. Chaque division ou tribu a son capitaine ou cacique, dont la dignité est ordinai- rement héréditaire. On lui doit quelque considération, sans qu'on puisse dire pourquoi. Jamais il n'y a de différence entre le cacique et les autres, ni dans son habitation, dans ses vêtements, dans ses décorations ou dans quelque signe qui le distingue; il est tenu de travailler comme les autres, ne reçoit aucun tribut, n'a droit à aucun service ni à l'obéissance. (*) La quantité d'indiens existant actuellement au Para- guay, varie autour de 100.000; ils appartiennent à dif- férentes tribus. La population paraguayenne conserve son type essen- tiellement national, car l'élément étranger et particu- lièrement l'Européen, afflue très peu dans ce pays. L'annuaire de 1886 assignait le chiffre de 7.806 étran- dans tout le Paraguay, mais en réalité leur nombre doit être plus considérable. Parmi eux, les Brésiliens sont les plus nombreux, et il faut reconnaître que les fils du pays ont pour eux peu de sympathie. (x) Azara: Voyages dans l'Amérique Méridionale- (?) Ce chiffre se réfère peut-être aux européens seulement. 751 Parmi les naturels, les femmes prédominent. Sur 100 habitants, la proportion des femmes est de 56.64, celle des hommes, 43.36; ce qui donne une différence de 9.28% en faveur du sexe féminin. Le terrain est en général accidenté; sur plusieurs points, il constitue des chaînes de montagnes, qui don- nent au paysage un aspect vraiment superbe, avec sa végétation exubérante et ses cours d'eau qui le traver- sent dans tous les sens. Les principaux rios sont: le Paranâ, Paraguay, Apa, San Lorenzo, Cuyabâ, Tebicuary, Aquidabân, Ipané, Jejuy (l), Curuguaty, Peribeby, Salado, Bermejo, Pilco- mayo, etc. Dans le Paraguay proprement dit, c'est la grande forêt vierge qui domine avec ses arbres majestueux, ses lianes enchevêtrées et ses fleurs aux éclatantes couleurs. De temps en temps d'immenses pâturages aux herbes hautes et touffues et des collines couvertes de palmiers pindo ou mbocaya. Puis des bois d'orangers toujours pourvus de fruits, des gerbes de bananiers et les cimes rondes des timbos fleuries au printemps d'une éclatante couronne violette. Le Chaco, au contraire, n'offre en général que la lande nue et marécageuse, piquée de palmiers yatais qui s'é- paississent de temps en temps jusqu'à former des petits bois. Sur certains points, lorsque le terrain s'élève ou qu'une faille secondaire a fait émerger du sous-sol des roches anciennes, d'épaisses forêts de quebracho viennent interrompre la monotonie du paysage et garnir la ligne d'ordinaire si grise et si triste. (2) La flore révèle l'exubérance énorme de cette terre pri- vilégiée dans plusieurs de ses régions. Les familles les mieux représentées sont les légumi- neuses, les térébenthinacées, les cucurbitacées, les eu- phorbiacées, les rutacées, les myrtacées, etc. (x) Le plus important des rios intérieurs du Paraguay, navigable; c'est grâce à lui que les yerbales (plantations d'herbe mate) de cette région ont pu être exploités. (a) Dr. E. de Bourgade La Dardye: Le Paraguay. 752 Les bois abondent extraordinairement et parmi leurs nombreux spécimens nous pouvons citer: le quebracho, nandubay, urundey, lapacho, curupay. tatané, laurier, cupay, palo santo, pindo (coco), jacaranda, pin, cèdre, coca, taruma et une variété infinie d'autres que l'industrie exploite et pourrait exploiter sur une plus vaste échelle avec de grands bénéfices. N'oublions pas de citer la yerba mate et le tabac qui, en d'autres temps, ont été des sour- ces de richesse pour cette nation et qui aujourd'hui encore représentent des capitaux considérables. Parmi les arbres fruitiers, il faut nommer le guayabo, figuier, mamon (carica papaya), le dattier, etc. Comme on le voit, la flore est d'une abondance in- comparable, et il est à désirer que des bras habiles exploitent ces forêts qui renferment le secret de l'ave- nir d'un peuple. On rencontre là le grès, les calcaires, le fer, le man- ganèse, le cuivre, le kaolin, les marbres; les pirites abondent. Les températures extrêmes à l'ombre sont: maxima 40°; minima 2°22; la mini ma d'été, 13°, la moyenne an- nuelle, 24°52. Dans la vallée du Salado, le sol composé de sable lin avec un sous-sol argilo-sablonneux, pier- reux, d'après les observations de Rivas Rodriguez, et en couvrant la sphère du thermomètre avec deux ou trois millimètres d'une terre couleur de cendres, la tem- pérature au soleil, en janvier, atteint 70°. D'après les observations du même auteur, les pluies tombées dans cette région représentent: janvier, 79.6 mm.; février, 24.7; mars, 181; avril, 180; mai, 170; juin, 209.5; juillet, 22; août, 10; septembre, 94.5; oc- tobre, 156.9; novembre, 181; décembre, 131.5. Quant aux observations hygrométriques, nous avons: maxima 28°38; minima 22°26. La pression atmosphérique la plus forte est 76.55 et la plus faible 75.45. Les vents Sud et Est dominent. Le climat du Paraguay, dans l'opinion de Molas, est bénin et doux, comme le prouve la santé générale de ses habitants; c'est pour cette cause que la plupart 753 des principales familles habitent leurs propriétés à la campagne. Dans toute la contrée de la Cordillère on jouit d'une excellente santé parce que les vents sont plus frais et soufflent plus librement, et parce que les eaux sont meilleures tant pour boire que pour se bai- gner. Des cours d'eau cristallins la sillonnent et l'ar- rosent ; très importants et éternels, ils fertilisent les champs. Le Dr. De Bourgade La Dardye déclare que c'est un bon pays d'émigration parce qu'il est sain et tempéré, ce qui ne se rencontre que très rarement dans les pays ouverts à l'activité des Européens désireux de s'expa- trier. Quant à la salubrité, il ajoute, qu'en dehors de la variole, qui disparaît grâce à l'introduction de la vaccine, il n'y a pas d'épidémies, ni de fièvres palu- déennes, si on en excepte la région de l'Est qui n'est pres- que pas habitée, ni maladies endémiques graves. C'est à peine s'il a rencontré quelques phtisiques. (l) Par contre, les affections rhumatismales et leur cor- tège, celles du système circulatoire, de l'estomac, ainsi que les anémies sont très fréquentes; on doit les attri- tribuer à la mauvaise hygiène des habitants du pays, qui dorment en plein air, se couvrent et se nourrissent mal, etc. Le goitre s'observe dans quelques villes comme Asun- cion, Villa Rica et autres. Asuncion. - L'Asuncion, capitale du pays, compte aujourd'hui 37.000 habitants; elle est située à 77 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur le bord du rio Paraguay. Son sol sablonneux d'une couleur rouge est constitué par les détritus d'une roche boueuse et sablonneuse ; le sous-sol est composé d'argile dure et imperméable. (*) Nous verrons qu'à Asuncion la tuberculose prédomine parmi les femmes du pays. CLIMATOLOGIE MÉDICALE, 754 Les bords du rio sont formés par des terrains d'al- luvion. . Le paysage qu'elle offre est agréable; des plateaux couverts de végétation donnent à la région un bel aspect. Le climat est chaud. La température ne présente pas ces variations brusques qu'on observe autre part. La minima d'été varie entre 13° et 14° et la maxima entre 38° et 39°; elle atteint même parfois à 40°. Il arrive à cette époque que pendant la nuit, il tombe des pluies torrentielles accompagnées de phénomènes électriques très marqués, qui maintiennent l'organisme dans l'état spécial qui est la conséquence de cette atmosphère. Dans ces conditions, on observe les céphalalgies et au- tres maladies nerveuses, qui se présentent ou qui s'ag- gravent si elles existaient déjà. Pendant l'hiver, au mois de juillet, elle descend à 5a au-dessus de zéro, la nuit; durant la journée elle se main- tient entre 25° et 30°. Dans cette saison, il se constate parfois des gelées qui causent de sérieux préjudices à la végétation, et spécialement aux produits des tropiques, tels que le café, etc. La pression barométrique, prise à une hauteur de 80 mètres, est de 741 mm. Neuf mois de l'année sont, d'après de Bourgade, un éternel printemps; les trois autres sont très chauds; ce- pendant la température n'est pas torride comme en Afrique et en Asie ou comme au Venezuela et dans les Guyanes. D'autre part, durant ces mois il ne se passe pas de semaine qu'il ne survienne quelque tempête du Sud amenant la fraîcheur et rendant le climat agréable. La chaleur n'est jamais sèche et l'auteur que nous ci- tons ne se souvient pas d'avoir été incommodé par les vents brûlants qu'on rencontre plus au Nord, à Matto- Grosso ou vers l'Amazone. Les plus fortes pluies se produisent en septembre et octobre; la moyenne du premier mois est de 150 mm., celle du second, de 160 mm. La population se sert de l'eau du rio et de l'eau de pluie; celle de puits n'est pas potable à cause de sa forte saveur. 755 Dans les environs de la ville, du Sud au Nord, existe un cours d'eau qui se jette dans le Paranâ et qu'on appelle la rivière Jaen, véritable foyer d'infection per- manent, qui reçoit tous les détritus des places et des rues. Le marché très négligé est un autre foyer d'émana- tions qu'il est urgent d'assainir. Les latrines constituent une menace constante pour la santé publique; elles ne réunissent aucune des condi- tions les plus élémentaires de construction et de propre- té: ce sont de simples trous creusés à côté des citernes et des puits; aussi s'établit-il entre eux une commu- nication facile. Les eaux sales forment des égouts, qui circulent à l'extérieur. Dans certains parages, il se forme des marais dont l'action sur la santé publique est bien déterminée; ils produisent des fièvres paludéennes, qui cèdent promp- tement à la quinine. Les accidents du paludisme ne sont pas mortels; heureusement les décès qu'il cause sont rares. Les maladies les plus communes sont les cardio-vas- culaires et les gastro-intestinales parmi les hommes; les gastro-intestinales et les pulmonaires (tuberculose), parmi les femmes; les troubles digestifs, les méningi- tes, le tétanos chez les enfants. Dans certaines saisons, les fièvres paludéennes font invasion; on observe assez fréquemment les affections du foie, même celles qui sont produites par des piqû- res d'insectes et qui ont le tétanos pour conséquence. Les maladies syphilitiques et vénériennes sont très répandues; il est nécessaire de réglementer la prosti- tution. Etant données les conditions de l'hygiène générale que nous avons mentionnées plus haut, en présence de l'emplacement défectueux des citernes par rapport aux latrines, il est naturel que la santé publique laisse à désirer, et c'est ainsi qu'indépendamment du paludisme règne la fièvre typhoïde dont on ne peut déterminer exactement l'importance, faute de statistique. La vérité est 756 que cette maladie existe et apparaît au printemps et à l'automne particulièrement; elle n'a jamais été épidé- mique. D'autre part, il n'existe pas d'agglomération de personnes, mais, au contraire, le périmètre peuplé est trop vaste pour le nombre d'habitants. D'après le Dr. R. Madariaga, les cas de typhus qui se produisent, principalement dans la classe pauvre, ont en général la forme adynamique, parce qu'ils frappent sur des organismes minés par la misère; en dehors de cette circonstance, les malades guérissent. Le traitement tonique est ici plus indiqué que tout autre. On a constaté à l'Asuncion quelques cas de goitre. La mortalité générale en 1892 a été de 620; sur ce total: 169 hommes, 220 femmes et 231 enfants. Les mois de juin, juillet, août et septembre sont ceux pendant lesquels la mortalité est plus élevée. Ce fait s'explique par l'action de la grippe qui a fait invasion pendant cette année et qui a augmenté le nombre des malades et des morts. Le chiffre de 231 enfants est considérable. Il faut l'attribuer à l'alimentation qui est insuffisante ou de mauvaise qualité. La méningite, la gastro-entérite et le tétanos contribuent à cette proportion. Quoique le climat soit très chaud, les étrangers le supportent bien. Cependant il arrive que, soit ignorance, soit négligence des personnes, les piqûres produisent des ulcères de mauvais caractère ou favorisent la der- matose. On a vu survenir le tétanos à la suite de ces piqûres. CHAPITRE XXXV RÉPUBLIQUE DES ÉTATS-UNIS DU BRÉSIL Sommaire. -Généralités.-Étude de la ville de Rio de Janeiro: Population, pano- rama, la baie. - Géologie; le sol, les marais, eaux-souterraines. - Les faubourgs. - Le climat.-Morbidité.-Origine de la fièvre typhoïde. - Le baron de Lavradio.-Epidémies des dernières années.-Statistique et com- paraison.-Mortalité générale de 1890 à 1894.-Influence des saisons. - Fré- quence delà tuberculose.-Le Beri-beri.-Enlèvement des matières fécales. -Les égouts.-Projet d'assainissement.-La fièvre jaune.- Le Dr. A. Por- tugal.-Approvisionnement d'eau.-Le supplice de la soif.-Porto-Alegre. ■-Bahia.-Maladies plus communes dans les provinces de Rio de Janeiro, Minas Geraes, San Paulo, Matto Grosso, Sergipe, Alagoas, Pernambuco, Cearâ, Maranhao, Espirito Santo, Parahyba, Paranà, Rio Grande do Sul. Le Brésil est un des pays les plus vastes de l'Amé- rique du Sud. Son climat est chaud; sa végétation, sur certains points, exubérante; l'eau abonde dans quelques régions et plusieurs maladies comme la fièvre jaune, le beri-beri, la malaria sont endémiques. Rio de Janeiro. - La capitale des Etats-Unis du Brésil est située entre les 22°54'24" de latitude méridio- nale, et entre le 45°35'49" de longitude occidentale du méridien de Paris; elle est baignée par la mer au Sud- Est, à l'Est et au Nord; elle compte actuellement 600.000 habitants environ. C'est une vallée constituée par deux chaînes de mon- tagne, dont le Corcovado, à 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, est le point le plus élevé. La ville s'étend à cet endroit jusqu'à une hauteur de 750 mètres. 758 Ses montagnes sont des ramifications de la Cordil- lère Orientale maritime ou montagne de la mer, appar- tenant au système orographique de ce pays, qui s'étend depuis Rio Grande du Sud jusqu'au Cap San Roque. Parallèles à la chaîne de Mantiqueira, elles présentent leur sommet le plus élevé dans la chaîne Orgaoz, Pedra Assü (2.232 mètres) et se dressent, dit Macedo, « comme une muraille superbe en face de la partie septentrionale de la baie de Rio de Janeiro.» Le voyageur qui, de la mer, contemple le panorama de cette belle localité, reste émerveillé de sa magnifi- cence. C'est un véritable rideau, qui cache les germes innombrables de désolation qui pullulent sur ce point. Cette baie est, sans contredit, comme l'affirme Fau- nay, une des merveilles du globe; l'aspect de ces mon- tagnes pittoresques, l'abri qu'elle offre aux navigateurs, la beauté de ses immenses plages, la disposition des collines qui l'entourent et qui sont recouvertes d'une végétation luxuriante, la clarté si vive des tropiques qui l'illumine, le contraste des splendeurs éclatantes et des ombres obscures, tout contribue pour que l'homme extasié voie se dérouler devant ses yeux un des spec- tacles les plus surprenants qu'il ait l'occasion de con- templer sur cette terre. Le fond de cette baie est couvert d'une couche de scorie ou de boue, dont l'épaisseur varie suivant les parages. Les immondices de la ville et les détritus entraînés par les cours d'eau qui y débouchent, contribuent certainement à l'augmenter. Borja Castro raconte, qu'à l'occasion de la construc- tion des jetées de la douane, on a pratiqué des perfo- rations juqu'à 20 mètres au-dessous du fond de la mer et on a constaté que le sol inférieur sur lequel repose cette jetée est constitué par des couches inclinées dans le sens du canal. La première d'un boue liquide a cinq mètres d'épaisseur; la seconde a un mètre et demi de boue, il s'en dégage de l'acide sulfhydrique, et elle pré- sente des coquillages, des ossements, etc.; la troisième, de cinq mètres et demi d'épaisseur, est formée d'argile; la quatrième, de cinq mètres, est formée d'une argile ver- dâtre qui devient noire au contact de l'air, très plasti- 759 que, elle ne renferme ni sable, ni dépôt d'aucune sorte; la cinquième de cinquante centimètres d'épaisseur, offre déjà quelque résistance à la pénétration de la sonde, elle est formée d'argile et d'un gros sable pareil à celui des rios; la dernière d'une argile vermeille est absolument sèche, sablonneuse et très résistante. Dans les temps coloniaux primitifs, le sol était un immense marais formé par deux grandes lagunes com- muniquant constamment avec la mer, de telle façon que pendant les hautes marées, les collines de la partie basse de la ville actuelle étaient converties en de véri- tables îles. Progressivement et en recevant constamment des immondices, le marais s'est comblé. Nous verrons plus loin le rôle important que ce sol ainsi infecté, humide et saturé de matières organiques, joue dans la genèse des maladies zimotiques. D'après les études faites en 1887, par l'ingénieur Ju- les Révy, il existe dans le sol de Rio de Janeiro deux cou- ches distinctes: une, superficielle et très peu perméable, l'autre, sous-jacente, absolument perméable. La croûte superficielle qui a jusqu'à un mètre et demi d'épaisseur est un composé d'argile et de matières organiques ex- trêmement poreux et hygroscopique. Sous cette couche, on en trouve une autre formée de sable et de matières organiques, qui est de plus en plus noire jusqu'à une profondeur de trois mètres au-dessous d'elle, une épaisse couche de sable de cinq mètres d'é- paisseur, d'une couleur claire assise sur un lit de limon dur et imperméable, qui constitue l'alvéole sur laquelle circule l'eau souterraine. Nonobstant cette disposition, la nappe d'eau souter- raine surgit sur certains points à un mètre et demi ou deux mètres de profondeur. Toujours et invaria- blement elle subit l'influence des marées et des in- filtrations des eaux pluviales. Ajoutez à cela, le sol même qui est constitué par la décomposition des rochers, et qui est rempli de matières organiques, par- ticulièrement dans les endroits où autrefois il y avait des lagunes et étangs. 760 On rapporte qu'une excavation pratiquée en 1887, près du canal de Mangue a révélé une couche de terre, es- pèce de bourbier argilo-sablonneux, qui renfermait de nombreux restes de crustacés, et qui dégageait de fortes et abondantes odeurs ammoniacales. On comprend qu'avec les conditions de perméabilité qu'il présente pour l'eau et les gaz, ce sol ait été fa- cilement infecté. Il est regrettable que la nature et les proportions de ces gaz n'aient pas été étudiées; mais l'immondice qui depuis longtemps lui sert de terre-plein, l'existence de conduites d'écoulement des matières fé- cales et des eaux pluviales, construites en matériel très ordinaire, les tuyaux de gaz, la présence de marais dans la ville neuve (dans laquelle quoique ce soit à peu près impraticable, on a tracé des rues et jeté les fon- dements de quelques édifices), l'ancien abattoir, le ca- nal de Mangue, la quantité incroyable d'excréments soli- des et liquides des animaux destinés au service de la population, les abus des personnes peu soigneuses qui violent les dispositions municipales et les ordonnances de la police sanitaire, les torrents descendant des colli- nes, tout cela fait croire, selon Pimentel, à un sol saturé de matières organiques en voie de putréfaction. Si d'après cet auteur, il semble, à première vue, que l'impureté du sol devrait donner à la ville une insalu- brité affreuse qu'on n'observe pas à l'heure actuelle ni à aucun moment, puisque la nature minéralogique du ter- rain fournit toutes facilités pour les transformations mul- tiples par lesquelles doit passer la matière organique avant son ferme final, facilité de métamorphose qui se révèle par exemple, par la force de la végétation, et les immon- dices ensevelies sous la ville à une époque antérieure devant se révéler après leur complète décomposition par l'abondance des corps organiques dissous dans l'eau souterraine, et par la proportion notable d'ammo- niaque et d'acide sulfhydrique qui y sont en dissolution, ce qui n'a pas été démontré par l'analyse, il est autorisé à en conclure, ou que la destruction des mêmes immon- dices se fait rapidement, ou que rien n'est dû à la des- truction ou n'est admissible. 761 Cette eau a une couleur de vin blanc, elle n'a pas de saveur appréciable, elle laisse cependant, à la muqueuse de la bouche, l'impression d'une faible solution rési- neuse; filtrée, elle présente la composition suivante: Résidu d'un litre: 1 gramme 0.860; calciné, le résidu, poids 0.9195; perte par la calcination (matière organi- que) 0.1665; acide sulfurique 0.1614; calcium 0.1714; silice 0.0600; magnésie 0.0052; oxyde de fer et d'alu- mine (a a) 0.0090; potasse 0.0860; chlore 0.1370; ammo- niaque 0.0010; sodium (n'a pas été dosé); acide phos- phorique et sulfhydrique (vestiges). D'après cette analyse chimique, les quantités de matiè- res organiques et d'ammoniaque ne peuvent indiquer si le sol est saturé ou non par les matières orga- niques provenant des immondices, d'autant plus que près de l'endroit où l'eau a été prise, on a démontré qu'il exis- tait il y a plus de 60 ans une des quatre sections qui formaient le champ de Santa Ana qui recevait succes- sivement les immondices de toute classe, que renferment les maisons, les cadavres de chiens, de chats et de mulets, la vaisselle brisée, les chapeaux, les vêtements hors d'usage, les ordures et les eaux sales des maisons. Les cours d'eau, qui se jettent dans la baie de Rio, appartiennent uniquement à la ville de ce nom ou à la province. D'après Azevedo Pimentel, ceux qui dépendent de la première sont: Guandü, Cattete, Comprido, Tïa- picheiro, Maracanau ou Andarahy, San Christovao, la- gune Freitas et les ruisseaux Macaco, Cabeça, Berquo. Parmi ceux qui sont situés en dehors du municipe et de ses faubourgs, il faut citer: Praia-Pequena, ou de Faria, Pacheco, Sarapuhy, Ignassü ou Inhominui, Magé- assü, Magé-minin, Imbassahy, Guappy, Guarahy, Guas- cindiba, Imboassû, le ruisseau de Barreto et celui de San Lorenzo, qui appartiennent à Nictheroy. Au point de vue de la constitution géologique, on reconnaît dans son sol, le gneiss stratifié recouvert d'une couche de terre végétale; indépendamment du gneiss et du micaschiste des roches métamorphiques, on trouve le granit et la siénite. 762 La micaschiste abonde. Les environs de Rio de Janeiro sont, au dire de Liais, une des régions les plus favori- sées, sans contredit, pour étudier la transformation suc- cessive des roches métamorphiques en roches solides et pour se rendre compte de la série de transitions par les- quelles cette transformation s'opère, depuis les gneiss les mieux caractérisés et les plus schistoïdes jusqu'aux roches granitoïdes divisées en bancs distincts et même en masses granitoïdes et porphyroïdes sans aucune trace de stra- tification. De l'observation des différentes élévations qu'on ren- contre dans le périmètre de la ville, il résulte, d'après Azevedo Pimentel, que le processus géologique ne s'est pas accompli partout en même temps, ni avec la même intensité; qu'il varie d'une façon notable d'un point à un autre, et sur le même point suivant le plus ou moins de résistance qu'il offre aux causes de décomposition ou suivant la qualité et le mode d'agrégation des particules élémentaires. La décomposition des roches métamorphi- ques qui sont si abondantes dans cette ville et dans les environs, s'opère par l'action puissante de l'eau, par l'atmosphère et par la présence des hommes qui peu- plent la terre. Les études faites sur la constitution du sous-sol dé- montrent qu'il est humide et saturé de matières orga- niques. Aussi le Dr. Pires de Almeida lui attribue une grande importance pour la germination de la fièvre jaune et de toutes les maladies zimotiques. Il dit que la principale cause de cette germination et de l'in- salubrité de Rio réside, sans aucun doute, dans son sol humide et saturé de matière organique, spécialement dans la partie basse de la ville que les statistiques dé- mographiques sanitaires signalent de tout temps comme fournissant un coefficient beaucoup plus considérable que la partie haute à la morbidité et à la mortalité. Des couches qui représentent le rôle des liquides et des solides des cultures des bactériologistes, la première excessivement poreuse, hygroscopique et saturée de ma- tière organique, ajoute-t-il, est, sans aucune doute, la plus dangereuse, puisque les spécialistes les plus auto- 763 risés affirment à l'unanimité que les germes pathogènes ne sont pas susceptibles d'évoluer en général à un mètre de profondeur au-dessous du sol. C'est là, par suite, que doivent se trouver les germes parasitaires qui, sous l'influence de la chaleur appropriée à chaque bactérie, de l'air et d'un certain degré d'humidité com- patible avec ce même air, se reproduisent avec une intensité d'autant plus grande que ces conditions leur sont plus favorables et que le terrain préparé à ce mode de culture est plus épais et plus vaste. Par suite des mouvements ascensionnels de l'eau, ces éléments sont souvent ramenés à profusion jusqu'au terrain superficiel qui est propice à leur multiplication; et en discourant sur ce sujet, il continue ainsi: « Sous l'influence des mouvements qui s'opèrent dans les couches de l'air tellurique dans le même sens, ces germes sont ramenés à la surface du sol, et l'air que nous respirons comme l'eau que nous buvons, constituent l'intermédiaire par lequel ils pénètrent dans l'organisme animal où ils s'établissent. Non seulement ces germes dévorent le point de l'organisme sur lequel ils se fixent, mais encore ils déterminent la formation de poisons plus subtils et plus meurtriers qui pénètrent dans le sang et l'envahissent et, par le moyen de l'appareil circulatoire, apportent la désorganisation et la mort aux derniers éléments. « L'eau souterraine dans ses courants et dans ses ondulations, exerce à son tour une influence extraordi- naire sur ces germes, soit comme élément indispensa- ble de leur vie, dans une quantité déterminée, soit comme le meilleur moyen de les transporter à la surface du sol, à l'air atmosphérique, aux versants des colli- nes, aux sources, aux réservoirs et aux dépôts d'eaux, etc., soit dans les oscillations ascendantes, en chassant l'air tellurique, autre élément également indispensable à la vie des êtres, en diminuant l'épaisseur du terrain de culture, jusqu'au point de le supprimer quand l'inondation est totale; soit dans les oscillations des- cendantes, en augmentant la consistance du terrain, qui est parfois contaminé à l'avance par les ondulations 764 du sol qui ont transporté jusqu'à la couche superficielle une plus grande quantité du principe virulent exis- tant dans les couches profondes et de nouveaux élé- ments de fermentation. « Comme on ne peut supprimer la chaleur qui vient du sol, ni remplacer le sol infecté sur lequel la ville est construite; comme il ne convient pas, ainsi que nous l'avons dit, de le submerger, il reste à diminuer son humidité ou à pratiquer son drainage. Pour cela, il y a deux choses à faire simultanément: empêcher que l'eau souterraine ne remonte à la surface et que l'eau de la surface n'imbibe le sol. «Pour obtenir le premier desideratum, le moyen con- siste à fixer si profondément le niveau de l'eau souter- raine qu'elle ne puisse remonter à la couche superfi- cielle où la vie est possible. On y arrivera par le drainage perméable installé systématiquement de façon à détenir l'eau souterraine à une profondeur qui ne sera jamais moindre de deux ou trois mètres. Il est évident que le drainage doit s'accorder avec la com- position géologique du sol, en tenant compte de sa perméabilité. « Pour obtenir le second desideratum, c'est-à-dire que les eaux de la surface ne traversent pas la couche su- perficielle du sol, pour lui fournir cet élément indis- pensable de vie, il y a un moyen, qui est le pavage imperméable. Les germes pathogènes trouvent dans ces conditions des aptitudes pour la pullulation, et les maladies infec- tieuses si enracinées et si meurtrières dans cette ville, font d'innombrables victimes parmi les habitants. C'est ainsi que la fièvre jaune, le beri-beri, la tuber- culose, dominent sa morbidité, de même que cette der- nière, à cause de l'action constante de l'humidité du sol, atteint une fréquence qui étonne les hygiénistes. Le milieu est spécialement favorable pour le dévelop- pement des microbes, et ajoutons que, d'un autre côté, ils sévissent sur des organismes déjà affaiblis par un climat excessivement chaud. 765 Voyons quels sont les éléments du climat de Rio de Janeiro, dans le tableau suivant: 2' o o ® o g g <t ®' 2 2 < £■ c- - £' - hj As < o g g g- « " o • - " 2. 3. 5- 3 o- : • : : : : MOIS ÿ Cl C* CI c! G ® & ÿoî ü! ÿ m en ci oo o k> o oo oo ci oo OOi < 'J O X G M (3 ÎC ® -4 (C CO - {Cl- 00 O - M X iv K1 Baromètre à oo m m <c te - otcfcoooo «o c o iU œ m ii <i a - w ü ÎCiCClGlOOCO-tOOCOOO Différence entre le maximum et le minimum barométrique (C (C W (C (C - 1- {3 K) K) K) 4ù.(Ci- >- OOîO>- coutoîci >- a w ik w ri i c œ c - - Température centigrade à l'ombre (C l-* - - - (0 - 1- - - - (3 >U X ot O O W 4- 'O 4- C O Différence entre le maximum et le minimum thermométrique -1 30 W 00 OO -4 -W -J o ci 3* <3 c - ce ci en o eu Humidité relative - ci br >- Evaporation totale dans un mois O O. X ci a >O 31 -4 Q 33 - Ozone - - - iCii-i- O 03 O X ;3WO<(3£'h- -l'X O '-l (3 -1 (3 O 4> 4i oo m o o ci -)o o «o to oo o O (3 a X O' Ql O o X' U! o o Pluie tombée Nombre de jours de pluie Les pluies sont ainsi représentées pendant les années ci-après : 1886 149 jours de pluie 12.87 mm. d'eau 1887 154 » 13.15 » 1888 169 » 13.99 » Etudions maintenant quelles sont les conditions de la morbidité. Les renseignements les plus sérieux sur l'origine de la fièvre typhoïde à Rio de Janeiro, établissent qu'elle a été importée en 1836, par un navire venant des îles Canaries avec 500 colons. Il avait employé 62 jours pour son voyage et arrivait à destination le 26 mai de cette année. La maladie se développant avec un caractère épidé- mique, attaqua uniquement ces colons, aussi bien ceux 766 qui descendirent à terre, que ceux qui furent passés sur le navire Pedro IL La maladie se déclara également à bord de la frégate Principe Impérial sur quelques étu- diants en médecine, qui avaient servi dans l'hôpital de Santa Casa de Misericordia où avaient été soignés des malades atteints de cette fièvre. D'après le Dr. Valladaô, l'épidémie n'atteignit pas heureusement la population de la ville, à raison des conditions défavorables pour son développement et sa propagation. Le thermomètre Réaumur marqua pendant les trois mois de maladie (juin, juillet et août), une moyenne de 11 à 18 degrés, d'après les observations du Dr. Freire Allemaô, faites pendant cette année et con- signées dans le journal de l'Académie. Un fait incontestable de l'observation clinique fut, dit le baron de Lavradio, que la maladie se communi- qua des malades qui entraient à l'hôpital de Miseri- cordia à ceux qui s'y trouvaient déjà à raison d'autres affections comme nous l'affirmons et comme l'assurent le baron de Petropolis et le Dr. de Simoni, les deux médecins qui ont soigné ces malades dans cet hôpital. La majeure partie de l'équipage du navire Pedro II, fut également atteinte. Le nombre des personnes qui con- tractèrent cette fièvre fut de 64 qui, ajouté aux 20 malades de la frégate Principe Impérial, donne un total de 84 malades en traitement dans cet hôpital. Sur ce chiffre, neuf succombèrent. En analysant quelques cas qui, ajoute-t-il, furent mar- qués par des symptômes peu significatifs, la maladie fut toujours caractérisée par trois périodes distinctes dans les cas les plus réguliers: la première, marquée par les symptômes d'un embarras gastro-intestinal in- tense; la deuxième, par des phénomènes ataxiques; la troisième, par des phénomènes adynamiques et ataxo- adynamiques. Dans chacun d'eux, la convalescence s'est annoncée presque toujours par une crise accompagnée de sueurs, d'urines abondantes, ou des déjections alvines, ordinai- rement bilieuses, qui se produisaient aux 7, 11, 14, 19 767 et 21 jours de la maladie, et bien rares étaient les cas dans lesquels le malade survivait, si la crise ne s'effectuait pas pendant un de ces jours. Le même auteur décrit ainsi cette affection. « Première période: Les symptômes de cette période se réduisent aux suivants: injection plus ou moins forte des conjonctives, impossibilité de supporter le grand jour, vertiges, épistaxis, céphalalgie supra-orbitaire into- lérable, hébétude, visage pâle ou livide, intelligence par- faite au réveil, subdelirium., insomnie obstinée, ou abat- tement profond, douleurs vagues dans le tronc et dans les membres d'un caractère contondant, chaleur intense et brûlante, horripilations fréquentes avec une sensa- tion de froid le long de l'épine dorsale, pouls régulier', mais compassé d'ordinaire, langue humide le plus sou- vent, avec de la saburre blanche ou jaune très épaisse et quelques rougeurs sur les bords, et quelquefois trem- blante, une soif presque toujours intense, des nausées, des vomissements muqueux ou bilieux, le ventre ballon- né, constipé, plus ou moins sensible à la pression dans l'hypocondre droit ou l'épigastre, le foie un peu gros, gorgorisme très marqué dans les fosses iliaques, sur- tout dans la droite, urines rares, sédimenteuses et d'une couleur sombre. Chez quelques malades, on observe déjà pendant cette période des petéchies et des taches typhiques et parmi les colons des équimoses scorbu- tiques. « Ces symptômes s'aggravent chez tous les malades, à de rares exceptions, à partir de onze heures du matin jusqu'au soir; cette aggravation coïncide ou ne coïncide pas avec les horripilations. « La durée de ces phénomènes se prolonge jusqu'à 5 ou 6 heures du soir, moment où s'opèrent d'importants changements, selon la marche ultérieure de la fièvre. Si celle-ci ne devait pas dépasser le premier septénaire, tous les symptômes paraissaient s'aggraver, mais la saburre de la langue semblait se détacher de la pointe vers la base, le tympanisme diminuait, l'apparition des épistaxis, de sueurs copieuses, d'urines et d'évacuations 768 abondantes, faisait tomber ia réaction et décliner la maladie dont la convalescence commençait après 9 ou 10 jours de traitement. Si au lieu de cette amélioration, la maladie entrait dans d'autres périodes, les symptômes des désordres digestifs se maintenaient à un degré égal sinon plus élevé, et l'ataxie qui caractérise la seconde période se déclarait. « Dans les recherches nécroscopiques, une des altéra- tions constamment observées, surtout chez les individus dont l'affection avait duré le plus longtemps, fut l'in- flammation des follicules de Peyer et des glandes de Brunner. Sur quelques cadavres, le développement qu'ils présentaient et leur agglomération étaient si sensibles et si considérables, principalement à la fin de l'iléon, qu'ils se réunissaient formant des plaques plus ou moins grandes, dont quelques-unes avaient plus d'un pouce d'étendue. Dans presque tous les cas de cette espèce, les ganglions mésentériques étaient apparents, très grossis et d'une couleur rosacée. Le gros intestin ne présentait que chez quelques-uns des traces d'inflam- mation; la vessie et les reins n'offraient rien de remar- quable. « Le traitement institué au début consistait à pratiquer des saignées générales et locales, on administrait des diaphoniques faibles, en un mot le traitement anti-phlo- gistique. S'il y avait des symptômes nerveux, on ajoutait à ces moyens les calmants et les révulsifs externes; si les adynamiques dominaient, on donnait les stimu- lants, les toniques tels que l'eau Anglaise ou la décoc- tion de Lewis, les frictions excitantes de la peau, etc.; quand, depuis le début, il se manifestait des caractères rémittents sensibles, on employait également le sulfate de quinine. « Avec ce traitement mutatis mutandis employé par le Dr. Pereira da Costa à l'hôpital de marine, de nom- breux malades ont été sauvés et même ceux pour lesquels tout espoir de guérison semblait perdu. « Sur l'indication du Dr. Joaquin José de Silva, on essaya la méthode de Curie, des ablutions d'eau froide, dans les infirmeries de la clinique, en l'associant à l'emploi des 769 diaphorétiques et autres moyens réclamés par les cir- constances. On obtint de bons résultats de cet essai; en effet, non seulement presque tous les malades gué- rissaient, mais encore la maladie durait moins long- temps et la convalescence était plus rapide. Le Dr. de Simoni a traité les malades confiés à ses soins avec le tartre-émétique à haute dose, suivant les préceptes de la doctrine Razorienne et a obtenu un ré- sultat satisfaisant par faction de cet agent, malgré les lésions importantes des voies digestives que révélait l'examen cadavérique. En 1842, la lièvre typhoïde se montra de nouveau avec un caractère épidémique. Le baron de Lavradio la décrit ainsi: «Au commencement de cette année, une fièvre grave s'est propagée chez quelques personnes ré- sidant près de Carioca et dans les environs de la rue Uruguayana, et notre illustre et distingué professeur Octaviano Maria de Rosa en a été victime. Son plus grand développement a coïncidé avec l'ouverture d'un égout qui existait sur ce point; par suite de la négli- gence de la municipalité, cette excavation est restée ouverte pendant longtemps, et cette circonstance a beau- coup influé sur la propagation de la maladie. L'uni- formité et la gravité des symptômes qui la caractéri- saient, leur similitude avec ceux du choléra-morbus, la rapidité avec laquelle la mort se produisait, et les cas fréquents qui avaient lieu, ont fait croire à quel- ques médecins que cette maladie était le choléra- morbus, d'autant mieux que le nombre des cas était suffisant pour faire présumer l'existence d'une épi- démie. « Les médecins ne voyaient dans ces cas que la re- production d'un fait constaté chaque année en automne et en été, saisons pendant lesquelles les fièvres perni- cieuses régnent avec plus ou moins de force et d'in- tensité, suivant les conditions climatériques qui domi- nent. Ils prenaient dans cette circonstance un caractère typhique, non seulement par l'influence de la saison, mais encore par suite des conditions spéciales signalées CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 49 770 plus haut. Pareille opinion est d'autant plus vraisem- blable que depuis le mois d'octobre de l'année précé- dente on avait observé assez fréquemment des fièvres typhoïdes, plus ou moins graves, qui attaquaient prin- cipalement les enfants de 1 à 9 ans. » Après cette invasion, la fièvre typhoïde parut avec un caractère intense en 1857, en même temps que les fièvres intermittentes et la fièvre, jaune. Il faut obser- ver que l'état météorologique fut défavorable durant cette année, le degré hygrométrique s'était élevé, il avait plu beaucoup, les vents du Sud dominaient, et les variations thermométriques étaient très fréquentes. Depuis cette dernière date, selon l'avis du Dr. Portu- gal, la fièvre typhoïde a passé comme inaperçue jus- qu'en 1873. où elle a fait une irruption épidémique très meurtrière. A partir de cette époque jusqu'à 1890, cette maladie s'est maintenue dans une moyenne très mo- deste, avec une tendance manifeste à diminuer. Dans l'opinion de médecins distingués, elle ne pré- sente plus la forme classique qu'elle avait prise en 1873. Avant 1868, on la confondait avec la malaria et on la faisait figurer avec d'autres fièvres sous la rubrique de fièvres diverses; pour ce motif, les renseignements exacts qu'on a sur elle, ne partent que de cette époque. Dans une période de 27 ans, c'est-à-dire de 1868 à 1894. la fièvre typhoïde a produit à Rio de Janeiro 4.902 décès, comme on peut le voir par le tableau suivant: 1868 321 1869 180 1870 268 1871 192 1872 206 1873 627 1874 149 1875 167 1876 239 1877 153 1878 208 1879 168 1880 178 1881 186 1882 149 1883 160 1884 154 1885 189 1886 132 1887 90 1888 104 1889 144 1890 97 1891 110 1892 117 1893 70 1894 144 Total. 4.902 Ces chiffres étant exacts, on constate une diminution du typhus. 771 La mortalité typhique comparée à la mortalité géné- rale est de 2.2%. En ce qui concerne l'influence des saisons, sur le typhus, on peut consulter le tableau suivant: Total.... 00 00 00 00 00 CO 00 00 00 00 O CO 00 -4 Ci ANNÉES 00 h- œ >- h- 00 W O CA *4 Janvier en 00 00 Cl 00 -4 Février CO cO cO Ci 00 Mars O •- O CA cO -4 Avril CH 00 - b3 O >- CO H- Mai CH b» CI O 4 » æ Juin bD w U- -1 rfx 07 ■oc Juillet bo iO CO bO 00 Ci Août bS OS CÛ -) o< 4- OC Septembre O Ci O CO 1-' Octobre ►U Ci O 00 00 O <t Novembre O N> CD cO 4 W Décembre La prédominance de cette affection pendant l'été est évidente; on fait la même observation à propos de la fièvre jaune et du beri-beri. Dans la période de 1835 à 1840, et en calculant la population à 90.000 âmes, le coefficient de mortalité a été de 61.2 par 1000 habitants. De 1885 à 1890, la pro- portion de la mortalité est de 29.4 par 1000 habitants. En 1890, le chiffre absolu des décès a été de 13.725 sur 520.000 âmes environ, c'est-à-dire que le rapport est de 26.3 morts pour 1000 habitants. En 1891,1a mortalité s'est élevée à 23.845 et comme la population était sen- siblement égale à celle de 1890, on a un coefficient de 45.2 par 1000 habitants. En comparant ces renseignements avec ceux des sta- tistiques européennes, le Dr. Portugal déduit que Paris, Saint-Pétersbourg et Bruxelles présentent une mortalité supérieure à celle de Rio de Janeiro et que, en 1890, toutes les grandes villes d'Europe comme Londres, Edimbourg, Berlin, Vienne, Stockholm et autres ont eu une mortalité relativement beaucoup plus élevée que la Capitale du Brésil. 772 Nous avons déjà vu que la fièvre typhoïde représente 2.20% de la mortalité générale de Rio; voyons mainte- nant quel est son coefficient dans quelques villes d'Eu- rope et d'Amérique et spécialement dans celle que cite le Dr. Portugal durant les années suivantes: 1886 1887 1888 1889 1890 Paris 1.8 1.81 1.20 Saint Petersbourg 3.7 3.20 3.1 2.92 2.08 Bruxelles 1.2 0.72 0.90 0.90 1.02 Rome 1.7 1.99 1.9 1.65 1.49 Vienne 0.4 0.39 0.5 0.50 0.36 Buenos Aires 2.72 2.38 3.22 3.55 3.93 Baltimore 2.2 2.55 2.2 2.22 2.4 Philadelphie 3.0 2.86 3.9 3.55 3.04 Rappelons, cependant, que de 1835 à 1840, la morta- lité à Rio de Janeiro a atteint 61.2 par 1000 habitants et que de 1885 à 1890, avec une population de 450.000 âmes, la proportion a été de 29.4 °/00. En 1890, le coefficient de mortalité fut de 26.3 °/00 et en 1891, le total des décès a atteint 23.845 donnant, par suite,une proportion de 45.2 °/00. Durant la même année 1890, le coefficient de morta- lité dans les principales villes a donné pour 1000 habi- tants: Manchester 31.1, Paris 24.9, Marseille 34 5, Munich 30.5, Strasbourg 25.1, Zurich 16.1, Genève 22.3, Vienne 25.0, Rome 23.5, Venise 27.9, Buenos Aires 29.99, Moscou 40.3, Hambourg 32.8,- Le Caire 46.8, New-York 38.5. En 1890, le chiffre de mortalité est certainement fa- vorable à Rio, par rapport aux autres années, mais, par contre, en 1891, le coefficient de 45.2 par 1000 habitants la met au même rang qu'Alexandrie, Le Caire, Port Saïd et même au-dessus de Moscou. Le tableau suivant fera comprendre plus facilement le mouvement mortuaire par les maladies infectieuses 773 et les chiffres de la mortalité absolue, pendant les années 1890, 91, 92, 93 et 94 à Rio de Janeiro. 1890 1891 1892 1893 1894 Fièvre jaune 719 4.456 4.312 742 4.775 Tuberculose 2.202 2.378 2.185 2.129 1.127 Variole 361 3.944 380 54 86 Beri-beri 332 156 191 81 363 Malaria 1.237 2.235 2.070 1.210 1.499 Fièvre typhoïde 97 110 117 70 144 Diphtérie 28 42 35 16 33 Rougeole 18 64 14 54 4 Scarlatine 2 9 9 - - Dysenterie 70 71 175 144 107 Entérite 590 1.120 1.085 - - Mortalité générale ( les mort- nés inclus ) 13.725 23.849 19.996 13.442 19.221 La fièvre jaune est endémique dans plusieurs villes du Brésil, et Rio de Janeiro lui paye son tribut toute l'année. Le Brésil est un des foyers les plus importants de cette maladie, à l'étude bactériologique de laquelle le Dr. Freire s'est dédié. Cette même affection prend parfois un caractère épidémique, et ses proportions sont alors alarmantes. Cependant dans l'année 1893, les chif- fres de sa mortalité comparés à ceux des années pré- cédentes, accusent une diminution. La tuberculose revêt des formes variées et sa fré- quence est alarmante Le tableau ci-dessus démontre qu'elle constitue le 16 % de la mortalité totale en 1890, mais en 1894 ses proportions ont diminué. Le paludisme est fréquent. Quant aux autres maladies infectieuses, les renseig- nements que nous avons donnés suffisent. Nous connaissons déjà la statistique démographique de cette ville; complétons ce que nous avons dit sur ses conditions locales avec les considérations qui sui- vent: 774 Dans l'opinion du baron de Lavradio, l'enlèvement des matières fécales se faisait à Rio de Janeiro d'une façon honteuse et ridicule. Accumulées dans des barils qui se déposaient dans le fond des maisons,, de préférence dans quelque trou, ces matières étaient conservées dans les habitations aussi longtemps qu'il le fallait pour que les barils fussent absolument pleins. Les termes dans lesquels le Dr. Azevedo Pimentel décrit l'opération de l'en- lèvement des ordures des maisons, ne laissent pas que d'offrir un intérêt; les voici: « Les barils bouchés par un morceau de bois ou recouverts d'un drap, aussi vieux qu'immonde, répandaient une odeur infecte pendant le transport jusqu'au point de la plage où l'on devait les vider. Ce transport s'effectuait à toute heure du jour, contrairement aux dispositions de la législation munici- pale, mais il augmentait à l'entrée de la nuit, et offrait un spectacle barbare aux promeneurs des rues les plus fréquentées, danger ou crainte tout au moins quand, par hasard, soit par malveillance, soit par excès de boisson, le chargeur venait à tomber, et quand le contenu du tigre (') se répandant, faisait prendre un bain original au conducteur contre les épaules duquel les arcs infé- rieurs du baril venaient frapper ou, quand quelque malheureux passant recevait les éclaboussures de quelque chose. » Pour améliorer un état de choses si immonde et si sauvage, on a mis en pratique plusieurs systèmes: on a déposé les excréments dans des barils de fer ou de bois hermétiquement clos; on a proposé ensuite de transporter ces barils dans des chars, mais comme ceux-ci étaient mal construits, on n'a pas obtenu de résultat. Récemment on a amélioré le service en question avec la proposition Rhodas qui évitait ces inconvénients; on employait également des barils de bois très bien fermés qu'on transportait dans des chars maintenus dans un (*) Nom du réceptacle des matières fécales. 775 état de propreté irréprochable; le baril qu'on emportait était remplacé par un autre vide et nettoyé avec soin. Cette entreprise échoua ensuite parce que la population ne voulait pas payer le tarif de 400 réis par baril qu'on imposait à chaque maison; on revint au système pri- mitif qui resta encore en vigueur pendant plusieurs années. En 1857, on traita avec M. Rusel pour le transport jusqu'à la mer au moyen de conduites fermées et sou- terraines, des matières fécales et des eaux sales après les avoir désinfectées; on devait construire des cham- bres pluviales et travailler au dessèchement du terrain sur lequel la ville s'élève. En 1862, on commença l'ins- tallation en la divisant en trois sections, et en 1864, on inaugura les services du troisième district appelés d'essai. Le reste des travaux fut livré au service public en 1866. On a continué aies étendre jusqu'en 1888, époque à laquelle, dit Azevedo Pimentel, prirent fin les travaux supplémentaires entrepris pour éloigner les matières fécales de la partie basse de la ville neuve, et com- mença à fonctionner la pompe de pression de la maison des machines, construite à côté de l'asile des men- diants. Elle a un peu d'étanchement dans son niveau le plus bas vers lequel convergent les conduites des rues adjacentes sans une inclinaison suffisante. C'est de ce point que les excréments sont refoulés dans des condui- tes de fer vers la galerie de la rue du sénateur Euzebio, dans les environs de la place Once de Junio. L'opinion dominante actuellement, est que la provision d'eau, ainsi que le service des égouts sont défectueux. Les critiques les plus sévères sont formulées contre la construction de ces derniers et contre l'installation des appareils domiciliaires. On a dit dans la presse de Rio qu'au lieu d'être utiles, les égouts étaient préjudiciables puisqu'ils donnaient lieu à un stationnement des im- mondices et puisque les gaz se dégageant de leur fer- mentation remontaient dans les maisons par les mêmes conduites. Un nouveau projet d'assainissement a été présenté au Congrès National en juillet 1892, par Francisco de 776 Doucher, Luis Laureys et Guimarâez Bonjean, projet considéré comme le plus complet, le plus sérieux et le plus efficace qui ait été étudié sur cette question. Ses auteurs attribuent finsalubrité de Rio de Janeiro aux causes suivantes: 1° Corruption du sous-sol. 2° Faute de provision d'eau. 3° Absence de moyens d'écoulement des eaux sales pluviales. 4° Système défectueux de la canalisation de la compa- gnie City Improvements. 5° Existence du canal de Mangue. 6° Défaut de propreté dans certaines propriétés pri- vées. 7° Ils exposent en conséquence les moyens qu'ils con- sidèrent comme capables de conjurer un danger public aussi sérieux. Le drainage du sous-sol de Rio est une des mesures d'assainissement à laquelle on attribue le plus d'im- portance dans différentes articles qui ont été publiés dans les journaux de cette capitale les plus récents, à raison de l'influence qu'il exerce sur le développement de la fièvre jaune, et par suite, de la fièvre typhoïde qui a une origine infectieuse identique. Le Dr. Pires de Almeida dit dans des articles parus dans la « Gazeta de Noticias » : « Ce drainage s'est fait accidentellement, sans le moin- dre but, sans la moindre intention, sans expérience: cependant les événements nous fournissent le moyen de calculer l'importance de cette mesure si nous avions su profiter de cette leçon du hasard. Qui donc, par exemple, connaissant la cause qui a agi si favorable- ment sur l'intermittence ou l'interruption de l'épidé- mie de fièvre jaune de 1864 à 1867, ou plutôt de 1862 à 1867, contesterait que le drainage du sous-sol assu- rerait l'assainissement de la ville? » Les paroles suivantes sont du Dr. Aureliano Portu- gal, et nous nous les approprions: «On sait que de tous 777 les moyens d'assainissement du sol, celui que l'hygiène préfère comme le seul capable de donner de bons ré- sultats, c'est le dessèchement par le drainage ou par certaines cultures, quand elles sont possibles. Ainsi l'assainissement des égouts de la ville avec une incli- naison vers le littoral a établi une sorte de drainage peu durable, il est vrai, mais actif surtout au début, des couches superficielles, et il a rendu impossible, pour un temps, la vie du germe exotique du typhus améri- cain encore peu acclimaté parmi nous. « Une rapide analyse comparative des travaux des égouts et de la mortalité de la fièvre jaune pendant cette période de cinq ans prouvera d'une façon irréfutable la vérité que nous venons d'énoncer. « En effet, les travaux des égouts furent commencés en 1862, dans les trois districts du centre de la ville; ceux du premier et du troisième districts furent termi- nés en 1865 et ceux du second en 1866 ; par suite en 1863. ils devaient être très avancés et les galeries prin- cipales étaient peut-être terminées. « En conséquence, observons le tableau des décès causés par la fièvre jaune pendant cette période de cinq ans: 1860 1.236 1861 247 1862 12 1863 15 1864 à 1868 0 « On voit donc, par cet exposé, qu'à mesure que le drainage du sol s'effectue par les conduites des égouts, les couches superficielles du sol se dessèchent, la fièvre jaune diminue rapidement d'intensité et cesse complè- tement avant que les égouts commencent à fonctionner. C'est une preuve rigoureuse irréfutable que Rio de Ja- neiro doit au dessèchement de son sol, aux travaux des égouts l'interrègne de l'empire de la fièvre jaune 778 qui n'a reparu qu'à la suite d'une nouvelle importa- tion. » Sa population primitive buvait l'eau qui venait des mon- tagnes, mais comme on rencontrait des difficultés pour la faire venir, on pensa ensuite à utiliser celle du rio Carioca, c'est ce qui se fit. Plus tard ce service fut re- connu insuffisant et on l'augmenta avec les eaux pro- venant du rio Andarahy. L'eau était si rare à certaines époques, qu'il se pro- duisait de véritables calamités publiques quand la sé- cheresse se prolongeait. En 1847, il revenait à chaque habitant 59 litres d'eau par jour; en 1859, 50 litres; en 1860, 20 litres; en 1864, 31 litres; en 1866 on établit la moyenne quotidienne de 16 à 18 litres. La rareté de l'eau ne pouvait être plus grande. Actuellement on utilise pour la provision d'eau les rivières suivantes: toute celle du rio de Ouro, dans la chaîne appelée Tinguâ; celle du rio San Antonio, dans la même chaîne ainsi que les affluents des rios Iguassü, Colomy, Boa-Esperança, Giro-Comprido, Bacurubu, Can- tagallo, et autres moins importants dans la chaîne du Comercio ; on détourne également les sources supérieu- res du rio San Pedro, dans la montagne du Comercio, celle du rio Mantiqueîra, dans Juan Pinto, affluent du rio Cherem, dans la chaîne de la Estrella. La provision a été augmentée en 1885, avec les eaux de quelques autres rivières qui toutes sont considérées comme potables, et à ce titre livrées à l'usage journa- lier. Pour ne pas prolonger cette énumération, nous dirons que l'analyse de quelques-unes de ces eaux a démontré qu'elles renfermaient du sodium, de la potasse, de la chaux, de la magnésie, de l'oxyde de fer (des vestiges), du chlore, de l'acide silicique, de l'acide sulfu- rique, de l'allumine, de l'acide nitrique (des vestiges), des matières organiques (des vestiges). Relativement à la quantité, nous devons dire qu'à Rio, l'opinion est unanime à la juger insuffisante, sur- tout dans un pays tropical où les fermentations sont 779 plus rapides, et où, par suite, on a besoin d'un lavage plus fréquent. O' Paiz du 16 Janvier 1892, s'exprime ainsi: a Le supplice de la soif. C'est une honte pour l'étranger qui nous lit. Dans une ville tropicale, sous un soleil ardent, avec une température de trente et tant de degrés, où les fièvres dominent, la presse crie tous les jours contre le manque de l'élément le plus précieux de la propreté, du liquide le plus nécessaire à l'économie domestique, et elle crie dans le désert, elle crie sans être en- tendue. « A Paula Mattos, dans la partie qui se dirige sur Catumby, il y a une sécheresse absolue. A Santa Te- resa, tout le monde se plaint. Dans la rue Joaquin Silva, il y a des maisons qui n'ont eu d'eau jusqu'au 4 courant. Il en est de même à l'Ecole Militaire. « Pour remédier à l'insuffisance de la provision d'eau dans la ville, on a proposé de canaliser le rio Parahyba et d'amener ses eaux jusqu'ici. Il faut construire 150 kilomètres de canal. La commission chargée de se pro- noncer sur cette question, composée de MM. les docteurs Domingo Freire, Felicio dos Santos, Francisco de Castro et autres, est d'accord sur la bonne qualité de ces eaux, et sur la nécessité qu'il y a de les faire venir pour as- sainir Rio de Janeiro. » Nous remercions ici le Dr. C. Rojo, médecin, ancien consul de la République Argentine à Rio de Janeiro qui a bien voulu nous offrir quelques renseignements sur cette ville. Porto Alegre. - Porto Alegre a une population de 50.000 habitants environ, dont 8 à 10.000 étrangers ( un tiers allemand, un tiers italien, et le surplus d'.au- tres nationalités ). La morbidité ainsi que la mortalité sont très élevées dan cette ville, et la tuberculose, la fièvre typhoïde et les gastro-entérites en font les principaux frais. La tuberculose, d'après le Dr. Olinto, a ici une fré- 780 quence effrayante, avec toutes ses formes, où il n'est pas rare de rencontrer les typhus-bacilloses de Landouzy, quelquefois si difficiles à distinguer des dothiénentheries; les enfants payent un tribut considérable aux formes aiguës et.sub-aiguës, sans parler des tuberculoses atté- nuées ( scrofuloses ) si fréquentes chez eux. La diphtérie n'est pas très commune, et il semble qu'elle n'ait déterminé aucune épidémie remarquable. Cependant elle offre une particularité inexplicable, mais qui a été observée par divers praticiens, c'est la fré- quence presque exclusive de la maladie chez les enfants des étrangers, et plus encore, chez ceux de la race anglo-saxone (allemands, anglais, danois). D'autre part les enfants des nègres en sont ordinairement indem- nes. Cette affection est généralement bénigne, et sou- vent on ne perdra pas que des cas où il y a eu du croup. x L'influenza s'est installée depuis peu d'années; elle a toujours peu de gravité; ses formes en sont très variées, et la mortalité à peu près nulle. On constate le paludisme de même qu'à Rio de Ja- neiro. La fièvre typhoïde est très commune, surtout dans la saison chaude, où elle se continue insensiblement par des cas de transition, avec ces nombreuses gastro-en- térites, embarras-gastriques, typhoïdettes, etc., qui se produisent partout où l'été est rigoureux. Ordinairement elle affecte à Porto-Alegre des formes variées, s'écartant beaucoup du type classique surtout pour la marche de la température. C'est ainsi qu'on voit le type intermittent ( apyréxie de grand matin avec 39°, 40° le soir, et cela aux périodes mêmes de fastigium), le type inverse (fièvre s'accentuant le ma- tin pour diminuer le soir), l'invasion brusque (39°, 40° le premier ou le deuxième jour), presque toujours dans des formes bénignes, périodes amphiboliques pendant la maladie et dans la convalescence. Les taches lenticulaires manquent souvent; il n'est pas rare de les rencontrer seulement sur les membres supérieurs, même au dos des mains. 781 On observe quelquefois des formes gastriques, avec des vomissements très répétés pendant beaucoup de jours, en dépit de toute médication. Le foie se présente toujours augmenté dès les pre- miers jours; la rate ne se montre que plus tard, pour suivre les pronostics, c'est-à-dire, en augmentant progres- sivement ou en se maintenant dans les cas graves, et en diminuant dans les terminaisons favorables. Les complications les plus fréquentes sont les ente- rorrhagies tardives (les enterorrhagies des premiers jours très rares et toujours fatales), la dyspnée sans lésions capables de l'expliquer (d'un pronostic grave) et les myocardites typhiques avec embryocardie et ta- chycardie. Le traitement de la fièvre typhoïde à Porto Alegre est presque uniforme, d'après les opinions des prati- ciens les plus réputés. C'est d'abord un purgatif doux ( calomel ), quelquefois salin, et ensuite les toniques (quinquina, alcool, caféine), les désinfectants intestinaux ( benzo-naphtol, salol, plus rarement naphtol B, sali- cylate de bismuth), les antipyrétiques (exclusivement quinine et lotions vinaigrées ou alcoolisées), calmants (opium). La méthode de Brand et ses diverses modifications ne sont guère appliquées que sur les enfants, où leur emploi est relativement facile; là même cependant les familles s'y opposent par suite des préjugés. Bahia. - Les anévrysmes sont très fréquents en cette ville, et leurs causes semblent être cosmopolites et indigènes. Selon le Dr. A. Britto, l'ascension des montagnes et une alimentation par trop excitante, fourniraient les causes spéciales de la croissante proportion, non seu- lement des anévrysmes aortiques, mais aussi des mala- dies par hipertension. En ce qui concerne la première, le Dr. Nina Rodri- gues assure qu'il n'est pas du tout difficile d'émettre 782 une opinion diamétralement opposée, en vue des travaux publics qui ont transformé les hautes collines en douces pentes, les ascenseurs mécaniques, les nivellements des chaussées, etc. D'une autre part, il se rappelle que l'alimentation ex- citante, que les Africains ont léguée aux Brésiliens, reçoit graduellement l'influence de sa trop lente civili- sation et se transforme, chaque jour, en une cuisine plus en harmonie avec les pays civilisés et avec les exigences des climats chauds. On croit généralement, que la vie des montagnes a une influence décisive dans la production des anévrys- mes et cette influence, pour quelques-uns, deviendrait directe, de cause éficiente; pour d'autres de cause occa- sionnelle, en faisant son travail sur une aorte altérée d'avance; et pour d'autres, finalement, elle serait indi- recte, en produisant l'artéryo-sclérose. L'auteur déjà cité, réfute ces sujets et, entre autres, il a dédui ces conclusions: 1° Ce sont les affections aiguës et chroniques et les in- toxications lentes à cause du paludisme, la syphilis, l'al- coolisme, le tabagisme, etc., etc., et les émotions morales qui continuent à jouer le rôle principal dans l'étio-pa thogénie des anévrysmes de l'aorte en cette ville. 2° C'est à cause d'une alimentation peu en rapport avec les exigences de notre climat et les habitudes so- ciales, qui se développent en altérant les procès inti- mes de l'assimilation et de la désassimilation, et en ac- cumulant dans l'organisme des produits albuminoïdes nuisants et toxiques, qu'on doit attribuer la production des affections artérielles à Bahia. Les renseignements suivants établissent la fréquence des lésions artérielles dans cette ville durant la période de 1870 à 1890. Sur un nombre total de 53.188 malades, produits du- rant ces vingt années, il y avait 99 anévrysmes de l'aor- te, ce qui donne une moyenne annuelle de 5; moyenne par mille, 1.86; anévrysmes des artères périphériques 36. Dans la période de 1880 à 1890, il y eut un total de 783 26.512 malades et dans ceux-ci il y avait les affections artérielles ainsi représentées: anévrysmes de l'aorte 54, id. des artères périphériques 18, athérome 30, aortite 7, artéryo-sclérose 16, lésions valvulaires aortiques 92, né- frite intersticielle 48, lésions des vaisseaux cérébraux 193., hémorragie cérébrale 104, ramollissement cérébral 29, hémiplégie 59. Le Dr. N. Rodrigues constate que la fréquence des anévrysmes de l'aorte, de même que celle des autres artères est proportionnelle et même inférieure à celle des autres affections artérielles. Quant aux maladies rénales et cardiaques, il déduit: 1° Qu'à Bahia les néfrites chroniques sont extrême- ment fréquentes et que cette fréquence présente une proportion ascendante. 2° Que selon les statistiques faites d'après les ren- seignements des observations cliniques, les affections cardiaques et mitrales sont de beaucoup plus fréquen- tes que les aortiques. 3° La fréquence de l'artéryo-sclérose cardiaque en cette ville a peut être pour cause le surmenage imposé au cœur par l'ascension constante des montagnes. 4° Que la fréquence de l'artéryo-sclérose rénale paraît tributaire principalement de l'alimentation urbaine. (') Les maladies les plus fréquentes dans quelques pro- vinces du Brésil sont les suivantes: Province de Rio de Janeiro: la fièvre jaune, les ma- ladies palustres, la variole et la dysenterie dominent; cette dernière est connue dans le peuple sous le nom de câmaras de sangue. Province de Minas Geraes: indépendamment des mala- dies sporadiques communes, et des fièvres endémiques d'origine palustre, la variole et la rougeole se produi- sent parfois, et exercent leurs ravages d'une façon par- ticulière dans certaines localités. (!) Dr. Nina Rodrigues: Fragmentas de pathologia intertropical. Bahia, 1892. 784 Province deSanPaulo: la variole a sévi sur plusieurs points. Province de Matto Grosso: on signale quelques cas de varioloïde à Cuyabâ et dans d'autres parages. L'atrep- sie se constate quelquefois chez les enfants: les bron- chites et les lièvres palustres d'un caractère bénin sont assez fréquentes. Province de Sergipe: on constate des fièvres palus- tres qui prennent une forme typhique et causent une certaine mortalité; on observe également la variole, le beri-beri, et quelques affections de l'appareil respira- toire. Province de Alagôas: quand il survient de grandes variations de température, les affections des appareils respiratoire et digestif dominent, ainsi que les fièvres palustres. Province de Pernambuco: la variole a fait des ravages pendant quelques années. Province de Cearà: sans tenir compte des maladies en- démiques qui frappent sans pitié dans quelques centres de cette province, on signale des lièvres pernicieuses d'un caractère intermittent et rémittent, la rougeole, la coqueluche, le beri-beri. Province de Maranhao: la variole a revêtu une forme épidémique. En 1882, cette maladie a attaqué 4.000per- sonnes, sur lesquelles 1.300 ont succombé, c'est-à-dire le 32.5 pour cent. Le beri-beri a fait de nombreuses victimes. Province d'Espirito Santo: la rougeole a été épidémique pendant quelques années. On signale parfois les lièvres palustres, typhoïdes, ainsi que d'autres de l'appareil in- testinal, qui sont attribuées à l'usage de certains vins. Province de Parahyba: ici dominent les fièvres inter- mittentes simples et pernicieuses, les rémittentes pa- lustres et diverses affections catarrhales; les maladies des appareils circulatoire et respiratoire sont fréquentes ainsi que celles du système nerveux. Le beri-beri, et la rougeole régnent à certains moments. 785 Province de Parand: la rougeole a été épidémique et a causé la mort d'enfants en bas âge; la variole a fait invasion dans quelques localités; les affections de l'ap- pareil respiratoire sont fréquentes en hiver, et pendant l'été dominent les affections palustres, typhiques, hépa- tiques et intestinales. Province de Rio Grande do Sut: la variole et la rou- geole ont sévi par moments. À Uruguayana, on a cons- taté de nombreux cas de gastrites, imputables à la mau- vaise qualité des eaux. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. CHAPITRE XXXVI RÉPUBLIQUE DU CHILI Sommaire.-Aspect général du pays; situation, limites.- Bios, montagnes, division territoriale. - Géologie. - Climat, - Opinion de Maury. - Courant de Humboldt. - Vents. - Curieux phénomènes hygrométriques. - Pluies, nébulosité, ozone. - Population, le type chilien actuel. - Résultats démo- graphiques. - Les mariages et les naissances. - La légitimité et l'illégi- timité. - Morbidité générale: tuberculose, variole, scarlatine, syphilis, érysipèle, coqueluche, influenza, fièvre typhoïde, lepidias, etc.-La dysente- rie et les abcès hépatiques; diverses opinions.-Le bailahuen.-Alcoolisme. -La variole et sa mortalité.-La tuberculose représente le 25 % du chiffre des décès.-Le charbon.-Le chavatongo- Santiago : Extension, sol, climat, rios, approvisionnement d'eau.-Analyse des eaux de Ramon et du rio Mapo- cho.-Insuffisance des égouts; nécessité de les terminer. - Les canaux.- Morbidité : fièvre typhoïde, variole, tuberculose, pneumonie, bronchite, artéryo-sclérose, influenza, alcoolisme, syphilis, prostitution, dysenterie et abcès hépatiques. - Épidémie de choléra en 1887-88. - Améliorations urbaines. - Valparaiso : population, inconvénients de son port, le sol, opinion de Rawson. - Les latrines, les puisards et les égouts. - Appro- visionnement d'eau; examen des eaux. - Démographie; naissances, ma- riages. - Morbidité. - Mortalité. - Concepcion : population, sol, sai- sons. - Approvisionnement d'eau. - Les latrines. - Influence des marais. - Morbidité; fièvre typhoïde (chavalongo). - Mortalité. La République du Chili, une des plus peuplées de l'Amérique du Sud, relativement à sa superficie territo- riale qui est de 751.216 kilomètres carrés, a la forme d'une bande longue et étroite baignée par l'Océan Paci- fique et limitée par la République Argentine, le Pérou et la Bolivie. (Voir page 2). La Cordillère des Andes la sépare du premier de ces pays. Sa physionomie offre des reliefs d'une véritable originalité. A l'orient des Andes, on observe des cimes 787 très élevées et de nombreux contreforts, tandis qu'à l'Ouest à peu près en bordure sur les rives du Pacifi- que, s'étend dans une ligne ayant une égale direction, la Cordillère de la côte ou maritime. Entre ces chaînes de montagnes, semblable à un rio au lit très large cou- rant entre deux berges très élevées, s'étend la vallée centrale. Elle se prolonge sans interrruption depuis les 33° jusqu'aux 41°30 de latitude, et c'est là le point le plus peuplé et le plus cultivé. Depuis le parallèle 23° Sud jusqu'au 41°30, le territoire a un aspect uniforme et la cordillère de la côte ne présente aucune particu- larité, mais au-delà du 41°30, cette cordillère se trans- forme capricieusement. Ses vallées et ses plaines s'abais- sent, pour ainsi dire, afin de donner accès aux eaux de l'océan, dont l'irruption variée forme un labyrinthe inextricable de petites îles et de canaux qui se succè- dent jusqu'au Cap Hornos. Au point de vue de l'hydrographie, nous savons déjà que le Pacifique baigne toute la côte; en ce qui concerne l'hydrographie terrestre, Cuadra dit qu'elle comprend les versants occidentaux des Andes; on peut, par suite, en conclure qu'il n'y a qu'une seule région hydrographi- que se subdivisant en d'autres de moindre importance. La pente maximum du terrain s'observe dans la direc- tion du levant au couchant, et pour cette raison les eaux suivent une direction analogue en descendant des Cordillères. Comme les eaux ne rencontrent pas tou- jours un point propice pour se jeter dans l'océan, et que leur cours est souvent obstrué par des obstacles naturels, elles forment des lacs ou des lagunes. Les principaux lacs sont ceux de Vichuquen, Catapilco, Conchali, Puchuncavi, Lanalhue, Lleulleu, Budi, Chillé, Batuco, Aculeo, Gazas, Palpai, Avendano, les marais de Lumaco, Villarica, Calafquen, Guanehue, et autres. Les lagunes des Andes, sont: Laguna, Uspallata, Teno, Mondaca, Manie, Laja, Huchultué. Par suite du peu de largeur du territoire, les rios n'ont pas un long parcours. 788 Pour classifier les rios, nous les diviserons en deux régions limitées par le parallèle 33, ou ce qui revient au même, par le cordon des sommets de Chacabuco. Dans la région septentrionale, où les pluies sont moins fréquentes, les Cordillères plus élevées, et le territoire plus étroit, les rios sont peu importants. Encaissés dans d'étroites vallées, ils ont un courant impétueux. Au contraire dans la région méridionale, il pleut plus sou- vent. les Cordillères sont moins élevées, le territoire est plus large que dans la région précédente; les rios ont beaucoup plus d'eau et moins de courant. (*) Parmi ceux de la région septentrionale, nous avons le Copiapô, Huasco, Coquimbo, Limari, Choapa, FAcon- cagua et ses affluents. Ceux de la région Sud sont plus importants que les précédents; ils descendent des Andes et vont se jeter dans le Pacifique. Les principaux sont; Maipo, Rapel, Mataquito, Maule, Itata, Bio-Bio, (2) Impérial, Tolten, Valdivia, Bueno, Maullin et une série d'autres moins importants, tels que Volcan, Yeso, Colorado, Mapocho, Puangue, Angostura, Tinguiririca, Cauquenes, Longavi, Claro, Loncomilla, Diguillin, Larqui, Nubie, Queuco, Bureo, Duqueco, Vergara, Taboleo, Cruces, Rahue, etc. Les montagnes les plus élevées sont: le pic de l'A- concagua 6.835 mètres, le Volcan de Pular 6.500, le Tupungato 6.435, l'Antofolla 6.370, le volcan Hullaillaco 6.170, Cochi 6.000, Juncal 6.151, le volcan San José 6.096, le Maipo 5.947, Tôrtolas 5.918, le Mercenario 5.797, le Plomo 5.779, le San Francisco 5.573. D'après le Dr. Murillo, le Chili peut être considéré comme divisé en cinq zones de terre, très différentes les unes des autres. La première, qui occupe les montagnes et f1) Pedro Lucio Cuadra : Apuntes sobre la geografla fisica-poli- tica de Chile. Anales de la Universidad de Chile. Tomo XXX. Année 1868. (a) On suppose que c'est le rio le plus important du Chili. 789 les hauts plateaux des Andes, est dépourvue de végéta- tion et constamment couverte de neiges; c'est là que prennent naissance les rios qui sillonnent le pays. La deuxième est formée par les flancs des montagnes, elle renferme des vallées et une abondante végétation et constitue un séjour favorable pour les personnes souf- frant des voies respiratoires. La troisième est un pa- rage central, qui donne naissance à la grande vallée intermédiaire ou longitudinale, inclinée du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, à 700 mètres d'élévation environ; cette vallée a une superficie de 500 kilomètres carrés plus ou moins et on y rencontre les terres les plus sauvages, entrecoupées par des chaînes de montagnes. La quatrième zone est constituée par la Cordillère de la côte, de formation exclusivement granitique, de dio- rites et de senites sur lesquels s'appuyent, du côté occidental, des couches de gneiss et des stratifications de schistes, talc et mica qui vont se jeter dans la mer. La cinquième zone est celle du rivage entre la Cordil- lère occidentale et l'océan Pacifique. Au point de vue géologique, on reconnaît la forma- tion secondaire, argileuse et calcaire dans quelques régions; des restes volcaniques, des roches schisteuses granitiques, dans d'autres. Une grande étendue de cette nation est spécialement caractérisée par l'absence des pluies et de végétation, le Nord en particulier, appelé par les naturalistes zone du désert, dans lequel ont rencontre des dépôts salins de différentes classes, parmi lesquelles le nitrate de soude est le plus apprécié. L'industrie du guano est ici très développée. Dans d'autres endroits, les pluies sont fré- quentes et très fortes, les richesses agricoles remarqua- bles, les dépôts métallifères abondants. Plusieurs observateurs ont constaté que la température moyenne de divers points de la côte, depuis Coquimbo jusqu'à Valdivia, s'abaisse à raison de 0.405 du ther- momètre centigrade, par chaque degré de latitude mé- ridionale. Le même auteur observe qu'en se dirigeant vers la Cordillère, la température s'abaisse à mesure qu'on s'é- 790 loigne de la côte et qu'on s'élève dans les montagnes. La proportion de cette diminution n'a pas été bien dé- terminée, mais elle varie suivant la latitude, comme il est facile de s'en rendre compte en étudiant l'altitude à laquelle on rencontre les neiges éternelles. En général on peut affirmer que le climat est agréa- ble, et que la température moyenne varie entre 10° et 18° centigrades. Voyons maintenant quelle est la température de quel- ques-unes des villes les plus importantes: Maxima Minima Amplitude Santiago 30.7 + 2.1 28.4 Copiapô 30.5 - 1.1 31.8 Talca 29.1 - 2.4 31.5 Valdivia 26.0 - 0.5 26.5 Puerto Montt .... 25.4 2. 27.4 Les températures moyennes sont les suivantes: Santiago Copiapô Talca Puerto Montt Hiver 7.39 13.00 7.88 8.44 Printemps 13.06 17.78 14.42 11.72 Été 18.47 22.69 15.43 Automne 12.68 17.18 14.01 11.95 Etant donnée la latitude à laquelle se trouve le Chili, son climat devrait être différent, mais il est certain qu'il est modifié par les courants de la mer, par les neiges qui couronnent perpétuellement les Andes et contribuent à caractériser sa température. Dans l'opinion de Maury, les courants de l'océan Pa- cifique sont très peu connus. Parmi eux, on rencontre sur la côte du Pérou, le courant de Humboldt, qui porte 791 le nom du savant qui l'a découvert; ce courant s'élève jusqu'à l'Equateur, où il rafraîchit le climat du Pérou et le rend si agréable. Les Andes avec leur cimes cou- vertes de neige d'un côté, le courant antarctique d'un autre, assurent à cette république tropicale le climat le plus extraordinaire du monde. (l) Un autre courant, dont j'ai reconnu la basse tem- pérature pendant l'automne de 1802, règne dans la mer du Sud d'une façon bien perceptible dans le climat du littoral. Ce courant porte jusqu'aux côtes du Chili les eaux froides des altitudes australes élevées et se pro- longe sur sa côte et sur celle du Pérou en se dirigeant d'abord du Sud au Nord et plus tard du Sud-Sud-Est au Nord-Nord-Ouest, où il arrive à la baie d'Arica. (*) Ce courant de Humboldt venant des mers polaires, communique son froid à notre territoire, dit Puga Borne, en partie par son contact direct, en partie par le refroi- dissement du vent du Sud qu'il provoque; c'est lui qui est cause que chaque point de nos côtes présente une température inférieure à celle qui lui correspondrait à raison de sa latitude. Il faut lui attribuer aussi la pau- vreté relative des nuances et la variété des mollusques chiliens. Les vents Sud-Ouest dominent; au dire du Dr. W. Diaz, ils régnent dans les mers du Sud et font sentir leur action avec la même impétuosité, sur toute la côte chi- lienne, principalement dans le centre et pendant la saison des chaleurs. Ces vents sont froids et, par suite, peu chargés d'humidité; ils se modifient dans le territoire suivant la situation des chaînes de montagnes; dans la zone Nord, ils. se convertissent en vents de l'Ouest; près des Andes, en vents du Sud, tandis que sur la cime des Cordillères, ils conservent leur direction Sud- Ouest. Les vents du Nord-Ouest sont humides et chauds; P) Maury: Géographie physique de la mer. (a) Humboldt : Cosmos. 792 ils provoquent d'épais brouillards et soufflent principa- lement sur les côtes du Nord. Ceux de l'Est sont secs et froids ( on les appelle terrâtes, racos ), ils soufflent avec une force moyenne pendant les premières heures de la nuit. Comme on le voit, les vents qui dominent au Chili avec le plus de force sont les vents maritimes, vents d'évaporation, chargés d'ozone et, par suite, dotés de propriétés oxydantes actives, qui favorisent les actions organiques, détruisent les miasmes et purifient l'at- mosphère. Les vents continentaux de l'Est soufflent avec peu de force et pendant peu de temps; quoique peu chargés d'ozone, ils se refroidissent et se sèchent sur la cime des Cordillères où ils déposent les émana- tions telluriques dont ils sont saturés. Cependant ils paraissent renfermer plus d'ozone après les tempêtes, les pluies et les neiges survenues dans ces parages. (') Les vents alizés ou du Sud-Est ne sont pas connus dans ce pays; le contraire devrait se produire, étant donnée sa situation. On explique leur absence en di- sant que les Andes les élèvent et qu'ils vont s'abattre sur l'océan à une certaine distance de la côte. Il existe, paraît-il, d'autres courants aériens, qui ne sont pas bien déterminés encore, et qui certainement ont une influence sur les conditions climatériques. La hauteur barométrique moyenne annuelle est la suivante: Santiago 717.15; Valparaiso 758.15; Coquim- bo 762.97; Caldera 758.62; Serena 760.85; Talca 754.07; Valdivia 762.13; Coronel 759; Puerto Montt 760.59. En étudiant l'hygrométrie on observe des faits curieux; tandis que dans la région centrale Nord, l'air est, en été, d'une sécheresse incroyable, dans celle du Sud il est d'une humidité extraordinaire. Cette sécheresse si grande de l'air qui doit être en- core plus marquée dans les provinces du Nord, suivant l'opinion du Dr. Diaz, semble être produite par l'élévation (x) Dr. Wenceslao Diaz: Idea de la Jeografla Médica de Chile, 1875. 793 de la vallée longitudinale, par la chaîne granitique qui la sépare de l'océan, par l'absence d'eaux qui s'évapo- rent et par le passage constant des vents Sud-Ouest, qui entraînent la vapeur d'eau qui se forme; il ne peut manquer d'influer, ainsi que le fait observer Domeyko, sur l'organisme humain et sur les maladies. Effective- ment, l'air sec doit lui voler l'humidité; delà, les gran- des pertes qu'il éprouve par l'évaporation pulmonaire. Aussi est-ce pendant l'époque des chaleurs que survien- nent les langueurs, la prostration des forces et l'affai- blissement des constitutions les plus robustes. Au point de vue météorologique, le Chili est divisé en trois zones transversales. La première est composée par les zones du désert et des mines; son climat est sec et très chaud; il y pleut rarement, la végétation est faible et les nuits sont brumeuses. La deuxième est formée par la vallée centrale et occupe une grande éten- due; elle a beaucoup de végétation et d'humidité; l'a- griculture y prospère. La troisième, la plus méridionale, comprend les îles; climat maritime, les pluies y sont fréquentes, l'air humide et la température fraîche. La moyenne de la quantité d'eau de pluie qui tombe chaque année est indiquée ici: Santiago 275.7 m.m. 6 ans d'observation Valparaiso 359.6 » 4 » » Copiapô 1.9 » 4 » » Serena 38.6 » 4 » » Talca 526.5 » 3 » » Valdivia 2557.4 » 31 » » Corral 2745.2 » 3 » » Puerto Montt 2263.0 » 4 » » Ancud 1320.9 » 2 » » Punta Arenas 494.3 » 1 » » A propos de la nébulosité et du rapport qu'elle a avec les pluies, le dit auteur a déduit que les journées dépouillées vont en diminuant du Nord au Sud, et que les journées nuageuses, en totalité ou en partie, vont, au contraire, en augmentant; que les pluies ou la quan- 794 tité d'eau tombée suivent la même progression jusqu'à Valdivia et Corral, qui sont deux localités rapprochées; qu'elles diminuent à Puerto Montt et d'une façon plus sensible encore à Punta Arenas, qui, malgré sa haute latitude et sa situation dans le détroit de Magellan, re- çoit seulement un volume d'eau atmosphérique égal à celui qui tombe sur Talca ou Valparaiso. On a remar- qué également que dans les villes situées sur le rivage de l'océan, comme Valparaiso et Corral, il tombe plus d'eau que dans celles situées dans l'intérieur des terres, à peu près à la même latitude. L'étude ozonométrique faite dans l'observatoire astro- nomique de Santiago a prouvé que l'air renferme une plus grande quantité d'ozone le jour que la nuit; que la coloration du papier ozonométrique augmente avec l'humidité de l'air et atteint son maximum les jours de pluies; que plus l'atmosphère est pure et sèche, plus rare est l'ozone et que le minimum est constaté durant les nuits pendant lesquelles il gèle. Les neiges sont si constantes et si abondantes qu'elles alimentent les nombreux rios qui sillonnent le territoire dans tou- tes les directions. Dans le nombre, se trouvent le Mapocho et le Ca- chapoal, dont les eaux troubles déposent sur les terrains qu'ils arrosent un limon abondant qui les fertilisent et qui a pour résultat de rendre absolument inutile tout engrais artificiel. Les phénomènes électriques ne sont pas fréquents; les éclairs et les tonnerres à peu près ignorés. Les tremble- ments de terre et les bruits souterrains s'observent de temps à autre. Envisageons maintenant la population. Le type chilien actuel dérive du mélange de l'Arau- can et de l'Espagnol, « et se distingue par son aptitude au travail, sa résistance à la fatigue, sa soumission au lois et à la fortune, par une tranquillité, qui serait de l'apathie, si l'ivresse ne venait réveiller fréquemment ses passions, et si son patriotisme, qui dégénère en fanatis- me, ne le faisait se dresser avec une ardeur qu'on ne saurait comparer qu'à sa ténacité pour le travail. » 795 Le Dr. Puga Borne, dans son Tratado de higiene (1891), dit que dans le recensement du Chili, pratiqué en 1885, on inscrivit 2.527.320 habitants, et que pour avoir le chiffre approximatif de la population il faut ajouter à ce chiffre un 15 % représentant les personnes non inscrites sur les registres et en plus 50.000 Indiens sauvages, qui habitent les provinces les plus australes. D'après cela, la population du Chili, en comprenant les districts de Tarapacâ et de Tacna se serait élevée, en 1885, à 2.956.418 habitants. Dans la période décennale de 1875 à 1885, l'augmen- tation annuelle de la population a été de 45.000. Si on suppose que cette augmentation a continué depuis lors sans se modifier, nous dirons qu'au premier janvier 1891, la population totale approximative du Chili, était de 3.226.418 habitants. Tel est l'avis de cet auteur. La proportion de 15% pour les non inscrits, nous paraît bien élevée ; elle est exagérée et le calcul général également. De plus, nous trouvons une contradiction évidente ou tout au moins une disproportion marquée entre les renseignements que donne Puga Borne et ceux que four- nit Murillo au sujet du nombre d'indiens qui vivent sur le territoire chilien. En effet, d'après le premier de ces écrivains (1891), on calcule à 50.000 les Indiens sauvages qui habitent les provinces les plus australes, et Murillo, en 1889, dit que le nombre des Araucans (indiens) ne dépasse pas 20.000 et que la race fueguina est très réduite et n'excède pas le chiffre de quatre ou cinq mille individus. La population urbaine représente le 42% et la po- pulation rurale le 58 %. En prenant pour unité de superficie le kilomètre carré et en faisant abstraction du territoire situé au Nord du parallèle 24, la densité de la population au Chili est de 8.7 (333.293 kilomètres carrés pour 2.956.412 ha- bitants). Si l'on tient compte de la population calculée et de tout son territoire (751.216 kilomètres carrés, en comprenant Tacna, Arica et Arauco), la densité serait seulement de 3.9. 796 Des renseignements fournis par le recensement de 1885, on déduit que la population se composait à cette date de 1.263.645 hommes et 1.263.675 femmes; c'est- à-dire d'un nombre à peu près égal pour les deux sexes avec une légère différence de 30 en faveur des femmes. Cette constatation est corroborée par quelques chiffres relatifs à des villes anciennes et à des centres de pro- duction agricole. Santiago a 100 hommes pour 110 femmes Curicô » 100 » 106 » Nubie » 100 » 106 » Chiloé » 100 » 108 » En revanche, dans quelques provinces minières et au Nord on observe un phénomène curieux: Magellan a 100 hommes pour 53 femmes Angol » 100 » 83 » Atacama » 100 » 85 » Tarapacâ » 100 » 73 » Le dernier recensement donne 18.351 personnes attein- tes de différentes déformations, dont 10.765 hommes et 7.586 femmes. La proportion des mariages au Chili, est de 6.6 par 1000 habitants; 1 sur 151. Le mouvement de la natalité est représenté par le tableau ci-après : ANNÉES Naissances Moyenne annuelle ANNÉES Naissances Moyenne annuelle 1875 87.303 1876 84.407 1877 82.295 1878 78.812 i 1879 89.513 ' 90.033 1880 85.782 90.033 1881 101.635 1882 93.902 1883 96.688 1884 99.999 1885 85.704 1886 82.623 84.220 1887 85 095 84.220 1888 91.907 1889 100.815 797 Au sujet de la légitimité, le Chili fournit les rensei- gnements suivants pour les années comprises entre 1855 et 1880. Sur 1000 naissances, 259 sont illégitimes. Ce chiffre est effrayant, et il l'est plus encore si l'on observe qu'on compte seulement les nouveaux-nés qu'on baptise. A combien s'élèveront les illégitimes mort-nés? En gé- néral, selon Puga Borne, si sur 1000 enfants légitimes il y a 46 mort-nés, sur 1000 illégitimes, la proportion des mort-nés doit s'élever à 130. Ainsi ceux-ci ne figu- rent pas dans les calculs que l'on fait au Chili. Ici ils doivent être plus nombreux encore; en effet, si dans les pays où il y a l'obligation de présenter le cadavre, cet excès des mort-nés ne peut être attribué qu'à des infanticides dissimulés, que sera-ce au Chili où l'auto- rité n'exerce à ce sujet aucune surveillance? (*) A Buenos Aires, la proportion des naissances illégi- times a été la suivante: de 1860 à 1869, 10%; de 1870 à 1879, 9.4%; de 1880 à 1890, 10,1 % et les démogra- phes argentins ont observé une tendance à l'augmenta- tion pendant ces dernières années. Dans la Capitale Argentine, on a enregistré 25.791 naissances générales en 1893. Comme on sait par les renseignements précédents que la proportion des illégi- times a été de 10% jusqu'en 1890, nous devons avouer qu'elle a augmenté beaucoup dans les années 1891-94, et qu'elle est aujourd'hui de 15.6 %. Sur ces chiffres, 3.378 étaient illégitimes, et de ceux-ci 781 ont été re- connus par leurs parents. Il reste un chiffre considérable constitué par la caté- gorie des mort-nés. Cet élément suit, parmi nous, une progression qui augmente constamment. Depuis 11.1 pour 1000, proportion de 1872, il est arrivé à 58.9 en 1889 et à 56.6 en 1890, donnant une moyenne de 46.3 sur 1000, qui est certainement très élevée. (i) Puga Borne: Elementos de higiene. Tome 2. 798 La mortalité au Chili a offert les oscillations suivantes : 26.3 sur 1000 âmes, de 1849 à 1883 soit 1 pour 38 habitants 21.7 » 1876 à 1885 » 40 30.3 » 1885 à 1889 » 34 L'augmentation est évidente: en 1853, la proportion était de 1 mort pour 42 habitants; de 1854 à 1863, elle a été de 1 pour 38; de 1864 à 1873, de 1 pour 37.5; de 1874 à 1883, de 1 pour 34.6; de 1886 à 1890, de 1 pour 33. La disproportion qu'il y a entre la mortalité de cer- tains départements comparativement à d'autres est très sensible. Puga Borne, en l'expliquant, l'attribue à la vie urbaine et aux conditions locales qui interviennent dans chaque cas. A Valparaiso, il constate le manque et l'insuffisance d'une bonne eau potable, le défaut d'un bon système pour se débarrasser des immondices, la mauvaise condition des habitations et la pauvreté gé- nérale des classes inférieures. D'après le recensement de 1885, il y a dans cette ville, cinq individus par habitation, ce qui ne serait pas excessif, si sur 19.545 édifices on ne comptait 10.208 chambres et 796 chaumières. De cette façon 55.000 indi- vidus, c'est-à-dire plus de la moitié de la population, vivent encombrés dans de mauvaises chambres, si tou- tefois on peut appeler cela vivre. Le même recensement de 1885, donne à Valparaiso 104.952 habitants; en 1889, on a enregistré au bureau de l'état-civil 4.746 décès: 1 pour chaque 22 habitants et 45 pour 1000. (*) La ville de Santiago dont la population, en 1885, était de 189.332 âmes, a donné une mortalité de 10.684 en 1889, c'est à-dire 1 pour 17.7 habitants et 54 pour 1000. (J) Puga Borne: Œuvre citée. 799 A Conception, la mortalité est de 1 pour 11 ou 13 habitants. Sur une population de 19.664 âmes, il y a eu 1.748 décès en 1882, ce qui est extraordinaire. Les hygiénistes chiliens attribuent cette énorme sta- tistique mortuaire aux causes suivantes: manque d'eau offrant de bonnes conditions pour la boisson; absen- ce d'un moyen pour faire disparaître les immondi- ces que la population entasse dans les puits et dans les latrines et dont le sol s'imprègne ; l'action des ma- rais que produisent les inondations du Bio-Bio; le froid humide de l'atmosphère; l'humidité des murs des mai- sons, qui sont bâties en sable, etc. Il est intéressant de remarquer à ce sujet, que des départements limitrophes, celui de Talcahuano, très rapproché du Bio-Bio, pré- sente une mortalité considérable (1 pour 23), tandis que celui de Coelemu, assez éloigné du rio, est un des plus salubres du pays (1 mort par 63 habitants). Singulière ville est celle de Conception où l'on meurt de soif sur la rive du Bio-Bio, où Bon s'asphyxie par les éma- nations méphitiques à deux pas de l'océan. La terre clas- sique des hommes illustres et des belles femmes du Chili, est convertie, aujourd'hui, en une terre inhabitable. (') La morbidité du Chili est représentée par la tuber- culose, la variole, la scarlatine, la syphilis, l'érysipèle, la coqueluche, l'influenza, la fièvre typhoïde, les lésions cardiaques, l'angine de poitrine, l'alcoolisme, les lepidias d'été (colerina), le charbon. Le goitre s'observe parmi les habitants des rivages de certains rios, à leur sortie des Cordillères, mais il n'est pas fréquent. Les fièvres inter- mittentes sont restées inconnues ici jusqu'au jour où elles ont été importées du Pérou. La rougeole, la dysenterie et les maladies du foie sont endémiques. Le Dr. Ugarte Gutierrez, impute à ces brusques abaissements de température que nous avons constatés dans certains points de la vallée centrale, à propos de plusieurs villes rapprochées de la Cordillère (x) Puga Borne : Œuvre citée. 800 des Andes, l'énorme fréquence de la tuberculose et des affections hépatiques dans ce pays. Pour la première de ces deux maladies, qui produit le 25 % de la mortalité totale, il rencontre la cause pri- mordiale dans la facilité avec laquelle se contractent les catarrhes des voies respiratoires qui préparent le ter- rain pour faciliter la germination de la tuberculose. Pour les affections hépatiques, la même cause a une influence indiscutable; de plus il faut citer l'alimentation, la mau- vaise hygiène, qui peuvent certainement agir sur la production des catarrhes des muqueuses internes et spécialement du système digestif ainsi que « l'énorme quantité d'aliments que les personnes absorbent ici dès l'enfance, sans doute pour lutter avantageusement contre les refroidissements. » Le même professeur dit, à propos de la dysenterie et des maladies du foie, que c'est un fait très commun au Chili, d'avoir une dysenterie grave, de s'en guérir, d'ar- river presque au terme d'une convalescence qui paraît complète, et de se trouver enfin avec un abcès hépati- que dont il n'est pas facile d'apprécier dès le début l'évolution et le pronostic. Ces deux maladies sont très fréquentes parmi nous et les abcès offrent un intérêt si grand que nous pouvons dire sans prétention et sans hésitation, que le Chili est le point de la terre dans le- quel les abcès hépatiques affectent les formes les plus graves, celui qui fournit le plus riche terrain d'obser- vation pour cette question délicate. (') Les formes de la dysenterie sont: l'ulcéreuse, des pays froids et tempérés et la gangreneuse, des pays chauds, suivant l'opinion du Dr. Diaz, qui, en citant Paredes, déclare que pendant les années 1813 et 1814, la dysenterie était au Chili une maladie catarrhale par son origine et son siège et avait une marche lente; il paraît qu'elle a conservé ce caractère jusqu'à la guerre de l'indépendance. P) Enfermedades del higado mâs frecuentes en Chile, por Isaac Ugarte, Gutierrex. Voir « Boletin de Medicina », Santiago, Septembre 1892. 801 Par la suite, surtout après 1826, ajoute-t-il, nous la rencontrons sous la forme épidémique, avec tous les symptômes de la dysenterie tropicale ou gangreneuse, qui provoquait la panique parmi les populations. En 1843, elle conservait encore son caractère alarmant, mais elle n'était plus épidémique; plus tard elle fit son ap- parition de temps à autre avec les symptômes d'une dysenterie gangreneuse. C'est une maladie sporadique qui suit les oscillations de la température combinée avec l'ingestion des fruits verts ou des liqueurs alcooliques mal fabriquées. D'après le même Dr. Diaz, les maladies du foie sont plus fréquentes dans les provinces sèches et chaudes du Nord et du centre; elles sont complètement inconnues au Sud du degré 37, dans les provinces humides et tem- pérées du Sud, où une résidence longue guérit et modifie les maladies chroniques contractées dans le Nord. Leur caractère spécial est la tendance à l'hépatite ou à la supu- ration qui, en peu temps, forment des abcès s'ouvrant à l'extérieur, dans la plèvre et le poumon droit, et plus fréquemment dans les intestins, ce qui est la terminai- son la plus favorable. Le Dr. A. del Rio a étudié spécialement ces deux entités morbides, au sujet des abcès hépatiques, et dit qu'il n'y a pas au Chili, sauf dans la zone de son ter- ritoire située près du tropique, la température élevée qui, aux yeux de nombreux médecins, est indispensable pour la production de l'hépatite, cette maladie se présentant, au contraire, le plus souvent dans la zone centrale, en plein climat tempéré. Dans son opinion, si au Chili la température influe sur le développement des abcès du foie, ce n'est pas, sans exception, par suite de son haut degré, mais plutôt à cause des variations rapides et brusques qu'elle présente. A Santiago, par exemple, on observe chaque jour, en automne et surtout au printemps, à l'entrée de la nuit, un brusque abaissement de la colonne thermométrique qu'on peut calculer en prenant les chiffres extrêmes à 20° et 25°. Comment ce facteur peut-il avoir une in- fluence? On sait que le foie est le centre le plus actif OLIMATOLOGIE MEDICALE. 802 des changements organiques, et qu'il a avec les pou- mons des rapports intimes d'alternance ou de suppléance. Partant, les combustions organiques, qui maintiennent la température de l'individu, réglées par le fonction- nement harmonique du poumon et du foie, souffrent, avec les brusques variations de la température exté- rieure, des désordres qui, en somme, se traduisent par une augmentation des fonctions du foie; ce fait est suffisamment démontré par l'expérience. On comprend, dès lors, que ce fonctionnement se répétant à l'infini, contribue à provoquer, conjointement avec d'autres cau- ses, Fhypérémie et l'hypertrophie de l'organe et en con- séquence une prédisposition à des altérations inflamma- toires. (*) Indépendamment de cette action indéniable que les changements de température exercent sur l'organisme, nous devons rappeler comme circonstances très fréquen- tes dans la production de ces affections, la sécheresse de l'air, l'alimentation excessive dans quelques cas, insuffi- sante dans d'autres, l'alcoolisme, etc. Le Dr. del Rio dit que la mortalité annuelle provo- quée par la dysenterie et les abcès hépatiques dans les hôpitaux du Chili, donne les chiffres suivants: Années Dysenterie Abcès hépatiques 1870 800 125 1871 825 140 1875 1.020 240 1881 700 100 1882 600 50 Voyons maintenant les chiffres de la mortalité cor- respondant à ces maladies dans les différentes pro- vinces : (i) Dr. Alejandro del Rio: Contribucion al estudio de la etiolo- gia y de la anatomia patolôgica de los abcesos del higado, 1889. 803 DYSENTERIE 1870 1875 1881 1882 Atacama 64 28 20 17 Coquimbo 36 136 16 10 Aconcagua 36 30 45 46 Valparaiso 60 96 75 50 Santiago 464 369 256 198 Colchagua 36 124 85 66 Curicô 23 24 30 Talca 58 80 57 65 Linares 14 14 8 Manie 10 8 3 4 Nubie 20 46 34 28 Concepcion 25 58 58 68 Bio Bio 6 17 15 Angol 3 5 Valdivia 5 Chiloé 5 - 5 - ABCES HÉPATIQUES 1870 1875 1881 1882 Atacama 5 10 - 5 Coquimbo 7 4 - 4 Valparaiso 33 39 4 14 Santiago 102 146 86 37 Colchagua - 6 4 4 Talca - 16 9 8 Manie 6 - - - Nubie - 8 - 4 Concepcion 6 16 4 - Bio Bio - - 6 7 Angol - 6 - - Il résulte que les provinces les plus attaquées sont: par la dysenterie: Santiago, Valparaiso, Colchagua, Co- quimbo, Talca, Concepcion, Aconcagua, Nubie, Atacama, etc.; par les abcès hépatiques'. Santiago, Valparaiso, 804 Talca, Concepcion, Atacama, Coquimbo, Colchagua, Bio- Bio, Nubie, etc. En présence de ces renseignements, il est évident que la dysenterie et les abcès hépatiques se manifes- tent dans le pays en conservant une relation de cause à effet, que l'anatomie pathologique et la clinique n'hé- sitent pas à reconnaître dans le plus grand nombre de cas. On peut presque en dire autant des autres mala- dies intestinales si fréquentes à Santiago, telles que les catarrhes chroniques du côlon ou du rectum, etc. (*) Pour terminer ce qui est relatif à la dysenterie, nous dirons deux mots de son traitement national par le bailahuen (plante chilienne appartenant à la famille des synanthérées, qui a été déjà étudiée par Dujardin-Beau- metz), dont les propriétés thérapeutiques connues par les indigènes, depuis très longtemps, doivent être répan- dues, car elles sont très efficaces dans la dysenterie, les diarrhées catarrhales, le choléra nostras et l'indiges- tion. (*) On le donne en infusions de 15 à 20 grammes dans 200 grammes d'eau, après Bavoir filtré quand il est froid, à raison de une ou deux grandes cuillerées chaque deux heures. L'extrait fluide de bailahuen s'administre à la dose de 20 gouttes dans un peu d'eau sucrée toutes les deux heures. On le prend aussi sous cette forme: Eau distillée 170 grammes Extrait fluide de bailahuen. 5 » Sirop simple 30 » Une cuillerée chaque deux heures. (*■) Dr. Alejandro del Rio : Œuvre citée. (a) Drs. Daniel Carvallo y Emilio Eisèle: El bailahuen. Boletin de medicina, Santiago du Chili, mars et juin 1889. 805 On emploie la teinture de la même manière mais à double dose. Le Dr. Carvallo a obtenu avec 32 malades 25 guéri- sons complètes, entre le 5e et le 15e jours; il m'a pu suivre trois de ses observations; dans quatre cas il ne s'est produit aucune amélioration. Nonobstant ces bons effets, il ne dit pas que le baüahuen soit un spécifique de la dysenterie. Par suite, cette plante chilienne est comme la granadilla de Corrientes, qui guérit la même maladie. (Voir pages 428 et 443). La variole est fréquente, et il suffit de savoir qu'en 1891, dans tout le pays, 6.012 personnes ont succombé à son invasion. La marche qu'elle a suivie pendant ces dernières an- nées, est la suivante: Année 1879 2.138 décès » 1880 7.254 » » 1881 1.590 » » 1882 2.164 » » 1883 3.188 » Année 1884 2.081 décès » 1885 3.138 » » 1886 7.341 » » 1887 1.147 » » 1891 6.012 » En comparant sa fréquence avec la population de l'année 1891, pour fixer le tant pour cent, on a: DÉPARTEMENTS Population Décès par la variole Pour cent Osorno 26.223 683 2.60 Union 18.456 208 1.12 Concepcion 40.302 147 0.36 Parral 31.695 113 0.35 Loncomilla 33.950 125 0.36 Talca 70.036 180 0.25 San Fernando .... 79.742 128 0.16 Santiago 236.870 1.114 0.47 Valparaiso 115.147 609 0.52 Serena 36.772 178 0.48 Coquimbo 16.065 107 0.66 806 Le Dr. Murillo réfléchissant sur les tristes enseigne- ments que donnent ces chiffres, dit que la première ob- servation qui s'impose, prouve la nécessité absolue d'enrayer cette maladie en répandant la vaccination, jusqu'à ce qu'elle ne figure plus que comme un facteur insignifiant dans la mortalité chilienne. Nos conditions de densité de population,ajoute-t-il, l'absence d'habitudes hygiéniques publiques et particulières, les défauts de la race, la timidité des législateurs et d'autres causes, nous empêcheront d'arriver au résultat qu'ont atteint d'autres pays. Une autre réflexion est relative à l'isolement et à la désinfection pour empêcher la contagion de la variole. Nonobstant les défaillances observées par le président du Conseil Central de vaccination, celle-ci fait son chemin au Chili; en 1891, on a vacciné 273.222 per- sonnes, soit le 10 % de la population. Etant données la marche progressive de la variole, sa fréquence effra- yante, il est urgent de répandre les bienfaits de cette mesure prophylactique, et on y arrivera, si on sait lutter. Le choléra a régné avec un caractère épidémique; on peut dire que dans les deux invasions de 1886 et 1887, il a tué 50.000 individus. La tuberculose représente le 25 % de la mortalité générale; au point de vue de son étiologie, le Dr. Diaz tient compte des circonstances individuelles sui- vantes: augmentation du travail personnel., sans que le plus souvent il arrive à suffire aux nécessités les plus impérieuses de la vie; le gaspillage des forces qui soutiennent l'existence s'est développée tandis que tous les moyens de réparation, les aliments, les vêtements, les habitations sont restés absolument les mêmes; l'aug- mentation de l'ivrognerie à un point tel qu'on peut dire que la classe ouvrière chilienne gagne, non pas pour se procurer les moyens qui réparent ou retardent l'anéantissement de la vie, mais pour affaiblir et pour détruire les ressorts qui la soutiennent. Voilà pourquoi la constitution du peuple chilien est chaque jour plus faible, plus valétudinaire, plus rachitique; voilà pour- 807 quoi on constate une augmentation de toutes ces ma- ladies qui ne sont autre chose que la conséquence de la violation des lois les plus élémentaires de la physio- logie et des préceptes les plus simples de l'hygiène. (') Dans l'opinion du même clinicien, la marche de la phtisie pulmonaire au Chili est ordinairement rapide, au point de constituer une véritable maladie aiguë, surtout quand elle n'est autre chose que l'élimination des produits cazeux, ce qui est dû sans doute non seulement aux variations atmosphériques, mais encore à la grande ozonisation ou au stimulant de l'air qu'apportent les vents d'hiver, saison pendant laquelle ses ravages sont, en général, plus considérables et où ses symptômes se succèdent plus rapidement. Le charbon s'observe assez fréquemment; selon le Dr. Mandiola Gana, il a été épidémique en février, mars et avril 1888, où, comme il le dit, il a été une recrudes- cence de l'endémie qui se présente toujours à la cam- pagne pendant ces mêmes mois. Les provinces de Curicô, Talca, Linares, Nubie et Arauco sont les plus sujettes à cette maladie. Celle-ci s'est propagée de telle façon, qu'il n'y avait presque pas iïestancia dans laquelle on ne comptât une dizaine de personnes attaquées; dans les dispen- saires des villes, chaque jour quatre ou six malades se présentaient pour se faire soigner. Dans le territoire Araucan, on l'a également constaté. A San José de Maipo, il constitue le 2 % de la morta- lité générale. D'après le Dr. Iturriaga, pendant les mois de février, mars et avril 1889, on a examiné dans le dispensaire de Talca, 228 malades du charbon, parmi lesquels 19 femmes. Ces renseignements suffisent largement pour démon- trer la proportion très accrue que cette maladie repré- sente dans la statistique chilienne. (*) W. Diaz: Idea sobre la Jeografia médica de Chile, 1875. 808 Le traitement employé consiste en injections antisep- tiques, quand cela est possible, vésicatoires et injec- tions intraveineuses de teinture d'iode et d'ammoniaque quand il y a infection générale. La fièvre jaune ne règne pas au Chili, cependant elle s'est présentée, d'après Leblond, en 1871, et d'après Du- troulau en 1856 à Valparaiso et à Santiago, mais il est très probable qu'elle a été importée. Les Chiliens, dit Baron, cité par Armand, sont atteints d'une maladie fort grave qu'ils nomment chavalongor caractérisée par une céphalalgie violente, la carphologie et les soubresauts des tendons, le délire, la rougeur et la sécheresse de la langue, et, plus tard, par la stupeur. Cette encéphalite, ou plutôt, cette gastro-encéphalite, est le plus souvent mortelle; les malades qui n'y suc- combent pas, ont une convalescence longue et pénible. Plusieurs tombent dans la phtisie, qui, une fois dé- veloppée, fait, à Valparaiso, des progrès très rapides; d'autres, enfin, n'échappent à la mort qu'en devenant stupides et fous. Le chavalongo des Chiliens est bien voisin de notre fièvre typhoïde, si ce n'est pas la fièvre typhoïde même. (') La lepidia avec crampe, est la cholérine de ce pays ; elle est quelquefois épidémique. Santiago. - Cette ville, capitale du Chili, située à 569 mètres au-dessus du niveau de la nier, a une su- perficie de 21.964.200 mètres carrés, avec une popula- tion de 240.000 habitants environ. Son sol est essentiellement poreux et perméable, an- cien lit du rio Mapocho, (2) qui longe la ville du levant (x) Armand : Climatologie générale du globe. (2) Ce rio occupe à peu près le centre et la partie la plus élevée de la ville; par les différences de niveau que présente son lit il se forme des courants vers le Nord et le Sud. La Alameda (plantations de peupliers), qui est à peu près parallèle, un peu au Sud, a été autrefois son lit. 809 au couchant. Dans cette direction, la pente du terrain est de 1 % et de 5 mm. par mètre du Nord au Sud; sur plusieurs points il offre des inclinaisons très varia- bles, circonstance très favorable pour l'écoulement des eaux pluviales. Grâce à cette pente très marquée, surtout dans l'avenue de las Delicias, la différence de niveau est de 60 mètres entre ses deux extrémités. Le sol est formé par une couche d'humus dont l'épais- seur n'atteint pas un mètre, par une autre de pierres rondes et par du sable qui, sur certains points, a 30 mètres de profondeur. La couche d'eau souterraine présente différents ni- veaux: 20 à 25 mètres à l'extrémité du couchant, c'est le plus bas; 6 ou 8 mètres dans la partie orientale, c'est le plus élevé. Le climat de Santiago est, d'après Murillo, un des plus agréables du monde, et son ciel un des plus beaux. Nous sommes certain, dit-il, que si cette ville était située aux portes de l'Europe, elle serait non seulement cons- tamment visitée, mais encore choisie par les hygiénis- tes (au point de vue de son climat), comme un séjour préféré pour les personnes délicates, pour les vieillards et les malades de la poitrine. Une brise qui descend des Cordillères toutes les nuits, rafraîchit l'air en été; aussi cette saison est-elle très agréable dans cette ville. Le mouvement des couches atmosphériques est d'or- dinaire peu prononcé; les vents violents sont rares et ce sont seulement les brises fraîches de la Cordillère pendant la nuit et un léger vent du Sud soufflant pen- dant le jour, qui facilitent sa circulation. Les vents qui soufflent sur Santiago, selon Lira Erra- zuris, sont les mêmes qui traversent les plateaux inter- médiaires; les vents du Nord humides et chauds en même temps amènent la pluie ou des tempêtes; ils se font sentir pendant la saison pluviale par des rafales qui les annoncent ou les accompagnent et en moyenne ils se produisent de 10 à 15 fois dans la saison. Le Sud ou Sud-Ouest, si sec et si froid, qui souffle parfois durant le jour, pendant les autres saisons, diminue l'humi- 810 dité atmosphérique, dissipe les nuages et donne au ciel une limpidité et une clarté admirables. Indépendamment des vents précédents, les plus fré- quents sont une brise de mer, qui souffle pendant la journée, du couchant au levant, de 10 heures du matin à 5 heures du soir, et une brise de terre, en sens con- traire, de dix heures du soir à six heures du matin. Il existe, par suite, deux périodes de calme très marquées, l'une de six heures à dix heures du matin (-souvent plus) et Vautre de six à dix heures du soir. Les températures extrêmes, sont: maxima 30.7, mi- nima 1.1. La moyenne de l'été est de 18.40; celle de l'hiver 7.56 et celle de l'année 12.75. Les oscillations thermométriques observées pendant le printemps, l'été et l'automne, sont très grandes; en été particulièrement, on constate des différences de 20° entre la température du jour et celle de la nuit. L'hiver est la saison des pluies; en été, celles-ci sont très irrégulières. En calculant ces phénomènes, pendant une période de 12 ans, il résulte que la quantité d'eau pluviale dans cette ville est égale à 275 mm. par an. La pression barométrique selon les saisons est ainsi représentée. Eté 715.15 mm. Automne 716.87 » Hiver 718.48 » Printemps 717.66 » La pression moyenne annuelle est égale à 717.15. Des observations faites, on a déduit que les oscilla- tions du baromètre sont les suivantes: Deux oscillations à 9 heures du matin et de 7 à 9 heures du soir; deux descentes à 3 heures du soir et 3 heures du matin; deux moyennes de midi à 4 heures du soir et à minuit. En parlant du pays en général, nous avons mentionné 811 la grande sécheresse de l'air dans certaines régions; à Santiago, ce phénomène est encore plus accentué. Domeyko tire des études spéciales qu'il a faites à ce sujet les conclusions suivantes: 1° Que la plus grande humidité se rapportant à la plus grande fraction de saturation coïncide avec la saison des pluies et la plus faible avec les plus gran- des chaleurs; 2° que pendant ces chaleurs on trouve quelquefois une différence de 11° et 14° entre les ther- momètres du psychromètre, ce qui démontre une séche- resse égale à celle qu'ont constatée Humboldt et Rose dans la steppe de Platowstraya, qui est considérée comme une des plus grandes qu'on ait observées dans les vallées peu élevées de l'intérieur du continent, à des centaines de lieues de la mer; 3° que l'humidité relative baisse au lieu d'augmenter en toute saison avec la chaleur, à tel point que celle du matin est quelque- fois le double de celle de la nuit, l'humidité absolue étant toujours égale. Les décharges électriques sont très rares, de même que les tremblements de terre qui, d'ailleurs, ne sont pas forts. Le rio Mapocho fournissait autrefois l'eau à la po- pulation; mais aujourd'hui celle-ci est desservie par une source d'excellente qualité, appelée Ramon. A son origine, cette eau est absolument apte pour Ja consom- mation, mais dans son cours, elle traverse des parages qui lui font perdre cette propriété et qui la souillent. M. Klein, ingénieur qui a étudié ces eaux, dit: Le terrain que traverse ce canal est perméable, il reçoit les filtra- tions des arrosages des potreros voisins, les filtrations du Maipo, dont les eaux sont d'une mauvaise qualité reconnue et rendues impures par les excréments des ani- maux, qui se trouvent dans ces « potreros ». Quelquefois l'excédent de l'arrosage des potreros tombe directement dans le canal, de telle façon que pendant un séjour dans ce parage, j'ai pu voir la grande quan- tité d'excréments d'animaux qui arrivent au filtre exis- tant avant les dépôts. On observe sur ce filtre une écume verdâtre de 0.25 mm. d'épaisseur; si on l'exa- 812 mine, on y trouve des crottins défaits et dans cer- tains cas se conservant frais et entiers. A ce sujet, M. Pablo Lemetayer m'a fait connaître une étude pra- tiquée pendant deux mois et deux fois par jour sur la matière organique que contient l'eau potable de San- tiago; on observait tous les jours et même toutes les heures des différences très marquées. Il a indiqué ces variations au moyen d'une courbe qui permet de se rendre compte d'un seul coup d'œil de la quantité de substances organiques contenues dans beau que nous buvons. Dans cette courbe, on remarque l'accroissement notable et rapide qui s'est produit du 14 au 15 mars 1890, journée pendant laquelle l'eau venait chargée d'une quantité excessive de matières organiques. (*) L'exactitude des observations qui précèdent ne saurait être mise en doute, et les raisons sur lesquelles elle est basée n'admettent pas de discussion; ce sont des faits positifs que le public a vus. Cependant, voici une analyse qui établit que les mê- mes eaux de la source Ramon sont exemptes de subs- tances organiques, suivant Domeyko: Sur 100.000 parties- chlorure de sodium 0.6, sulfate de chaux, rien, carbonate de soude 1.4, carbonate de chaux 5.4, carbonate de magnésie 0.7, fer et allumine 0.7, silice 1.7, matières organiques, rien; total 10.5. Le mécanisme de la filtration de l'eau est le suivant : l'eau passe de la source dans de grands réservoirs, qui, par suite de leur disposition, peuvent être nettoyés fa- cilement; ensuite elle est reçue par les tamis qui la dépouillent de toutes les matières solides, elle se cla- rifie au moyen d'un système spécial, qui fait précipiter les matières solides les plus petites qui auront échappé. Des réservoirs primitifs, elle se dirige vers un aqueduc dont les parois et le fond sont en pierre et qui est complètement recouvert. Cet aqueduc est interrompu (*) Victor Klein: El agua potable en las ciudades de Chile, prin- cipalmente en Santiago. 813 par une série de petits réservoirs fermés, destinés à maintenir la propreté. De ce point, l'eau est dirigée vers les conduites de fer, qui se répandent dans tous les quartiers. On calcule que chaque habitant a 90 litres de cette eau, par jour, et son abondance est telle que cette quantité peut être facilement portée à 300 litres. Les eaux du Mapocho contiennent également des quantités considérables de ces substances et 40 de ma- tières organiques. Les vieux praticiens de Santiago ont observé que les affections de l'appareil digestif diminuent proportion- nellement à l'augmentation des services d'eaux couran- tes. La dysenterie et les abcès hépatiques, quoique fréquents aujourd'hui, et suivant presque toujours une marche parallèle, ne sont pas plus intenses qu'autrefois, nonobstant l'augmentation de la population. L'eau des puits n'est pas employée; sa composition est la suivante sur 100.000 parties: chlorure de sodium 7.5, sulfate de chaux 16.1, carbonate de soude, rien, carbonate de chaux 8.2, carbonate de magnésie 1.0, fer et allumine 0.6, silice, rien, matières organiques, rien; total 34.8. D'après La Revista Médica de Chile, en 1894 on a développé le service des eaux courantes. Le réservoir régulateur de la Providencia est terminé; il peut em- magasiner plus de 20.000 mètres cubes d'eau. Les gale- ries filtrantes de Vitacura, se termineront bientôt; le bassin de décantation, les filtres de Ramon se construi- ront sous peu. Après l'exécution de ces travaux la population de Santiago boira une bonne eau et on évitera les incon- vénients, qui, pendant longtemps, l'ont obligée à con- sommer une eau impure. La Capitale du Chili ne possède pas encore un véri- table système d'égouts ; les ruisseaux actuels ne répon- dent pas aux prescriptions de la salubrité et ne sont pas conformes aux principes d'une hygiène publique bien comprise. La ville est traversée dans toutes les directions par 814 un nombre considérable de ruisseaux dans lesquels cir- cule l'eau du rio Mapocho; ils pénètrent dans toutes les maisons et c'est par eux que se fait le service d'é- coulement; découverts dans l'intérieur des maisons, ils reçoivent les détritus, les eaux sales, les matières fécales, etc. Si une cause quelconque empêche ces im- mondices de courir dans les canaux, les dangers que présente leur décomposition, augmenteront en raison de leur agglomération. Ce fait se produit quelquefois et a été observé dans les rues les plus importantes. Ces ruisseaux sont construits en chaux et en briques, ce qui n'est pas un obstacle à leur perméabilité; ils en- tretiennent généralement une grande humidité. De plus la ville est traversée par deux ou trois ca- naux importants, qui sont à découvert. Un tel système d'écoulement est très imparfait et ne satisfait pas les exigences des grandes agglomérations humaines. D'autre part, les ruisseaux, à raison de leurs fonctions et de leur distribution même, ont besoin de faire des tours, d'avoir un trajet irrégulier, ce qui exige une pente, dont on ne tient pas assez de compte au moment où on les construit. Tous ces inconvénients s'aggravent encore si on songe que ces ruisseaux sont à un niveau plus élevé que celui des maisons. On a essayé de re- médier aux inconvénients que pareil état de choses offre, mais malheureusement dans les nouveaux travaux on a commis les mêmes fautes, on n'a pas assuré un cou- rant plus fort aux immondices, on n'a pas empêché leur stationnement et ces ruisseaux restant à décou- vert comme avant, continuent à recevoir les résidus des maisons. De pareilles infractions aux règles de l'hygiène ne pourront être corrigées que par l'établissement d'un réseau complet d'égouts, et il est juste de reconnaître que les pouvoirs publics se sont préoccupés de cette question vitale. Des travaux de ce genre sont projetés non seulement pour Santiago, mais encore pour d'au- tres villes importantes du pays. Les latrines sont, en général, situées sur les ruisseaux; 815 exceptionnellement, on creuse des puits profonds pour ce service. La cité ne renferme pas de marais, par suite de la pente que présente sa topographie; mais dans les fau- bourgs, à la suite des pluies, les eaux stationnent sur plusieurs points, entrent en décomposition et provoquent des émanations pestilentielles. Ces conditions d'insalubrité, la population considé- rable dans ces parages, population pauvre, qui vit mal avec des ressources insuffisantes, font que ces quartiers sont les plus visités par les maladies infectieuses et, en particulier, par la fièvre typhoïde. Cette affection est endémique à Santiago, et on l'observe avec plus ou moins de fréquence pendant toute l'année, aussi bien en ville, que dans les hôpitaux. D'après le Dr. Maira, elle fait ses plus grands ravages à l'automne et au printemps et elle a produit de véritables épidémies durant quelques an- nées. Elle se déclare de tous les côtés, mais c'est prin- cipalement dans les faubourgs, où il y a agglomération de population et absence d'hygiène, qu'elle sévit et se propage. Si les faits manquaient pour démontrer l'influence étio- logique de l'eau sur la fièvre typhoïde, on a ici San- tiago et Valparaiso, qui prouvent que depuis l'installation d'un service d'eau potable, la maladie a perdu son ca- ractère épidémique. Avant cette amélioration que nous avons signalée d'a- près le témoignage de Newman et Salazar, il faut rappe- ler, à propos de cette terrible affection, l'épidémie de 1865. A cette époque, Valparaiso s'alimentait exclusivement avec les eaux peu abondantes des excavations et des puits ouverts dans la ville même, dans un terrain po- reux, saturé d'infiltrations nuisibles, plus encore qu'au- jourd'hui puisqu'à ce moment il n'y avait pas de con- duites d'écoulement. Valdivia, au contraire, est l'uni- que point du pays où la fièvre typhoïde règne avec un caractère épidémique, en été; c'est aussi l'unique population qui boive l'eau du rio, prise à l'endroit même où l'on jette les détritus des maisons et des fa- briques. Avec ces exemples, nous avons sous nos yeux 816 la double preuve du rôle étiologique de certaines eaux employées comme potables, dans le cas de la fièvre typhoïde. (l) La ville de Concepcion nous fournit un exemple analogue. Ici, la population boit l'eau du Bio-Bio, qui se dirige vers le Sud; elle se sert également de puits creusés à côté des latrines dans de très mauvaises con- ditions. La fièvre typhoïde y règne toute l'année; en 1891, au moment de la concentration de troupes de l'armée pendant la révolution, elle se développa sur une grande échelle, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par ses pro- portions alarmantes. Les mesures opportunes et éner- giques qui furent adoptées arrêtèrent la propagation du mal. A Santiago on voit toutes les formes cliniques; quel- ques-unes d'entre elles dominent à certains moments de l'année, et les plus fréquentes sont les ataxo-adynamiques, spécialement chez les adultes et les personnes âgées. Les formes hémorragiques, celles de localisation secondaire dans les bronches ou les poumons, de même que celles appelées ambulatoires, sont beaucoup moins fréquentes, quoiqu'elles ne soient pas rares en ville. En 1892, il y a eu une recrudescence de la fièvre typhoï- de avec un caractère grave; dans la majorité des cas on a constaté un état adynamique que le traitement ne modifiait pas. Le catarrhe gastrique fébril est celui qu'on obser- ve le plus fréquemment, surtout au printemps et à l'automne. Cette entité, dans laquelle certains voient une variété de la fièvre typhoïde, est considérée par d'autres comme étant bien distincte, quoiqu'on recon- naisse que la première est un acheminement vers la seconde. La vérité est que ses cas sont nombreux et que les enfants lui fournissent un contingent très important au dire du Dr. Maira. Le traitement est celui que recommandent les pra- (i) Salazar y Newman : Examen de las aguas potables. 817 tiques modernes: antisepsie intestinale, bains froids (en dépit de la résistance du public et qui sont suivis de bons effets), etc. La mortalité causée par la fièvre typhoïde à Santiago, peut être calculée à 350 ou 400 par an. En continuant l'étude de la morbidité dans cette ville il faut citer en première ligne, la variole et la tuber- culose. La variole exerce des ravages; ses épidémies ont fait jusqu'à 4.000 victimes dans une seule année; elles se sont produites en 1872, 1876, 1880, 1886, 1891 et 1892. En 1891, seulement, elle a causé 1.114 décès. Un institut de vaccin animal a été fondée en 1888, et on s'est servi pour les premières inoculations de la lymphe provenant de l'institut analogue de Nancy. Cet établissement remplit bien le but de son installation; en 1891, on a pratiqué, dans tout le Chili, 273.222 vac- cinations. La tuberculose est d'une fréquence effrayante; sa marche est rapide, parfois elle a une apparence aiguë, et les hôpitaux se remplissent de ses victimes pendant les mois de juin, juillet et août. Elle revêt toutes les formes. On sait que les variations de température sont très marquées et très intenses à Santiago; de ces change- ments résultent les catarrhes, les bronchites et tous les états qui mettent l'organisme en condition de con- tracter ou de réveiller la tuberculose. Ajoutons à cela l'épidémie d'influenza, qui pendant ces dernières an- nées a envahi le pays et on comprendra la fréquence énorme de cette affection, qui représente le 25 % de la mortalité annuelle. La tuberculose frappe beaucoup sur les enfants, et la mortalité par des méningites tuberculeuses est excessive. Les tumeurs blanches, les coxalgies et autres artrites infectieuses sont nombreuses. Les essais pratiqués avec la lymphe de Koch n'ont pas été couronnés de succès, si ce n'est pour le lupus. Il n'existe pas au Chili d'hôpitaux destinés aux tu- CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 818 berculeux, ni de salles, qui, dans les hôpitaux leur soient exclusivement réservées. Par contre, il existe, dans les grandes altitudes, des établissements tels que ceux de San José de Maipo à San- tiago, San Antonio à Copiapô, qui sont les plus impor- tants ainsi que d'autres dans les Andes, tels que Lima- che, etc., qui sont secondaires. Dans les principaux, comme celui de San José de Maipo, le sanatorium de Alfalfar, la pression est élevée et cette circonstance rend difficile l'existence des malades. La pneumonie, principalement la fibrineuse, fournit aux hôpitaux un grand nombre de victimes en hiver; en 1886 et 1888, elle a présenté des caractères très graves et complètement inconnus. Dans la pratique hospitalière comme en ville, on observe des quanti- tés de pneumonies infectieuses; d'après le Dr. Ugarte Gutierrez, la pneumonie aiguë a revêtu en 1888 des formes qui méritent une étude attentive et de sérieuses méditations pour son traitement. Les formes serpigi- neuses ou récidivantes ont fourni le principal con- tingent, et chaque médecin a pu annoter dans ses observations de nombreux cas, qui ont été suivis de mort. Les symptômes pneumoniques se sont présentés en 1890, avec un caractère si accentué et si grave, que dès le premier moment ils étaient très alarmants. C'est ainsi que l'épidémie de pneumonie, qui se déclara en août, septembre et octobre de cette année, tua le 90 % des malades. Les bronchites, les corizas, s'observent constamment en hiver, et tout le monde leur paye son tribut. Les affections de l'appareil cardio-vasculaire, d'obser- vation quotidienne, dans l'étiologie desquelles l'alcoo- lisme et le rhumatisme jouent un rôle important, sont évidemment provoquées par les grands abaissements de la température qu'on observe ici. De nombreuses circonstances y contribuent. Santiago est situé sur les rives du Mapocho, entre la mer et la Cordillère, dans un creux froid et bas par rapport aux points limitrophes habités. 819 En hiver, certaines journées sont froides et rigou- reuses; nous savons déjà qu'au printemps et en été, à des températures très chaudes pendant le jour, suc- cèdent des nuits très froides accompagnées de gelées et de vents violents. L'influence de ces changements est bien connue; elle explique également l'action qu'elle peut exercer sur la fréquence que nous venons d'exa- miner. Les cas de rhumatisme sont aussi nombreux que te- naces. Santiago, en première ligne, Talca, Concepcion, Valparaiso et Coquimbo ensuite, confirment avec leurs statistiques ce que nous disons. Les maladies du centre circulatoire, d'origine rhuma- tismale, font un grand nombre de victimes. L'artéryo-sclérose s'observe souvent non seulement dans les services d'hôpitaux, mais encore dans la pra- tique civile, et il faut remarquer que plusieurs des hommes publics les plus importants de ces derniers temps, ont succombé à cette maladie. Cela explique, d'autre part, le chiffre très élevé de morts subites qu'on constate dans le pays. Parmi les causes de cet état de choses, il faut mentionner l'alcoolisme très répandu dans la classe pauvre. L'électricité atmosphérique est un élément important dont il y a lieu de tenir compte. La province de San- tiago est celle dans laquelle les habitants ont le plus à souffrir des changements intenses de tension électrique, à tel point qu'elle se place au niveau géographique des peuples du monde dans lesquels elle est la plus irré- gulière. Dans un même jour on a constaté plusieurs fois des changements de l'électromètre, passant de l'électricité positive à la négative ce qui est bien rare dans le plus grand nombre des climats connus. Ce phénomène doit avoir une grande influence sur les conditions climatériques en général, principalement sur les individus d'un tempérament nerveux, plus sen- sibles que les autres à ces phénomènes électriques. Ainsi on observe que cet état spécial de la tension électrique 820 favorise chez certains, la propension morbide aux affec- tions cardiaques, pulmonaires, rhumatismales, nerveu- ses, etc. Le fait suivant le prouve. Pendant l'épidémie d'in- fluenza, qui a sévi sur Santiago durant les années 1891 et 1892, on a constaté des oscillations plus fortes que d'ordinaire, et dans l'électromètre des changements de quelques degrés, 30°, 40°, 50° et plus, en moins de dix minutes. Ces déviations de l'aiguille passaient de l'électricité positive à l'électricité négative, et se produi- saient en plein jour, par un soleil ardent et un ciel dépouillé. Les mêmes observations pratiquées à Valparaiso, Concepcion, Arauco, Linares et Rengo, n'ont pas pré- senté d'oscillations et de changements pareils en un même jour, d'une électricité positive en électricité né- gative. L'alcoolisme est un autre fléau, favorisé par l'impu- nité, grâce à laquelle on peut vendre des alcools et des vins de mauvaise qualité. L'eau de vie que boit la population du Sud est telle- ment nuisible, qu'on a adopté comme proverbe la phrase par laquelle on caractérise la mauvaise qualité et les effets d'un alcool élaboré dans une grande fabri- que d'Arauco: «Les alcools de M. Bunster ont tué plus d'Araucans, que les armées du gouvernement pendant la guerre de soumission ». C'est ce qui arrive. Ce vice fait plus de victimes dans le Sud du pays que dans le Nord, où, cependant, on boit davantage. L'explication est celle-ci: le Sud est une région agricole et les travailleurs ne peuvent choisir les bonnes bois- sons, parce que leurs salaires ne le leur permettent pas, tandis que dans le Nord, zone minière, les salaires sont plus élevés, les travailleurs peuvent se procurer du cognac, de l'Oporto et autres, surtout étant donné l'es- prit d'orgueil qui règne parmi les mineurs et qui les pousse à se donner du rumbo et facha comme ils disent, en buvant ce qu'il y a de meilleur. 821 Malgré l'abus des boissons dans cette région, leurs -effets ne sont pas aussi nuisibles que dans le centre ou dans le Sud. Plusieurs tentatives ont été faites pour fis- caliser l'élaboration de l'alcool et pour modérer l'intem- pérance avec laquelle les personnes en font usage, et on a songé à établir un impôt de 0.50 centavos par litre; mais rien n'y a fait. Il faut espérer que le conseil d'hy- giène récemment installé, interviendra pour arrêter la pernicieuse influence de l'alcoolisme, en réussissant à diminuer le nombre de ses malheureuses victimes. La syphilis et les maladies vénériennes sont très ré- pandues. Valparaiso seulement, avec une population de 130.000 habitants, compte plus de 6.000 prostituées inscrites et on peut calculer qu'il y en a un nombre égal de clandestines, au dire du Dr. P. Ferré y Rodriguez. Nous avons connaissance de plusieurs projets régle- mentant la prostitution, mais nous ne savons pas s'ils ont été approuvés. Il est probable qu'ils n'ont pas encore reçu la sanction correspondante, puisque la pratique dé- montre des faits anormaux: on n'exige pas de la prosti- tuée de bulletin de santé du médecin; on n'oblige pas Vabbesse (*) à soumettre ses femmes à l'examen médical; on ne prend pas note à la police des changements de domicile que ces femmes effectuent; on les laisse enfin en complète liberté. Les bienfaits d'une règlementation strictement prati- quée ont pu être appréciés en 1891, pendant l'état de siège dans ce pays. Les intendants et chirurgiens mi- litaires collaborèrent à cette œuvre d'intérêt public, et les résultats furent excellents : dans plusieurs points les affections vénériennes diminuèrent; dans d'autres, elles disparurent presque complètement, grâce à des disposi- tions sévères, qui étaient rigoureusement observées par tout le monde, y compris les prostituées. Un médecin de régiment à Lota et Concepcion, sur trois cents ma- f1) Nom par lequel on désigne la patronne de la maison, 822 lacles qu'il soigna pendant cette année, rencontra seule- ment deux vénériens. Le fanatisme religieux est une des causes qui em- pêchent cette règlementation définitive de la prostitu- tion. Il intervient et il mariœuvre pour arriver à ses fins qui, franchement, dans le cas présent, réussissent à ag- graver un mal qui est indispensable. La rougeole est endémique et chaque année elle fait sa réapparition comme épidémie; elle choisit ses victi- mes parmi les enfants, et est suivie par les complica- tions pulmonaires. La scarlatine a été épidémique en 1890, avec un caractère de gravité très marqué pendant sept mois. Elle a attaqué toutes les -classes sociales et on a pu constater ce fait que le malade, ayant échappé à l'affec- tion, n'évitait pas les rechutes, les complications du poumon, de l'intestin, des veines. Ces dernières sont celles qui ont fourni le plus fort contingent à la mor- talité. On a observé la périodicité des invasions de la scar- latine au Chili. Tous les dix ans, suivant les anno- tations qui ont été pratiquées, elle fait sa réapparition avec les mêmes caractères graves qu'elle a présentés la dernière fois. La dysenterie et les abcès hépatiques très fréquents à Santiago, semblent avoir une marche corrélative, comme on l'a vu, d'autre part, dans différentes clini- ques. Le Dr. Ugarte Gutierrez a attiré l'attention sur ce phénomène en établissant « qu'une dysenterie longue et grave est la cause la plus commune de l'hépatite, et un des moyens les plus fréquents au Chili pour avoir un abcès hépatique ». Rappelons de nouveau que, comme facteurs étiologi- ques de ces maladies, on doit faire figurer la mauvaise alimentation, l'usage immodéré des alcools, les chan- gements brusques de température, les infractions à l'hy- giène et même l'abus de la nourriture dans les classes aisées. Elles prennent un plus grand développement en au- tomne et au printemps; elles attaquent de préférence 823 les hommes. La raison de cette sélection pathogénique réside dans les mêmes causes que nous avons men- tionnées plus haut et qui agissent plus spécialement sur le sexe masculin. Parmi ces causes, l'alimentation et les boissons provoquent le plus grand nombre de ces maladies. La dysenterie constitue au Chili l'affection intesti- nale la plus commune; elle représente le 12 % de la mortalité générale des hôpitaux, et occupe le second rang parmi les affections entraînant la mort. Les abcès hépatiques interviennent dans la statisti- que mortuaire des hôpitaux à raison de 5 à 6% Les cas nombreux, qui ont été observés, dans lesquels ces maladies coexistaient ou avaient coexisté, ont établi que la dysenterie est le précurseur immédiat de l'abcès. Leur distribution, au point de vue de la fréquence, est la suivante: pour la dysenterie: Santiago, Valpa- raiso, Colchagua, Coquimbo, Talca, Concepcion, Acon- cagua, Nubie, Atacama; pour les abcès hépatiques: Santiago, Valparaiso, Talca, Concepcion, Atacama, Co- quimbo, Colchagua, Bio-Bio, Nubie. Ace sujet nous ren- voyons le lecteur au considérations générales sur le Chili. Le choléra a fait invasion en 1886 et 1887, et a causé un grand nombre de victimes dans les provinces de Santiago, Valparaiso, Aconcagua, Concepcion, Nubie, ainsi que dans d'autres villes. Les mesures opportunes qui furent adoptées par le corps médical et les autorités contribuèrent à rendre moins meurtrière cette épidémie, qui a tué, cependant, quelques milliers de personnes. Les études pratiquées dans quelques localités ont dé- montré que les cours d'eau constituent le véhicule de la maladie. D'après les renseignements du Dr. Défor- més, à Santiago, l'immense majorité des malades pro- venait des faubourgs où l'on boit l'eau du rio ou celle immonde des ruisseaux. A ce grave inconvénient, il faut ajouter l'action nuisible des bourbiers et des fu- miers qui existent au quartier Vigouroux, rues Santa Rosa, Chorrillos, etc. 824 Dans les rues des Andes et Mapocho, qui n'ont pas d'eau potable, la mortalité fut terrible. Il a été prouvé que dans la rue Bellavista, tout le côté qui disposait de cet élément comme boisson a été respecté, alors que le côté faisant face, qui en était privé, eut pres- que tous ses habitants atteints. Le fait suivant, ob- servé dans les Andes, par le même auteur, prouve ce qui vient d'être dit: dans un grand établissement de fourrages, on adopta, comme obligatoire, l'eau ayant bouillie et aucun des travailleurs qui séjournaient dans l'établissement ne tomba malade, tandis que les char- retiers, les contre-maîtres occupés au dehors pour le transport des fourrages, provoqués par le soleil, se lais- saient aller à boire l'eau des ruisseaux voisins du che- min, et presque tous, en voulant calmer leur soif, se donnèrent la mort. Nous ne pouvons poursuivre l'énumération de ces cas qu'on pourrait multiplier, puisque des faits analo- gues se sont produits à Valparaiso, Chillan, etc. En présence de cette dure expérience, il a été décidé d'approvisionner d'eau potable, convenablement distri- buée, les villes les plus importantes. Le peuple et le gouvernement comprennent la nécessité de ce service public, aussi y a-t-il volonté de l'installer sans retard et cela se fera pour le plus grand intérêt de la salu- brité générale. Depuis l'invasion du choléra en 1887 et 1888, et les grandes pluies qui se sont produites pendant la der- nière de ces deux années, qui permettent de la consi- dérer comme la plus pluvieuse qu'il y ait eu depuis longtemps, la ville de Santiago a été atteinte, de nou- veau, par différentes maladies épidémiques, qui ont pris une grande intensité. La fièvre morbilieuse, appelée vulgairement alfombrüla, dit le Dr. Ugarte Gutierrez, a été la première à semer ses horreurs bien connues dans la population infantile. Cette fois elle n'a pas été bénigne, comme cela se produit d'ordinaire dans nos populations lorsqu'elle règne à l'état endémique, avec des exacerbations au printemps ou à l'automne. Au contraire, dès le début 825 de l'épidémie actuelle, on a pu observer des caractères anormaux, qui étaient comme les premiers symptômes de la forme grave qu'allait revêtir cette maladie infec- tieuse. En effet, on a constaté des cas d'énanthèmes gra- ves des organes respiratoires sur lesquels cette maladie exerce une détermination spéciale. Les cas de bronchite morbilieuse, rapidement mortels, et qui se terminent par une suffocation prompte et irrémédiable des petits ma- lades, indiquèrent, bien vite, le caractère de l'épidémie actuelle. Des adolescents et des adultes ont été atta- qués plus tard, présentant des symptômes d'une infec- tion grave, des exanthèmes papuleux si confluents et si étendus que depuis longtemps on n'en avait vu de pa- reils et qui ont donné la mesure de la gravité du mal. Le nombre d'enfants qui ont succombé à des bronchi- tes morbilieuses suffocantes et à des broncho-pneumo- nies secondaires a été énorme; à Valparaiso et Santiago il y a eu des centaines de victimes. (l) La diphtérie et la fièvre scarlatine ont suivi cette maladie. La diphtérie a été épidémique en 1868; elle s'est déclarée d'abord à Valparaiso, et s'est propagée ensuite à toutes les provinces. Aujourd'hui elle est en- démique à Santiago, où elle est toujours grave quoi- qu'elle ne soit pas très fréquente. L'influenza en 1889 et 1890, fut intense dans sa for- me et dans ses effets; ses complications furent extrê- mement graves et causèrent un grand nombre de victimes. Les affections nerveuses sont très répandues ; parmi les causes et facteurs qui les provoquent, on peut citer les exigences sociales, les raffinements du luxe et des mœurs sous toutes leurs faces, l'éducation vicieuse, sans oublier l'influence du climat, l'hérédité, etc. Les suicides sont très communs; les chiffres que pré- sente leur statistique, doivent être plus considérables que ceux des autres villes Sud-Américaines. (l) Dr. I. Ugarte Gutierrez: Boletin de Medicina, Santiago de Chile, Août 1888. 826 La mortalité à Santiago et dans le reste du pays est très importante, ainsi que nous l'avons déjà vu au commencement de ce chapitre. Conformément à ce que nous avons dit, nous répéte- rons avec le Dr. Espejo V.: On est effrayé du chiffre énorme de mortalité an- nuelle, qui correspond à certaines localités. En 1882, par exemple, celle-ci a atteint respectivement à San- tiago, la Serena et Talca à 34, 40, 41 pour 1000; à Val- paraiso et à Concepcion à 55 et 90 pour 1000. En prenant le mouvement des hôpitaux comme hase pour déterminer les maladies qui contribuent le plus directement à produire ce chiffre élevé de décès, on re- marque qu'ils sont causés pour la plus grande partie par la tuberculose, la dysenterie, la pneumonie et toutes les diverses formes du typhus abdominal. Ces derniers, ainsi que la dysenterie, qui ont un mode de diffusion analogue à celui du choléra, représentent à eux seuls le 16 % de la mortalité des hôpitaux, et sur ce chiffre la tuberculose fait à elle seule plus d'un tiers des vic- times. Toutes ces affections ayant une origine parasi- taire, et ayant besoin de certaines conditions pour se transmettre, peuvent être influencées favorablement par elle dans leur développement. En attendant, accoutumés à ses ravages, à peine si nous nous rappelons d'elles et nous n'avons rien fait jusqu'à présent pour les éviter. Nous disposons cependant de moyens de défense dont la mise en pratique aura des résultats incalculables. Si Ton sait que presque tous les tuberculeux contractent la mala- die par le contact direct avec la matière contaminée, il est logique de supposer que l'éloignement de ces foyers infec- tieux, la règlementation du lavage, la création de lazarets spéciaux et autres précautions analogues réduiraient con- sidérablement la sphère de la contagion. Les mêmes effets s'obtiendraient sans doute, pour la fièvre typhoïde et les infections gastro-intestinales, en dotant les villes d'une bonne provision d'eau potable et d'un système bien compris pour leur écoulement. Je crois, par suite, qu'une reforme sérieuse de notre système hygiénique aura, comme conséquence immédiate, une diminution 827 de la mortalité moyenne dans notre pays. En calculant que celle-ci atteint 20 pour 1000 et en estimant à 1 % cette réduction, c'est 25.000 personnes qui seraient sous- traites à la mort dans une année. Cette espérance est d'autant plus justifiée que notre climat, le peu de den- sité de nos populations, la constitution même de notre race sont des éléments qui, naturellement, nous favo- risent et nous protègent. (') L'immigration au Chili est encore peu importante. D'après le recensement de 1885, il y avait 5.265 étran- gers dans la province de Santiago; sur ce chiffre, 5.000 résidaient dans la ville du même nom. Il est facile de supposer que leur nombre a dû tripler depuis cette date. Les étrangers, qui y arrivent, ne sont pas plus atta- qués que les naturels par les maladies. Parmi les améliorations publiques, que la salubrité exige le plus impérieusement, figurent les égouts déjà projetés et le développement du service d'eaux courantes au moyen de bonnes conduites. Grâce aux premiers, Santiago se trouvera dans de bon- nes conditions d'hygiène, puisqu'on supprimera le mode d'écoulement actuel, qui constitue un véritable danger pour les habitants; ces derniers retireront des autres travaux d'immenses avantages. Grâce à eux, grâce à l'installation du Conseil d'Hy- giène Publique et de l'institut de vaccination, les ré- formes entreront dans une véritable période d'activité, qui aura pour résultat de transformer des villes insa- lubres en des centres de travail et d'industries dirigés conformément aux principes de la science sanitaire. L'alcoolisme est d'une fréquence affreuse dans ce pays; à propos de leur influence sur l'aliénation mentale, le Dr. M. S. Beca, médecin de la maison des fous à San- tiago, dit: que le moment de l'année pendant lequel il y a le plus d'admissions pour causes alcooliques cor- (*) Dr. Luis Espejo V.: Memoria sobre la epidemia de cèlera en Chillan. 828 respond aux époques des excès de boisson, et à la classe sociale chez laquelle cette habitude est la plus fréquente. Il est à remarquer que pendant le premier et les qua- tre derniers mois de chaque année, on observe le plus grand nombre d'entrées; c'est la période qui correspond aux fêtes populaires et religieuses que les Chiliens ont l'habitude de célébrer par des libations abondantes et prolongées. Les fêtes nationales de septembre, la Toussaint, la Noël, le nouvel An et Pâques sont des prétextes à des réjouis- sances dont les conséquences se constatent ensuite à l'hôpital des aliénés. Pendant ces mois l'établissement reçoit un plus grand nombre de fous alcooliques que pendant le reste de l'année; cette observation s'est répétée plusieurs fois et a toujours donné un résultat identique. Pendant ces cinq mois de 1891, il est rentré 123 al- cooliques, tandis que durant le reste de l'année on en a compté 31 seulement, total 154. Les formes qu'affec- tent ces cas d'aliénation alcoolique sont très variées: Délire alcoolique 54, excitation maniaque 23, manie aiguë 13, mélancolie 25, délire des persécutions 9, dé- mence alcoolique 6, pseudo-paralysie 5, etc. Sur les 154 cas, on comptait 19 femmes. Au point de vue de l'âge, le plus grand nombre de fous avait entre 20 et 30 ans; depuis cet âge jusqu'à 50 ans, les cas sont également nombreux. Cela s'est toujours observé: cette période de 30 ans, comprise entre la 20e et la 50e année est celle pendant laquelle se présente le plus grand nombre d'aliénés pour cause alcoolique, c'est-à-dire la période moyenne de la vie, quand les excès de toute classe, les manifestations tangibles des passions et des vices sont les plus com- muns et se produisent plus facilement et plus impé- rieusement. C'est cette époque pendant laquelle pour les mêmes raisons, les influences héréditaires se font sentir plus efficacement et occasionnent des tendances spécia- les, des maladies physiques ou psychiques et parmi elles, l'alcoolisme. 829 La preuve de l'action que ces diverses causes peu- vent avoir exercée sur la production de l'aliénation alcoolique sur les 154 malades de l'année 1891, est établie par le tableau suivant: Influence héréditaire Hommes Femmes Total Fils de parents alcooliques.. 9 1 10 » » fous 31 1 32 » de mariages consanguins 6 0 6 N'ayant pas d'antécédents... 89 17 106 Quant à la provenance de ces malades, nous avons: Santiago 107, Valparaiso 13, Colchagua 6, Concepcion 4, Curicô 3, Nubie 3, etc. En ce qui concerne les professions, il résulte: pro- fessions manuelles et mécaniques 56, industrielles 21, agricoles 14, militaires 10, libérales 5, etc. Valparaiso. - Valparaiso, construit sur le Pacifique, est le port le plus important du Chili; sa population est aujourd'hui de 130.000 âmes. Une partie de la ville s'étend sur une longue bande de terre entre la Cordillère et la mer; l'autre est échelonnée sur les montagnes, ce qui lui donne un singulier aspect, sur- tout de nuit. La salubrité publique est mauvaise par suite de l'en- tassement d'une partie considérable de la population qui habite un parage déterminé, et aussi par l'im- mense infection du sol, produite par cette agglomération qui, ainsi que nous le verrons plus loin, n'a pas les moyens nécessaires pour se débarrasser de ses immon- dices ni une provision d'eau potable. A ces inconvénients il faut ajouter ceux qui sont spéciaux aux ports, et pour cette raison les habitants sont encore plus exposés aux germes morbides. Cette circonstance oblige la population à veiller encore avec plus de soin sur sa police sanitaire puisque, comme disait Proust, au Congrès d'Hygiène de Paris en 1889, «les habitants des ports doivent suivre d'une façon plus 830 rigoureuse que les autres les règles de l'hygiène; ils doivent se faire vacciner et revacciner, parce que les statistiques établissent que dans les ports les cas de variole sont plus nombreux que dans les villes. » Le climat qui, certes, n'est pas mauvais, n'explique pas la mortalité de cet pays, dont la topographie pré- sente des conditions favorables pour le développement et le bien être des personnes. On observe quelques élé- ments qui positivement sont préjudiciables, tels que l'humidité de l'atmosphère, condition qui agit sur le sol et est spécialement maintenue par la perméabilité de celui-ci. Nous connaissons son influence sur la santé, et le nombre de victimes que fait la tuberculose. A Valpa- raiso, elle représente le 46 % de la mortalité générale. Le sol est sablonneux et la couche végétale a une épaisseur variant entre 1 et 2 mètres, d'après Carmona. Il pleut rarement en ville. En quelques années, la quantité d'eau pluviale a atteint seulement 21 centi- mètres (total). Quant à la superficie viable et à l'aération de Val- paraiso, dit Rawson, il importe de faire remarquer qu'ils se trouvent dans des conditions singulièrement défavorables, si on les compare à ceux d'autres villes. En représentant par cent le terrain que couvrent les maisons, Paris a une superficie en rues, places et jar- dins de 25.0; Vienne de 35.8; Boston de 26.7; Phila- ladelphie de 29.8; New-York de 5.3; Washington de 51.1. Plus ces chiffres se rapprochent de 100, plus une ville peut être considérée comme aérée. Il est bien en- tendu que tous les espaces vides ou aérés doivent être intimmement mêlés avec l'intérieur de la ville, comme les parcs de Londres, les boulevards de Paris, comme les douze grandes avenues, la place et le parc central de New-York. Les promenades extra-urbaines, quelles que soient leurs beautés, leurs attractions, peuvent être agréables pour ceux qui les visitent, mais ne contribuent pas à étendre la capacité superficielle de la ville, et ne donnent pas un centimètre d'air de plus à chaque ha- bitant. A Valparaiso, les rues, les places, les promena- 831 des représentent seulement 17.9 pour cent du terrain couvert par les édifices. Cette faible proportion donne la mesure de ce qu'il faut faire pour se rapprocher des exigences de l'hygiène à ce point de vue. (') Les latrines sont des fosses creusées dans le sol. Leur évacuation, d'après Rawson, se fait à découvert, pendant la nuit, au moyen de récipients ouverts ou mal fermés et le contenu se jette dans la mer ou sur le rivage. Il est évident que pareil procédé répand chaque nuit dans l'atmosphère des rues les plus aérées et des maisons, des émanations gazeuses, méphitiques, et que les matières solides et liquides jetées à la mer sont déposées, comme un ressac sur le rivage, restant à découvert et exhalant les gaz impurs que la brise et les vents de la mer, si fréquents et parfois si tena- ces, rapportent à la ville. Il serait intéressant de faire une expérience sur l'at- mosphère régnant pendant le vent de mer, afin de savoir si elle contient à haute dose l'ozone qui est si pro- noncé dans les vents maritimes, si on ne l'y rencontre pas ou si on l'y rencontre en faibles proportions. Le fait de l'infection du rivage n'est pas niable, et ses effets pernicieux sont certains, quoique à l'odorat on ne se rende pas compte de cette infection. (2) Le même auteur condamne cet usage abominable et soutient, avec raison, que les matières fécales adhèrent aux parois des fosses et sont absorbées par la terre poreuse; à raison de la capillarité, elles sont conduites avec une grande activité dans la direction des cou- rants souterrains, elles se mélangent intimement avec l'humidité et quand on ouvre un puits ou une noria, l'eau qu'il procure est organique, corrompue, et pu- trescible. Indépendamment de ce que les lois physi- ques permettent que les gaz produits dans les couches de terre imprégnées de certaines matières, s'exhalent (x) G. Rawson: Lettre au Dr. Javier Villanueva, en 1874, sur l'hygiène de Valparaiso. (a) G. Rawson: Lettre citée. 832 à la surface, elles contribuent, en outre, à vicier les conditions de l'atmosphère, avant d'avoir été oxydées et minéralisées par l'oxygène qui n'a pu aller retrouver ces substances, par suite de la saturation aqueuse du sous-sol. La même chose a lieu avec les puisards. On com- prend sans efforts, l'immense infection du sol et le dé- gagement de gaz méphitiques produits par l'action combinée de ces deux éléments: les latrines sans un écoulement correspondant, et l'infiltration de la terre par les matières fécales et par les eaux sales. Ces graves dangers pour la salubrité publique observés en 1874, par l'hygiéniste argentin, faisaient dire en 1887, à une commission spéciale de savants chiliens: «Nous vou- lons pour Valparaiso qu'on abolisse à jamais les puits-la- trines, que les matières fécales soient enlevées le plus promptement possible des maisons, sans leur faire su- bir de manipulations, sans les mettre en contact avec l'air. Nous voulons que cette extraction se fasse par un de ces deux procédés: fosses portatiles ou conduites dans lesquelles elles seront emportées par une grande quantité d'eau. » Ces conclusions étaient confirmées en 1889, par le Dr. Murillo, lorsqu'il disait: Les fosses fixes, par suite des émanations nuisibles qu'elles répandent dans l'air et par les filtrations avec lesquelles elles imprègnent le sol, constituent un système anti-hygiénique au plus haut degré; c'était cependant celui qui était le plus employé jusqu'à ces derniers temps. Les tubes qui descendent dans les canaux des eaux pluviales ont l'inconvénient de permettre la putréfaction des matières, surtout en été, époque pendant laquelle les canaux sont à sec; les tubes qui conduisent les immondices à la mer, les conduites d'écoulement appe- lées de propreté présentent le danger d'infecter la plage dans les parties les plus centrales de la ville. Heureusement pour les habitants de Valparaiso, parmi quelques améliorations introduites dans ces derniers temps, figurent les écoulements. 833 Le système d'égouts est représenté par deux voies distinctes: l'une transporte à la mer jusqu'à des parages bien déterminés les immondices de la ville, l'autre porte également à la mer les eaux pluviales. Les con- duites qui servent pour les eaux de pluie, sont, d'après Murillo, naturelles et artificielles; les premières consis- tent à utiliser deux rivières, qui n'ont presque pas d'eau en été et sont connues sous le nom de canal de J-aime et canal de las Delicias. Les conduites arti- ficielles sont de grands aqueducs, qui, après avoir recueilli les eaux descendant par les ruisseaux des rues, vont se jeter à la plage. Bien que n'ayant pas une grande capacité, ils sont construits en chaux et en briques, ils exigent un entretien constant pour évi- ter qu'ils ne se comblent avec les sables que les eaux de pluie charrient du sommet des montagnes. Il est question d'étendre ce réseau d'égouts jusqu'à la partie haute de la ville, ce qui sera un bienfait énor- me pour ce quartier. Le service d'eaux courantes au moyen de conduites en fer, embrasse diverses sources ainsi dénommées: EXAMEN EXAMEN ORGANIQUE (fl 0 EAU DE BACTÉRIOLOGIQUE AMMONIAQUE Oxigène consommé LJ VALPARAISO Colonies pour 1 c. c. par la matière organique N U M ÉTÉ 1887 d'eau sortant en gélatine après deux jours de culture à 20 c. Libre Albuminoïde Permenganate alcalin MILLIGRAMMES PAR LITRE 1 Le Salto 25 vestiges 010 005 38 2 Quebrada Vercle ... 1.000 150 5.40 3 )) S. Agustin. 3.864 160 275 8. 4 )) de Jaime.. 380 015 050 1.50 5 » de Polcuro 15.200 134 160 6. 6 Puits Child 4.100 105 140 8 80 7 )) Mackay 4.620 175 160 8.70 7 85 8 )) Ortiz 2.856 080 100 9 » Colon (non em- 1.200 (24 heu- 12- 120 6.20 ployée comme potable).. res ) CLIMATOLOGIE MEDICALE. 53 834 Veau du Salto, disent Zalazar et Newman, répondait pendant l'été de 1887 et 1888, à toutes les exigences, au point de vue de la pureté chimique et biologique. Prise dans la conduite principale ou dans un point très rapproché et semée immédiatement dans la gélatine nutritive, elle n'a jamais révélé plus de trente colonies par centimètre cube, après trois jours de culture à une température moyenne de 20°; jamais non plus le nom- bre de colonies réussies n'est descendu au-dessous de 20 à 25. Cette uniformité de résultats est entièrement d'accord avec ceux de l'examen chimique de cette même eau pendant la période indiquée. Les mêmes auteurs se référant à diverses causes qui peuvent, selon eux, induire en erreur, disent: A Valpa- raiso, par exemple, indépendamment de la provision principale existent des chutes d'eau de sources qui prennent naissance sur les sommets des montagnes et qui descendent par les nombreuses gorges qui en- tourent la ville. Ces eaux examinées à leur point de départ, comme nous l'avons fait plusieurs fois, sont tout ce qu'on peut désirer de mieux comme pureté chi- mique et biologique, mais, malheureusement, après un parcours plus ou moins long à l'abri de toute conta- mination, elles sont reçues dans de petits réservoirs en général découverts ou mal fermés, qui sont situés au milieu d'une population nombreuse et exposés, par suite, à recevoir toute sorte d'immondices. Comme le courant est faible et que dans chacun des réservoirs on fait cha- que jour la distribution, il résulte que le volume d'eau varie constamment, que le degré de contamination orga- nique, quoique toujours élevé, varie aussi dans de faibles proportions et, qu'enfin, il en est de même pour les bac- téries et les micro-organismes en général. Par suite, quelles que soient les précautions prises pour assurer une uniformité aux conditions dans lesquelles se font les semences et les cultures, il arrivera malgré tout que les résultats des examens d'une même eau, pra- tiqués à de courts intervalles, se contrediront toujours. Voici les résultats obtenus avec les eaux des gorges de Valparaiso. 835 1° Spécimens pris dans les petits barrages de distri- bution. Température moyenne entre 18° et 20°. Eaux diluées à 1/50; chiffres obtenus en multipliant le nombre rond le plus rapproché des colonies réussies, par le coefficient de dilution. Date : 2 février 1887. Gorges Colonnies pour 1 c. c. Jaime 263.000 Polcuro 310.000 Quebrada verde (x) 37.900 2° Spécimens pris à la sortie de la conduite ou du petit canal qui alimente chaque réservoir. Température moyenne des eaux: entre 14° et 15°. Date: 5 mars 1887. Gorges Colonnies pour 1 c. c. Jaime 450 Polcuro 15.200 Quebrada verde 1.100 Un nouvel examen des eaux du Salto pratiqué en septembre 1892, par les mêmes professeurs du Liceo a démontré que ces eaux s'étaient altérées depuis 1887, et qu'elles atteignaient à peine des limites acceptables. En 1892, il se produisit quelques cas de fièvre ty- phoïde parmi les habitants qui font usage des eaux de la Quebrada verde; à cette occasion l'intendant de cette province fit procéder à une analyse chimique qui donna les résultats suivants: (x) Petit réservoir d'une maison particulière. 836 Quebrada verde 1887 1892 1° Résidu fixe à 100° mg. par litre. 160 199 2° Dureté en b o* et ba 90 110 3° Chlorures en mg. de bl 61 65 4° Nitrates » azo* H 1.85 1.91 5° Ammoniaque albuminoïdé 0,15 0,10 6° » libre 0,01 0,26 7° Oxygène consommé 5 620 8° Colonnies constatées en gélatine p. 1 c. c. plus de 100.000 Le Salco lo Résidu fixe à 100» mg. par litre.. 114 167 2° Dureté en b o* et ba 55 59 3° Chlorure en mg. de bl 30 32 4° Nitrates en mg. de azo.» H 1.30 1.40 5° Ammoniaque libre vestiges 0,01 6° » albuminoïdé 0.005 0,10 7° Oxygène consommé 0,38 2,70 8° Colonnies constatées en gélatine p. 1 c. c 27 18.300 L'examen minéral, comme l'organique et le bactério- logique a été fait dans des conditions analogues à celui de 1887. En interprétant ces résultats, ils disent: l'examen minéral ne révèle rien d'extraordinaire, puisque l'excès de chlore des deux eaux est parfaitement explicable par l'influence qu'exerce à ce point de vue le voisinage de la mer. L'examen organique de la Quebrada verde nous dé- montre qu'il s'agit d'une eau libre de contamination animale, mais extrêmement chargée de matière végétale. Au sujet de la contamination végétale, il importe de ne pas oublier qu'on accepte comme limite pour les eaux potables 0.10 milligrammes d'ammoniaque albu- minoïdé par litre et 1 milligramme d'oxygène consom mé par une égale quantité d'eau. Enfin, l'examen bac- tériologique relatif au nombre réussies en 837 gélatine nutritive, et après 60 heures de culture à la température ordinaire (maximum 18°, minimum 13°) n'a pas, comme renseignement isolé, grande valeur en lui-même, puisqu'il s'agit simplement de germes sans caractère pathogène reconnu; tout au moins l'expérience n'a donné que des résultats négatifs en ce qui concerne le bacille d'Eberth et Gaffky. Ce renseignement est cependant utile puisqu'il dé- montre que l'eau se jette dans les conduites sans subir la filtration industrielle préalable qui amoindrit consi- dérablement la quantité de matière organique et réduit le nombre des bactères d'une eau. (') Les conclusions de ce rapport sont les suivantes: 1° Le bacille d'Eberth et de Gaffky existait le 15 sep- tembre 1892, dans l'eau du réservoir de Monte Alegre et l'existence de ce germe coïncidait avec une épidémie de fièvre typhoïde qui régnait dans les quartiers où l'on consomme cette eau. 2° En suivant la méthode décrite plus haut, on peut déclarer, en moins de 24 heures, si une eau est pure ou si elle est suspecte de contamination. Dans ce dernier cas, la preuve bactériologique com- plète n'est pas nécessaire, au point de vue hygiénique, pour condamner absolument l'eau examinée. Nous avons dit qu'une partie de Valparaiso s'étend sur une longue bande de terre, entre l'océan et les montagnes et que l'autre est échelonnée sur les hau- teurs. La première est la plus habitée; l'agglomération humaine, si considérable établie sur ce point, fournit à la statistique mortuaire des chiffres vraiment effra- yants, qui ont inspiré au préfet de la province les pa- roles suivantes: « Nous ne devons pas nous étonner de ce que Valparaiso n'ayant pas suffisamment d'air pour respirer, puisque ses habitants vivent agglomérés dans des maisons situées dans des rues tortueuses, étroites, (a) Rapport de Zalazar et Newman publié dans La Union de Val- paraiso. 838 entouré de montagnes assez élevées, présente une mor- talité de 1 pour 24 habitants (proportion encore plus forte d'après la statistique) ». En 1881, la mortalité a été de 1 pour 22 habitants et en 1882, de 1 pour 18. Les causes qui contribuent à produire ce phénomène, sont les mauvaises conditions du sol infecté par les matières fécales, etc., l'absence d'une bonne eau potable, l'agglomération des habitants dans certains quartiers, où l'on compte cinq personnes par appartement. En 1889, il est mort 4.649 personnes: 1 pour 22, ce qui donne une proportion de 45 pour 1000. Ce chiffre est déjà un peu inférieur à celui de 1872, qui atteignait 62 pour 1000 et à celui de 1874, qui était de 50 pour 1000, ce qui faisait dire à Rawson: « La mortalité calculée à 50 pour mille est énorme. Peu de villes, dans le monde civilisé, présentent un si triste privilège, et je n'en connais pas une seule qui ait ac- tuellement une statistique plus élevée. Les grandes villes Européennes ont acquis une salubrité enviable si on les compare avec Valparaiso, en prenant pour base la proportion des décès ». La tuberculose produit en moyenne le 6% des morts. La fièvre typhoïde a régné pendant longtemps ici, et l'épidémie de 1865, a laissé des souvenirs inoubliables. Au point de vue épidémique, elle ne figure pas aujour- d'hui dans la morbidité de cette population, depuis qu'on a amélioré le service des eaux courantes, qui est à tous égards, infiniment supérieur à celui qu'on avait avant cette époque. Quant à l'alcoolisme, nous savons que pendant l'an- née 1894, il est entré à la police de Valparaiso, 23.000 personnes en état d'ivresse, chiffre très considérable si on tient compte de la population de cette ville qui est de 130.000 habitants. Nous avons déjà vu qu'à Buenos Aires qui compte 640.000 âmes, pendant la même année 1894, les délits d'ivresse relévés par la police ont été seulement de 19.816. La mortalité infantile est très élevée, et l'autorité s'est préoccupée de ce fait, afin d'en atténuer les causes. 839 En 1881, il est mort 5.829 individus et sur ce nom- bre, 3.059 étaient des enfants au-dessous de sept ans. Les décès se divisent ainsi au point de vue des mois: jan- vier 273, février 228, mars 218, avril 192, mai 206, juin 180, juillet 202, août 253, septembre 294, octobre 339. no- vembre 338, décembre 343. Le chiffre de 3.059 enfants de moins de sept ans, sur un total de 5.829 décès, dans une année, est extra- ordinaire et révèle des conditions sanitaires très graves qu'il faut faire disparaître. C'est un renseignement effrayant qui doit préoccuper sérieusement l'attention des autorités et des hygié- nistes. Les maladies les plus fréquentes chez les enfants sont les affections catarrhales des bronches et des intestins, les vers intestinaux, les pharingites Groupâtes et diphté- riques, la rougeole, les scrofules et la syphilis. Celles qui ont un caractère épidémique sont la rougeole, la coqueluche, les parotidites. L'illégitimité est un autre facteur dont il faut tenir compte. En 1881, sur 4.783 naissances, il y en a eu 1.140 illégitimes, presque le 25%. Qui dit illégitimité, dit misère et crime, ce qui est bien justifié. En général au Chili, sa proportion est représentée par 259 sur 1000 naissances. Puga Borne, se référant à la statistique effrayante de son pays, dit: La seule chose que nous puissions savoir, c'est que les enfants de moins de sept ans représentent de 50 à 80% du total des décès, et la monstruosité de ce phénomène augmente le désir de connaître le dé- tail de pareille statistique. Il y a plus encore. D'après le même auteur, sur 3 enfants qui viennent au monde au Chili, un seul sur- vit à la fin de l'année. Afin d'assurer à Valparaiso de bonnes conditions d'hy- giène, il faut: Installer les égouts dans tous les quartiers de la ville, étendre le service des eaux courantes, éviter l'agglomération des personnes dans les habitations, dis- 840 séminer la population, surveiller la consommation des fruits verts et des alcools, assainir le port, organiser une inspection des aliments, créer des associations pro- tectrices de l'enfance, stimuler par tous les moyens pos- sibles l'action publique et privée en faveur de l'hygiène, instruire le peuple sur l'importance et la nécessité de l'hygiène. Tous ces travaux sont indispensables pour modifier les conditions de cette localité. Conception. - La ville de Concepcion a 35.000 ha- bitants. Son sol présente peu d'inclinaison, la couche d'eau souterraine, qui est salpêtreuse, se rencontre à des profondeurs diverses suivant les quartiers, tantôt à 1, tantôt à 9 mètres. Ces variations, selon les saisons et les quartiers, sont de plus de 1 mètre. La couche superficielle maintient une humidité per- manente, même en été, et cela est dû au peu d'élévation du sol au-dessus du niveau de la mer et des rios voi- sins, au peu d'épaisseur de la terre, qui repose sur un sous-sol granitique et dur. Deux rios limitent la ville: au Sud, le Bio-Bio d'une largeur approximative de deux kilomètres, dont le lit est conetitué par un sable mouvant très rapide; pendant l'automne, il laisse à sec une partie de sa rive et dé- bouche dans l'océan, à 15 kilomètres de la ville. Au Nord, l'Andalien, peu important en été et qui envahit en hi- ver une étendue considérable, il va déboucher dans la baie de Talcahuano, à 10 kilomètres du centre. Au cou- chant, on rencontre un plateau élevé, Cerro Amarillo et au levant, le mont Caracol, premier sommet de la chaîne de montagnes, qui s'étend dans les départements de Puchacay et Florida. En hiver, on observe des pluies abondontes et un vent du Nord, qui est très fort. En été, la sé- cheresse se prolonge pendant plusieurs mois; le vent du Sud règne, il est froid, violent, et soulève des nua- ges de poussière. 841 Les saisons de transition ne sont pas très marquées ; elles présentent comme caractères principaux des gelées pendant la nuit et une grande différence de tempéra- ture entre le jour et la nuit (15 à 20° centigrades). La population faisait usage autrefois de l'eau du rio Bio-Bio, que lui fournissaient des porteurs ambulants, mais depuis huit ans, on a installé un système de con- duites qui la distribuent. Une pompe à vapeur, établie dans une île riveraine du Bio-Bio, à quelques centaines de mètres de la ville, élève Beau dans un réservoir, qui n'a ni filtre, ni toiture et de là elle va dans les conduites dans lesquelles elle circule. La municipalité est saisie d'une proposition pour éta- blir un système complet d'eaux courantes provenant des chutes avec des réservoirs couverts et même des filtres. Les habitants des quartiers pauvres, boivent l'eau de puits. Si on excepte les personnes qui vivent sur le plateau élevé appelé Cerro Amarillo, qui ont quelques puits creusés dans le rocher, à une profondeur de 9 ou 10 mètres, et qui servent à de nombreuses familles, le reste de la classe nécessiteuse boit l'eau de puits su- perficiels, presque à fleur de terre, qui sont construits avec des planches ou de vieilles barriques. Le système des latrines est déplorable. Dans les mai- sons bien tenues, ce sont des fosses peu profondes, dont le fond est sablonneux, les parois en briques et en terre et qui sont recouvertes avec des planches. La perméabilité ne peut être plus complète. Le sol absorbe et si au bout de quelques années, la partie solide ar- rive à former une couche trop épaisse, on l'abandonne pour en construire une autre à côté. Grâce au ser- service des eaux courantes, l'usage du réservoir de chasse s'est généralisé, ainsi que le transport des matières au moyen de conduites de craie jusqu'aux anciennes fosses des maisons. Dans les quartiers pauvres il n'y a pas de latrines et si elles existent leurs conditions sont des plus mauvaises. Il est question de remédier à ces inconvénients, l'aug- 842 mentation de la population ne permettant pas de laisser subsister un pareil état de choses. Dans les rues non pavées, dont le sol est sablonneux et recouvert d'une couche légère de pierraille, le trafic forme de véritables marais, qui répandent une odeur insupportable et qui présentent une couleur verdâtre quand le soleil provoque la fermentation des matières organiques que le spersonnes lancent sur la voie publique, bien que ce soit défendu. Au pied du mont Amarillo, existent des terrains ma- récageux que les propriétaires comblent et bâtissent lentement. Ce quartier est le plus souvent le point de départ des épidémies en général et toujours le plus menacé. Dans ce parage la couche d'eau souterraine est pour ainsi dire, à fleur de terre, et c'est là que se trou- vent les conventülos les plus immondes. Le point culminant de la ville est à cent mètres de la place d'Armas; de là, les eaux pluviales courent par une pente douce vers le Bio-Bio, vers l'Andalien, vers les marais qui se trouvent au pied de l'Amarillo; elles sont retenues en partie par un canal de sable qui existe sur ce point et qui les dirige vers ces deux rios. Une faible partie va à un ruisseau qui coule au pied du Ca- racol, dans la direction du Bio-Bio. Les maladies les plus fréquentes sont la tuberculose, la variole, la rougeole, ]a fièvre typhoïde, la coqueluche, la varicelle, le goitre, la scarlatine, la diphtérie, les parotidites, etc. La fièvre typhoïde, connue dans cette localité depuis très longtemps, est endémique et sous le nom de cha- valongo elle a fait des ravages parmi les habitants. Elle est fréquente surtout en automne, époque pendant la- quelle la couche d'eau souterraine est la plus basse, mais on n'a pas établi le rapport existant entre l'inten- sité des épidémies et le niveau de ces eaux. Ici, la maladie se déclare dans tous les quartiers. Par- tout, le germe typhique rencontre un milieu favorable pour se développer, mais c'est surtout la partie monta- gneuse située au pied du mont Amarillo, qui semble 843 présenter des conditions spéciales pour sa culture et c'est elle, en effet, qui fournit le plus fort contingent aux épidémies, au dire du Dr. B. Henrique. La constitution du sol d'une part, les habitudes de la population de Vautre, contribuent certainement à une diffusion facile de l'élément typhique à Concepcion. Il est probable que la vaste superficie dont disposent les maisons, le peu d'élévation des édifices, laissent libre passage au soleil, aux vents régnants, qui sont constants et violents, annulent, en partie, les nombreux effets des conditions énoncées plus haut; mais ce qui est vrai, c'est que le bacille d'Eberth trouve ici des élé- ments favorables, dans lesquels il pullule et produit les irruptions épidémiques, qui apparaissent de temps à autre. On a observé le fait que ces épidémies éclatent pendant les années pluvieuses, qui succèdent à des an- nées relativement sèches. Quoique endémique et maintenue par les conditions que nous venons de voir, cette maladie n'est pas très fréquente en temps normal, et pendant les épidémies elle n'a pas atteint un chiffre très élevé. En 1888. date de sa dernière invasion, le nombre le plus fort de per- sonnes attaquées a été de 84, suivant un calcul basé sur les déclarations des médecins. La plupart étaient des jeunes gens de 12 à 20 ans. Cette épidémie fut considérée comme très bénigne; sur 84 malades, quatre seulement moururent. Il faut reconnaître que dans d'au- tres occasions la mortalité a été beaucoup plus im- portante. Les formes prolongées avec des récidives sont les plus fréquentes; les abortives s'observent souvent chez les enfants; les graves, en général, ataxiques, adynami- ques sont exceptionnels et exigent une certaine prédis- position, comme celle que fait naître l'alcoolisme ou le nervosisme. Chez les adolescents, les complications de l'appareil respiratoire, la pneumonie en particulier, ne sont pas rares. Pendant la guerre civile de 1891, le développement de la fièvre typhoïde fut provoqué par l'énorme agglomé- 844 ration de soldats dans les casernes où ils étaient pri- vés de toutes les commodités nécessaires et où les services hygiéniques faisaient complètement défaut. Les premiers cas signalés parmi les troupes présentèrent des caractères très graves et les malades succombèrent. Tout put, heureusement, se conjurer; la dispersion des soldats qu'on envoya dans des parages plus sains, con- tribua à ce résultat. Le traitement qu'on a employé a consisté uniquement en diète lactée, alcool, hydrothérapie, suivant les cas. La fièvre typhoïde représente le 5 % de la mortalité générale; le nombre des enfants qui succombent à cette affection est très restreint. Cependant il n'est pas exa- géré de dire qu'à Concepcion, la dothiénenterie, chez les enfants,est plus fréquente que dans d'autres villes; généralement elle est bénigne. Parmi les complications mortelles qui ont été observées, les cérébrales se pro- duisent plus souvent que les autres. Les étrangers supportent bien l'existence dans ce pays et aucun d'eux n'a succombé sous l'influence du climat. On a constaté la formation des marais dans des pa- rages déterminés qui ne sont pas encore pavés; ce fait rend nécessaire un nivellement convenable que la municipalité a fait pratiquer dans la mesure de ses res- sources. Une autre amélioration consiste à combler les lagunes et les marais, mais pour le moment l'autorité n'a pas pris de dispositions à ce sujet; tout ce qui s'est fait se réduit à quelques travaux entrepris par l'initia- tive privée. Une ordonnance interdit de construire des édifices dont le rez-de-chaussée, est à un niveau plus bas que celui des trottoirs. Sur un total de 500 cuadras, on en a pavé 70 jusqu'à 1892 et dans trois ans on en comptera 80 de plus, qui bénéficieront de ces conditions. Une des nécessités les plus impérieuses, consiste à faire cesser l'habitude de jeter les immondices sur le rivage du Bio-Bio. CHAPITRE XXXVII RÉPUBLIQUE DE BOLIVIE Sommaire. - Généralités sur le pays ; sa salubrité.-Le labardillo épidémique en 1857-58. -Ville de Sucre: Situation, population, climat, topographie, saisons.- Approvisionnement d'eau.-La chicha.-Les latrines et les puisards.-Ab- sence des marécages.-Opinion du Dr. V. Abecia.-Morbidité: pneumonies, rhumatismes, névralgies, lésions cardiaques, influenza.-Fréquence de la fièvre typhoïde; les muladares.-L'hôpital Santa Barbara. - Mortalité. - Traitement de la fièvre typhoïde. - Augmentation des travaux pour les eaux courantes.-Le goitre. - Acclimatation. Ce pays jouit de conditions très favorables pour le développement de leur population ; son climat est sec, sa salubrité bien établie, et les richesses de son sol sont inépuisables. La phtisie est inconnue parmi les indiens et les ha- bitants des montagnes. Aussi est-ce le rendez-vous des malades de plusieurs parages. Les grandes forêts, qui entourent son territoire, exercent sur son climat et ses conditions sanitaires une heureuse influence. 11 n'y a pas de maladies endémiques, sauf la malaria dans cer- tains endroits voisins des rios, et le goitre. Le goitre est très commune ici, surtout dans la ré- gion orientale entre le rio Grande et Santa Cruz. Dans le Sud, Tarija est la ville dans laquelle on rencontre le plus grand nombre de personnes atteintes de cette endémie, et dans toute la contrée les qualificatifs de Tarijeno ou de goitreux sont synonymes. Les habitants des vallées y sont beaucoup plus ex- posés que ceux des montagnes ou des plateaux élevés. 846 Les Boliviens attribuent le goitre à un arbre appelé Alizo, qui croit sur le bord des cours d'eau et auquel ils prêtent des vertus malfaisantes. La ville de Sucre, dans la quelle cette affection n'exis tait pas, présente aujourd'hui des cas nombreux. On a re- marqué qu'elle s'est déclarée à un moment où les con- duites amenant les eaux courantes étaient dans un état de saleté très marqué et renfermaient en abondan- ces des matières organiques. (Voir page 677). Dans les principales villes du pays, on observe des cas de typhus abdominal; il est cependant permis d'affir- mer qu'il ne s'est pas produit de véritables épidémies. On raconte qu'en 1857 et 1858, il s'est déclaré dans tout le haut plateau Bolivien une affection appelée ta bardillo, qui, d'après la grande majorité des médecins de l'époque, a été considérée comme la fièvre typhoïde. Sucre. - Sucre, capitale de la République de Boli- vie. située aux 19°2'45" de latitude Sud et aux 65°15' de longitude Ouest du méridien de Greenwich, à une hau- teur de 2.844 mètres, a aujourd'hui 24.000 âmes. La température moyenne annuelle est de 13°; la pres- sion barométrique, de 546 à 551; la moyenne de pluie par an, 700 mm. La ville se dresse sur un sol d'argile imperméable, dont l'épaisseur, ainsi que celle de la terre végétale qui la recouvre, est très variable. Deux rivières la traversent. Par sa propre topographie élevée sur un plan incliné aux pieds de deux montagnes, qui la dominent, elle peut facilement se nettoyer dans toute son étendue sans qu'il se forme le moindre marais. Le climat est chaud et sec; les arbres ont contribué à le modifier favorablement; l'atmosphère est souvent chargée d'électricité. Nous savons déjà que la quantité annuelle d'eau de pluie est de 700 mm., et nous devons dire que tous les nuages qui finissent en pluies, sont entraînés par les vents du Sud. 847 L/été est l'époque pluvieuse et particulièrement les mois de décembre, janvier et février, mais il pleut en général depuis août jusqu'à mars. La grêle est fréquente; les tourmentes le sont égale- ment et les éclairs se produisent souvent. Le vent de l'Est est le plus constant; le Nord souffle pendant l'hiver. La population est approvisionnée par des eaux qui sont bonnes, mais qui contiennent peu d'air. Ces eaux circulent, en général, par des conduites de poterie et par des tubes de fer. Chaque personne a pour sa part 15 litres par jour, mais cette quantité sera augmentée bientôt. Il n' existe pas de courants d'eau bien déterminés; ceux qu'on observe dans les sou-sol depuis la superficie de la terre jusqu'à 15 ou 20 mètres sont ceux formés par les pluies qui filtrent à travers la couche de terre végétale. Ces eaux sont saumâtres et impotables et ser- vent seulement pour faire la chicha (espèce de vin blanc). On ne s'en sert pas pour l'alimentation, si ce n'est sous la forme indiquée. Comme ici, les latrines fixes n'existent pas, les ma- tières fécales et les urines se jettent dans les puisards; ceux-ci, à leur tour, se déversent dans les canaux qui suivent les rues. Les conduites sont souterraines et ter- minent aux puisards. Tout cela constitue un système d'écoulement très défectueux, qui ne se conforme en rien aux exigences de l'hygiène. Par suite de la mau- vaise construction des canaux, on peut craindre que l'eau potable ne se mélange avec les restes organiques. Il n'existe pas de sites marécageux; cependant il se pré- sente quelques cas de fièvres intermittentes durant l'hi- ver, spécialement dans les parages rapprochés de la ville. D'après le Dr. V. Abecia, les maladies les plus com- munes à Sucre sont les pneumonies, le rhumatisme, les névralgies et les lésions organiques du cœur. L'influenza, qui l'a visité en 1892, n'y a pas fait de décès. La fièvre typhoïde est fréquente; les maisons voisi- nes des muladares ( dépôts de balayures et de saletés ), sont celles qui fournissent le plus grand nombre de cas. 848 On en a observé six bien évidents dans un même cadre qui n'est pas contigu aux gorges que charrient les muladares. Un fait certain, c'est qu'ici le plus fort con- tingent de cette maladie est fourni par les indigènes qui habitent les plaines les plus reculées, par les indi- vidus habituellement constipés, les buveurs, ceux qui vivent dans les abattoirs ou à proximité des points autour desquels on accumule des ordures. Il est naturel que ces personnes vivant dans de mauvaises conditions d'hygiène payent un tribut plus considérable à la do- thienentérie, puisque la misère, la mauvaise alimenta- tion, l'agglomération et tout ce qui met l'organisme en condition de contracter facilement la maladie, est un élément qui se retourne contre elles-mêmes, en écla- tant pour n'importe quelle cause, ainsi qu'on l'a cons- taté partout. Pendant les années écoulées de 1885 à 1892 il est entré à l'hôpital de Santa Barbara, 12.705 malades sur lesquels 10.2 °/o étaient des typhiques. La mortalité produite par la dothienentérie, est égale à 29 %; comparée à la mortalité générale, elle représente 17.78%. Toutes les formes cliniques sont observées; chez les femmes, celle qui est accompagnée de phénomènes ner- veux, est la plus commune. Le traitement a eu pour but de remplir les indica- tions suivantes: combattre la fièvre dès qu'elle dépasse 39°, veiller à la désinfection gastro-intestinale et ali- menter les malades au moyen de grog et de viande en poudre. La mortalité typhique infantile, est minime. Actuellement on agrandit les travaux du service des eaux courantes, afin d'assurer, à chaque habitant, une quantité supérieure à celle dont il dispose aujourd'hui. Le goitre existe dans une section de la ville dans laquelle les eaux courantes sont amenées par des con- duites en terre cuite, qui ont été reconnues très sales. Est-ce une simple coïncidence? Toujours est-il que le fait est vrai. L'acclimatation des étrangers n'offre pas de diffi- cultés. CHAPITRE XXXVIII RÉPUBLIQUE DU PEROU Sommaire.-Généralités sur ce pays.-Etude de la Ville de Lima: Situation, popu- lation, topographie. - Le sous-sol; géologie ; les montagnes. -Places et jardins. - Le rio Rimac. - L'atmosphère. - Opinion de Ulloa. - Le climat et ses éléments. - Travaux de Unanue. - Rareté des pluies. - Don Miguel Feijôo et ses observations sur le climat de Lima. - Approvi- sionnement d'eau ; études du Dr. Matias Porras. - Règlementation à ce sujet.-Les latrines et les puisards.-Les laiteries, tanneries, savonneries, écuries. - Les hôpitaux.-Les marais. - La morbidité; maladies les plus fréquentes : paludisme, tuberculose, bronchite, alcoolisme, rhumatisme, pneumonie, dysenterie, entérite. - Mortalité générale. - Le Dr. Quiroga y Mena.-La fièvre de la Oroya. - La fièvre typhoïde et le typhus exanthé- matique. - Fièvres typho-malariennes.-Paroles du Dr. Almenara Buttler. La vaccination. - Fièvres infectieuses; épidémies; le couvent Jésus Maria; conclusions et réformes.-Le Dr. Casimiro Médina et La Crônica Médica. - Nécessités qui s'imposent. - Création des services hygiéniques, etc. - La grippe et sa diffusion. - Le Dr. L. Avendano. - Travaux publics à réaliser. - La pustule du Chimû, le goitre, le crétinisme et la uta. - Le Dr. D. Matto. - Discussion de diverses opinions. Dans l'étude de la climatologie médicale de ce pays, nous devons envisager particulièrement le paludisme, la fièvre de la Oroya, les verrues, la uta et le goitre qui sont fréquents; mais nous commencerons par la ville de Lima. Lima. - La ville de Lima, capitale de la République du Pérou, compte aujourd'hui 120.000 habitants ; située à six milles de la mer, elle s'élève à 150 mètres au- dessus de son niveau. C'est une vallée dont le terrain s'incline sensiblement de l'Est à l'Ouest, c'est-à-dire des Andes au Pacifique, CLIMATOLOGIE MEDICALE. 850 et cette pente est si marquée qu'entre la place d'Armes et la petite place du Carmen, située à 700 mètres en- viron à l'Est de la première, il y a une différence de niveau de près de 25 mètres. Le quartier appelé Abajo del puente, qui se trouve au Nord, est beaucoup plus bas que le reste de la ville, dont il est séparé par le rio Rimac, qui court du Nord-Est au Sud-Ouest. Le sous- sol est perméable, recouvert d'une couche d'alluvion moderne et d'une terre végétale de 0.50 cts. d'épais- seur. A 14 mètres de profondeur, dans la partie basse, et à 20 ou 25 mètres, dans la partie haute, on rencontre l'eau. Sur toute l'étendue qui comprend la vallée et la côte, on constate, à une profondeur déterminée et sur un sol compact, de nombreuses couches de sable et de gravier. On en a conclu qu'elles avaient, en d'autre temps, servi de lit'à la mer, les eaux pénétrant à 10 ou 15 kilo- mètres dans l'intérieur des terres et s'élevant à plus de 80 mètres sur les derniers contreforts de la Cordillère. Il est certain que sur ces côtes les eaux ont dimi- nué progressivement, et en supposant qu'il ne se soit pas écoulé beaucoup de siècles depuis ce moment, on déduit, en examinant les dépouilles qu'on rencontre, que les coquillages répandus sur les collines au Sud et au Nord, leur composition (sable et détritus mariti- mes) ainsi que d'autres éléments, sont des indices suf- fisants à l'appui de cette opinion. On pourrait considérer cette vallée comme encadrée dans plusieurs chaînes de montagnes. A l'Est, la Cordillère des Andes, de laquelle se dé- tache une petite ramification allant vers le Nord, où les sommets les plus élevés sont le San Cristobal, qui domine la ville etl'Amancaes qui est un peu plus éloigné dans la direction du Nord-Ouest. Au Sud on remarque une série de petites collines détachées des Andes, qui diminuent progressivement et terminent au Morro Solar à Chorillos, sur le rivage de la mer. Cette ville est re- liée au port du Callao par deux voies ferrées. Les murailles qui l'entouraient autrefois ont disparu et sur leur emplacement s'élève aujourd'hui la grande «51 avenue Circunvalacion (plantée de peupliers). Au Sud on a installé un parc appelé Parc de L'Exposition et au Nord il y a deux Alamedas (plantations de peupliers,) celle de Descalzos et celle de Acho. Sur les places, on a installé des jardins qu'on entre- tient dans d'assez bonnes conditions; dans de nombreu- ses maisons et particulièrement dans celles des faubourgs on trouve des jardins et des potagers. Le rio Rimac traverse la ville; quelques-uns de ses bras arrosent les potagers et la campagne. Le climat est chaud. Le ciel est brumeux en hiver, limpide en été; nonobs- tant, pendant cette dernière saison, on observe le matin un brouillard intense que le soleil dissipe et qui cons- titue un phénomène constant sur la côte Pérouvienne où il est connu sous le nom de camanchaca. L'atmosphère de Lima est opaque, nébuleuse et peu renouvelée, ce qui tient en grande partie à la situation de la ville. Fermée par les montagnes au Nord, toutes les vapeurs venant du rivage ou de la transpiration de la végétation luxuriante qui l'entoure sont arrêtées par cet abri. Comme les vents du Sud sont sans force, ils ne peuvent pousser ces vapeurs au-dessus des som- mets de ces montagnes. Il en résulte que les rayons du soleil dissipent plus facilement les brouillards des en- virons que ceux de Lima, et que par conséquent les hivers sont plus tempérés aux alentours que dans la ville, ainsi que l'a constaté Ulloa. « Au point du jour, l'horizon est chargé de brouillards qui, bien souvent ne permettent pas d'apercevoir les objets, même dans la capitale, dès que le jour se lève; ces brouillards montent, les champs sont dégagés, mais le ciel est couvert d'un nuage et le soleil est plus ou moins visible. Au moment où celui-ci se couche, les brouillards recommencent à s'étendre sur la terre; ils viennent du Sud et sont poussés par le souffle de ce vent. « Si nous exceptons quelques journées de la fin de l'été pendant lesquelles le soleil brille de tout son éclat et quelques journées d'hiver pendant lesquelles il reste ca- 852 ché derrière les nuages, le reste de l'année est une al- ternative constante de lumière et d'ombre. La proportion entre les deux varie suivant que le soleil se rapproche de notre tropique ou s'en éloigne. Dans le premier cas, ses rayons frappant plus directement sur les brouillards se laissent voir vers le milieu du jour, pendant plus de temps, que dans le second, durant lequel la distance et l'obliquité rendent ses rayons moins actifs. Par suite de cette lutte continuelle des vapeurs avec la chaleur du soleil, on comprend que le climat ou la température de ce ciel est chaud et humide, sans qu'aucun de ces caractères soit poussé à l'extrême. Ils conservent entre eux une réciprocité qui forme une ensemble doux et agréable. » Les températures extrêmes sont: été f30° c. 'et hiver 13° c. La moyenne annuelle est 22° c. Un fait qui mérite de fixer l'attention, c'est qu'autre- fois les saisons, et le printemps en particulier, étaient bien caractérisées. Aujourd'hui elles sont très peu mar- quées; on passe de l'une à l'autre sans grande transi- tion, ainsi qu'on l'a constaté dans ces dernières années. Cela est si exact qu'au mois de juillet 1892, on a ob- servé des températures certainement élevées. « Le vent du Sud est constant sur cette côte; celui du Nord souffle par intermittence et alterne suivant les heures du jour et les saisons de l'année. Au lever du soleil, il souffle un léger vent du couchant, qui tourne invariablement au Sud lorsque l'astre se rapproche du méridien, et qui passe au Sud-Est au moment où il se couche. La plus grand force du vent Sud est entre 11 heures du matin et 2 heures du soir, mais son souffle est toujours doux et agréable. « Le vent Nord qu'on ressent à Lima, est en réalité un vent Nord-Est, par suite de la direction que lui imprime la chaîne de montagnes de ce pays. Il se dé- clare entre 1 et 2 heures du matin et cesse régulière- ment de 9 à 10; son souffle est doux, mais froid; il fait baisser le thermomètre et condense les vapeurs aus- trales sur notre atmosphère. Aussi quand il souffle par intermittence pendant les grandes chaleurs et les 853 calmes de l'été, donnant de la consistance aux va- peurs de la côte, et les poussant vers les montagnes, il augmente considérablement les pluies. Par contre, s'il souffle d'une façon répétée, il atténue la tempéra- ture de l'été, l'horizon se couvre de nuages, l'automne devance sa venue sur toute la côte et promet un hiver humide en contribuant à la rareté des pluies dans les montagnes. « Durant toutes les saisons de l'année, on observe, de temps à autre le matin, le vent Nord-Ouest; il est plus fréquent à partir de l'équinoxe de mai jusqu'à celui de septembre. « Pendant quelques matinées, s'élève un vent du Nord, qui souffle de 9 à 11 heures du matin. Il est très rare; sous son action, les vapeurs se dissipent, le soleil ap- paraît, le ciel s'éclaircit même au milieu de l'hiver; en revanche le lendemain il est beaucoup plus caché, spé- cialement si c'est le Sud-Ouest qui règne. « Le souffle de l'Ouest fait mal à la tête, aussi ceux qui sont sujets à des douleurs de ce genre peuvent, de leur lit, observer l'heure à laquelle il commence. » (') La ville de Lima est remarquable par la rareté des pluies, tandis que dans les régions montagneuses du Pérou, celles-ci tombent à torrents. Dans la capitale, il se produit habituellement une seule petite pluie en hiver (d'avril à novembre) et en 1892, elle s'est fait attendre longtemps. En été il tombe quelques grosses gouttes par excep- tion et pendant peu de temps. Durant le reste de l'an- née sa présence coïncide avec les variations de la lune. D'après don Miguel Feijôo (cité par Unanue) pendant les années 1701, 1720, 1728, 1791, il a plu en telle abon- dance sur la côte et dans les vallées durant les nuits d'été que les eaux débordant des torrents qui descen- J1) Unanue: Consideraciones sobre el clima de Lima', sus influen- cias sobre los seres, en particular sobre el hombre, 854 dent de la montagne, détruisirent les semences et ren- versèrent les édifices. En résumant les observations de Uuanue, il résulte que les vents légers, qui le matin viennent du couchant et le soir du Sud, sont ceux qui attirent les brouillards qui couvrent l'horizon. Plus ceux du Sud sont fréquents en hiver et au printemps, plus nombreux sont les broui- lards et les petites pluies; plus ceux du Nord sont ac- tifs, moins il y a de nuages et de pluies; dans les an- nées où il est tombé de grosses pluies venant de la côte, les chaleurs étaient intenses, les vents du Sud souf- flaient avec violence et alternaient parfois avec ceux du Nord; le dernier vent réunit et condense à une plus grande hauteur les brouillards qui couvrent le sol, ce qui fait que la pluie tombe en gouttes plus grosses; pendant l'été, plus grande est la chaleur sur la côte, plus abondantes sont les pluies dans les montagnes. Cet auteur a observé encore, mais une seule fois, le 8 janvier 1800, que pendant la matinée il a soufflé un vent léger du Sud-Est; le lendemain la marée a été très forte dans le port du Callao, et le 10 janvier l'eau du Rimac a baissé, indice certain que la pluie avait cessé dans les montagnes. Il ajoute que déjà M. P. Paulier avait constaté que les vents du Sud-Est ne sont pas plu- vieux au Pérou, tandis que ceux de l'Ouest, Nord-Ouest, Sud-Ouest et Sud le sont. Dès que le vent du Sud se rapproche plus du Sud-Est que du Sud-Ouest, le temps devient variable. L'atmosphère est ici peu chargée d'électricité et, par suite, d'ozone. Les tempêtes, les éclairs, les tonnerres sont des phénomènes inconnus et on peut affirmer que depuis le 31 décembre 1877, on n'a pas vu tomber la foudre à Lima. Antérieurement à cette date, il s'est écoulé de nom- breuses années sans qu'on ait présentés ces vicissitudes atmosphériques. Les lignes suivantes complètent cette description: « Au printemps et en été les putréfactions s'effectuent très vite; la nature dissout ainsi les corps organisés pour en créer de nouveaux, et la végétation est plus 855 accélérée et plus luxuriante; dans le sein de la terre, les secousses sont plus fréquentes; les nuits de no- vembre sont illuminées par des éclairs répétés du côté du Nord. « Tout cela démontre que l'électricité augmente sur la Côte et il est vrai qu'en été notre atmosphère est très chargée d'électricité. Mais les effets de cette augmenta- tion ne doivent pas se faire sentir à Lima, mais dans les montagnes, dont l'atmosphère est moins électrique et dont les hauts sommets font l'effet de conducteurs pour le déchargement des vapeurs que l'océan rejette de ce côté. « Je conçois l'atmosphère de cette côte comme le dé- pôt de l'électricité pendant l'été, c'est-à-dire qu'elle est le point de l'électricité positive, tandis que la montagne est l'électricité négative. Les vapeurs la poussent de la première sur la seconde et elle se décharge suivant la direction que lui impriment les cimes de la Cordillère et leurs filons métalliques. Ainsi bien, que le feu passe sur nos têtes, notre atmosphère doit se mainte- nir sereine, sans qu'on entende le tonnerre ou qu'on aperçoive les éclairs, tandis que les Cordillères sont secouées par ceux que nous leur envoyons et sont le théâtre de phénomènes électriques variés. (') » Les tremblements de terre sont ici très fréquents, sur- tout au moment de l'équinoxe; on a de bonnes raisons pour les redouter, si on se souvient des désastres qu'ils ont causés dans le pays. Il sont toujours précédés de grandes pluies. Lima reçoit son eau du rio Rimac, qui prend sa source dans la province de Huarochiri. Il est formé de diffé- rents cours d'eau, produits par les neiges des Cordillères des Andes. Son lit est sablonneux et pierreux; avant d'arriver à Lima, il alimente un ruisseau qui traverse la ville du Nord au Sud en suivant les rues princi- pales. (x) Unanue : Œuvre citée. 856 Deux petits cours d'eau sont formés par ses eaux: les puquios, au levant de San Cristobal, desservent le faubourg de San Lâzaro; le second, au levant de la ville, appelé VAtarxia,alimente les bassins de Lima. «Ces eaux, d'après Unanue, réputées comme crues et indigestes, à raison des douleurs d'estomac qu'elles provoquent, ont démontré à l'analyse qu'elles renfermaient, même à leur point de départ, une quantité considérable de sélenite, beaucoup de craie, et différentes terres grasses; à me- sure qu'elles s'éloignaient de leur source et se dis- tribuaient dans les bassins, elles étaient plus impures et contenaient en dissolution une quantité prodigieuse de terres grasses et grossières, et étaient saturées de beaucoup d'air fixe. «Don Mafias Porras, qui en 1621, a écrit sur les eaux de Lima, a démontré également qu'elles différaient comme bonté de ce qu'elles étaient à leur origine ; il recom- mandait celles des puquios de San Cristobal, comme étant celles de la meilleure qualité pour la boisson, et il conseillait à la municipalité de veiller à leur conser- vation. «La classe aisée préfère aujourd'hui les eaux que four- nit le barrage de los Chorrillos-, ses eaux se distillant à travers des lits d'argile, de sable et de cailloux, sont cristallines et très agréables au goût. «Quiconque réfléchit sur la provenance de nos eaux potables, sur la qualité du sol, qui forme le lit du rio, sur les terrains que ces eaux arrosent et qui, par les fil- trations, font naître les chutes d'eau, conclura que les mauvaises conditions qu'on leur attribue, dépendent bien plutôt du peu de soin qu'on apporte à les con- server, que de leur nature même. Dans les sources, qui augmentent le cours d'eau qui sort de LAtarxia, on trouve une quantité de plantes aquatiques, de dépouil- les de végétaux en putréfaction, et il n'est pas rare d'y rencontrer aussi des animaux. Cette eau pénètre dans la ville par des ruisseaux contigus aux sépultures du ci- metière au-dessous d'une multitude de flaques, de mares de nos rues si mal entretenues. Les dépouilles anima- les et végétales qui se pourrissent là, dégagent des 857 odeurs meurtrières, qui provoquent les fièvres inter- mittentes, ainsi que l'asthme et autres maladies du poumon. «Le Solon du Pérou, Don Francisco Toledo, ému par les maux déterminés par les mares d'eau stagnantes, a dicté de sages ordonnances pour la conservation et la direction des eaux de la ville.» C'est ce qui résulte de l'exposition faite par cet au- teur en 1815; mais actuellement l'eau potable de bonne qualité (*) sortie du dépôt central après un filtrage im- parfait, est transportée dans des conduites de fer et de plomb, en telle abondance qu'elle sert pour tous les usages domestiques, même pour le lavage et l'arro- sage. L'usage du filtre est très généralisé. Les dépôts sont situés à très peu de distance du ci- metière, dans des terrains perméables. On ne se sert plus des eaux de puits; ceux-ci ont été bouchés comme inutiles, puisque les conduites suffisent pour la provision. Les anciens ruisseaux à découvert qui existaient dans le centre des rues ont été supprimés de 1869 à 1870 et remplacés par des canaux en chaux et en briques avec des lucarnes tous les 20 ou 30 mètres. A ces canaux aboutissent toutes les conduites qui reçoivent les ordures de la population, et comme ces travaux ont été exécutés sans les études nécessaires, ils laissent beaucoup à désirer au point de vue de l'in- clinaison et du niveau correspondants; aussi, souvent leur écoulement est-il arrêté. Les latrines sont construites d'après le système an- glais; elles sont dotées d'une abondante quantité d'eaux courantes et sont en communication avec les canaux cen- traux. De plus, il y a dans les maisons des réceptacles. f1) D'après un rapport d'experts, en face du cimetière, à 24 mètres des fosses où l'on ensevelit les pauvres, se trouvent les bas- sins de distribution exposés aux intempéries. 858 appelés desagües dans lesquels on jette les détritus et qui communiquent aussi avec ceux des rues. Les puisards existent seulement dans quelques cou- vents; les autres ont été condamnés dès qu'on a ins- tallé les travaux de canalisation que nous avons men- tionnés. Dans les points les plus reculés du centre, il y a des latrines publiques construites sur le Rimac ou ses affluents; elles sont très mal soignées et infectent l'atmosphère de ces quartiers. Les laiteries, les tanneries, les savonneries, les écu- ries, etc., sont situées indistinctement dans tous les quartiers de la ville, sans qu'il y ait la moindre dispo- sition qui limite les endroits où ces établissements peuvent s'installer. Sur six hôpitaux, deux sont dans la cité et quatre en dehors. Entre Lima et le Callao existent des marais perma- nents, qui déterminent positivement le paludisme ré- gnant toute l'année dans ces deux localités. En dehors de ceux-là, il s'en forme d'autres accidentellement à la suite des crues du Rimac (dans les mois de décembre, janvier et février, quand celles-ci ne se produisent pas régulièrement). C'est ainsi qu'on a vu se déclarer des fièvres infectieuses graves pendant les étés 1877, 1890 et 1891. Les eaux de ce rio n'abondent pas en diatomées qu'on rencontre dans les eaux de bonne qualité. Nous allons étudier, maintenant, la morbidité. Nous pouvons seulement donner des renseignements complets au sujet de l'hôpital Dos de Mayo (service du Dr. R. Quiroga y Mena). Il en résulte que dans le cours de l'année 1891, il y est entré 3.291 malades atteints des affections suivantes: 859 Fièvre intermittente 1499 » paludique continue. 10 » » rémittente.. 17 » » bilieuse 1 Maladie Carrion fièvre de la Oroya 24 » andine... 30 Rhumatisme 123 Tuberculose 241 Alcoolisme 122 Bronchite 157 Pneumonie 65 Broncho-pneumonie 9 Embarras gastrique 211 Dysenterie 111 Entérite aiguë 143 Maladies du foie 57 » cœur 93 Fièvre pernicieuse cholériforme 12 comateuse... 1 délirante.... 1 algide 12 Entero-colite paludéenne.. 3 Cachexie » . 21 Hémoptysie » . 2 Céphalée paludique 1 Fièvre-typhoïde 3 » typho-malarienne. 4 Comme on le voit, les maladies les plus communes à Lima, sont: le paludisme, qui représente le 50%; la tuberculose, la bronchite, l'alcoolisme, le rhumatisme, la pneumonie, la dysenterie, l'entérite aiguë, etc. En 1891, la mortalité, dans cet hôpital, s'est élevée à 228 et il est inutile de dire que sur ce total les chif- fres les plus considérables sont fournis par le paludis- me, la tuberculose et l'alcoolisme. On peut faire la même remarque au sujet des autres hôpitaux; de façon que ce sont ces facteurs, qui tiennent le premier rang dans la statistique mortuaire de Lima. En analysant les con- ditions qui favorisent le développement de ces maladies, le Dr. Quiroga y Mena dit qu'on peut les expliquer par une atmosphère chargée d'humidité et d'électricité, par une température élevée, etc. Tous ces éléments sont l'origine des décompositions organiques, condition in- dispensable pour le développement des infections com- me pour le trouble des fonctions de l'organisme, en fa- vorisant ainsi l'état de réceptivité individuelle. « Pour ces mêmes raisons on s'explique que l'élément catarrhal de quelque muqueuse puisse se greffer; on s'ex- plique aussi que l'affection palustre présente, relativement à d'autres époques, un plus grand nombre de cas ayant un caractère pernicieux, généralement mortel. » Il ajoute 860 que dans son service il est mort sept malades sur 10 qui se sont présentés, et il recommande qu'on multiplie l'usage des injections intra-veineuses de bichlorure de quinine. Comme la tuberculose prend également, ici, des pro- portions considérables (25 % de la mortalité), le même auteur indique la nécessité d'une salle spéciale, isolée pour les phtisiques. Il vante les propriétés du calomel et de l'ipéca sur la dysenterie et il rapporte, à propos de la « maladie Car- rion » qu'à l'occasion des travaux entrepris de nouveau sur la ligne de Oroya, on a observé quelques cas de cette affection avec ces deux formes: l'aiguë, appelée fièvre de la Oroya, avec ou sans éruption consécutive, et celle appelée verruga andina 6 peruana, de simple éruption, ne présentant presque pas de mouvements fébriles. On a imposé à ces malades un régime tonique et reconstituant, et on a employé comme fébrifuge le phe- nate de quinine, les lotions répétées de vinaigre aroma- tiques; sur dix, 3 ont succombé. Voyons quelle est la marche de la fièvre typhoïde à Lima. La forme classique de cette affection y est très rare; elle ne figure presque pas dans les statistiques, comme entité caractérisée par des éléments propres; son appa- rition s'effectue de loin en loin, en automne, presque toujours. Il n'en est pas de même dans les montagnes du Pérou où elle est fréquente et grave. Le typhus exanthématique, qui se présente souvent dans l'intérieur du pays, n'a pas pris racine dans la capitale quand il y a été importé. Quand la fièvre typhoïde a paru ici, il a été facile de reconnaître l'origine de l'infection. On ne saurait dé- terminer un parage dans la ville qu'elle aurait spé- cialement attaqué, mais il s'est présenté en 1891 et 1892, des fièvres d'un caractère typhique dans un quartier (spécialement la partie basse) parce qu'il avait existé là un canal d'écoulement à découvert, contenant très peu d'eau. 861 On en a vu quelques cas dans les casernes sur les individus provenant de la montagne, principalement sur des indiens. Au point de vue de la statistique mortuaire et du rapport entre la fièvre typhoïde et les autres maladies infectieuses, nous pouvons donner ces renseignements : Fièvre typhoïde Autres maladies infectieuses Mortalité générale 1884 91 533 4.046 1885 71 689 4.586 1886 66 569 4.529 1887 53 356 3.659 On pourrait presque dire, qu'on n'observe pas à Lima la fièvre typhoïde comme entité morbide typique. Com- me à Salta et à Tucuman, il y a ici des régions palus- tres dans lesquelles on constate les fièvres typho-mala- riennes. Cependant il existe rarement des cas confirmés de la maladie, et parmi eux on a noté les formes suda- toires et suraiguës; les hémorragies sont exceptionnelles chez l'homme, mais fréquentes chez la femme. Les vieil- lards sont sujets auxataxo-adynamiques, avec des com- plications pulmonaires; les enfants aux gastro-entériques. Chez ces derniers la moyenne est plus élevée que chez les adultes. Si la typhoïde franche n'est pas commune, par con- tre, on voit souvent la forme combinée de typho-malaria, la typhoïde rémittente appelée par les médecins Pérou- viens pseudo-typhdide et la fièvre gastrique. Les fièvres typho-malariennes se présentent surtout en été. Dans ces maladies, l'emploi de la quinine est né- cessaire; on l'administre en injections hypodermiques. On n'a pas eu l'occasion d'étudier ici des épidémies de fièvre typhoïde, et c'est ce qui explique l'absence de mesures prophylactiques d'ordre public. Comme traite- ment on emploie de préférence la quinine en tenant 862 compte de la prédominance de l'élément infectieux palus- tre, ainsi que les bains qui ont toujours donné de bons résultats. Sur les enfants on a recours aux bains froids et aux lotions aromatiques. Les purgatifs se donnent exclusive- ment au début de la maladie et il y a évidemment une tendance très marquée à restreindre l'usage des agents anti-termiques. aux cas les plus précis et les plus urgents. En décembre 1890, le Dr. Almenara Buttler, dans un article de la Crônica Médica, fit remarquer que pen- dant cette saison on constatait le type catarrhal dans la constitution médicale régnante; on observait de préférence les pneumonies, les bronchites, les fièvres gastriques ( pseudo typhoïde?), et en outre la coque- luche, qui, dans la majorité des cas, se présentait sous le signe de l'auscultation. Ce caractère accentua son diagnostic. D'après ce praticien, on ne doit pas ou- blier cet important élément de diagnostic, de façon à ne pas laisser passer inaperçues les pneumonies lobai- res et les complications des bronches si fréquentes dans le cours de la maladie et qu'il faut traiter énergique- ment. Par la statistique que nous avons analysée, nous avons vu que la variole ne se présente à Lima que par exception. Cependant en 1891 on observa quelques cas; ils motivèrent certaines appréciations du Dr. Almenara, qui, entre autres choses, écrivit ceci : « Qu'il y ait encore lieu de parler parmi nous de cette maladie, c'est une chose qui discrédite nos adminis- trations qui n'ont pas songé à donner d'une façon cer- taine le coup de grâce à ce fléau, puisque l'hygiène publique a à sa disposition, le préservatif par excellence et des mesures de salubrification qui sont partout en usage. » On voit, effectivement, que les bénéfices de la vaccine ne sont pas mis à profit comme on devrait le faire, alors même que la variole ne fait plus de ravages de- puis quelques années. En 1891 on a vacciné à Lima 4.826 personnes et re- 863 vacciné 2.316, ce qui donne un total de 7.142. Sur ce chiffre, le résultat a été bon pour 4.359, nul pour 213 et ignoré pour 2.570; on a remis au Conseil 5.000 tubes avec du vaccin. Cependant on reconnaît que les conseils de la presse et des médecins ont produit de bons effets, puisque nous savons qu'en septembre et octobre 1891 seulement, on a vacciné et revacciné à domicile 4.757 individus avec les résultats suivants: 3.248 bons, 1.072 nuis, (*) et 137 ignorés. Les vaccinations sont pratiquées par une cor- poration technique de plusieurs médecins et de nombreux aides. Au mois de février 1891, il s'est présenté à Lima plusieurs cas d'une fièvre ayant un caractère infectieux, à laquelle succombèrent des personnes distinguées et qui menaça de se propager de tous cotés. Les carac- tères typhiques et paludéens dominaient dans toutes ses manifestations. Cette petite épidémie qui heureusement resta circons- crite dans les rues avoisinant le monastère de Jésus Maria, produisit une vive alarme; les malades présen- taient des symptômes infecto-contagieux. La façon dont elle se propageait, sa dispersion dans les quartiers adja- cents, la marche de la fièvre très élevée dans certains cas, et d'une longue durée le plus souvent, les altéra- tions qui l'accompagnaient, ainsi que d'autres éléments lui donnant un aspect marqué, indiquaient qu'on était en présence d'un ennemi terrible compromettant sérieu- sement la santé publique, qu'il importait de faire dispa- raître avant qu'il n'ait pris plus d'expansion. Si on tient compte que précisément cette petite épidé- mie se localisa dans une section de la ville habitée par des familles riches et vivant dans de bonnes conditions d'hygiène, il est difficile de s'expliquer sa cause. Aucun motif d'insalubrité ne régnait sur Lima, ou t1) Le plus grand nombre des nuis correspond à des revaccinés. 864 tout au moins n'était connu; la variole qui avait régné antérieurement, avait complètement disparu, et rien ne pouvait expliquer pareille anormalité. L'inspection hygié- nique la plus scrupuleuse n'établit autre chose que la propreté absolue de toutes les maisons des quartiers infectés. Le couvent de Jésus Maria qu'on signala comme un foyer possible fut dénoncé parce qu'on y ensevelissait les religieuses qui mouraient, parce que les immondices de cette maison n'étaient pas recueillies et emportées par le service public, parce qu'il y avait là un silo non fermé, etc. Comme conséquence de cette dénonciation, on ordonna une visite minutieuse de l'asile en question et il en résulta qu'il n'y avait là absolument rien qui pût justifier les soupçons. Une commission de l'Acadé- mie Nationale de Médecine fit des recherches à ce sujet et convoqua à ses travaux tous les médecins qui avaient été appelés à soigner des cas de fièvres infectieuses. Dans ces discussions on démontra les faits suivants: 1°. Il est indiscutable que durant les chaleurs, il germe à Lima différents éléments vraiment morbides et d'une origine ou d'un caractère différent, qui, tantôt isolés, tantôt associés, engendrent de nombreuses fièvres à ce moment de l'année. Parmi elles, le germe palustre figure en première ligne, et constitue le plus grand nom- bre des cas observés; soit isolé et évoluant sous les modalités cliniques multiples, soit soutenu et ren- forcé par d'autres éléments, le paludisme revêt parfois des caractères insolites qui s'observent avec une singu- lière fréquence dans une de ses associations habituelles avec l'élément typhique et qui constituent le type clini- que connu sous le nom de fièvre typho-malarienne. Nombre de cas étudiés peuvent certainement figurer dans cette catégorie. 2°. L'élément typhique dans son expression clinique la plus génuine, la fièvre typhoïde, doit revêtir ( sui- vant la commission) d'autres symptômes observés cou- ramment ( fièvres gastriques, petites fièvres typhoïdes ) qui affectent de temps à autre dans la forme et dans le fond les caractères de gravité bien connus. 865 3°. L'influenza, qui, à ce moment là, régnait à Lima. La majorité des médecins consultés prétend que les attributs cliniques des cas mentionnés et l'inefficacité absolue de la thérapeutique la plus énergique lui don- nent une physionomie spéciale. » La commission se fixe avec attention sur cette cir- constance que ces fièvres se sont propagées et canton- nées dans le voisinage de l'église Jésus Maria et que cette localisation n'a pas varié depuis 1891; si quelques- unes de ces fièvres peuvent certainement être classées comme typho-malariennes, d'autres ne peuvent rentrer dans cette catégorie, puisqu' elles ont présenté un germe étrange éminemment toxique et d'une action mortelle. Elle dit également que toutes ces fièvres ont fait leur évo- lution avec plus ou moins de rapidité sans offrir un ensemble de symptômes et surprennent le médecin par une mort subite et inattendue. Dans ces cas, ajoute-elle, on croit découvrir l'influence d'un poison énergique, très violent par ses conséquences et peut-être analogue par son origine, au germe typhique, c'est-à-dire ayant son point de départ dans la décomposition des matières animales. En recherchant la cause de tous ces troubles, elle songe aux égouts qui reçoivent et emportent les immondices de la population. En résumant ses travaux, la Commission de l'Acadé- mie est arrivée aux conclusions suivantes: 1° Les fièvres qui ont existé et qui existent à Lima, sont de différente nature. 2° Le plus grand nombre d'entre elles se rattache au paludisme, aux fièvres typho-malariennes, à la fièvre typhoïde et à l'influenza. 3° Quelques cas localisés dans le quartier de Jésus Maria paraissent revêtir une physionomie spéciale. 4° Il est très possible que ces causes résultent des mauvaises conditions des égouts de ce quartier. 5° Il est indispensable de procéder à un examen mi- nutieux de ces égouts, ainsi que de ceux de tout le reste de la ville. Ces conclusions ont été approuvées par l'Académie qui, CLIMATOLOGIE MÉDICALE, 866 en conséquence, a proposé au Conseil Provincial les mesures nécessaires. Malgré le caractère sérieux de cette corporation, on s'est demandé s'il était possible d'adhérer à pareilles conclusions, lorsqu'on se trouvait en présence de faits concrets, tels que celui de l'enterrement de deux reli- gieuses peu de temps avant que l'épidémie se déclarât, l'existence du cimetière dans lequel on a inhumé leurs restes, le silo non fermé dans lequel on jetait les im- mondices et les détritus de la maison. Nous croyons que toutes ces circonstances étaient plus que suffisantes pour affirmer qu'il y a là un foyer d'in- fection et que, étant donnée la température élevée dans cette saison, on comprend facilement la décomposition rapide qui doit se produire, en donnant lieu au déga- gement d'effluves, de miasmes, d'émanations de tout genre, qui corrompent l'air atmosphérique et agissent, de préférence, sur ceux qui sont exposés à le respirer de plus près. Pareil état de choses devait engendrer et a engendré les fièvres malignes, qui ont sévi avec une violence marquée. (*) La presse scientifique s'est occupée récemment du problème délicat des cimetières, et il faut multiplier les efforts en faveur de la réforme qui tend à abolir l'u- sage des inhumations dans les églises et à interdire que les cimetières soient situés dans le centre des villes. Le Dr. Médina a mené cette campagne, avec beau- coup d'énergie, en démontrant que le maintien de ces inhumations dans l'intérieur de Lima rend complè- tement inefficaces et illusoires les mesures hygiéni- ques les plus sévères et les plus opportunes. Si nous voulons, ajoute-t-il, observer une bonne hygiène dans notre capitale et l'affranchir de tout danger de voir se développer quelque épidémie, nous devons, à raison des considérations exposées et en suivant les pratiques que f1) Dr. Casimiro Médina: La Crônica Médica. 867 l'expérience a sanctionnées et adoptées comme un prin- cipe de caractère universel, proscrire d'une façon abso- lue l'inhumation de cadavres dans l'intérieur de la ville. Cette réforme s'impose avec d'autant plus d'urgence, que la population s'étend, que les industries ont besoin de conditions spéciales pour se développer, et que tout fait envisager comme nécessité impérieuse l'éloignement ou la suppression totale d'influences infectieuses. A l'occasion de cette épidémie, que nous avons re- tracée, le Conseil Municipal a nommé une Commission de médecins pour assister les pauvres; mais lorsque la maladie a pris fin, le Dr. Ganoza a soumis à cette cor- poration un projet créant la section d'hygiène, avec un personnel permanent, dont les fonctions consistaient à visiter les locaux et établissements publics, vérifier les épidémies et maladies contagieuses dans les maisons particulières, veiller sur l'hygiène des habitants dans tous ses détails, tenir une statistique de son service, exécuter les désinfections qu'elle juge opportunes ou qu'on lui ordonne. Il projetait aussi la nomination d'un chimiste, d'un aide, de vaccinateurs et l'installation d'un Institut de vaccin. Avec l'organisation de ces services et celle de l'inspection des articles de consommation, la surveil- lance et la désinfection des canaux publics, des mai- sons des pauvres, avec la création des hôpitaux mari- times, etc., et tout ce qui tend à une rigoureuse hygiène prophylactique, le pays pourra améliorer ses conditions actuelles et diminuer le chiffre de sa mortalité. La grippe faisant le tour du monde a visité également quelques villes importantes du Pérou, telles que Lima, Callao, etc., où elle a provoqué une épidémie dont les conséquences ont été terribles. Au sujet de son origine, on donne comme un fait positif que cette maladie a été importée du Chili par quelques passagers du vapeur Mapocho arrivé au Callao en juin 1891. Ces passagers, attaqués d'influenza furent le véhicule et les propagateurs de l'affection. 868 D'après le Dr. L. Avendano, on peut considérer comme ayant contribué aq développement de l'épidémie, en première ligne, l'importation du germe morbide spécifi- que, et comme facteurs exclusivement locaux: les chan- gements météorologiques notables, qui se sont produits durant cet hiver, l'absence complète de pluies, les va- riations brusques et considérables de la température ambiante, l'extrême rapidité des vents dominants qui ont occasionné des refroidissements subits, et comme con- séquence, des congestions des organes respiratoires, les mauvaises conditions hygiéniques des appartements dans les maisons à locataires, la négligence apportée à soi- gner les premiers cas qui se sont produits, que le peu- ple a regardé comme de simples catarrhes sans con- séquence, le peu de précautions pour se prémunir contre les influences extérieures. Il faut également tenir compte de la fréquence des maladies des organes respiratoires à Lima, et, par suite, le microbe de la grippe a rencontré des conditions très favorables pour son développement et son évolution. La symptomatologie n'était pas franche au début, jusqu'à ce que l'affection se soit accentuée et caractéri- sée en indiquant d'une façon spéciale sa tendance aux complications pulmonaires. La diffusion fut telle que, de l'avis des plus vieux praticiens de la ville, jamais épidémie ne s'était propa- gée avec une rapidité pareille à celle-là. Ce qui le prouve, c'est que la sixième ou la septième partie de la population, qui comptait alors 105.000 habitants, fut attaquée. Tous les âges et toutes les positions sociales ont payé leur tribut. Les vieillards dont la résistance organique était plus faible, tombaient facilement vaincus par la pneumonie; les individus affaiblis par les désordres ou par les maladies antérieures ont été frappés par les formes les plus violentes. Il est survenu des hémorragies chez les jeunes filles chlorotiques et lymphatiques, l'apparition prématurée de la menstruation chez toutes les femmes qui avaient 869 eu quelque affection, légère ou grave, de l'appareil gé- nito-urinaire. La mortalité qu'elle a causée a été énorme, et dans la statistique les complications des organes respira- toires figurent pour une bonne part. Parmi ceux qui ont été sauvés, combien sont déjà prédestinés à la cruelle tuberculose ? Comme renseignement historique, nous dirons que la fièvre jaune a fait des ravages dans les épidémies de 1854, 1863 et 1868. Le tétanos infantil ne laisse pas que d'être assez commun. Le Dr. Médina, dans un article paru dans La Crônica Médica du 31 mars 1892, appelle sérieusement l'atten- tion des autorités sanitaires sur la présence de divers canaux, qui, traversant la ville dans toutes les directions offrent, lorsqu'ils descendent au niveau de l'eau, une facilité pour la décomposition rapide des détritus orga- niques sous l'influence de la chaleur. Il recommande de recouvrir ces canaux, pour éviter ainsi un des foyers les plus actifs de la génération de l'élément palustre. Il constate que quelques ruisseaux des faubourgs sont également une cause de la même infection, et il ajoute que d'immenses dépôts de saletés et de balayures si- tués dans le centre de Lima et distribués dans ses environs augmentent dans une proportion colossale les causes qui expliquent l'apparition des maladies infec- tieuses d'un caractère grave. Il fait remarquer également l'existence, dans les environs de Lima et dans presque tous les quartiers ruraux qui l'entourent, de terrains com- plètement perdus pour l'agriculture, parce qu'il s'y est formé des marais dont le dessèchement par le drai- nage est indispensable. Pour compléter cette série d'ac- cusations, il observe que dans la plupart des maisons, on a l'habitude d'installer des conduites souterraines qui amènent l'eau pour le service; la mauvaise qualité du matériel, la nature du sol, l'action du temps ou les trois causes réunies expliquent le pourquoi de leur fré- quente destruction, provoquant une humidité constante 870 du sol et altérant, par conséquent, la salubrité de la maison. Parmi les travaux d'hygiène générale qu'on a déjà exécutés, il faut citer la canalisation des ruisseaux, la suppression des services funèbres avec corps présent, l'incinération des immondices, l'installation des latri- nes et des égouts dans les maisons, l'enlèvement des urinoirs, qu'il y avait dans les rues centrales, l'instal- lation de jardins dans les places publiques, la destruc- tion des murailles et des portes qui entouraient la ville et leur remplacement par des avenues de circonvalla- tion. Enfin, on a créé un corps technique de 10 chi- mistes chargés d'inspecter les établissements publics, ceux dans lesquels on vend les articles de consomma- tion; on a créé les places de médecins municipaux pour soigner la classe pauvre ou les cas urgents. Les travaux publics à entreprendre sont les suivants : canalisation du Rimac; construction d'un nouveau ci- metière et interdiction absolue des inhumations clan- destines; incinération des immondices déposées dans les environs de la ville; inspection hygiénique des abat- toirs, des marchés, des laiteries, etc.; établissement d'un rayon réglementant l'installation des écuries, des tan- neries, des laiteries; dessèchement des marais et leur remplacement par des plantations d'eucalyptus, ainsi qu'on avait commencé à le faire en 1875, en face de l'hippodrome Meigs, sur la route de Lima au Callao; suppression des ruisseaux; maintien d'une hygiène ri- goureuse dans les hôpitaux; redoublement de surveil- lance des autorités dans les maisons à locataires, les casernes, les collèges, les couvents, les débits de liqueurs et les magasins de comestibles. L'acclimatation des étrangers s'effectue sans incon- vénient; ils jouissent d'une bonne santé à la condition de respecter les prescriptions de l'hygiène, et ils s'habi- tuent facilement au climat ainsi qu'à l'alimentation qui, en général, est excellente. L'ail est un condiment très usité. On constate chez les individus qui mènent une vie 871 désordonnée, des abcès hépatiques et une prédisposition à la tuberculose pulmonaire ou laryngée. Nous connaissons déjà l'influence que les inondations du Rimac exercent sur le paludisme; nous avons exa- miné les principales maladies, mais il nous reste en- core à étudier celles qui sont spéciales au pays : la verruga Péruvienne ou andine, qui existe dans quelques vallées occidentales des Andes; la pûstula del Chimû, qu'on observe dans la vallée de Chicama (Trujillo), ainsi que les endémies, le goitre et la uta. La verruga., appelée actuellement maladie Carrion, est endémique et spéciale au Pérou où probablement les Incas l'ont connue; elle sévit principalement dans cer- taines gorges comme Huarochiri, Yanyos et Cauto. Tschaudi en a fait, en 1843, une description dont nous reproduisons quelques paragraphes des plus importants: « Dans plusieurs des vallées du chemin allant du ri- vage à la montagne, surtout dans la vallée Surco, il y a certaines sources dont les Indiens ne boivent jamais les eaux. Quand un étranger s'en approche pour étan- cher sa soif, on lui crie: c'est de l'eau de verrugal On ne permet pas même aux chevaux et aux mulets de se rafraîchir à ces sources, dont on suppose que les eaux ont pour effet de produire cette maladie. Comme l'exis- tence de ce mal n'est pas connue dans un autre pays, il y a une raison apparente pour croire qu'il a son ori- gine dans certaines circonstances locales. Les verrugas se manifestent d'abord par des maux de gorge, des douleurs dans les os et plusieurs symptômes fébriles. Dans l'espace de peu de jours une éruption de verru- gas se produit sur le corps; elles ont une teinte rouge; elles se développent et quelques-unes atteignent la grosseur d'un œuf. Le sang s'écoule en telle abondance que les forces du patient s'épuisent et que la consomp- tion survient. Les petites verrugas sont celles qui pro- duisent la plus grande quantité de sang et j'ai vu un Indien de race moyenne qui en a perdu deux litres. Je ne puis rattacher cette maladie qu'à la cause assi- gnée par les Indiens. Dans toutes les circonstances, il 872 est certain que ceux qui s'abstiennent de boire l'eau des sources condamnées, échappent aux verrugas tandis que ceux qui ont goûté ces eaux une seule fois sont attaqués par la maladie. Le même fait se produit avec les mulets et les chevaux. Cette affection domine dans le village de Santa Olaya.(') En 1858, les Drs. Odriozola et Salazar cités par le Dr. Matto, entreprirent des études sur la dite maladie, et arrivèrent à cette conclusion, « qu'elle reconnaît un principe spécial comme générateur et que l'eau des sources situées sur le versant occidental des Andes, lui sert de véhicule. » Ils signalèrent le siège de la verruga dans la province de Huarochiri, spécialement dans le village de Santa Olaya, et ils donnèrent une description en lui reconnaissant deux formes: Lune tuberculose et l'autre globulaire. Des travaux postérieurs ont fait avancer la connaissance à ce sujet jusqu'à ce qu'en 1873, le Dr. Enrique C. Basadre fit faire un pas considérable à ces études en admettant que la verruga est produite par un poison spécial probablement tellurique et consistant en bactè- res. Se rapportant à l'entité de cette affection et de la fièvre de la Oroya, il disait: « On sait que les travail- leurs du chemin de fer de la Oroya sont atteints d'une fièvre très grave, d'un caractère typhique, dont l'incu- bation est courte et qui probablement n'est autre qu'une forme grave de la maladie de las oerrugas dans laquelle l'éruption n'arrive pas à se produire. » Plus tard se produisirent de nouvelles conquêtes: Puelma Tupper, avec sa thèse : La verruga Peruana (Berlin 1879), et Izquierdo, qui dans un travail Ezqui- somicetas de la verruga Peruana, émet son opinion et la condense dans ces paroles: « Les végétations de la verruga du Pérou sont des néoplasmes conjonctifs, qui se développent toujours dans la peau ou dans le tissus cellulaire sous-cutané. Au point de vue anatomique, (i) Discours lu par le Dr. David Matto, président de la Société médicale Union Fernandina, dans la séance du 5 octobre 1886. 873 elles diffèrent complètement des verrugas communes, et présentent une grande analogie de structure avec les sarcomes. Il y a également une variété de schyzomycètes qui existe en grand nombre soit dans les interstices des éléments anatomiques, cellules et fibres, soit dans les vaisseaux qu'elle obstrue complètement. Ces mêmes schyzomycètes remplissent les vaisseaux (capillaires arté- riels et veineux) de la peau saine, comme du tissus sous-cutané dans la zone rapprochée des végétations néoplasiques. Le bactére en question se présente sous la forme d'un bacille, qui mesure de 8 à 12 -n de longueur et par exception 20, et qui est un peu plus gros que celui de la tuberculose. Les bâtonnets de dimensions moyennes sont pourvus de petites éminences ou de no- dosités plus apparentes dans les bacilles de grande di- mension. » ([) D'après le Dr. Matto, jusqu'au moment où commencè- rent les travaux du chemin de fer de la Oroya, seuls les praticiens des hôpitaux avaient connaissance d'une fièvre anémiante qui attaquait les personnes qui à cette épo- que voyageaient dans la gorge du Rimac, en la remon- tant. Les nègres qui transportent les sacs d'argent de la montagne de Pasco, en traversant la province de Huarochiri, revenaient malades à l'hôpital San Barto- lomé, avec une fièvre continue, tenace, que rien ne pouvait calmer: fièvre anémiante, rebelle à tout traite- ment, qui -suivait son cours en détruisant les hématies jusqu'à ce qu'elle ait tué le malheureux qu'elle attaquait, au grand désespoir du médecin, qui, dans son ignoran- ce, ne pouvait se rendre compte, au chevet du mala- de, d'une si grave pyrexie. Dans l'opinion des médecins de cette époque, les nègres atteints de cette affection devenaient blancs; ils mouraient exsangues et ce fait rendait évident l'état d'anémie caractéristique de cette maladie. A l'occasion des travaux du chemin de fer de la Oroya, les malades augmentèrent et les hôpitaux de (1) Virchow's : Archiv. 874 Lima et du Callao se remplirent des victimes de ce qu'on appelait la fièvre de la Oroya, dont la mortalité fut considérable. En cherchant à expliquer son origine, on songea au paludisme et quelques-uns lui attribuè- rent le caractère spécial des fièvres provoquées par le soulèvement des terrains. Afin de dissiper les doutes sur la question de savoir si la verruga était infectieuse et inoculable, Daniel A. Carrion, étudiant de 6e année, se prêta à une inocula- tion, qui fut pratiquée sur lui le 27 août 1885, par le Dr. Evaristo M. Chaves, au moyen du sang qu'on venait d'extraire immédiatement par déchirure d'une tumeur verrugoso, de couleur rougeâtre, située dans la région superciliaire droite d'un malade du service du Dr. Villar. Dans le cours de la maladie expérimentale- ment déterminée, et qui se prolongea jusqu'au 5 octobre, Carrion présenta les symptômes suivants: 20 minutes après l'inoculation, il se produisit une légère déman- geaison assez sensible, suivie de douleurs passagères, qui disparurent deux heures plus tard. Jusqu'au 17 sep- tembre, il ne ressentit rien; ce jour là, il éprouva pen- dant la soirée un léger malaise et une douleur dans l'articulation tibio-tarsienne gauche; le lendemain, le corps est abattu. Le 19, le malaise s'accentue : crampes, abattement, prostration, frissons courts et répétés, avec claquement de dents, fièvre très élevée, douleurs géné- ralisées dans tout le corps, céphalalgie, douleurs dans le thorax et dans les parois abdominales, insomnie, diar- rhée, température 39°4, urine rouge, noire, sédimenteu- se et rare. Le malade continua dans ces conditions jusqu'au 24 où il parut un peu soulagé de tous ces symptômes. Postérieurement se présentèrent les sueurs, douleurs dans les yeux et dans les articulations, pâleur considé- rable de la peau et des muqueuses, pouls faible et fré- quent, souffle léger et doux à la base du cœur dans les premiers temps, respiration normale, anorexie, grande faiblesse, douleur profonde et intermittente dans l'hi- pocondre droit, gonflement du foie, vomissements, vertiges, yeux battus, visage défait, joues et tempes 875 complètement enfoncées, muqueuses décolorées, urine rare et besoin fréquent d'uriner, absence de mémoire dans quelques occasions, agitation extrême, douleur dans l'épigastre et dans les régions précordiale et sa- crée. Le malade continua ainsi jusqu'au 3 octobre. Le matin de ce jour là, il déclara qu'il se sentait mieux, mais son état était le suivant: insomnie, voix difficile, lente et parfois éteinte, respiration irrégulière, peau sè- che et froide, carphologie, huit dépositions, inconti- nence d'urine, qui est abondante. Le Dr. Flores examina au microscope le sang du malade et remarqua que les globules rouges étaient déformés et enflés, leur nombre est de 1.085.000 par millimètre cube, les leucosites ont augmenté en nombre relativement aux hématies. Dans cet état on décide de pratiquer la transfusion du sang, opération qu'on renvoie à plus tard. Le jour sui- vant l'intelligence s'affaiblit et est presque complètement perdue. Le 5, à 9 heures du soir, le malade entre en coma; les pupilles dilatées, le pouls filiforme et à peine perceptible; râle trachéal. A 11 heures 15, il expira. M. Alcedan, à qui nous empruntons tous ces détails proposa, dans une démonstration publique en l'honneur de cette noble victime de l'amour de la science, de donner à la verruga le nom de maladie Carrion. A la suite des études expérimentales consacrées par le dénouement de l'observation faite sur cet intrépide martyr de la science, le Dr. L. Avendano est arrivé aux conclusions suivantes: 1° La verruga doit être considérée comme une ma- ladie zimotique, du groupe des telluriques, à côté de la malaria, du choléra, de la fièvre jaune, etc., et comme telle, on doit croire par analogie à l'existence d'un mi- cro-organisme spécial, qui la produit. 2° Elle est inoculable, c'est-à-dire transmissible d'hom- me à homme, sans qu'il y ait, cependant, de raisons suffisantes pour dire qu'elle est contagieuse. 3° L'état morbide connu, par nos praticiens, sous la dénomination impropre de fièvre de la Oroya n'est pas une entité morbide distincte, mais uniquement la pé- 876 riode fébrile qui précède, dans les cas graves, l'érup- tion de la dermatose, qui n'arrive jamais à se réaliser parce que la mort survient comme conséquence du trouble profond de l'organisme, de l'altération complète du sang sur lequel le germe producteur de la maladie exerce principalement son action. La pûstula del Chimû, maladie spéciale à la localité du Pérou, où elle a été observée, est ainsi appelée par- ce qu'on la rencontre dans la vallée de ce nom, dans la province de Trujillo; elle fait son apparition au prin- temps et en été. Son étiologie n'est pas encore connue mais on l'attribue à un insecte, qui dépose dans la peau des substances irritantes. Le Dr. Porturas la décrit ainsi: «Dans les parties du corps, en général découvertes, telles que le visage, le cou, les membres thoraciques, etc., se présente une petite tache, qui ne préoccupé pas le malade, jusqu'à ce que surgisse, sur le point même où elle est située une légère vésicule de couleur violette, plus ou moins formée, d'une forme irrégulière, de 2 1/2 à 3 centimè- tres, dans son plus grand diamètre, festonnée et sans dépression centrale parfaite ou ombilicale, présentant seulement sur une étendue d'un centimètre plus ou moins, des adhérences très irrégulières des parois de ce point; le reste de cette vésicule est rempli de liquide principalement près de la périphérie et dans toute l'é- tendue qu'elle embrasse, il y a insensibilité ou anes- thésie complète. « Cette pustule est toujours unique; jamais nous ne l'avons vue se reproduire sur les personnes qui en sont at- teintes, même quand elles ont continué à résider dans l'endroit où elles ont contracté ce mal. La peau adja- cente à la vésicule devient rouge. Elle est oedémateuse en proportion de la délicatesse de l'épiderme, de la ré- gion où est située la vésicule et de l'importance qu'elle a prise dans son développement. » f1) (x) Dr. José Porturas : Crônica médica de Lima, page 291, Année 1886. 877 Jusqu'à l'année 1886, l'auteur avait examiné plus de 50 cas; dans un seul, il a observé la pûstula le deuxiè- me jour de son apparition; dans tous les autres, le qua- trième ou le cinquième jour. Au début on la confond avec la pustule maligne; mais après les trois premiers jours, les doutes disparaissent et la pûstula del Chimû se caractérise; elle ne présente pas d'ombilic central, ni d'anneau vésiculaire, ni de régularité dans ses formes, et n'a pas, d'autre part, les symptômes généraux qu'on observe d'ordinaire après quelques jours dans la pustule maligne. On ne peut la confondre avec la noma des enfants parce que jusqu'à ce jour la pûstula del Chimû n'a été constatée que sur des adultes robustes; et on ne peut la comparer avec la forme de l'ecthyme appelée pustule phlyzacèe parce qu'elle se manifeste par un bouton douloureux entouré d'un liquide purulent et qu'elle est accompagnée toujours d'angioleucite aiguë, carac- tères que le Dr. Porturas n'a pas rencontrés dans 10 ans de pratique, dans les hôpitaux de Trujillo. La vésicule une fois formée augmente lentement, de même que le liquide qu'elle renferme, spécialement sa périphérie, et elle devient chaque jour plus noire. Elle atteint son développement maximum vers le sixième jour, et l'œdème est alors très important. Si on soigne le malade en temps opportun, tous les symptômes dis- paraissent vite, et il reste seulement une ulcération su- perficielle qui ne tarde pas à guérir. L'œdème cède dès qu'on enlève la eschare formée. Le pronostic est favorable. Le traitement consiste dans l'application du bichlo- rure de mercure pulvérisé, en pratiquant en avant, si cela est nécessaire, une incision en forme de croix; on a toujours obtenu un bon résultat. La eschare qui se forme s'enlève au moyen de cataplasmes émolients, répétés, en laissant une superficie ulcéreuse facile à guérir. Jamais il ne reste une cicatrice. L'acide phé- nique et le nitrate d'argent produisent des effets tar- difs en pareil cas. 878 Le goitre et le crétinisme sont fréquents dans le creux appelé Vilcamayo. C'est une vallée longitudinale, qui mesure un degré géographique, d'après Lorena; orientée du Sud-Est au Nord-Est, son élévation mo- yenne est de 2.500 mètres, sa température de 14° envi- ron. L'air est humide; seules les parties dilatées de cette gorge présentent un mouvement et un renouvel- lement de l'air ambiant, tandis que les parages étroits sont peu aérées. Le courant y est si faible, si insensible, qu'une bougie à l'air libre reste parfaitement allumée sans flamber, pendant des heures entières. Le terrain est d'alluvion moderne, alternativement argileux ou calcaire, la végétation est exubérante, les marais abondent, sans qu'on ait constaté qu'ils aient une influence sur la salu- brité générale; on ne connaît pas les fièvres paludéen- nes et il n'y a pas d'autres endémies que le goitre et le crétinisme, dont les caractères sont d'autant plus graves qu'on se rapproche de Chahuillai où le goitre disparaît complètement, quoique sur ce point on observe les mêmes conditions physiques: composition du sol, humidité, aération faible, eaux semblables, du moins quant à leur origine, à celles de la région endémiée. Le Dr. Lorena, qui a vécu dans ces localités, croit que la cause de l'endémie réside dans l'alimentation exclusivement végétale, puisqu'elle se compose sim- plement de maïs, de navet, de citrouille, d'oignons, de pommes de terre, de jura, de pêches. La viande est un aliment qu'on emploie par exception. La longue étiologie du goitre rencontre ici un nouvel élément non moins sérieux que ceux qu'on a invoqués dans d'autres contrées également sujettes à cette maladie et dont les conditions sont toutes différentes. Le lupus, connu sous le nom de uta, mot qui vient de la corruption de l'expression Quichua uza (qui sig- gnifie pou}, est endémique à Lima, Jaso, Andamarca, Ayacucho, Malvas, Tingo, Marcarâ, Pampas, Cataparaco et autres départements de l'intérieur. Orrego la décrit ainsi : La uta est une plaie désagréa- ble, qui se développe à certaines époques de l'année et 879 dans les vallées où l'on rencontre quelques insectes venimeux. Elle est de deux espèces: l'une est aquatique et de peu de durée, l'autre est sèche. Le Dr. Ugâz l'a étudiée spécialement, et comme ré- sultat de ses recherches expérimentales et cliniques, il dit que la uta a pour cause le bacille de la tubercu- lose; la marche cutanée et pulmonaire est identique et ne présente d'autre différence que l'importance vi- tale du tégument intéressé. Au sujet de la façon dont elle se conduit dans l'or- ganisme, il ajoute: Dans cette ulcération insensible, sans douleur, négligée le plus souvent, le micro-orga- nisme s'est multiplié et métamorphosé silencieusement; il a établi une colonie qui, en végétant de longs mois et en compromettant les tissus rapprochés, continue à former un nouveau tubercule, puis ensuite plusieurs autres, qui une fois réunis constituent la variété du lupus hypertrêhco (uta sèche); quand ils ont grandi, ils gagnent les voies vasculaires lymphatiques, toujours libres pour provoquer le même procès de distance en distance, à la manière des grains d'un chapelet, lupus serpiginoso ; enfin, arrive l'heure de régression, les ha- bitants adultes d'un groupe colonial meurent et leurs dépouilles sont emportées avec un liquide albumino san- guinolente pour caractériser la troisième forme (uta agua- da) lupus ulceroso. S'ils ne sont pas arrêtés dans leur marche, ils conti- nuent à conquérir des territoires de plus en plus im- portants pour la vie, jusqu'à ce que l'auto-infection convertisse l'homme en un foyer ambulant redoutable de milliers d'êtres pathogéniques (tuberculose générale). Ugâz présente les déductions et observations suivan- tes de ses travaux: 1° La uta au Pérou, est une tuberculose bacillaire, localisée généralement dans les parties de la peau, qui sont à découvert. 2° Elle est endémique dans certaines gorges des deux versants des Andes. 3° Sa genèse est subordonnée aux conditions météoro- 880 logiques, à des causes physiques ou mécaniques, qui blessent les épithéliums; son évolution, dépend des dispo- sitions diatésiques et anatomo-physiologiques de l'indi- vidu. 4° Son traitement est endermique ou chirurgical seu- lement. Le Dr. Villar soutient que, bien qu'au point de vue anatomo-physiologique, il y ait identité entre la tuber- culose et le lupus, puisque de part et d'autre l'élé- ment original est le bacille de Koch et que l'inoculation de la substance luposa produit la tuberculose, on doit cependant tenir compte que le lupus est endémique dans certaines régions de la montagne, où la tubercu- lose pulmonaire est très rare et même n'existe pas, dans des régions où les tuberculeux venant du littoral accourent pour se soigner; que le lupus paraît être produit par une cause locale, qui, suivant une croyance générale, est l'inoculation de la sécrétion venimeuse d'une araignée (uta 6 tac-araTia) qui se pose sur les parties du corps à découvert comme la face ; que le lupeux n'est pas tuberculeux; que pour le lupus même le traitement consiste, en toute période, dans l'applica- tion de moyens locaux comme la cautérisation ; que ramolli et infiltré, il n'acquiert pas les qualités du tu- bercule inoculé. (') (x) Discours du Dr. Villar eu prenant la présidence de X'Academia National de Meditina de Lima. CHAPITRE XXXIX RÉPUBLIQUE DE COLOMBIE Sommaire. - Généralités sur le pays.-Maladies endémiques.-La ville de Cali; si- tuation, population, étendue, topographie.-Le rio Cauca.-Fertilité; le café, le quinquina, mines d'or, fer, houille.-Climat ; saisons.-Provision d'eau.- Marais et paludisme.-La fièvre typhoïde.-Les fièvres typho-malariennes.- Traitement.-Les mesures prophylactiques et la lagune del Agua Blanca. -Le carate; rapport du Comité d'hygiène de Popayan sur cette maladie. Ce pays, si riche en produits naturels, est le siège des maladies endémiques, telles que le paludisme, les fièvres typho-malariennes, le carate, 1/ goitre et autres, car il présente des conditions très m/orables pour son développement. Cali. - La ville de Cali, capitale de la province de ce nom, dans le district de Cauca (Colombie), a au- j 'ird'hui 25.000 habitants; elle est située sur le ver- sant oriental de la Cordillère occidentale des Andes, qui la sépare de l'océan Pacifique, et s'élève à 1.014 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle s'étend sur la partie Sud-Ouest de la vallée de Cauca, la plus fertile et la plus pittoresque de toute rAmérique, qui est formée par deux chaînes des Andes (la centrale et l'occidentale) et qui a une étendue ap- proximative de 180 kilomètres de long sur 40 de large. Le rio Cauca qui prend naissance dans la lagune du Buey et qui est tributaire du Magdalena, la traverse dans toute sa longueur. Sa fertilité est extraordinaire, et la beauté du paysa- ge étonnante. CLIMATOLOGIE MÉDICALE. 56 882 Au dire de personnes compétentes, la canne à sucre vit, sur un même terrain, sans engrais, 80 ans et le maïs se produit de 100 à 300 par chaque récolte. Le platane est si abondant, qu'une superficie de 10.000 mètres carrés donne un produit de 62.800 kilos, avec lequel on peut entretenir annuellement 57 personnes. Le café est aussi riche que celui de Moka, particulièrement ce- lui des terrains élevés. Le cacao est supérieur à celui de Guayaquil, du Brésil et du Maracaybo; il peut être comparé à celui de Caracas. L'anil est aussi bon que celui du Centre Amérique. Les quinquinas de Pitayô sont les meilleurs qu'on connaisse dans le commerce; on produit aussi le caoutchouc de première qualité, la salsepareille, la vanille, etc. Dans les environs de la ville, on rencontre des mi- nes d'or, de fer, de houille, des carrières de pierre, etc. Pareilles richesses et une situation exceptionnelle com- parées à celles d'autres pays, lui assurent un avenir ex- traordinaire. Quand le chemin de fer de l'intérieur au port de Buenaventura (dont un tiers est en exploita- tion) sera terminé, les républiques du Pacifique, comme la Californie, auront avantage à se fournir en Colombie et à y acheter tous les produits des tropiques que nous avons mentionnés. Cali est aujourd'hui le centre d'emmagasinage des articles d'exportation de la vallée et d'autres contrées ainsi que des marchandises étrangères qui se consom- ment dans tout le district. A ces richesses et conditions du sol il faut ajouter la facilité qu'ont les habitants pour changer de climat, puisque, à moins de 10 kilomètres, on trouve des centres habitables, situés à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les pluies sont abondantes. Durant 115 jours compris entre juin 1890 et mai 1891, la quantité d'eau pluviale a atteint 1 m. 1974; et en 132 jours entre juin 1891 et mai 1892, elle a atteint 1 m. 6823. La température moyenne est 23°. Latitude Nord 883 3°25'12''5; longitude occidentale du méridien de Green- wich 76°39'45''. Les saisons ne sont pas ici très marquées. Les hivers et les étés se distinguent très irrégulièrement; en effet, les pluies se présentent souvent dans la période d'été, et dans d'autres régions, le contraire existe. Un rio dont les eaux sont abondantes, cristallines et salubres, court aux portes de la ville. Un aqueduc construit au temps de la colonie, fournit de l'eau aux maisons particulières, aux établissements et aux jardins publics. Il existe à Cali de nombreux points insalubres cons- titués par la lagune de Y Agita blanca, et par le rio Cauca lui-même. La première très près du centre, s'inonde pendant l'hiver, et se sèche en été en donnant lieu à la forma- tion de marais. Le même fait se produit avec le Cauca à 5 kilomètres de distance. A l'époque des pluies, les eaux envahissent le pays sur plus de la moitié de son éten- due, et quand l'été arrive, toute cette partie est con- vertie en marais. Comme nous avons chaleur, végétation abondante et pluie, qui sont autant de facteurs favora- bles au paludisme, il résulte que cette maladie y règne sous toutes les formes: depuis l'intermittente jusqu'à la pernicieuse; depuis l'engorgement de la rate et du foie jusqu'à la cachexie palustre; depuis les névral- gies jusqu'au beri-beri. Il convient de faire remarquer la prédominance du paludisme sur le plus grand nom- bre des affections. La pneumonie, la dysenterie, revêtent des formes paludéennes, qui cèdent facilement à la quinine. La lièvre typhoïde n'est pas très meurtrière à Cali; sa plus grande fréquence s'observe pendant les mois les plus chauds, juillet, août, septembre et février. Géographiquement, elle ne sévit pas de préférence sur un point déterminé; on la voit dans tous les quartiers indistinctement. La proportion entre la fièvre typhoïde et la morbidité générale et de 10 % (à l'hôpital), mais on la calcule à 2 % en ville. 884 La mortalité à l'hôpital est relativement faible; et lorsque les malades sont soignés dès le début de l'af- fection, elle atteint 5 %. Pour ceux qui se présentent dans la 2e ou la 3e période, la proportion est de 15 %. Ce même chiffre de 15 morts sur 100 malades de fièvre typhoïde est calculé dans la pratique civile; en effet, les médecins du pays affirment que les personnes, vi- vant confortablement, résistent moins à la maladie et que dans le public on ne suit pas le traitement, qui, dans les hôpitaux, donne de bons résultats, bien supé- rieurs à tous les autres. La mortalité typhique infantile est minime. Au dire du Dr. Scarpetta, la durée de la fièvre typhoïde n'est pas en général de 21 jours; très souvent elle aune forme bénigne, qu'on appelle febricule typhoïde, et qui prend fin après 14 ou 18 jours. D'autres fois, après la troi- sième semaine, une seconde ou troisième période se produit avec la même forme thermique [et qui fait durer la fièvre 30, 40 et 60 jours; le malade est dans un état très grave, avec d'abondantes enterorragies, en danger de mort pendant 45 jours; le temps s'écoule ainsi avec de grandes alternatives, et malgré tout, le retour à la santé en est la conclusion. N'y aura-t-il pas, dans tout cela, une association de l'élément palustre avec le typhique, une fièvre typho- malarienne comme à Salta, Tucuman et Lima? C'est bien possible, puisqu'on présente souvent ici, une forme engendrée par les miasmes palustres, qui re- vêt les caractères du paludisme dans une fièvre ty- phoïde, en commençant par des fièvres intenses et en terminant avec elles sur des individus soumis à la ma- laria. Comme nous l'avons dit, c'est la forme qu'on voit le plus souvent. Il y en a une autre, qu'on appelle ici pneumo-typhus, qu'il faut considérer comme une pneumonie venant compliquer la fièvre typhoïde. Il n'y a pas eu à Cali de véritables épidémies de cette maladie, quand bien même le nombre de ses vie- 885 times augmente en été, d'après les renseignements sta- tistiques de l'hôpital. Dans quelques quartiers, on cons- tate des foyers de malades, limités dans certaines rues (pendant la même saison). En 1891, on a observé une légère épidémie ocasionnée par l'écoulement d'une con- duite de matières fécales, provenant des latrines d'une école. Les causes principales sont attribuées à l'accumula- lation et à l'action des émanations qui se dégagent des marais et de la décomposition des matières organi- ques. Le traitement suivi à l'hôpital consiste en purgatifs salins associés au sulfate de quinine, au début, et en- suite bichlorure de mercure sous la forme suivante: R Liqueur de Van Swieten 10 à 20 grammes Teinture de quinquina. 5 à 10 » Alcool 50 » Eau100 » Cuillerée toutes les heures. On administre cette potion pendant 10 ou 15 jours, et quand la fièvre décline, on donne des toniques, comme de l'extrait de quinquina, du vin, etc., des énè- mes purgatifs, si cela est nécessaire. En ville on ajoute les bains tièdes et les frictions stimulantes; on soigne les complications suivant leur importance. On n'a pas adopté de mesures prophylactiques d'or- dre public; mais à l'hôpital, comme dans les maisons particulières, on prend celles qui sont nécessaires, quand l'occasion se présente: isolement des malades dans des endroits spacieux, lavage antiseptique des linges, désinfec- tion des déjections typhiques, en un mot tout ce qui est susceptible de sauvegarder la santé des autres. L'immigration des étrangers dans ce pays est encore très faible; presque tous ceux qui arrivent, sont atteints d'une fièvre d'acclimatation, mais ils guérissent. Des méde- cins distingués n'ont pas vu mourir ici un seul étran- ger pendant dix ans, durant la période d'acclimatation. 886 Nous avons vu précédemment le rôle important que la lagune de /'Agua blanc.a, située dans les environs de Cali, joue sur la salubrité publique. On a déjà entrepris des travaux pour la dessécher, et on veut réaliser la canalisation des rivières, qui sont les affluents du Cauca, réparer ce dernier pour empêcher ses débordements, les inondations et les marais qui se forment sur ses bords et provoquent des émanations palustres, qui sont la cause de fièvres graves. Une autre réforme qu'il importe d'introduire et dont l'opinion publique se préoccupe, consiste dans l'ins- tallation d'égouts pour l'écoulement, qu'il faut déve- lopper. Nous allons nous occuper maintenant du Carafe, ma- ladie endémique à Colombie. Dans ce but nous croyons que le mieux est de reproduire le rapport du comité d'hygiène de Popayân qui dit ce qui suit: Le carate est une dermatose de marche lente et envahissante, qui ne se guérit pas spontanément et qui est endémique dans les climats chauds et tempérés de l'Amérique. Caractères.-La dermatose en question est caractérisée par une coloration anormale et très marquée de la peau; par une desqua- mation presque constante, avec variation de nuances suivant l'é- poque de la maladie. Avec le Docteur Josué Gomez, nous diviserons la maladie en question, au point de vue de son étude, en différentes espèces et nous en envisagerons quatre qui sont : carate gris, carate bleu, carate rouge, carate blanc. Le carate gris, appelé aussi noir, donne aux individus qui en sont affectés un aspect désagréable et répugnant. Sur le visage apparaissent des taches de couleur plomb, qui sont plus obscures à mesure qu'elles croissent. Ces taches sont irrégulières, dissemblables dans leur forme; elles desquament légèrement et ne disparaissent ni par le frotte- ment ni par la pression. Le visage une fois envahi dans sa to- talité, rappelle celui d'un nègre, mais il est rare que la maladie se présente de cette façon; presque toujours elle laisse des espaces, des intervalles d'une coloration normale ou moins sombre. Le plus souvent le visage est noirci ou enveloppé capricieusement en observant une certaine symétrie. 887 Les taches paraissent non seulement sur le visage, mais encore sur les membres, dans toutes les régions qui ressemblent aux joues par leur peau riche en pigment et qui sont les plus ex- posées à la lumière et à la chaleur du soleil; aussi la partie ex- térieure des bras, l'avant bras, les jambes, la plante des pieds et des mains, le côté convexe des articulations. Sur le tronc, on les observe également sur des points analogues. Parfois les taches pro- voquent une démangeaison, et alors la desquamation est plus grande. Les taches n'arrivent jamais à envahir toute la superficie cutanée. Avec le temps, les parties envahies deviennent rugueuses et la peau paraît plus grosse et plus vasculaire. Sous cette forme, il est assez commun que les individus dégagent une odeur pénétrante rappelant le musc, qui rend leur compagnie répugnante. En ce qui concerne la sensibilité et autres fonctions de la peau, on n'observe pas d'altération appréciable. Le carafe bleu apparaît d'abord en général, comme le gris, sur le visage et sur les membres. Les taches sont plus irrégulières et plus capricieusement placées que dans l'espèce précédente, elles ont une couleur bleue tirant, tantôt sur le gris plomb, tantôt sur le violet rouge, tantôt sur le bleu indigo foncé. Souvent les taches sont très grandes avec des arborisations de peau saine ; dans d'au- tres cas elles sont petites, arrondies et donnent à la figure un aspect tigré. La difformité est toujours très marquée et chez certains individus, les taches ont envahi le corps de telle façon qu'il semble que la couleur bleue est naturelle, normale et que les plaques et lignes serpentées restant indemnes représentent le cas pathologique. Dans cet état, les individus ressemblent à la fève connue sous le nom de Sachafruto. Dans cette espèce, l'invasion est plus rapide et plus générale que dans les autres. L'odeur nauséabonde de l'espèce précédente est ici moins marquée. Quant aux autres symptômes, il y a une identité presque absolue. Le carafe rouge ou chevalin envahit les mêmes points de la superficie cutanée, mais avec plus d'extension ; la peau prend une couleur rouge, tirant sur la betterave, ou se présente plus ou moins sale avec des taches blanchâtres. La peau est très vas- culaire, rugueuse; la desquamation est très abondante, parfois il se produit des crevasses superficielles qui saignent facilement. Le prurit est très intense au début et la peau très sensible et très sèche. L'odeur musquée est très commune dans cette espèce, et bien que les individus soient moins déformés que dans les espèces précéden- tes, la forte desquamation des parties découvertes ainsi que l'aspect eczémateux de ces superficies les rend plus répugnantes; en outre, cette forme est la plus contagieuse. 11 arrive qu'elle accompagne les autres espèces. Elle attaque principalement les personnes co- lorées ou celles dont la peau est très fine; on l'observe cependant, mais rarement, chez les bruns et les nègres. Ses nuances varient depuis la couleur rouge des Saxons jusqu'à la violacée de la betterave. 888 Carate blanc ou overo. C'est la terminaison commune des formes précédentes. Les taches décrites dans les autres espèces com- mencent à perdre leur coloration dans le centre, elles s'éclaircis- sent, deviennent jaunes et enfin restent complètement blanches particulièrement là où la peau est la plus fine, comme cela arrive dans les articulations du côté de l'extension. 11 y a des cas très rares ou les taches d'abord jaunâtres devien- nent rapidement blanches sans avoir jamais été rouges, bleues ni grises. Dans ce cas, le carate se limite à certaines régions, com- me la racine des poils, le tour des yeux, les mains et les pieds. Nous croyons que même alors le carate revêt quelqu'une des formes précédentes qui avortent par suite de sa rapide évolution. Etiologie. Les causes du carate sont encore assez obscures. Suivant quelques historiens, il a été importé d'Afrique par les nègres, d'autres le considèrent comme Américain. Nous adhérons à la première opinion pour plusieurs raisons ; la principale est le silence que gardent à ce sujet les historiens de la conquête; de plus le carate est aujourd'hui encore confiné dans certaines tribus d'indiens qui ont été en rapport avec les conquérants, tout à fait au début de l'importation des nègres, sans qu'il se soit propagé à des tribus voisines. La seconde raison s'appuye sur la grande fréquence du carate parmi les nègres ; on peut dire que tout nègre est carateux ou le deviendra. Les indiens au contraire sont rare- ment atteints du carate, sauf quelques tribus déjà mentionnées. La troisième raison se base sur la physiologie pathologique: le carate est une maladie du corps muqueux de Malpighi, du pig- ment, et celui-ci étant très riche chez le nègre, il est naturellement plus exposé à contracter et à propager la maladie. Toutes ces considérations militent en faveur de l'opinion que nous soutenons, comme la plus rationnelle. De plus, nous n'avons pas rencontré, jusqu'à ce jour, le mot carate, parmi ceux qui sont d'origine américaine, tandis que nous voyons qu'on le connaît sous ce nom dans les républiques de l'ancienne Colombie qui a été le pays le plus favorisé au point de vue de l'importation des nègres. Si le carate avait été américain, on l'aurait connu sous différents noms, suivant les dialectes indigènes, et il n'en est pas ainsi, puisque dans l'Equateur on appelle carate ( Villavicencio) la maladie en question et puisque les habitants de l'Orinoco au Ve- nezuela (Chaffanjôn) lui donnent le même nom. Le nom pinto qu'on lui donne au Mexique ainsi que celui de tina sont d'origine Espagnole. On appelle par analogie caratero un arbre dont l'épiderme se dégage en feuilles très fines, qui ressemble par sa coloration à la peau d'un carateux, et par analogie on appelle également carate le vernis écailleux des papillons et la desquamation ichthyosique 889 des animaux de l'espèce bovine et chevaline. Sur les porcs on ob- serve également quelque chose d'analogue et la coloration rouge qu'ils présentent ressemble beaucoup au carate rouge humain. De là provient sans doute l'idée que la chair de cet animal est une des causes du carate. A propos de l'étiologie du carate, le Dr. Gomez déclare qu'il est prouvé qu'il ne s'est développé que dans les pays chauds ayant une température de 18 à 19 degrés; mais que l'affection ne se propage pas dans tous les climats de cette température. Indépen- damment de l'action du soleil, il existe d'autres causes prédispo- santes, déterminantes et occasionnelles qui interviennent, suivant ce qu'il paraît, dans le développement du carate, ce sont : la cons- titution du sol, sa composition chimique, la proximité de certains rios et courants d'air. Climat. - 11 n'y a pas de doute qu'un climat chaud dans lequel abondent les eaux et les bois et par suite les montagnes, favorise la production et la conservation du carate, en ce sens qu'il favo- rise son développement; mais nous ne voulons pas induire de là que le climat le produit, puisque le carate a une cause spécifique agissant elle-même, qui prime toutes les autres. C'est probable- ment un microbe qui se transmet, soit par contagion directe d'in- dividu à individu, soit par inoculation au moyen du dard des moustiques ayant piqué des carateux. Nous croyons aussi que les terrains calcaires et nitreux ainsi que certains genres de vie contribuent à prédisposer l'individu à contracter la maladie. Comme cause accessoire indispensable, figure le manque de soin, aussi bien pour les personnes que pour les vêtements et les habitations. Aussi cette maladie attaque-t-elle rarement les personnes vivant dans une condition aisée. Quant aux races: blancs, nègres, indiens, métis etc. sont tous attaqués de la même façon quand ils se trouvent dans des condi- tions qui favorisent son développement. Diagnostic. - Le carate peut se confondre avec de nombreuses affections avec lesquelles il présente des analogies plus ou moins marquées; mais si on compare les symptômes de cette affection avec ceux qui caractérisent celles auxquelles il ressemble, il ne pourra pas y avoir d'erreur. Nous énumérerons ici sommairement les caractères de quelques- unes de ces affections : La lèpre grecque dans sa forme maculée peut être confondue avec le carate, mais elle se distingue par l'aspect des taches et par la marche des deux affections qui est très différente. Dans la lèpre, une sensation de brûlure précède ordinairement l'apparition des 890 taches; celles-ci présentent une couleur rouge cramoisi, jaune ou cuivrée, elles ne s'effaçent pas sous la pression du doigt, elles sont rondes ou irrégulières, en saillie ou non par rapport à la peau voisine, insensibles à la pression et aux piqûres ; elles dispa- raissent et reparaissent ordinairement un certain nombre de fois avant d'être fixes et permanentes. Elles sont parfois le siège d'une légère desquamation et la sueur sur ce point est à peine sécrétée. Nous empruntons aux docteurs Uribe Angel et Londono le diag- nostic différentiel suivant avec le vitiligo: Vitiligo I. Taches blanches circulaires avec des bords nets hiperchromiques. II. Id. sans prurit. III. Id. sans croûte ni écailles. IV. Diagnostic simple. V. Taches fixes au début, diffuses dans certains cas. VI. Aspect moucheté de la peau. VII. Peau lisse, sans autre altération que le défaut de pigment colo- rant, saine pour le surplus. VIII. Pronostic bénin, jamais mortel. IX. Affection rebelle, incurable. Carate I. Taches polychromes, irrégulières, brunes, violacées, rouges,bleues, noires etc. II. Avec une démangeaison notable. III. Avec exfoliation laminaire et fur- furacée. IV. Diagnostic facile et compliqué parfois. V. Taches irrégulières répandues sur certaines parties du corps. VI. Rien de semblable dans le carate. VII. Peau rugueuse, spécialement aux mains et aux pieds. VIII. Pronostic bénin, grave parfois. IX. Maladie persistante, souvent gué- rissable. Avec la psoriasis, maladie chronique de la peau caractérisée par la formation d'écailles blanches, argentées qui s'accumulent les unes sur les autres et forment des points ou gouttes séparés les uns des autres par la peau normale (psoriasis punctata ô gut- tata), ou elle couvre parfois une grande superficie de la peau (pso- riasis difusa); ces écailles sont situées sur une peau légèrement tuméfiée et rouge. La psoriasis syphilitique se caractérise par un cercle noir ou cuivré autour des plaques, par le peu d'étendue de celles-ci, par le peu d'épaisseur des couches d'écailles ou par leur place à côté de la flexion des extrémités, tandis que les coudes et les genoux (siège préféré de la psoriasis simple) restent toujours indemnes; les psoriasis de la superficie interne de la main et de la plante des pieds sont toujours d'origine syphilitique. Avec la pitiriasis rouge, maladie chronique extrêmement rare qui consiste dans une rougeur intense de la peau, et dans la for- mation de nombreuses écailles. D'après Hebra, elle n'est accom- pagnée dans sa marche par aucun autre phénomène et elle se termine sans une infiltration considérable ni formation de papules et 891 sans développement de crevasses. Elle engendre un léger prurit qui ne produit pas d'excoriations. La maladie s'étend en général sur-toute la superficie cutanée. Les cas observés par Hebra ont duré un an, avec plusieurs récidives, et ils se sont tous terminés par la mort à raison de l'amaigrissement et de l'asthénie. Avec la pitiriasis versicolor ou dermatomicosis microscoporina. Cette maladie se caractérise par l'apparition de taches jaunes de la di- mension d'une goutte; rondes, elles sont un peu en saillie sur la superficie cutanée et même quand elles se touchent, on peut recon- naître à leurs extrémités la génération par taches isolées. En exa- minant au microscope avec une augmentation de cinq cents dia- mètres les écailles qu'on obtient en grattant les taches, on observe des groupes de petites cellules rondes, jointes les unes aux autres et de petits filaments radiés qui partent de ces cellules et qui ont une grande longueur. Les cellules et les filaments sont les parties qui constituent le champignon découvert par Eichstedt en 1845 du microsporon fur fur. Le siège de l'affection est principalement la région thoracique antérieure et quelquefois l'épaule, le ventre, les parties du corps qui sont abritées parles vêtements et qui, par conséquent, sont les plus sujettes à la sueur. Dans les parties directement exposées à l'ac- tion de la lumière et de l'air, le développement du champignon est enrayé ou présente des limites bien marquées. Avec l'eczéma chronique de la paume de la main et de la plante du pied. Cette maladie dans sa troisième période est caractérisée par des écailles jaunâtres légèrement humides et parfois sèches sur une superficie d'une couleur rouge brillant, mais si on recherche quelle a été la marche de l'affection, on ne pourra la confondre avec la maladie qui nous occupe. Avec le lichen rouge- Celui-ci consiste en taches couvertes de peti- tes écailles d'une couleur rouge foncé, de la dimension d'un grain de mil, qui, pendant leur développement, présentent les mêmes conditions et n'augmentent pas en volume par leur accroisse- ment périphérique, mais entre les espaces des papules il s'en forme de nouvelles et les efflorescenses arrivent à être si compactes qu'elles représentent une partie de la peau grossie, compacte, rougeâtre, infiltrée et couverte d'écailles. Le pronostic dans cette affection est presque toujours fatal. Avec l'herpès circiné. Cette affection débute avec du prurit, rarement avec une vive démangeaison; ensuite apparaît une pe- tite tache rouge circulaire depuis la grosseur d'une peseta jus- qu'à celle d'un demi douro1, sa superficie se brise et s'élève un peu au dessus du niveau de la peau ; la tache s'agrandit en progressant périphériquement; d'ordinaire la circonférence de la tache est plus élevée et a une couleur rouge sombre tandis que dans le centre elle pâlit et s'affaisse. Pour cette raison, il se forme des cercles et des anneaux, qui, lorsqu'ils sont nombreux, 892 se rejoignent si le mal continue à progresser et forment des des- sins représentant des arcs et des rubans. Elle desquame dans sa superficie et laisse après elle une tache légèrement pigmentée. Il n'est pas possible, dans un travail de cette nature, de nous étendre longuement sur le diagnostic de toutes les affections qui peuvent provoquer une confusion et nous renvoyons le lecteur à la thèse sur le carate qui a été écrite par le Dr. Josué Gomez. Ils y rencontreront en détail le diagnostic de cette maladie et de celles qui lui ressemblent. Au sujet de la nature du carate, on ne sait rien jusqu'à présent. Le Dr. Osorio est d'avis qu'il consiste en un dépôt pigmentaire, qui est simplement une maladie de pigmentation produite par l'accumulation de la matière colorante sur le derme et il pense que lorsque le carate se présente avec des complications d'autres affections anatomiques, telles que les écailles, les vésicules etc, ce sont les complications qui modifient sa forme et son aspect et qui peuvent être syphilitiques, scrofuleuses et parasitaires, mais qui sont simplement des complications du carate. La coloration du carate dépend, d'après le même docteur Osorio, de la place et de la distribution de la matière pigmentaire, et de là proviennent les différences de nuances qui passent du noir au bleu, et du bleu au rouge en laissant des intervalles de peau sans couleur et qui lui communiquent l'aspect de marbre ou de jaspe. Cette affection ne sera-t-elle pas d'une nature parasitaire ? Nous croyons que c'est probable, mais tant qu'on n'aura pas entrepris d'études sérieuses sur cette maladie, on ne pourra rien affirmer avec certitude au sujet de sa nature. Quant à son caractère, tous les médecins les plus notables et les plus instruits de Colombie, qui se sont occupés de; cette mala- die ( Zerda, Osorio, Médina, J. Gomez, Rocha C, Buendia, Plata A. etc.) et qui ont eu l'occasion de l'observer dans les parages où elle est fréquente, affirment qu'elle n'est pas contagieuse par contact direct. On croit généralement que la contagion s'effectue par ino- culation, par la piqûre d'une espèce de moustique qui habite dans les localités où cette endémie existe. Prophylaxie.-Une fois établi, et actuellement on ne saurait avoir de doutes, que le carate a une origine parasitaire, les mesures pour éviter la contagion doivent tendre à éloigner tout ce qui favorise la transmission ou le développement du micro- organisme. La propreté chez les personnes se livrant à certaines classes de travaux pénibles, principalement dans les climats chauds dans les quels la transpiration est abondante, surtout, si parmi les tra- vailleurs il s'en trouve quelqu'un qui soit atteint de cette ma- ladie, est une question qui, à notre avis, a une grande im- 893 portance ; les pores étant dilatés et la peau moite par la sueur, le germe de l'affection se fixe facilement, pénètre de la même manière dans les téguments et se développe aisément: cela peut s'éviter sans peine avec un peu de propreté ; les personnes vivant dans ces conditions, peuvent éloigner le danger en se lavant après le travail soit tout le corps, soit les parties qui sont res- tées à découvert. Le Dr. Josué Gomez, dans sa thèse remarquable sur le carate que nous avons déjà citée, insiste sur l'influence que peut avoir au point de vue de la production de la maladie l'usage des eaux salées de puits: nous n'avons pas d'observations personnelles qui nous permettent d'émettre une opinion à ce sujet; mais en tout cas nous respectons comme il est dû l'idée du docteur Gomez et c'est pour cela que nous la citons. Des nombreuses observations faites sur le carate, nous avons déduit, comme un fait évident ou tout au moins très fréquent, que c'est un moustique noir, à la tête rouge, très abondant dans certains rios de Colombie, qui est une des principales causes productrices de cette maladie; ce point établi, la question se pose à ce double point de vue: Est-ce le moustique qui, au moyen de ses dards, joue le rôle d'une aiguille à injection et qui est un simple moyen de transmission qui prend le germe contagieux d'une personne malade pour le déposer sur une peau saine? Ou bien, cet insecte n'est-il pas plutôt l'élaborateur d'un poi- son spécial qui, une fois déposé sous l'épiderme de certaines personnes prédisposées, va occasionner la maladie? Ce sont là des questions qui exigent une observation attentive et des études très sérieuses. Un des membres de ce comité a connaissance d'un fait cu- rieux, qu'il n'a pas vu personnellement mais qui lui a été rap- porté par des témoins oculaires et dignes de foi, c'est le suivant: dans une propriété rapprochée de la ville, le majordome, homme blanc et sain, fut mordu à une jambe par une couleuvre d'une espèce jusqu'alors inconnue dans ces parages; la jambe s'enfla et quelques symptômes généraux d'un empoisonnement de peu de gravité se produisirent; ils disparurent bientôt, mais la jambe mordue prit une couleur verte très marquée qui persista j usqu'à la mort de cet individu, qui se produisit plusieurs années après, et cela en dépit des traitements médicaux auquel on le soumit afin de combattre cette étrange coloration. A notre avis, il n'y aurait rien d'étonnant que certain moustique soit le conducteur de quelque germe microscopique qui, une fois dé- posésur un champ préparé, se multiplierait et causerait des troubles pigmentaires qui constituent le carate; nous savons que dans le Chocô, l'existence du carate coïncide dans la région des rivières avec celle du moustique en question. Soit que le moustique vé- néneux dont il est question, agisse comme producteur ou simplement 894 comme conducteur du carate, l'hygiène conseille que les personnes qui se sentent piquées par l'un d'eux, surtout dans les pays où il y a des carateux, frottent les piqûres avec de l'eau phéniqué, avec le Uniment vénitien ou simplement avec du jus de citron; grâce à cette précaution si simple, ils peuvent éviter les conséquences d'une maladie répugnante au plus haut degré. Comme plusieurs personnes nous ont affirmé qu'elles ont contracté le carate par le contact intime des individus déjà malades, nous croyons prudent que les personnes ayant la peau saine évitent des rapports sexuels avec celles qui sont atteintes du carate. Mode de guérison. - Les divers moyens qu'on emploie pour combattre le carate, sont, comme cela se produit toujours pour les maladies qui frappent de préférence la classe pauvre, très variés et en général empiriques. Les substances irritantes et caustiques, si communément emplo- yées, ne donnent selon nous de bons résultats que dans le cas où on les emploie sur la tache initiale; dans ce cas elles peu- vent détruire le parasite qui se trouve dans son premier quartier d'organisation; mais dès que la tache s'est disséminée et se montre maîtresse d'un vaste champ qu'elle a conquis, pareils moyens nous semblent déjà inefficaces. Nous croyons avec le Dr. Josué Gomez que l'abus inconscient qu'on fait de l'application, soit interne soit externe du sublimé corrosif, bien que pouvant donner, dans certains cas, de bons résultats, produit en général des maux plus sérieux que ceux résultant de la maladie qu'on veut combattre. On nous assure que dans certains pays on soumet les carateux à une diète prolongée pendant soixante ou quatre-vingt jours, secondée par des boissons sudorifiques, et que ce procédé suffit pour guérir bien des malades quand les cas sont bénins ; mais nous ne savons pas jusqu'à quel point le fait est vrai. Les préparations mercurielles, lodurées, arsenicales sont égale- ment employées fréquemment, mais sans méthode et sans base précises: par suite, les résultats ne sont pas certains. Un des membres de ce comité (Wallis ) croit pouvoir guérir le carate au moyen d'un traitement purement interne ; s'il ne le publie pas, comme il le désirerait, puisque ce serait un bien pour l'humanité, c'est parce que ce remède constitue un secret de famille qui ne lui appartient pas et sur lequel il n'a aucun droit. Dans plus de soixante cas qu'il a traités, le résultat ne s'est pas démenti ; par suite, bien qu'il soit vrai que dans cer- tains cas de carate blanc, dans lesquels le pigment a disparu complètement et les glandes pigmentaires sont affectées profon- dément, les taches subsistent pendant longtemps, il est égale- 895 ment exact que la maladie est vaincue, impuissante et terrassée. Dans le cas du carate bleu ou overo on peut garantir une guérison rapide et la réapparition immédiate de la couleur normale. 11 peut aussi arriver souvent que le carate se confonde avec le vitiligo, maladie qui est beaucoup plus commune qu'on ne le croit; dans ce cas la médication employée pour guérir un cara- teux resterait sans résultat, parce que ce sont deux entités mor- bides absolument distinctes; c'est dans le but d'éviter cet écueil qu'on a donné plus haut le tableau différentiel établi par les docteurs Manuel Uribe Angel et J. B. Londono Par suite, on ne peut indiquer un traitement applicable dans tous les cas, d'après des bases précises et en tout état de cause; il faut qu'un médecin pratique et connaissant la matière inter- vienne dans le traitement du carate. Telle est la description que font du carate les mé- decins de Colombie. Nous n'avons pas connaissance que cette maladie se soit produite dans la République Argentine. La lèpre est endémique à Colombie; on estime qu'il y a à ce pays 30.000 lépreux, mais il faut tenir compte des erreurs de diagnostic. La dysenterie et le goitre sont maladies courantes. A Popayân sont fréquentes les maladies de l'appareil digestif, causées par la mauvaise qualité des eaux. Les hépatites supurées abondent. (Voir page 93). CHAPITRE XL ÉTATS-UNIS DE NORD-AMERIQUE Sommaire,.-Considérations générales sur la salubrité de ce pays; maladies endémiques; mortalité, d'après Davidson, - Etude particulière de New York, Brooc- klyn, Mansfield (Ohio), Maine,Buffalo.-Maladies les plus fréquentes; fièvres typhoïde. - Traitement. - Approvisionnement d'eau. - Epidémies, observations diverses. Dans les Etats-Unis du Nord, la malaria, en com- prenant les formes intermittentes, rémittentes, bilieuses et congestives, présente une proportion plus élevée qu'en Europe. En 1860, elle a causé 3.976 décès sur 100.000, résultant d'autres maladies; en 1870, sa proportion a été moindre, 2.374 sur une mortalité générale de 100.000 ; en 1880, 2.673 sur le même total. Les Etats les plus visités par l'endémie sont, par ordre de fréquence: Florida, Arkansas, Alabama, Mis- sissipi, Texas, Louisiane, Nouveau Mexique, Missouri, Georgia, Kansas, Caroline du Sud, Caroline du Nord. La phtisie est une des maladies les plus meurtrières; elle présente une proportion de 12 % dans la mortalité générale. La variole a fait des ravages particulièrement sur la race indienne. D'après les renseignements du Dr. Moon (1) les indiens de Snaka, de Utah, ont été atteints (*) Davidson, Geographical Pathology, 1892. 897 dans des conditions telles que dans ces trente dernières années., leur nombre a été réduit à un quart. Un autre rapport du Dr. Héger considère cette maladie comme une des plus fréquentes parmi les Yakamas du terri- toire de Washington. New-York. - New-York compte actuellement une po- pulation de 1.900.000 habitants environ. La ville représente une île longue et étroite s'allongeant du Nord au Sud, de 13 1/2 milles sur 2 1/2 dans sa partie la plus large avec une baie à l'extrémité Sud et les rios Hudson et Harlem de chaque côté. A son extrémité Nord, elle est séparée par une petite rivière qui unit les deux rios précités. Dans son terrain qui est plan, on trouve le gra- nit et le micaschiste qu'on rencontre à la surface dans la partie supérieure de l'île. La température est variable; les changements sont fréquents et brusques. La moyenne annuelle durant la période de 1871 à 1890 a été de 51°.5 (Farenheit), et les extrêmes pendant ce même temps, 101° et 106° de la même échelle. La moyenne thermométrique de 1891 a été 52°65 (Fa- renheit). En hiver, il est rare que la température des- cende à 5° (Farenheit) au-dessous de zéro; en été, elle dépasse 100°. Les indications moyennes du baromètre ont donné pendant cette même année t29.945 pouces; la quantité d'eau pluviale (dans l'année) 41.45 pouces (anglais); la neige 29.62 pouces. Les vents Nord-Ouest dominent. La neige est tombée à 13 reprises différentes et il a plu pendant 119 jours de l'année. La provision d'eau se fait par l'aqueduc souterrain de Croton, qui a trente milles de longueur à peu près et arrose une superficie de 339 milles carrés. D'après l'analyse pratiquée, cette eau est composée ainsi, dans un galon : CLIMATOLOGIE MEDICALE. 57 898 Aspect: teinte légèrement jaunâtre; odeur : presque nulle après avoir été chauffée à 100° (Farenheit). Chlorures 0.1895 (grain anglais). Phosphates, aucun. Nitrites, aucun. Ammoniaque libre, 0.0005. Carbonate de chaux, 2.4027. Matières organiques et volatiles, 1.1663. Matières minérales non volatiles, 4.0822. Total des matières solides, Recueillies par l'évaporation, 5.2486. On ne se sert pas de l'eau de puits pour l'alimenta- tion. On a installé un système magnifique de puisards et d'égouts. Dans la partie rapprochée du rio Harlem qui unit l'Hudson avec le rio de l'Est, on rencontre de petits marais qui disparaîtront avec l'augmentation de la po- pulation, comme ont disparu déjà certains autres qui ont été comblés et bâtis. Dans toute la section qui n'est pas pavée et qui n'a pas d'égouts, on observe des cas assez nombreux de maladies. La fièvre typhoïde occupe, à raison de sa fréquence, un rang privilégié dans la statistique mortuaire de New- York. En 1891, elle a représenté le 5 % du total des maladies infectieuses. L'époque pendant laquelle elle sévit de préférence est comprise entre Août et Novembre, spécialement pen- dant le mois de Septembre, au dire du Dr. Fernandez de Ibarra. On ne peut déterminer un quartier qui soit plus spécia- lement exposé à cette affection. Il se produit quelques cas en dehors de la ville, dans la campagne, sur des person- nes qui rentrent à New-York après les vacances d'été. On ne connaît pas exactement la proportion des at- taquées, mais probablement elle est considérable. Si les dépôts d'eau étaient infectés, le nombre des victimes serait plus élevé. Il est certain que des personnes contractent 899 l'infection avec le lait, par l'absorption de fruits et de légumes crus qui sont apportés de la campagne. L'infection directe ou indirecte par l'intermédiaire de quelque cas survenus dans la ville, n'est pas probable si l'autorité a été avisée en temps utile, si grande est la surveillance, si puissante est l'influence de la police sanitaire. En 1891, il y a eu 25.668 malades atteints d'affec- tions infecto-contagieuses et sur ce nombre, 1.342, c'est-à-dire presque le 5 % ont eu la fièvre typhoïde. C'est une moyenne ordinaire. Sur ces 1.342 malades, 384 suc- combèrent. Durant la même année (1891) on a enregistré 2 décès de variole, 663 de rougeole, 1.220 de scarlatine, 1.351 de diphtérie, 5 de tumeurs malignes, 352 de coqueluche, 384 de fièvre typhoïde. Ces seules maladies forment un total de 3.988 décès sur lesquels la fièvre typhoïde figure pour une proportion un peu moindre de 10 La moyenne annuelle, de 1871 à 1890, de décès occa- sionnés par la dothiénenterie est de 392. Dans ce chiffre, les enfants sont ainsi représentés: 2 au dessous de 1 an; 4 de 1 à 2 ans; 17 de 2 à 5 ans; 52 de 5 à 15 ans. La proportion de la mortalité typhi- que est la même qu'à Brooklyn. La prophylaxie consiste dans l'emploi de l'eau pure et dans la désinfection des malades. Le traitement recommandé par les principaux méde- cins de New-York est, suivant Pepper, de maintenir une température basse par des mesures préventives plutôt que par des bains froids qui doivent être le dernier recours; humecter le corps du malade avec des éponges mouillées (et exprimées avant de les passer sur la peau) avec un mélange d'eau et de Rhum de la Jamaïque, chauffé à une température variant de 15° à 26°; si la tempéra- ture monte, envelopper le patient dans un drap mouillé à l'eau froide, et exprimé. La seule période pendant laquelle on emploie les bains froids est dans les dix premiers jours, quand la température s'élève au-dessus 900 de 39°4 et quand on ne peut la faire baisser par des moyens moins énergiques. Flint employa le bain d'é- ponge et le drap humide qu'il aspergeait de temps à autre avec de beau froide et qu'on peut préférer à la baignoire non-seulement en cas de fièvre typhoïde, mais encore s'il s'agit d'autres fièvres, sans qu'on ait à redou- ter qu'ilpuisse y avoir quelque inconvénient. La baisse de la température par ce moyen, quand l'axillaire est supé- rieure à 39°4, améliore l'état général du malade. Seillé critique la saignée, les purgatifs et les bains froids; il dit que les résultats produits par ces derniers «sont négatifs si on les compare au traitement consis- tant dans une bonne alimentation, sans faire usage d'aucun médicament». Loomis considère les bains froids et la quinine com- me inefficaces pour combattre la fièvre dans la dothié- nenterie. A son avis on doit maintenir la température de ]a chambre du malade à 15°4 et il déclare avoir réussi plusieurs fois avec les ablutions froides. Quand la tem- pérature axillaire dépasse 39°5, pendant la nuit, il met le typhique dans un bain dont la température varie entre 21 et 26° et peu à peu il ajoute de l'eau froide jusqu'à ce que la température du malade commence à baisser. Si ce dernier se trouve dans des conditions telles, qu'il ne puisse résister au bain, on emploie le drap mouillé. La diminution de l'action cardiaque est une contre-indication des bains froids. Il emploie la quinine jusqu'à une dose de 2 grammes, par fractions de 0.65 cent, toutes les deux heures; et après que la tem- pérature a baissé, grâce au bain, il administre la qui- nine pour la maintenir basse. Clark conseille la quinine ou les bains quand la fièvre est très forte. Pour les jeunes gens, le bain est le meil- leur moyen pour la maîtriser ; il doit durer 20 minutes. La température de l'eau devra être inférieure de 5° à celle du patient; si la fièvre augmente de nouveau, on doit persister dans le traitement. Bartholow préfère l'hydrothérapie, la quinine et la di- gitale. Si on ne peut se servir de la baignoire, on aura recours au drap mouillé. 901 Si le malade s'affaiblit, on lui donne un stimulant avant, pendant et après le bain. Les trois principales contre-indications pour l'emploi des bains froids sont les hémorragies intestinales, la grande faiblesse de l'action cardiaque, et le froid à la surface du corps accompagné d'une chaleur interne. Nonobstant les bons résultats de ce traitement, il est disposé à conseiller plutôt la quinine, qu'il admi- nistre à forte dose, jusqu'à 2 grammes 60. Quand la quinine seule est sans effet, il l'associe à la digitale. Brooklyn.-Cette ville Nord Américaine compte ac- tuellement 900.000 habitants, qui occupent 93.000 mai- sons construites sur une superficie de 16.837 acres. Les rues sont pavées, sauf dans les faubourgs. La ville est entourée par la mer et le rio sur une éten- due de 13 milles, qui offre toutes facilités pour les quais et les embarcadères établis sur ce point. Les travaux de salubrité sont complètement terminés depuis longtemps, d'après le Dr. Fernandez de Ibarra. Brooklyn est située à une altitude un peu supé- rieure à celle de New-York; aussi sa température est- elle un peu plus froide. Sa météorologie n'offre pas de différence avec celle de sa voisine. Elle possède un excellent aqueduc qu'alimentent sur- tout des puits artésiens; c'est cette eau que boit la population. Les puits ordinaires n'existent que dans quelques maisons des faubourgs. Les latrines sont reliées à un excellent système d'é- gouts. Dans la direction de l'Est, on rencontre quelques pe- tits marais qui disparaissent peu à peu par suite du progrès. Dans la morbidité, la fièvre typhoïde n'occupe pas une place très importante. C'est en automne qu'elle atteint son principal développement, ce qui ne veut pas dire que les cas soient nombreux; au contraire, sa fréquen- ce est très limitée, sauf quand elle se présente avec un 902 caractère épidémique. Le traitement est presque identi- que à celui qu'on suit à New York et que nous con- naissons déjà. En général, la mortalité qu'elle occasionne, est de 10 à 12 sur 100 malades. Le chiffre correspondant aux enfants est très minime. Le coefficient de la mortalité générale est de 21.72 sur mille habitants. Comme mesure prophylactique importante, on évite autant que possible la contamination des eaux de bois- sons par les matières excrémentielles. Ici, comme dans toutes les localités du Nord-Amérique, quand il se pro- duit une épidémie de fièvre typhoïde, on recherche scru- puleusement son origine et on corrige les causes qui pourraient provoquer une nouvelle invasion. Les étrangers supportent bien l'influence du climat, et on n'a pas observé à ce sujet de différence entre eux et les naturels du pays. Buffalo. - Buffalo (Comté d'Erié), Etat de New York, s'élève à 565 pieds au-dessus du niveau de la mer. La ville est construite sur la rive orientale du lac Erié, qui a 290 milles de long sur 57 de large, avec une profondeur moyenne de 120 pieds. Le sol est sablonneux. Le climat est tempéré et la profondeur du lac exerce certainement une influence à ce point de vue. L'été est frais ; l'hiver rigoureux, surtout à la fin de la saison. La température n'est jamais extrême, et rarement il se produit des changements brusques. La moyenne thermométrique en janvier, février et mars est de 28° (Farenheit); dans .les neuf autres mois, 69°. La pluie peut être calculée à 35 et 40 pouces par an. L'eau de boisson provient du lac Erié; on l'élève dans des dépôts au moyen de pompes et elle se distribue par des conduites. La pureté de cette eau est remarquable; elle ne ren- ferme presque pas de matières organiques solides; elle est agréable et on l'emploie sans la filtrer. 903 Dans les faubourgs où les conduites n'arrivent pas, on rencontre quelques puits dont l'eau est examinée périodiquement par le bureau de chimie municipal ; quand il résulte de cet examen qu'elle n'est pas bonne, on nettoye ces puits avec soin. Le système d'égouts qu'il y a ici, est excellent. Ces égouts se déversent dans le Niagara, qui sort du lac Erié et a un grand courant. L'écoulement se fait à 2 milles environ au-dessous du lac. La région présente des ondulations jusqu'au bord du lac; on n'y rencontre pas de marais. La salubrité est excellente, et les services sanitaires sont bien compris. L'inspection hygiénique est aussi parfaite qu'elle peut l'être dans une grande ville. Il y a nombre d'années qu'il ne s'est produit d'épi- démies. La fièvre typhoïde est très rare, et seulement de loin en loin, il se présente quelques cas isolés, en automne et en été. Elle existe uniquement sur les points dont les égouts ne fonctionnent pas bien et là où les eaux sont conta- minées par les matières organiques qu'elles contiennent. Le traitement de la dothiénenterie consiste à: 1° abaisser la température; 2° maintenir les forces ; 3° domi- ner les complications. Pour le premier, on emploie la quinine et les autres agents habituels en pareil cas; on prescrit les bains froids avec de bons résultats. Pour la seconde indication, on donne du lait et autres ali- ments liquides, du cognac, du wiskey. Pour combattre les complications, on a recours au calomel au début de la maladie, et à l'antisepsie intestinale. C'est alors qu'on donne la digitale avec les antither- miques. Suivant les cas spéciaux, on administre l'opium, le benjoin, le bismuth contre la diarrhée; des fomen- tations, l'huile de térébenthine contre la tympanite. Les mesures prophylactiques consistent: 1° Désinfecter avec soin les déjections typhiques et 904 les enterrer loin de toute source ou cours d'eau; dans aucun cas on ne doit les jeter aux latrines. 2° Désinfecter le lit et le linge du malade. Les infir- miers doivent se désinfecter les mains avant de toucher à leurs aliments. 3° Les eaux de puits et celles qui courent dans les conduites,.toutes les eaux, en un mot, doivent avoir bouilli avant qu'on en fasse usage. La fièvre typhoïde chez les enfants est exceptionnelle. La mortalité à Buffalo, en 1891, a été la suivante: Fièvre typhoïde 129 Scarlatine 67 Diphtérie 165 Rougeole 47 Tuberculose 549 Pneumonie 647 Cancer 119 Maladies gastriques ou intestinales 347 Mansfield (Ohio). - Cette ville est située à 1.200 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le climat est tempéré et les saisons bien marquées. Il pleut assez souvent, presque pendant tous les mois de l'année et particulièrement au printemps. L'été est également pluvieux; les orages et la neige sont fréquents en hiver. La provision d'eau est fournie par des puits arté- siens. Celle qui vient des puits ordinaires est dangereuse pour la santé publique et il est interdit de s'en servir. Le drainage souterrain maintient une bonne salu- brité. Il existe peu de terrains marécageux; ils sont situés à un quart de mille ou à un demi-mille de la ville, dans la direction de l'Est et du Nord. On a constaté invariablement que la fièvre typhoïde prédomine dans les parages où l'on boit l'eau de puits et spécialement à la fin de l'année. Du premier mars 1891 au premier mars 1892, il y a eu 210 cas de maladies infectieuses, sur lesquels 19 correspondent à la dothiénenterie. 905 La mortalité totale pendant l'année 1891, s'est élevée à 222, dont 42 de maladies infectieuses, sur lesquelles 4 de fièvre typhoïde. La mortalité des enfants est faible. Depuis plus de 15 ans il ne s'est pas présenté d'épi- démie de typhus. Comme prophylaxie on conseille de ne pas boire d'eaux impures et de les faire toujours bouillir. L'étranger s'acclimate facilement. Maine. - L'état de Maine est situé à l'extrémité Nord-Est des Etats-Unis; une grande partie n'est pas encore peuplée et est couverte de forêts vierges. Sa topographie offre des variétés infinies dues à ses côtes, à ses montagnes et à sa végétation. Il a une bonne provision d'eau, de nombreuses sour- ces, des lacs et des rivières qui le sillonnent dans tous les sens. Le climat est délicieux en été, et cette condition ajou- tée à la beauté naturelle de la région, attire un grand nombre de touristes de tout le pays. L'hiver est très froid et la neige tombe en grandes quantités. Les pluies s'élèvent en moyenne à 1 m. 15 par an. La plus grande partie des villes, depuis 2.000 jus- qu'à 40.000 habitants, a de l'eau potable venant des lacs et des rios; l'eau de puits ou de source s'emploie seu- lement dans les districts ruraux. On rencontre très peu de terrains marécageux, et les fièvres intermittentes sont ici presque inconnues. La fièvre typhoïde se présente à la fin de l'été et au commencement de l'automne. Les causes de cette ma- ladie résident dans la contamination des eaux que l'on boit dans les faubourgs. L'infection se produit de pré- férence dans les parages humides ou qui sont rappro- chés de puits ou de marais. Heureusement elle n'est pas commune, et on a obser- vé qu'à Augusta, comme dans tout l'état de Maine, elle est très modérée. L'acclimatation des étrangers n'offre pas de difficultés. CHAPITRE XLI RÉPUBLIQUE DU MEXIQUE Sommaire: - Situation, étendue, population.- Les côtes et les marais. -Les rios et les lacs.-Orographie.-Le climat et les saisons.-Le paludisme (cocolixtli) le vômito prieto, le tifo, l'entérite, l'helminthiase, le rhumatisme, etc.-Diffu- sion de la malaria, dans toutes les formes.- Etude sur le tifo,-La fièvre typhoïde, la fièvre jaune, la fièvre climatique, la pneumonie, la dysenterie, la syphilis.-Approvisionnement d'eau.-Mortalité générale.-Ville de Me- xico, situation, population, climat, provision d'eau, morbidité, mortalité. -Prédominance des maladies infectieuses.-Nécessité de réformes.-Le sol. -Travaux publics à réaliser: la culture et le drainage.-Comparaisons avec d'autres villes.-Divers projets pour assainir la ville de Mexico.- Le Dr. Orvananos.-Projets d'égouts; établissement des eaux courantes. Le vaste pays dont nous allons nous occuper s'étend entre les 14°30' et 32°43' de latitude Nord, et en com- prenant ses îles, entre les méridiens 12°22' de longitude Est et 19°14' de longitude Ouest, rapportés au méridien de Mexico comme principal. La superficie de son terri- toire est calculée à 1.687.063 kilomètres carrés environ, avec une population de onze millions, ce qui donne une densité de 6.5 par kilomètre. On peut considérer ce territoire comme divisé en trois régions: 1° les côtes dujgolfe et du Pacifique jusqu'à 1000 mètres d'altitude, terrain sablonneux, poreux, et ter- rain sédimentaire, argileux, humide, recouvert d'une terre très propice pour la végétation. 2° Etendue de vallées grandes et petites, d'alluvion, cultivable, terrain propice pour la formation de marais; d'autres sont calcaires, produisant une faible végétation, entre 1000 et 2000 mètres d'altitude; enfin de deux à trois mille 907 mètres, une petite section du reste de la contrée, avec ses montagnes. Les côtes mexicaines occupent une étendue très grande; celles du golfe du Mexique, depuis l'embouchure du rio Bravo, qui sert de limite avec les Etats-Unis, jusqu'au Cap Catoche à l'extrémité de Jucatan, mesurent 2.300 kilomètres. Suivant Ruiz, elles sont très basses, sa- blonneuses et marécageuses; elles offrent de nombreux albûferas ou lagunes, comme on les appelle par erreur. Les côtes de la mer des Antilles, sont basses et acci- dentées dans certaines parties. Celles du Pacifique ont une étendue de 9.000 kilomètres; elles sont plus éle- vées que celles du golfe et présentent de grands marais. Les rios principaux sont: le Bravo ou du Nord, le San- tiago, Nazas, Pânuco, Atoyac, Grijalva, Ozumacinta; ils se jettent dans les océans. Gayôn dit à propos des lacs, qui sont très nombreux au Mexique: « Ils doivent attirer l'attention à raison de leurs conditions spéciales et des mille considérations qu'on en déduit au point de vue de la morbidité et de l'hygiène. Ce sont-de véritables dépôts d'eau, sans au- cun courant, de sorte que ces eaux sont stagnantes et soumises aux conditions de niveau que leur font subir les évaporations et les pluies.» Nous citerons, en première ligne, celui de Chapala, entre les états de Yalisco et Michoacân; il a 2.550 ki- lomètres carrés et fait exception à ce que nous venons de dire, puisque le rio de Lerma ou de Santiago s'y jette et en ressort en prenant cette dernière dénomination; ceux de la vallée de Mexico, qui occupent le quart de la superficie de cette vallée, sont le Texcoco, Xochi- milco, Chalco, San Cristobal et Zumpango; le lac Pâtz- cuaro dans l'état de Michoacan et la lagune de Tla- hualila dans le Durango. Dans son système orographique qui est très important, il faut citer le Pic d'Orizaba, à 5.295 mètres d'élé- vation, le Cofre de Perote, à 4.089 mètres, la chaîne Noire, les cimes de Jaumave, le pic Barrabàs et plusieurs autres. 908 La majeure partie de son étendue, les deux tiers en- viron, appartient à la zone tempérée, et l'autre à la zone torride. Dans cette dernière, cependant, on a constaté que, par suite des conditions d'altitude des plateaux, de la végétation, de la constitution géologique, de la situa- tion, etc., les températures se modifient favorablement, donnant au pays les caractères d'un climat doux et agréable. Dans les régions basses, le climat est différent et, par suite, d'après Anaya, la condition de salubrité de la vie humaine est distincte; les fièvres palustres sont endé- miques, la fièvre typhoïde se développe également; tou- tefois le typhus exanthématique est exceptionnel. La végétation, la température élevée, l'état hygromé- trique, déterminent des conditions d'insalubrité cons- tante, par suite desquelles, la vie de l'homme languit, placée dans un milieu impropre pour une longue durée. Nous voyons, par suite, tantôt une nature exubérante, surchargée de richesses, tantôt une cause de destruc- tion et de mort. Le climat chaud, dit Gayôn, s'observe dans cette zone de terrains fertiles, qui s'étend le long des côtes, de telle façon que la terre brûlante peut être considérée comme une ceinture qui entoure le Mexique. Cette région s'élève depuis le rivage jusqu'à une hauteur de 800 mè- tres; sa température moyenne est de 25° à 26° et les extrêmes de 12° à 13°. La terre chaude est très brûlante, humide et ces conditions jointes à l'exubérance de la végétation, en font un pays extrêmement insalubre. Sur les plateaux élevés, à 1.200 et 1.500 mètres, la température moyenne est de 20° à 21°; sur les pla- teaux situés entre 2.000 et 2.300 mètres, elle est de 17°; à Toluca et Guichilaque, à une plus grande hau- teur, elle est de 11° à 12°. Les températures les plus élevées à l'ombre, s'obser- vent à Tlacotalpan (Vera-Cruz), 37°4; à Puebla 35°5; à Leon (Guanajuato) 34°; à Mazatlan (Sinalva) 33°5; à l'intempérie, la température la plus élevée est 44°. La moyenne thermométrique du pays est 20°2. 909 En ce qui concerne les saisons, on en distingue deux seulement: celle des pluies et celle de la sécheresse. Ce n'est que dans le Nord après le 28ême parallèle qu'on re- trouve les éléments bien caractérisés, qui constituent l'été, l'automne, l'hiver et le printemps. Ainsi nous avons des climats chauds, une végétation exubérante, l'humidité, des terrains marécageux; que manque-t-il comme élément d'insalubrité à ce grand et riche pays? Voici sa géographie médicale, bien triste en vérité, qui répond beaucoup mieux que tous les arguments; voici ses endémies, le paludisme (sous toutes ses for- mes), le #/o, la fièvre typhoïde, la pneumonie, le vomito prieto, l'entérite, l'helminthiase, le rhumatisme, les affec- tions catarrhales de l'appareil respiratoire, les derma- toses (surtout chez les enfants), la dysenterie, l'hépatite, la fièvre climatique, le tétanos, le mal del pinto, l'élé- phantiasis, le goitre, les parasites, la tuberculose, l'ané- mie des mineurs, l'emphysème pulmonaire, la pelagra, la çulebrilla. Nous nous arrêterons uniquement au paludisme, ap- pelé par les vieux mexicains le cocolixtli. C'est la ma- ladie endémique la plus répandue dans tout le pays; elle ne respecte même pas les parages dans lesquels il n'y a ni marais, ni végétation. Le Dr. Ruiz comparant ce qui se passe à Vera-Cruz, couverte d'une végétation vrai- ment tropicale, enveloppée d'un air si humide, si chaud, exposée à de fréquents orages, avec ce qui s'observe au levant de Sonora, qui est une contrée montagneuse froide, sans cours d'eau où les pluies sont très rares, fait remarquer que dans les deux pays régnent les fiè- vres intermittentes, mais avec leur type classique ou se rapprochant de lui à Vera-Cruz et accompagnées de lésions consécutives, multiples et variées, tandis qu'à Sonora les formes anormales et larvées prédominent, alors que les lésions dérivées et consécutives se présentent seu- lement par accident. Pour des raisons analogues, il fait à Tabasco, Colima, Guerrero, dans une partie de Morelos et Jalisco et au Sud de Puebla, les mêmes ob- servations. De même qu'au levant de Sonora, le palu- 910 disme, soit seul, soit accompagné d'une autre maladie, est très fréquent à Chihuahua, Durango, San Luis Potosi et Hidalgo, ainsi que dans la ville de Mexique. S'il était nécessaire d'ajouter quelque chose pour établir cette fréquence, nous dirions que Tampico, avec une garnison de 1000 hommes fournit un contingent de 400 paludiques par an. Pour confirmer le diagnostic, on a eu recours à l'exa- men microscopique, et il en est résulté la constatation de l'existence dans le sang des malades de l'hémato- zoaire de Laveran. Après avoir établi que les fièvres intermittentes ré- gnent dans presque toutes les régions du Mexique, puisque seules sont exemptes de cette endémie, quelques lo- calités qui réunissent ces trois circonstances: terrain rocailleux, eau excellente, chaleur tempérée, le Dr. Ruiz, scientifiquement se considère autorisé à dire que les conditions du terrain et la qualité de l'eau consom- mée étant les principales circonstances contribuant à produire les affections palustres, tous les habitants doivent s'efforcer d'assainir leurs terrains et de se pro- curer une eau limpide et potable. Dans l'opinion de cet auteur, il est hors de doute que les conditions absolument indispensables pour la production du paludisme, sont: un terrain capable d'absorber l'eau, et, par suite, susceptible de se dessé- cher sous l'influence de la chaleur. . Le tifo, appelé autrefois au Mexique Matlazaliuatl et plus communément tabardillo est la maladie, qui, au point de vue de la fréquence, occupe le premier rang après le paludisme. Il est endémique et constant sur les hauts plateaux de Anâhual; endémique et intermit- tent sur les versants qui descendent vers la côte; enfin rarement spontané et épidémique sur le littoral. On le doit aux décompositions des matières animales, mais il paraît que la constitution du sol occupe dans sa genèse une grande importance, de même que l'agglomé- ration des habitants est un facteur qui contribue à sa propagation. On en conclut que le système d'assainis- 911 sement basé sur une bonne canalisation, sur un drai- nage bien fait, sur l'incinération des matières organiques et sur l'interdiction des agglomérations, constituerait le moyen par excellence pour combattre ce fléau. La fièvre typhoïde comme toutes les fièvres infectieu- ses est très fréquente ici et offre des caractères spéciaux qui la distinguent du tifo. Elle occupe le second rang- dans la morbidité générale, ce qui révèle sa singulière importance comme état morbide. La fièvre jaune s'observe sur les côtes mexicaines d'avril à octobre, mais elle paraît également durant le reste de l'année, avec une intensité moindre. A Vera- Cruz, d'après Gayôn, les vents de l'Est ont une grande influence sur la propagation du mal, et dans le Golfe Vera-Cruz et Mérida sont ses foyers principaux. La fièvre climatique se présente sous différents aspects: bilieuse, inflammatoire et typhique, « mais dans toutes ses phases elle a un caractère spécial, qui la distingue des autres et qui en fait une entité nosologique; ce ca- ractère consiste en ce que la maladie n'est localisée ni dans le foie, ni dans aucune viscère et qu'elle n'est pas provoquée par l'agent palustre si commun dans les cli- mats dont nous parlons. » La tuberculose est très répandue; on estime qu'elle cause le 10% de la mortalité absolue de tout le pays, mais dans certaines régions, comme Vera-Cruz, cette proportion s'élève à 15 %. La pneumonie frappe surtout au printemps et son foyer le plus important est sur le plateau central. L'entérite constitue une endémie très commune; elle attaque tous les âges et on peut l'imputer à l'alimen- tation anti-hygiénique. La dysenterie et l'hépatite, celle-ci conséquence de celle-là, se constatent souvent. La seconde est endémique sur le littoral du golfe du Mexique et sur les côtes du Pacifique. Le goitre, règne dans quelques zones. La syphilis se présente dans toutes les classes sociales 912 et sa dilïusion est telle que, même dans les plus petits endroits, on rencontre de ses victimes. L'alcoolisme et le rhumatisme sont aussi assez fré- quents dans certains parages. Consignons ici ce renseignement pour son importance étiologique que la population boit l'eau des rios, des chutes d'eau et des puits. Disons en terminant que la mortalité au Mexique est très considérable. Quelques chiffres en donneront une idée. Dans les cinq années comprises entre 1879 et 1883, il est mort à: Allende 59.077 sur lesquels 13.948 endémiques Guanajuato... 70.703 » 34.008 » Celaya 45.715 » 18.158 » Dans cette classification d'endémies, les maladies gastro-intestinales, typhiques et pulmonaires occupent le premier rang. Dans la capitale on calcule la mortalité générale à 40 pour mille habitants. Mexico. - Voyons maintenant comment les mala- dies dont nous venons de parler se comportent dans la ville de Mexico. Etablissons tout d'abord, en citant les paroles d'un de ses hygiénistes: «Qu'elle est gaillarde- ment construite dans une vaste étendue anti-hygiénique de la grandiose vallée de Mexico. » Sa population est au- jourd'hui de 400.000 habitants environ; d'après le re- censement de 1889, elle était de 329.535. Dans le district fédéral, qui comprend la capitale, la densité est de 450 âmes par kilomètre carré. Quelques localités donnent une moyenne de 36, de 25 et d'autres de 10, 8, 7 et même moins. Les températures extrêmes sont: maxima (à l'ombre) 31°6; à l'intempérie 49°2; minima 1°7 au-dessous de zéro; moyenne 15°5. 913 La pression barométrique la plus forte, 594 mm. 19; la plus faible 579.80 mm.; la moyenne 586 mm. Humi- dité moyenne 60; ozone 4°4. Les vents du Nord, et en particulier du Nord-Ouest dominent. La moyenne annuelle des pluies est de 500 et 600 millimètres. La provision d'eau est abondante; elle est fournie par trois aqueducs et par des puits artésiens. Ce service s'améliore heureusement et bientôt toutes les maisons sans exception jouiront de ses bienfaits. Les maladies les plus communes sont ici comme dans le reste du pays, l'entérite, le tifo et la fièvre typhoïde, la pneumonie, la tuberculose, la gastro-enté- rite, l'emphysème pulmonaire et le rhumatisme à tel point que sur 13.067 décès généraux survenus en 1885, ces maladies en ont occasionné 8.157, c'est-à-dire pres- que le 70 %. En comparant les chiffres de quelques années on a en 1884 la mortalité totale a été 12.803 1885 » ' » 13.067 1886 » » 13.102 1887 » » 13.200 1888 » » 13.221 1893 » » 27.489 Sur le chiffre correspondant à 1884, on compte 7.811, qui appartiennent aux endémies citées plus haut; et sur celui de 1885, on en compte 8.157. Le coefficient de la mortalité générale est de 40 pour 1000, et dans presque toutes les localités du district fédéral il est encore plus considérable. La proportion des décès causés par les maladies en- démiques s'est très accrue. La prédominance des maladies infectieuses est très marquée dans cette ville, comme dans tout le Mexique. Les chiffres de 1893 sont terrifiants : le tifo, seulement a tué 3.201 personnes, sur un total de 27.489 décès. Une mortalité de 70 pour 1000 comme dans la dite CLIMATOLOGIE MÉDICALE . 58 914 année, ainsi que le démontre la statistique, prouve façon évidente un état sanitaire très mauvais auquel il importe de remédier. Les améliorations s'imposent d'autant plus que les maladies les plus meurtrières se présentent sous l'aspect endémique. Cela veut dire qu'il existe des conditions très favorables pour leur développement, et que, par suite, elles se maintien- nent et font leurs irruptions périodiquement. Ces con- ditions résident certainement dans le sol et dans la provision d'eau, et c'est de ce côté qu'il faut porter les efforts. Nous avons d'abord la culture et le drainage. La cul- ture présente, ainsi que l'a prouvé Arnould, les avan- tages suivants: « Elle arrête les effets de la décomposition spontanée dans le sol naturel, et rend inofïensifs les foyers putrides que l'homme, lui-même, crée sur un sol modifié et même préparé dans ce but. « Ce système provoque l'aération du sol et diminue sa richesse en eau, non seulement parce qu'il favorise l'évaporation, mais encore par ce qu'il élargit les po- res des sols compacts en détruisant sa capillarité. En d'autres temps il rendait le Latium salubre (L. Collin); il rend habitables notre Algérie ainsi que le district de Pola sur la côte de l'Adriatique (Jilek), et plusieurs autres. » (') Le drainage est un autre moyen d'assainissement; son efficacité a été établie par l'expérience universelle, qui confirme les opinions de Graves lorsqu'il disait: « le drainage améliore considérablement la santé pu- blique ». Chadwick consigne à ce sujet des faits curieux et s'exprime ainsi: « L'examen des différentes circonstan- ces d'hygiène extérieure qui influent sur la santé géné- rale, l'étude des causes des maladies dominantes dans un pays, démontrent que le drainage généralisé a une importance qu'on n'aurait certes jamais soupçonnée (1) Arnould: Nouveaux éléments d'hygiène. 915 sans ces investigations spéciales. Cettte importance est devenue évidente soit par suite des conséquences dé- plorables qu'entraîne la négligence de cette pratique, soit, au contraire, par l'augmentation des produits, par l'amélioration des conditions de salubrité partout où cette opération est convenablement exécutée. «On sait que File d'Ely a été pendant longtemps dans un état vraiment déplorable; dépourvue de tout moyen de drainage, elle était constamment inondée par les eaux venant des points élevés; ainsi les parties basses ne présentaient dans toute leur étendue que de vastes étangs, dont les vapeurs répandaient dans l'at- mosphère des miasmes pestilentiels. Aujourd'hui, par suite des améliorations successives qu'on a réalisées, principalement pendant ces 50 dernières années, il s'est produit une métamorphose, qui tient vraiment du pro- dige. Par leurs travaux, leur activité et leur valeur, les habitants ont transformé ces plaines désolées en gra- cieux et fertiles pâturages et ont vu leurs efforts ré- compensés par d'abondantes récoltes. (') D'autre part, en observant des époques plus rappro- chées nous voyons l'influence du drainage réduire la morbidité et la mortalité, convertir des villes insalubres en des centres sanitaires très importants et des locali- tés à peu près inhabitables se transformer grâce à ces travaux et arriver à être la démonstration la plus évi- dente du pouvoir de l'hygiène appliquée à l'ensemble des masses humaines. La plus importante de toutes les conséquences des travaux d'assainissement, celle qui a été l'objet princi- pal de la préocupation de tous les hygiénistes et admi- nistrateurs publics, est la diminution de la mortalité. On l'a obtenu là où les services sanitaires fonctionnent complètement et on en a la preuve avec le chiffre des décès qui sont très inférieurs à ce qu'ils étaient les années précédentes. A Londres le coefficient de la mor- (*) CHADWick : Cité par Graves, Clinique médicale. 916 talité est arrivé à descendre à 11.4 par mille habitants. Pendant l'année 1893, Paris a donné 21.8 pour 1.000, Vienne 23.5, Berlin 20.7, Montevideo 18.2, Praga 23.4 Baltimore 21.0, démontrant ces données une évidente diminution de la mortalité. La fièvre typhoïde et la tuberculose ont vu diminuer leurs victimes grâce à ces travaux et on a pu le cons- tater à: Diminution de la fièvre typhoï- de pour 100 Diminution de la tuberculose pour 100 Bambury 48 41 Cardiff 40 17 Croyclon 63 17 Dover 36 20 Ely 56 47 Leicester 48 32 Salisbury 75 49 Nous n'avons pas besoin d'ajouter d'autres considé- rations pour prouver l'influence du drainage du sol sur la santé publique; cette influence est plus évidente en- core depuis les travaux de Buchanan et de Latliam, et nous la constatons tous les jours à Buenos Aires. Dans les derniers temps on a compris qu'il était néces- saire de pratiquer un assainissement complet de la ville de Mexico et on a lancé plusieurs projets dans ce sens. En ce qui concerne l'écoulement de la vallée de Mexi- co, le Dr. Orvananos s'est efforcé de démontrer que la salubrité n'y gagnerait pas grand chose, tant que ce travail ne serait pas accompagné par d'autres mesures d'hygiène et il se base sur les faits suivants: Les mu- nicipes de Tacubaya, Mixcoac, Tlâlpam, San Angel et Coyoacân sont situés sur les versants des montagnes et les eaux pluviales comme celles provenant des services domestiques ont un écoulement facile et rapide. C'est-à- dire qu'ils se trouvent dans des conditions certainement préférables à celles qu'aura la capitale quand on aura 917 assuré l'écoulement de la vallée, et malgré ce, les mu- nicipes nommés plus haut sont ceux qui fournissent le plus fort contingent à la mortalité. Il y a plus encore: nous pouvons citer plusieurs localités de ce pays situées en dehors de la vallée de Mexico qui pré- sentent un chiffre de mortalité considérable, telles sont Singuilucau, du district de Tulancingo, qui produit 50 pour 100; Oaxaca, 40.1; Puebla, 44.2; Durango, 50. Il n'est pas douteux, ajoute-t-il, qu'en surveillant les maisons, en contrôlant la nature des aliments et parti- culièrement l'eau potable, en propageant la vaccine on diminuera notablement la mortalité. Quelques-uns croient que la base de tout assainissement des maisons consiste dans l'écoulement facile des eaux de la ville qui ne pourra s'effectuer sans le dégagement de la vallée, et des eaux de Mexico. Etant donnée la configuration du sol de la ca- pitale, je crois qu'il faut craindre que malgré l'écoule- ment de la vallée, les eaux ne puissent courir librement par la seule action de la pesanteur et qu'il faille recourir à des machines qui, comme telles, seront sujettes à se déranger. Mais en supposant que la sortie des eaux s'ef- fectue toujours avec facilité, nous resterons dans la si- tuation de San Angel et d'autres localités du district fédéral que nous mentionnons plus haut. » On a présenté un projet d'égouts assez complet, et il faut espérer que grâce à lui, disparaîtront les causes qui maintiennent l'insalubrité de la capitale de ce pays. L'établissement d'un service d'eaux courantes chimi- quement et bactériologiquement pures, complétera les travaux nécessaires pour la bonne hygiène de Mexico. Avec toutes ces réformes, la moyenne de la vie, qui est aujourd'hui de 25 ans, atteindra une proportion meilleure, la richesse publique augmentera et la science sanitaire remportera un nouveau triomphe. CLIMATOLOGIE MÉDICALE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE ET DES PRINCIPALES VILLES D'AMERIQUE Par le Dr. SAMUEL GACHE Ancien Président du Circulo Médico Argentine), endémie, Médecin de la Maternité de l'hôpital Rawson, Membre associé étranger de la Société Française d'Hygiène • _ V Ouvrage honoré d'une médaille d'or (prix do la Municipalité de Buenos Aires) au concours Sud-Américain tenu dans cette ville en 1893, sur l'initiative du Circulo Médico Argentine Préface par le Dr. EMILE R. CONI Lauréat de l'Académie de Medécine de Paris et de la Faculté d< Medécine de Buenos Aires (Prix Jiaivson) AUGUSTIN ETCHEPAREBORDA, Libraire-Editeur 359-RUE TACUARÎ-369 BUENOS AIRES 4012 -Imprimerie «Mariano Moreno», rue Corrientes 829 1895