INFLUENCE DE LA PHYSIOLOGIE MODERNE SUR <. > LA MÉDECINE PRATIQUE MÉMOIRES PURL1ÉS PAR LE DOCTEUR RERNE 1° DES FONCTIONS DE LA PEAU. 2° DES SCARIFICATIONS OCULAIRES. 3° DU REDRESSEMENT BRUSQUE APPLIQUÉ AU TRAITEMENT DE LA COXALGIE. 4° DE L’iNFLUENCE DE LA PHYSIOLOGIE MODERNE SUR LA MÉDECINE. MÉMOIRES PUBLIÉS PAR LE ItOGTEUR DELORE 1° TROIS MÉMOIRES SCR LE PUS ET LA SUPPURATION BLEUE. 2° ANÉVRYSME DE LA CAROTIDE PRIMITIVE. 3° CAS DE MONSTRE CÉLOSOMIEN ASPALASOME. i , . . ... ; , t. . . . _ _ i 4° NOUVELLE VARIETE DE LUXATION DU COUDE. 5° DU PIED BOT VALGUS DOULOUREUX. 6° TRACTION CONTINUE APPLIQUEE : A. AUX PIEDS BOTS DIFFICILES; B. AUX ANKYLOSES. 7° DEUX MÉMOIRES SUR LA SYN'DACTYLIE CONGÉNITALE. 8° DE LA PULVÉRISATION DES LIQUIDES MÉDICAMENTEUX. 9° OPÉRATION CÉSARIENNE. 10° DIFFICULTÉS D'ENLEVER LA CANULE CHEZ LES TRÈS-JEUNES ENFANTS APRES l'opération DU CROUP. 11° DES POLYPES NASO-PHARYNGIENS. 12° DE L'INFLUENCE DE LA PHYSIOLOGIE MODERNE SUR LA MÉDECINE. 13° DE L'ABSORPTION DES MÉDICAMENTS PAR LA PEAU SAINE. l'AMS. — 1MP. SIMON HAÇON ET COMP., film d'EHFIRTH t. INFLUENCE DE LA PHYSIOLOGIE MODERNE S UK LA MÉDECINE PRATIQUE P A H A. R ER NE ti r . Chirurgien en chef de la Charité de Lyon, professeur à l'Ecole de médecine de Lyon Membre titulaire de la Société de médecine et de la Société des sciences médicales de la même ville Correspondant de l’Académie des sciences de Toulouse et de Chambéry, elc. ET X. DELORE Chirurgien en chef désigné de I.i Charilé de Lyon Professeur à l’Ecole de médecine de Lyon, membre titulaire de la Société de médecine de la Société des sciences médicales de la même ville Correspondant de la Société de médecine, de la Société anatomique de Paris des Académies des sciences de Toulouse et de Montpellier, etc. PARIS VICTOR MASSON ET FILS PLACE DE L ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1804 AVANT-PROPOS L’Académie impériale des sciences de Toulouse mit, en 1861, la question suivante au concours : Faire connaî- tre les résultats positi fs dont les expériences physiologiques ont enrichi la médecine clinique depuis le commencement du dix-neuvième siècle. Notre travail fut jugé digne de la récompense qu’elle avait offerte. Nous remercions l’Aca- démie d’avoir choisi une question d’un si haut intérêt et qui répond si bien aux besoins de notre époque; nous la remercions aussi d’avoir couronné notre Mémoire; ce succès nous a déterminé à le publier, et, en le faisant, nous avons été heureux de profiter des justes remarques critiques du savant rapporteur de la Commission, M. Des- barreaux-Bernard. 1 INFLUENCE DG LA PHYSIOLOGIE MODERNE SUR LA MÉDECINE PRATIQUE INTRODUCTION Au commencement de ce siècle, la physiologie entrait largement dans l’ère du progrès, et les écrits de Harvey, de Spallanzani, de Haller, imprimaient déjà une modifi- cation profonde aux idées médicales de l’époque. Toute- fois il manquait encore deux puissants leviers, la chimie et Y expérimentation sur l'animal vivant, lorsque Lavoi- sier et Séguin ouvrirent les portes d’une carrière fé- conde, on une foule de travailleurs se précipitèrent à l’envi. Depuis lors la chimie organique s’est constituée, et, sous l’impulsion vigoureuse des Dumas, des Liebig, des Berzelius, des Chevreul et des Régnault, les décou- vertes, on peut le dire, ont marché à pas de géant. En même temps, Bichat créait, pour l’expérience phy- 4 LNTIIODUCTION. siologique, une phase nouvelle dans laquelle s'illustrè- rent après lui Legallois, Magendie, MM. Claude Bernard, Longet et tant d’autres dont les noms reviendront sou- vent sous notre plume. Avec des forces aussi puissantes et aussi bien dirigées, la physiologie ne pouvait moins faire que de résoudre la plupart des problèmes de la vie. Scs conquêtes récentes, qui ont été immenses, ont dû nécessairement amener des transformations dans la médecine pratique; et si chaque période de l’évolution médicale s’est distinguée par quelque caractère spécial, celui de notre époque est bien certainement l’influence considérable que les sciences physiologiques ont eu sur les études cliniques. Loin de nous, certes, la pensée que ce soit seulement désormais dans cette direction que la médecine ait à pro- gresser; l’application des sciences chimiques et physiolo- giques ne doit lui être faite que dans de certaines limites, et malheureusement, dans le cours de notre travail, nous aurons plus d’une fois à condamner la tendance des ex- périmentateurs qui veulent assimiler les faits chimiques aux faits vitaux, qui concluent trop facilement de l’ani- mal vivisectionné à l’homme, et du laboratoire à 1 hôpital. La question dont nous nous proposons d’aborder l’é- tude est la suivante : Faire connaître les résultats positifs dont les expériences physiologiques ont enrichi la médecine clinique depuis le commencement du dix-neuvième siècle. Déterminer d’une manière positive l’apport de la phy- siologie à la médecine nous serait une lâche bien difficile à remplir. Pour écrire impartialement l’histoire d’une époque, il INTRODL CTION. 5 faut attendre que la génération qui a pris part aux faits politiques se soit éteinte; de même, pour constater l’u- tilité médicale de la physiologie moderne, pour poser les bornes du progrès et de l’influence pratique, l’heure favorable n’est peut-être pas encore venue; trop de ques- tions sont encore litigieuses! trop de passions scienti- fiques sont encore en éveil! Quand les retentissantes dis- cussions seront apaisées, et qu’une saine critique, œuvre du temps, aura fait justice d’une foule d’assertions erro- nées que soutiennent aujourd’hui leurs auteurs, le mo- ment sera venu de résoudre complètement la question, de juger les théories médicales, de peser la valeur des applications thérapeutiques. Aussi nous reprochera-t-on, peut-être, d’avoir agrandi le cadre de notre programme. Mais pouvons-nous avoir la prétention de discerner tout ce qui est positif et pra- tique de ce qui ne l’est pas? Nous avons signalé le progrès partout où nous avons cru le rencontrer. Une hypothèse aujourd’hui peut demain passer à l’état de fait démontré. Les bornes de notre travail seront ainsi reculées; les lignes de démarcation en seront plus étendues, et nous pourrons de la sorte y consigner toutes les recherches physiologiques modernes, qui ont trait à la médecine. Si parfois nous rapportons des théories peu fondées, c’est qu’il nous aura paru nécessaire de compléter l’historique d’une question, ou de signaler l’erreur, pour mettre en saillie la vérité. Suivant nous, le mot physiologie expérimentale n’a point le sens étroit de vivisection; son acception plus large comprend l’étude des fonctions organiques de l’être vivant, au moyen d’expérimentations diverses. Or on in- 6 INTRODUCTION. terroge les fondions par l’instrument tranchant, ce sont les vivisections proprement dites; par les réactifs chimi- ques, qui, faisant connaître la composition normale, permettent de saisir les mutations pathologiques; par l’application des agents physiques, tels que la chaleur et l’électricité. Ainsi, physique, chimie, vivisections, sont tributaires de la physiologie expérimentale, et il n’est plus possible désormais d’ôlre physiologiste sans unir des connaissances physiques à l’art de manier le scalpel. Notre siècle imprime à toutes ses productions un ca- chet de positivisme scientifique, et celle tendance est si profondément inculquée dans l’esprit de notre génération médicale, que nous consultons à peine les travaux de ceux qui nous ont précédés dans notre art, parce qu’ils n’étaient point armés comme nous de puissants moyens d’investigation. Quoique nous soyions pénétrés d’admiration pour le progrès, nous rejetons loin de nous la pensée que les traditions médicales soient à dédaigner, nous sentons hautement leur importance, et nous regrettons vivement que l’horizon de nos connaissances soit tellement vaste qu’il ne soit pas donné à l’esprit du médecin d embrasser en même temps le présent et le passé de son art. Nous ne pouvons admettre les vaniteuses prétentions de ces cher- cheurs, qui croient avoir seuls mission d’appliquer à la médecine le sceau de la science. Bichat, disent-ils, a posé la première pierre de l’édifice par sa méthode expérimen- tale; nous en élevons les murs par les études de sympto- matologie et d’anatomie pathologique, nos successeurs couronneront le faite en faisant la thérapeutique. Un demi-siècle d’études ne peut annuler les connais- IiNTRODUCTION. 7 sanccs qui nous ont été transmises depuis les âges les plus reculés ; nous avons foi dans les représentants de l’obser- vation médicale, qu’ils se nomment Hippocrate, Galien, Avi erine, Sydenham, Baglivi ou Bordeu. Après tout, le fondement de la tradition n’est-il point un fait? En bonne logique, la physiologie devrait précéder la pathologie, de même que l’anatomie normale doit précé- der l’anatomie pathologique. Et cependant l’homme a été fort logique en agissant autrement; dès qu’il a ôté malade, il a cherché à se guérir, sans avoir une notion encore exacte de la nature ou des conséquences de son mal. L’expérience est ainsi devenue le premier guide de la thérapeutique et la base fondamentale de la pratique médicale; et maintenant, malgré les travaux accumulés de plusieurs générations, l’expérience dépasse de beau- coup toutes les données du raisonnement le plus éclairé dès qu’il s’agit de soigner un malade. Il n’en est pas moins incontestable que la médecine clinique a reçu une impulsion profonde de la part de la physiologie expérimentale. Nous lui devons de pré- cieux enseignements sur la nature, Xétiologie, le dia- gnostic et la thérapeutique des maladies. Nature. — Avant les travaux modernes, on possédait à peine quelques notions hypothétiques sur les altérations si variées et si importantes du sang. La science hémato- logique nous a appris, grâce à l’expérimentation chi- mique et physiologique, les modifications que subit le sang dans l’anémie, la chlorose, le rhumatisme, la fièvre typhoïde, etc. ; au microscope nous devons la connais- sance de la leucémie. La fonction glycog'nique du foie nous a mis sur la voie de la pathologie si obscure de cet 8 INTRODUCTION. organe. L’albuminurie, les diabètes pouvaient-ils être connus avant les découvertes de notre époque? Ne puis-je pas en dire autant des dyspepsies? Quand on ignorait les fonctions de la salive, du suc gastrique, du suc pancréa- tique, etc., pouvait-on se rendre compte des troubles digestifs produits par l’absence ou le vice de sécrétion de ces fluides précieux? Étiologie. — Dire que les affections parasitaires de la peau, que les maladies virulentes étaient totalement ignorées dans le siècle précédent, serait exagéré, sans doute; toutefois, c’est depuis peu de temps que nous savons d’une manière précise que Vacants produit la gale, que les teignes contagieuses sont dues à des cham- pignons. Comment connaîtrions-nous aussi bien le virus de la morve, de la pustule maligne, de la rage, de la variole, de la syphilis, etc., si de nombreuses inocula- tions n’avaient été pratiquées sur l’animal et quelquefois même sur l’homme? Diagnostic. — S'il est fâcheux que la médecine se laisse envahir par les applications physiques, ce n’est point assurément à cause du diagnostic, qui acquiert chaque jour dans ses investigations une vigueur et une précision inconnues jusqu’ici. Grâce à Y ophthalmoscope, ces affeclions si complexes, qu’on appelait vaguement amauroses, sont déterminées avec une admirable netteté. Les maladies du larynx sont visibles au laryngoscope, et le sphygmographe nous renseigne avec plus d’exactitude qu’un doigt ou une oreille exercés sur les troubles orga- niques ou fonctionnels de l’appareil circulatoire. Le spi- romètre, le stéthoscope, la percussion sont aussi d’inven- tion récente. 1MR0DUCT10N. 9 L’électricité nous permet de diagnostiquer les affec- tions nerveuses et de les distinguer les unes des autres. Les réactifs chimiques décèlent, dans l’urine, les ma- tières vomies et, jusque dans les fèces, les traces des maladies. Thérapeutique. — Avant l’expérimentation moderne, on ignorait complètement l’action physiologique des mé- dicaments, qui met si fréquemment sur la voie des saines applications thérapeutiques. Je ne parlerai pas de la né- cessité d’essayer préalablement sur les animaux des agents aussi énergiques que l’atropine, la strychnine, le curare, etc., pour en déterminer les doses. Nous savons actuellement quel est le mode d’absorp- tion et d’excrétion d’un grand nombre de médicaments, quel temps ils séjournent dans l’économie, quelles com- binaisons ils forment avec nos tissus, quelles modifîca- tions ils subissent avant d’être éliminés; nous savons le peu d'efficacité des frictions cutanées, l'importance plus grande de la méthode endermique et hypodermique, l’effet des inhalations pulmonaires et des bains térében- thinés. Ainsi nous avons pu nous débarrasser de ces théories humorales ou solidistes qui pesaient si lourdement sur l’esprit médical de tant de générations. Les temps sont passés où il était besoin d’accumuler des faits, des expériences, pour démontrer que les maté- riaux constituant les êtres vivants ne sont point soustraits aux lois ordinaires de la nature; qu’ils sont pesants, po- reux, étendus, compressibles comme les corps bruts. Pourrait-il en être autrement, puisqu’ils sont composés des mêmes éléments? Quoique la plupart des médecins 10 INTRODUCTION. aient quelques connaissances chimiques et physiques, il règne encore dans leur rang un sourde opposition à l’introduction de la physiologie en médecine. Voici, d’a- près M. Martin Magron, quelles en sont les causes : « 1° Les adversaires de ces doctrines ont gardé mé- moire du peu d’utilité réelle qu’ont eue les applications faites autrefois par les chémiâtres, tels que Sylvius, (ilauher, Lémerye. 2° Il y a des applications récemment faites sans discernement par des hommes exclusifs, dont le devoir ne répond point à l’intention. 5° Plutôt que de faire intervenir les sciences chimiques ou physiques, d’a- nalyser patiemment, laborieusement un phénomène com- plexe, il est bien plus commode de faire intervenir une force plus ou moins fantastique. De même qu’on n’ex- plique pas les propriétés du fer, de même on ne peut expliquer pourquoi le cordon nerveux reçoit les impres- sions. » Sans être organicien outré, on peut être, il nous sem- ble, partisan des applications des sciences chimiques et physiques, soit dans l’ordre physiologique, soit dans les états morbides. Pour nous, c’est avec une joie sincère que nous accueillons chaque conquête qui s’annonce avec un caractère de positivisme, qui donne satisfaction à l’es- prit. Nous pensons même qu’on est autorisé à introduire les théories chimiques et physiques dans l’explication des phénomènes biotiques, à la condition toutefois de savoir que tout n’est point là, et qu’il y a des faits d'un autre ordre. Cette manière de voir favorise le progrès, cl ne met point le savant, ami de l’investigation, au pied d’une barrière infranchissable qn’on nomme force vitale. Si nous considérons la circulation, nous voyons le sang, INTRODUCTION. 11 soumis à l’action de la pesanteur, remonter quelquefois difficilement des extrémités inférieures vers le cœur, de là production de varices chez les personnes qui travail- lent debout, de là l’œdème des jambes chez les malades affaiblis par un long séjour au lit. Le sang, du reste, se comporte vis-à-vis des vaisseaux dans lesquels il circule comme de l'eau relativement à un tube de caoutchouc. Si le tube est dilaté ou rétréci, il y a, dans l’un et l’autre cas, bruit de souffle, bruit purement physique, dans le- quel la vie n’est pour rien. Et le cœur, qui imprime au liquide sanguin un mouvement circulaire, ne le fait-il point par l’admirable mécanisme d’une double pompe aspirante et foulante, ainsi que nous tenterons de le dé- montrer? Voilà le règne de la physique. Et ce que nous avons dit pour la circulation, nous pourrions le dire pour toutes les fonctions organiques. Niera-t-on l’influence de la chimie? Ne voit-on pas l’amidon se transformer en sucre, les fluides de l’esto- mac changer l’albumine en albuminosc? Ne voit-on pas des fermentations acides, lactiques, acétiques? Bien plus, nous croyons que la chimie et la physique ont une large part aussi dans le domaine pathologique ; sans admettre complètement les idées de Mialhe sur les ferments, celles de Liebig sur la fièvre, nous pensons qu’il v a un certain nombre de phénomènes morbides qui sont du domaine de ces sciences. Est-ce à dire que nous refusons aux forces vitales la moindre part dans les phénomènes organiques de l’état de santé ou de maladie? Telle n’est point notre opinion. Dès que nous creusons la surface de l’édifice élevé par les organiciens, nous trouvons des faits vitaux qui êchap- 12 INTRODUCTION. pont à la chimie et à la physique. C est le domaine des vilalistes. Ainsi, que le cœur se contracte régulièrement pendant le sommeil, ou tumultueusement, sous l’empire d’une émotion, ce n’est ni la chimie, ni la physique; de même, quand le suc gastrique est sécrété pour accomplir une bonne digestion, ou qu’il est brusquement tari par suite d’une fâcheuse nouvelle. Au fond du plus simple de tous les actes nous trouvons les mêmes difficultés. Je soulève mon bras; phénomène physique, mouvement engendré par l’action des leviers. Mais qui a mis ces le- viers en jeu? C’est une contraction musculaire, phéno- mène vital, sous la dépendance de ma volonté. Ce n’est pas tout, entre l'ordre émané de ma volonté et cette con- traction du muscle il y a plus d’un problème encore irrésolu. Le physiologiste obtient des contractions en incitant les centres nerveux par l’électricité ou la pointe d’un scalpel, mais il y a loin de ce procédé et de l’exci- tant physiologique de nos actes ; importante différence qu’on ne doit jamais perdre de vue. La force nerveuse n’est point, après tout, l’électricité. Sans doute il y a de l’électricité dans notre corps ; il y en a partout! Mais les physiologistes modernes, qui s’occupent du système nerveux et de son mécanisme merveilleux, ont abandonné toute explication grossière. Us rencontrent la vie à chaque instant, et leur silence à cet égard en est souvent une preuve convaincante. Ainsi, distinction profonde, immense, entre le monde vivant et le monde inorganique; mais union intime dans les organismes, qui ne peuvent exister sans matière; et, partout où il y a vie, il y a nécessairement physique et chimie. INTRODUCTION. 13 Pour résoudre le problème (pic nous nous sommes proposé, voici le plan que nous avons cru devoir adopter. Nous devions rechercher, à propos de chaque partie de la physiologie, les découvertes modernes dont l’im- jfortance pouvait influencer la médecine clinique; pour cela nous avons dû passer en revue successivement les diverses fonctions, et l’ordre que nous avons suivi est à peu près semblable à celui que Bérard avait choisi pour son grand traité de physiologie. Ainsi nous avons abordé, en commençant, l’étude de l’hygiène du tube digestif, puis, analysant les travaux modernes relatifs aux fonctions digestives, nous avons essayé d’en apprécier l’utilité. 11 nous a paru rationnel de rapprocher de cette partie de notre travail l’examen des découvertes récentes relatives à l’appareil hépati- que, au pancréas, à la rate et au rein, et c’est immédia- tement après que nous avons recherché l’influence que ces diverses expériences ont eue pour la connaissance plus approfondie des maladies de la nutrition propre- ment dite. Nous avons ensuite examiné ce que la science moderne avait fait pour la respiration, — la circulation, — le sang, — l’absorption, — le système nerveux, — les fonctions gé- nitales. Nous nous sommes réservé d’étudier ensuite l’in- fluence que l'expérimentation physiologique dans les ma- ladies avait pu avoir pour mieux faire connaître soi t la eau se, soit l'enchaînement des symptômes, soit l’utilité de telle médication. Ainsi nous avons traité des recherches mo- dernes sur l’helmintogénésie; ici nous avons dû relater les diverses expériences qui ont éclairé la pathologie de la morve, de la syphilis, de la rage, de la pustule mali- 14 INTRODUCTION. gne, des affections parasitaires. — Nous avons, dans ce même cadre, jeté un coup d’œil rapide sur les travaux modernes qui ont permis de mieux comprendre tous les avantages de la méthode sous-tutanée, et celles plus ré- centes sur l’ostéogénésie. Enfin il nous a paru convena- ble d’apprécier les progrès de la toxicologie. En agissant ainsi, nous avons cru cependant ne pas dépasser les limites de la question. — La physiologie pathologique est de date récente, et nul doute qu’elle ne doive même influencer plus directement la médecine que la physiologie proprement dite. 11 nous a semblé dès lors que nous devions ne pas passer sous silence les résultats acquis de cette manière. APPAREIL DIGESTIF CHAPITRE PREMIER HYGIÈNE DH TUBE DIGESTIF Ne considérer l’influence des récentes découvertes physiologiques et chimiques qu’au point de vue de la pathologie et de la thérapeutique serait, il nous semble, laisser dans l’oubli un des chapitres les plus intéressants et les plus productifs de leur histoire. Dans ces derniers temps, l’étude attentive des aliments a fait ressortir sur leur division et leur rôle dans l’économie des considéra- tions aussi brillantes qu’inattendues; la question vitale de l’alimentation humaine a été éclairée d’un jour tout nouveau, aussi l’importance des résultats obtenus nous justifiera-t-elle pleinement d’entrer dans les détails qui vont suivre. Nous examinerons, dans deux articles différents, la division des aliments et leurs modes de conservation. DIVISION DES ALIMENTS. Rien de plus beau et de plus séduisant que la division des aliments, due à Liebig et à Dumas! 16 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. — Les uns son! les aliments plastiques. — Les autres, les aliments respiratoires. Les uns, destinés à la nutrition, sont assimilés ou dés- assimilés. Les autres favorisent, règlent ou retardent la désassimilation. Les premiers s’en vont de l’économie sous la forme d’urée ou d'acide urique; le rein est l’or- gane chargé de leur excrétion. Les seconds sortent sous la forme d’acide carbonique et de vapeur d’eau ; le pou- mon est l’organe où se fait leur élimination. L’intermé- diaire obligé de ces phénomènes intérieurs, c’est l’oxy- gène inspiré; c’est lui qui se combine aux substances azotées et les convertit en acide urique et en urée ; c’est lui qui, s’unissant au carbone, donne de l’acide carbo- nique; c’est encore lui qui occasionne le départ de l’hy- drogène avec lequel il engendre de la vapeur d’eau; la chaleur animale est le résultat de ces combinaisons di- verses. Absorbé dans la vésicule pulmonaire, le gaz oxygène est porté par le globule sanguin dans tous les points de l’organisme, où il détermine des phénomènes d’oxydation étudiés avec soin par Frerichs, Wœlher et M. Mialhe. Grâce à son action, le soufre, l’acide sulfhydrique et le phosphore introduits dans l’économie, se transforment en acide sulfurique et phosphorique; l’huile volatile d’a- mandes amères, en acide benzoïque d’abord, en acide hippurique ensuite; le tannin devient acide gallique, les lactates, les tartrates, les citrates et les malates se chan- gent en carbonates. Aussi M. Mialhe, interprétant un fait découvert par Millon, dit que si l’acide cyanhydrique tue avec une rapidité foudroyante, c’est qu’il suspend l’oxydation organique. L’émétique posséderait, à un DIVISION DES ALIMENTS. 17 moindre degré, une propriété analogue, de là son effica- cité dans la pneumonie et le rhumatisme. Les aliments respiratoires, clésassimilateurs, appelés en- core faux aliments ou de combustion, entretiennent la vie sans nourrir, soutiennent le jeu des organes, mais ne ré- parent point les pertes de l’économie ; ce sont les féculents, les gommes, les sucres, les huiles, les graisses, le vin, les alcooliques, les sels, les acides et les bases d’origine or- ganique, telles que la caféine, etc. Ces aliments ne sont dans notre corps qu’à titre de passagers, mais ils n’arri- vent point dans nos excrétions sans avoir subi les modifi- cations que nous avons indiquées en parlant du rôle de l’oxygène. Tous n’ont point pour destination d’activer le départ des molécules assimilées, et nous verrons, en étu- diant l’action du sucre, analogue du reste à celle du café, qu’un certain nombre tempèrent la désassimilation et la reculent suivant les besoins de l’organisme. D’après Lehmann, les matières grasses introduites dans l’écono- mie disparaissent à peu près complètement, non-seule- ment sous forme d’eau et d’acide carbonique, par l’expi- ration pulmonaire, mais encore par la transpiration cutanée à l’état d’acide formique acétique, et butyrique. Toutefois cette oxydation des matières grasses dans notre corps est loin d’égaler en rapidité celle des acides lac- tique, citrique, malique, etc. Enfin, les aliments plastiques, assimilables ou répa- rateurs, sont les substances coagulables d’origine ani- male ou végétale, certains sels minéraux, et l’eau, qui sert aussi de véhicule aux aliments respiratoires. Ces principes restent et séjournent uri certain temps dans notre économie, dont ils deviennent partie intégrante. 18 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. C’est par l’assimilation que nous transformons nos ali- ments en notre propre substance. Certains corps sont assimilés comme ils sont introduits; plusieurs sels mi- néraux, tels que le chlorure de sodium, en sont un exemple. Un certain nombre, de solubles qu’ils étaient, deviennent insolubles, tel est le biphosphate de chaux, qui s’unit à l’osséine. L’assimilation minérale est donc un phénomène chimique des plus simples. Toutefois avouons, avecLchinann, que nos connaissances relatives aux matières minérales de l’économie sont très-peu avan- cées; cela tient, dit M. Robin, à ce qu’on les calcine au lieu de les analyser. Il faut donc abandonner les mé- thodes vicieuses usitées jusqu’ici, et chercher à recon- naître les éléments inorganiques, soit en employant des réactifs nouveaux, soit en les dissociant par des procédés qui ne les détruisent point. La chaleur produit des vola- tilisations et des transformations nombreuses qui sont une source d’erreur. Parmi les sels, le chlorure de sodium est un facteur important dans plus d’une réaction organique. En effet, il est en proportion constante dans nos humeurs, quelle que soit l’alimentation, et môme dans l’abstinence. On peut, du reste, présumer son rôle en voyant qu’il peut dissoudre la plupart des composés albuminoïdes; et puisqu’il forme avec l’urée et le glycose des combinai- sons définies, il est probable qu’il préside aux transfor- mations du sucre et à la formation de l’urée. L’assimilation des substances organiques est un peu plus complexe; l’acte de la digestion leur fait subir une modification isomérique qui change leur mode de coagu- labilité et de solubilité; puis, en vertu de la loi d’analogie DIVISION DES ALIMENTS. 19 de formation, elles se transforment en osséine dans les os, en musculine dans les muscles, etc. Celte théorie, avec son unité et sa masse de faits habi- V lement groupes, est vraiment une conception magnifique et grandiose; et cependant le bruit sourd du marteau des démolisseurs s’est déjà fait entendre, l’édifice est encore debout, mais ses bases sont déjà sapées et pro- fondément ébranlées. Ce n’est plus actuellement par la combustion que nous expliquons la désassimilation, mais par des catalyses dé- doublantes; l’assimilai ion se produit par des catalyses com- binantes. La chaleur ne résulterait plus nécessairement des combinaisons organiques, s’il fallait en croire les nouvelles découvertes de M. Schônbein, de Bâle; l’étude plus approfondie de l’oxygène ozoné tend à opérer une révolution dans la science; ce corps peut, en effet, dé- terminer des mutations chimiques, sans élévation appré- ciable de température. Tout n’est point dit encore sur le rôle de l’oxygène; il sert non-seulement à l’élimination des substances qui ont fait partie de notre organisme, mais encore à l’évolution des phénomènes plastiques. On sait, en effet, que les ma- tériaux habituels de notre nourriture contiennent plus de carbone que nos tissus; or la digestion est impuis- sante pour opérer le départ de cet excès de carbone; cette fonction est dévolue à l’oxygène, qui rend ainsi l’aliment apte à être assimilé. A notre point de vue, ce gaz n’est donc pas une cause incessante de déperdition, mais bien aussi de recomposition. Mais s’il n’est point prouvé que l’expiration d’acide carbonique soit seulement un indice de désassimilation, 20 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. l’est-il mieux que l’excrétion d’acide urique et d’urée atteste uniquement une désagrégation des molécules qui ont vécu? Je ne sais. 11 est possible cependant qu’une particule azotée, à laquelle vous aurez enlevé de l’urée, soit encore apte à constituer nos organes vivants, et que ce soit là un phénomène épurateur et non destructeur. 11 est difficile d’admettre la séduisante distinction des aliments plastiques et respiratoires, lorsqu’on voit les amylacés, qui se rangent essentiellement dans ce second groupe, se transformer en sucre, et le sucre, ainsi que M. Bernard l’a démontré, devenir de la graisse; Brillat- Savarin n’a-t-il pas exprimé un fait généralement admis en disant : les féculents engraissent? Or la graisse ne fait-elle pas partie constituante de nos organes? Le tissu cellulo-adipeux n’est-il point substance intégrante de notre corps au même titre que nos os et nos muscles? Liebig, pour expliquer ce fait, dit que la graisse ne possède jamais une forme propre, mais qu’elle se montre toujours sur les cavités des organes dont elle remplit les pores. Quoique cette différence soit juste, elle n’infirme en rien notre assertion. On dit partout que les peuples du Nord absorbent une grande quantité d’aliments respiratoires, pour équilibrer, par une production de chaleur plus considérable, la ri- gueur de leur climat; mais il est aussi incontestable qu’ils font une consommation d’aliments azotés supérieure à celle des peuples du Midi; ceux-ci, au contraire, ont une nourriture presque exclusivement composée de pain, de maïs, de fruits et de légumes; l’Arabe vit d’un peu de riz. Oui, c’est notre intime conviction, au milieu d’écla- tantes vérités, les chimistes illustres dont notre époque DIVISION DF.S ALIMENTS. 21 a droit d’être fîère ont laissé glisser quelques erreurs. Les animaux, on le sait maintenant, fabriquent des prin- cipes immédiats; la glycogénie hépatique en est un exemple remarquable; les végétaux, dont l’organisation est moins parfaite, pouvaient-ils avoir seuls celle pro- priété formatrice? En résumé, suivant nous, le poumon et le rein sont des foyers où s’élaborent aussi bien les produits destinés à vivre que les matériaux voués à la mort. La calorifica- tion n’est point la résultante des combinaisons de l’oxy- gène avec le carbone et l’hydrogène, la découverte de l’ozone vient de porter un coup fatal à cette théorie, et M. Bernard l’a remplacée déjà, en démontrant que le sang des veines hépatiques était plus chaud que le sang artériel et le sang veineux, venant des extrémités. De plus, il est très-contestable que certains aliments soient exclusivement destinés à l’assimilation, tandis que d’au- tres n’auraient, que des usages passagers de calorification et de dépuration. Il est encore une autre division des substances nutri- tives; essentiellement physiologique et d’une importance fondamentale, elle est basée sur leur constitution chi- mique et sur leur mode présumé de digestion spéciale ; elle admet les aliments azotés, gras et amylacés. Les pre- miers correspondent aux plastiques, les seconds aux res- piratoires. Les premiers se digèrent dans l’estomac, les seconds dans les intestins. La vie est incompatible avec un régime exclusivement gras, féculent ou azoté; c’est une chose actuellement bien prouvée et généralement admise. On a pu nourrir, il est vrai, des chiens exclusivement avec du gluten, 22 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. mais celle expérience aurait besoin de recevoir une nou- velle sanction pour faire exception à la loi que nous venons de formuler. La nature, du reste, s’est conformée à cette règle, et nous ppuvons saisir son secret en étudiant la composi- tion des aliments complets, de ces aliments préparés pour des organismes jeunes et en voie de développement, qui ne possèdent point encore la faculté de chercher eux- mêmes les conditions alimentaires indispensables à leur existence. Ainsi, les trois ordres d’aliments que nous avons indiqués ont été réunis, par une main prévoyante, dans le lait et Yoeuf. Le premier contient du sucre de lait, une substance azotée, la caséine, une matière grasse, le beurre. Dans le second, l’albumine est la substance azo- tée; on la précipite par ébullition et on peut déceler du sucre; le jaune, enfin, contient la vitelline et des corps gras, bien étudiés par M. Gobley. Voilà, assurément, deux aliments types; en considé- rant attentivement ceux qui forment la nourriture ex- clusive de certains animaux, nous leur reconnaîtrons une composition identique, sinon pour la proportion, au moins pour la nature des éléments. Le sang, par exemple, qui nourrit les carnivores, que dis-je? aux dé- pens duquel tous les animaux exécutent les phénomènes de leur nutrition, ne renferme-t-il pas du sucre, des substances grasses et azotées? Les herbivores qui affectent de préférence à leur nour- riture les diverses plantes que fournit le sol, doivent y trouver également les trois principes fondamentaux dont nous parlons: et, en effet, la chimie moderne nous les a montrés dans tous les végétaux. CONSERVATION DES ALIMENTS. 23 Les aliments du règne animal ou végétal ne diffèrent donc pas sensiblement. Il a été dans le plan du Créateur que la plupart des animaux eussent une tendance irré- sistible à se nourrir de certaines substances, et que leur tube digestif fût en rapport avec leur genre d’alimenta- tion; mais cet ordre, primitivement conçu, n’est point une barrière infranchissable, et d’ingénieux investiga- teurs nous ont montré des lapins, des taureaux et des chevaux soumis exclusivement à la viande, des carnivo- res vivant seulement de pain. Ces faits ont perdu de leur curiosité primitive, car nous savons actuellement que, sous des formes diverses, les aliments sont toujours les mêmes, et qu’il est inutile de supposer, comme les an- ciens physiologistes, que la digestion diffère suivant les diverses espèces animales. CONSERVATION DES ALIMENTS. Grâce aux découvertes du génie moderne, les impor- tants problèmes de l’hygiène alimentaire ont reçu, pour la plupart, une solution satisfaisante. Nous ne sommes plus aux temps malheureux où les horreurs de la fa- mine venaient lourdement peser sur toute une popula- tion. La facilité des communications, qui s’accroît de jour en jour, permet aux nations d’échanger aisément leurs produits; la cherté des vivres est possible, mais la disette ne l’est plus. Ce ne sont point là nos seules conquêtes; nous avons étudié plus attentivement les altérations des substances nutritives, et nous sommes arrivés à les prévenir et à les retarder presque indéfiniment. Les conditions indispen- 24 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. sables à la putréfaction des corps organiques sont la cha- leur, l’humidité et la présence de l’air. Les conditions de conservation sont inverses; il faut une basse tempéra- ture, la diminution ou la privation du fluide aérien. Nous verrons ces diverses méthodes appliquées à la conserva- tion des aliments végétaux ou animaux que nous allons successivement passer en revue; nous terminerons cet article par quelques mots sur l’alimentation insuffisanle. Aliments d’origine végétale. A. Céréales. — La farine de froment, cet aliment pré- cieux, se conserve aisément pourvu qu’on la préserve de toute humidité; le procédé de Valléry est spécialement recommandé parM. Payen. Les falsifications en sont rares et difficiles à reconnaître; on y parvient cependant en appréciant comparativement les quantités de gluten et de matières grasses. Le sulfate de chaux serait facilement décelé par la calcination. Il ne sera point inutile de jeter ici un rapide coup d’œil sur la panification; la connaissance raisonnée des opérations qu’elle comporte nous permettra de mieux juger les défauts qui peuvent s’y glisser. Panification. — Un premier fait, incontestable du reste, c’est que la qualité du pain dépend avant tout de la qua- lité de la farine; les perfectionnements du manuel opéra- toire ne sont qu’accessoires. On pétrit d’abord la farine avec 50 ou GO pour 100 d’eau, pour y introduire de l’air, et on la livre à la fermentation. C'est le sucre qui fermente, et c'est le gluten qui est le principe fermentifère; le résultat est de l’acide carbo- nique et de l’alcool. Mais pour que cet acte indispensable CONSERVATION DES ALIMENTS. 25 s’accomplisse plus rapidement, on mêle à la pâte une certaine quantité de levain, qui n’est autre chose que de te pâte, déjà elle-même en voie de fermentation. Il ne faut pas que le levain soit gardé trop longtemps, comme cela arrive souvent dans les campagnes, parce qu’alors il devient acide, une fermentation lactique s’établit, et le gluten perd une partie de son extensibilité ; le pain de- vient plus lourd, de plus difficile digestion, et non pas plus nourrissant, comme le pensent beaucoup de personnes. Lorsque la pâte est bien levée, c’est-à-dire lorsque la fermentation est uniformément développée dans tous ses points, on la porte au four, où se passent plusieurs nou- veaux phénomènes ; nous dirons seulement que la fer- mentation s’arrête et que la croûte est élevée à une tem- pérature de 210 degrés environ; à cette chaleur, son amidon se transforme en dextrine, substance soluble et d’une digestion plus facile. La connaissance de ce fait devra être mise à profit par le médecin qui aura à soi- gner des estomacs convalescents ou débiles. Le pain nouvellement sorti du four est tendre; exposé à l’air pendant un espace de temps variable, il devient rassis. On croit généralement que le pain rassis diffère essentiellement du pain frais par la moindre quantité d’eau qu’il contient, et que, par conséquent, à poids égal, il est beaucoup plus nutritif. M. Boussingault a fait à ce sujet des expériences curieuses; il en résulte que le pain frais conserve toujours une température supérieure au milieu ambiant; en devenant rassis, il se refroidit en perdant une quantité d’eau presque insignifiante, et, chose remarquable, en le portant à une température de 100 degrés environ, il devient, de nouveau, pain tendre. 26 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. Cette dernière expérience lui a prouvé, d'une manière évidente, que ces étals différents tenaient à un état mo- léculaire particulier. Il est maintenant parfaitement démontré que le pain blanc est moins nutritif et plus indigeste que le pain bis; M. Mouriès a poursuivi, à cet égard, des expériences déjà commencées parM. Magendie, et il est arrivé à d’intéres- sants résultats. Le pain blanc n’est que du pain bis dont on a enlevé tout le son; or le son, d’après M. Mouriès, renferme, outre les matières épidermiques complètement réfractaires à la digestion, des ferments glycosiques; grâce à leur influence, dans l’acte digestif, la plus grande partie de l’amidon devient soluble. La farine de son con- tient donc un principe actif analogue à celui de l’orge, et son action initiale, commencée pendant la confection de la pâte, ne s’achève que pendant la digestion. Voilà pourquoi le pain brut est gras au toucher, et pourquoi les animaux le digèrent mieux. H y a cependant avan- tage à ce que la classe ouvrière se nourrisse de pain blanc, parce qu’elle sera moins facilement fraudée sur la qualité. De ces connaissances à l’emploi du pain de son, dans certaines affections de l’estomac, il n’y a qu’un pas. Pain de gluten. — D’après la théorie de M. Bouchardat, théorie qui jouit encore d’une grande vogue, quoiqu’elle ait ôté puissamment ébranlée, les glycosuriques transfor- meraient en sucre une quantité d’amidon trop considé- rable, l’organisme ne pourrait pas tout consommer, et l'excès passerait dans les urines. 11 faut donc, de toute nécessité, retrancher les aliments amylacés; pour réa- liser cette indication, M. Bouchardat eut l’idée d’admi- CONSERVATION DES ALIMENTS. 27 nistrer du pain de gluten ; mais ce fut M. Martin de Gre- nelle qui le premier réussit à en fabriquer; au début, il «e pouvait se conserver plus de quatre à cinq jours ; de- puis, sa confection a été bien perfectionnée. 11 faut avoir soin d’abord de soumettre le gluten humide et divisé à la température de 100 degrés dans une étuve; on le réduit ensuite en farine, qui contient 80 pour 100 de gluten; on la pétrit en y mettant 60 à 70 pour 100 d’eau, et y ajou- tant 0,05 de levure de bière; on peut alors en faire du pain, des gaufres, des crêpes, etc. Ces précautions méri- tent d’éire connues, car sans elles la confection de ce pain devient fort difficile. Dans la fabrication de l’amidon, on perd une énorme quantité de gluten que l’on abandonne à la putréfaction; M. Durand a réussi à utiliser cette substance en la reti- rant à peu de frais. Il est certain qu’elle peut devenir un aliment précieux, dont on sentira tout le prix dans les temps de disette. D’après les indications de M. Durand, M. Martin, de Toulouse, fabrique des vermicelles et des semoules très-riches en gluten, doués par conséquent d’une puissance nutritive plus prononcée. B. Légumes herbxcés. — Leur influence dans la nourri- ture de l’homme et leurs effets utiles sont surtout mani- festes dans le cours des longs voyages maritimes. Il est indispensable, pour l’entretien régulier des fonctions de la vie, de varier la nourriture et de la rendre agréable; or, sur les vaisseaux, où la nécessité obligeait de n’em- porter qu’une nourriture fortement azotée, le scorbut se développait, et le scorbut est une maladie de nutrition par excellence. Actuellement on est parvenu à conserver des légumes frais. 28 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. Plusieurs procédés sont mis en usage pour obtenir cet important résultat. La méthode d’Appert, qui réussit pour jes viandes, est insuffisante. Mieux vaut dessécher les lé- gumes dans un courant d’air chaud, comme MM. Masson et Chollet, et les réduire, à la presse hydraulique, en pe- tites tablettes, que l’on recouvre d’une feuille d’étain. 11 est encore préférable d’obtenir leur dessiccation par un courant de vapeur chaude, comme le pratique M. Verdeil. Ces conserves, obtenues économiquement, facilite- raient les approvisionnements et l’emploi en toute saison des produits végétaux. C. Sucre. — Nous voulons seulement relater ici les curieuses recherches que Bocker a faites sur l’action de cette substance. D’après lui, 1° l’emploi du sucre diminue considérablement l’exhalation d’acide carbonique par le poumon, ainsi que celle de l’eau. D’un autre côté, il s’est assuré que la transpiration cutanée n’était pas aug- mentée; 2° L’analyse des urines lui a fourni une moins grande quantité de phosphates et de matières animales extrac- tives. La diminution des produits excrémentitiels, prouve que la nutrition est ralentie. Ainsi le sucre n’est point un aliment de nutrition, mais un aliment qui modère l’élimination des produits excrémentitiels; on pourrait donc l’employer utilement pour rendre moins rapide la métamorphose destructive des organes. A ces idées théoriques, résultat d’un grand nombre d’expériences, Bocker ajoute des observations où l’ali- mentation sucrée a été employée avec succès. Suivant M. Mialhe, le sucre de canne ralentit l’oxyda- CONSERVATION DES ALIMENTS. 29 tion organique, en absorbant l’oxygène destiné à la pro- duire. Le sucre de glycose ne jouirait d’une propriété analogue qu’en présence des alcalis; mais cette opinion est minée par les récentes expériences de Poggiale, qui établissent, d’une manière incontestable, qu’on retrouve toujours les mêmes quantités de glycose chez les ani- maux auxquels on a administré des matières amyloïdes mêlées ou non avec du bicarbonate de soude. Aliments d'origine animale. A. Viandes. — Sans doute nous connaissons mieux au- jourd’hui les altérations que peuvent subir les matières animales, et l’élude attentive des conditions de décompo- sition putride, nous a conduit à d’ingénieux moyens de les en préserver. Il suffit, dans certains cas, de les sous- traire à la chaleur pour que la putréfaction ne puisse s’établir. C’est ainsi que du gibier ou du poisson, placés dans une atmosphère limitée, maintenus à 5 ou 4 degrés par de la glace, peuvent, sans altération et sans déformation, être conservés pendant plusieurs jours. La dessiccation opérée sous le soleil brûlant des régions tropicales peut aussi donner d’excellents résultats. C’est ainsi qu’on prépare le tasujo américain, qui conserve fort bien son arôme et contient seulement 5 à 0 pour 100 d’eau. On peut aussi empêcher la fermentation en excluant de la viande tout l’air ou l’oxygène libre qu’elle contient; à cet effet, on la comprime dans un intestin de bœuf, où on la renferme soigneusement. 30 HYGIÈNE DU TUDE DIGESTIF. Enfin, citons encore les conserves qui se font par plu- sieurs procédés : Le procédé Appert consiste à annihiler Y influence oxy- dante de l’oxygène. Pour cela on met les viandes dans des vases hermétiquement fermés, et on les plonge, pendant quelques instants, dans une chaudière contenant de l’eau à 100 degrés. Le peu d’oxygène resté libre se combine, dit-on, avec la matière organique, et devient impropre désormais à produire la fermentation. M. Fastier a perfectionné ce procédé en plongeant les vases, non fermés, dans un bain-marie, élevé à tempéra- ture de 410 degrés par l’addition de sucre ou de sel; l’eau bout dans ces vases, la vapeur entraîne tout l’air qui y est contenu, on les ferme ensuite rapidement. Le premier degré de putréfaction diminuant la cohé- sion des substances animales, on en a profité pour ra- mollir celles qui possèdent des fibres trop fermes, l’ébul- lition leur fait perdre ensuite toute propriété malsaine. Du reste, à l’égard des viandes altérées, soit par la pu- tridité, soit par des maladies contagieuses et inoculables, nous sommesencore sous l’empire des préjugés vulgaires. Les expériences de M. Renault d’Alfort démontrent ce- pendant que des porcs peuvent s’en nourrir impunément, cl que leur chair n’a aucune propriété malsaine ou môme désagréable. Il faut excepter, toutefois, les substances contenant de la gélatine; la fermentation y développe un suc acide cl de nombreux champignons, qui apparaissent sous forme de moisissure; elles sont alors vénéneuses, ce qu’il faut attribuer à ces parasites, dont beaucoup d’espèces sont dangereuses, comme on le sait. CONSERVATION DES ALIMENTS. 31 B. Le lait est souvent l’objet de fraudes nuisibles au consommateur. On peut les déceler par des moyens phy- siques, tels que le lactomètre de Banks, le galactoseope de M. Bouchardat, l'aréomètre de Baume, qui apprécient sa densité; les moyens chimiques nous renseignent sur sa constitution. M. Leconte reconnaît exactement sa richesse en beurre en le faisant bouillir avec de l’acide acétique cristallisa- ble dans un tube gradué. Excellent moyen qui mérite- rait d’être vulgarisé. Le beurre vient se coaguler à la sur- face, et on peut en doser la proportion. L’addition de gomme, de dextrine ou d’amidon sera également dévoi- lée par des moyens chimiques. Quant aux nombreux procédés de conserver le lait, plusieurs donnent d’assez bons résultats. Une basse tem- pérature, ou l’addition d’un peu de bicarbonate de soude, empêche la fermentation lactique; M. Trousseau emploie ce dernier moyen pour empêcher le lait, destiné aux enfants, de s’aigrir. La méthode Appert réussit moins efficacement que celle de M. de Lignac. Le médecin hygiéniste doit tenir un grand compte de tous les perfectionnements qui tendent à assurer la con- servation des aliments. L’utilité d’avoir des vivres frais est trop bien prouvée aujourd’hui pour qu’il soit be- soin ici d’une plus ample démonstration. Mais il ne suffit pas à l’homme d’avoir du pain ou de la viande de bonne qualité, il faut encore, pour l’équi- libre de ses fonctions, une association de ces deux sortes d’aliments; quoique la chimie ait découvert, dans pres- que toutes les substances nutritives, les trois espèces d’éléments indispensables à la vie, une alimentation va- 32 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. riée n’en est pas moins impérieusement exigée par les besoins de noire organisme. Voyons de quelle façon M. Payen arrive à celte conclu- sion par des chiffres éloquents. L’homme éprouve en 24 heures, une déperdition de 20 gr. d’azote et de 510 gr. de carbone par les urines, les sueurs, les selles, etc. Pour remplacer ces 20 gr. d’azote, il faut 150 gr. de matières azotées; ces 150 gr. se retrouvent dans 019 gr. de viande, ou dans 1,857 gr. de pain. Pour équilibrer et remplacer les 510 gr. de carbone, il faut 2,818 gr. de viande ou bien 1,055 gr. de pain. Nous voyons donc qu’un homme qui se nourrirait ex- clusivement de viande, n’en aurait besoin que de 019 gr. pour subvenir aux déperditions d’azote, tandis qu’il lui en faudrait 2,818 pour subvenir aux pertes de carbone, différence énorme de 2,199 gr. Un homme, au contraire, qui se nourrirait exclusivement de pain, devrait en ab- sorber 1,857 pour représenter 150 gr. de substance azotée, et seulement 1,955 gr. pour 510 de carbone. Il est facile de voir qu’une grande quantité de viande suffit à peine pour le carbone, et se trouve trop considérable pour l’azote ; c’est en sens inverse pour le pain. De là on peut conclure à l’importance d’une alimentation mixte ainsi composée : Pain j ,000 grammes. Viande 286 — Après le pain la viande est, sans contredit, l’aliment le plus indispensable, et cependant sa répartition est fort CONSERVATION DES ALIMENTS. 33 inégale: nous allons citer, à ce propos, quelques recherches de M. Payen, pour montrer combien il est urgent d’en favoriser la production. La population de la France est de 55 millions d’habi- tants, le rendement de viandes de 980 millions de kilog., si ce poids de viande était également réparti entre tous les individus, chaque personne aurait 70 gr. par jour, quantité insuffisante, comme on voit. Mais les habitants (tes campagnes sont loin d’être aussi favorisés que ceux des grands centres, où affluent les produits. La consom- mation moyenne des premiers égale à peine le cinquième de celle d’un Parisien. En Angleterre, l’usage en est beaucoup plus répandu, et la répartition plus égale; chaque individu a, en moyenne, 224 gr. de viande par jour. Les chairs des divers animaux n’ont point, au môme degré, un pouvoir nutritif, et le médecin sait parfaite- ment qu’il n’est point indifférent de permettre, à un con- valescent, des viandes blanches ou des viandes noires, du poisson ou du bœuf. Voici une analyse comparative de Schultz, qui peut donner une idée de cette différence pour 100 gr. : Fibrine VIANDE DE DŒUF. . . 15 VIANDE DE CARPE 12 Albumine 5,2 Extrait alcool., sels. . , . . 1,5 1 — aqueux, id. . . . 1,8 1,7 Phosphates traces. Graisse, perte . . . 0,1 0 Eau , . 77,5 80,1 M. Marchai de Calvi a de plus communiqué à l’Institut 34 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. (les expériences propres à déterminer le degré de nutriti- vité des viandes les plus usuelles. Après plusieurs es- sais, il reconnut que les viandes qui laissaient le plus de résidu solide devaient être rangées dans l’ordre sui- vant : porc, — bœuf, — mouton, — poulet, — veau. Mais le résidu solide, obtenu par une simple dessicca- tion, ne représente point exactement le pouvoir nutritif, il faut défalquer de ce poids les graisses, aliments respi- ratoires destinés à être brûlés, et qui ne sont nullement plastiques ou réparateurs. Il traite donc par l’éther, et alors les viandes se trouvent rangées dans l’ordre sui- vant : bœuf, — poulet, — porc, — mouton, — veau. 11 est parfaitement connu que la chair des jeunes ani- maux est plus aqueuse, plus gélatineuse et moins riche en arôme. Nous ne parlerons point ici de cette fameuse discus- sion que souleva le mémoire de M. Darcet sur la puis- sance nutritive de la gélatine. Il s’était persuadé à tort que le bouillon n’agissait que par sa gélatine; or, la gélatine ne représente que 1 à 2 millièmes du poids du bouillon. Dans un mémoire sur la matière grasse et les pro- priétés alimentaires de la chair de différents poissons (Académie des sciences, 2 juillet 1855), M. Payen re- cherche si les substances huileuses prennent part à la nutrition des animaux. Sa méthode d’expérimentation est excellente et les résultats obtenus fort positifs; mais le problème dont il s’occupe était résolu depuis long- temps, et personne n’ignore les expériences de M. Ber- nard sur la digestion des matières grasses. M. Payen déduit de ses expériences que les substances huileuses servent directement à l’engraissement, conclusion qui nous semble prématurée. Ôes derniers travaux du professeur Lehmann, il ré- sulte de plus que la graisse est complètement indispensa- ble pour la nutrition. Toutes les fois, en effet, que le régime, môme varié, ne contenait aucune substance graisseuse, au bout de très-peu de temps survenaient des phénomènes rapides d’amaigrissement progressif. Un peu de graisse, ajoutée alors à la nourriture, réta- blissait l’équilibre nutritif. CONSERVATION DES ALIMENTS. 35 De l’alimentation insuffisante. Il serait intéressant d’indiquer les cas, malheureu- sement trop nombreux, où l’alimentation est insuffisante aux besoins de l’organisme; mais une aussi vaste ques- tion nous entraînerait en dehors du cadre que nous nous sommes tracé; nous voulons seulement examiner rapi- dement les recherches de M. Mouriès sur le régime et la mortalité des enfants. L’influence du phosphate de chaux sur l’économie a été l’objet des études de M. Mouriès. Il attribue à ce sel l’entretien de l’irritabilité vitale, sans laquelle il n’y a ni assimilation, ni nutrition. Les individus qui en sont pri- vés meurent d’autant plus vite, que leur activité orga* nique est plus grande, les oiseaux, par exemple, plus rapidement que les quadrupèdes. Chez les enfants des grandes villes, qui n’en trouvent point dans leur nourriture une proportion assez rable, la mortalité augmente; son insuffisance relative engendre des affections du système lymphatique» 36 HYGIÈNE DU TUBE DIGESTIF. Il en faut 6 gr. par jour pour entretenir la santé; les urines des femmes de la campagne en donnent 5 gr. à l’analyse, tandis que celles des villes en donnent à peine 5 gr. La nourriture de ces dernières ne renferme que la moitié de la quantité suffisante. La privation de phosphate de chaux peut amener la mort avec de véritables phénomènes d’inanition; son ingestion insuffisante produit la série des maladies dites lymphatiques. A l’appui de ces idées théoriques, et pour confirmer l’importance de ses recherches, M. Mouriès cite un assez grand nombre d’observations; mais, nous regrettons de le dire, elles n’ont aucun caractère scientifique, elles indiquent bien l’adresse précise des malades guéris, mais elles ne tiennent pas assez compte de toutes les conditions hygiéniques dans lesquelles se sont trouvés les enfants soumis à sa méthode; elles n’établissent point le diagnostic d’une manière assez rigoureuse, etc. Le travail de M. Mouriès fut présenté à l’Académie de médecine, et la partie chimique obtint quelque faveur; c’est en effet la seule qui soit sérieuse. Dès qu’un nour- risson est atteint d’une affection quelconque, on admi- nistre à sa nourrice de l’albumine et du phosphate de chaux, et la guérison survient comme par enchante- ment! M. Mouriès est également l’inventeur d’une se- moule au protéino-phosphate calcique. Nous avons em- ployé un grand nombre de fois la médication proposée par l’auteur, et nous ne lui reconnaissons qu’une valeur très-limitée. M. Milne-Edwards a publié des expériences faites sur des lapins à qui il faisait des fractures, et ceux à qui il PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. 37 administrait du phosphate de chaux guérissaient plus vite. Ici nous consignerons une idée assez originale qui appartient à M. Anselmier. C’est de pratiquer des sai- gnées à des animaux soumis à une diète absolue et de leur faire boire leur sang. La mort parait alors retardée. Partant de cette donnée expérimentale, M. Anselmier conseille aux malheureux, privés de nourriture et de boisson, d’user du même moyen pour prolonger leur existence. En terminant cette ébauche rapide, où nous avons es- quissé les découvertes relatives à l’alimentation, nous émettons le vœu que le progrès puisse recevoir son ap- plication sur une plus vaste échelle; c’est surtout à la génération médicale actuelle qu’appartient le noble rôle de faire bénéficier l’hygiène des découvertes indus- trielles. La tâche est assez belle pour mériter d’être entreprise. CHAPITRE II PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF Les esprits investigateurs de tou les les époques ont construit des théories sur les intéressants phénomènes de la digestion. Par le court exposé qui va suivre, on verra où peuvent entraîner les hypothèses qui ne repo- sent point sur des faits; elles aboutissent certainement à faire admirer l'ingéniosité de leurs auteurs; mais quelles entraves pour la science! Si nous remontons aux temps d’Hippocrate, nous trou- 38 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE PE L’APPAREIL DIGESTIF, vons en honneur le système de la coction alimentaire; ce mot exprimait l’altération, l’animalisation que subissait l’aliment; il était vrai dans un sens, car la chaleur est indispensable à l’accomplissement de l'acte digestif. La fermentation détrôna la coction, grâce à Yan Hel- mont. Dans l’estomac se trouvait tout préparé un fer- ment subtil qui agissait sur les aliments ingérés. Au- jourd’hui encore nous admettons l’action catalytique ou fermentescible de la pepsine ou de la diastase. Quant à la putréfaction inventée par Glistonicus, elle fut ruinée par Spallanzani. Ce dernier vil, en effet, le suc gastrique enlever tout caractère putride aux aliments en voie d’altération. Pouvait-on dès lors se fier à la théorie précédente? Les idées de coction, de fermentation et de putréfac- tion devaient plaire aux chimistes; le système de la tritu- ration dut sortir du cerveau d’un mécanicien; Pitcarn avait évalué la force de l’estomac à 12,951 livres, n’est-ce pas là un bel exemple de l’absurdité des calculs géomé- triques appliqués à la physiologie! Mais ce n’est rien en- core, Fracassini la portait à 117,088 livres, et Wainewe- right à 260,000 livres. La trituration s’exécute avec énergie, il est vrai, dans le robuste gésier des gallinacés; mais il n’est rien de semblable chez l’homme, où l’estomac est trop faible pour broyer les substances ingérées. Ce rôle est tout entier dévolu chez lui à la mastication, et l’estomac n’opère qu’un mélange plus intime. Haller, s’appuyant sur les expériences d’Albinus, crut que les aliments, baignés dans le suc gastrique, subis- saient une véritable macération. Ainsi, encore dans ce PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. 39 cas, on prenait la fonction accessoire pour la fonction principale, comme on avait fait pour la trituration, pour la fermentation, etc. Il est important, sans doute, que les aliments soient ramollis; mais ce n’est point là le rôle spécial du tube digestif, la salive, elle aussi, ramollit les aliments : les ruminants ont bien deux cavités gastriques destinées à cet acte secondaire, la panse et le bonnet ; mais ce n’est là toujours que le préambule de la digestion. Enfin arrivèrent les belles expériences de Spallanzani sur le suc gastrique; elles furent les premières lueurs de la physiologie rationnellement expérimentale. Il en est sorti la théorie qui régna jusqu’à notre époque, et. qui se présentait, il faut l’avouer, sous les dehors les plus séduisants. La salive, mêlée d’abord à l’aliment, le met en contact intime avec l’oxygène, pour lequel elle possède une grande affinité : plus tard le suc gastrique, par son action dissolvante, écarte, divise, modifie profondément les molécules nutritives. Le bol alimentaire, à l’état de chyme, passe dans le duodénum; là s’opère une première séparation entre le chyle, qui est absorbé par les chilifères, et le reste du chvme, qui poursuit sa marche. Chemin faisant, la masse chymeuse est arrosée par le liquide pancréatico-biliaire, qui détermine une nouvelle séparation de chyle, et précipite tout ce qui n’est pas nutritif. Dans le jéjuno-iléon, le chyle continue à être absorbé, et les sécrétions intestinales augmentent la masse chy- meuse. 40 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. L’absorption enlève, dans le gros intestin, les der- nières parcelles chyleuses; le chyme n’existe plus, c’est l’excrément. Nous avons sondé plus avant les mystères de la nutri- tion, et nous avons vu qu’entre l’assimilation, but final, et la digestion, acte préparateur, il y avait des opéra- tions d’un ordre plus intime, qui s’effectuaient au sein de nos parenchymes. Voici le tableau résumé de nos connaissances à cet égard; nous nous réservons de les développer plus lon- guement dans le cours de ce mémoire : Introduit dans la bouche, l’aliment est soumis, dans son parcours à travers un long tube contractile, à l’action des sucs divers élaborés par une foule de glandes. 11 ren- contre d'abord la salive qui le ramollit, qui lui donne une température en harmonie avec celle de l’économie, et qui prélude à la transformation glycosique des amy- lacés, destinée à s’achever plus tard. Il parvient dans l’estomac; là, le suc gastrique dissout les corps pro- téiques et leur permet d’être absorbés sous la forme d’al- buminose. 11 est poussé dans l’intestin grêle, où le suc pancréatique émulsionne les corps gras, et opère complè- tement la mutation glycosique des féculents, puis la bile et les liquides intestinaux viennent ajouter leur action, encore imparfaitement déterminée, pour exprimer de l’aliment toutes ses molécules nutritives. Existe-t-il donc entre la théorie aujourd’hui en vi- gueur et celle qui florissait il y a vingt ans à peine des différences essentielles? Sans doute, en voici les preuves : Il y avait pour nos pères un chyle unique; il y en a trois actuellement : le chyle glycosique, le chyle albumino- PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE I)E L’APPAREIL DIGESTIF. 41 siquc et le chyle graisseux. Pour nous, le dernier est seul absorbé par les chylifères ; les deux autres sont em- portés par l’absorption veineuse, dont on n’avait pas tenu compte précédemment, les chylifères devant suffire à tout. Nous sommes parvenus de plus à connaître ou à soup- çonner des phénomènes bien autrement importants! La digestion ne se borne plus, pour les physiologistes de notre époque, seulement aux préparations du labora- toire intestinal ; grâce à elles, l’aliment, devenu soluble et apte à l’absorption, peut s’introduire dans le courant veineux. Faisant désormais partie de la colonne san- guine, il traverse avec elle les glandes qui sont jetées sur son passage dans un but de haute utilité; il se modifie dans le foie, le poumon, le rein, la rate, etc., et devient propre à l’assimilation. C’est une seconde digestion, in- dispensable complément de la première. Si Galien, par une de ces intuitions qui n’appartiennent qu’au génie, avait soupçonné l’hématose hépatique, sa conception était demeurée stérile, faute de preuves pour la faire valoir; la gloire de nos physiologistes, c’est de les avoir four- nies. Mais, malgré les travaux de Bernard, de Lehmann, de Mialhe et Béclard, le dernier mot n’est point dit, et plus d’une incertitude existe encore. Ces savants auront au moins l’incontestable mérite d’avoir fait entrevoir toule une série d’étals morbides qui n’avaient point leur place dans le cadre nosologique; on étudie maintenant les affections dépendant d’un vice de sécrétion, transformation profonde ou d'assimilation de la substance alimentaire. L’impulsion est donnée; elle portera ses fruits bientôt, et la physiologie sera lavée de l’accusation d’impuissance et de stérilité que lui jettent 42 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF, les médecins qui la connaissent peu. Le professeur Bon- net de Lyon, dans ses belles leçons, a largement intro- duit les applications physiologiques dans le domaine de la pathologie, et il a été un des premiers, à notre avis, à comprendre l'immense portée des découvertes physiolo- giques sur l’avenir de la médecine; malheureusement une fin prématurée l’a empêché de mettre la dernière main à un ouvrage où il se proposait de développer ses idées sur la thérapeutique fonctionnelle. APPAREIL BUCCAL. Physiologie et pathologie. Après cet aperçu général (les phénomènes digestifs, entrons dans l’étude des détails, ha bouche, placée au commencement du tube alimentaire, se présente natu- rellement la première à notre observation ; nous exami- nerons spécialement les glandes salivaires et le liquide qu’elles sécrètent. Glandes salivaires. — D’après les recherches de Bar- rère, de Weber, on savait que le liquide fourni par les glandes parotidiennes ôtait liquide, clair et coulant comme de l’eau; on en conclut à tort que les glandes sous-maxillaires et sub-linguales fournissaient une sécré- tion analogue, et la viscosité de la salive mixte fut attri- buée aux glandules buccales, qu’on appela glandes 11111- cipares. On en était là en 1857, époque à laquelle M. Bernard retira le liquide de la glande sous-maxillaire, et vit qu’il avait des propriétés tout à fait différentes de celles qu’on lui attribuait gratuitement. Ainsi la salive de la glande APPAREIL BUCCAL. 43 sous-maxillaire est visqueuse, dès qu’elle est un peu re- froidie; celle de la glande sub-linguale présente, au con- traire, immédiatement ce caractère. Ces trois glandes sont en rapport avec trois fonctions distinctes : 1° Les parotides sont annexées à la mastication, avec la puissance de laquelle leur volume est toujours en rapport. La mastication est d’autant plus rapide, que la quan- tité de salive parotidienne versée est plus abondante, comme le prouve l’expérience suivante : un cheval peut manger sa ration en 3 heures 50 minutes. Si on lui coupe les deux conduits parotidiens, il lui faudra 6 heu- res 50 minutes. Cette différence notable peut donner une idée de l’importance de son rôle, et des troubles qui doivent survenir chez l’homme dans le cas de fistule du canal de Sténon. M. Bernard a pu tarir la sécrétion des glandes paroti- diennes en y injectant de l’huile; mais ce ne fut pas sans avoir de la suppuration; il sera donc peu prudent d’employer ce moyen dans les cas de fistules salivaires rebelles. M. Longet, dans son ouvrage de physiologie, contredit ces recherches. Suivant lui, les parotides ne sécrètent point quand on fait mâcher de l’étoupe ou du vieux linge ; au contraire, elles sécrètent quand on met des aliments dans la bouche, lors même qu’on empêche la mas- tication. 2° Glandes sons-maxillaires. — La salive des glandes sous-maxillaires, d’après les intéressantes recherches de M. Bernard, est en rapport avec la gustation. Si l’on 44 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE L>E L'APPAREIL DIGESTIF. met à nu le conduit excréteur et qu’on l'incise, on voit la liqueur couler rapidement, dès qu’on place dans la bouche de l’animal du poivre, du sel ou du vinaigre. Les glandes sous-maxillaires disparaissent partout où disparaît la gustation, chez les oiseaux, par exemple. Sans vouloir rapporter les expériences au moyen des- quelles M. Bernard démontre l’indépendance des impres- sions gustatives, nous dirons seulement qu’il semble actuellement prouvé que les saveurs acides sont surtout perçues par le lingual, qui se distribue à la partie anté- rieure de la langue, et les sensations amères, par le glosso-pharyngien, qui va à la partie postérieure. Cazalis lit à ce sujet de curieuses expériences. Il cou- pait le lingual à certains chiens, à d’autres le glosso- pharyngien; il donnait aux uns de la soupe au vinaigre, aux autres de la soupe à la coloquinte. Ceux à qui on avait coupé le lingual mangeaient la soupe acide sans répugnance, et ceux à qui on avait sectionné le glosso- pharyngien prenaient sans dégoût la soupe à la colo- quinte. Dans un cas de paralysie nerveuse, la connaissance de ces laits pourra guider pour établir un diagnostic précis. Les affections du canal de Warthon sont peu nom- breuses; n’ayant point un trajet aussi long et aussi su- perficiel, il n’est pas exposé à des fistules comme celui dcStênon; on y rencontre plus fréquemment des cal- culs, composés surtout de phosphate de chaux et de magnésie. Mais il est une affection qui lui a été spécia- lement attribuée, nous voulons parler de la grenouillelte. On a prétendu que c’était une dilatation du conduit de Warthon, et non sans quelque raison; car la tumeur APPAREIL BUCCAL. 45 siège non loin de l’ouverture de ce canal, et renferme un_ liquide filant analogue à la salive; telle n’est pas cependant l’opinion de M. Bernard. Il pense que la gre- nouillette n’est point due à une dilatation du conduit de Warthon, produite par un calcul ou une autre cause oblitérante; alors évidemment il y aurait une vive dou- leur, une gêne de la parole et de la mastication, ce qui n’existe pas. Plusieurs fois cet habile physiologiste a fait la ligature des conduits de Warthon et les a ainsi oblitérés, mais jamais il n’a eu de grenouillette ni de tumeur analogue; quand il y avait dilatation, elle se fai- sait dans toute l’étendue du canal, et les ramifications et les culs-de-sac glandulaires y participaient eux-mêmes. En examinant, au contraire, une grenouillette avec soin, on peut voir que le conduit de Warthon se trouve à côté de la tumeur, ce n’est donc point lui qui l’a pro- duite, chez des malades atteints de grenouillette, M. Follin a pu le sonder aisément. Voici de quelle façon l’anatomie comparée est venue trancher la question en faveur de l’opinion de M. Ber- nard : ayant disséqué un cheval atteint de cette affection, il trouva le canal de Warthon et la glande sous-maxil- laire sains, sur le trajet du canal se trouvaient de petits culs-de-sac glandulaires, dont un avait eu son conduit oblitéré et s’était énormément dilaté par l’accumulation du liquide qu’il sécrétait habituellement; ce liquide était filant, visqueux, analogue à celui de la glande. La grenouillette serait donc formée par la dilatation d’un petit lobule glandulaire, accolé au conduit de Warthon. 5° Glandes sub-linguales. — Ces glandes versent par 46 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. les conduits de Rivinus un liquide primitivement très- visqueux, coulant difficilement; leur sécrétion est en rapport intime avec la déglutition, et n’a lieu que lorsque la gustation et la mastication sont achevées. Salive mixte. — Les recherches dont nous venons de rapporter une analyse succincte resteront évidemment toujours dans le domaine de la spéculation pure, car la salive mixte concourt seule à l’insalivation de nos ali- ments. Son élude étant des plus importantes, nous allons rapidement passer en revue quelques-uns de ses carac- tères, son action sur les amylacés, et nous terminerons son examen par quelques considérations de physiologie pathologique. A. — La salive mixte se recueille en crachant; elle n était que peu connue au commencement de ce siècle, où les chimistes la croyaient composée seulement de 4 parties d’eau et 1 d’albumine; tandis que les phvsiolo- gistes lui faisaient absorber l’oxygène, gaz indispensable, disent-ils, à la digestion, et pour lequel elle devait jouir d’une grande affinité. Depuis, les recherches de Jacubowitsch, de Ridder, de Colin, Lassaigne, Simon, Lelnnann et Bernard ont dé- montré bien mieux sa constitution, qui sera pour nous l’objet de peu de développements. La salive mixte, soit à l’état de santé, soit dans les conditions morbides, est fréquemment d’une acidité ma- nifeste; ce fait est dû, suivant M. Bernard, à une altéra- tion des aliments, qui, restant à la surface de la bouche, subissent une sorte de fermentation. Le pain, par exemple, peut fournir de f acide lactique. Il est probable que les débris épithéliaux de la muqueuse APPAREIL BUCCAL. 47 buccale entrent pour quelque chose dans celle réaction; celte opinion prend du poids, lorsqu’on réfléchit que, dans plusieurs affections ou les malades sont soumis à une diète sévère, la salive mixte devient tellement acide, que tous les observateurs en ont été frappés. Cette acidité ne peut se rattacher à une sécrétion glandulaire spé- ciale, et, de même que celle qu’on observe constamment dans le gros intestin, elle doit être considérée comme un produit d’altération. S’il faut en croire les expériences de M. Bernard, la salive acide n’a plus le pouvoir de modifier l’amidon. M. Wurtz a constaté du sucre dans les crachats des diabé- tiques; mais il est probable qu’il provenait des mucosités bronchiques et non point de la salive. B. Action de la salive sur les amylacés. — Jusqu’à Prout et Leuchs, la salive n’était qu’un liquide insigni- fiant, capable tout au plus d’humecter les aliments et de favoriser la déglutition; mais ils découvrent qu elle jouit de la propriété de transformer l’amidon en dextrine et en glycose, et dès lors le rôle qu’elle joue dans l’acte digestif s’agrandit; elle commence la transformation d’une des variétés d’aliments les plus communes et les plus répandues; et cette transformation s’achève dans le tube digestif au contact du liquide paricréatico-biliaire. M. Mialhe attribue ce pouvoir modificateur à la diaslase salivaire ou ptvaline. M. Bernard a bien cherché à restreindre cette pro* priété en disant qu’on ne trouve pas de sucre après une nourriture exclusivement féculente dans la cavité stoma- cale, car le suc gastrique arrête l’action catalytique de la diastase salivaire. 48 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Nous inclinons cependant à nous ranger du côté de M. Miallie, nous fondant sur les faits suivants : Un dyspep- tique, dont nous rapporterons l’observation plus loin, eut un vomissement très-acide deux heures après un repas exclusivement composé de riz; la fermentation y décela une notable proportion de sucre. Un de nous insaliva, pendant une ou deux minutes, de l’amidon cuit, et la fermentation alcoolique s’établit ra- pidement dès que le liquide fut mélangé à de la levure de bière. La coction des féculents active beaucoup leur digestibi- lité salivaire; il en est de même d’une mastication et d’une insalivation complète. G. — La salive mixte peut subir des altérations mor- bides. Leur étude est peu avancée, de môme que celle de toutes les sécrétions pathologiques : sait-on en quoi con- siste l’altération du suc gastrique dans les maladies où la digestion est suspendue? et les vices de sécrétion biliaire et pancréatique? Quel vaste champ de recherches que celui des modifications que la maladie imprime aux sé- crétions digestives! Nous avons recherché si la salive pathologique possé- dait encore la propriété de tronsformer l’amidon cuit: à cet effet, d’égales quantités d’empois furent placées dans deux verres, l’un contenant de la salive mixte d’individus sains, l’autre de la salive d’un malade atteint de ptya- lisme mercuriel ; au bout d’une demi-heure de contact et d’agitation, la teinture d’iode donnait une couleur rose au liquide du premier verre, et dans le second une colo- ration bleue très-intense. Nous ne nous sommes point encore assuré s’il y avait, dans ce second cas, de la dex- APPAREIL BUCCAL. 49 Irine déjà formée; mais il fut évident que la plus grande quantité d’amidon n’était point transformée. la salive de l’homme malade est encore profondément changée dans sa constitution intime; toutes les analyses que nous avons consultées annoncent une augmentation des matériaux solides ; les graisses et les sels s’y rencon- trent en proportions plus considérables; l’acide nitrique, la chaleur, les sels métalliques, ainsi que nous l’avons répété plusieurs fois, y déterminent d’abondants préci- pités dus à l’albumine; rien de semblable dans la salive normale, qui contient à peine, lorsqu'on l’a filtrée, quel- ques centièmes de matières organiques. 11 est encore, dans la salive mixte, un autre produit qui semble d’origine morbide, et qui s’y rencontre quel- quefois assez abondamment, c’est le sulfo-cyanure de potassium, découvert par Wright, et constaté par Tie- demann et Gmelin, Mitscherlich, Dumas, et nié par Schultz. C’est à lui que Wright attribue le développement de la rage. Cette hypothèse semblait contirmée par les expériences de Rack, qui injecta de la salive d’homme dans les veines de quelques chiens; ces animaux succombèrent avec des symptômes d’hydrophobie; mais il avait expérimenté avec de la salive de fumeurs et la mort peut être attribuée à la nicotine. Eberlc pensait que la sécrétion de sulfo- cyanure était sous la dépendance d’un étal nerveux et que dans la rage on pouvait en développer une grande quantité. D’après M. Longet, il existe dans la salive d’une manière constante, même chez les personnes qui ont des migraines ou des névralgies faciales, chez celles qui n’ont 50 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF, point de dents, qui sont affectées de pyrosis ou de saliva- tion mercurielle. Ce sont des sujets à revoir et qui appellent de nouvelles recherches, leur élude plus approfondie peut servir à élucider quelque point obscur de pathologie; mais qu’on ne se hâte point comme Wright de lui appliquer les dé- ductions de quelques essais douteux! De l’examen auquel nous nous sommes livrés nous pouvons tirer les conclusions suivantes : \° Il est important que l’aliment soit mâché avec soin, d’abord pour être intimement mélangé avec la salive et ensuite pour faciliter sa digestion stomacale; les sub- stances albuminoïdes, elles-mêmes, ont besoin d’une grande division pour être complètement digérées, le blanc d’œuf coagulé par exemple. 2° Si la mastication est, comme nous venons de le dé- montrer, une fonction indispensable, on ne doit point négliger les dents qui en sont les agents, et si elles vien- nent à faire défaut il faut les remplacer par des dentiers artificiels; nous avons vu des dyspeptiques guérir par cette seule précaution. L’instinct a devancé ces conclusions théoriques; cer- taines mères donnent à leurs nourrissons des matières amylacées, préalablement mâchées et insalivées; autant et mieux vaudrait donner aux enfants, dont la dentition est incomplète, des bouillies féculifères mélangées avec un peu de ptyaline, ou une proportion équivalente d’orge germé, qui possède la même vertu. Ce conseil trouvera son utilité pratique toutes les fois qu’on aura à traiter des dyspepsies sous la dépendance ou d’une déperdition ou d'une altération de sécrétion salb APPAREIL STOMACAL. 51 vaire, et elles ne doivent point être rares. Ce serait appli- quer à l’appareil buccal les mêmes principes qui ont guidé M. Corvisart dans l’emploi de la pepsine. Ici l’ap- plication de la physiologie au traitement du vice fonc- tionnel nous semble même plus légitime; en effet, la transformation glycosique des féculents est tellement élé- mentaire que nous possédons une foule de moyens de l’obtenir; elle est produite par l’action de la chaleur, de l’acide sulfurique, de l’orge germé, etc. Pour trouver l’indication des cas où l’organisme a besoin qu’on lui vienne en aide pour opérer ce change- ment, il suffirait peut-être d’examiner les selles, de voir si les féculents sont digérés, si l’iode y donne encore la teinte bleue caractéristique; dans un cas semblable, évi- demment une substance remplaçant l’action catalytique de la salive ou du suc pancréatique qui font défaut, doit être d’une grande utilité. L’orge germé se présente natu- rellement à l’esprit. L’expérience parlera, sachons at- tendre. Nous terminerons ces considérations en disant que Richerand avait trouvé à la salive une application théra- peutique. Cdiaquc matin avec la sienne il arrosait des ulcères rebelles et en obtenait de bons résultats. Le bol alimentaire insalivé est soumis à la déglutition, voyons ce qu’il deviendra dans la cavité stomacale. APPAREIL STOMACAL. Physiologie. Nous n’avons point l’intention de décrire tous les phé- nomènes qui ont lieu dans l’estomac pour l’accomplisse- 52 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. ment des fonctions digestives, ni de passer en revue toutes les innombrables questions qui ont été soulevées à ce sujet par la science moderne; notre but est seule- ment d’esquisser rapidement le tableau des actes les plus importants de l’organe dont nous nous occupons; aussi ne parlerons-nous point, malgré leur intérêt, des recher- ches de Montégre (Exp. sur la digest., Paris, 1814), de Gosse de Genève, et de Spallanzani. La digestion, il y a peu de temps encore, se passait tout entière dans l’estomac, aujourd’hui cet organe a été dé- possédé d'une partie de ses fonctions, et on lui accorde seulement la propriété de digérer les substances albumi- noïdes. M. Blondlot, il est vrai, soutient encore contre tous les physiologistes modernes, que le suc gastrique seul mérite le nom de suc digestif; mais il est à craindre qu’il n’ait été poussé à soutenir ces idées exclusives par ses premiers travaux sur le suc gastrique où cette idée était déjà clairement énoncée. Suc gastrique. —Peu dcsujcls ont excité à un plus haut degré l’activité des physiologistes et suscité un plus grand nombre de travaux sérieux ; ce fut, il faut le dire, l’idée ingénieuse de M. blondlot de pratiquer méthodi- quement à des chiens des fistules stomacales qui amena les résultats les plus importants; viennent ensuite les expériences intelligentes de M. Beaumont sur son Cana- dien, et les remarquables recherches de M. Bernard, qui pour nous ont le cachet de la plus incontestable authenticité, aussi c’est sur elles que nous nous appuie- rons de préférence. D'où vient le suc gastrique? Quelle est sa composition? Quelle est son action sur les aliments ingérés? — Tel est A PPA 15 Kl L STOMACAL. 53 l’ensemble des questions que nous allons résoudre à l’aide dqg connaissances acquises par la science moderne. Pendant l’intervalle des repas la muqueuse stomacale est pâle, recouverte d’un léger enduit muqueux, neuti e ou faiblement alcalin. Dès qu’un excitant physique est porté à sa surface, il y détermine un afflux considérable de sang, et provoque la sécrétion du suc gastrique; l’es- tomac ne discerne nullement la nature du corps qui l’excite. Quelles sont les glandes qui secrétent le suc gastrique? — Suivant les uns, il prend naissance dans les glandes en tube de l’estomac ou glandes de Lieberkuhn, découvertes par Galéati. Suivant M. Bernard, il est le produit de la perspiration des capillaires sanguins, à travers les cor- puscules de Gruby; adhuc sub indice lis est. Il est incon- testablement ulile aux médecins de connaître la série des moyens qui activent la sécrétion du suc gastrique. Ce sont les substances purgatives (Blondlot); le poivre en poudre (Frerisch); la coloquinte, l'ipécacuanha, la glace, les alcooliques, le vin, le café, l’absinthe, la cannelle, la chicorée, l’émétique, le sous-nitrate de bismuth et le charbon. (Corvisart.) Composition du suc gastrique. — Il y a : 1° un acide libre; mais quelle est sa nature? Nouvelles et intermi- nables discussions! L’opinion prédominante a été im- posée par l’autorité de MM. Bernard et Bareswill, c’est l’acide lactique, suivant eux, qui est la cause de l’acidité constante de ce liquide. 2° De l’eau et des sels insigni- fiants. 3° Un principe très-actif, la pepsine ou gasterase, annoncée par Pappenheim et Wasmann, étudiée plus spécialement par M. Mialhe. 54 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. Quelle est l'action du suc gastrique sur les matières in- gérées?— 1° A l’égard des substances minérales, le suc gastrique ne réagit que par son acide; c’est par lui qu’il dissout le fer, etc. M. Mialhe avait pensé que les alcalins empêcheraient cette action dissolvante par leur pouvoir neutralisateur; mais il s’était mépris et avait considéré l’estomac comme un vase inerte. Les alcalis neutralisent sans doute une certaine quantité de suc gastrique, mais l’estomacen sécrète alors plus abondamment; il en résulte donc un avantage réel. La sécrétion est ainsi activée par la légère alcalinité de la salive et le goût agréable des aliments. Le suc gastrique est sans action sur les principes cris- tallisés organiques, tels que les alcalis végétaux, stry- chnine, morphine, etc. 2° Autrefois on croyait que la digestion des viandes se faisait par l’action des parois de l’estomac; Spallanzani le premier en attribua la dissolution au suc gastrique, Ber- zélius lui reconnut aussi une action dissolvante; cette propriété il la devait, d’après Tiedemann et Gmelin, à l’eau, à l’acide et aux sels; suivant MM. Bouchardat et Sandras, c’est à l’acide chlorhydrique libre.On sait main- tenant, grâce aux recherches d Eberle(l 854),deSehwann et surtout de M. Mialhe, que le suc gaslrique peut dis- soudre les substances albuminoïdes, non-seulement à cause de son acide, mais encore à cause de la pepsine ou principe digestif. Celte opinion e>t partagée par Wasmann et Yogel. L'acide désagrégé les viandes et la pepsine les dissout. Lorsque le suc gastrique a suffisamment agi sur les substances alimentaires, 1 albuminose est le résultat de APPAREIL STOMACAL. 55 leur transformation. C’est l’idée qui a cours en ce mo- ment dans la science, sous le patronage de M. Mialhe; mais nous croyons qu’elle aurait besoin de l’épreuve de la discussion pour être acceptée définitivement; ce mot a été cependant un véritable progrès, en ce sens qu'il im- plique une idée beaucoup plus nette et précise, que le mot chyle qui n’a plus désormais la signification an- cienne. Tous les aliments n’ont point la même digestibilité, et il sera important pour le médecin qui devra régler le ré- gime des convalescents et des valétudinaires de consulter les beaux tableaux de Beaumont, les recherches coura- geuses de Cosse et de Spallanzani ainsi que les expérien- ces de M. Blondlot. Ces savants ont expérimenté sur la fibrine, l’albumine, la gélatine, le tissu musculaire, le sucre, etc.; ils sont arrivés à une foule de résultats fort curieux que nous 11e pouvons rapporter ici, mais qui mé- ritent cependant de ne point tomber dans l’oubli. On avait localisé dans l’estomac diverses sensations telles que la faim, la soif et la satiété; on sait mieux main- tenant à quoi s’en tenir sur elles. Lorsque les matériaux de la dernière digestion ont été assimilés, que leur action nutritive est épuisée, l’organisme en demande de nou- veaux, on a faim. La soif, elle, est l’expression d’un be- soin général, suite de déperdition aqueuse; une sueur copieuse, une hémorrhagie abondante donnent rapide- ment de la soif. Qu’on nous permette une comparaison empruntée à l’industrie : dès qu’une machine à vapeur manque d’eau, le mécanicien en est averti par le sifflet d’appel. Eh bien, la faim et la soif sont le cri d’appel de notre machine humaine ! 56 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. La satiété est sans doute produite par la réplétion des vaisseaux absorbants; on avait voulu en placer le siège dans les pneumo-gastriques, se fondant sur 1 expérience suivante : on coupait ces nerfs à un lapin, puis on le fai- sait manger; au bout de quelques instants l’animal ré- gurgitait; mais ce phénomène tenait tout simplement à ce que l’œsophage étant alors paralysé, les aliments s’ac- cumulaient dans les deux tiers supérieurs et ne pouvaient franchir le tiers inférieur qui était contracturé. En résumé, sans avoir de l’estomac une aussi haute opinion queM. Blondlot, nous reconnaissons à ce viscère un rôle d’une grande valeur. C’est lui qui triture et mé- lange les aliments de la façon la plus intime, qui digère les viandes, qui prépare la digestion des corps gr as, en dissolvant leur enveloppe albuminoïde, liqnor dihiem, vis conter eus, vas coercens. De même que la salive, le suc gastrique a été employé au pansement des plaies de mauvaise nature ; ces expé- riences ont eu, dit-on, plein succès à Genève et en Italie. Dans certaines circonstances, l’estomac tourne contre lui-même sa force dissolvante. Un mot sur ce singulier phénomène. pERFoiiATioNs spontanées de l’estomac. — La science en possède plusieurs cas incontestables survenus chez des individus morts brusquement en pleine digestion. Les premières observations en ont été citées par Hunier et Allan Duras (Oh the Digestion of the Stomach afier Death), elles furent appuyées par un mémoire de Carswell (1850), par les recherches d’imlach, de Zeller et de Lefèvre. (.Arch. yen. de méd., liv. 111, tom. XIV.) Tous ces obser- vateurs attribuent d’un commun accord cette lésion ca- Al'FARKIL STOMACAL. 57 davérique à la digestion des parois stomacales par le suc gastrique; mais alors se présente une objection; pourquoi le même phénomène n’a-t-il pas lieu sur le vivant? La physiologie expérimentale moderne est en mesure de ré- soudre cette difficulté. C’est l’épithélium de la muqueuse qui s’oppose à l'action dissolvante du suc gastrique, et c’est grâce à une incessante sécrétion que les parois sont préservées. Ce n’est pas la vie, comme on l’avait cru, ou l’influence nerveuse, comme le pensait Jœger, c’est le renouvellement de l’épithélium qui protège l’estomac. Voici deux ingénieuses expériences dues à M. Bernard, qui établissent cette proposition sur une base solide. M. Ber- nard introduit dans l’estomac d’un chien, à qui il a pra- tiqué une fistule, les pattes postérieures d’une grenouille vivante; au bout de quelque temps leur dissolution s’o- père, gagne de proche en proche et attaque déjà le tronc, que la grenouille est encore pleine de vie. Une anguille placée dans les mômes conditions, peut au contraire vivre longtemps sans que son épaisse enveloppe épidermique soit attaquée. Les ramollissements gélatiniformes de l’estomac obser- vés par MM. Louis et Cruveilhier, ne sont probablement que le résultat de l’action cadavérique du suc gastrique. Nous pourrions bien soulever ici une question, qui n’est pas encore susceptible d’être résolue à l’heure qu’d est : c’est celle de savoir comment se comporte le suc gastrique de l’homme vivant ou de l’animal vis-à-vis des ulcérations traumatiques produites par un agent physi- que ou chimique, des ulcères cancéreux, des éruptions pustuleuses qui se développent quelquefois dans l’estomac; de plus lorsque des maladies fébriles ou autres tarissent 58 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTiF. la sécrétion du suc digestif, ne pourrait-on pas voir dans ce fait une prévision prudente de la nature médicatrice? Si dans certaines affections l’épithélium ne peut se re- nouveler, on comprend les accidents qui résulteraient de la sécrétion d’une liqueur dissolvante. Mais nous avons hâte de dire que toutes ces questions appellent une série de nouvelles recherches. C’est encore grâce à leur épithélium que les parois de l'estomac sont réfractaires à l’absorption de plusieurs substances : ainsi la vipère n’est pas incommodée par son virus qu’elle ingère en même temps que ses aliments; le curare introduit dans l’estomac d’un pigeon ne cause aucun accident, et si cependant on le reprend au bout de quelques heures de séjour dans la cavité gastrique, et qu’on l’inocule sous la peau, il détermine une mort ra- pide. Pathologie de l’estomac. C’est justice à rendre aux physiologistes de notre épo- cpie, que de leur reconnaître le mérite d’avoir porté l’ordre et la clarté dans la difficile question de la digestion sto- macale. Si quelques problèmes n’ont point encore été ré- solus, si quelques points obscurs sont encore en litige, la masse des faits bien constatés est assez imposante pour permettre du moins d’asseoir une théorie sur des bases solides et non plus comme autrefois sur des opinions complètement hypothétiques. Qu’ont fait au contraire les pathologistes pendant que la physiologie progressait? Ont-ils transporté, sur le ter- rain de leurs études, les découvertes qui se faisaient ail- APPAREIL STOMACAL. 59 leurs? Ont-ils tenté d’en faire de nouvelles? Hélas, ils sont encore loin du but, leurs limides essais sont encore presque tous restés stériles cl infructueux; la plupart se plaignent des physiologistes qui n'entendent rien à la mé- decine, accusent les chimistes de vouloir envahir leur domaine, rejettent tout ce qui ne découle point de la tradi- tion ou de l’observation pure, et se complaisent dans une impuissante inactivité. Un malade ne digère point, qu’a-t-il? Les mots ne manqueront point sans doute pour caractériser son af- fection! Mais quel est le trouble fonctionnel? Quelle est la cause, quel doit être le traitement de la maladie? Ici la plus déplorable divergence sépare les praticiens ! Vé- rité dans une salle de malades, erreur dans un autre! Pour nous, le mot qui caractérise le mieux ces états morbides, qui a le plus de sens médical, l’acception phy- siologique la plus large, c’est le mot dyspepsie. Nous l’adoptons, à l’exemple de Bonnet, de Lyon, notre maître, aux savantes leçons duquel nous avons puisé les meil- leures idées de notre mémoire à ce sujet. Nous trouverons des dyspepsies de l’estomac, des dys- pepsies intestinales, des dyspepsies où le tube digestif entier éprouvera des troubles fonctionnels, où toutes les sécrétions, jusqu’à celle de la salive, auront subi une al- tération. L’ordre que nous suivrons aura souvent l’inconvénient de trop individualiser les actes physiologiques et les es- pèces morbides, mais il aura du moins l’avantage de nous permettre de mieux mettre en relief le côté de la scène pathologique où se concentrera notre attention. Nous allons exclusivement nous occuper dans cet article 60 PIIVSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. (le ces troubles si fréquents de l’estomac, connus sous les noms divers de gastrose, gastrite, gastralgie, etc. ; nous laissons de côté les affections organiques qui ne rentrent point dans le cadre de nos considérations, et nous parlerons de la dyspepsie flatulente à propos de l’intestin. Nous aurons donc à étudier 1° la dyspepsie par sur- charye alimentaire ou indigestion; 2" la dyspepsie par vice de sécrétion, ou dyspepsie acide; 5° la dyspepsie par ab- sence de sécrétion du suc gastrique. A. — L'état morbide le plus simple est celui ou il y a dé- faut de relation entre la quantité de Valiment ingéré et la sécrétion du suc gastrique. C’est l’indigestion ou dyspepsie par surcharge alimentaire. Dans ce cas, l’indication à remplir est d’activer la sé- crétion normale par des excitants, tels que le café, les aromatiques, les alcooliques, etc., de la favoriser par des frictions chaudes et par tous les moyens qui, répandus dans la pratique vulgaire, n'en sont pas moins physiolo- giques. Si vos efforts ont été impuissants, la nature appelle alors à son aide une fonction supplémentaire, le vomisse- ment, que nous allons examiner, au double point de vue de son mécanisme et des modifications imprimées aux aliments rejetés. C’est à Magendie qu’appartient le mérite d’avoir le pre- mier déterminé le rôle des parois abdominales dans l’acte du vomissement. On connaît cette belle expérience dans laquelle l’estomac d’un chien, ayant été remplacé par une vessie de cochon pleine d’aliments, le vomisse- ment eut lieu après qu’on eut injecté du tartre slibié APPAREIL STOMACAL. 61 dans les veines et réuni les bords de la plaie. Mais l’csfo- mjjfC n’esl point sans action, et M. Bcrard, dans son ma- gnifique ouvrage de physiologie, a parfaitement établi une distinction nécessaire. Deux choses se passent: l’es- tomac assemble les aliments vers le cardia ; ce mou- vement appelle la coopération du diaphragme et des muscles abdominaux qui entrent bientôt en contraction énergique et chassent brusquement le contenu de l’or- gane. Les expériences modernes ont également prouvé qu’une influence nerveuse était nécessaire pour qu’il y eût vo- missement; il ne se produit point après la résection des pneumo-gaslriques; c’est en agissant sur le grand sym- pathique que l’opium le suspend. Nous sommes rensei- gnés d’une manière très-exacte sur la cause de ce phé- nomène si complexe. Nous savons maintenant qu’il se produit par une action réflexe, transmise au système nerveux central parle pneumo-gastrique, et retentissant sur l’estomac par les filets du grand sympathique. Cette action est produite tantôt par des matières irritantes ou indigestes, ingérées dans l’estomac, tantôt par un trouble du sang amené par l’émétique; tantôt, au contraire, par une cause loin de l’organe stomacal, comme un calcul dans l’uretère ou les voies biliaires, un fœtus dans l’uté- rus, une blessure de l’iris, etc. Une excitation nerveuse trop vive suffit pour déterminer le reflux de la bile cl le vomissement. Telle est en quelques lignes la physiologie du vomisse- ment, si l’on peut parler ainsi au sujet d’un acte mor- bide; nous sommes loin de posséder des connaissances aussi positives sur les modifications des matières vomies 62 PI1VSIOLOGIK ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. et (les sucs digestifs mêlés avec elles. Cette étude, encore négligée, exigera de nombreux travaux avant qu'il soit possible d’en tirer des déductions utiles. Nous plaçons ici l’analyse d'un vomissement, exécutée par l’un de nous. Quoique le malade dont nous allons d’abord rapporter l’observation fût affecté d’une dyspep- sie par vice de sécrétion, nous croyons préférable d’en parler de suite, à l’occasion des recherches qu’on peut faire sur les matières vomies. Observation. — II. Eder, âgé de quarante-trois ans, accordeur de pianos, eut un rhumatisme du genou droit, il y a dix ans; la douleur et la fluxion disparurent au bout de quinze jours, et depuis lors il fut sujet à des épreintes épigastriques, revenant de préférence deux heures après le repas; les digestions devinrent lentes et pénibles; l’embonpoint fît place à la maigreur. Pendant quelques années, tous ces symptômes présen- tèrent de l irrégularité, de telle sorte qu’on donna à l’af- fection le nom de gastralgie. Mais, il y a deux ans, des vomissements noirâtres survinrent brusquement et à diverses reprises; on crut alors à une affection orga- nique du pylore. Depuis cette époque, la santé alla toujours en décli- nant, et le malade entra à l’IIôtel-Dieu, salle Saint-Bruno, dans l’état suivant : l’émaciation est extrême; la peau est pâle, sans teinte jaune paille; la palpation la plus atten- tive ne permet de découvrir aucune tumeur anormale dans la cavité abdominale; l’appétit est bizarre, irrégu- lier, tantôt nul, tantôt insatiable. Des vomissements sur- viennent fréquemment quelques heures après le repas; ils sont habituellement incolores, ne présentant pas de APPAREIL STOMACAL. 63 matières alimentaires; ils ont un goût et une réaction acides très-prononcés. Véritable lienterie, on reconnaît clans les selles diar- rhéiques des légumes non digérés, tels que des carottes, des oignons, et cependant le malade n’a pas remarqué que certaines matières fussent d’une digestion plus dif- ficile que d’autres; il aime beaucoup les matières grasses. L’état général est misérable; le malade ne peut se tenir debout; comme diagnostic, nous lisons sur la feuille d’observation : consomption essentielle. Pendant les quatre mois que dura son séjour à l’Hôlel- Dieu, diverses médications furent employées : le sous- nitrate de bismuth associé à la magnésie, l’eau de Vichy, le vin de Bordeaux; on joignit à ces remèdes une nour- riture tonique, des viandes rôties, etc. Sous l’influence de tous ces moyens, les forces revinrent un peu, les vo- missements furent moins fréquents, l’émaciation fut moindre; en un mot, il y eut une amélioration manifeste. Aujourd’hui, sept mois après sa sortie de l’hôpital, Eder a repris de l’embonpoint et des forces; il digère fort bien et semble jouir de la plénitude de la santé. Analyse d’un vomissement. — Le 9 décembre, un vomis- sement abondant eut lieu : c’est celui que j’ai analysé. 11 se lit deux heures après un repas composé exclusivement de riz cuit à l’eau. Le malade affirme n’avoir pas bu de- puis son repas. 11 a vomi un liquide incolore dans lequel nagent çà et là quelques matières muqueuses. Ce liquide se filtre Irès- facilement; il est alors aussi limpide que de l’eau distil- lée; il rougit fortement la teinture de tournesol, possède 64 PllYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. une odeur spéciale, ayant de l’analogie avec celle de l’a- cide butyrique affaibli. On peul le considérer comme une hypersécrétion du suc gastrique altéré et mélangé avec des aliments trans- formés. Au bout de deux jours, la liqueur, d’abord limpide, est devenue légèrement opaline, et une nouvelle filtration ne peut lui rendre sa transparence première; pendant dix jours que j’en ai conservé, je n’ai aperçu aucune aulre modification dans sa constitution. Mon but, en faisant cette analyse, a été de rechercher quelles étaient 1° les transformations subies par l’ali- ment et.2° les altérations de la sécrétion stomacale. 4° Etude de la transformation de l’aliment. Rappelons que le malade avait mangé beaucoup de riz. a. La teinture d’iode dans le liquide non filtré donne une coloration bleue. Il y avait donc de l’amidon non transformé. b. Après filtration, la teinture d’iode produit une co- loration violacée; ce fait démontre la présence de la dextrine. On sait que l’amidon ne passe pas à la fil- tration. c. Enfin je parvins à démontrer la présence du sucre de fécule, mais non sans difficulté. Notre liquide réduit abondamment le réactif cupro-potassique, mais la dex- trine du laboratoire de l’Ecole de médecine le réduit éga- lement, et cependant elle ne contient pas de sucre, ainsi que je m’en suis assuré en la mélangeant avec de la lc- vûre de bière. Je plaçai alors le liquide vomi directement en contact avec de la levure; pas trace de fermentation. Et cepen- APPAREIL STOMACAL. dant ce caractère négatif ne prouvait point l’absence du glycose, car un gramme de sucre de diabète délayé avec ce sucre gastrique altéré ne fermenta point; l’acidité y mit obstacle. Il me suffit de neutraliser exactement une liqueur par quelques gouttes d’une dissolution de soude caustique pour obtenir du gaz acide carbonique complètement ab- sorbable par la potasse. J’incline à penser que ce sucre provenait de l’amidon transformé; cette opinion, je l’appuie d’abord sur sa no- table proportion, dépassant de beaucoup celle que pou- vaient contenir les petites traces de riz vomies avec le liquide, et ensuite sur les renseignements, affirmant que le malade n’avait point absorbé de liqueur sucrée depuis plusieurs heures. Si, dans certaines expériences, du sucre ne put être décelé après une nourriture amylacée, c’est peut-être parce que l’acidité empêchait la fermentation de s’établir. Je ferai remarquer, à cette occasion, combien était grande l’erreur des anciens physiologistes qui considé- raient la digestion comme une fermentation; on voit, dans le cas présent, la fermentation alcoolique être em- pêchée par le liquide d’un vomissement qui n’a point sans doute des propriétés aussi antifermentiscibles que le suc gastrique lui-même. 2° Après l’examen des substances venues du dehors, recherchons quels ôtaient les matériaux formant ce suc gastrique altéré. 100 grammes renferment : 65 66 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Eau et acide volatil.. 97,67 dextrine, sucre, substance ana- logue à la pep- sine. Matières organiques.. 1,83 chlorures de sodium et de calcium, sulfate de soude et de potasse, traces, solubles. Sels 0,50 phosphate de chaux et de magnésie, traces de fer. insolubles.. Total. . . . 100,00 Les sels solubles ne contenaient point d’acide phospho- rique, on ne peut donc attribuer à ce corps l’acidité dans ce cas particulier. Parmi les matières organiques, nous en avons cité une analogue à la pepsine ; elle donnait par l’alcool froid cl concentré un volumineux précipité floconneux, se redis- solvant dès qu’on élevait la température du liquide d’où il avait été précipité, ou dés qu’on le mélangeait avec de l’eau. Ni l’ébullition, ni l’acide nitrique ne dénotaient la pré- sence de l’albumine. Enfin, pour terminer cette analyse étudions les pro- priétés de l'acide. Une portion de la liqueur est lentement distillée au bain-marie; les vapeurs condensées forment un liquide limpide, manifestement plus odorant que le résidu de la cornue; il est très-acide, On est donc autorisé à admet- APPAREIL STOMACAL. 67 Ire un acide volatil spécial doué d’une odeur carac- téristique. Il ne donne pas de précipité par le nitrate d’argent, ce n’est donc point de l’acide chlorhydrique. Je neutralise exactement cet acide par l’eau de chaux, il ne se forme ni précipité, ni cristaux; rien par le sul- fate de cuivre ; il est donc probable que ce n’est point de l’acide lactique; du reste, l’acide lactique distille à une température élevée, et ici la température a toujours été inférieure au point d’ébullition de l’eau. Si l’on admet que tous les acides organiques sont dé- couverts, peut-être lui trouvera-t-on un rapport avec l’acide butyrique; mais cet acide précipite les sels de cuivre, nous n’avons ici rien de semblable. Si j’osais conclure de l’examen d’un liquide pathologique au suc gastrique normal, je serais tenté d’expliquer les nom- breuses divergences au sujet de la nature de son acide par la tendance constante des chimistes à le rapprocher d’un acide déjà connu, au lieu de chercher en lui les caractères d’un élément spécial. Le suc gastrique le plus concentré ne décompose les carbonates, d’après M. Dumas, qu’après un long espace de temps ; notre acide n’avait sur eux aucune action im- médiate. Il y a donc plus d’un point d'analogie entre la sécrétion d’un estomac sain et celle d’un homme malade, nous avons eu soin de noter cependant d’importantes différences. De cette analyse, je crois pouvoir conclure : 1° Qu’il y avait vice de sécrétion dans l’estomac de notre malade; 2° Cet état ôtait caractérisé par l’abondance du liquide 68 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. vomi et par une proportion de matières organiques, plus grande que dans le suc gastrique normal; 5° Les aliments avaient subi les modifications que la salive imprime aux amylacés; 4° On peut retrouver du glycose dans l’estomac après une nourriture amylacée, 5° L’acidité d’un suc gastrite altéré s’oppose à la fer- mentation alcoolique. Etudions maintenant plus spécialement la dyspepsie par vice sécrétoire, dont nous venons de citer un exemple. b.—Dyspepsie acide. — Dès que l’estomac est malade, on voit se dérouler une série de phénomènes pathologiques qui ne ressemblent, en rien à la digestion normale telle que nous l’avons décrite. Au lieu de ce suc gastrique, limpide, franchement acide, nous voyons sourdre un mucus grisâtre, spumeux, à réaction douteuse, capable tout au plus de ramollir la viande; cette observation est due à Beaumont ; M. Bernard et nous-même avons pu la répéter sur des chiens malades porteurs de fistules gastriques. Sans doute cette sécrétion rentre dans l’or- dre des sécrétions pathologiques communes et doit ren- fermer souvent de l’albumine ; la fonction commune a remplacé la fonction spéciale. 11 suffit pour causer ces troubles d’un état morbide général tel que la fièvre; un malaise, une impression pénible et de longue durée don- nent lieu aux mêmes phénomènes. Si l’aliment survient alors dans la cavité stomacale, il ne trouve plus le dis- solvant préparé par les soins de la nature, mais, au contraire, le milieu le plus propice pour entrer en fer- mentation. Là, en effet, se rencontrent une chaleur de 57 degrés, de l’humidité, un ferment constitué par les APPAREIL STOMACAL. 69 substances albumineuses, rien ne manque donc à sa pro- duction. Mais comme le liquide est plutôt acide qu’al- calin, c’est une transformation acide qui se fera; les al- cooliques deviendront acide acétique; les amylacés, acide lactique; les corps gras, modifiés vraisemblablement par un reflux du suc pancréatique, donnent de l’acide bu- tyrique, tout tourne à l’aigre suivant l’expression vul- gaire. Elle est juste. Ces changements se font dans l’es- tomac, ils pourraient s’exécuter de même dans un vase inerte, avec des conditions analogues. De là ces rapports nidoreux, ces aigreurs, ces régurgitations acides, preuve certaine que l’aliment n’est point digéré et n’a point subi la modification normale. Cette dyspepsie acide avait déjà été étudiée par Joseph Franck. Les personnes qui en sont affectées ne peuvent prendre sans fatigue du vinaigre ou des vins acides; le lait lui-même s’aigrit et leur cause des pesanteurs épi- gastriques; elles sont, au contraire, soulagées par les viandes faisandées, les fromages où la putréfaction est avancée; les eaux alcalines leur conviennent donc spé- cialement ainsi que la magnésie calcinée. Ces faits pratiques ont précédé la théorie qui mainte- nant se trouve en position de se les approprier et d’en donner l’explication. Chomel, dans son ouvrage sur les dyspepsies, qui porte l’empreinte profonde de l’observation, admet comme possible une dyspepsie alcaline; mais il n’en cite aucun exemple, et nous pensons que les cas où il y a vomisse- ment d’eau salée rentrent dans l’état morbide suivant : C.—Dyspepsie par absence de sécrétion du suc gastrique. — 11 nous serait difficile d’indiquer d’une manière pré- 70 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. cise à quels signes on reconnaîtra celte suspension fonc- tionnelle de l’organe stomacal; toutefois, si les ali- ments ne sont pas digérés et qu’un trouble notable ne vienne pas signaler une lésion bien caractérisée, si le malade maigrit, si dans les selles on retrouve des viandes non dissoutes, on pourra avec quelque raison songer à cette affection, qui se caractérise encore par la fétidité des déjections, le dégagement d’acide sulfhydrique abon- dant, la diarrhée, etc., tout prouve que la fermentation putride s’est établie et que le suc gastrique conservateur fait défaut. Trois ordres de moyens se sont présentés à l’esprit ingénieux des médecins pour lutter contre cette affec- tion, mais la sanction du temps n’est point encore venue confirmer des succès annoncés trop hâtivement par leurs inventeurs. Aussi on a conseillé d’abord tout ce qui pouvait exciter la muqueuse gastrique et en favoriser la sécrétion ; c’est assurément le point le plus physiologique auquel on pou- vait se placer. Parmi ces moyens viennent se ranger les substances sapides et d’un goiit agréable, les condiments, les alcooliques, les amers et les aromatiques. On obtient quelquefois les résultats les plus heureux en substituant aux émollients, au bouillon de poulet, etc., dont l’em- ploi trop prolongé a de graves inconvénients, la viande qui est 1 excitant le plus naturel du suc gastrique. En second lieu on a conseillé le repos du viscère ma- lade. Cet ordre de moyens est évidemment en opposition avec le précédent qui comporte l’exercice de l’organe dans de certaines limites; l’embarras du praticien est souvent grand pour établir un choix entre deux méthodes APPAREIL STOMACAL. 71 contraires, et c’est le sens pratique qui sera le seul fil d’Ariane capable d’indiquer la bonne voie dans ce dédale. < Si l’on ne peut réaliser le repos complet de l’estomac, le praticien peut du moins lui venir en aide en lui épar- gnant le travail des fonctions supplémentaires, si péni- bles quelquefois. Ainsi, en donnant des aliments chauds, peu abondants, bien divisés, aussi uniformes que possible, on favorise la calorification, on évite la distension du viscère, on facilite le broiement de la substance alimen- taire, sans que l’estomac ait à supporter un surcroît d’ac- tivité, dont sa faiblesse le rend incapable. Mais ce n’est là qu’un repos relatif; on a voulu aller plus loin et on s’est dit‘.puisque l’estomac est malade supprimons ses fonctions, ne donnons que les aliments qui se digèrent dans l’intestin, les féculents et les graisses. Ces vues semblent justes au premier abord, malheureu- sement la pratique est en désaccord complet avec la théorie. Pour les graisses, il est très-bien prouvé qu’elles sont toujours mal supportées dans les affections des voies digestives; quant aux amylacés, ils trouvent spécialement leur emploi dans les maladies intestinales, les diarrhées, par exemple, et les substances azotées conviennent mieux dans celles de l’estomac. Après avoir suffisamment té- moigné notre admiration pour les découvertes physiolo- giques modernes, nous pouvons dire maintenant qu’on a peut-être trop analomisé les actes digestifs; plus tard on sera sans doute obligé ce revenir sur ses pas, de ne plus admettre que la viande peut seulement se digérer dans l’estomac, la graisse au contact du suc pancréatique, les amylacés par la salive ou le fluide pancréatico-hépatique. Nous avons fait tous nos efforts pour attribuer à ces trois 72 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. sortes de fluides des propriétés bien distinctes, et voilà que MM. Bernard et Bareswill disent que le suc gastrique agit sur l’amidon quand on l’alcalinise, et qu’alors il est sans action sur les viandes; que la salive acidifiée ne transforme plus l’amidon, etc. Le suc gastrique ne serait guère autre chose qu’une salive acide. Si les deux ordres de moyens dont nous venons de parler sont impuissants pour ramener la santé et l’exer- cice fonctionnel, on peut tenter l’emploi d’un suc gas- trique artificiel, méthode audacieuse et qui a fait assez de bruit dans ces derniers temps pour que nous devions nous en occuper d’une façon spéciale; elle est due à M. Corvisart et lui a valu des palmes académiques. Recherches de M. Lucien Corvisart. Esprit intelligent et original, M. Corvisart s’est efforcé d’appliquer à la pathologie et à la thérapeutique de l’estomac les découvertes physiologiques restées dans le champ de la spéculation. A-t-il réussi aussi complète- ment. qu’il l’annonce, ou a-t-il été séduit par de trom- peuses illusions? C’est une queslion qui ne tardera pas à être jugée au tribunal sans appel des praticiens. Toute- fois il est incontestable que ses idées sont fort sédui- santes. Suivant lui, l'aliment est une substance brute, sans vertu nutritive, la digestion lui donne une aptitude vitale en vertu de laquelle il peut désormais concourir à l’en- tretien de la vie. Un nutriment est un alimentqui a acquis celte aptitude vitale et qui est doué de forces assimilatrices dès qu’il est absorbé. APPAREIL STOMACAL. 73 Telles sont les bases sur lesquelles repose tout l’édifice doctrinal de cet auteur. Ces idées ont été principalement développées dans un mémoire récemment publié sous le titre de Dyspepsie et consomption. Passons en revue ces recherches, et nous verrons en- suite quelle confiance il faut leur accorder. Nutriment. — Le nutriment peut nourrir même celui qui ne digère pas! L’albumine est un nutriment, mais pas le seul. Parmi les nutriments, il y en a qui sont destinés à la combustion, et alors ils sont 1° produits de la digestion, 2° produits de l’art, 5° naturels. Quant aux aliments de composition ou azotés, ils sont destinés à former tout ce qui vit en nous. Examinons avec M. Corvisart comment on peut obtenir des nutriments sans passer par la digestion. C’est dans un autre mémoire, adressé à l’Académie des sciences en 1852, que l’auteur, après une étude attentive de la composition de l’œuf, est arrivé à tirer les conclu- sions suivantes : A. Il y a dans l’œuf une substance analogue au produit de la digestion de l’albumine dans l’estomac. C’est elle qui nourrit probablement l’embryon. B. C’est l’albumine qui donne naissance à cette sub- stance appelée albuminose par M. Mialhe: M. Corvisart propose de l’appeler exalbumine, en attendant mieux. C. L’albumine, sous l'influence du suc gastrique, ne peut produire qu’une quantité limitée d’exalbumine; les portions qui n’ont point été transformées passent dans le fèces. D. Pour retirer l’exalbumine de l'albumine du blanc 74 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. d’œuf, il faut une grande quantité d’eau; de là le besoin de boire fréquemment en mangeant un œuf. E. Un gramme de celle matière équivaudrait à un œuf. On pourrait donc nourrir les malades en leur donnant une petite quantité de substances alimentaires et sans fatigue pour leur estomac débilité. Voilà où en était M. Corvisart en 1852. Mais poursui • vaut ses travaux, il obtint un nouveau nutriment en faisant bouillir de l’albumine pendant trente heures. Dès lors le nutriment pour lui fut une substance qui, injectée dans les veines ne passe pas dans les urines; l’albumine caséiforme est dans ce cas. De la fibrine bouillie longtemps donne aussi un nutri- ment. Un seul nutriment ne peut suffire à l’entretien de la vie ; un seul aliment ne produit qu’un seul nutriment : donc un homme bien portant doit avoir une nourriture variée. Cette distinction de l’aliment et du nutriment due à M. Corvisart, est neuve et ingénieuse; ce mot a un sens plus large que l’albuminose de M. Mialhe, et mérite de subsister, si les expériences qui l’étayent résistent à la critique. Mais nous ne pensons pas que la théorie de M. Corvisart trouve justice devant les physiologistes, jamais l’administration d’un nutriment ne saurait dis- penser l’estomac de ses fonctions, sans l’exercice des- quelles la digestion n’est pas possible. Ce n’est point tout, le suc gastrique des animaux a aussi été employé pour les estomacs dyspeptiques; et nous allons voir de quelle façon on peut en formuler les indications. Lorsque la sécrétion du suc gastrique est tarie, dit APPAREIL STOMACAL. 75 M. Corvisart, on doit adminisirer du suc gastrique en nature, reliré directement de l’estomac de jeunes veaux, ou bien si ce mode répugne par trop aux malades, on l’emploie desséché ; enfin on a encore recours, dans cer- tains cas, à des aliments préalablement digérés, dessé- chés ou non. Ainsi, l’ensemble de la méthode proposée pour l’alimentation des malades se compose : A du suc gastrique en nature, B kl. desséché, G des prises nutri- mentives et des pastilles alimentaires. M. Corvisart l’applique : 1° Dans les sensations pénibles éprouvées à la région épigastrique lorsque la digestion ne se fait pas ; 2° Dans les vomissements neutres ou alcalins ; 5° Dans la diarrhée qui succède à la non digestion des aliments; 4° Pour l’anorexie, l’indigestion. Certaines chloroses dyspeptiques. La fièvre typhoïde; 5° Larrey avait déjà conseillé cette méthode, dans le cas d’anus contre nature, et M. Corvisart a bien soin d’a- jouter qu’elle ne peut réussir si le malade n’a conservé ses forces assimilatrices. Mais cette restriction, faite par l’auteur, d’une manière incidente, ne domine-t-elle pas toute la question? Comment reconnaître, en effet, si c’est la sécrétion du suc gastrique qui fait défaut, ou l’as- similation qui languit. Pour corriger tout ce qu’avait d’absolu une semblable doctrine, M. Corvisart conclut de la sorte : si deux ou trois prises ne suffisent pas, c’est que l’affection ne tient point à un vice de sécrétion. Ainsi, la pierre de touche c’est l’emploi du remède, suivant cet adage médical : nuluram morborum ostendunt curationes. 76 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Ces prises ne doivent pas être administrées à la légère et sans précaution, leur usage exclut toute espèce de mé- dicaments. Lorsque le malade commence à digérer on ajoute aux nutriments des aliments de facile digestion, tels que sauces, gelées, etc. Essayé déjà sur une assez vaste échelle, ce système de traitement a donné un certain nombre de succès, mal- heureusement les indications sont loin d’être nettement posées. Pour noire compte nous avons fait vivre une dvs- peplique arrivée à la dernière période, pendant plusieurs mois, au moyen des prises Boudault, et cette malade in- fortunée était si convaincue de l’importance du remède, qu’elle s’imposait les plus dures privations pour se le procurer. Son estomac était devenu un réactif assuré de la pepsine Boudault et de celle du commerce. Certes, nous ne contestons point à M. Corvisart les succès de sa méthode, mais nous pensons avec M. Beau que leur explication est encore à donner. L’estomac dyspeptique est tellement bizarre, qu’il est fort possible que, modifié par les prises de suc gastrique, il arrive alors à sécréter comme à l’état normal; mais vouloir annihiler les fonctions de ce viscère, vouloir lui fournir des nutriments tout prêts, nous semble impossible ! C’est le suc gastrique de l’individu lui-même qui est indispen- sable à l’accomplissement d’nne bonne digestion, et si la sécrétion en est tarie ou altérée, on donnera en vain des aliments digérés d’avance ou des sucs gastriques étran- gers. Dyspepsie boulimique. — Ayant eu occasion d'observer deux cas de celte curieuse affection à la suite d’abus APPAREIL STOMACAL. 77 des fonctions génitales, nous croyons pouvoir les rap- porter ici. Première observation. — M. F..., vers l’âge de dix-huit ans, à la suite d'excès de masturbation, fut atteint de dyspepsie entéralgique qui dura plusieurs années. Une fois environ chaque mois, il était pris de violentes dou- leurs dans l’abdomen avec tympanisation qui simulait une péritonite; le faciès se grippait, et plusieurs fois la mort parut imminente; puis, sous l'influence d’une mé- dication narcotique, les accidents s’amendaient rapide- ment, et il jouissait d’un état de bien-être pendant un certain temps. Ces accès étaient produits, soit par une marche un peu plus prolongée que d’habitude, soit par une émotion morale, soit probablement par la continua- tion de la mauvaise habitude. C’est en vain qu’on em- ploya les eaux de Plombières, l’hydrothérapie, les bains de mer : le mal résista. L’état physique semblait cepen- dant peu altéré. Au bout de trois ans, il y eut une modi- fication importante de l’affection : la faim devint impé- rieuse; M. F... dut manger toutes les deux heures pour la satisfaire ; il ne sortait jamais de chez lui sans avoir des provisions dans ses poches; la nuit, chose extraordi- naire! il s’éveillait fréquemment, et mangeait jusqu’à deux kilos de soupe de riz. L’opium fut employé à haute dose sans amélioration manifeste; mais sous F influence de cette nourriture abondante, ce jeune homme prit un embonpoint très-prononcé, acquit des forces, et la quatrième année environ, on pouvait le considérer comme guéri. Deuxième observation-.— M. B..., âgé de vingt-trois ans, officier, à la suite de rapports sexuels ayant lieu, pcn- 78 P11YSI0L0GIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. dant plusieurs années, immédiatement après son dîner, fut atteint de dyspepsie qui altéra profondément sa con- stitution et son caractère. Après avoir commencé une foule de traitements qu’il laissa incomplets, il se soumit à riiomœopalhie au mois de septembre 1859. Il fut alors atteint d’envies irrésistibles de se jeter par la fenêtre. Ce projet, plusieurs fois vainement tenté, fut misa exécution au mois de novembre. Heureusement M. B... habitait à l’entre-sol. Le choc porta sur la face, et il y eut fracture des os du nez, de l’apophyse montante du côté droit, du malaire gauche, du maxillaire supérieur gauche, des deux dents incisives supérieures droites; de plus, il y eut plaie contuse des deux lèvres et de la base du nez, anes- thésie de la moitié droite de la lèvre supérieure; en outre, commotion cérébrale violente, qui persista pendant qua- rante-huit heures. • Pendant trois semaines environ après l’accident, on dut s’occuper d’en prévenir les suites fâcheuses, de réta- blir, autant que possible, les rapports des os de la face. Au bout d’un mois, on constatait l’état suivant : le nez, qui était fortement arqué, était devenu droit; on sentait à gauche une saillie de l’os malaire, qu’il avait été im- possible de déprimer; la partie postérieure du maxillaire supérieur était un peu plus élevée que l’antérieure, de telle sorte que les molaires supérieures ne correspon- daient plus aux molaires inférieures; la face était plus large à droite qu’à gauche. Mais c’est surtout de la dyspepsie que je veux m’occu- per ici. Pendant qu’il suivait le traitement homœopathi- que, ce jeune officier fut atteint de boulimie dans la nuit qui précéda son accident; il avait dévoré un gigot tout en- APPAREIL STOMACAL. 79 tier, et c’est à la suite de ce repas trop copieux qu’eut lieu l’excitation cérébrale qui le porta à se jeter par la fenêtre. Dès qu’on eut paré aux suites les plus pressantes de la chute, il fallut s’occuper de l’état des voies digestives. Il y avait appétit irrégulier, digestion lente avec pesanteur de la région épigastrique, et malaise indéfinissable ; de plus, constipation opiniâtre qui ne permettait des selles que tous les huit jours; la maigreur était extrême, le moral découragé, les idées bizarres ; depuis longtemps les érections étaient nulles. M. B... fut mis à un régime doux; on lui donna du vin de Bordeaux, de Beau de Vichy, des prises de pepsine Boudault, et des granules de strychnine. Sous l’inlluence de cette médication, la santé s’améliora rapidement, et, au mois de janvier, on pouvait considérer ce jeune homme comme bien près de la gué- rison. Il faisait des promenades, des armes, de la gym- nastique; l’espoir était revenu; sa physionomie avait repris de l’expression et un air de santé. Malheureusement vers le milieu de janvier, sous l’influence de quelques contra- riétés et de quelques écarts de régime, ses accès bouli- miques revinrent avec une certaine intensité; ils durè- rent environ pendant deux mois ; ils avaient pour objet les petits gâteaux des pâtissiers; M. B... en mangea jus- qu’à trente par jour. Ces appétits bizarres ôtaient tout à fait irrésistibles : il se levait à onze heures du soir pour y satisfaire. Ces excès ne furent jamais suivis d’indiges- tions : à peine si je pus noter de la pesanteur épigastri- que et une excitation cérébrale. Je le soumis alors à l’action du charbon de Belloc, des grains de santé de Frank, des frictions stimulantes sur tout le corps, des bains aromatiques. Grâce à ces moyens divers, la santé s’amé* 80 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. liora rapidement. La guérison fut complétée par un séjour aux eaux d’Evian. Ces deux observations présentent des différences. La première était surtout caractérisée par des troubles du côté des intestins, et la seconde par les troubles de l’es- tomac. Outre les variétés de dyspepsie que nous venons de si- gnaler, parce qu’elles possèdent une certaine relation avec la physiologie, il y a encore la dyspepsie flatulente dont nous parlerons au sujet du tube intestinal. DU FOIE. Des découvertes physiologiques modernes. L’iiisloire de la science est féconde en révolutions; que de théories tour à tour ruinées et renaissantes! Combien de fois n’a-t-on pas vu les découvertes modernes réha- biliter tout à coup des opinions anciennes que nos pré- décesseurs croyaient pour jamais vouées à un oubli pro- fond ! Celte vérité semble surtout s’appliquer aux phases di- verses par lesquelles a passé successivement l’ensemble de nos connaissances sur les fonctions hépatiques. Depuis les travaux de l’illustre physiologiste français, nous possédons enfin des données à peu près certaines sur ce point important. Mais, après tout, nous voilà de nouveau revenu à la vieille théorie de Galien, à cette grande différence seulement que ce qui n’était pour le médecin de Pcrgame qu’une prévision de l’esprit, est désormais une vérité expérimentale; et si de nouveaux DU FOIE. 81 Bartliolins1 voulaient tenter de ressusciter les lunérailles du foie, ce ne serait plus du moins avec de l’esprit seu- lement qu’ils pourraient fausser l’opinion de toute une génération médicale. C’esf à Magendie que revient l’honneur d’avoir le pre- mier provoqué celte réaction en faveur des anciennes idées de Galien. 11 démontra, comme on sait, que les liquides absorbés par les veines de l’estomac et de l’intes- tin pénétraient de suite dans le système veineux, char- riés de là dans la veine porte, puis dans le foie. Ce pre- mier pas était déjà immense; mais, comme si la réaction ne devait s’opérer que peu à peu, il ne va pas, comme Galien, jusqu’à reconnaître qu’en passant par l’organe hépatique, ces matériaux absorbés s'assimilaient au sang. 1 Voici cette épitaphe, telle quelle est dans l’opuscule de Bar- tliolin : SISTE. VIATOK. CLAUDITUR. HOC. TUMULO. QUI. TUMULAVIT. PLURIMOS. PRINCEPS. CORPORIS. TUI. COCOS. ET. ARB1TER. HEPAR. NOTUM. SECULIS. SED. IGNOTUM. NATURÆ. QUOD. HOMINIS. MAJESTATEM. ET DIGN1TATIS. PAMA. FIRMAVIT. OPINIONE. CONSERVAV1T. TAMDIU. COXIT. DONEC. CCM. CHUENTO. IMPER 10. SEIPSUM. DECOXERIT. ABI. SINE. JECORE. VIATOR. B1LEMQUE. HEPATI. CONCEDE. UT. SINE. BILE. BENE. TIBl. COQUAS. ILLI PRÆCERIS. 82 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Magendie ne voit encore qu’une action mécanique. Le foie, traversé pour ainsi dire comme un filtre, mêle plus intimement les matières alimentaires qui y sont appor- tées. Rien de plus. Tiedemann et Cimelin1 se contentent plus tard’d’affir- mer que ce viscère exerce sur les aliments un change- ment qui les rapproche de la composition du sang; mais rien encore de positif, de certain; il faut pour cela arri- ver aux belles découvertes de M. Bernard. C’est depuis lui qu’il fut démontré que le foie était réellement un organe important de sanguification, un véritable organe d’hématose alimentaire. Un rapide coup d’œil nous mettra à même d’envisager le pas immense sous ce rapport de la physiologie de notre temps. On le sait maintenant : sauf la plus grande partie des matériaux graisseux qui passent par les voies chylifères, toutes les autres substances absorbables de l’intestin pé- nètrent dans les radicules de la veine porte, et sont con- duites au foie. Ce viscère sécrète d’une part la bile; de plus, il injecte continuellement dans les veines sus-hé- patiques une matière sucrée abondante, qui se trouve entraînée bientôt dans le grand courant de la veine cave. M. Bernard a de plus expliqué le mécanisme même de ces réactions vivantes. En constatant, d’une part, que le sang qui arrive au foie contient une grande quantité de produits azotés, que celui, au contraire, des veines 1 Recherches sur la route que prennent diverses substances pour passer de l'estomac et de l'intestin dans le sang* Paris, 1821. DU FOIE. 83 sus-hépatiques est très-riche en substances sucrées et presque dépourvu en ce point de matériaux albumineux ou azotés, n’était-il pas logique d’en conclure que ces ma- tériaux azotés du sang porto-splénique se dédoublaient dans ce viscère? Les uns, d’une part, vont constituer la bile, les autres forment le sucre. Ce dernier, sans traces d’azote; la bile, au contraire, en renfermant une grande quantité. Nous ne pouvons nous étendre ici sur les preuves importantes que M. Bernard a si bien fait valoir pour démontrer la vérité de ses assertions. On sait qu’il s’ap- puie surtout sur les deux expériences suivantes : A. L’examen du sang avant et après son entrée dans le foie; B. La suppression, au bout de quelques heures, de la sécrétion sucrée hépatique, après la section convenable- ment opérée du pneumo-gastrique. Pour nous qui avons pu suivre de près ces diverses expérimentations, le doute n’est pas permis. Un théoriste distingué de l’époque a essayé néan- moins de se poser en contradicteur. Il n’entre pas dans le cadre de notre dissertation de rassembler ici tous les faits qui ruinent ses allégations théoriques. Certainement le mémoire de M. Figuier était habile; ses expériences, surtout les dernières, paraissaient faites avec soin; elles semblaient presque redoutables : mais comment admettre la conclusion de l’auteur, lorsque les faits sur lesquels il prétend s’appuyer ont été niés, môme devant la commission de l’Institut. Depuis lors, bien des autorités sont venues appuyer et confirmer les décou* vertes de M. Bernard. PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. Ainsi M. Poggiale, professeur de chimie au Val-de- Grâce, a communiqué, le 16 avril 1855, à l’Académie des sciences, un mémoire où il conclut comme lui. — Il en est de même de M. Leconte. Les analyses récentes de Lehmann, les travaux de Simon sont dans ce sens. — Magendie, Dumas, Rayer n’ont-ils pas vérifié aussi les expériences et les conclusions du physiologiste qui nous occupe ? Dans une discussion à la Société médicale de Lyon, Brachet, tout en différant sur les explications des phéno- mènes, a déclaré néanmoins admettre tous les faits dé- couverts par M. Bernard. Enfin, postérieurement, Chauveau, dans une série d’ex- périences dont le résultat a été communiqué à l’Institut (Voir Gaz. méd., 1856), a constaté encore la justesse des principales assertions du professeur du College de France. Toutes les découvertes ne sont-elles pas exposées à des objections? Le contradicteur est presque nécessaire pour leur faire jeter des racines plus profondes. Lors- que Harvey démontra la circulation du sang, il fut en butte aussi à de vives attaques. Les théories, les préju- gés, tout s’élevait pour le combattre. Le temps cependant lui a donné raison. Du reste, M. Bernard, on a trop eu l’air de l’oublier, a été le premier à reconnaître que le sucre pouvait avoir deux origines distinctes. D’un côté il provient de l’action sécrétante du foie, de l’autre des permutations chimi- ques de l’aliment amidonné, au contact des liquides sac- charifiants de l’intestin. Cette dernière source seulement est de beaucoup la plus faible, comme si la nature n’avait DU FOIE. 85 pas voulu confier aux caprices d’une alimentation, sou- vent éventuelle, le soin de cette matière si importante pour les phénomènes ultérieurs de la nutrition. Enfin M. Bernard a démontré qu’un des usages du foie était encore de faire la graisse, et de rendre la fibrine plus parfaite. — Faire la graisse, en Iransformant les matériaux féculents changés en sucre dans l’intestin, et apportés au foie. La fibrine, elle, se constitue, à la suite des modifications que subissent les principes albumineux de la veine porte. — On sait, en effet, que le caractère principal du sang porte se trouve dans une fibrine mol- lasse imparfaitement coagulable et non déliquescente. Or, comme la fibrine du sang fourni par les veines sus- hépatiques est parfaitement coagulable, il s’ensuit néces- sairement que ce changement intime a du être opéré par l’action propre du foie. Depuis lors de nouvelles expériences ont été repro- duites; il résulterait des analyses du professeur Leh- mann que la fibrine disparait, au contraire, complètement en traversant le foie. Ainsi, sur 1,000 parties de liquide sanguin, il y avait en fibrine : VEINE PORTE. VEINES SITS—HÉPATIQUES, Observ. lre — 5,010 — 0 Observ. 2° — 4,240 — 0 Observ. 5e — 5,220 — 0 Lehmann. Mais quand on réfléchit que le sang des veines sus- hépatiques se coagule cependant très-facilement; de plus, que l’on ne trouve aucune donnée certaine dans les tra- vaux modernes pour établir des différences sérieuses 86 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. entre cette matière coagulable des veines sushépatiques et la fibrine ordinaire, on comprend peu cette assertion du professeur allemand. M. Monneret, dans un article imprimé il y a peu de temps (Archives générales de mé- decine) a, du reste, jugé la question dans notre sens; nous verrons plus tard les déductions pathologiques qu’il a pu en faire ressortir. Continuons: Toutes ces transformations de matière, toutes ces créations de principes immédiats, toutes ces sécrétions qui s’accomplissent dans cet organe ne sauraient s’effec- tuer, sans être accompagnées des phénomènes physiques de développement de chaleur; l’expérience ne laisse aucun doute à ce sujet, le sang qui sort du foie est plus chaud que le sang qui y entre, et cette température est la plus élevée du corps de l’animal. C’est là certainement un des faits nouveaux les plus intéressants; il est facile de voir combien doivent se mo- difier, par conséquent, les idées que l’on se faisait d’a- près les anciennes théories chimiques sur la répartition de la chaleur et sur la prédominance plus grande du calorique dans le cœur gauche. Mais en physiologie, ne l’oublions pas, ce sont les faits qui doivent juger les théories, et jamais le contraire ne doit avoir lieu. Enfin, poursuivant de nouvelles recherches sur l’usage du sucre dans l’économie, M. Bernard a démontré que pour le développement des cellules dans la plus grande partie des tissus, il fallait de toute nécessité la présence de matériaux sucrés, sinon le développement avortait. (Bernard, Récentes communications à la Société de bio- logie.) Or,, comme à la sortie du foie, la quantité de DU FOIE. 87 sucre est plus considérable, c’est aussi en ce point que l’on renconlre la plus grande quantité de globules. En traversant le foie, le sang se régénère donc complète- ment. Je passe sous silence les divers usages attribués à la bile ; ici rien encore de nouveau, rien de bien certain. Elle agirait en débarrassant le liquide sanguin des maté- riaux impropres à la nutrition ou en excès. Quoique encore peu approfondie, son étude intéresse le physiolo- giste et le médecin, à cause des nombreuses perturbations morbides de sa sécrétion. Si sa suppression, lentement produite chez l’homme, n’amène pas une mort rapide, il est cependant permis de conclure que son excrétion est nécessaire à l’équilibration fonctionnelle des actes digestifs. Bien que résidu excrémentiel, M. Bernard n’hé- site pas à penser qu’elle remplit néanmoins un rôle dans la digestion. Mélangée au suc gastrique, au suc pancréa- tique, elle constitue le liquide intestinal qui dissout les matières végétales, les matières azotées et hydro-carbo- nées; douée de vertus antiputrides, elle empêcherait la fermentation, s’opposant ainsi au trop grand dévelop- pement gazeux. La sécrétion biliaire est influencée par l’ingestion de certains médicaments; ainsi le carbonate de soude la diminue notablement. Ce fait expérimental semble dé- montrer que la mission de la bile dans les phénomènes digestifs est de neutraliser l’acidité gastrique. Au con- traire, le calomel augmente la sécrétion biliaire; cette augmentation porte sur les éléments aqueux ; les solides demeurent les mêmes. Nous pensons, en outre, que le foie est un organe d’élimination del’hématinedusang en voie d’altération; il partagerait celte fonction avec le rein. 88 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Telles sont maintenant nos connaissances sur les usa- ges du foie; il y a certes loin de là aux idées si vagues que l’on trouvait, il y a quelques années encore, dans tous les ouvrages de physiologie. En éditiant presque seul cet immense travail, M. Bernard a réalisé un des plus beaux progrès de notre époque. Il y a plus, les moyens qu’il a mis en usage pour arriver à ces résultats méritent surtout, suivant nous, l’approbation des esprits sérieux. En démontrant, en effet, tout le parti que l’on pou- vait tirer, soit en faisant des décoctions des glandes di- gestives, soit en faisant des analyses comparées du sang, avant l’entrée et après la sortie des organes chargés de sécréter quelque produit nouveau, il a mis à la portée des physiologistes qui viendront après lui un moyen des plus précieux, qui, nous n’en doutons pas, fera fructifier bien des recherches ultérieures. M. Oré, de Bordeaux, a pratiqué chez les animaux l’o- blitération de la veine porte; quoique ces opérations n’aient pas toujours amené la mort, il n’est pas permis d’en conclure à l’inutilité du foie, mais seulement de penser qu’il s’établit une circulation supplémentaire, grâce à laquelle le foie fonctionne encore, puisque la hile et le sucre continuent à être formés. M. Andral a même observé un diabétique chez lequel, à l’autopsie, on con- stata une oblitération de la veine porte. M. Oré pense que la sécrétion de la bile et du sucre se fait grâce au sang de l’artère hépatique. (Académie des sciences, sep- tembre 1856.) Aimplications pathologiques. Nous venons de voir le pas immense qu’a fail la phy- DU FOIE. 89 siologie de notre époque relativement aux fonctions hépatiques; il est certain qu’il en est déjà résulté une influence notable pour la pathologie de cet organe. Es- pérons que d’ici à peu de temps cette influence grandira encore. Nous le dirons ailleurs, la médecine n’est pas la phy- siologie seule; du reste, ce n’est que peu à peu qu’une génération instruite de certains faits arrive lentement à en déduire les conséquences pratiques naturelles. Or, de même que toute l’école médicale qui a suivi Galien at- tachait une importance des plus grandes à la pathologie hépatique, de même aussi il nous appartient maintenant de travailler sérieusement dans cette voie. Appuyés désor- mais sur une physiologie plus sûrement démontrée, quel avantage immense n’aurons-nous pas sur nos devanciers! Galien avait émis certainement un des aphorismes les plus profonds, les plus riches en déductions pratiques, si les médecins qui vinrent après lui, initiés à une saine physiologie, avaient pu en comprendre toute la portée. — Sachons réparer cet oubli. — Hepate viticito, sanguifi- catio vitiatur, écrivait le médecin de Pergame. Quel jet sublime de vérités anticipées! Puis, malheureusement, il ajoutait: « Quand le foie est chaud et humide, il produit, la pléthore. Quand il est froid et sec, les veines se res- serrent, le sang diminue de quantité. Humide et froid, il en résulte des cachexies et des hydropisfes. L’ictère jaune vient du foie, l’ictère noir de la rate. » Aussi tout a été méprisé, et, comme cela arrive presque toujours, on est tombé dans un excès opposé. Portai n’écrivait-il pas au commencement de ce siècle : « Que les anciens avaient faussement imaginé que le foie était l’organe de la san- 90 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. guifieation, la source de la chaleur animale, le siège des facullés naturelles. Par conséquence, ajoutait-il, de leurs mauvaises théories ils se faisaient de très-fausses idées sur la nature des maladies de cet organe, souvent aussi sur leur traitement. » Il faudra maintenant que la pathologie hôpatliique soit mise en harmonie avec nos découvertes actuelles, que nous démontrions cliniquement tout ce qu'il y a de vrai dans l’aphorisme de Galien. Déjà des essais ont été faits et il est curieux que l’on ait jusqu’à présent recherché surtout quelles sont les conséquences funestes qui résultent d’une exagération dans les diverses fonctions hépatiques. Ainsi M. Bernard a voulu considérer le diabète comme une exagération de la fonction glycogénique du foie. Poursuivant ces idées pathologiques au point de vue de ses découvertes, il a encore été conduit à penser qu'il pouvait y avoir un dia- bète chyleux, lorsque le foie sécrétait une trop grande quantité de matériaux graisseux. Il en résultait alors une élimination anormale de ce produit, et les urines présen- taient dans ce cas l’aspect laiteux ou chyleux des auteurs. Dans les diverses observations, s’empresse-t-il de dire, de Christison, de Lehmann, Rayer, Ellioston, Schmidt, Golding, Bird, Bence Joncs, le foie avait toujours été trouvé malade. Nous dirons plus tard comment, pour nous, l’on doit comprendre ces divers états diabétiques. Le docteur Jangot, de Lyon, dans une excellente thèse inaugurale sur le diabète sucré, a eu l’un des premiers l’heureuse idée de rechercher, au contraire, quelle était l’affection qui survenait quand les fonctions hématosiques DU FOIE. 91 du foie se supprimaient. Ainsi pour lui le diabète con- siste dans l’abolition de la fonction en vertu de laquelle cet organe est chargé de changer en graisse le sucre qui lui arrive de la source intestinale. La physiologie pathologique de la maladie est, d’après lui, facile à comprendre. Le sucre, qui ne subit plus son utilisation, s’excrète, éliminé par les urines; le malade dès lors maigrit rapidement. Cet amaigrissement, la pré- sence de la glycose dans l’urine, ne sont-ce pas là les deux phénomènes les plus caractéristiques de l’état mor- bide qui nous occupe. Pour soutenir son opinion, M. Jangot cherche à dé- montrer que, dans l’expérience oùM. Bernard rend arti- ficiellement un animal diabétique, en irritant les origines du pncumo-gastrinue, loin de stimuler l’action du foie en agissant ainsi, il a paralysé, au contraire, cet organe, et dès lors, dit-il, le sucre n’étant plus changé en graisse, s’élimine par les urines. Il semble ignorer que M. Bernard est arrivé à suspendre complètement les fonctions du foie par la section du grand sympathique et de la moelle ; or, dans ces circon- stances cependant, loin de produire le diabète, il n’y a plus alors de traces de sucre, le foie n’en fait plus. Du reste, pour empêcher la formation du sucre par le foie, il ne faut pas sectionner, comme le croit M. Jangot, les branches hépatiques du pneumo-gastrique, mais bien le tronc lui-même, avant la naissance des fdets pulmo- naires. La sécrétion glycogénique est en effet régie par le mécanisme des actions réflexes; il faut tout d’abord qu’il y ail impression de l’air atmosphérique sur la muqueuse pulmonaire; cette impression est portée jusqu’aux centres 92 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF, nerveux par les filets du pneumo-gastrique; puis, action réflexe qui s’écoule par la moelle, le grand sympathique, et, sous l’influence des ramuscules de ce dernier, alors le travail intime de l’organe s’exécute. L’opinion de M. Jangot ne peut donc être acceptée, et il reste encore à trouver quelle est la maladie particu- lière qui survient quand il y a diminution ou abolition môme de la fonction glycogénique. 11 y a peu de temps, quelques recherches ont été faites dans ce sens. Plusieurs observateurs ont voulu voir si le cancer hépatique, si la cirrhose s’accompagnaient d’abo- lition de principes sucrés dans le parenchyme du foie; mais les travaux, à cet égard, de M. Vernois1, les quel- ques observations de M. Lucien Corvisart, celles que nous avons faites nous-mêmes, sont encore trop incomplètes pour qu’il puisse en résulter, dès maintenant, quelques données certaines. C’est beaucoup déjà que de savoir vers quel but on devra diriger des investigations ultérieures. • Le foie, avons-nous dit, transforme en fibrine parfaite l’albuminose de la veine porte, ou, si l’on aime mieux, la fibrine mollasse du sang porto-splénique. Il est incon- testable, par conséquent, que certaines altérations du sang doivent provenir de la perversion de cette fonction. DéjàM. Monneret a, tout dernièrement, éveillé l’attention des praticiens sur ce fait, en faisant ressortir combien il était fréquent de voir des hémorrhagies survenir chez des malades atteints d'affections hépatiques. Si de nou- velles observations viennent appuyer ces recherches, et Archives de médecine, 1854, mémoire de M. Vernois, médecin de l'hôpital Lariboissière. DU FOIE. souvent déjà nous en avons rencontré, ne sera-ce pas un élément important de diagnostic pour beaucoup de ces cas d’hémorrhagies, dont la véritable cause est si fré- quemment méconnue? Puisqu’il est démontré maintenant qu’il existe une véritable digestion dans le foie des matériaux passés tout d’abord dans le sang porto-splénique, l’attention des pa- thologistes sera plus éveillée pour reconnaître quelles sont les lésions diverses qui peuvent résulter du transpor t des hujesta dans l’organe hépatique. C’est bien aussi de- puis la réhabilitation de la théorie galénique par Magen- die, que l’on a émis quelques idées pour démontrer la vérité de cette assertion. M. Andral, M. Beau, par exemple, à propos de l’inlluence des alcooliques dans l’hépatite, se sont demandé si cette affection ne serait pas produite par l’apport direct de ces substances lancées dans le courant de la veine porte? Ainsi, nous sommes mieux renseignés sur l’origine de la cirrhose, cette lésion si commune dans toutes les villes où l’on abuse de l’alcool. M. Beau a démontré encore que dans bien des cas les prétendues hépatalgies calculeuses que l’on voit survenir presque immédiatement après les repas sont, le plus souvent, sous la dépendance d’une difficulté dans la di- gestion hépatique, pendant que les aliments absorbés s’y élaborent péniblement. Pujol, on le sait, avait entraîné, au contraire, l’opinion médicale en sens inverse, en rap- portant tout, dans ce cas, à la présence de calculs biliaires tendant à s’éliminer. Encore un nouveau pas dont profitera le diagnostic. En faisant ressortir cette action si nécessaire du foie, 94 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. sur les principes alimentaires qui y arrivent, M. Bernard a été conduit, ces temps derniers, à diminuer l’impor- tance que l’on a attachée jusqu’à ce jour à l’alimentation dans quelques cas, soit par des bains alimentaires, soit par des lavements nutrimentifs. Toutes les fois, en effet, dit-il, que des substances introduites dans le courant vas- culaire n’ont pas passé par la barrière hépatique, elles 11e peuvent servir à la nutrition ; au bout de peu de temps les urines les éliminent complètement. Ainsi, injectez du sucre sous la peau d’un animal, le liquide s’absorbera, mais il n’aura pas été modifié, digéré dans le foie : au bout de peu de minutes l’analyse le décèlera dans les urines. 11 aurait donc, on le voit, une absorption réellement assimilable, une autre non assimilable. L’expérience cli- nique, avertie, décidera en dernier ressort. Il n’y a pas jusqu’à la fièvre qui ne doive être un sujet d’études intéressantes au point de vue de la pathologie hépatique. Nul doute certainement que l’état fébrile ne soit, le plus souvent, consécutif à une lésion inflamma- toire, localisée dans quelque partie de l’économie; mais fréquemment aussi, il faut le reconnaître, c’est sous la dépendance d’une altération primitive du sang que la fièvre s’élève, et c’est la lésion du foie qui entraîne dans bien des cas l’altération du sang. On comprend l’enchaî- nement, Hepate vitiato, sanguificatio vitiatur : alors aussi surviennent des troubles nerveux variables. Laissons Molière attaquer les galénistes de son temps. Mais oui cependant, il existe parfois « des symptômes in- dicatifs d’une vapeur fuligineuse et mordicante, qui picote les membranes du cerveau. » Oui, il y a « des vapeurs DU FOIE. 95 engendrées dans la concavité du diaphragme. » C’est dire, pour nous, qu’à la suite des troubles dans les fonc- tions du foie, surviennent aussi des modifications dans la composition du sang. Le cerveau, n’étant plus ar- rosé, comme d’habitude, de sang normal, l’irritabilité nerveuse ou la fièvre se déclarent. La peau réagit bien sous l’influence de l’imprégnation bilieuse, en manifestant le prurit hépatique; ne pourrait- on pas dire aussi qu’il existe le prurit cérébral? — Ainsi s’expliquent, pour nous, la plupart de ces accès fébriles rémittents, de ces insomnies si fréquentes à la suite des maladies du foie. Enfin la physiologie moderne nous a fait entrevoir l’antagonisme si remarquable qui existe entre le poumon et le foie; le premier chargé de brûler habituellement les produits hydro-carbonés accumulés quelquefois en trop grande abondance dans le magasin hépatique. Nous com- prenons mieux que dans les pays chauds les maladies du foie soient si fréquentes. Alors, en effet, la respiration languissante n’est plus suffisante pour détruire les ma- tériaux carbonés; la bile en devient ainsi l’émonctoire; mais ce phénomène ne peut avoir lieu sans une activité plus grande du côté de l'organe : dès lors se trouve aug- mentée sa susceptibilité morbide. M. Bouisson a étudié à ce point de vue l’influence de l’asphyxie sur la composition de la bile *; or, il a dé- montré expérimentalement que chez les animaux que l’on soumet à l’asphyxie, ce liquide devenait beaucoup plus noir, beaucoup plus foncé. Les matériaux carbonés ne 1 Archives médicales, 8 mai 1845. 96 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF, pouvant plus, en effet, s’éliminer parle poumon, la bile s’en chargeait d’une quantité plus grande. Il v a là toute une hygiène thérapeutique que le mé- decin devra utiliser dans toutes les maladies du foie. On comprend alors toute la nécessité de l’exercice d’une respiration plus active, pour pousser ainsi à la rénovation organique, pour désobstruer ce parenchyme hépatique, en brûlant les produils qu’il ne peut assez complètement élaborer. En résumé, nous voyons donc que : 1° Depuis les dé- couvertes modernes sur les fonctions hépatiques, on a cherché, de plus, à mettre en harmonie la pathologie de cet organe avec les connaissances physiologiques ac- quises ; 2° On est arrivé à mieux préciser la valeur de certains symptômes, mis en rapport avec leur cause ; 5Ü On rationalise mieux les phénomènes de ces mala- dies; par conséquent on les traitera plus sûrement, car, dès qu’on connaît plus exactement l’enchaînement, la subordination des éléments morbides, on est plus apte à attaquer l’élément primitif, celui qui tient tous les autres sous sa dépendance ; 4° On a cherché à émettre plusieurs théories sur le diabète sucré, sur le diabète chyleux : nous apprécierons plus tard ce dernier point. Frérichs a fait de nombreuses recherches sur les alté- rations chimiques que la maladie imprime au tissu hé- patique, et il a découvert que dans le ramollissement aigu et l’atrophie de l’organe il se formait une grande quantité de leucine et de tyrine, substances qui passent en partie dans le sang. On les retrouve ensuite en nature DU FOIE. 97 ou décomposées dans le sang. La leucine a ôté trouvée pour la première fois par llraconnot dans la chair du bœuf, et latyrine par Liehig dans le fromage. Elle existe, suivant Lehmann, dans la fibrine desséchée ou dans l’al- bumine. Application de la chimie à la connaissance des calculs biliaires. Si la physiologie expérimentale, nous venons de le voir, a déjà produit d’assez beaux résultats pour la pa- thologie du foie, la chimie seule nous a été aussi d’une utilité incontestable pour plusieurs maladies de cet or- gane. Ainsi la connaissance chimique des calculs biliaires aura certainement une influence, soit pour la curation de celte affection, soit pour la prophylaxie à employer. Le jour où M. Chevreul démontra que, presque tou- jours, ces productions étaient formées de cholestérine, le calcul biliaire fut compris. Sans doute, nous ne sommes pas assez instruits encore sur l’origine de celte cholesté- rine, pour déterminer, avec une certitude complète, quels sont les aliments qui, par suite de leur dédouble- ment ou de leur combustion, peuvent donner naissance à cette singulière substance; mais nous avons cependant de justes raisons de croire que ce sont les corps gras qui président à sa formation. Ainsi, chez l’animal qui ne mange que peu de graisse, chez le bœuf, par exemple, le calcul biliaire n’est presque composé que de matière colorante. La cholestérine est en bien moins grande quantité. L’indication de restreindre, dans l’alimentation, la pro- portion des corps gras est donc ici de toute évidence. On comprend aussi l’administration des alcalins, des pilules 98 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. savonneuses, des substances végétales. Quoique nous ne soyons plus obligés de supposer, comme Durande l’avait fait, que ces substances, pour pénétrer dans le foie, pas- sent dans le canal cholédoque (on sait qu’il raisonnait ainsi pour l’usage des préparations éthérées), nous ne croyons pas cependant qu’il y ait là une action directe- ment dissolvante. Tout au plus, suivant nous, peut-on dire que les eaux alcalines désagrègent les concrétions biliaires, en dissolvant le mucus qui en agglutinait les diverses parties. Ce qui prédomine évidemment c’est l’action de ces médicaments sur la nutrition générale. Le raisonnement nous indique aussi que ce doit être surtout chez les individus qui font peu d’exercice, chez ceux plus sujets à la pléthore graisseuse, la femme, par exemple, que l’on doit rencontrer le plus souvent celte production nouvelle. Or, M. Dumas ayant démontré que l’activité de la vie, l’exercice étaient un puissant moyen de débarrasser le sang de la cholestérine en excès, le médecin devra ne pas oublier ce sage précepte hygiéni- que. Plus, en effet, nous l'avons déjà dit, la respiration est active et vigoureuse, plus la combustion vitale s’exa- gère. L’oxygène de l’air brûle alors plus de carbone, et comme ce produit entre en grande proportion dans la composition des matériaux graisseux du sang, il en ré- sulte évidemment que ces derniers sont, en quelque sorte, d’autant mieux détruits que l’on respire avec plus de force et plus de rapidité. Toutes ces indications devront être prises en grande considération; il en est une autre sur laquelle nous croyons devoir encore insiter. La physiologie a démontré qu’une partie des éléments graisseux s’éliminait par la peuu* DE LA RATE. 99 sous forme de smegma cutané, si abondant chez quelques personnes. On comprend dés lors comment, si le fonc- tionnement du tégument externe vient à faire défaut, sous ce rapport, il y aura, par cela même, tendance à l’accu- mulation de la cholestérine, imminence d’obstruction calculeuse dans la vésicule biliaire. Le médecin devra donc ne pas perdre de vue cette in- dication physiologique, et si l’on se rappelle que presque tous les auteurs ont noté comme causes de calculs bi- liaires les chagrins, la mauvaise humeur, surtout pen- dant les repas (Hufeland), on comprend mieux encore l’enchaînement étiologique que nous avons tâché de faire ressortir, car ce sont là toutes causes qui agissent puis- samment pour déprimer les fonctions cutanées. DE LA RATE. Physiologie. Si nous voulions parler dans ce mémoire seulement des découvertes certaines, ou du moins de celles ap- puyées sur des faits d’expériences trop incontestables pour être déniés, nous n’eussions que bien peu à dire en envisageant d’une part, soit la physiologie de la rate, soit les applications que l’on a voulu en déduire en pa- thologie. 11 semble qu’il est dans l’économie quelques organes dont l’œil investigateur du physiologiste ne puisse avoir raison. La rate est de ceux-ci. Entraînés cependant par le désir de faire pour les autres glandes intestinales ce qui avait été réalisé de notre époque pour le foie et pour le tube digestif, les pathologistes ont voulu, pour 100 I’HYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. ainsi dire, devancer les temps, en déterminant des ap- plications pathologiques, alors, néanmoins, nous ne craignons pas de le dire, que la physiologie splénique ne présentait encore que quelques aperçus nouveaux, mais rien de définitivement positif et de bien démontré. Cependant les travaux de M. Beau, les recherches de M. Béclard, auront certainement une grande utilité. 11 est, dans la science, des premiers jalons qui doivent être placés pour indiquer à ceux qui viennent après le tracé de la route qu’il faudra suivre. M. Béclard, dans son mémoire, présenté en 1848, à l’Académie des sciences, a le mérite d’avoir, un des pre- miers, rappelé l'attention médicale sur le rôle hémato- sique de la rate; c’est encore une réintégration dans le sens des idées de Galien, sur le triumvirat sanguifica- teur : le foie, la rate, la veine porte. Mais, quant à savoir parfaitement si la glande splénique est bien chargée de détruire les globules sanguins en restituant au sang les éléments qui les composaient, sous forme de principes albumineux, la question n’est pas encore prouvée. On se fonde bien sur cette expérience que le sang de la veine splénique contient plus d’albumine et moins de globules que celui de toutes les autres veines de l’éco- nomie. Mais, en agissant ainsi, il nous semble que l’on a mal procédé; il eût fallu, comme pour le foie, analyser directement le liquide sanguin avant et après sa sortie de la rate; alors on aurait pu avoir des données certaines. C’est en expérimentant de cette manière que M. Bernard a réalisé ces belles découvertes. Dans ces derniers temps, Gerlach a fait de nombreuses expériences qui ne donnent aucun renseignement positif sur les fonctions de la rate; DE LA RATE. 101 mais nous croyons néanmoins utile d’en relater les résul- tats principaux. 1° Après l’extirpation de l’organe, les ganglions mésentériques deviennent le siège d’une tu- méfaction et d’une hypérémie considérables. 2° Peu de temps après, il s'y dépose du pigment. 3° La rate ne con- tribue pas à l’absorption directe des liquides introduits dans l’estomac. Il est évident qu’ils arrivent bien plus rapidement dans le sang en passant par les radicules de la veine porte qu’en traversant la rate; elle ne jouit donc point, vis-à-vis de l’estomac, du rôle de glande mésenté- rique. Ainsi, pour la rate, comme pour le pancréas, comme pour le foie peut-être, nous pouvons conclure qu’il n’est pas de glande annexe de la digestion qui soit complètement indispensable à l’existence des animaux, surtout de ceux d’une classe inférieure. Avec la netteté et le jugement qui caractérisent toutes ses productions, M. Beau a insisté sur le triple rôle de la rate, comme : Favorisant l’assimilation des matériaux absorbés ; Fournissant un sang plus assimilable à la veine porte; Chargée, par ses contractions, d’activer de temps à autre la circulation, et dans la veine porte et dans le foie. Ces idées sont évidemment un pas vers le progrès. Malheureusement le fait capital n’est pas encore trouvé. Que signifie, d’une façon exacte, ce rôle d'assimilateur de matériaux absorbés, — de fournisseur au sang porte, de qualités plus assimilantes? Tout est encore vague. Un seul fait est maintenant bien connu, ce sont les contrac- tions spléniques; c’est aussi de ce point de physiologie que M. Beau a tiré les déductions les plus convenables pour la pathologie ou la thérapeutique. 102 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Ainsi, on s’explique maintenant comment les prépara- tions de noix vomique, administrées à propos, peuvent dissiper ces engorgements spléniques, en ravivant la to- nicité affaiblie de l’enveloppe musculaire de l’organe. On comprend comment la chlorose, l’anémie se com- pliquent souvent de tuméfaction splénique; l’enveloppe musculaire, pour ainsi dire paralysée, permet alors cette dilatation atonique. On s’explique mieux pourquoi les malades dits rate- leux sont obligés, à cause de la distension douloureuse de la rate, de rester à peu près immobiles pendant tout le temps de la digestion, surtout s’ils ont ingéré une grande quanlilô d’aliments. Ces faits cliniques viennent aussi à l’appui des expériences de Dobson sur les chiens dératés, qui présentaient toujours des symptômes de plé- nitude considérable après des repas abondants. 11 faudra, dès lors, conseiller aux malades atteints de dilatation atonique de la rate de ne manger que peu à la fois; il leur sera utile de porter une ceinture; on em- pêchera, par ce moyen, la glande de trop se gonfler dans les moments de plénitude du système abdominal. Ainsi, d’une seule partie physiologique mieux connue, nous voyons découler des appréciations plus exactes de symptômes morbides, des applications plus sérieuses de moyens prophylactiques. Espérons donc, lorsque la phy- siologie nous aura encore plus appris. En résumé, l’on peut dire que la physiologie de la rate commence à se créer; nous sommes loin déjà de ce déluge d’hypothèses ridicules qui constituaient autrefois toute la science sur ce point. En appliquant à des re- cherches de ce genre la méthode expérimentale, qui a si DE LA RATE. 103 bien réussi pour le foie, nul cloute que l’on arrivera à des résultats plus importants. L’existence des vasa breviora, qui relient l’estomac et l’organe splénique, a fait soupçonner que le sang de l’estomac pouvait refluer dans la rate, pendant la période de congestion digestive des organes abdominaux. 11 est assez difficile de déterminer le mode de ce reflux pour en augurer des conséquences physiologiques. C’est en comparant le sang veineux, avant et après son entrée dans le foie, que l’on est arrivé à des résultats. Pourquoi ne pas essayer des expériences aussi analogues que possible? Encore un pas, et la phrase que Haller écrivait, il y a un siècle, ne servira plus que pour mon- trer les bornes que nous avons franchies. « In mer as hic conjecturas demergimur, obscuriores quam fere alio in viscere. » Leucémie. — Quoique les diverses théories émises sur le rôle physiologique de la rate ne reposent point sur des fondements solides, elles ont conduit à l’étude d’une ma- ladie récemment découverte, la leucémie; nous allons en esquisser l’historique, bien persuadés que sans les tra- vaux de physiologie sur la rate et les ganglions lympha- tiques, on n’aurait pas songé à profiter des données du microscope pour enrichir le cadre nosologique d’une affection nouvelle. Soupçonnée par Haller, entrevue par Bérard, la leucé- mie fut décrite, en 1845, par Virchow, qui lui donna son nom. A peu près à la même époque, Bennett l’observait à Edimbourg et l’appelait leucocgthémie. Les travaux de Craigie concoururent également à la faire connaître. En 1839 M, Barth en citait dans ses cours la première 104 PilYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAllEIL DIGESTIF. observation, qui ne fut malheureusement pas publiée. La maladie est caractérisée par l’augmentation des glo- bules blancs; au lieu d’en trouver 1 pour 200, on en trouve quelquefois 1/3. Les auteurs sont loin d’être d’accord pour l’explication de la leucocythémie. Béclard ayant trouvé, expérimentalement, que le sang de la jugulaire possédait en moyenne 150 parties de glo- bules pour 100, tandis que celui de la veine splénique n’en avait que 136, conclut que la rate détruisait les globules rouges du sang. Virchow, adoptant les opinions de Béclard sur les fonctions destructrices de la rate et sur la formation des globules blancs par les ganglions lymphatiques, se rend compte de la leucémie de la façon suivante : Les ganglions lymphatiques qui forment les globules blancs sont hypertrophiés, ainsi que la rate, qui détruit les globules rouges ; de là une double cause qui concourt au même but, l'augmentation proportion- nelle des leucocytes. Telle n’est point la manière de voir de Bennett; pour lui la rate et les ganglions lymphatiques fabriquent les globules blancs; dans la leucocythémie ils sont hyper- trophiés et en font une plus grande quantité. Ces deux hypothèses, soutenues avec talent par deux savants du premier ordre, suffisent pour montrer que le dernier mot n’est point encore dit sur la question. Suivant M. Vidal, qui a publié sur la leucémie un excel- lent article (Gaz. hebdom., 1857), il est probable que l’altération du sang est consécutive à l’altération des solides; mais une augmentation passagère, même consi- dérable, des globules blancs, ne constitue pas essentiel- DE LA RATE. 105 lement la cachexie leucémique; de même que le passage accidentel de l’albumine dans l’urine, ne suffit pas pour qu’il y ait albuminurie. Le signe le plus constant de la leucémie, outre la pré- dominance des globules blancs, est l’hypertrophie splé- nique; mais il ne s’ensuit pas que l’altération du sang existe toutes les fois qu’il y a hypertrophie; nous avons plusieurs fois examiné le sang, dans les cas de cachexie paludéenne, sans rien observer de semblable. Voici les conclusions du travail de M. Vidal : 1° La leucémie est une maladie bien caractérisée, con- sécutive à une altération des glandes vasculaires, rate, ganglions lymphatiques, thymus, glande thyroïde, cap- sules surrénales, glandes de Peyer. 2° Ses caractères sont : A, une augmentation des glo- bules blancs; B, un état hypertrophique des glandes vas- culaires sanguines. Nous venons d’observer récemment un exemple de leucocythémie qui nous parait assez intéressant pour pou- voir être rapporté : — M..., âgée de quarante-deux ans, s’est exposée fré- quemment à la pluie, a couché dans des lieux humides; elle est malade depuis trois ans. Elle entre à l’Hôtel-Dieu le 10 novembre 1860. Son teint est blafard, ses téguments œdématiés ; au cou, sous les aisselles, elle présente des engorgements lymphatiques prononcés; de plus, elle a un vaste épanchement dans la plèvre droite. Une piqûre du doigt donne une gouttelette de sang peu coloré. A l’examen micrographique je constate 1/8 de globules blancs, et j’annonce une altération probable de la rate. 106 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. La malade meurt brusquement le 15 novembre. A Tau topsie on constate une hypertrophie de l’organe splé- nique, qui contenait quatre ou cinq abcès volumineux. Plusieurs ganglions engorgés avaient également sup- puré. — Pour ceux qui admettent l’identité des leucocytes et des globules purulents, il y a une relation remar- quable entre ces abcès des glandes vasculaires et l’aug- mentation des globules blancs. On remarquera que la rate, quoique hypertrophiée, était profondément désor ganisée. pancréas. 11 y a quelques années, non-seulement les maladies de cet organe étaient entourées d’une obscurité profonde, mais encore on ignorait complètement son rôle physio- logique. Tout ce qu’on possède à cet égard est de date moderne. Physiologie. Depuis Haller, les auteurs qui se sont occupés du pan- créas disaient que son fluide était analogue à la salive (Leuret et Lassaigne). Tiedemann et Gmelin le considé- raient comme riche en subsfances azotées et propre à animaliser les aliments. En 1848, la question, malgré de nombreuses recherches, était si peu avancée que Bugde pouvait dire : Seine fonction isl unbekannt, sa fonction est inconnue. L’année suivante (1819', M. Bernard publia un mé- PANCREAS. 107 moire intitulé : Recherches sur les usages du suc pancréa- tique dans la digestion. Le pancréas possédait dés lors un emploi, celui d’é- mulsionner les matières grasses neutres; cependant M. Blondlot, avec Matteuci, Bidder, Schmid, Frérichs et M. Mialhe, se sont inscrits contre cette idée, mais leurs objections n’ont point prévalu, et l’organe pancréatique reste doté de cette fonction, dans l’opinion de la majorité des savants. Ces résultats, M. Bernard les obtint en pratiquant des fistules pancréatiques sur des animaux, en détruisant la glande au moyen d'injections huileuses, ou en liant son conduit. Si on examine le duodénum d’un lapin, à qui on a fait avaler une certaine quantité de graisse, on voit cette substance intacte dans toute la portion de l’intestin située au-dessus de l’abouchement du canal pancréatique; au contraire, immédiatement au-dessous, elle a perdu sa couleur et ses caractères physiques, elle a subi une mo- dification intime; un peu plus bas elle a disparu, absorbée par les chylifères. Si, dans un vase à réaction, maintenu à une douce température, vous mélangez de la graisse et du suc pan- créatique, la liqueur, d’abord alcaline, devient bientôt acide ; l’odeur et les propriétés spéciales vous dénotent la formation d’acide butyrique. Ainsi, d’après M. Bernard, le suc pancréatique digère les matières grasses, et, en son absence, elles ne sont ni digérées ni absorbées. Il a toutefois rencontré une opposition sérieuse de la part de M. Blondlot, qui s’est constitué le champion des idées adverses. Ce physiologiste, dans une thèse présentée 108 PHYSIOLOGIK ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. à la Faculté des sciences de Paris, et intitulée : Recherches sur la digestion des matières grasses (Nancy, 1855), a émis les objections suivantes : 1° Les herbivores ont peu de matières grasses à digé- rer, et cependant ils ont un pancréas proportionnelle- ment plus gros que les carnivores. M. Blondlot s’appuie, du reste, sur les expériences de M. Colin d’Alfort. Or voici ce que M. Colin a écrit dans Y Union medicale (1851) :« 12,500 gr. de fourrage que consomme journellement un individu de la race bovine renferment, d’après Boussingault, 500 gr. de graisse, qui ont besoin de 1,500 gr. de suc pancréatique pour être émulsionnés ; il n’est donc point étonnant que j’aie vu des animaux de celle espèce en sécréter jusqu’à 273 gr. par heure. » Nous croyons médiocrement à l’éloquence de pareils chiffres, nous ne les avons rapportés que pour montrer combien ils témoignent peu en faveur de l’objection de M. Blondlot. Nous savons, de plus, que M. Colin a changé d’avis sur les fonctions du suc pancréatique. 2° Le pancréas manque souvent chez les poissons, par exemple, chez le Tuyau de-Plume, plusieurs Coffres, la plupart des Gobioides et des Labroides, etc. Nous apprécions certainement toute la gravité de ces faits, mais nous pensons que dans cet ordre zoologique un autre organe peut très-bien suppléer le pancréas, sans que l’importance du suc pancréatique soit en rien dimi- nuée pour les mammifères et les oiseaux, qui ont été seuls l’objet des études de M. Bernard. Outre les usages que nous venons d’attribuer au suc pancréatique, une autre action lui semble encore dévo- PANCREAS. 109 lue; bien plus rapidement que la salive, il transforme la fécule en glycose. Ceci nous explique comment l’amidon se retrouve dans l’estomac et la première porlion du duodénum, pour ne laisser aucune trace dans des parties plus déclives du tube intestinal; il a été, en effet, trans- formé par la liqueur du pancréas. Malheureusement, ce pouvoir transformateur de la fécule semble être donné à plus d’un liquide de l’éco- nomie; la bile, le sérum, l’urine même, dans certains cas, en jouissent également. Est-ce donc une action spé- ciale, puisque d’autres corps la possèdent? M. Colin a fait sur le suc pancréatique de nombreuses expériences, et il en résulte pour lui : 1° que sans l’intervention de ce fluide les graisses sont digérées et absorbées; 2° que leur absorption s’effectue suivant les proportions nor- males; 5° que ces matières se trouvent alors identiques, sous le rapport de leur état et de leurs propriétés chi- miques et physiques, à ce qu’elles sont dans les condi- tions physiologiques ordinaires. Plus tard, M. Colin, s’associant à M. Bérard, lit l’extirpation du pancréas et conclut à l’inutilité de l’organe. Curieuse marche de l’esprit humain! 11 y a vingt ans, tout était obscur, complexe, embrouillé, dans les phé- nomènes de la digestion ; des théories nouvelles se for- ment, il y a cinq ou six ans, et tout apparaît avec une remarquable simplicité. Les amylacés sont digérés par la salive, les aliments azotés par le suc gastrique, et les corps gras par le pancréas; était-ce clair? Mais nous voilà loin d’une époque où les choses se pré- sentaient si nettement aux néophytes enthousiastes des acquisitions récentes de la physiologie, et bientôt nous 110 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. entrevoyons l’instant où la hile, venant aussi se mettre de la partie, malgré M. Blondlot, jettera encore du trou- ble dans celte unité si péniblement créée. Pathologie du pancréas. Les inflammations aiguës du pancréas ne se distin- guent point par des symptômes physiologiques; la dou- leur locale, la fièvre les caractérisent seules, et les expé- riences modernes n’ont rien appris pour les discerner des autres affections abdominales; il n’en est pas de même des pancréatites chroniques. On établissait autre- fois leur diagnostic sur l’augmentation sympathique de la sécrétion des glandes salivaires, idée erronée qui n’a pu rester debout devant l’expérimentation clinique. La sécrétion pancréatique peut, en effet, se tarir ou s’exa- gérer sans nulle influence sur les glandes salivaires. Dans les pancréatites aiguës, les malades ne mangent pas, mais dans les chroniques l’appétit peut subsister, et les fonctions digestives s’accomplir imparfaitement, il est vrai. De plus, un examen attentif permet d’apercevoir un cercle de graisse qui se fige autour des matières fécales, car les malades, dont le pancréas ne fonctionne plus, ne peuvent digérer les corps gras. C’est ce qu’avaient fait prévoir les expériences physiologiques de M. Bernard; la graisse n’était plus, en effet, digérée chez les animaux à qui il liait les conduits pancréatiques. Ces faits sont actuellement introduits dans le domaine de la patholo- gie; il faut 1*avouer) la thérapeu- tique y a peu gagné ; mais nous devons espérer pour PANCRÉAS. 111 l’avenir, et, d’ailleurs, il 11e peut y avoir de bon traite- ment sans bon diagnostic. En se guidant d’après les idées de M. Corvisart, le traitement serait facile à insti- tuer; mais ici, comme ailleurs, nous trouvons ses vues un peu hasardées. C’est le liquide pancréatique du ma- lade qu’il importe de faire sécréter; à quoi bon lui faire digérer des sucs pancréatiques étrangers? Nous avons trouvé, dans la thèse de M. Moyse (1852), quelques observations de selles graisseuses, résultat de l’affection du pancréas; en voici une courte analyse à l’appui de ce que nous avons avancé : Première observation. — Diagnostic : Dyspepsie. Graisse dans les matières fécales. — Autopsie : Induration du pancréas. Oblitération des canaux pancréatiques. M. Ver- neuil, on le sait, a prouvé que ce viscère en avait deux. Deuxième observation. — Matières fécales grasses, hui- leuses. Yives douleurs au niveau des reins. Calculs blancs dans le conduit pancréatique. Troisième observation. — Id. Autopsie : Altération pro- fonde du pancréas. Quatrième observation. — Evacuation abondante de matières graisseuses, émaciation, mort. Induration car- tilagineuse du pancréas. Oblitération de son canal, ainsi que du canal cholédoque. Cinquième observation. — Id. Il n’y a pas de choses bien prouvées qui n’aient été mises en doute; nous croyons difficile cependant d’an- nihiler les cinq observations que nous venons de citer ; Que M. Blondlot ne se contente donc plus désormais d’une simple assertion pour repousser tous les faits pa- thologiques concordant avec la théorie de M. Bernard; 112 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. On voit le rôle important que M. Bernard a fait jouer au suc pancréatique. C’est à lui que les matières doivent d’être émulsionnées et absorbées. Mais peut-être il par- tage ce rôle avec d’autres organes, tels que le foie et le canal intestinal. On aurait donc eu tort de trop spécia- liser la fonction, ainsi que le démontrerait un certain nombre d’observations pathologiques. Dans les cas où l’on a observé des fèces graisseuses, il n'y eut pas tou- jours, d’après Longet, affection uniquement du pancréas, mais bien encore du foie. D’autre part, il existe des ob- servations de maladies profondes du pancréas sur des sujets ayant conservé un embonpoint plus ou moins mar- qué. Tels sont les cas de Casper, Greisclius, de llaen, Abercrombie, Dawidoff, Bécourt. Les fèces graisseuses sont également liées à certaines altérations des voies biliaires. L’observation clinique tend à démontrer que d’autres liquides intestinaux peuvent suppléer le suc pancréatique quand la suppression est survenue d’une manière lente, comme dans les affections organiques, et non d’une manière brusque, comme dans les expéri- mentations sur les animaux. TUBE INTESTINAL. Physiologie. Lorsque la substance alimentaire a subi dans l’estomac l’action dissolvante du suc gastrique, la digestion n’esl point encore accomplie; nous avons vu déjà ce qu’il fal- lait penser du rôle de la bile et du suc pancréatique : il nous reste à étudier les modifications dernières, qui au- TUBE INTESTINAL. 113 ront pour siège l’intestin grêle et le gros intestin : c’est ce qu’une analyse rapide nous permettra d’envisager. Intestin grêle. — On conçoit très-bien les difficultés énormes qu’éprouvent les physiologistes pour distinguer les phénomènes complexes qui se passent dans cette por- tion du tube digestif; dans l’estomac, la salive seule, le plus souvent, vient s’ajouter au suc gastrique : ici, outre ces deux fluides, nous avons encore la bile et le suc pan- créatique; aussi cette question est-elle restée dans l’om- bre, malgré de nombreux travaux. La muqueuse laisse sourdre à sa surface un liquide qu’on appelle suc intesti- nal. 11 est fourni, dit-on, l°par un fluide perspiratoire exhalé par les artères des intestins; 2° par les follicules ou glandes de Lieberkuhn. D’après les recherches de MM. Leuret et Lassaigne, on voit sortir de leurs orifices une humeur plus ténue que le mucus. 5° Les plaques de Peyer fournissent aussi une sécrétion ; mais quelle est sa nature? Problème insoluble ! Elles ont été étudiées par Pechlin (1672), Lister (1675), par Grew, qui les appe- lait, à tort, pancréas intestinal. M. Bretonneau a prétendu le premier que c’étaient de petits sacs parfaitement clos annexés à l’appareil circulatoire; son opinion, soutenue par Jacquart, Boelim, trouva pour adversaires Krause, La- ça ucliie, Tiedemann et Gmelin. On sait maintenant, grâce au microscope, que ce sont des vésicules sans conduit excréteur. 4° Glandes de Brunner. Elles ont des orifices à la surface de la muqueuse ; leur épithélium est pavimen- teux. L’auteur, dont elles portent le nom, les considérait comme des annexes du pancréas, de même que les glan- dules buccales sont dans la bouche les annexes des glan- des salivaires. Les expériences de M. Bernard et les re- 114 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. cherches inicrographiques de M. Robin n'ont point jus- tifié ces vues théoriques ; en effet, leur suc ne décom- pose point les graisses neutres, et leurs culs-de-sac sont plus allongés que ceux du pancréas, etc. On ne doit donc pas les appeler pancréas succenturié ou accessoire du pancréas. (Robin,-Dictionnaire de Nysten.) Concluons : le suc intestinal est peu connu. Les muta- tions de la matière alimentaire ne le sont guère mieux ! Le suc intestinal est légèrement alcalin dans tout le parcours de l’intestin grêle, mais la réaction des aliments dépend essentiellement de leur nature; c’est à M. Bernard que nous devons la connaissance de ce fait intéressant . Si l’a- nimal, par exemple, s’est nourri de viande, les sub- stances contenues dans l’intestin grêle sont acides; s’il a fait usage de végétaux, elles sont au contraire alcalines. Chez un lapin, nourri de matières végétales, le chyle est clair, les intestins alcalins, les urines troubles et alca- lines; mais si on soumet ce même animal au régime de la viande, il se comporte alors comme les carnivores, chyle opaque, intestins acides, urines claires et acides. Dans toute l’étendue du duodénum, du jéjunum et de l’iléon, des matériaux sont absorbés, et on s’accorde à dire que ce sont les plus récrémenlit iels ; mais, avouons-le, la chimie est encore bien en retard sur ce sujet; elle ne nous montre pas assez clairement quelle différence il y a entre la substance ingérée intacte et celle qui a été éla- borée par le travail digestif. L’aridité et le dégoût d’un pareil travail sont sans doute la principale cause du petit nombre de résultats obtenus. ‘2° Gros intestin. — Dans ces aperçus rapides, notre intention n’est point de décrire toute la physiologie du TUBE INTESTINAL. 115 tube digestif; nous voulons seulement mettre en relief les connaissances les plus récentes et les plus certaines qui ont rapport à notre sujet. Chez l’homme, dont la nourriture est mixte, l’acidité des matières intestinales reparaît dans le cæcum, puis, peu à peu, l’alcalinité revient dans le colon à cause de la sécrétion du système glandulaire, qui est là à peu près semblable à celui de l’intestin grêle. C’est à cause de ce fait que l’on a considéré le cæcum comme un second estomac, et les follicules du gros intestin comme les analogues du foie et du pancréas. Yiridet écrivit le pre- mier cette idée dépourvue de fondement ; développée par Tiedemann et Gmelin, elle fut combattue plus tard par M. Blondlot, dans son Traité de la digestion. L’acidité du contenu cœcal est due, suivant M. Ber- nard, à l’altération des éléments amylacés, qui, après diverses transformations successives, se changent en acide lactique. L’acidité ne serait donc pas le fait d’une sécrétion spéciale. On sait peu de chose sur la digestion des matières alimentaires dans le côlon; nous avons vu déjà que, sui- vant M. Bernard, les substances azotées avaient besoin de traverser le foie pour être assimilées; du reste, Diel- fenbach avait observé, antérieurement, qu’une substance nutritive, injectée dans le bout inférieur d’un anus contre nature, soutenait mieux les forces qu’injectée dans le rectum. Les matières grasses ne sont point soumises à cette né- cessité; une grande partie est entraînée dans la circulation veineuse par les chylifères, dans lesquels le sucre, au contraire, ne s’introduit jamais primitivement, dit-on. 116 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. A ces données physiologiques, nous ajouterons quel- ques mots sur les excréments et les gaz intestinaux. 1° Excréments. — Arrivées dans le cæcum, les ma- tières ont pris une consistance plus grande et une colo- ration plus foncée à cause de l’absorption plus active des liquides et des substances incolores. Elles sont alors com- posées de tissus épidermiques, réfractaires à la digestion, de ligneux, de matière colorante des végétaux, de l’excès des graisses et des aulres aliments qui n’ont pas été di- gérés. Enfin une partie importante est constituée par les humeurs que l’animal verse dans son propi e canal digestif. Nous devons à M. W. Marcet, chimiste anglais distin- gué, une excellente analyse des matières fécales, dont voici les conclusions : 1° Une substance précipitée par la chaux donne, après traitement par l’acide sulfurique et l’éther bouillant, Vacide excrétoléique pur; 2° Dans l’eau où la chaux a formé un précipité, reste en dissolution Y excrétine; 5° Le précipité par la chaux, plusieurs fois repris par l’éther, lui abandonne une matière huileuse jaune, non encore décrite ; 4° Au moyen de l’alcool, on obtient quelquefois de Ya- cide margarique; 5° Enfin, c’est encore avec l’alcool qu'on isole la sub- stance colorante des excréments. 2° Gaz intestinaux. — Van Helmont connaissait déjà approximativement les gaz intestinaux, mais nous n’a- vons, à leur égard, des idées nettes et précises que depuis les travaux de M. Chevreul de Jurine (Mémoires de la So- TUBE INTESTINAL. 117 clé té de médecine, t. X); de Lameyran et Frémy (Bulletin de pharmacie, t. 1er); de M. Chevillot (Gaz de l’estomac et des intestins de l’homme à l’état de maladie. Thèse, Paris, 1835). Ils sont formés par de l’azote, du gaz acide carbonique, de l’hydrogène pur, de l’oxygène, de l’hydrogène protocarboné et de l’acide sulfhydrique. heur existence dans l’état de santé est incontestable, mais nous verrons par la suite quelles sont les conditions pathologiques qui peuvent en augmenter la production. Nous ne quitterons point la physiologie du canal di- gestif sans dire un mot de l’absorption qui s’y fait si activement. Absorption. — Aucune substance solide ne peut être absorbée si elle n’a été préalablement dissoute par les humeurs de l’économie. La chaux et la silice deviennent solubles grâce au sucre. Ce fait, démontré pour la pre- mière fois par M. Verdeil,a permis à ce chimiste d’expli- quer le transport et le dépôt de ces corps dans les ani- maux et les végétaux. « Le sucre, dit-il, se brûle, et la silice et la chaux, devenant alors insolubles, constituent nos os, nos dents, etc., en formant de nouvelles combi- naisons avec la matière organique. Quant aux substances réfractaires au pouvoir dissol- vant de nos sécrétions, elles ne pénètrent dans l’économie qu’en ulcérant ou divisant les tissus; mais ce n’est point là une absorption. Ainsi le charbon de bois, finement pulvérisé, offre des angles qui pénètrent facilement sous l’épithélium des muqueuses, tandis que le noir de fumée ne s’y insinue jamais. Nous pourrions citer à ce sujet les intéressantes recherches de M. Bérard, de M. Follin, sur le tatouage ; mais bornons-nous à dire que la question 118 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. semble jugée, et que la vieille idée des bouches absor- bantes est ruinée à tout jamais. Nous verrons bientôt que le développement de certains gaz empêche l’absorption des substances digérées. Un aliment dissous est, en général, susceptible d'être absorbé, mais il ne mérite point encore cependant le nom de nutriment, il n’a pas subi l’acte préparateur qui lui permettra d’être assimilé; c’est après cette opération ul- time seulement, qu’il devient apte à constituer nos mo- lécules vivantes. Pathologie du canal intestinal. Après cet examen rapide des opérations physiologiques du tube intestinal, éludions les principaux phénomènes pathologiques dont il est le théâtre. Le développement des gaz, la coloration des matières fécales, les concrétions in- testinales, nous fourniront matière à quelques remar- ques; nous y ajouterons quelques considérations sur l’action de certains médicaments, telle que nous l’a fait comprendre la chimie physiologique moderne; enfin, nous résumerons les idées principales de ce chapitre. 1°- Dyspepsie flatulente ou développement morbide de gaz dans l'appareil digestif. Nous plaçons ici quelques considérations sur celle af- fection, parce que c’est surtout dans l’intestin qu’elle siège. Si le tube intestinal contient des gaz à l’état normal, ils ne s’y trouvent jamais qu’en proportion peu considé- TUBE INTESTINAL. 119 rable; dans certains cas morbides, au contraire, ils s’y développent quelquefois d'une façon extraordinaire. On a cherché l’explication de ce fait, et on n’a pas manqué d'hypothèses ingénieuses. La membrane interne du tube digestif peut exhaler des gaz comme elle exhale des li- quides, ont dit Hunter, Portai et Bernard-Gaspard. M. Baumès partage leur opinion (Lettres sur les causes et les effets de la présence des gaz ou des vents dans les voies gastriques, Paris, 1832). D’après lui, l’irritation de la muqueuse augmente la sécrétion gazeuse; il y aurait des pneumorrhées, comme il y a des hémorrhagies; il va jusqu’à dire qu’on est quelquefois purgé en gaz au lieu de l’être en selles liquides; on conçoit avec quelle circon- spection on doit accepter de pareilles idées. Nous ne suivrons point MM. Maissiat et Bérard dans les théories qu’ils ont proposées, pour expliquer le dévelop- pement des gaz; elles sont, il est vrai, fort attrayantes, mais ne reposent sur aucune expérience positive. Nous ne sommes donc pas certains que la muqueuse puisse excréter des gaz, mais, ce que nous savons fort bien, c’est que les réactions qu’exercent les unes sur les autres les matières intestinales en engendrent fréquem- ment. Certains aliments, tels que les haricots, les pois, les fèves, etc.,sont appelés venteux avec raison. Uempansement, on le sait parfaitement, survient chez les animaux qui ont avalé une grande quantité de four- rage humide. C’est alors de l’acide carbonique qui se dégage abondamment; l’ammoniaque liquide est le re- mède par excellence. Quand l’analyse chimique aura donné son dernier mot sur la constitution des divers gaz intestinayx, on pourra 120 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE HE L’APPAREIL DIGESTIF. peut-être en pathologie admettre des dyspepsies gazeuses spéciales, et trouver un moyen eflicace de les combattre. Ainsi, dans certaines dyspepsies, qu’on pourrait nom- mer à juste titre dyspepsies sut [hydriques, il se produit beaucoup d’hydrogène sulfuré; or, on connaît mainte- nant les propriétés délétères de ce corps; on sait que son absorption amène rapidement des phénomènes d’intoxi- cation ; mais ce n’est point tout, et M. Bernard a démontré qu’il empêchait encore l’absorption des aliments ; c’est là un fait de la plus haute importance, et, s’il nous était permis de l’interpréter, nous dirions : l’acide sulfhydri- que altère la constitution du sang de la muqueuse intes- tinale; s’il se trouve en trop forte proportion, les sécré- tions de toutes les glandules sont viciées nécessairement , dès lors les aliments ne sont plus digérés, et partant plus absorbés. Ainsi s’expliqueraient ces lientéries qui coïn- cident avec un abondant dégagement d’acide sulfhydri- que; dans ces affections conçues de la sorte, une des plus importantes indications serait d’absorber l’acide sulfhy- drique. Nous verrons, en étudiant l’action du sous-nitrate de bismuth, comment on y arrive. 2° Constitution et coloration des matières fécales. Etudiées autrefois avec soin, les modifications du bol fécal passent actuellement presque toujours inaperçues, et cependant, bien mieux que tout autre symptôme, elles nous indiquent l’état des voies digestives. Dans la lien- térie, par exemple, elles nous donnent la raison de l’amai- grissement du malade, et nous aurions un long chapitre à faire pour énumérer toutes les indications qu’elles fonr- TUBE INTESTINAL. 121 nissent au médecin attentif; mais nous ne voulons ici qu’examiner certains phénomènes de coloration, dont il est bon de connaître la cause. Coloration verte. — Lorsqu’on administre du calomel, les selles sont souvent vertes; cette couleur tient à la hile, selon Higgius. MM. Mialhe et Trousseau en dou- tent, et, selon quelques chimistes, cette coloralion, jaune d’abord, ne devrait qu’à l’influence de l’air sa teinte verte, et ne serait pas due à de la matière biliaire. Mais Franz-Simon, ayant analysé les déjections alvines d’une fièvre typhoïde traitée par le calomel, y a retrouvé de la bile. Quant à Golding-Bird, il en a, au contraire, à peine retrouvé des traces dans des selles vertes, et Siebert affirme qu’il n’y en a pas. Cependant M. Blondlot soutient que la coloralion de toutes les selles est due à la bile. Golding-Bird, que nous avons déjà cité, attribue cette teinte verte à la présence de certains éléments de l’hé- matosine; Schoënlein, à leur altération. Suivant Leh- mann, elle est due à du sulfure de mercure, à un état de division extrême. Après ces affirmations et ces dénégations, il est diffi- cile d’avoir une opinion arrêtée. M. Michéa s’est aussi livré à des expériences à cet égard, desquelles il résulte que, sur six individus à qui le calomel fut administré à la dose de 0,60, quatre fois les selles furent vertes, deux fois la bile y fut reconnue d’une manière évidente; les deux autres faits sont douteux, et, fort de deux expé- riences, M. Michéa conclut : Le calomel provoque une surabondance de sécrétion biliaire! Beaucoup de praticiens accordent au calomel une grande influence dans les affections du foie; si les asser- 122 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. tions de M. Michéa sont vraies, ce médicament agirait en provoquant une sécrétion biliaire plus abondante, dés- obstruant ainsi le parenchyme hépatique; mais, d’après cet auteur, on ne trouve même pas de bile dans les selles d’individus bien portants. Comment concilier toutes ces propositions qui se heur- lent de front et se déchirent mutuellement? N’est-on point tenté de ne leur accorder qu’une valeur médiocre et de désirer leur révision complète? Encore une autre explication : Kersten, de Freiberg, ayant observé cette couleur verte chez des malades pre- nant les eaux de Carlsbad et de Marienbad, a pensé qu’elle était due à du sulfure de fer; ces eaux minérales sont, en effet, ferrugineuses, et leur sulfate de soude se com- binant à leur fer, en vertu de je ne sais quelle loi, forme- rait du sulfure de fer vert. Nous verrons, à propos du sulfure de fer noir, une explication beaucoup plus simple. Coloration noire. — Elle est due aux sels métalliques qui précipitent en noir par l’acide sulfhydrique, tels que : ceux de mercure, de plomb, de cuivre, d’argent, de bis- muth, etc. Les préparations ferrugineuses communi- quent aussi aux déjections alvines une couleur noire prononcée; ce fait a été démontré par Bonnet depuis longtemps, et ce n’est point sans étonnement que nous avons vu M. Trousseau, dans son bel ouvrage de théra- peutique et matière médicale, lui reprocher une erreur chimique, et dire que l’acide sulfhydrique ne pouvait se combiner au fer. Oui, cela est vrai, mais seulement lors- que le contact se fait dans des milieux neutres ou acides; dans un milieu alcalin, les choses ne se passent plus de TUBE INTESTINAL. 123 la même façon, et la combinaison peut s’exécuter facile- ment; c’est précisément ce qui a lieu dans l’intestin grêle et le colon; la sécrétion du suc intestinal est alcaline à l’état physiologique, et M. Trousseau ne peut dire qu’il en soit autrement à l’état pathologique. Colorations diverses. — D’après ces principes chimi- ques, nous devons rencontrer des selles diversement colo- rées, suivant qu’on aura administré à haute dose telle ou telle substance minérale; elles seront d’un jaune orangé avec les préparations antimoniales, d’un jaune serin par l’étain, roses par le manganèse, blanches par le zinc, etc. Malheureusement l’observation nous fait défaut, mais il sera facile de vérifier, par l’inspection directe, ces sup- positions, qui, tout au moins, sont fort probables. Pour reconnaître ces sulfures, le meilleur procédé est défaire des décantations successives, comme le pratique M. Ferrand; on obtient de la sorte la poudre métallique, qu’on soumet à l’analyse. Nous croyons devoir fournir ici quelques considéra- tions sur la manière d’examiner les matières fécales, non pour en faire une analyse complète, mais pour arriver à percevoir facilement quelques données utiles, et pour le diagnostic, et pour le traitement des maladies des voies digestives. La théorie indique, et l’observation démontre deux classes de composés dans les fèces. Une première portion vient des aliments, une seconde est fournie par les hu- meurs diverses, ajoutées au bol alimentaire pendant son trajet dans le tube intestinal. La répugnance, la difficulté d’un examen lorsque toutes les parties des excréments sont unies ensemble, ne permettent que rarement d’ac- 124 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. quérir, môme à un point de vue très-général, une con- naissance suffisante, pour en déduire quelques idées thé- rapeutiques. Voici, ce nous semble, une très-bonne méthode qui pourrait être employée. Indiquée par le professeur Bonnet, son application est des plus simples. Le malade irait à la selle dans un entonnoir placé sur une carafe remplie d’une assez grande quantité d’eau, alors les matières fécales se délayent; on agite, puis, après un certain temps, on les voit se déposer d’après leur ordre de pesanteur spécifique. Les matières alimentaires vont en général au fond, les mucosités surnagent au con- traire. On aperçoit distinctement, d’une part, les matériaux (jui sont habituellement réfractaires à la digestion; d’une autre part, ceux qui accidentellement ne sont plus di- gérés chez le malade soumis à votre investigation. Parmi les premiers, vous trouverez : 1° Les graines entières que leur enveloppe épidermi- que a protégées ; 2° Des particules résistantes de tissus animaux, liga- ments, tendons, etc. ; 5° Des fragments d’os ; 4° Des parties colorantes de végétaux (chlorophylle). Chez l’homme, le fait est des plus évidents après l’inges- tion des épinards; 5° L’excès des matières grasses. S’il y a imperfection digestive, souvent vous rencontre- rez des fragments de légumes qui passeront intacts, des morceaux de viande. Examinez si les matières féculentes ont subi la transformation amidonnée et sucrée. Ou reconnaîtrait facilement si le malade est atteint de TUBE INTESTINAL. 125 calculs biliaires ; la poussière de cholestérine se rendant au fond de la carafe, en décantant, on recueillerait le produit pour le soumettre ensuite à une analyse plus complète. Ce simple examen physique peut permettre, comme nous venons de le voir, de percevoir dans bien des occa- sions des signes importants. Pour arriver ensuite à une connaissance plus approfondie, il serait alors nécessaire d’en venir à une analyse chimique complète. De tels dé- tails sortiraient du cadre que nous nous sommes pro- posé. Gaz intestinaux. — Nous avons énuméré autre part les divers gaz qui peuvent se rencontrer dans le tube di- gestif; est-il possible d’en apprécier la nature? Très-cer- tainement! Le malade plongé dans le bain, il serait facile, en effet, de les recueillir, puis l’analyse pourrait en être faite. Un examen beaucoup plus simple peut aussi vous donner des renseignements utiles. Yan Ilelmont le connaissait déjà à une époque cependant où la chimie était encore bien dans l’enfance. « Piuctus sive flatus originalis in stomacho, prout et flatus ilei extinguunt flammam candelæ; flatus autem stercoreus qui in ultimis formatur intestinis, atque per anum erumpit transmissus per flammam candelæ trans- volando accenditur ac flammam diversis coloris, iridis instar exprimit. » Dans les gaz qui éteignent la lumière, ne reconnaissez vous pas l’acide carbonique et l’azote; dans ceux qui prennent feu à la bougie les divers hydrogènes : hydro- gène pur, hydrogène carboné, hydrogène sulfuré? 126 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Ce dernier peut encore plus facilement être apprécié par l’odeur. Or, dans ces diverses circonstances, le mé- decin trouvera l’indication de préparations spéciales. La magnésie, le charbon ont souvent réussi pour ab- sorber l’acide carbonique. Nous connaissons déjà l’action du sous-nitrate de bismuth pour décomposer les hydro- gènes sulfurés. 3° Concrétions intestinales. Si les humeurs sécrétées par le canal digestif s’accu- mulent et se dessèchent, elles peuvent former ce qu’on nomme calculs stercoraux. Quelquefois un corps étranger leur sert de noyau. Une alimentation exclusivement vé- gétale y prédispose; ainsi, Robert Turner (Union médi- cale., 1851) cite l’observation d’un individu qui se nour- rissait d’avoine seulement, et qui en fut affecté plusieurs années de suite. Son alimentation l’assimilait aux her- bivores, chez lesquels ces concrétions sont fréquentes, et peuvent, sous le nom de bézoards, acquérir un volume considérable. Dans d’intéressantes communications faites à l’Acadé- mie des sciences (Gaz. hebdom., 1855), M. Jules Cloque! fait remarquer l’analogie frappante qui existe entre ces productions pathologiques, se développant à la surface des muqueuses, et les enveloppes calcaires dont s’entou- rent les animaux inférieurs, grâce à une sécrétion épi- dermique. La composition est la même, c’est toujours une matière organique, intimement combinée avec du phosphate et du carbonate de chaux. TUBE INTESTINAL. 127 4° Recherches sur l'action de quelques médicaments. La médecine physiologique ne doit pas s’occuper seule- ment d’arriver à un diagnostic rigoureux et de poser des indications thérapeutiques, elle doit aussi chercher les moyens de les remplir. C’est une voie nouvelle et fé- conde, dans laquelle peu d’hommes se sont encore enga- gés; rendons cependant justice à M. Mialhe qui le premier a montré tout le parti qu’on pouvait espérer de l’application de la physiologie à l’action des remèdes. Quelquefois, il est vrai, cédant à son imagination, il s’est laissé entraîner à construire des théories plus brillantes que solides, mais il a néanmoins enrichi l’art de guérir de précieuses dé- couvertes dont les esprits non prévenus lui tiendront compte. C’est ainsi qu’il a démontré, dès 1848, que les médi- caments n’agissent pas en vertu de la quantité ingérée, mais en vertu de celle qui se dissout. Tout corps insolu- ble est un corps inerte; nous savons que le charbon ne pénètre point dans nos tissus, s’il n’offre pas des angles aigus pour les diviser. Un remède insoluble dans l’eau ne se dissout dans l’organisme qu’à la faveur de nos humeurs ou de certains sels; lorsqu’il est ingéré, il ne trouve pas toujours les conditions propices à une prompte dissolution, alors il s’accumule, s’arrête dans les replis intestinaux. Viennent des conditions différentes, la dis- solution s’opérera rapidement, et des accidents redouta- bles pourront en être la conséquence; un médicament donné dans l’intervalle peut en être le point de départ. On administre, par exemple, plusieurs doses’ successives 128 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L'APPAREIL DIGESTIF. de protoxyde d’antimoine, il y a accumulation ; le malade prend de la limonade tartrique, et il se forme brusque- ment un tartrate antimonique, dont l’action peut deve- nir funeste. De même pour l’iode donné avec le calomel. Ces faits bien connus démontrent incontestablement que dans nos organes, comme dans nos laboratoires, cer- taines combinaisons doivent nécessairement s’effectuer; ils font facilement comprendre comment les médica- ments à doses fractionnées agissent plus efficacement qu’en une seule dose; dans ce dernier cas, les sels de l’économie ne sont pas toujours en suffisante quantité pour une transformation complète. Allant plus loin, M. Miallie explique certaines idiosyn- crasies par la variabilité de la quantité des sels qui peu- vent dissoudre le médicament insoluble. Les marins, par exemple, mangent beaucoup de chlorure de sodium, et certains médecins de marine se sont vus obligés de ban- nir de leur médication le calomel, à cause des accidents qu’il provoquait cliez leurs malades; le chlorure sodique est, en effet, l’agent de la dissolution du proto-chlorure de mercure; il a produit un chlorure double de sodium et de mercure. Dans fUnion médicale de 1848, M. Miallie, étudiant faction des alcalis et des acides, cherche à établir que l'usage des alcalins n’est presque jamais nuisible, excepté cependant chez les campagnards, qui, suant beaucoup, font de grandes déperditions de substances acides, que leur alimentation végétale ne suffit point à remplacer; mais, en général, l’administration des alcalins ne peut entraîner des accidents aussi rapides que celle des acides. De la prédominance des acides résultent le pyrosis, la TUBE INTESTINAL. 129 gravelle, la goulte, le scorbut, le diabète. Ces affections doivent être fréquemment attribuées, à une alimentation exclusivement azotée, qui fournit à l’économie du phos- phore et du soufre, lesquels, se transformant en acide phosphorique et sulfurique, saturent les bases et s’oppo- sent aux actions organiques, et au repos qui permet l’ac- cumulation des acides en empêchant les sueurs, voies na- turelles de l’excrétion des acides sudorique et sébacique. Ces idées humorales ont assurément quelque chose de spécieux ; les riches qui sont surtout affectés de la gra- velle et de la goutte, réunissent en effet plusieurs des conditions que nous venons d’énumérer : repos, boissons acides, vins, alimentation azotée. Le froid, en supprimant la sueur, amène souvent la ré- cidive du diabète et de la goutte. Recherches théoriques et pratiques sur les purgatifs. — M. Mialhe a publié, sous ce titre, un excellent travail, dont nous allons exposer une briève analyse. 1° Les purgatifs résineux exigent, pour sé dissoudre dans l’économie, un milieu alcalin. Si les boissons acides ne s’opposent pas à leur dissolution, comme le prétend M. Villemin, cela tient à ce qu’elles sont absorbées avant que les résines aient déjà produit leur action; et, pour preuve, les selles sont alcalines, lors même qu’on administre des boissons acides. On ne doit donc pas don- ner les purgatifs résineux associés à des alcalins, sous peine de les voir agir dans l’estomac et produire des nau- sées et des vomissements. Ils portent spécialement leur action sur le gros intestin, où ils rencontrent des sucs alcalins propres à leur dissolution; mais ces sucs ont une limite d’action, les hautes doses sont donc inutiles. Si 130 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE UE L’APPAREIL DIGESTIF. vous voulez augmenter leur énergie, unissez-les aux al- calins, tout en vous souvenant qu’ils exposent aux nau- sées et aux vomissements. Chez les personnes irritables, nous engageons d’unir les purgatifs résineux aux acides, pour éviter les troubles des premières*voies. 2° L’ordre des purgatifs résineux, telsquela scammonée, le jalap, etc., se dissolvait dans les sucs alcalins ; la ma- gnésie se dissout, au contraire, dans les acides; le sucre, associé avec elle, agumente son action par l’acide lactique qu’il produit; l’action est également plus efficace dans le cas de pyrosis. Si les purgatifs donnés à propos raniment les fonctions digestives languissantes, c’est en soustrayant de l’albu- minose à l’économie et ravivant ainsi le circuit orga- nique. 5° MM. Mialheet Poiseuille pensent que les purgatifs sa- lins, et spécialement le sulfate de soude ou de magnésie, agissent par endosmose sur le sérum sanguin des capil- laires; la dissolution saline ayant un équivalent endos- motique très-puissant, le courant devrait aller des ca- pillaires vers l’intérieur du tube digestif. Les expériences de Magendie, annihilent cette hypothèse. Depuis long- temps cet illustre physiologiste a vu que le sulfate de soude était absorbé, lorsque le sang circulait dans les ca- pillaires, et qu’il n’y avait pas d’exosmose. Les choses se passent tout autrement, si l’on interrompt la circulation, en plaçant une double ligature sur une veine. Mais ces conditions d’expérimentation, telles que les avail choisies Cloëtla, ne prouvent rien en faveur de l’action présumée du sulfate de soude comme purgatif. Les expériences de Mialhe et de Poiseuille ont été faites sur des membranes non vivantes : c’est assez dire combien il faut se mettre en garde contre les conclusions qu’ils en tirent; toutefois elles ont fourni à M. Poiseuille des résultats assez inté- ressants : ainsi l’hydrogène sulfuré et les sels de morphine détruisent la propriété endosmotique des membranes, et c’est à cette propriété que M. Poiseuille attribue l’effica- cité des préparations d’opium pour arrêter la diarrhée. En résumant le mémoire de M. Mialhe, nous voyons que les purgatifs agissent en raison de leur solubilité, de leur propriété coagulante, de l’endosmose, de la rapi- dité des réactions chimiques secondaires, en présence des alcalis et des chlorures, en raison d’une irritation locale toute mécanique, de la part des substances inso- lubles. On peut donc, d’après ces considérations, les diviser en purgatifs : 1° Qui exercent leur action sur toute l’étendue du tube digestif; huile de Croton, matières salines, calomel; 2° Qui possèdent un effet localisé ; la magnésie dans l’estomac, les résines et la plupart des huiles dans les in- testins ; 3° Qui ont un effet évacuant spécial ; calomel, véra- trine, etc. L’effet des divers purgatifs une fois bien déterminé, on instituera dès lors facilement son choix, suivant qu’on voudra purger rapidement ou lentement, violemment ou doucement; agir sur le sommet ou sur la partie inférieure du tube digestif. Il est donc fort important de connaître l’action intime des médicaments sur l’organisme, et bien différent de s’ap- puyer sur des principes de physiologie expérimentale, ou TUBE INTESTINAL. 131 132 de s’adonner à des hypothèses erronées et à une routine empirique. Action physiologique et thérapeutique du sous-nitrate de bismuth. — Ce médicament, introduit dans la pratique pai Bretonneau, de Tours, doit la réputation dont il jouit à M. Trousseau, et surtout à M. Monneret, qui Ta vanté dans plusieurs publications. M. Lussana a étudié ses effets sous un point de vue tout à fait nouveau; les ré- sultats de ses recherches ont été consignés dans la Gazette médicale, de Toscane; voici ses principales conclusions : 1° Le sous-nitrate pur ne détermine pas d'irritation intestinale. (Mal préparé, il peut contenir de l'arsenic) ; 2° Il n’a pas d’action sur la diarrhée tuberculeuse ou mésentérique; 5° Les matières fécales prennent une teinte noire, due à la formation du sulfure de bismuth, et tout en conser- vant leur caractère diarrhéique, elles perdent un peu de liquidité par suite de leur mélange avec la poudre médi- camenteuse; 4° Ce sel est en partie assimilable; 5° Les acides de l’estomac le rendent soluble, mais il ne se dissout pas dans les intestins, où les sécrétions sont alcalines; 6° S’il ne passe point dans les urines, c’est que dans l’économie il se trouve ramené à l’état insoluble par les chlorures alcalins, et ne peut franchir les émonctoires. 7° Dans l’économie, il produit des effets colliquatifs et scorbutiques; tout porte à croire qu'il exerce une action dissolvante sur le globule sanguin, comme les chlorures alcalins, qui sont des agents de fluidification; 8° Lorsqu’on voudra qu’il ne soit pas absorbé, et qu’il PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. TUBE INTESTINAL. 133 n ait pas d’action funeste, il faut l’associer à un alcalin, la magnésie calcinée, par exemple, les acides de l’esto- mac seront neutralisés et ne le dissoudront pas. 11 y a là plusieurs erreurs qu’il importe de relever ; et d’abord, cette vieille hypothèse de la neutralisation du suc gastrique par un alcalin est ruinée à tout jamais, nous l’avons précédemment démontré. Quant à la pré- tendue fluidification du sang, elle tient vraisemblable- ment à la présence de l’arsenic dans le bismuth du médecin italien, car, nombre de fois, nous avons vu admi- nistrer ce médicament à la dose de 1 à 30 grammes, et nul accident n’en fut jamais la conséquence, malgré la durée de son emploi. Le bismuth est-il absorbé, puis assimilé? Nous ne pourrions le dire, manquant d’expériences posi- tives, et nous regardons l’assertion de M. Lussana à cet égard comme dénuée de preuves convaincantes. M. Trousseau pose dans les termes suivants les indica- tions thérapeutiques de ce sel : « Le sous-nitrate de bis- muth convient aux personnes dont les digestions sont ha- bituellement laborieuses, et accompagnées d’éructations nidoreuses et de tendance à la diarrhée. Quand les éruc- tations sont acides, ou qu’il n’y a que des flatuosités ino- dores, le médicament échoue presque toujours. » Telles doivent être, suivant nous, les justes limites de ses applications. Nous considérons, avec Bonnet, de Lyon, le sous-nitrate de bismuth comme un médicament inerte, doué seulement de la propriété d’absorber l’acide sulfhy- drique, et très-efficace, par cela même, pour neutraliser les effets délétères de ce poison gazeux, c’est un désin- fectant du tube intestinal, qu’on nous passe l’expression. En étudiant les gaz intestinaux, nous avons déjà exposé 134 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE HE L’APPAREIL DIGESTIF. comment nous comprenions son action ; nous ajouterons ici que la fétidité des selles est un indice précieux pour en régler les doses, de même que l’odeur sulfurée des vents intestinaux ; on augmentera la quantité progressi- vement, jusqu’au moment où toute mauvaise odeur aura disparu. Mieux vaut une idée chimique démontrée qu’une assertion médicale sans preuve ! Ces idées nous les avons émises et imprimées depuis longtemps (1855) ; elles nous semblaient passées dans le domaine médical, et cependant aujourd’hui môme, 22 no- vembre 1860, nous voyons, dans la Gazette des Hôpitaux, MM. Piorry et Hoffmann proposer le sous-nitrate de bis- muth comme un nouveau moyen d’absorber l’acide suif- hydrique et de désinfecter l’intestin. Action du feu dans l’économie. — Entraînés par l’ordre que nous nous sommes tracé, nous donnons ici ces con- sidérations, qui trouveraient mieux leur place, peut-être, après l’étude de la nutrition. La propriété du fer d’accroître la richesse du sang peut se concevoir de trois manières : 1° Le fer absorbé irait s’ajouter à chaque globule con- sidéré isolément, et augmenter ainsi leur richesse indi- viduelle; 2° Le fer rendrait la masse alimentaire plus absorbable; ou bien, absorbé, il stimulerait, par l’intermédiaire du système nerveux, l’organisme, qui deviendrait ainsi de plus en plus apte à s’approprier les principes nutritifs des aliments; 5° Le fer administré comme médicament permet l’ab- sorption du fer contenu dans les aliments. Disons-le de suite, ce sont-là de vaines hypothèses ! TUBE INTESTINAL. 135 Aussi, quelle différence entre leur résultat et les données lucides de la physiologie expérimentale! On sait mal, jusqu’à ce jour, quelle forme chimique revêt le fer dans sa combinaison avec le sang. Tandis que les uns lui refusent d’entrer dans la matière colorante, M. Hétet (Journ. des Gonn. médic., tom. V, page 35, 1851-52) fait dépendre la couleur rouge des sulfo- cyanures alcalins qui absorbent l’oxygène. Le tableau suivant donnera une petite idée des discus- sions que soulève cette question. Mulder. Brande. Vauquelm. Welb Sanson. Scherer. Van Gondiever. Le fer ne fait pas partie de la matière colorante du sang Berzelius. Engelhart. Le Canu. Robin etVerdeil. Il est partie intégrante et nécessaire de la matière colorante du sang Denis. Liebig. Mialhe. Il s’y trouve à l’état d’oxydation. Sous forme de sulfo-cyanure. Persoz et Hétet. Combiné avec les autres éléments des globules sanguins Berzelius. Mulder. Le Canu. Telles sont les connaissances douteuses que la chimie pure nous a fournies, en étudiant le fer dans l’organisme. La physiologie a été plus féconde en résultats. (Voir Arch. de Phys, et Thérap1854, octobre, n° 2.) 1° Si on ingère une substance ferrugineuse insoluble, 136 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. la quantité dissoute et absorbée dépendra de la propor- tion du suc gastrique sécrétç; l’efficacité est donc va- riable et infidèle. 2° Si la préparation ferrugineuse est soluble, de deux choses l’une : ou elle est précipitée par nos humeurs, comme le chlorure de fer, le sulfate, etc., et alors elle rentre dans le cas précédent; ou bien elle n’est point précipitée, et peut être absorbée directement, tels sont le tartrate de fer et de potasse, le lactale de fer, le pyro- phosphate de fer et de soude; alors son emploi constitue une médication précieuse, sur laquelle on peut compter. En résumé, il semble, au premier abord, que l’in- lluence des découvertes modernes ait dû être immense pour le traitement et pour le diagnostic des maladies du tube digestif; malheureusement, ici plus que partout, les hypothèses ont été nombreuses, et Y ingéniosité a trop sou- vent présidé, plutôt que la vérité, à la confection des théories. L’avantage qui cependant en résultera peut s’ap- précier de la manière suivante : 1° Connaissant mieux le fonctionnement des diverses parties de l’appareil digestif, nous saurons trouver plus sûrement le point affecté. Ainsi, le malade digère-t-il mal, surtout la viande? c’est le rôle de l’estomac qui sera le plus compromis; sonl-ce les matériaux graisseux, au contraire? c’est 1 e pancréas qui se trouvera surtout lésé. Il n’y a qu’un pas de là pour en déduire telle ou telle alimentation dans un cas spécial. 2° On classera plus exactement les dyspepsies. Depuis longtemps, Cullcn d’abord et Gendrin après, dans son Traité de médecine pratique, avaient tenté un mouvement dans cette direction ; mais, mal renseignés par la physio- TUBE INTESTINAL. 137 logie de leur temps, sur la nature du travail digestif, ils n’avaient pu analyser assez complètement cette classe pathologique. Ainsi, M. Gendrin se contente d’énumérer les dyspepsies muqueuses, les dyspepsies acescentes ou cardialgiques. Nul doute qu’il ne faille désormais agrandir ce cadre en les divisant, soit au point de vue de la partie dont la fonction est lésée, soit au point de vue de la qua- lité des produits vicieusement sécrétés. Ainsi, déjà on peut décrire : la dyspepsie gastrique, la dyspepsie flatulente, la dyspepsie pancréatique, la dys- pepsie biliaire. Nous avons signalé antérieurement, dans les dyspepsies gastriques : 1° celles par surcharge alimentaire ; 2° celles par perversion île sécrétion; 5° celles par absence plus ou moins complète de sécrétion normale. Aucun auteur, jusqu’à présent, n’a décrit encore la dyspepsie suif hydrique. 3° Plus instruit sur la nature chimique des produits de l’économie, le médecin devra examiner, plus attentive- ment qu’on ne l’a fait à notre époque, la composition des matières excrétées et principalement des matières fécales. Il y a là toute une nouvelle séméiotique à créer, si l’on veut perfectionner l’élude des maladies du tube digestif. Les anciens avaient, peut-être plus que nous, pressenti toute l’importance de pareilles recherches. On comprend seulement qu’ils ne pouvaient atteindre au degré de notion exacte auquel nous sommes maintenant arrivés. 138 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. CAPSULES SURRÉNALES. Ces petits organes étaient depuis longtemps délaissés des médecins et des physiologistes, quoique Bartholin eût prétendu qu’ils étaient le réservoir de Yatrabile. Les tra- vaux récents d’Addison les ont tirés de leur obscurité, et cliniciens et expérimentateurs ont rivalisé de zèle pour leur assigner un rôle physiologique et pathogénique. Di- sons de suite notre pensée : l’ensemble de toutes les recher- ches anatomo-pathologiques démontre bien une curieuse coïncidence entre la maladie bronzée et l’altération des capsules surrénales; les expériences de Brown-Sequard prouvent bien leur importance vasculaire et nerveuse, mais rien n’est encore certain pour leurs fonctions, et la coloration pigmentaire de leur cavité est assurément ce qui a donné l’éveil pour leur attribuer la maladie bronzée. Maladie d’Àddison. Suivant Addison, l’altération des capsules surrénales amènerait la maladie bronzée, comme l’altération des reins amènerait l'albuminurie, et l’altération des glandes vasculaires la leucémie de Virchow. Ce médecin anglais proposa la dénomination de peau bronzée (bronzed skin) dans un mémoire publié à Lon- dres en 1855 (on the constitutional and local effects of disease of the suprarénal capsules) ; et M. Trousseau pro- posa de l’appeler maladie d’Addison, en l’honneur de celui qui l’a décrite le premier. L’affection est caractérisée par la coloration bistrée de CAPSULES SURRÉNALES. 139 la peau et une altération du sang qui offre des rapports avec la leucémie, et qui s’accompagne d’un état cachec- tique grave, souvent au-dessus des ressources de l’art. Dans la plupart des cas de peau bronzée, on a trouvé une altération des capsules surrénales ; les seuls faits con- nus en opposition avec cette règle sont ceux de Peacock (1855) et de Puech (1856), et encore, suivant M. Vidal, qui a publié sur ce sujet un intéressant mémoire, ils peuvent soulever plus d’une objection. J’ajouterai encore un fait de M. Charcot, quoique le microscope lui ait dé- montré d’abondantes granulations dans les capsules; j’ai toujours remarqué ces granulations à l’état normal; elles sont également indiquées par Kollicker. Mais si les faits de peau bronzée sans maladies des capsules surrénales sont rares ou douteux, il n’en est pas de même des cas d’altération des capsules surrénales sans changement de couleur de la peau, sans anémie, etc. C’est ce qui résulte des travaux de ltayer (Recherches anatomo-pathologiques sur les capsules surrénales, dans l'Expérience, 1857), et même d’Addison. M. Dechambre, à ce sujet, fait juste- ment remarquer qu’il n’est point nécessaire que l’altéra- tion des capsules surrénales amène toujours la peau bronzée, du moment qu’il serait bien prouvé qu’elle l’a- mène quelquefois, car un abcès du foie n’amène pas tou- jours la jaunisse. Hutchinson est un de ceux qui se sont le plus occupés de la nigritie accidentelle (Medical Times, 1855). Dans la plupart des cas où l’autopsie fut faite, on trouva l’altération des deux capsules surrénales. Il faut bien savoir qu’il est certains faits de peau plombée qu’il ne faut pas confondre avec la couleur bistre de la peau bronzée. 140 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. Considérant l’ensemble des observations publiées, M. Vidal conclut qu’il doit y avoir une altération spé- ciale des capsules surrénales, tubercules, abcès, dégéné- rescence graisseuse, toutes les fois que la peau offre la coloration caractéristique. M. Tigris a prétendu (1855) que la nigritie ou maladie bronzée dépendait d’une altération de la rate. Le sang ayant perdu ses propriétés hématosiques, laisserait dé- poser son carbone dans les tissus. 11 est probable qu’il a confondu la maladie bronzée avec la rate noire ou méla- némie, affection sur laquelle Fuehrer a fait des recher- ches (1856), et dont nous dirons quelques mots. Expériences physiologiques. Pour les fonctions des capsules surrénales, la patholo- gie a devancé la physiologie, et, si elle a dit vrai, elle l’a éclairée. Ces organes sont relativement plus volumineux chez le fœtus ; loin de diminuer après la naissance, ils augmentent en poids suivant Brown-Sequard. Leur ri- chesse anatomique en nerfs et en vaisseaux peut faire augurer qu’ils jouent un certain rôle dans l’hématose. D’après le physiologiste que nous venons de citer, ils sont essentiels à la vie, et les animaux à qui on les a enlevés meurent avec des troubles de la circulation et de l’innervation, tels que des convulsions. L’auteur pense qu’il est en droit d’attribuer les accidents survenus après ses expériences à l’ablation seule des capsules. Le sang paraît alors se charger de principes toxiques. Mais les expérimentateurs qui sont venus après sont loin d’attacher une pareille importance à ces petits or- ganes. DU REIN. 141 Déjà, en d 854, M. Gratiolet avait enlevé les capsules à des cochons d’Inde sans amener la mort. Quand elle ar- rivait, c’était à cause des troubles inflammatoires. MM. Philipeaux et Yulpian firent également, en 1856 et 1857, de nombreuses extirpations de capsules surré- nales, et leurs conclusions furent les mêmes. A Turin, les expériences de MM. Berruti, Perosino et Peyrani ne fournirent pas de résultat positif; d’autre part, M. Martini a trouvé l’absence des capsules surré- nales chez un homme albinos. La plupart des anatomistes sont d’accord que ces or- ganes sont plus volumineux chez les nègres. M. Cru- veilhier ne partage pas cette manière de voir. On comprend qu’au milieu de toutes ces opinions di- vergentes et contradictoires, la physiologie des capsules surrénales ait eu de la peine à se constituer. Suivant M. Brown-Sequard, elles sont destinées à détruire le pig- ment charrié par le sang; comment, dans cette hypo- thèse, expliquer leur volume chez le nègre? Les recherches physiologiques n'ont donc amené qu’un résultat fort douteux, tandis que l’étude pathologique a au moins démontré une coïncidence fréquente, sinon constante, entre la peau bronzée et l’altération des cap- sules surrénales. DU HEIN. Doué d’une incessante activité, le rein joue un rôle important dans l’élimination des principes inutiles à l’or- ganisme. Il partage, avec le poumon et la peau, l’excré- tion de l’eau, et, de meme que ces deux organes, il 142 rejette un acide particulier; mais, de plus, il est spéciale- ment chargé de débarrasser le corps du résidu des maté- riaux azotés. A la vérité, ces trois grandes surfaces d’élimination présentent des analogies; mais combien sont plus grandes les différences ! Le poumon absorbe et rejette ; mais son action s’exerce seulement sur les substances volatiles : la vapeur d’eau, l’acide carbonique, l’étber, les gaz, l’acide sulfbydrique ; les matières odorantes volatiles : l’odeur de l’ail. C’est une porte d’entrée en même temps que de sortie; c’est un puissant moyen de communication de l’être humain avec le monde gazeux. Quant au rein, sa mission est toute différente. 11 agit à l’abri, pour ainsi dire, des influences du dehors; il est chargé de maintenir un exact équilibre dans l’état des liquides de notre corps, équilibre de pression, équilibre de quantité, équilibre de composition chimique. Certains corps odorants choisissent seulement la voie urinaire pour s’éliminer : ainsi la térébenthine, le copahu, l’aspa- ragine. La peau est chargée d’éliminer certaines matières grasses et la sueur. Son rôle paraît surtout destiné à maintenir l’équilibre de température. Si le froid extérieur agit sur elle, elle resserre ses pores pour concentrer au- dessous d’elle la chaleur des réactions intimes de l’orga- nisme. Si la chaleur est intense, elle dilate ses millions d’orifices, qui, semblables à des soupapes de sûreté, ver- sent au dehors la vapeur qui provient de l’excrétion su- dorale, et qui tempère par son évaporation la température de nos organes. PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. SÉMÉIOLOGIE DES URINES. 143 SÉMÉIOLOGIE DES URINES. A toutes les époques on a attaché une grande impor- tance à l’examen des urines, et cela ne doit point sur- prendre si l’on réfléchit à l’origine de ce liquide. 11 est en quelque sorte, dit M. Bernard, le détritus résultant des phénomènes de chimie intime qui s’accomplissent dans notre organisme. Il est aussi naturel de juger par sa constitution de la nature des actes nutritifs qu’il le serait de juger ce qui se passe dans un fourneau, par la nature des produits que laisse échapper sa cheminée. Le pro- blème est complexe, nous l’avouons, mais son étude a déjà fourni plus d’un résultat avantageux à la pratique, ainsi que nous allons tenter de le démontrer. A l’inspection du liquide urinaire, il est souvent per- mis de reconnaître certaines maladies et de déceler cer- tains troubles de la nutrition organique. Autrefois, sans doute, on n’ignorait pas l’importance de l’examen des urines; Hippocrate avait tracé la voie. En décrivant cha- que maladie, il ne manquait jamais d’indiquer l’état des urines. Il fut imité par tous les médecins jusqu’à nos jours; mais ce furent surtout les caractères physiques qui attirèrent l’attention, et leurs données, faciles à per- cevoir, n’ont pas malheureusement de grandes consé- quences pratiques. Parmi les médecins qui cherchèrent à scruter plus profondément les phénomènes de la mala- die par l’examen de l’urine, se place en première ligne Van Helmont, qui fut bientôt suivi par Bayle, Bellini et Bœrhaave. Eh bien, malgré le génie de ces savants, la science de leur époque n’était pas assez avancée, et tous 144 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. leurs travaux furent frappés de stérilité. Ce n’est que de- puis les travaux chimiques de Thénard, de Proust, de Berzelius, que la science médicale acquit à ce sujet des connaissances utiles. Nysten, un des premiers, fit des recherches d’un cer- tain intérêt; bientôt il eut de nombreux imitateurs. On connut mieux dès lors pourquoi l'urine, habituellement acide, devenait parfois alcaline; on étudia la glycosurie, l’albuminurie, maladies à peine soupçonnées, et l’urémie, qui n’était point connue. Parfois, il est vrai, on se lança dans des hypothèses peu scientifiques à propos de l’urine des goutteux, par exemple, mais ce furent de légers écarts qui n’arrôtôrent point le progrès. Actuellement, on peut le dire, l’examen physique et chimique des urines nous fournit d’utiles enseignements sur plusieurs états morbides; toutefois l’importance séméiotique est bornée, et Yuromancie est aujourd’hui reléguée dans la médecine clandestine des charlatans de bas étage. Passons en revue les principaux caractères de la sécré- tion urinaire et les modifications que la maladie leur im- prime. Coloration. — Ce phénomène préoccupait surtout les anciens. L’urine doit sa couleur ambrée plus ou moins prononcée à un principe appelé uroxanlhine. J’ai essayé de démontrer, dans un autre travail, que c’était par le rein que s’éliminait en partie la matière colorante du sang ou hématine, lorsqu’elle était altérée. Cette explica- tion rend compte de la teinte plus prononcée des urines dans les affections fébriles et inflammatoires, où l’activité circulatoire est plus considérable. Le rein, nous l’avons dit, est un des organes chargés de maintenir en équilibre SÉMÉIOLOGIE DES URINES. 145 les principes du sang; chaque fois que cet équilibre tend à se rompre, l’urine doit le trahir par un signe quel- conque. Mais, à ce sujet, nos connaissances sont fort im- parfaites. En même temps que l’urine se fonce en cou- leur, elle devient plus acide, elle prend une odeur et une densité plus fortes ; elle est moins abondante, paraît plus concentrée, parce que la sécrétion de l’eau par les reins est en moindre proportion que Ja sécrétion des principes solides. L’acide urique augmente et les sels diminuent. On trouve plus de substances extractives et moins d’uréé; on a constaté rarement la présence de l’acide lactique. Quelquefois les urines sont troubles et jaunâtres. Cet état est dû ou bien à du pus, dans les cas de cystite chro- nique, ou bien à une sécrétion épithéliale exagérée, ou bien encore à de la graisse, comme dans les urines chy- leuses. Le microscope a jeté sa lumière sur ces divers états physiques, qu’il est possible d’attribuer actuelle- ment à leur véritable cause, au lieu de se lancer comme autrefois dans des suppositions plus ou moins dénuées de fondement. On a vu quelquefois des urines bleues. Dranty, Cas- tara en ont cité des observations. J’attribue cette colora- tion non point au principe particulier, appelé cyanourine, par Braconnot, mais à l’élimination plus abondante de l’hématine modifiée. Les cas en sont actuellement trop rares pour qu’il soit possible d’établir les troubles de l’é- conomie en rapport avec leur apparition. Nous manquons de renseignements exacts sur ce qu’IIippocrate appelait les urines noires, coloration à la- quelle il paraissait attacher une certaine importance ; il 146 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. est probable que ce phénomène était produit par le mé- lange d’une certaine quantité de sang. Dans la jaunisse, les urines contiennent de la bile. Enfin les urines sont quelquefois complètement inco- lores. Cette particularité se rencontre, entre autres, dans la polydipsie et dans certains troubles nerveux, dans l’hystérie, l’épilepsie, dans l’hypochondrie ; ce sont les urines nerveuses. Dans l’anémie, les urines sont pales, et d’une réaction faiblement acide. Elles contiennent alors moins de prin- cipes organiques et plus de principes minéraux. Cette absence de coloration n’est-elle point une preuve nou- velle, que l’uroxantbine est l’élimination de l’hématine altérée; les anémiques ont, en effet, un sang peu riche en principes colorants. Quantité. — Elle est excessivement variable, suivant une foule de circonstances, dont la plupart sont faciles à déterminer. Le froid, qui gène la transpiration cutanée; les boissons abondantes, qui accroissent la tension du système circulatoire, augmentent la sécrétion urinaire. Poiseuille, se plaçant à un point de vue presque exclusi- vement physique, explique, par cette augmentation de tension, l’action diurétique du nitre et de l’acétate d’am- moniaque. Là encore le rein est un organe d’équilibra- tion, de pression sanguine. Certains états nerveux exer- cent de l’influence sur la quantité d’urine; nous aurons occasion d’y revenir à propos des expériences de M. Ber- nard sur l’albuminurie. Les urines présentent encore certains caractères qui sont tellement accessoires que nous pourrions les passer sous silence : SÉMÉIOLOGIE DES URINES. 147 L’odeur est plus ou moins forte, suivant les conditions diététiques auxquelles l’individu est soumis. C’est par les urines que ce fait l’élimination dé certains principes odorants, tels que l’asparagine, la térébenthine. M. Beau- vais a fait des recherches intéressantes sur la perte de cette propriété éliminatrice dans les cas d’albuminurie. Il semblerait y avoir un rapport entre la rétention dans le sang de ce principe odorant et celle de l’urée, qui s’ob- serve en même temps. Quand l’urine est ammoniacale, c’est une preuve de maladie de la vessie, sous l’influence de laquelle l’urée s’est décomposée. Saveur. — Assez de moyens d’investigation sont entre les mains des médecins pour qu’il leur soit désormais inutile de recourir à ce procédé dégoûtant. Toutefois les urines, dans certains cas, n’ont pas de saveur désagréa- ble, et nous avons vu un malade affecté de diabète insi- pide, qui urinait jusqu’à quarante litres en vingt-quatre heures, préférer, pour boisson, son urine aux tisanes et à l’eau de la pompe de l’hôpital où il était soigné. Pesanteur spécifique. — Les proportions d’eau et de substances solubles sont trop sujettes à varier pour qu’il nous soit possible de tirer quelque induction pratique de la pesanteur spécifique, même éprouvée comparati- vement chez le même individu. Aussi les aréomètres, même les plus ingénieux, lors môme qu’ils sont destinés à apprécier la quantité d’albumine, ne seront jamais mis en usage que par leurs inventeurs. Constitution chimique de l’urine. — Nous avons passé en revue les caractères physiques de l’urine, et nous avons essayé de démêler leur valeur séméiologique dans 148 PHYSIOLOGIE ET PATHOLOGIE DE L’APPAREIL DIGESTIF. la connaissance des maladies; la moisson, avouons-le, n’a pas été fort riche. L’analyse chimique nous paraît plus fertile en résultats, elle nous semble avoir résolu plu- sieurs problèmes pathologiques pour le présenl, et sem- ble, pour l’avenir, devoir être moins féconde. Nous choi- sirons pour sujet de notre étude les modifications des principes les plus importants qui peuvent se rencontrer dans le liquide urinaire. Ce sont les sels, l’urée, le su- cre, l’albumine et la graisse. Ces trois dernières substances seront placées dans la classe des diabètes. Des sels de l’urine. — Cette élude ainsi conçue est encore trop nouvelle pour que nous puissions prétendre à être complets. Loin de pouvoir approfondir le sujet, nous serions heureux de pouvoir l’effleurer à peine; mais la dispersion trop grande des matériaux ne permet pas d’envisager la question dans tout son ensemble. 1° Les sels ammoniacaux deviennent plus abondants pendant le typhus, la petite vérole, la scarlatine, le ca- arrhe vésical. Ce sont eux qui donnent à l’urine une réaction alcaline. Ils proviennent ou bien du passage du carbonate d’ammoniaque du sang dans l’urine, ou bien de la décomposition de l'urée dans la vessie malade, qui sécrète alors des mucosités purulentes. 2° Le chlorure de sodium existe normalement dans 1 urine, sa quantité diminue notablement et disparaît même complètement dans les inflammations exsudatives du rein. 5U Les sels de chaux augmentent surtout par une nour- riture végétale. Ce sont eux qui constituent la plus grande partie des calculs vésicaux. La chimie moderne, nous ren- SÉMÉIOLOGIE DES URINES. seignant d’une manière plus exacte sur leur composition, nous a permis de saisir jusqu’à un certain point leur origine, et de diriger contre eux un traitement prophy- lactique efficace. Ceux qui renferment beaucoup d’oxa- late de chaux prennent naissance dans les reins, et ceux où prédomine le phosphate de chaux et le phosphate ammoniaco-magnésien se développent dans la vessie, sur- tout lorsque cet organe est irrité. M. Gallois (Gazette des Hôpitaux, 1859) présenta à l’Académie de médecine un mémoire sur l’oxalate de chaux. Suivant lui, on rencontre ce sel accidentellement à toutes les périodes de la vie. S’il existe dans l’urine de l’homme malade, cela ne prouve pas qu’il y ait une affection spéciale qu’on fût en droit d’appeler oxalurie. Ce n’est qu’un symptôme. On l’observe fréquemment dans la spermatorrhée et dans certains troubles nerveux, notamment dans la dyspepsie. L’acide oxalique provien- drait d’un degré plus avancé d’oxydation de l’acide uri- que. Contre l’oxalurie on a conseillé de s’abstenir des aliments et des médicaments qui contiennent de l’acide oxalique; de faire usage de faibles doses d’acide chloro- azotique, de nitrate d’argent, de colchique ou de phos- phate de chaux. M. Gallois repousse avec raison ces mé- dications par trop chimiques, et il conseille à leur place les eaux alcalines, qui conviennent dans les cas de for- mation trop abondante d’acide urique. Nous avons parlé déjà du rôle important que M. Mou- riès fait jouer au phosphate de chaux; c’est dans burine qu’il apprécie si la quantité est suffisante. 4° L’acide urique et les urates de chaux et d’ammo- niaque sont plus abondants dans les urines des fiévreux. 149 150 MALADIES DE LA NUTRITION. Ils forment la plus grande partie de ces sédiments bri- quetés qui s’attachent au fond des vases. En même temps que leur proportion s’accroît, celle des autres aliments minéraux diminue dans l’urine. Les calculs rénaux sont surtout constitués par eux. Une nourriture fortement azotée prédispose à leur formation, et le traitement alca- lin réussit pour les prévenir. 5° C’est dans burine qu’on retrouve certains médica- ments dont on veut constater l’absorption, l’iodure et le cyanure de potassium, le sulfate de quinine, l’antimoine, par exemple. On y retrouve aussi la trace de quelques poisons, l’arsenic entre autres. Après cet examen, trop court sans doute, des modifi- cations éprouvées par les principaux sels de l’urine, nous allons esquisser les maladies de nutrition propre- ment dites, dans lesquelles nous ferons rentrer le diabète sucré, l’albuminurie, l’urémie, etc. CHAPITRE 111 INFLUENCE DES DÉCOUVERTES MODERNES SUR LES MALADIES DE LA NUTRITION PROPREMENT DITE. Les progrès accomplis dans la connaissance des phé- nomènes digestifs nous ont amenés à une élude plus sérieuse de la digestion elle-même. Ce n’est point seule- ment à la surface du tube digestif que nous avons porté nos investigations : nous avons suivi, dans le système cir- culatoire, les produits absorbés par les veines ou les MALADIES DE LA NUTRITION. 151 chylifères; nous avons saisi une partie des changements qu’ils subissent au contact des organes importants placés sur leur passage. Tout n’est pas encore fait : après avoir achevé leui* mission réparatrice, les produits alimentaires s’éliminent de l’organisme; apprécier alors les modifica- tion intimes de leur constitution, ce sera, nous le croyons, une des sources les plus fécondes en déductions pra- tiques. Ainsi, il nous semble que jusqu’à ce jour les auteurs n’ont pas assez insisté sur une classe particulière de ma- ladies, qui aurait pour caractère principal l’élimination anormale d’un produit qui habituellement se trouve destiné à rester dans l’économie et doit y être utilisé. Cette classe de maladies comprendrait les diabètes, qui n’ont pas, jusqu’à présent, constitué à part une catégorie bien définie. Or, si l’aphorisme de llufeland est vrai : « Généraliser les maladies autant que possible, en individualisant les malades dans la même proportion, » il est évident que la médecine pratique gagnera à voir se dessiner une classe d’affections plus généralisée ; on pourra plus facilement alors en comprendre la symptomatologie, en saisir la pathogénie, en appliquer la thérapeutique. Depuis que, d’une part, l’urine est mieux connue dans sa composition, et que, d’un autre côté, nous connaissons mieux la constitution élémentaire des organes, quel pas immense n’avons-nous pas fait déjà dans celte voie! Ainsi, maintenant, nous croyons pouvoir affirmer que la nutrition proprement dite consiste, en dernière ana- lyse, dans l’utilisation d'aliments respiratoires, à’aliments plastiques, d’aliments minéraux. 152 MALADIES DE LA NUTRITION. Dès lors, en pathologie générale, il nous semble aussi que l’on devrait créer trois catégories de diabètes : 1° Le diabète par suite de la perte d’un aliment respi - ratoire ; 2° Le diabète par suite de la perte d’un aliment plas- tique; 5° Le diabète par suite de la perte de produits miné- raux. Le diabète sucré, le diabète graisseux nous offrent déjà deux exemples à ranger dans notre première caté- gorie. Le diabète albumineux, Xalbuminurie, fait partie de la deuxième. Nous n’avons encore que des données moins certaines sur le diabète de la troisième espèce. C’est de la sorte, nous le croyons, que l’on doit considérer, dès mainte- nant, la chlorose, dans laquelle il y a défaut du fer, habi- tuellement retenu et utilisé dans l’économie; le rachi- tisme, dans lequel l’élément phosphatique calcaire s’écoule par les urines sans être employé pour la nutrition osseuse; l'azoturie, le diabète urique de Robert Willis, et tant d’au- tres états morbides, à la suite desquels on voit les ma- lades s’alanguir en s’amaigrissant. La cristallisation or- ganique fait, pour ainsi dire, défaut. Pour la chlorose, il est vrai, on n’a pu, jusqu’à ce jour, constater d’une façon bien exacte par quelle voie le fer s’éliminait. Déjà cependant plusieurs tentatives ont été faites; nous croyons qu’elles ne resteront pas infruc- tueuses. Ainsi, il est probable que la bile est chargée, en grande partie, de l’excrétion du fer. En examinant la grande quantité de principes ferrugineux que renferment MALADIES DE LA NUTRITION. 153 les cheveux, leur beauté chez le plus grand nombre des chlorotiques, ne pourrait-on pas trouver encore là une des portes de sortie de ce produit? La physiologie expé- rimentale nous ayant appris, en effet, que telle ou telle substance s’élimine plus spécialement par tel ou tel organe d’excrétion (M. Bernard, divers mémoires, dans les Arch., 1848), ce n’est donc pas désormais dans l’urine seulement que le praticien devra rechercher les fuites de l’aliment, mais d’une façon générale, dans la plupart des substances provenant de l’excrétion des molécules désassimilées. L’examen du médecin devra donc se porter et sur la sueur, et sur la salive, et sur les liquides intestinaux, soit qu’ils proviennent des intestins mêmes, soit qu'ils pro- viennent des déjections hépatiques. On devra de même ne pas négliger l’analyse des crachats. Hippocrate n’avait- il pas signalé déjà, vaguement peut-être, que chez les phthisiques au troisième degré, l’expectoration devenait sucrée? L’expérimentation moderne n’a pas vérifié com- plètement cette assertion. On a constaté du moins qu’à cette période ils contenaient souvent une plus grande quantité de matière graisseuse (Expériences de Bonnet). Alors l'amaigrissement devient plus rapide, ce symptôme étant nécessairement en rapport avec cette déper- dition nouvelle d’un produit non utilisé; c’est un véri- table diabète graisseux qui s’ajoute à la maladie prin- cipale. La chimie, en nous signalant plus attentivement cette grande classe des diabètes, nous éclairera nécessaire- ment sur plusieurs de ces états cachectiques dont la no- tion médicale est encore peu connue. Ainsi, nous arrive- 154 MALADIES DE LA NUTRITION. rons à avoir des données plus exactes sur les lientéries, les polyuries, les diacrises chyleuses des auteurs, le flux cœliaque de Frank, divers cas d'éphydrose avec prostra- tion extrême, tous étals morbides, je le répète, que les anciens auteurs n’ont bien analysés que dans quelques points, étant obligés nécessairement de passer sous si- lence les connaissances de composition chimique que nos recherches modernes ont révélées depuis, et qu’ils ne pouvaient aborder à l’époque. Si les sciences chimiques ont eu déjà, et auront certaine- ment encore, une influence plus grande, dans le sens que nous venons d’examiner, il laut avouer que la médecine pratique à peu à se louer des théories que l’on a voulu élever au point de vue chimique ou exclusivement physiologique pour expliquer la symptomatologie de ces diverses affec- tions. — On pourrait presque dire que si, en thérapeu- tique, la multitude des remèdes dénote au praticien l’in- curabilité de la maladie, en pathologie la multiplicité des théories pour rendre compte de la rationalisation des phénomènes morbides, indique aussi que l’on est bien loin encore de la vérité. Un rapide examen démontrera, je pense, facilement la proposition que nous venons d’avancer. Nous passerons successivement en revue le diabète sucré, Y albuminurie, le diabète graisseux et Y urémie. DU DIABÈTE SUCRÉ. C’est surtout pour le diabète sucré qu’il semble, au premier abord, que les explications les plus positives ont dû être données depuis les belles et dernières découvertes DU DIABÈTE SUCRÉ. 155 de M. Bernard. Le temps est, certes, loin de nous, où l’on faisait dépendre cette affection d’une lésion spéciale des reins; où l’on ne pouvait même spécifier, que d’une manière très-vague, la nature de l’élément nutritif qui s’éliminait par les urines. — Depuis, bien des erreurs ont été rectifiées ; MM. Bouchardat, Mialhe, Alvaro Beynoso, Dechambre, Jangot de Lyon, Bernard, sont venus, tour à tour, proposer de nouvelles théories. Où est encore la vérité? Pour nous, aucune de ces théories modernes ne peut y prétendre complètement. Chaque auteur vise bien à la valeur exclusive de son opinion; il l’étaye certainement de déductions physiologiques et chimiques qui paraissent d’abord la faire triompher ; mais tous, suivant nous, ont été trop chimistes ou trop physiolo- gistes. Leurs travaux cependant auront une utilité incontestable : en s’appuyant sur quelques résultats pratiques, ils auront eu l’avantage de vulgariser plu- sieurs médications dont l’expérience a désormais mon- tré toute la valeur. Ainsi, en considérant le diabète sucré comme une saccharification exagérée, produite par les acides intes- tinaux, agissant, dans ce cas, comme ferments, pour transformer les substances amidonnées, M. Bouchardat a le mérite d’avoir, le premier, fait entrevoir sur cette af- fection, des données dont nous profitons déjà largement pour la thérapeutique. N’est-ce pas surtout depuis ses travaux que l’esprit des praticiens a été plus éveillé pour rechercher l’étiologie dans une diminution des fonctions sécrétantes de la peau, qui entraînerait à sa suite l’acidité plus grande des pre- 156 MALADIES DE LA NUTRITION. mières voies? Quelles indications pratiques n’en a-t-on pas tirées en conseillant alors les bains sulfureux, les fric- tions à la peau, l’hydrothérapie, etc. ? AVillis le premier avait bien indiqué, mais très-vaguement, qu’il y avait dans les cas de diabètes sucrés, perturbation des fonctions de l’estomac. 11 n’arrivait pas ainsi aux indications théra- peutiques que M. Bouchardat a fait ressortir. — Pour- suivons : la théorie de M. Mialhe, d’après l’opinion d’es- prits compétents, ne peut être soutenue : jamais, en effet, il n’a été possible de constater l’acidité du sang dont il parle, ou môme une diminution dans l’alcalinité. Les ex- périences de Bernard, celles que nous avons faites nous- mêmes à ce su jet, ne doivent laisser aucun doute ; mais les idées émises par M. Mialhe auront du moins vulga- risé, plus qu’on ne l’avait fait jusqu’à ce jour, l’emploi des alcalins et surtout l’usage des eaux minérales de Vichy. On doit savoir cependant qu’il faut user de ce moyen avec une certaine réserve : souvent, en effet, après ce traitement plus ou moins prolongé, les malades succom- bent soudainement attaqués d’accidents inflammatoires du côté des organes thoraciques. Enfin, dans ces dernières années, après ses brillantes découvertes sur les fonctions du foie, nous l’avons déjà dit, M. Bernard'se trouvait conduit à proposer une nou- velle théorie sur le diabète. Pour lui, on le sait, la maladie consisterait essentielle- ment dans une exagération de la fonction glycogénique dévolue à cet organe. Or, comme le sucre se crée aux dé- pens des matériaux azotés apportés par la veine-porte, et qui se dédoublent, d’une part, pour constituer la bile; DU DIABÈTE SUCRÉ. 157 d’une autre part, pour faire le sucre, on comprend que cet emploi exagéré de matières si importantes, pour la création d’une substance inutilisée, doive entraîner rapi- dement un amaigrissement notable. Pour qui a suivi les leçons et les idées de M. Bernard, il est incontestable que sa théorie parait forte de toutes les preuves les plus positives. Expériences sérieuses, jus- tesse de vues physiologiques, déductions logiques, rien n'y manque. Certes, nous avons vu répéter trop souvent ces expériences fondamentales, pour qu’il nous soit pos- sible de les mettre en doute. Et cependant, quels résultats pratiques la médecine peut-elle en retirer? Peut-être une perturbation complète dans la manière d’envisager la classe des diabètes, qui consisteraient alors dans une exa- gération de la fonction normale d’une glande. En raison- nant d’après ces idées, on serait autorisé à tenter de nou- veau l’emploi de l’opium, puisque l’on sait que cette préparation diminue les sécrétions intestinales, en taris- sant surtout celles des glandes annexées. On tendrait ainsi à diminuer la fonction exagérée du foie. Les idées de M. Bernard auront, comme celles de ses prédécesseurs, un côté encore utile. C’est depuis lui que l’on aura bien démontré la multitude de causes qui peu- vent déterminer l’affection qui nous occupe. M. Bernard ayant prouvé que le foie fabriquait le sucre, il est en droit de conclure qu’une exagération de la fonction gly- cogénique produit le diabète : voilà donc, dans beaucoup de cas, la cause immédiate du mal. Des états divers peu- vent produire cette exagération fonctionnelle; et ses expériences physiologiques sont, ici, d’accord avec les connaissances pathologiques. En injectant de l’amino- 158 MALADIES DE LA NUTRITION. iliaque ou de l’éther dans la veinc-porle, on surexcite le foie, et on produit le diabète sucré. Une contusion de la région hépatique, irritant également l’organe, amène aussi des urines sucrées. Lorsque M. Bernard pique le plancher du quatrième ventricule, il y a immédiatement glycosurie. Devancée en cela par la physiologie, la cli- nique nous a appris plus tard qu’il en était de même à la suite d’une contusion de l’occiput, ou d’une tumeur sié- geant sur le cervelet près du calamus scriptorius. M. Le- vrat a cité, dans sa thèse (1858), des faits intéressants de ce genre. Poursuivant la môme série de travaux, M. Al- varo Reynoso, en excitant le poumon par l’éthérisation, a produit le diabète. L’excitation, ainsi que l’a prouvé M. Bernard, est portée au bulbe par le pneumo-gastri- que, et vient retentir sur le foie, grâce aux filets du grand sympathique. On a vu des cas assez nombreux où des tubercules pulmonaires ont amené un effet ana- logue. Ainsi : troubles de l’innervation : lésions traumatiques des centres nerveux; Troubles du côté de la circulation; Injections irritantes dans la veine-porte; Éthérisations. Tout cela n’était pas connu avant les travaux de la physiologie moderne. Mais elle a été jusqu’ici impuis- sante à nous expliquer ces cas où le diabète sucré pa- rait engendré par un vice de nutrition, par un défaut d’assimilation du glycose : ce sera, si l’on veut, le dia- bète essentiel. Depuis quelques années, un physiologiste allemand DU DIABÈTE SUCRÉ. 159 des plus éminents, M. Schiff, a cherché, par des expé- riences nombreuses, à contrôler les conclusions des phy- siologistes français. Voici une analyse de ces travaux, publiée en 1860 dans l'Union médicale, par MM. Lucien Corvisart et Jules Worms, elle nous permettra facilement d’apprécier les résultats nouveaux et les déductions dont la pathologie aura encore à profiter. La première des altérations nerveuses expérimentées, capables de produire le diabète, a été découverte par M. Cl. Bernard : c’est la piqûre de la moelle allongée dans la région médiane du plancher du quatrième ven- tricule, entre les origines visibles du nerf acoustique et celles du nerf vague. Aussitôt ce point lésé, les voies circulatoires se trou- vent chargées de sucre; celui-ci s’échappe par les urines. Voilà le fait. Quelle en est l’explication, la cause? 1° Cet excès est-il produit parce que l’ordinaire et rapide destruction du sucre dans le sang est entravée, et que celui-ci ne se décharge pas successivement de ce sucre, lequel, dès lors, s’y accumule outre mesure, ou bien la destruction ordinaire continuant à avoir régu- lièrement lieu, la richesse excessive du sang est-elle le résultat d’une surabondance dans la production meme du sucre? 2° Qu’elle que soit l’origine de cet excès de sucre, M. Schiff se fait cette question : La piqûre du plancher du quatrième ventricule a-t-elle pour effet une paralysie nerveuse qui produirait le diabète, ou, pour résultat, au contraire, une excitation traumatique sur le bulbe, exci- tation productrice du diabète? 160 MALADIES DE LA NUTRITION. 5° Enfin, cette action nerveuse, excitatrice ou paraly- tique, portée sur le plancher du quatrième ventricule, par quelle voie est-elle transmise aux organes directe- ment producteurs du diabète? La solution successive de ces diverses questions, si elle peut être donnée, est de nature à dégager le diabète des nuages qui l’enveloppent, et qui découragent tant de lois les praticiens désireux de se rendre compte d’une manière plus scientifique que merveilleuse de cette affection. On va voir par quelle série d’expériences et de déduc- tions ces problèmes ont été résolus. De ce que dans le diabète le foie renfermerait plus de sucre qu'il n’en contient dans l’état physiologique, on ne saurait conclure que l’exagération vient de la glande hépatique. En effet, cette accumulation dans le foie pour- rait n’être que le contre-coup d’un excès primitif dans le sang sans que le foie y fût d’abord pour rien. Mais si l’on pouvait extraire le foie, piquer le qua- trième ventricule et produire le diabète, on serait assuré que c’est du sang, et non du foie que l’excès du sucre provient . On serait, au conduit à penser que c’est le foie qui produit l’excès du sucre, si, le foie étant enlevé, la piqûre du quatrième ventricule devenait alors inhabile à provoquer le diabète. Or, il est donné aux grenouilles de braver cette extir- pation du foie, ainsi qu’en 1852 et 1855 l’a montré J. Moleschott; elles continuent à vivre et paraissent bien portantes. M. Schiff, en conséquence, a pratiqué la même extir- pation du foie; trois semaines après cette extirpation, le DU DIABÈTE SUCRÉ. 161 sang des grenouilles ne renfermait plus trace de sucre. Mais, une fois celle-ci faite, il piqua aussitôt le quatrième ventricule, afin, s’il était possible, de rendre, par ce fait, diabétiques ces grenouilles sans foie. Dans cette circonstance, elles se refusèrent constam- ment à le devenir. L’expérience avait porté juste. Pour s’assurer que c’est bien dans le foie que l’ap- parition du sucre en excès prend sa source lors de la production du diabète artificiel, M. Scliiff a encore fait une autre série d’expériences. Dans celles-ci, il a lié sur les mômes animaux, rendus diabétiques, des portions de foie de plus en plus grandes, afin, par ce moyen, de diminuer d’autant l’étendue de la fonction de l’organe ; il a pu constater que le sucre dimi- nuait dans les urines en raison de la diminution artifi- cielle du volume de la glande. Ainsi se trouve entièrement confirmée, d’une manière ingénieuse, l’opinion de M. Cl. Bernard, que dans le diabète l’apparition du sucre en excès provient du foie. La question de la cause du diabète n’est toutefois pas jugée par cette expérience. Celle-ci prouve seulement que, pour qu’il y ait diabète, il faut que le foie fasse apparaître du sucre en abondance dans les voies circulatoires. Mais pourquoi le sucre exis- te-t-il, dans ce cas, en quantités extra-normales dans le sang? Deux théories se présentent pour expliquer cet excès. Les uns pensent que le foie forme plus de sucre; c’est, dans cette hypothèse, une production qui est exaltée, celle du sucre; d’autres, et cette idée, dit l’auteur, règne assez 162 MALADIES DE LA NUTRITION. généralement en Allemagne, pensent que le ferment (qu normalement détruit le sucre du sang aussitôt qu il y arrive, et l’empêche de s’y accumuler) cesse de se pro- duire; dans celte autre hypothèse, c'est une production qui est diminuée ou abolie, celle du ferment destruc- teur. Un parti serait facile à prendre, si l’on pouvait, par l’analyse du sang, isoler, saisir ce ferment, le reconnaî- tre à ses caractères chimiques. Comment faire pour ré- soudre celte question intéressante au plus haut point? M. Schiff prit des grenouilles piquées et diabétiques; leur urine, leur sang, leur foie contenaient beaucoup de sucre; il lia, connue dans le cas précédent, des portions de plus en plus grandes de foie. Si le diabète vient de ce que la production du ferment est abolie (deuxième hypo- thèse), les grenouilles auront beau avoir moins de foie, ce qui reste de l’organisme produira du sucre, le versera dans le sang, ce sucre s’y augmentera sans cesse par le défaut de destruction; ces grenouilles devront continuer à être diabétiques. Si la première hypothèse, au contraire, est vraie, c’est- à-dire si l’excès du sucre dans le sang vient d’un excès dans sa production par le foie, en restreignant par la ligature l’étendue de cet organe producteur, il arrivera un moment où l’excès de production se trouvera telle- ment affaibli, que la quantité du sucre sera assez res- treinte, c’est-à-dire que la richesse du sang en sucre, d’abord excessive, cessera de l’étre, et les animaux rede- viendront non diabétiques malgré la piqûre. hes grenouilles seront ramenées, pour ainsi dire, à l’état normal, état pendant lequel, bien qu’il y ait du DU DIABÈTE SUCRÉ. 163 ferment dans le sang, les animaux n'ayant point un excès de sucre ne sont pas diabétiques. Cette délicate manière de procéder mena M. Sehiff à reconnaître que l’augmentation du sucre dans le sang provient, en effet, de l’augmentation proportionnelle du sucre dans le foie. Cette proportionnalité est telle que, pour ramener la richesse excessive du sucre dans le sang d’une grenouille rendue artificiellement diabétique, à sa richesse normale, il faut supprimer un cinquième de l’étendue du foie, ou si l’on veut de sa fonction. Tels sont les procédés expérimentaux qui ont conduit M. Sehiff à résoudre la première question qu’il s’était posée : le sucre en excès dans le sang, pour le diabète artificiel, vient d’un excès de la formation du sucre par le foie. Quelle est maintenant la nature de l’altération nerveuse en vertu de laquelle la piqûre amène cette alté- ration, cette exagération et le diabète? Assurément, quand M. Cl. Bernard fit connaître que cette affection apparais- sait sous l’influence de la piqûre du quatrième ventri- cule, la chose excita la curiosité. Mais longtemps on resta dans la plus grande perplexité pour se rendre compte du mode de relation qui existe entre l’effet et la cause. Tandis que, cliniquement, M. Andral, dès il y a douze ans, ne manquait point, à chaque autopsie de diabétique, de prédire que l’on trouverait le foie hypérémié d’une manière particulière; ce qui se vérifiait; par une voie dif- férente les physiologistes arrivèrent à la même obser- vation. Comment savoir toutefois, en physiologie, si la pure hypérémié du foie a quelque influence sur la production 164 MALADIES DE LA NUTRITION. du diabète? Comment produire expérimentalement l'hypé- rémie seule du (oie, sans aucun autre trouble? Comment, sans piquer le quatrième ventricule, sans léser, soit par des agents médicamenteux toxiques ou tranchants, aucun point du système nerveux, sans porter au foie le cortège de l’état inflammatoire naissant, sans même ralentir la circulation générale, hypérémier le foie, et le foie seul? Voici comment M. Schiff a été conduit au but par la rare ingéniosité qui, môme par quelques excès, marque ses expériences d’un cachet on ne peut plus personnel. Le foie des grenouilles ne reçoit, dans l’état normal, qu’une portion du sang veineux abdominal, cette portion lui vient par la veine cave hépatique; une autre veine reçoit l’autre portion du sang veineux abdominal et le porte directement ou cœur sans passer par le foie. Pour hypérémier le foie, il suffira donc de faire à celle deuxième veine cave une ligature au-dessus de l’anasto- mose qui la fait communiquer avec la veine cave hépa- tique, au lieu de la moitié du sang abdominal, la totalité du sang devra dès lors passer dans cette dernière, c’est-à- dire dans le foie, y doubler la quantité habituelle du sang, en conséquence l’hypérémier sans le blesser. Ainsi fil M. Schiff chez huit grenouilles. Deux heures après celte simple ligature, cette simple hypérémie mécanique, M. Schiff contemplait le diabète chez les huit grenouilles qu’il avait opérées! Cette expérience remarquable est de nature, si l’on tombe d’accord sur son efficacité, à faire effectuer un grand pas à la théorie du diabète. En enlevant la rate, M. Schiff a pu ailleurs, et par ce même effet immédiat, hypérémier le foie et produire par DU DIABÈTE SUCRÉ. 165 cc seul fuit un vrai diabète. 11 a encore produit le meme effet hypérémique, et le diabète consécutif, par l’acupon- ture du foie, etc.; mais ces opérations ne sont ni aussi inoffensives, ni aussi simples que la ligature, et donnent une démonstration moins rigoureuse. Est-ce en produisant cette hypérémie que la piqûre du quatrième ventricule agit? M. Cl. Bernard et M. Schiff, conduits par deux voies un peu différentes, le déclarent. De 1851, époque à laquelle M. Cl. Bernard fit connaître à la société de Biologie ses recherches sur l’influence du nerf sympathique sur la chaleur animale, date l’origine de cette opinion de M. Bernard que le grand sympathique exerce sur l’activité de la circulation, ou plutôt sur la dilatation des vaisseaux, une influence modératrice. De telle sorte que là où cette influence est diminuée ou perdue, la circulation est sans frein, et, comme consé- quence, les sécrétions sont activées. Ainsi, pour le foie, si l’influence du grand sympathique est abolie, l’in- fluence modératrice cesse de s’exercer sur les vaisseaux du foie, la circulation s'y active; l’hypérémie, l’hypersé- crétion se produisent et le diabète paraît. I/excitation qui, dans l’état normal, met en jeu la sécrétion, l’hypersécrétion du foie, aurait sa source dans les poumons; cette activité se propagerait aux pneumo- gastriques, de là à la moelle allongée, puis à la moelle, enfin aux filets sympathiques du foie. Mais revenons à M. Schiff. Valentin avait vu, en 1841, qu’après la lésion de cer- taines parties du cerveau, les sécrétions intestinales sont excitées, et, dès 1844, M. Schiff démontra que diverses parties du cerveau étant ainsi lésées, il en résultait une 166 MALADIES DE LA NUTRITION. augmentation de la sécrétion de la plupart des organes abdominaux; il prouva que cette intluence avait lieu par une modification vasculo-motrice, de telle sorte qu’une lésion cérébrale provoquant la dilatation des vaisseaux de l’intestin et du foie spécialement, il en résultait une modification nécessaire de leur circulation. M. Schiff, dans des travaux ultérieurs, a cherché à dé- montrer que les nerfs qui (sous le nom de vasculo ou vaso-moteurs) régissent la contraction des vaisseaux dans les organes abdominaux, partent des couches optiques et des pédoncules cérébraux, se réunissent dans la moelle allongée où ils sont côte à côte avec les nerfs vaso- moteurs du reste du corps, puis dans le canal antéro- latéral en s’éloignant les uns des autres; quittent enfin la moelle, traversent les ganglions du cordon spinal, et, en dernier lieu, se terminent dans les organes abdomi- naux, sur les vaisseaux desquels ils exercent leur action. A ces nerfs, M. Schiff fait jouer un grand rôle dans la production du diabète. La piqûre du quatrième ventricule, dit-il, produit le diabète, parce qu’elle irrite les nerfs vaso-moteurs, d’où résulte la dilatation des vaisseaux du foie, et comme conséquence l’hypersécrétion. Irritez ces nerfs par la galvanisation, le diabète pa- raîtra par irritation. Il en est de même du diabète que l'on produit en empoisonnant légèrement les grenouilles par le strychnine ou l’opium et en les maintenant dans un état tétanique prolongé; de même d’un diabète dont M. Schiff a vu les grenouilles subitement atteintes par les temps d’orage. Coupez, au contraire, les cordons antérieurs de la moelle DU DIABÈTE SUCRÉ. 167 dans lesquels ils se trouvent de passer, l’irritation ne sera plus portée au foie ; dès lors, la communication étant rompue, la piqûre aussitôt deviendra inefficace. C’est ce que l’expérience révèle. Éthérisez profondément les grenouilles, vous rendrez insensibles ces mêmes nerfs vaso-moteurs, qui ne porte- ront plus l’irritation à leur extrémité terminale et vascu- laire; la piqûre, dès lors, deviendra également inefficace. Si l’animal, au contraire, avait ôté piqué avant l’éthé- risation, c’est-à-dire avant l’état d’insensibilité, il y aurait eu irritation portée, et à son réveil l’animal serait diabé- tique. Cette remarque a une grande importance. Tel est, selon M. Schiff, le rôle des vaso-moteurs. M. Schiff répète souvent que la piqûre du quatrième ventricule n’a rien de spécifique; il montre qu’il n’est môme pas nécessaire de blesser une partie du cerveau ou de la moelle allongée pour produire le diabète, car ce physiologiste produit d’une manière immédiate cet état morbide par une blessure de la moelle épinière elle- même. Cette blessure remarquable consiste à couper les cor- dons postérieurs de la moelle cervicale des mammifères, en respectant les cordons antérieurs. M. Schiff explique le phénomène en disant que le fait de la section détermine dans la partie supérieure des cordons postérieurs une irritation (identique avec celle que détermine la piqûre du quatrième ventricule); celte irritation est transportée d’une manière réflexe aux ori- gines des nerfs vaso-moteurs dans le cerveau; ceux-ci, dont la continuité est partout intacte, car ni le cer- veau, ni la moelle allongée, ni les cordons antérieurs 168 MALADIES DE LA NUTRITION. de la moelle cervicale n’ont été lésés, la transmettent au foie. Le diabète produit par la piqûre du deuxième ventri- cule et les lésions analogues, lésions dont la dernière est la plus remarquable, est, suivant M. Schitf, d’une espèce spéciale : c’est le diabète irritatif. Quelque singulier que cela paraisse d’abord, nous pencherions à croire que ce diabète, quoique le plus commun, n’est point celui que les praticiens redoutent à cause de sa résistance à tous les traitements et de sa ténacité; il est, en effet, toujours très-passager. La piqûre du quatrième ventricule ou les lésions expé- rimentales analogues ne produisent jamais un diabète durable au delà de quelques heures ou d’un jour. On pourrait dire que le propre du diabète fugace est d’être irritatif; c’est, en effet, la loi commune pour tous les irritants d’épuiser bientôt leur action, l’irritabilité s’é- mousse vite et s’épuise. La paralysie, au contraire, a des effets durables. S’il existe un diabète paralytique, il devra donc être durable. C’est l’espèce de diabète que M. Schiff dit avoir dé- couverte. Le diabète paralytique se produirait quand on coupe les cordons antérieurs de la moelle épinière, c’est-à-dire le faisceau des nerfs vaso-moteurs. La section doit être faite soit au niveau de la quatrième vertèbre cervicale, soit en un point du bulbe. Les vaisseaux du foie, privés alors des nerfs vaso- moteurs, se laissent alors distendre, gorger de sang liypé- rémié; les animaux deviennent diabétiques. Le diabète remarquable, ainsi produit, est bien diffé- DU DIABÈTE SUCRÉ. 169 rent du diabète irritatif, toujours si fugace, car il dure des jours, des semaines. M. Scliiff a pu ainsi conserver un lapin diabétique pen- dant neuf jours; d’autres animaux le furent douze, qua- torze jours. La mort seule, provoquée par les suites de la vivisection du système nerveux, arrêtait ce diabète. M. Schiff a pu conserver un rat pendant vingt jours, et ne cessa pas un instant de présenter du sucre dans ses urines. Tel est, expérimentalement, le diabète paralytique, dont la ténacité donne l’image du diabète clinique et rebelle. C’est à l’espèce paralytique que l’on peut rapporter le diabète expérimental consécutif à la destruction des cen- tres nerveux, le diabète gangréneux, etc. Ces derniers travaux de M. Schiff sont vraiment dignes d’intéresser et le physiologiste et le praticien. Ils nous rendent compte déjà des diabètes qui peuvent être pro- duits par la lésion multiple de diverses parties du sys- tème nerveux. Les travaux de M. Claude Bernard avaient peut-être trop porté les esprits à rattacher toujours la maladie à une lésion restreinte d’un point spécial de ces centres nerveux. Cette distinction du diabète passager, irritatif, et du diabète durable, paralytique, peut fournir des indications dans le traitement. Ainsi, dans le cas de glycosurie acci- dentelle et passagère, l’intervention de la médecine est presque superflue. L’expérience physiologique n’a-t-clle pas, en effet, démontré le peu de durée du mal? Au con- traire, dans les cas de glycosurie persistante, combien l’on doit s’efforcer de lutter contre les ravages de la maladie! 170 MALADIES DE LA NUTRITION. L’expérience de M. Scliiff, dans laquelle il a prouvé qu’un animal éthérisé fortement peut supporter alors la piqûre du quatrième venlricule sans devenir diabétique, permet d’envisager à un point de vue encore plus favo- rable l’éthérisation des malades, puisque l’anesthésie permet de protéger d’autres nerfs mômes que des nerfs sensibles, et éviter par cela même tous les dangers qui pourraient survenir à la suite d’actions réflexes plus ou moins éloignées. Pour nous, ce qui nous paraît surtout important dans la conception des diabètes, au point de vue pratique, c’est l’examen : 1° De la modification intime dans les fonctions plasti- ques. Cette modification entraîne à sa suite la non-utili- sation de certains produits qui habituellement sont em- ployés dans l’économie. 2° C’est la connaissance chimique de l'élément qui s’élimine. 5° 11 nous faut connaître, autant que possible, l’ori- gine de cet élément ; savoir comment il se constitue «à la suite des diverses permutations organiques. Alors, en effet, on pourrait éviter de nourrir le malade avec les matériaux que l’on sait ne devoir pas être utilisée plus tard. Or, pour le premier de ces points, les recherches mo- dernes n’ont pu nous éclairer bien vivement. Les modifi- cations intimes de l’assimilation sont encore bien ob- scures. N’est-il pas, dans la science des êtres organisés, des mystères de chimie vivante que probablement jamais nous ne pourrons connaître? Nous savons mieux seule- ment que cet étal anormal peut être modifié avantageu- DIABÈTE ALBUMINEUX. 171 sement, soit par les bains, l’hydrothérapie, l’exercice, les alcalins. Les théoriciens modernes, en vantant ces moyens d’a- près d’autres vues, en ont démontré du moins l'effi- cacité. Quant aux deux autres points, il est incontestable que nous devons aux découvertes chimiques et physiologi- ques modernes d’être mieux renseignés, et sur la nature des produits d’élimination : sucre, albumine, urée, et sur les permutations nécessaires pour la création de ces divers principes. DIABÈTE ALBUMINEUX. Il semble que, pour cette affection comme pour le dia- bète sucré, l’esprit médical ait passé par les memes phases d’hésitations et de lumières. Ainsi, tout d’abord, l’albuminurie a été méconnue à une époque où l’on n’a- vait que des données trop incertaines sur la composition intimes des humeurs organiques. C’est à grand tort, en effet, que quelques personnes ont voulu faire remonter jusqu’à Hippocrate la connaissance de cette affection; il a fallu une interprétation bien for- cée de certains passages d’ouvrages anciens. Ce n’est très-certainement qu’à une époque plus rapprochée de nous que Cotugno et Cruickshank, au commencement de ce siècle, Nysten, et surtout les Anglais Blackall et Wels ont signalé positivement la présence d’urines albumi- neuses dans le cours d’un grand nombre d’hydropisies. En 1827, Richard Bright démontre les rapports qui existaient entre les hydropisies, la composition de l’urine 172 MALADIES DE LA NUTRITION. et une altération particulière des reins. Celte découverte a été assurément une des plus remarquables de la science contemporaine. Christison, Grégory à Edimbourg, Becquerel, Martin Solon, Tissot, Désir (Thèse, 1853), Sabatier (Archives, 1854), ont ensuite tour à tour appuyé de nouvelles preuves les premières observations. Suivant nous, ce- pendant, ces résultats égarèrent un instant, en faisant trop tenir compte de la lésion anatomique des reins, qui, après tout, nous le croyons, ne deviennent malades qu’à la suite de l’albuminurie. C’était là, comme pour le diabète, la première phase par laquelle il a fallu passer avant d’atteindre à une no- tion plus exacte. La glycosurie n’avait-elle pas été aussi considérée comme une affection spéciale des reins? Dans ces derniers temps, la composition du sang ayant été mieux connue, dès lors on a commencé à émettre sur l’albuminurie des théories qui sont beaucoup plus en rapport avec l’idée que, suivant nous, on doit s’en faire. M. Mialhe a développé, à ce sujet, une série de proposi- tions pleines de hardiesse et de portée. Il nous importe de les signaler d’ahord; il sera facile ensuite d’en apprécier toute la valeur. Il existe normalement dans le sang de l’homme une albumine dite physiologique, qui se comporte comme un corps insoluble relativement aux membranes animales, c’est-à-dire qui ne les traverse pas. Ainsi agit, par exem- ple, l’albumine de l’œuf. Emportée avec les globules dans le mouvement circulaire du sang, il importait qu’elle ne pût s’échapper du système vasculaire, comme le ferait une substance ordinaire en dissolution. DIABÈTE ALBUMINEUX. 173 M. Mialhe suppose que cette albumine, quoique offrant tous les caractères extérieurs d’un liquide, est cependant composée de globules invisibles, à la vérité, parce qu’ils sont transparents, mais que l'addition d’eau de baryte (réactif indiqué par Baudrimont) rendrait apparents. 11 lui donne le nom d’albumine insoluble ou albumine par Charles Bell, Schaw, Walher, viennent se joindre les résultats dus à la continuation des travaux de Flourens, de Magendie, et à ceux de Longet, Muller, Bérard, Cal- meil, Bracliet, Lallemand, Ollivier d'Angers, Brown- Sequard, Bernard, etc. En voyant le nombre presque infini de mémoires pu- bliés sur le système nerveux, on se croirait en droit d’at- tendre de notre part une longue énumération de résultats importants fournis à la médecine clinique par nos phy- siologistes; et cependant nous aurons trop souvent à signaler l’insuffisance de ces résultats, et trop souvent nous verrons la médecine clinique être induite en erreur au lieu d’être éclairée par les théories basées sur les ex- périences et les vivisections. Cela vient de ce qu’il y a encore aujourd’hui presque autant de découvertes à faire sur ce sujet de physiologie qu’il y en a eu de publiées. Nous en sommes, dans l'histoire de l’étude du système nerveux, à cette période que l’on retrouve dans P histoire de toutes les parties de la physiologie. Des faits nombreux et contradictoires ont été rapportés par des hommes éga- lement recommandables qui en sont encore aujourd’hui presque tous à contester les observations faites par leurs rivaux. Un jour viendra où, au lieu de contester des faits qui sont tous réels, on cherchera à expliquer leur appa- rente contradiction ; et alors la science, débarrassée de toutes les discussions qui l’arrêtent, pourra en quelques mois avancer plus qu elle ne l’a fait en plusieurs années. Nous n’avons pas la prétention de faire ce tra- vail : l’objet de notre mémoire n’est pas d’élucider les questions encore en litige. Nous avons à prendre la DU SYSTÈME NERVEUX. 343 science au point où elle est arrivée et à rechercher quelles son!, parmi les données apporlées par les auteurs que nous avons cités, celles qui peuvent être de quelque utilité soit pour le diagnostic, soit pour la thérapeu- tique. Nous diviserons cette partie de noire travail en deux catégories. La première sera consacrée à l’examen des recherches qui facililent le diagnostic, qui nous permettent de nous faire une idée aussi complète que possible de la nature de la maladie que nous avons à traiter. Nous aurons à faire : 1° L’histoire de la distinction des nerfs de mouvement et de sentiment; 2° Nous rappellerons que c’est dans notre siècle qu’a été démontré et décrit d’une manière exacte Ventre croi- sement des fibres nerveuses qui vont du cerveau à la moelle épinière ; 5° Nous rechercherons jusqu’à quel point il est pos- sible aujourd’hui d’arriver au diagnostic exact du siège des lésions des diverses parties des centres nerveux; 4° Nous aurons à faire mention de quelques idées nouvelles émises dans les cours de M. Bernard sur Vin- fluence du système nerveux dans les maladies inflamma- toires, dans le diabète. Nous rappellerons également l’action qu’il peut exercer sur la sécrétion des glandes, et nous aurons à en tirer quelques résultats pratiques; 5° Nous dirons quelques mots d’une maladie observée par Wollaston, Pravaz et expliquée par la dissection du chiasma des nerfs optiques : Vhémiopie. Dans la seconde partie de noire travail, nous aurons à 344 DU SYSTÈME NERVEUX. rechercher quelles sont les nouvelles armes fournies à la thérapeutique par les expériences des physiologistes mo- dernes. Nous rappellerons : 1° Les observations faites sur la régénération des nerfs, observations qui ont fait préconiser, en 1854, par Mala- godi, dans le traitement des névralgies, la section des nerfs mixtes comme le sciatique, le cubital, etc.; 2° L’introduction, dans la thérapeutique, d’un nouvel agent : Y électricité ; 5° Nous aurons à passer en revue Yaction de divers médicaments dont l'influence porte directement sur le système nerveux. Nous rappellerons plus spécialement les tentatives faites pour guérir le tétanos par le curare, — et Y antagonisme d'action des préparations de bella- done et des préparations d'opium. EXAMEN DES DONNÉES APPORTÉES AU DIAGNOSTIC PAR DES TRAVAUX DES PHYSIOLOGISTES MODERNES SUR LE SYSTÈME NERVEUX. Distinction des nerfs de mouvement et des nerfs de sensibilité. Haller, Meckel, tous les physiologistes du dix-huitième siècle et presque tous ceux des vingt premières années du dix-neuvième pensaient que les mêmes cordons ner- veux servaient à la transmission de la sensibilité et à l’excitation de la contraction musculaire. Ce fut un phy- siologiste italien, Rolando, qui, en 1809, émit le pre- mier l'opinion qu’il devait y avoir des nerfs affectés au mouvement et d’autres à la sensibilité. Mais il fut conduit à cet idée plutôt par le raisonnement que par le résultat de ses expériences. DISTINCTION DES NERFS DE MOUVEMENT ET DE SENSIBILITÉ. 345 La cause de la contraction musculaire était, pour lui, le fluide électrique produit par le cervelet, et la trans- mission des sensations était due à un mouvement molé- culaire, une vibration transmise par la substance des nerfs au cerveau. 11 lui fallait trouver deux espèces de cordons nerveux prenant leur origine, les uns dans Je cervelet, les autres dans le cerveau, et organisés d’une manière spéciale, suivant qu’ils devaient servir au mou- vement ou au sentiment. Rolando a été amené, par ce défaut d’expériences à l’appui de ses théories, à donner comme servant au mouvement les racines postérieures des nerfs rachidiens et les cordons postérieurs de la moelle, qu’il voyait venir du cervelet, tandis que les racines et les faisceaux anté- rieurs lui paraissant prendre leur origine dans le méso- céphale, il leur attribuait la transmission du sentiment. Quelques années plus tard, en 1818, un autre physio- logiste italien, Bellingeri, fit pour les nerfs de la face ce que Rolando avait fait pour les nerfs rachidiens. Il émit, lui aussi, l’idée que les deux nerfs de la face, le facial et le trijumeau, ne devaient pas avoir les mêmes fonctions; mais, comme Rolando, il ne fit aucune expérience sur les nerfs dont il recherchait les usages; et, comme son prédécesseur, il attribua le mouvement au nerf du senti- ment. Dans son Traité (de Nervis faciei), il donne le facial comme présidant à la sensibilité de la peau et des mu- queuses, et attribue au nerf de la cinquième paire la con- tractilité des muscles de la face et la sécrétion des glandes. A côté des deux physiologistes italiens, nous avons à signaler Walher, Burdach et Carus. Walher, en 1809, 346 DU SYSTÈME NERVEUX. enseigne à Londres la distinction des nerfs de mouve- ment et de sentiment, et tombe dans la même erreur que Rolando : il affecte au mouvement les nerfs du sen- timent. Burdach, en 1814, reproduit les opinions de Walher et de Rolando ; et Carus, à Leipsig, en 1814, a le premier l’idée d’attribuer au mouvement les racines antérieures, et à la sensibilité les racines postérieures des nerfs rachi- diens. Mais, comme il n’appuie sa théorie que sur des raisonnements, nous ne pouvons la regarder que comme une hypothèse heureuse, et nous sommes obligé de rapporter tout le mérite de la découverte dont nous fai- sons l'histoire à Charles Bell et à son élève Schaw, qui les premiers démontrèrent par des expériences positives les fonctions des deux ordres de racines des nerfs rachidiens et celles des deux nerfs de la face. Magendie répéta à Paris les recherches expérimen- tales des deux physiologistes de Londres; et, s’il ne fut pas l’auteur de la découverte de Charles Bell, il n’en mé- rite pas moins d’être cité dans ce travail, puisque ce fut à l’autorité de son nom que l’on dut la propagation de la doctrine anglaise en France. Enfin, quelques années plus tard, Desmoulins compléta la théorie de la distinction des nerfs, dans un travail pu- blié par les Archives de médecine, travail où il distingue trois ordres de nerfs : des nerfs de mouvement, des nerfs de sensibilité et des nerfs mixtes ; ces derniers formés par la réunion de deux ordres de racines qui leur donnent, les unes la sensibilité, les autres le mouvement. Desmou- lins a donné en même temps les caractères des nerfs moteurs et des nerfs de sensibilité. Il a montré que ces DISTINCTION DES NERFS DE MOUVEMEM ET DE SENSIBILITÉ. 347 derniers sont tous, à leur origine, pourvus d’un gan- glion qu’on ne trouve jamais sur les premiers, de sorte qu’il suffit de la dissection pour arriver à reconnaître, sans le secours d’aucune expérience physiologique, les fonctions d’un nerf et de ses différentes racines. Un des premiers résultats de la démonstration des usages réels des deux ordres de nerfs a été de permettre aux chirurgiens français, et spécialement à Auguste Bé“ rard, de vulgariser, en même temps qu’ils en assuraient le succès, une nouvelle méthode de traitement contre les névralgies. Avant les travaux d’Astley Cooper, de Schaw, d’Herbert Mayo, de Fodéra, de Magendie, sur la physio- logie des deux nerfs de la face, la plupart des névralgies de la tête ôtaient regardées comme des affections de la septième paire ; et, au lieu d’aller s’adresser aux branches du trijumeau, on pratiquait, en pareil cas, la section du facial à sa sortie du trou stylo-mastoïdien. Aujourd’hui, bien que l’on trouve encore, dans le Traité de médecine opératoire de Malgaigne, des procédés, indiqués par Vel- peau et Béclard, pour faciliter la recherche du facial, personne ne songe pins à recourir à cette section, qui paralysait toute une moitié delà face, en laissant persister la douleur, ainsi qu’il est arrivé, en 1850, au malade ainsi opéré, le dernier, il faut l’espérer, par un chirurgien américain, Warren. Dans l’ouvrage de médecine opéra- toire le plus récent en France, dans le Traité d’Alphonse Guérin (Paris, 1859), nous voyons supprimée la descrip- tion d’une opération aussi formellement contre-indiquée parles données physiologiques. L’auteur craindrait, dit- il, en la donnant de faire injure à ses lecteurs. Nous croyons que la réaction contre les idées des pra- 348 DU SYSTÈME NERVEUX. ticiens qni croyaient à la névralgie du facial est allée un peu trop loin. Nous ne pensons pas que toutes les né- vralgies attribuées à la septième paire, parce que la dou- leur semblait partir de la région mastoïdienne pour s’ir- radier dans toute la face, doivent être attribuées, comme le voudrait Auguste Bérard, au nerf sous-occipital, ou bien aux branches de la cinquième paire, anastomosées avec le facial : des faits trop nombreux sont venus prou- ver aux expérimentateurs la sensibilité du nerf facial. Magendie, Longet, ont vu, sans pouvoir l’expliquer d’une manière satisfaisante, les animaux soumis à leurs vivi- sections manifester une douleur assez vive au moment où l’on opérait la section de ce nerf. Ils l'ont vu égale- ment devenir douloureux chaque fois qu’ils le soumet- taient à l’action du galvanisme ou de tout autre irritant; et les recherches de M. Bernard sur la sensibilité récur- rente sont venues, il y a quelques années, mettre hors de doute un fait que l’on cherchait à nier parce qu’il se trouvait en désaccord apparent avec les doctrines univer- sellement admises. Il ne se pouvait pas que les nerfs moteurs fussent les seuls organes capables d'être affectés de lésions plus ou moins graves, sans que nous en ayons conscience. Aussi voit-on, comme l’a démontré M. Ber- nard, les extrémités terminales des nerfs de sensibilité envoyer des ramifications qui, en apparence, s'anasto- mosent avec les nerfs moteurs, mais, en réalité, remon- tent le long des branches et du tronc de ces derniers jusqu’à leur origine. C’est à ces filets anastomotiques fournis par les branches de sensibilité, qui se distribuent dans la même région, qu’est due la sensibilité des nerfs moteurs; ce sont eux qui portent aux centres nerveux ENTRECROISEMENT DES FAISCEAUX DE L’ENCÉl'llALE. 349 l’impression douloureuse développée par la section des nerfs moteurs et, après celle opération, par l’irritation du bout périphérique. Il résulte, de ce que nous venons de dire, qu’il est pos- sible de voir un nerf moteur, le nerf facial par exemple, devenir le siège de douleurs névralgiques, douleurs qui pourront être dues à une lésion traumatique de ce nerf, à son inflammation, à sa compression, à son passage au travers d’un foyer purulent. Il est possible môme de com- prendre une névralgie du facial sans altération anato- mique bien évidente, névralgie qui peut être de même nature que les douleurs développées dans un muscle at- teint de rhumatisme. Dans une observation de destruc- tion du facial par suite d’une carie du rocher, observation publiée en 1817, par Bogros, nous voyons mentionnées de vives douleurs en même temps que l’hémiplégie or- dinaire. Seulement il est bien évident qu’en pareil cas la section du facial reste toujours contre-indiquée. Si la douleur résistait à tous les moyens, ce ne serait pas sur ce nerf qu’il faudrait porter le bistouri : il faudrait re- chercher qu’elle est la branche sur laquelle la douleur s’irradie avec le plus d’intensité, et s’attaquer à celui des rameaux de la cinquième paire qui va se distribuer dans la même région qu’elle. ENTRECROISEJIENT DES FAISCEAUX NERVEUX DE 1/ENCÉPHALE. L’entrecroisement des colonnes antéro-latérales du bulbe rachidien a été signalé, en 1705, par Dominique Mistichelli, et décrit, dans le siècle dernier, parDuverncy, Santorini, Winslow, Scarpa, Elsemmering. Mais l’in- 350 I)U SYSTÈME NERVEUX. exactitude de la description qui en a été donnée par ceux des physiologistes du dix-huitième siècle qui Padmel- taient, et les doutes élevés contre la découverte de Misti- clielli par les anatomistes qui se trouvaient à la tôle de la science, Haller, Morgagni, Sabatier, et, dans les pre- mières années de notre siècle, Chaussier, Boyer, Rolando, nous donnent le droit de la ranger parmi les découvertes dont l’histoire appartient à notre sujet, puisque c’est seulement de notre temps qu’elle a pu prendre dans la science son rang à côté des vérités démontrées. C’est à Gall et à Spurzhcim qu’appartient le mérite d’avoir mis fin à toute discussion sur ce sujet, par un travail qu’ils présentèrent à l’Institut le 14 mars 1808, mémoire dont le rapport de Cuvier fit adopter les con- clusions. Longet et Foville complétèrent, depuis, la description de Gall : Longet, en faisant connaître l'entrecroisement des corps olivaires et des faisceaux intermédiaires du bull c; Foville, en montrant que la décussation des libres des faisceaux antérieurs n’est pas limitée au bulbe, mais qu’elle s’étend jusque dans le mêsocéphale et jusqu’au voisinage des tubercules quadrijumeaux ; que d’ailleurs elle ne se fait pas chez tous les sujets avec une unifor- mité mathématique, et qu’il y a même des cas exception- nels où quelques fibres vont se continuer avec les co- lonnes de la moelle placées du même côté que les lobes cérébraux dont elles émanent. Quant aux faisceaux pos- térieurs du bulbe, Gall avait reconnu qu’ils ne s'entre- croisaient pas, et il en avait conclu que les lésions des parties du cerveau dont ils étaient la continuation vaicnl produire des effets directs. Les recherches de Fo- ENTRECROISEMENT DES FAISCEAUX LE L’ENCÉPHALE. 351 ville, de Longet, de Sappey, ont démontré que les fibres qui les composent s’entrecroisent dans le inésocéphale. Le résultat de la découverte de l’entrecroisement a ôlô, pour la médecine clinique, l’explication d’un fait déjà remarqué, du reste, par les auteurs anciens : l’effel croisé des lésions du cerveau, qu’llippocrale avait signalé. Dans l’apoplexie cérébrale, on sait que, par suite de cet enlre- croisement, l’hémorrhagie doit avoir lieu du côté opposé à la paralysie. Il en est de môme dans le cas de ramollis- sement cérébral : le côté le plus malade est celui qui est opposé au côlé le plus paralysé. Ces renseignements four- nis à la fois par l'anatomie pathologique et par la physio- logie peuvent être mis à profit pour le traitement. Dans le cas où l’on veut avoir recours à une application de sangsues aux apophyses masloïdes, à la compression de la carotide, ils peuvent indiquer de quel coté il faut agir. Nous trouvons dans les Archives de médecine de 1825, 5e volume de la première série, page 577, une observa- tion de lésion traumatique de la tête, où la connaissance de l’action croisée du cerveau, a permis de faire un dia- gnostic exact, et d’appliquer le trépan à l’endroit conve- nable, dans un cas où, par le fait d’une double lésion, on ne pouvait savoir si l’opération devait être faite à droite ou à gauche. Le malade, dont l’observation est rapportée par Béclard et Dubois, avait à la tête deux plaies contuses, l’une plus petite sur le temporal droit, l’au- tre plus grande au côté gauche et moyen de l’occiput. 11 était dans le coma et avait en même temps une hémi- plégie gauche. Il remuait fréquemment les membres du côté droit, tandis qu’on ne trouvait aucun signe de moti- lité dans ceux du côté gauche. Béclard et Dubois ôtaient 352 DU SYSTÈME NERVEUX. d’accord pour attribuer le coma à la compression du cer- veau par un épanchement intra-crânien. Il s’agissait de savoir qu'elle était celle des deux plaies contuses qui l’avait amené. Béclard se prononça pour un épanchement à droite, parce qu’il voyait la paralysie à gauche; et l’ap- plication du trépan sur la plaie du temporal droit, en donnant issue à une assez forte collection de pus placé entre la dure-mère et les os, vint justifier un diagnostic basé sur l’enseignement des physiologistes. DIAGNOSTIC DU SIEGE DES LÉSIONS DES CENTRES NERVEUX. Un moment on a pu croire que cette question allait être résolue d’une manière complète par les physiolo- gistes qui assignaient des fonctions distinctes à chaque partie des centres nerveux. Les expériences de Flourens, de Bouillaud, ont même paru un instant trouver des preuves de la justesse de leurs résultats dans les obser- vations de la médecine clinique. Malheureusement de nouveaux expérimentateurs ont succédé aux premiers, et, pour soutenir les nouveaux principes de physiologie qu'ils apportaient, ils ont produit, eux aussi, des obser- vations pathologiques. Pour beaucoup de points de la physiologie des centres nerveux, nous constaterons des doctrines multiples cl contradictoires, de sorte qu’il arrivera souvent encore à la physiologie d’embarrasser le diagnostic plutôt que de l’éclairer ; cl pour que dans les maladies cérébrales la physiologie rende a la clinique tous les services qu’elle a d’abord semblé lui promettre, il faut attendre que des expériences plus nombreuses viennent faire disparaître DIAGNOSTIC DU SIÈGE DES LÉSIONS DES CENTRES NERVEUX. 353 ou expliquer les divergences d’opinion qui divisent en- core sur ce point le monde des physiologistes. Nous allons passer en revue les travaux modernes qui peuvent être de quelque utilité pour le diagnostic. Le premier résultat physiologique, dont nous ayons à nous occuper, est un principe émis par Flourens et par Rolando. Il y a, dans le système nerveux, des parties dont l’exci- tation par un irritant physique ou chimique quelconque détermine sur l’animal en expérience, soit des mouve- ments convulsifs, soit la manifestation d’une douleur plus ou moins vive. Il est d’autres parties, au contraire, que l’on peut dila- cérer, brûler, galvaniser sans déterminer ni douleur ni mouvements convulsifs. De là, la division des centres nerveux en parties exci- tables : nerfs, moelle, bulbe rachidien, protubérance annulaire, pédoncules cérébelleux, pédoncules céré- braux, tubercules quadrijumeaux; — et en parties non excitables : lobes cérébraux, couches optiques, corps striés, cervelet. On conçoit qu’il sera facile, dans le diagnostic des af- fections cérébrales, de dire si la lésion porte sur les par- ties excitables ou sur les parties non excitables. Lorsque l’affection portera sur les lobes cérébraux ou sur le cer- velet, on n’observera pas d’autre symptôme qu’une pa- ralysie, plus ou moins étendue, pouvant porter ou sur la sensibilité ou sur le mouvement. Lorsque la lésion aura, au contraire, pour siège les parties excilables, la paralysie sera précédée de l’exalta- tion et de la perversion de la sensibilité et du mouve- 354 DU SYSTEME NERVEUX. ment ; des mouvements convulsifs ou bien des douleurs se déclareront tout d’abord dans les parties qui ont été paralysées et alterneront avec l'anesthésie et la perte de mouvement : c’est dans ce cas qu’on trouvera des par- ties qui, tout en étant le siège de douleurs très-vives, seront cependant incapables de percevoir les sensations. Ceci établi, et le diagnostic du siège de la lésion ainsi restreint, nous allons chercher comment on pourra arri- ver à reconnaître quelle est celle des parties excitables ou non excitables des centres nerveux qui est atteinte. Pour résoudre cette question, il nous faudra passer en revue les travaux qui ont paru sur les fonctions : des lobes cérébraux, — des couches optiques, — des corps striés, — du cervelet, — de la protubérance annulaire, — des pédoncules cérébraux et cérébelleux, — du bulbe rachidien, — de la moelle épinière. LÉSIONS UES LOBES CÉRÉBRAUX. On a voulu donner à chaque partie des lobes cérébraux une fonction spéciale. Ainsi, l’on a décrit les fonctions de la substance blanche et celles de la substance grise. Gall, non content de trouver dans les circonvolutions du cerveau l’organe de l’intelligence, du jugement, de la volition a fait l’analyse de tous les actes dont l’ensemble compose la vie de relation. Autant d'actes accomplis, au- tant de facultés; et pour chaque faculté, il a cru qu’il de- vait y avoir un organe différent. Ainsi, les facultés de juger, de vouloir, d’aimer, de respecter, etc., toutes les passions, tous les actes de la volonté ou de la pensée, sont devenus pour lui les fonctions d’une circonvolution spécialement LÉSIONS DES LOBES CÉRÉBRAUX. 355 affectée à chacun d’eux ; les lésions, les modifications de volume, de vitalité de cette circonvolution devant, d’a- près ce physiologiste, entraîner tantôt la perte, tantôt la diminution ou l’augmentation de la faculté intellectuelle correspondante. Des faits ont été apportés à l’appui de la théorie de Gall : pour toutes les hypothèses il se rencontre des observateurs de bonne volonté qui arrivent avec des idées préconçues, et, ne voyant bien que ce qui peut être favorable à leur opinion, ont bien vite rassemblé une sé- rie défaits tous confirmatifs de la doctrine dont l’exposé lésa tout d’abord séduits. Mais il est arrivé à la théorie de Gall ce qui arrive à toutes celles qui ne reposent pas sur des données cer- taines : aux observations qui lui étaient favorables sont venues s’ajouter des observations contradictoires. On a eu, du reste, à enregistrer quelques cas de blessures de la tète avec perte de substance des lobes cérébraux, guéries sans qu’il y eût perte d’aucune des facultés qui, d’après Gall, auraient dû siéger dans les circonvolutions détruites. Deux parties des lobes cérébraux ont longtemps tenu fixée sur elles l’attention des physiologistes : ce sont les corps striés et les couches optiques. Dans son mémoire inséré dans les Archives de médecine de 1823, Gall attribuait l’innervation des membres pel- viens à une partie seulement des corps striés, à la couche grise périphérique, idées qui n’étaient du reste pas nou- velles puisque, en 1819, Saucerotle (Prix de l’Académie de chirurgie, tome XV, p. 510), ayant cru voir, dans ses dissections, les fibres parties des corps striés s’entre- croiser d’avant en arrière avec les fibres des couches optiques, avait annoncé que les premiers devaient pré- 356 DU SYSTÈME NERVEUX sider aux mouvements des membres pelviens, et les couches optiques à ceux des membres thoraciques, et avait fait quelques expériences dont le résultat semblait donner gain de cause à son hypothèse. Foville, Pinel, Serres répétèrent ces expériences, et ils annoncèrent, comme Saucerotte, que la destruction des couches optiques paralysait les membres thoraciques, et celle des corps striés les membres pelviens. De là ils arrivèrent à conclure que toutes les fois que dans une apoplexie cérébrale on verrait les membres pelviens se paralyser, on serait en droit de regarder les corps striés comme le siège de la lésion. Lorsque les membres thora- ciques seraient seuls affectés, l’hémorrhagie aurait porté sur les couches optiques; et lorsqu’on verrait frappés à la fois les membres thoraciques et les membres pelviens, on pourrait affirmer que les couches optiques et les corps striés étaient également compromis. A l’appui de cette théorie, Foville et M. Serres ont rap- porté, le premier trois, et le second sept observations re- cueillies sur l’homme et favorables à la théorie de Saucc- rotte. Des trois observations de M. Foville, une avait rapporta une apoplexie des couches optiques, et les deux autres à une apoplexie des corps striés. — Dans les obser- vations de M. Serres, deux fois l’hémorrhagie s’ôtait faite dans les corps striés, et cinq fois elle avait atteint les cou- ches optiques. D’autres observations ont été apportées pour démon- trer que la paralysie, lorsqu’elle atteignait à la fois les membres pelviens et les membres thoraciques, annon- çait une lésion qui portait à la fois sur les couches op- tiques et les corps striés. LÉSIONS DES LOBES CÉRÉBRAUX. 357 Tendant plusieurs années, la théorie delà localisation a paru destinée à rallier à elle tous les suffrages; mais elle a fini par trouver ses contradicteurs, et l’observa- tion clinique s’est réunie à l’expérimentation sur les animaux pour la renverser. M. Andral, en France, a pu- blié une statistique basée sur des faits trop nombreux pour laisser aucun doute. Sur soixante-quinze cas où la lésion (hémorrhagie ou autre) ôtait exactement circon- scrite, il en a trouvé quarante dans lesquels les deux membres du même côté étaient à la fois paralysés; et sur ces quarante cas il y en avait vingt et un dans les- quels il n’y avait de lésé que le corps strié, et dix-neuf dans lesquels la lésion avait pour siège la couche optique sans intéresser en rien le corps strié : quarante observa- tions, par conséquent, de contraires à la théorie. Chez onze malades, la lésion était bornée au membre thora- cique, et la lésion ôtait au corps strié. Chez deux autres, la lésion était aux couches optiques, et la paralysie était bornée aux membres pelviens. De sorte que, sur les soixante-quinze observations d’Andral, il n’en restait que vingt-deux de conformes à la théorie, douze avec para- lysie des membres thoraciques et lésion des couches op- tiques, dix avec paralysie des membres pelviens et lé- sion des corps striés. Le docteur Finck a, dans un opuscule publié en 1850 à Fribourg-Brisgaw, combattu également les prétentions des localisateurs et les a réfutés par une statistique faite sur une très-grande échelle. Enfin, pour achever la réfutation de celte doctrine, les expériences faites sur les animaux par ses partisans ont été contredites par de nouvelles expériences de M. Longet 358 DU SYSTÈME NERVEUX. et de M. Laforgue. M. Longet a vu que la destruction des corps striés seuls ou des couches optiques seules déter- minait la paralysie à la lois des membres thoraciques et des membres pelviens chez le chien, et que chez le lapin les mêmes mutilations ne produisaient qu’un af- faiblissement de la contractilité, mais ne paralysaient pas plus les membres antérieurs que les extrémités pel- viennes. Magendie a signalé un autre symptôme de la lésion des corps striés : c’est une propulsion irrésistible du ma- lade à aller en avant. 11 prétend que les corps striés sont, chez l’homme et chez les mammifères, le siège d’une force qui les pousse à aller en arrière, et qui est destinée à contre-balancer une autre force qui réside dans le cer- velet et qui les pousse en avant. En enlevant les corps striés, on détruit la première force; et les animaux sou- mis à celte mutilation se précipitent, dit-il, en avant comme poussés par un pouvoir irrésistible. A l’appui de sa théorie sur cette nouvelle fonction des corps striés, il cite une observation de M. Piédagnel, où l’on aurait ob- servé chez l’homme cet entraînement irrésistible à un mouvement en avant. L’observation est dans le tome 111 du Journal de physiologie de Magendie. Elle a pour titre : Tubercules du cerveau occupant l'hémisphère droit. M. Pié- dagnel rapporte bien que son malade, « au moment de la plus grande stupeur, se levait tout à coup, marchait d’une manière agitée, faisait plusieurs tours dans la chambre, et ne s’arrêtait que lorsqu’il était fatigué. A différentes fois, il sortit et marcha deux, trois heures sans s’arrêter, sans avoir de but à sa course et jusqu’à ce qu’il fut fatigué. » Mais il est bien plus naturel de LÉSIONS DES LOBES CÉRÉBRAUX. 359 voir là un effet du délire qu’une preuve de l’existence d’une propulsion irrésistible à aller en avant par suite de la lésion des corps striés. Du reste, l’autopsie de ce ma- lade est rapportée à la suite de l'observation. Il y est parlé de tubercules logés dans l’épaisseur de l’hémi- sphère droit du cerveau ; mais il n’y est pas fait mention de la lésion des corps striés. De plus, les expériences de Magendie ont été répétées par Longet, et ce dernier n’a amais vu les animaux se jeter en avant après la des- truction des corps striés. En résumé : nous voyons que toutes les tentatives faites pour trouver à chacune des parties des lobes cé- rébraux des fonctions distinctes, et, par suite, une sé- méiologie spéciale à chacune d’elles, n’ont pu amener à des résultats théoriques capables de survivre au temps et à l’examen, et nous sommes obligés d’en revenir à la théorie que Flourens a émise dans ses premiers travaux. Les lobes cérébraux sont chargés de la perception des sensations, du jugement, du raisonnement, delà volition, de tous les actes de l’intelligence. Ils commandent, en outre, les contractions de tous les muscles dont l’action est sous la dépendance de la volonté. Toutes les parties des lobes cérébraux ont une égale influence sur chacun de ces actes ; la destruction d’une partie plus ou moins considérable du cerveau n’aura point pour résultat l’abolition de quelques-uns de ces actes avec conservation des autres, comme cela devrait avoir lieu si la théorie des localisateurs était juste; les fonctions du cerveau persisteront toutes tant qu’on n’aura pas détruit une portion du cerveau assez considérable pour les abolir toutes à la fois ; et elles disparaîtront 360 DU SYSTÈME NERVEUX. toutes en même temps dès que la mutilation sera suffi- sante pour en détruire une seule. Il ne sera donc jamais possible de diagnostiquer la lésion de telle ou telle partie des lobes cérébraux par l’étendue de la paralysie. Tout ce que l’on sait à cet égard, c’est que la paralysie d’un côté du corps annonce une lésion de l’hémisphère céré- bral opposé. La paralysie générale annonce, soit une hémorrhagie opérée au centre du cerveau, dans les ven- tricules, soit une hémorrhagie assez considérable pour comprimer l’hémisphère sain. La paralysie croisée an- nonce une lésion des deux hémisphères. MALADIES DU CERVELET. Dans la physiologie du cervelet, nous trouvons une diversité et un nombre de théories tel que l’étude des travaux faits sur cet organe ne laisse au lecteur que la conscience de la nécessité de nouvelles recherches à cet égard. Ainsi, pour Rolando, le cervelet est l’auteur de tous les mouvements ; le cerveau les commande, et le cervelet les exécute. Pour Gall, il est le siège de l’instinct de reproduction ; Pour M. Flourens, le coordinateur de tous les mouve- ments; Pour M. Bouillaud, le coordinateur seulement des mou- vements volontaires; Enfin, pour Magendie, le siège d’une force de propul- sion en avant. Quelques observations pathologiques ont été publiées en faveur de la théorie de M. Flourens et de celle de LÉSIONS DE LA PROTUBÉRANCE ANNULAIRE. 361 M, Bouillaud ; mais aucune n’a été bien concluante, et ce que les observateurs ont donné comme un défaut de coordination des mouvements paraît n’être que le résul- tat de la stupeur et de la faiblesse qui avaient précédé la mort. M. Ilillairet, médecin de l’hôpital de Clermont, a, dans les Archives de 1858, publié un mémoire où, à l’aide de nombreuses observations, il démontre que les maladies du cervelet n’entraînent le développement d’aucun des phénomènes annoncés par les physiologistes. Les sym- ptômes qu’il donne des apoplexies cérébelleuses sont : la céphalalgie, ordinairement frontale, les vomissements, la diminution des forces, la stupeur, et, aux approches de la mort, le coma avec respiration stertoreuse. On le voit, ici la physiologie n’a apporté aucune don- née au diagnostic; l’observation clinique a tout fait avec l’aide de l’anatomie pathologique. Nous arrivons maintenant à la partie de notre travail où nous aurons à enregistrer des résultats un peu plus satisfaisants, à l’étude des maladies des parties excitables des centres nerveux : protubérance annulaire, pédoncules cérébelleux et cérébraux, bulbe rachidien. LÉSIONS DE LA PROTUBÉRANCE ANNULAIRE. Les expériences des physiologistes ont montré que, toutes les fois qu’on irritait la couche superficielle de la partie inférieure de la protubérance annulaire, on déter- minait la production de mouvements convulsifs. Il en sera de même chez l’homme, lorsque l’irritation produite par le scalpel des expérimentateurs sera remplacée par 362 DU SYSTÈME NERVEUX. un foyer sanguin, une exostose de l’apophyse basilaire, un anévrysme de l’artère basilaire, etc. Les premiers effets de la lésion seront toujours des contractions épilep- tiformes; et la paralysie ne viendra qu’en deuxième lieu. Cette paralysie, qui portera sur le mouvement seule- ment, sera générale, lorsque la lésion atteindra la partie moyenne de la protubérance ; ellesera limitée à un seul côté du corps et au côté opposé à la lésion, lorsqu’il n’v aura qu’une des deux moitiés de la protubérance de compro- mise. Dans l’un et l’autre cas, la paralysie pourra alterner avec les convulsions ; et parfois les muscles dont le ma- lade aura perdu l’usage resteront dans un état perma- nent de contracture. Au milieu de tout ce désordre de la motilité, la sensi- bilité sera intacte, pourvu que la lésion n’atteigne pas la partie supérieure où passent les fibres qui vont des pé- doncules cérébraux aux faisceaux postérieurs de la moelle. Les observations faites sur les animaux ont prouvé la sen- sibilité delà partie posléro-supérieure delà protubérance, et sur ce point l’observation clinique a été d’accord avec les expériences. M. Serres rapporte, dans son Anatomie comparée du cerveau, cinq observations d’apoplexie de la protubérance annulaire; et, chez scs cinq malades, des douleurs atroces ont précédé la perte de la sensibilité. La paralysie de la sensibilité, qui arrivera en pareil cas après les douleurs et alternera avec elles, pourra, comme la perte de la motilité, être générale si la lésion est médiane, ou bornée au côté opposé à la lésion si elle est latérale. A ces premiers signes, il faudra joindre ceux qui se- ront dus à la paralysie des nerfs issus de la protubérance, c’est-à-dire du trijumeau et du moteur oculaire externe. LÉSIONS DE LÀ PROTUBÉRANCE ANNULAIRE. 363 Cette dernière sera d’autant plus facile à reconnaître, que le moteur oculaire commun ayant conservé ses fonc- tions, l’œil sera atteint de strabisme et porté en dedans par l’action du droit interne que ne combattra plus celle du droit externe. Les attaques d’apoplexie de la protubérance s’accom- pagnent en même temps d’une grande gêne de la respi- ration, et se terminent rapidement par la mort. Celle-ci a lieu par asphyxie, et M. Serres l'attribue, avec raison, à ce que l’inflammation développée autour du foyer hé- morrhagique se propage jusqu’au bulbe rachidien. Tour rendre aussi complète qu’il nous est possible la description des signes des apoplexies de la protubérance annulaire, nous ajouterons ici un symptôme assez diffi- cile à expliquer, qui a été signalé par M. Serres et ob- servé par M. Bérard : c’est, au moment de l’attaque, un besoin irrésistible de courir droit devant soi. Ce fait est mentionné dans les observations de deux malades de M. Serres et d’un malade de M. Bérard. Voici, du reste, les expressions de M. Serres et de M. Bérard : « Sur deux autres sujets (Observations de Serres rap- portées dans le Traité de physiologie de Longet, Pa- ris, 1842, t. I, p. 440), un phénomène assez remar- quable s’était manifesté : au moment de l’attaque, ils ressentirent une douleur des plus vives, jetèrent des cris et coururent devant eux, comme pour éviter un grand danger; ils tombèrent après environ cent pas. Chez tous les deux, la tendance à se porter en avant avait été spontanée. La protubérance avait été détruite dans toute sa profondeur, et la paralysie était complète. » Le malade de Bérard (voir Traité des maladies de la 364 DU SYSTÈME NERVEUX. moelle épinière d’Ollivier d’Angers, 1857, t. Il, p. 145), « étant à travailler, se plaint tout à coup d’un bourdonne- ment d’oreilles. Quelques instants après, une douleur vive lui arrache des cris ; il se met à courir, comme pour échap- per au danger qui le menace, tombe bientôt » et présente les symptômes suivants : perte complète de la sensibilité, roideur des membres, bras tournés dans la rotation en dedans, respiration accélérée, stertoreuse, et mort cinq heures après l’invasion des accidents. A l’autopsie, on trouve « la protubérance annulaire changée en une po- che remplie de sang en partie coagulé et mêlé à quelques débris de substance nerveuse ramollie, et colorée par ce liquide. » Nous achèverons l’histoire des maladies de la protu- bérance annulaire, en ajoutant à l’observation de Bérard et à celles de M. Serres le résumé des observations d’Ol- livier d’Angers, de Monod, de Montault, de M. Bouillaud, de Belhomme. Ces observations serviront de preuves pour les principes de séméiologie que nous avons relatés dans cet article. Le malade d’Ollivier d'Angers (Traité des maladies de la moelle épinière, t. Il, p. 155) a, pendant deux heures, des convulsions très-fortes, auxquelles succède la pa- ralysie. Celui de Monod (Compte rendu des travaux de la Société anatomique pour Vannée 1858) eut pour symptômes les plus saillants une grande difficulté de respirer et des convulsions générales. Dans l’observation de Montault (Archives de méde- cine, 1853,1.1 de la deuxième série, p. 275), on remar- qua, en plaçant le malade sur son lit, que les membres LESIONS DES PEDONCULES CEREBELLEUX MOYENS. 365 supérieurs et inférieurs se rendirent convulsivement, phénomène qui se reproduisit passagèrement à plusieurs reprises et fut suivi de leur résolution. Le malade de Bouillaud (Journal hebdomadaire de mé- decine, t. II, p. 56, année 1829) est agité de mouve- ments analogues à ceux de l’épilepsie; il a de l’écume à la bouche, il ne répond à aucune question ; mais il con- serve le sentiment; la respiration est embarrassée, et la mort arrive au bout de trois heures. Enfin, dans l’observation de Belhomme [Bulletin des travaux de la Société médico-pratique de Paris, an- née 1855), le malade avait eu, quelques jours avant sa mort, une attaque d’apoplexie avec perte de connaissance et mouvements convulsifs. Les accidents avaient cédé tout d’abord à un traitement où les émissions sanguines avaient joué le principal rôle; le malade, paraissant rétabli au bout de huit jours, avait repris ses occupations habituelles pendant quatre jours; et, treize jours après l’apparition des premiers accidents, il avait été trouvé mort dans son lit. A l’autopsie, on trouva au centre du inésocéphale un foyer sanguin en voie de résolution. LÉSIONS DES PÉDONCULES CÉRÉBELLEUX MOYENS. Le symptôme ordinaire de cette lésion sera l’hémiplé- gie du côté opposé ; et, dans quelques circonstances, on observera un phénomène assez singulier, qui a été si- gnalé par M. Flourens, par Magendie et par M. Serres : c’est un mouvement de rotation très-rapide. Les animaux auxquels M. Flourens et Magendie faisaient la section 366 DU SYSTÈME NERVEUX. d’un des pédoncules se mettaient à tourner sur eu.\- mêmes et suivant l’axe de leur corps. Un moment on a pensé qu’il ne fallait voir, dans ce phénomène, que le résultat de l’hémiplégie, et nous trouvons, dans le Traité de Longet, une longue discus- sion pour démontrer le peu d'importance de cette ob- servation de Tlourens. Tant que ce phénomène n’a été observé que sur les animaux et pendant les vivisections, sa valeur séméiotique pouvait être, en effet, mise en doute, et on pouvait avoir quelque peine à croire qu’il pût jamais se présenter chez l’homme. Mais deux observations nouvelles recueillies chez l’homme, Tune par M. Serres, l’autre par Belhomme, sont venues mettre fin à toute incertitude sur ce sujet, et ont démontré qu’il y avait là réellement un symptôme des maladies des pédoncules cérébelleux moyens; et comme les pédoncules cérébelleux moyens forment, à eux seuls, la partie inférieure de la protubérance, il en résulte qu’on a là en même temps un symptôme des lésions qui n’intéressent qu’une des moitiés de la protubérance. Voici, du reste, les observations de M. Serres et de M. Belhonnne : OBSERVATION DE M. SERRES. (ANATOMIE COMPAREE DU CERVEAU,'!'. U, P. G23.) Un homme, âgé de soixante-huit ans, grand buveur, étant allé chez un de ses amis, le 5 janvier 1819, étayant bu beaucoup, comme à son ordinaire, fut néanmoins plus étourdi par le vin qu’il n'avait coutume de l'ctre. Une circonstance (pii l'avait frappé dans cet état, c’est qu'il ne voyait pas tourner les objets, comme cela arrive d'or- dinaire, mais qu’il lui semblait qu'il tournât lui-même, ce qni porta ses amis à croire qu'il était ivre et à le reconduire chez lui. k peine y était-il arrivé qu'il se mit à tourner réellement sur lui- LESIONS DES PEDONCULES CEREBELLEUX MOYENS. 367 même. Le tournoiement avait lieu de droite à gauche. On le coucha. Dans la nuit il eut une attaque d’apoplexie avec hémiplégie du côté gauche. On la combattit par les saignées, les vomitifs et les purgatifs. Les symptômes apoplectiques se dissipèrent en partie; mais il resta paralysé de la jambe gauche. Le bras avait repris assez de force et assez d'agilité pour que le malade pût travailler sur son lit ou dans un fauteuil. Néanmoins il s'affaiblissait de jour en jour. Une diarrhée opiniâtre se manifesta. La maladie s’augmentait encore par l'usage du vin et de l’eau-de-vie. Au 12 mai 1819 le dévoiement était conti- nuel; la jambe gauche était immobile, et, quelle que fût la volonté du malade, il ne pouvait lui faire exécuter le plus léger mouvement. Le sentiment était conservé. Le malade succomba le 24 mai à une diarrhée chronique. Autopsie. — Ulcérations dans tout le gros intestin. Les hémi- sphères cérébraux sont dans leur état ordinaire. A l’endroit du pé- doncule moyen du cervelet, dans l’hémisphère droit du cervelet, il existait une excavation de dix-huit millimètres de long, oblique de dehors en dedans, et large de dix millimètres dans son plus grand diamètre transversal. Au pourtour de ce foyer, la substance blanche était devenue jaunâtre et plus consistante que dans l'état naturel. Le foyer était traversé par une bride jaunâtre, et divisé en deux pe- tites loges. Tout l'hémisphère droit du cervelet était plus consistant que le gauche. Les radiations de la substance blanche avaient une teinte jaunâtre qu’on ne remarquait pas dans les radiations du côté opposé. Le reste de la protubérance annulaire, la moelle allongée et la moelle épinière ne présentaient rien de particulier. OBSERVATION DE M. BELHOMME, PUBLIÉE DANS SON TROISIÈME MÉMOIRE SUR LA LOCALISATION DES FONCTIONS CÉRÉBRALES. Mademoiselle G..., âgée de soixante ans, sujette depuis longtemps à des vertiges et à une faiblesse des extrémités inférieures, éprouva un jour une crise nerveuse avec besoin de tourner, qui dura pen- dant'une demi-heure. En 1850, à la suite d’une vive émotion causée par les événements de juillet, elle fut reprise de nouveaux accès nerveux avec disposition à tourner à droite. Ces accès se reprodui- sirent d'abord tous les huit jours, et se rapprochèrent ensuite pour se renouveler quatre ou cinq fois dans la journée. Son moral changea; elle devint triste, impatiente, et sa raison s'altéra au point de croire qu’elle avait un serpent dans le ventre et qu’elle était destinée à 368 DU SYSTÈME NEKVEUX. mourir sur l'échafaud. Voici quelle était, en 1837, la nature des accès : tout à coup la malade perdait connaissance, scs membres se contractaient, et, les fléchisseurs l’emportant sur les extenseurs, elle était forcée de s’accroupir. Une fois assise, elle roulait le plus souvent à droite avec une extrême rapidité, et ce mouvement se serait pro- longé longtemps si elle n’avait rencontré un obstacle. Quelquefois la rotation s’exerçait à gauche, mais d’une manière moins persévé- rante. Lorsque je la vis, elle était assise sur une chaise basse, et son accès s’étant déclaré en ma présence, elle tourna sur un des coins delà chaise avec nue rapidité étonnante. La fréquence des accès, la difficulté d’avaler les aliments l’avaient considérablement affaiblie, lorsque survint une bronchite à laquelle elle succomba le 19 avril 1838. Autopsie. — Les pédoncules du cervelet présentent des deux côtés une dépression sensible, surtout à gauche. Ces dépressions corres- pondent exactement à deux exostoses visibles sur les côtés de la gouttière basilaire et dont la gauche est plus grosse que la droite. La protubérance annulaire incisée sur la ligne médiane présente, à l’union de ses deux tiers antérieurs avec le tiers postérieur, une injection variqueuse formant une espèce de croissant dont les deux extrémités se dirigent vers les lobes du cervelet. LÉSIONS DES PÉDONCULES CÉRÉBRAUX. Les physiologistes ont vu, après la section d’un des pédoncules cérébraux, l’animal blessé avoir une ten- dance irrésistible à se porter toujours du côté opposé à la lésion, et, dans quelques cas, à décrire un mouvement de manège. Mais M. Longet a démontré que ces phéno- mènes n’étaient jamais que l’expression de l’hémiplégie, hémiplégie qui a lieu du côté opposé à la lésion. Nous n’avons donc, pour arriver au diagnostic des lésions des pédoncules cérébraux, que l’hémiplégie pré- cédée des convulsions qui appartiennent aux lésions de toutes les parties excitables. Il y aura en même temps paralysie du moteur oculaire commun. Le moteur ocu- MALADIES DU BULBE RACHIDIEN. 369 laire externe se trouvant, comme tous les nerfs para- lysés, placé au-dessous de la lésion, il n’y aura pas de strabisme; mais ce sera précisément l’absence de stra- bisme externe qui permettra de distinguer les apoplexies des pédoncules cérébraux de celles de la protubérance. LÉSIONS DES TUBERCULES QUADRIJUMEAUX. M. Serres a observé, comme M. Flourens, qu’en por- tant la pointe d’un stylet sur les tubercules quadriju- meaux, on déterminait des mouvements convulsifs. Il a cru trouver quelque analogie entre ces mouvements et ceux de la chorée ; et quelques autopsies lui ayant montré la coexistence de la chorée avec des lésions, de diverse nature, des tubercules quadrijumeaux, il s’est cru au- torisé à y placer le siège de cette maladie. En conséquence, il conseille de traiter la danse de Saint-Guy par les émissions sanguines locales pratiquées à la nuque, et les exutoires placés dans la môme région. Du reste, il est loin de prétendre que toutes les cho- rées dépendent de cette altération anatomique ; et les moyens thérapeutiques qu’il propose contre elle pour- ront toujours, dans certains cas, ce nous semble, être essayés dans une maladie contre laquelle on a générale- ment le temps d’épuiser tout l’arsenal de la thérapeu- tique. (Archives de médecine, année 1827.) MALADIES DU BULBE RACHIDIEN. C’est aux physiologistes du dix-neuvième siècle que nous devons la connaissance de tout ce que nous savons sur les fonctions du bulbe rachidien. Charles Bell, Ma- 370 DU SYSTÈME NERVEUX. gendie, nous ont appris la destination des faisceaux anté- rieurs du bulbe à la motilité, el des corps restiformes à la sensibilité. Gall, Spurzheim, Cuvier, Longet, en décri- vant l'entrecroisement des faisceaux antérieurs au-des- sous des pyramides, nous ont expliqué l’effet croisé des lésions de celte partie du bulbe. M. Calmeil, en 1828, a, dans le onzième volume du Journal des Progrès, démon- tré que la section des corps restiformes amène la paraly- sie du sentiment du côté de la lésion. Et enfin, comme complément de ces découvertes, nous avons eu la consta- tation, par Legallois et Flourens, de l’action du bulbe ra- chidien sur la persistance de la vie. La gravité des lésions du bulbe rachidien avait été entrevue par Galien, qui la signalait dans ces termes : Si post secundam aut primant vertebram aut inipso specialis medullæ principio sectionem ducas, repente animal corrumpitur. Lorry (Académie des sciences, Mémoires des Savants étrangers) avait, dans le dix-huitième siècle, reconnu que la piqûre delà moelle au-dessous de l’occiput amène des convulsions, et que la même lésion entre la seconde et la troisième vertèbre amène la cessation immédiate de la respiration et des battements du cœur. Mais il suffit de citer, comme nous venons de le faire, les paroles mêmes de ces deux observateurs pour montrer que si le danger des blessures de la partie supérieure de la colonne vertébrale était connu avant les travaux des physiologistes personne ne s’était inquiété d’en rechercher l’explication dans l’étude des fonctions du système nerveux ; et le mérite d’avoir mis en lumière toute 1 importance des fonctions du bulbe rachidien ne peut être contesté à Legallois et à M. Flourens. MALADIES DU BULBE RACHIDIEN. 371 Legallois a montré que le cœur continue de battre et que les mouvements respiratoires persistent lorsqu’après avoir enlevé le cerveau, le cervelet, le mésocépliale, on enlève, par une série de sections circulaires, toute la par- tie supérieure de la moelle allongée jusqu’au voisinage de l’origine des pneumogastriques. Il voit tout mouve- ment cesser lorsqu’il porte la section au niveau de l’ori- gine des pneumogastriques; et il en conclut que le pre- mier mobile des mouvements du cœur et de la respiration a son siège dans une portion assez restreinte du bulbe ra- chidien, un peu au-dessous du trou occipital, au voisinage de l’origine des pneumogastriques. M. Flourcns précise mieux la situation et l'étendue de la partie du bulbe rachidien dont la lésion a pour effet une mort immédiate. Il fait voir qu’elle commence à une ligne au-dessus de l’origine des pneumogastriques, et s’étend jusqu’à trois lignes au-dessous du point d’émergence de ces nerfs. Il démontre que cette portion de la tige cérébro- rachidienne, à laquelle il donne le nom de nœud vital, ne borne pas son action à l'entretien de la respiration et de la circulation, mais qu’elle agit sur tout le système nerveux. Une section pratiquée au-dessus et au-dessous du nœud vital paralyse toutes les parties du système ner- veux qu’elle en sépare; et toute lésion qui porte directe- ment sur le nœud vital met hors d’état d’accomplir leurs fonctions le cerveau et la moelle épinière. Cette portion du bulbe rachidien tient donc sous sa dépendance l’axe cérébro-spinal tout entier. 11 est inutile d’insister longuement sur les résultats des découvertes dont nous venons de retracer l’histoire. Deux ordres de lésions pourront atteindre la moelle 372 DU SYSTÈME NERVEUX. allongée. Les unes porteront sur le nœud vilal et auront pour effet la cessation immédiate de la vie. Mais ces lé- sions, nous pourrons les prévoir, grâce aux travaux de Flourens et de Legallois; et, dans quelques cas, il sera possible de les prévenir. Ainsi, dans les maladies des pre- mières vertèbres cervicales, il suffira de se rappeler l’effet que doit produire une compression brusque du bulbe ra- chidien, pour comprendre la nécessité de prévenir à l’aide d’appareils orthopédiques la luxation des premières vertèbres et l’écrasement de leurs corps, que l’on sait être une des terminaisons du mal de Polt. Il est inutile d’insister encore sur la prudence avec la- quelle devront être faites les tentatives de redressement de la colonne vertébrale dans les cas de fracture ou de luxation de la région cervicale, où le malade aura eu le bonheur de survivre quelque temps à sa lésion. Dans les affections des parties voisines du nœud vital, dans les myélites de la partie supérieure de la moelle épinière, dans les maladies inflammatoires de la protubé- rance, la crainte de voir la lésion s’étendre jusqu’à la moelle allongée nécessitera l'emploi d'un traitement aussi actif que possible. Enfin, il sera toujours important, alors même qu’on ne pourra s’opposer à la terminaison fatale des affections qui doivent arriver à compromettre le bulbe rachidien, d’être averti, par les données de la physiologie, de la gravité de la maladie, afin d’être aussi réservé que pos- sible dans le pronostic. Du reste, les résultats apportés à la médecine clinique pour l’étude et le traitement des maladies du bulbe ra- chidien ne sont pas bornés à ce que nous venons de rap- MALADIES LU BILBE RACHIDIEN. 373 peler ; toutes les lésions du bulbe rachidien ne tuent pas subitement ; il en est qui sont assez limitées pour laisser intacte, pendant un certain temps du moins, la partie qui constitue le nœud vital ; d’autres, tout en at- teignant cette portion si importante du bulbe rachidien, n’arrivent que peu à peu à la rendre inapte à l’exercice de ses fonctions; et l’on sait qu’il y a une grande diffé- rence entre les lésions du système nerveux qui se font brusquement et celles qui se font lentement : ces der- nières peuvent arriver à produire une désorganisation très-grande avant que la partie malade perde complète- ment la faculté de remplir ses fonctions. Il peut donc y avoir des maladies du bulbe rachidien qui durent un certain temps, et il y a nécessité d’autant plus grande de faire leur séméiologie, que leur pronostic est plus grave. Les symptômes des affections du bulbe rachidien va- rieront suivant l’étendue de la lésion. Pour une lésion des faisceaux antérieurs, nous aurons, comme l’a observé Ollivier d’Angers, des contractions, des convulsions sui- vies de la paralysie du mouvement du côté opposé à la lésion. — Les faisceaux postérieurs seront-ils compromis, nous aurons des douleurs assez vives qui seront suivies de la paralysie du sentiment du côté de la maladie. Enfin dans le cas d’apoplexie du bulbe, ou encore dans celui d’un ramollissement qui porterait, comme il arrive assez souvent, plus d’un côté que de l’autre, nous aurons un symptôme signalé par M. Calincil : c'est qu’il y aura perte ou tout au moins diminution de la sensibilité d’un côté du corps, et perte du mouvement du côté opposé. A ces symptômes viendront se joindre les érections du 374 DU SYSTÈME NERVEUX. pénis, que quelques observateurs ont voulu rattacher aux lésions et aux maladies du cervelet, et que Bouil- laud, Hillairet, ont démontré être déterminées, dans les faits invoqués à l’appui de la théorie de Gall, par l’exten- sion de la blessure, ou de l’inflammation, à la moelle allongée. Les nerfs qui parlent du bulbe rachidien seront pres- que toujours atteints de troubles fonctionnels qui vien- dront faciliter le diagnostic. Par suite de la lésion du pneumogastrique, du spinal, du glosso-pharyngien, du grand hypoglosse, il y aura : gêne de la déglutition, parfois sensation douloureuse au moment du passage du bol alimentaire dans le pharynx; dyspepsie expliquée par les observations de Wilson Phi- lipps sur les effets de la section des pneumogastriques ; dans quelques cas, glycosurie expliquée par les re- cherches de M. Bernard sur l’effet de l’irritation du pneumogastrique; gêne delà parole, les muscles de la langue n’étant plus animés par le grand hypoglosse ; dyspnée et expectoration rendue plus difficile par la pa- ralysie des fibres musculaires de la partie membraneuse de la trachée et des bronches qui doivent être animées par les pneumogastriques. MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. Lorsqu’on passe en revue les travaux des physiologistes de noire époque sur la moelle épinière, on est au premier abord tenlé de regarder comme bien peu avancée l’étude des fonctions de cette partie des centres nerveux. On se trouve en effet en présence d'une succession de théories MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 375 qui, appuyées sur les observations, contradictoires en ap- parence , d’expérimentateurs habiles et consciencieux, viennent se renverser les unes les autres. Jusqu’en 1855, les doctrines de Charles Bell et de Longet étaient universellement admises et il semblait hors de toute contestation que la sensibilité eût pour con- ducteurs les faisceaux postérieurs de la moelle, et la mo- tilité les faisceaux antérieurs. A celte époque parurent en France de nouvelles obser- vations apportées d’Amérique par un physiologiste qui, après avoir exposé le résultat de ses expériences devant l’A- cadémie des sciences et la Société debiologiede Paris, arriva bien vile à faire regarder comme complètement fausses les idées adoptées jusqu’à ce jour. Brown-Sequard, par des sections pratiquées tantôt sur les cordons postérieurs, tantôt sur la substance grise de la moelle épinière, sem- bla démontrer que la transmission des impressions sen- sitives se faisait dans la moelle par l’intermédiaire de la substance grise et non par les faisceaux postérieurs ainsi qu’on le croyait généralement. Mais ses expériences ne restèrent pas longtemps sans contradicteur. Quelques mois à peine s’ôtaient écoulés depuis l’avènement de la nouvelle école, et dans une note adressée à l’Académie des sciences le 11 mai 1857, M. Chauveau venait annoncer que la transmission des impressions sensitives continuait à se faire dans la moelle épinière après la destruction de la substance grise. Nous ne chercherons pas à contester la valeur des expériences accomplies par MM. Brown-Sequard et Chau- veau. Nous n’avons pas la moindre répugnance à ad- mettre l’exactitude des faits observés par ces deux phy- 376 DU SYSTÈME NERVEUX. siologistes. Les lésions qu’ils ont cru produire dans leurs recherches sur les animaux, ils les ont bien réellement produites, ils ont eu soin du reste de les constater chaque lois par l’autopsie, et il serait puéril de chercher à faire douter des résultats annoncés, en les mettant sur le compte d’illusions et de défectuosités opératoires dont on est parfaitement à l’abri, avec des expérimentateurs comme ceux dont nous venons de citer les recherches. Mais si nous ne nous permettons pas de rien repro- cher au récit de leurs expériences, nous ne pouvons avoir la même réserve, à l’égard des déductions qu'ils en ont tirées. Nous croyons que là on a fait fausse route, et qu’il est possible de trouver à ces observations diverses, de tout autres conséquences que celles que l’on a annon- cées, en formulant une théorie qui sera la justification des résultats obtenus par chacun d’eux. Cette théorie, que nous trouvons dans le traité de physiologie de Béclard, se i‘approche beaucoup de celle de Longet et de Charles Bell, elle n’en est, à vrai dire, que le complément, elle a du reste l’avantage de concorder parfaitement avec les données fournies par les anatomistes allemands, Kolli- ker, Stilling, sur la structure delà moelle et les rapports de la substance grise avec les racines des nerfs rachi- diens et les faisceaux blancs du cordon médullaire. La substance grise de la moelle épinière a pour élé- ment essentiel des cellules nerveuses communiquant les unes avec les autres par des filets d’anastomose de ma- nière à former une espèce de plexus. De ce plexus parlent deux ordres de rameaux : les uns vont à l’encéphale en se continuant avec les fibres qui constituent la substance blanche de la moelle; les autres forment les racines an- .MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 377 térieures el postérieures des nerfs rachidiens. Ces derniers ne se séparent pas de la moelle aussitôt après leur sortie de la substance grise, ils ont à faire auparavant dans la substance blanche un trajet de quelques centimètres, pendant lequel ils font partie constituante des faisceaux blancs, et ce trajet ils le font pour la plupart de bas en haut en remontant vers l’origine de la moelle. Si donc, nous venons à faire la section horizontale d’un faisceau blanc de la moelle, nous diviserons dans celte section deux ordres de rameaux nerveux; des rameaux qui vont de la substance grise au cerveau, et des rameaux qui vont de la substance grise aux racines des nerfs rachidiens. Les premiers seront évidemment de beaucoup les plus nombreux ; le bout central pour eux, celui qui, après l’opération, restera en connexion avec le cerveau sera le bout supérieur, le bout périphérique sera l’inférieur. Pour les seconds ce sera l’inverse; la partie qui conservera ses rapports avec le cerveau sera l’inférieure, pourvu que la substance grise n'ait pas été lésée, et ce sera le bout supérieur qui sera isolé des cen- tres nerveux. Voilà tout ce que l’anatomie a pewuis de constater. Elle a pu reconnaître facilement les rameaux d’origine des nerfs rachidiens jusqu’à la substance grise, mais là, il lui est devenu impossible de suivre leurs traces. Y a-t-il continuation de ces nerfs jusqu’au cerveau? Celte connexion, si elle existe, a-t-elle lieu par l’intermédiaire de la substance grise ou se fait-elle autrement? C’est ce qu’il était impossible de débrouiller avec le seul secours de la dissection. Tout ce qu’il est possible de reconnaître c’est qu’il existe entre la substance grise et le cerveau dts 378 DU SYSTÈME NERVEUX. filets nerveux qui forment la plus grande partie des fais- ceaux antérieurs, postérieurs et latéraux de la moelle, mais à quoi servent-ils? la physiologie seule peut nous l’apprendre. 11 est vrai qu’au premier abord elle ne sem- ble pas êlre près d’éclaircir cetfe question, mais l’on peut néanmoins en se rattachant à la théorie de Béclard se rendre compte des résultats obtenus dans toutes les expériences dont le récit a été fait aux sociélés savantes. Béclard voit dans les nerfs qui s’étendent de la sub- stance grise au cerveau la continuation des nerfs qui avaient formé les racines des nerfs rachidiens. Si donc nous voulons suivre le trajet d’un de ces nerfs depuis son entrée dans le canal rachidien par le trou de conjugaison jusqu’à sa pénétration dans le crâne, nous verrons ce nerf, sensitif ou moteur peu importe, pénétrer dans la substance grise presque aussitôt après son entrée dans la substance médullaire. Il restera quelque temps dans la substance grise, puis en ressortira après avoir traversé un nombre plus ou moins considérable de cellules, et ira se continuer avec les libres de la substance blanche de la moelle qui le conduiront jusqu’au cerveau. Nous pour- rons donc décomposer les nerfs rachidiens en trois par- ties: une première partie, allant de la substance grise au trou de conjugaison, nous est suffisamment connue pour que nous ne revenions pas sur elle; une seconde partie, qui est plongée dans la substance grise de la moelle, nous offre de remarquable que pour les nerfs sensitifs, mais pour eux seuls, il y a à ce moment entrecroisement, les nerfs sensitifs qui ont pénétré du côté droit en ressortent du côté gauche; cet entrecroisement qui n’a pas lieu pour les nerfs moteurs a donné à Brown-Sequard la possibilité MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 379 de détruire les nerfs sensitifs à leur passage à travers la substance grise de la moelle dans une région donnée par un procédé très-facile, une section longitudinale de la moelle faite sur la ligne médiane. Enfin la troisième partie des nerfs rachidiens est celle qui s’étend de la substance grise au cerveau. Ici les nerfs moteurs vont former les faisceaux antérieurs et une partie des faisceaux latéraux, et les nerfs sensitifs forment les faisceaux postérieurs et une partie aussi des faisceaux latéraux. Cette théorie diffère de celle de MM. Longet, Brown- Sequard et Chauveau, mais elle n’est point en opposition avec leurs expériences. Elle ajoute à celle de M. Longet en ce qu’elle assigne une fonction à la substance grise que M. Longet avait laissée de côté; elle détruit l’erreur qui faisait regarder les faisceaux blancs de la moelle comme étant simplement la réunion de fdets nerveux qui prenant leur point d’origine au cerveau descendraient accolés les uns aux autres à travers le canal rachidien pour se séparer du faisceau commun au niveau du trou de conjugaison correspondant à chacun d’eux. C’était là une erreur excusable du temps de Charles Bell et de Longet, mais aujourd’hui il n’est plus permis d’oublier ainsi que les nerfs rachidiens ont à traverser la substance grise. Elle redresse aussi une autre erreur, celle de ne voir dans les faisceaux latéraux que des nerfs moteurs. Les expériences de M. Bernard et de M. Chauveau ne per- mettent pas de révoquer en doute qu’ils contiennent en même temps des nerfs de sensibilité. Nous admettons avec M. Brown-Sequard l’entrée des rameaux d’origine des racines postérieures et leur entre- croisement dans la substance grise. Mais nous ne sommes 380 DU SYSTÈME NERVEUX. plus (le son avis lorsqu’il prétend que la substance grise est chargée de porter au cerveau les impressions sensi- tives, l’expérience qu’il invoque à l’appui de celte opinion ne nous parait nullement contraire à la nôtre. Que prouve en effet la conservation de la sensibilité dans le train postérieur, c’est-à-dire dans le plexus lom- baire, après la destruction des faisceaux postérieurs de la moelle au niveau des dernières vertèbres lombaires? Elle montre que, dans la région où la mutilation annoncée a été pratiquée, les rameaux nerveux chargés de la trans- mission des impressions sensitives au cerveau étaient dans la substance grise, ils y étaient entrés au-dessous de la lésion pour n’en ressortir qu’au-dessus. Qu'y a-t-il d’élonnant d’autre part à voir la destruction de la sub- stance grise dans la même région amener la paralysie des dernières paires rachidiennes, puisque dans celle dernière expérience llrown-Sequard allait chercher, pour les détruire, les nerfs en expérience dans l’endroit où ils étaient. Si après la section d’un cordon postérieur il voit le bout inférieur rester sensible, cela ne nous étonne pas davantage, puisque dans celle partie de la moelle, il y a des rameaux nerveux qui allaient de la substance grise aux racines des nerfs rachidiens, et qui après la section restent en connexion avec le cerveau par l’intermédiaire de la substance grise. Les erreurs faites dans les déductions que l’on a tirées des expériences de llrown-Sequard ont pour cause le choix de la partie inférieure du cordon rachidien pour théâtre de ses recherches. Si en effet les lésions avaient été faites plus haut, la destruction des cordons posté- rieurs de la moelle aurait atteint un très-grand nombre MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 381 (le nerfs rachidiens dans la partie placée entre la sub- stance grise et le cerveau, et, à la r.'gion cervicale, elle n’aurait pu moins faire que d’amener la paralysie de sentiment du train postérieur et par contre celle de la substance grise à la même hauteur n’aurait pu avoir aucune influence sur l’innervation des membres infé- rieurs. Aussi n’v a-t-il pas lieu de s’étonner beaucoup des résultats annoncés par M. Chauveau qui, contradictoire- ment à M. Brown-Sequard, opère à la partie supérieure delà moelle. Dans cette opération il atteint bien quelques- uns des nerfs rachidiens au moment de leur passage dans la substance grise, et ceux-là doivent être paralysés. Mais comme il ne s’agit là que d’une section horizontale, un très-petit nombre de nerfs seulement sont atteints, et il y en a trop peu pour que la paralysie puisse être constatée. Nous aurions désiré voir M. Chauveau faire son expérience d’une autre manière. Nous aurions voulu le voir opérer à peu près au milieu de la moelle et détruire la substance grise dans une étendue beaucoup plus considérable. Il aurait vu probablement alors la sensibilité perdue pour les paires rachidiennes placées à la région moyenne de la moelle, celles qui auraient eu leurs rameaux d’origine engagés dans la partie lésée, et il aurait trouvé intacts les au'rcs nerfs qui n’auraient traversé la substance grise qu’au-dessus ou au-dessous de la lésion. Les fonctions des divers faisceaux delà moelle épinière étant ainsi élucidées, il est facile de tirer les conséquen- ces qui ressortent des recherches de physiologie pour le diagnostic des maladies de la moelle épinière. Ces maladies ne peuvent en effet moins faire que d’en- 382 DU SYSTÈME NERVEUX. traîner des troubles dans l’innervation des parlies aux- quelles vont se distribuer les nerfs rachidiens. Les no- tions que nous avons sur le point de départ de ces nerfs nous permettent de reconnaître, à l’étendue et au siège de la paralysie ou des mouvements convulsifs, à quelle hauteur siège la lésion du cordon médullaire. Les trou- bles de l’innervation sont-ils limités aux membres pel- viens? nous pouvons affirmer que la lésion est à la partie inférieure de la moelle, la région cervicale ne peut avoir été atteinte, car il y aurait eu alors des troubles fonction- nels dans les nerfs du plexus brachial et du plexus cer- vical. Mais ce n’est pas seulement la hauteur de l’affection observée que nous pouvons déterminer; il est possible d’aller plus loin et de reconnaître encore si la lésion at- teint la partie antérieure ou postérieure de la moelle. La lésion frappe-t-elle sur les cordons conducteurs de la motilité, faisceaux antérieurs ou faisceaux latéraux, elle aura pour conséquence des troubles dans l'innervation des muscles que devaient animer les filets nerveux af- fectés. Ce seront ou des mouvements convulsifs ou des paralysies portant sur la motilité seule. Les nerfs rachi- diens qui se détachent de la moelle, soit au niveau, soit au-dessous du point malade, conserveront intactes leurs propriétés de nerfs sensitifs ; ils ne présenteront de troubles que dans leurs fonctions de conducteurs de la motilité, et l’on n’observera dans les parties animées par eux ni douleur ni anesthésie; 11 ne faudrait pas cepen- dant penser qu’en pareille circonstance il ne dût y avoir aucun phénomène dé sensibilité, et que l’affection des faisceaux antérieurs fût exempte de douleur; Les recher- MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 383 chcs de M. Bernard sur la sensibilité récurrente ont fait voir que les faisceaux antérieurs de la moelle et les ra- cines motrices sont, comme tous les autres organes vasculaires, pourvus d’un appareil d’innervation grâce auquel ils ne peuvent être lésés sans que l’organisme en ait conscience. Il a montré que les filets nerveux qui apportent la sensibilité aux racines antérieures leur viennent des racines postérieures correspondantes, et qu’ils s’étendent jusque sur les parties voisines des cor- dons antérieurs. Les malades atteints d’une affection de cette partie de la moelle pourront donc accuser de la douleur, et la douleur observée en pareille circonstance aura pour caractère distinctif d’être limitée à la région malade et de ne pas s’étendre sur le trajet des nerfs ra- chidiens. Lorsque la maladie aura son siège sur les faisceaux des- tinés à la sensibilité de la moitié postérieure de la moelle, on comprend que les troubles fonctionnels devront être des altérations de la sensibilité. On trouvera de la dou- leur, de l’anesthésie, de l’analgésie et quelquefois au contraire une exaltation morbide de la sensibilité, de l’hypéresthésie, et ces phénomènes auront lieu sur le trajet des nerfs rachidiens qui se détachent de la moel'c soit au niveau, soit au-dessous de la lésion. Les malades accuseront bien quelquefois de la douleur dans une région limitée de l’axe rachidien comme cela avait lieu dans les maladies des faisceaux antérieurs» Mais un examen atten- tif permettra le plus souvent de trouver des troubles dans l’innervation des membres qui permettront de faire le diagnostic de cette affection d’avec celle des cordons rieurs, et une erreur tout opposée serait plus à craindre. 384 DU SYSTÈME N EU VEUX. Les douleurs, qui dans la plupart désaffections des fais- ceaux postérieurs de la moelle s’étendent sur le trajet des nerfs rachidiens, pourraient, si l’on n’en était prévenu, faire croire à des affections rhumatismales, à des névral- gies intercostales et conduire à l’emploi de moyens thé- rapeutiques qui seraient de nature à aggraver la maladie de la moelle. Les affections des cordons de la moelle affectés à la sensibilité ne seront pas sans influence sur la motilité. M. Bernard a prouvé que leurs lésions entraînaient, non pas la paralysie, mais un trouble notable dans les mou- vements des membres, rendus insensibles par suite de l’opération, qui les met hors d'état d’agir. Les fibres mus- culaires peuvent se contracter sous l’action seule des nerfs moteurs, mais leurs contractions, pour avoir la ré- gularité, la coordination nécessaires à la production des mouvements d’ensemble, ont besoin de l’action qu’exercent sur elle les rameaux nerveux sensitifs qui leur arrivent confondus avec les branches motrices et qu’on peut paralyser en faisant la section des racines postérieures. Ces idées de M. Bernard sur l'influence de la sensibilité sur le mouvement, des nerfs sensitifs sur le jeu des muscles, ont bientôt trouvé leur application pratique. M. Ducbenne de Boulogne a décrit une maladie qu’il a désignée sous le nom d’ataxie musculaire pro- gressive, et qui est caractérisée essentiellement par l’a- bolition progressive de la coordination des mouvements contrastant avec l’intégrité de la force musculaire. La lésion, cause première des accidents observés, a échappé à M. Ducbenne; pour lui la maladie est sans lésion anatomique. Mais d’autres observations sont venues dé- MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 385 Iruire cette idée erronée, et ont fait voir que la cause des troubles de la motilité était une lésion des nerfs sen- sitifs, soit au niveau des racines postérieures, soit au niveau des faisceaux postérieurs de la moelle; dans des autopsies on a vu, produites par la nature, les lésions que M. Bernard nous avait montrées pratiquées artifi- ciellement, et, sur les malades qui les ont présentées, on a trouvé les mômes troubles, les mêmes symptômes morbides que ceux qu’on avait étudiés sur les animaux qui servaient aux leçons du Collège de France. Dans un mémoire publié en 1861 dans les Archives de médecine, M. Bourdon a cité une observation des plus concluanles, dans laquelle l’ataxie locomotrice s’ac- compagnait de troubles anatomiques bien déterminés, siégeant au niveau des cordons postérieurs. Cette concordance des faits cliniques et des faits d’ex- périence nous semble de la plus haute importance. Ainsi, l’entité morbide créée par M. Duchenne de Boulogne a une puissante base. Il ne faudra plus désormais con- sidérer cette affection comme un simple groupe de sym- ptômes, se rattachant tantôt à une maladie, tantôt à une autre, puisque une lésion anatomique constante et carac- téristique s’y rencontre constamment, et que, bien plus, le physiologiste peut à volonté reproduire sur l’animal l’ensemble de ces symptômes, en réalisant sur lui une lésion spéciale. Il resterait peut être à expliquer com- ment, avec une altération profonde des organes qui sont reconnus comme servant à la transmission des impres- sions sensitives, la sensibilité peut néanmoins persister soit dans la peau, soit dans les muscles; mais les der- nières expériences de M. Brovvn-Sequard, permettent fa- 386 DU SYSTÈME NERVEUX. cilement de se rendre compte du phénomène. M. Brown- Sequard n’a-t-il pas démontré qu’après la section com- plète, ou une altération protonde des faisceaux posté- rieurs, la transmission des impressions sensitives pouvait continuer à se faire, et que, bien plus, la sensibilité même était exaltée. M. Chauveau a fait sur l’excitabilité de la moelle épi- nière une découverte qui a ajouté à la précision du dia- gnostic des maladies de cet organe, et qui a permis de distinguer les affections de la portion centrale d’avec celles de la portion périphérique du cordon médullaire. MM. Longet et Flou rens avaient démontré par leurs ex- périences l’excitabilité de la moelle épinière; ils avaient fait voir que les lésions, soit des faisceaux dévolus à la sensibilité, soit des faisceaux conducteurs de la motilité, n’avaient pas pour résultat unique la paralysie, et qu’elles entraînaient en même temps des manifestations de dou- leur dans le premier cas, des mouvements convulsifs dans le second. M. Chauveau ne s’est pas contenté, comme ses prédécesseurs, d’interroger seulement les couches périphériques, il est allé plus avant, et il a vu que lors- qu’on arrive aux couches centrales de la moelle, l’exci- tabilité disparaît, on peut les piquer, les inciser, les électriser mêmç sans que l’animal ne manifeste aucune douleur, ni sans qu’il y ait jamais de mouvements con- vulsifs. Nous avons donc là un moyen de reconnaître dans les maladies de la moelle, non-seulement quel est le faisceau malade, mais encore quelle est la partie de ce faisceau qui est atteinte. S’agit-il, en effet, d’une lésion de la portion périphérique, nous aurons tout à la fois pa- ralysie et mouvements convulsifs si l’affection s’adresse MALADIES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 387 aux cordons moteurs, anesthésie et douleurs dans les membres paralysés, si elle a pour siège les faisceaux sensitifs, tandis que, dans le cas d’une affection des parties centrales de la moelle, la paralysie soit de mouvement, soit de sentiment, sera le seul phénomène observé. Les expériences de Legallois, Flourens, Clift, Wede- meyer ont montré l’influence que la moelle épinière exerce sur la circulation, contrairement à l'opinion de Ballet. Ils ont vu que la destruction de la moelle amenait un ralentissement des battements du cœur et la diminu- tion des pulsations artérielles dans les parties paralysées. Us ont ainsi expliqué le refroidissement et l’œdème des membres atteints par la paraplégie, et la diminution des sécrétions qu’on observe dans la myélite. AVilson Philips a constaté que l’irritation de la moelle épinière accélérait les mouvements du cœur, et dans son Traité des maladies de la moelle épinière, Olli- vier d’Angers a eu soin de mentionner les troubles apportés à la circulation par les maladies de la lige mé- dullaire. Krimer, Brodie, Borne, llankel, Stanley, ont fait re- marquer que la sécrétion urinaire est modifiée par les lésions de la moelle. Ils l’ont vue devenir tantôt acide, tantôt fortement ammoniacale, par le fait de la destruc- tion ou de l’inflammation du cordon médullaire. Nous ne nous arrêterons pas à discuter les théories à l’aide desquelles ces différents observateurs ont voulu expli- quer le trouble apporté à la sécrétion des reins; il nous suffit de signaler le fait, pour mettre en garde contre une erreur de diagnostic qui tendrait à faire voir dans 388 DU SYSTÈME NERVEUX. une myélite commençante une affection des \oies uri- naires. La constatation des mouvements réflexes a fourni à Marshall Hall un moyen de diagnostiquer les paralysies qui dépendent d’une maladie de la moelle, et celles qui se trouvent sous la dépendance d’une affection cérébrale. Il a remarqué, on le sait, que la moelle peut indépen- damment de l’action du cerveau, déterminer des con- tractions musculaires, lorsqu’elle est excitée par une im- pression qui lui est apportée par les nerfs de sensibilité. Ainsi, un malade étant frappé de paralysie par suite d’une apoplexie cérébrale, une légère excitation des membres paralysés, le chatouillement, par exemple, de la paume des mains ou de la plante des pieds suflira pour faire exécuter des mouvements violents et involon- taires aux membres que le malade ne peut pas sou- lever. Ces mouvements, connus sous le nom de mouvements réflexes, ont leur cause première dans la moelle mise enjeu par la sensation que lui apportent les racines pos- térieures des nerfs du membre malade. Ils annoncent, toutes les fois qu’ils se produisent , l’in- tégrité de la moelle, et doivent être consultés toutes les fois que le diagnostic est indécis entre une maladie encéphalique ou une affection rachidienne. Nous terminerons celte partie de notre travail en rap- pelant qu’une des conséquences de la découverte de Charles Bell a ôté de mettre M. Cruvcilhier sur la voie de la description d'une maladie qui jusqu’alors était confon- due avec d’autres affections : nous voulons parler de l’atrophie musculaire progressive. GRAND SYMPATHIQUE. 389 Dans un premier Mémoire, M. Cruveilhier n’avait attiré l’attention que sur l’atrophie des muscles, leur dé- générescence graisseuse, et l’atrophie des racines anté- rieures des nerfs rachidiens. Dans un second travail, il a fait remarquer que l’atro- phie s’étendait jusqu’aux faisceaux antérieurs de la moelle. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX GANGLIONNAIRE SUR LA CIRCULATION. Nouvelles théories de M. Bernard sur l'inflammation, la sécrétion des glandes et le diabète. Dans le cours de physiologie professé ou Collège de France, pendant le semestre d’hiver 1858-1859, M. Ber- nard a émis, au sujet de Faction du système nerveux sur la circulation, quelques idées nouvelles de nature à don- ner lieu à des considérations pratiques, utiles au lit du malade. Pour M. Bernard, les rameaux du grand sympathique, qui suivent les divisions artérielles, sont destinés à s’op- poser à l’afftuv du sang dans les organes et spécialement dans les vaisseaux capillaires de troisième ordre, en met- tant en jeu la contractilité des fibres musculaires que l’on retrouve dans les parois des petites artères et dans celles des capillaires des deux premiers ordres. Le système ner- veux est, pour lui, le frein de la circulation capillaire. Il n’empêche pas d'une manière absolue l’arrivée du sang dans les vaisseaux capillaires; mais il diminue considé- rablement la quantité du liquide sanguin qui peut y 390 DU SVSTÈMK NERVEUX. arriver, et ne l’y laisse parvenir qu’après lui avoir fait perdre une bonne partie de la force d’impulsion qu’il avait dans le système artériel. Si le sang des veines est noir, cela vient de ce que, grâce à l'obstacle apporté à son cours par le grand sympathique, il n’a pu traverser les vaisseaux capillaires que lentement et a eu le temps d’y subir les modifications nécessaires à la nutrition. C’est à la môme cause qu’est due l’absence de pulsations dans les veines, l’absence de saccades dans le jet du sang après la phlébotomie. Lorsque l’action du grand sympathique vient à dimi- nuer, et que le système ganglionnaire cesse de modérer ainsi le cours du sang à son passage des grosses artères dans les veines, on trouve du sang rouge et des pul- sations isochrones au pouls, dans les veines, et l’on voit, en pratiquant la saignée des veines du bras, un jet sac- cadé, pareil à celui que donne l’artériotomie. Cette modification du sang de la saignée a été observée dans les fièvres; personne n’avait pu l’expliquer avant M. Bernard. C’est surtout dans les fièvres adynamiques que ce phénomène a été remarqué. Cette action du grand sympathique nous explique encore un fait qui se produit dans les maladies adynami- ques, dans le choléra, par exemple. C’est le défaut d’hé- matose auquel semblent quelquefois succomber les ma- lades, sans que l’autopsie fasse découvrir des lésions pulmonaires capables de l’expliquer. Le grand sympa- thique agit sur la circulation capillaire des poumons comme sur la circulation capillaire générale; et pour que les phénomènes de l’hématose aient le temps de s’accomplir, il faut, comme pour ceux de la nutrition, GRAND SYMPATHIQUE. 391 que les nerfs ganglionnaires viennent ralentir, modérer la circulation. Une expérience prouve, du reste, la réalité de cette action du grand sympathique. On peut, en empoisonnant un animal par le curare, abolir complètement l’action du système nerveux, celle du système ganglionnaire comme celle du système cérébro-spinal; et si l’on entre- tient le jeu de la respiration, on voit la circulation con- tinuer encore quelques minutes, et les veines que l’on ouvre donner du sang rouge et un jet saccadé aussitôt que le poison a commencé d’agir. M. Bernard a constaté de plus qu’il y avait entre le système cérébro-spinal et le système ganglionnaire anta- gonisme d’action. Le système cérébro-spinal peut modi- fier la circulation, mais d’une manière médiate et en portant son influence première sur les nerfs ganglion- naires, dont il suspend l'action. Ainsi les fonctions du système cérébro-spinal, par rapport au grand sympathi- que, seraient de paralyser momentanément les rameaux ganglionnaires qui mettent en jeu la contractilité des pe- tits vaisseaux. Cette action du système cérébro-rachidien est exercée par les nerfs moteurs qui vont se distribuer à la même région que les rameaux du grand sympathique, qu'ils sont destinés à influencer. M. Bernard est arrivé, par suite de ses observations sur le grand sympathique, à donner une nouvelle théorie de la congestion locale et de l’inflammation, et il est venu à bout de reproduire artificiellement ces maladies sur les animaux. Ainsi, pour lui, l’obstacle à la congestion sanguine est dans le grand sympathique ; qu’un des rameaux du grand 392 DU SYSTÈME NERVEUX. sympathique vienne à cesser d’agir, et l’on aura un af- flux du sang beaucoup plus considérable qu’à l’état nor- mal dans la région que ce rameau nerveux devait proté- ger. Pour produire artificiellement cette congestion, M. Bernard a recours à la section du grand sympathique; il coupe, par exemple, le filet cervical ascendant du grand sympathique, et il a un état de congestion bien évident de toute la moitié correspondante de la tête, avec tumé- faction, chaleur, rougeur et arborisations vasculaires sur la conjonctive. Par la section des rameaux viscéraux du grand sympathique, il obtient des péricardites, des enté- rites, des péritonites, avec production de pus et de fausses membranes. Mais bien d’autres causes peuvent venir paralyser l’ac- tion du grand sympathique et jouer le même rôle que sa division dans la production des maladies inflammatoires. Sans entrer dans la recherche de toutes ces causes qui nous entraînerait trop loin, nous rappellerons seulement que la douleur peut amener une inflammation par suite d’une action réflexe qui viendra augmenter l’influence des nerfs moteurs sur les nerfs ganglionnaires. Cette théorie de M. Bernard nous explique l’influence des préparations opiacées qui modifient l’inflammation en augmentant l’action du grand sympathique et en di- minuant celle des nerfs de la vie de relation. M. Bernard a encore constaté l’action du grand sym- pathique sur la sécrétion des glandes. A l’état de repos de la glande, les filets que lui envoie le grand sympathique n’y laissent arriver que la quan- tité de sang nécessaire à la nutrition de l’organe. Pour que la glande sécrète, il faut que les nerfs mo- GRAND SYMPATHIQUE. 393 leurs envoyés dans la glande par le système cérébro- spinal viennent momentanément paralyser l’action du grand sympathique. Pendant que la glande sécrète, elle est le siège d’une congestion très-évidente, et dans les veines qui en partent, on trouve une tension plus forte que pendant l’état de repos. Elles contiennent, en outre, du sang rouge. Paralysez les deux systèmes nerveux à l’aide du curare, toutes les glandes sécréteront. Paralysez le grand sympa- thique seul en en pratiquant la section, la glande sécré- tera encore. Augmentez l’action de ce nerf par le galva- nisme, la sécrétion s’arrêtera et la glande ne recevra plus que très-peu de sang. De ces idées de M. Bernard sur les sécrétions, nous déduirons encore une nouvelle indication des préparations opiacées dans le cas où l’on voudra diminuer la sécrétion d'une glande, par exemple chez les nouvelles accouchées qui, ne pouvant pas nourrir, ont cependant un gonfle- ment excessif des seins, ou bien encore chez les femmes qui interrompentj’allaitement avant que la sécrétion des glandes mammaires ne soit arrivée à sa période de dé- croissance. Comme complément de toutes ces recherches, M. Ber- nard est arrivé à une nouvelle théorie du diabète. Le diabète ôtant le résultat de la production exagérée du sucre dans le foie, il a recherché quelles étaient les conditions qui augmentaient ainsi la circulation capillaire de l’organe; et dans ses cours (janvier 1859) il a attribué le développement de la maladie à ce que le grand sym- pathique n’enrayait plus, comme à l’état normal, la circu- lation du foie. 394 DU SYSTÈME NERVEUX. Les autopsies lui ont montré, en effet, dans le foie des diabétiques les traces d’une congestion très-évidente. L’on peut produire à volonté le diabète chez les animaux, en irritant le système cérébro-spinal pour qu’il paralyse par son action antagoniste celle du grand sympathique. On produit encore la même maladie en détruisant l’ac- tion des deux systèmes nerveux. M. Bernard a trouvé du sucre dans tout le sang et dans l’urine des animaux qu’il avait empoisonnés par le curare, et chez lesquels il avait entretenu pendant quelque temps la vie par la res- piration artificielle. Le physiologiste du College de France pense donc que la cause première du diabète est un affaiblissement de Faction du grand sympat hique, affaiblissement démontré, du reste, par les accidents qui accompagnent la glyco- surie. On peut augmenter l’action du grand sympathique par les toniques, par l’hypothérapie, etc. Mais il est un moyen pharmaceutique pour arriver rapidement au but qu’on se propose : c’est l’administration des préparations opiacées. Nous avons recherché dans les auteurs si personne n'a- vait. eu l’idée de préconiser cet agent pharmaceutique dans une maladie contre laquelle on a essayé tant de traitements divers, et nous avons trouvé avec plaisir une observation pleinement confirmative des idées théoriques et thérapeutiques de M. Bernard. Cette observation a été insérée, en 1825, dans le deuxième volume de la première série des Archives. Elle appartient à un médecin étranger, Heinekem, qui, à l’aide de fortes doses d’opium, a réussi à guérir en cin- quante-six jours un homme atteint de diabète. Le malade RECHERCHES SUR L HÉMI0P1E. 395 a pris dans ces cinquante-six jours de traitement trente grammes d’extrait thébaïque. RECHERCHES DE WOLLASTON ET DE PRAVAZ SUR UNE NOUVELLE MALADIE Qu’lLS DÉCRIVENT SOUS LE NOM d’hÉMIOPIE. Nous trouvons dans les Archives de médecine de l’an- née 1825, neuvième volume de la première série, un Mémoire de M. Pravaz sur une altération de la vision qui avait déjà été signalée par un chirurgien anglais Wollas- ton et décrite sous le nom d'hémiopie. Chez les malades atteints de cette affection, il y a para- lysie d’une partie des deux rétines. Tantôt c’est la moitié droite, tantôt c’est la moitié gauche de chaque rétine, qui devient insensible à l’action des rayons lumineux. 11 en résulte que le malade ne voit plus qu’une moitié de chacun des objets qu’il regarde, les rayons lumineux par- tis de l’autre moitié venant tomber sur une portion de la rétine qui est paralysée. De là le nom d’hémiopie donné à cette maladie par Pravaz. Cette altération fonctionnelle est expliquée par la ma- nière dont se fait l’entrecroisement des nerfs optiques. Cet entrecroisement n’est pas complet, et, si l’on fait avec soin la dissection des fibres de chacun de ces nerfs après leur chiasma, on voit qu’ils sont formés tout à la fois de filets nerveux venant de la bandelette optique placée de leur côté, et d’autres filets nerveux provenant de l’hémi- sphère du côté opposé. Ces derniers sont plus nombreux que les autres ; ils forment à peu près les deux tiers du nerf. Comme les filets nerveux qui n’ont pas subi l’entre- 396 DU SYSTÈME NEKVEUX. croisement sont placés au coté externe du nerl optique, le tiers externe de la rétine est animé par la bandelette optique placée de son côté, les deux tiers internes par celle du côté opposé. La connaissance de cette disposition anatomique a per- mis à Pravaz et à Wollaston de reconnaître que la cause de l’hémiopie est la paralysie d’une des deux bandelettes optiques, quels que soient du reste et le siège et la nature de la lésion qui a déterminé celte paralysie. Ce que nous venons de dire de l’inégalité de proportion, avec laquelle les deux bandelettes optiques concourent à former chaque rétine, devait faire présumer que chez les malades qui présenteraient cette affection, le champ de la vision ne serait pas égal pour les deux rétines. C’est, en effet, ce dont M. Pravaz a pu s’assurer sur les malades dont il nous a transmis l’observation. En leur faisant fermer alternativement l’œil droit et l’œil gauche, il a re- marqué que ceux qui étaient atteints d’hémiopie à droite voyaient les deux tiers à peu près des objets quand ils regardaient avec l’œil droit, et le tiers seulement quand ils regardaient avec l’œil gauche. Il est à désirer que de nouvelles recherches soient faites sur ce point de pathologie. Les observations devront être assez nombreuses quand l'attention aura été attirée sur elles et qu’on cherchera à s’assurer de l’existence de ce trouble fonctionnel dans les hémorrhagies cérébrales accompagnées de paralysie du nerf optique. Magendie s’est élevé contre les idées de Wollaston et de Pravaz ; il a prétendu que l'entrecroisement des nerfs de la vision ôtait complet, que toutes les libres du nerf optique du côté droit venaient de l'hémisphère gauche, OBSERVATIONS SUR LA RÉGÉNÉRATION DES NERFS. 397 et vice versa, et qu’en coupant en travers le chiasma des nerfs optiques, on abolissait la vue des deux côtés. Mais depuis le moment où s’est faite l’opposition de Ma- gendie, le fait anatomique contre lequel il s’est élevé a été trop bien démontré pour que le résultat de l’expé- rience de Magendie puisse encore faire douter des ré- sultats obtenus par la dissection. ORSEUVATIONS FAITES SUR LA RÉGÉNÉRATION DES NERFS, A LA SUITE DESQUELLES ON A CONSEILLÉ LE TRAITEMENT DES NÉ- VRALGIES DES NERFS MIXTES PAR LA SECTION. En 1828, un physiologiste français, Prévost, par des expériences sur les animaux, démontra la possibilité de la cicatrisation des nerfs après la section, et le retour de leurs fonctions. Il vit que le travail de régénération des nerfs avait deux périodes. Dans la première, il se fait entre les deux bouts du nerf divisé une exsudation de lymphe plastique qui, en s’organisant, rétablit la conti- nuité du nerf, mais au moyen d’un tissu cellulo-fibreux semblable à celui de toutes les cicatrices, et interrompant la circulation nerveuse. Dans une seconde période, les filets nerveux se déve- loppent dans cette cicatrice, et, rétablissant la communi- cation entre les deux bouts, ils rendent au nerf l'exercice de ses fonctions. Prévost pense que l’on pourrait abréger, au moyen de courants électriques, celte seconde période qui est toujours assez longue. Il a fallu chez les animaux sur lesquels il a fait ses expériences, un mois pour arriver au premier degré de 398 DU SYSTÈME NERVEUX. la régénération des nerfs, et quatre mois pour arriver à une réparation complète. (Voir le mémoire de Prévost dans les Archives de médecine, 1828, t. XVIe de la pre- mière série.) En 1834, Malagodi a répété les expériences de Prévost ; ayant lait la section du sciatique, il a constaté, dix mois après, le rétablissement de la continuité et des fonctions du nerf. Il a, en outre, fait remarquer la nécessité du rapprochement des deux bouts après la section, pour obtenir ce résultat. Sur un chien auquel il avait, au lieu de faire la section simple du sciatique, excisé une partie du nerf, il a vu, après un intervalle de dix mois, les deux bouts réunis par un cordon cellulo-fibreux qui ne se lais- sait pas encore traverser par l’influx nerveux. Ces obser- vations ont donné à Malagodi l’idée d’appliquer le traite- ment par la section du nerf douloureux aux névralgies des nerfs mixtes, sur lesquels on n'avait pas encore osé l’employer, dans la crainte de la paralysie. 11 a pratiqué celle opération sur un homme atteint de sciatique, et le succès obtenu a été complet. Non-seulement la douleur a disparu aussitôt après l’opération ; mais la réunion des deux bouts du nerf s’est faite encore beaucoup plus rapi- dement que n’auraient pu le faire présumer les expé- riences entreprises sur les animaux ; et, au bout de cin- quante jours, le malade a pu marcher, sans qu'il y eût trace de paralysie des muscles animés par le sciatique. Il avait fallu moins de deux mois pour la régénération complète. (Voir Archives de médecine, 1854, VIe volume, de la 2e série.) Les résultats obtenus par les deux physiologistes que nous venons de citer doivent être présents à l'esprit du ACTION DE L’ÉLECTRICITÉ SUR LE SYSTÈME NERVEUX. 399 chirurgien auquel se présente un cas de blessure dans laquelle un nerf a été divisé. Ce que nous venons d’expo- ser démontre que l’on a le droit en pareilles circonstances d’espérer la cicatrisation du nerf blessé, et la disparition de la paralysie amenée par cette lésion. L’influence de l’écartement des deux bouts sur le travail de régénération du nerf fait comprendre la nécessité de chercher par la position du membre ou partout autre moyen à les main- tenir en contact autant qu’on pourra. Enfin, lorsqu’on aura lieu de présumer que la réunion est opérée, et qu’il y a entre les deux bouts une cicatrice encore imperméable à l’influx nerveux, on devra, comme le conseille Prévost, avoir recours à l’électricité pour hâter le passage de la régénération du nerf de la première à la seconde période. EMPLOI THÉRAPEUTIQUE DE l’âCTION DE L’ÉLECTRICITÉ SUR LE SYSTÈME NERVEUX. C’est au milieu du dix-huitième siècle, en 1748, que l’électricité a commencé à èlre employée en médecine; et la première observation que possède la science sur son action thérapeutique est duc à Jallabert de Genève. Le malade de Jallabert était atteint d’une hémiplégie, ame- née par une attaque d’apoplexie. Le professeur de Genève n’avait pas d’autre appareil à sa disposition que la pre- mière machine électrique connue, c’est à-dire un disque de verre qui, par son frottement contre des coussinets de cuir, dégageait, en tournant, assez de fluide pour pou- voir donner quelques étincelles et quelques légères com- motions. Avec cet appareil élémentaire, Jallabert put ob- tenir la guérison de son paralytique» 400 DU SYSTÈME NERVEUX. Dans tout le cours du dix-huitième siècle, nous voyons l’électrothérapie arrêtée par l’insuffisance des appareils. Aussi, malgré quelques observations heureuses rappor- tées par Sans, en 1 772, Bonafos de Perpignan, en 17G9, Sauvages et Causan de Montpellier, Pigaud de la Fond, Bertholon, Mazars de Cazèles, la nouvelle méthode théra- peutique, condamnée à l’Académie des sciences par l’abbé Nollet, trouva peu de partisans en France, et y fut frap- pée d’un discrédit dont elle ne se releva que dans le dix- neuvième siècle. Les idées de Œrsted sur l’électro-dynamisme en 1820, les recherches d’Ampère, la théorie des courants par in- duction de Faraday, ont eu pour conséquence la décou- verte d’appareils qui, en venant augmenter la puissance de la pile de Voila, ont permis à la médecine clinique d’arriver à une application sérieuse de l’électricité au traitement des maladies. Ajoutons au perfectionnement des appareils la vulgarisation, en France, de l'acupunc- ture, dans laquelle Sarlandières trouva, en 1817, l'idée de l'éleclro-puncture. 11 sera facile de comprendre com- ment le nouvel agent thérapeutique augmentant ainsi de puissance, cl trouvant dans l’électro-puncture un moyen d’arriver à une plus grande précision d’action, les résultats thérapeutiques ont pu devenir bien supérieurs à ceux qui avaient appelé antérieurement l’attention du dix-huitième siècle. Deux modes d’application de l’électricité se disputent aujourd’hui la prééminence. On peut employer des cou- rants électriques intermittents, on peut employer des courants continus. Les courants intermittents ont pendant plusieurs an- ACTION DE L’ÉLECTRICITÉ SUR LE SYSTÈME NERVEUX. 401 nées élé seuls employés. Ce sont eux qui ont donné nais- sance aux appareils électriques de Pixii, de Clark, de Le* breton, de Duchenne, etc. Les courants continus ont été complètement laissés de côté, et M. Duchenne les a même accusés de produire la paralysie. Mais depuis quelques années, il tend à se faire en Allemagne un retour vers leur emploi. Le professeur llemack, de Berlin, a démontré, tout au contraire de l’as- sertion de M. Duchenne, que le reproche adressé aux cou- rants constants était mérité plutôt par les courants inter- mittents. Ces derniers ont tout d’abord été favorablement accueillis dans le traitement de la paralysie, parce qu’en voyant les muscles Se contracter sous leur action, on pouvait constater qu’ils devenaient plus sensibles à me- sure qu’on prolongeait et qu’on multipliait les séances. Mais il ne faut pas confondre celte propriété que prennent les muscles de se contracter sous l’influence du galva- nisme avec la propriété qu’on veut leur donner d’obéir à la volonté. L’expérience montre, en effet, qu’après avoir eu des contractions très-fortes pendant la séance d’élec- trisation, les malades restent souvent aussi incapables de mouvoir leurs membres une fois l’appareil enlevé; quelquefois meme les courants intermittents diminuent la contractilité musculaire. Des expériences sur les ani- maux leur ont fait perdre pendant un temps plus ou moins long la faculté de mouvoir les parties fatiguées par les courants intermittents, et M. Duchenne a même signalé un accident qui est la conséquence de la faradi- sation appliquée d’après ses procédés : c’est la contrac- ture des muscles sur lesquels on a agi. Cette contracture* M. Duchenne s’efforce de la regarder comme le résultat 402 DU SYSTÈME NERVEUX. naturel de la maladie. D’après lui, deux espèces de pa- ralysies existent, l’une sans contracture, et l’autre avec contracture. La première seulement devra être traitée par le galvanisme; pour la seconde, il donne, comme moyen de diagnostic, l’épreuve d’une première séance d’électri- salion. On cessera le traitement si les phénomènes de contracture survenaient. Du reste, d’après M. Duchcnnc, cet état de contracture des muscles électrisés n'est que momentané, il disparaît le plus souvent bientôt. C’est vrai ordinairement; mais il y a des cas cependant, et M. Duchenne lui-même en a observé où la contracture persiste très-longtemps. Le professeur Rcmack, de Berlin, après avoir com- mencé à suivre la voie commune et à faire usage des courants intermittents, a reconnu à leur emploi les in- convénients que nous venons de signaler, et il est arrivé à ne plus employer que les courants continus. Avec les courants continus, il parvient à rendre aux muscles paralysés le pouvoir de se contracter sous l’in- fluence de la volonté pendant la séance d’électrisation et après la suspension de l’action galvanique. 11 obtient quelquefois ce résultat en agissant sur les muscles affectés ou sur le nerf qui les anime, et alors il a le soin d’agir sur la partie la plus élevée possible de ce nerf, parce qu’il a remarqué que les effets du galvanisme augmentent à mesure qu’en opérant, on se rapproche des centres nerveux. D’autres fois il rend aux muscles paralysés la faculté de reprendre leurs mouvements en agissant sur eux d’une manière indirecte, en faisant passer le courant continu par une des branches sensibles cutanées du tronc ncr- ACTION DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LE SYSTÈME NERVEUX. 403 veux qui préside à la conlraction des parties malades. Ainsi, par exemple, il opère sur le rameau superficiel du radial qui accompagne l’artère radiale, et l’effet désiré est obtenu dans tous les muscles animés par les branches motrices émanées du tronc du radial. Il voit, dans ce phénomène, une action réflexe. (Galvanothérapie du docteur Remack, traduction de Morpain. Paris, 1860, pag. 4*23.) 11 a, chez quelques hémiplégiques, obtenu des résultats plus étonnants. En agissant sur le nerf cru- ral du côté paralysé, il donnait au malade la faculté de remuer le bras frappé de paralysie ; pareille application sur les nerfs du côté sain ne produisait rien de semblable. D’après cet observateur, il est nécessaire d’agir du côté même de la lésion. (P. 453.) M. Remack a reconnu que les courants continus ont une efficacité souveraine dans le traitement de la con- tracture musculaire. M. Duchenne, pour guérir celle ma- ladie, fait agir ses courants d’induction tantôt sur les muscles contracturés, tantôt sur leurs antagonistes, et il arrive par là à avoir quelquefois une apparence d’amé- lioration momentanée. Les muscles contracturés se dé- tendent quelquefois sous l’action du courant intermit- tent, mais ils ne redeviennent pas soumis à faction de la volonté, et leur contracture même ne disparaît que mo- mentanément, elle revient toujoursplus forte qu’elle n’avait jamais été. Dans le cas où l’on veut agir sur les muscles antagonistes, où par exemple on veut pour une contrac- ture des fléchisseurs exciter les contractions des exten- seurs par le courant galvanique* on peut bien voir pen- dant la séance la difformité diminuée parce que la résistance des fléchisseurs se trouve momentanément 404 DU SYSTÈME NERVEUX surmontée par des contractions que détermine dans les extenseurs le passage des courants d’induction. Mais aus- sitôt que le malade est abandonné à lui-même les choses reviennent au point où elles en étaient avant l'applica- tion de l’appareil électrique, et même la flexion à la- quelle on voulait remédier est encore augmentée parce que les extenseurs, fatigués par les courants intermit- tents, ont perdu tout ou partie de la force qui leur per- mettait, avant l’opération, de lutter contre les lléchisseurs. 11 n’en est pas de même des courants continus. M. Re- mack obtient, dit-il, rapidement, à l’aide de ce nouveau mode d’électrisation, la cessation des contractures, soit qu’il agisse directement sur les parties malades, soit qu’il agisse indirectement par action réflexe, comme nous l’avons vu faire pour la paralysie. Les muscles contracturés reprennent, aussitôt que le courant constant les a détendus, la propriété d’agir sous l'influence de la volonté. M. Reinack pense qu’on trou- vera, dans l’emploi méthodique des courants continus, le moyen de remédier à certaines déviations de la colonne vertébrale et à certaines déformations de la poitrine ar- rivées par suite des contractures de quelques-uns des muscles respirateurs. Nous trouvons, a la page 450 de sa Galvanothérapie, le tableau des affections qu’il a traitées par les courants constants, et, comme le résumé des résultats obtenus par ce moyen nous semble la meilleure manière de faire ap- précier à sa juste valeur l’importance des idées préconi- sées dans cet ouvrage, nous terminerons cet article en reproduisant ce tableau sans y rien changer. ACTION DE L’ÉLECTRICITÉ SUR LE SYSTÈME NERVEUX. 405 TABLEAU DES MALADIES DANS LESQUELLES M. KEMACK A TROUVÉ EFFICACE LE TRAITEMENT PAR LA GALVANOTHÉRAPIE. 1° Rhumatismes aigus (on faisait simultanément des émissions sanguines) et chroniques, contractures rhumatismales, paralysies et névralgies, notamment la sciatique. 2° Hémiplégies cérébrales. Dans des cas convenables la guérison ou l'amélioration peut avoir lieu en quelques séances ; dans d’autres le traitement dure plus longtemps et peut même échouer complè- tement. 5° Paralysies apoplectiques spinales. Dans ces affections le pro- nostic parait être moins favorable : aussi jusqu’à ce jour M. Remack n’a-t-il réussi qu’à améliorer l'état des malades; il n’a pas encore obtenu de guérison. 4° Tabes dorsalis (il désigne ainsi l’atrophie de la moelle consécu- tive aux myélites chroniques). Il a obtenu des résultats favorables, même dans quelques cas anciens, en diminuant les troubles sensitifs, (anesthésie et douleurs), en rendant la marche meilleure, en don- nant plus de forces, et en guérissant la paralysie de la vessie et du rectum. 5° Atrophie musculaire progressive. Plusieurs cas ont démontré l’effet prompt avec lequel le courant galvanique augmente la force des membres atrophiés. 6° Chorée. Il a guéri en un mois une jeune fdle de vingt-trois ans affectée depuis douze ans de chorée partielle d’un côté. 7° Bégaiement. Il a presque complètement guéri le bégaiement en tre'ze séances chez un garçon de douze ans. 8° Tremblement des membres. Traité plusieurs fois sans succès, parfois cependant avec un résultat très-rapide, notamment le Iremor potutorum, delirium tremens. 9° Paralysis agitans. Plusieurs cas ont été traités sans succès. Mais sur un homme de soixante ans affecté depuis seize ans de trem- blement de la tête et de tous les membres, quinze séances ont suffi pour faire disparaître l’affection. 10° Spasme des écrivains. Amélioration rapide dans quelques cas, nulle dans d’autres. 11° Faiblesse et tremblement de quelques membres isolés, prove- nant d’attaques d’épilepsie. Deux cas de guérison. Dans l’un de ces cas la maladie durait depuis quatre ans et les accidents se reprodui- 406 DU SYSTÈME NERVEUX. saient jusqu’au jour où le traitement tut commencé au moins tous les trois mois une fois, depuis le commencement du traitement elle ne se sont pas reproduites. EXAMEN DE QUELQUES MÉDICAMENTS QUI, PORTANT LEUR ACTION SUR LE SYSTÈME NERVEUX, ONT ÉTÉ ÉTUDIÉS D UNE MANIÈRE TOUTE SPÉCIALE PAR LES PHYSIOLOGISTES MM. Flourens et Fodéra ont pensé que les médicaments, dont Faction porte sur le système nerveux n’agissent que sur une portion de l’encéphale déterminée pour chacun d’eux, et que leur influence est tantôt d’activer, tantôt de ralentir ou même d’éteindre momentanément les fonc- tions de la région des centres nerveux à laquelle ils s’a- dressent. Partant de cette idée théorique ils ont pensé qu’il suffi- rait de connaître le rôle physiologique de chaque partie de l’encéphale pour arriver à la localisation de l’action des substances médicamenteuses dont l’observation a fait connaître l’effet thérapeutique, et ils ont en conséquence dressé un tableau des organes influencés par chacune d’elles, tableau en rapport avec leurs doctrines sur les fonctions des diverses parties de l’encéphale. Ainsi, pour M. Flourens, l’opium agit sur les lobes cérébraux ainsi que la jusquiame, la laitue vireuse. La belladone sur les tubercules quadrijumaux. M. Flou- rens est conduit à cette idée parce qu’il voit la belladone diminuer la sensibilité de la rétine aux rayons lumi- neux. L’alcool, le camphre, l’éther s’adressent au cervelet, leur action produit le même défaut de coordination des mouvements que la lésion du cervelet. EFFET DES MÉDICAMENTS. 407 L’émétique porte son action sur le bulbe rachidien. (Voir l’exposé de cette théorie de M. Flourens dans le quatrième volume de la première série des Archives.) Fodéra (Archives de médecine, 1825, première série, tome NI, page 474) voit dans la moelle épinière et dans le cervelet l’organe du mouvement et du sentiment. Il place dans le bulbe rachidien le siège du sommeil, l’excitation des fonctions gastriques et respiratoires, et le fait encore présider au mouvement et au sentiment. 11 est conduit par la différence de ses théories physio- logiques avec celles de M. Flourens à donner une expli- cation toute différente de l’action des substances que nous venons de citer. Ainsi, pour l’auteur italien, l’opium agit sur la moelle allongée, organe du sommeil. Les émétiques portent leur influence sur le même or- gane puisque c’est du bulbe rachidien que part l’excitation des fonctions gastriques. La strychnine agit sur la moelle allongée et sur la moelle épinière ainsi que les préparations cyanhydriques. Le camphre, la coque du levant ont une action spéciale sur le cervelet. Il suffit de citer ces deux essais de M. Flourens et de Fodéra pour faire comprendre combien il est difficile d’arriver ainsi, non plus seulement h reconnaîlre les mé- dicaments qui agissent sur le système nerveux, mais encore à déterminer pour chacun d’eux la partie des centres nerveux sur laquelle ils doivent porter leur in- fluence. Avant de parvenir à résoudre cette question il faut que les physiologistes arrivent à s’accorder sur les fonctions des divers organes encéphaliques mieux qu’ils 408 DU SYSTÈME NERVEUX. ne le faisaient à l’époque où parurent les essais de physio- logie thérapeutique de Flourens et de Fodéra. Cet accord n’est pas encore établi, même aujourd’hui, et nous croyons prématurée toute tentative qui serait faite pour suivre les deux physiologistes que nous venons de citer, dans la voie où ils se sont engagés, avant que de nouvelles obser- vations soient venues éclairer les fonctions du système nerveux. Emploi du curare contre le tétanos. Les recherches de M. Bernard sur les propriétés du curare ont démontré que l'action de ce poison portait spécialement sur le système nerveux, et que la paralysie déterminée par lui atteignait le système cérébro-rachi- dien le premier, et, dans le système cérébro-rachidien, les nerfs de mouvement avant les nerfs de sentiment. (Voir la note présentée à l'Académie des sciences, le o septembre 1856.) La connaissance de cet ordre de succession des effets produits par le curare a conduit M. Bernard à penser que le poison sur lequel il expérimentait pourrait peut-être neutraliser l’action des poisons qui amènent la mort en exagérant, à l’inverse du curare, l’énergie des fonctions du système nerveux, de la strychnine, par exemple, qui, par son influence sur la partie motrice du système ner- veux, amène un état de contracture de tous les muscles, de la vie de relation. Des expériences faites dans ce sens, ont pleinement confirmé les prévisions du professeur du Collège de France, et lui ont permis de préconiser le cu- rare comme l’antidote de la strychnine, et la strychnine comme le contre-poison du curare. CURARE. 409 L’heureux emploi de la nouvelle substance contre le tétanos, artificiellement produit par la strychnine, devait tout naturellement porter les chirurgiens à essayer de son action contre une des complications les plus ter- ribles du traumatisme, le tétanos, et en 1859 MM.Vella, Manec et Chassaignac, vinrent, à quelques mois de distance, faire connaître le résultat de leurs tenta- tives pour faire profiter la médecine clinique des ré- sultats obtenus par les recherches physiologiques de M. Bernard. M. Vella a apporté trois observations de tétanos traités par le curare, et, sur ces trois observations, il a une gué- rison et deux morts. Dans les deux cas suivis de mort, M. Vella attribue l’insuccès à ce que le traitement a été commencé trop tard. M. Chassaignac a essayé une fois le curare, et il a ob- tenu la guérison de son malade. Moins heureux, M. Manec n’a obtenu aucun résultat de l’inoculation du curare, le malade est mort au bout de six heures de traitement, et n’a pas même eu, comme les deux blessés perdus par M. Vella, le moindre amendement des contractions téta- niques après l’inoculation d’une quantité considérable de curare. Ce malade a absorbé vingt-sept centigrammes de curare; M. Manec avait eu soin de faire, préalable- ment à toute inoculation sur lui, l’essai de la substance qui était mise à sa disposition, et les effets, produits par des doses beaucoup plus faibles sur des chiens, lui avaient démontré que le curare dont il s’était servi avait bien toute l’énergie d’action qui est propre à ce poison. La nullité de ses effets, sur le malade de la Charité, ne peut donc être attribuée qu’à la tolérance que l’on trouve 410 DU SYSTÈME NERVEUX. d’habitude dans le téianos à l’égard des substances dont l’effet est d’annihiler l’action du système nerveux. Antagonisme d'action de l'opium et de la belladone. La différence des effets produits par l’opium et la bel- ladone sur la circulation capillaire, sur les contractions de l’iris et sur les sécrétions des glandes, ont fait penser que l’opium agit en augmentant l’action du système gan- glionnaire, et en diminuant celle du système cérébro- spinal, tandis que la belladone paralyserait le grand sympathique et exalterait les fonctions du système céré- bro-spinal. L’action antagoniste des deux systèmes nerveux a fait présumer que le même antagonisme pourrait bien exis- ter entre les deux médicaments qui paraissent produire les effets de stimulation et de dépression analogues, l’un sur les nerfs cérébraux, l’autre sur les nerfs ganglion- naires. On a pensé que l’opium pourrait bien détruire les effets de la belladone, et que ceux de la belladone, à leur tour, pourraient être contre-balancés par l’opium. Deux observations sont venues confirmer cette opinion et ont fait de ces deux substances l’antidote l’une de l’autre. M. Camôgys, professeur au collège médical d’Ohio, ap- pelé à donner ses soins à un malade qui s’était empoi- sonné avec deux onces de laudanum, est parvenu à dissi- per les effets du poison, et à rappeler son malade du coma dans lequel il était tombé en lui faisant prendre une très-forte dose de belladone; il a fallu quinze grammes de teinture de belladone pour rappeler cet homme à la vie. ANTAGONISME DE L'OPIUM ET DE LA BELLADONE. 411 M. le docteur Perroud, médecin de l’IIôtel-Dieu de Lyon, a obtenu un succès aussi complet dans un cas d’empoisonnement par la belladone; seulement il a fallu ici une dose beaucoup moins forte de contre-poison. Dix centigrammes d’extrait tliébaïque dans une potion, administrée par cuillerées à bouche de cinq en cinq minutes, ont suffi pour faire disparaître les accidents qu’avait déterminés l’application d’un emplâtre de bel- ladone. ' DE L’HELMÏNTHOLOGIE Il y a peu d’années encore, les médecins, même les plus éclairés, ignoraient presque complètement la cause des kystes hydatiques, l’origine des tœnias, leur transfor- mation dans les divers états embryonnaires par lesquels ils doivent passer avant d’arriver à un développement complet . Sans crainte de contradiction, l’on peut affirmer que c’est aux expériences modernes que la science est redevable de toutes ces notions nouvelles qui intéressent à un haut degré la médecine pratique, l'hygiène publique et privée. Pans une thèse récemment soutenue (Paris, 1 861, Phi- lippon, des Vers vésiculaires et des maladies hydatiques), l’auteur a bien montré l’évolution scientifique de la ques- tion qui nous occupe maintenant. Si les premières idées sur l’animalité des helminthes ont été acquises dès la fin du dix-septième siècle, c’est au commencement du nôtre seulement que des notions plus précises furent découvertes. Ainsi, les écliinocoques ne furent point reconnus chez l'homme d’une manière certaine avant (1821) Brenser, professeur à l’Université de Vienne, Notice sur ïéchino- DE L’HELMINTIIOLOGIE. 413 cocus hominis (Journal complémentaire, 1821). Jusqu’en 1845, l’hydatide contenant des échinocoques passait pour être très-rare chez l’homme. M. Livois (Thèse de Taris, 1845) démontre, au contraire, que les échiconoques, loin d’être très-rares, étaient très-communs dans les hydalides ou acéphalocystes de l’homme. « Les hydatides devaient, d’après lui, être rejetées de la classe des vers vésiculaires dans laquelle les avait rangéesLaennec, en faisant un genre particulier sous le nom d’acéphalocystes. » Les hydatides sont de simples poches dans la cavité desquelles sont tou- jours contenus des échinocoques, dont le nombre est en rapport avec le volume des poches elles-mêmes. C’était un premier pas seulement vers des vérités qui plus tard furent mieux connues. A cette époque, en effet, si nous avions déjà des notions plus sérieuses sur l’hel- minthologie, du moins ignorions-nous encore à peu près complètement l’origine de ces divers animaux. Ainsi, quand on eut découvert que l’échinocoque habitait sou- vent Tacéphalocyste, on pensa cependant que ces animaux se formaient spontanément dans l’intérieur du produit morbide. Génération spontanée, absence de toute parenté entre les vers des parenchymes et les vers du tube digestif, telles étaient les idées anciennes. Si cette croyance n’était pas unanime, peu d’auteurs cependant osaient soutenir une opinion différente, et ce fut à une époque bien rap- prochée de nous que des expériences récentes modifièrent cette manière de voir. Trois résultats furent alors atteints : 1° On rejeta définitivement l’hypothèse de la génération spontanée. 414 DE L’IIELMINTIIOLOGIE. 2° Les zoologistes tirent comprendre, par des faits bien observés, le phénomène si intéressant des générations alternantes. (Steemtrup, 1842, Ueber den Generations- Wechsel.) 5° Enfin, en dernier lieu, les expériences de Dujardin, Giebold, 1845; celles de Kuchenmeister, Lewald, Ilaub- ner, Leuckart, Baisset; celles de Van Beneden, en 185Ü, démontrèrent le phénomène de la transformation des vers coïncidant avec leurs métamorphoses. On arriva ainsi à penser d’abord, puis à prouver que les cysticerques et les tænias n’étaient que des formes d’une seule et même espèce de vers. Ainsi, on avait cru tout d’abord que les hydatides et les tænias étaient les produits d’une génération spontanée; qu’il n’y avait entre ces êtres aucun lien de parenté. De nos jours, au contraire, on est parvenu à démontrer que les tænias et les hydatides ne sont pas les produits d’une génération spontanée, qu’il existe un lien étroit entre ces êtres, puisque les hydatides sont, pour ainsi dire, les chrysalides des tænias ; que le tænia n’arrive à son état parfait que par migration et digénôse. Relatons quelques-unes des expériences modernes qui ont servi à lixer la science sur ce point. Première série. — Cysticerques ladriques transformés en tænias. — Kuchenmeister, Humbert de Genève, LeUc- kart, ont vu plusieurs fois le tænia se développer cliea des sujets auxquels on avait fait ingérer des cysticerques ladriques. Ainsi « le dO août, Leuckart administre à un jeune homme, dans du lait tiède, quatre cysticerques complètement développés (de 9 millimètres) et débar- rassés de leurs ampoules; Le 25 octobre, on constatait DE L'IIELMINTIIOLOGIE. 415 dans les fèces les premiers anneaux ; quelques doses de kousso furent administrées et produisirent l’expulsion de deux tæ.nias d’une petite (aille. » Humbert de Genève expérimente sur lui-même : « Le 11 novembre 1854, je me procurai, dit-il, de la graisse d’un porc fraîchement tué et farcie de cysticercus cellu- losæ. Je détachai avec soin ces vers, et, en présence de M. le professeur Vogt, j’en avalai quatorze. Dans les pre- miers jours de mars 1855, j’ai senti la présence des tænias, et en même temps, j’ai commencé à en trouver des fragments assez considérables. » En 1859, Kuchenmeister et le docteur Subenhaar ad- ministrent à un condamné de la viande crue de porc ladre. Lors de la néerospsie du criminel, les expérimen- tateurs trouvèrent que la moitié des cysticerques avalés s’étaient transformés en vers plats, et parmi ces vers, onze avaient des segments arrivés à maturité. Des expériences en sens inverse ont montré que les porcs devenaient ladres par suite de l’ingestion des an- neaux des tænias solium. Voici les expériences de Ku- chenmeister, Haubner, Van Beneden : « Trois cochons de lait prennent des anneaux de tænia solium, le 7, 24, 26 juin, 2 et 15 juillet. L’un, tué le 26 juillet, avait déjà des petits cysticerques dont la tête était in- complètement développée. Chez le second, tué le 9 août, on trouva un millier de cysticerques disséminés dans diverses organes. Le troisième, tué le 23, possédait aussi un grand nombre de cysticerques. Un quatrième n’ayant pas pris d’anneaux de tænia, n’avait aucun cys- ticerque. Loin de nous cependant la pensée que désormais nous 416 DE L’HELMLNTHOLOGIE. soyons arrivés sur ce point à des connaissances d’une exactitude complète ; bien des faits demandent encore à être vérifiés de nouveau, à être contrôlés par d’autres expérimentateurs. Mais, du moins, quand on examine avec soin ces expériences de Van Beneden, de Leuckart, de Humbert, dans lesquelles on voit des cysticerques la- driques, ingérés dans l’estomac de l’homme, se transfor- mer en tænia solium; d’autre part, des œufs de ce lænia, ingérés chez le cochon; développer en lui le cysticerque ladrique, il est difficile de ne pas être con- vaincu. Ces faits ont une importance très-grande pour l’hygiène publique et privée, avons-nous dit. Ainsi, ils nous mon- trent que la présence des vers dans le corps de l’homme ne tenant pas, comme on avait cru jusqu’alors, à leur gé- nération spontanée, mais dépendant toujours de l’inges- tion des germes, c’est à prévenir, par conséquent, celle ingestion qu’il faut s’étudier si l’on veut empêcher le mal. Ainsi il est de toute évidence que l’ingestion de la viande de porc, et surtout de la viande de porc crue, devra être soigneusement évitée si l’on veut ne pas s’exposer à la production du tænia. En Abyssinie, par exemple, le tænia est excessive- ment fréquent : hommes, femmes, enfants, tous en sont presque tourmentés. Les habitants font un usage à peu près habituel de la viande de porc, et presque toujours ils la mangent crue. Les musulmans et les juifs, qui s’abstiennent, au con- traire, de faire usage de la chair de porc, n’ont pas la maladie. On comprend combien l’on expose les enfants à la production de vers, en les soumettant à l’usage de la DE L’HELMLNTIIOLOGIE. 417 viande crue, usage néanmoins si utile dans certaines con- ditions. Du reste, un des premiers médecins qui ail prescrit ce régime, le docteur Weïsse, médecin en chef de F hôpital des enfants à Saint-Pétersbourg, assure avoir vu souvent se développer le tænia en soumettant ses malades à cette pratique. Laissons donc actuellement les théories anciennes rela- tives à la génération spontanée des vers. La cachexie vermineuse, Phelminthiasie, ne sont plus, comme l’a très-bien dit M. Davaine, que des rêveries dont les inductions ne doivent plus nous occuper. La connaissance du mode ou des divers modes, de pro- pagation des entozoaires peut, seule nous fournir les moyens de nous préserver de leurs atteintes ; déjà les progrès récents de l’helminthologie nous ont permis de réaliser ce progrès. Espérons que des expériences nou- velles nous permettront bientôt d’avoir, à cet égard, des préceptes plus nombreux encore. DE L’INFLUENCE DE L'EXPÉRIMENTATION MODERNE SUR LÀ CONNAISSANCE DES MALADIES SYPHILITIQUES Confondues ensemble par la plupart des premiers sy- philiographes, les maladies vénériennes parurent néces- sairement au début toutes justiciables de la même théra- peutique. Cette doctrine, sur les résultats nuisibles de laquelle nous n’avons plus à insister, régna jusqu’au jour où l’ex- périmentation, éclairant d’une clarté toute nouvelle la pathogénie de ces affections, sut démontrer que toutes, constituent des espèces morbides distinctes l’une de l’autre, et créer dés lors une thérapeutique rationnelle, conforme à l’idée que l’on devait se faire de chacune d’elles. Bien que ce soit à lîunter que revienne l’honneur d’avoir ôté le père de cette école expérimentale, ce ne fut guère qu’à partir de 1855 que ses idées prirent leur plus grand développement. A cette époque, en effet, M. Ricoi’d, pré- cédé en cela, au point de vue théorique, par Benjamin Bell (1793), par Hernandez (1810), prouva qüe : 1° l ino- DES MALADIES SYPHILITIQUES. 419 culation du pus blennorrhagique sur la peau u’est suivie d’aucun résultat ; l’inoculation du même pus sur cer- taines muqueuses (oculaire, buccale, nasale, anale, uré- thrale), détermine l’apparition d’une blennorrhagie de cette muqueuse; 2° l’inoculation du pus chancreux est toujours suivie de l’apparition d’un chancre, opinion exa- gérée, ainsi que nous le verrons. Ces expériences permirent à cet illustre syphiliographe de conclure que le pus blennorrhagique et le pus chan- creux n’avaient pas les mêmes propriétés, et, par consé- quent, que la blennorrhagie et le chancre étaient deux maladies essentiellement distinctes, incapables de se don- ner mutuellement le jour. En 17SG, limiter soutint que les formes primitives de la syphilis étaient contagieuses, et même ce grand chi- rurgien alla trop loin, car il admit que seules elles avaient cette propriété. De plus, c’est lui qui le premier com- mença à distinguer deux chancres: l’un induré, chancre huntérien, toujours suivi de syphilis, auquel conviendrait mieux le nom d’ulcère primitif; l’autre non induré et ne s’accompagnant pas de symptômes d’infection. Cette opinion, qui chez limiter n’était encore qu’une hypothèse vraie, est devenue depuis un fait incontestable, lorsque M. Bassereau, en 1854, remontant aux sources de contagion, démontra que le chancre mou naît du chancre mou, que le chancre induré ou ulcère primitif naît du chancre induré ; ces conclusions furent encore prouvées parles inoculations del\l. Clerc (1855) et les recherches de M. Dron (1856). L’existence de deux espèces de chancre étant établie, l’expérimentation a permis de plus, d’en créer une troi- 420 DES MALADIES SYPHILITIQUES. sième, en mettant du pus de chancre simple sur un chancre induré. Elle a démontré que ce troisième chancre, qui jusqu’alors avait été méconnu, résulte de la superpo- sition des deux premiers, et, qu’étant hybride ou mixte, il jouit des propriétés de l’un et l’autre. Ces résultats ont du reste été confirmés par les expériences que firent, sous l’inspiration de M. Rollet, M. Laroyenne et quelques autres élèves de ce maître. Enfin M. Clerc put s'assurer par de nombreuses ten- tatives que le pus du chancre induré n’est pas inoculable dans l’immense majorité des cas au porteur, tandis que celui du chancre simple l’est, pour ainsi dire, indéfini- ment, ainsi que le prouvèrent les inoculations des syplii- lisateurs et celles de M. Liedmann, qui put s’inoculer successivement deux mille sept cent cinquante-deux chancres simples sans arriver à un résultat négatif. Dès lors se trouva établie sur des hases certaines la doctrine des maladies vénériennes, et l’on put s’expliquer la possibilité de blennorrhagies successives, multiples, de chancres simples multiples, soit en même temps, soit successivement, maladies essentiellement locales; l’uni- cité, au contraire, de la syphilis, affection diathêsique. Dès lors également, l’ancienne thérapeutique erronée de ces maladies fut remplacée par une thérapeutique ra- tionnelle. Au chancre simple, maladie locale, il suffira d’opposer une médication locale, la cautérisation, par exemple; au chancre induré, symptôme d’une affection générale, il sera nécessaire d’opposer une médication gé- nérale. La blennorrhagie, que nous avons vue n’êlre qu’une maladie d'une muqueuse, n’échappe pas à cette règle, et ce n’est qu'en agissant localement sur la mu- DES MALADIES SYPHILITIQUES. 421 queuse ou en diminuant la ualure irritative de l’urine qui doit passer dans l’urèlhre, que réussissent les injec- tions ou les substances prises à l’intérieur, les balsa- miques. Incidemment nous avons fait allusion aux tentatives des syphilisateurs; toutefois, bien qu’ils n’aient pu arri- ver au but qu’ils se proposaient, puisqu’ils avaient un point de départ faux, leurs résultats, négatifs pratique- ment, ont prouvé cependant que le virus syphilitique n’est pas inoculable aux animaux, et que, lorsque chez eux cette inoculation détermine l’apparition d’une plaie, cette plaie ne jouit pas des propriétés du chancre, mais est produite par l’inflammation déterminée par la manœuvre chirurgicale ou le contact du liquide irritant. Ce que l’expérimentation avait fait pour l’étude de la genèse des maladies vénériennes, elle l’a fait encore pour résoudre les questions doctrinales les plus controversées de la syphilis. En effet, la contagiosité des accidents secondaires, ad- mise par les premiers observateurs de la syphilis, puis niée par les auteurs postérieurs, n’a reçu la sanction de son existence que par les inoculations de Wallace (1855- 56), de Vidal (1859), de Valler (1850),deRinecker (1852), de l'anonyme du Palatinat (1856), de MM. Guyénot et Au- zias-Turenne (1859). Ces expériences, qui ont consisté à prendre du pus de plaques muqueuses ou d’autres accidents secondaires et à l’inoculer à des sujets vierges de syphilis, ont établi définitivement les propositions suivantes : 1° Les accidents secondaires sont contagieux ; 422 2° Quelle que soit la source à laquelle on puise, chancre induré ou accidenls secondaires, la syphilis débute tou- jours par un chancre qui affecle une forme papuleuse; 5° Ce chancre a une incubation dont la durée moyenne est de vingt-cinq à vingt-sept jours; 4° Ces expériences expliquent encore la fréquence du chancre induré à la région céphalique, à la mamelle, et la rareté du chancre simple dans ces régions. En effet, la région buccale interne étant le confluent des accidents secondaires, des plaques muqueuses, acci- dents contagieux, le contact si fréquent de bouche à bouche est une cause incessante de contagion. Cette ex- plication, qui appartient au syphiliographe de l’Anti- quaille, s’applique encore aux infections non douteuses des nourrices par les enfants syphilitiques porteurs de plaques muqueuses aux lèvres, à la gorge, ainsi qu’aux cas d’infection d’enfants sains par les nourrices syphili- tiques. Enfin la contagiosité du sang des syphilitiques a été prouvée par quelques-unes des inoculations de l’anonyme du Palatinat, plus récemment par les inoculations de M. Pelizzori (1860). Ce fait, devenu indiscutable, explique la transmission de la syphilis par la vaccination, et les véritables épidémies de syphilis vaccinale, qui ont eu pour point de départ le sang d’enfants syphilitiques avec le vaccin desquels on inoculait un nombre plus ou moins considérable d’autres enfants, épidémies qu'ont observées en divers lieux Cerioli (1824), Hubner (1852), Rivalta (1802), et sur lesquelles a récemment attiré l’attention un élève de M. Itollet, M. Viennois (1861). En résumé : DES MALADIES SVPHILITIQUES. DES MALADIES SYPHILITIQUES. 423 1° Triple division des maladies vénériennes : blen- norrhagie, chancre simple, syphilis ; 2° Démonstration que le virus syphilitique n’est propre qu’à l’espèce humaine ; 5° Découverte du chancre mixte ou hybride; 4Ü Preuve de la contagiosité des accidents secondaires, du sang des syphilitiques. Tels sont les principaux résultats fournis par l’expéri- mentation, qui ont permis d’établir une doctrine ration- nelle, soit au point de vue de la genèse, soit à celui de la thérapeutique des maladies vénériennes. ORGANES GÉNITAUX Les recherches physiologiques modernes ont jeté un jour tout nouveau sur cette partie intéressante de l’his- toire des êtres organisés. Un point surtout a été récem- ment élucidé et mis hors de toute contestation; c’est la relation qui existe entre la rupture de la vésicule de Graaf et la menstruation. Grâce aux travaux de Pouchet, de Négrier, de Gendrin, de Bischoff, de Goste, de Raci- borski, on sait que la chute de l’ovule dans la trompe de Fallope s’accompagne d’une hémorrhagie et coïncide avec une congestion sanguine du côté des organes géni- taux, ce qui, chez la femme, constitue les régies. 11 reste à déterminer le moment précis où l’ovule s’engage dans le conduit de la trompe et pénètre dans la matrice ; question de détail qui ne peut tarder à être résolue. Jusque-là les menstrues étaient considérées comme une hémorrhagie qu’on aurait pu comparer à l’épistaxis, avec celte différence qu’elle revenait à époques pério- diques. Mais du moment que l’ovulation menstruelle de l’ovaire est expérimentalement prouvée, la portée d’un flux périodique s’agrandit, le rôle de l’ovaire gagne en importance et l’on conçoit mieux les troubles profonds ORGANES GÉNITAUX. 425 qui accompagnent l’aménorrhée. L’aménorrhée n’est pas une maladie, c’est le symptôme d’un état de débilité de l’organisme tel, que les fonctions languissent, et qu’une des plus relevées s’éteint. L’absence de sécrétion ovu- laire est généralement la conséquence d’une atonie de toute l’économie, et d’une perversion de l’hématose. Les mystères physiologiques de la fécondation une fois dévoilés, plus d’un problème pathologique a été résolu. Si la migration de l’ovule n’eùt été connue, si l’on n’avait su que les spermatozoaires pouvaient aller le féconder jusque dans l’ovaire, jamais la grossesse extra- utérine n’aurait reçu de légitime explication. Cette con- naissance plus parfaite d’un trouble fonctionnel grave ne découle point immédiatement de l’expéiience physiolo- gique, mais elle en est la conséquence évidente quoique éloignée. Outre la grossesse extra-utérine la physiologie a encore enrichi la pathologie génitale d’une affection récente, dont nous allons dire quelques mots. HÉMATOCÈLE RÉTRO-UTÉRINE. Cette maladie a existé à toutes les époques, et cepen- dant sa véritable signification n'a été saisie que depuis peu de temps. On en trouve des exemples évidents dans Hippocrate, Astruc, Ruysch, etc. D’après M. Voisin c’est à M. Nélaton (1850) que revient l’honneur d’avoir com- pris et dénommé Vhématocèle rétro-utérine. Les diverses théories émises sur celle affection sont les suivantes : / 1° Varicocèle ovarien (Richet); 2° hémorrhagie tubaire ORGANES GÉNITAUX. 426 (Scanzoni etPuech); 5° pour M. Trousseau l’hémorrhagie se fait par la trompe, elle est le résultat d'une diathèse hémorrhagique, caractérisée par un flux cataménial exa- géré; 4° M. Laugier suppose un ovaire déjà malade; 5° d’après M. Gallard c’est une ponte spontanée intra- abdominale; 6° l’opinion de M. Gallard se rapproche beaucoup, du reste, de celle de M. Nélaton, qui dit : A chaque période menstruelle il se fait une congestion vers l’ovaire, une vésicule de Graaf se rompt et un ovule s’engage dans la trompe. Si l’engagement de l’ovule ne se fait pas et que l’hémorrhagie soit un peu considérable, le sang tombe dans le cul-de-sac péritonéal, de là héma- locèle. M. Laugier, Comptes rendus de /’Académie des sciences, 1855, a fait remarquer avec beaucoup d’à-propos la concordance de l’hématocèle et de la période catamé- niale. Quelle que soit l’idée qu’on se fasse de l’étiologie, il n’en est pas moins positif que la maladie débute et s’ag- grave à l’époque menstruelle. C’est l’opinion de M. Voisin, qui a publié une monographie importante sur ce sujet (1800). C’est également celle qui ressort pour nous du fait que nous avons publié, où la trompe droite oblitérée communiquait avec la cavité de Phématocèle. MÉTHODE SOUS-CUTANÉE Si les expériences physiologiques n’ont point amené la découverte de la méthode sous-cutanée, elles ont eu sur elle une grande influence, et c’est à ce titre que nous nous croyons autorisés à parler de son historique et de ses indications. Les expériences sur les animaux, par leur innocuité, ont permis d’opérer sur l’espèce humaine avec plus de confiance, d’étudier les phénomènes de la cicatrisation des plaies non exposées au contact de l’air; d’établir, en un mot, la théorie de la méthode sous-culanée, qui est une des grandes découvertes chirurgicales de notre siècle. Examinons par ordre d’ancienneté les premiers essais de la méthode nouvelle : Charles Bell, en 1807, pratiqua une section sous- cutanée pour diviser les ligaments du pouce. Ce fait isolé et dénué de vues théoriques n’eut pas de retentissement. En 1816, Delpech fit la première section sous-cutanée du tendon d’Achille, dans le but de mettre la plaie à l’abri du contact de l’air. Ce fut seulement quelques années plus tard que le chirurgien de Montpellier fut suivi dans 428 MÉTHODE SOUS-CUTANÉE. cette voie par Dupuytren, et par Stromeyer en 185t. L’élan une fois donné, plusieurs publications furent faites sur ce sujet. Les plus notables furent celles d’A. Cooper, de Dieffenbacb, d’Ammon, de Haime, de Syme, de Bou- vier, de Duval, de Ileld, et surtout de Bonnet de Lyon. Ainsi nous admettons avec M. Velpeau que la méthode sous-cutanée était constituée avant 1859, et nous venons d’en citer les principaux auteurs. Vers cette époque, M. Guérin publia d’importantes recherches sur la ques- tion, il eut le mérite d’en étendre le champ d’application, d’en poser les bases scientifiques. Suivant lui, les deux avantages principaux sont : 1° l’absence du contact de l’air; 2° l'organisation immédiate. Soulevant ainsi une foule de points de vue nouveaux, M. Jules Guérin put croire avoir constitué la méthode, mais il rencontra dans M. Malgaigne un redoutable adversaire qui s’éleva éner- giquement contre ses prétentions. Nous ne suivrons point ces deux écrivains sur le terrain d’une dispute brûlante et môme scandaleuse. M. Malgaigne cherche à rabaisser le mérite de M. Guérin par l’iiistoire et par les expé- riences. Par l’histoire, il montre que Yaérophobie avait préoccupé les chirurgiens du siècle précédent. Des discus- sions s’étaient déjà élevées entre Monro et J. Bell sur le rôle du contact de l’air dans les plaies. Iïunter, Brom- fîeld, Desault, Bicliat et Boyer ont également agité la question. Par l’expérience il prouve que les atmosphères limitées ne sont pas à redouter, et que le contact perma- nent de l’air doit seul être évité. Pour cela il fait des insufflations sous-cutanées considérables après les sec- tions, et aucun accident ne survient. Il n’en est pas moins vrai que M. Guérin a popularisé MÉTHODE SOUS-CDTANÉE. 429 la méthode sous-cutanée, qu’il a démontré que la gué- rison se faisait rapide et sans suppuration, grâce à l’abri du conlact de l’air, ce qui est incontestable, de quelque façon qu’on l’explique. Maintenant il ne faut pas être absolu dans ses opi- nions. On doit savoir que les suppurations peuvent quel- quefois survenir après ces opérations. C’est l’exception, d’accord; mais il y en a, et nous pourrions en citer plus d’un cas; de môme qu’il y a des érysipèles après la cau- térisation et des morts par le chloroforme. La méthode sous-cutanée s’applique : 1° Aux difformités. Pieds bots. Torticolis. Strabismes. Déviations de la taille. 2° Aux déviations pathologiques, telles que certaines anhjloses, suites de tumeurs blanches. 5° Au bégaiement. 4° Aux sections nerveuses. Bonnet de Lyon est l’auteur de ces deux dernières applications. 5° Aux cavités closes. A la cure radicale de la hernie (J. Guérin). 6° Aux ligatures des veines. Procédé de Ricord pour le varicocèle. DE L’INFLUENCE DES RECHERCHES MODERNES SUR LA REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX Les maladies du système osseux ont de tout temps puissamment excité l’attention des pathologistes, mais c’est surtout depuis les révélations de l’ostéogénie que ces problèmes ont eu plus d’attrait encore, et que des horizons nouveaux ont apparu aux chirurgiens. Les premières expériences sérieuses qui permirent de mieux envisager les lois de l’ostéogénie remontent à une période antérieure au dix-neuvième siècle. Cet en- semble de travaux est ainsi en dehors du cadre de notre sujet, mais il nous a semblé cependant que nous ne pou- vions moins faire que de les signaler pour mieux faire comprendre la filiation des recherches modernes. Duhamel, un des premiers, dans six mémoires pré- sentés à l'Académie des sciences de 1759 à 1745, dé- montra les propriétés du périoste, et fit voir tout le parti que l’on pouvait tirer de la coloration du tissu osseux par la garance. llaller, en 1758, Mémoire sur la formation des os; Dcth- DE LÀ REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX. 431 leef, en 1755, Ilunter, Hérissant, répétèrent une partie des expériences du savant académicien français, et dès le commencement de notre siècle, le véritable rôle du pé- rioste était déjà complètement connu. Scarpa, Léveillé, Béclard, Breschel, Willermé étudièrent encore la question en multipliant les expériences, mais il n’était pas donné à la chirurgie de bénéficier de suite de ces nouveaux aperçus, et malgré les tendances pratiques que l'on trou- vait déjà à la fin du dix-huitième siècle dans les travaux deTroja sur la régénération des os (1775); dans ceux d’Alexandre Mac-Donald sur le môme sujet (1799, Bisser- tatio de necrosi et ossium callo)-, dans les mémoires de Fougeroux, de Weidmann (de Necrosi ossium, 1795), on peut affirmer pleinement que toutes les conclusions pra- tiques que l’on pouvait tirer de ces diverses conquêtes physiologiques n’étaient pas encore passées dans le do- maine chirurgical. Les chirurgiens savaient certainement dès cette époque que c’était bien au périoste qu’était dévolue la fonction de reproduire les os, et cependant malgré quelques pas- sages, commentés surtout depuis les applications mo- dernes, on peut dire que l’idée de la conservation de ce périoste n’était pas généralement présente à l’esprit des opérateurs. Ce fut en 1852 seulement que l’attention des chirur- giens fut plus fortement concentrée sur ce point. A cette époque le professeur Heine de Würzbourg entreprit sur les animaux des expériences plus décisives, ayant surtout pour objet de montrer des os régénérés par le périoste à côté de ceux qu’il avait enlevés. La comparaison facile permettait de distinguer ces nouveaux os parfaitement 432 DE LA REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX. réguliers, épais, résistants, et d'un autre côté il avait réuni à la collection d’autres os réséqués avec leur pé- rioste d’enveloppe et remplacés par des ossifications tout à fait insuffisantes. L’importance du périoste ressortait ainsi d’une manière bien frappante, lleine, du reste, signalait aussi l’application de ces faits à la clinique, et, en même temps, il préconisait divers instruments qui lui avaient paru nécessaires ou utiles pour pratiquer ces opérations. En France, notre célèbre physiologiste, M. Flourens, apporta sa grande autorité pour celte démonstration. Ses travaux ne laissèrent aucun doute sur la réalité des fonctions ostéogéniques du périoste, et quand on fut familiarisé à quelques-unes des formules que l’on trouve dans ses ouvrages, les conséquences chirurgicales ne pouvaient moins faire que de se réaliser. Ainsi : « On peut enlever au périoste une portion d’os, et il rend cette portion d’os; on peut lui enlever une tête d’os, et il rend cette tête; on peut lui enlever un os entier, et il rend cet os entier. Le périoste est la matière, l’organe, l’étoffe qui sert à toutes ces productions merveilleuses. » (Flou- rens, Théorie delà formation des os, p. 69-70.) Le plus grand nombre des chirurgiens, frappés de la valeur de ces expériences, tentèrent dès lors la conser- vation du périoste dans les cas où elle leur parut pos- sible. Si le périoste fait les os, pourquoi ne pas en produire de nouveaux à la place de ceux dont un traumatisme ou une affection chronique exigerait le sacrifice? Le pro- blème était nettement posé, et l’on ne tarda pas «à voir la chirurgie bénéficier de celte grande découverte. DE LA REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX. 433 Deux méthodes opératoires sont sorties de ce remar- quable résultat : 1° D’une port, les résections sous-périostées immé- diates; 2° D’une autre part, les résections sous-périostées mé- diates, Y évidement. Dans cette dernière méthode l’inté- rieur de l’os est seul extrait, les couches périphériques sont conservées avec le périoste qui les recouvre. En agissant ainsi le chirurgien cherche à conserver la forme des membres et à favoriser la fonction de régénération du tissu osseux. L’évidement proposé par le professeur Sédillot compte déjà de nombreux succès ; il ne nous appartient pas de pouvoir discuter ici l’avantage ou la supériorité de ces deux modes opératoires; qu’il nous suffise d’avoir dé- montré que c’est du moins aux progrès de la physiolo- gie expérimentale que nous sommes redevables de l’un et de l’autre. Les résections sous-périostées ont même déjà eu, on peut le dire, leurs exagérations; ainsi, par exemple, Christoforis a publié le travail suivant : De la résection sous-périostée partielle ou générale des os pubiens, de la branche horizontale et de la branche ischio-pubienne pour faciliter F accouchement. (Gazette médicale, Paris, 1859, 24 décembre.) Il serait difficile de pousser les consé- quences plus loin. Parmi les chirurgiens qui ont le plus étendu la pra- tique des résections sous-périostées, et qui les ont appli- quées avec le plus de hardiesse, nous devons, entre tous, signaler M. Bernardin Larghi, chirurgien en chef de l’hô- pital de Verceil. Il est impossible d’être plus catégorique 434 DE LA REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX. dans le manuel opératoire. « Je retire, dit-il, l’os comme on retire la main d’un gant, ou un buse de baleine d’un corset. » Ce serait, je crois, sortir de notre sujet que de signaler ici les travaux des divers chirurgiens qui ont le plus contribué à accréditer cette méthode opératoire; il nous suffisait d’indiquer la source de ce progrès thérapeu- tique. Quelques expériences récentes ont ouvert encore de nouveaux horizons. Pour prouver d’une manière-plus péremptoire que le périoste produisait de l’os, M. Ollier eut l’idée de greffer cette membrane au milieu des tissus étrangers à l’ossi- fication. C’était ainsi créer une voie toute nouvelle d’ap- plication, et les expériences failes par notre habile con- frère ont jusqu’à présent démontré toute la justesse de son opinion. « Nous essayâmes, dit-il, tout d’abord de déplacer de longues bandelettes de périoste sans les détacher com- plètement, et nous obtînmes de l’os sur leur trajet; puis nous en coupâmes le pédicule; puis, enfin, nous trans- plantâmes de toutes pièces du périoste dans des régions plus ou moins éloignées. Dans tous ces cas nous avons obtenu de l’os en plus ou moins grande quantité, selon la dimension des lambeaux, selon l’âge de l’animal, et selon les suites de l'opération. » (Gaz. heb., 5 nov. 18b8.) Celte création de l’os à volonté en transplantant le périoste permettra, nous l'espérons, d’étendre la puis- sance de F autoplastie. Ainsi, dans les restaurations du nez, par exemple, quand la charpente osseuse sera détruite, on pourra re- DE LA REPRODUCTION DES TISSUS OSSEUX. 435 chercher des lambeaux doublés de périoste pour y faire développer un support osseux. Dans les résections de la mâchoire inférieure, quand on sera obligé de sacrifier le corps de fos et le périoste qui le recouvre, on ne devra pas perdre tout espoir de refaire un arc osseux qui retienne la langue et remplace, jusqu’à un certain point, la partie enlevée. M. Langenbeck a pu déjà fournir quelques faits dans ce sens; mais il serait puéril de vouloir exiger dès mainte- nant des faits pratiques nombreux pour prouver toute l’importance de l’ostéoplastie périoslique. Celte méthode a évidemment dès aujourd’hui, son prin- cipe et sa raison d’être, espérons que de nouveaux pro- grès en découleront encore pour l'art chirurgical; les travaux de M. Ollier y auront puissamment contribué. DES MALADIES CUTANEES ET VIRULENTES Il est toute une classe de maladies dont l’étude et la thérapeutique ont réalisé de bien grands progrès depuis quelques années. Ce sont les maladies cutanées causées et entretenues par des parasites végétaux; la teigne fa- veuse, l’herpès lonsurant, la mentagre, l’herpès circinné, le pityriasis versicolor. Certes, ces affections n'avaient pu arriver jusqu’à notre époque sans être reconnues par l’observation clinique, mais on peut affirmer que c’est depuis peu seulement, et grâce à l’expérimentation moderne, que l’on est fixé maintenant sur la nature, la cause réelle de ces mala- dies. C’est depuis lors seulement qu’il est ainsi possible de les combattre plus efficacement. Grâce aux recherches des micrographes, on sait actuellement que les diverses affections que nous avons désignées dépendent essentiel- lement de la présence de parasites spéciaux bien décrits à l’heure qu il est. Dès lors l’indication thérapeutique a pu être formulée d’une façon plus précise, et l’on com- DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. 437 prend que l’on ait dû rechercher, pour arriver à la gué- rison, des moyens capables de détruire ce parasite. Pour le favus,cefut en 1842 seulement que Schenloein, s’aidant du microscope pour étudier les godets, découvrit la présence d’un champignon qu’il désigna tout d’abord sous le nom d'oïdium. Quelques mois plus tard, Linh, Remack, donnèrent une description plus complète du parasite, et en même temps en changèrent le nom en l’appelant achorion Schenloenii. C’était déjà un grand pas que la découverte de Schenloein; grâce à elle il n'y avait plus à s’occuper des doctrines humorales, on n’avait plus à rechercher l’origine du favus dans la dartre, la scrofule, la syphilis; ce n’était cependant pas assez pour arriver à une thérapeutique complètement rationnelle et efficace. Il fallut déterminer encore les rap- ports du parasite nouvellement découvert avec les che- veux autour desquels il se développe. L’expérimentation, les recherches modernes ont encore résolu cette partie du problème. Dès l’année 1845, M. Gruby signala la pré- sence des éléments de l’achorion dans l’intérieur des follicules pileux. Mais il ne fit que soupçonner ce fait, et ne l’annonça même que sous la forme d’un doute. Les travaux micrographiques de MM. Charles Robin et Razin eurent un peu plus tard le mérite de fixer complètement la vérité sur ce point, un des plus importants de l’his- toire du favus. Aujourd’hui l’existence d’un champignon dans l’inté- rieur même du follicule pileux, et jusque sur la racine du poil, est un fait acquis. La conséquence naturelle de cette démonstration a été de faire ressortir comme pre- mière indication du traitement l’épilation, qui avait été 438 DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. si vivement réprouvée par Alibert, et sans laquelle cepen- dant la raison indique l’impossibilité d’arriver à une guérison définitive. 11 est bien évident, en effet, que, la présence des sporules de l’achorion sur la racine du poil étant bien constatée, on ne pourra jamais obtenir par des applications extérieures que la destruction des champi- gnons placés en dehors, sans arriver à une guérison complète qui doit nécessiter la destruction de ceux placés plus profondément. Divers procédés ont été conseillés pour pratiquer l'épi- lation; ce n’est point ici le lieu de les exposer et de les juger. Il nous suffit de rappeler que c’est à nos micro- graphes modernes que nous devons la démonstration, non-seulement de l’utilité de cette pratique, mais encore de son mode d’action. Les empiriques, qui déjà au siècle dernier avaient pré- conisé Dépilation sans trop savoir pourquoi, la prati- quaient le plus souvent assez mal. Aussi les teignes s’é- ternisaient entre leur mains, et leurs échecs, dus à l’igno- rance du but poursuivi, avaient contribué tout autant que les raisonnements des dermatologistes à faire rejeter cette méthode. M. Bazin ne s’est pas borné à recommander l’épilation dans le traitement du favus. A cette première indication il en a ajouté une autre, fondée sur ce fait que l’expé- rimentation lui avait révélé, à savoir : qu’après l’avulsion de tous les cheveux il restait encore, soit à la surface de la peau, soit dans les follicules ouverts, quelques sporules capables de déterminer plus tard une récidive. Pour pré- venir ce danger il recommande de faire usage, après l’épilation, de lotions ou d’applications parasiticides. DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. 439 Il a étudié expérimentalement l'action d’un certain nombre de substances sur l’achorion, et ses recherches lui ont permis de reconnaître comme topiques d’une énergie toujours suffisante des substances dont l’emploi n’offre du reste aucun danger pour le malade, l’huile de cade, par exemple, et la solution de sublimé au 100me. Grâce à l’emploi de cette double médication, épilation et applications parasiticides, le pronostic du favus a com- plètement changé. Autrefois il constituait une des mala- dies les plus graves; presque toujours incurable, il s’ac- compagnait, souvent d’accidents les plus sérieux. Aujour- d’hui nous n’avons plus rien à craindre de pareil, et M. Bazin n’hésite pas à le ranger parmi les maladies dont le pronostic est le plus favorable. Un traitement institué d’après la connaissance des faits mis en lumière par les observateurs de notre époque en triomphe ordinaire- ment en deux ou trois mois. Il nous a semblé convenable de signaler ici les autres recherches modernes qui ont fait aussi progresser dans le môme sens la connaissance des maladies cutanées, dont nous avons parlé au début de cet article. L’achorion n’est pas la seule production végétale que l’on ait rencontrée dans la teigne. En 1845 M. Gruby eut l’idée de rechercher dans une autre maladie contagieuse du cuir chevelu, la teigne tonsurante (herpes tonsurans de Cazenave), si les faits de contagion, parfaitement observés avant lui, ne tenaient pas à l’existence d’un parasite pareil à celui du favus. L’examen microscopique ne tarda pas effectivement à lui faire découvrir un nou- veau champignon, qu’il désigna sous le nom de trico- phyton tonsurant. Dès l’année 4 846 la découverte de 440 DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. M. Gruby fut confirmée par les travaux plus complets d’un micrographe suédois, le docteur Malmstein, et quel- ques années plus tard M. Bazin démontra, de plus, que le tricophyton, comme l’achorion, pénètre dans le folli- cule pileux. C’était, ainsi que pour le traitement du favus, poser la double indication de l’épilation et des applications parasiticides. Dès lors cette affection devient, comme le favus, gué- rissable, seulement elle exige un temps plus long, parce que l’épilation y est rendue plus difficile par suite de l’altération des cheveux qui se cassent tout à fait à la sortie du bulbe. On avait remarqué la concordance assez fréquente chez le même malade de l’herpès tonsurant et de l’herpès circinné. En 1852 MM. Malherbe et Letenneur font quel- ques recherches expérimentales, et ils arrivent à démon- trer cliniquement le caractère contagieux de l’herpès circinné et son identité avec l’herpès tonsurant. Ils ap- portèrent à l’appui de leur opinion des observations de teignes tonsurantes développées par suite de l’inocula- tion des produits de sécrétion de l’herpès circinné, et des observations d’herpès circinné survenu à la suite de l’inoculation de l’herpès tonsurant. En 185C M. Baerensprung signala, grâce au microscope, l’existence d’un champignon dans l’herpès circinné; et, enfin, M. Bazin établit l'identité de ce parasite végétal avec celui de la teigne tonsurante. 11 démontra que l’her- pès circinné est comme l’herpès tonsurant une maladie du système pileux; que le tricophyton a le même mode d'action sur les poils disséminés sur la région affectée d’herpès que sur les cheveux, et dans ce cas, comme dans DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. 441 l’herpès tonsurant, on arrive à guérir rapidement par l’emploi combiné de l’épilation et des agents parasiti- cides. Le tricophyton ne se rencontre pas seulement dans l’herpès circinné et dans l’herpès tonsurant, on le trouve encore dans une variété de la mentagre. C’est à notre époque que revient encore l’honneur de la découverte de cette espèce morbide, que l’on guérit aussi facilement par les mêmes moyens que ceux qui réussissent dans le traitement de la teigne tonsurante. Le favus et la teigne tonsurante ne sont pas les seules affections contagieuses du cuir chevelu. Il est une troi- sième espèce de teigne que l’on trouve décrite sous les noms d’achrome, vitiligo de M. Cazenave, porrigo decal- vans de Bateman. En 1745 M. Gruby démontra que le duvet blanchâtre observé à la surface malade était formé par une troisième variété de champignons, le microsporum Audoïni. Cette question fut d’abord combattue assez vivement par M. Robin, mais les recherches de M.Bazin la confirmèrent bientôt. Cet observateur démontra que ce champignon, comme l’achorion et le tricophyton, pénétrait dans le bulbe pileux et empêchait ainsi la reproduction des cheveux. Il est naturel de penser que la conséquence de la théorie de M. Gruby et de M. Bazin est aussi l’application au trai- tement de cette troisième espèce de teignes des moyens qui réussissent dans le favus et l’herpès tonsurant. L’observation moderne a démontré aussi que dans le pityriasis versicolor on rencontrait également un parasite 442 DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. spécial. Le traitement repose aussi sur les mômes indi- cations. L’expérimentation moderne n’a pu faire beaucoup pour les maladies virulentes telles que le charbon, la pustule maligne, la rage, la morve, la variole. Cependant nous connaissons mieux maintenant les diverses condi- tions de contagion. Tour la pustule maligne, pour le charbon, ces ques- tions intéressaient vivement l’hygiène publique et privée, et l’on comprend avec quelles précautions il faut avoir soin d’éviter de laisser consommer les viandes d’ani- maux morts de ces affections, puisque l’expérimentation a démontré la contagiosité d’une tumeur charbonneuse, soit qu’elle soit mise en simple contact avec l’épiderme, soit qu’elle soit déposée sous l’enveloppe cutanée, soit qu’elle pénètre dans les voies digestives. Les recherches de M. Davaine, récemment communi- quées à l’Académie des sciences, permettront peut-être d’envisager d’une façon plus précise l’étude de ces di- verses affections, s’il se confirmait que l’on trouve tou- jours dans ces cas la présence dans le sang d’infusoires en quantité plus ou moins grande. Enfin, c’est à l’expérimentation moderne que nous devons tous les travaux si nombreux et si importants sur la vaccine. M. Bouley, ces temps-ci, est venu peut-être faire avancer d’un grand pas la solution de cette question si grave, et si controversée cependant, de l'identité du virus vaccin et de la variole. Restera-t-il prouvé que désormais l’origine du vaccin est trouvée, et qu’il faut en voir la source dans l’inocula- tion de l’herpès phlycténoïde du cheval avec toutes les DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES. 443 variétés décrites antérieurement, telles que le greasc, le sore heels de Jenner, le javart inoculable de Sacco? Arrivera-t-on à faire considérer cette affection comme une véritable variole du cheval, et dès lors l’identité du vaccin et de la variole sera-t-elle proclamée, comme le veut M. Depaul? Ce sera à l’expérimentation moderne de résoudre ce problème; responsabilité bien grande, car on prévoit toutes les conséquences qui peuvent en dé- couler. Mais les travaux modernes sauront sans aucun doute éclairer complètement cette question si difficile encore, et pour la solution de laquelle une erreur pour- rait avoir de si tristes résultats, TOXICOLOGIE La toxicologie, cette science d’origine toute moderne, est redevable des rapides progrès qu’elle a faits à l’appui et aux lumières de la physiologie, expérimentale. Il est presque inouï, dans l’histoire des sciences, de voir un perfectionnement survenir en si peu de temps. En cherchant quelles en sont les causes, nous croyons trou- ver que la toxicologie a été aidée par deux circonstances très-importantes. Lorsqu’elle prit naissance, au commen- cement de ce siècle, c’était précisément l’époque où la méthode expérimentale, inaugurée si heureusement par Bichat, commençait à porter ses fruits et permettait au zèle de travailleurs nombreux de s’exercer sur les sujets les plus divers. La seconde cause de sa fortune si prompte fut aussi incontestablement, le talent d’un esprit de pre- mier ordre : je veux parler d’Orfila. Ce fut lui, en effet, qui comprit immédiatement l’imrqense parti qu’on pou- vait retirer, pour la toxicologie, des expériences sur les animaux; par son incessante activité, parla remarquable continuité de ses recherches, il fut capable de réunir en un groupe scientifique une foule de faits épars qui n’a- vaient point encore de lien d’union solide. Nous ne pou- TOXICOLOGIE. 445 vons, dans un article de ce genre, passer en revue tous les poisons; car cette tâche incombe aux traités de toxi- cologie; mais nous essayerons d’indiquer et de faire entrevoir que sans la physiologie moderne la toxicologie serait encore dans l’enfance. Pour mettre de l’ordre dans ce que nous avons à dire, nous examinerons successive- ment : 1° La symptomatologie du poison; 2° La dose à laquelle certaines substances deviennent vénéneuses ; 5° La voie par laquelle se fait Vabsorption; 4° Le mode d’action et les organes où le poison se lo- calise ; 5° Les altérations pathologiques ; 6° Enfin, le traitement. Dans cette branche de nos connaissances, comme dans plusieurs autres, nous signalerons l’union intime de la chimie et de la physiologie expérimentale, qui, toutes deux, donnent une empreinte de précision et de rigueur à tous les sujets auxquels on les applique. DE LA SYMPTOMATOLOGIE DU POISON. Je n’entrerai point dans la classification des substances vénéneuses telle qu’elle a été adoptée par les auteurs modernes. Elle repose évidemment sur des bases peu scientifiques. Elle renferme, dans un môme groupe, des substances qui n’ont entre elles d’autres relations que d’être malfaisantes aux organismes vivants. Mais elle ôtait nécessaire pour les besoins de la démonstration 446 TOXICOLOGIE. classique, et elle doit rester jusqu’au moment où une meilleure pourra la remplacer. Lorsque les poisons sont en contact avec nos tissus, ils produisent des effets locaux et des effets generaux. Effets locaux. Ces effets amènent rarement la mort. Les poisons irri- tants, tels que le phosphore, le brome, l’acide sulfurique, azotique, la potasse, la chaux, etc., produisent une ulcé- ration par destruction du tissu. On peut caractériser cet effet en disant qu'il y a cautérisation, c’est-à-dire morti- fication locale d'une partie vivante. Le mode de cautéri- sation varie suivant les divers poisons. Plusieurs agissent parce qu’ils sont très-avides d’eau : ainsi la chaux, la potasse, le chlorure de zinc et l’acide sulfurique ; d’au- tres parce qu’ils forment, avec les tissus, des combinai- sons spéciales, et qu’ils déterminent la coagulation des éléments albumineux, si répandus dans l’organisme: ainsi l’acide azotique et le perchlorure de fer. La cautérisation est une action chimique; mais l’agent toxique peut également avoir une action physiologique qui se localise dans les points seulement où il a été dé- posé. C’est ainsi que l’opium, le chloroforme émoussent la sensibilité des papilles nerveuses ; c'est ainsi que la strychnine et le curare ont une action sur les nerfs de la région en contact desquels on les place. Effots généraux. CeS effets, appelés aussi dynamiques$ sont la cause des accidents graves ou de la mort. Ils ont été merveilleuse- TOXICOLOGIE. 447 ment appréciés par la physiologie moderne; c’est elle qui, suivant le poison du point où il a été appliqué jusqu’aux organes où il agit de préférence, a indiqué, avec une sagacité admirable, les désordres et les lésions qu’il pro- duit par son passage à travers l’économie. Elle a poussé si loin cette étude, qu’entre les mains habiles de M. Ber- nard le poison est devenu un mode extrêmement délicat et précis pour interroger les fonctions organiques : cest un réactif de la vie. La toxicologie rend ainsi à la physio- logie une part des bienfaits qu’elle en a reçus. Toutes les substances qui tuent rapidement agissent sur les grands systèmes organiques, tels que : les systèmes nerveux, vasculaires ou musculaires. Ceux qui tuent lentement exercent leur action sur les organes glandu- laires. C’est ainsi que la strychnine excite le système ner- veux; elle agit d’abord sur les nerfs sensitifs, puis sur les centres nerveux et enfin sur les nerfs moteurs. Le curare, au contraire, éteint les propriétés des nerfs périphéri- ques. Le sulfocyanure de potassium agit sur les muscles, qu’il paralyse. L’action de la nicotine se limite dans le système vasculaire des capillaires. L'acide sufhydrique, Yoxyde de carbone modifient directement le sang et le vicient si rapidement que la vie peut s’éteindre en queh ques instants. La symptomatologie des empoisonnements a revêtu un tel degré d’exactitude, qu’il est possible de reconnaître quelle a ôté la substance administrée en observant cer- tains signes pathognomoniques; On reconnaîtra la bella- done à la dilatation de la pupille, la cantharide à son action sür la tessie, la strychnine à ses convulsions* etc; Orllla* qui a fait ün nombre considérable d’expériences 448 TOXICOLOGIE. sur l’action des poisons dans l'espèce canine, a été obligé de pratiquer en même temps la ligature de l’œsophage ; car le chien vomit avec une très -grande facilité. Grâce à cette opération adjuvante, il put déterminer avec netteté et précision à quelles doses les substances sont toxiques ; quels sont les contre-poisons qui réussissent le mieux à enrayer les phénomènes morbides. Mais il fallait, pour qu’un tel mode d’expérimentation fût à l’abri de tout reproche, que la ligature de l’œso- phage lût incapable de provoquer des accidents par elle- même, accidents qui, se combinant avec ceux de la sub- stance en expérience, eussent faussé les résultats. Orfila ne se douta pas tout d’abord de la gravité des objections qui pouvaient lui être faites; et la majorité de ces expé- riences fut dénuée de toute préoccupation à cet égard. Mais bientôt Giacomini et Devergie incriminèrent la liga- ture de l'œsophage ; et Orfila tenta d'y répondre en affir- mant que cette opération était sans gravité lorsqu’on laissait le fil en place seulement pendant trois jours, et que l’organe n’avait pas ôté perforé. En 1858, un travail de MM. Bouley et Reynal ramena cette question devant l’Académie de Médecine, et donna lieu à un rapport remarquable de M. Trousseau et à plu- sieurs publications importantes de MM. Orfila neveu, Colin, Jobert de Lamballe, Follin, Sêdillot et Szumowski. De l’ensemble de ces travaux il ressort : 1° Que la ligature de l’œsophage peut produire des accidents immédiats, si elle est mal faite. Ces accidents doivent être attribués à la ligature du récurrent. 11 est facile de les distinguer de ceux qui sont dus à l'intoxica- tion. Des phénomènes dyspnéiques peuvent encore sur- TOXICOLOGIE. 449 venir par l’introduction dans le larynx de mucosités ou de matières alimentaires ; 2U Que la ligature bien faite produit des accidents au bout de deux jours, tels que perforation de l’œsophage, abcès, etc. Il est donc fort difficile, alors, d’étudier avec fruit les phénomènes dus aux poisons qui, il est vrai, ont, en général, à ce moment, passé de l’estomac dans les intestins. Il n’est donc point nécessaire de laisser la ligature aussi longtemps. 5° Mais la conclusion la plus importante c’est que les accidents inhérents à la ligature de l’œsophage n’ont fait commettre aucune erreur grave à Orfila et à ceux qui ont suivi la pratique de ce grand maître en toxico- logie. C’est à peine si le savant rapporteur de la commis- sion académique a pu citer quelques erreurs, fort secon- daires; celles, par exemple, qui ont rapport à l’azolale de bismuth et à l’azotate de potasse. A QUELLE DOSE UNE SUBSTANCE DEVIENT-ELLE POSON? L’observation attentive des faits d’empoisonnement qui surviennent dans l’espèce humaine eût peut-être permis à la longue de déterminer à quelle dose une substance est toxique. 11 appartenait aux recherches physiologiques de fixer ce problème d’une manière beaucoup plus pré- cise. C’est surtout pour les médicaments nouveaux que l’expérimentation sur les animaux a été d'une grande utilité. Quand des agents aussi puissants que l’atropine, la digitaline, la strychnine et le curare ont dû être em- ployés dans l’espèce humaine, il a été bon de s’assurer 450 TOXICOLOGIE. auparavant à quelles doses ils pouvaient devenir poison; et ce qui a été fait pour ces substances devra l’être pour tout médicament actif qu’on voudra employer pour la première fois dans la thérapeutique des maladies de l’homme. M. Bernard fait remarquer, avec beaucoup de raison, qu’on ne doit point calculer la dose d’un médicament ou d’un poison suivant le poids de l’animal, comme on a de la tendance à le faire aujourd'hui, mais bien suivant la quantité de sang. Plus cette quantité est grande et moins les effets sont dangereux. QUELLE EST LA VOIE PAR LAQUELLE SE FAIT l’aBSORPTIOX ? Je ne veux point traiter ici les questions litigieuses qui peuvent être soulevées au sujet de l’absorption cutanée. — Morgan et Addisson pensaient autrefois que les poisons propageaient leurs effets morbides par les nerfs, soit que la substance eût été introduite par le tube digestif ou insérée sous la peau. Cette hypothèse ne peut actuelle- ment rester debout. Elle avait chance de subsister, seu- lement à une époque où l’on ignorait totalement les propriétés endosmotiques des membranes, et le pouvoir absorbant des réseaux lymphatiques et des veines capil- laires. Les expériences de Blake ont prouvé que l’absorption vasculaire était indispensable, en démontrant qu’il fallait un certain temps pour que le poison se répandit jus- qu’aux capillaires, et que ce temps était en rapport avec la rapidité de la circulation. De plus, de nombreuses re- cherches chimiques ont parfaitement prouvé que les TOXICOLOGIE. 451 substances toxiques pouvaient se retrouver dans toutes les parties du corps. Or comment les aurait-on retrou- vées, si la circulation ne les y avait pas déposées? On sait, en outre, que l’absorption des poisons est rendue plus facile par les émissions sanguines. Montain, de Lyon, et après lui, Barry ont empêché l’absorption des substances toxiques, en appliquant des ventouses sur le point où ils déposaient un poison. L’absorption devenait alors nulle. Ce phénomène doit être attribué à ce que le vide de la ventouse empêche la circulation capillaire dans toute la partie où cet instrument est appliqué. Nous avions du reste signalé déjà ces diverses expériences en traitant de l’absorption. MODE d’action DES POISONS, ET ORGANES OU ILS SE LOCALISENT. J’ai eu occasion déjà de signaler l’action élective des poisons sur certains organes. C’est surtout la physiologie qui a permis de démêler la différence qui existe dans l'action de ces corps ; de savoir si telle substance tue par le cerveau, par les nerfs, par le cœur, par le sang, ou par ces divers organes à la fois. Les poisons n’agissent pas toujours sous la forme qu’ils possèdent au moment de leur administration. Ainsi le cyanure de mercure em- poisonne à la façon de l'acide cyanhydrique par suite d’une décomposition exécutée dans l’estomac. Mais une autre question, qui est tout entière pratique, c’est la notion des parties du corps où l’on peut retrouver le poison. Lorsque cette substance a été administrée par les voies digestives et que la mort est rapidement surve- nue après son ingestion, on en retrouve constamment des 452 TOXICOLOGIE. traces dans la cavité du tube digestif, mélangées avec les aliments ou les sécrétions qui s’y déversent naturelle- ment. Mais il peut arriver, et il arrive souvent, que l’in- dividu ail eu des vomissements ou la diarrhée, et que la cavité du tube digestif soit vide. N’y a-t-il alors dans l’or- ganisme plus aucune trace du poison? C’est encore l'ex- périence physiologique qui est venue fournir ici un com- plément indispensable de lumières. Elle a prouvé que le poison, introduit par n’importe quelle voie, passait tou- jours dans le sang, où il était possible de l’y découvrir, à condition de savoir le chercher et d’arriver à un mo- ment favorable. Du sang, l'agent toxique passe dans les humeurs, et s’élimine ensuite par les urines ou autres excrétions, quelquefois, il est vrai, transformé dans sa composition chimique, ou bien ayant contracté une com- binaison nouvelle. Mais le fait le plus remarquable qui soit résulté de ces recherches, c’est que certains poisons, surtout, les métal- liques, s’arrêtent dans certains organes et se combinent avec eux. Ils s’y localisent et y forment un dépôt qui sera trouvé à un moment utile par la main habile du légiste. Le foie, la rate, les reins, les poumons mêmes, jouissent de cette propriété. C’est à Orlila que revient l’honneur d’avoir fait une découverte si utile pour la médecine légale. ALTÉRATIONS PATHOLOGIQUES. Les expériences sur les animaux ont permis d’ap- prendre plus facilement quels genres d’altérations les diverses substances toxiques laissent dans l’organisme. Chaque espèce de poison, en effet, inscrit son passage sur TOXICOLOGIE’ 453 nos tissus. L’acide sulfurique produit des ulcérations dans la bouche et dans l’œsophage; l’arsenic dans l’es- tomac et les intestins; l’acide azotique colore en jaune ce qu'il a touché. Mais tout cela serait peu encore, si la chimie n’était venue nous apprendre à déceler en nature le poison, quelque mélangé ou combiné qu’il soit avec les liquides ou les tissus organiques. Il n’est peut-être pas une substance, quelque habilement voilée fùt-elle, qu’on ne puisse retrouver en se mettant dans de bonnes conditions d’investigation. C’est ainsi qu’on retrouve le plomb,Y antimoine, Y arsenic, la morphine, la strychnine, et même la nicotine; c’est ainsi qu’on retrouve le sublimé corrosif, quoiqu’il soit combiné avec l’albumine du corps, Yacide chlorhydrique, quoiqu’il s’élimine rapidement par les urines ou par les poumons. Nous devons aussi à Orfila d’intéressantes recherchés sur la différence qui existe entre le transport des poi- sons par imbibition cadavérique ou par absorption, il est souvent nécessaire, en médecine légale, de pouvoir éta- blir une distinction semblable pour savoir comment la substance vénéneuse a pénétré dans une partie du corps. TRAITEMENT DES EMPOISONNEMENTS. Prophylaxie. La physiologie ayant suffisamment démontré la rapi- dité de l'absorption, le médecin appelé à traiter un em- poisonnement doit donc, avant tout, chercher à neutra- liser les effets sur place, au lieu de perdre un temps précieux à employer des moyens souvent illusoires. Il devra donc chercher d’abord à empêcher l’absorption. 454 TOXICOLOGIE. Pour cela il aura recours aux ventouses dont nous avons parlé, et à la compression, si elle est possible. Si le poison est dans l’estomac, il cherchera à l’en faire sortir de suite, soit à l’aide d’un vomitif énergique, soit avec la sonde œsophagienne. S'il est dans l’intestin il emploiera des purgatifs. Les recherches de Flandin et Danger nous ont appris que la viande des animaux empoisonnés avec l’arsenic, le cuivre, etc., avait des propriétés toxiques,et qu’il fal- lait s’en abstenir pendant tout le temps que les urines contenaient encore des principes vénéneux. Des contre-poisons. Les poisons n’agissent qu’à la condition d'être solubles. Un eerlain nombre ne le deviennent qu’à la faveur des liquides organiques. Toutefois Ton comprend parfaite- ment que s’il était possible de les rendre insolubles, on détruirait ainsi leur action malfaisante. Ce pouvoir le médecin le possède souvent. A la suite d’une série d’ex- périences remarquables, Orfila a pu conclure que les corps pouvaient agir, en général,dans l'organisme comme dans des verres à réaction; que l’acétate de plomb en contact du sulfate de soude formait un sulfate de plomb insoluble et inoffensif. Il a prouvé que le charbon animal, l’albumine du blanc d’œuf étaient d’excellents contre- poisons pour l’arsenic, la morphine, etc. Ces expériences ont été faites sur les chiens ; mais le résultat en eût été le même sur l’homme, à la différence près de la dose et de l'influence du moral. Dans les empoisonnements par les gaz, nous connaissons plusieurs contre-poisons précieux. Si l’empoisonnement TOXICOLOGIE. 455 est dû à un gaz acide, le chlorhydrique par exemple, nous emploierons l’ammoniaque; s’il est dû à l’hydrogène, nous emploierons le chlore; s’il est dû à l’oxyde de car- bone, nous ferons des inhalations d’oxygène; enfin, si c’est une asphyxie simple, nous aurons recours à la res- piration artificielle et à l’introduction d’un air pur dans les ramifications bronchiques. Ce court exposé nous permet de conclure : que la physiologie peut à bon droit revendiquer l’honneur du haut degré de perfectionnement de la toxicologie, qui est une des plus utiles conquêtes de la science moderne. FIN. ERRATUM Page 10, ligne 10, an lieu (le : le devoir, lisez: le savoir. TABLE DES MATIÈRES Avant-propos , 1 Introduction 5 APPAREIL DIGESTIF 15 Chapitre Ier. — Hygiène du tube digestif 15 Division des aliments 15 Conservation des aliments 25 Aliments d’origine végétale. — Céréales. — Panification. — Pain de Gluten. — Légumes herbacés. — Sucre 24 Aliments d’origine animale. — Viande. — Lait 29 Une nourriture variée est indispensable pour une bonne alimenta- tion 32 De l’alimentation insuffisante 35 Ciiap. II. — Physiologie et pathologie de l’appareil digestif 37 Théories anciennes sur la digestion 38 Théorie moderne 40 Appareil buccal. — Physiologie et pathologie 42 Glandes salivaires 42 Parotides. — Sous-maxillaires 42 Glandes sub-linguales 45 Salive mixte 4(5 Son action sur les amylacés 47 Ses altérations pathologiques 49 Appareil stomacal. — Physiologie 51 Suc gastrique 32 Quelles sont les glandes qui sécrètent le suc gastrique? — Composi- tion du suc gastrique. 33 Quelle est l’action du suc gastrique sur les matières ingérées?. , . 5i Perforations spontanées de l’estomac 3(5 Pathologie de l’estomac 38 Dyspepsies par indigestion. . . 60 Analyse d’un vomissement 63 Dyspepsie acide 68 Dyspepsie par absence de sécrétion du suc gastrique 09 Recherches de M. L. Corvisart • • Dyspepsie boulimique Du foie. — Des découvertes physiologiques modernes 80 Applications pathologiques Troubles de la glycogénie 60 Application de la chimie à la connaissance des calculs biliaires. . . 97 458 TABLE DES MATIÈRES. De la rate. — Physiologie Leucémie J"1* Pancréas. — Physiologie j®6 Tube intestinal — Physiologie * P.ôle de l’intestin grêie Rôle du gros intestin Excréments. — Gaz intestinaux Pathologie du canal intestinal. — Dyspepsie llalulente 118 Constitution et coloration des fèces 120 Coloration verte. *** Coloration noire Colorations diverses Concrétions intestinales J";* Recherches sur l’action de quelques médicaments. 1 - ' Recherches théoriques et pratiques sur les purgatifs. ....... 129 Action physiologique et thérapeutique du sous-nitrate de bismuth. . lo2 Action du fer • • • Capsules surrénales. — Maladie d’Addison DU REIN Séméiologie des urines 140 Ciiap. III.— Influence des découvertes modernes sur les maladies de la NUTRITION PROPREMENT DITE Diabète sucré Diabète albumineux J Diabète chyleux Urée 160 APPAREIL RESPIRATOIRE 18? Respiration Quantité et pureté de l’air. — Viciation de l’air atmosphérique. . . Ozone * * * ; Air comprimé, — Effets physiologiques. — Elfets medicaux. . . . \3'L Air rATfà \ïl Théories des bruits respiratoires 200 Absorption pulmonaire. — Inhalations de vapeurs et de gaz 205 Expériences sur la pommade iodée 208 L’huile iodée. — Pommade à l’iodurc de potassium 200 Onguent napolitain. — Préparations belladonces 210 Pulvérisation des liquides 211 Anesthésie chirurgicale 2*22 Anesthésie locale 228 Expiration d’acide carbonique 228 Chaleur animale 229 CIRCULATION 254 Étude des bruits du cœur 255 De l’application des notions physiques aux bruits morbides 257 Tubes inertes 258 TABLE DES MATIÈRES. 459 Maladies dû cœur. — Rétrécissement artériel 240 Insuffisance artérielle. — Lésions des orifices auriculo-ventriculaires. — Insuffisance. — Rétrécissement 241 Faits cliniques. — Conséquences générales 243 Bruits systoliques. — Bruits diastoliques 254 Cœur droit 245 Affections du péricarde 246 De la circulation dans les vaisseaux 246 Vitesse du sang 247 Des anévrysmes... 248 Frémissement vibratoire 249 Bruits chlorotiques 249 Bruits artériels. — Bruits veineux 251 Introduction de l’air dans les veines 252 Etude du pouls 252 Expériences physiologiques. Sphygmographe 253 Recherches pathologiques 256 Pouls des anévrysmes 257 Pouls du rétrécissement aortique 258 Pouls. — Insuffisance aortique 258 Pouls. — Insuffisance et rétrécissement 259 Pouls. — Affection de l’orifice mitral 259 Pouls. — Fièvre typhoïde 260 Détermination de la succession des divers mouvements du cœur (fig.). . 260 Comparaison des mouvements du ventricule gauche avec ceux du ven- tricule droit (fig.) 262 Rapports de la contraction ventriculaire avec la pulsation aortique (fig-) 203 Hématologie moderne 264 Pléthore et anémie 266 Distinction des pyrexies et des phlegmasies, établie surtout sous le rapport de la constitution du sang 268 Altération du sang dans les phlegmasies. — Couenne 270 Influence de la grossesse sur la constitution du sang 277 Fluidité du sang. — Diminution de la fibrine 280 Changements dans la proportion et la composition de l'albumine. . 283 Accumulation de principes excrémentitiels dans le sang 288 Étude du sang dans la chlorose 289 Examen du sang au point de vue de la contagion. 290 Résumé 292 De l’influence des recherches hématologiques modernes sur la chi- rurgie 295 Traitement dos anévrysmes et des varices par les injections coagu- lantes 297 Traitement par le galvano-puncturc 504 De la coagulation du sang pendant la vie 509 Des embolies 310 Caillots du cœur 512 Conclusions 314 460 TABLE DES MATIÈRES. I)E L’ABSORPTION • • • • 5,0 De l’absorption du tube digestif 317 De l’absorption à la surface des voies aériennes 518 De l’absorption à la surface de la peau 320 De l’absorption dans les organes génito-urinaires 329 Des circonstances modifiant l’absorption 530 Influence de la compression sur l’absorption 332 Influence de l’absorption dans les empoisonnements 553 DES FONCTIONS DE LA PEAU 330 DU SYSTÈME NERVEUX 540 Distinction des nerfs de mouvement et de sinsibilité 541 Entre-croisement des faisceaux nerveux de l’encéphale 319 Diagnostic du siège des lésions des centres nerveux 352 Lésions des lobes cérébraux «>54 Maladies du cervelet 560 Lésions de la protubérance annulaire 561 Lésions des pédoncules cérébelleux moyens 365 Lésions des pédoncules cérébraux 368 Tubercules quadrijumeaux 569 Maladies du bulbe rachidien 369 Maladies de la moëlle épinière 574 Influence du système nerveux sur la circulation 589 Recherches de Wollaston et Pravaz sur l’hémiopie 395 Conquêtes thérapeutiques dues à la physiologie moderne du système nerveux 39 7 Régénération des nerfs. — Sections des nerfs.— Emploi thérapeuti- que de l’électricité 599 Action spéciale de quelques médicaments.— Curare. — Opium.— Belladone 406 IIELM1NT1I0L0GIE 412 INFLUENCE DE L’EXPÉRIMENTATION MODERNE SUR LA CON- NAISSANCE DES MALADIES SYPHILITIQUES 418 ORGANES GÉNITAUX 425 Hématocèle rétro-utérine 426 MÉTHODE SOUS-CUTANÉE 427 INFLUENCE DES RECHERCHES MODERNES SUR LA REPRODUC- TION DES TISSUS OSSEUX 450 DES MALADIES CUTANÉES ET VIRULENTES 435 TOXICOLOGIE 444 Symptomatologie du poison. — Effets locaux. — Effets généraux.. . 445 Dose à laquelle certaines substances deviennent vénéneuses 449 Voie par laquelle se fait l’absorption 450 Mode d’action des poisons* et organes où ils se localisent. . . . . . 451 Altérations pathologiques 452 Traitement. — Prophylaxie. — Contre-poisons 455 PARIS.—IMP. SIMON MAÇON ET COMP, IIÜE u’ERFl'f.TII, 1. ANCIENNE LÎBRA1RIE CROCHARD, 1804- PUBLICATIONS VICTOR MASSON ET FILS MÉDECINE ET SCIENCES PARIS PLACE DE L’ÉCOLE DE MÉDECINE 15 Août 1866. Tous les ouvrages portés dans ce Catalogue sont expédiés parla poste, dans les départements et en Algérie, franco et sans augmentation sur les prix désignés. — Joindre à la de- mande des timbres-poste ou un mandat sur Paris. Victor Masson et Fils se chargent de faire venir, dans les 15 jours de la commande, soit d’Allemagne, soit d’Angleterre, les ouvrages de toute nature publiés dans ces pays. Par une décision en date du 28 octobre 1858, Victor Masson et Fils ont été nommés commissionnaires de la Société impériale des naturalistes de Moscou. On peut déposer à leur librairie ou chez leurs agents tout ce que l’on désire adresser à cette Société. AGENTS DE VICTOR MASSON ET FILS CHEZ LESQUELS ON EST INVITÉ A DÉPOSER TOUT CE QU’ON DÉSIRE LEUR ADRESSER. A LEIPZIO , M. Franz Wagner, Poststrasse. A I.ONiDRES , MM. Williams etNorgate, Henrictta Street, Covent-Garden. On trouvera chez M. Franz Wagner le Catalogue avec le prix en Thalers, et un assortiment des publications de Victor Masson et Fils. PUBLICATIONS DE VICTOR MASSON ET FILS ACTON (W.). — Fonctions et désordres des organes de la gé- nération chez l’enfant, le jeune homme, l’adulte et le vieillard, sous le rapport physiologique, social et moral ; traduit de l’anglais sur la troisième édition. Paris, 18G3, 1 vol. in-8 6 fr. ADANSON (Michel). — Histoire île la botanique et plan des fa- milles naturelles des plantes ; 2e édition, préparée par l’auteur et publiée sur ses manuscrits, par Alex. Adanson et J. Payer. Paris, 1847-1864, 1 vol. grand in-8, avec une planche 6 fr. AGARDH (J.). — Aigre maris Uediterrauei et Adriatici, obser- vationes in diagnosin specierum et dispositionern generum. Parisiis, 1841, grand in-8 3 fr. 50 AGAltDU (J.). — Species, généra et orilines Algarum:- volu- men primum, Algas fucoideas complectens. Lundæ, 1848, 1 v. in-8. 12 fr. — Volumen secundum, Algas florideas complectens, publié en cinq fasci- cules. Lundæ, 1851-1863 39 fr. AGARDII (J.). —Tlieoria systematis Plantarum; aecedit familia- rum phanerogamarum in sériés naturales dispositio secundum stucturæ normas et evolutionis gradus instituta. Lundæ, 1858, 1 vol. in-8, avec atlas de 28 planches 24 fr. AGASS1Z. — Système glaciaire, ou Recherches sur les glaciers, leur mécanisme, leur ancienne extension, et le rôle qu’ils ont joué dans l'his- toire de la terre. Paris, 1847, 1 vol. grand in-8, avec un atlas de 3 cartes et 9 planches en partie coloriées 50 fr. ALIBERT (C.). — Des eaux minérales dans leurs rapports avec l’économie publique, la médecine et la législation. Paris, 1852, in-8 1 fr. 50 ANATOMIE DESCRIPTIVE DU CORPS HUMAIN : — Locomotion, circulation, digestion, respiration, appareil génito-urinaine, par MM. Bonamy, Broca et Beau. 258 pl. in-S jésus, avec texte explicatif en regard. — Système nerveux, organes des sens de l’homme, par Ludovic Hirschfeld, deuxième édition. 1 vol. de texte et atlas de 92 planches in-8 jésus, dessinées par Leveillé, avec texte explicatif en regard. Les deux ouvrages réunis en cinq atlas ; planches noires 190 fr. ; planches coloriées 370 fr. ANDRAL. —Clinique médicale, ou Choix d’observations recueillies à 4 l’hôpital de la Charité; 4e édition, revue, corrigée et augmentée. Paris, 1840, 5 volumes in-8 40 fr. ANDKAL. — Essai (l’hématologie pathologique. Paris, 1843, in-8 4 fr. Annales de chimie et de physique. Annales des sciences naturelles. Annales médico-psychologiques. Pour ces trois recueils, voyez Publications périodiques, pages 28 et suivantes. Annuaire de la Société impériale zoologique d’acclimatation et du jardin d’acclimatation du bois de Boulogne. lre année, 1863. 1 vol. in-18. 1 fr. AUDOUIN (V.) et jHILNE-EDWADS. — Recherches pour servir à l’histoire naturelle du littoral de la France, ou Recueil de mémoires sur l’anatomie, la physiologie, la classification et les mœurs des animaux de nos côtes. 2 volumes grand in-8, ornés de planches gravées et coloriées 34 fr. AU VEUT (Alex.). — Selecta Praxis medico-chirurgicse quant Slosquœ exerce!; typis et üguris expressa Parisiis, modérante Amb, Tardieu. 2e édition. Paris, 1856, 2 vol. gr. in-folio, cartonnés. 600 fr. Les mêmes, reliés en demi-maroquin, tranche supérieure dorée. 640 fr. Cette magnifique clinique iconographique du docteur Alex. Ouvert, de Moscou, com- prend 120 planches grand in-folio demi-colombier, gravées en taille-douce, tirées en couleur et retouchées au pinceau. Chaque sujet est accompagné d’un texte explicatif imprimé dans le même format et placé en regard de la planche. BACCALAURÉAT ES SCIENCES (le). — Résumé des connais- sances exigées par le programme officiel. Paris, 1864, 3 forts vol. in-18, de 2,700 pag. avec 1773 figures dans le texte 23 fr. Chaque volume est vendu séparément : PREMIER VOLUME : — Littérature, par O. Gréard, professeur au lycée Bonaparte. — Philosophie, par Bkisbarre, professeur au collège Rollin. — Histoire de France et Géographie, par E. Levasseur, profes- seur au lycée Napoléon. 1 vol. de 760 pages, avec 11G figures 7 fr. DEUXIÈME VOLUME : — Arithmétique et Algèbre, par Mauduit, professeur au lycée Bonaparte. — Géométrie et Trigonométrie, par Ch. Yacquant, professeur de mathématiques spéciales au lycée Napoléon. — Applications «1e la Géométrie et Cosmographie, par A. Tissot, professeur au lycée Saint-Louis. — Mécanique, par E. Burat, professeur au lycée Louis-Ie-Grand. 1 vol. de près de 1000 pages, avec 888 figures dans le texte 8 fr. TROISIÈME VOLUME : — Physique, par Em. Fernet, professeur au lycée Bonaparte. — Chimie, par L. Troost, professeur au lycée Bonaparte. PUBLICATIONS DE VICTOR MASSON ET FILS. 5 — Histoire naturelle, par Alph. Milne-Edwards, docteur ès sciences. 1 vol. de près de 1000 pages, avec 834 figures dans le texte 8 fr. Nota. — Chacun des Traités est vendu séparément : voir pour le prix de chacun au nom de l’auteur. BAILLON. — Étude générale «lu groupe «les Eupliorbiacées. Recherche des types. — Organographie. — Organogénie. — Distribution géographique. —Affinités. — Classification. — Description des genres. Paris, 1858, 1 vol. grand in-8,avec atlas cartonné 36 fr. — V. Payer. BAILLON. —llonographie «les Buxacées et «les Stylocérées. Paris, 1859, 1 vol. grand in-8, avec 3 planches gravées 5 fr. BALTET. — L’horticulture en Belgique , son enseignement, ses institutions, son organisation officielle. Paris, 1865, 1 vol. in-4,avec 7 pl. 10 fr. BASSET (N.). — Traité théorique et pratique «le la fermenta- tion, considérée dans ses rapports généraux avec les sciences naturelles et l’industrie. Paris, 1858, 1 vol. gr. in-18 3 fr. 50 BATTAILLE (Ch.). — Nouvelles Recherches sur la phonation. Paris, 1860, 1 vol. in-8, avec 7 planches 4 fr. B ATTAILLE (Ch.). — De l'Enseignement «lu Chaut. 2e partie, de la Physiologie appliquée à l’étude du mécanisme animal. Paris, 1863, in-8. 2 fr. BÉRENGUÏER (Adrien). — Traité «les lièvres intermittentes et rémittentes des pays tempérés et non marécageux et qui reconnaissent pour cause les émanations de la terre en culture. Paris, 1865 5 fr. BERNE et DELORE.— Inllueiice «le la physiologie mod«M*ne sur la médecine pratique. Paris, 186i, 1 vol. in-8 7 fr. BERT(Paul).—Catalogue métlio«li«]ue «les animaux vertébrés qui vivent à l’état sauvage dans le département de l’Yonne, avec la clef des espèces et leur diagnose. Paris, 1864, in-8, 2 pl 4 fr. BERTILLON (A.).—Conclusions statistiques contre les détrac- tenrs de la vaccine, ou Essai sur la durée comparative de la vie humaine au xviu® et au xixe siècle. Paris, 1857, 1 vol. gr. in-18. 2 fr. BEUDANT. — Conrs élémentaire «le minéralogie et «le géo- logie. 10e édition. Paris, 1863, l vol. in-18, avec 800 figures 6 fr. BICïIAT. — Recherches physiologiques sur la vie et la mort, suivies de notes par M. le Dr Cerise. 4eéd. Paris, 1 vol. gr. in-18... 3 fr. BILLOD (E.). — Traité de la Pella gre, d’après les observations re- cueillies en Italie, en France et principalement dans les asiles d’aliénés. Paris, 1865, 1 vol. in-8 10 fr. BLANCIIARD (Émile). — Organisation du règne animal publiée par livraisons grand in-4, contenant chacune deux planches gravées et une feuille et demie de texte. Prix de chaque livraison 6 fr. 40 livraisons sont en vente. BOINET.—Iodothérapie, on De l’emploi mé«lico-chirurgicaI de l’iode et de ses composés, et particulièrement des injections iodées. 6 PUBLICATIONS 2e édition. Paris, 1865, 1 vol. in-8 li fr. BOITEL. — Mise en valeur des terres pauvres par le pin maritime, culture et exploitation de cette essence en Gascogne et en Sologne; 2® édition. Paris, 1857, 1 vol. grand in-8, avec une planche et vignettes dans le texte 3 fr. BOIVAMY, BROCA et BEAU.— Atlas d'anatomie descriptive dn corps humain, ouvrage pouvant servir d’atlas à tous les traités d'anatomie. Cet ouvrage est publié par livraisons de 4 planches in-8 jésus, dessinées d’après na- ture, avec texte explicatif en regard de chaque planche. Il traite de la locomotion, la circulation, la digestion, la respiration, l’appareil genito-urinaire. Prix de chaque livraison, avec planches noires 2 fr. — avec planches coloriées 4 fr. Chaque partie de l’ouvrage est vendue séparément, savoir : 1“ APPAREIL DE LA L0C0M0TI0S. Complet en 84 planches dont 2 sont doubles. Prix, brocbé. ; J Figures noires 44 fr. — coloriées 88 2° APPAREIL DE LA CIRCULATION. Complet en 64 planches. Trix, broché. Figures noires 32 fr. — coloriées 64 a° APPAREILS DE LA DIGESTION, surénal rein 50 planches. Figures noires 25 Ir. — coloriées 50 4» APPAREIL GENITO-URINAIRE, APPAREIL DE LA RESPIRATION. 56 planches. Figures noires 28 fr. — coloriées 56 fr. Névrologie (Voir Ludovic Ilirschfeld, page 17.) BO.YXET. — Ij’aliéné devant lui-même, l’appréciation légale, la lé- gislation, les systèmes, la Société et la famille, avec une préface par Brierre de Boismont. Paris, 1866. 1 vol. in-8 9 fr. BÜIIS1EIU (J. B ), dh KANILFELD. — Instituts de médecine pratique. Des Fièvres et des Maladies exanthématiques fébriles, traduits par le docteur P. E. Chauffard. Paris, 1855, 2 vol. grand in-8 16 fr. BOISSIEU. — Icônes lüupliorbiarum, avec figures de 122 espèces du genre Euphorbia, avec les considération sur la classificatiou et la distri- bution géographique des plantes de ce genre. 1 vol. in-folio de 122 plan- ches, avec texte explicatif, prix 70 fr. BOUTIGNY (d’Évreux). — Études sur les corps à l’état sphé- roïdal ; nouvelle branche de physique. 3® édition. Paris, 1857, 1 vol. in-8, avec 26 figures intercalées dans le texte 7 fr. OOUTROIV et F. BOUDET. — IIydrotimétrie. Nouvelle méthode pour déterminer les proportions des matières en dissolution dans les eaux de sources et de rivières. 4® édition. Paris, 1866, grand in-8 3 fr. BRIQUET (P.). — Recherches expérimentales sur les proprié- tés du quinquina et de ses composés; ouvrage couronné par 7 l’Académie des sciences. 2e édition. Paris, 1856, 1 vol. in-8 4 fr. BRISBARRE (J.). — Éléments de philosophie (extrait du Bacca- lauréat ès sciences). 1 vol. in-18 1 fr. 50 BROCA (P.). — De l’étranglement dans les hernies abdomi- nales et des affections qui peuvent le simuler. 2'édition. Paris, 1857, t vol. in-8 5 fr. BROWN-SÉQUARD. —Journal delà physiologie del’IIomme et des Animaux. Ce recueil, publié sous la direction du docteur Brown-Séquard, de 1858- 1805 à 1863, comprend 6 volumes grand in-8, avec planches et figures dans le texte < 108 fr. BROWN-SÉQUARD. — Leçons sur le diagnostic et le traite- ment des principales formes de paralysie des membres inférieurs ; tra- duites de l’anglais par le docteur Richard-Gordon; seconde édition re- vue et annotée par l’auteur, avec une introduction sur la Physiologie des actions réflexes, empruntée aux leçons du professeur Ch. Rouget. Paris, 1864, 1 vol. in-8 3 fr. 50 BUEK. — Index Candolleanus. (Voy. De Candolle.) BULLETIN de la Société anatomique de l*aris. — Anatomie normale. — Anatomie pathologique. — Clinique. 11e série, de 1856 à 1863, 7 vol. in-8 30 fr. Chaque volume séparément 6 fr. TABIÆ analytique générale des matières contenues dans les Bulle- tins de la Société anatomique de Paris pour les trente premières années (1826-1855), suivie d’une table alphabétique des membres de la Société et des présentateurs de pièces ou observations mentionnées dans la première série des Bulletins. Paris, 1857, 1 vol. in-8 7 fr. BIJLLETIA de la Société impériale zoologique d’acclima- tation. Pour ce Bulletin, et celui de diverses autres Sociétés savantes, voyez aux Publications périodiques, pages 28 et suiv. BUNSEN (Robert). — Méthodes gazométriqnes. Traduit de l’alle- mand, sous les yeux de l’auteur et avec son concours, par M. Th. Schneider. Paris, 1858. 1 vol. in-8, avec 60 gravides intercalées dans le texte. 5 fr. BURAT (E.).— Éléments de mécanique (extrait du Baccalauréat ès sciences). 1 vol. in-18..: 2 fr. BURDEL. — Des fièvres paludéennes, Recherches sur leur véri- table cause, suivies d’études physiologiques et médicales sur la Sologne. Paris, 1858, 1 vol. grand in-18 3 fr. 50 CABANIS. — Rapports du physique et du moral de l’homme; nouvelle édition publiée par le docteur Cerise. 2 vol. in-18 6 fr. CAHIERS d’histoire naturelle, par MM. Milne-Edwards et Achille Comte. Ouvrage adopté par le Conseil de l’instruction publique ; nouvelle édition mise en concordance avec le programme du 22 svril 1852, pour l’enseignement des sciences dans les lycées. 3 vol. in-12. DE VICTOR MASSON ET FILS. 8 Zoologie, avec 15 planches 2 (r. Botanique, avec 9 planches 2 fr. Géologie, avec 10 cartes gravées sur acier 2 fr. CAP (P. A.). — Études biographiques pour servir à l’histoire des sciences. Il* série : chimistes, naturalistes, médecins et pharmaciens. Paris, 1864, 1 vol. grand in-18 3 fr. CARRIÈRE. — lies cures de petit-lait et de raisin, en Allema- gne et en Suisse,dans le traitement des principales maladies chroniques et particulièrement de la phthisie pulmonaire. Paris,1860, 1 vol. in-8. 4 fr. 50 CAZALIS. Œuvres agricoles «le Cazalis-Allut, recueillies et pu- bliées par son fils ledocteurF.Cazalis et précédées d’une noticehiographique sur l’auteur, par M. Marès. 1 vol., orné d’un portrait. Paris, 1805.. 6 fr. CHANCEL. — Analyse chimique. (Voy. Gerhardt.) CHARNACÉ (es COMTE Guy de). — Etudes sur les animaux do- mestique" — Amélioration des races. — Consanguinité. — Haras. — Paris, 186t, 1 vc.. grand in-t8 3 fr. 50 CHASSAIGNAC. — Trailé clinique et prati«]ue des opéra- tions chirurgicales, ou Traité de thérapeutique chirurgicale. Paris, 1861-1862, 2 vol. grand in-8, avec figures dans le texte. Prix...... 28 fr. CHASSAIGNAC.— Trait/" pratique de la suppuration et du drainage chirurgical. Paris, 1859, 2 vol. grand in-8 18 fr. CHENU. — Manuel de Conchyliologie et de Paléontologie conchyliologûjue, contenant la description et la représentation de près de 5,000 coquilles. Paris, 1862, 2 vol. in-4, avec 4943 figures dans le texte, dont les principales coloriées 32 fr. — Rapport an conseil «le santé «les armées sur les résultats du service médico-chirurgical aux ambulances de Grimée et aux hôpitaux mi- litaires français en Turquie, pendant la campagne d’Orient, en 1854, 1855 et 1856. Paris 1865, ouvrage couronné par l’Institut. 1 beau vol. in-4, accompagné de nombreux tableaux 20 fr. CHOMEL (A. F.). — Eléments «1e pathologie générale. 5e édi- tion. Paris, 1863, 1 vol. in-8 9 fr. CHOMEL (A. F.). — Des dyspepsies. Paris, 1857, 1 vol. in-8. 6 fr. CHURCHI LL (J. F.). —De la cause immédiate «le la phthisie pulmonaire et «les mala«lies tuberculeuses et de leur trai- tement spéciii«iue par les hypophosphites, d’après les prin- cipes de la médecine stœchiologique. 2e édition. Paris, 1864, 1 vol. in-8, de 1000 pages 17 fr. CLAVEL. — Traité d’éducation physique et morale, Paris, 1855, 2 vol. grand in-18, avec 2 cartes 3 fr. CLOQUET (U.). — Atlas d’anatomie, comprenant 205 planches gravées en taille-douce, 4 vol. in-4. PUBLICATIONS DE VICTOR MASSON ET FILS. 9 Parties. Planches. Prix. ire Ostéologie et Syndesmologie 9 fr. 2® Myologie 5 fr 3® Angéiologie . 9 fr. 4e Splanchnologie et Embryologie 7 fr. COMTE (A.).— Introduction au règne végétal de A. L. de Jussieu, disposée en tableau méthodique. Une feuille gr. colombier 1 fr. 25 COMTE (A.). — Le la syphilis des nouveau-nés et des enfants à la mamelle. Paris, 1854, 1 vol. in-8 7 fr. DIEU (S.). —Traité de matière médicale et de thérapeutique, précédé de Considérations générales sur la zoologie, et suivi de l’Histoire des eaux naturelles. Paris, 1847-1854, 4 vol. in-8 10 fr. DI1VAN. — Construction des formules de transport ponr l’exécution des terrassements. Paris, 1859, 1 vol. in-8... 3 fr. D’OUBIGNY (Alcide) . — Prodrome de paléontologie siratigra- phique universelle, faisant suite au Cours élémentaire de paléonto- logie et de géologie stratigraphiques. 3 vol. gr. in-18 jésus 12 fr. D’OUBIGîVY (Alcide). — Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques. Paris, 1852, 2 tomes publiés en 3 vo- lumes in-18, avec 1,046 gravures dans le texte et accompagnés d’un atlas in-4° de 17 tableaux; cartonné 15 fr. D’ORBIGYY (Alcide). — Paléontologie française. Description de tous les animaux mollusques et rayonnés fossiles de France, avec des figures de toutes les espèces, lithographiées d’après nature. — TERRAIN CRÉTACÉ publié en 260 livraisons à 1 fr. 25, et comprenant : Céphalopodes, Gastéropodes, Lamellibranches, Brachiopodes, Bryo- zoaires, Échinoïdes irréguliers. Paris, 1840-1860, 6 vol. in-8 de texte et 1,018 planches en 6 atlas cartonnés 325 fr. — TERRAIN JURASSIQUE publié en 110 livraisons à 1 fr. 25 et compre- nant : Céphalopodes, Gastéropodes. Paris, 1842-1860, 2 vol. in-8 de texte et 432 planches en 2 atlas cartonnés 140 fr. 14 PUBLICATIONS — PALÉONTOLOGIE FRANÇAISE. — Continuation de l’ouvrage de d’Okbigny par une réunion de paléontologistes, sous la direction d’un comité spécial, composé de membres de la Société géologique de France. Cette suite paraît pour les terrains Crétacés et pour les terrains Juras- siquespar livraisons de douze planches avec le texte correspondant. Prix de la livraison 6 fr. 21 livraisons sont en vente du Terrain Crétacé et 9 du Terrain Jurassique. DORVILLE. — monographie de la pile électrique, ses dispo- sitions actuelles, ses applications diverses et ses perfectionnements les plus récents. Paris, 1857, in-8 1 fr. 25 DOYON (A.). — Criage et ses eaux minérales. Paris, 1855, 1 vol. in-18, orné de 6 vignettes gravées sur bois 3 fr. 50 DllION (Ch.) et FERNET (Em.). — Traité de physique élémen- taire, suivi de problèmes. 2e édition. 1 vol. grand in-18, avec 673 fi- gures dans le texte 7 fr. L’introduction de cet ouvrage dans les écoles publiques est autorisée par dé- cision de S. Exc. M. le Ministre de l’Instruction publique et des Cultes, en date du 5 août 1862. DU BREUIL (A.). — Instruction élémentaire sur la conduite des arbres fruitiers. Greffe, — taille, — restauration des arbres mal taillés ou épuisés par la vieillesse, — culture, — récolte et conser- vation des fruits. 6e édition. Paris, 1865, 1 vol. in-18, avec 191 fig. 2 fr. 50 DU BREUIL (A.).—Cours élémentaire théorique et pratique d’arboriculture. 5e édition. Paris, 1862, 1 vol. grand in-18, publié en 2 parties, avec 4 vignettes gravées sur acier, environ 900 figures intercalées dans le texte et de nombreux tableaux 12 fr. DU BREUIL (A.). — Manuel d’arboriculture îles Ingénieurs. Plantations d’alignement forestières et d’ornement, boisement des dunes, des talus, haies vives, des parcelles excédantes des chemins de fer. 2e édition, Paris 1865. 1 vol. in-18,avec 234 figures dans le texte. 3 fr. 50 DU BREUIL (A.). — Culture perfectionnée et moins coûteuse du vignoitle. Paris, 1863. l vol. in-18, avec 144 figures 3 fr. 50 DU VIVIER. — Me la mélancolie. Paris, 1864, 1 vol. gr. in-18. 3 fr. EDWARDS (Milne-). — Cours élémentaire d’histoire natu- relle, Zoologie. 9e édition. Paris,1863, 1 vol. in-18,avec 484 figures. 6 fr. EDWARDS (Milne-). — Introduction à la zoologie générale, ou Considérations sur les tendances de la nature dans la constitution du règne animal. Première partie. 1853. 1 vol. grand in-18 2 fr. 25 EDWARDS (Milne-). — Notions préliminaires de zoologie. 1853. 1 vol. grand in-18, avec 352 figures 3 fr. EDWARDS (Milne-). — Leçons sur la physiologie et l’anato- mie comparée de l’homme et des animaux. L’ouvrage comprendra environ dix volumes grand in-8 du prix de 9 fr. En vente, les volumes 1 à VIII 72 fr. DE VICTOR MASSON ET FILS. 15 Le complément de l’ouvrage sera publié par demi-volumes de 6 mois en 6 mois. EDWARDS (Alph. Milne-). — De la famille îles solanacées. Paris, 1864, gr. iu-8, avec 2 planches coloriées 4 fr. — Histoire îles Crustacés Podophthalmaires fossiles. Tome Ier, grand in-4, accompagné de 36 planches 35 fr. EDWARDS (Alph. Milne-). — Eléments il’Uistoire naturelle. Zoologie— Botanique — Géologie. (Extrait du Baccalauréat ès sciences.) In-8, avec fig... 3 fr. ELY. — Chronique médicale île l’aimée 18G3. Paris, 1864, 1 vol. grand in-18 2 fr. ETTIAGSHAUSEN (Constantin d ) et ALOIS POKORAY. — Phy- siotypia plantarum austriacarnm. L’Impression naturelle appli- quée à la représentation des plantes vasculaires et particulièrement à celle de leur nervation. 500 planches in-folio et 30 planches in-4. Imprimé aux frais de l’État par l’Imprimerie impériale et royale d’Autriche. Vienne, 1858, 5 vol. in-folio et 1 vol. in-4 700 fr. EULER (Ch.). — Manuel de gymnastique élémentaire. Paris, 1864, in-8, avec 97 figures 2 fr. FERAET (E.).Voy. Baccalauréat ès sciences,p.4, et Drion et Fernet,p. 14. FOLLIA. — Traité élémentaire de pathologie externe. Paris, 1861, 3 vol. grand in-8, avec figures dans le texte. En vente, le tome I, 800 pages, 80 figures 10 fr. Le tome II, lre partie 8 fr. FOATERET (A. L.). — Hygiène physique et morale de l’ou- vrier dans les grandes villes en général, et dans la ville de Lyon en particulier. Paris, 1858, 1 vol. grand in-18 3 fr. FORGET (A. 91.). — Des anomalies dentaires et de leur influence sur la production des maladies des os maxillaires. Paris, 1859, 1 vol. in-4, avec 6 planches 3 fr. GAUTIER (A.). — Introduction philosophique à l’étude de la géologie. Paris, 1853, 1 vol. in-8 3 fr. GAVARRET. — Physique médicale. De la chaleur produite par les êtres vivants. Paris, 1855,1 vol. gr. in-18, avec figures dans le texte. 6 fr. GAVARRET. — Traité d’électricité. Paris, 1857-1858, 2 vol. in-18, avec 448 figures 16 fr. GAVARRET. — Télégraphie électrique. Paris, 1861, 1 vol. in-18, avec 100 fig. dans le texte 5 fr. GAZETTE UEBDOllADAIUE de médecine et de chirur- gie. lre série, publiée de 1854 à 1863, par le docteur Dechambre. 10 vol. grand in-4 250 fr. Pour la deuxième série, voir aux Publications périodiques. GEOFFROY SAIAT-IIILA1RE (Isidore). — Histoire naturelle générale des règnes organiques, principalement étudiée chez l’homme et les animaux. Paris, 1854 à 1862, 3 vol. in-8° 24 fr. GEOFFROY SAIAT-HILAIRE (Isidore).— Lettres sur les sub- stances alimentaires, et particulièrement sur la viande du cheval. Paris, 1856, 1 vol. grand in-18 1 fr. 16 GERHARDT (C.) et CHANGEE. — Précis d'analyse chimique qualitative. Ouvrage contenant: les opérations et les manipulations générales de l’analyse, la préparation et l’usage des réactifs, les carac- tères des acides et des bases. — Les essais au chalumeau. — La marche de l’analyse qualitative, la détermination des sels, l’essai des eaux pota- bles, l’analyse des eaux minérales, l’analyse des mélanges gazeux, l’ana- lyse immédiate des matières végétales et animales, la recherche des poisons, l’exposition de l’analyse spectrométrique. 3e édition sous presse. GERHARDT (C.) ET CHANCEL. — Précis d'analyse cliimiqne quantitative; ouvrage contenant : la description des appareils et des opérations générales de l’analyse quantitative, les méthodes de dosage et de séparation des bases et des acides, l’analyse par les liqueurs titrées, l’analyse organique, l’analyse des gaz, l’analyse des eaux minérales, des cendres, des terres arables, l’exposition du calcul des analyses. 2e édit. Paris, 1864, 1 vol. grand in-18, avec figures 7 fr. 50 GIRARD DE CAILIÆUX. — Spécimen du budget d’un asile d’»liénés et possibilité de couvrir la subvention départementale au moyen d’un excédant équivalent de recette. Paris, 1855, 1 vol. in-4, car- tonné avec tableaux 8 fr. GIRARDIIV. — Leçons de chimie élémentaire appliquée aux arts industriels. 4e édition entièrement refondue. Paris, 1860-1861, 2 vol. grand in-8, avec figures et échantillons dans le texte 30 fr. Leler volume (Chimie inorganique) et le 2® volume (Chimie organique) sont vendus chacun séparément 15 fr. GIRAI\DIX. — Iles fumiers et autres engrais animaux. Sixième édition, revue, corrigée et augmentée. Paris, 1864, 1 vol. in-16, avec 62 figures dans le texte.... 2 fr. 50 GIRARDIN et DIJ BREUIL.—Traité élémentaire d'agricul- ture. Paris, 1863, deuxième édition. 2 vol. in-18, avec 955 figures dans le texte 16 fr. GLOGER. — lie la nécessité de protéger les animaux utiles pour prévenir naturellement les dégâts causés par les souris et les in- sectes. Paris, 1863, 1 brochure in-18 80 cent. GOLDING BIRD. — De l'urine et des dépôts urinaires, considérés sous le rapport de l’analyse chimique, de la physiologie, de la pathologie et des indications thérapeutiques. Traduit et annoté par le docteur O’Rorke. Paris, 1861, 1 vol. in-8, avec ligures dans le texte 8 fr. GOUREAU (C.). — Les Insectes nuisibles aux arbres frui- tiers, aux plantes potagères, aux céréales et aux plantes fourragères. Paris, 1862. 1 vol. in-8 5 fr. GRÉARD (O.). — Littérature. 1 vol. in-18 extrait du Baccalauréat ès sciences 1 fr. 25 GRIMAUD de EAUX et MARTIIV SAÏ1VT-A1VGE. — Histoire de la génération de l’homme, précédée de l’étude comparative de cette fonction dans les divisions principales du règne animal. Paris, 184), 1 vol. in-4, avec un magnif. atlas de 12 pl. grav. en taille-douce et color. 18 fr. PUBLICATIONS DE VICTOR MASSON ET FILS. 17 GPilSOLLE. —Traité «le pathologie interne. 9e édition, consi- dérablement augmentée. Paris, 1865, 2 forts volumes compactes, grand in-8 18 fr. HAY (D. fl.). — Ca Beauté géométrique «le la forme humaine, précédée d’un système de proportion esthétique applicable à l’architec- ture et aux autres arts plastiques. Edimbourg, 1851, 1 vol. in-4, avec 16 planches gravées en taille-douce et une figure dans le texte... 20 fr. HE1SE11. — Traité «le gymuastitiue raisonnée au point «le vue orthopédique, hygiénique et médical, ou Cours d’exercices ap- propriés à l’éducation physique des deux sexes. Paris, 1854, 1 vol. in-8, avec 123 figures 6 fr. HEltPIN (de Metz). — Études médicales et sfatisti«iues sur les principales sources de France, d’Angleterre et d’Allemagne; avec des ta- bleaux synoptiques et comparatifs d’analyses chimiques des eaux classées d’après les analogies de leur composition et de leurs effets thérapeutiques. Paris, 1856, 1 vol. grand in-18, avec tableaux 2 fr. Histoire naturelle «lu Jura et des départements voisins. I. Géologie, par le F. Ogérien. Paris, 1865, in-8, avec 400 fig , une carte climatérique et une carte géologique coloriées.... 12 fr. II. Botanique, par Michalet. Paris, 1864, 1 vol. in-8 5 fr. III. Zoologie vivante, par le F. Ogérien. Paris, 1863, 1 vol. in-8, avec 211 ligures 8 fr. HIRSCIIFEED (Ludovic.). — Traité et iconographie «lu sys- tème nerveux et des organes des sens de l’homme avec leur mode de préparation. Deuxième édition. Paris, 1865, 1 vol. in-8, avec unatlasde 92 planches, dessinées d’après les préparations de l’auteur par M. Léveillé. Le texte, 1 vol. in-8. L’atlas, 1 vol. in-4 colombier. Texte broché Texte broché Texte et allas reliés Atlas en carton. Atlas derni-reliure. demi-maroquin. Noir .. . CO fr. 65 fr. 70 fr. Colorié.. .... 110 115 120 Le texte seul 12 fr. Voir page G. — Atlas d.1 Anatomie descriptive. t HUGUEMY. — fitecherclies sur la composition chimique et les propriétés qu’on doit exiger des eaux potables. Paris, 1865, grand in-8 3 fr. JAMES (Constantin). — Guide pratique aux eaux miuérnles françaises et étrangères; 5e édition, avec une carte itinéraire des eaux et les principaux établissements thermaux. Paris, 18G1,1 fort volume grand in-18 de 600 pages, broché 7 fr. 50 — Le même, cartonné 9 fr. ISXAllD (Ch.). — lie l’Arsenic dans la pathologie du système ner- veux, son action dans l’état nerveux, la chlorose, etc. Étude sur la médi- cation arsenicale. Paris, 18G5, in-8 4 fr. JOIGXEAUX (P.).— Conseils à la jeune fermière. Paris, 1861. 2® édition. 1 vol. grand in-18, avec figures dans le texte 1 fr. JOIGYEAUX (P.). — li’Art «le produire les bonnes graines. Paris, 1860. 1 vol. grand in-18, avec 57 figures 2 fr. JOIGXEAUX (P.) sous le pseudonyme de P. J. de Varennes. — Ces 18 PUBLICATIONS Veillée» «le la ferme de Toume-ISriile, ou Entretiens sur l’agri- culture, l’exploitation des produits agricoles et l’arboriculture. Paris, 1861, 1 vol. in-12, avec figures dans le texte 1 fr. JOIGNEAUX (P.).— Le Eivre de la ferme et de» maisons de campagne, publié sous la direction de M. P. Joigneaux, avec la colla- boration des principaux agronomes. Paris, 18G5, 2 vol. grand in 8 jésus, de 2,160 pages, imprimés sur deux colonnes, avec 1,720 figures interca- lées dans le texte 32 fr. Ouvrage auquel la Société protectrice des animaux a, dans sa séance solennelle de 1865, décerné une médaille de vermeil. Voy. pour le Journal de la Ferme aux Publications périodiques. JOlilE (A.). — Introduction à l’étude «le la physiologie. Examen des questions fondamentales sur la vie dans l’organisation ani- male. Paris, 1864. 1 vol. in-18 3 fr. JOURD1ER (A.). — C’agriculture à l’Exposition universelle «le LondrcH en 1862. Paris, 1863, 1 volume in-18 1 fr. •tournai de la Ferme et «les liaisons «1e Campagne. Voyez les Publications périodiques. •tournai «le pharmacie et de chimie. Voyez les Périodiques, p. 31. JUSSIEU (de). — Cours élémentaire «l’histoire liainrell«‘. — Botanique. Paris, 1862,9e édition. 1 vol.avec 812 fig. dans letexte. 6 fr. KOLTZ. — Traité «le pisciculture pratique, ou des Procédés de multiplication et d’incubation naturelle et artificielle des poissons d’eau- douce. 3e édit. Paris, 1866, 1 vol. in-18, avec nombreuses fig. 2 fr. 50 K U11 LM ANN (Fréd.). — Expériences chiniiqu«‘s et agronomi- ques. Paris, 1847, 1 vol. in-8 3 fr. 50 KUIIX (If ). — lie la première «lentition «les enfants, maladies qu’elle détermine, moyens préventifs et remèdes à employer. Hygiène de la bouche. Paris, 1865, brochure in-8 1 fr. 50 L ACAZE-DUTIIIERS. — Histoire de l’organisation, «lu «lé- veloppement, des mœurs et des rapports zoologiques dn dentale. Paris, 1858. 1 vol. in-4, avec 14 planches gravées.. 25 fr. LAURENT (Arm.).— Etude mé«lico-l«''gale sur la simulation de la folie. Considération cliniques et pratiques à l’usage des méde- cins experts, des magistrats et des jurisconsulte, 1866. 1 vol. in-8. 6 fr. LAPASSE (Vicomte de). — Essai sur la conservation de la vie, suivi d’un formulaire. Paris, 1860, 1 vol. in-8 7 fr. 50 LAPASSE (Vicomte de)„ — Hygiène de longévité, lre série : guéri- son des migraines, maux d’estomac, maux de nerfs et vapeurs. Suite à l’Essai sur la conservation de la vie. Paris, 1861, 1 vol. in-18... 2 fr. LEFORT (L.). — lies maternités. Études sur les maternités et les institutions charitables d’accouchement à domicile dans les principaux États de l’Europe. Paris, 1866, 1 vol. in-4, avec 11 pl 18 fr. LEFORT (J.). — Chimie «les couleurs pour la peinture à l’eau et à l’huile, comprenant rhistorique, les propriétés physiques et chimiques, la préparation, la falsification, l’action toxique et l’emploi des couleurs an- ciennes et nouvelles. Paris, 1855, 1 vol. gr. in-18 4 fr. DE VICTOR MASSON ET FILS. 19 LEFORT (J.)- — Traité de Chimie hydrologique, comprenant des notions générales d’hydrologie, l’analyse des eaux douces et des eaux minérales. Paris, 1859, 1 vol. grand in-8, avec figures 8 fr. LEÜMAIVIV. — I*récis de chimie physiologique animale. Paris, 1855, 1 vol. in-18, avec 26 figures dans le texte 2 fr. LE MAOUT (E.). — Leçons élémentaires de botanique fondées sur l’analyse de 50 plantes vulgaires et formant un traité complet d’orga- nographie et de physiologie végétales. La 3e édition est sous presse. LENOIR (A.), SÉE (Marc) et TARNIER (S.). — Atlas de l’art des accouchements, contenant 105 planches dessinées d’après na- ture, et lithographiées par M. E. Beau, avec un volume de texte imprimé sur 2 colonnes. 2 vol. grand in-3 jésus, cartonnés 60 fr. Prix d’une reliure en demi-maroquin 10 fr. LEPELLETIER (de la Sarthe). — Traité complet de physiogno- monie, ou l’homme moral positivement révélé par l’étude raisonnée de l’homme physique, avec des considérations sur les tempéraments, les caractères, leurs influences réciproques. Paris, l86i, 1 vol. in-8. 7 fr. 50 LEROY (Em.). — De l’édncation des enfants. Conseils aux parents pour l’hygiène à suivre. Paris, 1862, 1 vol. in-18 2 fr. LEVASSEUR (E.). —l*récis d’histoire de France. 1 vol. in-18 (extrait du Baccalauréat ès sciences) 3 fr. 50 LEVASSEUR (E.). — Éléments de géographie. 1 vol. in-18 (extrait du Bacalauréal ès sciences) 1 fr. 75 LEYMER1E (A.).—Cours de minéralogie (histoire naturelle). La seconde édition est sous presse. LEYHERIE. — Éléments de minéralogie et de géologie. Comprenant des notions de Lithologie et un lexique ou se trouvent indi- qués les caractères génériques des fossiles. 2e édit. 1 vol. in-18 en deux parties renfermant 300 vignettes. Prix 9 fr. LIEBIG (J.). — Traité de chimie organique } édit, française, revue et considérablement augmentée par l’auteur, et publiée par Ch. Gerhardt, Paris, 1841-1844, 3 vol. in-8 25 fr. LIÉTARD (G.). — Lettres historiques sur la médecine chez les Hindous. Brochure in 8. Paris, 1863 2 fr. 50 L’IMITATION DE JÉSUS-CHRIST, suivie de la traduction en vers par P. Corneille. 1 volume grand in-folio de 872 pages. Imprimerie impé- riale, 1855 (Exposition universelle). Prix de l’exemplaire 4,000 fr. Prix d’une reliure en maroquin plein exactement semblable à celle faite pour S. M. l’Empereur 1,000 fr. VImitation de Jésus-Christ n’a été tirée qu’à cent trois exemplaires et deux exem- plaires de passe. — Chaque exemplaire est numéroté. L’Empereür a disposé des exemplaires numérotés de 1 à 73. Nous nous sommes rendus acquéreursdu reste des exemplaires numérotés de 74 à 103. Le Livre de la Ferme et des Maisons de Campagne. Voyez Joigneaux, p. 17 et 31. Le Livre de la Nature,ou Leçons élémentaires de physique,d’astrono- 20 PUBLICATIONS mie, de chimie, de minéralogie, de géologie, de botanique, de physique et de zoologie, par le docteur F. Schœdler ; traduit de l’allemand par le professeur Ad. Scheler. 2 vol. in-8, publiés en 6 fascicules, illustrés d’en- viron 1,000 figures dans le texte. Prix de l’ouvrage complet 15 fr. Chaque fascicule est vendu séparément 2 fr. 50 LIVRET DU MUSÉE D'ANATOMIE NORMALE de la Faculté de médecine de Paris (Musée Orfila). Paris, 1863, 1 vol. in-18. 50 cent. LONGET. — Traité de physiologie. Deuxième édition, Paris, 1859- 1861; 2 vol. grand in-8 compactes, avec 3 planches en taille-douce, dont 2 sont coloriées et 109 figures dans le texte 30 fr. MACKENZIE (W.).— Traité pratique des maladies de l’œil, traduit sur la quatrième édition et augmenté d’annotations, par MM. les docteurs Warlomont et Testelin. Paris, 1857-1866, 3 volumes grand in-8 compactes, avec figures 45 fr. Le tome 111, comprenant l’exposé de toutes les découvertes et de tous les faits intéressants relatifs à l’ophthalmologue qui se sont produit de- puis 1857, est vendu séparément 15 fr. MARIE-DAVY. — Recherches théoriques et expérimentales sur l’électricité considérée au point de vue mécanique. Paris, 1862, fascicules 1 et 2. Prix de chaque fascicule 3 fr. MARIÉ DAVY. — Météorologie. Les mouvements de l’atmosphère et des mers, considérés au point de vue de la prévision du temps. Paris, 186S, 1 vcl. grand in-8, avec figures et 21 cartes coloriées 10 fr. MARSHALL-HALL. — Aperçu du système spinal diastalti- que, ou Système des actions reflexes dans ses applications à la physio- logie et à la pathologie. Paris, 1855, 1 vol. grand in-l8, avec ligures et tableaux 2 fr. MAS. — Voir aux publications périodiques, Le Verger. MATTEUCCI. — Leçons sur les phénomènes physiques des corps vivants. Paris, 1847, 1 vol. gr. in-18, avec 18 fig 3 fr. 50 MAUDUIT. — Éléments d’arithmétique. 1 vol. in-18 (extrait du Baccalauréat ès-sciences.) l fr. 20 MAUDUIT. — Éléments d’Algèbre. 1 vol. in-18 (Extrait du Bacca- lauréat ès sciences. ) 1 fr. 40 MAUMENÉ (E. J.). — Indications théoriques et pratiques sur le travail des vins, et en particulier des vins mousseux. Paris, 1858, 1 vol. grand in-8, avec 100 figures dans le texte 12 fr. MIAL1IE. — Chimie appliquée à la physiologie et à la théra- peutique. Paris, 1856, 1 vol. in-8 9 fi- MIGNOT (A.). — Traité de quelques maladies pendant le premier âge. Paris, 1859, 1 vol. in 8 5 fr. MOLESC1IOTT. — De l’alimentation et du régime. Traité populaire. Paris, 1858, 1 vol. grand in-18 1 fr. MONCKIIOVEN (V.). — Traité d’optique photographique, comprenant la description des objectifs et appareils d’agrandissement. Paris, 1866, 1 vol. in-l 2, avec fig. dans le texte et cinq planches.... 4 fr. DE VICTOR MASSON ET FILS. 21 MOIVCKIIOVEÏV (V.).—Traité général de photographie,compre- nant tous les procédés connus jusqu’à ce jour, suivi de la théorie de la photographie et de son application aux sciences d’observation. 5e édition, refondue et comprenant un chapitre spécial sur les agrandissements photographiques. Paris, 1865, i vol. grand in-8, avec 22 figures dans le texte 10 fr. MOREAU (de Tours). — Ta Psychologie morbide dans ses rap- ports avec la philosophie de l’histoire. Paris, 1859, 1 vol. in-8, avec une planche 8 fr. MOREL (A.). — Traité des maladies mentales. Paris, 1860, 1 vol. grand in-8 compacte 13 fr. MOREL. — Traité de lamédeeinc légale des aliénés. Historique depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Paris, 1866, 1 vol. in-8. 2 fr. 50 MOURE (A.) ET MARTIÎX. — Vade-mecum du médecin prati- cien, précis de thérapeutique spéciale, de pharmaceutique, de pharma- cologie. Paris, 1845, 1 beau vol. grand in-18 compacte 3 fr. 50 — Le même, demi-reliure 5 fr. NIEPCE de 8AIIXT-V1CTOR. — Traité pratique de gravure héliographique sur acier et sur verre, avec un portrait de l’auteur gravé par ses procédés. Paris, 1856, petit in-l 5 fr. 1XORMANDY (A.). — Tableaux d’analyse chimique; ouvrage pré- sentant toutes les opérations de l’analyse qualitative, accompagné de nom- breuses observations pratiques. Paris, 1858, 1 vol. in-4, avec figures, relié en toile 25 fr. OLLIER. — Traité expérimental et c'inique de la régénération des os et de la production artificielle du tissu osseux. 1 vol. in-8 avec ligures dans le texte et planches en taille douce. (Sous presse.) PALÉOilTOLOGlE FRANÇAISE. (Voy. d’Okbigny, pag. 13.) PARCHAPPE (Max.). — Ru cœur, de sa structure et de ses mouvements, ou Traité anatomique, physiologique et pathologique des mouvements du cœur de l’homme ; contenant des recherches anatomiques et physiologiques sur le cœur des animaux vertébrés. Paris, 1848, 1 vol. in-8, avec un atlas de 10 planches in-4 12 fr. PARCIIAPPE (Max.). — Ru siège commun de l’intelligence, de la volonté et de la sensibilité chez l’homme. lre partie : Preuve patho- logique. Paris, 1856, in-8 2 fr. 50 PARCIIAPPE (II.). — Sur les différents modes d’assistance des aliénés. Paris, 1865, 1 broch. in-8 1 fr. 25 PAULET et SAllAZI.Y. — Traité d’anatomie topographique, comprenan! les principales applications à la pathologie et à la médecine opératoire. 2 vol. d’Atlas d’ensemble 164 planches tirées en couleur, avec un volume de texte d’environ 800 pages, par V. Paulet, professeur agrégé, chef des travaux anatomiques à l’École impériale du Val-de-Giâce. Le Traité d'anatomie topographique comprendra 2 volumes d'atlas publiés dans le format gr. in-8 jésus et 1 volume de texte d’environ 800 pages. ( OVIKilOXS DE LA SOWSCRIPTIOîï 22 Le premier volume de l’Atlas est consacré à la Tête et au Tronc. Il renferme 88 planches comprenant 109 figures. Le deuxième volume traitera des membres. il renfermera 76 — — 121 figures. 164 planches. 240 figures. L’ouvrage sera publié en 41 livraisons de chacune 4 planches tirées en couleur avec texte explicatif en regard. Prix de chaque livraison 4 fr. Le volume de texte sera publié eu cinq fascicules. Ces fascicules seront fournis gra- tuitement aux souscripteurs qui auront retiré régulièrement les livraisons. Us paraî- tront avec les livraisons 1, 11, 21, 31, 41. Après l’achèvement de la publication, le prix du volume de texte sera porlé à 12 fr. Il parait une livraison le 25 de chaque mois, à partir du 25 décembre 1865. 8 livraisons sont en vente. PAUL D’ÉGIIVE (Chirurgie de), texte grec, restitué et collationné sur tous les manuscrits de la Bibliothèque impériale, accompagné de variantes de ces manuscrits et de celles des deux éditions de Venise et de Bâle, ainsi que de notes philologiques et médicales, avec traduction française en re- gard, précédé d’une introduction par le docteur René Briau. Paris, 1855, 1 vol. grand in-8 9 fr. PAYER (J.). — Éléments de botanique. Paris, 1857, première par- tie, Organographie. 1 volume grand in-18, avec 600 figures intercalées dans le texte 5 fr. L’ouvrage sera continué par M. le professeur Bâillon. PAYER (J.). — Traité d’organogénie comparée de la fleur. Paris, 1857, 1 vol. grand in-8, avec un atlas de 154 planches gravées en taille-douce. 2 volumes, demi-reliure maroquin, les planches montées sur onglets 160 fr. PECLET (E.). — Traité de la chaleur considérée dans ses ap- plications. 3e édition, entièrement refondue et accompagnée de 650 fi- gures dans le texte. Paris, 18G0-1861, 3 vol. grand in-8 42 fr. Le tome 111, qui contient tout ce qui a rapport au chauffage et à la venti- lation des édifices publics et des maisons particulières, est vendu séparé- ment 12 fr. PELOUZE et FREMY. — Abrégé de chimie. Cinquième édition, conforme aux nouveaux programmes de l’enseignement scientifique des lycées. Paris, 1866, 3 vol. grand in-18, avec 174 figures intercalées dans le texte 6 fr. PUBLICATIONS lre partie. Généralités. — Corps simples non métalliques. 1 vol. avec 96 figures 2 fr. 2e partie. Métaux et métallurgie. 1 vol. avec 46 figures 2 fr. 3* partie. Chimie organique. 1 vol. avec 32 figures 2 fr. PELOUZE et FIVEMY. — Traité de chimie générale, analy- tique, industrielle et agricole. 3e édition, entièrement refondue, avec nombreuses figures dans le texte. Cette troisième édition comprend sept volumes grand in-S compactes et 1 fascicule de table. Prix de l’ou- vrage complet 100 fr. On peut avoir séparément: La table générale alphabétique qui ne contient pas moins de douze mille mots fait de ce traité un ouvrage aussi facile à consulter qu’un dictionnaire de chimie. PELOUZE et FllEMY. — Motions générales de chimie. Paris, 185S. Un beau volume imprimé avec luxe, accompagné d’un Atlas de 24 planches en couleur, cartonné 10 fr. le même ouvrage, édition classique, avec 24 planches en noir... 5 fr. PERIER (J. A. N.). — Fragments ethnologiques; études sur les vestiaes des peuples gaélique et cymrique dans quelques contrées de l’Eu- rope occidentale, etc. Paris, 1857. Brochure grand in-8 3 fr. 50 PERRIS (En.). — Histoire des insectes du pin maritime. Tome I, Coléoptères. Paris, 1863, in-8 avec 12 planches 25 fr. PERSOZ. —Traité théorique et pratique de Pimpression des tissus. Paris, 1846, 4 beaux vol. in-8, avec 165 figures et 429 échantillons d’étoffes, intercalés dans le texte, et accompagnés d’un atlas de 10 plan- ches in-4 gravées en taille-douce, dont 4 sont coloriées. Ouvrage auquel la Société d’encouragement a accordé une médaille de 3,000 fr... 70 fr. PERSOZ (J.). — Nouveau Procédé de culture de la vigne. Paris, 1849, brochure grand in-8, avec deux planches in-4.. 1 fr. 50 PETREQUIN (J. E.).— Traité d’anatomie topographique mé- dico-chirurgicale, considérée spé«ialement dans ses applications à la pathologie, à la médecine légale, à l’art obstétrical et à la chirurgie opéra- toire. 2e édition. Paris, 1857, 1 vol. grand in-8 9 fr. POUCHET (F. A.). — Nouvelles expériences sur la génération spontanée et la résistance vitale. Paris, 1864, 1 vol. in-8, avec 20 fig. dans le texte et une planche coloriée 7 fr. 50 POUCHET (G.). — Précis d’histologie humaine d’après les tra- vaux de l’École française. Paris, 1864, 1 vol. in-8, avec figures dans le texte 6 fr. POUCIIET (G.). — He la pluralité des races humaines; essai anthropologique. 2e édition. Paris, 1864, 1 vol. in-8 3 fr. 50 QUATREFAGES (A. de). — Souvenirs d’un naturaliste. Paris, 1854, 2 vol. in-18 4 fr. QUATREFAGES (A. de). — Études sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, 1 vol. in-4, avec 6 planches imprimées en couleur et retouchées au pinceau 16 fr. — Nouvelles Recherches faites en 1859 sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1860, 1 vol. in-4 3 fr. 50 REGNAULT. — Cours élémentaire de chimie. 5e édition. Paris, 1859-60, 4 vol. grand in-18, avec 2 pl. en taille-douce et 700 ligures dans le texte . 20 fr. REGNAULT.— Premiers Éléments de chimie. 4e édition. Paris, 1861, 1 vol. grand in-18, avec 142 figures dans le texte 5 fr. RENDU (Victor). — Ampélographie française, ou Traité sur la vigne, comprenant la statistique, la description des meilleurs cépages, l’analyse chimique du sol et les procédés de culture et de vinification des principaux vignobles de la France. Ouvrage publié sous les auspices de M.‘le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics. DE VICTOR MASSON ET FILS. 23 24 Paris, 1857, 1 vol. de texte in-folio et un atlas de 70 planches magnifi- quement coloriées 150 fr. — Le même ouvrage, 2e tirage. Paris, 1857 , 1 beau vol. grand in-8, avec une carte... 6 fr. RESBECQ (de Fontaine de). — Guide administratif et scolaire dans les Facultés de médecine, les Écoles supérieures de pharmacie et les Écoles préparatoires du même ordre. Agrégation, professorat, études, grades de docteur en médecine, d’officier de santé, de pharmacien, de sage-femme et d'herboriste ; suivi d’une analyse chronologique des lois, statuts, décrets, règlements et circulaires relatifs à l’enseignement delà mé- decineet delà pharmacie de 1791 à 1860. Paris, 1860, 1 vol. in-18. 3 fr. ROBUVEAU. — Histoire naturelle des Diptères des environs de I*aris. Ouvrage posthume publié par M. Monceaux. 2 vol. in-8. 30 fr. BOCCAS. — Traité pratique des bains de mer et de l’hydrothé- rapie marine fondé sur de nombreuses observations. 2e édition. Paris, 1862, 1 vol. in-18 3 fr. 50 ROLLET (J.). — Traité des maladies vénériennes. Paîis 1866, 1 fort vol. in 8 compacte 12 fr. ROQUES (J.).— Atlas des Champignons comestibles et vé- néneux, représentant les cent espèces ou variétés les plus répandues, avec un texte explicatif contenant la description détaillée des cent espèces, l’indication des lieux où elles croissent, leurs qualités alimentaires ou nui- sibles. Extrait de la 2* édition. Paris, 1864. 1 atlas gr. in-4° de 24 planches coloriées 15 fr. ROSE (II.). — Traité complet de chimie analytique; édition française originale. Paris, 1859-1862, 2 volumes grand in-8 24 fr. Le premier volume est consacré à la chimie qualitative; le second à la chimie quantitative. Chacun est vendu séparément 12 fr. ROSE-CIIARMEÏJX. — Culture du chasselas à Tliomery. Paris, 1862, 1 vol. in-18, avec 41 figures 2 fr. ROTURE A U (A.). — Des principales eaux minérales de l’Europe. Paris, 1857-1864, 3 vol. in-8 25 fr. DE VICTOR MASSON ET FILS. On peut avoir séparément : — ALLEMAGNE ET HONGRIE. Paris, 1858, 1 vol. in-8 7 fr. 50 — FRANCE ; ouvrage suivi de la législation sur les Eaux minérales. Paris, 1859, 1 vol. in-8 10 fr. — FRANCE (supplément), Angleterre, Belgique, Espagne et Portugal, Italie et Suisse. Paris, 186i, 1 vol. in-8 7 fr. 50 UOUSSEL. — Système physique et mural de la femme? nou- velle édition, contenant une notice biographique sur Roussel et des notes, par le docteur Cerise. Paris, 1860, 1 vol. grand in-18 3 fr. SACC. — Essai sur la garance. Paris, 1861, 1 brochure gr. in-8. 3 fr. 50 SAPPEY (C.). —Traité d’anatomie descriptive. Tome troisième, comprenant la Splauchnoloçie (digestion, respiration, sécrétion uri- naire et génération). Paris, 1859 1864. 3 fasc. in-i8, avec ûg.... 7 fr. 50 DE VICTOR MASSON ET FILS. 25 SAUCEROTTE. — U’hïstoire et la philosophie dans leurs rap- ports avec la médecine. Paris, 1863, 1 vol. in-18 4 fr. 50 SAUSSURE (H. de). — Études sur la famille des Vespûles. 3 vol. et atlas divisés comme suit : Monographie des guêpes solitaires, ou de la tribu des fiuméniens. Paris, 1852, 1 vol. grand in-8, avec atlas colorié de 22 planches. 36 fr. Monographie des guêpes sociales. Paris, 1860, 1 vol. grand in-8, avec atlas colorié de 39 planches 66 fr. Monographie des Màsariens. Paris, 1856, 1 vol. grand in-8, avec atlas colorié de 16 planches 42 fr. — Mémoires pour servir à l’histoire naturelle du Mexique, des Antilles et des États-Unis. lre livraison. Crustacés. 1858, in-4, avec 6 planches 9 fr. 2e livraison. Myriapodes. 1860, in-4, avec 7 pl., dont 1 coloriée 16 fr, 3e et 4e livraison. Orthoptères. Blattides. Paris, 1865, in-4, avec 2 pl. 20 fr. SAUSSURE et SICHEL. — Catalogus specierum generis sco- lta (sensu latiori), continens specierum diagnoses descriptiones synony- iniamque, etc. Paris, 1864, 1 vol. in-8, avec 2 planches coloriées. 8 fr. SAUZE (Alfred). — Études médico-psychologiques sur la folie. Paris, 1862, l vol. in-8 5 fr. SCAVZOVI. — Me la métrite chronique, traduit de l’allemand par le docteur Siefi'ermann. Paris, 1866, l vol. in-8 7 fr. SCAINZOIVI. — Précis théorique et pratique de l’art des ac- couchements, traduit par le docteur P. Picard. Paris, 1859, i vol. grand in-18, avec 111 figures dans le texte . 5 fr SCHOEDLER. Voir le Livre de la Nature. SCHUTZENîBERGER (P.). —Chimie appliquée à la physiologie animale, à la pathologie et au diagnostic médical. Paris, 1864, 1 vol. in-8 6 fr. SCHUTZEiVBERGER (P.). — Traité des matières colorantes, publié sous les auspicès de la Société industrielle de Mulhouse et avec le concours du Comité de chimie. 2 vol. in-8, avec figures et échantillons (sous presse). SCR1VE. — Relation médico-chirurgicale de la campagne d’Orient, de 1854 à 1856. Paris, 1857, 1 vol. in-8 3 fr. SCROPE (Poulett). — Ues Volcans, leurs caractères et leurs phéno- mènes, avec un catalogue descriptif de toutes les formations volcaniques aujourd’hui connues; ouvrage traduit de l’anglais par E. Pieraggi. Paris, 1864, 1 vol. in-8, relié à l’anglaise, avec deux planches coloriées et figu- res dans le texte 14 fr. SEGOiVD (L. A.). — Programme «le morphologie contenant une classification nouvelle des mammifères. Paris, 1862, 1 vol. in-8... 3 fr. 8ERIIYGE (IV. C.).—Mescription, culture et taille «les mûriers, leurs espèces et leurs variétés. Paris, 1855,1 vol. grand in-8, avec figures dans le texte, accompagné d’un atlas in-4 de 27 planches 9 fr. SICIIEE (julius). Voyez Saussure. SIC11EL. —Etudes hyménoptérologiqucs. 1er fascicule avec 2 pl. colorié 5 fr. 26 PUBLICATIONS SILBERT (d’Aix). — Traité pratique «le l’accouchement pré- maturé artificiel, comprenant son histoire, ses indications, l’épo- que à laquelle on doit le pratiquer, et le meilleur moyen de le déterminer. Paris, 1855, 1 vol. in-8 2 fr. 75 SILBERT (d’Aix). — De la saignée dans la grossesse. Paris, 1857, 1 vol. in-8 4 fr. 50 SIMON (M.).— De la préservation du choléra épidémique. Paris, 1SG5, 1 vol. in-18 2 fr. 50 SIMS. — Notes cliniques sur la chirurgie utérine, par le D. Marion Sms, traduit de l’Anglais, par M. Lhérilier, médecin inspecteur des eaux de plombières. 1 vol. in-8, avec fig. dans le texte 0 fr. SOCIÉTÉ anatomique (V. page 7). SOCIÉTÉ impériale d’acclimatation (V. page 30). SOCIÉTÉ d’anthropologie (Mémoires de la), publiés dans le format grand in-8. Les tomes I et II, avec planches, cartes et portraits, sont en vente. Prix de chaque volume 12 fr. — Franco par la poste 13 fr. Le volume est fourni aux souscripteurs eo quatre fascicules qui paraissent à des inter- valles indéterminés. Le prix de chaque volume est payable en retirant le premier fascicule. Bulletin de la Société. Voir aux Publications périodiques, page 30. SOCIÉTÉ médicale allemande de Paris (Recueil des travaux de la), publié par R. Liebreich et E. Laqueur. Mai 1864 à mai 1865. 3 fr. SOCIÉTÉ de chirurgie de Paris (Mémoires de la), publiés dans le format in-4. Prix de chaque vol. avec planches 20 fr. — Franco par la poste 23 fr. Les tomes 1 à V sont en vente. Le tome VI est en cours de publication. Le volume est fourni aux souscripteurs en cinq ou six fascicules qui paraissent à des ntervalles indéterminés. Le prix de chaque volume est payable en retirant le premier fascicule. — Discussion sur l’hygiéne et la salubrité des hôpitaux. Paris, 1865, in-8 2 fr. 50 Bulletin de la Société. Voyez aux Publications périodiques, page 30. SOIJBE1RAN. — Traité de pharmacie théorique et pratique. 6e édit. Paris, 1863, 2 forts vol. in-8, avec figures dans le texte. 17 fr. SOUBEIRAN. — Précis élémentaire de physique, 2e édit., aug- mentée. Paris, 1844, 1 vol. in-8, avec 13 planches in-4 5 fr. TIIENARD. — Notice sur le vinage des vins, en franchise des droits sur l’alcool qui lui est consacré. Paris, 1864, br. gr. in-8. 1 fr. 50 THIBIERGE (A.) et REMILLY. — De l’amidon du marron d’Inde et des fécules amylacées d’autres substances végétales non alimentaires aux points de vue économique, chimique, agricole et tech- nique. 2e édition. Paris, 1857, 1 vol. in-18, avec planches gravées. 1 fr. TISSERAND (Eug.). — Etudes économiques sur le Danemark, le llolstein et le Sleswig. 1 vol. in-4, accompagné de 3 cartes et 10 planches lithog. Paris, 1865 10 fr. TISSOT. — 1/Animisme, ou la Matière et l’esprit conciliés par l’iden- tité de principe et la diversité des fonctions dans les phénomènes orga- niques et psychiques. Paris, 1865, 1 vol. in-8 7 fr. 50 DE VICTOR MASSON ET FILS. 27 TISSOT. — Ta Vie dans l’homme; ses manifestations diverses, leurs rapports, leurs conditions organiques. Paris, 1861, 1 vol. in-8... 7 fr. 50 TISSOT. — lia Vie dans l’homme ; existence, fonction, nature, con- dition présente, forme, origine et destinée future du principe de la vie; esquisse historique de l’animisme, pour faire suite à l’ouvrage précédent. Paris, 1861, 1 vol. in-8 7 fr. 50 TISSOT (A.). —Eléments de cosmographie. 1 vol. in-18 (extrait du Baccalauréat ès sciences) 1 fr. 60 TRACY (Victor de). — lettres sur la vie rurale. 2e édition. Paris, 1861, 1 vol.in-18.. 1 fr. TROOST (L.). — Traité élémentaire de chimie, comprenant les applications à l’hygiène, aux arts et à l’industrie. Paris, 1865, 1 vol. grand in-18, avec ligures dans le texte. 6 fr. TROOST (L.). Voyez le Baccalauréat ès sciences, page 4. UNGER (F.). — Ee Monde primitif à ses différentes époques de formation. Seize gravures avec texte explicatif. 2* édition, revue et aug- mentée de deux gravures. Leipzig et Paris, 1860, gr. in-plano 86 fr VACQUANT (T.).— Géométrie élémentaire et trigonométrie. 1 vol. in-18 (extrait du Baccalauréat ès sciences)..., 2 fr. VARENNES (P. J. de). — Tes Veillées de la ferme du Tonrne- lïride, ou Entretiens sur l’agriculture, l’exploitation des produits agricoles et l’arboriculture. Paris, 1861, 1 vol. in-12, avec fig. dans le texte. 1 fr. VELPEAU. — Traité des maladies du sein et «le la région, mammaire. 2e édition. Paris, 1858, 1 vol. in-8, avec figures dans le texte et 8 planches gravées 12 fr. VERDEIL.— De l’imlnstrie mo«lerne. Paris, 1861, 1 vol.in-8. 7 fr. 6P VE1VDO. — Précis sur les eaux minérales «les Pyrénées. 2e édition. Paris, 1855, 1 vol. grand in-18, avec une carte.... 3 fr. 50 WEBB (P. B.). — Otia hispanica, seu Delectus plantarum rariorum aut nondum rite notarum per Hispanias sponte nascentium. Paris, 1853, 1 vol. petit in-folio, avec 45 planches gravées en taille-douce.... 30 fr. WECK.HERL1N (A. de). — Zootechnie générale, Reproduction, amélioration, élevage des animaux domestiques. Traduit de l’allemand par M. Verheyen. Paris, 1857, 1 vol. grand in-18 2 fr. W1LLEMIN (Ad.). — Traité «le l’agrandissement des épreu- ves photographiques; étude critique des divers appareils employés aux agrandissements, suivi d’une méthode pour obtenir les épreuves mi- croscopiques. Paris, 1865, grand in-8, avec figures 2 fr. 50 WURTZ (Ad.). — Traité élémentaire de chimie méilicale,com- prenant quelques notions de toxicologie, et les principales applications de la chimie à la physiologie, à la pathologie, à ia pharmacie et à l’hygiène* I. Chimie inorganique. Paris, 1864, 1 vol. in-8, avec figures 8 fr. II. Chimie organique, Paris, 1865, 1 vol. in-8, avec figures 8 fr. W1JRTZ (Ad.)- — lierons élémentaires «le Chimie mo«lerne. Première partie. 1 vol. in-18 avec nombreuses figures (La seconde partie paraîtra en septembre 1866). ZIMMERMANN. —La Solit»«de. Traduction nouvelle par X.Marmier. Paris, 1855, 1 vol. grand in-18 3 fr- PUBLICATIONS PÉRIODIQUES. (Voir, à la fin du Catalogue, les conditions d’abonnements pour l’étranger.) Annales de chimie, par MM. Guyton de Morveaü, Lavoisier. Monge, Berthollet, Fourcroy, etc. Paris, 1789 à 1815 inclusivement, 96 volumes in-8, figures, et 3 vol. de tables. Les collections complètes de cette première série sont excessivement rares. Les 3 volumes de table séparément 24 fr. Annales de chimie et de physique, IIe série; par MM. Gay-Lussac et Arago. Paris, 1816 à 1840, 25 années, formant avec les tables 78 vol. in-8, accompagnés d’un grand nombre de planches gravées 400 fr. — Table générale raisonnée des matières comprises dans les tomes I à LXXY (1816 à 1840). 3 vol. in-8, pris séparément 20 fr. Annales de chimie et de physique, Ille série, commencée en 1841, rédigée par MM. Chevreul, Dumas, Pelouze, Boussingault, Régnault et de Sénarmont, avec une revue des travaux de chimie et de physique pu- bliés à l’étranger par MM. Wurtz et Yerdet. Paris, 1841 à 18G3, 23 an- nées en 69 vol., avec figures dans le texte et planches gravées... 690 fr. — Table générale raisonnée des matières contenues dans les tomes 1 à XXX de la 111e série. Paris, 1851, 1 vol. in-8 5 fr. Table analytique des tomes XXXI à LXIX. (1851 à 1863.) Paris, 1866, 1 vol. in-8 10 fr. Annales de chimie et de physique, IVe série, commencée en 1864, par MM. Chevreul, Dumas, Pelouze, Boussingault, Régnault, avec la collaboration de M. Wurtz. 11 paraît chaque année 12 cahiers qui forment 3 volumes et sont accompa- gnés de planches en taille-douce et de figures intercalées dans le texte. Prix I de l’année: j Pour Paris 30 fr. Pour les départements (par la poste) 34 fr. Annales des sciences naturelles. lre série, 1824 à 1833 inclusive- ment, publiée par MM. Audouin, Ad. Brongniart et Dumas. 30 vol. in-8, 600 planches environ 300 fr. Toutes les années séparément (moins 1830) 30 fr. — Table générale des matières des 30 vol. qui composent cette série. Paris, 1841, 1 vol. in-8 8 fr. Annales des sciences naturelles, comprenant la zoologie, la bota- PUBLICATIONS PÉRIODIQUES DE VICTOR MASSON ET FILS. 29 nique, l’anatomie et la physiologie comparées des deux règnes et l’histoire des corps organisés fossiles. — lia série (1834 à 1843), rédigée, pour la zoologie, par MM. Audouin et Milne-Edwards; pour la botanique, par MM. Ad. Brongniart, Guillemin et Decaisne. — IIIe série (1844 à 1853), rédigée, pour la zoologie, par M. Milne-Edwards; et pour la botanique, par MM. Ad. Brongniart et Decaisne. — IVe série (1854 à 1863),rédigée pour la zoologie, par M. Milne-Edwards, et pour la botanique, par MM. Ad. Brongniart et Decaisne. Chacune des IIe, III* et IV* séries comprend 20 volumes pour la Zoo- logie, et 20 volumes pour la Botanique. Prix des 20 volumes de l’une ou de l’autre série,format grand in-octavo, avec 350 planches environ 200 fr. Quelques-unes des années peuvent être vendues séparément. Prix des deux volumes 25 fr. Annales des sciences naturelles, Ve série, commençant le 1er jan- vier 1864. — ZOOLOGIE et PALÉONTOLOGIE, comprenant l’Anatomie, la Physiologie, la Classification et l’Histoire naturelle des animaux; publiées sous la di- rection de M. Milne-Edwards. Il est publié chaque année 2 volumes gr. in-8, avec environ 35 planches. Paris 20 fr. Départements 21 fr. Prix de l'abonnement — BOTANIQUE, comprenant l’Anatomie, la Physiologie, la Classification et l’Histoire naturelle des végétaux, publiée sous la direction de MM. Ad. Brongniart et J. Decaisne. Il est publié chaque année 2 volumes gr. in-8, avec 35 planches environ. Prix de l’abonnement Paris 20 fr. Déparlements 21 fr. f¥OTA. — Dans cette Ve série des Annales des sciences naturelles, la Zoologie et la Botanique forment chacune une publication distincte. Chaque partie est l’objet d’un abonnement séparé, indépendant de l’abonnement à l’autre partie. Annales médico-psychologiques, journal de l’Anatomie, de la Phy- siologie et de la Pathologie du système nerveux, destiné particulièrement à recueillir tous les documents relatifs à la science des rapports du physi- que et du moral, à l’aliénation mentale et à la médecine légale des alié- nés; publiées par MM. les docteurs Baillarger, médecin des aliénés à l’hos- pice de la Salpêtrière, Cerise et Longet. — Ire série, de 1843 à 1848, 12 volumes in-8, avec planches..., 120 fr. — II* série, 1849 à 1854, par Baillarger, Brière de Boismont et Cerise. 6 vol. in-8. . 30 PUBLICATIONS PÉRIODIQUES — III* série, 1855-1862, journal destiné à recueillir tous les documents relatifs à l’aliénation mentale, aux névroses et à la médecine légale des abénés, par MM. Baillarger, Moreau (de Tours) et Cerise. 8 vol. in-8. — IVe série, commençant en 1863; cette série paraît par cahiers bimen- suels qui forment, à la fin de l’année, deux volumes in-8. Prix de l’année : Pour Paris 20 fr. Pour les départements (par la poste) 23 fr. Bulletin mensuel de la Société impériale zoologique d’Ac- climatation, fondée le 10 février 1854. 11e série, commencée en 1864. Il paraît chaque année 12 cahiers formant un volume grand in-8 de 700 pages. Le Bulletin est envoyé sans rétribution à tous les membres de la Société à partir du commencement de l’année où ils sont reçus. Prix de l’abonnement pour les personnes qui ne font pas partie de la Société : Paris 12 fr. | Départements 14 fr. Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris ; comprenant les procès-verbaux des séances, des notices, rapports, etc. Il paraît chaque année, depuis 1860, 4 fascicules formant un volume in-8. Paris 7 fr. 50 [ Départements : 8 fr. 50 Voyez page 25, Mémoires de la Société d’anthropologie. Bulletin de la Société de chirurgie de Paris. Ire série, 1851 à 1860. 10 volumes in-8 70 fr. IIe série, commencée en 1861. Le tome V correspond à l’année 1865. Paris 7 fr. | Départements 8 fr. Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie. Rédac- teur en chef : le docteur A. Dechambre. 11e série, commencée en 1864. La Gazette hebdomadaire, publiée dans le format in-4, paraît, depuis le 7 octobre 1853, le vendredi de chaque semaine. Elle contient régulièrement, par numéro, 32 colonnes. Au bout de l’année, elle forme un beau tome, de plus de 950 pages, avec figures. Prix de l’abonnement : Paris et départements, Un an, 24 francs. — Six mois, 13 francs. — Trois mois, 7 francs. Prix de chaque volume, comprenant les 52 numéros de l’année, avec litre et table alphabétique, broché, 25 fr.; avec une demi-reliure maro- quin, 30 fr. Pour la Ire série, voir page 15. Journal de médecine mentale, résumant au point de vue médico- psychologique, hygiénique et légal toutes les questions relatives à la folie, aux névroses et aux défectuosités intellectuelles et morales, avec le con- cours des principaux aliénistes; par M. le docteur Delasiauve. Le Journal de médecine mentale paraît mensuellement depuis 1861. Il forme chaque année 1 volume in-8. Prix pour la France, 5 fr.; pour l’étranger, 6 fr. Journal de pharmacie et de chimie, par MM. Boullay, Bussy, Henry, F. Boudet, Cap, Boutron-Charlard, Fremy, Guibourt, Buignet, Gobley, Léon Soubeiran et Poggiale; contenant une Revue médicale, par le Dr Vigla, le Bulletin des travaux de la Société de pharmacie de Paris, et une Revue des travaux chimiques publiés à l’étranger par M. J. Nicklès, IV8 série, ayant été commencée en janvier 1865. Le Journal de pharmacie et de chimie paraît tous les mois par cahiers de 5 feuilles. 11 forme chaque année deux volumes in-8 ; des planches sont jointes au texte toutes les fois qu’elles sont nécessaires. Prix de l’abonnement pour Paris et les départements 16 fr. Ije Journal de la Ferme et des liaisons de Campagne ; revue complémentaire du Livre de la Ferme, paraissant le samedi de chaque semaine par livraisons. Gr. in-4° de 16 pages illustrées. Paris et départ. Un an. 24 fr. | Six mois. 13 fr. | Trois mois. 7 fr. Prix pour l’étranger : Grand duché de Luxembourg 26 fr. Suisse 27 fr. Italie 28 fr. Angleterre, Égypte, Portugal 30 fr. Autriche, Belgique, Espagne, États de l’Allemagne, Prusse, Pays-Bas. 32 fr. États Romains 40 fr. LE VERGER. — Publication périodique d’arliorieuHure et de pomologie, dirigée par M. Mas. Le Verger publie mensuellement une livraison de 16 pages de texte, contenant la description et la culture de huit variétés, et la représentation de chacune d’elles par la chromolithographie. Prix de l’abonnement annuel, rendu franco dans la France 25 fr. Pour l’Étranger, le port en sus. L’année 1865, 192 pages de texte et 48 planches coloriées... 25 fr. DE VICTOR MASSON ET FILS. 31 Corbeil, typ. et stér. de Crété. 32 LIVRES DE FONDS DE VICTOR MASSON ET FILS. PRIX DE L'ABONNEMENT AUX JOURNAUX Publiés pur la librairie VICTOR MAMNOM ET FILS. (Pour le Journal de la Ferme, voir page 31, le prix pour l’étranger.) j g- f g s L v .ST . „* .S" P3