POUR LES OFFICIERS lotions sur la Prophylaxie des Maladies épidémiques DANS L’ARMÉE MÉTROPOLITAINE ET COLONIALE PAR LE] Médecin Principal de 2e classe.TROUSSAINT MÉDECIN CHEF DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DE GUERRE] PARIS Henri CHARLES-LAVAUZELLE Éditeur militaire 10, Rue Danton, Boulevard Saint-Germain, 118 (même maison a limoges) PRÉFACE Ce n’est pas d aujourd’hui que l’on s'occupe d’hy- giène dans l’armée, et les limites d’une préface ne permettraient pas d’inscrire tous les grands noms de la médecine militaire qui, à la façon des Michel Lévy, des Boisseau, des Vallin, des Laveran, des Ivelsch, des Richard, des Viry, des Vaillard, ont marqué leur passage d’une maîtresse empreinte et contribué à asseoir sur des bases solides cette science, hier en- core mal connue, et dont les lois gouvernent et pro- tègent maintenant la vie des collectivités. Si les maîtres que je viens de citer, si les médecins militaires, leurs contemporains et leurs élèves, ont été les ouvriers de la première heure, ils ont long- temps, aussi, travaillé seuls à l’œuvre de protection commune. Leurs voix sont restées longtemps sans écho. Incompris tout d’abord du commandement, mal secondés par les chefs militaires dont les idées s’orientaient vers des préoccupations techniques d’un autre ordre, ils ont dû lutter pour entraîner leur con- viction et faire éclater à leurs yeux ces vérités nou- velles, auxquelles Pasteur devait apporter, soudain, la confirmation de son puissant génie. L’armée, pendant ce temps, a subi l’évolution que l’on sait. Aux éléments anciens se sont substitués ceux fournis par la nation tout entière, sans excep- tions d’aucune sorte, rendant plus évidents, plus pres- sants aussi, des besoins, des précautions multiples, PRÉFACE 1 application de mesures spéciales qui nécessitent 1 in- tervention effective et constante du chef responsable devant sa conscience et le pays de la santé de ceux qui lui sont confiés. La collaboration du commandement et du service de santé doit, dès lors, se faire de jour en jour plus étroite ; mais elle impose au premier l’obligation d’une instruction et d’une éducation qui le mettent à même de comprendre toute l’importance des me- sures proposées par le second. J’ai voulu contribuer pour ma part à cet le œuvre en écrivant pour les officiers ces Notions sur la Pro- phylaxie des maladies épidémiques dans Vannée, car toute l’hygiène des collectivités vise à les préser- ver des maladies épidémiques et contagieuses qui pèsent si lourdement sur elles. Les officiers sont, en effet, mal préparés par leurs travaux antérieurs à l’étude des questions de cette nature. Vulgariser pour eux certaines notions scien- tifiques élémentaires, c’est dégager la raison des faits, c’est faciliter leur tâche en jetant la lumière sur les méthodes et les procédés dont ils ne saisiraient point sans cela la véritable portée. Aussi ai-je divisé ce livre en deux parties : la pre- mière renferme les notions diverses ayant trait aux maladies épidémiques, leurs causes, etc... La se- conde montre l’application pratique des données pré- cédentes : c’est la prophylaxie proprement dite, à propos de laquelle sont indiquées, chemin faisant, les prescriptions réglementaires actuellement en vi- gueur dans l’armée. Je n’ambitionne d’autre satisfaction que celle d’avoir réussi à être utile. Troussaint. Février 1908. PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES TITRE Ier NOTIONS DIVERSES AYANT TRAIT AUX MALADIES ÉPIDÉMIQUES CHAPITRE PREMIER CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MALADIES ÉPIDÉMIQUES. — LEUR PROPHYLAXIE. — LEURS CAUSES A toutes les époques de l’histoire, les conducteurs d'hommes ont eu à compter avec les maladies qui frappent les agglomérations et jettent autour d’elles le désordre, le découragement et l’épouvante. En préserver les armées a toujours été le souci du chef, parce que si la guerre, suivant l’originale expression du grand chirurgien russe Pirogoff, est « une épidémie de traumatismes », pour meurtrière qu’on la suppose, ses conséquences ne seront jamais aussi désastreuses que celles des maladies épidé- miques vraies. Le capital humain a acquis en France, depuis trente ans, une valeur inestimable, résultat de la diminution d»e 8 notre natalité, conséquence elle-même des progrès d’une civilisation avide de satisfactions immédiates, plus sou- cieuse du bien-être de l'individu que de l'avenir de la race. s Nous voyons qu’en aucun temps, cependant, la science, qui a tant fait pour la conservation de l’espèce, n’a autant enfanté pour sa destruction. Les procédés les plus per- fectionnés s’appliquent à la conservation et à l’anéantis- sement de l’être humain ; le même siècle a vu naître la sérothérapie et la dynamite. Attentifs à conserver comme à détruire, les peuples méditent sur le duel qui- vient de prendre lin entre l’Europe et l'Asie, mesurant leurs for- ces, escomptant la puissance de leurs armements, unani- mement convaincus et inquiets de la colossale importance du nombre pour les luttes à venir. Si donc notre richesse est d’autant plus précieuse qu’elle est numériquement inférieure, nous devons nous attacher à bien connaître les moyens de la conserver plus forte et plus saine, qui constituent la prophylaxie, parce que l’heure n’est point prête à sonner des rêves généreux et pacifiques et que les échos du canon qui ont ébranlé l'Ex- trême-Orient menacent de troubler profondément le som- meil séculaire du continent jaune et la paix du monde. Définition des épidémies. Le principal ennemi des armées sont les épidémies, c'est-à-dire les manifestations morbides attaquant simul- tanément et dans un même lieu un nombre plus ou moins grand d’individus, reconnaissant chez tous la même cause et susceptibles de se répandre en dehors du milieu où elles ont pris naissance. Les unes s'observent indifféremment sous tous les cli- mats et toutes les latitudes ; d’autres se localisent, au contraire, dans certaines régions d'où elles s’extériorisent plus ou moins difficilement. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 9 Maladies épidémiques. Parmi les premières nous citerons : Les lièvres éruptives (rougeole, scarlatine, variole) ; Les oreillons ; La lièvre typhoïde ; Le typhus ; La diphtérie ; La dysenterie ; La méningite cérébro-spinale. Les secondes, plus spéciales aux pays chauds, sont : Le choléra ; La peste ; La lièvre jaune ; Le paludisme ; Le béribéri ; La maladie du sommeil. Ces deux dernières ont récemment pris place dans la nosographie épidémiologique : l’une en raison des nom- breuses victimes qu’elle a faites dans l’armée japonaise au cours de la guerre de Mandchourie ; la seconde par son extension considérable sur le continent africain, où elle paraît devoir frapper également les Européens, con- sidérés jusqu’ici comme indemnes. L’on en comprend l’importance, au point de vue de la colonisation et de l’occupation militaire coloniale, à la pensée qu’il n’existe encore aucun remède absolument efficace contre cette maladie et qu’une mission scientifique spéciale vient d’être désignée pour aller étudier sur place tout ce qui s’y rap- porte. D’autre part, une conférence internationale s’est réunie à Londres, du 17 au 24 juin 1907, pour étudier les moyens d’arrêter la marche de la maladie du sommeil (1). (1) Sept puissances y ont pris part : Allemagne, Etat indé- pendant du Congo, France, Grande-Bretagne, Italie, Portugal, Soudan. 10 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES La cause figurée. Les anciens manquaient, pour expliquer les épidémies et s’opposer à leur développement, de la connaissance précise de leur cause, et ce n’est pas une des moindres gloires de la médecine moderne d'avoir substitué au Gé- nie épidémique de nos pères, fantôme insaisissable et terrifiant, la notion précise de la cause figurée, vivante et tangible : le microbe ou le parasite pathogène. Non point qu’elle soit parvenue, cette science d’hier, à dévoiler le mystère tout entier — puisque nous ignorons encore les agents créateurs des fièvres éruptives — mais les métho- des de recherche et l'observation nous ont tout au moins permis de connaître leur habitat préféré et de leur appli- quer les mêmes principes de prophylaxie raisonnée. Pasteur n’a-t-il pas montré d’ailleurs comment son gé- nie inducteur l’avait conduit à la plus merveilleuse des prophylaxies, celle de la rage, par la connaissance du siège précis d'un germe indéterminé. Influence des agglomérations humaines. Plus heureux que nos devanciers, les notions modernes nous font comprendre pourquoi les agglomérations hu- maines, en multipliant les contacts, en créant des condi- tions favorables à l’exaltation des germes, en diminuant la résistance organique, favorisent leur transport de l’homme à l’homme et l’extension de la maladie. Elles nous enseignent aussi les moyens de les détruire, la pro- tection de l’individu contre leurs atteintes par l'éloigne- ment et l’isolement des agents de transport. Exemples historiques. Il est possible de saisir l’importance de cette influence des maladies épidémiques sur les armées en faisant ap- pel à l’histoire des guerres. Elle nous montre l’armée fran- çaise en Egypte, en 1799, décimée et démoralisée devant Saint-Jean-d’Acre, où elle perdit 2.000 hommes de la LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES peste ; rassurée par l’héroïque sacrifice de Desgenettes, chirurgien en chef de l’armée, qui s’inocula, devant tous, le pus d’un bubon pesteux pour démontrer la non-conta- giosité de la maladie. Son ignorance de la cause lui sauva la vie sans diminuer la grandeur de son action. Nous savons aujourd’hui que les bubons pesteux anciens ne contiennent plus de bacilles de la peste. En 1809, l’expédition anglaise est obligée de quitter la Hollande sans avoir brûlé une cartouche, après avoir perdu, par le paludisme, 15.000 hommes de son effectif. L’expédition du général Leclerc à Saint-Domingue n’est pas plus heureuse. Décimée par la fièvre jaune, elle voit succomber, peu après son débarquement, 20 généraux et 15.000 hommes en deux mois. Sur 32.000 hommes en- voyés de Erance, 7.000 à 8.000 seulement restaient à la fin de la campagne. Plus près de nous, l’armée d’Orient enregistre en Cri- mée plus de 90.000 décès par maladies épidémiques, cho- léra, typhus, dysenterie, etc. L’année terrible de 1870 se signale par les épidémies de variole et de fièvre typhoïde, qui s’abattent sur l’armée française et lui causent plus de pertes que le feu alle- mand. Au Tonkin, le paludisme, le choléra, la dysenterie fon- dent les effectifs. Madagascar nous a coûté plus du tiers du corps expéditionnaire, qui eût été anéanti tout entier par la malaria pernicieuse sans la constitution de la co- lonne volante qui, en se portant sur Tananarive, mit fin à la campagne. Rappelons enfin que l’armée espagnole a perdu 30.000 hommes de fièvre jaune pendant la dernière insurrection de Cuba, qui a précédé l’intervention américaine. Définition de la prophylaxie. Ces exemples suffisent à démontrer l’importance de la prophylaxie qui doit se définir : 12 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES L’ensemble des moyens mis en œuvre pour prévenir ou arrêter les épidémies (de TrpoÿuXaççeiv, garantir). Elle est basée : Prophylaxie scientifique. — 1° Sur la connaissance des causes susceptibles d’engendrer les épidémies. C’est la véritable prophylaxie scienlilique, qui est dite pathogé- nique ou étiologique suivant qu’elle est inspirée par la notion de la cause efficiente, le germe, ou de celle qui favorise l’invasion de l’organisme et les accidents qui en sont la suite. Prophylaxie administrative. — 2° Sur la connaissance des premiers cas dont l’extension menace de créer l’épi- démicité. C’est la prophylaxie administrative, dont les règles ont été fixées par la loi du 15 février 1902, sur la protection de la santé publique ; le décret du 10 février 1903, portant désignation des maladies contagieuses sou- mises à la déclaration obligatoire, ainsi que par la cir- culaire du ministre de l’intérieur en date du G avril 1904, notifiée par le Ministre de la guerre, relative à l’appli- cation des loi et décret ci-dessus dans l’armée, et le rè- glement d’administration publique de juillet 1906, sur l’organisation et le fonctionnement du service de désin- fection obligatoire en France. Prophylaxie internationale. — 3° Sur les conventions internationales concernant les maladies pestilentielles, destinées à défendre les territoires des diverses puissan- ces contre l’importation par voie de mer ou de terre du choléra, de la peste ou de la fièvre jaune. La prophylaxie internationale, autrefois réglée par la loi du 3 mars 1822 sur la police sanitaire, consistait dans l’application stricte des quarantaines. Modifiée par le dé- cret du 22 février 1876, elle fut basée à la suite des con- férences de Venise, 1892 ; Dresde, 1893, et les décrets du 4 janvier 1896 et du 16 juin 1899, sur l’inspection au dé- part et à l’arrivée, la désinfection, le passeport sanitaire qui supprimait les anciennes quarantaines pour leur sub stituer le régime de l’observation limitée dans des condi- tions spécialement déterminées. Une dernière conférence internationale, tenue à Paris en octobre 1903, n’a pu mettre d’accord les diverses puis- sances intéressées, la Turquie en particulier, sur la né- cessité d’appliquer les données scientifiques modernes re- latives à la peste et à la fièvre jaune à un régime de dé- fense nouveau plus en rapport avec les facilités et les exigences des échanges internationaux actuels. Point n’est besoin de s’étendre sur les prophylaxies ad- ministrative et internationale. Elles sont l’une et l’autre contenues tout entières dans les textes des lois, décrets cl règlements qui viennent d'être cités et qu’il sera facil*e de consulter, le cas échéant ; aussi bien utilisent-elles dans leur application les méthodes créées par la prophylaxie scientifique basée sur l’étude des causes qu’il y a intérêt à connaître pour comprendre ce qui va suivre. Les causes. Elles sont de deux ordres : 1° Les causes efficientes ; 2° Les causes favorisantes. Les causes efficientes sont celles qui créent l’état mor- bide ; elles,engendrent la maladie, elles constituent la pa- thogénie (yewxco, engendrer ; 7ia0oç, maladie). Demeurées longtemps inconnues, elles ont pris corps aux lumières de la bactériologie et du laboratoire ; les unes se présentent à nous sous l’aspect d’agents figurés : microbes et parasites ; les autres manifestées seulement par leur action morbifique, tels les virus de la rage, de la rougeole, de la variole, de la fièvre jaune. Quoi qu'il en soit, figurées ou non, le mal que, semblables à la graine, elles sèment dans l’organisme humain n’y peut germer utilement sans le secours du terrain préparé par LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES le second ordre de causes dites favorisantes, qui facili- tent l’éclosion de la maladie. Les principales de ces causes sont : L’ûgc ; L’inanition ; Le surmenage ; Le refroidissement ; La chaleur ; L’encombrement ; L’obscurité ; Les intoxications chroniques ; Les maladies antérieures : La race ; L’hérédité ; La dépression morale. Leur examen résume l’étiologie. De celle notion bien précise de la graine et du terrain est née toute la prophylaxie moderne ; aussi est-il indis- pensable de pénétrer plus avant dans leur étude pour met- tre bien en lumière les rapports étroits qui les lient l’une à l’autre. CHAPITRE II LA GRAINE. - LES AGENTS PATHOGÈNES, MICROBES ET PARASITES Sous le nom générique de graine sont compris tous les agents .figurés pathogènes dont la présence dans l’orga- nisme produit la maladie. Ils sont de deux ordres : les microbes et les parasites. Ils appartiennent à des mondes différents, les microbes relevant du règne végétal ; les parasites, du règne animal. L’on entend beaucoup plus parler des premiers que des seconds parce que, sous l’égide du génie pastorien, ils ont conquis, non sans luîtes retentissantes, une place prépondérante dans le domaine médical en bouleversant les anciennes théories, la thérapeutique et la prophylaxie des maladies. Les parasites que je désignerai seulement sous le nom d’hématozoaires (;wov, animal; atga, sang), pour ne point préjuger leur classification zoologique encore peu précise, ont été découverts dans le sang humain. Le nom de Laveran, médecin militaire, reste im- mortalisé par la découverte de la cause réelle du palu- disme, qu’il montra le premier en 1880 dans le sang hu- main. Les microbes. Les microbes sont des êtres unicellulaires, dont les formes variables ont servi de base à leur classification ; ils se reproduisent avec une rapidité extrême par scis- siparité ou sporulation. Caractères. — Leur nombre est considérable ; on en trouve partout ; leurs dimensions sont telles que l’œil doit recourir au microscope et à des artifices de technique pour déceler leur présence. Ils échappent par leur té- nuité aux lois de la pesanteur et les moyens de transport qu’ils empruntent sont aussi variés que la multiplicité des corps sur lesquels ils se déposent. Leur découverte a substitué la notion du germe vivant (omne vivum ex vivo) à celle de la génération spontanée, ou parthénogénèse, admise avant Pasteur, qui la réduisit à néant par des expériences mémorables. Quelle que soit la morphologie des germes : arrondis (coccus), allongés (bacilles ou bactéries), agglomérés (staphylocoques, strep- tocoques, etc.), ils nous intéressent surtout par leur bio- logie, c’est-à-dire leur vie et leurs fonctions, car c’est par là qu’ils sont dangereux, indifférents ou utiles, au point de vue pathologique : dangereux, lorsqu’ils sécrètent des substances nocives pour nos cellules, désignées commu- nément sous le nom de toxines, poisons d’une violence extrême, telle la toxine tétanique, par exemple ; utiles, lorsque, par leur association avec un germe nuisible, ils annihilent ses effets sur l'organisme, tel le bacillus pro- digiosus associé au bacille du charbon symptomatique. La réalité de ces sécrétions microbiennes est démon- trée par certaines cultures qui, avec des germes déter- minés, empruntent une coloration spéciale, laquelle fixe immédiatement l’attention : verte, rouge, bleue, violette. Cette réaction objective de la vie de certains microbes n’est pas seulement intéressante par la preuve qu’elle apporte de l’existence possible d’autres produits micro- biens qui échappent à l’œil et se décèlent par leur toxi- cité, mais parce qu’elle donne l’interprétation scientifique de phénomènes autrefois considérés comme mystérieux, voire miraculeux, « le miracle de l’hostie », par exemple. La culture rapide, sur pain azyme en quelques heures, d’un microbe chromogène rouge sang, le prodigiosus. donne en.effet à toutes les hosties contenues dans un ca- lice l’aspect de plaques sanglantes. Or, le prodigiosus est un germe banal que l’on isole partout. Spécificité. — Il ne sera question ici que des germes LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES pathogènes par lesquels fut créée la spécificité micro- bienne, qui impliquait, au début des études bactériologi- ques, la reproduction des mômes phénomènes morbides par l’intervention d’un agent figuré toujours le même. Cette notion simpliste réduisait les conceptions patholo- giques A une équation dont l’un des termes fixe, le ter- rain, demeurait exposé à l’action de l'autre, éminemment variable, le germe ; à un microbe donné correspondait une maladie donnée. On ne tarda point à s'apercevoir que les choses n’allaient pas aussi aisément. En effet, la complexité et la variabilité du milieu organique humain, ses oscillations biologiques irrégulières, conséquences des modifications physico-chimiques constantes apportées à la régularité des échanges cellulaires par les actions vaso- motrices, l’élévation ou l’abaissement du taux des matières minérales contenues dans nos humeurs, l’élaboration plus ou moins parfaite des produits de la vie elle-même par nos émonctoires, les fatigues, etc., etc., ne pouvaient per- mettre longtemps de comparer les réactions de l’orga- nisme animal infecté à celles produites dans les milieux de culture artificiels par la vie des germes. Il fut aisé de constater en outre (Onimus) que les milieux de cul- ture dans lesquels avaient vécu les microbes conservaient, une fois privés par filtration de leurs éléments figurés, la propriété morbifique dévolue exclusivement à ces der- niers ; que la virulence des germes subissait une atté- nuation importante pouvant aller jusqu’à l’inocuité ab- solue sous des influences multiples, parmi lesquelles le vieiMissement, la lumière, la chaleur, certains agents chi- miques, etc., tenaient une bonne place. Il fut démontré que des microbes de morphologie et de réaction cultu- rales et colorantes semblables pouvaient manifester leur action sur l’organisme de manière différente ; que le mi- crobe du furoncle était identique à celui de l'ostéo-myélite, tout comme celui de l’érysipèle à celui de la fièvre puer- pérale. La Frop’iylaxie. 18 La spécificité pure se trouva atteinte par ces constata- tions et l’on dut reconnaître le rôie de premier ordre dé- volu au terrain ; rôle qui va chaque jour grandissant cl nous ramène à rhumorisme ancien, complété et étendu par toutes les notions dont nous a dotés la chimie biolo- gique. Les recherches récentes de Gharrin au Collège de France élargissent encore le problème ; elles ont démon- tré l’aptitude de germes inoffensii's à se charger de sub- stances diastasiques qui sont, au point de vue chimique, de même nature que les poisons résultant de la vie de nos cellules et de la vie bactérienne. Ces expériences, dont il est impossible de mesurer la portée, jettent une lumière nouvelle sur la conception de la spécificité, qui cesse d’être la propriété innée de certains germes pour devenir une puissance d’emprunt à la portée des bactéries banales, hôtes ou voisins constants de notre organisme, chez lequel elles vont puiser le poison, résultat de la vi- ciation accidentelle de notre propre vie cellulaire, pour le transporter au dehors cl reproduire des accidents ana- logues. Ainsi se trouvent éclairées et expliquées l’apparition des premières manifestations épidémiques, grâce aux mo- difications imprimées par un terrain propice au poison importé, l’exaltation de sa virulence et la gravité des con- tagions ultérieures comme aussi l’atténuation et l’inno- cuité finale de ce même poison, qui s’éteint faute de moyens de transport ou d’utilisation. Quoi qu’il en soit de la spécificité innée ou acquise, elle demeure propriété microbienne et il faut y insister, afin de faire mieux saisir l’importance de la lutte contre les germes sans lesquels le terrain livré à lui-même serait incapable de réaliser l’épidémicité. II n’est pas inutile, pour terminer ces indications som- maires, de faire connaître la grande résistance des for- mes jeunes (spores) de certains microbes à l’action des LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES agents physiques (chaleur à 80°) et chimiques si nuisi- bles aux bactéries adultes. Les spores sont ainsi suscep- tibles de conserver très longtemps leurs propriétés pathogènes ; de cette façon s’explique la reviviscence de certaines épidémies, comme celle des champs maudits de la Beauce, où Pasteur montra le rôle des vers de terre qui ramenaient à la surface du sol les spores charbonneuses provenant des cadavres profondément enfouis d’animaux ayant succombé au charbon. Parasites. Bien différents des agents précédents, les parasites du sang, que j’ai seuls en vue ici, jouent dans l’épidémio- logie coloniale un rôle considérable. Je ne m’arrêterai qu’aux deux plus importants, l’hématozoaire de Lavc- ran, agent du paludisme, et le trypanosome, découvert par Dusson et Castellani en 1901, qui cause la maladie du sommeil. Les ravages du paludisme et de la maladie du som- meil dans les pays tropicaux sont tels que les expéditions coloniales peuvent être compromises par le premier et que la race noire menace d’être exterminée par la se- conde, à en juger par l’extension formidable que la try- panosomiase humaine a prise depuis quelques années en Afrique, où elle n’épargne pas les Européens, à l’encontre des opinions anciennes. La notion du terrain n’a plus ici la même valeur indi- quée précédemment à propos des maladies épidémiques microbiennes ; le mode de pénétration et l’habitat ordi- naire de ces parasites en sont les raisons principales. Il est bon, en notre temps d’expansion coloniale, de porter ces faits à la connaissance des officiers qui peu- vent être appelés ù faire campagne aux colonies et à côtoyer ces ennemis dangereux, contre lesquels la science moderne nous a tout au moins appris à nous défendre. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES CHAPITRE III VOIES ET MODES DE PÉNÉTRATION DES GERMES DANS L’ORGANISME Il ne suffit pas de connaître nos ennemis, leur ubiquité, leur puissance ; de pressentir les dangers qu’ils font cou- rir aux agglomérations humaines : il faut indiquer les voies et les modes de pénétration de ces agents dans l’or- ganisme humain ; autrement dit où et comment l’homme est exposé à l’infection. L'infection. Il existe, à ce point de vue, une différence essentielle entre les microbes et les parasites, et l’infection doit s’en- tendre d’un état particulier réactionnel de nos cellules, résultant de la localisation ou de la généralisation d’un agent pathogène dans l’organisme. Chaque virus imprime à cette réaction un caractère propre qui signe pour ainsi dire la maladie et lui donne, suivant les individus, un cachet spécial qui fait dire au clinicien qu’il y a des ma- lades et non des maladies. Voies de pénétration. L’infection est donc une conséquence plus ou moins prochaine de la pénétration de la graine morbifique, et les voies principales qu’elle emprunte sont : La voie pulmonaire ; La voie digestive ; , La voie muqueuse ; La voie cutanée. Voie pulmonaire. — Ce qui a été dit de l’ubiquité et de la ténuité des microbes est de nature cà faire comprendre comment ils peuvent être aisément transportés dans les voies respiratoires avec l’air chargé de particules solides introduit â chaque inspiration jusqu’au fond des alvéoles pulmonaires. Le faisceau lumineux que glisse le soleil par l’entrebâillement des volets, dans l’atmosphère tran- quille d’un appartement, éclaire une myriade d’atomes qui peuvent servir de support aux germes ; or, la surface respiratoire, avec laquelle ils vont entrer en contact à chaque inspiration, est égale à 200 mètres carrés et il passe dans les poumons une moyenne de 10.000 litres d’air en une journée. A considérer ce que doivent inhaler les individus qui marchent dans un air agité ou un nuage de poussière, l’on comprend la contagiosité de la grippe, de la pneumonie, de la tuberculose, etc. Voie digestive. — Pour être moins répétée au niveau du tube digestif que dans l’arbre respiratoire, l’absorp- tion des germes n’est pas moins féconde et variée. Tous les aliments, toutes les boissons, sauf les liqueurs alcooliques, en apportent : c’est la seule excuse à l’alcoo- lisme. On sait le rôle de l’eau dans l’étiologie du choléra et de l’ankylostomiase, maladie parasitaire épidémique connue sous le nom d’anémie des mineurs, de la fièvre typhoïde et de la dysenterie ; l’on sait aussi que les vian- des de conserve ont été parfois incriminées à juste ti- tre, etc. N’a-t-on pas démontré dernièrement, avec toute la rigueur scientifique, la possibilité de contracter la tuber- culose par l’usage de la coupe commune dans la commu- nion protestante ? Malgré un essuyage immédiat et minu- tieux, les bacilles restent adhérents aux bords. La sub- stitution de la coupe individuelle a été ordonnée par arrêté du gouvernement de Berne à la* suite de cette constata- tion. Il avait été précédé dans cette voie, dès 1894, par les pasteurs de l’Etat de New-York, réunis pour discuter cette question d’hygiène rituelle et qui, d’un commun ac- cord, avaient décidé de renoncer à la coupe commune. Les pratiques catholiques du baisement des châsses, des LA PROPHYLAXIE DES MAIADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES reliquaires, du crucifix, sur lesquels des milliers de bou- ches viennent, à certains jours, s’appliquer successive- ment en quelques heures, exposent aux mêmes dangers et pourraient justifier des mesures de préservation ana- logues aux précédentes. Voie muqueuse. — En dehors des muqueuses respira- toires et digestives, qui se trouvent comprises dans les Amies de pénétration énumérées plus haut, il y a lieu de consacrer une mention spéciale à la muqueuse génilo- urinairc, qui sert de porte d’entrée à des infections jus- ticiables d’une prophylaxie particulière, ce sont la sy- philis et la blennorrhagie. Faut-il ajouter que la tuber- culose emprunte fréquemment cette voie et que des acci- dents génito-urinaires de cette nature sont souvent la conséquence de rapports entre individus dont l’un pré- sente des lésions de tuberculose de l’appareil génito-uri- naire ? Voie cutanée. — Que dire de la pénétration par ia peau ? C’est ici la place de ce dualisme signalé entre les mi- crobes et les parasites. Les premiers pénètrent aussi bien par les poumons et le tube digestif que par la peau ; ils existent en grand nombre à la surface des téguments ; ils y sont apportés par des procédés multiples : ils sont en quelque sorte à pied -d’œuvre ; l’accident qui leur ouvrira la porte est fortuit : c’est la piqûre de l’aiguille qui intro- duit le streptocoque de l’érysipèle, c'est l’écharde qui ap- portera le germe du tétanos, etc. Les parasites du sang, au contraire, n’ont qu'une voie et qu’un mode de pénétration dans notre organisme : c'est la peau. Puisés dans le sang par des insectes, ils retour- nent au sang grâce au dard pénétrant qui leur fraye la Amie à travers l’épiderme humain ; certains d’entre eux, après avoir accompli, au cours de cet exode et de cette hospitalité passagers dans le corps d'un être d’ordre plus LA PROPHYLAXIE DES .MALADIES ÉPIDÉMIQUES élevé, un clcs stades du cycle de leur évolution sexuée sans lequel ils seraient condamnés à disparaître. Il en sera question, d’ailleurs, à l'occasion de la pro- phylaxie spéciale du paludisme. La porte d’entrée. Mais il ne suffit pas que l’agent pathogène soit ap- porté par un procédé quelconque au niveau du poumon, dans les voies digestives, sur les muqueuses ou à la sur- lace de la peau, pour que les accidents morbides se pro- duisent. Il faut qu’il pénètre dans l’intimité des tissus et rencontre, par conséquent, une porte d’entrée. Celle-ci se trouve réalisée par l’érosion cutanée, la desquamation de la muqueuse pulmonaire, digestive, génitale, qui dépouil- lent les surfaces de leur barrière épithéliale protectrice : c’est la piqûre du moustique déposant sous l’épiderme lu parasite de la malaria ; c’est l’inhalation des particules siliceuses qui érailient la muqueuse du poumon ou l’ac- tion du froid qui l’irrite et la fait desquamer, sécréter, permettant au microbe de la pneumonie ou de la grippe de trouver des conditions favorables à son cheminement profond. Le rôle de la porte d’entrée digestive est dé- montré par la fréquence du charbon chez les animaux nourris et excoriés par des fourrages grossiers et renfer- mant des spores charbonneuses. Quoi de plus démonstratif enfin que l’éclosion du chan- cre syphilitique au niveau d’une déchirure du filet sur- venue au cours d’un coït suspect ? L’auto-infection. Mais tous les faits ne sont point justiciables des inter- prétations qui viennent d’être exposées ; il en est qui échappent complètement à ces données et pour lesquels la porte d’entrée n’existe en aucun point. Si l’on se rappelle les notions nouvelles relatives aus propriétés acquises par des microbes d’ordinaire inoffen- sifs se chargeant de diastases au cours de leur vie expé- rimentale dans des milieux de culture, on comprend que des conditions accidentelles peuvent réaliser chez l’homme celte expérience de laboratoire et permettre aux hôtes sa- prophytes de l’organisme humain de devenir pathogènes. Ainsi devient compréhensible l’auto-infection, fruit au- tochtone du trouble accidentel apporté dans nos fonctions cellulaires par des causes secondes, telles que le surme- nage, l’encombrement, etc. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES CHAPITRE IV LOCALISATION DES GERMES DANS L’ORGANISME VOIES D’ÉLIMINATION DES MICROBES Localisation des germes dans l’organisme. Le germe est ensemencé, il va choisir son terrain pré féré pour s’y développer et fournir une indication pro- phylactique découlant de cette localisation. Celle-ci est définitive ou passagère, c’est-à-dire qu'au cours de la ma- ladie elle restera cantonnée au même point ou continuera à progresser jusqu’à l’envahissement total de l’organisme, jusqu’à la généralisation. La diphtérie affectionne le pha- rynx et reste fixée au niveau de sa porte d’entrée. Le microbe de la méningite cérébro-spinale élit domi- cile dans le liquide céphalo-rachidien et les centres ner- veux. Le bacille typhoïdique, d’abord développé dans la ca- vité intestinale, pénètre hâtivement dans la circulation gé- nérale tout en continuant à pulluler dans l’intestin grêle. Le diplocoque de la pneumonie s’attache à l’arbre res- piratoire d’où il passe difficilement dans le sang. Le bacille du tétanos ne s’égare en dehors de son point d'inoculation que sous des influences thermiques excep- tionnelles (Vincent). Ces exemples ne doivent point faire croire à une sélec- tion étroite des divers tissus par les microbes. Des ger- mes différents peuvent, au cours des infections, se déve- lopper dans des organes dont ils ne sont point les hôtes familiers et imprimer ainsi à la maladie une modalité cli- nique particulière. La grippe, la diphtérie, la peste, occa- sionncnt des pneumonies au même titre que le microbe de la pneumonie infectieuse. Si la scarlatine aime le rem, la fièvre typhoïde l'affec- tionne à ses heures. Ce qu’il faut retenir de ces considérations, c’est la pos- sibilité de prévenir la généralisation en éteignant la source locale. Les voies d’élimination des microbes. S’il y a intérêt à connaître les portes d'entrée et les loca- lisations microbiennes, ce qui importe bien davantage encore au point de vue prophylactique, c’est l’exlériorisa- tion des germes. Dans cette lutte, qui met aux prises le terrain humain avec la masse des infiniment petits, il y a des réactions de défense qui tendent à rejeter en dehors de l’organisme le principe dangereux ; c’est à ce moment qu’il faut le détruire pour prévenir de nouvelles atteintes. Ces voies d’élimination sont connues. Le virus de la variole, de la scarlatine, se retrouve dans les produits de desquamation cutanée. Les urines extériorisent le germe de la fièvre typhoïde et de la scarlatine. Les selles véhiculent abondamment le bacille de la fièvre typhoïde, du charbon, de la dysenterie. Dans les produits d’expectoration se retrouvent à pro- fusion les microbes de la tuberculose, de la diphtérie, de la grippe ou de la peste. Le sang enfin transporte au dehors, grâce aux hémor- ragies pathologiques ou accidentelles, les agents de la fièvre jaune, de la fièvre typhoïde et les parasites de la malaria et de la maladie du sommeil. L’on entrevoit les conséquences de ces faits et comment la protection de l’individu va déjà se trouver intéressée à la destruction de ces sources d’infection. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES CHAPITRE V AGENTS DE PROPAGATION DES GERMES MORBIDES Les notions qui précèdent sur les microbes et les para- sites pathogènes, leurs voies et leurs modes de pénétra- tion dans l’organisme humain, suffisent à comprendre ce qu’est la graine ; elles ne nous montrent pas comment elle est apportée sur le terrain où elle va germer, quels moyens elle met en œuvre pour triompher de ses résis- tances, quels sont ceux qu’il lui oppose à son tour afin de repousser ses attaques. Les méthodes de prophylaxie s’inspirent de ces connaissances qu’il convient de passer en revue. Et tout d’abord les agents de propagation des germes morbides. Ils sont (je deux sortes : inanimés ou animés. 1° Les principaux sont, parmi les premiers : L’air ; 3 • Les poussières ; L’eau ; Le sol ; Les aliments ; Les vêtements, le linge et la literie ; Les livres. 2° Au nombre des seconds se classent : Les rongeurs (rats) ; Les insectes (puces, moustiques, mouches). 1° Agents de propagation inanimés des germes morbides. L’air. L’air est un grand vecteur de microbes et il en est d’au- tant plus chargé qu’on le considère dans un milieu plus habité. Les analyses de Miquel ont donné les résultats suivants, confirmatifs de cette assertion : LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Germes par litre. En mer, à 100 kilomètres des côtes, on trouve— 0,6 Altitude de 2.000 mètres 3 Sommet du Panthéon 200 Observatoire de Montsouris 480 Rue de Rivoli 3.480 Maison neuve 4.500 Egouts de Paris 6.000 Vieille maison. . . 36.000 Hôtel-Dieu 40.000 Hôpital de la Pitié. 79.000 Les ébranlements atmosphériques qui, sans cesse, met- tent l’air en mouvement, les courants qui s’établissent en divers sens contribuent au transport de ces germes dont beaucoup sont fort heureusement inoffensifs, et l’on jugera de l’importance de celte constatation par ce fait que la respiration de l’homme contribue, à son détriment, à la purification de l’air en fixant la plus grande partie de ces germes dans les profondeurs de l’arbre bronchique à chaque inspiration, ainsi que le démontrent les analyses bactériologiques comparatives de l’air inspiré et de l’air expiré. Trois expériences de Strauss et Dubreuilh ont fourni les résultats suggestifs que voici : Air inspiré. Air expir Richesse I 20.000 40 en 233.000 320 bactéries. 4C6.ir0 1.180 Voilà des chiffres tout à la fois terrifiants et consolants, terrifiants par le nombre considérable de germes dont ils montrent l’absorption, consolants par la puissance des- tructive et défensive qu’ils affirment chez l'organisme humain. Si l’homme retient une semblable quantité de microbes (les chiffres cités ci-dessus s’entendent du litre d’air et nous inspirons 10.000 litres par vingt-quatre heu- res) sans en éprouver d’accidents morbiçles, c’est qu’il LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES est capable de les détruire, à la condition toutefois qu'il n’y ait point parmi eux trop d’agents dangereux offensifs pour l’épithélium pulmonaire. Dans cet ordre d’idées, il faut citer la maladie des trieurs de laine, qui n’est autre que le charbon, dont la bactérie est inspirée par les ou- vriers qui respirent l’atmosphère des ateliers où se font les manipulations de laine provenant parfois de moutons charbonneux. L’air n’est pas seulement vecteur de germes, il trans- porte aussi des poisons volatils, produits bactériens, sus- ceptibles, dans certains cas, de causer des accidents morbides. On connaît ainsi la fièvre des égoutiers, la diarrhée toxique des étudiants qui fréquentent les amphi- théâtres de dissection ; la lièvre typhoïde a paru parfois ne pas reconnaître d’autre origine, témoin l’exemple de ce médecin de l’armée qui a succombé à cette maladie, pendant la campagne de Tunisie, pour avoir, ainsi que l’enquête l’a démontré, placé son lit de camp au-dessus d’une ancienne fosse d’aisances masquée par une dalle mal jointe recouverte d’une mince couche de terre, et aussi celui de ces sapeurs du 58e d’infanterie qui, seuls du ré- giment, contractent la fièvre typhoïde parce qu’ils cou- chaient dans une chambre dont la fenêtre, constamment ouverte, en raison de la chaleur de l’été, recevait les émanations d’une bouche d’égout non siphonné. La chambre est évacuée, la bouche d’égout obturée par une bonde siphoïde, et l’épidémie s’arrête. Les poussières. La question des poussières est inséparable de celle de l’air ; c’est par son intermédiaire qu’elles nous arrivent. La démonstration expérimentale peut être faite de leur importance dans la genèse des épidémies ; elle montre, en effet, la quantité considérable de germes qui peut être mobilisée par elles à l’occasion d’un balayage, par exem- ple, ou dans un courant d’air violent. Le nombre comparatif des colonies microbiennes que l’on aperçoit sur des boîtes remplies de gélatine nutri- tive ensemencées par simple exposition à l’air en fournit la preuve. Les colonies sont rares dans la boîte n° 1 ex- posée clans une atmosphère calme, très nombreuses au contraire dans la boîte n° 2 sur laquelle sont venues se fixer des poussières abondantes pendant le balayage d’une chambre de troupe. Celles-ci sont faites d’éléments minéraux et végétaux, de matières organiques provenant des sécrétions et des excrétions animales ayant subi la dessiccation, tels que les produits d’expectoration susceptibles de contenir les bacilles de la tuberculose, de la diphtérie, de la peste, de la grippe, etc. Ces germes, suivant leur vitalité variable, résistent plus ou moins longtemps à cet état de séche- resse, attendant l’occasion favorable à leur reviviscence. C’est ainsi cpie se propage |a tuberculose ; la bactério- logie a maintes fois retrouvé son bacille dans les pous- sières provenant d’appartements où avaient séjourné des tuberculeux. La diphtérie, la grippe, la variole, ont sou- vent frappé des personnes qui, venant occuper des loge- ments abandonnés depuis longtemps par des malades ayant souffert de ces maladies, soulevaient des poussières à l’occasion de leur installation nouvelle. Aitken a étudié la richesse comparative de l’air exté- rieur et de l’air intérieur en particules organiques ou mi- nérales. Ses expériences ont fourni les résultats suivants : 1 centimètre cube d’air extérieur renferme 130.000 poussières. 1 centimètre cube de l’air d’une chambre renferme 1.800.000 poussières. I centimètre cube de l’air d’une chambre, après ba- layage, renferme 5.420.000 poussières. II est facile de comprendre ainsi que la mobilisation et l’expansion des germes soient proportionnelles au nom- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES bre des particules solides mises en mouvement dans l'at- mosphère. On connaît, d’autre part, la classique expérience de Cornet, qui répandit sur le tapis d’une chambre un mé- lange desséché de poussières et de bacilles de la tuber- culose. Cinquante cobayes introduits dans la pièce et pla- cés à des hauteurs différentes inhalèrent ces poussières soulevées par le balayage. Deux cobayes seulement échap- pèrent à la tuberculose. Cette expérience montre du même coup et le rôle des poussières bacillifères et le danger du balayage à sec. Un exemple très suggestif du rôle des poussières dans la genèse des maladies épidémiques est fourni par la grave épidémie typhoïde qui frappa la brigade de dra gons à Reims en 1895, alors que toutes les autres troupes de la garnison restaient indemnes. L’enquête démontra, tout à la fois, la pureté des eaux de la ville et l’existence du bacille de la fièvre typhoïde dans les poussières sou- levées au cours des évolutions des escadrons sur le ter- rain de manœuvres. Celui-ci, antérieurement utilisé pour la culture maraîchère, était fumé avôc de l’engrais hu- main. De l’aveu des officiers et des hommes, l’odeur fécale était perceptible dans le nuage de poussière soulevé au passage des chevaux. L’eau. 11 est de notion courante que l’eau abrite et transporte des germes nombreux ; la preuve bactériologique en a été' faite maintes fois et l’on sait le souci constant du com- mandement et des médecins pour cette question. Ou’il s’agisse de choléra, de fièvre typhoïde, de dysenterie, l’eau est tout d’abord incriminée. Et, de fait, cette préoc- cupation est légitime ; les microbes s’y conservent vivants pendant un temps plus ou moins long, parce qu’ils y échap- pent à la dessiccation qui les détruit et trouvent dans ce milieu des matériaux nutritifs. Il y a lieu, à ce dernier point de vue, d’établir une sorte de classification suivant l’origine : les moins polluées sont les eaux de source ; viennent ensuite les eaux de citerne et de puits et enfin les eaux de rivière. Plus une eau est riche en matières organiques, plus elle constitue un milieu de culture favo- rable aux germes qui y sont introduits. Koch a retrouvé en effet, en 1884, le bacille du choléra aux environs de Calcutta, dans l’eau d’un étang qui servait à tous les usa- ges des riverains et où ils jetaient leurs déjections. Ce bacille était semblable à celui qu’il avait étudié en Egypte, l’année précédente, à l’occasion de la grande épidémie de 1883. Avant cette date on ignorait la cause véritable de cette maladie. Elle marque une étape mémorable dans l’histoire de l'épidémiologie et de la prophylaxie. Tous les germes peuvent se retrouver dans l’eau ; il n’est pas jusqu’au bacille de la diphtérie qui y vive pen- dant plus de huit mois, comme viennent de le constater, dernièrement encore, F. Seiler et W. de Stoutz dans une eau de source. Il serait facile de multiplier les exemples dont fourmille l’histoire médicale ; relatons quelques faits destinés à graver dans l’esprit le rôle de l’eau dans la genèse des épidémies. En 1893, le 55e d’infanterie, qui avait présenté quelques cas de choléra dans le courant de l’été, est envoyé aux manœuvres d’automne alors que son état sanitaire pa- raissait redevenu normal. Un certain nombre d’hommes, encore, avaient de la diarrhée qui ne suspendaient pas pour cela leur service et ne se plaignaient point. Le régi- ment arrive à Barrême, chef-lieu de canton des Basses- Alpes, et occupe les cantonnements qui lui avaient été préparés. Dans la nuit, des hommes logés au nord du village, trompés par l’obscurité, confondent avec la fouil- lée un terrain fraîchement remué à la suite de travaux de réfection d’une canalisation d’eau. Un orage violent sur- vient qui dilue et entraîne dans les profondeurs de ce sol éminemment perméable les déjections diarrhéiques dépo- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES sées à sa surface et les mélange à l’eau de la canalisation sous-jacente qui alimentait une fontaine du village. En quarante-huit heures, toutes les personnes qui avaient fait, au matin, usage de l’eau de cette fontaine furent at- teintes du choléra et trente-six succombèrent. La fontaine fut immédiatement condamnée et l’épidémie s’arrêta. Au cours de l’été 1904, la fièvre typhoïde éclate brus- quement dans un quartier de cavalerie à Saint-Etienne ; la brutalité de l’invasion et le nombre simultané des at- teintes font soupçonner immédiatement l’origine hydri- que. L’analyse bactériologique montre une différence no- table entre l’eau prélevée à cette caserne et les échantil- lons provenant d’autres casernes et de la ville. On note, entre autres faits importants, l’existence des microbes pro- venant des matières fécales. Une commission, désignée pour l’étude de celte question, fit les intéressantes cons- tatations que voici : Malgré les prescriptions antérieures relatives à l’ébul- lition de l’eau de boisson, en raison de l’état sanitaire de la ville et du régime actuel défectueux des eaux, consé- quence d’une sécheresse exceptionnelle, les hommes avaient bu de l’eau de la canalisation urbaine non bouillie. Or cette eau avait été refusée aux abreuvoirs par beau- coup de chevaux ; ceux qui en avaient bu présentèrent des coliques et de la diarrhée ; elle répandait une odeur fécale et urineuse dont la cause fut retrouvée dans la com- munication directe des latrines du système Mouras (vi- dange automatique par dilution simple) avec la canalisa- tion de la ville. Le dispositif du branchement d’amenée de l’eau de la ville dans la fosse, pour la dilution des matières et leur expulsion à l’égout était celui d’un siphon dont une des branches, la plus courte, plongeait dans le liquide féca- loïde ; l’autre se continuait avec la canalisation urbaine. L’amorçage, en temps normal, était assuré par la pres- sion dans cette dernière, mais se produisait en sens in- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES La Prophylaiie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES verse lorsque celle même pression devenait négative dans la canalisation en cas d’arrêt des eaux ; de telle sorte que le contenu de la fosse était aspiré dans les tuyaux et les réservoirs de la caserne au moment où la ville suspendait, par économie, scs distributions. 11 a suffi d’interrompre la continuité dans la branche courte du siphon pour parer à ce danger et arrêter l’épidémie. Ce fait valait la peine d’être cité, car il est unique et la souillure fécale de l’eau s’est produite dans ce cas par un mécanisme tellement particulier qu’il mérite d’être ap profondi. Aussi bien peut-on le rencontrer dans des loca lités où la canalisation d’eau présente, en raison de la topographie de la ville, les particularités relevées à Saint- Etienne. Il existe, en effet, dans le chef-lieu du départe- ment de la Loire, une canalisation centrale longue de 16 kilomètres environ, suivant le thalweg d’une vallée étroite sur les berges de laquelle la ville se trouve cons- truite. A son extrémité sud sont placés d'immenses réser- voirs dont l’altitude est à 160 mètres au-dessus du point extrême de la canalisation centrale urbaine, qui se con- tinue au nord pour desservir des villages situés plus bas encore à 5 et 10 kilomètres. Sur cette longue colonne li- quide, à pression excessive, viennent se brancher toutes les canalisations secondaires fies établissements et îles particuliers. On devine qu’en cas d’arrêt des eaux par fermeture des vannes au niveau des réservoirs, c’est le vide qui va se substituer à l’eau dans la canalisation cen- trale au fur et à mesure qu’elle se videra en aval, et qu’il va se faire sur tous les tuyautages latéraux un appel for- midable pour le combler, soit par l’air qui pénétrera avec violence par tous les robinets laissés ouverts, soit par des liquides provenant de réservoirs quelconques branchés sur la conduite. Dans le cas précédent, ce réservoir était une fosse d’ai- sances et des matières fécales étaient aspirées dans la ca- nalisation. Un dernier exemple, emprunté à Furnell et reproduit par Galliard, achèvera celte démonstration du rôle de l’eau comme agent propagateur des épidémies. 11 a pres- que la valeur d’une expérience de laboratoire. « La ville de Salem (Indes) est divisée en deux par un cours d’eau, torrent déchaîné pendant la saison des pluies et qui, pendant la sécheresse, n’est qu’une suite de bour- biers marécageux, presque sans écoulement ; ce cours d’eau est sacré. Avec son eau, les Brahmines et les In- diens font leur lessive et leur cuisine ; ils la boivent. Les musulmans et les Européens ne doivent pas toucher à cette eau. En 1881, le choléra ayant pénétré à Salem, les Indiens et les Brahmines furent atteints de la façon la plus cruelle ; les musulmans ne présentèrent qu’un très petit nombre de cas ; les Européens, aucun. Les parias doivent sc tenir éloignés de cette eau saine que leur ap- proche souillerait ; dans cette classe de gens si sales, si pauvres, il n’y a pas eu un seul cas de choléra. » Notons, avant de clore ce chapitre de l’eau, que sa ri- chesse bactérienne, pour considérable qu’elle soit, s’atté- nue à la longue sous l’influence de deux éléments : la dé- cantation naturelle, qui précipite toutes les matières eu suspension dans l’eau, y compris les germes, et la con- currence vitale, qui fait disparaître d’abord les espèces moins résistantes pour ne laisser subsister que celles douées d’une plus grande vitalité. Celles-ci finissent, à leur tour, par succomber grâce «à l’épuisement du milieu en matériaux nutritifs, de telle sorte qu’une eau dange- reuse peut, à la longue, devenir inoffensive, fait bien connu des marins dont les provisions d’eau douce subis- saient la putréfaction avant d’être consommées (eau pour- rie des marins). Cela se voit encore dans certains puits ou certaines citernes dont l’eau ne cause aucun accident tant que l’on a soin de ne pas agiter le fond. I.A PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 36 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Le sol. L’épidémiologie a l'ait jouer au sol une grande part dans la propagation des maladies et l’expérience, à dé- i'aut de la science, a permis depuis longtemps aux chefs de colonne de savoir quelle influence pernicieuse avait le sol sur la santé des troupes. L’infection tellurique est d’autant plus grande que les hommes stationnent plus longtemps au même endroit, et la dysenterie comme la lièvre typhoïde sont les hôtes assidus des camps. Les co- lonnes qui, en Algérie ou en Tunisie, lors de la con- quête, changeaient de campement tous les jours, présen- taient peu de malades ; leur état sanitaire s’aggravait im- médiatement par leur immobilisation. Ce rôle propagateur du sol s’explique par le grand nombre de bactéries qu’il renferme. Il est pour ainsi dire l’aboutissant naturel des germes de toute provenance, dé- jections humaines ou animales, normales et pathologi- ques, microbes en suspension dans l’air qui retombent à sa surface, germes des eaux servant aux irrigations ; tous* sont susceptibles d’être conservés par lui, grâce à l’abon- dance des matières organiques qu’ils y rencontrent favo- rables à leur conservation et à leur multiplication. Rien de surprenant, dès lors, que nous y trouvions des espèces pathogènes à côté des bactéries indispensables à la végé- tation, à l’élaboration et à la transformation de la ma- tière. Leur nombre n’est pas le même à toutes les profon- deurs ; à mesure qu’on s’enfonce dans le sol, les microbes diminuent : le maximum se trouve à 50 centimètres de la surface ; au delà de 3 mètres et demi à 4 mètres, on n’en trouve plus. La lumière, les agents physiques, chaleur, électricité, en détruisent une quantité considérable, ce qui explique leur plus grande abondance à 50 centimètres de profondeur, où se trouvent réalisées les conditions de chaleur, d’humidité et d onscurité eugénésiques. C’est ainsi que le bacille de la lièvre typhoïde, qui meurt rapi- dement à la surface du sol, se conserve vivant et viru- lent pendant cinq mois dans la profondeur. On retrouve partout dans la terre le bacille du tétanos, et Ton sait à quelles graves épidémies se trouvent exposés, de son fait, les blessés après les grandes batailles. Le vibrion sep- tique, agent de la gangrène gazeuse, complication le plus souvent mortelle des plaies, le vibrion du choléra, etc., se conservent aussi dans le sol. Mais le sol ne s’entend pas seulement de l’abri tellurique donné au germe ; il doit être entendu, dans le sens de notre élude, aux chambres des casernements occupées par les agglomérations humai- nes, et la liste est longue des épidémies dont il a hospita- lisé les germes et qu’il a propagées. Les planchers constituent, en effet, le sol ordinaire des chambrées dans les casernes françaises ; or, l’entrevous, espace creux sous-jacent aux frises des parquets, est le réceptacle de toutes les poussières et de tous les germes qui filtrent dans les interstices et s’accumulent à l’abri de la lumière. Même dans les pièces où le parquet est dans le meilleur état, parfaitement entretenu et ciré, l’infection est réalisée au-dessous de lui. On y trouve des bacilles de la fièvre typhoïde, de la diphtérie, de la tuberculose ; ceux de la suppuration y abondent et il n’est pas besoin d'insister sur les constatations déplorables auxquelles ex- pose l’examen des entrevous sous-jacents à un plancher en mauvais état. Une chambre de caserne fournissait de nombreux cas de fièvre typhoïde dans un régiment de l’Est dont les autres compagnies étaient indemnes ; une frise de parquet avait été mobilisée, grâce à laquelle les hommes faisaient passer dans l’entrèvous les détritus de toute sorte, afin de ne pas avoir la peine de descendre les ordures provenant du balayage quotidien. La frise était replacée après chaque nettoyage. Le bacille de la fièvre typhoïde fut retrouvée dans les poussières prélevées sous le plancher de cette chambre. La fièvre typhoïde cessa après la désinfection de l’entrevous. Et il n’est pas inu- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 37 38 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES tile, à propos de ce fait, de se mettre en garde contre l’in- souciante malpropreté des collectivités ; celle-ci n’est point, comme on pourrait le croire, l'apanage des races inférieures ou incultes ; il n’y a pas que les Indiens qui boivent l’eau dans laquelle ils lavent leurs linges et dépo- sent leurs déjections. L’analyse bactériologique d’une eau de citerne a permis de faire découvrir, il y a quelques années, comment les habitants d’un fort de l’Est utili- saient cette citerne comme fosse d’aisances. Il est vrai que c’était une citerne de guerre ; les germes auraient peut- être succombé avant la mobilisation. Les aliments. 11 ne fait aujourd’hui doute pour personne que les ali- ments véhiculent les microbes ; mais il y a une distinction primordiale à établir entre les substances alimentaires crues et celles qui ont été soumises à la cuisson avant de pénétrer dans le tube digestif. Celles-ci sont considérées comme inoffensives. Le pain. — Et tout d’abord le pain. 11 ne peut devenir dangereux que par une souillure accidentelle provenant des mains ou de toute autre cause, poussières déposées à sa surface dans les chambres, etc. C’est même là un des procédés ordinaires de propagation de la lièvre typhoïde chez les infirmiers qui négligent les précautions indiquées avant d’aller prendre leur repas en sortant des salles de malades : ils déposent sur leur pain les microbes qu’ils ont recueillis en manipulant les typhoïsants, leur lite- rie, etc. En dehors de cela, le pain, au sortir du four, est sté- rile, c’est-à-dire qu’il ne renferme aucun germe, alors même que l’eau ayant servi à sa fabrication en contenait des milliards. Un chef de corps invoqua cette genèse de la lièvre typhoïde dans une garnison où des épidémies graves et périodiques pesaient lourdement sur sa troupe et où l’eau de boisson dangereuse, soumise à l’ébullition LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 39 à l’intérieur de la caserne, était employée en ville à la fabrication du pain de munition sans stérilisation préa- lable. Nous fîmes à ce propos, sur l’ordre du directeur du service de santé, une série d'expériences toutes con- cluantes. Elles consistaient à mélanger en abondance à de l’eau stérilisée employée pour pétrir la quantité de farine d’un pain de munition des cultures liquides d’un bacille de la lièvre typhoïde très virulent. Des index fusi- bles à des températures de 120 à 200° étaient placés au centre du pâton avant la mise au four, afin de connaître le degré de chaleur qui pouvait être atteint en ce point pendant la cuisson. Disons de suite que le chiffre oscilla entre 150 et 180°, de beaucoup supérieur à celui où suc- combent tous les germes pathogènes. Les ensemence- ments faits avec la partie centrale de ce pain donnèrent toujours des cultures stériles et aucun des animaux qui en furent nourris ne présenta de symptômes morbides. Les légumes. — Les légumes crus ont été à maintes reprises signalés comme propagateurs des germes, prin- cipalement dans les régions où l’épandage se fait d’une façon défectueuse, où les maraîchers fument le sol avec l’engrais humain et utilisent pour l’arrosage des liquides produits de la vidange urbaine, ou des eaux souillées. L’eau qui sert au lavage domestique des légumes, si elle est de source suspecte, dépose également à leur surface les microbes dangereux qui pénètrent ainsi dans le tube digestif. Les expériences de Galippe, de Würtz et de Bourges ont démontré l’existence des microorganismes du sol dans l'intérieur des légumes. A s’en rapporter, d’autre part, aux expériences récentes de Manara (de Parme), le peu de faveur dont jouissent les beaux légumes poussés dans les champs d’épandage ne serait point sans fondement. Cet auteur cultiva des végétaux (orge, blé, chicorée, ra- dis, etc.) dans une terre préalablement stérilisée à l’au- toclave et arrosée ensuite avec des cultures de coliba- 40 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES cille (hôte habituel de l’intestin de l’homme et des ani- maux). Il retrouva ce germe avec toute sa virulence daqs les tiges des jeunes plantes. La preuve semble donc faite des dangers auxquels expose la consommation des légu- mes crus poussés dans certaines conditions. Mais il n’y a pas à redouter seulement la présence de microorganis- mes pathogènes à l’intérieur ou à la surface des légumes. On connaît, par la retentissante communication de Gui- gnard à l’Académie des sciences, en mars 1906, les acci- dents toxiques mortels dus à une espèce américaine de haricots vénéneux, le phaséolus lunatus, vendus en France sous le nom de haricots de Java et qui doit sa toxicité à l’acide cyanhydrique. Le haricot étant d’usage courant dans l’alimentation du soldat, point n’est besoin d’insister sur la gravité des faits signalés et la nécessité d’un con- trôle minutieux des denrées de cette nature. Le riz est incriminé dans la pathogénie de cette ma- ladie curieuse qu’est le béribéri épidémique. La viande. — L’on sait de quelle surveillance l’inspec- tion de la boucherie et des abattoirs entoure les viandes qui sont destinées à la consommation et quelles campa- gnes ont été menées contre les animaux tuberculeux. La loi du 28 juillet 1888 fixe même les conditions de la saisie de ces viandes. Bien qu’un certain nombre d’hygiénistes aient aftirmé leur innocuité, après cuisson, parce que le bacille de la tuberculose ne résiste pas aux températures élevées, il ne faut pas les considérer comme inoffensives ; car il existe dans ces viandes, en dehors du microbe vi- sible facile à constater, des poisons plus résistants sus- ceptibles de causer des accidents gastro-intestinaux qui, tout au moins, préparent le terrain à d’autres infections. A propos de ces poisons, il n’est point inutile de livrer aux méditations des officiers d’état-major, qui ont à fixer les étapes des parcs de bétail ou des troupeaux de ravitail- lement, les conséquences de la fatigue et du surmenage sur les animaux qui les composent. Des expériences ré- rentes et du plus haut intérêt, dues à MM. îluon et Mon- nier, ont démontré la présence, dans les viandes fiévreu- ses et surmenées, de poisons tout différents des toxines •diastasiques fragiles, fonctions de la vie microbienne, dé- truites par des températures de 120°, poisons compara- bles aux poisons minéraux organiques à molécule chi- mique fixe, indestructibles par la chaleur. L’injection des extraits de ces viandes, suivant qu'ils ont été chauffés ou non, amène la mort des animaux de laboratoire en trente-cinq minutes ou une heure et quart. Or, les alté- rations de l’état fiévreux ou de surmenage peuvent appa- raître immédiatement après l’abatage ou quelques heures après, ou même n’accuser à aucun moment des signes visibles ; cela dépend du degré de surmenage. Ces alté- rations, qui existent, dans ces cas, à l’état latent, abou- tissent cependant à l’élaboration de poisons dont la con- centration s’opère très facilement dans le bouillon de cuisson, véritable substratum de tous les produits solu- bles de la viande, mais aussi véhicule de toutes les sub- stances toxiques. On conçoit quels doivent être les effets de l’ingestion de semblables bouillons. Dans un ordre parasitaire plus élevé, on a signalé les dangers provenant de la consommation des viandes la- dres. La ladrerie des bovidés et des porcs, tænias (tænia du bœuf et tænia du porc) et la trichinose sont une preuve bien connue du rôle joué par les viandes dans la propa- gation des maladies. Conserves. — Cela intéresse l’armée en campagne au plus haut point, car le lard fait partie des approvisionne- ments de réserve, et nous amène tout naturellement à dire quelques mots des conserves de viande. Dans ces der- nières années, elles ont beaucoup fait parler d’elles et en mal. Des intoxications graves, dont quelques-unes suivies de mort, ont éveillé l’attention des pouvoirs publics, et des enquêtes minutieuses, jointes à l’expertise bactério- la PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 41 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES logique des conserves, ont démontré le peu de soins et l’absence de scrupules qui présidaient, dans certaines usines, à la fabrication d’un produit alimentaire de pre- mière importance en cas de mobilisation. Le résultat de ces travaux fut la suppression, dans les approvisionne- ments, des conserves étrangères et la réglementation pré- cise comme la surveillance et le contrôle des usines françaises adjudicataires des fournitures de ce genre. Si nous sommes assuré d’avoir aujourd’hui des conserves de premier ordre, grâce à l’amélioration de la fabrication, au choix des animaux et aux étroites garanties dont on entoure leur réception, il ne faut pas oublier que le moin- dre relâchement dans la surveillance expose à des fuites dangereuses. Les derniers scandales de Chicago (juin 1906), au sujet de la fabrication des conserves américaines, ne sont point pour modifier les mesures prises en France afin d’assurer à l’armée des conserves de premier ordre. On sait quelles pratiques invraisemblables et inqualifiables ont été mises à jour par l’enquête faite dans les usines et quel discré- dit en fut la conséquence pour cette branche importante de l’industrie américaine. Il est bon que les officiers de l'armée coloniale soient instruits des dangers auxquels expose la consommation de produits de cette nature-, dont l’écoulement peut trouver une voie facile- dans nos colo- nies. Huîtres. — Les huîtres ont été rendues responsables d’épidémies typhoïdiques, notamment à Saint-Servan. 11 parait aujourd’hui scienlifiquement démontré que ces mol- lusques ne peuvent causer d'accidents de ce genre qu’à la condilion d’être récoltés dans des parcs d’élevage insa- lubres ou dans des parcs d’engraissement, d’étalage ou d’expédition contaminés par le déversement d’eaux usées provenant d’agglomérations humaines, d’où le danger d’établir ces parcs à proximité des ports, des bouches d'égout, des cours d'eau suspects. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Lail. — Le lait est, à juste titre, considéré comme un des principaux vecteurs de la tuberculose intestinale chez les enfants. Il en existe de nombreux exemples indé- niables chez l'adulte : le lait des femmes tuberculeuses indemnes de manifestations mammaires peut contenir des bacilles, ainsi que l'ont démontré llogcr et Garnier par l’inoculation aux animaux ; ils est donc dangereux de laisser ces femmes allaiter leurs nourrissons, en dehors des inconvénients que cela présente pour leur santé gé- nérale. D’autre part, Calmette a démontré expérimentalement (compte rendu de l’Académie des sciences, février 1906) que non seulement l'ingestion du lait des vaches tuber- culeuses était dangereuse pour les sujets déjà atteints de tuberculose, mais n’était pas dépourvue de nocivité pour les individus sains. Chez les animaux de laboratoire tuberculisés, cette ingestion semble agir de la même façon que l’injection répétée de petites doses de tuberculine et avance très notablement la mort ; chez les animaux sains, les désordres observés sont parfois de tout point sem- blables à ceux qui succèdent à l’ingestion de petites doses de tuberculine. Les Anglais font jouer au lait un rôle très important dans la propagation de la scarlatine. D’autre part, Simp- son, cité par Roux, chargé d’étudier l’origine d’une épi- démie de choléra survenue à bord d’un navire mouillé en rade de Calcutta, découvrit que, sur dix matelots ayant bu du lait vendu par un indigène, neuf avaient contracté la maladie. Or, le lait avait été additionné de ~5 p. 100 d’eau puisée dans un étang où étaient jetées des déjections cholériques. Beurre. — Il résulte des recherches récentes du méde- cin hollandais W. Broers que le beurre, même salé, peut servir à propager la fièvre typhoïde, puisque le bacille typhique y reste vivant pendant deux à trois semaines. Fromage. — Le fromage n’a pas été incriminé, à notre 44 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES connaissance du moins, dans la propagation alimentaire des maladies. Doit-il cette absence de nocivité à sa ri- chesse bactérienne et la concurrence vitale y est-elle suffisamment active pour prévenir le développement des espèces pathogènes au profit des microbes saprophytes inoffensifs ? L’hypothèse paraît tout au moins justifiée par les recherches bactériologiques faites à l'Ecole de laiterie de Sornthal, en Suisse, par Adametz, sur la po- pulation microbienne de certains fromages succulents. En voici les résultats : 1 gramme d’Emmenthal frais contient de 90.000 à 140.000 microbes ; 1 gramme de fromage âgé de 71 jours contient 800.000 microbes ; 1 gramme de fromage mou âgé de 25 jours contient 1.200.000 microbes ; 1 gramme .de fromage mou âgé de 45 jours contient 2 millions de microbes. Ces chiffres s’entendent de la partie centrale du fro- mage. Sur les bords, la population prend des proportions autrement considérables, puisqu’elle atteint, pour le même poids de 1 gramme, 3.000.000 et 5.600.000 habitants. Les vêtements, le linge, la literie. On connaissait déjà au xve siècle l’influence du vête- ment sur la propagation de certaines maladies, puisque l'on brûlait, à Naples, les vêtements et la literie de toute personne morte de phtisie pulmonaire. On n’avait cure, à cette époque, des microbes ; mais la notion du contage existait. Elle nous importe beaucoup au point de vue militaire, puisque le soldat n’est pas propriétaire de ses effets et qu'à sa libération ils serviront à habiller les recrues. Le magasin de compagnie, de batterie ou d’escadron, récep- tacle des vêtements neufs et usagés, joue dans la revivis- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES cence ou la propagation des épidémies un très grand rôle. 11 suffit d'une négligence, d’un manque de surveil- lance dans les précautions prescrites relatives au nettoyage et à la désinfection des effets réintégrés pour que des épidémies de rougeole, de scarlatine, réapparaissent pé- riodiquement dans certaines casernes. Les vêtements abritent des germes et servent à leur dissémination, cela n’est pas douteux. En temps de choléra, les blanchis- seuses succombent en grand nombre ; trois personnes d'une même famille de blanchisseurs succombèrent de la variole lors de la dernière épidémie de Marseille, en 1901. Une femme meurt de la peste après avoir lavé le linge et les effets de son fils récemment débarqué d'un pa- quebot en provenance d’un pays contaminé. Un soldat de garde dans un hôpital s’esquive du poste pour aller se coucher dans le lit d’un scarlatineux, afin d’obtenir un congé de convalescence ; il contracte la scarlatine et avoue son imprudence avant de mourir. Les livres. Une jeune fille reçoit de Londres une lettre écrite par sa sœur, convalescente de la scarlatine ; autour d’elle se crée un foyer épidémique dont elle est le point de départ. Trousseau, qui cite ce fait, démontre du même coup la contagiosité à distance et le mode de propagation. Ce qui est vrai de la correspondance s’applique avec plus de vérité aux livres qui passent de main en main et dont l’usage dans les grandes villes, les hôpitaux, les agglomé- rations, se répand, grâce aux librairies d'abonnement, aux bibliothèques payantes et au besoin qu'ont les ma- lades de se distraire. Diphtérie, tuberculose, rougeole,, variole, scarlatine, peste, fièvre typhoïde, etc., peuvent se transmettre par ce procédé qui appelle une régle- mentation spéciale et l’obligation de désinfecter tous les livres à leur rentrée. 46 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Les i'ails suivants, rapportés par Josias à 1 Académie de médecine dans un rapport sur celte question, préci- sent la réalité de ces dangers. La municipalité de Kharkoff dut s'inquiéter, il y a quelques années, de la multiplicité des atteintes de tuberculose chez ses em- ployés, principalement ceux travaillant aux archives de l’administration. L’examen bactériologique de ces pa- piers démontra que la plupart étaient littéralement cou- verts de bacilles tuberculeux et l’enquête fit connaître qu’un employé, préposé à ce service, mort phtisique quel- ques années auparavant, avait la funeste habitude, très répandue d’ailleurs, de mouiller ses doigts avec sa salive pour tourner les pages. Il avait ainsi contaminé tous les feuillets des pièces et documents utilisés par lui et con- tribué à infecter ensuite ceux qui étaient venus à leur tour remuer ces poussières bacillifères. Le docteur Bensinger perd d’infection purulente une jeune femme récemment accouchée et le bébé qu’elle nourrissait. Surpris par ces décès, que les précautions antiseptiques minutieuses mises en œuvre auraient dû prévenir, le médecin en découvrit la cause dans un livre placé sous le chevet de la malade, livre de cabinet de lecture en fort mauvais état, que la mère avait coutume de lire en allaitant son enfant. L’examen bactériologique démontra, dans les produits de raclage de la couverture et de quelques feuillets, la présence en grande abondance du streptocoque pyogène, agent de l’infection purulente. Bien que l’expérimentation ait assigné pour certains mi- crobes pathogènes les durées maxima de vitalité sur les pages d’un livre, à savoir : cent trois jours pour le ba- bille de Koch, quarante-huit heures pour le vibrion du choléra, quarante à cinquante jours pour le bacille de la fièvre typhoïde, etc., il ne faut pas s’en rapporter d’une façon trop absolue à ces données ; car la réalité prouve la conservation, pour ainsi dire indéfinie, de cer- tains virus à la surface d’objets ayant servi à des scarla- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES EPIDEMIQUES tineux, des diphtériques, voire des tuberculeux, comme le démontre l’expérience des employés de Kliarkoff. î Agents» de propagation animés des germes morbides. Moustiques. Nous pénétrons ici dans un domaine nouveau dont la découverte date des vingt dernières années du xixe siècle. La démonstration est aujourd’hui acquise du rôle exclusif joué par les moustiques dans l’épidémicité du paludisme, et celte notion fera davantage pour notre expansion colo- niale que les expéditions les plus glorieuses ; elle est due à notre maître, le docteur Laveran. Après avoir démontré que la cause du paludisme était un protozoaire parasite du sang, Laveran émit l'hypo- thèse qu’un hôte intermédiaire, le moustique, devait servir à son développement et transmettre la maladie à l'homme par ses piqûres. G. Ross, Manson et Grassi confirmèrent l’exactitude de celte hypothèse, déterminèrent le cycle évolutif du parasite dans le corps de l’anophélès claviger, moustique toujours retrouvé dans les pays palustres. L’infection se fait de deux façons : Par piqûre : la femelle, qui seule pique, introduit les germes dans la circulation sanguine. Par ingestion : « Les œufs et les larves des moustiques sont absorbés en même temps que l’eau potable et passent du tube digestif dans le sang (1). » Les insectes piquent de préférence au coucher du soleil, la nuit et le matin, très rarement dans la journée, ce qui explique la fréquence plus grande des atteintes à ces heures et aussi pourquoi les personnes rebelles aux pi- qûres de moustiques restent indemnes de malaria ; pour- (1) Le Dantec. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES quoi également le voisinage des marais et des bois, séjours préférés de ces insectes, est dangereux pour l’homme. Le paludisme n’est point seul transmis par le mousti- que. Un insecte de la même famille, le stegornya fasciata, est l’agent de transport de la fièvre jaune, dont le germe est encore inconnu. Carlos Finlay croyait déjà, en 1881, à la transmission du typhus amaril par les moustiques. L’occupation américaine de Cuba permit à Caroll, Agra- monle, Roed et Gorgos, directeur du service de santé américain à La Havane, d’arriver aux conclusions sui- vantes : « Le stegornya fasciata es!t l’hôte intermédiaire du typhus amaril. La fièvre jaune se transmet à l’homme par la piqûre d’un moustique qui a préalablement sucé le sang d’individus déjà infectés. » Les Américains, pour acquérir la certitude des con- clusions que je viens de citer, n’hésitèrent pas à sou- mettre des sujets sains aux piqûres de moustiques gorgés du sang des malades atteints de la fièvre jaune. Tous firent une fièvre jaune classique, bien qu'atténuée. La mission française envoyée en 1901 à Rio-de-Janeiro est arrivée à des conclusions analogues. Le virus de la fièvre jaune existe dans le sang des malades. Il donne au sérum de ceux-ci, arrivés à la période de convales- cence, des propriétés nettement préventives. L’immunité conférée par l’injection de ce dernier à un individu sain le met à l’abri pendant vingt-six jours. Le moustique, pour déterminer la maladie chez l'homme, doit s’être préala- blement infecté en absorbant le sang d'un malade pendant les trois premiers jours de la maladie. Le moustique infecté n’est dangereux qu’après un inter- valle d’au moins douze jours écoulés depuis qu'il a ingéré du sang virulent. Les effets, les excrétions du malade, son contact, ne transmettent pas la maladie. Là où il n’existe pas de stegornya fasciata, il n'y a LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES pas de fièvre jaune. Ces faits nouveaux sont dignes de fixer l'attention et particulièrement intéressants ; pour les officiers des troupes coloniales, qui auront à tirer profit de ces connaissances aux colonies, ils sont de première importance. Mouches. Mais les moustiques n’ont pas le monopole de la trans- mission des germes. On sait en France depuis long- temps que les mouches peuvent transmettre le charbon. Les bacilles de la tuberculose, de la peste, etc., ont été retrouvés par les bactériologistes dans la trompe et le corps des mouches, dans leurs déjections ; elles peuvent donc les transporter et les disséminer partout. La communication de Chantemesse à l’Académie de médecine (octobre 1905), sur le rôle des mouches dans la propagation du choléra, a rappelé l’attention publique sur les inconvénients du voisinage de ces diptères pour l’homme. Cet auteur a montré que, dix-sept heures après s’être repues de produits cholériques, les mouches con- servaient encore des bacilles virulents sur les pattes et dans les trompes, comme aussi dans leur cavité intes- tinale. Aussi nous a-t-il été donné de voir un jury composé de Berthelot, Roux, Chantemesse, appelé à classer par ordre de mérite les inventions destinées à la destruction des mouches à la suite d’un concours établi par un grand journal politique. Il n’eût peut-être pas été inutile, avant de mettre sa tête à prix, de songer que la mouche n’a point la charge exclusive de contribuer à la destruction de l’espèce humaine et qu’elle joue certainement un rôle dans la dissémination et la transformation de la matière organique, source de toutes les fermentations nuisibles à l’homme. Les dangers auxquels nous exposent les mouches en Europe ne sont rien comparés à ceux récemment signalés . * La Prophylaxie. sur le continent africain et que font courir aux noirs et aussi, mais plus difficilement, aux Européens, des mou- ches appartenant au genre Glossina, vulgairement dénom- mées tsé-tsé. Parmi elle, la glossina palpalis inocule à l’homme le trypanosome, parasite pathogène de la ma- ladie du sommeil, affection qui prend des proportions inquiétantes au Sénégal, au Soudan, dans la Guinée fran- çaise, au Dahomey, au Bénin, au Cameroun, au Congo et dans l'Ouganda. Le trypanosome est encore un hématozoaire. Rats. Nous nous élevons dans l’échelle des êtres et nous terminons cet exposé, nécessairement très bref, des agents de propagation des germes morbides par les rats. La peste, qui semblait éteinte depuis longtemps, s’est cruel- lement réveillée aux Indes au cours de ces dernières années. C’est à l'occasion de ce réveil qu’un médecin français, Yersin, découvrit le microbe et le sérum cura- teur de la maladie. Or, il résulte de l’étude de ces der nières épidémies que la peste est d’abord une maladie des rongeurs, laquelle se transmet à l’homme par l’intermé- diaire des puces dont ils sont infectés. Des expériences de Simond paraissent absolument confirmatives de cette hypothèse et, bien qu’elles aient été discutées, il n’en demeure pas moins acquis que la peste nous vient des rats et que les personnes qui louchent leurs cadavres, comme le fait a été relevé couramment à Bombay, con- tractent la maladie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES CHAPITRE VI MODE D’ACTION DES GERMES ET DES PARASITES Il ne suffisait pas à la médecine d’avoir découvert la cause vivante des maladies ; l’étude du mode d’action de -cette cause sur l'organisme humain la conduisit à des constatations du plus haut intérêt. Action mécanique. L'on croyait, au début, à une action mécanique ; le charbon contribua à asseoir cette hypothèse ; il est facile de constater au microscope, chez les animaux qui suc- combent à cette maladie, l’obstruction des vaisseaux capil- laires par de véritables amas de bactéridies. On sait aujourd’hui que celles-ci amènent la mort par leur avidité pour l’oxygène dont elles privent les globules du sang et aussi par la sécrétion d’un poison particulier. Action toxique. Car le processus le plus habituel est celui de l'intoxi- cation. Les microbes produisent des poisons ; la preuve en a été faite par la filtration des cultures liquides qui, privées ainsi d’éléments figurés, conservaient néanmoins des propriétés toxiques. Ces poisons, qui ont reçu le nom générique de toxines microbiennes, sont multiples ; ils entrent dans le cadre des substances albuminoïdes déri- vées de la vie cellulaire. On est beaucoup mieux fixé sur leur toxicité et ses effets que sur leur composition chi- mique exacte. Parmi eux il faut faire une place à part à ceux qui ont la propriété de détruire les globules blancs (leucocydines) et les globules rouges (hémolysines), en raison de la participation capitale de ces cellules à la ■défense de l’organisme. En résumé, ce qu’il importe de retenir, c’est que les germes microbiens nous empoisonnent par leurs sécré- tions toxiques et que la maladie est autant le fait du pas- sage de ces poisons solubles que de la présence des microbes dans la circulation générale. Il est même des maladies, telles que le tétanos ou la diphtérie, dans lesquelles l'intoxication est seule en cause, les microbes restant cantonnés à leur point d'inoculation et ne se gé- néralisant jamais, du moins d'après les données de la science actuelle, sujette à révision, à en juger par la généralisation expérimentale du tétanos obtenue récem- ment par Vincent, en soumettant les animaux à certaines conditions de température extrême. Destruction globulaire. Les parasites du sang n’agissent pas de la même façon. En ce qui concerne le paludisme, bien que le fait n’ait pu être démontré expérimentalement, nous sommes auto- risé à soupçonner l’existence d’un poison sécrété par l'hématozoaire de Laveran. Mais ce n’est point le pro- cessus d’intoxication qui importe le plus dans la patho- génie des accidents : c’est l’action destructive directe du parasite sur le globule sanguin. L’hématozoaire vit aux dépens de ce dernier, auquel il soustrait son hémoglo- bine, substance grâce à laquelle l’oxygène est fixé et Iransporté dans les derniers recoins de l’organisme, où il sert aux combustions. Les globules rouges privés d'hémoglobine sont détruits, et la destruction globulaire peut être tellement intense que j’ai vu des malades perdre ainsi près de 2 millions d’hématies au cours d'un seul accès. Ces faits expliquent la pfdeur et l’anémie bien connues des coloniaux profondément touchés par le palu- disme. Ce qui vient d’être dit de la malaria ne s’applique pas à la maladie du sommeil. Le trypanosome, signalé comme la cause de cette affection, n’altère pas le sang de la LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES même manière, tout au moins ne détruit-il point les globules sanguins, à en juger par les numérations faites chez des malades arrivés près de leur fin, qui ont fourni des chiffres globulaires sensiblement normaux. Il y a lieu de croire que les produits toxiques résultant de la vie parasitaire jouent ici le rôle principal et amènent les altérations inflammatoires révélées par l’anatomie patho- logique et l’histologie sur les méninges cérébro-spinales. Contagion. Toutes les données qui précèdent mettent à même de comprendre la contagion, cette propriété de certaines maladies épidémiques de se transmettre, soit par contact direct de l’homme sain avec l'homme malade, soit par un intermédiaire quelconque, inerte ou vivant. Spécificité. L’on comprend également comment la spécificité est créée par l’intervention d’une cause toujours semblable à elle-même. Epidémicité. Enfin, l’état épidémique devient la conséquence de la contagion si l’on considère le groupe des maladies mi- crobiennes, les affections parasitaires restant spécifiques et épidémiques sans que l’on soit autorisé à les consi- dérer comme contagieuses. Après la connaissance de la graine, de son mode de pénétration, de son siège, de ses voies d’élimination, de ses moyens de propagation et de son action, il importe de savoir, pour réunir tous les éléments nécessaires à la solution du problème prophy- lactique, comment l’organisme, c’est-à-dire le terrain, l’accueille et se défend contre elle. CHAPITRE VII LE TERRAIN. - L’ATTAQUE ET LA DÉFENSE DE L’ORGANISME L'attaque. Nombre de germes. Lorsque les microbes se fixent dans les tissus, pour que l’état de maladie soit constitué, il faut qu’ils vivent,, pullulent et sécrètent des substances nocives, car le nombre des assaillants est un facteur qui, en l’espèce, a une grande importance. Si cette condition n’est pas absolue, parce que la nature et la virulence des poisons microbiens sont variables et entrent en ligne de compte, elle est assez générale et des expériences de Walson- Cheyne l’ont rendue évidente. Il faut injecter 250 millions de certain microbe, le staphylocoque, sous la peau d’un lapin pour produire un abcès ; 1 milliard sont nécessaires pour le tuer. Avenir des germes. Des éventualités diverses sont possibles quand les germes ont envahi un point de l’économie. a) Leur virulence est nulle et ils disparaissent avec la plus grande rapidité, absorbés, digérés par certains organes dont il va être, parlé. . Lésion locale. b) Sont-ils pathogènes, les sécrétions toxiques amènent,. in situ, une réaction locale vive qui se traduit par l’exsu- dation de liquides issus des cellules et l’apparition sur le territoire envahi des policiers de l’économie : les leu- cocytes ou cellules blanches du sang. La lutte qui s’engage entre ceux-ci et les envahisseurs limite les accidents a une lésion locale qui circonscrit l’infection et fait, pour ainsi dire, la part du feu. Ce sont, par exemple, la rougeur, le gonflement et la suppuration du panaris consécutifs à la piqûre septique d’une extrémité digitale. Infection générale. c) Lorsque ceux-ci sont doués d’une virulence très grande, la défense locale est insuffisante, la généralisa- tion ne tarde pas à se faire et l’infection se constitue, les microbes pénètrent au delà de leur porte d’entrée par la voie lymphatique ou veineuse après avoir provoqué ou non une lésion locale. C’est alors qu’interviennent, pour la protection et la défense de l'individu, les forteresses ganglionnaires pla- cées sur la voie lymphatique pour enrayer les progrès de l’ennemi. Ce sont les adénites inguinales, par exemple, consécutives aux excoriations provoquées par l’exercice du cheval. Leur apparition est parfois accompagnée ou suivie d’un violent frisson qui annonce la pénétration dans l’organisme du germe infectieux qui a forcé la résistance locale. Cette étape ganglionnaire marque une des phases de la généralisation ; si la barrière opposée à l’envahissement est franchie, l’infection générale s’établit avec toutes ses conséquences. Lai défense. Le phagocytose. Ce mécanisme de l’exode leucocytaire, cette mobili- sation d’organes spéciaux dont la mission est d’assurer LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 55 56 la propreté de l’organisme, de recueillir toutes les parti- cules vivantes ou inertes égarées en dehors de leur voie normale, tout cela 11‘est pas une conception théorique, et le microscope permet de saisir la matérialité du phéno- mène. Metchnikoff, qui l’a découvert, lui a donné le nom de phagocytose (de cpayav, manger; xutoç, cel- lule), il joue un rôle capital dans la défense de l’orga- nisme et cela explique le peu de résistance qu'offrent aux infections les individus anémiés dont le sang appau- vri est impuissant à fournir la quantité de globules blancs indispensables à la destruction des germes envahisseurs. Antitoxines. L’organisme n'est point cependant, pour cela, voué à la destruction ; la lutte locale entre le germe et les pha- gocytes va se continuer dans le sang où ceux-ci abondent, et aura pour conséquence, outre l’anéantissement micro- bien, la création de ce qu’on a appelé l’état bactéricide des humeurs et le développement de produits diastasiques, les antitoxines, fonction de la vie des leucocytes, qui seront, pour ainsi dire, les antidotes des poisons bacil- laires. On sait que les substances développées sous l'in- fluence des poisons microbiens sont de deux sortes, bactéricides et anlitoxiques, les premières agissant sur le microbe, les secondes augmentant la résistance orga- nique. L’observation et l’expérimentation ont, en effet, démontré depuis longtemps que le sérum des animaux qui ont résisté à une infection contient des substances susceptibles d’annihiler les poisons sécrétés par les ger- mes pathogènes de cette même infection. Immunité. Ainsi se trouve créée et expliquée l’immunité, cet état particulier de nos humeurs, résultat d'une première in- fection, laquelle met à l'abri d'une seconde atteinte de la même maladie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 57 Sérothérapie. Cette notion fut féconde en applications pratiques, puisqu’elle a été l’origine des méthodes de sérothérapie qui ont eu un si grand retentissement dans la seconde moitié du siècle dernier et ont doté la science des sérums antidiphtéritiques, antipesteux, etc. Ce que je viens de dire des microbes paraît, à en croire les recherches modernes, devoir s'appliquer aux hématozoaires, du genre trypanosome, qui succombent dans le sang d’animaux ayant antérieurement reçu plu- sieurs injections de parasites de cet ordre. En montrant le microbe aux prises avec les éléments cellulaires dans l’attaque du terrain et les ressources utilisées par celui-ci pour y résister et fabriquer le con- tre-poison, nous avons approfondi et pénétré le processus de défense ; mais l’organisme utilise encore pour sa pro- tection, en dehors des leucocytes, les propriétés d’autres organes, tels que le foie, grand destructeur de poisons, les épithéliums de revêtement, ceux de l'intestin, des glandes, etc. Les données précédentes permettent de comprendre la prophylaxie vraiment scientifique et raisonnée à laquelle elles ont servi de base. Instruits de la nature, du siège, des voies d’élimination, des moyens de propagation de l’agent infectieux, nous savons où l’atteindre pour le détruire, comme aussi nous adresser au terrain récepteur afin de le prémunir contre les atteintes du mal, augmenter sa résistance et le défendre des causes d’affaiblissement qui favorisent la pénétration et la pullulation des germes. Ces notions permettent d aborder l’étude de la prophy- laxie proprement dite. TITRE II LA PROPHYLAXIE PROPREMENT DITE CHAPITRE PREMIER MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT L’AGENT PATHOGÈNE ASEPSIE. — ANTISEPSIE. - DÉSINFECTION Du jour où la notion clu germe vivant fut soupçonnée et que l’on put attribuer à son action les complications des plaies, la chirurgie se mit en devoir d’en défendre le blessé. Ignorante du siège de ces ennemis invisibles, elle attribua à l’air le seul rôle dans leur dissémination et se préoccupa d’abord de prévenir son accès sur les blessures et de détruire les germes dans l'atmosphère. De là est née la méthode des pansements ouatés occlu- sifs du chirurgien français A. Guérin (1870), grâce aux- quels il espérait dépouiller l’air de ses germes par filtra- tion à travers les énormes couches de coton dont il enve- loppait ses blessés. Les résultats, bien que supérieurs à ceux de ses prédécesseurs, ne répondirent pas toujours à ses espérances. On enfermait trop souvent le loup la bergerie. Le chirurgien anglais Lister, depuis 1865, avait commencé des recherches qui aboutirent à une véri- table révolution dans la technique chirurgicale et permi- rent à la chirurgie de prendre le merveilleux essor que l’on sait et sauvèrent des milliers d’existences. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 59 L’antisepsie chirurgicale. Lister chercha à détruire les virus partout où il suppo- sait que l’air avait pu les déposer : mains du chirurgien, instruments, objets de pansement, téguments du malade. Il employait à cet effet le désinfectant le plus efficace connu de son temps, l’acide phénique. C’est de lui que datent les pulvérisations phéniquées et les pansements phé- niqués. La science a marché depuis 1875, époque à laquelle les premiers essais de listérisme furent faits dans notre pays ; il est vrai de dire que l’acide phénique nous revenait sacré par l’étranger, puisque Lemaire l’avait employé en France, dès 1860, dans la thérapeutique chirurgicale. Pendant les premières années qui ont marqué l’appli- cation de la méthode, la préoccupation de l’air hanta les chirurgiens, et les salles d’opération étaient baignées d’une buée phéniquée compacte, répandue à jets continus par des pulvérisateurs puissants, qui ne tuait pas beau- coup de germes, mais incommodait hautement le blessé, le chirurgien et ses aides. Le spray, comme on appelait cette vaporisation phéniquée, n’existe plus aujourd’hui ; on détruit les germes ailleurs que dans l’atmosphère, qui ne constitue qu’un danger négligeable ainsi que l’expéri- mentation l’a prouvé. Asepsie. — Antisepsie. ün emploie actuellement des moyens antiseptiques va- riés lorsqu’il est nécessaire de recourir à la destruction des microbes en matière chirurgicale ; mais nous préfé- rons d’ordinaire faire appel à des méthodes plus inoffen- sives pour les tissus et les malades et utiliser les procédés qui réalisent l’asepsie, c’est-à-dire la privation des ger- mes au lieu de l’antisepsie qui visait leur destruction. Quoi qu’il en soit, le but à atteindre est la disparition des germes. La désinfection solutionne ce problème et LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES constitue J a méthode de prophylaxie par excellence ; elle tue le microbe et supprime du même coup le poison et son producteur. Nous sommes tout naturellement amenés à son élude détaillée par les considérations précédentes, encore qu’elles soient d’ordre chirurgical, parce que c'est la chirurgie qui a inspiré les idées de désinfection et que la voie où elle nous a conduits' permet aujourd’hui de guérir les blessures de guerre dans des proportions in- connues jusqu’à ce jour, à en juger par les renseigne- ments sur la guerre russo-japonaise. Bactériothérapie. 11 n’est pas inutile de dire auparavant quelques mots u une méthode scientifique peu utilisée encore, il est vrai, pour la destruction des germes pathogènes, mais qui mérite d’être signalée en raison des espérances qu’elle fait naître et qu’il appartient à l’avenir de justifier. Il s’agit de la bactériothérapie, c’est-à-dire du procédé qui utilise l’antagonisme de certains germes entre eux. Charrin a démontré, il y a déjà quelques années, que le cobaye, animal éminemment réceptif, ne succombait pas au charbon si l’on circonscrivait la lésion charbonneuse, au point d’inoculation, par l’injection du bacille pyo- cyanique. La tuberculose elle-même voit sou évolution retardée pendant longtemps par le bacillus subtilis, em- ployé comme le précédent. Sans insister sur ces faits, qui ouvrent de larges horizons, on comprend comment ils entrent dans le cadre des moyens prophylactiques qui s’adressent à l’agent pathogène. Désinfection. La désinfection figure dans la loi du 15 février 1902, sur la protection de la santé publique ; elle a donc un caractère officiel. La notice n° 7 du règlement sur le service de santé à l’intérieur indique les procédés utilisés dans l’armée. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 61 Le comité consultatif d’hygiène publique de France a mission de contrôler la valeur des procédés de désin- fection qui doivent être appliqués à la prophylaxie des maladies épidémiques. Il est clair que ceux-ci doivent offrir toutes les garanties nécessaires. La loi, exigeant la déclaration des maladies infectieuses et les mesures de désinfection destinées à en prévenir l’extension, avait le devoir de s’assurer que les procédés mis en usage par les particuliers ou des industriels étaient réellement efficaces et répondaient au but à atteindre, à savoir la destruction des germes pathogènes. Le décret du 7 mars 1903 a prescrit les expériences nécessaires à la vérification des appareils proposés. Le service de la désinfection est organisé à Paris d’une façon remarquable tant par la Ville elle-même que par les industries privées ayant reçu l’approbation ministé- rielle. Lorsqu’un cas de maladie contagieuse est signalé, les équipes de désinfecteurs se transportent au domicile du malade, où toutes les mesures sont prises pour la désinfection des locaux, des effets, de la literie, du linge, etc., etc. La loi a prévu et un règlement d’administration publi- que de juillet 1906 règle l’organisation et le fonctionne- ment du service de désinfection obligatoire en France. La pratique démontrera si les résultats correspondront à l’effort considérable qui va être fait ainsi dans l’intérêt de la santé publique. A en croire, en effet, les relevés statistiques, il ne semble pas que la désinfection ait influencé sensiblement et réduit la morbidité des ma- ladies transmissibles. La Semaine médicale publie à ce propos les chiffres suivants pour Paris (25 juillet 1906) : LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES ANNÉES. Variole. Scarlatine. Diphtérie. Fièvre typhoïde. Rougeole, 1895.... 542 3.279 4.327 1.389 )) 1896.... 551 3.284 3.741 1.243 )) 1897.... 484 1.794 2.768 1.342 )) 1898.... 321 3 887 2.551 1.288 » 1899.... 256 5.060 2.996 4.329 I) 1900.... 1.617 3.838 2.967 4.922 )) 1901.... 2.888 3.082 4.878 1.955 )) 1902.... 855 3.474 5.630 2.183 » 1903.... 547 3.592 4.653 2.045 4.432 1904.... 822 3.265 3.707 2.635 8.548 1905.... 887 2.952 3.052 2.071 8.564 A noter que la déclaration obligatoire de la rougeole date seulement de 19ü3. année dont le ehilïre 4.4322 représente la morbidité pour les neuf der- niers mois. Faut-il conclure de ces chiffres à l’inefficacité, partant à l’inutilité de la désinfection, mesure prophylactique coû- teuse qui ne conserverait dès lors d’autre caractère que d'être purement vexatoire ? Je ne le pense pas. L’expéri- mentation a surabondamment prouvé l’efficacité des pra- tiques de fa désinfection, et, si elles ne paraissent pas avoir réalisé jusqu’ici les espérances qu’elles avaient fait naître, il faut en accuser, d’une part, la déclaration incomplète des maladies contagieuses, et, d’autre part, l’application trop souvent défectueuse et sommaire des procédés antiseptiques au domicile des malades. 11 reste incontestablement de grands progrès à accomplir dans le choix des méthodes les plus efficaces et les plus rapides : mais il ne saurait faire doute que celles actuellement mises en usage aient déjà rendu de signalés services à la cause de la prévention des maladies épidémiques. La désinfection s’obtient par deux ordres de méthodes : 1° Celle qui utilise des agents physiques (air, lumière, chaleur, électricité, pression, filtration, friction) ; 2° Celle qui emploie, avec ou sans le secours d’appa- reils, des substances chimiques dites antiseptiques (sels métalliques, alcalis, acides). LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 63 1° Agents physiques de désinfection. Air et lumière. L’air et la lumière détruisent les microbes ; c’est là une des principales sources de purification de l’atmos- phère ; les expériences sont classiques dans les labora- toires, qui démontrent l’innocuité du bacille de la diph- térie, par exemple, exposé à l'air et à la lumière pendant vingt-quatre-heures. L’oxygène s’oppose à la végétabilité des espèces dites anaérobies, c’est-à-dire qui vivent sans air. L’action de la lumière solaire est très réelle sur la plupart des germes pathogènes et on sait de plus que les rayons bleus, violets et ultra-violets possèdent une action bactéricide plus marquée que les rayons rouges. Nous voyons une application de ces notions dans l’aération large des chambres et l’exposition au soleil de la literie, des effets, dans nos casernes. La récente découverte de Claude, relative à l’extraction industrielle de l’oxygène de l’air (compte rendu de l'Aca- démie des sciences, 1905) ouvre une large voie à la désin- fection obtenue par l’oxydation rapide des matières organiques, et ce ne sera peut-être point là une des appli- cations les moins intéressantes de cette grande découverte. Chaleur. La chaleur est également microbicidc ; mais son action est différente suivant qu’elle est sèche ou humide. La chaleur sèche doit atteindre un degré d’élévation de beau- coup supérieur ; 180° sont nécessaires pendant trois quarts d’heure pour rendre stériles les objets soumis à l’action de la chaleur sèche, non point que les bactéries ne soient détruites par des températures inférieures ; mais les spores microbiennes, formes jeunes des infiniment petits, résistent davantage en raison de leur constitution et des LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES couches albuminoïdes qui les enveloppent et les protègent. C’est ainsi que MM. Claudot et Nielot viennent de démon- trer, par des expériences récentes, l’imperfection du pro- cédé de flambage à l’alcool des récipients et des instru- ments de chirurgie, qui, dans certaines conditions, laissent persister des germes pathogènes. La chaleur humide est beaucoup plus efficace. L’ébulli- tion ne laisse guère survivre que des spores particulière- ment résistantes ; le chauffage humide tue les germes entre 50° et 70°. Pasteur utilisait cette propriété, avant la création d’appareils spéciaux, dans son stérilisateur à va- peur d'eau. Le froid n’est pas mentionné parmi les agents micro- bicidcs, parce qu’il est sans effet sur eux. Pictet a sou- mis des bactéries à des températures de — 110° et 120° sans les tuer. D’Arsonval en a plongé dans de l’air liquide à — 130° sans leur faire perdre leur végétabilité. Pression. — Eluves. — Mais les conditions changent lorsque la pression intervient et ajoute son action à celle de la chaleur humide, car, isolée, elle est inefficace. Les appareils modernes qui réalisent l’asepsie absolue sont tous basés sur le principe de l’autoclave qui utilise la vapeur d’eau sous pression. Ce sont les étuves, à l’aide desquelles il est possible d’obtenir, sous 2 atmosphères environ, des températures de 115° à 120° qui détruisent en vingt minutes les bactéries et leurs spores, alors que la chaleur sèche, dans le même temps et à des degrés plus élevés, ne donne aucune sécurité. Le maniement de ces appareils exige une éducation particulière, faute de la- quelle l’on peut être exposé à des erreurs. La principale et la plus grave consiste à ne point purger complètement la chambre de vapeur de l’air qu’elle contient et de celui renfermé dans les objets à désinfecter, de telle sorte que Je manomètre fournit une indication excessive en rapport avec la tension du mélange et non avec celle de la vapeur d’eau seule. La nécessité du contrôle s’im- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES pose, destiné à prévenir les conséquences ducs à la négli- gence des désinfecteurs ; ce contrôle s’exerce à l’aide de thermomètres enregistreurs, appareils ingénieux qui don- nent la courbe de la température pendant toute la durée de l’opération et fixent sur le degré atteint à chaque mi- nute. L’on peut être ainsi assuré de l’efficacité d’une dé- sinfection. Les deux modèles d’étuves utilisés dans l’ar- mée sont celui de Ceneste et Herscher et celui de Vaillard et Besson. Le reproche fait aux étuves à vapeur sous pression est l’altération subie par certains objets, notamment ceux de cuir, ainsi que les plumes, les fourrures, etc. ; d’autre part, les taches sont fixées d’une manière indélébile si l’on n’a pas pris la précaution de nettoyer soigneusement les tissus avant leur passage à l’étuve ; ceux-ci subissent, en outre, une sorte de foulonnage qui les densifie, pour ainsi dire, et rendrait leur altération et leur usure plus faciles dans la suite. Certains conseils d’administration ont dû, après des opérations générales de désinfection, demander au Ministre des sommes importantes pour la réparation ou la réfection d’effets devenus inutilisables. Quoi qu’il en soit de ces inconvénients, les étuves à vapeur sous pres- sion ont rendu des services inappréciables à la prophy- laxie des maladies contagieuses. Il en existe deux modèles : les étuves locomobiles et les étuves fixes. Les premières sont appelées à fonc- tionner dans les casernes, où elles sont envoyées périodi- quement ou occasionnellement lorsqu’il s’agit de procé- der à des désinfections importantes ; on évite ainsi le transport à distance et les manipulations de la literie et des effets. Les étuves fixes sont celles installées à demeure dans les lazarets de quarantaine, dans les grands hôpi- taux, dans les stations de désinfection. Elles ont été perfectionnées par certains fabricants, de façon à éviter le gros ennui d’avoir à faire sécher les effets après leur désinfection. Des dispositifs ingénieux La Prophylaxie. permettent d'e dériver le courant de vapeur d’eau, de le faire servir au chauffage et à la dessiccation du logement central de l’étuve, de telle sorte que tous les objets sor- tent de là complètement secs. On verra plus loin que le problème de la désinfection par les étuves paraît avoir été réalisé dans les appareils de ce genre qui utilisent des vapeurs antiseptiques inoffensives pour les tissus et les diverses sortes d’objets. Electricité. L’électricité est microbicide ; le passage d'un courant à travers un bouillon de culture arrête la végétation des espèces bactériennes ; que ce courant soit galvanique ou faradique, le résultat est le même. Mais le maximum d’effet est obtenu avec les courants à haute fréquence de d’Arsonval, dont les tensions considérables, grâce au dis- positif connu du solénoïde, sont sans danger pour notre organisme et permettraient d’atteindre les germes dans les tissus humains. On sait les espérances qu’a fait naître celte découverte et que, pour la tuberculose en particu- lier, l’atténuation de la vitalité bacillaire a été constatée. Une autre application heureuse et féconde de l’électri- cité, sur laquelle nous reviendrons à propos de la stérili- sation des eaux, est l’ozonisation. L’air électrisé et formé en ozone tue avec une très grande rapidité tous les microbes, même les plus résistants, comme le charbon. Rayons X. Il faut mentionner également les intéressants effets des rayons de Roentgen, qui tuent les microbes ou tout au moins leur font perdre certaines de leurs propriétés et les atténuent. Ces faits ne sont point pour surprendre si l'on se rappelle les conséquences de l'exposition de glandes, telles le testicule et l’ovaire, à l’action des rayons cathodi- ques. Ces glandes s’atrophient après un certain temps et LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES les animaux restent stériles. On a constaté l'absence ab- solue de spermatozoïdes dans le sperme de dix médecins qui s’étaient livrés à des travaux de radiographie depuis environ trois ans (comptes rendus de l’Académie de mé- decine de New-York). Rien d’étonnant, dans ces condi- tions, à ce que l’on n’enregistre pas de naissances dans les familles de ces médecins, comme l’a signalé Lassar (de Berlin) au congrès pour l’avancement des sciences tenu à Lyon en 1906. On sait également que l'on stérilise à volonté des graines de canna, de belle-de-nuit, de so- leil, etc., en les exposant aux rayons de Roentgen. La guérison des cancers épithéliaux cutanés est aujour- d'hui prouvée sous l’influence des rayons X ; or, l’origine parasitaire et bactérienne du cancer compte des défen- seurs nombreux et autorisés. Radium. Enfin, rappelons la merveilleuse découverte de la pro- priété radio-active de corps, tel le radium, source inépui- sable et infinie d’énergie, capable de détruire la matière organique, à en croire le fait curieux cité par le regretté Curie. Ce savant eut une mortification partielle de la paroi abdominale en un point correspondant à une parcelle de radium qu’il avait conservée dans la poche de son gilet pendant quelques heures, et la plaie qui s’en- suivit se cicatrisa avec la plus grande difficulté après six mois de soins. Filtration. La filtration n’est point une méthode de destruction des germes : c’est un procédé mécanique d’arrêt dont il a été fait, à propos des eaux, de très larges applications. -Grâce à elle on retient les germes, on les immobilise, on les collecte en quelque sorte, de façon à prévenir leur notion nocive et faciliter leur anéantissement massif. 68 La liltration s’applique surtout aux germes de l’air et à ceux de l’eau. A l’époque où l’on faisait jouer à celui-ci lé rôle principal dans la propagation des maladies, l’on cherchait à le priver de germes par le passage à travers le coton ; de là sont nés les pansements ouatés. La même idée inspirait l’architecture hospitalière dans la cons- truction du nouvel Iiôtel-Dieu, qui purifiait par l’ouate l’air destiné aux salles de malades. Qu’il s’agisse de l’air ou de l'eau, la liltration est basée sur la division extrême du courant aérien ou hydrique à l'aide de sub- stances composées de particules libres ou conglomérées d’une ténuité très grande qui fixent, au passage, sur leurs éléments, la matière inerte ou vivante entraînée par lui. L’application de ce principe est réalisée par le coton, les tissus de feutre, d’amiante, les bassins de sable, les bou- gies de porcelaine, etc., etc. Friction. Terminons ce qui a trait aux agents physiques de désinfection par l’exposé d’un procédé qui consiste à frotter toutes les surfaces où peuvent se déposer les germes avec de la mie de pain fraîche qui est ensuite brûlée, ainsi que tous les microbes qu’elle a fixés. L’in- convénient de la méthode est son extrême longueur et la conscience qu’elle exige de la part de ceux qui l’appli- quent. Elle était très employée à Berlin il y a quelques années et donnait des résultats excellents au point de vue bactériologique. 2° Agents chimiques de désinfection. — Substances antiseptiques employées avec ou sans appareils. Qualités d’un désinfectant. Avec les substances chimiques nous passons du do- maine de l’asepsie dans celui de l’antisepsie. Celle-ci em- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES prunte ses moyens d'action à la chimie et le désinfectant idéal doit réunir les qualités suivantes (1) : 1° Destruction définitive, sûre et rapide de tous les principes virulents ; 2° Innocuité pour les personnes, les objets et les appa- reils ; 3° Facilité d’emploi et prix peu élevé ; 4° Absence d’odeur désagréable. Il s’en faut que les corps utilisés dans la pratique réa- lisent ces conditions ; ce sont : a) Les sels métalliques : bielilorure, biiodure et oxycya- nure de mercure ; les sulfates de cuivre, de zinc et de fer ; les hypochlorites de soude et de chaux ; les perman- ganales de potasse et de chaux ; b) Les alcalis : lait de chaux, lessive, savon ; c) Les composés de la série aromatique : acide phéni- quc et ses dérivés sulfoconjugués ; d) Les acides : sulfurique, sulfureux, carbonique ; e) Le formol ou aldéhyde formique. Les sels métalliques. a) Le bielilorure de mercure, ou sublimé corrosif, est d'un usage courant dans la pratique de l’antisepsie. On l'utilise en solution aqueuse à 1/1.000, en lavages, en pulvérisations. C’est un antiseptique de premier ordre auquel les germes nus, suivant l’expression imagée de Vincent, c’est-à-dire tels qu'ils sont cultivés dans les laboratoires, ne résistent pas. Il ne saurait en être de même des produits pathologiques renfermant des mi- crobes enrobés d’une gangue albuminoïde qui se coagule en présence du bielilorure et devient alors une vraie cuirasse protectrice pour l’agent infectieux. Des expérien- ces récentes de Vincent, publiées dans la Revue d’IIygiènc (1) A.-J. Martin, Bevue d’Hygiène, 1905. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES du 20 janvier 1905, sur la désinfection des crachats tuberculeux, démontrent que le bacille de Koch enfermé dans J es produits d’expectoration est protégé par ce mé- canisme contre l’action antiseptique du bichlorure dans la proportion des deux tiers des cas. L’addition d’acide tartrique pour la solubilisation du sublimé dans l’eau accroît le pouvoir de désinfection de ces solutions. Le biiodure et l’oxycyanure de mercure agissent d’une façon analogue au précédent ; ils sont moins utilisés. Il n’en est pas de même du sulfate de cuivre, du sulfate de fer et du sulfate de zinc, très fréquemment employés pour la désinfection des latrines, des fosses d’aisances, des matières fécales, des produits pathologiques divers. La concentration des solutions de ces divers sels varie avec le but cherché, de 5 à 10 p. 100 en moyenne. Les hypochlorites de soude (liqueur de Labarraquc), de potasse (eau de Javel), de chaux (chlorure de chaux vulgaire) sont d’un usage courant. Les expériences de Vincent, auxquelles il est fait allusion plus haut, prou- vent, pour la tuberculose en particulier, le grand pouvoir désinfectant de ces derniers produits. Ils ont sur le sublimé le grand avantage de liquéfier les matières albu- minoïdes, qui soustraient les microbes à l’action des antiseptiques, et de les détruire plus sûrement. Ce fait est très important dans la prophylaxie de la tuberculose, laquelle se répand beaucoup par les crachats desséchés et réduits en poussières qui servent à la dissémination des germes. Les permanganates de potasse et de chaux en solu- tions aqueuses à 1/2.000 et 1/5.000 sont d’excellents désinfectants d'un usage fréquent. Les alcalis. b) La chaux est, de tous les alcalis, le désinfectant le plus énergique. Chaux. — Elle est employée à l’état de chaux vive dans les opérations de désinfection du champ de bataille. On interpose entre les corps des couches de chaux vive qui aident à la destruction de la matière organique. Dans la pratique ordinaire, le lait de chaux à 20 p. 100 préparé et utilisé extemporanément est d’un effet sûr pour la stérilisation des matières fécales, véhicules de tant de germes morbides. Son action microbicide en justifie l’emploi dans la désinfection des casernements, et le blanchiment à la. chaux, annuellement pratiqué, est un procédé d’assainissement excellent des casernes. L’expé- rience avait d’ailleurs consacré cet usage bien avant que l’on sût la puissance destructive de la chaux sur les mi- crobes. Lessive. — La lessive est, parmi les substances alca- lines, un désinfectant aussi complet que la chaux, d’au- tant qu’elle dissout les matières albuminoïdes si souvent protectrices des germes dans les matières organiques et vient agir directement sur eux. Son action est doublée par la température élevée, voisine de 100°, à laquelle on l’emploie. Savons. — Les savons sont rangés dans la même caté- gorie des substances 'désinfectantes ; iis sont surtout utilisés pour la désinfection des linges, des effets, des vêtements. Des expériences récentes de Rodet, de Mont- pellier, ont montré leur valeur antiseptique. Composés de la série aromatique. c) Les composés de la série aromatique, l’acide phé- mque, ses dérivés et ses homologues supérieurs datent des premiers âges de l’antisepsie. Ils sont employés en lavages ou en pulvérisations aux titres de 2 et 5 p. 100. Les cadavres des sujets ayant succombé à des maladies contagieuses sont ensevelis avec des suaires préalablement trempés dans une solution phéniquée à 5 p. 100. L’action antiseptique de ces produits est accrue lorsqu’ils sont employés, soit sous forme de dissolution dans des sels LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES alcalins, soit sous forme d'émulsion dans les savons, par exemple le crésyl, le solutol, le lysol, etc. Acides. cl) Les acides jouent dans la prophylaxie un très grand rôle. L’acide chlorhydrique en solution est d'un usage courant. Acide sulfurique. — L’acide sulfurique est chargé de la destruction des viandes malades, impropres à la con- sommation, tuberculeuses, morveuses, charbonneuses, etc. Il existe, en effet, dans les abattoirs des grandes villes, des cuves de plomb remplies d'acide sulfurique où s'opère cette transformation de la matière organique. Acide sulfureux. — L’acide sulfureux a pris, depuis ces dernières années, une extension très grande. Après avoir joui d’une réputation usurpée, il était tombé dans un oubli immérité. Il figure, dans la notice n° 7 du règlement sur le service de santé à l’intérieur, au nombre des procédés réglementaires ; mais on ne croit pas qu’il faille faire très grand fond sur sa valeur microbicide ; il est considéré comme excellent, dans certaines conditions pour la destruction des parasites et des animaux. C’est d’ailleurs par les rats qu’il est redevenu de mode. On sait le rôle joué par ces animaux dans l’étiologie de la peste, et leur anéantissement à bord des paquebots, où ils pullulent, constitue l’une des principales mesures de prophylaxie contre cette maladie. L’application en serait devenue facile, grâce au procédé Clayton basé sur le refoulement, dans le compartiment à désinfecter, de gaz sulfureux oxygéné obtenu par le passage de l’air dans un générateur où l’acide sulfureux est obtenu par com- bustion de soufre. L’appareil Clayton est usité d’une façon courante dans tous les lazarets et les ports où la désinfection des navires s’impose. Il résulte des expé- riences de Calmette, faites à l’Institut Pasteur de Lille, que le gaz Clayton serait réellement microbicide et que, LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES grâce à la compression due au refoulement, il serait doué d'une force de pénétration suffisant à assurer la désin- fection des ballots et des marchandises sans qu’il soit besoin de les étaler en surface. L’avenir n’aurait pas démontré le bien fondé de cette opinion, si l'on s’en rap- porte aux conclusions des rapports du « Local Guvern- ment Board » de MM. J.-S. Haldane et J. Wade, en 1904, sur la valeur du gaz Clayton à bord des navires. Le premier de ces auteurs déclare que les animaux, rats, souris, criquets, ne succombèrent pas au cours de la désinfection du navire où ils étaient embarqués ; le second, que la rapide absorption du dioxyde sulfureux par beau- coup de matières du chargement s'oppose à la destruc- tion des rats et insectes dans une cale chargée, alors que ■ces animaux succombent rapidement dans des cabines ou cales vides. Les bactéries pathogènes, dans les mêmes conditions, résistent. En outre, les diverses matières du chargement absorbent et consomment une forte propor- tion de gaz ; les substances alimentaires, principalement à l’état de poudre, en conservent le goût ; les fruits, les légumes, la viande, sont immangeables après l'exposition au dioxyde sulfureux. L’expérimentation est tout en laveur du gaz Clayton ; les animaux et les germes sont parfaitement détruits au cours des expériences ; mais il s’en faut que, dans la pratique, les conditions expéri- mentales se trouvent toujours réalisées et il n’est pas mauvais de rappeler que les procédés qui jouissent d’une vogue considérable sont parfois, dans le cours des ans, au-dessous de leur réputation initiale. Enfin, le grand inconvénient de ce procédé appliqué à la désinfection des navires est l’altération des tôles d’acier qui constituent la coque des paquebots. D’autre part, les rats perçoivent très bien l’odeur des vapeurs sulfureuses et se réfugient aussitôt dans des recoins inaccessibles, où ils échappent ainsi à leur action. Acide carbonique. — Ces derniers inconvénients n'exis- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES tent pas avec l'acide carbonique, dont on peut remplir les cales par un mécanisme analogue à celui indiqué plus haut. La densité de l’acide carbonique, son absence d’odeur donnent, d’après certaines expériences, des ré- sultats supérieurs à ceux de l’acide sulfureux pour la destruction des rats. Aldéhyde formique. e) Le formol, ou aldéhyde formique, est fort employé depuis ces dernières années et il paraît aujourd’hui, grâce à la perfection des appareils et à des associations heureuses, devoir prendre une des premières places dans la pratique de la désinfection. 11 est utilisé soit en solution à 5 p. 100, soit à l’état gazeux. Les solutions servent aux pulvérisations, aux lavages, comme l’ont montré Va illard et Dopter. Les vaporisations s’obtiennent à l’aide d’appareils dont il existe de nombreux modèles dans le commerce ; tous sont excellents pour le but qu’ils se proposent. Le pro- cédé de Flügge se recommande par sa simplicité, car les vapeurs formolées sont obtenues par l’ébullition d’une solution renfermée dans un récipient quelconque. Le formol laisse à sa suite une odeur pénétrante qui prend à la gorge et irrite les yeux. On la neutralise à l’aide de vapeurs d’ammoniaque qui transforment l’aldéhyde for- mique en une combinaison inerte et inodore : l’examé- thylène tétramine. Le grand reproche fait au formol employé en va- peurs a été jusqu’ici son absence de pénétration ; c’est un désinfectant de surface et il continue à être considéré comme tel. Il résulte cependant d’expériences récentes, faites au Comité consultatif d’hygiène publique de France, que des mélanges particuliers de formacétone et d’acétone en proportions diverses dans l’eau, d’après le procédé Four- nier, sont capables d’assurer à la fois la désinfection LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES totale d'une pièce habitée, local et objets, en surface et en profondeur. Les étuves du même ingénieur, dans les- quelles les objets sont sQumis aux vapeurs du mélange, réalisent la désinfection parfaite. D’autre part, L. Perdrix (Comptes rendus de la Société de Biologie, 19 juin 1906) a montré que l’aldéhyde formi- que sec porté à 100° permet la désinfection rapide et à sec des objets solides. Tous les germes microbiens, même les spores les plus résistantes, sont détruits par une exposition de quatre à cinq minutes dans ce gaz à la température indiquée plus haut. Des stérilisateurs d’un modèle spécial ont été construits par l’auteur pour l’ap- plication de cette méthode nouvelle de désinfection, qui permet la pénétration profonde de l’agent antiseptique. Ainsi tomberait l’objection principale, faite à l’aldéhyde formique, d’être seulement un désinfectant de surface ; les expériences relatées dans les mémoires de Perdrix paraissent, à cet égard, absolument concluantes. Une instruction ministérielle du 30 avril 1906 prescrit la désinfection par les vapeurs de formol (cartouches Fu migator) de tous les objets d’habillement des hommes libérés à un titre quelconque. L'aldéhyde formique en solution alcaline connue sous te nom de lusoforme, réduit en vapeur, le formo-chlorol, constituent aussi d’excellentes préparations désinfectantes. Pulvérisateurs. — Etuves. Après avoir passé en revue les principaux agents chi- miques destinés à ta désinfection, il est bon de dire quelques mots des appareils employés pour l’utilisation des solutions et des vapeurs antiseptiques. Ces appareils sont de deux ordres : 1° Les pulvérisateurs à la main ou mécaniques, grâce auxquels on étale en couche uniforme les liquides anti- septiques sur les surfaces à désinfecter ; 2° Les appareils producteurs et projecteurs de gaz, de LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES liquides ou de vapeurs antiseptiques, surtout les étuves et les autoclaves. Il a déjà été parlé des étuves à propos de la désinfec- tion par la vapeur d’eau sous pression. Le principe le même, quels que soient le liquide ou les vapeurs em- ployés. Mais il existe des appareils où l’on se propose de faire le vide avant de laisser pénétrer les vapeurs antisep- tiques, de façon à substituer la molécule désinfectante à la molécule aérienne ; ils sont, je crois, appelés à beaucoup d’avenir, si l’on en juge par certaines expériences. Qu’il s'agisse de l’un ou l’autre des modèles adoptés, il faut avoir la précaution de ne pas bourrer l’étuve de façon à ne point opposer aux vapeurs une barrière trop consi- dérable à leur pénétration profonde. Au nombre des appareils qui utilisent des vapeurs antiseptiques associées à l’action du vide se trouve celui de R. Pictet, dont il a été donné communication à la Société de Biologie en mars 1895, dans lequel le gaz désinfectant provient du mélange à l’état liquide d’acide carbonique et d’acide sulfureux dans les proportions de 4 p. 100 du premier et de 96 p. 100 du second. Le gaz résultant de ce mélange a une puissance de désinfection très grande ; son prin- cipal inconvénient réside dans l’élévation de son prix. Contrôle. — Le contrôle de ces étuves se fait de la même manière que les autres, avec des thermomètres enregistreurs lorsque la température ajoute son action à celle du désinfectant ou à l’aide de cultures microbiennes pathogènes qui témoignent, par la mort des bactéries, de la valeur bactéricide du produit si l’élément thermique n’entre pas en ligne de compte. APPLICATIONS PRATIQUES Pavillon de désinfection. Ces notions sur les agents et les appareils employés dans la désinfection doivent être complétées par l’exposé LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES de leurs applications pratiques, au premier rang des- quelles l’installation d'un pavillon de désinfection. Les principes qui président à toutes les installations de ce genre sont la séparation des objets à désinfecter de ceux qui ont subi l'action de l'agent désinfectant et la pré- servation du personnel chargé des opérations. Les désinfecteurs. Cette dernière est obtenue par un ensemble de pres- criptions dont les désinfecteurs ne doivent s'écarter sous aucun prétexte ; ils sont dûment avertis des dangers auxquels ils s'exposeraient- en négligeant les instructions et les consignes qui leur sont données. Au début du travail, ils se dépouillent de leurs vête- ments habituels pour revêtir des effets de toile, blouse et pantalon, et se coiffer d'une calotte de toile. Pendant la manipulation des objets suspects ou infectés, ils ne doi- vent boire ni manger. Apres les opérations, ils quittent les effets de travail, se lavent minutieusement la bouche, les mains, le visage, la barbe, les cheveux, avec un liquide antiseptique, passent sous une douche chaude au sortir de laquelle ils revêtent leurs vêtements. La station de désinfection ne remplit qu’une partie du programme imposé par l'hygiène ; elle ne vise que les objets susceptibles d’être transportés et stérilisés à dis- tance. Il reste à prévoir, en matière de prophylaxie, toutes les mesures qui s’adressent au local, au malade et aux matériaux de son entourage, et, suivant le cas, il y a lieu de distinguer ceux qui obligent à des désinfections partielles, ceux pour lesquels la désinfection totale s’im- pose, et, enfin, au point de vue militaire, comme pour toutes les agglomérations d’ailleurs, l’obligation possible d une opération générale, c’est-à-dire étendue à tout l’en- semble des bfitimcnls, des vêtements et des accessoires communs à une collectivité en cas d’infection diffuse. 78 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Désinfection partielle. En matière de maladie infectieuse, la désinfection par- tielle n’est appliquée que lorsqu’il s’agit, suivant les termes du règlement sur le service de santé à l'intérieur, de purifier dans une chambre l’emplacement occupé par un malade atteint d’affection transmissible et l’emplace- ment des lits voisins sans nécessiter l’évacuation préala- ble du local. Elle se borne à la désinfection de la literie, des effets, des déjections du malade. Effets et literie sont passés à l’étuve ; les déjections sont stérilisées par l’addi- tion d’un liquide antiseptique ; le sol, les murs, les plan- ches et châlits sont lavés avec la solution de chlorure de chaux, de chlorure de zinc, d’acide pliénique ou de su- blimé. Désinfection totale. La désinfection totale nécessite l’évacuation des locaux qui peuvent être considérés comme des foyers d'infec- tion à raison de l’apparition successive, dans la même chambre, de plusieurs cas de maladies transmissibles. Ici, la literie, les vêtements, l’équipement sont purifiés à part. Les murs, fenêtres, portes, boiseries sont soumis, soit aux pulvérisations de sublimé, de formol, soit à de véritables lavages antiseptiques. Le sol est lavé égale- ment. Ces mesures sont heureusement complétées par un blanchiment à la chaux. C’est ainsi qu’il est procédé dans les casernements où le mobilier est rudimentaire et sup- porte ce traitement. On utilisera, dans la pratique ur- baine, les moyens de désinfection gazeux d'un maniement- plus aisé, d'une efficacité aussi grande et mieux appro- priée aux conditions, à la nature, à la diversité et à la multiplicité des meubles qui peuplent les appartements. On emploie alors de préférence les vapeurs de formo- chlorol et de formacétone. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 79 Désinfection générale. La désinfection générale est une opération dont les indications sont rares et à lacpielle on ne recourt, dans l’armée, que devant l'insuccès des moyens précédents. C’est une mesure coûteuse, longue, justifiée par la gra- vité et la diffusion extrême des cas de maladies conta- gieuses. Son exécution est autorisée par le Ministre seul, auquel il est rendu compte à la fin des opérations, parce qu’elle engage des dépenses et une responsabilité très grandes, surtout en matière d’effets d’habillement et d’é- quipement. Des procès-verbaux sont même établis à ce propos, qui constatent l’état et le classement des effets avant la désinfection. Les procédés mis en œuvre ne diffèrent point de ceux précédemment exposés ; ils sont seulement utilisés sur une plus vaste échelle. On se rendra compte de leur im- portance en songeant qu’ils portent non seulement sur tous les locaux habités, mais encore sur les couloirs, les escaliers, les corridors, les passages, etc., d’une caserne et s’appliquent à tous les effets d’habillement et d’équi- pement contenus dans les magasins de compagnie, d’es- cadron ou de batterie d’un corps tout entier. CAS CONCRETS Afin de préciser dans l’esprit les notions précédentes, il est bon de faire l’exposé, dans leur ordre successif, des mesures de désinfection dans un certain nombre d’exemples empruntés, soit au milieu militaire, soit aux conditions ordinaires de la vie urbaine. Un cas isolé de diphtérie est constaté chez un soldat clairon dans une chambre de caserne. 1° Le malade est dirigé immédiatement sur l’hôpital dans une voiture spéciale qui doit être désinfectée avant son retour. 80 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 2° Les infirmiers chargés de la désinfection, revêtus de vêtements de toile, font, avec un drap imbibé de soliu tion phéniquée à 5 p. 100, un ballot de sa literie ; ils recueillent de même, dans les sacs dits à désinfection, le linge, les effets d’habillement. Ballot et sac plombés sont envoyés à l’étuve pour être soumis à la vapeur sous pression en même temps que les vêtements dont le malade était porteur au départ. Les effets d’équipement, les objets de cuir sont lavés avec une solution de sublimé au 1/1.000. Il en est de même du châlit, des planches, etc. 3° Le plafond, les murs, les planches à bagages sont soumis à des lavages ou aux pulvérisations phéniquées fortes ou sublimées, non seulement à l’emplacement oc- cupé par le malade, mais au niveau des lits immédiate- ment voisins. Le clairon est soumis à l’ébullition (instruction minis- térielle du 23 juillet 1890). Les camarades de lit du malade sont l’objet d’une sur- veillance quotidienne pendant un certain temps. La déclaration sera faite, en exécution de la loi du 15 février 1902. Cet exemple se rapporte à un cas de désinfection par- tielle. Le suivant vise la désinfection totale. Dix hommes sont {rappés de choléra dans une même chambre. 1° Tous les malades sont immédiatement enlevés avec leur literie et placés sur des brancards amarrés dans les voitures qui les transportent à l’hôpital. Voitures et bran- cards sont désinfectés avant le retour au quartier. Les literies sont éluvées à l’hôpital. 2° Les infirmiers désinfecteurs, revêtus d’habits spé- ciaux, forment avec des sacs à désinfection les ballots de vêtements, de linge et d’effets d’équipement pour cha- que malade. La même mesure est appliquée dans toute la chambrée ; tous ces ballots sont envoyés à l’étuve à vapeur sous pression. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 81 3° Le local est évacué complètement ; les occupants, placés en observation dans une chambre séparée, sont isolés de leurs camarades et font usage de latrines à eux spécialement affectées. 4° La chambre entière est soumise à des lavages anti- septiques qui intéressent plus énergiquement le sol où sont relevées d’ordinaire les traces des déjections invo- lontaires (vomissements, matières fécales), habituelles dans cette maladie. Elle ne sera réoccupée qu’après un blanchiment à la chaux, précédé d’un grattage des pla- fonds et des murailles. 5° Le sol des latrines est également désinfecté ; on verse dans les fosses une quantité de lait de chaux à 20 p. 100, en rapport avec leur contenance. Le même traitement est appliqué à celles exclusivement réservées aux suspects. La déclaration est faite ainsi qu’il est prescrit. Il paraît utile, afin de montrer les mesures de désin- fection appliquées en dehors de la caserne, d’indiquer quelles sont les instructions données par le Comité con- sultatif d’hygiène publique de France pour la pratique de la désinfection. Ces instructions entrent dans des détails qui ne seront point superflus ; chacun est exposé, dans la vie, à recourir à ces pratiques devenues obliga- toires par la loi de 1902 et le règlement d’administration publique de juillet 1900. Recommandations générales. La désinfection doit se pratiquer dès que la maladie a été reconnue, pendant toute sa durée et après sa terminai- son par guérison ou par décès. Devoirs de la famille et du médecin. —- Tout chef de fa- mille ou directeur d’un établissement public ou privé doit veiller à ce que la désinfection soit exécutée. Le médecin traitant a pour devoir de rappeler cette obli- gation aux familles, de leur prescrire les agents désinfec- tants appropriés, d’en indiquer et surveiller l’emploi. La Prophylaxie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES EPIDEMIQUES 82 Les services publics de désinfection sont à la disposition des familles pour leur faciliter l’application de ces mesures. Il est indispensable de ne soustraire aucun objet à la dé- sinfection. A. — MESURES A PRENDRE PENDANT LA MALADIE. La désinfection pendant la maladie doit être pour ainsi dire continue. Elle porte : 1° Sur les produits morbides (sécrétions, expectorations, déjections, etc.) ; 2° Sur les linges, vêtements, ustensiles et menus objets à l’usage du malade ; 3° Sur le plancher de la chambre et sur les meubles qui seraient directement souillés ; 4° Sur le malade lui-même et sur les personnes qui l’ap- prochent ; 5° Dans les cas de peste, fièvre jaune, typhus exanthéma- tique, lèpre, sur la destruction des petits animaux ou in- sectes susceptibles de transmettre la maladie. I. — Désinfeclion des produits morbides. Les selles, vomissements et urines des personnes atteintes de fièvre typhoïde, de dysenterie, de choléra et de maladies cholériformes sont reçus dans des vases où l’on aura mis deux à trois grands verres de solution désinfectante (solu- tion savonneuse de crésol, eau de Javel, chlorure de chaux, sulfate de cuivre, lait de chaux). Les produits ainsi désinîectés sont, deux à trois heures au moins après, jetés dans les latrines ou enfouis dans une excavation du sol, loin des sources et des puits à eau po- table. Crachats, fausses membranes, sécrétions de la gorge. — Les crachats (tuberculose, pneumonie, grippe infectieuse, fièvre typhoïde, peste, etc.), les fausses membranes et les sécrétions de l’arrière-gorge (diphtérie, scarlatine, rougeole) sont recueillis dans des crachoirs ou autres récipients ap- propriés, à moitié remplis d’eau. Les crachoirs et leur con- tenu seront désinfectés par un séjour prolongé dans une solution désinfectante, ou par l’ébullition. Pus, croûtes, pellicules. — Les matières issues des pus- tules ulcérées ou gangrenées et des bubons dans le cas de peste, les croûtes dans la variole, les pellicules dans la scar- latine, doivent être jetées au feu, stérilisées par l'eau bouil- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 83 lanle ou maintenues dans l’une des solutions désinfectantes jusqu’à ce qu’elles soient complètement imprégnées. II. —Désinfection des linges, vêlements, ustensiles et menus objets à l'usage du malade. Linges. — Les linges, tels que les chemises, draps de lit, essuie-mains, mouchoirs, etc., souillés par le malade, doi- vent être enveloppés, dès qu’ils ne sont plus en usage, dans des draps ou des sacs mouillés au moyen de l’une des solu- tions désinfectantes, s'il ne peut être procédé immédiatement à leur désinfection. Pour les désinfecter sur place, on peut soit les’plonger dans une cuvette ou un baquet contenant l’une de ces solutions, soit les faire bouillir, au moins pen- dant une heure, dans une lessive de sel de soude ou dans une forte savonnée. Les linges resteront douze heures au moins dans la solution désinfectante ; puis ils seront rincés dans de l’eau pure pendant une à deux heures. Dans le cas où les linges ne pourraient être désinfectés sur place par l'un de ces procédés, les services de désinfection auront soin de faire remettre, au domicile des personnes malades, des sacs en grosse toile numérotés dans lesquels on pourra empaqueter les vêtements et le linge, etc., destinés à la dé- sinfection par le service public. Elles les feront enlever à temps et remplacer au fur et à mesure. Les pièces de pansement sans valeur, loques, vêtements sordides, chemises usées, ouate salie, etc., sont brûlés dans la cheminée ou le poêle, chaque fois qu’on le pourra, ou plongés dans une solution désinfectante. Vêtements. — Les vêtements souillés ou contaminés doi- vent être enveloppés, dès qu’ils ne sont plus en usage, comme il est dit pour les linges au numéro précédent, en attendant qu’il soit procédé à leur désinfection. Les vête- ments de toile sont désinfectés dans l’eau bouillante. Les vêtements de laine et de drap sont désinfectés dans une étuve à vapeur d’eau ou à vapeurs antiseptiques. Les uniformes, les fourrures, les chaussures, les objets d’habillement en cuir, en caoutchouc, en moleskine ; les cha- peaux en soie ou en feutre et les casquettes ; les vêtements confectionnés avec des tissus délicats tels que la soie, la peluche, le velours, etc., doivent être de préférence soumis à l’action de l’aldéhyde formique gazeuse, à l’aide de l’un des procédés autorisés et suivant les conditions données à cette autorisation. Ustensiles. — Les ustensiles de cuisine, assiettes, tasses, verres, cuillères, etc., les crachoirs, les récipients qui en LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES tiennent lieu, sont plongés pendant plusieurs heures dans une solution désinfectante ou dans de l’eau qu’on portera à l’ébullition et soigneusement nettoyés. Menus objets. — Les petits objets à usage personnel des malades, livres, jouets, fournitures de bureau, porte-mon- naie (et, le cas échéant, les billets de banque ou valeurs qui auraient pu être contaminés par le malade) sont soumis à l’action de l’aldéhyde formique gazeuse, à l’aide de l’un des procédés autorisés et suivant les conditions données à cette autorisation. Toutefois, les jouets, livres et autres menus objets qui n’auraient pas de valeur seront de préfé- rence brûlés dans la cheminée ou le poêle, chaque fois qu’on le pourra. Aliments. — Les aliments ayant séjourné dans la chambre sont détruits par le feu. III. — Désinfection du plancher de la chambre et des meubles qui auraient été directement souillés. Chambres et meubles. — Les planchers, les poignées des portes de la chambre des malades, les meubles sont net- toyés chaque jour au moins une fois avec des linges hu- mectés par l’une des solutions désinfectantes. Les balayures sont jetées au feu. Si des produits morbides, tels que crachats, vomissements, urines, sang., etc., ont souillé un objet, un meuble, le plan- cher, etc., on aura soin immédiatement de les arroser avec la même solution et de les essuyer ensuite avec des linges trempés dans cette solution. IV. — Désinfection du corps du malade et des personnes qui l'approchent. Corps du malade. — Le médecin veillera à la désinfection des parties du corps du malade souillées par des déjections. Les linges employés à cet usage sont ensuite plongés pen- dant une heure dans une solution désinfectante. Convalescents. — Les convalescents de variole, scarlatine, diphtérie, rougeole doivent, avant de reprendre leur vie ha- bituelle, les enfants avant de retourner à l’école, prendre un grand bain savonneux ou, tout au moins, subir des lotions savonneuses et générales. Ces lavages devront s’étendre au cuir chevelu et à la barbe. Après ces lavages, les convalescents auront soin de re- vêtir du linge propre et des vêtements qui n’aient pas été LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES portés pondant la maladie, à moins qu’on ne les ait préala- blement désinfectés. Gardes-malades. — Les personnes qui soignent les ma- lades et toutes celles qui auraient pu s’infecter à leur contact doivent se désinfecter les mains, la figure et la barbe en sortant de la chambre du malade. Il leur est recommandé de mettre, en entrant, par-dessus leurs vêtements, une longue blouse, qu’elles laisseront dans la chambre et qui devra être ultérieurement soumise à la désinfection; de même elles mettront, en entrant dans la chambre du malade, et laisseront en sortant de celle-ci, les chaussures qu’elles y portaient. Elles doivent s’interdire de prendre leurs repas dans la chambre des malades et se désinfecter les mains et la figure avant de manger. V. — Destruction des petits animaux (rats, souris) et insectes (moustiques, puces, punaises, etc.). Rongeurs et insectes. — On s’efforcera de détruire les petits animaux (rats, souris) et les insectes (moustiques, puces, punaises, etc.) en cas de peste, de fièvre jaune, de typhus exanthématique et de lèpre, par tous les moyens spé- ciaux dont on pourra disposer. L’emploi de gaz asphyxiants, tel que l’acide sulfureux, seul ou en combinaison, permet d’y parvenir dans les locaux fermés. Il n’existe pas, jus- qu'ici, de procédé qui permette à lui seul d'assurer avec cer- titude la destruction de ces animaux et parasites d’une façon absolue; mais il faut néanmoins utiliser tous ceux qu’on a pratiquement à sa portée et qui sont d’ordinaire mis en usage. B. — MESURES A PRENDRE APRÈS LA MALADIE. La désinfection après la maladie porte, en premier lieu, sur les différents points déjà visés par la désinfection pen- dant la maladie, qui doivent nécessairement, après sa termi- naison, faire l’objet de mesures d’ensemble approfondies, et, en outre : a) Sur les couvertures, matelas et objets de literie ; b) Sur les parois de la chambre (murs, plancher, fenêtres, portes, etc.) et sur le mobilier (lit, table de nuit, chaises, tapis, rideaux, tentures, etc.) ; c) Sur les latrines, fosses d’aisances et fumiers qui au- raient été contaminés par des déversements ; cl) Sur les éviers, vidoirs, bacs de pompes, rigoles, ainsi que sur les bassins des sources, les puits ou les citernes qui auraient pu être directement ou indirectement souillés. VI. — Désinfection des convertîmes, paillasses ci autres objets de literie. Objets de literie. — Les matelas, sommiers, paillasses et autres objets de literie peuvent être désinfectés, soit par une exposition dans une étuve à vapeur d’eau ou à vapeurs antiseptiques, soit par l’un des procédés indiqués ci-après : On en prévient, au moins partiellement, la souillure, et on facilite la désinfection ultérieure, en plaçant sous ie ma- lade un tissu ou un papier imperméable (choléra, fièvre ty- phoïde, etc.). Transport à l'étuve. — Si les couvertures, matelas, pail- lasses ou autres objets de literie doivent être désinfectés à l’étuve, ils sont enveloppés, pour leur transport à la sta- tion, dans des linges ou sacs arrosés d’une solution désin- fectante. Avant leur passage à l’étuve, et dans le cas où ils seraient tachés de sang, de matières fécales, de pus, etc., ces objets doivent être soumis à un trempage et à un la- vage dans une solution désinfectante, le passage à l’étuve ayant pour objet de rendre ces taches indélébiles si cette précaution n'est pas prise. Mesures à prendre en l'absence d'étuve. — Si la désin- fection par l’étuve ne peut être aisément pratiquée, notam- ment en raison de l’éloignement de l’étuve inutilisable, on peut procéder de la façon suivante : Les couvertures sont plongées dans une solution de savon mou, préparée avec un quart de kilogramme de savon pour 10 litres d’eau, et qui est, après deux heures de contact, portée à l’ébullition; on les y remue de manière à déplacer l’air retenu dans les plis des tissus et on les fait bouillir dans le bain recouvert d’un couvercle. Les matelas, traversins, oreillers, édredons, lits de plu- mes sont défaits, après avo'r été largement arrosés avec une solution désinfectante. Les enveloppes sont mises à la lessive ou plongées dans une solution désinfectante. La laine, le crin et la plume sont désinfectés par un trempage et un lavage à froid dans une solution désinfectante (de préférence la solution savonneuse de crésol); l’action de ce bain désinfectant est lente; le crin ou la laine y resteront douze heures au moins, au cours desquelles ils seront agités avec un bâton de manière à déplacer l’air retenu dans leur épaisseur; ils seront ensuite rincés dans de l’eau pure pen- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 87 dant une ou deux heures. Les paillasses, vieilles couver- tures, etc., sont enveloppées dans des sacs mouillés et trans- portées au dehors. S’il existe un espace libre suffisant à proximité de l’ha- bitation (cour, jardin, etc.), on les incinérera après arrosage au pétrole. Souvent on sera forcé de trânsporter à la station des pail- lasses, etc., fortement imprégnées de liquides diarrhéi- ques, etc., dont la destruction par le feu présenterait des dif- ficultés; le procédé le plus sûr consiste à les désinfecter à l’étuve. Sommiers. — Les enveloppes des sommiers sont lavées comme il est dit ci-dessus pour celles des matelas; le cadre et les ressorts sont nettoyés avec le plus grand soin au moyen de brosses et de linges mouillés, trempés dans une solution désinfectante. VIL — Désinfection des parois et du mobilier de la chambre. Locaux et mobiliers. — A la suite du transport du malade à l’hôpital, de son changement de logement, de sa guérison ou de son décès, la désinfection de la chambre et des locaux où il a séjourné est indispensable. La désinfection des lo- caux peut être pratiquée, soit par le dégagement dans la pièce d’un gaz antiseptique, soit par le lavage et l’humec- tation des parois et des objets à l’aide d’un liquide désinfec- tant. Il est désirable que la chambre soit évacuée et demeure close pendant deux ou trois heures au moins avant l’ar- rivée des désinfecteurs, afin d’assurer, par le repos de l’air, la chute de toutes les poussières qui s’y trouvent en sus- pension. Désinfection par dégagement de gaz antiseptique. — On aura recours à la désinfection du domicile par un gaz anti- septique, tel que l’aldéhyde formique, quand les locaux peu- vent être clos hermétiquement. Quel que soit le procédé employé pour la désinfection par l’aldéhyde formique gazeuse, plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’elle donne des résultats satisfaisants : 1° Les objets susceptibles d'être désinfectés par ce gaz doivent être disposés de telle manière que leurs surfaces soient largement exposées partout à son action. Le lit et les meubles adossés aux murs sont écartés de ceux-ci, les tiroirs des armoires complètement tirés et posés sur le plancher. 2° Toutes les précautions doivent être prises pour que l’espace à désinfecter demeure hermétiquement clos pendant toute la durée de l’opération. Si l’on ne peut pas fermer le local, en obturer convenablement les ouvertures, fentes, lézardes, tous les mal-joints en un mot, il faut renoncer à la désinfection par l’aldéhyde formique et recourir aux lavages. Tous les mal-joints des portes et fenêtres sont calfeutrés avec des bandes d’ouate ou de papier, qu’on brûlera ensuite. Les fêlures des vitres et les fissures des portes, plan- chers, etc., sont bourrées avec des bandes de papier ou du mastic de vitrier, de même que les trous de serrure, à l’ex- ception de celui de la porte d’entrée. Les bouches de calorifère, les orifices servant à la ventila- tion, les trous pratiqués dans la cheminée pour le passage des gaz fournis par les appareils de chauffage, les poê- les, etc., toutes les ouvertures quelconques dans les murailles (tuyaux acoustiques, orifices de passage de fils de sonneries électriques, etc.), doivent être recherchés et soigneusement bouchés. Quand le poêle ne peut pas être retiré de la cheminée, on ferme les ouvertures, portes des fourneaux, joints avec des bandes de papier gommé, d’ouate ou du mastic. Toutes ces opérations, prescrites en vue de rendre l’her- méticité du local aussi parfaite que possible, doivent être exécutées avec le plus grand soin. Avant de quitter la chambre, les désinfecteurs se dépouil- lent de leurs vêtements de travail et les étalent sur le sup- port. Ils se lavent les mains, la figure, la barbe, avec la solution de sublimé, puis sortent de la chambre. Us fer- ment la porte et la calfeutrent soigneusement du dehors et bouchent le trou de serrure avec une bourre d’ouate. Les opérations de désinfection sont ensuite effectuées à l’aide de l’un des appareils autorisés pour la désinfection par gaz antiseptiques. Les conditions du fonctionnement de l’appareil formo- gène, la dose à employer, la durée de l’opération doivent être rigoureusement telles que l’autorisation officielle les énumère. Lorsque le temps de contact indiqué sur le certificat d’au- torisation sera écoulé, les portes et les fenêtres seront rapi- dement ouvertes, de manière à aérer activement. Désinfection par lavages. — On emploiera les lavages avec solutions savonneuses au crésol, à l’eau de Javel, toutes les fois qu’on aura à désinfecter les locaux qu’on ne pourrait pas clore hermétiquement ou qui seraient malpropres, en- combrés et ne pourraient rester longtemps inoccupés. Les planchers, boiseries, portes et fenêtres, les murs peints à l’huile ou tapissés avec du papier, sont lavés avec IA PROPHYLAXIE DES MALADIES EPIDEMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 89 l’une des solutions désinfectantes ci-dessus indiquées. Les désinfecteurs feront usage de deux seaux, l’un pour le li- quide désinfectant ; l’autre pour l’eau pure, destinée au rin- çage des linges et brosses. L’application de la solution désinfectante doit être, au- tant que possible, précédée, pour les peintures et les boi- series, d’un lessivage préalable avec une solution alcaline. Les lavages antiseptiques s’exécutent à la main, métho- diquement. Après avoir passé le linge, la brosse à main ou le pinceau de haut en bas, sur une partie de la paroi, on les rince dans beau pure, puis on les trempe à nouveau dans le liquide désinfectant et l’on passe à la surface voisine. Les murs blanchis à la chaux ou à la colle sont badigeonnés à nouveau avec un lait de chaux fraîchement préparé ou repeints à la colle. Les murs tapissés au papier seront désinfectés au pulvé- risateur avec une solution désinfectante. Le sol battu, en terre glaise, des maisons pauvres à la campagne, doit être arrosé abondamment avec le lait de chaux. On a le soin de verser le liquide désinfectant dans tous les coins et recoins, de manière à imprégner profondément faire de la chambre; on gratte ensuite le revêtement sur une épaisseur de plusieurs millimètres et l’on fait un nouvel arrosage. Les meubles (bois de lit, chaises, tables, etc.), les cadres, les glaces et tous autres objets qui doivent être traités avec ménagement et qu’il faut éviter de trop mouiller, seront frot- tés au linge humecté. VIL — Désinfection des latrines, fosses d'aisances, etc. Comme il est à craindre dans les cas de fièvre typhoïde, de dysenterie et surtout de choléra ou de maladies choléri- formes, que les latrines n’aient été souillées par des déjec- tions, il sera toujours prudent de leur appliquer les me- sures de désinfection indiquées ci-dessus pour les chambres des malades : lavage du siège, des abords, etc. La désin- fection des fosses d’aisances n’a d’utilité que dans les cas où des matières cholériques, typhiques ou dysentériques y ont été projetées depuis peu de temps. Elle est toujours diffi- cile à réaliser et assez incertaine. Le seul m-oyen à recommander consiste à y jeter des quan tités considérables de lait de chaux (environ 5 litres de lait de chaux à 20 p. 100 par mètre cube de matières de vidange) et à chercher à obtenir un brassage intime de la masse, en la remuant avec une longue perche. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Comme il est difficile de cuber une fosse plus ou moins pleine, on peut se contenter d’introduire dans la fosse du lait de chaux jusqu’à ce que le mélange ait une réaction for- tement alcaline. IX. — Désinfection des éviers, vidoirs, rigoles, puils, citernes, etc. Eviers, vidoirs, cours, etc. — Les éviers, vidoirs, bacs de pompe, rigoles, cours et courettes sont abondamment ar- rosés avec du chlorure de chaux à 2 p. 100. Il en est de même des fumiers, que l’on peut aussi im- prégner de lait de chaux ou de solution de sulfate de fer ou de cuivre. Puits. — Lorsqu’il y a lieu de croire qu’un puits maçonné à eau potable a été contaminé, on pourra le désinfecter, ainsi que son contenu, de la manière suivante : On verse dans le puits une quantité de permanganate de potasse suffisante pour colorer fortement l’eau en rose. Cette quantité doit être calculée, d’après le volume d’eau que con- tient le puits au moment de l’opération, sur la base de 0 kilogr. 500 de permanganate de potasse par mètre cube d’eau à désinfecter. Le permanganate devra être dissous préalablement et versé dans le puits à l’état de solution. Après déversement du permanganate de potasse, on laisse en contact pendant vingt-quatre heures, puis on pompe jus- qu’à ce que l’eau soit redevenue absolument incolore. Si, d’ailleurs, il résulte des constatations faites que le puits ne pourrait être, dans la suite, complètement sous- trait à de nouvelles contaminations, il est préférable, lorsque les conditions locales le permettent, de condamner ce puits et d’en construire un nouveau qui n’y soit pas exposé. Le mieux est de forer un puits métallique dont l’ouverture sera protégée contre tout apport de germes morbides de la surface du sol. C. — PRESCRIPTIONS SPÉCIALES A L’USAGE DES DESINFECTEURS. Agents désinfecleurs. — Les agents des services publics de désinfection, appelés à intervenir, soit pour la désinfec- tion pendant la maladie, soit pour la désinfection après la maladie, doivent se conformer aux instructions qui précè- dent et aux prescriptions spéciales ci-après. Transport des objets. — Lorsqu’ils doivent pratiquer la désinfection au domicile du malade, ils transportent avec LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 91 eux dans une voilure les objets, substances désinfectantes ou appareils dont ils peuvent avoir besoin. Arrivés au domicile du malade, ils préparent les solu- tions désinfectantes dont ils auront à faire usage. Ils en- dossent ensuite les blouses, échangent leurs chaussures ha- bituelles contre des chaussures spéciales et se coiffent du bonnet en toile, etc. Ils trempent, en outre, leurs mains dans une solution désinfectante. Il se peut que la désinfection pendant la maladie ait été négligée et que l'on ait à traiter notamment des matières évacuées par les malades; il y sera procédé comme il est dit ci-dessus (A, I). Il en serait de même, s’il y avait lieu, pour les petits linges ou vêtements qui pourraient être désinfectés sur place, ainsi que pour les ustensiles et menus objets à l’usage du malade (A, 11). Si certains objets doivent être désinfectés à la station, les désinfecteurs procèdent à leur triage et à leur emballage. Ils arrosent le plancher ou le carrelage, en évitant de sou- lever de la poussière, au moyen de l’un des désinfectants. Ils le couvrent d’une grosse toile qu’ils mouillent de la même manière. Sur cette toile ils réunissent les objets à emporter. Ils procèdent à l’emballage, dans des sacs numérotés, des diverses catégories d’objets : vêtements, linge sale, linge propre, literie (couverture, matelas, coussins, etc.), rideaux, tapis et tous objets délicats ne supportant pas les lavages par des solutions désinfectantes et destinés à être traités dans les appareils de la station, etc. Ils arrosent l’extérieur des sacs d’une solution désinfec- tante et les déposent immédiatement dans la voiture servant au transport à la station des objets infectés. Les objets de rebut souillés sont mis à part; ceux de petit volume, tels que pièces de pansement, loques, ouate sa- lie, etc., sont brûlés dans la cheminée ou le poêle chaque fois qu’on le pourra. Les objets plus volumineux, tels que vieux vêtements, chemises usées, vieilles couvertures, paillasses, meubles sans valeur, sont enveloppés de toile ou emballés dans des sacs mouillés et transportés au dehors. S’il existe un espace libre suffisant à proximité de l’habitation (cour, jardin, etc.), on les incinérera après arrosage au pétrole. Destruction d'objets souillés. — Toutefois, avant toute des- truction d’objets souillés, les désinfecteurs devront deman- der le consentement écrit du propriétaire; si le propriétaire se refuse à le donner, il en sera immédiatement référé au maire, et, en attendant la décision de l’autorité compétente, les objets en question seront isolés. Désinfection sur place. — Si, pour une raison quelconque, les objets de literie (couvertures, matelas, etc.) doivent être désinfectés sur place, il y sera procédé comme il est dit ci- dessus (B, VI). Locaux. — Les désinfecteurs procèdent ensuite à la dé- sinfection proprement dite du local et de ses dépendances, soit par dégagement de gaz antiseptiques, soit par lavages (B, VI, VII). Pour la désinfection par dégagement de gaz antiseptiques, ils se conforment aux prescriptions énoncées sous le para- graphe B, VII des présentes instructions. S’il y a lieu, ils placent, aux différents endroits qui leur sont indiqués par le chef du service, les tests bactériens ou chimiques destinés à contrôler l’efficacité de la désinfec- tion. L’opération terminée, les tests sont enfermés dans un récipient spécial pour être aussitôt remis au laboratoire de contrôle. Si l’inefficacité est ainsi démontrée, la désin- fection est renouvelée. Lavages. — Pour la désinfection par lavages, les désinfec- leurs se conforment aux prescriptions énoncées au paragra- phe B,VII des précédentes instructions. Ils procèdent également, s’il y a lieu : dans les conditions prévues (B, VII), à la désinfection des latrines, fosses d’ai- sances, etc., dans les conditions prévues (B, VIII), à la désin- fection des éviers, vidoirs, rigoles, puits, citernes, etc. Précautions spéciales. — Lorsque leur travail est terminé, les agents se désinfectent eux-mêmes. Ils emballent dans un sac leurs blouses, leurs casquettes, leurs chaussures, et se lavent les mains et le visage avec de la solution de su- blimé. Puis ils se transportent immédiatement à la station avec leur voiture. Là, après avoir déballé les sacs, etc., ils lavent l’intérieur de la voiture avec des linges imbibés de solution de sublimé. Désinfection à la station. — Les objets transportés à la sta- tion pour y subir la désinfection y seront le plus souvent désinfectés à l’étuve par l’action de la vapeur ou d’un gaz antiseptique. On peut traiter par la vapeur tous les objets de laine, crins ou plumes, de toile ou de coton; on n’y doit, jamais soumettre les objets en cuir, en caoutchouc, feutre, bois collé, les tissus délicats avec apprêts et les fourrures. Les livres, les chaussures, chapeaux de feutre, casquettes, malles et tous les objets en cuir, en caoutchouc, qui ne sup- portent pas l’action de la vapeur, peuvent être désinfectés par des lavages au moyen de solutions désinfectantes (solu- tion savonneuse de crésol) ou dans une étuve à dégage- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 93 ment de gaz antiseptique, tel que, par exemple, l’aldéhyde formique. Ces solutions servent aussi au trempage et au la- vage des tissus et des objets fortement tachés de sang, de matières fécales, de pus, qu’on ne peut passer par l’étuve, sans cette précaution préalable, sous peine de voir les taches devenir indélébiles. Les conditions de fonctionnement des étuves, la durée de l’opération, le degré de température atteint ou la dose de gaz antiseptique employé doivent être rigoureusement telles que l’autorisation officielle les détermine. Incinération des ordures ménagères. Ce qui précède se rapporte aux applications de la désinfection à la prophylaxie des maladies épidémiques à proprement parler ; mais l’infection reconnaît parfois d’autres sources qui imposent aussi des mesures spé- ciales à l’hygiène. De ce nombre sont, dans les grands centres ou les agglomérations importantes, les déchets de la vie journalière et les ordures ménagères. Dans les camps, elles sont une des causes d’infection du sol ; leur enlèvement quotidien est une mesure insuffisante, les amoncellements de ces matières dans le voisinage immé- diat du campement sont dangereux et il est préférable de procéder à leur incinération. Un grand nombre de villes en Amérique et en Angle- terre se débarrassent aujourd’hui de leurs ordures ména- gères en les incinérant. Incinération des cadavres. Les hécatombes humaines qui suivent les grandes ba- tailles, l’accumulation sur des espaces relativement res- treints d'un nombre parfois considérable de cadavres humains et d’animaux, les putréfactions qui en sont la conséquence et exhalent dans l’atmosphère des produits volatils et des gaz nauséabonds, nécessitent la mise en jeu de procédés et de méthodes de désinfection, sauve- gardes de la santé publique. Ces considérations s’appli- quent également aux catastrophes et aux calamités publi- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES ([ues, comme les grandes épidémies enregistrées par l'histoire, où il y a urgence à assurer la destruction rapide d’une grande quantité de matière organique. Assainissement du champ de bataille. A ce point de vue, il est intéressant de s’occuper de l’assainissement et de la désinfection des champs de bataille. Incinération. — Tout d’abord l’incinération de tous les animaux morts, de tous les détritus s’impose et personne n’en discute l’opportunité et l’efficacité. La question des cadavres humains soulève chez les peuples européens des considérations d’ordre sentimen- tal ; nous ne sommes point encore faits à l’idée de sacri- fier nos impressions et nos senlimenls aux nécessités de l'hygiène et, à ce point de vue, notre civilisation retarde sur les Grecs et les Romains, qui ignoraient nos vastes nécropoles et demandaient à la crémation l'anéantisse- ment de la matière et le souvenir objectif de leurs morts dont ils conservaient les cendres. A en juger par la cam- pagne russo-japonaise, le nombre des morts après chaque action imposera des mesures rapides au premier rang desquelles se place l’incinération des corps. Elles ne sont d’ailleurs point nouvelles, et l’on fut tou- jours obligé d’y recourir après les combats très meur- triers. En 1811, 4.000 cadavres sont brûlés après la prise de Tarragone ; on formait des bûchers de 300 ou 400 morts à l’aide de sarments et de fascines séparés par des lits de cadavres. En 1812, les Russes recourent au même procédé pour détruire les monceaux de morts abandonnés par l’armée française. En 1814, sous Paris, les Allemands mirent quinze jours pour incinérer à Montfaucon 4.000 morts. Le Congrès international des sociétés de secours aux blessés, tenu à Paris en 1867, avait proposé l'incinéra- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES tion des hommes tués à la guerre. Même vœu au congrès international d'hygiène de Londres. Au cours de la guerre russo-japonaise, des milliers de corps ont été brûlés. Les Japonais, d’ailleurs, s’étaient déjà accoutumés à la méthode pendant la guerre sino- japonaise. Il est vraisemblable que, dans l’avenir, la crémation constituera le procédé de choix sans avoir besoin pour cela d’appareils spéciaux semblables au wagon ou four- gon crématoire de Kuborn et Jacques, proposé en 1876, au congrès de Bruxelles ; non pas que l’idée soit mau- vaise ou impraticable, mais parce que tout ce matériel ferait partie du service de 1 arrière, déjà suffisamment encombré, et que le nombre nécessairement très grand de ces voitures n’arriverait peut-être pas toujours en temps voulu pour faire besogne utile et rapide ; on a calculé, en effet, que, pour détruire les cadavres des batailles des 14, 16 et 18 août, sous Metz, il eût fallu cent-cinquante wagons Kuborn et Jacques, soit près de quatre trains. Quoi qu’il en soit du procédé de l’avenir, voici com- ment le règlement sur le service de santé en campagne comprend et prescrit les opérations d’assainissement et de désinfection du champ de bataille (notice n° 14, an- nexée au règlement sur le service de santé des armées en campagne). Il y a lieu sur les champs de bataille de procéder aux inhumations, quelle que soit la * nationalité des morts, afin de « préserver les populations des épidémies qui ne manqueraient pas de causer l'infection de l'air, de l’eau et du sol, produite par la décomposition des cadavres et par celle des détritus de toutes sortes provenant d’une bataille sanglante et du passage des armées ». Les inhumations suivront le combat d'aussi près que possible. « C’est à l’inhumation que l’on devra toujours avoir recours, quel que soit le nombre des morts. » Le terrain sera choisi autant que faire se pourra ; il LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES est bien évident que, sur un champ de bataille de plu- sieurs lieues, le transport à grande distance des corps rendrait impossible leur inhumation faute de temps et de moyens. La prescription du choix des terrains résulte de l’influence exercée par la nature du sol sur la dé- composition des matières organiques, qu’il est désirable de savoir aussi rapide que possible, et, à ce point de vue, les terres siliceuses et. calcaires sont préférables, car les sols schisteux, mixtes et les terrains d’alluvion, argi- leux et argilo-calcaires, conservent les corps beaucoup plus longtemps. Le voisinage de l’eau agit dans le même sens, indépendamment de la pollution possible des nap- pes souterraines par les produits de la putréfaction ca- davérique. Inhumations. — L’inhumation individuelle est réservée aux officiers ; des fosses communes s’imposent pour la masse des autres sépultures, et le sol devra être pro- fondément creusé, de telle sorte que la rangée de cada- vres fa plus superficielle soit au moins à 2 mètres au-dessous du niveau du sol. Cette précaution est indis- pensable, car la quantité de gaz, produits de la putréfac- tion, traversent de grandes épaisseurs de terre et se dégagent dans l’atmosphère. Lorsque les ressources le permettent, et afin de dimi- nuer cette surproduction de gaz, on hâte la destruction de la matière organique en répandant sur les couches successives de cadavres dépouillés de leurs vêtements, séparés par un lit de chaux vive, de l’acide chlorhydrique ou sulfurique. Enfin, on constitue des tumuli à l’aide des déblais des fosses et on les ensemence avec des plan- tes à croissance rapide, avides d’azote : trèfle, luzerne, avoine, maïs, chanvre. Désinfection du champ de bataille. Il peut se rencontrer telles circonstances où les inhu- mations hâtives ou insuffisamment profondes obligent à LA PROPHYLAXIE OES MALADIES ÉPIDÉMIQUES recourir à l’incinération sur place après quelque temps. Ces opérations entrent déjà dans la désinfection du champ de bataille. Elles se font d’ordinaire de la façon suivante : « Enlever la terre de la fosse jusqu’à ce qu’on arrive sur la couche noire fétide en contact immédiat avec les cadavres ; au cours de ce travail, arroser la terre avec une solution antiseptique, puis la faire enlever. Quand les cadavres sont à découvert, faire couler sur eux une épaisse couche de goudron et de pétrole, l’enflammer ensuite avec de la paille. L’opération dure une heure environ. Au bout de ce temps, il ne reste que des os calcinés et le contenu de la fosse est réduit des trois quarts. » (Notice n° 14.) C’est le procédé Créteur, employé en 1870. % Cette éventualité peut devenir et devient en fait la règle après toutes les grandes guerres, où des milliers de cadavres ont jalonné les champs de bataille et où l’en- fouissement s’esl fait dans de telles conditions qu’il ne tarde pas à devenir illusoire. Le méphitisme devient alors tel que, dans l'intérêl et pour la protection des popula- tions voisines, la désinfection méthodique s’impose comme cela s’est produit en 1870 à Sedan, Metz et aux environs de Paris. L’incinération par le procédé Créteur décrit plus haut est la méthode de choix pour toutes les grandes fosses insuffisamment recouvertes, principalement celles où ont été enfouis des débris ou des cadavres animaux. Il a. entre autres avantages, celui de ne pas mettre en contact les hommes de corvée, pendant trop longtemps, avec les produits de la décomposition putride, ce qui constitue un véritable danger. Un aufre moyen, conseillé par Larrey, consiste à recouvrir la tombe d’une couche de chaux vive de 20 centimètres et A- rejeter sur celle-ci une masse de terre suffisante pour surélever le tumulus. Enfin, il peut être fait une tranchée allant à une cer- taine profondeur sous les cadavres ; ceux-ci sont étayés La Prophylaxie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES au moyen de fascines et de planches. Un lit de chaux vive et de substances désinfectantes est constitué au fond de la nouvelle fosse dans laquelle sont précipités tous les corps au moment où l’on retire les étais. Un nouveau tumulus est élevé sur lequel sont ensemencées des plantes fourragères. Ainsi qu’on le voit, le règlement français demande à la terre la transformation de la matière organique et les inhumations sont tout d’abord mises en pratique après les combats. La crémation n’intervient qu’ultérieurement, en cas d’insuffisance des sépultures premières et afin de parer aux dangers qui en sont la conséquence. CHAPITRE II MESURES PROPHYLACTIQUES S’ADRESSANT AU TERRAIN. — IMMUNITÉ. — IMMUNISATION. — LUTTE CONTRE LES CAUSES D’AFFAIBLISSEMENT DE L’ORGANISME. La protection du terrain revêt la même importance que la guerre faite à la graine dans la prophylaxie des mala- dies épidémiques. Si puissants que soient nos moyens d’action contre les multiples envahisseurs qui nous en- tourent, l'intégrité de notre groupement cellulaire est la meilleure garantie contre leurs attaques. L'organisme susceptible de mettre en jeu toutes les ressources de ses défenses naturelles se trouve à l’abri de la maladie ; il se protège ainsi d'une façon très efficace, il ne se laisse pas entamer. Point ne serait besoin d’interventions étran- gères si nous savions toujours maintenir cette intégrité et utiliser ces défenses ; c’est à les garder l’une et les autres contre les causes accidentelles de nature à les faire fléchir que s’attache la prophylaxie du terrain. IMMUNITÉ Elle cherche à réaliser cet état particulier connu sous le nom d’immunité, ensemble de conditions qui font que l’individu peut supporter, sans trouble apparent de la santé, l’action d’une cause pathogène ; il est à l’abri de la maladie. Or, cette immunité est naturelle ou acquise suivant qu’elle procède d’une innéité spéciale ou s’est développée après la naissance. La première est le plus souvent ù l’état de qualité latente chez T’individu ; nous en igno- rons l’existence jusqu’au jour où les conditions de milieu, de contagion, la mettent en évidence ; mais rien ne nous LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES fixe sur sa durée, ni môme sur sa réalité absolue, car le fait d’avoir échappé sans manifestations à l’action d’un contage peut affirmer simplement l’absence de réceptivité* ou d’opportunité morbide dans le moment où celle-ci s’est produite et non la preuve d’une immunité définitive. Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de l’immunité* acquise ; elle est habituellement la conséquence d'une at- teinte antérieure de la maladie, qui a laissé l’organisme inapte à recevoir de nouveau la même impression mor- bide et le garantit contre des accidents semblables. L’ex- périence nous a appris quelles sont les maladies qui vac- cinent ainsi, suivant l’expression consacrée, et de quelle durée variable, suivant les espèces, peut être l’immunité qui en résulte. Elle nous a révélé, de plus, le mécanisme de l’immm nisation par le développement dans le sang de substances spéciales antitoxiques, dont l’injection aux individus sains s’oppose à la maladie, de même qu’elle garantit pour l’avenir ceux déjà atteints. Mais il s’en faut que ces notions, qui nous ont conduits à la plus efficace comme à la plus raisonnée des prophy- laxies, à la création de l’immunité artificielle par la sé- rothérapie, puissent être étendues à toutes les maladies épidémiques, et que la science soit actuellement en pos- session de méthodes sérolhérapiques applicables à cha- cune d’elles. Il n’existe pas de sérums spécifiques pour nombre d’affections dont la contagiosité et l’épidémicité ne sauraient être mises en doute, telles que la rougeole, la scarlatine, etc., et il s’écoulera probablement un long temps encore avant que nous puissions avoir la certitude de lutter contre elles avec les mêmes succès que nous ont donnés la diphtérie, la peste, etc. Quoi qu’il en soit, l’hygiéniste poursuit dans la défense du terrain la réalisation de l’immunité aux maladies,, que cette immunité soit artificiellement acquise par un procédé de vaccination quelconque ou résulte de la résis- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES tance énergique du milieu organique aux causes de l'in- fection. Deux ordres de moyens s'offrent donc à nous : 1° Ceux qui créent l’immunité artificiellement ; 2° Ceux qui renforcent la résistance organique en lut- tant contre les causes d'affaiblissement. 1° Immunité artificielle. Variolisation. Les méthodes prophylactiques qui cherchent à créer l’immunité artificielle ne sont pas de date récente et il s’en faut que l’homme ait attendu le xixe siècle pour tenter de se défendre contre les épidémies, puisque la pratique de la variolisation a pris naissance en Chine il y a trois mille ans. L’observafion avait permis de remarquer la bénignité plus grande de la variole chez les personnes bien por- tantes inoculées avec une petite quantité de virus vario- leux ; de là est née la pratique de la variolisation. Elle fut utilisée en Turquie, en Perse, au xvn® siècle, et im- portée en Angleterre en 1721. Les Arabes l’employaient encore en 1880 en Algérie. Vaccination jennérienne. Elle fut supplantée par la vaccination jennérienne en 1798, dont le point de départ fut l’immunité contre la variole constatée chez les femmes chargées de la traite des vaches atteintes de cow-pox ; cette constatation em- pirique fut l'origine d’une méthode qui ne tarda pas à se généraliser et mit fin aux grandes épidémies de variole. Chacun connaît, par expérience, pour avoir été vacciné à diverses reprises, ce qu’est la vaccination jennérienne, du nom de Jenner, immortalisé par cette découverte. On ndmet que la durée de l’immunité acquise par la vaccina- tiion est de sepî années en moyenne. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Vaccination pastorienne. Il faut rapprocher de cette méthode prophylactique celle créée par Pasteur, qui, au lieu de virus actifs de nature inconnue, comme dans la variole, introduisit des agents figurés, nettement déterminés expérimentalement ou accidentellement, atténués, c’est-à-dire diminués de virulence. Il créa ainsi ses vaccins célèbres contre le charbon. Vaccination antirabique. Par analogie, bien que le germe spécifique n’en ait jamais été isolé, la méthode fut appliquée au traitement de la rage, avec celte nuance toutefois qu’il ne s'agissait plus ici, comme dans le charbon, d’une vaccination pré- ventive, mais d’une inoculation destinée à créer chez l’individu mordu un état réfractaire dont le développe- ment fût plus hâtif que celui de la maladie. Le génie de Pasteur, escomptant la durée d’incubation des accidents morbides, la longueur de la propagation du virus suivant la voie nerveuse pour se cantonner dans les centres nerveux où il avait uniquement constaté sa présence, utilisa les moelles desséchées des animaux morts de la rage expérimentale comme une sorte de vaccin à la fois préventif et curatif, dont le transport ra- pide par la voie circulatoire devançait l’action, plus lente à se produire sur la moelle du malade, du virus rabique inoculé par la morsure. Immunisation active. A une époque plus rapprochée encore de nous, Haf- kine eut, dans le môme ordre d’idées, la pensée de faire servir à l’immunisation les cultures stérilisées des mi- crobes du choléra et de la peste. Les injections préven- tives des cadavres microbiens et de leurs produits solu- bles ue sécrétion, autrement dit de leurs toxines, déve- loppent dans l’organisme humain des antitoxines qui le garantissent contre l’infection possible par les germes du choléra ou de la peste. C’est l’immunisation active, ainsi nommée parce qu’elle exige de la part des cellules orga- niques une sorte de réaction défensive, active, antitoxique, grâce à laquelle se crée l’immunité. Immunisation passive et sérothérapie. Avec l’immunisation passive nous arrivons à la séro- prophylaxie, dans laquelle l’organisme reste passif et reçoit, toute faite, l’antitoxine prélevée chez un animal auquel a été confié le soin de son élaboration. Il a déjà été dit que la vie microbienne engendrait des poisons solubles dont l’absorption par nos cellules amenait la production des substances dites bactéricides, contre-poi- sons des premiers, qui donnaient à nos humeurs un pou- voir particulier, les rendaient réfractaires à de nouvelles doses de ces poisons. Ces humeurs jouissaient, vis-à-vis d’organismes sains, de propriétés préventives les mettant à l’abri des mêmes infeclions. Ainsi sont nés la sérothérapie et le traitement, comme la prophylaxie spécifiques de la diphtérie, de la peste, de la fièvre typhoïde, du tétanos et de la dysenterie. Quelques détails vont permettre de comprendre de suite ces questions. On confie au cheval, animal de grande taille, suscep- tible de supporter sans dommage l’injection des cultures microbiennes pathogènes, de subir allègrement des sai- gnées répétées et fournir, par conséquent, une grande quantité de sérum, le soin de fabriquer l’antitoxine. Pour cela on lui injecte à plusieurs reprises des cultures viru- lentes de diphtérie, par exemple ; lorsqu’il cesse de réagir à ces injections, c’est que le poison diphtéritique n’a plus action sur lui et que ses humeurs contiennent assez d’an- titoxine pour neutraliser la toxine microbienne. Le mo- ment est venu de prélever son sang dans le sérum duquel LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES est dissous le précieux contrepoison qui va servir à gué- rir et à immuniser les malades. Le principe et la méthode sont appliqués, grâce au même animal, avec la peste, la lièvre typhoïde, le tétanos, voire aussi le cancer, mais sans résultats aussi probants, à en croire les retentissantes discussions du Congrès de Chirurgie de 1905. 11 importe de savoir que l’immunité créée chez l’homme par l’immunisation active est plus durable que celle con- sécutive à l'immunisation passive, parce que, au cours de cette dernière, les cellules fixent momentanément le contrepoison venu du dehors ; qu’elles le cèdent petit à petit, jusqu’au jour peu éloigné où cette sorte d’impré- gnation prend fin avec l’immunité ; dans le premier cas, au contraire, la cellule a élaboré elle-même l’antitoxine qui fait, pour ainsi dire, corps avec sa propre substance et ne se laisse point facilement désagréger ; elle est à l’état de combinaison stable, comme disent les chimistes, et eon rôle protecteur se prolonge pendant beaucoup plus longtemps. Et, cependant, elle est moins fréquemment utilisée que la seconde, en temps d’épidémie tout au moins, à cause des dangers qu’elle fait courir. En voici la raison : une infection intercurrente, dans la période qui précède la réaction de production antitoxique, vien- drait ajouter ses effets à ceux de la toxine injectée avec les cultures stérilisées et exposerait le sujet à des acci- dents graves, sinon mortels ; il est clair qu’une dose de poison inopinément introduite cumulerait son action avec celle de la même substance intentionnellement injectée et que le vacciné peut courir des dangers s’il contracte la maladie avant d’avoir eu le temps de fabriquer le con- trepoison destiné à le garantir. ï° Imite contre les causes qui diminuent la résistance organique. Cette lutte ne peut être féconde qu’à la condition de bien connaître les diverses causes prédisposant lV'ga- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES nisme à l’infection en diminuant sa résistance à l’égard •des agents pathogènes. En étudiant les principales d’entre elles, seront indi- quées les mesures prophylactiques qu’elles imposent. Races. On sait que l'aptitude à contracter les maladies varie beaucoup suivant les races. La fièvre jaune, le paludisme, s’observent irès rarement chez les nègres et les mulâtres. Le tétanos a pour eux, en revanche, une prédilection marquée. Les races européennes paient un tribut consi- dérable au typhus amaril et à la malaria : témoins les •campagnes du Mexique et de Madagascar. Les créoles des Antilles sont réfractaires à la rougeole et à la scarlatine ; ils perdent cette immunité par un sé- jour prolongé dans nos climats. La race jaune est d’une telle sensibilité à la variole qu’il n’est pas rare de voir cette affection récidiver sur le même individu. Les Japonais, au cours de la guerre de Mandchourie, ont vu les prisonniers russes importer la maladie sur leur territoire et s’en sont défendus à grand’- peine. Les Anglo-Saxons sont des proies faciles pour la scar- latine, dont ils craignent avec raison les atteintes ; elle est chez eux très fréquemment mortelle et suffit à les mettre en fuite, telle cette famille anglaise qui, venue sirr la Rivièra dans l'intention d’hiverner, s’embarqua hâtivement pour le Caire en apprenant l’existence d’un cas de scarlatine dans le voisinage. On a attiré l’attention, depuis une vingtaine d’années, sur la très grande fré- quence de la tuberculose chez les personnes présentant le type vénitien, peau fine et blanche, système pileux abondant et roux, et la médecine vétérinaire nous avait déjà montré l’immunilé complète des moutons de race algérienne à l’égard du charbon. Ces notions ne sont point perdues pour la prophylaxie, et, dans les expéditions coloniales par exemple, on com- posera de préférence les colonnes avec des nègres et des mulâtres lorsqu’elles devront opérer dans des ré- gions où le paludisme et la fièvre jaune sont à redouter. On n'oubliera point non plus que les épidémies peuvent revêlir une malignité inusitée lorsqu’elles frappent des populations neuves, témoin la rougeole aux lies Féroé, où elle fut importée en 1846 et frappa 6.000 personnes sur 8.000 habitants ; comme aussi aux îles Fidji en 1875, où sa première apparition causa la mort de 40.000 indi- vidus sur une population de 150.000 âmes. On écar- tera donc avec grand soin tout élément de contagion. On vaccinera, sans exception aucune, tous ceux destinés à faire partie d’une expédition, ainsi que cela a été fait pour le corps expéditionnaire de Madagascar. Hérédité. L’hérédité est cette loi biologique par laquelle les êtres vivants se répètent dans leur descendance et lui trans- mettent leurs propriétés. Elle joue dans l’élude de la pro- phylaxie des maladies épidémiques un rôle très considé- rable, car la transmission des propriétés et des caractères ancestraux comprend non seulement les attributs exté- rieurs de l’espèce, mais aussi des aptitudes morbides qui font l’hérédité « similaire » lorsque les maladies du générateur se reproduisent exactement chez le descen- dant, ou « homologue » lorsque les manifestations morbi des sont différentes. Dans l’un et l’autre cas, les descen- dants présentent une fragilité organique spéciale d’où résulte la prédisposition à contracter les maladies. Les enfants nés de parents alcooliques, syphilitiques, sont des dégénérés que leur faiblesse native voue aux infections, qui se feront chez eux plus sévères parce que le terrain offrira une résistance amoindrie. Les mêmes remarques s’appliquent aux hérédo-tubcrculeux, et il importe de re- marquer que la tare tuberculeuse n’est pas reproduite LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES chez le rejeton sous la forme qu’elle a revêtue dans l’or- ganisme. des générateurs et que l’enfant né de parents tuberculeux ne vient pas au monde avec des lésions tu- berculeuses ; il a hérité le terrain (1), c’est-à-dire la pré- disposition et non la maladie. Il y a lieu d’insister sur celte hérédité de la tuberculose parce qu’elle tend, par son extension, à devenir une question sociale, et que l’on ne sait pas assez l’importance prédominante du terrain dans le développement et la propagation de cette lèpre moderne, que l'on ignore la puissance de l’hygiène pro- phylactique pour améliorer l’organisme et s'opposer au développement de la graine bacillaire. Les infections des parents donnent aux humeurs de l’en- fant une composition particulière qui favorise ou pré- vient l’éclosion des maladies ; elles créent les prédisposi- tions et aussi les immunités. Prédisposition et immunité sont qualités acquises du terrain par transmission atavi- que ; il peut paraître singulier qu’un même processus puisse conduire à des conséquences aussi diamétrale- ment opposées, et, cependant, l’observation prouve la réa- lité de ces faits. Il est des familles qui présentent une prédisposition marquée pour certaines infections : la diphtérie, l’érysi- pèle ; je puis citer l’exemple d’une dame qui resta seule après avoir successivement perdu son mari et trois fils de lièvre typhoïde et me prédit la mort inéluctable du der- nier de ses enfants lorsque je lui appris qu’il était atteint de cette maladie. De fait, celle-ci, qui s’annonçait bénigne, ne tarda pas à prendre le même caractère de gravité ob- servé chez les autres membres de la famille et confirma le pronostic maternel. (1) An Congrès de la Tuberculose tenu à Paris en 1905 (octobre), l'hérédité du terrain a été niée et les descendante de tubercu- leux soustraits de bonne heure à la contagion ne présenteraient pas une réceptivité plus grande à cette maladie que les sujets exempts de toute tare héréditaire de cette nature. 108 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES L’immunité est également indéniable. On sait que l’en- fant issu d’une mère ayant eu la variole au cours de sa grossesse est à l’abri de cette maladie. Ce que nous devons retenir des considérations pré- cédentes, au point de vue spécial qui nous occupe, c’est que l’hérédité imprime au terrain des modalités particu- lières, desquelles la prophylaxie doit tenir le plus grand compte parce qu’il dépend souvent d’elle d’en atténuer les conséquences fâcheuses. Il lui appartiendra de renfor- cer la résistance de ces terrains grâce à l’éducation, à l’alimentation, à l’exercice, à l’aération, de façon à sub- stituer, pour ainsi dire, un état cellulaire nouveau à l’o- rientation morbide primitive. Combien, en effet, compte- t-on aujourd’hui d’enfants nés de tuberculeux soustraits dès le bas âge à la contagion directe par l’isolement et dont les moyens qui viennent d’être indiqués ont fait des êtres vigoureux. Inanition. S’il est une cause d’affaiblissement organique, c’est sans contredit l’inanition, non point comprise au sens gramma- tical de ce mot, mais dans l’acception d'insuffisance ali- mentaire chronique. C’est dans les aliments que l’orga- nisme puise les matériaux de rénovation qui, transportés par le courant sanguin dans tous les recoins de l’écono- mie, doivent maintenir fixe et invariable la constitution de nos tissus. L’insuffisance de l’apport ne tarde pas à rompre cet équilibre organique, élément primordial de résistance aux infections. L’ndividu qui 11e reçoit pas la quantité d’aliments néces- saire commence par consommer sa graisse : c’est la pre- mière réserve qu’il utilise en la transformant par oxyda- tion en sucre, eau et acide carbonique ; il se trouve à ce moment de la période d’amaigrissement voisine de celle où se réalisent l'opportunité et la réceptivité morbides con- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES temporaines de l’utilisation de ses propres substances azo- tées. Alors apparaît la dénutrition ; la désassimilation l’emporte sur l’assimilation parce que la dépense est cons- tamment supérieure à la recette organique ; toutes les défenses naturelles fléchissent; survienne le germe infec- tieux, il pénétrera sans difficulté dans la place ; l’élat de maladie sera réalisé d’autant plus aisément que l’inanition diminue l’alcalinité des humeurs, sans laquelle le pouvoir bactéricide, préservateur essentiel de l’organisme contre les microbes, ne saurait exister. Ainsi s’expliquent les grandes épidémies qui ont tou- jours accompagné et suivi les famines, les guerres ; mais s’il est telles circonstances où les privations s’imposent, on peut les considérer comme tout à fait exceptionnelles. Il ne saurait en être de même dans les conditions ordi- naires de la vie militaire, et cependant aucun hygiéniste- ne pourra soutenir que la ration alimentaire du soldat est supérieure à ses besoins. Est-ce à dire que le taux de cette ration en temps de paix ait été calculé sur des bases inexactes et que les 19 grammes d’azote et les 340 gram- mes de carbone qu’elle représente sont insuffisants ? Non, principes et calculs sont excellents, l'application est défectueuse. On s’est élevé contre l’uniformité du régime ù laquelle a succédé, par une heureuse initiative due au regretté médecin principal Schindler, la variété des menus. Je ne sache point que cette substitution ait abaissé dans l’armée le chiffre des maladies épidémiques. Au gaspil- lage problématique du pain on a opposé la mise en com- mun de cette denrée ; l’on a remplacé par la gamelle in- dividuelle l’ancienne gamelle collective où les retarda- taires et les lambins ne trouvaient pas leur compte et l'on y est inconsciemment revenu en servant les hommes dans des plats communs d’où ils transportent sur leurs assiettes le mets plus appétissant et plus varié que ne l’était l’insi- pide et monotone soupe au bœuf de leurs ancêtres. Tous ces progrès, auxquels il faut applaudir, n’ont LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES rien changé à la pathologie militaire, parce que, si nos soldats mangent plus proprement et mieux, ils absorbent, en réalité, une quantité moindre d’aliments. Le jour où la répartition sera également faite, où chaque soldat aura la libre disposition de son pain, un progrès sera déjà réalisé, préambule d’un autre bien plus important, capital en l’espèce, la suppression des adjudications en matière de viande et le rehaussement de l’indemnité représentative de celle-ci. Dès ce moment cessera le duel inégal qui met journellement aux prises l’officier de distribution avec le boucher, dont la soumission à un prix souvent inférieur à la mercuriale souligne l’impossibilité de fournir une viande conforme au cahier des charges. La lutte contre le boucher constitue aujourd’hui la meilleure prophylaxie contre celte cause d'affaiblissement organique qu’est l’ina- nition. Elle cessera le jour où le rehaussement de l’in- demnité représentative de viande permettra aux soumis- sionnaires, s’ils existent encore, d’accepter les adjudica- tions à des prix convenables qui autorisent et justifieront toutes les exigences de la part des commissions des ordi- naires. Ce qui revient à dire que l’argent est ici, comme en bien d’autres cas, te plus complet des éléments pro- phylactiques. Cela nous conduit à parler des bonis d'or- dinaire et de leur utilisation en vue de l’hygiène. L’on est en droit d’admirer les procédés d’administration grâce auxquels les commandants d’unité peuvent, avec des res- sources aussi réduites que celles de l’ordinaire, réaliser des économies. Le boni est la réserve où l'on puise dans les moments difficiles, à l’occasion de fatigues exception- nelles ; il devrait être exclusivement réservé à l’améliora- tion de l’ordinaire et ne supporter aucune dépense étran- gère à l’alimentation. La question de l’inanition, dans le sens indiqué plus haut, mérite surtout de fixer l’attention du commandement en temps de guerre. C’est à ce moment que la résistance humaine a besoin d’être plus considérable et c’est aussi LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES celui où ies circonstances imposent souvent aux hom- mes les privations les plus grandes. Au premier rang de celles-ci se trouve la difficulté do préparation des ali- ments. Le problème paraît avoir été résolu dans l’armée russe, au cours de la campagne de Mandchourie, par l’emploi des cuisines roulantes dont les croquis et la des- cription ont été donnés dans l’article publié par le pro- fesseur Nimier, dans le Caducée cïu 2 décembre 1005 (1). (1) Au cours de la guerre avec le Japon, l’année russe a utilisé des cuisines roulantes qui paraissent avoir rendu de réels ser- vices pour l’alimentation des troupes. En particulier, lorsque, immobilisés plusieurs jours sur le terrain de la lutte, les hom- mes ne pouvaient, du fait du voisinage de l’ennemi, allumer de feu pour cuire leur nourriture, la nuit venue, ils étaient ravi- taillés en aliments chauds apportés dans les cuisines elles-mê- mes. Or, sans discuter ici si, pour nos soldats, l’adoption dans les corps de troupe d’un pareil matériel offrirait des avantages en rapport avec l’alourdissement que sa. présence occasionnerait dans les colonnes, je crois qu'il mérite d’être pris en considéra- tion par le service de santé. Notre service, en effet, allégé de bon nombre de voitures qu’il traîne en première ligne, pourrait, eu échange, avantageusement être muni d’une cuisine roulante par formation sanitaire. Cette cuisine normalement assurerait la cuisson des aliments du personnel de la formation et, au jour du combat, elle rendrait possible la distribution immédiate aux blessés des aliments préparés en cours de route; tandis que, avec les marmites actuelles, bien que l’un des premiers soins de l’am- bulance consiste dans l’établissement de la cuisine, c’est seule- ment au bout de plusieurs heures que la soupe est prête. D’après l’expérience qu’il nous a été donné de faire, comme d’après les comptes rendus de la guerre de Mandchourie, la question mé- rite d’être sérieusement discutée. L’armée russe possède deux modèles de cuisines de campagne sur roues : l’un dit modèle de l’infanterie et de l’artillerie, l’autre dit modèle de la cavalerie. Tous deux sont traînés par deux che- vaux; mais un seul cheval peut suffire pour celui de la cavalerie. La cuisine du modèle de l’infanterie est établie pour une com- pagnie à l’effectif de 200 à 230 hommes; celle du modèle de la cavalerie, pour un escadron de 130 à 135 hommes. En sus de la chaudière et du foyer, elles comptent un coffre d’avant-train destiné à transporter un jour de vivres pour l’ef- fectif des rationnaires, trois jours d’avoine et deux jours de foin pour deux chevaux, ainsi que les ustensiles de cuisine et une provision de bois pour une seule cuisson. D’après l’instruction russe, le chargement est réparti dans un coffre rectangulaire en bois, divisé en plusieurs comparti- ments, lequel sert de siège au conducteur. Dans la cuisine d’infanterie, le coffre est divisé en six compar- 11 est incontestable que l’état sanitaire de l’armée russe n'a pas été inférieur, au cours de cette pénible à celui du temps de paix et que cet excellent résultat est dû à la constance, à la régularité des distributions ali- mentaires, qui ont pu se faire même pendant l’action. La seule exception a été relevée dans une division sibérienne arrivée sur le théâtre des opérations non pourvue de cui- sines roulantes. Son état sanitaire fléchit très rapidement et ne tarda pas à se relever dès que l’on put faire venir d’Europe les cuisines roulantes dont elle était dépourvue. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES timents : dans le compartiment n° 1 on place le bois de chauf- fage (on remplit également de bois la boîte à feu sous la chau- dière et le panier métallique derrière le coffre pour avoir Je combustible sous la main) ; le compartiment n° 2, doublé de feuilles de zinc, est destiné à la conservation de la viande pour le déjeuner, ou de la vainde cuite et désossée pour le dîner, lors- qu’il est nécessaire de retirer celle-ci de la chaudière pour l’em- pêcher d’être trop cuite; dans le compartiment n° 3, on place en vrac les trois jours d’avoine pour deux chevaux et par-des- sus, dans un large sac, la moitié de la ration de gruau et de denrées analogues; dans les compartiments nos 4, 5 et 6, on place indifféremment le sel, la farine d’assaisonnement pour un jour, le couteau de boucher, les clefs à écrou, la boîte à graisse pour les roues, les effets du conducteur, etc. Dans la partie supérieure des compartiments nos 3, 4 et 5, on fixe au moyen des courroies, dans les évidements et mortaises pratiqués à cet effet, la scie passe-partout, la hache, la cuiller à pot, la fourchette, le tison- nier, la brosse pour nettoyer la chaudière et le râcloir pour net- toyer la cheminée. Le seau se dispose sur le couvercle postérieur du coffre, dans une galerie installée à cet effet. Dans la cuisine de cavalerie, le coffre est divisé en quatre com- partiments : dans le compartiment n° 1, le plus grand, avec porte du côté droit du coffre, on place le bois de chauffage, on remplit également de bois la boîte à feu sous la chaudière; le compartiment n° 2, doublé de feuilles de zinc, est destiné à la conservation de la viande pour le déjeuner, ou de la viande cuite et désossée pour le dîner, lorsqu’il est nécessaire de retirer celle-ci de la chaudière pour l’empêcher d’être trop cuite ; dans le compartiment n° 3, du bas, avec porte du côté gauche du coffre, on place le couteau de boucher, la scie passe-partout, la hache, la cuiller à pot, la fourchette, le tisonnier, la brosse pour nettoyer la cheminée; dans le compartiment n° 4, le plus bas, avec porte en avant sur le marchepied du conducteur, on place indifféremment le sel, la farine d’assaisonnement pour un jour, la ration de gruau pour un jour, les clefs à écrou, la boîte à graisse pour les roues, les effets du conducteur, etc. En arrière du coffre, sur des supports en bois, on place, dans LA PROPHYLAXIE DES MALADIES EPIDEMIQUES La ration du soldat russe, au cours de cette campagne, fut d’ailleurs suffisante, ainsi que le prouve le détail sui- vant de sa composition : 717 grammes de galette biscuit ou de pain desséché. ou 1.127 — de pain frais noir. 60 — de kocha (gruau de sarrazin) pour la soupe. ou 60 — de riz ou de millet. 410 — de viande fraîche ou 307 grammes de vian- de de conserve ou de lard. 50 — de sel. 255 — de légumes frais ou 180 grammes de lé- gumes secs (julienne). 21,5 — de beurre ou de graisse de porc. 17 — de farine pour la soupe. 6,40 — de thé en feuille ou en brique. 2,60 — de sucre. 0,71 — de poivre. 1,00 — acide tartrique cristallisé. des galeries disposées pour les recevoir, deux seaux en fer : l’un, peint en rouge, sert à abreuver les chevaux; l’autre, peint en blanc, à transporter de l’eau pour la cuisine, pour les assaison- nements, etc. ; dans chacun de ces seaux on place, en route, un sac contenant de l’avoine. Les denrées destinées à la première cuisson, c’est-à-dire la moitié de la ration de viande transportée, à l’exception des assaisonnements, se placent en une fois dans la chaudière. Ces cuisines sont destinées à la préparation d’aliments liqui- des (soupe) ou de boissons chaudes (café, thé). A cet effet on remplit d’eau la chaudière en cuivre étamé avec six seaux (en- viron 74 litres pour 100 hommes) ; un trait de repère indique le niveau qu’il ne faut pas dépasser afin de ménager sous le cou- vercle un espace vide pour la vapeur pendant l’ébullition. Après avoir placé les ingrédients nécessaires à la préparation de la soupe, on nettoie sérieusement les bords de la chaudière et ceux du couvercle, ainsi que le joint entre la partie mobile et la par- tie fixe du couvercle, afin que les débris d’aliments qui pour- raient s’y loger, ou la glace qui pourrait s’y former l’hiver au moment où l’on verse l’eau, n’empêchent pas la fermeture her- métique de la chaudière par les arrêtoirs à charnière. Il con- vient ensuite de raccourcir, au moyen d’un crochet, la chaînette de la tige de la soupape du couvercle, afin qu’elle ne puisse être complètement expulsée. Cela fait, on allume le feu et, pour augmenter le tirage, on abaissera le cendrier du foyer en ayant soin de le fixer, pour qu’il ne se déplace pas par le fait des cahots. Pendant la cuisson on maintiendra, dès le début, un feu intense ; à cet effet, on tisonnera fréquemment. Lorsque les ali- La Prophylaxie. 114 LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Depuis quelque temps on fabrique dans quelques usines allemandes, à l’usage des touristes ou de l'armée, des boîtes de conserves présentant une disposition qui permet de chauffer l’aliment sans recourir à l'usage du feu. M. le pharmacien-major Sarthou a étudié et proposé en 1906 un procédé ingénieux de chauffage sans feu des conserves alimentaires qui vise le même but d’alimentation facile en campagne. Voici en quoi consiste le dispositif : La boîte de conserve proprement dite est, enfermée, sauf à son extrémité supérieure, dans un manchon en fer-blanc divisé en deux compartiments. L’inférieur renferme de l’eau; le latéral, de la chaux vive. Au moment du besoin, on perce avec une pointe ordi- naire quatre trous en des endroits désignés, dans le cou- vercle inférieur. On pousse la pointe de façon à percer éga- lement la cloison qui sépare le réservoir à eau du compar- ments ont bouilli et que la vapeur commence à sortir par la sou- pape, on n’ajoutera du bois que par petite quantité, deux, ou même une seule bûche à la fois; à cet effet, il est avantageux de se servir du bois qui se trouve sous la main dans le panier métallique, derrière le coffre, ce qui peut se faire sans arrêter la voiture. Pendant la période de forte cuisson, il est indispensable de retourner deux ou trois fois les aliments avec le manche de la cuiller à pot, ce qui se fait facilement sans être obligé d’arrêter la voiture ; il faut seulement, sans ouvrir le couvercle de la chau- dière, ouvrir le chapeau que porte ce couvercle. Pour ouvrir le couvercle du chapeau ou le couvercle de la chaudière il est nécessaire, au préalable, de faire disparaître la vapeur accumu- lée dans la chaudière. Dans ce but, refermer la poi’te de chauf- fage et le cendrier ; retirer, en allongeant la chaînette, la tige en cuivre de la soupape; ensuite, desserrer la vis à T qui fixe le couvercle du chapeau et faire sortir l’excédent de vapeur, sans laisser jaillir la nourriture au dehors. Pour ouvrir le cou- vercle de la chaudière, desserrer les arrêtoirs à charnière ; la vis à T et les arrêtoirs ne doivent être dévissés que successivement, pour que l’excédent de vapeur ne fasse pas répandre la nourri- ture. Api’ès deux heures et demie à trois heures de cuisson, quand la viande est cuite, il est bon de la retirer de la chaudière pour éviter qu’elle ne se transforme en bouillie. On la sépare alors des os, que l’on remet dans la chaudière, et on la découpe en portions que l’on met dans le compartiment garni de zinc du coffre en bois. Après avoir retiré la viande de la chaudière, vingt à vingt-cinq minutes avant la distribution du repas, on verse dans la chaudière l’assaisonnement délayé dans l’eau froide ou, â défaut, dans de la soupe retirée de la chaudière et refroidie. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES timent renfermant la chaux. L’eau tombe sur la chaux; la température s’élève très rapidement. On agite et, en vingt minutes, la conserve est suffisamment chaude pour être con- sommée. On pourrait réserver ce dispositif pour des unités isolées, cavalerie ou infanterie, à qui on permettrait ainsi de prendre un repas chaud dans la journée, et exceptionnellement pour ■des troupes que des nécessités de tactique empêcheraient, soit de manifester leur présence par des foyers allumés, soit de faire une grand’halte permettant la préparation d’un repas chaud. Cette application de la chaux vive est, croyons-nous, digne d'attirer l’attention. On ne peut passer sous silence, dans la prophylaxie de rinsuffîs.ancc alimentaire, les tentatives faites au cours de ces dernières années pour fournir aux troupes des ra- tions dites accélératrices, d’endurance, dynamogènes, L'assaisonnement une fois introduit, continuer la cuisson, mais ajouter le jnoins possible de combustible, pas plus d’une bûche à la fois. Après chaque cuisson, la chaudière doit être nettoyée avec soin, à l’aide de la brosse ronde destinée à cette opération, du torchon, du sable et de l’eau. La cheminée articulée, facile- ment accessible, doit être nettoyée chaque fois après la cuisson; on la débarrasse de la cendre et de l’oxydation au moyen du râ- cloir en fer destiné à cet usage. De temps en temps (une fois par semaine), démonter la chau- dière pour la débarrasser, ainsi que la boîte à feu, de l’oxyda- tion. En Allemagne, les cuisines roulantes ont également été expé- rimentées au cours des manœuvres. Contrairement à ce qui a été signalé par les Russes et à ce que nous avons pu nous-même constater, les Allemands n’auraient obtenu que des résultats mé- diocres avec les cuisines roulantes à feu continu, c’est-à-dire mu- nies d’nn foyer qu’on garnissait de charbon, suivant les besoins, en cours de route. Par contre, les résultats auraient été satis- faisants avec une cuisine roulante du système de la marmite nor- végienne. Cette cuisine permet, suivant ses dimensions, de pré- parer le repas soit de 250, soit de 150, soit même de 80 hommes. Elle se compose d’une marmite placée sur une voiture à deux roues et traînée par un cheval. Avant le départ du cantonne- ment, son contenu ayant été amené à ébullition, la marmite est placée dans un coffre garni de feutre ou d’amiante, si bien que la soupe continue à cuire en cours de route. La solution du problème, telle que semble l’adopter l’armée allemande, nous paraît moins heureuse que la solution russe. Cette dernière, du reste, a pour elle la sanction d’une longue expérience dans les conditions même de guerre. En tout cas, la question vaut la peine d’être étudiée chez nous. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES dont les produits à la kola d’Hœckel (1885-1886) et le su- cre (1897) sont les plus célèbres et les plus discutés. Mais il est bon de poser tout d’abord en principe que ces produits sont excellents à la condition detre ajoutés et non substitués à la ration alimentaire quotidienne ; si merveilleuses que soient les vertus dynamogènes d’une substance quelle qu’elle soit, les forces passagères engen- drées par son ingestion conserveront toujours leur carac- tère factice, et les efforts les plus persistants ne parvien- dront pas à habituer l’homme à se passer des aliments que son tube digestif a la charge d’élaborer. La chimie n’est point prête à réaliser le progrès désirable pour la facilité et la commodité des réapprovisionnements en campagne, de quintessencier nos aliments et d’en réduire le volume sans nuire à la valeur nutritive. Sous ces ré- serves, voyons ce que l’on peut attendre et espérer dé ces substances. Nous avons personnellement, en 1886, fait officielle- ment l’expérience de la kola d’Hœckel sous forme de cho- colat au cours d’une marche forcée de vingt-quatre heures dans les Alpes. A maintes reprises, depuis cette époque, il nous a été donné de l’employer ou de la conseiller comme une substance douée de propriétés précieuses bien connues et, longtemps avant nous, des nègres de l’Afrique occidentale. La noix de kola est employée après torréfac- tion sous forme de poudre, d’extrait, associée à des pré parations alimentaires diverses (chocolat, biscuits, vins, élixirs) ; elle doit son action à la caféine, au tanin et à la théobromine, indépendamment d’une substance mal dé- finie connue sous le nom de rouge de kola. Elle agit puissamment sur le système nerveux, sur le cœur ; est douée, comme la coca, de propriétés anesthésiques sur la muqueuse gastrique qui n’accuse pas la sensation de la faim ; il devient possible, grâce à elle, de demander A des hommes peu vigoureux des efforts inattendus. Un peloton de 16 malingres, avec chargement de cam- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 117 pagne complet, a pu faire, sous nos yeux, une étape de Vingt-quatre -heures, dont dix-huit heures de marche effective ; aucun de ces hommes n’éprouva de fatigue au cours ni à la suite de cette épreuve ; leur sommeil fut ré- parateur. C'est bien là un élément dynamogène dans la vraie acception du mot, et il est d’un avenir autrement sérieux que le sucre. Ajouté à la ration ordinaire à la dose de 20 à 30 grammes de poudre, il permettra, sans inconvénient aucun, de demander à une troupe moyenne l’effort dont seraient seuls capables des hommes excep- tionnellement entraînés. Ceux-ci, dépourvus de toute nourriture pendant vingt-quatre ou irente-six heures, pourront, avec le seul secours de la kola, fournir des marches fort longues. Ce résultat ne sera jamais obtenu avec le sucre, dont la \ateur alimentaire est cependant indubitable, mais qui ne saurait suppléer pendant la même durée à la priva- tion totale d’aliments. En Allemagne, cette denrée a été expérimentée dans la garde et dans un régiment, au cours des manœuvres, aux doses progressives croissantes de 35 à 70 grammes, cumulées avec la ration alimentaire quotidienne. Nos confrères d’outre-Rhin considèrent les résultats constatés par eux comme absolument probants : les hommes se sentaient plus vigoureux, plus endurants ; leur appétit était diminué et leur soif moins vive. Des expériences analogues faites en France ont conduit à des conclusions diamétralement opposées lorsque le sucre vient s’ajouter à la nourriture ordinaire dans les conditions normales de la vie, c’est-à-dire en dehors de toute dépense anormale ou exagérée des forces. Avec 40 grammes de sucre absorbés quotidiennement pendant un mois, l’on enregistrait, dans le quart des cas, la perte de l'appétit, des troubles gastro-intestinaux et la diminution des forces. La comparaison de ces résultats si différents démontre surabondamment la nécessité de faire appel au sucre seulement comme ration cumulative en cas de fatigues exceptionnelles. Quoi qu’il en soit des considérations pré- cédenlcs, il faut en retenir que « c’est dans le ventre, comme l’a dit Bugeaud, qu’est l’âme du soldat », et c’est en en prenant soin que le chef conserve ses effectifs, parce qu’il les préserve de la fatigue et des maladies, et que l’alimenlation est une garantie contre le surmenage (1). Le surmenage. Le surmenage est cet état physiologique anormal qui résulte pour l'organisme humain d’une suractivité physi- que ou intellectuelle prolongée pendant trop longtemps. C’est encore la santé ; mais c’est déjà la maladie. Impré- gné des produits toxiques insuffisamment éliminés pro- venant des déchets de la vie cellulaire, l’organisme est mûr pour toutes les infections, car il est déjà en puis- sance d’infection. La démonstration expérimentale du rôle joué par le surmenage dans le développement des maladies a été donnée par Charrin, qui faisait apparaître les symptômes du charbon chez des rats blancs, rebelles- d’ordinaire à l’inoculation de cette maladie, en les obli- geant à un .travail forcé prolongé dans une roue. En temps de paix le surmenage est surtout favorisé par la jeunesse des troupes. Au fur et ù mesure que l’âge moyen de l’armée s’abaisse, sa résistance moyenne dimi- nue, sa réceptivité morbide augmente et la somme des fatigues qu’elle peut supporter devient elle-même moins considérable ; autrement dit, sa valeur physique fléchit LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES (1) A consulter sur cette question : Dastre, « La question du sucre en physiologie » (Bevue des Deux Mondes, 1903, tome XVI. page 6951 ; Grandeau, Valeur et rôle alimentaire du sucre chez l’homme et chez les animaux (Paris, 1903) ; Boigey, « Valeur du sucre et des boissons alcooliques dans l'ali- mentation du soldat a (Le Caducée, janvier 1904, page 6) ; Marotte, Le service maritime doit s’opposer à la pénétration de toute maladie contagieuse d’importation, et spécialement de la fièvre jaune et de la variole, qui n’existent plus à La Havane. Ce service comprend : a) Arraisonnement; b) Lazaret de Triscornia; c) Ser- vice des immigrants ; d) Désinfection des navires. » Le point le plus intéressant est évidemment celui qui a trait au service des immigrants. Chaque année, plusieurs mil- liers d’immigrants viennent grossir le chiffre de la population indigène. Et comme ces gens proviennent en grande partie du Venezuela et du Mexique, où la fièvre jaune est endémique, il faut prendre vis-à-vis d’eux de très grandes précautions pour préserver l’île de toute importation exogène. » Quand un navire arrive sur rade chargé d’immigrants, on prend les mesures suivantes : 1° Tous les immunisés sont auto- risés à débarquer immédiatement. Sont considérés comme tels tous ceux qui présentent un certificat médical à leur nom attes- tant qu’ils ont eu la fièvre jaune, ou qu’ils ont vécu dix années consécutives en un point où la fièvre jaune est endémique; 2° Tous les fébricitants, sans exception, sont immédiatement diri- LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES principalement de la glossina palpalis, dans l’infection humaine, par les trypanosomes, qui produisent la ma- ladie du sommeil considérée comme toujours mortelle. Les observations faites en Afrique donnent lieu de penser que ces diptères s’infectent eux-mêmes sur le gros gibier, les fauves qu’elles suivent toujours. On les re- trouve d’ailleurs partout où ils existent. Le nagana, ma- ladies à trypanosomes, qui sévit sur des animaux domes- tiques en Afrique, est transmis par une mouche tsétsé, du genre glossina également, la glossina morsitans, qui s’infecte sur les animaux sauvages. Le même processus s’applique à l’homme, et l’une des meilleures mesures de prophylaxie consistera dans la destruction du gros gibier ou son refoulement. Laveran et Mesnil, dans leur livre sur les trypanosomes et les trypanosomiases, indiquent dans les termes suivants la prophylaxie qui leur est applicable : gés sur l’hôpital u Las animas » sous moustiquaire; tous les au- tres sont envoyés au lazaret de « Triscornia » où ils sont sou- mis à une observation de cinq jours. Chaque jour, matin et soir, on prend la température de chacun d’entre eux. Tout homme qui a de la fièvre est immédiatement isolé dans une salle à toile métallique (mosquito-proof). S’il y a le moindre doute sur la nature de cette fièvre, on l’envoie à l’hôpital de « Las animas », qui le fait prendre avec son ambulance. Même dans le cas où la maladie constatée serait la fièvre jaune, les autres quarante- naires ne seraient pas maintenus plus de cinq jours en observa- tion, car le moustique qui a piqué n’est apte à inoculer un sujet non immunisé qu’au bout de douze à dix-sept jours. La conta- gion n’a donc pas pu se produire. » Pour compléter les mesures de précaution prises contre les épidémies d’importation, les immigrants sont tenus de s’inscrire à l’une des trois grandes associations d’assistance médicale qui existent à La Havane: le Censo Asturiano, le Censo Gallego et le Genso de las Dependientes del Commercio. Chacune de ces socié- tés possède une maison de santé ou « quinta », qui est fort bien installée et pourvue de tout le confort désirable. Chaque adhé- rent paie une cotisation mensuelle de 5 francs et a droit, entre autres avantages, aux soins médicaux et aux médicaments. Les consultations se font au cabinet du médecin ou au domicile du malade. Celui-ci peut entrer, s’il le désire, à la maison de santé ou se faire soigner chez lui. » LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Une bonne hygiène et une alimentation abondante sont des facteurs importants... En Afrique, la maladie du som- meil sévit avec une intensité particulière sur les travailleurs nègres misérables, surmenés et mal nourris La trypanosomiase étant propagée par le tsétsé et surtout parla glossina palpalis, la mesure prophylactique principale consiste à se protéger contre les piqûres de ces mouches. L’habitation sera protégée contre la pénétration des mou- ches à l’aide de toiles métalliques. Lorsqu’on devra traverser une région où abondent, les tsétsé, il sera indiqué de fixer à la coiffure une moustiquaire en tulle semblable aux moustiquaires qui ont été imaginées pour la protection du cou et de la tête contre les mousti- ques. Les mains seront protégées à l’aide de gants en fil épais et les cous-de-pied au moyen de guêtres. Il y aura lieu d’étudier les moyens de détruire les glossina palpalis au moins au voisinage des agglomérations. Il est possible qu’ici, comme pour le nagana, la destruction du gros gibier et son refoulement donnent de bons résultats. Il est important, dans les régions où sévit la trypanosomiase, de suivre exactement les lois de l’hygiène, toutes les infrac- tions à ces lois pouvant faciliter l’infection. La conférence internationale de Londres (réunie du 17 au 24 juin 1907) sur la maladie du sommeil a résumé dans un rapport général les décisions qu’elle a prises tant au point de vue de la prophylaxie proprement dite, qu’en ce qui concerne le programme de recherches relatives à cette maladie. Voici ce document : Mesures prophylactiques. — Dans l’état actuel de nos con- naissances, on doit admettre que la maladie du sommeil est produite par Irypanosoma gabiense et qu’elle est propagée par glossina palpalis, probablement aussi par d’autres espè- ces de glossina. Aucun fait ne démontre que la maladie puisse se propager dans une région indemne de glossina : c’est donc aux seules régions de l’Afrique où s’observent les glossina que paraît devoir s’appliquer la prophylaxie. Parmi les mesures à conseiller pour restreindre les ra- vages de la redoutable endémie, les unes concernent les ma- lades, les autres les glossina. 1° Il est nécessaire que les médecins appelés à exercer en Afrique sachent faire le diagnostic précoce de la maladie du LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 219 sommeil. Des instructions devront être adressées à cet effet au personnel médical des colonies atteintes ou menacées. Il est à désirer que les missionnaires des divers cultes par- tant pour l’Afrique centrale soient mis au courant, dans les instituts de médecine coloniale par exemple, de ce qui inté- resse la lutte contre la maladie du sommeil. 2° Des mesures de police sanitaire s’imposent pour empê- cher les indigènes atteints de maladie du sommeil de pé- nétrer dans des régions encore indemnes. L’administration de chaque colonie devra faire tous ses efforts pour empê- cher le passage des individus des districts contaminés dans les possessions voisines étrangères. 3° Il est désirable que les autorités administratives et les médecins stationnés aux frontières se communiquent réci- proquement tous les renseignements de nature à faciliter la lutte contre l’envahissement de la maladie, et surtout les cas nouveaux, ainsi que cela se fait déjà pour l’Etat du Congo et la Rhodésie. 4° Tout en laissant, à chaque administration sa liberté d'ac- tion en ce qui concerne les mesures spéciales à prendre sur son territoire, il est à souhaiter que les administrations com- muniquent aussitôt que possible au bureau central, dont la création est proposée, les résultats de ces mesures, afin que chaque pays puisse tirer profit des expériences faites sur toute l’étendue de l’Afrique tropicale. 5° Le traitement par l’atoxyl (sel sodique d’acide amydo- phényl-arsénique), qui produit des améliorations incontesta- bles dans l’état des malades, sinon des guérisons complètes, a le grand avantage de faire disparaître rapidement les try- panosomes de la grande circulation et de supprimer par suite le danger de contagion; il est donc indiqué d’instituer ce traitement aussi rapidement que possible chez tous les individus infectés. 6° Dans certains cas, on pourra envoyer les malades dans des localités où il n’y a pas de glossina et où. par suite, la contagion n’est pas à redouter. 7° Les Européens devront établir leurs campements ou ha- bitations autant que possible dans des localités où il n’y a pas de glossina (tsétsé) et loin des agglomérations indigènes envahies par la maladie ou suspectes. 8° Il est indiqué de détruire la brousse et de déboiser les rives des cours d’eau au voisinage des agglomérations, afin de supprimer les abris ordinaires des glossina. 9° Il y a lieu, dans les localités où les glossina abondent, de protéger mécaniquement l’habitation contre la pénétra- tion de ces mouches; la protection à l’aide de toiles métal- 220 liques sera utile à la fois contre les glossina et contre les anophèles, propagateurs du paludisme, qui pullulent pres- que toujours dans les mêmes localités. Programme des recherches. — 1° Il y a lieu de dresser, pour toutes les régions de l’Afrique dans lesquelles l’exis- tence de la maladie du sommeil aura été constatée : a) La carte des localités infectées, en indiquant, autant que possible, le degré de fréquence de la maladie et en ayant soin de noter les localités qui ont été reconnues in- demnes; b) La carte de distribution des glossina, en indiquant les espèces observées dans chaque localité et les localités dans lesquelles ces mouches ont été recherchées en vain. Dans les régions où la maladie du sommeil n’aura pas encore été signalée, il faudra faire l’étude des mouches pi- quantes et dresser, s’il y a lieu, la carte de répartition des glossina. Les cartes seront, autant que possible, à l’échelle de / 1/1.000.000. D’autres cartes, comprenant une zone de 50 kilomètres de part et d’autre d’une frontière internationale, seront dres- sées à une échelle supérieure, par exemple à 1/250.000, et porteront l’indication des routes commerciales. 2° Il faudra rechercher si certains animaux domestiques ou sauvages ne servent pas de réservoir pour la conserva- tion du virus. Dans le cas où le fait serait démontré, il en découlerait d’importantes conséquences au point de vue des mesures prophylactiques à prendre. 3° En ce qui concerne les glossina, les questions suivantes s’imposent : a) Les différentes espèces de glossina sont-elles capables, comme glossina palpalis, de propager la maladie du som- meil ? b) Les glossina ont-elles un rôle purement mécanique dans le transport et l’inoculation de Tr. gambiense ou bien le trypanosome accomplit-il dans le corps de ces mouches cer- taines phases de son évolution ? c) Pendant combien de temps une mouche nourrie sur un animal infecté de Tr. gambiense est-elle capable de trans- mettre l’infection à un animal sain ? d) Biologie des glossina. — Quel est exactement le mode de reproduction de ces diptères ? e) Moyens pratiques de destruction des glossina. En nemis naturels des glossina : insectes antomophages, ani- maux prédateurs insectivores et, en particulier, hyménop- tères et diptères chasseurs. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Il y aurait lieu de mettre au concours l’étude de la recher- che des moyens de destruction des glossina. 4° Des diptères piqueurs et suceurs de sang autres que les glossina sont-ils capables de propager la maladie du som- meil ? Il y aura lieu d’étudier à ce point de vue les sto- moxys, les lvperosia, les hœmatobia, les tabanides, les hip- poboscides, les culicides et peut-être d’autres articulés tels que : simulies, puces et punaises dans la classe des insectes; ixolidés dans celle des arachnides. 5° Continuer l’étude des modes de traitement de la maladie du sommeil, rechercher le meilleur mode d’emploi de l’a- toxyl et des médicaments qui pourront lui être associés avec avantage. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES 221 Rats. L’instruction ministérielle du 20 décembre 1900, sur les mesures à prendre en cas de peste, indique les moyens prophylactiques à employer contre les rais qui transmet- tent à l’homme le microbe de Yersin, soit directement, soit par l’intermédiaire d’insectes, tels que mouches, puces, punaises, qui vivent sur leurs corps ou sur leurs cadavres. Leur extermination fait partie intégrante des actes essen- tiels de la prophylaxie. On y procédera avec la ténacité la plus persistante par tous les moyens possibles dans les di- vers établissements militaires : casernes, greniers, magasins à fourrages et à graines sans oublier les égouts. Les caser- nes s’en défendront pas l’obstruction soigneuse de tous les trous qui leur donnent accès dans les locaux, par une pro- preté absolue de ces derniers, et surtout par le prompt enlè- vement des immondices, des détritus de cuisine qui les atti- rent et par des pièges dressés ou des préparations toxi- ques (1) que l’on multipliera dans tous les réduits qui peu- vent leur servir de refuge. Les cadavres des rats et des souris, avant d'être déplacés, seront arrosés d’eau bouillante, puis de pétrole et incinérés. (1) Une excellente formule de mort-aux-rats, inoffensive pour l’homme et les animaux domestiques, est la suivante : Viande râpée 1 kilogr. Poudre fraîche de scille 100 gr. Essence d’anis X gouttes. Mêlez. A diviser en petites boulettes. S’ils s’étaient réfugiés dans des réduits difficilement acces- sibles, il conviendrait d’y faire pénétrer des gaz asphyxiants, tels que l’acide sulfureux. On s’appliquera à faire disparaître des chambres habitées, au moyen de pulvérisations au sublimé et de badigeonnages au lait de chaux, les puces, les punaises et tous les insectes capables d’opérer le transfert des microbes pesteux des ron- geùrs à l’homme. Les planches des lits et des châlits seront traitées au su- blimé en solution acide à 1/1.000 dans le même but. On apportera le soin le plus rigoureux à toutes ces opé- rations dans la désinfection des chambres des pestiférés. Celle-ci ne devra pas négliger les entrevous, refuges des rongeurs. Ils seront ouverts, nettoyés à fond et remplis d’une quantité suffisante de charbon et de chlore. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Rappelons les procédés usités dans les ports pour pré- venir le débarquement des rats lorsque les navires sont amarrés à quai. L’on dispose le long des amarres des culs de bouteilles ou des balais métalliques dont les barbes sont dirigées du côté du navire, de telle sorte que les rats qui cïïeminent le long des amarres soient obligés à rebrousser chemin dans l’impossibilité où ils se trouvent de franchir l’obstacle. En terminant ces considérations qui ressortissent pres- que toutes à l’épidémiologie coloniale, il nous paraît inté- ressant de mettre en parallèle les conceptions anglaise, allemande et française de la prophylaxie coloniale (1). La colonisation anglaise ne se préoccupe pas d'assainir le pays dans lequel elle s’installe ; elle n’y promulgue aucun règlement sanitaire. L’Anglais aux colonies sépare les villes européennes des villes indigènes ; il applique strictement les règles de l’hygiène privée ; il échappe, par une vie active et des exercices physiques, à la torpeur coloniale et construit des habitations confortables en rap- port avec la région occupée. Il n’a cure de l’état sanitaire (1) D’après les documents publiés (Archives de Médecine na- vale, mars 1906), par le Dr Gloaguen, médecin de la marine fran- çaise. du pays et des endémies qui atteignent les populations indigènes dont il est entouré. Aussi la plupart des colonies anglaises paient-elles un lourd tribut aux épidémies tro- picales. Au demeurant, la conception anglaise de la prophylaxie coloniale se résume en cette idée que l’Européen doit pra- tiquer l’hygiène individuelle à l’exclusion de l’hygiène gé- nérale, et se créer ainsi des conditions d’existence telles que la vie soit pour lui possible dans un milieu qui est et reste éminemment infecté. L’Allemagne, la dernière venue à la colonisation, est du premier coup passée maîtresse en matière de prophy- laxie des maladies tropicales, cela à l'instigation de Koch, qui a fixé les règles de cette prophylaxie. Considérant les indigènes comme la réserve des germes des maladies en- démiques et épidémiques, ils les ont obligés à une hygiène spéciale dans le but de détruire ces germes. Ils cherchent, en somme, à assainir le milieu où ils veulent vivre et, à côté de la prophylaxie individuelle, ils ont créé une prophylaxie générale soumise à un contrôle sévère. Des mesures identiques sont appliquées à l’Européen et à l'in- digène, égaux devant l’ennemi commun. La lutte antima- larique appliquée dans l'Est africain est un modèle du genre ; elle a fait tomber la morbidité de 60 p. 100 à 10 p. 100, résultat qui se passe de commentaires. En résumé, les Allemands pratiquent la prophylaxie générale et cherchent à améliorer par tous les moyens la constitution médicale de leurs colonies. La conception française n’existe pas à proprement parler. Jusque dans ces dernières années, aucune mesure de prophylaxie individuelle ou générale n’était systéma- tiquement employée dans les colonies françaises et nous ne possédons pas d’organisation sanitaire coloniale. Ce n’est guère qu’à Madagascar qu’ont été appliquées un certain nombre de mesures administratives ayant pour but l’assainissement du pays et l’hygiène de ses habitants. LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES LA PROPHYLAXIE DES MALADIES ÉPIDÉMIQUES Nous semblons en cela vouloir imiter l’organisation alle- mande, et il serait à souhaiter que nous persévérions dans la voie entreprise. L’étendue actuelle de notre domaine colonial, le nombre de Français qui l’habitent, les riches- ses qu’il renferme, valent que nous luttions avec méthode et persévérance contre toutes les causes d’insalubrité qui peuvent en rendre le séjour dangereux. Les principales de ces causes sont les endémies et les épidémies, aux- quelles nous pouvons opposer des barrières efficaces grâce aux notions scientifiques précises que nous possé- dons sur leur étiologie et leur propagation. C’est aux pouvoirs publics qu’il appartient d’organiser adminis- trativement la lutfe à l’aide des armes que la science a mises entre leurs mains. TABLE DES MATIÈRES TITRE Notions diverses ayant trait aux maladies épidémiques. CHAPITRE PREMIER CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MALADIES ÉPIDÉMIQUES * Pages. Leur prophylaxie : scientifique, administrative, internatio- nale 7 Leurs causes 13 CHAPITRE II LA GRAINE Les agents pathogènes. Microbes et parasites 15 CHAPITRE III VOIES ET MODES DE PÉNÉTRATION DES GERMES DANS l’oRGANISME Voie pulmonaire 20 Voie digestive 21 Voie muqueuse 22 Voie cutanée 22 La porte d’entrée 23 L’auto-infection 23 LOCALISATION DES GERMES DANS L'ORGANISME CHAPITRE IV Voies d’élimination des microbes 25 CHAPITRE V AGENTS DE PROPAGATION DES GERMES MORBIDES 1° Agents inanimés : L’air 27 Les poussières 29 La Prophylaxie. 45 Pages. L’eau 31 Le sol. . ; 36 Les aliments 38 Les vêtements 44 Le linge. La literie 44 Les livres et la correspondance 45 2° Agents animés : Moustiques 47 Mouches 49 Rats 50 TABLE DES MATIÈRES MODE d’action DES GERMES ET DES PARASITES CHAPITRE VI. Action mécanique 51 Action toxique 51 Destruction globulaire 52 CHAPITRE VH. LE TERRAIN. — l’ATTAQUE ET LA DÉFENSE DE L’ORGANISME L’attaque : Nombre de germes 54 Lésion locale 54 Infection générale 55 La défense : Phagocytose 55 Antitoxines 56 Immunité 56 Sérothérapie 57 TITRE II La prophylaxie proprement dite CHAPITRE PREMIER MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT L’AGENT PATHOGÈNE Antisepsie 59 Asepsie. . . 59 Bactériothérapie 60 Désinfection £0 Agents physiques de désinfection : Air et lumière 63 Chaleur 63 Electricité 66 TABLE DES MATIÈRES 227 Pages. Rayons X 66 Radium 67 Filtration 67 Friction 68 Agents chimiques de désinfection : Sels métalliques 69 Alcalis 70 Composés de la série aromatique 71 Acides 72 Formaldéhyde 74 Pavillon de désinfection 76 Désinfection partielle, totale, générale 78 Instruction du comité consultatif d’hygiène publique de France pour la pratique de la désinfection 81 Incinération des ordures ménagères 93 Incinération des cadavres 93 Assainissement du champ de bataille 94 Désinfection du champ de bataille 96 CHAPITRE H MESURES PROPHYLACTIQUES S’ADRESSANT AU TERRAIN Immunité 99 Immunité artificielle : Variolisation 101 Vaccination jennérienne 101 Vaccination pastorienne 102 Vaccination antirabique 102 Immunisation active 102 Immunisation passive et sérothérapie 103 Lutte contre les causes qui diminuent la résistance organi- que 104 Races 105 Hérédité 106 Inanition 108 Surmenage 118 Chaleur 120 Froid 123 Encombrement 126 Intoxications chroniques 129 Alcoolisme et ses satellites 129, 135 Syphilis. . . . 137 Influences morales 144 CHAPITRE IH MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT LES VOIES DE PÉNÉTRATION DES GERMES Protection des voies de pénétration des germes 145 Voie pulmonaire 145 Pages. Voie digestive 146 Voie cutanée 147 Voie muqueuse 150 CHAPITRE IV MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT LES MODES DE PROPAGATION DES GERMES L’eau: Epuration physique : Filtration 152 Chaleur (ébullition, stérilisateurs) 157 Epuration chimique : Alunage 162 Permanganates 163 Brome 165 Iode 165 Ozone 166 Oxyde de fer, etc 167 Fosses septiques et lits bactériens 169 Expertise rapide des eaux 170 Procédés divers 172 CHAPITRE V MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT LES MODES DE PROPAGATION- DES germes (suite). L’air et les poussières 173 Le sol 174 Les aliments 178 Linge et vêtements 190 Literie 191 Instruments , 192 Livres 192 Déjections 193 Sécrétions 199 CHAPITRE VI MESURES PROPHYLACTIQUES VISANT LES MODES DE PROPAGATION- DES GERMES (suite). Les insectes et les animaux vecteurs de parasites : Moustiques : Prophylaxie du paludisme et de la fièvre jaune 202 Mouches : Prophylaxie de la maladie du sommeil 216 Rats 221 Considérations sur la prophylaxie coloniale 222 TABLE DES MATIÈRES INDEX ALPHABÉTIQUE A Pages. Absinthe 131, 135 Accélératrices (rations) 115 Acides 72 — carbonique 73 — cyanhydrique (haricots de Java) 40 — sulfureux 72 — sulfurique 72 Action de la chaleur 120 — de l’encombrement 12G — du froid 124 — des intoxications 129 — (mode d’) des germes 51 — mécanique 51 — tonique , 51 — stérilisante des rayons X 66 Active (immunisation) 102 Administrative (prophylaxie) 12 Aération 173 Affaiblissement (causes d’; 104 Age 14 Agents animés de propagation 47 — chimiques de désinfection 68 — inanimés de propagation 27 — pathogènes 15, 58 — physiques de désinfection 63 Agglomérations (inlluences des) 10 Air 27, 63, 173 — (richesse de 1’) 28 Aires imperméables 177 Aisances (fosses d’) 81, 89 Aïtken (analyse de l’air) 30 Alcalis 72 Alimentaire (insuffisance) 108 (ration) 109, 113 Alcoolisme 129 — (satellites de l’j 135 Aldéhyde formique 74 Aliments 38, 84, 178 Altérations des conserves. 187 — du pain 180 Alunage 162 Américaines (conserves) 42 230 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Américain (filtre) 154 Ammoniaque (dosage de I’... dans l’eau) 172 Analyse bactériologique de l’air 28 — — des eaux 31, 33 — — du fromage. 44 — chimique des eaux 170 Anderson (méthode d’) 167 Animas (hôpital de Las) 217 Animaux vecteurs de parasites 47, 49, 50, 202, 216, 221 Ànopheles claviger 47, 204 Antirabique (vaccination) 102 Antisepsie 58 Antiseptiques (substances) 68 Antitoxines 56 Appareils Clayton 72 — de désinfection 75 — (contrôle des appareils) 76 — stérilisateurs d’eau 158 Aromatique (composés de la série) 71 Aromatisme 135 Asepsie 58 Assainissement 94, 205 Atmosphère des chambres (oxyde de carbone dans f) 174 Atoxyl 219 Attaque de l'organisme * 54 Auto-infection 23 Avenir des germes 54 Avorlement (syphilis et) 138 B Bacilles IG Bactériens (lits) 169 Bactéries IG Bactériologique (expertise) 41 Bactériolhérapie GO Baquets d’eau en route 123 Bars mutuels 133 Bases de la prophylaxie 12 Bassins dégrossisseurs Puech 154 Bassins filtrants à sable 152, 155 Bataille (désinfection du champ de) 96 Béribéri 9 Bétail (parcs de) 40 Beurre 43 Blé (fabrication de la farine de) 180 Blennorrhagie 137 Bicalcite (poudre) 163 Bichlorure de mercure 69 Biiodure de mercure 70 Bœuf (rendement de la viande de) 185 Boissons alcooliques 131 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Boissons alimentaires 131 — apéritives 131 — (eau de) 31, 151 Boucherie (viandes de). Bougies filtrantes Brome l^;’ Bromure de potassium 163 Bubons 8- Buccale (infection) -1 Bulletins de déclaration *41 Buveurs (asiles pour) 134 C Cadavres (incinération des)..., 97 Caféisme 133 Caléfacteur 138 Campagne (stérilisateur des eaux en) 138, 160, 161 — (expertise rapide des eaux en) 170 Camps 36, 175 Caractères (des microbes) 16 Carbone (oxyde de) 174 Carbonique (acide) , 73 Cas concrets de désinfection 79 Casernements 129, 176 Casernes (planchers des) 37 Cause (figurée) 10 Causes d’affaiblissement 104 — (efficientes) 13 — favorisantes) 14 Causse (procédé de) 172 Chaleur (action de la) ' 63 — (désinfection par la) 63 Chambre (désinfection de la) 81 Chambre du soldat 128 Chambres (planchers des) 176 Champ de bataille (désinfection du) 96 Chaux 69 Chimiques (agents de désinfection) 68 Chirurgicale (antisepsie, asepsie) 58 Chroniques (intoxications) 129 Chocolat (à la kola) 116 Choléra 9, 32, 49, 80, 164 Citernes 206 Clayton (appareil) 73 Coaltarisation des planchers 176 Colonies (prophylaxie aux) 202 Comité consultatif d’hygiène publique 61 Composés de la série aromatique 71 Comprimés pour analyses et purification des eaux 166, 171 Conférence internationale de Londres, 1907 218 Conférences sur la prophylaxie vénérienne 140 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Congrès international de Paris, 1867 94 Conservation des microbes 46 des viandes en campagne 187 Conserves 41 Considérations générales sur les épidémies 7 Contagion 53 Contrôle des étuves 76 Convalescents (désinfection des) 84 Correspondance (propagation des germes par la) 45 Cours (désinfection des) 90 Couvertures (désinfection des) 86 Crachats (désinfection des) 82, 201 Crémation 98 Créteur (procédé d’incinération de) 97 Crimée (mortalité en) 11 Croûtes 82 Cuba (fièvre jaune à) 210 — (défense sanitaire à) 212 Cuisines roulantes 111 Culture du sol 205 Cutanée (infection par voie) 22, 147 Cycle (évolutif de l’hématozoaire) 203 Déclaration (bulletin de) 141 — des maladies épidémiques 12, 80 Défense de l’organisme 55 Définition des épidémies 8 — de la prophylaxie 11 Dégrossisseur Puech 154 Déjections 103 Déminéralisation 179 Désinfectants (divers) 69 Désinfecteui's (agents) 77, 90 Désinfection 60 — (du champ de bataille) 96 — (agents chimiques de) 68 — (agents physiques de) 63 — (des cours) 90 — (des éviers) 90 — (par le fumigator) 191 — (modes de) partielle, totale, générale 78, 79 — (pavillon de) 76 — des produits morbides 82 — des puits 90 — des vidoirs 90 Destruction globulaire 52 des objets souillés 91 — des petits animaux 85 Digestive (voie) 21, 146 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Diphtérie 9 Dysenterie 9 E Eau 31, 151, 170, 194 Ébullition 157 Échangeurs 158 Efficientes (causes) 13 Electricité 66 Elimination (voies d’) 26 Encombrement 126 Entrée (porte d’.,. des germes) 23 Epidimicité 53 Epidémiques (maladies) 7, 8 9 Eponges (filtre à) 157 Epuration physique des eaux 151 — chimique 162 Etuves 64 Eviers (désinfection des) 90 Exemples historiques relatifs aux épidémies 10 Expertise rapide des eaux 170 Farines 179 — (falsification des) 180 Fausses membranes 82 Favorisantes (causes) 13 Fièvre jaune 8, 48 210 — palustre 202 — typhoïde 194 Fièvres éruptives 9 Filtrantes (galeries) 152 Filtration 152 Filtre américain à sable 154 — à éponges 157 — à sable non submergé 155 — à sable 152 — Berkfeld - 156 — Breyer - * 156 — Brûlé 156 — Chamberland 156 — Lapeyrère 163 — Lutèce 163 — Maignien 157 — Maillé 156 — Pottevin (papier) 157 Forbes (stérilisateur) 161 Formaldéhyde 74 87 Fosses d’aisances 81 89 — septiques 189 F 234 Pages. Friction 68 Froid (action du) 123 Fromage (microbes du) 44 Fumigator (cartouches) 75 INDEX ALPHABÉTIQUE Gants 149 Galeries filtrantes 152 Gardes-malades 85 Gaze (masque de) 149 Gazeux (désinfectant) 87 Générale (désinfection) 79 Germes (action des) 51 54 — morbides 15, 20, 25, 27 Globulaire (destruction) 52 Glossina morsitans 217 — palpalis (tsétsé) 217 Gorge 82 Graine 15 Grossesse (syphilis et) 138 G Habillement (effets d’) 78, 83, 191 Habitation (protection de 1’) 148, 208 Haleine (poison de 1’) 127, 128 Haricots vénéneux 40 Hématozoaires 15, 19, 204 Hémoglobine 52 Hérédité 14, 106 — syphilitique 137 Historiques (exemples ... d’épidémies) 10 Huîtres 42 Humaines (agglomérations) 10 Hydrique (origine ... de la fièvre typhoïde) 33 Hygiène (comité d’... publique de France) 61 Ilypochlorites (désinfection par les) 201 H Immunisation 102 — active 102 — passive 102 Immunité 99 — artificielle 101 Inanimés (agents) 27 Inanition 108 Incinération 93 Infection 20 Influence des agglomérations 10 — morales 144 Pages. Inhumations 96 Insectes 202 Inspection de la viande 181, 183 Instruments 192 Internationale (prophylaxie) 12 Intoxications chroniques 129 lodate (comprimés d’... de soude) •. 166 Iode 165 Iodure (comprimés d’... de K) 166 — (comprimés d’... de K et d’amidon) 171 Isolement des paludéens 208 INDEX ALPHABÉTIQUE 235 J Jaune (fièvre) 8, 48, 210 K Kemma (d’Anvers) 153 L Lactique (acide) 188 Lait 188 Lambert (procédé ... pour la stérilisation des eaux) 164 Lapeyrère (filtre) 163 Latrines 81, 89 Lavages (désinfection par) 88 Légumes 39, 189 Lésion locale 54 Lessive 71 Linge 83, 190 Literie 86, 191 Lits bactériens 169 Livres 45, 192 Localisation des germes 25 Locaux .• 92 Lumière 63 Lutèce (filtre) 163 Lutte (contre les causes d’affaiblissement) 104 M Maladies épidémiques 7 — du sommeil 9 — vénériennes (prophylaxie des) 137 Mécanique (action des germes) 91 — (protection des habitations) 148, 208 Médication préventive du paludisme 207 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Membranes (fausses) 82 Ménagères (ordures) 93 Mesures prophylactiques 58, 99, 145 Métalliques (sels) 69 Meubles (désinfection des) 84 Microbes 15 Modes d’action des germes et des parasites 51 — de pénétration des germes 20 Morale (dépression) 14 Morbides (propagation des germes 27 Mortalité (par fièvre jaune) 210 Mouches 49, 216 Moustiques 47, 202 Muqueuse (voie) 22 Mutuels (bars) 133 N Nerveuses (réactions) 144 Nettoyage des effets 190 Nitrates (recherche des dans l'eau) 170 Nitrites (recherche des dans l’eau) 170 Nombre (de germes) 54 Notions sur les maladies épidémiques 17 0 Objets (désinfection des menus objets) 84 — (transport des... à désinfecter) 92 Oïdium 181 Ordures ménagères 93 Oreillons 9 Organique (diminution de la résistance) 104 Organisation sanitaire à Cuba 212 Organisme (germes dans P) 20, 25 — (défense de 1’) 54 Oxyde de fer 167 Ozone 166 Ozonisation 166 P Pain 38 Palpalis (glossina) 217 Paludisme 202 Palustres (localités) 205 Paraffinage des planchers 176 Parasites 19, 47 Partielle (désinfection) 79 Passive (immunisation) 102 Pastorienne (vaccination) 103 INDEX ALPHABÉTIQUE 237 Pages. Pathogènes (agents) 15, 58 Pavillon de désinfection 76 Pellicules (désinfection des) 82 Pénétration des germes 20 Permanganates 163 Peste 50 Phagocy tose ' 55 Phénique (acide) 69 71 Physiques (procédés ... d’épuration) 151 Planchers 37 175 Porc 185 186 Porte d’entrée des germes 23 Poussières 27, 29 173 Pression 64 Procédés d’épuration des eaux 151 162 — d’expertise rapide des eaux 170 Produits morbides (désinfection des) 82 Programme de x-echerches (maladie du sommeil) 218 Propagation des germes 27 Prophylaxie 11, 12 58 — coloniale 222 Protection de l’habitation 148 208 — des parties découvertes 149 — des voies de pénétration 145 Puces.. :.. 50 Puech (dégrossisseur) 154 Puits (désinfection des) 90 Pulmonaire (voie) 20 Pulvérisateurs 75 Punaises 85 0 Quinine préventive 207 R Races , 14 105 Radium 67 Rapide (expertise ... des eaux) 170 Rats 50 221 Rayons X 66 Réception de la viande 181 183 Refroidissement 14 Rendement de la viande 185 Résistance (diminution de la) 104 Résultats de la campagne antipaludique.. 148, 203 209 — de la désinfection 62 Richesse de l’air en bactéries 28 en poussières.. 29 Rongeurs 85 INDEX ALPHABÉTIQUE Pages. Rougeole 9 Roulantes (cuisines) 111 Sable (filtres à) 152 Sang 22 48 Sanitaire (règlement de police ...) 12 — (police ... internationale) 12 Satellites de l’alcoolisme 135 Savons 71 Scarlatine 9 45 Scientifique (prophylaxie). 12 Sécrétions 199 Selles (désinfection des) 82 — (examen des) 197 Sels métalliques 69 Septiques (fosses) 169 Série (composés de la ... aromatique) 71 Sérothérapie 57 103 Sol 27, 36 174 — (germes du) 36 Sommeil (maladie du) 217 Sommiers (désinfection des) 87 Spécificité 16, 18 Spores microbiennes 18 Staphylocoques 16 Stegomya fasciata 210 Stérilisateurs 158, 161 Stolonifer [mucor) 181 Streptocoques 16 Sucre 117 Sulfureux (acide) 72 Sulfurique (acide) 72 Surmenage 14, 118 Syphilis 137 S T Terrain (prophylaxie du) » 99 — (rôle du). . 54 Tolérance (maisons de) 141 Totale (désinfection) 79 Toxines 16 Toxique (action) 61 Traitement des paludéens 208 Tréponème pâle (de la syphilis) 137 Troupes en marche 209 Trypanosome 19, 219 Trypanosomiase 19, 218 Typhoïde (prophylaxie de la fièvre) 194 INDEX ALPHABÉTIQUE U Pages. Ustensiles (désinfection des) 83 V Vaccination antirabique 103 — jennérienne 103 — pastorienne 103 Variole 9 Variolisation 101 Vénériennes (maladies) 137 Vêtements 44, 83, 190 Viande 181, 183 Viandes (conservation des) 187 — (réception de la) 181, 183 — (rendement de la) 185 Vidoirs (désinfection des) 90 Voies d’élimination des germes 25 — de pénétration des germes 20, 147 X Xylolith 177 Pnrli et Limoge*. — Impr. et libr. milit. H. Ch.U!Les-Lavaczei.lb.