& liiiiht A��..:..�� * ^<ïl: X : Vian ivnoiivn iNniaiw dO iivun ivnoiivn 3Ni3ia3w dO AaVoan ivnoiivn înij ail ' ï / 3 J î US * t i i ^ * UY OF MEOICINE NATIONAL L I B B A R Y OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIO IA/ ! s Car-*. \ ] ^y f iv«an ivnoiivn 3Ni3ia3w do iiviiii ivnoiivn înijioîw do *»vmii ivnoiivn inidi r te^?X i?%2j f ^érX i ^% *RY OF MEOICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIO \ 1 IVoflll IVNOIIVN 1NI3I03W dO A D V « B I 1 IVNOIIVN 3NOIOIW dO A B V D a I 1 IVNOIIVN 3NI3II ! •jr •; ' ^ l»linUMOIl»N iN 1310 3W dO AUVoBIl IVNOIIVN 3 N I 3 I a 3 W d O A I V « B I 1 1 V N O I I V N 3NI3 *r ICINE NATIONAL LIBRARY OF MEOICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARV >iivn 3Ni3ia3w do Aavaan ivnoiivn in i 3 103 w do Aavaa n ivnoiivn jnidioîw do u«> ^ s /> ,-qÇ] ^5 ICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY J z. ''-£ ✓ - X- iTd?^ • o£>i =££ IMPRIMÉ CHEZ PAUL RKNOUA1U), ©* {LUE GABAKCIKRF , r>° 5. TRAITÉ DE MÉDECINE LÉGALE M. ORFILA, Doyen et Professeur de la Faculté de Médecine de Paris, Membre du Conseil royal de l'Université, du Conseil général des hospices, du Conseil académique, du Conseil de Salubrité, Docteur en Médecine de la Faculté de Madrid, Commandeur de la Légion-d'Honneur, de l'ordre de Charles III et du Cruzeiro, Officier de l'ordre de Léopold, Médecin consultant de S. M. le Roi des Français, Membre correspondant de l'Institut, Membre de l'Académie royale de Médecine, de la Société d'émulation, de Chimie médicale, de l'Université de Dublin, de Philadelphie, de Hanau, des diverses Académies de Madrid, de celles de Cadix, de Séville, de Barcelone, de Murcie, des Iles Baléares, de Berlin, de Belgique, de Livourne, etc., Président de l'Association des médecins de Paris. QUATRIÈME ÉDITION, REVUE, CORRIGÉE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE, CONTENANT EN ENTIER LE TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES PAR MM. ORFILA ET LESUEUR. AVEC PLANCHES. TOME TROISIÈME. — DEUXIÈME PARTIE. f -1*—*■'---.....i\. H 'Ci',*.' . <-,'■> PARIS. LABE, ÉDITEUR, LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE; PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 4. 1848. w 600v TRAITÉ DE MÉDECINE LÉGALE TOME III, -- DEUXIÈME PARTIE. ARTICLE IX. —- DE LA BRYONE, DE L'ÉLATÉRIUM, DE l'ÉLATÉRINE, DE LA COLOQUINTE, DE LA RÉSINE DE JALAP, DE LA GOMME- GUTTE, DU GAROU, DU RICIN, DU PIGNON D'iNDE, DU MANCENIL- LIER , DE L'EUPHORBE , DE LA SABINE, DE LA STAPHYSAIGRE, DE LA GRATIOLE, DE L'ANÉMONE, DU RHUS, DU NARCISSE, DE LA RENONCULE DES PRÉS, DE LA CHÉLIDOINE, ETC. Symptômes de l'empoisonnement détermine' -par ces substances. Us ressemblent beaucoup à ceux qui ont été décrits à la p. 72, excepté, 1° que la saveur de ces poisons est acre, pi- quante, ou plus ou moins amère ; 2° que la matière des vomisse- mens ne rougit point ou rougit à peine l'eau de tournesol. Lésions de tissu produites par ces poisons (V. p. 75). Action sur Véconomie animale (V. l'histoire de chacun d'eux). De la racine de hryone. Racine du hryonia alba ou dioica (couleuvrée, bryone blan- che), plante de la famille des cucurbitacées de Jussieu et de la monœcie syngénésie de Linnaeus. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la racine de bryone? Caractères de cette racine. Elle est fusiforme, de grosseur variable, de- puis celle du doigt jusqu'à celle du bras ou de la cuisse d'un enfant ; elle est souventbifurquée, et offre alors des parties qui sont comme articulées; elle est charnue, succulente, d'un blanc jaunâtre au-dehors et d'un blanc grisâtre à l'intérieur; son odeur est vireuse et nauséabonde, sa saveur acre et caustique. Lorsqu'elle a été desséchée, elle est blanche, facile à rompre, coupée en rouelles d'un grand diamètre, marquée par des stries concentri- - 686 - ques, d'une saveur amère, acre, légèrement caustique et d'une odeur désa- gréable. Action de la racine de bryone sur l'économie animale. Les effets que détermine la racine de bryone sur l'homme et sur leschiens,àladosede&à8gram. me portent à conclure, l°qu'elle doit être rangée parmi les poisons irritans qui occasionnent la mort, lors même qu'ils ont été appliqués sur le tissu cellulaire de la partie interne de la cuisse ; 2° que son action est beaucoup plus intense quand elle a été introduite dans le canal digestif, que dans le cas où elle est appliquée sur des plaies ou sur le tissu lami- mineux sous-cutané ; 3° qu'elle est absorbée et qu'elle détermine une vive inflammation des organes sur lesquels elle a été appli- quée, et une irritation sympathique du système nerveux ; U° que ses propriétés délétères résident essentiellement dans le suc et dans la partie soluble dans l'eau, et probablement dans celte ma- tière jaune rougeâlre, d'une saveur excessivement amère, ana- logue à la cathartine, que MM. Brande et Firnhaber ont retirée de cette racine et à laquelle ils ont donné le nom de bryonine; 5° qu'elle produit les mêmes effets sur l'homme que sur les chiens. De l'élatérium. L'extrait aqueux du momordica elaterium (concombre d'âne, concombre sauvage), plante de la famille des cucurbitacées de Jussieu et de la monœcie syngénésie de Linnseus, est préparé avec le fruit de cette plante, dont voici les caractères ■ Baie ovale, ayant la forme d'une olive, peu charnue, coriace, grosse comme la moitié du pouce, d'une couleur d'abord verte, qui devient jaune en mûrissant ; elle est uniloculaire, hérissée de piquans mous, s'ouvre avec élasticité et lance les semences au loin : celles-ci sont ovales, anguleuses, comprimées, munies d'une arille et nagent dans une pulpe aqueuse. Action de l'élatérium sur l'économie animale. Les expé- riences que j'ai tentées me permettent d'établir, 1° que l'extrait aélatérium, à la dose de 2 à 12 grammes, détermine la mort -jour inhumé comme dans l'expérience 5e, voyez page 613. Il resta enterré jusqu'au lundi 4 avril 1842, époque à laquelle je procédai à l'exhumation et à l'ouverture du cadavre (deux cents jours après la mort). Ce cadavre présente un état de putréfaction plus avancée que celui de l'expérience précédente. Les articulations tibio-tarsiennes et radio-car- piennes sont ouvertes ; le sternum et l'os maxillaire inférieur sont à nu ; l'anus est béant et largement ouvert. Aucun reste de matière fécale ne se voit à cet orifice. Le diaphragme est encore intact ; l'estomac seul est dis- tendu par des gaz; tout le canal digestif, enlevé de la cavité abdominale le 4 avril, jour de l'exhumation, a été conservé dans l'alcool pendant dix jours, et n'a été disséqué, vidé, insufflé, analysé, que le jeudi 14 c'est- à-dire deux cent dix jours ou sept mois après la mort. Les matières ex- traites de l'estomac ont présenté un grand nombre de paillettes brillantes. Celles que j'ai retirées de l'intestin grêle se sont trouvées plus riches en- core. Enfin le gros intestin renfermait des matières qui, analysées comme les précédentes, ont offert un bon nombre de débris de cantharides. L'es- tomac n'a pas pu être insufflé ni tendu ; l'état avancé de putréfaction l'a- vait crevé en cinq endroits. Je l'ai divisé en deux portions, en coupant suivant la grande et la petite courbure. Ces deux moitiés, tendues dessé- chées, sont les pièces les plus riches que j'aie rencontrées. L'intestin grêle — 619 — était encore bien plus altéré ; je l'ai tendu par portions, et n'ai pu en in- suffler que trois petits morceaux très courts. Après dessiccation de la face interne, j'ai vu briller une dizaine de paillettes très distinctes. Enfin le gros intestin, bien plus résistant que les deux autres, a pu être insufflé, après quoi il a présenté un bon nombre de débris de cantharides, surtout aux alentours de la valvule iléo-cœcale (Poumet, Thèse soutenue à la Faculté de médecine de Paris, le 7 mai 1842). Symptômes de l empoisonnement par les cantharides. Les symptômes produits par les cantharides introduites dans l'esto- mac sont les suivans : odeur nauséabonde et infecte; saveur acre, désagréable; nausées, vomissemens abondans, déjections alvines copieuses et souvent sanguinolentes, épigastralgie des plus vives; coliques affreuses ; douleurs atroces dans les hypo- chondres; ardeur dans la vessie; urine quelquefois sanguino- lente ; priapisme opiniâtre et très douloureux ; pouls fréquent, dur; sentiment de chaleur très incommode; face vullueuse, res- piration pénible, accélérée; soif ardente; quelquefois horreur des liquides; convulsions, tétanos, délire, etc. Le 21 août 1846, la Cour d'assises de la Vendée a condamné le nommé Jean Poi- rier à la peine de mort, pour avoir tenté d'empoisonner d'Her- vonet en ajoutant à son potage la moitié d'un onguent composé d'un quart de cantharides, d'un quart de poix blanche, d'un quart de cire, et d'un quart d'axonge (emplâtre-vésicatoirè). D'Her- vonet, qui ne succomba pas à cette tentative, avait éprouvé la plupart des symptômes qui viennent d'être mentionnés (Jour. de chim. méd., octobre 1846). On observe aussi la plupart de ces symptômes dans le cas où la poudre a été appliquée sur le tissu cellulaire ou sur la peau, et en outre, l'inflammation ou la gangrène de ces parties. Lésions de tissu produites par les cantharides. Lorsque les cantharides ont été introduites dans l'estomac, on remarque quelquefois, dans la tunique interne du canal digestif, des tuber- cules fongueux, des varices, des ulcérations, des taches noires formées par du sang extravasé. Elles ne déterminent pas tou- jours l'inflammation de la membrane muqueuse de la vessie et des parties génitales : ce genre d'altération a principalement lieu lorsque l'individu ne succombe qu'un ou deux jours après l'empoisonnement ; il manque en général chez la femme ; et lors- 40. — 620 — qu'il a existé chez l'homme et qu'il a occasionné la gangrène du pénis, il disparaît après cinq ou six jours d'inhumation. Cepen- dant si l'ouverture du cadavre est faite vingt-quatre heures après la mort, cette lésion pourra fournir des données importantes lorsqu'il sera démontré qu'elle n'est pas le résultat d'un cancer ulcéré de la verge, de la gangrène du scrotum après l'opération de l'hydrocèle, d'une infiltration mineuse suite d'une rupture de l'urèthre, rupture qui peut être l'effet d'une ulcération syphiliti- que, d'un rétrécissement, d'un calhétérisme maladroit ou forcé. Les lésions ne sont pas les mêmes dans le cas où la poudre a été appliquée à l'extérieur : la partie avec laquelle le poison a été mis en contact est infiltrée, enflammée ou scarifiée ; la vessie et les organes génitaux sont ordinairement phlogosés, mais il est rare qu'on découvre la moindre altération dans le canal digestif. Action des cantharides sur Véconomie animale. 1° La poudre des cantharides, appliquée à assez forte dose sur la peau et sur le tissu cellulaire, ou introduite dans l'estomac de l'homme et des chiens, agit comme un poison irritant énergique; elle est en outre absorbée et porte particulièrement son action sur la vessie et sur les organes génitaux (1). 2° Les propriétés délétères de la poudre de cantharides ne résident pas dans toutes les parties qui les constituent. S0 Ces propriétés doivent être attribuées à la cantharidine, au principe volatil huileux, et peut-être aussi à la matière noire (voy. expérience 29e de ma Toxicologie, page 153 du tome n de la he édition). h° L'huile verte, la substance jaune soluble dans l'alcool et la poudre de cantharides épuisée par l'eau, produits dans les- (1) Il est rare que les tissus et les fonctions des organes gcnilo-urinaires soient altérés chez les chiens soumis à l'influence des cantharides, tandis qu'ils le sont à- peu-près constamment chez l'homme J'.:vais signalé ce fait qui a été depuis con- firmé par les expériences du docteur Poumet. Ce médecin, en effet, n'a rien ob- servé en expérimentant sept fois sur trois chiennes, et sur huit tentatives auxquel- les il avait soumis sept chiens, il a noté une stulefois la turgescence &a«- tar King fish, a déterminé quelquefois le cholera-morbus et une éruption de couleur rouge. Dans ses recherches sur les poissons et les crustacés toxico- phores, lues à l'Académie des sciences en 1819, M. Moreau de Jonnès range encore parmi les poissons venimeux le diodon orbicularis, poisson armé ; le tetrodon mala, la lune ; le ba- tistes veluta, la vieille; le batistes monoceros , la petite vieille^ Xesox marginata, la grande orphie ; le sphyrœna be- cuna, labécune; les sparus psittacus et erythrinus et le scomber carangus. Parmi les crustacés toxicophores, on re- marque le cancer ruticola, le toulouroux et le cancer bern- hardus, le soldat. Les symptômes déterminés par ces animaux sont des douleurs d'estomac et d'entrailles, d'abord faibles et in- termittentes , puis continues, et progressivement violentes et même atroces, des nausées suivies de vomissemens répétés, des éblouissemens et des vertiges, un état spasmodique et même convulsif, un abattement ou plutôt une prostration de forces succédant aux douleurs spasmodiques de l'estomac, et présen- tant, sous l'aspect du coma, la crise finale de la maladie. On ob- serve aussi quelquefois une inflammation de la peau semblable à l'éruption miliaire, accompagnée d'un sentiment de douleur brûlante, et suivie de desquamation de l'épiderme et de dépi- lation (1). Des moules. Il est parfaitement démontré que des individus ont éprouvé, peu de temps après avoir mangé des moules fraîches, des symp- tômes analogues à ceux que déterminent certains poisons irri- (1) On lit dans le Journal universel que plusieurs vignerons de Saint-Privé (près Orléans) furent très malades pour avoir mangé une anguille qu'ils avaient pêchée dans un fossé très bourbeux ; des chiens et des chats qui mangèrent les débris de l'animal périrent le jour même ou le lendemain. — 624 — tans ; mais il n'est guère possible, dans l'état actuel de la science, d'indiquer au juste la cause des accidens produits par ces mollus- ques , et que l'on a fait dépendre tour-à-tour d'une altération morbide qu'ils auraient éprouvée, des substances dont ils se nour- rissaient , d'une petite étoile de mer qUe l'on y trouverait con- stamment pendant les mois où elles sont nuisibles, d'une matière que l'on appelle crasse, et qui existe dans la mer, enfin, d'une disposition particulière de l'estomac des personnes qui les man- gent, etc. Voici les symptômes que l'on a observés dans cette espèce d'empoisonnement : malaise général, pesanteur d'esto- mac, nausées, vomissemens, douleur à l'épigastre et dans plu- sieurs parties de l'abdomen, anxiétés précordiales, respiration difficile, stertoreuse, ou spasmodique et convulsive ; menaces de suffocation, pouls accéléré, petit, serré ; tuméfaction générale ou partielle, démangeaison quelquefois insupportable sur diverses parties du corps, suivie le plus ordinairement d'une éruption de vésicules, ou de pétéchies blanches ; quelquefois rougeur de la peau , enchiffrenement, refroidissement des extrémités, délire, soubresauts des tendons, sueurs froides, etc. Ces symptômes dis- paraissent presque toujours par l'usage d'un traitement appro- prié ; ils peuvent néanmoins être suivis de la mort, et alors ou trouve des traces d'inflammation dans l'estomac et dans les in- testins. DEUXIÈME CLASSE. Des poisons narcotiques. Le mot narcotique, dérivé du grec v*ow, assoupissement, a été employé pour désigner un très grand nombre de poisons qui n'agissent pas évidemment de la même manière : ainsi la plupart des substances narcotico-âcres ont été confondues avec les nar- cotiques ; il en a été de même de quelques poisons tirés de la classe des irritans. Aujourd'hui on désigne sous ce nom tous les poisons qui agissent primitivement sur le système nerveux et sur le cerveau en particulier, et qui donnent lieu à quelques-uns des symptômes suivans. — 625 — Symptômes de l'empoisonnement par les narcotiques. Engourdissement, pesanteur de tête, somnolence, vertiges, sorte d'ivresse, assoupissement, état comme apoplectique, délire furieux ou gai, douleurs légères d'abord, puis insupportables ; cris plaintifs, mouvemens convulsifs, partiels ou généraux; fai- blesse ou paralysie des membres, et en particulier des membres abdominaux; dilatation, resserrement ou état naturel de la pu- pille (1); sensibilité diminuée des organes des sens, nausées, (1) La pupille est-elle nécessairement dilatée dans l'empoisonnement par les narcotiques ? Telle est la question que M. le président de la Cour d'assises de Paris adressa à Chaussier, dans l'affaire du docteur Castaing. < Je le pense, >> répondit Chaussier ; et comme j'avais établi dans ma déposition orale que, dans l'empoison- nement parles narcotiques, la pupille pouvait aussi bien être contractée que dila- tée, M. le président fit observer à Chaussier que je n'étais point d'accord avec lui. « C'est fort possible, dit ce professeur; mais j'ai une expérience, et lui, il n'en a pas » (Journal des Débats, du 15 novembre 1823). Cette manière insolite de résoudre une question importante ne parut satisfaire ni les magistrats qui avaient besoin d'être éclairés, ni les gens de l'art qui cherchaient à puiser dans ce procès célèbre des notions propres à les guider dans des cas analogues. Voici ce que l'observation apprend à cet égard : 1° Chez tous les malades qui prennent de la morphine pure ou combinée avec les acides, la pupille reste contractée/ il n'y a que très peu d'exceptions à cet égard, pourvu que les dûses de morphine soient administrées successivement et sans produire de trouble. 2° Lorsque la morphine est donnée à forte dose, de manière à occasionner des vomissemens, des angoisses, de l'agitation, etc., il y a,i suivant M. Bally, autant de faits où les pupilles sont contractées que de fails où elles sont dilatées ; on observe même, dans ces cas, une variété qui se remarque en peu d'instans. MM. Trousseau et Bonnet vont encore plus loin, car ils disent avoir toujours vu la pupille contractée dans ce cas. 3° Administrée à des chiens, à des chevaux et à des chats, à des doses capa- bles de les empoisonner, l'acétate de morphine détermine tantôt le resserrement, tantôt la dilatation de la pupille (V. Mémoire sur l'acétate de morphine, par MM. Deguize, Dupuy et Leuret, Paris, 1824). 4° Tous les praticiens savent que dans l'empoisonnement par l'opium, par le laudanum liquide de Sydenham, etc., la pupille est contractée, dilatée, ou dans l'état naturel. Parmi les faits publiés avant l'affaire Castaing qui prouvent que la pupille peut être resserrée, je citerai l'observation consignée dans le Traité de matière médicale d'Alibeit, 3e édition, 1814, p. 60, t. n, et celle du docteur Suchet, imprimée en juin 1823 (six mois avant les débats du procès Castaing), voy. Gazette de santé, 5 juin 1823. Depuis, MM. Ol- livier et Marye ont inséré dans les Archives générales de médecine (avril 1825) le fait de ce genre le plus extraordinaire. TJn homme avait pris 48 grammes de lau- danum liquide de Sydenham ; il ne fut rétabli qu'au bout de douze jours, et pen- dant toute la durée de l'empoisonnement les pupilles furent constamment contrqc- — 626 - vomissemens, surtout si la substance narcotique a été appliquée sur la peau ulcérée ou sur le rectum ; pouls fort, plein, fréquent ou rare ; respiration comme dans l'état naturel ou un peu accé- lérée. Les symptômes développés par les poisons narcotiques sont à peu de chose près les mêmes, soit que la substance vénéneuse ait été appliquée sur le tissu cellulaire, soit qu'elle ait été intro- duite dans l'estomac ou injectée dans les veines, caractères qui les distinguent d'un grand nombre de ceux de la classe pré- cédente. Lésions de tissu produites par les poisons narcqtiques. Lorsque cet empoisonnement se termine par la mort, on ob- serve que les vaisseaux du cerveau et des méninges sont souvent gorgés de sang. Les poumons sont quelquefois d'une couleur vio- lette ou d'un rouge plus foncé que dans l'état naturel : alors leur tissu est serré, gorgé de sang, et peu crépitant, du moins dans quelques-unes de leurs parties, et il est assez remarquable que plusieurs des animaux atteints de cette lésion des poumons n'é- prouvent pendant la vie, aucun phénomène morbide qui puisse la faire soupçonner; la respiration n'est ni accélérée ni gênée. Le sang contenu dans les cavités du cœur et dans les veines ne conserve pas toujours sa fluidité, comme on l'a annoncé ; car on le trouve souvent coagulé peu de temps après la mort. Les autres organes ne sont en général le siège d'aucune lésion remar- quable, lorsque l'empoisonnement a été de courte durée ; et si l'on a quelquefois constaté dans ce cas une inflammation du ca- nal digestif, elle était probablement produite par des substances tés ■ cette contraction était tellement notable par momens, que les pupilles n'of- fraient a leur centre au un point presse imperceptible. On lit aussi une observation analogue dans le Journal général de médecine (année 1825). Chaussier avait donc mvoaue a tort son expérience, lorsqu'à l'occasion d'une accusation d'empoisonné- ment par 1 acétate de morphine, il voulut établir, en novembre 1823, que les poi- sons narcotiques devient nécessairement dilater la pupille La publicité dnml aux débats del'affaire Castaing dut.uifaire regretter JJ^ £.W £ÏE connu l'état de la sctence et de s'étre mis en opposition avec les faits £ ZZ — 627 — irritantes mêlées avec le poison narcotique, ou bien elle existait avant l'empoisonnement. Action générale des poisons narcotiques. Les poisons narcotiques sont absorbés et portés dans le tor- rent de la circulation ; ils déterminent les mêmes accidens, soit qu'ils aient été mis en contact avec la peau ulcérée, le tissu la- mineux sous-cutané, le canal digestif, la plèvre ou le péritoine ; soit qu'ils aient été injectés dans les veines. On est loin de re- marquer cette uniformité d'action de la part des poisons ir- ritans. La mort est très prompte dans le cas où ils ont été injectés dans les veines ; elle l'est moins lorsqu'ils ont été appliqués sur le tissu cellulaire sous-cutané ; enfin elle arrive plus tard quand ils ont été introduits dans l'estomac ; peut-être que dans ce der- nier cas ils éprouvent de la part des organes digestifs une altéra- tion qui diminue leur énergie. Ils affectent le système nerveux; mais leur action présente à cet égard des différences assez nota- tables pour qu'il soit impossible de les décrire d'une manière gé- nérale. De l'opium et de quelques-uns des principes immédiats qu'il renferme. —- De la morphine. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par la mor- phine? La morphine est solide, blanche ou colorée en jaune ou en brun, suivant son degré de pureté; elle cristallise en paralléli- pipèdes, et n'a point d'odeur. Lorsqu'on la met sur des charbons ardens, elle se décompose et laisse du charbon ; si on la fait fon- dre dans un petit tube de verre, dont M température est fort peu élevée, elle devient transparente; mais elle reprend son opacité aussitôt que le tube commence à se refroidir : elle est presque insoluble dans l'eau, dans l'éther et dans les huiles fixes ; l'alcool la dissout facilement à chaud, et la laisse déposer en grande par- tie par le refroidissement. Cette dissolution, d'une saveur — 628 — amère, jouit de propriétés alcalines : en effet, elle ramène au bleu le papier de tournesol qui a été faiblement rougi par un acide. L'acide azotique du commerce, versé par gouttes sur la morphine, lui communique une belle couleur rouge. L'acide acétique faible la dissout rapidement à froid ; du reste, tous les acides peuvent se combiner avec elle, et former des sels cristal- lisables. Il suffit de mettre un atome de morphine finement pulvérisée en contact avec une très petite quantité de sesqui-chlorure de fer non acide ou très peu acide, pour lui communiquer une cou- leur bleue : ce caractère, qui n'appartient ni à la narcotine, ni à la strychnine, ni à la brucine, ni à aucune autre base végétale, ne se manifesterait pas si on employait un sel de fer acide ou une dissolution alcoolique de morphine, parce que les acides, l'al- cool , et même l'éther acétique non acide, jouissent de la pro- priété de faire disparaître la couleur bleue à l'instant même. Si le sel de fer était très jaune, on obtiendrait une nuance verte, résultat du mélange des couleurs jaune du sel de fer et bleue de la morphine (Robinet. V. Journ. de chim. méd., sept. 1825). Elle se colore en jaune rougeâtre par l'iode et en jaune orangé par le brome (Donné). Le chlorure d'or lui communique une couleur jaune, qui devient bleuâtre et même violacée (Laroque et Thibierge). L'acide iodique dissous, mêlé ne fût-ce qu'avec un demi-mil- ligramme de morphine ou d'un sel de cette base et 7,000 parties d'eau, se colore fortement en bleu par l'amidon, se décompose et laisse précipiter de l'iode qui exhale une odeur très vive. La quinine, la cinchonine, la vératrine, la picrotoxine, la narco- tine, la strychnine et la brucine, au contraire, ne séparent pas un atome d'iode de l'acide iodique (Sérullas, Voy. Journ. de chim. méd., tome vr% 1830). A la vérité, ce caractère n'a pas à beaucoup près l'importance qu'on avait d'abord voulu lui assigner, 1° parce que les acides sulfureux, phosphoreux, iodhy- drique,etc.,séparent également l'iode de l'acide iodique, 2°parce que l'urine fraîche, la salive et la liqueur provenant de l'ébullition d'un lambeau d'estomac dans l'eau bleuissent avec l'acide iodi- que et l'amidon (Simon et Langonné) et que la fibrine, l'albu- — 629 — mine, le gluten , le caséum,la levure de bière, etc., se compor- tent de même avec l'acide iodique cristallisé ou en dissolution concentrée et l'amidon (Laroque et Thibierge). Acétate de morphine. Ce sel est sous forme de dendrites ou de demi-sphères aiguillées dans l'intérieur, ou de poudre ; il est inodore, d'un blanc légèrement grisâtre et d'une saveur amère. Mis sur les charbons ardens, il se boursoufle, se décompose, ré- pand une fumée épaisse, et laisse du charbon. L'acide sulfurique concentré le décompose et en dégage l'acide acétique. L'acide azotique lui communique une belle couleur rouge. 77 bleuit avec le sesqui-chlorure de fer, et sépare l'iode de l'acide iodique, comme la morphine {V. page 624). L'eau et l'alcool le dissol- vent rapidement ; il est insoluble dans l'élher. La dissolution aqueuse donne un précipité blanc floconneux de morphine par l'ammoniaque : un excès de ce dernier corps dissout la mor- phine précipitée, en sorte qu'il est plus convenable, lorsqu'on agit sur de petites quantités, de faire bouillir le mélange d'acétate de morphine et d'ammoniaque, pour volatiliser l'excès de ce der- nier alcali: alors la morphine se dépose sous forme de cristaux, à mesure que la liqueur se refroidit. Les infusions alcoolique et aqueuse de noix de galle précipitent l'acétate de morphine en blanc grisâtre ; le précipité se dissout facilement dans l'eau ou dans un excès d'infusion : d'où il suit que, pour l'obtenir, il faut agir sur une dissolution d'acétate de morphine peu étendue. M. Dublanc, qui, le premier, a parlé de la propriété qu'a la noix de galle de décomposer les sels de morphine, regarde ce réactif comme un moyen précieux pour découvrir des atomes de ces poisons : je ne saurais partager celle opinion (V. page 627). Mélanges de morphine ou d'acétate de morphine et d'ali- mens végétaux ou animaux, ou de la matière des vomisse- mens ou de celle qui a été trouvée dans le canal digestif, etc. Il résulte des recherches que j'ai tentées soit avec des matières alimentaires que j'avais préalablement mêlées avec quelques centigrammes d'acétale de morphine, soit avec des décoctions aqueuses et alcooliques de viscères d'animaux que j'avais empoi- sonnés avec ce sel, 1° qu'alors même que la morphine et ses sels sont mélangés avec des matières organiques fortement colorées, — 630 - il est possible de constater la totalité ou du moins un certain nombre de réactions de la morphine ; 2° que celle de ces réac- tions qui se produit constamment est la coloration en rouge par l'acide azotique, tandis qu'il faut placer en seconde ligne la nuance bleue produite par le sesquichlorure de fer. Ici se présente une question grave : le médecin légiste peut -il à l'aide de ces simples colorations, en supposant même qu'il les ait obtenues toutes, conclure à l'existence de la morphine ou d'un de ses sels? Non certes, car il ne serait pas impossible que, dans certaines maladies, les fluides animaux eussent subi des altéra- tions encore inconnues et qu'ils fournissent plusieurs des réac- tions indiquées. Une pareille conclusion ne devrait être tirée qu'autant que l'on serait parvenu à isoler la morphine ou le sel de morphine en nature. A plus forte raison devrait-on se garder d'établir d'après ces indices, qu'un individu est mort empoisonné par une préparation de morphine ; on pourrait tout au plus éle- ver quelques soupçons d'empoisonnement. Il n'en serait pas de même si le malade eût éprouvé les symptômes que détermine la morphine et si l'on avait retiré une partie de cette substance en nature, ou bien que l'on eût constaté d'une] manière nette et précise toutes les réactions qui la caractérisent ; dans ce cas on devrait affirmer que l'empoisonnement a eu lieu. Procédé. Si le mélange est à peine coloré, il ne s'agit que de faire évaporer les liquides après les avoir filtrés, et de les traiter par l'alcool à 36 degrés, bouillant : ce menslrue dissout l'acétate de morphine et les graisses, et laisse les matières animales. On évapore la dissolution alcoolique jusqu'en consistance d'extrait, et on traite par l'eau distillée, qui dissout l'acétate sans toucher à la graisse ; on filtre la dissolution et on la fait évaporer jusqu'à ce que l'on obtienne le sel cristallisé. On peut, à l'aide de ce pro- cédé, découvrir l'acétate de morphine dans l'estomac et dans les intestins grêles des animaux qui en ont pris, ainsi que dans les matières vomies peu de temps après l'ingestion du poison. Si la dissolution alcoolique que l'on croit contenir la morphine est colorée en jaune rougeâtre, en brun ou en noirâtre, il est pré- férable d'employer le procédé de M. Lassaigne. On fait évaporer le solutum jusqu'en consistance d'extrait ; on traite le produit — 631 — par l'eau, puis on y verse de l'acétate de plomb dissous qui pré- cipite les matières colorantes ; la morphine se trouve alors dans le liquide décoloré ; il faut à la vérité la débarrasser de l'excès d'acétate de plomb par quelques bulles de gaz acide sulfhydrique ; on chauffe pour chasser l'excès d'acide sulfhydrique, et on filtre à travers le charbon animal ; on fait alors évaporer la liqueur, et, pour éviter de nouveau sa coloration, on la met dans le vide, sous la machine pneumatique, en plaçant à côté un vase rempli d'acide sulfurique concentré. En prenant cette précaution, il sera plus fa- cile de constater les caractères de la morphine. Ce procédé est bien supérieur à celui de M. Dublanc, qui con- siste à précipiter la matière organique par la teinture alcooli- que de noix de galle, et à décomposer par de la gélatine la li- queur tenant en dissolution le tannate de morphine {Jour, de pharm., août 1824); en effet cette méthode ne présente aucun avantage sur l'autre, et offre -des inconvéniens qui doivent la faire abandonner. J'ai mêlé 10 centigrammes d'acétate de mor- phine avec 64 centigrammes de vin rouge, autant de lait, de café à l'eau et de bouillon ; la masse a été partagée en deux parties égales : à l'aide du procédé de M. Lassaigne, j'ai obtenu de l'acé- tate de morphine d'un blanc jaunâtre, qui est devenu rouge par l'acide azotique ; il était tout au plus mêlé avec un atome de sels étrangers : la méthode de M. Dublanc, au contraire, m'a fourni une masse rougeâtre composée de graisse, de gélatine, de plusieurs sels et de morphine ; en versant de l'acide azotique sur cette masse, elle devenait plus rouge; mais le changement de nuance était loin d'être aussi tranché que dans le cas où j'avais suivi l'autre procédé. Signalons maintenant d'autres inconvéniens de la méthode de M. Dublanc : 1° si l'acétate de morphine est uni à des alimens gras, on devra l'obtenir mêlé de graisse, car au- cun des réactifs employés ne sépare ce corps de l'acétate ; 2° la morphine contiendra souvent de la gélatine: en effet, M. Du- blanc conseille d'étendre d'eau la dissolution alcoolique de tan- nate de morphine avant d'y verser la gélatine : or, l'alcool affaibli peut dissoudre cette dernière substance ; 3° il n'est nullement question, dans le procédé de M. Dublanc, d'un réactif qui puisse décolorer la liqueur : aussi la morphine que l'on obtient est-elle - 632 — souvent colorée, et celte couleur peut être tellement brune qu'il soit difficile de constater les caractères essentiels de celle base ; 4° M. Dublanc raisonne d'après l'hypothèse que les composés de tannin et de matière animale sont insolubles dans l'alcool, tandis que celui de tannin et de morphine y serait soluble : or il n'en est pas toujours ainsi ; la noix de galle, par exemple, fournit avec l'extrait alcoolique de l'urine pure, un précipité en grande par- tie soluble dans l'alcool ; il y a plus, le composé de tannin et de morphine que M. Dublanc dit se précipiter lorsqu'on verse de la noix de galle dans une liqueur contenant de la morphine, ne se dépose pas s'il y a des acides libres dans la dissolution [V. pour ce dernier fait le rapport de Vauquelin à l'Académie des sciences, Annales de chimie et de physique, page 86, cahier de sep- tembre 1824). Morphine et sels de morphine dans un cas d'exhumation juridique. Expérience 1re. Merck a trouvé la morphine qui était restée pendant huit à vingt jours en présence de matières animales et végétales. Expérience 2e. Le 2 juin 1842, on a mêlé 500 grammes d'eau distillée, 10 de levure de bière, 20 de sucre et 0,3 d'acétate de morphine. Ce mé- lange n'a pas tardé à entrer en fermentation. Après plusieurs jours de contact, tout dégagement d'acide carbonique ayant cessé, on a évaporé jusqu'à siccité, puis on a repris par l'alcool bouillant; on a fait évaporer la liqueur alcoolique et l'on a traité ce résidu par l'eau aiguisée d'acide acé- tique. Dans ce liquide évaporé en consistance sirupeuse, on a pu consta- ter les caractères de la morphine. Du vin rouge tenant en dissolution du chlorhydrate de morphine', avait été conservé depuis le mois de juillet 1841 dans une bouteille imparfaite- ment bouchée. Le 15 juin 1842, le liquide exhalait une forte odeur d'a- cide acétique ; il a été soumis au traitement qui vient d'être indiqué • la liqueur alcoolique décolorée par le charbon animal, n'a pas cristallisé- mais évaporée en consistance sirupeuse, elle a fourni un résidu qui rou- gissait par l'acide azotique, bleuissait par le sesquichlorure de fer pré- cipitait l'acide tannique et réduisait le chlorure d'or (Laroque et Thi- bierge). Expérience 3e. Bien avant les travaux de ces expérimentateurs, j'avais consigné ce qui suit dans le Traité des exhumations juridiques : Le 8 mars 1826, on mêla dans un bocal à large ouverture 6 grammes d'acétate de morphine dissous dans un litre d'eau, avec de la soupe maigre du bouillon gras, de la graisse et plusieurs parties d'un canal intestinal ■ le vase fut exposé à l'air. Le 26 mars, le mélange exhalait déjà une odeur fétide • le liquide filtré précipitait en blanc grisâtre par l'ammoniaque; évaporé jus- 683 — qu'à siccité, il fournissait un produit jaunâtre qui devenait d'un très beau rouge par l'acide azotique, et bleu par le sesquichlorure de fer ; cependant cette dernière nuance était moins intense que celle que faisait naître le même réactif avec une quantité d'acétate de morphine égale à celle du produit employé; il y avait en outre çà et là quelques points verdâtres, résultat du mélange de la couleur bleue dont je parle avec la couleur jaune du produit. Le 9 avril suivant, le liquide filtré précipite encore en blanc grisâtre par l'ammoniaque, et fournit par l'évaporation un produit jaunâtre que l'acide azotique rougit à merveille, mais que le sesquichlo- rure de fer verdit ; à la vérité cette couleur verte tire légèrement sur le bleu d'abord, puis sur le brun. Le 16 avril, la matière présente les mêmes ca- ractères, si ce n'est que le sel de fer donne, avec le produit de l'évapora- tion, une couleur vert olive sans nuance bleue. Il en est de même le «8 juin, époque à laquelle la putréfaction a déjà fait les plus grands progrès (1). Le 1er août 1826, on filtre une portion de la liqueur, et on la traite par l'ammoniaque qui y fait naître un précipité gris brunâtre de morphine ; en effet, en faisant bouillir ce précipité avec de l'alcool et en décolorant la dissolution alcoolique à l'aide du charbon animal, on obtient par l'évapo- ration un produit solide, gris blanchâtre, qui rougit par l'acide azotique, et que le sesquichlorure de fer rend bleu verdâtre. Une autre portion de la liqueur, étant évaporée jusqu'à siccité, fournit un produit d'un jaune brun que l'on a traité par l'alcool bouillant: la dissolution alcoolique est évaporée jusqu'à siccité, et le produit traité par l'eau distillée, puis par le sous-acétate de plomb, par l'acide sulfhydrique, et par le charbon animal purifié, comme l'a conseillé M. Lassaigne, et l'on obtient un liquide qui, étant évaporé au bain-marie, fournit un léger résidu d'un blanc jaunâtre, devenant d'un très beau rouge par l'acide azotique, et d'un bleu verdâtre par le sesquichlorure de fer. Le 18 mai 1827, quatorze mois dix jours après le commencement de l'expé- rience, le mélange était excessivement fétide et fortement alcalin, car la liqueur rétablissait instantanément la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide ; il n'en restait guère que 150 à 180 grammes, la ma- jeure partie ayant été employée aux divers essais dont j'ai parlé (2). Cette (1) Craignant que la belle couleur rouge que développait l'acide azotique avec le produit de l'évaporation, ne fût le résultat de l'action de cet acide sur la matière animale pourrie, plutôt que sur l'acétate de morphine, j'ai évaporé jusqu'à siccité un liquide excessivement fétide, ne contenant point de sel de morphine, et j'ai vu que le produit de l'évaporation devenait simplement jaune par l'acide azotique. Pour obtenir ce liquide, j'avais laissé à l'air dans un bocal ouvert, depuis le 8 mars jusqu'au 18 juin, 1 lilre d'eau, delà soupe mnigre, du bouillon gras, de la grais>.e et des intestins. , (2) Il est inutile d'indiquer que l'on avait ajouté de l'eau à mesure qu il s en était évaporé. m. - 634 — liqueur fut partagée en deux parties, A et B. La portion A fut évaporée et traitée successivement par l'alcool, par le sous-acétate de plomb par l'acide sulfhydrique et par le charbon animal comme l'a prescrit M. Las- saigne; on obtint un produit solide, légèrement jaunâtre, qui devenait rouge par l'acide azotique, mais que le sesquichlorure de fer, loin de bleuir, rendait rouge ou brun : ce produit solide, traité par l'eau distillée à la température ordinaire, ne se dissolvait pas en entier; la portion dis- soute, filtrée et évaporée jusqu'à siccité, rougissait par l'acide azotique et par le sel de fer, tandis que ce réactif aurait dû la bleuir; la portion qui était restée 'sur le filtre rougissait aussi par l'acide azotique, et devenait bleue par le sesquichlorure de fer. La liqueur B, au lieu d'être traitée par le procédé de M. Lassaigne, fut simplement filtrée et évaporée jusqu'à siccité ; le produit, d'une couleur très brune, fut tenu en ébullition pen- dant quelques minutes avec de l'alcool concentré; la dissolution alcooli- que, fortement colorée en brun, fut chauffée avec du charbon animal pu- rifié par l'acide chlorhydrique, et parfaitement lavé, puis filtrée à plusieurs reprises à travers une autre partie du même charbon ; elle était presque incolore : en l'évaporant au bain-marie, il en résulta un produit jaunâtre qui rougissait à merveille par l'acide azotique, et qui devenait bleu par le sel de fer étendu d'eau, à moins toutefois que celui-ci ne fût employé en trop petite quantité, car alors il se développait une couleur rougeâtre. Le résultat fourni par la portion B de la liqueur, comparé à celui qu'avait donné la portion A, prouve évidemment qu'il y avait eu de l'avantage à ne pas traiter par le sous-acétate de plomb et par l'acide sulfhydrique, pour déceler la présence de la morphine. Acétate de morphine étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, 326 milligrammes d'acé- tate de morphine dissous dans un litre et demi d'eau; on ajouta environ le tiers d'un canal intestinal. Le 21 mai 1827, c'est-à-dire dix mois trois jours après le commencement de l'expérience, la putréfaction était à son comble. Le liquide fut filtré et évaporé à une douce chaleur; le produit de l'évaporation, qui était d'un brun presque noir, fut traité par l'alcool bouillant; la dissolution alcoolique, évaporée jusqu'à siccité, fournit un résidu qu'on traita par l'eau distillée aiguisée d'acide acétique. Cette nou- velle dissolution fut décolorée par le charbon animal purifié, avec lequel on la fit bouillir, et sur lequel on la fit passer à plusieurs reprises ; ainsi décolorée, elle fut évaporée jusqu'à siccité. Le produit, d'une saveur amère, rougissait par l'acide azotique, mais ne bleuissait point par le sesquichlo- rure de fer : ce réactif lui communiquait aussi une couleur rougeâtre. Ces expériences prouvant jusqu'à l'évidence que la morphine n'était point détruite , même plusieurs mois après que l'acétate avait été mêlé avec des matières animales, je voulus savoir ce qui arriverait à une dissolution aqueuse de ce sel exposée à l'air, et je ne tardai pas à reconnaître que ï'acétate se décomposait en partie, que l'acide acétique de — 635 — , la portion décomposée se détruisait, tandis que la morphine de cette même portion se précipitait, sinon en totalité, du moins en grande partie. Voici les faits qui mettent ces vérités hors de doute. 1° Le 31 juillet 1826, on a fait dissoudre dans deux litres d'eau près de 6 grammes d'acétate de morphine. Au bout de dix mois d'exposition à l'air, la liqueur, qui était depuis long-temps couverte de moisissures, était trouble et surnageait un précipité assez abondant; filtrée et évaporée jus- qu'à siccité, elle fournissait un produit jaunâtre qui bleuissait par le ses- quichlorure de fer et rougissait par l'acide azotique. Le précipité qui était sur le filtre, lavé à plusieurs reprises avec de l'eau bouillante pour lui en- lever tout ce qu'il pouvait contenir de soluble, fut traité par l'alcool bouil- lant : la dissolution alcoolique évaporée laissa cristalliser une quantité notable de morphine. 2° Le 19 mai 1827, on fit dissoudre dans un litre d'eau distillée 1 gramme 302 milligrammes d'acétate de morphine ; la liqueur filtrée et transparente rougissait légèrement le papier de tournesol, et fut abandon- née à l'air dans un vase à large ouverture. Huit jours après, on voyait déjà nager au milieu de la liqueur quelques flocons de moisissure. Le 3 août, ces flocons étaient beaucoup plus considérables , quoique le liquide fût encore assez transparent. Ce liquide rétablissait la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide ; il n'était pas sensiblement odorant ; en approchant de sa surface une plume trempée dans de l'acide chlorhy- drique, on ne voyait aucune trace des vapeurs blanches qui se seraient manifestées s'il s'était dégagé de l'ammoniaque. Le 27 février 1828, la liqueur était trouble et les parois du bocal étaient tapissées de cristaux jaunâtres qui y adhéraient fortement. On filtra : le liquide, d'un jaune d'ambre, ayant été évaporé jusqu'à siccité, fournit un produit d'un gris jaunâtre qui rougissait par l'acide azotique, et qui bleuissait par le ses- quichlorure de fer. Ce produit ayant été traité par l'eau distillée bouillante, fut presque entièrement dissous, et sembla n'être que de l'acétate de mor- phine mêlé de très peu de matière étrangère. Les moisissures et autres matières floconneuses qui étaient restées sur le filtre, d'une couleur grise brunâtre, rougissaient par l'acide azotique, et 6leuissaient par le sel de fer. Après les avoir fart bouillira plusieurs reprises avec de l'eau distillée, pour leur enlever tout ce qu'elles pouvaient contenir de soluble dans ce liquide, on les dessécha, et on les fit bouillir avec de l'alcool à 38 degrés qui n'en dissolvit qu'une partie : la dissolution alcoolique ramenait lentement au bleu le papier de tournesol faiblement rougi, et, lorsqu'on l'évaporait, fournissait des cristaux de morphine. La matière, qui était adhérente aux parois et au fond du flacon, ayant été détachée à l'aide de l'eau bouillante et épuisée par ce liquide, fût desséchée et traitée par l'alcool à 40 de- grés, bouillant, qui la dissolvit presque en entier. La dissolution alcoolique était légèrement alcaline, et donnait, par l'évaporation, une quantité no- table de morphine parfaitement cristallisée. 41. — 636 — Cette décomposition de l'acétate de morphine dans l'eau a également été observée par M. Dublanc jeune ; déjà Geiger avait vu le même sel, dissous dans l'alcool, éprouver une décomposition analogue ; mais, comme l'a fait remarquer M. Dublanc, l'altération spontanée dont je parle a ses limites, et pourrait être prévenue en maintenant la liqueur acide (Voy. Journal de pharmacie, année 1827, p. 264). Il résulte de tous ces faits, 1° que, dans un cas d'exhumation juridique, il est possible de constater, plusieurs mois après la mort, la présence de l'acétate de morphine ou de la morphine dans le canal digestif d'un individu qui aurait été empoisonné par une préparation de ce genre; 2° qu'il faut pour cela agir non-seulement sur les liquides, mais encore sur les matières solides, parce qu'en supposant même que l'empoisonnement eût été déter- miné par une dissolution aqueuse d'acétate de morphine, celle-ci aurait pu être décomposée, et la morphine précipitée en partie ; 3° qu'à la vérité il y aura moinsde morphine précipitée qu'on ne le croirait au premier abord, parce qu'une partie de celle qui se sera déposée aura été redissoute par l'ammoniaque qui s'est formée pendant la putréfaction : on sait, en effet, qu'en précipitant la morphine par l'ammoniaque d'une dissolution peu étendue d'acétate, il suffit d'agiter le précipité pendant quelques instans dans un mélange d'eau et d'ammoniaque pour le redissoudre; 4°que, pour obtenir la morphine qui peut exister dans les matières solides, il faut d'a- bord traiter ces matières à plusieurs reprises par l'alcool, puis évaporer les dissolutions alcooliques, et faire agir sur le produit de l'évaporation de l'eau aiguisée d'acide acétique : sans cette dernière précaution, il serait difficile de séparer la morphine du gras de cadavres qui se forme abondam- ment pendant le séjour des corps dans la terre ; que si par hasard la liqueur était colorée, on la décolorerait en la faisant chauffer avec du charbon ani- mal purifié, et en filtrant à plusieurs reprises à travers ce même corps, sans avoir besoin de recourir au sous-acétate de plomb et à l'acide sulfhy- drique, dont l'emploi m'a paru pour le moins inutile ; 5° qu'il est aisé de voir, en comparant l'action de l'acide azotique et du sesqui-chlorure de fer sur les matières qui ont fait l'objet des expériences précédentes, que l'acide azotique les a constamment rougies, lors même qu'elles étaient colorées, tandis que le sel de fer ne les a bleuies en général qu'autantqu'ellesavaient été parfaitement décolorées, et encore, dans certains cas, il a développé une couleur rougeâtre, quoique ces matières fussent incolores ; 6° qu'il y aurait témérité à prononcer affirmativement, dans un cas d'exhumation ju- ridique, qu'il y a eu empoisonnement par une préparation de morphine, parce qu'on aurait observé seulement les deux colorations rouge et bleue dont je viens de parler; qu'on ne pourrait tout au plus établir, d'a- près ces caractères, que de légères présomptions; 7° qu'il n'en serait pas de même si l'on obtenait; comme je l'ai vu, de la morphine cristallisée, insoluble dans l'eau et dans l'éther, soluble dans l'alcool et dans l'a- cide acétique, fusible à une douce chaleur, rougissant par l'acide azotique, — 637 — bleuissant par le sel de fer, et jouissant en un mot de tous les caractères connus de cette base : on devrait dans ce cas affirmer que la matière sur la- quelle on a agi est de la morphine. Telles sont les conclusions par lesquelles je terminais l'article acétate de morphine de mon mémoire déjà cité. Il est difficile, comme on le voit, d'a- gir avec plus de circonspection, puisque je veux qu'on n'affirme qu'il y a eu empoisonnement par la morphine, qu'autant qu'on a constaté tous les ca- ractères qui la font reconnaître dans l'état actuel de la science ; pourtant, M. Raspail m'a accusé de ne m'être attaché qu'à des phénomènes de colo- ration, alors que M. Bonastre a trouvé, dit-il, que certaines huile6 volatiles se colorent en rouge et en bleu par les agensYme je mets en usage pour dé- couvrir la morphine. M. Raspail me faisant dire autre chose que ce que j'ai avancé, je prendrai le parti de ne pas lui répondre, d'autant plus qu'il a en chimie organique et en toxicologie des idées si extravagantes que per- sonne ne les adoptera de sitôt. Pour ce qui concerne le fait indiqué par M. Bonastre, je défie M. Raspail de citer une seule huile volatile qui par- tage toutes les propriétés des alcalis végétaux vénéneux. Action de la morphine et de l'acétate de morphine sur l'économie animale. Les expériences que je fis sur les chiens peu de temps après la découverte de la morphine, me conduisirent à la regarder comme une substance active et irritante. Cette manière de voir fut combattue tour-à-tour par MM. Magendie et Vassal, qui considéraient la morphine comme la partie sédative de l'opium. Vassal pensait en outre que l'acétate de morphine ne peut en gé- néral devenir poison que lorsqu'il est donné à haute dose. 11 était assez naturel de croire que cette divergence d'opinions sur une question susceptible d'être résolue par l'expérience, tenait à ce que les expérimentateurs n'avaient pas agi sur la même substance ; et en effet, la morphine découverte par Sertuerner, celle que j'administrai aux animaux en 1817, contenait une telle pro- portion de principe de Derosne, qu'elle fut indiquée par Sertuerner comme étant soluble dans l'éther, tandis qu'elle y est insoluble lorsqu'elle est pure. A celte époque, j'annon- çai aussi la solubilité de la morphine dans l'huile d'olives, et l'on sait aujourd'hui qu'elle ne s'y dissout point, à moins qu'elle ne soit mêlée à une grande quantité de principe de De- rosne. Doit-on s'étonner maintenant si les expériences faites sur — 638 — la morphine débarrassée de toute matière étrangère, diffèrent par leurs résultats de celles qui furent tentées en 1817 sur la même substance mêlée d'une quantité notable de principe de Derosne? Voyons maintenant quels sont les effets de la mor- phine pure sur diverses espèces d'animaux. 1° Introduite à l'état solide dans l'estomac de l'homme, elle agit comme l'acétate de morphine : apparemment qu'elle se transforme en un sel solu- ble à la faveur des sucs acides qui se trouvent dans ce viscère. Si elle a été administrée à une dose capable de produire du trouble, sans cependant donner lieu à des accidens graves, on remarque les effets suivans, d'après le docteur Bally : céphalalgie peu durable, qui arrive quelquefois presque immédiatement après l'ingestion ; rêves effrayans, vertiges, affaiblissement de la vue, contraction de la pupille dans les dix-neuf vingtièmes des cas, à moins que l'action ne soit violente, car alors il y a quelquefois dilatation de la pupille; soubresauts, commotions violentes, vomissemens opiniâtres lorsqu'elle est donnée tout-à-coup à la dose de 10 à 15 centigr. : un individu vomit pendant trois jours, sans avoir presque un moment de repos, pour avoir pris 10 centigr. d'acétate de morphine ; il y a, dans ces cas, douleur plus ou moins vive à la région.épigastrique ou dans le trajet des intestins ; constipation constante, à laquelle succèdent quelquefois brusquement des diarrhées; le pouls est, en général, ramené au-dessous de l'état physiolo- gique ; la respiration ne paraît influencée que dans le cas où le malade est atteint d'hémoptysie ; lenteur dans l'émission de l'urine chez l'homme, quelquefois même rétention complète; démangeaison à la peau, sans sueur: ce caractère est tellement constant, que le docteur Bally ne balance pas à le regarder comme le symptôme le plus important de l'em- poisonnement par la morphine. « Je n'oserais pas affirmer, dit-il, qu'un individu qui n'aurait pas éprouvé de la démangeaison à la peau eût été empoisonné par une préparation de morphine. » Le prurit, dont il s'agit, est assez souvent accompagné de petites élévations arrondies, sans couleur, à peine perceptibles (Mémoire lu à l'Académie royale de médecine par le docteur Bally). Les observations plus récentes de MM. Trousseau et Bonnet qui ont administré les différens sels de morphine à un très grand nombre d'individus, ne conduisent pas toujours aux mêmes ré- sultats, quoiqu'elles s'accordent souvent avec celles du doc- teur Bally. « L'augmentation de la soif, disent-ils, est un des phénomènes qu'on observe le plus constamment à la suite de l'administration des opiacés • la sécheresse de la bouche et de la gorge accompagne toujours la soif et quelquefois même il existe en même temps de la gêne dans la déglutition ■ — 639 — les malades n'ont jamais éprouvé l'amertume de la bouche, et cependant ils vomissaient souvent. Cette amertume ne doit donc pas, comme l'a dit M. lîally, être considérée comme l'avant-coureur des vomissemens » ceux- ci ont lieu chez plus des deux tiers des malades ; mais on observe encore plus fréquemment des envies de vomir avec un état de malaise et de dé- goût pour toute espèce de nourriture, jusqu'à ce que les phénomènes encé- phaliques soient dissipés ; car alors souvent l'appétit revient avec force. Ces vomissemens ne sont pourtant pas la suite, comme l'a dit M. Bally, de l'in- gestion de quantités excessivement petites de préparations de morphine. En commençant par 5 milligrammes et en allant jusqu'à 2 centigrammes 16 milligrammes par jour, nous avons déterminé des vomissemens chez des hommes quatre fois sur dix, et chez les femmes six fois sur dix : au reste, ces vomissemens ne nous ont jamais paru accompagnés de symptômes de gastrite ; jamais des douleurs notables d'estomac ne se sont fait sentir ; ja- mais la langue n'a éprouvé de modification remarquable : la constipation a toujours suivi l'application de l'acétate de morphine à l'extérieur ; la diar- rhée n'a été.produite que par l'ingestion de plusieurs grains de ce sel, après un usage de quelques jours, et encore avait-elle été précédée de constipa- tion. La quantité de l'urine peut être augmentée ou diminuée ; la diminu- tion se remarque beaucoup plus souvent que l'augmentation, surtout chez les hommes, et Ton doit s'étonner que M. Bally ait nié l'influence de ces sels sur la sécrétion urinaire ; il a mieux apprécié celle qu'ils exercent sur l'excrétion de ce fluide, en indiquant la difficulté qu'un grand nombre de malades éprouvent à uriner. La sueur est un phénomène presque constant : elle se montre moins promptement à la suite de l'administration intérieure ; quelquefois elle ruisselle sur toute la surface de la peau ; elle est, en géné- ral, plus abondante chez les femmes que chez les hommes. La peau est le siège de démangeaisons très incommodes ; le plus souvent les sueurs et les démangeaisons sont réunies, contre l'assertion de M. Bally; elles peuvent cependant exister isolées, surtout au début de la médication. Ce prurit, existant souvent sans éruption d'aucune espèce, ne saurait être imputé à cette éruption. Le prurigo, Vurticaire et Xeczéma, sont les éruptions qui se manifestent le plus ordinairement dajis cet empoisonnement ; elles sont toujours accompagnées de démangeaisons qui les précèdent, ainsi que les sueurs. Il y a toujours chaleur et coloration plus vive de la peau, accéléra- tion du pouls et fréquence plus grande des mouvemens de la respiration, ce qui n'est point d'accord avec les assertions du docteur Bally. Nous avons toujours trouvé les pupilles resserrées; jamais nous n'avons observé de dé- lire, de cris, d'incohérence dans les idées. Le sommeil produit par les sels de morphine peut être calme, ou interrompu par quelques rêves pénibles; quelquefois le malade, plongé dans le coma, est insensible à la plupart des excitans. Parmi les phénomènes que nous venons de décrire, les uns se manifestent dès le jour où les sels de morphine sont employés pour la pre- mière fois; les autres se font attendre plus ou moins long-temps. Les pre- — 640 — miers sont la soif, les vomissemens, le besoin fréquent d'uriner, la difficulté de l'excrétion urinaire, les sueurs, les démangeaisons, la somnolence, la contraction des pupilles, l'air d'abattement et de langueur répandu sur la figure. Les seconds, plus rares et plus longs à se manifester, sont la sali- vation, la suppression des selles ou la diarrhée, la supersécrétion de l'u- < rine, l'apparition des règles, l'insomnie opiniâtre. Ces dernières, quoique méritant d'être notées, sont loin de pouvoir aider dans le diagnostic spécial des empoisonnemens par les divers narcotiques, soit qu'on les examine isolés, soit qu'ils se combinent dans les rapports que nous avons cherché à faire connaître. Les phénomènes indiqués dans la première série peuvent donc servir seuls de moyens de diagnostic; ils ne manquent jamais, et leur étude nous paraît devoir conduire à une détermination précise des caractères propres à distinguer le narcotisme produit par l'opium, des af- fections qui peuvent le simuler. Avant d'entrer dans l'examen de ces faits, nous ferons remarquer que le narcotisme, suite de l'emploi des sels de morphine, peut consister seulement dans les symptômes que nous avons décrits, ou bien être porté jusqu'à la perte complète de connaissance. Il pourrait être confondu avec celui que détermine l'action des autres sub- stances rangées parmi les narcotiques, telles que la jusquiame, le datura stramonium, la belladone, etc. Or, ces médicamens, administrés à haute dose, causent une énorme dilatation des pupilles ; les malades sont dans le délire; ils poussent des cris, et l'on est obligé de les attacher pour arrêter leurs mouvemens désordonnés ; ils n'ont que rarement des éruptions à la peau ; on ne les voit point frotter contre les draps les diverses parties du corps, et rarement la transpiration est aussi abondante que lorsque les ac- cidens ont été produits par la morphine. L'ivresse causée par les vins et l'alcool se rapproche un peu du narcotisme produit par les sels de mor- phine, et souvent il arrive que les malades comparent ce dernier état au premier. Dans l'un et l'autre cas, il y a des vomissemens, une sueur abon- dante , du trouble dans les fonctions cérébrales ; mais dans l'ivresse, les vomissemens n'ont point le caractère bilieux ; ils exhalent, ainsi que l'ha- leine, une odeur alcoolique qui est caractéristique; les sueurs ne sont point compliquées de démangeaisons à la peau ; il y a un délire variable, et l'as- pect de la face est celui d'une congestion, et non celui de la langueur et de l'abattement » (Bulletin général de tliérapeutique, février 1832). 2° Lorsqu'on fait avaler à des chiens ou à des chats depuis 2 jusqu'à 6 grammes d'acétate de morphine, on voit, peu d'instans après, que le train postérieur est affaibli et la démarche peu assurée ; les animaux paraissent endormis, tremblent ou restent tranquilles, mais se réveillent au moindre bruit: quelque temps après ils s'agitent, et lorsqu'on les touche, ils parcou- rent rapidement le laboratoire, en traînant leurs membres pelviens qui sont comme paralysés ; les battemens du cœur sont grands, rares, intermittens, et quelquefois fréquens, surtout au début; le pouls est serré et intermit- tent ; la respiration est lente, la température du corps diminuée ; la pupille — 641 — est dilatée, resserrée ou dans l'état naturel ; il y a parfois des vomisse- mens, des selles, et une salivation plus ou moins abondante ; des cris plain- tifs se font entendre. Au bout d'une ou de deux heures, les animaux éprou- vent des mouvemens convulsifs ; ils font des efforts pour se relever et re- tombent ; quelques instans après, ils sortent de nouveau de cet état de calme, et sont agités de convulsions ; la bouche se remplit parfois d'écume. Il n'est pas rare, lorsque la mort doit terminer l'empoisonnement, d'ob- server, vers la fin de la maladie, un ou deux accès pendant lesquels les animaux sont couchés sur le ventre, les pattes écartées, la tète portée en arrière, les yeux fixes, la respiration bruyante et les membres convulsés.—Si les chiens sont forts et adultes, ils peuvent supporter des doses considérables d'acétate de morphine sans périr; s'ils sont jeunes et de moyenne stature, il suffit, pour les tuer dans l'espace de quatre à six heures, de leur faire prendre environ 3 gram. de poison. Les effets de cette substance vénéneuse paraissent donc être les mêmes sur l'homme que sur les chiens, si ce n'est qu'il en faut une dose beaucoup plus forte pour occasionner la mort de ces derniers. A l'ouverture des cadavres, on ne découvre aucune altération du canal digestif ni des autres organes, ce qui tient probablement à ce que les animaux n'ont pas été sous l'influence du poison pendant un temps suffi- sant {Voy. la note de la page 642). 3° Deux grammes d'acétate de morphine, injectés dans le tissu cellulaire de la partie interne de la cuisse des chiens de moyenne stature, les font périr au bout de quatre à six heures. Peu de temps après l'application du poison, le train postérieur est affaibli, et l'on voit arriver successivement les symptômes que détermine le même sel introduit dans l'estomac. Une heure environ avant la mort, les animaux se traînent sur le ventre, en écartant les pattes postérieures, et en exécutant avec celles de devant des mouvemens semblables à ceux des chiens qui nagent ; ils éprouvent aussi des convulsions. Les cadavres ne présentent aucune altération marquée. Que doit-on penser de l'opinion de Vassal, qui, cherchant à éclairer l'histoire physiologique de la morphine, range parmi les expériences curieuses et ingénieuses, dont il ne faut tenir aucun compte, celles qui ont pour objet l'application du poison sur le tissu cellulaire sous-cutané ( Voy. page 81 du mémoire intitulé Considérations médico-chimiques sur l'acétate de mor- phine). Je demanderai à Vassal ce qu'il pourrait répondre de valable devant les tribunaux, dans un empoisonnement produit par l'emploi d'un topique rendu vénéneux par un sel de morphine ou par tout autre poison; avoue- rait-il son ignorance, plutôt que de reconnaître Y indispensable nécessité des expériences du genre de celles qu'il veut combattre ? 4° Lorsqu'on injecte dans la veine crurale ou dans la veine jugulaire de chiens forts et de haute stature 60 à 75 centigrammes d'acétate de mor- phine dissous dans l'eau, ou de morphine suspendue dans 32 grammes du môme liquide, ces animaux éprouvent tous les symptômes de l'empoison- nement, et ne périssent ordinairement pas : la mort peut cependant surve- — 642 — nir avec des doses moins considérables, si les animaux sont plus jeunes et plus petits. 5° Appliqué sur les nerfs, la moelle épinière et le cerveau des chiens, l'acétate de morphine produit des effets semblables à ceux qui résultent de son ingestion dans l'estomac, bien qu'ils soient plus intenses. Si on le met au contraire en contact avec le cervelet, on n'observe ni dilatation de la pupille, ni paraplégie, et la respiration n'est pas altérée de la même ma- nière que dans les cas précédens: toutefois, les animaux ne tardent pas à périr {Recherches sur l'acétate de morphine, par MM. Déguise, Dupuy et et Leuret. Paris, 1824). (1) (1) Désirant connaître quelle serait l'action de doses successivement croissantes d'acétate de morphine, M. Desportes a fait prendre, dans l'espace de vingt-six jours, à une poule adulte et vigoureuse, 27 grammes de ce sel. La première dose était de 6 milligrammes, et on continuait en doublant le plus souvent lous les deux jours. La lésion du canal digestif a marqué le commencement de l'expérience ; elle s'est aggravée à mesure qu'on a augmenté les doses ; elle a demeuré le phénomène dominant pendant les trois quarts de l'état morbide ; enfin elle a persisté pen- dant tout le cours de l'expérimentation. Du douzième au treizième jour, i) s'est manifesté des phénomènes nerveux, que l'on pourrait aussi bien attribuer à la gravité de l'affection gastro-entérique qu'à l'extension de l'action délétère du sel de mor- phine à l'appareil cérébral nerveux. Ces symptômes cérébraux ont disparu quel- ques heures après l'ingestion du poison dans l'estomac : ils consistaient dans un état d'hébétude, un simple trouble des habitudes, une diminution et une vacillation dans les mouvemens de l'animal ; on n'observait aucun signe de congestion vers l'encéphale. Ces accidens nerveux se sont affaiblis les premiers, et se sont même dissipés le dix-septième jour, lorsqu'on a diminué la dose du poison. Dans tout le cours de l'expérience, il n'y a jamais eu d'augmentation dans les symptômes chacun des jours où l'on a donné la même dosé d'acétate que la veille ; au contraire, il est arrivé plusieurs fois que l'état morbide a été moins prononcé. Après avoir di- minué un seul jour la quantité de sel, on interrompit l'intoxication le lendemain, et vers la fin de la journée et dans la nuit qui la^suivit, le désordre gastro-intestinal qui existait éprouva une telle amélioration, qu'il devint possible que l'animal se rétablît. Le vingt-cinquième jour, la dose d'acétate administrée était de 5 grammes 30 centigrammes : les symptômes gastro-entériques étaient fort intenses et l'affec- tion de l'appareil cérébral et nerveux plus prononcée. La mort eut lieu le vingt- sixième jour, et fut précédée de mouvemens convulsifs, d'affaiblissement de la vue, etc. Si l'on fait attention, dit M. Desportes, que, pour obtenir des symptômes incontestables de narcotisme, dont la durée a été seulement chaque jour d'une ou deux heures, il a fallu augmenter brusquement les doses du sel de morphine d'un tiers et du double, on concevra combien il eût été facile, en n'élevant au contraire la quantité de celte substance que d'un seul grain chaque jour, de ne donner lieu à d'autres phénomènes qu'à ceux qui ont signalé l'accroissement de la phlegmasie intestinale. Il y a plus, il est possible d'amener cette inflammation à un degré mortel, sans occasionner un seul phénomène incontestable de narcotisme Ouverture du cadavre faite immédiatement après. On ne découvre aucune trace d'inflammation ni d'engorgement vasculaire dans le carveau et le cervelet- il y a — 643 — 6° Le sulfate et le chlorhydrate de morphine agissent comme l'acétate. 7° L'action des sels de morphine est beaucoup moins intense que celle de la dissolution alcoolique de morphine, d'après quelques observations re- cueillies chez l'homme. 8° Les préparations solubles de morphine sont absorbées ; leur action est plus vive lorsqu'on les injecte dans les veines que dans le cas où on les applique sur le tissu cellulaire ou sur le canal digestif. J'ai souvent administré à des chiens 2 grammes d'acétate de morphine dissous dans 80 grammes d'eau ; les animaux sont morts au bout de quinze, dix-huit ou vingt heures. Les foies, séparés immédiatement et traités par l'eau ai- guisé d'acide acétique, ont fourni des liqueurs brunes que j'ai fait évapo- rer jusqu'à siccité. Les produits traités par l'alcool concentré bouillant ont donné des dissolutions que j'ai filtrées et rapprochées à une douce chaleur, presque jusqu'à siccité; les masses, d'un brun noirâtre, qui restaient, offraient une saveur amère, rougissaient parfaitement par l'acide azotique quand on les avait préalablement étendues d'un peu d'eau, et qu'on em- ployait une assez forte proportion d'acide; les chlorures de fer et d'or ne fournissaient point les colorations bleue et jaune que l'on aurait obtenues avec l'acétate de morphine. Je me suis également assuré que les foies des chiens non empoisonnés, traité de même par l'eau aiguisée d'acide acétique, l'alcool, etc., laissait une masse brune, à peine amère, qui ne rougissait pas par l'acide azotique. 9° Elles ne donnent pas toujours lieu à une affection sanguine du cer- veau, d'après M. Desportes : toutefois, elles ont en général la propriété de produire une fluxion sanguine qui se dirige, non pas uniquement vers l'en- céphale, mais vers tel ou tel organe ; ainsi l'opium et l'acétate de morphine disposent à l'hémorrhagie en général, et cette dernière se déclare, à raison 'de l'état actuel du sujet, dans le canal digestif ou les poumons, les fosses un épanchement séreux dans les ventricules du cerveau et à la base du crâne. La moelle de l'épine est saine ; elle offre seulement à la région dorsale, et dans 1 éten- due de 3 cent., un épanchement sanguin très abondant entre la dure-mère et la pie-mère. Le tissu osseux est ecchymose dans plusieurs points, et prend part ainsi à l'hémorrhagie. Le réseau vasculaire de la membrane muqueuse du jabot est évi- demment injecté. L'estomac est dans l'état naturel. La membrane muqueuse des six premiers pouces du canal intestinal est fortement enflammée, et renferme une matière jaunâtre semblable au pus; le reste :de l'intestin, jusqu'au rectum, parait sain, et contient une matière pultacée verdâtre. La membrane muqueuse du rectum est d'un rouge vineux, enflammée, et parsemée de granulations rouges. Le foie est dans l'état naturel. La vésicule biliaire est remplie débile jaune verdâtre. Le cœur est flasque et contient peu de sang ; il y en a aussi fort peu dans le système artériel et veineux. Les poumons sont crépitans et dans l'état naturel. Le tissu des reins est très friable : en général, tous les organes sont mous, amaigris; les yeux sont très flétris {Revue médicale, octobre 1824). — 644 — nasales, les reins, la cavité cérébrale, etc. Enfin, il est vraisemblable que l'action des préparations d'opium sur le corps cérébral doit amener, dans plusieurs cas, l'être vivant à la condition convenable, nécessaire pour que la congestion sanguine s'effectue de préférence vers le cerveau (Mémoire cité). Qu'il y a loin de cette manière de voir à l'opinion émise par M. Flou- rens ! Suivant ce physiologiste, l'opium (et il en est probablement de même des préparations de morphine) exerce une action marquée sur le cerveau, à une dose et sous une forme déterminée, il.agit sur les lobes cérébraux; cette partie de l'encéphale, la seule de cet organe qui soit affectée, est le siège d'une effusion sanguine qui peut servir à constater l'action du poison. Chez les petits oiseaux , on peut suivre à l'œil et à travers les parois du crâne la formation et le développement de l'altération organique de la par- tie, produite par l'action de la^substance (Recherches expérimentales sur les fonctions du système nerveux, par Flourens. Paris, 1824 (1). Voy. page665, pour le rôle que joue la morphine dans l'empoisonnement par l'opium). De la paramorphine (thébaïne). La paramorphine, alcali azoté, est blanche, en choux-fleurs, en mamelons, ou en prismes rhomboïdaux très aplatis, d'une saveur acre styptique, fusible à 130° c, et se figeant à 110°, ce qui la distingue de la narcotine, de la codéine, de la morphine et de la méconine ; en fondant elle perd h pour 100 d'eau. Elle est à peine soluble dans l'eau et très soluble dans l'alcool et dans l'éther froids. Les acides forts la résinifient et l'altèrent, tandis qu'ils se combinent avec elle et forment des sels crislallisables lorsqu'ils sont convenablement étendus. L'acide azotique ne la rougit point, à moins qu'il ne soit mélangé d'acide sulfurique et soumis à l'influence du protoxyde d'azote, de l'air atmosphéri- que ou du gaz oxygène, car alors il lui communique une cou- leur rouge. Le sesquichlorure de fer ne la bleuit point. Elle est toujours précipitée des sels acides par- l'ammoniaque, ce que ne fait point la codéine. Elle a été découverte par Thibouméry et étudiée par Pelletier. (1) Il a été reconnu depuis par Cuvier que la coloration en rouge était bornée à la paroi osseuse, et qu'on ne la retrouvait pas sur le cerveau, au moins d'une manière bien marquée. — 645 — Action sur l'économie animale. Lorsque j'ai injecté dans la veine jugulaire des chiens 30 à U0 centigrammes d'azotate de thébaïne dissous dans 20 grammes d'eau, j'ai observé les effets suivans : L'injection n'était pas en- core terminée que déjà l'animal éprouvait des mouvemens con- vulsifs très intenses avec renversement de la tête sur le dos ; ces mouvemens presque continus dans les pattes antérieures, étaient moins prononcés et intermittens dans les extrémités postérieu- res ; l'animal était couché sur le côté, insensible à tout ce qui se passait autour de lui et dans l'impossibilité de se tenir debout. Une minute après, la tête, qui jusqu'alors avait été courbée en arrière, a repris sa situation naturelle, mais elle est devenue le siège d'un branlement non interrompu et qui par momens était excessivement rapide; ce mouvement extraordinaire et tel que je n'en avais jamais vu de pareil, était accompagné de con- vulsions dans les membres thoraciques, dont l'intensité était ef- frayante de temps à autre ; les pattes postérieures, tantôt immo- biles et appliquées sur l'abdomen, tantôt agitées de mouvemens convulsifs , contrastaient singulièrement avec les antérieures ; parfois, les quatre membres exécutaient des mouvemens sem- blables à ceux que l'on observe chez les chiens qui nagent. Pen- dant cet état, qui a duré douze minutes, le chien faisait des ef- forts pour se relever sur ses pattes sans pouvoir y parvenir; loin de là, ces efforts n'aboutissaient qu'à le déplacer en le faisant rouler sur lui-même et en le portant à une certaine distance du point qu'il occupait auparavant ; lorsqu'on le soulevait et qu'on essayait de le tenir debout, il retombait aussitôt. Cinq minutes après, tous ces accidens commençaient à diminuer, et déjà l'animal pouvait faire quelques pas en chancelant comme dans l'état d'ivresse : les extrémités postérieures n'étaient point para- lysées.Aubout de cinq autres minutes, il marchait assez librement et n'était presque plus sous l'influence du poison. De la pseudomorphine. La pseudomorphine, alcali azoté, a été retirée de l'opium par Pelletier. Lorsqu'on la chauffe, elle se décompose dès qu'elle — 646 — commence à se ramollir et ne se volatilise pas ; elle est presque insoluble dans l'eau et peu soluble dans l'alcool à 36 degrés de Beaumé. L'éther et l'alcool absolus la dissolvent à peine. Elle est très soluble dans la potasse et dans la soude, tandis que l'eaa ammoniacale n'en dissout pas sensiblement : elle est un peu so- luble dans les acides étendus. L'acide azotique et les sels de sesqui-oxyde de fer se comportent avec elle comme avec la mor- phine. L'acide sulfurique concentré la brunit fortement et la dé- nature. Elle diffère notablement de la morphine par sa compo- sition. De la narcotine (principe cristallisable de Derosne). La narcotine existe dans l'opium indépendamment de la mor- phine. Elle est solide, blanche ou légèrement colorée en jaune, inodore, insipide, et cristallisée en prismes droits à base rhom- boidale. Chauffée graduellement dans un tube de verre, elle fond, comme les graisses, à une température peu élevée, devient transparente, et se conserve dans cet état même après le refroi- dissement : si on élève davantage la température, ou qu'on la mette sur des charbons ardens, elle se décompose, et répand une fumée épaisse, d'une odeur ammoniacale. Elle est à peine soluble dans l'eau froide ; l'alcool bouillant la dissout à merveille, et la laisse déposer en grande partie par le refroidissement. Elle est très soluble dans l'éther ; l'huile d'olives et celle d'amandes dou- ces la dissolvent lentement à une température inférieure à celle de rébullition. Aucune de ces dissolutions ne jouit de pro- priétés alcalines. L'acide acétique faible la dissout à merveille à la température de l'ébullition ; elle est très soluble à froid dans l'acide chlorhydrique très étendu d'eau ; l'acide azotique du com- merce la dissout à froid sans la faire passer au rouge .• la dis- solution est jaune. L'acide sulfurique la jaunit et la liqueur prend une belle couleur rouge de sang dès que l'on ajoute la plus légère trace d'acide azotique ou d'un azotate. Ces caractè- res suffisent pour distinguer la narcotine de la morphine. Action de la narcotine sur l'économie animale. 1° On peut appliquer 50 à 60 centigrammes de narcotine sur le tissu — 647 — cellulaire de la partie interne de la cuisse des chiens sans occasionner le moindre accident. 2° M. Bally en a fait avaler impunément à un homme jusqu'à la dose de 6 gram. par jour sous forme de pilules ; il avait com- mencé par 20, 50 centigrammes ou par 1 gramme. 3° 40, 50 ou 60 centi- grammes de narcotine dissoute dans 24 ou 30 grammes d'huile d'olives, et introduits dans l'estomac des chiens, déterminent les effets suivans : quinze ou dix-huit heures après leur administration, les animaux éprou- vent des nausées qui ne tarderaient pas à être suivies de vomissemens, si on ne s'opposait poipt à l'expulsion des matières contenues dans l'estomac; ils paraissent plus faibles et comme dans un état de stupeur ; leurs extré- mités postérieures fléchissent peu-à-peu ; la respiration est un peu accélé- rée : bientôt après ils se relèvent pour se porter en avant, et semblent plus éveillés. Cet état dure plusieurs heures, jusqu'à ce que la faiblesse soit assez considérable pour forcer les animaux à se coucher sur le ventre ou sur le côté, attitude dans laquelle ils meurent au bout de quelques heures. La mort est précédée de légers mouvemens convulsifs dans les membres ; elle arrive à la fin du deuxième, du troisième ou du quatrième jour; du reste, on n'observe ni vertiges, ni paralysie des extrémités, ni cris plaintifs, ni secousses convulsives fortes, comme cela a lieu avec la morphine et avec l'opium ; les organes des sens exercent librement leurs fonctions. A l'ouver- ture des cadavres, on ne découvre aucune altération dans le canal digestif. On remarque des effets analogues lorsqu'on administre 1 gramme 60 cen- tigrammes de narcotine dans 100 grammes d'huile : toutefois, les animaux poussent quelques plaintes, surtout lorsqu'on les touche. Dans un cas de ce genre où la mort n'était survenue qu'à la fin du troisième jour, la mem- brane muqueuse de l'estomac était enflammée et excoriée dans plusieurs de ses parties. Les intestins, le cœur, les poumons et le cerveau étaient sains. 4° Elle peut être donnée impunément à la dose de 2 grammes, si on la fait dissoudre dans de l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique ou dans de l'acide azotique. Ce fait s'accorde à merveille avec les observations du doc- teur Bally, qui a souvent administré à l'homme, sans occasionner le moin- dre accident, 3 grammes de narcotine dissoute dans l'acide chlorhydrique très faible. 5° Lorsqu'elle a été dissoute dans l'acide acétique très étendu d'eau, et introduite dans l'estomac des chiens à la dose de 1 gramme 60 centigram- mes, elle produit les effets suivans : au bout de cinq minutes, les animaux paraissent effrayés et reculent ; leur démarche est un peu vacillante ; trois ou quatre minutes après, ils ne peuvent plus se soutenir, et tombent sur le côté; ils éprouvent des convulsions horribles; la tête, constamment agitée, se renverse sur le dos ; la respiration est précipitée ; la bouche se remplit d'écume ; on entend de légères plaintes. Cet accès, dont la durée est de plusieurs minutes, est suivi d'un intervalle lucide, pendant lequel les ani- maux restent couchés sur le côté, sans qu'il leur soit possible de se tenir - 648 -- sur leurs pattes; ils voient, ils entendent, et ne poussent aucune plainte. Deux à trois minutesaprès cet état de calme, il se manifeste un nouvel ac- cès semblable au précédent, qui dure deux ou trois minutes. Ces attaques se renouvellent dix ou douze fois ; alors les animaux ne restent plus un moment sans éprouver des mouvemens convulsifs, moins forts toutefois que ceux que l'on avait remarqués pendant les accès; quelques heures après, les convulsions cessent et sont suivies d'une grande faiblesse et d'une stu- peur marquée. La mort arrive six, huit ou dix heures après le commence- ment de l'expérience. M.Magendie compare avec raison l'état des animaux qui sont sous l'influence de cette dissolution à celui des chiens empoisonnés par le camphre. A l'ouverture des cadavres faite le lendemain, on voit que les vaisseaux de la dure-mère sont légèrement engorgés ; que les poumons sont roses, crépitans, et nullement gorgés de sang ; que le cœur contient du sang noir coagulé ; que la membrane muqueuse de l'estomac est rouge dans plusieurs de ses parties, noire et ecchymosée dans d'autres; que le foie, la rate et les intestins sont dans l'état naturel, excepté la fin du rec- tum qui offre une couleur rouge. — Un gramme 60 centigrammes de nar- cotine dissoute dans l'acide acétique n'ont rien produit chez l'homme. M. Bally en a fait prendre, sur mon invitation, à douze paralytiques : il a commencé par leur en donner 25 centigrammes; bientôt après, il leur en a administré 75 centigrammes le matin et autant le soir; un seul individu a paru éprouver de légers vertiges: ces malades étaient pourtant très im- pressionnables , puisqu'ils ne pouvaient pas supporter la plus petite dose de strychnine sans être puissamment excités. 6° Soixante centigrammes de narcotine dissoute dans 8 grammes de* vinaigre concentré, peuvent être injectés dans le tissu cellulaire de la par- tie interne de la cuisse, sans qu'il en résulte d'inconvénient notable, tandis que la même dose d'acétate de morphine, appliquée sur le même tissu donne lieu à tous les symptômes de l'empoisonnement. 7° Dissoute à la dose de 2 gr. dans l'acide sulfurique affaibli, et introduite* dans l'estomac des chiens, elle détermine au bout de trois ou quatre heures des effets semblables à ceux qu'elle produit lorsqu'elle est unie à l'acide: acétique (V. p. 647). La mort arrive dans les vingt-quatre heures, et à l'ou- verture des cadavres on trouve que la membrane muqueuse de l'estomac est le siège d'une assez vive inflammation. 8° Elle peut être injectée impunément dans la veine jugulaire, à la dose» de 5 centigrammes, lorsqu'elle a été dissoute dans l'huile d'olives. Il est des animaux qui en supportent 10 centigrammes sans être incommodés, tan- dis qu'à la dose de 15 centigrammes, elle produit constamment des effets funestes sur les chiens de petite stature : la tête se renverse sur le dos im- médiatement après l'injection ; les animaux sont agités de mouvemens convulsifs, et ne tardent pas à tomber dans un état de stupeur, pendant le- quel ils sont immobiles. Les yeux sont ouverts, et la respiration n'est pas profonde comme dans le sommeil. La mort arrive constamment dans tes — 649 — vingt-quatre heures, quelquefois au bout de deux minutes, tantôt au bout de quelques heures. Il résulte évidemment de ces faits, 1° que la narcotine, solide ou dissoute dans l'acide chlorhydrique, peut être avalée impuné- ment par l'homme à très fortes doses; 2° qu'une dissolution d'un gramme 60 centigr. dans l'acide acétique n'a produit aucun effet sur plusieurs malades qui en ont pris; 3° qu'elle est sans ac- tion sur les chiens, lorsqu'elle est introduite dans l'estomac à la dose de 2 à 3 grammes après avoir été dissoute dans les acides chlorhydrique ou azotique ; U° qu'elle détermine au contraire la plus vive excitation et la mort de ces animaux quand on leur en a fait avaler 2 grammes en dissolution dans les acides acétique ou sulfurique ; 5°qu'elle occasionne également la mort des chiens lorsqu'on la fait prendre en dissolution dans l'huile d'olives à la dose d'un gramme 60 centigrammes, mais qu'alors, au lieu d'être excités, les animaux paraissent dans un état contraire ; 6° qu'elle n'agit pas lorsqu'on l'applique sur le tissu cellulaire à la dose de 60 centigrammes dissoute dans l'acide acétique; 7° qu'elle tue promptement les chiens quand on l'injecte dans la veine jugulaire à la dose de 15 centigrammes dissoute dans l'huile ; 8° qu'il est impossible de décider actuellement si elle exerce sur l'homme la même action que sur les chiens ; car, d'une part, les effets sont semblables lorsqu'elle est administrée en poudre ou dans l'acide chlorhydrique, tandis qu'ils semblent différer quand on la donne dans l'acide acétique : mais le défaut d'action de la dissolution acétique chez l'homme ne tiendrait-il pas à ce qu'elle a été administrée à trop petite dose, surtout eu égard à la stature et à la force de l'homme comparées à celle des chiens? 9° que dans tous les cas, elle produit sur ces derniers animaux l'excitation ou la stupeur, suivant qu'elle a été dissoute dans l'acide acétique ou dans l'huile, et qu'il importe par consé- quent, avant d'assigner le rôle qu'elle joue dans l'extrait aqueux d'opium, de déterminer si elle y est tenue en dissolution par un acide ou par une matière huileuse, comme cela paraît plus probable (voy. Opium, page 664) (1). (1) Ce qui semble faire croire que la narcotine est tenue en dissolution par une III. 42 — 650 — De la codéine. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la codéine ? La codéine cristallise en prismes droits à base rhomboïdale, tantôt aplatis, tantôt allongés et de plus de 15 millimètres décote, ou en petites aiguilles très blanches. A 150° c. elle fond ; si on élève davantage la température, elle ne se volatilise pas, quoi- qu'elle grimpe le long des parois du tube. Cent parties d'eau à 15° dissolvent 1,26 de codéine, tandis que la même quantité d'eau bouillante en dissout 5,88 parties; aussi en laissant re- froidir lentement la dissolution aqueuse bouillante se dépose-t-il des cristaux de codéine. Si au lieu de faire dissoudre dans l'eau à 100° c. 5,88 p. pour cent de codéine on en met davantage, la portion non dissoute forme une couche comme huileuse au fond du vase. La codéine est sensiblement alcaline et fournit des sels avec les acides ; l'acide azotique et les sels de sesqui-oxyde de fer ne la colorent point en rouge et en bleu, et l'infusion de noix de galle précipite abondamment ses dissolutions, caractères qui la distinguent de la morphine. Elle est soluble dans l'éther et in- soluble dans les alcalis. Action de la codéine sur l'économie animale. Il résulte des expériences de M. Kunkel {Journal de'chimie médicale, année 1833), 1° que la codéine ne paralyse pas, comme la morphine les pattes postérieures ; 2° qu'elle paraît jouir d'une vertu excitante très prononcée ; qu'elle occasionne des convulsions dans les membres et dans les muscles du cou ; enfin que dans les cas où elle détermine la mort, elle porte évi- demment son action sur le cervelet et la moelle allongée, car deux fois on a remarqué le symptôme de la rétro-progression, et l'on, a trouvé ces parties gorgées de sang ; 3° qu'elle affecte les matière huileuse plutôt que par un acide, c'est qu'en traitant l'opium ou son ex- trait aqueux par l'éther, on dissout, outre ce principe, une huile, tandis qu'on n'enlève pas un atome de la combinaison de morphine et d'acide méconique : il est assez probable, d'après cela, que l'éther ne dissoudrait point la narcotine si elle était tenue en dissolution par un acide. — 654 — organes de la circulation, ce qui semble prouvé par l'accélération de la respiration et des battemens du cœur pendant la vie, par l'inflammation des poumons après la mort, et par la quantité de sang noir qui distend les cavités du cœur; U° qu'elle enflamme les parties avec lesquelles elle est mise en contact ; 5° qu'elle agit plus puissamment lorsqu'elle est introduite dans le tissu cel- lulaire que dans l'estomac ; 6° qu'elle est absorbée et qu'elle paraît exercer une action spéciale sur les organes urinaires (Ibidem). D'après M. William Gregory d'Edimbourg, à la dose de 25 à 30 centigrammes, l'azotate de codéine détermine l'accélération du pouls, de la chaleur dans la tête et dans le foie, une excitation de l'esprit analogue à celle qu'occasionnent les boissons spiri- tueuses et qui dure assez long-temps, enfin une démangeaison de la peau qui commence à la tête et se répand sur tout le corps ; quelques heures après il survient une rémission désagréable avec nausées, et quelquefois vomissemens. Donnée à la dose de 5 à 10 centigrammes, d'après M. Barbier d'Amiens, la codéine n'agit ni sur l'encéphale ni sur la moelle épinière ; mais elle exerce une action spécifique sur le plexus nerveux du grand sympathique; il lui a vu produire aussi le sommeil, mais sans pesanteur de tête, ni engourdissement, ni gonflement des yeux ; au sortir de ce sommeil, le malade avait une figure gaie, animée telle qu'on serait porté à admettre dans la codéine une vertu exhilarante ; tandis que les personnes qui sont sous l'influence de la morphine ont la tête lourde, les pau- pières pesantes, une certaine pâleur, et se plaignent d'engour- dissement, de vertiges et d'accablement. D'après M. Martin Solon, à la dose de 1 à 2 centigrammes, la codéine procure un sommeil facile, diminue la toux et l'expecto- ration sans produire de congestions cérébrales ; toutefois il ne lui a pas reconnu une action spéciale sur le grand sympathique (Archiv. gén. de méd., tome iv, année 1834, p. 692). De la méconine. La méconine, découverte par M. Dublanc jeune, cristallise en 4*2. — 652 — prismes à six pans, dont deux faces plus larges et parallèles sont terminées par un sommet dièdre. Elle est inodore, d'abord insi- pide, puis offrant une saveur acre; elle est fusible à 90,5°, et ressemble alors à une huile incolore. A 155° elle peut être distillée sans altération,- elle est soluble dans 18,56 p. d'eau bouillante et dans 266,75 d'eau froide , et beaucoup plus dans l'alcool, dans l'éther et dans les huiles essentielles. La plupart des alcalis la dissolvent sans contracter de combinaison avec elle. Les acides sulfurique et azotique au contraire la décompo- sent ; la dissolution sulfurique est incolore si elle a été faite avec l'acide étendu ; mais si on l'a concentrée à une très douce cha- leur, elle acquiert une belle couleur vert foncé. Elle ne paraît pas vénéneuse, car j'en ai injecté impunément dans la veine jugulaire d'un chien 20 centigrammes en dissolution aqueuse concentrée. De la narcéine. La narcéine, découverte par Pelletier, est en aiguilles blan- ches et soyeuses qui paraissent être des prismes à quatre pans ; elle est inodore, d'une saveur légèrement amère, un peu slypti- que, fusible à 92°, décomposable au - delà de 110°, sans se volatiliser, et fournissant un charbon volumineux, un liquide acide, une matière brune, bitumineuse, volatile, et des aiguilles blanches qui paraissent avoir de l'analogie avec l'acide gallique. Elle se dissout dans 230 p. d'eau bouillante et dans 375 d'eau froide; elle est soluble dans l'alcool bouillant et insoluble dans l'éther ; elle est décomposée par les acides minéraux concentrés; si ces acides sont affaiblis, ils se combinent avec elle et forment des sels. Au moment où l'acide chlorhydrique touche la narcéine, celle-ci prend une couleur bleue magnifique, et si on ajoute as- sez d'eau pour dissoudre le sel, la dissolution est incolore ; sou- vent, avant de se décolorer, la matière prend une teinte d'un rose violacé. L'acide azotique concentré ne rougit point la nar- céine, qu'il transforme en acide oxalique. Elle ne paraît pas vé- néneuse, car j'en ai injecté impunément dans la veine jugulaire - 653 — d'un chien 20 centigrammes en dissolution, soit dans l'eau, soit dans l'acide sulfurique très affaibli. De l'opium. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'opium? L'opium est le suc épaissi des capsules du pavot blanc {papa- ver somniferum). Il est formé de morphine, de pseudo-mor- phine, de codéine, de paramorphine (thébaïne), de narcotine, de méconine, de narcéine, d'acide méconique, d'un autre acide signalé par Robiquet, auquel il n'a pas donné de nom, d'une huile volatile, d'une huile fixe, d'une matière ayant quelque analogie avec le caoutchouc, de mucilage, de fécule, d'une résine et d'une substance végéto-animale. Il est toujours mêlé de débris de fibres végétales et il contient quelquefois un peu de sable et de petits cailloux. Si telle est, en général, la composi- tion de l'opium, il faut noter cependant, que certaines variétés de ce corps n'ont point fourni d'acide méconique à l'analyse et que M. Dupuis a trouvé dans quelques échantillons du sulfate de morphine qu'il a pu obtenir cristallisé. L'opium est solide d'un brun rougeâtre au-dehors, légèrement luisant, opaque, pesant, compacte, homogène, pliant, susceptible d'adhérer aux doigts, d'une odeur particulière nauséabonde, d'une saveur acre, amère, chaude; sa cassure offre une teinte verdâtre ou noirâtre; il est soluble en partie et à toutes les tempé- ratures dans l'eau et dans les acides faibles; il se ramollit dans l'eau chaude, de manière à fournir une pâte molle. Mis sur des charbons ardens, il se décompose comme les substances végéto- animales, répand une fumée épaisse, d'une odeur ammoniacale, et laisse du charbon pour résidu. Il brûle avec flamme lorsqu'on l'approche d'une bougie allumée. L'acide azotique, employé en assez grande proportion le rougit. L'opium de Smyrne, traité par 1 kilogramme 1/2 d'eau, a fourni pour 128 grammes, une quantité d'extrait aqueux solide, contenant 29 grammes de morphine impure. Il est en masses - 654 - plus ou moins volumineuses, souvent déformées et aplaties, mé- langées à leur surface et même à l'intérieur de graines derumex. L'opium de Constantinople n'a donné que 21 grammes 10 centi- grammes de morphine. Il est en petits pains aplatis de 6 à 8 cen- timètres de diamètre, constamment recouverts d'une feuille de pavot dont la nervure médiane partage le disque en deux par- ties. L'opium d'Egypte n'a fourni que 15 grammes 5 centigram- mes de morphine. Il est en pains orbiculaires plus larges que les précédens, ne présentant à leur surface que les débris d'une feuille (Guibourt). Dissolution aqueuse d'opium. Liquide transparent, d'un jaune plus ou moins foncé, ayant l'odeur et la saveur de l'o- pium, rougissant le papier de tournesol, et précipitant en blanc légèrement jaunâtre par une petite quantité d'ammoniaque : ce précipité renferme de la morphine et de la narcotine ; mêlé avec une très petite quantité d'amidon en poudre ou de gelée d'a- midon, puis avec la dissolution d'acide iodique, ce liquide donne aussitôt une couleur bleue, parce que l'iode est mis à nu (voy. p. 624). Les sels de sesqui-oxyde de fer lui communiquent une couleur rouge vineuse foncée sans le troubler par suite de l'ac- tion du sel de fer sur l'acide méconique. L'acide azotique fonce un peu la couleur de cette liqueur sans la rougir à moins qu'on n'emploie une assez grande quantité d'acide. Extrait aqueux d'opium. Il est solide, brun, doué d'une sa- veur amère, et d'une odeur différente, suivant la manière dont il a été préparé ; le plus souvent elle ressemble à celle de quelques autres extraits, et n'a aucun rapport avec celle de l'opium; dans d'autres cas, elle est vireuse, comme celle de la substance qui a fourni l'extrait. Il se dissout très bien dans l'eau ; la dissolution rougit le papier de tournesol, et précipite des flocons d'un jaune sale (morphine et narcotine) par l'eau de chaux ou par une petite quantité d'ammoniaque ; ces flocons ramassés sont jaunâtres : elle se comporte avec les sels de sesqui-oxyde de fer et une petite quantité d'amidon et l'acide iodique, comme la dissolution aqueuse d'opium. L'acide azotique la rougit s'il est employé en assez grande quantité. Il est loin de contenir toujours la même proportion de narcotine : s'il a été préparé avec beaucoup d'eau il en renferme — 655 — à peine, tandis qu'on en trouve constamment une quantité no- table si l'on a employé moins d'eau pour l'obtenir : cela tient à ce que la narcotine est particulièrement dissoute à la faveur d'une matière qui ne jouit plus de la faculté de la dissoudre lorsqu'on l'étend d'eau. Laudanum de Rousseau. Liquide préparé en faisant fer- menter un mélange d'opium , de miel blanc, de levure de bière et d'eau, en filtrant, en évaporant jusqu'à réduction de moitié à- peu-près, et en y ajoutant de l'alcool rectifié pour le conserver. Il est d'une couleur brune très foncée, en général très visqueux, surtout lorsque la fermentation du miel a été incomplète, n'ayant plus d'odeur vireuse et beaucoup plus actif que le laudanum de Sydenham ; l'ammoniaque y fait naître un précipité brun ; les sels de sesqui-oxyde de fer étendus d'eau le rougissent fortement ; si, après l'avoir étendu d'eau, on y met de l'acide iodique et très peu d'amidon, il se dépose une poudre violette ou bleue : l'a- cide azotique finit par le rougir, s'il a été employé en assez grande quantité. Laudanum liquide de Sydenham. Liquide préparé avec l'opium, le safran, la cannelle, le girofle et le vin d'Espagne. Il offre une couleur rouge orangé foncé; sa saveur est extrême- ment amère ; son odeur à-la-fois de safran et de girofle est très forte : sa consistance est assez épaisse ; il rougit le papier de tournesol. L'eau distillée ne le trouble point : l'ammoniaque le précipite en jaune foncé; le dépôt ramassé paraît d'un blanc jaunâtre (morphine et narcotine); l'eau de chaux y fait naître un précipité blanc jaunâtre soluble dans un excès d'eau de chaux ; mêlé avec très peu d'amidon, de l'eau , et avec une dissolution d'acide iodique, il se colore en bleu {voy. page 624). Les sels de sesqui-oxyde de fer étendus d'eau sont fortement rougis à raison de l'acide méconique qu'il contient ; ce caractère est un des plus sensibles. L'acide azotique le rougit à moins qu'on n'en emploie pas une assez grande quantité. Pour qu'il ne reste aucun doute sur la nature des liquides dont je viens de parler, on cherchera à en extraire la morphine et l'a- cide méconique, ce qui ne sera pas difficile quand on agira sur la dissolution aqueuse et sur l'extrait ; quant aux deux variétés — 656 — de laudanum, on pourra assez facilement en séparer la morphine, tandis qu'il deviendra excessivement difficile d'extraire l'acide méconique, à moins que l'on n'opère sur des quantités considéra- bles. Quoi qu'il en soit, le meilleur moyen d'atteindre le but con- sistera à précipiter la dissolution par le sous-acétate de plomb dissous pour obtenir du meconate de plomb insoluble et une li- queur dans laquelle il y aura de l'acétate de morphine et l'excès de sous-acétate de plomb. Le meconate de plomb, après avoir été lavé, sera décomposé par l'acide sulfurique faible, comme l'a pro- posé M. Caventou; la liqueur filtrée contiendra l'acide méconi- que ; il suffira de l'évaporer jusqu'à siccité pour avoir celui-ci à l'état solide (1). Il est préférable de décomposer le meconate de plomb par l'acide sulfurique affaibli que par l'acide sulfhydrique, ainsi que cela s'est pratiqué jusqu'à ce jour; en effet, MM. La- rocqueet ïhibierge ont fait voir que l'on décelait quelquefois l'a- cide méconique à l'aide de l'acide sulfurique, là où le traiiement par l'acide sulfhydrique était impuissant. Quant à la dissolution contenant l'acétate de morphine, on la fera traverser par un cou- rant de gaz acide sulfhydrique pour décomposer l'excès de sous- acétate de plomb ; on filtrera, afin de séparer le sulfure de plomb noir; la liqueur, rapprochée par l'évaporation à une douce cha- leur, si elle est trop colorée, sera décolorée par le charbon ani- mal bien lavé, puis soumise à l'évaporation spontanée sous le vide de la machine pneumatique ; le produit, cristallin ou non, d'une nuance jaune ou jaunâtre, offrira tous les caractères des sels de morphine; on pourra même en retirer la morphine, en la précipitant par une petite quantité d'ammoniaque, après l'avoir fait dissoudre dans l'eau. Mélanges d'opium ou d'extrait d'opium, de laudanum et de substances alimentaires, de la matière des vomissemens ou de celle que l'on trouve dans le canal digestif. Recherche (1) L'acide méconique est souvent blanc, pulvérulent, ou en belles écailles mi- cacées, ou en longues aiguilles d'une saveur aigre, rougissant le tournesol, soluble dans 4 parties d'eau bouillante, se décomposant lorsqu'on le chauffe, et fournissant entre autres produits de l'acide pyroméconique sous forme de longues aiguilles ra- mifiées en barbes de plume. Il fait passer au rouge intense, sans les précipiter, le sesquichlorure et le sulfate de sesqui-oxyde de fer. — 657 — de l'opium absorbé et pouvant se trouver dans le foie, etc. Des expériences nombreuses ont été tentées par MM. Larocque et Thibierge sur des mélanges d'opium et de bière, de lait ou de bouillon; de mon côté, j'ai examiné avec soin des mélanges de décoction aqueuse de foie humain et d'opium, ainsi que des ma- tières alimentaires extraites de l'estomac d'animaux qui avaient été empoisonnés par l'extrait aqueux d'opium. Les résultats ob- tenus prouvent jusqu'à l'évidence combien MM. Christison et Buchner s'étaient trompés en s'occupant du même sujet.Voici ces résultats : 1° S'il est fort difficile d'obtenir la morphine cristallisée et d'isoler l'acide méconique dans l'empoisonnement par l'opium, par l'extrait d'opium et par les diverses espèces de laudanum, à moins que l'on n'agisse sur des proportions considérables de ces corps, il est toujours aisé, lorsqu'on opère avec soin, de constater la présence de la morphine à son amertume, à sa réaction sur l'a- cide azotique et sur le sesqui-chlorure de fer, employés en assez grande quantité, et celle de l'acide méconique à la coloration rouge qu'il fait naître dans le sesqui-chlorure de fer; 2° Pour obtenir la couleur bleue avec le sesqui-chlorure de fer, il faut avoir préalablement séparé delà préparation opiacée l'acide méconique à l'aide du sous-acétate de plomb, autrement cet acide colorerait le sel de fer en rouge ; 3° Il ne suffit pas dans une expertise médico-légale pour affirmer qu'une matière suspecte contient une préparation d'o- pium, d'avoir constaté l'amertume de cette matière, et sa colora- lion enroule et en bleu par l'acide azotique et par le sesquf- chlorure de fer ; ces caractères peuvent faire soupçonner la présence d'un composé d'opium, mais il faut nécessairement, pour se prononcer d'une manière certaine, avoir isolé un sel de morphine ou de la morphine et de l'acide méconique; 4° S'il est possible d'obtenir ce dernier résultat en agissant sur la matière des vomissemens ou sur celle que l'on retire du canal digestif, parce que ces matières peuvent contenir une quan- tité notable de préparation opiacée, il paraît difficile, pour ne pas dire impossible, qu'il en soit ainsi lorsqu'on agit seulement sur la portion de substance vénéneuse qui a été portée dans le foie, la — 658 — rate et les reins par suite de l'absorption; car, dans ce cas, la pro- portion de morphine et d'acide méconique est trop faible pour qu'il soit permis delà déceler autrement que par les réactions co- lorées qui ont été indiquées à la page 624 ; 5° L'on peut cependant affirmer qu'une personne a été em- poisonnée par une préparation opiacée, si elle a éprouvé les symptômes de l'intoxication par cette substance, et que l'on ait pu constater que les matières suspectes étaient amères, qu'elles se coloraient en rouge par l'acide azotique et en bleu par le ses- quichlorure de fer ; à plus forte raison devrait-il en être ainsi dans les cas où, au lieu de ces simples colorations, on aurait pu extraire la morphine et l'acide méconique; 6° Il faut bien se garder d'établir qu'il n'y a pas eu empoi- sonnement par l'opium par cela seul que les matières suspectes dont il s'agit n'ont pas été colorées en rouge ou en bleu par les réactifs précités, parce qu'il peut arriver que l'opium administré ne contînt pas d'acide méconique, ou que la proportion de mor- phine et d'acide méconique renfermée dans la petite quantité de matière soumise à l'examen des experts fût trop faible pour pou- voir être décelée au milieu de liquides presque toujours forte- ment colorés. Ce serait ici le cas d'invoquer tout ce qui se rapporte au commémoratif et aux symptômes. Comme on voit, je me suis particulièrement attaché, à propos de la recherche de l'opium, aux caractères propres à faire recon- naître la morphine et l'acide méconique, et je ne me suis pas oc- cupé de la narcotine, de la codéine, de la paramorphine, etc.; c'est qu'en effet ces dernières substances sont fort difficiles à ca- ractériser, tandis qu'il est aisé de reconnaître la morphine et l'a- cide méconique : aussi l'expert devra-t-il, pour ne pas s'exposer à encourir le moindre reproche, déclarer que ce n'est ni l'opium, ni l'extrait d'opium, ni le laudanum qu'il a décelés, mais bien des matières qui jusqu'à présent n'ont été trouvées que dans l'o- pium et dans ses préparés. Procédé. A peu de chose près, et sauf la modification intro- duite par M. Caventou dans l'extraction de l'acide méconique, ce procédé appartient à M. Lassaigne. Si la matière suspecte est li- quide (vomissemens, matières trouvées dans le canal digestif), — 659 — on l'évaporé jusqu'en consistance sirupeuse, à une température au-dessous de l'ébullition ; on traite le produit par l'alcool con- centré et bouillant ; on laisse refroidir la liqueur alcoolique ; on la filtre et on l'évaporé de nouveau jusqu'en consistance de sirop; on dissout le produit dans l'eau distillée, et on filtre de nouveau; la liqueur filtrée est traitée par un excès de sous-acétate de plomb qui y fait naître un précipité contenant du meconate de plomb, tandis que la morphine reste en dissolution. On fait passer à travers celle-ci un courant de gaz acide sulfhydrique pour sépa- rer l'excès de plomb ; on filtre la liqueur refroidie, et on l'éva- poré au bain-marie ; si elle est encore colorée, on la filtre à plusieurs reprises sur du charbon animal purifié à l'aide de l'acide chlorhydrique faible: la liqueur ainsi décolorée sera mise dans le vide, sous lamachine pneumatique, en plaçantàcôté un vase rempli d'acide sulfurique concentré. Sans cette précaution, il serait quel- quefois difficile de constater les caractères essentiels de la mor- phine, savoir la coloration en rouge par l'acide azotique et en bleu par les sels de sesqui-oxyde de fer. Quant au précipité de meco- nate de plomb, il suffit pour en extraire l'acide méconique, de le bien laver, puis de le traiter par l'acide sulfurique étendu d'eau ; il se formera du sulfate de plomb insoluble, et la liqueur filtrée contiendra l'acide méconique; en l'évaporant, on obtiendra cet acide cristallisé ou pulvérulent. Si la matière est solide (vomissemens, matières contenues dans le canal digestif, tissus de l'estomac, foie, rate, etc.), après l'avoir divisée en petits fragmens, on y ajoutera de l'eau aiguisée d'acide acétique, et on fera bouillir pendant quinze ou vingt mi- nutes; on filtrera, puis on évaporera la liqueur, à une douce cha- leur, jusqu'à siccité ; le produit sera traité par l'alcool, le sous- acétate de plomb, etc., comme il vient d'être dit à l'occasion des matières liquides. Opium dans un cas d'exhumation juridique. — Expérience 1er. Le 16 mai 1827, on introduisit dans un flacon à large ouverture, exposé à l'air, 4 grammes d'opium en fragmens, 40 litres d'eau et plusieurs portions d'un canal intestinal. Le 6 août suivant, on filtra le mélange, qui exhalait une odeur des plus infectes. On voyait dans la matière restée sur le filtre des fragmens d'un rouge brun, qui au premier abord, auraient pu être pris pour — 660 - de l'opium, mais qui n'en avaient ni l'odeur ni la texture. Le liquide filtré, de couleur brunâtre, rougissait assez fortement le tournesol; on le traita par la magnésie, par l'alcool et par le charbon animal, et on obtint un pro- duit solide, d'un blanc jaunâtre, qui devenait d'un très beau rouge par l'a- cide azotique (morphine). Expérience 2e. Le 8 novembre 4826, on enterra à 76 centimètres de pro- fondeur une boîte mince de sapin, dans laquelle il y avait un gros intestin, contenant du pain, de l'extrait d'opium, du blanc d'œuf, de la viande et de la soupe maigre. On procéda à l'exhumation de cette boîte le 4 8 août 1827, neuf mois dix jours après l'inhumation. La matière renfermée dans l'intes- tin, traitée à plusieurs reprises par l'eau distillée tiède, puis par la magné- sie, par l'alcool et par le charbon animal, fournit un léger résidu d'un gris tirant un peu sur le jaune, d'une saveur faiblement amère, devenant d'un rouge orangé clair peu intense par l'acide azotique et ne bleuissant point par le sesquichlorure de fer. Il résulte évidemment de ces expériences : 1° que la morphine qui existe dans l'opium ne s'altère pas plus par son contact avec les matières animales que celle qui fait partie de l'acétate ou d'un autre sel de morphine ; 2° qu'il y a néanmoins plus de difficulté à démontrer la présence de celte base lorsque l'exhumation a pour objet un cadavre dans le canal digestif duquel on a introduit de l'opium, que quand il s'agit simplement d'un sel de morphine; 3° que dans aucun cas'il ne faudra prononcer affirmativement sur l'existence d'un empoisonnement par l'opium qu'autant qu'on aura reconnu celui-ci à ses propriétés physiques et chimiques, ce qui n'est pas impossible même plusieurs jours après la mort, ou bien, s'il n'a pas été permis de le reconnaîire, qu'autant qu'on en aura retiré la morphine jouissant de tous les caractères indi- qués à la page 623, et encore ne faudrait-il pas conclure alors d'une manière absolue que l'empoisonnement a eu lieu par l'o- pium, mais bien par l'opium ou par une de ses préparations, par la morphine ou par un sel de morphine. Symptômes de l'empoisonnement par l'opium. On remarque des effets très variables chez les personnes em- poisonnées par l'opium. En résumant ce qui a été dit dans les ex- périences et les observations qui précèdent, nous voyons qu'il est rare que les individus vomissent, quoique dans beaucoup de cas — 661 — ils éprouvent des nausées peu après l'ingestion du poison ; pres- que jamais on n'observe des douleurs abdominales; la constipa- lion est opiniâtre. Il y a vertiges, propension au sommeil, à l'as- soupissement et à l'état comateux : aussi ne parvient-on pas à réveiller les malades, même en faisant du bruit près d'eux et en les excitant ; quelquefois cependant on les réveille pour quelques minutes à l'aide d'une forte secousse, et alors on s'aperçoit qu'ils sont en proie à un léger délire. Les yeux sont immobiles, languis- sans et abattus, les pupilles plus souvent contractées que dila- tées et l'iris insensible à la lumière ; la figure est calme et pâle. Les muscles sont dans le relâchement, et souvent ceux des membres abdominaux sont tellement affaiblis qu'ils semblent paralysés; ils sont agités de tremblemens convulsifs, passagers et de courte durée; quelquefois ces convulsions sont générales. Il est des ma- lades qui ne souffrent pas et qui sont dans un état de grande im- mobilité; d'autres éprouvent des douleurs qui, sans être vives, se manifestent par des plaintes et des gémissemens. La peau est en général fraîche et même très froide et comme glacée : elle est le siège de démangeaisons assez vives et presque toujours décolo- rée; cependant il est des cas, notamment lorsqu'il y a des convul- sions générales, où elle est bleuâtre par instans ; alors la face et le cou sont gonflés, la langue oscillante, etc. L'état du pouls varie extraordinairement suivant les individus, et chez la même per- sonne suivant l'époque de la maladie et plusieurs autres circon- stances qu'il est difficile d'apprécier ; on l'a vu développé, dur, fréquent, ou petit, serré et plus fréquent encore ; il s'affaiblit sur- tout dans les cas où la maladie doit se terminer par la mon. La respiration, souvent peu apparente, est quelquefois pénible, ster- toreuse, intermittente et entrecoupée de longs soupirs. Certains malades expulsent des matières visqueuses par la bouche et par le nez ; il peut y avoir aussi distorsion de la bouche. La sécrétion de l'urine est en général diminuée et même supprimée. Lorsque les symptômes acquièrent trop d'intensité, la mort arrive ; au con- traire on les voit disparaître insensiblement quand le malade doit revenir à la santé. C'est à tort que l'on pense généralement que l'empoisonnement par l'opium amène la mort au milieu d'un sommeil calme et indo- — 662 — lent; ceux des malades qui ont été guéris savent combien il arrive souvent que l'on se réveille brisé, moulu, après avoir éprouvé quelquefois des douleurs assez vives. Il importe ici de ne pas con- fondre les effets d'une forte dose d'opium chez un individu qui n'en a jamais pris, avec ceux que l'on observe chez les personnes qui s'habituent à l'action de petites doses toujours croissantes de ce médicament. Action de l'opium sur l'économie animale. 1° L'opium en substance détermine la mort des chiens les plus robustes dans l'espace de vingt à trente heures, lorsqu'il a été in- troduit dans l'estomac à la dose de 8 à 12 grammes; 2° L'extrait aqueux d'opium obtenu avec de l'eau froide, et qui n'a subi qu'une évaporation, est plus actif que l'opium et que les extraits préparés en suivant un autre procédé ; 3° Il agit avec plus d'énergie quand il est appliqué sur le tissu cellulaire sous-cutané, et surtout lorsqu'on l'introduit dans les veines, dans la plèvre ou dans le péritoine ; 4° Injecté dans la carotide, il détermine encore la mort avec plus de rapidité ; 5° Il en faut une assez grande quantité pour tuer les animaux dans la vessie desquels il a été introduit ; 6° Son application sur le cerveau n'est pas mortelle, d'après Nysten : ce fait demande à être constaté par de nouvelles expé- riences, puisque nous savons que l'acétate de morphine tue assez rapidement les animaux sur le cerveau desquels il a été appliqué ; 7° L'extrait d'opium privé de morphine et du principe de Derosne peut être administré à très forte dose sans occasionner l'empoisonnement ; et s'il conserve quelquefois une légère action, cela tient à ce que la séparation de ces substances n'a pas été complète ; 8° L'extrait d'opium privé seulement du principe de De- rosne au moyen de l'éther, comme l'a indiqué Robiquet, jouit de toutes ses propriétés vénéneuses, agit avec la même énergie et — 663 — paraît au moins aussi excitant que celui qui contient encore le même principe (1); G° L'eau distillée d'opium, fortement saturée du principe qui se volatilise, peut, à la rigueur, déterminer des vertiges, le som- meil chez certains individus très irritables ; mais elle est à peine vénéneuse. 10° Le marc d'opium, ou l'opium épuisé par l'eau, dans lequel il y a beaucoup de narcotine et de la morphine, administré en substance à la dose de 8 grammes environ, occasionne des acci- dens analogues à ceux que produit la .narcotine dissoute dans l'huile (voy. page 647); néanmoins les animaux se rétablissent de même au bout de quelques jours. 11° 8 grammes du même marc, laissés pendant dix heures dans un mélange de 64 grammes d'eau et d'une égale quantité de vinaigre du commerce, puis,introduits dans l'estomac, détermi- nent la mort des chiens dans l'espace de trente à quarante heu- res, après avoir donné lieu à des accidens semblables à ceux que produit la narcotine, ce que l'on peut expliquer facilement par la rapidité avec laquelle le vinaigre affaibli dissout la narcotine et la morphine qui font partie du marc. Ce résultat s'accorde à merveille avec un fait que j'ai établi dans mon Traité de toxi- cologie, savoir, que l'opium agit avec plus d'énergie lorsqu'il est administré avec l'eau vinaigrée, que dans le cas où il est sim- plement mêlé à l'eau : en effet, l'eau ne dissout point les principes actifs du marc, tandis que l'eau vinaigrée s'empare de tout ce que l'eau simple aurait pu dissoudre, et en outre de la narcotine et de la morphine qui restent dans ce marc. (1) Que l'on administre comparativement à deux chiens de même force 12 gram- mes d'extrait aqueux d'opium préparé avec une petite quantité d'eau, et contenant par conséquent de la narcotine, et 12 grammes du même extrait épuisé par l'éther, et privé autant que possible de ce principe, l'animal qui aura pris cette dernière préparation périra souvent avant l'autre, et après avoir éprouvé les symptômes suivans : viNiges, plaintes, agitation, mouvemens convulsifs, susceptibilité ex- trême à changer de place, car il suffira du plus léger bruit pour l'exciter à courir ; soubresauts, grande anxiété, renversement de la tête en arrière, difficulté de res- pirer. Je ferai observer à cet égard que la plupart des extraits d'opium des phar- macies contiennent à peine de la narcotine, parce qu'ils ont été préparés en traitant l'opium par beaucoup d'eau; il n'y a que ceux qui ont été faits avec iine petite quantité de ce liquide qui en renferment une proportion notable. - 664 — 12° La matière résineuse non soluble produit les mêmes effets que l'extrait aqueux d'après Nysten, mais à une dose beaucoup plus forte; elle n'enflamme pas la membrane muqueuse de l'es- tomac. Vicat avait déjà dit que l'extrait résineux d'opium avait été administré à un chien sans inconvénient à la dose de 75 cen- tigrammes, et que Charas en avait avalé 30 centigrammes sans éprouver autre chose que la gaîté (ouvr. cité, p. 220). La pelli- cule, qui se sépare pendant l'évaporation de l'extrait est beau- coup moins énergique encore que la résine d'après Nysten. 13° Il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'assigner au juste le rôle que jouent dans l'empoisonnement par l'opium, la morphine, la narcotine, la thébaïne, la codéine, etc.; ses effets résultent évidemment de l'action combinée de ces matières; ce n'est pas à la narcotine qu'il faut particulièrement attri- buer les phénomènes toxiques de l'opium (1), puisque l'extrait (1) J'ai voulu savoir jusqu'à quel point un mélange de morphine et de narco- tiue déterminerait les effets de l'opium, et j'ai fait prendre à un chien robuste de petite stature 1 gramme 30 centigrammes de morphine et autant de narcotine dis- soutes dans l'acide acétique faible ; six minutes après, le train postérieur était affai- bli, la démarche chancelante; l'animal était couché sur le côté ou sur le ventre* il éprouvait de la somnolence, et ne se déplaçait en aucune manière quand on fai- sait du bruit auprès de lui ; il n'avait point de convulsions. Demi-heure après, il lui était impossible de se tenir debout, et lorsqu'on le soutenait il retombait sur le ventre, ses quatre pattes érartées. Deux heures après le commencement de l'expérience, l'assoupissement était moins marqué ; l'animal marchait, quoique dif- ficilement ; mais il avait des vertiges tels qu'il ne tardait pas à tomber. Au bout d'une demi-heure, grande agitation, désir continuel de marcher ; bientôt après il se couche sur le ventre et paraît plus tranquille; il éprouve cependant de temps à autre quelques légers tremblemens et des mouvemens de totalité. Une heure après ijjait de vains efforts pour se relever; il paraît ne plus entendre, la tête est branlante et portée tantôt en avant, tantôt en arrière. Six heures après le com- mencement de l'expérience, il offre des mouvemens convulsifs et ne peut plus marcher; les pattes antérieures sont continuellement agitées ; point de plaintes; la respiration est dans l'éial naturel. Une heure après, le tremblement de la tête est beaucoup plus prononcé ; les pattes sont immobiles, allongées et raides ; l'ani- mal est parfois soulevé en totalité. Au bout de deux heures, écume à la bouche mouvemeos de tête plus prononcés, plaintes ; du reste, même état. Ces derniers symptômes durent environ deux heures : alors l'animal devient immobile et ex- pire au milieu d'une légère convulsion, douze heures après l'empoisonnement. La membrane muqueuse de l'estomac est tapissée d'un fluide muqueux, épais, brunâ- tre, très adhérent; elle offre plusieurs taches rougeàtres qui sont de véritables- ecchymoses. // est évident que les effets d'un pareil mélange se rapprochent assex de ceux que détermine l'opium dissous dans l'acide acétique. ,-- 665 -■■ aqueux épuisé par Téiher, et contenant ëhcore le sel de mor- phine, lue les animaux à-peu-près dans le même espace de temps que l'exlrait ordinaire ; la narcotine ne peut pas être consi- dérée comme la partie excitante de l'opium , tandis que la mor- phine en serait le principe narcotique, comme l'a annoncé Robi- quet, d'après les expériences de M. Magendie : en effet, l'extrait d'opium épuisé par l'éther paraît au moins aussi excitant que ce- lui dont on n'a séparé aucun atome de narcotine; l'on ne saurait objecter avec M. Magendie que la narcotine agit comme un puissant excitant quand elle est administrée dans l'acide acé- tique; car on sait que l'action de ce principe est stupéfiante ou nulle, suivant qu'on l'administre dans l'huile ou dans l'acide chlorhydrique : il faudrait donc, pour que l'objection fût valable, démontrer que la narcotine est associée dans l'opium à un acide semblable à l'acide acétique, ce qui ne paraît pas vraisemblable (voy. p. 649). 14° L'opium ne détruit point la contractilité des muscles avec lesquels il a été mis en contact; un cœur plongé dans une disso- lution d'opium se contracte encore pendant long-temps. 15° Ses effets délétères ne dépendent point, d'après Nysten, de l'action qu'il exerce sur les extrémités nerveuses de l'esto- mac , puisque les animaux soumis à l'influence de l'opium, et auxquels on a coupé la paire vague des deux côtés, meurent dans le même espace de temps que si la section n'eût pas été faite. 16° Il n'agit point sur l'économie animale comme les boissons alcooliques (voy. Alcool). 17° Il est absorbé. Si les expériences que j'ai tentées dans le but de résoudre celte question ne m'ont pas permis d'isoler la morphine et l'acide méconique que pouvaient contenir les viscères et l'urine des animaux empoisonnés par l'opium, toujours est-il que j'ai obtenu des réactions qui ne me laissent aucun doute sur l'existence de ces deux corps dans ces viscères et dans cette urine. Il faut remarquer qu'il ne s'agissait pas ici d'une expertise médico-légale, dans laquelle on serait en droit d'exiger que l'on présentât la morphine en nature, mais bien d'expériences ten- tées dans un but physiologique, avec de Xopium que j'avais ad- ministré : or, dès qu'il est parfaitement constaté que les viscères m. « - 666 - et l'urine des animaux à Xétat normal, traités de même, ne don- nent point les réactions précitées, on peut rigoureusement con- clure, de ce qu'on les obtient avec les mêmes viscères et l'urine d'animaux soumis à l'influence de Xopium, que la préparation opiacée a été absorbée. 18° Dans l'expérience de M. Desportes (voy. p. 642), l'acétate de morphine a agi d'abord sur le canal digestif, puis sur le cer- veau. M. Flourens prétend qu'il exerce son action principale sur les lobes cérébraux (voy. p. 644). Du pavot indigène. Ce pavot peut occasionner des accidens graves, analogues à ceux que détermine l'opium, mais moins intenses. Plusieurs exemples d'empoisonnement, rapportés par le docteur Mélier et par d'autres observateurs, mettent celle vérité hors de doute (voy. Arch. gén. de méd., t. xiv). On sait que le pavot indigène contient les principes actifs de l'opium. De lajusquiame (hyosciamusniger). La jusquiame est un genre de la famille des solanées de Jus- sieu, et de la penlandrie monogynie de Linnœus. Caractères du genre. Calice campanule, allongé, persistant, à cinq dents ; corolle infundibuliforme, à cinq angles inégaux et obtus ; cinq étamines dé- clinées; capsule à deux loges, s'ouvrant par une espèce de couvercle qui occupe son tiers supérieur. Caractères de lajusquiame noire. Linn., sp. 2-77. Sa racine est fibreuse et annuelle; sa tige, haute de 50 à 70 centim., est cylindrique, épaisse, rameuse à sa partie supérieure, toute couverte de poils longs et visqueux; ses feuilles sont éparses, alternes, et quelquefois opposées en même temps sur le même pied ; elles sont grondes, ovales, ai- guës, profondément sinueuses sur les bords, sessiles, molles, velues et vis- queuses. Ses fleurs, d'un jaune sale, sont veinées de lignes pourpres; elles sont presque sessiles, disposées en longs épis, et toutes tournées d'un même côté. Le calice est monosépale, campanule, persistant, à cinq dents gran- des, écartées et aiguës ; il est visqueux et velu à l'intérieur. La corolle est infundibuliforme, oblique et irrégulière; son tube est cylindrique, plus étroit que le calice ; le limbe est à cinq divisions inégales et obtuses. Les étamines, au nombre de cinq, sont déclinées, à peine saillantes hors de la corolle : leurs filets sont subulés et velus ; les anthères sont ovoïdes, à deux loges de couleur pourpre foncé.L'ovaire est presque globuleux, sîabrc, à — 667 — deux loges renfermant chacune un très grand nombre de petits ovules at- tachés à deux trophospermes convexes et appliqués sur le milieu de la cloison : cet ovaire est surmonté par un style violacé que termine un stig- mate simple, convexe et glanduleux. Le fruit est une sorte de capsule ovoïde très obtuse, enveloppée de toutes parts par le calice, offrant deux loges qui renferment une grande quantité de petites graines réniformes : elle s'ouvre par une espèce d'opercule ou de couvercle placé à sa partie su- périeure, à la manière des boîtes à savonnette. Ce caractère distingue le genre jusquiame des toutes les autres plantes delà famille des.solanées. La jusquiame croît abondamment aux environs de Paris, le long des che- mins, des murailles, dans les décombres et les lieux incultes ; elle fleurit en été (Rich., Bot. méd.). Action de lajusquiame noire sur l'économie animale. Les expériences que j'ai faites sur les chiens, et les observations d'empoisonnement recueillies chez l'homme me permettent de conclure : 1° que le suc, le décoctum des racines de jusquiame noire en pleine végétation, les feuilles et l'extrait aqueux de la même plante, convenablement préparés, jouissent de propriétés vénéneuses très énergiques, susceptibles de déterminer la mort dans un court espace de temps ; 2° que le suc obtenu avec la ra- cine est plus actif que celui que fournissent les feuilles ; 3° que ses effets sur l'économie animale sont beaucoup moins marqués, si, au lieu de l'employer lorsque lajusquiame est en pleine végé- tation, on en fait usage au commencement du printemps ; 4° que l'extrait aqueux obtenu par décoction de la plante peu dévelop- pée ou trop desséchée jouit à peine de propriétés vénéneuses, tandis qu'il est doué d'une grande activité s'il a été préparé avec le suc de la plante fraîche en pleine végétation, que l'on a fait évaporer au bain-marie, ce qui explique pourquoi certains ex- traits de jusquiame que l'on trouve dans le commerce ne sont doués d'aucune action vénéneuse et jouissent à peine de quelques propriétés médicamenteuses ; 5° que les effets fâ- cheux de ces substances se manifestent peu de temps après leur emploi, soit qu'on les applique sur le tissu lamineux sous-cutané de la partie interne de la cuisse, soit qu'on les introduise dans l'estomac ou dans l'intestin rectum, soit enfin qu'on les injecta dans les veines; 6° que ce dernier mode d'introduction est celui qui est le plus promptement suivi d'accidens graves ; 7° que 43. - 608 - l'empoisonnement produit par la planiedont je parle n'est point le résultat d'une action locale, puisqu'il est impossible de décou- vrir la moindre irace d'inflammation sur les parties sur lesquelles elle a été appliquée ; 8° qu'il doit être attribué à son absorption et à l'action remarquable qu'elle exerce sur le système nerveux, et en particulier sur le cerveau ; 9° qu'elle détermine une sorte d'aliénaiion mentale à laquelle succède une stupéfaction mar- quée ; 10° qu'elle paraît agir sur l'homme comme sur les chiens. Suivant M. Flourens, la jusquiame détermine une effusion san- guine dans les lobes cérébraux comme l'opium (voy. page 644). Tout porte à croire qu'elle doit la plupart de ses propriétés to- xiques à Xhyosciamine. Les hyosciamus albus , aureus , physaloides etscopolia, jouissent également de propriétés vénéneuses 1res marquées, et paraissent exercer sur l'économie animale le même mode d'action que l'espèce précédente. M. Runge, docteur de l'université de Berlin, a communiqué, en 1824, à l'Académie des sciences, un Mémoire dans lequel il pro- pose un nouveau moyen pour découvrir l'empoisonnement dé- terminé par la jusquiame, la belladona et le datura stramo- nium. Suivant lui, le suc frais, la décoction et l'extrait de ces plantes, appliqués sur l'œil des chats, en dilate prodigieusement la pupille ; il en est de même de la matière active de ces végétaux, qu'il dit avoir séparée, et qu'il a désignée sous le nom de korome- gyn (1). Les autres substances vénéneuses, les plantes alimen- taires, la gélatine, la salive, l'urine, le suc gastrique, la bile, l'œuf, etc.,ne changent point le diamètre de la pupille des chats. L'action sur l'œil, des trois végétaux dont je parle, est encore la même lorsqu'on les a mêlés avec des matières animales, et que le mélange s'est putréfié. Les substances contenues dans * le canal digestif des chiens tués par l'un ou l'autre de ces trois poisons, ayant été dissoutes dans l'eau et concentrées par l'éva- poration, ont fourni un liquide qui dilatait prodigieusement la (1) Le koromegyn relire de ces plantes n'est pas identique ; ou doit par consé- quent en recounaîlre un de jusquiame, un de belladona et un de stramonium. Vauquelin n'a jamais pu obtenir ces principes, même en suivant les procédés in- diqués par l'auteur. — 66U — pupille des chats. L'urine d'un lapin que l'on avait nourri pen- dant huit jours avec ces végétaux frais, appliquée sur l'œil des chats, agissait de la même manière. Les excrémens trouvés dans le rectum de cet animal ayant été traités par l'eau, donnèrent un liquide qui opérait une dilatation beaucoup moindre. Le sang lire des poumons et du foie, ainsi que la bile, étaient sans action sur l'œil. Voici les préceptes auxquels il faut se conformer lorsqu'on veut déterminer les effets d'une de ces substances sur la pupille : 1° on n'agira que sur un œil, afin de mieux apprécier la dilata- lion par la comparaison avec l'autre ; 2° le chat étant tenu sur les genoux, on ouvrira avec le pouce et l'index les deux pau- pières, et l'on bassinera à plusieurs reprises, au moyen d'un pin- ceau trempé dans la liqueur, le bord de la paupière inférieure ; 3" si le liquide est acide ou alcalin, on le neutralisera pour pré- venir l'inflammation de la conjonctive; 4° on tournera la tête du chat de manière à ce que les deux yeux se trouvent également exposés à la lumière, car une différence d'incidence de ce fluide en produit une dans la grandeur des pupilles (Mémoire inédit, lu à VInstitut). Je suis disposé à croire que les expériences du docteur Runge sont exactes pour ce qui concerne l'action sur la pupille, des trois végétaux dont il a fait mention, et de l'urine du lapin ; du moins est-il certain que j'ai obtenu les mêmes résultats que lui en ap- pliquant sur l'œil des chats les matières trouvées dans l'intestin d'un chien qui était resté pendant trente-six heures sous l'in- fluence de l'extrait de datura stramonium. L'urine et le sang de cet animal n'ont point changé l'état de la pupille des chats. Quoi qu'il en soit, le travail du docteur Runge, considéré sous le rap- port de la médecine légale, me paraît dune utilité secondaire, car il est évident qu'on n'osera jamais affirmer qu'il y a eu em- poisonnement par lajusquiame, la belladona ou le stramonium, parce que les matières retirées du canal digestif ou les fluides des sécrétions auront dilaté la pupille des chats ; tout au plus re- gardera-t-on ce fait comme propre à établir quelques proba- bilités d'empoisonnement, si les symptômes et les lésions de tissu sont de nature à faire croire qu'il a pu avoir lieu. — 670 — De ïhyosciamine. L'hyosciamine est en aiguilles incolores, iransparenles, à éclat soyeux, groupées en étoiles; elle est sans odeur et d'une saveur acre, désagréable et semblable à celle du tabac. Elle est légère- ment soluble dans l'eau et très soluble dans l'alcool et dans l'éther. Lorsqu'on la chauffe avec précaution, elle se décompose et dégage des vapeurs ammoniacales ; toutefois il y en a une pe- tite partie de volatilisée. La dissolution aqueuse d'hyosciamine bleuit le papier de tournesol rouge, et prend la couleur du kermès lorsqu'on la mêle avec la teinture d'iode; elle est préci- pitée en blanc par la noix de galle et en blanc jaunâtre par le chlorure d'or ; le chlorure de platine ne la trouble point. Elle fournit avec les acides des sels neutres susceptibles de cristal- liser. Elle détermine une dilatation de la pupille qui persiste très long-temps (Journal de pharmacie, février 1834). De la laitue vireuse. La laitue est un genre de la famille des chicoracées de Jussieu. Caractères du genre. Involucre imbriqué, cylindrique, et un peu ren- flé à sa partie inférieure, composé de folioles membraneuses sur les bords ; réceptacle plane, aigrette pédicellée. — Caractères de la laitue vireuse. Racine bisannuelle; tige dressée, rameuse dans sa partie supé- rieure, cylindrique, glabre, haute d'un mètre et plus, et glauque: feuilles semi-amplexicaules, les inférieures très grandes, presque entières, sagit- tées, obtuses, denticulées, ayant les nervures de la face inférieure épi- neuses; les supérieures plus petites, aiguës et pinnatifides; fleurs jaunes disposées en pannicule rameuse à l'extrémité des branches. L'involucre est cylindrique, formé d'écaillés lancéolées, imbriquées et dressées. Le phorante (réceptacle) est nu, plane, un peu alvéolé, portant environ vingt à vingt-cinq fleurs hermaphrodites semi-flosculeuses. Le fruit est ellip- soïde, très comprimé, bordé d'une membrane saillante, et couronné par une aigrette soyeuse, stipitée, formée de poils blancs nacrés et arti- culés. On la trouve dans les champs, les haies, et sur le bord des murs (Richard, Bot. méd.). Action de la laitue vireuse sur l'économie animale. Les faits recueillis jusqu'à ce jour s'accordent pour prouver, 1° que la laitue vireuse estabsorbee et agit sur le système nerveux à la manière des narcotiques; 2* que l'extrait de cette plante est plus énergique — 674 — lorsqu'il a été préparé en faisant évaporer le suc à une douce chaleur, que dans le cas où il a été obtenu par l'ébullition des di- verses parties de la plante dans l'eau ; 3° que l'action du suc et de l'extrait est beaucoup plus vive quand ils sont injectés dans la veine jugulaire que lorsqu'ils ont été appliqués sur le tissu cellu- laire sous-cutané de la partie interne de la cuisse :dans ce der- nier cas, les effets sont plus marqués que lors de leur introduc- tion dans l'estomac. M. Flourens pense que l'extrait de laitue vireuse agit sur les lobes cérébraux comme l'opium (voy. p. 644). De la solanine. La solanine est une substance alcaline végétale composée d'oxygène, d'hydrogène et de carbone, découverte en 1821 par M. Desfosses, et qui existe dans les baies de morelle et de douce- amère, dans les liges de cette dernière plante, etc. Elle est pul- vérulente, blanche, opaque, quelquefois nacrée, inodore, et d'une saveur légèrement amère et nauséabonde. Elle est fusible au-dessus de 100°, et se prend, par refroidissement, en une masse citrine transparente. L'eau, l'éther, l'huile d'olives et l'essence de térébenthine la dissolvent difficilement; elle est très soluble dans l'alcool, et la dissolution ramène au bleu le papier de tournesol rougi par un acide. L'acide azotique ne lui communique pas une couleur rouge : elle forme avec les acides des sels neutres peu ou point cristallisables, indécomposables par l'eau, et décomposables par les alcalis, qui en précipitent la solanine sous forme de flocons gélatineux. Action de la solanine sur l'économie animale. A la dose de quelques décigrammes, la solanine occasionne df s vomissemens, la somnolence, et même un assoupissement qui peut durer plusieurs heures. M. Desfosses compare les effe s qu'elle produit sur l'homme à ceux de l'opium. Après avoir fait connaître en détail les poisons narcoti- ques les plus actifs, je crois devoir indiquer succinctement les noms et les principales propriétés de ceux qui agissent avec moins d'énergie, et de quelques autres dont les effets sur l'éco- nomie animale n'ont pas encore été suffisamment constatés. — 672 — Des diverses espèces de solanum. Les baies et l'extrait aqueux de solanum dulcamara (douce- amère) peuvent êlre administres à l'homme et aux chiens à des doses très fortes, sans qu'il en résulte d'inconvénient marqué (Dunal). L'extrait de solanum nigrum (morclle) est peu vé- néneux ; néanmoins il est absorbé, et détruit la sensibilité et la motilité lorsqu'il a été convenablement préparé ; il détermine la mort des chiens dans l'espace de quarante à quarante-huit heures, s'il a été introduit dans l'estomac à la dose de 24 à 28 grammes ; il agit avec plus d'énergie quand il est appliqué sur le tissu cellulaire de la partie interne delà cuisse. Les baies sont loin d'être aussi vénéneuses qu'on l'a cru :. les auteurs qui ont parlé de leurs effets délétères les ont probablement confondus avec ceux que détermine Xatropa belladona, plante qui était rangée parmi les solanum par les botanistes antérieurs à Tour- nefort. Le solanum fuscatum paraît jouir d'une plus grande ac- tivité que le précédent. Le suc des solanum villosum, nodi- fiorum, miniatum, est légèrement narcotique (voyez le beau mémoire de M. Dunal, publié en 1813). De l'if Le suc des feuilles d'if {taxus baccata) et l'extrait qu'il fournit par l'évaporation, ont déterminé quelquefois un léger narcotisme; les baies ne paraissent jouir d'aucune propriété malfaisante. De quelques autres plantes réputées narcotiques. Actœa spicata. Linnœus dit que les baies de celte plante ont excité un délire furieux suivi de mort. Colden rapporte que l'ingestion de ces fruits et d'une teinture préparée avec la ra- cine de celte plante, a été suivie de beaucoup de malaise et de sueurs froides, sans qu'il y ait eu cependant d'autres accidens (1). Le Monnier affirme que son extrait a tué des poules. J'ai sou- vent fait prendre à des chiens depuis 150 jusqu'à 200 grammes de décoctum d'actœa spicata cueilli dans le mois de mai, et je n'ai observé aucun phénomène sensible. Physalis somnifera. Plenck range la racine de celte (1) Coluen, Âcl. Uj/sa/., ann.i7'i3, p. 132, — 673 — plante parmi les narcotiques, et il dit qu'elle a moins de pro- priétés délétères que l'opium. Azalea pontica. Gmelin rapporte que le miel recueilli dans les fleurs de cette plante occasionna à dix mille soldats grecs des vomissemens, la dysenterie, de l'ivresse, et qu'ils devinrent furieux. Ervum ervilia (ers). Binninger a remarqué que le pain dans lequel entrait la graine de celte plante avait tellement af- faibli les membres abdominaux des individus qui en avaient mangé, qu'ils étaient obligés de s'appuyer sur deux crosses lors- qu'ils marchaient (1). Valisneri a vu des paralysies incurables causées par celte nourriture (2). Les chevaux et les poules éprouvent des phénomènes analogues de la part de cette graine. Lathyrus cicera. Les graines de cette légumineuse jouis- sent à-peu-près des mêmes propriétés vénéneuses que celles de l'ers, d'après Divernoi. Le peganum harmela est aussi rangé par Plenck parmi les narcotiques. Paris quadrifolia. On croit que cette plante occasionne le vomissement et des spasmes. Gesner en avala 4 grammes dans du vin et du vinaigre, il eut des sueurs copieuses, et il éprouva de la sécheresse dans le gosier (Gesnerus, 1 épis t. med. fol. 53). Le safran est regardé par quelques médecins comme un poi- son narcotique. J'ai fait des expériences qui prouvent qu'il n'esr point délétère pour les chiens, ou du moins qu'il ne l'est qu'à un degré très faible. De l'acide cyanhydrique (prussique). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acide cyanhydrique? L'acide cyanhydrique anhydre est liquide à la température ordinaire de l'atmosphère, incolore, transparent, d'une saveur d'abord fraîche, puis acre et irritante, doué d'une odeur très (1) Obicrv. et curât, med., cent, v, obs, lxx. p. 571. (-2) Hâtera di Minerva, t. iv, p. 220. - 674 — forte, insupportable, analogue à celle des amandes amères: cette odeur constitue un des caractères les plus importuns de l'acide cyanhydrique, puisqu'on la sent parfaitement dans un liquide qui en contient assez peu pour ne pouvoir pas être ac- cusé par les réactifs les plus sensibles ; le poids spécifique de cet acide est de 0,7058 à 7° -f 0°, et de 0,6969 à + 18°. Il entre en ébullition à 26°, 5. th. c, sous une pression de 76 cen- timètres. Il se congèle en partie lorsqu'on en verse une ou deux gouttes sur l'extrémité d'une petite bande de papier, quand même la température serait à 20° th. c. Il s'enflamme à l'air par l'approche d'un corps en combustion. Abandonné à lui-même dans des vaisseaux fermés, il se décompose, brunit et finit par noircir : cette décomposition, qui a quelquefois lieu en moins d'une heure, s'opère assez ordinairement, au plus lard, avant le quinzième jour, à moins que le flacon dans lequel l'acide est cou- tenu n'ait été soigneusement privé du contact de la lumière ; car alors souvent l'acide n'est pas décomposé au bout d'un temps beaucoup plus long. L'acide cyanhydrique anhydre est soluble dans l'eau. La dissolution constitue l'acide hydraté, dont elle partage tous les caractères, et que je vais décrire. L'alcool dissout mieux l'acide anhydre que l'eau. L'acide cyanhydrique hydraté ne diffère du précédent que parce qu'il est étendu d'eau; comme lui, il est liquide, incolore et transparent , il offre la même odeur et la même saveur, mais à un degré moins prononcé : son poids spécifique varie suivant la quantité d'eau qu'il renferme : il est de 0,91608 lorsqu'il con- tient deux parties d'eau et une d'acide, et de 0,999679 quand il renferme cinq parties d'eau en volume : ce dernier est l'acide médicinal dit.au sixième; il ne se congèle point lorsqu'on en verse quelques gouttes sur du papier à la température ordinaire de l'atmosphère: abandonné à lui-même dans des vaisseaux fermés, il n'éprouve la même altération que l'acide anhydre que lorsqu'il est peu étendu d'eau, et encore cette altération tarde-t- elle plus à se manifester : il ne s'enflamme point quand on le met en contact avec un corps allumé. Versé, lors même qu'il serait excessivement étendu d'eau, dans une dissolution d'azotate d'argent, il y fait naître un préci- — 675 — pité de cyanure d'argent blanc, caillebotté, lourd, insoluble dans l'eau, insoluble ou excessivement peu soluble dans l'acide azotique à la température ordinaire, facilement soluble dans cet acide bouillant et dans l'ammoniaque (1) ; ce précipité, lavé et desséché, a fort peu de tendance à se colorer en violet ; il est décomposé par la chaleur, de manière à fournir de l'argent mé- tallique, et une partie du cyanogène qui entre dans sa com- position (voy. Cyanogène). Je me suis assuré que si le cyanure d'argent n'a pas été bien desséché, il ne fournit point de cyanogène landis que lorsqu'on chauffe 5 centigrammes seulement de ce cya- nure sec dans un petit tube de verre dont l'une des extrémités a été effilée à la lampe, on obtient une quantité de cyano- gène suffisante pour faire brûler ce gaz avec la flamme pur- purine qui le caractérise ; pour cela, dès que le cyanure d'argent a été assez chauffé pour devenir d'un brun foncé, on approche une allumette enflammée de l'ouverture excessive- ment étroite du tube ; le gaz brûle pendant quinze ou vingt secondes environ. On peut reconnaître un demi - milli- gramme de cyanure d'argent par le procédé suivant : On met dans un pelit tube de verre bouché à l'une de ses extré- mités, long de 3 centimètres et d'un diamètre de 2 à 3 millimè- tres, un petit morceau de potassium de la grosseur d'un grain de semoule ; on place au-dessus de celui-ci le cyanure argen- tique, et on chauffe jusqu'au rouge obscur le tube à la flamme d'une lampe à alcool ; on coupe le tube refroidi à l'endroit où est la matière calcinée ; on traite celle-ci par quelques gouttes d'eau distillée dans un verre, et l'on obtient facilement, par l'addition successive de quelques gouttes de sulfate ferroso-ferrique et d'a- cide chlorhydrique, un précipité de bleu de Prusse (Lassaigne). L'acide cyanhydrique hydraté ne précipite point les sels de fer ; mais si on le mêle avec quelques gouttes de potasse dissoute dans l'eau, et qu'on ajoute du sulfate de protoxyde de fer dis- sous et mélangé de sulfate de sesqui-oxyde, la liqueur de- (1) Le cyanure d'argent, en se dissolvant dans l'acide azotique bouillant, est décomposé, ainsi qu'une partie de l'eau de l'acide azotique; Use forme de l'acide cyanhydrique qui se dégage, et de l'oxyde d'argent qui se dissout dans l'acide; en sorte que la dissolution ne contient que de l'azotate d'argent. — 676 — vient bleue, et il ne tarde pas à se déposer du bleu de Prusse; quand il n'en est pas ainsi, la coloration et le dépôt deviennent plus intenses par l'action de l'air; le précipité est composé de proto et de sesqui-cyanure de fer, et il est insoluble dans l'acide chlorhydrique. Quelquefois le précipité bleu paraît sur-le- champ ; le plus ordinairement la potasse ayant été employée en excès, une portion d'oxyde de fer s'est précipitée en même temps que le bleu de Prusse, et la couleur du précipité, au lieu d'être bleue, est verdâtre ou brun rougeâtre, suivant que le fer était plus ou moins oxydé : il suffit alors de dissoudre l'oxyde de fer précipité à l'aide de quelques gouttes d'acide chlorhydrique, pour faire paraître la couleur bleue. La réaction des sels de fer sur l'acide cyanhydrique, qui au premier abord paraît devoir être d'une grande valeur en méde- cine légale, est de beaucoup inférieure à celle de l'azotate d'ar- gent, parce que lorsqu'il s'agit de déceler des atomes d'acide cyanhydrique mélangé avec des quantités notables de matière organique, loin d'obtenir un dépôt de bleu de Prusse, il ne se produit qu'une coloration bleue de la liqueur, coloration exacte- ment semblable à celle que fournissent avec les deux sulfates de fer certains liquides animaux ne contenant point d'acide cyanhydrique, comme je le dirai plus loin : à la vérité, cette der- nière coloration disparaît par l'addition de quelques gouttes d'acide chlorhydrique, ce qui n'a pas lieu quand le dépôt ne renferme que du bleu de Prusse. J'ajouterai que le précipité fourni par l'azotate d'argent donne facilement du cyanogène gazeux quand on le chauffe après l'avoir desséché, ce qui permet d'affirmer qu'il existe un composé cyanhydrique dans la liqueur où le pré- cipité de cyanure d'argent s'est formé, tandis qu'il n'en est pas de même avec le bleu de Prusse, lequel ne fournit point de cya- nogène gazeux quand on le décompose par le feu. Je dirai, en parlant de l'empoisonnement prétendu de Pralet, combien l'oubli de ces faits a donné lieu à de conséquences fâcheuses. Le sulfate de bi-oxyde de cuivre n'est point précipité par l'acide cyanhydrique; mais si on ajoute de la potasse, on observe des phénomènes qui varient, suivant que les dissolutions sont con- centrées ou affaiblies: dans le premier cas, on obtient un pré- — 677 — Cipilé vert-pomme qui devient d'un vert plus foncé si on ajouté assez dépotasse pour saturer tout l'acide; ce précipité, composé de cyanure de cuivre et de bi-oxyde de cuivre en excès, s'il est traité par une certaine quantité d'acide chlorhydrique pur, abandonne le bi-oxyde à l'acide, qui le dissout et laisse du cyanure de cuivre d'un jaune verdâtre quand il est humide, et vert-pré lorsqu'il a été desséché à l'air ; enfin il suffit d'ajouter une plus grande quantité d'acide chlorhydrique sur ce précipité jaune verdâtre, pour le décomposer et le transformer en proto- chlorure de cuivre blanc, insoluble dans l'eau et soluble dans l'acide chlorhydrique. Si, au lieu d'agir avec des dissolutions concentrées de sulfate de bi-oxyde de cuivre et d'acide cyanhy- drique, on emploie ces liqueurs très étendues d'eau, on observera les phénomènes qui ont été décrits par M. Lassaigne, c'est- à-dire qu'après avoir saturé l'acide cyanhydrique par la potasse, et l'avoir mêlé avec le sel de cuivre dissous et une assez grande quantité d'acide chlorhydrique, pour redissoudre l'excès d'oxyde de cuivre précipité par la potasse, la liqueur prendra un aspect laiteux plus ou moins intense, et il suffira, pour la rendre trans- parente au bout de quelques heures, de l'étendre dans une grande quantité d'eau. M. Lassaigne a proposé l'emploi du sulfate de bi-oxyde de cuivre en dissolution affaiblie pour reconnaître les traces d'a- cide cyanhydrique qui pourraient exister dans une liqueur, se fondant sur ce que la sensibilité de ce réactif est deux fois aussi grande à-peu-près que celle des sels de fer, et M. Devergie a considéré ce mode d'expérimentation comme une des pierres de touche de l'acide cyanhydrique (Méd. légale, tome m, page 629). Rien ne serait plus dangereux que d'adopter une pareille manière de voir ; aussi ne balancerai-je pas à rejeter l'emploi du sulfate de bi-oxyde de cuivre dans les expertises médico-légales relatives à l'empoisonnement par l'acide cyanhy- drique, d'abord parce qu'il est moins sensible que l'azotate d'ar- gent , en second lieu, parce que le précipité blanc que l'on obtient en laissant ramasser le dépôt laiteux dont j'ai parlé, ne fournit point de cyanogène gazeux quand on le décompose par le feu, et enfin parce que ce dépôt laiteux peut être confondu avec une - 678 — foule d'autres précipités, surtout lorsqu'on agit sur des liquides animaux ou végétaux ; il peut même arriver dans ces cas qu'il ne se produise pas de manière à être parfaitement caractérisé dans des mélanges organiques contenant de l'acide cyanhy- drique; d'ailleurs quelle nécessité y a-t-il de recourir à un réactif inutile et si peu probant, lorsque les sels de fer, et surtout l'azotate d'argent, remplissent si bien le but? Acide cyanhydrique mêlé avec du sirop de sucre. Si l'acide cyanhydrique fait partie d'un sirop, on le reconnaîtra à son odeur et à l'aide des réactifs déjà mentionnés, qui se com- porteront avec le sirop étendu d'eau comme avec l'acide hy- draté : en effet, celte dissolution sirupeuse sera à peine colorée. Mais, dira-t-on, si le sirop de sucre des officines renferme un ou plusieurs chlorures, la présence de ces sels ne sera-t-elle pas un obstacle à la recherche de l'acide cyanhydrique? En aucune ma- nière, car en admettant que le sirop contînt un chlorure soluble, ce qui est on ne peut plus rare, il suffirait après avoir précipité ce sirop étendu d'eau par l'azotate d'argent, de traiter en vais- seaux clos le précipité de cyanure et de chlorure d'argent bien lavé, par l'acide azotique pur et bouillant qui ne dissoudrait que le cyanure d'argent ; l'acide cyanhydrique qui se produirait pen- dant l'action de l'acide azotique sur le précipité, étant reçu dans une dissolution aqueuse d'azotate d'argent fournirait du cyanure d'argent pur facile à reconnaître (voy. p. 675). Peut-on s'assurer de la présence de l'acide cyanhydrique dans du sirop de sucre en distillant celui-ci? Oui, certes, puisque le sirop fait avec cet acide est le seul qui, étant chauffé, fournisse un produit volatil contenant de l'acide cyanhy- drique, et ne renfermant pas d'ammoniaque; en effet, les sirops préparés avec des cyanures ne donnent point d'acide cyanhydrique à la distillation, à moins qu'ils ne soient acides ou que le cyanure ne soit déjà altéré par l'acide carbonique de l'air. Quant aux sirops dans lesquels on aurait fait entrer du cyanhy- drate d'ammoniaque, ils fourniraient dans le ballon, outre l'acide , cyanhydrique, de l'ammoniaque facile à reconnaître ; j'ajouterai d'ailleurs qu'on ne prépare jamais pour les usages médicinaux un sirop cyanhydroammoniaca 1. — 679 — S'il s'agissait de déterminer la proportion d'acide cyanhy- drique contenu dans du sirop de sucre, on étendrait ce sirop d'eau et on le précipiterait par un excès d'azotate d'argent ; on calculerait ensuite combien la quantité de cyanure d'argent ob- tenue (après qu'on l'aurait privée du chlorure d'argent qu'elle pourrait renfermer) contient de cyanogène et combien elle re- présente d'acide cyanhydrique. On sait que le cyanure d'argent est formé de 327,17 de cyanogène, 1351,60 d'argent; l'acide cyanhydrique de 96,34 de cyanogène, 3,66 d'hydrogène. Supposons que le sirop ait fourni 50 centigrammes de cyanure d'argent, on dira : si 1678,77 de cyanure d'argent (327,17 de cyanogène -f- 1351,60 d'argent) contiennent 327,17 de cyano- gène, combien 50 centigrammes de cyanure renfermeront-ils de cyanogène? 1678,77 : 327,17 : : 50 : x. x = 9 centigr., 7 milligr. de cyanogène. 327,17X50 n „ .,,. -----:---------= 9 centigr.,7 milhsx. 1678,77 5 ' ° Les 50 centigrammes de cyanure d'argent contiennent donc 9 centigrammes 7 milligr. de cyanogène ; il ne s'agira plus que de savoir combien celte proportion de cyanogène représente d'a- cide cyanhydrique ; or, nous savons que 96,34 de cyanogène exi- gent 3,66 d'hydrogène pour former cet acide : combien les 9 cen- tigr. 7 milligr. en exigeront-ils? 9G .*îî:3 66 : : 9,7 : x. x — 3 milligrammes, 7/10 d'hydrosène. 3'66x9'7 =»mm.,T/i». 96,34 ' ' En additionnant 9 centigr. 7 milligr. de cyanogène et 3 milligr. 7/10 d'hydrogène, on trouvera que l'acide cyanhydrique contenu dans la proportion de sirop qui avait fourni 50 centigrammes de cyanure d'argent est de 10 centigrammes 7/10e* de milligramme M. Devergie s'est prononcé à tort contre cette manière de pro- céder et préfère chercher l'acide cyanhydrique en distillant le 680 sirop, ainsi que nous le pratiquâmes MM. Gay-Lussae, Magen- die, Barruel et moi en 1830 dans une expertise qui avait pour but de faire connaître combien le sirop d'acide cyanhydrique de la pharmacie centrale de Paris contenait d'acide cyanhydrique. On ne saurait adopter un précepte plus funeste, comme on pourra s'en assurer par les résultais de cette expertise. Nous procédâmes à la distillation du sirop en vases clos, et pour qu'aucune trace d'acide volatilisé ne nous échappât, nous reçû- mes le produit de la distillation dans un tube fort long presque entièrement rempli d'azotate d'argent dissous; malgré tant de précautions nous ne retirâmes que les deux tiers de l'acide du sirop et nous nous assurâmes en préparant nous-mêmes un sirop cyanhydrique avec 90 grammes de sirop et dix grammes d'acide médicinal, qu'il était impossible d'en extraire par ce procédé plus de 6 grammes 66 centigrammes ; en précipitant au contraire, directement le sirop cyanhydrique par l'azotate d'ar- gent, comme je viens de le conseiller, on obtient la totalité de l'acide, c'est-à-dire 10 grammes. On ne devinerait jamais l'objection qui a été mise en avant par M. Devergie contre la précipitation directe, pour déterminer la proportion de l'acide cyanhydrique contenue dans un sirop ou dans toute autre liqueur suspecte; « les liquides, dit-il, peu- « vent contenir des chlorures, des phosphates ou des carbonates m qui viendraient augmenter la quantité de précipité, et laisse- if, raient à penser que la proportion d'acide cyanhydrique « est très considérable. » Bien avant M. Devergie, j'avais si- gnalé la complication que pourrait faire naître la présence des chlorures, des phosphates et des carbonates dans un liquide cyanhydrique et j'avais prouvé que rien n'était facile comme de séparer et de doser le cyanure d'argent dans ce cas particulier (F. page 684) ; j'avouerai que je ne sais comment qualifier le motif allégué par mon confrère pour donner la préférence au procédé qui consiste à distiller les liquides. Quoi, parce qu'un expert pourra supposer un instant, vu l'abondance du précipité, qu'une liqueur traitée par l'azotate d'argent, contient une quan- tité considérable d'acide cyanhydrique, il faudrait renoncer à un excellent procédé, alors qu'il lui est impérieusement prescrit de — 681 - débarrasser le cyanure d'argent du chlorure, du phosphate ou du carbonate d'argent avec lesquels il pourrait être mêlé, avant de se prononcer sur la proportion de cyanure réellement existante! Heureusement qu'à la page suivante M. Devergie donne la me- sure du degré de confiance qu'il accorde lui-même à l'assertion que je combats ; non-seulement il annonce que, dans l'expertise dont j'ai déjà parlé (p: 680), nous avons obtenu, par la distilla- tion, moins d'acide cyanhydrique que nous n'en avions mis dans le sirop, mais encore il conseille de fractionner le sirop en deux portions, dont l'une sera traitée directement par l'azotate d'argent, et l'autre par la distillation : pour êlre conséquent avec lui-même, il aurait dû rejeler le traitement direct, puisque, d'après lui, il est moins sur que l'autre. On jugera facilement de l'embarras des experts qui opèrent pour la première fois, en prenant pour guide les préceptes contradictoires et erronés don- nés par M. Devergie, qui n'a pas nettement posé les deux ques- tions que l'on peut avoir à résoudre, savoir : s'il existe de l'a- cide cyanhydrique dans un sirop, et combien il y en a. Mélanges d'acide cyanhydrique et de liquides alimen- taires ou de la matière des vomissemens ou de celle que l'on trouve dans le canal digestif après la mort. II résulte des nombreuses expériences que j'ai tentées : 1° que le vin, la bière, le cidre, le thé, le café, l'albumine, la gélatine, le bouillon, le lait, etc., ne sont ni colorés ni précipités par l'acide cyanhydrique. 2° Qu'il n'est pas exact de dire, comme l'a fait M. Devergie, qu'au bout d'un certain temps ces mélanges puissent acquérir une couleur brune provenant de la décomposition qu'éprouverait l'acide cyanhydrique, parce qu'alors même que cet acide aurait élé introduit dans ces liquides à l'état anhydre, il eût été assez étendu par l'eau contenue dans ces liquides pour ne plus subir la décomposition à la suite de laquelle il devient brunâtre ou noi- râtre (^. p. 675). 3° Qu'en distillant les mélanges dont il s'agit, qu'ils soient frais ou nourris, et alors même qu'ils ne contiennent qu'un 15/100* de leur poids d'acide médicinal, on obtient de l'acide cyanhydrique dans le récipient, pourvu que l'on ait eu la pré- caution d'entourer celui-ci d'eau froide. ni. 4-i - 682 — U* Qu'en distillant les mêmes liquides frais, sans addition d'acide cyanhydrique, on n'obtient pas d'acide cyanhydrique dans le ballon. 5° Qu'en distillant les mêmes liquides pourris et non addi- tionnés d'acide cyanhydrique, on recueille souvent dans le réci- pient des liquides transparens ou légèrement opalins d'une odeur fétide et notablement alcalins. Dans plusieurs de mes ex- périences , l'azotate d'argent ne troublait point ces liquides ou bien les précipitait en blanc jaunâtre; le dépôt se dissolvait en grande partie dans l'acide azotique pur, et laissait une liqueur évidemment opaline comme cela avait eu lieu avec le liquide cyanhydrique de l'expérience xie (V. ma Toxicologie, t. u, p. 313); le sulfate ferroso-ferrique et la potasse fournissaient un précipité vert-bleuâtre, semblable à celui qu'avait pro- duit la liqueur fétide cyanhydrique; le sulfate ferreux don- nait un précipité vert foncé tirant sur le bleu; à la vérité ces précipités verts, traités par l'acide chlorhydrique, disparais- saient et laissaient des liqueurs jaunes, sans qu'il restât du bleu de Prusse au fond des verres. En traitant par quelques gouttes de sulfate de bi-oxyde de cuivre et de la potasse pure les liquides provenant de ces distillations, j'ai constamment obtenu des précipités d'un bleu verdâtre, qui, étant dissous dans l'acide chlorhydrique, ont laissé des liquides quelquefois aussi opalins que ceux qui avaient été produits avec des liqueurs fétides lé- gèrement cyankydriques. 6° Qu'il serait dès-lors dangereux dans certaines expertises médico-légales, d'attacher une trop grande importance à la co- loration bleue ou d'un bleu verdâtre que ferait naître le sel de fer dans une liqueur que l'on supposerait pouvoir contenir de l'acide cyanhydrique. 7° Que lorsqu'on a empoisonné des chiens en leur faisant ava- ler 15 ou 20 gouttes d'acide cyanhydrique médicinal dissous dans 20 à 25 grammes d'eau, il suffit de distiller en vaisseaux clos, peu de temps après la mort, les matières contenues dans le canal digestif pour obtenir une certaine quantité d'acide cyanhydrique dans le récipient, tandis qu'il ne m'a jamais été possible d'en re- tirer ni du foie ni de l'urine de ces mêmes animaux, en procédant — 683 — de même, ce qui tient probablement à la rapidité avec laquelle cet acide détermine la mort et se volatilise et peut-être même à ce qu'il est décomposé par les tissus et les fluides de l'économie animale. 8° Que lorsqu'il s'agit de constater la présence de l'acide cyan- hydrique dans un liquide suspect et que l'on a transformé cet acide en cyanure d'argent, on aurait tort, pour reconnaître ce cyanure, d'attacher une trop grande importance au caractère qui consiste à le faire bouillir avec de l'acide azotique pour le faire passer à l'état d'acide cyanhydrique (V. la note de la p. 675), parce qu'il arrive souvent en précipitant par l'azotate d'argent certains liquides alimentaires dans lesquels il n'existe point d'acide oyanhydrique qu'il se forme un précipité, lequel étant traité par l'acide azotique bouillant donne de l'acide cyanhydrique; évidemment dans ces cas, la production de cet acide est le résul- tat de l'action de l'acide azotique sur la matière organique con- tenue dans le précipité qui s'était formé en versant l'azotate d'ar- gent dans les liquides alimentaires. Il est dès-lors infiniment préférable, pour reconnaître le cyanure d'argent, de le chauffer pour en séparer le cyanogène ou de le décomposer par le potas- sium (V. p. 675). Procédé. Pour opérer sûrement on doit soumettre à la distil- lation les matières suspectes, et chercher l'acide cyanhydrique, par l'azotate d'argent, soit dans le liquide distillé, soit dans la matière qui reste dans la cornue. On commence par constater à l'aide du papier de tournesol, jusqu'à quel point la masse suspecte est acide, puis on la délaie dans de l'eau distillée, si elle est trop épaisse ; on la chauffe ensuite au bain-marie dans une grande cornue à laquelle on a préalablement adapté un tube de sûreté à deux branches, dont l'une, horizontale, communiquera avec la cornue, et dont l'autre droite et longue au moins d'un mètre, viendra se rendre dans un tube éprouvette à-peu-près de la même longueur, rempli jusqu'aux deux tiers d'une dissolution d'azotate d'argent ; celle-ci ne tardera pas à se troubler et à don- ner un précipité blanc caillebotté. On suspendra l'opération une heure après que l'eau du bain sera entrée en ébullition. On lais- sera déposer le précipité formé dans le tube éprouvette, et, après — 684 — avoir décanté le liquide, on le traitera par l'acide azotique pur et froid qui dissoudra le carbonate d'argent qu'il pourrait contenir ; le cyanure d'argent restant sera lavé, desséché, à la température de 100° c. et pesé ; on le reconnaîtra aux caractères qui lui sont propres, et notamment à la propriété qu'il a de fournir du cyano- gène quand on le décompose par le feu (P. p. 675). En admettant que l'on ait obtenu du cyanure d'argent, on ne sera pas autorisé à conclure que la matière suspecte renfermait de l'acide cyanhydrique libre ; car il pourrait se faire qu'elle contînt du cyanhydrate d'ammoniaque, ou bien un ou plusieurs cyanures solubles qui auraient fourni de l'acide cyanhydrique par l'action que les acides contenus dans cette matière auraient exercée sur ces cyanures; toutefois, on sera grandement porté à croire qu'elle renfermait de l'acide cyanhydrique si elle n'était pas acide ou si elle l'était à peine et qu'avant d'être distillée elle répandît une odeur d'acide cyanhydrique, sans mélange d'odeur ammoniacale. Qu'à la suite de cette opération on ait obtenu ou non du cya- nure d'argent, on filtrera le liquide restant dans la cornue, afin de le séparer des matières solides coagulées ou de celles auxquel- les il pouvait être mêlé avant d'être chauffé ; s'il était trop épais pour pouvoir être filtré, on ajouterait une certaine quantité d'eau distillée. On précipitera la liqueur filtrée par un excès d'azotate d'argent dissous ; le précipité, suffisamment lavé, sera traité par l'acide azotique pur et froid qui dissoudra le carbonate et le phos- phate d'argent qui auraient pu se former si la liqueur contenait des carbonates ou des phosphates solubles, et qui n'attaquera pas le cyanure et le chlorure d'argent qui auraient pu se produire (1). Après avoir décanté l'acide azotique, on lavera le précipité et l'on déterminera s'il .contient du cyanure d'argent ; pour cela, on le desséchera et on en chauffera quelques centigrammes dans un petit tube de verre afin d'en obtenir du cyanogène et de pouvoir affirmer qu'il est réellement formé de cyanure d'argent, ou bien (i) Si on voulait séparer le chlorure d'argent, on ferait bouillir en vases clos le mélange de cyanure et de chlorure avec de l'acide azotique pur et concentré; le chlorure resterait indissous, tandis que le cyanure serait décomposé et fournirait de l'acide cyanhydrique, lequel étant reçu dans un solutum d'azotate d'argent don- nerait de nouveau du cyanure d'argent pur, facile à reconnaître {voy. p. 683). — 685 — on le décomposera par le potassium (V. p. 675). On se trompe- rait étrangement, comme je l'ai déjà dit, si l'on croyait pou- voir établir que ce précipité renferme du cyanure d'argent, par cela seul qu'en le décomposant par l'acide azotique en vases clos on aurait obtenu de l'acide cyanhydrique susceptible de transformer en cyanure d'argent l'azotate de ce métal à travers lequel on le ferait passer, car nous savons par ce qui a été dit à la page 683, que le précipite résultant de l'action des matières organiques non additionnées d'acide cyanhydrique sur l'a- zotate d'argent, fournit de l'acide cyanhydrique quand on le chauffe avec de l'acide azotique. Supposons que l'on soit parvenu à démontrer dans le précipité dont je parle la présence du cyanure d'argent, faudra-t-il con- clure pour cela que le liquide contenu dans la cornue et déjà soumis pendant une heure à l'action delà chaleur, renfermait de l'acide cyanhydrique? Non certes, car il se serait comporté de même avec l'azotate d'argent, s'il n'eût tenu en dissolution que du cyanure de potassium, du cyanure de mercure ou tout autre cya- nure soluble. L'expert devrait donc se borner à dire, dans l'es- pèce, que le liquide de la cornue renferme un composé de cya- nogène. Si les matières vomies et celles qui ont été trouvées dans le canal digestif n'ont point fourni d'acide cyanhydrique, on cou- pera en petits morceaux Xestomac et les intestins et on les laissera pendant une heure ou deux en contact avec l'eau distil- lée en les agitant dans un flacon bouché, puis on introduira le tout dans une grande cornue et on procédera à la distillation au bain-marie; le liquide distillé, ainsi que celui qui restera dans la cornue, seront examinés comme il a été dit à la p. 683. On agirait de même sur le foie si toutes ces recherches avaient été infructueuses. On ne devra jamais négliger, avant de chauffer ou de décom- poser les matières suspectes par l'azotate d'argent, de les flai- rer attentivement, pour savoir si elles n'exhalent point l'odeur d'acide cyanhydrique. Ce caractère, l'un des plus im- portuns, s'il a été parfaitement constaté, peut à lui seul aplanir bien des difficultés quand il s'agira de déterminer s'il existe ou — 686 — non de l'acide cyanhydrique libre dans ces matières ; non pas que je prétende qu'il suffise pour affirmer qu'elles en renfer- ment réellement; une pareille conclusion ne doit être formu- lée qu'autant que l'on a obtenu de l'acide cyanhydrique ; mais on sera porté à établir des soupçons plus ou moins fondés sur son existence, d'après cette odeur, et alors même que l'analyse chimique n'aura fourni que des résultats négatifs surtout si les symptômes éprouvés par les malades, et les lésions cadavériques sont de nature à fortifier ces soupçons. Les expériences faites par M. Lassaigne me font un devoir de procéder ainsi ; après avoir empoisonné plusieurs animaux avec de l'acide cyanhydri- que, cet expérimentateur a trouvé une partie de cet acide dans les viscères où il l'avait introduit; jamais il n'a pu en déceler dans le cerveau, dans le cervelet, dans la moelle épinièreni dans le cœur des animaux qu'il avait empoisonnés, et pourtant tous ces vis- cères exhalaient l'odeur de l'acide cyanhydrique. Cela prouve, comme je l'ai déjà dit, que l'impression produite sur l'or- gane de l'odorat par cet acide, peut être considérée comme un moyen plus sensible qu'aucun des réactifs précédemment men- tionnés, pour faire soupçonner la présence de ce toxique dans nos organes. Lorsqu'on opère sur des matières déjà pourries, il peut arri- ver , si la proportion de la préparation cyanhydrique qu'elles renfermaient était très faible, que cet acide ait été entièrement volatilisé ou décomposé et qu'on n'en découvre plus. Mais il peut se faire qu'il n'en soit pas ainsi, surtout lorsque la quantité d'a- cide mêlé à ces matières était assez considérable ; dans ce cas, on l'obtient comme il vient d'être dit, soit à l'état d'acide cyan- hydrique, soit à l'état decyanhydrate d'ammoniaque. Ici on devra se rappeler que l'on s'exposerait à commettre des erreurs graves, si, au lieu de suivre rigoureusement la marche que j'ai tracée, l'on se bornait à constater que les liquides distillés colorent et précipitent les sels de fer en bleu, l'azotate d'argent en blanc, et les sels de cuivre en blanc laiteux, sans s'inquiéter de la nature de ces précipités, parce qu'il est arrivé que des matières orga- niques pourries, non additionnées d'acide cyanhydrique, se sont comportées de même (V. p. 682). — 687 — Symptômes de l'empoisonnement déterminé par l'acide * cyanhydrique. On peut rapporter à trois périodes les symptômes éprouvés par l'homme et par les chiens à qui on a fait prendre des doses d'acide cyanhydrique qui ne les tuent qu'au bout de dix, douze, quinze ou vingt minutes. Dans la première, de peu de durée, ils ont des vertiges, leur tête semble lourde et leur démarche est chancelante ; la respiration est difficile et les battemens du cœur plus forls. A l'instant même commence la seconde période, pen- dant laquelle il y a des convulsions atroces avec renversement de la têle en arrière, raideur de tous les membres et une insen- sibilité générale. A cet état, qui dure une ou plusieurs minutes, succèdent les symptômes de la troisième période, qui consistent dans un coma grave, avec relâchement de tous les muscles et une grande insensibilité; on dirait l'animal mort, si on ne le voyait respirer, et si l'on ne sentait pas les battemens du cœur. Celle période, beaucoup plus longue que les deux autres, se termine par la mort, si les animaux ne sont pas convenablement secou- rus ; quelquefois elle est interrompue par de nouveaux accès té- taniques de peu de durée. Voici comment Coullon a décrit les effets de l'acide cyanhydrique sur les carnivores et les rongeurs (Recherches et considérations médicales sur l'acide cyan- hydrique, Paris, 1819). « Lorsque l'acide cyanhydrique médi- cinal tue promptement ces animaux, leur chute suit au même instant l'introduction du poison dans l'estomac : aussitôt ils por- tent la tête sur le dos et sont saisis d'une raideur tétanique géné- rale ; la circulation et la respiration sont troublées ; les inspira- tions se font promptement et avec bruit, tandis que sur la fin les expirations sont plus longuement filées ; enfin la mort, toujours annoncée par l'immobilité des paupières, survient en peu d'in- stans, et après le relâchement qu'elle détermine immédiatement, le froid et la raideur saisissent les cadavres avec d'autunt plus de célérité que la vie a cessé plus promptement. Lorsque l'acide cyanhydrique agit plus lentement, on n'aper- çoit aucun changement dans la première, la seconde, et quelque- fois la troisième minute après lMntroduclion du poison ; mais — 688 — après, les animaux ouvrent la bouche et sont essoufflés ; la respi- ration devient active, bruyante et de plus en plus difficile; les mouvemens du cœur sont tumultueux; la salive s'échappe de la bouche; ils chancellent, etlous, excepté les plantigrades, fléchis- sent d'abord les membres pelviens, et tombent saisis de fortes convulsions et toujours d'opisthotonos très marqué. Quelques-uns poussent des cris d'autant plus forts, que la dose d'acide a été plus considérable; les yeux sont étincelans et proéminens, sur- tout chez les rongeurs; le tétanos qui survient rend le thorax immobile et suspend la respiration souvent pendant quelques minutes ; ensuite elle se rétablit, et les individus tombent dans un relâchement complet; quelquefois ils reprennent leurs forces et même se relèvent pour vomir, ce qui les soulage beaucoup ; mais l'agitation convulsive recommence dans les membres tho- raciques, et épargne les pelviens, qui presque toujours sont moins agités ; l'opisthotonos se renouvelle ou naturellement ou parnne impulsion donnée, et alterne quelquefois avec l'empro- sthotonos, ou bien il est long-lemps permanent. Tour-à-tour se succèdent une courte rigidité et un relâchement plus prolongé de tous les membres, et dans cette dernière circonstance tous les muscles de ces mêmes membres, ceux de la face, de l'abdomen, et surtout ceux du thorax, tremblent souvent visiblement ; l'u- rine et les matières fécales sont rendues plusieurs fois, et leur sortie est toujours précédée d'un érélhisme général ; le sentiment diminue et s'éteint dans totU le corps, et d'abord dans les mem- bres pelviens, mais moins dans la queue que partout ailleurs ; les yeux sont fixes, tandis que les paupières sont souvent mobi- les; les pupilles se dilatent : cependant quelquefois elles se con- tractent par intervalles. Les yeux perdent peu-à-peu le senti- ment, les paupières se ferment, tous les sens s'abolissent; la langue est pendante, les angles de la bouche sont de travers, le ventre est agité et rentré en dedans; la respiration, qui aupara- vant n'avait cessé d'être pénible, devient quelquefois slerloreuse, se suspend même pendant une minute, puis revient, mais pour peu de temps, et la vie cesse ordinairement dans l'espace d'une à quelques heures, mais rarement après vingt-quatre. Les batte- mens du cœur, proportionnément plus rares et plus faibles que - 689 — les mouvemens respiratoires, cessent peu après la respiration, et dès-lors les muscles, surtout ceux du thorax, éprouvent pen- dant quelques minutes un frémissement très appréciable au loucher. Indépendamment de ces effets on remarque: 1° des convulsions dans les animaux à sang chaud diurnes, les crustacés et les in- sectes aériens, tandis que les mammifères nocturries, les oiseaux de nuit, les animaux à sang froid et les insectes aquatiques n'en éprouvent point; 2° le vomissement, chez les bimanes, les carni- vores, les oiseaux rapaces, passereaux, gallinacés, phénomène que l'on n'observe presque jamais dans les rongeurs, et jamais dans les chevaux, les plantigrades, les reptiles batraciens, sau- riens , ophidiens , les insectes, et les zoophytes ; 3° la perte du mouvement et de la sensibilité des membres thoraciques avant celle des membres abdominaux, dans les taupes, les lézards, les écrevisses, les insectes, ce qui a lieu dans un ordre inverse pour les autres animaux; 4° des déjections abondantes dans les car- nassiers; 5° la salivation chez ces mêmes animaux, et quelquefois chez l'homme ; 6° une sécrétion particulière aux gastéropodes, aux vers à sang rouge, etc. L'invasion de ces divers symptômes est soudaine et la marche de la maladie très rapide » (1). (1) En 1830, on prescrivit à sept épileptiques du sirop cyanhydrique. Ce sirop, qui, d'après tes intentions du médecin , devait contenir, conformément à la for- mule de M. Magendie, 1/130 d'acide cyanhydrique, avait élé préparé à la phar- macie centrale avec 9 pariiesde sirop de sucre el 1 partie d'acide médicinal, d'a- près la formule de l'ancien Codex. Chaque malade, ayant pris 11 grammes50 cen- tigrammes de ce sirop, se trouva avoir avalé 1 gramme 15 centigiammes d'acide médicinal, dose exorbitante et que l'homme le plus robuste ne saurait supporter sans périr presque immédiatement. Evidemment la formule du Codex était mons- trueuse, et l'on devait se hâter de la remplacer par ceile qui était généralement employée par les praticiens de Paris, et daus laquelle l'acide cyanhydrique n'entre que pour 1/130. Aujourd'hui que la substitution dont je parle a eu lieu, on ne verra plusse renouveler d'aussi affligeantes méprises. Sept minutes après l'ingestion du sirop, tous les malades étaient étendus sur leur lit sans connaissance; ils avaient tous éprouvé des convulsions. La respiration était bruyante et agitée, la bouche écumeuse, le corps couvert de sueur, et le pouls fréquent. Fientôt à l'excitation générale succède un affaissement dont la marche graduelle, quoique rapide, ne s'arrêta qu'à la mort. Les mouvemens respiratohes diminuèrent de fréquence et d'étendue; le pouls se ralenti* et s'affaiblit à chaque minute el d'une manière in- quiétante; la sueur et les extrémités devinrent froides, et la mort survint. Chez quelques ma'ades, lafare et les tégumens du ciàne avaient élé fortement injectés, chez, d'autres elle avait été très pale; la pupille était en général médiqcrement di- — 6!>0 Lésions de tissu produites par l'acide cyanhydrique. L'acide cyanhydrique ne détermine point l'inflammation des tissus sur lesquels il a élé appliqué, lorsqu'il tue promptement. Si quelques médecins ont émis une opinion contraire, c'est que l'acide qui faisait le sujet de leurs observations avait agi sur les organes en même temps que des substances irritantes. Les vais- seaux dont l'ensemble constitue le système sanguin veineux sont gorgés de sang noir, huileux, épais. La contractilité des muscles volontaires d'abord, puis celle du cœur et des intestins, est anéan- tie immédiatement ou peu de temps après la mort. Plusieurs parties du corps, et surtout le cerveau, la moelle épinière, le sang et le cœur, exhalent quelquefois une odeur d'amandes amè- res. Si l'acide cyanhydrique ne tue les animaux qu'au bout de quelques minutes, d'une demi-heure, etc., on peut observer les lé- sions qui ont été décrites au bas de cette page, en parlant de l'em- latée. Il ne paraît pas qu'il y ait eu de vomissemens; l'un des malades a seulement fait de violens efforts pour vomir à une époque peu éloignée du moment de la mort. On voulut faire prendre à ces malheureux des bains de pied très chauds ; la plu- part expirèrent avant l'emploi de ce moyen; celui d'entre eux qui vécu! le plus long-temps ayant laissé mettre ses pieds dans l'eau chaude, fut pris quelque temps après et tout-à-coup de convulsions générales très violentes, sous l'influence des- quelles il s'élança hors de l'eau par un mouvement extrêmement brusque. Il sentit manifestement l'impression de l'eau; car, pendant le moment qui précéda ces con- vulsions, sa figure exprima de vives douleurs et la respiration devint plus accélérée. La face, les conjonctives et toute la tète s'injectèrent au plus haut degré. La veine fut largement ouverte; il s'en écoula un sang noir et très liquide dont le jet cessa au moment de l'affaiblissement des parois de la veine distendue par l'effet de la liga- ture. On s'efforçait de le faire couler à l'aide de frictions exercées de bas en haui et d'ablutions avec de l'eau chaude, lorsqu'on s'aperçut quele malade n'existait plus. Le premier malade est mort après quinze ou vingt minutes : le septième a vécu trois quarts d'heure (Note communiquée à M. Adelon par l'élève de garde). Les cadavres furent ouverts par MM. Adelon, Marcel Marjolin, et l'on trouva avec des degrés différais d'intensité : Une inflammation manifeste de la membrane muqueuse de l'estomac et de l'in- testin grêle, avec un développement remarquable des cryptes muqueux de celte membrane, une injection légère du tissu cellulaire suus-péritonéal de ce même es- tomac et de l'intestin grêle, la rate ramollie et souvent ramenée à un tissu pultacé, les veines du foie, remplies d'une assez grande quantité de sang noir et fluide; les veines d'une couleur violette foncée, un peu ramollies, gorgées de sang et laissant détacher avec facilité la membrane extérieure qui les recouvie ; le cœur, d'un tissu assez ferme, lout-à-fait vile de sang, ainsi que les grosses artères; les grosses vei- — 691 — poisonnemenl des sept épileptiques;en outre les organesmuscu- leux sont long-temps irritables, notamment le cœur, et dans celui-ci presque toujours l'oreillette et le ventricule droits ; les intestins sont long-temps agités par leur mouvement péristal- tique ; mais la propriété qu'ont les nerfs de propager les irrita- tions est promptement abolie; le système sanguin veineux est gorgé de sang très noir et très fluide ; le système artériel est vide; parfois cependant l'aorte contient un peu de sang noir; presque toujours il y a de la sérosité ; tous les autres organes sont dans l'état naturel. S'il est vrai que dans beaucoup de cas les cadavres se conser- vent long-temps sans se pourrir, il n'en est pas moins certain que le contraire peut avoir lieu ; ainsi dans les deux observations rapportées par Mertzdorf (Journal complémentaire des scien- ces médicales, tome xvn, p. 265), la putréfaction était déjà très avancée vingt-neuf heures après la mort. Chez celui des deux individus qui s'était empoisonné au mois de février, la dé- composition putride était même beaucoup plus avancée que chez le second, qui succomba au mois de juillet. Je ne saurais passer sous silence une observation erronée de MM. Rey et Gouvert, experts dans l'affaire de Chambéry dont je parlerai bientôt. D'après ces messieurs, le malade, dont l'état a été décrit par Hufeland (V. p. 732), et qui avait réellement été empoisonné par l'acide cyanhydrique, avait offert les mêmes lé- sions cérébrales que celui de Pralet qui, comme je l'ai prouvé, dans deux consultations médico-légales {V. page 695), était mort apoplectique. Rien n'est plus faux, et rien ne se res- semble moins que les lésions constatées chez ces deux indi- nes, au contraire, pleines d'un sang noir très liquide; le sang partout fluide et n'offrant nulle part la moindre trace de caillot ; la membrane muqueuse du larynx, de la trachée-artère et des bronches d'un rouge foncé qui ne s'efface pas par le lavage, et les bronches remplies jusqu'à leur profondeur d'un liquide spumeux sanguinolent ; les membranes du cerveau injectées; les sinus de la dure-mère gor- gés d'une assez grande quantité de sang noir et fluide ; le tissu .du cerveau un peu plus mou que dans l'état naturel, et, du reste, paraissant sain, ainsi que la moelle de l'épine; la membrane muqueuse de la vessie était blanche, ainsi que celle du pharynx et de l'œ-ophage. Nulle partie n'exhalait l'odeur d'amandes amèies et n'offrait des signes de putréfaction, et dans tous les cadavres existait une raideur cadavérique prononcée. - 69k2 - vidus. Chez le malade de Hufeland, on voit tous les carac- tères de ces congestions sanguines intenses, avec exsudation sanguine plus ou moins abondante, qu'on observe habituellement après la mort des individus qui succombent rapidement à la suite de symptômes tétaniques; je les ai vues un bon nombre de fois sur les animaux, comme chez l'homme, après l'empoisonnement par les strychnos; on les voit aussi à la suite des congestions ra- chidiennes avec hématorachie. Chez Pralet, l'altération a con- sisté en une apoplexie proprement dite, c'est à-dire en une hé- morrhagie avec irruption du sang dans les ventricules et sous la tente du cervelet, et déchirure de la substance cérébrale ; on verra qu'il existait à la base des ventricules un caillot de sang gros comme un œuf. Action de l'acide cyanhydrique sur l'économie animale, 1° L'acide cyanhydrique de M. Gay-Lussac est le plus actif de tous les poisons connus; celui de Scheele (acide médicinal),qui contient beaucoup d'eau, n'agit avec autant d'intensité que le pré cèdent que lorsqu'il est employé à une dose beaucoup plus forte : du reste, à cetie différence près, leur mode d'action est iden- tique; 2° les effets de l'acide cyanhydrique sont moins marqués quand il a été dissous dans l'eau que dans le cas où il a été dis- sous dans l'alcool, et surtout dans l'éther; 3° il perd, en grande partie, ses propriétés vénéneuses par son exposition prolongée à l'air, la vapeur d'acide cyanhydrique qui se dégage alors tendant sans cesse à ramener le liquide à l'état aqueux ; 4° il jouit encore d'une assez grande énergie quand il a été transformé en partie en une substance charbonneuse par son séjour dans des vais- seaux fermés, à moins qu'il ne se soit écoulé assez de temps pour que sa décomposition ait élé complète; 5° il est nuisible aux diffé- rentes classes d'animaux, plus à ceux qui ont le sang chaud qu'aux autres : parmi les insectes ceux qui ont un point de con- tact avec les animaux à sang froid, comme les aquatiques, péris- sent plus lentement que les aériens, qui se rapprochent davan- tage des animaux à sang chaud; mais, dans ces derniers, les par- ties cessent de se mouvoir dans un ordre inverse à celui qui a lieu pour les animaux à sang chaud; 6° son action est d'autant plus intense, tout étant égal d'ailleurs, qu'il est employé en plus — 693 — grande quantité, qu'il reste plus long-temps en contact avec les organes, que les individus sont plus jeunes, la sensibilité plus exquise, la circulation plus active, et que les organes de la res- piration ont plus d'étendue; 7° il exerce son aclion délétère, quel que soit le tissu sur lequel il ait été appliqué, les nerfs, la dure-mère et tous les organes blancs exceptés; 8° cependant il est des animaux, tels que les chiens et les lapins, dont la peau est tellement dure, qu'il serait impossible de détermi- ner l'empoisonnement chez eux en appliquant cet acide sur le système cutané; 9° l'intensité de son action varie suivant la partie avec laquelle il a élé mis en contact ; ainsi il est très vénéneux lorsqu'il est introduit dans le système artériel; il l'est moins quand il est injecté dans le système veineux, la trachée-artère, les poumons; moins encore s'il est introduit dans les cavités séreuses; son action est moins énergique lorsqu'on l'administre à l'intérieur sous forme de boisson ou de lavement ; enfin il agit encore plus faiblement quand on l'applique sur des blessures, et la mort ar- rive plus tôt dans le cas où la blessure a été faite aux membres antérieurs; 10°ses effets sont moins intenses lorsqu'il est appli- qué sur une partie qui ne communique plus avec le cerveau ou avec la moelle épinière ; 11° il est absorbé, porté dans le torrent de la circulation pour agir d'abord sur le cerveau, et ensuite sur les poumons, sur les organes du sentiment et sur les muscles des mouvemens volontaires, dont il détruit l'irritabilité ; 12° il anéan- tit également la contractililé du cœur et des intestins ; 13° Il pa- raît agir sur l'homme comme sur les chiens (Résultais des travaux de MM. Schrader, Itiner, Robert, Gazan, Callies,et surtout d'Emmert et de Coullon). Questions médico-légales relatives à l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique. Peut-on, par cela'seul que l'on a constaté ta présence de l'acide cyanhydrique dans les matières vomies ou dans celles qui ont été extraites d'un cadavre ou dans les organes de celui-ci, affirmer qu'il y a eu empoisonnement par cet , acide ! Je ne balance pas à répondre par la négative; en effet, il n'esi pas sans exemple que l'on ait trouvé de l'acide cyanhy- — 69-4 — drique dans le corps de l'homme sain ou malade, et il n'est pas impossible qu'il s'en développe pendant une expertise médico- légale, sous l'influence de certains agens. D'un autre côté, il n'est pas démontré que cet acide ne se produise point à mesure que les cadavres se pourrissent. Enfin, ici comme pour tous les au- tres poisons, l'acide cyanhydrique pourrait avoir été introduit dans le canal digestif après la mort d'individus qui auraient suc- combé à des affections autres que l'empoisonnement. Il n'est pas sans exemple que l'on ait trouvé de l'acide cyanhydrique dans le corps de l'homme sain ou malade, etc. On sait que chez certains individus la sueur, surtout celle des aisselles et des parties génitales, exhale une odeur marquée d'a- cide cyanhydrique. On a trouvé cet acide dans l'urine d'hydropi- ques et dans le liquide extrait de leur abdomen, après une ponc- tion faite à celui-ci (Brugnalelli et Goldefy-Dorhs). Tiedemann et Gmelin ont constaté la présence du sulfo-cyanure de potassium dans la salive de deux individus, dont un ne fumait pas. Trevira- nus avait déjà entrevu ce sel dans un cas analogue (Journal de chim. méd., année 1838). // n'est pas impossible qu'il s'en développé pendant une expertise médico-légale sous l'influence de certains agens. Pour former de l'acide cyanhydrique il ne faut que de l'hydrogène du carbone et de l'azote ; est-il donc étonnant que l'on donne naissance à cet acide lorsqu'on traite certaines matières organi- ques azotées, soit par la chaleur, soit par l'acide azotique, etc.; les alcalis concentrés ne passent-ils pas à l'état de cyanure, lors- qu'on les chauffe à une température convenable avec des substan- ces azotées? Cela étant, quoi de plus simple que de concevoir aussi la possibilité, dans certaines conditions maladives, d'une formation en quelque sorte spontanée d'acide cyanhydrique ; pourquoi n'en serait-il pas ainsi, lorsque nous voyons du sucre se produire dans le diabètes sucré, les oxydes cystique et xan- thique, matières organiques qui n'existent pas dans l'économie animale à l'état normal, venir former dans les reins des cal- culs urinaires? 77 n'est point démontré que l'acide cyanhydrique ne soit pasundes produits de la putréfaction. Personne n'oserait affir- - 695 — mer actuellement qu'il ne se forme jamais d'acide cyanhydrique, pendant que les cadavres se pourrissent dans l'air, dans la terre, dans le fumier, dans l'eau ou dans les fosses d'aisances. La chi- mie est loin d'avoir dit son dernier mot sur ce point, el pourquoi ne pas admettre, au contraire, qu'il est plus que probable qu'il y a production de cet acide dans quelques-unes des décompositions putrides que j'ai signalées, sinon à toutes les époques de l'altéra- tion des matières animales, du moins à quelques-unes d'entre elles? Dans le doute et jusqu'à ce que l'expérience ait prononcé, il est mille fois préférable d'adopter la proposition ci-dessus énoncée que de la repousser. Mais, dira-t-on, si vous admettez que l'on puisse retirer de l'acide cyanhydrique de cadavres d'individus qui n'en avaient point pris pendant la vie, vous ne pourrez jamais affirmer, dans une expertise médico-légale, qu'il y ait eu empoisonnement par cet acide ; lorsque vous aurez extrait des matières suspectes une quantité plus ou moins notable de ce toxique, la défense ne man- quera pas de vous dire qu'il existait naturellement dans le corps de l'individu ou qu'il s'est formé pendant les opérations qu'a né- cessitées l'expertise, ou bien qu'il s'est développé pendant la pu- tréfaction du cadavre, si celui-ci était pourri. Celte objection n'a rien de sérieux pour ceux qui savent, qu'en matière d'empoisonne- ment il faut tenir compte non-seulement des résultats de l'analyse chimique, mais bien encore des symptômes et des altérations de tissu; ainsi, lorsqu'un individu aura éprouvé les accidens si ca- ractéristiques de l'intoxication que détermine l'acide cyanhydri- que, et qu'après l'ouverture du cadavre on aura constaté des lésions semblables à celles que détermine ce poison, à coup sûr l'acide cyanhydrique décelé et bien caractérisépùr le chimiste ne pourra pas être uniquement considéré comme un produit qui se serait développé dans l'économie animale ou qui se serait formé par l'acte de la putréfaction. // ne serait pas impossible que l'acide cyanhydrique eût été introduit dans le canal digestif après la mort (V. p. 34). Affaire Pralet devant le sénat de Chambéry. Le sieur Pralet, ancien procureur de la ville de Chambéry, âgé de 64 an-, — 696 — doué d'une forte constitution, avait eu, en 1819, une attaque d'apo- plexie qui avait laissé quelques traces. Le mercredi, 13 janvier 1841, vers huit heures et demie du soir, à la fin d'un repas léger, il se trouve mal, perd connaissance, et meurt à deux heures de la nuit, six heures environ après l'invasion de la maladie. Le corps est enseveli le 16 janvier et exhumé le 20 du même mois. Les docteurs Gouvert et Rey procèdent aussitôt à l'ouverture du cadavre. Le lendemain, ces médecins, réunis à MM. Sou- jeon, Domenget et Bebert se livrent à l'examen chimique d'un certain nombre d'organes de ce cadavre; de son côté, M Calloud, pharmacien à Chambéry, entreprend le 23 des recherches qui doivent avoir pour but de déterminer quelle a pu être la cause de la mort. Tous les avis sont una- nimes pour déclarer que le sieur Pralet à succombé à un empoisonnement par l'acide cyanhydrique, et le sieur Héritier, neveu du défunt, est accusé d'avoir commis ce crime. Ce prévenu demande mon avis. Première consultation. Je m'attachai à démontrer : 1 ° que le sieur Pralet n'était pas mort empoisonné par l'acide cyanhydrique ; 2° qu'il avait suc- combé à une attaque d'apoplexie. Faits scientifiques de la cause. — Symptômes et lésio7is anatomiques. Le 13 janvier dernier, le sieur Pralet avait été bien portant et gai comme à l'ordinaire ; il avait dîné avec du salé, du bouilli, des pommes de terre au gratin, et du fromage. A huit heures du soir, il mange un petit morceau de pain avec du fromage et boit trois ou quatre verres de vin blanc. A peine a-t-il bu le dernier verre de vin, étant debout à l'angle de la cheminée, qu'il chancelle, se trouve mal, et perd connaissance : sa langue paraît s'é- paissir; on l'asseoit sur une chaise, on le frotte avec du vinaigre, on appli- que des linges chauds à la région épigastrique ; on lui fait sentir de l'éther, et on lui administre une ou deux cuillerées d'élixir de la Grande-Char- treuse. Immédiatement après il vomit; on donne une autre cuillerée d'é- lixir, et il vomit une grande quantité de matières acides et vineuses. Le malade reprend alors connaissance, et paraît soulagé. Il dit qu'il n'éprouve aucune douleur ; pourtant ses traits sont abattus, la face est pâle, la langue et la bouche sont légèrement déviées à gauche et enduites d'un peu de bave. Il était alors dix heures. On ordonne une infusion de mélisse^qui est vomie, et l'on prescrit un lavement d'eau tiède salée, qui n'est pas gardé ; on fait prendre une infusion de thé, qui est également vomie, et on applique des sinapismes. A minuit la face est livide et les traits profondément altérés : il y a de nouveau perte de connaissance et insensibilité ; on peut pincer for- tement le bras droit sans que le malade s'en aperçoive ; la bouche est en- core plus déviée à gauche et écumeuse ; raideur tétanique du bras gauche. On ouvre largement la veine médiane céphalique droite, et l'on recueille lentement environ 400 grammes de sang fluide et noirâtre ; une demi heure après, ce sang était encore fluide ; on tente, mais en vain, de faire avaler au malade une vingtaine de gouttes d'ammoniaque liquide dans une cuil- lerée d'eau. Le pouls, qui, jusqu'à ce moment, était resté grand, régulier, — 697 — et nullement fréquent, s'affaiblit insensiblement, et le malade expire vers deux heures du matin, sans avoir éprouvé de convulsions. A l'ouverture du cadavre, faite sept jours après la mort, par MM. Rey et Gouvert, on constate l'étatsuivant : le corps n'exhale pointd'odeur putride,et il n'est point raide ; la face est décolorée, la bouche est entr'ouverte, les yeux clos el flétris ; les tégumens de la partie inférieure du cou, etsupérieure de la poitrine et des épaules, offrentune couleur grisâtre, ainsi que ceux duscrotum et du pénis, qui sont gonflés, de même que ceux qui couvrent les parties laté- rales et inférieuresde la poitrine. On voit sur les autres parties de la peau des maculations rosacées, différentes des vergetures. Les veines sous-cutanées sont injectées de sang noir ; les ongles sont bleus et les articulations mobiles. Le tissu cellulaire sous-cutané de l'abdomen a plus de 6 centimètres d'épais- seur ; l'épiploon est très gras et très volumineux ; lorsqu'on le soulève, on sent une odeur vive différente de celle que répandent les cadavres en pu- tréfaction, et que l'on ne saurait caractériser. Il n'y a point de météorisme. Les intestins offrent une teinte légèrement rosée. L'estomac est affaissé sur lui-même ; son système veineux superficiel est injecté, surtout du côté du cardia. La rate, noire, a la consistance d'un caillot de sang, facile à déchi- rer, et exhale une odeur que l'on ne peut assimiler à aucune odeur connue. Le foie, moins dense et moins résistant, présente la même odeur; la vésicule du fiel est ample et vide ; les reins et la vessie sont dans l'état naturel ; le péricarde est vide ; le cœur flétri, mou, est vide de sang, et n'a pas la cou- leur rouge qui lui est propre. L'aorte, les carotides, les veines jugulaires et abdominales sont également vides : toutes les parois artérielles sont rosées et injectées. Les poumons, très petits, mous, et nullement crépitans, sont infiltrés de sang noir, et répandent l'odeur dont j'ai déjà parlé. La langue est gonflée; la bouche, le pharynx, l'œsophage et la trachée-artère sont dans l'état naturel, à l'exception de quelques mucosités sanguinolentes dont ils sont enduits, et d'une plus forte injection de leur système veineux. Le cer- veau est fortement injecté à sa surface d'un sang très noir, qui transsude sur tous les points; en soulevant les hémisphères, on aperçoit un caillot dense et noir, du volume d'un gros œuf, qui s'échappe de la partie infé- rieure des ventricules, et exhale l'odeur déjà mentionnée : il existe au- dessous de la tente du cervelet un épanchement de même nature, très abondant. La moelle épinière est saine. On ne peut concevoir, disent MM. Rey et Gouvert, une congestion cérébrale plus prononcée et plus forte. Je n'ai pas besoin de relever l'inexactitude de cette expression, lorsqu'il s'agissait d'une hémorrhagie cérébrale des mieux caractérisées. Le rapport de ces médecins se termine par une conclusion d'autant plus hasardée, qu'ils ne connaissaient pas encore les résultats des analyses chi- miques; je la copie textuellement: « M. Pralet a succombé à une conges- « tion cérébrale, produite elle-même par l'ingestion d'un principe narco- « tique et sédatif, qui a laissé partout des traces non équivoques de son « action et de sa puissance. L'odeur forte, persévérante et abondante qui ni. 45 — 698 — « s'est manifestée au fur et à mesure, tant des ouvertures des cavités que « des diverses solutions de continuité que nous avons été dans le cas de « pratiquer sur ledit cadavre, et que nous ne saurions mieux comparer, « ainsi que tous les assistans, qu'à celle des amandes amères (1), nous « fait croire que le principe vénéneux et sédatif à l'action duquel a suc- « combé le sieur Pralet est Vacide prussique. Tout ce qui a été observé, « sans exception aucune, d'anormal, dans l'autopsie faite, est donné par « les auteurs de médecine légale, et notamment par MM. Orfila et Lassai- « gne, comme des indices ou symptômes non équivoques de l'empoisonne- « ment par l'acide prussique. Nous nous réservons de compléter notre « rapport sur une matière aussi grave, lorsque nous aurons procédé et fait « procéder par les gens de l'art à l'examen chimique des objets contenus « dans le vase scellé par nous ; et si nous ne vous avons point encore parlé « des matières contenues dans l'estomac et les intestins, c'est que nous n'a- « vons point voulu les exposer à l'air avant le moment où l'on procédera à « l'analyse chimique. » Analyste chimique.Si l'on examine les rapports de MM.Bebert etCalloud, on voit qu'ils présentent l'un et l'autre un certain nombre de caractères qui, à la rigueur, pourraient faire soupçonner au premier abord l'existence de l'acide cyanhydrique dans le liquide avec lequel ils avaient opéré, maisqui sont évidemment insuffisanspour établir ce fait. D'un autre côté, on remar- quera des différences sensibles entre les résultats obtenus par ces deux ex- périmentateurs, quoiqu'ils aient agi sur des liquides à-peu-près identiques. Suivant M. Calloud, le liquide distillé offrait une odeur qui avait quel- que chose de celle de l'amande amère. D'après M. Bebert, cette odeur était forte et nauséabonde, analogue à celle des organes avec lesquels on avait préparé le liquide ; à la vérité l'aeide sulfurique développait l'odeur d'acide cyanhydrique. Comment ajouter la moindre importance à ce caractère, dès qu'il est assez peu tranché pour que l'un des chimistes l'ait énoncé timidement, tandis que l'autre ne l'a pas constaté avant d'avoir ajouté de l'acide sulfurique? Il est des corps que l'on peut sans doute caractériser par l'odeur : tels sont l'acide sulfureux, l'ammoniaque, l'éther sulfurique, etc.; mais, pour que le caractère offre de la valeur, il faut qu'il soit très prononcé, et qu'il frappe à l'instant tous ceux qui cherchent à le recon- naître; autrement, il est plutôt susceptible d'induire en erreur que d'é- clairer l'expert. Or, dans l'espèce, il n'en est pas ainsi : le liquide exploré avait une odeur fétide, puisqu'il provenait de la distillation, avec de l'eau de matières déjà putréfiées, et c'est au milieu de cette odeur que l'on veut déceler celle d'une très petite proportion d'acide cyanhydrique ! Cela n'était pas possible : aussi voyons-nous les deux chimistes s'exprimer en termes qui ne doivent inspirer aucune confiance. (I) Dans tout le cours du rapport, il est dit, au contraire, qu'on n'a pas pu d'a- bord apprécier cette odeur. — 699 — Le liquide suspect rougit faiblement le tournesol pour M. Bebert, et il est sensiblement acide pour M. Calloud. Quoi qu'il en soit de cette légère nuance d'expression, j'admettrai l'acidité, et j'avouerai qu'elle a dû d'au- tant plus fixer l'attention des deux experts, que les matières soumises à la distillation, dans l'état de décomposition où elles étaient, auraient dû fournir un liquide alcalin, rétablissant la couleur bleue du tournesol rougi par un acide. Mais cette acidité dépose t-elle en faveur de l'acide cyanhy- drique, et n'existe-t-il aucun autre acide volatil pouvant passer à la dis- tillation, dans les conditions où l'on était placé, qui ait pu la faire naître? Prout et après lui Tiedemarm et Gmelin [Recherches sur la digestion) ont mis hors de doute l'existence de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastrique de plusieurs animaux (Berzelius, Traité de chimie, t. vu, p. 148). Children n'a-t-il pas reconnu dans les matières de l'estomac humain la présence de cet acide libre {Annals of philosophy, juillet 1824) ? On sait d'ailleurs, à n'en pas douter, que, dans certains cas d'indigestion grave, déterminée surtout par les liqueurs alcooliques, cet acide se développe quelquefois dans l'estomac : or, il est volatil et peut bien, en passant dans le récipient, communiquer au produit de la distillation une acidité au moins aussi notable que celle qui a été observée dans l'espèce. Si, dans cet état de la question , je prouve plus bas que l'on n'a pas démontré la pré- sence de l'acide cyanhydrique dans le liquide suspect, il faudra bien ad- mettre que le caractère dont il s'agit ne peut constituer un élément de quelque importance pour éclairer l'expert. M. Bebert dit avoir déterminé la formation d'un précipité rouge brun de cyanure de cuivre, en traitant le liquide suspect avec un quart de goutte de dissolution de potasse caustique, et une petite solution de sulfate de cuivre. J'ai répété trente fois cette expérience avec de l'acide cyanhydrique médi- cinal , de la potasse et du sulfate de cuivre concentrés ou étendus d'eau à divers degrés ; j'ai employé ces corps à des doses très variées, sans avoir jamais fait naître un pareil précipité; une fois, seulement, j'ai vu la li- queur acquérir une teinte rougeâtre, qui a bientôt disparu. Le même chi- miste obtint, avec une légère solution de sulfate de cuivre, de la potasse caustique, et le liquide suspect, un précipité vert pomme, qui devint blanc par l'addition de l'acide chlorhydrique. Cette réaction appartient évidem- ment à l'acide cyanhydrique : il y a plus, elle suppose que cet acide existe en assez grande quantité dans le liquide distillé ; mais la même expérience, répétée par M. Calloud, ne donne plus qu'un trouble bleuâtre, que l'acide chlorhydrique dissout en laissant le liquide à peine opalin. Comment con- cilier ces divers résultats, lorsqu'on agit sur des liquides identiques : serait-ce que M. Bebert aurait opéré sur une proportion de liquide beau- coup plus forte que M. Calloud? On ne sait rien à cet égard, et dès-lors il est prudent de ne pas accorder à ce caractère la valeur qu'il pourrait avoir, sans la dissidence que je signale. L'azotate d'argent a fourni, dans les deux expertises, un léger précipité 45. — 700 — blanc, insoluble dans l'acide azotique, et soluble dans l'ammoniaque. La sensibilité de ce réactif pour l'acide cyanhydrique est telle, qu'à des doses même faibles ce poison le précipite abondamment: or, nous venons de voir, à l'occasion du sulfate de cuivre, que le liquide de M. Bebert de- vait être assez riche en acide cyanhydrique pour fournir, avec l'azotate d'argent, un précipité blanc abondant. Il n'en est pourtant rien. Mais il y a mieux ; la production d'un pareil précipité, fût-il cent fois plus considé- rable, ne prouverait rien dans l'espèce : ce n'est pas en s'assurant qu'il est insoluble dans l'acide azotique, et soluble dans l'ammoniaque, que l'on éta- blit l'existence du cyanure d'argent, puisque le chlorure d'argent se com- porte de même. Que l'on admette, comme je l'ai dit plus haut, que le liquide suspect contenait de l'acide chlorhydrique libre, et l'on obtiendra un pré- cipité semblable à celui qui a été vu dans l'espèce. Il aurait fallu, pour porter la conviction dans l'esprit des magistrats, prouver que le précipité blanc, insoluble dans l'acide azotique froid, se dissolvait dans le même acide bouillant, avec dégagement d'acide cyanhydrique, caractère que ne possède point le chlorure d'argent. Tel qu'il a été décrit, ce précipité ne prouve aucunement qu'il y eût de l'acide cyanhydrique dans la liqueur suspecte ; les auteurs de médecine légale qui ont traité ce sujet sont tous d'accord sur ce point. Le sulfate ferreux et la potasse donnent à M. Bebert un précipité blanc laiteux, à reflet verdâtre, ce que je n'ai jamais pu obtenir en employant l'acide cyanhydrique, et ces réactifs étendus ou concentrés, et à des doses excessivement variées. M. Calloud remarque, au contraire, que le liquide jaunit, qu'il est opalin, et qu'il ne se trouble que quelques heures après; le lendemain, ce liquide était à-la-fois décoloré, un peu opalin et bleuâtre, dé- coloration qu'il est difficile de concilier avec une couleur bleuâtre, et il s'était déposé un précipité vert bleu-grisâtre. Ici les différences sont tellement frappantes, qu'on nesaurait attacher la moindre valeur à un pareil caractère. Le sulfate ferrique et la potasse fournissent à M. Calloud, qui agit sur 48 grammes du liquide suspect, une teinte bleue, et, au bout de trois jours seulement, il se dépose du bleu de Prusse, si l'on chauffe le mélange. M. Be- bert obtient, au contraire, de suite et à froid, avec du bichlorure de fer et de la potasse, un précipité qui n'est pas bleu, mais d'un bleu noirâtre. Je ferai remarquer la différence de ces résultats, sous le rapport de la coloration des précipités et de leur mode de formation; j'ajouterai qu'il aurait fallu traiter ces précipités par quelques gouttes d'acide chlor- hydrique, pour enlever l'excès de sesqui-oxyde de fer, ce qui aurait permis de bien juger la couleur du bleu de Prusse; enfin, je demanderai com- ment il se fait que , dans une affaire de cette gravité, on se soit contenté de colorations aussi peu caractéristiques, au lieu de s'assurer que c'était bien le bleu de Prusse qui constituait les précipités. Dira-t-on que M. Be- bert a reconnu que les deux précipités fournis par le sulfate ferreux et le bichlorure de fer contenaient du bleu de Prusse, parce qu'ils sont devenus - 701 — d'un brun grisâtre, lorsqu'ils ont subi l'action de l'ammoniaque produite par la décomposition putride des matières organiques contenues dans le li- quide suspect? Cette altération de couleur est évidemment insuffisante pour établir un pareil fait. Et c'est d'après l'ensemble de pareils caractères que l'on se prononce affirmativement sur l'existence de l'acide cyanhydrique, dans le liquide distillé!! J'avoue que c'est là une hardiesse dont je ne me sentirais pas capable. En médecine légale, lorsqu'on est obligé de s'en rapporter à de simples réactions, il faut que celles-ci soient nettes, tranchées et sans équi- voque ; il faut encore qu'elles soient toujours les mêmes, quelle que soit la main qui opère. Mais il est un précepte médico-légal dont on ne doit ja- mais s'écarter, et qui a été complètement négligé ici : toutes les fois qu'a- près avoir obtenu des réactions plus ou moins probantes, il est possible de retirer de la matière suspecte un métal ou un corps qui ne laissa aucun doute sur la nature du poison que l'on recherche, il faut absolument extraire ce métal ou ce corps. Se contenterait-on, par exemple, dans un empoison- nement par une préparation arsenicale, de dire que le liquide suspect pré- cipite en blanc ou en blanc grisâtre par l'eau de chaux, en jaune plus ou moins foncé par l'acide sulfhydrique, etc.? Non certes, et l'on exigera, avec raison, que l'on présente l'arsenic. Eh bien , dans l'espèce qui m'oc- cupe, on pouvait, on devait extraire du cyanogène, gaz facile à ca- ractériser; j'ai formellement prescrit de compléter ce caractère, en chauf- fant le cyanure d'argent, afin d'obtenir ce gaz, dont j'ai donné les proprié- tés essentielles à la page 675 de ce volume. Je dis qu'on devait extraire ce gaz dans l'espèce, parce qu'évidemment les réactions obtenues par les divers agens employés étaient plus qu'insuffisantes. Cette omission seule, dans le cas dont il s'agit, annulle, suivant moi, les conclusions des rap- ports de MM. Bebert et Calloud. Et que l'on ne dise pas que, pour donner plus de valeur à ces conclu- sions, MM. les experts, et surtout M. Calloud, ont fait des expériences com- paratives avec les réactifs employés par eux et de l'eau distillée ou de l'eau légèrement cyanhydrique, ou avec le liquide provenant de la distillation de matières organiques avec ou sans addition d'acide cyanhydrique, et qu'ils ont trouvé les réactions de cet acide quand ils en avaient mis, tandis qu'ils ne les ont pas eues lorsqu'il n'y en avait pas! Les résultats de ces expériences seront aisément combattus par les considérations suivantes : 1°si l'on fait agir sur ces réactifs de l'eau cyanhydrique pure, et, par conséquent, privée de matières organiques, on n'obtiendra jamais Y ensemble des réactions dé- crites par MM. Bebert et Calloud, réactions, au reste, qui diffèrent passa- blement entre elles, comme je l'ai démontré; 2° les liquides obtenus par la distillation au bain-marie, après un contact de trente-six heures, d'une certaine quantité d'eau distillée, de six gouttes d'acide cyanhydrique médi « cinal et de matières organiques de cadavres légèrement pcurris, et qui se trouvaient, par conséquent, dans la condition où était celui du sieur Pralet, - 702 — ne m'ont que rarement offert d'odeur cyanhydrique; loin de rougir le tour- nesol, ils étaient alcalins ; l'azotate d'argent donnait un précipité blanc, soluble presque en entier dans l'acide azotique, laissant une liqueur plus ou moins opaline et rosée ; le sulfate ferroso-ferrique, qui est de toutes les préparations de fer celle qui découvre le mieux l'acide cyanhydrique, fournissait, par l'addition de la potasse, un précipité vert bleuâtre, dispa- raissant quelquefois complètement dans l'acide chlorhydrique, en laissant une liqueur jaune, tandis que, dans certains cas, la liqueur restait opaline et verte, et déposait du bleu de Prusse au bout d'un certain temps ; le sul- fate ferreux et la potasse donnaient un précipité vert également soluble dans cet acide, qui, dans certaines circonstances cependant, laissait une liqueur opaline verte, d'où il se précipitait à la longue du bleu de Prusse ; on obtenait, avec le sulfate ferrique et la potasse, un précipité jaune rou- geâtre de sesqui-oxyde de fer; enfin le sulfate cuivrique et la potasse fai- saient naître .un léger précipité bleuâtre, qui, traité par l'acide chlorhydri- que, laissait un liquide rose, tellement peu opalin, que l'on se demandait s'il n'était pas transparent ; sont-ce là des caractères francs et nets de l'acide cyanhydrique? Non certes; il y en avait pourtant; qui oserait affir- mer, à l'aide de ces seuls caractères, que les liquides, dont il s'agit, conte- naient de l'acide cyanhydrique? 3° j'ai préparé plusieurs liquides en dis- tillant au bain-marié, au bain de sable à une douce chaleur, à ce même bain à une chaleur un peu plus forte, des matières organiques au même degré de putréfaction que les précédentes, avec des quantités variables d'eau, mais sans addition d'acide cyanhydrique: ces liquides étaient trans- parens ou légèrement opalins, d'une odeur fétide, et notablement alcalins • l'azotate d'argent ne les troublait pas, ou bien les précipitait en blanc jaunâtre ; le dépôt se dissolvait en grande partie dans l'acide azotique pur, et laissait une liqueur évidemment opaline, comme cela avait eu lieu avec le liquide fétide obtenu en distillant un mélange de matières organiques pourries et d'acide cyanhydrique : le sulfate ferroso-ferrique et la potasse fournissaient un précipité vertbleuâlre*, semblable à celui qu'avait donné la liqueur fétide cyanhydrique;le sulfate ferreux faisait naîtreun précipité vert foncé tirant sur le bleu; à la vérité, ces deux précipités, traités par l'acide chlorhydrique, disparaissaient en laissant des liqueurs jaunes, sans qu'il restât du bleu de Prusse au fond des verres. On ne peut trop insister dans l'intérêtde la vérité, sur l'omission faite par MM. Bebert et Calloud, qui n'ont jamais songé à traiter par l'acide chlorhydrique les précipités obtenus avec les divers sulfates de fer employés par eux, et qui se sont contentés de constater leur coloration pour affirmer qu'ils'étaient formés par du bleu de Prusse, car il ressort de mes expériences que ces colorations sont on ne peut plus trompeuses. En traitant ces liqueurs par quelques gouttes de sul- fate de bi-oxyde de cuivre et de la potasse pure, j'ai constamment obtenu des précipités d'un bleu verdâtre, qui, étant dissous dans l'acide chlor- hydriquo, ont laissé des liquides quelquefois aussi opalins que ceux — 703 — qui ont été produits avec des liqueurs fétides légèrement ct/an/it/drigues. Il résulte incontestablement de ces faits, que les expériences compara ■ tives tentées par M. Calloud ne motivent en aucune façon les conclusions qu'il en a tirées, conclusions, encore une fois, sans valeur réelle. Symptômes et lésions de tissu. Il ne me sera pas difficile de démontrer : 1° que les symptômes observés chez Pralet ne sont pas ceux que détermine l'acide cyanhydrique ; 2° que les lésions constatées après la mort diffèrent essentiellement de celles qui sont le résultat de l'action de cet acide ; 3° que ces symptômes et ces lésions sont évidemment le fait d'une attaque d'apoplexie. Première proposition. Les symptômes observés chez le sieur Pralet ne sont pas ceux que détermine l'acide cyanhydrique. Pour justifier cette as- sertion, j'examinerai tour-à-tour les accidens développés par cet acide chez les animaux et chez l'homme, à une dose qui ne soit pas immédiatement mortelle, et qui permettra, par conséquent, de mieux apprécier ces acci- dens. Lorsqu'on administre à des chiens robustes huit, dix ou douze gouttes d'acide cyanhydrique médicinal, dans 25 ou 30 grammes d'eau, ces animaux ne tardent pas à éprouver des symptômes que l'on peut rapporter à trois périodes : dans la première, de peu de durée, ils ont des vertiges; leur tête semble lourde et leur démarche est chancelante ; bientôt ils tombent sans connaissance ^ à l'instant même commence la seconde période pendant laquelle il y a des convulsions atroces avec renversement de la tête en ar- rière, et raideur de tous les membres : à cet état, qui dure une ou plusieurs minutes, succèdent les symptômes de la troisième période, qui consistent dans un coma grave, avec relâchement de tous les muscles, et une insen- sibilité générale ; on dirait l'animal mort, si on ne le voyait pas respirer, et si l'on ne sentait pas les battemens du cœur. Cette période, beaucoup plus longue que les deux autres, se termine par la mort, si les animaux ne sont pas convenablement secourus; quelquefois elle est interrompue par de nouveaux accès tétaniques de peu de durée. Coullon, qui a fait de nombreuses expériences sur l'action de l'acide cyanhydrique sur les mammifères, confirme ce qui vient d'être dit, et s'ex- prime ainsi : « Les animaux chancellent, et tous, excepté les plantigrades, fléchissent d'abord les membres pelviens, et tombent saisis de fortes con- vulsions, et toujours d'opisthotonos très marqué : le tétanos qui survient rend le thorax immobile, et suspend la respiration souvent pendant quel- ques minutes ; ensuite elle se rétablit, et les individus tombent dans un re- lâchement complet, etc. {Recherches et considérations médicales sur l'acide hydrocyanique, etc.; Paris, 1819). Les effets de cet acide chez l'homme ont la plus grande analogie avec ceux que l'on observe chez les animaux. Il me suffira de rapporter les deux faits suivans : 1°le docteur Bertin, ancien directeur de l'Ecole de médecine de Rennes, avala, le 3 septembre 1824, à sept heures du soir, en deux fois et à quelques secondes d'intervalle, deux cuillerées d'acide cyanhydrique médicinal ; il avait fait un dîner copieux cinq heures auparavant. Quelques — 704 — instans après, il ressentit à la tète une sorte d'ébranlement, et tomba comme un homme frappé d'apoplexie foudroyante ; il perdit subitement la connaissance, Je mouvement et le sentiment ; la face était vultueuse, et comme gonflée, ainsi que le cou ; la pupille était fixe et dilatée ; les mâ- choires étaient fortement contractées et rapprochées; la respiration, diffi- cile, était bruyante et râleuse, le pouls extrêmement petit et les extrémités froides; il s'exhalait de la bouche une odeur d'amandes amères : bientôt après, la tête se renversa en arrière; il y eut des convulsions violentes, pen- dant lesquelles tout le corps se raidit, en même temps que les brasse tor- daient et se contournaient en dehors [Revue médicale, tome i, année 1825). 2° Sept épileptiques périrent à Bicêtre, dans l'espace d'une demi-heure à trois quarts d'heure, pour avoir pris chacun une quantité d'acide cyanhy- drique médicinal dans laquelle il y avait environ 25 ou 28 centigrammes d'acide anhydre. Tous ces individus perdirent connaissance, et éprouvèrent des convulsions tétaniques; les mouvemens convulsifs ayant cessé, la perte de connaissance était complète, la respiration bruyante et agitée, la bouche écumeuse, le pouls fréquent; bientôt, à l'excitation générale succéda un af- faissement dont la marche graduelle, quoique rapide, ne s'arrêta qu'à la mort. Qu'y a-t-il de commun entre ces symptômes, si constamment les mêmes dans l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique, et ceux gu'a éprouvés M. Pralet? Quand a-t-on vu dans cet empoisonnement l'un des bras seule- ment affecté de raideur tétanique, et, par contre, pourquoi, si l'acide cyan- hydrique a été la cause de la mort, n'a-t-on pas remarqué cette période convulsive avec opisthotonos, qui ne manque jamais quand l'empoisonne- ment a duré, je ne dirai pas six heures, comme dans l'espèce, mais dix, quinze ou vingt minutes seulement? Et qu'on ne dise pas qu'il n'y a rien de fixe à cet égard, et que les symptômes peuvent varier suivant l'âge, la constitution, l'état de vacuité ou de plénitude de l'estomac, etc. On ne sau- rait admettre une pareille objection, parce que, dans tous les cas où l'acide dont il s'agit n'a pas tué instantanément, on a noté les accidens que j'ai signalés, surtout les mouvemens convulsifs avec opisthotonos, et qu'il se- rait impossible à ceux qui voudraient soutenir le contraire, de s'étayer, soit des observations recueillies jusqu'à ce jour chez l'homme, soit des ex- périences faites sur les animaux. Dira-ton, par hasard, que le cadavre du sieur Pralet est resté chaud pendant deux jours, qu'il était encore flexible quarante heures après la mort, et que les viscères exhalaient l'odeur d'acide cyanhydrique lorsque l'on procéda à l'autopsie, phénomènes que l'on voudrait faire dépendre de la mort par cet acide ? Mais depuis quand a-t-on vu que la persistance de la chaleur soit un signe de mort par ce poison ; l'a-t-on . remarquée chez le soldat dont Hufeland nous a transmis l'histoire [Bibliothèque médicale tome liv), chez les sept épipleptiques décédés à Bicêtre, chez cet élève en pharmacie dont parle Mertzdorf (voy. Journal complémentaire, t. xvii) la voit-on chez les animaux qui ont succombé à l'action de ce poison ? Non — 705 — certes. Quant à la rigidité cadavérique, on observe tout le contraire de ce qui a été remarqué chez le sieur Pralet : le soldat cité plus haut était étendu raide le soir même de la mort; tous les cadavres des épilepti- ques de Bicêtre offraient une raideur prononcée trente-six heures après la mort (voyez la note de la page 689 de ce volume) ; chez le sujet exa- miné par Mertzdorf, les membres n'étaient que médiocrement mobiles ; en- fin la rigidité cadavérique se manifeste constamment chez les animaux tués par l'acide cyanhydrique, quelquefois même peu d'heures après la mort. Quelle foi peut-on ajouter au caractère tiré de l'odeur d'amandes amères qu'aurait répandue le cadavre du sieur Pralet (point sur lequel on est loin d'être d'accord), lorsque nous voyons MM. Marc, Marjolin et Adelon décla- rer que nulle partie des cadavres des épileptiques de Bicêtre n'exhalait l'odeur d'amandes amères ; qu'il en était de même chez l'élève en pharma- cie dont j'ai parlé, et que nous savons à ne pas en douter, qu'il n'est pas rare de ne pas reconnaître cette odeur dans les organes des animaux em- poisonnés par l'acide cyanhydrique ? On objectera qu'un fait positif a beau- coup plus de valeur que mille faits négatifs, et que la perception de l'odeur d'amandes amères chez le sieur Pralet doit dès-lors être prise en grande considération. Soit : mais je demanderai à mon tour où est ce fait positif, et pourquoi MM. Rey et Gouvert parlent toujours d'une odeur forte, véhé- mente, dont ils ne peuvent pas apprécier l'essence dans le corps du rapport, tout en disant, dans leurs conclusions, que cette odeur est celle des amandes amères? On ne peut tenir aucun compte de pareilles assertions. Deuxième proposition. Les lésions constatées après la mort du sieur Pralet diffèrent essentiellement de celles qui sont le résultat de l'action de f acide cyanhydrique. Je me bornerai à faire ressortir les principales dif- férences entre l'état cadavérique de Pralet et celui des animaux qui suc- combent à l'empoisonnement dont il s'agit, et des sept épileptiques déjà mentionnés. Toujours le système sanguin veineux a été trouvé gorgé de sang très noir et fluide ; dans l'espèce, les veines jugulaires et abdomina- les étaient toutes vides. La membrane muqueuse du larynx, de la trachée- artère et des bronches est ordinairement d'un rouge foncé, qui ne s'efface pas par le lavage, et les bronches sont remplies, jusqu'à leur profondeur, d'un liquide spumeux sanguinolent ; souvent il existe dans quelques par- ties des poumons, des taches noirâtres ou couleur de lie de vin. Rien de semblable n'a été noté chez le sieur Pralet. Dans l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique on trouve les membranes du cerveau injectées, les sinus de la dure-mère gorgés d'une plus ou moins grande quantité de sang noir et fluide ; la base du crâne peut être baignée de sérosité, mais on n'a jamais constaté de traces d'une hémorrhagie cérébrale, pas le moindre caillot de sang. Ici, au contraire, on aperçoit à la partie inférieure des ventricules, sans désigner au juste sur quel point, un caillot dense et noir, du volume d'un gros œuf, et au-dessous de la tente du cervelet, un épan- chement de même nature très abondant. — 706 — On pourra s'étonner, après ce parallèle, de lire dans les conclusions du rapport rédigé par MM. Rey et Gouvert : « que tout ce qui a été observé, « sans exception aucune, d'anormal, dans l'autopsie du sieur Pralet, est « donné par les auteurs de médecine légale, et notamment par MM. Or fila « et Lassaigne, comme des indices ou symptômes non équivoques, de « l'empoisonnement par l'acide prussique. » Je me suis constamment gardé de propager de semblables erreurs. Mais il est encore quelque chose de plus étonnant dans le rapport de ces messieurs. Dans le procès-verbal de nécropsie, du 20 janvier 1841, ces docteurs n'ont émis qu'une opinion dubitative, se réservant de caractériser la substance vénéneuse lorsqu'ils auraient pu joindre aux résultats de l'au- topsie ceux des analyses chimiques ; et pourtant, le lendemain avant.que ces analyses fussent commencées, ils dressent un rapport définitif, dont les conclusions sont que tout leur fait croire que le principe véné- neux et sédatif à l'action duquel a succombé le sieur Pralet est l'acide prussique. Que signifient ces mots, tout nous fait croire ? Est-ce l'odeur qu'exhalait le cadavre? Mais ils s'efforcent d'établir, dans chaque page de leur rapport, qu'ils n'ont pas pu apprécier cette odeur. Est-ce par hasard l'ensemble des symptômes éprouvés par le malade ? Non certes ; car le procès-verbal, contenant l'exposé de ces symptômes, ne leur a été connu que le 18 février 1841, près d'un mois après l'époque où ils ti- raient leurs conclusions. Est-ce seulement d'après les lésions observées qu'ils se seraient prononcées? Mais, indépendamment de ce qu'il y aurait d'exorbitant et de contraire à la raison, d'attribuer une telle importance à des altérations cadavériques, qui peuvent n'être pas toujours les mêmes, et qui dès-lors ne doivent être considérées que comme un élément du juge- ment, n'ai-je pas démontré que les lésions observées étaient plutôt de na- ture à éloigner l'idée d'un empoisonnement par l'acide cyanhydrique qu'à le faire admettre ? Concluons donc, à notre tour, que les altérations cadavériques consta- tées dans l'espèce ne sont pas le fait d'un empoisonnement par l'acide cyan- hydrique; et ajoutons qu'il n'existe pas un seul auteur de médecine lé- gale qui n'ait donné des lésions organiques produites par cet acide une des- cription complètement différente de ce qui a été vu par MM. Rey et Gouvert. Troisième proposition. Les sxjmptômes et les altérations cadavériques observés chez le sieur Pralet sont évidemment le fait d'une attaque d'apo- plexie. Il suffira, pour justifier cette assertion, de passer en revue le petit nombre de symptômes indiqués dans la description incomplète qui nous a été remise de la maladie du sieur Pralet, et d'examiner les altéra- tions cadavériques constatées après sa mort. On sait que l'apoplexie est plus fréquente à l'âge de soixante à soixante-dix ans qu'à toute autre époque de la vie; que les individus qui en ont déjà éprouvé une attaque sont plus exposés à en avoir d'autres ; que l'invasion de cette maladie est, en général, brusque, et que la mort peut arriver eu quelques heures ; que — 707 — si la perte de connaissance ne suppose pas nécessairement une apoplexie, du moins est-il vrai que celle-ci n'a jamais lieu sans qu'elle se soit mani- festée, ou sans que le malade ait éprouvé un trouble quelconque des facultés intellectuelles; que l'épaississement et la paralysie de la langue ont lieu si souvent, qu'il n'est presque pas d'auteur qui n'ait fait mention del'embarras de la parole dans cette maladie ; qu'il n'est pas rare d'observer des vomis- semens , surtout lorsque l'attaque a lieu pendant ou peu de temps après les repas, et, que, dans ce cas, le malade peut recouvrer momentanément l'usage de ses facultés intellectuelles; que cette affection est presque tou- jours exempte de douleurs ; que l'on voit presque autant d'apoplectiques avoir la face pâle que Ton en trouve l'ayant plus colorée que dans l'état ordinaire ; qu'il est commun d'observer la déviation à gauche ou à droite de la langue et de la bouche, qui sont souvent enduites de bave; que le pouls peut être fort, plein, dur, ou petit et très faible, rare ou fréquent; que la raideur convulsive et comme tétanique des membres paralysés est un symptôme constant de l'hémorrhagie des ventricules du cerveau (Ernest Boudet, Mémoire sur l'hémorrhagie des méninges, in-8°, année 1839). Je pourrais, au besoin, citer un bon nombre de faits à l'appui de cette asser- tion, indépendamment de ce qui a été dit par M. Boudet. On sait aussi que les altérations cadavériques constatées dans les orga- nes delà digestion, de la circulation et de la respiration du sieur Pralet n'offrent rien d'incompatible avec ce que l'on observe à la suite des atta- ques d'apoplexie, tandis que le caillot de sang et l'épanchement du même fluide dans les ventricules du cerveau et sous la tente du cervelet constituent l'altération caractéristique d'uneforme aujourd'hui bien connue d'apoplexie. Si, à ces considérations déjà si décisives, j'ajoute quelques-uns des faits consignés dans les dépositions du docteur Borson, le seul médecin qui ait vu le malade pendant l'attaque, ainsi que la déclaration de made- moiselle Fanny Pralet, sœur du défunt, mes convictions n'en seront que plus fortes. « J'interrogeai, dit M. Borson, M. Héritier, pour savoir si son « oncle n'était pas sujet aux hèmorrhoïdes : il me répondit que oui, et qu'eU « les n'avaient pas flué? depuis huit mois. — J'avais soigné plusieurs fois « M. Pralet dans diverses affections; il avait eu, antérieurement à mon «. entrée dans la maison, une attaque d'apoplexie, et j'avais toujours prê- te sumé qu'il succomberait à une affection de cette nature, dont la première « avait déjà laissé chez lui quelques traces. — En me rendant auprès du « malade, dans la nuit du 13 janvier, vers minuit et demi, je dis à M. Hé- « ritier, qui m'accompagnait : Il s'agit ici d'une attaque d'apoplexie qui « probablement emportera votre oncle. — M. Pralet ne voulait jamais boire « que du vin pur ; trois jours avant sa mort, il m'assura qu'il continuait « à boire chaque jour trois bouteilles de vin sans eau. — Je n'ai été frappé « d'aucune odeur particulière à ma première visite ; la matière des vo- te missemens et le sang tiré de la veine n'offraient rien de remarquable « sous ce rapport. » De son côté, mademoiselle Fanny Pralet répond, — 708 — lorsqu'on lui demande quels ont été les premiers symptômes de la maladie de son frère : « Il paraissait chercher sa chaise; je reconnus aussitôt qu'il « avait mal, comme cela lui prenait en beaucoup d'autres occasions, où « il vomissait après avoir mangé. — Mon frère avait une lassitude dans « les jambes depuis long-temps ; il avait un assoupissement qui me faisait « beaucoup de peine; il dormait tous les après-midi, et même très long- « temps. Je le secouais, parce que je craignais toujours une attaque comme « il en avait déjà pris une. Quand il enfilait une maladie, il commençait « toujours par vomir; il avait toujours froid aux pieds. — Il venait rouge « parfois, et je craignais toujours une attaque d'apoplexie. » Il résulte évidemment de l'ensemble de ces données que le sieur Pralet est mort d'une attaque d'apoplexie. Conclusions. 1° Les symptômes observés chez le sieur Pralet ne sont pas ceux que détermine l'acide cyanhydrique ; 2° Les lésions constatées après la mort diffèrent essentiellement de celles qui sont le résultat de l'action de cet acide; 3° Ces symptômes et ces lésions sont évidemment le fait d'une attaque d'apoplexie ; 4° Aucune des analyses tentées par MM. Calloud et Bebert ne prouve que l'on ait retiré de l'acide cyanhydrique ; 5° Alors même qu'il serait établi que cet acide existait dans les organes du sieur Pralet, on ne devrait pas moins affirmer que la mort a été le ré- sultat d'une attaque d'apoplexie, la présence de l'acide pouvant dépendre de ce qu'il s'en serait développé spontanément pendant la vie du malade, de ce qu'il s'en serait produit peut-être à une certaine époque de la putré- faction, on bien enfin de ce que l'on aurait injecté dans le rectum ou dans l'estomac une certaine quantité d'eau légèrement cyanhydrique. D'où il résulte que Pralet n'est pas mort empoisonné. Deuxième consultation. J'ai sous les yeux la réponse faite par les experts de Chambéry à ma première consultation, ainsi que le mémoire rédigé par les professeurs de Gênes , sur l'invitation du sénat de Savoie ; j'ai lu attentivement ces diverses pièces, et je ne saurais assez exprimer le sen- timent pénible que j'ai éprouvé en voyant avec quelle obstination les pre- miers experts persistent à soutenir une opinion entièrement contraire aux vrais principes de la science, et dont l'adoption consacrerait la possibilité d'établir l'existence d'un empoisonnement, je ne dirai pas seulement sans preuves, mais alors qu'il est parfaitement établi que la mort est due à une attaque d'apoplexie. Déjà les experts de Gênes se sont prononcés de la ma- nière la plus explicite, et, comme moi, ils ont dit : Pralet a succombé à une apoplexie; Pralet n'est pas mort empoisonné par l'acide cyanhydrique. Si cette autorité ne suffit pas au sénat de Savoie, je le conjure d'invoquer celle des corps savans les plus renommés de l'Europe, tels que l'Institut de France, l'Académie royale de médecine, la Société royale de Londres, etc.: le cas est assez grave, et les conséquences peuvent être assez terribles, — 709 — pour qu'un tribunal aussi illustre que le sénat cherche à s'entourer des plus grandes lumières. Le résultat de ces consultations n'est point douteux pour moi ; partout on dira : Pralet a succombé à une attaque d'apoplexie Pralet n'est pas mort empoisonné par l'acide cyanhydrique. Ma conviction est tellement profonde à cet égard, que, s'il en était autrement, je renon- cerais à jamais à la culture d'une science que mes efforts ont peut-être contribué à éclairer. Avec une pareille conviction , on doit le sentir, la tâche que je vais remplir, en réfutant la réponse de MM. les experts de Chambéry, sera plutôt douloureuse que difficile : lorsqu'une argumentation repose sur un sable mouvant, le plus léger souffle suffit pour l'anéantir. J'entre en matière, et je suis l'ordre des réponses ; en réfutant celles-ci, ma consultation qui les a motivées, conservera toute sa force. Réponses faites par MM. Soujeon, Domenget et Bebert. « M. Orfila, dit-on, a cherché les élémens de son opposition dans les « dissemblances qui existent entre les résultats de nos opérations analy- « tiques et ceux obtenus par M. Calloud. Mais les expérimentateurs sont « loin d'avoir opéré dans des conditions parfaitement identiques : les li- « quides soumis à l'analyse ne devaient point être de part et d'autre satu- « rés d'une égale quantité de principe acide, ni de principes organiques « volatilisés , par la raison que notre opération a précédé celle de M. Cal- « loud, et que les experts, ayant procédé séparément, n'ont pas retiré de « la distillation un poids égal de produit. Quelques-uns des réactifs dont « on s'est servi, ceux surtout à base de fer, quoique nominativement les « mêmes, n'étaient pas, cependant, sans quelques nuances entre eux ; « eux-mêmes ont été employés à des doses inégales, et les précipités qui « en ont été le résultat ont été décrits sous l'influence d'une lumière dif- « férente,due, soit aux fréquentes variations atmosphériques du mois de « janvier, soit encore à la différence de clarté des laboratoires. » Cette réponse pourra bien éblouir les hommes étrangers à la science, mais nullement ceux qui procèdent à l'examen des faits avec la rigueur qu'on apporte de nos jours en matière aussi délicate. Qu'importe que l'a- nalyse de M. Bebert ait précédé de deux jours celle de M. Calloud, si, comme cela n'est pas douteux, les matières sur lesquelles opérait ce der- nier avaient été conservées en vases clos. A-t-on voulu dire par là que M. Bebert avait dû extraire plus d'acide cyanhydrique, puisqu'il procédait plus tôt à l'analyse. Alors je demanderai pourquoi, au contraire, M. Cal- loud obtient à un degré plus marqué quelques-unes des réactions attribuées à l'acide cyanhydrique : ainsi, pour M. Calloud, le liquide distillé a une odeur qui a quelque chose de celle de l'amande amère ; pour M. Bebert, cette odeur est forte et nauséabonde. Pour M. Calloud, le liquide est sen- siblement acide; pour M. Bebert, il l'est faiblement; pour M. Calloud, le sulfate ferreux et la potasse donnent un précipité qui, le lendemain, est — 710 — vert bleu grisâtre, tandis que, pour M. Bebert, le précipité est blanc lai- teux, à reflet verdâtre. Quant aux réactifs, je demanderai quelles sont donc les différences qu'ils présentaient, et qui établissaient des nuances entre eux ? Le sulfate de bi-oxyde de cuivre, l'azotate d'argent et la potasse, ne se trouvent-ils pas dans les laboratoires sous le même état, et s'il est vrai que les sels fer- reux peuvent présenter quelques différences, en ce que, dans certains cas, ils renferment un peu de sel ferrique, ne sait-on pas que cela ne modifie en rien les réactions de l'acide cyanhydrique, surtout lorsqu'on laisse les mélanges à l'air pendant quelque temps, comme cela eut lieu dans l'es- pèce? Il est vrai que j'ajoute quelque importance à la quantité des réactifs dont on s'est servi : si l'un des experts a employé beaucoup plus de sels de cuivre ou de fer que l'autre, la teinte des liqueurs a dû être différente ; si l'un d'eux a agi avec une trop forte proportion de potasse, les précipités obtenus peuvent n'avoir pas eu les mêmes nuances. Mais, indépendam- ment de ce que je n'admettrai pas que ;des experts commettent une pa- reille maladresse, on ne ferait que donner plus de poids au reproche que j'ai fait, dans ma première consultation, de ne pas avoir cherché à enlever par l'acide chlorhydrique l'excès d'oxyde de fer qui était mélangé avec le prétendu bleu de Prusse. J'ose à peine aborder la partie de la réponse qui a trait à l'influence de la lumière ; c'est comme si l'on disait : La lumière a joué un tel rôle, que nous avons pu établir qu'un précipité était vert, lorsqu'il étaitbleu. Ce n'est pas, certes, en opérant ainsi que l'on peut inspirer de la confiance aux magistrats. Je conclus, quant à ce premier fait, que mes remarques sur la dissidence des résultats restent tout entières après la réponse des experts de Cham- béry, et que ces experts, loin de les atténuer, les aggravent. Du reste, on verra, en examinant le travail de M. Calloud, ce que je 'pense au fond de ces dissidences. 2° La seconde réponse a pour but de soutenir, plus que jamais, que les matières suspectes exhalaient l'odeur d'acide cyanhydrique, malgré les doutes que j'ai élevés à cet égard dans ma consultation ; et l'on croit se donner de la force en citant un passage de mes écrits où j'ai dit que l'o- deur constitue un des caractères les plus importans de l'acide cyanhy- drique. Avant de réduire la prétention des experts de Chambéry à sa juste valeur, établissons les vrais principes de la science sur ce point. Il arrive quelquefois, mais plus rarement qu'on ne pense, que les organes des indi- vidus empoisonnés par l'acide cyanhydrique, autres que le canal digestif, (quand l'acide a été introduit dans l'estomac), répandent une odeur d'acide cyanhydrique : si cette odeur est franche et bien caractérisée, on est en droit de soupçonner l'existence de cet acide. Des expériences ultérieures faites avec les réactifs, et surtout l'extraction du cyanogène, pourront seules permettre à l'expert d'affirmer que cet acide existe dans les matières suspectes. Qu'importe que le caractère tiré de l'odeur soit le plus sensible — 7H — de tous : est-ce à dire, pour cela, qu'il suffit à lui seul pour prononcer? Non, certes. « Il serait imprudent d'admettre, ai-je toujours dit, que l'acide cyanhydrique a occasionné l'empoisonnement, seulement d'après l'odeur d'amandes amères (page 686 de ce volume). Voyons maintenant si, dans l'espèce, l'odeur sentie par les experts a été l'odeur franche et bien caractérisée de l'acide cyanhydrique. Le 21 Janvier, on constate qu'une partie du cœur, de l'estomac, des poumons, de la rate, des muscles et des intestins, de la matière pulpeuse du cerveau et du sang trouvé dans ce dernier, répandent une odeur peu analogue à celle des organes semblables de corps morts déjà soumis aux effets de la putréfaction. Était-ce l'odeur de l'acide cyanhydrique ? Non, car on l'aurait dit. Plus tard, dans la même journée, on distille avec précaution un huitième de la. liqueur, et on sent l'odeur de chou rouge : ce n'est pas encore là l'odeur de l'acide cyanhy- drique ; et pourtant, il ne faut pas être bien habile, en fait d'expertise, pour ne pas savoir que lorsqu'il existe de l'acide cyanhydrique dans une liqueur suspecte, et qu'on distille .celle-ci, c'est surtout dans le premier huitième qui s'est volatilisé que se trouve la majeure partie de l'acide cyanhydrique. Le 22, on s'assure que le produit du premier récipient est liquide, incolore, d'une odeur forte et nauséabonde, analogue à celle des organes dont il est le résultat. Est-ce là caractériser l'odeur de l'acide cyanhydrique, lorsqu'on s'est borné à nous dire que l'odeur de ces organes était peu analogue à celle des organes semblables de corps morts déjà soumis aux effets de la putréfac- tion? Jusqu'ici rien ne peut faire soupçonner l'acide cyanhydrique; tout, au contraire, nous autorise à penser que les experts n'avaient pas encore senti ce corps, car ils l'eussent dit explicitement. Eh bien! pour quiconque à l'habitude de recherches de ce genre, la question n'est pas indécise. On n'a pas senti l'acide cyanhydrique, parce qu'il n'y en avait pas dans les or- ganes ni avant niaprès la distillation, attendu qu'ondoitle sentir nettement dans les conditions où l'on était placé, toutes les fois qu'il s'y trouve. Mais, dira-t-on, nous avons parfaitement reconnu l'odeur en versant de l'acide sulfurique. Ici je me garderai bien de donner un démenti aux experts ; je me bornerai à leur rappeler ce qui nous arriva, à Vauquelin et à moi, dans une expertise médico-légale : la matière suspecte fut mise sur les charbons ardens à quatre reprises différentes, et deux fois seulement nous crèmes reconnaître l'odeur d'ail (odeur bien autrement sensible que celle de l'acide cyanhydrique) ; nous nous assurâmes bientôt après que cette matière ne contenait pas un atome d'acide arsênieux (V. page 200 de ce volume). D'ailleurs, les experts de Chambéry pourraient-ils affirmer sur l'honneur que, par suite de l'action de l'acide sulfurique sur un liquide or- ganique distillé, et qui était dans des conditions particulières, il est impos- sible qu'il nei se soit pas dégagé une odeur ayant quelque analogie avec celle de l'acide cyanhydrique ? Jesuisévidemmentautoriséàdire, en paraphrasant la conclusion des experts de Chambéry : « C'est donc avec juste raison que M. Orfila cher- — 712 — « che à débiliter la preuve que nous tirons de l'odeur que répandait le li- er quide sur lequel nous avons opéré ; cette odeur, nous sommes tellement « loin de l'avoir appréciée trois fois sur quatre, que nous ne l'avons même «pas mentionnée, et pour le cas où nous l'avons indiquée, nous nous « étions placés dans des circonstances extraordinaires qui ne nous permet- « tent de rien conclure. » 3° En avançant, M. Orfila semblerait vouloir même élever des doutes sur l'acidité du liquide, etc.» J'en demande pardon à MM. les experts: j'admets l'acidité, et j'ai lieu de m'etonner qu'ils me prêtent un langage que je n'ai pas tenu. Je n'ai pas dit non plus que l'acidité fût due à de l'acide chlorhydrique ; je me suis seulement demandé, sous forme de doute, si elle ne pourrait pas être due à de l'acide chlorhydrique, ce qui est fort dif- férent. Il est aisé d'avoir raison quand on dénature le sens des mots. Main- tenant, si j'arrive au fond de la question, je ne sais comment qualifiercette assertion : « Il résulte du troisième rapport d'autopsie, que l'estomac et le tube intestinal étaient vides ; donc il n'y avait pas d'acide chlorhydrique. » Ces messieurs penseraient-ils, par hasard, que lorsqu'il existe de l'acide chlorhydrique dans le tube digestif, il s'y trouve par litres, et ne sait-on pas, au contraire, qu'un estomac et un canal intestinal, en apparence vides, peuvent fournir, par un lavage fait avec soin, et par la distillation, la pe- tite quantité d'acide chlorhydrique qui baignait la surface interne du tube digestif? On ajoute : « D'ailleurs, nos autres expériences repoussent com- plètement la présence de l'acide chlorhydrique. Cela n'est pas vrai, car l'a- cidité constatée par vous, et la réaction obtenue avec l'azotate d'argent, et si incomplètement décrite, appartiennent autant à l'acide chlorhydrique qu'à l'acide cyanhydrique. En médecine légale, il faut, pour se mettre à l'abri des objections, s'entourer de toutes les précautions, et se conformer avant tout aux exigences des plus simples élémens de la science; ainsi je ne me serais jamais avisé de songer à l'existence de l'acide chlorhydrique, si l'on avait dit que le précipité obtenu par l'azotate d'argent était soluble dans l'acide azotique bouillant; une pareille omission, en présence de tout ce qui a été écrit d'élémentaire en chimie est impardonnable. « 4° Nous disons qu'en ajoutant au produit de la distillation de la po- a tasse caustique légèrement ferrugineuse, et immédiatement après une « petite solution desulfatede cuivre, nous avonsobtenu un précipité rouge « brun de cyanure de cuivre. M. Orfila dit que les choses ne se passent « pas ainsi. Mais s'est-il placé dans les mêmes conditions que nous ■ son li- « quide provenait-il delà distillation de matières organiques; a-t-il em- « ployé de la potasse ferrugineuse ? Non, certes. » A cela M. Orfila répond qu'il s'est exactement placé dans les mêmes con- ditions que ces messieurs; que ces conditions sont faciles à faire naître, et qu'il est, par conséquent, aisé de s'assurer de l'exactitude des résultats qu'il a annoncés. Que l'on distille de l'eau sur un canai digestif sain ou pourri ; le liquide distillé neutre, ou à peine acide, offrira l'odeur du bouil- — 713 — Ion ou de viande cuite ou bien une odeur infecte. Que l'on ajoute au liquide de l'acide cyanhydrique, de la potasse ferrugineuse, et du sulfate de bi- oxyde de cuivre ; que l'on augmente ou que l'on diminue les doses de tel ou de tel autre réactif, et l'on obtiendra un précipité verdâtre, un précipité de bleu de Prusse, ou un précipité bleu verdâtre, et non un précipité rouge brun (je n'ai obtenu celui-ci qu'une fois) : à la vérité, si l'on opère mal, que la proportion de fer contenu dans la potasse soit considérable, il pourra se déposer du sesqui-oxyde defer rouge brun. « Le zèle du défenseur « ne l'a donc pas empêché de voir les choses comme elles sont. » J'ajouterai à ce propos que, depuis trente ans que je m'occupe de médecine légale, il ne m'est jamais arrivé ni de défendre, ni d'attaquer un accusé ; telle n'est pas la mission d'un expert, mission toute scientifique, qui tantôt favorise le prévenu, tantôt l'accable. Il est vrai que je me suis toujours élevé contre une expertise scientifique dans laquelle l'imprudence et l'ignorance prê- taient à la science un langage qu'elle désavouait. 5° Les experts se félicitent de ce que j'accorde que le précipité vert- pomme obtenu avec la liqueur suspecte, la potasse pure, et le sulfate de bi-oxyde de cuivre, appartient à l'acide cyanhydrique ; et ils ajoutent que a la force probante de cette expérience n'est nullement compromise par les légères différences qui se sont présentées dans l'expérience répétée par « M. Calloud; d'ailleurs, M. Orfila se gardebiende dire que le résultat con- « staté par ce dernier chimiste n'est pas lui-même une preuve péremploire.» On ne torture pas mieux les faits ; on n'interprète pas plus avantageuse- ment pour soi un silence. Je me suis borné à faire ressortir les différences des résultats obtenus par les deux experts, à me demander comment on pourrait les concilier, et on dit que je me garde bien de ne pas considérer le résultat de M. Calloud comme une preuvepéremptoire. Qu'on se rassure, je vais m'expliquer : j'ignorerais les premiers élémens de la science, si j'o- sais dire que le trouble bleuâtre aperçu par M. Calloud est occasionné par l'acide cyanhydrique ; et quant à la force probante du précipité vert-pomme dont parle M. Bebert, je lui dirai qu'il n'est pas un homme instruit qui ne sache que, de tous les réactifs employés pour déceler l'acide cyanhy- drique, le plus mauvais est, sans contredit, le sulfate de bi-oxyde de cui- vre; j'ajouterai, pour ne rien laisser subsister de son argumentation, qu'il est impossible qu'une liqueur qui contient assez d'acide cyanhydrique pour précipiter ce sulfate en vert-pomme ne précipite pas très abondamment l'azotate d'argent : or, le précipité obtenu avec ce dernier corps, dans l'es- pèce, était fort peu abondant, d'après le dire des experts. Ce point est trop important, trop facile à constater, trop élémentaire pour que le sénat ne cherche pas à le vérifier ; il suffit à lui seul pour détruire toute la partie scientifique de l'accusation. Je le répète, une liqueur cyanhydrique qui pré cipite le sulfate de cuivre en vert-pomme doit précipiter très abondam- ment l'azotate d'argent ; le contraire a eu lieu dans l'expertise que je combats : donc elle ne mérite pas la plus légère attention. Iir. 46 — 714 — « 6° Il eût été complètement, inutile de tenter, comme l'indique M. Or- « fila, de faire dissoudre le précipité blanc (cyanure d'argent) dans de l'a- « cide azotique bouillant, pour n'obtenir d'autre résultat qu'un dégagement « d'acide cyanhydrique. Cette opération, en effet, ne pouvait avoir d'autre « but que celui de nous rappeler l'odeur de l'acide prussique, et nous ne « l'aurions certes pas omise, si nous n'avions fait sur tout le liquide suspect « qu'une seule expérience; mais la projection d'acide sulfurique ayant « déjà dévoilé l'odeur de manière à ne nous laisser aucun doute, etc.» J'ai dû relire plusieurs fois ce passage avant de croire à son contenu. Quoi I l'un des meilleurs moyens de distinguer si le précipité est formé de cyanure ou de chlorure d'argent consiste à voir s'il se dissout ou non dans l'acide azotique bouillant ; et vous ne craignez pas de dire qu'on ne pouvait avoir d'autre butque d'obtenir un dégagement d'acide cyanhydrique, avec l'o- deur qui le caractérise! Non , messieurs; l'expérience devait tout simple' ment vous faire connaître s'il y avait ou non de l'acide cyanhydrique dans la liqueur suspecte; c'est assez dire combien il était important de la tenter, dans l'espèce. J'ajouterai qu'elle n'avait pas pour but, comme vous le dites, d'obtenir l'odeuri d'acide cyanhydrique; car vous devez savoir que lorsqu'on opère bien, cet essai se fait en vases clos, que le gaz est amené dans un solutum d'azotate d'argent, sans qu'il soit possible de le sentir ; que là il est transformé eu cyanure d'argent pur; que ce cyanure est ensuite chauffé pour en obtenir le cyanogène, et que, s'il n'est pas assez abondant pour fournir une quantité appréciable de ce gaz, la science ne manque pas de moyens de le reconnaître, alors même qu'il n'en existe qu'un demi-milligramme, comme je le démontrerai ,en répondant à M. Calloud. Agir autrement, c'est agir avec une inconcevable légèreté, et pous- ser jusqu'au dernier terme l'oubli des plus simples élémens de la science toxicologique. 7° Pour justifier les résultats obtenus en précipitant la liqueur suspecte parle sulfate ferreux et la potasse (précipité d'un blanc laiteux à reflet verdâtre), MM. les experts s'appuient sur la propriété des sels de protoxyde de fer, connue de tous les chimistes, savoir qu'ils sont précipités en blanc par le cyanure de potassium et de fer, et que le précipité passe successivement par des nuances diverses pour arriver au bleu. Ici la justification tourne contre les experts ; en effet, si les sels de protoxyde de fer sont d'abord précipités en blanc, à l'instant même ce précipité bleuit. Or, dans l'espèce, le préci- pité est resté 6/anc; le lendemain, il se trouvait encore sous une forme nébuleuse, ce qui veut dire apparemment qu'il n'était pas changé ; et ce n'est que le surlendemain qu'on l'a trouvé d'un brun grisâtre, par suite de la réaction de l'ammoniaque. Les élémens de la science que l'on invoque pour soi, dans ce cas, viennent donc à l'appui de la thèse que je défends. D'ailleurs, pourquoi MM. les experts dédaignent-ils de répondre à l'objec- tion que j'ai tirée de l'énorme différence des résultats obtenus par M. Be- bert et par M. Calloud? Que signifient aussi tous ces doutes élevés à l'oc- — 715 — casion de la nature et de la pureté des réactifs, ainsi que de l'identité des matières sur lesquelles nous avons opéré vous et moi ? Vous devez bien penser qu'en vous attaquant, je m'étais rigoureusement placé dans les con- ditions que vous indiquiez. 8° En terminant, MM. les experts s'efforcent de prouver qu'ils ont dé- terminé la nature des divers précipités qu'ils avaient obtenus. Je ne rap- porterai pas les preuves qu'ils émettent à l'appui de cette assertion : on peut se convaincre, en les lisant à la page 65 du cahier intitulé Extrait de la procédure, que ces preuves sont toutes illusoires et sans valeur. .Yen appelle aux hommes versés dans la science : reconnaître du bleu de Prusse et du cyanure de cuivre, en s'assurant que l'acide chlorhydrique ne change pas le premier de ces précipités, et blanchit l'autre ; conclure à la présence du cyanure d'argent, parce que le précipité a conservé sa couleur blanche, c'est tout simplement agir comme on l'eût fait au xiii0 siècle. Ici se place une observation grave dont je dois faire justice. « S'il fallait faire tous les essais que conseille M. Orfila, nous ne crain- « drions pas de dire qu'il faudrait renoncera jamais à faire intervenir la « chimie légale dans les débats judiciaires. Et plus loin : Nous ajouterons « que M. Orfila se combat lui-même, lorsqu'il refuse toute force probante « à l'expérience portée sous le n° 3 de notre rapport, parce que nous n'a- « vons pas extrait le cyanogène du cyanure d'argent que nous avons ob- « tenu. Cet auteur ne s'élève-t-il pas avec force, dans sa Médecine légale, « contre l'opinion de M. Devergie, qui dit « qu'il est, en médecine légale, « un principe qui ne souffre pas d'exception ; c'est que toutes les fois qu'on « constate la présence d'un poison métallique, il faut en extraire le métal « comme preuve irrécusable des précipités qu'on a obtenus. N'enseigne- « t-il pas qu'un principe aussi absolu pourrait avoir les conséquences les « plus fâcheuses? Et s'il parle ainsi, lorsqu'il s'agit d'un poison métal- « lique, tiendrait-il un langage différent lorsqu'il s'agira d'un poison végé- « tal? Non, sans doute. » La réponse est facile. On doit renoncer à l'intervention de la chimie légale toutes les fois qu'elle ne peut pas éclairer les magistrats ; mieux vaut cent fois ne rien dire que d'avancer des faits inexacts, qui doivent nécessairement induire lajustice en erreur. Combien de fois ne nous arrive-t-il pas, à nous qui sommes si sou- vent requis par les tribunaux, de répondre : Nous n'avons rien trouvé: ou bien : Nos résultats nous permettent d'élever quelques soupçons d'empoi- sonnement? Et quand nous affirmons, c'est que nous pouvons porter le poison devant la cour, ou dérouler une série d'expériences telles que la con- viction pénètre tous les esprits. La question ainsi posée, je] dirai que la chimie légale est assez avancée pour jeter une vive lumière sur un bon nombre d'affaires, quand elle n'est pas appliquée par des mains inhabiles; ~a part est assez riche pour qu'on ne doive tenir aucun compte de l'étrange proposition des experts de Chambéry. 46. — 710 - L'objection que j'ai faite à M. Devergie, je la maintiens, quoi qu'en di- sent mes contradicteurs. Oui, il serait inouï d'exiger que l'on retirât le po- tassium, le calcium, le baryum delà potasse, ou de ses sels, de la chaux, de la baryte et de leurs composés, parce que ces composés sont faciles à carac- tériser, qu'à l'état d'alcalis on peut constater leurs propriétés, les trans- former en sels, et les distinguer de tous les autres corps aussi facilement que l'on distingue le jour de la nuit. D'ailleurs, les procédés d'extraction de ces métaux sont assez difficiles pour qu'on n'en obtienne que des quantités àpeinesensiblesquandonagit sur des atomes. Est-ce à dire pour cela qu'il ne faut pas tenter l'analyse descomposés vénéneux végétaux quand il est possible d'en retirer un élémentsusceptiblede nous faire connaître leur na- ture : et où MM. les experts de Chambéry ont-ils vu que je n'ai pas constam- ment soutenu ces principes? Qu'ils lisent à la page 361 de ma Médecine lé- gale (t. m, 3e édit.) ce que je dis en parlant du procédé du docteur Christison que j'ai adopté ; ils verront que ce médecin se borne à démontrer la pré- sence de la morphine et de l'acide méconique, et lorsqu'il a pu la consta- ter, il conclut à l'existence de l'opium ou d'une préparation opiacée ; et à la page 436, à l'occasion de la noix vomique, n'ai-je pas donné pour pré- cepte de retirer la strychnine, et à la page 306 de mon Traité des exhuma- tions juridiques, à propos de l'acétate de morphine, n'ai-je pas dit « qu'il y aurait témérité à prononcer affirmativement, dans un cas d'exhumation juridique, qu'il y a eu empoisonnement par une préparation de morphine, parce qu'on aurait observé seulement les deux colorations rouge et bleue que déterminent l'azide azotique, et le sesqui-chlorure de fer, et qu'il fau- drait nécessairement avoir obtenu de la morphine cristallisée. Et aux pages 309 et 310,1a même recommandation n'est-elle pas faite, en parlant des sels de brucine et de strychnine ; et, enfin à la page 378 de ma Médecine légale (t. m, 3e édit.), ce qui est applicable à l'espèce, en donnant les ca- ractères du cyanogène après avoir dit que le cyanure d'argent fournissai t ce gaz lorsqu'on le chauffait, n'ai-je pas suffisamment indiqué qu'il fallait retirer ce corps? Qu'onne vienne donc pas argumenter à vide, et que l'on reconnaisse qu'on n'a tenu aucun compte des vrais principes qui régissent actuellement la science ayant pour objet derechercher ceux des poisons végétaux qui peuvent être décelés par des moyens chimiques. J'ajouterai, à l'occasion de la huitième réponse, que je n'ai pas été peu « surpris de lire « que j'ai laissé percer, malgré moi, la conviction que le « rapport des experts de Chambéry avait produite sur moi, lorsque je dis « en termes exprès, qu'ils pouvaient et qu'ils devaient extraire le cyano- « gène ; évidemment donc, je pense que le cyanogène existait dans le pré- « cipité qu'ils avaient obtenu. » Je me flatte d'être un homme sérieux • or c'est mal méconnaître que de me croire capable de penser autrement que j'écris : ce serait tout simplement de la félonie. Je dirai donc qu'il peut convenir aux experts de Chambéry de donner à ma phrase une interpréta- — 717 — lion qui leur est favorable, mais, qu'en réalité, ils se sont trompés ; ils pouvaient et ils devaient extraire le cyanogène, si le précipité était du cya- nure d'argent : tel est le sens de cette phrase, qui se trouve justifié par tout le contenu de mon mémoire ; en l'interprétant autrement, on m'accuse d'absurdité, voire même d'iniquité. Je terminerai par l'examen des trois propositions consignées à la page 66 des Extraits de la procédure, et je prouverai qu'elles n'ont pas plus de por- tée que le reste. « M. Orfila, dit-on, se place complètement hors de la question, puisqu'il « est établi que les matières organiques soumises à la distillation n'étaient « pas encore entrées en putréfaction. » J'irai aussi loin que possible, et je concéderai, ce que je suis loin de croire, que le cadavre n'était aucunement putréfié. Dans cette hypothèse, même, je dirai hautement que les caractères à l'aide desquels on a voulu établir l'existence de l'acide cyanhydrique sont illusoires et insuffisans ; je demanderai à tout homme impartial et éclairé si les élémens sur lesquels on s'appuie permettent d'affirmer que la liqueur suspecte contenait de l'a- cide cyanhydrique. Voyez ce qui est justement exigé aujourd'hui dans l'empoisonnement par l'acide arsénieux : on vous présente une poudre blanche, inodore, sentant l'ail quand on la met sur les charbons ardens, soluble dans l'eau bouillante ; le liquide aqueux précipite en jaune par l'acide sulfhydrique; ce précipité est soluble dans l'ammoniaque. Certes, rien n'est plus net, rien n'est plus franc ; l'expert n'hésite pas à conclure que la poudre dont il s'agit est de l'acide arsénieux. Cette conclusion est pourtant prématurée et sans valeur, car il aurait fallu prouver que le pré- cipité jaune produit par l'acide sulfhydrique contenait de l'arsenic, en re- tirant ce corps. La production de ce toxique lèvera tous les doutes, et pourra seule donner à l'expertise la valeur à laquelle elle a droit de préten- dre. Et vous voulez, sur lafoi de quelques précipitésinsignifians, sur la'couleur desquels vous êtes en dissidence, que vous n'avez pas soumis auxépreuves auxquelles vous étiez tenus de les soumettre, affirmer qu'il y a eu empoi- sonnement. C'est l'oubli le plus complet des justes exigences de la science. « M. Orfila ne pouvait pas obtenir l'acide cyanhydrique médicinal, « alors même qu'il en avait ajouté, parce que cet acide s'était combiné « avec l'ammoniaque du liquide pourri ; il en eût été toutautrement s'il eût « ajouté de l'acide sulfurique. » Ici l'erreur est par trop grossière : en effet, la chimie la plus élémentaire ne nous apprend-elle pas qu'en distillant, sans addition dacide sulfurique, un liquide contenant du cyanhydrate d'ammoniaque, on obtient de l'acide cyanhydrique dans le récipient, que le cyanhydrate ait été fait directement avec l'acide et le carbonate d'ammonia- que, ou qu'il ait été obtenu par double décomposition du cyanure de baryum et du sulfate d'ammoniaque. On conçoit qu'on puisse aisément se donnerrai- son vis-à-vis des gens étrangers à la médecine légale, lorsqu'on part d'un fait essentiellement faux, et qu'on lui fait jouer un rôle que la science désavoue. — 718 — Et qu'importe que vous ayez constaté une seule fois que le précipité ob - tenu avec le sulfate ferroso-ferrique ne disparaissait pas dans l'acide chlor- hydrique ! A qui persuaderez-vous que cela suffisait pour prouver que ce précipité était du bleu de Prusse ? Réponses faites par M. Calloud. « Il y a des cas où l'on peut avoir affaire soit à de petites quantités de « substances, soit à des substances peu maniables, de déperdition facile, « ou bien encore à des corps dont les propriétés physiques sont sans carac- « tère : alors si ces corps ont des caractères chimiques bien tranchés, tels « que le bleu de Prusse que peut former l'acide prussique, il est rationnel, « il me semble, de s'attacher à la recherche de ces derniers caractères, au « lieu de perdre son temps etsa peine à isoler des corps dont les propriétés « physiques ne pourraient fournir des indications précises sur leur nature. «Ainsi, dans le cas dont il s'agit, en supposant qu'il eût été possible de « le faire, si j'avais extrait quelques gouttes d'acide prussique, qu'aurais-je « représenté? Quelques gouttes'd'un liquide incolore, volatil, d'une odeur par- « ticulière. Mais ces dernières propriétés pouvantse simuler avec quelques « gouttes d'alcool ou d'eau aromatisée à l'essence d'amandes amères, il « aurait fallu recourir à des réactions chimiques pour avoir des caractères « plus positifs. Du reste, le précepte admis par la défense, en citant M. Or- « fila, n'est pas un précepte rigoureux et sans exception aux yeux de M. Or- « fila lui-même. L'on peut voir, page 18 de sa Consultation, que ce savant « admet qu'il y a des cas. en médecine légale, où l'on peut s'en tenir à des « réactions (page 79 de Y Extrait de la procédure). » Il serait difficile de donner plus d'armes contre soi, que n'en donne M. Calloud dans ces deux alinéas. « Si les corps, dit-il, ont des caractères chimiques bien tranchés, tels que le bleu de Prusse, il est rationnel de s'attacher à la recherche de ces carac- tères. » Je le demande à M. Calloud, qu'a-t-il fait pour rechercher les ca- ractères du bleu de Prusse? Rien, absolument rien ; a-t-il cherché à véri- fier s'il était soluble ou non d'ans l'acide chlorhydrique? Non. L'a-t-il décomposé par la [chaleur? Non. L'a-t-il mis en contact avecune dissolution alcaline. Non. C'étaient pourtant là les principaux caractères chimiques qu'il aurait fallu chercher à constater. Perdre son temps et sa peine à isoler des corps dont les propriétés phy- siques ne pourraient fournir des indications précises sur leur nature ! On voit déjà qu'il s'agit du cyanogène que j'avais reproché à ces messieurs de n'avoir pas extrait. Comment, le cyanogène n'a pas de caractères physi- ques qui puissent éclairer sur sa nature? Si vous aviez pris le précipité blanc que vous dites, sans l'avoir prouvé, être du cyanure d'argent, et si, après l'avoir desséché, vous en eussiez introduit quelques atomes dans un tube de verre fermé par un bout, et dont l'autre extrémité eût été ensuite effilée à la lampe, vous auriez vu, en chauffant, du gaz cyanogène se dé- gager, vous l'eussiez enflammé à mesure qu'il sortait, et vous auriez re- connu qu'il brûlait avec une belle flamme purpurine, qui n'appartient qu'à lui, et qui, par conséquent, dans l'espèce, aurait mis hors de doute l'exis- tence du cyanure d'argent. Vous auriez encore pu reconnaître ce cyanure (et il n'en fallait que très peu pour cela) en le chauffant avec un peu de chlorure de sodium et de l'eau, en filtrant, ten chauffant la liqueur filtrée avec un peu d'oxyde de fer vert hydraté, en la filtrant de nouveau : le li- quide filtré eût précipité les sels de fer en 6/ett (bleu de Prusse), ceux de cuivre en brun marron, etc. (procédé publié par O. Henry). Enfin, vous auriez pu, en n'agissant que sur un demi-milligramme de cyanure d'ar- gent, d'après la méthode de M. Lassaigne, obtenir du cyanure de potas- sium. Voici cette méthode : Mettez dans un petit tube de verre bouché a l'une de ses extrémités, long de 3 centimètres, et d'un diamètre de 2 à 3 millimètres, un petit morceau de potassium, de la grosseur d'un grain de semoule ; placez au-dessus de celui-ci le cyanure argentique, et chauffez le tube jusqu'au rouge obscur à la flamme d'une lampe à alcool; coupez le tube refroidi à l'endroit où est la matière calcinée ; traitez celle-ci par quelques gouttes d'eau distillée dans un verre, et vous obtiendrez facile- ment, par l'addition successive de quelques gouttes de sulfate ferroso-fer- rique, et d'acide chlorhydrique, un précipité de bleu de Prusse, et par le sulfate de cuivre, un précipité brun marron. Voilà tout ce que vous pouviez faire, tout ce que vous deviez faire pour établir que le précipité blanc était du cyanure d'argent, et, au lieu de cela, vous vous bornez à dire que ce précipité ne se dissout pas dans l'acide azo- tique froid, ce qui est dérisoire. On a donc tort de dire qu'on n'aurait représenté que quelques gouttes d'un liquide incolore volatil, etc., car on aurait obtenu un gaz, ou toute au- tre chose de très probant. Je sais qu'on me répondra que le précipité du prétendu cyanure était en si faible proportion, qu'il eût été impossible de constater les caractères dont je viens de parler. A cela, je répliquerai que, s'il en était ainsi, le de- voir des experts était de s'abstenir ; et puisqu'ils se trouvaient dans l'im- possibilité de constater que ce fût là un composé de cyanogène, ils devaient déclarer à la justice que le résultat de leurs expériences n'était aucune- ment concluant. Vous dites, après moi, qu'il y a des cas, en médecine légale, où l'on doit s'en tenir à des réactions. Soit : mais ce n'est pas dans l'espèce, car je viens de prouver que, à l'instar de l'acide arsénieux, des préparations d'anti- moine, de plomb, etc., l'acide cyanhydrique peut fournir un de ses élé- mens, le cyanogène, aussi facile à reconnaître que le sont l'arsenic, l'anti- moine, le plomb, etc. ■. Plus loin, M. Calloud, en abordant l'examen de ma consultation, dit : « Deux faits hypothétiques dominent l'argumentation par laquelle la con- « sultatiori médico-légale soutient sa quatrième proposition : la première — 720 — « de ces hypothèses est l'état de putréfaction du cadavre du sieur Pralet; « la seconde est relative à l'identité de position des deux expertises chi- « miques. Or, il est démontré que le cadavre n'était point pourri, et que « les deux expertises n'ont pas été faites dans les mêmes conditions. Donc « les objections de la consultation ne s'appuient sur aucune base solide. » Quanta la putréfaction, je ne puisque répéter ce que j'ai déjà dit en ré- pondant à M. Bebert (p. 717). Alors même que le cadavre eût été frais, ce qui n'est pas, les résultats obtenus par les experts étaient assez incomplets pour qu'on n'en dût tenir aucun compte. Voyons maintenant ce que nous devons penser de l'identité des deux expertises. Écoutons M. Calloud. « J'opère deux jours plus tard que M. Bebert : il est plus qu'incertain « que nous ayons agi sur les mêmes quantités de matières, tels organes « pouvant en contenir plus que tels autres. La proportion d'eau employée « par nous n'a pas dû être la même ; les appareils dont nous nous sommes « servis pour distiller, et le mode d'opération adopté, n'étaient pas identi- « ques : M. Bebert obtient sept onces de liquide, j'en recueille seulement « quatre. » En vérité, ceci n'est pas sérieux. Qu'a-t-on voulu dire, qu'en définitive, on a obtenu des liquides contenant des quantités inégales d'acide cyanhy- drique? Soit : je demande alors à M. Calloud de prendre cent dissolutions d'acide cyanhydrique dans des liquides organiques pourris ou non pourris, de faire en sorte que les proportions d'acide varient, pour 100 grammes de liquide, depuis un centigramme jusqu'à un gramme, de verser dans cha- cune de ces dissolutions, ainsi que cela a été fait par M. Bebert et par lui, du sulfate ferreux et de la potasse, du sulfate ferrique et de la potasse, ou bien du sulfate de bi-oxyde de cuivre et de la potasse, et je le défie d'ob- tenir une seule fois l'ensemble des résultats qui ont été décrits par eux. Peu importe qu'ils forcent les doses de tel ou de tel autre réactif, jamais ils ne produiront, avec l'acide cyanhydrique, ce qu'ils ont vu avec les ma- tières provenant du cadavre de Pralet. Que l'on ne vienne donc plus nous dire que les différences remarquées dans les réactions précitées s'expli- quent par la différence des liqueurs. M. Calloud s'étonne de ce que je lui ai reproché de n'avoir pas exactement indiqué la température à laquelle il avait opéré, puisqu'il avait agi avec un bain d'eau saturée de sel, et bouillant. M. Calloud sait mieux que moi qu'il n'avait point dit, dans son premier rapport, que le bain fût saturé de sel ; il a réparé cette omission dans sa réponse, et justifié par là mon observation. A l'occasion de l'odeur prussique des matières distillées, M. Calloud dit que cette odeur ne lui a pas paru assez prononcée pour qu'il puisse rien en inférer. C'est pourtant avec un liquide qui ne sent pas l'acide prussique qu'il dit avoir obtenu les réactions de cet acide, alors que l'on sait que l'organe de l'odorat est, de tous les moyens propres à faire déceler ce corps, le plus sensible, quoiqu'il soit insuffisant pour mettre son existence hors de doute. — 721 — Quant à l'acidité des liquides et à leur action sur le sulfate de bi-oxyde de cuivre, je m'en réfère à ce que j'ai dit en répondant à M. Bebert. Mon objection sur l'azotate d'argent, que M. Calloud ne croit passé- rieuse, l'est tellement, qu'elle suffit à elle seule pour ne rien laisser sub- sister des travaux chimiques des experts de Chambéry ; je ne reviendrai pas sur ce que j'ai établi à cet égard dans le commencement de ma réponse à M. Calloud. D'ailleurs, depuis quand a-t-on vu, en médecine légale, chercher à démontrer, par des raisonnemens, qu'il existe ou non de l'acide chlorhydrique dans une liqueur, quand il suffit d'une expérience élémen- taire pour lever tous les doutes? Entrer dans une pareille voie, ce serait établir un principe funeste ; aussi les raisonnemens apportés par M. Calloud à la page 84 de Y Extrait de la procédure, pour prouver qu'il n'y avait point d'acide chlorhydrique dans la liqueur, ne seront-ils considérés que comme un moyen impuissant d'atténuer une faute que rien ne saurait excuser. Voici comment s'exprime M. Calloud : « Il est évident que si de l'acide « chlorhydrique avait pu exister dans le verre contenant le liquide sus- « pect, après l'introduction du sulfate de cuivre et de la potasse, le trou- ce ble bleuâtre qui est survenu n'aurait pas eu lieu, ou il aurait été moins « intense que dans l'autre verre. D'autre part, la quantité du même acide « que nous y avons introduite se serait trouvée plus que suffisante pour y « développer la limpidité parfaite qu'elle a produite dans le verre n° 4 , « limpidité qui n'a pas eu lieu dans le verre n° 3. Je dis encore que si le « résultat du verre B du troisième tableau, figurant dans la troisième co- « lonne à droite, avait été produit par l'acide chlorhydrique supposé dans a le liquide, en raison de son peu d'intensité, on pourrait être certain que « le trouble opalin léger, mais manifeste du troisième verre du quatrième « tableau, n'aurait pas eu lieu, car ce dernier résultat indique autant « d'acide cyanhydrique dans le liquide des expériences, que l'autre indi- ce querait d'acide chlorhydrique. 11 résulte nécessairement des raisonne- « mens que je viens de faire que l'acide chlorhydrique n'existait pas dans « le liquide de mes expériences. Or, les caractères que j'ai obtenus avec le « nitrate d'argent appartiennent exclusivement aux acides cyanhydrique « et chlorhydrique, celui-ci n'existant pas, ces caractères prouvent avec « évidence l'acide cyanhydrique. » J'en dirai autant de cet autre raisonnement, plus incroyable encore que les précédens, si cela est possible, et qui se trouve à la page 8o. Il s'agis- sait, notez-le bien, de prouver qu'il y avait ou non de l'acide chlorhydri- que; que fait-on? On vous dit, vous voyez bien qu'il n'y en avait pas, car les sulfates de cuivre et de fer démontrent que les liqueurs contenaient de l'acide cyanhydrique ; comme s'il était impossible qu'il existât à-la-fois de l'acide chlorhydrique et de l'acide cyanhydrique dans un même liquide ! ! ! A l'occasion de tous ces précipités verts, bleus, etc., M.Calloudne conçoit pas que je lui aie reproché de n'avoir point lavé le précipité bleu avec de l'a- cide chlorhydrique. « Le lavage par cet acide, en pareille circonstance, de- - 722 - * venait inutile, dit-il, carie précipité était bleu, et cet acide n'est employé « que pour faire reparaître la couleur bleue quand le précipité est vert. » En vérité, on ne sait que penser d'une pareille explication. Comment M. Calloud ne voit-il pas qu'en le blâmant de n'avoir pas traité le préci- pité par l'acide chlorhydrique, il ne s'agissait nullement de couleur verte ou bleue, mais bien de constater l'un des caractères importuns du bleu de Prusse. Il sait que ce bleu ne se dissout pas dans l'acide chlorhydrique, tandis que d'autres précipités bleus obtenus avec des matières organiques, pourries ou non, s'y dissolvent : c'est donc une omission incompréhensible que de n'en avoir pas fait l'essai, omission que ne sauraient justifier les explications, au moins singulières, que l'on met en avant. « L'exemple cité par M. Orfila, d'un empoisonnement par uneprépara- « tion arsenicale à propos de la nécessité d'extraire un des élémens du « poison, est mal choisi ; car une particule d'arsenic métallique, dès rin- ce stant qu'elle est visible, est maniable. Il n'en est plus de même d'une « ou de quelques bulles de cyanogène, gaz incolore (p. 86). » Quoique M. Calloud me fasse ici une très belle position, je n'en abuserai pas, et je me bornerai à lui dire que, depuis 1815, nous enseignons dans nos cours, que malgré Yincoloréité du gaz cyanogène, ce gaz est aussi ma- niable que l'arsenic ; que nous l'obtenons facilement, que nous constatons son odeur particulière, que nous le faisons brûler avec une flamme pur- purine (caractère qui lui est propre), que nous le dissolvons dans l'eau , et qu'avec cette dissolution nous précipitons l'azotate d'argent en blanc, et le sulfate ferroso-ferrique aidé de potasse en bleu (bleu de Prusse) ; en un mot, que nous le reconnaissons aussi facilement que nous distinguons l'arsenic, et qu'il n'en faut que quelques bulles pour vérifier tous les caractères précités. Il ne reste donc rien sur ce point de l'argumentation de M. Calloud. J'ai déjà trop souvent répondu au contenu de l'alinéa qui termine la page 86, pour que je me dispense d'y revenir. Voici cet alinéa : « Il est « vrai que la consultation pense avoir détruit la double concordance dont « je viens de parler, et par suite, les fondemens rationnels de mes con- « clusions , en opposant à nies résultats des résultats d'expériences qu'elle « a faites, à son dire, avec des matières organiques de cadavres, qui ce étaient dans les mêmes conditions que celles avec lesquelles j'ai opéré ce moi-même. Mais déjà j'ai démontré qu'il n'en était point ainsi, que les ce matières dont elle s'est servie dans ses expériences étaient pourries, ce d'odeur.fétide, et que le liquide qu'elle a obtenu était ammoniacal, tan- ce dis que, de mon côté, j'ai eu un liquide acide provenant de matières qui ce n'étaient point en corruption, qui n'avaient absolument aucune odeur « fétide. Il est fort naturel, il me semble, qu'en se plaçant ainsi dans des ce conditions toutes différentes, la consultation ait obtenu des résultats dif- 2 - revenu à lui sous l'influence des liquides excitans qu'on lui a fait prendre, et assez complètement pour pouvoir répondre « qu'il n'éprouvait ni maux « de tète, ni douleurs au creux de l'estomac, ou à quelque autre part. » Chez lui, la face était plutôt pâle, la langue et la bouche légèrement déviées à gauche, et enduites d'un peu vie bave (deux heures après l'attaque). Deux heures plus tard (à minuit), traits plus profondément altérés, perle com- plète de la connaissance et de la sensibilité, bouche plus déviée à gauche, et écumeuse, bras gauche dans un état de raideur tétanique, déglutition im- possible; le pouls, qui était resté jusque-là grand, régulier, et non fré- quent, s'est affaibli insensiblement, et le malade a expiré sans convulsions vers deux heures du matin, six heures après l'attaque. Existe-t-il la moindre analogie, je le demande, entre les symptômes qu'on a observés dans ces deux cas? Comment, le premier succombe en quelques minutes , après avoir éprouvé ces accès de contractions tétani- ques qui tuent en suspendant les mouvemens respiratoires; le pouls est resté insensible dès le début, et la perte de connaissance n'a pas cessé de per- sister jusqu'à la mort; aucune déviation de la bouche n'a existé. Le second recouvre la connaissance peu après s'être trouvé mal, et la conserve pen- dant plus de trois heures ; la bouche est déviée à gauche ; cette déviation augmente progressivement, en même temps qu'une contracture permanente du bras gauche seulement se manifeste : alors perte complète de connais- sance, insensibilité; le pouls reste grand, régulier et non fréquent pendant plusieurs heures. Dira-t-on que les différences dans les symptômes ont dépendu de la dif- férence des doses du poison, puisqu'on veutqu'ily en ait eu d'administré à M. Pralet? Mais on comprend que, dans ce cas, il y ait des différences dans l'intensité des effets produits, et non dans leur nature. On ne peut donc comparer les symptômes éprouvés par M. Pralet à ceux qu'a présentés le sujet de l'observation de Hufeland. MM. les experts prétendent que l'identité est également parfaite entre la lésion cérébrale qu'on a trouvée chez l'un et chez l'autre. Mais ce rap- prochement n'est pas plus fondé que celui qu'ils ont voulu établir entre les symptômes; en effet, que trouva-t-on chez le sujet de l'observation de Hufeland? « Une injection considérable de sang livide dans les vaisseaux des tégumens du crâne , et qui exhalait fortement l'odeur d'amandes amères (ce sang recueilli pesait plus de 1 kilogramme), la dure-mère cou- verte d'un sang épais, noirâtre, et tous ses vaisseaux comme injectés, plus de 700 grammes d'un sang épais et livide, qui sortit entre les deux hémis- phères avant que l'on eût pu enlever la faux du cerveau ; la pie-mère et les vaisseaux cérébraux gorgés de sang, une foule de points avec exsudation sanguine à la surface de toutes les coupes pratiquées sur le cerveau • les plexus choroïdes, ainsi que les vaisseaux de la base du crâne, gorgés de sang, et ces derniers couverts, en outre, d'un épanchement sanguin ; à la — 733 — base, du côté gauche seulement, collection séreuse légèrement colorée en rouge. » Sur le cadavre de M. Pralet, le cerveau était fortement injecté à sa sur- face, d'un sang très noir, avec transsudation sur tous ses points ; un caillot dense et noir, du volume d'un gros œuf, s'est échappé de la partie inférieure des ventricules, en exhalant fortement l'odeur précitée (c'est-à-dire, « una « odeur forte et particulière qu'on ne sut pas d'abord apprécier » ); au- dessous de la tente du cervelet, il y avait un épanchement de la même na- ture et très abondant. D'après les détails qui précèdent, il est évident que la lésion anatomique est complètement différente dans ces deux cas. Dans le premier, on voit tous les caractères de ces congestions sanguines intenses avec exsudation sanguine plus ou moins abondance, qu'on observe habituellement après la mort chez les individus qui succombent rapidement à la suite de symp- tômes tétaniques; je les ai vus un bon nombre de fois sur les animaux, comme chez l'homme, après l'empoisonnement par les strychnos: on les remarque aussi à la suite des congestions rachidiennes avec hématorachie. Enfin, on ne dit pas dans quelle situation était la tête quand on ouvrit le crâne, et je ne doute pas qu'une grande partie de ce sang liquide, qui s'é- coula pendant l'examen du cerveau et de ses membranes, provenait du canal vertébral. Chez M. Pralet, l'altération a consisté en une apoplexie proprement dite, c'est-à-dire en une hémorrhagie avec déchirure de la substance cérébrale; à la vérité, MM. les experts ont négligé, sinon d'examiner, au moins de dire s'il y avait quelque lésion de la substance médullaire dans l'un des ventricules latéraux : le fait est très probable, et c'est sans doute de ce point que l'hémorrhagie a fait ensuite irruption dans les cavités ventricu- laires elles-mêmes. Et ici, je rappellerai encore à ces messieurs ce résultat de l'observation clinique que j'avais déjà mentionné dans mon premier mé- moire : des faits nombreux, et récueillis avec soin ont aujourd'hui démon- tré que dans les cas d'apoplexie avec irruption du sang dans les ventricules, il y a constamment contraction de l'un ou de l'autre des membres paralysés, ce qui n'a pas lieu dans les cas où le foyer est circonscrit dans la pulpe cé- rébrale; je renverrai de nouveau ces messieurs au travail de M. E. Boudet que j'ai déjà cité. Un autre effet de la présence du sang au-dessous de la tente du cervelet, et autour de la moelle allongée et de la moelle épinière dans sa partie cervicale, c'est de déterminer une contraction, comme téta- nique, avec renversement de la tête en arrière. Or, si cette situation de la tête de M. Pralet a été la conséquence, non pas de la manière dont elle était soulevée par les oreillers, mais bien d'une contraction tétani- que, cette dernière résultait, sans aucun doute, de l'épanchement de sang que MM. les experts ont trouvé sous la tente du cervelet. Ainsi donc, congestion vasculaire intense avec exsudation sanguine à la surface des membranes du cerveau, chez le sujet de l'observation de Hufe- — 734 — land; apoplexie proprement dite, ou hémorrhagie cérébrale avec irruption du sang dans les ventricules, et sous la tente du cervelet, chez M. Pralet : telle a été la nature réelle de la lésion cérébrale chez ces deux individus, et aucun médecin versé dans l'étude de l'anatomie pathologique ne contredira l'opinion que j'émets ici. La lésion cérébrale n'était donc pas la même dans les deux cas. En second lieu, le siège particulier de l'hémorrhagie cérébrale chez Pralet rend parfaitement raison de la contracture du bras gauche et du renversement de la tête en arrière, s'il a existé, et démontre de la manière la plus évidente que ces symptômes n'ont point été la conséquence de l'ingestion de l'acide prussique, dont les effets sont d'ailleurs complètement différens. La réponse de MM. Rey et Gouvert se termine par une proposition tel- lement contraire aux dogmes de la science, que je serais coupable de la laisser sans réfutation : « L'analyse chimique n'eût-elle rien fait décou- « vrir dans le cas qui nous occupe, disent ces messieurs, nous n'en reste- « rions pas moins convaincus qu'il y a eu empoisonnement par l'acide «t prussique, parce que le corps du délit se reconnaît de deux manières, « c'est-à-dire par la présence matérielle, ou par ses effets, lorsque ces* « dits effets lui sont exclusivement propres, et ne peuvent être produits « que par lui. » Tous les maîtres de l'art enseignent qu'on ne peut affirmer qu'il y a em- poisonnement qu'autant qu'on a découvert le poison : Unicum signum cerium dati veneni, est critérium chemicum inventi veneni (Plenck, Toxi- cologia). Quant à ce que ces messieurs appellent ses effets, depuis qu'on s'est livré à leur étude on s'est assuré qu'ils ne peuvent être considérés que comme des auxiliaires propres à éclairer, et que, dans aucun cas, ils ne suffisent pour établir une conviction. On tremble quand on songe que des questions médico-légales qui intéressent l'honneur, et quelquefois la vie des accusés, peuvent être résolues d'après des principes tels que celui que je viens de combattre. Résumé et conclusions. Dans une affaire de cette gravité, les amis de l'humanité ne peuvent que se réjouir de voir le sénat de Savoie procéder avec une sage lenteur, appeler autour de lui toutes les lumières avant de prononcer son jugement. Etranger à la partie scientifique de la cause, son embarras doit être extrême lorsqu'il entend des hommes, en qui il a placé sa confiance, affirmer que Pralet est mort empoisonué par l'acide cyan- hydrique, tandis que, de plusieurs points de l'Europe, un cri unanime s'élève pour blâmer une pareille conclusion, et pour affirmer que Pralet a succombé à une attaque d'apoplexie. Dans cette situation, s'il m'était permis d'ouvrir un avis, je proposerais d'adresser à un corps savant de haute renommée, une série de questions sur l'affaire en litige, et ces questions je les poserais ainsi : Première question. Est-il vrai que MM. Soujeon, Domenget et Bebert — 735 —- aient choisi, comme ils le disent, les expériences que la science leur in- diquait comme les plus propres à constater d'une manière irréprochable la présence de l'acide cyanhydrique dans le liquide provenant de la distil- lation à laquelle ils avaient procédé? La réponse sera celle-ci. Ces messieurs ont sans doute choisi les trois ou quatre moyens indiqués par les auteurs pour reconnaître l'acide prus- sique; mais ils n'ont poussé aucune expérience assez loin pour qu'on ne puisse leur reprocher de ne pas s'être conformés aux exigences de la science qu'ils invoquent. Deuxième question. Les expériences rapportées par ces experts prou- vent-elles qu'il y ait eu de l'acide cyanhydrique dans la liqueur, comme ils le disent, et peut-on admettre avec eux, que, prises séparément, et sur- tout réunies, elles permettent d'insister en toute sécurité, et sans la moindre hésitation, sur les conclusions qu'ils ont données dans leur premier rap- port? La réponse sera celle-ci. Les expériences dont il s'agit ne prouvent pas qu'il y eût de l'acide cyanhydrique dans la liqueur, car elles sont toutes incomplètes ; si les experts eussent compris l'étendue de leurs devoirs, ils se seraient assurés, avant tout, que le précipité bleu était du bleu de Prusse et que le précipité blanc argentique contenait du cyanogène; aussi voyons-nous avec un sentiment pénible que l'on ose conclure en toute se- curité, et sans la moindre hésitation, ainsi qu'ils l'ont fait. Troisième question. Les raisons exposées par M. Calloud, et les nom- breuses expériences qu'il a faites pour en confirmer la valeur, sont-elles suffisantes, comme il le dit, pour détruire les objections présentées par la défense contre son travail ? La réponse sera celle-ci. Non-seulement ces objections conservent toute leur force, mais elles en acquièrent une nouvelle par les aveux et les ex- plications, au moins singulières, données par cet expert dans la réponse du 3 mars 1842. Quatrième question. MM. Rey et Gouvert ont-ils été autorisés à déclarer, d'après les symptômes observés chez Pralet, et les lésions cadavériques constatées à l'ouverture du corps, que le malade était mort empoisonné par l'acide cyanhydrique ? La réponse sera celle-ci. Quand on a vu quelques animaux empoisonnés par l'acide cyanhydrique, que l'on a eu occasion d'observer un cerlain nombre de cas d'empoisonnement par cet acide chez l'homme, et que, d'un autre côté, on a étudié avec soin la marche et les résultats de l'apo- plexie, il n'est pas permis même de faire soupçonner que la mort de Pralet ait reconnu d'autre cause que l'apoplexie. Il y a mieux : alors même que l'on n'a pas assisté à des expériences toxicologiques sur l'acide cyanhy- drique, que l'on n'a jamais vu cet empoisonnement chez l'homme, il est impossible, en s'en tenant uniquement à la lecture de ce qui a été écrit — 736 - sur la matière, de supposer un instant que Pralet ait succombé à une in- toxication par l'acide prussique. D'où il faudra conclure : I8 Que Pralet n'est pas mort empoiso.nné par l'acide ctan- hydrique; 2° Qu'il a succombé a une attaque d'apoplexie. En attendant que le sénat ait pris un parti à cet égard, je déclare être prêt à affirmer, sous la foi du serment, le contenu de mes deux consulta- tions. Je me présenterai à Paris devant telle autorité judiciaire qui pourra être désignée; j'irai à Chambéry si cela est jugé nécessaire; et si les lois du royaume de Savoie autorisent un débat contradictoire, et qu'il ait lieu, je ne ferai pas défaut, trop heureux de pouvoir démontrer, par un petit nombre d'expériences, que la science compte encore des hommes qui ne voient pas avec indifférence et sans effroi les coups funestes qu'on ose lui porter. Paris, ce 5 novembre 1842. Les lecteurs des Annales connaissent les deux consultations médico-lé- gales publiées par M. Orfila sur l'accusation d'empoisonnement intentée à Chambéry contre le sieur Lhéritier, accusation basée tout à-Ia-fois sur les rapports des médecins qui avaient fait l'ouverture du corps de M. Pralet, et sur les analyses chimiques des experts de Chambéry et d'Annecy. No- nobstant la surabondance des preuves qui démontraient qu'il n'y avait pas eu empoisonnement, le ministère public, dans l'audience ouverte le 20jan- vier dernier, avait conclu à la peine de mort. Les trois jours suivans furent employés par le défenseur à la discussion des argumens scientifiques sur lesquels le ministère public avait fondé son opinion, discussion dont les élé- mens lui étaient fournis parlesdeuxmémoiresde M. Orfila. Hâtons-nous de dire que ses efforts ont été couronnés d'un plein succès. Après une délibération prolongée pendant deux jours, sur les pièces nom- breuses de ce procès, le sénat de Chambéry a rendu un arrêt qui renvoie l'accusé avec inhibitions de molestie, sans frais ni dépens; M. Lhéritier a été mis immédiatement en liberté. Le renvoi avec inhibitions de molestie sans dépens est exactement ce que nous appelons en France le renvoi de l'accusation. Nous ne pouvons trop revendiquer ici la part que la science a eue dans cette affaire, car c'est à elle seule que l'inculpé doit son acquiltement.il n'y avait pas de crime, la mort de M. Pralet était naturelle, et causée par une attaque d'apoplexie. La démonstration de cette vérité a été mise dans tout son jour par M. Orfila au milieu des préventions de toute nature qui entouraient l'accusation. Un pareil succès, qui répond surtout aux repro- ches d'insuffisance et d'incertitude quecertaines personnes adressent assez souvent encore à la médecine légale, est la plus haute récompense que puisse ambitionner celui qui puise ainsi dans la science les moyens decom- — 737 — battre des erreurs qui peuvent compromettre tout à-la-fois l'honneur et la vie des hommes '.Note du rédacteur des Annales d'hygiène et de médecine légale, p. 47idu tome xxix, juillet 1843). Du cyanogène. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le cyanogène ? Le cyanogène est gazeux, incolore, d'une odeur vive, péné- trante, et d'une saveur très piquante; il rougit le tournesol, et son poids spécifique est de 1,8064. II brûle avec une flamme bleue mêlée de pourpre, quand on le met en contact avec un corps en combustion. Il est soluble dans quatre fois et demie son volume d'eau distillée. La dissolution se comporte avec l'azotate d'argent et le mélange de sulfate de protoxyde et de sesqui-oxyde de fer, comme l'acide cyanhydrique (V. p. 67a). Action sur l'économie animale. Il suffit de deux à trois minutes pour tuer les chiens les plus robustes auxquels on a fait prendre 60 grammes environ d'eau saturée de cyanogène récem- ment préparée; au reste, les symptômes et les altérations de tissu qui sont le résultat de cette ingestion ne diffèrent pas de ceux que détermine î'acide cyanhydrique (F. p. 687). Du cyanure de potassium. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par le cya- nure de potassium? Cyanure de potassium de JViggers obtenu en saturant une dissolution alcoolique de potasse pure par de l'acide cyanhydri- que gazeux. Il est solide, blanc, d'une saveur acre alcaline, amère, et d'une odeur très prononcée d'acide cyanhydrique, très soluble dans l'eau et moins soluble dans l'alcool. Chauffé jus- qu'au rouge blanc en vaisseaux clos, il n'est point décomposé, s'il n'est pas alcalin ; s'il est alcalin et qu'il ait le contact de l'air, il est au contraire décomposé. Les acides même très faibles en dégagent de l'acide cyanhydrique avec effervescence. Sa dissolu- tion aqueuse n'est point précipitée par l'eau de chaux, parce qu'il — 738 - ne contient point de carbonate de potasse, s'il a élé récemment préparé; les sulfates de protoxyde et de sesqui-oxyde de fer y dé- terminent un précipité de bleu de Prusse, ou d'un bleu verdâtre qui passe au bleu par l'addition de quelques gouttes d'acide chlorhydrique ; le sulfate de bi-oxyde de cuivre, s'il est employé en assez grande quantité, y occasionne un précipité vert pomme qui devient blanc par l'addition de quelques gouttes d'acide chlor- hydrique et la liqueur reste opaline. L'azotate d'argent en pré- cipite du cyanure d'argent (V. p. 67a). 1 gramme de cyanure de potassium récemment préparé, m'a fourni 1 gramme 72 cen- tigrammes de cyanure d'argent. Cyanure de potassium préparé en décomposant en vaisseaux clos et à une température rouge, du cyanure jaune de potas- sium et de fer, comme le prescrit le Codex. Il diffère du'précé- dent en ce qu'il renferme du carbonate de potasse ; d'où il suit que lorsqu'on le traite par les acides faibles il dégage de l'acide cyanhydrique et du gaz acide carbonique avec effervescence, el que l'eau de chaux précipite sa dissolution aqueuse en blanc. Il renferme sous un poids donné moins de cyanure de potassium que celui de JViggers. Cyanure de potassium employé à dissoudre les cyanures d'or, d'argent, de platine, dans la dorure galvanique et obtenu en calcinant la chair musculaire ou le sang avec de la potasse. Il est solide, blanc, d'une saveur alcaline, offrant à peine l'odeur d'acide cyanhydrique; il renferme une énorme proportion de carbonate de potasse et fort peu de cyanure de potassium ; en ef- fet je n'ai retiré d'un gramme de cyanure dissous que 6 centi- grammes de cyanure d'argent, tandis que la même proportion de cyanure de Wiggers m'en avait fourni 1 gramme 72 centigram. Les acides affaiblis le décomposent avec effervescence, en dé- gagent beaucoup d'acide carbonique et fort peu d'acide cyanhy- drique. Sa dissolution aqueuse est abondamment précipitée par l'eau de chaux (carbonate de chaux) ; le sulfate de protoxyde de fer la précipite en blanc verdâtre (carbonate de protoxyde), et en ajoutant de l'acide chlorhydrique, il ne reste presque pas de bleu de Prusse ; le sulfate de sesquioxyde de fer y fait naître un préci- pité rougeâtre, qui ne laisse pas davantage de bleu de Prusse, — 739 — quand on y verse quelques gouites d'acide chlorhydrique. Le sul- fate de bi-oxyde de cuivre la précipite en bleu (carbonate de cuivre mêlé d'hydrate de bioxyde), et le dépôt se dissout presque complè- tement dans l'acide chlorhydrique, sans rendre la liqueur opaline. L'azotate d'argent y fait naître un précipité de cyanure d'argent. Le cyanure de potassium le mieux préparé se transforme en ammoniaque et en formiate de potasse, lorsqu'on chauffe sa dissolution aqueuse concentrée. S'il est solide et exposé à l'air humide, il se transforme peu-à-peu en carbonate de potasse. Action du cyanure de potassium sur l'économie animale. Il résulte des expériences nombreuses de MM. Malagutti, Guyot, Sarzeau, et des miennes, 1° que le cyanure de potassium, préparé soit par le procédé de Wiggers, soit en calcinant le cya- nure jaune de potassium et de fer, est un poison excessivement énergique, capable d'occasionner une mort prompte à la dose de quelques centigrammes, et qu'il agit exactement comme l'acide cyanhydrique ; 2° Que le prétendu cyanure de potassium obtenu en calcinant la chair musculaire desséchée avec de la potasse, tel qu'il est dé- bité par certains fabricans de produits chimiques et par quelques pharmaciens, contient à peine du cyanure; qu'il est en grande partie formé de carbonate de potasse, de chlorure de potassium, etc. ; qu'il est peu vénéneux et qu'il exerce sur l'économie animale la même action que le carbonate de potasse. On conçoit dès- lors qu'un pareil cyanure, administré par des médecins, à la dose de quelques centigrammes, ne doive produire aucun des ré- sultats heureux qu'ils espéraient obtenir. Tout porte à croire que ce corps a été préparé avec un excès d'alcali, et l'on sait que dans ce cas le cyanure de potassium se transforme à une cha- leur rouge en ammoniaque et en formiate de potasse, et que celui-ci ne tarde pas à passer à l'état de carbonate de potasse; 3° Que s'il est vrai qu'une dissolution aqueuse concentrée de cyanure de potassium, se décompose en ammoniaque et en for- miate de potasse lorsqu'on la fait bouillir en vaisseaux clos, celte décomposition s'opère pourtant assez lentement pour que le sel ne soit pas entièrement altéré après une ébullilion de trois heu- res et demie; — 740 — a0 Qu'il en est de même du cyanure de potassium que l'on a fait bouillir pendant huit heures dans une grande quantité d'eau et avec le contact de l'air,- 5° Que si le cyanure de potassium est décomposé par l'action simultanée de l'eau et de l'acide carbonique contenus dans l'air, lorsqu'il est en contact avec cet agent, celle décomposition n'est complète qu'au bout d'un temps assez long, puisque après qua- torze jours, du cyanure de potassium qui avait été presque entiè- rement liquéfié par l'humidité atmosphérique, conservait encore des propriétés toxiques énergiques; 6° Que les chimistes et les médecins ont évidemment exagéré les inconvéniens qu'il pouvait y avoir, soit à traiter le cyanure de potassium par l'eau et à faire évaporer rapidement la dissolu- tion, soit à déboucher souvent les flacons dans lesquels ce sel est renfermé, parce qu'il résulte des expériences que j'ai tentées que dans ces diverses circonstances le sel ne s'altère que très lente- ment et partiellement. Recherches médico-légales. Si le cyanure de potassium est solide et sans mélange, on reconnaîtra que c'est un cyanure à l'aide des caractères indiqués à la p. 738, et l'on s'assurera qu'il contient du potassium par le chlorure de platine, l'acide per- chlorique, elc. (voy. Potasse , p. 137). S'il fait partie d'une potion, d'un mélange alimentaire, de la matière des vomissemens, ou de celle que l'on aura retirée du canal digestif, et que la liqueur soit trop colorée pour donner avec les agens dont j'ai parlé à la page 738, les réactions indi- quées, on l'introduira dans une cornue avec quelques décigram- mes d'acide acétique pur, et on procédera à la distillation en re- cueillant le produit volatilisé dans un solutum refroidi d'azotate d'argent; si l'on obtient du cyanure d'argent (V. p. 67a), on pourra conclure que la liqueur suspecte contient un cyanure ou de l'acide cyanhydrique ; mais si en traitant la liqueur qui res- tera dans la cornue par la chaleur et par l'alcool concentré, comme je l'ai dit à la page laO et suivantes, il reste de la po- tasse, tout portera à croire qu'elle contenait du cyanure de po- tassium plutôt que de l'acide cyanhydrique. Dans beaucoup de circonstances, on pourra même sans ajouter de l'acide acé- — 741 — tique, retirer de l'acide cyanhydrique on distillant des liqueurs qui contiendront du cyanure de potassium ; c'est qu'en effet ces liqueurs sont naturellement acides et que le cyanure est décom- posé par les acides qu'elles renferment, quelque faibles qu'ils soient (1). Du laurier-cerise (prunus lauro cerasus de L., et mieux cerasus lauro cerasus^). Le laurier-cerise est un arbrisseau de la famille des rosacées de Jussieu. Le calice est campaniforme, caduque, à cinq lobes; la corolle à cinq pétales; le fruit charnu, arrondi, glabre, un peu sillonné d'un côté; les étamines en nombre indéterminé ; les fleurs en pyramide, d'un blanc peu éclatant ; l'écorce est lisse, d'un vert brun ; les feuilles sont persistantes, simples, entières, oblongues, fermes, luisantes, pétiolées, tantôt panachées (1) On lit dans la Gazette des Tribunaux du 13 décembre 1842, que le 29 mars de la même année, M. Macé, médecin, prescrivit à M. Lessechop une potion com- posée de 4 grammes de cyanure de potassium, de 64 grammes d'eau de fleurs d'o- ranger et de 15 grammes de sirop; le malade devait prendre trois cuillerées par jour de ce médicament. Dès la première dose, il fut comme foudroyé et mourut au bout de trois quarts d'heure environ. MM. Malagutti, Sarzeau et Guyot de Rennes, chargés par le ministère public de rechercher la cause de la mort, ne dé- celèrent aucune trace de cyanure de potassium dans l'estomac, ni dans le duodé- num, ni dans l'œsophage ; ils s'assurèrent qu'il manquait au vase contenant la potion livrée à M. Lessecliop une quantité d'environ une cuillerée, et que le cya- nure était bon. Le 7 décembie 1842, la Cour royale de Rennes condamna M. Macé à 50 francs d'omende, à trois mois de prison et aux frais, pour avoir commis un empoisonnement par imprudenre. Un médecin appelé auprès d'un malade.qui souffrait violemment d'hémorrhoïdes internes, prescrivit la potion suivante: cyanure de potassium, 8 grammes; eau de camomille, 60 grammes ; sucre blanc, 8 gr.; une demi-cuillerée à bouche toutes les quatre heures. Le malade, ayant pris une cuillerée à café qui pouvait contenir à peine 100 gouttes de liquide, mourut une heure après. Le médecin qui avait pres- crit la potion, mandé auprès du moribond, et croyant avoir prescrit du cyanure jaune de potassium et de fer, prit une cuillerée à café du médicament, le tint pendant quelque temps dans sa bouche et en avala environ les trois quarts ; mais ressentant une constriction particulière dans la gorge, il rejeta le reste. Sa vue s'obscurcit; il éprouva des vertiges, des nausées, des bourdonnemens d'oreille, et perdit presque entièrement connaissance. Après avoir pris quelques tasses de lait, il était guéri le lendemain. A l'ouverture du cadavre de la victime, on constata la présence du poison dans le gros intestin et dans les matières fécales qui y étaient contenues (Note de M. Weidner, conseiller aulique. Journal de chimie médicale, octobre 1846). — 742 - de blanc, tantôt panachées de jaune, munies de deux glandes sur le dos ou sur leur face inférieure. Cet arbrisseau croît spontanément près de la mer Noire, aux environs de Trébisonde; on le cultive dans les jardins : ses fleurs et ses feuilles ont le goût de l'amande amère. Les feuilles de laurier-cerise renferment de l'acide cyanhydrique, do l'huile essentielle, du tannin, de la chlorophylle, de l'extractif, un principe amer analogue à l'amygdaline, et pourtant susceptible de transformer l'é- mulsine en acide cyanhydrique et en huile essentielle d'amandes amères. Symptômes et lésions de tissu produits par le laurier-ce- rise. Ils sont analogues à ceux que détermine l'acide cyanhydri- que, quoique ce dernier soit plus énergique (V. p. 687). Action du laurier-cerise sur l'économie animale. On sa- vait depuis long-temps que l'eau distillée de laurier-cerise était vénéneuse à une certaine dose ; mais il était important de déter- miner si elle devait ses propriétés vénéneuses à l'acide cyanhy- drique, à une huile volatile, ou à ces deux principes réunis. Voici les résultats d'un travail d'Ollivier (d'Angers) : 1° 120 grammes d'eau distillée de laurier-cerise filtrée, occasionnent la mort des chiens vigoureux dans l'espace de dix à quinze minutes, comme le ferait la même dose d'eau non filtrée. 2° 120 grammes d'eau distillée de laurier-cerise, épuisée d'acide cyanhydrique, ou du moins traitée par la potasse et le sulfate de fer, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus fourni de bleu de Prusse, ont été introduites dans l'estomac de chiens robustes qui n'ont pas tardé à éprouver des vertiges et tous les accidens de l'empoisonnement : ils sont morts au bout d'une heure. L'eau dont il s'agit, celle qui a élé privée d'acide cyanhydrique, renferme évidemment les élémens de cet acide, puisqu'il suffît de la faire chauffer un peu, en y ajoutant quelques gouttes d'une dissolution de potasse, pour qu'aussitôt le sulfate de fer y produise un précipité bleu abon- dant, el l'azotate d'argent un précipité blanc. 3° L'huile de lau- rier-cerise obtenue par la simple distillation de la plante avec de l'eau, tue les cochons d'Inde en moins d'une heure, à la dose de quatre gouttes ; il en est dé même de celle qui a été séparée de l'eau distillée de laurier - cerise privée d'acide cyanhydrique. a0 L'action de l'eau distillée de laurier-cerise est évidemment due, d'après ce qui précède, à l'acide cyanhydrique et à l'huile qu'elle contient. 5° Des exemples nombreux et bien constatés ne — 743 — permettent pas de révoquer en doute l'action vénéneuse de celle eau distillée chez l'homme. 6° L'extrait aqueux de laurier-cerise n'est point vénéneux ou ne l'est que très peu ; ce qui dépend sans doute de ce que l'acide cyanhydrique et l'huile ont été volatilisés lorsqu'on a fait évaporer le liquide jusqu'en consistance d'extrait. On reconnaîtra l'eau de laurier-cerise, 1° à son odeur d'a- mandes amères ; 2» à la propriété qu'elle a de fournir du bleu de Prusse au bout de quelques heures, lorsqu'on la mêle avec une petite quantité de potasse ou de magnésie, de sulfate de fer et d'acide sulfurique ; 3° à l'action qu'exerce sur elle l'azotate d'ar- gent qui y fait naître un précipité blanc de cyanure d'argent fa- cile à reconnaître (V. p. 67a). Si on laisse ramasser ce précipité lorsque l'eau ne précipite plus par le sel d'argent, et qu'on filtre, il suffira de faire bouillir pendant quelques instans, avec quel- ques gouttes de potasse, la liqueur filtrée, pour que l'on puisse y démontrer de nouveau, soit par le sulfate de fer, soit par l'azo- tate d'argent, la présence de l'acide cyanhydrique qui s'est formé pendant l'ébullition • seulement, en employant le sel d'argent, on obtiendra un précipité mélangé d'oxyde et de cyanure, à cause de l'excès de potasse de la liqueur ; mais il sera aisé de séparer ces deux composés par l'acide azotique qui dissoudra l'oxyde et laissera le cyanure. Huile de laurier-cerise. On la reconnaîtra à sa couleur jaune fauve si elle est récente, jaune foncé si elle est ancienne, à son odeur très prononcée d'amandes amères, à ce qu'elle est plus pesante que l'eau et très soluble dans ce liquide, à ce qu'elle ne trouble point l'azotate d'argent, à moins qu'on ne l'ait préalablement fait bouillir avec une dissolution aqueuse très étendue de potasse, car alors il s'est développé de l'acide cyan- hydrique, et il se forme un précipité blanc de cyanure d'argent (F. p. 67a). Des amandes amères. Les amandes amères contiennent de l'amygdaline, substance qui, sous l'influence de l'eau, transforme l'émulsine en acide cyanhydrique, en huile d'amandes amères, incolore, très véné- neuse, et en sucre cristallisable. - 7-44- — Ces amandes agissent sur l'économie animale d'une manière analogue à celle de l'acide cyanhydrique. L'huile essentielle d'amandes amères est formée, d'après Robiquet, d'un principe cristallisable non azoté et non vénéneux et d'un principe cristallisable azoté très énergique, comme l'a prouvé M. Villermé. Elle est incolore, transparente, d'une odeur d'amandes amères, d'une saveur brûlante et aromatique, vola- tile, indécomposable par la chaleur, et soluble dans les acides azotique et sulfurique. Elle est extrêmement vénéneuse et agit à-peu-près comme l'huile empyreumatique de tabac. Tout porte à croire que les feuilles de pécher, les fruits à noyau, les pé- pins des pommes et de divers corps contenant de l'acide cyan- hydrique, exercent sur l'économie animale une action délétère plus ou moins intense. TROISIÈME CLASSE. Des poisons narcotico-âcres. On ne devrait désigner sous ce nom que les poisons qui déter- minent à-la-fois le narcotisme et l'inflammation des parties qu'ils touchent ; mais il n'en est pas ainsi, les auteurs ayant rangé parmi les poisons narcotico-àcres un très grand nombre de sub- stances qui n'enflamment point les tissus, et d'autres qui ne pro- duisent le narcotisme qu'après avoir donné lieu à la plus vive excitation ; d'où je crois pouvoir conclure que celte classe ren- ferme des objets foris disparates, dont il est impossible d'indi- quer les caractères dans une definiiion générale. Il me semble utile d'établir plusieurs groupes, dans chacun desquels je ran- gerai les poisons qui se rapprochent le plus par leur mode d'ac- tion. § Ier- De lascille; del'œnanthe crocala; del'aconit; de V ellébore ; du varaire ; de la vératrine ; du colchique ; de la bella- done ; du datura; du tabac; de la digitale; des diverses espèces de ciguës et du laurier-rose, etc. Symptômes déterminés par ces poisons: agitation, cris ai- gus, délire plus ou moins gai ; mouvemens convulsifs des mus- - 745 — des de la face, des mâchoires et des membres ; pupilles dilatées, contractées ou dans l'état naturel ; pouls fort, fréquent, régu- lier ou petit, lent, irrégulier; douleurs plus ou moins aiguës à fépigaslre et dans diverses parties de l'abdomen ; nausées, vo- missemens opiniâtres, déjections alvines. Quelquefois, au lieu d'une grande agitation, on observe une sorte d'ivresse, un grand abattement, de l'insensibilité, un tremblement général, et les malades n'ont aucune envie de vomir. Les symptômes que je viens d'énumérer peuvent ne pas se présenter tous chez le même individu ; mais ceux qui se sont manifestés ne cessent jamais complètement, pour reparaître quelque temps après, comme cela a lieu pour les poisons rangés dans deux autres groupes de celle classe, dont je parlerai bientôt. Lésions de tissu produites par ces poisons. Les organes qui ont été pendant quelque temps en contact avec les substances qui font l'objet de ce paragraphe sont le siège d'une inflamma- tion plus ou moins intense, semblable à celle que produisent les irritans (voy. p. 75). Les poumons, le sang et le cerveau présentent des altérations analogues à celles que développent les poisons narcotiques (voy. p. 622). Action de ces poisons sur l'économie animale. Ils sont tous absorbés ; ils agissent particulièrement sur le cerveau et sur quelques autres parties du syslème nerveux, et déterminent des phénomènes d'excitation et de narcotisme auxquels les animaux succombent; ils produisent en outre une irritation locale plus ou moins intense, qui ne doit pas être regardée comme la principale cause de la mon. De la s cille. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le bulbe de scille? (scilla maritima, plante de la famille des liliacés de Jussieu, et de l'hexandriemonogynie de Linnœus). Le bulbe de scille rouge (oignon) est très volumineux ; il offre souvent la "rosseur d'une tète d'enfant ; il est composé de plusieurs lames ou squames superposées ; les plus extérieures de ces tuniques sont grandes, larges, min- ces, transparentes, ronges, presque sèches, et friables; les plus intérieures sont blanches, très épaisses ; celles qui sont placées entre les deux couches — 746 — dont je parle sont très amples, épaisses, et recouvertes d'une pellicule d'un blanc rosé; elles renferment un suc visqueux sans odeur, très amer et très irritant. Le bulbe de scille répand une odeur subtile, fort acre et pénétrante, comme celle de raifort. Il est composé de scillitine, de gomme, de tannin, de citrate de chaux, de matière sucrée, de ligneux, et d'un prin- cipe acre et irritant. Action de la scille sur l'économie animale. Les faits ob- servés chez l'homme, et les expériences que j'ai faites sur les chiens, me portent à conclure, 1° que la scille, peu de temps après son administration, excite le plus souvent des nausées et des vomissemens ; 2° qu'elle détermine l'irritation et l'inflamma- tion des organes sur lesquels elle a été appliquée ; et ces effets sont d'autant plus marqués, que l'anirrfal soumis à l'influence de ce poison tarde plus à périr ; 3° que les accidens qu'elle produit ne doivent point être attribués à l'inflammation dont je parle, mais à l'action qu'elle exerce sur le système nerveux après avoir été absorbée; a0 que cette absorption est suivie de symptômes fâcheux, et même de la mort, lorsqu'on applique sur le tissu cel- lulaire sous-cutané de la partie interne de la cuisse 2 ou a gram. de poudre de scille mêlée avec autant d'eau ; 5° que la difficulté de respirer qu'éprouvent les animaux empoisonnés par cette substance, paraît tenir à l'influence nerveuse plutôt qu'à une lé- sion organique des poumons ; 6° que l'on doit attribuer, du moins pour la plus grande partie, les effets meurtriers de la scille à la scillitine, matière blanche, d'une cassure résineuse, amère, so- luble dans l'alcool et ne fournissant point d'acide mucique quand on la traite par l'acide azotique. De l'œnanthe crocata (safranée). L'œnanthe est un genre de la famille des ombellifères de Jus- sieu, et de lapentandrie digynie de Linnœus. Caractères du genre. L'involucre est composé de plusieurs folioles linéaires , ainsi que les involucelles ; les pétales des fleurs centrales sont égaux, cordiformes; ceux des fleurs de la circonférence sont inégaux entre eux ; les fruits sont ovoïdes, allongés, marqués de côles longitudinales, couronnés par les cinq dents du calice et par les deux styles, qui sont fort longs etpersistans. — 747 — Caractères de l'œnanthe crocata (Lin., sp. 365). Sa racine, qui est vivace, est composée d'un faisceau de tubercules charnus, allongés, de la grosseur du petit doigt, remplis d'un suc laiteux blanchâtre, qui devient d'une cou- leur jaune safranée quand il est exposé à l'air ; sa tige est dressée, rameuse, cylindrique, fistuleuse, cannelée, haute de plus d'un mètre, également lai- teuse. Les feuilles sont grandes, à pétioles dilatés à la base, trois fois ailées et formées de folioles profondément incisées, et à divisions obtuses ; elles sont vertes et luisantes ; les ombelles sont composées de rayons courts et nombreux, en sorte que les ombellules sont très rapprochées les unes des autres; l'involucre est formé par plusieurs petites folioles linéaires, ainsi que les involucelles. Les fleurs sont blanches, et serrées les Unes contra les autres ; les pétales des fleurs extérieures sont inégaux et plus grands ; les deux styles sont grêles et très longs ; les fruits sont ovoïdes, allongés, rele- vés de côtes longitudinales, et courounés par les cinq dents du calice et par les deux styles, qui sont persistans. Cette plante croît dans les prés et les lieux humides de la France (Rich., Bot. méd.). Action de l'œnanthe crocata sur l'économie animale. Les accidens produits chez l'homme par la racine d'œnanthe cro- cata me permettent d'établir, 1° qu'elle doit être rangée parmi les substances vénéneuses ; 2° qu'elle détermine le plus ordinai- rement les symptômes suivans, lorsqu'elle est introduite dans l'estomac : chaleur vive au gosier et à la région épigastrique, cardialgie, diarrhée, somnolence, vertiges, aliénation d'esprit, convulsions violentes, état spasmodique très marqué des mus- cles de la mâchoire ; la peau se couvre quelquefois de taches ro- sacées, de figure irrégulière, et qui s'élargisseni successivement; 3° qu'elle développe une inflammation plus ou moins vive dans les organes avec lesquels elle a été mise en contact ; a0 que ses effets délétères dépendent de son absorption et de son action sur le système nerveux. De l'aconitine. Hesse a retiré l'aconitine des feuilles de Yaconitum na- pellus. Elle est blanche, grenue, non cristalline, de l'éclat du verre, inodore, d'une saveur amère, puis acre, inaltérable à l'air, peu soluble dans l'eau, très soluble dans l'alcool, soluble dans l'éther; ces dissolutions sont alcalines; le solutum aqueux est 48. — 748 — précipité par le chlorure de platine. Elle forme avec les acides des sels neutres qui paraissent incristallisables. L'acide azotique la dissout sans la colorer; chauffée, elle fond facilement, ne se volatilise pas, et fournil des vapeurs ammoniacales en se décom- posant. Appliquée sur l'œil, elle dilate la pupille pendant fort peu de temps. Elle est très vénéneuse. De l'aconit napel. L'aconit est un genre de la famille des renonculacées de Jus- sieu, et de la polyandrie trigynie de Linnœus. Caractères du genre. Calice coloré, pétaloïde, caduque, pentasépale ; sépale supérieur en forme de casque, grand, et concave en dessous; corolle le plus souvent formée de deux pétales (nectaires, Lin.) longuement onguiculés à la base, terminés supérieurement par une sorte de petit capu- chon, dont l'ouverture inférieure offre une petite languette allongée : ces deux pétales sont cachés sous le sépale supérieur; les capsules sont au nombre de trois ou de cinq. Caractères de l'aconiium napellus, Lin., sp. 751. Sa racine est vivace, pivotante, napiforme, allongée, noirâtre, don- nant naissance à une tige dressée, simple, cylindrique, glabre, haute de plus d'un mètre. Les feuilles sont alternes, pétiolées, partagées jusqu'à la base de leur limbe en cinq ou sept lobes allongés, subcunéiformes, profondé- ment incisés, et découpés en lanières étroites et aiguës. Les fleurs sont grandes,d'un bleu violet, occupant la partie supérieure de la tige; elles sont un peu pédonculées, et disposées en un épi long, souvent de 33 cenlim. Le calice est pétaloïde, irrégulier, formé de cinq sépales inégaux ; un supé- rieur plus grand, en forme de casque ou de capuchon, est dressé, convexe ; deux latéraux planes, inégalement arrondis, poilus sur leur face interne; deux inférieurs, un peu plus petits, ovales, entiers, également poilus à leur face interne. La corolle est formée de deux pétales irréguliers, longuement onguiculés ou canaliculés à la base, terminés supérieurement par une es- pèce de petit capuchon recourbé à son sommet, qui est calleux, offrant an- térieurement à son ouverture une petite languette roulée en dessus : ces deux pétales sont dressés, et cachés sous le sépale supérieur. Les étamines, au nombre d'environ trente, sont d'inégale grandeur, beaucoup plus courtes que le calice; les filets sont planes à leur partie inférieure, subulés à leur partie supérieure; les plus extérieurs sont recourbés en dehors; les an- thères sont cordiformes. Trois pistils occupent le centre de la fleur, et sont allongés, glabres, presque cylindriques, terminés en peinte au sommet; l'ovaire, qui en forme la plus grande partie, est a une seule loge qui ren- ferme environ une vingtaine d'ovules, disposés sur deux rangées longitu* dinales, et attachés du côté interne. Le fruit est formé de trois capsules — 749 — allongées, qui s'ouvrent par une suture longitudinale placée du côté in- terne. L'aconit napel croît dans les pâturages élevés des montagnes, dans le Jura, la Suisse, etc. Il fleurit en mai et juin (Rich., Bot. méd ). Action de l'aconit napel sur l'économie animale. Les effets produits sur l'homme et sur les chiens par l'aconit napel me portent à conclure, 1° que les feuilles, la racine et les extraits aqueux et résineux de cette plante jouissent de propriétés vé- néneuses très énergiques, susceptibles de déterminer la mort dans un court espace de temps ; 20 que la racine paraît plus ac- tive que les feuilles, el l'extrait résineux plus que l'extrait aqueux ; 3° que ce dernier est incomparablement moins actif lorsqu'il a été préparé en faisant bouillir la plante, el en évapo- rant le décoetum à une température élevée, que dans le cas où il a élé obtenu en exprimant le suc de la plante fraîche, et en le concentrant à l'aide d'une chaleur douce; a0 que les effets fâ- cheux de ces diverses substances se manifestent peu de temps après leur emploi, soit qu'on les ait introduites dans l'estomac ou dans le rectum, soit qu'on les ail appliquées sur le lissu lami- neux sous-cuiané de la partie interne de la cuisse, soit enfin que l'on ait injecté dans les veines le liquide par lequel elles ont été traitées, pour en dissoudre le principe actif; 5° que ce dernier mode d'inlroduclion est celui qui est le plus promptement suivi d'accidens graves; 6° que l'empoisonnement déterminé par celle plante est le résultat de son absorption el de l'aciion spéciale qu'elle exerce sur le système nerveux, et notamment sur le cerveau ; 7°quelle produit une espèce d'aliénaiiou mentale; 8° qu'indé- pendamment de ces effets, elle occasionne une inflammation plus ou moins intense des organes sur lesquels on l'applique ; 9° qu'elle paraît agir sur l'homme comme sur les chiens ; 10° qu'elle doit probablement une grande partie de ses propriétés toxiques à Yaconifine. Les aconitum cammarum, anthora et lycoctonum, sont également très vénéneux, el paraissent exercer sur l'économie animale le même mode d'action que le précédent. Vaconitum ferox (aeonil féroce) a élé administré à des chiens et à des lapins par M. Péreira qui s'est assuré que sa racine est un des poisons les plus violons, que les extraits alcoolique et — 750 — aqueux sont vénéneux, le premier à un plus haut degré que le second ; qu'ils sont absorbés et agissent sur le système nerveux, indépendamment de l'aciion locale qu'ils exercent sur les nerfs de la partie sur laquelle ils ont été appliqués ; que la cause im- médiate de la mort est l'asphyxie ; qu'ils diminuent l'irritabilité du cœur ; qu'ils déterminent la dyspnée, des convulsions et la paralysie des extrémités (Edinburgh journal of natural and geographical science, juillet 1830). De l'ellébore noir. L'ellébore est un genre de la famille des renonculacées de Jus- sieu et de la polyandrie polyginie de Linnœus. Caractères du genre. Calice formé de cinq sépales obtus et assez grands, persistans ; corolle composée de huit à dix pétales (nectaires, Linn.) tubu- leux, rétrécis inférieurement, tronqués au sommet ; étamines nombreuses; fruits capsulaires, allongés, à une seule loge, renlermant plusieurs graines elliptiques attachées sur deux rangées longitudinales. Les racines de toutes les espèces sont violemment purgatives. Caractères de THelleborus niger, Linn., sp. 783. Souche ou tige souterraine, horizontale, charnue, comme articulée, présentant la cicatrice des feuilles dont la base a servi à la for- mer ; elle est noirâtre à l'extérieur, blanche en dedans, donnant naissance par son extrémité supérieure aux feuilles, et par les déférens de sa surface extérieure aux fibres radicellaires, qui sont simples, très allongées, char- nues, brunâtres, et deviennent noires en se desséchant. Les feuilles, toutes radicales, sont pétiolées, à sept ou huit lobes très profonds, obovales, lan- céolés, acuminés, coriaces, glabres, dentés en scie dans leur partie supé- rieure ; les pétioles sont cylindriques, rougeâtres, longs de 6 à 18 centim., dilatés et membraneux à leur partie inférieure. Les hampes sont de la même hauteur que les pétioles, et supportent une ou deux fleurs roses, très grandes, pédonculées et penchées : ces fleurs sont accompagnées d'une ou de deux bractées foliacées, de figure variable, vertes ou colorées en rose. Le calice est grand, pétaloïde, coloré, comme campanule, ouvert, formé de cinq ou six sépales très grands, inégaux, obovales, arrondis, très obtus; les cornets ou pétales (nectaires de Linnœus), au nombre de dix à douze, sont beaucoup plus courts que le calice ; ils sont pédicellés, un peu arqués, inégalement tronqués à leur orifice, qui est comme bilabié : leur couleur est jaune verdâtre. Les étamines sont extrêmement nombreuses, et moitié plus courtes que le calice. Les pistils, au nombre de six ou huit, quelquefois même davantage, réunis et rapprochés au centre de la fleur, sont glabres; l'ovaire est oblong, comprimé latéralement, un peu courbéj — 751 — se terminant supérieurement en un style allongé, recourbé en dehors à son sommet, marqué sur son côté interne d'un sillon glanduleux, qui s'élargit à sa partie supérieure et forme le stigmate. Les pistils se changent en autant de capsules à une seule loge, renfermant plusieurs graines, et s'ojivrant par une suture longitudinale qui règne sur le côté interne. L'ellébore noir fleurit depuis le mois de décembre jusqu'en février et mars. Il croît dans les lieux ombragés et frais des montagnes, en Dauphiné, en Provence, dans les Vos- ges. Les jardiniers le désignent sous le nom de rose de Noël, époque à la- quelle il est toujours en fleur (Richard, Bot. méd.). Symptômes déterminés par la racine d'ellébore noir. Peu de temps après avoir administré cette racine aux animaux des classes supérieures, dit M. Schabel (1), la respiration devient pénible et lente ; les battemens du cœur se ralentissent, et peu de minutes nprès, l'envie de vomir se manifeste; l'animal vomit des matières bilieuses et muqueuses ; il salive, et présente tous les phénomènes que l'on observe ordinairement dans les grandes douleurs de ventre ; il chancelle, vacille comme s'il avait des vertiges ; et s'affaiblit de plus en plus. On remarque un tremble- ment dans les muscles des extrémités postérieures d'abord, puis, et seulement dans certaines circonstances, dans ceux des pattes antérieures : il arrive tantôt que la respiration et la circulation sont plus rares et plus irrégulières; tantôt, au contraire, ces fonctions sont altérées, et alors la respiration est douloureuse. Les animaux halètent comme les chiens qui ont très chaud ; la langue est pendante ; la faiblesse des muscles augmente à un tel point, que la démarche devient impossible, et l'animal reste étendu par terre : à cette époque, les efforts pour vomir cessent le plus ordinairement, les convulsions se déclarent, augmentent de temps à autre, et ne tardent pas à être suivies de l'opisthoto- uos, de l'emprosthotonos et de la mort. Dans certaines circonstances, la respiration et les mouvemens du cœur deviennent plus rares ; ceux-ci sont intermittens, tandis que la respiration est pénible ; la chaleur intérieure et extérieure diminue, phénomène qui est de la plus haute importance pour (1) Dissertatio inauguralis de effectibus veneni radicum veratri albi et hellcbori nigri, par Schabel, Tubingœ, 1817. La plupart de ces symptômes avaient déjà été décrits par moi dans la première édition de la Toxicologie générale, année 1815. — 752 — les physiologistes. Plus tard, la sensibilité diminue, l'animal lan- guit et reste couché ; la respiration est rare et faible, et de temps à autre on aperçoit quelques signes de vie qui s'éteint par de- grés. Quelquefois, surtout chez les oiseaux, ces poisons agissent comme purgatifs; ils déterminent rarement l'éternuement; la pupille est resserrée ou dilatée. Lésions de tissu produites par la racine d'ellébore noir. Lorsque les animaux soumis à l'influence de cette racine tar- dent quelque temps à périr, on voit que les parties qui ont été en contact avec le poison sont enflammées; il en est de même de l'intestin rectum. Les poumons sont gorgés de sang, plus pe- sans que l'eau, et parsemés de taches brunes ; quelquefois ils sont emphysémateux. Les gros troncs veineux et les cavités droites du cœur renferment une grande quantité de sang noir qui est fluide , si l'on a procédé à l'ouverture du cadavre peu de temps après la mort. Les vaisseaux et la vésicule biliaire, ainsi que les intestins grêles, contiennent beaucoup de bile. Le foie est souvent gorgé de sang. Action de la racine d'ellébore noir sur l'économie ani- male. Il résulte des expériences tentées sur les animaux, et des observations recueillies chez l'homme, 1° que la racine de cette plante est vénéneuse pour les mammifères, les oiseaux, les rep- tiles, les mollusques, les insectes, et probablement pour tous les autres animaux ; 2° que ces propriétés délétères résident dans la partie soluble dans l'eau ; 3° qu'elle agit avec moins d'énergie, si on l'introduit dans le canal digestif, que dans le cas où on la met en contact avec des plaies saignantes, ou avec la membrane muqueuse des voies aériennes, ou avec le tissu cellulaire sous- cutané; a0 que son action est nulle quand on la place sur l'épi- derme, les organes fibreux ou les nerfs; 5° que sa dissolution aqueuse, injectée dans les vaisseaux sanguins , dans les cavités séreuses, ou appliquée sur des organes pourvus de vaisseaux sanguins, est beaucoup plus active que lorsqu'on la met en con- tact avec toute autre partie ; 6° que la racine dont je parle est absorbée, portée dans le torrent de la circulation, et détermine des vomissemens violens et diverses lésions du système nerveux, auxquelles les animaux ne tardent pas à succomber ; 7° que néan- — 753 — inoins elle peut ne pas occasionner la mort, lorsque ayant été in- troduite dans l'estomac , on laisse aux animaux la faculté de vo- mir; 8 qu'aucune des substances vénéneuses employées jusqu'à ce jour ne produit aussi promptement le vomissement que cette racine, lorsqu'elle est appliquée sur des plaies saignantes ; 9° que la mort, qui est le résultat de cet empoisonnement, a le plus souvent lieu en une demi-heure ou une heure ; quelquefois elle n'arrive qu'au bout de plusieurs heures ; dans d'autres circon- stances, quelques minutes suffisent pour la déterminer. Du varaire. Le varaire appartient à la famille des colchicées de Dec. et à la polygamie monœcie. Caractères du genre. Plante monocotylédone, à fleurs polygames, à feuilles ovales nerveuses : des graines oblongues entières; fleurs polygames disposées en panicules ; calice ou corolle à six découpures égales, colorées; six étamines, trois ovaires distinctifs, trois styles courts, trois capsules oblongues, à deux valves- plusieurs graines membraneuses. Varaireblanc (ellébore blanc). Racine ayant la forme d'un cône tronqué, noirâtre et ridée au-dehors, blanche à l'intérieur et d'une saveur acre, longue de 6 à 9 centim., large d'environ 3 centim., à radicules nombreuses, de la longueur de 9 à 12 centim., de la grosseur d'une plume de corbeau, blanches à l'inté- rieur et jaunâtres à l'extérieur. Elle agit sur l'économie animale comme l'ellébore noir, et doit ses propriétés vénéneuses au gallate acide de vératrine qu'elle contient. Cévadille (veratrum sabadilla de Retz ; melanthium de Thunberg; orfilia sabadilla de Desc). Fleurs hermaphrodites et quelquefois mâles par avorlementde l'ovaire; fruits à 3 loges contenant chacune trois graines obtuses à l'une des extré- mités, et presque imbriquées, retenues par un pédicule très court à la su- ture intérieure {Voy. pour plus de détails la 49e livraison de la Flore de M. Descourtils). La cévadille contient, outre la sabadilline, une matière dé- signée sous le nom de résine gomme de sabadilline, qui paraît être formée d'un équivalent de sabadilline anhydre et d'un équivalent d'eau; elle sature les acides, à la manière des alcalis, mais ne donne point de ?els cristalli- sables. La cévadilline agit sur l'économie animale par ie gallate acide de vératrine qu'elle renferme. — 754 — De la vératrine. La vératrine est une substance végétale alcaline, composée d'oxygène, d'hydrogène, de carbone et d'azote, découverte en 1819, par MM. Pelletier et Caventou dans la racine d'ellébore blanc, dans les graines de cévadille et dans la racine de colchi ■ que. Elle est solide, blanche, pulvérulente,inodore, mais suscep- tible de provoquer des éternuemens violens, lorsqu'elle est appli- quée sur la membrane pituitaire, même à une dose très faible; sa saveur est excessivement acre, sans mélange d'amertume ; elle fond à 115° c, et offre alors l'apparence de la cire. L'eau bouil- lante n'en dissout que 1/1000 de son poids, et acquiert une âcreté sensible. Elle est décomposée par le feu et laisse un charbon vo- lumineux. L'alcool la dissout à merveille : ce solutum ramène au bleu le papier de tournesol rougi par un acide; elle est moins soluble dans l'éther que dans l'alcool. L'acide azotique se combine avec elle sans la faire passer au rouge, comme cela a lieu avec la morphine, la strychnine impure et la brucine. L'a- cide sulfurique la colore d'abord en jaune, puis en rouge de sang, et enfin en violet, caractères qui la distinguent de la colchicine. Elle forme, avec les acides, des sels incristallisables et avec excès d'acide : celte dernière propriété la rapproche de la picrotoxine (V. page 792). Actionde la vératrine sur l'économie animale. Il résulte des expériences faites sur les chiens par M. Magendie, 1° que la véra- trine exerce sur l'économie animale une action analogue à celle de l'ellébore blanc, du-colchique et de la cévadille, d'où elle est extraite ; 2° qu'elle occasionne promptement l'inflammation des tissus sur lesquels on l'applique ; 3° qu'étant injectée dans les veines, elle exerce encore une action irritante sur les gros intes- tins ; a° que, si elle est introduite dans le canal digestif à très pe- tite dose, elle ne produit que des effets locaux, tandis qu'elle est absorbée et détermine le tétanos, si la quantité employée est plus considérable; elle le produit, à plus forte raison, lorsqu'on l'in- jecte directement dans les veines. — 755 — De la sabadilline. Elle fait partie de la cévadille, de la racine d'ellébore blanc et du colchique. Elle est blanche, sous forme d'étoiles solitaires qui paraissent des hexaèdres, très acre, fusible à 200° cent., et alors elle a un aspect résineux et brunâtre, décomposable par la cha- leur sans se sublimer, assez soluble dans l'eau chaude, très solu- ble dans l'alcool, insoluble dans l'éther, très soluble dans les acides sulfurique et chlorhydrique étendus d'eau, avec lesquels elle forme des selscristallisables. Du colchique (colchicum autumnale), de l'hexandrie trigynie de L. et de la famille des colchicées. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la racine de colchique? Caractères. « Le colchique, tel que le commerce le présente, est un corps ovoïde, de la grosseur d'un marron, convexe d'un côté, et pré- sentant la cicatrice occasionnée par la petite tige (1), creusée lon- gitudinalement de l'autre, d'un gris jaunâtre à l'extérieur, et marqué de sillons uniformes, causés par la dessiccation, blanc et farineux à l'inté- rieur, d'une odeur nulle, d'une saveur acre et mordicante (Guibourt). » Le colchique a été analysé par MM. Pelletier et Caventou, et a fourni les mêmes principes que la racine d'ellébore blanc; on y a trouvé de la colchicine, de la sabadilline, de la résine gomme de sabadilline, du gallate acide de vé- ratrine, de Yélaïne, de la stéarine, un acide volatil, une matière jaune, de l'amidon, du ligneux et de la gomme; il contient, en outre, une grands quantité d'inuline. Action du colchique sur l'économie animale. La racine fraîche du colchique contient un suc laiteux, acre et caustique, dans lequel se trouve le gallate acide de vératrine; elle me paraît agir sur l'économie animale à-peu-près comme la racine d'ellé- bore blanc, mais avec moins d'intensité; et si plusieurs auteurs ont élevé des doutes sur les propriétés vénéneuses de cette racine, cela tient probablement à ce qu'ils l'ont employée lorsqu'elle n'é- (1) Une des deux tiges à fleurs ; elle est enveloppée d'une spathe. — 756 — tait pas en pleine végétation, ou bien lorsque le principe actif avait été détruit en partie par la dessiccation. De la colchicine. Lacolchicine a été extraite des graines du colchicum autum- nale. Elle cristallise en aiguilles déliées, incolores, inodores, d'une saveur très amère, puis acre, assez solubles dans l'eau-, ce solutum précipite le chlorure de plaline. Quoique n'offrant qu'une faible alcalinité, la colchicine neutralise complètement les acides et forme des sels en partie cristallisantes,* dont la saveur est amère et âpre. L'acide azotique concentré la colore en violet foncé et en bleu indigo; la couleur passe bientôt au vert, puis au jaune ; l'acide sulfurique la colore en jaune brun. Elle est très vé- néneuse d'après Geiger et Hesse. De la belladone (atropa belladona). Vatropa est un genre de la famille dessolanées de Jussieu, et de la pentandrie monogynie de Linnœus. Caractères du genre. Le calice est à cinq divisions profondes ; la corolle campanulée, plus longue que le calice est partagée en cinq lobes peu pro- fonds et égaux entre eux ; les étamines, au nombre de cinq, ont des filets filiformes ; le fruit est une baie cérasiforme, offrant deux loges et un grand nombre de graines. Caractères de Vatropa belladona, L., sp. 260. Sa racine est vivace, épaisse etrameuse;satigeestdressée, haulede66à 130 centim., cylindrique, velue, rameuse, dichotome. Ses feuilles, alternes ou géminées à la partie supérieure de la tige, sont grandes, courtement pétiolées, ovales, aiguës, velues, et presque entières Les fleurs sont grandes, soli- taires, pédonculées, pendantes, de couleur violette très foncée ; elles offrent un calice campaniforme, un peu velu, à cinq divisions ovales ai- guës; une corolle monopélale régulière, en cloche allongée, rétrécie inî'é- rieurement en un tube court, et présentant cinq lobes égaux, obtus, peu profonds. Les cinq étamines sont plus cou: tes que la corolle, à la base de laquelle elles sont insérées; les filets sont subulés, les anthères presque globuleuses. Le pistil se compose d'un ovaire ovoïde, aminci en pointe, à deux loges polyspermes, entouré et appliqué sur un disque hypogyne jau- nâtre, d'un style grêle et cylindrique, à-peu-près de la longueur de la corolle, terminé par un stigmate aplati, convexe, légèrement bilobé. Le fruit e&t une baie arrondie, un peu aplatie, de la grosseur d'une cerise, — 757 — d'abord verte, puis rouge, et enfin presque noire à l'époque de sa parfaite maturité ; elle est environnée par le calice, et offre deux loges, qui contien- nent plusieurs graines réniformes. La belladone est très commune aux en- virons de Paris : on la trouve le long des vieux bâtimens, dans les décom- bres, etc. Elle fleurit pendant les mois de juin, juillet et août (Rich Bot. méd.). On distin uera la baie de belladone du raisin, à la forme des grai- nes, qui sont pyramidales dans ce dernier fruit; il y a d'ailleurs dans la baie de belladone un trophosperme (placenta) qui manque dans le raisin. Action de la belladone sur l'économie animale. Il résulte des expériences failes sur les chiens et des observations recueil- lies chez l'homme, 1° que les feuilles, la racine, les baies, le suc et l'extrait aqueux de belladone sont très vénéneux, et suscepti- bles de déterminer des accidens fâcheux peu de temps après leur emploi ; 2° qu'ils occasionnent des symptômes analogues à ceux dont j'ai parlé à la page 7aa, qui dès-lors sont insuffisans pour ca- ractériser cet empoisonnement comme on l'avait pensé ; 3° qu'ils n'agissent pas tous avec la même force; 4° que l'extrait préparé, en évaporant à une très douce chaleur le suc de la planie fraîche, est incomparablement plus aciif que les extraits du commerce, dont l'énergie est, au resie, très variable, suivant la manière dont ils ont été obtenus ; les plus actifs sont ceux qui ont été obte- nus en faisant évaporer à une très douce chaleur le suc de la plante fraîche; 5° que l'intensité des effets de ces poisons varie suivant l'organe avec lequel ils ont élé mis en contact : ainsi leur action est plus vive lorsqu'on les injecte dans les veines que dans le cas où ils ont été appliqués sur le tissu lamineux sous-cuiané de la parlie interne de la cuisse , et leur introduc- tion dans l'estomac est suivie d'effets moins fâcheux que par ce dernier mode d'application, tout élant égal d'ailleurs; 6° qu'ils enflamment les tissus sur lesquels on les applique, mais que la phlogosé qu'ils déterminent est trop légère pour qu'il soit permis de la regarder comme la principale cause de la mort ; 7° que celle-ci doit être attribuée à l'absorption du poison, à son trans- port dans le lorrent de la circulation et à son aciion sur le sys- tème nerveux, et en particulier sur le cerveau ; 8° qu'ils parais- sent agir sur l'homme comme sur les chiens. Tout porte à croire que c'est surtout ixY atropine que la bel- ladone doit ses propriétés vénéneuses. — 758 — M. Flourens pense que l'extrait aqueux de belladone, à une dose déterminée, n'agit sur aucune autre partie du cerveau que sur les tubercules quadrijumeaux, et qu'il n'affecte que le sens de la vue, c'est-à-dire les fonctions de ces tubercules. Si la dose est plus forte, l'action s'étend sur les lobes cérébraux : toujours est-il que cette action laisse après elle une effusion sanguine qui en circonscrit les limites et l'étendue. De l'atropine. L'atropine existe dans les racines, les feuilles et la tige de Yatropa belladona. Elle est sous forme de prismes transpa- rens,àéclat soyeux, inodores, d'une saveur amère, solubles dans 500 parties d'eau froide, solubles dans l'alcool absolu et dans l'éther sulfurique, surtout à chaud ; la solution aqueuse bleuit le papier rouge. Chauffée en vases clos, elle fond et se vola- tilise ; si elle a le contact de l'air, elle brunit et s'enflamme sans laisser de cendre. Mise dans l'eau et exposée à l'air, elle s'altère avec le temps, disparaît et donne un liquide jaune, dont on ob- tient par l'évaporation un résidu incristallisable, qu'il suffit toutefois de combiner avec un acide, et de traiter par du charbon de sang, pour que les alcalis en séparent de l'atropine suscep- tible de cristalliser. L'atropine forme, avec les acides, des sels définis. Le sulfate et l'acétate cristallisent plus facilement que l'azotate et le chlorhydrate ; la potasse et l'ammoniaque séparent l'atropine de ces sels. Le chlorhydrate de chlorure d'or, légère- ment acide, mêlé avec ces alcalis, fournit un précipité jaune citron, d'une structure cristalline, qui paraît être un sel double. La solution aqueuse d'atropine précipite en blanc par la noix de galle, et en isabelle par le chlorure de platine. Lors même qu'elle est très étendue, l'atropine dilate promptement la pupille, et cette dilatation persiste (Mein, Journal de pharmacie, fé- vrier, 1834). Dudatura stramonium (pomme épineuse). Le datura est un genre delà famille des solanéesde Jussieu, et de la pentandrie monogynie de Linnaeus. — 750 — Caractères du genre. Le calice est grand, dilaté à sa base, plus rétréci à la partie supérieure, à cinq dents, et comme à cinq angles ; la corolle, tu- buleuse à sa base, est en forme d'entonnoir; elle offre cinq plis longitudinaux qui correspondent aux cinq dents de son limbe; le stigmate est bifide, les cinq étamines sont attachées au tube de la corolle. Le fruit est une capsule à quatre loges, communiquant ensemble deux à deux par leur partie supé- rieure, et s'ouvrant en quatre valves. Caractères du datura stramonium, sp. 255. C'est une plante annuelle, dont la tige dressée, rameuse, cylindri- que, creuse intérieurement, glabre, s'élève à plus d'un mètre. Ses feuilles sont alternes, grandes,pétiolées, glabres, ovales, aiguës, anguleuses, et si- nueuses sur leurs bords. Ses fleurs sont très grandes, solitaires, situées or- dinairement à la bifurcation des rameaux ; le calice est vert, vésiculeux, à cinq angles et à cinq dents; la corolle est grande, blanche ou légèrement lavée de violet; son tube, plus long que le calice, va en s'évasant insensi- blement pour former le limbe, qui offre cinq dents, cinq angles et cinq plis, La capsule est ovoïde, hérissée de pointes raides; elle est à quatre loges, qui renferment chacune un grand nombre de graines reniformes, brunes et à surface chagrinée, attachées à un trophosperme saillant; elle s'ouvre en quatre valves. Cette plante paraît originaire d'Amérique; elle s'est na- turalisée en France avec tant de profusion, qu'elle y paraît indigène. Elle fleurit en été et en automne (Rich., Bot. méd.). Action du datura stramonium sur l'économie animale. Les feuilles, la racine, le suc, l'extrait de cette plante, ainsi que le décoctum des capsules, agissent avec la plus grande énergie sur l'homme et sur les chiens : leur mode d'action a tant de rapports avec celui de la belladone, que je crois pouvoir me dispenser de le faire connaître pour éviter des répétitions fastidieuses ; je ferai observer seulementque le datura paraîtexciterplus fortement le cerveau, et déterminer une action générale plus intense quela bel- ladone, action qui est due, en grande partie du moins, à la da- turine (f. p. 757). De la daturine. Les graines de datura stramonium contiennent, d'après Gei- ger el Hesse, un alcali auquel ils ont donné le nom de daturine, et qui est sous forme de prismes incolores, très brillans et grou- pés, inodores, d'une saveur d'abord amère, puis acre comme celle du tabac. Distillée, la daturine se volatilise en partie ; mais il s'en décompose une portion notable qui donne de l'ammoniaque. Elle ne se volatilise pas dans l'eau chaude. Elle se dissout dans 280 parties d'eau froide et dans 72 parties d'eau bouillante ; elle — 760 — est moins altérable par ce liquide aéré que l'atropine et l'hyos- ciamine. L'alcool la dissout très bien, elle est moins soluble dans l'éther. La solution aqueuse bleuit le papier rouge. Les sels qu'elle forme avec les acides donnent de 1res beaux cristaux, qui sont en général inaltérables à l'air, et facile- ment solubles. Elle est très vénéneuse, el détermine, lorsqu'on la porte sur l'œil, une forte dilalaiion de la pupille, qui per&iste pendant plusieurs jours (Journal de pharm., février 183a). Du tabac. Le tabac (nicotiana tabacum) est une plante de la famille des solances et de la pentandrie monogynie de L. Caractères. Calice d'une seule pièce, en godet, découpé en cinqsegmens aigus et légèrement velus; corolle monopétale en entonnoir, d'une couleur rose purpurine ou ferrugineuse, à tube deux fois plus long que le calice, à limbe plane et ouvert en godet, et à cinq divisions égales, courtes et poin- tues; cinq étamines rapprochées du stigmate avant la fécondation, for- mant comme une espèce de couronne, mais qui s'éloigne lorsque cet or- gane a été fécondé; capsule ovoïde, opaque, creusée de quatre slries, à deux loges, s'ouvrant au sommet en quatre parties, contenant un grand nombre de semences très fines : l'embryon des graines est courbé et placé dans l'axe du périsperme; fleurs en paniculeàjl'extrémité des rameaux; tige d'un mètre 30 c. à 1 m. TOc., cylindrique, forte, grosse comme le pouce, légèrement velue et pleine de moelle : feuilles grandes, ovales, lancéolées, sessiles, et même allongées sur la tige de l'un et l'autre côté de leur inter- stice; leur sommet est aigu, leurs bords légèrement ondes, leur surface velue et à nervures très apparentes, leur couleur un peu jaunâtre ou d'un vert pâle. La racine est fibreuse, rarement blanche et d'un goût fort acre. Action du tabac sur l'économie animale. Les diverses ex- périences qui ont été faites sur les chiens, et les observations re- cueillies chez l'homme, prouvent, 1° que les feuilles de labac, dont on fait une si grande consommation dans le commerce sont très vénéneuses, soit qu'on les applique sur le tissu cellulaire sous-cutané de la partie interne de la cuisse, soit qu'on les in- troduise dans le canal digestif ; 2° qu'elles produisent une irrita- tion locale susceptible de développer une inflammation plus ou moins vive ; 3° que les acidens fâcheux qui sonl la suite de leur emploi, et-parmi lesquels on distingue surtout des vomissemens — 761 — opiniâtres et un tremblement général, dépendent particulière- ment de l'absorption de la nicotine et de son action sur le sys- tème nerveux ; 4° que le tabac qui a élé traité à plusieurs re- prises par l'eau bouillante, conserve à peine quelque action sur l'économie animale, tandis que le liquide dans lequel on l'a fait bouillir jouit des propriétés vénéneuses les plus énergiques; 5° que l'activité de ce principe est plus grande lorsqu'on l'injecte dans l'anus que dans le cas où il est appliqué sur le tissu cellu- laire sous-cutané delà partie interne de la cuisse, et à plus forte raison que lorsqu'il est introduit dans l'estomac ; 6° que Y huile empyreumalique préparée en distillant les feuilles de tabac à la température de 100° ih. centigr. jouit de la plus grande énergie lorsqu'on la met en contact, avec la langue ou l'Litesiin reclum ; 7° qu'elle agit sur le système nerveux d'une manière qu'il n'est pas encore facile de déterminer; 8° qu'elle n'exerce aucune ac- tion directe sur le cerveau, ni sur les troncs des nerfs ; 9° que ces divers poisons paraissent déterminer les mêmes effets chez l'homme que sur les chiens. L'extrait de nicotiana rustica est moins actif que le précé- dent; il produit des accidens analogues. De la nicotine. La nicotine a été extraite, par Posselt et Reimann, de diffé- rentes espèces de nicotiana, du machrophylla rustica etglu- tinosa, où elle paraît exister à l'état d'acétate. Elle est liquide, transparente, incolore ou presque incolore, d'une odeur qui rap- pelle celle du tabac, d'une saveur acre et bi filante qui persiste long-temps. Elle ramène au bleu le papier de tournesol rougi, elle distille à 140°, et se décompose à 246°en répandant une fumée blanche qui brunit le papier de curcuma ; si on en imprègne une mèche, celle-ci brûle avec une vive lumière et en donnant une fumée fuligineuse. Elle se mêle avec l'eau en toutes proportions. L'éiher la dissout facilement. Elle forme avec les acides des sels cristallisables ou non, d'une saveur de tabac, brûlante et acre, incolores, et solubles pour la plupart dans l'alcool et. dans l'eau, paraissant insolubles dans l'éther. /lotion de la nicotine sur l'économie animale. Lorsqu on III. 49 — 7f>2 — applique deux ou trois gouttes de nicotine sur la langue des chiens, les animaux éprouvent des vertiges; bientôt après, la respiration est précipitée et haletante; cet état continue pendant quelques secondes, et alors les animaux tombent et paraissent ivres. Loin d'offrir de la raideur et des mouvemens convulsifs, ils sont affaissés et flasques ; toutefois leurs pattes antérieures of- frent un léger tremblement. Cinq ou six minutes après l'appli- cation du poison sur la langue, ils poussent des cris plaintifs et raidissent légèrement la tête en la portant un peu en arrière ; les pupilles sont excessivement dilatées et la respiration calme ; les animaux ne peuvent plus se soutenir sur leurs pattes; cependant, ils se rétablissent en général au bout d'un certain temps. Si la dose de nicotine employée est de cinq à six gouttes, outre les accidens précités, les animaux éprouvent encore de légers mouvemens convulsifs et périssent au bout de dix à douze mi- nutes. Ouverture des cadavres. Les membranes du cerveau sont légèrement injectées et les vaisseaux qui rampent à leur surface sont gorgés de sang; cette injection se fait surtout re- marquer à gauche et à la base du cerveau. Celui-ci, de consis- tance ordinaire, est légèrement piqueté dans les deux substan- ces qui le composent ; les corps striés sont très injectés, ainsi que le pont deVarole. Les membranes qui enveloppent le cervelet sont encore plus injectées que les autres parties. Il existe entre la première et la deuxième vertèbres cervicales du côté droit, c'est-à-dire du côté où l'animal était tombé, un épanchement de sang assez considérable. Les poumons paraissent être à l'état nor- mal. Le cœur, dont les vaisseaux sont gorgés de sang est gran- dement distendu, surtout à droite, par des caillots de sang; les oreillettes et le ventricule droit en contiennent beaucoup. Le ventricule gauche n'en renferme pas. Les veines caves supé- rieure et inférieure et l'aorte sont également distendues par des caillots de sang demi-fluide. La langue est corrodée sur la ligne médiane et vers son tiers postérieur où l'épithélium s'enlève avec facilité. On trouve dans l'intérieur de l'estomac une matière pois- seuse noirâtre, et un liquide sanguinolent qui semble être le résultat d'une exsudation sanguine. Le duodénum est enflammé par plaques; le reste du canal intestinal paraît sain. — 763 — De la digitale pourprée. La digitale est un genre de la famille des scrophulariées de Jussieu et de la didynamie angiospermie de Linnaeus. Caractères du genre. Calice persistant, à cinq divisions profondes et inégales; corolle irrégulièrement évasée, à limbe ouvert, oblique, à quatre ou cinq lobes inégaux ; style terminé par un stigmate bifide ; cap- sule ovoïde, acuminée, s'ouvrant en deux valves. Caractères de la digi- tale pourprée. Racine bisannuelle, allongée, garnie de fibrilles nombreuses ; tige dressée, simple, cylindrique, tomenteuse, blanchâtre, haute de 66 cent. à un mètre; feuilles alternes, pétiolées, grandes, ovales, aiguës, denticulées et sinueuses sur les bords, blanchâtres et tomenteuses en dessous, d'un vert clair en dessus; fleurs très grandes, d'un beau rouge pourpre, pédoncu- lées, accompagnées chacune à leur base d'une bractée foliacée, formant à la partie supérieure de la tige un long épi dans lequel les fleurs sont toutes penchées et tournées d'un seul côté. Le calice est monosépale, tomenteux en dehors, profondément partagé en cinq lanières un peu inégales, lancéo- lées, aiguës. La corolle est monopétale, irrégulière, courtement tubuleuse à sa base, considérablement dilatée à sa partie supérieure, qui est partagée en cinq lobes irréguliers et arrondis ; elle est de couleur pourpre claire, tachée en dedans de points noirs environnés d'un cercle blanc, et gar- nis de quelques poils longs et mous. Les étamines, au nombre de quatre, sont didynames, et appliquées contre la partie supérieure de la corolle ; les anthères sont formées de deux loges arrondies, écartées à leur partie infé- rieure ; les filets sont un peu aplatis et un peu courbés à leur base, vers le point où ils s'attachent à la corolle. Le pistil se compose, 4° d'un ovaire central, pyramidal, et terminé en pointe à son sommet ; il offre deux loges contenant un grand nombre d'ovules attachés à un gros trophosperme, saillant sur le milieu de la cloison ; 9° d'un style assez long, cylindrique, un peu incliné vers la partie inférieure de la corolle ; 3° d'un stigmate pe- tit et légèrement bifide. Le fruit, qui succède à ce pistil, est une capsule ovoïde, un peu pointue, environnée à sa base par le calice, et s'ouvrant lors de sa maturité en deux valves. La digitale pourprée n'est point rare aux environs de Paris; elle y croît dans les bois montueux, à Meudon, Versail- les, Ville-d'Avray, etc. ; elle est excessivement commune dans le Nivernais et dans d'autres provinces de la France, où elle couvre tous les champs. Elle fleurit en juin, juillet et août (Rich., Bot. méd.). Action de la digitale sur Véconomie animale. Il résulte des expériences faites sur les chiens, et des observations recueil- lies chez l'homme, 1° que les feuilles, les extraits aqueux et rési- 49. - 764 — neux, ainsi que la teinture alcoolique de digitale pourprée, jouissent de propriétés vénéneuses liés énergiques à une ceriaine dose; 2° que la poudre est moins aclive que l'extrait aqueux, et celui-ci moins que l'extrait résineux ; 3° que i'intensilé des effets déterminés par ces poisons varie suivant l'organe avec lequel ils ont élé mis en contact : ainsi l'action des extraits de digitale in- troduits dans l'estomac est moins vive que s'ils avaient été ap- pliqués sur le tissu lamineux sous-cutané de la partie interne de la cuisse, el dans ce dernier cas elle est moins énergique que lorsqu'ils ont été injectés dans la veine jugulaire; 4° qu'ils déter- minent d'abord le vomissement; 5° qu'ils exercent sur les or- ganes de la circulation une action qui varie suivant la disposition des individus : en effet, tantôt les baitemens de cœur sont ralen- tis, tantôt ils sont accélérés, intermitlens, elc. ; d'autres fuis il est impossible d'observer le moindre changement dans la ma- nière dont la circulation s'opère (1) ; 6° que les effets meurtriers de ces composés dépendent de leur absorption el de leur aclion sur le cerveau, dont ils déterminent une sorte de stupéfaction momentanée; 7° qu'indépendamment de celte aclion, ils enflam- ment les tissus avec lesquels on les met en contact ; 8° que l'ex- trait résineux, introduit dans l'estomac, ou appliqué sur le tissu cellulaire sous-cutané, semble agir particulièrement sur le cœur ou sur le sang : du moins on trouve ce fluide coagulé lorsqu'on ouvre les cadavres immédiatement après la mort ; 9° que la di- gitale paraît agir sur l'homme comme sur les chiens. Tout porte à croire que la digitale doit en grande partie du moins ses pro- priétés vénéneuses à un principe particulier ; déjà quelques chi- mistes ont annoncé avoir retiré ce principe, qu'ils ont désigné sous le nom de digitaline,- mais de nouvelles recherches sont encore nécessaires pour mettre l'existence de cet alcali hors de douie. (1) Le. docteur Gérard pense que la digitale est un puissant sédatif du cœur et du système nerveux, pourvu qu'elle soit placée dans un estomac sain, car si cet or- gane est affecté de phlegmasie aiguë ou chronique, au lieu de ralentir la circula- tion, la ûigitalc détermine des phénomènes opposés {Dissertation inaugurale sou- tenue v l'Ecole de Paris, année 1819). — 765 — De la grande ciguë (conium maculatum).' Le conium est un genre de la famille des ombellifères de Jus- sieu, et de la pentandrie digynie de Linnœus. Caractères du genre. L'ovaire est infère, le limbe du calice entier; les cinq pétales inégaux, obcordés; le fruit est globuleux, comme didyme; chaque moitié latérale est relevée de cinq côtes longitudinales tubercu- leuses. Les fleurs sont blanches, l'involucre se compose de quatre à huit folioles réfléchies ; les involucelles sont formés d'une seule foliole large, trifide, dirigée du côté externe des ombellules. Caractères de la grande ciguë (cicuta major, Lam., FI. fr., 3, p. 4041 ; conium maculatum, L , sp. 349). Racine bisannuelle, allongée, fusiforme, blanche et un peu rameuse, de la grosseur du doigt indicateur ; tige herbacée, dreasée, très rameuse, glabre, cylindrique, striée, offrant des taches d'une couleur pourpre foncé, haute d'un à deux mètres, fistuleuse; feuilles alternes, sessiles, très grandes, tripinnées, à folioles ovales, lancéolées, incisées, et denticulées, les plus inférieures presques pinnatifides, d'une couleur vert foncé, un peu lui- sante en dessus; fleurs blanches, petites, ombelléos ; ombelles composées d'environ dix à douze rayons, à la base desquels on trouve un involucre régulier de 4 à 8 petites folioles réfléchies, lancéolées, aiguës, étroites : om- bellules accompagnées d'un involucelle formé d'une seule foliole étalée, tournée en dehors, large et profondément trifide ; ovaire infère, globu- leux; strié, rugueux, biloculaire; limbe du calice formant un petit bourre- let circulaire entier; corolle de cinq pétales étalés, un peu inégaux, ob- cordiformes; cinq étamines alternes avec les pétales, un peu plus longues qu'eux; filets subulés; anthères globuleuses à deux loges blanchâtres. Le sommet de l'ovaire est surmonté d'un disque épigyne blanchâtre, à deux lobes un peu aplatis, qui se confondent avec deux styles très courts, diver- gens, terminés chacun par un petit stigmate globuleux. Le fruit est pres- que globuleux et comme didyme, offrant, sur chique moitié latérale, cinq côtes saillantes el tuberculeuses. La grande ciguë croit dans les lieux incul- tes, le long des fossés, dans les décombres. Elle fleurit au mois de juin (Rich.,5o/. méd.). De la ciguë aquatique (cicutaria aquatica de Lamk.). La cicutaria est un genre de la famille des ombellifères de Jussieu, et de la peniandrie digynie de Linnœus. Caractères du genre. L'involucre général est composé d'une à trois folioles linéaires; quelquefois il manque entièrement; les involucelles sont — 700 - - formés de plusieurs petites folioles très étroites, quelquefois aussi longues que lesombellules; les pétales sont étalés, presque égaux, subcordiformes, leur sommet étant relevé en dessus. Le fruit est globuleux, presque di- dyme ; il est couronné par les deux styles et les cinq petites dents du calice : chacune de ses faces latérales offre cinq côtes peu saillantes et d'une cou- leur plus foncée. Caractères de la cicutaire aquatique (cicutaria aquatica, Lamk. Ciguë vireuse, cicuta virosa, Linnams). Plante vivace, dont la ra- cine, assez grosse, blanchâtre et charnue, est garnie de fibres allongées, et creusées intérieurement de lacunes ou cavités remplies d'un suc laiteux et jaunâtre. Sa tige est dressée, rameuse, cylindrique, creuse, glabre, striée,verte, haute de 66 c. à un mètre; ses feuilles, surtout les inférieures, sont très grandes, décomposées, tripinnées; les folioles sont lancéolées, aiguës, étroites, très profondément et irrégulièrement dentées en scie; assez souvent deux ou trois de ces folioles sont réunies et confluentes par leur base ; les pétioles des feuilles inférieures sont cylindriques, creux, Striés longitudinaîement ; les feuilles supérieures, moins composées, ont des folioles presque linéaires et dentées ; les ombelles situées à l'extrémité des ramifications de la tige, sont composées de dix à quinze rayons presque égaux ; l'involucre, quand il existe, est formé le plus souvent d'une seule foliole linéaire; les involucelles sont de plusieurs folioles linéaires, aussi longues et même plus longues que l'ombellule elle-même ; les fleurs sont petites et blanches ; les pétales, étalés en rose, sont presque égaux entre eux ; ils sont ovales, un peu concaves, subcordiformes , ayant le sommet relevé en dessus; les deux styles sont assez courts etdivergens; les fruits sont globuleux, presque didymes, couronnés par les styles et les cinq dents du calice, et offrent sur chacune de leurs faces convexes et latérales cinq côtes peu saillantes et simples. La cicutaire aquatique, ou ciguë vireuse, croît en France, sur le bord des fossés, des ruisseaux el des étangs (1) [Rich., Bot. méd.). (1) Il existe à l'égard de cette plante une erreur très grave, et qui me paraît des plus dignes d'être signalée. Presque toutes les figures que l'on a données, dans ces der- niers temps, de la cicuta virosa, représentent une autre espèce du même genre, originaire de l'Amérique septentrionale, et que l'on cultive dans tous les jardins de botanique, savoir : la cicuta maculata. L. Bulliard me paraît être le premier qui, dans son Herbier de la France, ait commis celte erreur : en effet, la plante qu'il a représentée, planche 151, sous le nom de cicuta virosa, est évidemment la cicuta maculata ; il aura iufailliblement dessiné sa figure d'après un échantillon cueilli dans un jardin où la plante de l'Amérique septentrionale prospère très bien. La plupart de ceux qui après lui ont voulu donner une figure de la ciguë vireuse ont simplement copié la sienne, et ont par conséquent commis la même erreur que lui : ainsi la figure de la Flore du Dictionnaire des sciences médicales et plusieurs autres ne représentent pas la ciguë vireuse. Voici, d'après mon collègue, le professeur Richard, les caractères distinctifs de ces deux espèces : 1° La cij;uë vireuse a une racine blanchâtre, charnue, perpendirulaire, creusés — 767 — De la petite ciguë (œlhusa cynapium). Vœthusa est un genre de la famille des ombellifères de Jus- sieu et de la penlandrie digynie de Linnœus. Caractères du genre. Le caractère qui distingue ce genre de la ciguë est d'offrir un fruit dont les côtes sont lisses au lieu d'être tuberculeuses. Le limbe de son calice est subquinquédenté ; les pétales inégaux, blancs et obcordés; le fruit globuleux, offrant dix stries lisses; l'involucre manque souvent, ou se compose d'une à deux folioles ; les involucelles sont formés de quatre à cinq folioles linéaires, allongées, rabattues et pendantes d'un seul côté. Caractères de Vœthusa cynapium, Linn., sp. 367. Racine an- nuelle, fusiforme, terminée en pointe très longue, blanche, donnant nais- sance à des ramifications latérales grêles ; tige dressée, rameuse, cylindri- que, fistuleuse, lisse, glabre, glauque, souvent rougeâtre dans sa partie in- férieure, haute de plus d'un mètre, à rameaux courts et peu étalés; feuilles alternes sessiles, bi ou tripinnées, à segmens très aigus, incisés et dentés, d'un vert foncé, luisantes en dessous ; fleurs blanches, disposées en om- belles plane.-,, composées d'environ une vingtaine de rayons inégaux, ceux de la circonférence plus longs que ceux du centre ; point d'involucre; in- volucelles de quatre à cinq folioles linéaires, rabattues et pendantes d'un seul côté; ovaire infère, ovoïde, subglobuleux, strié; limbe du calice of- frant cinq petites dents; corolle de cinq pétales, presque égaux, obcordés, étalés; cinq étamines un peu plus longues que les pétales; disqueépigyne blanchâtre, à deux lobes couronnant le sommet de l'ovaire; deux styles divergens, courts, terminés par deux stigmates très petits; fruit globuleux, un peu comprimé, d'un vert foncé, offrant cinq côtes saillantes, lisses sur chacune de ces moitiés latérales. La petite ciguë est très commune dans les lieux cultivés, les jardins potagers, etc., où elle croît souvent mélangée avec le persil et le cerfeuil. Elle fleurit en juillet (Rich., Bot. méd.). intérieurement de lacunes pleines d'un suc laiteux. La ciguë maculée a une racine longue et rampante horizontalement sous la terre, el qui donne naissance, par ses ramifications, aux tiges. 2° La ciguë vireuse a la tige entièrement verte. La ciguë maculée est marquée de lâches pourpres comme la grande ciguë {conium macula- f//m,Lin.). 3° Les folioles deléfciguë vireuse sont très allongées, lancéolées, étroites, aiguës, profondément découpées en dents de scieirrégulières. Dans la ciguë macu- lée, les folioles sont ovales, aiguës, régulièrement dentées en scie. 4° Enfin, dans la ciguë vireuse, les folioles des involucelles sont aussi longues et souvent plus longues que les ombellules, tandis qu'elles sont constamment plus courtes dans la ciguë maculée. Je pourrais pousser plus loin cet examen comparatif; mais je crois en avoir dit assez pour bien taire ressortir les différences spécifiques qui existent entre ces deux plantes. - 768 - Caractères propres à la distinguer du persil. Les pétales du persil sont arrondis, égaux, courbés en coeur. Les ombelles du persil sont toujours pé- donculées, et souvent garnies d'une collerette à une seule foliole; les om- belles de la petite ciguë sont dépourvues de collerette générale. Les feuilles du persil ont une odeur agréable; celles de la petite ciguë répandent une odeur nauséeuse lorsqu'on les froisse entre les doigts. Les feuilles de la petite ciguë sont d'un vert noirâtre en dessus, et luisantes en dessous ; enfin la racine du persil est plus grosse que celle de la petite ciguë. Action de ces diverses espèces de ciguë sur l'économie animale. Les expériences tentées sur les animaux vivans, et les observations recueillies chez l'homme me permettent de con- clure, 1° que les feuilles, la racine et le suc de ces plantes en pleine végétation, jouissent de propriétés vénéneuses très éner- giques ; 2° que l'extrait aqueux obtenu en évaporant au bain- marie le suc fourni par les feuilles ou les racines en pleine vé- gétation, est encore plus actif, tandis qu'il jouit à peine de quelques propriétés toxiques, ou même qu'il est tout-à-fait inerte lorsqu'il a élé préparé en évaporant à une température élevée le décoctum aqueux de la poudre sèche; 3° que ces diverses par- ties sont beaucoup moins actives quand les plantes dont je parle ont été cueillies quelque temps avant la floraison ; Un que leurs effets sont beaucoup plus marqués lorsqu'on les applique sur le tissu lamineux sous-cutané de la partie interne de la cuisse, que dans le cas où on les introduit dans l'estomac ; 5° que le suc des feuilles ou des racines, ainsi que l'extrait aqueux, agissent en- core avec beaucoup plus d'énergie quand on les injecte dans la veine jugulaire que lorsqu'ils ont élé appliqués sur le tissu cellu- laire sous-cutané; 6° que ces diverses préparations enflamment les tissus avec lesquels on les met en contact; 7" qu'indépen- damment de celte lésion , elles sont absorbées, portées dans le torrent de la circulation, et vont agir sur le système nerveux, et particulièrement sur le cerveau, action à laquelle il faut attri- buer la mort qu'elles déterminent; 8° qu'elles paraissent agir sur l'homme comme sur les chiens ; 98 que la ciguë aquatique (virosa, de Linnœus) est plus vénéneuse que la grande ciguë; 10° que le suc fourni par les feuilles de celle dernière qui n'est pas encore en pleine végétation paraît plus actif que celui que l'on peut obtenir avec les racines, tout étant égal d'ailleurs. Les — 769 — effets délétères de la grande ciguë doivent surtout être attribués à la conicine. De la conicine. La conicine est le principe actif du conium maculatum ; on la relire particulièrement des semences. Elle est sous forme d'un liquide huileux, jaunâtre, plus léger que l'eau, d'une odeur forte et pénétrante, qui rappelle à-la-fois celle de la ciguë, du tabac et de la souris ; sa saveur est très acre et corrosive ; son alcali- nité est très développée. Mise dans le vide, en présence de corps très avides d'eau, la conicine se volatilise en partie, et laisse pour résidu un enduit rougeâtre, poisseux, très acre, qui paraît être la conicine anhydre. La vapeur de la conicine est inflam- mable, et donne lieu à des vapeurs blanches lorsqu'elle est en contact avec un tube imprégné d'acide chlorhydrique. Elle est à peine soluble dans l'eau, et très soluble dans l'alcool, dans l'é- ther et dans les acides ; ceux-ci la saturent et donnent des sels; pendant la saturation, les liqueurs prennent une teinte d'un vert bleuâtre, qui passe plus tard au rouge brun. Elle fournit avec l'acide iodique un précipité blanc abondant, analogue à celui que l'on oblient avec la quinine, la cinchonine, la strychnine et la brucine. Les sels de conicine évaporés, soit dans le vide, soit à l'air li- bre, perdent une partie de leur base; ils sont déliquescens, so- lubles dans l'eau el clans l'alcool. Le solutum aqueux forme, avec le tannin pur, un précipité blanc caséiforme très volumineux, soluble dans l'alcool à 30 degrés. Le sulfate, le phosphate, l'azo- tate et l'oxalale de conicine, cristallisent en prismes d#n assez grand volume. La conicine a élé découverte par Giesecke et Gei- ger, el étudiée depuis par MM. Boutroii-Charlard et O. Henry (Journal de chim. méd., année 1836). Action sur l'économie animale. Il résulle des expériences intéressantes du docteur Chrislison, 1° que la conicine est un poison d'une activité extraordinaire, à peine inférieure à celle de l'acide cyanhydrique : deux gouttes appliquées sur une blessure ou sur l'œil d'un chien, d'un lapin ou d'un chat, occasionnent souvent la mort eu moins de quatre-vingt-dix secondes; la — 770 — même quantité, injectée sous forme de chlorhydrate dans la veine fémorale d'un chien, l'a tué en trois secondes au plus ; 2° que son activité est plulôt augmentée qu'atténuée par sa com- binaison avec les acides, notamment avec l'acide chlorhydrique ; 3° qu'elle ne produit pas de coma, soit qu'on l'administre libre ou à l'état de sel; U° qu'elle n'agit en aucune façon sur le cœur; 5° qu'elle possède une action locale irritante, et que ses effets consécutifs consistent uniquement dans la production d'une pa- ralysie qui se développe promptement dans le système muscu- laire, et qui a toujours une terminaison fatale par suite de la pa- ralysie des muscles de la respiration. Du laurier-rose (nérium oleauder). Cet arbrisseau appartient à la penlandrie monogynie de Lin- né, et à la famille des apocynées de Jussieu. Calice persistant, très petit, à cinq divisions linéaires et aiguës: corolle monopétale, en entonnoir; son tube se dilate insensiblement; son limbe est grand, ouvert et découpé profondément en cinq divisions obtuses et obli- ques, garnies à leur base intérieure d'appendices pétaloïdes, colorés, den- tés, découpés en deux ou plusieurs lobes saillans hors du tube et formant une couronne frangée : cinq étamines insérées au tube, dont les anthères sont droites, rapprochées, terminées par un filet coloré ou des houppes soyeuses, roulées en spirale les unes sur les autres : un style simple, à peine visible ; son stygmate tronqué est porté sur un rebord annulaire : ovaire supérieur et oblong ; le fruit est composé de deux follicules coniques terminés en pointe, dans lesquels se trouvent des semences aigrettées, qui se recou- vrent les unes les autres comme les écailles de poisson : fleurs terminales et en bouquets lâches, roses ou blanches. Arbrisseau de 2 à 3 mètres, dont la tige e§t droite, l'écorcepoùrpre, verte ou grisâtre; îles rameaux longs, grêles et redressés : feuilles à courts pétioles, opposées, souvent ternées, lancéolées, un peu étroites (elles ont près de \ 2 centimètres de longueur sur 20 millimètres de largeur au milieu), entières, pointues, glabres, raides, d'un vert foncé, et chargées d'une forte nervure en dessous. La racine est ligneuse et jaunâtre ; elle pousse plusieurs tiges droites et lisses. Toute la plante a une saveur amère très acre. Action du laurier-rose sur l'économie animale. Il résulte des observations recueillies chez l'homme, et des expériences faites sur les chiens, les chevaux, les moutons, etc. : 1° que le — 771 — bois cl les feuilles du laurier-rose, ainsi que l'extrait de l'eau dis- tillée de ces mêmes feuilles, jouissent de propriétés vénéneuses plus ou moins énergiques ; 2° que l'extrait est plus actif que les feuilles, dont l'énergie surpasse de beaucoup celle de l'eau distil- lée ; 3° que l'activité de ces poisons varie suivant l'organe avec lequel ils ont été mis en contact : ainsi l'extrait détermine des accidens beaucoup plus fâcheux lorsqu'il est injecté dans la veine jugulaire, que dans le cas où il a été introduit dans l'estomac, ou appliqué sur le tissu cellulaire sous-cutané de la partie interne de la cuisse ; U° qu'ils occasionnent presque constamment le vo- missement ; 5° qu'ils enflamment légèrement les tissus sur les- quels on les applique; 6° qu'indépendamment de cette lésion, ils sont absorbés, portés dans le torrent de la circulation, et qu'ils agissent sur le système nerveux et sur le cerveau, dont ils déter- minent la stupéfaction. Du mouron des champs, de l'aristoloche, de la rue et du tanguin. Le mouron des champs (anagallis arvensis), administré à des chiens et à des chevaux à l'état d'extrait et de decoctum aqueux, a déterminé des iremblemcns des muscles du train pos- térieur, des vertiges, de l'insensibilité, des selles et la mort. A l'ouverture des cadavres, on a trouvé la membrane muqueuse du canal digestif enflammée. Varistoloche (arislolochia clematitis) est absorbée et exerce une aclion stupéfiante sur le système nerveux; elle produit aussi une légère inflammation des tissus sur lesquels on l'applique. La rue (ruia graveolens) est absorbée et exerce en outre une irritation locale capable de déterminer une inflammation plus ou moins vive, qui en général m'a paru peu intense. L'huile essen- tielle de rue, injectée dans les veines, agit comme les narcoti- ques ; il esl probable qu'elle exerce le même mode d'action lors- qu'on l'introduit dans l'estomac ; mais elle est peu énergique. Le tanguin de Madagascar est le fruit d'un arbre que Dupe- lil-Thouars a nommé tanghinia venenifera, etqu'il croit appar- tenir à la famille des apocynées. Caractères du fruit sec. II esl — 772 — composé d'un brou sec, grisâtre, cotonneux intérieurement, fila- menteux extérieurement,recouvert d'un épidermebrun noirâtre, luisant, comme vernissé et sillonné de rides parallèles, longitudi- nales. Ce brou, de forme ovoïde, se termine en pointe à l'une de ses extrémités, vers laquelle tous les fiiamensconvergent: il donne au fruitlevolume d'une pêche de moyenne grosseur.Cette première enveloppe recouvre un noyau ligneux, ainygdaloïdc, aplaii, irré- gulièrement sillonné et percé à sa surface, de même que le noyau de l'amandier, mais double et même triple en grosseur. Sa forme est quelquefois plus ronde qu'ovale : toujours l'une de ses extré- mités est terminée en pointe. Comme le fruit de l'amandier, il offre une suture marginale dans le sens de sa longueur, et sui- vant laquelle les deux valves sont séparées par une fente plus ou moins large. C'est dans ce noyau qu'est renfermée l'amande, re- couverte elle-même d'une enveloppe mince, brunâtre, papyracée, qui ne paraît jouir d'aucune propriété. Celte amande, formée de deux lobes distincts, est plus grosse que celle de Yamygdalus commuais; elle est aussi plus plate et plus arrondie ; sa sub- stance est d'un blanc sale, violacé à l'intérieur et quelquefois noi- râtre à l'extérieur: ses deux lobes sont séparés l'un de l'autre par un sillon 1res profond dû sans doute à la dessiccation; elle est onctueuse au loucher, d'une saveur amère d'abord, et qui déter- mine ensuite un seniiment d'àcreté el deconsiriciion dans l'ar- rière-gorge ; son poids esl en général de 2 grammes kb cenligr. L'amande du tanguin est composée, d'après M. O. Henry : 1° d'une huile fixe, limpide, incolore, douce, congelable à 10°; 2° d'une matière blanche, cristallisable, neutre, très» fusible, pi- quant fortement la langue ; 3° de tanguine, substance iucri&ial- lisable, brune, visqueuse, verdissant par les acides el rougissant parles alcalis; U° de traces de gomme; 5° de beaucoup d'albu- mine végétale ; 6" de traces de fer et de chaux. Le tanguin agit à la manière des poisons narcotico-àcres ; il est absorbé el ses propriétés acres résident dans la matière blanche cristalline, tandis que le narcotisme est dû à la tanguine (Olli- vier (d'Angers) et Ossian Henry, Archives générales de méde- cine, tome îv. - 773 — Du cyanure d'iode. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le cyanure d'iode? Le cyanure d'iode est sous forme d'aiguilles blanches, très longues et extrêmement minces, d'une odeur très piquante, qui irrite vivement les yeux et provoque le larmoiement, d'un poids spécifique plus considérable que celui de l'acide sulfuri- que. Mis sur les charbons ardens, il donne d'abondantes vapeurs violelies ; il se dissout dans l'eau et suriout dans l'alcool. Ces dissolutions n'agissent point sur les couleurs bleues végétales ; elles ne précipitent point l'azotate d'argent; traitées par la po- tasse caustique et le sulfate de protoxyde de fer, elles fournis- sent du bleu de Prusse, pourvu qu'on ajoute quelques gouttes d'acide chlorhydrique. Si le cyanure d'iode avait été introduit dans l'estomac, et qu'il fût impossible d'en démontrer la présence après la mort, à l'aide des caractères que je viens d'établir, on s'attacherait à reconnaî- tre l'iode qui entre dans sa composition : pour cela, on laverait dans une petite quantité d'eau l'estomac, le duodénum, l'œso- phage et même la langue, et on traiterait le liquide résultant par la gelée d'amidon et par une goutte d'acide azotique : il se produirait sur-le-champ de l'iodure bleu d'amidon. Les réactifs chimiques convenablement employés, dit M. Scoutetten, nous ont constamment démontré dans les cadavres la présence de l'iode et jamais celle du cyanogène, lors même que nous agissions immé- diatement après l'ingestion du poison (Mémoire sur le cyanure d'iode, Archives générales de médecine, septembre 1825). Il paraît, en effet, que les matières animales tendent à décomposer rapidement le cyanure d'iode, puisque après en avoir placé sous la peau de quelques animaux, on a reconnu que la majeure par- tie de l'iode était passé à l'état d'acide iodhydrique,et qu'il y avait à peine des traces extrêmement légères de cyanogène. Les recherches faites sur le sang des animaux empoisonnés par cette substance n'en ont fourni aucun indice. Action du cyanure d'iode sur l'économie animale. — 774 — M. Scoutetlen établit, après avoir fait quelques expériences sur les lapins et sur les chiens ; l°que chez la plupart des animaux qu'il a tués avec le cyanure d'iode des convulsions violentes sont surve- nues presque à l'instant : chez quelques-uns elles étaient accom- pagnées de cris aigus ; chez d'autres, on n'entendait point de cris, et plusieurs sont morts avec une rapidité si grande, qu'on n'avait pas le temps de les poser à terre; 2° que 25 milligr. de cyanure complètement ingéré suffisent pour tuer les lapins : si celte quan- tité n'est pas introduite entièrement, l'accélération de la respira- tion et même des convulsions plus ou moins fortes ont lieu, mais la mort n'arrive pas ; 3° que les chiens paraissent en supporter mieux l'action, puisqu'il en faut au moins 25 cent, pour les tuer, et encore ne réussira-t-on que lorsque l'estomac ne sera pas trop rempli d'alimens, sans quoi ils vomissent et une grande partie du poison est rejetée ; U° qu'il détermine chez l'homme des étourdis- semens lorsqu'on est exposé à son émanation, et que lorsqu'on en place sur la langue, il y produit une sensation de causticité très vive et très tenace : nul doute qu'il ne développât les accidens les plus graves et la mort, s'il était introduit dans l'estomac à la dose de quelques décigrammes; 5° que chez les animaux qui succom- bent à l'action de ce poison, l'on remarque des anomalies dans les lésions organiques : parfois l'estomac est peu enflammé, les pou- mons n'offrent que des taches ecchymosées peu profondés, et le cœur est dans l'état naturel : ces particularités tiennent à des causes qu'il n'est pas facile d'assigner, ayant trouvé des lésions graves chez des animaux tués promptement, et de légères chez d'autres morts avec lenteur ; 6° qu'il exerce une action spéciale sur les organes de la digestion et de la circulation, dans lesquels il détermine ordinairement des désordres profonds : quant à la congestion du cerveau, elle semble due en grande partie à l'en- gorgement des poumons ; 7° qu'il doit être rangé parmi les poi- sons narcotico-âcres. — 775 — De la noix vomique, de la fève de Saint - Ignace, de l'upas tieuté, de la strychnine, de la brucine, etc. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'une ou l'autre de ces substances ? De la noix vomique. La noix vomique est la graine du strychnos nux vomica, arbre des Indes Orientales et de l'île de Ceylan, rangé par Lin- nœus dans la pentandrie monogynie, et par Jussieu dans un groupe voisin de la famille des apocynées. Elle est formée, d'a- près MM. Pelletier et Caventou, de strychnine et de brucine combinées à un acide particulier auquel on a donné le nom d'«- gasuriqueoude strychnique, de cire, d'une huile concrète, d'une matière colorante jaune, de gomme, d'amidon, de bassorine et de fibres végétales. Caractères. Graine ronde, large d'environ 3 centim.,aplatie commodes boutons, épaisse de 5 à 8 millim., de couleur jaune grisâtre, offrant vers le centre, de l'un et de l'autre côté, une sorte d'ombilic. Toute la surface de cette graine est recouverte d'un nombre infini de soies très courtes, très serrées (sorte de velours), de couleur cendrée, fauve, cornée ou noirâtre, fixées obliquement sur une pellicule très mince, et dirigées du centre à la circonférence où celles d'une des deux faces s'entrecroisent avec celles de l'autre; un des points de cette circonférence, un peu plus saillant que les autres, doit donner issue à la plantule. L'intérieur de cette graine est cor- né, ordinairement blanc et demi-transparent, quelquefois noir et opaque ; il offre une grande cavité dont les parois se touchent, et sont partout de l'épaisseur d'environ 3 millim. Cette graine est inodore, et douée d'une saveur acre très amère. Caractères de la poudre de noix vomique. Elle est d'un gris fauve, d'une saveur amère et d'une odeur particulière, ayant de l'analogie avec celle du réglisse. Mise sur des charbons ardens, elle s'enflamme si la tem- pérature est assez élevée ; dans le cas contraire, elle se décompose, répand une fumée blanche épaisse, d'une odeur particulière, et laisse du charbon pour résidu. L'acide sulfurique concentré la noircit; l'acide azotique lui communique une couleur jaune orangé foncé. Si on la fait bouillir pendant quelques minutes avec de l'eau distillée, on obtient un liquide jaunâtre, — 776 — opalin, amer, qui devient d'un jaune plus foncé par l'ammoniaque, cl d'un jaune rougeâtre par l'acide azotique ; l'infusion alcoolique de noix de galle la précipite en blanc légèrement grisâtre. Lorsqu'on la traite par l'eau bouillante aiguisée d'acide sulfurique, le liquide filtré est Irouble et légè- rement jaunâtre ; l'infusion de noix de galle le précipite en blanc jaunâtre, l'acide azotique le rougit au bout de quelques instans, l'ammoniaque le brunit, et en précipite des flocons noirâtres. S'il s'agissait d'établir qu'une poudre trouvée dans le canal digestif d'un cadavre fût de la noix vomique, et que cette poudre, à raison de son mé- lange avec les sucs de l'estomac et des intestins, ne présentât pas tous les caractères que je viens d'indiquer, il faudrait la ramasser attentivement et la faire bouillir pendant dix à douze minutes avec de l'eau légèrement acidulée par de l'acide sulfurique; la liqueur, composée de sulfate de strychnine et de sulfate de brucine, de gomme, de matière colorante et d'un atome de matière grasse, serait concentrée par l'évaporation et traitée par un léger excès de chaux pulvérisée, qui, en s'emparant de l'acide sul- furique, donnerait un précipité de sulfate de chaux, de strychnine et de brucine, retenant encore un peu de graisse et de matière colorante : ce pré- cipité, lavé et desséché, étant bouilli avec de l'alcool à 38 degrés, serait dissous, sauf le sulfate de chaux et l'excès de chaux. On répéterait l'action de l'alcool deux fois, ou mieux jusqu'à ce que la dissolution n'eût plus de saveur amère; on filtrerait et on distillerait, lorsque la liqueur aurait la consistance d'un sirop très clair; on la délayerait dans un peu d'alcool froid, et l'on verrait aussitôt se déposer au fond des vases une pondre grasse d'un blanc mat, principalement composée de strychnine ; on laverait cette poudre jusqu'à ce que toute la matière colorante fût enlevée, et on la traiterait par l'alcool bouillant; par le refroidissement la strychnine se déposerait. A la vérité, la présence de cette base salifiable ne suffirait pas pour prononcer qu'il y eût de la noix vomique dans le canal digestif; mais elle prouverait qu'il y avait une matière du genre des strychnos, et par conséquent une substance très vénéneuse. C'est par un procédé analogue à celui qui vient d'être décrit que je suis parvenu à retirer une fois de la strychnine d'une matière pulvérulente trouvée dans l'estomac d'une femme qui avait succombé peu de temps après avoir pris de la noix vomique- ( Voyez page 786). De la fève de Saint-Ignace (noix igasur des Philippines). La fève de Saint-Ignace est la graine de Yignatia amara, petit arbre des îles Philippines , rangé dans la pentandrïe mo- nogynie, à côté des strychnos, avec lesquels il a beaucoup de rapport. — 777 Caractères des graines. Elles sont grosses comme des olives, arrondies et convexes d'un côté, anguleuses et à trois ou quatre faces de l'autre, offrant à une extrémité la cicatrice du point d'altache : leur substance in- térieure est cornée, demi-transparente, plus ou moins brune et très dure; elles sont opaques à leur surface, et comme recouvertes d'une efflorescence grisâtre qui y adhère, et qu'on peut plus facilement gratter avec un cou- teau que le reste : elles ont une saveur très amère et sont inodores (Gui- bourt, histoire abrégée des drogues simples). Ces graines sont entassées au nombre de vingt environ dans une enveloppe ligneuse et épaisse, qui constitue une sorte de drupe ou de baie pyriforme ovale, uniloculaire, de la grandeur et de la forme d'une poire de bon chrétien. La fève de Saint-Ignace est formée des mêmes principes que la noix vomique, mais dans des proportions différentes ; ainsi elle paraît contenir à-peu-près trois fois autant de strychnine que la noix vomique (Pelletier et Caventou). De l'upas tieuté. L'upas tieuté esl un extrait obtenu en faisant évaporer le suc d'un végétal sarmenteux du genre des strychnos (F. Noix vo- mique), qui croît au Java. Il est employé par les naturels du pays pour empoisonner leurs flèches. Il est composé, d'après MM. Pelletier et Caventou, de strychnine combinée avec un acide et avec deux matières colorantes. De la strychnine. La strychnine est un alcali végétal auquel on doit attribuer la majeure partie des propriétés vénéneuses de la noix vomique, de la fève de Saint-Ignace, de l'upas et du strychnos colubrina, comme je l'ai dit en parlant de ces graines. Il a été découvert, en 1818, par MM. Pelleiier et Caventou ; on le reconnaîtra aux caractères suivans : il a l'apparence d'une poudre blanche, qui pourtant esl l'assemblage d'une multitude de prismes à quatre pans, presque microscopiques, et terminés par des pyramides à quatre faces surbaissées ; il est inodore, et doué d'une saveur amère insup- portable; il verdit le sirop de violettes, et rétablit la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide, lorsqu'il a été dissous dans l'alcool. Mis sur les charbons ardens, il se bour- soufle, se décompose à la manière des substances végétales qui ni. so — 778 — coniienneni de l'azote, répand une fumée assea épaisse, el laisse un charbon très volumineux. Il est inaltérable à l'air et inso- luble dans l'eau ; du moins il faut six mille six cent soixante- sept parties de ce liquide, à la température de dix degrés, pour en dissoudre une partie ; l'eau bouillante en dissout un peu plus du double. Il se dissout beaucoup mieux dans l'alcool et dans les huiles, surtout à l'aide de la chaleur. Il se combine avec lès acides convenablement affaiblis, et forme des sels en général so- lubles dans l'eau, et dans lesquels l'ammoniaque et la teinture de noix de galle font naître des précipités blancs abondans, so- lubles dans l'alcool. Une bleuit point les sels de sesqui-oxydé de fêr, et ne sépare point l'iode de l'acide iodique, comme le Fait la morphine (F: page 62/*). Chauffé avec cet acide, il fournit ûh liquide rouge vineux, qui par le refroidissement laissé déposer des cristaux aiguillés et incolores d'iodatede strychnine. L'azo- tate est facilement reconnaissable à son aspect nacré. La pro- priété de rougir par l'acide azotique, que l'on avait d'abord attribuée à la strychnine, ne lui appartient pas lorsqu'elle êSl pure; elle est due à une matière jaune dont il est souvent diffi- cile de la débarrasser entièrement : aussi trouve-t-oli dans le commerce plusieurs échantillons de strychnine 'qui rougissent par l'acide azotique. Le chlorure d'or communique à la stry- chnine une couleur jaune serin. MM. Pelletier et Caventou avouent n'avoir jamais pu retirer de la noix vomique, ni de la fève de Saint-Ignace, de la strychnine ne rougissant pas par cet acide, tandis qu'elle est parfaitement exempte de matière jaune, et ne rougit pas lorsqu'on la sépare de l'upas tieuté. Mélanges de strychnine et de matières organiques. S'il est possible de déceler la strychnine ou ses sels, au milieu de li- quides organiques colorés, il est néanmoins difficile de constater quelquefois l'ensemble de leurs caractères. Voici les résultats de quelques expériences tentées pour éclairer ce sujet, et qui prou- vent combien on doit être circonspect lorsqu'il s'agit de se pro- noncer sur un empoisonnement par la siryehnine, et combien il faut surtout alors tenir grand comple du commémoraiif et des symptômes éprouvés par les malades (V. Morphine et Opium pages 626 el 860). — 779 — Expérience 1re. Un mélange de matières alimentaires végétales et ani- males et d'acétate de strychnine, après avoir été abandonné à lui-même pendant huit à vingt jours, a été traité par l'acide acétique concentré; la liqueur filtrée a été évaporée jusqu'à siccité, puis le résidu de l'évaporation a été repris par l'alcool, et enfin la dissolution alcoolique a été évaporée en consistance d'extrait mou. Cet extrait donnaitavec l'ammoniaque un pré- cipité brun soluble dans l'acide acétique étendu d'eau ; cette dissolution acétique fournissait avec le chlore un précipité blanc et avec l'iodure de potassium des aiguilles brillantes ; c'étaient bien là les caractères de la strychnine; mais le protochlorure d'étain formait un précipité gélatineux, au lieu d'un précipité blanc soluble à chaud et cristallisable en longs pris- mes; enfin le précipité déterminé par l'ammoniaque ne fournissait pas avec les acides sulfurique et azotique les réactions particulières à la strychnine (Merck, Journ. de pharmacie, tome xvi, page 380). Expérience 2e. Le 22 juin 1842, on a mêlé 30 centigrammes de sulfate de strychnine' avec 500 grammes d'eau distillée , 10 de levure de bière et 20 de sucre. Le mélange n'a pas tardé à entrer en fermentation. Après plu- sieurs jours de contact, tout dégagement d'acide carbonique ayant cessé, on a évaporé jusqu'à siccité, puis on a repris par l'alcool bouillant, évaporé la liqueur alcoolique, et traité le résidu par de l'eau aiguisée d'acide acétique. Dans ce liquide, évaporé en consistance sirupeuse, on a pu constater les caractères de la strychnine (Larocque et Thibierge, Journ. de Chim. méd., octobre 1842). Expérience 3e. J'ai mêlé 20 centigrammes de sulfate de strychnine pur, ne rougissant pas par l'acide azotique, avec 60 grammes d'une forte décoc- tion aqueuse de foie humain; la liqueur, évaporée à siccité, a été traitée successivement par l'alcool et par l'eau aiguisée d'acide acétique, comme dans l'expérience précédente. Le dernier produit obtenu, assez épais, était presque noir et d'une amertume insupportable ; l'acide azotique ne le rou- gissait pas, et le chlorure d'or, au lieu de le jaunir, lui communiquait une couleur café clair. Strychnine dans un cas d'exhumation juridique. Expérience. Le 11 mai 1827, on mit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, et conte- nant des intestins, 30 centigrammes d'acétate de strychnine dissous dans un litre et demi d'eau. Le 8 août suivant, le mélange exhalait une odeur infecte : la liqueur fut filtrée et évaporée jusqu'à siccité ; le produit de l'é- vaporation, traité par l'alcool et décoloré par le charbon animal, évaporé de nouveau, fournit un résidu jaunâtre qui devenait d'un très beau rouge par l'acide azotique, et qui était d'une amertume insupportable, analogue à celle des sels de strychnine (1 ). U m'a donc été possible de reconnaître un (1) J'ai déjà dit que la strychnine pure ne rougit pas par l'acide azotique, mais il est difficile de l'ohtenir telle, en sorte que presque toujours les sels de strychnine ia commerce deviennent rouges par leur contact avec cet acide. i»U - 780 — sel de strychnine plusieurs mois après qu'il avait été mêlé avec des ma- tières animales, même lorsque le mélange avait été en contact avec l'air. Ici, comme dans l'empoisonnement par les sels de morphine et de brucine, il ne suffit pas de s'attacher à des phénomènes de coloration ; il faut, pour établir l'existence du poison, mettre à nu la strychnine ou ses sels, de ma- nière à ce qu'on puisse constater tous leurs caractères. De la brucine. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la brucine ? La brucine est une substance alcaline, conjposée d'oxygène, d'hydrogène, de carbone et d'azote, découverte en 1819 par MM. Pelletier et Caventou dans l'écorce de fausse angusture(<6rM- cœa antidysenterica), qui lui doil ses propriétés vénéneuses. Elle est solide, tantôt sous forme de prismes obliques, allongés, à base parallélogrammique, lanlôt en masses feuilletées, d'un blanc nacré, ayant l'aspect d'acide borique ; quelquefois enfin elle ressemble à certains champignons; elle est inodore, et douée d'une saveur amère très prononcée; elle jouit de la propriété de verdir le sirop de violetles, et de rétablir la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide, surtout lorsqu'elle a été dissoute dans l'alcool; elle est inaltérable à l'air; chauffée dans un petit tube de verre, elle fond à une température un peu supé- rieure à celle de l'eau bouillante, puis se congèle comme de la cire lorsqu'on la laisse refroidir ; si on continue à la chauffer, elle se décompose, répand de la fumée, et laisse du charbon, comme la plupart des substances végétales qui contiennent de l'azote. Une partie de brucine se dissout dans huit cent cin- quante parties d'eau froide, et dans cinq cents parties du même liquide bouillant ; l'alcool la dissout presque en loules propor- tions. Elle ne bleuit point les sels de sesqui-oxyde de fer, et ne sépare point l'iode de l'acide iodique, comme le fait la morphine (F. page 624). Chauffée avec cet acide, elle rougit et fournit un iodaie qui ne cristallise pas. Les acides affaiblis se combinent avec elle, et forment des sels, pour la plupart solubles dans l'eau. L'acide azotique concentré lui communique une couleur rouge, qui passe au jaune, si on élève la température, et qui — 781 — prend alors une belle couleur violette par le proto-chlorure d'étain : on peut, à l'aide de ce caractère, rendre sensibles les plus petites traces de brucine. Le chlorure d'or lui commu- nique une couleur café au lait qui devient ensuite d'un brun chocolat. Mélanges de brucine ou de ses sels avec des matières or- ganiques. S'il est vrai que la brucine est plus facile à déctler, au milieu des liquides organiques colorés, que la strychnine, il n'en faut pas moins apporter beaucoup de circonspection, lors- qu'il s'agira de décider s'il y a eu ou non empoisonnement par la brucine ou par l'un des sels (F. Morphine el Opium, pages 626 et 660). Voici des expériences tentées pour éclairer ce sujet : Expérience 1re. Un mélange d'acétate de brucine et de matières végé- tales et animales, a été soumis au traitement déjà indiqué (V. Strychnine, page 779, expérience 1re), et le résidu de l'évaporation de la liqueur al- coolique a été traité de nouveau par l'alcool. L'ammoniaque versée dans cette dissolution, évaporée en consistance sirupeuse, ne précipitait pas la brucine, et ce ne fut qu'en évaporant la liqueur ammoniacale, en reprenant par l'eau et par le charbon animal, que l'on put obtenir un précipité par l'ammoniaque (Merck, Journ. de pharmacie, tome xvi). Expérience 2e. Nous avons mis 30 centigrammes de brucine avec 200 grammes de sang ; ce mélange a élé exposé à l'air libre depuis le 2 juin jusqu'au 3 août. A cette époque, il exhalait une odeur infecte. Il a été éva- poré à siccité; le résidu a été repris par l'alcool bouillant, puis cette dis- solution filtrée et évaporée à siccité, a été reprise par l'eau aiguisée d'acide acétique. Par ce dernier traitement, on a obtenu un liquide que l'on a filtré et évaporé en consistance sirupeuse. En cet état, il rougissait par l'acide azotique, et prenait une teinte violette parle contact successif de l'acide azotique et du protochlorure d'étain (Larocque et Thibierge, Journ. de chim. méd., octobre 1842). Expérience 3e. J'ai mêlé 20 centigrammes de sulfate de brucine avec 600 grammes d'une forte décoclion de foie humain. La liqueur évaporée jusqu'à siccité a été traitée par l'alcool bouillant; le solutum, filtré et éva- poré à son tour jusqu'en consistance de sirop, a laissé un résidu d'un brun rougeâtre très amer, qui étendu d'une petite quantité d'eau, acquérait une couleur jaune; l'acide azotique, versé en assez grande quantité, lui com- muniquait une couleur rouge de sang, et, en chauffant, on obtenait une belle couleur violette aussitôt que l'on ajoutait une forte proportiou de protochlorure d'étain ; le chlorure d'or lui donnait à l'instant même une couleur chocolat. Expérience 4e. J'ai donné à un chien 30 grammes de sulfate de brucine — 782 — dissous dans 60 grammes d'eau, et je l'ai pendu deux heures après. Aussi- tôt j'ai traité le foie, coupé en petits morceaux, par de l'alcool concentré bouillant. Après un quart d'heure d'ébullition, j'ai filtré et fait évaporer la liqueur jusqu'en consistance d'extrait mou. En délayant cet extrait dans un peu d'eau, je me suis assuré qu'il contenait de la brucine ; en effet, il se comportait avec l'acide azotique et le protochlorure d:étain comme celui de l'expérience 3e. Brucine dans un cas d'exhumation juridique. Chlorhydrate de brucine. Expériences. 1° Le 29 mars 1826, on introduisit dans un bocal à large ou- verture, contenant des intestins, 97 centigrammes de chlorhydrate de bru- cine dissous dans un litre et demi d'eau ; on exposa le mélange à l'air. Le 10 juillet de la même année, la liqueur, qui, dès le 9 avril, exhalait une odeur très fétide, ayant été filtrée, précipitait par l'ammoniaque, et fournissait par l'évaporation un produit d'un blanc tirant un peu sur le jaune, qui rougis- sait fortement par l'acide azotique. Le 12 mai 1827, treize mois et demi après le commencement de l'expérience, la liqueur rétablissait la couleur du papier de tournesol rougi par un acide ; elle était trouble et brunâtre : filtrée, elle était d'un jaune sale, et, par l'évaporation à une douce cha- leur, elle fournissait un produit solide, jaunâtre, qui devenait d'un rouge magnifique par l'acide azotique; la portion, ainsi rougie, passait au violet lorsqu'on la chauffait légèrement avec un peu de protochlorure d'étain. En traitant ce produit solide par l'eau froide, il se dissolvait en partie; la dis- solution, filtrée, jaunâtre, de saveur amère, était décomposée par l'ammo- niaque, qui en précipitait de la brucine parfaitement reconnaissais. 2° Chlorhydrate de brucine étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on exposa à l'air, dans un bocal à large ouverture, contenant des intestins, 30 centigr. de chlorhydrate de brucine dissous dans un litre d'eau. Le 13 mai 1827, c'est-à-dire dix mois après le commencement de l'expérience, la liqueur, assez colorée/fut filtrée et décolorée en la faisant chauffer avec du charbon animal purifié, à travers lequel on la passa plusieurs fois : évaporée jusqu'à siccité à une douce chaleur, elle fournit un produit à peine coloré, qui de- venait d'abord d'un très beau rouge par l'acide azotique, puis violet par le protochlorure d'étain. 3° Chlorhydrate de brucine solide. Le 8 novembre 1826, on enterra à 80 centimètres de profondeur une boîte de sapin mince, contenant un intestin dans lequel on avait enfermé 60 centigrammes de chlorhydrate de brucine solide, de la viande, du blanc d'œuf et de la soupe maigre. Au bout de dix mois, on fit l'exhumation de la boîte, et l'on traita à plusieurs reprises par l'alcool bouillant les matières renfermées dans l'intestin. Les dissolutions alcooliques furent réunies et évaporées jusqu'à siccité, et le produit de l'é- vaporation fut mis en contact avec de l'eau aiguisée d'acide acétique, afin de dissoudre toule la brucine et de ne pas agir sensiblement sur la matière grasse; la dissolution, décolorée à l'aide du charbon animal, et évaporée jusqu'à siccité, donna un résidu jaunâtre, amer, qui devenait d'abord d'un « — 783 — »ouge magnifiqae par (acide azotique, puis violet par le protoehlopure d'étaia. Ces expériences prouvent qu'il est possible, dans un cas d'ex- humation juridique, de démontrer la présence de la brucine et du chlorhydrate de brucine dans le canal digestif, même plu- sieurs mois après la mort. Mais ici, comme pour l'acétate de morphine, les phénomènes de coloration développés par l'acide azotique et par le protochlorure d'étain, ne devraient être consi- dérés que comme des indices d'empoisonnement, et il faudrait, pour affirmer, que l'on eût séparé la brucine ou le sel de bru- cine, afin de pouvoir en constater les divers caractères. Symptômes de l'empoisonnement déterminé par la noix vomique, la fève de Saint-Ignace, l'upas tieuté, la stryehi nine et la brucine. L'hommr et les chiens soumis à l'influence de l'un ou de l'autre de ces poisons présentent les phénomènes suivans : malaise gé- néral, contraction générale de tous les muscles du ççrps, pen - dflnt laquelle la colonne vertébrale est redressée ; à cette con- traction, dont la durée est fort courte, succède un calme marqué, suivi lui-même d'un nouvel accès qui se prolonge plus que le premier, et pendant lequel la respiration est accélérée. Tout-ji- çoup les accidens eessent, la respiration se ralentit, et l'individu paraît étonné ; peu de temps après, nouvelle contraction géné- rale; alors on observe sur les chiens. 1; raideur et le rapproche- ment des pattes antérieures qui se dirigent en arrière, le redres- sement de la colonne vertébrale, et le renversement de la tête sur le cou; la respiration est très accélérée; bientôt après, raideur et immobilité des extrémités postérieures; la poitrine et la tête sont soulevées ; les animaux tombent d'abord sur la màchoiiv inférieure, et bientôt sur le côlé ; à cette époque, le tétanos est complet, et il y a immobilité du thorax et cessation de la respira- tion. Cet état d'asphyxie, annoncé d'ailleurs par la couleur vio- lette de la langue et des gencives, dure une à deux minutes, pen- dant lesquelles les organes dès sens et du cerveau continuent à exercer leurs fonctions, à moins que l'asphyxie ne soit portée au — 784 — plus haut point; car alors l'aciion de ces orgnnes commence à s'affaiblir : la fin de cet accès est annoncée par la disparition subite du tétanos et par le rétablissement graduel de la respira- lion. Bientôt après, une nouvelle attaque a lieu, celle fois, les contractions sont des plus violentes ; les secousses convulsives très fortes et semblables à celles que déterminerait un courant galvanique dirigé sur la moelle épinière d'un animal récemment tué ; il y a asphyxie et mouvemens convulsifs des muscles de la face. La mort arrive le plus souvent à la tin du troisième, du qua- trième ou du cinquième accès, ordinairement sept ou huit mi- nutes après la manifestation des premiers accidens, quelquefois plus tard. Une chose digne de remarque, et que l'on n'observe que dans l'empoisonnement qui m'occupe, et dans celui que produisent la fausse angusture et la brucine, c'est que le contact d'une partie quelconque du corps, la menace ou le bruit déter- minent facilement cette raideur tétanique générale. Lésions de tissu produites par ces poisons. Les nombreuses ouvertures de cadavres d'animaux empoison- nées par ces différentes substances prouvent manifestement que l'on remarque dans les organes intérieurs la même altération que chez les individus qui ont été asphyxiés ; mais on n'a jamais ob- servé la moindre trace de lésion dans le canal digestif. Néanmoins la Ie et la 2e des observations suivantes, recueillies chez l'homme, tendent à faire croire que la noix vomique peut déterminer l'in- flammation des membranes du canal alimentaire. Observation 1re. Daste (Pierre), âgé de quarante-cinq ans, d'un tempé- rament bilieux, d'une constitution sèche, vigoureuse, en proie aux fureurs de la jalousie, résolut de s'empoisonner. C'est dans cette intention qu'il prit, le 13 juin, sur les neuf heures du soir, une quantité considérable de noix vomique concassée (pour 60 centimes), dont il saupoudra ses alimens. Presque immédiatement après l'ingestion de cette substance vénéneuse, il fut atteint de violentes convulsions. Appelé près de lui, un officier de santé le fit vomir en le gorgeant de lait et d'eau chaude, et le fit transporter en- suite à l'hôpital Saint-Louis, où il arriva sur les dix heures du soir. Ses traits étaient profondément altérés ; il éprouvait une dédolation générale : ses forces étaient pour ainsi dire brisées ; des accès convulsifs se manifes- taient à des intervalles rapprochés (pendant un de ces accès, Daste fit une — 785 — chute qui n'eut d'autre résultat qu'une légère contusion au front) ; leur du- rée était d'une à deux minutes : ils étaient marqués par le raidissement de tous les muscles ; le tronc et les membres étaient dans une extension vio- lente, les mâchoires fortement rapprochées. Singulièrement agité, le malade poussait des cris entrecoupés, et implorait de prompts secours : le pouls ne présentait encore aucune altération remarquable (10 centigrammes d'émé- tique provoquèrent des vomissemens abondans; boissons etlavemens laxa- tifs). Dans la nuit, les sens de la vue et de l'ouïe acquièrent une sensibilité exagérée: telle est l'irritabilité des muscles, qu'il suffit de toucher le malade pour exciter en lui des mouvemens convulsifs; le bruit le plus léger suffit même pour produire cet effet. Pendant les convulsions, le pouls est fré- quent, agité ; le malade est baigné de sueur, phénomène dont l'explication se présente d'elle-même. Le 14, à sept heures du matin, l'état du malade est plus calme ; les accès convulsifs sont moins fréquens, moins longs, moins violens : cependant les causes indiquées tout-à-1'heure suffisent en- core pour les faire éclater. Le pouls n'offre aucune agitation fébrile ; senti- ment de lassitude et de brisement dans tout le corps; nulle douleur dans l'abdomen (potion calmante, saturée en quelque sorte d'opium, 30 centig. dans 120 gr. de véhicule). A neuf heures du matin, les mouvemens convul- sifs ont cessé, l'orage s'est pour ainsi dire dissipé, et tout semble annoncer une heureuse terminaison : ce calme insidieux se maintient le reste du jour et pendant la nuit. Le 15, même état, point de convulsions ; il ne reste qu'un sentiment de faiblesse et de douleur générales (potion ut supra). Le soir, la douleur semble se concentrer dans la région épigastrique; peau sèche, pouls fréquent. Le 16, à six heures du matin, pouls petit, presque imperceptible, sécheresse et chaleur de la peau, rougeur des bords de la langue, douleur vive dans la région épigastrique, battemens dans cetto région, accablement, prostration extrême, régularité des fonctions intellec- tuelles, yeux étonnés, altération des traits, physionomie décomposée : mort à dix heures du matin (aucune raideur dans les membres, sueur visqueuse sur toute l'habitude du corps). Ouverture du cadavre quarante-huit heures après la mort : 1 ° Cavité en- céphalique. Environ 30 grammes de sérosité dans les ventricules latéraux du cerveau : nulle altération appréciable dans les méninges et la pulpe cé- rébrale ; épanchement d'une assez grande quantité de sérosité dans la ca- vité de l'arachnoïde rachidienne ; la partie postérieure de cette membrane est parsemée et comme plaquée de lames cartilagineuses , irrégulières, d'une grandeur variable, très nombreuses. 2° Cavité abdominale. Foie volumineux. L'estomac contient quelques cuillerées d'un liquide mu- queux, sanguinolent, brunâtre; sa surface intérieure présente, dans divers points, une teinte qui varie du rouge au noir foncé, sans qu'on puisse trop dire si cette coloration est l'effet d'ecchymoses ou d'un travail inflamma- toire. Le duodénum, rempli d'un liquide jaune muqueux, est manifestement enflammé; la rougeur et l'injection de sa membrane interne s'étendent, en 786 — s'affaiblissant et en éprouvant une sorte de dégradation, à celle de l'intes- tin grêle ; la portion moyenne de celui-ci est rélrécie, ses parois sont épais- sies; la membrane muqueuse est parsemée d'ulcérations aux endroits où l'intestin se trouve resserré. La vessie, petite, contractée, vide, est légère- ment phlogosée, et contient une cuillerée d'un liquide puriformo. 3° Ca- vité thoracique. Quelques adhérences entre les plèvres pulmonaire et costale; poumons gorgés de sang, principalement à leur base, qui est comme teinte en rouge. Cœur dans son état naturel. 4° Habitude exté- rieure.— Raideur considérable des membres (on se rappelle qu'ils étaient souples immédiatement après la mort) ; teinte violacée de presque toute la surface de la peau : cette nuance était toutefois plus prononcée aux parties les plus déclives, vers lesquelles la pesanteur avait porté le sang (Observation communiquée par M. Jules Cloquet). Observation 2e. Une jeune femme de vingt-six ans prit, le 21 avril 1825, dans le dessein de se suicider, environ 30 grammes de poudre de noix vomique finement pulvérisée, et succomba peu de temps après dans des convulsions tétaniques. L'ouverture du cadavre, faite par MM. Ollivier (d'Angers), Drogard et moi, sur la réquisition de M. le procureur du roi, nous fit voir, entre autres altérations, une infiltration abondante de sérosité sanguinolente dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien des lobes céré- braux : on trouva en même temps de la sérosité- également sanguinolente dans les ventricules latéraux, dans la cavité de l'arachnoïde cérébrale, et une très grande quantité dans la cavité de l'arachnoïde rachidienne; en outre, le renflement brachial était très sain, et la substance grise de cette portion de la moelle était notablement injectée. Les poumons étaient gorgés d'une abondante quantité de sang noir fluide, ainsi que le cœur et les gros troncs vasculaires. Enfin, dans le grand cul-de-sac de l'estomac, qui con- tenait un liquide d'un gris fauve, il existait une plaque évidemment inflam- matoire, de couleur rouge foncé et ponctué, dont l'intensité diminuait de la circonférence au centre. Observation 3e. Un étudiant en pharmacie, adonné à la boisson, en sor- tant du bal, où il avait beaucoup dansé et bu, se coucha, et avala aussitôt 2 grammes de strychnine environ dissoute dans l'alcool. Au bout d'un quart d'heure, il était couché tranquillement dans son lit; les mouvemens respiratoires, le pouls et la température de la peau ne présentaient aucune anomalie, de sorte que le docteur Treinhardt de (Wald) se refusa à croire à un empoisonnement, malgré les assurances données par le malade. Ce- pendant il survint bientôt des contractions dans tous les muscles ; la respi- ration s'accéléra, il y eut des convulsions par accès, qui furent suivies de raidefur de tout le corps. Ces mouvemens convulsifs n'ayant pas tardé à céder, un vomitif put être administré, mais il resta sans résultat. Au bout de quelques minutes, un nouvel accès, plus fort que le premier, se mani- festa, en s'accompagnant de fortes secousses de tout le corps et d'un opis- thotonos bien prononcé. Bientôt survinrent un troisième et un quatrième — 787 — accès, pendant lesquels le malade poussa de véritables htniemens. Une demi-heure plus tard, le malheureux avait cessé de vivre. La langue, les gencives et les lèvres étaient violacées ; les doigts et les orteils présentaient la même coloration ; les premiers étaient convulsivement rétractés, et les seconds étaient tout-à-fait retirés en arrière. Le cadavre était rigide, dur au toucher comme du bois et légèrement recourbé sur lui-même. Les plaintes que les voisins avaient entendues avant l'arrivée du médecin rendent très probable l'existence de vives douleurs [Journal de chimie médicale, juin 1846). Action de la noix vomique, de la fève de Saint-Ignace, de l'upas tieuté et de la strychnine sur Véconomie animale. Il résulte des expériences tentées sur les animaux vivans , et de plusieurs observations recueillies chez l'homme : 1° que ces diverses substances sont très vénéneuses pour l'homme et pour un très grand nombre d'animaux ; 2° qu'il en est de même des extraits aqueux et alcoolique de noix vomique et de fève de Saint-Ignace ; 3° que de toutes ces matières, la strychnine, et les sels qu'elle forme avec les acides, sont ceux qui jouissent de la plus grande énergie; 4° que l'action de la brucine est environ douze fois moins énergique que celle de la strychnine; que les sels exercent une aclion plus vive que les bases elles-mêmes, et cela en raison de leur grande solubilité, par la présence d'une petite quantité d'acide ; 5° que les extraits aqueux sont plus ac- tifs que les poudres de ces graines, mais qu'ils le sont moins que leurs extraits alcooliques; 6° que l'extrait alcoolique de fève de Saint-Ignace est plus énergique que celui de noix vomi- que, tout étant égal d'ailleurs,' parce qu'il contient beaucoup plus de strychnine ; 7° que c'est à cette base et à la brucine que la noix vomique et la fève de Saint-Ignace doivent leurs pro- priétés vénéneuses; tandis que l'activité de l'upas dépend de la strychnine ; 8° que si la matière grasse, retirée par l'éther de la noix vomique et de la fève de Saint-Ignace, agit à la manière des poisons énergiques, cela doit être attribué à la strychnine et à la brucine qu'elle renferme ; 9° que l'on doit considérer ces poisons comme des excitans produisant constamment le tétanos, l'immobilité du thorax, et par conséquent l'asphyxie à laquelle les animaux succombent, ainsi que l'ont démontré MM. Magendie — 788 — et Delille pour l'upas tieuté et la noix vomique (1) ; 10° qu'ils agissent avec la plus grande énergie lorsqu'on les introduit dans les cavités thoracique et abdominale, ou dans la veine jugulaire, tandis que leur aclion est moins vive quand on les applique sur le tissu cellulaire sous-culané, ou qu'on les injecte dans les ar- tères éloignées du cœur : elle est encore moins vive si on les in- troduit dans le canal digestif, ou si on les applique sur les sur- faces muqueuses; 11°qu'ils n'agissent point sur les animaux auxquels on a enlevé la moelle épinière à l'aide d'une tige de baleine; 12° que, lors même qu'il serait prouvé par des observa- tions ultérieures qu'ils enflamment constamment les tissus avec lesquels on les met en contact, on ne devrait pas regarder celte irritation locale comme étant la cause de la mort ; 13° que celle- ci dépend de l'absorption du principe actif de ces matières qui paraît s'opérer par l'intermède des veines, suivant M. Magendie, de son transport dans le torrent de la circulation, et de l'excita- tion qu'il détermine dans la moelle épinière. M. Flourens pense que la partie de l'encéphale sur laquelle la noix vomique dirige plus particulièrement son aclion, est la moelle allongée (Recher- ches expérimentales sur les fonctions du système nerveux, p. 233). De l'écorce de fausse angusture. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par cette écorce. De l'écorce de fausse angusture (augusture fine). Ecorce appartenant, suivant quelques naturalistes, au brucœa antidysenterica ou ferruginea, et, suivant d'autres, à un arbre dont on ignore encore le nom. Caractères. Écorce ordinairement roulée sur elle-même, compacte, pe- (1) M. Ségalas n'admet pas avec M. ?>"ngendie que les strychnos administrés à haute dose produisent la mcrt par asphyxie; il pense qu'ils exercent une aclion directe sur le système nerveux, à peu près comme pourrait le faire une forte com- motion électrique (voy. Journal de physiologie expérimentale, année 1822). — 789 — santé, et beaucoup plus épaisse que celle de la vraie angusture. Couleur grise, jaunâtre à l'intérieur, variable à rextérieur,ce qui dépend des diffé- rences que présente l'épiderme : en effet, tantôt il est mince, d'un gris jaunâtre et parsemé d'excroissances blanchâtres; tantôt il est recouvert d'une matière ayant la couleur de rouille de fer ; tantôt enfin il esl forte- ment rugueux, et offre des taches diversement colorées : dans ce dernier cas, l'écorce est en général plus épaisse et plus volumineuse, mais un peu moins ferrugineuse que les autres. Odeur presque nulle, analogue à celle del'ipécacuanha. Saveur très amère; l'amertume persiste très long-temps au palais, sans laisser d'âcreté à l'extrémité de la langue. Couleur de la poudre : elle présente quelques différences suivant l'état de l'épiderme ; mais, en général, elle est d'un blanc légèrement jaunâtre. Lorsqu'on agite pendant quelques minutes la poudre de fausse angusture avec de l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique, on ob- tient une liqueur jaunâtre qui, par l'addition du cyanure jaune de potassium et de fer, devient verte sur-le-champ, et laisse dé- poser au bout de quelques heures du bleu de Prusse. La dissolution aqueuse de celle écorce rougit à peine la tein- ture du tournesol ; elle trouble légèrement le sulfate de fer, au- quel elle communique une couleur vert bouteille ; le cyanure jaune de potassium et de fer y fait naître un léger trouble, et le mélange devient verdâtre par l'addiiion de l'acide chlorhydrique; enfin la potasse, employée en petite quantité, lui communique une couleur vert bouteille, qui devient orange foncé avec une teinte verdâtre, par l'addition d'une nouvelle quantité d'alcali : la liqueur conserve sa transparence. La dissolution aqueuse d'angusture vraie, au contraire, détruit la couleur du tourne- sol, fournit avec le sulfate de fer un précipité gris blanchâtre très abondant, soluble dans un excès de sulfate de fer, et n'est point troublée par le cyanure double, à moins qu'on n'ajoule de l'acide chlorhydrique, car alors elle donne un précipité jaune très abondant; enfin la potasse caustique la fait passer à l'o- rangé verdâtre, et y détermine un précipité, quelle que soit la quantité d'alcali employé (M. Guibourl). L'analyse chimique de l'écorce de fausse angusture, faite en 1819 par MM. Pelletier et Caventou, prouve qu'elle contient de l'acide gallique combiné avec la brucine, une- matière grasse, beaucoup de gomme, une matière coloranie jaune, semblable à — 790 — celle qui existe dans la noix vomique, beaucoup de ligneux, et quelques traces de sucre. Action de l'écorce de fausse angusture sur l'économie animale. Les expériences faites sur les animaux et les obser- vations recueillies chez l'homme prouvent, 1° que cette substance est très vénéneuse pour l'homme, les mammifères en général, les oiseaux, les poissons et les reptiles, lorsqu'on l'applique sur les membranes muqueuses, les blessures, la plèvre, le péri- toine, etc.; 2° qu'elle est inerte ou très peu active quand on la met en contact avec les nerfs, les tendons ou l'épiderme non lésé ; 3° qu'il en est de même des extraits aqueux et alcoolique de fausse angusture, ainsi que de la matière jaune préparée par M. Planche, et dont j'ai parlé dans mon Traité de Toxicologie, tome n, page 480 (4e édition) ; U° que c'est à la brucine que l'on doit aitribuer les propriétés vénéneuses de ces divers compo- sés, et que, si la matière jaune amère est plus active que l'écorce pulvérisée, c'est parce qu'elle contient beaucoup plus de bru- cine sous un volume donné ; 6° que l'angusture agit sur l'éco- nomie animale comme la noix vomique, la fève de Saint- Ignace, etc. (voyez l'action de ces substances page 787), 7° qu'après la mort des animaux, les muscles involontaires con- servent encore leur irritabilité, lorsque les muscles volontaires n'en donnent plus aucun signe. Du ticunas, du woorara et du curare (1). Ces divers poisons ne sont autre chose que des extraits obte- nus avec le suc de certaines lianes, auquel on a ajouté des sucs provenant d'autres plantes qui ne sont pas toujours vénéneuses. Ils peuvent être regardés comme ne différant pas entre eux. Le» animaux soumis à leur influence sont plongés dans un élat de langueur ; leur pouls est dur et fréquent, la respiration courte et accélérée; les muscles, surtout ceux des membres pectoraux,.se paralysent, après avoir éprouvé une contraction convulsive; le (1) Le curare doit ses propriétés vénéneuses à une sorte d'alcali végétal d'une saveur très amère (voy. les Annales de chimie et de physique, t. \l, p. 218). — 1S)\ —■ corps se refroidit, et la respiration cesse. Ces poisons agissent plutôt sur la moelle épinière que sur le cerveau : en effet, ils n'occasionnent ni stupeur ni anéantissement delà sensibilité, et ils suspendent la respiration ; leur affection diffère de celle de l'upas tieuté en ce qu'ils paralysent plus promptement les mus- cles volontaires, sans exciter des convulsions et des spasmes aussi violens et aussi fréquens ; elle diffère de celle de l'upas an- tiar (voy. page 795), en ce qu'ils ne déterminent point la para- lysie du cœur ni des déjections alvines. Ils sont employés pour empoisonner les flèches. § III. Du camphre, de la coque du Levant, de la picrotoxine, et de l'upas antiar. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'une ou l'autre de ces substances? Du camphre. Caractères. Le camphre est un des produits immédiats des végétaux composés d'oxygène, d'hydrogène et de carbone ; il est solide, blanc, transparent, plus léger (Méd. lég., p. 136). En effet j'ai démontré (v. p. 846 ) qu'alors même que la chambre a élé complètement refroidie, la proportion de l'acide carbonique est la même en bas qu'en haut. Septième question. Quelle peut être la quantité de char- bon qu'il faudrait brûler pour empoisonner un individu en ayant égard à l'étendue de la pièce qu'il occupe ? On se tromperait étrangement si pour résoudre cette question on se bornait à déterminer quelle est la proportion de gaz acide carbo- nique nécessaire pour tuer un adulte, et quelle est la quantité de charbon qu'il faudrait brûler pour obtenir cette proportion de gaz acide carbonique ; car une atmosphère viciée par la vapeur du charbon n'est pas seulement viciée par du gaz acide carboni- que, mais bien aussi par du gaz oxyde de carbone, du gaz hy- drogène carboné et du gaz azote ; en outre elle contient moins d'oxygène : aussi admeltrai-je qu'un animal qui à la rigueur pourrait vivre dans un mélange artificiel de 96 parties d'air et de 4 parties d'acide carbonique, périrait infailliblement dans une atmosphère où l'on aurait fait brûler du charbon, et qui pourtant — 859 — ne renfermerait pas au-delà de 4 pour 100 d'acide carbonique. M. Leblanc,après s'être assuré qu'un chien de forte taille, placé dans une chambre où il y avait de la braise de boulanger allu- mée, était tombé épuisé au bout de dix minutes, et qu'il était mort au bout de vingt-cinq minutes, a vu que l'air recueilli dans cette chambre était formé de 19,19 d'oxygène, de 75,62 d'azote , de 4,61 d'acide carbonique, de 0,54 de gaz oxyde de carbone et de 0,04 d'hydrogène carboné (Mémoire cité, p. 17). Ce serait donc en brûlant du charbon dans l'air et en expéri- mentant directement sur l'atmosphère viciée par suite de la combuslion, que l'on devrait tenter de résoudre ce problème. On peut affirmer que toutes les fois que cette atmosphère contiendrait 3 pour 100 au plus de gaz carbonique, l'empoisonnement serait mortel. Il s'agit maintenant de savoir s'il est possible de calculer la pro- portion de charbon qu'il a fallubrûler dans une capacité déterminée pour rendre délétère l'air qu'elle renferme. M. Devergie se pro- nonce pour l'affirmative et s'exprime ainsi : « Soit donc que l'on « ait à déterminer la quantité de charbon qu'il a fallu brûler pour « rendre délétère une capacité de 25 mètres cubes d'air, on dira : « puisqu'il faut que le quart de l'oxygène de la pièce soit converti en « acide carbonique, que 25 mètres cubes d'air contiennent 5 mè- « très cubes d'oxygène (négligeant une fraction) dont le quart est « 1 mètre 26/100 ; qu'il faut 54 grammes 70/100 de carbone pour « donner naissance à 1 mètre cube d'acide carbonique ; que 54 « grammes 70/100 de carbone représentent 58 grammes environ « de charbon, à cause des sels et de l'eau qu'il contient ; qu'un « décalitre de charbon pèse terme moyen, 300 grammes, on ar- « rivera à ce résultat, qu'il a suffi de brûler la einquante-et- « unième partie d'un décalitre ou boisseau, en supposant que « l'espace fût parfaitement clos. » Et plus loin : « Remarquons « que dans toutes ces opérations, on ne peut arriver qu'à des ap- te proximations : aussi doit-on toujours se rapprocher de la dé- « termination numérique la plus favorable à la défense » (Médec. lég., t. m, p. 102). On ne saurait sans danger admettre de pareils préceptes ; et d'abord il n'est pas exact de dire qu'il faille, pour rendre délé- 55. — 860 — tèrede l'air atmosphérique, que le quart de l'oxygène de cet air ait été transformé en acide carbonique par la combustion du charbon, car il suffit, pour tuer un adulte, que l'air n'ait perdu qu'un septième environ de son oxygène ; d'où il suit que de l'air qui n'aurait perdu qu'un dixième ou un douzième de l'oxygène qu'il renferme, serait déjà un élément irrespirable et susceptible d'occasionner des accidens graves. Je dirai, en second lieu, que les chambres dans lesquelles les individus ont été empoisonnés, quelque bien fermées qu'elles fussent en apparence, étaient loin d'être parfaitement closes, en sorte que l'air extérieur a dû pé- nétrer dans la chambre, en expulsant une partie de celui qui au- paravant occupait la totalité de la pièce et en se mêlant avec la portion restante : or, la conséquence de ce mélange a dû être de rendre l'air moins vicié, et par conséquent de prolonger la vie ; s'il en est ainsi, et cela n'est pas douteux, la quantité de charbon brûlée avant que les individus aient péri a dû être plus consi- dérable que dans le cas où la mort serait arrivée plus prompte- ment dans une pièce hermétiquement fermée. Enfin, le charbon que l'on aura fait brûler renfermera tantôt sur 100 parties, 75 parties de charbon et 25 parties de cendres, tantôt 96 ou 97 par- ties de charbon el 4 ou 3 de cendres.', et dans d'autres circon- stances, il pourra contenir 80, 85, 90, etc., parties de charbon. Or, comme cet élément est inconnu, toutes les fois qu'il ne reste pas dans la pièce une portion de charbon non brûlé avec lequel on puisse expérimenter, ce qui arrive presque toujours, il en résulte que l'on pourra croire avoir brûlé 2 kilogrammes de char- bon, lorsque en réalité on n'en aura brûlé que les trois quarts ou les quatre cinquièmes ; car il n'est pas vrai, comme le dit M. De- vergie, que 54 grammes 70,100 de carbone représentent toujours 58 grammes environ de charbon (à cause des sels et de l'eau qu'il contient). A la vérité, les difficultés sont moins grandes lorsqu'on trouve dans la chambre une partie du même charbon qui n'a point été brûlé, car alors on peut l'incinérer et savoir combien il fournit de cendres par kilogramme ; ce fait une fois connu, on sait, d'après le poids des cendres contenues dans le fourneau, combien il a dû être brûlé de charbon; mais encore ici il faut supposer qu'il n'y avait pas — 861 — dans ce fourneau, avant de l'introduire dans la chambre, une cer- tainequantité de cendres, ce qu'il sera souvent difficile d'affirmer. D'où je conclus qu'il est impossible de donner une solution tant soit peu satisfaisante du problème dont je m'occupe, et qu'il y a lieu de dire aux magistrats que l'on s'exposerait par trop à les induire en erreur en cherchant à le résoudre, même d'une manière approximative ; c'est assez faire sentir combien j'aurais été loin de répondre comme le fit M. Devergie au juge d'instruction qui, à l'occasion de l'affaire Amouroux, lui posa la question qui fait le sujet de ce paragraphe. Voici cette réponse : « L'on peut, sans « s'éloigner de la vérité, dire qu'il aurait fallu moitié moins de « charbon, ou deux livres seulement pour produire une quantité « de gaz capable d'amener l'asphyxie dans la chambre occupée « par les époux Amouroux ! ! ! » Quelle est la proportion de cendres que peut fournir une quantité donnée de charbon ? La solution de cette ques- tion est difficile sinon impossible ; en effet, la quantité de cen- dres variera suivant l'espèce de charbon, son degré d'humidité ou de sécheresse, etc. : ainsi, M. Berlhier a trouvé que le plus ordinairement elle était de trois à quatre centièmes ; toute- fois , elle peut être beaucoup moindre ou beaucoup plus con- sidérable : le charbon de bourdaine n'en a fourni que huit millièmes, tandis que le charbon d'acajou en a donné huit cen- tièmes, celui de tilleul vingt centièmes, et celui d'écorce de chêne près de vingt-cinq centièmes. Dans les expériences que j'ai tentées, le charbon de mon laboratoire, non calciné, a laissé seize centièmes de cendres, tandis que du charbon pris dans un autre laboratoire n'en a donné que sept centièmes. Le charbon employédansma cuisine, et non calciné a fourni seulement qua- tre centièmes, et le même charbon calciné, cinq centièmes. La braise de boulanger n'en a donné que deux centièmes et demi. Appliquant ces données à l'espèce, je dirai qu'il me serait impossible d'accorder la moindre confiance à la phrase du rapport de M. Devergie, ainsi conçue : « Toutefois, quel- « ques essais tentés par nous à cet égard nous ont conduit aux « résultats suivans : un boisseau de charbon donne souvent « un peu plus d'un litre de cendres poreuses et légères; en sorte — 862 — « que l'on aurait dû trouver, lanldansle fourneau que dans la « terrine dont s'est servi Amouroux, près d'un demi-boisseau de « cendres » (Méd. lég., l. me, p. 137). Evidemment, on ne parviendra à résoudre le problème dont il s'agit que lorsqu'il restera dans la chambre où l'on a été empoi- sonné, une partie du charbon employé, comme cela eut lieu dans l'affaire de la fille Ferrand, dont je vais parler. Pour tous les au- tres cas, il n'y a que vague et incertitude. Huitième question. Est-il possible qu'une personne par cela seul qu'elle se serait évanouie, puisse rester impuné- ment pendant sept heures et demie dans une chambre où se trouvent des fourneaux et des terrines remplis de charbon al- lumé, alors qu'une autre personne placée dans lamême cham- bre, serait morte empoisonnée ? Cette question fut posée à Olli- vier (d'Angers), dans l'affaire de la fille Ferrand, que le ministère public accusait d'avoir empoisonné le nommé Lion par la vapeur du charbon. D'après les dires de cette fille, elle se serait évanouie en entrant dans la chambre et ne serait revenue de son évanouis- sement qu'au bout de sept heures et demie. Après avoir établi, en examinant la portion restante du charbon qui avait déterminé l'em- poisonnement, quelle était la quantité de cendres que donnait 1 kilogramme de ce charbon, Ollivier (d'Angers) calcula com- bien les 266 grammes de cendres trouvées dans les fourneaux et les terrines dont on s'était servi, représentaient de char- bon, et il conclut qu'il en avait été brûlé plus de 3 kilogram- mes 375 grammes, quantité plus que suffisante pour intro- duire dans l'air de la chambre le quart en volume au moins de gaz acide carbonique. Evidemment, dit-il, cette atmosphère était beaucoup trop délétère pour que la fille Ferrand eût pu la respirer pendant six heures sans mourir. Mais, dira-t-on, l'éva- nouissement que la fille Ferrand a éprouvé n'a-t-il pas pu la pré- server de l'action délétère des gaz au milieu desquels elle est res- tée plongée? Comment croire à cet évanouissement prolongé, répondit judicieusement Ollivier ; qui ne sait que la position dans laquelle la fille Ferrand dit être restée est précisément la plus convenable pour faire cesser promptement une syncope ? Elle était étendue sur un carreau froid, la lête renversée sur le — 863 — même plan que les pieds, et couchée sur le dos. En admettant qu'une syncope puisse durer ainsi six heures, la respiration n'en continue pas moins de s'effectuer ; quoique faible, elle est suffi- sante pour que l'inspiration de vapeurs délétères long-temps continuée soit suivie de la mort. Mais l'empoisonnement incomplet occasionné par le charbon laisse l'individu qui l'a éprouvé dans un état de torpeur, d'anéan- tissement qui ne lui permet pas de se lever, de marcher ; une douleur de tête atroce avec faiblesse générale persiste souvent pendant plusieurs jours. La fille Ferrand a bien paru un peu étourdie, son air était hébété quand on est entré dans sa cham- bre ; mais il est évident qu'elle avait tenté à l'instant même de se pendre, son cou portait l'empreinte caractéristique du lien au- quel elle s'était suspendue, et ce fait suffirait pour expliquer l'é- tat dans lequel on la trouva. Cette tentalive de suicide ne prouve- t-elle pas encore contre l'empoisonnement auquel elle aurait été exposée? Comment concilier la possibilité de sa part des prépa- ratifs que nécessitait cette tentative de pendaison, avec l'affaisse- ment, la prostration des forces qui suivent toujours l'inspiration, même passagère, des vapeurs du charbon? Ainsi la fille Ferrand serait restée six heures dans une atmosphère qui avait tué Lion à ses côtés, et elle en eût ressenti des effets assez peu intenses pour pouvoir effectuer de nouveau le projet de se détruire! Cette assertion est pour nous dénuée de toute probabilité (Annales d'hygiène et de médecine légale). Neuvième question. Un appareil calorifère chauffé par du charbon de terre peut-il laisser échapper des gaz qui, respires, produiraient l'asphyxie ? Faut-il attribuer à cette cause ou à toute autre la mort du cocher de M. ***, ainsi que les accidens éprouvés par plusieurs domestiques de la même maison ? Voici les faits qui motivèrent cette question, adressée par un juge d'instruction à M. Devergie. Le 3 décembre, à sept heures du matin, Régn..., cocher de M. le ducdeMont..., entre dans la chambre de Dûmes..., située au deuxième étage ; il y voit une fumée épaisse et sent une odeur de charbon qui lui porte à la tcle (Rapport du commissaire de police). Dûmes..., qui pour la première fois y avait passé la nuk, était sans con- — 864 — naissance; en vain on l'appelle... il ne donne pas signe de vie. Régn... entre alors dans la chambre d'un sieur Robert; il le trouve dans le même état que Dûmes... II.appelle du secours, des soins sont donnés à Robert, il revient à lui. En vain on ad- ministre les mêmes secours à Dûmes.. , en vain un médecin met en usage les moyens propres à le rappeler à la vie. A deux heu- res après midi, un second médecin, trouvant le corps de Dûmes... encore chaud, ouvre l'artère temporale, mais sans résultat. De- puis quelques jours, Régn... éprouvait des maux de tête en s'é- veillant, et sentait dans sa chambre l'odeur de la vapeur du char- bon. Dans la même nuit, un autre cocher, nommé Gas..., s'était couché à minuit, il s'était éveillé à deux heures du matin dans un état complet de malaise, qui ne s'est dissipé qu'en prenant l'air à une fenêtre (déposition de Gas...). Le commissaire de police et les deux médecins, appelés le 5 décembre, constatent en en- trant dans les chambres de Dûmes... et de Régn..., non-seule- ment l'odeur très forte de la vapeur du charbon, mais encore la sortie de cette vapeur par les bouches de chaleur placées dans lesdites chambres. Au rez-de-chaussée existait un calorifère. Il avait été allumé pour la dernière fois le samedi 29 novembre, c'est-à-dire quatre jours avant les accidens qui se sont manifestés (déposition de Bi...); sa construction remontait au mois de mai 1833. Depuis fort long-temps, les personnes qui habitaient le corps de bâtiment qu'il était destiné à chauffer en étaient incom- modées. Leurs plaintes donnèrent lieu à une réparation en fé- vrier 1834. Elle n'eut aucun résultat, et ces personnes prirent le parti de fermer les bouches de chaleur destinées à chauffer leurs chambres. Il s'en exhalait une fumée d'une odeur particulière. C'était, dit Gas..., une exhalaison qui m'empoisonnait. Gas... couchait au premier. Le soir même de l'événement de la mort de Dûmes..., le calo- rifère est démoli. Le 22 décembre, un architecte-expert est com- mis pour constater quel était l'état des lieux, quel mode de con- struction avait été adopté pour le calorifère, et pour déterminer la cause des accidens survenus. Il résulte de son rapport que le calorifère établi au rez-de-chaussée, dans une sellerie, avait son tuyau de fumée posé au droit d'une cheminée, et ses tuyaux calo- — 865 — rifères dans l'épaisseur du plancher bas de l'entresol, entre deux solives. Ils sortaient tous ensuite par plusieurs embranchemens dans la hauteur de l'entresol et d'une partie du premier pour con- duire la chaleur dans diverses pièces. Lors de la démolition dudit calorifère et de tous ses accessoires, on a trouvé les deux pièces de bois entre lesquelles passaient les tuyaux de la fumée et de la chaleur, consumées à un tel point qu'elles s'enflam- maient au contact de l'air. Il paraît résulter des renseignemens qu'a recueillis l'architecte, que le placement du tuyau de la fu- mée trop près des solives les a tellement échauffées qu'il y a mis le feu ; que le feu s'est étendu successivement dans toute la lon- gueur des solives, et les a mises dans un état de carbonisation qui a produit dans l'entrevous, où étaient placés les tuyaux de chaleur, un gaz qui se sera introduit dans les tuyaux de cha- leur mal joints, et se sera répandu ensuite dans les chambres où ces tuyaux aboutissaient sans aucune soupape de fermeture ; que l'on aurait dû placer les tuyaux de conduite de la chaleur en contre-bas du plafond des pièces du rez-de-chaussée, en les enve- loppant d'une poterie en grès ou en terre cuite, au lieu de les mettre dans l'intérieur du plancher, entre les solives. M. Devergie, adoptant les explications si péremptoires del'ex- pert-architecte, a conclu que la mort de Dûmes..., et les accidens éprouvés par les autres domestiques, devaient être attribués à un empoisonnement, et qu'il y avait tout lieu de croire que cet em- poisonnement avait été occasionné par la carbonisation des poutres placées dans le plancher de l'entresol {voy. Vapeur du bois carbonisé, p. 846). QUATRIÈME CLASSE. Des poisons septiques ou putréflans. On a désigné sous le nom de poisons septiques ceux qui dé- terminent des syncopes, une faiblesse générale, et l'altération des liquides, sans troubler le plus souvent les facultés intellec- tuelles : tels sont particulièrement l'acide sulfhydrique, les li- quides venimeux fournis par certains animaux, et les matières animales putréfiées. — 866 — Du gaz acide sulfhydrique (hydrogène sulfuré). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a été produit par le gaz acide sulfhydrique? Le gaz acide sulfhydrique est incolore, transparent, et doué d'une odeur fétide semblable à celle des œufs pourris. Il brûle avec une flamme bleuâtre lorsqu'on l'approche d'une bougie allumée ; les parois de la cloche se recouvrent d'une couche de soufre d'un blanc jaunâtre à mesure que la combustion du gaz a lieu. Il est décomposé par le chlore qui se transforme en acide chlorhydrique eten précipite du soufre. Il se dissout dans l'eau, el la dissolution précipite en noir les sels de plomb, de cuivre, de bismuth et d'argent, et en orangé rougeâtre les sels d'antimome. Si l'acide sulfhydrique était combiné avec l'ammoniaque, et mêlé à l'air atmosphérique, comme cela a souvent lieu dans les fosses d'aisances, on le reconnaîtrait aux caractères qui seront indiqués à la page 868. Action du gaz acide sulfhydrique sur l'économie ani- male. 1° Il suffit de laisser pendant quelques secondes un animal quelconque dans une atmosphère de gaz sulfhydrique pur pour déterminer sa mort; il tarde un peu plus à périr, si on lui fait respirer un mélange de ce gaz et d'une très grande quantité d'air atmosphérique. L'action de ce poison est moins énergique lorsqu'on l'introduit dans la plèvre ou dans la veine jugulaire ; elle l'est en- core moins quand il est injecté dans le tissu cellulaire sous-cutané, dans l'estomac ou dans les intestins ; enfin, elle est encore moins rapide lorsqu'on l'applique sur la surface de la peau : néanmoins elle est assez intense dans ce dernier cas pour faire périr en quel- ques minutes les lapins, les canards, les jeunes cabiais, dont tout le corps, excepté la tête, plonge dans des vessies remplies de ce gaz; 2° les effets délétères qu'il produit lorsqu'il est ap- pliqué sur la peau sont d'autant plus marqués, que les animaux sont plus petits : aussi l'homme peut-il se soumettre sans incon- vénient à l'usage des bains hydrosuif urés, pourvu qu'il n'y reste pas trop long-temps, et que le gaz qu'ils laissent dégager n'entre pas dans les poumons ; 3° on peut injecter une petite dose de gaz — 867 — acide sulfhydrique dans la veine jugulaire des animaux sans que l'on détermine des accidens fâcheux : si la close injectée est plus forte, l'animal périt, et la mort ne saurait être attribuée à la disten- sion du cœur pulmonaire par le gaz, puisque celui-ci est très soluble dans le sang; 4° l'eau saturée de gaz acide sulfhydrique tue rapidement les lapins, les grenouilles et les chiens, lors- qu'elle est injectée dans le tissu cellulaire sous-cutané, dans les intestins ou dans l'estomac ; 5° il est entièrement absorbé sans éprouver la moindre décomposition ; ainsi porté dans le torrent de la circulation, il détermine une faiblesse générale, une altération profonde dans la texture des organes et principa- lement dans le système nerveux et probablement dans la com- position du sang; 6° si les animaux soumis à l'influence de ce gaz ou de l'eau hydrosulfurée ne périssent pas instantanément, ils éprouvent une vive agitation, et poussent des cris aigus ; leurs membres se raidissent et offrent des mouvemens convulsifs; l'urine est rendue involontairement ; 7° à l'ouverture des cada- vres, on trouve les vaisseaux sanguins, et particulièrement ceux qui avoisinent la partie sur laquelle le gaz a été appliqué, rem- plis de sang épais, brunâtre ou verdâtre ; l'organe qui a été en contact avec le gaz est mou, se déchire avec la plus grande fa- cilité, offre une couleur brunâtre, et passe très promptement à la putréfaction : assez souvent ce changement de couleur et de consistance s'étend aux différens viscères et aux muscles qui ne jouissent plus de l'irritabilité. Lorsque la mort est le résultat de l'inspiration de ce gaz, les bronches et les fosses nasales sont en outre enduites d'une mucosité visqueuse et brunâtre. Du gaz qui se dégage des fosses d'aisances. Ce gaz, connu vulgairement sous le nom de plomb, est le plus souvent formé de beaucoup d'air atmosphérique et d'une cer- taine quantité de sulfhydrate d'ammoniaque (composé de gaz acide sulfhydrique et de gaz ammoniac) qui est fourni par l'eau de la fosse : en effet, il résulte des expériences de M. Thenard que l'eau dont il s'agit contient quelquefois jusqu'à un tiers de son volume de ce sulfhydrate. Quelquefois aussi, mais plus rare- — 868 - ment, le gaz des fosses d'aisances, loin d'être composé comme le précédent, est formé d'environ quatre-vingt-quatorze pariies de gaz azote, de deux parties de gaz oxygène, et de quatre d'acide carbonique ou de sesqui-carbonate d'ammoniaque. On peut ai- sément se procurer l'une ou l'autre de ces variétés de gaz en sui- vant les procédés décrits aux pages 833 et 846. Quelle que soit sa composition , il contient en outre une certaine quantité de matière organique putréfiée qui lui communique une odeur désagréable. Caractères du gaz composé d'air atmosphérique et de sulf- hydrate d'ammoniaque. Il a une odeur très marquée d'oeufs pourris et d'alcali volatil; il irrite fortement les yeux; il n'éteint point les corps en combustion ; il précipite à l'état de sulfure noir les dissolutions d'azotate d'argent et d'acétate de plomb ; enfin, il produit, par son mélange aveclegaz acide chlorhydrique, un nuage blanc très épais, formé d'acide chlorhydrique et d'ammoniaque. Caractères du gaz composé de quatre-vingt-quatorze par- ties d'azote, de deux parties d'oxygène et de quatre parties d'acide carbonique. Il est incolore et transparent ; il éteint les corps en combustion ; il rougit faiblement l'eau de tournesol, et il précipite l'eau de chaux en blanc. Lorsqu'on en sépare l'acide carbonique au moyen de la potasse caustique, comme je l'ai indiqué à la page 833 , on voit que le résidu, qui est presque entièrement formé d'azote, éteint encore les corps en combustion ; mais il ne rougit plus l'eau de tournesol, et il ne précipite plus l'eau de chaux. Si le gaz dont il s'agit con- tient du sesqui-carbonate d'ammoniaque au lieu d'acide carbonique, il offre une odeur d'alcali volatil, verdit le sirop de violettes, et donne naissance à des vapeurs blanches plus ou moins épaisses, lorsqu'on le mêle avec du gaz acide chlorhydri- que ; du reste, il agit sur les corps en combustion, sur l'eau de chaux et sur la potasse caustique, comme s'il était simplement formé d'azote, d'oxygène et d'acide carbonique. Symptômes et lésions de tissu déterminés par le gaz qui se dégage des fosses d'aisances. Ces symptômes varient suivant qu'ils sont le résultat de l'inspiration de l'une ou de l'autre des va- riétés de gaz dont je viens de parler. A. Si le gaz inspiré est composé d'air atmosphérique et de — 869 - sulfhydrate d'ammoniaque, et que la maladie soit légère, l'indi- vidu éprouve du malaise, des envies de vomir, des mouvemens convulsifs de toutes les parties du corps, et principalement des muscles de la poitrine et des mâchoires ; la peau est froide, la respiration libre, mais irrégulière ; le pouls est très embarrassé. Si l'affection est plus grave, le malade est privé de connais- sance, de sentiment et de mouvement ; le corps est froid, les lè- vres et la face violettes ; une écume sanglante s'échappe de la bouche ; les yeux sont fermés, sans éclat, les pupilles dilatées et immobiles, le pouls petit et fréquent, les battemens du cœur dés- ordonnés et tumultueux; la respiration est courte, difficile et comme convulsive ; les membres sont dans le relâchement. A cet état succède quelquefois une agitation plus ou moins vive. Lorsque la maladie est encore plus grave, les muscles offrent des contractions violentes de peu de durée, mais qui sont rem- placées par des mouvemens convulsifs avec courbure du tronc en arrière ; l'individu paraît éprouver des douleurs aiguës, et pousse des cris semblables aux mugissemens d'un taureau. A l'ouverture des cadavres des individus qui ont succombé à l'action de ce gaz, on découvre des altérations analogues à celles dont j'ai fait mention en parlant de l'acide sulfhydrique (F. p. 867 et à celles qui font le sujet des observations 2e et S* de ma Toxicologie, p. 621 du tome ne de la 4e édition). B. Si le gaz inspiré est composé d'azote, d'un peu d'oxygène et d'acide carbonique ou de sesqui-carbonate d'ammoniaque, l'individu éprouve de la gêne dans la respiration, qui devient grande, élevée et plus rapide que decoutume, et un affaiblissement progressif, sans aucune lésion des fonctions nerveuses. Ici la mort n'a lieu que par défaut d'air respirable; aussi le plus sou- vent les malades reviennent-ils à leur premier état, sans se res- sentir aucunement de ce qu'ils ont éprouvé dès l'instant où ils sont exposés à l'air libre. A l'ouverture des cadavres, on trouve que le système artériel est rempli de sang noir. Du méphitisme des égouts. Analyse de l'air des égouts. Lorsque la masse des matières — 8"0 — n'est pas remuée, l'air contient de un à quatre centièmes de moins d'oxygène. Treize fois sur vingt-el-une, la diminution était de trois centièmes, et six fois de quatre centièmes. — L'a- zote s'est trouvé six fois dans les mêmes proportions que dans l'air, et treize fois, il y en avait un cenlième de moins. Constam- ment l'air contenait une proportion notable d'acide carboni- que; quatre fois la quantité de ce gaz s'élevait à un centième plus une fraction, et deux fois à trois centièmes. Dans la plupart de ces analyses, on a trouvé de vingt-cinq à quatre-vingt mil- lièmes de gaz acide sulfhydrique ; cependant deux fois il y en avait deux centièmes. Evidemment, la composition de cette at- mosphère n'est pas de nature à produire les accidens graves que l'on a remarqués chez les ouvriers qui n'y séjournent que peu de temps ; on doit donc attribuer ces accidens à une altération de l'air plus profonde occasionnée par \eremuement des matières; en effet, l'air de l'égout d'Amelot, analysé par M. Gaultier de Claubry, après avoir agile et remué fortement la vase, s'est trouvé formé d'oxygène 13,79, d'azote 81,21, d'acide carbonique 2,01, et d'acide sulfhydrique 2,99 (Annales d'hygiène et de méd. légale, t. n, p. 82). Symptomes. L'accident le plus commun que l'on ait observé a été Yophthalmie, désignée sous le nom de mite, et déterminée par l'action directe de la boue des égouts ou par l'impression des gaz échappés de cette boue lorsqu'on la remuait; quelque- fois celte maladie a été légère ; mais, dans certaines circonstances aussi, loin d'être bornée à la conjonctive, elle a gagné la cornée, et a été suivie d'accidens cérébraux. En général, les adoucis- sans et les émolliens ne faisaient que prolonger le mal, tandis que les collyres toniques et astringens étaient suivis des plus heureux résultats. Huit ouvriers ont été pris de fatigue, de courbature, de cé- phalalgie, de malaise, d'envies de vomir, en un mot, d'embarras gastrique, qui cédait aux boissons délayantes et acidulées, ou au tartre stibié. Six ont été atteints de coliques extrêmement violentes, qui ce- pendant se dissipèrent en peu de jours, sous l'influence de trai- temens variés. Chez l'un d'eux, la paroi de l'abdomen était ré- — 871 — tractée et presque appliquée sur la colonne vertébrale, comme dans la colique des peintres. Une jaunisse très intense a été remarquée chez un ouvrier. Un autre eut un érysipèle à la jambe droite; un autre une angine lonsillaire, et un autre un lumbago. Lorsque le feu s'éteint ou lorsque le ventilateur n'est pas mu avec la rapidité convenable, le courant d'air s'arrête dans l'é- gout, et les gaz délétères ne sont pas expulsés; aussi les ouvriers ressentent-ils bientôt après une faiblesse, un anéantissement et un malaise général; ils sont à chaque instant menacés de syn- copes, ils ont des vertiges et d'autres accidens; si, malgré cet avertissement, ils persistent à rester dans l'égout, ils perdent complètement connaissance et tombent à terre. L'impression du grand air et quelques excitans ramènent les mouvemens d'inspi- ration , mais à mesure que cette fonclion se rétablit, on voit quelquefois survenir un claquement de dents el un tremblement général, suivi de mouvemens convulsifs dans tous les membres ; les facultés intellectuelles ne reprennent pas leur intégrité ; au contraire, le désordre le plus complet de ces fonctions se mani- feste par un délire dont l'intensité va toujours en augmentant et devient véritablement furieux. L'un des ouvriers dont parle Pa- rent éprouvait ces divers accidens ; il ne reconnaissait ni ses proches ni ses amis ; sa figure était rouge, ses yeux animés ; mais au milieu de ce désordre, il n'existait pas de fièvre; le pouls n'avait qu'un peu de fréquence (Rapport de Parent-Duchàtelet, à l'occasion du curage des égouts Amelot, de la Roquette, etc., p. 62, A un. d'hygiène, t. n). Des matières putréfiées. On a déjà observé plusieurs fois que l'usage prolongé d'alimens corrompus déterminait chez l'homme des accidens plus ou moins graves, tels que des vomissemens, la syncope, la gangrène sèche des extrémités, le scorbut, etc. Il est également prouvé, par des expériences que j'ai tentées sur les chiens, que l'application surle lissu cellulaire sous-cutané de sang, débile, et de matière céré- brale pourris, est suivie de vomissemens, de fièvre, de cris plaintifs - 872 — et d'un abattement extrême. La mort arrive ordinairement dans les vingt-quatre heures, el à l'ouverture des cadavres on découvre une inflammation très vive des parties sur lesquelles les matiè- res pourries sont appliquées, et de celles qui les entourent. Le docteur Kerner, médecin distingué de Weinsberg, a publié en allemand un travail qui me semble se rattacher à ce sujet, et dont je vais donner un extrait détaillé, parce qu'il est entière- ment neuf, et qu'il peut intéresser la médecine légale (1). Plusieurs personnes ont éprouvé des accidens graves qui ont été quelque- fois suivis de la mort, pour avoir mangé des boudins que l'on avait exposés à l'action de la fumée aussitôt après leur confection, et que l'on y avait laissés quelquefois pendant des mois entiers. Les accidens, dont il s'agit, ont paru tellement fréquens que M. Kerner n'hésite pas à comparer les ravages de ce poison à ceux qu'exerce le venin des serpens dans les ré- gions voisines des tropiques. Les boudins blancs ont paru plus actifs que les noirs, et leurs effets délétères ont semblé proportionnés à la quantité employée. Les phénomènes de l'empoisonnement se développent communément vingt-quatre heures après l'ingestion de cet aliment, rarement plus tôt, quelquefois plus tard. Une douleur vive et brûlante se fait alors sentir dans la région épigastrique, et il survient en même temps des vomissemens de matières sanguinolentes ; bientôt les yeux deviennent fixes, les paupières immobiles; les pupilles se dilatent et restent insensibles à l'action de la lumière ; le malade voit double ; la voix est altérée ; souvent il y a aphonie plus ou moins complète ; la respiration est gênée ; on ne sent plus les bat- temens du cœur ; syncopes fréquentes ; pouls plus faible que dans l'état naturel ; veines du cou dilatées et saillantes ; la déglutition est d'une diffi- culté extrême ; les boissons tombent dans l'estomac comme dans un vase inerte ; les alimens solides s'arrêtent dans l'œsophage ; toutes les sécrétions paraissent suspendues ; constipation opiniâtre;, ou bien les matières excré- tées sont sèches, dures et comme terreuses ; la bile ne les colore point ; les facultés intellectuelles se conservent intactes, seulement, dans beaucoup de cas, le caractère devient irascible ; il y a rarement insomnie ; appétit souvent conservé ; soif très grande ; les tégumens perdent de leur sensi- bilité ; le malade perçoit à peine les impressions du chaud et du froid ; paume des mains dure et coriace ; il en est de même de la plante des pieds, qui semble tapissée par une lame cornée, absolument insensible ; la peau en général est froide et sèche; rien ne peut rappeler la transpiration (1) Nouvelles observations sur les empoisonnemens mortels qui arrivent si sou- vent dans le Wurtemberg, par l'usage des boudins fumés, par le docteur Kerner. Tubingue, 1820. Brochure in-12. — 873 — dont elle était le siège ; urines très abondantes ; leur excrétion est difficile ; mouvemens lents, à cause des syncopes dont le malade est menacé au moindre effort; cependant nulle fatigue dans les muscles du dos ni des lombes. La mort, quand elle a lieu, arrive du troisième au huitième jour ; la respiration s'embarrasse, la voix se perd entièrement, le pouls tombe et la vie s'éteint, quelquefois après de légers mouvemens convulsifs, le malade ayant conservé jusqu'au dernier instant sa pleine connaissance. Dans le cas de guérison, la convalescence est extrêmement longue ; il se fait souvent une sorte d'exfoliation à la surface des membranes muqueuses. Le malade reste long-temps exposé à des syncopes ; les battemens du cœur ne reparaissent que fort tard. Ces symptômes présentent quelques variétés dans les différens cas ; on peut ne pas les observer tous chez le même individu, et quelquefois on en remarque un certain nombre dont nous n'avons pas parlé : tels sont la diarrhée, l'hydrophobie, un délire fu- rieux, des vertiges, l'atrophie des testicules, etc. A l'ouverture des cadavres, on trouve : 1° les muscles très contractés, les membres raides et inflexibles, le ventre dur et tendu ; 2° souvent des traces d'inflammation dans le pharynx et dans l'œsophage, quelquefois seulement à la surface externe de ce dernier et à sa partie inférieure ; 3° une ou plu- sieurs plaques inflammatoires, gangreneuses, dans quelques cas, de la largeur de la main, occupant la surlace interne de l'estomac aux environs du cardia; quelquefois la membrane interne de ce viscère se détache aisé- ment; 4° les intestins enflammés en divers endroits, ou même en partie gangrenés ; 5° le foie sain dans la plupart des cas ; quelquefois seulement il est pénétré de sang noir; la vésicule considérablement distendue, dans certains cas enflammée, et alors remplie d'un fluide sanguinolent; la rate saine, de même que les reins et le pancréas, qui pourtant offraient une in- flammation manifeste dans deux cas de ce genre ; 7° la vessie pleine ou vide, saine ou enflammée ; 8° la trachée-artère souvent enflammée et rem- plie d'un mucus sanguinolent ; les poumons parsemés de taches noirâtres ou bien hépatisés ; 9° le cœur flasque et affaissé sur lui-même , quelquefois enflammé dans ses cavités ; l'aorte, dans un cas, était très rouge et comme maroquinée à l'intérieur. L'auteur dit aussi avoir observé que les cadavres de ces individus ne répandent aucune espèce d'odeur, même dans leurs cavités intérieures. M. Kerner pense que le poison contenu dans les boudins agit parliculièremeni en paralysant tout le système nerveux des ganglions et les nerfs cérébraux qui ne sont point exclusivement destinés aux organes des sens. Suivant lui, le cerveau, la moelle et les nerfs qui lui appartiennent en propre ne se ressentent nul- lement de ce genre de lésion. Il regarde les inflammations locales comme une suile de la lésion du système nerveux; et il fait re- — 874 — marquer que dans un cas de ce genre l'inflammation s'était pro- pagée le long de l'œsophage, non à sa surface interne, qui était parfaitement saine, mais à sa surface externe, en suivant le tra- jet des nerfs vagues. Mais quel peut être le principe vénéneux contenu dans ces boudins? M. Kerner assure qu'il a été impossible jusqu'à présent d'y démontrer la présence d'aucune substance vénéneuse miné- rale ou végétale : il rejette l'opinion de ceux qui ont pensé que ce principe pouvait être l'acide cyanhydrique, et il croit devoir attribuer l'empoisonnement à un commencement de décompo- sition putride, éprouvée par les boudins pendant le temps qu'on les laisse exposés à l'action de la fumée. Voici les raisons qui lui font adopter cette manière de voir : 1° les accidens sont plus fréquens au mois d'avril, et après que les boudins ont gelé et dégelé plusieurs fois de suite : or, rien n'est plus propre à hâ- ter la putréfaction des matières animales ; 2° les boudins qui ont produit des accidens avaient une saveur et une odeur putrides ; on y remarquait des masses graisseuses, molles et plus ou moins semblables au gras des cadavres ; 3° il y a beaucoup d'analogie entre les phénomènes observés et ceux qui dépendent des exha- laisons putrides. Weiss admettait que ce principe agissait chimiquement sur le sang et était analogue à celui du typhus contagieux. Berres con- sidérait à tort l'acide pyroligneux comme étant la cause de ces accidens. Buchner, après avoir opéré sur des boudins de foie fu- més, s'assura que le solutum aqueux n'incommodait pas les ani- maux; mais une dissolution alcoolique faite à chaud, évaporée lentement, donna une masse brune d'une saveur piquante ana- logue à la graisse altérée, en partie soluble dans l'eau ; la portion dissoute par l'eau n'était point vénéneuse, tandis que le résidu insoluble dans ce liquide, mis sur la langue, déterminait un sen- timent de sécheresse dans l'arrière-gorge et dans l'œsophage qui dura plusieurs heures. Un chien, auquel on en fit avaler, succomba au bout de treize jours. Ce résidu avait l'aspect d'une graisse molle et gluante, de couleur jaune devenant brune au contact de l'air, d'une odeur particulière et nauséabonde, d'une saveur rebutante, qui décelait un corps gras. Buchner considère — 875 — cepriucipe actif comme un acide qu'il nomme acide gras des boudins et qui serait insoluble dans l'eau, très soluble dans l'al- cool et dans l'éther, se combinant avec la potasse avec laquelle il formerait un savon brun très soluble dans l'eau. Schumann, de son côté, arrivait à-peu-près aux mêmes résul- tats, et concluait de son travail : 1° que les boudins de foie sont plus sujets à se gâter que les boudins ordinaires; 2° que la for- mation du principe délétère est due à une décomposition putride favorisée par l'action de la fumée et surtout par l'huile empyreu- matique que cette dernière contient : ce principe vénéneux déve- loppe particulièrement son énergie lorsqu'il a été mêlé aux sucs gastriques ; 3° que ce principe a de l'analogie avec l'adipocire, la butyrine, la phocénine ; 4° qu'il est probable que dans l'estomac, le principe vénéneux se dégage sous forme gazeuse, ce que tend à prouver la mauvaise odeur qui s'exhale de la bouche des ma- lades pendant la durée de l'empoisonnement {Archives géé. de méd., t. xxii, Ollivier (d'Angers)). Sertuerner, après avoir examiné des fromages altérés qui avaient déterminé des accidens assez graves, dit en avoir retiré du caséate acide d'ammoniaque, une matière grasse ou résine caséeuse acide et une substance acide moins grasse que les pré- cédentes. Ces trois matières sont vénéneuses, mais la seconde agit plus que les deux autres sur les animaux. Evidemment de nouvelles recherches sont encore nécessaires pour arriver à la connaissance des causes qui produisent les ef- fets délétères susmentionnés. Pour compléter ce tableau, il me reste à faire connaître les tra- vaux de MM. Gaspard et Magendie sur ce sujet. M. Gaspard a constaté : 1° que du pus plus ou moins fétide introduit dans les veines à petite dose peut y circuler sans causer la mort, pourvu qu'après avoir déterminé un trouble considérable des fonctions, il soit expulsé de l'économie animale au moyen de quelque ex- crétion critique, surtout de l'urine ou des matières fécales; 2° qu'introduit plusieurs fois de suite en petite quantité chez le même animal, il finit par occasionner la mort; 3° qu'à plus forte raison il la détermine encore plus vite quand il est injecté dans les veines à une dose trop forte, et alors il produit diverses 5i>. - 876 - phlegmasies graves, telles que la pneumonie, la cardite, la dy- senterie ; 4° qu'il est susceptible d'être absorbé lorsqu'on l'ap- plique sur les membranes séreuses et sur le lissu cellulaire, dont il occasionne néanmoins l'inflammation ; 5° que la plupart des symptômes que l'on observe dans les fièvres lentes ou chez les phthisiques, semblent pouvoir être rapportés à la présence du pus dans l'économie animale, puisque dans ces cas il y a toujours suppuration abondante et profonde avec trouble général des sé- crétions (Gaspard, 1809). Le même auteur injecta dans la veine jugulaire d'une petite chienne 16 grammes d'un liquide fétide provenant de la putré- faction simultanée de viande de bœuf avec du sang de chien. Au moment même l'animal exécuta plusieurs mouvemens de déglu- tition, et bientôt après il éprouva de la dyspnée, du malaise el de l'abattement ; il se coucha sur le côté, refusant tout aliment, et ne tarda pas à rendre des excrémens, puis de l'urine. Mais au bout d'une heure, prostration des forces, déjections alvines gé- latineuses et sanguinolentes, souvent renouvelées, apparence de dysenterie, rougeur de la conjonctive, ensuite poitrine doulou- reuse, ventre rénitent et sensible au loucher, extinclion progres- sive des forces, vomissement bilieux, gélatineux et sanguin. Mort trois heures après l'injection (1). Ouverture du cadavre. Le corps était encore chaud. Les poumons étaient gorgés de sang, peu crépitans, d'une couleur violette ou noirâtre, avec beaucoup de taches ecchymosées ou pétéchiales qui existaient aussi dans ïe tissu du ventricule gauche du cœur, dans celui de la rate, des glandes mésentériques, de la vésicule biliaire, et même dans le tissu cellulaire sous-cutané. Le péritoine contenait quelques cuillerées de sérosité rougeâtre ; mais la membrane muqueuse du canal digestif était principalement affectée ; celle de l'estomac était légèrement enflammée ; celle des intestins et surtout du duodénum et du rectum l'était considérablement, avec couleur livide, ponctuation noire, enduit gélatineux et sanguinolent, sem- blable à de la lie de vin ou à de la lavure de chair. Au reste celte inflammation était accompagnée d'un faible épaississement des (1) Dans une autre expérience de ce genre, l'animal eut des selles liquides très fétides, noires comme de la suie, analogues aux déjections du melœna. — 877 — tissus, et avait un aspect hémorrhagique ou scorbutique (Ibid.). L'injection dans la veine jugulaire de 75 grammes du liquide non acide, provenant de feuilles de chou fermentées, a développé des accidens semblables à ceux de l'expérience précédente, mais à un moindre degré ; il en a été de même lorsqu'on a injecté 30 grammes du liquide résultant de la fermentation pendant trois jours de cardes et de feuilles de poirée ou bette blanche (Ibid.). 150 grammes d'un liquide très infect, provenant de sang et de viande de bœuf pourris dans l'eau, furent injectés en dix reprises dans le péritoine d'un chien : à chaque injection l'animal poussa des plaintes, s'agita beaucoup, et rendit presque à chaque fois une quantité abondante d'urine claire et inodore. Après l'expé- rience, refus complet des alimens, vomissemens, excrétions al- vines avec de pénibles efforts de lénesme, abattement, décubi- tus abdominal, ventre sensible à la pression. Au bout d'une heure, les vomissemens et les déjections recommencèrent, et furent réi- térés dès-lors fréquemment ; les selles devinrent muqueuses, gé- latineuses et dysentériques, la plaie du ventre prit une lividité scorbutique; l'animal ne marchait qu'en chancelant, et poussait des cris atroces aussitôt qu'on le louchait ; il éprouva une dysp- née plaintive , un ténesme continu, et il mourut neuf heures après l'injection. Il y avait dans l'abdomen une bouteille environ de sérosité sanguinolente. Le péritoine était enflammé, surtout le long des vaisseaux mésentériques, où l'on voyait des taches noires ; depuis le cardia jusqu'à l'anus, la membrane muqueuse était fortement enflammée; celle de l'estomac n'était phlogosée qu'à ses rides : la vessie vide, resserrée, enflammée à l'extérieur, était très blanche au dedans, la plèvre gauche contenait de la sérosité sanguinolente ; la rate et les poumons étaient parsemés d'ecchymoses -, enfin la plaie, qui avant l'injection était couverte de bourgeons d'un beau rouge, avait un aspect noirâtre, comme scorbutique ou gangreneux (Ibid.). L'injection de matières putrides dans le tissu cellulaire sous- cutané a fourni des résultats semblables à ceux que j'avais déjà obtenus (F. p. 630 du tome n de ma Toxicologie, 4e édition). Ces travaux ont conduit M. Gaspard à rechercher quelle peut être la substance active de ces divers putrilages. Il établit par — 878 — des expériences directes : l°que l'injection dans les veines de 16 grammes de sperme humain étendu de moitié d'eau, de 32 gram- mes de salive humaine, de 45 grammes d'urine humaine récente et médiocrement colorée, de 16 grammes de bile de veau, el de 45 grammes de sérosité abdominale, ne développe que des acci- dens légers, et qu'il est par conséquent impossible d'admettre que les effeis obtenus soient le résultat de l'inlroduction d'un 1H quide animal dans les veines; 2° qu'il ne faut pas non plus attri- buer la mort à l'acide carbonique ni à l'acide sulfhydrique qui entrent dans la composition des liquides pourris; 3° que tout en reconnaissant que l'ammoniaque a quelque part dans la produc- tion de ces effets, puisque étant injectée dans les veines elle dé- veloppe une phlegmasie intestinale, et que d'une autre part le putrilage végétal est bien moins funeste que celui qui est azoté, il ne faut pas cependant conclure qu'il faille-la considérer comme élant exclusivement la cause de ces effeis, attendu qu'elle n'a ja- mais déterminé l'inflammation hémorrhagique des intestins, qui ti toujours été constante lors de l'injection des matières pourries. M. Magendie fait observer que les diverses sortes de chairs n'ont pas la même activité dans leur putréfaction, que les mus- cles des mammifères herbivores paraissent moins actifs que ceux des carnivores, que l'eau putréfiée d'huître n'a pas eu d'effets très violens, mais qu'il a suffi d'injecter dans les veines quelques gouttes d'eau putride de poisson pour produire en moins d'une heure des symptômes qui ont la plus grande analogie avec le ty- phus et la fièvre jaune; que dans ce cas la mort arrive ordinai- rement dans les vingt-quatre heures, et qu'à l'ouverlure du corps on trouve toutes les traces d'une altération chimique du sang, qui du reste conserve presque partout sa fluidité et traverse les divers tissus, surtout la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins. — La même eau putride n'exerce aucune action délé- tère quand elle est introduite dans l'estomac ou dans le rectum ; il paraîtrait que dans ce cas il n'y aurait d'absorbé que la portion aqueuse, tandis que les particules animales putréfiées seraient arrêtées par le mucus qui revêt la membrane interne du canal digestif. — L'injection du même liquide dans le poumon a des suites moins graves que l'injection dans les veines. — Ayant dis- — 879 — posé un tonneau de telle façon .que son fond pût contenir des matières putréfiées, tandis que des animaux étaient placés sur un grillage en double fond, exposés aux njjasmes qui s'échappaient continuellement, on a pu se convaincre que des pigeons, des la- pins et des cochons d'Inde qu'on y a laissés pendant environ un mois n'ont éprouvé aucun accident. Au contraire, les chiens sou- mis à la même épreuve commencent à maigrir dès le quatrième jour, et bien qu'ils conservent leur gaîté et leur appétit, ils meu- rent pour ainsi dire exténués au bout de dix, quinze ou vingt jours, sans offrir aucun des symptômes observés chez les ani- maux dans les veines desquels on a injecté des matières putrides, notamment le vomissement noir; ces animaux périssent évidem- ment par l'influence des miasmes qu'ils ont respires et avalés avec les alimens. A l'ouverture des cadavres on voit que la mem- brane muqueuse intestinale est enflammée, mais beaucoup moins que dans le cas de l'injection putride dans les veines ; l'estomac contient des alimens : il y a du chyle dans les vaisseaux lactés et dans le canal thoracique (Jour, de physiologie expérim., année 1823). Ces divers travaux sont on ne peut plus propres à nous éclai- " rer sur la cause de plusieurs maladies typhoïdes, pulrides, etc., car il est évident que nous avons produit sur les animaux, en très peu de temps, plusieurs affections semblables à celles que les ex- halaisons pulrides déterminent chez l'homme. Des recherches nouvelles, il est vrai, sont indispensables pour éclairer ce sujet important, et ce serait rendre un important service à la science que de résoudre, comme je l'ai dit dans la première édition de ma Toxicologie, les problèmes suivans : 1° Quelle est l'alté- ration chimique qu'éprouvant les fluides animaux après la mort des individus; 2° quelle est leur action sur l'économie animale et quel est le genre de maladies locales et géné- rales auxquelles ils donnent lieu lorsqu'ils ont été putréfiés; 3° quelles sont les décompositions que les fluides animaux subissent dans certaines maladies du vivant de l'individyt (décompositions qui me paraissent incontestables, malgré l'opi- nion des médecins solidistes), et quelles sont les affections qu'ils développent par leur contact avec les tissus animaux. — 880 — Des accidens développés par des matières alimentaires n'ayant subi aucune altération apparente. On est réellement embarrassé quand on aborde ce sujet ; il est bien constaté, en effet, que certaines substances alimentaires, non moisies, non putréfiées, non fumées, ont donné lieu à des accidens graves, alors que l'analyse chimique ne pouvait y déceler aucune trace de matière toxique; est-on autorisé à con- sidérer ses substances comme vénéneuses, et ne serait-il pas plus rationnel de classer parmi les indigestions les maladies qu'elles ont déterminées? D'un autre côté, comment admettre qu'il y a simplement indigestion, lorsqu'on voit la totalité des membres d'une famille et même des centaines d'individus atteinls par ces alimens aussi bien en été qu'en hiver, et comment ne pas suppo- ser dans ces alimens un principe quelconque, qu'il nous a été impossible de reconnaître et à plus forte raison d'isoler jusqu'à présent? Quoi qu'il en soit, enregistrons les faits qui motivent ces réflexions. Observation 4re. Cadet de Gassicoui t a été quelquefois appelé pour ana- lyser des mets qui avaient occasionné des empoisonnemens, et qui avaient été achetés chez les charcutiers de Paris, et il lui a été impossible de découvrir la moindre trace de poison minéral, soit dans les alimens,soit à la surface des vases métalliques dans lesquels ils avaient été cuits {Journal de pharmacie). J'ai été consulté deux fois par l'autorité pour des cas de ce genre, et j'ai obtenu les mêmes résultats ; les alimens sur lesquels j'opérais n'étaient ni moisis ni putréfiés, et n'avaient pas été fumés. Observation 2e. Un manœuvre, employé aux salines, reçoit de son maî- tre un potage de gruau et un morceau de bœuf bouilli, dont il enferme le reste dans un lieu frais, après en avoir mangé, ainsi que sa femme et ses deux enfans. Le lendemain, il le fait réchauffer dans le bouillon ; il le mange encore, et dépose le peu qui reste (-120 ou 150 gr.) dans une assiette de porcelaine, sur un poêle assez fortement chauffé. Le troisième jour, ce morceau de bœuf, racorni par la chaleur, est sauté au beurre avec du veau frais; il n'a ni saveur ni odeur désagréables; toute la famille fit honneur au ragoût. Bientôt les deux enfans et la mère sont pris de vomissemens de douleurs épigastriques, de coliques atroces, de diarrhée séreuse. Les traits sont décomposés, la peau froide, le pouls faible et concentré, la partie in- férieure de l'épine du dos est sensible à la pression. Ces accidens se dissipé- \ — 881 — rent promptement par l'emploi du carbonate d'ammoniaque et des applica- tions narcotiques. Hunkel soumit une partie de la viande suspecte à l'ana- lyse chimique, sans y découvrir le moindre indice de substance vénéneuse ; et il se demande s'il n'y a pas eu ici de l'analogie entre l'altération qu'au- rait éprouvée cette viande à la suite des préparations successives qu'on lui avait fait subir, et celle qui se développe dans les boudins fumés. Cette opinion me paraît très probable (Ollivier (d'Angers), Ann. d'hyg., tome xx). Observation 3e. Plusieurs personnes furent empoisonnées par un plat de pommes de terre; l'une d'elles succomba à une gastro-entérite aiguë. Les pommes de terre restant furent analysées, ainsi que les matières contenues dans le tube digestif, et on ne trouva pas de traces de poison {Ibid.). Observation 4e. Il y a quelques années, plusieurs centaines d'individus qui avaient pris des glaces au café de la Rotonde pendant les mois d'été, éprouvèrent les symptômes d'un choléra sporadique, tantôt léger, tantôt assez intense. Aujourd'hui, quinze ou vingt individus étaient atteints, tan- dis que plusieurs autres ne ressentaient aucun accident; pendant quelques jours ensuite, les glaces étaient prises impunément, puis les jours suivans elles développaient encore des symptômes fâcheux. Rien de semblable n'a- vait lieu à la même époque dans les autres cafés du Palais-Royal ; on pou- vait donc supposer, jusqu'à un certain point, que les glaces du café de la Rotonde étaient parfois empoisonnées. Nous fûmes invités par le ministère public, Barruel et moi, à nous rendre sur les lieux, afin d'examiner les ma- tières premières avec lesquelles on confectionnait les glaces, ainsi que les vases et les ustensiles dont on se servait; après nous être assurés que ces objets ne contenaient aucune substance vénéneuse appréciable par les ré- actifs, nous suivîmes attentivement la préparation des diverses espèces de glaces, et nous ne vîmes dans les opérations rien qui pût nous faire suppo- ser que les accidens se renouvelleraient. Il n'en fut pourtant pas ainsi, car un grand nombre des habitués qui vinrent le soir manger de ces glaces, furent en proie à des douleurs abdominales, à des vomissemens, à des selles, à des crampes, etc. Je fus ensuite désigné avec M. Marjolin pour rendre compte à la justice des causes qui pouvaient donner lieu aux acci- dens qui avaient été observés, et nous fûmes obligés de convenir que la solution du problème était au-dessus de nos forces. Des animaux venimeux. Les animaux venimeux peuvent être rangés en deux sections : 1° ceux qui renferment un réservoir à venin, et dont la morsure donne lieu à des accidens fâcheux, suivis quelquefois de la mort: tels sont les serpens et plusieurs insectes ; 2° ceux dont les li- quides ont été tellement pervertis par des maladies antécédentes, - 882 — que leur contact détermine des affections graves, comme la pus- tule maligne, la rage, etc. Je ne m'occuperai ici que des animaux offrant un réservoir à venin, la pustule maligne et la rage ayant été parfaitement décrites dans plusieurs des ouvrages élémen- taires qui traitent de la médecine. Des serpens venimeux. Comment peut-on distinguer les serpens venimeux de ceux qui ne le sont pas? Voici ce qu'on lit dans un rapport de Cuvier à l'Académie des sciences (séance du 16 mai 1831, à l'occasion d'un mémoire de M. Duvernoy sur ce sujet). Depuis long-temps, les naturalistes ont cherché en vain quelque caractère apparent extérieur qui pût établir cette distinction ; ils n'en ont trouvé aucun de con- stant. Les plaques ou les écailles du dessus de la tête, qui avaient paru suffisantes lorsque l'on n'avait observé qu'un petit nombre d'espèces, se sont promptement trouvées en défaut. On a cru ensuite que le maxillaire plus mobile, armé d'un grand crochet percé d'un canal, était un caractère plus certain et assez facile à observer ; et, en effet, tous les serpens qui le possèdent sont réellement venimeux; mais depuis quelques années, on a dé- couvert une famille entière de ces animaux dont le maxillaire a des dents aussi nombreuses, et est aussi fixe que dans les cou- leuvres, et dans lesquels cependant cet os porte antérieurement un crochet peu apparent, mais percé et versant du venin. C'é- tait toutefois un caractère susceptible d'être reconnu, quoique plus difficilement ; mais on commence à croire qu'il ne suffit pas encore. MM. Leschenauli, de Lalande et Boyer assurent avoir constaté des propriétés délétères dans des serpens qui n'ont point de crochets percés en avant de leurs mâchoires ; en sorte qu'il a fallu chercher dans quelque autre endroit de leur bouche l'arme dangereuse dont on doit les supposer pourvus. Or, quel- ques couleuvres, dans le nombre desquelles sont précisément celles dont il vient d'être question, se trouvent avoir, non pas en avant, mais en arrière de leur maxillaire, des dents plus lon- gues, plus fortes que les autres, et quelquefois creusées d'un — 883 — sillon que l'on pourrait croire propre, comme le tube du crochet des vipères, à conduire dans les plaies une liqueur nuisible. Il était fort important de vérifier ce qu'il pouvait y avoir de réel dans la supposition que c'était là une autre sorte de crochet à venin. M. Schlegel fit connaître, en 1828, les glandes parti- culières auxquelles les dents sillonnées de l'arrière-bouche ser- vent de canal efférent, et qui, dans les serpens qui les possèdent, coexistent avec les glandes salivaires ordinaires, comme coexistent les glandes à venin dans les serpens anciennement reconnus pour venimeux. M. Duvernoy, qui avait vu tout ce que M. Schlegel a fait connaître sur les différences de ces deux sortes de glandes et sur leur coexistence, ajoute plusieurs particularités nouvelles. Le muscle de la glande à venin lui paraît un temporal extérieur, et il en décrit deux dispositions. Le plus ordinairement, il s'at- tache à l'enveloppe de la glande, et descend à la mâchoire infé- rieure, sans tenir au haut de la fosse temporale ; mais dans les naïa et les bongares, il est composé de deux portions. La glande particulière à ces a#rière-denls, lorsqu'elle existe, est collée à la glande sus-maxillaire par un tissu cellulaire très dense, et peut être facilement confondue avec elle. M. Duvernoy l'a reconnue dans lecoluber œsculapii de Lin., dans le coluber cerberus de Daudin, dans une autre espèce de ce même genre, Yhomalopsis pantherinus de Boyer, et dans un dipsas, le bur- garus interruptus d'Oppel. Or, M. Boyer a constaté par des ex- périences faites avec les serpens vivans que les dipsas et les ho- malopsis sont venimeux. Les genres dendrophis, dryinius, xenodon, ont aussi les dents postérieures plus grandes, et même dans le dryinius na- sutus, la grande dent a un sillon. Néanmoins, M. Duvernoy ne leur a point trouvé de glande spéciale ; ils n'ont que la sus- maxillaire ordinaire : en conséquence, il ne les croit pas ve- nimeux. Au reste, il est aisé de comprendre qu'en adoptant même dans toute son étendue l'idée que cette glande postérieure est veni- meuse, les serpens qui la possèdent seront toujours bien moins dangereux que ceux dont les crochets venimeux sont situés à la partie antérieure de la bouche. Les espèces qui n'ont de crochets - 884 — que dans l'arrière-bouche ne pourraient faire de mal à l'homme, que si elles en saisissaient le doigt ou telle autre partie qu'ils fe- raient arriver jusque dans le fond de leur bouche, tandis que les serpens venimeux ordinaires ont leur arme terrible à portée d'empoisonner tout ce qu'ils parviennent seulement à atteindre du bout des mâchoires. Il résulte de ce qui précède que les serpens, pour être veni- meux, doivent offrir, soit en avant, soit en arrière de leur maxillaire des crochets à venin et une glande spéciale, indépen- dante des glandes salivaires ordinaires, occupant en grande partie la place de la glande salivaire sus-maxillaire des serpens innocens. De la vipère commune (vipera berus, coluber berus de Linnœus). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement est le résultat de la morsure de la vipère commune ? Caractères du genre vipère. Reptile de l'ordre des ophidiens, offrant des plaques transversales sous le ventre, deux rangs de demi-plaques sous la queue, et dont la tête est triangulaire, aplatie, large postérieurement, terminée en forme de museau à bords saillans. Crochets à venin à l'extré- mité antérieure de la mâchoire supérieure. Vipère commune. Sa longueur totale est ordinairement de 66 centim., ra- rement de 75 à 90 centim.; celle de la queue est de 9 à12 centim. Sa gros- seur, dans le milieu du corps, est d'environ 3 centim.; elle est beaucoup moindre du côté de la queue : celle-ci est communément plus longue et plus grosse dans le mâle que dans la femelle. Sa couleur est d'un cendré olivâtre, verdâtre ou grisâtre, plus intense sur le dos que sur les flancs. Depuis la nuque jusqu'à l'extrémité de la queue, le long du dos, on remar- que unqjbande noirâtre composée de taches de la même couleur, de forme irrégulière, qui, en se réunissant en plusieurs endroits les unes aux autres, représentent assez bien une chaîne dentelée en zigzag. On voit sur chaque côté du corps une rangée de petites taches noirâtres, symétriquement es- pacées, dont chacune correspond à l'angle rentrant de la bande en zigzag. Un nombre infini d'écaillés carénées couvrent la tête et le dos; la couleur de ces écailles varie suivant qu'elles répondent aux taches noirâtres dont j'ai parlé, ou aux autres parties du dos. Le ventre et le dessous de la queue sont garnis de plaques transversales d'une couleur d'acier poli : les plaques abdominales sont simples, et au nombre de cent cinquante- — 885 - cinq ; les plaques caudales, plus petites, d'un noir bleuâtre, avec le bord plus pâle, sont disposées sur deux rangs, et au nombre de trente-neuf paires. La tête est en cœur, plus large postérieurement, plus plaie et moins longue que celle des couleuvres; quoique sa largeur soit un peu plus con- sidérable que celle du corps, elle est encore susceptible de s'élargir dans la colère ; parmi les écailles qui la recouvrent, celles qui sont au-dessus des yeux sont un peu plus larges; le bout du museau, comme tronqué, forme un rebord saillant, retroussé comme le boutoir des cochons, sur lequel on voit une grande écaille trapézoïdale tachetée de blanc et de noir. Le som- met de la tête présente deux lignes noires, divergentes d'avant en arrière, très écartées, de manière à représenter la lettre V ; ces lignes sont sépa- rées par une tache noirâtre en forme de fer de lance. Les yeux sont très vifs, étincelans, l'iris rouge et la prunelle noire; on voit derrière chaque œil une bande noire large qui se prolonge jusqu'à la quinzième plaque ab- dominale. Le bord de la mâchoire supérieure est blanc, tacheté de noir. Ce- lui de l'os maxillaire inférieur est noir. La langue est fourchue, grise, sus- ceptible de s'allonger, molle et incapable de blesser ; l'animal la darde sou- vent lorsqu'il est en repos. La queue, plus courte que celle des couleuvres, est un peu obtuse. La vipère commune ne se trouve qu'en Europe (4). Les principales variétés de la vipère commune sont : 1° celle dont la bande en zigzag est formée de taches arrondies sur le dos et de taches transversales sur la queue ; 2° la vipère com- mune roussâtre, ayant le cou très mince et la tête bigarrée ; 3° la vipère commune, avec une tache blanche entourée d'un trait arqué brun sur l'occiput ; 4° celle qui offre sur le sommet de la tête une tache divisée en plusieurs parties ; 5° la vipère aspic, dont la bande anguleuse et noire du dos est souvent in- (1) Appareil venimeux. Le venin de la vipère est sécrété par deux glandes si- tuées une de chaque côté de la tête, derrière le globe de l'œil, sous le muscle cro- taphyte (temporo-maxillaire) : ces glandes présentent un canal excréteur. La mâchoire supérieure offre une ou plus communément deux dents très différentes des autres, connues sous le nom de crochets à venin, environnées jusqu'aux deux tiers d'une poche membraneuse, mobile d'avant en arrière, sur la convexité des- quelles on aperçoit une petite cannelure qui conduit à un canal dont l'intérieur de la dent est creusé, D'autres dents, beaucoup plus petites que les précédentes, et destinées à les remplacer lorsqu'elles sont cassées, se trouvent également atta- chées à l'os maxillaire supérieur. Lorsque l'animal veut mordre, il ouvre sa bou- che; le muscle élévateur de la mâchoire supérieure, en se contractant, presse la glande et facilite la sécrétion du venin : celui-ci sort du canal excréteur, arrive à lu base de la dent, traverse la gaîne qui l'enveloppe, et entre dans sa cavité par le trou qui se trouve à cette base ; alors il coule le long de la rainure des dents, et sort par le trou qui est près de leur pointe, pour pénétrer dans la blessure. — 886 - terrompue par la couleur brune ou rousse du fond, avec les taches des flancs plus marquées. Le venin de la vipère est un liquide jaunâtre, ni acide ni al- calin, car il ne rougit point la teinture de tournesol, et il ne verdit point le sirop de violettes. Il n'est ni acre ni brûlant; il ne produit sur la langue qu'une sensation analogue à celle de la graisse fraîche des animaux ; il a une légère odeur semblable à celle de la graisse de vipère, mais beaucoup moins nauséabonde: il ne fait pas effervescence avec les acides; mis dans l'eau, il en occupe le fond ; si on le mêle à ce liquide, il le trouble et le blanchit légèrement. Il ne brûle pas lorsqu'on l'expose à la flamme d'une chandelle ou sur des charbons ardens. Lorsqu'il est frais, il est un peu visqueux; et quand il est desséché, il s'attache comme de la poix. Il paraît être de nature gommeuse. Action de la vipère sur l'économie animale. On doit à Fon- tana, qui a fait près de six mille expériences sur la morsure et le venin de la vipère, des résultats que je dois indiquer, tout en reconnaissant que ceux qui ont été inscrits sous les nos 2 et 17 ne sont pas exacts. 1° Le venin de la vipère n'est pas un poison pour tous les ani- maux : les sangsues ne périssent pas, lors même qu'on l'introduit dans leurs blessures ; la même chose a lieu pour les limaces, Y escargot, Y aspic, la couleuvre et les orvets; les anguilles, la vipère elle-même, les petits lézards, et tous les animaux à sang chaud en meurent ; la mort n'arrive que très difficile- ment chez la tortue, quelle que soit la partie qui ait été mordue. 2° Le venin de la vipère n'est constamment mortel que pour de très petits animaux ; il est d'autant plus dangereux pour les gros, que la vipère a une plus grande quantité de venin en réserve, qu'elle mord plus souvent et en plus d'endroits différens, et probablement que le temps esl plus chaud. Un demi-milligram. de venin introduit dans un muscle suffit pour tuer un moineau. Il en faut six fois davantage pour faire périr un pigeon; et en ayant égard à la grandeur et au poids, Fontana calcule qu'il en faudrait environ 15 centigrammes pour tuer un homme, et 60 pour faire mourir un bœuf. Or, comme une vipère n'offre dans ses vésicules qu'environ 10 centigrammes de venin, qu'elle n'é- - 887 — puise même qu'après plusieurs morsures, il en résulte que l'homme peut recevoir la morsure de cinq ou six vipères sans en mourir (1). 3° Le venin de deux vipères, injecté dans la veine jugulaire de plusieurs gros lapins, déterminela morten moins de deux minutes, au milieu de cris et de fortes convulsions. Le sang des ventri- cules du cœur est coagulé. Fontana ajoute encore que les in- testins, le ventricule, le mésentère et les muscles du bas-ventre sont enflammés. 4° Le venin de la vipère, appliqué par morsure, produit les symptômes suivans : sentiment de douleur aiguë dans la partie blessée, qui se répand dans tout le membre et même jusqu'aux organes internes, avec tuméfaction et rougeur, qui passe ensuite au livide et gagne peu-à-peu les parties voisines ; syncopes consi- dérables; pouls fréquent, petit, concentré, irrégulier ; difficulté de respirer, sueurs froides et abondantes, trouble de la vision et des facultés intellectuelles, soulèvement d'estomac, vomissemens bilieux et convulsifs, suivispresque toujours d'une jaunisse univer- selle ; quelquefois douleurs dans la région ombilicale. Le sang qui s'écoule d'abord par la plaie est souvent noirâtre ; quelque temps après il en sort de la sanie, et la gangrène se déclare lorsque la maladie doit se terminer par la mort. Les climats, les saisons, le tempérament, etc., influent singulièrement sur la nature et la marche plus ou moins rapide des symptômes occasionnés parla morsure de ces animaux. Les accidens sont beaucoup plus à re- douter dans l'Amérique méridionale, et pendant l'été, qu'en Europe, comme Bosc l'a observé. Chez les personnes faibles, ti- mides, dont l'estomac est plein, les symptômes se manifestent avec beaucoup plus de rapidité et sont plus graves que chez les individus robustes et difficiles à effrayer. (1) Bosc rapporte un fait curieux dont il a été témoin pendant son séjour en Amérique. « Deux chevaux furent mordus dans une enceinte, le même jour, par une vipère noire, l'un à la jambe de derrière et l'autre à la langue : ce dernier mourut en moins d'une heure, et l'autre en fut quitte pour une enflure de quel- ques jours et une faiblesse de quelques semaines. La perte du premier fut causée par une vive inflammation, qui avait fermé la glotte et causé l'asphyxie. La mor- sure de la vipère ne serait-elle pas beaucoup plus dangereuse, et même mortelle, lorsque les parties mordues sont peu éloignées du cœur? » (Dictionnaire d'histoire naturelle, art. Vipère). - 888 — 5° Le venin de la vipère, appliqué sur la peau légèrement écorchée des chapons d'Inde et des lapins, n'est pas mortel. 6° Il ne produit qu'une légère maladie de la peau chez les cochons d'Inde, et une maladie un peu plus grave chez les lapins. 7° Cette maladie est circonscrite dans la partie de la peau qui a été touchée par le venin. 8° Lorsque la vipère mord, dans toute son étendue, la peau de ces animaux, ils périssent en peu de temps. 9° Le venin paraît ne pas être mortel s'il ne pénètre pas dan» le tissu cellulaire. 10° Il est tout-à-fait innocent s'il est simplement appliqué sur les fibres musculaires. 11° Les animaux mordus ou blessés par une dent venimeuse de vipère, à la poitrine, au ventre, aux intestins et au foie, pé- rissent en un espace de temps plus ou moins court. 12° On observe le contraire si le venin est appliqué sur les oreilles, le péricrâne, le périoste, la dure-mère, le cerveau, la moelle des os, la cornée transparente, la langue, les lèvres, le palais et l'estomac ; il arrive même assez souvent que plusieurs animaux soumis à ces expériences n'offrent aucun phénomène sensible. 13° Le venin de la vipère, appliqué sur les nerfs, ne pro- duit aucun effet, et il n'accélère point la mort de l'animal ; il est aussi innocent pour les nerfs que l'eau pure ou la simple gomme arabique. 14° Il ne détermine aucun changement apparent sur les par- ties qui viennent d'être détachées d'un animal, et qui, par con- séquent, palpitent encore. 15° L'action de ce venin n'est pas instantanée ; il faut un cer- tain temps avant que les effets deviennent sensibles, soit dans la partie mordue, soit dans les autres organes : ce temps varie dans les divers animaux selon leur constitution, leur grosseur, etc. D'après Fontana, on peut l'évaluer, pour un certain nombre d'a- nimaux, à quinze ou vingt secondes. 16° Les accidens qu'il développe dépendent de son absorption, de son transport dans le torrent de la circulation, et de l'action qu'il exerce sur le sang, qu'il coagule en partie, et sur l'irritabilité — 889 — nerveuse, qu'il détruit en portant dans les fluides un principe de putréfaction. 17° Il conserve encore son énergie dans une tête de vipère qui a été coupée depuis long-temps, ou simplement lorsqu'on l'a laissé dans la cavité de la dent qui a été séparée de l'alvéole. Des animaux sont morts pour avoir été piqués par la dent seule. Des- séché depuis plusieurs mois dans un endroit découvert, il perd sa propriété, et ne produit aucune impression sur la langue. 18° Les animaux meurent plus promptement s'ils sont mordus un égal nombre de fois dans deux parties, que s'ils ne le sont que dans uneseule. 19° La partie qui a reçu seule autant de morsures que les au- tres ensemble, est sujette à une maladie externe beaucoup plus considérable. Je puis ajouter à ces observations les résultats des travaux de Paulet et du professeur Mangili. Le premier de ces auteurs établit, dans un mémoire publié en 1805, et qui a pour titre : Ob- servations sur la vipère de Fontainebleau, que la morsure de ce reptile, qui est également le vipera berus, peut devenir mortelle pour l'homme, malgré l'assertion de Fontana (F. 2° p. 886). D'un autre côté, Mangili a prouvé, contre l'assertion de Fon- lana, que le venin de la vipère n'occasionne pas la mort quand il est introduit dans l'estomac, et qu'il agit encore avec la plus grande intensité au bout de vingt-six mois, s'il a été conservé avec soin (F. plus haut 17°). J'ajouterai, pour compléter ce tableau, les résultats suivans. Lorsque la vipère est prise depuis peu, sa morsure est plus dé- létère que dans le cas où on l'a gardée long-temps ; cependant elle ne perd pas entièrement ses qualités vénéneuses, lors même qu'on l'a tenue enfermée sans lui donner de la nourriture. Si la vipère mord plusieurs fois dans la même journée, la première morsure eft la plus délétère, tout étant égal d'ailleurs. Le dan- ger que courent les animaux qui ont été mordus est en raison de l'intensité des symptômes et de la promptitude avec laquelle ils se manifestent. Les climats, les saisons, le tempérament influent singulièrement sur la nature et la marche plus ou moins rapide des symptômes occasionnés par la morsure de ces animaux. Il ne — 890 — conserve pas toute son énergie, d'après M. Desault, et malgré l'assertion de Fontana, dans une tête de vipère qui a élé coupée de- puis long-temps, ou simplement lorsqu'on l'a laissé dans la cavité deladentquiaétéséparéede l'alvéole (v. 17°, p. 889): au contraire, il finit alors, au bout de dix ou douze jours, par ne plus produire d'effets marqués. On est beaucoup moins sûr de développer les symptômes en appliquant le venin sur une partie incisée qu'en la faisant mordre par la vipère ; mais dans le cas où ils se mani- festent, ils sont identiques et aussi funestes pour les petits ani- maux. Il existe plusieurs autres espèces de vipères dont la morsure produit des effets analogues à ceux que je viens d'indiquer, et que par cela même je puis me dispenser de faire connaître en détail : telles sont la vipère naja\(coluber naja de Lin., chinta nagoo des Indiens, cobra de capello) ; la vipère élégante de Daudin (coluber russelianus, katuka rekula poda des Indiens) ; le rodroo pam des Indiens (coluber gramineus de Shaw) ; le gedi paragoodoo des Indiens (boa de Russel) ; le bungarum pamak des Indiens, et sakeene du Bengale (boa de Russel) (F. ma Toxi- cologie générale, tome n, quatrième édition, p. 654 et suiv.). Des serpens à sonnettes. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement est le ré- sultat de la morsure des serpens à sonnettes? Les serpens à sonnettes font tous partie du genre crotalus, dont voici les caractères : il appartient à l'ordre des ophidiens et à la famille des hétéro- dermes ; il offre des plaques transversales simples sous le corps et sous la queue ; l'extrémité de celle-ci est garnie de plusieurs grelots écailleux, em boîtes lâchement les uns dans les autres, et se mouvant en résonnant légè- rement quand l'animal rampe ; il est muni de crochets à venin. « Les os maxillaires supérieurs sont fort petits, portés sur un long pédicule ana- logue à l'apophyse ptérygoïde externe du sphénoïde, et très mobiles ; il s'y fixe une dent aiguë, percée d'un petit canal qui donne issue fi une liqueur empoisonnée, sécrétée par une glande considérable située sous l'œil. C'est cette liqueur qui, versée dans la plaie par la dent, porte le ravage dans le corps des animaux. Cette dent se cache dans un repli de la gencive, quand le serpent ne veut pas s'en servir, et il y a derrière elle plusieurs germes destinés à la remplacer, si elle vient à se casser. Ce venin est d'une cou- leur verte » {Dictionnaire des sciences naturelles). — 891 — Les principales espèces de ce genre sont : le crotalus boiquira, crotale à queue noire ; le crotalus durissus, le crotale à lo- sange; le crotalus dryinas, le crotale sans taches, le crotale camard, etc. Everard Home, qui a rassemblé plusieurs faits relatifs aux morsures des divers serpens venimeux, pense : 1° que lorsque le venin est très actif, l'irritation locale est tellement subite et vio- lente, et ses effets sur l'économie animale tellement intenses, que les animaux meurent en très peu de temps : alors on ne trouve d'altération que dans les parties mordues ; le tissu cellulaire est entièrement détruit et les muscles très enflammés ; 2° que lorsque le venin est moins intense, son action n'est pas toujours funeste: cependant il y a un léger délire, et beaucoup de douleur dans la partie mordue. Environ une demi-heure après, il se déclare une enflure qui dépend de l'effusion de la sérosité dans le tissu cellu- laire, laquelle augmente avec plus ou moins de rapidité pendant douze heures, et s'étend dans le voisinage des parties affec- tées ; le sang cesse de couler dans les plus petits vaisseaux des parties tuméfiées; la peau qui les recouvre se refroidit; l'action du cœur est tellement faible, que le pouls est à peine sensible; l'estomac tellement irritable, qu'il ne peut presque rien garder. Environ soixante heures après, ces symptômes ont acquis plus d'intensité ; l'inflammation et la suppuration se manifestent dans les parties lésées, et quand l'abcès est très considérable, le ma- lade expire. Lorsque la morsure a été faile au doigt, celte partie se gangrène quelquefois de suite. Si la mort a lieu dans une de ces circonstances, les vaisseaux absorbans et leurs glandes n'é- prouvent point de changemens analogues à ceux que les virus déterminent, et il n'y a d'altération que dans les parties qui ont quelque rapport avec l'abcès. En général, les symptômes qui se développent dans ces cas marchent plus rapidement que ceux qui dépendent d'un virus. Celte considération, jointe à la gra- vité des accidens qui ont lieu d'abord chez les personnes qui se rétablissent après avoir été mordues, a fait croire que leur gué- rison devait être attribuée aux médicamens employés : c'est ain- si, par exemple, que Y eau de Luce est regardée dans les Indes orientales comme un spécifique contre la morsure du cobra de 57 - 892 - capello; 3° que cette opinion ne paraît avoir aucun fondement, car la mort arrive toutes les fois que le poison est très actif, et qu'il détermine une lésion locale très étendue, tandis que le réta- blissement a lieu dans toutes les blessures légères. Les effets du venin sur la constitution sont tellement instantanés, et l'irrita- bilité de l'estomac tellement grande, que l'on ne peut adminis- trer de médicamens que lorsqu'ils se sont pleinement dévelop- pés, et alors il y a peu de chances de succès (1). Des insectes venimeux. — Du scorpion d'Europe. Caractères du genre scorpion. Genre d'arachnides, ordre des pulmonai- res, famille des pédipalpes de Latreille. Abdomen intimement uni au tronc par toute sa largeur, offrant à sa base inférieure deux lames mobiles en forme de peigne ; dessus du tronc recouvert de trois plaques, dont la pre- mière très grande, en forme de corselet, porte six à huit yeux ; deux de ces yeux sont situés au milieu du dos, rapprochés, et plus grands; les autres sont placés près des bords latéraux et antérieurs; trois ou deux de chaque côté ; mandibules en pince. Corps allongé et terminé brusquement par une queue longue, composée de six nœuds, dont le dernier, plus ou moins ovoïde, finit en une pointe arquée et très aiguë ; sorte de dard sous l'extré- mité duquel sont deux petits trous servant d'issue à une liqueur vénéneuse contenue dans un réservoir intérieur. Les pieds palpes sont très grands, en forme de serres, avec une pince au bout, imitant par sa figure une main didactyle ou à deux doigts, dont un mobile. Tous les tarses sont sembla- bles, de trois articles, avec deux crochets au bout du dernier. Scorpion d'Europe Cscorpio europaeus). Il a environ 3 centim. de lon- gueur; son corps est d'un brun très foncé, noirâtre; ses'bras sont angu- leux, avec la main presque en cœur, et l'article qui la précède est uniden- té ; la queue est plus courte que le corps, menue ; le cinquième nœud est allongé ; le dernier est simple, d'un brun jaunâtre, ainsi que les pattes ; les peignes ont chacun neuf dents. On le trouve en Languedoc, en Provence, et en général dans l'Europe méridionale, sous les pierres et dans l'intérieur des habitations. La piqûre dn scorpion détermine chez l'homme une marque rouge qui s'agrandit un peu, noircit légèrement vers le milieu, (1) Philosopliical Transactions for the year 1810, by Everard Home, part. 1 page 75. — 893 — et est ordinairement suivie de douleur, d'inflammation, d'enflure, et quelquefois de pustules ; dans certaines circonstances, les ma- lades éprouvent de la fièvre, des frissons, de l'engourdissement, des vomissemens, le hoquet, un tremblement général, etc. Les symptômes qui sont le résultat de la piqûre du scorpion varient suivant la grosseur de l'animal, et le climat auquel il appartient ; en général, ils sont plus graves dans les pays méridionaux que dans les autres. De la tarentule (lycosa tarentula, Latreille). Caractères de la tarentule. Insecte de l'ordre des pulmonaires, famille des aranéides, tribu des citrigrades du genre lycosa (Latr.). Longueur du corps, environ 3 centimètres; palpes safranées , avec l'extrémité noire; mandibules noires, avec la base supérieure safranée ; bord antérieur du tronc et contour des yeux de la seconde ligne de cette couleur ; yeux rou- geâtres ; dessus du tronc noirâtre, avec une bande longitudinale dans le milieu de sa longueur; une autre tout autour des bords et des lignes en rayon, partant de la bande du milieu, d'un gris cendré; une ligne noirâtre longitudinale de chaque côlé, sur la bande de la circonférence ; dessus de l'abdomen noirâtre, ponctué de gris cendré ; une suite de taches presque noires, plus foncées au bord postérieur dans le milieu de sa longueur; les deux supérieures, la première surtout, allongées en fer de flèche, bordées tout autour de gris roussâtre ; les suivantes transverses, en forme de cœur élargi, bordées postérieurement de gris cendré, ou séparées par des lignes chevronnées de cette couleur; ventre safrané, avec une bande très noire, transverse au milieu ; poitrine et origine des pattes très noires ; pattes d'un gris cendré en dessus, grises en dessous, avec deux taches aux cuisses et aux jambes, et les tarses noirs ; dessous des cuisses et des jambes anté- rieures ayant une teinte roussâtre. On la trouve dans l'Italie méridionale, particulièrement en Calabre et aux environs de Naples. Piqûre de la tarentule {voy. Araignée des caves, p. 894). Cet insecte a élé l'objet d'une multitude de récits fabuleux, enfantés par l'ignorance et la superstition; cependant des au- teurs estimables, parmi lesquels je citerai Baglivi, ont écrit longuement sur les effets qu'il produit. On trouve, dans quelques- uns d'eux, que la morsure de la tarentule peut développer une fièvre lente dont on ne guérit qu'en dansant au-delà de ses for- ces, au son d'un tambour ou d'un autre instrument sonore : aussi a-t-on vu des malheureux, tout chamarrés de fleurs et de rubans - 894 — comme des victimes, parcourir les places dans la plus forte cha- leur du jour, danser nu-tête, la tête tournée du côté du soleil, jusqu'à ce que la perte totale de leurs forces les plongeât dans un assoupissement profond : alors leurs parens les portaient sur un grabat, et la musique continuait encore long-temps après qu'ils avaient cessé de l'entendre. D'autres auteurs prétendent avoir vu tous les symptômes de la fièvre ataxique se manifester après la morsure de cet insecte. Serrao, premier médecin du roi de Naples, a détrompé le pu- blic, trop long-temps abusé parles prestiges du merveilleux. Un homme se laissa mordre par la tarentule, en présence du comte polonais de Borch : il n'en résulta qu'un peu de tuméfac- tion dans la main et dans les doigts, et une démangeaison assez forte (Amoreux). Pulli assure que le tarentisme est fréquem- ment une maladie simulée : tel est le fait de cette femme fanati- sée par un ecclésiastique superstitieux, et qu'on ne parvint à guérir qu'à force de menaces et de mauvais traitemens (Ali- bert, Elémens de thérapeutique, t. n, p. 506, 3e édit.). Êpiphane Ferdinand avouait en 1621 que, depuis vingt ans qu'il exerçait la médecine à Naples, il n'avait vu mourir personne de la piqûre de la tarentule ; mais il soutenait que le tarentisme n'était pas une maladie feinte. L'opinion des médecins éclairés est que la piqûre de la taren- tule ne produit aucun phénomène extraordinaire, et que ses ef- fets sont plutôt locaux que généraux ; cependant il serait à sou- haiter qu'on fît un travail suivi à cet égard. De l'araignée des caves (segestria cellaria). Caractères du genre segestria. Genre d'arachnides de l'ordre des pulmo- naires, de la famille des aranéïdes, tribu des tubitèles. Mâchoires élargies au côté extérieur près de leur base, droites ; six yeux dont quatre plus an- térieurs, forment une ligne transverse, et les-deux autres situés, un de chaque côté, derrière les latéraux précédens; la première paire de pattes et la seconde ensuite, les plus larges de toutes; la troisième la plus courte. Araignée des caves. Corps long d'environ 2 centimètres, velu, d'un noir tirant sur le gris de souris, avec les mandibules vertes ou d'un bleu d'acier - 895 — et une suite de taches triangulaires, noires le long du milieu du dos et de l'abdomen. On la trouve en France et en Italie (Latreille). Il se développe autour de la partie qui a été piquée par cette araignée et par la tarentule une enflure de couleur livide, quel- quefois avec phlyctènes ; dans certaines circonstances, on ob- serve aussi des symptômes analogues à ceux dont j'ai parlé à l'article Scorpion : néanmoins je pense qu'on a beaucoup exa- géré les dangers de la piqûre faite par ces animaux : on devrait vouer à l'oubli cette multitude de récits fabuleux relatifs à la tarentule, et qui étaient évidemment enfantés par l'ignorance et par la superstition. De l'abeille domestique (apis mellifica). Insecte de l'ordre des hyménoptères, famille des apiaires. Caractères du genre. Languette filiforme, composant, avec les mâchoires, une sorte de trompe coudée et fléchie en dessous; premier article des tarses postérieurs grand, très comprimé en palette carrée ; point d'épine à l'extrémité des deux dernières jambes. Abeille domestique. Ecusson noirâtre comme le corselet; abdomen de fa même couleur, avec une bande transversale et grisâtre formée par un du- vet à la base du troisième anneau et des suivans. La longueur du corps de l'abeille domestique ouvrière est de 0m,012 ; celle du mâle et de la femelle est de 0m,015. On la trouve dans toute l'Europe, en Barbarie, etc. (Latreille). La piqûre de l'abeille occasionne souvent une vive douleur et une tuméfaction érysipélateuse fort dure dans son milieu, qui blanchit et persiste tant que l'aiguillon reste dans la plaie ; dans certaines circonstances, on a vu cette piqûre déterminer la gan- grène et la mort. Du bourdon. Caractères du genre. Insecte de l'ordre des hyménoptères, section des porte-aiguillons, famille des mellifères. Les femelles et les mulets offrent à la face extérieure de la jambe des pieds postérieurs un enfoncement lisse pour recevoir le pollen des fleurs, et une brosse soyeuse sur le côté interne du premier article de leurs tarses ; deux épines au bout de ces jambes ; labre transversal; fausse trompe sensiblement plus courte que le corps. — 896 - Bourdon des pierres (bombus lapidarius deLatr., Apis lapidariade L.). 11 est tout noir, à l'exception de l'anus, qui est d'un jaune rougeâtre. Il a été désigné ainsi parce qu'il fait son nid dans la .terre, entre les pierres, au bas des murs, etc. Les effets de la piqûre du bourdon ressemblent beaucoup à ceux que je viens de décrire en parlant de l'abeille. De la guêpe. Insecte de l'ordre des hyménoptères, section des porte-aiguil- lons, famille des diploptères, tribu des guêpiaires. Latr. Caractères de la guêpe-frelon (vespa crabro). Longueur de 3 centimètres au moins ; antennes obscures, avec la base ferrugineuse, tête ferrugineuse, pubescente ; lèvre supérieure jaune, mandibules jaunes à la base, noires à l'extrémité ; corselet noir, pubescent, avec sa partie antérieure, et souvent l'écusson d'un brun ferrugineux ; le premier anneau de l'abdomen noir, avec la base ferrugineuse et les bords jaunâtres ; les autres anneaux noirs à la base, jaunes à l'extrémité,avec un petit point noir latéral sur chaque; les pattes d'un brun ferrugineux ; les ailes ont une légère teinte roussâtre. On la trouve dans toute l'Europe (Latr.). Caractères de la guêpe commune (vespa vulgaris). Longueur, 2centim.; antennes et tête noires ; contour des yeux et lèvre supérieure d'un jaune obscur; mandibules jaunes, noires à l'extrémité; corselet noir, légèrement pubescent, avec tache au-devant des ailes, un point calleux à leur origine, une tache au dessous et quatre sur l'écusson , jaunes ; l'abdomen jaune, avec la base des anneaux noire, et un point noir distinct de chaque côté ; le premier anneau a une tache noire en losange au milieu ; les autres ont une tache presque triangulaire, contiguë au noir de la base ; les pattes sont d'un jaune fauve, avec la base des cuisses noire. On la trouve dans toute l'Europe (Latr.). La piqûre de la guêpe commune et du frelon est suivie d'acci- dens semblables à ceux que détermine la piqûre des abeilles ; elle est plus ou moins dangereuse, suivant la nature de la partie pi- quée, le climat, la saison, la quantité de venin, etc.; les accidens sont plus graves dans le cas où l'aiguillon resie dans la plaie, ou lorsque les insectes ont sucé des plantes vénéneuses, des matiè- res animales en putréfaction, ou des cadavres d'animaux morts de maladies pestilentielles. — 897 — IIIe SECTION. DE L'EMPOISONNEMENT CONSIDÉRÉ D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE. ARTICLE Ier.— DES MOYENS PROPRES A FAIRE RECONNAITRE s'iL Y A EU EMPOISONNEMENT, ET QUELLE EST LA SUBSTANCE VÉNÉNEUSE QUI l'a PRODUIT. Après avoir indiqué dans les histoires particulières les carac- tères et le mode d'action de chacun des poisons, je dois m'élever à des considérations générales, et chercher à résoudre le pro- blème suivant : Comment peut-on reconnaître qu'il y a eu em- poisonnement, et quelle est la substance vénéneuse qui a occa- sionné les accidens? Pour atteindre ce but, il faut examiner successivement : 1° Les phénomènes que l'on observe généralement avant la mort des individus soumis à l'influence des poisons ; 2° Les alléraiions de tissu produites par les substances véné- neuses, et que l'on constate après la mort ; 3° Les indices que le médecin peut tirer des symptômes aux- quels le malade est en proie, et des altérations de tissu trouvées après la mort ; 4° Les maladies qui simulent l'empoisonnement, soit à cause de leurs symptômes, soit à raison des lésions qu'elles détermi- nent dans les organes ; 5° La marche analytique à suivre pour reconnaître la nature de la matière suspecte. §Ier- Phénomènes que l'on observe généralement avant la mort des individus soumis à l'influence des poisons. Lorsqu'un individu a avalé une substance vénéneuse douée de propriétés énergiques, il ne tarde pas à éprouver un certain nombre des symptômes suivans : odeur nauséabonde et in- fecte ; saveur variable, acide, alcaline, acre, slyptique ou amère ; chaleur acre au gosier et dans l'estomac ; sécheresse dans toutes - 898 - les parties de la bouche, qui esl quelquefois écumcuse ; senti- ment de constriction dans la gorge ; langue et gencives quelque- fois livides, d'un jaune cilrin, blanches, rouges ou noires; dou- leur plus ou moins aiguë, augmentant par la pression, el ayant son siège dans toute l'étendue du canal digestif, ou plus particu- lièrement dans la gorge, dans la région épigastrique, et dans quelques autres pariies de l'abdomen : cette douleur est souvent très mobile, et se fait sentir successivement dans toutes les par- ties du canal intestinal, et même dans la poitrine ; fétidité de l'haleine, rapports fréquens, nausées, vomissemens douloureux, muqueux, bilieux ou sanguinolens, d'une couleur blanche, jaune, verte, bleue, rouge ou brunâtre, produisant dans la bouche une sensation variable, bouillonnant quelquefois sur le carreau, et, dans ce cas, rougissant l'eau de tournesol, ou bien n'exerçant aucune action sur le carreau, et alors pouvant verdir le sirop de violettes ; hoquet, constipation ou déjections alvines plus ou moins abondantes, avec ou sans ténesme, de couleur et de nature différentes, comme la matière des vomissemens ; difficulté de respirer, angoisses, toux plus ou moins fatigante ; pouls fréquent, petit, serré, irrégulier, souvent imperceptible, ou fort et régu- lier ; soif ardente ; les boissons augmentent quelquefois les dou- leurs et ne tardent pas à être vomies ; frissons de temps à autre, la peau et les membres inférieurs sont comme glacés ; quelque- fois cependant il y a chaleur intense ; éruption douloureuse à la peau; sueurs froides et gluantes, dysurie, strangurie, ischurie; physionomie peu altérée d'abord ; bientôt après, le teint devient pâle et plombé ; perte de la vue et de l'ouïe ; quelquefois les yeux sont rouges, saillans, horsdes orbites ; dilatation ou contraction de la pupille ; agitation, cris aigus, impossibilité de garder la même position, délire furieux ou gai, mouvemens convulsifs des mus- cles de la face, des mâchoires et des extrémités; rire sardonique, trismus, contorsions horribles, tête souvent renversée sur le dos, raideur extrême des membres, accompagnée d'une contraction générale des muscles du thorax, qui détermine l'immobilité de ses parois ; quelquefois stupeur, engourdissement, pesanteur de tête, envies de dormir, légères d'abord, puis insurmontables ; vertiges, paralysie ou grande faiblesse des membres abdomi- — 899 — naux; état comme apoplectique, prostration extrême des forces, altération de la voix, priapisme opiniâtre et très douloureux. Le plus souvent, lorsque le malade n'est point secouru, les symptômes dont je viens de parler augmentent d'intensité depuis le moment de leur apparition jusqu'à la mort ; il existe cepen- dant des cas où les accidens cessent complètement, et ne repa- raissent qu'au bout d'un certain temps; il y a évidemment un intervalle lucide ; on dirait que l'empoisonnement est inter- mittent. Si l'on ajoute à ce qui vient d'être dit tout ce que j'ai rapporté en parlant des accidens qui résultent de la morsure ou de la pi- qûre des animaux venimeux, on aura une idée exacte des divers phénomènes que l'on peut observer pendant la vie d'un individu soumis à l'influence d'une substance vénéneuse qui aurait été in- troduite dans le canal digestif, ou qui aurait élé appliquée sur la peau ulcérée ou le tissu lamineux sous-cutané. Il arrive cependant quelquefois que la mort, dans le cas dont il s'agit, n'est point précédée des symptômes que l'on observe le plus ordinairement : ainsi, Chaussier parle d'un homme robuste et de moyen âge qui avala de l'oxyde blanc d'arsenic en gros fragmens, et qui mourut sans avoir éprouvé d'autres symptômes que de légères syncopes (voy. page 327). Accidens consécutifs à l'empoisonnement aigu. Certains individus empoisonnés par une substance vénéneuse énergique éprouvent les accidens les plus graves, qui ne sont cependant pas suivis d'une mort prompie •. l'état de ces malades s'améliore pendant quelques jours; mais il ne tarde pas à se déclarer des symptômes fâcheux qui se prolongent pendant un temps plus ou moins long, et qui pour l'ordinaire se terminent d'une manière funeste. Je vais rapporter quelques observations à l'appui de ce fait. Observation lre. Marie Ladan,àq,ée de cinquante-trois ans, but environ une cuillerée d'eau forte, croyant boire de l'eau ordinaire ; elle ne tarda pas à en rejeter la plus grande partie ; aussitôt hoquet, rapports abondans, nausées, vomissemens répétés. Une demi-heure après, on lui fit une sai- gnée du bras, et on lui administra de l'eau de gomme et du lait. Les pre- miers accidens se calmèrent par degrés; mais la constipation excessive- ment opiniâtre dont elle était tourmentée dès les premiers jours resta la même. Au bout de dix jours de traitement et de décroissement assez mar- — 900 — que des symptômes, cette malade mangea, pour la première fois, un peu de vermicelle, et le vomit aussitôt. Depuis son accident, elle salivait beau- coup, avait une haleine d'une fétidité incroyable , mais elle ne rendait, dans les matières de ses vomissemens, aucune portion membraneuse : seulement elle croyait sentir, dans le fond de la gorge, la présence d'un corps étranger qui la fatiguait sans cesse, gênait la déglutition et la respi- ration, altérait la parole, etc. Le vingtième jour de son empoisonnement, après avoir fait beaucoup d'efforts, elle rendit, par l'anus, un long paquet membraneux d'une seule pièce, replié et roulé sur lui-même, qui repré- sentait la forme de l'œsophage et de l'estomac avec toutes leurs dimensions, el qui n'était autre chose que la membrane interne de ces organes, qui avait été soulevée et décollée dans tous ses points à-la-fois ; elle avait 3 ou 6 millimètres d'épaisseur et une couleur brune très marquée. Les portions correspondantes au grand et petit cul-de-sac de l'estomac étaient amincies et percées de plusieurs trous. Dès ce moment, la sensibilité du canal diges- tif devint excessive ; les vomissemens furent plus répétés, et il était impos- sible de lui faire garder les alimens: le lait, qui avait servi de nourriture pendant quinze jours, était vomi sous forme de caillots. Quelques jours après, la malade allait mieux et mangeait de la soupe, des œufs et des brioches, et ne les vomissait qu'assez rarement. Son embonpoint était sin- gulièrement diminué ; mais elle conservait beaucoup de fraîcheur, et pou- vait marcher un peu; des tiraillemens d'estomac, une constipation des plus opiniâtres et une espèce de malaise continuel s'opposaient sans cesse à son rétablissement. Ces accidens augmentèrent ; la salivation excessivement abondante qui la tourmentait depuis son accident devenait de plus en plus considérable ; tout ce qu'elle prenait était vomi ; les facultés intellectuelles étaient dans leur état naturel ; la membrane des lèvres et de l'intérieur de la bouche, saine en apparence, s'enlevait au moindre contact; la malade s'épuisait en vains efforts pour vomir. Enfin, deux mois après l'accident, elle eut un étourdissement et mourut. Ouverture ducadavre. Les orifices cardiaque et pylorique étaient sensi- blement rétrécis ; la surface interne de l'œsophage et de l'estomac, très lisse et polie, tachetée et nuancée en rouge plus ou moins vif, n'avait nullement l'aspect ordinaire ; ce dernier organe était singulièrement diminué de vo- lume. Le canal intestinal ne parut pas beaucoup rétréci, et tous les organes abdominaux présentèrent à-peu-près leur état ordinaire. Tartra, à qui j'ai emprunté cette observation, dit que, dans des cas de cette nature, les accidens développés d'abord par l'a- cide azotique décroissent insensiblement ; mais que les malades conservent une grande disposition au vomissement. Au bout de quelque temps, la membrane interne du canal digestif est frap- pée de mort, et rejetée en entier ou par portions sous forme de — 901 — lambeaux comme pourris ou boursouflés. Lorsque la mort tarde à arriver, les malades tombent dans le marasme, parce que la digestion ne peut plus s'effectuer ; ils sont tourmentés d'une en- vie pressante d'aller à la garde-robe sans pouvoir évacuer, et il se passe quelquefois trois mois sans qu'ils rendent, en une ou deux fois, que de très petites masses de matières fécales, mou- lées en forme de pilules de quelques grains; la maigreur devient excessive, la physionomie rebutante; ils crachotent à chaque in- stant, vomissent sans cesse des eschares ou des portions membra- neuses putréfiées, d'une odeur infecte, résultat de l'exfoliation de l'œsophage et de l'estomac, dont elles ont quelquefois la forme. Dans quelques circonstances, ces matières sont entraînées par les selles. « La peau devient sèche, écailleuse, presque morte, et inerte comme dans la vieillesse. Les facultés physiques sont éteintes ; les facultés morales sont quelquefois singulièrement dégénérées : il n'en reste, s'il est permis de parler ainsi, que le simulacre. Les ravages qui, dans l'ordre naturel, devraient être le résultat progressif de beaucoup d'années sont celui de quel- ques mois : tout, dans ces sujets, offre l'image d'une décrépitude accidentelle el prématurée. L'individu existe encore ; mais il n'est séparé que par un intervalle pour ainsi dire imperceptible de la mort, qui anticipe tous les jours, et s'approprie en détail une portion du domaine de la vie (1). » Après la mort de ces individus, on trouve le canal digestif ré- duit à une petitesse extrême : il pourrait être contenu dans le creux de la main. Les intestins ont le calibre du petit doigt : quelquefois ils égalent à peine la grosseur du tuyau d'une grosse plume à écrire. Leurs parois sont très épaisses; leur cavité, nulle ou presque nulle, ne contient qu'un peu de mucosités. Dans quelques circonstances, l'estomac adhère au diaphragme, au foie ou à la rate. Quelquefois ces adhérences sont simples; mais, le plus souvent, les parois de ce viscère ont été désorganisées et exfoliées ; alors l'organe qui se trouve en contact avec l'estomac et adhère avec lui dans cette partie entièrement brûlée, lui sert de paroi, ou plutôt c'est sa membrane extérieure qui est collée (1) Tartra, Dissertation inaugurale, p. 169. — 902 — contre celte lacune ou espèce de trou ; elle s'épaissit un peu, mais reste pourtant assez transparente pour que l'on puisse voir la couleur du tissu du viscère qu'elle recouvre. L'ouverture du py- lore est tellement rélrécie, qu'il est quelquefois impossible d'y introduire un stylet. On voit à la face interne de l'estomac, dans le grand cul-de-sac, près du pylore et de l'orifice cardiaque, dans l'œsophage, l'arrière-bouche et le pharynx, des plaques lisses et vermeilles ou des cicatrices produites par la régénération de la membrane muqueuse. Observation 2e. Adam Péteur, âgé de quarante-six ans, était occupé, depuis vingt-huit ans, à enduire la porcelaine de blanc de plomb. 11 res- sentit la première colique métallique en 1795 : il en fut traité et guéri à la Charité. Cinq mois après, il en eut une autre; et depuis, tous les ans il en fut atteint. En 1802, il éprouva des douleurs qui augmentèrent graduelle- ment. Il avait remarqué, depuis six semaines, que ses bras étaient plus pesans et plus faibles ; c'est aussi depuis ce temps que les coliques avaient diminué considérablement. Ce phénomène arriva en vingt-quatre heures: le malade dit que, depuis ce temps, la colique lui était tombée dans les bras. Il entra à la Charité le 47 ventôse an xi (1803), et il offrait l'état suivant :' Air de vieillesse, lenteur remarquable dans les réponses, céphalalgie lé- gère, frisson passager, point de vomissement. Il éprouvait fort peu de coli- ques; le ventre était un peu déprimé, et il n'y avait pas de constipation ; le pouls était plutôt rare que fréquent ; les bras étaient encore un peu mobiles ; les muscles extenseurs des mains paralysés, ainsi que ceux des doigts. Son sommeil était assez bon ; il se promenait quelque temps pendant le jour. Le 18, il eut une attaque d'épilepsie (il avait déjà eu de ces attaques de- puis son entrée à l'hospice); il perdait connaissance, avait des convulsions, écumait un peu ; la langue était jaunâtre, un peu sèche et point amère {ti- sane sudorifique, lavement purgatif des peintres, et anodin; thériaque). Le \ 9, point d'attaque, même état (eau de casse avec 16 centigrammes de tartre stibié et 64 grammes de sel de Glauber, tisane sudorifique, lave- ment anodin, julep). Le 20, douleur dans les bras et dans les jambes. Jusqu'au 13 germinal, ce malade s'est soutenu dans une alternative de santé, étant en général assez bien pour son état, mais se trouvant mieux certains jours que d'autres. Le mouvement revenait lentement; les coli- ques étaient sourdes et légères. Son traitement a consisté, pendant tout ce temps, en tisanes sudorifiques, rendues quelquefois laxatives, lavemens anodins, potions antispasmodiques, extrait de genièvre, thériaque, etc. Il fut aussi purgé plusieurs fois. Le 27, il avait eu un accès épileptique. Le 1 i germinal, stupeur, mouvemens convulsifs à la face, toux sans ex- pectoration, pouls faible, petit et fréquent; nuit pénible, rêvasseries lé- — 903 — gères (petit-lait avec des tamarins, infusion de chicorée et de bourrache, bols de camphre et de nilre). Le 15, prostration des forces, supination, soubresauts des tendons, œil éteint, pulvérulent ; peau sale, terreuse, imprégnée d'une chaleur sèche et acre {même prescription). Le 16, prostration extrême, convulsions des muscles de la face, soubre- sauts continuels des tendons, tremblotement universel, presque pas de con- naissance {eau de casse; du reste, même prescription). Le 17, même état; mais débilité encore plus grande. Il mourut à trois heures du soir. Ouverture du cadavre. Maigreur notable, peau terreuse, yeux pulvéru- lens. Les méninges étaient dans l'état naturel ; le cerveau était fort sain ; les ventricules contenaient à peine une petite quantité de sérosité ; le cœur quoique vide de caillots, était dans l'état ordinaire ; les poumons, libres de toute adhérence, étaient un peu inégaux en volume : le gauche était plus petit et sain, le droit plus volumineux, un peu ferme, et gorgé d'un sang rouge brun ; son poids spécifique était plus grand que celui de l'eau, puis- qu'il se précipitait au fond. Le foie, la rate, le pancréas étaient sains; l'épi— ploon adhérait au péritoine, près du foie; l'estomac et les intestins dans l'é- tat naturel, n'offrant aucune tache rouge, et contenant des matières alvines liquides et très peu abondantes; le colon était assez étroit, mais peu diffi- cile à dilater ; les muscles d'un rouge assez foncé, légèrement poisseux; les os fragiles (Mérat, Dissertation inaugurale, page 157). Phénomènes qui peuvent faire soupçonner que le poison ingéré appartient à la classe des irritans. Les substances vénéneuses irritantes, déterminant presque toujours une vive in- flammation de l'estomac et des intestins, occasionnent la plupart des symptômes qui caractérisent cette affection, tels que des dou- leurs vives à l'épigaslre et dans quelques autres parties de l'ab- domen, des nausées, des vomissemens violens, quelquefois san- guinolens, des déjections alvines, etc. Indépendamment de ces sympiùmes, les malades se plaignent d'avoir ressenti une saveur acre, chaude,brûlante ; ils éprouvent une constriction à la gorge, et une grande sécheresse dans la bouche et dans l'œsophage. Ra- rement observe-i-on des vertiges ou la paralysie des membres abdominaux, à moins que ce ne soilvers la fin de la maladie, et lorsque la dose du poison employé a élé très considérable. Phénomènes qui peuvent faire soupçonner que le poison ingéré appartient à la classe des narcotiques. La plupart de ces poisons déterminent d'abord des vertiges, l'affaiblissement et — 904 — même la paralysie des membres abdominaux, la dilatation ou la contraction de la pupille, la stupeur, quelquefois le coma, enfin, des mouvemens convulsifs légers ou forts. Les malades ne se plaignent point d'avoir éprouvé une saveur caustique; la bouche, le pharynx et l'œsophage ne paraissent être le siège d'aucune al- tération : les vomissemens et les déjections alvines, lorsqu'ils ont lieu (ce qui est assez rare), sont loin d'être aussi opiniâtres que dans l'empoisonnement par les substances irritantes; la douleur développée par ces poisons n'a jamais lieu peu de temps après leur ingestion ; elle est ordinairement légère; quelquefois cepen- dant elle est excessivement aiguë; mais alors, loin d'avoir exclusi- vement son siège dans l'abdomen, elle se fait sentir dans diffé- renies parties du corps. Phénomènes qui peuvent faire soupçonner que le poison ingéré appartient à la classe des narcotico-âcres. Les poi- sons narcotico-âcres peuvent être rangés en deux groupes par rapport à leurs effets : les uns, comme le camphre, la coque du Levant, la picrotoxine, la strychnine, la noix vomique, la brucine et l'écorce qui la fournit, etc., donnent lieu à des accidens ner- veux ordinairement fort graves, qui cessent tout-à-coup pour reparaître quelque temps après. La durée des accès et des in- tervalles lucides peut varier à l'infini. Pendant l'attaque, les membres se raidissent et sont agiles en tous sens par des mou- vemens convulsifs effrayans ; les yeux sont saillans, hors des or- bites, le thorax immobile, ce qui amène la suspension de la respi- ration ; la langue, les gencives et la bouche sont livides comme dans l'asphyxie; la lésion des facultés intellectuelles n'est point constante; le vomissement est fort rare; le malade éprouve une saveur amère insupportable. Les poisons rangés dans l'autre groupe agissent, comme les narcotiques, d'une manière continue, c'est-à-dire que l'on n'observe aucune intermittence dans les symptômes qu'ils déterminent : ces symptômes ressemblent en partie à ceux que produisent les poisons narcotiques, excepté qu'ils sont précédés,dans la plupart des cas, de plusieurs phéno- mènes qui indiquent une vive excitation. — 905 — § n. Altérations de tissu produites par les substances véné- neuses, et que Von constate après la mort. A l'ouverture des cadavres d'individus dont la mort doit être attribuée à l'action d'un poison, on découvre quelques-unes des altérations suivantes : la bouche, le pharynx, l'œsophage, l'esto- mac et le canal intestinal sont le siège d'une inflammation plus ou moins intense; tantôt la membrane muqueuse seule offre dans toute son étendue ou dans quelques-unes de ses parties une couleur rouge de feu : tantôt cette couleur est d'un rouge ce- rise ou d'un rouge noir : dans ce cas, presque toujours les autres tuniques qui composent le canal digestif participent à l'inflam- mation, et l'on découvre une quantité plus ou moins considérable d'ecchymoses circulaires ou longitudinales, formées par du sang uoir extravasé entre les membranes ou dans le chorion de la tunique muqueuse ; quelquefois on remarque de véritables escha- res, des ulcères qui peuvent intéresser toutes les membranes : alors il y a perforation, et les bords de la partie perforée peu- vent offrir une couleur jaune, verte ou rouge ; dans certaines circonstances, les tissus sont épaissis ; dans d'autres, ils sont ramollis et comme réduits en bouillie, dont la couleur diffère; en sorte que la membrane muqueuse se détache facilement de la tu* nique musculeuse. Quelquefois, au lieu de la rougeur générale donl j'ai parlé, le canal digestif présente des altérations d'un autre genre : la bouche, l'œsophage, la couronne des dents, la membrane interne de l'estomac, du duodénum et du jéjunum offrent une teinte blanchâtre, grisâtre, et le plus souvent jau- nâtre; il est des cas où l'on remarque çà et là sur le canal digestif les nuances dont je parle ; tandis que les autres parties de ce canal sont d'une couleur rouge plus ou moins vive, ou ne s'é- loignent point de l'état naturel. Dans certaines circonstances, la bouche, le pharynx, l'œsophage, l'estomac et les intestins ne présentent aucune altération. On observe quelquefois une con- slriciion marquée des intestins. m. m - 906 — Les poumons peuvent offrir une couleur violette ou d'un rouge foncé : alors leur tissu est serré, dense, gorgé de sang et moins crépitant, ce que l'on doit attribuer tantôt à l'action qu'exerce la substance vénéneuse sur ces organes, tantôt à des efforts répétés et infructueux de vomissement. Les diverses cavités du cœur sont plus ou moins distendues par du sang rouge ou noir, fluide ou coagulé, suivant l'époque où l'on fait l'ouverture du corps ; la membrane qui revêt la face interne des ventricules du cœur et des oreillettes, les pelotons graisseux qui se trouvent dans ces cavités, sont quelquefois enflammés, scarifiés ou ulcérés. La membrane interne de la vessie présente, dans certains cas, des traces manifestes d'inflammation. On trouve quelquefois les vaisseaux veineux qui rampent à la surface du cerveau et des méninges gorgés de sang noir ; dans certaines circonstances, le cerveau, le foie, les muscles et plu- sieurs autres organes offrent une teinte verdâtre. Enfin, il est des cas ou la peau se recouvre de taches noires, comme gangre- neuses. Après avoir indiqué les altérations de tissu que produisent le plus ordinairement les poisons des diverses classes, je ferai re- marquer , 1° qu'il n'arrive jamais que l'on observe sur le même individu l'ensemble des lésions dont je viens de parler ; 2° que tel poison qui aurait déterminé une vive inflammation d'un ou de plusieurs organes, s'il avait agi pendant quelques heures, se bornera quelquefois à'exciter une légère rougeur, et même pour- ra ne point altérer les tissus, parce que la mort de l'individu aura suivi de près son ingestion ; 3° que dans certaines circon- stances, et par des causes qui nous sont inconnues, des substan- ces vénéneuses qui auraient dû occasionner une inflammation plus qu moins intense des tissus du canal digestif, ne l'ont point déterminée : c'est ainsi que dans le fait rapporté par Chaus- sier, et dont j'ai fait mention à la page 327, il fut impossible de découvrir la plus légère apparence d'érosion ou de phlogosé dans le canal digestif. Etmuller rapporte qu'une jeune fille mourut plusieurs heures après avoir pris de l'arsenic, et qu'il fut impos- sible de découvrir la moindre trace d'inflammation dans l'esto- mac et dans les intestins ; la peau seule avait une teinte livide — 907 — et bleuâtre : cependant l'arsenic fut trouvé dans le canal digestif (F. page 328). Il ne sera pas inutile, avant de quitter ce sujet, de faire remar- quer que les cadavres éprouvent des changemens 1res remar- quables à mesure qu'ils se pourrissent, et que le médecin doit toujours éviter d'attribuer à l'action d'un poison ce qui est simple- ment l'effet de la putréfaction. J'ai indiqué ailleurs, en parlant de la mort, les principales altérations qui sont le résultat de la m décomposition putride (F. Mort). Lésions de tissu tendantes à établir que l'empoisonnement a été déterminé par une substance irritante. S'il est démon- tré que, dans certaines circonstances, les poisons irritans ont oc- casionné la mort sans laisser sur les organes avec lesquels ils avaient été mis en contact la moindre trace de leur action, il est également vrai qu'ils développent presque toujours une phlogosé, ordinairement très intense des parties qu'ils touchent : cette inflammation produit dans les tissus une altération dont le degré varie, et que j'ai fait connaître en détail (F. p. 75). Lésions de tissu produites par les substances narcotiques. Je ne pense pas, comme la plupart des auteurs qui ont écrit sur ce sujet, qu'il soit possible de déterminer à l'inspection du ca- davre que la mort est le résultat de l'empoisonnement par une substance narcotique ; en effet, les poisons de cette classe n'en- flamment pas en général les tissus avec lesquels on les met en contact (F. page 622); et si dans quelques circonstances on a observé la phlogosé du canal digestif à la suite de l'empoisonne- ment par les narcotiques, cette altération dépendait probablement des liquides irritans que l'on avait administrés pour faire vomir ou pour s'opposer aux effets du poison. La liquidité du sang, la flexi- bilité des membres, la promptitude avec laquelle le cadavre se pu- tréfie, l'apparition de plaques rouges, violettes, etc., à la peau, l'entr'ouvrement des yeux, la distension de l'estomac et des in- testins, etc., sont autant de caractères que l'on a indiqués comme étant propres à faire distinguer l'empoisonnement par les narco- tiques ; mais quelques-uns de ces caractères sont loin d'être con- stans, et il en est d'autres que l'on observe également dans l'em- 58. ~ §08 ~ poisohriemènt produit par les substances irritantes et nareotieo- acres. En général, les poumons des individus qui ont succombé à l'empoisonnement par les narcotiques offrent des taches livides et même noires; leur tissu est plus dense et moins crépilant; mais on retrouve souvent cette altération dans l'empoisonnement par les narcotico-âcres et par les irritans. Lésions de tissu produites par les poisons narcotico-âcres. Parmi les substances vénéneuses de cette classe, il en est un certain nombre qui, en général, n'enflamment point les tissus avec lesquels on les met en contact; la mort qu'elles occasionnent est précédée d'un ou de plusieurs accès que l'on pourrait appeler tétaniques, et à l'ouverture du cadavre on découvre des altéra- tions semblables à celles que produit l'asphyxie par défaut d'air. Il en est d'autres qui, à l'instar des poisons irritans, déterminent le plus souvent une inflammation plus ou moins vive, l'ulcéra- tion ou la gangrène des parties sur lesquelles on les a appliquées : toutefois, les symptômes qui ont précédé la mort peuvent servir, dans beaucoup de cas, à faire présumer que l'inflammation est plutôt le résultat de l'action d'un poison irritant que d'un narco- tico-âcre. § III. Des indices que le médecin peut tirer des symptômes aux* quels le malade est en proie, et des altérations de tissu trouvées après la mort. J'ai souvent combattu l'opinion des médecins qui pensent que l'on peut reconnaître, par le seul examen des symptômes ou des lésions de tissu, non-seulement qu'il y a eu em- poisonnement , mais encore la nature du poison qui a élé in- géré : les faits qui m'ont servi à réfuter cette assertion sont tellement nombreux et tellement frappans, qu'il me semble inutile de m'appesantir davantage sur ce sujel. Cependant je suis loin de prétendre qu'il soit inutile de faire un examen at- tentif de ces, symptômes et de ces lésions : au contraire, je — 909 — suis parfaitement convaincu qu'il est indispensable d'en tenir compte pour affirmer qu'il y a eu intoxication, et que, dans quelques circonstances, ils peuvent aider à déterminer à quelle classe appartient le poison dont on cherche à connaître la nature. Dans aucun cas l'existence d'un poison dans une ma- tière suspecte ne suffit seule pour conclure à un empoi- sonnement, et il faut nécessairement joindre à cet élément important de l'expertise médico-légale, les preuves tirées des symptômes éprouvés par les malades, et souvent aussi des altérations de tissu trouvées après la mort. Ce serait une erreur grave que de croire qu'il suffise d'avoir retiré une quantité quelconque d'une substance vénéneuse d'une matière vomie ou rendue par les selles, et même"d'un cadavre, pour affir- mer qu'il y a eu empoisonnement ; l'expert-chimiste, ordinaire- ment chargé de ces sortes d'analyses, doit se borner à indiquer qu'il a obtenu par tel ou tel autre procédé de l'arsenic, du cuivre, de l'antimoine, etc. L'élément qu'il fournit à l'instruction est s,ans doute précieux, mais il est insuffisant ; en effet, la malveil- lance aurait pu introduire une substance vénéneuse dans le canal digestif, après la mort, ou la mélanger avec la matière des vo- missemens ou des selles. D'un autre côté, le malade pouvait avoir fait usage, peu de temps avant la mort, d'un médicament arse- nical, antimonial, cuivreux, etc., à des doses faibles ou fortes, et l'on retrouverait probablement une partie de ce médicament, soit dans le canal digestif, soit dans les viscères. Il se peut encore qu'il existe naturellement dans le corps de l'homme une minime proportion de la substance vénéneuse décelée par l'expertise, en sorte que si l'on ne cherchait pas à reconnaître si le poison ob- tenu provient de celui qui se trouve à l'état normal ou d'une po- lion qui aurait été ingérée, on s'exposerait à commettre des er- reurs graves, en attribuant les symptômes dont on a été témoin à un toxique ingéré ou appliqué à la surface des corps, tandis que ces accidens pourraient être dus à une autre cause. A la vérité, rien n'est aisé comme d'établir si le plomb et le cuivre, qui sont les seuls métaux dangereux dont l'existence dans le corps de l'homme soit mise hors de doute, proviennent d'une pré- - 910 — pai ation cuivreuse ou plombiquc ingérée, ou de la portion dite normale de ces métaux (F. p. 451 et 477). Il faut donc, pour conclure à une intoxication, d'autres élé- mens de conviction que ceux qui nous sont fournis par la chimie ; la pathologie revendique à juste titre une grande part dans la so- lution de ce problème, et ceux-là se trompent qui imaginent ne pouvoir considérer que comme un léger accessoire l'ensemble # . des symptômes éprouvés par les malades. Je sais qu'il est des cas où des individus non empoisonnés, mais atteints de choléra spo- radique, d'iléus, de gastrite aiguë, etc., et même d'indigestion, présentent une série de symptômes analogues à ceux que déter- minent les poisons le plus communément employés, et que le médecin doit être circonspect dans l'appréciation de la cause qui a développé les accidens ; j'ai suffisamment indiqué dans mes précédentes éditions tout ce qu'il y aurait de dangereux à con- fondre ces maladies spontanées avec un empoisonnement aigu, pour que l'on m'accuse de ne tenir aucun compte de cette diffi- culté. Mais il ne faut pas pousser les choses jusqu'à l'extrême, en n'accordant presque aucune valeur aux symptômes, et serait- on raisonnablement admis à annuler les avantages que l'on peut retirer de leur examen, comme on l'a si souvent tenté dans ces derniers temps? C'est à tort que des défenseurs imprudens, mé- decins ou non, saisissent indistinctement toutes les occasions qui leur sont offertes de prêter appui aux accusés et prétendent que l'argument tiré des symptômes éprouvés par les victimes d'un empoisonnement, n'a point de valeur réelle. Les experts qui ont été à même d'observer, ceux qui ont attentivement exa- miné des malades aux diverses époques de l'intoxication, pensent tout le contraire, et ne se laissent pas fasciner par des générali- tés banales, invoquées à tout propos dans chaque espèce. Ils savent, malgré tout ce que l'on pourra dire sur les maladies spontanées, qu'il y aura présomption grave d'empoisonne- ment toutes les fois qu'un individu bien portant ou légèrement indisposé éprouvera tout-à-coup, après avoir mangé ou bu un aliment quelconque, un malaise, des douleurs abdominales vives, des vomissemens fréquens, des évacuations alvines abondantes, et bientôt après des syncopes, des spasmes, des mouvemens con- — Ull — vulsifs ou des convulsions intenses, etc., surtout lorsque ces symptômes persisteront avec ténacité pendant plusieurs heures ou plusieurs jours. Ils savent qu'un ensemble de pareils symp- tômes ne se manifeste presque jamais, pour ne pas dire jamais, hors le cas d'empoisonnement, et qu'il est par conséquent maté- riellement faux qu'on l'observe communément dans plusieurs maladies spontanées, ainsi qu'ont voulu le faire croire dans ces derniers temps des hommes étrangers à notre profession, et no- tamment M. Raspail. Aussi ai-je pensé devoir appeler l'atten- tion des gens de l'art sur ce point, et les engager, toutes les fois qu'ils seront témoins de faits semblables, à faire garder au be- soin les matières'des vomissemens et des selles aussi bien que l'urine rendues par les malades ; la négligence sous ce rapport, il faut le dire, est poussée au dernier degré; il est rare que les médecins accomplissent ce devoir, tant ils sont éloignés de soup- çonner souvent qu'ils sont requis pour combattre les effets fu- nestes d'un poison. Combien de fois déjà n'a-t-on pas eu à dé- plorer l'omission d'une semblable précaution, et n'est-il pas incontestable que dans beaucoup de cas les matières vomies, les selles et l'urine eussent fourni des preuves non équivoques d'in- toxication, alors qu'il a élé impossible de constater celle-ci après la mort en analysant les restes trouvés dans le canal digestif ou dans les autres organes? Il est d'ailleurs fort utile, pour impri- mer au traitement de la maladie une direction convenable, de connaître promptement si elle est réellement due à l'ingestion d'un toxique, et quel est ce toxique. Je sais que dans des circonstances, à la vérité fort rares, des individus empoisonnés, même par des poisons irritans, ont suc- combé sans avoir éprouvé les symptômes qui accompagnent or- dinairement l'intoxication, et que cette absence d'accidens a encore été mise en avant par des esprits superficiels pour dimi- nuer la valeur que l'on doit attacher aux caractères tirés des symptômes. C'est de leur part un tort grave, car les cas dont il s'agit sont tout-à-fait exceptionnels ; à peine pourrais-je en citer quatre ou cinq de bien avérés, au milieu de la foule innom- brable d'espèces où l'on a vu le contraire. Que ces exemples, loin de nous faire négliger les preuves que nous devons puiser dans — 915 — l'étude des symptômes, nous engagent donc à prêter une atten- tion plus sérieuse à l'examen des accidens qui accompagnent ordinairement l'intoxication. Je ne terminerai pas ce sujet sans blâmer sévèrement tous ceux quiélant appelés à apprécier devant les tribunaux la valeur des symptômes éprouvés par les victimes d'un empoisonnement, s'appuient, pour nier cet empoisonnement, sur ce que les mala- des n'ont pas offert tous les symptômes décrits par les auteurs comme appartenant à l'intoxicaiion qui fait l'objet du litige. Croirait-on que dans une espèce de ce genre, où l'un des accusés avouait le crime, un de nos confrères argumentait contre moi de ce que le malade n'avait présenté que quelques-uns des symptô- mes de l'empoisonnement par l'arsenic insérés dans mes ouvra- ges? L'objection n'avait rien de sérieux et ne devait trouver aucune faveur devant la cour. Les auteurs qui décrivent d'une manière générale tous les symptômes que l'on a observés jus- qu'à ce jour chez les divers malades empoisonnés par une même substance, ne prétendent pas que l'on doive nécessairement constater Yensemble de ces symptômes dans chaque espèce ; en donnant un résumé de leurs observations, ils veulent faire con- naître la totalité des accidens qui ont déjà été remarqués, mais évidemment ils n'ont jamais voulu dire que tous ces accidens dussent se retrouver indistinctement chez tous les individus ; on conçoit, au contraire, qu'il y ait à cet égard des variétés infinies, suivant la dose du poison, l'âge, la constitution et l'état de santé de la personne empoisonnée, la durée de la maladie, les moyens employés pour la combattre, etc. Les réflexions qui précèdent s'appliquent en grande partie aux caractères tirés des altérations de tissu constatées après la mort. Ici comme pour les symptômes, on a voulu ne pas tenir grand compte des lésions anatomiques parce qu'on en observe d'analogues dans plusieurs maladies spontanées, ou bien parce qu'elles manquent souvent dans beaucoup de cas d'empoisonne- ment. Je ne saurais attaquer avec assez de force ces prétentions exagérées et absurdes. Il est des altérations de tissu tellement graves, surtout en ce qui concerne le canal digestif, qu'on ne les voit presque jamais, pour ne pas dire jamais, hors le cas d'em- — 913 — poisonnement; telles sont les perforations avec une vive in- flammation des parties qui entourent les portions perforées, bien distinctes par conséquent des perforations dites sponta- nées, les eschares dans l'estomac et les intestins, qu'elles soient petites et nombreuses, ou larges et en petit nombre, les inflam- mations étendues et intenses, avec ou sans ecchymose, ulcérées ou non. Ce serait abdiquer la puissance de l'art que de prétendre ne pouvoir pas faire servir avec succès cet élément pathologique à la solution qui m'occupe. Peu m'importe, après cela, qu'il existe des cas d'empoisonne- ment incontestable où, par suite de l'absence de lésions anato- miques appréciables à nos sens, le médecin se trouve dans l'im- possibilité de puiser une partie de sa conviction dans l'anatomie pathologique ; cela prouve uniquement que celle-ci ne vient pas toujours à notre aide, tout en établissant d'une manière irrévo- cable qu'il est impossible de dire que l'intoxication n'a pas eu lieu parce qu'on aura constaté que les organes étaient à-peu-près à l'état normal. § IV. Des maladies qui simulent l'empoisonnement aigu. Il existe un certain nombre de maladies qui se terminent quel- quefois par la mort, et dont l'invasion et les symptômes simulent l'empoisonnement aigu. A l'ouverture des cadavres des individus qui ont succombé à ces sortes d'affections, on découvre quelque- fois des altérations dans les tissus, semblables à celles qui se- raient le résultat de l'action d'une substance vénéneuse; celte assertion est tellement prouvée, qu'il me paraît inutile d'invo- quer le témoignage des autorités qui l'ont établie. Les maladies dont je parle reconnaissent pour cause une lésion du canal diges- tif, des poumons, du cœur, du cerveau, de la moelle épinière et des autres parties du système nerveux, ce que l'on concevra sans peine en se rappelant, que parmi les poisons doués d'une certaine activité, il en est qui irritent et enflamment les tissus du canal di- gestif, les poumons ou le cœur, d'autres qui agissent comme ex- citans de la moelle épinière ou du cerveau, d'autres enfin qui - 914 — déterminent la stupéfaction du dernier de ces organes, ou qui attaquent le système nerveux de manière à occasionner des acci- dens très variés et ordinairement fort graves. Je suis pourtant loin de prétendre que l'on puisse confondre avec l'empoisonne- ment aigu les nombreuses affections dont je viens de parler, plu- sieurs d'entre elles présentant dans leur invasion, leur marche, etc., des caractères propres à les faire distinguer aisément ; mais je pense qu'il esl de la plus haute importance de fixer l'attention du lecteur sur quelques-unes de ces maladies, afin de le mettre à même d'éviter des méprises qui pourraient avoir des résultats fâcheux. Ces maladies sont le choléra-morbus, une irritation des voies gastriques qui donne lieu à des perforations de l'es- tomac, la gastrite aiguë, Y iléus nerveux, Yiléus symptoma- tique d'un étranglement interne, la hernie étranglée, la péri- tonite, l'hématémèse, etc. Le médecin doit faire tous ses efforts pour distinguer ces af- fections de l'empoisonnement aigu ; il doit chercher des carac- tères distinctifs dans les symptômes qu'il observe, dans leur invasion, dans les signes commémoratifs et dans les lésions de tissu qu'il découvre après la mort des individus. Si je croyais de- voir appuyer cette proposition de quelque autorité célèbre, je citerais mon ancien collègue Chaussier, qui à'est beaucoup occupé des perforations de l'estomac dites spontanées, dans le but de découvrir des caractères pouvant servir à les distinguer de celles qui sont le résultat de l'ingestion d'im poison irritant. Or, ce qui a élé entrepris par Chaussier, relativement à cette altération des tissus, peut être quelquefois tenté avec succès pour le choléra- morbus, la hernie étranglée, etc. Choléra-morbus dit sporadique. Les symptômes de cette ma- ladie ont le plus grand rapport avec ceux que l'on remarque dans l'empoisonnement par les substances irritantes. Il en est de même des altérations de tissu qu'elle détermine quelquefois ; en effet, on observe des vomissemens presque continuels de nature diffé- rente, en général bilieuse, d'une couleur vert-bleu ou lie de vin; des douleurs abdominales atroces, qui ont particulièrement leur siège dans l'hypochondre droit ou dans la région épigastrique, accompagnées souvent d'une rétraction de l'abdomen ; des déjec- - 915 - lions alvines également bilieuses et abondantes; des éructations acides, un hoquet continuel, des convulsions, des vertiges, du délire, des crampes dans les membres, et particulièrement dans le trajet des tendons ; les traits de la face se décomposent, et il y a prostration générale des forces; le pouls petit, accéléré, est quelquefois imperceptible ; la transpiration est supprimée, ou il y a des sueurs froides ; la chaleur interne est brûlante et les ex- trémités froides; l'urine est trouble et rare. Après la mort, on a remarqué que la vésicule du fiel et le canal cholédoque sont dis- tendus; quelquefois cependant ils sont entièrement vides; le duodé- num et le pylore sont souvent gangrenés; les vaisseaux veineux de l'estomac sont dans un état de turgescence; ce viscère et le foie sont enflammés dans quelques circonstances; mais on ne voit jamais l'in- flammation ou la gangrène dans toute l'étendue du canal digestif; les voies aériennes ne sont point phlogosées. 1° En général, le choléra-morbus sporadique ne se manifeste dans les pays tem- pérés que dans les mois les plus chauds de l'année ; cependant on en a observé un très petit nombre dans des hivers froids : dans les climats brûlans, au contraire, il se développe dans toutes les saisons ; les jeunes gens et les adultes en sont plus souvent at- teints que les enfans et les vieillards. 2° LeÉcauses qui le déter- minent le plus ordinairement sont des écarts de régime, l'usage d'alimens indigestes, tels que des œufs de brochet, de barbeau, des fèves, des oignons, des fraises, du melon, de la viande de porc, des crabes, etc.; les boissons glacées lorsque le corps est en sueur, des vomitifs ou des purgatifs administrés mal-à-propos, une émotion forte, et principalement un violent accès de colère immédiatement après le repas. 3° Il est quelquefois assez com- mun pour qu'on puisse le regarder comme épidémique. 4° Il est le plus ordinairement sans fièvre, tandis que le contraire a lieu dans l'empoisonnement par les irritans. 5° La matière des vomis- semens dans le choléra-morbus, est d'abord aqueuse, muqueuse, puis elle semble formée de bile pure. Elle n'est jamais sanguino- lente. Les poisons irritans déterminent quelquefois des vomisse- mens sanguinolens. Choléra-morbus épidémique. Dans le plus grand nombre des cas, le choléra épidémique a suivi la marche que voici. Les pro- — 916 — dromes, souvent nuls, consistent, quand ils ont lieu, en un affai- blissement brusque et rapide, accompagné de vertiges, tintement et bourdonnement dans les oreilles ; la vision est troublée ; il sur- vient des sueurs abondantes, une pâleur singulière, avec gonfle- ment insolite du ventre; soif vive, inappétence; douleurs abdo- minales et lombaires ; enfin déjections alvines et vomissemens précèdes, chez quelques-uns, du ralentissement considérable du pouls : dès ce moment le choléra est déclaré. Première période. Soit après ces symptômes, ceux de la cholérine, ou une diarrhée long-temps négligée, soit après un re- pas, un excès quelconque, et quelquefois sans la moindre circon- stance de ce genre, l'invasion est marquée par un malaise subit, accompagné de syncope, coïncidant avec les premières évacua- lions, qui se succèdent d'abord avec beaucoup de rapidité ; bien- tôt après, crampes douloureuses dans les muscles des extrémi- tés, surtout aux mollets; extension, écarlement spasmodique et incurvation des doigts et des orteils; raideur et saillie des tendons; chute rapide du pouls ; refroidissement sensible aux pieds et aux mains d'abord, puis à la face, et bientôt par tout le corps ; alté- ration profonde des traits, face hippocratique ; inquiétude, agita- lion du malade, qu^e plaint d'une soif dévorante et réclame à grands cris des boissons froides. Les premières évacuations, qui se composent des matières existant dans l'estomac et les intes- tins, sont bientôt suivies d'autres évacuations, où domine une substance blanchâtre, d'une grande liquidité, mêlée à des gru- meaux épais, et assez ressemblans à une décoction de riz, ou à du petit-lait mal clarifié. On y reconnaît souvent des traces de bile ou de sang, et quelquefois des vers lombricoïdes. A mesure que le froid augmente, si le pouls reste supprimé, une teinte bleuâtre ou violacée (cyanose), qui a commencé aux extré- mités , s'étend, par plaques marbrées, à toute la surface du corps ; elle devient de plus en plus foncée aux pieds, à la main, à la verge. Les ongles sont livides, presque noirs ; la peau des doigts se ride et s'applique sur le corps des phalanges, par le re- trait que subit le tissu cellulaire, et d'où résulte un amaigrisse- ment tel, que, déjà à cette époque, les malades sont presque mé- connaissables pour leurs amis... Au visage, les traits de la face hip- - 9i? - pocratique sont remplacés peu-à-peu par l'aspect cholérique pro- prement dit. L'œil, toujours entouré d'un cercle livide, semblé attiré et fixé dans le fond de l'orbite ; la paupière supérieure n'en laisse voir qu'une partie. La conjonctive est sale, comme pulvérulente et ecchymosée autour de la cornée ; dans les cas extrêmes, celle-ci est terne, plissée, affaissée, comme sur un œil vide. Peu-à-peu, à mesure que la lividité augmente, la face de- vient le siège d'une turgescence plombée ; les lèvres grossissent ; à demi écartées et immobiles, elles donnent à toute la figure une apparence de calme : on dirait que le malade repose, ou que déjà il est mort depuis long-temps. L'haleine est froide, la langue aussi ; le nez, froid chez la plupart des malades, a paru, chez quelques-uns, tomber en gangrène. Depuis le début, le pouls manquait aux artères radiales ; maintenant c'est le cœur qui cesse ou ralentit son action. A l'aide du stéthoscope on ne distingue plus que quelques contractions faibles et éloignées, de simples oscillations; la voix aussi est éteinte. Le malade, qui a touie sa raison, parle, mais ne se fait entendre qu'avec peine ; ses paroles sont comme soufflées. L'urine manque; mais les autres évacua- tions, y compris les sueurs, continuent ; Je liquide vomi ou rejeté par bas est abondant, séreux, blanchâtre, de plus en plus ténu. Lorsque la terminaison doit être funeste, il arrive ordinaire- ment que le corps devient tout entier bleu ; le calme apparent et si singulier du malade est de temps en temps troublé par les plaintes que lui arrachent la soif et un sentiment profond d'op- pression. Il demande impérieusement de l'air et porte souvent les mains à la région précordiale, comme pour la découvrir ; puis il les laisse retomber automatiquement à droite et à gauche, s'aban- donnant à n'importe quelle position. Quelques-uns cependant, quoique tout bleus, froids et sans pouls, conservent assez de force pour se lever et marcher, et ce contraste entre l'énergie des forces musculaires et l'abolition des principales fonctions frappe de surprise, surtout quand on voit les malades prendre subitement la résolution de s'aller tapir dans un coin, ou de se plonger dans une baignoire, comme le fit un jour, à notre grand élonnement, un soldat polonais, déjà sans pouls et moribond. A celle époque de la maladie, la peau a perdu tout son ressort : in- — 918 — cisée, les bords de la plaie ne s'écartent pas; pincée, elle con- serve le pli qu'on lui a fait ; piquée, elle ne donne pas de sang, et il en est de même d'une multitude de veines ou d'artères su- perficielles , où la circulation a presque complètement cessé : cependant la respiration s'élève et s'accélère ; il survient du ho- quet, et bientôt, après une courte agonie, le malade expire, ayant très souvent conservé la raison jusqu'à ses derniers momens. Tel est, dans le plus grand nombre des cas mortels, le tableau qui s'offre à l'observateur ; mais il s'en faut qu'il en soit toujours ainsi : il y a des malades qui succombent avant la coloration bleuâtre, par le fait seul des évacuations et des crampes qui se répètent à chaque instant (choiera spastica). Nous avons vu des soldats être pris, en pleine marche, de vertiges et de crampes atroces, quitter le rang, déposer leurs armes sur le bord de la route et mourir en deux heures l D'autres fois c'est la cyanose qui domine, ainsi que le froid, bien que les évacuations soient modérées; chez d'autres, l'aphonie et la suppression du pouls constituent presque seules cette première période. Il y a encore une multitude de variétés et de formes qu'il serait trop long d'é- numérer ; rappelons seulement que, dans la majorité des cas, on observe d'abord, comme nous venons de l'exposer, des symptô- mes spasmodiques, et ensuite des symptômes d'affaissement et de collapsus ; les premiers, caractérisés par la douleur, les éva- cuations , les plaintes, etc. ; les seconds , par la suppression du pouls, de la voix, de la sécrétion urinaire et de la chaleur, phé- nomène qui a surtout attiré l'attention, et qui a valu à celte pé- riode la dénomination de période algide. Deuxième période. A cette époque, si le malade a résisté, on voit paraître d'autres symptômes qui constituent ce qu'on appelle la période de chaleur ou aestueuse, la période de réaction, parce qu'il semble que, résultat d'un mouvement organique inverse du précédent, elle ait pour but et pour effet de remplacer l'état qui a si fort compromis les jours du malade par un état opposé. Heureux si, après avoir échappé aux dangers de la première pé- riode, il évite jusqu'au bout les accidens de la seconde, dont voici les principaux traits. Le premier indice du changement qui va s'opérer est fourni — 919 — par la cessation des progrès du froid et de la cyanose; la peau se réchauffe, lentement d'abord, mais bientôt de manière à ne plus laisser de doute ; le pouls, jusqu'ici imperceptible, reparaît, puis il s'élève, et la fièvre commence. A la coloration bronzée ou à la pâleur du visage, succède une rougeur érysipélateuse des joues et des pommettes ; l'œil s'anime ; la langue, auparavant d'un blanc sale, se nettoie, et très souvent se sèche. Les vomissemens deviennent moins fréquens, mais la diarrhée se prolonge ; le ventre reste douloureux, surtout autour de l'ombilic. La soif per- siste ; il y a dégoût profond pour toute espèce d'alimens, cépha- lalgie intense, et besoin de sommeil ; l'urine reprend son cours, et si tout se passe bien, au bout de deux à trois jours le visage a son caractère ordinaire; les garde-robes deviennent rares; il y a, pendant quelque temps encore, des borborygmes, des rap- ports , de la gêne à l'épigaslre, mais les forces reviennent, et, avec elles, la faim; le pouls reprend son rhythme normal, perd même un peu de sa fréquence, et le malade entre en convales- cence. La réaction, dans ce cas, a été aussi simple que possible; mais il n'est pas commun de voir des guérisons aussi franches. Exposons les complications qui sont susceptibles de l'entraver. D'abord la réaction peut avorter, n'avoir lieu qu'incomplète- ment ; le malade retombe alors dans les accidens de la première période : c'est une forme que nous avons plusieurs fois observée,; Après le rétablissement incomplet du pouls et de la chaleur, on voit le froid se reproduire avec la cyanose : dans ce cas, les vo- missemens et les autres symptômes persistent et finissent souvent par enlever le malade, sans qu'il y ait réaction complète, bien qu'il soit sorti du collapsus de la première période. Chez quel- ques malades, cette lutte se prolonge long-temps. Dans une oc- casion, elle n'aboutit, après cinquante jours, qu'à la formation d'une double parotide, bientôt suivie de mort. Mais la fièvre une fois bien établie, mille accidens peuvent arriver. Signalons d'abord les variétés de type observées dans le mou- vement fébrile. Ordinairement continu, il prend quelquefois le caractère rémittent, et ensuite devient intermitient. Nous avons souvent constaté ce fait en Pologne, plus rarement en France. C'est ordinairement après quatre ou cinq jours de paroxysmes — 020 — bien marqués que Tintermittenée s'établit ; le typé tierce est lé plus commun ; jamais nous n'avons vu le type quarte ; le quoli-1 dien n'est pas rare (Dictionnaire de médecine , ou Répert. général, t. vu, p. 489). Irritation des voies gastriques qui donne lieu à des per- forations de l'estomac dites spontanées. M. Laisné a sou- tenu à la Faculté de médecine de Paris, le 25 mai 1819, une dis- sertation inaugurale, intitulée Considérations médico-légales sur les érosions et perforations spontanées de l'estomac, dans laquelle se trouve parfaitement exposée la doctrine de Chaussier sur cette altération pathologique. Je crois ne pouvoir mieux faire, pour traiter ce sujet d'une manière convenable, que d'extraire les résultats principaux de ce travail, dont je n'adopte- rai cependant pas toutes les parties. On donne le nom de perforation spontanée de l'estomac à une érosion de ce viscère, qui survient par une cause organique et interne, et non par une cause externe et par suite d'une influence mécanique. Les causes qui déterminent cette érosion peuvent être rapportées à deux chefs : 1° la dégénérescence d'une tumeur squirrheuse, les progrès d'un ulcère cancéreux ; 2° une aclion morbide d'érosion, d'ulcération qui a éclaté spontanément à un point quelconque de la membrane muqueuse de l'estomac. Les perforations du premier genre ne sont point rares ; mais il n'est guère possible de les confondre avec celles qui seraient le résul- tat de l'action d'une substance vénéneuse caustique ; l'ancienneté de la maladie, caractérisée par les symptômes du squirrhe de l'estomac, ses progrès successifs, l'état de squirrhosité et de dé- générescence cancéreuse des parties qui entourent la perforation établissent suffisamment le diagnostic. Les perforations du se- cond genre, celles qui sont le résultat d'une aclion morbide d'é- rosion , peuvent être distinguées en chroniques et en aiguës : ces dernières, plus rares, se forment quelquefois dans un espace de temps très court. Chaussier pense que la cause première de ces perforations consiste dans une irritation spéciale des solides ; mais il croit aussi que les sucs sécrétés par le viscère irrilé peu- vent acquérir consécutivement une faculté dissolvante qui contri- bue à augmenter l'érosion. Il survient d'abord un développement — 921 — considérable des vaisseaux capillaires de la membrane muqueuse de l'estomac, qui ne larde pas à s'ulcérer et à sécréter un fluide ichoreux ; la tunique musculeuse participe bientôt à l'affection ; enfin la membrane séreuse est envahie, et se perce en un jour : alors la perforation est complète et la mort très prochaine. Si la perforation est aiguë, le malade ressent constamment une dou- leur vive; si elle est chronique, ce qui arrive le plus souvent, il y a quelquefois absence de douleur. Enfin , les autres symptômes que l'on peut observer, tels que des nausées, des vomissemens, la fièvre, l'état grippé de la face,la petitesse du pouls, etc., res- semblent à ceux que déterminent les poisons irritans. Voici maintenant les caractères de ces érosions tels qu'ils ont été donnés par Chaussier : « Les ulcérations et perforations de l'estomac varient parla forme, la situation, l'étendue; elles sont ou petites et circulaires, ou assez grandes pour qu'on puisse y passer la main. Elles peuvent survenir en tout point quelcon- que de l'estomac ; mais c'est particulièrement à la base de cet organe, à la portion qui correspond à la raie et au diaphragme, qu'on les observe. Les alimens alors s'épanchent quelquefois dans l'abdomen ou dans le thorax, si le diaphragme est percé; mais le plus souvent il n'y a point d'épanchement ; la portion de l'estomac ulcérée s'est accolée aux parties voisines. Si l'on détruit ces adhérences, qui sont légères, il s'écoule alors de l'estomac un liquide visqueux et onctueux au toucher, sans fétidité, ayant quelquefois une odeur musquée, toujours brunâtre, et mélangé de flocons ou molécules noirâtres, comme si une poudre de char- bon très fine était délayée dans une sérosité muqueuse. Les bords sont mous, frangés, quelquefois enduits d'une ligne noirâtre plus ou moins marquée. Partout ailleurs l'estomac conserve sa forme, sa consistance ordinaires; nulle part il n'offre de traces d'engorge- ment , d'inflammation ; seulement les réseaux capillaires de sa membrane folliculaire paraissent être plus développés, surtout dans le voisinage de la perforation ; quelquefois cela se forme subitement en peu d'heures chez des personnes saines; le plus souvent c'est après quelques jours de maladie, et lors- qu'on ne peut aucunement soupçonner une cause de violence extérieure ou d'empoisonnement » (Bulletin des sciences mé- iil. 39 - 922 - dicales du département de l'Eure, n° 53, page 7 et sui- vantes). Après avoir décrit d'une manière succincte tout ce qui esl re- laiif aux perforations de l'estomac, je dois indiquer les moyens propres à faire reconnaître si les symptômes et les lésions de tissu que l'on a observés sont le résultat d'un empoisonnement ou d'une eYosion de l'estomac produite par une cause organique et interne. 1° Pour ce qui concerne les symptômes, on aura égard à l'état de santé de l'individu, à son âge, à son tempérament, à la nature des alimens et des boissons dont il a fait usage £ai de temps avant le développement des accidens, aux phénomènes qui ont précédé la mort; souvent on apprendra que la personne qui fait le sujet de l'observation était depuis long-temps en proie aux symptômes d'un squirrhe de l'estomac dont la dégénérescence ulcéreuse sera facile à concevoir, ou bien qu'elle a fait usage'd'a- limens suspects. Ces considérations, dont je me borne à faire l'indication, sont sans doute insuffisantes pour résoudre la ques- tion qui m'occupe ; néanmoins on aurait tort de les uégliger, car elles peuvent servir à éclairer lé diagnostic. 2° Quant aux lésions de tissu, la perforation petit-etle four- nir des caractères dislinctifs? Chaussier n'était pas éloigné dé le croire. Voici ce qu'il disait dans l'ôUvrage cité : « Lorsque la perforation est le résultat de l'action d'un poison irritant, caus- tique, ses bords offrent la même épaisseur que celle de l'organe ; quelquefois même ils sont durs, calleux : dans la perforation spontanée, au contraire, les bords sont amincis, et formés seule- ment par la membrane péritonéale, les deux autres tuniques de l'estomac ayant été détruites dans une plus grande étendue que la membrane séreuse. L'ouverture, dans la perforation sponta- née, n'est pas aussi irrégulièrement découpée que dans celle qui est le résultat de l'ingestion d'une substance corrosïve. Les con- tours de la perforation produite par l'acide azotique concentré sont colorés en jaune , ce qui dépend de l'action chimique que cet acide exerce sur les tissus de l'estomac. La couleur de la partie qui entoure la perforation est noire, si celle-ci a élé déterminée par les acides sulfurique, chlorhydrique, phosphorique, acétique concentrés, etc. Presque toujours dans la perforation — 923 — qui est le résultat de l'empoisonnement, les portions d'estomac non perforées sont le siège d'une inflammation plus ou moins vive, dont on observe également des traces dans la bouche, dans le pharynx et dans le canal intestinal ; tandis que le plus souvent, dans la perforation spontanée, les parties non perforées ne pré- sentent aucun signe d'engorgement ni d'inflammation. Néan- moins ce dernier caractère n'est point constant ; car si, d'une part, on voit rarement, à la vérité, des perforations déterminées par un poison corrosif n'être point accompagnées de l'inflamma- tion des portions du canal digestif non perforées, on peut égale- ment observer des perforations spontanées dans lesquelles il y a inflammation de l'estomac et des intestins. » Plus on étudie l'anatomie pathologique et moins on est disposé à adopter des assertions aussi absolues que celles qui viennent d'être émises : aussi le professeur Andral, dont les écrits sur la matière ont tant d'importance, après s'être demandé s'il existe des caractères anatomiques certains, à l'aide desquels on puisse distinguer si une perforation est produite par un poison, ou si elle est spontanée, répond par la négative. « Ces caractères, dit-il, les trouvera-t-on dans la forme même de la perforation? Je ne le pense pas, car j'ai vu cette perforation affecter les mêmes varié- tés de forme, tantôt arrondie et à bords mous, et tantôt irrégu- lière et abords frangés, déchirés, offrant des lambeaux des diver- ses membranes, et chez des hommes dont la perforation gastrique n'était point due au poison, et chez des animaux empoisonnés. Tirera-t-on plutôt ces caractères distinctifs de l'aspect que pré- sentent les environs de la perforation?...... Mais ils n'en sont pas plus certains ; car, soit qu'il y ait eu ou non empoisonne- ment, on peut les trouver également rouges, enflammés, désor- ganisés, gangrenés, transformés en eschares grises, jaunes ou noires. Enfin, dans le reste même de l'estomac on peut trouver des traces d'une violente inflammation dans le cas d'empoisonne- ment comme dans celui où il n'a pas eu lieu ; en effet, la même cause inconnue qui a produit la perforation, n'a-t-elle pas pu produire simultanément une inflammation du resie du ventri- cule? Il faut reconnaître cependant que si, en plusieurs points de l'estomac. existaient de nombreuses et véritables eschares, il $9, — 92 d — y aurait lieu de soupçonner fortement un empoisonnement, parce que ces eschares ne sont que très rarement le résultat d'une gas- trite ordinaire ; que si, au contraire, on ne trouvait dans l'esto- mac d'autre lésion que la perforation elle-même, il y aurait de très fortes probabilités pour penser qu'il n'y a point eu empoi- sonnement : car on comprendrait difficilement comment une sub- stance corrosive, introduite dans l'estomac, n'a agi précisément que sur un point. Cependant ceci serait à la rigueur possible » (Dictionnaire de médecine en 21 vol., art. Perforation). Il suit de ce qui précède que l'inspection anatomique ne four- nit souvent aucun renseignement satisfaisant, donne quelquefois des probabilités plus ou moins grandes, mais jamais une entière certitude : dès-lors, l'expert s'attachera surtout à démontrer la présence du poison en faisant l'analyse des matières liquides ou solides contenues dans l'estomac ou épanchées dans l'abdomen, ou celle des tissus qui composent le canal digestif; et s'il ne dé- couvre point la substance vénéneuse, lors même que les circon- stances commemoratives et la nature des altérations organiques porteraient à croire qu'il y a eu empoisonnement, il n'affirmera point, et se bornera à dire au magistrat qu'il y a des probabili- tés en faveur de l'empoisonnement. Si, malgré les recherches les plus scrupuleuses, il est impossible de démontrer l'existence d'une substance vénéneuse et que le commémoratif, les symptô- mes, et surtout le caractère des lésions de tissu, tendent à indi- quer que la mort a pu être le résultat d'une perforation sponta- née, on n'affirmera pas qu'il n'y a pas eu empoisonnement, tout en faisant sentir qu'il n'est guère probable qu'il ait eu lieu, et l'on pourra faire naître quelques probabilités en faveur d'une perforation spontanée. Gastrite aiguë. Les substances vénéneuses irritantes déter- minent, comme je l'ai déjà dit, une gastrite aiguë lorsqu'elles sont introduites dans l'estomac : il est donc difficile, pour ne pas dire impossible, que l'homme de l'art puisse affirmer, d'après les symptômes et les altérations cadavériques, si l'inflammation de l'estomac doit être attribuée à l'action d'un poison ou à une autre cause. Mais il est quelquefois permis de soupçonner pendant la vie, que les symptômes de gastrite aiguë auxquels le malade est — 925 - en proie sont le résultat de l'ingestion d'un poison : ainsi la pré- sence de taches jaunes sur les lèvres, sur les mains, etc., an- nonce presque toujours l'ingestion de l'acide azotique ; la matière des vomissemens rougissant fortement l'eau de tournesol, et bouillonnant sur le carreau, peut faire présumer que l'inflam- mation de l'estomac reconnaît pour cause l'introduction d'un acide caustique dans ce viscère ; tandis qu'elle est Yindice d'un empoisonnement par une substance alcaline, si elle verdit le si- rop de violettes. D'une autre part, le médecin peut, dans certaines circonstan- ces, en ayant égard aux causes qui produisent le plus ordinaire- ment la gastrite, se rendre raison des phénomènes qu'il observe, et attribuer la maladie à l'une ou à l'autre de ces causes. Par exemple, ne pourra-t-il point soupçonner avec raison que la gastrite n'est point la suite d'un empoisonnement, lorsqu'il aura appris que l'épigastre a été fortement contus, que l'individu a fait usage d'une boisson très froide le corps étant en sueur, ou immédiatement après un emportement de colère, qu'il y a eu suppression de la goutte dans un endroit qu'elle occupait, etc. Certes, l'homme de l'art qui, tout en reconnaissant une gas- trite aiguë, négligerait de s'éclairer des moyens que j'indique pour déterminer la véritable cause de la maladie, serait blâ- mable. Iléus, ou colique nerveuse, dite miserere. Cette affection, que je suppose essentielle et exempte de toute complication, peut simuler d'autant mieux l'empoisonnement par les substan- ces irritâmes, que son invasion esl presque toujours subite, et qu'elle peut avoir lieu trois ou quatre heures après le repas. Voici quelques considérations propres à éclairer le diagnostic : 1° Dans l'iléus, la douleur est le plus souvent bornée aux envi- rons de l'ombilic et dans le trajet du colon ; elle est tellement aiguë, que les malades se courbent en avant et se roulent en tous sens; loin d'être continue, elle cesse complètement, pour revenir à des intervalles plus ou moins rapprochés ; 2° la matière des vomissemens, formée d'abord par du mucus, des alimens, de la bile, renferme bieniôt après des matières stercorales et les liqui- des injectés sous forme de lavement, particularité qu'il n'est pas^ — 926 — commun de remarquer dans l'empoisonnement par les substan- ces irritantes; 3° Dans l'iléus, la constipation est opiniâtre, tan- dis qu'il y a assez souvent diarrhée dans l'empoisonnement. 4° Si l'individu succombe, et que l'iléus soit véritablement nerveux, l'absence de lésion organique suffit pour lever touto difficulté dans la plupart des cas. Hernie étranglée. Il suffit d'avoir observé quelques cas de hernie étranglée pour être convaincu de l'analogie qui existe entre les symptômes qui la caractérisent, et ceux que détermi- nent, dans certaines circonstances, les poisons irritans. Les con- sidérations suivantes pourront cependant servir à éclairer le diagnostic. 1° Dans la hernie intestinale étranglée, la tumeur, qui jusqu'alors avait été indolente, devient douloureuse; la dou- leur se propage de la portion étranglée, qui est la plus sensible, aux autres parties de la tumeur et à l'abdomen ; elle augmente par la toux, l'éternuement et les autres secousses du corps ; as- sez souvent aussi le malade éprouve un sentiment de constriction semblable à celui que produirait une corde tirée à travers la partie supérieure du ventre ; 2° il y a vomissement de toutes les matières contenues dans la longue portion du canal digestif si- tuée au-dessus de l'étranglement ; 3° la constipation est des plus opiniâtres ; 4o la gangrène, qui termine souvent la maladie dont je parle, commence par les parties contenues dans la hernie, et s'étend de là aux parties contenantes et aux environs. Iléus symptomatique dépendant de l'occlusion du canal in- testinal, occlusion qui peut être produite par un étranglement interne, par un corps étranger contenu dans l'intestin, ou par une tumeur située dans son voisinage. Les considérations sui- vantes pourront servir à caractériser la nature de l'affection : 1° dans l'empoisonnement aigu, on n'observe point de symptô- mes précurseurs, tandis qu'assez souvent dans l'iléus symptoma- tique on remarque que les malades sont sujets à la constipation ou à la diarrhée, aux coliques, aux nausées, aux borborygmes, à la tension et à la flatulence du ventre, à des maladies du foie, à l'ictère, etc.; quelquefois on apprend qu'ils ont avalé certains corps pouvant former le noyau de concrétions auxquelles il est permis d'attribuer l'occlusion du canal intestinal ; dans d'autres — 927 — circonstances, on reconnaît par le loucher la présence d'un corps étranger dans le rectum. 2° L'invasion est toujours subite dans l'empoisonnement aigu ; elle a ordinairement lieu peu de temps après l'ingestion du poison; dans l'iléus symptomatique, elle peut êlre subite ou lente : dans le premier cas, elle arrive souvent après un grand mouvement, un effort violent accompagné d'un sentiment de craquement, de déchirement, de pesanteur, de gêne dans une des parties de l'abdomen, ou après un repas copieux, des excès de table : lorsque l'invasion est lente, graduée, il est impossible de confondre l'iléus symptomatique avec l'empoisonne- ment aigu. 3° Dans celui-ci, la matière des vomissemens est muqueuse, bilieuse, sanguinolente, rarement stercorale; dans l'iléus symptomatique, assez souvent la matière des vomisse- mens, formée d'abord d'alimens à demi digérés, de mucus et de bile, contient ensuite une plus ou mpins grande quantité de ma- tières stercorales. 4° Dans l'empoisonnement aigu, il y a as- sez souvent diarrhée, tandis que, dans l'iléus dont je parle, la constipation est opiniâtre; quelquefois on observe une ou deux selles; puis la constipation est tellement prononcée, que les clystères les plus irritans ne déterminent aucune évacuation. 5° La douleur, dans l'empoisonnement produit par les poisons corrosifs, se manifeste particulièrement à l'épigaslre, qui est gonflé et très sensible au toucher ; dans l'iléus symptomatique, le siège de la douleur varie suivant la partie de l'intestin ob- struée, et peut occuper tous les points de l'abdomen : celle dou- leur et la tension vont en irradiant du point où l'occlusion existe vers les autres. 6° Lorsqu'on palpe l'abdomen dans un cas d'em- poisonnement aigu, on ne découvre point de tumeur ; tandis qu'il est permis, dans l'iléus symptomatique, de sentir quelquefois dans une ou plusieurs parties de l'abdomen une tuméfaction plus ou moins manifeste. Il est évident qu'il n'est guère possible, en ayant égard à la nature de l'affection dont je m'occupe, de la confondre avec l'empoisonnement, si l'on fait l'ouverture du cadavre, l'iléus symptomatique étant toujours le résultat d'une cause qu'il est facile d'apprécier après la mort (1). [1) Je ne saurais assez rccommauder aux gens de l'art d'examiner attentivement - 928 - Péritonite. L'inflammation du péritoine débute quelquefois d'une manière si violente, et marche avec une rapidité telle, qu'on pourrait au premier abord être tenté de la confondre avec l'empoisonnement produit par les substances corrosives. Les considérations suivantes pourront servir à éclairer le praticien : 1° la péritonite dont je parle attaque plus particulièrement les jeunes gens et les femmes nouvellement accouchées ; elle est plus fréquente dans les saisons froides ; 2° la douleur du ventre est précédée d horripilations vagues ou d'un frisson général, qui dure quelquefois un, deux ou même trois jours ; 3° la douleur, bornée à un seul point de l'abdomen ou étendue sur une grande partie du bas-ventre, est pongitive, excessivement aiguë, et de- vient le plus souvent intolérable par la plus légère pression ; 4° le malade atteint de péritonite est ordinairement couché sur le dos, et ne peut exécuter le plus léger mouvement sans que les douleurs augmentent considérablement ; 5° la constipation est un symptôme ordinaire de l'inflammation du péritoine ; 6° la tension des parois abdominales par des gaz accompagne presque toujours la péritonite peu de temps après son invasion ; quelque temps après, la tuméfaction du ventre augmente encore, et sa sonorité diminue par l'accumulation d'un liquide dans la cavité du péritoine ; 7° lorsque la péritonite se termine par la mort, il existe une lésion particulière du péritoine, et le plus souvent on trouve dans sa cavité un épanchement de liquide séro-purulent mêlé de flocons albumineux, de débris de fausses membranes ; du reste, le péritoine n'offre aucune trace d'ulcération ni d'é- rosion. Evacuations abondantes par haut et par basd'une matière noire ou sanguinolente. Je ne cherche pas à décider si dans le vomissement noir l'estomac est le seul organe affecté, tandis que dans la diarrhée noire ce serait le canal intestinal ; il me paraît aussi complètement inutile pour mon objet d'établir des diffé- les organes abdominaux. En 1829, la demoiselle Hullin succomba à un étrangle- ment interne, produit par une bride celluleuse et graisseuse qui circonscrivait l'iléon, ainsi que nous l'établîmes, M. Rostarr et moi ; et pourtant les médecins chargés de rédiger le procès-verbal d'ouverture, avaient déclaré n'avoir reconnu ni invagination ni entortillement des intestins. — 929 — rences entre ce qu'on appelle hématémèse, hémorrhagie intes- tinale, mélœna, il me suffit de savoir que dans quelques cir- constances on observe des vomissemens noirs, et quelques autres symptômes que l'on serait tenté de confondre avec l'empoisonne- ment. Voici comment Hippocrate décrit cette affection (1) : « On rend d'abord à chaque instant, et par régurgitation, des liquides en assez grande quantité, bilieux ou muqueux, ou sem- blables à de la salive ; puis avec eux viennent les alimens, qui sont très fréquemment vomis ; enfin les matières rejetées devien- nent brunes, sanguinolentes, semblables à de la lie, à du vin trouble ou déjà fortement aigri. Lorsque ces évacuations sont noires, et qu'elles paraissent contenir du sang, leur odeur est fétide ; elles brûlent le pharynx, agacent les dents et font effer- vescence quand elles touchent la terre. On éprouve un malaise après le vomissement, quelquefois même avant qu'il ait lieu (2); dans certains cas, le malade se sent un peu soulagé après avoir vomi; cependant l'estomac ne peut rester vide ni rempli. Dans l'état de vacuité, ce sont des borborygmes et des rapports aigres ; après l'introduction des alimens, c'est un sentiment de pesanteur dans les organes de la digestion, une douleur lancinante dans la poitrine, le dos et le côté. Plus cette maladie avance, plus elle devient grave : le corps maigrit, la conjonctive prend une teinte verdâtre ; la peau se colore en jaune pâle, devient molle et flas- que : il se déclare enfin des frissons légers et une petite fièvre, des douleurs de tête, l'affaiblissement delà vue, des pesanteurs dans les jambes; la peau est livide, et le dépérissement fait tou- jours des progrès. Malgré l'emploi des moyens convenables, cette affection est mortelle et amène bientôt la perte des ma- lades. » Portai, qui a publié, dans les Mémoires de la Société médi- cale d'émulation, des observations sur le mélœna, en rapporte deux exemples occasionnés par de vives affections de l'âme ; il fait également mention d'un autre qui fut la suite de l'impression (1) Hipp.,as à savoir promptement quel est à-peu-près le poison qui fait l'objet des recherches ; il ne s'agira plus, alors qu'il aura ainsi été mis sur la voie, que de déterminer rigoureusement sa nature, à l'aide des caractères que j'ai indiqués en parlant de chaque toxique en particulier. Les difficultés sont bien autrement grandes lorsqu'il s'agit de rechercher la substance vénéneuse inconnue au milieu des ma- tières vomies, des selles ou des liquides contenus dans] le canal digestif, ou bien dans les tissus de ce canal, dans le foie, dans les autres viscères, dans le sang ou dans l'urine. C'est ici que les renseignemens propres à guider l'expert sont précieux, surtout lorsqu'on ne trouve pas au fond des liquides ou à la surface des tissus une portion en nature de la substance toxi- que. Comment, en effet, découvrir des traces d'un poison qui, par son mélange avec des matières colorées, échappe presque tou- jours à l'action des réactifs, et qui a quelquefois contracté des combinaisons intimes avec la matière organique? Si la matière suspecte ne s'est point dissoute dans l'eau, ou qu'elle ait à peine été attaquée par ce liquide, on se demandera si elle n'appartiendrait pas à la classe des alcalis végétaux, et l'on en mettra quelques parcelles sur les charbons ardens : ces al- calis seront promptement décomposés en laissant du charbon et en répandant une fumée d'une odeur empyreumalique, souvent ammoniacale ; si l'expérience se fait dans un petit tube de verre, — 939 — on verra en outre cette fumée bleuir un papier de tournesol rougi, que l'on aura préalablement disposé à la partie supérieure du tube. Établissons d'abord que dans l'état actuel de la science, il est un bon nombre de poisons qu'il est impossible de reconnaître, alors même que l'on se place dans les circonstances les plus fa- vorables ; ainsi, que l'empoisonnement ait eu lieu par les extraits de jusquiame, de belladone, de datura stramonium, de digitale pourprée, de gratiole, etc., on ne parviendra pas à déceler et à distinguer ces extraits, quand même ils existeraient en quantité assez notable dans les matières vomies, dans les selles et dans les liquides contenus dans le canal digestif. Bien d'autres poi- sons végétaux, qui sembleraient pouvoir être reconnus, parce qu'il est possible d'en extraire un principe immédiat, alcalin ou non, qui les caractérise en quelque sorte, ne le seront que trèsi difficilement, si même on parvient à les déceler, parce qu'ils ne se trouvent qu'en petite proportion, et que l'isolement d'une aussi faible quantité de ce principe immédiat, au milieu de liquides organiques fortement colorés, n'est pas chose facile ; je citerai, par exemple, la bryone, la scille, le solanum, la ciguë, le tabac, et même les strychnées, l'ellébore blanc, etc. Si j'aborde maintenant la partie du problème dont il est pos- sible de donner assez souvent une solution satisfaisante, je dirai, pour ee qui concerne la matière des vomissemens et des selles-, et les liquides contenus dans le canal digestif, qu'il faut exa- miner attentivement si par le repos ces matières suspectes ne dé- posent pas une substance plus ou moins pesante, qui pourrait bien être le poison que l'on cherche ; dans ce cas, on ramasserait cette substance, et on procéderait comme il vient d'être dit à la page 937. Quel que soit le résultat de cette première investiga- tion, il importe de s'assurer si la matière exhale une odeur ca- ractérisée, si elle offre une saveur acide, alcaline, styptique, acre ou amère, si elle est fortement colorée en noir, etc., car il arri- vera quelquefois que ces caractères seront des indices utiles ; ainsi, l'ammoniaque, l'acide cyanhydrique, l'opium, etc., sont assez odorans pour qu'on puisse, à l'aide de ce seul caractère , en soupçonner l'existence ; l'acétate de plomb, la strychnine, etc., 60. — 940 - ont des saveurs presque caractéristiques; les acides concen- trés impriment en général aux liquides avec lesquels ils sont mêlés une teinte noire excessivement prononcée; le sulfate d'in- digo et les sels de cuivre les colorent en bleu, etc. On plongera ensuite dans ces matières deux papiers de tour- nesol, l'un bleu, l'autre rouge, afin de savoir si elles sont acides ou alcalines ; malheureusement la sensibilité de ces papiers est telle, qu'ils changent de couleur alors même que les liqueurs ne renferment que des proportions infiniment petites d'acide ou d'alcali ; en sorte qu'il est souvent difficile, surtout lorsque ces papiers ne sont que faiblement rougis ou bleuis, de dire si le changement de couleur dépend d'un acide ou d'un alcali intro- duit dans le dessein d'empoisonner, ou de ceux qui existent ha- bituellement dans l'estomac ou qui s'y développent par suite de la putréfaction. Ne sait-on pas, par exemple, que les sucs de l'esto- mac sont presque toujours faiblement acides à l'état normal, et que dans certains cas de maladie, comme dans le pyrosis, leur acidité est très prononcée ; peut-on oublier, si les recherches se font au bout de plusieurs jours, comme cela a presque toujours lieu, qu'il a pu se développer de Y ammoniaque par suite de la putréfaction, et que c'est à cet alcali qu'il faudra peut-être ex- clusivement rapporter la coloration bleue du papier rouge? Toute- fois, pour ce qui concerne l'acidité, il est certain que l'on sera autorisé à soupçonner qu'un acide étranger a été avalé si, mal- gré le développement d'ammoniaque comme effet de la putréfac- tion, les liqueurs sont encore sensiblement acides. Admettons que l'on soit porté à penser qu'il y a eu empoison- nement par un acide ; il faudra traiter les matières suspectes par l'alcool concentré, afin de coaguler une grande partie de la sub- stance organique, puis distiller le liquide filtré dans une cornue, à laquelle on aura adapté un récipient, en ayant soin de pousser l'opération jusqu'à ce que la matière de la cornue soit à-peu- près desséchée ; les acides volatils viendront se condenser en partie du moins, dans le ballon, tandis que ceux qui sont fixes resteront dans la cornue. Il ne s'agira plus que de reconnaître quel est l'acide. Si la liqueur était fortement alcaline, on la soumettrait égale- — 941 — ment à la distillation, pour obtenir dans le récipient l'ammonia- que qu'elle pourrait renfermer, et l'on agirait sur la matière des- séchée avec de l'alcool concentré, commeje l'ai dit en parlant des alcalis (Foy. t. i, p. 142). Dans le cas où les matières suspectes ne seraient pas alcalines ou qu'elles seraient à peine acides, il faudrait les faire bouillir pendant trente à quarante minutes dans une capsule de porce- laine, après les avoir étendues d'eau distillée, si elles étaienttrop épaisses; on séparerait par le filtre le coagulum qui se serait formé, et l'on concentrerait par l'évaporation la liqueur filtrée; la dissolution ainsi rapprochée et refroidie serait traitée par de l'alcool à 44 degrés, qui occasionnerait un dépôt de matière or- ganique, s'affaiblirait et pourrait tenir en dissolution les principes immédiats des végétaux vénéneux et un grand nombre de poi- sons métalliques. On garderait soigneusement les deux coagu- lum dont il vient d'être fail mention. La liqueur alcoolique serait filtrée et partagée en deux parties; Tune d'elles serait traitée par le sous-acétate de plomb, etc. (Foy. p. 630), pour savoir si elle contient un alcali végétal vénéneux ; l'autre, après avoir élé acidulée par de l'acide chlorhydrique pur, serait traversée pendant une heure par un courant de gaz acide sulfhydrique bien lavé ; l'acide arsénieux , l'émélique, les sels de cuivre, etc., seraient précipités à l'état de sulfures, qui se déposeraient presque aus- lôt, et que l'on reconnaîtrait aisément. On se dispenserait de re- chercher des alcalis végétaux, si tout ce que l'instruction a ap- pris, et si les symptômes éprouvés par le malade éloignaient l'expert de l'idée d'un empoisonnement par ces alcalis, el alors on opérerait avec l'acide sulfhydrique sur la totalité'de la liqueur alcoolique. Les matières coagulées, soit par le feu, soit par l'alcool, se- raient traitées par l'eau, commeje vais le dire en parlant des lis- sus eux-mêmes. Supposons que ces recherches aient été infructueuses, il faut alors agir sur les tissus du canal digestif. Après avoir ouvert ce canal, et l'avoir étendu sur une ou plusieurs assiettes de por- celaine, on note attentivement les lésions dont il peut être le siège, puis on examine à l'œil nu ou armé d'une loupe, s'il n'existe — 912 — pas à sa surface interne quelque matière cristalline ou pulvéru- lente ; en cas d'affirmative, on recueille cette matière, et on en détermine la nature par les procédés qui ont élé indiqués à la page 937. Alors on introduit le canal digestif coupé par pelils morceaux dans une cornue où l'on a mis de l'eau distillée, et on chauffe pendant une heure environ ; on s'assure si le liquide con- densé dans le récipient contient un acide volatil ou de l'ammo- niaque. Le décoclum restant dans la cornue est décanté, refroidi et traité par l'alcool à 44 degrés ; on agit sur la liqueur alcooli- que, comme il a été dit à la page 940. Les tissus el les coagulum mentionnés à la page. 941, après avoir subi l'action de l'eau bouillante, seraient traités pendant un quart d'heure environ par de l'alcool concentré, afin de dissou- dre les alcalis végétaux qu'ils pourraient contenir. On les laisserait ensuite tremper pendant une heure ou deux dans de l'acide chlorhydrique affaibli et pur, qui attaquerait plu- sieurs oxydes métalliques avec lesquels ils auraient pu contrac- ter des combinaisons, et les transformerait en chlorures solubles ; tels seraient, par exemple, les oxydes d'aluminium, d'étain, de plomb, de bismuth, etc. Enfin si, malgré toutes ces opérations, on n'était point parvenu à découvrir la substance vénéneuse, on partagerait les tissus restans en deux parties, dont l'une serait traitée par un courant de chlore gazeux, dans le dessein de découvrir une préparation arsenicale, et l'autre serait carbonisée par l'acide azotique, mêlé d'un quinzième de chlorate de potasse, afin d'obtenir les métaux autres que l'arsenic. A l'égard de celte dernière moitié, on n'ou- blierait pas, avant de conclure, qu'il existe du cuivre et du plomb dans les tissus normaux du canal digestif, et qu'il faut user d'une grande réserve. Les diverses fillrations devraient être faites avec du papier Berzelius ou avec du papier à filtrer, préalablement lavé à l'acide chlorhydrique (Foy. pages 452 et 479). S'il s'agissait de découvrir une substance vénéneuse absorbée et portée dans le foie ou dans d'autres viscères, il faudrait, après avoir coupé ces viscères en petits morceaux, agir sur eux avec de l'eau distillée, l'alcool à 44 degrés, l'acide chlorhydrique affaibli, — 943 — le chlore, etc., comme il vienld'être dit à l'occasion des tissus du canal digestif. On procéderait de la même manière avec le sang. Quant à Yurine, on examinerait séparément la partie liquide et le dépôt qui aurait pu se former. Le liquide serait évaporé, desséché à une douce chaleur ^ et traité comme le produit du dé- coctum des tissus du canal digestif. Le dépôt, après avoir été soumis à l'action de l'eau bouillante, serait traité par l'alcool, par l'acide chlorhydrique, le chlore, etc.y comme pour le foie pour le caillot du sang, etc. ARTICLE II. — DE L'INFLUENCE DE LA QUANTITÉ DE FOISON RECUEILLIE A LA SUITE D'UNE EXPERTISE. Première question. Est-il nécessaire pour établir que l'empoisonnement a eu lieu, de recueillir une quantité de substance vénéneuse qui ne soit pas trop faible, Ou bien suffit-il de prouver que cette substance existe dans une pro- portion quelconque ? Depuis que l'on est parvenu à déceler les plus petites traces de préparations arsenicales, anlimoniales, cuivreuses, etc., on s'est demandé s'il n'y avait pas témérité à conclure qu'il y avait eU empoisonnement, alors que l'on ne découvrait que des quantités excessivement minimes d'une substance vénéneuse; des experts et des magistrats peu versés dans l'étude de la toxicologie, ont paru disposés à n'accorder aucune valeur aux résultats des ex- périences, quand elles n'auraient pas pour effet d'extruire des matières suspectes une quantité dé substance vénéneuse qui ne serait pas trop minime; les uns et les autres ont fait tous leurs efforts pour parvenir à savoir quel pouvait être le poids du toxi- que recueilli afin de juger, d'après ce poids, si la proportion de celui qui avait été administré était ou non suffisante pour occa- sionner la mort. On pourra se convaincre de l'exactitude de mon assertion par les citations suivantes: 1° Après l'affaire de Tulle, M. Raspail publia un mémoire à consulter dans lequel on lit le passage suivant : « En supposant que les taches obtenues par les experts de Paris soient réellement — 944 — des taches arsenicales, leur nombre représenterail-il une masse assez forte pour signifier la préexistence d'un empoisonne- ment arsenical? Non (p. 104) (1). » 2° Dans une affaire d'empoisonnement jugée à Épinal le 8 sep- tembre 1844 sous la présidence de M. Messine, un débat s'élève entre les experts sur les qualités toxiques de la noix vomique. M. le président fait appeler de nouveaux médecins et de nouveaux chimistes, et après les avoir entendus, il reste acquis aux débals que : de la noix vomique a été donnée en quantité suffisante pour occasionner la mort, surtout à un enfant. » 3° Dans un rapport de MM. Pelouze, Flandin et Danger sur un cas d'empoisonnement par l'arsenic, jugé à Saintes le30 août 1844, sous la présidence de M. Merveilleux, on trouve une con- clusion ainsi conçue : « La portion du foie du cadavre de Guyon- net sur laquelle nous avons opéré contenait une quantité très notable d'arsenic,- cette quantité peut être évaluée à 2 milli- grammes au moins pour 100 grammes, ce qui au minimum por- (1) La Gazette des Tribunaux de France avait rapporté le fait suivant: « Le « 10 décembre 1843, plusieurs familles habitant le Pruisen Gracht à La Haye, res- r« sentirent les symptômes de l'empoisonnement par l'arsenic. Automne Van der (c Burg, âgée de dix-neuf ans, fut accusée et convaincue d'avoir mêlé de l'acide « arsénieux au sel de cuisine qu'elle avait vendu. Le 19 septembre 1844 elle fut « condamnée à mort par la cour provinciale de La Haye. Voici ce qu'on lit dans « le rapport des experts : Nous avons constaté une quantité suffisante d'arsenic et cinq et demie de gluten dessé- ché. Le gluten varie non-seulement en quantité dans les différentes espèces de blé, mais encore en qualité; il est tantôt élastique, tantôt grenu et facilement divisible, surtout quand les blés ont m. 62 — 970 — subi une moulure trop accélérée qui a communiqué beaucoup de chaleur à la farine. La bonté du pain et sa légèreté dépendent de la quantité et de la qualité du gluten. Une farine qui contiendrait peu de gluten et par conséquenl beaucoup d'amidon, ne pourrait faire qu'un pain lourd, plat et mat; c'est ce qui arrive lorsqu'on veut ajouter de la farine de pommes de terre à la farine de fro- ment; on diminue, dans ce cas, la proportion du gluten, qui ne peut plus opposer alors assez de résistance à la masse gazeuse qui le soulève; les gaz s'échappent librement, et il ne se forme plus dans l'intérieur du pain ces cavités qui contribuent à sa lé- gèreté. On a prétendu que la farine rendait plus quand elle renfermait de la fécule, parce qu'en convertissant celte der- nière ou la fécule de riz en bouillie, elle absorbait beaucoup plus d'eau. Il est impossible de convertir la farine de froment en bouillie sans décomposer le gluten ; l'eau froide se fixe dans la pâte sans pénétrer les molécules d'amidon (Boland, extrait du Bulletin de la Société d'encouragement, janvier 1836). Altérations de la farine : 1° par l'humidité. La farine at- tire rapidement l'humidité de l'air, se pelotonne et s'altère dans l'espace de quelques jours : alors elle contient moins de gluten, et celui-ci est moins gluant. 2° Par des insectes, tels que la blatte, le charançon, etc., qui attaquent la farine par parties, et qui agissent en détruisant le gluten de ces parties. On peut aisément déterminer la pré- sence de ces insectes ou de leurs larves à l'œil nu ou armé d'une loupe. 3° On trouve depuis plusieurs années dans le commerce beau- coup de farines de froment auxquelles on a mélangé de la fécule de pommes de terre dans des proportions souvent assez considé- rables; cette addition qui n'a pas de dangers réels pour la santé, offre cependant des inconvéniens graves dans la panification, tant pour la qualité du pain que pour la quantité qu'on en ob- tient; elle ne peut être faite que dans la proportion de 10 à 25 pour 100 ; en effet, au-dessous de la première de ces proportions, il n'y aurait pas d'intérêtréel à l'entreprendre, et au-dessus à 30 pour 100, par exemple, la panification ne serait plus possible. M. Boland, boulanger à Paris, a proposé le moyen suivant pour — 971 — reconnaître la sophistication dont je m'occupe (Mémoire cou- ronné par la Société d'encouragement en 1835). Après avoir malaxé une pâte, formée avec 20 grammes de farine, ainsi qu'il a été dit à la page 968, on laisse déposer pendant une heure ou deux l'eau de lavage ; le vase, dans lequel se fait l'opération, doit être conique (un entonnoir dont la douille est fermée, par exemple) ; il se forme un dé- pôt qu'il faut avoir soin de ne pas troubler, puis on décante avec un siphon l'eau qui le surmonte ; deux jours après on aspire au moyen d'une pipette le reste de l'eau qui l'a encore recouvert. En examinant ce dépôt, on re- marquera qu'il est formé de deux couches distinctes ; la supérieure grise est du gluten divisé et non élastique ; l'inférieure d'un blanc mat est l'ami- don pur, et quand ce gluten a été isolé autant que possible, on laisse sé- cher entièrement la couche d'amidon jusqu'à ce qu'elle devienne solide : dans cet état, on en détache la masse du verre en appuyant légèrement l'extrémité du doigt autour de la paroi interne, jusqu'à ce que cette couche cède. La fécule de pommes de terre, plus pesante que celle du blé, s'étant précipitée la première, occupe l'extrémité supérieure du cône ; la loupe ne peut la faire distinguer de l'autre. On enlève de l'extrémité du cône avec un couteau une couche pesant un gramme, représentant par conséquent 4 /20 de la farine éprouvée, et on la triture dans un mortier d'agathe avec une certaine quantité d'eau froide; la liqueur filtrée, additionnée d'une goutte de teinture d'iode, prend de suite une teinte bleue très belle, si cette couche est de la fécule de pommes de terre ; si elle n'est formée que d'amidon de blé, elle devient seulement d'une couleur jaune, ou quelque- fois d'un rose violacé léger qui disparaît en quelques instans. En enlevant successivement du cône cinq couches d'un gramme chacune, et les éprou- vant par ordre de la même manière, la coloration bleu foncé que donnera l'essai indiquera positivement 5 pour cent de fécule de pommes de terre dans la farine analysée. U° Par du sable provenant des meules dont la friabilité était trop considérable. Il suffit de délayer cette farine dans l'eau froide pour que le sable^e précipite au fond du vase avec des caractères propres à le faire reconnaître. 5° Par du plâtre (sulfale de chaux) qui a été moulu aux mê- mes meules que la farine, ou que l'on a mêlé à dessein. On re- connaît celte altération en faisant bouillir pendant deux ou trois minutes dans 5 hectogr. d'eau distillée environ 6 centigr. de fa- rine ; celle-ci est délayée par l'eau, tandis que le sulfate de chaux se précipite ; on décante, puis on fait bouillir le précipité dans une quantité d'eau distillée suffisanle pour le dissoudre; la dis- — 972 — solution filtrée fournit avec l'eau de baryte un précipité blanc de sulfate de baryte, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique, et par l'oxalale d'ammoniaque un précipité blanc d'oxalate de chaux, soluble dans l'acide azotique, et donnant de la chaux vive lorsqu'on le décompose dans un creuset à une chaleur rouge. Si la quantité de plâtre était trop peu considérable pour pouvoir êlre décelée par le procédé que j'indique, il faudrait calciner la farine dans un creuset pendant une demi-heure, pour la décom- poser et la transformer en charbon : celui-ci ferait passer le sul- fate de chaux à l'état de sulfure, que l'on reconnaîtrait au moyen de l'acide azotique : en effet cet acide dégagerait sur-le-champ du gaz acide sulfhydrique, et dissoudrait la chaux; l'azotate résultant, étant filtré, donnerait un précipité d'oxalate de chaux par l'addition de l'oxalate d'ammoniaque. 6° Par le carbonate de chaux (craie) qui peut avoir été mêlé à dessein. On parvient à découvrir cette fraude en délayant la farine dans l'eau bouillante ; le carbonate de chaux se préci- pite; on décante pour l'obtenir à l'état purvérulent. Il est solide et insipide ; il se dissout avec effervescence dans l'acide azotique affaibli ; l'azotate résultant donne, par l'oxalale d'ammoniaque, un précipité blanc d'oxalate de chaux soluble dans l'acide azoti- que, et laissant pour résidu de la chaux vive lorsqu'on le calcine dans un creuset. 7° Par la céruse (carbonate de plomb). On délaie la farinedans l'eau bouillante, et l'on obtient la céruse à l'état pulvérulent ; elle est solide, blanche, insipide et soluble avec effervescence dans l'acide azotique : l'azotate résultant précipite en blanc par les al- calis et par les acides sulfurique et chlorhydrique, en jaune par le chromate de potasse, et en noir par^acide sulfhydrique. 8° Par le blanc de fard (sous-azolale de bismuth). On traite la farine par l'eau bouillante pour en séparer le blanc de fard, comme je viens de le dire en parlant de la céruse : le sous- azotate de bismuth peut êlre reconnu aux caractères indiqués à la page 52ù. 9° Par le carbonate de potasse, dans le dessein de favoriser l'élévation de la pâte et la cuisson du pain. On agite pendant quelques minutes la farine avec de l'eau distillée à la tempéra- — 973 — lure ordinaire; au bout de vingl-quatre heures, on décante le liquide qui surnage, et on voit qu'il verdit le sirop de violettes, qu'il fait effervescence avec les acides, et qu'il précipite en jaune serin le chlorure de platine, s'il contient du carbonate de potasse; d'ailleurs, la farine ainsi frelatée offre une saveur alcaline. On agirait de la même manière pour y découvrir la présence des cendres, qui fournissent, étant traitées par l'eau froide, une dis- solution contenant beaucoup de carbonate de potasse. 10° Par l'alun, afin de rendre le pain plus blanc et d'un as- pect plus agréable. On mêle une partie de farine avec six parties d'eau distillée ; on agite de temps à aulre ; au bout de vingt-quatre heures on filtre, et on voit que la liqueur a une saveur légère- ment astringente. Elle précipite en blanc par l'ammoniaque, le carbonate de potasse et le chlorure de baryum ; le précipité fourni par ce dernier réactif est du sulfate de baryte insoluble dans l'eau et dans l'acide azolique. Si l'on évapore la liqueur dont il s'agit, on obtient l'alun cristallisé. „ Dans le cas où l'on ajoute de la poudre de jalap pour que la farine, frelatée par l'alun, ne détermine pas la constipation, on traite la farine par l'alcool à 36 degrés, et on agite de temps à autre. Au bout de trente à trente-six heures, on décante l'alcool, qui a dissous la partie résineuse du jalap, et qui n'a point touche à l'alun; on filtre; le liquide est jaunâtre, et précipite en blanc par l'eau. Lorsqu'on l'évaporé, il jaunit, et finit par donner la ré- sine de jalap, d'une couleur jaune et d'une saveur amère. On dé- montre la présence de l'alun dans cette farine au moyen de l'eau distillée, comme je viens de le dire (voy. 10°). 11° Par la farine de haricot et de vesce. On trouve, à l'ar- ticle Comestibles du Dictionnaire des sciences médicales, « que huit parties de farine de vesce suffisent, d'après Galvani, pour détruire la partie glutineuse, ou du moins pour enlever au gluten contenu dans vingt parties de farine de froment sa pro- priété élastique ; qu'il suffit pour cela de transformer ce mélange en une pâte molle, et de pétrir celle-ci pendant un quart d'heure; que c'est à la dose d'un vingtième seulement que la farine de vesce devient inaclive ; que la farine de haricot blanc jouit de la même propriété, mais à un plus haut degré ; enfin qu'il suffit de — 974 — faire digérer deux drachmes de gluten frais avec une drachme de farine de haricot, délayée auparavant dans 32 gram. d'eau, pour qu'au bout de quelques heures la moitié du gluten soit divisée, et passe aisément avec le liquide par le tamis. « Ces résultais nous ont paru assez intéressans pour mériter d'être confirmés par l'ex- périence. Voici ce que nous avons observé, Barruel et moi : A. On a pétri pendant un quartd'heure une pâte molle faite avec vingt parties de fleur de farine de froment et huit parties de farine de vesce de seconde tamisation, c'est-à-dire contenant beaucoup de son. Celte pâte avait une couleur grisâtre, et était parsemée de petits points noirs; elle n'adhérait point aux mains; sa ténacité était moins considérable que celle de la pâte de froment ; elle exhalait une odeur assez forte, ayant de l'analo- gie avec l'odeur de pois (caractère pouvant servira reconnaître la fraude). On en a obtenu facilement autant de gluten qu'en aurait fourni la farine de froment seule. B. La même expérience a été répétée avec vingt parties de fleur de fa- rine de froment et huit parties de farine de vesce de première tamisation : la pâte, sans mélange de points noirs, était moins colorée que la précédente, et offrait la même odeur. Traitée par un filet d'eau, comme Galvani l'avait annoncé, elle n'a point fourni de gluten. Désirant savoir si le gluten avait été détruit ou simplement divisé par la farine de vesce, on a fait l'analyse de la matière solide qui avait passé à travers le tamis. Après l'avoir sépa-' rée du liquide qui la surnageait, on l'a traitée à froid par un excès d'acide chlorhydrique affaibli, qui jouit de la propriété de dissoudre la fécule sans toucher au gluten, et, en effet, il est resté une matière en tout semblable au gluten : celui-ci n'avait donc éprouvé qu'un grand degré de division. Pour s'assurer encore davantage qu'il en était ainsi, on a mêlé vingt parties de fleur de farine de froment avec huit parties de carbonate de magnésie très finement pulvérisé, et dans une autre expérience, avec vingt parties de craie réduite en poudre fine ; les pâtes ayant été pétries pendant un quart d'heure, n'ont point laissé de gluten entre les mains lorsqu'on les a ma- laxées sous un filet d'eau. Il était important de savoir quelle était l'influence de la division de la matière glutineuse sur la panification : on a fait du pain avec un mélange de 20 parties de fleur de farine de froment et de huit parties de farine de vesce de première tamisation. Le pain était grisâtre, doué d'une odeur et d'une saveur désagréables, et beaucoup plus compacte que le pain de fro- ment; il est évident que. le gaz acide carbonique formé pendant la fermen- tation panaire avait à peine dilaté les cellules du gluten trop divisé. C. On a laissé pendant vingt-quatre heures, à la température de 25°, un mélange de deux drachmes de gluten frais et d'une drachme de farine de vesce, délayée auparavant dans 30 grammes d'eau ; le gluten n'a subi — 975 — aucune altération. Il en a élé de même après avoir fait chauffer ce mé- lange pendant plusieurs heures à la température de 70° à 80°. D. On a pétri pendant un quart d'heure une pâte préparée avec vingt parties de fleur de farine de froment et huit parties de farine de haricot. Cette pâte était d'un blanc légèrement jaunâtre ; sa ténacité était plus grande que celle de la pâte de froment ; elle avait une odeur très sensible d'herbe fraîche écrasée (caractères propres à faire connaître la fraude). On l'a malaxée sous un filet d'eau ; il n'est pas resté un atome de gluten entre les mains; mais on s'est assuré, au moyen de l'acide chlorhydrique affaibli, que la matière glutineuse n'avait pas été détruite; elle avait seulement éprouvé un assez grand degré de division pour passer à travers le tamis {Voy. page 974, B.). Le pain fait avec cette pâte était aussi bon que celu' de froment pur, excepté qu'il était plus mat. E. Deux drachmes de gluten frais ont été laissées pendant vingt-quatre heures à la température de 25° dans un mélange de 30 grammes d'eau et d'une drachme de farine de haricot ; le gluten a conservé toutes ses pro- priétés, et n'a point perdu de son poids ; il en a été de même après avoir fait chauffer le mélange pendant huit heures à la température de 80°. Ce résultat est tout-à-fait opposé à celui qu'avait obtenu Galvani. Il est permis de conclure de ce qui précède, 1° que la fleur de farine de froment, contenant un tiers de son poids de farine de haricot, fournit du pain mat, dont on peut cependant faire usage sans inconvénient ; 2° que la même farine, mêlée avec le tiers de son poids de farine de vesce de première tamisation, donne du pain mat d'une odeur et d'une saveur assez désagréables pour qu'on ne puisse pas l'employer dans l'économie domestique ; 3° que dans aucun de ces cas, le gluten de la farine de froment n'est détruit, mais qu'il est simplement très divisé. Du pain. L'altération des farines, par une des causes que j'ai énumé- rées, entraîne nécessairement celle du pain. Les farines sont- elles humides ou rongées par des insectes, le pain qu'elles four- niront contiendra moins de matière glutineuse. Si elles ont élé mêlées avec du sable, des substances salines solubles ou insolu- bles, etc., le pain renfermera ces substances, et il pourra même se faire que le gluten qui entre dans sa composition ait éprouvé un très grand degré de division par le mélange des farines avec — 976 — des matières finement pulvérisées (voy. page 974, B.). Je vais m'occuper de ce dernier genre d'altération. Pain altéré par du carbonate de potasse ou des cendres. La température à laquelle il faut soumettre la pâte pour cuire le pain n'étant pas assez élevée pour décomposer ces substances, il est évident qu'on doit les retrouver dans le pain. On commencera donc par faire macérer pendant vingt-quatre heures la mie de pain coupée par tranches dans une suffisante quantité d'eau dis- tillée, qui dissoudra le carbonate de potasse et les sels solubles des cendres ; on filtrera la dissolution, et on l'essaiera par les réac- tifs dont j'ai parlé en faisant l'histoire des farines frelatées par ces substances salines (voy. page 971). On peut, en outre, incinérer le pain, et l'on obtiendra une cendre très alcaline, infiniment plus riche en potasse que celle qui provient de la farine non addi- tionnée de carbonate de potasse. Pain altéré par du carbonate de magnésie. Si, adoptant les idées émises par Edmond Davy, on avait ajouté du carbonate de magnésie à de la farine de mauvaise qualité, dans le dessein de l'améliorer, on reconnaîtrait cette addition, en incinérant le pain et en traitant la cendre par de l'acide acétique faible qui dissou- draitquelquessels ainsi que la magnésie, provenant de la décompo- sition du carbonate par le feu; la dissolution acétique serait ensuite évaporée jusqu'à siccité et le produit serait repris par l'alcool, afin de dissoudre l'acétate ; la liqueur alcoolique évaporée de nouveau jusqu'à siccité, laisserait l'acétate de magnésie que l'on ferait dis- soudre dans l'eau : cette dissolution, traitée par la potasse caus- tique, laisserait précipiter toute \sl magnésie, tandis que l'ammo- niaque ne précipiterait qu'une partie de cette base ; le bicarbo- nate de potasse ne troublerait point la liqueur à froid, quoique le contraire ait été dit par M. Devergie , mais il en précipiterait la magnésie à la température de Yébullition; le carbonate de potasse y ferait naître sur-le-champ et à froid un précipité blanc de carbonate de magnésie. Pain altéré par de l'alun. Si, en traitant par l'eau, on n'ob- tient pas un solutum contenant de l'alun, on incinérera le pain, et on traitera les cendres porphyrisées par l'acide sulfurique ; on évaporera jusqu'à siccité, et on dissoudra le produit dans de l'eau — 977 — distillée ; la dissolution sera mêlée avec un excès de potasse caus- tique, qui retiendra l'alumine en dissolution ; on précipitera cet oxyde au moyen du chlorhydrate d'ammoniaque, en faisant bouil- lir pendant quelques minutes ; l'alumine desséchée et pesée fera connaître la proportion d'alun. Toutefois, si la quantité d'alumine était excessivement minime, il ne faudrait pas conclure qu'il y avait de l'alun dans le pain, celte alumine pouvant provenir des matières terreuses adhérentes au blé ou de quelques portions de cendres qui avaient entraîné de la terre de l'âtre du four. Pain altéré par de la céruse ou blanc de fard. On inciné- rera, et on traitera les cendres par l'acide azotique pour obtenir de l'azotate de plomb ou de bismuth ; toutefois , on n'aura re- cours à ce procédé qu'après avoir infructueusement essayé de séparer ces deux matières en mettant la mie de pain dans l'eau, et en décantant les parties les plus légères. Pain altéré par du sulfate de zinc. On carbonise une por- tion du pain, à l'aide de l'acide azotique, mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse, et l'on recherche le zinc dans le charbon par les moyens qui ont été indiqués à la page 537. On délaie dans l'eau une autre portion de pain émietté, et au bout de deux ou trois heures de contact, on décante la liqueur; on la laisse reposer, et on la filtre ; la dissolution fournit avec un sel soluble de baryte, un précipité blanc de sulfate de baryte, inso- luble dans l'eau et dans l'acide azotique. Pain altéré par du sable. En délayant la mie de pain dans l'eau, le sable se précipitera au fond du vase, et sera facilement reconnu à ses propriétés physiques. Si le pain était altéré par la farine de vesce, on le reconnaî- trait aux caractères indiqués à la page 973. Pain contenant un sel de cuivre (F. page 461). Pain ergoté {F. page 811). De l'amidon. On a signalé depuis quelque temps des falsifications de l'ami- don vendu aux confiseurs paslilleurs, et l'on s'est assuré que ces falsifications ont eu lieu à l'aide du carbonate de chaux et plus — 978 — souvent du sulfate de la même base : 1° par du carbonate de chaux,- l'amidon fait effervescence avec les acides; la chaux dissoute dans l'acide acétique ou chlorhydrique est facile à re- connaître (F. Farine, page 972); 2° par du sulfate de chaux (albâtre gypseux); on a quelquefois ajouté jusqu'à UO pour cent de ce sulfate; on incinère le mélange suspect dans un creuset de platine; la cendre, traitée par l'eau distillée bouillante, fournil un solutum dans lequel il est aisé de reconnaître l'acide sulfuri- que par le chlorure de baryum, et la chaux par l'oxalate d'ammo- niaque, etc. (voy. Farine, page 971). Du sel commun (chlorure de sodium). Altérations du sel. 1° Par de l'eau, pour en augmenter le poids. On desséchera 100 grammes de sel réduit en poudre fine, en le chauffant dans une capsule de porcelaine placée sur une bassine contenant de l'eau en pleine ébullition ; on pèsera le sel desséché pour reconnaître la perte qui doit être attribuée à l'eau. D'après M. Chevallier, si cette perte dépasse de 8 à 10 pour cent, il y a probabilité que le sel aura été mouillé (Chevallier et Trevet, Recherches analytiques sur les diverses falsifications qu'où fait subir au sel de cuisine, 1835). 2° Par des iodures, soit qu'ils s'y trouvent naturellement, soit que l'on ait employé les sels de varech pour allonger le sel de mer. On reconnaîtra la présence d'un iodure ou du sel de varech dans le sel commun, en suivant le procédé que j'ai in- diqué en parlant de la recherche de Y iode mêlé au vin, au café, etc. (F. page 58). S'il s'agissait de déterminer la proportion d'iodure de potassium contenu dans le sel, on traiterait celui-ci à plusieurs reprises, après l'avoir finement pulvérisé, par de l'al- co'ol marquant 39 degrés à l'aréomètre, afin de dissoudre tout l'iodure, et l'on précipiterait la liqueur alcoolique par un excès d'azotate d'argent; le précipité composé d'iodure et de chlorure d'argent, mis en contact avec l'ammoniaque, céderait à cet alcali le chlorure d'argent, tandis que l'iodure resterait indissous. Il n'y aurait plus qu'à laver, à sécher et à peser cet iodure pour con- naître la proportion d'iode, et par conséquent celle de l'iodure de potassium. — 979 — 3° Par une trop grande quantité de sels déliquescens, tels que les chlorures de magnésium et de calcium; dans ce cas, le sel attire rapidement l'humidité de l'air. Sa dissolution aqueuse précipité en blanc par la potasse, l'ammoniaque, les carbonates de ces bases, et l'oxalate d'ammoniaque, tandis que le sel de cuisine pur n'est point troublé par ces réactifs. k° Par du sulfate de chaux employé sous le nom de poudre à mêler au sel. En traitant le sel par une petite quantité d'eau froide, le sulfate de chaux n'est point dissous, et peut être re-r connu comme il a été dit à la page 971. Si par hasard il faisait partie de la dissolution, celle-ci précipiterait en blanc par l'oxalate d'ammoniaque et par le chlorure de baryum : le premier de ces précipités se dissoudrait dans l'acide azotique ; l'autre serait inso- luble dans cet agent. 5° Par du sulfate de soude. Dans ce cas, le sel gris acquiert une légère amertume; il peut s'effleurir à l'air; sa dissolution précipite abondamment en blanc le chlorure de baryum : si le pré- cipité n'était que léger, il ne prouverait rien, attendu que 100 gr. de sel marin provenant des salines, contiennent, terme moyen, ' un pour 100 de sulfates solubles. Enfin, si l'on fait évaporer la dissolution de sel mélangé de sulfate de soude, celui-ci cristallise le premier, lorsqu'on abandonne à elle-même la liqueur moyen- nement concentrée. 6° Par de l'oxyde de fer. La dissolution saline est légère- ment colorée, et précipite en noir par la noix de galle, et en bleu par le cyanure jaune de potassium et de fer. 7° Par de l'oxyde de cuivre. Le sel peut être d'une couleur verdâtre ; sa dissolution précipite en brun marron par le cyanure jaune de potassium et de fer, en brun foncé par l'acide sulfhydri- que, et bleuit par l'addition de l'ammoniaque. 8° Par l'oxyde de plomb, ce qui tient à la nature des vases dans lesquels on a fait évaporer le sel. La dissolution aqueuse précipite en blanc par l'acide sulfurique, en jaune par le chro- mate de potasse, et en noir par l'acide sulfhydrique. 9° Par de l'acide arsénieux. On a quelquefois constaté la présence d'un millième environ de cet acide dans le sel commun. Je pense que cette altération est accidentelle, et qu'elle tient à — 980 — ce que le sulfate de chaux, avec lequel on a souvent sophisti- qué le sel, avait été trituré dans des mortiers où l'on avait préa- lablement pulvérisé de l'acide arsénieux. Quoi qu'il en soit, on reconnaîtra l'acide arsénieux à l'aide des moyens indiqués à la page 206. Il résulte des divers travaux publiés jusqu'à ce jour sur la falsification des sels : 1° que celle des sels de gris se fait le plus ordinairement au moyen du plâtre ou du sel de varech dans la proportion de 84 sur 309 parties, et celle des sels blancs au moyen des sels de varech bruts ou raffinés, dans la proportion de 225 sur 309; 2° que la falsification par le sulfate de soude est beaucoup plus rare. Du chocolat. Le chocolat de première qualité est préparé avec du cacao, du sucre et de la cannelle ; quelquefois on ajoute aussi de la vanille et du girofle. Celui que l'on débite dans le commerce est souvent altéré par de la fécule. Le bon chocolat ne doit présenter dans sa cassure rien de graveleux ; il doit se dissoudre aisément dans la bouche, et produire un sentiment de fraîcheur; lorsqu'on le fait fondre dans l'eau ou dans le lait, il ne doit communiquer à ces liquides qu'une consistance médiocre (Parmenlier). Altérations du chocolat : 1° par la farine, et surtout par celle de pois et de lentilles, qui se lient mieux que les autres es- pèces. Le chocolat contient une matière farineuse, dit Parmen- tier, toutes les fois qu'il répand dans la bouche un goût pâteux, qu'en le préparant il exhale au premier bouillon une odeur de colle, et qu'après son entier refroidissement, il se convertit en une espèce de gelée. Ces caractères sont assurément de nature à devoir être pris en considération lorsqu'il s'agit de prononcer sur la fraude dont je parle ; mais ils me paraissent insuffisans. Voici le procédé qu'il faut mettre en usage pour découvrir les plus petites quantités de ces farines : On fait bouillir pendant 8 à 10 minutes une partie de chocolat avec 6 à 7 parties d'eau distillée, afin de dissoudre la fécule faisant partie de la farine ; on ajoute de l'eau iodée ou de la teinture alcoolique d'iode, et à l'instant même le chocolat devient d'un très beau bleu. — 981 — 2° Par l'amidon. Tout ce que je viens de dire à l'occasion du chocolat frelaté par la farine, s'applique à celui qui contient de l'amidon. 3° Par du cacao acre, amer, nouvellement récolté, trop grillé ou avarié. Le chocolat offre alors une saveur amère, ma- rinée ou de moisi. 4° Par de l'huile ou des graisses animales, que l'on ajoute dans le dessein de remplacer le beurre dont on a privé le cacao. Le chocolat exhale, dans ce cas, une odeur de fromage (Par- mentier). 5° Par du sulfure ou de l'oxyde rouge de mercure, par de l'oxyde rouge de plomb (minium), par des terres rouges ocracées. Ces substances ont été quelquefois employées pour augmenter le poids du chocolat et pour lui donner un aspect agréable. Ces chocolats ont une couleur brun rougeâtre plus vive que celle du chocolat non sophistiqué, et si on les examine à la loupe, on aperçoit çà et là sur la bille des traînées ou du moins quelques points d'un rouge brique. On reconnaîtra la fraude en délayant le chocolat préalablement râpé dans une grande quantilé d'eau et en agitant ; les composés métalliques se préci- piteront aussitôt et pourront être obtenus en décanlant promp- tement le liquide; si, après cette opération, on lave le dépôt avec de l'eau, que l'on agite etque l'on décante de nouveau, on pourra facilement en déterminer la nature en suivant les procédés que j'ai déjà indiqués aux pages 418 et 486. Le chocolat non falsifié par ces composés métalliques, traité par l'eau de la même ma- nière, donne à peine un léger dépôt d'une couleur fauve terne, et encore n'est-ce qu'au bout d'un temps assez long. S'il y avait lieu de soupçonner que des poisons minéraux d'une autre nature eussent été mêlés avec du chocolat, on devrait délayer celui-ci dans de l'eau et faire passer dans le liquide un courant de chlore gazeux bien lavé, jusqu'à ce que le liquide fût décoloré ; on laisserait reposer le précipité qui se formerait, puis on filtrerait la liqueur et on la chaufferait dans une capsule de porcelaine pour chasser l'excès de chlore ; on l'examinerait ensuite par les réactifs dont j'ai parlé en faisant l'histoire de chacun des poisons; en effet, la matière colorante du chocolat - 982 — s'oppose seule à ce que les menstrues agissent sur les substances vénéneuses qu'il tient en dissolution, comme ils le feraient si elles étaient dissoutes dans un liquide incolore: il s'agit donc tout simplement de la détruire. Mais si le poison dissous dans le chocolat avait été décomposé par lui, et transformé en un produit insoluble, ou qu'il fût du petit nombre de ceux que le chlore précipite (1), on ne devrait plus le chercher dans la liqueur ; il faudrait alors agir sur le pré- cipité que j'ai dit se former quand on décolore le chocolat par le chlore. Du café. Le café est souvent altéré par la racine de chicorée sauvage torréfiée; cette fraude est même tolérée par le gouvernement, qui permet le débit d'un pareil mélange. Voici les caractères propres à distinguer la poudre de café d'une poudre composée de café et de la quantité de chicorée avec laquelle il est mêlé dans le commerce : 1° La poudre de café est composée de parti- cules beaucoup plus dures que l'autre, ce qu'il est aisé de voir en les triturant comparativement, pendant quelque temps, entre le pouce et l'index. Lorsque ces doigls ont été mouillés, et que la compression a été assez forte, le mélange de café et de chicorée ne tarde pas à s'agglomérer et à former un petit ovule, tandis que le café reste toujours à l'état pulvérulent. La saveur du café pur est amère ; celle du café chicorée est amère et légèrement acidulé; 2° lorsqu'on place avec ménagement sur l'eau contenue dans un verre, du café finement pulvérisé, on voit des stries bru- nâtres qui descendent jusqu'au fond du liquide si le café est mêlé de chicorée, tandis que le café reste en entier à la surface s'il ne renferme point de chicorée. Café à l'eau mêlé à dessein ou accidentellement avec des poisons minéraux. On détermine aisément la présence des poi- sons minéraux qui sont tenus en dissolution par le café, en»agis- sant comme je l'ai dit en parlant de chaque poison en parti- culier. (1) Comme l'émétique et l'azotate d'argent, — 983 — Du fromage. Le fromage peut avoir séjourné dans des vases de cuivre, de laiton ou de plomb, et contenir des oxydes de ces métaux. S'il ne renferme que des traces d'oxyde de cuivre, il est à peine coloré : l'ammoniaque et le cyanure jaune de potassium et de fer ne changent point sa couleur, même lorsqu'ils ont été agités pen- dant quelques minutes avec lui ; mais, si l'on abandonne ce mé- lange à lui-même, on observe au bout de vingt-quatre heures que l'ammoniaque offre une couleur bleue, et que le cyanure a dé- terminé un précipité brun marron , caractères qui suffisent pour affirmer qu'il y a de l'oxyde de cuivre. Dans le cas où l'on ne pourrait pas constater ces changemens de couleur, on ferait bouillir le fromage avec de l'eau aiguisée d'acide acétique (F. Supplément, sels de cuivre, à la fin de ce vol.). Si l'oxyde de cuivre était, au contraire, plus abondant, le fromage pourrait offrir une teinte jaunâtre, verdâtre ou bleuâtre, et les réactifs dont je parle démontreraient sur-le-champ la présence du métal. Le fromage contenant de Y oxyde de plomb hydraté présente la même couleur que le fromage ordinaire ; mais lorsque, après l'avoir divisé, on l'agite pendant quelques minutes avec du sulfure de potassium, il brunit et finit par noircir; traité de la même manière par l'iodure de potassium dissous dans l'eau, il fournit un précipité jaune d'iodure de plomb. Si la quantité d'oxyde n'é- tait pas assez considérable pour pouvoir être décelée par ces moyens, il faudrait carboniser le fromage par l'acide azotique mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse, et agir comme il a été dit à la page 473. Il arrive quelquefois que, pour augmenter le poids du fromage, on le mêle avec de la farine, avec des pommes de terre cuites , des fécules, etc. Cette fraude peut êlre aisément reconnue en tri- turant dans un mortier un mélange de fromage, d'eau et d'iode, ce dernier corps jouissant de la propriété de former avec l'ami- don un composé d'un très beau bleu, à moins que la proportion de la farine, de fécule, etc., ne soit très faible. Le fromage sans addition de fécule, trituré avec de l'iode et de l'eau, acquiert une couleur de tabac d'Espagne. — 984 — Du beurre et de l'huile. Altérations du beurre : 1° par des pommes de terre, pour augmenter son poids. On connaît cette fraude en mettant le beurre dans un petit tube de verre, et en le faisant fondre au bain-marie à la température de 60 à 66°: il vient à la surface, tandis que le sérum liquide et les flocons de caséum faisant par- tie du beurre, ainsi que les pommes de terre, occupent le fond du tube ; on verse de l'ammoniaque, qui dissout rapidement les flo- cons de caséum, surtout si on continue à chauffer le mélange ; la pomme de terre reste sous forme d'une masse ou de grumeaux. Le beurre non mélangé de pommes de terre fournit des flo- cons de caséum lorsqu'on le fait fondre au bain-marie ; mais ces flocons disparaissent entièrement si on les traite par l'ammo- niaque . Je crois devoir encore ajouter que le beurre mêlé avec de la pomme de terre devient bleu quand on le triture dans un mortier avec une petite quantité d'eau et d'iode, tandis qu'il passe au jaune orangé lorsqu'il ne contient point de fécule, et qu'on le traite de la même manière. 2° Par du suif. La saveur que le beurre acquiert suffît pour découvrir cette altération. 3° Par la craie, du sable, etc. On fait fondre le beurre dans dix ou douze parties d'eau ; il vient à la surface, tandis que les matières dont je parle se précipitent, et peuvent être reconnues, comme je l'ai dit aux pages 971. 4° Par des oxydes de cuivre et de plomb. On agit comme pour le fromage (voy. page 983). 5° Par une trop grande quantité de sel commun. La saveur suffit pour faire découvrir cet excès de chlorure de sodium, dont la quantité, du reste, peut être rigoureusement appréciée en fai- sant bouillir le beurre avec de l'eau distillée, en le laissant figer, et en évaporant le liquide jusqu'à siccité, après l'avoir filtré. L'huile contient quelquefois des oxydes de cuivre ou de plomb, dont on détermine la présence, commeje l'ai dit en parlant du fromage (voy. page 983). — 985 — Du lait. Avant de m'occuper des falsifications proprement dites, il est nécessaire de parler de Y essai du lait, c'est-à-dire des moyens de constater s'il y a eu de la crème d'enlevée ou de l'eau ajoutée. Essai du lait. Le lait, au point de vue de son essai, peut être envisagé comme un mélange de deux corps : l'un d'une densité moindre que celle de l'eau, c'est la crème qui est essentiellement composée de globules gras et d'un peu de caséum, et qui forme environ 1/10 du volume du lait; l'autre, d'une densité plus grande que celle de l'eau, se compose surtout de caséum et de sucre de lait ou lactine, lesquels, suspendus ou dissous, en constituent la partie séreuse et caséeuse, et en forment environ les 9/10. Pour juger la qualité ou plutôt la richesse d'un lait, il faut donc pouvoir apprécier, s'il y a eu de l'eau d'ajoutée, s'il y a eu de la crème d'enlevée : 1° Richesse en matière séro-caséeuse. On l'apprécie d'après le poids spécifique. La densité des laits dans leur élat normal, et en opérant sur un échanlillon prélevé sur une traite entière, est le plus ordinairement comprise enire 1030 et 1032, à la température de 15°c.On en trouve rarement, du moins chez les vaches bien nourries, qui soient sensiblement au-dessous, à 1027, par exemple; un petit nombre en ont une plus élevée et qui peut aller jusqu'à 1035, 1036 (1). La plus in- férieure à exiger, lorsqu'il s'agit de lait pris dans le commerce, c'est-à-dire provenant de la traite de plusieurs vaches, est de 1030: c'est celle qui est imposée par le cahier des charges des hôpitaux civils de Paris. On pourra prendre la densité du lait, soit au moyen de la ba- lance ou plus commodément, avec un pèse-lait quelconque. Celui de M. Quevenne (lacto-densimètre) offre l'avantage de la donner immédiatement. 2° Richesse en crème. On peut apprécier la quantité de crème contenue dans un lait, (1) Quéveune, Mémoire sur le lait, p. 33. III. 63 — 986 - de deux manières : au moyen d'une éprouvette graduée ou crc- momètre, ou bien avec le lacloscopc de M. Donne. Crémomètre. C'est tout simplement une éprouvetle ordinaire graduée en centièmes, dans laquelle on laisse reposer le laii pen- dant vingt-quatre heures. La crème s'étant rassemblée à la sur- face par l'effet du repos, on- examine combien elle occupe de degrés. Le bon lait ne doit point en donner au-dessous de 10 pour cent. Lactoscope. L'idée de la construction du lactoscope repose sur les deux faits suivans : \° le lait doit surtout son opacité à la matière grasse suspendue sous forme de globules au milieu du liquide séreux; 2° il faut une couche de ce liquide d'autant plus épaisse pour produire le même degré d'opacité qu'il y a moins de globules en suspension. Le lactoscope consiste en deux glaces parallèles, disposées à la manière d'une lorgnette, pouvant s'é- loigner et se rapprocher à volonté au moyen d'une vis et en une petile ouverture communiquant avec l'intervalle laissé entre ces glaces. Pour essayer le lait on verse un peu de celui-ci par l'ou- verture dont je parle, et plaçant l'instrument entre l'œil el une bougie qui sert de point de mire, on éloigne ou l'on rapproche les glaces, de manière à augmenter ou à diminuer l'épaisseur de la couche de lait interposée, jusqu'à ce que l'on cesse d'aperce- voir la lumière. Si le lait est pauvre en globules gras, c'est-à-dire en crème, il a fallu, pour cesser de voir la bougie, rendre plus considérable la couche du lait; si celui-ci était au contraire très riche, on a été obligé de rapprocher fortement les glaces, c'est- à-dire d'amincir la couche de liquide. Un cercle gradué gravi" sur l'instrument même permet de lire le degré auquel on s'est ar- rêté. Des instructions accompagnant les instrumens dont je parle, je regarde comme inutile d'enirer ici dans de plus grands détails. Dans tout ce que je viens de dire, j'ai supposé qu'il n'y avait point eu de matière étrangère ajoutée au laii (autre que l'eau) ; car dans ce dernier cas les instrumens dont il s'agit, sont sus- ceptibles d'induire plus ou moins fortement en erreur. Ainsi, par exemple, pour ce qui concerne la pesée du lait ou 1'appréciaiion de la densité, si, en même temps que l'on a mis de — 987 — l'eau, on a ajouté un peu de sucre, on reproduira la densité nor- male primitive, et tous les pèse-lait possibles n'indiqueront pas que cette densité a été produite artificiellement. Dans la seconde opération, lorsqu'il s'agit de mesurer la ri- chesse en crème, si l'on se sert du crémomèlre, et que le laitier ait ajouté de la cervelle dans le lait après en avoir enlevé la crème, celte cervelle s'élèvera par le repos à la surface du liquide, où elle simulera plus ou moins bien une vraie couche de crème. Le lactoscope est, il est vrai, plus difficile à mettre en défaut, et l'on ne cite jusqu'ici que les huiles émulsionnées artificielle- ment qui pourraient induire en erreur: or comme il faudrait dans ce cas se servir d'huiles fines et dès-lors d'un prix élevé, cette falsification n'est guère à redouter. Il faut encore dire, pour signaler tous les inconvéniens de l'essai du lait, comme j'en ai indiqué les avantages, que deux des opéra- tions dont je parle ne sont point susceptibles d'une exactitude ri- goureuse, même en faisant abstraction des chances de falsification ; ainsi le volume de crème dans le crémomèlre peut varier d'une manière anormale, suivant l'état de dilution du lait, suivant la température ; il peut se cailler avant que la couche de crème ait eu le temps de se former à la surface. Pour le lactoscope, la conformation de l'œil de l'observateur, l'état d'intensité plus ou moins grand de la lumière naturelle environnante, la manière dont la pièce où se fait l'observation est éclairée, le diamètre plus ou moins grand des globules du lait, soni autant de circon- stances qui peuvent rendre les résultats, plus ou moins fautifs. Toutefois, malgré ces inconvéniens, il est de fait qu'en em- ployant les uns ou les autres de ces instrumens, ou tous concur- remment suivant les circonstances, on parvient très bien, dans l'usage journalier, à remplir le but ; un très grand degré d'exac- titude n'est pas absolument nécessaire, pour s'assurer que le lait est bon; et depuis que l'administration des hôpitaux a ordonné l'usage de ces instrumens, la fourniture de cet aliment a éprouvé une grande amélioration. Mais dans les circonstances extraordinaires où il est nécessaire d'avoir un degré de certitude rigoureux, dans les cas de contes- 63. ~ 988 — talion entre le fournisseur et l'acheteur, par exemple, un seul mode d'essai peut y conduire, c'est l'analyse chimique; cepen- dant lorsque la mauvaise qualité du lait alleint des limites ex- trêmes, comme 60 au lactoscope, 20 au lactodensimèlre, ces in- dications, par le fait même de leur éloignement de la moyenne, revêlent un degré de certitude qui vaut presque l'analyse. Enfin, ajoutons encore que les instrumens, aussi bien que l'a- nalyse chimique, ne peuvent éclairer que sur la proportion des élémens que contient le lait, mais qu'ils ne peuvent donner abso- lument aucun indice sur leur qualité. Il faut donc aussi faire entrer la dégustation au nombre des moyens d'essai du lait, comme formant le complément de ceux que je viens de passer en revue. Falsifications proprement dites. Le falsificateur peut se proposer irois buts principaux en in- troduisant des substances étrangères dans le lait : 1° d'en aug- menter la densité ou la viscosité, afin que l'eau ajoutée ne puisse plus être signalée par le pèse-lait, ni soupçonnée d'après le simple aspect; 2° de corriger le goût plat que communique au lait l'eau ajoutée; 3°de simuler la crème enlevée. Corps destinés à augmenter la. densité ou à corriger la sa- veur plate du lait étendu d'eau. Sucre. Le sucre de canne ou de fécule (glucose) est aujourd'hui le moyen de falsification le plus em- ployé par les laitiers ; mis en assez petite quantité pour ne point se faire reconnaître tout d'abord à la simple dégustation, il atteint le double but de corriger la saveur plate du lait étendu d'eau et de lui redonner une densité convenable. Le moyen de constater la présence de ces substances dans le lait est sûr et facile. Il suffit de délayer dans le liquide une petile quantité de levure de bière (environ 10 pour cent), et d'exposer le tout à une température de 25 ou 30° c.; si le laii contient du sucre de canne ou du glucose, même en petite quantité, la fer- mentation s'établit au bout de deux ou trois heures, et le dégage- ment de bulles gazeuses, a lieu de cette manière soutenue et ra- pide qui est particulière à la fermentation alcoolique ; tandis que le lait pur ne fermente jamais ni aussi promptement, ni d'une — 989 - manière aussi franche. Il suffit d'avoir fait une fois une expé- rience comparative avec un échantillon de lait sucré et un autre non sucré pour se rendre ce mode d'expérimentation familier. On peut opérer sur le lait dans son état normal, mais le résultat de la fermentation est encore rendu plus sensible, si l'on a commencé par coaguler le lait pour opérer ensuite sur le sérum, qui en raison de sa limpidité laisse mieux voir le phénomène(l). Amidon. On peut reconnaître la présence de l'amidon dans le lait au moyen du microscope. Les globules du premier se dis- tinguent de ceux du lait à leur forme souvent ovoïde, et à leur grosseur toujours plus considérable ; cependant s'il n'y en a que peu, on éprouve quelquefois de la difficulté à les apercevoir, masqués ou couverts qu'ils peuvent être par ceux du lait ; mais en ajoutant au liquide une petite quantité de teinture d'iode, on leur communique une belle teinte bleue caractéristique. Lorsqu'on n'est point en mesure d'opérer avec le secours du microscope, il est nécessaire de coaguler le lait avant l'addition de la teinture d'iode, car si l'on ajoutait celle-ci directement dans le lait, la couleur bleue ne serait pas sensible à la simple vue, à moins cependant que la proportion d'amidon ne fût 1res considérable. On coagule donc le lait par un acide, à la manière ordinaire, on passe à travers une toile, on laisse un peu refroidir, el l'on ajoute au sérum quelques gouttes de teinture d'iode. Pour peu qu'il y ait de fécule, on voit apparaître la coloration bleue. Décodions de son, de riz. Ces falsifications ne peuvent en général êlre signalées qu'indirectement, et en raison de la fécule qu'ils introduisent dans le lait, et que l'on reconnaît par les mêmes moyens que je viens d'indiquer. Si la décoction de son n'avait point été passée à travers un linge fin , il serait possible qu'en laissant reposer le lait, on trouvât au fond du vase une couche grisâtre provenant des débris de ce corps. Gomme arabique. Quand on coagule du lait pur, et par con- séquent sans addition de gomme par un peu d'acide acétique, et qu'on verse deux volumes d'alcool dans le sérum filtré , il se forme des flocons peu abondans, légers, d'un blanc bleuâtre, (1) Quévenne, Mémoire sur le lait, p. 110. — 990 — légèrement diaphanes. S'il s'agissait d'un lait contenant de la gomme, le précipité formé par l'alcool offrirait un aspect tout- à-faii différent : il serait blanc mat, opaque, et d'ailleurs beau- coup plus abondant (1). Des moyens propres à simuler la crème. Cervelle. La cervelle de divers animaux aurait été, dit-on , employée dans ces dernières années à falsifier le lait. Le fait est que, délayée en fort petite quantité dans ce liquide écrémé, elle peut y simuler la crème. L'observation microscopique, la ma- nière dont se fait l'ascension de la crème, l'aspect de celle-ci peuvent servir à des degrés divers à faire soupçonner la présence de la cervelle dans le lait, mais pour avoir une certitude com- plète à ce sujet, il faut recourir à l'analyse chimique. La matière cérébrale, en raison de la graisse phosphorée qu'elle renferme, peut produire ultérieurement de l'acide phos- phorique, en la plaçant dans des circonstances comembles: telle esl la donnée scientifique, sur laquelle repose l'essai: voici le mode opératoire. On évapore le lait et l'on traite le résidu à deux ou trois re- prises par l'éther. Il est plus commode lorsqu'on n'est pas pressé parle temps, et que l'échantillon de lait à examiner n'est pas en trop petite quantité, qu'il est, par exemple, de 50 grammes au moins, il est plus commode, dis-je, de le laisser reposer pendant vingt-quatre heures dans une capsule, de l'écrémer et de traiter cette crème seulement par l'éther. La solution éthérée, filtrée et abandonnée à l'air ou évaporée au bain-marie, laisse la matière grasse pour résidu. On pèse 0,50 centigr. de celle-ci dans une petite capsule de platine que l'on place au-dessus d'une lampe à alcool pour brûler la matière grasse; après que celle-ci a complètement disparu, on continue encore de chauffer la capsule, de manière à la faire arri- ver au rouge et à l'y maintenir pendant environ unedemi-minuie. S'il y a de l'huile phosphorée dans le beurre, celui-ci brunit d'une manière prononcée en brûlant, surtout vers la fin ; et après l'opé- (1) Mémoire sur le lait, n. 111. -- 991 — ration, on voit que toute la partie de la capsule d'abord occupée par le beurre est salie par une légère couche pulvérulente char- bonneuse. On lave avec une très petite quantité d'eau distillée (3 gouties), et l'on y plonge une bande de papier de tournesol bleu très sensible; celui-ci passe peu-à-peu au rouge, et le devient complètement après deux ou trois minutes de contact. Le liquide reposé et décanté est ensuite additionné d'un peu d'azotate d'ar- gent qui donne lieu à un très léger précipité blanchâtre soluble dans l'acide azotique (1). Si au contraire le beurre sur lequel on agit est pur, il brûle pour ainsi dire sans se foncer en couleur, et après que la capsule a élé portée au rouge, il ne reste sur le fond qu'une légère tache noire, lisse, pouvant avoir 5 ou 6 mil- limètres de diamètre (2). La capsule étant lavée comme précé- demment, avec 3 gouttes d'eau distillée, celle-ci reste sans action sur le papier bleu. MM. SoubeiranetO. Henry opèrent différemment. Après avoir isolé la matière grasse au moyen de l'éther, absobament comme dans le procédé que je viens de décrire, ils la font bouillir dans l'eau aiguisée d'acide sulfurique pur. La solution refroidie et fil- trée, donne, avec les réactifs, les caractères de l'acide phospho- rique (3). Ce procédé est fondé sur la propriété qtte possède l'acide oléophosphorique, découvert dans la matière cérébrale par M. Fremy, de se changer sous l'influence de l'eau acidulée en oléine et en acide phosphorique. Émulsions. L'effet des émulsions dans le lait serait du même génie que celui de la cervelle, e'est-à-dire de simuler la crème. La seule émulsion qui paraisse pouvoir être ajoutée au lait est celle d'amandes ; mais celte falsification est rare, si tant esl qu'elle ail lieu ; on peut même dire qu'elle est d'autant moins probable qu'elle hâterait l'altération du lait. Du reste, rien de plus facile que d'en constater la présence : il suffii d'ajouter à 1 ou 2 grain. du lait soupçonné, quelques centigrammes d'amygdalineen pou- dre fine ; au bout de quelques instans, si le lait contient de (1) Mémoire sur le lait, p. 270. (2) Ibid., p. 269. (3) Journal des connaissances médicales, avril 1842, p. 220, et Journal de pharmacie. - 992 — l'émulsion d'amandes, il se développe une odeur d'essence d'a- mandes amères très prononcée, persistante el par conséquent très reconnaissable. Gomme adragante. C'est encore là une falsification très peu probable, bien qu'elle ait été signalée. Comme la cervelle et les émulsions, elle aurait pour effet de simuler la crème enlevée, et pour cela il n'en faudrait mettre qu'une dose fort minime. On la reconnaîtrait, ou du moins on en soupçonnerait la pré- sence, à ce que la couche crémeuse ne serait point homogène : il se formerait promptement une première couche supérieure flo- conneuse, puis plus lentement el au-dessous de celle-ci, une se- conde couche d'un blanc plus mal, constituée par le reste de la vraie crème; ces deux couches seraient séparées par une ligne si- nueuse au lieu d'être uniformes comme cela arrive à la crème pure quand par hasard elle se sépare en couches successives. Blancs d'œufs. Le bon lait, dans son élat de pureté mousse assez fortement par l'agitation ; mais lorsque d'une pari on l'a écrémé, que de l'autre on a ajouté de l'eau, il a perdu en grande partie cette propriété ; aussi conçoit-on que l'on ait pu quelque- fois y délayer un peu de blanc d'œufs pour lui rendre la pro- priété de mousser. On a conseillé, pour reconnaître celle addilion, de faire bouil- lir du lait et d'observer s'il s'y forme des flocons blancs; mais ce moyen est très loin d'être sûr. Il peut y avoir eu de l'albumine d'ajoutée, et qu'on n'aperçoive pas de coagulum se former en opérant ainsi sur un liquide très opaque par lui-même ; d'un autre côté on peut voir apparaître des flocons dans du lait qui ne contiendrait aucune trace de blanc d'œufs. Disons d'abord que pour savoir quelque chose à ce sujet, il faudrait commencer par filtrer le lait, au moyen d'un double filtre de papier serré, de manière à isoler un peu de sérum nor- mal ; alors on porterait celui-ci à l'ébullition : dans le cas où il ne ferait que blanchir plus ou moins fortement, sans former de flocons, l'on lirerait nécessairement une conclusion négative; si l'on apercevait un coagulum floconneux, on ne serait point pour cela autorisé à conclure qu'il y a du blanc d'œufs, at- tendu que l'on voit souvent des laits de très bonne qua- — 993 - lité qui, dans leur état naturel, contiennent de l'albumine (1). Du reste il faut remarquer que l'addition de blancs d'œufs dans le lait n'est point une falsification proprement dite, ce n'est qu'un moyen employé pour tâcher de masquer la vraie falsification qui, dans ce cas, aurait consisté dans la soustraction de la crème et l'addition d'eau. Jaunes d'œufs, caramel. Ces substances ont été employées, et la dernière l'est encore fréquemment comme matières colorantes; en effet, le bon lait dans son état naturel, a une teinte mate lé- gèrement jaunâtre, tandis que, une fois écrémé et étendu d'eau , il offre une nuance un peu bleuâtre; alors une petite quantité de jaune d'œufs suffit pour lui rendre sa teinte primitive. Mais l'ad- dition de ces substances en quantité si minime, est insignifiante au point de vue hygiénique; et ce que j'ai dit en dernier lieu à propos dublanc d'œuf est applicable ici. S'opposer à l'enlèvement de la crème et à l'addition d'eau, c'est rendre inutile l'emploi des matières colorantes ou mousseuses, et dès-lors c'est les prévenir. Bicarbonate de soude. L'addition de bicarbonate de soude au lait, dans un but, non de falsification, mais de conservation, se fait pour ainsi dire journellement en été, pour l'approvisionne- ment des grandes villes, c'est en quelque sorte un usage consacré. Voici le procédé donné par M. Chevallier pour constater cette addi- tion. On ajoute au lait un poids égal d'alcool à 40 degrés, qui coa- gule le caséum, on filtre. Le sérum, comme le caséum lui-même, s'il y a eu addition de bicarbonate de soude, ramènent au bleu le papier de tournesol rouge. Le sérum évaporé laisse un résidu, qui, traité par un acide, se décompose avec une effervescence sensible*. Du lait pur traité de la même manière ne fournit pas de sérum, ni de caséum susceptibles de bleuir le papier rouge de tournesol, et le résidu ne fait point effervescence avec les acides (2). Altérations naturelles. Le lait peut être de mauvaise qualité et même devenir nuisi- sible à la santé par suite de l'étal de maladie des animaux qui le (■]) Ibid., p. 115 et 116. (2) Journal de pharmacie, février 1844, p. 137, et Journal de chimie médicale. — 991 •-' fournissent. Parmi ces altérations, il en est une surtout qu'il im- porte de signaler; c'est la présence du pus ; on la constate au moyen du microscope. Les globules du pus sont tout-à-fait dif- férens de ceux du lait; tandis que ces derniers offrent une sur- face unie et transparente, un cercle terminal régulier, les pre- miers présentent une surface pointillée, des bords inégaux el marginés. Il sont d'ailleurs insolubles dans l'éther et solubles dans la solution de soude caustique, tandis que le contraire a lieu pour les globules laiteux (1). De l'eau. L'eau, dont on fait habituellement usage comme boisson, est loin de présenter toujours les mêmes avantages : celle qui doit êlre préférée contient de l'air et une petile proportion de sulfa- tes, de chlorures et de carbonates ; elle est fraîche, vive, limpide et inodore. On s'assure qu'elle est aérée en élevant un peu sa température, puisqu'on voit aussitôt l'air se dégager sous forme de bulles. Elle se trouble à peine par l'azotale d'argent et par le chlorure de baryum dissous, parce qu'elle ne renferme que irès peu de chlorures, de carbonates et de sulfates ; l'oxalate d'ammo- niaque n'y fait point naître un précipité abondant, ce qui arrive- rait, si elle contenait une assez forte proportion de sels calcaires; le chlore et l'infusion alcoolique de noix de galle ne la précipitent pas sensiblement, tandis que le contraire aurait lieu si elle ren- fermait beaucoup de matière animale; elle cuit bien les légumes et dissout le savon sans former de grumeaux. Il devient inutile de constater ces deux caractères, lorsqu'on a été à même de faire «sage des réaclifs dont je viens de parler ; car ils ne tendent qu'à démontrer d'une manière moins probante que l'eau contient une grande quantité d'un sel à base de chaux. Eau distillée. L'eau distillée est lourde, parce qu'elle est pri- vée d'air et des sels qui se trouvent dans l'eau que j'ai dit devoir être préférée. On la reconnaîtra à sa transparence, à son défaut (1) Donné, Cours de microscopie, p. 432. — 995 — d'odeur et de saveur, et surtout à ce qu'elle ne se trouble point lorsqu'on la met en contact avec l'azotate d'argent, le chlo- rure de baryum, l'oxalate d'ammoniaque et le chlore. Eau trouble. L'eau que j'ai dit être la meilleure peut quel- quefois devenir tellement bourbeuse, qu'au premier abord on pourrait la croire nuisible; il suffit de la laisser reposer pendant quelque temps, et mieux encore de la fillrer à travers des cou- ches de sable fin, de mousse, d'épongés, etc., pour la débarrasser des matières terreuses qu'elle tient en suspension et la rendre transparente. Eau dure. On désigne sous ce nom l'eau de puils, qui contient une assez grande quantité de sulfate de chaux, et celles qui ren- ferment beaucoup de carbonate calcaire : on les emploie jour- nellement dans les pays où il est impossible de s'en procurer de meilleure ; mais leur usage peut êlre quelquefois suivi d'un dé- rangement dans les fonctions digeslives. L'eau de puits préci- pite abondamment par le chlorure de baryum et par l'oxalate d'ammoniaque ; elle cuit mal les légumes, et transforme le savon en grumeaux, ce qui prouve qu'elle contient beaucoup de sulfate de chaux. L'eauqui renferme une assez forte proportion de car- bonate de chaux est acidulé, ce carbonate étant tenu en disso- lution par un excès d'acide carbonique ; elle rougit faiblement l'eau de tournesol, et se trouble lorsqu'on la chauffe à une tem- pérature inférieure à celle qui la ferait bouillir, parce qu'on dé- gage alors l'acide carbonique ; elle précipite abondamment par l'eau de chaux et par l'oxflale d'ammoniaque; enfin elle est im- propre à la cuisson des légumes et à la d'issolution du savon. Eau contenant du gaz acide carbonique, et ne renfermant aucun carbonate insoluble. Elle a une saveur aigrelette, rougit sensiblement l'eau de tournesol, et précipite l'eau de chaux en blanc : elle perd toutes ces propriétés en la faisant bouillir pen- dant quelques minutes, mais elle ne se trouble point. Eau imprégnée de plomb (voy. p. 482). Je m'abstiendrai de parler des eaux corrompues, dont on con- naît aisément les mauvaises qualités à l'odeur qu'elles exhalent. Il n'entre pas non plus dans le plan de cet. ouvrage de traiter des eaux minérales salines, sulfureuses et ferrugineuses, que l'on — 996 - doit considérer comme des médicamens et non comme des bois- sons habituelles. Du vin. Le vin peut être altéré : 1° par l'eau. Si la quantité d'eau contenue dans le vin était toujours la même, on parviendrait facilement à reconnaître s'il a élé affaibli par l'eau : il s'agirait tout simplement de constater combien une quantité quelconque devin fournirait d'alcool à un degré déterminé de l'aréomètre; mais il n'en est pas ainsi : la proportion d'alcool varie considéra- blement suivant l'espèce de vin, el, dans la même espèce de vin, suivant que l'année a été plus ou moins favorable, etc. La chimie n'offre donc aucun moyen de parvenir à la solution de ce pro- blème, el le dégustateur ne peut êlre guidé que par la saveur plus ou moins aqueuse du vin. 2° Par la potasse, dans le dessein d'arrêter la fermentation, et de saturer l'acide acétique que le vin contienl en excès : dans ce cas, le vin renfermera de l'acétate de potasse (voy. p. 139). 3° Par la chaux ou par la craie, que l'on substitue quelque- fois à la polasse pour remplir le même but. On évapore le vin jusqu'en consistance de sirop : on traite celui-ci par de l'alcool à 36 degrés; la dissolution alcoolique contient de l'acétate de chaux; elle précipite abondamment en blanc par l'oxalate d'am- moniaque, et le précipité donne de la chaux vive lorsqu'on le cal- cine dans un creuset. Le vin sans addition de chaux ou de craie, évaporé jusqu'en consistance de sirop, et traité par l'alcool à 36 degrés, fournit une dissolution qui n'est point troublée par l'oxa- lale d'ammoniaque. 4° Par la litharge, la céruse ou quelques autres préparations de plomb, par les oxydes de cuivre et par Y acide arsénieux (voy. les articles Acide arsénieux , Sels de plomb et de cuivre). 5° Par l'alun. Il contiendra de l'alun, s'il a une saveur as- tringente, et s'il précipite : 1° en blanc par l'ammoniaque et par la potasse : ce dernier alcali doit redissoudre le précipité; 2° en blanc par le carbonate de potasse ou de soude ; 3° en blanc par — 997 — le chlorure de baryum : le précipité est du sulfate de baryte in- soluble dans l'eau et dans l'acide azotique. Il importe de savoir que certains vins du Rhin contiennent une petite quantité de tartrate d'alumine, et que par conséquent on ne peut conclure que ces vins ont été frelatés par l'alun qu'autant que l'on obtiendra une proportion assez considérable d'a- lumine. Si le vin aluné avait été décoloré par du charbon animal non lavé, il faudrait éviter de prendre pour de l'alumine le phosphate de chaux du charbon qui aurait pu êlre dissous à la faveur des acides contenus dans le vin, et que l'ammoniaque aurait ensuite précipité. 6° Par le sublimé corrosif (voy. page 392). 7° Par une préparation antimoniale. On reconnaîtra le vin dans lequel on a fait dissoudre du tartrate de potasse et d'anti- moine, comme je l'ai indiqué à la page 363. Si le vin émétique a élé préparé avec du vin blanc et du verre ou du foie d'anti- moine, il présente les caractères suivans : il est jaune rougeàire, transparent ou trouble, d'une saveur douceâtre et légèrement slyplique ; il rougii l'eau de tournesol ; il ne précipite point par l'eau ; l'acide sulfurique le précipite en jaune foncé tirant sur le gris; l'acide sulfhydrique et la noix de galle agissent sur lui comme sur la dissolution d'émétique (voy. page 361). 8° Par l'eau-de-vie, dans le dessein de lui donner plus de force el de s'opposer à sa décomposition. Le vin qui a élé ainsi altéré offre Yodeur de l'eau-de-vie, et ce caractère permet de le distinguer, dans la plupart des cas, de celui qui esl sans mé- lange. Dans l'art. Comestibles du Dictionnaire des sciences médicales, Marc a dit avec raison qu'il avait constamment reconnu la présence de l'eau-de-vie à sa déflagration, lorsqu'il projetait dans un brasier bien ardent des mélanges faits avec di- verses proportions de vin et d'eau-de-vie, mais qu'il n'était guère possible d'y parvenir lorsque le mélange était ancien, la combi- naison des liquides étant devenue très intime. 9° Par le poiré. Dans la plupart des cas, le vin mêlé avec du poiré conserve la saveur de ce dernier corps, qu'il est par consé- quent aisé de reconnaître. S'il n'en était pas ainsi, on ferait éva- — 998 — porer le mélange au bain-marie jusqu'en consistance de sirop clair, on le laisserait reposer et refroidir ; au bout de vingt-quatre heures on décanlerait le liquide, et on séparerait les cristaux de crème de tartre qui auraient pu se former : on étendrait le liquide sirupeux d'eau distillée, pour le faire évaporer et cristalliser de nouveau : celte opération serait encore recommencée, et à la fin on obtiendrait un sirop ayant la saveur de la poire (Deyeux). On serait encore plus certain que le poiré a été mêlé au vin, si, après avoir fait des mélanges de vin et de poiré, on voyait qu'ils jouissent de propriétés semblables à celles des vins qu'on analyse. 10° Par des matières colorantes, soit qu'on les ajoute à des vins peu colorés, soit qu'on fasse des mélanges d'eau, d'eau-de- vie, de crème de lartre et de ces matières, pour imiter les vins naturels. Les substances colorantes dont on peut faire usage sont les bois d'Inde et de Fernambouc> le tournesol en drapeau, les baies d'yèble, de troène et de myrtille. Il est facile de recon- naître cette fraude au moyen des dissolutions d'alun et des chlo- rures d'étain. On commence par faire les trois dissolutions sui- vantes : 1° 16 grammes d'alun dans 150 grammes d'eau distillée ; 2 grammes de liqueur fumante de Libavius dans 60 grammes d'eau distillée; 3° 4 grammes de protochlorure d'étain dans 60 grammes d'eau distillée. On verse dans 16 grammes du vin dont on veut connaître la nature, à-peu-près 2 grammes de chacune de ces dissolutions, que l'on décompose au moyen de quelques gouttes d'ammoniaque ; l'alumine et les oxydes d'étain se préci- pitent et entraînent la matière colorante. On noie exactement la couleur des précipités, et on a les données nécessaires pour ré- soudre ce problème, comme on peut s'en convaincre en lisant le tableau suivant : — 999 — 1 NOMS DES VINS ou des i MATIÈRES QUI LES COLORENT. ! PRÉCIPITÉS PAR i/ALUN F.T PAR I. AMMONIAQUE, PRÉCIPITÉS TAR LE troto-chlorure d'étain et i>ar l'ammoniaque. PRÉCIPIT1S j PAR LE IH-CHLORURE d'étain ET p*r l'ammoniaque. Vins de Bourgogne 1 Vin de Màcon. Vin de Bordeaux. Baies de myrtille. Baies d'yèble. Baies de troëne. ' BoisdeFemambouc Bois d'Inde. Tournesol. Couleur de bronze foncé. Idem. Idem. Olive foncé vu par réflexion. Olive clair vu par réflexion. Vert foncé. Rou^e violet. Lie de vin 1res foncé. Bleu vu par ré flexion , et rouge par réfraction. Bleu sale plus ou moins clair. Idem. Idem. Gris-ardoise. Vert olive grisâ-tre. G' is ardoise. Violet. Idem. Bleu d'azur clair. Gris foncé bleuâtre. Bleu très foncé. Bleu ou gris foncé bleuâlre. Gris de fer foncé. Gris vert bouteille. Gris brun. Rouge brun foncé. Brun foncé. Bleu d'azur foncé vu par réflexion. De l'eau-de-vie et des liqueurs de table. Ces liquides peuvent être altérés, 1°par le poivre, le poivre long, le slramoine et l'ivraie, ajoutés dans le dessein de les rendre plus sapides et plus enivrans. On reconnaît cette fraude en faisant évaporer les liqueurs dont je parle dans une capsule de porcelaine; si elles sont pures, leur saveur spiritueuse dimi- nue, et finit par disparaître à mesure que l'alcool se dégage ; tan- dis que, si elles contiennent des principes amers ou acres, la sa- veur qui leur est communiquée par ces principes est d'autant plus marquée que révaporation a élé poussée plus loin. 2° Par le laurier-cerise, qui n'est pas nuisible, s'il y est en irès petite quantité, mais qui peut occasionner des accidens gra- ves lorsqu'il s'y trouve en assez forte proportion : on a quelque- fois employé cette substance pour frelater l'eau-de-vie de grains et de pommes de terre. On s'assure de sa présence à l'odeur d'a- mandes amères qu'exhalent les liquides, et à la propriété qu'ils ont de précipiter du bleu de Prusse quelques heures après avoir élé mêlés avec de la potasse, du sulfate de fer et de l'acide sulfu- rique, etc. (voy. page 743). — 1000 — 3° Par des oxydes de cuivre et de plomb. Il est arrivé plusieurs fois que l'eau-de-vie préparée dans des vases de cuivre contenait de l'oxyde de ce métal dont on pouvait démon- trer la présence par les moyens indiqués à la page 442. L'oxyde de plomb, dissous dans les acides faisant partie de l'eau-de-vie, et qui peut s'y trouver accidentellement, sera reconnu comme il a été dit à la page 471. 4° Par l'alun, dans le dessein de lui communiquer une saveur douceâtre et astringente. On découvre l'alun parles moyens indi- qués à l'occasion du vin rouge (voy. page 996). 5° Par les sels de fer. La liqueur précipite en bleu par le cyanure jaune de potassium et de fer, en violet foncé presque noir par Yinfusum alcoolique de noix de galle, et en vert ou en rouge par les alcalis. 6° On distinguera l'eau-de-vie obtenue par la distillation du vin, de l'eau-de-vie préparée avec de l'eau et de l'alcool, à la propriété qu'à la première de rougir le papier de tournesol, tandis que l'autre ne lui fait subir aucun changement; d'ailleurs, l'odeur de ces deux liquides n'est pas la même. Le punch et les autres boissons chaudes que l'on acidulé quelquefois avec les acides minéraux, et notamment avec l'acide sulfurique, doivent être analysés commeje l'indiquerai en parlant du vinaigre, page 1003. Du cidre. Le cidre peut être altéré: l°par diverses matières coloran- tes, telles que les fleurs de coquelicot, les baies d'yèble, de su- reau, etc.; sa couleur est alors plus foncée,ce qui le fait paraître plus fort. L'addition des substances dont je parle est en général sans inconvénient , et peut êlre reconnue jusqu'à un certain point, en suivant le procédé que j'ai indiqué en parlant du vin (voy. page 998). 2° Par l'eau-de-vie, dans le dessein de lui donner plus de force. On reconnaît cette fraude à l'odeur et à la saveur que l'eau- de-vie communique au liquide. On avait pensé que le cidre mé- langé d'eau-de-vie pourrait êlre facilement distingué de celui qui — dOOl — n'en contient point, par la propriété qu'il a de donner de l'alcool lorsqu'on le chauffe à la chaleur douce du bain-marie ; tandis que, disait-on, le cidre naturel ne perd son alcool que lorsqu'il est en pleine ébullition. Ce caractère n'est d'aucune valeur, car on sépare aisément l'alcool qui fait partie du cidre ordinaire, en le chauffant au bain-marie à la température de 65° à 70°. 3° Par de la chaux, de la craie ou des cendres. On conce- vra facilement le but de cette sophistication lorsqu'on saura que plus le cidre est foncé en couleur, plus il passe pour être fort; que sa couleur est d'aulant plus claire, qu'il est plus acide, et qu'il importe par conséquent de saturer les acides libres qu'il renferme par des substances alcalines ; enfin que, lorsqu'il a été long-temps en vidange, il éprouve la fermentation acide, et finit par contenir une telle quantité de vinaigre, qu'il ressemble à de l'acide acétique étendu d'eau. — Il serait extrêmement aisé de découvrir dans ce liquide la présence de la chaux ou de la craie que l'on aurait ajoutées pour le sophistiquer, si le cidre du com- merce le moins frelaté ne tenait pas en dissolution un ou plu- sieurs sels calcaires : en effet, l'oxalate d'ammoniaque ferait naî- tre sur-le-champ dans celui qui aurait été altéré par la chaux ou par la craie, un précipité d'oxalate de chaux, dont on pourrait retirer de la chaux vive par la calcination,tandis que le cidre sans mélange ne précipiterait point par ce réactif. Mais il n'en est pas ainsi ; constamment les meilleurs cidres sont troublés et précipi- tés par l'oxalate d'ammoniaque, ce qui peut dépendre de la pré- sence d'un sel calcaire dans le suc des pommes ou dans l'eau qui ont servi à la fabrication de la liqueur, et assez souvent des meules et des auges en pierre que l'on a employées pour diviser les pommes : à la vérité, le précipité produit par l'oxalate d'ammo- niaque dans les cidres non frelatés par de la chaux ou de la craie, est peu abondant, tandis que le contraire a lieu lorsqu'on y a ajouté l'une ou l'autre de ces substances. Au reste, la sophistica- tion dont il s'agit n'entraîne pas beaucoup d'inconvéniens, parce qu'en général la quantité de chaux employée est trop faible pour saturer tout l'acide du cidre, et à plus forte raison pour se trou- ver en excès dans la liqueur ; et s'il n'en était pas ainsi, le cidre serait tellement faible et plat, qu'il n'aurait aucun débit. — Il est — 1002 — moins 4iflMle de soupçonner l'addition des cendres ou de la potasse qui en font partie; en effet, les cidres de bonne qualité ne contiennent qu'une petile quantité de sels à base de potasse, e.t se frpublent à peiqe par l'addition du chlorure de platine, tandis que ceux qui ont été mêlés avec des cendres précipitent en jaune serin par ce même réactif. 4° Pqr des préparations de plomb, telles, que la céruse, la Ijtharge, elc. Il suffit de laisser le cidre pendant quelques jouis en contact avec la litharge pour qu'il en dissolve une quantité notahje ; et alors il peut résulter des inconvéniens gra\es de l'u- s,age d'une pareille boisson. Celle altération peut être l'effet de l'emploi d'un pressoir dont plusieurs parties sont revêtues 4e plpmb; elle peut tenir à ce qu'qn a recueilli le jus des pommes dans des grandes auges en pierre composées de pièces dans l'in- térieur desquelles on a cqqlé du plomb ; enfin elle peut avoir été faite à dessein dans le but de saturer l'acide acétique surabon- dant, et de corriger la saveur désagréable des cidres (voy. p. Zf7Q pour la manjère de reconnaître la présence du plomb). De la bière. On falsifie quelquefois la bière en y ajoutant de la cjjaux, de la potasse, des matières végétales, etc.; dans certaines circonstances aussi, cette boisson cqntient des oxydes de cuivre ou de plomb provenant des vases dans lesquels elle a été cuite ou gardée. Je renvoie à l'art. Cidre pour les procédés qu'il faut mettre en usage lorsqu'il s'agit de constater dans la bière la présence des substan- ces dont il s'agit: toutefois, il ne sera pas inutile de faire remarquer que la bière de bonne qualité doit offrir les propriétés suivantes : 1° Elle doit être transparente et nullement floconneuse ; sa saveur doit être aigrelette, alcoolique et légèrement amère. 2° Elle doit contenir une assez grande quantité de gaz acide carbonique pour faire une vive effervescence lorsqu'on la transvase. 3° plie doit rougir le papier de tournesol ; lorsqu'elle agit for- tement sur cette couleur, et qu'elle ne produjt point d'écume quand on la transvase, eUe a éprouvé la fermentation acide, et sa saveur est désagréable. - 1003 — 4° L'oxalate d'ammoniaque, l'acétate de plomb et le chlorure de haryum doivent y déterminer des précipités peu abondans. 5° Le chlorure de platine doit la troubler à peine, parce qu'elle ne renferme qu'une petite quantité de sels à base de potasse. Du vinaigre. Je crois devoir parler dans cet article : 1° des caractères qui distinguent le vinaigre de cidre du vinaigre de vin ; 2° des diffé- rences qui existent entre le vinaigre de vin distillé et non distillé ; 3° du vinaigre de vin ou de cidre frelaté ; 4Q des mélanges de \'\- naigre de vin et de vinaigre de cidre. § Ier. Caractères qui distinguent le vinaigre de vin du vinaigre de cidre. Le vinaigre de cidre présente à-peu-près les mêmes propriétés physiques que le vinaigre Ae vin blanc ; il offre cependant une légère saveur de pomme ou de poire que l'on ne retrouve point dans l'autre. L'eau de tournesol, l'azotate d'argent et les sels solubles de baryte agissent de la même manière sur ces deux vinaigres. L'oxalate d'ammoniaque précipite abondamment le vinaigre de cidre, tandis qu'il trouble à peine celui de vin. On observe le contraire avec l'acétate de plomb, qui donne un pré- cipité beaucoup plus abondant avec le vinaigre de vin ; Yinfu- sum alcoolique de noix de galle n'altère point la transparence de ce dernier, tandis qu'il trouble sensiblement le vinaigre de cidre. Ces caractères étant insuffisans pour distinguer les liquides dont il s'agit, je propose d'avoir recours au procédé suivant : on fera évaporer à une douce chaleur, dans une capsule de platine ou de porcelaine, 2 ou 300 grammes de vinaigre; lorsque la li- queur sera réduite au quart de son volume, on la versera dans un verre à expérience, et on la laissera refroidir ; le vinaigre 4e vin déposera une assez grande quantité de cristaux blancs, formés principalement de bi-tartrate de potasse (crème de tartre), tandis que le vinaigre de cidre ne fournira aucun dépôt salin ; et eu effet, le sucre de pommes et de poires ne contient pas un atome de crème de tartre. Si, après avoir décanté et filtré le vinaigre de vin qui surnage les cristaux de crème de tartre, on le fait évapo- 64 — 1004 — rer de nouveau jusqu'à ce que la liqueur soit réduite au seizième de son volume primitif, on obtiendra encore des cristaux de bi- tartrate de potasse par le refroidissement ; le vinaigre de cidre, évaporé jusqu'au même degré et refroidi, ne fournira aucun dépôt salin. Enfin si, après avoir séparé le vinaigre devin de la seconde quantité de crème de tartre cristallisée, on le fait évaporer jus- qu'en consistance de sirop, il donnera un léger résidu jaunâtre, qui serait rouge, si le vinaigre de vin avait cetle dernière couleur: ce résidu sera peu abondant, à peine gluant, et d'une saveur forte simplement acide. Le vinaigre de cidre, réduit par l'éva- poration jusqu'en consistance sirupeuse,fournira unrésidu d'un rouge foncé, assez abondant, très gluant, et d'une saveur salée,peu acide, tenant de la saveur de pellicule de pomme. § II. Différences qui existent entre le vinaigre de vin distillé et celui qui ne l'a pas été. Le vinaigre de vin non distillé est jaunâtre ou rouge ; celui qui a été distillé est incolore. Le premier contient de l'acide tartri- que,et fournit un précipité de tartrate de plomb lorsqu'on le mêle avec de l'acétate de plomb; le vinaigre distillé ne renferme point d'acide tartrique, et n'est point troublé par ce réactif. § III. Du vinaigre de vin et de cidre frelatés. Le vinaigre peut être altéré : 1° Par du poivre, de la moutarde, des graines de para- dis, l'écorce de garou, la racine de pyrèthre, d'arum, etc., substances qu'on peut laisser pendant quelque temps en contact avec le vinaigre faible pour lui donner de la force et du montant. On reconnaîtra celte fraude en faisant évaporer le liquide dans une capsule de porcelaine à une douce chaleur, jusqu'à ce qu'il soit réduit au sixième de son volume ; on l'abandonnera à lui- même pendant vingt-quatre heures, puis on le décantera pour le séparer des sels qui se sont déposés ; on le fera évaporer de nou- veau jusqu'en consistance d'extrait mou. Cet extrait aura une saveur acre, amère, elc, si le vinaigre contient quelques-unes des substances dont je parle, landis que sa saveur sera simple- ment acide, si le vinaigre était sans mélange. 2° Par des acides minéraux, tels que les acides sulfurique — 1005 — chlorhydrique et azotique, que l'on aurait ajoutés dans le dessein d'augmenter l'activité du vinaigre. A. Acide sulfurique (F. p. 80). B. Acide chlorhydrique. On le ferait chauffer dans une cor- nue, à laquelle on adapterait un ballon qui renfermerait une pe- tite quantité d'eau distillée ; le liquide, condensé dans le récipient, surtout s'il était recueilli vers la fin de la distillation, contien- drait du vinaigre et de l'acide chlorhydrique ; traité par l'azotate d'argent dissous, il fournirait un précipité de chlorure d'argent, blanc, caillebotté, lourd, insoluble dans l'eau et dans l'acide azo- tique, soluble dans l'ammoniaque : preuve évidente de l'existence de l'acide chlorhydrique (F. p. 103). C'est à tort que les auteurs ont conseillé, pour découvrir celte fraude, de verser l'azotate d'argent dans le vinaigre avant de l'avoir distillé; car les vinai- gres du commerce contiennent tous une certaine quantité de chlo- rures, et précipitent par conséquent par l'azotate d'argent : com- ment décider alors si le précipité est formé aux dépens de l'acide chlorhydrique qu'on aurait pu ajouter? On évite cet écueil en n'agissant que sur le liquide distillé à une douce chaleur, puisque les chlorures que le vinaigre peut contenir ne passent point dans le récipient. C. Acide azotique. On doit le saturer par de la potasse pure, el évaporer jusqu'en consistance de sirop épais ; il se forme de l'acétate et de l'azotate de potasse; on traite le magma par de l'alcool concentré, qui dissout l'acétate de potasse et quelques autres principes du vinaigre, et qui n'agit point sur l'azotate de potasse; on filtre, et on démontre la présence de cet azotate, comme il a été dit à la page 184. Je ferai observer seulement qu'il est possible que l'acide sulfurique en dégage des vapeurs orangées au lieu de vapeurs blanches : cela tient à ce que l'azotate de po- tasse esl mêlé à une certaine quantité des chlorures faisant par- tie du vinaigre, qui sont également décomposés par l'acide sulfu- rique, en sorte qu'il se produit du chlore et du gaz acide azoteux jaune orangé. 3° Par du sulfate de fer ou de zinc dont on fait quelquefois usage pour clarifier le vinaigre. On emploie pour découvrir cette — 1006 - altération les moyens que j'ai indiqués aux pages 536 et 542, en parlant des dissolutions de fer et de zinc. 4° Par des préparations de plomb,de laiton, etc., pour avoir séjourné dans des vases formés par ces métaux. On a recours au procédé dont j'ai fait mention à .l'occasion des vins blancs frela- tés par ces substances (F. p. 996). § IV. Des mélanges de vinaigre de vin et de vinaigre de cidre. 11 serait difficile, pour ne pas dire impossible, de reconnaître la présence d'une petite quantilé de vinaigre de cidre dans le vi- naigre de vin ; mais il n'en serait pas de même si le premier se trouvait en assez forte proportion dans le mélange: on ferait éva- porer comparativement un litre de ce mélange et un litre de vi- naigre de vin ; la quantité de cristaux de crème de tartre fournie par ce dernier serait beaucoup plus considérable : la matière si- rupeuse obtenue dans l'un et dans l'autre cas présenterait aussi des caractères différens (F. ce qui a élé dit en parlant des rési- dus de l'évaporation du vinaigre de cidre et de vin, p. 1003). Du vinaigre de bois. Le vinaigre obtenu en distillant le bois, en saturant par le car- bonate de chaux l'acide pyroligneux provenant de cette distilla- lion, en décomposant l'acétate de chaux parle sulfate de soude, et en traitant par l'acide sulfurique l'acélate de soude produit contiendra de l'acide arsénieux, f.i l'acide sulfurique employé était arsenical. Il a été reconnu par M. Chevallier qu'un échan- tillon de vinaigré de bois destiné aux usages alimentaires ren- fermait 4 grammes 80 centigr. d'acélate de soude pour 100 et près de cinq centigrammes d'acide arsénieux. S'il s'agissait de démontrer dans le vinaigre de bois la présence de ce poison, on ferait évaporer la liqueur dans une capsule de porcelaine presque jusqu'à siccité, on trailërait le résidu par l'eau distillée à la température de l'ébulliiion, on filtrerait et l'on introduirait la liqueur dans l'appareil de Marsh modifié, dont j'ai donné le pre- mier là description (F. p; 258). On ne Comprend pas pourquoi, — 1007 — dans cette espèce, M. Chevallier propose d'ajouter à cet appareil si simple, le vase condensateur de MM. Flandin et Danger, dont personne ne s'est jamais servi, dont l'Institut n'a point voulu, et qui en réalité ne sert qu'à compliquer l'opération. Des bonbons colorés. Déjà à plusieurs reprises, surtout avant l'ordonnance de police publiée en 1831, des experts ont été requis pour déterminer quelle pouvait être la nature de la matière colorante vénéneuse de certains bonbons, qui avait donné lieu à des symptômes d'em- poisonnement, quelquefois assez graves. Il résulte des diverses analyses faites à cet égard, que les substances employées jusqu'à ce jour pour colorer ces dragées en jaune, sont le chromate de plomb, le jaune de Naples, le Sulfure d'arsenic et la gomme gutte; en vert, l'arséhitë de cuivre ou un mélange d'indigo et de chromate de plomb; en rouge, le vermillon ou le minium; en bleu, le carbonate ou l'oxyde de cuivre et les cendres bleues; en pourpre ou en violet, l'orseille ; quelquefois aussi on fait usage de carbonate de plomb (céruse) pour les bonbons candis. Parmi ces substances, toutes celles qui appartiennent au règne minéral peuvent être aiséttient décelées en les isolant au moyen de l'eaù, ainsi que je l'ai indiqué en parlant de l'ârsénite de cuivre et du chromate de plomb (F. p. 348), et en les soumettant à l'action des réactifs propres à les faire reconnaître {F. chacun de ces poi- sons en particulier). Gomme gutte. Elle serait en partie dissoute dahs l'eau avec laquelle on laverait la surface du bonbon ; la dis- solution aqueuse, de couleur jaune, élant évaporée jusqu'à sic- cité,donnerait un produit soluble dans l'alcool etdànsla potasse, et il suffirait d'ajouter à la dissolution alcaline un peu d'acidô pour en précipiter une matièred'un très beau jaune soluble dans un excès d'acide. L'orseille contient de l'urine putréfiée avec la- quelle elle a élé préparée, et quelquefois dé l'acide arsénieux et du bi-oxyde de mercure. Mélange d'indigo et de chromate de plomb. D'après M. De- vergie, il faudrait, après avoir lavé à l'aide d'un pinceau fin et âë l'eau la surface dii bonbon (F. p. 348), délayer là râpitre dans une — 1008 — assez grande quantité d'eau et laisser précipiter le chromate de plomb que l'on reconnaîtrait aux caractères indiqués à la p. 483, tandis que l'indigo resterait suspendu dans le liquide; en décan- tant rapidement celui-ci, on pourrait s'assurer qu'il renferme de l'indigo, parce qu'il est bleu, qu'il est instantanément décoloré par le chlore, qu'il est insoluble dans l'eau, et qu'en le chauffant avec quelques gouttes d'acide azotique, il prend une teinte jaune brunâtre. Indépendamment des accidens produits par la matière colo- rante de certains bonbons, il est arrivé quelquefois que des en- fans ont été empoisonnés pour avoir sucé le papier coloré qui en- veloppait immédiatement les dragées; c'est qu'en effet, ces papiers étaient colorés avec les substances nuisibles qui viennent d'être signalées. On parviendrait aisément à reconnaître la ma- tière colorante de ces papiers, en ayant égard à ce qui précède et à ce qui a élé dit à l'occasion de chaque poison en particulier. DE LA FALSIFICATION DES ACTES, DES ÉCRITURES, etc. La falsification des actes et des écritures a pour objet de sub- stituer à ce qui a été écrit ce que l'on a intérêt à placer sur l'acte. Pourcela, on a tour-à-tour eu recours :1° au grattage du papier et à l'application sur les parties grattées, d'une couche de sanda- raque ou de colle, substances qui empêchent l'encre de s'étendre et qui par conséquent permettent aux faussaires d'écrire sur les portions grattées ; 2° au lavage opéré par des agens chimiques et notamment par le chlore et par l'acide chlorhydrique : le pre- mier de ces corps, en détruisant l'acide tannique de l'encre, fait disparaître celle-ci, et ne laisse sur le papier que l'oxyde de fer à peine visible ; l'acide chlorhydrique fait plus, il dissout cet oxyde de fer, et ne laisse plus de trace de l'écriture. Les soins de l'ex- pert doivent donc tendre à reconnaître si l'acte a élé gratté, si les portions grattées ont élé enduites de sandaraque, d'alun ou de colle, si le chlore a été employé, et s'il reste de l'oxyde de fer à la place où était l'écriture; enfin, si l'on a fait usage d'acide chlorhy- drique; il faut surtout qu'il fasse renaître les caractères effacés. — 1009 — Grattage. Le plus souvent, l'opération du grattage fait aper- cevoir quelques filamens et un certaine différence dans la texture et dans le grain du papier; l'amincissement de celui-ci dans les points grattés peut déjà trahir l'altération. A la vérité, pour em- pêcher l'encre de s'étendre sur le papier, on répand ordinairement sur les portions grattées un peu d'alun ou de sandaraque en pou- dre que l'on y fait adhérer et que l'on fait même pénétrer à une certaine profondeur au milieu des fibres par le frottement ; alors on ne voit pas immédiatement les altérations ; mais quand par des moyens particuliers on enlève ces substances, le caractère du papier gratté se présente plus sensible peut-être que si Ton n'a- vait rien déposé à sa surface. Lavage. Il offre des difficultés. Tout papier destiné à recevoir l'écriture, dit M. Gaultier de Claubry, est collé, c'est-à-dire qu'il contient des substances qui le rendent impénétrable au liquide, et, par conséquent l'empêchent de boire : or, lorsque, pour faire disparaître des caractères ou des portions de caractères tracés sur du papier, on l'imbibe dans une partie plus ou moins grande de son étendue avec divers liquides, souvent la colle se sépare ou se détruit et le papier devient buvard. Pour compléter ou rem- placer les caractères, on est obligé de rendre dans ces points au papier une matière collante ; et, comme l'imbibition ne peut pas en être aussi uniforme que dans le collage fait lors de la con- fection du papier, des caractères particuliers rendent sensibles ces différences, et l'expert en profite pour reconnaître l'altéra- lion. Jusqu'à l'invention du papier continu, le papier était toujours collé avec une dissolution de gélatine, dam laquelle on plongeait à-la-fois un certain nombre de feuilles, que l'on exposait ensuite à la dessiccation dans un courant d'air. Mais le collage du papier continu se fait dans la cuve même, en mélangeant avec la pâte de chiffon les substances qui doivent rendre le papier imperméable. La base de ce collage est un savon d'huile, de résine ou de cire et d'alumine ; mais le prix élevé de la cire en fait restreindre l'em- ploi aux papiers surfins. On y ajoute une quantité convenable de fécule de pommes de terre. Il résulte de ces différences dans la nature de la colle employée — 1010 — pour la fabrication, que le papier à la main diffère de celui qui a été fait à la mécanique, en ce que le lavage enlève plus faci- lement la colle de gélatine que le mélange de savon, de résine et de fécule. D'un autre côté, s'il est possible de rétablir partiel- lement le collage du papier à la gélatine, il est à peine possible, au contraire, de faire la même opération avec le mélange qui sert au collage à la cuve : d'où il résulte que, dans le premier cas, on reconnaîtrait beaucoup plus facilement l'altération, soit parce que des taches seraient résultées de la superposition de l'encol- lage à la résine, sôit parce que, si l'on avait tenté de coller à la gélatine les points lavés, la différence de nature de la matière employée serait facile à reconnaître au caractère suivant : Là gélatine se colore en jaune au contact de l'iode, tandis que lVncollâge dans lequel entre de la fécule prend une teinte bleue sous l'influence de ce réactif. Le papier prendrait donc une teinte jâunâirè là où se trouverait de la gélatine, et une teinte plus ou moins violette ou bleue dans les points où il aurait été fait un collage à la cuve. Examen physique des actes. Le but qu'on se propose en fai- sant cet examen est de reconnaître si le papier n'a pas été gratté, s'il n'y a pas de différence dans la couleur des diverses parties du papier1 qui ont reçu l'acte, si ce papier n'a pas été collé partielle- ment, etc. Procédé. On prend l'acte argué de faux ; on examine toutes ses parties à l'aide d'une forte loupe, pour voir 1° si l'on n'aperçoit pas quelques parties qui auraient été déchirées, égratignées ou amincies , ou bien quelques parties luisantes Où tachées ; 2* si la couleur de l'encre employée est la même pour chacun des corps d'écriture qui doivent êlre examinés en particu- lier ; 3a si l'écriture est aussi pleine dans toutes les parties, et s'il n'existe pas quelques parties où le corps de l'écriture Soit plus large ou plus resserré ; 4° si la couleur du papier est exactement la même dans toute la feuille, ou si l'on n'y remarque pas des taches qui puissent être attribuées, à tort ou à raison, à la vétusté: alors il faut reconnaître et établir la disposition de ces taches, par rapport à la manière dont le papier a été plié. Si le papier gratté a été collé, ce collage partiel peut être aper- çu, parce qVil donrte au papier une physionomie toute particu- — 1011 — lière; ce collage reconnu, il est facile de s'assurer de ce tra- vail par d'autres expériences que je décrirai plus bas. Souvent l'encre employée par le faussaire pour faire le raccord, n'est pas la même que l'encre dont on avait fait primilivement usage; el quand même elle ne serait pas différente, elle pourrait êlre modi- fiée par les opérations que l'on aurait fait subir au papier, afin de détruire l'écriture primitive; il arrive même que cette altération, qui n'est pas apparente au moment de la falsification, le devient après quelques jours ou après quelques semaines. Si l'on remarque que les pleins de l'écriture sont plus larges, on doit rechercher si ces endroits n'ont pas élé encollés, la colle étendue sur le pa- pier lors du raccord permettant à l'écriture de s'élargir. Si, au contraire, le plein était moins large; il faudrait examiner s'il n'y a pas eu grattage, et si cet amincissement de trait n'est pas dû à l'emploi de la sandaraque ou d'un autre corps résineux. — L'examen des taches peut encore donner quelques indications, car il y a de la différence entre un papier enfumé et vieux, et un papier sali par suite de lavages i dans ce dernier cas, les taches sont formées d'auréoles plus ou moins étendues, dont les divers cercles sont plus ou moins colorés ; ces cercles deviennent souvent plus apparens, lorsqu'on expose la pièce à une douce chaleur; quelquefois encore le papier, au lieu d'être taché, est décoloré par places. L'expert doit rechercher quelle est la cause de cette dé- coloration partielle; On doit encore, et surtout en plaçant l'acte entre l'œil et la lu*- mière, examiner si l'on n'aperçoit pas des traces d'amincissement dans les diverses parties du papier qui a reçu le corps de l'acte. Il faut, en outre, établir si le papier a la longueur déterminée par les lois, et s'il n'a pas été rogné ou ébàrbé. Examen chimique. 1° Par l'eau. L'eau distillée peut être d'une grande utilité pour reconnaître des actes falsifiés par le grattage ou par les moyens chimiques. Procédé. On place l'acte sur une feuille de papier blanc et bien propre} on mouille avec un pinceau et peu-à-peu toutes les parties de l'acte, en exa- minant la manière dont le liquide se comporte lorsqu'il est eti contact avec le papier. Il résulte d'expériences nombreuses, que le papier aminci, soit par le grattage, soit par le lavage, absorbe — 1012 — l'eau en beaucoup moins de temps, même lorsque ce papier a été collé, la colle ajoutée après une opération de falsification ne s'in- corporant pas à la pâte du papier comme celle qui a été intro- duite dans l'opération du collage à la cuve. Il est même arrivé que l'on a pu faire reparaître des lettres qui, ayant absorbé l'eau, étaient devenues semi-transparentes, de façon qu'on pouvait lire les mots en entier. L'opération du mouillage est surtout décisive, lorsque le texte des actes falsifiés a été écrit avec de l'encre très acide sur un pa- pier contenant un carbonate calcaire : cette encre, en attaquant le sel calcaire, amincit le papier, de façon que si le falsificateur enlève les sels ferrugineux déposés sur le papier, il est facile de reconnaître les traces et même les lettres et les mots qui for- maient l'écriture primitive. Pour bien étudier l'action de l'eau, il est convenable d'y revenir à plusieurs reprises : ainsi, après avoir mouillé le papier une pre- mière fois, on le laisse sécher, et on recommence l'opération. 2° Par l'alcool. On emploie ce corps pour reconnaître le grat- tage lorsqu'il a été suivi de l'emploi de corps résineux pour mas- quer les résultats de cette opération ; en effet, l'alcool dissout la résine. Procédé. On imbibe l'acte placé sur une feuille de papier blanc avec de l'alcool pur dont on a trempé un pinceau. Si l'acte a été gratté, puis enduit de résine, on remarque que l'écriture placée sur l'endroit gratté s'élargit et pénètre davantage le pa- pier. On peut encore placer le papier entre l'œil et la lumière, et on voit en quel endroit le papier a été aminci. Il est nécessaire dans cette opération que le papier ne sèche pas trop vite. Pour obtenir ce résultat, on a soin, lorsque le papier est bien mouillé avec l'alcool, de le renfermer dans un cahier de papier blanc, afin que la dessiccation ait lieu plus lentement, et que l'action soit plus marquée. Des falsificateurs plus habiles mettent tout à-la-fois la colle et la résine en usage. Il faut alors avoir recours à l'eau et à l'alcool. Pour cela on fait tremper l'acte, placé sur une feuille de papier propre, dans de l'eau tiède, en prenant des précautions pour ne pas le froisser. On le retire de l'eau, on le laisse égoutler et sé- cher, puis on l'imbibe d'alcool. L'eau délayant la colle, l'alcool — 1013 — dissolvant la résine, il en résulte que l'encre ajoutée sur les places grattées s'étend et fait apercevoir le travail des falsifi- cateurs. Il ne faudrait pas conclure de ce que l'alcool employé a dissous une matière résineuse précipitable par l'eau, que l'on a dû néces- sairement faire usage d'une résine pour masquer les résultats du grattage ; car aujourd'hui la plupart des fabricans de papier se servent d'un savon de galipot pour remplacer la colle : on con- çoit en effet qu'avec de pareils papiers l'alcool fournira toujours un solutum résineux, lors même qu'il n'y a point de fraude -, mais dans ce cas on pourra s'éclairer en examinant par l'alcool diver- ses parties du papier, celles, par exemple, où rien ne peut faire soupçonner qu'elles aient été falsifiées; toutes ces parties se comporteront avec l'alcool, comme celles où l'on soupçonne la fraude, si le papier a été collé avec le savon résineux de galipot. 3° Par le papier de tournesol. L'altération des écritures par le lavage étant le résultat de l'emploi d'agens chimiques qui jouis- sent, pour la plupart, de la propriété de rougir le papier de tour- nesol, ou qui acquièrent cette propriété après ou pendant l'opé- ration, il est rare, et même presque impossible, que le falsifica- teur puisse, sans détruire en partie le papier, laver assez exactement l'acte ou la partie de l'acle sur laquelle il a opéré pour enlever tout l'acide. Il a tellement à craindre d'allérer la texture du papier, que les précautions qu'il est obligé de prendre fournissent plus tard des armes contre lui. Cette petite quantité d'acide qui n'a pas été enlevée par le lavage peut alors indiquer à l'expert la place où la falsification a été opérée. Procédé. On prend une feuille de papier de tournesol légèrement colorée en bleu, et préparée depuis quelque temps. On a soin que cetie feuille soit aussi grande que l'acte à examiner. On mouille légè- rement l'acte et la feuille de papier ; on les applique ensuite l'un contre l'autre ; on les met entre deux mains de papier ; on recouvre d'une planche, et à l'aide d'un poids ou d'une presse, on donne une légère pression. Au bout d'une heure, on sé- pare l'acte de la feuille de papier de tournesol, et on examine si la couleur qui existe sur ce papier a viré également sur toute la surface, ou si cette action est plus ou moins pronon- 1014 - cée dans quelques-unes de ses parties ; souvent le lieu où le pas sage de la couleur bleue à la couleur rouge est plus intense, in- dique la place où existait l'altération de l'acte. Si l'on soupçonne que cetle altération ait été produite par une substance qui ait pu laisser sur l'acte une certaine quantité d'un alcali, on emploie, au lieu d'une feuille de papier bleu, une feuille de papier de tournesol, dont la couleur bleue a élé ame- née au rouge par un acide faible, el on agit comme je l'ai dit. L'emploi de ce papier indique encore les connaissances plus éten- dues de quelques falsificateurs, qui ont soin d'enlever l'excès d'acide à l'aide d'un alcali; mais ce qu'il y a de rassurant pour la plupart des falsificateurs, c'est que souvent ce sont les excès de précautions qui font reconnaître la fraude. On peut encore examiner quel est l'alcali qui a donné lieu au rappel de la couleur du tournesol au bleu : il faut pour cela laver l'acte avec un peu d'eau distillée, puis faire évaporer le produit pour examiner la nature du résidu. Cette opération, pratiquée lors d'un procès des héritiers Lesurques, démontra que les alté- rations n'étaient pas le résultat du conlact de l'acte contre un mur salpêtre (comme on l'avançait) ; en effet, ce résidu était composé de chlore et de potasse, et ne contenait ni chaux ni acide azotique. U°Par l'acide gallique. Il arrive souvent que, par les moyens déjà indiqués, on ne peut pas démontrer l'altération d'un acte ; alors il faut recourir à l'acide gallique. Procédé. On place l'acte sur une feuille de papier blanc, et, à l'aide d'un pinceau en che- veux trempé dans un solutum aqueux d'acide gallique, on en imbibe toute la surface, en ayant soin de passer légèrement avec le pinceau et de ne pas appuyer ni frotter. Lorsque la surface est bien imbibée, on laisse reposer pendant une heure, puis, après que cet espace de temps s'est écoulé, on examine l'acte pour voir quels sont les résultats de ce mouillage j on mouille ensuite une seconde fois, et on laisse en contact, pour n'examiner que le lendemain ce qui s'est passé. Quelquefois, dès la première imbi- bition, l'acide gallique fait renaître des lettres ; d'autres fois les traces d'écriture ne se laissent apercevoir que le lendemain ; il est des cas encore où ces traces ne reparaissent qu'après un grand nombre d'imbibitions et après un laps de temps considéra- — 1015 — ble : par exemple, de dix jours à un mois et plus. Il faut donc que l'expert chargé d'examiner un acte n'aille pas de prime abord, et parce que l'écriiure ne reparaîtrait pas aussitôt après son lavage, affirmer que l'acte n'a pas été altéré. Il doit de temps à autre renouveler les imbibilions, ce qui peut se faire dans le cabinet du juge d'instruction, puis remettre l'examen de cet acte à un temps plus éloigné. On conçoit aisément la manière d'agir de l'acide gallique : sans aclion sur l'encre, il n'attaque en aucune manière l'écriture substituée par le faussaire ; mais jouissant de la propriété de se combiner avec l'oxyde de fer qui reste à la place de l'écriture que le falsificateur a effacée avec le chlore, il se com- bine avec cet oxyde et produit un composé violet, en sorte que les caractères effacés apparaissent au-dessous de ceux qu'on a voulu leur substituer. Que si, par hasard, tout l'oxyde de fer avait été enlevé par un acide, comme l'acide chlorhydrique, l'acide gallique ne pourrait plus faire paraître les caractères. Quant à l'acide hydrosuifocyanique, qui, à raison de sa sensibilité pour déceler les sels de fer, pourrait peut-être être regardé comme un, excellent moyen de faire reparaître l'écriture effacée, je dirai qu'il n'en est pas ainsi, et qu'au contraire il ne faut jamais y re- courir : 1° parce qu'il produit une tache rouge, sans faire re- paraître l'écriture effacée, lorsqu'on l'applique sur des parties dont l'encre a été détruite par le chlore ; 2° parce qu'il agit de même sur les portions de papier sur lesquelles rien n'a été écrit. ce qui dépend de l'oxyde de fer contenu dans le papier. Il est essentiel de prendre la précaution, lorsqu'un acte fait titre ou pièce de conviction, de faire un essai primitif sur l'une des parties de l'acte, et si cet acte se tachait de manière à faire craindre qu'il ne devînt illisible, comme cela arrive quelquefois, de demander au tribunal, avant d'opérer, qu'une copie figurée de l'acte soit faite et puisse représenter l'acte s'il était altéré pendant le cours des opérations, effet qui pourrait êlre dû à ce que les sels qui formaient la base de l'encre enlevée auraient été dissous par les agens employés à la falsification et répandus sur le papier, ou à ce que le papier lui-même contiendrait de l'oxyde ou des sels de fer. Voyez, pour plus de détails,, le mémoire de M. Chevallier.) - 1016 - Moyens de prévenir la falsification des écritures. On arrivera infailliblement à ce but, en se servant d'une encre indélébile préparée en dissolvant l'encre de Chine (1) dans l'acide chlorhydrique amené à 1°, 5, ou à un degré, si on doit employer du papier très fin et peu collé. Celle encre résiste aux réactifs les plus puissans, et ne disparaît point par un lavage à l'eau, pro- longé avec une éponge. On prépare encore une variété d'encre parfaitement indélébile en délayant l'encre de Chine avec de l'acétate acide de manganèse : l'écriture, dans ce cas, a besoin d'être exposée à la vapeur de l'ammoniaque liquide. Mais comme il esl à craindre que dans bien des cas on fasse encore usage de l'encre commune, les papiers de sûreté, bien qu'ils n'offrent pas à beaucoup près les garanties que l'on trouve dans les encres indélébiles, peuvent cependant rendre les faux plus rares et plus difficiles : il est donc utile de n'employer désor- mais que des papiers confectionnés comme je vais le dire. (Rapport fait à l'Institut, par d'Arcet, en 1831.) Moyens propres à empêcher le blanchiment frauduleux des vieux papiers timbrés. 1° On fera imprimer au cylindre, sur tous les papiers soumis au timbre, une vignette gravée au tour à guillocher, qui serait placée à droite des timbres, au milieu et sur la longueur de cha- que feuille ; 2° on emploiera pour cette impression une couleur ayant pour base le précipité noir qui se forme dans les chau- dières à teinture des chapeliers, ou l'encre elle-même, convena- blement épaissie à la manière des fabriques de toiles peintes; 3° enfin, on donnera aux papiers timbrés une date légale que l'on obtiendra, soit en la gravant sur les vignettes ou sur les tim- bres, et plus simplement encore en faisant tourner chaque année sur lui-même le timbre sec, dont toutes les feuilles de papier tim- bré doivent porter l'empreinte (même rapport). (1) L'encre de Chine s'obtient avec du noir de fumée léger} une colle préparée Vgélaline bouillie), précipitée par la noix de galle, et le précipité redissous par l'ammoniaque, enfin du musc ou un aulre aromate. 1017 — Des écritures tracées avec des encres de sympathie ou autres substances analogues. Soit dans un but coupable, soit pour toute autre cause, des in- dividus écrivent quelquefois au moyen de substances qui ne lais- sent apercevoir directement aucune trace, et les chimistes sont parfois appelés à examiner du papier que l'on soupçonne êlre dans ce cas. En humectant avec soin le papier placé sur une lame de verre, le recouvrant avec une autre lame, et, l'examinant par transmis- sion de la lumière, on peut lire tous les caractères qui auraient élé tracés avec une poudre incolore délayée dans l'eau seule ou additionnée d'une très petite quantité d'une substance gommeuse ou mucilagineuse. En admettant que l'on n'ait pas fait usage de substances qui fournissent une couleur par leur contact avec l'eau, les points sur lesquels on a tracé des caractères paraissent autrement opaques ou semi-transparens que la masse du papier, et l'on parvient quelquefois ainsi à lire avec assez de facilité tous les caractèreSi Les sels de cobalt étendus et le jus d'oignon ne laissent pas une teinte sensible quand on les dépose sur le papier ; la chaleur suffit, en les concentrant, pour donner aux premiers une cou- leur bleue, au second une leinte jaune brune très facile à con- stater; mais ces moyens, trop vulgaires, sont rarement em- ployés : du reste, ces teintes disparaissent immédiatement par l'humidité. La chaleur fait aussi paraître, mais pour les laisser indélébiles, les caractères tracés avec de l'acide sulfurique étendu, qui, en se concentrant, charbonne le papier. Si on avait écrit avec de l'acétate ou un auire sel de plomb so-* lubie, l'acide sulfhydrique ferait apparaître immédiatement les caractères : dans ce cas, on plonge le papier à examiner dans une cloche ou un vase profond, dans lequel on a fait dégager du gaz sulfhydrique, ou au fond duquel on a versé deux ou trois gouttes de sulfhydrate d'ammoniaque. La couleur noire du sul- fure de plomb fourni permet de lire le tracé, lors même que l'on in. ^ — 1018 — n'aurait employé qu'une dissolution de plomb très étendue. L'in- fusion de noix de galle ou la décoction d'écorce de chêne ou de sumac, employée très faible, ne présente pas de teinte sensible; mais en humectant le papier avec une dissolution d'un sel de fer, on voit apparaître immédiaiement la couleur de l'encre. Si l'é- criture est traitée avecdu ferro-cyanure de potassium, le même effet a lieu, seulement, au lieu d'une couleur noire, on en a une bleue. Des correspondances ont été quelquefois entretenues au moyen d'écritures tracées, par l'un de ces moyens, entre les li- gnes d'un écrit quelconque : l'emploi des réactifs que je viens de signaler permettrait de les déchiffrer (Gaultier de Claubry. Médec. légale de Briand, p. 766). DE LA FAUSSE MONNAIE. Les magistrats réclament assez souvent les lumières des chi- mistes, lorsqu'il s'agit de déterminer si des monnaies sont faus- ses, pour que je me croie obligé de traiter ce sujet dans un ou- vrage essentiellement destiné à faciliter la solution des diverses questions médicales et chimiques qui peuvent intéresser les tri- bunaux. Il existe en France trois espèces de monnaie, 1° les pièces d'or de 40 fr., de 20 fr., les doubles louis de 47 fr. 20 cent., et les louis simples de 23 fr. 55 cent. ; 2° les pièces d'argent de 5 fr., de 2 fr., de 1 fr., de 50 c, de 25 c, les écus de 5 f. 80 c. (dits écus de 6 fr.), et les écus de 2 fr. 75 c. (dits écus de 3 f.) ; 3° la monnaie de billon de la valeur de 10 cent. (2 sous). Monnaies d'or. Ces monnaies doivent contenir d'après la loi 900 parties d'or, ou de fin, et 100 parties de cuivre ou d'un al- liage d'argent et de cuivre ; toutefois, comme il est impossible d'arriver par l'opération de la fonte au titre mathémaiique de 900 millièmes d'or, on a accordé aux direcleurs des monnaies quatre millièmes de tolérance par gramme, en sorte que l'on peut trouver des monnaies contenant depuis 898 millièmes d'or jusqu'à 902 inclusivement. — 1019 — Les monnaies d'or peuvent êlre altérées, 1° parce qu'elles con- tiennent moins d'or et plus de cuivre ou d'alliage ; 2° parce qu'elles sont presque entièrement formées d'un mêlai étranger sur le- quel on a appliqué une feuille d'or. A. Monnaies contenant moins d'or et plus de cuivre ou d'alliage. Pour déterminer le titre de ces monnaies, on procède successivement à Yinquarta- tion, à la coupellation et au départ. L'inquartation consiste à allier à la pièce de monnaie, au moment de sa coupellation, une quaniité d'argent telle que le bouton de retour, c'est-à-dire celui qui reste dans la coupelle après la coupellation, présente un alliage dans lequel l'argent forme les trois quarts de la masse ; sans celte opération, la petite quantité d'argent contenue dans la pièce ne serait point dissoute ultérieurement par l'acide azotique, parce que l'or, dominant de beaucoup, recouvrirait ce métal, et le défendrait de l'action de l'acide. Pour savoir quelle sera la quaniité d'argent à employer pour l'inquartation, il fau- dra commencer par déterminer approximativement le titre dé la pièce de monnaie, c'est-à-dire la proportion d'or qu'elle renferme ; il suffira alors d'ajouter trois fois autant d'argent pur que l'on aura trouvé d'or (F. l'Art de l'Essayeur par M.Chaudet, Paris, 1835). La coupellation a pour objet de pri- ver la pièce de monnaie du cuivre qu'elle renferme; on la prati- que dans une coupelle à l'aide d'un fourneau de ce nom ; pour cela on met dans la coupelle une quantité de plomb qui varie suivant le titre de la monnaie. Pour un demi-gramme de monnaie com- posée de 9 p. d'or et d'une de cuivre, on emploie 5 grammes de plomb ; lorsque ce métal est fondu, on y porte le demi-gramme de monnaie et l'argent nécessaire pour opérer Yinquartation; pendant celte opération, l'oxygène de l'air transforme le plomb ajouté, et le cuivre de la pièce de monnaie en, oxydes qui sont ab- sorbés par la coupelle, en sorte qu'à la fin de l'essai il ne reste qu'un bouton, composé de l'or et de l'argent contenus dans la pièce, plus, de l'argent de l'inquartation. Le départ a pour ob- jet de dissoudre tout l'argent sans toucher à l'or; on le pratique en faisant bouillir le bouton pendant vingt minuies avec de l'a- cide azotique marquant 22 degrés à l'aréomètre de Baume, en dé- cantant la liqueur, puis en faisant bouillir pendant dix minutes «5. — 1020 — la portion non dissoute avec de l'acide azotique marquant 32 de- grés ; parce moyen tout l'argent se trouve dissous à l'état d'azo- tate, et l'or reste. Si le cornet de retour ou l'or restant est au- dessous de 898 millièmes, la pièce à examen est fausse, parce que c'est la dernière limite que prescrit la loi. B. Monnaies presque entièrement formées d'un métal étranger sur lequel on a appliqué une feuille d'or. On sait qu'un gramme d'or fin vaut 3 fr. 44 c, tandis que le gramme d'argent ne coûte que 22 cent, et le gramme de platine 1 fr. ; d'où il suit que les faussaires trouvent de l'avantage à fabriquer des pièces d'argent ou de platine dorées ; c'est surtout le platine, dont le poids spécifique diffère peu de celui de l'or, qu'ils emploient ; ils procèdent tantôt en rapportant sur un flan de platine à l'aide de soudure i les deux surfaces et le cordon d'une bonne pièce d'or, tantôt en frappant un flan de platine, préalablement re* couvert d'une feuille d'or; dans ce dernier cas, ils font quelque- fois usage, au lieu d'une lame de platine* d'une spirale de fils de ce métal qu'ils pressent bien les uns contre les autres ; ils appliquent ensuite une couche de poudre d'étain et par-dessus celle-ci une feuille d'or; lorsqu'on chauffe, l'étain fait l'office de soudure et facilite l'adhésion de l'or; il ne s'agit plus alors que de soumet- tre la pièce à l'action du balancier. Parmi les moyens qui peuvent faire reconnaître la fraude, la coupe de la pièce occupe le premier rang ; en effet on s'aperçoit bientôt que la surface seule est en or, et l'on détermine aisément par l'acide azotique ou par l'eau régale si le métal étranger est de l'argent ou du platine. Si, pour diminuer le poids spécifique du platine on avait préalablement allié celui-ci avec un peu d'argent, on pourrait reconnaître la fraude en traitant un demi- gramme de la pièce par deux grammes et demi d'eau régale , préparée avec un gramme et demi d'acide chlorhydrique, demi- gramme d'acide azotique et demi-gramme d'eau distillée ; il suffi- rait de l'action d'une douce chaleur pendant dix minutes pour dissoudre l'or et l'argent ainsi qu'une petite quantité de plaline; la majeure partie de celui-ci resterait indissoute et pourrait être séparée de la liqueur par la simple décantation; il ne s'agirait plus que de la laver à l'eau distillée, de la dessécher et de la pe- — 1021 — ser. La dissolution, d'un jaune orangé, étendue d'eau, laisserait précipiter tout l'argent à l'état de chlorure, dont on séparerait l'argent à l'aide d'un peu de carbonate de soude et du chalumeau. Le liquide, débarrassé du chlorure d'argent et filtré, serait mé- langé avecdu sulfate de protoxyde de fer pulvérisé jusqu'à ce qu'il cessât de se troubler ; l'or, très divisé, se déposerait et pourrait être recueilli par décantation : il faudrait toutefois le laver d'a- bord avec de l'eau acidulée par de l'acide chlorhydrique, puis avec de l'eau chaude, et le calciner jusqu'au rouge cerise, afin de lui donner la couleur de l'or mat. Enfin la dissolution res- tante, dans laquelle se trouverait encore la petile quaniité de pla- tine dissous, serait concentrée par l'évaporation et traitée par un solutum de chlorhydrate d'ammoniaque ; le précipité de chlorure d'ammoniaque et de platine, lavé avec de l'eau alcalisée, en petite proportion, serait séché et calciné au rouge dans un creuset pour en retirer le platine. Il n'y a pas encore long-temps que M. Lassaigne parvint à reconnaître, en suivant ce procédé, que de faux doubles louis étaient composés de 11,200 de plaline, de 40,50 d'or et de 0,201 d'argent ; il est probable que ce dernier métal avait été ajouté tant pour diminuer le poids spécifique de l'or, que pour souder l'or au platine. Monnaies d'argent. Ces monnaies doivent contenir, d'après la loi, 900 partiesd'argentet 100 parties de cuivre; toutefois, comme il est impossible d'arriver par l'opération de la fonte au titre mathé- malique de 900 millièmes d'argent, on a accordé aux directeurs de monnaies 6 millièmes de tolérance par gramme, en sorte que l'on peut trouver des monnaies renfermant depuis 897 millièmes d'argent jusqu'à 903 inclusivement. Les monnaies d'argent peuvent être altérées, lo parce qu'elles contiennent moins d'argent et plus de cuivre ; 2° parce qu'elles sont formées de métaux autres que l'argent. A. Monnaies con- tenant moins d'argent et plus de cuivre. On procède à la cou- pellation comme il a élé dit à la page 1019, en employant des-pro- portions différentes de plomb suivant les titres des monnaies; pour un gramme de monnaie composée de 900 millièmes d'argent et de 100 de cuivre, on ajoute 16 grammes et demi de plomb; le bouton d'argent qui reste à la fin de l'opéraiion représente la — 1022 - quaniité de ce métal contenue dans la pièce. On peut encore avoir recours au procédé de M. Gay-Lussac, qui consiste à dis- soudre la monnaie dans l'acide azotique et à précipiter l'argent dans un tube gradué par le chlorure de sodium dissous (Foy. tome n6 de mon Traité de chimie, Ie édition). B. Monnaies de métaux autres que T argent. Les alliages les plus employés pour imiter la monnaie d'argent sont composés d'étain 75 p. ou d'étain 80 p. ^antimoine 25 de zinc 20 ou d'étain 75 ou d'étain 90 de bismuth 25 de plomb 10 ou d'étain 80 p. de plomb 10 ft antimoine 10 Quelquefois aussi on a fait des pièces en êtain pur ; enfin dans d'autres circonstances on a fabriqué un alliage de, 9 parties de cui- vre et d'une punie d'argent sur lequel on a appliqué une feuille d'argent; ces dernières pièces sont tellement faciles à reconnaître par la coupe qui fait voir la couleur jaune orangée de l'inté- rieur, que je m'abstiendrai d'en parler d'une manière spéciale. Cette variété de fausse monnaie est sans contredit la plus commune parce qu'elle présente plus d'avantage aux faussaires; presque toujours l'élain, qui est un métal très blanc, en forme la base ; il ne s'agit que de l'allier au bismuth, au zinc et surtout à l'antimoine pour le durcir. Il suffit dans beaucoup de cas d'un certain nombre de carac- tères physiques pour soupçonner la fraude ; ainsi lorsque la pièce a été fabriquée avec des métaux plus légers que l'argent, son poids pourra faire reconnaître si elle est fausse ; si elle offre une couleur grise, on pourra penser qu'elle contient du plomb ; si en l'échauffant peu-à-peu par le frottement, elle dégage une odeur métallique très sensible, c'est que probablement elle ren- ferme de L'étain, du plomb, de l'antimoine ou du zinc ; si elle est complètement sourde, elle est certainement formée d'étain et de plomb ou d'étain; toutefois il ne faudrait pas conclure qu'une — 1023 — pièce est bonne parce qu'elle est sonore, attendu que l'antimoine et le zinc donnent de la monnaie qui a du son. Si la pièce est grasse au toucher, elle est probablement fausse, et si elle noir- cit fortement les doigts, le plomb y domine; enfin les bonnes pièces sont moins ductiles que les fausses. Il ne faudrait cependant pas s'en tenir aux caractères physiques si l'on était appelé à se prononcer sur la nature d'une pièce de monnaie, et l'on devrait recourir aux expériences chimiques sui- vantes. A. Alliage d'étain et d'antimoine. Soumis à la coupellation, cet alliage fournit un oxyde plus ou moins gris, parsemé de blanc; l'acide chlorhydrique concentré et bouillant ne dis- sout que l'étain. La dissolution présente les caractères des sels d'étain; le résidu est de l'antimoine métallique.L'acide azolique bouillant se borne à oxyder les deux mélaux et ne les dissout pas ; aussi le liquide surnageant ne précipite-t-il pas par le car- bonate de soude; 100 parties d'alliage traitées par cet acide , fournissent environ 140 parties d'oxyde séché à l'étuve. B. Alliage d'étain et de zinc. Il s'enflamme plus ou moins sous la moufle, et donne un oxyde vert en sortant du fourneau, car il est blanc lorsqu'il est refroidi; traité par l'acide azo- tique bpuillant, il fournit un solutum d'azotate de zinc el de l'oxyde d'étain ; l'azotate sera reconnu comme les sels de zinc ; quant à l'oxyde, il y en aura moins de 140 parties pour 1Q0 d'al- liage. C. Alliage d'étain et de hisnyu.th. Il fournit sous la moufle un oxyde légèrement jaune ; l'acide chlorhydrique concentré et bouillant np dissout que l'étain et laisse le bismuth ; l'acide azoti- que dissout, au contraire, le bismuth et laisse moins de 140 par- ties d'oxyde d'étain pour 100 d'alliage; le solutum précipite en blanc par l'eau distillée, si l'on a chassé l'excès d'acid. e par l'éva- poration ; il présente en outre toutes les propriétés des sels solu- bles de bismuth. D- Alliage cl'étain et de plomb. Soumis à la coupelle, cet al- liage fournira un oxyde blanc mêlé de couleur dérouille et d'un peu de jaune ; l'acide çlilorhydrique concenlré et bouillant le dissoudra en entier; l'acide azolique bouillant dissoudra le plomb — 1024 — et laissera moins de 140 parties d'oxyde pour 100 d'alliage; la dissolution précipitera en blanc par les sulfates solubles, en jaune par les iodures, en noir par l'acide sulfhydrique, comme les sels de plomb. E. Alliage d'étain, d'antimoine et de plomb. Chauffé dans une coupelle, cet alliage donnera un oxyde mêlé de gris, de noir, de blanc et de jaune ; l'acide azotique bouillant ne dissoudra que leplomb,- aussi \e solutum préc'\p\lera-t-i\ en blanc par les sul- fates, en noir par l'acide sulfhydrique ; l'étain et l'antimoine resteront à l'état d'oxyde. Ces oxydes bien lavés et traités par l'acide chlorhydrique se dissoudront, et si on évapore la dissolu- lion pour chasser l'excès d'acide, on verra qu'elle précipite par l'eau distillée en raison de Y antimoine qu'elle renferme; il ne s'agira plus que de déterminer la présence de Yétain,- mais la coupellation a évidemment dénoté l'existence de ce métal dans l'alliage, puisqu'elle a laissé un oxyde dans la coupelle ; en effet, si l'alliage n'eût contenu que du plomb et de l'antimoine, il ne serait point resté d'oxyde, le plomb oxydé s'introduisanl dans les pores de la coupelle, et l'antimoine se volatilisant complètement. D'ailleurs , on pourrait séparer l'antimoine de l'étain par le pro- cédé de M. Gay-Lussac : après avoir dissous les deux oxydes dans l'acide chlorhydrique, on plonge dans la dissolution une lame d'élain, et on chauffe dans un bain de vapeur; la totalité de l'antimoine se précipite sous forme d'une poudre noire, pourvu qu'il y ait toujours un excès d'acide; on lave et on dessèche ce métal sur un bain-marie d'eau bouillante. F. Si les pièces sont en étain, on les reconnaîtra aux carac- tères physiques de ce métal et à l'action de l'acide azotique à 22 degrés el bouillant, qui en transformera 100 parties en 140 par- lies d'oxyde ; la liqueur azolique ne sera troublée par le sulfate de soude qu'autant que l'étain renfermerait un peu de plomb, et l'ammoniaque ne la colorera en bleu que s'il y avait accidentelle- meni un peu de cuivre dans le métal employé à faire de la monnaie. On sait aussi que l'oxyde obtenu par l'acide azotique se dissout dans l'acide chlorhydrique, et que le solutum précipite en blanc par les alcalis, et en jaune par l'acide sulfhydrique, s'il est employé en quaniité suffisante. — 1025 - Monnaie de billon de la valeur de dix centimes. Celte mon- naiedoit contenir, d'après la loi, sur 1000 parties 800 p. de cuivre et 200 p. d'argent ; toutefois comme il est impossible d'arriver par l'opéraiion de la fonte à ce litre mathématique, on a accordé aux directeurs des monnaies 14 millièmes de tolérance par gramme, savoir 7 en dessus et 7 en dessous, en sorte que l'on peut trou- ver que ces monnaies renferment depuis 193 millièmes jusqu'à 207 mil. d'argent. Les fausses pièces de billon sont fabriquées avec une pièce de cuivre sur laquelle on applique une mince lame d'argent, ou que l'on blanchit avec du mercure ; dans le premier cas, on procède à la coupellation en employant 9 grammes et demi de plomb pour un demi-gramme de monnaie (F. p. 1019). Dans le second cas on chauffe la pièce dans une coupelle et l'on expose au-des- sus une pelile lame d'or pur bien décapé ; le mercure ne tarde pas à se volatiliser et à blanchir l'or; il ne faut guère élever la tempéralure au-delà de 150°, autrement le mercure se volatili- serait de nouveau après avoir élé appliqué sur l'or, qui ne se trou- verait par conséquent pas blanchi. DES EXPERTISES EN MATIÈRES CIVILE, COMMERCIALE ET ADMINISTRATIVE. Je ne saurais mieux faire que d'emprunter à M. Gaultier de Claubry les articles qu'il a publiés sur ce sujet (Foyez Briand, page 774). A. Matières civiles. Un volume ne suffirait pas pour examiner les questions qui peuvent chaque jour nécessiter des expertises devant les tribu- naux civils : — Un propriétaire se plaint que l'eau d'un puits est altérée par des infiltrations d'une fosse d'aisances d'une propriété voisine. L'eau extraite du puits a une odeur et une saveur désagréables ; pendant l'évaporation, elle dégage des vapeurs qui ramènent lé- gèrement au bleu le papier de tournesol rougi; le résidu de l'é- vaporation est très coloré ; quand on mêle à une portion de ce — ^026 — produit une dissolution concentrée de potasse ou un peu de chaux éteinte, il se manifeste un dégagement plus ou moins abondant d'ammoniaque; le résidu salin, traité par l'alcool, fournit une li- queur colorée, qui, évaporée, donne un extrait brun d'une odeur de matières animales eu décomposition; on trouve d'ailleurs dans cette eau du sulfate et du carbonate de chaux, un peu de chlo- rure de sodium ou de calcium. Il y a toute présomption que des infiltrations existent, et des travaux suivis dans le but de les vérifier, conduisent presque toujours à les reconnaître. Dans un cas semblable que j'ai eu à examiner, le propriétaire d'une vacherie avait intenté un procès à un raffineur de sucre dont les eaux, suivant lui, altéraient celle de son puits. Les eaux infectées avaient une odeur très prononcée d'urine de vache ; évaporées au bain-marie, elles ont fourni un liquide siru- peux, d'une odeur plus forte encore, qui refroidi à 0° et traité par l'acide oxalique, a donné une quantité considérable de précipité lamelleux et nacré. Ce précipité, séparé et lavé avec de l'eau à 0?, mis en contact avec de l'eau et un peu de chaux éteinte, a fourni de l'oxalate de chaux et de l'urée. L'infection était donc due aux infiltrations de la vacherie elle-même, et ne pouvait êlre attribuée à la raffinerie. — Un raffineur de. sucre signalait une usine à gaz d'éclairage comme la cause de l'altération de ses eaux, dont l'odeur manifes- tait la présence de quelques produits du gaz ; mffis cette odeur disparaissait en partie par l'ébullilion, et complètement par l'ac- tion du noir animal employé pour la clarification du sirop. L'al- tération sensible de l'eau pouvait n'avoir aucune influence sur l'industrie du raffineur; mais en évaporant une grande quantité d'eau de cette dernière usine, traitant le résidu par l'éther,et lais- sant évaporer celui-ci spontanément, on oblenait.une très petite quantité d'une matière grasse, d'une saveur très acre, rougissant fortement par l'acide sulfurique, et tout-à-fait semblable au pro- duit obtenu (en beaucoup plus grande proportion seulement) de l'eau du gazpmètre de l'usine d'éclairage. En outre les sirops fa- briqués avec l'eau suspectée, traités par l'éther, donnaient le même produit, qui, bien qu'en très faible proportion, (jevait en altérer la saveur ; et d/ailleurs les produits de la, fabrique, pou- — 1027 — vaient perdre de leur valeur, par la présomption qu'ils étaient fabriqués avec des eaux corrompues. — Un locataire d'un appartement se plaint d'être incommodé par une odeur plus ou moins désagréable qu'il attribue à l'indus- trie d'un voisin,quoiqu'il n'existe aucune communication directe entre les deux localités. L'expert constate l'existence de cette odeur, et, examinant les localités, trouve que les tuyaux de deux cheminées sont adossés, que la température élevée produite dans une pièce de l'appartement du plaignant distante de celle dont le tuyau de cheminée est contigu à celle de son voisin, fait appel sur les produits qui s'en dégagent et les aspire par la cheminée qui ne fonctionne pas, pour les faire répandre dans l'apparte- ment. Ce fait constaté, la cause est connue, et en même temps le remède, qui consiste à élever l'un des tuyaux de cheminée, pour que les produits qui en émanent ne puissent pénétrer dans je tuyau voisin. — Un propriétaire avait loué un rez-de-chaussée de sa maison à un fabricant de glucose ou sucre de fécule. Depuis quelque temps il était incommodé par une odeur piquante extrêmement pénible à supporter, les barres d'appui des croisées et les tringles se rouillaient, les rideaux en soie étaient altérés.Chargé de véri- fier la cause de ces graves inconvéniens, qui ne pouvaient tenir à la préparation de la glucose, je sentis, en visitant les lieux, une odeur d'acide hypo-azotique très manifeste, et je vis dçs yapeurs rutilantes qui sortaient par les fentes d'une porte : cette obseryation me mit immédiatement sur ja voie, en me faisant soupçonner (ce qu'il fut facile de vérifier immédiatement) que le fabricant se livrait ^ la préparation de l'acide oxalique, en trai- tant sa glucose par l'acide azotique. B. Matières commerciales. Beaucoup de questions différentes, soumises à la juridiction consulaire, peuvent appeler les lumières du chimiste : j'en citerai une qui avait trait à la perte d'un navire en mer, et quj s'est également présentée pour l'incendie de voitures de rou- lage. — 1028 — I. — Une caisse renfermant des boîtes de phosphore et des flacons de chlorate de potasse est chargée sur un navire : un mois après son départ d'un port de France, un incendie s'y dé- clare avec une telle intensité que l'équipage ne trouve de salut qu'en se réunissant dans la chaloupe et s'exposantà tous les dan- gers d'une navigation de plus de 800 kilomètres, sans que le ca- pitaine ait même pu enlever la correspondance et ses instrumens: la compagnie d'assurance maritime se croit en droit d'attaquer comme responsable l'expéditeur de la caisse. Consulté sur celle grave question, voici les points que j'ai dû examiner d'après les renseignemens fournis par le capitaine, le livre de bord et les dépositions des voyageurs. 7500 grammes de phosphore étaient répartis dans seize boîtes en fer-blanc, et le même poids de chlorate en seize flacons. Les boîtes de-fer blanc, de 10 centimètres de haut sur 8 de large, remplies d'eau, avaient élé soudées; la caisse qui renfermait ces boîtes et ces flacons était séparée en deux par un faux-fond. Le chlorate occupait la partie inférieure, le phosphore la partie su- périeure : chaque boîte était mise dans un compartiment, et le colis avait été placé dans l'arrière du bâtiment. Le capitaine a déclaré que, d'après la direction de la fumée, le feu avait pris entre le grand mât et le mât d'artimon ; car, s'il s'était développé surl'avanidu grand mât, le navire étant vent en arrière,el toutes les croisées de la dunette ouvertes, le courant d'air aurait chassé la fumée dans le logement de l'équipage placé à la proue. Le premier indice de l'incendie fut une légère fumée sortant de la cambuse : il s'y manifesta une odeur de toile gou- dronnée brûlée, et bientôt la fumée envahit tout le navire et commença à pénétrer dans le logement et la dunette; le capitaine, les hommes de l'équipage, les passagers, s'accordèrent à signaler l'odeur du goudron, bien différente de celle du phosphore. Pour que l'incendie provînt de l'inflammation de ce dernier corps, il eût fallu qu'il se fût fait une fissure à l'une des boîtes, ou que l'une des parois eût été brisée par quelque choc, ou enfin que plusieurs parois d'une ou de diverses boîtes se fussent sépa- rées. Dans le premier cas, l'eau se serait écoulée peu-à-peu, le phosphore aurait absorbé l'oxygène de l'air et n'aurait pu s'en- — 1029 — flammer; dans le deuxième et surtout dans le troisième, le phos- phore aurait brûlé, et déterminé l'inflammation de la paille, et par suite celle du bois;les flacons de chlorate auraient élé brisés, et une violente déflagration aurait été le résultatdu contact du phos- phore avec ce sel : mais l'odeur particulière de ce corps, la fumée blancheproduitepar l'acide phosphorique, la lumière et la fulmination résultant de l'action du phosphore sur le chlorate auraient dévoilé la cause de l'incendie. Celte cause n'était donc pas le colis signalé, mais l'inflamma- tion de quelque toile enduite de goudron, ou celle de coton im- prégné d'huile, ou toute autre du même genre, dont les effets ont été lant de fois observés* Sans doute, une fois parvenu au point occupé par le colis en question, l'incendie y a trouvé un nouvel et grave élément d'ac- croissement ; mais alors le navire élait perdu et l'équipage ne pouvait trouVer de salut que dans la fuite. Cet exemple montre combien de renseignemens sont néces- saires au chimiste pour la solution de certaines questions. II. ^- Un propriétaire a fait marché avec un entrepreneur pour la réparation d'une maison ; la peinture doit être à l'huile el à irois couches. Une difficulté s'élève entre les parties relative* ment à l'exécution du devis : le propriétaire prétend que l'entre- preneur n'a donné qu'une couche de peinture à l'huile sur une de peinture à la colle. Le tribunal consulaire a besoin d'être éclairé sur l'exécution des clauses du marché. Voici comment l'expert doit procéder ; On gratte sur un .certain nombre de points la peinture jusqu'à vlf,en plaçant chaque échantillon dans un papier portant une in- dication précise. Chaque partie de la peinture est traitée par l'é- ther à chaud, pour dissoudre l'huile, que l'on obtient par évapo- ration spontanée ; le résidu est bouilli avec l'eau, qui en extrait la gélatine, s'il en a été employé, et l'évaporation la fournit. Le résidu insoluble se compose de carbonate de chaux. L'existence de la peinture à la colle étant prouvée, l'expert peut même indiquer avec quelque certitude si une ou deux couches de cette peinture ont élé appliquées; il lire celte connaissance des quantités relatives d'huile et de gélaline. — 1030 — III. — Un marchand s'est engagé à fournir de l'huile destinée à des usages industriels ; il est attaqué par son acheteur comme ayant mêlé à son produit de Yacide oléique : un chimiste est chargé d'examiner le produit. Les alcalis carbonates n'agissent pas sur les huiles, et dissolvent au contraire l'acide oléique ; on peut donc prononcer sur la nature et même sur la proportion des substances mélangées. IV. — Un marché a été conclu pour l'acquisition d'huile d'o- lives destinée à la fabrication du savon; le fabricant préiend que celle qui lui est fournie renferme des huiles de graines : c'est en- core au chimiste à prononcer. L'huile d'olives agitée avec de l'azotate de protoxyde de mercure fait à froid, ou mieux avec de l'acide hypo-azotique, se solidifie très promptement; les huiles de graines n'arrivent au même état qu'après très longtemps : le mélange présente des qualités inter- médiaires, suivant les proportions. On pèse dix grammes d'huile dans un tube bouché ou dans un petit flacon, on y ajoute 3 décigrammes d'acide hypo-azotique mêlé avec 9 d'acide azotique; on agite jusqu'à ce que la liqueur se trouble ; et l'on compte ensuite le temps employé pour la so- lidification. Voici les temps employés pour la solidification de certaines huiles, et la couleur que présente le produit : Huile d'olives Couleur du mélange. vert-bleuâtre No notre de minutes. 73 Rapport arec l'huile d'olives. 10 — d'amandes douces blanc sale 160 22,â — — amères — de noisettes vert foncé vert-bleuâtre 160 105 22,2 14 — de colza jaune brun 2400 328-0 V. — De la sophistication des tissus. On peut, à l'aide du microscope, constater la nature des matières employées à la con- fection des tissus, et reconnaître, par exemple, si du coton a élé mélangé à la laine, à la soie ou au fil de lin ou de chanvre, qui auraient dû être seuls employés : mais la chimie vient ajouter quelques caractères à ceux que fournit le microscope. On sait que la laine de mouton est pleine et homogène, tandis que les poils courts etraides de la plupart des rnminans offrent — 1031 — des cavités aérifères plus ou moins régulières; que ia surface de la laine esl hérissée d'écaillés inégales appliquées en recouvrement de bas en haut et qui lui donnent la propriété de se feutrer. Mais il existe de très grandes différences de grosseur entre les laines de diverses qualités : les laines communes sont épaisses de 3 à 4/100e de millimètre ; les laines fines ont à peine 24/10006 et quel- quefois même n'atteignent pas 20/1000e de millimètre. Lorsque la laine est usée par le frottement, les aspérités de la surface ont disparu ; elle se fend et se désagrège en fibres quand on l'é- crase. Les fils de coton sont des tubes fermés à leurs deux extrémités et remplis d'une substance qui les empêche de s'imbiber de li- quide.— Ceux de chanvre et de lin sortt des tubes ouverts et dont le rouissage a détruit la matière qui les remplissait. La soie, fournie parla solidification d'une substance irtolle éti- rée par le ver, n'offre aucune structure régulière : elle se pré- sente en filamens irrégulièrement aplatis, dont l'épaisseur varie de 7 à 15/1000° de millimètre, et qu'on distingue facilement de la laine fine par les écailles qui garnissent la surface de celle-ci. L'acide azotique jaunit immédiatement la soie, plus lentement la laine, et ne colore ni le lin ni le chanvre. M. Lassaigne a pro- fité de cette propriété de l'acide azotique pour reconnaître si un tissu qui devrait ne renfermer que de la laine ou de la soie contient au contraire du colon, du lin ou du chanvre. On mouille le tissu avec de l'acide azotique du commerce, on l'étend sur une assiette ou une soucoupe de porcelaine, que l'on expose l'été au soleil, ou l'hiver près du poêle : au bout de 7 à 8 minutes, tous les filamens de laine ou de soie sont colorés en jaune, les autres restent blancs; on lave bien le morceau d'étoffe, on le lord et on fait sécher; à l'œil nu ou à la loupe, on distingue avec la plus grande facilité et l'on peut compter les fils colorés et ceux qui sont incolores, et prononcer alors sur la nature du tissu. Si le tissu à examiner était teint d'une couleur quelconque avec une substance organique, le contact de l'acide, prolongé assez longtemps pour détruire cette couleur, fournirait les mêmes ca- ractères ; ou mieux, on blanchirait d'abord le tissu par le moyen du chlore. — 1032 — VI. — Les nombreux procès en contrefaçon et ceux qui sont relatifs aux brevets d'invention exigent aussi très fréquemment les lumières des chimistes, soit qu'il s'agisse d'analyser de» produits ou de vérifier si les procédés spécifiés dans les brevets fournissent réellement les produits annoncés , soit qu'il s'agisse de comparer plusieurs procédés , d'examiner la valeur des- moyens connus antérieurement et de signaler les différences qui existent entre eux et les procédés brevetés. C. Matières administratives. Le décret de 1810 et l'ordonnance de 1815 ont réglé les forma- lités à accomplir pour les informations de commodo vel incom- modo, qui doivent être faites à l'occasion de toute demande d'é- rection ou de modification d'établissemens industriels. Ils ont déterminé quelques conditions générales relatives à la position de ces établissemens, non-seulement suivant les classes auxquelles ils appartiennent, mais aussi selon la nature des loca^ lités, la disposition du sol, la direction des vents. Dans la première classe sont rangées les fabriques qui doiven! êlre éloignées des habitations -, mais il y a d'énormes différences entre les industries qui s'y trouvent réunies : qu'il s'agisse, par exemple, d'un clos d'équarrissage ou d'une boyauderie, d'une ver- rerie, de fabriques d'amorces fulminantes ou de chlorures, de hauts fourneaux, d'une fabrique de minium ou de massicot, ou d'une distillerie de résine, on voit immédiatement quelles condi- tions différentes elles doivent remplir relativement aux localités* environnantes : les dangers d'incendie pour les unes, ceux d'ex- plosion pour les autres, les odeurs infectes qui émanent de plu-' sieurs,les vapeurs nuisibles que d'autres fournissent, etc.,doivent être prises en très grande considération.—Lorsque des établisse- mens répandent des odeurs ou des vapeurs dangereuses, que la fabrique est située sur un point élevé du sol, qu'elle domine une plaine étendue, bien balayée par les venls, que des habitalions ou des propriétés d'une grande importance, telles qu'un établis- sement public, un hôpital, etc., sont placés sur le vent le plus habituellement régnant, l'éloignement pourra être peu consi- dérable : tandis qu'on devra le prescrire beaucoup plus grand — 1033 — dans le cas où le sol serait plai, et, à plus forte raison, si la fabri- que occupait un fond dominé parles habitations,si celles-ci sur- tout se trouvaient sous le vent de l'établissement. — Lorsque des eaux infectes ou seulement odorantes, colorées ou abondantes, proviennent des élablissemens, leur mode d'écou- lement, leur parcours, la nature des points qu'elles traversent, celle des produits qui peuvent venir s'y mêler ou auxquels elles se mêlent elles-mêmes, doivent appeler particulièrement l'atten- tion. — Si les produits gazeux qui émanent d'une fabrique, ou les liquides qui s'en écoulent, traversent des localités où se trouvent déjà des établissemens industriels dont ils pourraient altérer la nature ou modifier les qualités, il y a quelquefois des prescrip- tions particulières à faire. — La fumée, par les fuliginosités qu'elle transporte, peut de- venir très nuisible à une propriété voisine dans laquelle se trou- verait une blanchisserie, tandis qu'elle n'aurait qu'une influence à peine sensible pour toute autre propriété ou usine : la position de l'usine relativement aux vents habituellement régnans est alors particulièrement à considérer. — Une fabrique est placée sur une éminence de terrain, bien que la cheminée qui reçoit tous les produits de la combustion et les vapeurs ait peu de hauteur, elle suffit cependant parfaitement pour préserver le voisinage de toute incommodité. Si la fabrique se trouve, au contraire, adossée à une colline sur laquelle exis- tent des maisons d'habitation, quelquefois sa cheminée, malgré une hauteur de plus de 30 mètres, est insuffisante, tous les produits qui en émanent se trouvant portés directement dans les bâtimens voisins. On voit, d'après ces exemples, combien il nous serait impossi- ble de formuler des prescriptions générales applicables à tons les cas, et de quelle nécessité il est pour l'administration de s'entou- rer des lumières d'hommes compétens pour juger la nature de chaque industrie, la possibilité des résultats que l'on peut atten- dre de l'application d'un moyen donné, et les inconvéniens qui résulteraient relativement à l'industrie des conditions qui pour- raient la rendre impossible. ni. G6 — 1034 — Nous trouverions dans les deux autres classes de fabriques des exemples analogues, au sujet desquels nous pourrions faire des observations qui viendraient corroborer ce que nous établissons ici ; mais nous serions entraînés trop loin, si nous» entreprenions de nous en occuper. Nous nous contenterons de signaler en finis- sant l'utilité de bien connaître la direction des vents régnans, pour servir de base à tout avis donné sur des établissemens indus- triels. D'Arcet a publié à ce sujet une note intéressante (An- nales d'hygiène, xxx, 321), dont nous extrayons, comme exem- ple, le tableau suivant dressé pour Paris. MOYENNE RÉSULTANT D'OBSERVATIONS FAITES A PARIS PENDANT 8 ANS. Nord. ... 20 jours par an. Sud.....31 jours par an. Nord-nord-est. 44 Sud-sud-ouest . 26 Nord-est. . . 31 Sud-ouest ... 41 Est-nord-est. . 17 Ouest-sud-ouest . 32 Est . . . . 15 Ouest .... 37 Est-sud-est. . 10 Ouest-nord-ouest. Sud-est. .- .17 Nord-ouest. . . 25 Sud-sud-est . 15 Nord-nord-ouest. 13 — L'état des eaux employées comme boisson dans une localité, l'influence que peut avoir sur leur pureté l'emploi d'un moyen de filtration que l'administration municipale pourrait adopter dans l'intérêt général, peuvent donner lieu à une demande d'avis de sa part à des chimistes. Ce dernier exemple s'est présenté il y a quelques années à Paris, relativement aux moyens de filtrage de MM. Fonvielle et Souchon. — Ce dernier se servait de laine ton- tisse : il s'agissait de savoir si son emploi ne pouvait pas occa- sionner quelques inconvéniens. Dans l'eau filtrée de celte manière j'avais signalé l'existence de fragmens microscopiques de laine. Ce fait avait élé contesté, et l'on s'était surtout appuyé sur des observations de M. Bayard qui furent publiées; mais on ne donna pas connaissance de nouveaux faits observés par le même auteur, que je crois bon de publier ici, et qui confirment complètement ce que j'avais avancé : «. Je reconnus, dit M. Bayard, que si l'on soumettait à l'exa- men microscopique quelques gouttes prises dans le fond du vase — 1035 — on ne trouvait aucun dépôt, mais que si, après l'avoir agité, on plaçait le vase qui renfermait l'eau entre l'œil et la lumière, on apercevait en suspension dans les couches supérieures du liquide, de petits corps étrangers très ténus formés pour la plu- part de débris microscopiques de laine tontisse, qui ne cor- rompaient pas l'eau même après plusieurs mois. » Pour dernier exemple je choisirai une question relative à l'al- léraiion du pain qui s'est offerte en 1840.—Tout-à-coup et sans cause connue, le pain de la Manutention, destiné aux militaires en garnison à Paris, s'est trouvé recouvert de taches rouges qui se développaient avec une grande intensité; ce pain prenait une odeur désagréable et même repoussante, et ne pouvait êlre livré à la consommation : deux exemples seulement se présentèrent dans la boulangerie civile. Cette altération était due à un cham- pignon du genre oïdium. En examinant les circonstances dans lesquelles il se développait, je fus conduit à rechercher dans la farine elle-même les sporules de ces champignons, et je les y re- trouvai. La cause de l'altération étant connue, il s'agissait d'en détruire l'aclion, el pour cela divers moyens se présentaient : le mélange avec des farines de très bonne qualité, la préparation de pâtes plus raides (c'est-à-dire plus dures) travaillées plus long- temps, la cuisson dans un four moins chaud, l'exposition du pain cuit dans un lieu aéré au lieu de le renfermer immédiatement, comme on le faisait chaque jour. L'emploi de ces moyens a fait disparaître, en effet, l'inconvénient signalé (Annales d'hygiène, xxxiv, 347). Postérieurement, une commission nommée par le ministre de la guerre est arrivée au même résultat. L'ulililé du microscope, déjà signalée précédemment, s'est trou- vée dans les deux cas vérifiée par des observations qui peuvent souvent avoir de l'importance. Les nombreux fails que nous avons cités, en attestant combien sont variées les circonstances dans lesquelles la chimie peut four- nir à la justice comme à l'administration desdocumens d'un haut intérêt, prouveront (nous en avons la plus entière confiance) à tout esprit non prévenu que si, jusqu'à ce jour, aucune réclama- lion n'a élé élevée à ce sujet, c'est l'habitude où l'on est d'admet- 66. — 1036 — tre sans réflexion l'état de choses existant qui esl la cause unique de ce silence; mais que le temps est venu où la chimie légale doit prendre rang dans nos institutions. Si nous sommes parve- nus à faire admettre ce principe, nous aurons obtenu un résultat dont le développement sera l'affaire du temps, mais qui mar- quera une ère nouvelle et indispensable pour l'époque où nous vivons. BIBLIOGRAPHIE DES POISONS (1). Des poisons en général. Theophrastus (Eresius). De Historia Plantarum (irepî ttîç tôv cpurûv (co- pia?), lib. ix. Voir surtout les chap. xii et suiv. du dernier livre. Éd. de 1664, in-f°. Nicander. Alexipharmaca (ÀXsl-t52 —■ Hahnemann (S.). Ueber die AiscnikvergiftUng, u. s. w. Leipzig, 1786, in-8. Puihn (J.-G ). Die Gifte des Mineralreichs. Bayr., 1796, in-8. Renault. Nouvelles expériences sur les contre-poisons de l'arsenic, Paris, an ix, in 8. Tartra. Traité de l'empoisonnement par l'acide nitrique. Paris, 1802, in-8. % J/eger (G.-F.). Diss. de effectibus arsenici in varios organismos nec non de indiciisquibusd. veneficii ab arsenico illati. Tubinge, 1808, in-4. Marschall's (John)Remarks on arsenic (1800?), in-8. Blume (C-L.). Diss. de arsenico, et ratione quâ in animalia agit. Leyde, 1817, in-4. Autenrieth (J.-H.-F.). Pr. Diss. sistens observationcs quasdam de vario Arsenic in animalia effectu. Resp. Hardig. Tub. 1817, in-8. Borges (Wilh-H.-Lud.). Ueber eine Vergiftung durch weissen Arsenik. Berlin, 1818, in-8. Hinck (J.-A.). Ueber Arsenik in oryktognoslischer, pharmacologischer und medicinisch-gerichtlicher Hinsicht. Wien., 1820, in-8. Reissenhirtz. De arsenici efficacia periculis illustrata. Berlin, 4 823. Cantu (J.-L.). Dearsenico, de veneficio ab acido arsenico. Aug. Tau- rin, 4823, in-8. Kleinert (C.-T.). De arsenici virtutibus chemicis medicis et in investi- gandi modis. Iena, 1825, in-8. Sartorius et Monheim. Med.-chemisch. Unters. einer... Arsenik-Ver- giftung. Cologne, 1826, 8°. Wibmer tKarl.) Tract, de effectu plumbi in organismaanimali sano, nec non de therapiâ intoxicationis saturninae. Monachi, 1829, in-8. Enschut (F.-P.-G, Van). Comment, med. — forensis, qua exponentur signa pathologica, et illuslrantur, ipsius autoris experimentis, signa che- mica quibus veneficium arsenicale in foro certo probari possit. 8. in-8. maj. Trajecti ad Rhen., 1836. Besen (Rob-Wilh.). und Arn. Ad. Berthold. Eisenoxydhydrat, Ge- gengift des weissen Arseniks od. der arsenischen Saeiire. 2e verm. aufl. Gdltingen, 1837, gr. in-8. La première édition est de 1834. Ueber arsenikhaltige Stearinlichter. Eine im Interesse des allgem. Gesundheits-Zustandes der Aufmerksamkeit des Publicums sehr zu empfehlende Frage. Nach dem Report of the Westminster médical Society to London. Slultgard, 1839,'in-8. Raspail. Accusation d'empoisonnement par l'arsenic; mémoire à con- sulter à l'appui du pourvoi en cassation de dame Marie Cappelle, veuve Lafarge, sur les moyens de nullité que présente l'expertise chimique. Paris, 4840, in-8. — 1053 — Rognetta. Nouvelle méthode de traitement de l'empoisonnement par l'arsenic et documens médico-légaux sur cet empoisonnement'. Paris, 4 840, in-8. Danger et Flandin. De l'arsenic, suivi d'une instruction propre à servir aux experts dans les empoisonnemens. Paris, 1841, in-8, fig. Fabrége (P.). Guide du médecin dans l'empoisonnement par l'acide ar- sénieux. Paris, 1841, in-8. Duflos (A.) und Hirsch (A -G.). Das Arsenik, seine Erkennung und sein Vorkommen in organisirten Korpern. Breslau, 1842, in-8. Méthode, die Anwesenheit des Arseniks bei Arsenikvergiftungen zu ermitteln, u. s. w. ; trad. du Rapport fait à l'Académie de méd. par M. Caventou sur les expér. de M. Orfila. Paris, 1841, in-8.; par Walther. Miinchen, 1842, in-8. Reinsch (Hugo). Das Arsenik, u. s. w. in-8; Niirenberg, 18 42. Barreswil (C.) et Sobrero (à.). Appendice à tous les traités d'analyse chimique; recueil des observations publiées depuis dix ans, sur l'analyse qualitative et quantitative. Paris, 1813, in-8. Chevallier (A.) et Barse (J.). Manuel pratique de l'appareil de Marsh, ou guide de l'expert toxicologiste dans la recherche de l'antimoine et de l'arsenic, contenant un exposé de la méthode de Reinsch, pour la recherche médico-légale de ces poisons. 1 vol. in-8, Paris, 1843. Beaufort. Recherches médico-légales et thérapeutiques, sur l'empoi- sonnement par l'acide arsénieux, etc., exposées par M. Orfila. Paris, 1842, in-8. Woehler et Siebold. Das forens.-chem. Verfahren bei einer Arsenik- Vergiftung. Berlin, 4 845. In-8. Blondlot. Nouveaux perfectionnemens à la méthode de Marsh pour la recherche de l'arsenic. Paris, 1847, in 8. Hillairet. Notice historique sur l'empoisonnement par] l'arsenic, sur l'appareil de Marsh, etc. ; Paris, 1847, in-8. #bliographie de la médecine légale. §1- Ouvrages relatifs à l'histoire et à la bibliographie de la médecine légale. GoELicKE(And.Otlomar).Tntroductioin historiam litterariam scriptorum medicinam forensem illustrantium. Francfort-sur-1'Oder, 1725, in-4 {V. § H)- Daniel (Christ. Frid.). Entwurf einer Bibliothek der Staatsarzneikunde und medicinischen Polizey , von ihrem Anfange bis auf das Jahr 1784. Essai d'une bibliothèque de médecine publique, ou de médecine légale et de police médicale, depuis leur origine jusqu'à l'an 1784. Halle, 1785, in-8. - 1054 - Schweickhard (C. L.). Tentamen catalogi rationalis dissertationum ad medicinam forensem et politiam medicam spectantium, ab anno 1569, ad nostrausque tempora. Francfort-sur-le-Mein, 17j6, in-8. Knebel (J.G.). Grundlage zu einem vollstaendigen Handbuch der Lite- ratur fur die gesammle Staatsarzneikunde, bis zu Ende des achtzehnten Jahrhunderts. Ester Band. Gerichlliche Arzneikunst. Ersle Ablheilung. Allgemeine Literatur derselben. Gorlitz, 1806, in-8. Chaumeton. Esquisse historique de la médecine légale en France. Paris, 4806. Mende (L.-J.-C). Ausfuhrliches Handbuch der gerichllichen Medizin fur Gezetzgeber, Rechtgelehrte, Aerzte und Wundaerzte. Erster Theil. Kurze Geschichte der gerichtlichen Medizin, und ihres formellen Theils, Erster Abschnitt (Manuel complet de médecine légale pour les magistrats, les jurisconsultes, les médecins et les chirurgiens. Première partie, Histoire abrégée de la médecine légale, etc.). Leipzig, 4 819, in-8. Squizze einer Geschichte der gerichtlichen Arzneik.; dans Kopp, Jahrb. der Staatsarzn. 4 808. Uebersicht der Liter. der Staats -Arnz. bis zum Jahr 4816. Ibid. In den Jahr. 1817-20, dans Henke. Zeitschrift fur die gerichtl. Arzneik. Prunelle. De la médecine politique, de la médecine légafe en particu- lier, de son origine et de ses progrès, etc. Montp., 184 4. WiLDB^RG(Ch Fr. Ludov.). Bibliotheca medicinae publicae, in qua scripta ad medicinam et forensem et politicam facientia ab illarum scientiarum initiis, ad nostra usque tempora digesta sunt. t. i. Bibliotheca medicinae forensis. Berlin, 1819, in-4. Krugelstein. Promptuarium medicinae forensis, oder Realregister iiber die in die gerichlliche Arzneiwissenschaft einschlagendenBeobachtungen, Endeckungen und Vorfœlle. Ein Hulfsbuch, iir geritchtliche Aertze, etc. Gotha, 1828,1829, in-8, 3 vol. Voy. aussi Introduct. du Systema jurisprud. medic. d'Alberti, et les Elémens de jurisprud. médicale de T.R. Beck. Lond., 1825. §H. Traités généraux. Nota. J'ai cru devoir donner une étendue assez considérable à la liste des Traités généraux de médecine légale, et surtout à celle des Mélanges, ou Re- cueils relatifs à des sujets divers, parce que c'est toujours à ces sources qu'il faut recourir, quelle que soit la mat ère dont on s'occupe, et sur laquelle ou désire sa- voir ce qui a été écrit. La bib'iogiajhie spéciale, dont chaque section de cet ouvrage doit être accompagnée, sera beaucoup plus restreinte. Fortunatus (Fidelis). De relationibus medicorum libri quatuor/ in qui- — 1055 — bus ea omnia quai in forensibus ac publicis causis medici referre soient, plenissimetractantur.Palerme, 4602, in-4.; ed. Paul Ammann, Leipzig, 1671, in-8. Zacchias (Paul). Questiones medico-legales, in quibus eœ materia3me: dicae, quae ad légales facultates videntur pertinere, proponuntur, pertrac- tantur, resolvuntur. Amsterdam, 1651, in-fol. ; ed. J. Dan. Horst. Franc- fort, 1666, in-fol.; ed. Georg. Frank, ibid., 4688, in-fol. Nuremberg, 1720, in-fol. 3 vol. C B. B. (Conr. Barth. Behrens). Medicus legalis oder Gesetzmaessige Bestellung der Arzneykunst. Francfort et Leipzig, 4696, in-8. Bohn (J.). De officio medici duplici, cliniconimirum ac forensi. Leipzig, 1704,in-4. Teichmeyer (Herm. Frid.). Institutiones medicinae legalis vel forensis in quibus praecipnae materiae civiles, criminales et consistoriales tradun- lur. Iena, 4722; ibid., 4731 ; ed.Faselio, ibid., 4762, in-4. Goelicke (And. Ottomar). Medicina forensis demonstrativa methodo tradita cui praemissa est introductio in historiam litterariam scriptorum medicinam forensem illustrantium. Francfort-sur-l'Oder, 4 723, in-4. Alberti (Mich.). Systema jurisprudentiae medicae, quo casus forenses, ajurisconsultis et medicis, decidendi explicantur omnium quae facullatum, senlentiis confirmantur, in partem dogmaticam et practicam partitum, ca- sibus, relationibus, judiciis, etc., illustratum (Pars 4a). Halle, 4725, in-4; ed. altéra aucta, etc. Halle, 4756, in-4. — Jurisprudentiae medicae pars posterior practica sive casuistica, etc. (en allemand), Schneeberg, Leipzig et Gdrlitz, 4733-47, in-4, 6 vol. A la fin des tomes 3" et 6e l'auteur a fait réimprimer les thèses qu'il avait publiées sur la médecine légale. Le der- nier volume renferme une table de tout l'ouvrage. Eschenbach(C. E.). Medicina legalis brevissimis thesibus comprehensa. Rostoch, 4746, in-8;ibid., 1775, in-8. Furstenau (J. H). Medicinae forensis contracta? Spécimen I. Respon- ,dente C. E. Rœderer. Rinteln, 4752. — Spécimen II. Resp. P, C: Rose. Ibid., 1752. — Spécimen III. R sp. C. G- Furstenau. Ibid., 1752, in 4. Hebenstreit. Anthropologia forensis slstens medici circa rempublicam causasque dicendas officium. ed ait. cum fig. Leipzig, 4753, in-8. — De officio medici forensis Halae, 1778, in-8. Boerner (F.). Institutiones medicinae legalis, etc. Wittemberg, 1756, in-4. Ludwig (Chr. Gottl.) Institutiones medicinae forensis praelectionibus academicis aecommodatae. Leipzig, 1765, in-8, ed. Roose. Ibid., 1774. Bernuold (J. M.). Medicina legalis Teychmeyeriana tabulis expressa. Iéna, 1760, in-8. • Faselius(J. F.). Elementa medicinae forensis, ed.Rickmann. Iéna, 4767, in-4. — Traduit en anglais par Farr, sous ce titre : Eléments of médical jurisprudence. Londres, 1788. — 105(i — Brendel(J. Gotofr.). Institutiones medicinae legalis, Halle, 1768. — Me- dicina legalis seu forensis, ejusdemque praeiectiones in Teychmeyeri insti- tutiones medicinae legalis. Curavit, notisquibusdam et indice locupletissimo auxit F. Gli. Meier. Hannover, 1789, in-4. Kannegiesser(G. H.). Institutiones medicinae legalis. Halle, 4 768 ; ibid., 1778 ; cum praef. A. E. Buchneri, Kiel, 1772,1777, in-8. Baume r (J. W.). Medicina forensis praeler partes consuetas primas lineas jurisprudentiae medicae militaris et veterinariae civilis continens. Francfort Leipzig, 1778, in-8. Sikora (Mat. Mich.). Conspectus medicinae legalis legibus austriaco- provincialibusaccommodatus. Prague, 1780 ; ed. et notis auxit J. D.John. Prague et Dresde, 4792, in-4. Plenk (Jos. Jac). Elementa medicinae et chirurgiae forensis. Vienne, 4781, in-8. Haller (A. Von). Vorlesungen iiber die gerichtliche Arzneywissen- schaft, etc. Leçons de médecine légale, traduites sur un manuscrit latin laissé par l'auteur (avec des additions par F. A. Weber). Berne, 1782-84, in-8, 3 part. Frenzel (J. S. T.). Gerichtlich-polizeyliche Arzneywissenschaft. Leip- zig, 1791. Metzger (J. Dan.). Kurzgefasstes System der gerichtlichen Arneywis- senschaft. Kœnigsberg, 1793. 3* ed. Kœnigsberg et Leipzig, 1803; ed. publ. par Gruner, ibid., 4 814. Trad. en latin par J. B. Keup, sous ce titre : Systema medicina? forensis succinctum. Stendal, 1794. En français, par Ballard. Autun, 4 812, in-8. Foderé 'F. E.). Les lois éclairées parles sciences physiques, ou Traité de médecine légale et d'hygiène publique. Paris, an vu, in-8, 3 vol. ; 2 eéd. refondue. Paris, 1813, in 8, 6 vol. Fahner (J. C). Vollstaendiges System der gerichtlichen Arzneykunde: Système complet de médecine légale. Stendal, 1795-1800, in-8, 3 vol. Belloc (J. J.). Cours de médecine légale, judiciaire, théorique et prati- que, etc. Paris, an ix, in-12, 2* éd. Ibid., 4811, in-8. Muller (J. V). Entwurf der gerichtlichen Arzneywissenschaft. Essai de médecine légale. Francfort-sur-le-Mein, 1796-1802, in-8, 4 vol. Mahon (P. A. O.). Médecine légale et police médicale, avec quelques no' tes du citoyen Fautrel. Paris et Rouen, 1801, in-8, 3 vol. Roose (Th. G. A). Grundriss medicinisch-gerichllicher Vorlesungen : Esquisse d'un cours de médecine légale. Francfort-sur-le-Mein, 1802, in-8. Schraud (F.). Elementa medicinae forensis. Pesth, 1802, in-8. Tortosa (G.). Instituzioni di medicina forense. Pavie, 1802, in-8 2 v. • Vicence, 1809. SiDOTi(Fil.). Medicina forense, opéra fisico-chirurgico-legale. Palerme 1806, in-8. - 1057 — Bene (Fr.). Elementa medicinae forensis. Bude, 1811, in-8. Masius (G. H.). System der gerichtlichen Arzneykunde fur Rechtsge- lehrle. Rostock, 184 0. —Lehrbuch der gerichtlichen Arzneykunde. Altona, 4812, in-8, 2 vol.—Handbuch der gerichtlichen Arzneywissenschaft. Sten- dal, 1821-23, in-8, 2 tomes en 4 part. Wildberg (C. F. L.). Handbuch der gerichtlichen Arzneywissenschaft zur Grundlage bey academischen Vorlesungen und zum Gebrauche fur ausiibende gerichtliche Aerzte. Berlin, 1812, in-8. Henke (A.). Lehrbuch der gerichtlichen Medizin. Berlin, 4842, in-8; ibid., 4 824, in-8. Niemann (J. Frid.). Handbuch der Staatsarzneiwissenschaft und staals- aerztlichen Veterinaerkunde, nach alphabelischer Ordnung, etc. Leipzig, 184 3, in 8, 2 vol. Bernt (J.). Systematisches Handbuch der gerichtlichen Arzneykunde. Vienne, 4 84 3, in-8 ; 5e édit. Ibid., 4 846, in-8. —Ergaenzungen des System. Handb. der gerichtl. Arzn. u. s. w. 4cr vol. Vienne, 4826, in-8. Farr (Samuel). Eléments of médical jurisprudence ; or a succinct and compendious description of such tokens in the human body, as are requi- site to détermine the judgment of a coroner, and courts of law, in cases of divorce, râpe, murder, etc. ; to which are added directions for preserving the public health; 2e edil. Londres, 1814, in-12. (V. Faselius). Dorn (A.). Die gerichtliche Arzneywissenschaft in ihrer Anwendung, oder die Anweisung zu zweckmaessigen und legalen medicinischen Unter- suchungen, etc. Munich, 1813, in-8. Klose(W. F. W.). System der gerichtlichen Physik. Breslau, 184 4, in-8. Sprengel (Kurt.) Institutiones medicinae forensis. Leipzig, 4 846, in-8. Moll (A.). Leerboeck der geregtelijke geneeskunde; voor genees-en regtkundigen (Traité de médecine légale pour les médecins légistes et les jurisconsultes). Arnheim, 4 825-26, in-8, 3 vol. Bartlev (O. W.). A Treatise on forensic medicine, or médical jurispru- dence. Bristol, 4 815, in-12. Mâle (George Edward). An epitome of juridical or forensic medicine, for the use of médical men coroners, and barristers. Londres, 1816. Viess(F. B.). Vorlesungen uber gerichtliche Arzneikunde. Rédigé avec des remarques, sur un manuscrit de l'auteur, par Bernt, t. 1er. Vienne, 1817, in-8. Cooper (Th.) Tracts on médical jurisprudence, includ. Farr'selem. of med. jurisp. ; dease's remarks on med. jurisprud. ; Male's epit. of jurispr. orforens. med.; and Haslam's med.jurisp. asisrelated tofinsanity with a pref. notes, and append. Philadelphie, 1819, in-8. Biessy (Ch. Vict.). Manuel pratique de la médecine légale, t. i. Lyon, 1812, in-8. Orfila. Leçons faisant partie du cours de méd. légale. Paris, 1821, avec — 1058 — un atlas, comprenant la Toxicologie. - Leçons de médecine légale en deux parties. Paris, 1823-2 5, in-8.2P éd. 1828, vol.; 3e éd., Paris, 1839, 3 vol. in-8. Smith (John Gordon). Theprinciplesof forensic medicine systomatically arranged, and applied to Brilish practice ; second édition greally enlarged. Lonures, 1824, in-8. Paris (J. A.) and (J. S. M.) Fonblanque. Médical jurisprudence ; inthree volumes. Londres, 1823, in-8. Mende(L. .lui. K.). Ausfùhrliches Handbuch der gerichtlichen Medizin. Leipzig, 1819-1829, in-8, tomes i à v (ouvrage non achevé). Meckel (A.). Lehrbuch der gerichtlichen Medizin. Halle, 1821, in-8. Barzelotti (Giacomo). Medicina légale secondo lo spirito délie leggi civili e penali veglianti nei governi d'Italia. Edizione novissima con note di Gabrielle Rossi. Bologne, 1823-24, in-8, 2 vol. Briand(.Ios.). Manuel de médecine légale. Paris, 1821, in-8. — Briand et Bresson, Manuel complet de médecine légale. Paris, 1830, in-8 ; avec Ernest Chaude et G. de Claubry, 4e édit. 1846, grand in-8. Romeyn Beck (Theodorio). Eléments of médical jurisprudence, second édition, with notes, and an appendix of original cases and the latest dis- coveries; by Willim Dunlop. Londres, 1825, in-8. Martini (Lorenzo). Introdùzione alla medicina légale. Turin, 4 825, in-8, 3 volumes. Coetsem (C. A. Van.). Elementa medicinae forensis. Gand, 4 827, in-8. Niemann (I. F.). Taschenbuch der Staatsarzneiwissenschaft fur Aerzte und Wundaerzte, etc. Leipzig, 4827-29, in-8, 3 vol. Sedillot. Manuel complet de médecine légale, etc. Paris, 4 830, in-8. Ferrarese (L.). Programma di psicologia medico forense. Naples, 4 834, in-8. Kuhnoltz. Coup-d'œil sur l'ensemble de la médecine judiciaire, etc. Montpellier, 4 834, in-8. Brierre de Boismont. Manuel de médecine légale, in-8. Paris, 483S. Trinquier (V.). Système complet de médecine légale, t. i, fasc. i et n. Montp., 4 836-38, in-4. Gianelli (G. L.). Trattato di medicina publica divis. in tre parti med. légale, etc. Tomei^-, in-8. Padoue, 4836. Poilroux. Manuel de méd. lég. criminelle, etc. Paris, 2e édition, 4837, in-8. Devergie. Médecine légale théorique et pratique. Paris, 4837, in-8, 3 vol., 2eéd., 4840, in-8, 3 vol. Trinquier (V.). Plan raisonné d'un cours de médecine légale. Shasb. 4840,in-8. Traill (Th. St.). Outlines of a course of lectures on médical jurisp. 2' ed. Edimb. 4840, in-8. Réimprimé à Philadelphie en 4 841, avec une révi- sion et des notes,nombreuses. — 1059 — Perrone. Trattato elementare di med. leg., etc., etc., 2e ed, ; Naples, 1840. Siebenhaar (Fr. Jul.). Encyclop. Handb. der gerichtl. Arzneik. Aveela collab. de Flache, Lehmann, Martini et Schmalz. Leipz. 1837-40. 2 vol. in-8. Bock (A. C). Gerichtliche Sectionen des menschl. Korpers, 2, édit, par C. E. Bock. Leipzig, 1843, in-8. Fredreich (J. B.). Handbuch der gerichtsaerztlichen Praxis mit Ein- schluss der gerichtl. Veterinsœrk. 2 vol. in-8. Ratisb., 1843, in-4. Bayard (H.). Manuel pratique de médecine légale. Paris, 1844, in-18. Ney. Syst. Handb. der gerichtsarzneik. Wissenschaft, u. s. w. Vienne, 1845,in-8. Bergmann (E.). Medicina forensis f. Juristen, in-8. Brunswick, 1846. Brach (B.).Lehrb. d. gerichtl. Medic, in-8. Cologne, 4846. FRESCHi(Fr.). Manuale teorico pratico di medicina légale, etc. Milano, 1846, 3 vol. in-18. Siebold. Lehrb. d. gerichtl. Med. 2 vol. in-8. Berlin, 1847. §111. Mélanges.—Journaux.— Recueils d'observations, de consultations, de rapports, etc. Amman (Paul). Medicina critica, seu decisoria, centuria casuum medici- nalium, in concilio facultatis medicae lipsiensis resolutorum, comprehensa ac variisdiscursibusaucta, et latinitate donala, operâ Christ. Franc. Paul- lini. Stade, 1677, in-4. Amman (P.). Irenicum Numae Pompilii cum Hippocrate, quo veterum medicorum et philosophorum hypothèses in corpus juris civilis pariter ac canonici hactenus transsumptae a praeconceptis opinionibus vindicautur. Francfort etvLeipzig, 1619. Wolf (P.). Cogitationes medico-legales. Zeil, 1697. Valentini (M. B.). Pandectae medico-legales, seu responsa medico- forensia ex archivis academiarum celebriorum, scriptisque probalissi- morum medicorum deprompta, ac exterorum graliâ latinitate dôna- ta, etc.; Francfort-sur-le-Mein, 1701, in-4. — Novellse medico-legales et authenticœ, seu responsa medico-forensia... continuata, cum intro- duclione generali, directorii loco serviente. Accedit supplementum pan- dectarum medico-legalium apologelicum. Francfort, 1718, in-4. — Unà reçus. Subtitulo.: Corpus juris medico-legale. Francfort-sur-le- Mein, 1722, in-fol., 2 vol. Zittmann (P. Frid.). Medicina forensis, das ist, eroffnete Pforte zur Mediçin und Chirurgie, anweisend einer hochldblichen medicioischen Fa- — 1060 — cultaet zu Leipzig ertheilte Ausspriichc und Responsa iiber allerhund schwere, zweifelhafte und seltene von anno 1650 bis 1700 vorgekommene und in die Medicin und Chirurgie laufende Fragen und Faelle. Francfort- sur-le Mein. 1706, in-4. Loewi'J. Fr). Thealrum medico-juridicum, continens varias et notabi- les, tam ad tribunalia ecclesiastica-civilia,quam ad medicinam pertinentes materias. Nuremberg, 1725, in-4. Fischer (J. A.). Consilia medica, quae in usum practicum et forensem adornata surit. Francfort, 1703-1706. — Responsa practica et forensia selecta. Francfort et Leipzig, 1719. Ziegler (C. J. A.). Beobachtungen aus der Arzneywissenschaft, Chirur- gie und gerichtlichen Arzneykunde. Leipzig, 1707. Goelicke (A. O.). SpeciminalII medicinae forensis ad Ulpiam. Francfort- sur-1'Oder, 1719-1720. Cosghwitz (G. D.). Cautelae nonnullae medico-politicae in praxi clinico- forensi observandae. Halle, 1726. Valentini Krjeutermann (Ch. Hellwich). Medicina renunciatoria et consultatoria. Amsterdam et Leipzig, 1726. BudjEi (G.)Miscellaneamedico-ehirurgico practica et forensia. Part. I- VI. Leipzig et Gœrlitz, 1730-36, in-4. Richter iE. E.). Digesta medica, seu decisiones medico-forenses. Leip- zig et Budissin, 4734. Tropanneger (G. G.) Decisiones medico forenses. Dresde, 4 733. Hermann (J. H.). Sammlung auserlesener Responsorum uber dubiose und merkwiirdige Casus. Iéna, 4733-50, en 3 part. Fritsch(J. C ) und Wolff seltsame Geschichten aus den Originalacten gezogen sowohl aus alten als neuen Zeiten. Leipzig, 4730-4740, 6 vol. Alberti (Mich.). Commentarius medicus in aedilitium edictum. Franc- fort-sur-1'Oder, 4738, in-4. Alberti (M.) Commentatio in constitutionem criminalem carolinam me- dica, variis tituliset aniculisrationeetexperientià explicatis comprehensa, etc. Halle. 4739, in-4 Claudern(C. E.). Praxis medica legalis, oder XXV ausgelesene Casus medico-forenses, mit nœthigen Cautelen und~A«merkungen ausgefertiget. Altembourg, 4736, in-4. Schuster (G.). Commentationes difficiliora et notatu digna quaedam themata tam ad medicinam quam jurisprudentiam pertinentia complexae. Chemnitz, 4741, in-4. Parmenio (L.). Sammlung verschiedener Casuum medico-chirurgico forensium. Ulm, 1742. Bazzani (M.) eU Pozzi. 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Der medicinische Richter, oder Acta physico-medico- forensia collegii medici Onoldini, von anno 1735, bis auf dermalige Zeiten zusammengetragen, hier und da mit Anmerkungen. Anspach, 1755-59, in-4, 4 parties ; 2e édit., ibid., 1767, in-4, 2 part. Wernher (J. B. de). Selectae observationes forenses. Part. I—III. Iéna, 1756. Visvliet (E. P. Van). Spécimen j'uridicum inaugurale sistens casus quosdam, in quibus scientia medica jurisconsultis est necessaria. Leyde, 1760, in-4. Boehmer (J. S. F. de). Meditationes in constitutionem criminalem caro- linam. Accessit vêtus ordinatio criminalis Bambergensis, Brandenburgen- sis, Hassiaca. Halle, 1774, in-4. Delius (H. F.). Adversaria medico-forensia. Erlang, 1775. Waitz (F. A.). Vermischte Beytraege zur gerichtlichen Arzneywissen- schaft. Leipzig, 1776. Daniel (C. F.). Sammlung medicinischerGutachten undZeugnisse iiber Besichtigungund Erœffnung todter Kdrper. Leipzig, 4776. Metzger (J. D.). Gerichtliche medicinische Beobachtungen, etc. Kœnigs- berg, 1778 et 1780, in-8.— N'eue gerichtl. Beobachtungen, ibid., 1779, in-8.— Vermischte medicinische Schriften, t. I-HI, Kœnigsberg, 1782-84.— Neue vermischte medicinische Schriften; ibid, 1800, in-8. Metzger und C F. Elsner, Medicinische gerichtliche Bibliothek. B. I, IL Kœnigsberg, 1786-1787, in-8. — Metzger, Bibliothek fur Physiker. B. I, IL Kœnigsberg, 4788-90, in-8. Rebsamen .F. X.). Decas observationum medico-forensium, epicrisibus physiologicis ornatum. Vienne, 1780, in-8. Jaeger (CF.). Disquisitiones medico-forenses. Ulm, 1780. Bucholtz (W. H. S.). Beytraege zur gerichtlichen Arzneygelahrtheit und zur medicinischen Polizey. Weimar, 1782-1793, in-8, 4 vol. (C. F. Uden und Pyl). Magazin fur die gerichtliche Arzneykunde. Sten- dal, 4782-84, 2 vol. — 1062 — Pyl(J. Th.). Aufsaetze und Beobachtungen aus der gerichtlichen Arzney- wissenschaft. Berlin, 1783-91, in-8, 8 parties. Schlegel (J. C. Th.), Collectio opusculorum selectorum ad medicinam forensem spectanlium. Leipzig, 178 i-1792, in-8, 6 vol. Schweickhard (Ch. L.). Beytraege zur gerichtlichen Arzneygelahrtheit, 1.1. Francfort et Leipzig, 4787, in-8. Pyl (J. T.). Repertorium fur die œffenlliche und gerichtliche Arzneywis- senschaft. Berlin, 1788-92, in-8, 3 vol. Schwetckhard (Ch. L.). Gerichlliche medizinische Beobachtungen. Strasbourg, 1789, in-8, 3 part. Loder (J. C.;. Meletemata ad medicinam forensem spectantia. Iena, 1789, in-8. John(J. D.). Lexicon der kais.-kon. Medicinalgesetze. Prague, 1790-91, in-8, 4 vol. — Fortselzung, ibid. 1796-98, in-8. Garn (J. A.). Medicinischs Aufsaetze fiir Aerzte und Rechtsgelehrte. Erste und zweite Sammlung. Wittemberg, 1791-93. Metzger (J. D.). Annalen der Staatsarzneykunde. Zullikau, 1791. Elwert(E. G.). EinigeFaelle aus der gerichtlichen Arzneykunde. Tu- bingue, 4 792. Kuhn (J. G.). Sammlung medizinischer Gutachten. Breslau, 4794-96, in-8, 2 vol. Metzger (J. D.). Maferialien fur die Staatsarzneykunde und Jurispru- denz. Kœnigsberg, 1792-95, in-8, 2 part. Waitz (F. A ). Sammlung kleiner academischer Schriften uber Gegen- staende der gerichtlichen Arzneygelahrlheit und medicinischen Rechtgelehr- samkeit. Altembourg, 1793-97, 2 vol. — Neue Sammlung kleiner acade- mischer Schriften iiber Gegenstaende der gerichtlichen Arzneykunde und medicinischen Rechtgelehrsamkeil. Altembourg, 1802, 1803, 2 vol. Lentin (C. F.B.). Beytraege zur austibenden Arzneywissenschaft. Leip- zig, 1797-98-1804, 3 vol. Platner (Ernest). Quaestiones medicinae forensis. Particulac. 1-42. Leip- zig, 4797-1814. - ed. Choulant, Leipzig, 182 i in-8. Soudermann(J. G.). Quaestiones medico-forenses problematicae. Iena, 4 798. Roose (Th. G. A.) Beytraege zur dffenllichen und gerichtlichen Arzney- kunde. Brunswick, 4 798,4 802, in-8, 2 vol. Fahner (J. Ch.). Beytraege zur praktischen und gerichtlichen Arzney- kunde. Stendal, 4799. Gruner(CG.). Pandectae medicae. Iéna, 1800, in-8. Jugi.er J ). Repertorium des neuesten aus der Staatsarzneywissen- schaft. Brunswick, 1801. Schlegel (J H. G.). Materialien fur die Staatsarzneywissenschaft und praktische Heilkunde. Iéna, 1800-1809, in-8, 8 part. — 1063 — Augustin (F. L.) Archiv der Staatsarzneykunde. Berlin, 1803-1806, in-8,3 vol. Formey(L.). Medicinische Miszellen aus Roose's Nachlasse. Francfort- sur-le-Mcin, 1804, in-8. Bernstein (J. Th. C.) Beytraege zur Wundarzneykunst und gerichtlichen Arzneykunde. Francfort-sur-le-Mein, 1804-1809-1812, in-8, 3 vol. Ehrhart (G. Von). Magazin fur die technische Heilkunde, dffentliche Arzneywissenschaft und medizinischeGezetzgebung. Ulm, 1805. Knape (C ). Kritische Annalen der Staatsarzneykunde fiir das 19te Jahr- hunderl. Berlin, 4 808-4 809, in-8, 2 vol. Masius (H. G.). Medicinische Bemerkungen iiber einige aeltere und neueré Gesetze, besonders iiber einige Artikel des Code Napoléon. Rostock, 4 841, in-4, 2 part. Kopp (J. H.). Jahrbuch der Staatsarzneykunde. Francfort-sur-le-Mein, 4808-19, in-8, 11 vol. Augustin (F. L.). Repertorium fiir die dffentliche und geritchliche Arz- neywissenschaft. Berlin, 1811-12, in-8. 2 part. Klose (W. F. W-). Beytraege zur gerichtlichen Arzneykunde. Breslau et Leipzig, 1800, in-8. Schmitt (W. J). Bachmann et Kuetlinger. Einige auserlesene med.- gerichlliche Abhand. Nuremb. 4 803, in-4. Fielitz (F. G. H.). Archiv der gerichtlichen Arzneywissenschaft fiir Rechtsgelehrte und Aerzte- Leipzig, 4 800, in-8. - Henke(A.). Abhandlungen aus dem Gebiete der gerichtlichen Medizin. Bamberg, 4 815-34, in-8, 5 vol. Bernt (J.). Beytraege zur gerichtlichen Arzneykunde, fur Aerzte, Wund- aerzte und Rechtsgelehrte. Vienne, 4 84 8-23, in-8, 6 vol. Meckel (A.). Einige Gegenstœnde der gerichtlichen Medizin. Halle, 4818, in-8. Wildberg(C. F. L.). Rhapsodien aus der gerichtlichen Arzneywissen- schaft fur Aerzte und Criminalrechtsgelehrte, etc. Leipzig, 1822, in-8. Bakker(G. G.). Spécimen sistens momenta quaedam medicinae forensis, e physiologiaetobservationerecentiori illustrata.Groningue, 1825, in-8. Klein (V.). Beytraege zu der gerichtlichen Arzneywissenschaft. Tubin- gne, 1825, in-S. Ristelhueber. Rapports et consultations de médecine légale. Paris, 1820, in-8. Chaussier. Recueil de mémoires, consultations et rapports sur des objets de médecine légale. Paris, 1824, in-8. Smith (J. S ). An inquiry into the duties and perplexilies of médical men as witnesses in courts of justice, with cautions and directions for their gui- dance. Londres, 1824, in-8.1, Gordon Smith (J.). Analysis of médical évidence, comprising directions k — 1064 — for practitioners in wiew of becoming wilness in courts of justice, and an appendix of professional testimony. Londres, 1825. Bernt (J.). Visa reperta, und gerichtliche medicinische Gutachten, etc. Vienne, 1827-29, in-8, 2 part. Hemke (A.). Zeischrift fiir die Staatsarzneykunde. Erlang, 1820, 1846. Se continue. Annales d'hygiène publique et de médecine légale. Paris, 4 829-1847, in-8. Krombholz (G. V). Auswahl gerichtl.-med. Untersuchungen, u. s. w. Prague, 1839-5, in-fol. Schneider (P. G.) et Schnermayer (J. H.). Annalen der gesammten Staatsarzneik. Tubing., 1836, et avec Hergt. (T.), 1837-45, in-8. Beck ^G. B.). Researches in medicine and médical jurisprudence ; 2e éd. New-York, 1835, in-8. Avfnel Notes statistiques de police médicale, d'hygiène et de médecine légale. Rouen, 1835, in-5. Burdach (Ch. Fr.). GerichtaerztlicheArbeiten, t. 1. Stultg. et Tubing., 1839, in-8. Siebenhaar. Magazin fiir die Staatsarzneik., u. s. vv. Leipzig, 1842-5, 4 vol in-8. Canstatt. Jahresb. iiber die Fortschritte der gesammten Med. in allen Laendern. Erlang, 1843-7, gr. in-8. -o-OOO-O-ô-O-O-O-OO- SUPPLÉMENT. Plomb. Symptômes de l'intoxication saturnine. On lit dans un rapporl fait par M. Martin Solon à l'Académie royale de médecine (séance du 18 avril 1847), le passage suivant : Dès qu'il y a saturation saturnine et bien souvent longtemps avant l'intoxication, le plomb manifeste sa présence au bord des gencives contournant le collet des dents,par un liséré (1) bleuâ- (1) Burlon, médecin de l'hôpital de Saint-Thomas, à Londres, el Schebac, mé- decin de Neustadl, en Allemagne, ont parlé du liséré bleuâtre ou ardoisé des gencives et des plaques de même couleur que l'on observe sur divers poinls de la membrane buccale des individus qui travaillent aux préparations saturnines, ou en font usage à l'intérieur. M. Tanquerel-Desplanches a fait connaître ce liséré en Fiance, en publiant son ouvrage sur les Maladies de plomb (voy. t. i, p. 3). Cetle couleur bleuâtre serait, à ce qu'il paraît, due au sulfure de plomb. Pour le démon- trer, M. Tanquerel-Desplanches conseille, d'après MM. Félix D'Arcet et Frémy, de mellre de l'eau oxygénée in contact avec les gencives; il se forme alors une traînée blanchâtre de sulfate de plomb. L'observation clinique démontre également la nature et l'importance de ce liséré. Succède t-il aux diverses gengivites? Nous ne l'avons vu survenir ni après la gen- giviie inflammatoire, ni après la gengivite mercurielle. Est-il le résultat du ramol- lissement et de l'état morbi le des gencives si commun chez les cérusiers? Mais il se développe également chez ceux dont les gencives sont saines et bien entretenues. SeuhnKiil nou-; avons remarqué qu'il ne se montre pas sur les parties du bord al- véolaire dépourvues de dents. On dirait que celles-ci font pour ainsi dire appel au plomb, comme les fils plarés dans une dissolulion j-aline d< terminent sur eux la précipitation des cristaux. Ce liséré est-il le résultat du contact des poudres et des préparations saturnines déposées sur les gencives? Pas davantage, caries ou- vriers qui lavent leur bouche avec soin et qui boisent par précaution de la limo- nade sulfurique, y sont sujets comme les autres. Evidemment il se produit de l'intérieur à l'extérieur, ei son développement, chez le> pei>onnes qui prennent pendant quelque temps des préparations de plomb en pilules, suffi! pour faire ad- mettre celle origine, et donner à ce signe de saturation saturnine toute l'importance séméiologique que nous lui attribuons. m. 6S — 1066 — tre qui s'y développe. Nous avons observé ce liséré non-seule- ment cbez les ouvriers saturnins, mais encore sur des malades soumis à l'usage des préparations de plomb. Nous l'avons no- tamment vu chez un maçon atteint d'anévrysme de l'aorte, et qui, arrivé graduellement à prendre 60 centigrammes d'acé- taie de plomb en pilules, commençait à présenter des s) mplômes de colique saturnine. L'existence de ce liséré est un des symp-« tomes les plus importans pour distinguer les maladies saturnines de celles avec lesquelles on pourrait les confondre. Il nous a suffi, il y a peu de temps, à l'Hôtel-Dieu, pour reconnaître une colique de plomb très douloureuse dont était affecté un limona- dier qui se défendait d'avoir eu le moindre contact avec les pré- parations saturnines. Mais, pressé de questions, cet homme a fini par nous dire que l'on avait gratté et peint la salle dans la- quelle il restait et couchait habituellement. Dès lors la cause de l'infection que le liséré dénotait nous a paru évidente, et un trai- tement efficace a pu êlre prescrit. Recherche médico-légale du plomb et du cuivre. (Extrait d'un mémoire lu par moi à l'Académie royalede médecine le 8 juin 1847.) On sait que j'ai dit aux pages 451 et 477 qu'en traitant pendant 20 ou 25 minutes le foie d'un individu empoisonné par un sel de cuivre ou de plomb, par l'eau bouillante, ou par l'eau à peine acidulée par l'acide acétique, on obtenait une décoction contenant une minime proportion d'un composé cuivrique ou plombique, tandis qu'en suivant le même procédé on ne retirait aucune trace du cuivre ou du plomb physiologiques que renfer- mait le foie (1); d'où j'ai conclu qu'il était aisé de savoir si ce viscère appartenait à une personne empoisonnée par l'un ou l'au- tre de ces toxiques. Cette question ayant été soulevée à l'Acadé- mie royale de médecine le 13 avril 1847, à l'occasion du rapport déjà cité de M. Martin Selon, j'ai maintenu mon dire. M. Bussy, trouvant ma proposition beaucoup trop absolue, a élevé des fl) Pour que cette expérience ait un plein succès, il faut carboniser, sans l'in- einéreri la décoction aqueuse obtenue avec le foie normal ; car si l'on incinérait, on pourrait retirer le cuivre physiologique de la portion de matière organique iïïoute par l'eau. — 1067 - doutes tendant à établir qu'il pourrait ne pas en être toujours ainsi ; les observations de mon honorable collègue n'étant étayées d'aucune expérience, et rentrant dès-lors dans le domaine de la théorie, j'ai dû me borner à répondre que j'étais prêt à prouver l'exaciilude de mon assertion. Bientôt après, en dehors de celte enceinte, M. Devergie, d'ac- cord sur ce point avec M. Bussy, a élevé une objection que je ne saurais passer sous silence, et qui peut êlre ainsi formulée : «Si « les cadavres étaient déjà pourris, a-t-il dit, l'ammoniaque, qui k est le résultat de, la putréfaction, aurait décomposé le sel plom- « bique, et l'eau bouillante n'aurait rien dissous ; il serait donc « arrivé, dans ce cas, que le moyen proposé par M. Orfila pour « résoudre le problème eût été inefficace. » Je me suis d'abord demandé, en lisant cette objection, si elle était le résultat d'expériences tentées sur des animaux morts em- poisonnés et pourris, ou bien d'expertises judiciaires faites sur l'homme. Comme rien n'a élé encore publié à cet égard, qu'aucun travail spécial n'a élé fait sur la matière, j'ai dû supposer que l'ob- servation de M. Devergie était purement théorique, et j'ai ré- pondu, qu'en admettant, avec mon honorable confrère, la décom- position du sel plombique par l'ammoniaque, il serait encore aisé de décider la question, si le traitement par l'eau bouillante était insuffisant, ce que je ne croyais pas; il suffirait, commeje l'avais indiqué dans mes ouvrages, d'agir sur le foie suspect par de l'eau bouillante aiguisée d acide acétique : ce liquide, disais-je, dis- soudra unepartie du plomb d'intoxication, sous quelque élatquil se trouve, et n'attaquera pas le plomb physiologique. Mais, messieurs, la question est trop importante pour que je n'aie pas dû la soumellre au contrôle de l'expérience ; vous en- tendrez peut-être avec quelque intérêt les résultais de mes ré- centes recherches. Dès le 20 avril, j'ai inhumé plusieurs chiens empoisonnés et tués par de l'acélate de plomb ou de cuivre. D'un aulre côté, j'ai enterré à la même époque plusieurs foies provenant d'autres chiens qui avaient succombé à l'action des mêmes poisons; l'ex- humation de ces animaux el de ces organes n'a eu lieu que du 27 au 31 mai, lorsque déjà la putréfaclion était à son comble. Vous 68. — 1068 — savez que pendant ce dernier mois, le temps a été à-la-fois plu- vieux et fort chaud. Avant l'inhumation, et par conséquent lorsque les foies iso- lés n'étaient pas encore pourris, j'ai soumis la quatrième partie de chacun de ces organes à l'action de l'eau distillée bouillante pendant une demi-heure; la liqueur filtrée à travers du papier qui ne contenait ni du plomb ni du cuivre, renfermait une cer- taine quantité de ces métaux, comme on pouvait s'en assurer en l'évaporant jusqu'à siccité, en carbonisant le produit de l'évapo- ration par l'acide azolique mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse, en irailant le charbon par de l'acide acétique faible, et en faisant passer dans la dissolution filtrée un courant de gaz acide sulfhydrique parfaitement lavé. Après l'exhumation des trois autres quarts des mêmes foies, qui, je le répèle, étaient excessivement putréfiés, je les ai fait bouillir pendant une demi-heure dans de l'eau distillée; les dé- coctions filirées à travers le même papier, évaporées jusqu'à sic- cité, carbonisées et traitées par l'acide acétique faible et par l'acide sulfhydrique, comme il vient d'être dit, m'ont fourni des précipités de sulfure de plomb ou de cuivre faciles à reconnaître en les transformant à chaud en sulfates, à l'aide de l'acide azoti- que concentré et en agissant sur ces sulfates avec l'iodure de po- tassium et l'acide sulfhydrique pour celui de plomb, et avec le cyanure jaune de potassium et de fer, l'ammoniaque et l'acide sulfhydrique pour celui de cuivre. Les foies bien pourris et déjà iraités par l'eau distillée à 100 degrés, soumis pendant une demi-heure à l'aciion de l'acide acé- tique très faible et bouillant, ont donné une dissolution dans laquelle il éiait facile de démontrer la présence du plomb el du cuivre d'empoisonnement en suivant la même marche que celle qui vient d'être iracée pour le traitement aqueux ; l'eau acétique dont je me servais était composée de 90 parties d'eau et de 10 parties d'acide acétique dit radical. Afin qu'il ne restât pas le moindre doute sur la valeur de ces résultats, j'ai élé au-devant d'une objection qui aurait pu m'êlre faite, et que voici : « Savez-vous si des foies à l'état normal, k aussi pourris que ceux dont vous venez de parler, ne fourni- — 1069 — « raient pas à l'eau et à l'acide acétique faible bouillans une por- « tion quelconque du plomb et du cuivre physiologiques qu'ils « renferment; qui oserait affirmer que pendant l'altération pro- « fonde que la décomposition putride fait subir à ces foies, les « molécules plombiques et cuivreuses naturellement contenues « dans ces organes n'ont pas été rendues solubles dans l'eau et « dans l'acide acétique faible? » Pour répondre à celle objection, j'ai inhumé, le 20 avril dernier, plusieurs foies de cadavres d'indivi- dus qui n'avaient jamais élé soumis à l'emploi de préparations plombiques ou cuivreuses, et je les ai exhumés le 27 mai ; ces foies étaient excessivement putréfiés. Je les ai traités comme je je l'avais fait pour ceux des animaux empoisonnés par l'acélate de plomb cl de cuivre, c'est-à-dire par l'eau bouillante pendant une demi-heure, puis par de l'acide acétique affaibli, et il m'a élé impossible de déceler dans les dissolutions aqueuse el acéti- que la moindre trace de plomb ou de cuivre; pourtant ici je m'é- tais placé dans des conditions très favorables pour extraire ces métaux, puisque, au lieu d'agir avec de l'acide acétique affaibli par neuf dixièmes d'eau, j'avais employé un acide contenant sur 140 parlies40 d'acide dit radical et 100 d'eau distillée. Après avoir étudié tout ce qui se rapporte aux foies isolés, il me restait à examiner les foies des chiens que j'avais enterrés à nu le 20 avril dernier, après les avoir empoisonnés et lues avec de l'acétate de plomb ou de cuivre. Ces animaux ont élé exhumés le 31 mai. Celui qui avait été tué par le sel de cuivre était excessi- vement pourri ; la décomposition putride, quoique avancée, l'é- tait cependant moins chez celui qui avait succombé à l'action de l'acétate de plomb. Le foie de ce dernier pouvaitêtre encore séparé entier, tout en répandant une odeur des plus infectes; sa face inférieure el quelques points de sa face supérieure étaient ta- pissés de grains blancs semblables à ceux que j'ai décrits à la page 474 de ce volume; tandis que le foie du chien qui avait succombé à l'action du sel de cuivre était presque réduit à une sorte de pulrilage et ne pouvait cire extrait du corps que par lambeaux. Laissés pendant quatre heures dans l'eau distillée froide, séparément, ces foies n'ont fourni à ce liquide aucune trace de plomb ni de cuivre. Traités par l'eau bouillante pen- —- 1070 — dant une demi-heure, ils ont donné une dissolution, d'abord alcaline, mais qui est devenue acide après quelques minutes d'ébullilion ; ces dissolutions aqueuses renfermai eut duplomb ou du cuivre. Il en était de même des dissolutions acétiques obtenues en faisant bouillir pendant une demi-heure ces mêmes foies déjà traités par l'eau distillée, avec de l'acide acétique con- cenjré élendu de neuf fois son poids d'eau. Conclusions. — Les expériences que je viens de communiquer à l'Académie sur celle deuxième question sont pérempioires, et leurs résultais inattaquables. On voit, 1° que j'ai eu raison de dire à la séance du 13 avril dernier qu'il esl facile de distinguer, en faisanlbouillir un foie suspect pendant une demi-heure dans l'eau bouillante, si le plomb et le cuivre que l'on obtient en dissolution proviennent d'un empoisonnement, puisque ce liquide n'attaque pas la portion de ces métaux naturellement contenue dans cet organe, et que constamment il dissout une certaine quaniité du composé plombique ou cuivreux provenant d'un empoisonne- ment; 2° que les résultats sont les mêmes, alors qu'on agit sur un foie dont la putréfaction a élé, pour ainsi dire, poriée jusqu'à ses dernières limites; on n'oubliera pas, à l'occasion de celte con- clusion, qu'il est parfaitement avéré aussi par mes recherches, que les foies à l'état normal, quelque pourris qu'ils soient, ne fournissent jamais à l'eau et à l'acide acétique affaibli la plus lé- gère irace de ce plomb et de ce cuivre qu'ils renferment et que l'on désigne sous les noms de plomb et de cuivre physiologiques ; 3° qu'à la vérité, l'eau distillée bouillante ne dissout qu'une très petile proportion du plomb et du cuivre d'empoisonnement, sur- tout lorsque les cadavres sont excessivement pourris, et qu'il est dès-lors préférable de substituer au traitement aqueux simple, celui qui consiste à faire bouillir les foies dans de l'eau acidulée par un dixième de son poids d'acide acétique dh radical, ainsi que je l'avais conseillé en 1843 à la p. 696 du tome ier de ma Toxi- cologie générale (4e édition); 4° que dès-lors, l'objection sou- levée par M. Devergie ne conserve aucune valeur. C'est ici le lieu de se demander comment il se fait que les sels de plomb et de cuivre, donnés comme toxiques, puissent êlre en partie dissous par l'eau, alors que, par suite de laputréfaction, — 1071 — ils ont dû être décomposés, soit par l'ammoniaque qui en aura précipité les oxydes, soit surtout par l'acide sulfhydrique qui les aura transformés en sulfures insolubles dans l'eau. La réponse est facile. On observe dans les opérations de ce genre, que la li- queur qui était alcaline et ammoniacale au moment où elle com- mence à bouillir, perd cet alcali à mesure qu'elle bout ; après une demi-heure d'ébulliiion , elle est au contraire sensiblement acide, et le plus souvent elle exhale une odeur d'acide acétique ; il est donc évident que c'est à l'acide qu'elle renferme alors, qu'il faut attribuer la dissolution soit de l'oxyde, soit du sulfure de plomb ou de cuivre. D'un autre côté, la dissolution dans l'eau bouillante des composés plombique et cuivreux, lorsque les ca- duvres sont encore frais, s'explique tout naturellement par la propriété que possède ce liquide de dissoudre une petite propor- tion de ces composés, comme on peut s'en assurer direciement en précipitant des sels solubles de plomb ou de cuivre par l'albu- mine et par d'autres matières animales; peut-être aussi qu'alors les toxiques dont je parle n'ont pas encore été décomposés par la matière organique du foie, et qu'ils sont à l'état libre dans cet organe (1). La présence du plomb est-elle mise hors de doute dans les organes des individus atteints de la maladie saturnine ? Je réponds par l'affirmative, quoique j'aie élé beaucoup moins ex- plicite à la séance du 13 avril dernier. Je disais en effet ce jour- là : « MM. Mérat et Barruel ont infructueusement cherché le « plomb dans les excrémens et dans l'urine d'un malade qui avait « succombé à la colique des peintres, » et j'ajoutais que les faits mis en avant par MM. Devergie et Guibouri en faveur de l'exis- tence du plomb dans les organes des individus aileinls de la ma- ladie saturnine n'étaient pas concluans. Qu'ont dit en effet ces messieurs? Qu'ils avaient retiré plus de plomb des viscères des (1) J';i wulu savoir ce qui se passe lorsqu'on fait bouillir une dissolution aqueuse de 2 Tammes de sulfliydrale d'ammoniaque dans60 grammes d'eau distillée; celle dissolution était fortement alcaline; à mesure que l'ébull lion avait lieu, le sel se décomposait; il se dégageait de l'ammoniaque, et au bout d'un certain temps la li- queur était acide el contenait de l'acide suif inique, puisque l'az taie do baryte mélangé avec e'Ie donnait un préc'pilé blanc desulf:.!e de baryte insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique pur et concentré. — 1072 — personnes mortes de l'affection saturnine, que des mêmes viscères pris chez celles qui avaient succombé à d'autres affections: or, qui ne voit à l'insiant combien celte manière de procéder est insuffi- sante? Avanl d'admettre un pareil résultat, il faudrait que des expé- riences beaucoup plusnombreusesque celles qui onl élé faites par ces honorables confrères, nous eussent fait connaître quelle est la plus forte proportion de plomb que l'on peut obtenir des divers tissus de l'économie animale à Vétat normal ; jusque-là, il est évident que si l'assertion de MM. Devergie el Guibourt est exacte, du moins elle n'est pas prouvée. J'aurais encore pu dire contre la présence du plomb dans la maladie saturnine, que MM. Chatin, Chevallier el moi, chacun de noire côté, nous avions maintes fois analysé l'urine rendue par un grand nombre de personnes attein- tes de cette affection, et que nous n'avions jamais décelé la moin- dre trace de plomb dans ce liquide. Mais aujourd'hui il n'est plus possible de douter, et l'Académie le reconnaîtra comme moi lorsqu'elle aura entendu les derniers résultais que je viens d'obtenir et qu'elle les aura rapprochés de quelques autres faits dont je ne tarderai pas à parler. Expérience lie. Jacques Noël, âgé de trente-cinq ans, con- fiseur, est atteint d'épilepsie saturnine, et entre à l'hôpital Beau- jon dans le service de M. Legroux (lit n° 59), le 15 avril 1847. Cet homme, qui s'était bien porté jusqu'alors, travaillait depuis trois semaines dans une fabrique de blanc de céruse, et.depuis deux jours seulement il était occupé au fourneau du minium. Le 15, il était dans un état de demi-ivresse quand il vint commen- cer son travail; au bout de quelques instans il tomba sans con- naissance et se fit dans sa chuie plusieurs plaies à la face. Con- duit immédiatement à l'hôpital, il put se rendre à pied, soutenu par un de ses camarades, du bureau jusqu'à la salle qui lui fut indiquée. En se déshabillant il tomba à la renverse ; ses mem- bres étaient raides et agités de quelques mouvemens convulsifs ; il avait de l'écume à la bouche ; ses yeux étaient dirigés en haut ; les pupilles, immobiles, étaient médiocrement dilatées et cachées sous les paupières. Cette attaque dura environ dix minutes ; aussitôt après le malade fut transporté dans un bain sulfureux où il noircit notablement. Le soir, les accidens cérébraux n'a- — 1073 — vaient pas reparu et le malade n'exhalait plus d'odeur alcoolique. Il dormit bien pendant la nuit. Le 16 avril il avait un peu de cé- phalalgie; il n'éprouvait point de coliques ; on voyait aux gen- cives un liseret bleuâlre, très léger à la base des dents saines et plus large au niveau des dents déchaussées et cariées ; le pouls battait 68 fois par minute (bain sulfuro-savonneux). Le 17 avril, céphalalgie ; une seule selle ; 56 pulsations par minule. Le 18, céphalalgie; quelques vomissemens ; 54 pulsa- tions (bain sulfuro-savonneux). Le 19 on lui fit prendre deux bains sulfureux. Le 20, le malade éprouvait une céphalalgie con- tinuelle et il se manifesta un érysipèle autour des plaies de la face produites par la chute ; il eut des vomissemens fréquens et du délire pendant la nuit ; le pouls battait 52 fois par minute (tartre slibié, 0sr,10; sulfate de soude, 32 grammes); dans la soirée, il avait eu une attaque qui avait duré cinq minutes. Le 21, l'érysipèle s'était étendu et montait jusqu'à la tempe droite; nausées et vomissemens ; la langue était blanchâtre et la cépha- lalgie fort intense. Il eut trois selles liquides et le pouls battait 56 fois par minute (tartre stibié, 0gr-,10 et sulfate de soude, 32 grammes). Le 22 , il ne vomit point, mais il eut des selles abondantes liquides provoquées par l'éméto-caihartique ; 52 pul- sations; l'érysipèle est dans le même état; il y a du délire pen- dant la nuit. Vers quatre heures de l'après-midi, il survient une attaque d'épilepsie; on fait une saignée, et le malade succombe peu de temps après. On procède à l'ouverture du cadavre le 24. Analyse du foie et du cerveau. Le 25, je fais bouillir pen- dant une demi-heure le foie coupé par morceaux dans un litre d'eau distillée; le décoctum filtré et évaporé jusqu'à siccité, laisse un produit que je carbonise par l'acide azolique pur mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse. Le charbou est ensuite traité à chaud par de l'acide azotique étendu d'eau, et la dissolution azolique filtrée esi soumise à l'action d'un courant de gaz acide sulfhydrique qui la noircit à l'instant ; il se dépose au bout de quelque temps un précipité noir, peu abondant, mais plus que suffisant pour que je puisse m'assurer qu'il est formé de sulfure de plomb. Le foie, qui avait ainsi bouilli dans l'eau, esl ensuite traité pendant une demi-heure par de l'eau bouillante — 1074 — mêlée d'un dixième de son poids d'acide acétique, dit radical; la dissolution acétique, filtrée, évaporée, carbonisée comme il vient d'être dit, fournit par l'acide sulfhydrique une plus grande quantité de sulfure de plomb que celle que j'avais ob- tenue du traitement aqueux. Le cerveau coupé par iranches est laissé pendant trois jours dans de l'eau contenant un dixième de son poids d'acide acétique concentré, puis on le fait bouillir pendant une demi-heure; la liqueur soumise à tous les traitemens qui viennent d'être indi- qués ne fournit aucune trace de sulfure de plomb (1). Expérience 2e. Loursel Louis, âgé de quaranle-lrois ans, bonnetier, puis cérusier, d'une bonne constitution, entra à l'hô- pital Beaujon dans le service de M. Legroux, le 24 mai dernier. 11 avait déjà eu plusieurs maladies salurnines. Enclin à l'ivro- gnerie, il buvait surtout de l'eau-de-vie, et il se ressenutil encore de l'état complet d'ivresse dans lequel il s'était mis la veille. Peu de temps après avoir commencé ses travaux, il fut pris d'une at- taque d'épilepsie qui dura très long-temps et pendant laquelle ses membres étaient agiles de mouvemens convulsifs. Arrivé à l'hôpital, voici l'état qu'il présentait : décubitus dor- sal; il se retourne pourtant presque continuellement et ne ré- pond pas aux questions qu'on lui adresse, ou bien il ne répond que par des mois entrecoupés et sans suite ; il faut le secouer ✓fortement pour lui faire ouvrir les yeux, qu'il referme aussitôt; sensibilité singulièrement émoussée; liseret bleuâtre au collier des dénis qui sont presque toules cariées. Point de vomissemens ; point de douleur quand on presse sur le bas-ventre ; point de sel- les; teinte jaune des sclérotiques; de temps à autre quelques mouvemens convulsifs. On a recours au traitement de la Charité (premier jour) ; il rend immédiatement le lavement purgatif et rejette presque toute l'eau de casse à mesure qu'on la lui donne. Cet élat persiste jusqu'au moment de sa mort qui a lieu le 25 à dix heures du malin. ^1) Ce résultat négatif ainsi que celui dont j'ai parlé à la page 1069 à l'occasion des foies normaux que j'avais lait pourrir, prouve surabondamment que l'eau, les acides acétique el azotique et le papier à filtre dont je me suis constamment servi dans toutes mes recherches, étaient exempts de plomb. — 1075 — Nécropsie. Apparence normale de l'estomac et des intestins ; leur calibre ne paraît pas diminué. Le colon descendant et le rectum sont au contraire distendus par des gaz -, on n'aperçoit aucune altération dans l'intérieur du canal digestif. Les poumons sont assez congestionnés. Le cœur renferme quelques caillots noirâtres. Analyse du foie. Cet organe, traité successivement par l'eau distillée et par l'eau acélique bouillantes (1 d'acide et 9 d'eau), comme il a élé dit en parlant de l'expérience lr0 (F. p. 1073), a fourni les mêmes résultats, c'est-à-dire que les deux décoctions aqueuse et acétique renfermaient du plomb; toutefois, .la pre- mière en contenait moins que la seconde. Il est impossible de ne pas conclure de ces deux faits qu'il existe du plomb d'empoisonnement dans le foie des indivi- dus atteints de maladie saturnine, puisque ni l'eau ni l'acide acétique dilué n'enlèvent la moindre trace du plomb dit nor- mal. Cette proposition acquerra encore plus de force, si cela est possible, des considérations suivantes : 1° M. Chevallier, qui, à plusieurs reprises, avait vainement cherché le plomb dans l'urine des individus alieints de la colique des peintres, vous a dit le 13 avril en avoir trouvé quelquefois dans des recherches plus récentes. De son côté, M. Chatin, phar- macien de Beaujon, qui s'est livré souvent à des expériences de ce genre, m'écrit qu'il a une seule fois décelé ce métal en agis- sant sur dix litres d'urine. M. Martin Solon dit aussi en avoir extrait en traitant convenablement un litre environ d'urine pro- venant à-la-fois de plusieurs malades et recueillie le lendemain du jour de l'entrée de chacun de ces malades à l'hôpital. Ces ré- sultais positifs doivent l'emporter beaucoup pour la solution de la quesiion qui m'occupe, sur ceux qui n'ont point fourni de plomb, quelque nombreux qu'ils puissent êlre ; en effet, dans cer- tains cas, on n'a point trouvé ce métal dans l'urine, parce qu'on n'opérait pas sur une suffisante quantité de liquide ; dans d'autres cas, tout porie à croire que l'on aura agi sur l'urine avant qu'elle charriât ce métal, ou bien après qu'elle n'en contenait plus. 2° Les excrcmens rendus par un bon nombre de malades en proie à la colique des peintres, ont également donné du plomb à M. Chatin. - 1076 — On pourrait croire, au premier abord, et quelques médecins l'ont ainsi pensé, que l'existence du plomb dans les organes de ceux qui sont atleinis de la maladie saturnine était suffisam- ment prouvée par ce qui arrive aux ouvriers cérusiers qui tra- vaillent la céruse et le minium, et auxquels on administre un bain sulfureux; on sait que la peau se recouvre bienlôl d'une couche noirâtre de sulfure de plomb, formé aux dépens du soufre conlenu dans le bain et du plomb qui est à la surface de la peau ; si à l'aide de rudes Mêlions et de bains alcalins, on enlève cette couche et que l'on fasse prendre aux malades un nouveau bain sulfureux, il en reparaît une autre, et l'on peut reproduire le phénomène, un certain nombre de fois, en alternant les bains sulfureux et les bains alcalins ; ne peut-on pas voir là, a-t-on dit à tort, un mode d'élimination du plomb absorbé, et la peau ne doit-elle pas être considérée comme un véritable émoncloire? Il n'en est rien, ainsi que l'a fort bien dit M. Marlin Solon ; en effet, le plomb qui recouvre la surface de la peau, loin d'être du plomb absorbé, est tout simplement du plomb déposé sur la peau des ouvriers cérusiers, lesquels restent long-temps plongés dans une atmosphère chargée de poussière saturnine ; aussi les pein- tres, atteints de colique de plomb, qui ne vivent pas, il s'en faut de beaucoup dans une atmosphère aussi chargée de ce métal, ne présentent-ils pas le phénomène, dont il s'agit, au même degré; c'est tout au plus si, après leur avoir administré un bain sulfureux, on observe çà et là sur leur peau quelques taches brunâtres de sulfure de plomb faciles à enlever. Je ne terminerai pas celte lecture sans inviter ceux des mem- bres de l'Académie qui voudraient vérifier par eux-mêmes l'exac- titude des faits que je viens d'avancer, à se rendre dans mon laboratoire ; il me sera facile de leur prouver que les trois ques- tions étudiées dans ce mémoire ont élé résolues par moi d'une manière que je crois irréprochable (1). (1) Le 6 jnillet 1847, j'ai écrit au président de l'Académie pour lui annoncer que les résultats les plus importans de ce mémoire avaient élé vérifiés en présence de MM. Guéneau de Mussy, Martin Solon, Pâtissier, Maccartan et Guibourt, membres de l'Académie. - 1077 - Falsification des farines (voy. p. 970). M. Payen avait reconnu, il y a quelques années, dans la fé- cule une propriété singulière. Traités par une dissolution de soude ou de potasse, les granules organisés dont la fécule se compose se distendent comme des éponges dans tous les sens ; ils acquièrent des diamètres jusqu'à trente, quarante, cinquante fois plus considérables qu'auparavant, el cela sans perdre d'ail- leurs aucune de leurs propriétés. L'effet produit consiste dans une véritable combinaison de l'amidon, principe de la fécule, avec l'alcali, combinaison dans laquelle l'amidon joue le même rôle que joue un acide dans les combinaisons salines; el cela, voici le point important, sans subir aucune altération dans sa constitution intime, dans sa nature. La combinaison une fois formée, on peut la détruire en repre- nant l'amidon par d'autres bases et le transportant ainsi d'une combinaison dans une autre, sans que le grain de fécule perde ni ses formes générales, ni son organisation, ni aucune de ses réactions. Parmi celles-ci, il en est une qui fournit à cet égard des indications plus complètes et plus décisives qu'aucune autre; c'est celle que produit l'iode. Portés dans une dissolution aqueuse d'iode, les grains d'amidon, gonflés par les alcalis, y prennent cette même leinte bleue franche qui caractérise leur état d'inté- grité parfaite, et qui serait modifiée par la moindre altération qu'ils auraient éprouvée dans leur constitution chimique. C'est en vérifiant ce qu'avait observé M. Payen que M. Donny fut conduit à rechercher si ce phénomène curieux s'exercerait également et de la même manière dans toutes les fécules. Toutes, il esl vrai, jouent vis-à-vis des dissolutions alcalines le rôle chi- mique d'acides, elle rôle mécanique d'épongés qu'avait signalés M. Payen ;mais n'offriraient-elles pas des résistances différentes à jouer ces rôles, de telle sorte que telle fécule serait attaquée par une dissolution faible, et telle autre seulement par une dis- solution beaucoup plus énergique? Voilà, en effet, ce qui a lieu ; et c'est dans celte circonstance - 1078 — que M. Donny a trouvé le principe de l'une des opérations chi- miques les plus nettes dont nous ayons clé témoin. Il prend une farine altérée par un mélange de fécule de pommes de terre, et en étend une pincée sur une lame de verre. Observée avec une loupe grossissant une vingtaine de fois, la couche de farine, soit à sec, soit mouillée d'eau pure, ne présente rien au- tre chose que les petits granules arrondis que tous les observa- teurs connaissent sous le nom de globules de fécule. Mais on a sous les yeux une tout autre apparence, si, au lieu d'eau pure, on emploie une dissolution contenant un et demi à deux pour cent de potasse. A l'instant tous les grains de fécule de pommes de terre se gonflent et prennent des dimensions rela- tivement énormes, tandis que ceux de la farine de blé conser- vent leurs formes et leurs dimensions primitives. A cet élat même, et sans autre réaction, l'œil le moins exercé les reconnaî- trait et les compterait; mais ils deviennent beaucoup plus dis- tincts encore lorsqu'on ajoute à la dissolution alcaline quelques gouites d'une dissolution aqueuse d'iode, après les avoir séchés avec précaution. Alors, tandis que les granules appartenant au blé n'offrent que l'apparence de petils poinls noirs, ceux qui pro- viennent de la pomme de terre ressemblent à des outres gonflées transparentes de la plus belle leinte bleue. Telle est la réaction par laquelle M. Donny décèle la présence de la fécule de pommes de terre dans la farine de blé, et, nous le répétons, cetle réaction est tellement nette, que nous ne croyons pas en avoir vu qui le soit davantage. Si, sur la surface de 2 à 3 millimètres de diamètre qu'embrasse l'œil armé de la loupe dont se sert M. Donny, il se trouve un seul grain de fécule, il nous paraît impossible que l'œil ne le reconnaisse pas ; et, en parcourant avec la loupe toute la surface de la lame de verre qui sert de porle-objet, on en a bientôt reconnu un grand nombre, même quand le mélange a eu lieu suivant des proportions beau- coup plus faibles que celles qui peuvent donner des bénéfices. On eslime que la farine doit contenir au moins dix pour cent de fécule de pommes de terre pour que la fraude donne du profit, et il suffit qu'elle en contienne deux ou trois fois moins, pour que le procédé de M.Donny l'y fasse immédiatement reconnaître, -- 1079 — On découvre la fécule de pommes de terre dans le pain, après la cuisson, en écrasant sous la loupe, dans deux ou trois gouttes d'une dissolution de potasse, un pelit fragment de mie. Si le pain est falsifié, i! s'y montre des grains de fécule qui se conduisent de la même manière avec la potasse et l'iode. La farine des légumineuses porte avec elle un autre caractère. Si l'on place une petite quaniité de la farine suspecte sur le porte- objet de la loupe montée, et qu'on y fasse tomber quelques gouttes d'une dissolution contenant 10 à 12 pour cent d'alcali, toute la fécule est dissoute, el il se forme un empois à froid, dans lequel l'œil ne dislingue rien, si l'on n'a à faire qu'à de la farine de blé pure. La farine des légumineuses, au contraire, contient toujours des fragmens d'un lissu cellulaire formé par une sub- stance autre que la fécule, la cellulose, qui est insoluble dans la solution alcaline. Les fragmens se montrent à l'œil, sous la loupe et dans l'empois, avec tant de netteté, qu'il est impossible de les méconnaître. La farine de féveroles est une de celles que l'on emploie le plus fréquemment dans la falsification qui nous occupe, et le procès de Rochefort a montré tout le parti que la fraude en sa- vait tirer. Or, M. Donny a trouvé qu'elle donnait lieu à une réaction qu'il fait naîire à l'aide d'un procédé aussi élégant que simple. La réaction dont il s'agit résulte de l'action consécutive de la vapeur d'acide azolique et de l'ammoniaque, mais à un certain degré seulement, degré très difficile à atteindre, se produisant dans un instant très court, et exigeant, par conséquent, pour être saisi, l'habileté d'un chimiste exercé. Comment tourner cette difficullé? Par un petit tour de main, une sorte de petite ruse que nous avons vraiment du plaisir à décrire. M. Donny prend une capsule en porcelaine, de 4 ou 5 centi- mètres de diamètre, et en enduit le bord intérieur d'une couche mince d'une ceinture de farine, qui ne descend pas jusqu'au fond. Sur le fond nu, il fait tomber quelques gouties d'acide azolique, et chauffe sur une lampe à alcool. La vapeur se dégage etatlaque bientôt la ceinture de farine, mais en commençant par son bord inférieur et étendant son aclion lentement jusqu'au — 1080 — bord supérieur. La partie attaquée jaunit et finit par noircir ; celle que la vapeur a encore respectée reste blanche. La pre- mière a subi une aclion trop énergique ; cette action, au con- traire, est encore trop faible ou nulle sur la seconde. Entre les deux se trouve une zone où l'action est juste ce qu'elle doit êlre ; et celte zone devient apparente par le développement d'une belle couleur rose lorsque l'on a renversé la capsule pour expulser l'excès d'acide, cl qu'on a remplacé celui-ci par l'ammoniaque à froid. La coloration rose est très intense et visible à l'œil nu, si la proportion de farine de féveroles est assez considérable. Si, au contraire, celte proportion est faible, on aperçoit une teinte rosée seulement. Mais en examinant avec une loupe l'espace nuancé de rose, on reconnaît que la teinte est due à des parti- cules isolées et dont chacune est très fortement colorée en rose vif. Ces particules ne sont autre chose que celles mêmes qui proviennent de la farine de féveroles, de telle sorte qu'on pour- rait les prendre une à une avec la pointe d'une aiguille à dissé- quer, et isoler ainsi granule à granule tout ce qui appartient à l'une des deux farines de ce qui appartient à l'autre. Celte belle réaciion'est due à ce que la féverole contient une substance particulière, ordinairement incolore, mais prenant la belle copieur rose dont nous avons parlé sous l'influence succes- sive de l'acide azolique et de l'ammoniaque. C'est une réaction d'aulant plus remarquable qu'elle offre une identité complète avec celle qui sert à caractériser l'urée dans les liquides animaux. Les vesces contiennent le même principe et donnent lieu à la même réaction ; toutes les autres farines restent incolores ou prennent seulement une légère couleur jaunâtre. Pour le riz, le mais, le sarrasin, les tourteaux de graines de lin, M. Donny fournit des caractères tirés de ce que ces diverses graines laissent dans la farine qui en provient des fragmens organisés de formes spéciales. Chacune de ces formes esl facile à caractériser, et très reconnaissable dans la masse transparente qu'on obtient en convertissant, comme nous l'avons dit, la partie féculente de la farine en empois par l'action d'une dissolulion alcaline assez concentrée. Ce qui distingue surtout la plupart des procédés de M. Donny, — 1081 — c'est qu'ils agissent directement et immédiatement sur la sub- stance mise en observation. Si l'on en excepte quelques cas par- ticuliers, comme celui où il s'agit de reconnaître la féverole dans le pain, il n'y a point ici de ces opérations préparatoires qui exi gent de l'habileté, qui, poussées trop loin, altèrent les substances et donnent lieu à des réactions d'une origine douteuse, comme la trituration, la dissolution préalable par des réactifs dont l'action puisse varier, en raison de la durée, de la température ou de toute autre cause. Tout se passe entre la fécule elle-même, telle qu'elle existe dans la farine, et un réactif ou deux au plus. Ajoutons que les effets sont de la nature la plus tranchée. Dans tous les procé- dés qui avaient été proposés jusqu'ici, c'étaient en général plutôt des nuances que des distinctions tranchées qu'il avait fallu invo- quer, des différences de teintes, la faiblesse ou l'abondance d'un précipité : aussi, en rendant compte d'expériences de cet te nature, un chimiste disait-il avec beaucoup de raison : « Ce n'est pas en « me basant sur des différences du plus au moins que j'oserais « mettre en question la fortune ou l'honneur d'une personne. » Nous ne croyons pas que les réactions dont nous venons de ren- dre compte inspirent jamais une réflexion semblable, lorsqu'une expérience ultérieure les aura confirmées (Doyère). Empoisonnement du duc de Praslin. Le duc de Praslin ^'est empoisonné avec de l'acide arsénieux dans la journée du mercredi 18 août, et il a succombé le 24 du même mois, à 4 heures 35 minutes. Je pense qu'il est utile et même nécessaire d'attirer l'attention du lecteur sur un certain nombre de faits relatifs aux altérations cadavériques qui ont été constatées, et surtout à l'expertise médico-légale. Commis parle chancelier de la Cour des pairs pour faire l'autopsie du cadavre et pour procéder à l'analyse des matières suspectes, j'étais en même temps invité par lui à désigner un autre expert; je fis choix du docteur Tardieu, agrégé de la Faculté de médecine de Paris. Je ne dirai rien des symptômes éprouvés par le duc de Praslin, parce qu'ils rentrent à peu de chose de près dans ceux qui sont III. 69 — 1082 — connus,et que j'ai décrits à la p. 326 et suivantes de ce volume. Pour ce qui concerne la nécropsie, je ne parlerai que du canal digestif et du cœur, dont les lésions offraient un véritable intérêt. Estomac. Depuis le cardia jusqu'au pylore, il existait sept larges eschares, dont les dimensions variaient de 2 à 4 centi- mètres, disséminées le long de la grande courbure. Ces eschares étaient noires, très nettement circonscrites par un liséré d'un blanc jaunâtre ; le tissu était racorni et d'une consistance bien différente de celle des parties voisines ; elles n'intéressaient pas toute l'épaisseur des parois de l'estomac. Autour de ces eschares dans une petite étendue, la membrane muqueuse gastrique était un peu ramollie et d'une coloration rouge foncé due à une vascu- larisation inflammatoire; il n'y avait nulle part ni ulcération ni perforation. La membrane muqueuse de l'estomac était saine dans toutes les parties qui séparaient les eschares qui viennent d'être décrites. On se tromperait si l'on croyait que ces eschares sont le fait de l'action locale de l'acide arsénieux sur l'estomac ; non, elles sont la conséquence de Yabsorption du toxique : aussi déter- mine-t-on souvent la production de semblables eschares ou d'altérations analogues dans l'estomac, alors qu'on s'est borné à empoisonner des animaux en appliquant de l'acide arsénieux sur le tissu cellulaire sous-cutané de la partie interne de la cuisse (F. les expériences 13, 14 et 15e de mon Traité de Toxicolo- gie, page 308 du tome ier, 4e édition). On voit principalement ces altérations dans les cas où la quantité d'acide arsénieux avalée était considérable, et surtout lorsque la maladie a duré long-temps. Je puis ajouter à l'appui de cette proposition ce qui se passe dans la plupart des cas d'empoisonnement par l'acide arsénieux qui se terminent promptement par la mort ; en effet, non-seulement l'estomac n'offre aucune eschare, mais à peine est- il le siège d'une légère inflammation. Canal intestinal. L'intestin grêle, examiné dans toute son étendue, n'offre pas une seule eschare analogue à celles de l'esto- mac; mais à sa partie supérieure, dans le duodénum et dans les dernières portions de l'iléon, la membrane muqueuse est le siège d'une violente inflammation caractérisée par une rougeur sombre — 1083 — presque uniforme, résultant de l'injection très considérable d'un grand nombre de petits vaisseaux capillaires; celle membrane n'est,d'ailleurs, nulle part ulcérée ou détruite. La partie moyenne de l'intestin-grêle, celle que l'on appelle le jéjunum est intacte. Le gros intestin n'est le siège d'aucune lésion. Cœur. Le ventricule gauche renferme une petite quantité de sang liquide ; à l'intérieur de cette cavité, sur les piliers et sur les différens points de la surface interne du ventricule, on observe un grand nombre de petites taches hémorrhagiques dissé- minées, formées par du sang épanché sous la membrane séreuse endocardique, et qui dans quelques parties pénètre jusque dans l'épaisseur des colonnes charnues et du tissu propre du cœur. Le ventricule et l'oreillette droits sont distendus par un caillot volumineux décoloré, fibrineux, qui se prolonge jusque dans l'artère pulmonaire. Analyse chimique. — Foie. Nous avons opéré séparément sur 400 grammes de ce viscère : 1" en incinérant par l'azotate de potasse; 2° en décomposant la matière organique par le chlore. Nous n'avons pas voulu recourir au procédé de carbonisation par l'acide sulfurique, tant prôné par l'Institut, parce qu'il est loin d'offrir les avantages que présentent ceux dont il vient d'être fait mention (F. p. 226). Je ne dirai rien des 400 grammes de foie traités par l'azotate de potasse, si ce n'est que nous avons recueilli une quantité très considérable de taches arsenicales dont nous avons constaté les caractères, ce qui nous a permis d'affirmer que le foie contenait de l'arsenic. Surabondamment et pour satisfaire à des exigences puériles, nous avons fait passer aussi le gaz hydrogène arsénié qui se dégageait de l'appareil à travers un tube de verre chauffé au rouge, et nous avons obtenu presque immédiatement après un anneau très riche en arsenic. Décomposition par le chlore. On sait que dans le mé- moire que j'ai lu à l'Académie royale de médecine en juillet der- nier, j'ai établi qu'en décomposant le foie par un courant de chlore gazeux à froid, on transforme tout l'acide arsénieux en acide arsénique, et que l'on ne perd aucune trace du toxique, tandis qu'on en perd en suivant tout aulre procédé; aussi retiré- es — 1084 — t-on beaucoup plus d'arsenic en agissant avec le chlore qu'en dé- truisant la matière organique par un autre agent. Les expé- riences qui m'avaient conduit à ce résultat si important avaient toutes été faites avec des foies de chiens empoisonnés par l'acide arsénieux et dont le poids variait de 180 à 220 grammes; jamais je n'avais opéré sur des foies d'hommes, ni sur une proportion aussi considérable de matière, c'est-à-dire sur 400 grammes. Qu'est-il advenu : c'est que tandis que la matière organique des foies de chiens était à-peu-près complètement décomposée après quatre heures de l'emploi du chlore gazeux, celle qui constituait les 400 grammes du foie du duc de Praslin ne l'était pas au même degré, après avoir été traversée par le chlore pendant le même espace de temps,- c'est ce qui explique la différence importante que nous avons remarquée dans les résultats et que voici : la liqueur chlo- rée provenant des foies de chiens, après avoir été chauffée jus- qu'à l'ébullition pour en chasser le chlore, donne immédiate- ment de l'arsenic en abondance, lorsqu'on l'introduit dans un appareil de Marsh ; tandis que la liqueur analogue obtenue avec 400 grammes du foie du duc de Praslin, n'a fourni dans le même appareil et encore difficilement que quelques taches jaunâtres brillantes,- évidemment il restait dans cette dernière liqueur une trop grande quantité de matière animale pour permettre à l'ar- senic de s'échapper ; aussi avons-nous pris le parti de traiter le liquide qui fournissait à peine des taches jaunes, par de l'acide sulfurique pur et concentré, jusqu'à ce que la liqueur ne fît plus effervescence; le mélange devenu noir a été mis dans un appareil de Marsh, et n'a pas tardé à fournir une quantité vraiment prodigieuse d'arsenic. Un fait qui ne manquera pas de frapper ceux qui s'occupent de toxicologie, c'est qu'en même temps que l'acide sulfurique dégageait des vapeurs abondantes d'acide chlorhydrique (formé par l'action du chlore sur l'hydrogène de la matière animale), qu'il chassait une petite proportion de chlore en excès, il don- nait également lieu à la production de gaz acide sulfhydrique. Comment concilier dans une même liqueur la présence du chlore et de ce gas , lorsqu'on sait qu'à l'instant même où ces deux corps sont en contact, le chlore s'empare de l'hydrogène — 1085 — de l'acide sulfhydrique et en précipite le soufre? Ce fait, pour moi inexplicable, se reproduira-t-il dans d'autres occasions ou bien dépendait-il d'un état individuel à nous inconnu ? J'avoue, que, si j'avais à décider la question avec un aussi petit nombre de données, je me prononcerais en faveur de la négalive, c'est- à-dire que j'admettrais qu'il ne se manifestera que très rare- ment. Quoi qu'il en soit, il est évident d'après ce qui précède, que j'ai à compléter le procédé de décomposition de la matière orga- nique par le chlore, les détails dans lesquels je suis eniré à la page 229 de ce volume, n'embrassant pas toutes les espèces qui peuvent être l'objet d'expertises médico-légales. Voici les pré- ceptes qui servent de complément à ce que j'ai déjà publié. 1° Si l'on agit sur plus de 200 grammes de foie, il ne suffira pas de faire traverser la liqueur par un courant de chlore ga- zeux pendant quatre heures; il faudra prolonger ce courant pendant six, sept ou huit heures, suivant la proportion de foie sur laquelle on opère. 2° Après avoir filtré et fait bouillir la liqueur chlorée pendant une demi-heure environ, pour en chasser l'excès de chlore, on en essaiera une petite partie dans un appareil de Marsh ; si l'on obtient immédiatement ou peu de temps après des taches brunes brillantes, c'est que la décomposition de la matière or- ganique a été suffisante, et l'on n'aura pas besoin de recourir à aucun autre traitement. 3° Si, au contraire, les taches ne se produisent pas ou qu'elles ne se condensent que difficilement, quelle que soit leur cou- leur, on conclura que l'action du chlore, n'ayant pas élé suffi- samment prolongée, il reste encore une assez grande quantité de matière organique pour empêcher l'arsenic de se montrer. Dans ce cas, on placera le liquide suspect dans une capsule de porcelaine, dans laquelle on versera de l'acide azotique pur el concentré jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effervescence et l'on chauf- fera il se dégagera une énorme proportion d'acide azoteux et de chlore ; l'acide azotique détruira le restant de la matière or- ganique el fera passer à l'élat d'acide arsénique, la portion de l'acide arsénieux que le chlore auraii pu ne pas atteindre; on — 1086 — continuera l'action de la chaleur jusqu'à ce que la liqueur soit entièrement desséchée; le produit de l'évaporation, Irailé par l'eau distillée bouillante pendant dix à quinze minutes, four- nira un liquide duquel on extraira à l'aide de l'appareil de Marsh tout l'arsenic contenu dans la portion du foie sur laquelle on avait opéré; je dis tout l'arsenic, persuadé que je suis qu'il ne viendra dans l'esprit d'aucun homme instruit et de bonne foi d'élever le moindre doute à cet égard. Je dirai en terminant que ce n'est pas d'après des vues pure- ment théoriques que j'ai élé conduit à tracer ces préceptes, mais bien d'après des expériences rigoureuses que j'ai pu faire sur le tiers du foie du duc de Praslin, qui n'avait pas élé employé à l'expertise ordonnée par la Cour des pairs. FIN DU TROISIÈME ET DERNIER VOLUME. TABLE DES MATIERES DE LA 2e PARTIE DU TOME III. Article IX. — De la bryone, de l'élatérium, de l'élatérine, de la coloquinte, de la résine de jalap, de la gomme-gutte, du garou, du ricin, du pignon d'Inde, du mancenillier, de l'euphorbe, delà sabine, de la staphysaigre, de la gratiole, de l'anémone, du rhus, du narcisse, de la renoncule des prés, de la chélidoine, etc. 585 De la racine de bryone. Ibid. De l'élatérium. 586 De l'élatérine. 587 De la résine de jalap (convolvulus jalappa). 588 De la coloquinte. ibid. De la gomme-gutte. 589 Du garou (sain-bois). 590 Du ricin. 591 De l'euphorbe (euphorbia officinarum). 592 Du pignon d'Inde. 593 Du croton tiglium. 594 Du mancenillier. 595 De la sabine. 596 Du rhus radicans et du toxicodendron. 597 De la chélidoine. 598 De la delphine. 5" De la staphysaigre. 600 De la gratiole. 601 De l'anémone. 603 Du narcisse des prés (narcissus pseudo-narcissus). 604 — 1088 - De la renoncule. 605 De quelques autres poisons irritans végétaux. 606 De la créosote. 609 Des cantharides et de la cantharidine. 610 Des animaux qui produisent des accidens graves lorsqu'ils sont in- troduits dans l'estomac. 621 Des moules. li-3 Deuxième classe. — Des poisons narcotiques. 624 De l'opium et de quelques-uns des principes immédiats qu'il ren- ferme. — De la morphine. 627 De la paramorphine (thébaïne). 644 De la pseudomorphine. 645 De la narcotine (principe cristallisable de Derosne). 646 De la codéine. 650 De la méconine. 651 De la narcéine. 652 De l'opium. 653 Du pavot indigène. 666 De la jusquiame (hyosciamus niger). Ibid. De l'hyosciamine. 670 De la laitue vireuse. Ibid. De la solanine. 671 Des diverses espèces de solanum. 672 De l'if. Ibid. De quelques autres plantes réputées narcotiques. Ibid. De l'acide cyanhydrique (prussique). 673 Questions médico-légales relatives à l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique. . 693 Du cyanogène. 737 Du cyanure de potassium. Ibid. Du laurier-cerise (prunus lauro-cerasus de L., et mieux cerasus lauro-cerasus). 741 Des amandes amères. 743 Troisième classe. — Des poisons narcotico-âcres. 744 § Ier. — De la scille ; de l'œnanthe crocata ; de l'aconit ; de l'ellé- bore ; du varaire ; de la vératrine ; du colchique ; de la bella- done ; du datura ; du tabac ; de la digitale ; des diverses espèces de ciguës et du laurier-rose, etc. Ibid. De la scille. 745 De l'œnanthe crocala (safranée). 746 De l'aconitine. 747 De l'aconit napel. 748 De l'ellébore noir. 750 Du varaire. 753 — 1089 — De la vératrine. De la sabadilline. Du colchique (colchicum autumnale), de l'hexandrie IrigyniedeL. et de la famille des colchicées. De la colchicine. De la belladone (atropa belladona). De l'atropine. Du datura stramonium (pomme épineuse). Do la daturine. Du tabac. De la nicotine. De la digitale pourprée. De la grande ciguë (conium maculatum). De la ciguë aquatique (cicutaria aqualica de Lamk.). De la petite ciguë (œthusa cynapium). De la conicine. Du laurier-rose (nerium oleander). Du mouron des champs, de l'aristoloche, de la rue et du tanguin. Du cyanure d'iode. § II. — De la noix vomique, de la fève de Saint-Ignace, de l'upas tieuté, de la strychnine, de la brucine, etc. De la noix vomique. De la fève de Saint-Ignace (noix igasur des Philippines). De l'upas tieuté. De la strychnine. De la brucine. De l'écorce de fausse angusture. De l'écorce de fausse angusture (angusture fine). Du ticunas, du woorara et du curare. § III. — Du camphre, de la coque du Levant, de la picrotoxine. et de l'upas antiar. Du camphre. De la coque du Levant. De la picrotoxine. De l'upas antiar. § IV. — Des champignons vénéneux. § V. — Du seigle ergoté (secale cornutum). § VI. — Des effets des plantes odorantes sur l'économie animale. § VII. — De l'alcool. De l'éther sulfurique. § VIII- — De l'empoisonnement par les substances gazeuses intro- duites dans les voies aériennes. Du gaz protoxyde d'azote. Du gaz hydrogène phosphore. - 1090 — Du gaz hydrogène arsénié. 831 Du gaz hydrogène bi-carboné. 832 Du gaz acide carbonique. Ibid. Du gaz oxyde de carbone. 835 De l'air non renouvelé. 836 Du gaz de l'éclairage (gaz light). 840 De la vapeur du charbon de bois, du charbon de terre et du coake du bois carbonisé. 845 Questions médico-légales relatives à l'empoisonnement par la va- peur du charbon. 852 Quatrième classe. — Des poisons septiques ou putréfians. 865 Du gaz acide sulfhydrique (hydrogène sulfuré). 866 Du gaz qui se dégage des fosses d'aisances. 867 Du méphitisme des égouts. 869 Des matières putréfiées. 871 Des accidens développés par des matières alimentaires n'ayant subi aucune altération apparente. 880 Des animaux venimeux. 881 Des serpens venimeux. 882 De la vipère éommune (vipera berus, coluber berus de Linnœus). 884 Des serpens à sonnettes. 890 Des insectes venimeux. — Du scorpion d'Europe. 892 De la tarentule (lycosa tarentula, Latreille). 893 De l'araignée des caves (segestria cellaria). 894 De l'abeille domestique (apis mellifica). Insecte de l'ordre des hymé- noptères, famille des apiaires. 898 Du bourdon. Ibid. De la guêpe. 896 IIIe section. — De l'empoisonnement considéré d'une manière gé- nérale. — Article Ier. — Des moyens propres à faire reconnaître s'il y a eu empoisonnement, et quelle est la substance vénéneuse qui l'a produit. 897 § Ier. — Phénomènes que l'on observe généralement avant la mort des individus soumis à l'influence des poisons. Ibid. § IL—Altérations de tissu produites par les substances vénéneuses, et que l'on constate après la mort. 905 § III. — Des indices que le médecin peut tirer des symptômes aux- quels le malade est en proie, et des altérations de tissu trouvées après la mort. 908 § IV. — Des maladies qui simulent l'empoisonnement aigu. 913 § V. — Marche analytique à suivre pour reconnaître la nature de la substance suspecte. 93 \ Article II. — De l'influence de la quantité de poison recueillie à la suite d'une expertise. 943 — 1091 — Article III— De l'époque à laquelle doivent être faites les recher- ches pouvant servir à déterminer s'il y a eu empoisonnement, et à faire connaître la nature de la substance vénéneuse. 955 Article IV. — De quelques autres questions relatives à l'empoi- sonnement considéré sous le rapport de la médecine légale. 956 De l'empoisonnement lent. 957 Rapports sur l'empoisonnement. 959 Des alimens considérés sous le rapport de la police médicale. 967 De la farine de froment. 968 Du pain. 975 De l'amidon. 977 Du sel commun (chlorure de sodium). 978 Du chocolat. 980 Du café. 982 Du fromage. 983 Du beurre et de l'huile. 984 Du lait. 985 Falsifications proprement dites. 988 Des moyens propres à simuler la crème. 990 Altérations naturelles. De l'eau. Du vin. De l'eau-de-vie et des liqueurs de table. 999 Du cidre. 100° Delabière. 1002 Du vinaigre. 1003 Du vjnaigre de bois. Des bonbons colorés. Oo ' De la falsification des actes, des écritures, etc. 1 ft08 Moyens de prévenir la falsification des écritures. .4M 6 Moyens propres à empêcher le blanchiment frauduleux des vieux papiers timbrés. Ibîd' Des écritures tracées avec des encres de sympathie ou autres sub- stances analogues. 101 ' De la fausse monnaie. ^018 Des expertises en matières civile, commerciale et administrative. 1025 Bibliographie des poisons. 1036 Bibliographie de la médecine légale. 1053 Supplément, /|065 HMrRIMS CHEZ PADL RENOUARD, RUK GARANCIF.RE, N. 5. 994 996 9s o 1NIJI03W JO AIVIII1 IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A II V II 9 11 IVNOIIVN 3NI3I03W JO A » V » 8 11 1VI 2T\ l ! ^iy^r^i^im^] NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF ME ^î>£M^' iNniaiw jo Auvxflii ivnoiivn înidiqîw jo uvain ivnoiivn inisioîw jo auvusit ivi NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF ME NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF ME I /Vi N INIOlOiW lO A1»HI1 IVNOIIVN 3NDI01W JO *I»HI1 1YNOUYN JHI3IOÎW JO 11*1111 N 3NI3IQ3VK JO ABVBBI1 IVNOIIVN ÎNI3IQ3W JO A V V B 1 I 1 IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A » V » ■ I 1 ME NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE N A T I O N A l l I B R A R Y O F M E D I C I N E N A T I O N A L L I B R A R Y O F 1 ^f\! 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