INE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL IIBRAR 1VN 3NOIQ3W dO A S V H S U TVNOIIVN 3 N I 3 I Q 3 W dO ÀDVII9I1 TVNOIIVN J N I 3 I 0 3 W dO U« 1VN 3NI3I03W dO A B V B S I T TVNOIIVN 3NI3I03W dO A B V B 8 I T TVNOIIVN 3NIDIQ3W dO ÀBV > s h H^lX^ CINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL IIBRAR xJ />£! v 1 V N 9NI3IQ3W JO AlVItll TVNOIIVN 3NI3l03WdOABVB81T TVNOIIVN 3NI3l03WdOA.BV s ï 'él } A -t i t * •- * 1VN INDIQIW dO ABVBBIT 1 VNO 11 V N 3 N I 3 10 3W dO Àlïllll TVNOIIVN 3N I 3 10 3 W dO JkBV ! 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TRAITÉ DE MÉDECINE LÉGALE pah jr IU. ORFILA, Doyen et Professeur de la Faculté de Médecine de Paris, Membre du Conseil royal de l'Université, du Conseil général des hospices 4 du Conseil académique, du Conseil de Salubrité, Docteur en Médecine de la Faculté de Madrid, Commandeur de la Légion-d'Honneur, de l'ordre de Charles III et du Cruzeiro, Officier de l'ordre de Léopold, Médecin consultant de S. M. le Roi des Français, Membre correspondant de l'Institut, Membre de l'Académie royale de Médecine, de la Société d'émulation, de Chimie médicale, de l'Université de Dublin, de Philadelphie, de Hanau, des diverses Académies de Madrid, de celles de Cadix, de Séville, de Barcelone, de Murcie, des Iles Baléares, de Berlin, de Belgique, de Livoume, etc., Président de l'Association des médecins de Paris. QUATRIÈME ÉDITION, REVUE, CORRIGÉE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTEE, CONTENANT EN ENTIER LE TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES PAR MM. ORFILA ET LE8UEUR. AVEC PLANCHES. . TOME TROISIÈME. — PREMIÈRE PARTIE. PARIS, LABE, ÉDITEUR, LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE, PLACE DE i/ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 4. 1848. 600 O6-7U I&4-8 TRAITÉ DE MÉDECINE LÉGALE iO®OOt»ew DE L'EMPOISONNEMENT. Législation relative à l'empoisonnement. « Est qualifié empoisonnement tout attentat à la vie d'une personne, « par l'effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins « promptement, de quelque manière que ces substances aient été em- « ployées ou administrées, et quelles qu'en aient été les suites y» (Coda « pénal, art. 301). « Tout coupable d'assassinat, de parricide, d'infanticide et d'empoi- « sonnement, sera puni de mort » {ibid. art. 302). * Celui qui aura occasionné à autrui une maladie ou incapacité de tra- « vail personnel en lui administrant volontairement, de quelque manière « que ce soit, des substances qui, sans être de nature à donner la mort « sont nuisibles à la santé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à « cinq ans, et d'une amende de seize francs à cinq cents francs; il pourra « de plus être renvoyé sous la surveillance de la haute police pendant « deux ans au moins et dix ans au plus {Ibid. art. 317, § 1, 2, 3 et 4). « Si la maladie ou incapacité de travail personnel a duré plus de vingt « jours, la peine sera celle de la réclusion ( ibid. § 5). Si le coupable a « commis, soit le délit, soit le crime spécifié aux deux paragraphes ci- « dessus envers un de ses ascendans. tels qu'ils sont désignés à l'art. 312; « il sera puni au premier cas, de la réclusion , et au second cas des tra- « vaux forcés à temps. » {ibid. § 6). L'article 301 du Code pénal a reçu dans ses applications des interprétations diverses qui n'ont pas toujours été conformes à l'esprit qui l'a dicté. Il est aisé de voir, d'après son dispositif, qu'il ne saurait y avoir crime d'empoisonnement sans la réunion de deux condiiious, savoir Xattentat à la viey c'est-à-dire la m. l — 2 — volonté'de porter atteinte à la vie d'une personne et la qualité nuisible de la substance quidoitêtredc naturel pouvoir donner la mort. La première de ces conditions n'a jamais, que je sache, été l'objet d'une difficulté ; toujours le législateur a exigé qu'il y eût volonté de tuer de la part de celui qui administrait le toxi- que, et il a constamment supposé que le crime était prémédité, parce qu'il était impossible de ne pas voir une préméditation réelle dans l'achat ou la préparation de la substance vénéneuse, dans sa mixtion avec d'autres substances, etc. Mais il n'en a pas été de même pour ce qui concerne la deuxième condition: ici les uns ont pensé avec raison qu'en parlant de substances qui peuvent donner la mort, la loi n'avait eu égard qu'à la nature toxique de ces substances, tandis que d'autres ont cru qu'il s'agissait à-la-fois et de la nature vénéneuse de ces substances et de la dose à laquelle elles étaient administrées. Suivant ces derniers, alors même qu'il y aurait eu préméditation et ferme volonté de tuer par une substance de nature à occasionner la mort, si cette matière n'avait été donnée qu'à une dose incapable d'amener celle-ci, le crime d'empoisonnement n'était pas con- sommé, et l'art. 301 devait rester sans application. Je ne saurais assez m'élever contre une pareille interprétation de l'art. 301, ni blâmer assez les magistrats qui, s'adressant aux experts, leur demandent si la quantité de poison qu'ils ont pu recueillir était ou non suffisante ^qvx donner la mort, ou bien s'ils pensent, d'après la proportion de toxique découvert par eux, que la quantité de celui qui a été administré pouvait détruire la vie ; à plus forte raison devrai-je blâmer sévèrement les experts qui, de leur propre, mouvement et sans y être provoqués, vont au- devant de la question, l'agitent et viennent, tantôt armés d'une quantité assez notable de poison extrait des matières suspectes, dire qu'il y en avait assez pour tuer; tantôt, lorsqu'ils ont à peine pu recueillir quelques traces de toxique, affirmer que celui-ci n'a pas pu déterminer la mort. Tout cela est absurde ; les magis- trats qui posent de pareilles questions n'ont pas bien saisi l'es- prit de l'art. 301 ; ils ont oublié les arrêts rendus en 1812 et en 1814 parla Gourde cassation, arrêts dans lesquels le vide de leurs prétentions est mis à nu, et ils n'ont pas surtout cherché — 3 — dans l'art. 317 le véritable sens des mots qui peuvent donner la mort, insérés dans l'art. 301. Quoi de plus clair, en effet, que celte phrase de l'art. 317, promulgué en 1832 : « Si les sub- « stances, sans être de nature à donner la mort, sont cepen- «dant nuisibles à la santé, etc., » cela ne signifie-t-il pas évi- demment que le législateur, en rédigeant l'art. 301, a entendu par les mots substances qui peuvent donner la mort, que ces substances devraient être de nature à pouvoir occasionner celle- ci sans s'inquiéter en aucune façon de la dose à laquelle ces sub- stances avaient été administrées. Quant aux experts qui vont au- devant de la question, je me bornerai à dire qu'ils ignorent les élémens les plus simples du problème, car ils soulèvent une difficulté qu'il leur est souvent impossible de résoudre, comme je l'ai démontré dans un mémoire inséré dans le n° d'avril 1845 des Annales d'hygiène et de médecine légale et comme je le ferai voir à la fin de ce volume en reproduisant les argumens qui font la base de mon travail (1). J'aborde maintenant un certain nombre de questions impor- tantes que fait naître la lecture de l'art. 301 du Code pénal : 1° Si une substance vénéneuse de nature à pouvoir donner la mort est administrée à dessein ou involontairement avec une matière qui neutralise ou annulle ses propriétés toxi- ques, l'empoisonneur à qui je supposerai la volonté de tuer, commet-il le crime d'empoisonnement et est-il passible de la peine infligée par l'art. 302? Non, certes; car ici, par lé' fait, la substance définitivement administrée à la personne qui avait été choisie pour victime, n'est pas de nature à donner la mort; ainsi, qu'avant de faire prendre 30 grammes d'acide stil- (1) Indépendamment des deux opinions bien tranchées dont je viens de parler, il en est une troisième qui, à la vérité, jusqu'à présent n'a été mise en avant que par M. Devèrgie. On pourra juger avec quelle légèreté procède mon confrère, en lisant les citations suivantes, qui se contredisent les unes les autres : t° « Il importe peu que la substance vénéneuse ait été administrée à une dose k capable de donner la mort, il suffit que par sa nature elle eût des qualités délé- « tères suffisantes pour causer la mort » (t. in, p. 3). 2° « Il importe que les médecins et les chimistes apprécient les doses auxquelles « les substances vénéneuses peuvent donner la mort » (p. 4). 3° « Le magistrat peut adresser aux médecins la question suivante : À quelle « dose telle substance est-elle capable de donner la mort? » (p. 6). 1. — 4 — funque concentré, ou mêle cet acide avec une quantité suffisante de chaux vive ou carbonatée pour saturer tout l'acide, on ne don- nera en réalité que du sulfate de chaux, sel qui n'est pas de na- lure à occasionner la mort : c'est dans ce sens qu'ont été con- stamment rendus les arrêts de la Cour de cassation, comme on peut le voir par l'exemple suivant : Un individu administre à sa femme du vin contenant de l'acide su/furique; les débats éta- blissent que ce mélange a cessé d'être vénéneux; le mari est acquitté ; le ministère public se pourvoit en cassation ; la Cour suprême rejette le pourvoi (1). 2° Si un mélange qui n'est pas actuellement vénéneux peut le devenir au bout de quelque temps, l'individu qui ad- ministre ce mélange lorsqu'il est déjà délétère et de nature à donner la mort, est-il passible de la peine infligée par l'art. 302? Sans contredit, s'il est prouvé qu'il y a eu volonté de tuer. Ainsi, du cuivre en poudre fine mélangé avec du vin aigre étendu d'eau avalé à l'instant même où la mixtion a été opérée, n'est point de nature à occasionner la mort ; au contraire, après plusieurs heures d'exposition de ces deux matières à l'air, il se sera produit de l'acétate de bioxyde de cuivre qui est de nature à donner la mort. 3° Si l'on applique sur une plaie, avec l'intention de tuer, une substance qui est de nature à donner la mort et que celle-ci survienne, a-t-on commis le crime d'empoisonne- ment ? Évidemment oui; car l'art. 301 dit explicitement qu'il importe peu que le toxique ait été employé de telle ou de telle autre manière. Et ici je ne saurais assez m'élever contre la dis- tinction adoptée par M. Devergie, entre les poisons qui sont ab- sorbés et ceux qui ne le sont pas ; il n'y aura pas empoison- nement, dit mon confrère, si le poison n'est pas du genre de ceux qui peuvent être absorbés, parce que dans cet état il (1) Il ne faudrait pas induire de cet arrêt que l'acide sulfurique perd constam- ment ses principes toxiques quand il est mélangé au vin; loin de là, il conserve une grande énergie s'il n'est pas trop dilué par le vin. Son défaut d'action sur l'écono- mie animale ne peut être admis qu'autant qu'il a été tellement étendu par le vin qu'il constitue une sorte de limonade suljurique ou une boisson un tant soit peu plus acide. n'est pas capable de causer la mort. Je demanderai d'abord si, en établissant cette distinction, M. Devergie a suffisamment réfléchi aux embarras qu'il suscitait aux experts chargés de ré- soudre ces sortes de questions ; comment s'y prendront-ils, dans certaines circonstances, pour savoir si le toxique est du genre de ceux qui sont absorbés ; mon confrère ne doit pas ignorer que le problème est quelquefois si difficile que l'expert serait forcé de déclarer son impuissance. D'ailleurs, ne sait-on pas que cer- taines substances vénéneuses, telles que les acides irritans con- centrés, peuvent, étant appliqués sur des plaies, occasionner quel- quefois la mort, non pas par le fait de leur absorption, mais bien par suite de leur action caustique qui détermine une inflammation grave, profonde ou étendue de la peau ou de quelques organes importans, tels que l'œil ; ainsi, dans le système que je combats, un individu aurait la volonté d'en tuer un autre, il jetterait sur les yeux quelques grammes d'acide sulfurique concentré ; une ophthalmie des plus intenses avec délire, etc., amènerait la mort au bout de vingt-quatre ou quarante-huit heures et il faudrait répondre au magistrat : la mort n'ayant pas été le résultat de l'absorption, il n'y a pas eu crime d'empoisonnement. Cela ne soutient pas le plus léger examen. Et qu'on ne dise pas que, pour renverser l'opinion de M. Devergie, je cite à tort l'exemple des acides concentrés, lesquels, d'après mes propres expériences, peuvent être absorbés,- car, dans l'espèce, il fau- drait être insensé pour admettre que la mort aurait été le fait de l'absorption plutôt que de l'action caustique et brûlante de ces acides. Au reste, dans la même page, quelques lignes plus bas (voy. Devergie, tome ni, page 3), mon confrère réduit lui- même sa proposition au néant, lorsqu'il dit, à l'occasion d'une certaine quantité d'acide sulfurique concentré qui aurait été jetée à la figure d'une femme et qui aurait amené la mort, que ce mode d'application ne s'oppose pas à ce que l'action soit con- sidérée comme un empoisonnement, si la personne avait l'in- tention de porter atteinte à la vie. h° Si un homme de l'art, dans le but de soulager ou de guérir un malade, administre des doses tellement fortes de substances qui sont de nature à occasionner la mort, que celle-ci survient, y a-t-il crime d'empoisonnement '.' A coup sûr, non, car il n'y avait pas ici volonté de tuer; mais le méde- cin peut, dans certains cas, être passible des peines prononcées par l'article 317 du Code pénal; ainsi, dans le déparlement d'Ille-et-Vilaine, un homme de l'art prescrit U grammes de cya- nure de potassium en potion ; le malade meurt peu de lemps après avoir pris une cuillerée du médicament ; le médecin est condamné à l'emprisonnement et à l'amende, parce qu'il est re- connu que la dose prescrite est soixante-dix ou quatre-vingts fois plus considérable que celle qui doit être ordonnée. Dans la Dordogne, un de nos confrères, fort habile d'ailleurs, a lé mal- heur de formuler d'une manière un peu confuse, un médicament contenant du sulfate de quinine et de l'acétate de morphine ; ce dernier sel est livré à une dose insolite et le malade meurt em- poisonné : le médecin est condamné. Par contre il est des cas où l'homme de l'art, tout en ayant prescrit de fortes doses d'un mé- dicament qui a occasionné la mort du malade, n'est passible d'aucune peine. Je me bornerai à citer deux exemples : il est parfaitement avéré aujourd'hui qu'il peut être très avantageux pour la guérispn de certaines maladies de prescrire 1, 2 ou 3 grammes d'émétique par jour ; le médecin juge opportun d'a- gir de la sorte, et le malade meurt empoisonné ; dans un autre cas, on, applique sur un cancer de la face de la pâte arsenicale à la dose habituellement employée ; l'opéré succombe à un em- poisonnement par l'acide arsénieux; dans ces espèces il n'y a ni ignorance, ni imprudence, ni faute grave de la part du méde- cin ; on pourrait dire tout au plus qu'il s'est trompé ; il y a eu peut-être erreur de diagnostic ; la médication suivie n'était peut- être pas indiquée ou bien le malade était dans des conditions tellement spéciales que la science la plus circonspecte et la plus réservée devait échouer. De l'empoisonnement, considéré sous le point de vue mé- dico-légal. Le médecin consulté par le magistrat sur un cas d'empoison- nement doit toujours avoir présente à l'esprit cette sentence de Plenck: Unicum signum certum dati veneni est notifia bo- tanica inventi veneni vegetabilis, et analysis chemica inventi veneni mineralis (Elementa medicinae et chirurgiae forensis. Fiennœ, 1781, page 36). L'auteur dont il s'agit aurait dû ajouter seu notifia zoologica inventi veneni animalis. En effet, pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, l'homme de l'art doit démontrer l'existence du poison à l'aide d'expé- riences chimiques rigoureuses, ou de certains caractères bota- niques ou zoologiques. S'il ne peut pas y parvenir et qu'il ait ce- pendant observé des symptômes et des altérations organiques, semblables à ceux que produisent les substances vénéneuses, il peut établir la probabilité de l'empoisonnement. Les circon- stances du procès qui ne se rattachent pas à l'art de guérir, quelque importantes qu'elles puissent paraître aux magistrats, ne sauraient être prises en considération par le médecin, dont le jugement doit être exclusivement fondé sur les connaissances médicales. Sans doute ces circonstances, jointes aux dépositions des gens de l'art, seront quelquefois de nature à faire naître dans l'esprit du jury la conviction du crime : le juré prononcera alors affirmativement, tandis que le médecin sera réduit à élever des soupçons ou à établir des probabilités : ce serait méconnaî- tre son devoir que de s'écarter d'un pareil principe. L'exemple suivant peut être regardé comme une preuve irrécusable de cette assertion. —Une personne achète h grammes d'acide ar- sénieux en poudre, le mêle avec 60 grammes de sucre, fait bouillir le mélange avec du café pendant dix minutes, et, après avoir filtré la décoction, l'administre à un individu, qui ne tarde pas à éprouver des accidens graves ; la matière des vomisse- mens est soustraite par celui qui a donné le breuvage. Ces faits sont mis hors de doute par les dépositions de plusieurs té- moins. Les secours de l'art sont impuissans, et le malade ex- pire au bout de quelques heures. Le médecin chargé de rédiger le rapport déclare avoir observé des symptômes et des altéra- tions de tissu, semblables à ceux qu'aurait développés l'acide ar- sénieux ; mais comme il lui a été impossible d'analyser les ma- tières vomies, et que les recherches faites pour découvrir le poison dans le cadavre ont été infructueuses, il conclut qu'il ne — 8 — peut affirmer que l'individu soit mort empoisonne, quoique l'em- poisonnement lui paraisse probable. Je ferai voir, en parlant des maladies qui simulent l'empoisonnement, que l'homme de l'art ne peut pas se dispenser de mettre une pareille réserve dans ses conclusions. Cependant le jury reconnaît unanimement la cul- pabilité de l'accusé, tant les circonstances du procès, qui ne se rattachent pas à la médecine, sont propres à faire naître la con- viction du crime ! Ainsi, pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, l'homme de l'art doit démontrer l'existence du poison à l'aide ^expériences chimiques rigoureuses, ou de certains caractères botaniques ou zoologiques. Je n'adopterai pourtant pas l'opinion de M. De- vergie, qui dit : « Qu'il est en médecine légale un principe qui ne souffre pas d'exception : c'est que toutes les fois qu'on constate la présence d'un poison métallique, il faut en extraire le métal, comme la preuve irrécusable de Xexactitude des pré- cipités que l'on a obtenus » (art. Cuivre, Dictionrtaire de mé- decine et de chirurgie pratiques) (1). En effet, l'adoption d'un précepte aussi absolu pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses dans plusieurs cas de médecine légale : admettons, par exemple, qu'un expert ait parfaitement reconnu, à l'aide des réactifs convenables, qu'un empoisonnement a eu lieu par la potasse, la soude, la baryte ou la chaux, par le sulfure de po- tassium, par le chlorure de baryum, et par d'autres poisons mé- talliques, que je pourrais citer, et qu'il n'ait pas extrait le métal de ces composés, soit parce qu'il n'avait pas à sa disposition une forte pile électrique, ou un autre appareil compliqué, soit parce que, n'ayant pas une grande habitude des expériences chimi- ques, il n'a pas cru devoir tenter l'extraclion du mêlai, soit en- fin parce qu'il est certain d'avoir parfaitement reconnu le poison, seulement à l'aide des réactifs, il devra , d'après le système de l'auteur, ne pas conclure à l'empoisonnement !! ! Et comment faisions-nous donc, il y a quelques années, avant de savoir que ces poisons étaient essentiellement formés par des métaux- con- (1) L'auteur a sans doute voulu dire de la nature métallique des précipités lieu de l'exactitude, — 9 — fondions-nous alors la potasse, la soude, la baryte, la chaux, etc., avec d'autres corps, et ne les reconnaissions-nous pas aussi bien qu'aujourd'hui? Je puis choisir d'autres exemples. On retirera de l'estomac d'un individu que l'on croit avoir succombé à un em- poisonnement, un liquide bleu, qui, étant évaporé, fournira des cristaux rhomboïdaux ou prismatiques de même couleur, solu- bles dans l'eau, et dont la dissolution précipitera par la potasse, l'ammoniaque, Tarsénitc de potasse, l'acide sulfhydrique et le cyanure jaune de potassium et de fer, comme les sels de bioxyde de cuivre, et l'on ne pourra pas affirmer que c'est effectivement un de ses sels, parce qu'on n'en a pas retiré le cuivre ! Mais si ce n'est pas un sel de cuivre, qu'est-ce que cela peut être dans l'état actuel de la science? Rien. D'ailleurs, pourquoi faudrait-il absolument retirer un des élémens d'un poison métallique, que l'on peut très bien reconnaître sans cela, tandis qu'on ne le fait pas pour une foule d'autres poisons? Exige-t-on, par exemple, pour caractériser l'acide chlorhydrique, l'ammoniaque, etc., qu'on en retire le chlore ou l'azote? Non certes. Donc la thèse de M. Devergie n'est pas soutenable ; elle ne peut avoir .pour résultat que d'augmenter les difficultés, déjà trop grandes, de la toxicologie, et de faire que des experts, qui auront parfaitement reconnu certaines substances vénéneuses métalliques , n'osent pas se prononcer affirmativement, parce qu'ils n'eu auront pas retiré les métaux, et mettent ainsi les magistrats dans l'impossi- bilité de punir un crime qui n'est pourtant que trop réel (1). (1) Dans son Traité de médecine légale, publié deux ans après (tome m, p. 17, 2e édition), M. Devergie, reconnaît qu'il a été trop loin et qu'il aurait fallu dire : « il faut autant que possible en extraire le métal ; mais il n'en attaque pas moins les motifs que j'ai fait valoir pour l'amener à se rétracter. Parmi les raisons par trop futiles qu'il met en avant, il en est une qu'il sera curieux de consigner ici. « Qua- « tre personnes, dit-il, examinant la couleur d'un précipité, pourront lui trouver « quatre couleurs différentes, tandis qu'il n'y a qu'un cuivre, c'est le cuivre roug<» « avec ses autres caractères physiques ; que ce cuivre, isolé de cette liqueur bleue, « a plus de valeur que les dix précipités que l'on peut y faire naître au moyen des « réactifs, puisque sur ces dix précipités il n'y en a qu'un ou deux qui soient pro- < près au sel cuivreux. » A cela je répondrai qu'il n'est pas vrai de dire que l'on pourra trouver quatre couleurs différentes à l'oxyde bleu de cuivre hydraté, à l'ar- sénite de cuivre vert, au cyanure fei'ioso-cuivrique brun marron et au sulfure de ruivre brunjoncé (ou voit déjà qu'il ne s'agit pas de dix précipités, mais bien de — 40 — L'assertion de M. Devergie, pour être inattaquable, devrait être ainsi conçue : « Il est en médecine légale un principe qui ne souffre pas d'exception : c'est que toutes les fois qu'on cher- che à constater la présence d'un poison métallique, et que ce poison ne peut pas être reconnu à l'aide des réactifs, et sans en extraire le métal, il faut procéder à la séparation de celui- ci.» Ainsi, lorsque le poison ne présentera pas avec les réactifs les caractères qu'il doit fournir, et dont l'ensemble suffit pour le dis- tinguer des autres corps, on devra le réduire à l'état métallique. Le sel de cuivre que j'ai cité tout-à-1'heure comme exemple d'un poison que l'on pourrait reconnaître sans en extraire le métal, s'il était tellement masqué par des liquides colorés qu'il fût im- possible d'y faire naître les précipités qu'il fournit avec les réac- tifs dans son état de pureté, même après avoir cherché à déco- lorer la liqueur par le charbon animal, etc., devrait être traité de manière à ce qu'il donnât le cuivre métallique. Mais, objectera-t-on, comment savoir dans quels cas les poi- sons ne peuvent pas être reconnus à l'aide des réactifs, et qu'il faut en extraire le métal? La chimie seule peut l'apprendre, et l'on sait combien il serait téméraire de se livrer à des opérations qui ont pour objet la recherche des poisons, sans être versé au moins dans la partie théorique de cette science. quatre). Je défie aucune des quatre personnes mentionnées plus haut d'apercevoir autre chose dans l'espèce que du bleu, du vert, etc. Mais je vais plus loin et je dis que si cela était, M. Devergie devrait renoncer à jamais à répondre à un magistrat qui le consulterait sur une question d'empoisonnement ; en effet, admettons pour un instant qu'à la suite d'une expertise ce médecin ait retiré du cuivre, de Y arsenic, àeYantimoine, etc.; que fera-t-il; se bornera-t-il à dire : Voici trois métaux que je reconnais à leurs caractères physiques ? Non, certes; il devra, sous peine de passer pour un homme étranger à la science, traiter ces métaux par l'acide azoti- que, etc., pour obtenir des liqueurs acides ou salines qu'il sera forcé de mettre en contact avec les réactifs précités, s'il s'agit d'un sel de cuivre, ou avec d'autres ré- actifs, si le métal obtenu était de l'arsenic ou de l'antimoine. La couleur des pré- cipités recueillis l'autorisera à conclure qu'il y a du cuivre, de l'arsenic, etc. Vous voyez donc qu'en définitive, vous êtes obligé de recourir à ces réactifs et à ces pré- cipités dont vous sembliez ne pas vouloir tout-à-l'heure, parce que disiez-vous quatre personnes pourraient trouver quatre couleurs différentes a chacun de ces précipités. D'ailleurs, si vous ajoutez si peu de foi à l'action de ces réactifs, pour- quoi dites-vous à la page 15 du tome in : « Ici la substance vénéneuse sera recon- « nue à l'aide de précipités diversement colorés qu'elle formera avec certains réac- 'i tifs. » Jamais inconséquence fût-elle poussée plus loin ? — 11 — Le docteur Christison a émis une opinion très différente, de celle de M. Devergie, que je ne saurais partager non plus. S'il est vrai, dit-il, que l'on ne puisse pas établir d'une manière gé- nérale que les symptômes seuls soient suffisans pour affirmer qu'il y a empoisonnement, du moins peut-on le faire dans cer- tains cas, lorsque.', par exemple, les poisons donnent lieu à des symptômes remarquables et distincts de ceux que l'on observe dans les maladies spontanées ; ces substances vénéneuses se- raient les acides concentrés, Vacide oxalique, Xacide arsé- uieux , le sublimé corrosif, la noix vomique , etc. Voici, par exemple, comment l'auteur s'exprime à l'occasion de l'acide oxalique : « Si une personne, immédiatement après avoir pris une dissolution d'un sel cristallisé, ayant une saveur acide fran- che et forte, éprouve un sentiment de [brûlure d'abord dans la gorge, puis dans l'estomac, des vomissemens de matières sou- vent sanguinolentes ; si le pouls est imperceptible, si l'abatte- ment est excessif, et si la mort arrive au bout d'une demi-heure, ou même au bout de vingt, quinze .ou dix minutes, je ne vois pas ce qui pourrait s'opposer à ce que l'on conclût que l'acide oxa- lique a été la cause de la mort ; il n'existe aucune maladie spon- tanée qui commence aussi brusquement, et qui se termine aussi vile : aucun autre poison cristallisé ne produit les mêmes ef- fets» {Onpoisons, page 151, édition de 1829). Cette opinion, comme on pourra en juger, diffère notablement de celle qu'avait adoptée le même auteur dans le Mémoire qu'il a publié conjoin- tement avec le docteur Coindet. «Les symptômes, dit-il, ne peuvent tout au plus que faire soupçonner l'empoisonnement par l'acide oxalique. Chacun d'eux peut manquer tour-à-tour; et lors même qu'ils existeraient tous, on peut toujours trou- ver des signes plus certains par l'autopsie cadavérique et l'a- nalyse chimique » {Archives générales de médecine, tome n, page 276 ; Mémoire de MM. Christison et Coindet). Je pour- rais augmenter les citations, et présenter au lecteur des remar- ques faites par le docteur Christison à chacun des articles des poisons déjà indiqués; mais je m'en abstiendrai, parce que je suis convaincu qu'il y aurait de graves inconveniens à admettre le principe qu'il a émis en dernier lieu, et, que. d'ailleurs les — 12 — bases sur lesquelles il s'appuie ont la plus grande analogie avec ce que je viens de rapporter à l'occasion de l'acide oxalique. 11 suffira d'affirmer, pour réfuter une assertion aussi dangereuse, qu'il n'existe peut-être pas un seul cas d'empoisonnement dé- terminé par les substances désignées par le docteur Christison, qui ne puisse être assez bien simulé par une maladie autre que l'empoisonnement : il peut arriver aussi que l'ensemble des symptômes attribués à un de ces poisons, par le savant méde- cin anglais, soit déterminé, sinon par une autre substance véné- neuse, du moins par un mélange de deux ou de trois d'entre elles. Je ne saurais quitter ce sujet sans réfuter une observation faite par M. Devergie à l'occasion de la valeur respective de l'a- nalyse chimique, des symptômes et des lésions de tissu pour dé- terminer s'il y a eu ou non empoisonnement. J'avais établi que pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, il fallait avoir trouvé le toxique. Voici comment s'exprime mon critique. « Ce principe tend à faire regarder comme secondaires les « symptômes et les altérations pathologiques qui accompagnent « l'introduction de la matière vénéneuse dans l'économie, ce qui, « dans beaucoup de circonstances, aurait les inconveniens les plus « graves ; car il pourrait conduire à regarder comme suffi- « sant que l'on eût, comme dans l'exemple suivant, trouvé dans « l'estomac une matière vénéneuse, pour affirmer l'existence de « l'empoisonnement. » Ce raisonnement aura droit de surpren- dre quiconque a des idées saines de logique. Comment, parce que j'établis qu'il faut nécessairement avoir trouvé du poison pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, cela implique né- cessairement qu'il ne faut avoir égard qu'à cet élément de la question? Non certes, ce qu'il faut déduire nécessairement et seulement du principe posé, c'est que l'on vtaffirmera pas si l'on n'a pas trouvé le toxique. Voyons si mon confrère a été plus heureux en énonçant la proposition suivante : « La démonstra- « tion de l'existence d'un poison est une des preuves les plus « importantes de l'empoisonnement, mais on ne saurait affir- « mer que l'empoisonnement a eu lieu, qu'autant qu'à la décou- « verte chimique du poison viendraient se joindre les symptômes « et les altérations morbides qui coïncident ordinairement avec — 13 - « ce poison. D'où il suit que les symptômes et les altérations « morbides sont aussi nécessaires à l'affirmation de Vern- it poisonnement, que le poison lui-même» (tome m, p. 16). Ainsi voilà les symptômes et les lésions de tissu occupant le même rang que la présence du poison, pour décider si l'empoi- sonnement a eu lieu ; quant à moi, tout en assignant à ces symp- tômes et à ces lésions un rang secondaire, j'ai constamment voulu qu'on en tînt grandvcompte, comme on peut le voir dans mes écrits, mais je n'ai jamais commis la faute de les considérer comme des élémens ayant la même valeur que celui qui est fourni par l'existence du poison. La prétention de M. Devergie peut sans effort être réduite à néant ; je ne choisirai pour cela qu'un seul exemple, mais il sera péremptoire. Vingt personnes sont empoisonnées par l'acide arsénieux ; chez toutes on con- state la présence du toxique, tandis que les symptômes qu'elles éprouvent et les altérations cadavériques,que l'on décèle pré- sentent des variétés infinies et par le nombre et par le caractère des symptômes et des lésions. Ici le malade ressemble à un in- dividu atteint du choléra asiatique; là;, c'est un homme qui, plusieurs heures après l'ingestion du poison, éprouve tout- à-coup une syncope, sans autre phénomène précurseur, et succombe ; plus loin nous voyons des malades atteints de pus- tules à la peau, de délire, de syncopes, de douleurs articulaires, de vomissemens abondans et réitérés, etc., tandis que d'autres n'offrent que quelques-uns de ces symptômes, ou bien les éprou- vent tous à un degré infiniment moindre. Quant aux lésions des tissus, en ne nous arrêtant qu'au canal digestif, ici nous voyons des ecchymoses,deux, trois ou plusieurs eschares,voire même la perforation, là c'est une rougeur vive, étendue et uniforme ; plus loin c'est une simple injection vasculaire, et quelquefois même celle-ci manque. Après cela, je demanderai à M. Devergie ce qu'il entend par les symptômes et les altérations morbides qui coïncident ordinairement avec l'existence d'un poison, élément nécessaire, suivant lui, pour décider qu'il y a eu empoi- sonnement. Je n'ai pas besoin d'insister davantage pour faire sentir le vide et le danger de pareilles prétentions. De combien de difficultés la solution du problème qui a pour - 14 — objet la recherche des poisons n'est-elle pas hérissée ! D'une part, les substances vénéneuses parfaitement connues sont en très grand nombre et les expériences qu'il faut faire pour déter- miner leur nature sont souvent très délicates, surtout lorsque ces substances sont combinées avec des corps qui les masquent^ ou les décomposent : d'une autre part, l'empoisonnement peut être la suite de l'absorption d'une matière vénéneuse, qui peut être inaccessible à nos moyens d'investigation ; quelquefois même, en supposant que l'on opère sur une partie du poison absorbé ou sur toute autre portion, la quantité sur laquelle on peut agir est extrêmement petite, ce qui augmente la difficulté de l'opération ; enfin, combien de fois des maladies simulant l'empoisonnement par leurs symptômes, et par les altérations de tissu qu'elles dé- terminent, ne viennent-elles pas compliquer la solution de cette question importante? Il me semble que ce sujet, pour être traité convenablement, doit être divisé en trois sections. Dans la première, j'exposerai les notions préliminaires sur l'empoisonnement, considéré sous le point de vue médico-légal ; la seconde traitera des poisons en particulier ; enfin, la troisième comprendra les généralités sur l'empoisonnement, et les préceptes qui doivent servir de base dans la rédaction des rapports sur cette branche de la méde- cine légale. PREMIÈRE SECTION. — Notions préliminaires sur l'empoisonnement, CONSIDÉRÉ SOUS LE TOINT DE VUE MÉDICO-LÉGAL. On donne le nom d'empoisonnement(veneficium,toxicatio) à l'ensemble des effets produits par les poisons appliqués sur une ou plusieurs parties du corps des animaux. On emploie égale- ment ce mot pour désigner Xaction d'empoisonner. Le mot poison (toxicum, venenum, virus) a été tour-à-tour défini une cause de maladie; un agent capable d'occasionner une mort plus ou moins violente, lorsqu'il est introduit dans l'esto- mac ; tout corps nuisible à la santé de l'homme, mais dont l'action n'est pas mécanique, etc. La définition suivante, em- pruntée à Gmelin, paraît préférable. On doit considérer comme — 15 — poison tout corps qui détruit la santé, ou anéantit entière- ment la vie, lorsqu'il est pris intérieurement, ou appliqué de quelque manière que ce soit sur un corps vivant, et à pe- tite dose. M. Devergie, qui a adopté cette définition, quoi qu'il en dise, blâme toutefois l'expression de corps.vivant, à laquelle il sub- stitue les mots corps de l'homme, se fondant sur ce que telle matière est vénéneuse pour un animal et ne l'est pas pour l'homme. Moi qui sais qu'une définition n'est réellement bonne que lorsqu'elle embrasse tous les cas, je me garderai bien d'imiter cet auteur, et au lieu de ne l'appliquer qu'à l'homme, je retendrai à tous les êtres vivans ; qu'importe que telle sub- stance vénéneuse pour tels animaux ne le soit pas pour d'autres? Elle sera un poison pour les premiers et nullement pour les der- niers, tandis qu'une autre substance pourra être vénéneuse pour ceux-ci et ne pas l'être pour d'autres. La discussion placée sur ce terrain donne évidemment tort à M. Devergie, dont la défi- nition n'embrasse qu'un seul cas. Voyons ce que l'on doit entendre par petite dose. Je sais que l'on administre tous les jours à l'homme sain ou malade quel- ques milligrammes de bichlorure de mercure, d'une préparation arsenicale soluble, d'opium, de strychnine, etc., comme médica- ment, sans qu'il en résulte le moindre accident. Ce n'est donc pas à des doses aussi minimes que ces substances sont vénéneu- ses ; il faut nécessairement, pour que ces matières produisent des effets nuisibles, qu'elles soient données à des doses moins faibles, qui varieront considérablement suivant la nature de la substance, l'âge et la constitution de l'individu, etc. Ainsi l'on peut établir que dans la grande généralité des cas, 20 centigrammes de bichlorure de mercure ou d'une préparation arsenicale soluble, 1 gramme d'opium, et 10 à 12 centigrammes de strychnine, occasionneront un empoisonnement souvent mortel ; tandis qu'il faudra plusieurs grammes d'iode et 40 ou 50 grammes d'azotate de potasse pour déterminer un effet aussi funeste. On voit donc qu'ici il n'y a rien d'absolu, et que l'on ne saurait fixer d'une manière précise ce que l'on entend par petite dose. Je dirai encore, relative- ment à ces quantités* qu'il n'est pas rare de voir des malades, — 10 — placés dans des conditions particulières, supporter sans acci- dent des doses considérables d'une substance vénéneuse, tandis qu'à des doses beaucoup moins fortes ces mêmes substances pro- duiraient des effets fâcheux chez les mêmes individus à l'état normal. Je pourrais citer les effets du tartre slibié dans les phlegmasiesdes poumons, du chlorure de baryum, de l'azotaie de potasse, etc., dans d'autres affections. S'aviserait-on de dire que ces substances vénéneuses ne sont pas délétères pour l'hom- me, parce qu'elles ne l'empoisonnent pas, même à des doses très fortes? Non certes; on se contentera d'établir que ces matières, réellement vénéneuses dans la grande généralité des cas, ne le sont pas aux mêmes doses dans certaines conditions. Les poisons sont tirés des trois règnes de la nature ; c'est ce qui a suggéré l'idée de les ranger en trois classes, savoir : les poisons minéraux, les poisons végétaux, et les poisons animaux. Je crois devoir adopter la classification suivante : 1° poisons irritans ,- 2° poisons narcotiques ; 3° poisons narcotico-âcres ,• U° poisons septiques. Certes , cette clas- sification, dont l'idée est empruntée à Vicat, est loin d'être exempte de reproches ; mais, dans l'état actuel de la science, elle me paraît devoir être préférée à celles qui ont été proposées par Guérin, Anglada, Giacomini, etc. A. Tous les poisons n'agissent pas avec la même énergie. Il en est qui, étant administrés à très petite dose, déterminent la mort de l'homme et des animaux les plus robustes presque in- stantanément (l'acide cyanhydrique concentré, l'upas tieuté, la strychnine); d'autres, au contraire, ne manifestent leurs effets qu'au bout d'un certain temps, même'lorsqu'ils sont employés à assez forte dose, et doivent être considérés comme peu actifs ; tels sont le sulfate de zinc, le sedum acre, etc. ; il en est que l'on peut classer entre les deux extrêmes dont je parle, par rapport à leur intensité : tels sont la coloquinte, le garou, etc. Si les poisons sont introduits dans le canal digestif, leur ac- tion sera d'autant plus grande, les autres circonstances étant les mêmes, que ce canal sera plus vide. Les substances susceptibles d'empoisonner l'homme n'agissent pas de même sur toutes les espèces d'animaux ; néanmoins on — 47 — peut établir, sans craindre de se tromper, que tout ce qui est vé- néneux pour l'homme l'est également pour les chiens ; à la vérité, il faudra souvent administrer à ceux-ci une dose de poison plus forte ou plus.faible, pour déterminer un effet donné, que celle qu'il faut employer pour produire le même résultat chez l'homme; les auteurs qui ont avancé, contre cette proposition, que l'acide arsénieux, dont l'action funeste à l'espèce humaine est si généra- lement connue, n'agissait sur les chiens que comme un hyperca- ihartique, se sont évidemment trompés ; d'où il résulte que l'é- tude de l'empoisonnement chez l'homme peut être singulièrement perfectionnée par les expériences faites sur cette espèce d'ani- maux. La partie médico-légale de l'empoisonnement est parti- culièrement redevable des progrès qu'elle a faits dans ces der- niers temps aux expériences chimiques auxquelles on a soumis les matières contenues dans le canal digestif des chiens empoi- sonnés. Les poisons n'ont pas besoin, pour déterminer des accidens graves, d'être introduits dans l'estomac par la bouche. Injectés sous forme de lavement dans le gros intestin, plusieurs d'entre eux peuvent donner naissance aux symptômes de l'empoisonne- ment. Quelques-uns agissent avec énergie, lorsqu'on les appli- que sur la membrane muqueuse de la bouche, du nez, de l'œil, du vagin, et sur l'orifice du l'utérus. Il en est qu'il suffit de mettre en contact avec la peau pour qu'ils développent une inflammation, la suppuration, et par suite tous les symptômes qui caractérisent l'empoisonnement. On observe les mêmes phénomènes lorsqu'on les applique sous la peau. Quelquefois cet effet peut être le ré- sultat de frictions prolongées, ou de l'application d'un emplâtre, ou de tout autre médicament externe, dans la composition duquel entre une substance vénéneuse. Mais c'est surtout lorsqu'on fait agir certains poisons sur les tissus séreux et veineux que l'on re- marque combien ils sont énergiques. L'action des poisons sur l'homme varie singulièrement, suivant leur nature. Il en est qui, tout en étant absorbés, irritent, en- flamment et détruisent les parties sur lesquelles ils ont été appli- qués, puis déterminent des effets que l'on peut regarder comme étant le plus souvent produits par la portion absorbée, mais qui m. 2 — 18 — peuvent aussi, du moins en partie être attribués à une réaction sympathique. D'autres agissent à peine, ou n'agissent pas du tout sur les tissus avec lesquels ils sont en contact, mais ils sont ab- sorbés, et vont exercer leur influence délétère sur le système nerveux et sur les organes de la circulation, de la respiration, de la digestion,etc. B. L'absorption des poisons est mise hors de doute par les ex- périences suivantes: l°MM.Tiedemann et Gmelin ont reconnu dans le sang des veines mésaraïques de plusieurs chiens du cya- nure de potassium et de fer, du sulfate de potasse, ou de l'acétate de plomb, qu'on leur avait fait avaler ; 2° le sang de la veine splénique des chiens qui avaient pris du cyanure de potassium et de fer, ou de l'acétate de plomb, contenait évidemment des traces de l'une ou de l'autre de ces substances ; le sang tiréde la même veine, chez des chevaux à qui on avait donné du sulfate de fer, du cyanure de mercure ou du chlorure de barym, renfermait également ces substances ; 3° on trouva aussi dans le sang de la veine-porte des préparations analogues, que l'on avait administrées à des chiens et à des chevaux {Recherches sur la route que prennent cer- taines substances pour passer de l'estomac et des intestins dans le sang {Traduction de Heller, Paris, 1821); 4° M. Co- dera introduisit dans la vessie d'un chien une sonde bouchée ; le pénis fut lié, pour empêcher l'urine de couler sur les parties la- térales de la sonde. Il injecta dans l'estomac une solution de quelques grains de cyanure de potassium et de fer, et il débou- cha fréquemment la sonde, pour recevoir sur du papier Joseph l'urine qui en sortait. Il fit tomber sur ce papier une goutte d'une solution de sulfate de fer, et une autre d'acide chlorhydri- que, pour faire ressortir la couleur. Dans une expérience, le cya- nure fut reconnu dans l'urine dix minutes après son injection dans l'estomac, et dans une autre expérience, cinq minutes après. Les animaux furent ouverts sur-le-champ, et on trouva le cyanure dans le sérum du sang tiré de la portion thoracique de la veine cave inférieure, dans les cavités droite et gauche du cœur, dans l'aorte, le canal thoracique, les ganglions mésentériques, les rems, les articulations, la membrane muqueuse des bronches II est évident que dans cette expérience le sel avait été conduit — 19 — jusqu'à la vessie par les voies circulatoires ordinaires ; 5° Wœh- ler a trouvé dans l'urine des chiens et des chevaux, de l'iode, du foie de soufre, de l'azotate de potasse, du sulfocyanure de potas- sium, de l'acide oxalique, de l'acide tartrique et de l'acide citrique qu'il leur avait administrés {Expériences sur le passage des substances dans l'urine. Journal des progrès des sciences et institutions médicales, 1er volume, année 1827) ; 6° les acides arsénieux, les arsénites et les arséniates solubles, le tartre stibié, les sels solubles de cuivre introduits dans l'estomac ou appliqués à l'extérieur passent dans le sang et sont portés dans tous nos tissus comme je l'ai démontré en 1839. J'ai prouvé depuis que l'iode, la potasse, la baryte, et les sels solubles qu'elle fournit, le foie de soufre, l'azotate de potasse, les acides minéraux, tels que l'acide sulfurique, l'acide azotique, l'acide chlorhydrique, etc., l'ammoniaque, le chlorhydrate d'ammoniaque, l'eau de javelle, lesseisde plomb, de mercure, d'or, d'argent, etc., sont dans le même cas {Mémoires de l'Académie royale de médecine, lome vm, année 1840, et Journal de Chimie médicale, année 1842) ; 7° l'application d'une ligature au-dessus du point qu'oc- cupe une plaie empoisonnée de l'un des membres, ou même une compression suffisamment énergique exercée sur la circonférence de cette même plaie, suffisent pour empêcher l'effet du poison, et pour calmer les accidens qui ont déjà commencé à se développer, mais avec une intensité assez faible pour n'avoir pas encore com- promis la vie de l'animal. Dans une expérience, on a même vu que, par la compression avec la main seule, on a pour ainsi dire rappelé à la vie un lapin empoisonné parla strychnine, et dont la mort eût été certaine, si, par un moyen aussi simple, on ne s'était opposé à l'absorption du poison. Il est aisé de prouver que l'arrêt de l'empoisonnement ne dépend pas de la paralysie des nerfs qui avoisinent la plaie, mais du défaut d'absorption (Bouillaud, Ar- chives générales de médecine, tome xn). D'autres poisons sont encore évidemment absorbés, quoique leur existence dans le sang et dans nos viscères n'ait pas été con- statée, soit parce qu'on ne les a pas cherchés, soit parce que les moyens employés pour les déceler étaient insuffisans, soit enfin parce que les expériences n'ont pas été tentées en temps opportun. 2. — 20 — Les faits propres à appuyer celle dernière assertion ne sont pas rares : 1° on retire de l'arsenic ou de l'antimoine des viscères d'un animal empoisonné par une préparation arsenicale ou par le tartre slibié, si l'on agit à une certaine époque de la maladie ; plus lard on ne découvre plus un atome de ces métaux dans les mêmes vicères, tandis que l'on peut en retirer de l'urine ; 2" M. Las- saigne injecta 2 grammes d'acétate de morphine dans la veine cru- rale d'un chien et 1 gramme 60 centigr. dans la veine jugulaire d'un cheval. Le sel ne fut point retrouvé dans le sang retiré d'une saignée pratiquée sur le chien, non plus que dans le sang obtenu de la jugulaire du cheval opposée à celle qui avait subi l'injection ; celte dernière saignée avait été faite cinq quarts d'heure après l'introduction du poison. Dans une expérience analogue, la sai- gnée avait été pratiquée dix minutes après l'injection : alors on put découvrir la morphine dans l'extrait alcoolique du sang (1). On peut juger de la rapidité avec laquelle les poisons sont absorbés et s'assurer de la réalité de l'absorption par les recher- ches intéressantes que le docteur Blake a publiées dans VEdin- burgh journal de janvier 1840. Déjà le professeur Héring, de Stutlgard, avait tenté plusieurs expériences sur cet objet avec du cyanure de potassium et avait obtenu des résultats analogues (y .Jour n. des Progrès, tome ne, année 1828) : 1° quatre grammes d'ammoniaque concentrée sont injectés avec 20 grammes d'eau dans la veine d'un chien ; pendant ce temps on tenait tout auprès et au-dessous de ses narines une baguette de verre qu'on venait de plonger dans l'acide chlorhydrique très fort ; à pefne quatre secondes s'étaient écoulées depuis l'introduction de la première goutte de la solution d'ammoniaque dans les veines, que déjà on remarquait la présence de cet alcali dans l'air expiré aux va- peurs blanches abondantes qui se dégageaient autour de la ba- guette de verre imbibée d'acide chlorhydrique. En quatre secon- des, l'ammoniaque avait donc passé de la veine jugulaire dans les cavités droites du cœur, et de là dans les capillaires pulmonai- res, et enfin avait traversé toute l'étendue des voies aériennes. rh'upas antiar, l'acide aisénieux, l'acide oxalique, l'infusion (1) Journ. de Pliarm., avril 1824, Mémoire de M. Lassak-i — 21 — de tabac, injectés eu solution dans les veines, arrêtent les mouvemens du cœur dans l'espace de sept à quatorze se- condes. 3° Des expériences semblables faites avec la noix vomique et avec d'autres poisons d'une grande énergie ont prouvé qu'il s'écou- lait toujours entre le moment où le poison est mis en contact avec l'économie animale, et celui où commencent les premiers acci- dens, un intervalle au moins de douze ou quinze secondes, inter- valle qui suffit pour expliquer la transmission des principes vé- néneux par la circulation, sans qu'on ait besoin d'admettre Inac- tion du système nerveux pour expliquer cette transmission. Mais l'auteur va plus loin encore et démontre par une autre série d'ex- périences que plus la partie du système vasculaire dans laquelle on introduit le poison est près des centres nerveux, plus son ac- tion est rapide ; et cela se conçoit, puisqu'en injectant dans l'aorte un poison qui agit sur les centres nerveux, la dislance qu'il doit parcourir pour parvenir à ces centres est beaucoup moindre que quand on l'injecte dans le système veineux. Ainsi on fait arriver dans l'aorte, au moyen d'un tube introduit dans l'artère axillaire, 25 centigrammes de woorara dissous dans 8 grammes d'eau ; les premiers symptômes de l'action du poison se développent au bout de sept secondes, tandis qu'il faut vingt secondes si la disso- lution a été injectée dans la veine jugulaire. 4° De la strychnine injectée dans la veine jugulaire est arrivée très promptement aux extrémités capillaires des artères coronai- res. Ce transport s'est opéré chez le cheval en seize secondes, chez le chien en dix, chez le lapin en onze et chez le poulet en six {ibid., janvier 1841). 5° Le simple contact du poison avec une large surface ne pro- duit pas d'action générale, tant que le poison n'est pas entré dans la grande circulation. Après avoir ouvert l'abdomen d'un chien, on lui pratiqua la ligature des vaisseaux qui traversent le foie, puis on lui injecta'dans l'estomac, par une ouverture faite aux parois abdominales, 12 grammes d'acide cyanhydrique de Scheele. Dix minutes se passent sans qu'on observe le plus lé- ger effet. Alors on retire la ligature appliquée sur la veine-porte,. et au bout d'une minute l'effet du poison commence à se mani- — 'J2 — fester. La ligature est aussitôt réappliquée, mais l'animal allait périr si on n'eût eu recours à la respiration artificielle. Au bout de huit minutes ce chien était assez bien pour respirer sans ce secours ; on retire encore une fois la ligature, et l'animal meurt deux minutes après {ibid., janvier 1840). Voici quelques autres résultats relatifs à ce sujet : 1° Les émissions sanguines favorisent l'absorption des poi- sons. 2° On peut établir d'une manière générale que l'absorption d'une substance vénéneuse soluble dans l'eau ou dans un autre liquide est beaucoup plus rapide lorsqu'elle est employée dis- soute que dans le cas où elle est solide ; ainsi la dissolution d'ex- trait aqueux d'opium déterminera des effets funestes peu de mi- nutes après son application sur le tissu cellulaire de la cuisse, tandis que le même extrait solide et à la même dose agira beau- coup plus lentement. 3° On se tromperait pourtant si l'on niait l'absorption d'un cer- tain nombre de poisons peu solubles ; en effet, l'acide arsénieux, dont la solubilité dans l'eau est si peu marquée, est absorbé avec rapidité, car il suffit d'en appliquer 15 ou 20 centigrammes à l'é- tal solide sur le tissu cellulaire sous-cutané d'un chien assez fort pour déterminer la mort au bout de quelques heures. 4° L'absorption des poisons appliqués à l'extérieur est en gé- néral plus considérable dans les parties qui contiennent un plus grand nombre de vaisseaux absorbans lymphatiques et veineux. Cependant il est des cas dans lesquels le lieu sur lequel ils sont appliqués n'influe en aucune manière sur l'énergie de cette fonc- tion ; que l'on mette 25 centigrammes d'acide arsénieux sur le tissu cellulaire du dos ou de la partie interne de la cuisse d'un chien, la mort aura lieu dans l'un et l'autre cas au bout de trois, quatre ou six heures ; il arrivera même que le chien sur le dos du- quel le poison aura été appliqué périra plus vite, tout étant égal d'ailleurs ; au contraire, la même dose de sublimé corrosif occa- sionnera la mort au bout de quinze à vingi-quatre heures si on a mis ce sel en contact avec le lissu cellulaire de la cuisse tan- dis que l'animal vivra six ou sept jours si le sel a été appliqué sur le dos. — 23 — 5° L'absorption de certaines substances vénéneuses a lieu sans qu'elles soient immédiatement en contact avec les tissus des ani- maux; ainsi le sel ammoniac (chlorhydrate d'ammoniaque), d'a- près les expériences de M. Smilh, est absorbé lorsqu'on l'in- troduit dans un sachet de linge que l'on applique sur le tissu cellu- laire de la partie interne de la cuisse d'un chien. Il en est de même de l'acide arsénieux, etc. 6° Il est des substances vénéneuses qui sont entièrement absor- bées, et dont on ne trouve aucune trace lorsque après la mort on examine attentivement les parties sur lesquelles elles avaient été appliquées. Il en est au contraire un très grand nombre dont l'absorption n'est que partielle, et que l'on retrouve en grande partie sur le lieu où elles avaient été posées. Ainsi, que l'on ap- plique sur le tissu cellulaire 8 grammes d'une poudre végétale vénéneuse, il pourra se faire qu'après la mort de l'animal il en reste encore 5, 6 ou 7 grammes : il semble qu'il n'y ait eu d'ab- sorbé que la partie active. Dans d'autres circonstances, lorsqu'on applique, par exemple, sur le tissu cellulaire la partie éminem- ment vénéneuse d'une poudre végétale, la totalité n'est pas ab- sorbée, parce que la vie est promptement détruite, et que l'ab- sorption cesse avec elle. 7° On peut empêcher l'absorption de plusieurs substances véné- neuses, et peut-être de toutes celles qui sont appliquées à l'exté- rieur, en employant une pompe aspirante (sorte de ventouse) que l'on fait agir sur toute la surface de la plaie sur laquelle on a mis le poison. Le docteur Bary, médecin anglais, a lu à l'Académie royale de médecine, dans le courant d'août 1825, un mémoire in- téressant sur cet objet, dans lequel il établit que des animaux soumis à l'influence de la strychnine et de l'acide cyanhydrique à des doses suffisantes pour les faire périr, ne meurent pas, et se rétablissent même assez promptement, si l'on applique la ven- touse à temps eC qu'on la laisse agir au moins pendant une demi- heure. Ces expériences, dont les résultais sont exacts, portent l'auteur à croire, non-seulement que la ventouse pompe la partie du poison qui n'a pas été absorbée, mais encore une portion de celui qui est déjà dans les vaisseaux veineux et lymphatiques, celle, par exemple, qui avoisinerait la plaie. Quoi qu'il en soit dé — 24 — cette dernière opinion , je pense qu'il serait utile de déterminer sur un plus grand nombre de substances vénéneuses, cl notam- ment sur le venin de la vipère, les diverses époques de ^empoi- sonnement auxquelles il est encore possible d'empêcher l'absorp- tion. Le traitement de la morsure de reptiles venimeux et des animaux enragés peut être singulièrement perfectionné par les travaux ultérieurs qui pourraient être faits à cet égard. C. // existe des poisons solides, liquides et gazeux. Ces derniers sont souvent l'écueil de l'expert chargé de faire un rap- port sur l'empoisonnement ; en effet, il est possible que l'on ait fait inspirer à l'individu dont on a détruit la vie un gaz irritant ou septique dont il est impossible de déterminer la présence après la mort ; quelquefois cependant la nature de ce gaz peut être rigoureusement appréciée, par exemple, [lorsque l'individu a été empoisonné dans une atmosphère insalubre, et que l'on peut soumettre à des expériences chimiques le gaz qui constitue celte atmosphère. En général, il est beaucoup plus facile de dé- couvrir le poison, s'il est solide ou liquide ; la difficulté est en- core moins grande si la substance vénéneuse appartient au règne minéral. Voici, relativement aux poisons inorganiques, des pré- ceptes qu'il ne faut jamais perdre de vue. a Les poisons solides ou liquides dont il s'agit, administrés sans mélange d'aucun autre corps, peuvent ne pas avoir été employés en entier : alors le mé- decin parviendra facilement à les reconnaître en les soumettant aux expériences chimiques que je décrirai avec soin, b S'ils ont été mêlés avec d'autres poisons, avec des substances alimentai- res, ou avec des liquides colorés, et qu'ils n'aient pas été em- ployés en entier, on devra, pour les découvrir procéder à des expériences chimiques d'un autre genre, que j'indiquerai par la suite : c'est parce que les auteurs de médecine légale n'ont pas eu connaissance de ce fait qu'ils ont avancé tant d'erreurs graves dans leurs écrits. On a de la peine à concevoir, que Fodéré ait nié dans l'article Toxicologie du Dictionnaire des sciences médicales, que la plupart des poisons minéraux mêlés à des liquides colorés fournissent, avec les réactifs, des précipités d'une couleur différente de ceux qu'ils donnent lorsqu'ils sont purs. «Je puis affirmer, dit-il, et c'est ce dont mes auditeurs sont — 25 — ' témoins tous les ans, qu'il n'est pas exact de dire que les réactifs sont sans action sensible et identique sur les liqueurs colorées, telles que le café, qui contiennent des poisons métalliques (page 404). » S'il en est ainsi, je demanderai à Fodéré pourquoi il se rétracte, quelques pages plus loin, en établissant : 1° que l'eau de chaux précipite en jaune orangé l'acide arsénieux mêlé au thé, au café, au sang (page 405), tandis qu'elle précipite en blanc, si l'acide n'a pas été mélangé ; 2° que la potasse, la soude, l'ammoniaque, le cyanure de potassium et de fer, et les car- bonates agissent autrement sur le sublimé corrosif mêlé de vin, de bouillon ou de café, que sur le même poison pur (p. 406); 3° que l'ammoniaque et l'acide sulfhydrique ne peuvent servir de liqueur d'épreuve pour reconnaître les sels cuivreux qui ont été mêlés au café, au vin rouge, parce qu'ils donnent des résultats trompeurs (p. 407). Fodéré a encore été induit en erreur en an- nonçant que j'avais dit que les réactifs étaient sans action sensi- bles sur les liqueurs colorées contenant des poisons métalliques en dissolution, c. S'il est impossible de se procurer les restes du poison, on doit nécessairement analyser les matières vomies ou rendues par les selles ; et si l'individu a succombé, il faut, lors- qu'on n'a pas découvert le poison dans les substances contenues dans le canal digestif, soumettre les tissus de ce canal et le foie à des expériences particulières, dont l'objet principal est de dé- truire ou de séparer la matière organique, et de mettre à nu le poi- son, s'il existe, d. Les moyens chimiques auxquels on a recours dans la solution de la question qui m'occupe sont assez énergi- ques pour qu'on puisse reconnaître les plus petites quantités des poisons minéraux et de quelques poisons végétaux. D. On peut sifigulièrement éclairer l'histoire de l'empoi- sonnement chez l'homme, en faisant des expériences sur les animaux vivons. J'ai tellement insisté sur ce fait dans mes premiers écrits que je suis parvenu à déraciner les nombreux préjugés qui existaient à cet égard. Personne ne conteste au- jourd'hui que les expériences faites sur les chiens dans le des- sein de déceler les substances vénéneuses qui leur auraient été administrées, ne soient immédiatement applicables à l'homme; ainsi lorsqu'on a appris, à l'aide d'expériences tentées sur ces - 26 — animaux, comment on découvre l'arsenic, l'antimoine, le plomb, la morphine, etc., dans leur foie ou dans leur canal digestif, on agit de la même manière sur le foie et sur le canal digestif de l'homme, sans craindre de commettre la moindre erreur. Per- sonne ne conteste non plus que s'il est prouvé qu'une substance vénéneuse est dénaturée ou décomposée par un agci-t chi- mique, dans le canal digestif d'un chien, au point de n'être plus nuisible à l'économie animale, il en sera de mime chez l'homme; ainsi l'azotate d'argent et les sels solubles de baryte ne déterminent aucun effet délétère chez les chiens, si l'on administre peu de temps après l'empoisonnement une quan- tité suffisante de chlorure ou de sulfure de sodium ; on peut être certain que l'on obtiendra les mêmes résultats chez l'homme, et cela doit être dès que la décomposition des sels d'argent et de ba- ryte a lieu au moment même où ces toxiques éprouvent le con- tact du chlorure ou du sulfure de sodium ; qu'importe alors que la décomposition s'opère dans l'estomac de l'homme ou d'un chien ou dans un vase inerte? Il est vrai que pour ce qui con- cerne l'étude de l'action des poisons sur l'économie animale., on ne peut pas dire que les toxiques agissent absolument de la même manière sur l'homme et sur tous les animaux,- ainsi énoncée cette proposition serait beaucoup trop générale, parce qu'il est des animaux qui avalent impunément certaines sub- stances qui sont très vénéneuses pour d'autres, et que, dans quelques cas, telle substance tout en étant toxique pour plusieurs sortes d'animaux, détermine ici des symptômes qui ne sont pas précisément les mêmes que ceux qu'elle développe ailleurs; mais on peut affirmer qu'il n'existe pas un corps qui soit toxi- que pour l'homme, qui ne le soit pas pour le chien, et que les poisons agissent de la même manière chez les chiens que chez l'homme ; en effet ils donnent lieu à des symptômes et à des lé- sions de tissu du même ordre, quoique dans certains cas on n'ob- serve pas chez les chiens empoisonnés par un toxique, tous les symptômes que ce même toxique déterminerait chez l'homme. On conçoit, pour ce qui concerne les effets que produisent les poi- sons sur les facultés intellectuelles, qu'il puisse y avoir de lé- gères différences sans importance réelle. Tout ce que l'on a écrit — 27 — pour infirmer cette proposition est sans valeur: ainsi il n'est pas exact de dire, comme l'a imprimé Virey, que l'acide arsé- nieux qui tue l'homme avec tant d'énergie, peut être avalé à forte dose et sans inconvénient par les chiens ; il est également faux que la noix vomique soit un poison pour ces derniers animaux, et qu'elle ne le soit pas pour l'homme. Ici se présente une question importante : est-il utile, est-il nécessaire lorsqu'on cherche à étudier l'action des poisons sur les chiens, pour appliquer à l'homme les données fournies par les expériences que l'on aura tentées, que ces expériences aient été faites en liant l'œsophage pour empêcher les substances vénéneuses d'être vomies, et n'y a-t-il pas des inconveniens à agir ainsi ? Les personnes qui jugent les choses superficiellement et qui n'ont jamais tenté des expériences comparatives, avec ou sans ligature de l'œsophage, n'ont pas hésité à proscrire cette ligature, à laquelle elles ont attribué une gravité qu'elle n'a pas et qu'il est absurde de lui accorder. On peut s'en assurer aisé- ment en la pratiquant comme je l'ai fait, sur des centaines de chiens ; on verra que si, après avoir détaché ce canal musculo- membraneux, on le lie, l'animal n'éprouvera aucun accident no- table pendant les vingt-quatre premières heures; si alors on détache le lien et que l'on ne prive l'animal ni d'alimens ni de boissons, il sera promptement revenu à l'état normal et l'on ne tardera pas à voir la plaie se cicatriser. Je suppose nécessaire- ment que l'opération ait été habilement pratiquée, car si l'opéra- teur est un maladroit, les suites pourraient être tout autres. Que penser maintenant de l'assertion inqualifiable du professeur Giacomini de Padoue qui s'exprime ainsi : « Avec 4 grains de « tartre slibié dissous dans l'eau, Magendie tua les chiens quand « il leur lia l'œsophage. Il pense que les chiens qui éprouvèrent « des vomissemens réitérés furent sauvés à cause de ces vomisse- « mens qui n'eurent pas lieu chez les autres, mais nous croyons « au lieu de cela que la différence des résultats doit être « attribuée à l'influence dangereuse de la ligature de l'œ- « sophagev [Traitéphysiologique expérimental des secours thérapeutiques, t. v, p. 335). Celte assertion est tellement étrange dans la bouche d'yn homme qui écrit sur la matière mé- — 28 — dicale et sur la thérapeutique et qui ne devrait, par conséquent, pas ignorera ce point quelle est l'action de l'émélique sur l'éco- nomie animale, que j'aurais pu croire à une faute typographique, si malheureusement je n'avais pas trouvé dans plusieurs pages du volumineux traité d'où elle est extraite, bien d'autres propo- sitions tout aussi extraordinaires. M. Devergie s'est également élevé contre la ligature de l'œsophage, qui, suivant lui, ne doit inspirer que fort peu de confiance; mais les motifs qu'il a mis en avant pour justifier son opinion, ne valent même pas la peine . d'être combattus; si ce médecin eût essayé comparativement sui- des chiens l'action d'un certain nombre de poisons donnés aux mêmes doses, et qu'il eût lié l'œsophage de quelques-uns d'entre eux, il eût vu que l'action des toxiques n'était aucunement mo- difiée, et il se serait bien gardé de se ranger parmi les adver- saires de celle opération. De son côté, et ceci paraîtra fabuleux, M. Rognetta est venu dire devant la Cour d'assises de Riom que si les chiens empoisonnés par l'acétate de plomb avaient des selles, cela dépendait de ce qu'on leur avait pratiqué la ligature de l'œsophage (Compte rendu de l'affaire Pouchon par M. Or- fila, p. 136, année 1843). On ne pousse pas plus loin l'ignorance des faits. Après avoir réfuté en peu de mots tout ce qui a été dit sur les dangers de la ligature de l'œsophage, je ferai ressoriir briève- ment les avantages qu'elle présente et qui la rendent indispensa- ble. S'agit-il de savoir si une substance peut ou non occasionner la mort, si cette substance est de nature à déterminer prompte- ment des vomissemens et qu'on ne lie pas l'œsophage des ani- maux auxquels elle aura été administrée, elle pourra être vomie en entier. Peu après avoir être prise, et au bout de quelques mi- nutes, les animaux pourront être guéris, tandis qu'ils auraient pu succomber si l'on ne se fût opposé à l'expulsion du toxique moyennant la ligature de l'œsophage. Il en sera de même lors- qu'on voudra étudier l'action des poisons introduits dans l'esto- mac. S'agit-il d'étudier l'action neutralisante d'un agent chimique sur un toxique? si les animaux sont libres de vomir, qu'ils vo- missent et qu'ils soient guéris, comment pourra-i-on conclure que le rétablissement de la sanlé est plulôl dû à l'ingestion du — 29 —- contre-poison, qu'à l'expulsion tout entière du poison par le vomissement? Si, au contraire, l'œsophage eût été lié après l'ad- ministration du toxique et de la substance présumée être son antidote, et que l'animal eût vécu alors qu'il n'aurait point vomi, on serait en droit de conclure que les effets délétères du poison ont été annihilés par l'agent chimique employé comme contre- poison. L'importance de la ligature de l'œsophage, lorsqu'on se propose d'éclairer la partie thérapeutique d'un empoisonnement, est telle que l'on peut affirmer que cette branche de la médecine n'est cultivée avec succès que depuis l'année 1814, époque où pour la première fois j'ai pratiqué celte opération dans le but de déterminer quels étaient les antidotes d'un certain nombre de toxiques. E. Les expériences tentées sur des animaux vivons, aux- quels on administrerait des matières suspectes ou des ma- tières romies par des personnes que l'on croirait avoir été empoisonnées , donnent-elles des résultats tels que l'on puisse eu tirer parti pour décider que ces matières sont réellement vénéneuses ? On a pensé pendant long-temps que, parmi les différens moyens employés pour constater l'existence de l'empoisonne- ment, celui qui consistait à faire avaler à des chiens le liquide trouvé dans l'estomac des individus que l'on croyait morts empoi- sonnés, méritait la préférence sur tous les autres. Si l'animal succombe, disait-on, ou qu'il éprouve des symptômes graves, c'est une preuve qu"il y a eu empoisonnement, tandis qu'il n'a pas eu lieu s'il ne se manifeste chez lui aucun accident. Celte opinion existe depuis un temps immémorial ; elle a été soutenue par des hommes peu versés en chimie, qui ont évité, sous des prétextes frivoles, de compromettre leur réputation en cher- chant à analyser les liquides ; elle a encore trouvé des partisans parmi les médecins éclairés, qui ont senti l'impossibilité dans laquelle on était de pouvoir déterminer la nature des poisons végétaux, et qui ont conseillé, par conséquent, d'essayer si les matières contenues dans l'estomac d'un individu que l'on croyait mort empoisonné , pourraient faire périr promptement des animaux bien portans. D'un autre côté , quelques médecins — 30 — habiles se sont élevés contre de pareilles expériences, comme pouvant induire les magistrats en erreur, et leur faire commet- tre dans le jugement des fautes énormes. En effet, ont-ils dit, en supposant que ces expériences aient été bien faites, ne peut-il pas arriver qu'un individu soit atteint d'une de ces ma- ladies spontanées dans lesquelles les fluides animaux s'altèrent, contractent une âcreté remarquable, deviennent vénéneux, et causent nécessairement la mort des chiens auxquels on les lait avaler; ne serait-il pas absurde, dans ce cas,de prononcer que l'individu avait été empoisonné? Mais combien de fois, ajoutent- ils, les conclusions tirées de ces sortes d'essais ont été fautives, parce que les expériences avaient été mal faites ! On a forcé des animaux à avaler des fluides nullement délétères : cependant ces animaux ont expiré quelques minutes après, parce que la liqueur avait reflué par le larynx jusqu'aux poumons ; dans d'au- tres circonstances, des mouvemens extraordinaires simulant les convulsions et une agitation extrême ont suivi de près l'inges- tion de ce breuvage, phénomènes que l'on a attribués à une sub- stance vénéneuse, tandis qu'ils dépendaient souvent des efforts que l'on avait faits pour contenir les animaux, de la colère dans laquelle ils étaient entrés, ou d'une susceptibilité particulière. Ces considérations m'ont engagé à entreprendre quelques ex- périences sur ce sujet, dans le dessein de déterminer la valeur de ce mode d'expérimentation. Il résulte de mon travail : 1° Que des expériences de ce genre ne devront jamais être tentées si, à l'aide des agens chimiques appropriés, l'expert est déjà parvenu à démontrer la présence d'une ou de plusieurs sub- stances vénéneuses minérales ou végétales ; 2° Que si les recherches chimiques ont été infructueuses, et qu'il reste une portion de matière suspecte sur laquelle l'expert n'ait pas opéré, on pourra introduire dans l'estomac d'un chien cette portion restante de matière et examiner son mode d'action ; 3° Qu'on ne devra jamais faire servir à cette expérience les matières suspectes que l'on aurait déjà soumises à l'action des réactifs chimiques, dans le but de s'assurer si elles étaient vé- néneuses ou non, ces réactifs étant presque tous délétères. -r 31 — Voici les considérations qui me portent à restreindre ainsi les cas où l'on peut recourir à ce mode d'expérimentation. A. Si la matière suspecte occasionnait la mort de l'animal, il faudrait, avant de conclure qu'il y a eu empoisonnement, s'as- surer que l'individu dans le canal digestif duquel elle a été trou- vée, n'a point succombé à une de ces affections spontanées dont je parlerai plus tard ; car il pourrait arriver, dans ce cas, que les fluides animaux, et particulièrement la bile, eussent con- tracté des qualités délétères capables de produire la plupart des symptômes de l'empoisonnement. B. Dans le cas où l'animal n'éprouverait aucun symptôme re- marquable après avoir pris la matière suspecte, on ne serait pas en droit de conclure, d'après cette seule expérience, que l'em- poisonnement n'a pas eu lieu ; en effet, une multitude de causes peuvent faire que les liquides contenus dans le canal digestif d'un individu qui a véritablement succombé à l'action d'un poi- son ne soient pas vénéneux. 1° La substance vénéneuse peut avoir été décomposée dans l'estomac par les alimens, les bois- sons, ou par les tissus animaux, ou bien s'être combinée avec eux ; ainsi, par exemple, 60 centigrammes de sublimé corrosif sont avalés par un homme bien portant ; il éprouve les symp- tômes de l'empoisonnement, et il meurt : on fait l'ouverture du cadavre vingt-quatre, trente-six ou quarante-huit heures après; on fait avaler à un chien les matières contenues dans le canal digestif, et il n'en est point incommodé ; j'ai constaté ce fait un très grand nombre de fois : on aurait le plus grand tort de con- clure que l'individu n'avait pas été empoisonné, car il est évident que, dans ce cas, le sublimé, ou bien a été transformé par les ali- mens en une matière insoluble qui n'exerce aucune action nuisible sur l'économie animale, ou bien s'est combiné avec eux ou avec les tissus de l'estomac. La même chose aurait lieu si le vert-de-gris avait été pris avant ou après l'ingestion de l'albumine et de quelques autres matières animales ; je pourrais en dire autant du chlo- rure d'étain et de quelques autres poisons. 2° La substance vé- néneuse peut avoir été prise à assez forte dose, ensuite rendue par le vomissement, et déterminer cependant la mort : le canal digestif renferme, dans ce cas, des mucosités, de la bile, qui — 32 — ne contiennent pas un atome du poison ingéré, et qui, par con- séquent, ne détermineront aucun accident lorsqu'on les fera avaler à des chiens-3° Il peut arriver que la substance véné- neuse soit du nombre de celles qui sont facilement absorbées , que l'individu en ait pris une assez grande quantité pour périr, mais qu'il n'en reste que très peu dans le canal digestif : alors le résultat négatif obtenu sur les chiens serait plutôt propre à induire en erreur qu'à éclairer. Les expériences de ce genre, considérées d'une manière isolée, sont donc sans valeur, à moins qu'elles n'offrent un résultat positif, c'est-à-dire la mort; et même dans ce cas elles ne doivent être regardées que comme un moyen secondaire propre à corroborer les inductions tirées des symptômes et des lésions cadavériques. Quoi qu'il en soit, si l'expert croit devoir les tenter, il se gar- dera bien de faire avaler les matières suspectes seules ou mé- langées avec des alimens, comme cela s'est pratiqué jusqu'à pré- sent; en effet, non-seulement on courrait risque, en suivant ce procédé, d'en perdre la majeure partie, parce que l'animal la rejetterait, mais les alimens avec lequels on la mêlerait pour- raient se combiner avec elle, ou la décomposer au point de chan- ger entièrement sa nature. D'ailleurs, il arriverait au moins six fois sur dix qu'une portion refluerait par le larynx jusqu'aux poumons, et l'animal périrait asphyxié. 2° Le meilleur moyen que l'on puisse mettre en usage, si la matière suspecte est liquide, consiste à détacher l'œsophage d'un chien à jeun, à injecler le liquide dans l'estomac à l'aide d'une sonde de gomme élastique, à lier l'œsophage et à le maintenir lié pendant vingt-quatre ou trente heures. Si la matière suspecte est assez épaisse pour ne pouvoir plus être introduite dans l'es- lomac à l'aide de la sonde, il faut, après avoir détaché l'œso- phage, percer celui-ci d'un petit trou, introduire un entonnoir de verre dans l'ouverture, et faire tomber la matière dans l'es- tomac : cela étant fait, on lie l'œsophage au-dessous de la fente. 3° Si la matière suspecte, au lieu d'être fluide, était solide, et qu'il fût impossible de la faire entrer dans l'estomac à l'aide de l'entonnoir, on commencerait par l'exprimer pour en obtenir la partie liquide, que l'on introduirait à l'aide de la sonde, comme — zs je viens de le dire, et on mettrait la portion solide dans une petit cornet de papier fin que l'on pousserait jusqu'à l'estomac par une ouverture faite à l'œsophage : alors on pratiquerait la liga- ture de ce cpnduit. Celle manière d'opérer présente de grands avantages ; en effet, ce n'est qu'en agissant ainsi que l'on peut empêcher le vomissement; et combien n'y a-t-il pas de sub- stances vénéneuses dont l'estomac se débarrasserait aussitôt après leur ingestion, qui, étant ainsi retenues, peuvent déve- lopper les symptômes de l'empoisonnement et même produire la mort ! Mais, dira-1-on, l'œsophagotomie amène souvent la mort et peut occasionner des altérations dans les tissus; comment donc reconnaître si la mort est le résultat de l'ingestion de la substance suspecte plutôt que de l'opération? Cette objec- tion n'a aucune valeur : d'abord les animaux ne succombent jamais à cette opération, si l'œsophage a élé maintenu lié pen- dant vingt-quatre ou trente heures, sans avoir élé percé et que l'œsophagotomie ait été bien faite; mais alors même que le conduit alimentaire aurait été percé, et que la mort de l'animal aurait pu être la suite de l'existence de la plaie œsophagienne qui n'aurait pas permis de le nourrir, il serait encore possible de déterminer, dans beaucoup de cas, si la mort est le résultat de l'opération ou de la matière ingérée; en effet, ou la matière suspecte est en assez grande quantité pour faire périr les ani- maux, ou elle n'est pas assez abondante; dans le premier cas, la mort aura lieu pendant les premières quarante-huit heures, et elle sera précédée de symptômes plus ou moins graves, phéno- mènes que l'on n'observe jamais après la simple ligature de l'œ- sophage ; si la matière n'est pas assez abondante pour déterminer la mort, l'expérience ne sera pas plus concluante qu'elle ne l'aurait été si l'œsophage n'eût pas élé lié; en effet, supposons le cas le plus défavorable pour mon opinion, celui dans lequel cette matière développerait des symptômes variables qui se dissipe- raient au bout de deux ou trois jours: ces symptômes, dira-t-on, seraient attribués au poison si l'œsophage n'avait pas été lié, tandis que, dans le cas contraire, on serait tenlé de croire qu'ils dépendaient de l'opération. A cela je répondrai que celte opéra- it!, s — 3 — tion ne déterminant par elle-même, pendant les premières qua- rante-huit heures, d'autre symptôme qu'un léger abattement, on devrait attribuer à la substance vénéneuse tous les autres phé- nomènes morbides qui se manifesteraient. D'ailleurs, l'homme de l'art ne serait-il pas blâmable de prononcer sur l'existence d'un poison parce que l'animal auquel on aurait fait prendre la ma- tière suspecte aurait paru incommodé pendant deux ou trois jours? Ces sortes d'expériences ne doivent être considérées comme valables qu'autant qu'elles fournissent un résultat tran- ché, c'est-à-dire une maladie aiguë suivie d'une mort prompte, ou quand elles ne déterminent aucun accident marqué, et que, d'ailleurs, elles sont d'accord avec les résultats fournis par les symptômes et par les lésions de tissu. Dans les cas douteux, le médecin doit toujours chercher à être favorable à l'accusé. F. Lorsque l'analyse chimique a fait découvrir un toxi- que dans le canal digestif du cadavre d'un individu soup- çonné mort empoisonné, il faut se demander si par hasard ce toxique n'aurait pas été introduit dans l'estomac ou dans le rectum, après la mort, et pour faire prendre le change. Dans les cas où la substance vénéneuse aurait été décelée dans le foie, la rate, les poumons, etc., il est de la plus haute importance de déterminer, si le poison est arrivé dans ces organes pendant la vie et en vertu de l'absorption, ou bien s'il n'y a été porté qu'après la mort et par suite d'une imbibition cadavérique. Il résulte des nombreuses ex- périences que j'ai tentées à ce sujet, 1° que lorsqu'on introduit dans le canal digestif d'un cadavre des dissolutions vénéneuses d'un sel de cuivre, de plomb, d'antimoine, etc., ou d'acide ar- sénieux, ces dissolutions se transportent par l'effet de l'imbibition d'abord dans les viscères qui avoisinent le canal digestif, puis dans les organes plus éloignés. 2° Que la marche de ces dissolutions est assez lente pour qu'au bout de dix jours, alors même que l'estomac ou le rectum en contiennent une assez forte proportion, ni la partie centrale ni la face supérieure du foie, et à plus forte raison le cerveau, les muscles des jambes, etc., n'en renferment pas encore la moindre parcelle. — 35 — 3* Que tout porte à croire que ces dissolutions, si elles exis- taient en petite proportion dans l'estomac ou dans le rectum, n'arriveraient jamais aux organes les plus éloignés de ces par- lies du canal digestif en assez grande quantité pour pouvoir être décelées ; qu'il est d'autant plus probable que les choses se passeraient ainsi, du moins pour un certain nombre de poisons, que ceux-ci, à mesure qu'ils chemineraient à travers nos tissus perméables, seraient décomposés par ces tissus, ou bien forme- raient avec eux des composés insolubles ou peu solubles et que leur marche serait dès-lors arrêtée; je citerai comme exemple les sels de mercure, de plomb, d'étain, d'argent, d'antimoine, de cuivre, etc. Il ne faudrait pas toutefois s'exagérer les effets de cette décomposition ou de cette transformation et croire qu'il suffirait de quelques jours pour que les dissolutions fussent in- failliblement arrêtées dans leur marche, car j'ai trouvé à la sur- face du foie et des reins de cadavres d'animaux qui étaient morts empoisonnés par un sel de cuivre dix ou douze heures aupara- vant, une certaine quantité du sel cuivreux qui y avait été porté par imbibition cadavérique ; à la vérité, à cette même époque, les poumons et le cœur n'avaient pas encore été tachés par le sel. U° Que les dissolutions, dont il s'agit ne traversent pas faci- lement la peau, surtout lorsque celle-ci n'est pas dépouillée de son épiderme ; en effet, après avoir laissé pendant dix jours dans une dissolution saline vénéneuse un avant-bras et une main, je me suis assuré que la surface interne de la peau ne renfermait aucune trace de la dissolution ; dans les cas où j'enlevais l'épi- derme après cinq ou six jours d'immersion de l'avant-bras, la dissolution pénétrait plus facilement, quoique avec lenteur; en effet dix jours après avoir plongé dans la dissolution un avant- bras ainsi dépouillé, j'ai vu que celle-ci n'avait pas pénétré au- delà de 8 millim. dans l'épaisseur des chairs. 5° Que les poisons solides, solubles dans l'eau, pénètrent éga- lement nos tissus, parce qu'ils se dissolvent dans les liquides que contient le canal digestif; mais ici l'imbibition s'opère plus len- tement, surtout lorsque la solubilité de ces poisons est peu mar- quée : ainsi l'acide arsénieux en fragmens ou en poudre grossière 3. - 3 La question, comme on le voit, offre,en apparence, un grand caractère de gravité, et mérite par cela seul de ma part un exa- men attentif; non pas, et je m'empresse de le dire dès à ppésent, - 42 — qu'en réalité il y ait quelque chose de sérieux dans le débat, mais parce qu'il serait à craindre, si je gardais plus long-temps le silence, que des hommes, qui ne se sont jamais livres à 1 étude des poisons, continuassent à répandre des faits erronés et a «'ga- rer l'opinion publique. Voici en peu de mots la doctrine de Giacomini, tant prônée dans ce pays par M. Bognetta, et adoptée en dernier lieu par la docteur Biéchy. « Les poisons corrosifs exercent deux modes « d'aelion différens : 1° l'action chimico-physique, qui est irriia- « tive, mais dont la sphère d'action est renfermée dans le lieu « même de l'application de l'agent irritant ; 2° l'autre action, de « nature dynamique qui est hyposthénisante, c'est-à-dire déter- « minant une action dépressive sur les forces vitales, et qui est « le résultat de l'absorption de l'agent toxique. La médica- « tiou anlitoxique de Giacomini consiste : 1° à favoriser l'expul- « sion du poison de l'estomac; 2° à neutraliser dynamiquement, « par l'emploi des stimulons, l'hyposthénie générale, consé- « quence de l'absorption de la substance toxique et cause fon- te damentale des accidens qui accompagnent l'intoxication mé- « tallique. » M. Biéchy ajoute : « L'irritation chimico-physique est d'autant « plus grande que la substance toxique est plus concentrée: « plus le poison est délayé, moins les propriétés, dites corro- « sives,sont prononcées ; à un certain degré de dilution ces effets « physico-chimiques sont nuls. Sous cette forme qui ne laisse par « conséquent aucune trace d'irritation matérielle, la sub- « stance toxique absorbée, passe dans les voies circulatoires, et « exerce sur l'organisme une modification constitutionnelle. Les « effets mécanico-chimiques des poisons ont donc été confon- « dus par les toxicologistes avec leurs effets dynamiques. De là « des méprises étranges sur leur action organique et leur valeur « Oiérapeutique. Il est résulté de cette confusion, que les au- « teurs français n'ont vu dans les effets des poisons, dits irri- « tans, que phlogose, irritation, im lammation, et partant de « là, cette induction fallacieuse, erronée, la nécessité d'une mé- « dication antiphlogistique. » Les faits se présentent en foule pour montrer avec quelle lé- — 43 — gèreté le docteur Biéchy a examiné la question. Dès l'année 1814, mais surtout en 1818, j'ai formellement énoncé : 1° qu'un grand nombre de poisons irritans sont absorbés, et qu'ils agissent sur l'économie animale, non-seulement parce qu'ils irritent les parties qu'ils touchent, mais encore parce qu'ils sont absorbés, et parce que la partie absorbée affecte gravement le système ner- veux, les organes de la circulation, de la respiration, etc.; j'ai dit aussi, et je le maintiens, que dans beaucoup de circonstances le système nerveux, les organes de la circulation et de la respira- lion étaient en outre sympalhiquement affectés par suite de l'irri- tation des tissus avec lesquels les poisons avaient été mis en con- tact. Je citerai parmi les substances vénéneuses que j'ai dit être absorbées, le sublimé corrosif, l'acide arsénieux, le tartre stibié, le chlorhydrate d'ammoniaque, le chlorure de ba- rym, les cantharides, l'acétate de plomb, l'ellébore, la colo- quinte, la sabine, le rhus toxicodendron, l'anémone, l'aconit, la chélidoine, le narcisse des prés, la scille, etc.; 2° que plusieurs poisons irritans laissent à peine des traces de leur séjour sur nos tissus, c'est-à-dire qu'ils développent une inflammation locale peu intense, qui, dans la plupart des cas, ne peut pas être re- gardée comme cause de la mort, et que celle-ci arrive par l'action du toxique sur le cerveau, sur le cœur, sur les poumons, etc.,de la partie absorbée {Toxicologie, 2e édit., publiée en 1818, t. Ier, page 605). Depuis 1818, chaque jour de nouveaux travaux m'ont conduit à admettre que plusieurs substances, dont l'absorption ne m'avait pas paru d'abord démontrée, étaient réellement ab- sorbées {Voy. mes éditions subséquentes). Il est donc faux que les auteurs français n'aient vu dans les effets des poisons dits irritans, que phlogose, irritation et inflammation. Il est bon de noter que M. Giacomini était loin d'avoir encore paru sur la scène du monde savant en 1818 et à plus forte raison en 1814. Mais dira-t-on, en imputant à la partie absorbée, les accidens des poisons irritans, vous n'avez pas considéré leur action comme hyposthénisante ; loin de là, vous l'avez envisagée dans un sens opposé, puisque vous avez conseillé les antiphlogistiques pour la combattre. Laissons parler encore le docteur Biéchy : « Quand « vous parcourez les observations qu'on nous donne des intoxi- — 44 — « cations par substances corrosives, quel est le tableau que nous te font les toxicographes des accidens concomitans? Ils vous « représentent le patient avec un faciès cadavérique, avec un te pouls filiforme ; il accuse des frissons, il a des sueurs froides « et séreuses; il éprouve lipothimie sur lipothimie, etc. Apres « la mort quand on ouvre la cadavre, que trouve-t-on? Quelques « rougeurs sur la muqueuse gastro-intestinale et quelques injec- te tions veineuses passives ; et l'on voudrait expliquer l'issue fa- « taie et les symptômes morbides par ces insignifiantes lésions « anatomiques? En admettant même qu'il y ait dans l'estomac te une phlogose grave, des eschares, des perforations, ne voit- « on pas qu'il y avait une contradiction flagrante entre les allé- a rations matérielles trouvées après la mort et les troubles fonc- ée tionnels observés pendant la vie? Peut-on encore se demander « si les accidens observés sont de nature sthénique ou asthéni- '. page 111). Symptômes, lésions de tissu et action sur l'économie animale. Indépendamment des symptômes décrits en parlant des acides concentrés {V. page 72 ), celui-ci donne souvent lieu, peu de temps après l'empoisonnement, surtout s'il était concentré, à un dégagement de fumées épaisses, blanches, d'une odeur piquante. Les lésions de tissu ressemblent beaucoup à celles que déter- mine l'acide sulfurique concentré. L'action de l'acide chlorhydrique sur l'économie animale ne diffère pas de celle des acides dont j'ai parlé jusqu'à présent. De l'eau régale. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'eau régale? L'eau régale est formée d'acide azotique, d'acide chlorhy- drique, d'eau et du gaz chloro-azoteux découvert par M. Bau- drimont. Elle est liquide, jaune, rougeâtre ou rouge, d'une odeur désagréable et d'une saveur excessivement caustique ; elle rougit m. 8 — 114 — fortement l'eau de tournesol. Elle agit sur l'azotate d'argent dis- sous comme l'acide chlorhydrique. Le cuivre, le zinc et le fer se comportent avec elle comme avec l'acide azotique ; le gaz bi-oxyde d'azote provenant de la décomposition de l'acide azo- tique, reste d'abord dissous dans la liqueur, et lui communique une couleur verdâtre ; bientôt après la température s'élève, le gaz se dégage avec effervescence, et répand des vapeurs d'un jaune orangé. L'eau régale dissout avec rapidité l'or divisé. Les symptômes, les lésions de tissu et l'action sur l'écono- mie animale, sont les mêmes que ceux que l'on observe dans l'empoisonnement par les acides azotique et chlorhydrique. De l'acide phosphorique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acide phosphorique? Acide phosphorique concentré. Il est solide ou liquide, in- colore, sans odeur et sans saveur ; s'il est solide, il peut être cris- tallisé ou fondu ; quand il est liquide, il est épais, très visqueux, ou coulant comme l'eau, suivant son degré de concentration. Il rougit fortement le tournesol. Il se dissout très bien dans l'eau. Le solutum précipite l'eau de baryte en blanc (phosphate de ba- ryte) ; le précipité se dissout instantanément dans un excès d'a- Clde phosphorique, ou dans l'acide azotique pur, tandis que l'a- cide sulfurique donne avec la baryte un précipité blanc insolu- ble dans l'acide azotique. Uni à la soude, il précipite en jaune l'azotate d'argent (phosphate d'argent), pourvu qu'il n'ait pas été récemment calciné, car dans ce cas il fournirait un précipité blanc; seul, il ne précipiterait pas le sel d'argent. Desséché et chauffé fortement dans un creuset avec du charbon pulvérisé, il est dé- composé ; le phosphore est mis à nu et vient s'enflammer. Dissolution affaiblie d'acide phosphorique. Elle n'est ni épaisse ni visqueuse ; au reste elle se comporte avec les réactifs précités, comme l'acide concentré. Si on voulait en retirer le phosphore à l'aide du charbon, il faudrait préalablement l'évapo- rer jusqu'à siccité. Acide phosphorique mêlé à des liquides végétaux et ani- - 115 — maux. L'eau sucrée, le vin, le cidre, la bière, l'albumine et la gélatine ne sont point troublés par cet acide ; il précipite de la bile une matière jaune qui verdit par l'action d'une plus grande quantité d'acide. Il résulte des expériences que j'ai tentées, que si l'on ne décou- vre pas l'acide phosphorique par les réactifs précédemment indi- qués, il faudra évaporer les matières suspectes jusqu'à siccité, et traiter à froid le produit solide par de l'alcool concentré mar- quant 44 degrés, afin de dissoudre l'acide; la liqueur alcoolique filtrée sera facilement reconnue. On fera également bouillir le canal digestif avec de l'eau distillée; la dissolution filtrée sera éva- porée jusqu'à siccité, et la masse solide sera agitée pendant dix minutes avec de l'alcool concentré. Si le malade avait pris de la magnésie ou tout autre contrepoison alcalin, on pourrait ne pas trouver de l'acide phosphorique libre, mais bien du phos- phate de magnésie, du phosphate de chaux, etc., sels que l'on reconnaîtrait facilement. Symptômes, lésions de tissu, action sur l'économie ani- male. Cet acide agit à peu de chose près comme les acides sulfu- rique et chlorhydrique. De l'acide hypophosphorique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acide hypophosphorique ? L'acide hypophosphorique est liquide, incolore, inodore, vis- queux, et doué d'une forte saveur : il rougit l'eau de tourne- sol. Lorsqu'on le chauffe dans une petite fiole, il s'enflamme, ré- pand une odeur alliacée, et se transforme en acide phospho- rique. Il décolore le sulfate rouge de manganèse, surtout à l'aide d'une légère chaleur.Versé dans de l'azotate d'argent dissous, il y occasionne un précipité blanc qui passe par diverses nuances et finit par noircir. Symptômes, lésions de tissu et action sur l'économie ani- male. Il détermine des symptômes et des altérations de tissu semblables à ceux que produit l'acide phosphorique concentré ; seulement il agit avec moins d'énergie. 8. — 116 — De l'acide acétique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acide acétique? L'acide acétique pur et concentré est liquide à la tempé- rature ordinaire de l'atmosphère ; il a une odeur de vinaigre qui le caractérise, et une saveur acide très forte; il rougit le tour- nesol avec énergie; il bout à 120° c. et peut être distillé sans lais- ser de résidu charbonneux; chauffé à l'air et mis en contact avec un corps en ignition, il brûle avec une flamme bleu pâle. Il donne avec la potasse un acétate déliquescent, qui étant décom- posé par le feu répand une fumée ayant l'odeur de gomme brûlée et laisse du charbon contenant du carbonate de potasse ; l'acide sulfurique décompose cet acétate avec effervescence et en dégage des vapeurs abondantes d'acide acétique, dont l'odeur ne peut être confondue qu'avec celle qu'exhalent les formiates placés dans les mêmes circonstances. Versé dans de l'azotate d'argent, cet acétate dissous fournit un précipité nacré d'acétate d'argent, le- quel étant desséché et chauffé dans un verre à montre, noir- cit immédiatement, répand de très légères vapeurs, ne détone pas comme le fait l'oxalate d'argent, et laisse de l'argent métal- lique. Acide acétique pur étendu d'eau. Il ne diffère du précédent que parce qu'il est moins odorant, qu'il ne brûle pas quand on le met en contact avec un corps en ignition, et que lorsqu'on le chauffe en vases clos, il se concentre de plus en plus. J inaigres. Le vinaigre radical, le vinaigre de bois, l'acide py- roligneux et le vinaigre ordinaire distillé ou non, contiennent tous de l'acide acétique et de l'eau. L'acide pyroligneux renferme en outre une huile empyreumatique, et le vinaigre de vin qui est souvent coloré contient des matières organiques, du bi-tartrate de potasse et d'autres sels, et très souvent de l'ammoniaque. On re- connaîtra aisément toutes ces variétés d'acide acétique, à l'odeur et à l'action qu'elles exercent sur la potasse. Acide acétique mêlé à des matières organiques végétales ou animales. Cet acide ne trouble ni le vin, ni le cidre ni la — 117 — bière, ni le café, ni le bouillon ; il coagule le lait et noircit le sang et les tissus du canal digestif qu'il peut même réduire en bouillie s'il est suffisamment concentré. Il résulte des expériences que j'ai tentées en administrant com- parativement à des chiens, des alimens mélangés ou non d'acide acétique concentré ou étendu : 1° qu'il suffit de distiller à la tem- pérature de 100° à 130° c. un liquide organique contenant de l'a- cide acétique libre, pour recueillir dans le récipient une partie notable de cet acide ; 2° qu'on en obtient beaucoup plus si, avant la distillation, on a précipité par un excès de tannin toute la ma- tière animale que cet agent est susceptible de séparer, mais que dans ce cas l'acide volatilisé est légèrement altéré par un produit organique qui masque en partie son odeur, et communique aux sels résultant de son action sur les bases une couleur brun noi- râtre; en décomposant ces sels par l'acide sulfurique, il s'exhale une odeur mixte d'acide acétique et d'une autre matière, en sorte qu'il est assez difficile de bien caractériser par ce moyen l'acide acétique ; 3° qu'en distillant des matières organiques contenant deX acétate d'ammoniaque, sans renfermer un atome d'acide acétique libre, on obtient d'abord des produits non acides, dans lesquels il existe au contraire de l'ammoniaque libre, tandis qu'on trouve dans les dernières portions distillées de Xacide acé- tique, rougissant le papier de tournesol, et formant avec la po- tasse un sel d'où l'on dégage par l'acide sulfurique de l'acide acétique avec tous ses caractères et parfaitement reconnaissable à son odeur ; 4° qu'en laissant dans l'eau distillée, pendant un mois, le canal digestif d'un homme non empoisonné par l'acide acétique, et à l'état normal, le liquide pourri contient de l'acé- tate d'ammoniaque, qui, étant chauffé, se comporte comme il vient d'être dit, et fournit en dernier lieu, lorsqu'on le traite par la potasse et par l'acide sulfurique, de l'acide acétique avec l'o- deur qui le caractérise ; 5° que ce même liquide pourri, s'il est distillé après avoir été préalablement mélangé avec une suffi- sante quantité d'acide acétique pour le rendre légèrement acide, donne pour premier produit de la distillation un liquide transpa- rent, qui, au lieu d'être alcalin, rougit le papier de tournesol,et contient de Xacide acétique, quoiqu'il n'exhale pas l'odeur du — 118 — vinaigre; en effet, il suffît de le traiter par la potasse et par l'a- cide sulfurique pour obtenir de l'acide acétique parfaitement re- connaissable. Procédé. — La matière suspecte est acide et rougit le pa- pier bleu de tournesol. On introduit dans une cornue les ma- tières vomies, ou celles qui ont été trouvées dans le canal digestif, ainsi que les eaux de lavage provenant de l'action de l'eau distil- lée froide sur la surface interne de l'estomac et des intestins. On adapte un récipient ; on place la cornue dans un bain-marie, et l'on chauffe jusqu'à l'ébullition, afin de coaguler une certaine quantité de matière animale et de rendre la filtration plus facile; on filtre, en ajoutant au décoctum la portion du liquide qui a passé dans le récipient. On obtient par ce moyen une liqueur A et une masse solide B. La liqueur A, ordinairement colorée, rougit le papier bleu de tournesol, pour peu qu'elle renferme de l'acide acétique libre ; on la distille dans une cornue préalablement disposée dans un bain d'huile ou de chlorure de calcium, de manière que la température ne dépasse pas 120 à 130° thermomètre centigr. L'opération est continuée jusqu'à ce que la matière soit presque desséchée ; le ré-. cipient, qui doit recevoir le produit de la distillation, contient 25 ou 30 grammes d'eau distillée, et plonge dans un liquide froid. Le liquide distillé est incolore et transparent ; s'il contient de l'a- cide acétique, il rougit le tournesol et exhale une odeur de vinai- gre facile à reconnaître. On le sature par du carbonate de po- tasse pur, de manière que le papier bleu ne soit plus rougi et que le papier rouge ne soit pas bleui ; on évapore la liqueur jus- qu'à siccité au bain-marie, puis on décompose l'acétate obtenu en le chauffant dans une cornue tubulée avec son poids d'acide sul- furique concentré, en distillant et en recueillant le produit dans un ballon qui plonge dans l'eau froide. L'acide obtenu doit offrir toutes les propriétés de l'acide acétique concentré {V. p. 116). Il peut être utile, dans certains cas, de connaître au juste la quantité de cet acide qui s'est condensée dans le ballon; on y par- vient aisément en partant de ce point, que 114,64 de carbonate de potasse solide saturent 100 parties d'acide acétique pur, conte- nant un équivalent d'eau. Il suffira donc de savoir combien il a — 119 — fallu de carbonate de potasse pour saturer l'acide très affaibli qui avait élé recueilli dans la première distillation. Ainsi, admet- tons que cet acide ait exigé pour sa saturation 4 grammes 50 cen- tigrammes de carbonate de potasse sec, on établira la propor- tion suivante : 114,64 : 100 : : 4,50 : X. X = 10° X 4>5° = 3,92 ' 114,64 ' Le nombre 3 grammes 02 centigrammes sera la quantité d'a- cide acétique concentré à un équivalent d'eau contenu dans le liquide acétique affaibli du récipient. La matière desséchée qui reste dans la cornue, après avoir re- cueilli l'acide acétique qui a distillé, peut être négligée sans in- convénient, si l'on a obtenu dans le ballon une suffisante quan- tité d'acide pour constater les propriétés qui le caractérisent. Dans'le cas contraire, on devra chercher si elle ne renferme pas de l'acétate de magnésie, résultant de l'action de l'acide acétique ingéré, sur de la magnésie que l'on aurait administrée comme contre-poison. Pour cela, il faudrait, comme l'a conseillé M. H., d'après M. le professeur Bérard, de Montpellier {Voyez Journal de pharmacie du Midi, tome vin), traiter cette matière par l'eau froide, filtrer et ajouter à la liqueur un excès de potasse à l'alcool dissoute ; la magnésie sera précipitée à l'état d'hydrate, et il se sera formé de l'acétate de potasse; on filtrera de nouveau on évaporera jusqu'à siccité, et on chauffera le produit dans un creuset; dès que l'acétate de potasse sera fondu, on le retirera du creuset, et on le décomposera dans une cornue par l'acide sulfu- rique concentré, comme il a été dit. B. Les matières solides restées sur le filtre seront placées dans une cornue avec un litre d'eau distillée, et soumises à l'ébullition pendant une heure environ, afin de dissoudre l'acide acétique qu'elles pourraient retenir. Le liquide filtré sera réuni à celui qui se trouvera dans le récipient, et distillé en prenant les précau- tions indiquées plus haut ; on agira sur le produit de la distillation et sur le résidu desséché de la cornue comme il a été dit {Voy. A, p. 118). Canal digestif. Après avoir ainsi examiné les matières vomies et celles qui ont été extraites du canal digestif, on coupera l'es- • — 120 — tomac et les intestins en petits fragmens, et on les fera bouillir dans une cornue pendant deux heures avec de l'eau distillée : on aurait tort de négliger cette opération, car presque toujours on obtient, en la pratiquant, une proportion sensible d'acide acéti- que ; on agira ensuite sur le décoctum et sur le liquide dis- tillé, comme je viens de le dire à l'occasion des matières solides {Voyez B.). La matière suspecte, loin d'être acide, est neutre ou alca- line. On conçoit qu'un empoisonnement par l'acide acétique puisse avoir eu lieu, et que pourtant les matières vomies ou au- tres ne rougissent pas le papier bleu, soit parce que l'acide aura été complètement saturé par de la magnésie préalablement ad- ministrée comme contre-poison, soit parce qu'il se sera développé de l'ammoniaque par suite de la putréfaction, ou bien, comme je l'aivudans certains cas, parce que la proportion d'acide restant dans l'estomac est très faible et combinée avec la matière orga ■ nique. Dans ce cas, on étendra d'eau distillée toutes les matières suspectes, liquides et solides, ainsi que les tissus du canal diges- tif coupés par petits morceaux, eton maintiendra le tout pendant douze heures environ à la température de 30° c, en ayant soin d'agiter de temps en temps ;par ce moyen, les acétates et le com- posé d'acide acétique et de matière organique seront dissous, tan- dis que la majeure partie de la matière animale restera indissoule. On filtrera la liqueur et on la distillera en prenant les précautions que j'ai déjà indiquées. Il se pourrait qu'en procédant ainsi on obtînt dans les premières portions distillées de l'acide acétique libre, provenant d'une partie de celui qui était uni à la matière organique; j'en ai recueilli deux fois en expérimentant sur des liquides neutres qui ne contenaient point d'acétate d'ammo- niaque. Supposons que cela n'ait pas lieu, et qu'au coutraire les premières portions de liquide condensées dans le ballon soient alcalines et renferment de l'ammoniaque, qu'il en soit de même de celles qui passeraient après, il faudra recueillir attentive- ment dans un autre récipient le dernier produit de la distillation; si ce produit rougit le papier bleu de tournesol, alors même qu'il n'exhalerait point l'odeur d'acide acétique, on devra le saturer parla potasse à l'alcool, évaporer le sel jusqu'à siccité, et voir si, • — 121 — en le distillant avec de l'acide sulfurique concentré, on n'obtient pas de l'acide acétique parfaitement reconnaissable ; en cas d'af- firmative, on sera porté à croire que le liquide non acide, neu- tre ou alcalin, sur lequel on opère, contient de l'acétate d'am- moniaque,- il serait même difficile d'expliquer ces faits sans admettre l'existence de ce sel dans la matière soumise à l'expé- rience. Quel que soit le résultat de la distillation des matières dont je parle, on devra examiner le résidu presque desséché de la cor- nue ; on le traitera par l'eau froide, comme il a été dit à la page 119, pour savoir s'il ne renferme pas de l'acétate de magnésie. Conclusions. 1° Si la liqueur suspecte est acide, qu'elle four- nisse par la distillation un liquide acide rougissant le papier de tournesol à quelque époque de l'opération qu'on l'examine ; si cet acide offre les caractères de l'acide acétique, et qu'il soit en quan- tité notable, ou pourra fortement soupçonner qu'il y a eu empoi- sonnement par cet acide, parce que s'il est vrai que plusieurs substances végétales ou animales, ainsi que les liquides de l'esto- mac, contiennent naturellement de l'acide acétique, il est égale- ment certain qu'en général ces matières ne renferment qu'une petite proportion de cet acide. On affirmera qu'il y a eu intoxi- cation, si, dans l'espèce, le commemoratif, les symptômes, la marche de la maladie et les lésions cadavériques annoncent qu'il y a eu ingestion d'un poison irritant énergique. 2° Si la liqueur suspecte est acide, qu'elle fournisse par la dis- tillation un liquide acide rougissant le papier de tournesol, soit au commencement, soit au milieu, soit à la fin de l'opération, que cet acide offre les caractères de l'acide acétique, mais qu'il n'existe qu'en très petite proportion et à-peu-près en quantité égale à celle qui serait fournie par un mélange de diverses ma- tières alimentaires naturelles distillées, dont le poids serait à- peu-près équivalent à celui des liquides suspects, on ne devra soupçonner un empoisonnement par l'acide acétique que dans le cas où le commemoratif, les symptômes, la marche de la maladie et les lésions cadavériques seraient de nature à faire croire qu'un poison irritant énergique a élé pris ; dans l'espèce, les accidens pathologiques seront quelquefois tels, que l'expert pourra même - 122 - être autorisé à déclarer que l'empoisonnement lui paraît pro- bable. 3° Si la liqueur suspecte est acide, quelle fournisse par la dis- tillation des premières portions un liquide à-la-fois acide et al- calin, c'est-à-dire rougissant le papier bleu de tournesol et bleuissant le papier rouge, tandis que le dernier produit de la dis- tillation serait seulement acide, que cet acide offre les caractères de l'acide acétique, surtout après avoir été saturé par la potasse, évaporé jusqu'à siccité et décomposé par l'acide sulfurique, on tirera les mêmes conclusions que dans les deux cas précédens, suivant la proportion plus ou moins forte d'acide recueilli. 4° Si le liquide n'est pas acide, qu'il fournisse par la distilla- tion un premier et un second produits alcalins évidemment am- moniacaux, et que les dernières portions seulement rougissent le papier bleu et donnent de l'acide acétique après avoir été satu- rées par la potasse à l'alcool et traitées par l'acide sulfurique, on soupçonnera fortement que le liquide suspect contient de l'acé- tate d'ammoniaque. Mais comme cet acétate peut devoir son ori- gine à diverses causes, il sera nécessaire, avant de se prononcer, d'examiner si l'individu que l'on croit être mort empoisonné n'a- vait pas pris de ce sel à assez forte dose dans une potion médica- menteuse ou autrement, si le cadavre ne serait pas putréfié, et si l'acétate ammoniacal ne se serait point formé pendant la décom- position putride. Si le cadavre est pourri, et qu'il n'y ait pas eu ingestion d'acétate d'ammoniaque ou d'un autre acétate soluble, on pourra admettre que l'acétate ammoniacal est le résultat de l'action de l'ammoniaque provenant de la putréfaction sur de l'a- cide acétique ingéré pendant la vie comme poison ou comme ali- ment, ou bien sur celui qui s'est produit pendant la putréfac- tion, ou bien encore à-la-fois sur l'un et l'autre de ces acides. Comment démêler la vérité au milieu de ce chaos, et quel parti pourrait-on tirer dans ce cas épineux de l'évaluation de la quan- tité d'acide obtenu, alors que personne ne saurait indiquer, pas même approximativement, combien les corps fournissent d'acé- tate d'ammoniaque en se putréfiant? L'expert ne pourra guère, dans ces circonstances, invoquer l'appui de la chimie autrement que pour corroborer les soupçons plus ou moins fondés d'empoi- — 123 - sonnement que peuvent faire naître dans son esprit le commemo- ratif, les symptômes, la marche de la maladie et les lésions cada- vériques ; et encore il arrivera souvent, quant à ces dernières, qu'elles seront difficiles à apprécier, vu l'état avancé de putré- faction du cadavre. 5° Si le liquide n'est pas acide et qu'il ne fournisse de l'acide acétique à aucune époque de la distillation, il faudra bien se gar- der de conclure que l'individu n'est pas mort empoisonné si les accidens pathologiques sont de nature à faire soupçonner une in- toxication ; car il pourrait se faire que la totalité de l'acide acéti- que eût été rejetée par le vomissement et par les selles, ou que par suite de l'administration d'un contre-poison, tel que la ma- gnésie, les carbonates de magnésie, de chaux, etc., il eût été transformé en acétates de magnésie, de chaux, etc., solubles. S'il était prouvé par un examen attentif des résidus de la distilla- tion, ou des matières solides non distillées et traitées par l'eau froide, que ces matières renferment des quantités notables d'a- cétates de magnésie, de chaux, etc., cet élément ne serait pas sans valeur pour établir des probabilités d'empoisonnement par l'acide acétique, alors qu'il coïnciderait avec des symptômes et des lésions de tissu analogues à ceux que déterminent toujours les acides concentrés pris à une dose même faible. Symptômes, lésions de tissu et action sur l'économie ani- male. Il résulte des expériences que j'ai tentées sur les animaux et de ce qui a été observé chez une personne qui est morte em- poisonnée par l'acide acétique {Voyez ma Toxicologie géné- rale, 4e édition, p. 197, t. ier) : l°que l'acide acétique concentré introduit dans l'estomac est un poison irritant, énergique, sus- ceptible d'occasionner une mort prompte chez l'homme et chez les chiens, après avoir donné lieu à des symptômes analogues à ceux que développent les acides sulfurique, azotique et chlorhy- drique ; 2° qu'il détermine une exsudation sanguine, puis le ra- mollissement et l'inflammation des membranes du canal digestif, et quelquefois même la perforation ; 3° que dans la plupart des cas il produit une coloration noire, sinon générale, du moins par- tielle, de la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins : cette coloration, que l'on serait tenté de confondre, au premier — \2A — abord, avec celle que développe l'acide sulfurique, est le résultat de l'action chimique exercée par l'acide acétique sur le sang : en effet, par son mélange avec cet acide concentré, le sang refroidi, et placé dans une capsule, ne tarde pas à acquérir cette même teinte; 4° que le vinaigre ordinaire, à la dose de 120 à 150 gram- mes, détermine les mêmes accidens, et la mort des chiens de moyenne taille dans l'espace de douze à quinze heures, à moins qu'il n'ait été vomi peu de temps après son ingestion. Il agit pro- bablement de même chez l'homme à une dose un peu plus forte, et si l'on cite des individus qui ont pu avaler un verre de vinai- gre sans périr, cela dépend sans doute de ce que chez ces per- sonnes l'estomac étant rempli d'alimens, le vomissement n'a pas tardé à survenir ; peut-être aussi le vinaigre ordinaire était-il étendu d'eau et pris en quantité insuffisante. De l'acide citrique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acide citrique? L'acide citrique, composé d'oxygène, d'hydrogène et de car- bone , est solide, cristallisé ou pulvérulent, blanc, inodore, rougissant l'eau de tournesol, et doué d'une saveur très acide. Il est décomposé par le feu, comme l'acide tartrique. Il se dissout dans l'eau, la dissolution neprésente pas avec la potasse, la soude et l'ammoniaque, les mêmes caractères que les acides oxalique et tartrique : versée dans l'eau de chaux, elle ne produit aucun pré- cipité ; mais si on fait bouillir le mélange, le citrate de chaux se dépose. Symptômes, lésions de tissu, action sur l'économie ani- male {Voyez p. 72). De l'acide tartrique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par cet acide? L'acide tartrique est composé d'oxygène, d'hydrogène et de earbone; il est solide, blanc, pulvérulent ou cristallisé en ai- — 125 — guilles fines, ou en lames carrées un peu rhomboïdales, ou en prismes hexaèdres irréguliers; il est inodore et d'une saveur très acide piquante; il agit fortement sur l'eau de tournesol. II est soluble dans l'eau : la dissolution agit sur la potasse, la soude et l'ammo- niaque, comme celle de l'acide oxalique. Versé dans l'eau de chaux, il y fait naître un précipité blanc très soluble dans un excès d'acide tartrique, tandis qu'il ne précipite pas le sulfate de chaux. Il four- nit avec la potasse, la soude et l'ammoniaque des tartrates neu- tres plus solubles que ceux qui sont avec excès d'acide. Chauffé à l'air, l'acide tartrique solide se décompose en totalité, répand une fumée qui a l'odeur du caramel, brûle avec une flamme bleue et laisse un charbon volumineux. Symptômes, lésions de tissu et action générale {Voyez p. 72). De l'acide oxalique. Cet acide présente dans son mode d'action quelques particu- larités qui ne permettent pas de le confondre avec ceux qui viennent d'être étudiés, comme on pourra en juger par les détails dans lesquels je vais entrer. De l'acide oxalique. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par cet acide? Acide oxalique solide. Il est sous forme de prismes incolores, transparens et quadrilatères terminés par des sommets dièdres, ou de petits cristaux aiguillés et lamelleux, ressemblant beau- coup à ceux du sulfate de magnésie, d'une saveur acide très pro- noncée, inodores, rougissant fortement le tournesol, et conte- nant trois équivalens d'eau. S'il a été desséché à 100° c, il ne renferme plus qu'un équivalent d'eau. Si dans cet état on le chauffe dans une fiole à environ 135° c, il commence à se volati- liser, sans fondre; celte sublimation s'effectue avec la plus grande rapidité enire 150° et 160°; à 170°, il se décompose. Les petits cristaux s'attachent à la partie supérieure du vase, et il n'y a pres- que point de résidu carbonneux. Projeté sur les charbons ardens, — 126 — il fond aussitôt et répand une fumée blanche, acide, irritante, qui provoque la toux, sans laisser de résidu charbonneux. Cent par- ties d'eau froide dissolvent 11 parties 1/2 de cet acide; l'eau bouillante en dissout beaucoup plus; il est moins soluble dans l'alcool. Dissolution aqueuse concentrée. Liquide incolore, transpa- rent, rougissant énergiquement le papier bleu de tournesol, for- mant avec la potasse un oxalate soluble s'il est neutre,- quand on ajoute assez d'acide pour transformer ce sel en oxalate acide, il se dépose des petits cristaux d'oxalate acide moins soluble que l'oxalate neutre. L'acide oxalique précipite l'eau de chaux et tous les sels calcaires, sans en excepter le sulfate ; l'oxalate de chaux précipité, insoluble dans un grand excès d'acide oxalique, ne se dissout pas non plus dans l'acide acétique concentré ; l'acide ■■* azotique au contraire le dissout à merveille; desséché et calciné dans une cuiller de platine, il se charbonne et laisse de la chaux vive.Versé dans une dissolution d'azotate d'argent, il fournit de l'oxalate d'argent blanc, caillebotté, soluble dans l'acide azoti- que, et qui étant desséché et chauffé dans un verre à montre ou sur une lame métallique, brunit sur les bords, détone légère- ment en répandant tout-à-coup une grande quantité de vapeur épaisse blanche et laisse de l'argent métallique. Le tartrate d'argent chauffé de même se charbonne, répand une légère fu- mée d'une odeur de caramel, devient incandescent, et laisse de l'argent sans détoner. L'acétate d'argent noircit, et laisse aussi de l'argent métallique, sans détoner ni répandre sensiblement de vapeurs. On ne saurait non plus confondre l'oxalate d'argent avec les précipités que fournissent la noix de galle et l'acide for- mique versés dans l'azotate d'argent,car ces précipités de couleur noire ne sont autre chose que de l'argent métallique réduit. L'a- cide formique n'opère la réduction de l'azotate d'argent à froid qu'au bout d'un certain temps. La dissolution concentrée d'acide oxalique laisse déposer une partie de l'acide quand on la mêle avec de l'alcool concentré marquant 44 degrés ; il s'en dépose moins si l'alcool ne marque que 36 degrés ; dans l'un et l'autre cas, mais surtout dans le der- — 127 — nier, il reste encore beaucoup d'acide oxalique dans la dissolution filtrée. Dissolution aqueuse étendue. Elle est incolore, transparente et rougit le tournesol; l'eau de chaux, les sels calcaires et l'azo- tate d'argent agissent sur elle comme sur la dissolution concen- trée ; ce dernier réactif peut déceler l'acide oxalique dans un so- lutum fait avec 1 centigramme d'acide et 3,200 parties d'eau ; la chaux précipiterait même une dissolution qui ne contiendrait qu'un quarante millième de son poids d'acide. Quand on la chauffe avec du chlorure d'or jusqu'à l'ébullition, il y a formation d'acide chlorhydrique, dégagement d'acide carbonique et revivification de l'or ; on peut reconnaître par ce moyen la présence d'un dix millième environ d'acide oxalique. L'alcool le plus concentré ne trouble point la dissolution étendue d'acide oxalique. Acide oxalique mêlé à des liquides végétaux et animaux, aux matières vomies ou à celles qui se trouvent dans le ca- nal digestif. Il n'exerce aucune action sur les fluides végétaux et animaux, si ce n'est sur la gélatine, qu'il dissout sans lui faire subir ni subir lui-même de changement dans sa composition. Il résulte des expériences que j'ai tentées, en faisant avaler à des animaux des mélanges alimentaires empoisonnés ou non par l'acide oxalique : 1° que l'on obtient facilement de l'acide oxali- que cristallisé et parfaitement reconnaissable en traitant par l'alcool les matières suspectes évaporées jusqu'à siccité; 2° que l'on peut à l'aide de cet agent séparer, sinon complètement, du moins en grande partie le bi-oxalate de potasse qui se trouverait mélangé à de l'acide oxalique; 3° qu'en lavant à plusieurs reprises avec de l'eau distillée le canal digestif des animaux empoisonnés par l'acide oxalique, on dissout la totalité de l'acide contenu dans ce canal, et qu'il est dès-lors inutile de traiter les tissus eux-mêmes; 4° que l'on s'exposerait à commettre des erreurs graves, si l'on cherchait à reconnaître l'acide oxalique dans les matières sus- pectes,-à l'aide des réactifs, ceux-ci se comportant autrement lorsqu'ils sont versés dans ces liqueurs que dans les cas où l'a- cide n'est pas mélangé de matière organique; je citerai pour exemple l'azotate d'argent qui fournit un précipité ne répan- dant pas de fumée et ne détonant pas, quand on le chauffe ■ - 128 dans un verre à montre {Voyez p. 126); 5° que cet acide est absorbé et peut être retrouvé dans l'urine, tandis qu'il m'a été impossible de l'extraire du foie et de la rate, soit parce qu'il ne reste pas long-temps dans ces organes, soit parce qu'il se trans- forme en oxalate de chaux ou en une autre matière insoluble. Procédé. Avant de faire connaître le procédé qui me paraît de- voir être employé dans un cas d'empoisonnement par l'acide oxa- lique, il importe de montrer l'insuffisance de la méthode que les auteurs de médecine légale ont conseillé de suivre. « Les liqui- « des seront séparés des solides et essayés par le papier bleu de tt tournesol. L'acidité étant reconnue, on saturera par du carbo- tt nate de potasse ; l'existence de l'oxalate de potasse sera facile- tt ment démontrée par les réactifs » (Christison et Coindet). J'admettrai pour un instant, ce qui n'est pourtant pas, que l'eau de chaux, l'azotate d'argent, lesulfate de bi-oxyde de cuivre, etc., se comportent avec la liqueur suspecte comme avec l'oxalate de potasse sans mélange de matières organiques; n'esl-il pas évident que l'on obtiendrait exactement les mêmes résultats si l'empoisonnement avait eu lieu par le sel d'oseille (bi-oxalate de potasse), ou, ce qui est beaucoup plus grave, si l'individu qui est l'objet des recherches n'avait pas été empoisonné et qu'il eût tout simplement avalé une assez grande quantité de soupe à l'oseille ou de tout autre mets préparé avec cette plante? J'ai souvent agi comme le prescrivent ces auteurs avec des bouillons de soupe à l'oseille préparés parla méthode ordinaire; il suffisait de filtrer ces bouillons et de les mettre en contact avec les réactifs précités, soit avant, soit après les avoir saturés par du carbonate de po- tasse, pour obtenir des précipités semblables à ceux que donne l'oxalate de potasse ; et comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu'un kilogramme d'oseille fournit 2 grammes 1/2 environ de bi-oxalate de potasse? Ces mêmes motifs doivent aussi engager les experts à ne jamais chercher l'acide oxalique dans une liqueur suspecte par l'acétate de plomb, car ce sel précipite aussi bien l'acide dont il s'agit que le bi-oxalate de potasse et le sel naturellement contenu dans l'oseille. On dira peut-être que l'on saura toujours d'avance si l'individu avait mangé ou non un poiage à l'oseille, et que dans le cas où cela aurait eu lieu, on sui- — 129 — vrait un autre procédé ; mais il peut se présenter des circonstan- ces où l'on ignorera complètement ce qui s'est passé, et, en sup- posant que l'on apprenne que de l'oseille a été mangée, quel pro- cédé emploiera-l-on ? D'ailleurs l'objeclion en ce qui concerne le bi-oxalate de potasse subsiste tout entière. J'ajouterai que per- sonne n'a encore prévu le cas, assez épineux, où l'on imaginerait, pour mieux faire prendre le change, d'empoisonner avec une soupe à l'oseille à laquelle on aurait préalablement ajouté de l'a- cide oxalique. Comment l'expert pourrait-il alors arriver à une solution tant soit peu satisfaisante, s'il n'avait pour se tirer d'em- barras que le procédé vicieux adopté jusqu'à présent par tous les auteurs sans exception? Voici comment je propose, d'agir. On recueille les matières con- tenues dans le canal digestif ; on coupe celui-ci en petits mor- ceaux que l'on place dans une grande capsule de porcelaine avec un litre d'eau distillée ; on fait bouillir pendant quelques minutes afin de coaguler une portion de matière animale; on décante et l'on traite de nouveau les parties solides par de l'eau distillée bouillante; on filtre les deux liquides réunis, et on les fait évapo- rer presque jusqu'à siccité à une douce chaleur. On agit de même sur-les matières vomies que l'on traite à part. On agite les pro- duits presque desséchés de l'évaporalion et déjà refroidis avec un demi-litre d'alcool conceniré marquant 44 degrés et froid; après plusieurs heures de contact on décante la dissolution alcoolique, et l'on fait encore agir une égale quantité d'alcool à 44 degrés sur la portion solide restante; on décante la liqueur après quel- ques heures de contact et on la réunit à la première; on filtre les deux dissolutions alcooliques dans lesquelles se trouve sinon la totalité, du moins la majeure partie de l'acide oxalique libre qui aurait pu être administré ; ces liqueurs ne renferment pas ou presque pas de bi-oxalate de potasse, en admettant qu'il y en eût dans les matières suspectes, et à coup sûr elles ne contiennent pas un atome de l'oxalate de magnésie ni de l'oxalate de chaux, qui auraient pu se former par suite de l'administration de la ma- gnésie ou du carbonate de chaux comme contre-poisons. On éva- pore jusqu'à pellicule la dissolution alcoolique et l'on obtient des cristaux d'acide oxalique. Dans la crainte que ces cristaux ne m. ,. 9 — 130 — soient mélangés d'un peu de bi-oxalate de potasse, on les réduit en poudre et on fait agir sur celle-ci de l'alcool froid et concen- tré qui ne dissout que l'acide oxalique; on évapore alors le solu- tum alcoolique pour avoir l'acide oxalique cristallisé. Si la disso- lution alcoolique provenant de l'action d'un demi-litre d'alcool sur la matière presque desséchée n'avait point fourni des cristaux d'a- cide oxalique, on traiterait de nouveau par de l'alcool froid mar- quant 44 degrés cette dissolution alcoolique évaporée jusqu'à pel- licule, afin delà débarrasser d'une nouvelle quantité de matière animale ; on filtrerait au bout d'une heure de contact, et à coup sûr la nouvelle dissolution alcoolique évaporée donnerait des cris- taux d'acide oxalique pour peu que celui-ci se trouvât dans cette dissolution à la dose de quelques centigrammes. Si l'on n'obte- nait point de cristaux, parce que l'acide n'y existerait qu'en très petite proportion, il suffirait de traiter par l'eau distillée le liquide épaissi et de faire agir sur lui les réactifs indiqués à la page 126, pour s'assurer de la présence de l'acide oxalique. Les matières suspectes, après avoir été épuisées par l'alcool froid et concentré, sont traitées par l'eau distillée froide, afin de dissoudre la portion d'acide oxalique que l'alcool n'aurait point enlevée, ainsi que le bi-oxalate de potasse qu'elles pourraient contenir; après une heure de contact, on filtre la dissolution, dans laquelle il n'existe certainement pas de l'oxalate de chaux et qui ne peut renfermer tout au plus que des atomes d'oxalatede magnésie, ce sel étant fort peu soluble dans l'eau froide. La li- queur aqueuse filtrée est évaporée jusqu'à siccité ; le produit con- tenant de la matière organique, que je supposerai renfermer aussi de l'acide oxalique, du bi-oxalate de potasse et un atome d'oxalate de magnésie, est agité avec de l'alcool concentré et froid ; le solutum ne contient que de l'acide oxalique, et il suffit pour l'obtenir cristallisé de le filtrer et de le faire évaporer. La portion non attaquée par l'alcool concentré est dissoute dans quatre fois son volume d'eau distillée et mélangée avec de l'alcool à 30 degrés qui dissout le bi-oxalate de potasse et précipite une portion de la matière organique ainsi que la minime quantité d'oxalate de magnésie que l'eau aurait pu dissoudre. La dissolu- tion alcoolique affaiblie de bi-oxalate de potasse est évaporée jus- — 131 — qu'à pellicule pour obtenir le sel cristallisé; s'il ne se forme point de cristaux, on traite le liquide presque sirupeux par de l'alcool à 33 degrés, on filtre, et on procède à une nouvelle évaporation à la suite de laquelle on obtienl du bi-oxalate de potasse cristal- lisé, ou du moins une liqueur dans laquelle il est aisé de démon- trer la présence de ce sel à l'aide des réactifs. Les matières suspectes déjà traitées par l'alcool concentré et par l'eau froide sont mises de nouveau en contact avec de l'eau distillée à la température ordinaire qui dissout la majeure partie de la matière organique, et laisse déposer les oxalates de magné- sie ou de chaux que ces matières pourraient contenir; on décante la liqueur au bout d'une heure ou deux, et l'on recueille le dépôt sur lequel on fait agir de l'acide chlorhydrique froid, étendu de trois fois son poids d'eau distillée afin de dissoudre l'oxalate de magnésie ; évidemment on ne doit recourir à cette opération que dans les cas où l'on saura que l'individu soupçonné empoisonné avait pris de son vivant de la magnésie comme contre-poison. Il suffira de filtrer la liqueur et de la saturer par un excès de carbo- nate de potasse pur pour obtenir un solutum composé d'oxalate de potasse, de chlorure de potassium et de l'excès de carbonate de potasse et un précipité de carbonate de magnésie ; on traitera la liqueur filtrée par l'acétate de plomb, qui donnera de l'oxalate de plomb insoluble, mélangé de matière organique ; on lavera C3 dé- pôt avec de l'eau distillée à plusieurs reprises pour débarrasser l'oxalate de plomb qu'il renferme, de la majeure partie de la ma- tière organique, puis on décomposera cet oxalate suspendu dans l'eau distillée par un courant de gaz acide sulfhydrique qui le transformera en sulfure de plomb noir et en acide oxalique; on chauffera jusqu'à l'ébullition pour chasser l'excès d'acide sulfhy- drique et on filtrera ; l'acide oxalique se trouvera seul dans la li- queur, et on l'obtiendra en évaporant celle-ci à une douce cha- leur. S'il s'agissait de démontrer la présence de l'oxalate de chaux formé par suite de l'action de l'acide oxalique sur du carbonate de chaux qui aurait été administré comme contre-poison, après avoir ramassé le précipité, on le ferait bouillir pendant vingt- cinq ou trente minutes avec de l'eau distillée et du bicarbonate de potasse pour obtenir de l'oxalate de potasse soluble et du car- 9. — 132 — bouate de chaux insoluble; la liqueur filtrée contiendrait de l'oxa- late de potasse et de la matière organique, et devrait être traitée par l'acétate de plomb et l'acide sulfhydrique comme il vient d'être dit. Ici il n'y aurait aucun avantage à dissoudre l'oxalate de chaux dans l'acide chlorhydrique, parce qu'en saturant ensuite la liqueur chlorhydrique par le carbonate de potasse, l'oxalate de chaux se- rait précipité de nouveau, sans que cette liqueur contînt la moin- dre trace d'oxalate de potasse. Symptômes, lésions de tissu et action sur l'économie ani- male. Cet acide concentré, introduit dans l'estomac des chiens ou des chats occasionne une douleur vive, de l'agitation et des cris au bout de peu de minutes ; les animaux font de violens efforts pour vomir ; bientôt après ils sont engourdis et très faibles. La mort ne tarde pas à survenir sans effort : c'est ordinairement entre la deuxième et la vingtième minute qu'elle arrive, si la dose d'acide est considérable, de 15 grammes par exemple. Si l'acide est très étendu d'eau, les phénomènes sont tout- à-fait différens;à/br£e dose les symptômes les plus remarquables sont ceux de la para- lysie du cœur, et immédiatement après la mort, cet organe se trouve avoir perdu sa contractilité et contient du sang artériel dans ses cavités gauches ; si la dose est moindre, l'animal périt après plusieurs accès d'un violent tétanos qui affecte particulière- ment les muscles de la poitrine, et produit un état spasmodique et la suffocation ; si la dose est encore moindre, les spasmes sont rares ou manquent tout-à-fait, et la mort est précédée de symp- tômes de narcotisme, semblables à ceux que produit l'opium : l'a- nimal paraît endormi. Jusqu'à présenties symptômes que l'acide oxalique a développés chez l'homme, ont évidemment été le ré- sultat d'une excessive irritation, parce qu'il a presque toujours été avalé à forte dose et très concentré. Lésions de tissu produites par l'acide oxalique. Si l'acide est concentré, l'estomac contient du sang noir extravasé, sem- blable au sang qui aurait été mis en contact avec cet acide hors du corps ; sa membrane interne est d'un rouge cerise avec des stries d'une extravasation noire, comme granuleuse, et çà et là la surface de la membrane est 1res mince et comme dissoute par l'action chimique du poison. Si l'estomac est examiné immédiate- —- 133 — ment après la mort, on le trouvera peu corrodé, en comparaison de ce qu'il sera, si l'on ne fait l'ouverture du corps qu'un jour ou deux après la mort. Si l'acide oxalique est étendu d'une grande quantité d'eau, il ne détermine aucune altération remarquable du cerveau ni des viscères abdominaux ; mais les poumons offrent des taches d'un rouge vif, sans aucune trace d'épanchement. Deux ou trois minutes après la mort, le cœur ne présente plus de pul- sations, et ne jouit plus de la faculté de se contracter, si l'anima a péri avant l'époque de l'insensibilité; le sang des cavités droites est noir; celui des cavités gauches est vermeil. Au contraire, le cœur continue de battre pendant quelques instans après que la respiration a cessé, si la mort a été précédée de l'état comateux; alors le sang est d'une couleur noire dans les deux systèmes vas- culaires. Action de l'acide oxalique sur l'économie animale. MM. Christison et Coindet établissent dans un mémoire intéressant, 1° que l'acide oxalique à la dose de plusieurs grammes est un des poisons les plus actifs et les plus propres à déterminer une mort prompte ; 2° que s'il est concentré et introduit à haute dose dans l'estomac, il irrite ou corrode cet organe, et détermine la mort par l'affection sympathique du système nerveux ; 3° que, lorsqu'il est étendu d'eau, il est absorbé, et porte son influence sur les or- ganes éloignés ; il n'agit alors, ni en irritant l'estomac, ni sym- pathiquement : toutes choses égales d'ailleurs, son action est plus rapide lorsqu'il est étendu d'eau que lorsqu'il est concentré ; 4° qu'on ne peut le retrouver dans aucun des liquides de l'animal, quoiqu'il soit absorbé, probablement parce qu'il est décomposé en passant par les poumons, et que ses élémens se combinent avec le sang ; 5° qu'il agit directement comme sédatif. Les or- ganes sur lesquels il porte son influence sont d'abord la moelle épinière et le cerveau, ensuite et secondairement les poumons et le cœur. La cause immédiate de la mort est quelquefois une pa- ralysie du cœur, d'autres fois une asphyxie, ou enfin ces deux af fections réunies. - 134 — Du bi-oxalate de potasse {sel d'oseille). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le bi-oxalate de potasse ? Bi-oxalate de potasse solide. Il e&lsous forme de parallélipî- pèdes blancs opaques, d'une saveur très acide presque mordican- te; il est inodore, inaltérable à l'air, moins soluble dans l'eau que l'oxalate neutre,et à peine soluble dans l'alcool concentré. Chauffé jusqu'au rouge dans une cuiller de platine, il se décompose et laisse du carbonate de potasse. S'il est mis sur des charbons ar- dens, il est également décomposé, et répand une fumée acide et piquante, sans se charbonner, ce qui suffirait au besoin pour le distinguer du bi-tartrate de potasse (crème de tartre). Dissolution aqueuse concentrée. Elle rougit fortement le tournesol et fournit avec l'eau de chaux et les sels calcaires, ainsi qu'avec l'azotate d'argent, des précipités d'oxalate de chaux ou d'argent {Voyez page 126). Elle donne avec les sels de cuivre un précipité blanc bleuâtre d'oxalate de cuivre, et avec le chlorure de platine un précipité jaune serin dur, grenu et adhérent au verre. Les sels de plomb y font naître un précipité blanc d'oxa- late de plomb, lequel est instantanément décomposé par l'acide sulfhydrique en acide oxalique et en sulfure de plomb noir. L'al- cool concentré, marquant 44 degrés à l'aréomètre, précipite une partie du sel, tandis que cela n'a pas lieu si l'alcool ne marque que 36 degrés. Dissolution aqueuse étendue. Elle se comporte avec les réactifs précités, comme la dissolution concentrée, si ce n'est avec l'alcool à 44 degrés et avec le chlorure de platine qui ne le troublent point. Mélange d'acide oxalique et de bi-oxalate de potasse. S'il est solide et en poudre fine, il suffira de l'agiter pendant quel- ques minutes dans un tube de verre, avec de l'alcool à 44 degrés pour dissoudre tout l'acide oxalique, tandis qu'il y aura à peine quelques traces de bi-oxalate dissous. En effet, la liqueur ne se troublera pas sensiblement par le chlorure de platine, tandis que la portion non dissoute offrira tous les caractères du bi-oxalate de — 135 — potasse. Si le mélange est dissous dans l'eau, il se comportera avec les réactifs comme la dissolution de bi-oxalate de potasse, si ce n'est qu'il ne précipitera pas les sels de cuivre à moins qu'on ne sature l'excès d'acide par un alcali. Symptôtnes, lésions de tissu et action sur l'économie animale. Quelques observations d'empoisonnement recueillies chez l'homme prouvent jusqu'à l'évidence que ce sel à la dose de 12, 16 ou 20 grammes, détermine des accidens fort graves qui peuvent être suivis d'une mort assez prompte. Les principaux symptômes de cet empoisonnement sont : une sensation de brû- lure au gosier et à l'épigastre, des vomissemens, de l'accable- ment, des frissons continus, une sueur visqueuse, l'obscurcisse- ment de la vue, elc. Les tissus de l'estomac n'étaient que médio- crement enflammés chez une femme qui avait succombé quinze minutes après avoir pris 16 grammes de ce sel; mais ils avaient contracté une telle union avec le bi-oxalate, que plusieurs lava- ges et des macérations prolongées dans l'eau distillée ne purent les en débarrasser. L'action de ce sel sur l'économie animale dif- fère à peine de celle de l'acide oxalique. article iii. — de la potasse, de la soude, des chlorures de ces bases, de la chaux, de l'ammoniaque et du carbonate d'ammoniaque. Symptômes de l'empoisonnement déterminé par ces sub- stances alcalines. Les symptômes développés par ces alcalis con- centrés diffèrent à peine de ceux que déterminent les acides con- centrés de la première catégorie (V. p. 72). Ainsi les malades éprouvent une chaleur vive à la gorge, desnaùsées, des vomisse- mens de matières souvent sanguinolentes; à la vérité ces matières, loin d'être acides et de rougir le tournesol, sont alcalines et réta- blissent la couleur bleue du papier rougi par un acide, et loin de bouillonner sur le carreau elles font effervescence avec les aci- — 13(5 — des; on remarque aussi des déjections alvines abondantes, une épigastralgie des plus vives, des coliques atroces, des convul- sions et l'altération des facultés intellectuelles ; la mort ne tarde pas à survenir. Lésions de tissu produites par ces substances alcalines. Les altérations cadavériques observées jusqu'à ce jour, à la suite d'une de ces intoxications alcalines ressemblent beaucoup à celles que déterminent les acides énergiques de la lrt série {Voyez p. 75) ; la potasse, la soude et l'ammoniaque à l'état so- lide ou en dissolution concentrée donnent souvent lieu à des perforations des tissus du canal digestif, lorsqu'elles ont été in- troduites dans l'estomac. Action sur l'économie animale. Il résulte des nombreuses expériences que j'ai tentées et des observations recueillies chez l'homme : l°Que ces substances al- calines concentrées, introduites dans l'eslomac déterminent une mort prompte, en détruisant les tissus, par suite de leur action chimique, en irritant les nerfs qui entrent dans leur composition et en donnant lieu à un épanchement dans la cavité du péri- toine, qui ne tarde pas à déterminer une péritonite intense ; le ventre est ballonné, des gaz distendent prodigieusement l'esto- mac et les intestins, et la mort arrive au milieu des souffrances les plus aiguës. 2° Qu'elles agissent encore à la manière des poisons irritans, énergiques, lorsqu'elles sont étendues d'une certaine quantité d'eau, mais qu'en outre elles sont absorbées. L'absorption des mêmes substances concentrées ne saurait être niée quoiqu'il soit difficile d'admettre qu'elle s'effectue tant que la substance reste à l'état de concentration : mais tout porte à croire que dès qu'il y a eu contact entre ces substances et l'estomac, celles-ci ont provoqué une abondante sécrétion de fluides qui, en les affaiblis- sant, en ont favorisé l'absorption. 3° Que la potasse, la soude et l'ammoniaque concentrées, ap- — 137 — pliquées à l'extérieur, brûlent les tissus et occasionnent la mort, tantôt par l'inflammation d'une grande étendue de la peau, et par la réaction du système nerveux qui en est la suite, tantôt par l'abondante suppuration qu'elles déterminent dans les parties circonscrites qu'elles ont profondément attaquées. 4° Que la potasse, la soude et l'ammoniaque concentrées, in- jectées dans les veines détruisent la vie instantanément en coa- gulant le sang et en exerçant sur lui une véritable action chimi- que, d'autant plus prononcée que la quantité injectée est plus considérable. De la potasse et du carbonate de potasse. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la potasse caustique ? Pour résoudre celte question, il faut savoir que la potasse caustique se trouve dans le commerce sous deux états : 1° potasse pure; 2° potasse à la chaux (pierre à cautère) impure. Potasse pure. Les caractères, physiques et chimiques de la potasse pure sont les suivans : elle est solide, incolore, inodore et d'une saveur excessivement caustique ; elle attire l'humidité de l'air et tombe en déliquium. Elle se dissout très bien dans l'eau ; le solutum\evd\i le sirop de violettes, et ramène au bleu la couleur de l'eau de tournesol rougie par un acide ; il ne préci- pite point par l'acide carbonique. Si cette dissolution a élé faite avec l'eau distillée, elle précipite l'azotate d'argent en olive clair : l'oxyde déposé se dissout tout entier dans l'acide azotique pur. Versée dans une dissolution concentrée de chlorure de platine, elle y produit un précipité jaune serin, grenu, qui adhère aux parois du verre et qui peut se dissoudre dans l'eau. L'acide perchlorique y fait naître un précipité blanc abondant. Si, au lieu d'être concentrée, la dissolution de potasse à l'alcool était très affaiblie, elle offrirait encore les mêmes caractères, excepté qu'elle ne précipiterait plus ni par le sel de platine ni par l'acide perchlorique; et comme il est indispensable de pou- voir constater l'une ou l'autre de ces propriétés pour s'assurer de - 138 - son existence, il faudrait évaporer la dissolution pour l'amener au degré de concentration convenable. Il est inutile de pousser l'évaporation jusqu'à siccité et de calciner le produit dans un creuset d'argent, comme le conseille M. Devergie, dans le but, dit-il, de volatiliser l'ammoniaque ou ses composées, s'ils exis- taient. Evidemment si la potasse est pure, et il la suppose telle, elle ne renfermera aucun composé ammoniacal. Potasse à la chaux (pierre à cautère). On peut avoir une bonne idée de cette substance en la supposant formée de potasse pure, d'un peu de chaux, de sulfate, de chlorure de potassium, d'acide silicique, d'alumine el d'oxydes de fer et de manganèse. Voici quels sont ses caractères physiques et chimiques : elle jouit de toutes les propriétés dont j'ai parlé en faisant l'histoire de la potasse pure, excepté : 1° qu'elle est souvent colorée en brun, en jaune ou en rougeâtre ; 2° qu'au lieu de précipiter de l'azo- tate d'argent, l'oxyde olive, soluble dans l'acide azotique pur, elle précipite, outre cet oxyde, du chlorure d'argent blanc (parce qu'elle renferme un chlorure, voy. Acide chlorhydrique) : si l'on verse de l'acide azotique pur sur ce précipité, l'acide dissout tout l'oxyde, et il reste un dépôt blanc caillebotté de chlorure d'ar- gent; 3° qu'elle fournit, avec l'azotate de baryte, du sulfate de baryte blanc, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique pur, ce qui tient à la présence du sulfate de potasse qui entre dans sa composition ; 4° qu'elle donne avec l'oxalate d'ammoniaque un précipité blanc d'oxalate de chaux. Carbonate de potasse pur. Il est solide, blanc, inodore et d'une saveur caustique ; il verdit le sirop de violettes et rétablit la couleur bleue du papier rougi par un acide. Il est déliques- cent et très soluble dans l'eau. Les acides faibles le décomposent et en dégagent de l'acide carbonique avec effervescence et sans vapeur. Le chlorure de platine et l'acide perchlorique agissent sur sa dissolution aqueuse, comme la potasse pure. Il fournit avec les sels solubles de baryte un précipité de carbonate de ba- ryte blanc, soluble dans l'acide azotique pur. Potasses du commerce. Elles sont formées de carbonate de potasse (de 40 à 65 pour cent) et des matières étrangères qui altèrent la pierre à cautère, à l'exception de la chaux. Les aci- — 139 — des faibles en dégagent de l'acide carbonique avec effervescence; l'oxalate d'ammoniaque ne les précipite pas, du reste elles se comportent avec les azotates d'argent et de baryte, comme la pierre à cautère. Potasse pure mêlée au vinrouge. Il n'arrivera probablement jamais que l'on tente d'empoisonner avec un mélange de potasse pure et de vin rouge, parce que cet alcali communique au vin une couleur vert foncé ; mais il se peut que les experts aient à décider s'il existe de la potasse dans un liquide qui contiendrait du vin rouge et qui aurait été vomi ou trouvé dans le canal di- gestif après la mort. L'expérience m'a démontré que dans ces cas le chlorure de platine et l'acide perchlorique seraient des réac- tifs par trop infidèles pour qu'on doive y avoir recours. Le pro- cédé suivant me paraît exempt de reproche. On évapore le mé- lange jusqu'à siccité, et, lorsque le produit est refroidi, on l'agite pendant cinq à six minutes avec de l'alcool concentré marquant 44 degrés à l'aréomètre, afin de dissoudre la potasse ; on filtre la dissolution alcoolique, et, après l'avoir évaporée jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine, on continue à chauffer la masse solide obtenue, jusqu'à ce qu'elle soit légèrement carbonisée. On fait bouillir ce charbon avec une petite quantité d'eau distillée et l'on filtre ; la dissolution d'un jaune brunâtre, si le vin avait été mélangé de potasse, rétablira la couleur bleue du papier rougi par un acide, et précipitera en jaune serin par le chlorure de platine, et en blanc par l'acide perchlorique ; on s'exposerait à commettre une erreur grave si au lieu d'agir avec le chlorure de platine sur la dissolution aqueuse, on opérait sur la dissolu- tion alcoolique, parce que l'alcool concentré donne avec ce chlo- rure un précipité jaune serin, alors même qu'il ne tient pas de potasse en dissolution ; à la vérité ce précipité n'est ni grenu ni adhérent au verre. On peut se convaincre des avantages du mode d'analyse que je propose, en agissant comparativement sur une même proportion de vin rouge tenant un ou deux centigrammes dépotasse en dis- solution, et du même vin sans addition de potasse; ce dernier traité, comme je viens de le dire, ne fournira pas la plus légère trace de potasse, parce que l'alcool concentré en agissant sur le — 140 — produitde l'évaporalion n'aura pas dissous un atome de bi- tartrate de potasse ni des autres sels de potasse que le vin ren- ferme. Mais, dira-l-on, en suivant ce procédé, la potasse mélangée au vin transformera le bi-tartrate que celui-ci contient en tartrale neutre soluble dans l'alcool à 44 degrés, dès-lors on ne pourra pas affirmer que la potasse obtenue en traitant par l'eau, le pro- duit de l'incinération de la dissolution alcoolique, provienne en- tièrement de la potasse mélangée au vin. Cela est vrai, car cette potasse proviendra de celle qui a été mélangée avec le vin et qui se trouve en excès dans la liqueur, de celle qui était primitive- ment contenue dans le bi-tartrate du vin, et enfin de celle qui a été employée à saturer l'excès d'acide tartrique pour transfor- mer le sel acide en tartrate neutre. Qu'importe7 Une s'agit pas ici de déterminer combien il pouvait y avoir de potasse mélan- gée avec le vin, mais bien de savoir s'il y en avait ; or, le pro- cédé que je conseille de suivre remplit parfaitement le but, puis- qu'on a obtenu de la potasse à la fin de l'opération, et que l'on n'en aurait pas obtenu, si l'on n'en eût pas ajouté au vin. Potasse pure et matières organiques alimentaires ou autres. Qu'il s'agisse de bouillons, de liquides vomis, des ma- tières solides ou liquides trouvées dans le canal digestif ou même de cette sorte de bouillie qui est le résultat de l'action de l'alcali sur nos tissus, on agira à-peu-près comme il vient d'être dit à l'occasion du vin rouge rendu alcalin par ce corps. J'ai tenté des expériences nombreuses dans lesquelles je faisais prendre à des animaux des alimens mélangés avec quelques centigrammes de potasse pure, tandis que je donnais à des animaux de même es- pèce, une égale proportion des mêmes alimens, sans addition de potasse. Les animaux étaient tués au bout de trois ou quatre heures, et je voyais que je trouvais la potasse en analysant les matières provenant des animaux qui en avaient pris, tandis qu'il n'y en avait pas dans les autres. Souvent aussi je donnais à des chiens des alimens contenant assez de potasse pour les tuer dans l'espace de quelques heures, tandis que d'autres chiens, qui avaient pris des mêmes alimens dans la même proportion, sans addition de potasse, étaient pendus à l'instant même où les au- — 141 — très animaux périssaient. A l'ouverture des cadavres, les matières contenues dans le canal digestif des chiens qui étaient morts em- poisonnés et le canal digestif lui-même fournissaient de la po- tasse, par le procédé déjà décrit; tandis que les matières et le ca- nal digestif des chiens non empoisonnés, n'en donnaient pas un atome. Au reste, voici les conséquences que j'ai tirées de ce tra- vail, lequel a fait l'objet d'un mémoire que j'ai publié en 1842 {Voyez le Journal de Chimie médicale). 1° L'alcool très concentré bouillant dissout une portion nota- ble de la potasse pure ou de la potasse à la chaux qui pourrait se trouver dans un mélange organique solide, soit à l'état caustique, soit à l'état de savon, soit dans tout autre état de combinaison avec la matière végéto-animale. Il ne dissout pas sensiblement, au contraire, les sels de potasse naturellement contenus dans ce mélange, ni ceux que l'on aurait accidentellement introduits dans l'estomac comme médicamens, à l'exception toutefois de l'acétate de potasse. 2° Il dissout également une certaine quantité de carbonate de potasse qui aurait été ajouté à ce mélange dans le dessein d'em- poisonner, ou qui se serait formé, par suite de l'action de l'acide carbonique de l'air sur la potasse caustique, ou de la décompo- sition des matières organiques par cet alcali. Pourtant le carbo- nate de potasse est complètement insoluble dans l'alcool con- centré. 3° Que les mélanges organiques solides auxquels on n'a pas ajouté de potasse ni de carbonate de potasse, alors même qu'ils sont abondans et qu'ils contiennent naturellement des sels potassiques, tels que du lactate, de l'acétate, du tartrate, du sulfate, du phosphate ou du chlorure de potassium, traités par l'alcool concentré bouillant, ne cèdent pas à ce menstrue des pro- portions assez sensibles de ces sels pour qu'on puisse en démon- trer la présence dans la dissolution alcoolique par le chlorure de platine et par l'acide perchlorique, réactifs qui décèlent parfaite- ment des traces de potasse libre ou carbonatee dans le solutum alcoolique toutes les fois que cet alcali a élé mélangé avec la masse alimentaire. Que si les liqueurs alcooliques normales dont il s'agil, traitées comme il a été dit à la page 139, finis- - 142 - sent par donner un résidu légèrement alcalin, qui ramène, au bout d'un certain temps, au bleu le papier rougi par un acide, cela dépend sans doute de ce qu'elles contiennent un peu de soude, ou bien une proportion tellement minime de po- tasse qu'elle n'est pas sensible à l'action du chlorure de platine ni à celle de l'acide perchlorique. Procédé d'analyse. On constatera d'abord si la matière sus- pecte rétablit la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide, et si elle répand une odeur ammoniacale ; ce caracière est des plus importans, car si la liqueur est fortement alcaline et qu'elle ne contienne ni de l'ammoniaque ni du carbonate d'ammoniaque libres, on pourra déjà présumer qu'elle a élé mê- lée de potasse, de soude, de baryte, de strontiane ou de chaux. On introduira la masse à-la-fois liquide et solide, ou les tissus du canal digestif, dans une cornue de verre, après les avoir éten- dus d'une certaine quantité d'eau distillée ; on adaptera à la cor- nue un récipient, dans lequel on aura mis préalablement un peu d'eau, et qui sera entouré de linges froids ; on chauffera la cor- nue jusqu'à ce que le liquide qu'elle renferme soit réduit à-peu- près au tiers de son volume ; on essaiera si la matière ainsi con- centrée continue à ramener au bleu le papier rougi ; il se pourrait, en effet, qu'après la distillation cette matière ne fût plus alcaline, si son alcalinité dépendait d'une certaine quantité d'ammoniaque ou de carbonate d'ammoniaque, qui se seraient volatilisés pour se rendre dans le récipient : on s'assurera si le liquide distillé est alcalin, et en cas d'affirmative on le gardera pour déterminer s'il contient ou non de l'ammoniaque libre ou carbonatee. Le tiers delà matière restant dans la cornue, et que je supposerai alcalin, sera évaporé jusqu'à siccité et à une douce chaleur dans une capsule de porcelaine ; lorsque le produit sera froid, on l'agitera pendant huit ou dix minutes avec de l'alcool pur et concentré marquant 44 degrés, et on fera bouillir pendant cinq à six minutes, en ajoutant de l'alcool à mesure qu'il s'en évaporera ; on décantera et on filtrera la liqueur bouillante, que l'on versera dans une autre capsule de porcelaine. La masse sera de nouveau traitée par de l'alcool bouillant, afin de l'épuiser et de dissoudre tout ce que ce menstrue peut enlever ; les dissolu- — 143 — lions alcooliques filtrées et réunies seront évaporées jusqu'à sic- cité dans la capsule. L'alcool, dans celte opération , dissout la potasse caustique libre, celle qui a élé transformée en savon, une partie de celle qui s'est combinée avec des matières organi- ques autres que la graisse, et enfin une portion notable du carbo- nate de potasse que la masse pourrait contenir, soit parce que ce sel aurait été mélangé avec cette masse, soit parce que la potasse caustique aurait passé à l'état de carbonate par suite de son ac- tion sur l'acide carbonique de l'air, ou sur celui qui aurait pu se former pendant l'acte de l'évaporation. La solubilité du carbonate de potasse dans l'alcool concentré, à la faveur de la matière organique, ne saurait être contestée {V. ma Toxicologie, t. ier, page 225). Si l'on attendait pour filtrer les liqueurs alcooliques qu'elles fussent refroidies, ou bien qu'on les reçût dans un verre à expérience dans lequel on les laisserait refroidir, il se dépose- rait constamment sur les parois de la capsule ou du verre une matière grasse comme savonneuse, contenant une portion de po- tasse, et il faudrait alors, pour ne pas perdre celle-ci, détacher avec soin cette matière grasse pour la réunir au liquide. Il vaut donc mieux agir comme je l'ai indiqué; il est également utile de chauffer l'entonnoir dans lequel les liquides doivent filtrer. La dissolution alcoolique évaporée jusqu'à siccité continuera à être chauffée dans la capsule de porcelaine, jusqu'à ce qu'elle soit carbonisée et qu'il ne se dégage plus de fumée ; dans cet état, elle sera facile à détacher de la capsule à l'aide de la lame d'un couteau propre, ce qui n'aurait pas lieu si l'on n'avait pas poussé l'action de la chaleur jusqu'à la carbonisation. Le produit char- bonneux sera incinéré dans un creuset d'argent fermé par son couvercle, afin d'éviter que des parcelles de cendre ne s'introdui- sent dans le creuset; il suffira en général d'une demi-heure à trois quarts d'heure d'une chaleur rouge pour opérer cette inci- nération. On évitera l'emploi de creusets de platine ou de terre, parce qu'ils pourraient être attaqués par la potasse. Le creuset étant refroidi, on mettra la cendre en contact avec de l'alcool froid à 44 degrés, on agitera avec une baguette de verre pendant quelques minutes, puis on portera la liqueur jusqu'à l'ébullition dans le creuset même ; cette liqueur refroidie sera décantée, — 144 — filtrée et évaporée jusqu'à siccité à une douce chaleur; pendant l'évaporation on l'essaiera par le papier rougi. Assez ordinaire- ment celle dissolution n'est pas alcaline, parce que la potasse a été transformée en carbonate par l'acte de l'incinération : aussi n'obtient-on pas alors de résidu sensible. Il est toutefois des circonstances où la proportion de potasse dissoute par l'alcool est considérable par rapport à celle de la matière organique qui se trouve dans la dissolution alcoolique ; alors une portion de potasse seulement est passée à l'état de carbonate pendant l'in- cinération , et l'alcool dissout facilement la partie de cet alcali qui serait restée à l'état caustique. Admettons qu'il en soit ainsi et que l'on ait obtenu un résidu en faisant évaporer la dissolution alcoolique ; on le fera dissoudre dans un peu d'eau distillée, on constatera l'alcalinité de la liqueur à l'aide du papier rouge, on concentrera la dissolution par la chaleur, et l'on s'assurera, en la versant par parties égales dans de petits tubes étroits, qu'elle fournit avec le chlorure de platine et l'acide perchlorique des précipités semblables à ceux que donne la potasse. Quoi qu'il arrive, la matière cendrée restant dans le creuset après le traite- ment alcoolique sera chauffée jusqu'à l'ébullition avec une petite quantité d'eau distillée, afin de dissoudre le carbonate de potasse formé par l'incinération ; la liqueur sera filtrée et évaporée jus- qu'à ce qu'elle soit suffisamment concentrée ; dans cet état elle ramènera promptement au bleu la couleur du papier rouge, et fournira, avec le chlorure de platine et l'acide perchlorique, des précipités abondans, comme le ferait une dissolution concentrée de carbonate de potasse. L'emploi de ces réactifs sera même accompagné d'une effervescence bien prononcée. M. Devergie avait proposé de détruire à l'aide du chlore la matière animale qui masquerait la potasse ; ce procédé est on ne peut plus vicieux ; en effet si l'on fait arriver du chlore ga- zeux dans une dissolution alcoolique provenant d'un liquide organique, additionné de potasse, évaporé jusqu'à siccité et traité par l'alcool concentré, ou dans la matière solide épuisée par l'alcool, comme le propose M. Devergie, on n'obtient jamais la potasse à l'état caustique, mais bien à l'état de sel et au milieu d'une dissolution qui, loin d'être alcaline, est fortement acide, et — 145 — que d'ailleurs, quand on traite par le chlore la matière solide, on dissout nécessairement, à la faveur de ce chlore et de l'acide chlorhydrique qui s'est formé, une quantité notable de quelques- uns des sels potassiques naturellement contenus dans la masse solide dont il s'agit. M. Devergie n'a pas accordé, il est vrai, une confiance illimitée à ce procédé, car il dit à la page 310 du tome troisième de sa Médecine légale : a. Toutefois, on ne doit pas « se dissimuler plusieurs difficultés inhérentes à cette analyse et tt aux conclusions qu'il faut en lirer : 1° Certains liquides végé- «- taux et animaux renferment des sels à base de potasse ; mais « alors, ces sels étant neutres, la liqueur ne donne pas de réac- « tion alcaline ; 2° la potasse ajoutée a pu passer à l'état de car- te bonate de potasse ; il est alors impossible de dire par l'analyse « si la potasse a été mêlée au liquide à l'étal libre ou à l'état de « carbonate ; 3° quelques liquides animaux sont naturellement « alcalins ; mais comme ils doivent leur alcalinité à la soude, ils « ne précipiteraient pas par le chlorure de platine, hors le cas t< où ils contiendraient en outre du sulfate de potasse, et alors « il ne reste à l'expert, pour décider la question, que la quantité tt et l'abondance des précipités qu'il obtient avec les réactifs. » Les motifs allégués par mon confrère pour faire ressortir les difficultés inhérentes à l'analyse qu'il propose me paraissent de- voir être examinés avec soin, afin de mettre la vérité dans tout son jour. M. Devergie redoute les sels à base de potasse que peuvent naturellement contenir certains liquides végétaux et animaux ; c'est à tort, car il a conseillé, comme je l'avais fait bien avant lui, de traiter ces liquides évaporés jusqu'à siccité par l'alcool : or, nous savons {V. ma Toxicologie, t. ier, p. 221) que, si cet agent est concentré et qu'il marque 44 degrés, il n'aura pas dissous une assez grande quantité de sels de potasse pour être précipité par le chlorure de platine et par l'acide per- chlorique. Toutefois, pour éviter la confusion, il ajoute : mais ces sels étant neutres, la liqueur ne donne pas de réaction alcaline. Pour montrer à M. Devergie combien il se trompe, j'admeltrai que l'on ait ajouté quelques atomes de soude à des liquides végétaux et animaux contenant des sels potassiques, comme il le suppose ; j'admettrai aussi avec lui, quoique cela ne n. io — 146 — soit pas exact, que ces liquides évaporés à siccité et traités par l'alcool concentré d'abord, puis par le chlore, renferment une assez forte proportion de sels potassiques pour précipiter par le chlorure de platine et par l'acide perchlorique; évidemment la liqueur aura une réaction alcaline, et donnera avec le sel de pla- tine et l'acide perchlorique les précipités que fournit la potasse; dans le système de l'auteur, on devra conclure à l'existence de la potasse libre, et pourtant il n'y aura dans le mélange suspect qu'un peu de soude et de sels potassiques. M. Devergie dit aussi, contre l'emploi du chlore, que la potasse a pu passer à l'état de carbonate, et qu'il devient alors impossible de décider par l'ana- lyse si cette potasse a été mêlée au liquide à l'état libre ou à l'état de carbonate. Quelque exacte que soit cette observation, elle n'a que peu de portée, comme je le dirai plus bas en exami- nant s'il est réellement possible de déterminer, dans une analyse de ce genre, sous quel état la potasse a été ingérée. Pour ce qui concerne l'existence naturelle d'un alcali dans certains liquides animaux, alléguée par M. Devergie, je n'adopterai pas qu'il, y ait une difficulté sérieuse quand ces liquides contiennent, outre la soude libre, du sulfate de potasse, ni qu'il faille dans ce cas décider la question d'après l'abondance des précipités que l'on obtient avec les réactifs. En médecine légale, il faut éviter autant que possible de faire servir à la solution d'un problème d'empoi- sonnement l'abondance ou les traces d'un précipité, parce que ce qui paraîtra abondant à tel expert, pourra sembler peu de chose à un autre expert ; il faut arriver à un résultat incontes- table que voici : on retire d'une matière donnée une substance vénéneuse par un procédé déterminé qui n'en fournil pas lorsque la même matière n'a pas été mêlée avec cette substance ; donc le poison trouvé a élé ajouté. D'ailleurs, je le répéterai : dans l'es- pèce, le sulfate de potasse ne saurait être un embarras, puisqu'il est insoluble dans l'alcool concentré, et qu'il s'agit de liquides évaporés jusqu'à siccité et traités par l'acool à 44 degrés avant d'être soumis à l'action du chlore. Après avoir ainsi formulé le mode d'analyse qu'il me paraît préférable de suivre, il devient nécessaire de faire connaître aux — 147 — experts le parii qu'ils pourront tirer des résultats de cette ana- lyse, lorsqu'il s'agira de conclure. Premier cas. L'expert ne peut pas affirmer qu'il y ait eu empoisonnement, mais il peut établir de grandes pro- babilités en faveur de l'intoxication. Les matières vomies ou bien celles qui ont été recueillies dans le canal digestif, qu'elles soient liquides ou solides , sont alcalines avant et après avoir été soumises à l'ébullition pendant une heure, elles ont été éva- porées jusqu'à siccité, et le produit a été traité par l'alcool con- centré marquant kk degrés et bouillant ; la dissolution alcoolique évaporée dans une capsule de porcelaine a laissé un résidu bien sec et presque carbonisé, lequel chauffé jusqu'au rouge dans un creuset d'argent pendant 40 à 50 minutes et traité ensuite par l'eau distillée bouillante, après avoir élé refroidi, a fourni une dissolution qui ramenait au bleu le papier de tournesol rougi par un acide, qui ne se troublait pas par le gaz acide carbonique, et qui précipitait en jaune serin par le chlorure de platine et en blanc par l'acide perchlorique. Le malade n'a pas éprouvé les symptômes que détermine ordinairement la potasse ou ne les a éprouvés qu'à un faible degré, et à l'ouver- ture du cadavre on n'a pas constaté des lésions semblables à celles que développe le plus souvent cet alcali. Ici, quoique l'existence de la potasse ait été mise hors de doute, par l'expert, il faut se tenir sur la réserve, parce qu'il ne serait pas à la ri- gueur impossible, tout en étant peu vraisemblable, que le ma- lade eût pris une grande quantité de certaines substances alimentaires contenant naturellement une plus forte propor- tion de sels de potasse solubles dans f alcool que celles sur lesquelles j'ai fait les essais mentionnés à la page 140, et que la potasse obtenue en dernier ressort provînt de ces sels. Deuxième cas. L'expert peut affirmer que l'empoisonne- ment a eu lieu par la potasse pure, par la pierre à cautère ou par le carbonate de potasse. On décèle la potasse en agis- sant comme il vient d'être dit sur les matières suspectes et l'on apprend en outre qu'après avoir mangé ou bu, le malade a été pris tout-à-coup de vomissemens de matières sanguinolentes ou noires, que les liquides vomis ramènent au bleu le papier de tour- - 148 — nesol rougi par un acide et qu'ils ne bouillonnent pas sur le car- reau, qu'il y a eu des douleurs vives dans l'abdomen, desselles, et que l'on a observé d'autres symptômes analogues à ceux que déterminent les toxiques irrilans. Troisième cas. L'expert doit tirer la même conclusion af- firmative, lorsqu'il a constaté la présence de la potasse libre, comme il vient d'être dit, quoique plusieurs des symptômes pré- cités n'aient pas été observés, si à l'ouverture du cadavre on trouve les tissus du canal digestif et de l'estomac en partie entiers, ramollis, enflammés, ecchymoses, ulcérés, escharifiés ou perfo- rés dans certains points. Quatrième cas. L'expert peut encore affirmer que l'em- poisonnement a eu lieu si l'on a constaté des symptômes et des altérations cadavériques analogues à ceux que produisent les poisons irritans, alors même qu'il a été impossible de dé- couvrir la potasse libre dans les matières vomies et dans le ca- nal digestif, pourvu toutefois qu'en soumettant le foie, la rate ou la vessie aux opérations qui constituent le procédé auquel j'ai donné la préférence {voy. p. 142) on ait décelé dans l'un ou l'autre de ces organes la présence de la potasse. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de préciser dans beaucoup de cas de ce genre, si l'alcali ingéré et dissous par l'al- cool était pur et caustique ou carbonate, parce que le car- bonate de potasse, qui est insoluble dans l'alcool quand il n'est pas mélangé de matière organique, peut se dissoudre dans ce menstrue à la faveur de quelques liquides alimentaires avec les- quels il aura été mêlé (voy. ma Toxicologie, t. i", p. 225); et que si, pour résoudre ce problème, on avait recours à un acide dans le dessein de constater s'il y a ou non effervescence, on pourrait encore être induit en erreur ; en effet, la potasse caustique passe aisément à l'état de carbonate quand on la chauffe avec des ma- tières organiques, en sorte qu'il pourrait y avoir effervescence, alors même que la potasse aurait été prise à l'état caustique. D'un autre côté, le défaut d'effervescence ne prouverait pas non plus que l'alcali eût été pris à l'état caustique, parce qu'il arrive souvent qu'au milieu de ces mélanges organiques une très faible proportion de carbonate de potasse est décomposée par les aci- — 149 — des sans que l'on aperçoive distinciemeni la légère effervescence quia lieu. Qu'importe, au reste, qu'il ne soit pas possible, dans beaucoup de cas de ce genre, d'arriver à donner la solution du problème qui m'occupe? Le point essentiel est d'établir qu'il existe dans les matières suspectes delà potasse sous l'un ou l'au- tre des trois états que j'ai signalés. Cinquième cas. L'expert n'affirmera pas que l'empoison- nement n'a pas eu lieu par la potasse, si le malade a éprouvé des accidens graves, que l'on ait constaté ou non des altérations cadavériques plus ou moins intenses, alors même qu'il aurait élé impossible de déceler la moindre trace de potasse libre, soit dans les matières vomies, soitdans celles qui pouvaient se trouver dans le canal digestif, soit enfin dans les tissus de ce canal, dans le foie, etc. C'est qu'il aurait pu arriver en effet, que de la po- tasse administrée à une dose toxique, eût donné lieu à un em- poisonnement, et que bientôt après elle eût été complètement neutralisée, soit par des substances alimentaires, ou par des aci- des qui pouvaient exister dans l'estomac au moment de l'ingestion de l'alcali vénéneux, soit par des boissons acidulées que l'on aurait fait prendre au malade. On conçoit, qu'en pareil cas, la marche et la nature de la maladie, l'étendue et la gravité des lésions anatomiques, seraient d'un grand secours pour parvenir à faire naître des présomptions ou des probabilités d'empoi- sonnement. Symptômes et lésions de tissu déterminés par la potasse (voy. p. 135). Action sur l'économie animale (yoy. p. 136). Est-il vrai, comme l'a annoncé M. Bretonneau, savant méde- cin de Tours, que la potasse caustique n'occasionne pas la mort, quand elle est déposée dans un estomac sain à la dose de 8 gram- mes, sans passer par la bouche. « A la dose de 2 grammes etau-delà,dit M. Bretonneau, cet alcali, introduit dansl'estomac, a constamment déterminé sur les chiens des vomissemens, le marasme et la mort. Une lésion çrave ulcéreuse de l'œsophage et la des- truction de sa tunique épidermoïde ayant paru la cause principale du vo- missement, la substance alcaline a été déposée dans l'estomac, près de son orifice pylorique, au moyen d'un porte-caustique qui aborné son action aux parois de ce viscère : dès-lors 2 et même 8 grammes de potasse caustique — 150 — ont pu être injectés successivement, et à de plus ou moins longs inter- valles, sans causer la mort. Une affection idiopathiqueplus ou moins grave de l'estomac a été développée, et s'est manifestée par des vomissemens spumeux, muqueux, savonneux, fauves, ensanglantés, et môme de sang presque pur. Mais après deux jours de repos; pendant lesquels l'animal montrait peu d'avidité pour lés alimens, sans qu'on vit se développer au- cun trouble sympathique des fonctions de la vie animale et organique, il ne tardait pas à être rendu à ses dispositions habituelles. Les lésions qu'on découvrait après plusieurs semaines dans l'estomac de ceux de ces ani- maux qu'on faisait périr par strangulation, n'auraient pu être soupçonnées en voyant leur voracité, leur pétulance et leur gaîté. Chez plusieurs, la membrane muqueuse a été trouvée détruite dans la plus grande partie de son étendue; dans quelques points, les tuniques musculaire et péritonéale avaient été intéressées, formaient des cicatrices épaisses, rugueuses, enfon- cées, qui étaient très apparentes même à la surface extérieure de l'estomac. Les résultats obtenus par l'injection de l'eau bouillante, portée dans l'estomac sans intéresser l'œsophage, ont été analogues à ceux de la potasse. J'ai voulu savoir à quoi m'en tenir sur le fait que m'avait com- muniqué M. Bretonneau. Pour cela, j'ai introduit dans l'estomac de deux chiens robustes et de moyenne taille 2 grammes 5 décigrammes de potasse à la chaux solide coupée en douze petits fragmens. Les animaux étaient à jeun, et chaque morceau d'alcali arrivait dans l'estomac sans avoir touché l'œ- sophage, puisqu'il était poussé par une tige métallique dans une large sonde de gomme élastique qui descendait jusqu'au pylore; je m'assurais à la fin de l'opération que la sonde n'avait pas été percée. Dans une troi- sième expérience, j'injectai dans l'estomac d'un troisième chien à jeuu la même quantité de potasse à la chaux dissoute dans 80 grammes d'eau , je me servis pour cela d'une seringue et d'une large sonde , en sorte qu'ici, comme dans le premier mode d'expérimentation, l'œsophage n'é- tait point en contact avec l'alcali. Ces trois animaux ont vomi à plusieurs reprises, surtout dans la première heure qui a suivi l'empoisonnement, des matières spumeuses, ensanglantées, et même du sang pur contenant beaucoup de potasse ; ils ont éprouvé tous les symptômes que développe cet alcali, et sont morts, l'un au bout de vingt-quatre heures, l'autre trente heures après l'empoisonnement, et le dernier au bout de qua- rante-six heures. L'estomac était fortement enflammé, ecchymose, ulcéré, escharifié par places ; la membrane muqueuse était détruite dans quelques points ; mais il n'y avait aucune trace de perforation. Les deux tiers supé- rieursde l'œsophage n'étaient le siège d'aucune altération, tandis que dans son tiers inférieur, ce conduit offrait à-peu-près les mêmes lésions anatomi- ques que l'estomac. La différence entre mes résultats et ceux qu'avait obtenus M. Breton- — 151 — neau tient, sans aucun doute, à ce que ce médecin n'a pas introduit à- la-fois dans l'estomac la quantité d'alcali indiquée, et qu'il l'a au con- traire injectée en plusieurs doses et à des intervalles plus ou moins longs. Si à chaque prise les animaux ont vomi et rejeté une portion notable du poison, comme cela parait certain d'après l'indication donnée par M. Bre- tonneau, on conçoit qu'ils n'aient point péri. Quoi qu'il en soit, le fait annoncé par le savant médecin de Tours n'en est pas moins remarquable, parce qu'il prouve que les animaux dont je parle peuvent manger avec voracité et vivre, alors même que leur estomac est le siège d'altérations excessivement intenses. De la soude. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la soude caustique? Soude pure. Elle est solide, blanche, inodore, d'une saveur excessivement caustique et très soluble dans l'eau. Exposée à l'air, elle en attire l'eau et l'acide carbonique et donne un carbo- nate qui, loin de tomber en déUquium, comme le carbonate de potasse, est efflorescent. La dissolution aqueuse de soude moyennement concentrée, rétablit la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide , et ne précipite ni par le chlo- rure de platine ni par l'acide perchlorique. L'acide phtorhydrique silice y fait naître un précipité gélatineux. Si la dissolution est excessivement concentrée, elle se comporte comme la précé- dente, si ce n'est que le chlorure de platine la précipite en jaune serin et l'acide perchlorique en blanc 5 comme cela a lieu avec la potasse ; toutefois le dépôt jaune serin est moins grenu et moins adhérent au verre que celui qui a été obtenu avec ce dernier alcali. Si la dissolution est au contraire affaiblie, elle ramène au bleu le papier rougi et ne précipite par aucun des agens préci- tés. L'azotate d'argent agit sur elle comme sur la potasse éten- due d'eau, à moins que la dissolution ne soit trop affaiblie. D'où il suit que, pour constater la présence d'une dissolution de soude très faible, il faudrait l'évaporer jusqu'à ce qu'elle fût moyenne- ment concentrée. Soude à la chaux et carbonate de soude. On la distinguera de la soude pure par les moyens que j'ai conseillé de mettre en usage pour reconnaître la potasse pure et la potasse à la chaux {V. p. 137). Soude pure etmatières organiques alimentaires ou autres. — 15'2 — L'action chimique de la soude sur le bouillon, sur le lait, le vin, le café, les alimens solides ou sur les tissus du canaldigestif, étant la même que celle de la potasse, on procédera pour déceler cet al- cali comme il a été dit à la page 142 et suivantes. L'expertise une fois terminée, on devra, avant de conclure, ne pas perdre de vue qu'il est encore plus difficile de décider si l'empoisonnement a eu lieu par la soude que par la potasse, parce qu'il résulte de mes ex- périences que la dissolution alcoolique provenant de matières alimentaires à l'état normal auxquelles on n'avait par con- séquent pas ajouté de soude, évaporée jusqu'à siccité et inci- nérée, comme il a été dit à la page 139, fournit une cendre al- caline contenant du carbonate de soude ; d'où il suit que l'on commettrait une erreur grave si l'on attribuait la présence de ce carbonate à un empoisonnement par la soude, tandis qu'elle tien- drait uniquement à ce que les alimens digérés ou non que l'on aurait trouvés dans le canal digestif contenaient un sel de soude à acide organique et destructible par le feu. Les résultats sui- vans pourront être invoqués avec fruit par ceux qui seront char- gés de résoudre les questions épineuses relatives à l'empoisonne- ment par la soude. 1° Si avant de calciner les matières suspectes on les dessèche et qu'on les fasse bouillir avec de l'alcool concentré marquant 44 degrés à l'aréomètre, la dissolution ne ramènera pas au bleu le papier rougi par un acide quand on aura agi sur des matières alimentaires à l'état normal, à moins que ces matières déjà pour- ries ne contiennent de l'ammoniaque, tandis que le contraire aura lieu avec des matières provenant d'un individu qui aurait été empoisonné par la soude, pour peu qu'elles renferment encore des traces de cet alcali. 2° En traitant comparativement par l'alcool concentré bouil- lant trois litres des mêmes matières alimentaires (vin, bouillon, café, lait, etc.), contenant les unes quelques centigrammes de soude, et les autres étant à l'état normal, j'ai constamment vu que la dissolution alcoolique des premières, évaporée jusqu'à siccité, donnait un produit, lequel, incinéré dans un creuset d'argent, laissait des cendres alcalines, dont la dissolution aqueuse bleuis- sait fortement le papier rougi et précipitait par l'acide phlorhy- — 153 — drique silice et même par le chlorure de platine si elle était ex- cessivement concentrée, tandis que la cendre provenant des autres matières (non additionnées de soude), traitée par l'eau dis- tillée bouillante, fournissait une dissolution alcaline ramenant au bleu le papier rougi, mais qui ne précipitait ni par l'acide phtorhydrique silice, ni par le chlorure de platine. Si je pouvais affirmer à l'égard de ces deux caractères qu'il n'en sera jamais autrement, c'est-à-dire que dans aucun cas \i cendre obtenue avec un mélange normal ne fournira une dissolution aqueuse précipilable par l'acide phtorhydrique silice et par le chlorure de platine, je n'hésiterais pas à conclure, après avoir obtenu ces, précipités avec une cendre provenant d'une dissolution alcoolique alcaline, que la soude avait élé ingérée à l'état de poison ; mais il y aurait témérité à procéder ainsi, parce qu'il n'est pas à la rigueur impossible que certaines matières alimentaires, prises en très grande quantité et traitées comme je conseille de le faire, donnent une cendre qui, étant dissoute dans l'eau, fournira, avec les réactifs précités', des précipités analogues à ceux que ferait naître une petite portion de soude ingérée à l'état libre. On doit donc être fort circonspect en pareil cas , et tout en établissant que l'alcali trouvé est de la soude, ne se prononcer sur son ori- gine qu'avec une grande réserve, à moins toutefois que les symp- tômes éprouvés par le malade et les lésions cadavériques ne soient de nature à lever la difficulté. J'attacherai peu d'impor- tance dans l'espèce à l'abondance des précipités obtenus par l'acide phtorhydrique silice et par le chlorure de platine en cas d'empoisonnement, à moins qu'ils ne fussent tellement abondans qu'il fût impossible de les attribuer à la soude normale; dans tout autre cas, il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, de juger si une quantité un peu plus ou un peu moins forte de précipité, annonce qu'il y a eu ingestion de soude comme poison, ou bien s'il ne s'agit que de la soude normale. Je ne terminerai pas cet article sans réfuter une assertion de M. Gaultier de Claubry, consignée dans la Médecine légale de Briand, p. 653, 4e édition. «C'est à tort, dit-il, que M. Orfila t< dans un mémoire récent a indiqué le chorure de platine, « comme réactif de la soude. » Comment, c'est un tort d'avoir — 154 — dit, pour la première fois, aux chimistes et aux experts, qui l'ignoraient, que le chlorure de platine précipite les dissolutions concentrées de soude en jaune serin, à-peu-près comme il pré- cipite les dissolutions de potasse? Mais, dit le critique, « il est tt extrêmement facile de distinguer ces deux précipités, celui de « soude se dissolvant dans un mélange d'alcool et d'élher, tan- « dis que celui de potasse ne se dissout pas dans ce liquide. » Et depuis quand s'abstient-on en chimie de tirer parti de certains caractères, par cela seul qu'ils n'ont pas tout d'abord une valeur absolue, et ne dit-on pas tous les jours que les sels de plomb, de bismuth, d'argent, de mercure, etc., précipitent en noir par l'acide sulfhydrique (sulfures), que les deux premiers précipitent en blanc par les alcalis (oxydes), sauf à indiquer ultérieurement à l'aide de quels caractères on parvient à distinguer les uns des autres les divers sulfures noirs et les deux oxydes blancs? On est vraiment étonné de la faiblesse d'une pareille critique. Symptômes et lésions de tissu déterminés par la soude. Ac- tion sur l'économie animale. La soude caustique agit exactement sur l'économie animale comme la potasse {V. page 135). De l'eau de javelle. Comment reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'eau de javelle? On débite plusieurs sortes d'eau de javelle, qui sont toutes formées de chlore, de potasse ou de soude, et d'une quantité variable d'eau. L'eau de javelle concentrée à base de potasse ou de soude est préparée en faisant arriver du chlore gazeux dans un litre d'eau tenant en dissolution 125 grammes de carbo- nate de l'une de ces bases. Si l'on a employé une plus grande quantité d'eau, on a obtenu l'eau de javelle étendue dont on fait un si grand usage dans le commerce. Eau de javelle à base de soude concentrée. Elle est liquide, le plus souvent colorée en rose par un sel de manganèse, trans- parente , d'une odeur de chlore, alcaline , bleuissant d'abord le papier de tournesol rougi, puis le décolorant. Si on la chauffe, — 155 — il se volatilise du chlore facilement reconnaissable à son odeur, et l'on obtient un produit solide rosé alcalin qui bleuit le papier rougi, mais qui ne le décolore plus ; pendant l'évaporation il s'est formé du chlorure de potassium ; aussi le produit est-il composé de chlorure de potasse et de ce sel, et dégage-t-il quand on le traite par l'acide sulfurique du chlore gazeux jaune verdâtre et du gaz acide chlorhydrique. Quand on plonge dans celte eau de javelle liquide une lame d'argent, ce métal est aussitôt coloré en noir par suite de la for- mation d'une légère couche de chlorure d'argent qui devrait être blanc s'il n'eût pas été noirci par la lumière; il suffit de faire bouillir pendant quelques minutes avec de l'ammoniaque liquide concentrée, la partie de' la -lame noircie, pour dissoudre une grande partie du chlorure qui la tapisse. La dissolution ammo- niacale saturée par l'acide azotique, laisse déposer du chlorure d'argent blanc, caillebotté, lourd, se colorant par l'action de la lumière, etc. Un papier imprégné d'iodure de potassium dissous et d'amidon est noirci à l'instant même par celle eau de javelle, et il y a de l'iode mis à nu. L'azotate d'argent et l'acide phtorhydrique silice en précipitent le premier du chlorure d'argent et l'autre du phto- rure de sodium silice. Le chlorure de platine ne la trouble point. Si l'on chauffe dans une cornue, à laquelle on a adapté un réci- pient de l'eaft de javelle avec quelques gouttes d'acide sulfurique concentré, il se dégage du chlore, lequel colore immédiatement en bleu un papier blanc, préalablement disposé dans le récipient et mouillé par une dissolution d'iodure de potassium et d'amidon. Eau de javelle à base de soude étendue d'eau. Elle est li- quide, transparente, à peine odorante, sans action sur les pa- piers rouge et bleu de tournesol. Chauffée, elle ne dégage point de chlore, et elle peut être évaporée jusqu'à siccité, sans que le produit bleuisse le papier rougi par un acide. L'acide sulfurique la jaunit et en dégage du chlore. Elle ne Colore pas la lame d'ar- gent, même après plusieurs heures de contact, si elle est grande- ment étendue. Un papier imprégné d'une dissolution d'iodure de potassium et d'amidon est bleui par elle. L'azotate d'argent en précipite du chlorure d'argent, tandis que le chlorure de platine et — 156 — l'acide phtorhydrique silice ne la troublent point ; pour que ce der- nier la précipite, il faut la concentrer préalablement en l'évapo- rant. Eau de javelle à base de potasse concentrée. Elle présente les propriétés de l'eau de javelle à base de soude concentrée, si ce n'est qu'elle fournit avec le chlorure de platine un précipité jaune serin, grenu et adhérent au verre et avec l'acide phtorhy- drique silice, un précipité diaphane et comme gélatineux. Eau de javelle à base de potasse étendue d'eau. Elle ne diffère de l'eau de javelle à base de soude étendue d'eau, que parce qu'elle précipite en jaune serin par le chlorure de platine, surtout lorsqu'elle a été concenlrée par l'évaporation ; on débite souvent cette variété d'eau de javelle dans le commerce. Eau de javelle mêlée à des liquides alimentaires, à la matière des vomissemens, ou contenue dans le foie, dans la rate, dans l'urine, etc. On filtrera les matières suspectes, et on les mettra en contact pendant plusieurs heures avec une lame d'argent pur, dans un flacon bouché ; on retirera la lame, et si après l'avoir lavée avec de l'eau distillée, on voit qu'elle n'est pas colorée en brun, on l'exposera à la lumière solaire ; si elle se colore, on s'assurera par l'ammoniaque et par l'acide azotique qu'elle doit cette couleur à du chlorure d'argent ; la présence de ce sel sur la lame permettra d'affirmer qu'il existait du chlore libre dans la liqueur filtrée. Si la lame ne s'est point colorée, on se gardera bien de conclure que les matières suspectes ne conte- naient point d'eau de javelle, car le défaut d'action sur la lame pourrait tenir à ce qu'il n'existait dans le mélange qu'une très faible portion d'eau de javelle, ou bien à ce que celle-ci renfer- mait originairement très peu de chlore, ou bien enfin à ce que le chlore qui en faisait partie s'est combiné avec la matière organi- que, de manière à ne plus pouvoir être décelé par l'argent. Alors on introduira dans une cornue environ la moitié de la liqueur suspecte avec une lame d'argent et quelques grammes d'acide sulfurique concentré, et on chauffera jusqu'à l'ébullition ; si la lame est noircie par du chlorure d'argent et que la vapeur qui distillera bleuisse un papier blanc imprégné d'iodure de potas- sium et d'amidon préalablement placé dans le récipient, on sera — 157 — certain qu'il y avait du chlore dans la liqueur; ce dernier carac- tère seul serait insuffisant pour prononcer, parce que certains acides qui auraient pu se volatiliser pendant la distillation, et notamment l'acide sulfurique, jouissent de la propriété de bleuir le papier imprégné d'amidon et d'iodure de potassium. Il n'en est pas ainsi de l'autre caractère ; en effet l'application d'une couche de chlorure d'argent sur la lame de ce métal, dans les circonstan- ces précitées, suppose nécessairement l'existence du chlore dans la liqueur. On s'attachera ensuite à démontrer dans le mélange suspect la présence de la potasse ou de la soude qui pouvaient faire partie de l'eau de javelle. Pour cela on agira sur la totalité de la liqueur, si, à l'aide de la lame d'argent seule et sans addition d'acide sul- furique, on est parvenu à reconnaître qu'elle contient du chlore ; s'il n'en était pas ainsi, on n'opérerait que sur la moitié de la li- queur, sur celle qui n'aurait pas été décomposée par l'acide sul- furique. On évaporerait celle-ci jusqu'à siccité, pour la traiter ensuite par l'alcool à 44 degrés, et lui faire subir les opérations qui ont été décrites à l'occasion de la potasse {V. page 142). La présence de la potasse ou de la soude à la fin de ces recherches permettrait d'établir l'existence d'un empoisonnement par l'eau de javelle à base de potasse ou de soude, en apportant toutefois dans les conclusions la réserve que j'ai conseillé de mettre lors- que j'ai parlé de l'empoisonnement par la potasse et par la soude (voy. pages 147 et 152). Il pourrait toutefois arriver que la quantité d'eau de javelle ren- fermée dans les matières soumises à l'expertise fût tellement faible qu'il fût impossible de prouver que celles-ci continssent du chlore, et même de la potasse ou de la soude; en effet, lorsqu'il existe peu d'eau de javelle, et que celle-ci ne renferme pas la quantité de chlore voulue, il se forme pendant l'évaporation des matières, du chlorure de potassium et de l'hypochlorate de potas- se, et il n'y a pas un excès d'alcali ; en sorte que l'alcool concentré ne dissout ni de la potasse ni de la soude quand on le fait agir sur le produit de l'évaporation. Alors l'embarras est extrême, et les experts se trouvent réduits à établir des conjectures d'après le commemoratif, les symptômes et les lésions de tissu. On se mé- — 158 — prendrait étrangement en croyant que dans ces cas on pourrait décider la question d'après l'abondance des précipités que fe- rait naître le chlorure de platine ou l'acide phtorhydrique silice dans le traitement aqueux de la matière desséchée et épuisée par l'alcool : l'expérience prouve qu'une pareille marche entraînerait souvent les experts dans des erreurs funestes. Ce procédé est infiniment préférable à celui qui a été proposé par M. Devergie, et que l'on ne saurait adopter sans s'exposer à commettre les erreurs les plus graves.Voici comment M. Devergie conseillait d'opérer pour reconnaître l'eau de javelle mélangée avec du lait. « Prendre une portion de lait, l'introduire dans un verre à expérience, y ajouter de l'eau distillée, s'il paraît conte- nir une grande quantité de matière animale ; agir directement sur lui, s'il est très liquide; y plonger une petite rondelle ou une lame d'argent bien décapée, et y verser de l'acide sulfurique, de manière à y faire naître une vive efferves- cence dépendant de la décomposition du chlorure par cet acide ; ne cesser l'addition d'acide qu'au moment où il ne se pro- duit plus d'effervescence; apprécier l'odeur de chlore qui se ma- nifeste immédiatement, et qui est extrêmement forte ; constater la coloration en noir de la lame d'argent, effet instantané. On peut remplacer la pièce d'argent par un papier de tournesol, qui sera non-seulement rougi par l'acide ajouté, mais encore déco- loré, ou traiter le lait par du bleu de composition étendu d'eau ; au fur et à mesure que l'on ajoutera celte liqueur, elle sera décolo- rée; filtrer la liqueur, la traiter par quelques bulles de chlore gazeux, afin de s'assurer si elle ne se trouble pas par cet agent (dansle cas où elle se troublerait, il faudrait y faire passer un courant de chlore jusqu'à ce qu'elle conservât sa limpidité); la traiter ensuite par le chlorure de platine, pour constater la pré- sence de la potasse. te Ce procédé me paraît offrir les avantages suivans : 1° il met instantanément à nu toute la quantité de chlore que renferme Feau de javelle, et dès-lors Xodeur de chlore devient très sen- sible ; 2° le chlore dégagé agit immédiatement sur la lame d'argent et la colore en noir, effet que l'on n'obtient qu'au bout d'un temps plus ou moins long par le procédé de M. Orfila; — 159 - 3° le chlore dégagé solidifie toute la matière animale en sus- pension ou en dissolution dans le mélange d'eau de javelle et de lail : en sorte que l'on oblient immédiatement un liquide privé de matière animale, ou au moins dont la quantité est tellement fai- ble qu'elle ne peut plus être précipitée par le chlorure de platine ; 4° dans le cas où la quantité de chlorure serait trop faible pour que le chlore dégagé enlevât toute la matière animale, on obvie à cet inconvénient par un courant de chlore gazeux; 5°si le liquide est coloré par une matière végétale, comme dans le café, le vin, la décoloration s'en effectue immédiatement ; 6° on obtient avec le chlorure de platine un précipité jaune serin, pulvérulent, grenu, se rassemblant facilement au fond du vase, et tout-à-fait isolé de matière animale ; en sorte qu'il peut servir à faire connaître la quantité de potasse contenue dans le mélange, et qu'il ne peut plus induire en erreur. En effet, Xalcool qui a macéré sur le lait, et dans lequel on a fait passer un cou- rant de chlore, ne précipite pas par le chlorure de platine. Nous pensons qu'il est important d'appeler l'attention sur les propriétés physiques de ce précipité, qui seules permettent d'é- tablir qu'il ne renferme pas sensiblement de matière ani- male. tt II est bien entendu que, dans les cas où l'on n'obtiendrait pas de précipité avec le chlorure de platine, il serait nécessaire, pour acquérir la preuve qu'il n'existe pas d'eau de javelle dans le lait, de rapprocher la liqueur par évaporation, et de l'essayer de nouveau par ce réactif. Je dois ajouter qu'il est nécessaire de se servir d'acide sulfurique pour décomposer l'eau de javelle, at- tendu que les acides chlorhydrique et azotique noircissent immédiatement une lame d'argent » (article Chlore du Dic- tionnaire de médecine et chirurgie). Il suffira de signaler les erreurs nombreuses commises par l'auteur de ce procédé, pour le faire rejeter. 1° On versera de l'acide sulfurique jusqu'à ee qu'Une se produise plus une vive effervescence. Or, il n'y a point d'effer- vescence quand le liquide contient une quantité peu considérable d'eau de javelle. 2° Le chlore mis à nu dégagera une odeur extrêmement — 160 — forte qui le fera reconnaître. Sans doute; mais comme il suffit d'une petite quantité de chlore pour apprécier son odeur, il est inutile d'en dégager beaucoup : d'ailleurs, il est évident que plus il s'en exhalera, moins il en restera pour agir sur la lame d'ar- gent et former du chlorure. 3° On constatera la coloration en noir de la lame d'ar- gent. Cet énoncé est d'autant plus insuffisant pour établir que la couleur noire est due à du chlorure d'argent, que M. Devergie affirme, quoique cela ne soit pas vrai, que les acides azotique et chlorhydrique noircissent immédiatement une lame d'argent. 4° Un papier de tournesol sera rougi, puis décoloré. Cette erreur est des plus graves. Dans le cas où il n'y aura que peu d'eau de javelle dans la liqueur, le papier sera fortement et in- cessamment rougi par la grande quantité d'acide sulfurique que l'auteur conseille d'employer, et ne pourra pas être décoloré par la petite quantité de chlore exhalé. 5° On traite ensuite par le chlorure de platine pour con- stater la présence de la potasse. Mais l'acide sulfurique en ex- cès dont on a fait usage, a saturé la potasse du chlorure, en sorte que le chlorure de platine ne pourrait pas indiquer si la potasse était primitivement combinée avec du chlore, comme dans l'eau de javelle, ou bien si elle provient d'un sel de potass que l'on aurait ajouté au lait. 6° En employant la lame d'argent et l'acide sulfurique, la coloration noire paraît sur-le-champ , tandis qu'elle tarde long-temps à avoir lieu si on suit le procédé conseillé par M. Orfila. Oui ; mais on vient de prouver que l'emploi de l'acide sulfurique offre des ineonvéniens réels, quand on n'a pas réservé une portion de la matière suspecte pour y démontrer la présence de l'alcali, et que l'on cherche à-la-fois celui-ci et le chlore avec la même quantité de liquide, comme l'avait conseillé M. Devergie; il vaut encore mieux attendre et obtenir un résul- tat satisfaisant, que de se presser et de ne pas atteindre le but. 7° Le chlore, dégagé par V acide sulfurique, solidifie toute la matière animale en suspension. Cette proposition n'est pas exacte dans tous les cas où il y a beaucoup de matière animale et peu d'eau de javelle ; mais lors même que les choses se passe- — 161 — raient ainsi, ce serait un inconvénient que la solidification de la matière animale par le chlore, puisque le chlore qui agirait ainsi n'exercerait aucune action sur la lame d'argent; et pourtant la co- loration en noir de ce métal est un phénomène des plus im- portans. 8° Suivant M. Devergie, on obtient par le chlorure de platine, après avoir fait passer un excès de chlore un précipité jaune serin de potasse et de chlorure de platine tout-à-fait isolé de matière animale, s'il y avait de l'eau de javelle, tandis que l'alcool qui a macéré sur le lait, et dans lequel on a fait pas- ser un courant de chlore, ne précipite pas par le chlorure de platine, s'il ne contient pas de chlorure de potasse. Rien n'est moins exact qu'une pareille assertion. En voici la preuve : coa- gulez du lait par l'acide sulfurique, à l'aide d'une légère chaleur; filtrez ; faites passer un excès de chlore gazeux à travers la li- queur, pour précipiter tout autant de matière animale que le chlore pourra en précipiter ; filtrez de nouveau, puis partagez 30 grammes de cette liqueur en trois parties égales : dans l'une d'elles, versez trois gouttes de chlorure de platine; dans une au- tre, ajoutez, outre les trois gouttes de sel de platine, quatre ou cinq gouttes d'eau de javelle; enfin, laissez la troisième portion sans y rien ajouter : le lendemain, ces trois liquides auront con- servé leur transparence , ou tout au plus les deux premiers se- ront légèrement troubles ; évaporez-les séparément afin de les concentrer, et vous remarquerez qu'il se formera dans tous les trois, à une certaine époque de l'évaporation, un dépôt de ma- tière animale et de phosphate de chaux offrant le même as- pect : seulement il sera jaune là où l'on avait mis du chlorure de platine, et blanc ailleurs ; mais il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer le dépôt formé dans la portion qui contenait les quatre gouttes de chlorure de potasse, de celui qui s'est produit dans le verre où l'on avait mis le chlorure de platine sans addition de chlorure de potasse. Si l'on traite par un peu d'eau froide le dépôt formé dans la portion de la liqueur où l'on n'avait mis ni chlorure de platine, ni chlorure de potasse, l'eau dissoudra la matière animale et les sels de potasse conte- nus dans le lait, tandis que le phosphate de chaux restera indis- iu. u — 162 — sous : or, cette dissolution aqueuse, si elle est un peu concentrée, précipitera en jaune serin par le chlorure de platine, comme les sels de potasse, quoiqu'elle ne contienne point d'eau de javelle, ce qui est contraire à l'assertion de M. Devergie. La même expé- rience, répétée en substituant au lait un mélange de lait, de café, de thé et de miel, ou bien en coagulant le lait par l'alcool, et en faisant passer un excès de chlore dans la liqueur filtrée, fournit les mêmes résultats. Donc la plupart des faits établis par M. De- vergie dans ce paragraphe sont erronés, et l'application qu'il en a faite à la recherche de la potasse, sans valeur aucune. 9° Les acides chlorhydrique et azotique noircissent immé- diatement une lame d'argent. Ici l'erreur est des plus mar- quées. L'acide azotique concentré jaunit l'argent/w?y mais s'il est affaibli, il ne le colore pas plus que l'acide chlorhydrique fai- ble ou concentré. Si M. Devergie eût expérimenté avec de l'ar- gent exempt de cuivre, il n'eût point commis cette faute. Symptômes et lésions de tissu déterminés par l'eau de javelle. Action sur Véconomie animale. L'eau de javelle à base de soude concentrée, administrée à des chiens robustes à la dose de 100 à 200 grammes, occasionne des vomissemens abondans et des selles réitérées, et si l'on empêche le vomissement, les animaux sont vivement et convulsivement agi- tés, puis tombent dans un grand abattement et meurent au bout d'une demi-heure, d'une ou de plusieurs heures, suivant la pro- portion d'eau de javelle administrée. A l'ouverture des cadavres, on trouve l'estomac et les intestins fortement enflammés, comme si l'empoisonnement eût eu lieu par la potasse ou par la soude. Chez l'homme l'eau de javelle à la dose d'un verre a déterminé les effets suivans : convulsions, perte de connaissance, douleur très vive dans toute la région cervicale antérieure, au larynx, au pharynx, chaleur brûlante à l'arrière-gorge, déglutition difficile, douleur à l'épigastre, et bientôt après dans les autres régions de l'abdomen, vomissemens, etc. {V. page 135). Action sur l'économie animale. L'eau de javelle est absor- bée, car j'ai constaté sa présence dans le foie et dans l'urine des animaux soumis à son influence ; elle agit d'ailleurs à la manière — 163 — des irritans énergiques qui déterminent la mort en très peu de temps s'ils ne sont pas vomis {V. page 51). De la chaux vive. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par la chaux vive? La chaux vive est solide, en fragmensou en poudre, d'un blanc grisâtre ou blanche, et d'une saveur caustique. Mise en contact avec l'eau, elle se dissout avec ou sans chaleur, suivant qu'elle est desséchée, ou qu'elle contient de l'eau. Le solutum est transpa- rent, verdit le sirop de violettes, précipite en blanc par l'acide carbonique (carbonate de chaux soluble dans un excès d'acide car- bonique) ne se trouble point par l'acide sulfurique (1), et donne, avec l'acide oxalique, ou avec les oxalates solubles, un précipité blanc, insoluble dans l'eau et dans un excès d'acide oxalique, soluble dans l'acide azotique. Si la chaux faisait partie des matières vomies ou de celles quisont contenues dans le canal digestif, ilfaudrait,aprèsavoir déterminé si la matière suspecte est alcaline ou non, la dessécher à une température douce et traiter le produit par l'eau distillée froide en agitant pendant un quart d'heure environ ; la liqueur filtrée serait soumise à un courant de gaz acide carbonique, puis chauffée jusqu'à l'ébullition pour dégager l'excès d'acide carbonique et obtenir le carbonate de chaux précipité; celui-ci, après avoir été lavé et desséché serait calciné dans un creuset de platine et laisserait de la chaux vive. Je me suis assuré, par des expériences nombreuses qu'aucun des liquides alimentaires connus ne donqe du carbonate de chaux, étant ainsi traité , à moins qu'il n'ait été additionné de chaux. A la vérité le gaz acide carbonique ne précipite pas la totalité de la chaux vive intro- duite dans l'estomac, parce qu'une portion de cette chaux s'est transformée en sels calcaires en s'emparant des acides libres con- tenus dans le canal digestif, et que sous cet état l'acide carboni- (1) Si l'acide sulfurique contient du sulfate de plomb, l'eau de chaux précipite ce sel sous forme d'une poudre blanche, 11 - 164 — que est sans action sur elle, et aussi parce que la matière organi- que retient une portion de chaux; mais qu'importe, il ne s'agit pas d'obtenir toute la chaux, mais bien de prouver qu'il y a eu in- gestion de cet alcali à l'état libre. Il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'un expert serait blâmable s'il affirmait qu'il n'y a pas eu empoisonnement par la chaux, parce qu'il n'aurait pas constaté la présence de cet alcali libre, par le procédé qui vient d'être décrit; en effet, la proportion de chaux contenue dans les ma- tières suspectes, après des vomissemens souvent fort abondans, pourrait être tellement minime, qu'elle eût élé complètement neutralisée par les acides contenus dans le canal digestif. Ce se- rait alors le cas de tirer parti, pour résoudre la question, du com- memoratif, des symptômes et des altérations cadavériques. Il faudrait bien se garder de substituer au procédé que j'a- dopte, celui qui consisterait à traiter par l'eau bouillante les ma- tières suspectes desséchées, puis à calciner jusqu'au rouge, pour avoir la chaux vive, le produit desséché de la dissolution aqueuse, l'expérience m'ayant démontré que certains mélanges alimen- taires, sans addition de chaux, traités ainsi, fournissaient au moins autant de chaux que d'autres mélanges dans lesquels f avais fait entrer 10 centigrammes de cet alcali; c'est qu'en effet il existe un bon nombre de substances alimentaires qui con- tiennent naturellement des sels de chaux solubles dans l'eau bouillante; n'y aurait-il que letartrate de chaux contenu dans la crème de tartre qui entre dans la composition du vin rouge, que mon assertion se trouverait suffisamment justifiée. Symptômes et lésions de tissu déterminés par la chaux vive. Ils sont analogues à ceux que développent la potasse et la soude ; toutefois ils sont en général beaucoup moins intenses, excepté lorsque la quantité de chaux vive ingérée était très con- sidérable. Action sur l'économie animale. La chaux agit sur nos or- ganes à l'instar de la potasse et de la soude, mais avec moins d'é- nergie {Voyez page 135). — 165 — De l ammoniaque liquide {alcali volatil fluor), et du sesqui-carbonate d'ammoniaque. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'ammoniaque liquide? L'ammoniaque liquide concentrée est incolore, douée d'une odeur vive piquante qui la caractérise, et d'une saveur exces- sivement caustique : eWeverdit le sirop de violettes, et rétablit la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide. Si on la chauffe, elle laisse dégager du gaz ammoniac, reconnaissable à son odeur, et s'affaiblit; il en est de même, quoique d'une ma- nière beaucoup moins sensible, lorsqu'on l'expose à l'air à la température ordinaire; elle répand des vapeurs blanches épaisses dès qu'on place au-dessus du flacon qui la renferme un tube im- prégné d'acide chlorhydrique. Elle n'est point précipitée par l'a- cide carbonique. Le chlorure de platine se combine avec elle, et forme un sel double jaune serin, dur, grenu, adhérent au verre, peu soluble dans l'eau, qui se précipite si les dissolutions ne sont pas très étendues. Sesqui-carbonate d'ammoniaque en poudre. Il est blanc, doué d'une odeur et d'une saveur semblables à celles de l'ammo- niaque; il verdit le sirop de violettes. Exposé à l'air, il perd une portion d'ammoniaque, et alors il agit avec beaucoup moins d'é- nergie sur l'économie animale; il se dissout dans l'eau. Mis en contact avec les acides sulfurique, azotique, chlorhydrique, etc., il est décomposé ; et l'acide carbonique se dégage à l'état de gaz, en produisant une vive effervescence. Sesqui-carbonate d'ammoniaque dissous dans l'eau. Il est liquide, transparent, incolore, doué de la même odeur et de la même saveur que le précédent ;il verdit le sirop de violettes. Les acides forts agissent sur lui, comme s'il était à l'état solide. Il transforme en carbonates blancs et insolubles les chlorures et les azotates de calcium, de baryum et de strontium, tandis que l'ammoniaque liquide pure n'agit point sur eux. Il précipite le chlorure de platine en jaune serin ; trituré avec la chaux vive, il est décomposé, la chaux s'empare de l'acide carbonique et l'am- moniaque se dégage. — 166 — Mélanges d'ammoniaque ou de sesqui-carbonate d'ammo- niaque et de matières alimentaires ou des liquides vomis, ou de ceux que l'on trouve dans le canal digestif après la mort. Si les mélanges ne sont pas assez acides pour que toute l'ammoniaque ait été saturée et transformée en sel, on les intro- duira dans une cornue, après les avoir étendus d'un peu d'eau distillée, s'ils étaient trop épais, et on distillera à une douce cha- leur ; on ne tardera pas à recueillir dans le récipient adapté à la cornue, un liquide incolore ou légèrement coloré, offrant tous les caractères de l'ammoniaque. Si l'ammoniaque ouïe sesqui-carbonate d'ammoniaque avaient été transformés en un ou en plusieurs sels ammoniacaux, et que ceux-ci ne fussent point volatils, on n'obtiendrait point d'ammo- niaque dans le récipient ; il peut donc arriver qu'il y ait eu em- poisonnement par cet alcali, et que le procédé de distillation que je conseille de suivre soit inefficace pour le déceler; on se garde- rait bien dès-lors de regarder ce résultat négatif comme suffisant pour affirmer que l'intoxication n'a pas eu lieu. L'expert pourra se trouver alors dans la nécessité de résoudre l'un de ces deux problèmes : 1° le sel produit est volatil ; 2° il ne se volatilise pas dans l'eau bouillante. Si, comme tout porte à le croire, le sel pro- venant de la saturation de l'ammoniaque est de l'acétate d'ammo- niaque volatil, on le reconnaîtra comme il a élé dit à l'article acide acétique {Voyez page 118). S'il ne se volatilise pas au con- traire, dans l'eau bouillante, il faudra, après avoir réduit la li- queur contenue dans la cornue au sixième de son volume, la coa- guler par de l'alcool à 36 degrés, filtrer et distiller au bain-marie le liquide filtré, après l'avoir mélangé avec quelques centigrammes de potasse pure; en effet, celle-ci décomposerait le sel ammonia- cal ou les sels ammoniacaux qui auraient pu se former, en déga- geant l'ammoniaque qui, dès-lors, viendrait se condenser dans le récipient, et pourrait être facilement reconnue. Dans des cas aussi épineux, l'expert ne perdrait pas de vue qu'il doit surtout s'attacher à déterminer, avant de se prononcer sur la question d'empoisonnement, si le commemoratif, les symptômes éprouvés par le malade et les altérations cadavériques, sont tels qu'ils puis- sent l'engager à croire que la mort a été le résultat d'une intoxica- — 167 — lion par l'ammoniaque ou par le sesqui-carbonate d'ammoniaque. Si, déjà, les matières suspectes soumises à l'analyse étaient pu- tréfiées, il serait impossible de tirer parti de l'analyse chimique, pour décider si l'ammoniaque recueillie dans le récipient, après la distillation, provient d'un empoisonnement où bien si elle n'est pas le résultat de la putréfaction; dans ces cas, fort embarras- sans, les médecins devraient s'attacher plus que jamais à rassem- bler des documens précis sur l'invasion, la marche et la durée de la maladie, sur les symptômes éprouvés par le malade et sur les altérations cadavériques qui auraient été constatées ; s'il résul- tait de cet examen que l'expert fût autorisé à établir quelques probabilités d'empoisonnement, son intervention serait loin d'a- voir élé stérile.Voici un fait qui démontre jusqu'à l'évidence que l'on peut retirer de l'ammoniaque des matières pourries, alors même que ces matières n'avaient pas été mélangées avec cet alcali; J'ai laissé pendant un mois un canal digestif parfaitement lavé en contact avec un litre d'eau distillée ; la liqueur excessivement fé- tide a été filtrée et distillée à la température de l'ébullition ; le premier quart du liquide qui avait passé dans le récipient, con- tenait de l'ammoniaque, bleuissait fortement le papier rougi par un acide, et ne rougissait pas le papier bleu ; le deuxième quart était un peu moins alcalin; le troisième l'était encore moins; enfin le quatrième était acide et renfermait de l'acide acétique. Symptômes et lésions de tissu déterminés par ces poisons. Ils agissent sur l'économie animale comme la potasse et la soude,mais avec plus d'énergie; ils tardent beaucoup moins à déterminer des convulsions horribles. Les parties touchées sont fortement enflammées, et il en résulte des accidens variés, sui- vant que l'action a porté sur le canal digestif, sur la membrane muqueuse de la bouche, du larynx, etc. L'expérience prouve qu'il est très dangereux de faire respirer l'alcali volatil concentré pendant long-temps aux personnes évanouies que l'on cherche à ranimer-, en effet, le gaz ammoniac, qui se dégage continuelle- ment de ce liquide, enflamme la membrane muqueuse du pha- rynx et des voies aériennes, et peut occasionner la mort, comme l'a observé Nysten. — 168 — Action sur Féconomie animale. Ces poisons sont absorbés; ils excitent le système nerveux et particulièrement la colonne vertébrale, indépendamment de l'ac- tion très irritante qu'ils exercent sur les parties avec lesquelles ils ont été mis en contact. Presque tous les chiens que j'ai empoi - sonnés par l'ammoniaque ont présenté des épanchemens san- guins variables par leur siège et leur quantité. Dans un cas d'intoxication chez l'homme par de l'ammoniaque ingérée dans l'estomac, M. Chapplain a constaté depuis qu'il y avait eu des taches sanguinolentes, et que le tube digestif était rempli d'une sorte de boue sanguinolente ; le sang était d'une fluidité remar- quable. L'ammoniaque et le sesqui-carbonate agissent à-peu- près de même quand ils sont injectés dans le système veineux. ARTICLE IV. — DE LA BARYTE ET DES SELS DE BARYTE. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu avec la baryte ? La baryte pure (protoxyde de baryum) est solide, en frag- mens ou en poudre d'un gris verdâire, ou d'une belle couleur blanche (dans ce dernier cas, elle a été éteinte), et d'une saveur acre caustique. Lorsqu'on la traite par l'eau, elle se dissout avec ou sans chaleur, suivant qu'elle est desséchée ou qu'elle contient de l'eau. La dissolution concentrée est transparente, verdit le sirop de violettes, bleuit le papier rougi par un acide et donne avec l'acide carbonique du carbonate de baryte blanc, insoluble dans l'eau, et soluble dans l'acide azotique pur; tandis que l'acide sulfurique y fait naître un précipité de sulfate de baryte insolu- ble dans l'eau et dans l'acide azotique pur. Les divers sulfates solubles agissent sur l'eau de baryte comme l'acide sulfurique ; et il suffit qu'il y en ait un atome dans une dissolution pour qu'elle soit précipitée par l'un de ces sels. L'acide phtorhydrique silice fournit avec elle un précipité blanc gélatineux. La dissolution de baryte étendue de beaucoup d'eau ramène aussi le papier rougi au bleu et précipite par les acides carbonique et sulfurique ; ce — 169 — dernier réactif ne précipite pas, au contraire, la dissolution très étendue de strontiane. Mélanges de baryte pure et de liquides alimentaires, des matières vomies ou de celles qui sont contenues dans le ca- nal digestif. On peut avoir à résoudre deux problèmes : 1° la baryte, à la dose de 10, 12 ou 20 centigrammes, n'a pas été com- plètement saturée parles acides libres que pourraient contenir les matières organiques, ni complètement précipitée par les carbo- nates, les sulfates ou les phosphates renfermés dans ces mêmes matières; en sorte qu'il y a de la baryte libre dans le mélange ; 2° cet alcali ne se trouvait dans les matières que dans une faible proportion, et il a été complètement saturé ou précipité ; il n'en existe plus la moindre trace en dissolution à l'état de liberté. Premier cas. Il y a de la baryte libre en dissolution. On constatera que celle-ci est alcaline en y plongeant un papier de tournesol rougi par un acide, puis on l'évaporera jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine, à une douce chaleur. Le produit desséché sera traité dans une capsule de porcelaine par un mé- lange bouillant d'une partie d'acide azotique pur et de cinq à six parties d'eau distillée. Après dix à douze minutes d'ébullition, on filtrera et l'on évaporera la dissolution jusqu'à siccité. La masse obtenue sera chauffée dans la même capsule de porcelaine jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement carbonisée, et qu'elle ne répande plus de fumée ; le charbon sera détaché avec la lame d'un couteau propre, pour être incinéré dans un creuset de platine. En traitant la cendre par l'eau distillée bouillante, le solutum offrira tous les caractères de la baryte, alors même qu'une portion de celle- ci aurait été transformée par l'acide azotique et par l'incinéra- tion en bi-oxyde de baryum. Dans la crainte qu'une partie de la baryte n'ait passé à l'état de carbonate insoluble, pendant l'in- cinération, on traitera par l'acide azotique étendu d'eau, la cen- dre déjà épuisée par l'eau bouillante. Le liquide filtré et évaporé jusqu'à siccité, fournira de l'azotate de baryte, dont on séparera celle-ci en le calcinant au rouge dans un creuset de platine. Deuxième cas. Il n'y a plus de baryte libre dans la dis- solution. Admettons que la matière suspecte contienne la baryte dissoute à Xétat de sel, ou que la totalité de l'alcali ait été trans- — 170 — formée en carbonate, en phosphate ou en sulfate de baryte inso- lubles ; dans l'un et l'autre cas, après avoir desséché la masse à une douce chaleur dans une capsule de porcelaine, on le fera bouillir pendant dix à douze minutes, ainsi qu'il vient d'être dit, avec de l'acide azotique pur étendu d'eau, et si après avoir agi sur la dissolution filtrée, comme je l'ai indiqué en parlant du pre- mier cas, on n'a pas obtenu de la baryte, on carbonisera par l'a- cide azotique pur et concentré, la masse qui n'aurait pas été dis- soute par l'acide affaibli. Le charbon sera ensuite incinéré et maintenu rouge pendant deux heures dans un creuset de pla- tine, afin de décomposer le sulfate de baryte qu'il pourrait ren- fermer, et de le transformer en sulfure de baryum (Le phos- phate et le carbonate de baryte ayant été dissous par l'acide azo- tique, la masse dont il s'agit ne pourra contenir d'autre sel insoluble que le sulfate de baryte). La cendre charbonneuse, dans laquelle se trouve ce sulfure de baryum, sera traitée à froid par de l'acide azotique pur étendu d'eau, qui dégagera du gaz acide sulfhydrique reconnaissable à son odeur, précipitera du sou- fre et donnera de l'azotate de baryte soluble; on filtrera pour avoir celui-ci et le faire évaporer dans une petite capsule de porcelaine; l'azotate de baryte solide, calciné dans un creuset de platine, lais- sera la baryte caustique mêlée d'un peu de bi-oxyde de baryum. Baryte dans le canal digestif, dans le foie, etc., après son absorption. On fera bouillir pendant une heure, dans une capsule de porcelaine, avec de l'eau distillée, ces organes coupés en morceaux; la dissolution, si elle contient de la baryte libre, bleuira le papier rougi de tournesol et fournira de la baryte, après avoir été soumise à l'action de l'acide azotique étendu et aux diverses opérations indiquées en parlant des mélanges de baryte et de matières alimentaires. Si, au contraire, elle ne con- tenait pas de baryte libre ni un sel barytique soluble, il faudrait carboniser par l'acide azotique concentré et pur les tissus épui- sés par l'eau bouillante; le charbon serait ensuite chauffé pendant deux heures dans un creuset de platine, à une chaleur rouge, afin de décomposer le sulfate de baryte que ces tissus pourraient renfermer, par suite de la transformation d'un composé barytique soluble en sulfate de baryte insoluble. — 171 — Carbonate de baryte. Il est solide, blanc, insipide, insoluble dans l'eau, légèrement soluble dans l'acide carbonique, quand il vient d'être fait et qu'il a peu de cohésion, soluble avec efferves- cence dans l'acide azotique pur et étendu d'eau. Les acides sulfu- rique et phtorhydrique silice agissent sur la dissolution azoti- que, comme sur la baryte ; l'azotate produit, s'il est desséché et calciné dans un creuset, est décomposé, et laisse de la baryte mêlée d'un peu de bi-oxyde de baryum. Mélanges de carbonate de baryte et des matières alimen- taires vomies, etc. De deux choses l'une, ou le carbonate de ba- ryte a été décomposé par les acides libres que peuvent contenir ces matières et transformé en un sel soluble ou insoluble, ou bien il n'a pas été décomposé; dans le premier cas, on pourra trouver un sel de baryte dans la liqueur ; dans le second cas, on le décèlera dans la masse solide ; les procédés à suivre seront les mêmes que ceux qui ont été indiqués en parlant de la baryte en dissolution ou à l'état insoluble. Carbonate de baryte dans le canal digestif, dans le foie, etc., après son absorption. On sait, à ne pas en douter, que le carbonate de baryte est vénéneux, et qu'il est absorbé soit à l'état de carbonate, soit, ce qui est beaucoup plus probable, après avoir été décomposé dans le canal digestif par des acides libres qui l'au- ront transformé en un sel soluble. Tout porte à croire aussi, qu'a- près avoir été porté dans nos organes, et notamment dans le foie, il passe à l'état de sulfate de baryte insoluble. Quoi qu'il en soit, la recherche d'un composé barytique dans le foie, à la suite d'un empoisonnement par le carbonate de baryte , doit être faite comme il a été dit plus haut, en parlant de la baryte ab- sorbée. Chlorure de baryum. Le chlorure de baryum est solide, pul- vérulent, ou cristallisé en lames carrées, d'une saveur acre très pi- • quante; il ne change point la couleur du tournesol, ni celle du sirop de violettes. Il se dissout dans l'eau; il n'est point soluble dans l'alcool concentré. Les carbonates d'ammoniaque et de soude décomposent sa dissolution aqueuse, et y font naître un précipité blanc de carbonate de baryte insoluble dans l'eau, et soluble dans l'acide azotique pur. Ce précipité, chauffé avec du char- — 172 — bon dans un creuset de platine, laisse de la baryte caustique mêlée d'un peu de bi-oxyde de baryum. L'acide sulfurique et les sulfates la précipitent également, lors même quelle est très étendue; le sulfate de baryte déposé est blanc, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique pur,- calciné avec du charbon pen- dant deux heures, ce sulfate donne du sulfure de baryum {Voy. page 70). L'azotate d'argent y forme un précipité caillebolté de chlorure d'argent, insoluble dans l'eau et dans l'acide azoti- que pur, soluble dans l'ammoniaque : il suffit de ce fait pour prouver l'existence du chlore dans la dissolution {Voy. Chlork, p. 69). Mélanges de chlorure de baryum et de la matière des vo- missemens ou de certains alimens liquides ou solides, etc. S'il est vrai qu'un grand nombre de liquides organiques peuvent rester mêlés avec ce sel sans le décomposer, tels sont l'eau su- crée, le thé, l'albumine, la gélatine et le lait, il n'en est pas moins certain qu'il en est d'autres dans lesquels il existe des sels suscep- tibles de décomposer le chlorure de baryum et de le transformer en un sel insoluble; aussi devra-t-on toujours, en procédant à la recherche de ce corps, supposer que la matière suspecte peut le contenir à l'état soluble ou à l'état insoluble. Voici comment il faut opérer. On évaporé le mélange organique jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine, et on traite le produit par l'eau dis- tillée bouillante, afin de dissoudre le chlorure de baryum qu'il peut renfermer; la dissolution filtrée est desséchée dans une cap- sule de porcelaine jusqu'à ce qu'elle soit carbonisée et ne répande plus de fumée; alors on incinère le charbon dans un creuset de platine, et l'on fait bouillir la cendre avec de l'acide azotique étendu d'eau ; l'azotate dissous, filtré, évaporé jusqu'à siccité et décomposé par le feu dans un creuset de platine, laisse de la ba- • ryte. Si au lieu de soumettre la cendre à l'action de l'acide azoti- que, on la traitait par l'eau, on ne retirerait pas le plus ordinai- rementun atome de baryte, parce que pendant l'incinération le chlorure de baryum se trouve transformé en carbonate de baryte, par suite de l'action des carbonates dépotasse et de soude qu'elle renferme sur ce chforure. La matière solide non dissoute par l'eau est desséchée dans — 173 — une capsule de porcelaine et carbonisée par l'acide azotique, puis le charbon est incinéré dans un creuset de platine pour transfor- mer le sulfate de baryte qu'elle peut contenir en sulfure de ba- ryum {Voyez page 70). Il importe de savoir que le chlorure de baryum, à moins qu'il n'existe en assez forte proportion dans les matières dont je parle, passe constamment et presque en totalité à l'état de carbonate et de sulfate de baryte insolubles, en sorte que le traitement aqueux des matières suspectes évaporées jus- qu'à siccité n'en contient pas ou en renferme à peine. C'est donc dans la portion insoluble dans l'eau qu'il faudra le chercher ; j'ai souvent mélangé 12 à 15 centigrammes de chlorure de baryum avec 2 ou 300 grammes d'un mélange de bouillon, de lait et de café, sans en découvrir un atome dans le traitement aqueux dont il s'agit, tandis que j'obtenais facilement une proportion notable de baryte en incinérant, comme je l'ai dit, la masse que l'eau n'a- vait pas dissoute. Chlorure de baryum dans le canal digestif, dans le foie, etc., après son absorption. S'il s'agissait de découvrir dans les viscères ou dans les tissus du canal digestif le chlorure de ba- ryum qui aurait été absorbé ou qui se serait peut-être combiné avec les parois de l'estomac ou des intestins, on ferait bouillir avec de l'eau distillée pendant une heure tous ces organes dans une capsule de porcelaine, et l'on procéderait avec ce liquide et avec la matière solide restante, comme je l'ai prescrit en parlant de la baryte absorbée et contenue dans nos viscères {Voyez page 170). C'est ainsi que j'ai décelé de la baryte dans le foie, la rate et les reins d'un chien que j'avais empoisonné avec 6 grammes de chlorure de baryum dissous dans 180 grammes d'eau distillée ; l'animal avait vécu trois heures et demie, et avait été ouvert immédiatement après la mort. Le décoctum aqueux de ces organes ne m'a point fourni de baryte; mais la partie solide épuisée par l'eau, carbonisée par l'acide azotique, puis chauffée pendant deux heures dans un creuset de platine, a laissé du sulfure de baryum que j'ai décomposé par l'acide chlorhydri- que; en filtrant, j'ai vu que la liqueur contenait du chlorure de baryum. Je ne saurais assez insister sur la nécessité de chercher, dans — 174 — la plupart des cas, dans les matières insolubles dans l'eau, la baryte et ses composés, parce qu'ils sont facilement transformés en carbonate et en sulfate insolubles ; cette décomposition a con- stamment lieu lorsqu'on a administré aux malades des sulfates solubles. Symptômes déterminés par la baryte et par les sels de baryte. Les symptômes que l'on observe le plus souvent dans cet em- poisonnement peuvent être réduits aux suivans : saveur acre caustique (pour la baryte) ; acre très piquante (pour le chlorure de baryum) ; sentiment de brûlure à la bouche, au pharynx et à l'épigastre ; douleurs atroces à la région epigastrique ; nausées, vomissemens de matières muqueuses ou sanguinolentes, verdis- sant quelquefois le sirop de violettes (par exemple, lorsque l'em- poisonnement est déterminé par la baryte, et que celle-ci se trouve en assez grande quantité dans le liquide vomi) ; déjections alvines, hoquet, battemens de cœur fréquens, respiration momen- tanément suspendue ; mouvemens convulsifs des muscles de la face, du tronc ou des membres : souvent ces mouvemens déter- minent des secousses tellement fortes, que le malade est soulevé et renversé malgré lui ; la bouche est quelquefois remplie d'é- cume; l'individu ne peut pas se soutenir sur ses membres; il tombe aussitôt qu'on essaie de le soulever ; la céphalalgie, et quelquefois la surdité, ne tardent pas à se déclarer ; les facultés intellectuelles sont perverties, on voit quelquefois aussi des pa- ralysies partielles. A ces symptômes succède le plus ordinaire- ment un abattement considérable : alors les traits de la face sont décomposés, et la mort est très prochaine : celle-ci peut arriver au bout d'une ou de quelques heures. Lésions de tissu produites par la baryte et par ses composés. Ces poisons enflamment les membranes de l'estomac et notam- ment la tunique muqueuse. Action sur l'économie animale. Les composés barytiques sont absorbés, soit qu'ils aient été — 175 — introduits dans l'estomac, dans lé rectum ou dans les cavités sé- reuses, soit qu'ils aient été appliqués sur le tissu cellulaire. Les accidens qu'ils déterminent sont évidemment le résultat de cette absorption et de leur action sur le système nerveux, et no- tamment sur la moelle épinière. Il est vrai qu'ils agissent égale- ment en irritant les tissus avec lesquels on les met en contact; mais il est impossible d'attribuer à cette irritation la mort prompte qu'ils occasionnent; en effet, que l'on applique sur une plaie 80 centigrammes de baryte, de carbonate ou de chlorure de baryum délayés ou dissous dans l'eau, les animaux ne larde- ront pas à périr ; tandis qu'une dose sextuple d'un acide concen- tré, de potasse ou de soude caustique, ne produirait qu'une brû- lure qui ne serait pas suivie de la mort. Suivant M. Brodie, le chlorure de baryum agirait particulièrement sur le cerveau et sur le cœur ; injecté dans les veines, il tue promptement les chiens en coagulant le sang et en agissant sur le système ner- veux. Des sels de strontiane. Il résulte d'un travail intéressant fait par le docteur Gmelin de Tubingue : 1° que le chlorure de strontium n'a point agi sur les lapins qui en avaient avalé 8 grammes dissous dans l'eau ; 2° qu'à la dose de 16 grammes dissous dans 48 grammes d'eau, ce sel a produit les effets suivans chez un lapin : ralentissement du mouvement du cœur, paralysie des extrémités au bout de cinq heures, mouvement involontaire de la tête ; mort le lendemain ; l'intérieur de l'estomac offrait une multitude d'ecchymoses, mais il y avait à peine de l'inflammation; 3° qu'à la dose de 8 gram., ce même sel n'a déterminé aucun accident fâcheux, chez un chien: seulement l'animal a eu un vomissement; 4° que 5 decigrammes injectés dans la veine jugulaire d'un vieux chien n'ont produit au- cun effet ; 5° que 8 grammes de carbonate de strontiane n'ont exercé aucune action nuisible sur un lapin ; 6° que 4 grammes d'azotate de strontiane effleuri à l'air et dissous dans 32 gram. d'eau, ont accéléré les baltemens du cœur des lapins et déterminé une forte diarrhée, ce qui permet de conclure que l'azotate est plus actif que les autres sels de strontiane, et qu'il agit sur le — 176 — cœur et sur le canal intestinal (Journal de Chimie médicale, numéro d'avril 1825). article v. — du foie de soufre. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le foie de soufre ? Le foie de soufre est formé de quatre parties environ de poly- sulfure de potassium et d'une partie de sulfate de potasse. Foie de soufre solide. Il est sous forme de tablettes ou de morceaux aplatis durs, cassans, d'un jaune verdâtre, brunâtres ou rougeâtres, d'une saveur acre piquante et amère. Il est ino- dore s'il est parfaitement sec, tandis qu'il répand une odeur d'œufs pourris s'il a élé humecté. Exposé à l'air il en attire l'humidité et l'oxygène; celui-ci le fait passer successivement à l'état d'hyposulfite, de sulfite et de sulfate de potasse. Il est très soluble dans l'eau. Dissolution aqueuse concentrée. Elle est à peine odorante et d'une couleur analogue à celle du foie de soufre qui la con- stitue. Les acides forts ou faibles la décomposent, en précipitant du soufre d'un blanc laiteux, et en dégageant du gaz acide suif- hydrique, facile à reconnaître. Les sels de plomb, de bismuth, de mercure, de cuivre et d'argent y font naître des précipités noirs ou d'un rouge brun foncé qui sont des polysulfures de ces métaux ; les sels d'autimoine solubles sont précipités en jaune orangé ; ces caractères sont plus que suffisans pour affirmer que la dissolution contient un sulfure soluble. S'il s'agissait de dé- terminer que ce sulfure est à base de potassium, il faudrait après avoir précipité le soufre par un acide fort ou faible, filtrer la liqueur surnageante, la faire évaporer pour la concentrer, et la mettre en contact avec du chlorure de platine et de l'acide per- chlorique; le premier de ces réactifs donnerait un précipité jaune serin, dur, grenu, adhérent au verre et l'autre un précipité blanc {F. page 137). Si l'on versait le chlorure de platine dans le foie de soufre dissous, avant d'en avoir séparé le soufre, au lieu d'un précipité jaune on obtiendrait un précipité noirâtre com- posé de sulfure de platine et de chlorure de platine et de potas- sium. — 177 — Dissolution aqueuse étendue. Les acides agissent sur elle comme sur la précédente, à la vérité avec moins d'intensité ; l'air la trouble presque instantanément. L'acétate de plomb la précipite en orangé clair et le sulfate de bioxyde de cuivre y fait naître, au bout de quelques minutes un précipité rougeâtre. Le sirop de Chaussier contient du foie de soufre ; il suffit pour le reconnaître de l'étendre d'eau et de le traiter par les réactifs que je viens d'indiquer. EauxdeBaréges artificielles pour boisson ou pour bains. Elles se comportent avec les réactifs comme les dissolutions pré- cédentes, suivant qu'elles sont concentrées ou faibles, si elles ont été préparées avec du foie de soufre à base de potasse. Si, au contraire, elles tiennent en dissolution du sulfure de sodium elles ne sont pas précipitées par le chlorure de platine, alors même qu'on en a séparé le soufre par un acide; du reste les acides, les sels métalliques et l'air agissent sur elles comme sur les dissolutions de foie de soufre (p. 176.) Mélanges de foie de soufre et de liquides alimentaires végétaux ou animaux, de la matière des vomisse?nens ou de celle que l'on retire du canal digestif. Avant de faire con- naître le procédé qu'il convient d'employer dans ces cas pour démontrer la présence du foie de soufre, il est utile d'indiquer d'une manière générale les principaux résultats des nombreuses expériences que j'ai tentées pour atteindre ce but. Je me suis assuré 1° que l'on parvenait quelquefois à déceler le foie de soufre dans ces mélanges, en agissant sur eux, comme on le fe- rait si le foie de soufre était simplement dissous dans l'eau {V. page 176); 2° que dans les cas où cela n'était pas possible, on réussissait constamment, en versant dans ces mélanges chauf- fés à 60° ou 70° c, quelques grammes d'acide acétique pur qui décomposait le foie de soufre, en donnant naissance à de Xacétate de potasse et à du gaz acide sulfhydrique, en même temps qu'il se précipitait du soufre; 3° que l'on pouvait même opérer fructueusement de la sorte, avec des matières recueillies, plusieurs jours après la mort dans le canal digestif; 4° qu'il pourrait arriver toutefois, si la quantité de foie de soufre intro- duite dans l'estomac avait élé très faible, et que ce viscère con- m. « — 178 — tînt, par contre, une proportion notable d'acides libres ou d'aci- des qui auraient été pris par les malades à l'état de limonade citrique, sulfurique, tartrique, etc.,que le traitement par l'acide acétique n'eût aucun succès, parce que le foie de soufre aurait été complètement décomposé dans l'estomac par ces acides, en sorte que les matières extraites de ce viscère n'en renfermeraient plus ; 5° qu'il est cependant impossible d'admettre que les acides naturellement contenus dans l'estomac, Soient jamais assez abondans pour décomposer une grande quantité de foie de soufre ; que dans la plupart des cas, au contraire, ils se trouvent dans Ce viscère dans une proportion assez faible pour que leur action décomposante soit très limitée ; d'où il suit que dans pres- que tous les cas d'empoisonnement par ce corps, donné à la dose de quelques grammes, l'expert n'aura pas à redouter l'influence de ces acides et qu'il pourra démontrer l'exislence du toxique, au moyen de l'aide acétique, soit dans les matières extraites de l'estomac, soit dans celles qui auraient pu être vomies; 6° que dans tous les cas de décomposition complète ou incomplète du foie de soufre par un acide, dans le canal digestif, la membrane muqueuse de l'estomac sera tapissée, sur une ou plusieurs de ses parties, d'une couche plus ou moins épaisse de soufre blanc ou d'un blanc jaunâtre, facile à reconnaître ; qu'on pourra égale- ment trouver du soufre suspendu au milieu des liquides de l'esto- mac et des matières vomies, et que l'existence d'un pareil dépôt de soufre, si elle est insuffisante pour prouver qu'il y a eu inges- tion d'un sulfure soluble, lend du moins à faire croire que cette ingestion a eu lieu, parce qu'il n'y a qu'un petit nombre de corps, après les sulfures, qui puissent donner naissance à un dépôt de soufre ; on serait admis à supposer que c'est plutôt du foie de soufre qu'un tout autre sulfure qui aurait été avalé, si, indépen- damment du soufre déposé, il existait dans les matières suspec- tes une quantité assez notable d'un sel soluble de potasse- 7° qu'alors même que la totalité du foie de soufre aurait élé dé- composée par les acides, les liquides suspects pourraient encore renfermer de l'acide sulfhydrique en dissolution, parce que ce gaz est soluble dans l'eau et qu'il ne se dégage pas immédiate- ment; 8° qu'il faut éviter dans la recherche médico-légale du — 179 — foie de soufre, de faire bouillir les matières vomies ou autres avec le contact de l'air, parce qu'on décompose complètement le poison s'il se trouve en petite proportion et que les liqueurs soient tant soit peu acides ; 9° que le foie de soufre étant absor- bé, il est indispensable, dans le cas où sa présence n'aura pas élé démontrée dans le canal digestif ni dans les matières vomies, de le chercher dans les viscères, dans le sang ou dans l'urine, en procédant comme il sera dit à la page 181 ; 10° que si l'ex- pertise médico-légale n'était faite que long-temps après la mort, lorsque déjà les tissus seraient putréfiés, il ne fau- drait pas se hâter de conclure à l'existence du foie de soufre par cela seul que l'on aurait obtenu de l'acide sulfhydrique en traitant les matières suspectes par l'acide acétique, et que les liqueurs se seraient comportées avec les acides et les sels métalliques comme le font les sulfures, attendu qu'il se produit pendant la putréfaction de certains organes, et notamment du canal diges- tif, du sulfhydraie d'ammoniaque : or les réactifs précités agissent sur ce sel comme sur les sulfures. Il faudrait dans des cas aussi épineux s'attacher à démontrer dans les matières sus- pectes la présence de la potasse, en les évaporant jusqu'à siccité et en traitant le produit par l'alcool concentré {voy. page 180) ; on parviendrait souvent ainsi à lever toutes les difficul- tés, puisque d'une part le sulfhydrale d'ammoniaque ne fournit jamais de potasse, et que, d'un autre côté, le traitement alcoo- lique tel que je l'ai conseillé ne donne jamais cet alcali quand on agit sur des liquides à l'état normal {voy. Potasse, p. 142). Procédé. Si la matière suspecte est liquide, quelle que soit sa consistance, on en mettra une goutte ou deux sur un papier préalablement trempé dans une dissolution d'acétate de plomb ; si celui-ci est bruni, il y aura de fortes présomptions de croire qu'il existe du foie de soufre dans la matière que l'on examine. Quel que soit le résultat de cet essai, on filtrera la liqueur, après l'avoir étendue d'eau, si elle était trop épaisse et l'on en prendra une petite proportion dans laquelle on versera les réactifs pro- pres à faire connaître la dissolution aqueuse de foie de soufre {voy. p. 176), puis on verra si le dépôt qui est sur le filtre ne contient pas du soufre hydraté blanc ou d'un blanc jaunâtre sus- 12. 180 ceplible de brûler sur le feu avec une flamme bleue. Si la liqueur a présenté les caractères du toxique dont je parle et que le dépôt resté, sur le filtre soit du soufre, on affirmera que la matière suspecte contient du foie de soufre. A celte occasion M. Devergie a commis une erreur grave en annonçant que, dans la plupart des cas, l'existence du soufre sur le filtre permettait d'établir que le foie de soufre avait été complètement décomposé et que l'on ne devait plus en trouver dans la liqueur filtrée. Je dirai au contraire, que dans la plupart des cas, les choses se passent tout autrement et que l'on constate à-la-fois la présence du soufre dans le dépôt et celle du foie de soufre, non décomposé dans la liqueur. Admettez qu'il faille 10 p. d'un acide quelconque pour décomposer 130 p. de foie de soufre; admettez qu'au lieu de 10 p. d'acide il ne s'en soit trouvé que 5, évidemment il restera encore dans la liqueur 15 p. de foie de soufre non décomposé : or cette hy- pothèse, loin d'être repoussée par la raison est conforme aux ré- sultats des expériences que j'ai tentées et des observations recueil- lies chez l'homme, lesquelles établissent que dans la grande gé- néralité des cas d'empoisonnement par le foie de soufre, sinon toujours, les acides contenus dans l'estomac n'ont pas été assez abondans à beaucoup près, pour décomposer la totalité du foie de soufre, en sorte que celui-ci a dû se trouver en grande partie dans la liqueur. Si l'essai que je viens de conseiller de faire sur une faible por- tion de la liqueur suspecte a été infructueux, il faudra traiter celle-ci par l'acide acétique. On l'introduira en entier dans un matras auquel on adaptera un tube recourbé qui viendra se ren- dre dans une éprouvette contenant de l'acétate de plomb dis- sous; on versera dans le matras 2 ou 3 grammes d'acide acétique concentré et pur et on élèvera la température à 60 ° ou 70* c. ; si la liqueur contient du foie de soufre, il se dégagera aussitô.' du gaz acide sulfhydrique, qui produira dans l'acétate de plomb un précipité de sulfure de plomb noir qu'on lavera et que l'on décomposera par l'acide azotique faible pour en retirer le soufre. On s'assurera ensuite que la liqueur contenue dans le matras renferme de l'acétate de potasse ; pour cela, après l'avoir fait bouillir jusqu'à ce qu'elle ne fournisse plus de gaz acide suif- — 18i — hydrique, on l'évaporera jusqu'à siccité dans une capsule de por- celaine, et lorsque le produit de cette évaporation sera refroidi, on l'agitera pendant 6 ou 7 minutes avec de l'alcool concentré mar- quant 44degrés à l'aréomètre ; si la liqueur filtrée contient de l'a- cétate de potasse, il suffira de la faire évaporer jusqu'à siccité, de carboniser et d'incinérer leproduit de l'évaporation, comme jeTai dit en parlant de la potasse {voy. p. 142), pour obtenir cet alcali que l'on reconnaîtra à l'aide du papier de tournesol rougi, du chlorure de platine et de l'acide perchlorique. Si, en essayant la matière suspecte liquide avec un papier im- prégné d'acétate de plomb, on voyait que celui-ci n'est pas bruni, on aurait immédiatement recours au traitement par l'a- cide acétique, tel qu'il vient d'être décrit. Si la matière suspecte liquide n'avait point fourni de foie de soufre, on soumettrait les parties solides à l'action de l'acide acétique, comme il a été dit plus haut. Dans tous les cas où la mort aurait été la suite de l'empoi- sonnement , on étendrait l'estomac pour voir s'il n'existe pas à sa surface interne et surtout dans ses replis, une couche plus ou moins étendue de soufre; on toucherait plusieurs points de la membrane muqueuse avec un papier imprégné d'acétate de plomb qui brunirait partout où il y aurait quelques traces de foie de soufre ; enfin on laverait à plusieurs reprises cette mem- brane avec une même quantité d'eau distillée, afin d'enlever et de dissoudre les parcelles de foie de soufre qui pourraient se trouver appliquées sur elle. On agirait ensuite sur la dissolution, avec de l'acide acétique concentré et pur. Si malgré ces diverses recherches on n'avait point décelé le toxique, on le chercherait dans les organes ou dans les liqui- des où il a élé porté, après son absorption, c'est-à-dire dans les tissus du canal digestif, dans le foie, dans le sang et dans Vurine. Pour cela on couperait le canal digestif ou le foie en petits morceaux que l'on délaierait dans de l'eau distillée en les triturant dans un mortier d'agathe ; la masse ainsi divisée serait ensuite traitée en vaisseaux clos, par l'acide acétique, comme il a été dit. Quant au sang et à l'urine, ils seraient directement soumis à l'action de cet acide. — 182 — Je ne terminerai pas ce qui se rapporte à ce sujet, sans faire sentir la nécessité de pousser les opérations assez loin pour re- tirer la potasse qui entre dans la composition du fuie de soufre, toutes les fois que l'on aura traité les matières suspectes par l'acide acétique, parce que, comme je l'ai déjà dit, il ne serait pas impossible que, dans certains circonstances, la putréfaction eût développé du sulfhydrale d'ammoniaque, qui fournirait du gaz acide sulfhydrique, tout comme le foie de soufre {voyez page 179). Symptômes déterminés par le foie de soufre. Dans la plu- part des cas, le foie, de soufre donne lieu à des accidens semblables à ceux que produisent les poisons irritans dont j'ai parlé à la page 51. Dans quelques circonstances, au contraire, il agit particulièrement par l'acide sulfhydrique qu'il laisse dégager dans l'estomac, et alors il développe des symptômes analogues à ceux qui seront décrits plus tard {V. Acide sulfhydrique). Lésions de tissu produites par le foie de soufre. Lorsqu'on a introduit dans l'estomac une assez forte dose de foie de soufre pour déterminer la mort, on remarque des lésions différentes dans le canal digestif, suivant la durée et l'intensité de l'empoi- sonnement. 1° Tantôt la membrane interne, d'un rouge vif dans toute son étendue, ou dans plusieurs de ses points, est tapissée par une couche de soufre d'un jaune verdâtre, épaisse et facile à détacher : on remarque quelquefois dans les intestins la rou- geur et l'enduit dont je parle ; 2° tantôt l'intérieur de l'estomac est rugueux, d'un vert foncé et parsemé de taches d'un blanc jaunâtre, au milieu desquelles on peut distinguer des points noirs ; la membrane interne du viscère qui est le siège de ces altérations, est recouverte de soufre ; la tunique musculeuse, d'un rouge brun dans sa partie interne, est verte dans la face qui est immédiate- ment en contact avec la membrane séreuse; on voit des ec- chymoses d'un volume plus ou moins considérable entre les tuniques muqueuse et musculeuse, et répondant exactement aux taches d'un blanc jaunâtre dont je viens de parler; les intestins grêles sont le siège d'une inflammation plus ou moins intense ; 3° tantôt enfin, il est impossible de découvrir la moindre couche de soufre dans l'intérieur du canal digestif; la mem- - 183 — brane muqueuse de l'estomac, d'un rouge vif, présente plusieurs ulcères larges et circulaires, entre lesquels on voit des ecchy- moses de différentes grandeurs. Les poumons, ordinairement peu crépilans, sont quelquefois mollasses et gorgés d'un sang noir, livide, extrêmement fluide ; d'autres fois ils sont durs, et con- tiennent peu d'air. Le ventricule gauche du cœur, examiné im- médiatement après la mort, renferme, dans certaines circonstan- ces, du sang noirâtre. Action du foie de soufre sur l'économie animale. i° Lie foie de soufre introduit dans l'estomac de l'homme et des chiens est absorbé et porté dans tous les organes et dans l'urine. 2° Il agit à la manière de6 poisons irritans et peut déterminer la mort dans l'espace de quelques heures, s'il a été administré à la dose de plusieurs grammes, à l'état solide, ou en dissolution con- centrée, et qu'il n'ait pas élé rejeté par le vomissement peu de temps après son ingestion. 8* Il est décomposé par les acides contenus dans l'estomac avec dégagement de gaz acide sulfhydri- que et dépôt de soufre qui tapisse la membrane muqueuse ; si les acides libres de l'estomac sont abondans, la quantité d'acide sulfhydrique mise à nu peut être telle que la mort sojt presque immédiate, parce que ce gaz rendu au moyen des éructations pé- nèlre dans les poumons, et produit dans le sang et dans les di- vers organes de l'économie animale des altérations graves que je décrirai plus loin {voyez Acide sulfhydrique). 4° Si, au contraire, la quantité d'acide libre contenu dans ce viscère est peu considérable, ce qui arrive le plus souvent, les effets délétères de celle préparation ne peuvent pas être attribués au gaz acide sulf- hydrique qui se dégage, la quantité de ce gaz étant au-dessous de celle que l'homme supporte tous les jours impunément : aussi la mort n'arrive-t-elle qu'au bout de vingt-quatre ou trente-six heures (si l'on a employé 4 ou 8 grammes de foie de soufre), et les altérations des organes et des liquides, loin d'être les mêmes que celles que détermine l'acide sulfhydrique, ressemblent entière- ment à celles que produisent les poisons irritans. 5° On se tromperait si l'on croyait pouvoir conclure toutes les fois que la mort arrive quelques minutes après l'ingestion d'une forte dose de foie de soufre, qu'elle est le résultat d'un empoisonnement pro- — 184 — duit par le gaz acide sulfhydrique ; car plusieurs des poisons de la classe des irritans, dans lesquels on ne trouve ni cet acide ni les élémens propres à le former, agissent de la même manière que le foie de soufre lorsqu'ils sont administrés à forte dose. 6° Étant injecté dans les veines, il produit la mort en stupé- fiant le système nerveux. 7° La mort qui est le résultat de son application extérieure doit être surtout attribuée à l'action stu- péfiante qu'il exerce sur le système nerveux, après avoir été ab- sorbé. article vi.— de l'azotate de potasse, de l'alun, du chlorhydrate d'ammoniaque. De l'azotate de potasse (nitre, salpêtre). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'azotate de potasse? L'azotate de potasse solide se présente dans le commerce sous forme d'une poudre blanche, ou de cristaux prismatiques, à six pans, demi-transparens, quelquefois cannelés, terminés par des sommets dièdres ; il est inodore, et doué d'une saveur fraîche et piquante, il est sans action sur la teinture de tournesol et sur le sirop de violettes ; mis sur les charbons ardens, il se décom- pose ; l'oxygène de l'acide azolique se porte sur le charbon, qu'il fait brûler avec beaucoup plus d'éclat ; il se dégage beaucoup de lumière et de calorique, et l'on entend plus ou moins de bruit. Si l'on verse de l'acide sulfurique concentré sur l'azotate dépotasse pulvérisé, il se forme du sulfate de potasse, et l'acide azotique se dégage sous forme de vapeurs blanches peu épaisses, si l'azo- tate est pur, tandis qu'elles sont assez denses, si l'azotate contient du sel commun, comme cela arrive fréquemment. En ajoutant au mélange de potasse et d'acide sulfurique quelques gouties d'eau et de la tournure de cuivre, le gaz qui se dégage est du gaz acide azoteux orangé, parce que le cuivre décompose l'acide azotique à mesure qu'il est mis à nu. L'azotate de potasse se dissout très bien dans l'eau ; il suffit de quatre fois son poids d'eau à 15° cent. pour opérer cette dissolution. Le mélange jaune d'acide sulfuri- - 185 — que et de narcotine passe au rouge de sang dès qu'il est mis en contact avec la plus légère parcelle d'azotate de potasse. On dis- tinguera aisément l'azotate de potasse solide du sulfate de soude, avec lequel il a élé quelquefois confondu aux caractères suivans : 1° le sulfate de soude fond et ne fuse pas sur les charbons ar- dens; 2° il ne fournit point de vapeurs blanches par l'acide sulfu- rique ni de vapeurs orangées par l'addition du cuivre métallique; 3° il ne colore pas le sulfate jaune de narcotine en rouge sang. Dissolution aqueuse concentrée. Elle est incolore, transpa- rente et sans action sur les couleurs végétales ; le chlorure de platine y fait naître un précipité jaune serin, grenu dur et adhé- rent au verre ; la chaux vive n'en dégage point d'ammoniaque; elle n'est point troublée par l'azotate d'argent, à moins que le nitre, avec lequel elle a été préparée, ne contienne, comme cela arrive souvent, du chlorure de sodium, dans lequel cas elle donne- rait un précipité de chlorure d'argent blanc, caillebolté, insolu- ble dans l'eau et dans l'acide azotique froid ou bouillant et solu- ble dans l'ammoniaque. L'alcool concentré précipite une portion notable du sel, quoiqu'il en reste encore dans le liquide alcooli- que. En faisant évaporer la dissolution aqueuse jusqu'à siccité, on obtient de l'azotate de potasse solide. Cette dissolution con- centrée agit sur le sulfate de protoxyde de fer et sur la narcotine mélangée avec de l'acide sulfurique, comme je le dirai en parlant delà dissolution aqueuse étendue d'eau. On distinguera la dissolution concentrée de nilre de la disso- lution concentrée de sulfate de soude, en ce que la première ne précipite pas par les sels solubles de baryte, et qu'elle précipite par le chlorure de platine, tandis que l'inverse a lieu pour le sul- fate de soude. Dissolution aqueuse d'azotate de potasse étendue d'eau. On peut la reconnaître facilement en la transformant en une disso- lution concentrée, au moyen de l'évaporation. Toutefois on sera autorisé à soupçonuer fortement son existence, si le liquide ne dégage point de vapeurs orangées lorsqu'on le traite par l'acide sulfurique et par le cuivre, s'il ne précipite ni par le chlorure de platine, ni par l'alcool concentré, s'il n'exhale point d'odeur am- moniacale, lorsqu'il est trituré avec de la chaux vive, qu'il com- — 186 - mimique une couleur rouge de sang au mélange d'acide sulfuri- que et de narcotine, quand il est employé en très petite propor- tion, et qu'il colore en brun (café à l'eau),le sulfate de protoxyde de fer pulvérisé et délayé dans une assez grande quantité d'acide sulfurique concentré ; la coloration brune passera au violet, si on en étend une goutte ou deux dans huit à dix gouttes de ce même acide concentré. Mélanges d'azotate de potasse et de liquides alimentaires, des matières vomies, des selles, etc. On fait bouillir dans une capsule de porcelaine pendant dix à douze minutes les matières suspectes, après les avoir étendues d'eau, si elles étaient trop épaisses ; on sépare par le filtre les matières coagulées. Examen de la Uqueur. On l'évaporé au bain-marie jusqu'à ce qu'elle 6oit assez concentrée pour pouvoir cristalliser par le re- froidissement ; on retire la capsule du feu ; si l'on obtient des cristaux de nitre, d'un blanc jaunâtre, on les sépare, et on con- state leurs propriétés ; dans le cas contraire, ou bien, si, au lieu de cristaux, il se dépose une masse d'un brun rougeâtre, on pousse l'évaporation jusqu'à siccité, et l'on agite pendant huit ou dix mi- nutes avec de l'eau distillée froide, le produit de l'évaporation déjà refroidi. Après douze ou quinze heures de contact, on filtre; la liqueur, presque toujours d'un jaune clair, contient encore de la matière organique; on l'évaporé lentement pour la faire cris- talliser ; si l'on n'a pas obtenu du nitre cristallisé, on agi- tera la masse solide bien refroidie avec de l'alcool concentré à 44 degrés de l'aréomètre, et on filtrera la liqueur alcoolique après un contact de quatre à cinq heures en vaisseaux clos ; l'alcool aura coagulé une assez grande quantité de matière animale ; on le filtrera, et on fera évaporer le solutum au bain-marie, afin d'obtenir des cristaux de nitre. Ces cristaux, qu'ils aient été ob- tenus à la 6uite du traitement aqueux seulement, comme cela ar- rivera le plus souvent, ou à l'aide de l'alcool, doivent se compor- ter avec les charbons ardens, l'acide sulfurique et le cuivre, et les sulfates acides de narcotine et de fer, comme il a été dit à la p. 184. Si, contre toute attente, la dissolution alcoolique ne cristallisait pas, il faudrait l'évaporer jusqu'à siccité au bain-marie et traiter le produit par l'eau froide ; le solutum aqueux serait évaporé — 187 — pour le faire cristalliser. La présence du nitre cristallisé per- mettra d'affirmer que ce sel avait été ingéré. On devra encore affirmer ce fait dans les cas où il aura été impossible d'obtenir des cristaux bien distincts et où la masse solide restant à la suite des évaporations fusera sur les charbons ardens, et donnera avec les autres agens mentionnés les réactions que fournit le nitre. Il m'est souvent arrivé, dans ces sortes de recherches, de ne pou- voir pas obtenir des cristaux d'azotate de potasse, quoique la masse non cristalline et notablement animalisée sur laquelle j'a- gissais en contînt assez pour fuser sur les charbons ardens, pour donner du gaz bi-oxyde d'azote par l'acide sulfurique et le cui- vre, et pour colorer en rouge de sang et en brun les sulfates acides de narcotine et de fer. On se bornerait, au contraire, à rendre probable l'existence du nitre dans les matières suspectes, si, n'ayant pas obtenu des cristaux, la masse desséchée ne fusait pas sur les charbons ardens et ne fournissait point de bi-oxyde d'azote avec l'acide sulfurique et le cuivre, alors même qu'elle colorerait en rouge de sang le sulfate acide de narcotine et en brun café le sulfate de protoxyde de fer additionné d'acide sulfuri- que. Quoi qu'il en soit, dans ces différens cas , le commemoratif, les symptômes et les lésions de tissu viendraient au secours de l'expert pour résoudre la question d'empoisonnement. Examen des matières coagulées. Ces matières, ainsi que toutes les autres matières solides, et les tissus du canal digestif coupés par petits morceaux, seront laissés pendant vingt-quatre heures dans de l'eau distillée froide ; le liquide, après avoir été filtré, sera traité, comme il vient d'être dit, en examinant la liqueur. Si après toutes ces recherches, on n'avait point décelé le nitre, on agirait sur le foie ou les reins. Après avoir coupé ces organes en petits morceaux, on ferait agir sur eux pendant plusieurs heures, l'eau distillée froide ; le liquide filtré serait ensuite coa- gulé à la température de l'ébullition, et la liqueur serait filtrée de nouveau pour être soumise à l'évaporation et à la cristalli- sation, ainsi que je l'ai prescrit en parlant de6 matières liquides vomies, etc. Symptômes et lésions de tissu déterminés par l'azotate 4f 188 — potasse (V. p. 75). Action sur l'économie animale. Il résulte d'un très grand nombre d'expériences faites sur les chiens, et de plusieurs observations recueillies chez l'homme : l°que l'azotate de potasse introduit dans l'estomac de ces animaux est vénéneux, et susceptible d'occasionner la mort dans l'espace de quelques heures, lorsqu'il n'est pas vomi, et qu'il a été administré à la dose de 8 à 12 grammes, enpoudre ou en dissolution concentrée ; 2°qu'il détermine une inflammation ordinairement très intense des tissus du canal digestif, suivie de symptômes nerveux, tels que l'abolition plus ou moins complète des fonctions intellectuelles etsensilives, la perle de la parole, la paralysie des membres, et même une sorte de tétanos (1); 3° qu'il est absorbé, et qu'il agita la manière des poisons irritans qui exercent ultérieurement une action stupé- fiante sur le système nerveux ; 4° qu'on le retrouve facilement dans les viscères, tels que le foie, la rate, les reins, etc., où il est passé par voie d'absorption. Telles sont les conclusions publiées par moi en avril 1843 ; ces conclusions ne diffèrent de celles que j'avais consignées dans mon Traité de Toxicologie, dès l'année 1814, qu'en ce que j'avais annoncé d'abord que l'azotate de potasse, appliqué sur le tissu cellulaire sous-cutané de la cuisse des chiens n'est pas ab- sorbé; mais, ainsi qu'on vient de le voir, j'avais rectifié cette er- reur en avril 1843. Le lundi 31 juillet de cette même année, MM. Rognetta et Mojon lurent à l'Académie des sciences une note ayant pour titre Expériences concernant l'action du nitrate de potasse sur les lapins, et dans laquelle ils établirent : 1° « que ce tt sel est absorbé », ce qui n'avait pas besoin d'être prouvé, puis- que je l'avais dit formellement; 2° « que les lapins sont tués par (1) Les exemples d'empoisonnement par l'azotate de potasse à l'état solide ou en dissolution concentrée sout tellement bien constatés, qu'il est impossible d'éle- ver le moindre doute sur les qualités délétères de ce sel; néanmoins on le voit em- ployer journellement dans les rhumatismes aigus et dans quelques autres affections à des doses très fortes, sans qu'il occasionne les accidens dont j'ai parlé : ces ré- sultats, en apparence contradictoires, peuvent s'expliquer en ayant égard aux con- ditions dans lesquelles se trouvent les individus qui en font usage, à l'état de cou- centration de la liqueur, etc. Le tartrate de potasse antimonié, le kermès minéral, l'oxyde d'antimoine, etc., se comportent à cet égard comme l'azotate de potasse. — 189 — « l'azotate de potasse, soit que le sel ait été mis dans le tissu cel- (i lulaire sous-cutané, soit qu'il ait été introduit dans l'estomac», ce qui ne surpendra personne, les effets toxiques de ce sel ayant été mis hors de doute par des observations nombreuses recueillies chez l'homme, et par les expériences que j'avais publiées dès l'année 1814 ; 3° « qu'il faut au moins 2 grammes d'azotate de po- « tasse pour tuer un lapin de taille moyenne», ce qui ne conduit à rien pour déterminer le degré d'intensité de ce sel chez l'homme ; en effet, les lapins succombent avec une telle facilité, lorsqu'ils sont soumis à l'action de la plupart des toxiques que des expé- rimentateurs sensés n'ont jamais songé à les faire servir à éclairer l'histoire de l'empoisonnement chez l'homme; 4° «qu'il tt n'est pas exact de dire, comme je l'ai fait, que le nitre agit à la tt manière des poisons irritans, puisque chez les lapins empoison- tt nés par ces messieurs, tous les organes ont paru blancs et d'une tt flaccescence remarquable, et que nulle part on n'a pu découvrir tt la moindre trace d'inflammation.» Si, en énonçant cette conclu- sion, on a eu pour but de faire croire que le nitre n'enflamme pas les tissus du canal digestif de l'homme et des chiens, on a été ab- surde et peu véridique; absurde, parce qu'on aurait dû savoir qu'il n'y a aucune conséquence raisonnable à tirer, pour ce qui concerne l'homme,d'expériences toxicologiques faites sur des lapins; on a été peu véridique, parce qu'il résulte de mes expériences sur les chiens, dont on veut contester la valeur, que le nitre enflamme fortement l'estomac et les intestins de ceux de ces animaux qui en ont avalé une quantité suffisante pour périr, et surtout parce que dans plusieurs cas d'empoisonnement, suivis de mort chez l'homme, l'inflammation du canal digestif a élé por- tée aussi loin que possible ; ainsi Souville rapporte qu'une domestique mourut après avoir pris 48 grammes d'azotate de potasse; l'estomac était rouge, parsemé de taches noirâ- tres de la largeur d'une lentille; vers le bas-fond de l'es- tomac, une de ces taches était de la grandeur d'un liard; dans son centre il y avait un petit trou qui perçait le viscère; le canal intestinal était intérieurement rougeâtre {Journal de médecine, tome lxxiii, année 1787). Laflile a vu une dame qui succomba pour avoir pris 32 grammes d'azotate de potasse. — 190 — La membrane externe de l'estomac était d'un rouge foncé; on y remarquait quelques taches brunes,- sa tunique, ve- loutée était enflammée outre mesure, et se trouvait détachée dans plusieurs endroits; l'inflammation gangreneuse, com- mençait à Vorifice cardiaque et finissait au pylore {Ibid., tome lxxiii). Et c'est en présence de faits aussi imposans que l'on ose articuler en 1843 que le nitre ne développe pas la moindre trace d'inflammation !!! 5° tt que le phénomène le plus remarquable de tt l'empoisonnement par ce sel, est la sécrétion extraordinaire de tt l'urine. » Il faut convenir que c'est une grande nouveauté que d'avoir découvert en 1843 que le nitre est un puissant diurétique ; 6° <(. enfin que l'action du nitre est affaiblissante et qu'il faut traiter tt l'empoisonnement qu'il détermine par une médication stimu- tt lante, telle que levin. » Il en est de cette annonce comme de celle qui a été faite par M. Rognetta avec un aplomb qu'on ne trouverait pas ailleurs, à l'occasion du traitement de l'empoisonnement par l'acide arsénieux; à cette intoxication, il fallait également opposer le vin,l'eau-de-vie, le bouillon, etéviter les antiphlogistiques; qu'en est-il résulté? C'est qu'en examinant la question de près, l'on a reconnu à l'aide d'expériences faites sur des chiens et sur des chevaux, qu'il n'y avait pas un mot de vrai dans les assertions énoncées, ce qui permet 'de supposer que l'auteur avait voulu mystifier le public. De l'alun. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'alun ? Alun cristallisé à base d'alumine et de potasse (sulfate d'alumine et de potasse). Il est en octaèdres réguliers, d'une sa- veur acide astringente légèrement sucrée, un peu efflorescens en été, solubles dans quatorze à quinze parties d'eau froide et dans un peu plus de leur poids d'eau bouillante. Chauffé jusqu'au rouge dans un creuset, l'alun à base de potasse perd quarante-cinq pour cent d'eau, se décompose et laisse du sullate de potasse mêlé d'a- lumine ; en effet, l'acide sulfurique qui était combiné avec celle base, s'est en partie volatilisé et en partie décomposé en acide sulfureux et en oxygène. Si, au lieu d'agir à une chaleur rouge, — 191 — on calcine l'alun à une douce chaleur dans un creuset, jusqu'à ce que la matière ne se boursoufle plus, on dégage presque toute l'eau et une porliort d'acide sulfurique, et l'on obtient l'alun calciné des pharmacies. 17 grammes I72 d'alun cristallisé n'ont laissé, après la calcinalion que 10 grammes d'alun; d'où il suit que la perte a été de 7 grammes 1/2, et que l'alun, ainsi cal- ciné, a dû retenir un peu d'eau ; en effet, si l'on admet que l'alun cristallisé soit formé de 55,56 de sulfate d'alumine et de potasse et de 44,44 d'eau, on aurait dû dégager 7 grammes 77 centièmes d'eau, si la totalité de ce liquide eût été expulsée, alors même qu'une parlie de l'acide sulfurique n'eût pas élé volatilisée après avoir été décomposée. Dissolution aqueuse concentrée. Elle est incolore, trans- parente, d'une saveur acide astringente > légèrement sucrée, et rougit le papier bleu de tournesol. Les sels solubles de baryte y démontrent la présence de l'acide sulfurique en faisant naître un précipité blanc de sulfate de baryte inso- luble dans l'eau et dans l'acide azotique pur. La potasse , la soude et l'ammoniaque y décèlent l'alumine; en effet, elles en précipitent cet oxyde sous forme d'une gelée blanche insoluble dans l'eau et facilement soluble dans la potasse et dans la soude, tandis qu'elle l'est beaucoup moins dans un excès d'ammoniaque. Enfin, on s'assure qu'elle contient de la potasse à l'aide du chlorure de platine qui y détermine la formation d'un précipité jaune serin, dur, grenu et adhérent au verre. J'ajouterai que le gaz acide sulfhydrique ne la trouble point, et que la chaux vive n'en dé- gage point d'ammoniaque , même après avoir été triturée pen- dant long-temps avec elle. Dissolution aqueuse étendue. L'action des réactifs précités est la même que sur la dissolution concentrée , si ce n'est qu'il faut la concentrer par l'évaporation pour obtenir le précipité jaune serin avec le chlorure de platine. Alun à base de potasse calciné des pharmacies. Il est pul- vérulent, blanc,et d'une saveur très acerbe. Si on le chauffe jus- qu'au rouge pendant quelque temps seulement, il se décompose en acide sulfurique, en acide sulfureux et en oxygène qui se dé- gagent et en sulfate de potasse et en alumine qui restent 5 si l'ac- — 192 — don de la chaleur était poussée encore plus k>in, le résidu ne serait formé que d'alumine et de potasse (aiunfinate de potasse). Lorsqu'on fait bouillir l'alun calciné avec de l'eau distillée , on n'en dissout que les quatre cinquièmes ou les cinq sixièmes, sui- vant la manière dont l'alun a été calciné ; et la dissolution pos- sède toutes les propriétés de la dissolution aqueuse concentrée de l'alun cristallisé. Le cinquième ou le sixième , non dissous, composé probablement de sous-sulfate d'alumine et de potasse, est soluble dans l'acide chlorhydrique pur et faible, qui lui en- lève une portion de potasse et d'alumine, et le ramène à l'état d'alun cristallisé. Je me suis assuré en préparant plusieurs fois de l'alun calciné, que sa composition n'élait pas identique lors- qu'on avait opéré la calcination dans un creuset ou dans un vase plus large ; ainsi, dans le premier cas, avec 10 grammes d'alun cristallisé, je n'ai obtenu que 7 grammes 9 decigrammes d'alun soluble dans l'eau et 2 grammes 1 décigramme de poudre inso- luble, ce qui correspond à-peu-près à un cinquième, tandis que lorsque j'avais calciné l'alun dans un têt à rôtir large et peu pro- fond, afin de chauffer plus également toute la masse, j'obtenais 8 grammes 34 centigrammes d'alun soluble dans l'eau et seule- ment 1 gramme 66 centigrammes de poudre insoluble , c'est-à- dire à-peu-près un sixième. Quoiqu'il en soit, en faisant évaporer et cristalliser la dissolution des 7 grammes 9 decigrammes d'alun préparé dans un creuset, les cristaux d'alun pèsent 14 grammes 22 centigrammes, ce qui prouve qu'ils ont absorbé 6 grammes 32 centigrammes d'eau, tandis qu'en opérant de même avec la dissolution des 8 grammes 34 centigrammes d'alun préparé dans un têt à rôtir le poids des cristaux, s'élève à 15 grammes, c'est-à-dire à 78 centigrammes de plus que lorsque l'alun avait été calciné dans un creuset. Comment admettre avec M. Dever- gie, après ces expériences, que la force de la dissolution de l'a- lun puisse être augmentée de plus de deux cinquièmes , en calcinant ce sel dans un têt à rôtir, quand l'augmentation n'est tout au plus que d'un dix-septième {Méd. lég., t. m, p. 334). Alun cristallisé à base d'alumine et d'ammoniaque. Il cristallise en octaèdres : chauffé, il est décomposé en alumine pure qui reste dans la cornue, et en sulfite acide d'ammoniaque • - 193 — qui se volatilise ; chauffé ou trituré avec de la potasse , il laisse dégager de l'ammoniaque : du reste, sa dissolution aqueuse se comporte avec la potasse, la soude, l'ammoniaque, le chlorure de platine, les sels solubles de baryte, l'acide sulfhydrique et le tournesol, comme l'alun à base de potasse. Alun cristallisé à base d'alumine, de potasse et d'ammo- niaque. Il est inutile d'en exposer les caractères, attendu qu'ils se déduisent de ceux des deux variétés d'alun qui viennent d'être décrites. Mélanges d'alun à base de potasse et de liquides alimen- taires, de la matière des vomissemens ou de celles que l'on trouve dans le canal digestif. Quelle que soit la consistance de ces matières , il serait souvent difficile pour ne pas dire im- possible de constater la présence de l'alun à l'aide des réactifs qui servent à le reconnaître dans une dissolution aqueuse. Mieux vaut cent fois dessécher les matières dans une capsule de porce- laine, et carboniser le produit avec le tiers environ de son poids d'acide sulfurique concentré et pur ; on fait ensuite bouillir le charbon, finement pulvérisé, avec de l'eau distillée, et l'on filtre au bout de vingt ou vingt-cinq minutes ; la liqueur incolore et parfaitement transparente cristallise spontanément ou par une évaporation lente, et l'on peut s'assurer que les cristaux sont formés par de l'alun à base de potasse. Alun à base de potasse appliqué à la surface de l'estomac, ou combiné avec ce viscère, soit par suite d'une action chi- mique directe, soit par suite de l'absorption. On fera bouillir l'estomac coupé par petits morceaux, avec de l'eau distillée, et l'on agira sur la dissolution aqueuse, comme il vient d'être dit. Si l'on n'obtient pas d'alun, on carbonisera le viscère lui-même avec de l'acide sulfurique concentré et pur. Alun à base de potasse dans le foie, dans la rate ou dans l'urine. Il résulte de mes expériences que l'on peut découvrir ce sel dans le foie, dans la rate et dans l'urine des animaux qui ont succombé après en avoir pris une quantité suffisante pour occa- sionner la mort. On parvient à le déceler, en traitant le foie et la rate par l'eau bouillante aiguisée d'acide sulfurique, en évapo- rant la liqueur sulfurique jusqu'à siccité, et en carbonisant le m. 13 — 194 — produit desséché avec de l'acide sulfurique pur. Quant à l'urine, on la mêle de suite, avec cet acide, et l'on chauffe jusqu'à te que l'on ait obtenu un charbon, que l'on fait ensuite bouillir avec de l'eau distillée. Action de l'alun sur l'économie animale. L'alun est-il vénéneux et en cas d'affirmative quels sont les ac- cidens qu'il détermine? Il résulte des expériences nombreuses que j'ai tentées avec ce sel : 1° qu'il peut être administré à des chiens, même faibles, à la dose de 40, 50 ou 60 grammes, sans pccasionner d'autres symptômes que des vomissemens et des selles ; les animaux sont promptement rétablis, s'ils ont des éva- cuations abondantes. La nocuité de l'alun ne saurait donc être contestée, alors même qu'on laisse aux animaux la faculté de vomir, puisqu'il détermine des vomissemens souvent réitérés. Voici comment je m'exprimais à cet égard dans la première édi- tion de ma Toxicologie générale, publiée en 1814 (page 274 de la 2e part, du tome i) : « J'ai fait prendre à un chien 24 grammes « d'alun en poudre ; une heure après, l'animal a vomi sans effort, « et il ne paraissait pas très incommodé. Le lendemain, il a « mangé comme à l'ordinaire, et il s'est trouvé parfaitement ré- « tabli. Cette expérience tend à faire croire que l'alun , mêlé « aux vins, pourrait dans certaines circonstances occasionner « des accidens. » M. Devergie, attribuant à l'alun des propriétés toxiques beaucoup plus énergiques que celles que je lui assigne, a combattu mon opinion, et s'est élayé de quelques expériences qui lui sont propres ; mais il est aisé de voir que ces expériences n'infirment en aucune manière ce que j'ai établi plus haut ; en effet, dans les trois premières expériences qu'il rapporte, les chiens avaient avalé depuis 16 jusqu'à 32 grammes d'alun cal- ciné, et ils ont été rétablis, sans avoir été secourus, le premier après vingt-deux heures et demie, le second au bout de sept heu- res, et le troisième, qui avait avalé 32 grammes d'alun, au bout de quarante-huit heures. Il est vrai que le chien qui fait le sujet delà quatrième expérience, et à qui M. Devergie avait donné 64 grammes d'alun calciné'r mourut huit heures après l'ingestion ; mais ce fait ne prouve rien conire l'assertion que j'ai émise, car — 195 — l'animal n'avait vomi qu'une petite quantité de matière verte écumeuse et n'avait pas eu de selles, tandis que j'avais eu soin d'établir que l'alun ne produisait pas d'accidens graves quand il avait provoqué des évacuations abondantes. 2° Que s'il n'est pas vomi et qu'il ait été administré à assez forte dose, il tue promptement même les chiens de forte stature. Les cinq dernières expériences, tentées par M. Devergie, ne font que confirmer à cet égard, ce que j'avais publié douze ans avant lui. A l'ouverture des cadavres, on trouve les parois de l'estomac extrêmement épaisses, durcies et comme tannées par l'alun ; sa membrane muqueuse est enflammée dans toute son étendue, sur- tout près de l'extrémité splénique, où elle est souvent d'un brun foncé. 3° Que s'il est appliqué sous la peau des chiens à la dose de 32 grammes, il brûle les parties qu'il touche, et les animaux peu- vent succomber au bout de quinze à vingt jours à la suppuration abondante par laquelle l'inflammation s'est terminée. 4° Qu'il est administré journellement et sans inconvénient chez l'homme à la dose de 8 et 10 grammes dans les vingt-quatre heures, et qu'il ne détermine que fort rarement des nausées et des vomissemens, qu'il n'occasionne jamais ou presque jamais des douleurs à l'épigaslre, mais qu'il a souvent donné lieu à des selles quand on en a prescrit plusieurs grammes à-la-fois. 5° Que si l'alun calciné était pris à la dose de 30 ou 40 gram- mes à-la-fois par un homme adulle bien portant, tout porte à croire qu'il se bornerait à produire des vomissemens et des selles, et qu'il n'exercerait pas une action plus délétère que chez les chiens, dont la stature et la force sont moindres que celles de l'homme ; aussi me serait-il impossible de partager l'opinion de M. Devergie, qui pense que les effets de l'alun chez l'homme devraient être plus funestes, parce que son estomac est plus sen- sible et ses sympathies beaucoup plus actives que chez le chien. Cette assertion, purement gratuite, est contredite par les faits qui sont actuellement dans le domaine de la science. 6° Que, si après avoir été pris à cette dose, il n'était pas expulsé par les vomissemens et par les selles, il pourrait au contraire oc- casionner la mort de l'homme, 13. — 190 7° Qu'il agirait avec beaucoup plus d'énergie, si l'esiomae de l'homme, au lieu d'être sain, comme je l'ai supposé jusqu'à pré- sent, était affecté d'une phlegmasie chronique; mais qu'il ne développerait jamais une dilatation du ventricule gauche du cœur, comme l'avait annoncé à tort, M. le docteur Fournier-Des- champs, dans une affaire médico-légale pour laquelle je fus con- sulté le 24 janvier 1829, et dont voici le sommaire : Madame B. fut atteinte, lorsqu'elle était encore en pension à l'Aigle (Orne), d'un vomissement presque continuel et tellement opiniâtre, qu'il résistait à tous les moyens indiqués : quelles que fussent les sub- stances confiées à l'estomac, sans excepter l'eau, elles étaient aussitôt rejetées. Le docteur Emangard parvint, au bout de six semaines d'un traitement approprié, à faire supporter à la ma- lade une eau légèrement lactée ; l'alimentation fut progressive- ment augmentée, et la santé devint aussi bonne qu'on pouvait l'espérer chez une personne dont l'enfance et l'adolescence avaient été marquées par un état constamment valétudinaire. En 1827, madame B. fut assez souffrante pour garder le lit pendant une grande partie de l'hiver. En févrierl828, elle fit appeler pour la première fois le docteur Fournier-Deschamps,qui lui donna des soins pendant deux mois. Dans le courant de l'été, il survint des irrégularités dans la menstruation qui obligèrent derecourir à des sinapismes, à une infusion de safran, etc. Le 10 septembre 1828, ainsi que le déclare le docteur Fournier, madame B. fut incommo- dée par un embarras sanguin, avec prédisposition inflamma- toire provenant de la diminution du flux menstruel. Quels que soient le vague et l'insuffisance d'un pareil diagnostic, on prescrivit seize sangsues,et pour boisson de la gomme arabique; malheureusement le pharmacien délivra par méprise deux paquets contenant chacun 16 gram. d'alun calciné. L'un de ces paquets ayant été dissous dans un litre environ d'eau tiède, une tasse de cette boisson fut présentée à madame B. A peine en avait-elle bu deux ou trois cuillerées qu'elle la repoussa, accusant des dou- leurs très vives dans la bouche, le pharynx et l'estomac, disant qu'elle était empoisonnée et qu'elle avait la bouche brûlée. Au rapport du docteur Fournier, « elle se plaignit de nausées, de « chaleur vive, de douleurs déchirantes dans tous les points qui 197 — « avaient été en contact avec l'alun ; le pouls était devenu fré- « quent et la figure animée ; les muscles avaient été agités de « petits mouvemens convulsifs,- les envies de vomir avaient u pris de l'accroissement ; la soif était devenue inextinguible. Ma- tt dame B. commença à vomir un quart d'heure après avoir pris tt de cette boisson ; la malade n'eut pas un quart d'heure de re- aS qui se développent, dans ces Circonstances, pour former du gras des cadavres, et qu'elle ne se portera pas de préférence sur ce poison, à moins que ce ne soit pour l'enve- lopper et le retenir à l'état insoluble. Je pense donc que, même pour la portion d'acide arsénieux absorbé, il doit être excessive- ment rare que les pluies l'entraînent en totalité. Mais admettons que l'on soit disposé à adopter une Opinion contraire avant que l'expérience ait prononcé, dû moins devra-t-on s'accorder sur ce point que l'on pourra retrouver ce poison toutes les fois que les hiembres et les viscères auront conservé leur intégrité, ou bien lorsque, après avoir été détruits en partie, il restera encore des portions de ces membres et de ces viscères formant un tout reconnais sable. Supposons actuellement que, par les progrès de la putréfac- tion, les diverses parties dû cadavre soient déjà dans un état de putrilage qui les rende méconnaissables, sans que toutefois le Corps soit réduit encore en un détritus pulvérulent, et voyons ce que deviendrait l'acide arsénieux qui aurait abandonné les tissus pour se mêler à la terre. Tout porte à croire, d'après les expé- riences que j'ai tentées à ce sujet, que cet acide et l'arsénite d'ammoniaque formé conserveraient long-temps leur solubilité dans un terrain qui ne contiendrait pas du sulfate de chaux, et ne se transformeraient par conséquent pas en arsénite de chaux insoluble; ils resteraient sans aucun doute mélangés a la terre qui avoisîne le cadavre tant qu'ils n'auraient pas été entraî- nés un peu plus loin par l'action des pluies, action qui n'est pas à beaucoup près aussi efficace qu'on pourrait le croire au premier abord ; d'où il suit que l'on serait grandement autorisé à penser, si l'on découvrait dans un terrain de cimetière un composé arse- nical soluble dans Veau froide, que ce composé provient d'un dès cadavres du voisinage, à moins qu'il ne fût prouvé que celte partie du terrain avait été préalablement arrosée avec une disso- lution d'acide arsénieux oU de toute autre préparation arsenicale, où bien que l'on avait jeté à sa surface une poudre arsenicale soluble. Âdriiettons au contraire le cas où un cadavre contenant de - 251 — l'arsenic aura été réduit par les progrès de la putréfaction en un détritus qui s'est mélangé à la terre de manière à ce qu'il ne soit plus possible d'en reconnaître les débris à l'œil nu ; n'est-il pas probable qu'alors encore ce mélange céderait à l'eau froide, ou du moins à l'eau bouillante, le composé arsenical qu'il pourrait renfermer? Or, comme les terrains des cimetières ne se compor- tent jamais ainsi quand on les traite par l'eau, l'expert n'hésite- rait pas, en pareil cas, à tirer de la présence de l'arsenic, les mêmes inductions que celles dont il vient d'être fait mention à l'occasion des terrains dans lesquels il existerait un composé ar- senical soluble dans l'eau froide. Peut-il arriver que l'arsenic que l'un retire d'un cadavre inhumé depuis long-temps dans un cimetière dont le ter- rain serait arsenical, provienne de ce terrain plutôt que d'un empoisonnement ? Je résoudrai cette question en répon- dant aux objections qui peuvent être faites au nouveau système médico-légal que j'ai introduit dans la science {Voyez plus loin l'objection 3e). Acide arsénieux introduit dans le canal digestif après la mort. Si l'on applique sur l'intestin rectum d'un individu qui vient d'expirer 4 grammes d'acide arsénieux pulvérisé, et qu'on le laisse pendant vingt-quatre lieUrès, on observe, en faisant l'ou- verture du cadavre, que la partie de la membrane muqueuse qui a élé en contact avec le poison est d'un rouge assez vif, ex qu'elle présente une ou plusieurs taches d'un rouge noirâtre, qui sont de véritables ecchymoses : les autres tuniques sont dans l'é- tat naturel; il en est de même des portions d'intestin qui n'ont pas été en contact avec le poison. Dans le cas où cet acide pulvérulent n'a été introduit dans le gros intestin que vingt-quatre heures après la mort, on remar- que, si on ouvre le cadavre le lendemain, que les parties sur les- quelles le poison a été mis présentent des ecchymoses de largeur variable : du reste, on n'observe aucune autre altération. Il est donc facile de distinguer si l'acide arsénieux a été appliqué sûr les gros intestins avant ou après la mort; en effet, dans ce der- nier cas, on trouve le poison à peu de distance de l'anus; et si le rectum est enflamme où ecchymose, il riè l'est que dans les pâfr — 252 — tiesqui ont été touchées par l'acide; en sorte qu'il y a une ligne de démarcation excessivement tranchée entre ces parties et celles qui sont immédiatement au-dessus. Au contraire, si l'in- flammation était le résultat de l'injection de l'acide arsénieux dans le rectum pendant la vie, elle s'étendrait bien au-delà de la partie touchée par l'acide, et la rougeur de l'intestin diminuerait graduellement d'intensité, à mesure qu'on approcherait des in- testins grêles. De l'appareil de Marsh modifié. Jusqu'en 1836, les experts charges de faire une analyse mé- dico-légale relative à l'empoisonnement par une préparation ar- senicale, lorsqu'ils étaient parvenus à ce point de l'opération qu'il fallait retirer l'arsenic de cette préparation, employaient avec unNgrand succès un mélange de potasse et de charbon ou du flux noir; l'arsenic se volatilisait et apparaissait avec tous ses carac- tères dans une partie plus ou moins élevée du lube fermé où l'on avait fait l'opération, el jamais, que je sache, cette manière d'a- gir n'avait soulevé d'objection sérieuse au grand jour des débals ; chacun trouvait le procédé mis en usage très sensible, sûr, com- mode el assez expéditif. En octobre 1836, Marsh publia un tra- vail ayant pour litre : Description d'un nouveau procédé pour séparer de petites quantités d'arsenic des substances avec lesquelles il est mélangé {Edinburgh, New philosophical journal) (1). Il proposa d'inlroduire dans un flacon du zinc, de (1) La découverte de Marsh n'est en quelque sorte que l'application d'un fait assez anciennement connu ; ainsi Scheele annonça le premier, en 1775, que l'hy- drogène peut se combiner avec l'arsenic et donner un gaz inflammable qui laisse en brûlant du régule d'arsenic [Mémoires de Scheele, t. Ier). En 1798, Proust di- sait qu'en brûlant le gaz hydrogène très fétide qui se dégage quand on dissout dans l'acide chlorhydrique de l'étain arsenical, il se dépose de l'arsenic sur les parois delà c'oche (Ann. de Chim., t. xxvm). Tromsdorff publiait en 1803 qu'en intro- duisant dans un flacon ordinaire du 7inc arsenical, de l'eau et de l'acide sulfurique, on dégageait du gaz hydrogène arsénié, et que si ce lube à dégagement était suffi- samment long, ce gaz laissait déposer parfois de Y arsenic contre les parois du tube [Nicholson's Journal, t. vi). On verra par la description que je vais donner du procédé suivi par Marsh que cet auteur n'a fait que se conformer aux principes posés par Tromsdorff. Mais Scrullas allait beaucoup plus loin lorsqu'il établissait — 253 — l'eau, de l'acide sulfurique et de l'acide arsénieux ou bien une ma- tière suspecte qui en contenait, afin de dégager du gaz hydrogène arsénié ; ce gaz, à mesure qu'il se produisait, sortait par l'extré- mité effilée d'un tube où il était enflammé à l'aide d'un corps en ignition, et si l'on recevait la flamme sur une surface froide, soit sur un morceau de verre épais, soit sur une soucoupe de porce- laine, on voyait l'arsenic se déposer, tandis que si la flamme pé- nétrait dans le milieu d'un tube assez large ouvert aux deux ex- trémités, il se formait de l'acide arsénieux qui s'appliquait sur les parois internes du tube : on pouvait même obtenir à-la-fois de l'arsenic et de l'acide arsénieux, en dirigeant obliquement la flamme dans le tube, de manière à effleurer le verre. A peine l'application de Marsh fut-elle connue que partout on s'empressa de la mettre en pratique, et, l'on ne tarda pas à s'assurer que l'ap- pareil proposé par cet auteur était des plus défectueux; s'agis- sait-il d'extraire l'arsenic de l'acide arsénieux simplement dis- sous dans l'eau, cet appareil fonctionnait bien, mais il paraissait trop compliqué ; fallait-il chercher à séparer l'arsenic de l'acide arsénieux mélangé avec des liquides organiques, tels que des bouillons, des potages, etc., il se produisait une effervescence écumeuse, la majeure partie de la liqueur était chassée sous forme de mousse, le gaz hydrogène arsénié ne brûlait plus, et l'expé- rience était manquée. Il est vrai de dire que Marsh avait aperçu ces inconveniens, et qu'il avait proposé de les éviter à l'aide d'une forte couche d'huile d'olives qui devait s'opposer à la for- mation de la mousse, tandis que d'un autre côté il cherchait à emprisonner en quelque sorte le mélange suspect pendant un certain temps, et jusqu'à ce que le gaz pût se dégager librement. Mais ces précautions étaient insuffisantes, surtout lorsque la ma- tière organique liquide ou solide avec laquelle l'acide arsénieux était mélangé au lieu d'être en très petite proportion, était assez abondante; la mousse produite et la perte de gaz étaient telles en lb21 que l'on peut tirer parli de la décomposition de l'hydrogène arsénié pour constater dans des cas de toxicologie la présence de Yarsenic ou de ses composés. Il est aisé de voir que l'application faite par Mar>h n'est que la mise en pratique des idées de Tromsdorff «t de Serullat. — 254 - alors, qu'il fallut sans hésiter renoncer à pratiquer l'opération comme Marsh l'ayait proposée. Il fallait, sous peine de renoncer à une application utile, perfectionner le procédé en le simpli- fiant; Hérapath, Mohr, Liebig, Berzélius, Thompson, Senior, Vogel, Chevallier, Lassaigne, Kœppeling, Kampmann, el l'Aca- démie des sciences (qui adopta à cet égard les idées de Liebig et de Rerzélius), modifièrent soit les flacons, soit les tubes, et firent connaître quelques résultats nouveaux. M. Chevallier proposa le premier de faire passer le gaz hydrogène arsénié à travers des fragmens de porcelaine entourés de charbons rouges, afin d'ob- tenir un afineau d'arsenic; depuis, la commission de l'Institut a remplacé avec avantage la porcelaine par de l'amiante. Malgré tant de travaux, l'appareil de Marsh restait frappé d'impuissance dans un très grand nombre de cas ; on ne s'éiait nullement préoccupé du fait capital de la question, savoir : la destruction de la matière organique au milieu de laquelle étaient en quelque sorte noyées des parcelles d'acide arsénieux; on ne se doutait pas que bientôt on serait forcé dans une foule d'ex- pertises de soumettre une proportion considérable d'une ma- tière animale, la moitié d'un foie, par exemple, à l'action de l'appareil, et qu'alors malgré tous les perfectionnemens apportés parles savans dont j'ai parlé, il se produirait une telle quantité de mousse que l'opération deviendrait impraticable; toutes les forces avaient été concentrées sur un point accessoire de ces questions, celui qui avait pour objet de mieux décomposer le gaz hydrogène arsénié, tandis qu'on avait négligé la partie vi- tale du problème, celle qui a pour but le dégagement du gaz-, quel avantage y aurait-il, en effet, à être en état de décompo- ser complètement un gaz dont le dégagement serait impos- sible? Il fallait à tout prix détruire la matière organique, ou du moins en décomposer une assez grande proportion pour empêcher la formation de cette prodigieuse quantité de mousse, qui paralyse l'opération, de telle sorte que le gaz hydrogène arsénié ne se dégage pas et ne peut, par conséquent, être ni enflammé ni décomposé. C'est ce que je fis en 1839, lorsque je démontrai que l'acide arsénieux était absorbé, qu'il se concentrait particulièrement dans le foie où les médecins lé- - 256 — gisles seraient souvenf tenus d'aller le chercher et que jfi proposai de réduire en cendres toute la matière organique de cet organe ou de tout autre, au moyen de l'azotate de potasse, ou de la décomposer en grande partie à l'aide de l'acide azotique. Plus tard, ainsi qu'on l'a vu à la page 226 et suivantes, adoptant ce principe, quelques experts ont conseillé de procéder par d'au- tres agens à la décomposition de cette matière. Aujourd'hui la question est parfaitement éclaircie ; l'appareil de Marsh qui aurait été si souvent inutile, avant mes recherches, est employé avec avantage, parce que j'ai fait disparaître, en détruisant ou en dé- composant la matière organique, l'élément qui dans beaucoup de cas l'aurait empêché de fonctionner, puisqu'une fois la matière animale détruite, il ne se produit pas une seule bulle de mousse. Je dirai plus loin combien sont nombreuses les objections que l'qn a faites contre l'emploi médico-légal de l'appareil de Marsh pour extraire l'arsenic, tandis que, je le répète, avant 1836, il ne s'en était élevé aucune contre le mode d'extraction suivi jusqu'alors (réduction du composé arsenical par la potasse et le charbon); tout en déclarant ici que ces objections n'ont point de portée réelle, et que la plupart d'entre elles ont élé présentées avec une mauvaise foi insigne, je pense qu'il y a lieu de se de- mander si, en réalité, l'application de Marsh à la recher^ che de l'arsenic, constitue un progrès important et tel que la toxicologie ne pût s'en passer. Je n'hésite pas à répondre par l'affirmative, parce qu'il est aisé de prouver que l'onpeut déceler à l'aide de l'appareil de Marsh modifié, des traces d'arsenic qui échapperaient à l'action du gaz acide sulfhydrique : or, on sait que ce réactif est le seul, parmi ceux qui sont doués d'une excessive sensibilité, qui fournisse des résultats à l'abri de toute complication et de toute cause d'erreur. L'expérience sui- vante ne laissera aucun doute à cet égard. Si l'on dissout cinq centigrammes d'acide arsénieux dans 500 grammes d'eau et que l'on introduise dans un petit appareil de Marsh trois grammes de la dissolution, on obtiendra un assez grand nombre de taches arsenicales pour constater les divers caractères que j'ai assignés à ces taches, ou ce qui revient au même pour affirmer que ces taches sont formées par de l'arsenic ; tandis — 25« — que l'acide sulfhydrique gazeux, alors même que l'on agira sur U grammes de la dissolution , donnera un précipité de sulfure d'arsenic jaune, avec lequel il sera difficile, pour ne pas dire im- possible d'obtenir assez d'arsenic pour le reconnaître; on re- cueillera bien , en décomposant ce sulfure par le carbonate de potasse et le charbon, une couche arsenicale grisâtre excessi- vement mince ; mais elle contiendra une si petite quantité d'ar- senic que l'on ne pourra pas produire d'une manière nette, les réactions de ce métal, ce qui empêchera l'expert de se prononcer affirmativement. Cette infériorité de la part du gaz acide sulfhy- drique serait encore plus saillante dans les cas où il serait em- ployé pour déceler l'acide arsénieux dans un liquide mélangé de matière organique, car alors le sulfure d'arsenic obtenu contien- drait une certaine quantité de cette matière, qui serait décompo- sée parle feu en même temps que ce sulfure, et il se volatilise- rait une couche arsenicale altérée par quelques-uns des pro- duits de la décomposition de la matière organique. Toutefois on aurait tort de conclure de ce qui précède que l'acide sulfhydrique n'est pas un réactif des plus utiles dans les expertises médico-légales relatives à l'empoisonnement par l'a- cide arsénieux ; j'irai plus loin et je dirai qu'il est indispensable de s'en servir. Il ne faut pas croire que toutes les fois que des experts sont appelés pour analyser une matière suspecte, les magistrats soient assez éclairés sur la nature du poison pour dire à ces experts que cette matière est plutôt de l'acide arsé- nieux, qu'un sel de plomb, de cuivre ou de mercure ; souvent ils manquent eux-mêmes de documens sur ce point, en sorte que les gens de l'art sont obligés de procéder dans leurs recherches de telle manière que le poison, quel qu'ilpuisse être, ne leur échappe pas : c'est pour atteindre ce but que le gaz acide sulfhydrique est surtout un agent précieux, car il précipite en jaune l'acide arsénieux, en orangé rougeâtre les sels d'antimoine, en noir les sels de plomb, de cuivre et de mercure ; l'expert peut donc, en ayant recours au gaz acide sulfhydrique, être mis sur la voie des investigations qu'il devra encore tenter pour résoudre le problème ; s'il négligeait l'essai dont je parle, il s'exposerait à tâtonner indéfiniment et à perdre le fruit de ses expériences. — 257 — D'ailleurs il ne faut pas croire, parce que l'acide sulfhydrique est un peu moins sensible que l'appareil de Marsh, qu'il ne jouisse pas encore d'une grande sensibilité; nous savons, au contraire, que lorsqu'il est convenablement employé il peut dé- celer des quantités excessivement faibles d'acide arsénieux. Ainsi, que l'on soumette la moitié d'un foie empoisonné par cet acide à l'action du chlore gazeux pour détruire la matière orga- nique, que l'on chasse l'excès de chlore par la chaleur, que l'on agisse ensuite sur la liqueur, avec de l'acide sulfureux et du gaz acide sulfhydrique, comme je l'ai déjà dit, on verra que l'on obtient une proportion notable de sulfure jaune d'arsenic, lequel, étant décomposé dans un tube, à l'aide du carbonate de potasse et du charbon donnera un anneau d'arsenic très épais, sans que l'on ait fait usage de l'appareil de Marsh. Cela une fois établi, voyons en quoi consiste l'appareil modifié par moi, après des tentatives nombreuses ; tel qu'il est, cet appa- reil réunit à une extrême simplicité , l'avantage de fournir à la fois un anneau d'arsenic et des taches arsenicales (1), Il se compose d'un flacon A, de 2k à 30 centimètres de haut, d'un tube N recourbé comme les tubes en S, et d'un autre tube T C D dont l'extrémité x, effilée à la lampe vient toucher une (1) M. Gaultier de Claubry attaque vivement l'appareil fort simple dont je me suis servi dans les premiers temps et qui consiste dans un flacon A muni d'un tube recourbé TD (y. p. 2S8J. Cet appareil, pouvant encore rendre de très grands services lorsque les experts n'auront pas à leur,disposition le tube N recourbé en S, je crois devoir ré- futer les observations de M. G. de Claubry. On perd de l'arsenic au commencement de l'opération. Quand on à presque rempli de liquide le flacon A, la quantité d'air qui reste dans ce flacon est tellement faible, que l'on peut sans danger enflammer le gaz au bout d'un temps très court, ce qui réduit la perte presqu'à zéro. Par suite de la détoitnation, on perd la totalité du produit suspecté. Et d'abord la détonna- lion n'a jamais lieu,à moins de maladresse de la part de l'opérateur; il suflit, en effet pour l'éviter, de n'enflammer le gaz que lorsque la petite quantité d'air con- tenu dans le flacon A a été expulsée. D'ailleurs, il n'est pas vrai de dire que le produit suspecté est perdu en cas de détonnation ; le contraire a presque con- stamment lieu, parce que le bouchon et le tube sautent seuls, le flacon restant in- tact avec tout le produit suspect. // est impossible de renouveler ou d'accélérer le dégagement du'gaz par l'introduction d'une nouvelle quantité d'acide. Je regrette que M. G. de Claubry n'ait jamais vu fonctionner un appareil de ce genre; il saurait que rien n'est plus facile que. de déboucher le flacon et d'y introduire une nouvelle quantité d'acide, sans le moindre danger ; l'opération n'exige pas plus de dix secondes (M éd. le g. de Rriand, p. 703Ï. III. 17 — 258 — capsule de porcelaine E. Après avoir introduit dans le flacon a 50 à 60 grammes de zinc laminé, coupé en morceaux et préa- lablement attaqué par l'acide sulfurique pour le dépolir, on lutte avec de la cire d'Espagne le bouchon qui ferme le flacon en p, et l'on verse par le tubeN. 500 à 600 grammes d'eau distillée et 3 à U grammes d'acide sulfurique pur. Il se dégage à l'instant même du gaz hydrogène non arsenical, si les matériaux em- ployés sont purs (l'eau est décomposée) et que Ton n'ait pas mis une préparation arsenicale oxygénée dans le flacon A; aussi en en- flammant le gaz qui sort par la partie effilée du tube x, ne se forme- t-il sur la porcelaine que de l'eau qui se condense bientôt sur la capsule. Si, au contraire, on a mis dans le flacon A, outre le zinc, l'eau et l'acide sulfurique, un milligramme d'acide arsé- nieux, ou une très petite quantité d'un liquide arsenical débar- rassé de la matière animale qu'il pouvait contenir, avant que celle-ci eût été détruite ou décomposée par l'un des moyens in- diqués aux p. 219 et suiv., àl'instant il se produit du gaz hydrogène arsénié qui brûle avec une flamme bleue, quand on l'enflamme sur le point x, et qui, au lieu d'eau pure, laisse déposer sur la porcelaine des taches arsenicales d'un brun fauve, plus ou moins foncé, brillantes et miroitantes. Ici l'hydrogène à l'état naissant s'est emparé de l'oxygène de l'acide arsénieux pour for- mer de l'eau, tandis qu'une autre portion d'hydrogène s'est com- binée avec l'arsenic à l'état naissant qui provenait delà décompo- sition de l'acide arsénieux. Si avant de recourber le tube T C D on a eu soin d'introduire de l'amiante dans sa partie v n, c'est-à-dire dans l'étendue de 5 à 6 centimètres, et qu'à l'aide d'une assez forte lampe à esprit de vin B, on chauffe la portion v C n du tube, le gaz hydrogène arsénié sera en partie décomposé par la chaleur en hydrogène et en arsenic ; celui-ci se condensera en — 259 — D, près de l'amiante, sous forme d'anneau, tandis que l'hydro- gène sortira par l'extrémité x du lube ; enflammé sur ce point il ne fournirait que de l'eau s'il avait été complètement décomposé : au contraire, la portion d'hydrogène arsénié qui n'aurait pas été décomposée par la chaleur, si elle est enflammée à l'extré- mité x, laisserait déposer sur la porcelaine des taches arseni- cales ; il est évident que si tout le gaz avait été décomposé par la chaleur de la lampe, l'arsenic se trouverait tout entier sous forme d'anneau en D. Mais il n'en sera jamais ainsi lorsqu'on em- ploiera cet appareil ; constamment le gaz qui sortira par l'extré - mité x contiendra une certaine quantité d'hydrogène arsénié et déposera des taches arsenicales plus ou moins nombreuses, s'il est enflammé. L'amiante, indépendamment de ce qu'il divise et déchire en quelque sorte le gaz dont il favorise par conséquent la décomposition, a encore pour but de retenir les parcelles de dissolution de sulfate de zinc qui auraient pu être entraînées du flacon A dans le lube T C D à la suite du dégagement quelque- fois tumultueux du gaz hydrogène et de s'opposer par consé- quent à la formation de taches de zinc, assez semblables par leur aspect aux taches arsenicales. Sensibilité de l'appareil modifié. Il suffit qu'une liqueur contienne un millionième d'acide arsénieux pour fournir un assez grand nombre de taches ; celles-ci commencent même à paraître, lorsque la liqueur ne renferme qu'un deux millio- nième de cet acide. Une dissolution arsenicale étant donnée, on obtient d'autant plus de taches que l'on emploie plus de celle dissolution ; mais ces taches ne se montrent pas mieux et ne sont pas plus intenses dans un cas que dans l'autre ; d'où il résulte qu'il y a avantage à concentrer les liqueurs arsenicales et à opérer sur un petit volume de liquide; on obtient ainsi des taches plus épaisses. Précautions à prendre. Ces précautions sont au nombre de cinq. 1° Il faut s'assurer que les agens qui doivent être em- ployés, pas plus que le flacon et le tube ne fournissent point d'arsenic, avant qu'on en ait ajouté. Pour cela on fait une expérience à blanc, c'est-à-dire que l'on iniroduit dans le même appareil qui doit servir à faire l'expertise, des quantités égales 17. — 260 — du même zinc, de la même eau, et du même acide sulfurique que celles dont on devra faire usage, et on attend que le gaz soil complètement dégagé, ce qui pourra durer 2>/k d'heure, une heure au plus ; si, après cet essai, il ne s'est pas déposé de l'ar- senic en D, et que l'on n'ait obtenu aucune tache arsenicale sur la soucoupe de porcelaine, on peut être certain que les matériaux el l'appareil sont bons ; si, au contraire, on avait recueilli des ta- ches arsenicales ou qu'il se fût formé en D un anneau arsenical, il faudrait changer les matières, prendre du zinc et de l'acide sulfurique exempts d'arsenic et peut-être même faire usage d'un autre flacon et d'autres tubes. Il importe d'attendre quelques minutes avant de mettre le feu au gaz qui sort par l'extrémité x, parce que le flacon A conienait une certaine quantité d'air et que par le mélange de celui-ci avec l'hydrogène il se forme un gaz détonnant par l'approche d'un corps en combustion ; on de- vra attendre d'autant plus que le flacon sera plus grand et qu'il renfermera moins de liquide. L'essai à blanc étant terminé, on démonte l'appareil, on lave le flacon et le tube en S, et l'on re charge l'appareil avec le zinc, l'eau et l'acide sulfurique déjà essayés; on lutte avec de la cire d'Espagne, comme il a été dit, et lorsque le gaz hydrogène s'est dégagé pendant quelques mi- nutes, on introduit la liqueur suspecte dans le flacon par le lube N (1). Dans ce moment l'effervescence diminue, à moins que la liqueur suspecte ne soit elle-même acide, parce que l'a- cide sulfurique se trouve affaibli et qu'il ne se dégage pas assez de gaz. Il faut donc ajouter par petites parties, et en talonnant, de nouvelles quantités d'acide sulfurique, jusqu'à ce qu'en ap- prochant l'extrémité du lube x des lèvres, on sente par l'impres- sion que le gaz produit sur elles, que le dégagement est assez fort pour que ce gaz puisse brûler avec une flamme qui ne soit pas trop intense. Si, maladroitement, on avait introduit dans le flacon plus d'acide sulfurique qu'il n'en fallait et que le dégage- ment |du gaz fût tumultueux, il faudrait à l'instant même sus- (1) Le tube T C D ne pouvant pas servir deux fois, on devra en prendre un au- tre, en verre blanc transparent, que l'on aura préalablement bien lavé à l'eau dis- tillée {Voy. p. 203). —■ 261 — pendre l'opération, démonter l'appareil, retirer du flacon la moitié ou les deux tiers de la liqueur que l'on conserverait dans un grand verre pour expérimenter ultérieurement sur elle, après l'avoir étendue d'eau ; on ajouterait une quantité suffisante d'eau distillée sur la moitié ou sur le tiers restant dans le fla- con A pour obtenir un dégagement convenable de gaz, et l'on monterait de nouveau et de suite l'appareil, afin de le faire fonc- tionner. 2° Le zinc doit avoir étépréalabletnent dépoli. Si le zinc était brillant et très poli, l'acide sulfurique très étendu d'eau ne l'attaquerait que très difficilement ; il faut donc commencer par traiter ce métal dans un verre à expérience, par de l'acide sul- furique étendu de son volume d'eau ; au bout de quelques minutes de réaction, il sera assez dépoli pour être attaqué par l'acide di- lué au point où il doit l'être pour que l'appareil marche convena- blement ; toutefois avant de l'introduire dans le flacon, on le la- vera à plusieurs reprises avec de l'eau distillée, afin de lui enle- ver l'acide sulfureux qu'il pourrait retenir à sa surface. Quelques experts, au lieu de procéder ainsi, ont préféré, après avoir mis le zinc laminé et poli dans le flacon A, verser par le tube en S un peu d'eau et de l'acide sulfurique concentré; c'est là un grand tort ; sans doute que le zinc est promptement décapé par ce moyen, mais comme par le mélange de l'acide avec la petite quantité d'eau employée,la température s'élève à 80° ou à 90° c, et qu'à cette température, il se produit de l'acide sulfureux, par suite de la décomposition d'une partie de l'acide sulfurique, il en résulte que le flacon contient de l'acide sulfureux, ce qui est un inconvénient grave ; en effet, l'hydrogène naissant décompose cet acide pour former de l'eau et de l'acide sulfhydrique, acide dont la présence aurait le double inconvénient de donner un an- neau et des taches mêlés de soufre, et surtout de transformer en sulfure d'arsenic insoluble, l'acide arsénieux faisant partie de la liqueur suspecte qui serait ultérieurement introduite dans le flacon : ce sulfure, comme l'on sait, n'est pas décomposé dans l'appareil de Marsh, en sorte que l'on n'obtiendrait point d'arse- nic, d'une liqueur qui en aurait inévitablement fourni, s'il n'y avait pas eu de l'acide sulfureux dans le flacon. Il est évident , - 262 — d'après ce qui précède, qu'il faut éviter soigneusement l'emploi de l'acide sulfurique renfermant de l'acide sulfureux. 3° L'effervescence doit être modérée et la flamme ne doit pas avoir plus de 3 ou 5 millim. de longueur. On sait que la flamme se compose de deux parties, la flamme d'oxydation, celle qui est la plus éloignée de l'extrémité du tube où elle se produit, et la flamme de réduction qui est plus près de cette extrémité. On obtient difficilement des taches arsenicales en plaçant la porce- laine dans la flamme d'oxydation, qui est beaucoup trop chaude. Il n'en est pas de même quand l'assiette se trouve dans la flamme de réduction, et même plus près de l'ouverture du lube. Il est des cas où les taches ne paraissent que lorsque cette ouverture est appuyée sur la porcelaine et maintenue dans cetle situation pendant une minute environ. Dans beaucoup d'autres circon- stances, il faut au contraire, si l'on veut obtenir de l'arsenic, opé- rer avec une flamme de 6 à 8 millim., et alors l'arsenic paraît presque toujours sous forme de larges taches ; d'où il suit que l'expert doit tâtonner en avançant ou reculant l'assiette jusqu'à ce qu'il ait trouvé le point convenable pour recueillir la plus grande quantité possible d'arsenic. En général, si la flamme est trop faible, qu'elle ait 1 ou 2 millimètres, par exemple, et que la liqueur contienne peu d'arsenic, les taches tardent à paraître, sont fort petites, et l'on ne réussit à les bien condenser qu'en ap- puyant l'extrémité du tube sur la porcelaine. Si la flamme était intense, de 20 à 25 millimètres de long, l'arsenic se volatiliserait au fur et à mesure qu'il se dégagerait, et ne se déposerait pas sur la capsule, à moins que la liqueur n'en contînt beaucoup. Cest ce qui est arrivé aux experts de Tulle dans l'affaire Lafarge; évidemment ces chimistes n'ont pas obtenu les nombreuses taches qu'ils auraient dû recueillir, s'ils n'avaient pas agi avec une flamme de 20 à 25 millimètres. La trop grande dimension de la flamme expose aussi à un autre inconvénient, celui d'obtenir des taches de zinc, parce que le sulfate de ce mêlai aura été entraîné avec le gaz hydrogène, et que l'amiante aura pu ne pas l'arrêter en entier. U° L'ouverture du tube à l'extrémité x doit être régulière et assez étroite. C'est à cette condition que l'on obtiendra une — 263 — flamme convenable pour qu'il se dépose sur la porcelaine de belles taches arsenicales ; avec une ouverture large, la flamme au lieu d'être pointue et dans une direction horizontale, serait éva- sée, plus courte, et déjetée de côté et d'autre ; si l'ouverture x était irrégulière ou échancrée, les inconveniens que je viens de signaler seraient encore plus saillans. 5° // ne faut dans aucun cas substituer l'acide chlor- hydrique à l'acide sulfurique pour faire marcher l'ap- pareil, ainsi que l'a conseillé M. Devergie. L'acide sul- furique, a dit ce médecin, est souvent arsenical, et il n'agit que difficilement sur le zinc ; il faut donc lui préférer l'a - cide chlorhydrique. L'assertion de M. Devergie ne soutient pas le plus léger examen ; déjà, bien avant l'Institut, j'avais prouvé que l'on trouve souvent dans le commerce de l'acide sulfurique non arsenical, et qu'il est possible de priver d'arsenic celui qui, par hasard, en contiendrait. L'Académie des sciences a confirmé mon dire dans son rapport. Quant à la difficulté avec laquelle le zinc serait attaqué par l'acide sulfurique, elle est ima- ginaire, comme chacun peut s'en convaincre en employant ce mêlai préalablement décapé, comme je l'ai dit à la page 261. Je vais maintenant énumérer les nombreux inconveniens que pré- senterait l'emploi de l'acide chlorhydrique : 1° il est souvent ar- senical ; 2° souvent aussi il renferme de l'acide sulfureux, dont il est impossible de le séparer par la distillation, et l'on sait com- bien la présence de l'acide sulfureux dans l'appareil, peut amener de perturbation {V. page 261); 3° il épuise bientôt son action sur le zinc, en sorte qu'il faut en employer des quantités considéra- bles ; 4° il transforme le zinc en chlorure, beaucoup plus facile à entraîner par le gaz hydrogène que le sulfate de zinc ; aussi même avec des flammes assez faibles, fournit-il des taches de zinc qui ressemblent par leurs caractères physiques aux taches arsenicales, et qui pourraient, par conséquent, induire les ex- perts en erreur, même quand on aurait fait usage d'amiante, pour arrêter une certaine quantité de chlorure de zinc. Le fait suivant est certainement de nature à engager M. Devergie à ne plus sou- tenir une thèse qu'il est seul à défendre aujourd'hui. En août 1841, MM. Devergie, Ollivier (d'Angers) et moi, nous fûmes char- 26i — gés de rechercher s'il existait de l'arsenic dans certaines matières suspectes. Un tiers de ces matières fut traité par l'azotate de potasse, un autre tiers par l'acide sulfurique concentré, et le dernier tiers par le procédé de M. Devergie que je combats. On n'obtint aucune tache arsenicale ni de traces d'anneau métallique avec les liquides fournis par l'azotate de potasse et par l'acide sulfurique concentré. On recueillit au contraire un assez bon nombre de taches brunes, brillantes et d'apparence arseni- cale, avec le tiers de la matière traitée par le procédé de M. De- vergie. Le lendemain, mon confrère me disait : Les taches se sont envolées,- et en effet, il n'y avait plus sur l'assiette, à la place qu'avaient occupée ces prétendues taches arsenicales, qu'une substance blanche opaque. Je dis aussitôt à M. Devergie : C'est tout simple : votre appareil de Marsh est alimenté par l'acide chlorhydrique; la liqueur que vous introduisez dans cet appareil est riche en acide chlorhydrique, il se forme beaucoup de chlorure de zinc que l'hydrogène en- traîne avec lui malgré la présence de l'amiante dans le tube; ce chlorure est ensuite décomposé par l'hydrogène, et vos taches n'étaient autre chose que du zinc métallique,- depuis hier ce métal s'est oxydé, et nous trouvons aujour- d'hui de l'oxyde de zinc opaque ; les taches ne se sont pas envolées. Ce fait n'a pas besoin de commentaire ; il signale une nouvelle cause d'erreur ou du moins de perturbation qui ne vient pas à l'appui des prétentions de M. Devergie. Caractères de l'arsenic. Il importe de constater les carac- tères de ce corps, soit qu'il ait été retiré de l'acide arsénieux, du sulfure d'arsenic, de l'acide arsénique ou de toute autre prépara- lion arsenicale ; c'est là un complément de la partie chimique de l'expertise que l'on exige et que l'on est en droit d'exiger pour se prononcer sur la véritable nature d'un composé arsenical ; ce qui est arrivé aux experts de Brives dans l'affaire Lafarge explique suffisamment la nécessité de l'extraction de l'arsenic {V. p. 212). J'examinerai donc quels sont les caractères physiques et chimi- ques des taches arsenicales et de l'anneau de même nature, puis je démontrerai que ces taches sont réellement formées par de l'arsenic, et que cette assertion n'a pu être contestée que par — 265 — l'ignorance ou la mauvaise foi et quelquefois par l'une et par l'autre. Caractères des taches arsenicales : 1° débarrassées de tout mélange avec de la matière organique ou avec du sulfure d'arse- nic, ces taches, si elles ne sont pas très épaisses, sont d'un brun fauve, miroitant, et excessivement brillantes, tandis qu'elles sont noires et ternes ou presque ternes si elles sont très épaisses; pour peu qu'elles renferment du sulfure d'arsenic, elles sont jaunes. 2o Soumises à la flamme du chalumeau ou du gaz hydrogène simple, elles se volatilisent complètement en quelques secondes si elles sont minces, et en quelques minutes si elles sont épais- ses, et répandent une odeur d'ail très prononcée. 3° Touchées par une dissolution, même très étendue, de chlo- rure de soude, de potasse ou de chaux, elles disparaissent instan- tanément. U° Exposées au-dessus de la vapeur d'un flacon de chlore, elles sont dissoutes, et si l'on expose à l'action du gaz acide sulfhy- drique les points sur lesquels elles étaient placées avant l'action du chlore, elles reparaissent à l'instant même, mais alors elles sont jaunes miroitantes et formées par du sulfure d'arsenic. 5° Traitées par quelques gouttes d'acide azotique concentré et pur, elles se détachent soudain de l'assiette de porcelaine ; toute- fois elles ne sont pas complètement dissoutes, puisqu'on aperçoit à la surface de l'acide des parcelles d'arsenic ; mais l'assiette, au- paravant tachée, se trouve tout-à-coup parfaitement nettoyée. Si l'on chauffe jusqu'à l'ébullition, dans la même capsule, l'acide et ces parcelles d'arsenic, la dissolution est complète, et il se dé- gage de l'acide azoteux; en évaporant jusqu'à siccité, on obtient un produit blanc ou d'un blanc légèrement jaunâtre, à peine visi- ble, composé d'acide arsénique et d'une très petite proportion d'acide arsénieux ; dès que ce produit est refroidi et touché par une dissolution très concentrée d'azotate d'argent et mieux en- core par un petit cristal de ce sel et une goutte d'eau, il se forme de l'arséniate d'argent rouge brique. Pour ne pas manquer cette expérience importante, il faut savoir que l'acide azotique, même lorsqu'il a été distillé à plusieurs reprises sur de l'azo- — 266 — late d'argent, relient souvent une matière étrangère qui se montre sous l'apparence d'un corps jaune, brun ou noir quand on a éva- poré l'acide jusqu'à siccité : évidemment on aurait à redouter la présence de ce corps, qui altérerait la couleur rouge brique, au point de l'empêcher de se manifester, si au lieu de traiter les taches arsenicales par deux ou trois gouttes d'acide azotique on en employait un ou plusieurs grammes. Si le précipité rouge brique ne paraît pas à froid, on ne doit jamais chauffer la capsule, parce que, par la simple action de la chaleur, l'azotate d'argent se dessécherait, et se décomposerait en prenant diffé- rentes nuances et entre autres une nuance rouge qui en impose- rait. Il suffirait à la rigueur d'une forte tache pour constater le caractère dont je parle, mais il vaut mieux agir sur dix ou douze taches, avec deux ou trois gouttes d'acide azotique. 6° Si, au lieu de mettre en contact avec l'azotate d'argent, le composé blanc ou d'un blanc jaunâtre obtenu par l'action de l'a- cide azotique sur les taches, on le fait dissoudre dans l'eau bouil- lante, la dissolution fournira du sulfure jaune d'arsenic, lorsque après l'avoir acidulée et chauffée avec une goutte d'acide sulfu- reux, on la fera traverser par un courant de gaz acide sulfhydri- que ; on peut également précipiter ce sulfure en faisant bouillir la liqueur pendant quelques minutes et en attendant jusqu'au lendemain, si l'on a pas ajouté d'acide sulfureux. 7° La vapeur d'iode en agissant à la température ordinaire sur les taches d'arsenic les colore peu-à-peu en jaune citron foncé et produit de l'iodure d'arsenic qui se volatilise ensuite à une douce chaleur ou se décompose au contact de l'air par la vapeur d'eau qu'il renferme. Lorsque cette décomposition s'est opérée dans la capsule où la réaction de la vapeur d'iode a eu lieu, il est possible, après la disparition des taches jaunes par l'action de l'air, de reproduire d'autres taches à la place qu'elles occu- paient en y versant un solutum concentré d'acide sulfhydrique. Cet acide, réagissant alors sur l'acide arsénieux formé, donne naissance à des taches d'un jaune pâle du même diamètre que celles qui existaient après l'action de la vapeur de l'iode ; ces taches se dissolvent dans l'ammoniaque-et disparaissent. On peut facilement constater ces deux caractères, sans que les taches — 267 — soient détachées du fond de la capsule sur lequel elles ont élé déposées. Les taches antimoniales traitées par la vapeur d'iode, à la température ordinaire , se transforment aussi en iodure d'anti- moine, en prenant, en moins de huit à dix minutes, une belle couleur orangée tirant plus ou moins sur le rouge vermillon. Ces taches, exposées à la douce chaleur qui vaporise les taches d'iodure d'arsenic, persistent et perdent seulement leur inten- sité en passant au jaune orangé. Ces réactions sont faciles à pratiquer en renversant la capsule de porcelaine, au fond de la- quelle se trouvent les taches qu'on essaie, sur une soucoupe au milieu de laquelle on a placé quelques cristaux d'iode (Las- saigne, Journal de Chimie médicale, janvier 1846). 8° L'acide iodhydrique iodure d'un jaune brun foncé dissout sur-le-champ les taches arsenicales et laisse par son évaporation spontanée des taches jaunes. Le même acide mis en contact avec les taches antimoniales ne donne point de réaction immédiate ; ces taches restent plusieurs minutes intactes et sans se dissou- dre ; mais par suite du contact et de l'évaporation, elles prennent une belle couleur rouge de vermillon (Lassaigne, ibid.). 9° Si l'on ne veut agir que sur une tache arsenicale, M. Bou- tigny propose de la circonscrire avec une baguette de verre mouillée préalablement dans l'eau, contenant un centième d'a- cide azotique pur ; puis on fait tomber sur la tache une goutte de ce même acide au centième de manière qu'elle ne soit en con- tact qu'avec un milligramme environ d'acide réel. On chauffe légèrement et quand la tache est arsenicale, elle disparaît pres- que immédiatement; elle est alors transformée en acides arsénieux et arsénique. On laisse refroidir la capsule, puis on fait arriver sur la partie où se trouvait la tache un courant d'acide sulfhy- drique provenant de la décomposition de l'eau sur le sulfure de fer par l'influence de l'acide sulfurique, et bientôt apparaît une tache jaune où se trouvait primitivement la tache miroitante. Si l'acide sulfhydrique eût été préparé avec le sulfure d'antimoine et l'acide chlorhydrique, l'expérience serait manquée, parce qu'il se déposerait du soufre et que les réactions ultérieures ne se- raient pas aussi nettes. La tache jaune dont j'ai parlé est dis- — 268 - soute dans un gramme d'ammoniaque liquide pure. On fait rou- gir une capsule en platine, et ou y verse goutte à goutie la solution ammoniacale incolore, qui passe à l'état sphéroïdal. Elle forme un sphéroïde très aplati dont l'équateur va toujours en diminuant, son axe vertical restant invariable. Lorsque le sphéroïde s'est transformé en sphère et qu'il n'a plus que le vo- lume d'un petit pois, on le touche avec un tube mouillé préa- lablement dans l'acide chlorhydrique. Le sphéroïde, qui était in- colore, se colore en jaune ; on y ajoute une goutte d'ammoniaque, et il se décolore pour se colorer de nouveau en jaune si on le touche avec de l'acide chlorhydrique. Ces alternatives décolora- tion et de décoloration peuvent se reproduire presque indéfini- ment ; c'est là un caractère qui appartient exclusivement au sul- fure d'arsenic; en effet le sulfure de cadmium, également jaune est insoluble dans l'ammoniaque. Lorsque les réactions qui pré- cèdent ont été nettement obtenues, on placedans le sphéroïde un petit cristal de carbonate de soude, du poids de 0,05 ; on soustrait la capsule à l'action de la chaleur et on la pose sur un plan de métal; sa température s'abaisse rapidement et le sphéroïde s'é- tale presque immédiatement sur la partie la plus déclive de sa surface. La petite masse saline qui en résulte, projetée sur un charbon incandescent, exhale l'odeur alliacée de l'arsenic (Bou- tigny, Journal de Chimie médicale, janvier et juillet 1846). Le procédé de M. Boutigny est incontestablement supérieur à tous les autres, lorsqu'on n'agit que sur une tache arse- nicale. 10° La tache arsenicale ne se dissout qu'avec lenteur dans le monosulfure d'ammonium froid (sulfhydrate d'ammoniaque), tandis que la tache antimoniale se dissout instantanément dès qu'elle est touchée par une goutte de ce sel. Lorsqu'on soumet comparativement ces taches à la vapeur du sulfhydrate, on voit, après quelques heures, que la tache arsenicale n'est pas al- térée, tandis que celle d'antimoine aura plus ou moins complète- ment disparu. Mais ce qui vient ensuite ajouter à ces caractères, c'est que presque toujours, à la place ou autour des taches anti- moniales , plus ou moins effacées, on voit se former des taches rougeâtres ou orangées de kermès ou de soufre doré d'anti- - 26tt — moine, qui viennent s'y substituer, tandis que les taches arseni- cales, résistant à l'action du sulfhydrate, ne changent pas d'état : on observe seulement que leur pourtour, qui devait se trouver imprégné d'acide arsénieux, surtout dans le sens du jet de la flamme, prend une teinte jaune, due certainement à la formation d'une couche mince d'orpiment (Leroy, professeur à Grenoble ; extrait du Bulletin de la société de celte ville). 11° Si l'on place sur une capsule plate du phosphore divisé en petits fragmens et que l'on renverse sur cette capsule la soucoupe contenant des taches arsenicales ou antimoniales, on verra, en agissant à la température ordinaire que les taches ar- senicales disparaîtront au bout de quelques heures, tandis que les taches anlimoniales persisteront pendant plus de quinze jours; elles finiront cependant par disparaître en partie, et alors en exposant la soucoupe sur une capsule dans laquelle on verse une solution d'acide sulfhydrique, les émanations de ce gaz qui se dégagent spontanément du liquide suffisent pour faire repa- raître les taches, celles d'arsenic à l'état de sulfure jaune et cel- les d'antimoine à l'état de sulfure rouge, conservant alors la même forme que celle qu'elles avaient avant d'avoir été soumi- ses à l'action de la vapeur du phosphore. En chauffant légère- ment le phosphore, on hâte la disparition des taches arsenicales ; mais celles d'antimoine ne sont pas plus promptement attaquées (Coltereau, Journal de Chimie médicale, mai 1846). Il n'est pas nécessaire de constater les nombreux caractères dont je viens de parler pour affirmer que des taches sont arse- nicales ; la réunion des trois premiers avec le 4e, le 5e ou le 6e suffisent pour qu'il ne puisse y avoir doute sur la nature de ces taches. Caractères de Tàrsenic sous forme d'anneau. Il est brillant, couleur d'acier et répand une odeur alliacée lorsqu'on lé met sur un charbon ardent. Si, à l'aide de la lampe à esprit de vin, on le chauffe eu D, dans le tube même où il a été formé, il est vite déplacé et va se condenser un peu plus loin, là où le tube est froid ; et si l'on continue ainsi à promener la lampe jusqu'à l'ex- trémité du lube x {V. page 258), il finit par se volatiliser el par disparaître. L'acide azotique agit sur lui comme sur les taches, — 270 — en sorte que l'on pourra, après l'avoir irailéparcel acide, con- stater les caractères 5e et 6e indiqués à l'occasion des lâches. Si, au lieu d'un anneau arsenical, on ne trouvait en D qu'une légère couche terne et grisâtre qu'il serait impossible de dé- tacher du tube, on casserait celui-ci, et après avoir soigneuse- ment recueilli tous les fragmens de verre salis par celte couche, on constaterait qu'elle se volatilise en répandant une odeur al- liacée, et qu'elle se comporte avec le chlorure de soude, le chlore et l'acide azotique, comme le font les taches. C'est ici le moment d'examiner une question grave,jion pas par elle-même, mais par le retentissement qu'elle a eu dans la discussion que j'ai provoquée à l'Académie royale de médecine. J'avais établi en 1839, dans mon premier mémoire sur l'arsenic absorbé, « qu'en traitant certaines matières organiques non ar- « senicales par de l'acide azotique bouillant, on obtient des « liquides, lesquels placés dans un appareil de Marsh, fournis- « sent des taches que j'appelai taches de crasse ; ces taches, « disais-je, si elles sont quelquefois brunes et brillantes, comme « les lâches arsenicales, sont le plus souvent jaunâtres et ont « un tout autre aspect que ces dernières ; il suffit de les avoir « vues une fois pour les distinguer des taches arsenicales ; mais « en admettant que des gens peu versés dans ces sortes de ma- « tières fussent lenlés de confondre des objets aussi différens, « on les distinguerait aux caractères suivans : 1° l'acide azoti- « que froid ne détache pas les taches de crasse, alors même « qu'on frolle sur place avec une baguette ; 2° elles finissent par « se dissoudre en partie dans une grande quantité de cet acide « bouillant, mais elles laissent toujours sur la capsule une ma- te tière brunâtre; 3° la dissolution azotique évaporée jusqu'à « siccité donne, au lieu d'un résidu blanc ou d'un blanc jau- « nâtre, une matière jaune foncé, brune ou noirâtre ; 4° cette « matière ne fournit point de précipité rouge brique avec l'azo- te tate d'argent ; 5° enfin l'acide sulfhydrique gazeux ne précipite « pas en jaune la dissolution dans l'eau du produit azotique « évaporé jusqu'à siccité. » Une assertion aussi explicite aurait dû suffire pour écarter l'idée de soulever à cet égard une question quelconque. Il n'en — 271 — fut rien ; il se trouva deux hommes, MM. Flandin et Danger, qui, après avoir puisé dans mon mémoire, sans le citer, la con- naissance de l'existence de ces taches, vinrent gravement, deux ans après, lire un mémoire à l'Institut pour annoncer comme un fait nouveau que ces taches existaient, et non contens de ce pre- mier plagiat, ils en commirent un second en prenant à M. Raspail une idée extravagante qu'il avait émise dans les débats concernant Mercier de Dijon et qu'il avait publiée, savoir qu'à l'aide de certains phosphites, d'une huile essentielle ou de charbon placés dans l'appareil de Marsh, on pouvait obtenir des taches offrant tous les caractères physiques et chimiques des taches arse^ nicales. Que cette annonce pompeuse soit vraie et nous arri- vons à l'absurde, car il faudra conclure que deux corps très dif- férens l'un de l'autre', Xarsenic et la matière des taches de crasse jouissent des mêmes caractères ! ! ! Tout cela ne pouvait pas soutenir le plus léger examen ; je m'élevai aussitôt à l'Aca- démie de médecine contre une pareille prétention, et je n'eus qu'à rappeler, pour mettre le bon droit de mon côté, ce que j'a- vais écrit sur les caractères différentiels des taches'de crasse et des taches arsenicales; quelques mois après, l'Institut se pro- nonça dans le même sens, après avoir dit que j'avais le premier fait connaître ces taches ; enfin l'Académie de médecine, à son tour, réduisit au néant une assertion dont la fausseté sautait aux yeux. On aurait pu penser que le débat se terminerait là ; mais l'igno- rance et la mauvaise foi ne reculent pas aussi facilement. Corn- plétement battus sur ce point, on déplaça la question et l'on ne soutint plus que les taches de crasse pussent être confondues avec les taches arsenicales. On s'efforça de prouver alors que les taches arsenicales n'étaient pas formées par de l'arsenic. Une pareille thèse ne pouvait être soutenue que par des hommes complètement étrangers [à la science ; aussi MM. Flandin et Danger, qui n'avaient pas le droit de prendre la parole à l'Acadé- mie, choisirent-ils M. le professeur Gerdy. Celui-ci, après avoir humblement reconnu son incompétence dans la question n'en entra pas moins en lice avec une véhémence et une passion qu'on n'a pas oubliées, et prit pour thème la proposition suivante. Les — 272 — taches ne signifient rien, car elles ne sont pas formées par de l'arsenic revivifié. L'Institut les a proscrites, et il faut absolument avoir obtenu un anneau arsenical pour affirmer que la matière recueillie est de l'arsenic. Tout cela est faux et absurde; en effet, les taches sont formées par de l'arsenic,- on peut les transformer en anneau en les dissolvant dans l'acide azotique, à l'aide de la chaleur, en évaporant la liqueur jusqu'à siccité, en traitant le produit par l'eau et en le mettant dans un appareil de Marsh, tout comme on peut chan- ger l'anneau en taches, si on élève la température de cet an- neau à l'aide d'une lampe à esprit de vin, et qu'on le fasse tra- verser par un courant de gaz hydrogène. L'Institut n'a point proscrit les taches,- son rapport serait frappé de nullité, si cela était, puisque dans la plupart des cas, la commission n'a formé sa conviction qu'à l'aide des taches, et que presque jamais elle n'a cherché à obtenir l'anneau arse- nical dans les nombreuses expériences qu'elle a tentées. Est-ce proscrire les taehes que de dire à la page 1085 du rapport {V. Comptes rendus de la séance du 14 juin 1841), que les experts qui chercheront à obtenir des taches devront faire usage d'as- siettes de porcelaine et éviter les assiettes de faïence qui con- tiennent des vernis plombeux ; est-ce proscrire les taches que d'insérer à la page 1106 du même rapport, en résumant tout le travail, dans les conclusions, qu'après avoir fait passer le gaz hydrogène arsénié dans un long lube de verre chauffé au rouge pour le décomposer, on essaiera de recueillir des taches à l'extrémité de ce lube? Il est vrai que le rapporteur de la commission, dans la séance du 12 juillet, parlant en son pro- pre et privé nom, est venu dire à l'Académie des sciences qu'il proscrivait les taches, se mettant ainsi en contra- diction avec le rapport qui était son œuvre et qu'il avait fait adopter un mois auparavant par la compagnie; mais c'est ici une opinion personnelle, une erreur commise par un homme éminent et dont il serait^injuste de rendre l'Institut res- ponsable. Aussi, qu'est-il résulté de tant de bruit? Que tous les experts, sans exception, qui ont été chargés d'éclairer les tribunaux, de- - 273 — puis la publication du rapport de l'Académie des sciences, ont con- stamment recueilli de Varsenic sous forme de taches, qu'ils ont présenté aux jurés, comme preuve de conviction ; mais, et ceci est beaucoup plus piquant, M. Flandin, lui-même a été obligé de rétracter ses opinions et d'affirmer que des taches arsenicales, étaient véritablement formées par de l'arsenic. Voici ce qu'on lit dans le rapport sur l'affaire Lacoste qu'il a signé conjointe- ment avec M. Devergie et M. Pelouse, membre de l'Académie des sciences : « Des taches ont été recueillies en interceptant « la flamme avec une soucoupe de porcelaine. Ces taches « étaient de couleur fauve foncé, miroitantes et métalliques. « Elles se volatilisaient à la flamme du chalumeau en donnant une « odeur prononcée d'arsenic ; touchées par une dissolution très « étendue de chlorite de soude, elles disparaissaient instantané- « ment ; exposées au-dessus de la vapeur d'un flacon de chlore, « elles élaient dissoutes, et au contact du gaz acide sulfhydrique, «. reparaissaient soudain à l'état de sulfure jaune miroitant. La « double réaction du chlore gazeux et de l'acide sulfhydrique « sur les taches a été indiquée par l'un de nous (M. Devergie). « A l'ensemble de ces divers caractères, il était IMPOSSI- « BLE de ne pas reconnaître l'arsenic {Gazette des trihu- « naux, du 15 juillet 1844. Rapport textuel de MM. Pelouse, « Devergie et Flandin). » En lisant ce passage, M. Gerdy se sera sans doute promis de ne plus se faire le champion de mauvaises causes et de ne prêter désormais son talent qu'à la défense d'opinions consciencieuses et fondées sur la raison. Quant à M. Flandin, qu'ai-je besoin de faire ressortir le rôle qu'il a joué dans celle misérable querelle oh il a fini par se donner un démenti, dès qu'il a élé obligé de dire la vérité et de partager les idées de deux hommes dont l'in- struction ne saurait être contestée. Mais dira-t-on, puisque les taches arsenicales ne sont que de l'arsenic, comment se fait-il que dans la dernière conclusion de son rapport, dans ce qu'elle appelle une instruction, la com- mission de l'Institut conseille de recueillir un anneau, et qu'elle ne prescrit pas d'obtenir des taches? Cela se conçoit ; là on s'a- dresse à tous ceux qui pourront être chargés d'une expertise, m. 18 — 274 — aux inhabiles et aux inattenlifs, aussi bien qu'aux hommes éclai- rés ; or il suffit qu'il soit possible de confondre les taches arse- nicales avec d'autres taches, quand les opérations ne sont pas faites avec le soin qu'elles réclament, pour que l'Institut con- seille d'obtenir un anneau plutôt que ces taches ; mais il est évi- dent que celles-ci, si l'on a constaté qu'elles possèdent les pro- priétés chimiques caractéristiques de l'arsenic, suffisent et au-delà pour affirmer que la matière que l'on examine contient de l'arsenic. Au reste, pour éviter toute controverse il vaudra mieux recueillir à-la-fois et des taches et l'anneau, comme je l'ai prescrit à la page 257, et comme j'avais conseillé de le faire dès l'année 1839, deux ans avant l'Inslilut {V. les Mém. de l'Acad.). Taches d'antimoine, d'un mélange d'arsenic et d'anti- moine, de zinc, de fer, de plomb, et d'un mélange de plomb et d'étain; ces dernières se produisent sur le vernis de la faïence. La plupart des dissolutions métalliques des quatre dernières classes, introduites dans l'appareil de Marsh, peuvent donner lieu à des taches qu'il est extrêmement facile de distinguer des taches arsenicales,- les composés oxygénés d'antimoine en fournissent parce qu'ils donnent naissance dans l'appareil à du gaz hydrogène antimonié , absolument comme cela a lieu avec les composés oxygénés arsenicaux, lesquels produisent du gaz hydrogène arsénié; ces taches antimoniales apparaissent promp- tement alors même que la flamme est faible. Quant aux autres sels métalliques, ils produisent des taches par un mécanisme diffé- rent ; une partie de ces sels est entraînée avec le gaz hydrogène et portée sur l'assiette; là, Uoxyde du sel est décomposé par le gaz hydrogène, dont la température est 1res élevée, elle métal se dépose sur la porcelaine ; aussi faut-il, en général, pour obtenir ces taches que le gaz se dégage de l'appareil avec une vive effer- vescence et que la flamme qu'il produit en brûlant soit forte. Taches d'antimoine. Elles sont bleues et brillantes quand elles sont épaisses, et d'un brun fauve si elles sont formées par une couche d'antimoine fort mince; elles ne se vaporisent pas sensiblement à froid et n'attirent pas l'humidité de l'air. Sou- mises à l'action de la flamme du gaz hydrogène, à moins qu'elles ne soient très minces, elles ne disparaissent pas au bout de cinq — 275 — à six minutes, comme les taches arsenicales; d'abord elles s'é- tendent, puis elles deviennent moins foncées et il se produit de l'oxyde blanc d'antimoine qui se volatilise ; mais il reste toujours une tache moins volumineuse d'un gris fauve. L'acide azotique concentré les dissout instantanément, et si l'on évapore la li- queur jusqu'à siccité, on obtient un résidu jaune d'acide anii- monieux, qui ne devient pas rouge brique par l'azotate d'ar- gent, et qui brunit et noircit si, après avoir ajouté ce sel, on le touche par une goutte d'ammoniaque. Si l'on dissout dans l'acide chlorhydrique étendu d'eau l'acide antimonieux jaune produit par l'action de l'acide azotique, et que l'on fasse passer à travers le solutum quelquesbullesd'acide sulfhydrique gazeux, il se forme sur-le-champ un précipité orangé rougeâtre de sulfure d'anti- moine. Le chlorure de soude ne fait point disparaître les taches antimoniales, ce qui les distingue encore des taches arsenicales. Taches mélangées d'arsenic et d'antimoine. On pourrait obtenir ces taches dans un cas d'empoisonnement par l'arsenic si le malade avait pris du tartre stibié. L'aspect de ces taches variera suivant la proportion d'arsenic et d'antimoine qui en- trera dans leur composition, et ne saurait par conséquent être décrit d'une manière générale. Si on les soumet à l'action de la flamme du gaz hydrogène, l'arsenic se volatilisera presque aussi- tôt, et l'antimoine restera. Si on les dissout dans quelques gouttes d'acide azotique et que l'on évapore le solutum jusqu'à siccité, il suffira de faire bouillir le résidu jaunâtre avec de l'eau distillée pendant quelques minutes, pour dissoudre la presque totalité de l'acide arsénique, tandis que la majeure partie de l'acide antimonieux restera indissoute ; qu'on filtre la] liqueur, après l'avoir décantée, et qu'on la fasse évaporer jusqu'à siccité, l'a- cide arsénique obtenu deviendra rouge brique par l'azotate d'argent, tandis que l'acide antimonieux jaune, qui était resté dans la petite capsule, s'il est dissous dans l'acide chlorhydrique, donnera un solutum que l'acide sulfhydrique gazeux précipitera en orangé rougeâtre (sulfure d'antimoine). Taches de zinc. Ces taches se produisent lorsqu'on fait mar- cher avec trop de force l'appareil alimenté par l'acide sulfurique, parce que alors une portion de sulfate de zinc est entraînée par 18, - 276 — le gaz hydrogène, qui réduit l'oxyde de zinc sur l'assiette de por- celaine ; mais elles se montrent plus fréquemment si l'on substi- tue l'acide chlorhydrique à l'acide sulfurique ; il suffit dans ce cas d'un dégagement de gaz qui n'est pas trop intense pour les faire naître. Il est d'autant plus important de les caractériser qu'elles présentent à-peu-près l'aspect des taches arsenicales. Voici comment on les reconnaîtra : elles s'effacent complètement à l'air, parce qu'elles se transforment en oxyde de zinc ; elles ne se volatilisent pas à la flamme du gaz hydrogène, à moins qu'elles ne soient récemment faites; elles se dissolvent rapidement dans l'acide azotique à froid, mais le solutum , évaporé jusqu'à sic- cité, ne devient pas rouge brique par l'azotate d'argent, et si on dissout ce résidu dans l'eau distillée, le gaz acide sulfhydrique le précipite en blanc (sulfure de zinc). Taches de fer. Elles sont grises, brillantes et quelquefois iri- sées ; elles ne se volatilisent pas sous la flamme du gaz hydro- gène ; exposées à l'air, elles se transforment assez rapidement en sesqui-oxyde de fer rougeâtre. L'acide chlorhydrique les dis- sout instantanément et se colore en jaune ; le solutum évaporé jusqu'à siccité laisse un résidu qui devient bleu par le cyanure jaune de potassium et de fer, et d'un violet noirâtre par le dé- coctum de noix de galle. lâches de plomb. Elles sont d'un gris bleuâtre, fixes au feu, solubles dans l'acide azotique à froid ; le solutum évaporé jus- qu'à siccité laisse un résidu blanc qui devient jaune serin par l'iodure de potassium et noir par l'acide sulfhydrique. Taches sur la faïence. Quand on fait arriver du gaz hydro- gène sur des assiettes de faïence dont le vernis contient des oxydes de plomb et d'étain, si la flamme est forte, il se produit souvent des taches composées de plomb et d'étain, d'une cou- leur gris bleuâtre ou noire, ternes, fixes et insolubles dans l'a- cide azotique. Quoique ces taches soient, comme on le voit, faciles à distinguer des taches arsenicales, il ne faut jamais employer, dans les expertises médico-légales, des assieltes de faïence pour recueillir l'arsenic. — 277 — Appareil de Marsh successivement modifié par MM. Lassaigne et Jacquelain. Quoi qu'on fasse, on perd de l'arsenic en opérant par les di- vers procédés dont j'ai parlé jusqu'à présent. Si l'on emploie l'appareil primitivement proposé par Marsh, la perte est consi- dérable (1) parce que l'arsenic n'est recueilli que sous forme de taches , et qu'à mesure que l'hydrogène arsénié brûle près de l'assiette de porcelaine, une partie de l'arsenic est transformée en acide arsénieux qui se volatilise. Si l'on fait usage de l'appa- reil que j'ai proposé {V. page 257), ou de celui de Berzélius el Liebig adopté par l'Institut, on perd beaucoup moins d'arsenic, parce qu'une grande partie de ce corps est condensée dans le tube en D, mais on en perd encore une certaine quantité, en en- flammant le gaz hydrogène arsénié qui sort par l'extrémité effi- lée du tube x. Le but qu'ont voulu atteindre M. Lassaigne d'a- bord, et M. Jacquelain ensuite, a été de recueillir la totalité de l'arsenic et d'éviter par conséquent toute perte. Méthode de M. Lassaigne. M. Lassaigne propose, au lieu d'enflammer le gaz qui se dégage de l'appareil de Marsh et de con- denser l'arsenic sur une soucoupe de porcelaine, de faire passer ce gaz à travers une dissolution d'azotate d'argent bien neutre ; on sait que dans ce cas l'hydrogène arsénié réagit sur l'azotate d'argent, qu'il se précipite de l'argent métallique noir et que la liqueur renferme de l'acide arsénieux en dissolution. On peut continuer le dégagement d'hydrogène aussi long-temps que l'on veut, jusqu'à ce que l'on soit bien convaincu que la liqueur ne renferme plus de composé arsenical. On achève de décomposer ce qui restait d'azotate d'argent dans la dissolution, en précipi- tant l'argent par l'acide chlorhydrique pur ; on obtient alors une liqueur qui, évaporée, donne l'acide arsénieux que l'on peut re- (1) Je n'entends point parler ici de la perte énorme qui a lieu dans cet appareil, lorsqu une matière arsenicale est mêlée à des liquides organiques {voy. p. 253); je suppose que cet appareil fonctionne dans les conditions les plus favorables, c'est- à-dire lorsqu'on introduit dans le flacon une dissolution d'acide arsénieux dans l'eau distillée, sans mélange de matière animale. - 278 — connaître à ses différons caractères. Ce procédé, qui paraissait déjà avoir été indiqué par Simon de Poggendorff, employé comme moyen de concentration, fait découvrir l'arsenic dans une li- queur qui n'en aurait pas manifesté par l'application de celui que j'ai fait connaître ; il est donc excessivement sensible. Il est surtout commode pour faire passer dans une petite quantité de dissolution d'azotate d'argent une portion très minime d'arse- nic (à l'état d'hydrogène arsénié) qui existerait dans un grand volume de liquide. Méthode de M. Jacquelain par le chlorure d'or. Elle a été décrite à la page 231. J'ajouterai seulement que si l'on ne perd aucune trace d'arsenic par cette méthode, cela tient en partie à ce que l'on obtient l'arsenic à l'état de sulfure et non pas à l'é- tat d'arsenic,- celui-ci est dosé par le calcul d'après la propor- tion de sulfure recueilli. Or, dans les expertises médico-légales on exige avec raison que le sulfure soit réduit pour en retirer l'arsenic ; il faudrait donc, si l'on avait procédé, comme le con- seille M. Jacquelain, décomposer le sulfure obtenu, soit en le traitant dans un tube fermé par la potasse et le charbon ou par le flux noir {V. p. 202), soit en le transformant en acides sulfu- rique et arsénique, au moyen de l'acide azotique bouillant et en introduisant le produit dans un appareil de Marsh ; dans ces deux cas, mais surtout dans le dernier, on perdrait une partie d'ar- senic Objections faites au nouveau système de recherches mé- dico-légales concernant les préparations arsenicales. Lorsque je proposai, en 1839, d'appliquer à là médecine lé- gale les faits physiologiques que je venais de découvrir , savoir, le transport de l'acide arsénieux dans le sang et dans tous nos tissus, et notamment dans le foie, le séjour de ce toxique pen- dant un temps déterminé dans l'économie animale et enfin son élimination par l'urine et par d'autres voies d'excrétion, je ne me dissimulai point que la jalousie et la médiocrité ne me pardon- neraient pas aisément d'avoir agrandi à ce point le domaine de la science. Jusqu'à celle époque les experts n'avaient jamais — 279 — cherché les poisons que dans les matières vomies, dans les selles et dans le canal digestif, n'accomplissant ainsi que la moitié de la tâche, tandis que je prescrivais de pousser ces re- cherches jusqu'aux dernières limites, en analysant des tissus et des organes que l'on avait dédaignés jusqu'alors ; et comme je faisais entrevoir qu'il en serait des aulres poisons comme de l'a- cide arsénieux, ce que j'ai mis depuis hors de doute, il en résultait qu'il y avait là un monde nouveau à parcourir, et une nouvelle science à créer. Je m'attendais surtout à un déluge d'objections, au moment où, parfaitement sûr de l'exactitude de mes expé- riences, je viendrais les exposer devant les tribunaux et tirer des conséquences qui devaient avoir une si grande influence sur l'honneur et la vie des accusés. Je ne m'étais point trompé; l'en- vie et la haine ne tardèrent pas à s'acharner contre moi, à ce point que pour suppléer à la faiblesse d'argumens, que l'on croyait pourtant redoutables, on alla jusqu'à me supposer capable d'em- poisonner moi-même les organes que la justice soumettait à mon examen, uniquement pour me donner la satisfaction de faire triompher mon nouveau système. Qu'est-il arrivé de tant de so- phismes et d'injures? En moins de deux ans ce nouveau système a élé acclimaté et adopté par tout le monde; dès l'année 1841, il n'est pas un expert qui ne Tait pratiqué et n'en ait fait son profit; parmi les objections mises en avant, celles que j'avais eu soin de présenter moi-même, en annonçant ma découverte, ont été reconnues comme ayant de la valeur, et l'on a accepté toutes les raisons que j'ai données pour les réfuter ; tandis que personne ne se souvient plus de cette foule de puérilités niaises, sur lesquelles l'ignorance et la malveillance comptaient beaucoup pour battre en brèche un édifice aujourd'hui inébran- lable. Je vais examiner attentivement ces diverses objections, afin de mettre le lecteur àfcnême déjuger que rien n'est exagéré dans ce que j'avance. — 280 — Objections sérieuses faites par moi en 1839 et en 1840. Première objection. Il existe quelquefois de l'arsenic dans les réactifs et dans les matériaux dont on est obligé de se servir pour analyser les matières suspectes, en sorte que le toxique décelé peut provenir de ces réactifs et de ces matériaux et non des organes soumis à l'exa- men de l'expert. Cette objection dont on a déjà tant abusé devant les Cours d'assises, n'a qu'une médiocre portée, parce qu'alors même que ces réactifs et ces matériaux contiendraient souvent de l'arse- nic, ce qui n'est pas, on reconnaîtrait facilement qu'il en est ainsi, et l'on serait naturellement conduit à ne pas en faire usage. Etudions chacun de ces réactifs et de ces matériaux en particulier. Acide sulfurique. J'ai constamment soutenu que l'acide sul- furique distillé des laboratoires est généralement exempt d'ar- senicet qu'il en est de même dans la plupartdes cas de l'acide sulfu- rique du commerce. M. Devergie, au contraire, avec une obstina- tion difficile à comprendre a constamment émis une opinion con- traire. Dans son rapport, l'Institut déclare que j'ai eu raison {Comptes rendus de la séance du 14 juin 1841). Quelque grande que soit cette autorité, il en est une plus puissante encore, c'est la vérité,- je défie qui que ce soit de prouver que je me suis trompé sur ce point ; les allégations gratuites ne peuvent rien en présence des faits. Si l'on se demande pourquoi l'acide sulfurique est quelquefois arsenical, on verra bientôt que certaines variétés de soufre avec lesquelles on prépare cet acide, pouvant être ar- senifères, l'acide préparé avec ces soufres doit contenir de l'ar- senic. Pour s'assurer si l'acide dontfon va se servir est ou non arsenical, on introduira dans une capsule de porcelaine très propre 500 grammes d'eau distillée et l'on y versera par petites parties 500 grammes d'acide sulfurique ; on ajoutera ensuite par fragmens et successivement de la potasse pure et par consé- quent non arsenicale jusqu'à ce que l'acide soit à-peu-près sa- turé ; le sulfate de potasse formé ne tardera pas à cristalliser, — 281 — tandis que la préparation arsenicale qui pourrait exister dans l'acide sulfurique restera dans la liqueur surnageant les cris- taux. Si par hasard tout était pris en masse, il faudrait ajouter 2 ou 300 grammes d'eau distillée que l'on agiterait avec le sul- fate de potasse pour dissoudre le composé arsenical. Dans tous les cas, la liqueur filtrée sera mise dans un appareil de Marsh modifié {V. page 257); si elle fournit de l'arsenic, on ne doit pas se servir d'un pareil acide. Dans le cas contraire, l'expert peut en toute sûreté en employer 500 grammes, c'est-à-dire une quantité égale à celle qui a été essayée. Il est souvent inutile de faire l'essai sur une aussi grande proportion d'acide ; c'est lorsqu'on ne devra faire usage que de quelques grammes de cet acide pour faire fonctionner l'appareil de Marsh ; dans ce cas, on introduira dans cet appareil {V. page 257) de l'eau et du zinc non arsenical et 3 ou 4 grammes d'acide ; si l'hydro- gène qui se dégage ne dépose pas des taches arsenicales sur la porcelaine, vingt ou vingt-cinq minutes après qu'il a été en- flammé , on conclura que l'on peut sans crainte d'erreur em- ployer la même proportion d'acide pour rechercher l'arsenic dans une matière suspecte ; en effet, les conditions de l'expé- rience étant les mêmes, il est évident que si, lorsqu'on agit avec 3 ou 4 grammes de cette matière, l'on obtient de l'arsenic, tandis que l'acide essayé sans la matière suspecte n'en fournit pas, le toxique ne provient pas de l'acide, mais bien de cette matière. En supposant que l'acide sulfurique ait été reconnu arsenical, doit-on chercher à le purifier, ou ne vaut-il pas mieux prendre un autre acide? En général, on doit abandonner l'acide impur plutôt que de chercher à le purifier; mais si l'expert n'en a pas d'autre à sa disposition, il faudra qu'il le prive de l'arsenic qu'il renferme. Pour cela, il ajoutera à l'acide une petite quantité de sulfure de baryum hydraté délayé dans un peu d'eau ; au bout de quelques jours il se sera déposé du sulfure d'arsenic et du sulfate de baryte ; on décantera et l'on filtrera à travers de l'amiante ; l'acide filtré ne contiendra plus d'arsenic; toutefois, par excès de précaution, il conviendra de le soumettre à la distillation. Dans tous les cas, on ne devra jamais employer l'acide ainsi - 282 - purifié avant de l'avoir essayé par la potasse ou de l'avoir intro- duit dans un appareil de Marsh, comme je l'ai dit plus haut. Acide azotique. Je ne sache pas que l'on ail jamais trouve de l'arsenic dans l'acide azotique distillé sur de l'azotate d'argent; néanmoins comme il n'est pas impossible que certaines variétés d'acide azotique préparé avec de l'acide sulfurique arsenical, contiennent de l'acide arsénieux , on devra essayer cet acide, en en saturant 500 grammes par de la potassej9ure,eten faisant éva- porer jusqu'à siccité l'azotate de potasse formé, dans lequel on cherchera l'arsenic par les moyens que j'indiquerai à la p. 284. Acide chlorhydrique. Cet acide contient souvent de l'acide sulfureux et quelquefois de l'arsenic. On reconnaîtra qu'il est arsenical à l'aide de la potasse pure; il suffira d'en saturer 500 grammes par cet alcali, de séparer les cristaux de chlorure de potassium qui se déposeront, de filtrer la liqueur et d'introduire celle-ci dans un appareil de Marsh modifié. Si l'on obtient de l'arsenic, et que l'on n'ait pas à sa disposition un autre échan - tillon d'acide pur, on retendra de son volume d'eau, et on y fera passer un courant de gaz acide sulfhydrique ; ce gaz en excès précipitera tout l'arsenic à l'état de sulfure jaune; on filtrera l'acide surnageant et l'on s'en servira. Il est d'autant plus impor- tant de s'assurer de la pureté de l'acide chlorhydrique, qu'il est toujours employé pour aciduler les diverses liqueurs suspectes, à travers lesquelles on fait passer le gaz acide sulfhydrique. M. Devergie s'est trompé en annonçant que l'on pouvait, à l'aide de la distillation, séparer l'arsenic qui serait contenu dans l'acide chlorhydrique; il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'o- pérer cette purification par ce moyen, alors même que l'on a pris les plus grandes précautions {Voyez ma lettre dans les Annales d'hygiène, n° d'avril 1842). On reconnaîtra que l'acide chlorhydrique contient de l'acide sulfureux eu introduisant cet acide dans un flacon avec de l'eau et du zinc, et en faisant arriver, à l'aide d'un tube recourbé, le gaz qui se dégagera dans une éprouvette renfermant une disso- lution d'acétate de plomb; si l'acide chlorhydrique contient de l'acide sulfureux, il se dégagera de l'appareil du gaz acide sulf- hydrique (par suite de la réaction de l'hydrogène naissant sur — 283 — le soufre de l'acide sulfureux), qui noircira l'acétate de plomb en formant du sulfure de plomb; tandis que rien de semblable n'aura lieu si l'acide chlorhydrique est exempt d'acide sulfureux. On tenterait en vain de séparer par la distillation l'acide sulfureux de l'acide chlorhydrique» et comme il serait dangereux dans une expertise médico-légale concernant l'arsenic d'introduire de l'a- cide sulfureux dans l'appareil de Marsh {Voyez page 227), il faut de toute nécessité renoncera l'emploi de l'acide chlorhydri- que altéré par l'acide sulfureux. Chlore. Le chlore lavé dans de l'eau rendue alcaline par de la potasse pure ne contient pas d'arsenic : or, le chlore gazeux n'est jamais employé qu'après avoir été ainsi lavé {V. page 230). Potasse. Je n'ai jamais trouvé de potasse à l'alcool contenant de l'arsenic. On s'assurerait, du reste, qu'elle est arsenicale, en agissant comme je l'ai dit en parlant de l'acide sulfurique, et en employant 500 grammes de cet acide pur et par conséquent non arsenical. Zinc. J'avais souvent combattu dès 1839, ceux qui préten- daient que le zinc laminé du commerce fournissait souvent de l'arsenic, lorsqu'on l'introduisait dans l'appareil de Marsh. L'A- cadémie des Sciences a encore été d'accord avec moi sur ce point (Voy. les Comptes-rendus de la séance du 14 juin 1841) ; non pas que j'aie prétendu qu'il n'arriverait jamais que du zinc fournît de l'arsenic à l'aide de cet appareil; j'ai voulu seulement dire que cela n'aurait lieu que par exception ; au reste, l'expert devra, avant de commencer l'expérience sur les matières suspec- tes, introduire dans un appareil de Marsh de l'eau, de l'acide sulfurique et une quantité de zinc égale à celle qu'il devra em- ployer pour l'expertise ; l'acide sulfurique agira sur ce métal jus- qu'à ce qu'il n'en reste plus dans le flacon ; si après cet essai on n'a pas recueilli détaches arsenicales, c'est que le zinc ne fournit point d'arsenic et peut servir; il faudrait au contraire le rejeter el en prendre d'autre, s'il donnait des taches arsenicales. Voici une expérience faite en grand dont j'ai rendu témoin la commis- sion de l'Académie royale de médecine. J'ai introduit 2 kilogram- mes de zinc en grenaille dans un grand flacon à deux tubulures, — 284 — de l'énorme capacité de 11 à 12 litres; j'ai monté l'appareil et l'ai fait fonctionner pendant deux jours : on avait eu soin de faire passer le gaz dans deux tubes communiquant l'un avec l'autre par des tubes en caoutchouc, et remplis, le premier de fragmens de verre mouillés d'une dissolution aqueuse d'acétate de plomb, le second, de fragmens de même nature mouillés d'une dissolution de sulfate d'argent. L'expérience avait pour but de s'assurer si celte grande masse de zinc abandonnerait quelques parcelles d'arsenic. Le premier tube rempli de dissolution plombique a noirci dans sa partie supérieure, et cette action était évidemment due à un peu de gaz sulfhydrique dégagé par suite de la présence d'un peu de sulfure dans le zinc ; mais tous les fragmens de verre mouillés par la dissolution argentique avaient fortement bruni; on pouvait donc craindre qu'une quantité notable d'hydrogène arsénié se fût développée et eût réagi sur la dissolution de sulfate d'argent. L'expérience ne tarda pas à prouver qu'il n'en étail rien : il n'y avait pas un atome d'arsenic au milieu des frag- mens mouillés par le sulfate d'argent, et la couleur noire était due à l'argent métallique qui avait été réduit par suite de l'action désoxygénante de l'hydrogène. Azotate dépotasse (nitre). On a beaucoup parlé aussi de ni- tres arsenicaux; j'avoue que je n'en ai jamais trouvé ; il est d'ailleurs si facile de s'assurer s'ils contiennent ou non de l'arse- nic, que cela ne complique aucunement la question. Voici com- ment on devra procéder : on traitera dans une capsule de porce- laine très propre un kilogramme de l'azotate de potasse que l'on essaie, par 600 grammes d'acide sulfurique pur et concentré; on chauffera pendant une heure et demie environ, en agitant de temps à autre, jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus de vapeurs oran- gées d'acide azoteux ni de vapeurs blanches d'acide azotique, re- connaissablesà leur odeur. Alors on retirera la capsule du feu, et quand la matière sera à-peu-près refroidie et solide, on la fera bouillir pendant dix minutes avec 100 ou 150 grammes d'eau;on filtrera pour laisser sur le filtre le sulfate de potasse formé, et l'on introduira la liqueur dans un appareil de Marsh ; si l'on n'obtient pas de taches arsenicales, on pourra hardiment conclure que le nitre n'est pas arsenical. Il importe de chasser par l'action com- — 285 — binée de l'acide sulfurique et de la chaleur la totalité des acides azoteux et azotique, autrement on s'exposerait à avoir des explo- sions en mettant la liqueur dans l'appareil, et l'on arrêterait le dégagement du gaz hydrogène, parce que celui-ci, au fur et à mesure qu'il se produirait, se combinerait avec l'oxygène des acides azoteux el azotique pour former de l'eau. Alcool et eau distillée. Ces liquides ne soni jamais arseni- caux ; au reste, on les essaiera à l'aide de l'appareil de Marsh, en agissant sur 200 grammes d'alcool et sur un litre d'eau dis- tillée. Creusets de liesse, capsules de porcelaine, flacons et tubes de verre, verres à expérience, bouchons. Ces divers vases, pas plus que les lubes et les bouchons, ne donnent jamais d'arsenic; il faut seulement savoir qu'ils doivent être parfaitement lavés avec une eau alcaline, puis récurés avec du sable et lavés de nouveau à grande eau, si l'on veut être certain qu'ils ne retiennent plus quelques atomes de la préparation arsenicale que l'on y aurait préalablement introduite {Voyez mon Mémoire sur les réac- tifs, lu à l'Académie de médecine le 16 juillet 1839). Deuxième objection. On ne peut pas affirmer que l'arsenic obtenu à la suite d'une expertise provienne d'un empoi- sonnement, puisque M. Couerbe a annoncé qu'il existe de l'arsenic dans le corps de l'homme non empoisonné. Pour se faire une idée exacte de la portée de cette objection, il faut connaître les diverses phases qu'a subies la question de l'ar- senic dit normal; c'est le seul moyen de juger la part qui re- vient à chacun dans la controverse qui a eu lieu à cet égard, et dont on a fait tant de bruit. M. Couerbe annonce le premier que le corps de l'homme en putréfaction renferme de l'arsenic ; il pense que ce toxique se développe pendant que les cadavres se pourrissent, sans se prononcer toutefois sur son existence dans les corps non putréfiés. Un paquet cacheté rédigé par moi sous la dictée de M. Couerbe, et déposé par moi à l'Académie royale de médecine, dans sa séance du 30 octobre 1838, contient l'in- dication de ce fait. Déjà, à cette dernière époque, M. Couerbe - 286 — pensait que les os des cadavres humains non pourris renfermaient également de l'arsenic. Le 24 septembre 1839, je lis un mémoire à l'Académie, dans lequel je prouve que les viscères de l'homme ne fournissent pas la moindre trace de ce toxique, mais j'ad- mets son existence dans les os. A la fin de cette même année, M. Couerbe écrit une longue lettre à l'Académie des sciences, dans laquelle il affirme, sans en donner la moindre preux1, que l'arse- nic existe dans les os à l'état d'arséniate de chaux, et qu'il s'en produit à mesure que les chairs se pourrissent; dans celte lettre écrite avec une légèreté et une inconvenance que rien n'é- gale, M. Couerbe m'accuse de plagiat ; je lui aurais volé dit-iM'i- dée-mère, alors que dans le paquet cacheté lu par moi à la séance du 30 octobre 1838 de l'Académie royale de médecine, je disais explicitement que c'était M. Couerbe qui, le premier, avait parlé de l'arsenic dit normal. En 1840, M. Devergie va plus loin que M. Couerbe et moi, et s'exprime ainsi à la page 449 du lome m de sa Médecine légale (2e édition) : « 1° Les os fournissent une « proportion notable d'arsenic. 2° Les muscles n'en donnent « qu'une proportion extrêmement faible et si petite, que l'on « ne saurait en démontrer l'existence par des preuves à l'abri de « toute objection, etc. » Pendant les neuf premiers mois de l'an- née 1840, nous croyons tous les trois à l'existence de l'arsenic dans les os, et cette opinion est partagée par presque tous ceux qui s'occupent de toxicologie. A la fin de septembre 1840, M. Isidore Bourdon me communique une lettre adressée par M. Audouardde Béziers, à un membre de l'Institut, dans laquelle ce savant distingué annonce n'avoir pas retiré d'arsenic en trai- tant des os humains, comme nous l'avions prescrit. Convaincu que ce résultat négatif n'était pas de nature à infirmer un grand nombre d'expériences dans lesquelles on avait constamment re- cueilli de l'arsenic, je le considère comme insignifiant. A la fin d'octobre de la même année, j'expose dans quatre séances publi- ques faites à la Faculté, tous les élémens de la question arseni- cale telle que je l'avais conçue et résolue dès l'année 1839, et afin que chacun puisse suivre avec fruit mes leçons, dès la première séance je distribue un programme imprimé contenant l'énumé- ration des divers points qui devront faire l'objet de ces leçons. On — 287 — lit sur ce programme : On retirera l'arsenic des os. M. Flan- din qui assiste à ces séances, reçoit nu de ces programmes. A la fin d'octobre aussi, j'étais occupé à montrer à MM. Dumas, Regnaull et Boussinguault, tout ce que j'avais découvert concer- nant la question médico-légale de l'arsenic. Après avoir con- vaincu ces trois académiciens, membres de la commission de l'Institut, de l'exactitude des faits que j'avais annoncés, à l'excep- tion toutefois de ceux qui se rapportaient à la présence dans les os de l'arsenic dit normal, j'entamai les opérations qui devaient mettre celte existence hors de doute, et j'échouai complète- ment, quoique j'eusse suivi le procédé si simple qui jusqu'alors avait constamment eu un plein succès. Ne sachant à quoi attri- buer cet échec, et voulant en connaître la cause, je répétai au moins dix fois l'expérience en agissant sur des os humains, pris au hasard dans divers laboratoires d'anatomie; il me fut impos- sible de retirer la moindre trace d'arsenic. Je crus dès-lors ne pas devoir traiter dans mes séances publiques la question de l'ar- senic dit normal, et je passai sous silence celte partie du pro- gramme ; ce silence dut étonner d'autant plus que j'avais abordé toutes les autres questions inscrites dans ce programme; j'ai déjà dit que M. Flandin suivait assidûment mes séances, dont il devait rendre compte dans le Moniteur! Le rapport de l'Institut mentionne positivement le fait dont j'ai parlé plus haut; il y est dit que dans les expériences tentées devant la commission (MM. Du- mas, Regnaull et Boussinguault), je n'ai pas retiré l'arsenic des os : or, les procès-verbaux prouvent que ces expériences étaient faites en octobre 1840. Le 3 novembre suivant, j'adressai à l'A- cadémie royale de médecine un paquet cacheté qui fut ouvert le 13juinl841,etdans lequel j'établissais — détail ces divers faits, et qu'il devra suffire d'en donner une ana- lyse étendue et exacte. Les symptômes de cet empoisonnement varient suivant les doses d'acide arsénieux ingéré, la forme sous laquelle il a été pris (dissolution, fragmens, poudre fine), l'état de plénitude ou de vacuité de l'estomac, l'état antérieur du canal digestif, qui peut être sain ou malade, la constitution et l'âge de l'individu, etc. Il est réellement impossible de donner une description générale des phénomènes que développe ce toxique : aussi vaut-il mieux tracer en abrégé les principaux groupes de symptômes que l'on remar- que le plus souvent, tout en convenant que je n'ai pas la préten- tion de prévoir tous les cas qui peuvent se présenter. A. Saveur à peine sensible au moment de l'ingestion et tout au plus légèrement âpre et nullement corrosive ; bientôt après ptya- lisme fréquent, crachotement continuel, constriction du pharynx et de l'œsophage, agacement des dents, nausées, vomissemens; ceux-ci ne se manifestent le plus ordinairement que deux, quatre ou six heures après l'empoisonnement, si l'acide arsénieux a été avalé solide, car ils auraient lieu au bout de cinq, dix, quinze, vingt ou trente minutes , si l'acide avait été pris en disso- lution et qu'il eût été promptement absorbé ; ils se répètent quel- quefois à des intervalles fort rapprochés et persistent pendant des heures entières, un, deux ou plusieurs jours; les matières vomies sont muqueuses ou bilieuses, parfois mêlées de sang, et contiennent de l'acide arsénieux en dissolution, ou sous forme de poudre ou de fragmens. Anxiété, défaillances fréquentes, ardeur dans la région précordiale; douleur avec un sentiment de brû- lure dans la région de l'estomac, qui ne peut pas supporter les boissons les plus douces-, soif intense; coliques; déjections alvi- nes fréquentes, verdâlres ou noirâtres et d'une horrible fétidité ; hocquet; pouls accéléré, développé, irrégulier et quelquefois in- termittent; battemensdecœur forts et inégaux; respiration fré- quente et gênée; chaleur vive sur tout le corps, démangeaison à la peau qui se couvre de sueur ; éruption surtout à la partie an- térieure de la poitrine de boutons miliaires non vésiculeux, ou de pustules qui ne tardent pas à brunir ; quelquefois celle érup- tion a l'aspect de petites ampoules semblables à celles que pro- — 327 — duisent les piqûres d'orties ; le visage esl coloré et animé, les yeux brillans et injectés, la tête douloureuse ; un léger délire ac- compagne ces accidens ; l'urine, souvent rare, est rouge et dans certains cas sanguinolente; les pieds et les mains sont le siège de douleurs intenses ou bien ils sont insensibles et comme paraly- sés. Cet état persiste un ou plusieurs jours et se termine par la guerison et plus souvent par la mort ; celle-ci est alors précédée, le plus ordinairement, de convulsions presque toujours atroces, de contorsions horribles etde douleurs excessivement aiguës. Si la guerison a lieu, il n'est pas rare d'observer pendant plusieurs mois et même pendant des années, une gêne dans les mouvemens des bras et des jambes dont les articulations restent souvent tu- méfiées et douloureuses; les individus vaquent difficilement à leurs affaires, à moins qu'on ne parvienne à les soulager par des fomentations tour-à-tour émollientes et aromatiques, par des bains de vapeur, des saignées locales, etc. On ne remarque guère l'ensemble de ces symptômes chez le même ii.dividu ; toutefois, si la maladie dure quelques jours, il peut arriver qu'ils se manifestent presque tous à des époques dif- férentes. B. Si la dose du poison ingéré est plus forte, les malades, après avoir éprouvé des vomissemens, des douleurs abdominales, etc., sont comme foudroyés et ressemblent jusqu'à un certain point à ceux qui seraient atteints du choléra asiatique ; les traits de la face sont promptement altérés, la peau est pâle et quelquefois violacée et couverte de sueurs froides ; les malades ressentent un froid glacial; le pouls est fréquent, petit, filiforme et parfois in- sensible; une vive anxiété précordiale et des syncopes fréquenles se manifestent, la respiration s'embarrasse, l'affaissement devient de plus en plus grand, et la mort arrive quelques heures après l'invasion des accidens, quelquefois sans avoir élé précédée de convulsions. C. Dans certains cas, à la vérité fort rares, les individus péris- sent sans avoir éprouvé d'autre symptôme que des syncopes sou- vent légères. Laborde, Chaussierel Renault ont rapporté quel- ques observations de ee genre. D. Si l'empoisonnement dure depuis plusieurs jours, parce que — 328 — les malades auront pris plusieurs fois, à des intervalles plus ou moins éloignés, des doses d'acide arsénieux qui ne soient pas très fortes, ou par toute autre cause, comme cela s'est vu, les symp- tômes seront en général analogues à ceux que j'ai décrils à la p. 326 {V. A.); mais le plus souvent les vomissemens et les dé- jections alvines persisteront opiniâtrement. On conçoit aisément que la marche de la maladie doive être modifiée dans ces cas, au point de ne pouvoir pas être prévue ici. Lésions de tissu produites par l'acide arsénieux. Le canal digestif peut être le siège d'altérations plus ou moins prononcées. Il importe toutefois de noter que dans un assez grand nombre de cas, les traces d'inflammation ne sont pas aussi pro- fondes qu'on le croit ordinairement; on a même des exemples de mort produite par l'acide arsénieux sans qu'il ait élé possible de découvrir la moindre lésion du canal digestif. Dans le fait signalé par Chaussicr, il n'y avait pas la plus lé- gère apparence d'érosion ni de phlogose dans le canal digestif. Etmuller parle d'une jeune fille empoisonnée par l'acide arsé- nieux el chez laquelle ni l'estomac ni les intestins n'offrirent au- cune trace d'inflammation ni de gangrène : cependant l'arsenic fut trouvé dans ce viscère (1). Marc rapporte que dans un cas d'empoisonnement par l'oxyde d'arsenic, loin de trouver les membranes de l'estomac érodées, on constata qu'elles étaient épaissies (2). Missa n'a pas observé d'altération dans l'esto- mac et les intestins d'un individu qui avait pris 12 grammes d'a- cide arsénieux (Voyez observation 5e, page 316 du tome Ier de ma Toxicologie, 4e édition). Sallin dit : « A l'ouverture d'un « homme empoisonné, et de l'estomac duquel on a retiré 4 gr. « d'arsenic en poudre, on n'a trouvé rien contre nature dans la « bouche et dans l'œsophage (3). » Que penser maintenant de l'assertion de ce dernier auteur, (t) Ephemerid. Nat. Curios., centur. in et iv, obs. cxxvi, citm scholio, (2) Marc, traduction de Rose : Manuel d'autopsie cadavérique, p. 66, note. (3) Journal de médecine, tome lviii, p. 176. - 329 — lorsqu'il cherche à établir une différence entre le sublimé corro- sif et l'arsenic? « L'arsenic produit, à la vérité, des effets assez analogues à ceux du sublimé : cependant il y a des différences notables, en ce qu'il gangrène et perfore quelquefois l'estomac, en ce qu'il porte son action sur la totalité de ce viscère, sur la bou- cheet tout le long de l'œsophage, et qu'il existe une éruption à la peau» {Recueil périodique de la Société de médecine de Pa- ris, tome vu, p. 357). L'existence ou la non-existence de lésions cadavériques, l'é- tendue el le siège de ces altérations ne suffisent donc jamais pour affirmer qu'il y a eu empoisonnement, et ne peuvent servir qu'à corroborer les conclusions qui se déduisent des symptômes et de l'analyse chimique des matières. Voyons maintenant quelle est la nature des diverses altérations que l'on a constatées après la mort par l'acide arsénieux. Dans plusieurs cas l'inflammation de l'estomac est extrêmement lé- gère : elle commence à se développer immédiatement après que le poison a été avalé, et elle est d'autant plus intense que la mort tarde plus à survenir. Les parties enflammées sont en général rouges dans toute leur étendue ; quelquefois la rougeur n'existe que par plaques. Les principaux vaisseaux de l'estomac sont dis- tendus par le sang ; mais l'inflammation est ordinairement bor- née à la membrane muqueuse, qui est ramollie, comme macérée, facile à déchirer et à séparer de la tunique musculeuse qui con- serve le caractère propre à son tissu. Quelquefois on remarque de petites taches, véritables ecchymoses formées par quelques portions de sang extravasé sur la surface de la membrane mu- queuse ou dans l'espace qui la sépare de la tunique musculeuse, et développées le plus souvent dans les points où un petit frag- ment d'acide arsénieux a séjourné. Il est rare de trouver des ul- cérations, à moins que la mort n'ait tardé à survenir. Dans cer- tains cas, il existe des eschares grisâtres et dures, d'une petite étendue : cependant on en a vu qui étaient de la grandeur d'un franc. M. Brodie a fait remarquer à cet égard, et avec raison, que l'on a souvent pris pour des eschares des taches formées par une couche très mince de sang coagulé, d'une couleur foncée et for- tement adhérent à la membrane muqueuse ; on peutvoir, dans le 330 — muséum de Hunter, une pièce d'anatomie pathologique offrant l'altération dont il s'agit. Quelques auteurs disent avoir trouvé l'estomac perforé; je n'ai jamais constaté une pareille lésion. L'œsophage peut être enflammé, strié et offrir des ecchymo- ses purpurines, principalement vers le cardia ; la bouche, les amygdales, le voile du palais et la luette ont été trouvés phlogosés dans quelques circonstances. Les intestins sont quelquefois ré- trécis; dans certains cas, loin, d'être contractés, ils étaient dis- tendus. Le jéjunum, l'iléum et le rectum participent parfois à l'inflammation,qui n'atteint guère le cœcum et le colon. Les poumons sont souvent gorgés de sang, comme dans la mort par asphyxie, et quelquefois la membrane muqueuse de la trachée-artère offre une rougeur très prononcée. La cavité droite du cœur contient, en général, beaucoup de sang. La membrane interne des oreillettes et des ventricules, les valvules mitrales ou tricuspides, et les principaux faisceaux musculeux de cet organe, peuvent être le siège de taches rouges ou noirâtres plus ou moins étendues. Morgagni, Ruysch, Brodie, etc., ont attiré l'attention des observateurs sur l'état fluide du sang qui est comme sirupeux. Le' système veineux abdominal est constamment gorgé de sang noir. Les tuniques des vaisseaux sanguins ne paraissent point altérées, quoiqu'elles soient imprégnées de sang et que dans quelques cir- constances on y remarque çà et là des taches livides formées par ce fluide. Les glandes du mésentère, le pancréas, le foie, les reins et le cerveau n'offrent aucune altération notable ; les vaisseaux qui se distribuent à ce dernier viscère sont quelquefois gorgés de sang. Les membranes séreuses ne paraissent pas affectées. Les muscles volontaires sont quelquefois frappés d'une raideur telle qu'il faut employer une certaine force pour séparer les mâchoires et flé- chir les articulations. L'application extérieure de l'acide arsénieux est ordinairement suivie aussi d'altérations analogues à celles qui viennent d'être décrites. Je ne terminerai pas ce sujet sans rappeler que dans cer- taines circonstances, on remarque çà et là dans l'estomac et dans les intestins des personnes empoisonnées par l'acide arsénieux — 331 — une multitude de points brillans que l'on serait tenté de prendre au premier abord pour de l'acide arsénieux. Voy. page 316 (1). Action de l'acide arsénieux sur l'économie animale. Il résulte des expériences nombreuses faites sur plusieurs es- pèces d'animaux et des observations recueillies chez l'homme : 1° Que l'acide arsénieux est un des poisons les plus énergiques du règne minéral. Les chiens les plus robustes succombent dans l'espace de vingt, trente ou trente-six heures, lorsqu'on applique 10 centigrammes de ce poison en poudre fine sous la peau de la partie interne de la cuisse ; il en serait de même si cette dose était introduite dans l'estomac, et que l'acide arsénieux ne fût pas promptement expulsé par les vomissemens et par les selles. Les moutons, malgré l'assertion contraire de M. Cambassèdes,pé- rissent également lorsqu'on leur administre de 5 à 10 grammes de ce toxique (2). Les chevaux supportent, comme cela se con- (1) Billard en a \u chez deux femmes dont l'une, âgée de soixante-douze ans, était morte d'une gastro-colite chronique, et l'autre, âgée de cinquante ans, avait succombé à la phthisie pulmonaire : chez cette dernière, les intestins présentaient de nombreuses ulcérations. (2) On s'imaginera difficilement le bruit que l'on fit au commencement de 1843 de la question relative à l'empoisonnement des moutons. M. de Gasparin avait communiqué à l'Académie des sciences une note dans laquelle M. Cambassèdes cherchait à établir que les moutons pouvaient prendre impunément de fortes doses d'acide arsénieux. Ce fait, d'une fausseté insigne, aurait été sur-le-champ réduit à néant, si quelqu'un dans la docte compagnie eût connu les expériences publiées en 1808 par Jœger, qui avait prouvé le contraire. Il n'en fut rien : on chargea M. Magendie de tenter quelques expériences. MM. Flandin et Danger et M. Ro- gnetta, de leur côté, se mirent en avant pour tâcher de résoudre une question par- faitement décidée depuis trente-cinq ans. Peu de jours après M. Magendie déclara gravement que l'acide arsénieux tue les moutons quand on le mélange avec le dou- ble de son poids de sel commun. MM. Flandin et Danger se hâtent d'annoncer 1° qu'ils veulent s'assurer si le sel commun n'est pour rien dans Y innocuité. On sait déjà ce qu'il faut penser de cette innocuité, et l'on se demande en vertu de quelle action chimique le sel commun pourrait arrêter les effets funestes de l'acide arsénieux ; 2° qu'un mouton n'a pas été empoisonné avec 16 grammes d'acide ar- sénieux solide, mais que les selles étaient abondamment chargées d'acide arsé- nieux, comme si l'on n'avait pas imprimé partout, depuis quarante ans, que tous les animaux supportent facilement des doses considérables d'acide arsénieux solide, et qu'ils ne périssent jamais s'ils parviennent à expulser le poison par le vomisse- — 332 — çoit aisément, des doses beaucoup plus fortes de cet acide ; ce- pendant ils meurent assez promptement lorsqu'on leur fait pren- dre 64 grammes de ce poison solide ou seulement 2 grammes du même toxique dissous dans l'eau. A la dose de 1 à 3 centigram- mes, ce poison donne lieu chez l'homme à des symptômes assez graves pour caractériser un véritable empoisonnement, et sui- vant M. Adolphe Lachèze, médecin à Angers, il n'en faudrait que de 5 à 10 centigrammes pour occasionner la mort {Annales d'hygiène et de médecine légale, tome xvn). Ce dernier ré- sultat, en admettant qu'il soit vrai pour un certain nombre d'in- dividus, ne saurait être adopté sans de grandes restrictions, car il y a à cet égard des différences énormes suivant l'âge, le sexe, la constitution des sujets, leur état sain ou malade, etc. ; 2° Que les effets toxiques de l'acide arsénieux varient dans une espèce animale donnée, suivant les âges, les sexes, la force des individus, l'état de l'estomac, la température extérieure, et cer- taines constitutions organiques difficiles à apprécier dans leur essence. Les animaux qui n'ont point encore pris toute leur croissance, les femelles, ceux d'une taille plus petite, meurent les premiers ; une quantité donnée de poison les lue plus vite à + 20° qu'à 0°, mais nulle cause n'a autant d'influence que l'état de plénitude ou de vacuité du tube alimentaire; les animaux à jeun périssent de beaucoup avant les autres. Toutefois, cette dernière influence ne se fait bien sentir que dans les empoison- nemens par les voies respiratoires et l'estomac, et nullement quand on opère par le mode sous-cutané. L'action toxique ne varie pas moins suivant les espèces ani- ment ou par les selles ; 3° qu'il n'y a que l'arsenic absorbé qui tue, doctrine que je n'ai jamais cessé de professer depuis trente ans ; 4° qu'un mouton empoisonné avec 30 centigrammes d'acide arsénieux appliqué sur la cuisse a uriné à plusieurs reprises, quoiqu'il fût empoisonné d'une manière aiguë, contrairement à l'assertion qu'ils avaient soutenue dans leur premier mémoire sur l'arsenic, où ils disaient que les animaux n urinaient pas dans ces circonstances ; 5° que l'on a pu manger im- punément la chair d'un mouton empoisonné et guéri; cet animal a été tué le trente- huitième jour, alors que sesorgjnes ne donnaient plus la moindre trace de poison, ce qui se réduit à nous apprendre que l'on peut sans crainte manger la chair d'un animal qui n'est pas empoisonné. M. Rognetta, lui, au lieu de traiter la question si intempestivement agitée, vint annoncer, comme un fait nouveau, que l'acide arsénieux peut tuer les chevaux!!! — 333 — maies ; de mes expérimentations sur les chiens, les chats, les la- pins, les poules et les pigeons, ainsi que des faits déjà connus, dit M. Chatin, j'ai déduit la loi suivante : Les effets vénéneux de Varsenic chez les animaux pris dans les mêmes conditions d'âge, etc.sont en raison composée de la perfection des sys- tèmes respiratoire et cérébro-spinal (1). » (1) Yoici les principaux résultats obtenus par le Dr Jœger, en étudiant l'action de 1 acide arsénieux sur les êtres organisés (Dissertatio inauguralis de effectiùus arsenici in varios organismos. Jœger, Tubingœ, 1808). a. Il tue les plantes, si toutefois on excepte peut-être celles dont l'organisation est extrêmement simple. Voy, le beau travail publié sur ce point en 1845 par M. Chatin, travail entièrement calqué sur celui que j'avais publié en 1839, et dans lequel mon honorable ami a prouvé que ce toxique est absorbé par les plantes, qu'il se concentre particulièrement dans les feuilles et dans les réceptacles des fleurs qu'il ne séjourne pas indéfiniment dans les végétaux et qu'il est éliminé, en géné- ral, dans l'espace de quinze jours à deux ou trois mois. l>. Les infusoires périssent dans 10 à 30 minutes si l'on verse une demi-goutte de. dissolution d'acide arsénieux dans le liquide qui les contient. c. Les insectes meurent subitement, et la mort est précédée de mouvemens désordonnés et de l'augmentation des excrétions. d. La mort des crustacés (puce monode} cloporte et écrevisse de mer ; c'est à ces animaux que M. Jceger donne le nom de crustacés) est précédée d'excrétions 1res abondantes et de mouvemens convulsifs. L'irritabilité est éteinte dès que les mouvemens spontanés ont cesse. e. Chez les vers, les sangsues, etc., la partie touchée par le poison meurt la pre- mière. La mort est toujours précédée d'excrétions fréquentes et de mouvemens suivis de l'anéantissement de l'irritabilité. /.' Parmi les mollusques, les limaçons périssent de la même manière que lorsque la dissolution arsenicale est appliquée sur la plaie résultant de l'ablation de la tête et des tentacules ; cependant on aperçoit déjà clans cette classe d'animaux des ef- fets différens, suivant la partie sur laquelle le poison a été appliqué ; mais dans tous les cas il y a constamment augmentation d'excrétion et de mouvement, qui est suivie de langueur, de l'anéantissement de l'irritabilité et de la mort. g. l'armi les poissons, le saumon et le goujon, plongés d;ins une dissolution d'acide arsénieux, périssent d'autant plus vite que celle-ci est plus concentrée : du reste, on observe les phénomènes que j'ai déjà décrits. h. Li s oiseaux semblent résister davantage à l'action de ce poison. Plusieurs de ce^ animaux ont vécu après avoir pris une dose d acide arsénieux suffisante pour tuer des amphibies d'un égal volume. Voici les phénomènes qu'ils ont présentés après l'introduction de cet acide dans le canal digestif, dans la cavité abdominale, nu après son application sur le tissu cellulaire et sur les muscles : 1° calme géné- ral ; 2° clignotement des paupières; 3° déjections alvines fluides, quelquefois san- guinolentes ; 4° mouvemens >pasmodiqm s du pharynx ; 5° contraction anli-péri- staltique de l'œsophage et de la poche, suivie de vomissemens et d'un tremble- ment général ; 6° soif ; 7° érection des plumes et crispation des tégumens. Si la — 334 - 3° Qu'il agit avec beaucoup plus d'intensité quand il est dis- sous dans l'eau que dans le cas où il est solide : ainsi, que l'on introduise dans l'estomac d'un chien 25 grammes de ce toxique dissous dans 100 grammes d'eau, au bout de 5 à 10 minutes l'animal sera sous l'influence du poison , et commencera à vo- mir ; si l'on a empêché le vomissement, la mort surviendra au bout de 3 à h heures suivant la force du chien. La même quantité d'acide arsénieux pulvérulent ne développera des symptômes d'empoisonnement que plusieurs heures après l'ingestion du toxique, et si celui-ci n'est pas vomi, la mort ne surviendra qu'au bout d'un ou de plusieurs jours. Au reste, malgré l'assertion de MM. Hombron et Soulié, il sera facile, quand l'acide arsénieux aura été donné en dissolution aqueuse, de le déceler dans les matières vomies et dans le canal digestif, en traitant directement par le gaz acide sulfhydrique si la matière organique n'est pas très abondante, ou bien en se débarrassant de celle-ci, par le dose du poison n'est pas assez forte pour les tuer, ils restent dans un état de langueur, perdent l'appétit, rendent une très grande quantité de matières liquides semblables au vert-de-gris, et finissent par se rétablir. Si, au contraire, la quantité d'acide arsénieux est assez forte pour les faire périr, ils éprouvent une grande fai- blesse et perdent l'usage des sens externes et d^s facultés intellectuelles ; enfin, la mort est précédée d'opisthotonos et de paralysie. Le cœur, la trachée-artère, l'œ- sophage et les muscles des membres, soumis à l'action de la pile voltaïque immé- diatement après la cessation des mouvemens spontanés, donnent encore quelquefois des signes d'irritabilité ; mais le plus souvent cette propriété s'éteint avec la vie, tandis qu'elle s'observe pendant assez long-temps sur les mêmes espèces d'oiseaux que l'on a décapités. i. L'acide arsénieux détermine constamment la mort de tous les mammifères. On observe d'abord que ces animaux sont tranquilles ; quelques-uns cependant tels que les chiens et les chats, poussent des cris, bâillent, éprouvent des mouve- mens spasmodiques dans les paupières, perdent l'appétit, sont dévorés par la soif, tremblent, vomissent des matières écumeu3es, et évacuent par en bas des matières liquides abondantes; leur respiration est stertoreuse, leur marche vacillante, et il ne leur est guère possible de se soutenir sur les pattes ; la respiration devient plus lente, et ils sont si peu irritables qu'il est impossible de déterminer la contraction de leurs paupières, même en les piquant avec une aiguille ; la pupille est à peine dilatée ; ils sont en proie à des mouvemens convulsifs, principalement dans les mus- cles extenseurs ; enfin l'opisthotonos se manifeste et ne tarde pas à être suivi de la mort. Les cadavres offrent les muscles dans un grand état de contraction ; l'irritabi- lité des intestins, du cœur, des muscles volontaires est entièrement ou presque en- tièrement éteinte. — 335 — moyen indiqué à la page 219 et suivantes avant d'employer le courant de gaz acide sulfhydrique. U° Qu'il détermine l'empoisonnement, soit qu'on l'introduise dans le canal digestif ou dans les veines, soit qu'on l'injecte dans le vagin ou dans les cavités séreuses, soit qu'on l'applique sur la peau ulcérée ou au-dessous de cette membrane, soit enfin qu'on le fasse aspirer sous forme de vapeur. 5° Qu'il agit, à peu de chose près de la même manière, quelle que soit la surface par laquelle il a pénétré dans l'économie ani- male, si ce n'est que son action est beaucoup plus prompte dans un cas que dans l'autre ; ainsi il tue presque instantanément quand il est injecté en petite quantité dans les artères et dans les veines ainsi que dans les cavités séreuses, tandis qu'il faut plusieurs heures pour qu'il occasionne la mort lorsqu'on l'intro- duit dans l'estomac ; et à plus forte raison dans le gros intestin, même dans une plus forte proportion. La peau recouverte d'un épiderme sec et dur le transmet à peine, et les nerfs peuvent sup- porter son contact, sans donner lieu à des altérations notables. 6° Qu'il produit des effets aussi funestes, étant appliqué sous la peau du dos des chiens, que dans le cas où on le met en con- tact avec le tissu cellulaire de la cuisse, ce qui n'a pas lieu pour le sublimé corrosif. 7° Qu'il est absorbé et que sa présence peut être décelée dans tous les tissus de l'économie animale et notamment dans le foie, organe sécréteur et très vasculaire, qui le reçoit le premier, à l'aide des vaisseaux de la veine porte, quand il a été introduit dans le canal digestif. 8° Qu'il existe également dans le sang des animaux empoi- sonnés, quoi qu'en aient dit MM. Flandin et Danger, qui ne l'a- vaient pas d'abord trouvé dans ce fluide, parce qu'ils ne l'avaient cherché que par des procédés que la science désavoue. Ils re- connaissent aujourd'hui qu'en opérant comme je l'ai proposé, on le trouve facilement dans ce fluide. 9° Qu'il est de toute rigueur, dans une expertise judiciaire, lorsqu'on n'a pas décelé le poison dans les matières vomies ni dans les selles, ou que l'on n'en a pas trouvé non plus, à l'état libre dans le canal digestif ni sur les autres parties sur lesqueî- - 336 - les il avait été appliqué, de chercher à découvrir la portion qui a été absorbée, en agissant séparément sur le foie et sur le ca- nal digestif et à défaut de ces organes sur les reins, la rate, les poumons, le cœur ou le sang. Un rapport médico-légal devra être déclaré incomplet et insuffisant, par le seul fait, que dan» ce cas, on aura omis de rechercher l'acide arsénieux dans les organes dont je viens de parler. Il importe même de procéder à la recherche de l'acide arsénieux absorbé, alors que l'on a con- staté la présence de ce toxique à l'état libre, dans le canal diges- tif, car il se pourrait que celui-ci eût été introduit dans celte cavité après la mort et pour faire prendre le change, tandis que son existence dans le foie ou dans l'un des organes précités, sup- pose nécessairement que l'empoisonnement a eu lieu pendant la vie, à moins qu'il ne soit prouvé que le poison est arrivé jusque dans ces organes par voie d'imbibition cadavérique (voy. p. 36). 10° Que l'acide arsénieux absorbé ne séjourne pas indéfini- ment dans nos organes et qu'il est entièrement éliminé chex l'homme au boui de 12 à 15 jours, en supposant que les boissons. prises dans les 2â heures ne dépassent pas un litre. D'après mon honorable et savant ami M. Chatin, la promptitude d'éli- mination est en raison inverse de la faculté de résister au poison. La principale voie d'élimination, c'est l'urine comme je l'ai démontré le premier. En effet, l'urine rendue par les animaux quelque temps après l'empoisonnement renferme de l'acide arsénieux, tandis que les viscères qui en auraient fourni si les individus fussent morts quelques jours après l'inva- sion des accidens, n'en contiennent plus au bout d'un certain temps. Il existe encore d'autres voies d'élimination, moins énergiques sans doute; j'avais annoncé dès l'année 18a0 que l'acide arsénieux élail probablement expulsé par d'autre» voies d'excrétion; c'est ce qui a été démontré en 1842 par M. Chatin, dans une note lue à l'Institut dans laquelle il annonce que le poison est éliminé par la surface interne du tube intes- tinal el par la peau (1). (1) En janvier 1839, j'ai mis hors de doute l'absorption de l'acide arsénieux eJ son transport dans tous les tissus ; bientôt après j'ai fait voir, par des expériences nombreuses, qu'il en était de même des préparations antimoniales,|cuivreuses, — 337 — 11° Que lorsque l'acide arsénieux est mis en poudre fine, sous la peau des chiens, il n'y en a guère que 75 à 100 milligrammes d'absorbé, quelle que soit la proportion employée, et que cette plombiques, mercurielles, etc. Les recherches que j'ai publiées à cet égard sont consignées dans le tome vin des Mémoires de l'Académie royale de médecine, ou dans les numéros de mai, juin, juillet et août du Journal de Chimie médicale, an- née 1842. Jusqu'alors on avait dit que ces poisons devaient être absorbés, mais personne n'avait prouvé leur existence dans la trame des tissus où ils avaient été portés par voie d'absorption ; nous verrons plus bas cependant que des tentatives avaient déjà été faites dans ce but par quelques physiologistes, et notamment par Beis- senhirtz. J'ai été plus loin ; j'ai voulu que cette découverte fût dorénavant appli- quée à la médecine légale, et que les nouvelles données sur l'absorption vinssent éclairer les affaires judiciaires ; peu après, je suis parvenu dans plusieurs cas à déceler de l'arsenic dans les viscères d'individus soupçonnés morts empoisonnés, lorsque le canal digestif manquait, et il a été démontré qu'un crime avait été con- sommé, ce qu'il aurait été impossible de faire avant 1839. Dès que mes travaux ont élé connus, bon nombre d'experts en France ont eu maintes occasions d'en faire ressortir l'importance devant les cours d'assises où ils étaient appelés. MM. Fau et Berges, à Foiv ; MM. Chapeau et Parisel, à Lyon; M. Bigal, à Albi, et bien d'autres que je pourrais citer, ont conclu à l'existence d'un empoisonnement en mettant à profit ces nouvelles recherches. Désormais, lorsqu'il faudra opérer dans des cas d'intoxication par des composés de mercure, d'antimoine, de cuivre, de plomb, d'étain, d'arsenic, etc., et que l'on ne découvrira aucune trace de sub- stance vénéneuse dans le canal digestif, ce qui est plus commun qu'on ne pense, on agira donc sur le foie, la rate, les reins, etc., ou sur l'urine, et souvent on décou- vrira le corps du délit qui aurait échappé avant la publication de mes travaux. Il en a été de ma découverte comme de toutes celles qui, par leur importance, font quelque bruit : des esprits malveillans ont cherché à m'en dépouiller. M. Ma- gendie a prétendu qu'il avait prouvé que tous les poisons étaient absorbés, quand il est notoire qu'il s'était borné à répéter ce qui avait été émis quelques siècles auparavant par beaucoup d'hommes éclairés, savoir que les poisons devaient être absorbés, et à publier quelques expériences physiologiques sur un petit nombre de toxiques, expériences qui tendaient à faire croire que l'absorption avait eu lieu, mais qui étaient loin de la mettre hors de doute. M. Gerdy, avec un sang-froid imperturbable, a annoncé en pleine Académie qu il était établi dans un passage de l'ouvrage du Dr Christison que Mohr avait vu bien avant moi ce que je proclamais être nouveau ; mais il m'a suffi de donner lecture dudit passage pour montrer qu'il contenait tout le contraire de ce qu'on avançait, et pour forcer l'orateur à rétracter son assertion. Aussi l'Institut d'abord, et l'Académie royale de médecine ensuite, ont-ils reconnu que j'avais prouvé le premier que l'acide arsénieux est absorbé et porté dans tous les organes, pour être plus tard éliminé par l'urine, et que les ap- plications que j'ai faites de mon travail à la médecine légale sont exactes. Depuis la clôture de tant de discussions passionnées, j'ai voulu savoir si par hasard quelques auteurs n'auraient pas abordé le sujet qui m'avait tant occupé, et je n'ai rien trouvé, après avoir fait les recherches les plus minutieuses, qui valût la peine d'être cité, si ce n'est un travail de M. Beissenhirtz, publié le 22 janvier ni. a — 338 — faible dose suffit pour occasionner la mort, puisqu'il est impos- sible d'attribuer celle-ci à l'irritation locale, habituellement fort légère que détermine ce poison dans ces circonstances. Je 1823, à Berlin, sous le titre de Arsenici efficacia periculis illustrata. L'auteur fit prendre à un cheval en état de santé, le premier jour, 4 grammes d'acide arsénieux uni à du miel et à de la poudre de guimauve; le deuxième jour, 16 grammes d'a- cide arsénieux; le quatrième jour, a4 grammes du même poisou; le cinquième jour, 8 grammes ; le septième jour, 3o grammes. L'animal mourut le lendemain. L'auteur, après avoir décrit avec soin les lésions cadavériques, dit au chapitre vrn page 29 : « In elaboranda hac materia scopum praefixum habui, ut mihi persuaderem, an « arsenicum digestionis et assimilationis processu partibus organismi animalis ad- <« misceatur, an secretione et cutis actione ex iis iterum eliminetur. Magis tameu « credidi, substanliam hanc venenosam, similem in modum ac hydrargyri prœpa- •< rata cum texturâ partium organicarum communicari. Hsec opinio potissimum «< experimentis a patruo meo factis confiimari videbatur, quippe qui e libris sex « sanguinis equo detractis qui drachmis sex acidi arsenicosi interemptus erat, arse- « nicum sejunxit. Quum periculis illis fidem maximam habeam, prœtereaque jure « meo credam, arsenicum in sanguinis molem totius corporis traduclum fuisse, « parum dubito, quin reliquae corporis partes per sanguinem eo inquirientur, <• quod et ipsa analysis chemica quam ego insiitui, testatum facit. « Doctor Otto similiainstituit pericula, neutiquam vero e sanguine excepto et, « reagentibus chemicis submisso arsenicum obtinuit. Facile liquet, cur experi- « menta hujus viri irrita fuerint; etenim animalcula hune ad scopum adhibila, « tantilla fucrunt ut paucis hujus veneni granis exstinguerentur, sin minus, haus- « tum tamen arsenicum vomitu aut alvi dejectionibus maximam partem expellerent. ■« Horum igitur animalculorum, quœ vel paucas horas post ingestum arsenicum « trucidabantur, vel venenum antea evacuaverant, ut ne assimilari quidem san- d 05 o 0» '■* CL C 3 -T ta-ra (t! 05 rt C 3 CD S en V 05, e— n> 3 •73 3 tt> w TJ 3 "J O * O 3 t/3 O 5 o" .3 3 05 3 05 B '"* _. P 3' n s r» 05 3 05-ST. "ï 05 ■73 1 c 05 on ce ^» 3' TABLEAU RÉSUMÉ Indiquant la dose, la date des premiers symptômes, le temps après lequel l'urine a charrié de l'arsenic, et la quantité d'urine sécrétée dans l'empoisonnement aigu et sur-aigu par l'acide arsénieux. DATES ÉPOQUE QUANTITÉ QUANTITÉ QUANTITÉ MODE à laquelle DURÉE c/5 QUANTITÉ des l'analyse d'urine d'urine d'urine ESPÈCES de a fait totale BS constater sécrétée estimée sécrétée en préparation symptômes les de OBSERVATIONS. « arsénieux de premières durant par le calcul moyenne d'animaux. du traces l'empoison- administré. l'empoison- du poison l'empoison- en pendant poison. dans nement. -- iHeur. Min. l'urine. nement. une heure. une heure. Heur. Min. Heur. Min. Lit. Lit. 1 Cheval. ,ft Partie en solution. jL au gramm. pa,tjCcn suspension.$ ° jJJ- 5 30 51 30 2,55 0,049 y ? Jument. /d. Id. 3 ou 3 30 49 25 0,67 0,016 3 Cheval. M. Id. 4 " 6 30 43 30 3,45 0,079 1 Lit. 0,0348 4 ld. /(/. Id. 2 » 7 » 29 30 0,92 0,031 \ 5 Id. M. Id. 4 " 7 » 21 » 1,02 0,048 | , 6 Jument. /ro rides des curieux de la nature, obs. 107, déc. n, an. 1687 ; el par le docteur Pinjon , médecin de Saint-Etienne {V. ma Toxi- cologie générale, t. 1, 4e édit., p. 598). Les faits qui semblent déposer en faveur de l'innocuité du mercure métallique ont été observés ou décrils par Scret {V. les Ephémérides des curieux de la nature, ann. 1670 ou 1678); par Dehaen, par Desbois de Rochefort {Matière médicale, tome 1, page 213, ann. 1688); par Sue {Mém. de la Soc. médicale d'Emulation, 4e année, p. 252 ) ; et par moi {voyez ma Toxicologie générale, p. 600). Après avoir mûrement examiné les ;deux opinions émises à ce sujet, je crois pouvoir conclure que le mercure métallique agit comme toxique toutes les fois'qu'il séjourne assez de temps dans le canal digestif, pour éprouver un grand degré de di- vision , et pour être absorbé, soit qu'il reste, après l'absorp- tion, à l'état de mercure métallique, soit qu'il se transforme d'abord en oxyde, puis en bi-chlorure comme le pense M. Mialhe. Bien des faits viennent à l'appui de cette manière de voir. 1° On sait que l'humidité el la graisse sont susceptibles d'at- ténuer prodigieusement les molécules du mercure, au point de les rendre noires ; pourquoi ne pas attribuer dès-lors les] effets nuisibles observés par Zwinger et Laborde au mercure que les malades avaient gardé pendant plusieurs jours dans le canal digestif et qui avait éprouvé une, grande division par son contact avec les sucs de l'estomac? — 424 — 2° Les effets délétères des vapeurs mercurielles, ainsi que je l'ai dit, ne sauraient être contestés : or, ces vapeurs ne sont que du mercure très divisé. 3° L'onguenl mercuriel appliqué en frictions chez l'homme donne souvent lieu à des symptômes d'empoisonnement. Swe- diaur a constaté des accidens graves chez un chien qu'il avait soumis à l'usage de ces frictions: or, l'onguent mercuriel n'est formé que de graisse el de mercure très divisé. S'il s'agissait de constater l'existence du mercure très divisé dans l'onguent mercuriel, on ferait fondre celui-ci dans l'eau bouillante, la graisse surnagerait et le mercure serait précipité à l'état métallique. Que si du mercure très divisé et noir avait élé recueilli dans le canal digestif, on le ferait dissoudre dans de l'acide azotique étendu de son poids d'eau, et l'on reconnaî- trait l'azotate formé aux caractères indiqués aux p. 419 et 420. Questions médico-légales concernant les préparations mercurielles. L'existence d'une certaine quantité de mercure métallique dans le canal digestif d'un individu qui a succombé après avoir éprouvé les symptômes d'un empoisonnement aigu, suffît-elle pour établir qu'il y a eu empoisonnement, lors- qu'il est avéré que le mercure n'a été ni avalé, ni injecté dans le rectum à l'état métallique ? Telle est la question qui me fut adressée en 1829 par M. l'a- vocat général de la Cour royale d'Orléans, quelques jours avant le jugement de l'affaire concernant la femme Villoing. Cette femme, malade depuis cinq à six jours lorsque le docteur Caron de Gien fut appelé^ se plaignait d'une oppression très forte à la région epigastrique ; elle éprouvait de fréquentes envies de vo- mir qui de temps à aulre étaient suivies de vomissemens bilieux excessivement abondans. Le médecin regardait la maladie comme une affection bilieuse ; son pronostic n'avait rien de fâ- cheux, lorsqu'au bout de quatre jours on vint lui annoncer que la femme Villoing était morte après avoir éprouvé des vomisse- mens extrêmement fréquens et de copieuses déjections alvines. L'estomac était le siège de deux perforations"; on voyait adhé- — 425 — rcr à plusieurs points de sa membrane muqueuse plusieurs glo- bules mercuriels ; il y avait encore plus de ces globules dans le duodénum que dans l'estomac; quelques-uns égalaient la grosseur d'un grain de millet. Le cœcum contenait du mercure en gros globules, il y en avait aussi dans le colon et dans le recium. On pouvait évaluer à 8 grammes la quantité de mercure trouvée dans le canal digestif de cette femme. Il résulte des expériences nombreuses que j'ai tentées, loque ni le bi-chlorure ni les oxydes de mercure ne se décomposent dans le canal digestif des chiens auxquels on les fait avaler, de manière à fournir du mercure métallique; mais qu'il est encore possible, au bout de plusieurs mois d'inhumation, de démontrer dans ce canal l'existence d'un composé mercuriel, quoiqu'on n'aperçoive nulle part de globules mercuriels ; 2° que cependant la masse noire, connue sous le nom de protoxyde de mercure, étant retirée de l'estomac, desséchée et comprimée, laisse aper- cevoir du mercure non réuni en globules mobiles, tel qu'on peut le voir dans cette masse avant qu'elle ait été avalée; 3° que l'azotate et le sulfate de protoxyde de mercure, qui jouissent de la propriété d'être ramenés, en totalité ou en partie, à l'état mé- tallique par l'albumine et la gélatine, peuvent, au contraire, dans certains cas, être revivifiés, surtout au bout de quelques jours, par les tissus de l'estomac ou des intestins', ou par les alimens qu'ils renferment; mais alors le mercure métallique mis à nu reste comme incorporé avec la matière qui l'a séparé des sels, et, loin d'être réuni en globules mobiles, ne peut être aperçu qu'à l'aide d'une loupe ; 4° qu'il existe un très grand nombre de mélanges de composés mercuriels et d'autres corps, dans lesquels, à la suite de réactions chimiques, le mercure peut être réduit à l'état métallique, à froid, ou à l'aide d'une légère chaleur, tantôt presque instantanément, tantôt seulement au bout de plusieurs heures et même de quelques jours ; ainsi l'azo- late et le sulfate de protoxyde de mercure, l'azotate et le sulfate de bi-oxyde mêlés avec de l'huile essentielle de térébenthine, de l'arsenic, du fer, du cuivre, du phosphore ou du sulfate de protoxyde de fer sont décomposés même à la température ordi- naire el donnent du mercure métallique au bout de plusieurs — 426 — heures ou de plusieurs jours. L'éther sulfurique, l'eau-de- vie, l'alcool à 40 degrés, le sucre et l'huile d'olives ne sépa- rent point le mercure métallique des azotates de ce métal à la température ordinaire, tandis que l'alcool chauffé à 50° peut re- vivifier le métal de ces sels. Le bi-oxyde de mercure ne donne du mercure que lorsqu'il est mélangé avec le sulfate de protoxyde de fer. Le sublimé fournit du mercure métallique quand il est en contact à froid avec le fer,le cuivre, le zinc, l'arsenic ou le phos- phore; l'huile essentielle de térébenthine ne paraît pas l'altérer; l'albumine, la gélatine, l'eau-de-vie, l'éther et l'huile d'olives ne le réduisent pas à l'état métallique. J'ai administré 2 gram. d'azo- lale de protoxyde de mercure à un chien, et bientôt après je lui ai donné 4 gram. de sulfate de protoxyde de fer : l'estomac et les in- testins, après avoir élé desséchés, laissaient apercevoir, à l'aide de la loupe, du mercure métallique en globules très divisés et adhé- rens. J'ai trouvé des globules de mercure visibles à la loupe et in- corporés dans la membrane muqueuse de l'estomac d'un chien au- quel j'avais fait prendre 1 gram. de sublimé dissous dans 30 gram- mes d'eau et mêlés à 12 grammes de cuivre pulvérisé; après la dessiccation de la membrane muqueuse on voyait aussi de ces globules à sa surface. J'ai obtenu le même résultat après avoir donné à un chien 2 grammes d'azotate de mercure délayé dans l'eau distillée, et mélangé avec 60 grammes d'huile essentielle de térébenthine ; 5° qu'il peut arriver, en faisant avaler de pareils mélanges à des animaux vivans, et en les ouvrant après la mort, que l'on ne trouve pas du mercure métallique dans l'estomac ni dans les intestins ; ce qui tient à ce que les animaux périssent trop vite pour que la décomposition de la préparation! mercu- rielle en mercure métallique ait eu le temps de s'opérer ; et si l'estomac contient des alimens, à ce que le contact entre le poi- son mercuriel et la substance qui doit le réduire à l'état métalli- que, peut ne pas êlre intime : d'ailleurs, par suite de l'irritation que détermine la substance vénéneuse, il y a une sécrétion plus abondante de liquides, et le poison se trouvant plus affaibli, on conçoit que sa décomposition puisse ne pas avoir lieu. Ainsi, que l'on administre à des chiens un mélange de sublimé corrosif dissous et d'un métal capable de le revivifier, tel que le zinc, le 427 —- cuivre, le fer, etc., ce métal, beaucoup plus pesant que la disso- lution, pourra tomber au fond de l'estomac, se loger entre les replis de la membrane muqueuse, et agir à peine sur le solutum du sublimé, qui, de son côté, sera déjà mêlé aux alimens et en partie décomposé par eux ; 6° qu'il existe toujours du mercure métallique globuleux dans une partie du canal digestif, lorsque les animaux ont avalé du sucre mercuriel, et qu'on ne les a tués qu'au bout de quelques heures : il est évident que le mer- cure gommeux, l'onguent mercuriel et toutes les autres prépa- rations dans lesquels ce métal n'est que divisé, doivent se com- porter comme le sucre mercuriel ; 7° que l'existence d'une certaine quantité de mercure métallique dans les voies digestives d'un individu qui a succombé après avoir éprouvé les symptômes d'un empoisonnement aigu, me paraît suffisante pour rendre l'empoisonnement par un composé mercuriel très probable, lorsqu'il est avéré que le mercure n'a été ni avalé ni injecté dans le rectum à l'état métallique, ou, ce qui revient au même, à l'état de sucre mercuriel, d'onguent gris, d'onguent napolitain, de mercure gommeux; 8° que cette probabilité sera encore plus grande lorsque, dans le cas dont je parle, on dé- couvre dans les voies digestives, indépendamment du mercure métallique, un reste de la substance qui a pu décomposer et re- vivifier la préparation mercurielle, ou du moins le nouveau composé que cette substance a dû fournir : ainsi, pour mieux me faire comprendre, supposons que le poison mercuriel ait été avalé avec du cuivre ou du fer, et que l'on trouve, outre le mercure métallique, des restes de fer ou de cuivre, ou un sel de ces métaux, formé aux dépens de l'acide, ou du corps avec le- quel le mercure était combiné dans le poison mercuriel. Mais, objectera-t-on, vous n'admetlez donc pas que chez des individus soumis depuis long-temps à l'usage de petites doses d'une préparation mercurielle ou de frictions de même nature, le mercure puisse se présenter à l'état métallique dans les voies digeslives ? Des médecins dont l'autorité est d'un grand poids nient la possibilité d'une pareille décomposition, et traitent de fabuleuses toutes les observations ayant pour objet d'établir le fait. Je partage leur opinion : toutefois, comme en médecine lé- 428 — gale il pourrait être dangereux d'établir un précepte d'après des données qui ne seraient pas rigoureusement prouvées, j'engage les experts à user de la plus grande circonspection , et à ne pas affirmer que du mercure métallique trouvé dans le canal diges- tif d'une personne qui faisait depuis long-temps usage de pré- parations mercurielles, ne peut pas provenir de ces préparations qui "seraient décomposées dans nos organes; maisje pense aussi qu'ils doivent faire sentir l'invraisemblance de l'opinion contre laquelle ils n'osent pourtant pas se prononcer d'une manière absolue. Faisant application de ces données à l'affaire de la dame Villoing, je résumai ainsi ma consultation : A. Il est impossible d'affirmer que cette femme soit morte empoisonnée, parce qu'on n'a découvert aucun poison dans les matières soumises à l'examen des experts ; B. dans l'espèce, on ne saurait considérer comme des traces d'une substance véné- neuse le mercure métallique qui existait dans le canal digestif, parce que ce métal, en admeltant qu'il agisse comme poison, ne détermine jamais les accidens ni les lésions de tissu observés chez la femme Villoing, et que d'ailleurs rien ne fait supposer, comme je crois l'avoir bien établi, que ce mercure provienne d'un composé mercuriel vénéneux qui aurait été revivifié dans les voies digestives; C. néanmoins les symptômes qui ont précédé la mort et les lésions de tissu dont le canal digestif élait le siège, sont de nature à faire soupçonner que l'empoisonnement pourrait avoir eu lieu ; D. il est à-peu-près certain que le mercure a été avalé en nature, soit qu'on l'ait administré dans une intention criminelle pour faire prendre le change, soit qu'il ait été em- ployé, d'après des idées populaires, dans le dessein de faire ces- ser les douleurs dont la femme Villoing se plaignait depuis quelques jours (Voyez mon Mémoire dans le Journal de chimie médicale, t. vie, année 1829). Affaire d'empoisonnement devant la Cour royale du dé- partement de la Seine. Est-il possible que du sulfure de mercure trouvé dans le canal digestif d'un individu n'ait pas été avalé sous cet état, et qu'il soit le résultat de la dé- composition éprouvée par un poison mercuriel ou par un médicament à base de mercure ? Oui, monsieur le président : — £29 — j'ai vu un malade atteint d'une gastro-céphalite, qui prenait tous" les jours 40 ou 50 centigr. de prolochlorure de mercure en poudre impalpable, et qui rendait par les selles une quantité notable de sulfure de mercure noir; il se dégageait évidemment du gaz acide sulfhydrique dans le canal intestinal, et ce gaz transformait le protochlorure en sulfure de mercure : cette décomposition était favorisée à-la-fois par la température du canal digestif et par les sucs qui s'y trouvaient, car à froid et à sec, elle n'arrive que len- tement et d'une manière incomplète, surtout lorsque le pro- lochlorure est en fragmens. Le sublimé corrosif et les sels mer- curiels solubles et vénéneux qui existeraient dans les intestins, au moment où il se dégage du gaz acide sulfhydrique, seraient encore plus rapidement décomposés et transformés en sulfure noir, que le protochlorure. Comment reconnaître que le mercure métallique recueilli à la suite d'une expertise médico-légale provient, non pas d'une préparation mercurielle soluble qui aurait été ad- ministrée comme poison, mais bien du protochlorure de ■mercure qui aurait été pris comme médicament ? Un individu, malade depuis long-temps et habituellement constipé, prend, dans le dessein de se purger, 30 ou 40 centigr. de calomélas (protochlorure de mercure) ; il meurt trois ou quatre heures après : on soupçonne qu'il a été empoisonné. Le médecin est requis pour faire l'ouverture du corps ; il trouve le canal digestif enflammé; il fait l'analyse des liquides, qui ne lui apprend rien sur la véritable cause delà mort; il examine les solides, comme je l'ai conseillé, et il découvre à la fin de l'expé- rience du mercure métallique : tout le porte à croire qu'il y a eu empoisonnement par un sel soluble de mercure. Cette opinion est pourtant erronée dans le cas dont je m'occupe; car la rou- geur du canal digestif tient à une phlegmasie chronique dont le malade était tourmenté depuis long-temps : le mercure métal- lique provient de la petite dose de calomélas qu'il avait prise, et qui certes ne peut pas avoir occasionné l'empoisonnement. Je crois pouvoir indiquer les moyens propres à éviter des mé- prises de ce genre. Il faut savoir, 1° que le calomélas que l'on a introduit dans le canal digestif peut bien se retrouver après la - 430 — mort, mais qu'alors il est le plus ordinairement appliqué sur les tissus sous forme d'une poudre blanchâtre, que l'on peut en- lever en ratissant les membranes, parce qu'il ne se combine pas avec elles; en outre, qu'il est insoluble dans l'eau, et que, lors- qu'on le met en contact avec de l'eau de chaux à la température ordinaire, il acquiert une couleur noire parce qu'il se forme du protoxyde de mercure : d'ailleurs, il conserve toutes ses pro- priétés physiques. Si par hasard il était intimement mêlé avec les substances alimentaires solides contenues dans le canal di- gestif, il suffirait de diviser celles-ci dans l'eau : alors le calo- mélas, d'un poids spécifique très considérable, gagnerait le fond du vase, tandis que les autres matières tarderaient beaucoup plus à se précipiter ; 2° que le composé mercuriel qui résulte de la combinaison du sublimé corrosif avec les substances vé- gétales ou animales, et dont l'existence suffit pour prononcer qu'il y a eu empoisonnement, n'est jamais appliqué sous forme de poudre sur les membranes du canal digestif; qu'il ne se présente jamais avec ses propriétés physiques, parce qu'il est intimement combiné avec les substances qui ont déterminé sa formation ; enfin que, si l'on verse de l'eau de chaux sur les matières qui sont ainsi combinées, on ne remarque aucun chan- gement de couleur. Indépendamment de ces données qui sont immédiatement fournies par l'expérience, le médecin peut ap- prendre que le malade avait pris du mercure doux; ce qui doit nécessairement contribuer à rectifier le jugement qu'il aurait pu porter d'abord. Est-il possible de découvrir du sublimé corrosif dans l'estomac, dans le foie ou dans l'urine d'un individu qui n'a jamais fait usage de ce composé mercuriel ? Un individu peut- il périr empoisonné par du sublimé corrosif, lorsqu'il n'en a pas pris? M. Mialhe ne balance pas à résoudre ces deux questions affir- mativement. Voici sur quoi il se fonde : « Tous les composés « mercuriels autres que le sublimé, y compris le mercure, four- « nissent, dit-il, une plus ou moins grande quantité de bichlo- « rure de mercure, lorsqu'ils ont été en contact avec des chlo- « rures alcalins, comme ceux de potassium, de sodium et de ba- — 431 — « ryum ou avec du chlorhydrate d'ammoniaque, ou avec de l'acide « chlorhydrique. Le chlorhydrate d'ammoniaque surtout pos- « sède au plus haut degré la propriété d'opérer la transformation « dont je parle. Le contact de l'oxygène la favorise beaucoup : m aussi les préparations mercurielles qui peuvent être changées « en bichlorure, en l'absence de l'oxygène, sont plus rapidement « et plus complètement transformées si ce corps agit sur elles ; il « en est même qui ne subissent cette transformation que par « l'aclion combinée d'un chlorure et de l'oxygène : tel est le mer- « cure métallique. La quantité de composé mercuriel qui passe « à l'état de sublimé dépend à-la-fois de la nature de ce composé « et de la proportion de chlorure alcalin ; ainsi les sels solubles « de bioxyde de mercure et les cyanures sont entièrement trans- « formés; tandis que toutes les autres préparations ne le sont « que partiellement : pour celles-ci la transformation est d'au- « tant plus considérable que l'on a employé plus de chlorure. « Les sels de protoxyde commencent par passer à l'état de pro- « lochlorure de mercure, puis se changent en bichlorure ; tandis « que les sels de bioxyde se transforment de suite en sublimé. « 60 centigrammes de protochlorure de mercuredonnent, terme « moyen, 15 milligram. de sublimé. Le protoxyde, le sulfate, « l'acétate,le tartrate de protoxyde de mercure elle mercure « de Hahnemann, sont à-peu-près dans le même cas. L'azo- « tate de protoxyde en donne moins que le calomel. Le proto- « iodure exige le contact de l'oxygène pour être transformé, et « fournit à peine autant de sublimé que le protochlorure. Avec « le mercure métallique on n'obtient guère de bichlorure « qu'autant qu'il y a contact de l'oxygène, que la température est « un peu élevée et que la dissolution du chlorure alcalin est plus « concentrée. Le sulfure de mercure donne encore moins do (v sublimé que le mercure métallique. Le bioxyde en produit à- « peu-près dix fois autant que le protochlorure ; le bi-iodure en « fournit encore plus et le turbith nitreux un peu moins. Ainsi « que je l'ai déjà dit, les sels de bi-oxyde solubles et le cyanure « sont entièrement changés en sublimé. « Ces divers résultats, obtenus par l'expérimentation directe « dans des vases inertes, se reproduisent évidemment dans l'éco- -- 432 — «nomie animale, parce que là les composés mercuriels sont in- « cessamment en contact avec des chlorures alcalins et avec « l'air; on conçoit qu'alors l'oxygène contenu dans l'oxyde de « mercure d'un sel de protoxyde ou d'un sel de bi-oxyde se porte « sur le métal du chlorure pour l'oxyder, et que le chlore de « celui-ci se combine avec le mercure de l'oxyde décomposé. Si « la préparation mercurielle n'est pas à base d'oxyde, l'air four- « nit de l'oxygène et les effets sont les mêmes » Voici à l'appui de ce fait une expérience curieuse : « Douze « heures après avoir pris 6 decigrammes de protochlorure de « mercure, mon urine contenait un composé mercuriel soluble « (sublimé corrosif) ; il suffisait de filtrer ce liquide et d'en « mettre une goutte en contact avec une lame de cuivre par- « faitement décapée, pour que celle-ci se recouvrît à l'instant « même d'une couche de mercure métallique. » § III. Des préparations de cuivre, du cuivre métallique, des émana- tions de cuivre, et du cuivre naturellement contenu dans le corps de l'homme et dans certains liquides alimentaires. CuivRfc métallique. Quelque divisé que soit le cuivre métal- lique, il n'est point vénéneux ; les expériences et les observations de Thomas Bartholin, d'Amatus Lusitanus, de Lamotte, d'Hévin, de Drouard, etc.,ne laissent aucun doute à cet égard; en effet, ces auteurs ont souvent constaté son innocuité chez l'homme et chez des animaux qui en avaient avalé des quantités notables. Cependant je crois devoir consacrer un article à son histoire, parce que, dans certaines circonstances, il peut arriver que des alimens solides ou liquides cuits dans des vases en cui- vre, soient rendus vénéneux par une portion de ce métal avec laquelle ces alimens se sont unis ; ainsi, que l'on fasse bouillir dans un chaudron de cuivre jaune, et mieux encore de cuivre rouge, pendant une heure ou deux de l'eau distillée tenant en dissolution l/20e de son poids de chlorure de sodium, la disso- lution contiendra du cuivre comme on pourra s'en assurer en l'évaporant jusqu'à siccité, et en traitant le produit par l'acide — 433 — acétique ; on obtiendra de l'acétate de bioxyde de cuivre facile à reconnaître {voyez p. 442) (Eller, physicien de Berlin). D'un autre côté, que l'on fasse bouillir dans un chaudron de cuivre un litre d'eau contenant 130 grammes de chlorure de sodium , du bœuf, du lard et du poisson ; le bouillon filtré renfermera du cuivre, qu'il sera facile de déceler par une lame de fer ; le bœuf parfaitement lavé, pendant plusieurs jours, pour le débarras- ser du bouillon dont il était imprégné, en contiendra aussi, car il suffira de le traiter à la température de l'ébullition par de l'eau aiguisée d'acide acétique pour obtenir un solutum, dans lequel on constatera la présence du cuivre, en l'évaporant jusqu'à sic- cité, en carbonisant par l'acide azotique le produit de l'évapora- lion et en traitant le charbon par de l'eau acidulée par l'acide acétique. Eller s'est trompé en disant d'une manière absolue que le bouillon obtenu dans ces sortes d'expériences ne renferme point de cuivre ; apparemment qu'il n'avait agi qu'avec une très pelile proportion de chlorure de sodium, et avec une grande quantité de substances alimentaires; dans ce cas, en effet, la matière organique s'empare de la totalité du cuivre qui avait pu être dissous par le bouillon et transforme ce métal en un com- posé insoluble qui se trouve exclusivement dans les matières solides. Il est inutile de faire ressortir l'importance de ces faits dans cerlaines expertises médico-légales dans lesquelles il s'agirait d'alimens assaisonnés qui auraient été préparés dans des vases de cuivre jaune ou rouge et qui auraient donné lieu à des acci- dens. On avait avancé à tort que du lait, du thé, du café, de la bière et de l'eau de pluie que l'on avait fait bouillir pendant une heure ou deux dans un chaudron de cuivre, tenaient en dissolu- tion une certaine quantité de ce métal. Eller a prouvé par des expériences concluantes, qu'il n'en est rien. S'il s'agissait de constater la présence du cuivre métallique précipité d'une dissolution cuivreuse par une lame de fer et dé- posé sur elle, problème que l'on sera souvent appelé à résoudre, on laverait cette lame avec de l'eau distillée, on l'essuierait entre deux feuilles de papier Joseph, et après avoir reconnu qu'elle III. 28 - 434 - offre la couleur rouge du cuivre, on verserait sur les parties rou- ges une ou plusieurs gouttes d'ammoniaque liquide ; quelques minutes après l'exposition au soleil de la lame ainsi disposée, l'ammoniaque serait colorée en bleu, parce qu'il se serait formé du bioxyde de cuivre et ultérieurement de l'ammoniure de ce bioxyde de eouleur bleue. On pourrait encore détacher à l'aide d'un canif, et avec précaution, le cuivre appliqué sur les deux faces de la lame de fer; la limaille obtenue, quoique mêlée d'un peu de fer, offrirait toutes les propriétés physiques du cuivre; cependant pour être certain qu'elle est presque entièrement formée par ce métal, on devrait la chauffer avec de l'acide azotique étendu de son poids d'eau qui dissoudrait le cuivre et le fer ; en faisant évaporer la liqueur jusqu'à siccité, il resterait de l'azotate de enivre mêlé d'une petite proportion d'azotate de fer ; pour sépa- rer ces deux sels, on les ferait boullir pendant deux ou trois minutes avec de l'ammoniaque liquide qui transformerait l'azo- tate de cuivre en azotate de cuivre ammoniacal soluble, sans dissoudre sensiblement de fer ; cet azotate double étant filtré et évaporé jusqu'à siccité, donnerait un produit qui se colorerait fortement en rouge brun par le cyanure jaune de potassium et de fer, et qui se comporterait avec d'autres réactifs, comme les sels de bioxyde de cuivre. Émanations de cuivre. Les ouvriers qui travaillent le cuivre sont exposés à deux sortes d'affections : la première due au plomb avec lequel le cuivre peut être allié, ne diffère pas de la colique des peintres {voyez Plomb). L'auîre se montre sous une forme très différente et porte le nom de colique de cuivre; dans celle- ci les douleurs sont permanentes avec des exacerbaiions ; elles augmentent par la pression extérieure ; elles sont accompagnées de chaleur vive dans l'abdomen et d'un appareil fébrile propor- tionné à l'intensité des symptômes abdominaux; des vomisse- mens verdàtres ont lieu comme dans la colique saturnine ; mais au lien de constipation il y a ici des selles abondantes, glaireuses, verdâtres, fréquemment répétées, accompagnées quelquefois de ténesme; c'est une véritable inflammation gastro-intestinale pro- duite par l'introduction du cuivre dans les organes digestifs. Les lapidaires, les monteurs et tourneurs en cuivre, les bijoutiers — 4Sô — en faux, les marchands de vieux métaux, les chaudronniers-, soilt par leur profession spécialement exposés à la colique de cuivre qui est infiniment plus rare que la colique saturnine. Cuivre naturellement contenu dans lé Corps de l'Homme ET DANS CERTAINS LIQUIDES ALIMENTAIRES. En 1830 M. SâfteàU (de Rennes) publia dans le Joufn. de Pharmacie, t. xvf, un Mémoire dans lequel il établissait positivement l'existence du cuivre dans certains végétaux et dans le sang, et où se trouve le passage suivant : « // est naturel de penser que lès matières animales en contiennent; il se trouve néceUairerhent dans les muscles, dans les os, dans toute l'organisation. » Il déter- mina par des expériences nombreuses combien le quinqulrià, le café,la garance et le sang renfermaient de ce métal, et il arriva à cette conséquence, qu'en général ces substances en contiennent très peu; ainsi, pour ce qui concerne le sang, il prescrivit d'agir au moins sur 500 grammes de ce fluide, si l'on voulait en démontrer la présence. Dans une autre partie de son Mémoire* il calcula là quantité de cuivre avalée avec le paid seulement par les habitans de la France, au nombre de trente millions pendant une année (année 1830), et il évalua cette quantité à 3,650 kil. Enfin il fit pressentir combien l'existence naturelle du cuivre dans le Corps de l'homme, pouvait compliquer les expertises médico-légales re- latives à l'empoisonnement par les sels cuivreux. Déjà bien avant M. Sarzeau, Gahn, Meissner et Vauquelin avaient retiré du cui- vre de certains végétaux ; ce dernier savant avait même trouvé ce métal dans le sang plusieurs années avant M. Sarzeau, mais comme il s'était servi d'un vase de cuivre pour faire l'expérience, il crut, à tort, que le métal provenait du vase el non du sang. En 1832 M. Pernetti (de Rome) annonça l'existence du cuivre dans les vins. En 1833 M. Boutigny en retirait du blé et d'un grand nombre d'autres substances. En 1837 M. Bouchardat le trouvait dans les moules. En 1838 MM. Hervy et Devergie obtinrent quelques traces de ce métal en incinérant plusieurs des organes de l'homme et de la femme, quel que fût leur âge et quelle que fût la maladie à laquelle ils avaient succombé ; ils constatèrent en- core sa présence chez un enfant nouveau-né. Enfin, en 1840, après avoir reconnu que le sang, le foie, le canal digestif, etc., 28. - 43« de l'homme renferment du cuivre, j'indiquai un procédé simple et exact à l'aide duquel il est permis de décider si du cuivre ob- tenu en faisant une expertise médico-légale provient d'un em- poisonnement, ou de la petite proportion de celui qui est natu- rellement contenu dans lecorpsde V homme {V. les nombreuses expériences que j'ai tentées à cet égard, t. vm des Mémoires de VAcadémie royale de médecine). Le croira-t-on? Après tant d'imposans travaux, MM. Flandin et Danger poussèrent la légèreté et l'imprudence jusqu'à dire qu'il n'existe point de cuivre dans le corps de l'homme ; dans un premier travail lu à l'Académie des sciences le 24 avril 1843, ils soutiennent celte proposition avec un aplomb imperturbable, et ils s'appuient sur ce qu'ils n'ont point trouvé ce métal en pro- cédant par une méthode nouvelle qui, suivant eux, permettait pourtant de découvrir un cent millième de cuivre, et sur ce que ayant fait prendre de très petites doses d'un sel cuivreux à des chiens pendant long-temps, ils ne décelaient pas le cuivre dans le foie de ces animaux. D'après eux, l'école toxicologique moderne, bien autrement exacte que l'ancienne, sait se meure à l'abri des causes d'erreur ; ainsi elle écarte les réaclifs impurs et qui pour- raient contenir du cuivre; elle n'incinère pas les matières organi- ques dans des creusets de porcelaine ; afin d'éviter le cuivre que pourrait contenir la cendre qui voltige autour des creusets et qui pénètre dans leur intérieur, elle incinère en vaisseaux clos dans un tube de porcelaine. Une pareille annonce ne pouvait pas rester sans réponse : aussi 4rois de mes élèves, MM. Barse, Lanaux et Follin adressèrent-ils en août 1843 un Mémoire à l'Académie des sciences dans lequel ils réfutaient par des faits nombreux l'étrange prétention de MM. Flandin et Danger, et demandaient à prouver par des ex- périences irrécusables l'exactitude de leurs assertions. 11 n'avait encore été donné aucune suite à cetie demande, lorsque en octo- bre 1844 MM. Flandin et Danger, plus mal inspirés qu'en 1843, lurent un nouveau travail dans lequel non-seulement ils persis- taient dans l'opinion erronée qu'ils avaient d'abord émise, mais encore ils citaient, pour les attaquer, les passages de mon Mé- moire et de celui de M. Devergie ayant trait à l'existence du — 437 - cuivre naturellement contenu dans le corps de l'homme; ils al- lèrent plus loin ; oubliant toutes les convenances, ils compromi- rent l'un des membres de la commission (M. Pelouze) en annon- çant que les expériences qu'ils croyaient si probantes avaient été faites en sa présence : c'était un moyen plus adroit que loyal de persuader au public que leurs assertions étaient vraies. Mais que peuvent de pareils stratagèmes devant les faits? La vérité est bien autrement puissante que des manœuvres propres tout au plus à faire obtenir un succès bien éphémère. Aussi qu'est-il arrivé? C'est que M. Pelouze, sur l'insistance de MM. Barse, Lanaux et Follin, a retiré du cuivre du foie de l'homme, dès qu'il a abandonné le procédé vicieux inventé par MM. Flandin et Danger pour suivre celui que j'emploie ; désormais MM. Flandin et Danger ne pourront se refuser à admettre ce qu'ils ont nié avec tant d'obstination et il ne restera de tout le bruit qu'ils ont sus- cité qu'une nouvelle erreur à ajouter à tant d'autres. Preuves de l'existence du cuivre dans le corps de l'homme non empoisonné. On carbonise la moitié d'un foie ou le canal digestif, en chauffant dans une capsule de porcelaine ces organes coupés en petits morceaux ; cette carbonisation peut être opérée soit parle feu, soit par l'acide azotique concentré et pur, soit par ce même acide mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse, soit enfin par l'acide sulfurique pur et concentré. On lave le charbon à plusieurs reprises avec de l'eau distillée, afin de rendre l'incinération plus facile et plus complète ; on l'incinère ensuite en le chauffant dans un creuset de porcelaine, à l'aide de la lampe de Berzélius, ou mieux encore en faisant passer un cou- rant d'air atmosphérique pendant une ou deux heures sur ce charbon préalablement disposé dans un tube de porcelaine, que l'on maintient à une chaleur rouge dans un fourneau à réverbère. On peut également procéder à celle incinération en chauffant le creuset dans un fourneau ordinaire alimenté par du charbon ; il faut seulement éviter, dans ce cas, que la cendre produite par ce charbon ne s'introduise dans le creuset, ce à quoi on parvient aisément en fermant celui-ci avec son couvercle, en n'enlevant ce couvercle que de temps à aulre pour que le charbon puisse recevoir le contact de l'air et en ne soufflant pas le feu pendant -- 438 — que le creuset est ouvert. Quoi qu'il en soit on fait bouillir la cendre avec 4e l'eau distillée pour lui enlever la majeure partie des sels solubles; on filtre la liqueur, puis on fait bouillir pendant quelques minutes avec de l'acide chlorhydrique pur, la portion de cendre charbonneuse non dissoute ; bn filtre et l'on évapore la Jjqueqr jusqu'à siccité pour chasser l'excès d'acide ; on dissout le produit de cette évaporation dans l'eau distillée et l'on fait pas- ser un courant de gaz acide sulfhydrique à travers la dissolution ; que ce gaz brunisse ou non instantanément cette liqueur, on abandonne celle-ci à elle-même jusqu'à ce qu'il se soit déposé un précipité brun noirâtre composé de sulfure de cuivre et de sulfure de plomb- Ou décante la liqueur avec une pipette, on lave le pré- cipité avec dp l'eau distillée et l'on attend que les deux sulfures se soient déposés de nouveau; on décante encore avec la pipette, puis qn introduit le précipité mêlé d'un peu d'eau dans une cap- sule de porcelaine ; on ajoute quelques gouttes d'acide chlorhy- drique et une ou deux gouttes d'eau régale et l'on chauffe légèrement ; le soufre des deux sulfures se sépare. On filtre et l'on évapore presque Jusqu'à siccité la liqueur dans laquelle se trouvent les chlorures de cuivre et deplamb débarrassés de l'ex- cès d'acide. Dès que la. masse est refroidie, on la traite par l'am- mpniaque liquide qui dissout le chlorure de cuivre et laisse du protoxyd^ 4e plomb ; on filtre et l'on sépare le cuivre du chlorure ammonjaco-euivreux qui se trouve dans la liqueur filtrée, en a^idjUlajit légèrement celle-ci et en y plongeant une lame de fer j$r£aHement décapée. On peut encore procéder d'un,e manière beaucoup plus expé- ditiva et aussi sûre pour déceler la présence du cuivre ; pour cela on fait bouillir pendant quelques minutes la cendre obtenue à l'aide des procédés indiqués plus haut, avec de l'acide chlor- hydrique pur mêlé de quelques gouttes d'eau régale ; on filtre, on évapore la liqueur jusqu'à siccité et Fou traite le produit desséché par de l'acide chlorhydrique pur éiendu de son poids d'ea,U; OU filtre et l'on plonge la lame de fer dans la liqueur fil- trée et préalablement acidulée par une ou deux gouttes d'acide cibiprhydrique ; le cuivre ne tarde pas à se déposer sur le fer. Est-il iwdiçpe.n.sablç d'incinérer les organes précités pour — 439 — obtenir le cuivre qu'ils renferment? Je n'hésite pas à répon- dre par l'affirmative, si l'on veut extraire la totalité du cuivre contenu dans ces organes ; mais si l'on tient à démontrer seule- ment que le cuivre existe dans ces tissus, on parvient à en retirer une petite partie soit en faisant une très forte décoction aqueuse de plusieurs de nos viscères, en l'évaporant jusqu'à siccité, en car- bonisant le produit par l'acide azotiqueet en incinérant le char- bon qui en provient, soit en faisant bouillir pendant deux ou trois heures dans l'eau régale, les mêmes viscères, en évaporant jusqu'à siccité le liquide obtenu et en traitant le produit dessé- ché par de l'eau distillée bouillante aiguisée d'acide chlorhydrique. Existe-t-il un procédé pour découvrir le cuivre qui a été administré comme poison, et qui se trouve dans nos viscè- res, tandis que ce même procédé serait inefficace pour dé- celer le cuivre naturellement contenu dans ces mêmes viscères? Oui, certes. Lorsqu'on traite par l'eau distillée bouillante pendant 20 à 25 minutes le foie, le canal diges- tif, etc., d'un individu qui a succombé à un empoisonnement par un sel de cuivre, si ce sel n'a pas encore été complètement éli- miné, la dissolution aqueuse contiendra une partie du com- posé cuivreux qui-existait dans les viscères, et qui est légè- rement soluble dans l'eau,- si l'on évapore ce decoctum jusqu'à siccité, et que l'on carbonise par l'acide azotique le produit des- séché, on pourra, en traitant le charbon par l'acide azotique, dissoudre le cuivre d'empoisonnement renfermé dans ce char- bon. Jamais, au contraire, en agissant de même avec les or- ganes d'un individu non empoisonné, c'est-à-dire en opérant sur le charbon non incinéré, ou ne retirera la moindre trace du cuivre qu'ils contiennent naturellement. Ici encore M. Gaultier de Claubry a fait une objection sans portée {V. Médecine légale de Briand, page 670, 4e édition) : « A la vérité, M. Orfila, dit-il, a bien voulu prouver que l'ébul- « litionavec l'eau n'enlèverait jamais le cuivre normal, qu'on « ne pouvait l'obtenir qu'en détruisant les produits organiques ; « mais en supposant bien établi que le cuivre accidentel ne « puisse jamais être extrait par l'eau, il n'en resterait pas moins « cette difficulté que certains composés de ce métal formant avec — 440 - v des produits de l'organisation des combinaisons sur les- « quelles l'eau n'a pas d'action, il faudrait prouver que l'on « peut distinguer l'un de l'autre.» La réponse sera facile : 1° plu- sieurs centaines d'expériences ont déjà prouvé que l'on ne peut enlever la moindre trace du cuivre naturel par l'eau bouillante, pourvu que le decoctum évaporé jusqu'à siccité et carbonisé ne soit pas incinéré {V. page 439) ; 2° quelles sont donc ces com- binaisons sur lesquelles l'eau n'a pas d'action ; je défie M. Gaultier de Claubry d'en citer une seule qui ne soit pas légè- rement soluble dans ce liquide ; mes expériences ont été faites lour-à-tour avec des précipités résultant de l'action de plusieurs matières organiques sur des sels de cuivre, et ces précipités avaient été parfaitement lavés, ou bien avec des foies des rates, etc., d'animaux que l'on avait tués avec un sel de cuivre; constamment l'eau bouillante a dissous une quantité d'un com- posé cuivreux, faible, sans doute, mais suffisante pour que son existence pût être démontrée dans la dissolution. Est-il permis déjuger, d'après la quantité de cuivre ob- tenue dans une expertise médico-légale, que ce métal pro- vient plutôt d'un empoisonnement que de celui qui existe naturellement dans le corps de l'homme ? Avant de résoudre cette question, voyons quels sont les résultats des expériences tentées par MM. Hervy et Devergie, et qui sont loin d'être assez nombreuses pour que l'on puisse adopter ces résultats sans ré- serve : 1° la proportion de cuivre naturellement contenu dans le corps de l'homme augmente avec l'âge ; elle est extrêmement fai- ble chez l'enfant nouveau-né ; à trente ans, elle est quatre à cinq fois plus grande ; 2° le cuivre est en proportion variable dans l'estomac et les intestins de l'homme et de la femme adultes ; cette proportion ne dépasse pourtant pas 46 millièmes pour les intestins ; cependant ce chiffre ne repose pas sur un nombre suffisant d'expériences pour qu'on puisse l'établir comme un terme invariable ; 3° une maladie prolongée, pendant laquelle l'alimentation ne s'opère pas, paraît apporter une grande diffé- rence dans le poids du métal obtenu; 4° celte différence vient à l'appui de la supposition la plus naturelle à faire sur la source de ce métal dans l'économie animale, à savoir, qu'il y est introduit 444 — par la viande et les végétaux qui servent d'alimens (Devergie, Médecine légale, tome m, page 537,2e édition). On voit par ces données que l'on ne sait rien de positif sur la quantité de cuivre naturellement contenu dans nos viscères, et qu'il y aurait, par conséquent, témérité à répondre affirmative- ment à la question que j'ai posée plus haut. On dira, sans doute, que la proportion de cuivre naturel étant ordinairement très faible, si Fon en trouve beaucoup dans un organe déterminé, le foie, par exemple, après l'avoir incinéré, tout portera à croire que cette forte proportion provient du cuivre d'empoisonnement et non du cuivre naturel. A cela, je répondrai qu'il faut éviter d'incinérer les viscères, pour y chercher le cuivre d'empoisonne- ment, par les motifs énoncés plus haut, et parce qu'il est préfé- rable d'agir avec l'eau bouillante ; que si l'on voulait à toute force suivre ce mauvais procédé, il pourrait certainement arriver que l'on trouvât une quantité de cuivre tellement abondante dans la cendre que tout porterait à croire que ce cuivre provient d'un empoisonnement, sans que pourtant on pût l'affirmer. Mais aussi, après avoir fait cette légère concession, je dirai que l'on se créerait les plus grands embarras, si l'on érigeait en principe qu'il faut procéder par incinération; combien de fois, en effet, n'arriverait-il pas que la quantité de cuivre recueillie, après un empoisonnement, serait très minime, parce que déjà une partie du poison cuivreux aurait élé éliminée ou par d'autres motifs; quel parli prendrait-on alors? Evidemment on ne pourrait pas dire que ce cuivre provient plutôt d'un empoisonnement que de celui qui existe naturellement dans nos viscères. En me résumant sur ce point, j'établirai donc que, dans beaucoup de cas, l'expert ne saurait affirmer, d'après la quantité de cuivre extraite d'un organe, que ce métal provient d'un empoisonnement, tandis qu'il peut le faire constamment en agissant avec l'eau distillée bouil- lante, comme je l'ai prescrit à la page 439. De lacétate de cuivre neutre. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acétate de cuivre? — 442 — L'acétate de bi-oxyde de cuivre {verdet cristallisé, cristaux de Vénus) est sous forme de rhomboïdes d'un vert foncé ou pul- vérulent, inodore, d'une saveur styptique, efflorescent et soluble dans l'eau, tandis que le vert de gris dont je parlerai bientôt ne se dissout qu'en partie dans ce liquide. Si l'on verse de l'aride sulfurique concentré sur de l'acétate de cuivre pulvérisé et que l'on ajoute quelques gouttes d'eau, il est décomposé ; il se dégage des vapeurs d'acide acétique ayant une odeur de vinaigre très fort, et il se forme du sulfate de cuivre. Chauffé graduellement et jusqu'au rouge dans un tube de verre étroit, long de 20 à 58 centimètres, il décrépite et fournit de l'acide acétique (vinai- gre radical), de l'acétone et d'autres produits volatils'semblables à ceux que donnent plusieurs acides végétaux, placés dans les mêmes conditions; il reste du cuivre métallique au fond du tube. Dissolution aqueuse concentrée. Elle est verte, transpa- rente, d'une saveur styptique el précipite en bleu par la potasse, U soude et l'ammoniaque (bi-oxyde hydraté) ; ee dernier réac- tif dissout le précipité avec la plus grande facilité et donne de l'acétate ammoniaco-cuivreux d'un beau bleu. L'acide sulfhy- drique gazeux ou liquide la précipité en brun noirâtre (sulfure de cuivre); le cyanure jaune de potassium et de fer en brun mar- ron, si l'on ajoute de l'eau (cyanure de cuivre et de fer), l'acide arsénieux et les arsénites solubles en vert (arsénite de cuivre, vert de Scheele, vert de Schweinfurt) ; ce précipité, se dissolvant tirés bien dans quelques gouttes d'acide acétique concentré ne se manifesterait pas si l'acétate était acide. Il suffit de plonger une lame de fer bien décapée dans une dissolution concentrée d'acé- tate de cuivre légèrement acidulée par de l'acide chlorhydrique, pour qu'à l'instant même le fer soit recouvert d'une couche de cuivre. Le phosphore solide agit de même. L'acide sulfurique concentré en dégage de l'acide acétique reconnaissable à son odeur. Dissolution très étendue incolore ou à peine colorée en bleu. Elle offre une saveur styptique et se comporte avec le cyanure jaune de potassium et de fer et avec la lame de cuivre comme la pré- cédente. L'ammoniaque la bleuit, et l'acide sulfhydrique la bru- — 443 - nil, à moins qu'elle ne soit excessivement étendue. Quant à la potasse, la soude, l'acide arsénieux, les arsénites et l'acide sul- furique, ils sont sans action sur elle, si elle esl très diluée; si l'on voulait obtenir avec ces agens les réactions indiquées plus haut il faudrait concentrer la dissolution. J'ai voulu savoir lequel du cyanure jaune de potassium et.de fer ou de la lame de fer était plus avantageux pour déceler les plus légères traces de ce sel. M. Devergie avait avancé que la lame de fer était impuissante pour découvrir le cuivre dans une liqueur qui contiendrait moins d'un six millième de sel en dissolution, tandis que le cyanure accuse- rait la présence du composé cuivreux, alors même que la liqueur n'en renfermerait qu'un quatre-vingt millième. Il faut s'en- lendre ; si l'on verse dans 50 grammes d'eau distillée un sei- zième de goutte d'une dissolution concentrée d'acétate de cuivre, et qu'après avoir agité,on partage la liqueur en deux parties égales, on verra que la moitié qui sera traitée par le cyanure jaune de potassium et de fer, sera à peine colorée en rose pâle, au bout de yingt-quatre heures, sans qu'il se soit formé de précipité et qu'en faisant évaporer le mélange jusqu'à siccité, on n'obtiendra qu'une légère couche insignifiante de matière d'un gris clair ti- rant un peu vers le rose pâle, que personne n'oserait affirmer être du cyanure de cuivre et de fer, tandis que la lame de fer plongée dans l'autre moitié de la dissolution, évaporée jusque ce qu'elle soit réduite à un gramme, eu aura séparé du cuivre métallique, après vingt-quatre heures de contact, si le gramme de liqueur avait été préalablement acidulé par une goutte d'acide chlorhydrique : c'est faute d'avoir concentré la dissolution excessivement étendue, avant d'y plonger la lame de fer, que M. Devergie a donné la préférence au cyanure. Au lieu d'une lame de fer on se sert de préférence de la moitié d'une aiguille fine que l'on suspend à l'aide d'un cheveu dans la liqueur préalablement acidulée; ce moyen est tellement sensible qu'il permet de déceler du cuivre dans des liquides alimentaires dont on fait impunément usage, tels que le vin, le cidre, etc. J'ai dit que, pour réussir dans ces cas, il fallait que la liqueur suspecte fût légèrement acidulée ; il importe de démontrer maintenant qu'il y aurait des incp,nvéniens graves à rendre la - 444 — liqueur trop sensiblement acide, et qu'il est avantageux de préférer l'acide chlorhydrique à l'acide sulfurique pour Faciduler. L'expérience suivante ne laisse aucun doute à cet égard. J'ai versé six gouttes d'une dissolution concentrée d'acétate de cui- vre dans 48 grammes d'eau ; le mélange, partagé en six parties égales, a été placé dans six verres ; chacun des liquides a élé acidulé, le n° 1 par une goutte d'acide sulfurique, le n° 2 par quatre gouttes, le n° 3 par huit, le n° 4 par douze, le n° 5 par vingt gouttes du même acide, le n° 6 par soixante gouttes d'acide chlorhydrique. Six lames de fer parfaitement dé- capées, plongées dans les six liqueurs, n'ont pas tardé à se re- couvrir de cuivre rouge; partout où l'acide était en proportion sensible, il se dégageait du gaz hydrogène ; ce dégagement était assez rapide dans la liqueur n° 5. Au bout de trois ou quatre heures, on voyait au fond des liqueurs les plus acides, du cuivre en limaille, et alors la lame de fer noircissait en se recouvrant d'oxyde noir de fer. Le lendemain, la lame plongée dans la li- queur n° 5 était noire et fortement corrodée ; dans les nos 1, 2, 3 et 4, on apercevait encore çà et là quelques portions rougeâ- tres entourées d'oxyde noir de fer. La lame mise en contact avec l'acide chlorhydrique était la seule qui fût recouverte dans presque toute son étendue d'une couche de cuivre rouge, quoi- que déjà elle offrît çà et là quelques points noirs. Du vert de gris artificiel {mélange d'acétate de cuivre neutre, de bi-oxyde de cuivre , de cuivre métallique, de rafles de raisin et d'autres corps étrangers). Le vert de gris artificiel est solide, d'un vert bleuâtre, formé d'une multitude de petits cristaux soyeux et argentins, sans odeur et d'une saveur forte, styptique. La chaleur et l'acide sul- furique concentré agissent sur lui comme sur l'acétate neutre. L'eau distillée froide le dissout en partie; la dissolution, d'une couleur bleue, contient tout l'acétate de bi-oxyde que renfermait le vert de gris, tandis que la portion indissoule, d'un bleu ver- dâtre, est formée de bi-oxyde de cuivre hydraté et des autres corps insolubles qui entrent dans la composition du vert de gris. — 445 — L'eau distillée bouillante dissout également l'acétate de bi- oxyde cuivre neutre, et donne une liqueur bleue ; mais la portion indissoute, d'un brun plus ou moins foncé, renferme du bi-oxyde de cuivre anhydre brun et les autres matières insolubles; évi- demment , l'eau bouillante a déshydraté le bi-oxyde de cuivre hydraté. Quelle que soit la température de l'eau avec laquelle on a agi, la dissolution partage toutes les propriétés de l'acétate neutre de cuivre. Quanl à la partie indissoute, il suffira pour la reconnaître de la traiter à froid par de l'acide sulfurique moyen- nement étendu, qui dissoudra le bi-oxyde de cuivre en le trans- formant en sulfate {voy. ce mot) et de mettre en contact, avec l'acide azotique pur, la portion de la matière déjà épuisée par l'acide sulfurique étendu ; en effet l'acide azotique attaquera le cuivre métallique, donnera de l'azotate de cuivre {voy. ce mot) et laissera les rafles de raisin et les autres impuretés. Dissolution aqueuse de vert de gris ou d'acétate de bi- oxyde de cuivre, mêlée à des liquides alimentaires ou mé- dicamenteux, à la matière des vomissemens ou bien aux substances qui pourraient exister dans le canal digestif au moment de la mort. Parmi les liquides alimentaires il en est un certain nombre qui ne sont point précipités par cet acé- tate, tels sont le vin, la dissolution de gélatine, le bouillon, etc., tandis que l'albumine, le thé et souvent la matière des vomisse- mens sont troublés par ce sel. Cette différence me conduit natu- rellement à indiquer deux procédés d'analyse, un pour chacun de ces cas. Premier cas. Le sel n'a point été précipité par le liquide alimentaire et il est en dissolution. Au lieu de perdre une portion de la liqueur, en l'essayant par les réactifs propres à faire reconnaître l'acétate de bi-oxyde de cuivre, on la fera traverser par un courant de gaz acide sulfliydrique qui y fera naître un précipité brun noirâtre de sulfure de cuivre lequel se déposera au bout d'un certain temps ; ce précipité, bien lavé sur un filtre, après avoir été desséché, sera traité à une douce chaleur dans une capsule de porcelaine par deux fois son poids d'acide azo- tique pur et concentré, qui le transformera aussitôt en sulfate de bi-oxyde de cuivre, en dégageant de l'acide azoteux ; on éva- — 446 — porera jusqu'à siccité et l'on traitera le sulfate desséché et privé de toute matière organique par de l'eau distillée bouillante qui le dissoudra; il sera facile de le reconnaître. Si le mélange alimentaire dont je parle, quoique contenant de l'acétate de bi-oxyde de cuivré en dissolution, était épais, vis- queux, et que par cela même on pût craindre que le sel cuivreux ne fût point précipité par l'acide sulfhydrique, il faudrait avant de le faire traverser par ce gaz, le chauffer jusqu'à la tempéra- ture de l'ébullition pour coaguler une portion de la matière ani- male ; quelquefois même il pourrait être nécessaire, après avoir filtré la liqueur qui surnagerait le coagulum de précipiter une autre portion de matière organique, en y versant deux fois son volume d'alcool concentré. En agissant ainsi on ne court aucun risque de confondre le cuivre qui proviendrait d'un empoisonne- ment avec celui qui peut exister naturellement dans le vin et dans d'autres liquides qui n'auraient pas séjourné dans des vases de cuivre et qui auraient été pris comme alimens, parce que la proportion de ce dernier dans ces liquides alimentaires est tellement faible que l'acide sulfhydrique ne peut pas le pré- cipiter. Il n'en serait pas de même si le vin ou les autres liquides avaient séjourné dans des vases de cuivre et qu'ils tinssent en dissolution une quantité plus ou moins notable d'un sel cuivreux : on conçoit que dans ce cas le vin ou les autres liquides seraient empoisonnés par le sel cuivreux, tout comme si, par malveillance, on avait mêlé ce sel au vin. Dans ce cas, l'expert serait aidé dans la solu- tion du problème, par la connaissance qu'il aurait du séjour prolongé du vin dans des vases de cuivre, et par les accidens qu'auraient pu déterminer ce vin et les autres liquides : n'est-il pas vrai, par exemple, que du vin, qui aura séjourné dans des va- ses de cuivre, pourra tenir en dissolution une assez grande quan- tité d'un sel cuivreux pour donner avec le gaz sulfhydrique un précipité de sulfure de cuivre brun noirâtre, sans en renfermer cependant assez pour occasionner une intoxication? Il est évident que, si un individu qui aurait bu de ce vin, eût éprouvé les symp- tômes de l'empoisonnement par un sel cuivreux , qu'il eût suc- combé ou non, il serait difficile d'attribuer ces symptômes au — 447 — cuivre contenu dans le vin ingéré ; tout porterait à ereire, au cou traire, que les accidens éprouvés par le malade, devraient être attribués à un toxique cuivreux administré comme poison et que le cuivre obtenu par l'analyse proviendrait à-la«fois de ce toxique et du vin ingéré. Le problème serait insoluble si le vin qui aurait séjourné dans des vases de cuivre, contenait une quantité de ce métal telle que non-seulement il serait abondamment précipité par le gaz sulfhydrique, mais qu'il serait encore susceptible de déve- lopper les symptômes de l'empoisonnement ; car en définitive ces boissons accidentellement empoisonnées ne diffèrent pas de celles qui auraient pu être administrées par la malveillance. Dans cette circonstance difficile l'expert ne pourrait éclairer le magistral, qu'en lui faisant connaître, d'après la quantité du sel cuivreux renfermé dans une portion de vin semblable à celui qui aurait élé avalé, si cette quantité, pouvait ou non donner lieu à des accidens graves. Admettons actuellement le cas où la proportion du sel cui- vreux contenu dans le liquide alimentaire ou dans les autres matières liquides et administré comme poison serait telle- ment faible que le gaz acide sulfhydrique ne pourrait pas le découvrir, et qu'il faudrait pour le déceler recourir à la moitié d'une aiguille fine comme je l'ai dit à la page 443, pourrait-on conclure alors, d'après l'existence seule du cuivre, que celui-ci provient d'un empoisonnement? Non certes, car il pourrait aussi bien provenir du vin, de la bière et d'autres liquides alimentaires qui contiennent une très petite quantité de cuivre, que l'aiguille met en évidence et qu'elle seule peut même déceler. Il faudrait dans ce cas se tenir en garde et ne pas affirmer ,• on se borne- rait à dire que le cuivre obtenu par ce moyen peut provenir d'un sel cuivreux administré comme poison ; le commemoratif, les symptômes éprouvés par le malade et les altérations cadavé- riques seraient ensuite invoqués pour décider s'il y a eu ou non empoisonnement, si l'intoxication est probable, etc. Tels sont les vrais principes ; aussi me garderai-je bien d'adopler l'opinion de M. Devergie, qui, en parlant des conséquences à tirer de l'em- ploi de l'aiguille, et pour éluder la difficulté que je viens de soule- ver, l'a tranchée d'une manière qui n'est pas soutenable. « Il — 448 — « faudra, dit-il, pour être en droit de déclarer qu'il y a eu em- « poisonnement, pouvoir déceler la présence du poison par les « réactifs ordinaires des sels de cuivre (lame de fer, cyanure « jaune de potassium et de fer, etc.) et ne pas conclure lorsque, « pour faire reconnaître l'existence du cuivre, il aura fallu re- « courir à ce moyen si sensible qui consiste à suspendre à l'aide « d'un cheveu la moitié d'une aiguille fine au milieu du liquide « préalablement acidulé » {Médecine légale, tome m, p. 526, 2e édition). Ainsi, voici une déclaration d'impuissance pour un certain nombre de cas d'empoisonnement, dans lesquels je maintiens que l'intervention de l'expert peut être fort utile, dans les limites que je viens de lui assigner. Je dis pour un certain nombre de cas ; en effet n'est-il pas évident pour tout le monde que ces cas se présenteront toutes les fois qu'il ne restera que des traces du sel cuivreux administré comme poison, soit parce que ce sel aura été expulsé presqu'en totalité par les vomisse- mens et par les selles, déjections qui auront pu être soustraites, soit parce qu'il aura été en partie absorbé et que l'on ne pourra expérimenter que sur les liquides trouvés dans le canal digestif après la mort et dont la proportion sera excessivement faible? Une pareille opinion ne soutient pas le plus léger examen. J'en dirai autant de la recommandation faite par le même auteur, lorsqu'il dit à l'occasion de ce problème, « qu'il y a lieu de se « mettre à l'abri de toute supposition relative au cuivre naturelle- « ment contenu dans le corps de l'homme. » Évidemment ce cuivre, que l'on ne parvient à extraire des tissus du canal di- gestif qu'à l'aide d'agens énergiques, ne peut se trouver dans la matière des vomissemens ni dans celles que l'on recueille dans le canal digeslif. M. Devergie eût été dans le vrai, si, comme je l'ai fait, il eût dit qu'il y avait lieu de se mettre à l'abri de toute supposition relative au cuivre naturellement contenu dans cer- taines substances alimentaires. Deuxième cas. L'acétate de bioxyde de cuivre a été préci* pitêpar le liquide alimentaire oupar la matière des vomisse- mens et il n'est plus en dissolution. Ce cas est on ne peut plus rare, parce qu'alors même que la précipitation dont je parle s'est effectuée, il reste presque toujours dans la liqueur une certaine — 449 — quantité du sel cuivreux que l'on reconnaîtra par les moyens qui viennent d'être indiqués : mais je suppose que cela ne soit pas et que tout le cuivre se trouve précipité. Il faut savoir, comme un fait qui domine la question, que j'ai démontré dans mon travail sur l'empoisonnement par le cuivre (/". Mémoires de l'Acadé- mie royale de médecine, t. vme, année 1840), que les divers précipités obtenus à l'aide d'un sel de cuivre et d'une ma- tière organique sont légèrement solubles dans l'eau bouil- lante; il en est de même du toxique cuivreux qui, après avoir été absorbé, se trouve dans le foie, dans les tissus du canal digestif, etc. Cela étant, il ne s'agit dans l'espèce que de faire bouillir avec de l'eau distillée pendant 20 ou 25 minutes, les précipités dont je m'occupe, aussi bien que les dépôts obtenus en coagulant les liquides par la chaleur ou l'alcool {Voy. page 439) ; la dissolution aqueuse sera filtrée et évaporée jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine; le produit desséché sera en- suite carbonisé par son poids d'acide azotique concentré et pur, mélangé d'un quinzième de chlorate de potasse cristallisé (1\ Pour cela, on introduira dans une capsule de porcelaine, que l'on pla- cera sur un feu doux, un poids d'acide concentré marquant 41 degrés à l'aréomètre, égal à celui de la matière coagulée sur la- quelle on opère, et qui devra être aussi desséchée que possible; on mêlera avec cet acide un quinzième, en poids, de chlorate de potasse et l'on ajoutera peu-à peu et à des intervalles d'une minute environ, quelques fragmens de la matière coagulée; il se dégagera aussitôt des vapeurs blanches, puis du gaz bi-oxyde d'azote ; la liqueur entrera en ébullition et les divers fragmens ne tarderont pas à se dissoudre. En agissant ainsi, il est rare qu'il se forme assez de mousse pour entraver l'opération; tandis qu'il s'en produit souvent une énorme quantité quand on a mis à-la-fois (1) J'ai fait connaître le premier le procédé de carbonisation par l'acide azoti - que {foy. le tome vin des Mémoires de l'Académie de médecine, année 1840), Le in juin 1842, M. Millon, à l'occasion d'un travail sur cet acide, lu à l'Institut, a annoncé que les matières organiques étaient plus promptement et plus complète- ment carbonisées, quand l'acide azotique était mélangé d'une petite quantité de chlorate de potasse. Ce fait e>t parfaitement exact, comme le prouve* les expé- riences que j'ai tentées sur des foies d'animaux empoisonnés par le tartre stibié, les sels de cuivre, etc. — 450 — ioute la matière dans la capsule ; dans ce cas, pour empêcher celle-ci de déborder et de se répandre au-dehors, on retire le vase du feu et on agite la matière jusqu'à ce que la mousse soit à-peu-près affaissée ; alors on continue à chauffer. Dès que la liqueur, qui d'abord était d'un jaune clair, puis orangée, aura acquis une couleur rouge foncé et se sera épaissie, on peut s'attendre à la voir se carboniser sur une partie de la circonfé- rence; mais on aurait tort de retirer la capsule du feu, par cela seul que la matière est noire dans quelques-uns de ses points, par exemple, dans ceux qui ont été desséchés les premiers; il ne faut enlever le vase du feu qu'au moment peu éloigné où la carbonisation sera accompagnée du dégagement d'une fumée épaisse, quelquefois tellement intense que l'observaleur aurait de la peine à apercevoir le charbon qui se produit presque in- stantanément au milieu de la capsule, quoiqu'il offre pourtant un volume assez considérable. Après avoir laissé refroidir le vase, on enlève le charbon, on le pulvérise dans un mortier de verre ou de porcelaine très propre, et on le fait bouillir pendant vingt où vingt-cinq minutes avec de l'acide azotique étendu de son Volume d'eau ; on filtre ; la liqueur incolore, jaunâtre ou jaune, contenant de l'azotate de cuivre, sera évaporée jusqu'à siccité pour chasser l'excès d'acide ; le produit traité par l'eau distillée bouillante, fournira un solutum dont on précipitera le cuivre, soit à l'aide d'une lame de fer, soit à l'aide de l'acide sulfhydri- que {V. page 442). Vert de gris ou acétate de cuivre se trouvant à la sur- face du canal digestif. Après avoir étendu ce canal, on sépa- rera attentivement, à l'aide d'un canif, toutes les* particules ver- dâtres ou bleuâtres qui pourraient se trouver à sa surface, ainsi que lé mucus qui serait mélangé avec le vert de gris ; les tissus seront alors lavés pendant dix à douze minutes avec de l'eau dis- tillée froide, afin de détacher ce qui pourrait rester de vert de gris sur l'estomac et sur les intestins. Cette eau de lavage sera réunie au premier liquide, et traitée comme il a été dit à la page 44£». Acétate de cuivre absorbé et contenu dans le canal di- gestif, dans le foie, la rate et les reins. Les cadavres ne de- — 454 — vant être ouverts au plus tôt que vingt-quatre heures après la mort, el l'expérience m'ayant démontré que ce temps suffit pour qu'une certaine quantité d'acétate de cuivre soit portée, par l'ef- fet de l'imbibition cadavérique, jusqu'à la surface du foie, de la rate et des reins, on devra couper l'un de ces organes en petits fragmens, et surtout le foie, et le laisser pendant une heure ou deux dans de l'eau distillée froide, qui dissoudra la totalité du sel cuivreux imbibé et une très petite proportion de celui qui aurait pu être absorbé pendant la vie. A plus forte raison les choses se passeraient-elles comme je l'indique, si l'autopsie ca- davérique n'était faite que plusieurs jours après la mort. On fil- trera la dissolution aqueuse obtenue, et on la soumettra aux opérations indiquées à l'occasion des liquides provenant des vomissemens {V. page 445). Si, à la suite du traitement des viscères par l'eau froide, on n'avait pas obtenu du cuivre, on ferait bouillir ces viscères cou- pés en petits fragmens avec de Feau distillée pendant une ou deux heures, et l'on agirait sur le decoctum comme il vient d'être dit ; ce decoctum contiendra du cuivre si les divers organes ren- fermaient encore une préparation cuivreuse provenant d'un em- poisonnement; en effet, je me suis assuré, par des expériences nombreuses, 1° que l'on oblient constamment ces résultats en opérant sur le foie des chiens morts empoisonnés par l'acétate ou le sulfate de cuivre, soit que l'on tente l'analyse immédiate- ment après la mort ou long-temps après; 2° qu'on ne retire pas, au contraire, un atome du cuivre dit normal en agissant, comme il vient d'être dit, avec l'acide azotique et le chlorate de potasse, sur une dissolution obtenue, soit à froid, soit en faisant bouillir pendant une ou plusieurs heures, avec de l'eau distillée, le foie d'un homme adulte, pourvu que l'on n'ait pas incinéré le char- bon avant de le soumettre à Faction de l'acide azotique étendu d'eau ; en sorte qu'il est possible d'affirmer que le métal obtenu n'est pas le cuivre dit normal. Il n'en serait pas ainsi si le char- bon eût été incinéré ; car alors même que le foie n'aurait été sou- mis à l'action de l'eau bouillante que pendant une ou deux heu- res celle-ci aurait dissous une quantité notable de matière organique, dans laquelle se trouverait nécessairement le cuivre 29. — 452 — qui fait partie essentielle de cette portion de matière. Tant que le charbon fourni par cette matière n'est pas incinéré, l'acide azotique affaibli avec lequel on agit sur lui n'attaque pas ce cui- vre ; il en est tout autrement dès que ce charbon est réduit en cendres {V. page 439). Je ne prétends pas qu'il suffise d'une ou de deux heures d'é- bullition pour dissoudre la totalité de la préparation cuivreuse contenue dans le foie d'un animal empoisonné, puisque, même au bout de six heures d'ébullition, ce viscère n'est pas complè- tement dépouillé de cette préparation ; je veux seulement établir qu'en agissant comme je conseille de le faire, on dissout une assez grande quantité de ce composé pour meure son existence hors de doute. Il est nécessaire d'employer, pour ces expériences, de l'acide azotique purifié sans l'intervention de l'azotate d'argent, de crainte qu'il ne contînt quelquefois du cuivre ; l'acide du com- merce peut renfermer aussi du fer et du cuivre. Il faut filtrer les diverses liqueurs avec du papier ne conte- nant point de cuivre. On sait que le papier gris ordinaire a fourni à M. Hiest Reynaert des quantités assez notables de ce métal, que le papier Joseph lui en a aussi donné des traces, et qu'il a suffi de tremper à chaud deux feuilles de papier gris or- dinaire dans de l'acide sulfurique étendu pour que le liquide se comporiât avec les divers réactifs comme les sels de cuivre. Évi- demment, si l'on eût filtré avec un pareil papier une assez grande masse d'un liquide suspect plus ou moins acide, le liquide aurait pu dissoudre le cuivre du papier, et cela d'autant mieux qu'en général ces sortes de filirations s'opèrent lentement par suite de la présence de la matière organique, et que le liquide aurait eu le temps d'agir sur le papier. Il importe donc d'essayer attenti- vement les papiers à filtre lorsqu'on cherche un composé cui- vreux, et de les rejeter s'ils contiennent du cuivre, pour recou- rir au papier Berzelius, et à son défaut au verre pilé ou au sable pur lavé, car le fil et le coton pourraient aussi renfermer du cuivre. Il suffira, pour faire l'essai dont je parle, de filtrer à plusieurs reprises, à travers un même filtre, une liqueur aqueuse assez fortement acidulée par l'acide sulfurique, et beau- —- 453 — coup plus acide que la liqueur suspecte sur laquelle on doit agir ; si la liqueur, après avoir passe* plusieurs fois sur le filtre, ne donne aucune trace de cuivre par les réactifs les plus sensi- bles, on pourra sans aucune crainte faire usage du papier. // y aurait des inconveniens graves à traiter par des aci- des énergiques, ou à incinérer le foie et les autres viscères, les dépôts et les coagulum dont j'ai fait mention à la page 449, au lieu de les soumettre à l'action de l'eau bouillante ; en effet, tous ces organes et tous ces dépôts fournissent une portion du cuivre qu'ils contiennent ou qu'ils peuvent contenir naturelle- ment lorsqu'on les carbonise par l'acide azotique, et donnent la totalité de ce métal si on les incinère. Dans quel embarras l'ex- pert ne se trouverait-il pas dès-lors pour décider si le métal obtenu, que je supposerai en proportion faible, provient d'un em- poisonnement, ou bien s'il fait partie de celui qui existe ou qui peut exister naturellement dans ces matières? Dira-t-on qu'il serait possible de trancher la question en ayant égard à la quantité de cuivre recueilli ? Je crois avoir combattu cette opi- nion assez victorieusement, à la page 440, en parlant du cuivre naturellement contenu dans le corps de l'homme, pour n'être pas obligé d'insister davantage sur ce point, et pour n'avoir pas besoin de réfuter l'assertion émise en juillet 1840 par M. Le- forlier {Annales d'hygiène), qui, après avoir confirmé ce que j'avais établi depuis long-temps, savoir : que les sels solubles de cuivre sont en partie transformés par les alimens et par nos tis- sus en divers composés légèrement solubles dans Feau, dit que l'incinération doit toujours être employée pour rechercher les toxiques cuivreux dans les cas de chimie légale. Acétate de bi-oxyde de cuivre ou vert de gris dans un cas d'exhumation juridique. Expérience. Le 8 novembre 1826, on enterra à ^ mètre environ de profondeur une boite mince de sapin contenant un estomac dans lequel étaient enfermés 65 grammes de vert de gris, des morceaux de viande, un blanc d'œuf et de la soupe maigre. L'exhumation de la boîte eut lieu le 7 août 1827. Les matières contenues dans l'estomac étaient vertes; après les avoir coupées en petits fragmens et les avoir fait bouillir dans de l'eau distillée, on vit que la dissolution filtrée ne présentait avec les réac- — 454 — tifs aucun des caractères des sels de cuivre ; il en était de même de la li- queur obtenue en faisant bouillir l'estomac dans l'eau. L'acide chlorhydri- que faible ayant été mis en contact avec toutes les parties vertes, celles-ci devinrent grisâtres et d'un aspect gras ; après avoir agité pendant quel- ques minutes, on filtra : la dissolution chlorhydrique était d'un bleu ver- dâtre et précipitait en brun marron par le cyanure jaune de potassium et de fer, en noir par l'acide sulfhydrique et en bleu par la potasse et la soude ; l'ammoniaque la bleuissait. D'où il suit, 1° que par son séjour avec les matières animales dans la terre, le vert de gris se décompose, et que le bi-oxyde de cuivre forme avec le gras des cadavres une sorte de matière savonneuse insoluble dans l'eau ; 2° que dans un cas d'empoi- sonnement de ce genre il serait possible de démontrer la pré- sence de ce bi-oxyde à l'aide de l'acide chlorhydrique affaibli, sauf ensuite à tenir compte, avant de se prononcer sur l'exis- tence d'un empoisonnement, de toutes les difficultés qui ont été signalées aux pages 439 et 446. Acétate de cuivre introduit dans le canal digestif après la mort. Expérience\re. Un petit chien a été pendu à midi; immédiatement après, on a introduit dans le rectum environ 4 grammes de vert de gris pulvérisé, et on a fait l'ouverture du cadavre quarante-huit heures après. Le canal intestinal offrait son aspect ordinaire, excepté dans les deux der- niers travers de doigt placés immédiatement au-dessus de l'anus ; l'inté- rieur de cette portion du rectum contenait tout le poison employé ; les tuniques qui le composent étaient un peu épaissies et d'une couleur bleu verdâtre, en sorte que le vert de gris paraissait s'être intimement com- biné avec les membranes. Il n'y avait aucune trace d'inflammation ni d'ulcération. Expérience 2e. A neuf heures du matin, on a introduit dans le rectum d'un carlin bien portant 2 grammes 60 centigrammes de vert de gris pulvérisé ; deux jours après on lui en a remis 1 gramme 50 centigram- mes. L'animal est tombé dans l'abattement et a expiré à la fin du huitième jour. Ouverture du cadavre. L'estomac offrait, près du pylore, deux ta- ches noirâtres formées par du sang extravasè dans le chorion de la mem- brane muqueuse ; la moitié inférieure du colon et le commencement du ■rectum présentaient plusieurs plaques rouges de la grandeur de petits pois; le reste du canal digestif était sain, excepté la fin du rectum ; on voyait un peu au-dessus de l'anus deux ulcères larges comme des pièces — 455 — de 50 centimes, à bords épais, relevés, séparés entre eux par une multi- tude d'autres petits ulcères. Les parties de cette portion d'intestin non ulcérées étaient chamarrées de taches d'un vert bleuâtre foncé, et d'au- tres d'une couleur rouge. Expérience 3e. Un chien caniche a été pendu à midi ; une heure et demie après, on a introduit dans le rectum 4 grammes de vert de gris pulvérisé ; on a fait l'ouverture du cadavre le lendemain à deux heures : il n'y avait que la partie inférieure du rectum où le vert de gris avait été appliqué dont les tuniques fussent teintes en bleu verdâtre par le poison : on ne découvrait pas la moindre trace de rougeur ; le reste était dans l'é- tat naturel. Expérience 4e. On a introduit du vert de gris dans le rectum de deux cadavres humains, vingt-quatre heures après la mort ; on en a fait l'ouverture trente-six heures après, et on a observé les mêmes phéno- mènes que dans l'expérience précédente. Conclusion. V. page 34. Symptômes de l'empoisonnement par l'acétate de bi-oxyde de cuivre et par le vert de gris. Les accidens développés par ces toxiques se manifestent tout- à-coup ou plusieurs heures après leur ingestion. Dans ce der- nier cas, ils sont produits par des alimens cuits dans des casse- roles mal étamées, et ils ne se font sentir que lorsque déjà ces alimens sont à moitié digérés ou complètement digérés ; dans l'autre cas, les effets suivent de près l'introduction du poison dans l'estomac, parce que le plus ordinairement ce poison est donné dans un liquide alimentaire et qu'il n'est pas retenu par des substances solides, dans lesquelles il serait uniformément disséminé. Presque immédiatement après l'ingestion de l'un de ces sels, administré seul ou dans une boisson quelconque, on observe les symptômes suivans : saveur*âcre, styptique, métallique, cui- vreuse ; aridité et sécheresse de la langue et de toutes les parties de la bouche ; sentiment de strangulation ; bientôt après il y a des rapports cuivreux,des nauséesetdes vomissemens opiniâtres; puis le malade rend une quantité prodigieuse de salive dans laquelle on peut constater la présence d'un composé cuivreux; ce symp- tôme, que MM. Flandin et Danger ont donné comme nouveau^ — 45b — en 1843, était décrit depuis un temps immémorial par les au- teurs, sous le nom de crachotement continuel {V. ma Toxi- cologie générale, 1" édition, publiée en 1814). L'estomac ne tarde pas à être tiraillé, et il est souvent fort douloureux ; le malade éprouve des coliques atroces ; les déjections alvines sont très fréquentes, quelquefois sanguinolentes et noirâtres, avec ténesme et débilité; l'abdomen est ballonné et douloureux ; le pouls esl petit, irrégulier, serré et fréquent, la chaleur delà peau le plus souvent n'est pas plus intense que dans l'état natu- rel ; il y a des sueurs froides, de l'anxiété précordiale, de la dyspnée et des syncopes ; le malade est tourmenté par une soif ardente et il urine fort peu. Indépendamment de ces accidens, il survient une céphalalgie plus ou moins violente, des verliges, de l'abattement, une grande faiblesse dans les membres, des crampes et des convulsions ; quelquefois la gangrène s'empare des intestins, ce que l'on reconnaît à la cessation presque subite de la douleur, à la petitesse et à l'excessive faiblesse du pouls qui esl filiforme et imperceptible, à la fréquence des hoquets et à l'abondance des sueurs froides. Quelques heures suffisent pour amener lu mort des malades. Parmi les symptômes que je viens de décrire, ceux que l'on remarque le plus généralement sont les vomissemens et les coliques; il peut même se faire qu'il ne s'en manifeste pas d'autres, si la dose du toxique avalé esl faible. Les effets produits par des casseroles mal étamées ressem- blent beaucoup aux précédens et cela doit être. Que s'est-il passé pendant que les alimens séjournaient dans une casserole en cuivre en partie dépouillée de Fétamage que recouvrait celui-ci ; le cuivre s'est oxydé, et si les alimens contenaient de l'acide acé- tique, de l'acide oxalique, de l'acide citrique, etc., il a pu se for- • mer de l'acétate, de l'oxalate ou du citrate de cuivre ; on voit donc qu'il n'est pas exact de dire que l'intoxication occasionnée par des alimens cuits dans des casseroles mal étamées soit tou- jours produite par du vert de gris, car elle peut être due aussi bien à de l'acétale, qu'à de l'oxalate ou à du citrate de cuivre, voire même à de l'oxyde de ce métal; il est des cas où elle est le résultat de l'ingestion d'un savon cuivreux,- que l'on fasse — 457 — fondre, par exemple, du beurre dans une casserole en cuivre mal étamée et qu'on la laisse refroidir ; les parties de la casserole, dans lesquelles le cuivre est mis à nu, s'oxyderont, et bientôt après les acides du beurre se combineront avec l'oxyde de cuivre pour for- mer du margarate, du stéarate, du butyrate, du caprate, etc., d'oxyde de cuivre. Quoi qu'il en soit, huit, dix, douze ou quinze heures après avoir mangé des mets ainsi empoisonnés, les indi- vidus éprouvent une céphalalgie intense, de la faiblesse et des tremblemens dans les membres, des crampes, des douleurs abdo- minales, des nausées, des vomissemens, des évacuations alvines, des sueurs abondantes, et ils rendent une quantité considérable de salive. Le pouls est pelit, inégal et très fréquent. Ordinaire- ment les malades se rétablissent s'ils ont été convenablement secourus, parce que les alimens ne renferment qu'une petite quantité d'oxyde de cuivre ; il en serait autrement si la dose du sel cuivreux ou de l'oxyde de cuivre ingérée avait été très forte. Dans tous les cas, les symptômes qui persistent le plus sont les douleurs à l'épigastre et les coliques. Lésions de tissu produites par F acétate de bi-oxyde de cuivre et par le vert de gris. En ouvrant immédiatement après la mort les cadavres des chiens que j'avais empoisonnés avec l'un ou l'autre de ces sels et qui avaient succombé une, trois ou cinq heures après l'ingestion du toxique, j'ai remarqué que les muscles ne donnaient aucun signe de contractilité; la membrane muqueuse de l'estomac, en- duite d'une couche bleuâtre, contenait une portion de la matière ingérée; cette couche était dure, comme racornie, et lorsqu'on la raclait, on apercevait au-dessous la membrane muqueuse d'une couleur rouge ou rosée. La trachée-artère et les bronches étaient remplies d'une écume blanche ; les poumons étaient crepilans et présentaient quelques points rosés qui se détachaient sur un fond pâle. Le cœur ne battait plus. Chez l'homme on a vu le canal alimentaire distendu par une grande quantité de gaz, l'estomac enflammé et très épais dans sa substance, surtout vers le pylore ; quelquefois le contour de cette — 458 — ouverture était tellement gonflé que celle-ci était presque obli- térée. Les intestins grêles étaient enflammés dans toute leur étendue et dans certains cas gangrenés et percés en un ou eu plusieurs points ; alors le liquide qu'ils renfermaient s'était épan- ché dans la cavité de l'abdomen. Les gros intestins ont été trou- vés distendus outre mesure dans quelques points et rétrécis dans d'autres. Le rectum a été quelquefois le siège d'ulcérations éten- dues et même de perforations. Laporte, chirurgien de Paris, a vu un homme tué en quelques heures par une boule de cire chargée de vert de gris qu'il avala par mégarde; son estomac offrit uiie eschare très considérable {Encyclopédie méthodique, méde- cine, tome v, première partie, page 247). Action de l'acétate de bi-oxyde de cuivre et du vert de gris sur l'économie animale. Il résulte des nombreuses expériences tentées par Drouard et par moi et des observations recueillies chez l'homme : 1° Que ces composés sont absorbés, et qu'on peut constater leur présence dans le foie, dans la rate, dans les reins, etc., soit qu'ils aient été introduits dans le canal digestif, soit qu'on les ait appliqués sur le tissu cellulaire sous-cutané ou sur la peau ulcérée. 2° Qu'ils existent aussi dans le sang des animaux empoison- nés, malgré l'assertion contraire de MM. Flandin et Danger, qui n'ont pas craint d'annoncer que les poisons, avec lesquels on avait tué des animaux ne se trouvaient jamais dans le sang, et qui à l'occasion des poisons cuivreux, notamment, ont osé dire qu'on n'en découvrait pas dans le sang, à quelque époque de la maladie que l'on saignât les chiens, et alors même que l'on ana- lyserait tout le sang que l'on pourrait recueillir après la mort des animaux empoisonnés. 3° Que les accidens auxquels ils donnent naissance doivent être attribués à l'inflammation qu'ils développent dans les tissus du canal digestif et surtout à l'action qu'ils exercent, après avoir été absorbés, sur le système nerveux et probablement aussi sur les organes de la circulation et de la respiration. 4° Qu'après avoir séjourné pendant un certain temps dans l'é- — 459 -- conomie animale, ils sont éliminés avec la salive et peut-être aussi parla membrane muqueuse du canal digestif; jusqu'à pré- sent, il a été impossible de prouver qu'ils soient éliminés avec l'urine. 5° Que l'acétate de bi-oxyde de cuivre exerce une action plus énergique que le vert de gris. Du sulfate de bi-oxyde de cuivre (couperose bleue). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le sulfate de bi-oxyde de cuivre? Sulfate de bi-oxyde de cuivre sans mélange. Il est solide pulvérulent, ou bien cristallisé en rhomboïdes, ou en prismes à quatre faces, d'une couleur bleue s'il contient de l'eau, tandis qu'il est blanc et en poudre s'il a été desséché en le faisant chauffer dans un creuset; sa saveur est acre, métallique, styptique; il est inodore. L'acide sulfurique concentré, versé sur le sulfate de cui- vre pulvérisé, ne produit aucun phénomène sensible, ce qui n'a pas lieu avec l'acétate du même métal {V. page 442). Il est très soluble dans l'eau : la dissolution concentrée se comporte avec la potasse , la soude, l'ammoniaque, le cyanure jaune de potassium et de fer, l'acide sulfhydrique, l'arsénite de potasse, le phosphore et le fer, comme l'acétate de cuivre dissous dans une petite quantité d'eau {F. page 442). L'eau de baryte, versée dans cette dissolution, la décompose, et y fait naître un précipité d'un blanc bleuâtre très abondant, composé de bi-oxyde de cuivre hydraté bleu et de sulfate de baryte blanc : aussi suffit-il d'ajou- ter à ce précipité quelques gouttes d'acide azotique pur pour opérer la dissolution du bi-oxyde de cuivre, et il reste du sulfate de baryte blanc : ce caractère peut servir à distinguer le sulfate de cuivre de l'acétate, de l'azotate et du chlorure du même métal. Si la dissolution aqueuse du sulfate de cuivre était très étendue, on la reconnaîtrait en y versant de l'acide sulfhydrique, de l'am- moniaque et mieux encore du cyanure de potassium ; ici, comme pour l'acétate, le meilleur moyen de constater la présence du cuivre consiste à plonger une lame de fer dans la dissolution lé- gèrement acidulée; au reste, l'acide sulfhydrique colorerait la — 460 — dissolution étendue en brun clair, et laisserait déposer, au bout d'un certain temps, du sulfure de cuivre noir; l'ammoniaque lui communiquerait une couleur bleue sans y occasionner de préci- pité ; enfin, le cyanure jaune de potassium et de fer la colorerait en rouge, et l'on obtiendrait au bout de quelques heures un pré- cipité brun marron {V. page 443). La potasse et la soude ne pré- cipitent point la dissolution de sulfate de cuivre très étendue. Sulfate de cuivre dissous et mêlé avec des liquides qui ne l'ont point décomposé, ou qui ne l'ont décomposé qu'en par- tie. Sulfate de cuivre absorbé et se trouvant dans le foie, dans la rate, dans les reins, dans la salive, etc. Les liquides dont je parle sont : le vin, ledécoctum de café, les liquides vomis, etc. Tout ce que j'ai établi aux pages 445 el suiv., relativement à la difficulté de découvrir par les réactifs le vert de gris qui au- rait été mêlé à ces sortes de liquides, trouve ici son applicatiou : le même procédé doit être mis en usage. Je ferai observer de nouveau que la présence du cuivre métal- lique suffit pour affirmer qu'il y a une préparation de ce métal dans la matière soumise à l'analyse, mais qu'elle est insuffisante pour prouver que cette préparation est du sulfate de cuivre : peu importe ; le point essentiel est de constater l'existence d'un com- posé cuivreux. Quelques auteurs, il est vrai, ont conseillé de trai- ter les matières suspectes par le chlorure de baryum dissous, et de prononcer qu'il y avait du sulfate de cuivre, si l'on obtenait un précipité blanc de sulfate de baryte insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique ; mais il suffit de réfléchir un instant pour s'aper- cevoir combien ce caractère est peu concluant; en effet, les ma- tières alimentaires contiennent souvent des sulfates de soude, de chaux, etc., qui donnent, avec le chlorure de baryum, un préci- pité blanc de sulfate de baryte. Sulfate de bi-oxyde de cuivre dans du pain. En 1829 les bourgmestres et les echevins de la ville de Bruges me prièrent de leur faire connaître le mode d'analyse le plus convenable pour démontrer la présence du sulfate de bi-oxyde de cuivre dans du pain ; depuis douze ans environ, les boulangers belges, ajou- taient une certaine quantité de ce sel à la farine, dans le but d'ob- tenir du pain d'une plus belle apparence, et les chimistes belges — 404 — qui avaient été consultés jusqu'alors n'étaient point parvenus à déceler le sel cuivreux, en agissant même sur du pain préparé avec de la farine qu'ils avaient eux-mêmes sophistiquée avec ce sulfate. Persuadé que le résultat négatif de leurs recherches te- nait à ce qu'ils s'élaient bornés à carboniser le pain et à traiter le charbon obtenu, par l'eau et par d'autres agens, je poussai l'action du feu plus loin ; f incinérai le pain et je fis bouillir la cendre avec de l'acide azotique étendu de son poids d'eau; il se forma aussitôt de l'azotate de cuivre bleu, facile à reconnaître {Archives générales de médecine, tome xix). Il importe d'autant plus d'examiner cette question que M. Kulilmann nous a appris depuis, que les boulangers belges ont continué à altérer la farine en mettant pour chaque pain, plein la tête d'une pipe de dissolution de sulfate de bi-oxyde de cuivre, que cette sophistication a déjà été pratiquée en France et que dans certains cas, ainsi que l'a vu M. Thieulen, la farine ob- tenue avec du blé dont la mouture avait eu lieu avec des pièces en cuivre, fournissait un pain contenant quelques parcelles de cuivre; ce métal s'oxydait pendant la fermentation de la pâte et donnait naissance à des taches vertes de forme étoilée, au centre desquelles on voyait le plus souvent une parcelle de cui- vre métallique. L'usage du pain ainsi préparé a développé chez plusieurs habitans de la Rochelle des accidens d'empoisonne- ment, que l'on a vus cesse'1 aussitôt qu'aux pièces de cuivre usées, dont on s'était servi, on a substitué des pièces neuves {Jour- nal de pharmacie, août 1838). Caractères du pain mélangé de sulfate de bi-oxyde de cuivre. Je ne parlerai pas du cas où l'on trouverait un petit cristal de ce sel dans le morceau de pain soumis aux recherches analytiques, comme cela est arrivé à M. Kuhlmann ; le problème est alors tellement facile qu'il ne doit pas m'occuper ici. Je sup- poserai, au contraire, que la proportion de sulfate est tellement minime que le grain n'offre pas la plus légère teinte bleue, qu'il ne se colore pas en rouge brun par le cyanure jaune de potas- sium et de fer, ni en bleu par l'ammoniaque, et qu'en le traitant par l'eau distillée bouillante, la dissolution ne fournit avec les agens chimiques aucune des réactions des sels de cuivre. Il faut - 462 - alors carboniser le pain par l'acide azotique pur et concentré, mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse cristal- lisée {voy. p. 449) et faire bouillir le charbon pendant un quart d'heure avec de l'acide azotique étendu de son volume d'eau ; lorsque la dissolution est refroidie on la filtre, après l'avoir ('■ten- due d'eau, et on la fait évaporer jusqu'à siccité pour obtenir de l'azotate de cuivre facile à reconnaître. On réussirait aussi bien, en incinérant le pain dans un creuset chauffé jusqu'au rouge ; la cendre obtenue serait bleue et il suffirait de la trailer par l'acide azotique pour déceler dans la dissolution azotique la présence du cuivre; mais comme il faut plusieurs heures pour incinérer 100 ou 150 grammes de pain, il est préférable de carboniser celui-ci par l'acide azotique. L'expérience m'a souvent démontré qu'en agissant par l'un ou l'autre de ces procédés sur 200 gram. de pain non additionné d'un sel de cuivre, le charbon ou la cen- dre ne fournissaient aucune trace de cuivre lorsqu'on les traitait par l'acide azotique étendu de son volume d'eau et bouillant. Si le pain contenait une proportion plus notable de sulfate de cuivre, il pourrait offrir une teinte bleue et se colorer en rouge brun par le cyanure jaune de potassium et de fer, si toute- fois il n'était pas bis; il faudrait encore dans ce cas carboniser le pain par l'acide azotique. Que se passe-t-il pendant l'inciné- ration de ce pain? Tout porte à croire que les phosphates de po- tasse et de soude qu'il peut conienir sont transformés en phos- phate de cuivre, que celui-ci est ramené à l'état de phosphure de cuivre par suite de l'action que le charbon exerce sur lui et que ce phosphure absorbe, pendant l'incinération, l'oxygène de l'air et se convertit en phosphate de cuivre bleu. Sulfate de bi-oxyde de cuivre dans un cas d'exhumation juridique. Le 12 mars 1826, on a exposé à l'air, dans un bocal à large ouverture, des intestins plongés dans une dissolution de 12 gr. de sulfate de bi-oxyde de cuivre dans 2 litres d'eau. Le 18 juin suivant, le mélange exhalait une odeur des *plus fétides ; la liqueur filtrée était d'un vert bleuâtre sale, et précipitait enbrun marron par le cyanure jaune de potassium et de fer, et en noir par les sulfures solubles ; elle bleuissait par l'ammoniaque. Vou- lant savoir jusqu'à quel point la dissolution conservait tout le sulfate de cuivre qui y avait été mis, on en a étendu une portion de quinze fois son volume d'eau, et l'on s'est assuré qu'alors les réactifs ci-dessus mention- - 463 — nés agissaient à peine sur elle, tandis qu'une partie de la même dissolu- tion, qui avait été mise à part le 12 mars, avant de la mêler avec les in- testins, précipitait instantanément par ces réactifs, même lorsqu'elle était étendue de 200 volumes d'eau. Il devenait alors indispensable de recher- cher si les matières solides ne contiendraient pas l'oxyde de cuivre qui paraissait avoir été séparé de la dissolution. Ces matières, ayant été par- faitement lavées pour leur enlever le sulfate de cuivre avec lequel elles auraient pu être mêlées, furent desséchées et calcinées; le charbon ré- sultant, indépendamment de ce qu'il offrait çà et là des points rougeâlres de cuivre métallique, étant traité par l'acide azotique à chaud, fournit de l'azotate de cuivre parfaitement reconnaissable. Sulfate de cuivre très étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, contenant une portion d'un canal intes- tinal, 30 centigrammes de sulfate de bi-oxyde de cuivre dissous dans I litre et demi d'eau. Le 2 août suivant, le mélange exhalait une odeur très fétide; la liqueur était presque incolore, et ne contenait plus de sel cuivreux, puisqu'elle ne changeait pas même de couleur par l'addition du cyanure jaune de potassium et de fer, de l'ammoniaque, ni de l'acide sulfhydrique. Les intestins, lavés, desséchés et calcinés, fournissaient un charbon qui, étant traité par l'acide azotique, donnait de l'azotate de cuivre. Ces expériences prouvent, 1° que, lorsqu'il est mélangé avec des matières animales, le sulfate de bi-oxyde de cuivre dissous se précipite de manière à ce qu'il n'en reste plus dans»la liqueur au bout d'un certain temps; 2° qu'à la vérité cette précipitation n'est pas tellement rapide qu'on ne puisse pas trouver une por- tion de sel en dissolution, même au bout de plusieurs mois, si l'on a agi sur quelques decigrammes de sulfate de bi-oxyde ; 3° que dans tous les cas où il ne serait plus possible de décou- vrir le sel cuivreux dans la liqueur, il faudrait dessécher les ma- tières solides et les carboniser par l'acide azotique mêlé d'un quinzième de chlorate de potasse {voy. p. 449). Symptômes et lésions de tissu déterminés par le sulfate de bi-oxyde de cuivre {voy. p. 455). Action de ce sel su?' l'économie animale. Je me suis assuré par de nombreuses expériences, contraire- ment à l'opinion de MM. Campbell et Smith, que le sulfate de bi-oxyde de cuivre introduit dans l'estomac ou appliqué sur le — 464 tissu cellulaire du col de chiens, est absorbé et qu'il peut être décelé dans le foie et dans plusieurs autres organes ; Xurine trouvée dans la vessie d'un de ces animaux, s'est comportée avec les agens propres à faire découvrir les sels de cuivre de manière à me permettre, non pas d'affirmer, mais de soupçonner qu'elle l'enfermait des traces de ce métal. Indépendamment des effets que détermine la portion de sel absorbée et qui prouvent son action délétère sur la membrane muqueuse de l'estomac d'abord, puis sur celle du gros intestin et le système nerveux, le sulfate de bi-oxyde de cuivre altère la texture des parties qu'il touche, les enflamme et va même jusqu'à les cautériser. Du sulfate de bi-oxyde de cuivre ammoniacal. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le sulfate de cuivre ammoniacal? Il est ordinairement liquide, d'une couleur bleue intense, et d'une odeur ammoniacale; il verdit le sirop de violettes ; mis en contact avec l'eau de baryte, il se comporte comme le sulfate de bi-oxyde de cuivre ; la dissolution d'acide arsénieux y fait naître sur-le-champ un précipité vert composé d'acide arsénieux el de bi-oxyde de cuivre, tandis que le sulfate de cuivre ne fournit ce précipité qu'au bout de vingt ou vingt-cinq minutes ; l'acide sulf- hydrique, le cyanure jaune de potassium et de fer, le phosphore et le fer agissent sur lui comme sur le sulfate de cuivre ; la po- tasse et la soude le décomposent, en dégagent l'ammoniaque, et précipitent du bi-oxyde de cuivre bleu. Il agit sur l'économie animale comme les autres sels cuivreux ; seulement il est plus irritant et plus énergique à raison de l'ammoniaque qu'il ren- ferme. De l'azotate de bi-oxyde de cuivre. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'azotate de cuivre? L'azotate de cuivre est solide, pulvérulent ou cristallisé, ino- dore et d'une belle couleur bleue ; sa saveur est acre et très — 465 — caustique. Lorsqu'on le met sur des charbons ardens, il se des- sèche ; bientôt après, l'acide azotique se décompose, cède de l'oxygène au charbon, et il reste du bi-oxyde de cuivre : celte décomposition a lieu avec bruit et scintillation. L'eau dissout l'azotate de cuivre à toutes les températures. Si la dissolu- tion est concentrée, elle se comporte avec l'acide sulfhydri- que, la potasse, la soude, l'eau de baryte, l'ammoniaque, le cya- nure jaune de potassium et de fer, l'arsénite de potasse, etc., comme l'acétate de cuivre dissous {voy. p. 442); lorsqu'on la mêle avec de l'acide sulfurique concentré, elle est décomposée ; cet acide s'empare du bi-oxyde de cuivre, et il se dépose des cristaux de sulfate de cuivre. Si la dissolution aqueuse de cet azotate était très étendue , on la reconnaîtrait aux caractères que j'ai indiqués à l'occasion du sulfate de cuivre très étendu {voy. p. 459). Symptômes et lésions de tissu développés par ce poison. Us sont analogues à ceux que déterminent les autres prépara- tions cuivreuses {voy. p. 455). Du cuivre ammoniacal. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement produit par ce corps? Le cuivre ammoniacal est formé d'ammoniaque et d'oxyde de cuivre. Il est liquide, d'un bleu foncé, et d'une odeur ammonia- cale; il est précipité comme le sulfate de cuivre par l'acide sulf- hydrique, le cyanure jaune de potassium et de fer, l'arsénite de potasse, la potasse et la soude ; l'eau de baryte y fait naître un précipité de bi-oxyde de cuivre bleuâtre, entièrement soluble dans l'acide azotique pur, caractère qui ne permet pas de le con- fondre avec le sulfate de cuivre ammoniacal {V. p. 459 et 464). Il ne fournit point avec l'azotate d'argent un précipité de chlo- rure d'argent, ce qui le distingue du bi-chlorure de cuivre. Eva- poré jusqu'à siccité et mis sur les charbons ardens, il ne fuse point, comme le fait l'azotate de cuivre. - 466 — Du bi-chlorure de cuivre. Il est solide, vert et très sapide. L'acide sulfurique concentré le décompose avec effervescence et dégagement de vapeurs blan- ches épaisses d'acide chlorhydrique elle transforme en sulfate de bi-oxyde. Il est très soluble dans l'eau ; la dissolution concentrée est verte, tandis qu'elle est bleue si elle esl étendue. L'acide sulf- hydrique, l'ammoniaque, le cyanure jaune de potassium et de fer, Farsénile de potasse et le fer se comportent avec ces disso- lutions, comme l'acétate de cuivre {V. page 442). L'azotate d'ar- gent y fait naître un précipité de chlorure d'argent blanc, caille- botté, insoluble dans Feau et dans l'acide azotique froid et bouil- lant, soluble dans l'ammoniaque. Il agit sur l'économie animale comme les autres sels solubles de cuivre. Du carbonate de bi-oxyde de cuivre vert (vert-de-gris naturel ). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par du carbonate de bi-oxyde de cuivre vert ? Le carbonate de bi-oxyde de cuivre vert qui se forme spontané- ment à la surface des vases de cuivre rouge, de laiton, d'airain et des pièces de monnaie, est pulvérulent, insipide et insoluble dans Feau ; on sait que Feau, qui séjourne dans des fontaines de cuivre, reste sans altération, et ne donne à l'analyse chimique aucune trace de ce métal, alors même que la surface de la fon- taine est enduite de ce carbonate ; il n'en serait pas de même si l'eau contenait une quantité sensible d'acide carbonique, qui jouit de la propriété de le dissoudre. Le carbonate de bi-oxyde de cuivre se dissout avec effervescence dans l'acide sulfurique étendu d'eau ; il se dégage du gaz acide carbonique, et il se forme du sulfate de cuivre, facile à reconnaîtFe. Chauffé jusqu'au rouge avec du charbon dans un creuset, il laisse du cuivre métallique. Il se dissout facilement dans l'ammoniaque à laquelle il commu- nique une couleur bleue. Lorsqu'on administre à des chiens du bœuf mélangé avec — 467 — quelques decigrammes de carbonate de cuivre, celui-ci est dis- sous par les acides qui font partie des sucs gastriques, et le sel soluble qui en résulte exerce sur les animaux la même action toxique que les autres composés solubles de cuivre. C'est en par- tie au carbonate de bi-oxyde de cuivre qui se trouve à la surface des pièces de monnaie, des bassines en cuivre, qu'il faut rap- porter certains accidens éprouvés par ceux qui avaient avalé de ces pièces de monnaie, ou qui avaient mangé de l'oseille, des confitures de pommes, de coings, de groseilles, de verjus et d'autres matières acides préparées dans les bassins dont j'ai parlé. Du phosphate de bi-oxyde de cuivre. Le phosphate de bi-oxyde de cuivre est pulvérulent, bleu, in- sipide, insoluble dans l'eau froide ; l'eau bouillante le transforme en phosphate acide soluble et en phosphate basique insoluble vert. Les acides forts dissolvent celui-ci aussi bien que le phos- phate bleu, et les dissolutions se comportent avec les réactifs comme les sels solubles de cuivre {V. page 442). M. Lefortier s'est assuré que les deux phosphates insolubles bleu et vert, in- troduits dans l'estomac des chiens, déterminaient des vomisse- mens et d'autres accidens, parce qu'ils étaient transformés en phosphates solubles par les liquides acides contenus dans ce vis- cère {Annales d'hygiène, juillet 1840). Du protoxyde de cuivre. Le protoxyde de cuivre est pulvérulent, rouge quand il est anhydre, jaune s'il est hydraté, insoluble dans l'eau, soluble dans l'ammoniaque qu'il colore en bleu, s'il a le contact de l'air, tandis que la dissolution est incolore si elle a été faite en vases clos ; l'acide chlorhydrique le dissout également, après l'avoir trans- formé en protochlorure de cuivre blanc, soluble dans un léger excès d'acide. Il agit sur l'économie animale comme le phosphate, parce que comme lui il est changé dans l'estomac, à la faveur des acides qui s'y trouvent, en un sel soluble {Ann. d'hyg., 1840). 30. - 468 — Du bi-oxyde de cuivrt. Le bi-oxyde de cuivre est solide, d'un brun noirâtre, s'il est anhydre et bleu quand il est hydraté ; il esl insipide, insoluble dans l'eau, et soluble dans l'ammoniaque qu'il bleuit; l'acide sul- furique le dissout sans effervescence, ce qui le distingue du carbonate de bi-oxyde, et donne du sulfate de bi-oxyde facile à reconnaître {V. page 459). Il est vénéneux, parce qu'il se trans- forme dans l'estomac en un sel soluble de cuivre. C'est à cet oxyde qu'il faut surtout attribuer les empoisonne- mens déterminés par les pièces de monnaie de cuivre oxydées, par des confitures préparées dans des vases de cuivre également oxydés, par des corps gras que l'on a fait chauffer dans du cuivre pur, et que l'on a laissés refroidir avant de les transvaser; dans ce dernier cas, les corps gras ont favorisé l'oxydation du cuivre. On explique encore, par la formation de cet oxyde, aux dépens de l'oxygène de l'air, les effets nuisibles du vin que l'on a fait bouillir avec du cuivre, et de toutes les liqueurs alcooliques et en même temps légèrement acides (vin, bière, cidre, etc.), qui ont été en contact avec les contours des robinets en cuivre fixés aux tonneaux qui renferment ces liqueurs. La mort qui a suivi quel- quefois de près, l'emploi de potions préparées avec des minoratifs très doux, mais que l'on avait laissées pendant quelque temps dans les vases en cuivre qui avaient servi à les confectionner, ne re- connaissait pas d'autre cause que l'oxydation du cuivre et la dissolution du bi-oxyde formé, dans les acides contenus dans les minoratifs (tamarins, etc.). Du vin, du vinaigre et des savons cuivreux. Les meilleurs vins étant constamment acides, il est évident qu'on ne saurait les conserver dans des vases en cuivre exposés à l'air, sans qu'il y ait oxydation d'une portion de ce métal et for- mation d'un sel soluble de cuivre ; à plus forte raison cela aura- t-il lieu avec les vins d'une qualité inférieure qui sont ordinaire- ment plus acides que les premiers. Quant au vinaigre qui serait — 469 — placé dans un vase de cuivre, on conçoit qu'il dissolve en peu de lemps une quantité considérable de mêlai, s'il a le contact de l'air. Ces diverses dissolutions seront reconnues à l'aide des réac- tifs indiqués en parlant de l'acétate de cuivre {V. page 442). Les savons et les savonnules cuivreux, étant décomposés à une chaleur rouge dans un creuset, laisseront du cuivre métalli- que; d'un autre côté, ils seronl décomposés par les acides sulfu- rique, azotique et acétique étendus d'eau, qui formeront avec le bi-oxyde de cuivre qu'ils renferment des sels de cuivre solubles el facilement reconnaissables. Question médico-légale concernant les sels de cuivre. MM. Barruel et Chevallier ont été requis pour déterminer si du bouillon gras d'ans lequel on avait trouvé un sel de cuivre avait été empoisonné lorsqu'il était encore dans une marmite en fonle où il avait élé préparé, ou bien si le sel de cuivre avait été ajouté au bouillon après que celui-ci aurait élé retiré de la mar- mile. Les experts ont adopté cette dernière opinion, qu'ils oui fondée sur ce que la marmite en fonte ne contenait aucune trace de cuivre à sa surface, tandis que la même marmite s'était re- couverte d'une couche brillante de cuivre rouge, lorsqu'on y avait laissé, pendant huit heures, neuf livres de bouillon gras refroidi, tenant 30 grammes de sulfate de cuivre en dissolu- tion, et que le bouillon alors, au lieu de contenir du sulfate de cuivre, renfermait du sulfate de fer {Annales d'hyg. et de méd. légale, janvier 1830). On ne conçoit pas qu'à l'occasion de cette réponse, si conforme aux vrais principes de la science, M. Devergie cherche à appor- ter des restrictions en établissant que si, au lieu de bouillon gras, il eùtété question de bouillon aux herbesoud'une liqueur acide, les choses se seraient passées autrement. Il est certain que,dans ce dernier cas, le cuivre eût été plus promptement précipité que dans l'espèce qui fait l'objet de la consultation médico-légale si le sel cuivreux avait élé ajouté à la liqueur pendant que celle-ci était eucore dans la marmite, et les experts qui auraient vu le cuivre déposé sur le fer auraient répondu tout autrement qu'ils ne le firent, 470 — § IV. Des préparations de plomb. — De l'acétate de plomb (sel ou sucre de salurne). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'acétate de plomb? Acétate de plomb neutre solide. Il est blanc, pulvérulent ou cristallisé en parallélipipèdes aplatis ou en aiguilles, inodore, el doué d'une saveur sucrée, styptique. Mis sur des charbons ar- dens, il se boursoufle, se décompose, répand une fumée qui a l'odeur de vinaigre, et laisse de l'oxyde de plomb d'un jaune ti- rant plus ou moins sur le rouge : quelquefois même on aperçoit du plomb métallique brillant; c'est lorsqu'on anime la combus- tion du charbon au moyen d'un soufflet, et que la température se trouve assez élevée pour que le charbon enlève l'oxygène à une portion d'oxyde; chauffé dans un creuset avec du charbon, après avoir été desséché, il fournit du plomb métallique. Si l'on verse de l'acide azotique concentré sur de l'acétate de plomb pulvérulent, il se forme de l'azotate de plomb, et l'acide acétique se dégage en répandant l'odeur de vinaigre. Il se dissout très bien dans Feau distillée; l'eau de fontaine et surtout l'eau de puits, dans les- quelles il existe des sulfates et des carbonates solubles, commen- cent par le décomposer en partie, en donnant naissance à du sul- fate et à du carbonate de plomb insolubles, puis dissolvent la portion d'acétate qui n'a pas été décomposée. Acétate de plomb dissous dans l'eau. Dissolution concen- trée. Elle est limpide, incolore, inodore, d'une saveur sucrée, styptique ; elle verdit le sirop de violettes. La potasse, la soude, l'ammoniaque, les eaux de chaux, de baryte et de strontiane, la décomposent, se combinent avec l'acide, et y font naîire un pré- cipité blanc de protoxyde de plomb hydraté, qui jaunit à mesure qu'on le dessèche ; il suffit de faire rougir un mélange de cet oxyde sec et de charbon pendant vingt minutes dans un creuset, pour obtenir du plomb métallique. Si l'on verse de l'acide sulfu- rique dans cette dissolution, il se dégage de l'acide acétique, et il se précipite sur-le-champ du sulfate de plomb blanc ; — 471 — les sulfates solubles la précipitent également en blanc, mais sans dégager d'acide acétique. L'acide sulfliydrique et les sulfures solubles la décomposent aussi et y font naître un précipité de sulfure de plomb noir. L'acide chromique et les chromâtes solubles précipitent cette dissolution en jaune serin : le précipité est du chromate de plomb. L'iodure de potassium la précipite également en jaune serin (iodure de plomb). Si l'on verse du carbonate de soude dans l'acétate de plomb dissous, on obtient sur-le-champ de l'acétate de soude, qui reste en dissolu- lion, el du carbonate de plomb blanc insoluble, qui se précipite. L'acide carbonique ne la trouble point si elle est bien neutre. Le zinc précipite instantanément le plomb, d'abord sous forme d'une poudre noire, puis en lames très brillantes. Dissolution aqueuse d'acétate de plomb très étendue. On démontrera la présence du plomb en y faisant passer un courant de gaz acide sulfhydrique qui en précipitera du sulfure de plomb noir ; on reconnaîtra celui-ci à l'aide de l'acide azotique très étendu d'eau et bouillant, qui en séparera le soufre et donnera de l'azotate de plomb soluble, facile à caractériser, après avoir été filtré, puisqu'il se comporte avec les sulfates et les carbonates solubles, l'iodure et le chromate de potassium, les alcalis et le zinc comme l'acétate {V. page 470). Quoique le gaz acide sulf- hydrique soit le réactif le plus sensible pour déceler les sels de plomb, il se pourrait à la rigueur que la dissolution d'acéiate fût tellement diluée que cet acide n'accusât pas la présence du plomb ; il faudrait alors évaporer la dissolution pour la concen- trer jusqu'au point où elle serait précipitée par le gaz sulf- hydrique. Sous-acétate de plomb {acétate de plomb basique). Il esl cristallisé en lames opaques et blanches, ou bien il est en masses d'une forme confuse ; le plus souvent cependant il est liquide et constitue l'extrait de saturne. Dans cet état, il est transpa- rent, jaunâtre, d'une saveur très styptique et sucrée, et il verdit fortement le sirop de violettes. Les réactifs, employés pour dé- couvrir l'acétate de plomb neutre, agissent tous de la même ma- nière sur celui-ci, à l'exception de l'acide carbonique qui fait naître dans l'extrait de saturne un précipité blanc de carbonate - 472 — de plomb ; tandis qu'il ne trouble pas l'acétate parfaitement neutre; aussi peut-on rendre laiteux et même précipiter abon- damment l'acétate basique en y insufflant à l'aide d'un lube de verre, de l'air qui sort des poumons, et qui contient une plus grande quantité d'acide carbonique que l'air inspiré. L'eau dis- tillée ne trouble l'extrait de saturne qu'autant que celui-ci aurait été préparé avec du vinaigre de vin ; dans ce cas le vinaigre con- tient de l'acide tartrique et du tartrate de plomb ; c'est ce sel que l'eau distillée précipite. Si la dissolution d'acétate de plomb basique, avait été affaiblie par de l'eau distillée, on agirait sur elle avec l'acide sulfhydrique, comme il a été dit en parlant de la dissolution étendue d'acétate neutre ; l'acide carbonique en précipiterait aussi du carbonate de plomb blanc. Acétate de plomb neutre ou basique mélangé à des li- quides alimentaires ou médicamenteux, à la matière des vomissemens ou à celle que Ton trouve dans le canal diges- tif. S'il est vrai que la plupart des liquides végétaux et animaux décomposent l'acétate de plomb et le transforment en un produit insoluble, il est également vrai que quelques-uns de ces liquides ne lui font subir aucune altération, et que d'autres ne le décom- posent que partiellement : il peut donc arriver que l'on soit obligé de démontrer sa présence dans certaines boissons, telles que les vins et le café, dans les liquides vomis, ou dans ceux que l'on trouve dans le canal digestif après la mort de l'individu; et l'on remarque alors ce que j'ai déjà eu occasion de faire observer tant de fois, c'est-à-dire que par son mélange avec des liquides colo- rés, l'acétate de plomb peut fournir, avec les réactifs, des préci- pités d'une nuance différente de celle qu'il aurait donnée s'il eût élé simplement dissous dans Feau. La gélatine n'est point trou- blée par les acéiates de plomb ; le lait, le bouillon, l'albumine, la bile, le vin rouge, etc., les précipitent, au contraire, plus ou moins abondamment ; l'acétate basique est surtout décomposé par ces liquides. S'il arrivait que la précipitation du sel de plomb fût tellement complète qu'il fût impossible de déceler sa présence dans la dissolution, on sérail obligé d'analyser le précipité : or, voici un fait important sanctionné par des expériences nom- breuses que j'ai lenlées. Lorsqu'on fait bouillir ce précipité — 473 — avec de l'eau distillée pendant une heure, on obtient un solu- tum de matière organique et d'un composé plombique, et il suffit de faire évaporer jusqu'à siccité ce solutum et de le carbo- niser par l'acide azotique pour retirer du charbon, un sel de plomb, tandis que le lait, le bouillon et les autres liquides orga- niques, non additionnés d'acétate de plomb, traités de la même manière, ne fournissent jamais un sel plombique. Cela étant, voici comment il faudrait procéder à là recherche des acétates de plomb, mélangés comme je viens de le supposer. Si les matières suspectes sont liquides, on les fait bouillir pendant quelques minutes dans une capsule de porcelaine pour coaguler, en partie du moins, la matière organique ; si elles sont épaisses ou presque solides on les étend d'eau avant de les faire chauf- fer. On filtre la liqueur, et on la fait traverser par un cou- rant de gaz acide sulfhydrique ; s'il se forme un précipité de sulfure de plomb noir, on traite celui-ci par l'acide azotique affaibli {V. page 471). Si, au contraire, le gaz sulfhydrique est sans action sur cette liqueur, on la fait évaporer jusqu'à sic- cité, et l'on carbonise le produit de l'évaporation par de l'acide azotique, mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de po- tasse {voy. page 449) ; le charbon obtenu, traité pendant un quart d'heure environ par de Feau régale étendue de son volume d'eau et bouillante, cédera à l'acide le plomb qu'il pourrait con- tenir, et dissoudra également la petite proportion de sulfate de plomb qui aurait pu se former par suite de la transformation de l'acide sulfhydrique en acide sulfurique ; la dissolution filtrée et évaporée jusqu'à siccité, laissera un sel de plomb facile à recon- naître. MM. Flandin el Danger ont voulu substituer l'acide sul- lurique à l'acide azotique que j'avais proposé pour carboniser la matière organique; mais M. Lassaigne a péremptoirement prou- ve1 que cette fois encore ces experts avaient commis une erreur grave, puisqu'en agissant comparativement par les deux procé- dés sur des matières contenant la même proportion d'un com- posé plombique, on obtient beaucoup plus de plomb lorsqu'on a traité par l'acide azotique que dans le cas où l'on s'est servi d'a- cide sulfurique {V. Journal de Ch. méd., tome x, année 1844). Le coagulum qui s'est produit en chauffant les matières sus- — 474 — pectes jusqu'à l'ébullition, après avoir été desséché, sera égale ment carbonisé par l'acide azotique mêlé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse, et le charbon sera soumis au trai- tement qui vient d'être indiqué en parlant des matières liquides. Acétate de plomb se trouvant à la surface du canal diges- tif. Après avoir atteniivementenlevéles matières contenues dans ce canal, et dont je me suis occupé dans le paragraphe précédent, on lave l'intérieur de ce canal, à plusieurs reprises, avec de l'eau distillée pour dissoudre la portion d'acétate de plomb, qui pour- rait, à la rigueur, se trouver à la surface de ce canal ; on fait bouillir les eaux de lavage pour coaguler tout ce qui est coagula- ble, et après avoir filtré, on agit séparément sur la portion liquide et sur le coagulum, comme il a été dit à l'occasion des mélanges alimentaires. Ici se présente un fait curieux et important que j'ai décrit pour la première fois en 1839 (V. Annales d'hyg.). Je voulais déterminer expérimentalement la date de l'empoisonnement par un sel soluble de plomb (acétate ou azotate) ; je pensais, avec raison, que les effets produits par le contact de ces sels avec l'es- tomac devaient se montrer avec des apparences diverses, suivant qu'on les observait peu de temps, plusieurs heures ou plusieurs jours après l'intoxication, et je ne désespérais pas, en étudiant les changemens qui pourraient successivement être constatés dans l'estomac, d'arriver à résoudre le problème que je m'étais posé. Il est résulté de ce travail que l'acétate et l'azotate de plomb donnés aux chiens laissent dans l'estomac des traînées de points blancs ou d'une substance blanche plus ou moins adhérente à la surface interne de l'estomac, quoique des vomissemens aient eu lieu et que plusieurs jours se soient écoulés depuis l'administra- tion des composés plombiques ; ces portions de substance blan- che ne sont autre chose que de l'acétate de plomb décomposé ou combiné avec les tissus, et il est important de les recueillir pour agir directement sur elles. Voici, au reste, les conclusions que j'ai tirées de mes expériences : 1° Qu'il suffit de deux heures pour que l'acétate et l'azolate de plomb, donnés à petite dose, développent sur la membrane mu- queuse de l'estomac des chiens vivans, et quelquefois même sur — 475 — celle des intestins, une altération particulière, visible à l'œil nu, et qui consiste en une série de petits points d'un blanc mat, tan- tôt réunis dans le sens de la longueur et formant des espèces de traînées sur les plis de la membrane, tantôt disséminés sur toute la surface du tissu. Ces points, évidemment composés de matière organique et d'une préparation de plomb, adhèrent intimement à la membrane muqueuse dont on ne peut pas les séparer, même en grattant pendant long-temps avec un scalpel : ils fournissent instantanément et à froid, par l'acide sulfhydrique, du sulfure noir de plomb ; ils sont insolubles dans l'eau distillée froide ou bouillante et décomposables à la température ordinaire par l'a- cide azotique faible, avec production d'azotate de plomb. 2° Que l'on remarque la même altération chez les chiens qui ont vécu quatre jours et qui n'avaient élé sous l'influence des mêmes sels de plomb, aux mêmes doses, que pendant deux heu- res ; que toutefois les points blancs, évidemment moins nom- breux, ne sont plus visibles qu'à la loupe; d'où il suit que, s'ils ont été en partie décomposés ou absorbés par un acte vital, il n'a pas suffi de quatre jours pour les faire disparaître complètement ; qu'en tout cas, l'acide sulfhydrique les noircit à l'instant même, et il ne faut pas plus d'une demi-heure d'ébullition avec de l'acide azotique à 30 degrés, étendu de son volume d'eau, pour former avec l'estomac et les intestins unequantité notable d'azotate de plomb. 3° Qu'en laissant vivre pendant dix-sept jours des chiens sou- mis à l'action de ces poisons, donnés aux mêmes doses, on ne découvre plus la moindre trace de points blancs, et que l'im- mersion du canal digestif dans un bain d'acide sulfhydrique ne développe plus de points noirs, même au bout de quatre heures ; mais qu'alors encore, si l'on fait bouillir les tissus pendant une demi-heure avec de l'acide azotique à 30 degrés étendu de son volume d'eau, il se produit une assez grande quantité d'azotate de plomb pour qu'il soit permis de penser qu'on aurait pu re- trouver une partie du plomb ingéré, même un mois après l'em- poisonnement, en employant l'acide azotique. 4° Qu'il est dès-lors incontestable que le composé blanc de plomb et de matière organique qui s'était d'abord formé disparaît au bout d'un certain temps, probablement après avoir été dé- — 476 — composé; qu'en tout cas, une portion du plomb qu'il renfermait reste combinée avec les tissus de l'estomac pendant un temps plus ou moins long. 5° Que l'on peut, d'après les caractères que présente l'estomac des chiens soumis pendant deux heures seulement à l'action de 2 grammes d'acétate de plomb et que l'on a laissés vivre, sinon déterminer rigoureusement l'époque à laquelle l'empoisonnement a eu lieu, du moins indiquer approximativement cette époque. En effet, suivant que la vie des animaux empoisonnés s'est plus ou moins prolongée, on trouve dans la première période de la maladie des traînées et des points blancs visibles à l'œil nu ; dans la deuxième période , ces points ne sont visibles qu'à la loupe et noircissent par l'acide sulfhydrique ; ils sont en oulre moins nombreux ; enfin le caractère de la troisième période consiste dans la disparition des points blancs, dans l'absence de coloration noire par l'acide sulfhydrique et dans la possibilité d'obienir de l'azotate de plomb en faisant bouillir pendant une demi-heure l'eslomac avec de l'acide azotique étendu de son vo- lume d'eau. 6° Que si la dose d'acétate de plomb était plus forte ou plus faible que celle qui vient d'être indiquée {voy. 5°), et que l'animal eût été sous l'influence du sel plus ou moins de deux heures, on observerait également les trois périodes dont j'ai parlé ; mais alors leur durée ne serait pas la même que dans l'espèce qui fait l'objet de ce travail. 7° Que l'altération dont il s'agit se forme indépendamment de tout acte vital, puisqu'elle s'est développée dans un estomac dé- taché du corps et déjà froid. 8° Qu'elle a été constatée par moi une fois au bout de dix-sept jours d'inhumation, et une autre fois irente-huit jours après l'ex- position de l'estomac à l'air, et qu'elle était encore tellement vi- sible dans les deux cas, qu'il n'est pas douteux qu'on ne puisse l'apercevoir plusieurs mois plus lard. Il suit de ce qui précède, qu'après avoir lavé le canal digestif avec de Feau distillée pour enlever l'acélaie de plomb qui pour- rait se trouver à sa surface, l'expert plongera toutes les portions du canal digestif où se trouvent des points blancs dans de l'acide — 477 — azotique marquant 30 degrés et étendu de trois fois son poids d'eau. Après une heure d'action à froid, le plomb contenu dans ces points sera dissous, et l'on aura de l'azotate de plomb qu'il suffira de faire évaporer jusqu'à siccité et de dissoudre dans l'eau pour le reconnaître à l'aide des réactifs ; que si par hasard cet azotate était mélangé de beaucoup de matière organique, ce qui n'est pas présumable, il faudrait le carboniser par l'acide azoti- que et le chlorate de potasse, et agir sur le charbon, comme je l'ai dit à la page 473, en parlant du dépôt organique (1). Acétate de plomb absorbé et contenu dans les tissus du canal digestif, dans le foie, la rate et les reins. S'il y a eu empoisonnement, et que ces organes retiennent encore un com- posé plombique, après avoir coupé ces viscères en petits mor- ceaux, on les fera bouillir pendant une heure dans une capsule de porcelaine avec de l'eau distillée à peine acidulée par de l'a- cide acétique pur ; la dissolution contiendra une quantité suf- fisante de ce composé pour qu'on puisse en démontrer la pré- sence, tandis que ces organes à l'état normal, traités de la même manière, ne fourniront à l'eau acidulée aucune trace du plomb qu'ils renferment naturellement. On filtrera, et après avoir évaporé la liqueur filtrée jusqu'à siccité, on carbonisera le produit de l'évaporation par un mélange d'acide azotique et de chlorate de potasse, comme il a élé dit à la p. 449. Le charbon obtenu sera traité à chaud par l'acide azotique affaibli, et l'on obtiendra de l'azotate de plomb facile à reconnaître {V. page 470). On compromettrait gravement le succès de l'opération, si l'on n'évitait pas les écueils que je vais signaler : \°il ne faut ni in- (1) Je n'aurais jamais cru si je ne l'avais entendu à Riom, à propos de la recherche médico-légale de l'acétate de plomb, que M. Rognetta pût aller jusqu'à dire : « Il « faut delà simplicité dans les expertises ; toutes ces expériences chimiques sont k compliquées et souvent inutiles; ainsi, dans l'affaire Pouchon, à quoi bon d'y « recourir, puisqu'à l'ouverture des cadavres on trouve des masses de plomb dans k l'estomac et l'empoisonnement est de suite reconnu ? o) Or, il n'existe jamais de plomb métallique dans t estomac ; on découvre dans ce viscère des points blancs ou bien la membrane muqueuse esl grisâtre par suite de la combinaison du sel de plomb avec le tissu organique, et il est impossible de mettre le plomb à nu sans décomposer ce tissu et sans avoir recours à ces expériences chimiques dont l'ignorance seule a pu contester l'utilité. — 478 — cinérer les organes coupés en morceaux, ni les carboniser par le mélange d'acide azotique cl de chlorate de potasse; car les cendres ou le charbon obtenus, traités par l'acide azotique affai- bli, céderaient à celui-ci une portion ou la totalité du plomb qu'ils renferment naturellement, tandis qu'on n'a pas cela à craindre si l'on ne carbonise, comme je l'ai prescrit, que le de- coctum aqueux et légèrement acidulé de ces mêmes organes. On sait qu'en 1838, la Cour d'assises de Dijon mit en jugement le docteur Rittinghausen accusé d'avoir empoisonné son ami, le docteur Schneider, en lui administrant un composé de plomb et de cuivre ; entre autres chefs d'accusation, le ministère public faisait valoir l'expertise pratiquée à Dijon, de laquelle il résultait que les organes de Schneider contenaient du plomb et du cuivre. Consulté par Rillinghausen, je démontrai dans un mémoire dont je donnai lecture à l'Académie, qu'on était loin d'avoir prouve'1 que Schneider fût mort empoisonné (V. Bulletin de l'Acadé- mie, octobre 1838), quoiqu à cette époque l'aitenlion des méde- cins légistes n'eût pas encore été appelée sur l'existence du plomb dans les organes de l'homme. Aujourd'hui, que les travaux de MM. Hervyet Devergie ont mis l'existence de ce métal hors de doute, dans le corps de l'homme non empoisonné, il est aisé de voir que les experts de Dijon, en traitant le canal digestif de Schneider par de Xeau régale bouillante, el en agissant sur la dissolution, n'avaient décelé que le plomb et le cuivre qui existent naturellement dans nos organes. A coup sûr, les résultais eussent été tout autres, si au lieu de soumettre le canal digestif à l'aciion d'un acide aussi puissant que l'eau régale, on les eût simplement fait bouillir dans de l'eau distillée aiguisée d'acide acétique. Je dirai plus loin, en exposant avec détail l'af- faire Pouchon, que, faute d'avoir traité parce dernier liquide les organes qui firent l'objet des recherches analytiques des experts, ceux-ci rendirent beaucoup plus difficile la solution du problème qui leur était demandée, et qu'ils m'empêchèrenl d'affirmer que cet homme eût succombé à un empoisonnement par un composé plombique; 2° 77 ne faut pas incinérer davantage le charbon provenant de la dissolution des organes dans de Feau acidulée par l'acide — 479 — acétique, parce que cette dissolution renferme une quantité no- table de la matière organique du foie, de la rate, du canal diges- tif, etc., et qu'il existe nécessairement dans cette portion de ma- tière organique une proportion quelconque du plomb naturelle- ment contenu dans le corps de l'homme ; ce plomb serait attaqué par l'acide azotique affaibli, si le charbon eût été incinéré, tandis que l'expérience prouve qu'il ne le serait pas si l'on s'était borné à traiter par cet acide, le charbon obtenu en carbonisant par le mélange d'acide azotique et de chlorate de potasse, la dissolution aqueuse à peine acidulée par l'acide acétique; 3° Il faut s'assurer avant tout que le papier à filtre dont on s'est servi dans les recherches analytiques, ne contient pas de plomb. On trouve aujourd'hui dans le commerce des papiers Jo- seph, même fort beaux, qui renferment une proportion de plomb souvent plus considérable que celle que l'on retire des organes des animaux empoisonnés par un sel plombique : aussi m'est-il souvent arrivé, avant d'avoir porté mon attention sur ce point et en me servant de pareils papiers, d'obtenir du plomb, alors même que je traitais par l'eau bouillante seulement des organes d'ani- maux non empoisonnés; il suffisait même de faire filtrer rapide- ment à travers ces papiers de l'eau aiguisée d'acide chlorhydri- que ou d'acide acétique pour que la liqueur précipitât abondam- ment en noir par l'acide sulfhydrique. A combien d'erreurs gra- ves ne s'exposerait-on pas si l'on méconnaissait l'importance d'un pareil résultat ! On devra donc employer de préférence du papier Berzélius,qui ne contient pas de plomb, ou bien, si l'on est obligé de faire usage d'un autre papier plombique, il faudra commencer par débarrasser celui-ci du plomb qu'il renferme en le lavant à plusieurs reprises avec de l'eau faiblement aiguisée d'acide chlor- hydrique ; on ne devrait pas cependant réitérer trop souvent ces lavages, de crainte d'amincir le papier au point où il se déchire- rait si facilement qu'il ne serait plus propre à filtrer; il faudrait les cesser dès que la dissolution chlorhydrique ne serait plus af- fectée par l'acide sulfhydrique. Dans tous les cas, et quelque soit le papier dont on voudra faire usage, il ne faudra jamais né- gliger de l'essayer par cet agent avant de l'employer. Acétate de plomb dans l'urine. L'exislence du plomb dans — 480 — l'urine des chevaux empoisonnés par ce sel a été mise hors de doute par les expériences de M. Ausset, chef des travaux chimi- ques de l'École d'Alfort {Bulletin de TAcadémie, t. vi, p. 283). De mon côlé, je faisais voir, à-peu-près en même temps, que l'u- rine d'une jeune fille qui avait avalé de 30 à 40 grammes du même sel, contenait également du plomb. On constatera la présence de ce métal dans l'urine, en faisant évaporer celle-ci jusqu'à siccité et en carbonisant par l'acide azotique le produit de l'évaporalion; on traitera le charbon, en partie incinéré, par l'eau distillée bouil- lante pour dissoudre les sels solubles dans ce liquide, puis on fera agir, aune douce chaleur, sur la portion insoluble dans l'eau, de l'acide azotique étendu de deux parties d'eau, afin de dissou- dre le plomb ; la dissolution contiendra de l'azotate de plomb, facile à reconnaître {V. p. 470). Acétate de plomb dans le cas où l'on aurait administré un sulfate soluble comme contre-poison. On sait que les sul- fates solubles transforment rapidement l'acétate de plomb en sul- fate insoluble ; il est donc permis de supposer que dans le cas où un individu empoisonné par de l'acétate de plomb aurait pris du sulfate de soude,de potasse,de magnésie, etc., on ne trouverait plus d'acétate de plomb ni dans la matière de vomissemens, ni dans le canal digestif, mais bien du sulfate de ce métal. Admet- tons qu'il en soit ainsi. On ramassera attentivement la totalité de la poudre blanche qui se sera déposée des matières vomies ou qui tapissera quelques portions du canal digestif, et après l'avoir la- vée, on la fera bouillir pendant une heure dans une capsule de porcelaine avec du bi-carbonate de potasse pur ; si le sel pulvéru- lent est du sulfate de plomb, on obtiendra du sulfate de potasse soluble et du carbonate de plomb insoluble; on décomposera celui-ci par de l'acide acétique affaibli pour former de l'acétate de plomb soluble, facile à reconnaître. Si, contre toute attente, on n'avait pas recueilli du sulfate de plomb pulvérulent, on carboni- serait par l'acide azotique et le chlorate de potasse {V. p. 449) les matières vomies, celles qui auraient été extraites du canal di- gestif, ainsi que les eaux de lavage obtenues en lavant le canal di- gestif avec de l'eau distillée et en raclant légèrement sa surface interne; le charbon serait ensuite traité pendant une heure par — 481 —- une dissolution bouillante de bi-carbonate de potasse qui trans- formerait, en grande parliedu moins, le sulfal.e de plomb en car- bonate; ce dernier étant insoluble resterait dans le charbon, et il suffirait de faire bouillir celui-ci pendant quelques minutes avec de l'acide azotique étendu d'eau pour obtenir de l'azotate de plomb soluble. Acétate de plomb dans un cas d'exhumation juridique. — Expériences. Le 29 mars 1826, on a dissous 12 grammes d'acétate de plomb dans deux litres d'eau distillée, et on- les a introduits dans un grand bocal où l'on avait préalablement mis de la chair musculaire, un mor- ceau de foie et quelques portions d'un canal intestinal; le vase a été exposé à l'air. Le 9 avril suivant, il n'y avait plus d'acétate de plomb en dissolu- tion, car la liqueur filtrée ne se colorait pas par l'acide sulfhydrique ; mais en desséchant le précipité gris noirâtre qui s'était formé, ainsi que la ma- tière animale qu'il contenait, et en le calcinant assez fortement, on en re- tirait du plomb métallique. Le 4 8 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, 30 centigrammes d'acétate de plomb dissous dans un litre et demi d'eau distillée, et mêlé avec environ le tiers d'un canal intestinal. Quatre joursaprès, il n'existait plus un atome de sel en dissolution, et les matières solides fournissaient une quantité sensible de plomb. Il est donc évident que ce ne serait pas dans la liqueur que l'on trouverait l'acétate de plomb, qui, après avoir été dissous, aurait été en contact avec les tissus du canal digestif, car il suffit de fort peu de temps pour que cetle liqueur n'en conserve plus de traces. Du carbonate de plomb (céruse, blanc de plomb). Le carbonate de plomb est solide, pulvérulent ou en masses très dures, blanc, insipide et inodore. Il fournit du plomb métal- lique quand on le décompose par du charbon, dans un creuset, à une température élevée, tandis qu'il laisse de l'oxyde jaune ou rouge, s'il est chauffé seul, de la même manière. Il est insoluble dans l'eau et enlièremeni soluble dans l'acide azotique s'il est pur. La dissolution se comporte avec l'acide sulfliydrique, les sulfates, l'iodure et le chromate de potassium, le zinc, etc., comme l'acé- tate de plomb dissous {V. p. 470). Si leearbonate de plomb était mélangé de sulfate de baryte, comme cela a souvent lieu, l'acide — 482 -- azotique ne dissoudrait pas ce dernier sel que l'on pourrait re- connaître en le calcinant avec du charbon {F. page 170). Si, au contraire, il étail mélangé ù de la chaux ou à du carbonate de chaux, l'acide dissoudrait la totalité du mélange; il suffirait alors de faire passer dans la dissolution un courant de gaz acide sulfhydrique, pour précipiter le plomb à l'état de sulfure noir; le liquide surnageant le précipité contiendrait de l'azotate de chaux, dont on démontrerait aisémeni la présence, à l'aide du carbonate de potasse dissous, lequel ferait naître un précipité de carbonaie de chaux blanc, dont on retirerait aisément la chaux, en le calcinant, après l'avoir lavé. Je dirai, en parlant de la falsification des alimens solides et li- quides, comment il faudrait opérer pour déceler la présence du carbonate de plomb dans la farine que les boulangers auraient sophistiquée, dans le dessein de la rendre plus lourde et plus blanche. De Feau imprégnée de plomb. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement est pro- duit par de l'eau imprégnée de plomb ? L'eau qui a été transmise par des aqueducs de plomb, ou qui est tombée sur des toits couverts de ce métal, peul tenir en dissolution une assez grande quantité de carbonate ou de pro- toxyde de plomb hydraté pour déterminer des accidens graves ; il en est de même de celle que l'on a gardée pendant long-iemps dans des vases de plomb exposés à l'air, ou que l'on a puisée avec des seaux de ce métal. Barruel et Mérat ont relire 64 gr. de car- bonate de plomb cristallisé de six voies d'eau laissées pendant deux mois dans une cuve pneumato-chimique doublée en plomb (Mérat, Traité de la colique métallique, 2e édil., p. 98). Elle est transparente, incolore et inodore comme Feau ordinaire ; sa saveur est quelquefois légèrement sucrée et styptique. Les sul- fates, l'acide sullhydrique, les chromâtes el les alcalis agissent sur elle comme sur la di&solution d'acétate de plomb {voy. p. 470). Les acides en dégagent de l'acide carbonique avec effervescence, lorsque le plomb y est à l'état de carbonate, ce qui arrive fréquemment. — 485 — Du vin et de la bière imprégnés de plomb. Le vin aigri qui séjourne sur de la litharge très divisée peut en dissoudre une assez grande quantité pour devenir vénéneux, sans perdre sensiblement sa couleur, s'il était coloré ; il acquiert une saveur astringente légèrement sucrée. Si la quantité de pro- toxyde de plomb dissous était notable, le vin rouge serait déco- loré; le vin non aigri, dans lequel il existe toujours une cer- taine quantité d'acide libre, dissoudrait beaucoup moins de li- tharge que le vin aigri. Barruel et Mérat ont prouvé qu'une bouteille de vin peut dissoudre 1 gramme 30 centigrammes de litharge. Les vins blancs lithargyrés fournissent, avec les réac- tifs, des précipités semblables à ceux que j'ai décrits en parlant de l'acétate de plomb (voy. p. 470). Quant aux vins rouges, il suffit, pour y déceler le plomb, de les faire traverser par un courant de gaz acide sulfhydrique et de traiter le sulfure de plomb noir obtenu par l'acide azotique, comme il a été dit à la p. 471. On aurait tort de faire usage, dans ce cas, des réactifs tels que les alcalis, les sulfures alcalins, etc., pour déceler le plomb dans ces liquides, parce qu'ils modifient par eux mêmes la couleur du vin rouge et qu'ils pourraient induire les experts en erreur. La bière peut contenir un sel de plomb, lorsqu'elle a fer- menté dans des vases de ce métal. Dans son traité sur le plomb, Percival dit avoir vu des accidens produits par celle liqueur ainsi altérée. On constaterait la présence du sel plombique par l'acide sulfhydrique, comme avec le vin rouge. Des bonbons colorés par du chromate de plomb. On commencera par détacher le plus que l'on pourra de la matière colorante qui est à la surface des bonbons, en tenant ceux-ci dans l'eau distillée, pendant qu'avec un pinceau très doux on froiiera cette surface : le chromate de plomb déposé et lavé sera décomposé à une douce chaleur par du carbonate de potasse dissous ; il se formera du chromate de potasse solubl" el Hl. -- 484 - du carbonate de plomb insoluble: on reconnaîtra celui-ci, soit en en retirant le plomb à l'aide du chalumeau, soil en le dissolvant dans l'acide azotique pour former un acétate, dont les caractères ont été indiqués à la p. 470. Quant au chromate de potasse, on y versera un sel de plomb soluble, qui y fera naître un précipité de chromate de plomb jaune, lequel, étant lavé et légèrement chauffé avec de l'acide chlorhydrique, fournira du chlorure de chrome vert soluble. Du phosphate, du borate, de l'oxalate, du tartrate, du tannate et du sulfate de plomb. J'admettrai volontiers que ces divers sels, qui sont tous inso- lubles dans l'eau distillée, ne soient par cela même pas véné- neux, quand ils sont administrés à des individus dans l'eslomae desquels il n'existerait aucun acide libre, ni aucune trace de chlorure de sodium ; mais comme c'est là une hypothèse qui ne se réalisera jamais chez l'homme et que j'ai prouvé en 1843 que les acides et le chlorure de sodium dissolvent plus ou moins fa- cilement tous ces sels et dès-lors les rendent vénéneux, il im- porte de les étudier. Il résulte de mes expériences, 1° que la plu- part de ces sels, mais surtout le borate et le tannate, sont dissous lorsqu'on les met en contact pendant quelque temps, et souvent pendant trois ou quatre minutes seulement, avec de l'eau aiguisée d'acide acétique ou chlorhydrique ; 2° que si quelques - uns d'entre eux ne sont pas abondamment dissous, ils le sont néan- moins dans une proportion assez sensible pour que l'on conçoive qu'ils puissent donner lieu à des symplômes d'empoisonnement ; 3° que ceux qui ne sont dissous que lentement et en petite pro- portion par l'eau acidulée dont je parle, deviennent beaucoup plus solubles dans cette eau additionnée de chlorure de sodium; 4° enfin, que ce dernier sel, employé seul, peut également dis- soudre la plupart de ces sels. Ces diverses dissolutions seront aisément reconnues pour des dissolutions plombiques à l'aide du gaz acide sulfliydrique, de l'iodure de potassium et des autres réactifs déjà mentionnés à 1'arlicle acétate de plomb (voy. p. 470). Sans doute, ces agens — 485 — n'indiqueront pas si le sel plombique dissous est plutôt un phos- phate qu'un borate, etc. ; mais cette recherhe n'est que d'un in- térêt secondaire ; le point essentiel est de constater qu'il existe dans la dissolution un sel plombique ; toutefois, si l'on voulait pousser l'analyse assez loin pour résoudre ce problème, il fau- drait évaporer les dissolutions jusqu'à siccité et faire bouillir pen- dant une heure le produit desséché avec du bicarbonate de potasse pur dissous dans l'eau distillée; on obtiendrait du carbonate de plomb insoluble et du phosphate, du borate, de l'oxalate, du tar- trate, du lannale ou du sulfate de potasse, qu'il sérail aisé de re- connaître aux caractères distinctifs de ces divers genres de sels {voy. mes Elémens de chimie). De l'iodure de plomb. L'iodure de plomb est solide, d'un jaune doré, soluble dans. 1235 parties d'eau froide et dans 194 parties d'eau bouillante, cris- tallisable en paillettes hexagonales régulières. L'acide azotique concentré en sépare l'iode à froid et forme de l'azotate de plomb; il suffit en effet d'ajouter de Feau pour dissoudre ce sel, qui se comporte avec les réactifs comme les sels plombiques. Le chlore agité avec de l'iodure de plomb fournit instantanément de l'iode brun et du chlorure de plomb blanc qui se précipitent, et du chlorure d'iode qui communique à la liqueur une couleur jaune rougeâtre ; en chauffant ce mélange à la température de l'ébulli- tion, l'iode se volatilise sous forme de belles vapeurs violettes, le chlorure d'iode se dégage, et à mesure qu'il se volatilise la li queur se décolore; enfin le chlorure de plomb se dissout, en sorte qu'on peut démontrer sa présence dans la dissolution incolore que l'on obtient après quelques minutes d'ébullition. Des oxydes de plomb. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les oxydes de plomb? Protoxyde. Il peut être sec ou combiné avec l'eau : dans ee dernier cas, il est blanc. Le protoxyde sec porte le nom de mas- — 486 - sicot ou de litharge. Le premier est jaune et purvérulent ; l'au- tre est sous forme de petites écailles rougeâtres ou jaunâtres. Lorsqu'on fait rougir, pendant quinze ou vingt minutes, dans un creuset, un mélange de protoxyde de plomb et de charbon, on obtient du plomb métallique. L'acide azotique, chauffé avec le protoxyde dont je parle, le dissout sans produire de peroxyde puce; l'azotate résultant précipite comme l'acétate de plomb par les réaclifs indiqués à la page 470. Minium. Il est d'un beau rouge, très pesant, et se comporte avec le charbon comme le précédent. L'acide azotique le décom- pose, même à froid, et le fait passer en partie à l'état de bi-oxyde puce insoluble dans l'acide, et en partie à l'état de protoxyde, qui se dissout dans l'acide azotique ; en sorte que l'on obtient de l'azotate de plomb facile à reconnaître, après avoir filtré la li- queur, en la traitant par les réactifs propres à déceler les sels de plomb {voy. p. 470). Des alimens cuits dans des vases de plomb ou dans des vases étantes avec un mélange d'étain et de plomb. Lorsqu'on fait cuire des alimens acides dans des vases de plomb, ce métal s'oxyde, et l'oxyde formé se combinant avec l'a- cide produit un sel vénéneux. Si ce sel est soluble on le recon- naîtra à l'aide des réactifs indiqués en parlant de Facétaie de plomb; s'il est insoluble (oxalate, tartrate, etc.), on le traitera par le bicarbonate de potasse, comme il a été dit à la p. 485, ou bien, si l'on veut se borner à démontrer l'existence d'un composé plombique, on carbonisera les alimens avec de l'acide azotique et du chlorate de potasse {voy. p. 449). Si les alimens ont élé cuits dans des vases étamés avec de l'é- tain et du plomb, on constatera facilement la présence de ces deux métaux en traitant à une douce chaleur dans un tube de verre par l'acide azotique concentré, l'étamage pulvérisé ; on ob»- tiendra de l'azotate de plomb soluble et du bioxyde d'étain blanc insoluble {voy. p. 470 et l'article d'étain pour les caractères du bi-oxyde). Ces étamages peuvent-ils être nuisibles à la santé, par suite de — 487 — la dissolution d'une portion du plomb qu'ils renferment et qui aurait élé opérée par les acides contenus dans certains alimens? Proust a fait à cei égard un travail dont les résultats me parais- sent inadmissibles. Voici comment il s'est exprimé dans lé t. lvii des Annales de chimie, p. 84. « Les étamages chargés de plomb jusqu'à parties égales ne peuvent êlre dangereux, puis- qu'il suffit au plomb d'être allié à l'étain pour qu'il ne puisse se dissoudre ni dans le jus de limon ni dans le vinaigre, les deux acides donl l'aclivilé pourrait inspirer plus de méfiance. L'étain, plus oxydable que le plomb, se dissout exclusivement dans ces acides, et s'oppose à ce que le second soit attaqué. Le plomb ne pourrait s'approprier un atome d'oxygène sans que l'étain ne le lui enlevât à l'instant. « Le plomb, lorsqu'il est allié d'étain à parties égales et au- delà, ne peut jamais prendre les devans sur le second, s'oxyder et se dissoudre avant lui. Ce même alliage pris intérieurement et à une dose bien plus forte que celle que pourrait avaler toute une famille, lors même que l'éiamage ne durerait pas huit jours, n'est pas en état d'exposer, même légèrement, la sauté : aussi n'y en a-l-il pas un seul exemple avéré. » Ces expériences ne s'accordent guère avec celles que j'ai ten- tées et dont je vais donner un exlrail : 1° J'ai exprimé le jus de deux citrons dans une casserole en cuivre que j'avais étamée avec parties égales de plomb et d'étain, et j'ai ajouté 800 grammes d'eau;après trois jours de contact à froid, j'ai filtré et j'ai fait éva- porer la liqueur jusqu'à siccité : le produit carbonisé par l'a- cide azotique a laissé un charbon que j'ai maintenu pendant dix minutes à une chaleur rouge dans la capsule où il avait été fait ; les cendres provenant de celte opération contenaient de l'oxyde d'étain et un peu d'oxyde de plomb; car traitées par l'acide azo- tique bouillant, elles m'ont fourni une dissolution renfermant une petite proportion de plomb; en effet, la liqueur précipitait en jaune par l'iodure de potassium, en brun par l'acide sulfhydri- que, et en blanc par le sulfate de potasse ; le bi-oxyde d'étain blanc n'avait pas été dissous; mais je me suis assuré de son exis- tence en le dissolvant dans l'acide chlorhydrique. 2° J'ai laissé pendant plusieurs jours 300 grammes d'eau et 100 grammes d'à- — 488 — cide acétique dans une casserole étaméc avec parties égales de* plomb et d'étain, j'ai fait évaporer jusqu'à siccité la liqueur fil- trée; le produit carbonisé par l'acide azotique a fourni un char- bon que j'ai incinéré; la cendre, mise en contact avec l'acide azo- tique étendu et bouillant, m'a donné de l'azotate de plomb dans la liqueur, et il est resté du bi-oxyde d'étain. D'où il résulte que l'élamage fait avec parties égales de plomb et d'étain peut céder du plomb à des liqueurs acides et par suile occasionner des ac- cidens toxiques. Des sirops et des eaux-de-vie clarifiés avec l'acétate de plomb. Cadet de Gassicourt parle dans un article des Variétés médi- cales, du danger qu'il y a à s'adresser aux épiciers pour des si- rops de miel ou de raisin clarifiés, ainsi que pour les eaux-de-vie rendues incolores. Cette clarification s'opérant à l'aide de l'acé- tate de plomb, il est de la plus haute importance de ne laisser aucune trace de ce sel dangereux dans la liqueur, et c'est une précaution que ne peuvent pas prendre ces préparateurs étran- gers à la chimie : aussi M. Boudet a-t-il reconnu la présence d'une assez grande quantité de plomb dans ces boissons livrées aveuglement au commerce {Journal gêné, de Méd., rédigé par Sédillot, t. xnv, p. 321). L'acétate de plomb contenu dans ces boissons sera facile- ment reconnu par les réactifs que j'ai indiqués en faisant l'histoire de ce sel {voy. p. 470). Des émanations saturnines et du plomb métallique. Les effets délétères des émanations saturnines sont incontesta- bles, quoique celles-ci soient insaisissables par nos réactifs. Wil- son et Dubois se sont trompés en disant que l'on apercevait dans le canal intestinal des traces de poussière saturnine ; il en est de même de Spangenberg, qui prétendait avoir observé des glo- bules de matières fécales recouvertes de litharge. Méra'. el Bar- ruel n'ont point trouvé de plomb dans l'urine ni dans les excre- — 489 — mens d'un individu qui avait succombé à cette maladie. Le sang extrait de la veine cave, du cœur droit et de la veine porte d'un homme mort à la suite de colique de plomb et d'encéphalopathie saturnine, n'a fourni aucune trace de plomb à M. Chevallier. Il en a été de même de l'urine et de la salive de plusieurs malades, analysées par M. Guibourt. M. Devergie dit avoir retiré plus de plomb de plusieurs viscères d'individus morts de la coli- que des peintres, que des mêmes viscères pris chez des person- nes qui avaient succombé à d'autres maladies. Avant d'admettre ce résultat, il faudrait que des expériences beaucoup plus nom- breuses que celles qui ont été tentées jusqu'à ce jour, nous eus- sent fait connaître quelle est la plus forte proportion de plomb que l'on peut obtenir des divers organes de l'économie animale à l'état normal; jusque-là je dirai que l'assertion de mon confrère peut être exacte, mais qu'elle n'est pas prouvée. Je ferai la même réserve pour ce qui concerne la quantité notable de plomb que M. Devergie dit avoir obtenue des muscles du mollet d'un indi- vidu qui avait succombé à une arthralgie saturnine. Dans deux cas d'encéphalopathie saturnine, MM. Guibourt et Devergie sont parvenus à découvrir du plomb en quantité no- table dans le cerveau, quoique les procédés suivis par ces deux expérimentateurs ne fussent pas les mômes; mais nous savons que le cerveau à l'état normal contient du plomb ; il ne faut donc pas considérer comme démontré un fait qui ne repose que sur un aussi petit nombre d'expériences. Quant au plomb métallique en masse ou en poudre gros- sière, il ne se transforme dans le canal digestif ni eu oxyde ni en sel, et il peut être pris impunément. Leroux en a donné à un chien, sans accident aucun, jusqu'à 120 grammes. Symptômes produits par les divers composés de plomb. Dès l'année 1814 j'ai établi, je crois péremptoirement, que les symplômes développés par une petite dose d'un sel de plomb introduit dans l'estomac ou par des émanations saturnines, diffèrent sensiblement de ceux qu'occasionne une forte dose du même sel; de là la nécessité d'examiner séparément ces deux or- dres de faits. — 490 — A. Symptômes déterminés par des émanations saturnines ou par une petite dose d'un sel de plomb iniroduit dans l'estomac. Ceux qui manient les préparations de plomb ou qui vivent dans une atmosphère imprégnée d'émanations saturnines sont souvent exposés à contracter la maladie qui a été désignée sous le nom de maladie de plomb, laquelle revêt des formes diverses, ca- ractérisées par des symptômes particuliers à chacune d'elles ; la colique, l'arthralgie, la paralysie, Xanesthésie et Xencêpha- lopathiesaturnines constituent en effet des affections tellement distinctes que sur cent individus soumis à l'action des mêmes émanations saturnines, les uns sont pris de coliques, les autres d'arthralgie, ceux-ci de paralysie, ceux-là d'encéphalopathie; quelquefois, il est vrai, l'une de ces maladies vient compliquer l'autre, ou bien se développe quelque temps après l'invasion de celle-ci. Si l'on remonte à la cause immédiate de ces affections on voit que la colique se manifeste lorsque les émanations satur- nines ont exercé leur influence délétère sur le système des vis- cères contenus dans l'abdomen, que l'arthralgie, la paralysie et Xaneslhésie sont les résultats de l'atteinte portée à l'appareil nerveux rachidien, que les organes de la vie de relation soient le siège de douleurs vives, qu'il y ait perte du mouvement, ou bien que le sentiment soit aboli; Xencéphalopathie enfin a pour origine une lésion de l'encéphale accompagnée de délire, de con- vulsions, etc. On voit donc que dans tous les cas c'est le système nerveux qui est affecté ; pour le système nerveux de la vie inté- rieure, dit M. Tanquerel des Planches, dans son excellent ou- vrage sur les maladies saturnines, on n'observe que l'exaltation de l'action nerveuse ; pour le système nerveux de la vie de rela- tion, au contraire, les phénomènes de sensibilité et de mobilité peuvent être tanlôt exaltés, tantôt abolis. Les individus les plus exposés à la maladie de plomb sont : les peintres, les barbouilleurs, les plombiers, les poliers de terre, les faïenciers, les lapidaires, les imprimeurs, les vitriers, les cise- leurs, les joailliers, les cartiers, les essayeurs, les verriers, les pas- setalonniers, les cordonniers, les doreurs, les fabricans de produits — 491 — chimiques et de couleurs, les chapeliers, etc. Il est rare que chez les individus qui absorbent des émanations saturnines, il ne se manifeste, avant l'invasion delà colique, de l'arthralgie, etc., une série de symptômes que l'on a considérés comme étant les prodromes de la maladie de plomb et comme constituant en quelque sorte une intoxication saturnine primitive. Ces prodromes sont : 1° la coloration bleuâtre, d'un gris ar- doisé, de la portion des gencives la plus voisine des dents ; celles- ci sont d'un brun très foncé à leur base, tandis que leur sommet est d'un brun plus clair tirant sur le jaune ou le vert ; ces nuan- ces paraissent être dues à du sulfure de plomb; 2° une saveur sucrée, styptique, astringente, ou à-la-fois fétide et styptique ; une haleine également fétide; 3° l'iclère saturnin; la peau est d'un jaune sale ou terreux, ou, si l'ictère est moins prononcé, d'un jaune pâle légèrement cendré ; la conjonctive, l'urine, les matières fécales offrent aussi une couleur jaune ; 4° l'amaigrisse- ment saturnin, qui est général, mais surtout à la face, laquelle offre alors des rides sensibles. Colique des peintres ou colique saturnine. Le symptôme le plus important, celui qui caractérise la maladie, c'est la dou- leur. Elle siège le plus habituellement à l'ombilic, moins souvent àl'épigastre ou à l'hypogastre; le plus ordinairement c'est une sensation violente de tortillement, qui, loin d'augmenter en gé- néral à la pression, diminue le plus souvent lorsqu'on comprime l'abdomen. Qu'il rne soit permis, à cette occasion, de relever en peu de mots, les fautes grossières débitées en 1843 dans l'affaire Pouchon, devant la Cour d'assises de Riom par M. Rognetta et par M. Flandin qui adopta les idées émises par son collègue ; on jugera du degré de confiance que doivent inspirer des experts • qui poussent à un pareil point l'ignorance des fails. « Dans l'in- « toxication saturnine, dit M. Rognetta, les douleurs exis- « tent dans la partie inférieure du ventre; elles sont sourdes, - Anesihêsie saturnine. Si le plomb porte son action sm péfiante sur le principe de la sensibilité des organes de la vie de relation, sans que pour cela ils cessent d'entrer en action d'après des déterminations volontaires, il y a anesthésie saturnine, qui peut être bornée à la peau ou s'étendre aux parties sous-jacenles ; d'autres fois ce sont les organes des sens, comme la vue, qui per- dent la faculté de transmettre les impressions qu'ils éprouvent de la part des agens extérieurs. L'anesthésie apparaît moins fré- quemment que la paralysie. Sur vingt-trois cas d'aneslhésie observés par M. Tanquerel, quatre fois la maladie occupait la profondeur des organes où elle siégeait; sept fois la perte de la sensibilité se trouvait bornée à la peau; enfin, douze fois l'œil avait perdu la faculié de percevoir les rayons visuels. Dans les onze cas d'aneslhésie superficielle et profonde, trois fois il y eut paralysie du mouvement des muscles correspon- dans à l'anesthésie ; quatre fois l'abolition de la sensibilité et de la motilité occupait des points différens ; enfin, quatre fois la perte de la sensibilité existait seule. Une seule fois l'amaurose et l'anesthésie de la peau d'un membre coïncidaient chez le même individu. Encéphalopathie saturnine. Lorsque les composés de plomb ont porté leur action sur l'encéphale, il se manifeste des désor- dres fonctionnels, auxquels on donne le nom d'encéphalopathie saturnine. Il peut y avoir tour-à-tour exaltation, abolition ou perversion des fonctions confiées au cerveau. Ainsi, on observe tantôt un délire variable par sa physionomie; tantôt la maladie cérébrale se révèle par des mouvemens brusques, désordonnés, c'est-à-dire des convulsions ; tantôt on voit un assoupissement, un affaissement général de toutes les facultés intellectuelles, sen- soriales el locomotrices, enfin un coma qui peut aller jusqu'au carus le plus profond. Un de ces accidens cérébraux peut se mon- trer seul pendant toute la durée de la maladie. Dans d'autres cas, ils se succèdent les uns aux autres, se groupent de plusieurs ma- nières, et par leurs transitions ou combinaisons variées représen- tent l'ensemble des divers troubles qui constituent l'encéphalopa- thie. M. Tanquerel, à qui j'ai emprunté tous ces détails, établit les divisions suivantes : 1° forme délirante; 2° forme comateuse; — 497 — 3° forme convulsive ; 4° Jbrme délirante, comateuse et convulsive réunies (1). L'action délétère des émanations saturnines sur les animaux peut être prouvée par le fait suivant. les animaux qui habitent autour des chaudières dans lesquelles on fait évaporer des prépa- rations de plomb deviennent mornes au bout de quelques jours, perdent l'appétit et rendent difficilement leurs excrémens; cet état empire en peu de temps ; leurs urines ne tardent pas à être sanguinolentes; quelquefois ils vomissent du sang, et leurs excré- mens en sont teints ; leur agonie est marquée par un tournoie- ment continuel dans lequel ils expirent, ayant le ventre aplati la- téralement, et étant tout efflanqués. Un de ces animaux, après avoir séjourné pendant quelque temps dans les magasins de minium, mourut dans des convulsions horribles; ses membres étaient fortement contractés; les griffes sortaient d'entre les doigts; il n'y avait de remarquable à l'intérieur qu'une contraction un peu marquée des intestins : tous les autres organes étaient sains. Si après avoir étudié les effets des émanations saturnines sur l'homme et sur les animaux, nous examinons ceux que détermi- nent les préparations de plomb administrées à petites doses, nous verrons, qu'à peu de chose près, ils sont les mêmes. Les faits suivans ne laissent aucun doute à cet égard : 1° on adminis- tre à deux femmes atteintes de flueurs blanches de l'acétate de plomb à dose médicamenteuse; elles sont atteintes de colique saturnine (James); 2° Tissot a vu trois fois la colique métallique chez des phthisiques auxquels on administrait de l'acétate de plomb, dans le but d'arrêter les sueurs et la diarrhée ; 3° le vin li- thargiré et l'eau tenant du plomb en dissolution ont souvent occa- sionné la colique saturnine et quelquefois la paralysie (Bourdelin et Vantroostwyk) ; 4" un malade, soumis à la médication plombi- que, éprouva la colique, l'arthralgie et la paralysie saturnines {V. ma Toxicologie générale, 1.1, p. 671, 4e édit.). (1) Traité des maladies de plomb, 2 vol. Paris, 183!). III. 32 — 498 — B. Symptômes déterminés par une forte dose d'un sel de plomb introduit dans l'estomac. tes syniptônies peuvent être réduits aux suivans : saveur su- crée, astringente, styptique, sentiment de constriclion à la gorge ; douleurs vives à l'éplgastre et bientôt après dans ïes autres ré- gions de l'abdomen, qui n'est pas ordinairement déprimé, comme dans la coiique saturnine ; ces douleurs, loin de s'apaiser, aug- mentent par la pression ; nausées, vomissemens très fréquens, jaunâtres, verdâtres ou noirâtres, déjections alvines, quel- quefois sanguinolentes ; tremblement des membres qui ne tar- dent pas a être agités de légers mouvemens convulsifs; plus tard, convulsions, resserrement dans les membres et dans les mains ; vertiges simulant l'ivresse, ou bien intégrité des facultés intellectuelles. Soif ardente, chaleur à la peau, pouls accéléré, quelquefois fort, mais le plus souvent petit et serré ; respiration entrecoupée et fréquente, surtout dans la dernière période de l'empoisonnement ; urine rare. La mort survient au bout de quelques heures ou après quelques jours, si les malades ne sont pas convenablement secourus. Déjà malheureusement la science a enregistré quelques exemples d'empoisonnement de ce genre qui ont eu une issue funeste ; aussi trailerai-je avec le dédain qu'elle mérite cette assertion émise à Riom par MM. Rognetta et Flandin, savoir : que les sels solubles de plomb peuvent être administrées à l'homme à des doses considérables sans pro- duire des phénomènes extrêmement graves. C. Symptômes déterminés par les sels de plomb appliqués à l'ektérieur. Les faits surabondent pour établir que les préparations de plomb, appliquées à l'extérieur ou sur des membranes muqueu- ses, peuvent donner lieu à des accidens semblables à ceux qui sont occasionnés par les mêmes composés introduits dans l'esto- mac ou absorbés sous forme d'émanations. Je me bornerai à citer les suivans : 1° M. Tanquerel a vu la colique et l'arthralgie saturnine survenir chez une femme atteinte d'une hémorrhagie utérine, qui pendant quatre jours avait subi douze injections — 499 — d'eau de Goulard; 2° le même auteur cite l'observation d'un homme qui fut eh proie aux mêmes maladies, pour avoir fait usage de plusieurs collyres dans lesquels on avait fait entrer 2 grammes d'acétate de plomb dissous dans 128 grammes de liquide*, 3° Percival a vu une colique de plomb occasionnée par l'application d'eau de Goulard sur un membre brûlé avec de l'eau bouillante-, il entrait dans ce topique 32 grammes d'acétate de plomb et 64 grammes d'eau. Le même auteur a observé plusieurs autres cas de colique occasionnés par des topiques où entraient des préparations de plomb ; mais dans tous ces cas^ les medica- mens étaient appliqués sur des exutoïres. Baker relate un cas dé colique de plomb qui est survenu après l'application d'un on- guent composé de calomélas et de préparations saturnines, sur la peau des cuisses, dépouillée de son épiderme à la suite d'une maladie qui avait tous les caractères d'un pemphigus. M. Du- chesne raconte qu'un garçon brasseur, brûlé sur une grande sur- face par de l'eau bouillante, et pansé avec du cérat de Goulard, éprouva bientôt les symptômes de la colique des peintres ; le cé- rat simple, appliqué seul, fit cesser les accidens. M. Taufflieb de Barr a rapporté l'histoire d'une colique de plomb déterminée par l'usage de bandelettes de diachylon gommé, appliquées dans le but de combattre un vaste ulcère qui s'étendait à presque toute la jambe; le malade avait consommé dans l'espace de onze se- maines 14 mètres carrés de sparadrap avant d'avoir éprouvé les atteintes de la colique saturnine : chaque mètre carré contenait exactement 19 grammes d'oxyde de plomb, de manière que la quantité totale d'oxyde employé avant l'invasion de la colique satutnine correspondait à 266 grammes; mais la moitié seule- ment du Sparadrap employé avait été réellement en contact avec la surface dénudée, l'autre moitié ayant dépassé les bords de l'ul- cère. Après la guerison de cette première colique, le malade ap- pliqua de nouveau le sparadrap pendant environ quinze jours ; au bout de ce temps, une seconde attaque de colique survint, mais cette fois elle fut accompagnée de paralysie saturnine. 32. — 500 - Lésions de tissu développées par les préparations saturnines. Colique saturnine. Sur quarante-neuf cadavres d'individus qui avaient succombé à cette maladie, vingt n'offraient aucune altération sensible du canal digestif; chez les vingt-neuf autres on voyait tantôt des ramollissemens partiels ou des épaississe- mens partiels ou généraux de ce canal, tantôt un développement considérable des glandes de Brunner,ou un tassement oui etrait du tube digestif; on n'a observé celui-ci que seize fois sur quarante-neuf. Or, ces phénomènes pathologiques, excepté le dernier, sont loin d'appartenir exclusivement à la colique satur- nine, en sorte que l'on peut dire qu'ils ne sont pas le résultat de lésions anatomiques appréciables à nos sens, et quand on con- state la présence de quelques lésions matérielles, celles-ci ne sont que des effets, des accidens éprouvés pendant la vie. Quant aux inflammations dont le canal digestif aurait été le siège, il n'est pas prouvé que les individus atteints de colique saturnine, chez lesquels une ou plusieurs des membranes de ce canal étaient phlogosees, ne fussent pas en proie à une inflammation gastro-intestinale qui compliquait la maladie. A rthralgie et paralysie saturnines. On n'a trouvé à la suite de ces maladies aucune lésion appréciable. Encéphalopathie. En résumant les soixante-douze cas de celte maladie où les cadavres ont été examinés, on voit que vingt-et- unefoison a trouvé un aplatissement, un lassement des circonvo- lutions cérébrales, avec augmentation ou diminution de cohésion de la pulpe cérébrale, augmentation ou diminution du volume de l'encéphale ; que dans dix-neuf cas on a constaté une coloration jaune de la substance cérébrale ; que dans les irente-deux autres cas Fautopsie n'a révélé aucun fait notable du système nerveux; on voyait seulement quelquefois une légère infiltration séreuse, une injection sanguine des méninges, une diminution de consistance surtout de la substance blanche cérébrale,, sans changement de couleur, ou bien enfin une décoloration de la matière cérébrale. Il est aisé de voir que les altérations, dont il s'agit, sont produites — 501 — par les symptômes de l'encéphalopathie et qu'elles sont insuffi- santes pour rendre raison des phénomènes observés pendant la vie (Tanquerel, ouvrage cité). Préparations de plomb introduites dans l'estomac. L'acé- tate de plomb, introduit dans l'estomac à la dose de quelques grammes, détermine l'inflammation d'une ou de plusieurs parties de ce viscère : tantôt la membrane muqueuse est simplement phlogosée à sa face libre ; tantôt l'inflammation s'étend jusqu'à la face au moyen de laquelle elle adhère à la tunique musculeuse : dans ce cas elle est souvent d'un rouge très foncé, et les autres membranes de l'estomac participent plus ou moins à l'inflamma- tion. On remarque quelquefois, dans l'intérieur de cet organe, des points ou des taches noires, de volume et de grandeur varia- bles, qui dépendent presque toujours de l'extravasation d'une certaine quantité de sang veineux, ou de l'injection des vais- seaux sanguins par le même fluide. Enfin, j'ai vu, dans l'esto- mac des animaux qui avaient pris une forte dose de dissolution d'acétate de plomb et qui n'avaient point vomi, un enduit mem- braneux assez épais, d'une couleur cendrée, se détachant facile- ment en grumeaux, dont l'origine paraissait due à la combinai- son d'une partie de l'acétate de plomb avec les fluides muqueux, bilieux et autres contenus dans ce viscère. La membrane mu- queuse sous-jacente à cet enduit était d'un gris foncé dans toute son épaisseur, et semblait avoir exercé la même action sur l'acé- tate de plomb. Le même phénomène avait lieu dans tout le trajet du canal intestinal. On conçoit aisément que les autres prépara- tions de plomb produiront des altérations analogues lorsqu'elles seront avalées en assez grande quantité pour occasionner la mort. Il faut noter toutefois que, dans certains cas, l'acétate de plomb a donné lieu à une mort prompte, sans avoir occasionné l'inflammation des membranes du canal digestif; j'en ai rapporté un exemple dans ma Toxicologie générale, page 666, tome i, 4e édition. Action des préparations de plomb sur t économie animale. U résulte des nombreuses observations recueillies chez l'homme — 502 — et des expériences tentées sur les animaux: 1° que les personnes qui manient habituellement des composés de plomb éprouvent presque toujours, au bout d'un temps variable, des affections graves, telles que la colique de plomb, l'arthralgie, la paralysie, l'anesthésie ou l'encéphalopathie saturnines ,• quelquefois aussi plusieurs de ces maladies se trouvent réunies chez un même individu ; 2° Que les effets funestes de ces composés sont évidemment le résultat, non pas d'une inflammation de quelques-uns de nos or- ganes, mais bien de l'absorption de leurs émanations et de leur action sur le système nerveux et probablement sur le grand sym- pathique pour la colique, sur le système nerveux rachidien pour l'arthralgie, la paralysie et l'anesthésie, et sur le cerveau pour l'encéphalopathie ; 3° Que les sels solubles de plomb injectés dans les veines sont vénéneux, mais qu'ils sont beaucoup moins actifs que plusieurs autres poisons minéraux, et qu'ils paraissent exercer une action spéciale sur les intestins dont ils déterminent une inflammation lente; peut-être agissent-ils aussi sur les poumons; 4° Qu'ils sont absorbés quand on les iniroduit dans le canal di- gestif et qu'ils produisent des effets fort différens suivant qu'ils ont été pris à des doses faibles ou fortes. Dans le premier cas, ils ne développent d'accidens que quelque temps après leur admi- nistration, et ces accidens sont ordinairement la colique des peintres, l'arthralgie, la paralysie, l'anesthésie ou l'encéphalopa- thie saturnines. Si, au contraire, la dose a été forte, ils donnent lieu presque immédiatement après leur ingestion à des symp- tômes analogues à ceux que déterminent les poisons irritans {voy. p. 41), et la mort peut survenir au beut quelques heures, alors même qu'on laisse aux animaux la faculté de vomir. Les animaux qui avalent de l'acétate de plomb solide, à la dose de 40 à 50 grammes, et qui en rejettent une partie par le vomisse- ment, succombent à-la-fois a l'inflammation des tissus du canal digestif et à une affection du système nerveux qu'il est impossible de qualifier. Si cette forte dose d'acétate de plomb était dissoute dans Feau, et que le sel restât assez de temps dans l'estomac pour que l'absorption eûi lieu, les effets meurtriers dépendraient plu- — 503 — tôt de cette action sur le système nerveux que de l'inflainmajjon qu'il développerait. Quand les se}s de plomb n'ont pas été prjs k assez forte dose pour tuer en peu de temps, et qu'efle a été ce- pendant suffisante pour déterminer des accidens immédiats, ils, se bornent, en général, à pxciter des vomissemens, à augmenter les déjections alvines, et à occasionner des dûms toutes le$ circon- stances : en effet, j'ai administré à un chien à jeun 30 grammes de sulfate de plomb parfaitement lavé ; à la fin du deuxième jour, le chien n'étant pas empoisonné et ne paraissant pas sen- siblement malade, je l'ai pendu et j'ai lavé le canal digestif, coupé en morceaux, jusqu'à ce que l'eau de layage ne contînt aucune matière étrangère : le tissu ayant été alors traité par l'acide acé- tique faible bouillant a fourni une liqueur que j'aj filtrée et évaporée jusqu'à siccité ; le produit carbonisé a, laissé un charbon qui, ayant été traité par les agens appropriés, n'a donné aucune trace de plomb. Ce résultat négatif tient sans doute à ce que j'avais employé le sel de plomb inspjnble le plus inattaquable par les sucs contenus dans le can^} digestif, —- 508 — à ce que ceux-ci ne renfermaient pas, ou renfermaient à peine, du chlorure de sodium, et probablement aussi à ce que le sulfate qui avait été expulsé promptement par les selles (l'animal avait une légère diarrhée avant l'expérience) n'avait pas été en contact avec les tissus de ce canal pendant un temps suffisant. Que l'on se place dans des conditions opposées à celles-ci, que l'on sup- pose, par exemple, l'ingestion du borate ou du tannate de plomb chez un individu dans le canal digestif duquel il y aura une quantité sensible, quoique faible, d'acide et de chlorure de so- dium, et que ces sels ne soient pas promptement expulsés par les selles, et je ne doute pas un instant qu'il ne se produise la com- binaison chimique dont je parle. 7° Est-il vrai, comme l'a annoncé M. Flandin dans les débats sur l'affaire Pouchon, que les réactifs ne précipitent pas les dissolutions acides de plomb, ou comme il la imprimé de- puis , que l'acide sulfurique ne précipite pas ou ne préci- pite pas sûrement et complètement ces dissolutions ? Rien n'est plus faux. Que l'on dissolve cinq centigrammes d'azotaie de plomb dans quarante grammes d'acide azotique à un équivalent d'eau, c'est-à-dire dans l'acide le plus concentré qui existe, et comme la dissolution ne peut s'opérer qu'en ajoutant une certaine quantité d'eau,„que l'on verse sur l'acide la propor- tion de ce liquide stricteiÉent nécessaire pour que le sel se dis- solve, on aura une dissolution excessivement acide, puisqu'elle contiendra huit cents fois autant d'acide à un équivalent d'eau qu'il y a de sel de plomb dissous : eh, bien , l'acide sulfurique précipitera cette dissolution en blanc (sulfate de plomb) ; l'a- cide sulfhydrique, de son côté, s'il est employé en assez grande quantité, précipitera instantanément en noir (sulfure de plomb) une dissolution dans laquelle il y aurait quatre cents fois autant d'acide azotique que de sel de plomb. 8° Est-il vrai, que si le corps de l'homme non empoi- sonné contient du plomb et du cuivre, il n'y ait plus de toxicologie? Telle est l'assertion, plus qu'étrange, émise par M. Flandin devant la Cour d'assises de Riom. On se demande ce qu'a voulu dire ce médecin ; serait-ce par hasard, comme il l'a déjà imprimé, que l'existence des poisons dans l'économie ani- — 509 — maie est incompatible avec l'état de santé? Mais le cuivre et le plomb à l'état métallique, combinés avec nos tissus, ne seront pas apparemment plus nuisibles que ne le sont le phosphore, la soude et les acides libres qui existent chez l'homme et qui sont de vrais poisons. Aurait-il voulu dire qu'il serait impossible de distinguer dans une expertise si le plomb et le cuivre obtenus proviendraient d'un empoisonnement, ou bien s'ils appartien- draient à ce cuivre et à ce plomb dits normaux ? Dans ce cas, nous répondrions a M. Flandin qu'il peut se rassurer, car il ne serait pas difficile de se fixer sur l'origine de ce plomb et de ce cuivre ; mais j'irai plus loin, j'admettrai pour un instant, ce qui n'est pas, que l'on ne puisse pas parvenir à distinguer le plomb et le cuivre dits normaux de ceux qui auraient été extraits à la suite d'un empoisonnement présumé, j'avoue que je ne vois pas comment cela annullerait la toxicologie, et quelle portée cela pourrait avoir dans les empoisonnemens par l'arsenic, l'anti- moine, les acides, les alcalis, les poisons végétaux, etc. ! ! ' J'ajouterai, pour mieux faire ressortir le ridicule d'une pareille annonce, que la toxicologie n'est pas encore effacée du rang des sciences, quoiqu'il soit parfaitement démontré qu'il existe du cuivre dans le corps de l'homme à l'état naturel. 9° Est-il vrai, comme l'a donné à entendre M. Flandin à Riom, que le plomb extrait du cadavre de Pouchon pût provenir du sous-acétate de plomb dont on s'était servi pour précipiter la matière organique, alors que l'on cher- chait si les liquides suspects, contenaient ou non des toxiques végétaux et les experts du Puy avaient-ils commis une omission grave, eu n'indiquant pas la quantité de matiè- res suspectes sur lesquelles ils avaient agi, la proportion d'a- cétaie de plomb employé, etc. ? On se demande si tout cela est sérieux ; en effet tous les chimistes et tous les médecins légistes savent que l'on emploie du sous-acétate de plomb jusqu'à ce que le liquide organique ne précipite plus, sans que jamais on ait songé à le peser, et que l'on procède ensuite à la décomposition du sous-acétate excédant par un courant d'acide sulfhydrique qui précipite tout le plomb à l'état de sulfure, en sorte qu'il ne reste plus la moindre trace de ce métal dans la liqueur : or, c'est ce — 510 — qui a été fait par MM. Reynaud, Porral et Barse. Où sonl donc les conséquences graves? 10° Quelle foi doit-on ajouter aux observations présen- tées devant la Cour d'assises de Riom par M. Flandin et Danger, au sujet de l'emploi des vases en fonte, dans la recherche médico-légale des composés toxiques de plomb ? Si les expériences qui ont motivé ces observations eussent été exactes, je serais disposé à leur accorder une certaine valeur ; mais comme elles ne le sont pas sur les points les plus essentiels, il faut regarder les observations de ces messieurs comme non avenues ; au reste les détails dans lesquels je vais entrer, ne lais- seront aucun doute sur la vérité de cette assertion. Voici l'objec- tion faite par MM. Flandin et Danger: « Lorsqu'on laisse séjour- « ner dans un vase de fonte, soit de l'eau contenant du plomb, soit << toutes autres substances contenant de l'acétate de plomb, ou « toute autre combinaison de plomb en dissolution, l'expérience « démontre que le métal, le plomb, cesse bientôt défaire partie « des liquides contenus dans le vase de fonte : le métal s'esl « revivifié, et de plus, il s'est appliqué sur les parois du vase ; « il a même pénétré très profondément partout, dans les pores « et entre les fissures. Lorsqu'une chaudière a été ainsi péné- « trée, un lavage, le décapage même, faits avec le sable et l'acide « azotique, peuvent bien enlever le plomb appliqué à la surface; « mais ni le lavage ni le décapage au sable et à l'acide ne peu- « vent donner de garanties suffisantes pour qu'on puisse assurer « qu'on ait atteint les molécules de plomb qui ont pénétré dans « les pores et entre les fissures. Mais, objectera-t-on, si ledé- « capage au sable et à l'acide n'atteint que la superficie, et nulle- « ment les portions de plomb qui ont pénétré plus avant, après « un décapage bien fait, cette chaudière sera très propre à faire « des carbonisations, car si le décapage n'enlève plus rien, le « plomb qui reste dans les pores et les fissures de la chaudière « ne pourra en sortir pendant l'acte de la carbonisation, pour « venir comme par enchantement se mêler aux substances que « l'on carbonise. Eh bien! c'est cependant ce qui a lieu. Il y a « plus, quand on carbonise, non-seulement le plomb mécanique- « ment retenu dans les pores de la fonte peut en sortir, mais le — 5ii — « ploîîib qile la forite petit retenir à l'état d'alliage peut lui-même tt sortir pour venir Se mêler aux matières qiie l'on carbonise. » J'examinerai todl-à-1'heurë la valeur de cette objection, mais pour mieux en faire apprécier la portée, je dirai que d'après ces messieurs, là potasse et l'eau employées par les experts du Puy bonlënaieitt du plomb, qu'eti faisant bouillir les orgaries de Poitchbn dâtts la chaudière avec cette potasse et cette eau, ie plomb qu'elles renfermaient s'était déposé à la surface de la chau- dière, et avait pénétré la fonte, qu'en récurant avec du sable et de l'acide azotique, on avait dlsSous le plomb qui était à la surface, et que si on h'en avait pas trouvé dans la dissolution azotique, c'est que celle-ci était par trop acide (j'ai déjà fait justice de cette asser- tion) ; et enfin, que lorsqu'on avait carbonisé dans la chaudière ainsi récurée, on avait fait sortir le plomb qui avait pénétré la fonte, de telle sorte que le métal trouvé en définitive dans le charbon, n'é- tait autre que celui qui avait été fourni par la potasse et par l'eau. Et comme ces messieurs prévoyaient bien qu'on leur ob- jecterait qlie dans l'expérience faite à blanc, et eu procédant de la même manière que pour les organes de Pouchon, on n'avait point retiré de plomb, ils avaient ajouté ce qui suit: « On dfrâ, que dans une opération consécutive faite sur les or- « gattes d'un cadavre déterré exprès, opération qui sert de con- « tre-épreUve à la précédente, on n'a pas rencontré de plomb : « delà est fort sintple à expliquer. On avait durant la pre- « mière carbonisation, chauffé là chaudière jusqu'à 300° ou 400° ; U on pouvait avoir fait sortir tout le plomb des pores de la fonte « qui le recelaient. Il eût été possible néanmoins qu'on eût « trouvé encore cette seconde fois du plomb. » Quelque spécieuse que paraisse, au premier abord, l'objection de MM. Danger et Flandin, il sera facile de démontrer qu'elle ne soutient paâ le plus léger examen surtout dans l'espèce. J'admet- trai d'abord avec eux, ce qui est un fait généralement con- nu, que la fonte aurait dû précipiter du plomb d'une dissolution plombique, et que ce plomb précipité devait se trouver en partie à la surface de la chaudière, et en partie dans les pores de celle- ci ; j'accorderai aussi qu'en carbonisant une matière organique dans cette chaudière à 300° ou 400° on eût dû faire sortir le — 512 - plomb qui s'était placé dans les pores de la chaudière ; mais il ne me sera pas difficile de prouver : 1° que la potasse et l'eau n'ont pas fourni à la chaudière le plomb trouvé en analysant les organes de Pouchon ; 2° qu'en supposant qu'il en fût ainsi, le plomb contenu dans la dissolution n'aurait pas bientôt cessé de faire partie de cette dissolution, comme on l'a avancé ; 3° que dans cette même supposition, en récurant la chaudière avec du sable et de l'acide azotique, MM. Reynaud, Porral et Barse au- raient dû obtenir de l'azotate de plomb, et qu'ils n'en ont pas ob- tenu ; et qu'à cet égard, l'explication donnée par MM. Flandin et Danger est inadmissible; 4° que les résultats-négatifs de l'expé- rience faite à blanc, loin d'être fort simples à expliquer, comme le prétendent MM. Flandin et Danger, sont inexplica- bles par leur hypothèse, et qu'ils prouvent jusqu'à l'évidence qu'il existait du plomb dans les organes de Pouchon. A. La potasse et l'eau n'ont pas fourni à la chaudière le plomb trouvé dans les organes de Pouchon. J'ai déjà dit, pour ce qui concerne la potasse, combien il était rare que cet alcali obtenu par l'alcool contînt du plomb , parce qu'on le prépare dans des vases de tôle, de cuivre ou d'argent, qui ne lui fournis- sent point de plomb, et parce qu'en admettant qu'il en renfer- mât , il ne pourrait en contenir que des atomes ; d'ailleurs, il n'est pas établi que celui qui a été employé par M. Barse fût plombique. Mais ce qui tranche la question d'une manière irré^ vocable, c'est que, dans l'expérience faite à blanc, M. Barse z calciné avec la même potasse une quantité de charbon double de celle qui avait été fournie par les organes de Pouchon, et qu'il n'a pas trouvé la moindre trace de ce mêlai. Ce n'est pas sérieusement que l'on avance que l'eau distillée a fourni le plomb, car rien n'a pu faire soupçonner que l'eau dont s'était servi M. Barse fût plombique, et il serait absurde de vouloir faire provenir la proportion considérable de plomb re- tiré en analysant les organes de Pouchon, de la quantité infir- nitêsimale de plomb qui se trouve dans les eaux distillées, lorsque par hasard celles-ci en contiennent; d'ailleurs, j'ajou- terai qu'en faisant l'expérience à blanc, M. Barse a employé la même eau distillée, et que pourtant il n'apa s obtenu de plomb. — 518 — B. En supposant que le plomb eût été fourni par tapo- tasse et par l'eau, MM. Danger et Flandin prétendent que tout le métal contenu dans la dissolution eût bientôt cessé de faire partie de cette dissolution. Ici, il y a exagération évi- dente, car, en faisant bouillir pendant trois heures dans une chaudière de fonte 1 gramme d'acétate de plomb dissous dans un litre d'eau distillée, et en renouvelant l'eau à mesure qu'elle s'évapore, on voit, après avoir filtré la liqueur, que celle-ci se colore par l'acide sulfhydrique. Si l'ébullition n'a duré qu'une heure, la dissolution retient encore une quaniité notable de plomb. C. En récurant la chaudière avec du sable et de l'acide azotique, cet acide, s'il eût contenu du plomb, aurait été précipité par l'acide sulfurique employé par M. Barse. Je ne reviendrai pas sur ce sujet que j'ai déjà traité {V. page 511); évidemment MM. Danger et Flandin se sont encore trompés sur ce point. D. Les résultats négatifs de l'expérience faite à blanc, loin d'être fort simples à expliquer comme le prétendent MM. Flandin et Danger, sont inexplicables par leur hypo- thèse, et ils prouvent jusqu'à l'évidence qu'il existait du plomb dans les organes de Pouchon. Vous prétendez que le plomb retiré du charbon produit par la calcinaiion des intestins de Pouchon provenait de la chaudière qui en avait gardé dans ses pores, après le récurage à l'acide azotique, et suivant vous ce plomb gardé par la chaudière avait été fourni primitivement à celle-ci par la potasse ou par l'eau et peut-être par ces deux substances. Admettons pour un instant qu'il en soit ainsi : alors comment expliquez-vous que le charbon produit par la calcination des intestins et des autres organes du cadavre de l'in- dividu non empoisonné n'ait pas fourni de plomb après avoir été calciné dans un creuset de Hesse avec la même potasse et traité par la même eau distillée ; vous voyez que je ne fais pas intervenir la chaudière de fonte, parce que je vous accorde qu'ayant servi une première fois pour carboniser les intestins de Pouchon elle avait pu fournir tout le plomb qu'elle avait re- tenu dans ses pores ; mais je vous demande comment vous pou- — 514 — vez soutenir qu'en calcinant dans un creuset avec la même po- tasse, et en traitant par la même eau distillée une quantité de charbon double de celle que l'on avait obtenue avec les intestins de Pouchon, vous ne deviez pas recueillir le plomb qui, suivant vous, existait dans cette potasse et dans celte eau. Ce sonl là des niaiseries qui ne supportent pas le plus léger examen. Mais il y a mieux : l'expérience capitale sur laquelle ces mes- sieurs se fondent est loin de donner toujours les résultats qu'ils annoncent ; en effet, je ne les ai pas obtenus dans deux tentatives que j'ai faites : 1° j'ai tué un chien avec 3o grammes d'acétate de plomb dissous dans 150 grammes d'eau ; l'estomac, après avoir été lavé à grande eau pendant deux jours, et jusqu'à ce que les eaux de lavage ne se colorassent plus par l'acide sulf- hydrique , a été traité dans une chaudière de fonte neuve pen- dant une heure et demie par 20 grammes de potasse à l'alcool et un litre d'eau distillée à la température de l'ébullition : la li- queur filtrée, saturée par de l'acide acétique et soumise à l'action de l'acide sulfhydrique, a fourni une quantité notable de sulfure de plomb. On voyait à la surface de la chaudière, sur son fond, du plomb métallique ; j'ai récuré ce vase avec du sable et de l'a- cide azotique, et je me suis assuré que cet acide avait dissous le plomb métallique ; j'ai alors lavé la chaudière à grande eau, et à plusieurs reprises : dans cet état, lorsqu'elle était très propre, brillante et comme neuve, j'ai procédé à la carbonisation de l'es- tomac d'un individu qui était mort d'une pneumonie, eu pous- sant la chaleur jusqu'à ce que le fond de la capsule fût rouge ce- rise. Le charbon obtenu à cette température était friable et bien sec ; je l'ai traité d'abord par de Feau mélangée avec le quart de son poids d'acide azotique à un équivalent d'eau ; après un quart d'heure d'ébullition, j'ai vu que la dissolution ne contenait point de plomb,- alors je l'ai fait bouillir avec de l'acide azotique moins affaibli, et voyant que j'obtenais le même résultat, je l'ai soumis à l'action de l'eau régale bouillante, el je n'ai pas dis- sous un atome de plo?nb. Cependant il y avait au fond de la chaudière des plaques formées par une légère couche de plomb métallique : j'ai alors fait agir sur ce fond et à chaud de l'acide azotique pur et moyennement étendu, et j'ai obtenu une petite — 515 — quantité d'azotate de plomb. Il est donc certain que dans celte expérience le plomb, qui avait en quelque sorte suinté des pores de la chaudière pendant la carbonisation, ne se retrouvait point dans le charbon provenant de la décomposition de l'esto- mac par le feu. 2° J'ai fait bouillir pendant deux heures et demie dans une chaudière de fonte neuve, 2 grammes d'acétate de plomb dis- sous dans un litre d'eau distillée : le liquide a été renouvelé à mesure qu'il s'évaporait ; j'ai décanté et récuré fortement la chaudière avec du sable et de l'acide azotique, puis j'ai lavé à grande eau. Le vase étant très propre, j'ai carbonisé à une cha- leur rouge, l'estomac, le gros intestin et une partie de l'intestin grêle d'un adulte qui n'était pas mort empoisonné ; j'ai laissé re- froidir et j'ai retiré le charbon que j'ai successivement traité dans une capsule de porcelaine par l'acide azotique étendu, par le même acide presque concentré et par l'eau régale ; les disso- lutions ne contenaient aucune trace de plomb. Cependant le fond de la chaudière présentait çà et "là des plaques plus ou moins larges qui offraient la couleur du plomb,- j'ai fait bouillir dans cette chaudière de l'acide azotique moyennement étendu, et j'ai obtenu une petite quantité d'azotate de plomb. Il est évident que dans ces deux expériences les choses sont loin de s'être passées comme l'ont annoncé MM. Dan- ger et Flandin; il semble même qu'il ne puisse pas en être autrement; en effet, le plomb qui suinte en quelque sorte, des pores de la chaudière, quand celle-ci est rouge, ne contracte aucune combinaison avec le charbon, et ne s'oxyde pas au milieu de ce dernier corps. Laisse-t-on refroidir la chaudière, le plomb qui avait été fondu se solidifie, s'applique en partie sur la fonte formant une couche mince, de manière qu'en retirant le charbon refroidi, on n'enlève pas la plus légère irace de plomb. 11° Dans un cas d'empoisonnement par des préparations de plomb, est-il indifférent de chercher à démontrer l'exis- tence du plomb en carbonisant ensemble le foie et une por- tion du canal digestif, ou en carbonisant ces organes sépa- rément ? Non ; il est préférable d'agir séparément sur chacun de ces organes. Supposons, en effet, qu'après avoir carbonisé 33. - 516 — dans une même opération le foie el le canal digestif, on ait re- cueilli du plomb, on dira avec raison que l'on ne peut pas établir d'une manière certaine que ce métal provient d'une portion du composé toxique qui, après avoir été absorbé, se trouve- rail dans les tissus du foie et du canal digestif, car ce plomb pourrait aussi bien provenir d'un sel insoluble et non véné- neux qui, au moment de la carbonisation, aurait tapissé la sur- face interne du canal digestif. Au contraire, si l'opération a été faite séparément sur le canal digestif et sur le foie, et que l'on ait extrait du plomb de ce dernier viscère, on conclura, sans crainte de se tromper (si l'on ne prouve pas que le composé plombique a été porté au foie, après la mort, par suite d'une imbibition cadavérique), que le toxique plombique avait été ab- sorbé pendant la vie et avait pu occasionner la mort, tandis que dans l'autre cas on ne pourra pas affirmer qu'il en soit ainsi, at- tendu qu'on ne saura pas au juste si le plomb obtenu a été fourni par le foie f plutôt que par un composé plombique inso- luble et non vénéneux' qui aurait été iniroduit par mégarde dans l'estomac ou dans le gros intestin. § V. Des préparations d'étain. — Du protochlorure d'étain. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par le proto- chlorure d'étain ? Protochlorure d'étain pur. Il est blanc, en petites aiguilles réunies par faisceaux, d'une saveur fortement styptique, déli- quescent et rougissant le papier de tournesol. Mis sur les char- bons ardens, il se volatilise en partie et répand une fumée d'une odeur piquante; chauffé avec de la potasse et du charbon, à une température rouge, il est décomposé et laisse du chlorure de po- tassium et de l'étain métallique ; si l'on n'employait pas du char- bon, on n'obtiendrait que de l'oxyde d'étain, quoi qu'en ait dit M. Devergie. Il est entièrement soluble dans l'eau distillée. Dissolution aqueuse de protochlorure d'étain. Elle est in- colore, transparenle etsusceptible d'être décomposée par tous les — 517 — agens qui peuvent lui céder de l'oxygène ; ainsi l'air atmosphé- rique, surtout à chaud, la trouble en la transformant en sous- chlorure d'oxyde d'étain blanc insoluble ; l'acide sulfureux li- quide donne son oxygène au métal, elle soufre se précipite avec une couleur laiteuse tirant un peu sur le jaune. Le bi-chlorure de mercure lui cède du chlore et le fait passer à l'état de bi-chlorure d'étain soluble, tandis qu'il est réduit à du protochlorure de mer- cure d'abord, puis à du mercure métallique ; aussi le précipité qui se produit en premier lieu est-il blanc, puis il devient gris noirâtre. Le chlorure d'or le change en bi-chlorure d'étain solu- ble, et il se précipite du stannate d'or ou du pourpre de Cas- sius. L'acide sulfhydrique et les sulfures solubles y font naître un dépôt de sulfure d'étain, couleur de chocolat. Le cyanure jaune de potassium etde fer le précipite en blanc légèrement jaunâtre; l'azotate d'argent en sépare sur-le-champ du chlorure d'argent blanc, caillebotté, insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique froid ou bouillant. La potasse, la soude et l'ammoniaque, en pré- cipitent de l'oxyde d'étain blanc, facilement soluble dans un ex- cès de potasse et de soude ; l'oxyde déposé, lavé, desséché et cal- ciné avec du charbon à une température rouge, fournit de l'étain métallique. Sel d'étain du commerce {mélange de protochlorure d'é- tain, de sous- oxychlorure et d'un sel ferrugineux). Il offre les mêmes propriétés physiques que le précédent, si ce n'est qu'il est légèrement jaunâtre ; il se comporte comme celui qui est pur, avec les charbons ardens, la potasse et le charbon, l'air, l'acide sulfureux, les chlorures de mercure et d'or, l'azotate d'argent el les alcalis; toutefois, ces derniers en précipitent l'oxyde avec une couleur jaunâtre, à cause du fer qu'il renferme. Les sulfures so- lubles donnent, au lieu d'un précipité chocolat, une dépôt noirâtre formé de sulfure d'étain etde sulfure de fer. Le cyanure jaune de potassium et de fer le précipite en blanc jaunâtre, qui ne tarde pas à bleuir, parce qu'il se produit du bleu de Prusse (cyanure de fer). L'eau distillée ne le dissout pas en entier, quelle que soit la température ; en effet, lesous-oxychlorure qu'il contient est inso- luble dans ce liquide. Protochlorure d'étain pur ou du commerce, mêlé à des li~ - 518 quides alimentaires, à la matière des vomissemens et a celle que l'on trouve dans le canal digestif. Quoique le thé, le café, le vin, l'albumine, la gélatine, le lait et la bile précipitent instan- tanément ces protochlorures, il n'en faut pas moins admettre qu'il pourra se présenter des cas où ils restent en partie dans les dissolutions suspectes. En les cherchant dans cesdissolutions, on se préoccupera fort peu de démontrer que le sel y est à l'état de chlorure, attendu qu'il existe dans une.foule de liqueurs sem- blables à celles dont je m'occupe un ou plusieurs chlorures, et que l'on ne pourrait pas facilement conclure que le chlorure dont on aurait prouvé l'existence est plutôt du chlorure d'étain que du chlorure de sodium ou de potassium ; ce qu'il importe, el ce à quoi il faut s'attacher, c'est d'établir d'une manière irrécusable que ces liqueurs contiennent de l'étain. Pour cela, après avoir coagulé les matières suspectes, à la chaleur de l'ébullition, on fil- trera, on fera évaporer le liquide filtré jusqu'à siccité, et on car- bonisera le produit desséché à l'aide de l'acide azotique et du chlorate de potasse {V. p. 449). Le charbon traité à chaud pen- dant vingt minutes par un mélange de vingt parties d'acide chlor- hydrique et d'une partie d'acide azotique, donnera une disso- lution que l'on évaporera jusqu'à siccité pour chasser l'excès d'a- cide; le résidu sera dissous dans l'acide chlorhydrique étendu de deux fois son volume d'eau ; le solutum, filtré et traversé par un courant de gaz acide sulfliydrique, fournira un précipité de bi- sulfure d'étain jaune. Si ce précipité, au lieu d'offrir cette cou- leur, élait d'un jaune brunâtre, il faudrait, après l'avoir bien lavé, le faire chauffer pendant quelques minutes avec un peu d'acide azotique concentré qui détruirait la matière organique qu'il pourrait contenir, et laisserait un résidu contenant de l'é- tain ; en effet, l'acide chlorhydrique étendu de son poids d'eau, que l'on ferait bouillir avec ce résidu, donnerait une liqueur qui, étant filtrée et soumise à l'action du gaz acide sulfhydrique, four- nirait un beau précipité jaune de bisulfure d'étain, facile à re- connaître à ses divers caractères, et surtout parce qu'en le fai- sant bouillir avec de l'acide chlorhydrique, il se transformerait en bichlorure d'étain et en gaz acide sulfhydrique. Si les recherches faites sur les liquides dont je parle étaient in- — 519 — fructueuses, il faudrait carboniser, comme il vient d'être dit, les dépôts restés sur les filtres, ainsi que les matières solides qui pou- vaient faire partie des vomissemens ou se trouver dans le canal digestif. Protochlorure d'étain absorbé et contenu dans le canal di- gestif, dans le foie, la rate, l'urine,etc. On coupe en petits mor- ceaux ces organes,et on les fait bouillir pendant une heure dans une capsule de porcelaine avec de l'eau distillée, aiguisée d'acide chlor- hydrique; le decoctum, filtré et évaporé jusqu'à siccité, fournit un produit que l'on carbonise par l'acide azotique et le chlorate de potasse, comme je l'ai indiqué à l'occasion des liqueurs sus- pectes {V. p. 449). Quant à l'urine, on la chauffe dans une cap- su e de porcelaine jusqu'à ce qu'elle soit sèche, et l'on carbonise par l'acide azotique pur et concentré le résidu de l'évaporalion ; on fait bouillir le charbon pendant quelques minutes avec de l'a- cide chlorhydrique mêlé d'un quarantième de son poids d'acide azotique; la dissolution, étendue d'eau,filtréeetévaporéejusqu'à siccité, laisse un résidu qu'il suffit de dissoudre dans l'acide Chlor- hydrique faible, pour que le gaz acide sulfhydrique en sépare aussitôt du bisulfure d'étain jaune facile à reconnaître (F~. p. 518). Protochlorure d'étain dans un cas d'exhumation juridique. Expérience. Le 10 juillet 1826, on mit dans un bocal à large ouver- ture, contenant environ le tiers d'un Canal intestinal, 8 grammes de proto- chlorure d'étain dissous dans un litre et demi d'eau. Le 9 août suivant, le mélange répandait une odeur très fétide. Le liquide filtré et mis en con- tact avec l'acide sulfhydrique et les sulfures ne se colorait même pas, tandis qu'en desséchant séparément les intestins et une matière grisâtre floconneuse qui s'était précipitée, on retirait par la calciuation de ces ma- tières de l'étain métallique; d'où il suit qu'il suffit de fort peu de ten-p* pour que les matières animales rendent le sel d'étain complètement inso- luble. Du bichlorure d'étain. Le bichlorure d'étain est solide, cristallisé en aiguilles blan- ches, d'une saveur styptique, et déliquescent; l'acide sulfurique le décompose, et en dégage des vapeurs blanches d'acide chlor- — 520 — hydrique. Lorsqu'on le dessèche et qu'on le calcine dans un creuset avec de la potasse et du charbon, il est décomposé et four- nit de l'étain métallique el du chlorure de potassium. Il se dis- sout dans l'eau : la dissolution est incolore, transparente, el rou- git l'infusum de tournesol; elle n'éprouve aucune altération de la part de l'air, ni de l'acide sulfureux, ni du chlorure d'or. L'a- cide sulfhydrique concentré la précipite en jaune : le précipité est légèrement soluble dans l'ammoniaque; la dissolution ammo- niacale perd sa couleur jaune, mais reste opaline, ce qui n'a pas lieu avec le sulfure d'arsenic. L'azotate d'argent y fait naître un précipité blanc. Le zinc en sépare l'étain à l'état métallique. Des oxydes d'étain. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les oxydes d'étain ? Il existe deux oxydes d'élain. Ils sont solides, blancs à l'état d'hydrate ; le protoxyde est d'un gris noirâtre lorsqu'il a été dessé- ché. Chauffés jusqu'au rouge dans un creuset avec du charbon, ils sonl décomposés, perdent leur oxygène, qui transforme le charbon en gaz acide carbonique, ou en gaz oxyde de carbone, et l'étain est mis à nu (1). Ils se dissolvent dans l'acide chlorhydrique à l'aide de la chaleur, et forment des chlorures solubles qui jouissent de propriétés différentes {V. p. 516 et 519). Lorsqu'on fait bouillir le protoxyde d'étain avec de l'acide azotique, celui-ci est décomposé; il cède une portion de son oxygène à l'oxyde, qui passe à l'état de bi-oxyde insoluble dans l'acide azotique, et il se dégage du gaz bi-oxyde d'azote (gaz nitreux). Le bi-oxyde d'étain, traité par le même agent, n'éprouve aucune altération, et n'en fait éprouver aucune à l'acide. (1) L'étain offre une couleur semblable à celle de l'argent ; il est malléable, et fait entendre, lorsqu'on le plie en différens sens, un craquement particulier que l'on a appelé le cri de l'étain. U est très fusible. Si on le fait bouillir avec de l'acide azotique, il se transforme en bi-oxyde blanc, insoluble dans cet acide, soluble dans l'acide chlorhydrique {toy. bichlorure d'étain, p. 119). — 521 — Symptômes de l'empoisonnement par le protochlorure d'étain. Une saveur austère, métallique, insupportable; un sentiment de constriction à la gorge, des nausées, des vomissemens répé- tés ; une douleur vive à l'épigastre, qui s'étend bientôt à toutes les autres régions de l'abdomen ; des déjections alvines abon- dantes, une légère difficulté de respirer ; le pouls petit, serré et fréquent ; des mouvemens convulsifs des muscles des extrémités et de ceux de la face ; quelquefois la paralysie, tels sont les symptômes effrayans auxquels le protochlorure d'étain donne lieu : ils sont presque toujours suivis de la mort. Lésions de tissu produites par le protochlorure d'étain in- troduit dans Vestomac. Les lésions développées par ce sel ressemblent beaucoup à celles que déterminent d'autres poisons irritans, notamment le sublimé corrosif. La membrane muqueuse de l'estomac et des premières portions des intestins grêles est ordinairement d'une couleur rouge foncé, presque noire, durcie, serrée, tannée, dif- ficile à enlever, ulcérée dans quelques points ; quelquefois elle est d'un rouge de sang. La membrane musculeuse est assez sou- vent d'un rouge vermeil. J'ai remarqué aussi de petites taches noires formées par du sang veineux extravasé entre ces deux membranes, et provenant de quelques petits vaisseaux déchirés par la violence de l'inflammation. Action des préparations d'étain sur l'économie animale. Les sels d'étain introduits dans l'estomac irritent et enflam- ment vivement les tissus avec lesquels ils sont mis en contact; ils sont absorbés et portent principalement leur action sur le sys- tème nerveux. Injectés dans les veines, ils agissent même avec plus d'énergie, et semblent exercer une action spéciale sur les poumons. M. Poumet, partant de ce point que l'on peut faire avaler impunément à des chiens 2 grammes de protochlorure d'étain, et que celte dose est suffisante pour réduire à l'état mé- tallique un gramme de sublimé corrosif et annihiler ses proprié- tés toxiques, a proposé ce protochlorure comme un antidote du — 522 - sublimé ; son mémoire, approuvé par l'Institut, a reçu une récom- pense honorable (Voyez Annales d'hygiène, juillet et octobre 1845). Dès que j'eus connaissance de ce travail et bien avant sa publication , je m'élevai contre l'emploi d'un corps aussi véné- neux, qu'il faudrait pouvoir prendre presque immédiatement après l'empoisonnement, que l'on ne peut se procurer que trop tard, et dont il serait dangereux de faire usage en toute occasion. § V. Des préparations de bismuth. — De l'azotate de bismuth. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par l'azotate de bismuth ? L'azotale de bismuth est solide, blanc, cristallisé ou en pou- dre, inodore, doué d'une saveur styptique, caustique, désa- gréable. Mis sur des charbons ardens, il se boursoufle et se dé- compose en gaz acide azoteux jaune orangé, et en oxyde jaune de bismuth qui reste sur les charbons. Lorsqu'on verse de l'acide sulfurique concentré sur cet azotate pulvérulent, il se dégage des vapeurs blanches d'acide azotique. Traité par l'eau distillée, il se partage en deux parties bien distinctes, l'une soluble, est de l'azo- tate acide; l'autre, insoluble, est du sous-azotate (blanc de fard). Dissolution concentrée d'azotate acide. Elle est incolore, transparente, inodore, douée de la même saveur que celle de l'a- zotate, et rougit l'eau de tournesol. L'acide sulfhydrique et les sulfures la décomposent, et y font naître un précipité noir de sulfure de bismuth que l'on distinguera de tout autre sulfure en le décomposant à l'aide d'une douce chaleur et de l'acide azotique faible ; en effet il se déposera du soufre et la liqueur filtrée con- tiendra de l'azotate de bismuth. L'ammoniaque, la potasse et la soude décomposent la dissolution d'azotate de bismuth, s'empa- rent de l'acide, et en précipitent l'oxyde blanc hydraté; il suffit de mêler cet oxyde avec du charbon pulvérisé, et de faire rougir le mélange pendant vingt ou vingt-cinq minutes dans un creuset pour le décomposer, et obtenir le bismuth métallique (1). Veau (1) Le bismuth est solide, d'un blanc jaunâtre, lamelleux, brillant, fragile el très fusible ; il se dissout aisément dans l'acide azotique : chauffé avec le contact de l'air, il absorbe l'oxygène et passe à l'état d'oxyde jauue anhydre. — 523 — distillée, versée en grande quantité dans cette dissolution, n'oc- casionne point de changement remarquable d'abord ; mais au bout de quelque temps la liqueur se trouble, et il se dépose du sous-azotate de bismuth blanc ; la liqueur contient alors de l'azotate très acide de bismuth ; d'où il suit que l'eau a dé- composé la dissolution : presque tout l'acide est resté dans la li- queur avec un peu d'oxyde, tandis que la majeure partie de l'oxyde s'est précipitée avec un peu d'acide. Le zinc précipite le bismuth de sa dissolution azotique. Dissolution très acide, et par conséquent très étendue d'a- zotate de bismuth. Elle se comporte avec la potasse, l'ammo- niaque, l'acide sulfhydrique et les sulfures, comme la dissolution concentrée ; elle rougit fortement l'eau de tournesol : Féau dis- tillée ne la trouble point. Mélanges d'azotate acide de bismuth et de liquides ali- mentaires ou de la matière des vomissemens ou de celles que l'on trouve dans le canal digestif. Le vin, la bière, le cidre, les infusions de ihé et de café, l'albumine, le lait, la bile et la matière des vomissemens sont précipités par ce sel, qui ne trouble pas au contraire la dissolution de gélatine. Si, contre toute attente, il s'agissait de déceler un sel de bismuth dissous dans une matière suspecte, il faudrait évaporer celle-ci jusqu'à siccité et carboniser le produit par de l'acide azotique mélangé d'un quinzième de son poids de chlorate de potasse (voy. p. 449); on ferait ensuite bouillir le charbon avec de l'acide azotique étendu de son poids d'eau -, le solutum filtré et traité par l'eau distillée, donnerait de l'azotate acide de bismuth soluble et du sous-azotate blanc insoluble, faciles à reconnaître {voy. p. 522). Le plus ordinairement, il faudra chercher le bismuth dans les précipités qui auront été produits par suite de l'action des ma- tières organiques sur l'azolate de ce métal. Après avoir lavé les dépôts, on les desséchera, puis on les carbonisera comme il vient d'être dit en parlant des mélanges liquides. Si toutes ces recherches ont été infructueuses, on fera bouillir pendant un quart d'heure avec de l'acide azotique étendu de vingt à vingt-cinq parties d'eau distillée l'estomac, les inteslins, le foie, la rate, etc., coupés en petits morceaux ; la dissolution — 524 — filtrée sera évaporée jusqu'à siccité et le produit sera carbonisé par de l'acide azotique mélangé d'un quinzième de son poids de chlo- rate de potasse. Ce procédé est de beaucoup préférable à celui qui a été conseillé par M. Devergie et qui consiste à détruire la matière organique par le chlore. S'il s'agissait de démontrer la présence d'un sel de bismuth dans l'urine, on évaporerait celle-ci jusqu'à siccité el l'on carbo- niserait le produit comme il vient d'être dit. Sous-azotate de bismuth (blanc de fard). Il est solide, blanc, floconneux, ou sous forme de paillettes nacrées; il est inodore et insoluble dans l'eau. Il se dissout à merveille dans l'acide azotique, dont la température est un tant soit peu élevée, et donne de l'azotate acide. Mis sur les charbons ardens, il se décompose et fournit du gaz acide azoteux, reconnaissable à son odeur, et de l'oxyde jaune de bismuth. L'acide sulfurique con- centré le décompose, et en dégage l'acide azotique sous forme de vapeurs blanches. Mêlé avec du charbon pulvérisé, et calciné pendant une demi-heure dans un creuset chauffé jusqu'au rouge, il cède son oxygène au charbon, et laisse du bismuth métallique. Sous-azotate de bismuth mêlé à de la crème de tartre. Le docteur Kerner, de Weinsperg, a rapporté, dans le tome v des Annales de Heidelberg, une observation d'empoisonne- ment suivi de mort, et occasionné par 8 grammes de blanc de fard mélangé de crème de tartre et suspendu dans l'eau. On dé- montrerait la présence du bismuth dans un pareil mélange en le traitant par la potasse, qui transformerait la crème de tartre en tartrate de potasse très soluble, et qui laisserait indissoute la préparation de bismuth; en filtrant, on obtiendrait celle-ci sur le filtre, et on la reconnaîtrait en la dissolvant dans l'acide azo- tique^, p. 522). Blanc de fard mêlé avec de la farine (voy. Falsification de la farine, à la fin de ce tome). Symptômes déterminés par l'azotate de bismuth. Des angoisses, des anxiétés très alarmantes (1), des nausées, des vomissemens, la diarrhée ou la constipation , des coliques, (1) On lil dans les Mémoires de P Académie des $ciences de Berlin, année 1753, — 525 — une chaleur incommode dans la poitrine, des frissons vagues, des vertiges et de l'assoupissement, tels sont les symptômes auxquels l'emploi de ce sel a donné lieu chez l'homme. Mes expériences font voir qu'il peut rendre la respiration très difficile, et que la mort est quelquefois précédée de mouvemens convulsifs. Lésions de tissu produites par l'azotate de bismuth. Le canal digestif est enflammé dans toute son étendue, mais particulièrement l'estomac, le duodénum et le rectum. Dans le cas d'empoisonnement rapporté par Kerner, et dont j'ai déjà parlé, les amygdales, la luette, la base de la gorge, l'épiglolte, la membrane interne du larynx étaient gangrenées. L'œsophage présentait une couleur livide sans traces d'inflammation. L'esto- mac était fortement enflammé, surtout dans son grand cul-de- sac ; la membrane muqueuse était comme macérée et se déta- chait avec la plus grande facilité de la tunique nerveuse , qui était pleine de papilles d'un rouge pourpre. Tout le canal intes- tinal , fortement distendu par des gaz, élait plus ou moins en- flammé ou gangrené ; on remarquait surtout la gangrène vers le rectum ; d'ailleurs la tunique muqueuse se détachait dans tous ses points avec la plus grande facilité. L'extrémité inférieure de la moelle .épinière et l'intérieur des ventricules du cœur étaient également enflammés. Les poumons étaient sains, mais la tra- chée élait parsemée de points noirâtres. Il n'y avait rien d'anor- mal dans l'encéphale ni dans les reins (J. Kerner, Heidelberg, Klinische Annalen, tome v, page 248). Action des composés de bismuth sur l'économie animale. Ces composés irritent et enflamment vivement les tissus avec lesquels ils sont mis en contact. Je me suis assuré qu'ils sont ab- sorbés et qu'ils portent particulièrement leur action sur le sys- tème nerveux et sur le cœur. Injectés dans les veines ils agissent plus énergiquement encore que lorsqu'ils sont introduits dans le canal digestif. un exemple qui nous apprend que ce sel a occasionné des angoisses el des anxiétés très remarquables. t — 526 — S VI. Des préparations d'argent. —De l'azotate d'argent. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par l'azotate d'argent? Azotate d'argent solide contenant de l'eau interposée. Il est blanc, cristallisé en lames minces, en rhombes ou pulvéru- lent, inodore, et doué d'une saveur amère, acre, très caustique. Réduit en poudre et mêlé avec de l'acide sulfurique concentré, il est décomposé ; il se forme du sulfate d'argent, et il se dégage des vapeurs blanches d'acide azotique. Si on le met sur des charbons ardens, il se boursoufle, se dessèche et se décompose ; l'acide azotique cède une portion de son oxygène au charbon, qui brûle avec plus d'éclat, et il se dégage du gaz acide azoteux d'un jaune orangé ; l'oxygène de l'oxyde d'argent se porte également sur le charbon et l'argent métallique mis à nu reste sur le charbon et acquiert le brillant qui le caractérise pour peu qu'on le frotte. Il se dissout rapidement dans Feau distillée, et la dissolution jouit de propriétés caractéristiques que je vais faire connaître. Azotate d'argent dissous dans l'eau ; dissolution con- centrée. Elle est transparente, incolore, inodore, et douée d'une saveur amère, acre, très caustique; elle tache la peau en violet. La potasse et la soude pures, dissoutes dans l'eau distillée, en précipitent de l'oxyde d'argent olive, enlièrement soluble dans l'acide azotique pur ; il en est de même de l'eau de chaux prépa- rée avec de la chaux pure et de l'eau distillée. L'ammoniaque ne la trouble point si on en emploie un excès, tandis qu'elle y détermine un léger précipité blanc qui passe au roux si on mei peu d'alcali ; ce précipité est soluble dans quelques gouttes d'am- moniaque : il se forme, dans ce cas, de l'azotate d'argent ammo- niacal soluble. L'acide sulfhydrique et les sulfures la décompo- sent, et il se produit du sulfure d'argent noir, insoluble. L'acide chlorhydrique et les chlorures y font naître un précipité blanc de chlorure d'argent {voyez page 103 pour les caractères de ce précipité). L'acide chromique et les chromâtes solubles la décomposent ; il se précipite du chromate d'argent d'un beau — 527 — rouge de carmin, insoluble dans l'eau. Le phosphale de soude dissous dans Feau y détermine la formation d'un précipité de phosphale d'argent jaune. Une lame de cuivre, la décompose in- stantanément et la liqueur bleuit à mesure que l'action a lieu ; le métal précipité est composé d'argent et d'un peu de cuivre. Dissolution aqueuse d'azotate d'argent très étendue. On la reconnaîtrait en y versant du chlorure de sodium dissous, qui y ferait naître un précipité blanc de chlorure d'argent : celui-ci, lavé et mis, .avec une lame de zinc, dans de l'eau acidulée par l'acide sulfurique, ne tarde pas à se décomposer et à fournir l'ar- gent métallique; toutefois, si la proportion du chlorure sur laquelle on opère était excessivement petite, on n'apercevrait pas facilement l'argent en suivant ce procédé ; il faudrait alors dé- composer le chlorure par le gaz hydrogène, en le plaçant, après l'avoir desséché, au milieu d'un tube de Sèvres, long de 8 à 9 cen- timètres, et d'un diamètrede 7 à 8 millimètres ; une des extrémités de ce tube est jointe, au moyen d un bouchon de Liège et d'un tube recourbé, avec un flacon qui fournit du gaz hydrogène. A l'autre extrémité est adapté un tube recourbé, qui plonge dans l'eau pour laisser échapper le gaz hydrogène en excès et l'acide chlorhydrique qui se forme pendant l'opération. On chauffe avec une lampe à esprit-de-vin la partie du tube où se trouve le chlo- rure ; celui-ci fond, devient rougeâtre ; alors on fait arriver le gaz hydrogène, et il se dépose bientôt à la place où était le chlo- rure une couche d'argent métallique, que l'on dissout dans l'acide azotique, afin de constater qu'il s'est formé de l'azotate d'argent. La pierre infernale, ou l'azotate d'argent neutre, desséché et fondu, est le plus ordinairement sous forme de cylindres bruns à l'extérieur, d'une couleur plus claire à l'intérieur, offrant des aiguilles rayonnées dans leur cassure. L'acide sulfurique, les charbons ardens et l'eau distillée agissent sur lui comme sur l'azotate d'argent cristallisé. Azotate d'argent mêlé à des liquides alimentaires, à la matière des vomissemens, et à celle qui se trouve dans le cariai digestif. Il est rare que l'on parvienne à démontrer dans une dissolution la présence de ce sel ainsi mélangé, parce qu'il est précipité par le vin rouge, la bière, le cidre, l'infusion de - 528 — thé et de café, l'albumine, le bouillon concentré, le lait et la bile, tant à raison de la nature même de ces liquides que par les chlorures, les carbonates, les phosphates et les tartraies qu'ils peuvent contenir ; et alors même que l'on admettrait l'existence de l'azotate d'argent dans ces liquides, l'expérience prouve que les réactifs qui servent à le déceler quand il est simplement dis- sous dans l'eau, ne seraient souvent d'aucune utilité pour le dé- couvrir, s'il était mélangé comme je le suppose; ainsi du vin rouge, contenant un dixième d'azotate d'argent dissous, fournit avec le phosphate de soude un précipité violacé, au lieu d'un précipité jaune ; l'infusion de thé mêlée à un quinzième du même sel, passe successivement au jaune, au rouge et au noir sans perdre sa transparence, et lorsqu'on verse dans le mélange quel- ques gouttes d'acide chlorhydrique, on obtient un précipité jaune au lieu d'un précipité blanc; ne serait-ce pas s'exposer à com- mettre les erreurs les plus graves que de borner ses recherches à l'emploi de pareils agens? Il faut dans des cas pareils filtrer les matières suspectes et précipiter à l'état de chlorure, à l'aide du chlorure de sodium, l'argent qu'elles pourraient renfermer ; à la vérité, le précipité contiendrait du tartrate, du phosphate ou du carbonate d'argent, s'il existait dans ces matières un sel soluble de l'un de ces genres ; qu'importe : le précipité quelle que fût sa couleur, après avoir été bien lavé avec de l'eau distillée serait traité pendant une demi-heure par de l'acide azolique concentré, pur et bouillant, qui détruirait la matière organique et dissou- drait tous les sels d'argent, excepté le chlorure ; la dissolution argentique pourrait être reconnue à l'aide des réactifs indiqués à la page 526; mais il faudrait s'attacher surtout à prouver que la portion non dissoute est du chlorure d'argent {V. page 103). Si, comme cela arrivera le plus souvent, il fallait chercher l'ar- gent dans les dépôts restés sur le filtre, on les laverait bien avec de l'eau distillée et on les laisserait pendant quelques heures avec de l'ammoniaque liquide pure qui dissoudrait les sels d'ar- gent insolubles et une quantité assez notable de matière organi- que : on filtrerait la dissolution ammoniacale et on la précipite- rait par l'acide chlorhydrique ; le chlorure d'argent déposé serait facilement reconnu, surtout, si après l'avoir bien lavé on le fai- — 529 — sait bouillir avec de l'acide azotique pur et concentré , qui jouit du double avantage de ne pas l'attaquer et de décomposer la ma- tière organique qui l'altérait. Si, malgré ce traitement par l'ammoniaque, les composés d'ar- gent ne se trouvaient pas dans la dissolution, il faudrait carbo- niser par l'acide azotique et le chlorate de potasse {V. p. 449), les dépôts déjà épuisés par l'alcali volatil; le charbon obtenu fournirait de l'azotate d'argent soluble, si on le faisait bouillir pendant un quart d'heure avec de l'acide azotique pur étendu de son poids d'eau. Recherches de l'azotate d'argent dans les' tissus du canal digestif, du foie, de la rate, etc., ou dans l'urine. Après avoir coupé en petits morceaux les organes précités, on les laisserait pendant vingt-quatre heures dans de l'eau ammoniacale, et si la dissolution, traitée comme il vient d'être dit, ne contenait point d'argent, on carboniserait toutes les parties solides avec de l'acide azolique mêlé de chlorate de potasse ; le charbon obtenu serait traité comme celui qui provenait des dépôts ci-dessus mention- nés. Quant à l'urine, après l'avoir évaporée jusqu'à siccité dans une capsule de porcelaine, on carbonise le produit et l'on conti- nue à le chauffer dans la capsule ; il suffira de laisser ce charbon en contact avec de l'ammoniaque liquide pendant une ou deux heures pour que celle-ci dissolve le chlorure d'argent'que con- tenait l'urine; en effet, si l'on filtre la dissolution ammoniacale, et qu'on la sature par l'acide azotique pur, il se précipite du chlorure d'argent, mêlé, à la vérité, de matière organique; mais si après avoir bien lavé le dépôt avec de l'eau distillée on le fait bouillir avec de l'acide azolique concentré, la matière organi- que est détruite, et il ne reste que du chlorure d'argent pur, dont on peut facilement extraire le métal. Le charbon, épuisé par t l'ammoniaque alors même qu'il avait été maintenu pendant une heure à une chaleur rouge et qu'il était presque incinéré, ne m'a jamais fourni de l'argent quand je l'ai fait bouillir avec de l'acide azolique. Azotate d'argent dans le cas où l'on aurait administré un chlorure soluble comme contre-poison. Presquetoujoursdans ce cas la totalité de l'argent aura été transformée en chlorure inso- - 530 lubie qui se trouvera au fond des liquides tant il esl lourd ; on le ramassera et on le lavera afin de le reconnaître comme il a été dil à la page 526. Si par hasard on n'apercevait pas ce chlorure au fond des vases, on traiterait les matières solides par l'ammonia- que, ainsi que je viens de le dire. Azotate d'argent dans un cas d'exhumation juridique. Le 12 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouver- ture, exposé à l'air, 4 grammes d'azotate d'argent dissous dans un litre et demi d'eau distillée, et une portion d'un canal intesti- nal. Le 2 août suivant, ce mélange répandait une odeur des plus félidés; la liqueur filtrée ne se colorait pas par l'acide sulfhy- drique ; l'acide chlorhydrique et les chlorures solubles la trou- blaient à peine. En desséchant et en calcinant séparément les intestins et un précipité brunâtre floconneux qui s'était formé, on en relirait de l'argent métallique. L'azotate d'argent dissous est donc rapidement et complètement décomposé par les ma- tières animales, en sorte que l'on serait probablement obligé de chercher à retirer le métal des,matières solides, si on était ap- pelé à se prononcer sur l'existence d'un empoisonnement par ce sel, quelque temps après l'inhumation. Symptômes de l'empoisonnement par l'azotate d'argent. Ils sont analogues à ceux qui ont été décrits à la page 72, en parlant des poisons irritans en général ; on observe quelquefois, en outre, que la peau des lèvres et le pourtour du menton sont lâchés en pourpre, si le sel d'argent a été avalé à l'état liquide ; dans certains cas aussi la membrane muqueuse buccale est le siège d'eschares d'un blanc grisâtre, semblables à celles que pro- duit sur la peau ulcérée l'azotate d'argent solide (pierre in- fernale). Lésions de tissu déterminées par l'azotate d'argent. Si l'azotate d'argent a été pris à une dose toxique et qu'il ait occasionné la mort, la membrane interne de l'estomac, d'un rouge foncé dans toute son étendue ou dans quelques-unes de — 531 — ses parties seulement, peut ne pas être réduite en bouillie ; on voit, çà el là surtout lorsque le sel a été donné à l'état solide, des points scarifiés d'un blanc grisâtre ou d'un noir très foncé. Quelquefois celte membrane est entièrement détruite et laisse apercevoir la lunique musculeuse d'un rouge vif offrant un cer- tain nombre d'eschares; enfin il est des cas où toutes les tuni- ques ont été percées dans quelques points. L'intérieur de la bou- che, le pharynx et l'œsophage sont quelquefois le siège d'altéra- tions analogues. Si l'azotate d'argent a élé administré à faible dose et pendant long-temps, comme cela a lieu dans le traitement de l'épilepsie et dans quelques autres affections nerveuses, il colore la peau en olive foncée et celte couleur persiste. Sans chercher à déterminer quelle peut êlre la cause de cette coloration, je dois dire qu'elle a été attribuée à la présence de l'argent métallique très divisé ou d'un composé d'argent tel que l'oxyde et surtout le chlorure. S'il en était ainsi, il faudrait admettre que l'azotate d'argent in- troduit dans l'estomac n'est pas éliminé, en entier du moins, même plusieurs années après avoir été pris, fait qui ne serait pas sans importance dans certaines expertises médico-légales. A l'appui de celte opinion, ceux qui l'onl émise citent une obser- vation que je crois devoir rapporter : une personne avait pris pendant dix-huit mois de l'azotate d'argent à l'intérieur pour combattre l'épilepsie ; au bout de ce temps il se déclara une ma- ladie du foie qui la fit périr. A l'examen du cadavre on décou- vrit que tous les organes intérieurs avaient éprouvé à un degré variable le même changement de couleur que la surface cutanée (teinte bleuâtre). Brande soumit à l'analyse chimique le plexus choroïde et le pancréas et en retira une quantité notable d'ar- gent métallique {Rust's repertorium, et the London med. and phys. journal, mai 1829). Action de l'azotate d'argent sur l'économie animale. Injecté dans les veines d'un chien à la dose de 3 à 4 centigram- mes l'azotate d'argent, dissous dans l'eau distillée, détruit immé- diatement la vie en agissant sur les poumons et sur le système 35 nerveux. S'il est iniroduit dans l'estomac à la dose de 2 à 3 gram- mes, il esl absorbé et détermine une inflammation assez consi- dérable; on peut démontrer son existence dans le foie, dans l'u- rine, etc., des animaux à qui on en a fait prendre. Tout porte à croire que si, au lieu de faire avaler 2 ou 3 grammes de ce sel, on en administrait cinq ou six fois autant, la vie serait détruite en quelques heures ; l'estomac fortement enflammé, réagirait alors énergiquement sur le cerveau et les effets de cette réaction viendraient se joindre à ceux qui seraient le résultat de l'action délétère de la portion d'azotaie d'argent absorbée. Si l'azotale d'argent est appliqué à petites doses sur la peau, sur des plaies, sur le lissu cellulaire sous-cutané et sur des mus- cles, il se borne à brûler ces tissus, en sorte qu'il peut être em- ployé comme caustique avec beaucoup de succès et sans danger. § VIII. Des préparations d'or.— Du chlorure d'or. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par le chlo- rure d'or? Chlorure d'or solide contenant de l'acide chlorhydrique (muriate d'or). Il est en masses ou cristallisé en aiguilles d'un jaune foncé, inodore , et d'une saveur fortement styptique. L'acide sulfurique concentré le décompose et en dégage des vapeurs blanches, épaisses, d'acide chlorhydrique. Lorsqu'on le met sur des charbons ardens, il fournit de l'or métallique, du gaz chlorhydrique et du chlore; il est déliquescent et excessive- ment soluble dans l'eau. Dissolution concentrée. Elle esl transparente, d'un jaune foncé, et d'une saveur styptique ; elle rougit l'eau de tournesol, et tache la peau en pourpre. La potasse et le cyanure ferrure de potassium ne la troublent point à la température ordinaire : le premier de ces réactifs y fait naître cependant un précipité d'oxyde brun noirâtre, si elle n'est pas très acide, et qu'on élève sa température jusqu'au degré de l'ébullition. L'ammoniaque en — 533 — sépare des flocons d'un jaune rougeâtre, qui passent au jaune se- rin si on ajoute une plus grande quantité d'alcali volatil. L'acide sulfhydrique et les sulfures solubles la décomposent et en préci- pitent du sulfure d'or d'une couleur de chocolat foncé. Le sulfate de protoxyde de fer en précipite l'or sous forme d'une poudre brune, susceptible de prendre, par le frottement, tout l'éclat qui le caractérise : en outre, on voit à la surface du liquide des pelli- cules d'or excessivement minces. Elle est décomposée par l'azo- tate d'argent, qui transforme l'acide chlorhydrique en chlorure d'argent insoluble ; le précipité que l'on obtient est d'une couleur rougeâtre due probablement à l'oxyde d'or qu'il entraîne avec lui en partie ; en effet, l'ammoniaque dissout le chlorure d'argent, et laisse l'oxyde d'or que contenait ce précipité. Le protochlorure d'étain fait naître dans la dissolution d'or un précipité pourpre, pourpre rosé, ou pourpre violet, suivant qu'elle est plus ou moins concentrée, plus ou moins acide et qu'on l'emploie en plus ou moins grande quantité. Dissolution aqueuse très étendue. Elle est transparente, d'un jaune clair; l'acide sulfhydrique y fait naître un précipité brun, composé de soufre et d'or: si, après avoir lavé et desséché ce précipité, on le fait chauffer avec delà potasse solide, on ob- tient du sulfure de potassium et de l'or métallique. On peut d'ail- leurs faire évaporer cette dissolution très étendue pour la con- centrer et faire agir sur elle tous les réactifs qui servent à recon- naître la dissolution aqueuse concentrée. Chlorure d'or mêlé à des liquides alimentaires, à la ma- tière des vomissemens et à celle qui se trouve dans le canal digestif. L'albumine, la gélatine, le lait, la bile, le vin rouge, le thé, le café et plusieurs autres substances végétales astrin- gentes, les matières vomies, etc., précipitent cette dissolution, la décomposent en la transformant en un produit insoluble ; quel- quefois même on aperçoit de l'or à la surface des liquides; d'où il suit que dans la plupart des cas, il est impossible de découvrir la moindre trace d'or dans la portion liquide de ces malières suspectes. Je supposerai toutefois qu'elles en contiennent; pour le déceler, on filtre ces liqueurs, on les évapore jusqu'à siccité et l'on carbonise le produit par l'acide azotique et le - 534 - chlorate de potasse. La cendre charbonneuse obtenue sera mé- langée d'or métallique souvent visible à l'œil nu. On séparera celui-ci,en traitant cette cendre à plusieurs reprises par de l'eau acidulée avec de l'acide azolique, qui dissoudra la plupart des sels qui entrent dans sa composition ; la portion non dissoute, si on la fait bouillir pendant un quart d'heure avec de l'eau régale, fournira un solulmn,lequel étant filtré et évaporé jusqu'à siccité, laissera de l'or métallique pour peu qu'on le chauffe pendant quelques minutes dans la même capsule de porcelaine qui avait servi à le dessécher. Si les liqueurs, dont je parle, ne contenaient point d'or, il fau- drait carboniser les dépôts restés sur les filtres et agir sur le charbon, comme il vient d'être dit. Chlorure d'or absorbé et existant dans les tissus du canal digestif, du foie, de la rate, etc., et dans l'urine. Après avoir coupé ces divers tissus en petits morceaux, on les dessèche, on les carbonise par l'acide azotique et le chlorate de polasse {Voy. page 449), puis on opère sur le charbon par l'eau et par l'eau ré- gale {V. plus haut). Quant à la recherche du sel d'or dans l'urine, il suffît de faire évaporer celle-ci jusqu'à siccité, de carboniser le produit par le feu, et de traiter le charbon par l'eau régale bouillante. Chlorure d'or dans un cas d'exhumation juridique. Expérience. Le 4 0 juillet 1826, on mit dans un bocal à large ouver- ture des morceaux de foie et d'intestin et un litre d'eau tenant en dissolu- tion 2 grammes de chlorure d'or ; on exposa le tout à l'air. Le 2 août, le mélange répandait une odeur très fétide; la liqueur filtrée ne contenait plus de chlorure d'or en dissolution, puisqu'elle ne se colorait ni par l'acide sulfhydrique ni par les sulfures solubles ; les matières solides, desséchées et réduites en charbon par la chaleur, donnaient avec l'eau régale bouil- lante un solutum jaunâtre qui précipitait en pourpre par le protochlorure d'étain, en jaune par l'ammoniaque, en brun par l'acide sulfhydrique et par le sulfate de protoxyde de fer ; d'ailleurs le charbon offrait çà et là des points jaunâtres brillans qui étaient évidemment de l'or métallique. Il en est donc du chlorure d'or comme de l'azotate d'argent sous le rapport des altéra- tions qu'il subit par suite d'une inhumation prolongée {Voy. page 530). — 535 — Symptômes et lésions de tissu produits par le chlorure d'or. Appliqué sur les gencives sous forme de frictions, à la dose de 5 milligrammes, ce sel augmente la transpiration cutanée et la sé- crétion de l'urine ; si la dose est plus forte, il occasionne une fièvre plus ou moins intense, et peut donner lieu à l'inflammation du canal digestif ou de quelque autre organe (Chrestien). Intro- duit dans l'estomac, il agit comme les poisons irritans {V. p. 72); mais alors son action est beaucoup moins intense que celle du su- blimé corrosif. A l'ouverture des cadavres, on trouve le plus sou- vent la membrane muqueuse de l'estomac d'une couleur rosée, offrantes et là plusieurs petits ulcères. Il est très vénéneux lors- qu'il est injecté dans les veines, et il paraît occasionner la mort en agissant sur les poumons. Action du chlorure d'or sur l'économie animale. 1° Il détruit presque immédiatement la vie, en agissant sur les poumons lorsqu'il est injecté dans les veines; 2° quand il est introduit dans l'estomac ou dans les intestins des chiens à la dose de 50 à 80 centigrammes en dissolution moyen- nement concentrée, il développe une inflammation plus ou moins vive de ce canal, mais il est infiniment moins actif que le sublimé corrosif, quoi qu'en ait dit M. Devergie, qui à coup sûr n'a ja- mais tenté d'expériences à ce sujet ; 3° il est absorbé et peut être retrouvé dans le foie et l'urine ; 4° administré à très petite dose en friclions sur la partie interne des joues, il excite puissamment les organes salivaires, produit une salivation abondante, et développe quelquefois des aphthes, et suivant quelques auteurs, de la cépha- lalgie, de la loquacité, du délire et une grande agitation ner- veuse ; il paraît aussi irriter les parties génitales. De l'or fulminant. Comment peul-on reconnaître l'empoisonnement par l'or ful- minant? — 530 — ■ L'or fulminant, composé d'oxyde d'or el d'ammoniaque, esl so- lide, jaune, insipide, inodore, insoluble dans l'eau et décomposa- ble par les acides forts. Il détonne fortement quand on l'expose à la flamme d'une bougie, ou qu'on le frotte subitement, ou bien qu'on l'expose au foyer d'une lentille sur laquelle tombent les rayons du soleil. On a vu l'or fulminant pris à la dose de 20 à 30 centigrammes déterminer des vomissemens, des tranchées, la diarrhée, des spas- mes, des convulsions, des anxiétés, des défaillances, une sueur froide des extrémités {Plenck et Hoffmami). Rivinus dit avoir trouvé des trous dans l'intestin d'un enfant empoisonné par ce corps. SIX. Des préparations de zinc. — Du sulfate de zinc (vitriol blanc). Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par le sulfate de zinc ? Sulfate de zinc pur. Il est en poudre ou en prismes à quatre pans transparens,d'une saveur styptique, efflorescens et très so- lubles dans l'eau. La. dissolution aqueuse concentrée précipite en blanc : 1° par la potasse, la soude et l'ammoniaque ; Foxyde déposé se dissout dans un excès d'alcali, et donne du zinc métal- lique lorsqu'on le calcine fortement avec du charbon ; 2° par l'a- cide sulfhydrique et par les sulfures solubles ; si la dissolution était sensiblement acide, le gaz sulfhydrique ne la troublerait pas ; 3° par le cyanure jaune de potassium et de fer; 4° par les sels solubles de baryte qui déposent du sulfate de bary le blanc insoluble dans l'eau et dans l'acide azotique. L'infusion alcoolique de noix de galle lui communique un aspect laiteux sans la préci- piter. Sulfate de zinc du commerce solide. Il est sous forme de masses blanches grenues comme du sucre, souvent tachées de jaune (1), inodores, d'une saveur acre, styptique, sans action sur (t) Le sulfate de zinc du commerce contient toujours du sulfate de fer, et quel- quefois du sulfate de cuivre. — 537 — l'acide sulfurique concentré, et fournissant du zinc métallique, lorsque, après les avoir mêlées avec de la potasse et du charbon pulvérisé, on les fait rougir pendant une demi-heure dans un creu- set. Il se dissout très bien dans l'eau froide. Dissolution concentrée. Elle est incolore, ou légèrement jau- nâtre, d'une saveur styptique, inodore, et rougit l'eau de tourne- sol. L'ammoniaque en sépare l'oxyde d'un blanc verdâtre, que l'on peut facilement redissoudre dans un excès d'alcali, et qui ne change point de couleur à l'air. Si, au lieu d'en opérer la dissolu- lion, on le dessèche, et qu'on le calcine avec du charbon à une température très élevée, on obtient du zinc métallique. Le cya- nure de potassium ferrure la précipite en bleu foncé, et les sul- fures en noir. L'infusion alcoolique de noix de galle y fait naître un précipité d'un violet foncé. Les sels solubles de baryte agis- sent sur elle comme sur le sulfate pur. L'eau de baryte y oc- casionne un précipité blanc composé de sulfate de baryte et d'oxyde de zinc; lorsqu'on iraite ce précipité par l'acide azotique pur, l'oxyde de zinc est dissous, et il reste du sulfate de baryte blanc. Sulfate de zinc mêlé à des liquides alimentaires, à la ma- tière des vomissemens et à celle que l'on trouve dans le ca- nal digestif. L'albumine, la gélatine, le lait, la bile, les sucs de l'estomac, précipitent plus ou moins abondamment le sulfate de zinc, tandis que l'eau sucrée et le vin rouge ne le troublent point. Il est rare lorsque le sel a été précipité, qu'il ait été entièrement transformé en un composé insoluble et qu'il n'en reste plus dans ialiqueur ; aussi, l'expert doil-il cherchera découvrir dans celle- ci le sulfate de zinc qu'elle pourrait encore renfermer. Pour cela, on la fera bouillir pendant quelques minutes dans une capsule de porcelaine, afin de coaguler une partie de la matière organique; on filtrera et on évaporera la liqueur jusqu'à siccité ; il serait inu- tile d'essayer celte dissolution par les réaclifs propres à faire re- connaître le sulfate de zinc pur ou du commerce, parce que ces agens, à raison de la couleur de cette dissolution et de la matière organique qu'elle contient, donneraient des résultats incertains. On carbonise ensuite le produit desséché de l'évaporalion en le traitant par l'acide azolique mêlé d'un quinzième de son poids de — 538 — chlorate de potasse {V. p. 449), et l'on fera bouillir le charbon pendant quelques minutes avec de l'acide chlorhydrique pur étendu de son volume d'eau; la liqueur étant filtrée et saturée par de la potasse pure, sera soumise à un courant de gaz acide sulfhydrique bien lavé, qui en précipitera du sulfure de zinc blanc ou d'un blanc jaunâtre; je rappelle que la précipitation n'aurait pas lieu si la liqueur, au lieu d'èlre neutre, élait acide. Le sulfure de zinc obtenu, lavé et traité à chaud par de l'acide azolique pur et concentré se trouvera transformé en sulfale de zinc facile à reconnaître. Le coagulum resté sur le filtre devra ensuite être examiné, si la liqueur dont je viens de parler n'avait point fourni du sulfure de zinc. On le fera bouillir pendant un quart d'heure avec de l'eau distillée aiguisée d'acide sulfurique, on filtrera, on évaporera la dissolution filtrée jusqu'à siccité, et l'on carbonisera le produit desséché comme il vient d'être dit. Si les recherches faites sur les liquides alimentaires, sur les matières vomies et sur celles qui ont été retirées du canal digestif avaient été infructueuses, il faudrait soumettre l'estomac et les in- testins pendant quelques minutes à l'action de l'acide sulfurique pur très étendu d'eau et bouillant. La dissolution filtrée, évaporée jusqu'à siccité et carbonisée, se comporterait comme les précé- dentes, si elle renfermait du sulfate de zinc. Sulfate de zinc absorbé et contenu dans les tissus du canal digestif, dans le foie, la rate, les reins, etc. Après avoir coupé ces organes en petits morceaux, si on les fait bouillir pendant une heure avec de Xeau distillée dans une capsule de porcelaine, on obtiendra un decoctum qui, étant filtré et évaporé jusqu'à sic- cité, laissera un produit brunâtre ;si ce produit est carbonisé par l'acide azotique concentré additionné de 1/15 de son poids de chlorate de potasse {V. p. 449), et que le charbon, bien sec et friable, soit chauffé avec de l'acide chlorhydrique étendu d'eau pendant vingt minutes, la dissolution filtrée contiendra du chlo- rure de zinc et un peu de chlorure de fer; en effet, il suffira de saturer la majeure partie de l'acide chlorhydrique libre par la po- tasse à l'alcool et de faire passer à travers la liqueur un courant de gaz acide sulfhydrique lavé, pour qu'il se précipite aussitôt du — 539 — sulfure de zinc d'un blanc légèrement jaunâtre. Ce préci- pité, qui devrait être d'un blanc laiteux s'il était pur, renferme une petite quantité de sulfure de fer. Si, après l'avoir bien lavé, on le chauffe dans une petite capsule de porcelaine avec de l'acide azolique concentré, et qu'après avoir desséché la matière, on continue à la chauffer, le fer passera à l'état de sesqui-oxyde; cette.sur-oxydation du fer aura surtout lieu si l'on recommence deux ou trois fois le traitement par l'acide azotique concentré; les choses étant dans cet état, si l'on chauffe le résidu coloré en jaune rougeâtre par de l'eau distillée aiguisée de quelques gouttes d'a- cide azotique, on dissoudra l'oxyde de zinc et une petite partie du sesqui-oxyde de fer ; la dissolution filtrée, mise en contact avec de FammOniaque liquide pure et concentrée, donnera un préci- pité blanc très légèrement jaunâtre ; en ajoutant un excès d'am- moniaque, l'oxyde de zinc sera dissous, et le sesqui-oxyde de fer sera précipité ; la liqueur, filtrée de nouveau, ne conliendra que de Xazotate de zinc ammoniacal; en l'évaporant jusqu'à siccité et en chauffant jusqu'au rouge le produit, il ne restera que de l'oxyde de zinc facile à reconnaître en le dissolvant dans de l'acide chlorhydrique et en faisant réagir sur le solutum les agens pro- pres à le caractériser. Symptômes de l'empoisonnement par le sulfate de zinc. On a constaté chez l'homme et chez les chiens qui avaient pris des doses assez fortes de sulfate de zinc, les symptômes suivans : un sentiment de strangulation, des nausées, des vomissemens abondans, la diarrhée, des douleurs à l'épigastre et dans d'autres parties de l'abdomen, la difficulté de respirer, la fréquence du pouls, la pâleur de la peau et le refroidissement des extré- mités. Lésions de tissu produites par le sulfate de zinc On ne trouve guère qu'une inflammation peu intense des tissus avec lesquels le sulfate de zinc a été immédiatement en contact; quelquefois il existe du sang noir extravasé sur la membrane — 510 — musculeuse de l'estomac et des intestins; assez souvent la mem- brane muqueuse de l'estomac offre une teinte d'un vert sale. Action du sulfate de zinc sur l'économie animale. Il est essentiellement émétiqueetpeut être donné à forte dose, sans inconvénient grave, si on laisse aux animaux la faculté de vomir. S'il n'est pas rejeté par les vomissemens, il lue les chiens en douze, quinze ou dix-huit heures, à la dose de 30 à 40 gram. Il est absorbé et peut être décelé dans le foie, la raie et les reins. Indépendamment de l'action locale irritante qu'il exerce, il pa- raît agir en stupéfiant le cerveau, surtout quand il a été injecté dans les veines. Du zinc métallique. Peut-on employer impunément le zinc métallique à la con- struction des vases qui servent à préparer des alimens? Vauquelin et Deyeuxont prouvé que ce métal, facilement alté- rable, est attaqué par l'eau, le vinaigre, les sucs de citron et d'o- seille, le chlorhydrate d'ammoniaque, le chlorure de sodium et le beurre. Or, comme les composés qui résultent de l'action de quelques-uns de ces réactifs sur le zinc jouissent de propriétés émétiques et purgatives, il est prudent de remplacer ce métal par ceux dont les effets sur l'économie animale ne peuvent pas être redoutés. lo L'eau qu'on a laissé séjourner dans des vases formés avec le zinc s'est décomposée en partie, et il s'est produit un oxyde blanc; l'eau surnageant cet oxyde avait une saveur métallique. 2° On a fait bouillir dans une casserole de zinc un mélange de 240 grammes d'eau distillée et de 12 grammes de vinaigre distillé: après huit minutes d'ébullition, la liqueur avait une saveur bien décidément âpre et métallique; elle contenait de l'acétate de zinc, dont la présence a été déterminée par des réactifs. 3° Pareille ex- périence a été faite avec un mélange de suc de citron, à la dose de 12 grammes sur 240 ,grammes d'eau ; la liqueur, après huit minutes d'ébullition, avait une saveur à-peu-près semblable à la précédente, et il a été reconnu par les réaclifs qu'elle contenait — 54.1 — du citrate de zinc. 4° On a fait bouillir dans une casserole de ce métal, pendant dix minutes, 240 grammes d'eau avec 32 gramm. d'oseille hachée; la liqueur ensuite ayant élé filtrée, n'avait pas de saveur acide : on a même acquis la preuve qu'elle ne contenait pas de métal en dissolution; mais on a remarqué des parcelles d'un précipité blanchâtre qui, recueilli et examiné, a présenté les caractères de l'oxalate de zinc. 5° Un mélange de 1 gramme de chlorhydrate d'ammoniaque et de 360 grammes d'eau a donné, après huit minutes d'ébullition, une liqueur qui contenait du zinc en dissolution, et dont la présence a été démontrée par les réac- tifs. 6° La même expérience,répétée avecdu chlorure de sodium, à la dose de 6 grammes sur 360 grammes d'eau, a fourni une li- queur qui, traitée avec le cyanure jaune de potassium et de fer, a donné un précipité d'oxyde de zinc,mais peu abondant. 7° Enfin, on a fait un roux avec du beurre dans une casserole de zinc; l'ex- périence terminée, on s'est aperçu que le fond du vase avait perdu de son poli, et qu'il s'était même formé, vers son milieu, un pe- tit trou au travers duquel la friture avait suinté. Il résulte de ces expériences que le zinc est attaqué par l'eau, les acides végétaux les plus faibles, quelques substances salines et le beurre. Or, comme dans la préparation des alimens on em- ploie souvent des acides végétaux qui peuvent faire passer ce métal à l'état salin, on conçoit aisément queles sels de zinc pro- duisant sur l'économie animale des altérations plus ou moins sen- sibles, on ne saurait faire usage de ce métal pour les ustensiles destinés à préparer les alimens, à mesurer et à conserver les li- quides {Annales de Chimie, t. lxxxvi). On lit le fait suivant dans le Journal de chimie méd., année 1838, p. 265 : Un négociant de Gray (Haute-Saône) faisait usage pour le service de sa cave d'un vase de zinc d'une capacité d'environ 20 litres ; après y avoir laissé du vin pendant plusieurs heures, il se servit de ce vin pour son repas et pour celui de sa famille; peu de temps après, il se manifesta des vomis- semens, des coliques violentes qui cédèrent à l'usage des mucilagineux. Le vin contenait un sel de zinc. MM. Devaux et Dejaer , médecins à Liège , ont tenié sur l'homme une série d'expériences relatives à l'emploi de l'acétate — 542 .— et ducitraie de zinc. Ils ont tiré de leur travail les conclusions suivantes : 1° Que l'acétate de zinc, à la dose à laquelle il peut se trouver dans les alimens, et être avalé sans avertir de sa présence, ne peut exercer aucune action sur l'économie animale; 2° qu'à une dose plus forte il acquiert une saveur insupportable qui ferait constamment rejeter un aliment dans lequel il pourrait se trou- ver; 3° qu'à une dose extrêmement élevée, et telle qu'il est impos? sible de l'obtenir dans la préparation d'aucun aliment, il n'a pas encore de propriétés vénéneuses ; mais il devient un médicament d'une saveur désagréable, qui jouit de propriétés éméliquesel légèrement purgatives, comme le bitartrate de potasse et divers sels qui se trouvent dans plusieurs alimens, et qui ne rentrent dans le domaine de la médecine qu'à une dose plus élevée que celle où on les emploie ordinairement dans la cuisine ; 4° que le citrate de zinc, donné à la dose de 2 grammes, et ensuite de 4 grammes, n'a déterminé aucun effet appréciable {Procès-ver- bal de la séance publique de la Société établie à Liège, an- née 1813). Si l'on fait attention que MM. Devaux et Dejaer ont fait leurs essais sur des prisonniers espagnols, d'une bonne constitution et bien portans, qu'ils ne les ont pas tentés sur des individus faibles et dont le système nerveux est très irritable, et que d'ailleurs ils ne rapportent aucune expérience relative à l'emploi des dissolu- tions salines contenant du zinc, ni à celui du beurre chargé du même métal, on devra persister à ne pas employer le zinc pour les usages culinaires, ni pour mesurer el conserver les liquides. §x. Des préparations de fer. — Du sulfate de protoxyde de fer. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement par le sulfate de protoxyde de fer ? Le sulfate de protoxyde de fer est pulvérulent ou cristallisé en prismes rhomboïdaux verts, transparens, d'une saveur styptique, analogue à celle de l'encre ; il s'efïleurit à l'air et devient blanc à — 543 — mesure qu'il perd de l'eau; mais bientôt après, le protoxyde de fer absorbe de l'oxygène à l'air, et le sel se trouve transformé en partie en sous-sulfate de sesqui-oxyde de fer jaunâtre ou couleur d'ocre. Il est entièrement soluble dans deux fois son poids d'eau froide, s'il n'a pas été transformé en sous-sulfate de sesqui-oxyde; car, dans ce cas, il n'y a de dissous que la partie du sel qui est restée à l'état de sulfate de protoxyde. La dissolution aqueuse est verte, transparente, et subit promptement à l'air la même altéra- tion que le sel solide; la potasse, la soude et l'ammoniaque en précipitent du protoxyde de fer blanc qui, par le contact de Fair, passe successivement au vert et au jaune d'ocre (sesqui-oxyde) ; le cyanure jaune de potassium et de fer fait naître un précipité blanc qui bleuit à l'instant même (cyanure de fer, bleu de Prusse); le cyanure rouge de potassium et de fer y occasionne de suite un précipité d'un bleu foncé. Il résulte des expériences de M. Smith et des miennes : 1° que le sulfate de protoxyde de fer introduit dans l'estomac des chiens à la dose de 8 à 10 grammes, les tue au bout de dix, quinze ou vingt-quatre heures; 2°qu'il en est de même lorsqu'il est appli- qué sous la peau de ces animaux, à la même dose; 3° qu'il déter- mine une irritation locale suivie de l'inflammation des parties avec lesquelles il a été mis en contact. Il est évidemment ab- sorbé. S XI. Des préparations de chrome. — De l'acide chromique, du bi-chromate de potasse et du chlorure de chrome, etc. Comment peut-on reconnaître l'empoisonnement produit par ces préparations de chrome? Acide chromique. Il est solide, d'un rouge de rubis foncé, très soluble dans l'eau et dans l'a lcool ; la dissolution aqueuse préci- pite les sels de plomb et de bismuth en jaune, ceux de protoxyde de mercure en rouge orangé et ceux d'argent en pourpre. Si on la fait bouillir avec du sucre, de l'amidon, etc., elle est décompo- sée et fournit du protoxyde vert. L'acide chromique, chauffé avec de l'acide chlorhydrique, cède son oxygène à l'hydrogène de l'a- - 544 - cide chlorhydrique, pour former de l'eau, et il se produit du chlo- rure de chrome vert. Bi-chromate de potasse. Il est sous forme de prismes rec- tangulaires, d'une belle couleur rouge, d'une saveur fraîche, amère el désagréable; il est inaltérable à l'air, presque insoluble dans l'alcool et soluble dans environ dix fois son poids d'eau dis- tillée à 60° c. La dissolution aqueuse rougit le tournesol et pré- cipite les sels de plomb etdebismuih en jaune, ceux de protoxyde de mercure, en un beau rouge orangé, ceux d'argent, en pour- pre. Chauffé avec de l'acide chlorhydrique, le bichromate de po- tasse fournit du chlorure de chrome vert et du chlorure de potas- sium; il se forme de l'eau, elil se dégage du chlore. Chlorure de chrome. Il est vert, et offre une saveur douceâtre; il précipite en vert grisâtre par les alcalis el les carbonates alca- lins, en vert par les sulfures, et par le cyanure ferrure de potas- sium, en brun par la noix de galle : l'acide sulfhydrique ne le trouble point. L'oxyde de chrome, séparé par les alcalis, fournit du chrome, si on le traite par du charbon à une température élevée. Action de ces composés sur l'économie animale. 1° Le bichromate dépotasse agit avec beaucoup plus d'éner- gie sur l'économie animale que le chlorure de chrome ; ce qui pa- raît tenir à ce que le chrome est oxydé dans le chromate. Quatre grammes de ce sel introduit dans'l'estomac des lapins occasion- nent la mort au bout d'une demi-heure, tandis que 3 grammes 33 centigrammes de chlorure de chrome (équivalant à 4 grammes environ de bichromate de potasse) ne tuent les mêmes animaux que dans l'espace de 21 heures. 2° Le chromate de potasse déter- mine chez les chiens un prompt vomissement; séjournant plus long-temps dans l'estomac, il développe une inflammation qui, du reste, n'est ordinairement pas très considérable. 3° Il peut être injecté en très petite quantité dans le système veineux, sans pro- duire d'effet sensible ; injecté à plus forte dose, il occasionne le vomissement, l'inflammation de l'estomac et la mort ; les ani- maux périssent même instantanément, si la quantité de chromate — 545 — est plus considérable. 4° Appliqué sur le tissu cellulaire, il donne lieu à l'amaigrissement, à l'inflammation de la conjonctive, à la sécrétion d'un mucus purulent, et à la formation, dans le système bronchial, d'un mucus fibreux, coagulé, et coloré par du sang; il produit, en général, une espèce de cachexie qui se dénote, entre autres symptômes, par une affection exanthématique. 5° Il exerce une action sur le système nerveux, comme l'annoncent la paraly- sie, les convulsions, etc. : il paraît, en général, déterminer la mort en paralysant ce système. Le chlorure de chrome agit d'une manière analogue, mais avec moins d'énergie, et il occasionne l'inflammation du poumon quand il est injecté dans les veines (Gmelin). Lorsqu'on applique l'acide chromique sur le derme dénudé, il se forme un ulcère extrêmement douloureux ; c'est sans aucun doute à la présence de cet acide libre dans les cuves des teintu- riers qui emploient le bi-chromate de potasse que l'on doit attri- buer les ulcérations douloureuses dont les ouvriers de Glascow sont atteints, et que le docteur Duncan a signalées le premier. Ces ulcérations s'étendent de plus en plus en profondeur, sans s'élargir, au point de traverser quelquefois l'épaisseur de l'avant- bras ou de la main ; cet effet remarquable d'une forte solution de bichromate de potasse est bien connu à Maryland, où cette sub- stance est manufacturée en grand; le docteur Baer l'a observé plus de vingt fois. Pour peu que l'épiderme fût enlevé, la solu- tion produisait un ulcère douloureux, pénétrant,qui, en dépitde tout traitement, traversait l'épaisseur du membre, à moins que le malade ne fût promptemenl éloigné de l'atelier où la substance était préparée. Le docteur Baer dit même avoir vu se former des ulcères dans des parties du corps où il est sûr que la solution n'a- vait pu être appliquée immédiatement. Il pense qu'alors le mal élait produit par l'acide chromique vaporisé et mêlé à l'atmos- phère. D'un aulre côté, la solution d'acide chromique la plus con- centrée ne fait aucune impression sur la peau recouverte d'un épiderme intact. Foui porte à croire que l'acide chromique iniroduit dans l'es- tomac agit comme les autres acides minéraux très irrilans (Du- catel, Mémoire cité). - 546 — Du molybdate d'ammoniaque. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le molybdaie d'ammoniaque? Le molybdate d'ammoniaque est sous forme d'une masse demi-transparente, soluble dans l'eau, douée d'une saveur styp- tique et piquante, incristallisable, et décomposable au feu en am- moniaque qui se volatilise en partie, et en bi-oxyde de molyb- dène bleu, dont on peut retirer le métal en le chauffant for- tement avec du charbon dans un creuset brasqué. Mis en con- tact avec un cylindre d'étain et un peu d'acide chlorhydrique, le molybdate d'ammoniaque est décomposé ; l'étain s'empare d'une partie de l'oxygène de l'acide molybdique, et il se précipite du molybdate de bi-oxyde de molybdène bleu : il se forme en même temps du bi-chlorure d'étain. Action du molybdate d'ammoniaque sur l'économie ani- male. Introduit dans l'estomac des chiens, à la dose de 4 gram- mes , il détermine le vomissement et la diarrhée : 2 grammes dissous dans 45 grammes d'eau et donnés à un lapin n'occasion- nèrent que de l'inappétence pendant les deux premiers jours ; mais alors les battemens du cœur s'affaiblirent sensiblement, et l'animal mourut dans le courant du troisième jour, en proie à de violentes convulsions qui durèrent un quart d'heure ; la mem- brane interne de l'estomac était le siège d'une violente inflamma- tion. M. Gmelin pense qu'il y avait eu désoxydation de Facide molybdique. Injecté dans la veine jugulaire des chiens de moyenne taille, à la dose de 50 centigrammes, il produit aussi le vomissement, la diarrhée, la faiblesse et la raideur des pattes postérieures ; mais l'animal ne meurt pas (Gmelin). Des sels d'urane. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels d'urane ? Les sels de bi-oxyde d'urane sont doués d'une saveur astrin- gente forte, sans mélange de saveur métallique : ils sont jaunes — 547 — ou d'un blanc jaunâtre; la potasse fait naître dans leurs dissolu- tions un précipité d'uranate 'de potasse jaune. Les carbonates solubles les précipitent en jaune citron ; l'acide sulfhydrique ne les trouble pas ; les sulfures y produisent un dépôt noirâtre de sulfure d'urane; le cyanure ferrure de potassium y occasionne un précipité rouge de sang, et l'infusion de noix de galle un préci- pité chocolat. Action de sels d'urane sur l'économie animale. Ces sels ont peu d'action sur l'estomac, et ne déterminent le vomissement qu'à haute dose. Les lapins ne les rejettent pas, et éprouvent une inflammation de l'estomac qui les fait périr. Introduits dans le système veineux, ils occasionnent promptement la mort, en dé- truisant l'irritabilité du cœur, et en coagulant le sang. Il est à remarquer toutefois que l'azotate d'urane ne coagule point le sang (Gmelin). Des sels de cerium. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de cerium ? Les sels solubles de protoxyde de cerium ont une saveur su- crée ; ils sont tous précipités en blanc par le cyanure ferrure de potassium, et par l'oxalate d'ammoniaque; mais le premier pré- cipité se dissout dans les acides azotique et chlorhydrique, tandis que le second y est insoluble. L'infusion de noix de galle et l'a- cide sulfhydrique ne les troublent point ; mais les monosulfures les précipitent en blanc (sulfure). L'ammoniaque en sépare de l'oxyde de cerium blanc, dont on peut retirer le métal à l'aide du charbon, à une température élevée, dans un creuset brasqué. Action des sels de cerium sur l'économie animale. Ces sels sont tellement peu actifs qu'ils n'ont pas même déterminé le vomissement chez les chiens auxquels on les a administrés. In- jectés à forte dose dans le système veineux, ils tuent instantané- ment, non pas en détruisant l'irritabilité du cœur, ni en coagu- lant le sang, mais en donnant lieu à une congestion cérébrale (Gmelin). 35. 548 Des sels de manganèse. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de manganèse? Les sels de manganèse sont incolores ou rosés ; la potasse, la soude et l'ammoniaque en séparent un oxyde blanc, qui ne tarde pas à jaunir et à brunir, en absorbant l'oxygène de l'air pour passer à Fétat de bi-oxyde; chauffé avec du charbon dans un creuset brasqué, à une température très élevée, cet oxyde four- nit le métal. Les carbonates, les phosphates, les borates solubles, et le cyanure ferrure de potassium, précipitent les sels de man- ganèse purs en blanc ; l'acide sulfhydrique ne les trouble point, tandis que les sulfures les précipitent en blanc rosé. Action des sels de manganèse sur l'économie animale. Le sulfate de manganèse, introduit à haute dose dans l'estomac des chiens, occasionne le vomissement. Les lapins le supportent assez bien : toutefois, si la dose est trop forte, il survient une inflam- mation de l'estomac, des convulsions, la paralysie et la mort. Appliqué sur le tissu cellulaire sous-cutané, le sulfate de manga- nèse est sans action. Injecté à petite dose dans le système vei- neux, il se borne à faire vomir : mais si la dose est plus forte, il tue instantanément en détruisant l'irritabilité du cœur, ou bien il détermine une forte paralysie apoplectique, dont l'animal se relève au bout de quelque temps, et qui finit cependant par ame- ner la mort. Les symptômes qui se manifestent dans ce dernier cas sont le vomissement, l'inappétence et un grand abattement. L'estomac, l'intestin grêle, le foie, la rate, et même le cœur, of- frent des traces non équivoques d'inflammation ; tous les intes- tins et les gros vaisseaux sont fortement colorés par la bile (Gmelin). Des sels de nickel. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de nickel? Les dissolutions de nickel sont vertes, d'une saveur d'abord — 549 — sucrée et astringente, puis acre et métallique; la potasse, la soude et l'ammoniaque séparent un oxyde vert, très soluble dans l'ammoniaque (ammoniure bleu); l'oxyde précipité, traité par le charbon, à une température élevée, fournit le nickel. Les dissolutions de nickel sont précipitées en blanc jaunâtre, ti- rant au vert, par le cyanure ferrure de potassium , en flocons blanchâtres par l'infusion alcoolique de noix de galle, en noir par les sulfures et par Facide sulfhydrique : celui-ci ne les pré- cipite qu'autant qu'elles sont peu acides. Action des sels de nickel sur l'économie animale. Le sulfate de nickel, introduit dans l'estomac des chiens, occasionne le vomissement. Il tue subitement si on l'injecte à assez forte dose dans le système veineux ; si la quantité est moins considé- rable, il produit le vomissement et la diarrhée, l'amaigrissement, l'affaiblissement du corps, une cachexie générale, etc. Les lapins à qui on a administré le même sel, périssent au milieu des con- vulsions, et à l'ouverture des cadavres on trouve que l'estomac a été enflammé. Le sulfate de nickel peut être appliqué impuné- ment sur le tissu cellulaire sous-cutané ; il ne détermine même pas le vomissement (Gmelin). Des sels de cobalt. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de cobalt? Presque tous les sels de cobalt sont d'une couleur rose. La po- tasse, la soude et l'ammoniaque en précipitent un oxyde bleu, dont on peut retirer le métal à l'aide du charbon et d'une température élevée ; cet oxyde se dissout dans l'ammoniaque en fournissant un liquide rouge, si le sel de cobalt est pur. L'acide sulfhydrique ne les précipite point ; les sulfures les précipitent en noir, le cyanure ferrure de potassium en vert d'herbe, et les carbonates, les phosphates, les arséniates et les oxalates, en rose. Action des sels de cobalt sur l'économie animale. Ils agissent comme les sels de nickel, avec cette différence qu'ils oc- casionnent des vomissemens lorsqu'on les met en contact avec le tissu cellulaire sous-cutané (Gmelin). - 550 — Des sels de platine. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de platine? Le chlorure de platine est en cristaux bruns déliquescens, très solubles dans l'eau, et décomposables par le feu en laissant du platine; mais le plus souvent il est sous forme d'un liquide jaune, s'il est étendu, et brun quand il est concentré, d'une sa- veur styptique désagréable : ce solutum fournit avec la potasse et les sels de potasse un précipité jaune serin cristallin, grenu, dur, adhérent aux parois du verre. L'ammoniaque et les sels am- moniacaux le précipitent également en jaune serin ; ces précipi- tés ne se forment qu'autant que les dissolutions sont moyenne- ment concentrées. La soude et les sels de soude ne troublent le chlorure de platine qu'autant que les dissolutions sont très con- centrées ; l'iodure de potassium, étendu de beaucoup d'eau, lui communique une teinte jaune qui se fonce peu-à-peu, et qui, au bout de dix à quinze minutes, à une couleur rouge vineuse : ce caractère est un des plus sensibles pour découvrir un sel de pla- tine. Le sulfate de protoxyde de fer ne précipite point le chlo- rure de platine ; l'acide sulfhydrique et les sulfures le précipi- tent en noir, et le cyanure ferrure de potassium en jaune serin. Action des sels de platine sur Véconomie animale. Les sels de platine, introduits dans l'estomac, ou injectés dans le système veineux, donnent lieu à des vomissemens violens, à une diarrhée dysentérique, et à une inflammation de l'estomac et des intestins : les désordres sont plus marqués lorsque ces sels sont injectés dans les veines, que quand ils sont introduits dans l'es-' tomac : en effet, dans ce dernier cas, l'inflammation est bornée à l'estomac et à l'intestin grêle, tandis que, dans l'autre, elle inté- resse en outre le colon et la vessie. Appliqués sur le tissu cellu- laire sous-cutané, les sels dont il s'agit ont peu ou point d'action, puisque 8 grammes de chlorhydrate ammoniaco de platine ont à peine détermine le vomissement; et encore pourrait-on suppo- ser que ce symptôme était le résultat de la grande irritation pro- duite par la plaie, qui était fort considérable (Gmelin). — 551 — Des sels de palladium. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de palladium? Les sels de protoxyde de palladium sont rouges ou jaunes bru- nâtres; la potasse en précipite un oxyde hydraté orangé, dont on peut retirer le métal par une calcination violente. L'acide sulfhydrique et les sulfures les précipitent en brun noirâtre, le cyanure ferrure de potassium en jaune ; le fer, le zinc, le cuivre et ïe sulfate de prqgoxyde de fer en séparent le palladium. Action des sels de palladium sur l'économie animale. Le chlorure de palladium, introduit dans l'estomac des chiens, occasionne le vomissement et la diarrhée ; il détermine la mort des lapins, après avoir donné lieu à une inflammation de Festo- mac , dont la marche n'est pas très rapide ; la vessie est égale- ment enflammée, et il y a sécrétion d'urine sanguinolente. In- jecté dans le système veineux, même à très petite dose, il tue presque instantanément, en détruisant l'irritabilité du cœur, et en coagulant le sang (Gmelin). Des sels d'iridium. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels d'iridium? Quoique l'iridium puisse former plusieurs séries de sels par la combinaison des acides avec les quatre oxydes qu'il fournit, suivant M. Berzelius, on ne connaît qu'un petit nombre de ces sels. Le sulfate de tritoxyde de Berzelius est jaune, incristalli- sable, soluble dans l'eau et dans l'alcool; la dissolution aqueuse, de couleur orange, n'est point précipitée par les alcalis ; toutefois, le chlorure de baryum y fait naître un précipité de sulfate de ba- ryte coloré en jaune de rouille par le tritoxyde d'iridium. Tous les sels à simple base d'iridium, calcinés avec de la potasse, donnent de l'iridium métallique. Action des sels d'iridium sur Véconomie animale. Les sels d'iridium peu solubles sont sans action ; ceux qui se dissol- — 552 — vent mieux se bornent à faire vomir et à purger les chiens ; quant aux lapins, comme ils ne peuvent point vomir, ils périssent pro- bablement par suite de l'inflammation de l'estomac et des intes- tins grêles. Injectés dans le système veineux, les sels dont je parle paraissent ne rien produire d'abord ; mais plus tard la mort arrive subitement, probablement par suilede l'anéantisse- ment de l'irritabilité du cœur (Gmelin). Des sels de rhodium. Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par les sels de rhodium? Les sels de rhodium sont d'un rouge intense, jaunes ou bruns, si leurs dissolutions sont concentrées, et roses si elles sont éten- dues. Les carbonates alcalins, l'acide sulfureux et le cyanure fer- rure de potassium ne les troublent point ; les alcalis caustiques en précipitent, au bout d'un certain temps, un oxyde jaune ver- dâtre ; le zinc et le fer en précipitent le rhodium à Fétat métal- lique. Action des sels de rhodium sur Véconomie animale. Le chlorure de rhodium et de sodium, introduit dans l'esto- mac, n'exerce aucune action nuisible ; il est très peu actif lors- qu'il est injecté dans les veines, puisque les animaux ne péris- sent, même lorsqu'il a été employé à forte dose, qu'au bout de quatre à cinq jours, et l'on ne découvre, après la mort, qu'une légère inflammation de l'estomac, de l'intestin grêle et des pou- mons (Gmelin). Du peroxyde d'osmium (acide osmique). Comment peut-on reconnaître que l'empoisonnement a eu lieu par le peroxyde d'osmium? Le peroxyde d'osmium est incolore, transparent, très brillant et crislallisable ; il a une saveur très caustique, analogue à celle de l'huile de girofle ; il a une odeur très désagréable ; il esl flexible comme la cire, plus fusible qu'elle et très volatil. Il est très soluble dans l'eau ; celle dissolution bleuit par l'infusion de — 553 — noix de galle ou par une lame de zinc. Il noircit sur-le-champ lorsqu'il est en contact avec des matières organiques humides. Action du peroxyde d'osmium sur l'économie animale. La dissolution d'oxyde d'osmium dans l'eau peut être introduite impunément, à la dose de 8 grammes, dans le système veineux des chiens : 60 grammes de cetle liqueur, injectés dans la veine jugulaire des mêmes animaux, ont déterminé une évacuation al- vine ordinaire, l'inappétence, des vomissemens de matières écu- meuses, de la fatigue, la difficulté de respirer, de légères convul- sions, et la mort au bout d'une heure. A l'ouverture du cadavre, faite immédiatement après, on vit que les poumons étaient rem- plis d'un liquide séreux qui les paralysait et jetait le désordre dans ses dépendances : le ventricule droit du cœur, ainsi que le foie, les reins, la rate et les veines de l'abdomen étaient gorgés d'un sang noir, liquide, qui ne se coagula que long-temps après. On ne découvrit nulle pari de traces d'inflammation. Introduite dans l'estomac des chiens à la dose de 40, 48 à 60 grammes, la dissolution d'osmium agit essentiellement comme émélique, en sorte qu'elle est presque entièrement rejetée sans occasionner d'incommodité notable ; la portion qui n'est pas vomie, et qui traverse le canal intestinal est réduite à l'état mé- tallique par les fluides animaux, et sort avec les excrémens sous forme de flocons noirs qui sont de l'osmium métallique (Gmelin). §XII. De l'empoisonnement produit par des mélanges de sub- stances vénéneuses. Depuis quelques années, les recueils scientifiques ont fait men- tion d'empoisonnemens occasionnés par des mélanges d'acide ar- sénieux et de laudanum , d'azotate de protoxyde de mercure et de vert de gris, etc.; les symptômes et les lésions de tissu déter- minés par ces mélanges ont été décrits par les médecins qui les avaient observés ; mais personne, que je sache, ne s'est occupé de la partie chimique de ces empoisonnemens composés. J'ai cru devoir étudier ce sujet avec d'autant plus de soin, que des phé- — 554 - nomènes remarquables, et j'oserai dire inattendus, se sont pré- sentés à mon observation. Plusieurs fois des poisons que l'on n'aurait pas crus susceptibles de se décomposer, ont fortement réagi les uns sur les autres, en sorte que lorsqu'on les cherchait par des réactifs propres à les déceler séparément, on ne décou- vrait que le produit de ces réactions, c'est-à-dire les composés qui s'étaient formés. Je n'hésite pas à le dire, l'expert le plus versé dans les opérations chimiques, s'il avait à reconnaître un empoisonne- ment par quelques-uns des mélanges dont je vais faire mention, commettrait les erreurs les plus graves, s'il ne possédait pas les données qui font la base de ce travail ; il pourrait, par exemple, conclure, d'après un certain nombre d'expériences, qu'un indi- vidu a été empoisonné par un mélange d'acide arsénique et de protochlorure de mercure ou de mercure métallique, tandis que l'empoisonnement aurait eu lieu par du sublimé corrosif et de l'acide arsénieux, ou bien que l'empoisonnement a été déterminé par de Facide antimonique (peroxyde), mélangé de protoxyde de mercure et tartrate de protochlorure de mercure, lorsqu'il n'y a eu d'avalé que du sublimé corrosif et de l'émétique. Je pourrais multiplier les citations, si celles-ci ne suffisaient pas pour faire sentir toute l'importance de ces recherches. Je déterminerai, d'une part, quels sont les effets des princi- paux réactifs sur des mélanges des poisons minéraux les plus importans, et j'agirai, pour chacun de ces mélanges, avec des dissolutions concentrées. Ce problème résolu, je m'occuperai des moyens de séparer les poisons qui constituent le mélange ; et si ce but ne peut pas être atteint, du moins je donnerai les procé- dés qui permettent d'apprécier la nature et les proportions des métaux ou des oxydes métalliques qui constituent ces poi- sons (1). (1) Mes expériences ont été faites avec des réactifs purs, et je mets d'autant plus d'empressement à le déclarer, qu'ayant eu l'occasion d'en répéter un certain nombre, en employant des dissolutions et des réactifs que l'on considérait comme purs, et qui ne l'étaient pas, je n'ai pas toujours obtenu les résultats énoncés. Je dois encore prévenir que dans la partie analytique des opérations auxquelles je me &uis livré, j'ai eu principalement pour but de faire connaître la nature des poisons, et non pas d'en déterminer les proportions d'une manière rigoureuse. Si telle eût été mon intention, j'aurais eu souvent recours à d'autres méthodes que celles que j'ai — 555 — Mélange de sublimé corrosif et d'acide arsénieux. Dissolution concentrée. Trois volumes de sublimé corro- sif et autant d'acide arsénieux. L'acide sulfhydrique y fait naître un précipité jaune sale avec quelques parcelles noires (mé- lange de sulfure jaune d'arsenic et de sulfure de mercure noir); en ajoutant de l'ammoniaque, on dissout le sulfure d'arsenic, et il ne reste que du sulfure de mercure noir. Le sulfaté de cuivre ammoniaeal précipite la dissolution en jaune verdâtre : c'est un mélange d'arsénite de cuivre vert et du précipité blanc que fait naître l'excès d'ammoniaque du réactif dans le sublimé. L'azo- tate d'argent, s'il est acide, produit un précipité blanc de chlo- rure d'argent ; mais si on ajoute un peu d'ammoniaque, le dépôt devient légèrement jaunâtre, parce qu'il se forme de l'arsénite d'argent. La potasse caustique fournit un précipité blanc, qui devient noir si l'on ajoute un excès d'alcali ; tandis que le sublimé seul précipiterait en jaune, et que l'acide arsénieux ne serait point troublé par cet alcali. Le premier de ces précipités, celui qui est blanc, est formé de protochlorure de mercure et d'arséniate de protoxyde de mercure ; le précipité noir est du mercure métallique et du protoxyde noir : d'où il suit que Facide arsénieux s'est transformé en acide arsénique, tandis que le sublimé corrosif se trouve réduit à l'état de protochlorure d'a- bord , puis à l'état de mercure. Voici les expériences qui met- tent cette assertion hors de doute : si, après avoir lavé le préci- pité blanc, on le laisse sécher sur un filtre, on verra qu'il est d'un blanc jaunâtre ; traité par l'acide azotique faible à froid, il se dissoudra en partie (l'arséniate de protoxyde de mercure), et la dissolution précipitera en noir par la potasse ; la portion non dissoute, lavée, desséchée et chauffée dans un tube de verre, se sublimera comme le protochlorure de mercure, et le produit de la sublimation offrira toutes les propriétés de ce protochlorure. proposées. Je ne l'ai point fait, parce que cela m'a semblé inutile, et parce que les méthodes dont je veux parler ne seraient pas à la portée des experts peu habitués à ce genre de recherches. — 556 — Si l'on examine la liqueur dans laquelle se sont formés d'abord le prolochlorure de mercure, puis le mercure métallique, on verra qu'elle est très alcaline ; si on la sature par l'acide chlorhydrique pur, après l'avoir filtrée, qu'on l'évaporé jusqu'à siccité, el qu'on dissolve le produit de l'évaporalion dans l'eau, on obtiendra un solutum que le sulfate de cuivre précipitera en bleu (arséniate), et dans lequel l'azotate d'argent fera naître un précipité blanc de chlorure d'argent mélangé d'arséniate d'argent rouge : donc, par suite de l'action de la potasse sur le mélange de sublimé et d'acide arsénieux, une partie de cet acide se transforme en acide arsénique. L'ammoniaque versée dans la dissolution concentrée de su- blimé et d'acide arsénieux y fait naître un précipité blanc, beau- coup plus soluble dans l'ammoniaque que ne l'est le précipité fourni par cet alcali et le sublimé corrosif sans mélange. Une lame de cuivre se comporte avec cette dissolution comme avec le sublimé corrosif. Analyse. On lit dans le tome cinquième des Archives géné- rales de médecine une observation rapportée par Julia Fonte- nelle, dans laquelle il s'agit d'un élève en pharmacie qui avala, dans le dessein de se suicider, 4 grammes de sublimé corrosif, mêlé à 6 grammes d'acide arsénieux. On séparera aisément le sublimé corrosif de l'acide arsénieux, en traitant la poudre ténue par l'éther sulfurique à froid, et en agitant de temps en temps dans un flacon à l'émeri bien bouché ; le sublimé seul sera dis- sous ; on décantera la liqueur, et on l'évaporera pour obtenir le bi-chlorure à l'état solide. Le même moyen devrait être employé si les deux poisons étaient dissous dans Feau, l'éther jouissant de la propriété d'enlever à ce liquide une grande partie du bi- chlorure de mercure qu'il tient en dissolution, et n'agissant pas sur le solutum arsenical. Mélange de sublimé corrosif et d'acétate de cuivre. Dissolution concentrée. Trois volumes de sublimé cor- rosif et autant d'acétate. L'acide sulfhydrique la préci- pite en noir, la potasse en beau vert ; ce dernier précipité est un mélange de bi-oxyde de mercure jaune et de bi-oxyde de cuivre — 557 — bleu. Si Fon traite le mélange de ces deux oxydes par un peu d'ammoniaque, on dissout celui de cuivre, et l'on obtient de l'acétate ammoniaco-cuivreux bleu soluble, et du chlorure aramo- niaco-mercuriel blanc insoluble. Le cyanure ferrure de potas- sium produit dans cette dissolution concentrée un précipité brun marron, mélangé de parcelles blanchâtres. Une lame de cuivre se comporte comme si le sublimé était seul ; une lame de fer en sépare du cuivre, pourvu que la dissolution soit légèrement acidulée. Analyse. On traite le mélange pulvérulent par l'éther, qui dissout du bichlorure sans dissoudre l'acétate de cuivre ; on agit par conséquent comme il a été dit à l'occasion du mélange de sublimé corrosif et d'acide arsénieux. Mélange de sublimé corrosif et d'acétate de plomb. Dissolution concentrée. Trois volumes de sublimé et au- tant d'acétate. L'acide sulfhydrique y fait naîlre un précipité noir de sulfure de mercure et de sulfure de plomb; la potasse en sé- pare les oxydes de mercure et de plomb ; le mélange est blanc mêlé de jaune, et devient jaunâtre, puis rouge, par un excès d'al- cali : alors tout le protoxyde de plomb a été redissous. L'ammo- niaque précipite en blanc, ainsi que l'acide sulfurique et les sul- fates ; les chromâtes solubles en jaune, et l'iodure de potassium en rouge clair capucine (mélange d'iodure de plomb jaune et de bi-iodure de mercure carmin). Une lame de cuivre brunit dans cette dissolution comme dans le sublimé, et devient blanche, brillante, argentine, par le frottement. Analyse. On séparera le sublimé corrosif de l'acétate de plomb au moyen de l'éther {V. page 556). Mélange de sublimé corrosif et de tartrate de potasse et d'antimoine. Dissolution concentrée. Trois volumes de sublimé et autant de tartrate. La liqueur se trouble dans l'instant même, et continue à blanchir lorsqu'on y ajoute de l'eau ; le précipité blanc ramassé se trouve être un mélange de beaucoup de proto- chlorure et d'un peu de tartrate de protoxyde de mercure; en — 558 - effet, qu'on le traite par Facide azotique faible à froid, on ne dis- soudra que le tarira te de mercure ; et en versant de la potasse dans la dissolution azolique, on obtiendra de l'oxyde noir de mercure et un mélange d'azotate et de larirate de potasse. La portion non dissoute par l'acide azolique est du protochlorure de mercure, comme on peut s'en convaincre en la sublimant dans un tube de verre, après l'avoir lavée et desséchée. Si, au lieu de traiter le précipité blanc par l'acide azolique faible, on le chauffe dans un tube de verre, on obtient du protochlorure de mercure qui se sublime, du charbon, et un atome de mercure métallique provenant de la petite quantité de tartrate de mercure qui a été décomposée. Il résulte de ces faits que le protoxyde d'antimoine de l'émétique passe à un degré d'oxydation supérieur, c'est-à-dire à l'état d'acide antimonique, aux dépens de l'oxygène de l'eau et le sublimé corrosif se trouve réduit à l'état de protochlorure et de tartrate de protoxyde de mercure insolubles. La liqueur doit donc contenir et contient en effet de Facide antimonique, comme je vais l'établir en parlant de l'action de la potasse sur le mélange de sublimé et d'émétique. Si l'on verse dans le mélange trouble et étendu d'eau de l'acide sulfhydrique, la liqueur devient rouge, comme si l'émélique était seul ; mais elle ne tarde pas à déposer un précipité olive, qui est un mélange de sulfure rouge d'antimoine et de sulfure noir de mercure. L'infusion alcoolique de noix de galle ne préci- pite ce mélange en gris blanc jaunâtre qu'autant qu'il n'est pas étendu de beaucoup d'eau. L'iodure de potassium, employé en très petite quantité, le précipite en jaune, qui passe de suite au rose clair, et qui devient d'un beau rouge carmin par l'addition d'une petite quantité d'iodure : ce précipité paraît plus soluble dans un excès d'iodure de potassium que le bi-iodure de mer- cure préparé en décomposant un sel de bi-oxyde de mercure par l'iodure de potassium. La potasse fournit, avec ce mélange trouble, un précipité noir abondant, tandis que le sublimé seul précipite en jaune, et l'é- métique en blanc par cet alcali. Ce précipité est du protoxyde noir de mercure, et il suffit de le mettre sur un filtre et de le des- sécher pour apercevoir le mercure métallique, même à l'œil nu; — 559 — d'où il suit que le protochlorure et le tartrate de protoxyde ont été décomposés par la potasse et par le protoxyde d'antimoine, et que celui-ci, en se suroxydant, a dû passer à l'état d'acide antimoni- que : la liqueur doit donc contenir du chlorure, du tartrate et de l'antimoniate de potassium et de la potasse en excès. On peut s'assuntr que telle est sa composition en la faisant évaporer jus- qu'à pellicule ; le chlorure de potassium seul cristallisera (on sait combien le tartrate de potasse cristallise difficilement) et pourra être facilement séparé. La liqueur contenant du tartrate, de l'an- timoniate de potasse et de la potasse, sera saturée avec ménage- ment par Facide sulfurique affaibli, qui précipitera l'acide anti- monique, facile à reconnaître après l'avoir filtré et lavé. La nouvelle liqueur filirée, composée de tartrate et de sulfate de po- tasse, sera décomposée par l'eau de chaux, qui en précipitera du tartrate de chaux blanc. L'ammoniaque fait naître dans le mélange de sublimé et d'é- métique un précipité gris noirâtre qui semble formé d'un mélange de blanc et de noir : ce précipité doit contenir du protoxyde de mercure, et il doit s'être passé quelque chose d'analogue à ce qui a lieu avec la potasse. Une lame de cuivre placée dans cette dissolution brunit et de- vient blanche, brillante, argentine, par le frottement, comme avec le sublimé. Analyse. On traitera le mélange de sublimé corrosif et d'é- métique par l'éther, qui dissoudra une grande partie du premier et n'agira pas sur l'autre {voy. page 556). Mélange de parties égales de sublimé corrosif et de quelques acides. Dissolution de bichlorure de mercure et acide sulfuri- que. Il se forme un pïécipité blanc cristallin de bichlorure de mercure : l'acide sulfurique s'est borné à enlever l'eau qui tenait le sublimé en dissolution ; aussi suffit-il d'ajouter un peu de ce liquide pour redissoudre le bichlorure. Cette dissolution rougit le tournesol, et précipite en noir par l'acide sulfhydrique, en jaune par la potasse, en rouge carmin par l'iodure de potassium, — 560 - en blanc par le cyanure jaune de potassium et de fer, en blanc jaunâtre par l'eau de baryte, el le précipité se dissout en partie dans Facide azotique (il ne reste que du sulfate de baryte blanc). L'ammoniaque ne la trouble point; le cuivre est terni sur-le- champ et devient blanc, brillant, argentin, par le frottement. Dissolution de sublimé corrosif et acide azotiqdk. Elle rougit fortement le tournesol ; l'acide sulfhydrique , la potasse, l'iodure de potassium et le cyanure de potassium et de fer la pré- cipitent comme si le sublimé était seul; l'ammoniaque ne la trouble point, tandis qu'elle précipite le bichlorure de mercure en blanc : le cuivre est terni sur-le-champ par le mercure qui se dépose; mais bientôt après, si l'acide azotique n'est pas trop étendu, il se dégage du gaz bi-oxyde d'azote qui passe à l'état d'acide azoteux orangé par l'action de l'air. Dissolution de sublimé corrosif et acide phosphorique. Elle rougit le tournesol. L'acide sulfhydrique la précipite en noir, la potasse en jaune, et l'eau de chaux en blanc (phosphate de chaux), à moins que la proportion de sublimé ne soit très forte, car alors le précipité est jaune (bi-oxyde de mercure mêlé de phosphate de chaux). L'azotate d'argent y fait naître un pré- cipité blanc de chlorure d'argent qui devient jaune par places. (phosphate d'argent) quand on y ajoute de la potasse ; une lame de cuivre est ternie sur-le-champ, et elle devient blanche, bril- lante, argentine, par le frottement. Analyse des mélanges de sublimé et d'acides sulfurique, azotique ou phosphorique. On saturerait les acides libres, par la potasse, dont on se garderait bien d'employer unexcès; on évaporerait à siccité, puis on chaufferait : le bichlorure de mer- cure se sublimerait, et il resterait du sulfate, de l'azotate ou du phosphate de potasse, dans lesquels on déterminerait aisément la présence et la proportion des acides. Dissolution de sublimé et acide oxalique. Elle rougii le tournesol, et précipite en noir par l'acide sulfhydrique, en jaune par la potasse, en rouge carmin par l'iodure de potassium ; l'eau de chaux la précipite en blanc (oxalate de chaux), à moins qu'il n'y ait beaucoup de sublimé, car alors il se forme d'abord un précipité blanc qui se ramasse au fond du verre, et quelques in- _ 561 — stans après il se dépose du bi-oxyde de mercure jaune qui reste sur l'autre précipité, jusqu'à ce que l'on agite la liqueur. L'azo- tate d'argent fournil avec le mélange de sublimé et d'acide oxa- lique un précipité blanc soluble dans l'ammoniaque, et en partie soluble dans Facide azolique qui dissout l'oxalate d'argent et laisse le chlorure de ce métal ; une lame de cuivre est ternie par cette dissolution, et prend par le frottement un aspect brillant et argentin. On analyserait ce mélange en saturant Facide oxalique par la potasse et en traitant par l'alcool qui dissoudrait le sublimé, et n'agirait pas sensiblement sur l'oxalate : ce sel serait ensuite dé- composé par l'acétate de plomb qui donnerait de l'oxalate de plomb insoluble, dont on retirerait Facide oxalique par les pro- cédés ordinaires. Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et de vert de gris. On lit dans le numéro d'avril 1831 du Journal d'Edimbourg qu'un garçon boucher périt au bout de trois heures, pour avoir avalé sept parties de mercure dissous dans huit d'acide azotique et mélangé d'un peu de vert de gris (Observation rapportée par M. Bigsley). Dissolution concentrée. Trois volumes d'azotate de mer- cure et autant d'acétate de cuivre. A peine ce mélange est-il fait, qu'il se produit un précipité blanc d'acétate de protoxyde de mer- cure, et il reste en dissolution de l'azotate de bi-oxyde de cuivre, facile à reconnaître. On détermine la nature du précipité en en traitant une portion par l'acide sulfurique pour en dégager l'acide acélique, et une autre portion par la potasse qui en sépare une masse noire (protoxyde de mercure), de laquelle il est aisé de retirer du mercure métallique, après l'avoir desséchée. Il résulte de ce qui précède que les experts n'auront jamais à expérimenter sur un mélange de pareilles dissolutions concentrées. Si, au lieu d'agir ainsi, on triture du vert de gris avec de l'azotate de protoxyde de mercure solide, et qu'on y ajoute de l'eau distil- lée, on verra, après avoir filtré, que la liqueur est formée d'azo- tate de bi-oxyde de cuivre et d'une petite quantité de sel de nr. 36 — 562 — protoxyde de mercure; en effet, une lame de cuivre en séparera du mercure métallique, et l'ammoniaque y fera naître un pré- cipité bleu qui ne sera pas entièrement soluble dans un excès de cet alcali. La portion non dissoute par l'eau contient de l'acé- late de protoxyde de mercure, et tout l'oxyde de cuivre du vert de gris qui n'était pas combiné avec Facide acétique. Ce préci- pité, bien lavé et traité par la potasse à froid, fournira de l'acé- tate de potasse soluble et de l'oxyde noir de mercure mélangé d'oxyde de cuivre. Si on filtre, la liqueur dégagera de l'acide acé- tique par l'acide sulfurique, tandis que les deux oxydes restés sur le filtre, s'ils sont desséchés et chauffés dans un lube de verre, donneront de l'oxygène, du mercure métallique et un ré- sidu de bi-oxyde de cuivre. Si la dissolution formée de trois volumes d'azotate de protoxyde de mercure et d'autant d'acétate de cuivre est très étendue d'eau, elle se trouble à peine et précipite en noir par l'acide sulfhydrique, en olive très foncé, presque noir, par la po- tasse. Ce précipité, traité par l'ammoniaque, donne un sel am- moniaco-cuivreux bleu céleste, soluble, et du protoxyde noir de mercure insoluble. L'acide chlorhydrique précipite ce mélange en blanc, le cyanure jaune de potassium et de fer en brun mar- ron , d'autant plus foncé que la proportion du sel cuivreux est plus forte, le chromate de potasse en cannelle clair, l'acide arsé- nieux en blanc verdâtre clair ; enfin une lame de fer en sépare du cuivre. Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'acide arsénieux. L'acide arsénieux fournit, avec l'azotate de protoxyde de mer- cure, un précipité blanc insoluble dans l'acide arsénieux et soluble dans l'acide azotique. S'il s'agissait d'analyser une poudre com- posée de ces deux corps, on la traiterait par le carbonate de po- tasse qui fournirait de l'arsénite de potasse soluble et du carbo- nate de mercure insoluble; la liqueur serait acidulée et décomposée par un courant de gaz sulfhydrique, pour avoir du sulfure d'ar- senic; le précipité serait chauffé et donnerait du mercure mé- tallique. - 563 — Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'acétate de plomb. Dissolution concentrée, parties égales. Il se forme un préci- pité blanc d'acétate de protoxyde de mercure. Si on a préalable- ment étendu les liqueurs d'eau, la dissolution conserve sa trans- parence. La potasse la précipite en noir mêlé de blanc, qui, par l'agitation, devient olive clair, Facide sulfhydrique en noir, Fa- cide chlorhydrique en blanc (protochlorure de mercure), l'iodure de potassium en jaune verdâtre sale, le chromate de potasse en jaune orangé, le cyanure jaune de potassium et de fer en blanc ; une lame de cuivre brunit et devient blanche, brillante, argen- tine, par le frottement. On analyserait un pareil mélange en l'étendant d'eau, et en y versant de l'acide chlorhydrique qui précipiterait le sel de mer- cure à l'état de protochlorure, et qui formerait, avec le plomb, du protochlorure soluble dans la quantité d'eau que contient la dissolution. Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'émétique. Dissolution concentrée ou affaiblie. Elles se décomposent mutuellement, et il en résulte un précipité blanc de tartrate de protoxyde de mercure. S'il s'agissait d'analyser un pareil mélange pulvérulent, il faudrait le traiter par le carbonate de potasse, qui le transformerait en carbonate de mercure et en oxyde d'antimoine insolubles et en azotate et tartrate de potasse solubles : le préci- pité bouilli avec l'acide azolique fournirait de l'azotate de bi- oxyde de mercure soluble et de l'oxyde d'antimoine insoluble. Quant à la liqueur, on la traiterait par l'eau de chaux qui préci- piterait l'acide tartrique à Fétat de tartrate de chaux, et laisserait dans la dissolution de l'azotate de potasse, de la potasse et l'excès de chaux ; on l'évaporerait jusqu'à siccité, et on la distillerait avec de Facide sulfurique pour obtenir de Facide azotique. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acide arsénieux. L'acide arsénieux précipite en blanc la dissolution d'azotate de 36. — 564 — bi-oxyde de mercure, à moins qu'il n'y ait un excès d'acide ; dans ce dernier cas, le liquide est transparent et précipite en jaune par la potasse, en rouge carmin par l'iodure de potassium , en blanc par l'ammoniaque, et le dépôt se dissout dans un excès de cet alcali ; le sulfate de cuivre ammoniacal le précipite en jaune verdâtre (mélange d'arséniate de cuivre vert et de chlorhydrate ammoniaco-mercuriel blanc). L'acide sulfhydrique fournit un précipité qui d'abord paraît jaune, mais qui se dépose prompte- ment en ajoutant plus d'acide, et alors il est noir mêlé de jaune. Si l'on traite par l'ammoniaque le mélange de ces deux sulfures, celui d'arsenic est dissous, et il ne reste que du sulfure noir de mercure. Une lame de cuivre est ternie, et devient brillante, argentine par le frottement. On analyserait le mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acide arsénieux comme celui qui est formé d'azotate de pro- toxyde et du même acide. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acétate de cuivre. La dissolution aqueuse et concentrée de vert de gris (acétate de cuivre) se trouble légèrement lorsqu'on la mélange avec de l'azotate de bi-oxyde de mercure dissous; mais au bout de quel- ques heures il se forme un précipité d'acétate de bi-oxyde de mercure de couleur jaune sale. La liqueur, examinée avant qne le précipité soit formé, précipite en jaune verdâtre par la po- tasse : si on traite par l'ammoniaque les deux oxydes précipités, on obtient de l'azotate ammoniaco-cuivreux bleu céleste soluble, et de Fazolate ammoniaco-mercuriel blanc insoluble. L'acide sulfhydrique précipite cette liqueur en noir, le cyanure jaune de potassium et de fer en brun marron, d'autant plus clair que la proportion du sel mercuriel est plus faible, et l'iodure de potas- sium en rouge carmin ; une lame de cuivre noircit sur-le-champ, et devient brillante, argentine par le frottement. Lorsqu'on a laissé réagir l'azotate de bi-oxyde de mercure et l'acétate de cuivre assez long-temps pour qu'il se soit formé un précipité, la liqueur contient de l'azotate de bi-oxyde de cuivre —- 565 — et une quantité notable d'acétate de bi-oxyde de mercure non précipité ; en effet, si on la précipite par un excès d'ammonia- (flue, on obtient de l'azotate ammoniaco-cuivreux bleu soluble et du bi-oxyde de mercure insoluble. La portion d'acéiate de mer- cure précipité dégage de l'acide acétique lorsqu'on la traite par l'acide sulfurique, et la potasse en sépare du bi-oxyde de mercure jaune. Lorsqu'on triture de l'azotate de bi-pxyde de mercure et du vert de gris pulvérisés, et qu'on ajoute de l'eau distillée, on obtient de l'azotate de bi-oxyde de cuivre et de l'acétate de bi- oxyde de mercure dissous, et un précipité composé d'acétate de bi-oxyde de mercure et de l'oxyde de cuivre qui était en excès dans le vert de gris. On analysera ce liquide et ce précipité comme ceux qui se produisent en triturant le vert de gris avec de l'azotate de protoxyde de mercure. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acétate de plomb. Lorsqu'on mêle parties égales des dissolutions concentrées de ces deux sels, on voit que la liqueur conserve sa transparence et qu'elle précipite en blanc par les sulfates, en jaune par la po- tasse, en blanc par l'ammoniaque, en noir par Facide sulfhydri- que ; l'iodure de potassium y produit un précipité mélangé de jaune et de carmin ; une lame de cuivre est noircie et devient bril- lante, argentine par le frottement. On analyserait un pareil mélange en l'étendant d'eau et en y versant de l'acide sulfurique qui ne précipiterait que le plomb à Fétat de sulfate, et laisserait du sulfate de bi-oxyde de mercure en dissolution. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et de tartrate de potasse antimonie. Ces deux sels se décomposent mutuellement et donnent nais- sance à un précipité blanc abondant. S'il s'agissait de recon- naître un pareil mélange pulvérulent, il faudrait le décomposer par le carbonate de poiasse, et agir comme il a été dit à l'occasion de l'azotate de protoxyde de mercure mélangé d'émétique {voy. p. 563). — 566 — Mélange d'acide arsénieux et d'acétate de plomb. 4 Dissolution concentrée. Trois volumes d'acide arsénieux et autant d'acétate. L'acide sulfhydrique précipite ce mélange en noir (sulfure de plomb, mêlé d'un peu de sulfure d'arsenic), la potasse en blanc, et l'oxyde de plomb déposé se dissout dans un excès d'alcali ; l'acide sulfurique et les sulfates en blanc (sulfate de plomb) ; l'iodure et le chromate de potassium en jaune (iodure et chromate de plomb), le sulfate de cuivre ammoniacal en vert clair, mêlé de blanc (mélange d'arsénite de cuivre et de protoxyde de plomb); l'azotate d'argent y fait naître un précipité blanc qui conserve cette couleur, même en y ajoutant de la potasse. Analyse. On fera bouillir le mélange pulvérulent avec du carbonate de poiasse dissous, et l'on obtiendra de l'oxyde de plomb non dissous et une liqueur composée d'arsénite et d'acétate de potasse, que l'on reconnaîtra comme je le dirai à l'occasion du mélange d'acide arsénieux et d'acétate de cuivre {V. p. 567). L'oxyde de plomb insoluble sera dissous par l'acide azotique faible, et la dissolution sera aisément reconnue aux caractères qui distinguent les sels de plomb solubles. Mélange d'acide arsénieux et d'émétique. Dissolution concentrée. Trois volumes d'acide arsénieux et autant d'émétique* L'acide sulfhydrique précipite en rouge orangé, qui devient plus clair par l'addition de quelques gouttes d'acide chlorhydrique : ce précipité, composé dé sulfure d'arse- nic et de sulfure d'antimoine, se dissout entièrement dans l'am- moniaque, et la liqueur est jaune rouge, couleur de vin généreux d'Espagne. La potasse précipite ce mélange en blanc, surtout au bout de quelques secondes (oxyde d'antimoine). Le sulfate de cuivre ammoniacal fournit un précipité vert ; l'infusion alcoo- lique de noix de galle se comporte comme avec l'émétique seul ; Pazotate d'argent donne un précipité blanc qui passe au jaune par l'addition de la potasse, et qu'un excès d'alcali rend violet très foncé, presque noir ; le précipité blanc est composé de tar- — 567 — trate d'argent et d'arsénite de ce même métal, tous deux de cou- leur blanche; le dépôt jaune qu'y fait naître la potasse est de l'ar- sénite d'argent jaune (1), mêlé de tartrate d'argent ; enfin le précipité violet très foncé contient de l'argent métallique, l'oxyde d'argent ayant été désoxydé pour transformer Facide arsénieux en acide arsénique et le protoxyde d'antimoine en acide antimonique. Analyse. On fera bouillir avec du carbonate de potasse le mélange solide ou dissous, et Fon obtiendra de l'arsénite et du tartrate de potasse solubles et de l'oxyde d'anlimoine insoluble : celui-ci sera dissous par l'acide chlorhydrique, et le sel produit jouira des caractères du chlorure d'antimoine. Quant à la liqueur, composée d'arsénite et de tartrate de potasse, on la traitera par Facide sulfhydrique et quelques gouttes d'acide chlorhydrique qui en précipiteront du sulfure jaune d'arsenic. La dissolution filtrée contiendra encore de l'acide tartrique, dont on pourra dé- montrer l'existence en traitant par la chaux, qui donnera un pré- cipité de tartrate de chaux, susceptible de fournir de l'acide tar- trique par l'acide sulfurique. On pourra d'ailleurs, ce qui est préférable, extraire l'arsenic et l'antimoine à l'aide de l'appareil de Marsh et les reconnaître comme il a été dit aux pages 264 et 269. Mélange d'acide arsénieux et d'acétate de cuivre. Dissolution concentrée. Trois volumes d'acide arsénieux et autant d'acétate de cuivre. Si l'acétate de cuivre n'est pas acide, il y a décomposition et précipitation d'arsénite de cuivre ; la liqueur conserve au contraire sa transparence, pour peu que Facélate soit avec excès d'acide. L'acide sulfhydrique précipite en noir, le cyanure jaune de potassium et de fer en brun mar- ri) Il est assez remarquable, tandis que les arsénites précipitent l'azotate d'ar- gent en jaune (arsénite d'argenl), de voir l'acide arsénieux précipiter l'azotate d'ar- eent en blanc ; ce précipité blanc qui est peu «boudant, quelle que soit la quantité d'acide arsénieux. employé, mis, sur des charbons ardens, répand une vapeur blanche, d'une odeur alliacée ; il noircit dans l'eau bouillante, et la dissolution con- tient de l'acide arsénieux ; la portion non dissoute paraît être de l'argent. - 568 — ron, el l'azotate d'argent en jaune (arsénite), qui paraît verdâtre avant d'être ramassé. La potasse y fait naître un précipité vert d'arsénite de cuivre, lequel se dissout dans un excès d'alcali ; alors la liqueur est verte : un plus grand excès d'alcali la fait passer au bleu sans lui enlever sa transparence; mais quelque temps après, la dissolution devient opaline et ne larde pas à lais- ser déposer un précipité vert qui, au bout de quelques heures, devient rougeâlre et se trouve être du protoxyde de cuivre : d'où il suit qu'en définitive Facide arsénieux a fini par absorber de l'oxygène au bi-oxyde de cuivre, qu'il a réduit à l'état de prot- oxyde, tandis qu'il s'est transformé en acide arsénique, qui reste dans la dissolution à l'état d'arséniate mêlé d'acétate de potasse : cette liqueur est incolore. L'ammoniaque fournit également un précipité vert d'arsénite de cuivre soluble dans un excès d'ammoniaque, en donnant une dissolution d'un bleu céleste. Vue lame de fer en sépare du cuivre, pour peu que la liqueur soit acidulée. Analyse. On fera bouillir avec de la potasse dissoute dans l'eau distillée le mélange pulvérulent ou la dissolution aqueuse de vert de gris et d'acide arsénieux ; on obtiendra de Facélate et de l'arsénite de potasse solubles et du bi-oxyde de cuivre inso- luble. On reconnaîtra facilement celui-ci en le dissolvant dans l'acide azotique. Quant à la liqueur, on la distillera daus des vaisseaux clos avec une petite quantité d'acide sulfurique, qui en dégagera de l'acide acétique, reconnaissable à son odeur; on cessera la distillation lorsque la liqueur sera réduite au tiers en- viron : cette liqueur sera ensuite étendue d'eau et traitée par l'acide sulfhydrique, qui y produira un précipité de sulfure jaune d'arsenic. Mélange d'acide arsénieux et d'alun. En 1828, la Cour royale d'Amiens eut à s'occuper d'une affaire d'empoisonnement par l'arsenic ; les experts s'étant bornés à constater la présence de ce poison, la défense s'appuya sur ce que l'accusé avait acheté chez un pharmacien, pour encha'uler son blé de semence, un mélange de deux parties d'alun et — 569 - d'une d'acide arsénieux; elle ajoutait que les experts n'ayant pas reconnu la présence de l'alun dans les liquides soumis à leurs recherches, on devait en conclure que le crime n'avait pas été le fait de celui qu'on en accusait {Journal de chimie médicale, lome iv). Dissolution concentrée. Trois volumes d'alun et d'acide arsénieux. Celte liqueur rougit fortement le tournesol ; elle pré- cipite en jaune par l'acide sulfhydrique, en jaune par l'azotate d'argent, si on ajoute un peu d'alcali, en vert par ;le sulfate de cuivre ammoniacal, en blanc par l'eau de chaux, et le précipité est insoluble dans la potasse, en blanc par la potasse qui redis- sout l'alumine précipitée, si elle est employée en excès. Analyse. S'il s'agissait de reconnaître un pareil mélange, on le ferait dissoudre dans l'eau distillée bouillante, puis on y ver- serait un excès d'acide sulfhydrique qui précipiterait sur- le-champ et sans addition d'acide (attendu qu'il y en a un excès dans l'alun) tout l'acide arsénieux à l'état de sulfure jaune ; la liqueur filtrée contiendrait |l'alun non décomposé ; on la ferait évaporer et cristalliser, et on reconnaîtrait aisément ce sel. Mélange d'acide arsénieux et d'autres acides. Acide sulfurique et acide arsénieux. Le papier de tourne- sol est fortement rougi; Feau de baryte est précipitée en blanc, et le précipité n'est qu'en partie soluble dans l'acide azotique ; l'eau de chaux ne trouble point la liqueur, tandis qu'elle préci- piterait Facide arsénieux seul; l'acide sulfhydrique précipite en jaune et le sulfate de cuivre ammoniacal en vert, pourvu qu'on en emploie une quantité suffisante. Si on fait bouillir le mélange des deux acides avec du mercure, on obtient du gaz acide sulfu- reux, lorsque la liqueur est convenablement concentrée. Acide azotique et acide arsénieux. La liqueur rougit for- tement le tournesol, et précipite en jaune par Facide sulfhydri- que, en vert par le sulfate de cuivre ammoniacal, s'il est employé en excès; l'eau de chaux ne la trouble point; le cuivre métallique en dégage du gaz bi-oxyde d'azote au bout de quelques minutes, surtout à une douce chaleur. — 570 — Acide ehlorkydrique et acide arsénieux. Le tournesol est fortement rougi; la liqueur précipite en jaune par Facide sulf- hydrique, en vert par le sulfate de cuivre ammoniacal, en blanc par l'azotate d'argent ; l'eau de chaux ne la trouble point. Acide phosphorique et acide arsénieux. Ce mélange rougit le tournesol avec énergie ; il précipite en jaune par l'acide sulf- hydrique, en vert par le sulfate de cuivre ammoniacal, en blanc par l'eau de chaux, et le précipité se redissout dans un excès du mélange, en jaune par l'azotate d'argent et quelques gouttes d'alcali. Acide oxalique et acide arsénieux. Le papier de tournesol est fortement rougi par ce mélange, qui précipite en jaune par l'acide sulfliydrique, en vert ou en bleu par le sulfate de cuivre ammoniacal, suivant que l'acide arsénieux ou l'acide oxalique dominent, en blanc par l'eau de chaux, et le dépôt n'est point so- luble dans un excès de mélange; en blanc par l'azotate d'argent (oxalate d'argent); en ajoutant de la potasse à ce précipité, il devient jaune sale, tandis que Fammoniaque le redissout complè- tement; la potasse ne détermine point dans le mélange de ces deux acides la formation de cristaux d'oxalaie acide, parce que la liqueur est trop étendue. Mélange d'acétate de cuivre et d'acétate de plomb. Dissolution concentrée. Trois volumes d"acétate de cuivre et autant d'acétate de plomb. L'acide sulfhydrique précipite en noir, le cyanure jaune de potassium et de fer en brun marron très clair, mêlé de points blanchâtres, l'acide sulfurique et les sulfates en blanc, les chromâtes solubles en jaune, à moins qu'on n'en mette un excès, car alors le précipité est jaune rougeâtre et même'couleur de cannelle (mélange de chromate de plomb jaune et de chromate de cuivre cannelle foncé) ; la potasse, si elle est employée en suffisante quantité, fait naître un précipité blanc bleuâtre, et il reste en dissolution de l'acétate ammoniaco-cui- vreux bleu céleste. Une lame de fer sépare du cuivre métallique, si la liqueur est acidulée. Analyse. On traitera le mélange par le carbonate de potasse — 571 — dissous, qui donnera naissance à de l'acétate de potasse soluble et à un mélange de bi-oxyde de cuivre et de protoxyde de plomb. Ces deux oxydes seront dissous dans l'acide azotique, et les azo- tates résulians décomposés par de l'acide sulfurique, qui, s'il n'est pas employé en excès, fournira du sulfate de cuivre soluble, et du sulfate de plomb blanc insoluble : celui-ci lavé, desséché et cal- ciné avec de la potasse et du charbon, donnera du plomb métal- lique. Quant à la liqueur dans laquelle il y a.de l'acétate de po- tasse, on la traitera par l'acide sulfurique pour en obtenir Facide acétique {V. p. 568). Mélange d!acétate de cuivre et de tartre émétique. Ces dissolutions, même lorsqu'elles sont très étendues, se dé- composent et fournissent un précipité bleu verdâtre de tartrate de cuivre, en sorte qu'il est impossible que les experts soient jamais dans le cas d'expérimenter sur un mélange dissous pareil. S'il s'agissait de reconnaître une poudre composée de ces deux sels, on la ferait bouillir avec du carbonate de potasse dissous, pour obtenir une liqueur composée de tartrate et d'acétate de potasse et un résidu d'oxyde de cuivre et d'oxyde d'antimoine. La disso- lution serait distillée dans un appareil convenable, avec une pe- tite quantité d'acide sulfurique qui en dégagerait de Facide acétique ; la liqueur contenue dans la cornue et à moitié éva- porée , dans laquelle se trouverait de l'acide tartrique, serait traitée par la chaux, et transformée en tartrate insoluble, dont on retirerait l'acide tartrique par l'acide sulfurique. Les deux oxydes de cuivre et d'antimoine, si on les fait bouillir avec de l'acide azotique, donneront un solutum d'azotate de cui- vre , et de l'oxyde d'antimoine non dissous, facile à reconnaître en le dissolvant dans l'acide chlorhydrique, ou en le décomposant par le charbon. Mélange d'acétate de cuivre et d'acide phosphorique. L'acide phosphorique précipite ce sel en bleu clair, et redis- sout le précipilé s'il est employé en suffisante quantité. La dis- solution de phosphate acide précipite par l'acide sulfhydrique, la - 572 — potasse, le cyanure jaune de potassium et de fer, comme les sels de cuivre ; l'eau de chaux la précipite en blanc bleuâtre, et l'a- zotate d'argent en jaune, pourvu qu'on l'emploie en quantité suf- fisante. Mélange d'azotate de cuivre et d'acide oxalique. L'acide oxalique précipite en bleu ; mais il n'y a point de pré- cipité sur-le-champ, si les dissolutions sont étendues. L'acide sulfhydrique précipite ces dernières en noir, la potasse en bleu, l'ammoniaque en bleu ; un excès de ce dernier alcali redissout l'oxyde en donnant une liqueur d'un bleu céleste, le cyanure jaune en brun marron, l'eau de chaux en blanc très légèrement bleuâtre,et l'azotate d'argent en blanc, qui devient olive par l'ad- dition de la potasse. Mélange d'acétate de plomb et de tartre émétique. Ces dissolutions sont décomposées, et il en résulte du tartrate de plomb insoluble et de l'acétate de potasse ; d'où il suit qu'on n'aura pas à reconnaître un mélange de ces deux sels dissous. Si les deux sels étaient pulvérulens, on les ferait bouillir avec du carbonate de potasse dissous, qui donnerait de l'oxyde de plomb et de l'oxyde d'antimoine insolubles, et de l'acétate et du tartrate de potasse dissous. La dissolution serait reconnue comme il vient d'être dit à la page 571. Quant aux deux oxydes, après les avoir bien lavés, on les ferait bouillir avec de l'acide azotique qui dis- soudrait seulement celui de plomb. Mélange d'acétate de plomb et d'azotate d'argent. Si les dissolutions sont concentrées, on obtient un précipité cristallin, soluble dans l'eau. Ce solutum précipite en noir par l'acide sulfhydrique, en jaune serin par la potasse (ce qui est d'autant plus extraordinaire, que l'acétate de plomb précipite en blanc, et le sel d'argent en olive par le même alcali), en blanc par les sulfates, en rouge brique mêlé de jaune par les chro- mâtes, en jaune par les iodures, en blanc par l'ammoniaque et par l'acide chlorhydrique. — 573 — On analyserait ce mélange en l'étendant d'eau, et en y versant de Facide chlorhydrique qui précipiterait l'argent à l'état de chlorure ; le chlorure de plomb resterait en dissolution. Mélange de tartre émétique et d'azotate d'argent. Les dissolutions se décomposent réciproquement si elles sont concentrées ; étendues d'eau, elles conservent leur transparence el précipitent en chocolat par l'acide sulfhydrique, et en noir par la potasse ; ce précipité est formé d'argent métallique et d'une certaine quantité d'oxyde d'antimoine; d'où il suit que l'oxyde d'argent a perdu son oxygène, qui s'est porté sur une portion d'oxyde d'antimoine qu'il a fait passer à l'état d'acide antimo- nique. L'eau de chaux précipite ces dissolutions en olive clair qui devient violet foncé, les acides chlorhydrique et sulfurique en blanc, la noix de galle en blanc grisâtre sale, le chromate de potasse en brique sale foncé, tandis que le chromate d'argent est rouge brique vif. On explique cette différence par l'action que l'émétique exerce sur le chromate de potasse, avec lequel il four- nit un liquide vert foncé, composé d'oxyde de chrome vert, de potasse, d'acide antimonique et d'acide tartrique; d'où il suit que l'acide chromique a été décomposé par le protoxyde d'antimoine: qui lui a enlevé une partie de son oxygène. On analyserait ce mélange au moyen du carbonate de potasse qui précipiterait les deux oxydes ; Facide azotique bouillant dis- soudrait celui d'argent et laisserait du peroxyde d'antimoine. Mélange d'émétique et de plusieurs acides. Les acides sulfurique, azotique, chlorhydrique et phosphori- que, précipitent la dissolution d'émétique en blanc. L'acide oxa- lique ne la trouble point. Ce mélange est précipité en rouge par l'acide sulfhydrique, en blanc par l'eau de chaux, en blanc, mais lentement, par la potasse; l'azotate d'argent y fait naître un pré- cipité qui se dissout complètement dans l'ammoniaque, quoique le précipité que produit l'émélique dans l'azotate d'argent ne soit que partiellement soluble dans cet alcali (le tartrate d'argeni se — 574 - dissolvant dans l'ammoniaque, tandis que l'oxyde d'aniimoine y est insoluble). Mélange de laudanum liq uide de Sydenham et d'acide arsénieux. Le docteur Jennings a rapporté dans le n° d'avril 1831, du Med. and. surg. Jour. d'Edinburgh, qu'une femme périt em- poisonnée pour avoir pris en une seule fois 8 grammes d'acide arsénieux et 69 grammes de laudanum. Dissolution concentrée d'acide arsénieux et laudanum, parties égales. Ce mélange précipite en jaune par Facide sulfliy- drique, en vert par le sulfate de cuivre ammoniacal, en jaune par l'azotate d'argent et la potasse, en blanc jaunâtre par Fammonia- que, comme si le laudanum était seul ; le sesqui-chlorure de fer rougit fortement la liqueur : indépendamment de ces caractères, ce mélange offrirait toutes les propriétés physiques du laudanum de Sydenham. On y démontrerait la présence d'une préparation arsenicale en le précipitant par l'acide sulfhydrique ; le dépôt de sulfure d'arsenic et de matière organique, bien lavé sur un filtre, et traité par l'eau ammoniacale, céderait le sulfure d'arsenic à l'ammoniaque ; en sorte qu'en faisant évaporer la liqueur ammo- niacale, on obtiendrait du sulfure d'arsenic, dont on retirerait l'arsenic, comme il a été dit à la p. 201. Si l'empoisonnement avait eu lieu avec un mélange de lauda- num et d'acide arsénieux solide, il faudrait savoir que, même au bout de vingt-quatre heures, le laudanum ne dissout à froid qu'une petite quantité d'acide arsénieux, et que, par conséquent, celui- ci serait resté en grande partie au fond du vase, et pourrait être facilement séparé par la filtration. Quant à la liqueur, on la trai- terait par l'acide sulfhydrique, comme il vient d'être dit, pour obtenir du sulfure d'arsenic. Mélange de laudanum de Sydenham et de sublimé corrosif. Dissolution concentrée de sublimé et laudanum, parties égales. Il se forme un précipité. Si la dissolution de bichlorure — 575 — est étendue d'eau, elle conserve sa transparence et précipite eu jaune, qui finit par noircir par l'acide sulfhydrique i en jaune verdâtre foncé ou en olive clair par la potasse, en jaune clair par l'ammoniaque, en jaune aurore et pas en rouge par l'io- dure de potassium, en blanc par l'aeotate d'argent (chlorure d'ar- gent) ; enfin le sesqui-chlorure de fer la colore en rouge. S'il s'a- gissait de démontrer la présence du sublimé corrosif dans ce mé- lange, on le traiterait par l'éther sulfurique, qui, à l'aide d'une légère agitation, dissoudrait du sublimé, et viendrait former une couche à la surface du liquide ; on séparerait aisément cette cou- che de l'autre, en plaçant le tout dans un entonnoir, et en lais- sant écouler le liquide qui forme la couche inférieure. Mélange de laudanum de Sydenham et d'acétate de cuivre. Dissolution concentrée d'acétate et laudanum, parties égales. La liqueur, d'un vert jaunâtre, conserve sa transpa- rence; toutefois, si on augmentait la proportion de laudanum, elle précipiterait en brun jaunâtre ; elle exhale l'odeur de lauda- num ; l'acide sulfhydrique la précipite en noir, l'ammoniaque en vert (le précipité est redissous par un excès d'alcali, et la li- queur est verte), le cyanure jaune de potassium et de fer en brun marron ; la potasse verdit le mélange, et fait naître un précipité vert, soluble dans un excès de potasse ; les sels de sesqui-oxyde de fer communiquent une couleur rouge foncé. Une lame de fer en précipite du cuivre, pourvu que la liqueur soit légèrement aci- dulée. Mélange de laudanum de Sydenham et de tartrate de potasse antimonie. Dissolution concentrée d'émétique et laudanum, par- ties égales. La liqueur offré l'odeur et la couleur du laudanum ; l'acide sulfhydrique la précipite «en jaune, la noix de galle en gris jaunâtre, l'ammoniaque en jaunâtre et l'acide sulfurique en blanc ; le sesqui-chlorure de fer y fait naître un précipité jaune sale (on sait que l'émétique est précipité par le même sel de fer). On démon- — 576 — trerait la présence d'une préparation aniimoniale, en précipitant la liqueur par l'acide sulfhydrique, et en séparant le métal par les moyens ordinaires, du sulfure déposé. Mélange de laudanum de Sydenham et d'azotate d'argent. Dissolution concentrée d'azotate d'argent et laudanum, parties égales. Cetle liqueur conserve la transparence, l'odeur et la couleur du laudanum ; elle précipite en noir par l'acide sulfhy- drique, en olive très foncé par la potasse, en blanc par l'acide chlorhydrique; le sesqui-chlorure de fer rougit la liqueur et la précipite; le dépôt de chlorure d'argent une fois formé, la liqueur qui surnage offre la couleur rouge que l'acide méconique déve- loppe dans les sels de fer. Une lame de cuivre en sépare l'argent. Mélange de laudanum de Sydenham, d'acétate de plomb ou d'azotate de bismuth. Ces sels, même lorsqu'ils sont étendus de beaucoup d'eau, pré- cipitent assez abondamment par le laudanum, pour que je puisse me dispenser de m'occuper de pareils mélanges. Il ne sera pas inutile, en terminant, de nous livrer à quelques considérations générales sur le travail qui fait l'objet de ces re- cherches. On a pu voir que dans la solution des divers problèmes relatifs à des mélanges de poisons, il sera souvent difficile, pour ne pas dire impossible, de soupçonner ces mélanges, si l'accusa- tion ne vient pas au secours des experts, en indiquant que l'ac- cusé était en possession de plusieurs poisons, ou qu'il en a acheté un certain nombre. Sans doute l'on pourra se guider quelquefois d'après les propriétés physiques des mélanges, telles que la cou- leur, la saveur, etc. ; l'action des réactifs, qui sera différente de ce qu'elle est lorsqu'on agit avec une seule des substances véné- neuses connues, sera aussi un puissant auxiliaire. Quelquefois cependant ces réactifs fourniront des résultats propres à décon- — 577 — certer les experts peu attentifs ; ainsi, lorsque, par suite de l'ac- tion de ces reactifs, les deux poisons se trouvent décomposés, comme, par exemple, le sublimé corrosif et l'acide arsénieux, que l'on traite par la potasse {voy. p. 555), il faut bien se garder de repousser l'idée de la possibilité d'un empoisonnement par ces deux toxiques, puisque au contraire la transformation de ces deux substances vénéneuses en protochlorure ou en protoxyde de mercure, et en acide arsénique, est une preuve de leur existence simultanée dans la liqueur. Mais si le problème dont je m'occupe est embarrassant lors- qu'il s'agit de constater la nature d'un mélange de deux poisons que je suppose solides ou dissous, sans addition d'aucune autre substance, il en sera bien autrement lorsque des matières colo- rées, des liquides provenant de vomissemens, etc., se trouvent unis à ces poisons :il faudra alors chauffer jusqu'à l'ébullition pour coaguler une partie de la matière organique, puis filtrer, et agir sur les liquides filtrés comme je viens de le dire {voy. mon Mémoire dans le Journ. de chimie médicale, n° de mars 1832). Du verre et de l'émail en poudre. Le verre et l'émail en poudre sont-ils vénéneux? Je réponds par la négative, si ces substances ont été réduites en poudre fine avant d'avoir été avalées ; elles peuvent au contraire lorsqu'elles sont en fragmens aigus irriter et blesser plus ou moins fortement les parois internes du canal alimentaire dans lequel elles auraient été inlroduites. M. Lesauvage pense, au contraire, qu'elles sonl constamment inertes ; dans mon opinion, cependant cet expéri- mentateur a élé un peu trop absolu, lorsqu'il a dit que dans au- cun cas les fragmens de verre pointus ne donneraient lieu à des accidens fâcheux. Voici, au reste, les conclusions de son travail : « 11 résulte, dit-il, de mes expériences : 1° que le verre et les substances analogues n'ont, sur les organes digestifs des ani- maux vivans, aucune propriété chimique, et que les maiières fluides ou gazeuses contenues dans ces mêmes organes n'exercent non plus aucune action chimique sur les substances vitriformes; 2° que c'esipar erreur et en se fondant sur des préjugés, que des vi. 37 — 578 — auteurs, d'ailleurs recommandables, ont cru que ces mêmes sub- stances jouissaient de propriétés particulières et très actives ; 3° qu'on a plutôt imaginé qu'observé les effets mécaniques des fragmens irréguliers du verre sur le tube intestinal, et encore moins constaté ceux de la poudre plus ou moins fine de cette même substance ; 4° que c'est avec la prévention de ces vraisem- blances qu'on a recueilli les faits que l'on croyait propres à démon- trer cette opinion, et par conséquent que ces faits n'ont point été vus avec un esprit dégagé de préjugés; 5° que de ces mêmes faits, les uns ne sont point authentiques, n'ayant point été vus par ceux qui les rapportent, et que l'on reconnaît dans l'histoire des autres des symptômes évidens de maladies connues ; 6° que l'on n'est point embarrassé maintenant pour citer des faits nombreux d'in- gestion, non-seulement de verre et de diamant, mais encore de fragmens considérables de ces mêmes substances avalés sans ac- Gident ; 7° que les expériences faites à dessein sur les animaux vi- vans mettent hors de doute, non-seulement que ces substances ne sont point capables de léser mécaniquement les voies alimentai- res, mais encore qu'elles ne produisent pas même la plus légère irritation ; 8° qu'une expérience que chacun peut faire facilement et sans danger sur soi-même, prouve que ces substances ne pro- duisent aucune sensation douloureuse (1). » On reconnaîtrait le verre en poudre fine, en le faisant fondre dans un creuset ou mieux encore sur un morceau de charbon à l'aide du chalumeau ; bientôt on obtiendrait un culot de verre, tandis que les substances organiques avec lesquelles on aurait pu le mêler seraient décomposées par la calcination. Le verre, une fois isolé, serait chauffé dans un creuset avec une quan- tité suffisante de potasse pure pour obtenir une masse soluble dans l'eau; la dissolution aqueuse (liqueur de cailloux), mêlée avec la proportion d'acide sulfurique nécessaire pour saturer l'ex- cès de potasse, laisserait déposer de l'acide silicique, sous forme de gelée. (1) Dissert, soutenue à l'Ecole de méd. de Paris, pat M. Lesauvage. Août 1810. TABLE DES MATIÈRES DE LA lre PARTIE DU TOME III. De l'empoisonnement.—Législation relative à l'empoisonnement. -I De l'empoisonnement, considéré sous le point de vue médico-légal. 6 Ire Section. — Notions préliminaires sur l'empoisonnement, con- sidéré sous le point de vue médico-légal. 14 II" Section. — Des poisons en particulier. — Première classe. — Poisons irritans ou corrosifs. 41 Article Ier. — Du phosphore, de l'iode, du brome, du chlore, et de quelques-uns des composés dans lesquels ils entrent. 52 Du phosphore. Ibid. De l'iode. 57 De l'iodure de potassium. 62 Du brome. 66 Du bromure de potassium. 68 Du chlore. 69 Article II. — Des acides sulfurique, sulfureux, azotique, hypo- azotique, azoleux, chlorhydrique, chloro-azoteux (eau régale), \- phosphorique, hypo-phosphorique, acétique, citrique et tartrique. 72 De l'acide sulfurique. 78 De l'acide sulfureux. 93 De l'acide azotique (eau-forte). 94 De l'acide hypo-azotique. 102 De l'acide azoteux. Ibid. De l'acide chlorhydrique. Ibid. De l'eau régale. M 3 De l'acide phosphorique, 4H — 580 — De l'acide hypophosphorique. 115 De l'acide acétique. 116 De l'acide citrique. 124 De l'acide tartrique. Ibid. De l'acide oxalique. 123 Du bi-oxalate de potasse (sel d'oseille). 134 Article III. — De la potasse, de la soude, des chlorures de ces bases, de la chaux, de l'ammoniaque et du carbonate d'am- moniaque. 135 De la potasse et du carbonate de potasse. 137 De la soude. 151 De l'eau de javelle. 154 De la chaux vive. 163 De l'ammoniaque liquide (alcali volatil fluor), et du sesqui-carbo- nate d'ammoniaque. 165 Article IV. — De la baryte et des sels de baryte. 168 Des sels de strontiane. 175 Article V. — Du foie de soufre. 176 Article VI. — De l'azotate de potasse, de l'alun, du chlorhydrate d'ammoniaque. 184 De l'azotate de potasse. Ibid. De l'alun. 190 Du chlorhydrate d'ammoniaque. 198 Article VII. — Des préparations arsenicales. 200 De l'acide arsénieux (arsenic blanc, oxyde blanc d'arsenic, mort aux rats, etc.). ibid. De l'appareil de Marsh modifié. 252 Objections faites au nouveau système de recherches médico-légale3 concernant les préparations arsenicales. 278 Objections sérieuses faites par moi en 1839 et en 1840. 280 Objections que je n'avais point prévues. 310 Questions médico-légales concernant l'acide arsénieux. 316 Des arsénites. 346 De l'arsénite de bi-oxyde de cuivre (vert de Scheele, vert de Schweinfurt). 347 De l'acide arsénique. 343 Des arséniates solubles. 349 De l'arsenic et des vapeurs arsenicales. 350 De l'oxyde noir d'arsenic et de la poudre aux mouches. 353 De l'iodure d'arsenic 354 Des sulfures d'arsenic jaune et rouge. ibid. Question médico-légale relative au sulfure d'arsenic. 357 Du caustique arsenical du frère Cosme, et de la poudre de Rousselot. Ibid. — 581 - Article VIII. — Des sels d'antimoine, de mercure, de cuivre, de plomb, d'étain, de bismuth, d'argent, d'or et de zinc. 358 § Ier. Des préparations d'antimoine. Du tartrate de protoxyde de potassium et de protoxyde d'antimoine (émétique, tartre stibié). 359 Des oxydes d'antimoine. 377 Du kermès minéral et du soufre doré. 37g Du protochlorure d'antimoine (beurre d'antimoine). 379 De l'oxychlorure d'antimoine (poudre d'Algaroth, mercure de vie, mercure de mort). 380 Des hypo-antimonites, des antimonites, des antimoniates de po- tasse et de soude, de l'antimoine diaphorétiquè lavé et non lavé, de la matière perlée de Kerkringius, du foie d'antimoine et du crocus metallorum. /^# Du vin antimonie (vin émétique). 33^ Des vapeurs antimoniales. 75^. De l'émétine. 382 § II. Des préparations mercurielles, du sublimé corrosif. 383 Du cyanure de mercure (prussiate de mercure). 412 Des iodures de mercure. 414 Du bromure de mercure. 415 Du protochlorure de mercure (calomélas, mercure doux). ibid. Du sulfure de mercure (cinabre). 418 Des oxydes et de quelques sels de mercure. Ibid. Des vapeurs mercurielles et du mercure extrêmement divisé. 421 Questions médico-légales concernant les préparations mercurielles. 424 § III.— Des préparations de cuivre, du cuivre métallique, des émanations de cuivre, et du cuivre naturellement contenu dans le corps de l'homme et dans certains liquides alimentaires. 432 De l'acétate de cuivre neutre. 441 Du vert de gris artificiel (mélange d'acétate de cuivre neutre, de bi-oxyde de cuivre, de cuivre métallique, de rafles de raisin et d'autres corps étrangers). 444 Du sulfate de bi-oxyde de cuivre (couperose bleue). 459 Du sulfate de bi-oxyde de cuivre ammoniacal. 464 De l'azotate de bi-oxyde de cuivre. Ibid. Du cuivre ammoniacal. 465 Du bichlorure de cuivre. 466 Du carbonate de bi-oxyde de cuivre vert (vert de gris naturel). Ibid. Du phosphate de bi-oxyde de cuivre. 467 Du protoxyde de cuivre. Ibid. Du bi-oxyde de cuivre. 468 Du vin, du vinaigre et des savons cuivreux. Ibid. Question médico-légale concernant les sels de cuivre. 469 — 582 — § IV. — Des préparations de plomb.— De l'acétate de plomb (sel ou sucre de saturne). 470 Du carbonate de plomb (céruse, blanc de plomb). 481 De l'eau imprégnée de plomb. 482 Du vin et de la bière imprégnés de plomb. 483 Des bonbons colorés par du chromate de plomb. Ibid. Du phosphate, du borate, de l'oxalate, du tartrate, du tannate et du sulfate de plomb. 484 De l'iodure de plomb. 485 Des oxydes de plomb. Ibid. Des alimens cuits dans des vases de plomb ou dans des vases éta- més avec un mélange d'étain et de plomb. 486 Des sirops et des eaux-de-vie clarifiés avec l'acétate de plomb. 488 Des émanations saturnines et du plomb métallique [V. Supplément). Ibid. Questions médico-légales concernant les préparations de plomb, 503 § V. — Des préparations d'étain. — Du protochlorure d'étain. 516 Du bichlorure d'étain. 519 Des oxydes d'étain. 520 § VI. — Des préparations de bismuth.— De l'azotate de bismuth. 522 § VII. — Des préparations d'argent. — De l'azotate d'argent. 526 § VIII.— Des préparations d'or. — Du chlorure d'or. 532 De l'or fulminant. 535 § IX. — Des préparations de zinc. — Du sulfate de zinc (vitriol blanc). 536 Du zinc métallique. 540 § X. — Des préparations de fer. — Du sulfate de protoxyde de fer. 542 § XI. — Des préparations de chrome.— De l'acide chromique, du bichromate de potasse et du chlorure de chrome, etc. 543 Du molybdate d'ammoniaque. 546 Des sels d'urane. Ibid. Des sels de cerium. 547 Des sels de manganèse. 548 Des sels de nickel. Ibid. Des sels de cobalt. 549 Des sels de platine. 550 Des sels de palladium. 551 Des sels d'iridium. Ibid. Des sels de rhodium. 552 Du peroxyde d'osmium (acide osmique). Ibid. § XII.— De l'empoisonnement produit par des mélanges de sub- stances vénéneuses. 553 Mélange-de sublimé corrosif et d'acide arsénieux. 555 Mélange de sublimé corrosif et d'acétate de cuivre. 556 Mélange de sublimé corrosif et d'acétale de plomb. 557 — 583 - Mélange de sublimé corrosif et de tartrate de potasse et d'antimoine. 557 Mélange de parties égales de sublimé corrosif et de quelques acides. 559 Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et de vert de gris. 561 Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'acide arsénieux. 562 Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'acétate de plomb. 563 Mélange d'azotate de protoxyde de mercure et d'émétique. Ibid. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acide arsénieux. Ibid. Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acétate de cuivre. 564 Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et d'acétate de plomb. 565 Mélange d'azotate de bi-oxyde de mercure et de tartrate de potasse antimonie. j^ Mélange d'acide arsénieux et d'acétate de plomb. 566 Mélange d'acide arsénieux et d'émétique. jdm. Mélange d'acide arsénieux et d'acétate de cuivre. 567 Mélange d'acide arsénieux et d'alun. 568 Mélange d'acide arsénieux et d'autres acides. 569 Mélange d'acétate de cuivre et d'acétate de plomb. 570 Mélange d'acétate de cuivre et de tartre éméiique. 571 Mélange d'acétate de cuivre et d'acide phosphorique. Ibid. Mélange d'azotate de cuivre et d'acide oxalique. 572 Mélange d'acétate de plomb et de tartre émétique. Ibid. Mélange d'acétate de plomb et d'azotate d'argent. Ibid. Mélange de tartre émétique et d'azotate d'argent. 573 Mélange d'émétique et de plusieurs acides. Ibid. Mélange de laudanum liquide de Sydenham et d'acide arsénieux. 574 Mélange de laudanum de Sydenham et de sublimé corrosif. Ibid. Mélange de laudanum de Sydenham et d'acétate de cuivre. 575 Mélange de laudanum de Sydenham et de tartrate de potasse an- timonie. md. Mélange de laudanum de Sydenham et d'azotate d'argent. 576 Mélange de laudanum de Sydenham, d'acétate de plomb ou d'azo- tate de bismuth. jmt Du verre et de l'émail en poudre. 577 PIN DE LA lre PARTIE DU TROISIÈME VOLUME. UHlHftt IMPBIMK CHEZ PAUL RinoUAnn : RDI ttARANCIERE ;H. 5 ^HH»"" K il- 1© D I C I N E N ! DICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL IIBR NOIIVN 3 N I 3 I Q 3 W dO A « V a 9 IT TVNOIIVN 3 N I 3 I CI 3 W d O A a V * 9 11 TVNOIIVN 3 N I 3 I CI 3 W dO A noiivn iNOiaiw dO Aavaan ivnoiivn jnijiqiw do Aavaan tvnoiivn jnidicmw do ai ir\ « r <3?À DICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRJ ^ép 40IIVN 3NI3ICI3W dO ABVaBIT IVNOIIVN 3NI3I03W dO A s V g 9 11 TVNOIIVN J N I 3 I d 3 W dO Al P?*4 i / DICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL IIBR/ IOI1VN 3NI3I03W dO AIYIII1 TVNOIIVN 3NI3I03W dO Aavaan TVNOIIVN 3NI3I03W dO Al DICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBR f^i^ * "^-^ - e^~- * s. *-— * ioiivn 3NI3IQ3W do Aavaan tvnoiivn snisiqsw do Aavaan tvnoiivn 3ni3io3w do a ^ I V^l - ; ICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRA >iivn 3N isiasw do Aavaa n tvnoiivn SNisiasw do Aavaan TVNOIIVN 3N 13 10 3W dO Aav /S ^k I i2m r^/i rg*s ICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRAI s ! /Si l " /VïVN 1 /Vl &- 1VN 3NI3I03W dO ASV89I1 TVNOIIVN 3 N I 3 I (J 3 W dO ABVaail TVNOIIVN 3NI3I03W dO ABV fat r k >£^\ CINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRAI IIVN 3NI3I03W dO AIVIBII TVNOIIVN 3 N I 3 I Q 3 W dO ÀIVHIIl TVNOIIVN 3NI3IQ3W dO ABV \ l SoCn0QQ9at^RBRai^E HWj ftiytTmBrtfw ZÊÊÊS HT BfflSK bbbbbbj ^>>s ■ B9 BBBBBBB BBS ■ ■ •*■ »jksv «fa 3HD8 ■ - ^- w:,»-**>».-*- A-f*,.ar,fr: BBBBBl . b£# LBfl Bj ■?&£&" ._,-*.,-*-