999999999� 7\ <^K\X/\ KKlK/\ JICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE N A T I O N A L 11 B R A R Y O F M E 0 I C I N E NATIONAl l IBR / v/^7 - A ^e4 ï / lK/\ J-\ c r^~ IICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARV 0I1VN 3NI3IQ3W JO A a V a 8 I 1 IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A II V M B 11 IVNOIIVN 3 N I 3 I O 3 W JO A « V II s> £ f ICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAl LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY = y\. y x v x = W ✓ x \ ICINE NATIONAl LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRAR1 o iv a.-/ 2 VJ? DUVN 3NI3IQ3W JO A « V a 8 I 1 IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A II V ■ t 11 IVNOIIVN 3 N I 3 I 0 i W 30 A»V1 I TRAITE DE MEDECINE LEGALE. n Les juges d'instruction ne doivent confier les ex- pertises médico-légales qu'à des hommes éclairés et probes. La défense ne trouvera jamais un appui solide en sollicitant la coopération de la mauvaise foi, de l'ignorance et môme du deni-savoir. IMPRIMÉ CHIsZ PAUL RENOTJARD, rue Garanoière , n. t. TRAITE DE MÉDECINE LÉGALE M. ORFILA, Doyen et Professeur de la Faculté de Médecine de Paris, Membre du Conseil royal de l'Université, du Conseil général des hospices, du Conseil académique, du Conseil de Salubrité, Docteur en Médecine de la Faculté de Madrid, Commandeur de la Légion-d'Honneur, de l'ordre de Charles III et du Cruieiro, Officier de l'ordre de Léopold, Médecin consultant de S. M. le Roi des Français, Membre correspondant de l'Institut, Membre de l'Académie royale de Médecine, de la Société d'émulation, de Chimie médicale, de l'Université de Dublin, de Philadelphie, de Hanau, des diverses Académies de Madrid, de celles de Cadix, de Séville, de Barcelone, de Murcie, des Hes Baléares, de Berlin, de Belgique, de Livourne, etc., Président de l'Association des médecins de Paris. QUATRIEME EDITION, REVUE, CORRIGÉE ET CONSIPÈRABLEMEXT AUGMENTÉE, CONTENANT EN ENTIER LE TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES PAR MM. ORFILA ET LESUEUR. AVEC PLANCHES. TOME DEUXIÈME. PARIS. LABE, ÉDITEUR, LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE, PLACE DE l'ÉCOLE-DE-MEDECINE, 4. . 1848. w 600 0 611a, £.2 TRAITÉ DE MÉDECINE LÉGALE. ARTICLE II. Des maladies qui peuvent "produire la mort apparente, et exposer aux inhumations précipitées. L'apoplexie, l'extase, fépilepsie, la catalepsie, l'hystérie, la lipothymie, l'asphyxie, la congélation, le tétanos, la peste et certaines blessures, telles sont les principales maladies que les auteurs ont regardées comme pouvant produire la mort appa- rente et exposer aux inhumations précipitées ; en effet, s'il est inexact de dire que ces maladies simulent constamment la mort, on ne peut guère se refuser à admettre que dans certaines cir- constances les individus qui en sont atteints ne donnent aucun signe de vie, ou n'en présentent que de fort équivoques. On sen- tira dès-lors la nécessité d'attendre, avant de porter un jugement, que les phénomènes cadavériques se soient manifestés; et l'on insistera surtout pour que l'inhumation soit différée jusqu'à l'époque où il ne sera plus permis de douter que la mort est réelle. Les annales de la science fourmillent de faits propres à justifier la conduite que je propose de tenir (Voy. l'observation de Rigaudeaux, à la page 277 du tome 1er.) ARTICLE in. Des épreuves que Von a proposées pour constater si la mort est réelle. La plupart des épreuves conseillées jusqu'à ce jour pour dis- tinguer la mort réelle de la mort apparente, sont équivoques et insuffisantes ; je vais les examiner séparément, pour mieux faire n. i — 2 - juger la valeur de chacune d'elles. On a cru pouvoir reconnaître si l'individu respirait encore, en plaçant devant la bouche et les narines la flamme d'une bougie, un brin de paille, des fila- mens de laine ou de coton, un miroir, etc. ; la respiration est suspendue, a-t-on dit, si le miroir n'est pas terni et si les autres corps restent immobiles; dans le cas contraire, il faut admettre qu'il se dégage des poumons de l'air et de la vapeur pulmonaire, et par conséquent que l'individu respire. Mais ne sait-on pas qu'il suffit de modérer la respiration, pour que les corps légers, placés devant la bouche et les narines, n'éprouvent aucun mou- vement, et ne voit-on pas tous les jours la surface d'un miroir être ternie par la vapeur qui s'exhale des poumons d'un cadavre encore chaud? Winslow voulait que l'on mît sur le cartilage de l'avant-dernière côte un verre contenant de l'eau ; le corps étant couché sur le côté opposé, on pouvait juger, d'après cet auteur, sila respiration s'exerçait encore par l'oscillation ou l'immobilité du liquide. Déjà, avant lui, on avait imaginé de coucher la per- sonne sur le dos et de placer le verre sur le cartilage xyphoïde, pour atteindre le même but ; mais ces expériences doivent sou- vent induire en erreur, non-seulement parce qu'elles supposent que les. côtes se meuvent constamment pendant la respiration, tandis que celle-ci peut très bien s'exécuter à l'aide du dia- phragme, mais encore parce qu'il est des circonstances où des gaz, dégagés dans l'abdomen d'un cadavre, impriment un mou- vement manifeste à l'eau, quoique la personne soit morte depuis plusieurs heures. Ajoutons à ces considérations qui prouvent déjà combien cette épreuve est insuffisante , que la respiration est suspendue pendant l'asphyxie, et qu'alors on ne doit obser- ver aucun des caractères mentionnés; l'individu est pourtant vivant. Les battemens du cœur et des artères, a-t-on dit, ne laissent aucun doute sur l'existence de la vie. Que l'on explore attentive- ment lesmouvemensde ces organes, en couchant l'individu sur le dos, sur l'un et l'autre côté, afin de mieux apprécier les battemens les plus légers du cœur, qui le plus souvent se font sentir à la ré- gion gauche du thorax, mais qui dans d'autres circonstances sont sensibles à droite; et pour ce qui concerne les artères, que l'on — 3 — cherche à apprécier les pulsations du tronc fémoral, de l'artère temporale et de la carotide externe, en plaçant le doigt au milieu de l'espace compris entre l'épine antérieure et supérieure de l'os iliaque et l'épine du pubis, ou dans la région temporale au-des- sus de l'arcade zygomatique, ou enfin entre le larynx et l'angle de l'os maxillaire inférieur : que l'on explore les battemens de l'artère radiale à son origine, c'est-à-dire à la partie antérieure et externe du pli du coude, au poignet, et après qu'elle s'est en- foncée sous le& tendons des muscles extenseurs du pouce, entre le premier et le second os du métacarpe, et non entre le pouce et le premier os, comme on l'indique mal-à-propos. Malheureu- sement il est des cas où ces épreuves ne peuvent pas nous éclai- rer, parce que les mouvemens sont assez faibles pour ne pas pouvoir être appréciés, et surtout parce qu'ils sont suspendus dans la syncope, quoique l'individu soit vivant? L'emploi des stimulans et des irritans a été regardé comme un moyen certain de distinguer la mort réelle de la mort appa- rente : aussi a-t-on proposé tour-à-tour de titiller la luette, d'ap- pliquer des sternutatoires sur la membrane pituitaire, de placer sous les narines des liquides volatils et irritans, comme l'ammo- niaque, l'acide acétique, etc., d'introduire dans les intestins des lavemens de tabac, de sel commun, etc., de faire usage de vé- sicatoires, d'avoir recours à l'urtication, à la piqûre avec des ai- guilles , à la cautérisation avec le feu, l'huile, la cire d'Es- pagne, etc. L'inefficacité de plusieurs de ces moyens est tellement évidente, qu'il est inutile de s'en occuper : quant aux caustiques, il suffira de dire que des personnes qui étaient dans un état de mort apparente ont été profondément brûlées sans donner le moindre signe de vie. Un apoplectique, âgé d'environ trente-six ans, dit Fodéré, fut apporté à l'hôpital des Martigues en \ 809 : « L'épouse du malade, trouvant les moyens dont j'avais fait usage trop lents, appliqua pendant la nuit sur l'épaule paralysée une rouelle brûlante de gaïac, puis l'abandonna à son sort. L'odeur du linge brûlé ayant attiré les servans près du lit du malade, au bout de quelques heures, ils trouvèrent une partie de la chemise et des draps de lit consumée, son bras et son épaule à demi brûlés, sans qu'il eût été détourné de son sommeil, et même sans qu'il éprouvât la moindre douleur lorsqu'on le réveilla. Il fut pansé de cette brûlure pendant trois mois, et n'en resta pas moins hémiplégique (tome n, page 366), l. _ 4 — Que penser maintenant de l'application des vésicatoires, des ventouses scarifiées, de l'urtication, du moxa, et de la piqûre par l'aiguille : sans doute il y aura des cas où l'individu pourra être réveillé par l'action de l'un ou de l'autre de ces irritans; mais dans combien de circonstances ces moyens ne seront-ils pas sans effet! J'en dirai autant des incisions légères que l'on a conseillé de pratiquer : quant aux incisions profondes , elles pourront ne pas être plus efficaces, et leur danger est trop grand pour qu'on doive y avoir recours. Foubert trouvera-t-il des imitateurs, lors- qu'il propose de mettre le cœur à nu par une incision, afin de déterminer s'il exécute encore quelques mouvemens? Je ne le crois pas. De l'électricité voltaïque. Si après avoir disséqué une por- tion d'un muscle locomoteur superficiel, on le soumet à l'action de la pile électrique, et qu'il ne se contracte point, on peut as- surer que l'individu est mort ; car les muscles ne cessent de se contracter sous l'influence de la pile que lorsque la rigidité cada- vérique s'est manifestée. Si, au .contraire, on obtient des con- tractions , il n'est pas certain que la vie soit éteinte, et l'on doit chercher à ranimer les mouvemens des poumons et du cœur, par tous les moyens qui sont au pouvoir de l'art ; cependant on au- rait tort d'assurer que l'individu est vivant, les muscles des cada- vres jouissant de la propriété de se contracter sous l'influence delà pile, depuis le moment de la mort jusqu'à celui où ils sont devenus raides. Je crois pouvoir conclure de ce qui précède, 1° que de toutes les épreuves proposées pour distinguer si la mort est réelle ou ap- parente , celle qui consiste à soumettre un muscle à l'action de la pile est, dans certains cas, la plus valable ; 2° que parmi les autres, il en est que l'on ne doit jamais tenter ; 3° qu'il n'y a au- cun inconvénient à mettre en usage celles qui ne présentent au- cun danger; h° que dans les cas douteux, il faut différer l'in- humation. ARTICLE IV. Des altérations des tissus et des fluides qui sont le résultat de la mort, et qui pourraient être attribuées à des vio- lences exercées sur les individus vivans, ou à des mala- dies antécédentes. Avant de comparer dans les principaux organes les altérations qui se sont produites sous l'influence de la vie, à celles qui suc- cèdent aux réactions chimiques, il me paraît convenable de trai- ter la question d'une manière générale. Les altérations éprouvées par nos organes du vivant de l'individu, peuvent être de deux ordres : ou la partie a été le siège d'une modification morbide dans le travail nutritif, ou elle a été soumise brusquement à une violence venant du dehors, ou à l'action de quelque substance désorganisatrice. Examinons séparément chacun de ces points» A. Modifications morbides dans le travail nutritif. Sous ce titre, je crois pouvoir ranger les six altérations sui- vantes : 1° Formation d'une nouvelle substance dans l'économie animale. Quelquefois cette substance n'a point d'analogue ; telles sont la matière tuberculeuse, le tissu squirrheux, le tissu encé- phaloïde, etc.; dans d'autres cas, elle a son analogue, mais elle occupe une place où on ne devrait pas la trouver, comme lors- qu'une lame cartilagineuse ou osseuse existe dans une adhérence des plèvres, quand il se forme des kystes fibreux, séreux, etc. Il n'est pas besoin d'être versé dans l'étude de la putréfaction, pour affirmer qu'en aucun cas de semblables modifications de struc- ture et d'aspect ne peuvent être le résultat de réactions chimi- ques, sans l'intermédiaire de la vie. Sécrétion de pus. Ce pus est tantôt épanché dans une cavité, tantôt réuni dans une poche du tissu cellulaire, quelquefois in- filtré, mais presque toujours reconnaissable, lorsqu'il n'est pas trituré avec la substance de l'organe, à sa couleur blanc-jau- nâtre, à ses globules, à la manière dont il se comporte avec l'eau, etc. La putréfaction ne donne jamais lieu à la formation d'une substance semblable : dans un degré avancé de la décom- — 6 — position putride, il est vrai, on voit couler des parties devenues diffluentes, un liquide diversement coloré ; mais alors l'altération est générale, et jamais ce liquide ne présente tous les caractères du pus. Matière concrescible organisable. Cette matière est tantôt suspendue dans une sérosité lactescente, tantôt collée à la mem- brane qui l'a sécrétée ; elle peut être pénétrée ou non de vais- seaux de nouvelle formation, et sa présence dans les membranes séreuses ou ailleurs ne peut jamais être attribuée à la putré- faction. 2° Changements survenus dans la cohésion des parties. Tantôt ces parties deviennent plus dures, changement que n'opère presque jamais la décomposition putride, qui tend sans cesse à dissocier et à séparer les élémens des êtres organisés et à fournir des produits nouveaux, ordinairement liquides ou gazeux. Plus souvent la partie malade est ramollie, et, il faut l'avouer, c'est ici le point le plus difficile de la question que j'examine. Il est à la vérité des organes, l'axe cérébro-spinal, par exemple, où l'on peut souvent distinguer le produit d'une action vitale de celui de la pu- tréfaction ; mais dans d'autres cas le problème offre tant de difficul- tés, qu'après avoir rassemblé et rapproché les documens fournis par les auteurs qui se sont le plus occupés d'analomie pathologique, on hésite encore à se prononcer : on voit bien que je veux sur- tout parler du ramollissement des membranes muqueuses, quoi- que ce ne soit pas le seul tissu dans lequel il soit difficile d'éta- blir la distinction dont il s'agit : combien de fois, par exemple , n'a-t-on pas trouvé sur les cadavres d'individus récemment morts, la rate presque diffluente, ou le foie plus mou que de coutume, et comment distinguer souvent ce défaut de cohésion de celui que les mêmes organes éprouvent à mesure qu'ils se pourris- sent?... On pourrait établir plus facilement cette distinction, si les parties malades, en se ramollissant, acquéraient une pesan- teur spécifique plus grande et devenaient moins souples, comme cela arrive aux poumons hépatisés, à la rate, etc., qui ont été enflammés ; car jamais la putréfaction ne produit cet ensemble de changemens. 3° altérations de couleur. Lorsque le sang a été retenu mé- — 7 — caniquement dans une partie du vivant de l'individu, ou qu'il y a été appelé par une action vitale, il colore encore cette partie après la mort. Il est souvent difficile de décider si la coloration est le résultat d'une stase ou d'un mouvement fluxionnaire ; mais fort heureusement cette question ne touche presque pas le méde- cin légiste , puisqu'il a pour but unique de rechercher si la co- loration a eu lieu ou non pendant la vie. Je ne dois pas négliger cependant de signaler les traces de l'inflammation ; car toutes les fois qu'on pourra en reconnaître les caractères, on éprouvera moins d'incertitude sur la cause de la coloration. Un excellent moyen de distinguer souvent les colorations rouges qui ont lieu avant la mort de celles qui sont le produit de la décomposition putride, consiste à examiner si le sang qui colore la partie est ou non contenu dans les vaisseaux de l'organe. Dans le premier cas, la couleur se montrera disposée en arborisations, qui suivront les divisions et les subdivisions du système vasculaire, on ne pourra guère refuser d'admettre, en général, que tel était l'é- tat de la partie lorsqu'elle a été surprise par la mort ; dans le second cas, ce sera une espèce de teinture plus ou moins foncée, sans apparence de ramifications. Si à ces caractères se joignent les inductions que l'on peut tirer du voisinage de parties très abreuvées de sang, comme celui de la rate pour la grosse extré- mité de l'estomac, celui du foie pour la face supérieure de l'esto- mac,etc., il y aura de fortes présomptions en faveur de l'opinion que la couleur est cadavérique (V. plus loin à la p. 30 les expérien- ces à l'appui de cette assertion). Je dis de fortes présomptions, parce qu'il est impossible de considérer la distinction que je viens d'établir comme infaillible : en effet, d'une part, les rougeurs in- flammatoires n'ont pas toujours l'aspect arborisé, puisqu'on les voit piquetées, et sous formes de plaques dans lesquelles il y a souvent une sorte de combinaison du sang avec le parenchyme, combinaison que les expériences de Kalten-Brunner ont mise hors de doute ; d'une autre part, il peut arriver qu'à une certaine épo- que de la putréfaction, le sang liquéfié soit chassé dans les di- visions vasculaires, par suite du ballonnement du ventre et du refoulement du diaphragme : à la vérité, ce phénomène est assez rare. — 8 — Outre la coloration rouge dont il s'agit ici, il existe beaucoup d'autres teintes que j'examinerai en parlant du cerveau et du ca- nal digestif. U° Emphysème. Lorsque l'emphysème est général et qu'il n'existe aucune solution de continuité du poumon, de la plèvre ou de la trachée-artère, il ne peut guère dépendre que de la putréfaction. S'il est partiel, il peut devoir son origine à une ma- ladie : ainsi on a vu sur le vivant l'air sortir avec un léger siffle- ment d'un phlegmon qu'on venait d'ouvrir à la paroi antérieure de l'abdomen, et cependant l'intestin n'était pas dans la tumeur qui n'occupait que la paroi abdominale. Dans une fracture de la jambe avec plaie, il survint un emphysème considérable; dans les abcès stercoraux urineux, il y a souvent des gaz. Les lésions concomitantes pourront suffire dans ces cas pour faire distinguer ce dégagement de gaz de ceux qui sont le résultat de la putré- faction. Le problème est plus difficile à résoudre lorsque l'emphy- sème est sous-muqueux (V. canal digestif, page 38). 5° Gangrène. Quelque similitude qu'il puisse y avoir, dans certains cas, entre la gangrène et les produits de la putréfaction, il est difficile de se méprendre quand la gangrène est sèche, et même toutes les fois qu'il y a escarrhe ; dans les autres cas, la cir- conscription plus ou moins marquée du mal, l'aspect particulier de la partie gangrenée, l'état des vaisseaux qui s'y rendent, et qui sont obturés par des caillots un peu desséchés, aideront à établir la distinction. 6° Ulcération. La peau, par le seul fait de la putréfaction des cadavres dans l'eau, dans la matière des fosses d'aisances, etc., peut être le siège de corrosions qu'il serait souvent difficile de distinguer des ulcères; dépareilles ulcérations et même des per- forations se remarquent quelquefois dans le canal digestif (P. PEAU et CANAL DIGESTIF). B. Violences brusques venant du dehors. Ces violences peuvent occasionner des plaies, des déchirures, des fractures, des ecchymoses et des épanchemens de sang ; la putréfaction ne produit rien qui ressemble aux fractures, aux — 9 — déchirures ni aux plaies : ces dernières, en effet, ne sauraient être confondues avec les corrosions de la peau que déter- mine à la longue la putréfaction dans l'eau et dans les fosses d'aisances. Quant aux ecchymoses et aux épanchemens de sang, on jugera qu'ils sont cadavériques, en ayant égard à leur situa- tion, à l'uniformité de la couleur de la partie ecchymosée, à l'o- deur qu'exhalera le corps, et à l'état de dissolution de toutes les parties ; à la vérité, ce dernier caractère, pris isolément, serait insuffisant pour établir la distinction dont il s'agit, parce qu'il pourrait arriver que les ecchymoses eussent été faites pendant la vie, et que le cadavre ne fût examiné que lorsqu'il serait déjà pourri. Les parties contuses peuvent également, à la suite de ces violences, être converties en une espèce de bouillie, ce qui a lieu aussi parla putréfaction, mais en général ce phénomène est plus circonscrit dans le cas de violence extérieure. Examinons maintenant dans chacun des principaux organes ou appareils quelles sont les lésions faites pendant la vie, que l'on pourrait confondre avec les résultats de la décomposition pu- tride. Altérations de la peau. J'étudierai successivement les livi- dités cadavériques, les vergetures, les ecchymoses et certaines ulcérations que l'on serait quelquefois tenté de considérer comme un effet de la putréfaction. Ces ulcérations ne pourraient guère induire en erreur que pour les cadavres qui se sont pourris dans l'eau et dans les fosses d'aisances; en effet, on remarque alors, mais à une époque déjà avancée, des corrosions, des pertes de substance quelquefois assez considérables, simulant jusqu'à un certain point certains ulcères. Il suffira cependant, pour éviter toute erreur, de se rappeler la description que j'ai donnée de ces corrosions en parlant de la putréfaction dans l'eau, ainsi que l'état dans lequel se trouvent déjà, par suite des progrès de la putréfaction, les divers tissus et organes de l'économie. Lividités cadavériques de la peau. On désigne ainsi des ta- ches superficielles lenticulaires, ponctuées, ou des plaques irré- gulières plus ou moins larges, d'une forme et d'une étendue va- riables , de couleur noirâtre, brune, rougeâlre ou violacée, qui ont leur siège dans le tissu de la peau, et qui sont le résultat de — iO — la congestion du sang dans les réseaux capillaires, comme on peut s'en convaincre en coupant à l'endroit de ces lividités une lame mince de la peau ; on verra que la couleur livide ne s'étend pas aux parties sous-jacentes. On n'observe le plus souvent Tes lividités cadavériques qu'au dos, aux fesses et aux parties sur lesquelles le corps était couché au moment où il s'est refroidi, phénomène qu'il sera facile de concevoir dès que l'on admettra que le sang est entraîné par la pesanteur dans les parties les plus déclives, et que l'influence de cette pesanteur ne se fait sentir que tant que la chaleur sub- siste et que le sang reste fluide : c'est donc parce que la plupart des cadavres se refroidissent en conservant la position horizon- tale dans laquelle se trouvaient les individus au moment de la mort, que les taches se manifestent plutôt au dos et aux fesses qu'ailleurs. En effet, si au moment de la mort on retournait ces cadavres, de manière à ce qu'ils fussent couchés sur le ventre pendant leur refroidissement, les lividités occuperaient alors cette partie du corps ; d'où il suit que l'on peut juger, d'après la situation de ces taches, la position du corps au moment de la mort, à moins qu'on n'ait la certitude que le cadavre a été re- tourné peu de temps après qu'elle a eu lieu. Quelquefois les livi- dités cadavériques s'étendent plus particulièrement à la tête, au cou et aux parties génitales ; dans d'autres circonstances, la peau est livide dans toute son étendue. Les lividités cadavériques paraissent le plus ordinairement lorsque le cadavre commence à se refroidir ; il est des cas ce- pendant où les ongles, les mains, les pieds, le nez, les lèvres et les lobes des oreilles offrent une teinte violacée pendant l'agonie de diverses maladies ; dans certaines circonstances au contraire la peau ne devient livide que plusieurs jours après la mort, ce qui paraît tenir à la stagnation du sang dans l'oreillette droite du cœur et dans le tronc des veines caves : la couleur livide ou noi- râtre qui se manifeste alors dans quelques parties de la peau, est accompagnée de phénomènes trop importans pour ne pas devoir fixer un instant mon attention. Supposez que le sang ait perdu sa consistance, et qu'il soit accumulé dans l'oreillette droite du cœur et dans le tronc des veines caves ; admettez en même temps — 41 — que l'estomac soit distendu par des gaz, comme on l'observe par- ticulièrement pendant l'été dans les cadavres des noyés, de ceux qui meurent peu de temps après avoir mangé, etc., le dia- phragme sera refoulé dans la poitrine, et le sang sera dirigé vers les parties supérieures et inférieures ; de là une série de phéno- mènes qui ont été parfaitement décrits par Chaussier : les veines de la tête et du cou se gonfleront, la face se colorera et finira par prendre une teinte foncée, les yeux, déjà obscurcis et affaissés, se rempliront et sembleront s'animer; la pupille se resserrera; il pourra s'écouler par les narines du sang clair et brunâtre prove- nant de la rupture de quelques vaisseaux de la membrane pitui- taire, ou du mucus visqueux et écumeux, poussé depuis les pou- mons jusqu'au dehors : le sang pourra également refluer des veines de l'abdomen vers les organes génitaux ; le scrotum et le pénis deviendront noirs au point de faire croire qu'il y a eu vio- lence pendant la vie. Pour qu'il ne restât aucun doute sur la va- leur de cette explication, Chaussier tenta des expériences qui doivent paraître concluantes : Il introduisit dans l'estomac ou dans l'intestin des cadavres, un mé- lange fait avec de la farine et de la levure de bière délayées dans une suf- fisante quantité d'eau ; il s'établit bientôt une fermentation qui donna lieu à un dégagement de gaz ; l'abdomen ne tarda pas à s'élever, à se disten- dre, et, bientôt après, la bouche et les narines se remplirent d'un fluide écumeux qui sortit en bulles plus ou moins abondantes par ces ouvertures. Mais comme les mâchoires sont fortement rapprochées, dit ce médecin, il arrive quelquefois qu'une partie des substances qui regorgent de l'esto- mac, entre par la glotte dans la trachée-artère, et remplit toutes les bron- ches, surtout si la tète est élevée et le menton incliné sur le cou. Quel- quefois aussi pn a trouvé des vers dans la bouche, dans les cavités nasales ot même dans les bronches. En faisant l'ouverture du corps d'un homme qui, quelques heures auparavant, avait mangé avec appétit du pain et du fromage de gruyère, on vit dans la trachée un morceau de fromage sem- blable au précédent ; une autre fois on y trouva des haricots cuits et à demi digérés. Morgagni rapporte un cas analogue. Un pauvre de Milan, âgé d'environ quarante ans, après avoir bien man- gé et bien bu, reçut au thorax un coup de couteau qui parvint jusqu'au ventricule gauche du cœur. Le sang s'étant écoulé dans ce moment, et — 12 - ensuite en petite quantité, il fit de lui-même environ soixante-dix pas ; alors il s'assit, et vomissant ce qu'il avait pris dans son dîner, il mourut dans l'espace d'une demi-heure. Le cadavre fut apporté au lycée, où il servit pendant plusieurs jours aux démonstrations anatomiques. Voici ce que l'on remarqua dans les organes de la respiration. Non-seulement la face antérieure des poumons était tachetée de noir, mais encore on trou- va dans ces viscères une partie des alimens, que le larynx avait intercep- tés pendant qu'ils étaient rejetés'par le vomissement par suite du trouble des fonctions naturelles des organes de la gorge, qui avait eu lieu dans cette agitation tumultueuse de tout le corps, et dans cet étatde langueur des forces qui s'éteignaient; en sorte qu'une portion assez considérable de ces alimens, outre celle qui se trouvait dans les bronches, s'était arrê- tée dans le tronc même de la trachée-artère. On ne douta pas que cette circonstance n'eût contribué à accélérer la mort, et certes la face qui était tuméfiée, même les premiers jours, par la distension des vaisseaux que le sang engorgeait, semblait être celle d'un homme suffoqué (De sedibus et causis morborum, lib. iv De morbis chirurgicis, epist. lui., § 26.) J'adopterai l'opinion de Chaussier, qui pense que l'explication de ce fait donnée par Morgagni n'est pas juste, et qui regarde l'en- trée des alimens dans les voies aériennes comme un effet cadavé- rique semblable à ceux dont je viens de parler à la page 11. Lividités du canal digestif. Le canal digestif est également le siège de lividités cadavériques ; il n'est pas rare, en effet, de trouver à l'estomac et aux intestins, sous la membrane séreuse, dans le tissu même de la partie, des taches rouges, livides ou noi- râtres, étendues, irrégulières, semblables à celles que l'on voit à la peau des cadavres; ces taches occupent la partie du canal di- gestif qui était la plus déclive au moment du refroidissement; elles ne dépendent que de la stase, de la congestion du sang dans les capillaires, et ne sauraient être regardées comme des traces d'inflammation. Les deux observations suivantes, auxquelles je pourrais en joindre une multitude d'autres, mettront cette vérité hors de doute. 1° A l'ouverture de l'abdomen d'un individu qui succomba brusque- ment à une attaque d'apoplexie, et qui se trouvait peu de temps aupara- vant dans un état de santé parfaite, on observa que toutes les anses intestinales superposées, et la portion de l'estomac que l'on put découvrir étaient d'une pâleur remarquable : on n'aperçut de rougeur que dans là partie la plus déclive de chacune des anses, et nulle part l'injection vei- — 43 — rieuse n'était aussi considérable que sur les portions de l'iléum ploncées dans le petit bassin. La membrane muqueuse de l'estomac, celle de la vessie, étaient rouges à leur partie la plus déclive. Le cadavre était resté en supination; l'ouverture avait été faite vingt-quatre heures après la mort. 2° On plaça sur le ventre, immédiatement après la mort, le cadavre d'un jeune soldat qui venait de succomber à une pneumonie grave et de peu de durée ; on veilla à ce que le corps restât dans cette position jusqu'au moment de l'ouverture qui fut faite le lendemain. Les lividités cadavériques de la peau se montrèrent à la face , à la poitrine , au ventre et à la partie antérieure des membres. Les portions de l'estomac et de l'intestin grêle qui étaient en rapport avec l'épigastre, l'ombilic et l'hypogastre, offraient les teintes de rose, de rouge, de violet, que l'on remarque ordinairement dans les anses intestinales qui occupent le petit bassin et les côtés de la colonne vertébrale, et qui, dans cette occasion, étaient toutes d'une extrême pâleur, ainsi que la partie postérieure de l'estomac et de la vessie (Trous- seau, Dissert, inaugurale. Paris, 1825). Indépendamment de la situation de ces taches dans les par- ties les plus déclives du canal digestif, on pourra reconnaître qu'elles sont cadavériques aux caractères suivans : 1° elles oc- cupent toute l'épaisseur des organes, de telle sorte que la mem- brane péritonéale a une teinte uniforme, et semblable à celle de la membrane muqueuse ; 2° la coloration cesse presque toujours brusquement à la circonférence de ces taches, sans que son in- tensité décroisse insensiblement; ainsi sur les limites de ces ta- ches, les parois de l'intestin, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, sont blanches, décolorées, sans injection vasculaire, autre que celle de quelques branches veineuses des arcades mésentériques voisines; 3° les teintes rouges ramiformes, capilliformes, poin- tillées et striées qui appartiennent à l'inflammation, sont très rarement produites par la stase mécanique et la transsudation du sang, tandis que ce phénomène cadavérique donne lieu assez souvent à des colorations rouges, brunes, violacées, ardoisées et noires, analogues, il est vrai, à celles qui sont le résultat d'une phlegmasie; mais dans ce dernier cas, on découvre en outre d'autres produits de l'inflammation qui peuvent le plus habituel- lement aider à reconnaître leur véritable origine. Lividités cadavériques des poumons. Voy. Congestions de sang, page 1k. Lividités cadavériques du cerveau, etc. Voy. page 15, — 14 — Vergetures. Les vergetures ne sont autre chose que des livi- dités cadavériques de la peau traversées par des lignes, des sil- lons ou des plaques blanchâtres plus ou moins profondes ; elles sont évidemment le résultat de la pression exercée sur les par- ties livides par les vêtemens, les ligatures, etc., qui entourent le cadavre, ou par les aspérités du sol sur lequel il repose. Il est donc impossible de les confondre avec les ecchymoses qui au- raient été faites avec des verges du vivant de l'individu {Voy. Ec- chymoses, art. Blessures). Ecchymoses. Lorsque les cadavres se pourrissent à l'air ou dans la terre, il arrive une époque où le sang, reprenant sa flui- dité, se rassemble sous la peau et forme des espèces de tumeurs noirâtres auxquelles on a donné le nom ^ecchymoses cadavé- riques. Ces ecchymoses pourront être souvent distinguées de celles qui auront été faites du vivant de l'individu, 1° à leur si- tuation : en effet, en supposant, comme il arrive presque tou- jours, que le cadavre soit couché horizontalement sur le dos, on les remarquera particulièrement à l'occiput et aux lombes; il n'est pas rare cependant d'en observer dans les paupières et dans le scrotum, parties dont le tissu lamineux sous-cutané est fort lâche et facile à distendre; 2° à l'odeur de putréfaction qu'exhalera le corps et à l'état de dissolution de toutes les parties : à la vérité ce caractère, pris isolément, serait insuffisant pour établir la distinction dont il s'agit, parce qu'il pourrait arriver que les ec- chymoses eussent été faites pendant la vie, et que le cadavre ne fût examiné que lorsqu'il.serait déjà pourri; 3° à l'uniformité de la couleur de la partie ecchymosée ; on sait que les ecchymoses faites chez un individu vivant n'offrent point la même couleur dans toutes leurs parties, surtout lorsqu'elles ne sont pas ré- centes ; on y remarque plusieurs nuances, d'autant plus foncées qu'on s'éloigne davantage de la circonférence, phénomène que l'on n'observe jamais dans les ecchymoses cadavériques. Lésions des muscles. Je ne connais aucune lésion vitale des muscles, excepté le ramollissement, qui puisse être confondue avec les changemens occasionnés par la décomposition putride dans ces organes. Le ramollissement pathologique dont il s'agit n'est pas aussi commun qu'ont bien voulu le dire plusieurs obser- — 45 — vateurs; cependant il existe dans certaines affections aiguës et chroniques, et il est impossible de le distinguer de celui que dé- termine la putréfaction; la coloration du tissu musculaire ne four- nit aucun caractère à cet égard, parce qu'elle varie beaucoup dans l'un et dans l'autre de ces ramollissemens. Altérations de l'axe cérébro-spinal et de ses annexes. Le décollement du péricrâne peut aussi bien reconnaître pour cause la putréfaction, qu'une forte contusion ; mais dans ce der^ nier cas il est ordinairement borné à la partie frappée. Si le dé- collement est consécutif à l'inflammation, on trouve déjà une ma- tière puriforme entre l'os et les parties molles : l'os est altéré. Je ferai à-peu-près les mêmes remarques pour la dure-mère, en ajoutant que, dans le cas où elle est brusquement décollée, il y a du sang épanché entre elle et les os. Lesépanchemens de sang dans la cavité de l'arachnoïde, dans la substance cérébrale ou dans les ventricules, ne sont jamais le résultat de la putréfaction. Quant aux épanchemens séreux, rien ne prouve qu'ils ne puissent, dans certains cas reconnaître pour cause la décomposition putride aussi bien qu'une lésion vitale; mais on se rappellera, avant de les attribuer à la putréfaction, que les ventricules cérébraux, le canal rachidienetles aréoles de la pie-mère cérébrale, renferment habituellement, dans l'état de santé, un liquide séreux indiqué par Cotugno, et étudié depuis par M. Magendie. Du reste, il serait difficile, pour ne pas dire im- possible, d'assigner au juste l'origine d'un liquide séreux qui se trouverait dans les organes dont je parle, s'il n'y avait d'ailleurs aucune autre trace de lésion vitale, et si ce liquide était peu abon- dant : l'observation prouve en effet que l'épanchement dépendant d'une cause pathologique est en général beaucoup plus considé- rable que le s autre Encéphale. Cerveau et cervelet. L'endurcissement de la substance cérébrale, que l'on observe surtout chez les aliénés, et dans lequel le cerveau offre quelquefois une teinte rouge (indura- tion rouge de M. Lallemand) n'est jamais produit par la putré- faction. Il en est de même de toutes les productions acciden- telles avec ou sans analogue, dont je ne m'occuperai par consé- quent pas. — 46 — Ramollissement du cerveau et du cervelet. Ce ramollisse- ment peut succéder à une maladie ou à la décomposition putride, et il importe d'-autant plus que je cherche à reconnaître quelle est son origine, que plusieurs de ses caractères sont souvent les mêmes, comme on pourra en juger, en examinant successive- ment le degré, le lieu, la couleur, l'odeur et l'étendue de l'altéra- tion. Degré. Dans la maladie comme dans la putréfaction, on a observé tous les degrés intermédiaires, depuis la diminution lé- gère de cohésion jusqu'à l'état diffluent. Lieu. Sur quarante-six observations citées par M. Lallemand, le ramollissement a oc- cupé trente-trois fois la substance grise, ou des parties dans les- quelles elle prédomine : or, c'est aussi la substance grise qui se ramollit le plus promptement après la mort. Couleur. Dans l'ob- servation 3e de M. Lallemand, la couleur de la partie ramollie était rosée; dans la 2e et la 9e, amarante; dans la 5e, d'un rouge foncé ; et dans la 6e, d'un violet lie de vin. Ces remarques ont été faites principalement sur la substance grise ramollie; car la sub- stance blanche moins vasculaire devient pâle, jaune citron, ver- dâtre, etc., et se colore rarement en rouge. Des nuances exacte- ment semblables se remarquent dans les cerveaux ramollis par suite de la putréfaction. Le ramollissement vital offre cependant quelquefois deux aspects qui lui sont propres : celui qui résulte de la formation de petits épanchemens sanguins au milieu de la partie ramollie, et celui qui provient de la trituration du pus avec la substance cérébrale, et dans lequel, plus tard, le pusse réunit en un foyer, D'après Billard, il existe quelquefois chez les nou- veau-nés un ramollissement local et général du cerveau et de la moelle épinière, produit pendant la vie, qui présente tous les ca- ractères du ramollissement cadavérique, sans la moindre trace des phénomènes qui caractérisent l'inflammation (Traité des maladies des enfans nouveau-nés, 1833). Odeur. On remar- que quelquefois dans des parties diffluentes, par suite de leur al- tération morbide, une odeur excessivement fétide ; mais on sait que de tous les organes, celui qui répand l'odeur la plus infecte en se pourrissant, est le cerveau; à la vérité,les personnes habi- tuées à ces sortes de recherches peuvent, dans certains cas, dis- tinguer l'odeur cadavérique de celle qui se développe pendant la — 47 — vie, pourvu que la partie ramollie par la maladie n'ait déjà subi un commencement de décomposition putride, ce qui arrive proinptenient après la mort; car alors il y a confusion, mélange des deux odeurs, et impossibilité de rien distinguer ; on voit donc combien b'caractère dont je parle est peu propre à éclairer le médecin dans les recherches qu'il est appelé à faire. Etendue du ramollissemeut. Le ramollissement cadavérique étant éprouvé par toutes les parties du cerveau et du cervelet à-Ia-fois, ce qui n'a presque jamais lieu dans le ramollissement vital, il estévidenl que de tous les caractères, celui-ci est le plus important, et que la circonscription de l'altération sera toujours le meilleur moyen d'établir la différence entre les deux espèces. Pour faire des applications justes de ce principe, il est néces- saire de se rappeler que toutes les parties de l'axe cérébro-spinal n'ont pas la même consistance. Chez l'adulte, la moelle est plus molle que l'encéphale, le cervelet plus mou que le cerveau, la protubérance annulaire plus ferme que toutes les autres parties; le trigône cérébral et la cloison des ventricules paraissent offrir un peu moins de consistance que les lobes. Chez l'enfant, la moelle est plus dure que le cerveau, et beaucoup plus résistante que chez l'adulte; on peut la dépouiller de la pie-mère avec un peu de soin, ce qu'on ne peut faire chez l'adulte sans que la moelle s'échappe. Le cerveau est plus ferme chez les vieillards que chez les jeunes sujets. Mais, dira-t-on,le caractère tiré de Vétendue du ramollisse- ment, quoique infiniment supérieur aux autres, n'est-il pas lui- même susceptible d'induire quelquefois en erreur? Je ne suis pas éloigné de le croire d'après les considérations suivantes : 1° Quoique excessivement rare, le ramollissement vital gêné- val a été observé quelquefois chez l'adulte ; il est plus commun clic/ l'enfant naissant : on sait que sur trente cas de ramollisse- ment pultacé de la pulpe cérébrale, dix fois Billard a vu ce ramol- lissement envahir la totalité du cerveau et de la moelle épinière. l)0 Le ramollissement cadavérique ne commence pas au même instant dans toutes les parties; le trigône cérébral, la cloison et les parois des ventricules cérébraux paraissent être les premières parti, s qui l'éprouvent : à la rigueur, il serait donc possible que n. 2 - 48 — l'on prît cette altération circonscrite pour le résultat d'une lé- sion vitale. 3° Quand le cerveau est généralement ramolli, mais à un de- gré peu considérable, on ne peut pas toujours attribuer cela à la putréfaction, car nous n'avons point de mesure ou de terme pour exprimer la consistance naturelle de l'encéphale. Chez deux femmes mortes à la même heure et ouvertes en même temps à la Maternité, il y avait une différence si considérable dans la con- sistance des deux cerveaux, qu'il fallait admettre que le cerveau d'une de ces femmes était trop mou, ou que celui de l'autre était trop dur; à la vérité, on pourrait encore expliquer cela en disant que la putréfaction avait commencé plus tôt chez l'une que chez l'autre. M. Louis croit qu'un certain degré de mollesse de tout l'encéphale peut être un état maladif ; l'observation des deux femmes de la Maternité s'accorderait avec cette idée; il cite même les troubles des fonctions du système nerveux qui ont accompa- gné le ramollissement général. Ces remarques sont de nature à rendre circonspects les experts qui auraient à juger une semblable question, surtout dans les cas où le ramollissement général ou partiel serait peu prononcé. Ramollissement de la moelle épinière. Cette partie de l'ap- pareil cérébro-spinal est celle qui se ramollit le plus prompte- ment après la mort, ainsi que l'avait déjà reconnu depuis long- temps Pourfour-Petit. Pour bien connaître la structure de celte partie, dit cet auteur, il faut la disséquer le même jour ou tout au plus tard le lendemain de la mort des sujets; si l'on attend da- vantage, elle devient si molle qu'il n'est plus possible d'y travail- ler : la même chose arrive si on ne l'étudié pas immédiatement après qu'on l'a tirée du canal des vertèbres. La substance blanche se ramollit beaucoup plus lentement que la grise; il n'est pas rare de trouver celle-ci humide et presque diffiuente, lorsque l'au- tre conserve encore sa consistance normale {Voyez les recher- ches du docteur Calmeil dans le Journal des progrès, année 1828, vol. xi et xn). Il n'est guère possible de confondre le ramollissement putride de la moelle, avec celui qui est le résultat d'une phlegmasie, parce que dans ce dernier cas il pourra y avoir injection des vais- — 49 — seaux environnant, et que la portion ramollie offrira une teinte rosée plus ou moins ponctuée de rouge ; quelquefois aussi la moelle sera réduite à la consistance du pus liquide ; j'ajouterai enfin que le ramollissement vital sera circonscrit, tandis que l'autre occupera toute l'étendue de l'organe. Ce dernier caractère est à-peu-près le seul qui puisse servir à distinguer le ramollis- sement cadavérique de celui que MM. Rostan et Récamier consi- dèrent comme étant indépendant de l'inflammation, et produit par une altération particulière de la substance nerveuse de la moelle épinière. Lésions des organes de, la circulation et de la respiration. Péricardite. Il est évident, pour quiconque, a observé quelques cas de péricardite, qu'il est impossible de confondre les phéno- mènes cadavériques dont le péricarde est le siège, avec les lésions que l'on y remarque, lorsqu'il est enflammé ; en effet, dans ce dernier cas, le plus ordinairement Je cœur et le péricarde, ou seu- lement l'un d'eux, sont tapissés par une fausse membrane tantôt molle et offrant un aspect comme aréole, tantôt hérissée d'aspé- rités, tantôt épaisse, de consistance et de couleur de chair ; quel- quefois il existe des adhérences au moyen de concrétions albumi- neuses qui s'étendent commodes brides; quelquefois il y a des ossi- fications; enfin le plus souvent on voit, en outre, un épanehemenl d'une plusounjoins grande quantité d'un liquide séreux, sangui- nolent, séro-sanguinolentj, purulent ou séro-purulent, transpa- rent ou troublé par des flocons albumineux. On observe rien de pareil lorsque le péricarde se pourrit. Il peut toutefois exister dans la cavité du péricarde un épanchement séreux ou séro-san guinolent, reconnaissant uniquement pour cause la putréfaction; mais outre que cet épanchement est ordinairement peu considé- rable, il n'est accompagné d'aucune des altérations que l'on re- niai que dans l'inflammation du péricarde. Cardite. Parmi les affections nombreuses dont le cœur peut être le siège, la cardite, ou l'inflammation de sa membrane in- terne, est surtout celle dont les traces pourraient en imposer jus- qu'à un certain point à un observateur peu attentif, et les faire regarder comme des phénomènes cadavériques ; en effet, dans l'un et l'autre cas, iasurfiace interne du cœur est plus ou moins 2. — 20 — rouge, et quelquefois la substance charnue de l'organe est aussi ramollie et aussi rouge que dans la putréfaction avancée; mais alors, s'il y a eu phlegmasie, le tissu du cœur est gorgé de sang, et les portions de la membrane interne qui constituent les val- vules des orifices auriculo-ventriculaires et artériels, sont bour- souflées et notablement tuméfiées, sans qu'il y ait emphysème, ce que l'on ne remarque pas dans les cas de simple putréfaction ; souvent aussi la cardite s'accompagne de production de matière couenneuse qui se dépose à la face interne du cœur. Dans certains cas aussi, il existe des ecchymoses dans le tissu du cœur des cadavres que l'on exhume quelque temps après la mort ; j'en ai trouvé une fois dans la valvule tricuspide qui étaient semblables à celles que l'on remarque dans l'intérieur de cet organe, à la suite de certains empoisonnemens; si ces ecchy- moses sont véritablement le produit d'une imbibition cadavéri- que, il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de les distin- guer de celles qui se manifestent pendant la vie ; mais par cela seul que je ne les ai observées qu'une fois, et qu'il est bien avéré aujourd'hui que des maladies autres que l'empoisonnement peu- vent les occasionner, je suis porté à croire qu'elles ne consti- tuent pas un phénomène cadavérique, et qu'elles dépendent d'une de ces maladies. Enfin le cœur peut être affecté d'un ramollissement patho- logique, quelquefois très considérable, qu'il s'agira de distin- guer de celui que détermine la putréfaction. Tout en admettanf que souvent les pathologistes ont regardé comme produits par une lésion vitale des ramollissemens du cœur qui n'étaient que l'effet d'une putréfaction commençante, je conviendrai que cet organe peut être ramolli, indépendamment de cette décomposi- tion putride, surtout après les agonies lentes, les attaques d'é- touffement chez les sujets qui ont des dilatations du cœur, etc. Si, en même temps qu'il y a ramollissement, la substance du cœur est pâle, blanchâtre, ou d'une teinte jaunâtre analogue à celle des feuilles mortes les plus pâles, ces phénomènes ne sont point cadavériques, soit que cette teinte soit générale, soit, comme cela arrive plus souvent, qu'elle soit bornée au ventricule gauche et à la cloison interventriculaire, ou qu'on trouve cà et — 24 — là des points rouges, assez consistais, au milieu d'une sub- stance d'ailleurs très fortement ramollie et de couleur jaunâtre. Mais si le ramollissement coïncide avec une couleur violet foncé, surtout à l'intérieur des ventricules et des oreillettes, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de décider s'il est cadavé- rique ou non, à moins qu'il n'y ait en même temps amincisse- ment des parois des ventricules, comme cela a été presque tou- jours observé par les pathologistes, qui ont considéré le défaui de consistance du cœur comme une lésion vitale ; alors évidem- ment cet état n'est pas cadavérique : toutefois, je le répète en- core, il est probable que cette dernière variété de ramollisse- ment qui, dans les saisons chaudes, se manifeste peu de temps après la mort, a été souvent regardée comme le résultat d'une lésion vitale, tandis qu'elle était ^déjà un produit de la putré- faction. Vaisseaux sanguins. J'ai déjà dit que l'intérieur des vais- seaux sanguins était quelquefois coloré en rouge, peu d'heures après la mort, et que cette rougeur était un phénomène cadavé- rique, résultat évident d'une imbibition. D'une autre part, on a pu voir que presque toujours, dans les ouvertures de cadavres que j'ai faites long-temps après l'inhumation, j'ai aussi trouvé ces vaisseaux d'un rouge plus ou moins vif. Comment distinguer la rougeur cadavérique des artères et des veines de celle qui reconnaît pour cause une phlegmasie de ces vaisseaux? Si, comme cela a déjà été observé, l'inflammation ne laisse d'autres traces qu'une rougeur, il me paraît difficile, pour ne pas dire impossible, d'établir une distinction, à moins que le cadavre qui fait le sujet de l'observation n'ait été ouvert très peu de temps après la mort ; car alors tout porterait à croire que la coloration est vitale et non cadavérique, cette dernière ne se manifestant qu'au bout d'un certain temps, lorsque le sang a imbibé les tissus ; la rougeur dans les points où des caillots fibrineux repo- saient sur les parois, déposerait en faveur d'une phlegmasie, parce que, comme l'ont remarqué MM. Rigot et Trousseau, ces caillots ne colorent jamais les tissus sous-jacens, par imbibition. Si, au lieu d'une simple rougeur, le vaisseau ainsi coloré était en outre le siège d'ulcérations, de fausses membranes, d'épan- — 22 — chemens de lymphe ou de pus, s'il était épaissi, etc., on ne pour- rait plus élever de doute sur l'existence d'une phlegmasie, car la putréfaction ne produit jamais rien de pareil. Bronchite. On s'attend bien qu'il ne doit être aucunement question ici de ces bronchites dans lesquelles la membrane mu- queuse trachéo-bronchique conserve sa couleur pâle, s'ulcère ou s'épaissit notablement, et encore moins de celles qui sont suivies de perforation de la trachée-artère; aucun de ces états en effet ne saurait être simulé par la putréfaction. Il n'en est pas de même de l'inflammation, surtout chronique, des bronches, dans laquelle la membrane muqueuse, plus ou moins ramollie, offre une couleur rouge, livide, violacée ou brunâtre, sans apparence d'ulcérations ; car ces teintes et ce ramollissement peuvent aussi bien reconnaître pour cause la décomposition putride ; à la Vé- rité, le ramollissement inflammatoire de la membrane muqueuse des bronches est un phénomène assez rare. Il faudra alors se rappeler, pour établir la distinction, que, dans la bronchite, là coloration rottge est quelquefois sous forme d'injection fine ou de petits points rouges ; qu'on l'observe surtout à la fin de la tra- chée-artère , dans les premières divisions des bronches et dans les plus petites ramifications, et qu'il n'est pas rare de la voir bornée aux bronches d'un seul lobe, notamment du supérieur ; que souvent la rougeur, loin d'être générale, n'existe que sous forme de bandes ou de plaques isolées, dans les intervalles des~ quelles la membrane muqueuse conserve sa couleur blanche et son aspect naturel ; qu'il est beaucoup de cas enfin où l'on trouv, en même temps,qu'une bronchite, des tubercules pulmonaires. La présence dans un des tuyaux bronchiques d'un mucus plus ou moins tenace fermant comme un bouchon le conduit aérien, ne laisserait aucun doute sur l'existence d'une phlegmasie. J'a- jouterai encore que, dans les colorations cadavériques des bron ches, la couleur de celles-ci est beaucoup plus intense dans les portions les plus déclives du poumon où le sang s'est accumulé. Laryngite. Jamais la putréfaction ne détermine, l'épaississe- ment ni le boursouflement de la membrane muqueuse du la- rynx, pas plus que des végétations, des fongosités, des fausses membranes, des pustules ou des boutons rouges, des abcès, des — 23 — tubercules, des ulcérations des conduits fistuleux, etc. : or, la la- ryngite amène souvent ces désordres. Ce ne sera donc, comme pour la bronchite, que lorsque la phlegmasie n'aura donné lieu qu'à une rougeur et à un ramollissement de la membrane mu- queuse, que l'on pourra supposer que l'état de cette tunique est plutôt un effet de la décomposition putride que d'une laryngite. Or, ces cas sont rares, et lorsqu'ils se présenteront, on établira la distinction à l'aide de quelques-unes des données indiquées, en parlant de la bronchite et de l'angine couenneuse. Angine couenneuse. Il est impossible d'attribuer à la putré- faction ces fausses membranes que l'on remarque dans Vangine couenneuse, et qui occupent, dans la plupart des cas, les fosses nasales, le pharynx, le voile du palais, la luette, les amygdales, le larynx, la trachée-artère et quelquefois les bronches ; mais il peut arriver qu'à l'ouverture des cadavres d'individus qui ont succombé à cette affection, on n'aperçoive aucune trace de pseu- do-membrane dans ces parties, tandis que la tunique muqueuse du pharynx, de la luette, du voile du palais, sont d'un rouge li- vide : dans ce cas, on pourrait être induit en erreur, en fai- sant dépendre de la putréfaction ce qui est le résultat d'une angine couenneuse, dont les fausses membranes ont été pro- bablement rejetées par l'expectoration. On se rappellera alors qu'en général, dans l'angine couenneuse, la rougeur de la mem- brane muqueuse décroît du pharynx à la trachée-artère, que les follicules muqueux du pharynx sont quelquefois très développés et les ganglions cervicaux souvent rouges et volumineux : on n'observe rien de pareil quand la rougeur est cadavérique. Pneumonie. Parmi les lésions pathologiques, dont les pou- mons peuvent être le siège, il n'y a que l'engouement, ou le pre mier degré de leur inflammation, et la gangrène, que l'on puisse confondre avec l'état que la putréfaction détermine dans ces or' ganes; en effet les ramollissemens rouge et gris, l'induration rouge, grise et noire (mélanose), les tubercules, les granula- tions, les abcès, la matière encéphaloïde, l'apoplexie pulmo- naire, etc., sont tellement caractérisés et tellement distincts des altérations cadavériques, qu'il est impossible de commettre à cet égard la moindre méprisé. — 24 — Relativement à l'engouement, on sait que peu de temps après la mort, aussitôt que le cadavre c \ refroidi, la portion des pou- mons qui est la plus déclive est le siège d'une congestion san- guine, simulant assez bien l'engouement qui constitue le premier degré de la pneumonie. Plus tard, le cadavre se putréfiant, et le sang contenu dans les poumons devenant plus liquide ci spu- meux, la ressemblance entre l'état de ces organes ci de ceux qui ont subi un premier degré d'inflammation est encore plus grande, en sorte qu'il est difficile de dire si l'engouement est ca- davérique ou non. L'expert chargé de juger celle question se rappellera, 1° qu'il est assez commun, à la suite d'un engoue- ment pathologique, de trouver réunis dans un même poumon les trois degrés de la pneumonie aiguë : ainsi, tandis que telle partie du poumon est simplement engouée, telle autre a déjà éprouvé le ramollissement (hépatisation rouge et même grisé); ce qui dépend, ou de ce que l'inflammation n'a pas marché avec la même rapidité dans tous les points, ou bien de ce qu'elle ne les a envahis que successivement: or, il suffît de constater qu'il y a hépatisation, pour être autorisé à regarder la congestion comme dépendant d'une lésion vitale; 2° que dans le plus grand nombre de cas de pneumonie, il y a en même temps pleurésie, et alors on trouve une injection plus ou moins vive, des concrétions al- bnmineuses, ou un léger épanchement séreux, purulent ou san- guin dans la plèvre qui correspond au poumon enflammé, ce qui n'a jamais lieu par suite de la simple décomposition putride; 3° que c'est ordinairement dans les parties les plus déclives au moment du refroidissement du corps, si l'agonie n'a pas été lon- gue, que l'on remarque l'engouement produit par la putréfaction. La rougeur plus ou moins intense de la membrane interne des bronches, qui accompagne constamment l'inflammation des pou- mons , ne pourrait pas servir ici de caractère dislinctif, parce que les bronches des cadavres qui se pourrissent se colorent également en rouge dan;, les portions du poumon où le sang s'est accumulé. Dans certaines circonstances, surtout chez les vieillards et chez tous les sujets affaiblis, la stase du sang, pendant la vie dans la partie postérieure du poumon, peut déterminer une vé- _ 25 — ritable inflammation , une pneumonie simple ou double (Pneu- monie hypostatique de M. Piorry) qui occupera la même partie du poumon que la eongestion mécanique formée posté- rieurement à la mort : on se tromperait grossièrement alors, si l'on attribuait à un effet cadavérique ce qui est le résultat d'une pneumonie aiguë ; mais on évitera l'erreur en s'assurant que les poumons sont affectés d'hépatisation rouge, grise, jaune paille, etc.... {Voy. Mémoire de M. Piorry). La gangrène non circonscrite des poumons, celle qui se montre sous forme de taches ou de points bruns ou livides, offre quelque ressemblance au premier abord avec certaines con- gestions cadavériques; mais en détachant une partie de l'organe et en l'agitant dans l'éau , on lui enlèvera le sang et la couleur brune , et on lui fera reprendre son état naturel, si l'altération n'est pas vitale; d'ailleurs, il se dégage une odeur toute parti- culière dans le cas de gangrène. Quant à la gangrène circon- scrite, il n'est guère possible de la confondre avec l'engouement cadavérique, parce qu'il existe alors une escarrhe autour de la- quelle s'établit un travail de suppuration. Pleurésie. Cette inflammation laisse ordinairement après la mort des traces qui ne permettent pas de la confondre avec les altérations que la putréfaction développe dans la plèvre; la pré- sence des fausses membranes, l'aspect du tissu malade qui peut être rouge, la nature du liquide épanché qui est souvent limpide et troublé par des flocons albumineux , et quelquefois opaque, bourbeux et différemment coloré, sont des caractères suffisans de la pleurésie. Mais il arrive dans certains cas que le liquide épanche dans les cavités des plèvres est séreux, incolore et transparent, séro-sanguinolent ou sanguin, sans contenir la moindre apparence de flocons albumineux; alors il serait diffi- cile de décider si l'épanchement a eu lieu pendant la vie, ou s'il est le résultat d'une transsudation opérée après la mort, à moins qu'il n'y eut sur la plèvre des traces évidentes de phlegmasie. Lésions du canal digestif'. Estomac et intestins. Parmi les altérations nombreuses dont ces organes peuvent être le siège pendant la vie , il en est un certain nombre qu'il est impossible de regarder comme étant le résultat de la putréfaction ; je citerai — 26 — le squirrhe, le cancer, l'hypertrophie de la tunique musculaire de l'estomac, l'état mamelonné de la membrane muqueuse de ce viscère, si bien décrit par M. Louis, enfin l'état exantliémaleux des intestins, sous forme de plaques ovalairesou de boutons isolés rouges, gris, etc., qui constitue une véritable tuméfaction inflam- matoire des follicules intestinaux. Il en est au contraire d'autres dont les caractères anatomiques sont tels, qu'on serait souvent tenté de les prendre pour des produits de la décomposition pu- tride ; c'est de celles-ci que je dois spécialement m'occuper. Pour procéder avec ordre,- je distinguerai les altérations gastro-intesti- nales sans solution de continuité, de celles qui ont lieu avec perte de substance. § Ier. Altérations gdstro-intestinales sans solution dé èontiftuité. Ces altérations peuvent se rapporter aux colora- tions et à la consistance des membranes, notamment dé la muqueuse, aux matières contèhues dans le canal digestif, et à VeMphySèmè sous-muqueux. A. Colorations. Les nuances rosées que l'on observe à l'esto- mac et au duodénum après la mort qui surprend au moment des digestions, dépendent d'un état vital, et témoignent de l'afflux du sang appelé par une excitation physiologique. Les plaques jaunâtres qu'offrent quelquefois les intestins grêles semblent au contraire devoir être Considérées comme un effet de de l'imbibitiott cadavérique ; ce qui prouve eh faveur de cette opinion, c'est que la teinte jaunâtre, quand elle affecte les valvules connitentes, ne sëvoit le plus souvent qu'à leurs bords libres, seules parties plongeant dans les mucosités jaunâtres qui occu- pent cette portion du tube digestif. Il en est de même de la teinte verte communiquée par le mé- cdflram au gros intestin des enfans nouveau-nés ; la totalité des parois en est pénétrée. Il est moins facile de déterminer quelle est la nature de plu- sieurs autres colorations. Pour parvenir à distinguer celles qui appartiennent à Une modification opérée pendant la vie de celles qui ne sont qu'un effet cadavérique, examinons-les successive- ment, ett adoptant les divers états établis par Billard d'An- gers (Dé là membrane muqueuse gastro-intestinale. Paris, — 27 — 1825). Les colorations qui dépendent d'une lésion" vitale peu- vent être inflammatoires ou le résultat de simples concer- tions mécaniques, par stase du sang arrêté dans les vaisseaux lors d'obstacles à la circulation, soit dans les poumons, soit darts le cœur, etc. Les unes et les autres de ces colorations affectent des dispositions variées : ainsi on reconnaît la teinte rouge ra- miforme, capilliforme, pointillée, striée, par plaques, et diffuse ; la teinte brune et violacée, uniforme et par plaques ; la teinté ardoisée, uniforme, striée et pointillée ; la teinte noire OU mélà- nique; la teinte grise. Teinte rouge. — a. Rami for nie inflammatoire. Elle consiste dans l'injection de petits rameaux vasculaires qui ne tiennent à aucun tronc principal, et présentent, par l'élégance dé leur dis- position, un aspect agréable à la vue. Celte espèce dé rougeur peut ('gaiement être passive, et se trouver dans Yétat Sain du canal digestif; mais alors toujours les ramifications procéderont d'un tronc veineux, et seront ordinairement bleuâtres : le canal intestinal des vieillards, comme je l'ai déjà dit, présente fré- quemment cette injection à l'état normal. b. Capilliforme. Cette teinte diffère de la précédente en ce que le réseau vasculaire est infiniment plus serré ; il consisté dans l'entrelacement inextricable de vaisseaux si déliés, que ÏéUr assemblage constitué une surface qu'on pourrait au premier coup- d'œil prendre pour une plaque uniforme. Cette rougeur peut être inflammatoire ou passive; cette dernière Se rencontré dans tés mêmes circonstances que l'injection ramiforme passive. ù. Pointillée. Le sang est épanché dans le tissu muquèux sous forme de petits points rouges disséminés de la même ma- nière que le piqueté du cerveau qu'on dit sablé ; là membrane muqueuse présente alors, pour me servir d'une comparaison dé M. Lallemand, un aspect analogue à celui d'une feuille de papier blanc, sur laquelle on aurait disséminé une poudre rouge; cette rougeur est le résultat de l'inflammation, mais elle n'est jamais passive dans le sens attaché à ce mot. Elle peut être déterminée sur le cadavre par le grattage de la membrane mUqueuse; les petits vaisseaux alors sont déchirés, et la pression de l'instrument exprime le sang par lés orifices artificiellement produits. — 28 — d. Striée inflammatoire. Cette rougeur consiste en bandes plus ou moins larges, étendues le plus souvent sur les parties saillantes de la surface muqueuse, telles que les plis de l'estomac et les valvules commentes de l'intestin grêle. e. Par plaques. Les matières les plus irritantes, les poisons les plus violens déterminent quelquefois des plaques inflamma- toires d'un rouge plus ou moins vif et uniforme. D'autres causes peuvent aussi développer une pareille lésion ; dans certains cas, outre ces plaques, on remarque une arborisation vasculaire. f Diffuse. Cette rougeur occupe des espaces variables en étendue; résultat ordinaire d'une inflammation interne, elle est souvent accompagnée d'érosions et d'ulcérations. Il existe une autre rougeur, non inflammatoire, dont le tube intestinal est le siège chez les individus atteints depuis long-temps d'une lésion organique du cœur ou des gros vaisseaux. Quelquefois aussi la membrane se colore en rouge dans toute son étendue par son contact avec du sang épanché dans l'intérieur du canal digestif ou avec des médicamens colorés. Teinte brune et violacée, a. Uniforme. D'après Billard, elle a pour cause l'inflammation dans les neuf dixièmes des cas au moins ; les poisons irritans la déterminent souvent, b. Striée. Ce sont les marbrures de la membrane muqueuse de l'estomac qui ont été signalées dans les livres d'anatomie ; elles sont considé- rées par le même auteur comme pouvant être les traces d'une inflammation ancienne, et même d'une inflammation actuelle peu intense, entretenue par une cause irritante quelconque : elles'sont ordinairement brunâtres et semées sur un fond de cou- leur naturelle. Teinte ardoisée. Cette coloration, regardée par Billard comme appartenant à l'inflammation chronique, et comme étant produite par du sang altéré et épanché dans le tissu muqueux, se présente sous l'apparence pointillée, et uniformément répandue sur une surface plus ou moins grande. Teinte noire ou mélanique. La mélanose se montre le plus ordinairement sous forme de plaques plus ou moins étendues sur le canal digestif, soit du côté de sa tunique péritonéale soit à sa face interne; quelquefois elle est sous forme de taches sem- — 29 — blables à des pétechies, de points ou de stries. Il est probable qu'en général elle provient d'une altération morbide du sang, et s'il n'est pas démontré qu'elle reconnaisse pour cause une phlegmasie du tube digestif, toujours est-il qu'on ne la voit pres- que jamais à la face interne des intestins, sans que la mem- brane muqueuse ne soit en même temps dans un état d'inflam- mation chronique évident. Ici c'est la corrosion des glandes inieslinales avec toutes les traces d'une dysenterie ancienne, ou des ulcérations grises qui environnent les points noirs ; plus loin c'est une rougeur foncée, avec épaississement de la membrane muqueuse. Certains poisons, et notamment l'acide sulfurique concentré, occasionnent dans le canal digestif une altération ayant des rapports avec la mélanose. Teinte grise. Indépendamment des colorations déjà citées, M. Louis indique dans ses recherches sur les affections typhoïdes,, une teinte grise de la membrane muqueuse qu'il n'a observée que dans l'intestin grêle, et dans le gros intestin d'un certain ordre de sujets, de ceux qui ont succombé, par exemple, à une époque plus au moins éloignée du début de la maladie (1). Les diverses teintes dont je viens de parler peuvent-elles être confondues avec les rougeurs qui se développent après lu mort ? Les considérations et les expériences suivantes me paraissent propres à résoudre cette question. 1° MM. Rigot et Trousseau ont fait voir que l'injection du canal digestif est un phénomène invariable de la stase du sang dans les anses déclives de ce canal, et que dans certains cas le sang distend à-la-fois les troncs , les rameaux , les ramuscules veineux, colore les villosités, et transsude à la surface de la membrane muqueuse , sans qu'il y ait eu inflammation de l'intes- tin , et par le fait seul de la stase du sang daus les parties déclives {Archives générales de médecine, tome xne). Cette injection peut amener une coloration diffuse à aspect arborisé, ou des (1) On remarque encore clans certaines fièvres graves, notamment dans celles que l'on de signe sous le nom d'ataxo-adynamiques, des colorations plus ou moins analogues à celles que je viens de décrire; mais elles sont ordinairement accompa- gnées d'un état exantliématcux, d'ulcérations, de perforations, etc., lésions qui ne permettent pas de ies considérer comme étant le résultat de la putréfaction. — 30 - rougeurs circonscrites sous forme de points, de stries, de taches, etc. 2.° Différentes matières putrides qui se développent dans l'in- testin donnent lieu à des strias rouges, qui correspondent presque toujours aux valvules conniventes, et qui ont leur siège au-dessous de la membrane séreuse. 3° Tous les médecins qui ont ouvert des cadavres pendant des étés très chauds savent que trente ou quarante heures après la mort, chez certains sujets, les membranes de l'estomac sont déjà imbibées de sang et uniformément rouges, surtout dans l'extré- mité splénique ; quelquefois cependant la rougeur, au lieu d'être diffuse, est sous forme de taches, de stries ou de bandes le long du trajet des vaisseaux. Expérience 1re. Une chienne de moyenne taille fut empoisonnée le 30 janvier 4830 avec 30 grâm. d'acide sulfurique étendu de 12 décagrammes d'eau ; elle mourut le lendemain à neuf heures du malin. On la mit dans une bière eu sapin mince que l'on entoura de paille. Le 4 3 février suivant, la terre étant dégelée, la boîte fut inhumée dans un des coins du jardin de la Faculté de médecine de Paris; la'fosse était creusée à 1 mètre de pro- fondeur. Examen du cadavre, le 6 mai 1830, trois mois six jours après le com- mencement de l'expérience. L'estomac contient une quantité notable d'un Uquide noir, épais, dans lequel on peut démontrer aisément la présence de l'acide sulfurique. L'intérieur de ce viscère étant lavé, présente à l'in- térieur un grand nombre de vaisseaux volumineux gorgés de sang noir coagulé ; on remarque en outre, entre ces gros vaisseaux, une injection capillaire imitant une arborisation très fine. La membrane muqueuse est d'un rouge brun, ni ulcérée ni épaissie, mais assez résistante ; les tuniques tnuseuleuse et séreuse sont également rouges. Expérience 2e. La même expérience ayant été répétée sur un autre chien avec la même dose d'acide sulfurique étendu de 21 décagram. d'eau, et l'ouverture du cadavre ayant également été faite le 6 mai, on a vu que l'estomac renfermait une petite quantité d'un liquide rosé, et que la mem- brane muqueuse, d'un gris rosé, parsemée çà et là de plaques rouges, dé- truites dans quelques points, et très ramollie dans tous les autres, était le siège d'une arborisation vasculaire très fine, interrompue dans plusieurs endroits, et manquant là où la membrane muqueuse n'existait plus; les petits vaisseaux qui constituaient cette injection étaient noirs; la teinte générale de l'intérieur de cet estomac ressemblait assez à celle du même viscère d'un des chiens pendus et enterrés le même jour ( voy. Expérience 4e); mais chez ce dernier il n'y avait aucune apparence d'arborisation. - 31 - Expérience 3c. Un chien empoisonné, le 30 janvier 4 83^), par l'acide chlorhydrique étendu de quatre fois son poids d'eau, et mort je surlen- demain , fut inhumé et exhumé comme les précédens. L'estomac renfer- mait une petite quantité d'une matière très épaisse et noire ; la membrane muqueuse, notablement épaissie et facile à déchirer, était d'un vert foncé parsemé de taches noires qui étaient autant d'ulcères intéressant cette membrane, et même la tunique musculeuse : il n'y avait aucune trace d'ar- borisation. Expérience 4e. Un chien de moyenne taille, à jeun, ayant été pendu le 30 janvier 1830, fut inhumé et exhumé comme les précédens. Quelques minutes avant la mort, on avait fait une fracture à la cuisse gauche. La membrane muqueuse de l'estomac, très lisse, était diversement colorée en violet sale, eu rougeâtre, en rouge pâle et en gris ; on y remarquait quel* ques ramifications rouge^tres qui, au premier abord , semblaient être de gros vaisseaux injectés, mais qui, examinés avec soin, furent reconnus pour être le résultat d'une imbibition des parois vasculaires et de la mem- brane muqueuse, sans aucune, trace d'arborisation. Cette tunique était amincie, ramollie et facile à séparer. La membrane musculeuse était grisâtre. La cuisse fracturée était plus ramollie que l'autre ; mais il n'y avait au- cune trace d'ecchymose nj aucun autre caractère pouvant servir à faire re- connaître si la blessure aurait été faite pendant la vie. La putréfaction de ce cadavre avait marché beaucoup plus vite que celle des autres, en raison de la solution de continuité dont je parle. Expérience 5e. Un autre chien ayant été soumis à la même expérience, excepté que la cuisse n'avait pas été fracturée, l'estomac était à-peu-près dans le même état; toutefois jln'était point le siège des ramifications rou- geâtres mentionnées plus haut, et sa membrane interne offrait, outre les colorations déjà notées, quelques plaques assez larges d'un vert olive. Les faits qui précèdent me permettent de répondre à la ques- tion que j'ai posée plus haut, que les diverses teintes rouges, brune, violacée, ardoisée et noire, peuvent être confondues avec les colorations qui se développent après la mort. A la vé- rité je crois que les teintes rouges, ramiforme, capilliforme, pointillée et striée, ne sont pas souvent le résultat de l'hy- posiase ni de la transsudation du sang : d'abord , parce que je ne les ai jamais remarquées dans mes recherches sur les exhu- mations, et ensuite parce que, dans les expériences tentées sur Les chiens, pour résoudre le problème, je n'ai jamais observé ^injection vaseulaire, de véritable arborisation dans l'esto- mac de ceux qui n'avaient pas été empoisonnés; tandis que ceux — 32 — dont l'estomac avait été enflammé par une substance vénéneuse, en offraient constamment ; et, à cet égard, la différence était 1res remarquable, même au bout de trois mois. Quoi qu'il en soit, on pourra presque toujours reconnaître si les teintes rouges dont je parle sont un phénomène cadavérique, parce qu'elles occuperont les parties les plus déclives de l'estomac et des intestins. Quant à la rougeur par plaques, celle qui est le résultat de la putréfaction des cadavres qui sont dans la terre est souvent jaunâtre et même aurore; loin d'être bornée à la membrane mu- queuse, elle s'étend à toutes les tuniques qui forment les parois de l'estomac, et elle est même plus marquée à l'extérieur de l'or- gane qu'à l'intérieur, ce qui n'a pas ordinairement lieu dans le cas d'inflammation gastro-intestinale ; quelquefois aussi les pla- ques dont il s'agit sont produites par l'imbibiiion cadavérique au voisinage du foie et de la raie ; mais alors la coloration occupe la membrane périionéale, et elle est si nettement circonscrite dans les points où se faisait le contact, qu'il n'y a pas possibilité de commettre d'erreurs à ce sujet : d'ailleurs, la membrane mu- queuse de l'estomac ne pourra être colorée par les liquides du foie ou de la rate, qu'autant que toute l'épaisseur des parois aura été colorée préalablement. Si, à l'exemple de Billard, on rattache aux rougeurs inflam- matoires par plaques les ecchymoses de la membrane muqueuse, c'est-à-dire les épanchemens sanguins, circonscrits, provenant d'une cause mécanique, on verra qu'elles occupent la portion la plus déclive du tube digestif, qu'elles co-existent avec une injec- tion générale des vaisseaux abdominaux, et souvent avec une exsudation sanguine dans la partie ecchymosée. Si la putréfac- tion développe quelque chose d'analogue, ce ne doit être que fort rarement, puisque je ne l'ai jamais observée, j'en dirai autant des péléchies de la membrane muqueuse gastro-intestinale , vérita- bles exhalations sanguines, bien décrites par Stoll, par MM. Mé - rat, Billard, etc.; la décomposition putride ne produit jamais rien qui ressemble à cette lésion. La rougeur diffuse et la teinte brune et violacée sont celles que l'on serait le plus tenté de regarder comme étant le résultat de la putréfaction, d'autant mieux qu'elles envahissent souvent — 33 — les tuniques musculaire et séreuse. Les caractères indiqués à l'oc- casion de la rougeur par plaques pourront servir quelquefois à établir la distinction. Quanta la teinte ardoisée, MM. Rigot et Trousseau pensent qu'elle pourrait aussi reconnaître une cause autre que l'inflam- mation , et provenir de phénomènes purement cadavériques, du développement, par exemple, du gaz acide sulfhydrique, et de l'action de ce gaz sur le sang des vaisseaux sous-muqueux. S'il en est ainsi, comment distinguer si cette teinte ardoisée gé- nérale est ou non le résultat d'une lésion vitale? C'est ce qu'il m'est impossible de dire. Je ne mettrai pas la même réserve pour assigner une origine à ces plaques ardoisées, quelquefois verdâ- tres, plus ou moins étendues, que j'ai souvent trouvées aux en- virons du pylore, et qui me paraissent être le résultat de la putré- faction; en effet, la membrane muqueuse de ces parties n'est pas devenue plus épaisse ; elle ne s'enlève pas plus facilement en lar- ges lambeaux, et la plaque colorée est circonscrite ; tandis que la teinte ardoisée, que l'on remarque chez les individus qui étaient atteints d'une gastrique chronique, n'affecte pas spécialement les environs du pylore, et n'est pas aussi bornée. D'ailleurs, si celte plaque était le résultat d'une phlegmasie chronique ou d'une congestion passive, pourquoi ne l'apercevrai t-on pas peu de temps après la mort? Je suis porté à croire qu'elle est due au voisinage du foie, car elle intéresse toutes les membranes de cette partie de l'estomac; et d'ailleurs, le foie prend une teinte analogue à mesure qu'il se pourrit dans la terre ; il renferme dans sa sub- stance des matières d'un bleu foncé qui finissent par devenir li- quides, et qui doivent nécessairement s'épanchera l'extérieur de l'estomac. Pour ce qui concerne la teinte noire ou mélanique, il pour- rait arriver, par suite de la putréfaction, que les parties de l'estomac qui sont en contact avec la rate, et surtout avec le foie, offrissent une coloration noire qui en imposât au premier abord, et fît croire à l'existence d'une mélanose; celle teinte noire ne se manifesterait que lorsque les liquides, dont le foie et la rate sont imprégnés, auraient acquis eux-mêmes cette couleur; et alors on pourrait juger si la coloration est cadavérique, parce n. -i — 34 — qu'elle serait bornée aux parties touchées par ces organes, ou seulement par l'un d'eux. Les traces d'inflammation chronique, jointes à une coloration noire qui ne serait pas circonscrite aux portions qui ont été en contact avec ces mêmes organes, serait au contraire un indice certain de la présence de la mélanose. B. Consistance. Les considérations relatives aux diverses al- térations de cet ordre ont un rapport immédiat avec le sujet qui m'occupe. Les ramollissemens que l'on observe dans les tissus du canal digestif des cadavres que l'on ouvre avant ou après l'inhumation, sont-ils le résultat d'une lésion vitale ou le produit de la putréfaction ? Telle est la question importante qu'il faut s'efforcer de résoudre. Je signalerai d'abord une première difficulté qu'il faudrait surmonter avant de chercher à donner une solution du problème. Parmi les médecins qui se sont le plus occupés de cette matière, M. Louis regarde le ramollissement pultacé de l'estomac, qui a fait l'objet de son mémoire, comme étant souvent le résultat d'une ma- ladie éprouvée parce viscère pendant la vie. M. Cruveilhier, au contraire, considère ce même ramollissement comme étant tou- jours un effet de la putréfaction. D'après M. Carswell, le plus grand nombre des ramollissemens de l'estomac sont dus à une action chimique qu'ont exercée sur les viscères, après la mort, les sucs digestifs. Il est évident que tant qu'on ne sera pas d'ac- cord sur ce premier point,il sera impossible d'indiquer des ca- ractères propres à distinguer le ramollissement cadavérique de l'autre, puisque pour tel auteur un ramollissement sera le produit de la putréfaction, tandis que pour tel autre il sera le résultat d'une affection morbide. En attendant que de nouvelles recherches aient fixé sur ce point les opinions des savans, voici les différences établies par MM. Cruveilhier et Carswell entre ces deux sortes de ramollis- sement. 1° Le ramollissement gélatiniforme ou vital, dit M. Cru- veilhier, a lieu presque toujours chez les enfans, à la suite d'une maladie dont les signes varient suivant son siège, mais sont bien déterminés : on l'observe l'hiver comme l'été. L'esiomac ou l'in- testin ramollis n'ont pas besoin de contenir de liquide ; il en a été - 35 — trouvé chez un sujet ouvert douze heures après la mort. —Le ramollissement pultacé se remarque chez les adultes, à la suite de toutes les maladies aiguës ou chroniques ; aucun symp- tôme ne l'indique pendant la vie ; il survient presque toujours pendant l'été ; en hiver, on le voit aussi sur des cadavres ouverts quarante-huit heures après la mort, et il est nécessaire qu'il y ait une certaine quantité de liquide. 2° Le ramollissement gélatiniforme n'occupe pas toujours l'extrémité splénique de l'estomac ; on le trouve aussi à sa paroi antérieure, près du cardia, à l'œsophage, dans l'intestin grêle et dans les divers points du gros intestin. Le ramollissement pul- tacé occupe toujours la grosse extrémité de l'estomac. Le bord libre des plis que forme la membrane muqueuse, est détruit, et l'estomac est quelquefois bariolé de bandes blanches qui toutes correspondent à ces plis. 3° Dans le ramollissement gélatiniforme, non-seulement la membrane muqueuse est envahie, mais la tunique albuginée, la membrane musculaire : il y a épaississement des parois qui ont acquis, dans certains cas, jusqu'à quatre fois l'épaisseur natu- relle. M. Cruveilhier dit avoir vu une fois l'estomac perforé; il y avait en outre un épanchement et des traces non équivoques d'un travail morbide tout autour. Dans le ramollissement pultacé, la membrane albuginée résiste d'ordinaire ; la tunique muqueuse seule est convertie en une pulpe brunâtre ; les parois du viscère ne sont pas épaissies : on n'a jamais observé de perforation bien prononcée. Le ramollissement gélatiniforme, ajoute M. Cruveilhier, offre le même aspect que celui que donne aux tissus l'action d'un acide peu étendu, ou d'un alcali; lorsque ces tissus ont été saisis, ra- cornis par un acide, plongez-les dans l'eau, vous aurez une altération tout-à-fait semblable à celle qui constitue le ramol- lissement gélaliniforme ; et il y a si peu putréfaction, que les tissus ramollis n'exhalent aucune odeur et peuvent être facilement conservés. Le docteur Carswell différencie ainsi les ramollissemens pa- thologiques et cadavériques : 1° Dans le ramollissement patho- logique, la membrane muqueuse est souvent rouçe, et qu'elle —-3ti -- soit rouge ou blanche, toujours elle est plus ou moins opaque el ressemble à de la crème épaisse, mêlée de farine ; ce ramollis- sement peut exister dans toutes les parties de l'organe, et là ou les sucs gastriques n'ont pu évidemment séjourner; les bords de la partie altérée ne sont pas libres, ils adhèrent aux organes voisins, et offrent des vestiges d'aclions morbides. 2° Dans le ramollis- sement cadavérique ou par dissolution chimique, la membrane muqueuse est pâle, transparente, et a une consistance gélatini- forme ; le siège de celte altération est au point le plus déclive de l'organe, là où les sucs gastriques naturellement s'accumulent dans le grand cul-de-sac : les bords des parties ramollies sont libres, sans adhérence aux organes voisins; on n'observe dans leur voisinage aucun vestige d'aclions morbides ; il n'y a pas eu d'épanchement ; enfin le sang contenu dans les vaisseaux de la partie altérée est noir ou brun {Archives générales de méde- cine, tome xxme). Je terminerai tout ce qui se rapporte au ramollissement du canal digestif par l'exposition de ce que j'ai remarqué dans les diverses exhumations que j'ai faites : on croira peut-être qu'en examinant des cadavres enterrés depuis plusieurs mois, j'ai dû trouver le ramollissement dont je parle porté au dernier degré, puisque souvent il est très considérable dès le lendemain de la mort. Loin de là, je n'ai jamais vu les parois de l'estomac assez ramollies pour être près de se détruire ; jamais je n'ai observé le ramollissement sous forme de bandes qui se produit lorsque la membrane muqueuse est plissée ; presque toujours il occupait la grosse extrémité de l'estomac, et les parties ramollies présentaient cette variété de colorations que l'on remarquait sur la membrane muqueuse ; en un mot, ce ramollissement me paraissait offrir, à très peu de chose près, les caractères assignés par M. Cru- veilhier à celui qu'il nomme pultacé ; seulement il existait à un degré peu marqué. C. Matières contenues dans le canal digestif. Les matières qui doivent faire le sujet de cet article sont les gaz, les muco- sités, la bile, le sang et un liquide brunâtre. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer si les gaz que l'on trouve dans le tube digestif se sont dégagés — 37 — après la mort ou pendant la vie ; les maladies aiguës dans les- quelles ce phénomène a lieu sont à la vérité très peu nombreuses, ce qui pourrait mettre jusqu'à un certain point sur la voie ; on ne l'a guère observé que dans la péritonite, l'affection typhoïde et l'occlusion des voies digestives. Mucosités et bile. Les mucosités abondantes qu'on aperçoit quelquefois dans le tube digestif sont évidemment le résultat d'une sécrétion pendant la vie. Quand elles sont très épaisses, très consistantes, elles annoncent une phlegmasie de la mem- brane muqueuse, puisque dans toutes les affections catarrhaies, le coryza, la bronchile, etc., leur opacité et leur consistance sont toujours en raison de l'irritation inflammatoire. Il est des cas ou ces mucosités sont purulentes et sous forme d'un pus épais presque louable. Rien, dans ce que j'ai vu, ne me porte à croire que la putréfaction puisse développer quelque chose de sem- blable ; cependant il ne serait pas impossible qu'à une certaine époque, quand le ramollissement de la membrane muqueuse est à son comble, les mucosités naturellement existantes dans le canal digestif des cadavres, en se mêlant aux produits de ce ra- mollissement, offrissent l'aspect purulent dont je viens de parler. On doit sentir combien il serait difficile alors d'établir la dis- tinction. La bile, mêlée aux mucosités, l'est le plus souvent pendant la vie; cependant on sait que l'imbibilion cadavérique peut donner lieu à sa pénétration de dehors en dedans. Si sa consistance est augmentée, si elle est poisseuse, on devra la regarder comme altérée par un travail phlegmasique, surtout si elle adhère for- tement à la membrane muqueuse, qui offre elle-même une cou- leur rouge. Sang. C'est ici que les phénomènes vitaux et cadavériques peuvent être aisément confondus. Il est incontestable que dans certaines dysenteries, dans les dernières périodes de la fièvre ty- phoïde, dans la fièvre jaune, du sang plus ou moins pur peut se trouver dans le canal intestinal. Il n'est pas rare de voir dans des portions enflammées de l'intestin un liquide rougeàtre qui paraît dû à un mélange de sang et de mucus : le cœur et l'intestin grêle en contiennent le plus souvent. M. Àndral a vu, au milieu des — 38 — «scarides, cette espèce de mucosité sanguine qui n'existait qu au- tour d'eux. En injectant du sublimé corrosif dans le tissu cellu- laire d'un chien, M. Smilh a trouvé la membrane muqueuse gas- trique recouverte par une abondante exhalation sanguine. D'une autre part, les observations sur les phénomènes cadavé- riques prouvent que l'exhalation sanguine, ou plutôt l'écoule- ment du sang hors des vaisseaux, peut avoir lieu par simple compression de gaz développés par la pulréfaclion ; à la vérité, ce phénomène doit être excessivement rare, puisque je ne l'ai ja- mais observé. D. Emphysème sous-muqueux. Non-seulement il est des ob- servateurs qui admettent que l'emphysème sous-muqueux peut arriver pendant la vie {V. les diverses observations publiées par MM. J. Cloquel, Aristide Bosc, etc., dans les Bulletins de la Faculté de médecine, t. vu, et dans plusieurs autres recueils); mais il en est qui le regardent comme une preuve d'inflamma- tion ; telle est l'opinion de M. Scoutelten. Quoi qu'il en soit, tou- jours est-il que l'on constate quelquefois ce dégagement de gaz dans l'épaisseur des parois inieslinales ou de l'estomac, quand on ouvre les cadavres peu d'heures après la mort et avant que la putréfaction se soit manifestée ; mais c'est surtout dans le ca- nal digestif des corps qui ont séjourné pendant quelque temps dans la terre, dans l'eau, etc., qu'on la remarque : alors la mem- brane muqueuse est soulevée, amincie, flexible, et forme des bulles quelquefois fort grosses et crépitantes au toucher. Qu'on. ne pense pas cependant que cet emphysème soit un effet con- stant de la putréfaction ; car il est aisé de voir» que dans les né- cropsies que j'ai décrites, il n'a pas toujours existé. Il n'y a au- cun moyen de juger, long-temps après la mort, si l'emphysème sous-muqueux est le résultat d'une lésion vitale, ou s'il s'est dé- veloppé après la mort. § II. Altérations gastro-intestinales avec perte de sub- stance. On sait que dans ces derniers temps le docteur Carswell a fait revivre l'ancienne opinion de Hunter, d'Adams, d'Allan Burns, etc., qui admettaient la dissolution de la membrane mu- queuse de l'estomac par le suc gastrique, surtout dans des cas de mort subite : des expériences ingénieuses, faites sur les ani- — 39 — maux, ont porté ce médecin à penser que le plus grand nom- bre des érosions et des perforations du canal digestif étaient dues à l'action chimique qu'ont exercée sur ces viscères, après la mort, les sucs digestifs. Quelque contestée que puisse être cette manière de voir, il n'en résulte pas moins de tout ce qui est connu sur ce point, et notamment de celles des recherches de M. Carswell sur lesquelles tout le monde est d'accord, que des érosions et des perforations de l'estomac et des intestins peu- vent reconnaître pour cause l'action chimique du suc gas- trique après la mort. Ajouterai-je à ces deux genres d'érosions et de perforations, les unes vitales, les autres produites par le suc gastrique après la mort, un troisième genre, qui compren- drait les érosions et les perforations occasionnées par la putré- faction , et qui se manifesteraient plus ou moins long-temps après Vinhumation dans les tubes digestifs qui n'en offraient aucun vestige au moment de la mort? Sans doute', rien ne s'op- pose à ce que l'on admette ce troisième genre d'altération ; mais je ne crois pas qu'il soit commun, car je ne l'ai observé qu'une fois, et tout porte à croire qu'alors les perforations des in- testins avaient été produites par des vers. Je me bornerai donc à dire que les érosions et les perforations du canal digestif sont vitales ou cadavériques, sans décider, dans un cas d'exhumation juridique, si ces dernières sont dues ou non à l'action du suc gastrique, et je renverrai à ce que j'ai dit à la page 34, à l'occa- sion du ramollissement, pour reconnaître si elles existaient avant la mort. Pour mieux mettre le lecteur à même de juger si les ulcéra- tions que l'on peut observer dans le canal digestif, sont le produit d'une action vitale, je crois devoir rappeler sommaire- ment les principaux caractères de ces lésions. Les ulcérations de la membrane muqueuse, dans les fièvres graves, affectent presque exclusivement les glandes de Brunner et de Peyer ; elles se trouvent généralement sur le bord libre de l'intestin ; constamment il en est ainsi, quand ce sont les plaques de Peyer qui en sont le siège ; des matières diverses, par leur aspect et leur consistance, en remplissent le fond : tantôt ce sont de véritables escarrhes,ce que M. Bretonneau appelle des bour- - 40 — billons; lanlôt ce sont des masses molles, colorées en jaune vil. Ces ulcérations ont une forme elliptique, et sont presque toujours parallèles à la longueur de l'intestin. Les ulcérations tuberculeuses présentent le plus souvent, dans leur fond, des portions encore reconnaissables de tubercules; elles occupent surtout le bord adhérent des intestins, et leur di- rection est transversale. Le gros intestin offre aussi des ulcérations remarquables, sur- tout dans certaines dysenteries; quelquefois il est criblé d'ul- cères très petits et très rapprochés, qui lui donnent un aspect aréolaire ; dans d'autres cas , les ulcérations sont larges , leurs bords durs et taillés à pic ; elles présentent une teinte d'un noir foncé, qui pourrait faire croire au premier abord à l'existence de la gangrène ; mais il n'y a point d'odeur, et l'ulcération est assez terme : son apparence est plutôt celle d'un fond de cheminée couvert de stalactites de fumée. Du reste, c'est dans les ouvrages de MM. Billard, Andral, Bretonneau, etc. , qui ont traité ce sujet ex professo, que l'on peut puiser les caractères des nombreuses variétés d'ulcérations intestinales. Lésions du foie. Les abcès du foie, son cancer, ses tuber- cules, son induration, sa dégénération graisseuse (1), l'hyper- trophie de sa substance rouge qui constitue l'état granuleux, la cirrhose ou l'hypertrophie de la substance blanche, aucune de ces lésions ne peut être confondue avec l'état que détermine la putréfaction; il n'en est pas de même du ramollissement que plusieurs médecins regardent comme pathologique, parce qu'on l'observe peu d'heures après la mort et avant le développement de la putréfaction. Ainsi on a vu, chez des sujets qui avaient succombé à des fièvres typhoïdes, le foie ramolli, surtout dans le grand lobe, et facile à déchirer, comme on le remarque plu- sieurs semaines après la mort sur les cadavres déjà pourris ; quelquefois la couleur de cet organe était rouge , et alors il aurait (1) On ne saurait confondre la dé.;énération graisseuse du foie avec l'état du même organe qui se serait converti en gras de cadavre ; d'ailleurs, si le foie était transformé en savon, par suite de la décomposition putride qu'il aurait éprouvée, beaucoup d'autres organes, pour ne pas dire tous, le seraient également. — 41 — été impossible de distinguer si le ramollissement était vital ou cadavérique; le plus souvent, il est vrai, le défaut de consis- tance dont je parle s'accompagnait d'une pâleur ou d'une colo- ration jaune, qui n'est jamais le résultat de la décomposition putride. Quant à Xhépatite, si la rougeur ou le ramollissement du foie, sans une certaine quantité de pus, peuvent être considérés comme une preuve non équivoque de son inflammation, ce qui est loin d'être démontré, il faudra convenir que dans les cas d'exhuma- tion où cet organe sera seulement rouge et ramolli, il y aura souvent impossibilité de constater cette inflammation, parce que, comme je l'ai déjà dit, le propre de la putréfaction est de déter- miner aussi la coloration et le ramollissement dont il s'agit. Altérations de la rate. Il en est de la rate comme du foie; on ne peut guère comparer ces organes putréfiés qu'aux mêmes organes ayant éprouvé pendant la vie un ramollissement notable; en effet, plusieurs fois on a trouvé la rate ramollie dans toute son étendue, surtout chez des individus qui avaient succombé à des fièvres ataxo-adynamiques ; son tissu était si peu consistant, dans certains cas, que par la plus légère pression on le réduisait en bouillie couleur de lie de vin ou noire ; à la vérité, presque toujours le ramollissement était accompagné de Vaugmentation de volume qui était quelquefois double, phénomène que je n'ai jamais remarqué dans les rates ramollies et colorées par l'effet de la décomposition putride. Que si, par hasard, cette tuméfac- tion n'existait pas, comme cela paraît avoir été observé un petit nombre de fois chez des sujets qui n'étaient pas morts de fièvres ataxo-adynamiques, il serait impossible de décider si le ramollis- sement et la coloration sont cadavériques ou non. Mais est-il bien avéré que les ramollissemens sans augmentation de volume, que l'on a considérés comme pathologiques, le soient réellement; et n'est-il pas présumable qu'ils sont plutôt l'effet de la putré- faction de la rate, qui, chez certains individus et dans les saisons chaudes et humides, se développe avec une rapidité prodigieuse? Altérations des organes urinaires. Qu'à l'ouverture d'un cadavre, dans un cas d'exhumation juridique, on trouve du pus, des tumeurs de différente nature, ou des tubercules dans les — 42 — rein/; que le parenchyme de ces organes soit transformé en une matière dure, terreuse, osseuse, cartilagineuse ou molle, et comme spongieuse ou graisseuse, on ne sera pas tenté d'ailri- buer ces états à la putréfaction, mais bien à une lésion vitale. Qu'au contraire les reins soient rouges, plus injectés qu'à l'ordi- naire, ramollis et de volume ordinaire, on sera souvent embar- rassé pour décider si ces altérations sont cadavériques, puis- qu'elles peuvent être le résultat de la putréfaction, et que, d'une autre part, on les a constatées chez des individus qui avaient succombé à des fièvres ataxo-adynamiques, à des inflammations des reins ou de la vessie, à des affections calculeuses des reins, etc., et qui avaient été ouverts avant d'être pourris. A la vérité, souvent, quand la mort a été occasionnée par une néphrite qui n'a déterminé que ce premier degré d'altération, une réplétion sanguine des reins, ces organes sont beaucoup plus volumineux, et laissent ruisseler du sang sous les doigts lorsqu'on les coupe; j'ajouterai encore qu'il est rare, pour peu que l'inflammation ait été intense, qu'on ne puisse, en comprimant les mamelons, faire suinter un liquide séro-purulent, ce qui n'arrive jamais quand l'altération des reins est due à la decomposilion putride. Quant au ramollissement des reins avec pâleur ou teinte grise de l'or- gane, il est impossible de le considérer oomme un phénomène cadavérique, par cela même qu'il y a décoloration. Vessie. On ne saurait considérer, comme étant l'effet de la pu- tréfaction, ni l'épaississement, ni l'ulcération, ni les abcès, ni la gangrène, ni les végétations, ni les polypes, ni le cancer, ni les kystes, ni les tumeurs graisseuses de la vessie ; il n'y a guère que le ramollissement de cet organe, accompagné de la rougeur de la membrane interne, résultat d'une cystite, qui pourrait, à la rigueur, être pris pour tel. Mais je ferai remarquer que dans l'inflammation de la vessie, souvent la rougeur, qui est vive et quelquefois très intense, est sous forme de ramifications ou de plaques plus ou moins pointillées ; que le plus ordinairement elle occupe les environs du col de la vessie, et que rarement la tunique muqueuse est ramollie ; tandis que lorsque les phéno- mènes sont cadavériques, l'intérieur de la vessie est de couleur rosée ou d'un vert olive dans une assez grande partie de son éten- — 43 — due, et quelquefois la tunique muqueuse est soulevée par des gaz et dans un état emphysémateux. BIBLIOGRAPHIE. Mort réelle et mort apparente. Notïwagel, praes. Th. Kirchmayer. Dehominibus apparenter mortuis. Wittemberg, 1670, in-4. Winslow (J. B.). An mortis incertae sigaa minus incerta a chirurgicis quam ab aliis experimentis. Paris, 4740. — Trad. en français par Bru- mer. Paris, 1742, in-12. Jucuirs (J. P.). De mortis signis. Erfurt, 1745, in-4. Bruhier d'Ablaincourt. Sur l'incertitude des signes de la mort, et l'a- bus des enterremens et embaumemens précipités. Paris, 4745, in-42, 2 vol. Louis (A.). Lettres sur la certitude des signes de la mort, où l'on ras- sure les citoyens de la crainte d'être enterrés vivans , etc. Paris, 4752, in-12. Platz (A. W.). De signis mortis non soluté explorandis, specim. I-V. Leipzig, 1765-67. Brunjventhal, praes. J. M. von Menghin. De incertitudine signorun» vitae et mortis. "Vienne, 1768. Eschenbach (C. E.). De apparenter mortuis. Rostock, 4768. . Swieten (Ger. van), De morte dubiâ. Vienne, 4778. Ploocquet (W. G.), resp. J. G. Camerer. De signis mortis diagnosti- cis. Tubingue, 4785. Dulx (P. W. von). De signis mortis rite aestimandis. Hardervick, 4787. Gruner (C. G.) Resp. J. C. Steinfeld. De signis mortis diagnosticis du- biiscaute admittendis et reprobandis. léna, 4788. Hufeland (C W.) Ueber die Ungewissheit des Todes und das einzige u«tr'ùgliche Mittel sich von seiner Wirklichkeit zu uberzeugen. Weimar, 4791. Riecke 'J. V. L.). De mortis signis. Stuttgard, 4792. Metzger. Ueber die Kennzeichen des Todes. Kœnigsberg, 4792. Grollman (G. W.) De putredine signo mortis minus certo. Francfort- sur-1'Oder, 4794. Klein (F. X.). De metallorum irritamento veram ad explorandam mor- t£m. INJayence, 1794. Himly (C). Commentatio mortis historiam causas et signa sistens. Gofc- tingue, 4794. Anscuel (S.). Thanatologia seu in mortis naturam, causas gênera ac species et diagnosin disquisitiones. Gottingue, 4795, in-8. Bauer (P. G), Kurze Anzeige von der Gewisheitdes Todes beytod- scheinenden Personen. Augsbourg, 4798. — 44 — Heidma.\.\ (J. A. ). Zuverlaessiges Prùfungsmittel zur Bestimmung des Wahren von den Scheintodte, etc. Vienne, 1803, in-8°, fig. Nysten. Recherches de physiologie chimico-pathologique. Paris, 4811, in-8. ARTICLE V. De l'ouverture des cadavres. L'ouverture juridique d'un cadavre ne doit être faite qu'en présence du magistrat ou de son commissaire. Le médecin doit procéder lui-même à cette opération. Ce n'est ordinairement que vingt-quatre heures après la mon bien constatée, que la loi per- met d'ouvrir un cadavre, quoiqu'un état bieii caractérisé de pu- tréfaction ou un genre de mort excluant tout soupçon de vitalité puisse faire avancer le moment de cette ouverture; mais on peut se livrer de suite à l'examen extérieur du cadavre. Quand bien même la putréfaction aurait déjà fait des progrès rapides, ce ne serait pas une raison pour se dispenser d'examiner le corps. Les magistrats appellent quelquefois l'homme de l'art pour faire un rapport sur des cadavres enterrés depuis long-temps, ou qui ont séjourné dans l'eau ou dans des fosses d'aisances ; il arrive souvent alors que les lésions des parties molles ne peuvent être constatées, mais les solutions de continuité dans les parties dures sont parfaitement reconnaissables ; il est même possible de re- cueillir dans les cavités, malgré leur état avancé de décomposi- tion putride, des liquides ou des solides dont l'analyse peut servir à résoudre la question d'empoisonnement. Il n'est pas nécessaire de dire qu'on ne doit jamais faire sur un cadavre d'incisions inu- tiles, ni briser les os, ni déchirer les parties molles ; il faut au contraire que les coupes soient nettes, afin de ne point altérer la forme du corps, la face, etc. On doit tenir note de ce qu'on ob- serve à mesure que l'on opère. Le local choisi pour faire l'ouver- ture , sera , autant que possible, spacieux, aéré, bien éclairé ; toutefois il convient de faire la première visite dans l'èndro'it même où le corps a été trouvé, le transport dérangeant nécessai- rement l'attitude , et pouvant changer l'état d'une plaie, d'une fracture, d'un engorgement sanguin, etc. Les instrumens néces- saires sont : une table solide, assez longue pour y étendre le — 45 — corps, des scalpels, des ciseaux, desérignes, des pinces, un tube, des bougies, des sondes, des stylets, un compas, une seringue, un mécomètre (1), des aiguilles courbes et droites, de la ficelle, du gros fil, des éponges, des vases remplis d'eau, un couteau droit, fort, bien tranchant, une scie droite, une autre convexe sur son tranchant, un trépan avec une large couronne, une lame tronquée d'un tranchant ferme et bien affilé, un couteau mince et flexible, un élévatoire, un coin, un marteau. Précautions à prendre avant louverture du cadavre. Il faut examiner si le lieu où le corps a été trouvé est éloigné ou non de la voie publique, des habitations ; si c'est une mare, une fosse d'aisances, un endroit sec, humide, chaud ou froid ; si le cadavre était dans l'eau ou sous terre; si on voit auprès de lui des lacets, des cordes, de la charpie, de l'étoupe, ou un instrument meurtrier, quelle est la situation de celui-ci par rapport au corps; s'il est placé dans l'une des mains du cadavre, il faudra s'assurer s'il a été bien saisi par lui, ou s'il n'a été placé ainsi qu'après coup, circonstance fort importante pour distinguer l'homicide du sui- cide et qui peut être singulièrement éclaircie par le degré plus ou moins marqué de contraction des doigts sur le corps vulné- rant. S'il y a du sang répandu dans le voisinage, les traces en seront suivies, et la quantité quia pu s'écouler des blessures sera approximativement calculée. On notera l'heure précise à laquelle le cadavre a été découvert, sa position, son attitude ; s'il est en- veloppé, on recherchera si les vêtemens offrent des traces de sang ou de tout autre fluide, s'ils sont déchirés et souillés de boue, d'excrémens ou de poussière. On le déshabillera avec précaution, et on examinera avec la plus grande attention quelle est la cou- leur des différentes parties du corps, si la peau est couverte d'un (1) Mécomètre, de p.wcç, longueur, et de aerpov, mesure ; instrument inventé par Chaussier, et composé d'une règle en bois ou tige carrée, longue d'un mètre, divisée sur deux côtés opposés en décimètres, etc.; une lame de cuivre qui est arrêtée à une extrémité de cette tige, donne un point fixe ; il y a en outre un cur- seur de même forme et de même métal qui glisse sur la tige, et que l'on peut à volonté écarter et rapprocher du point fixe, et même arrêter au moyen d'une vis; on peut avoir par ce moyen la longueur du corps que l'on mesure, et la division exacte en centimètres, millimètres, etc. (Chaussier, thèse de Lecieux). A défaut de cet instrument, on peut en employer un semblable à celui dont les cordonniers se servent pour prendre mesure. — 46 - enduit sébacé, si l'épiderme se détache. Si l'on observe des con- tusions, des excoriatiens, des piqûres on d'autres blessures {voyez Blessures), on en indiquera la situation, la forme, la longueur, la largeur et la profondeur, à l'aide Hes doigts, des sondes, des stylets, des bougies, du compas, etc. On aura soin de détermi- ner si les taches livides que l'on remarque sont des ecchymoses, des lividités cadavériques, ou des vergetures {Voyez page 9). Pour ne rien laisser à désirer à cet égard, en étudiera successi- vement toutes les parties du corps : ainsi on notera si la tête n'est point déformée, si elle ne présente point de tumeur, d'enfonce- ment, de lésion extérieure aux fontanelles, aux sutures ; si les oreilles, les yeux, le nez, la bouche, ne contiennent aucun corps étranger, comme du foin, de la paille, de la boue, de l'étoupe, etc. ; si le cou n'offre aucune tache circulaire, oblique, ou digitale, ou des traces d'une autre impression ; si l'articulation de la tête avec la première vertèbre cervicale ne jouit point d'une mobilité inso- lite ; si le thorax est bombé ou aplati ; s'il n'existe point au-dessous du sein, dans la région du cœur, quelque trace de piqûre; si en appuyant sur le sternum et sur l'épigastre, on ne voit point sor- tir par la bouche ou par les narines des fluides écumeux, séreux, sanguinolens, etc. ; si l'abdomen est tendu, résistant, mou ; si le eordon ombilical est détaché ou non, et dans ce dernier cas, s'il est flétri, desséché ou mou, gros, etc. ; si le nombril est rouge, en suppuration, cicatrisé, etc. ; si les membres présentent la dis- position, la forme et la consistance qui leur sont propres; s'ils sont luxés ou fracturés, ce que l'on connaîtra en les pressant avec les doigls, en leur imprimant divers mouvemens, et surtout en les incisant ; cette dernière opération est encore indispensable pour juger s'il y a du sang épanché sous les aponévroses, dans le tissu des muscles, et même à la surface des os longs. L'état plus ou moins avancé de putréfaction du cadavre sera soigneu- sement remarqué, et on devra avoir égard aux circonstances de température, de climat, de localité qui ont pu avancer cette dé- sorganisation {Voyez page 665 du tome 1"). Si la nature peu favorable de l'endroit où le corps a été trouvé ne permet point d'en faire l'ouverture, et que le transport soit jugé indispensable, le médecin n'abandonnera pas un instant le — 47 — cadavre ; il aura soin que dans cette opération rien ne puisse l'endommager ou en augmenter les lésions ; il le fera en consé- quence transporter de préférence sur une civière, le cabotage d'une charrette pouvant opérer des changemens dans le rapport des parties; si l'autorité n'a point de brancard à sa disposition, le corps sera placé dans la voiture sur un lit de paille, et la tête sera fixée de manière à rendre les mouvemens moins sensibles ; on bouchera avec soin les ouvertures par où peuvent s'écouler les liquides dont il est important de faire l'analyse. Le corps ar- rivé au lieu de sa destination, il faudra, si l'on croit nécessaire de faire un nouvel examen des blessures, chercher à le mettre dans la même situation que celle où il a été trouvé. Si l'heure avancée de la journée, le défaut d'instrumens nécessaires, ou d'autres raisons, ne permettaient point de faire de suite l'ouver- ture, il faudrait prévenir la putréfaction du cadavre, en le pla- çant, autant que possible, dans un endroit frais; on pourrait même le couvrir de glace, de charbon, de sable bien fin et ré- pandre sur lui des liquides alcooliques. Avant de procéder à l'ouverture du cadavre d'un fœtus, on lave et on essuie toutes les parties du corps*; on le pèse, on détermine sa longueur ainsi que celle des membres thoraciques et abdomi- naux, des pieds, de la tète ; on note la hauleur du corps de l'os maxillaire inférieur, et surtout on cherche à apprécier si l'inser- tion du cordon ombilical correspond au milieu ou à toute autre partie du corps ; on lient compte de l'état des cheveux, des poils, des ongles, des paupières et des proportions respectives delà tête, du thorax et de l'abdomen. On explore l'abdomen, l'anus, les parties génitales, pour savoir s'il n'y aurait pas quelques tra- ces de maladies vénériennes. S'il s'agit d'un adulte , on relève exactement le'signalement, quand bien même l'individu porterait sur lui des papiers indi- quant son nom et sa profession ; car ces papiers peuvent avoir été substitués par les assassins, pour donner le change. La taille est mesurée avec soin ; on note la couleur des cheveux, l'état des dents et tous les caractères propres à faire juger l'âge de la personne et l'époque de sa mort {Voyez Ages). Dans le cas ou l'autorité ordonnerait l'exhumation d'un cada- — 48 — vre, plusieurs jours, plusieurs mois ou plusieurs années après la mort de l'individu, il faudrait prendre des précautions d'un autre genre ( Voyez page 68). Manière de procéder à l'ouverture du cadavre d'un adulte. Je ne craindrai pas le reproche de prolixité, en consacrant quel- ques pages à la description d'une opération en apparence si sim- ple, et que l'on pratique tous les jours, car il est démontré que, dans la plupart des cas, les ouvertures juridiques des cadavres sont faites avec très peu de soin, et d'après une méthode vicieuse; ce qui empêche d'en tirer tout le parti convenable. Voici com- ment il faut procéder. Crâne. On rase ou l'on coupe les cheveux, puis on fait deux incisions qui pénètrent jusqu'à l'os : l'une, longitudinale, s'étend depuis la racine du nez jusqu'à la partie postérieure du cou ; l'au- tre, transversale, commence à une oreille, et se termine à celle du côté opposé, en passant sur le sommet de la tête. Les quatre lambeaux provenant de ces incisions sont détachés, à l'aide du scalpel, et renversés; alors on trace, avec la poinle du bistouri, une ligne circulaire qui doit passer un peu au-dessous des ar- cades surcilières, de la racine des arcades zygomatiques et de la protubérance externe de l'occipital. On scie les os dans la direc- tion de celte ligne, que l'on doit considérer comme une scrte de conducteur, et l'on évite soigneusement d'entamer les méninges; pour cela il est préférable de rester en deçà que de dépasser l'é- paisseur de l'os dans certains points, d'autant mieux qu'il suffit de frapper légèrement avec un marteau sur un coin ou sur un couteau tronqué, placé dans les parties qui n'ont pas été atteintes, pour diviser celles-ci. On soulève alors la calotte du crâne avec un ciseau, et on détruit les adhérences de la dure-mère en faisant glisser entremette membrane et les os un couteau mince et flexi- ble. Pour mettre le cervelet à découvert, on enlève la calotte dont je viens de parler, et on applique deux traits de scie qui se dirigent obliquement de chacune des régions mastoïdiennes vers le trou occipital. La plupart des anatomisies, après avoir incisé les parties molles du crâne jusqu'à l'os, enlèvent la calotte à coups de marteau : ce procédé, beaucoup plus expéditif que celui qui vient d'être décrit, offre des inconvéniens tellement — 40 — frappans, surtout lorsqu'il s'agit d'une ouverture juridique, qu'il nous semble inutile de les signaler : toutefois, comme il pourrait arriver que l'homme de l'art n'eût pas à sa disposition les inslru- mens nécessaires pour faire l'ouverture d'après la méthode que j'ai indiquée, il importe de savoir qu'il est préférable en pareil cas d'employer un marteau non fendu. Après avoir ouVert le crâne, on incise la dure-mère pour met- tre le cerveau à nu. Rachis. Le cadavre étant couché sur le ventre, de manière que la tête et les membres abdominaux soient pendans, et l'abdomen et le cou soulevés, l'on pratique trois incisions, l'une en travers de l'occipital, les deux autres qui partent du milieu de celle-ci, tout le long de chacune des faces latérales des apo- physes épineuses des vertèbres. On détache la peau et la masse des muscles jusqu'à l'origine des côtes ; puis, avec la scie, on divise les lames des vertèbres, en se rapprochant autant que pos- sible des apophyses transverses. Si, comme il arrive le plus sou- vent, la séparation de cette portion osseuse n'était point complète, il faudrait l'achever en frappant avec un marteau sur un coin, sur un couteau tronqué ou sur un rachitôme placés obliquement dans les iraits de scie. On se sert aujourd'hui d'une double scie, convexe sur chaque tranchant, montée sur un manche unique ; les deux lames peuvent s'écarter l'une de l'autre, ou se rappro- cher ; chacune d'elles est fixée sur une lame mousse que les dents de la scie ne dépassent pas de la largeur convenable pour péné- trer seulement toute l'épaisseur des lames vertébrales, afin de ne pas intéresser la moelle ou ses membranes : deux ou trois minu- tes suffisent pour ouvrir complètement le canal vertébral dans toute sa longueur. On incise alors le canal de la dure-mère, et l'on voit la moelle épinière ; mais, comme le faisait observer Béclard, on ne peut apercevoir, en suivant ce procédé, que le quart ou tout au plus le tiers de sa circonférence : « II faudrait, disait-il, pour pouvoir étudier convenablement cet organe, détacher les côtes de la colonne vertébrale, et diviser celle-ci dans le pédicule de la masse apophysaire de chaque vertèbre. » L'ouverture des autres cavités aurait dû précéder celle du rachis. „ Les procédés dont je viens de parler doivent être modifiés dans ir. 4 — 50 - diverses circonstances. Ainsi s'il y avait une blessure au côte droit de la tête, ou que l'on soupçonnât un épanchemenl du même côté, il faudrait n'enlever d'abord que la partie gauche du crâne, afin de conserver entière toute la partie droite ; après avoir dé- taché tous les tégumens, on ferait avec la scie, ou avec les ci- seaux, s'il s'agissait d'un fœtus, une coupe demi-circulaire qui s'étendrait du milieu de l'os frontal à la partie moyenne de l'oc- cipital, et une autre longitudinale dans la direction de la ligne médiane, qui commencerait à l'os frontal pour se terminer à l'os occipital : en enlevant cette tranche osseuse, on aurait une ou- verture assez grande pour détacher et enlever facilement toute la partie gauche du cerveau. Sila blessure était au front, on pro- céderait de manière à conserver toute la région frontale, c'est-à- dire que l'on ferait deux coupes, l'une transversale, qui, de la ré- gion temporale d'un côté, s'étendrait à l'autre en passant par le sommet du crâne ; l'autre, demi-circulaire, qui, de l'os occipital, s'étendrait, à droite et à gauche, aux deux régions temporales; et se réunirait aux extrémités de la coupe transversale. S'il s'agit de constater l'état des parties dans les blessures, il aut avoir soin d'éloigner le plus possible les incisions du lieu qu'elles occupent. Si l'on soupçonne une fracture des os du crâne, il faut nécessairement ouvrir cette cavité avec la scie et non avec le marteau. Quand on présume qu'il existe un épan- chement sanguin ou autre dans le crâne ou le rachis, il faut avoir soin de maintenir la tête du cadavre convenablement relevée pendant qu'on procède à son ouverture, afin d'éviter l'écoulement des liquides. C'est particulièrement à l'égard des épanchemens rachidiens que celte précaution est importanle, pour bien en apprécier la quantité. Dans ce cas on peut ouvrir le rachis avant le crâne, ou si l'on a commencé par ce dernier, après avoir en- levé le cerveau, on incline le corps du sujet de manière à recevoir dans un vase tout le liquide contenu dans l'étui méningien du canal artériel. Il est toujours préférable de disséquer le cerveau en place, sans l'enlever du crâne, à moins que les lésions qu'il s'agit de découvrir ne soient placées à la face inférieure. Thorax et abdomen. On pratique de chaque côté une incision qui va delà partie moyenne et supérieure du sternum jusqu'au - 51 — pubis, en passant par la partie moyenne des côtes et pw l'épine antérieure et supérieure de l'os iliaque: ces incisions ne doivent comprendre au niveau de l'abdomen que les tégumens. Alors pu scie toutes les côtes, excepjé la première, en ayant soin dp les soulever à mesure qu'on les coupe, pour ne pas intéresser les poumons. A l'aide d'un autre trait de scie, on divise transve^ salement la partie supérieure du sternum, que l'on renverse en- suite en coupant les attaches du diaphragme, Je ligament sus- penseur du foie, et la faux 4e là veine ombilicale ; il ne reste plus alors qu'à soulever le lambeau et à couper les muscles de l'ab- domen qui n'avaient pas été incisés. Ce lambeau étant renversé sur les cuisses, on aperçoit les viscères dans une grande partie de leur étendue. Si l'on voulait laisser les deux cavités thoracique et abdominale séparées l'une de l'autre par le diaphragme con- servé intact, afin d'éviter le mélange des liquides, on pourrait faire l'examen des organes thoraciques, après avoir arrêté l'in- cision du thorax au point correspondant au diaphragme. Alors le péricarde serait incisé et la quantité de sérosité contenue entre lui et le cœur serait appréciée et notée. L'aspect général de organes serait signalé ainsi que leur volume, leur densité. Le cœur doit être examiné en place, et ses cavités ouvertes au moyen de sections parallèles à leur axe ; le cœur droit est ex^ ploré avant le cœur gauche. On tient compte de la quantité de sang qu'ils renferment, de sa couleur, des caillots qui s'y trouvent. Après avoir coupé les vaisseaux, on enlève le péricarde et le cœur, et l'on procède à l'examen des bronches et des poumons. La cavité abdominale mise à nu à l'aide de l'incision de la paroi que l'on renverse sur le thorax, comme on avait renversé le sternum et le tiers antérieur des côtés sur l'abdomen, on ex- plore avec soin les divers organes, en passant en revue succes- sivement l'estomac, les épiploons, l'intestin, le mésentère, le foie, la rate, les reins, etc. L'examen du canal digestif, dans un cas d'empoisonnement, exigerait un certain nombre de pré- cautions que je ferai connaître plus tard. Si l'un des cotés du thorax était le siège d'une fracture, d'une plaie pénétrante, etc., il faudrait couper les côtes du côté sain avec la ^rie eu les ciseaux, depuis la seconde jusqu'à la huitième ; «. — 52 — puis, avec le scalpel courbé en serpe, on couperait près du sternum les cartilages des seconde, troisième, quatrième, cin- quième, sixième et septième côtes, et, avec la pointe du scalpel, on achèverait de séparer en haut ce large segment, que l'on ren- verserait du coté de l'abdomen; on procéderait ensuite de la même manière à l'ouverture de l'autre côté (Chaussier, Tableaux synoptiques, et Renard, Dissertation inaugurale sur l'ou- verture des cadavres). Pharynx, trachée-artère. Le cou étant fortement tendu, on fait deux incisions, l'une longitudinale, qui s'étend du milieu de la lèvre inférieure jusqu'au sternum ; l'autre transversale, qui va depuis un des angles de la mâchoire inférieure jusqu'à l'autre : après avoir détaché les lambeaux qui en résultent au cou, on scie la mâchoire dans sa partie moyenne ; les deux portions de l'os sont alors facilement écartées, et l'on n'a plus pour découvrir toute l'étendue du pharynx, qu'à abaisser la langue et à diviser les piliers du voile du palais. Il suffit, pour parvenir jusqu'à l'in- térieur du larynx et de la trachée-artère, d'inciser l'isthme et la glande thyroïde par sa partie moyenne, et de renverser les deux lambeaux. Bassin. On fait une incision qui va de la branche supérieure du pubis jusqu'au-delà de l'ischium, en passant vers le milieu du trou obturateur (sous-pubien); on scie la branche du pubis et l'ischium dans la direction de celte ligne; on coupe les muscles, et on peut apercevoir les organes contenus dans l'excavation du bassin. S'il y avait un épanchementdesangdansnnedes cavités dont je viens de parler, on enlèverait avec la main les caillots qui pour- raient s'y trouver, et, avec une éponge, on absorberait toute la portion fluide, afin de découvrir plus facilement l'ouverture du vaisseau lésé. Il est inutile de dire que le médecin doit noter exactement toutes les lésions qu'il découvre dans les muscles, les nerfs, les vaisseaux, les viscères, etc., à mesure qu'il fait l'ouverture du corps ; il ne doit jamais manquer d'examiner le genre de ces lésions, la direction précise des plaies, les organes qui ont pu être atteints; il doit surtout noter s'il y a phlogose, simpuration, — 53 — gangrène, épanchement, etc. : j'ai déjà indiqué dans l'article précédent, quelles étaient les altérations des solides et des li- quides, que l'on serait tenté de regarder, au premier abord, comme étant la suile d'une violence extérieure, et qui sont l'effet de la mort. Il est toujours indispensable d'ouvrir les trois cavités splanch- niques : la plupart des rapports pourraient être frappés de nul- lité si on avait négligé ce précepte. L'homme de l'art qui n'aurait point rempli celle formalité serait beaucoup plus coupable en- core, s'il se permettait de décrire l'état des organes renfermés dans une des cavités qu'il n'aurait pas ouverte. M. Briand rap- porte qu'en 1816, les sieurs D. et N., officiers de santé, furent appelés pour faire l'examen juridique du cadavre de j\\, meunier dans la commune de P., lequel avait été trouvé debout, la figure appuyée contre la pente très douce de la chaussée de son étang, les bras étendus, le chapeau sur la tète, et seulement recouvert de six ou huit centimètres d'eau, les pieds étant enfoncés de seize centim. dans la vase. Ces experts omeilenl d'ouvrir le crâne, et disent néanmoins qu'ils ont trouvé le cer- veau engorgé. Ce sujet n'offrant aucune trace de violence exté- rieure, il était naturel de conclure que la submersion avait eu lieu par accident ; mais la clameur publique, qui ne cherche que des coupables, dirige des soupçons sur le sieur H., voisin et ami du défunt. Une contre-visite est ordonnée, et il est constaté que ï ouverture du crâne n'a pas été faite. Les premiers rap- porteurs sont traduits devant la cour d'assises du département d'Illc-et-Vilaine, accusés Savoir constaté comme vrai un fait faux, dans un procès-verbal quils rédigeaient en qualité d'officiers publics, parce quils avaient déclaré qu'ouverture faite du cadavre, dont ils étaient chargés de constater l'état et les causes de mort, ils avaient donné une attention particu- lière aux viscères et organes de la tète, ainsi qu'au cerveau, qu'ils ont trouvés engorgés.....(Extrait de l'acte d'accusation). Ils furent acquittés, par la raison que les gens de l'art n'étant point des officiers publics, mais de simples arbitres, il ne pouvait y avoir lieu à condamnation contre eux, en vertu de la disposition de l'art. 146 du Code pénal. Le sieur H. fut aussi déclaré inno- — 54 — cent. Une longue détention, des débals toujours pénibles pour les accusés, une procédure dispendieuse, tels furent les résultats de l'oubli du principe le plus simple de la médecine judiciaire. Manière de procéder à l'ouverture du cadavre d'un fœtus ou d'un enfant nouveau-né. Pour examiner l'encéphale, il faut, d'après Chaussier, après avoir dénudé le crâne, comme il a été dit, faire avec la pointe du scalpel une petite incision à la commissure membraneuse qui Unit le frontal au pariétal ; à l'aide de cette ouverture, qui comprend l'épaisseur de la dure-mère, on introduit la lame des ciseaux, et on coupe successivement les commissures qui l'unissent à l'os frontal, au temporal et à l'occi- pital ; mais il faut éviter d'ouvrir le sinus latéral de la dure-mère, qui est toujours rempli de sang fluide; il importe pour cela de s'éloigner de l'angle mastoïdien du temporal. Lorsqu'on a coupé les commissures membraneuses sur les trois bords de l'os, on le 50ulève> oh le renverse vers le sommet de la tête, et on le coupe ' dans son épaisseur à quelque distance de la ligne médiane, afih de ne point ouvrir les veines qui se rendent au sinus longitudi- nal ; oh ehlève avec les mêmes précautions la portion de l'os ffontal ; l'on découvre ainsi la plus grande partie d'un des lobes du cerveau ; On fait ensuite la même opération sur le côté opposé. L'ouverture du rachis, du thorax, du bassin, de l'abdomen et de la bouche, se fait comme chez l'adulte : toutefois l'on emploie des ciseaux au lieu de scie, pour couper les os, et pour appré- cier l'état des poumons ; dans ce dernier cas, les ciseaux doivent être minces et allongés : on incise le tronc, les branches et les ra- mifications de chacune des divisions bronchiques jusqu'au tissu pulmonaire, où l'on peut ainsi suivre leurs terminaisons. Pour juger avec plus d'exactitude de la différence de capacité et d'é- paisseur des parois des ventricules du cœur, on coupe cet organe en travers, un peu au-dessus du milieu de sa hauteur; cette coupe meta découvert les deux cavités ventriculaires, et permet en même temps d'explorer avec facilité les ouvertures des oreillettes et des vaisseaux qui s'y abouchent. Manière de procéder à l'ouverture d'un animal quadru- pède. L'homme de l'art est requis, dans quelques cas de méde- cine légale, pour ouvrir Un quadrupède. La méthode indiquée — 55 — pour faire l'ouverture du crâne et du rachis peut être suivie sans inconvénient ; quant au thorax et à l'abdomen, il faut, après avoir couché le corps sur le côté droit et avoir soulevé le mem- bre antérieur du côté gauche, couper transversalement les mus- cles qui se rendent de l'épaule au thorax ; alors on renverse ce membre en haut et en dehors pour découvrir toute la paroi gau- che de la poitrine ; on scie les côtes à leurs extrémités dorsale et sternale, ce qui donne un lambeau fort large que l'on renverse du côté de l'abdomen. Pour examiner les viscères abdominaux, on fait une incision longitudinale qui s'étend depuis la dernière fausse côte, et près des vertèbres des lombes, jusqu'au pubis, en côtoyant la crête de l'iléum. i Précautions à prendre après avoir fait l'ouverture du ca- davre. Le docteur Renard a consigné dans sa Dissertation inaugurale, un certain nombre de propositions relatives à cet objet, qu'il me semble utile de faire connaître. 1° Les recher- ches faites sur le cadavre étant terminées, on rassemble toutes les parties, on les remet dans leur situation première, on fait coudre à grands points toutes les incisions, on nettoie le corps, et on l'enveloppe dans un grand drap que l'on fait coudre, et qui est ensuite scellé par le commissaire ; on le dépose dans le cer- cueil. 2° C'est à tort que, dans le dessein d'absorber des liquides épanchés, on remplit les cavités splanchniques de son, de sciure de bois, de cendres, de chaux vive, etc.; car ces poudres chan- gent tellement l'aspect des parties, que l'on aurait beaucoup de peine à retrouver ce qu'on aurait annoncé dans un premier rap- port si on était obligé de faire de nouvelles recherches sur le ca- davre. 3° On doit éviter, autant que possible, d'emporter un vis- cère ou toute autre partie du cadavre, et, si l'on y était forcé, il faudrait en faire mention dans le procès-verbal. k° La partie ainsi détachée serait enveloppée dans un linge que l'on renfermerait dans un pot bien bouché dont on ne confierait le transport qu'à des personnes sûres ; sans cela la pièce pourrait disparaître ou être changée. 5° Les parties molles du cadavre que l'on croirait devoir conserver seraient nettoyées et placées dans un bocal que l'on remplirait d'alcool, et que l'on boucherait fort exactement. 6° Si pendant l'ouverture du corps le médecin s'était fait quelque — 50 — piqûre au doigt, il devrait cautériser les parties entamées, cl res- ter sans inquiétude sur les suites; celle précaution serait indis- pensable surtout si on faisait l'ouverture d'un sujet mort depuis quelque temps, ou atteint d'une maladie putride et contagieuse. 7° Les précautions à prendre dans le cas d'empoisonnement se- ront indiquées plus loin, voy. t. m. 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Francfort, 1811. — Trad. en français par Marc, sous le titre de Manuel d'autopsie. Paris, 1808, in-8. Chaussier. Table synoptique de l'ouverture des cadavres. Paris, fol. in-plano. Autenrietii. Anleitung fiir gerichtliche Aerzte bei legalen Inspectionen und Sectionen. Tubingue, 1806. Flkischmann (G.) Anleitung zur juristischen und polizeilichen Untersu- chung der Menschen-tundThierleichname. Erlang, 1811. Hesselbach (A. K.). Anleitung zur gerichtlichen Leichenœffnung.Wurz- bourg, 1812. Wildberg (C. F. L.) Anweisung zur gerichtlichen Zergliederung mensch- licher Leichname fiir angehende gerichtliche Aerzte und Chirurgen, nebst der Beschreibungi eines vollstaendigenObductions-Apparats. Berlin, 1817. - 58 — DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. Législation relative aux exhumations juridiques. A Le législateur a prévu avec raison le cas où, sans motifs, les tombeaux ou les sépultures seraient violés. Voici le texte précis de l'article 360 du Code pénal. « Sera puni d'un emprisonnement de j trois mois à un an, et de 16 fr. à 200 fr. d'amende, quiconque se sera rendu coupable de violation de tom- beaux ou de sépultures, sans préjudice des peines contre les crimes ou les délits qui seraient joints à celui-ci. » Les morts ne peuvent donc être extraits de leur demeure que dans les cas où, dans l'intérêt de la société, les magistrats ordon- nent leur exhumation pour mieux connaître les causes qui ont pu détruire la vie. Le désir d'apprécier la nature et l'étendue des lésions cadavériques pour éclairer le diagnostic n'est pas un motif suffisant, aux yeux de la loi, pour autoriser les gens de l'art à faire des recherches sur des corps déjà ensevelis ; et si dans le travail que nous avons entrepris, M. Lesueur et moi, il nou§ a été permis d'exhumer des cadavres qui étaient enterrés depuis plusieurs mois ou depuis plusieurs années, c'est que tous ces cadavres ont été inhumés par nous, et pris parmi ceux qui, n'étant réclamés par personne, sont livrés aux élèves pour les travaux anatomiques. Il n'a pas été difficile de faire com- prendre à l'autorité que des corps qui n'étaient pas destinés à recevoir de sépulture, pouvaient, sans inconvénient, être dé- posés par nous dans la terre pour en être extraits plus tard et servir à des études qui ne seraient peut-être pas sans intérêt. Des dangers dont les exhumations peuvent être accompagnées. Les auteurs sont tellement remplis d'observations tendant à prouver combien il peut être nuisible à la santé d'exhumer des cadavres, qu'il serait difficile de ne pas reconnaître qu'au moins, dans certains cas, ces opérations peuvent être accompagnées de — 59 — quelque danger. Il me semble cependant que les médecins qui ont écrit sur ce sujet ont singulièrement exagéré ces dangers, comme on pourra en-juger par les faits suivans : 1° On lit dans Ramazzini qu'un fossoyeur nommé Piston avait inhumé un jeune homme bien habillé et avec une chaussure neuve : quelques jours après, trouvant, vers le midi, les portes du temple ouvertes, il alla à son tombeau, dérangea la pierre qui le fermait, y descendit, et, voulant ôter les souliers du cadavre, il tomba mort, et fut ainsi puni d'avoir violé ce lieu sacré {Maladies des Artisans, p. 205, année 1777). 2° Yicq-d'Azyr rapporte qu'à Riom en Auvergne on remua la terre d'un ancien cimetière dans le dessein d'embellir la ville. Peu de temps après, on vit naître une maladie épidémique qui enleva un grand nombre de per- sonnes, particulièrement dans le peuple, et la mortalité se fit surtout sen- tir aux environs du cimetière. Le même événement avait causé, six ans auparavant, une épidémie dans une petite ville de la même province, ap- pelée Âmbert. Une pareille suite de faits ne laisse aucun doute sur l'infec- tion que peuvent causer les exhalaisons des cadavres (Essais sur les lieux et les dangers des sépultures, p. 143). 3° On trouve encore dans le même auteur que Pennicher, dans son Traité sur les embaumemens, dit que la vapeur d'un tombeau causa à un malheureux fossoyeur une fièvre maligne. (Gockel, cent. 11, observ. 33). On a vu un fait pareil à Breslau en 1719 (Vicq-d'Azyr, ouvr. cité, p. 147)» 4° D'après Haller, une église aurait été infectée par les exhalaisons d'un seul cadavre, douze ans après sa sépulture ; ce cadavre répandit une mala- die très dangereuse dans un couvent entier (Vicq-d'Azyr, ouvr.cité, p. 447). 5° Raulin raconte qu'en 174i la ville de Lectoure fut affligée d'une mala- die populaire qui fit périr près d'un tiers de.ses habitans : on en attribua la cause à Un vieux cimetière où l'on avait fait des travaux profonds. Il dit, à la page suivante, que plusieurs enfans jouaient avec le cadavre d'un pendu qui était mort depuis peu de mois ; le plus hardi d'entre eux frappa d'un coup de poing la poitrine nue de ce cadavre ; il en jaillit une liqueur si corrosive, que celle qui toucha le bras de ce misérable enfant y fit une excoriation si terrible qu'on eut de la peine d'empêcher que ce bras ne se gangrenât (Observations de médecine, par Joseph Raulin, p. 390, année 1754). 6° En 4744, trois hommes moururent dans le caveau d'une église de Montpellier ; le quatrième ne dut son salut qu'à la fuite la plus prompte, et encore éprouva-t-il des vertiges , des lipothymies, etc., qui mirent sa vie en danger. Ses vètemens et toute sa personne exhalèrent pendant plu- sieurs jours une odeur cadavéreuse ( Haguetiot, Mémoire lu à la Société de Montpellier, en décembre 1746). 7e Un général de Carthage ayant fait ouvrir un lieu de sépulture, de- vant une petite ville de Sicile, pour y faire des retratichemens, la peste se — 00 — mit dans son armée (Navier, Réflexions sur les dangers des exhumations, année 4775, p. 9). 8° Un fossoyeur, creusant une fosse dans l'église de Saint-Alpin d'Ams- terdam, y trouva un corps presque dans son entier, quoique inhumé de- puis long-temps. Il l'entama d'un coup de hoyau, et fut frappé sur-le- champ de l'odeur infecte de ce cadavre; il tomba malade et mourut dans les vingt-quatre heures (Ibid., p. 20). 9° On avait enlevé pendant l'hiver de 4749 tous les bancs de l'église de Saint-Eustache de Paris, pour creuser et construire des caveaux. Les corps morts que l'on trouva dans la fouille du terrain furent exhumés et transfé- rés pour la plupart derrière l'œuvre. Ceux qu'on devait enterrer dans l'é- glise furent déposés dans un caveau particulier, situé sous les charniers, et ce caveau n'avait point été ouvert depuis fort long-temps. Le 7 mars suivant, les enfans qui étaient au catéchisme tombèrent presque tous en syncope ou en faiblesse dans le même temps. Le dimanche suivant, même accident arriva à une vingtaine d'en fans et autres personnes de tout âge. La semaine suivante, le même événement arriva à Sainte-Périne, d'où l'on avait exhumé des cadavres pour y construire une manufacture de rubans, où l'on faisait travailler de jeunes filles. (Ibid., pag. 49, observation rap- portée par Malouin). 40° Le 20 avril 4 773, on creusa à Saulieu, dans la nef de l'église de Saint-Saturnin, une fosse pour une femme morte de fièvre putride. Les fossoyeurs découvrirent le cercueil d'un corps enterré le 3 mars précédent. En descendant dans la fosse le cadavre de la femme, la bière s'entr'ouvrit, ainsi que le cercueil dont on vient de parler, et il se répandit sur-le- champ une odeur si fétide, que tous les assistans furent forcés de sortir. De cent vingt jeunes gens des deux sexes que l'on préparait à la première communion, cent quatorze tombèrent dangereusement malades, ainsi que le vicaire, les fossoyeurs et plus de soixante-dix autres personnes, dont il en est mort dix-huit, y compris le curé et le vicaire qui ont été enterrés des premiers (Maret, Journal encyclopédique, septembre 4 773 ; et Navier, ouvrage cité, p. 5). 4 4° L'abbé Rozier dit qu'un particulier de Marseille fit ouvrir des fosses pour planter des arbres dans un endroit où, trente ans auparavant, lors de la peste, on avait enterré un grand nombre de cadavres. A peine eut-on donné quelques coups de bêche, que trois des ouvriers furent subitement suffoqués, sans qu'on pût les rappeler à la vie (Observations physiques, année 4773, tome Ier, page 4 09). 42° Le 45 janvier 1772, au rapport du P. Cotte, prêtre de l'Oratoire, un fossoyeur creusant une fosse dans le cimetière de Montmorency, donna un coup de bêche sur un cadavre enterré un an auparavant ; il sortit une va- peur infecte qui le fit frissonner, et lui fit dresser les cheveux sur la tête. Comme il s'appuyait sur sa bêche pour fermer l'ouverture qu'il venait de — 61 — faire, il tomba mort, et les secours qu'on lui donna furent inutiles (Ibid., page 109). 13° Le seigneur d'un village situé à deux lieues de cette ville mourut d'une fièvre putride le 15 décembre 1773. On voulut lui préparer une fosse distinguée dans l'église. Pour cet effet, on remua plusieurs cadavres, et l'on déplaça le cercueil d'une de ses parentes enterrée au mois de fé- vrier précédent. L'infection se répandit aussitôt dans l'église, ce qui n'em- pêcha pas de continuer la cérémonie, comme s'il eût été plus essentiel d'enterrer promptement un mort, que de fuir les coups meurtriers de l'é- pidémie, en abandonnant et l'église et le cadavre pour quelques jours. Aussi ceux qui assistèrent à ces obsèques payèrent-ils cher leur obstina- tion imprudente. Quinze d'entre eux moururent en huit jours de temps : de ce nombre furent quatre malheureux paysans qui avaient levé la tombe, préparé la fosse, et remué les cercueils. Six curés, assistant à cette révol- tante cérémonie, ont aussi manqué de périr ( Gazette de santé du 10 fé- vrier 1774). 14° On lit dans le Recueil de pièces concernant les exhumations faites dans l'église de Saint-ÉIoi, de Dunkerque (Paris, 1783), que de deux jeunes gens que la curiosité avait conduits au lien de l'exhumation, un fut affecté d'une douleur violente de la tête; bientôt la petite-vérole se déclara et il mourut. Dans le nombre des cadavres auxquels il s'était arrêté, plusieurs étaient infectés de petite-vérole confluente. Un ouvrier périt d'un autre genre d'imprudence : il se jouait avec les débris des cadavres, et croyait trouver dans le vin un spécifique suffisant, (page 73). Les divers accidens dont je viens de parler ont tellement ef- fayé les auteurs de médecine légale, que plusieurs d'entre eux n'ont pas hésité à établir que le médecin pourrait refuser son ministère lorsqu'il s'agirait d'un rapport sur un cas d'exhuma- tion faite long-temps après la mort. Voici comment s'exprime Fodéré : « Les effets de la mort, manifestés aussitôt que l'action vitale a cessé, augmentent en raison du temps qui s'est écoulé ^depuis celte cessation, et suivant la nature de la maladie et de la lésion sous lesquelles l'individu a succombé, bientôt tout est con- fondu ; et, sans compter que lorsque la putréfaction est avancée, les gens de l'art ne peuvent être obligés à un examen qui se- rait autant dangereux pour leur vie qu'inutile pour les éclair- cissemens qu'on veut obtenir, il est telles causes de mort et telles lésions qu'il est impossible de distinguer alors d'avec les phénomènes inhérens à l'état cadavérique : tels sont les douleurs et les spasmes, les coups de sang à la tête ou à la poitrine, les - 62 — commotions, l'étranglement et les divers genres de suffocation, l'empoisonnement, etc. {Traitéde médecine légale, tome m, p. 71, année 1813). On lit encore dans la première édition de l'ouvrage du même auteur, page 28 : « El si le cadavre exhale déjà une mauvaise odeur, l'homme de l'art peut se refuser à en approcher,- car on ne peut l'obliger à une opération qui devien- drait non-seulement inutile en grande partie, mais encore qui pourrait être nuisible à sa santé. Les observations qui précèdent ne me semblent pas toutes propres à prouver les dangers des exhumations; il en est en effet qui paraissent apocryphes ; d'autres offrent des détails évidem- ment exagérés, et les accidens graves qui y sont mentionnés ne sauraient être attribués aux exhalaisons putrides. Comment sup- poser en effet une aciion aussi malfaisante aux émanations dé- gagées par un cadavre enterré dans une fosse particulière, lorsque, dans mon travail, ni les fossoyeurs, ni deux ou trois élèves qui m'assistaient, ni M. Lesueur, ni moi-même, nous n'a- vons jamais éprouvé d'incommodité notable, quoique les exhu- mations aient été nombreuses et faites sans prendre aucune précaution, aux diverses époques de la putréfaction, et souvent au milieu des plus grandes chaleurs? Je suis loin de contester les effets nuisibles d'un amas de cadavres en putréfaction, des cimetières dans lesquels on ferait des fouilles pour opérer la translation de plusieurs corps ; j'accorderai encore qu'il peut y avoir du danger à descendre dans une fosse commune pour exhu- mer un cadavre ; mais je ne saurais admettre ce danger dans le cas d'une exhumation partielle faite dans une fosse particulière: tout au plus les fossoyeurs et les assistans éprouveront-ils de très légères incommodités, lors même qu'ils n'auront fait usage d'aucune des précautions propres à corriger les mauvais effets des' exhalaisons putrides. Il en sera de même des gens de l'art, qui seront obligés d'ouvrir les cadavres et d'examiner pendant plu- sieurs heures leurs organes. Cette proposition ne me paraît de- voir souffrir d'exception que dans les cas fort rares, où les mé- decins et les personnes chargées de pareils travaux seraient considérablement affaiblis par des maladies antécédentes qui les prédisposeraient à en contracter de nouvelles, ou bien lorsque - 63 - la décomposition des corps étant encore peu avancée, et l'abdo- men considérablement tuméfié, on percerait maladroitement celui-ci et on s'obstinerait à respirer, pendant un certain temps, le gaz méphitique qui se dégagerait par l'ouverture. Je réfute donc ces auteurs qui, à l'exemple de Fodéré, ont pensé que les gens de l'art pouvaient refuser de faire une exhumation juridi- que, sous prétexte qu'ils exposaient Jeur vie ; je le ferai avec d'autant plus de raison qu'il ne me sera pas difficile d'établir dans la troisième section de cet ouvragé, que ces exhumations, loin d'être inutiles, comme ils l'ontlavancé, peuvent dans beaucoup de cas servir à prouver que la mort des individus est le résultat d'une violence extérieure, d'un empoisonnement, etc. J'irai même plus loin ; je suis persuadé que dans un certain nombre de cas d'exhumations de plusieurs cadavres, et de fouilles dans les caves sépulcrales, on a attribué aux exhalaisons putri- des , des fièvres et des maladies épidémiques qui devaient né- cessairement reconnaître une toute autre cause. Parmi les faits nombreux qui appuient celte manière de voir, je citerai les exhumations du cimetière et de l'église des Saints-Innocens de Paris, et les observations consignées par Parent-Duchâtelet dans un rapport sur l'enlèvement et l'emploi des chevaux morts. 1° Les exhumations du cimetière et de l'église des Innocens eurent lieu du mois de décembre 1785 jusqu'au mois de mai 1786, du mois de décembre de la même année au mois de février 1787, et du mois d'août au mois d'octobre suivant. Il y avait déjà près de six ans que l'on n'enterrait plus les morts dans le cime- tière, tandis qu'aucune interruption n'avait eu lieu pour les céré- monies funéraires dans l'église. C'est dans le sein de la tran- quillité et du calme, dit Thouret, qu'ont été terminées les opérations dont nous avons à rendre compte, et qui ayant été reprises à différentes époques, et continuées constamment cha- que fois le jour et la nuit, ont eu plus de dix mois de durée. Pendant celte longue suite de travaux, une couche de 2 m. 60 à3m. 30 de terre infectée pour la plus grande partie, soit des dé- bris des cadavres, soit par les immondices des maisons voisines, a été enlevée de toute la surface du cimetière et de l'église, sur - uue étendue de deux mille toises carrées,- plus de quatre- — 64 - vingt caveaux funéraires ont été ouverts et fouillés; quarante à cinquante des fosses communes ont été creusées à 2 m. 60 c. et 3 m. SO de profondeur, quelques-unes/iaçw'aw fond,et plus de quinze à vingt mille cadavres appartenant à toutes sortes d'é- poques, ont été exhumés avec leurs bières. Exécutées principa- lement pendant l'hiver, et ayant eu aussi lieu en grande partie dans les temps des plus grandes chaleurs,- commencées d'a- bord avec tous les soins possibles, avec toutes les précautions connues, et continuées presque en entier, sans en employer pour ainsi dire aucune, nul danger ne s'est manifesté pendant le cours de ces opérations {Rapport sur les exhu- mations du cimetière et de l'église des Saints-Lnnocens, par Thouret, page 10, année 1789). Objectera-t-on que depuis plusieurs années on n'enterrait plus les cadavres dans ces lieux, et que déjà la décomposition putride avait atteint cette période où il ne se dégage presque plus d'é- manations fétides et nuisibles? D'ailleurs, dira-i-on, les cadavres avaient éprouvé, dans le cimetière des Innocens, une transfor- mation en gras qui rendait leur action sur l'économie animale beaucoup moins intense, pour ne pas dire nulle. Il est vrai que ceux de ces corps qui s'étaient transformés en gras dans ce ci- metière ne devaient exhaler que peu ou point d'odeur malfai- sante; mais n'ai-je pas dit que pendant les six années qui avaient précédé les travaux, on n'avait pas cessé d'inhumer dans l'église des Saints-Innocens : dès--lors ne devait-on pas extraire des caves, des cadavres non encore transformés en gras et en pleine putréfaction ? « On remarquait, dit Thouret, loules les nuances de la destruction, toutes les métamorphoses de la mort rassemblées, depuis le corps qui se dissout et se putréfie, jus- qu'à ceux plus privilégiés qui se changent en momies sèches et fibreuses » (page 16). Du reste, les détails suivans, extraits d'un Mémoire de Four- croy, confirment pleinement ma manière de voir. Curieux d'avoir des renseignemens positifs sur les altérations qu'éprouvent les cadavres que l'on jette dans les fosses communes, ce savant cé- lèbre interrogea à plusieurs reprises un grand nombre de fos- soyeurs du cimetière des Sainis-Innocens, qui lui apprirent qu'ils — 65 - n'étaient exposés à un véritable danger que dans la première période de la décomposition des corps, c'est-à-dire quelques jours après leur inhumation, lorsque le venire, après avoir été distendu par des gaz, se déchire aux environs de l'anneau, et quelquefois autour du nombril ; il s'écoule alors par ces ouver- tures un fluide sanieux, brunâtre, d'une odeur très fétide, et il se dégage en même temps un fluide élastique très méphitique, et dont on doit redouter les dangereux effets. Il est arrivé plu- sieurs fois dans des fouilles de cimetière, que la pioche ayant ouvert ainsi le bas-ventre, le gaz qui s'en est élevé a frappé subite- ment d'apoplexie les ouvriers employés à ce travail: telle ,st la cause des malheurs arrivés dans les cimetières. On conçoit que la même rupture du bas-ventre et le dégagement du gaz très mé- phitique ayant lieu dans les caveaux comme dans la terre, ce fluide élastique, comprimé dans ces souterrains, peut exposer à des accidens terribles les personnes qui y descendent impru- demment ; on conçoit aussi, d'après cela, la cause de la mort des Balsagettes dans le caveau de Saulieu. Après s'être demandé quelle peut être la nature de ce gaz dé- létère, qu'il croit formé d'acide sulfhydrique et d'hydrogène phosphore, d'azote et d'une vapeur animale délétère, Fourcroy continue en ces termes : « Les hommes occupés au travail des cimetières reconnaissent tous qu'il n'y a de réellement dangereux pour eux que la vapeur qui se dégage du bas-ventre des ca- davres, lorsque celte cavité se rompt. Ils ont encore observé que cette vapeur ne les frappe pas toujours d'asphyxie ; que s'ils sont éloignés du cadavre qui la répand, elle ne leur donne qu'un léger vertige, un sentiment de malaise et de défaillance, des nausées ; ces accidens durent plusieurs heures; ils sont suivis de perte d'appétit, de faiblesse et de tremblement : tous ces effets an- noncent un poison subtil qui ne se développe heureusement que dans une des premières époques de la décomposition des corps» (Mémoire sur les différens états des cadavres trouvés dans les fouilles du cimetière des Lnnocens en 1786 et 1787, lu par Fourcroy à l'Académie royale des sciences, les 20 et 28 mai 1789.) 2° Les observations consignées par Parent-Duchâtelet dans un ir. 5 — 66 — travail demandéparM. Delavau, alors préfet depolice, au conseil de salubrité, viennent merveilleusement à l'appui de la propo- sition que je cherche à prouver. Les clos d'équarrissagcdc Mont- faucon, dit le rapporteur, exhalent l'odeur la plus infecte (1). Qu'on se figure ce que peut produire la décomposition putride de monceaux de chairs et d'intestins abandonnés, pendant des semaines ou des mois, en plein air et à l'ardeur du soleil, à la putréfaction spontanée ; qu'on y ajoute, par la pensée, la nature des gaz qui peuvent sortir de monceaux de carcasses qui restent garnies de beaucoup de parties molles ; qu'on y joigne les éma- nations que fournit un terrain qui, pendant des années, a été imbibé de sang et de liquides animaux, celles qui proviennent de ce sang lui-même, qui, dans l'un et dans l'autre clos, reste sur le pavé sans pouvoir s'écouler ; celles enfin des ruisseaux des boyauderies et des séchoirs du voisinage; que l'on multiplie, autant que l'on voudra, les degrés de la puanteur, et l'on n'aura qu'une faible idée de l'odeur repoussante qui sort de ce cloaque, le plus infect qu'il soit possible d'imaginer ! Eh bien f ni les maîtres équarrisseurs ni les ouvriers ne sont jamais malades ; et si vous les interrogez, ils vous diront que les émanations qu'ils respirent contribuent à leur bonne santé. Déjà, dans un rapport fait en 1810 par MM. Deyeux, Parmentier et Pariset, il y est parlé de la surprise que causa la brillante santé de la femme et des cinq enfans du nommé Fiard, qui tra- vaillaient toute l'année dans leur clos, et couchaient dans le lieu même, où il fut impossible aux membres de la commission de pénétrer, à cause de l'excessive infection qui s'en exhalait. On sait également que la plupart des équarrisseurs meurent dans un âge fort avancé, et presque toujours exempts des infirmités de la vieillesse. Bien plus, on a remarqué que dans l'épidémie de Pantin et de la Villette, pas un seul ouvrier du clos de Mont- faucon n'en fut affecté, privilège qui paraît leur avoir été commun avec les femmes qui confectionnent la poudrette dans le voisi- nage. (1) La voirie de Montfaucon est un emplacement destiné aux opérations de Péquarrissage, et où il y a environ 12,775 chevaux d'abattus, de dépouillés et de dé- pécés tous les ans. - 67 — On dira peut-être que ces ouvriers, nés pour ainsi dire dans le métier d'équarrisseur, et tous issus de parens qui l'ont exercé, ont perdu la faculté d'être influencés par les émanations putrides qui conservent sur les autres toute leur activité. Je répondrai à cette objection par les faits suivans : les étrangers qui viennent tous les jours au clos, et qui y restent souvent long-temps, n'en sont point incommodés. On n'a jamais remarqué que les ouvriers étrangers que l'on était quelquefois obligé de prendre pour des travaux extraordinaires, n'étaient pas plus susceptibles que les autres de contracter des maladies. Les carriers, les plâtriers, les cabaretiers et les gargotiers qui sont au voisinage de la voirie de Monlfaucon n'en éprouvent aucune influence fâcheuse. On lit encore dans le rapport de la commission de 1810, qu'elle resta convaincue que les maladies diverses dont avaient été affectés les ouvriers de la verrerie tenaient à d'autres causes qu'aux émanations du clos d'équarrissage de la gare. Plusieurs observations fort curieuses, ajoute Parent-Duchâ- telet, appuient d'ailleurs ce que je viens de dire du peu d'influence djue peut avoir l'habitude sur l'action négative des émanations putrides, par rapport à la santé de ceux qui y sont exposés. On fait tous les ans à Paris, au cimetière du Père Lachaise, près de deux cents exhumations, pour transporter dans des terrains acquis par les familles, ou dans des sépultures convenables, les coirfte qui ont été provisoirement déposés dans des fosses parti- culières. Ces exhumations se pratiquent à toutes les époques de l'année, deux, trois ou quatre mois après la mort, souvent même beaucoup plus lard. On conçoit que la putréfaction est alors dans toute son activité, et cependant on n'a point encore remarqué que le moindre accident soit arrivé aux fossoyeurs chargés de ces travaux, qui sont d'autant plus pénibles, et qui devraient être d'autant plus dangereux, qu'ils les obligent de respirer dans la fosse même les émanations qui ont été renfermées pendant long- temps dans un étroit espace, et qui proviennent d'individus qui ont succombé à des maladies de nature différente. — Ne sait-on pas aussi que les ouvriers boyaudiers jouissent de la santé la plus brillante, quoiqu'ils vivent dans une atmosphère infecte? Enfin, n'est-il pas certain que les maladies charbonneuses et la 5. - 08 — pustule maligne n'attaquent que bien rarement les équarrisseurs, quoiqu'ils se livrent à leurs travaux sans prendre aucune pré- caution? DE LA MANIÈRE DE FAIRE LES EXHUMATIONS JURIDIQUES, ET DES PRÉCAUTIONS A PRENDRE POUR ÉVITER LES DANGERS QUI PEUVENT LES ACCOMPAGNER. Il importe de distinguer le cas où il s'agit simplement d'ex- traire un cadavre d'une fosse particulière, de celui qui a pour objet l'évacuation des cimetières et des caves sépulcrales, ou l'extraction d'un cadavre d'une fosse commune. A. Exhumation d'un cadavre enterré dans une fosse parti- culière. Quoiqu'il n'y ait en général aucun danger à exhumer un ca- davre enterré dans une fosse particulière, je crois devoir con- seiller un certain nombre de précautions qui rendent l'opération inoins désagréable (1). 1" On choisira le matin de préférence, surtout dans les saisons chaudes, d'abord parce qu'il sera quel- quefois nécessaire de prolonger pendant plusieurs heures l'exa- men du cadavre, et que d'ailleurs les corps inhumés depuis quelques mois peuvent se gonfler et éprouver d'au 1res chan- gemens, beaucoup plus promptement au milieu du jour, lorsque la température est élevée, que dans la matinée; il est également certain que l'impression désagréable produite par les émanations sur l'organe de l'odorat, est plus marquée pendant la chaleur. 2° On emploiera deux ou trois fossoyeurs afin que l'exhumation soit faite promptement, cl on pourra arroser de temps en temps les parties de la"fosse déjà creusées, avec 60 ou 90 grammes d'une faible dissolution de chlorure de chaux; les fossoyeurs sont tellement habitués aux odeurs qu'exhalent les cadavres en putréfaction, et redoutent tellement peu les effets de ces exha- (1) On ne prorédera que d'après l'ordre d'un magistral, et en présence d'un juge d'instruction onde tout autre fonctionnaire délégué à cet effet. — 69 — laisons, que dans les nombreuses exhumations dont je les ai chargés, ils n'ont jamais eu recours à cette liqueur désinfectante : moi-même qui assistais à ces opérations, je n'ai jamais senti la nécessité d'en faire usage. On doit déjà pressentir que je regar- derai au moins comme inutiles deux précautions indiquées par les auteurs, et qui consistent à garnir la bouche et les narines des ouvriers d'un mouchoir trempé dans du vinaigre, et à jeter plusieurs kilogr. de dissolution de chlorure de chaux sur le cer- cueil, aussitôt qu'on aurait creusé assez pour l'apercevoir : cet arrosemenl doit même être rejeté comme nuisible dans beau- coup de cas ; en effet, lorsque la bière a été brisée, défoncée, la liqueur dont il s'agit, pénétrera dans son intérieur, et agira sur le corps dont elle pourra altérer les tissus, comme je le dirai plus bas. Tout ce que je puis conseiller en pareil cas, et seule- ment lorsque l'odeur putride est très désagréable, c'est de jeter au fond de la fosse et sur la partie de la bière encore entière, 100 ou 120 grammes de dissolution de chlorure de chaux ou de soude (1). Dans aucun cas la bière ni le corps ne seront plongés dans une dissolution de ces chlorures; il ne faudra même pas répandre quelques verres de celle liqueur à la surface du ca- davre : si l'on veut neutraliser momentanément (2) l'odeur dé- sagréable qui s'exhale, on versera çà et là sur la table où gît le cadavre, et à côlé de lui, 50 à 60 grammes de dissolution de chlorure, qui agira à-peu-près avec la même énergie que si elle eût élé portée sur le corps, et qui n'offrira pas les inconvéniens qui résultent de sen contact avec la peau et nos organes. Ces inconvéniens sont : a. d'être presque instantanément décomposée par l'acide carbonique et de donner naissance, quand on s'est servi de chlorure de chaux, à du carbonate de chaux blanc qui s'applique sur les tissus et les recouvre d'une couche blanche qui ne permet plus de bien les étudier ; b. d'altérer promptement ces (1) Cette dissolution pourra être préparée avec 30 grammes de chlorure et2 litres d'eau. (2) Je dis, momentanément, parce qu'en effet l'action désinfectante des chloru- res est limitée à un temps qui n'est pas très long, et l'on est obligé de revenir sou- vent à l'emploi de ces préparations, pour peu que l'examen du cadavre se pro- longe. — 70 — mêmes tissus, de manière à changer leur consistance, leur cou- leur : ainsi les muscles qui sont d'un rouge tirant légèrement sur le livide, blanchissent, puis deviennent plus livides, verdàlres et plus mous par leur contact avec le chlorure de chaux; les chlo- rures de soude et de potasse attaquent aussi les organes, mais plus lentement que celui de chaux, cl ne déposent jamais de carbonate de chaux, quoiqu'ils communiquent d'abord une teinte blanchâtre aux muscles. 3° On retirera le cadavre du cercueil et on commencera les recherches immédiatement après; on ob- serve en effet, surtout en été et lorsque la putréfaction n'est pas encore très avancée, que les corps qui restent pendant plusieurs heures en contact avec l'air, se tuméfient, se colorent, et éprouvent des altérations qui seraient propres à induire l'expert en erreur. B. Evacuation des cimetières et des caves sépulcrales. Tandis que, lors d'une exhumation juridique, les gens de l'art sont obligés de procéder à l'opération aussitôt qu'ils sont requis, ils peuvent au contraire différer les travaux, et attendre la sai- son la plus favorable quand il s'agit de fouiller et d'évacuer des cimetières et des caves sépulcrales dans l'intention d'assainir les environs. On ne procédera donc que lorsque la température ne sera pas trop élevée, et l'on suspendra l'opération pendant quel- que temps si l'atmosphère devient trop chaude et humide, et sur- tout si le vent souffle du sud; les époques lgs plus convenables dans nos climats, sont la fin de l'hiver et le commencement du printemps. On emploiera un nombre d'ouvriers suffisant pour que les travaux puissent être promptement exécutés, et pour peu que les fossoyeurs soient incommodés, on les remplacera par d'autres qui à leur tour pourront céder la place aux premiers : leurs vêtemens seront exposés à l'air à la fin de la journée, et ne serviront que le surlendemain. Ceux des ouvriers qui descen- dront dans les caves sépulcrales, ou qui lèveront une pierre à chacune des extrémilés de ces cayes pour pratiquer des ouver- tures destinées à renouveler l'air, auront la bouche et les narines garnies oVun mouchoir trempé dans du vinaigre ; et s'il est utile -— 74 — qu'ils aient bu modérément du vin, il importe qu'ils ne soient pas ivres, parce que l'affaissement qui accompagne le plus sou- vent cet étal semble favoriser l'action délétère des émanations putrides. On évitera aussi que ces fossoyeurs ne se tiennent long- temps courbés en avant, la face rapprochée du sol, et pour cela on fera plutôt usage de bêches et de longues pinces de fer, que de pioches et d'autres inslrumens peu longs. Avant de commencer les travaux il ne sera pas inutile de son- der le terrain dans plusieurs endroits pour s'assurer du degré de putréfaction des corps, car il peut se faire que dans une portion du même cimetière, la décomposition ait atteint le dernier terme, tandis qu'elle ne sera pas trop avancée dans une autre partie : or, on conçoit que, dans le premier cas, il n'y ait presque aucune précaution à prendre. Toutefois ces fouilles ne doivent pas être trop multipliées, et l'on ne doit en commencer une nouvelle qu'après avoir comblé avec de la terre celle que l'on vient de faire. Qu'il s'agisse de ces travaux préparatoires, ou que déjà l'on creuse sur toute la surface du cimetière pour extraire les corps, on arrosera de temps en temps le terrain avec la dissolution de chlorure de chaux précédemment indiquée ; on pourra n'enlever d'abord que 16 centim. de terre sur toute la surface, laisser cette nouvelle couche de terrain en contact avec l'air pendant quelques heures après l'avoir arrosée avec le chlorure, puis en- lever de nouveau 16 cent, de terre, et agir de même jusqu'à ce que l'on soit arrivé à la profondeur voulue. Les cercueils non endommagés seront placés en entier et avec soin sur des tombereaux destinés à les transporter ; les autres, ceux qui auront été disjoints, enfoncés ou brisés, exhaleront peut- être une odeur infecte, et devront être arrosés avec une dissolu- lion de chlorure avant de les placer sur les tombereaux : ceux-ci seront couverts d'une toile imprégnée d'eau vinaigrée, et lors- que les cadavres ne seront pas encore entièrement pourris, on aura soin de les placer dans des caisses bien goudronnées et mu- nies d'un couvert. Les débris des cercueils seront brûlés sur une grille, d'abord à l'aide de fagots ou de charbon de terre, puis ils serviront eux-mêmes à entretenir la combustion. S'il y a à transporter des ossemens mêlés de terre, il faudra emporter le - 7k2 — tout plutôt que de passer à la claie pour séparer les petits os ; en effet, cette ventilation, dans un terrain infecté pourrait être nuisible. S'il s'agit de l'exhumation dans des caves sépulcrales situées dans les églises ou ailleurs, après avoir établi des courans d'air en ouvrant les portes et les croisées, et avoir percé une ouver- ture à une des extrémités de la cave, on arrosera le sol avec la dissolution de chlorure de chaux, et on s'éloignera pendant plu- sieurs heures. Alors on s'occupera de renouveler l'air de ces caves. On a d'abord proposé d'allumer du feu dans un fourneau disposé sur une grille placée elle-même sur l'ouverture déjà men- tionnée. A l'aide de ce ventilateur, l'air du souterrain sera bien- tôt renouvelé ; mais il est préférable de recourir à la manche à air {Voyez planche 1). Cette manche consiste tout simplement en une toile de forme cylindrique, longue de plusieurs mètres, of- frant un grand nombre de cerceaux que l'on place de 65 centi- mètres en 65 centimètres pour empêcher l'affaissement de la manche sur elle-même. Une des extrémités de celte manche X étant introduite dans la cave sépulcrale Q dont on veut renouve- ler l'air, l'autre extrémité D vient se rendre dans le cendrier d'un fourneau E où l'on allume le charbon ; et l'on conçoit que celui- ci ne puisse pas brûler sans qu'il se fasse une aspiration telle de l'air du sépulcre, qu'il suffira de très peu de temps pour le renou- veler en entier. Voici du reste la désignation des diverses par- ties qui composent cet appareil. A Manche à air servant à renouveler l'air et dont l'ouverture se trouve du côté du vent. B Manche pliée. De 65 centimètres en 65 centimètres se trou- vent des cerceaux. C Porte pour jeter le charbon. D Tube en tôle recouvrant la manche à air, et servant à porter l'air du sépulcre dans le cendrier. E Fourneau où l'on allume le charbon. Q Sépulcre. Quel que soit le moyen employé pour renouveler l'air d'un de ces caveaux, avant d'y faire descendre les fossoyeurs, on s'assu- rera qu'une bougie allumée, plongée jusqu'au fond, continue à y — 73 — brûler; si elle s'éteignait, il faudrait encore différer les travaux de quelques heures, et insister sur l'emploi des moyens prescrits. Les premiers ouvriers qui pénétreront dans ces caveaux auront la bouche et les narines garnies d'un mouchoir trempé dans de l'eau vinaigrée ; ils seront suspendus à une corde qui passera sous les aisselles, et munis d'une sonnelle à l'aide de laquelle ils avertiront qu'il est temps de les retirer. Les travaux une fois terminés, on comblera les vides des ci- metières avec la terre qui avait été remuée, et on arrosera avec la dissolution de chlorure ; quant aux caves, on les fermera après les avoir également arrosées. L'emploi réitéré de ce chlorure, pendant quelques jours, permettra d'habiter peu de temps après les cimetières et autres lieux naguère infectés par des exhalai- sons fétides. Je ne terminerai pas ce chapitre sans indiquer les précautions que devront prendre les individus qui habitent dans le voisinage des lieux où se font les exhumations. Ces précautions consis- tent à fermer les portes et les fenêtres qui donneront du côté de ces lieux, à répandre en été, sur le sol des jardins ou des rues qui avoisinent les habitations, quelques décagram. de dissolution de chlorure, et à faire de temps à autre des fumigations aroma- tiques, qui auront au moins l'avantage de masquer l'odeur fétide des cadavres. Extraction d'un cadavre d'une fosse commune. On agira comme il vient d'être dit à l'occasion de l'évacuation des caves sépulcrales. DE L'tTILITÉ DES EXHUMATIONS POUR ÉCLAIRER LES QUESTIONS RELATIVES A L'EMPOISONNEMENT. Dans la plupart des cas, le médecin chargé de constater la cause d'une mort subite , que l'on soupçonne être un empoison- nement, est appelé avant que l'inhumation du cadavre ait eu lieu ; mais il peut se faire qu'il ne soit consulté que plusieurs jours, plusieurs mois et même plusieurs années après. Est-il permis de — 74 — découvrir une substance vénéneuse en analysant les matières trouvées dans le canal digestif, ou dans les débris de ce canal d'un cadavre inhumé depuis long-temps ; est-il possible de constater les lésions des tissus que produisent certains poisons dans le canal digestif, dans les poumons, dans le cœur, etc.? Des expé- riences nombreuses et plusieurs exhumations juridiques faites depuis 1823, époque à laquelle je découvris de l'acide arsénieux dans le cadavre de Boursier, qui était inhumé depuis trente-deux jours ; ces travaux , dis-je, me permettent d'établir la possibilité de résoudre le premier de ces problèmes, sinon toujours, du moins dans la plupart des cas ; l'existence matérielle d'un poison ou du métal qui lui servait de base, s'il était métallique, peut- être prouvée, dans la plupart des cas, plusieurs mois et et même plusieurs années après l'inhumation, toutes les fois qu'il y aura encore un canal digestif, un foie où la matiène graisseuse qui résulte de la destruction de ces or- ganes, pourvu qu'au moment de la mort il y eût dans ces viscères une certaine quantité de poison. En d'autres termes, les substances vénéneuses renfermées dans les tissus de l'écono- mie animale ne se décomposent pas, pendant la putréfaction des corps, de manière à ne pas pouvoir être reconnues long-temps après, comme elles l'eussent été vingt-quatre heures après la mort. Quant à la possibilité de constater les lésions des tissus du canal digestif, etc., je renverrai aux observations qui terminent cet article. Les expériences qui me conduisent à admettre les résultats dont je parle sont de deux ordres : 1° des substances vénéneuses minérales et végétales, dissoutes dans un litre d'eau environ, à des doses tantôt faibles, tantôt fortes, ont été mêlées avec des matières animales, et abandonnées à elles-mêmes à l'air libre et dans des vases à large ouverture, pendant dix , quinze ou dix- huit mois : on a eu soin de renouveler l'eau à mesure qu'elle s'évaporait; 2° les mêmes substances mêlées à de l'albumine, à de la viande, à de la gélatine, etc.,ont été enfermées dans des estomacs ou dans des intestins, et ceux-ci ont été introduits à leur tour dans des boîtes en sapin qui ont été bien closes et en- — 75 — terrées à la profondeur de 80 à 90 centimètres. Plusieurs m,qis après, on a exhumé ces boîtes, et on a analysé les matières con- tenues dans les estomacs et dans les intestins. Celte manière d'opérer a trouvé des contradicteurs parmi des médecins et des critiques peu habitués aux recherches expérii mentales. Ils eussent voulu qu'au lieu d'agir avec des infiniment petits, en enterrant dans des boîtes de sapin des estomacs con- tenant des poisons mêlés à des alimens, j'eusse empoisonné des chiens qui auraient été enterrés après la mort, ou bien ils auraient voulu que les expériences eussent 4té tentées sur des cadavres d'adultes. On conçoit avec peine que l'on ait pu argu- menter de la sorte. Pense-t-on par hasard que 20 ou 25 çentigr. d'une substance vénéneuse, introduite avec plusieurs substances alimentaires dans un estomac que l'on enterre ensuite dans une boîte, se comporteront autrement que dans l'estomac d'un ca- davre ; on suppose donc que l'action de l'estomac et des alimens sur les poisons sera différente quand ce viscère sera isolé, ou renfermé dans l'abdomen? Bien de plus gratuit et de plus con- traire aux notions les plus élémentaires, qu'une pareille supposi- tion. D'ailleurs, des faits déjà nombreux, et que j'exposerai inces- samment dans les observations qui terminent cet article, prou- vent que dans les affaires de Boursier, de Billout, dans celles qu'a fait connaître le docteur Lepelletier, du Mans, etc., l'on est par- venu à constater la présence de l'acide arsenieux et du sulfure d'arsenic, précisément en employant les mêmes procédés que ceux qui ont servi à la recherche du poison contenu dans les boîtes contre lesquelles on s'élève si mal-à-propos. Les expériences sur les chiens, par lesquelles on aurait voulu remplacer celles dont je parle, offrent plusieurs inconvéniens , parmi lesquels je signalerai le suivant : une grande partie, et même la totalité du poison administré pendant la vie, peut avoir élé absorbée ou rejetée par le vomissement et par les selles, en sorte qu'en enterrant le cadavre, il peut se faire que le canal digestif ne contienne plus de poison,- comment, dès-lors, étudier les effets d'une inhumation prolongée sur une substance vénéneuse qui n'existerait pas au moment de celle inhumation? C'est justement parce que j'ai essayé ce genre d'expérimentation — 76 — que j y ai renoncé; en effet, après quatre mois d'inhumation de deux chiens empoisonnés par le même poison, en même temps et à la même dose, il m'est arrivé de retrouver la substance véné- neuse dans l'estomac de l'un des cadavres, tandis qu'il n'était pas possible d'en démontrer la plus légère trace dans les voies diges- tives de l'autre ; celui-ci avait eu des selles et des vomissemens plus nombreux que le premier. On a encore dit que les poisons sur lesquels j'avais expérimenté n'ont été mis en contact avec nos organes qu'après la mort ; dès- lors on ne peut pas conclure qu'ils aient agi sur nos tissus comme s'ils avaient été introduits dans l'estomac pendant la vie. Celte objection, je l'avais prévue dans mon mémoire inséré dans le tome xvn des Archives générales de médecine, et j'y avais répondu : « Qu'importe, disais-je, que l'action d'un poison pen- dant la vie ou après la mort, puisse ne pas être la même ; qu'im- porte encore qu'une portion de ce poison ait été absorbée ou rejelée avec la matière des vomissemens et des selles du vivant de l'individu? Le point capital est de savoir si la quantité de substance vénéneuse que l'expert aurait pu découvrir en ou-> vrant le cadavre vingt-quatre heures après la mort, pourra être décelée dix, quinze ou vingt mois après l'inhumation. Or, il ne peut rester aucun doute d'après mes expériences, puisque ces substances vénéneuses ne se comporteront pas, dans le canal digestif du cadavre enterré, autrement que dans l'estomac et les intestins dans lesquels je les avais enfermées, après les avoir mêlées avec des matières alimentaires. Cette réponse, qui a satisfait tous les esprits justes, paraîtra encore plus peremptoire par les deux exemples suivans. Un individu avale un gramme d'acide arsenieux et meurt douze heures après ; 40 centigrammes de ce poison ont été vomis, 2 autres ont été absorbés ; il en reste donc 58 dans le canal digestif au moment de la mort. L'expert chargé de faire l'ouver- ture du cadavre et de constater la cause de la mort, s'embarrasse fort peu de l'altération chimique que l'acide arsenieux a pu éprou- ver pendant la vie, s'il en a réellement éprouvée; il démontre que les 58 centigrammes de matière trouvée dans le canal digestif possèdent tous les caractères de l'acide arsenieux. Eh bien ! — 77 — qu'ai-je prétendu dans mon mémoire, si ce n'est qu'il était pos- sible, au bout de plusieurs années, de déceler dans nos organes ou dans leurs débris les 58 centigrammes d'acide arsenieux, que l'on aurait reconnus vingt-quatre heures après la mort, ou seu- lement une partie de ces 58 centigrammes?.... Un autre individu meurt après avoir avalé 75 centigr. de sublimé corrosif (bi-chlo- rure de mercure). 15 centigr. de ce poison ont été vomis ; 2 ont été absorbés ; les 58 autres se sont combinés avec la matière organique. L'homme de l'art chargé de faire les opérations ju- diciaires, vingt-quatre heures après la mort, établit la présence dans le canal digestif de ces 58 centigr. du composé mercuriel dont je parle ; c'est précisément ces 58 centigr. que j'ai dit pou- voir être retrouvés plusieurs années après l'inhumation, m'occu- pant fort peu de l'action que la vie a pu exercer sur la partie absorbée. Une autre objection aussi peu fondée que les précédentes a encore été faite à mon travail. Admettons, a-t-on dit, qu'au bout de plusieurs mois d'inhumation le canal digestif fournisse à l'a- nalyse du mercure, du plomb, de l'étain métalliques ; vous éta- blirez qu'il y a eu empoisonnement par un sel mercuriel, ou de plomb, ou d'étain ; vous aurez tort, car ces métaux peuvent pro- venir d'un médicament tel que le calomélas, par exemple, qui au- rait été prescrit au malade quelques heures avant la mort. Cette ob- jection avait •• (Même loi, art. 5). « Si, par suite de l'exposition et du délaissement, prévus parles articles 349 et 350 (2), l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, l'action sera considérée comme (1) Infans, enfant ; cœdere, tuer. (2) « Ceux qui auront exposé et délaissé en un lieu solitaire un enfant au- dessous de l'âge de sept ans accomplis ; ceux qui auront donné l'ordre de l'ex- poser ainsi, si cet ordre a été exécuté, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprisonnement de six mois à deux ans, et à une amende de 16 fr. à 200 fr. » (Code pénal, art. 349). « La peine portée au précédant article sera de deux ans à cinq ans, et l'amende — 415 — blessures volontaires à lui faites par la personne qui l'a exposé et délaissé : et si la mort s'en est suivie, l'action sera considérée comme meurtre ■ au premier cas, les coupables subiront la peine applicable aux blessures vo- lontaires et au second cas celle du meurtre » (Code pénal, art. 354). Il est à remarquer que le Code pénal n'exige point qu'il y ait préméditation,- il suffit que le crime ait été volontaire pour en- traîner la peine de mort ou des travaux forcés à perpétujté ; il n'est pas fait mention non plus du meurtre d'un enfant naissant, quoique évidemment on doive encourir la même peine que lors- qu'on assassine un enfant qui vient de naître. Le texte de la loi ne détermine pas non plus d'une manière précise ce que l'on doit entendre par ce mot enfant nouveau- né. Aussi peut-il être interprété d'une manière différente par les médecins légistes ; et cependant la peine varie suivant que la mort est le résultat d'un infanticide ou d'un homicide. Suivant Ollivier (d'Angers), l'enfant peut être dit nouveau-né, tant que le cordon ne sera pas séparé de l'ombilic. Le professeur Robert Froriep {Ann. d'hyg. publique et de médecine légale, t. xvi, page 328) prend aussi pour point de départ la chute du cordon, et regarde comme enfant nouveau-né celui chez le- quel il existe encore des traces de séparation de sa mère. Dans ce système, le cordon ombilical peut donc seul fournir un signe. Le jurisconsulte, au contraire, d'après Froriep, ne verrait un nou- veau-né qu'autant que l'enfant n'aurait pas reçu les premiers soins de sa mère et qu'il serait encore sanguinolent. Marc (loc. cit.) adople complètement la définition d'Ollivier (d'Angers), et pense qu'elle sera approuvée non-seulement par les médecins, mais encore par les criminalisles. Quelque répugnance que j'aie à admettre dans toute leur éten- due les opinions d'Ollivier (d'Angers) et de Robert Froriep,j'ai cru devoir les relater ici, et je les laisse à juger aux magistrats. Avant d'entrer dans l'élude des diverses questions que le mé- decin expert doit résoudre dans un cas d'infanticide, il m'a paru convenable de tracer un tableau complet des caractères normaux de 50 fr. à 400 fr. contre les tuteurs ou tutrices, instituteurs ou institutrices de l'en- fant exposé et délaissé par eux ou par leur ordre » (Ibid. art. 350). 8. - 116 — que présentent les divers organes d'un enfant naissant, et des modifications que les maladies ou un arrêt de développement peuvent apporter dans leur texture, leur coloration, leur consis- tance. L'homme de l'art, en effet, doit savoir reconnaître les traces de la maladie qui a amené la mort, et les distinguer des lésions qu'ont déterminées des manœuvres criminelles. Les dé- tails qui vont suivre m'ont été en très grande partie communi- qués par Billard, ancien élève interne à l'hospice des Enfans- Trouvés. J'ai pu moi-même faire des observations depuis quelques années; c'est donc d'après les travaux de Billard et les miens que j'exposerai les caractères analomiques normaux, et les altéra- tions pathologiques que l'on trouve dans les organes des enfans nouveau-nés. Le docteur Denis de Commercy a publié en 1826, sous le titre de Recherches d'Anat. et de Physiol. pathol. sur plusieurs maladies des nouveau-nés, un ouvrage important ayant princi- palement pour objet les affections auxquelles succombent les enfans âgés de plusieurs jours, de quelques mois et même d'un an ; tandis que le travail dont il s'agit ici comprend particuliè- rement la description des divers états sous lesquels se présentent les organes des nouveau-nés qui périssent peu de temps après la naissance, c'est-à-dire à l'époque où le crime d'infanticide se commet le plus souvent. Toutefois comme l'ouvrage du docteur Denis renferme quelques observations relatives à des enfans qui sont morts le jour même de la naissance, et que l'ouverture du corps a fait voir des altérations notables de plusieurs organes, le lecteur pourra le consulter avec fruit. Voyez aussi la Disserta- lion sur la pneumonie et la gastro-entérite des nouveau-nés, par le docteur Cogny ; Paris, avril 1827. caractères anatomiques les plus généraux que présentent les organes du nouveau-né dans l'état normal, dans l'état anormal, et dans l'état pathologique. Dans une question aussi étendue, il est important de fixer préalablement un ordre à suivre; je passerai successivement en revue, 1° les tégumens externes ; 2° les organes de la digestion ; — 447 — 3° les organes sécréteurs de l'urine ; 4° ceux de la circulation et de la respiration ; 5° ceux de l'innervation ; 6° ceux de la loco- motion ; 7° les organes génitaux ; 8° les tissus qui peuvent se trouver dans toutes les parties du corps, tels que le tissu cellu- laire et le tissu adipeux. Des tégumens externes. Coloration de la peau chez les nouveau-nés. Les enfans qui viennent de naître ont presque tous une coloration uniforme ; le sang prédomine dans les tissus sous-cutanés et leur communique sa couleur : aussi la face, le tronc, et les membres de l'enfant naissant sont-ils ordinaire- ment rouges. J'ai voulu savoir à quelle époque précise cette colo- ration pâlissait, mais je n'ai rien trouvé d'assez constant pour établir en principe général le résultat de mes calculs. J'ai vu des enfans commencer à blanchir au cinquième et au huitième jour; j'en ai vu rester encore fortement colorés jusqu'à douze et quinze jours. Voici du reste les nuances que prend la peau avant d'ar- river à son état de blancheur naturelle. Le plus ordinairement les tégumens passent peu-à-peu du rouge foncé au rose vermeil ; souvent aussi une coloration vio- lacée se manifeste surtout aux extrémités ; mais cette dernière couleur peut être un signe de maladie; enfin on voit presque toujours se mélanger à la couleur rose des tégumens une nuance jaune que l'on rend encore plus manifeste par la pression des doigts sur la peau : cette nuance jaune devient parfois prédomi- nante , elle se fonce de plus en plus, et l'enfant présente alors un véritable ictère, coloration qui n'est pas due très certainement à une affection du foie, ainsi que je le prouverai dans un autre lieu. A mesure que ces transformations de couleur s'opèrent, la peau de l'enfant, d'abord gluante et même enduite d'une couche séba- cée , devient plus sèche, l'épiderme se fendille et s'exfolie. Les tégumens prennent bientôt un aspect plus pâle, et sont le siège d'une congestion sanguine moins abondante ; ainsi la peau passé successivement du rouge foncé au rose pâle pour blanchir ensuite, ou bien elle offre une coloration rouge, violacée , jau- nâtre, puis enfin blanche. Telles sont les principales nuances de couleur que présentent les tégumens du nouveau-né : ces diffé- rentes colorations peuvent servir à faire connaître qu'un enfant — 448 — est récemment né, surtout si on les observe concurremment avec les autres signes propres à fournir la même indication {V. p. 78 du t. ier.) Quelques enfans naissent faibles, maigres, et vraiment chloro- tiques ; leurs tégumens sont d'une pâleur extrême, les mem- branes muqueuses partagent elles-mêmes celle décoloration, et sont dans un état de ramollissement plus ou moins avancé. Cet état général de l'organisation est le résultat évident d'une ma- ladie développée chez l'enfant pendant son séjour dans l'utérus. Il vient au monde maigre et pâle comme le sont les malades réduits au marasme par. le développement et les progrès de quelques affections organiques. Cette couleur blafarde et chlo- rotique de la peau chez les nouveau-nés, doit donc être regardée comme un caractère pathologique, plutôt que comme une variété de la couleur naturelle des tégumens. Les tégumens externes se confondent insensiblement avec les tégumens internes sur les limites des ouvertures naturelles du corps. Ils sont ordinairement très vermeils dans ces parties; ainsi les lèvres, le bord des paupières, l'entrée des fosses na- sales, le pourtour de l'anus et la vulve offrent un aspect vermeil qui, comme on le sait, persiste pendant une partie de la vie, et ne se flétrit que par les progrès de l'âge. La peau du nouveau-né est susceptible d'offrir un assez grand nombre de colorations anormales soit congénitales, soit acci- dentelles. Il est important de ne pas les confondre avec des contusions ou des traces de violences extérieures. Les taches connues sous le nom de nœvi materni ont un ca- ractère trop tranché pour que l'observateur le plus superficiel se méprenne sur leur nature ; mais il n'en est pas de même des ecchymoses et des pétechies; les premières peuvent être, comme on le sait, le résultat d'un accouchement difficile ; on les ob- serve particulièrement au niveau des parties qui se sont trou- vées pressées par les détroits du bassin ; telle est surtout l'ec- chymose habituelle du cuir chevelu; cependant je dois faire à cet égard une remarque importante, c'est que cette ecchymose n'est pas toujours due à la compression que la tête de l'enfant peut avoir subie au détroit pelvien. — 419 — Billard a reçu parfaitement intact un œuf d'environ quatre à cinq mois ; la femme qu'il avait accouchée lui-même, lui avait déclaré que depuis quinze jours elle éprouvait des douleurs dans la matrice, et que depuis huit jours elle avait eu des pertes assez abondantes pour concevoir le pressentiment de son avortement prochain. Les membranes ne furent nul- lement déchirées ; l'eau de l'amnios, en raison de sa transparence, permet- tait de voir le fœtus dont la tête était pendante et les pieds soulevés. On remarquait au sommet de la tête une large ecchymose à la circonférence de laquelle se rendaient de petits vaisseaux élégamment ramifiés. Je pensai, dit Billard, que l'enfant était mort depuis quelques jours, que dès-lors les liquides s'étaient trouvés chez lui soumis aux lois de la pesanteur, et que cette ecchymose du cuir chevelu, véritable phénomène cadavérique, ne pouvait être regardée comme l'effet de la compression que la tête aurait subie, mais comme un résultat de la position déclive dans laquelle cette partie s'était trouvée depuis la mort de l'embryon. Billard a cité dans son Mémoire sur la respiration un exemple de pétechies cutanées, et y a ajouté quelques réflexions auxquelles je renvoie {Voy. l'observation de Delarue à la p. 206 de ce volume). Quant aux lividités cadavériques, elles seront toujours faciles à distinguer, puisqu'elles ont les mêmes caractères que chez les adultes {Voy. art. Mort.). On ne confondra pas non plus l'érysipèle et l'érythème, si commun chez les nouveau-nés, avec des traces de violences extérieures ; il faudra surtout s'informer pour cela de la manière dont se sont développés ces exanthèmes. Quant aux autres affec- tions cutanées, comme elles offrent des traits particuliers, elles seront toujours reconnaissables ; elles ne se développent d'ail- leurs presque jamais aussitôt après la naissance; cependant Lobstein a rapporté un exemple d'ecthyma congénital, et j'ai vu moi-même chez un enfant né depuis six heures un strophulus bien caractérisé. Comme je n'ai point l'intention de donner ici l'histoire des maladies de la peau chez les nouveau-nés, je m'arrêterai à ces réflexions générales (1). Des organes de la digestion. J'ai déjà fait connaître les caractères anatomiques de l'appareil digestif considéré dans l'état sain {Voy. p. 73 du t. ier) : je ne m'occuperai ici que de quelques altérations de couleur ou de texture qui peuvent se (1) On a souvent vu des fœtus qui sont nés avec la variole, la rougeole, etc. — 420 — manifester à la surface de ces organes, et qui sont tantôt le résultat d'une cause morbide, et tantôt l'effet d'un simple état anormal. La bouche. La bouche ne présente ordinairement rien de bien particulier; Billard a observé une fois une ecchymose dite scorbutique à la base de la langue, chez un enfant naissant : cette ecchymose, d'une couleur violacée, s'étendait depuis la base jusqu'à la partie moyenne de l'organe, et pénétrait à 6 milli- mètres d'épaisseur; le tissu de la langue était, dans cet endroit, extrêmement ramolli. L'état général du sujet n'offrait rien de remarquable. La bouche est, comme on le sait, susceptible d'éprouver dans sa conformation plusieurs imperfections desquelles résultent des difformités trop connues pour que je m'arrête aies signaler ici. Le pharynx est presque toujours injecté. L'œsophage. La face interne du canal œsophagien est tou- jours, comme je l'ai dit à la page 1U du t. ier, le siège dune injection plus ou moins marquée : cette injection offre des va- riétés d'aspect assez nombreuses ; ainsi on observe des ramifica- tions , des plaques rouges , des stries longitudinales, des points plus ou moins nombreux. Cette congestion est parfois portée à un tel degré que la rougeur est uniforme, et la membrane mu- queuse sensiblement épaissie. Il n'est pas rare devoir l'épithélium s'enlever par sillons longitudinaux dont les bords sont renversés sur eux-mêmes. Bien que celte exfoliation ne s'opère pas chez tous les sujets, il ne faudrait pas cependant la prendre pour l'effet de quelque poison ou de quelque corps vulnérant introduit dans les voies digeslives, car on l'a vue chez des enfans auxquels ces accidens n'étaient point arrivé* : on l'observe principa- lement dans les cas de muguet, production pseudo-membra- neuse excrétée à la surface de, la membrane muqueuse. On pourrait être d'autant plus porté à regarder ces exfoliations comme des escarrhes superficielles, que les fragmens membrani- formes sont quelquefois teints en jaune ou en brun par les matières vomies par l'enfant. On voit aussi survenir cette exfo- liation lorsque l'œsophage est excorié et ulcéré par suite dune violente inflammation ; Billard a trouvé chez un enfant de quatre * — 121 — jours, au tiers inférieur de l'œsophage, une ulcération que ses bords élevés rendaient profonde en apparence , qui se trouvait située au tiers inférieur de l'œsophage, et qui avait environ 10 millimètres de diamètre dans tous les sens. Il existait dans ce cas une véritable œsophagite aiguë. Je ne parlerai point des oblitérations complètes ou incomplètes de l'œsophage, dont les auteurs ont cité des exemples, ni des épaississemens partiels ou généraux que présente la paroi de ce canal : outre que ces alté- rations sont rares chez les nouveau-nés, il est toujours facile d'en apprécier la nature et la cause, et je ne sache pas qu'il soit pos- sible de commettre à cet égard quelque grave erreur sous le rapport médico-légal. L estomac. On sait qu'il entre dans la structure de l'estomac un grand nombre de glandules mucipares, invisibles à l'œil nu dans l'état sain, mais susceptibles de s'accroître par suite d'un état pathologique quelconque, de manière à nous dévoiler leur siège, leur forme, et leur disposition particulière. Il est très commun de trouver chez les nouveau-nés ces glandes fort développées, et ce développement offre des variétés d'aspect importantes à connaître. Elles peuvent être simplement tumé- fiées, et se montrent alors sous la forme d'un grand nombre de petits grains blanchâtres qui, quelquefois très rapprochés, don- nent à la membrane muqueuse un aspect analogue à la peau d'oie, et qui d'autres fois sont plus clairsemés ou n'occupent que telle ou telle région de l'estomac. Ces glandes s'ulcèrent légèrement au sommet ; leur base n'é- tant pas encore détruite par les progrès de l'ulcération, on recon- naît facilement quel est le siège de celte solution de continuité. Mais enfin l'ulcération fait des progrès, toute la glandule est dé- truite, et l'estomac offre alors un grand nombre d'ulcères peu profonds, arrondis et irréguliers, dont les bords sont presque toujours teints d'un filet jaune, dû sans doute aux matières mu- queuses et bilieuses qui ont reflué dans l'estomac. Il n'est pas rare de trouver en outre dans la cavilé gastrique un fluide sanguinolent fourni par exhalation ou par les bouches béantes des vaisseaux ulcères : ce sang, en séjournant dans l'estomac, ne tarde pas à prendre une couleur brune, puis noirâtre ; l'enfant vomit souvent — 422 - de ces matières brunes, soit en mourant, soit quelque temps avant la mort; et si l'on trouvait en même temps à l'autopsie ca- davérique quelques excoriations dans l'œsophage, alors on pour- rait être porté à regarder ces lésions comme étant l'effet d'un poison corrosif introduit dans les voies digestives ; en effet, n'est-il pas naturel de concevoir une telle idée lorsque d'une part on trouve l'œsophage excorié, de l'autre l'estomac criblé d'ulcérations et rempli de matières brunes plus ou moins consistantes? Il est donc important de prémunir contre cette erreur les médecins qui, peu familiarisés avec l'anatomie pathologique, verraient pour la première fois sur le cadavre d'un enfant mort-né, ou mort peu de temps après sa naissance, l'espèce de gastrite con- génitale que je viens de signaler.Voici un fait donné par Billard, et sur la nature duquel il a pu lui-même se méprendre avant qu'il eût connaissance des altérations dont je parle. Observation. Lucain, âgé d'un jour, meurt le soir de sa naissance ; l'au- topsie cadavérique est faite le lendemain. L'enfant présente à l'extérieur une forte constitution et beaucoup d'embonpoint : tous les organes sont dans l'état naturel, excepté l'appareil digestif qui offre les caractères sui- vans : l'épithélium de l'œsophage se fendille et s'enlève à l'extrémité infé- rieure ; toute la face interne de l'estomac présente de petites ulcérations irrégulièrement ovales ; leurs bords ne sont pas relevés, mais ils sont teints d'un léger filet jaune; des matières visqueuses mêlées de flocons de cou- leur bistre remplissent la cavité gastrique ; l'intestin grêle est parfaite- ment sain, le gros intestin est rempli de meconium dont se trouve teinte la membrane muqueuse. En considérant les excoriations de l'œsophage, les ulcères de l'estomac et les matières brunes qu'il renfermait, je crus un moment que cet enfant pouvait bien avoir pris quelque substance corro- sive, mais je cessai, par la suite, d'avoir cette idée lorsque de nouveaux exemples étant venus m'éclairer sur la nature de ces ulcères, je demeurai convaincu qu'ils se formaient ordinairement de la manière indiquée plus haut. Presque tous les enfans naissans, chez lesquels on a trouvé l'estomac ainsi criblé d'ulcérations, avaient cependant beaucoup d'embonpoint, de sorte qu'il est probable que ces lésions de la membrane muqueuse sont ordinairement le résultat d'une gas- trite aiguë développée dans les derniers jours de la vie intra- utérine. — 423 — Les matières brunes que l'on observe si fréquemment dans l'estomac des nouveau-nés sont évidemment le résultat d'une al- tération de couleur du sang exhalé à la surface de l'organe ; en effet on trouve quelquefois des stries de sang vermeil au milieu de cette masse brunâtre; quelquefois, au contraire, on n'aperçoit que quelques stries brunes ou brunâtres, au milieu du sang exhalé ; de sorte que le passage insensible de la couleur rouge à la couleur brune du liquide épanché, permet vraiment de suivre les degrés de décoloration que ce liquide éprouve en s'altérant. Ces matières de couleur brune ou bistre ne se remarquent pas seulement en même temps qu'il y a des ulcères dans l'estomac; on les trouve également quand il n'y a qu'une simple exhalation sanguine, ce que l'on observe assez fréquemment chez les nou- veau-nés. Je crois avoir assez insisté sur cette altération particulière de l'estomac chez l'enfant naissant pour qu'on ne soit pas exposé à la prendre pour le résultat d'un empoisonnement. Je ferai remar- quer encore que l'on peut trouver à la face interne de l'estomac des nouveau-nés, des colorations brunes et ardoisées, soitpointil- lées, soit par plaques. Billard en possédait plusieurs exemples, et il était très porté à regarder ces altérations de couleur comme les traces d'une phlegmasie chronique (1). Les autres parties du tube digestif sont susceptibles de devenir le siège d'altérations parti- culières, même pendant la vie intra-utérine; ainsi les plexus fol- liculaires et les follicules mucipares sont quelquefois plus ou moins enflammés chez l'enfant naissant. Il est facile de recon- naître la nature de ces altérations à leur siège, à leur disposition et à leurs caractères anatomiques. La décoloration et le ramol- lissement soit simple, soit gélatiniforme, avec ou sans perforation de la membrane muqueuse gastro-intestinale, s'observent encore chez les nouveau-nés; les tégumens externes ont eux-mêmes dans cette circonstance une apparence chlorotique, et l'enfant porte, dans son habitude extérieure, l'empreinte de la phlegmasie chro- nique dont le ramollissement et la décoloration sont les résultats plus ou moins directs, plus ou moins éloignés. L'inflammation (1) Voyez De la membr. muq. gastro-intest., chap. des altér, de couleur. — 424 — avec excrétion pseudo-membraneuse peut exister chez des en- fans récemment nés : Billard a vu chez trois enfans de deux à cinq jours un muguet confluent du colon ; chez l'un d'eux les pel- licules étaient parfaitement bien organisées ; il a trouvé deux fois le muguet dans l'estomac : cet organe présentait en outre chez l'un de ces enfans un ramollissement gélatiniforme et une perfo- ration^). Mais de toutes les modifications d'aspect du tube in- testinal, celles qui sont dues à l'injection vasculaire sont les plus nombreuses ; la disposition ramiforme ou capilliforme des vais- seaux méseniériques ci intestinaux, la surabondance du sang veineux dans les canaux destinés à le recevoir, la congestion lo- cale ou générale du système vasculaire abdominal, sont autant de circonstances propres à faire varier les aspects que peut pré- senter la membrane muqueuse digestive. Le médecin devra donc, dans ses recherches anatomiques, tenir compte de toutes les cir- constances susceptibles de produire ces phénomènes, afin de les apprécier à leur juste valeur. Comme les congestions sanguines du tube intestinal sont très fréquentes, et qu'il est assez difficile de saisir les caractères qui les distinguent des rougeurs inflam- matoires, il importe d'établir sur quels princioes généraux il faut fonder son jugement. 1° La rougeur pointillée, la rougeur striée et la rougeur par plaques, surtout si elles se trouvent dans une position non déclive et ne coexistent pas avec une congestion gé- nérale de l'appareil vasculaire abdominal, peuvent être regardées comme un résultat de l'inflammation. Celte induction sera d'autant plus vraie qu'il y aura en même temps épaississement et friabilité de la membrane muqueuse. 2° La rougeur générale, l'injection ramiforme et l'injection capilliforme peuvent être considérées comme étant l'effet d'une congestion passive, surtout si les vais- seaux abdominaux sont remplis de sang, et si ces rougeurs ont pour siège une partie déclive du canal intestinal. Telles sont les données les plus générales qu'on puisse avoir sur ce sujet. (1) Pourappuyer l'opinion quele muguetpeut se développer chez les fœtus encore contenus dans le sein de leur mère, M. Véron rapporte l'observation d'un muguet chez un enfant de trois jours, et dans lequel la maladie avait produit une perforation de l'œsophage; du reste ce médecin pense que jamais la membrane muqueuse de l'estomac, de l'intestin grêle et des voies respiratoires, n'est le siège du muguet (Séance de l'Académie royale, de médecine du 28 juin 1825). ~ 425 — On trouve assez souvent, chez les nouveau-nés, du sang exhalé à la surface du canal alimentaire; sa couleur est d'autant plus vermeille que son exhalation est plus récente : ces hémorrhagies intestinales sont dues tantôt à une cause inflammatoire, tantôt à une véritable congestion passive ; il faut, pour les distinguer, examiner avec soin la nature et la disposition des rougeurs qui les accompagnent. J'ai parlé, dans un autre lieu, des colorations du tube intesti- nal dues à la présence des matières bilieuses ou muqueuses ; je n'y reviendrai donc pas {V. p. 75 du t. ier)- On pensera peut-être que j'exagère le tableau des altérations de couleur et de texture que l'on peut remarquer dans le tube intestinal d'un enfant qui vient de naître, mais on cessera de s'en étonner, lorsqu'on admettra avec un assez bon nombre de méde- cins, qu'il est possible que l'œuf, que l'embryon, que le fœtus, éprouvent des maladies pendant leur séjour dans l'utérus, et que par conséquent les organes du nouveau-né ne sont point dans un état d'intégrité aussi parfait que cela devrait être si la série des maladies qui affligent notre espèce ne commençait qu'au premier jour de la naissance. Et en effet pour ce qui concerne le canal intestinal, ne trouve-t-on pas assez souvent sur les ca- davres des nouveau-nés des traces d'anciennes affections? L'his- toire de l'art en offre déjà plusieurs exemples, et Billard a vu des cicatrices anciennes du tube digestif, des excroissances po- lypeuses à la face interne du duodénum, des perforations formées par une adhérence de deux circonvolutions intestinales, et enfin une hypertrophie très considérable des parois du colon chez des enfans morts en naissant ou quelques heures seulement après la naissance. On ne saurait donc peser avec trop de circonspection l'opinion qu'on doit émettre en matière de jurisprudence, re- lativement au genre de mort d'un fœtus dont on est chargé de faire l'autopsie cadavérique. Enfin le tube digestif peut éprouver des entraves à son déve- loppemenl normal, et devenir le siège de nombreuses variétés de forme et d'aspect qu'il est encore important de connaître. C'est ainsi que l'on a constaté l'absence de l'estomac (dans le casd'acéphalie), celle d'une partie de l'intestin grêle, l'occlusion — 426 — du calibre du canal intestinal, son interruption complète, ses in- flexions insolites, sa distension extraordinaire, son invagination, son inversion, ses diverticules, ses hernies, etc. Ces vices de conformation sont très connus ; je me borne à les signaler ici comme ne devant pas échapper à l'attention du médecin. Des dépendances du tube digestif. Les glandes salivaires sont très rarement le siège d'altérations chez les nouveau-nés. J'ai trouvé une fois une fistule de la glande sublinguale au-des- sous du menton chez un enfant qui venait de naître; le conduit de la glande, obstrué du côté delà cavité buccale, était très dis- tendu par la salive et formait sous la langue la tumeur à laquelle on a donné le nom de grenouillette. L'enfant se portait bien, et comme il n'a pas succombé à cette légère infirmité je n'ai pu constater exactement la disposition anatomique des parties. Le pancréas est ordinairement sain et assez développé, il offre surtout sa texture lobulaire très marquée, et il n'est point encore enveloppé d'un tissu cellulaire graisseux comme cela s'observe chez les adultes. Le conduit pancréatique s'ouvre librement dans le duodénum, son embouchure est presque toujours environnée d'une légère saillie ou d'un repli muqueux du centre duquel on peut faire sourdre par la pression le fluide pancréatique. J'ai déjà parlé de la rate et du foie ( V. page 73 du tome î" ) ; j'ai fait remarquer la fréquence des congestions sanguines dans ce dernier organe surtout. Les altérations de couleur et d'aspect du foie sont difficiles à saisir, mais on peut dire qu'elles varient du rose tendre au brun foncé ; quant à la consistance du tissu de l'organe, elle n'offre pas de moins grandes différences. On remarque que plus la congestion sanguine était considérable, plus le tissu du foie est friable. On s'est, dans ces derniers temps, efforcé, de prouver que les rougeurs des vaisseaux situés dans la profondeur d'organes habituellement pénétrés de sang, étaient dues à une véritable imbibition cadavérique, et l'on s'est empressé de tirer de quelques expériences faites sur les ani- maux, des inductions trop générales pour être admises. Je puis affirmer que j'ai trouvé très souvent, au milieu du foie gorgé de sang, l'intérieur des vaisseaux parfaitement sain; leur cou- leur est ordinairement d'un rose pâle ; mais au milieu de la cou- — 427 — leur du foie, cet aspect est très tranché et présente une véritable blancheur, relativement toutefois à l'aspect du tissu hépatique. Lorsque les vaisseaux hépatiques sont imbibés et colorés par le sang, cela tient à une altération de texture dans l'organe et dans les parois vasculaires, altération due tantôt à la longueur du temps écoulé depuis la mort, tantôt à un travail morbide ou à une décomposition quelconque. L'abondance du sang n'est pas la seule condition nécessaire de cette coloration ; il faut que le tissu coloré soit en même temps disposé à l'être par des modifica- tions particulières survenues dans sa texture. On peut trouver chez les nouveau-nés le ;foie hypertrophié, gras, sec ou vide de sang, tuberculeux, déchiré, transposé de sa situation ordinaire, ramolli, ou au contraire fort dur. Les auteurs ont rapporté des exemples de ces diverses altérations que j'ai moi-même constatées plusieurs fois. La rate est moins souvent le siège d'altérations particulières ; elle est quelquefois double ou multiple ; je n'ai jamais observé l'ossification de la membrane péritonéale, non plus que celle du foie, chez l'enfant naissant. Je ne dois pas oublier, parmi les dé- pendances du tube intestinal, le mésentère et les épiploons. Ils ne sont remarquables à l'époque de la naissance que par un seul caractère, c'est qu'ils sont presque entièrement dépourvus de tissu adipeux, et qu'ils ne consistent qu'en une toile mince et transparente à travers les feuillets de laquelle on aperçoit les ramifications vasculaires qui rampent dans ces parties. Les glandes lymphatiques sont petites, vermeilles et lâchement in- sérées entre les lames du mésentère : on ne les trouve volumi- neuses que chez les enfans qui naissent avec une disposition aux affections scrofuleuses, encore est-il vrai de dire qu'à l'épo- que de la naissance on observe difficilement les traits particu- liers de la constitution lymphatique, et qu'alors presque tous les enfans se ressemblent par la disposition générale de leurs or- ganes. Il n'en est pas de même un peu plus tard (1). (1) Toutefois OEhler dit avoir trouvé les glandes du mésentère tuméfiées, dures, adipiformes, en un mot, scrofuleuses, non-seulement chez des fœtus nés de mères scrofuleuscs, mais encore chez quelques-uns dont les mères n'offraient aucune trace de cette maladie (ûésormeaux, art., OEuf, du Dict. de Médecine en 30 vol.). — 128 Des organes sécréteurs de l'urine. Après les organes de la digestion se présentent naturellement ceux qui sont chargés de sécréter l'urine ; car l'examen des vaisseaux chylifères ne peut offrir rien de remarquable pour éclairer les questions qui doivent m'occuper. Les reins. Enveloppés d'une couche de tissu cellulaire très fine et dépourvue de graisse, les reins du nouveau-né sont, dans l'état normal, profondément lobules, d'une couleur moins foncée que chez l'adulte, d'un volume assez considérable et d'une forme fort analogue à celle qu'ils auront par la suite. Les deux substances corticale et mamelonnée sont très distinctes, mais la dernière n'est pas encore aussi épaisse qu'elle le sera plus tard comparativement à la première. Les calices et le bassinet sont humeclés d'urine; le dernier n'est que peu distendu par ce li quide, qui sans doute s'écoule par les uretères aussitôt qu'il est sécrété, et lors même que l'enfant séjourne encore dans l'utérus. Les reins présentent des variétés de couleur, de forme et de nombre. 1° Couleur. Les reins peuvent être plus ou moins colorés suivant l'abondance ou l'absence du sang dans leur tissu. J'ai souvent remarqué à leur surface des ecchymoses plus ou moins larges dues à un épanchement de sang au-dessous de leur mem- brane propre. On voit aussi assez fréquemment des rougeurs pointillées dans l'épaisseur de la substance mamelonnée , et ces points rouges sont quelquefois assez larges pour être regardés comme de véritables pétechies. Il est une altération de couleur très remarquable que l'on observe surtout chez les enfans ictériques ; on voit s'étendre en rayonnant du sommet à la base du mamelon des stries d'un jaune éclatant, qui sont dues sans doute à la colo- ration de la sérosité qui se trouve entre les fibres de la substance mamelonnée : ces stries colorées affectent une direction très régulière ; elles ne doivent point être regardées comme le résultat d'une altération particulière du tissu du rein, mais bien comme un effet de la cause éloignée qui détermine l'ictère, et qu'il ne nous est pas toujours facile d'apprécier. J'ai vu une fois seule- ment la substance corticale être séparée par une ligne jaune — 429 — analogue à celle dont je viens de parler, de la substance mame- lonnée : celle-ci se trouvait comme enveloppée par cette ligne festonnée. 2° La forme. Si quelque cause a mis obstacle à l'écoulement de l'urine, si les uretères sont obstrués ou s'ils manquent, l'urine, en stagnant dans le bassinet, le distend considérablement; les lobules du rein partagent bientôt eux-mêmes cette dilatation, et la masse de l'organe ne consiste plus qu'en un vaste kyste lobule rempli d'urine et plus ou moins irrégulier. Je possède deux reins de cette espèce trouvés sur des enfans morts en nais- sant. L'irrégularité dans la forme du rein peut provenir d'un dé- veloppement plus considérable d'une de ses parties ou d'une hypertrophie générale et régulière. 3° Le nombre. On sait qu'il est possible de trouver un seul rein sur la ligne médiane, duquel partent les deux uretères. Je me contente de signaler cette anomalie connue de tous les anatomistes. Il est difficile de reconnaître les caractères anatomiques de l'inflammation du rein; cependant on doit être porté à regarder comme un résultat de l'inflammation, la rougeur, la tuméfaction et surtout la friabilité du rein lorsque nuls signes de congestion ou de putréfaction n'existent en même temps. J'ai rarement trouvé le rein dans cet état chez les nouveau-nés , et je suis porté à croire que la néphrite simple est irès rare chez l'enfant nais- sant ; la néphrite calculeuse peut s'observer ainsi que je le prou- verai plus bas. Capsules surrénales. Les capsules surrénales très volumi- neuses à l'époque de la vie dont il s'agit ici, ont à l'extérieur à-peu-près la couleur du rein ; mais à l'intérieur elles présentent un aspect qu'il est important de connaître. Leur face interne est tapissée par un enduit membraniforme assez épais, ordinaire- ment d'un blanc sale, quelquefois rougeatre; cet enduit paraît être le résultat de la concrétion ou de la condensation du fluide contenu habituellement dans l'intérieur de la capsule ; il s'enlève par couches et pourrait simuler aux yeux d'un observateur peu expérimenté une concrétion pseudo-membraneuse. Le profes- seur Andral, en ouvrant une femme morte à la suite d'une phthi- — 430 — sie pulmonaire, dit avoir trouvé dans l'utérus un fœtus de six mois, dont une des capsules surrénales était enflammée et en suppuration. Les uretères. Les uretères n'offrent rien d'intéressant à ob- server; leur face interne est ordinairement lisse et blanche. On peut constater leur oblitération, leur rétrécissement, leur scis- sion complète, leur bifurcation, etc. (1). La vessie. Ordinairement petite et contractée, la vessie de*s nouvëau-nés s'élève au niveau du détroit supérieur du bassin ; sa forme est celle d'un ovoïde, son sommet terminé en pointe se continue avec I'ouraque oblitéré. On doit regarder comme une anomalie la persistance de ce canal. La face interne de la vessie est ordinairement remarquable par son aspect d'un blanc satiné. Il est très rare qu'elle soit le siège de rougeurs passives-, je n'ai trouvé qu'une seule fois des pétechies, mais il en existait en même temps dans d'autres parties du corps. Ces variétés d'aspect ré- sultent surtout de son état de vacuité et de distension. Je l'ai vue assez vaste pour remonter jusqu'à l'estomac et contenir au moins 150'grammes de liquide, chez un enfant naissant qui était affecté d'une oblitération de l'urètre. J'ai observé plusieurs fois chez les nouveau-nés, îa face interne de cet organe tapissée par des mucosités membraniformes et floconneuses, tout-à-fait analogues à celles que l'on remarque dans le catarrhe de cet organe. L'in- flammation de la membrane muqueuse de la vessie se voit assez souvent chez les nouveau-nés. Les caractères anatomiques de cette inflammation sont un épaisissement de la tunique in- terne, sa rougeur pointillée, striée ou par plaques, et la friabi- lité plus ou moins grande de son tissu. La rougeur pointillée est l'aspect inflammatoire le plus commun ; il n'est pas rare de l'observer au bas-fond-de l'organe. Les enfans peuvent apporter en naissant des calculs vésicaux; j'en ai vu deux exemples remarquables. Les bassinets en renfermaient en même temps. La vessie était manifestement en- flammée, et le tissu des reins semblait prendre part à cette in- (1) OElder parle aussi de leur dilatation, unie à l'induration des tuniques de la vessie. - 434 — llammatiOn, si l'on pouvait en juger du moins par sa congestion sanguine, sa couleur et son extrême friabilité. L'urètre présente rarement des altérations ; il offre assez sou- vent une coloration violacée, due sans doute à la congestion san- guine habituelle des parties environnantes. Cet aspect est sur- tout remarquable dans la région bulbeuse. En général les voies urinaires ne sont pas très fréquemment le siège de quelques altérations chez les nouveau-nés • cependant il est possible d'y apercevoir dès Variétés d'aspect, dé forme et de texture qu'il est intéressant de connaître, et que je më suis borné à signaler dans l'examen rapide que je viens de faire dé ces organes. J'ajouterai que si ies variétés d'aspect des or- ganes urinaires produites par une inflammation encore exis tante, sont assez rares chez les nouveau-nés, les ânoniâlies dé ces organes provenant d'un arrêt ou d'un défaut de développe- ment sont assez fréquentes, et l'on peut dire avec Meckel, que l'appareil urïnaire est un de ceux dans lesquels on voit le plus d'anomalies. Péritoine. Le docteur Veron a communiqué à l'Académie royale de, médecine l'observation d'un enfant nouveau-né qui offrait des traces non équivoques de péritonite (Séance du 26 avril 1825). Organes de la circulation et de la respiration. J'exami- nerai rapidement 1° le cœur, le système vasculaire, artériel et veineux, 2° les poumons et leurs dépendances (1). Le cœur et le péricarde. Porme du oœur. Cet organe offre déjà chez l'enfant naissant la forme qu'il doit avoir par la suite. Il n'est pas rare cependant de ie trouver moins conique et pour ainsi dire plus marroné que chez l'adulte. Le péricarde renfermé presque toujours de la sérosité citrine, et assez souvent du sang de consistance séreuse, qui paraît avoir été répandu par exhala- tion dans le sac membraneux. La surface extérieure du cœur est ordinairement d'un rouge foncé : on doit regarder comme un état (1)M. Véron a rapporté un exemple d'inflammation du thymus avec formation de pus dans riulérieur de cet organe (Séance de l'Académie royale de médecine, du 26awiïlS25). 9. — 432 - anormal sa pâleur extrême. Ses cavités commencent déjà à pré- senter les différences de capacité qui les caractérisent ; la couleur de leur face interne est, comme à l'extérieur, ordinairement rouge. Il n'existe pas, dans la plupart des cas, de différences tranchées entre l'aspect des cavités droites et des cavités gauches, mais il est des cas exceptionnels où ces deux cavités offrent une coloration variée; ainsi l'on trouve quelquefois les cavités droites d'un aspect violacé, on les dirait teintes avec du bois de campêche, tandis que les cavités gauches conservent leur aspect rougeatre ordinaire : dans ces cas, le sang veineux prédomine, les gros vaisseaux en sont gorgés ainsi que tous les tissus du ca- davre. Celle différence de coloration des deux ventricules est sans doute le résultat d'un phénomène cadavérique qu'il est dif- ficile d'expliquer, et puisque, toutes choses égales en apparence, le même fait ne se reproduit pas sur tous les cadavres, même sur ceux desquels la putréfaction commence à s'emparer, il est pro- bable que cette diversité de coloration tient à des causes particu- lières dont je dois ici me borner à signaler l'effet. La consistance du cœur est plus ou moins molle , plus ou moins ferme. Son inflammation ainsi que celle du péricarde Est assez commune chez les nouveau-nés. Billard a vu huit péricardites dans une année, chez des enfans naissans ; cette péricardite a les mêmes caractères anatomiques que celle des adultes. Il est très commun de trouver des pétechies à la surface du cœur et quelquefois même de l'emphysème. J'ai vu aussi une fois des taches blanches analogues à celles que présente si souvent le cœur des vieillards et des adhérences anciennes et solides entre le cœur et le péricarde. Système vasculaire. Les vaisseaux capillaires sont en géné- ral très gorgés de sang, de là la coloration particulière des nouveau-nés, que j'ai signalée déjà. Il résulte de cette congestion générale du système capillaire, des engorgemens, des ecchy - moses et des épanchemens sanguins dans différentes régions, et surtout dans les parties déclives et dans celles où règae abon- damment le tissu cellulaire. Il faut donc prendre garde dans les ouvertures cadavériques d'attribuer à des violences extérieures — 183 — certaines ecchymoses qui sont le résultat assez ordinaire de la congestion sanguine du système capillaire. C'est par suile de cette même disposition que l'on trouve si souvent au cerveau, dans la poitrine, dans l'abdomen, dans l'intérieur du tube intestinal, etc., des épanchemens sanguins plus ou moins abondans. Les vaisseaux, malgré leur état de plénitude, ne sont pas tou- jours colorés par le sang qu'ils renferment : on les trouve à l'in- térieur quelquefois pâles ou légèrement rosés , d'autres fois, au contraire, très rouges. Mais cette coloration est plus fréquente pour les veines et plus rare pour les artères, qui sont presque toujours blanches. Lorsque la putréfaction fait des progrès, le trajet des vais- seaux est remarquable par les lividités plus ou moins nombreuses qui les accompagnent et qui semblent être le résultat d'une véri- table imbibition cadavérique. Au milieu même des organes, ha- bituellement remplis de sang, on ne trouve pas toujours les rameaux vasculaires colorés par ce liquide. Ce qui vient d'être dit des rameaux vasculaires peut s'appliquer également à leurs troncs principaux ; cependant il est vrai de dire que les veines porte et hépatique, les veines caves et les veines pulmonaires offrent très souvent à l'intérieur une coloration plus ou moins violacée, tandis que les principales branches artérielles restent presque toujours pâles malgré leur congestion. Les considéra- tions dans lesquelles je viens d'entrer, relativement à l'aspect des vaisseaux chez le nouveau-né, sont le résultat des recherches de Billard. Voici dans quel ordre on peut ranger ces congestions sanguines sous le rapport de leur fréquence : 1° l'appareil vascu- laire abdominal; 2° l'appareil cérébro-spinal (les congestions veineuses dans les méninges rachidiennes sont très fréquentes) ; 3° l'appareil circulatoire et respiratoire. Je comprends sous ce dernier chef le cœur, les gros vaisseaux et les poumons. Organes de la respiration. Les fosses nasales sont ordinai- rement remplies de mucosités. La membrane pituitaire est d'une couleur rese plus ou moins foncée ; elle est assez ordinairement le siège d'une congestion sanguine qui la dispose aux inflamma- tions ; le coryza est en effet une maladie très commune chez les enfans naissans; la membrane pituitaire est alors le siège d'une — 1U — rougeur striée, pointillée ou uniforme; souvent môme aussi elle est affectée d'une inflammation pseudo-membraneuse, et l'on y trouve une fausse membrane plus ou moins épaisse qui tapisse les cornets et leurs méats, mais qui s'arrête ordinairement sur les limites du pharynx et du larynx. La trachée-artère et les bronches sont légèrement rosées, et lorsqu'on les examine au milieu du tissu pulmonaire, qui est presque toujours gorgé de sang, elles paraissent blanches par le contraste. Les rameaux bronchiques, qui s'étendent dans une partie du poumon fortement gorgée de sang, ne prennent pas toujours part à la coloration du parenchyme pulmonaire, comme pour- raient le croire ceux qui, s'efforçant de combattre des théories sagement établies, poussent le scepticisme jusqu'à nier la vérité, lors même qu'elle est palpable. Ainsi sur quarante enfans dont les poumons étaient ou gorgés de sang ou hépatisés dans une étendue plus ou moins grande, j'en ai trouvé quinze seulement dont les bronches étaient également fort rouges, et dont la cou- leur se confondait avec celle du poumon, et résultait de la même cause. Lors donc que l'on voit chez un nouveau-né les bronches et la trachée-artère plus ou moins rouges, il ne faut pas s'empresser de rapporter ces rougeurs à une cause méca- nique, à un phénomène cadavérique , car il est fort possible ' qu'elles soient l'effet d'une véritable inflammation ; telle est pro- bablement la cause ordinaire de la rougeur des bronches au ni- veau des parties hépatisées d'un poumon. Les mêmes remarques s'appliqueront aux vaisseaux qui ram- pent dans l'épaisseur des poumons. Le médecin ne doit donc fixer son opinion sur la nature de ces rougeurs qu'après avoir tenu compte de toutes les circonstances vitales ou cadavériques qui sont susceptibles de les avoir produites. Caractères anatomiques des poumons avant la respiration. A cette époque les poumons ont la forme qu'ils auront pendant le reste de la vie ; leur couleur est extrêmement variable ; elle est plus ou moins intense, suivant l'état pléthorique ou exsangue du* sujet. Il en est qui offrent à leur surface des taches rouges plus ou moins grandes, d'une forme ljchénoïde, et qui sont les — 135 — rudimens probables des taches ardoisées qu'on trouve, chez l'a- dulte, éparses à l'extérieur de ces organes ; d'autres sont au con- traire blanchâtres ou d'un rose tendre, et ressemblent beaucoup par leur couleur à celle des poumons de bœuf ou de veau. C'est là la description que je donnai dans la troisième édition de cet ouvrage, et je la donne encore, malgré les assertions contraires de M. Deyergie. «Je crains, dit ce médecin (tome i, page 591), que Billard n'ait tiré sa description à-la-fois de poumons qui n'a- yaient pas respiré et de poumons qui avaient respiré en partie- V M. Devergie peut être rassuré ; j'ai souvent examiné à la Mater- nité des enfans mort-nés qui n'avaient Pa$ respiré au, passage, dont les poumons n'avaient pas été insufflés, et dont le cœur n'a- vait pas présenté de battemens. Les poumons présentaient les variétés de coloration et les taches que j'ai signalées-, je suis donc autorisé à maintenir ma proposition ppmme étant l'expres- sion de la vérité. Les poumons d'un enfant à terme qui n'ont pas été pénétrés par l'air, sont comppsés d'une multitude de lobules denses, d'ap- parence charnue, séparés les uns des autres par des lames cellu- jeuses très serrées, qui se déchirent quand on, cherche à éloigner par des tiraillemens les lobules les uns des autres ; la forme de ces lobules, à leur surface, varie considérablement, majs elle est presque tpujours anguleuse ; \e plus souvent c'est un quadrila- tère irrégulier, d'autres fois c'est un pentagone, un hexagone, etc.; en général, comme l'a dit M. Devergie, ils sont unis entre eux d'autant plus intimement que l'enfant approche plus du terme de neuf mois. Incisés, ils, sont compactes, saps aréoles visibles, imprégnés seulemept d'une petite quantité de sang ; on y re- marque des ramifications bronchiques qui vont des lobules, à la trachée-artère. Avant le terme de neuf mois, ces lobules sont lâchement unis entre eux par des lames cellideuses que l'on peut facilement écarter. Les poumons remplissent en entier la cavité pectorale, contre les parois de laquelle ils sont pressés, à tel point qu'ils reçoivent quelquefois à leur bord postérieur l'em- preinte des côtes qui sont toujours plus saillantes, 'dans l'inté rieur du thorax, chez l'enfant que chez l'adulte. Toutefois, comme le fait observer M. Peyergie, en ouyranl le thorax d'un enfant — 436 — mort-né, les poumons ne paraissent pas le remplir en entier, ce qui dépend de ce que, une fois la poitrine ouverte, sa cavilé s'agrandit non-seulement en raison de l'élasticité des côtes, mais encore parce que les organes de l'abdomen , abandonnés a leur propre poids, attirent le diaphragme en bas, ce qui augmente le diamètre vertical du thorax. Si les côtes ne sont plus appliquées sur le poumon, c'est que celles-ci sont, pour ainsi dire, avant l'ouverture de la poitrine, dans un état violent. La cage thora- cique une fois ouverte, l'air pèse sur les deux faces de la paroi costale, et celle-ci obéit alors à son élasticité. Je ne suis donc pas étonné que les poumons d'un enfant qui n'a pas respiré por- tent l'empreinte des côtes, comme l'a observé Billard, et je ne puis admettre avec M. Devergie, que ces empreintes soient unique- ment le résultat d'un accouchement laborieux. Il est très commun de trouver chez l'enfant qui n'a pas respiré, comme chez l'adulte, un engorgement sanguin au bord posté- rieur des poumons ; c'est un phénomène cadavérique résultant de la position dans laquelle le cadavre a été mis. Quand on ouvre le thorax d'un enfant qui n'a pas respiré, on est frappé de l'analogie d'aspect du thymus et des deux poumons; il semblerait, quoiqu'il n'en soit pas précisément ainsi, que le thymus fût un troisième poumon , dans lequel aucun rameau bronchique ne viendrait s'ouvrir. Il n'en est plus de même quand la respiration a eu lieu ; il importe donc de noter la ressem- blance, parce qu'après la naissance et l'établissement de la res- piration , le thymus, conservant encore le même aspect, peut servir de point de comparaison et guider l'observateur dans l'exa- men qu'il se propose de faire du tissu des poumons modifié ou non par la respiration (1). (1) M. Devergie a attaqué cette assertion, se fondant sur ce quel'aspect d'un or- gane ne comprend pas seulement sa couleur, et qu'il en embrasse encore sa texture. or, dit-il, il n'y a aucune analogie entre la texture des poumons et celle du thymus d'un enfant mort-né; et, quant à la couleur, il a toujours observé que celle du thymus était plus pâle. On comprend difficilement cette dernière proposition de M. Devergie. Sur les enfans mort-nés, dont j'ai fait l'examen dans ces derniers temps, la coloration du poumon et du thymus était telle qu'à l'ouverture du thorax, ces deux organes ne présentaient pas de différence sensible. Mais au bout de quelques minutes l'action de l'air avait fait subir des modifications à la couleur du — 437 — Ainsi donc la couleur du poumon, chez l'enfant qui meurt avant de respirer, peut présenter de grandes variations ; elle est plus ou moins intense ; elle est parfois marbrée de taches arrondies, rouges, roses, brunâtres, violettes (1). Le tissu du poumon que l'air n'a pas pénétré est flasque ; sa coupe, légèrement granuleuse, offre un aspect analogue à celui de la rate quand on la déchire ; enfin il n'est pas nécessaire d'a- jouter que son poids spécifique est plus considérable que celui de l'eau, et qu'il se précipite rapidement au fond d'un vase rempli de ce liquide. Malgré la présence du canal artériel, qui permet au sanglancé par l'artère pulmonaire de passer directement dans l'aorte, une certaine quantité de ce fluide pénètre cependant dans les pou- mons, soit que cela tienne à une régurgitation toute mécanique, soit que le sang servant à la nutrition de l'organe doive naturelle- ment s'y rendre. Quand on dissèque les artères pulmonaires chez un embryon, on les trouve souvent pleines de sang à une distance assez grande dans le tissu pulmonaire. Il en est de même des veines du même nom ; par conséquent l'état de vacuité des ar- tères pulmonaires n'est pas, comme on l'a dit, un signe propre à nous indiquer que l'enfant n'a pas respiré. Aspects qu'on pourrait confondre avec celui d'un poumon qui n'a pas respiré. Il est facile de confondre les aspects que thymus, qui devenait manifestement plus pâle et rosé. Est-ce là la source de l'erreur de M. Devergie ? Quant à la texture, elle diffère sans doute de celle des poumons. Tout le monde sait que dans l'un de ces organes on voit des ramifications bronchiques, que dans 'autre ce sont des granulations de forme assez régulière, et encaissées dans les aréoles d'un tissu cellulaire assez lâche ( /". p. 135 pour la texture des poumons avant la respiration). Mais je ne pouvais comprendre dans l'aspect du thymus et du poumon ce qui se rapporte à la texture, attendu qu'il faut faire des coupes à cet organe pour constater les rapports des bronches avec les vésicules, en un mot, des divers élémens dont il est composé. ^k (1) M. Devergie établit dans le mémoire déjà cité que c'est à tort que aes auteurs ont comparé la couleur des poumons d'un enfant mort-né à celle du foie ou du corps thyroïde. « La comparaison serait exacte, dit-il, si elle se rapportait au foie ou au corps thyroïde de l'adulte. » Je ne saurais encore admettre cette assertion, et je maintiens, après avoir ouvert un grand nombre de sujets, que la couleur des poumons d'un enfant mort-né ressemble beaucoup plus à celle du foie et du corps thyroïde du même sujet qu'à celle des mêmes organes chez l'adulte. — 138 — présente le poumon quand il n'a pas respiré, quand il est en- goué, ou quand il est hépatisé. Voici les différences qui distin- guent ces trois états. 1° Poumon qui n'a pas respiré. On ne doit pas perdre de vue l'analogie de couleur que j'ai signalée entre le poumon non péné- tré d'air et le thymus. On pourra fortement soupçonner qu'un en- fant n'a pas respiré lorsque ses poumons, d'ailleurs peu colorés et plus pesans que l'eau, offrirqnt une coloration analogue à celle du thymus. 2° Poumon engoué. L'engouement pulmonaire peut être local ou général : dans le premier cas, ce sera presque toujours lebord postérieur de la partie inférieure du poumon qui seront engoués : alors la partie antérieure de l'organe offrira la couleur et la tex- ture que je viens d'indiquer. Dans le second cas, tout le poumon imbibé de sapg présente une texture granuleuse ; il est flas- que, pesant, et doué d'une solidité assez grande pour qu'on pe, puisse rompre son tissu sans un certain effort ; le sang s'écoule en nappe des incisions faites aux poumons qui, mis à dégorger dans l'eau pendant quelques heures, colorent fortement le liquide en devenant eux-mêmes moins colorés; il arrive quelquefois, m^ non constamment, que les bronches sont rouges et tapissées par une exhalation sanguinolente au milieu du tissu engoua- On observe aussi que l'engouement n'a lieu que dans quelques points disséminés au milieu du poumpn, et accompagnés parfois d'une exhalation sanguinolente assez abondante pour constituer une véritable apoplexie pulmonaire. En général, comme je l'ai déjà dit, l'engouement est plus fré- quent au bord postérieur que dans toute autre partie du poumon, et il existe plus souvent, du moins à l'hospice des Enfans- Trouvés, dans le poumon droit que dans le poumon gauche. L^igouement pulmonaire est ordinairement accompagné d'un obstacle quelconque à la circulation, et d'une congestion san- guine générale, reconnaissable à, l'extérieur du sujet par la bouf- fissure de son yisage et la coloration violacée de ses tégumens. Il est important de tenir compte des phénomènes cadavériques concomitans; parce qii'on ne saurait jamais fonder son jugement. — 439 — dans une science d'observation, sur un trop grand nombre de faits susceptibles de se coordonner. M. Devergie a décrit un état particulier des poumons qui a quelque rapport avec ï engouement dont je parle. Deux enfans bien constitués et à terme périrent immédiatement après l'accouchement, qui n'avait pas été laborieux. Les poumons étaient très volumineux, compactes, charnus, plus denses qu'à l'état normal, très lourds, décolorés et blafards ; ils se précipitaient au fond de l'eau, même lorsqu'ils étaient coupés par fragmens. Leur tissu était infiltré d'un liquide séreux incolore, que l'on ne faisait sortir qu'avec peine du tissu cellulaire qui le renfermait. L'air n'y pénétrait pas lorsqu'on les insufflait. Cette altération ne constituait ni le squirrhe ni l'induration blanche qui précède la suppu- ration des tubercules : c'était une sorte d'endurcissement lardaciforme te- nant le milieu entre l'état squirrheux lardacé et la mollesse ordinaire du tissu des poumons des enfans nouveau-nés, et qu'il propose de nommer œdème pulmonaire ou endurcissement lardacé (Annales.d'hygiène, n° d'a- vril 1831). 3° Poumon hépatisé. Enfin, l'hépatisation se distinguera de l'engouement aux signes suivans : Le tissu du poumon est compacte, dur au toucher, il se coupe nettement, et fait entendre sous le tranchant de l'instrument un bruit assez analogue à celui d'une pomme erpe que l'on coupe ; il se laisse déchirer plus facilement et il en suinte un sang épais et très abondant, noirâtre. Si l'enfant avait respiré, ce liquide serait spumeux. Quand on veut insuffler un poumon hépatisé, l'air n'y pénètre qu'avec beaucoup de difficulté. L'organe est remarquable par son poids; il tombe avec vitesse au fond de l'eau, qu'il ne colore pas aussi fortement que le poumpn engoué, quand on laisse celui-ci séjourner quelque temps dans ce liquide; son tissu est fort analogue à celui du foie, et l'altération est quel- quefois portée assez loin pour qu'on puisse à peine distinguer les traces des rameaux bronchiques et artériels. Ce premier degré de l'hépatisation est celui que M. Denys dé- signe sous le nom de splénisaiion. Tel est le premier degré d'hépatisation; quand le second sur- vient, alors il n'est plus aucun doute à élever sur l'état patholo- gique de l'organe, et l'on attribuera sans balancer à une cause morbide l'hépatisation grise et le ramollissement pultacé! du tissu — 440 — du poumon, altérations dont les caractères sont tracés dans tous les ouvrages de pathologie ou d'anatomie pathologique avec trop de détails pour qu'il soit nécessaire de les rappeler. L'hépatisation peut exister dans une étendue plus ou moins grande du poumon. Elle peut envahir sa totalité. Comme elle succède très fréquemment chez les jeunes enfans, aux conges- tions et à l'engouement pulmonaire, c'est aussi au bord posté- rieur des poumons, et particulièrement dans le poumon droit, que cette altération de tissu se voit le plus souvent. Les tubercules à l'état de suppuration ou de crudité sont sou- vent disséminés dans toute l'étendue du poumon. Chez les en- fans les tubercules sont volumineux, surtout eu égard à la masse des poumons. Ils sont arrondis, à surface lisse, remplis de pus ou d'une matière pultacée. On peut reconnaître dans leurs in- tervalles les caractères du tissu pulmonaire. Je me suis arrêté à exposer et à distinguer ces divers états, parce qu'il est possible, et qu'il arrive même assez souvent que des affections pulmonaires se développent chez l'enfant pendant son séjour dans l'utérus; il est donc utile de connaître toutes les variétés d'aspect que peut offrir le poumon, avant même que la respiration soit établie. Caractères anatomiques des poumons après la respiration et après l'insufflation. Depuis la publication du mémoire de Billard, M. Devergie s'est attaché à décrire les caractères anato- miques des poumons après la respiration et après l'insufflation; je vais tracer cette description d'après lui, en indiquant au fur et à mesure par des notes, les points sur lesquels je ne suis point de son avis. Tissu et couleur après l'établissement de la respiration. Dès que les lobules pulmonaires ont été distendus par l'air, leur aspect change entièrement. L'analogie de leur couleur avec celle du foie disparaît; chaque lobule paraît alors composé de quatre lobules plus petits, ou lobulules intimement liés entre eux. La surface de chacun de ces lobules semble être formée par quatre cellules pulmonaires très blanches (1), et l'on voit se dessiner (1) Au lieu d'être très blanches, elles sont d'un orangé clair. — 444 — dans l'épaisseur des parois de ces cellules une infinité de vais- seaux capillaires injectés de sang; de là l'aspect blanc rosé des poumons qui ont respiré (1). Toutefois ce n'est pas une couleur uniforme, comme dans les poumons vides d'air, mais une mar- brure capillaire rose à fond blanc (2). Cet état peut surtout être bien étudié sur les poumons où la respiration n'a pas été com- plète, car à côté d'un lobule charnu, on distingue très bien un lobule dilaté par de l'air. Tissu et couleur modifiés par l'insufflation. « Si on insuffle les poumons d'un enfant qui n'a pas respiré, les cellules pulmo- naires se distendent comme dans le cas précédent, mais l'injec- tion capillaire ne s'effectue pas ; il en résulte alors une coloration blanche (3) et uniforme du tissu des poumons; on n'aperçoit plus ou presque plus les quatre lobulules qui constituent les lobules, et qui, chez l'enfant qui a respiré, deviennent principa- lement distincts par l'injection des vaisseaux qui circulent entre eux. » J'ajouterai que la texture des poumons subit également une modification en se dessinant beaucoup mieux; les lobules et même les vésicules sont séparés par des lignes remplies d'air qui les circonscrivent. Le bord postérieur de ces organes pré- sente desmy ri ades de vésicules, entre lesquels on aperçoit des lignes aérifères; c'est alors que l'on distingue bien la forme qua- drilatère des lobules, qui, ainsi que je l'ai déjà dit, est la plus commune. Enfin, que l'air ait été introduit artificiellement ou na- turellement dans le poumon, celui-ci devient plus mou, moins compacte, comme spongieux. Tissu et couleur modifiés par l'état emphysémateux. Quelle que soit la cause de l'emphysème, le développement de l'air n'a pas son siège dans les cellules pulmonaires, mais bien entre les lobules et dans le tissu cellulaire qui les unit; en sorte que si l'emphysème se fait remarquer dans les poumons d'un en- fant qui n'a pas respiré, on aperçoit des bulles allongées, qui sé- parent les lobules, dont l'aspect charnu n'a pas changé. Ces bul- (1) Il faudrait dire orangé clair rosé. (2) A fond orangé clair. (3) Il faudrait dire jaune orange très clair. — 442 - les, à parois très milices, thés transparentes, varient en gros- seur depuis une tête d'épingle jusqu'à une forte lentille ; on peut les ouvrir, les crever et les déplacer par la pression. Elles con- trastent avec le tissu pulmonaire, charnu et rouge brun, des poumons qui n'ont pas respiré. Alors on n'entend pas encore de crépitation lorsqu'on coupe les poumons; il semble que l'em- physème n'existe qu'à là surface. Si l'emphysème se produit dans f1 les poumons d'un enfant qui a respiré, on voit distinctement les milliers de vésicules distendues par l'air de ta respiration, et cà et là des bulles beaucoup plus volumineuses, qui sont interposées à des portions de poumons d'une étendue variable. En général, l'état emphysémateux se développe plus souvent a 1 a partie an- térieure qu'à la partie postérieure du poumon; toutefois des cir- constances accidentelles peuvent venir modifier ce résultat (Devergie). Cet emphysème est le premier phénomène que développe la putréfaction. Quand celle-ci est un peu plus prononcée, on dis- tingue encore les lobules, mais tout le tissu cellulaire interlobu- laire est pénétré par de l'air. L'organe est plus volumineux, mol- lasse, élastique; il s'affaisse bien vite après une incision suivant sa longueur. À un degré extrême de putréfaction, le parenchyme pulmo- naire a disparu dans un emphysème général; sa substance se réduit aisément en bouillie par la pression; toute docimasie hy- drostatique est impraticable. Tissu et couleur modifiés par la macération dans l'alcool. Des enfans venus à terme et n'ayant pas respiré peuvent être pendant quelque temps conservés dans l'alcool, abandonnés en- suite sur la voie publique et livrés à l'examen d'un médecin ex- pert. Le poumon qui a macéré dans ce liquide, est décoloré, et présente une teinte jaune clair uniforme; il est réduit au quart environ de son volume primitif; sa densité est très grande; il est impossible d'y reconnaître des traces de son organisation primi- tive. M. Devergie, à qui l'on doit ces détails, à eu l'occasion d'exa- miner judiciairement trois enfans dont les cadavres avaient ma- céré dans une dissolution de sublimé corrosif. Le volume du — 143 — corps avait dimiiïué, niais celui des organes intérieurs avait subi un retrait moins considérable. Les poumon§ étaient rouges, vio- laêés, denses, charnus, consistans, sans apparence de leur orga- nisation normale, leur tissu formant un tout homogène à-peu- prês analogue à celui des poumons macérés dans l'alcool. De la plèvre. D'après Billard, la plèvre est assez souvent phlogosée chez les hoùveau-nés; on la trouve parfois très injec- tée, sans pour cela qu'elle soit enflammée : elle est le siège assez fréquent de rougeurs pointillées et arborescentes, produites très probablement par l'inflammation. La pleurésie avec épanche- mént séi-o-purulent, et concrétions pseudo-membraneuses, a été fréquemment observée à l'hospice des Enfans-Trouvés. 11 n'est pas rare non plus de trouver des adhérences celluleuses bien organisées, qu'on peut regarder comme un résultat d'an- ciennes pleurésies. On se gardera de prendre pour des concré- tions membraniformes des couches du tissu adipeux sous-jacentes à la plèvre, et qui, en raison de la finesse et de la transparence de cette membrane, paraissent en quelque 'sorte accolées à sa surrace dans les espaces intercostaux. Je n'ai pas besoin de dire qu'il est possible de voir des tu- bercules même ramollis et en suppuration dans les pointions du nouveau-né; celte vérité est maintenant appuyée sur des faits assez exacts pour qu'on ne puisse plus la révoquer en doute. Des organes de l'innervation. À l'époque de la naissance, les centres de l'innervation ne sont point encore arrivés â leur dernier degré d'organisation; ils ne sont pour ainsi dire qu'ébau- chés, et destinés par conséquent à subir plus tard des mo- difications fort importantes; leur forme et leur aspect ne sont donc que provisoires chez l'enfant naissant : cependant ii est im- portant de les bien connaître, afin de ne pas prendre pour des anomalies ou des altérations, des variétés de texture et d'aspect, qui tiennent à cette espèce d'état de passage dans lequel ils se trouvent. La moelle épinière a déjà la forme et l'aspect qu'elle conser- vera jusqu'à la mort ; c'est en effet la première partie du centre nerveux qui soit formée, ainsi qu'on l'admettait anciennement, comme l'a démontré Tiedemann dans ces derniers temps. Sa cou- — 144 — leur est d'un blanc assez prononcé, son centre gris n'a pas pré- cisément la couleur qu'il doit avoir chez l'adulte; il est ici plus rosé et plus mou. Il est assez facile de dérouler les deux cordons latéraux qui concourent primitivement à sa formation. Sa con- sistance est, dans l'état normal, assez notable pour qu'on puisse couper par tranches nettes le cordon médullaire dans toute son étendue; mais surtout au niveau de ses renflemens. Elle offre plusieurs variétés importantes à connaître sous le rapport de sa forme, de sa couleur et de sa consistance. Ses variétés de forme dépendent des causes qui ont entravé ou suspendu la marche naturelle de son développement. Elles se trouvent indiquées dans les ouvrages d'anatomie. Ses variétés de consistance et de couleur sont dues à des maladies actuellement existantes ou récemment passées, et je puis affirmer que les affections de la moelle épinière et de ses enveloppes sont assez communes chez les enfans naissans. Elles sont moins fréquentes chez eux que les maladies du tube intestinal, des poumons et du cerveau, mais elles sont plus fréquentes que celles des autres organes; c'est du moins ce qui résulte d'un grand nombre d'ob- servations que j'ai recueillies à l'hospice des Enfans-Trouvés, et dont je vais donner ici un résumé général. Chez les nouveau-nés, les affections des membranes rachidien- nés sont plus fréquentes que celles de la moelle proprement dite. Billard a vu très souvent ces membranes passivement injectées, sans que, pendant la vie, il eût observé des symptômes par- ticuliers : cette injection existe très souvent surtout dans la région lombaire, où l'on trouve fréquemment une exsudation sanguinolente située entre les deux feuillets de l'arachnoïde. Les membranes rachidiennes peuvent non-seulement être le siège de congestions passives, elles s'enflamment aussi quelquefois et pré- sentent alors à l'autopsie cadavérique les mêmes caractères ana- tomiques que ceux qui sont propres à la méningite des adultes. Il est possible de voir en même temps la moelle et ses mem- branes enflammées ; ainsi, dans le cas de méningite, Billard a souvent trouvé le cordon médullaire très dur et d'une consis- tance remarquable; et tout le portait à considérer cet endurcis- sement comme un état inflammatoire. Dans un cas semblable. — 445 — il a pu soulever avec une moelle privée de ses membranes un objet pesant à-peu-près 500 grammes. D'un autre côté la moelle épinière peut éprouver un ramollis- sement local ou général, avec ou sans un itat inflammatoire con- comitant des méninges, de sorle qu'on ne peut rigoureusement se prononcer sur la nature de ce ramollissement. Quoi qu'il en soit, c'est un état pathologique digne de remarque. Voici quel est alors l'aspect de la substance médullaire : La pulpe de la moelle est très molle, jaunâtre, quelquefois sanguinolente ou parsemée de stries de sang; elle répand une odeur manifeste d'acide sulfhydrique, indice d'une décomposition avancée : on la déchire dès qu'on y louche, et le moindre lavage la réduit en une bouillie diffluente. Lorsqu'on trouve cette al- tération, l'enfant n'a ordinairement vécu que quelques heures ou quelques jours; il a respiré péniblement, son cri a été étouffé, ses mouvemens presque nuls, ses membres, pendant la vie, étaient dans un état de flaccidité remarquable, ses tégumens violacés, la figure immobile. Cetle altération de la moelle se re- marque chez les enfans les plus robustes comme chez les plus faibles en apparence, et il existe presque toujours en même temps des congestions de sang dans les poumons, ou des épan- chemens du même liquide dans l'abdomen, le crâne et le canal rachidien. Il est rare que ce ramollissement de la moelle ne soit pas accompagné d'une semblable altération du cerveau, de sorte que tout l'axe cérébro-spinal se trouve désorganisé. Celte désorganisation s'observe en été comme en hiver, peu de temps ou long-temps après; de sorte qu'on ne peut guère la re- garder comme le résultat de la putréfaction ; on serait plutôt porté à la considérer comme le résultat d'une décomposition cau- sée par une congestion, ou même un épanchement sanguin ; en effet, on voit toujours au milieu du tissu ramolli des caillots ou des stries de sang, et ce liquide se trouve en même temps abon- damment épanché dans d'autres cavilés. Mais il se présente à cet égard une difficulté : l'épanchement de sang a-t-il précédé et dé- terminé la désorganisation, en est-il au contraire la conséquence? C'est à mon avis une question qu'il n'est pas aisé de résoudre, et digne par cela même de fixer l'attention des anatomistes. n. 10 — 446 — Les deux extrêmes de mollesse et de dureté du tissu médullaire à l'exposition desquels je viens de consacrer quelques lignes, sont réellemenfdes altérations pathologiques. Mais ilestentreces deux extrêmes des degrés intermédiaires dont on ne peut aisément apprécier la nature, et qu'il serait également difficile de décrire. Le ramollissement et l'endurcissement partiels de la moelle se voient assez souvent, c'est-à-dire qu'elle est très diffluente ou très dure dans la moitié ou le tiers de sa longueur, tandis que le reste offre la consistance naturelle à cet organe. La substance médullaire présente quelquefois une coloration jaune chez les enfans ictériques, un aspect légèrement rosé dans le cas de congestion, et enfin une blancheur remarquable chez les enfans exsangues et chloroliques. Lobstein a trouvé cette coloration jaune de la moelle chez des embryons; il a cru devoir lui donner un nom particulier (kirronose). {Répert. d'anat.) Du cerveau. Le cerveau du nouveau-né ne ressemble que par la forme générale au cerveau des adultes; il en diffère tota- lement par sa consistance et par son aspect; la consistance est absolument celle de la colle; il se laisse couper par tranches as- sez nettes, mais il ne tarde pas à se ramollir au contact de l'air. Sa couleur est blanchâtre; il n'existe point encore de ligne «de 'démarcation bien tranchée entre la substance corticale et la substance blanche, de sorte qu'on ne trouve pas en coupant ho- rizontalement les deux hémisphères par leur moitié, le centre ovale de Vieussens, comme chez les adultes. Cependant on re- connaît aisément le siège qu'occupera la partie corticale à la présence d'une ligne moins colorée que la substance centrale, et qui serpente à la superficie du cerveau le long des circonvolu- tions cérébrales. La substance blanche est ordinairement très injectée, ou parcourue par un grand nombre de vaisseaux, ce qui donne habituellement une couleur plus foncée que la partie la plus superficielle de la masse cérébrale, disposition tout-à-fait énverse de ce que l'on remarque chez les adultes. Le cervelet n'offre pas non plus entre ses deux substances des différences d'aspect aussi tranchées que dans un âge plus avancé, mais elles sont cependant plus faciles à distinguer que dans le cerveau. — 447 — La moelle allongée est plus avancée dans son organisation} on y distingue aisément et la direction des fibres médullaires et les différences d'aspect de chacune des substances qui entrent dans sa composition, et il est à remarquer que les parties de la masse cérébrale qui sont les pins voisines de la moelle allongée, sont aussi plus avancées dans leur organisation que le» régions qui s'en eloifgnent davantage : c'est une conséquence nécessaire du mode d'organisation de l'appareil cérébro-spinal dont le dévelop- pement marche progressivement de la moelle épinière vers l'en- céphale proprement dit. Plusieurs causes peuvent imprimer au cerveau des nouveau- nés des modifications d'aspect qu'il est important de connaître. La rougeur pointillée ou sablée est très commune surtout au centre et en dehors des corps striés; si la congestion sanguine est considérable, la substance cérébrale prend une teinte viola- cée qui s'étend quelquefois uniformément, et qui, d'autres fois, rampe par traînées ou par vergetures d'un point de l'hémisphère à l'autre. Les vaisseaux du cerveau sont, dans certains cas, si bien injectés qu'on peut les suivre, et qu'on les voit s'épanouir des corps striés à la circonférence des hémisphères. J'ai souvent trouvé la substance cérébrale très jaune chez des enfans ictériques. Le cerveau, comme la moelle épinière, peut être remarquable par la dureté de sa substance ou par son extrême ramollisse- ment. Ce que j'ai dit relativement à ces deux sortes d'alté- rations pour la moelle épinière peut s'appliquer au cerveau. La consistance très ferme de cet organe s'observe assez ordinaire- ment après une série de symptômes propres à faire présumer qu'elle est le résultat d'une inflammation. Quant au ramollissement, il coexiste presque toujours avec un épanchement ou même une hémorrhagie cérébrale, et ici, comme pour la moelle, il est fort difficile de décider si l'hémorrhagie a précédé le ramollissement, ou si elle y a été consécutive. Quoi qu'il en soit, voici dans quel état on trouve alors la pulpe cérébrale, à l'ouverture du crâne et des méninges. La substance Cérébrale, réduite en bouillie floconneuse et considérablement mélangée de caillots de sang, s'échappe de tous côtés en répan- 10. — 448 — dant une forte odeur d'acide sulfhydrique; ce ramollissement est plus ou moins étendu, plus ou moins avancé; un seul point d'un lobe ou un seul lobe peut être ramolli, comme aussi il est possible que les deux le soient à-la-fois : le ramollissement existe quelque- fois sans épanchement sanguin, ce qui me porterait à croire que l'iiémorrhagie est ordinairement consécutive au ramollissement. L'injection, la congestion et l'inflammation des méninges of- frent les mêmes caractères anatomiques que chez l'adulte, et ne méritent pas par conséquent ici une description particulière. L'hydrocéphale aiguë ou chronique, avec ou sans altération profonde de la substance du cerveau, l'hydrorachis et le spina bilida sont des affections trop connues pour que je doive m'arrê- ter à les décrire. Les vices de conformation du cerveau ne sont pas toujours ac- compagnés d'un vice de conformation du crâne. Billard a trouvé un cas d'anencéphalie très prononcé sans qu'il existât à l'extérieur du crâne la moindre apparence de ce vice de conformation; l'en- fant vécut trois jours; il respirait assez librement, ses mouvemens étaient faibles, son cri peu soutenu, sa température basse. On trouva à l'autopsie cadavérique la cavité crânienne parfaitement bien conformée ; mais au lieu d'hémisphères cérébraux, il n'existait que deux saillies irrégulières formées parles couches optiques, et une partie des corps striés; il n'y avait pas de voûte à trois pilliers, de septum médian, de ventricules latéraux, ni de lobes cérébraux à proprement dire. Les méninges, parfaitement intactes, se trouvaient remplies d'un fluide jaune et transparent qui les tenait dis- tendues, et à travers lequel on apercevait les rudimens du cerveau, tels que je viens de les décrire. Ce cas me paraît intéressant sous le rapport de la médecine lé- gale; en effet, si le crâne de cet enfant n'avait pas été ouvert, on n'eût pas constaté l'anencéphalie, et par conséquent il eût été possible d'affirmer que l'enfant était viable, et qu'il avait suc- combé à une inflammation intestinale; car le gros intestin était le siège d'une phlegmasie très intense. Il ne faut donc jamais négliger l'examen du crâne des nouveau-nés, surtout lorsqu'on est requis par les magistrats pour faire l'examen de leurs cada- vres. Ce précepte est d'autant plus important, que l'appareil cé- rébro-spinal peut être le siège, comme on vient de le voir, d'un grand nombre de maladies qui pourraient échapper à un examen — 449 — incomplet, et que l'on pourrait signaler comme causes de mort dans certaines circonstances particulières, où il est intéressant de constater avec exactitude le genre de mort auquel un enfant a succombé. L'examen des nerfs, des ganglions et des plexus nerveux n'of- fre rien chez les nouveau-nés qui mérite ici quelque attention, surtout sous le point de vue médico-légal. Organes de la locomotion. Les organes de la locomotion me fourniront peu de remarques importantes. J'examinerai l'ap- pareil musculaire, l'appareil ligamenteux et le système osseux. Système musculaire. Dans l'état sain les muscles ont une cou- leur rosée, ils sont bien moins rouges que les muscles de l'adulte; leur consistance est assez ferme ; la direction de leurs fibres est analogue à la forme générale et à la fonction particulière du muscle. Leurs expansions aponévrotiques sont moins denses et d'une couleur moins éclatante que chez l'adulte; elles se rappro- chent davantage de la texture celluleuse. Les variétés d'aspect qu'offrent les muscles du nouveau-né sont : 1° La pâleur extrême ou la décoloration ; 2° la congestion san- guine; j'ai trouvé plusieurs fois des ecchymoses dans l'épaisseur des muscles, et il n'est pas rare d'y voir un grand nombre de pe- tites taches pétéchiales dont la forme et le nombre varient con- sidérablement; 3° la coloration jaune; je l'ai observée une fois chez un enfant ictérique. Système osseux. Le système osseux fournirait plus de remar- ques intéressantes à faire, caries divers degrés de son ossification peuvent jusqu'à un certain point indiquer l'âge du sujet ; mais ce point d'anatomie se trouve traité savamment et avec une grande exactitude dans le mémoire de Béclard sur l'ostéose : je me bornerai donc à dire quelques mots sur ce sujet. Chez l'enfant naissant les os, dépourvues de parties molles, ont un aspect rosé provenant de la quantité de sang qui les im- bibe; leurs extrémités articulaires sont presque toutes cartilagi- neuses, leurs épiphyses se détachent avec la plus grande facilité, et ils se fracturent d'autant plus aisément que leur ossification est plus avancée. Il ne faut pas confondre les fractures des os avec une scission — 450 — ou une interruption de continuité, provenant d'un arrêt de dé- veloppement. L'observation suivante présente à cet égard le plus grand intérêt : Observation. Un enfant de deux mois meurt à l'hospice des Enfans- Trouvés le l juin 1826, d'une pneumonie aiguë. A l'examen du cadavre on voit que l'humérus est mobile à sa partie moyenne où il existe une espèce de fausse articulation : l'observation attentive de cette partie permet de vpir qu'il y a une solution de continuité de la substance osseuse à la partie moyenne de l'humérus, et dans une étendue d'un centim. 5 mill.; cet espace est rempli par une substance cartilagineuse assez épaisse, dont les extré- mités sont en contact, avec les extrémités chagrinées de l'os, comme le sont les épiphyses avec les os auxquels elles appartiennent. Cet humérus n'était pas plus long que celui du côté opposé ; l'espace n'était donc pas formé par une substance déposée entre les deux fragmens de l'os, mais bien par uq rudiment de l'état cartilagineux de l'os que, par une singulière anoma- lie, l'ossification n'avait pas envahi. En supposant donc que les parens de cet enfant eussent été soupçonnés de mauvais traitemens à son égard, cette disposition aurait pu être prise pour une fracture, et considérée comme le résultat de ces violences : or, cette conclusion n'eût été rien moins que certaine. Il est fort possible que les enfans venus au monde avec un si grand nombre de fractures, et dont Chaussier a citq un exemple remarquable, se soient trouvés dans le cas du sujet de cette observation. Je ne connais que la gravure que ce méde- cin a donnée du fait curieux dont il a enrichi les annales de l'ana- tomje pathologique, et je puis affirmer que l'examen de cette gravure n'a fait que confirmer dans mon esprit l'opinion que j'é-* mets ici. JLjes os du crâne présentent assez souvent ces anomalies d'ossi- fication. Billard en a recueilli trois exemples dans une année j les fibres osseuses, au lieu de se rendre du centre à la circonfé" rence de Vos, sont disposées par îles entre lesquelles se trouve placée une substance cartilaginiforme : lorsqu'on touche ces os à travers les tégumens, on les dirait fracturés. Cependant il n'est pas impossible que les os de. l'enfant nais- sant soient fracturés par des causes extérieures, telles que les manœuvres de l'accouchement ou des efforts maladroits qu'on aurait faits pour nettoyer ou vêtir l'eniant. Cet accident même — 154 — est assez commun. Sur 5,392 enfans entrés, dans l'année 1826, à l'hospice des Enfans-Trouvés de Paris, il y a eu 6 fractures sui- des nouveau-nés, 2 de la clavicule, 1 du fémur, 2 de l'humérus et 1 du pariétal gauche (fracture en étoile avec épanchement dans le crâne). Outre les fractures récemment faites, les nouveau-nés apportent encore en naissant des traces de violences ou de com- pressions extérieures sur quelque point du système osseux et surtout sur les os du crâne : Billard a trouvé sur la région pariétale gauche d'un enfant naissant une cicatrice fermée, mais vermeille au cuir chevelu, une dépression très sen- sible du crâne dans cet endroit, une ouverture oblongue au pariétal dans la partie correspondante, et enfin une hernie du cerveau dans la région tem- porale à travers une ouverture résultant de l'absence presque complète de la portion écailleuse du rocher : cette ouverture du pariétal avait 3 centi- mètres de long et un centimètre de large, sa circonférence était irrégulière- ment arrondie, son bord était comme usé en biseau vers la face interne. Tout porte à croire que Ta tête de l'enfant avait éprouvé dans l'utérus une compression qui avait déterminé la cicatrice du cuir chevelu, la solution de continuité du pariétal et la hernie du cerveau. Qn n'a pu malheureusement avoir aucun renseignement sur la mère de cet enfant. Dans une autre circonstance Billard a signalé chez un nouveau- né un enfoncement assez considérable à la partie antérieure et in- férieure du pariétal droit, au-dessus de la bosse pariétale : cet en- foncement n'était pas récent, il paraissait avoir été produit par une cause quelconque pendant les progrès de l'ossification. Enfin, le système osseux peut offrir dès les premiers jours de la vie des courbures rachitiques, et présenter les résultats d'un arrêt de développement dans une ou plusieurs des pièces d'un os, mais ces altérations de forme et de texture sont trop connues pour qu'on évite de les rapporter à leur véritable cause. Appareil ligamenteux. L'appareil ligamenteux ou articu- laire n'offre que très peu d'anomalies chez l'enfant naissant; ses maladies sont rares à cette époque, ses variétés d'aspect peu im- portantes à signaler sous le rapport médico-légal, et l'histoire de son développement qui seule pourrait offrir de l'intérêt, ne doit pas trouver ici sa place. Organes génitaux. J'examinerai les organes génitaux, chez le petit garçon et chez la petite fille. — 452 — Les testicules se trouvent au niveau de l'anneau inguinal, ou même l'ont en partie franchi à l'époque de la naissance; ils ne sont pas par conséquent entièrement enveloppés de la tunique vaginale qu'ils entraînent avec eux. Ils sont d'un rose très pâle; leur consistance est assez ferme, on distingue aisément leur tex- ture filamenteuse : je les ai trouvés plusieurs fois jaunes chez des sujets ictériques. Les vésicules séminales encore petites et remplies d'un fluide séreux peu abondant n'offrent rien de re- marquable. Les corps caverneux sont peu gorgés de sang. Le prépuce est toujours plus long que le gland qu'il enveloppe en entier. Les vices de conformation des testicules et de la verge sont irop connus pour que je m'arrête à les énumérer. La matrice est très peu volumineuse chez la petite fille, sa ca- vité centrale est peu grande; cependant ses parois ne sont pas tout-à-fait contiguës : elles sont ordinairement humectées par un fluide muqueux blanchâtre. Le vagin est au contraire excessivement développé; il présente une large cavité allongée et tapissée par une membrane mu- queuse dont la sécrétion est très abondante, car on trouve tou- jours dans ce conduit une grande quantité de mucosités très blanches, très adhérentes, qui s'agglomèrent par pelotons : cette sécrétion, que l'on pourrait regarder comme le résultat d'un état pathologique du vagin, dont la couleur est d'un rose tendre, existe chez presque toutes les petites filles, et semblerait être pour elles une voie de sécrétion nécessaire, tant est grande l'a- bondance de ces mucosités. Les ovaires et les trompes ne pré- sentent rien qui doive être signalé. Le clitoris est, comme on le sait, très développé chez les pe- tites filles; il l'est même quelquefois à un tel point que l'on a pu le prendre pour un pénis, et confondre les sexes à l'époque de la naissance. Les grandes lèvres sont fort saillantes, elles s'infiltrent et se tuméfient avec la plus grande facilité. Du tissu cellulaire et adipeux. Le tissu cellulaire des nou- veau-nés offre sa texture celluleuse très développée, il jouit d'une grande élasticité et le produit de sa sécrétion est fort abondant : — 453 — aussi est-il extrêmement commun de le trouver distendu par une assez grande quantité de sérosité. Lorsque l'accumulation de celle sérosité devient considérable, il en résulte que ce tissu est dur au toucher; mais cette dureté n'existe pas réellement dans le tissu cellulaire qui a conservé sa cellulosité, sa souplesse, et dont les fibres n'ont subi aucune modification organique; elles ont éprouvé seulement une distension mécanique, d'où il suit que l'expression $ endurcissement du tissu cellulaire est extrê- mement vicieuse : ainsi je ne vois dans cette affection qu'un œdème fort analogue à l'œdème des adultes, pouvant être accompagné d'affections particulières du cœur et des poumons dont il n'est pas le résultat nécessaire ( Voyez pour plus de dé- tails sur cette affection les ouvrages de pathologie , et surtout celui du docteur Denis). La sérosité contenue dans les mailles du tissu cellulaire des ictériques, étant ordinairement jaune, ce tissu est le siège assez fréquent de cette coloration que l'on voit apparaître comme par bandes colorées, dans certaines parties où régnent des couches celluleuses. C'est encore dans ce tissu que se répand le sang des ecchymoses ; aussi le trouve-t-on très souvent teint en rouge plus ou moins foncé. Le tissu adipeux n'est pas très développé chez l'enfant nais- sant ; les vésicules adipeuses se voient souvent comme autant de granulations agglomérées à la surface ou dans les interstices des organes. Après la naissance il ne tarde pas à devenir le siège d'une nutrition très active, ses couches s'épaississent et s'étendent prodigieusement, et c'est même à ce développement rapide que l'enfant doit les formes arrondies que ses membres prennent après la naissance. Le tissu adipeux des nouveau-nés se fige et s'endurcit lorsque la mort approche ou lorsque les progrès d'une grave maladie réduisent l'enfant dans un état de faiblesse et d'innervation profonde : aussi trouve-t-on fréquemment des ca- davres d'enfans dont le tronc et les membres sont le siège d'un véritable endurcissement, dénomination aussi exactement appli- cable dans ce cas qu'elle convient peu dans l'infiltration séreuse du tissu cellulaire. Les médecins devront donc ne jamais perdre de vue ces deux états du tissu cellulaire et du tissu adipeux. — 454 — Le tissu adipeux est souvent jaune dans l'ictère. Il arrive même qu'on ne trouve que sur lui seul cette coloration, tandis que toutes les autres parties du corps n'y participent pas. Je termine ici la revue générale que je m'étais proposé de faire des caractères anatomiques que présentent les organes du nou- veau-né dans l'état sain, dans l'état anormal et dans l'état patho- logique. Infanticide. Les magistrats réclament si souvent les avis des hommes de l'art dans des cas d'infanticide, que je crois devoir m'étendre longuement sur les divers points que le médecin lé- giste doit examiner. Sans doute dans les questions que je vais me poser il en est qui ne lui seront peut-rêtre pas directement adressées par le magistrat, mais est-ce là une raison pour les négliger, quand elles peuvent en éclairer d'autres, ou fournir des documens précieux propres à éviter des recherches ultérieures, ou à faire écarter la présomption du crime? Il faut 1° déterminer quel est l'âge de l'enfant dont on a trouvé le corps.En effet, il résulte quelquefois tlecet examen que l'enfant est si loin d'être à terme, qu'il ne peut avoir vécu au-delà de quelques instans ; le crime alors ne serait pas présumable. Je ferai remarquer qu'en me posant cette première question, je n'ai eu nullement en vue d'examiner à propos de l'infanticide si l'en- fant était viable. J'ai voulu seulement faire comprendre que la mère ne peut avoir aucun intérêt à donner la mort à un enfant qui ne peut vivre. C'est donc à tort que M. Devergie, ayant mai interprété le but de la question , me reproche de l'avoir exa- minée. 2° Examiner si F enfant n'était pas mort avant de sortir de l'utérus. Il est évident qu'on éloignerait toute idée d'infanti- cide, si on prouvait que l'enfant que je supposerai même à terme, eût péri naturellement lorsqu'il était encore contenu dans la naatarice. 3* Etablir , dans le cas où un enfant serait sorti vivant de l'utérus,*'il avéeu après l'accouchement,eu s'il est mort en naissant. On sentira l'importance de cette question, en ap- — 155 — prenant que la mort pendant la naissance peut être l'effet d'une foule de causes innocentes , que l'on apprécie en examinant la nature et la durée du travail de l'accouchement. Si l'on s'assurait que l'enfant a succombé à l'une ou à l'autre des causes, on de- vrait nécessairement écarter tout soupçon de crime. « Nul doute à cet égard, dit M. Devergie {Médecine légale, lome i, page 534), mais un magistrat ne s'enquiert pas si la mort a eu lieu par l'effet de causes qui ont exercé leur influence pen- dant ou après l'accouchement ; il demande si la mort a eu lieu naiurellement, ou si, au contraire, elle a été le fait de violences exercées sur l'enfant dans le but d'attenter à ses jours.»Ne dirait- on pas que pour répondre à cette dernière question le médecin doit négliger toutes les circonstances qui peuvent lui en faciliter la solution ? S'il suit dans une expertise la troisième règle que j'indique, n'est-il pas à même de résoudre la question que M. De- vergie suppose devoir lui être adressée par le magistrat ? Ainsi, par exemple, le cadavre d'un enfant présente dans ses tissus des altérations telles que le moins habile ne peut s'empêcher de re- connaître qu'elles sont le produit d'un travail long et difficile, et à l'instant même l'expert écarte toute idée d'infanticide ; et M. Devergie regardera la solution de cette question comme oi- seuse ! ! ! 4° Si l'enfant a vécu après sa naissance , déterminer le temps pendant lequel il a vécu. On imagine bien qu'il est im- possible même de présumer qu'un enfant a été tué, parce qu'il a respiré et vécu pendant un certain temps , la mort pouvant être le résultat d'une infinité de causes innocentes ; il importe donc de savoir combien de temps il a vécu, pour apprécier si le moment de sa naissance correspond à celui de l'accouchement de la femme que l'on accuse. Ne serait-on pas disposé à écarter la présomp- tion du crime, si l'on établissait qu'un enfant n'a vécu que pen- dant quelques heures , tandis qu'il serait prouvé que l'accusée serait accouchée depuis plusieurs jours ? 5° En supposant que l'enfant ait vécu après sa naissance, chercher à reconnaître depuis quand il est mort. On con- çoit en effet que plus.le moment de la mort est éloigné de celui où l'on examine le cadavre, plus l'époque de l'accouchement est — 156 — reculée, et celte seule considération peut suffire pour détruire les soupçons qui planent sur une femme? 6° Si tout porte à croire qu'un enfant a vécu après l'ac- couchement ou qu'il est mort en naissant, déterminer si la mort est naturelle, ou si elle peut être attribuée à quelque violence, et dans ce cas quelle en est l'espèce. Les cinq ques- tions précédemmeni examinées n'ont souvent pour objet que de faire écarter l'idée du crime, à l'aide de considérations en quel- que sorte négatives ; aucune d'elles ne suffit pour établir l'infan- ticide : il n'en est pas de même de celle-ci, que l'on doit regarder comme la véritable pierre de touche , puisqu'elle sert à établir matériellement l'assassinat. 7° Décider si une femme qui accouche ou qui vient d'ac- coucher, est en état de prévoir et de donner à son enfant tous les soins nécessaires. • 8° En admettant qu'un enfaitt dont on a trouvé le corps ait été tué, est -il possible de prouver qu'il appartient à la femme que l'on a accusée, et quelle est l'auteur du meurtre. Croirait-on qu'à l'occasion de ce problème M. Devergie m'ac- cuse de la manière la plus inconsidérée de donner au médecin le rôle des juges et des jurés? Je renvoie le lecteur à la page où j'examinerai cette question pour qu'il puisse voir par lui-même comment je la traite, et si je donne à l'expert un autre rôle que celui qui regarde l'homme de l'art consulté dans un cas d'infan- ticide, et qui ne regarde même que lui. Première question relative à l'infanticide. Quel est l'âge de l'enfant dont on a trouvé le corps? {Voy. page 77 et sui- vantes du tome ier). Deuxième question relative à l'infanticide. L'enfant était-il mort avant de sortir de l'utérus ? Le fœtus peut périr dans la matrice à une époque quelconque de la grossesse ; l'expulsion du petit cadavre peut avoir lieu im- médiatement après la mort, ou bien plusieurs jours et même plu- sieurs semaines après : or, il est aisé de prouver que les carac- tères qu'il présente varient suivant l'époque de la mort et le — 457 — temps qui s'est écoulé entre le moment où il a cessé de vivre et celui où il a été expulsé ; il est donc impossible de donner une description générale du cadavre d'un fœtus mort dans l'utérus. On ne saurait résoudre complètement la question qui m'oc- cupe, sans examiner : 1° les signes fournis par la femme et par le fœtus avant la naissance; 2° les variétés que peut présenter le cadavre du fœtus ; 3° l'état de l'arrière-faix ; 4° les causes de la mort. A. Signes fournis par la femme et par le fœtus avant la naissance. Les signes de ce genre, indiqués par les auteurs pour établir que l'enfant est mort, peuvent se réduire aux suivans : 1° maladies graves dont la mère aura été atteinte avant l'accou- chement ; 2° évacuation prématurée des eaux de l'amnios; 3° écou- lement fétide par le vagin ; 4° lenteur et iaiblesse des douleurs ; 5° ballottement incommode dans l'abdomen, sentiment de pesan- teur du côté sur lequel la femme se couche; 6° cessation des mou- vemens du fœtus; 7° évacuation du meconium pendant le travail, lorsque l'enfant présente tq^te autre partie que les fesses ; 8° dé- faut de pulsations du cordon,ombilical, et son refroidissement; 9* putréfaction et séparation du cuir chevelu. ' Maladies dont la mère aura été atteinte pendant la gros- sesse. Il est permis tout au plus de soupçonner que le fœtus a pu périr dans l'utérus, lorsqu'on apprend qu'avant l'accouchement la mère a éprouvé une ou plusieurs maladies graves, comme des phlegmasies, des convulsions, des hémorrhagies considérables, une forte commotion à la suite d'une chute, d'un coup, etc.; ou bien qu'elle a commis des imprudences, soit en soulevant des fardeaux trop forts, ou en se livrant à un exercice immodéré et forcé, soit en abusant d'alimens excitans,de boissons spiritueuses et des plaisirs de l'amour ; ou bien enfin, qu'elle a été tourmentée par des passions violentes. En effet, comme il est parfaitement avéré que des femmes enceintes soumises à la plupart de ces causes, sont accouchées à terme d'enfans bienportans, on aurait tort d'attacher à de pareilles causes plus d'importance qu'elles n'en méritent, et de conclure que la mort du fœtus est constam- ment le résultat de leur action. N'y aurait-il pas de l'impéritie et de l'injustice, par exemple, à déclarer dans certaines circonstan- — 468 — ces que la mort de l'individu a été occasionnée par quelques coups portés à la mère? Evacuation prématurée des eaux de l'amnios. On ne doit accorder aucune confiance à ce signe, puisqu'on a vu des femmes accoucher d'enfans vivans et se portant bien, quoique les eaux de l'amnios fussent écoulées depuis trois, dix, vingt et même cin- cfuante-trois jours. Écoulement fétide par le vagin. Ce signe offre peu dé va- leur, d'une part, parce que souvent l'écoulement vaginal est lim- pide et presque inodore dans certains cas où l'enfant est mort, et de l'autre parce qu'il est quelquefois trouble, grisâtre, verdâtre et d'une odeur insupportable lorsque l'enfant naît vivant, ce qui peut tenir à quelque affection du vagin, à des grumeaux de sang retenus dans la matrice, à une infection vénérienne de l'enfant, avec ulcération et suintement fétide, à une certaine quantité de meconium expulsé par la compression de l'abdomen, ce qui arrive surtout lorsque l'enfant vient par les pieds. Lenteur des douleurs. Le simule énoncé de ce signe suffit pour en faire sentir la nullité ; il est.évident, d'après une quantité innombrable de faits, que la lenteur du travail ne prouve pas plus la mort de l'enfant, qu'un accouchement prompt n'établit qu'il a dû naître vivant. Ballottement du ventre. Il est parfaitement avéré que chez la pltipart des femmes grosses qui ont éprouvé une ballottement in- commode en se couchant sur l'un ou l'autre côté, l'enfant était mort ; mais comme il est également constant que des femmes chez lesquelles on avait observé ce phénomène, sont accouchées d'en- fans vivans, on ne saurait conclure, d'après ce seul signe, que l'enfant est mort ou vivant ; toutefois ce caractère offre une cer- taine valeur, surtout lorsqu'il s'y joint la cessation des mouve- mens du fœtus et l'issue du meconium. Pourtant on aurait en- core tort de conclure que l'enfant est mort, d'après la réunion de Ces trois signes seulement, puisque De Lamotte parle d'une femme qui les offrait et qui accoucha naturellement d'un garçon qui vint au monde sans pleurer ni remuer, mais qui un moment après re- prit ses forces et vécut. Cessation des mouvemens du fœtus. Le défaut des mouve- — 459 — mens de l'enfant est loin d'être un signe certain de la mort : tou- tefois on pourra établir quelques probabilités en faveur de la mort, dans l'utérus, si la femme assure qu'à une agitation extra- ordinaire du fœtus a succédé la cessation de tout mouvement dans la matrice, et qu'au lieu de se sentir légère comme aupara- vant, elle a éprouvé un poids incommode tantôt sur le reetum, tantôt sur la vessie, tantôt sur un des côtés du ventre, suivant qu'elle était debout ou couchée. Ces probabilités seront encore plus grandes, si deux jours après, les mamelles se gonflent comme dans la fièvre de lait, pour s'affaisser ensuite, et si en même temps il survient de la fièvre, du malaise, qui cessent ordinairement au bout de quelques jours. Evacuation du meconium pendant le travail. Ce caractère n'est d'aucune valeur, puisqu'on a vu des enfans vivans évacuer le meconium pendant le travail, ce qui dépendait probablement d'un relâchement du sphincter de l'anus. Défaut de pulsations du cordon ombilical, refroidisse- ment de ce cordon et du corps. S'il est vrai qu'il n'est plus per- mis de sentir les battemens des artères ombilicales, lorsque le fœtus est mort, il est également certain que chez l'enfant vivant l'on ne sent plus les pulsations du cordon, lorsque celui-ci est comprimé entre les os du bassin et la tête ou toute autre partie du corps du fœtus ; donc ce signe ne peut pas servir à lui seul pour résoudre le problème. Quant au refroidissement du cordon et du corps, il n'a pas été observé chez plusieurs enfans qui étaient morts dans l'utérus ; ce qui tient évidemment à ce que l'enfant mort dans le sein de sa mère, reçoit d'elle sa chaleur comme un corps inerte. Tous les documens que je viens de signaler paraissent à M. De- vergie, d'une complète inutilité dans une question d'infanticide. Une discussion sur leur valeur est, dit-il, lout-à-fait oiseuse. Je ne puis laisser cette proposition sans réplique. Les signes étudiés ci-dessus ont évidemment de la valeur puis- qu'ils portent quelquefois à faire soupçonner que l'enfant était mort avant de sorlir de l'utérus ; mais qui donnera cesrenseigne- mens? ce sera la mère, ou un médecin qui l'aurait assistée. Dans la première hypothèse, ces renseignemens fournis par — 160 — une personne soupçonnée d'infanticide, pourraient bien ne pas être pris en grande considération. Dans la seconde, le rapport du médecin pourrait venir démon- trer l'innocence d'une femme faussement accusée du meurtre de son enfant. En conséquence, quoi qu'en ait dit M. Devergie, les considéra- tions auxquelles je me suis livré, ni sont ni inutiles ni déplacées dans un ouvrage de médecine légale. Putréfaction et séparation du cuir chevelu. Ce signe, lors- qu'il peut être constaté, ne laisse aucun doute sur la mort de l'en- fant. Mais dans combien de circonstances ne manquera-t-il pas? Ainsi on ne l'observera ni lorsque l'enfant est mort pendant le tra- vail ou peu de temps avant, ni dans les cas nombreux où les ca- davres éprouvent dans l'utérus une altération particulière, dis- tincte de la putréfaction {Voy. page 161). Mais admettons que le fœtus soit putréfié avant de naître ; comment le reconnaitra-t-on? Il est évident qu'il ne suffira pas de constater la présence d'un écoulement par le vagin d'un liquide trouble, bourbeux, fétide {Voy. page 158), et qu'il faudra nécessairement s'assurer que la peau du fœtus est mollasse, flasque, et qu'on sent pour ainsi dire sous le doigt une espèce de fluctuation pâteuse, que l'épiderme se détache par lambeaux de la partie qu'on touche, et que celte par- tie, étant comprimée pendant un moment, ne se relève point lorsqu'on cesse la pression. Il importe cependant de noter que l'on observe quelquefois la séparation de l'épiderme de la tête, dans le cas où l'enfant est vivant, ce qui peut dépendre de l'ac- tion prolongée de l'air atmosphérique sur la tête, long-temps re- tenue au passage, des doigts de l'accoucheur, qui a trop souvent réitéré le toucher, etc. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des signes mentionnés, excepté l'état de putréfaction bien constaté, pris isolément, n'est suffisant pour porter à conclure que le fœtus est mort dans l'uté- rus; mais que leur ensemble peut faire naître de grandes probabi- lités en faveur de cette mort. L'absence de ces signes ne permet pas de conclure non plus que l'enfant est vivant au moment de l'ac- couchement, parce qu'il peut être mort depuis peu de temps, etc. Que penser maintenant de plusieurs caractères indiqués par — 461 — quelques auteurs, comme étant propres à résoudre cette ques- tion, et qui sont : la pâleur du visage, l'enfoncement des yeux, l'état plombé et livide des paupières, la mauvaise bouche, les bâillemensfréquens, les maux de tête, les tintemens d'oreille, l'a- norexie, les nausées, les vomissemens, les syncopes, les lassi- tudes spontanées, l'affaissement du ventre, la rétraction du nom- bril, la fièvre, la fétidité de l'haleine, l'humeur sombre et mélanco- lique, etc.? Ces caractères ne sont d'aucune utilité pris séparé- ment ; réunis, ils peuvent tout au plus servir, à corroborer le jugement que l'on aurait déjà porté {Voyez, pour plus de détails, un Mémoire du Dr Gasc de Tonneins, inséré dans le Journal général de médecine, novembre et décembre 1826). B. Variétés que présente le cadavre du fœtus. Je n'ai point à énumérer ici les diverses monstruosités, comme l'acéphalie, Thytirocéphalie, etc., qui le plus souvent déterminent la mort du fœtus dans l'utérus {Voy. Viabilité); il ne sera point fait men- tion non plus des cas où la mort reconnaît pour cause, suivant quelques auteurs, la trop grande longueur ou la brièveté du cor- don ombilical ; je ne m'occuperai que des fœtus bien conformés qui périssent dans la matrice. Cette question a été l'objet de re- cherches nombreuses, faites par Chaussier, et dont j'ai été sou- vent à même de vérifier l'exactitude. Si un fœtus âgé de moûts de cinq mois meurt au milieu des eaux de l'amnios, et qu'il reste plusieurs jours ou plusieurs semaines dans la matrice, on observe que son corps est peu con- sistant, flasque, et ses membres lâches; l'épiderme est blanc, épaissi et s'enlève par le simple contact ; la peau est d'un rose cerise ou brunâtre, tantôt dans toute son étendue, tantôt dans quelques-unes de ses parties seulement. Dans ce dernier cas, on pourrait être tenté de croire, surtout si le fœtus n'a que cinq ou six mois, qu'elle est l'effet de l'âge et non la suite de la mort; mais il sera facile de dissiper toute espèce de doute, en se rap- pelant que la couleur pourpre de la peau des fœtus de cinq à six mois, ne se remarque le plus ordinairement que dans certaines parties du corps {Voyez page 67 du tome icr). Le tissu cellu- laire sous-cutané est infiltré d'une sérosité rouge sanguinolente; cette infiltration est surtout remarquable sous le cuir chevelu, où - 162 — l'on aperçoit assez souvent une matière semblable par sa couleur et par sa consistance à la gelée de groseille ; le péricarde et les cavités splanchniques contiennent aussi de la sérosité sanguino- lente ; les artères, les veines et les diverses membranes sont éga- lement rouges ; la consistance des viscères est singulièrement diminuée, au point qu'ils peuvent être diffluens ; les os du crâne sont mobiles, vacillans, dépouillés de leur périoste; les sutures du crâne sont très relâchées : aussi la tête se déforme et s'aplatit- elle par son propre poids ; quelquefois le cerveau est dans un état de colliquation. On n'observe en général, au centre du ver- tex, ni ecchymose, ni tuméfaction œdémateuse, ce qui n'arrive pas ordinairement lorsque le fœtus sort vivant de l'utérus; tou- tefois j'ai vu, dans certaines circonstances, des fœtus morts dans la matrice plusieurs jours avant le commencement du travail, présenter une ecchymose en tout semblable à celle que l'on Re- marque au vertex des enfans nés vivans : cette lésion tenait sans doute à ce que, pendant les mouvemens actifs du fœtus, la tête avait frappé sur le détroit supérieur du bassin. Le thorax est af- faissé, très resserré, aplati ; les parties molles dessinent les côtes; il suffit d'un léger examen des organes de la respiration et de la circulation, pour être convaincu que le fœtus n'a point respiré. Le cordon ombilical est le plus souvent gros, mou, infiltré de sucs rougeâtres ou livides, et facile à déchirer ; on aperçoit quelque- fois des crevasses, des gerçures autour du nombril. L'abdomen est aplati. Il n'est pas rare devoir le périoste séparé des os longs, par la sérosité rougeatre dont j'ai parlé ; souvent aussi les épi- physes de ces os se sont désunies. Les altérations que je viens de décrire caractérisent un mode de décomposition particulier, différent de la putréfaction des fœtus qui sont exposés à l'air ; il suffit d'avoir été à même de les constater une ou deux fois, pour être convaincu de cette vérité, malgré l'assertion contraire de plusieurs auteurs. Toutefois, il est assez commun de voir des cadavres ainsi altérés, se pourrir plus facilement que les autres lorsqu'ils sont exposés à l'air. Si un fœtus âgé tout au plus de trois mois meurt au mi- lieu des eaux de l'amnios, le cadavre ne présente aucune trace d'infiltration ni de rougeur ; mais il est plus ou moins ramolli. — 163 — Quel que soit l'âge d'un foetus, s'il est expulsé peu de temps après la mort, on ne remarque aucun changement dans sa forme, sa couleur, sa consistance , son volume, etc. ; mais il est aisé de s'assurer qu'il n'a point respiré. Si la mort du fœtus a lieu peu de temps avant un accoucJue- ment laborieux, pendant lequel la matrice se contracte fréquem- ment et avec force, et que les eaux soient écoulées, il devient noirâtre et ne tarde pas à se pourrir ; il y a quelquefois même dégagement de gaz fétides par le vagin. Dans des circonstances assez rares, le fœtus utérin ou ex- tra-utérin, dont l'expulsion n'a lieu que long-temps après la mort, se dessèche, devient compacte, plus dur, et se trouve trans- formé en gras, état que j'ai décrit ailleurs {Voy. tome Ier, page 682) ; il acquiert quelquefois une consistance pierreuse, et se conserve dans l'utérus jusqu'à la mort naturelle de la mère; enfin, on a encore observé, dans des cas de ce genre, qu'il pou- vait tomber dans un état de colliquation putride. Béclard a pré- senté à l'Académie royale de médecine un fœtus du sexe féminin à terme, qui était resté sept ans dans le sein de sa mère ; il était contenu dans une poche placée à gauche de l'utérus, et il parais- sait transformé en une matière adipocireuse, semblable au gras de cadavre (Séance du 11 mars 1824). C. Caractères de, l'arrière-faix. Il est difficile d'admettre, avec certains auteurs, que des fœtus soient nés vivans lorsque l'arrière-faix était gangrené ; loin de là , l'observation démontre que la désorganisation du placenta, à la suite d'une maladie quelconque, entraîne nécessairement la mort du fœtus dans la matrice ; il en est de même dans le cas de décollement du pla- centa avec hémorrhagie considérable ; mais , il faut l'avouer, il est extrêmement difficile de juger, à l'aspect du placenta, s'il a été décollé avant l'expulsion du fœtus. Un ramollissement con- sidérable de l'arrière-faix peut faire présumer que le fœtus a péri dans l'utérus. Hâtons-nous de dire toutefois que si le plus souvent, lorsque l'arrière-faix est malade , l'embryon ne tarde pas lui-même à être affecté, il n'en est pourtant pas toujours ainsi; en effet, on a vu l'inflammation des membranes de l'œuf, une tumeur squir- n. — \M — rheuse, grosse comme un œuf, développée à la surface fœiale du placenta, n'exercer aucune action fâcheuse sur des enfans qui naquirent bien portans et qui se développèrent à merveille (Ar- chives, n° de janvier 1831 et d'avril 1834). Je pourrais citer d'autres exemples analogues qui prouveraient qu'il existe quel - quefois une véritable indépendance entre certaines maladies du fœtus et celles de ses annexes. D} Causes de la mort du fœtus. Les causes qui peuvent dé- terminer la mort du fœtus, pendant son séjour dans l'utérus, peuvent être réduites aux suivantes : 1° Une perte de sang éprou- vée par la mère ; 2° une maladie de la mère ou l'emploi de cer- tains moyens thérapeutiques ; 3° la faiblesse du fœtus. Perte de sang éprouvée par la mère. Ou lit dans un mé- moire du docteur Albert de Wiesentheid, inséré dans le numéro de juillet 1831 des Annales d'hyg. publique et de méd. lég., « que dans un cas d'hémorrhagie maternelle qui entraîne la mort « du fœtus, celui-ci né peut périr qu'autant que l'hémorrhagie v dure assez long-temps pour qu'il perde le sang nécessaire « au soutien de sa vie ; car si X hémorrhagie maternelle était « assez prompte et assez abondante pour tuer la mère avant « que le fœtus eût perdu le sang qui est nécessaire à son exis- « tence , celui-ci ne périrait pas : c'est ce qui arriverait, par « exemple, si, à la suite d'une lésion du cœur ou de vaisseaux « importans de la mère, la mort de celle-ci survenait au bout de « quelques heures. » A l'appui de cette assertion, le docteur Al- bert invoque un certain nombre de faits qui ne me paraissent pas concluans, et une théorie que je ne saurais admettre. Voyons d'abord les faits : 1° Une femme éprouva au septième mois de sa grossesse, par suite d'un (décollement partiel du placenta, une hémorrhagie foudroyante qui occa- sionna une mort très prompte. Le placenta et le cordon ombilical conte- naient une quantité suffisante de sang pour faire vivre le fœtus (Beuss). 2° Une autre fjwnme, au terme de sa grossesse, fut atteinte par une balle 'qui donna lieu a une hémorrhagie promptement mortelle. Les vaisseaux du fœtus contenaient la quantité de sang ordinaire (Balthazar). 3° Une femme reçut un coup de corne, qui ouvrit le ventricule gauche du cœur; elle mourut dix minutes après l'accident. Le fœtus, âgé de huit mois, vint au monde vivant et vécut jusqu'au lendemain. i° Des animaux en état de — 165 — gestation furent tués par des incisions dans les carotides et dans le cœur. Les vaisseaux de leurs fœtus n'étaient pas vides de sang (Soemmerring). 5° Albert trouva vivans et pourvus d'une quantité suffisante de sang, cinq fœtus de truie qu'il venait de tuer en lui ouvrant l'aorte. Voici maintenant des exemples de mort du fœtus par suite d'une hémorrhagie maternelle qui avait duré long-temps. 1° Une femme enceinte mourut après une hémorrhagie qui avait duré quatre jours. Le fœtus ne contenait pas de sang (Denis). 2° Une femme éprouva au septième mois de sa grossesse une hémorrhagie qui dura, avec des intervalles, pendant sept semaines, et la fit succomber pendant l'ac- couchement. La mère, l'enfant, l'utérus, le placenta et le cordon ombilical, furent trouvés vides de sang (Cropius). 3° Une femme sujette pendant sa grossesse à de fréquentes hémorrhagies nasales, dont une particulièrement fut si copieuse qu'elle occasionna une syncope, et menaça de devenir mor- telle, avorta au sixième mois. Le fœtus ne contenait pas une goutte de sang (Trew). 4° Une paysanne de dix-sept ans, atteinte d'une violente gas- trite, fut saignée copieusement quatre fois en quatre jours; il lui fut en outre appliqué trente sangsues. Elle avorta le septième jour d'un fœtus mort et dans un état d'anemfe./Les organes de la circulation de l'avorton étaient vides, à l'exception d'un petit caillot qui existait dans le ventricule droit du cœur. Examinons maintenant la théorie ou l'explication donnée par le docteur Albert. Le placenta, dit-il, reçoit du sang de la mère par les vaisseaux utérins, et du sang du fœtus par les vaisseaux ombilicaux. Quoique de nombreuses expériences prouvent qu'une communication immédiate n'existe pas entre ces deux ordres de vaisseaux, cependant le sang maternel passe au fœtus, et le sang fœtal à la mère ; il se fait entre les deux individus un échange réciproque du sang par voie physiologique, que l'on peut assi- miler à celle qui conduit le sang du système artériel dans le sys lème veineux. S'il n'est pas possible de démontrer anatomique- ment les communications vasculaires directes entre les vaisseaux de la mère et ceux du fœtus, il ne l'est pas davantage de les dé- montrer entre les dernières ramifications artérielles et veineuses, et cependant nul ne peut nier que le sang ne passe des artères dans les veines : on doit comprendre par le même procédé le passage du sang de la mère au fœtus. Il suit de là que lorsque la mère succombe rapidement à une perle utérine, il n'y a pas de — 166 — sang enlevé au fœtus, et celui-ci ne doit point périr, tandis que si l'hémorrhagie a duré plusieurs jours ou plusieurs semaines, le fœtus meurt d'hémorrhagie, son sang passant dans les vaisseaux maternels à mesure que ceux-ci se désemplissent (Albert, mé- moire cité). J'admettrai avec le docteur Albert, qu'en général le fœtus ne meurt pas lorsque la mère succombe rapidement à une hémor- rhagie ; je dis en général, car Méry rapporte qu'une femme, qui par suite d'une chute s'était luxé le fémur d'un côté et fracturé le fémur de l'autre côté, avec plaie traversant les muscles, mourut d'hémorrhagie une demi - heure après l'accident; quelque prompte qu'eût été la mort, le fœtus fut trouvé vide de sang : existait-il des anastomoses nombreuses entre les vaisseaux du placenta et ceux de la mère, et ce cas constituerait une excep- tion ? Mais je n'adopterai pas son opinion lorsqu'il dit que la mort du fœtus est inévitable dans le cas où la mère succombe à une hémorrhagie qui a duré plusieurs jours et même plusieurs heures; car les observations 17e, 20e, 41e, foe, 188e, 207e, 216e, 410e, 423e de Mauriceau, celles du même auteur inscrites en dernier lieu sous les numéros 57 ,110 et 126, et plusieurs autres faits, prouvent jusqu'à l'évidence que les choses sont loin de se passer toujours ainsi. J'ai vu, le 3 janvier 1835, à la clinique du profes- seur Paul Dubois, une femme robuste qui perdait du sang depuis vingt jours, et qui avait été transportée à l'hôpital dans un état d'épuisement extrême, accoucher d'un enfant vivant, et qui a continué à vivre. Si de l'examen des faits on passe à l'explication qu'en a donnée le docteur Albert, on verra qu'il est impossible de l'adopter. Il n'est pas douteux que le placenta reçoive du sang de la mère par les vaisseaux utérins, et du sang du fœtus par les vaisseaux om- bilicaux; il n'est pas douteux non plus, dans la grande majorité des cas du moins , qu'il n'existe aucune anastomose , ou pour mieux dire aucune communication par voie de continuité entre ces deux ordres de vaisseaux. Mais cependant, quoique les phy- siologistes soient aujourd'hui d'accord sur l'absence de cette con- tinuité entre les vaisseaux de la mère et ceux du fœtus, il n'en est aucun qui ne reconnaisse, comme le docteur Albert, qu'il existe - 467 — une relation entre ces deux appareils vasculaires , et qu'il y a entre eux un échange réciproque des matériaux qu'ils contien- nent. L'opinion du docteur Albert est donc jusque-là d'accord avec celle des physiologistes éclairés. Mais quel est ce mode de communication, et peut-on le comparer avec l'auteur à celui qui existe entre les artères et les veines? C'est une erreur manifeste; les relations qui existent entre les artères et les veines résultent d'une communication tout-à-fait directe ; il y a une continuité réelle entre ces deux ordres de vaisseaux, continuité établie par l'intermède du système capillaire, continuité enfin que personne ne révoque plus en doute aujourd'hui, et que d'ailleurs les injec- tions fines ou les recherches microscopiques rendent évidentes à tous les expérimentateurs, de telle sorte que si le sang du sys- tème artériel passe dans le système veineux, c'est qu'il suit sans interruption les divisions vasculaires qui lient les deux systèmes ^ l'un à l'autre. Il n'en est pas de même dans la circulation placen- taire : le sang de la mère arrive dans le placenta chargé des prin. cipes que lui ont fournis la digestion et la respiration ; le sang fœtal pénètre de son côté dans ce même organe, à l'état de sang veineux et chargé de principes qui doivent être rejetés en dehors j bientôt après ces matériaux de nutrition et de respiration passent incontestablement du sang maternel dans le sang fœtal, tandis que les principes dont le sang fœtal doit se dépouiller arrivent sans doute au sang maternel. Cet échange s'opère-t-il par la continuité des vaisseaux, ou bien le sang est-il déposé dans un tissu intermédiaire d'où il serait pris par les radicules vasculaires du fœtus et de la mère, en sorte qu'il y aurait en un point du placenta, une double exhalation et une double absorption, ou bien enfin l'échange se ferait-il à l'aide de porosités latérales des vaisseaux de la mère et de ceux du fœtus adossés ou accolés les uns aux autres, comme le sont les canaux aérifères aux vaisseaux sanguins des poumons? C'est ce qu'il est impossible de décider. La seule chose que nous puissions affirmer aujourd'hui, c'est que les matériaux de nutrition et de respiration passent de la mère au fœtus, que probablement les principes d'excrétion passent dû fœtus à la mère, et que l'échange se fait par exhalation et ab- sorption des deux parties. D'où il suit que le placenta est pour — 168 — le fœtus un organe d'absorption certain, et un organe d'excrétion probable, et qu'on ne saurait le considérer avec le docteur Albert comme destiné à établir un double courant d'une part du sang de la mère au fœtus, et d'autre part du sang du fœtus à la mère. C'est pourtant sur l'adoption de cette erreur que la théorie du docteur Albert est fondée ; dans son hypothèse, les vaisseaux de la mère se désemplissant par une hémorrhagie , recevraient et appelleraient même le sang contenu dans les vaisseaux du fœtus; ils se recruteraient en quelque sorte à leurs dépens. Voici maintenant comment il serait possible de se rendre rai- son de la mort des fœtus, quand elle arrive après une hémorrha- gie, d'une certaine durée, éprouvée par la mère. On sait que lorsque cette hémorrhagie est grave, des syncopes longues et ré- pétées surviennent; le fœtus périt promptement, parce que le sang fœtal n'éprouve plus dans le placenta, dépourvu du sang maternel, les modifications que l'on pourrait appeler respira- toires , c'est-à-dire les changemens les plus urgens, les plus im- médiatement nécessaires à l'entretien de la vie fœtale ; il périt en quelque sorte comme s'il était asphyxié. Si l'hémorrhagie maternelle, sans être abondante , est souvent répétée et suivie d'un affaiblissement notable de la mère, le fœtus meurt souvent alors, mais non toujours , parce que son sang n'éprouve plus qu'incomplètement dans le placenta les modifications que j'ai appelées respiratoires et nutritives; il succombe tout à-la-fois par asphyxie et par inanition, et il n'est pas surprenant que dans ce cas il naisse affaibli, décoloré et en apparence privé de sang ; mais cet affaiblissement, cette décoloration , ainsi que la mort du fœtus elle-même, trouveront quelquefois une explication très naturelle, dans une autre cause qu'il importe de signaler. Quand une hémorrhagie se manifeste pendant la grossesse, elle est presque toujours occasionnée par un décollement partiel du placenta ; le sang qui s'écoule alors est fourni, pour la plus grande partie, sans doute, par les vaisseaux utérins dont les ori- fices sont mis à découvert, ou dont la continuité est détruite; il vient par conséquent de la mère ; mais il n'est pas impossible aussi, et cela se comprend, que le tissu du placenta ait été la- céré, et qu'une partie du sang s'écoule par les vaisseaux du fœtus — 469 — qui se ramifient dans cet organe ; d'où il suit que dans le cas d'hémorrhagie subite et abondante, le fœtus peut mourir à-la-fois par asphyxie et par hémorrhagie, et que dans les cas d'hémor- rhagie moins grave et souvent reproduite, il peut succomber à l'imperfection des modifications respiratoires et nutritives, dans le placenta , et de plus à une perle lente de sang par les vaisseaux déchirés de cet organe. Toutefois les faits nombreux recueillis jusqu'à ce jour, conduisent à penser que bien que cette dernière cause de mort ne puisse être révoquée en doute, elle doit être pourtant regardée comme rare. Il est nécessaire d'ajou- ter une dernière réflexion, c'est que lorsque les fœtus meurent pendant la grossesse, quelles qu'aient été d'ailleurs les causes de leur mort, s'il s'est écoulé un certain temps entre l'époque de cette mort et celle de leur expulsion, on trouve toujours les vais- seaux utérins vides de sang ; il semble que les liquides soient passés du système vasculaire dans les autres tissus par une sorte de transpiration ou d'imbibition ; on aurait donc bien tort de con- clure de ce fait que le fœtus a péri d'hémorrhagie. Il est facile de voir, d'après ce qui précède, que les observa- tions citées par le docteur Albert sont trop incomplètes pour au- toriser la conclusion qu'il en a déduite, conclusion qui, dans aucun cas, ne me paraît admissible ; il serait bien plus naturel de s'en rendre raison en ayant égard aux préceptes que je viens d'établir. Des maladies de la mère et de certains moyens thérapeu- tiques qui ont occasionné une hémorrhagie. Relativement à l'enfant, les conséquences de ces maladies ou de l'emploi de cer- tains moyens thérapeutiques seraient, d'après le docteur Albert, de diminuer la quantité de sang qui devrait lui être fournie pour entretenir la vie, et le fœtus périrait d'hémorrhagie. On ne saurait adopter cette explication, à moins d'admettre, ce qui n'est pas possible, que les individus qui meurent d'inanition prolongée et chez lesquels la masse du sang est évidemment diminuée, meu- rent d'hémorrhagie. Quoi qu'il en soit, des faits nombreux at- testent la possibilité de la mort des fœtus par ces causes. 4° Une fille de vingt-deux ans, enceinte, atteinte d'une syphilis consécu- tive, cacha sa grossesse jusque vers le moment de l'accouchement. On lui — 470 — avait déjà administré à plusieurs reprises, etjusqu'à salivation, des pilules de sublimé corrosif et des bois sudorifiques, lorsqu'elle fut soumise aux soins du docteur Albert. Le précipité rouge fut alors employé, et quatre fois la salivation reparut. La malade fut rétablie après un traitement de quatre mois; mais elle était tellement épuisée par le traitement et par la diète rigoureuse qu'on lui avait fait observer, que le plus léger mouvement dans son lit suffisait pour amener une syncope. Au bout de quelque temps, cette femme accoucha avec de faibles douleurs et presque sans s'en aper- cevoir, d'un fœtus de sept à huit mois, extrêmement faible et amaigri. A l'ouverture du cadavre, le cœur et les gros vaisseaux de ce fœtus étaient tellement anémiques, qu'on aurait pu en retirer tout au plus 1 6 grammes de sang ; les organes parenchymateux étaient remarquablement pâles et affaissés. On ne découvrit aucune voie par laquelle le sang aurait pu se perdre. Le cordon avait été lié avant la section, et le placenta était, comme le fœtus, pâle et vide de sang (Annales d'hygiène publique et de médecine légale, juillet 4831. Mémoire à!Albert deWiesentheid). 2° Une femme de vingt-huit ans, bien constituée, mariée à l'un de nos plus honorables con- frères de la capitale, était enceinte de cinq mois environ; lorsqu'il se ma- nifesta dans la bouehe, dans l'œsophage, et probablement dans d'autres parties du canal digestif, une affection aphtheuse des plus graves,qui la mit dans l'impossibilité de rien avaler de substantiel pendant trois mois ; c'é- tait avec peine que l'on parvenait à introduire dans l'estomac quelques cuillerées d'eau légèrement laiteuse ou gommée. Vers le huitième mois, cette femme, qui était arrivée à un degré d'émaciation et de faiblesse peu communes, accoucha de deux jumeaux mort-nés très faibles et d'un teint cireux. La mère elle-même ne tarda pas à succomber. Faiblesse du fœtus. Le fœtus peut encore périr dans le sein de sa mère, à raison de sa faiblesse, qui elle-même reconnaîtra pour cause son immaturité ou une maladie indépendante de l'état de la mère. C'est dans l'ensemble des considérations que je viens d'émettre que le médecin doit chercher les preuves de la mort du fœtus dans la matrice : vouloir décider la question d'après un petit nombre de caractères, ce serait évidemment s'exposer à commet- tre des erreurs graves. BIBLIOGRAPHIE. Le fœtus est-il né vivant ou mort. Bohn (J.). De signis fœtus vivi et mortui nati. Leipzig, 1700, in-4. Ewaldt (B.). Resp. C. Packen. An fœtus humanusvivus vel mortuus natus sit? Kœnigsberg, 174 6, in-4. — 174 — Léger (C. F.). Resp-. J. C. Storr. Observationes de fœtibus recens natis jam in utero mortuis et putridis cum subjunctâ epicrisi. Tubingen, 1767, in-4. Bose (E. G.). Resp. C G. John. De diagnosi vitae fœtus et neogeniti, Leipzig, 4771, in-4. — Continuatio (Resp. C C Bethke), ibid., 4774, in-4. Wrisberg (H. A.). Devitâ fœtuum humanorumdijudicandà. Goltingue, ♦772. Camper (P.).Von dën Kennzeichen des Lebens und Todes bey neugë- bornen Kindern. aus d. Holland. von Herbell. Francfort et Leipzig, 4777, Léger (Ch. F.). Ueber die Beurtheilung des Lebens neugeborner Kin- der. Ulm, 4780. .Léger (C F.}. Resp. E. D. HennenHofer. Diss. qua casus et adnotatio- nes ad vitam fœtus neogeniti dijudicandam facientes proponuntur. Tubin- gue, 4780. Bose (F. G.). Resp. C A. Kuhne. De morte fœtus ejusque diagnosi. Leip- zig, 4785, in-4. Bose (E. G.). De judicio vitae ex neogenito putrido. Leipzig, 4785, in-4. Baumer (J.W. C). De signis vitae neogeniti a partu peracto rite dijudi- candis. Giessen, 4788. Herholdt (J. D.). Commentatio de vitâ in primis fœtus humani ejusque morte sub partu. Copenhague, 4 802. Ulmer (F. Ch.). De signis vivi et mortui fœtus. Iéna, 4 808. L'enfant n'était-it pas mort avant de sortir de l'utérus. Alberti (Mich.). De fœtu mortuo. Halle, 4729, in-4. Pasquay (P.). De signis et partu fœtus mortui. Leyde, 4745, in-4. J^ger (C. F.). De fœtibus recens natis jam in utero mortuis et putridis. Tubingue, 4767, in-4. Zieruold, praes. J. H. BoehMer. De notabilibus quibusdam, quœ fœtui in utero et partu contingërepossunt, ad illustrandum infanticidium. Halle, 4775, in-4. Eisenbeis (G. F.), praes. W. G. Ploucquet. De laesionibus mechanicis simulacrisque laesionum fœtui in utero contento accidentibus ad illustran- das causas infanticidii. Tubingue, 4794. Troisième question relative a l'infanticide. — Dans le cas où un fœtus serait sorti vivant de l'utérus, a-t-il vécu après l'accouchement, ou est-il mort en naissant ? Est-il nécessaire de faire sentir l'importance de ce sujet? Ne voit-on pdGqu'il est impossible de soupçonner que le crime ait été commis après la naissance , s'il est prouvé qUe l'enfant n'a — 472 — point vécu? Il faut donc s'attacher à établir si le fœtus est né vi- vant ou mort. J'admettrai avec les auteurs, que respirer et vivre sontsynottymes, et que par conséquent tout nouveau-né qui a respiré a vécu; mais faut-il admettre que tout enfant qui n'a pas respiré riait pas vécu? Non certes, car il peut se faire que l'enfant ne commence à respirer qu'un quart d'heure, une demi- heure, une heure même après sa naissance. Evidemment cet en- fant aura vécu sans respirer pendant le temps indiqué; c'est en quelque sorte la vie de circulation, et s'il était prouvé qu'une mère eût tué cet enfant entre le moment de la naissance et celui où la respiration devait s'établir, cette femme serait coupable du crime d'infanticide. J'examinerai plus loin cette question impor- tante. §Ier. Déterminer si un fœtus a respiré et vécu après l'accouchement. Il n'est pas toujours aisé de décider si un nouveau-né a res- piré après l'accouchement. Lorsque la respiration est complète, l'air pénètre constamment jusqu'aux cellules bronchiques, et quelques parties des poumons au moins sont assez légères pour nager sur l'eau, tandis que dans certains cas de respiration incom- plète, chez des enfans faibles, l'air s'arrête dans la trachée-ar- tère ou tout au plus dans les premières ramifications des bron- ches, et ne dilate pas les cellules bronchiques, en sorte que les poumons et tous leurs fragmens sont plus lourds que l'eau. Je dirai plus tard combien il est difficile alors de décider si l'enfant a respiré, et par conséquent s'il a vécu. Quoi qu'il en soit, la solu- tion de la question relative à l'établissement de la respiration, repose tout entière sur l'examen du thorax, des poumons, du cœur, du canal artériel et du canal veineux, du cordon om- bilical, du diaphragme, de la vessie, des intestins, et, suivant quelques auteurs, du foie. Examen du thorax. Il est impossible d'admettre Ipue la res- piration ait lieu sans que le thorax augmente de volume ; — 4 73 l'observation prouve encore qu'il change de forme ; ainsi il était plus ou moins aplati avant la respiration, il offre un plus grand degré de voussure après. Daniel avait proposé de mesurer avec un cordon la circonférence du thorax, ainsi que la hauteur de la portion dorsale des vertèbres, et la distance qui les sépare du sternum ; des observations faites comparativement sur des enfans qui auraient respiré, et sur d'autres qui seraient mort-nés , auraient pu, suivant cet auteur, fournir des résultats numéri- ques propres à éclairer la question. Ce travail n'a pas été fait, ai-je dit dans la 3e édition de cet ouvrage, et l'on en est réduit à juger la plus ou moins grande voussure du thorax, d'après la sim- ple inspection. J'ajoutais: pour peu que l'on réfléchisse aux nombreuses irrégularités que présente cette partie du tronc chez plusieurs individus, et à la difficulté que l'on éprouverait à établir quelques données positives, on sera convaincu que le caractère dont je parle n'offre qu'une valeur secondaire, et que l'on ne doit pas regretter que le plan conçu par Daniel n'ait pas été exé- cuté. Depuis, ces recherches, indiquées pas Daniel, ont été faites par M. Devergie, qui a pris les mensurations avec un compas d'épaisseur. L'instabilité des résultats obtenus justifie mon as- sertion et devait être bien prévue. D'ailleurs, les différences que présentent les dimensions de la cage thoracique, et qui sont le résultat de maladies, ou bien encore l'état plus ou moins pro- noncé de flaccidité des chairs selon le temps qui s'est écoulé de- puis la mort jusqu'à l'époque de l'examen juridique, frappent ces recherches de nullité. Examen des poumons (1). Les poumons, pendant la res- piration, augmentent de volume, changent de situation et de couleur, leur poids se trouve augmenté, parce qu'ils reçoivent une plus grande quantité de sang ; leur poids spécifique est moins considérable, parce qu'ils ont été dilatés par l'air. Je vais étudier chacun de ces phénomènes. (1) Comme il arrive assez souvent que des affections pulmonaires se développent chez l'enfant pendant son séjour dans l'utérus, il ne sera pas sans intérêt de rap- peler ici que les poumons présentent différens aspects que l'on pourrait confondre avec celui d'un poumon qui n'a pas respiré ( Voy. p. 135). — 174 — A. Volume et situation. Lorsqu'on ouvre la poitrine des nouveau-nés qui n'ont pas respiré, et dont les poumons n'ont pas été insufflés, on voit que la cavité du thorax n'est pas, en géné- ral, remplie par eux {V. p. 135). Si le fœtus a respiré pendant plusieurs jours, ils sont assez dilatés pour recouvrir presque la totalité du péricarde; sila respiration, quelque libre qu'on la suppose, n'a pas été de longue durée , le péricarde est loin d'être entièrement couvert : assez souvent la partie droite de ce sac membraneux est plus recouverte que la partie gauche, ce qui tient sans doute à ce que le poumon droit est plus volumineux que l'autre, et à ce que la bronche droite est moins longue, plus large et moins oblique que celle du côté opposé. Toutefois il ré- sulte des observations faites par le docteur Schmitt, qu'il ne faut point regarder ces résultats comme constans : en effet, il a vu plusieurs fois les poumons de fœtus mort-nés remplir toute la cavité thoracique, tandis que chez un enfant qui avait respiré pen- dant trente-six heures, les poumons étaient si petits, quoique remplis d'air, qu'on eut de la peine à les apercevoir. A ces cas exceptionnels relatifs au volume des poumons j'a- jouterai que M. Devergie dit avoir observé deux exemples d'une altération particulière, qui n'est pas l'état squirrheux, ni l'indura- tion blanche qui précède la suppuration des tubercules, et qu'il désigne sous le nom d'œdème pulmonaire. Les poumons qui le présentent sont, dit-il, très volumineux et déplacent autant d'eau que les poumons d'un enfant qui a parfaitement respiré {Médecine légale^ tome î). Daniel avait conseillé de déterminer comparativement le vo- lume des poumons des fœtus mort-nés, et de ceux qui ont res- piré, en suivant le procédé que je vais décrire. Après avoir sé- paré les poumons du cœur et lié les gros vaisseaux qui s'y ren- dent ou qui en partent, on les fixe à un trébuchet très sensible, que l'on met en équilibre ; puis on les plonge dans un vase gra- dué, assez profond et rempli d'eau : le volume de liquide déplacé sera égal à celui des poumons, en sorte que le degré d'élévation de l'eau dans le vase indiquera la différence dans les volumes. Si les poumons appartiennent à un fœtus qui a respiré, et qu'ils ne plongent pas, on les place dans un petit panier de fil d'argent — 475 — dont on connaît le volume, afin de pouvoir le déduire de celui de l'eau déplacée. Ces expériences comparatives n'ont pas été faites, et il est évident, d'après les observations déjà citées de M. Schmilt, qu'elles seraient de peu d'utilité. B. La couleur des poumons, en général d'un rouge brun lorsque les enfans n'ont pas respiré, est cependant quelquefois d'un blanc rose ou parsemée de quelques taches rougeâtres {V. p. 134); quand la respiration a eu lieu, elle est ordinairement rosée. Mais on observe quelquefois l'inverse : les enfans qui, après avoir vécu un ou plusieurs jours, périssent suffoqués, offrent des pou- mons d'un rouge brun, tandis que d'autres, surtout s'ils ne sont pas à terme, présentent des poumons d'un blanc rosé, ou parse- més de taches rougeâtres, quoiqu'ils soient évidemment mort- nés : tel poumon, dont la couleur était brune avant l'ouverture du thorax, change de nuance aussitôt après le contact de l'air, en sorte qu'il est difficile d'avoir une idée exacte de sa couleur. Je pourrais encore ajouter d'autres faits qui me permettraient d'ét^Iir que le caractère dont il s'agit offre peu de valeur quand il est considéré isolément, mais que, réuni à d'autres, il peut être utile. C. Poids absolu des poumons. Le poids des poumons est plus grand après la respiration qu'avant, parce qu'ils contiennent une plus grande quantité de sang : en effet, avant la respiration, le sang renfermé dans le ventricule droit du cœur arrive en grande partie dans l'aorte au moyen de l'artère pulmonaire et du canal artériel ; celui que l'oreillette droite reçoit de la veine cave infé- rieure, passe dans l'oreillette gauche au moyen du trouinter-auri- culaire (de Botal) et de là dans le ventricule gauche et dans l'ar- tère aorte sans parcourir les poumons. Toutefois il n'est pas exact de dire, avec Fodéré, que les artères et les veines des pou- monsdu fœtus qui n'ont pas respiré sont vides et dans un état de collapsus {Médec. légale, t. iv, p. 481, 2e édition); en ef- fet, il est aisé de s'assurer non-seulement que les artères et les veines pulmonaires contiennent du sang, mais encore qu'on les trouve quelquefois pleines de ce fluide à une distance as- sez grande dans le tissu des poumons. Les conséquences de cette erreur anatomique sont d'autant plus graves, que l'au- — 476 — teur qui l'a commise a voulu la faire servir à tort, comme je le dirai plus loin, à déterminer si, lorsqu'un poumon surnage, sa légèreté dépend de ce que l'air a été insufflé ou inspiré (1). Quand la respiration s'établit, au contraire, et que les commu- nications par le canal artériel et le trou inter-auriculaire sont in- terceptées, le sang contenu dans l'oreillette et le ventricule droits ne peut parvenir à l'aorte qu'après avoir traversé les poumons. Cela posé, rien ne devrait sembler plus facile que de déterminer si un nouveau-né a respiré ou non, puisqu'il suffit de connaître le poids des poumons du fœtus avant et après la respiration ; mais il n'en est pas ainsi : ce poids, loin d'être constant, offre des variétés infinies, ce qui rend le problème beaucoup plus compliqué qu'on ne l'aurait cru d'abord. Voici les moyens qui ont été proposés pour le résoudre. Ploucquet voulait qu'on pesât le corps entier du fœtus, et qu'après avoir fait l'ouverture du cadavre, on prît exactement le poids des poumons séparés de leurs annexes, puisque, suivant (1) Ces observations ont donné lieu aux remarques suivantes de M. Devergie : « M. Orfila, dit-il (tome i, Méd. lég.), a fait une citation fausse. Fodéré dit que les « artères et les veines des poumons sont vides, et dans un état decollapsus, lorsque « l'on a pratiqué l'insufflation des poumons, mais non pas avant cette insul- te dation. » J'ai attaqué l'assertion de Fodéré parce qu'elle est fausse, et parce que l'auteur en déduit un moyen de reconnaître si un poumon qui surnage a été insufflé ou s'il a respiré. L'inconcevable opposition de M. Devergie m'a porté à faire de nouvelles recherches, qu'il est facile de répéter, et par lesquelles on peut se convaincre delà vérité de ce que j'avance. Sur sept fœtus mort-nés et insufflés, j'ai pu constater la présence d'un sang noir, fluide dans les artères pulmonaires. Des ligatures ont é'é pratiquées chez quatre d'entre eux sur le pédicule vasculaire du poumon, afin que le sang refluant des oreillettes ne pût pas m'induire en erreur, et surtout j'ai pu voir que les dernières ramifications artérielles contenaient du sang. Un des fœtus soumis à mon observation, avait les poumons infiltrés ; il me fut très facile de séparer les lobules les uns des autres avec une pince, et au fond des sillons de séparation de ces lobules, j'ai vu les artères et les veines intactes non point dans un état de collapsus comme le dit Fodéré, mais turgides et noircies par le sang quelles contenaient. L'opinion de Fodéré est donc une erreur; mais l'attaque de M. Devergie, com- ment pourrai-je la qualifier? J'ai fait une citation fausse ! et cependant je dis que Fodéré se sert à tort de sa proposition pour déterminer si, lorsqu'un poumon sur- nage, sa légèreté dépend de ce que l'air a été insufflé ou inspiré. Ces derniers mois prouvent bien qu'en citant Fodéré, j'ignorais si peu que cet auteur n'eût voulu appliquer sa proposition qu'à des poumons insufflés, que je l'ai dit en propres termes [\. p. 155 du tome n" de la 3e édition). — 477 — lui, le corps entier pesant 70, les poumons pèsent 1, si le fœtus n'a point respiré, et 2 si la respiration a eu lieu. Les expériences qui avaient conduit Ploucquet à admettre ces rapports n'étaient pas assez nombreuses pour qu'on dût eu adopter les résultats sans les répéter : en effet, il ne les avait tentées que sur deux fœtus mort-nés, et sur un autre qui n'était pas à terme, mais qui avait respiré. MM. Schmitt et Chaussier, l'un à Vienne et l'autre à Paris, pénétrés de l'importance de ce sujet, ont enrichi la science de plusieurs centaines d'observations analogues, qui prouvent non-seulemeut que les rapports de poids entre les poumons et le corps auquel ils appartiennent sont inconstans, comme Jœger l'avait déjà vu, mais encore que le rapport de 1 à 70 et même au-dessus peut exister chez des fœtus qui ont respiré, comme celui de 2 à 70 s'observe chez d'autres qui n'ont pas respiré. Les tableaux suivans, extraits du Diction nuire des sciences médicales {art. Docimasie du docteur Marc), mettront cette vérité hors de doute. n. 13 — 178 — EXPÉRIENCES SUR DES FOETUS qui avaient respiré. M. SCHMITT. CHAU9SIER. POIDS POIDS RAPPORT du poids POIDS POIDS RAPPORT du poids du des des poumons avec du des des poumons avec corps. poumons. celuiducorps corps. poumons. celui du corps grammes. grammes. grammes. grammes. 1012 35 1 sur 29 1025 38 1 sur 28 1065 31 34 1040 32 34 1091 66 16 1100 25 44 1099 35 31 1168 17 43 1222 31 39 1224 46 26 1257 18 70 1250 41 31 1466 28 52 1469 25 59 1518 31 48 1520 39 39 1863 43 43 1850 43 43 1968 22 88 1958 31 63 2002 54 37 2000 72 28 2160 57 38 2150 60 36 2369 46 51 2360 38 62 2404 36 66 2400 74 32 2491 70 35 2490 97 26 2758 87 31 2750 93 28 2893 49 59 2900 54 54 2998 70 42 3000 113 27 3207 61 52 3250 65 50 3294 80 41 3300 75 44 * 3731 75 49 3650 105 35 4150 105 39 4040 42 96 on ru Rappc >rt moyen : 42-2iî IISO Rapp< )rt moyen : — 179 — XPER EN ES SUR DES FŒTUS qui n'avaient pas respiré. M. SCHMITT. CHAUSSIER. POIDS POIDS RAPPORT du poids POIDS POIDS RAPPORT du poids du des • des poumons avec du des des poumons avec corps. poumons. celui du corps corps. poumons. celui du corps grammes. grammes. grammes. grammes. 659 18 1 sur 36 650 6 1 sur 108 873 22 39 900 19 48 1065 70 16 1051 21 50 1361 36 37 1400 60 23 1572 39 40 1591 38 42 1577 33 47 1625 66 25 1915 41 44 1900 52 37 2090 35 59 2080 48 43 2177 32 67 2200 37 *69 2221 28 79 2250 87 26 2352 54 43 2350 44 54 2589 74 34 2570 30 86 2648 43 61 2650 47 56 2758 35 79 2750 74 37 2980 44 67 2950 48 62 3102 70 44 3100 57 55 3312 61 54 3324 41 81 3451 49 70 3350 54 62 3502 61 54 3600 50 72 3660 57 64 3672 41 90 4150 50 83 4161 83 50 4185 83 50 4300 106 41 Rappc >rt moyen î ç> . 8 7 o *. • l O 3 5 Rapport moyen : 40 —9— ^ I 1 o 9 12. — 180 — On voit toutefois par l'inspection de ces tableaux, que si dans aucun cas les rapports ne sont tels qu'ils ont élé indiqués par Ploucquet, du moins est-il vrai que presque jamais le poids du corps d'un fœtus qui a respiré n'est soixante-dix fois aussi consi- dérable que celui des poumons, et que, dans le cas de non-respi- ration, le poids du cadavre entier est presque toujours plus de trente-cinq fois plus grand que celui des poumons; d'où il est permis de tirer cette conséquence, qu'en général le cadavre entier d'un fœtus qui a respiré ne pèse pas soixante-dix fois autant que ses poumons, et que celui d'un fœtus qui n'a pas respiré pèse plus de trente-cinq fois autant que ces orga- nes. Ce résultat peut être utile, et j'aurais tort de rejeter la mé- thode de Ploucquet, comme l'ont fait certains auteurs, par cela seul que les rapports ne sont pas tels qu'ils avaient été an- noncés. Est-il nécessaire maintenant de chercher à expliquer l'incon- stance de ces rapports? Ne voit-on pas que le poids du corps doit o'ffrir des variétés nombreuses, suivant qu'il contient plus ou moins de graisse, qu'il est plus long ou plus court, que l'enfant appartient au sexe masculin ou au sexe féminin, etc.? M. A. Devergie, voyant que les tableaux de Chaussier et de Schmitt comprenaient pêle-mêle des exemples de fœtus d'âge différent, monstrueux ou non, ayant vécu plus ou moins long- temps, dont les poumons étaient pourris ou frais, sains ou mala- des et qui n'étaient par conséquent pas dans les mêmes condi- tions, s'est occupé de faire un choix parmi les exemples donnés par Chaussier et a composé un tableau dans lequel sont inscrits deux cent trois enfans, classés en plusieurs colonnes, d'après leur âge et la durée de la vie. — 181 ENFANS i i A NEUF MOIS. A HUIT MOIS. AYANT VÉCU •" N'ayant Ayant N'ayant Depuis Deux Trois Quatre pas vécu. respiré. quelq.min. respiré. jusq.24h. jours. jours. jours. 1 sur 30 1 sur 31 1 sur 23 1 sur 20 1 sur 24 1 sur 20 1 sur 30 31 44 26 28 27 25 35 q.q.m. 33 46 29 30 41 25 42 35 49 29 31 41 26 43 38 54 34 31 42 33 45 | 43 54 34 32 43 35 56 • 44 85 36 32 44 35 59 44 —33 36 33 44 37 64 ! 46 62 40 35 46 38 74 46 41 35 48 50 81 q.q.m. 52 41 35 50 51 98 q.q.m.58 44 36 50 55 131 62 51 37 53 56 q.q.m.63 60 38 54 71 39 55 1 hre 78 39 56 80 40 58 43 61 q.q.m.119 132 43 43 47 48 48 48 60 62 64 68 69 70 70 71 75 77 80 81 81 86 90 94 1 RAPPORTS MOV rENS. 1 1 1 1 1 1 45 51 37 38 60 37 63 — 182 — ENFANS A SEPT MOIS. A SIX MOIS. AYANT VÉCU N'ayant N'ayant De 10 De 20 Ayant Ayant h pas pas a respiré. respiré. respiré. respiré. 20 jours. 30 jours. 1 sur 28 1 sur 26 1 sur 18 1 sur 19 1 sur 19 1 sur 19 29 28 33 28 20 21 | 34 29 34 36 , 22 22 | 36 38 36 37 22 22 37 39 41 43 22 25 39 41 42 48 23 25 40 41 44 52 23 30 1 40 43 44 58 , 23 30 53 48 65 24 33 59 50 24 35 58 24 37 60 RAPPORT 3 MOYENS. 24 24 24 25 26 27 29 30 32 34 34 36 36 41 42 43 50 52 44 85 i i 1 1 1 1 1 1 39 41 39 40 30 28 — 183 — Ce travail n'a fourni aucun des résultats utiles que l'auteur s'en était promis ; en effet si l'on examine les enfans de neuf mois qui ontvécu depuis quelques minutes jusqu'à 24 heurest et Ton sait qu*en général l'infanticide se commet chez des êtres placés dans ces conditions, on remarque que le poids des poumons étant exprimé par 1, celui du corps entier varie depuis 30 jus- qu'à 132, tandis que chez les enfans de neuf mois qui n'ont pas vécu, le poids des poumons étant 1, celui du corps entier a va- rié depuis 24 jusqu'à 94. Il y a plus : 11 des enfans de neuf mois ayant vécu, ont offert pour le poids de leurs corps les chiffres 20, 31, 33, 35, 38, 43, 44, 44, 46, 46 et 52, chiffres qui diffèrent à peine des onze que je vais indiquer et qui représentent les poids des corps d'enfans de neuf mois n'ayant pas vécu : 27, 41,41,42, 43, 44, 44, 46, 48,50, 50. J'ajouterai encore, comme l'a indiqué M. Devergie, pour mieux faire ressortir la difficulté d'arriver par ce mode d'expérimentations à des résultats tant soit peu exacts, que les expériences de Chaussier ayant été faites avec des enfans, qui livrés aux soins de leurs mères mouraient dans l'espace de 24 heures, n'offraient probablementpas toujours toutes les conditions de la viabilité des enfans bien constitués, conditions qui peuvent et qui doivent au contraire se trouver chez des enfans nouveau-nés bien portans que l'on assassine. Chez les enfans de neuf mois qui avaient vécu trois à qua- tre jours l'augmentation de poids des poumons par le fait de la respiration est remarquable, dit M. Devergie; elle est de près de moitié dans la grande majorité des cas. Cette donnée, ajoute l'auteur, acquiert donc de la valeur, quand il s'agit d'un enfant qui a vécu trois ou quatre jours, mais malheureusement le crime d'infanticide est alors beaucoup moins fréquent que dans les épo- , ques précédentes (p. 428). Je ne saurais partager cette opinion, car sur 39 exemples cités par M. Devergie, il en est 22 dans les- quels le poids des poumons étant 1, celui du corps variait depuis 36 jusqu'à 60, et l'on trouve dans la colonne des enfans de neuf mois qui ri ont pas vécu 18 exemples dans lesquels le poids des poumons étant 1, celui du corps a varié depuis 24 jusqu'à 61 {An- nales d'hygiène, avril 1831). La conséquence qui se déduit naturellement de ce qui précède, — 184 — c'est que le seul fait exact à enregistrer est celui que j'ai énoncé en caractères italiques à la page 180 de ce volume. Les causes d'erreur inhérentes à la méthode de Ploucquet, m'ont paru tellement nombreuses, que j'ai cherché s'il ne serait pas possible en comparant le poids des poumons àceluiducœur, d'obtenir des résultats propres à me faire connaître si l'enfant avait respiré ou non ; j'espérais qu'il y aurait moins de variations dans le poids du cœur que dans celui du corps entier, et que par là les rapports que j'établirais seraient plus constans, et par con- séquent plus propres à faire connaître si la respiration avait eu lieu. Voici le sommaire du travail que j'ai entrepris à cet égard. On a pris exactement le poids de plusieurs fœtus mort-nés, et d'autres qui avaient vécu plusieurs heures ou plusieurs jours ; ces fœtus étaient à terme, à sept ou à huit mois. Le thorax ayant été ouvert, on a pesé séparément le cœur et les poumons après les avoir bien essuyés; le premier de ces organes avait été préalablement incisé pour en retirer tout le sang qu'il pouvait contenir ; les veines caves et pulmonaires, ainsi que les artères pulmonaire et aorte, avaient été coupées aussi près que possible de ces viscères, afin que le poids de ceux-ci ne se trouvât pas plus grand qu'il n'est réellement. Le tableau suivant indique le rapport de pesanteur. TA B L E A U. POIDS POIDS POIDS RAPPORT AGE DURÉE DU DU DES ENTRE LE POIDS DU COEUR DU FOETUS. DE LA RESPIRATION. CORPS. COEUR. POUMONS. ET CELUI DES POUMONS. gram. gram. c. gram. c. A terme. Trente-six heures. 2280 13 5 40 5 3 j A terme. Quatre jours et deux heures. 2000 10 5 50 4 y environ. A terme. Huit heures. 2650 19 50 2 | environ. A terme. Treize jours. 2700 15 59 3H A terme. Deux jours. 2800 16 5 87 5 ^ environ. j Huit mois. Neuf jours. 1700 9 5 66 7 environ. Sept mois. Quatre jours. 1450 9 5 54 5 5 * ! Six mois et demi. Deux heures. 800 5 24 2 5 environ. | A terme. Mort pendant le travail. 2305 14 33 2} » A terme. Mort-né. 3100 17 5 38 2 ~ environ. } A terme. Mort-né. 2200 9 36 4 | A terme. Mort pendant le travail. 2900 15 5 29 1 fl environ. ! A terme. Mort pendant le travail. 1750 17 35 2tt » Huit mois. Mort-né. 1840 21 5 61 3 environ. Sept mois et demi. Mort-né. 1650 8 26 3 i » Sept mois. i Mort-né. 1270 5 25 3 5 environ. — 186 - Il résulte de ces expériences et de beaucoup d'autres dont je ne ferai pas mention, 1° que le rapport du poids des poumons à celui du cœur n'est pas toujours le même chez les fœtus qui ont respiré ni chez ceux qui n'ont pas respiré; 2° que chez les pre- miers les poumons pèsent quelquefois sept fois autant que le cœur, tandis que dans d'autres circonstances ils ne pèsent que deux fois 3/5 autant ; 3° que chez les fœtus qui n'ont pas respiré, les poumons peuvent peser cinq fois autant que le cœur, ou seu- lement une fois 13/15 autant; 4° qu'il est par conséquent impos- sible d'établir aucune règle fixe d'après le rapport dont il s'agit, pour savoir si la respiration a eu lieu. Daniel avait publié, dès l'année 1780, un procédé différent de ceux qui ont été indiqués, dans le but de déterminer également si le fœtus avait respiré. Partant de ces deux principes d'hydros- tatique généralement connus, 1° qu'un corps solide plongé dans un liquide, déplace autant de ce liquide qu'il y occupe d'espace ; 2° qu'un corps solide plongé dans un corps liquide moins pesant que lui, y perd en poids ce que pèse un volume de liquide égal à celui du corps solide, et que le poids du liquide augmente dans la même proportion, il proposait de déterminer numériquement le volume des poumons, puis de les peser dans l'air et dans l'eau, en employant l'appareil décrit à la page 174. 11 est évident, di- sait-il, que si les poumons d'un fœtus mort-né pèsent 100 à l'air libre, ils ne perdront que très peu de leur poids lorsqu'ils seront pesés dans l'eau, puisqu'ils présentent peu de volume; supposons qu'ils ne pèsent alors que 70 (1). Si les poumons d'un enfant qui a respiré pèsent 200 à l'air libre, ils perdront beaucoup plus de leur poids quand Hs seront pesés dans l'eau, vu qu'ils offrent un très grand volume, et que par conséquent ils déplacent une plus grande masse de liquide ; supposons qu'alors ils ne pèsent que 140. S'il s'agit au contraire de poumons de fœtus mort-nés, qui ont été insufflés, admettons que leur poids à l'air libre soit de (1) Aucun de ces nombres n'a été indiqué par Daniel; je crois devoir les em- ployer , non pas cpie j'aie la certitude qu'ils expriment au juste ce qui se passe, mais seulement parce qu'ils facilitent l'intelligence du procédé de cet auteur. — 487 — 98 (1), ils perdront dans l'eau autant que ceux qui ont été dila- tés par la respiration , puisqu'ils offrent le même volume ; donc leur poids ne sera alors que de 38 ; d'où il suit que la différence de poids dans l'air et dans l'eau sera : Pour les poumons du fœtus mort-né, de 30; Pour ceux du fœtus qui a respiré, de 60. Pour ceux qui ont été insufflés, de 60. Il sera donc aisé, en construisant des tables qui indiquent les poids de ces organes dans l'air et dans,l'eau, de décider s'ils ap- partiennent à des fœtus mort-nés ou à d'autres qui ont respiré ou dont les poumons ont été insufflés. Le procédé de Daniel repose sur des principes de physique in- contestables ; mais il suppose que le volume et le poids des pou- mons ne varient point, ce qui est loin d'être exact; d'ailleurs les tables nécessaires pour en faire l'application n'ont point été dressées ; en conséquence, il serait impossible d'avoir recours à une pareille méthode dans l'état actuel de la science. Le docteur Bernt a proposé , en 1821, un nouveau procédé propre à faire connaître si l'enfant a respiré ; ce procédé n'étant pas exclusivement fondé sur l'augmentation de poids qu'éprouve le poumon après la naissance, je le décrirai plus tard. D. Poids spécifique des poumons. Les poumons d'un fœtus à terme qui n'a pas respiré sont plus pesans que l'eau ; si la res- piration a eu lieu, ils nagent, au contraire, sur ce liquide : dans le premier cas, leur poids spécifique est plus considérable que celui du liquide ; il l'est moins dans le second, parce qu'ils ont été dilatés par l'air. Voici comment on doit procéder pour estimer ce poids spécifique. On retire de la cavité thoracique les poumons avec le cœur ; on sépare la trachée-artère en faisant la résection à l'endroit où elle s'insère dans ceux- là ; on a soin aussi de faire préalablement la ligature des gros troncs vascu- laires, et après avoir essuyé le sang qui pourrait se trouver extérieure- ment sur les poumons, on les place doucement dans un vase rempli d'eau, assez spacieux pour qu'ils puissent flotter librement ; ce vase doit être as- sez profond pour contenir au moins 3 décim. d'eau, afin que la colonne de (1) Il est assez remarquable que les poumons d'un fœtus mort-né pèsent con- stamment plus avant d'avoir été insufflés qu'après. - 188 — liquide soit proportionnée au volume ainsi qu'au poids des poumons et du cœur. L'eau doit être propre, ni chaude ni glaciale, et surtout ne pas con- tenir en solution des parties salines, lesquelles, en augmentant sa densité, favoriseraient la surnatation ; aussi l'eau de rivière est-elle en général préférable à l'eaude puits. On observe alors si les poumons et le cœur tom- bent au fond de l'eau, ou s'ils surnagent, s'ils se précipitent tout-à-coup ou lentement. On réitère ensuite cette expérience avec les poumons séparés du cœur. Dans le cas où un seul poumon surnage, il est important de re- marquer lequel. Le même essai doit ensuite être fait avec chacun des pou- mons séparément, et avec chaque lobe coupé en plusieurs morceaux, afin de constater si chacun de ces morceaux surnage, ou s'il en est qui tombent au fond ; dans cette dernière expérience, il est essentiel de ne pas confon- dre les uns avec les autres, les fragmens du poumon droit et du poumon gauche. Enfin, on exprime entre les doigts et sous l'eau, chacun de ces fragmens, pour observer s'il s'en dégage des bulles d'air, et si après avoir été ainsi exprimés, ils surnagent encore, ou s'ils vont au fond de l'eau. » (Marc, Dictionnaire des Sciences médicales.) Celte expérience, qui constitue la docimasie pulmonaire hy- drostatique des auteurs (1), indiquée d'abord par Galien, et décrite en 1664 par Thomas Bartholin et Jean Swammerdam, ne fut appliquée à la médecine légale qu'en 1682, par Schreger; elle a été depuis l'objet de nombreuses contestations ; plus on a voulu lui donner d'importance , plus on s'est attaché à la com- battre : cette lutte a été favorable à la science, puisqu'on est par- venu à établir ce résultat important, que, si dans certains cas l'expérience hydrostatique ne peut être d'aucune utilité, il en est d'autres où elle prouve que la respiration a eu lieu. La justesse de cette proposition sera mise hors de doute , par l'examen attentif des objections faites contre cette méthode. Objection première. Les poumons d'un fœtus mort-né peu- vent être plus légers que l'eau parce qu'ils sont pourris, emphysémateux, ou qu'ils ont été insufflés. On ne saurait contester la force de cette objection, puisqu'il est certain que par suite de la putréfaction, de l'emphysème ou de l'insufflation des poumons, ces organes, qui d'abord étaient plus pesans que l'eau, peuvent devenir plus légers qu'elle : c'est ce qui sera mis hors de doute par les faits suivans : (1) Aoy/paÇo, j'essaie. —- 489 — A. Putréfaction. La possibilité de faire surnager les poumons d'enfans mort-nés, par le seul acte de la putréfaction, ayant été contestée par un assez grand nombre d'auteurs, tandis que d'au- tres l'ont admise sans hésitation, j'ai cru devoir tenter quelques expériences, tant sur les poumons isolés du corps auquel ils avaient appartenu, que sur des cadavres entiers. Poumons isolés du corps. 1° Après avoir coupé en dix-huit fragmens les poumons de deux fœtus à terme mort-nés, on les a mis dans l'eau ; ils n'ont pas tardé à gagner le fond du liquide ; cinq jours après, dix de ces fragmens étaient à la surface, les autres continuaient à occuper le fond : on avait eu soin jusque-là de changer l'eau une fois par jour , la température avait varié de 12° à 17° th. R. Quatre jours après, au lieu de dix fragmens il y en a quatorze qui surnagent ; ils exhalent une odeur fétide : on les presse fortement dans l'eau pour en dégager les gaz, et aussitôt après ils se précipitent. Le lendemain on retrouve sept fragmens à la surface où ils restent pendant cinq jours, puis ils retombent successivement au point d'occuper tous le fond, le dix- huitième jour de l'expérience. Six jours après leur séjour au fond de l'eau, on change celle-ci, qui était excessivement fétide et colorée ; les fragmens ne tardent pas à se précipiter, et ils restent au fond du liquide. Au bout de dix jours, on regarde l'expérience comme terminée. Ces résultats s'ac- cordent avec ceux qu'avait déjà obtenus Mayer. 2° Après avoir laissé dans l'eau depuis le 18 juin 1826 jusqu'au 25 août de la même année, les fragmens de huit poumons qui n'avaient pas été pénétrés par l'air, Billard a vu que tous ces fragmens restaient au fond, et cependant la décomposition putride était à son comble, puisque le tissu était réduit à un liquide rougeatre très fétide. Pyl avait déjà observé les mêmes phénomènes. 3° Après avoir coupé en quatre fragmens les poumons d'un enfant à terme, qui avait vécu pendant quelques heures, je les ai mis dans l'eau ; ils ont surnagé pendant dix jours : alors deux d'entre eux se sont précipi- tés. Neuf jours après, un de ces deux fragmens avait de la tendance à monter. Au bout de trois jours, on voyait de nouveau deux fragmens au fond, et les deux autres au milieu du liquide sensiblement au-dessous de sa surface. On a changé l'eau, qui était fortement colorée; alors tous les fragmens ont gagné le fond où ils sont restés. Au bout de dix jours, on a regardé l'expérience comme terminée. Billard a également remarqué la précipitation au fond de l'eau de deux poumons qui avaient été assez dilatés par l'air pour res- ter à la surface du liquide pendant deux mois : ces organes ap- partenaient à des enfans qui avaient respiré complètement. La — 190 — putréfaction, en décomposant le tissu du poumon, dit ce méde- cin, donne lieu au dégagement de l'air qu'il contenait, de telle sorte que les fragmens d'un poumon putréfié sont plus pesans que l'eau, mais il faut pour cela que la décomposition soit com- plète, et que la dissociation des parties de l'organe soit possible. Poumons non isolés du corps. Les résultais fournis par les expériences précédentes n'étant pas d'une application rigoureuse aux cas où il s'agit de déterminer si lorsqu'un cadavre entier est pourri, la supernatation des poumons doit être atlribuée à la putréfaction, j'ai laissé pourrir des cadavres entiers de fœtus mort-nés. 1° Trois cadavres de fœtus à terme, morts dans l'utérus vingt à vingt- cinq jours avant la naissance, ont été abandonnés à eux-mêmes à l'air libre, à la température de "24 à 28° th. centigr.; toutes les ouvertures naturelles avaient été soigneusement bouchées pour empêcher les larves de pénétrer dans l'intérieur des cavités et de dévorer les viscères. On a ouvert ces ca- davres au bout de cinq jours, lorsque l'épiderme était entièrement détaché, qu'ils exhalaient une odeur extrêmement fétide, et que déjà les larves nombreuses qui étaient à la surface du corps paraissaient être sur le point de se porter dans l'intérieur du thorax : les poumons n'étaient pas sensible- ment altérés, et ils gagnaient rapidement le fond de l'eau, même après avoir été coupés en petits fragmens. 2° Désirant savoir si dans l'expérience précédente les poumons ne s'é- taient point putréfiés, parce que l'air étant très chaud et la putréfaction de la peau ayant marché avec beaucoup de rapidité, on ayait été obligé d'ouvrir les cadavres trop peu de temps après leur exposition à l'air, on a abandonné à lui-même, le 3 avril 4827, en plein air, un fœtus à terme mort-né, encore frais, et dont la mort n'avait certainement précédé la naissance que d'un jour ou deux : on l'a ouvert le 20 avril, lorsque déjà des larves nombreuses commençaient à dévorer la peau, et que la putré- faction des parties extérieures était arrivée au point de ne plus permettre d'attendre (la température de l'atmosphère avait varié à l'ombre de 4 2° à 16° R.). Le poumon gauche se précipitait au fond de l'eau et n'offrait au- cune vésicule à sa surface ; le poumon droit surnageait; on voyait à sa sur- face une multitude de petites ampoules produites par des gaz développés entre le tissu du poumon et la plèvre pulmonaire : en pressant assez forte- ment ce poumon pour déchirer les bulles dont je parle, les gaz se déga- geaient et le poumon gagnait le fond de Veau. â° Trois fœtus à terme morts dans l'utérus, ont été plongés dans l'eau le 6 avril, peu de temps après l'accouchement : deux de ces fœtus étaient morts au moins depuis dix jours lors de la naissance. Le 25 avril on en a —- 191 — retiré un et on l'a ouvert sur-le-champ. Les poumons ne paraissaient pas altérés ; ils se précipitaient rapidement au fond de l'eau ; coupés par frag- mens, ils gagnaient également la partie inférieure du vase. La décompo- sition était très avancée, puisque les parois abdominales étaient presque entièrement détruites, et que la peau des autres parties du corps était le siège de corrosions nombreuses. — Le 1er mai on procéda à l'examen d'un autre cadavre, au moment même où il fut retiré de l'eau. Les poumons en- tiers et coupés par fragmens se précipitaient au fond de l'eau; ils offraient la couleur et l'aspect des poumons d'un fœtus mort-né'encore frais. La pu- tréfaction de ce cadavre ne paraissait pas aussi avancée que dans l'expé- rience précédente. Le 9 mai on a procédé à l'ouverture du dernier fœtus, qui était resté dans l'eau jusqu'alors ; la décomposition était tellement avancée, qu'il ne restait plus de thorax ni d'abdomen ; les viscères étaient à nu. Mis dans l'eau, les poumons se sont précipités, même après les avoir coupés en plusieurs petits fragmens : du reste, ils offraient la couleur et l'aspect qu'ils auraient présentés s'ils eussent été examinés peu de temps après la naissance. 4° Appelé à quatre reprises différentes pour faire l'ouverture d'enfans mort-nés qui avaient séjourné plusieurs jours dans l'eau ou dans les fosses d'aisances, M. Devergie a reconnu un état emphysémateux remarquable des poumons; ceux-ci nageaient sur l'eau, soit qu'on les plaçât sur ce liquide entiers ou en fragmens : cette supernatation devait être attribuée à la putréfaction, car en comprimant les poumons ou leurs fragmens dans l'eau, on en expulsait les gaz putrides, et bientôt on voyait ces frag- mens gagner le fond de l'eau. Ces observations, qui semblent au premier abord infirmer les résultats de mes expériences, ne les contredisent en aucune manière ; en effet, comme l'a déjà fait observer M. Devergie, l'ou- verture de ces quatre cadavres n'a été faite que plusieurs heures après qu'ils avaient été retirés du liquide, et après une longue exposition à l'air ; tandis que dans mes recherches, l'examen des corps suivait immédiatement leur sortie de l'eau. Or, la putréfaction est singulièrement bâtée, lorsque des cadavres qui sont restés plusieurs jours dans l'eau, sont exposés à l'air. (Annales d'hygiène, numéros d'octobre 1830 et 1832.) Il résulte évidemment des expériences qui précèdent : 1° que les poumons d'un fœtus mort-né à terme, séparés du corps, peuvent, dans certaines circonstances, quitter le fond de l'eau où ils sont restés pendant plusieurs jours pour venir à la surface et retomber ensuite; 2° que les poumons d'un fœtus à terme qui a respiré, mis sur l'eau, restent un certain temps à la surface du liquide, puis qu'ils se précipitent ; 3° qu'il peut arriver, lors- qu'un cadavre entier d'un fœtus mort-né se pourrit à l'air, que l'ouverture juridique du corps ne soit ordonnée qu'au moment où — 192 — la putréfaction se sera déjà emparée des poumons ou d'une par - tie de ces organes et les aura rendus assez légers pour nager sur l'eau; 4° que si le cadavre du fœtus mort-né s'est pourri dans l'eau, les poumons ne surnagent pas tant que les parois de la poitrine n'ont pas été détruites par la macération , à moins toutefois que ce cadavre, avant d'être ouvert, n'ait été exposé à l'air pendant plusieurs heures, surtout par un temps chaud ; dans ce cas, en effet, les poumons peuvent être emphysémateux et surnager ; 5° que lorsque la décomposition a fait assez de progrès pour que la peau du thorax soit réduite en lambeaux, et que les poumons soient en contact immédiat avec l'eau (ce qui n'arrive qu'au bout d'un temps fort long), ces organes peuvent surna- ger, puisqu'ils sont alors placés dans les mêmes circonstances que les poumons des fœtus mort-nés, séparés du corps, dont j'ai parlé plus haut (1). Ces conséquences me conduisent naturellement à rechercher par quels moyens on pourrait distinguer, dans une question re- lative à l'infanticide, si la surnatation des poumons est l'effet de la putréfaction ou de la respiration. On exprimera les poumons entre les doigts, et l'on verra en les plaçant de nouveau sur l'eau, qu'ils se précipitent dans le cas de putréfaction , tandis qu'ils continuent à surnager s'il y a eu respiration ; en effet, les gaz développés pendant la fermentation putride sont logés dans le tissu lamineux qui sépare les cellules bronchiques, et le plus sou- (1) C'est en vain que M. Devergie préteud que les deux dernières propositions ne peuvent être exactes dans leur application à l'exploration du corps de délit d'infanlicide, parce qu'il s'écoule au moins vingt-quatre heures, dit-il, avant que soit faite l'ouverture judiciaire d'un cadavre jeté dans l'eau, et qu'il faut que le procureur du roi en ait été préalablement instruit. Mes expériences ne peuvent être, comme le dit M. Devergie lui-même, révoquées en doute ; et l'homme de l'art saura bien reconnaître l'action des agens physiques tels que la température et l'air atmosphérique sur la putréfaction consécutive à l'exposition à l'air d'un cadavre retiré de l'eau. Mais s'il est possible que l'examen juridique soit fait un peu tard, ne peut-il pas arriver aussi que l'homme de l'art soit appelé assez tôt, long-temps même avant que toute altération dans les poumons soit possible. T.n effet, le cadavre peut n'avoir été laissé dans l'eau que peu de temps, la tempéra- lure peut être peu élevée et même très basse. Dans ces diverses circonstances, mes propositions sont entièrement applicables à l'exploration du corps de délit. Il est vraiment déplorable d'être obligé d'employer son temps à répondre à de pareilles observations. — 193 ~ vent entre la plèvre et les poumons : or la plus légère pression suffit pour les dégager ; tandis que l'air atmosphérique qui dis- tend les poumons pendant la respiration , occupe les cellules bronchiques, et ne peut en être expulsé en entier qu'avec la plus grande difficulté. Les auteurs ont encore indiqué les caractères suivans qui sont beaucoup moins concluans : 1° si la surnatation du poumon est due à la putréfaction, le thymus, les intestins, la vessie, etc., qui se pourrissent avant cet organe, doivent égale- ment surnager, et si on les exprime entre les doigts, ils retom- beront au fond de l'eau. Il est impossible de nier que les viscères dont il s'agit ne deviennent assez légers pour nager sur l'eau , lorsqu'ils sont pourris ; il est mçme probable que dans la plupart des cas où un cadavre entier se putréfie, ils acquièrent bien avant les poumons la propriété de venir à la surface du liquide; mais on observe souvent le contraire lorsque ces organes sont détachés du corps ; j'ai vu plusieurs fois qu'en plaçant dans un vase rem- pli d'eau les poumons, la vessie et le thymus d'un fœtus mort-né, ces deux derniers viscères occupaient encore le fond du vase, lorsque les poumons nageaient déjà sur le liquide depuis plu- sieurs jours; 2° si l'on incise les poumons d'un fœtus qui a res- piré, on voit qu'ils sont crépitans, lors même qu'ils ont été pour- ris ; il n'en est pas ainsi de ceux d'un fœtus mort-né, que la dé- composition putride aurait rendus assez légers pour surnager. B. Lemphysème des poumons peut rendre certaines parties de cet organe assez légères pour les faire rester à la surface de l'eau, comme l'a souvent remarqué Chaussier, dans certains cas d'étroitesse du bassin, chez les fœtus mort-nés que l'on avait été obligé d'extraire par les pieds, et qui étaient morts pendant le travail de l'accouchement : or, comme les poumons étaient d'un brun violacé, qu'ils n'avaient point été insufflés et que le ca- davre n'offrait aucun indice de putréfaction, Chaussier a attribué ce phénomène, avec raison, à la contusion que les poumons avaient éprouvée lors de l'extraction : il s'est fait, dit-il, dans leur tissu, une effusion de sang dont l'altération a fourni le dé- gagement de quelques bulles de gaz, et produit ainsi la légèreté spécifique d'une partie des poumons. On distinguera facilement que la surnatation est due à l'emphysème plutôt qu'à la respira- n. i» — 194 — lion, en soumettant les parties qui sont plus légères aux épreu- ves indiquées à l'occasion de la putréfaction. C. Insufflation. Vinsufflation artificielle développe les pou- mons d'un fœtus mort-né, au point de les faire surnager. Voici ce que l'expérience démontre à cet égard. Lorsqu'après avoir isolé les poumons on les insuffle au moyen d'un tube de verre introduit dans la trachée-artère, il suffit de deux ou trois secon- des pour leur communiquer une couleur rose, et les rendre cré- pitans et assez volumineux, pour qu'ils restent à la surface de l'eau (1). Si au lieu d'agir ainsi on insuffle de l'air à l'aide du tube laryngien dans les poumons qui n'ont pas encore été détachés du corps, on ne tarde pas à observer, outre ces phénomènes, la voussure du thorax et le refoulement en bas du diaphragme , à moins que la trachée-artère, les bronches ou leurs divisions ne soient engouées par des mucosités, car alors le succès de l'expé- rience n'est pas aussi complet. Si l'insufflation de l'air se fait de bouche à bouche, ou par tout autre moyen moins énergique que le précédent, ses effets sont moins sensibles, et il faut beaucoup plus de temps pour parvenir à dilater les poumons au même de- gré. Metzger s'est trompé en avançant que dans tous les cas d'in- sufflation artificielle, il y avait défaut de voussure du thorax ; ce caractère ne manque que lorsque l'insufflation a été incomplète, puisqu'en insufflant même de bouche abouche, on a quelquefois pu le déterminer. On a encore avancé à tort que dans tous les cas d'insufflation, le poumon gauche, dont la bronche est plus longue et plus étroite que celle de l'autre, ne se dilatait pas aussi bien et aussi complètement que le droit; l'expérience prouve que, s'il en est ainsi dans beaucoup de cas, souvent le contraire a lieu chez des enfans qui ont respiré pendant plusieurs heures. Billard ne partage pas tout-à-fait l'opinion que je viens d'émet- (1) Les expériences communiquées à l'Institut en septembre 1826 par M. Leroy d'Etiolés établissent que l'insufflation pulmonaire détermine promptement la mort des lapins, des chiens de moyenne grosseur, et des moutons quand elle n'est pas pratiquée avec précaution. On ignore quelle est la cause de cette mort, mais on sait qu'elle ne dépend pas, dans la plupart des cas, de la rupture des vésicules bron- chiques, qui n'a été observée que fort rarement. L'état d'intégrité de la plupart des vésicules d'un poumon insufflé fait concevoir facilement la surnatation de cet or- gane dans le cas même où une mort prompte aurait été la suite de l'insufflation. — 195 -- tre relativement à la possibilité d'insuffler des poumons au point de faire surnager tous leurs fragmens. Ayant insufflé de l'air pendant long-temps et avec assez de force à l'aide d'un tube de verre d'abord, puis à l'aide d'un soufflet, dans la trachée-artère de trois fœtus mort-nés, l'un de cinq mois, l'autre de six, et le dernier de sept, il a vu en détachant les poumons, qu'ils n'étaient crépitans qu'au bord antérieur et au sommet, et qu'il n'y avait que les fragmens correspondans à ces portions qui fussent plus légers que l'eau. Dans une autre expérience, il a extrait du tho- rax les poumons d'un avorton de quatre mois et demi, mort-né, qui gagnaient rapidement le fond de l'eau; il les a insufflés sé- parément, et il les a d'abord vus se gonfler, puis s'affaisser; toute- fois ils surnageaient lorsqu'on les mettait dans l'eau; mais en les coupant par fragmens, les parties appartenant au bord posté- rieur et à la base gagnaient le fond du vase. L'insufflation des poumons de deux enfans à terme, mort-nés, a fourni des résul- tats analogues; cependant il y avait dans ce cas une plus grande » partie du poumon qui surnageait. Ces expériences ont porté Billard à conclure que plus l'en- fant était voisin du terme, plus il était facile d'insuffler la totalité des poumons. Les cerceaux cartilagineux de la tra- chée-artère et des bronches des fœtus fort jeunes, dit-il, ne jouis- sent pas de toute la consistance qu'ils auront par la suite : on les trouve souvent affaissés et comme comprimés; d'où il suit qu'ils opposent quelque difficulté au passage de l'air dans leur calibre, ou repoussent ce fluide quand il y a été poussé par force ; aussi voit-on les poumons s'affaisser aussitôt qu'on cesse d'y insuffler de l'air. Si l'on joint à cela que les mucosités des bronches et le sang dont le tissu pulmonaire est souvent gorgé au bord posté- rieur de l'organe, peuvent être de nouveaux obstacles au passage de l'air, on expliquera facilement comment il se fait qu'on ne réussisse presque jamais à pénétrer entièrement le tissu pulmo- naire de l'air qu'on y insuffle, surtout si l'enfant naît avantterme. On voit par ce qui précède, que si Billard croit devoir appor- ter quelques restrictions à ce que j'ai établi sur la possibilité d'in- suffler les poumons d'enfans mort-nés, au point de les rendre plus légers que l'eau, il n'en résulte pas moins de son travail que 13. — 196 — par l'insufflation on pourra introduire dans les poumons, surtout dans ceux des enfans à terme une assez grande quantité d'air poul- ies faire surnager, et par conséquent pour qu'il soit permis de les confondre avec ceux des enfans qui ont respiré. Comment distinguer si la surnatation des poumons est l'effet de l'insufflation ou de la respiration ? Ce ne sera pas en exprimant ces organes dans l'eau, car dans l'un et l'autre cas, l'air est contenu dans les vésicules bronchiques, et ne peut être expulsé en entier : aussi remarque-t-on que des poumons bien insufflés continuent à surnager même après une forte compres- sion ; les auteurs qui ont avancé le contraire avaient agi sur des poumons dans lesquels on n'avait introduit qu'une petite quantité d'air, ou qui avaient été mal insufflés. On ne peut espé- rer de résoudre ce problème, qu'en examinant attentivement l'état des vaisseaux pulmonaires, et en appréciant le poids absolu des poumons ; en effet, si la respiration a eu lieu, les artères et les veines pulmonaires contiendront une plus grande quantité de sang que dans le cas d'insufflation, parce que celle-ci ne déter- mine en aucune manière l'abord de ce liquide vers les poumons, tandis que par suite de la respiration, il s'établit un nouveau mode de circulation dont le résultat immédiat est l'accès complet du sang dans les vaisseaux pulmonaires : d'une autre part l'insuffla- tion n'augmente pas sensiblement le poids absolu des poumons, parce qu'ils ne reçoivent que de l'air; par la respiration au con- traire, le poids de ces organes est augmenté de celui du sang qui afflue dans les vaisseaux pulmonaires : aussi les poumons d'un fœtus pèseront-ils davantage après la respiration que s'ils avaient été simplement insufflés. Quelque incontestables que soient les deux propositions que je viens d'émettre, leur application présente tant de difficultés, qu'elles peuvent tout au plus ser- vir à établir des présomptions. Comment distinguera-t-on, par exemple, que la quantité de sang contenue dans les vais- seaux pulmonaires répond précisément à celle qui doit se trouver dans les vaisseaux d'un poumon insufflé, ou de celui qui a été dilaté par la respiration ; suffira-t-il de la simple inspection, ou bien faudra-t-il l'apprécier par la teinle plus ou moins foncée de l'eau dans laquelle on écrasera les poumons? Ces moyens, les — 197 — seuls qu'il me soit permis d'employer, sont évidemment insuffi- sans, puisqu'ils ne portent que sur la détermination de quantités que l'on peut appeler grandes ou petites, à volonté (1). Et pour ce qui concerne le poids absolu des poumons, quel sera le point de départ? S'il était prouvé, comme l'avait indiqué Ploucquet, que chez un fœtus mort-né le poids du poumon étant égal à 1, celui de tout le corps est de 70, tandis que lorsque la respiration a eu lieu, le poids du corps étant de 70, celui du poumon serait égal à 2, la solution du problème serait assurée et facile; mais j'ai déjà dit que les choses étaient loin de se passer ainsi. Il serait inutile ]de faire une énumération détaillée des cas où il sera indispensable de déterminer si les poumons ont été insuf- flés; je me bornerai à citer les deux suivans • a. Une femme est accouchée clandestinement et sans témoins, d'un enfant qui ne respire point; elle cherche à le ranimer en lui soufflant de l'air dans les poumons; néanmoins l'enfant périt et on accuse la mère de l'avoir tué; ici l'accusation est particulièrement fondée sur la légèreté des poumons, qui est au contraire l'œuvre de la ten- dresse maternelle, b. On insuffle de l'air dans les poumons d'un enfant mort-né, pour faire croire qu'il a vécu et qu'il a été tué par sa mère (2). Objection deuxième. 77 n'est pas impossible qu'un fœtus périsse en naissant, et que les poumons ou au moins quel- ques-uns de leurs fragmens soient plus légers que l'eau parce qu'il aura respiré au passage. Ce fait est incontesta- (1) Je ne réfuterai pas de nouveau Fodéré lorsqu'il prétend pouvoir distinguer dos poumons de fœtus mort-nés qui ont été insufflés de ceux qui ont respiré, parce que les vaisseaux artériels et veineux sont vides, et dans un état de collap- sus dans le premier cas ( Voyez page 175 de ce volume). (2) Au sujet du premier de ces deux cas, M. Devergie prétend que c'est là une supposition inadmissible. « C'est, dit-il, ne tenir aucun compte des preuves testi- moniales dans les affaires criminelles, c'est oublier que le meurtrier frappe sa vic- time dans l'ombre, etc. » Je n'ai jamais prétendu qu'il fallût négliger les preuves testimoniales , mais elles ne regardent pas le médecin expert ; celui-ci ne doit s'oc cuperque d'une question, celle de savoir si les poumons qui sont soumis à son exa- men ont été insufflés artificiellement, ou si l'air les a pénétrés par l'acte de la res- piration.—Non pas que je prétende comme M. Devergie tend à l'insinuer que l'élé- ment de la respiration ou de l'insufflation soit suffisant pour décider la question ; j'ai voulu seulement dire que c'est là un élément propre à l'éclairer. - 198 — ble(l) : des fœtus dont la tête seulement avait franchi la vulve, ont respiré et poussé des cris plus ou moins forts. Avani que des observations réitérées eussent mis cette vérité hors de doute, on objectait qu'il était difficile de l'admettre, parce que les parties sexuelles devaient comprimer le thorax qui y était comme encla- vé, et l'empêcher de se dilater. Nul doute qu'il n'en fût ainsi, si l'arrêt du tronc et des autres parties était constamment le résul- tat de la compression dont je parle; mais dans la plupart des cas cet effet dépend d'une fausse position des épaules ou de la cessa- tion des contractions utérines, et alors on conçoit qu'il est pos- sible que la poitrine se dilate. Osiander va même plus loin; il admet le vagissement utérin, c'est-à-dire la possibilité qu'un fœtus respire et crie, lorsque après la rupture des membranes et l'écoulement des eaux de l'am- nios, et pendant les manipulations de l'accoucheur, sa bouche (1) J'ai examiné, le 17 avril 1827, un fœtus mâle à terme non pourri, du poids de 3 kilog., long de 54 centimètres, et parfaitement constitué. Les poumons, peu développés, recouvraient à peine le péricarde ; ils offraient l'aspect de ceux qui n'ont pas encore été dilatés par l'air; ils pesaient 48 grammes; ils n'étaient crépitans que dans une très petite partie; ils gagnaient très rapidement le fond de l'eau ; coupés en trente fragmens à-peu-près égaux, un seul de ces frag- mens, celui qui correspondait à la partie crépitante de l'organe, restait à la surface du liquide ; pressé fortement dans l'eau, ce fragment continuait à surnager ; les vaisseaux pulmonaires contenaient une quantité de sang au moins égale à celle que l'on remarque dans les poumons des enfans qui ont respiré pendant long-temps. Ces caractères pouvaient me porter à conclure que l'enfant dont il s'agit était né' vivant, et qu'il avait vécu pendant un certain temps, surtout s'il était établi que les poumons n'avaient pas été insufflés ; toutefois, comme je remarquais des signes de congestion sanguine à la face, à la tête et dans la cavité du crâne, que la peau du sommet de la tête formait une tumeur œdémateuse considérable, et que le cor- don ombilical n'offrait aucune trace de flétrissure ni de dessiccation, j'ai mis plus de réserve dans ma conclusion ; l'enfant, ai je dit, a respiré, à moins qu'on ne prouve que ces poumons ont été insufflés ; mais comme la respiration a été faible , et que (tune autre part la tête a été le siège de désordres tels qu'on les observe chez les enfans qui périssent pendant le travail, et par suite de la longueur de ce travail, il serait possible que cet enfant fût mort au passage et après avoir respiré.....Il a été reconnu depuis de la manière la plus positive que l'enfant était mort-né, que les poumons n'avaient pas été insufflés, que la mère était primipare, et que le travail avait duré cinquante-et-une heures et avait été pénible ; donc ma conclusion était fondée. Cette observation, qui n'est pas la seule que j'aurais pu citer, me parait bien propre à faire sentir toute la force de l'objection deuxième , et à rendre cir- conspects les médecins qui seraient disposés à agir avec précipitation en matière d'infanticide. — 199 — est placée près de l'orifice de la matrice, de manière que l'air atmosphérique puisse y être introduit. Cette assertion, contre laquelle s'élèvent des médecins distingués, peut être particuliè- rement appuyée sur les faits suivans : 4° Béclard après avoir incisé l'utérus d'une femelle pleine, sans toucher aux membranes, a remarqué des mouvemens respiratoires très distincts, consistant dans l'ouverture des narines et dans l'élévation des parois du thorax ; ces mouvemens se répétaient à des intervalles assez régulièrement égaux, mais ils étaient lents (Dissertation inaugurale). 2° Une femme en- ceinte éprouva après les premiers mouvemens de l'enfant une perte d'eau, perte qui se renouvela de temps à autre, et fît craindre un avortement. Vers le huitième mois de la grossesse, elle fit une chute qui fut suivie d'un écoulement brusque et considérable d'eau. On mit la malade au lit, le foetus remua beaucoup ; mais au bout de quelques heures elle se sentit si bien, que sa famille se réunit dans sa chambre pour y souper. Au milieu du repas, les cris d'un enfant se font entendre sous la couverture, mais la sage-femme ne reconnaît rien qui indique un accouchement. Le docteur Zitterland, habitant de la maison, arrive assez à temps pour entendre très distinctement les cris de l'enfant contenu dans le sein maternel. Toutes les précautions sont prises pour éviter les illusions, et l'on constate qu'il n'existe dans la maison aucun animal dont les cris auraient pu induire en erreur. Cependant les cris entendus par M. Zitterland ne se reproduisent plus ; l'exploration apprit que l'accouchement n'était pas encore prêt à se faire ; seulement la portion vaginale du col de l'utérus était effacée. Deux jours après, la malade mit au monde un fœtus chétif, qui paraissait être venu au terme de huit mois solaires. 11 poussa quelques faibles cri* immédia- tement après sa naissance, tomba aussitôt dans un état d'asphyxie dont on ne parvint à le tirer qu'avec beaucoup de peine, et mourut une demi-heure après être venu au monde ( Nouvelle Bibliothèque médicale, juin 1823). 3° Le 40 octobre 4824, dit le docteur Henri, je fus prié par M. Jobert, docteur en médecine, de vouloir bien l'assister pour terminer un accou- chement chez une femme dont le bassin vicié offrait un obstacle à l'expul- sion naturelle du fœtus. En conséquence 'nous nous rendîmes chez ma- dame G***, rue de G..... : cette dame âgée d'environ 27 ans, d'une assez forte complexion, avait déjà eu deux grossesses qui ne furent point ame- nées à terme, le premier avortement ayant eu lieu à cinq mois de gestation. et le second à sept mois : ce dernier se termina après beaucoup de diffi- cultés. Lors "de notre arrivée, madame G*** éprouvait des douleurs assez vives, et les membranes étaient rompues depuis environ quarante-huit heures. Madame Paulin, sage-femme, était près d'elle, et nous assura que depuis trois jours qu'elle avait été appelée, la tête du fœtus n'avait pas varié de position. M. Jobert ayant déjà reconnu d'avance le vice de con- formation du bassin, m'engagea à vouloir bien m'en assurer moi-même. — 200 — Je trouvai la tête de l'enfant au-dessus du détroit abdominal, l'occiput tourné vers la fosse iliaque droite, et la face vers la fosse iliaque gauche, l'oreille droite appliquée sur l'angle sacro-vertébral et l'oreille gauche sur le pubis. Les pariétaux seuls s'étaient engagés à travers le détroit abdo- minal, et faisaient une légère saillie dans l'excavation du bassin : l'ouver- ture de l'utérus pouvait avoir 6 centim. de diamètre. La femme présentait ce double vice de conformation, qui consiste dans une saillie très forte de l'angle sacro-vertébral et un défaut de courbure du pubis, tel que le dia- mètre sacro-pubien du détroit abdominal était vicié de 3 centim., et le diamètre iliaque du même détroit agrandi d'autant. Nous pensâmes, M. Jo- bert et moi, qu'il fallait faire la version ; mais comme la tête ne paraissait pas très volumineuse, nous espérâmes pouvoir la dégager à l'aide du for- ceps; cet instrument fut appliqué. Au moment où M. le docteur Jobert faisait des tractions, le fœtus poussa des cris distincts à plusieurs reprises, pendant une douzaine de secondes, de manière à pouvoir être entendu de tous les assistans ; mais la tête restant enclavée, malgré les efforts exercés sur elle au moyen du forceps, on fut obligé de cesser cette manœuvre. Nous nous entretenions sur la nécessité de faire la version de l'enfant, lorsque de nouveauxcris aussi distincts quelesprécédenssefirententendre, cris qui ne purent avoir lieu qu'à l'aide de plusieurs inspirations. Enfin, lorsque j'introduisais la main pour aller chercher les pieds, au moment où elle glissait sur l'épaule gauche, le fœtus pour la troisième fois poussa des cris moins longs que les premiers, mais cependant assez forts pour être entendus de toutes les personnes présentes. L'accouchement se termina avec beaucoup de difficulté, et l'enfant ne respirait plus à sa sortie de l'u- térus ; mais comme les battemens du cœur étaient assez forts, nous es- sayâmes divers moyens pour le rappeler à la vie. et je lui insufflai de l'air dans les poumons. Nos tentatives furent infructueuses ; au bout de quel- ques minutes la circulation avait cessé (Dictionnaire de Médecine en 18 vol., art.Infanticide.) 4° Le docteur Kennedy, appelé auprès d'une femme en couches le 2 dé- cembre 1830, entendit très distinctement, à la distance d'environ 2 mètres du lit, un vagissement faible et sourd, semblable à celui d'un fœtus né à sept mois. Ce bruit devint plus manifeste à mesure qu'il s'approcha de cette femme ; il semblait évidemment provenir de l'abdomen de sa malade. Pour s'en assurer le docteur Kennedy appliqua le stéthoscope, et il put entendre non-seulement les cris, mais même la respiration laborieuse de l'enfant. Le toucher par le vagin fit reconnaître que la tête se présentait, mais qu'elle était encore élevée dans le bassin. Les parties n'étaient pas complètement dilatées, quoique les membranes fussent rompues et les eaux écoulées peu de temps auparavant. La femme ne fut délivrée que quatre heures après cette exploration, et pendant tout ce temps les élèves purent constater ce fait, remarquable ( Observations on obstetric ausculta- tion, by E. Kennedy, Dublin.) — 201 — Ces observations ne me paraissent ni assez nombreuses ni as- sez concluantes pour établir d'une manière incontestable l'exis- tence des vagissemens utérins ; il aurait fallu, par exemple, comme l'a judicieusement fait remarquer M. Gimelle, dans un rapport lu à l'Académie de médecine, s'assurer dans ces diffé- rens cas, que l'air avait réellement pénétré dans le poumon : toutefois je pense que rien n'autorise, dans l'état actuel de la science, à nier la possibilité des vagissemens utérins, dans les circonstances mentionnées par Osiander {Voyez p. 199). Schmitt, Baudelocque et plusieurs autres accoucheurs, admet- tent encore qu'un enfant peut respirer lorsque toutes les parties sont sorties excepté la tête, et que pour la dégager on est obligé d'introduire la main ; l'air atmosphérique pénètre alors par le vagin jusqu'aux poumons. L'observation démontre, en effet, que dans quelques cas de ce genre où l'enfant avait été extrait par la version, ses poumons nageaient sur l'eau, quoiqu'il fût mort pen- dant l'opération. Mahon suppose en outre le cas où le cordon ombilical s'entortille autour du col, pendant que l'enfant estbal- lotlé dans l'utérus, en sorte qu'il en résulte une apoplexie mor- telle, accompagnée de tous les signes d'engorgement : l'enfant peut respirer en franchissant le vagin et périr avant d'être né. Objection troisième. Le nouveau-né peut avoir respiré et ses poumons ne pas nager. Quelque étrange que paraisse cette proposition, elle est parfaitement exacte; en effet, on observe souvent que les poumons sont plus pesans que l'eau chez les en- fans qui naissent dans un grand état de faiblesse, chez ceux dont les poumons s'hépatisent quelque temps après la nais- sance, chez ceux qui étaient atteints de pneumonie avant de naître; enfin chez ceux qui offrent une congestion pulmonaire sans inflammation. Les causes de la submersion des poumons dans les cas de faiblesse de naissance, consistent en ce que la dilatation des vésicules bronchiques est nulle ou trop incom- plète pour permettre à l'air d'y pénétrer; celui-ci s'arrête dans la trachée-artère et dans les premières ramifications des bronches. Pour ce qui concerne la pneumonie et la congestion pulmonaire sans inflammation, l'air peut ne pas avoir pénétré - 202 — jusqu'aux vésicules bronchiques, et s'il y est parvenu, il peut en avoir été expulsé en totalité ou en partie. Faiblesse de naissance. Les exemples de nouveau-nés qui avaient respiré, et dont les poumons étaient plus lourds que l'eau, sont assez communs surtout chez les fœtus no/i à terme. Voici ce que l'observation démontre à cet égard : si le fœtus est au moins âgé de sept mois, les poumons peuvent bien se précipiter au fond de l'eau, lorsqu'on les place entiers sur ce liquide; mais il arrive assez souvent que si on les divise en plusieurs tranches, quelques-uns des [fragmens surnagent. Si le fœtus n'est âgé que de cinq ou .six mois, il peut se faire qu'aucun des fragmens pul- monaires ne reste à la surface du liquide. Madame S*** accouche le 25 février 1806 , d'un enfant à terme , qui meurt le 4er mars à deux heures du matin, sans avoir tété, et ayant eu la respiration peu aisée. En examinant le cadavre, on voit que le thorax, au lieu d'être voûté, est tout plat ; le cœur est à découvert, la convexité du diaphragme très saillante en haut ; les poumons , nullement développés , sont ramassés de chaque côté de la colonne vertébrale ; leur couleur est d'un brun foncé, excepté le gauche, qui offre une traînée d'environ 6 cen- timètres de long sur 2 centimètres de large, d'un rouge pâle ; le lobe infé- rieur droit est très enfoncé dans l'abdomen : placés sur l'eau, seuls ou unis au cœur, ils se précipitent; cependant la traînée , d'un rouge pâle, a une tendance différente, les vaisseaux qui se rendent à cet organe sont vides et contractés sur eux-mêmes ; le trou interoriculaire et le canal artériel sont ouverts ; l'insufflation développe très bien les poumons, ce qui prouve qu'il n'y a point de vice organique. Tous les viscères abdominaux sont dans l'état naturel ; il y a un peu de meconium dans le gros intestin ; la vessie est vide parce que l'enfant avait évacué ; les vaisseaux sanguins du bas- ventre sont remplis de sang ( Schenkius, Bibl. médicale, année 4810.) Trois enfans jumeaux, nés à trois heures, dans la nuit du 21 octobre 1826, sont apportés aussitôt à l'hospice des Enfans-Trouvég de Paris : l'un a 40 centimètres, l'autre 37, l'autre 34. Malgré la petitesse de leur taille et la forme grêle de leurs membres et de leur corps, on peut juger , d'après la consistance cornée des ongles, la longueur de leurs cheveux, etc., que ces enfans sont venus à-peu-près à terme. Le plus petit d'entre eux, du sexe féminin, est remarquable par la lenteur des mouvemens, l'état d'af- faiblissement dans lequel il se trouve, et la nature particulière de son cri, qui ne consiste qu'en un hoquet pénible et étouffé ; il est aisé de s'assurer que la reprise seule se fait entendre et qu'elle est entrecoupée, aiguë et pénible (1). La poitrine s'élève et s'abaisse assez régulièrement, mais elle (1) Il est facile de reconnaître deux parties distinctes dans le cri de l'enfant : — 203 — rend dans toute son étendue un son mat à la percussion, et l'application du stéthoscope ne fait nullement entendre la respiration. Le pouls est d'une petitesse extrême; on ne peut le sentir au bras ; mais à l'aide du stéthos- cope, on compte 50 battemens de cœur par minute. On fait boire à l'en- fant quelques cuillerées d'eau sucrée, on le tient chaudement, on fait sur les parois de la poitrine quelques frictions sèches. Malgré ces soins, l'en- fant meurt à 41 heures du matin, huit heures après sa naissance. L'ou- verture du cadavre est faite le lendemain à huit heures du matin. Le cordon ombilical est très mou. On lie la trachée-artère au-dessous du larynx ; les poumons et le cœur sont plongés ensuite dans un vase conte- nant de l'eau ; ils se précipitent rapidement au fond : les deux poumons, détachés séparément, s'y précipitent également ; cependant leur tissu n'est pas engorgé ; le droit seulement offre à son bord postérieur une légère congestion sanguine ; chaque lobe des deux poumons est séparé et plongé dans l'eau ; ils se précipitent tous avec une égale vitesse ; on les coupe en plusieurs fragmens, et ces fragmens sont mis en un véritable hachis et plon- gés ensuite dans le liquide ; toutes ces parcelles pulmonaires tombent au fond du vase aussi précipitamment que si c'eût été des fragmens de rate ou de foie. Le cœur et les plus gros vaisseaux sont gorgés de sang ; les ouvertures fœtales sont encore parfaitement libres. Cinq enfans périssent peu de temps après leur naissance ; sur deux d'entre eux qui ont vécu un jour entier, le bord antérieur des poumons était seulement crépitant dans une très petite étendue : le reste était flasque, non vésiculeux et plus pesant que l'eau. Chez les trois autres qui ont vécu 4, 6 et 40 heures, on ne trouve point d'air dans le tissu des pou- mons, qui, coupés par fragmens, assez gros il est vrai, se précipitent au fond de Veau; le cri était étouffé chez deux d'entre eux, et l'on n'enten- dait que la reprise (V. la note de la page 203). Deux de ces enfans étaient évidemment à terme et se trouvaient affectés d'endurcissement du tissu cellulaire ; le cœur et les gros vaisseaux étaient gorgés de sang ; les ouvertures fœtales étaient encore libres ; enfin le tissu cellulaire des 1° le cri proprement dit, très sonore et très prolongé, se fait entendre pendant l'expiration, cesse et commence avec elle et résulte de l'expulsion de l'air à travers la glotte ; il suppose que l'air a pénétré dans les poumons, et par conséquent que la respiration a été complète ; 2° un bruit plus court, plus aigu, quelquefois moins perceptible que le cri, variant depuis le bruit d'un vent de soufflet jusqu'au chant aigu d'un jeune coq, et qui est le résultat de l'inspiration ; c'est une sorte de reprise entre le cri qui vient de finir et celui qui va commencer. L'enfant dans les pou- mons duquel l'air ne pénètre pas, mais dont il se bornera à traverser la glotte pen- dant l'inspiration ne jettera aucun cri, il ne fera entendre que la reprise, qui, pour l'ordinaire, sera entrecoupée, aiguë, et par momens étouffée ; et si après sa mort on examine les poumons, on verra qu'il n'est pas entré une quantité d'air appréciable. Le médecin chargé de faire un rapport sur la viabilité ne saurait trop s'attacher à distinguer ces deux sortes de cris (Billard ). — 204 — membres était considérablement infiltré d'une sérosité très jaune. Chez tous, la poitrine rendait un son mat dans tous les points de son étendue, et l'on ne pouvait entendre au stéthoscope le bruit de la respiration. Chez tous, la circulation était très lente, et les tégumens un peu froids ; enfin ils offraient tous les caractères de l'état des nouveau-nés qu'on désigne ordinairement sous le nom de faiblesse de naissance. Hépatisation des poumons survenue après l'établisse- ment de la respiration. Mancille, âgé de 14 jours, d'une forte constitution, vomit depuis deux jours le lait de sa nourrice, et se trouve pris en même temps d'une diar- rhée abondante; le ventre est légèrement tendu. La percussion rend un son clair dans tous les points de la poitrine ; le stéthoscope indique que l'air pénètre librement dans les deux poumons. Le 1er février les symptô- mes changent, la diarrhée cesse, les vomissemens continuent ; la respira- tion est courte, le cri étouffé et pénible ; un cercle violacé environne la bouche : la figure se grippe par momens. Le côté droit de la poitrine rend un son mat à la percussion, et l'on entend à peine, à l'aide du stéthos- cope , l'air pénétrer dans le tissu du poumon droit. L'enfant succombe le 9 février. Parmi les lésions observées à l'ouverture du cadavre, je no- terai seulement celles qui se rapportent à l'objet dont je m'occupe. Le poumon gauche est sain et très crépitant; le droit est hépatisé dans toute son étendue, et cependant sans accumulation de sang dans son tissu ; il tombe rapidement au fond de l'eau, et ses fragmens les plus petits ne flottent pas à la surface du liquide. Le trou interoriculaire est oblitéré. Le cœur est assez plein de sang. Le canal artériel est encore ouvert. Les ar- tères pulmonaires sont gorgées de sang. Ce que j'ai vu chez un enfant de IU jours, dit Billard , à qui j'ai emprunté ce fait, peut être constaté chez un enfant qui meurt quelques heures ou quelques jours après la naissance ; le sang prend la place de l'air dans les cellules pulmonaires et fait perdre à l'organe sa texture cellulaire. Je ferai observer toutefois que, dans la plupart des cas, les poumons ne sont pas assez com- plètement hépatisés, pour qu'aucune partie de leur tissu ne re- cèle plus d'air ; la mort arrive ordinairement avant que l'air soit totalement expulsé de ces organes. Pneumonie développée chez l'enfant pendant son séjour dans l'utérus. Lorcher, garçon, âgé d'un jour, d'une faible constitution, est déposé à la crèche le 27 janvier 1826 ; il y reste languissant jusqu'à sa mort, qui a lieu le 30 janvier. Pendant ces quatre jours ses tégumens sont pâles, ses - 205 — traits tirés, ses membres grêles, sa respiration lente et difficile ; on entend un cri pénible. Ouverture du cadavre. Le poumon gauche est crépitant et peu gorgé de sang ; le droit est hépatisé dans la plus grande partie de son étendue ; il existe à sa base un point plus gros qu'une forte noix où le tissu du poumon est réduit en une bouillie rougeatre et pultacée ; aucun des fragmens hépatisés ne surnage lorsqu'on le met dans l'eau. Les bron- ches qui s'y rendent sont épaisses, rouges et renferment des mucosités puriformes, très collantes et mêlées de stries de sang. Le cœur est gorgé de sang ; le canal artériel est libre ; le trou interoriculaire commence à s'oblitérer. — Une désorganisation aussi avancée du poumon est évidem- ment la suite d'une pneumonie déjà développée avant la naissance. L'état de marasme et la faiblesse de l'enfant, la difficulté de la respiration dès les premiers jours de la vie, sont les preuves et les résultats de cette pneumo- nie congéniale (Billard). Congestion pulmonaire sans inflammation. Certains en- fans offrent dans tous les organes une turgescence sanguine si considérable, que le sang est exhalé de toutes parts, et reste stagnant dans les parties même les moins déclives ; c'est ce qu'on observe particulièrement dans les poumons, le cœur et le foie. L es premiers de ces organes ne peuvent plus alors recevoir l'air que l'enfant inspire. En général, les membres sont œdémateux, les tégumens violacés, les mouvemens lents et pénibles, le cri étouffé; la reprise {V. la note de la page 203) toujours aiguë et entrecoupée ne se fait entendre que par momens ; les batte- mens du cœur sont obscurs, le pouls imperceptible, la tempéra- ture de la peau presque toujours basse; l'enfant, plongé dans un état d'affaissement et d'engourdissement général, offre en outre le plus souvent cet état que l'on désigne vulgairement sous le nom d'endurcissement du tissu cellulaire. Après avoir langui pendant quelques heures ou quelques jours, ces enfans succom- bent, et on trouve à peine quelque peu d'air au bord antérieur des poumons , dont la surface est le plus ordinairement emphy- sémateuse. La mort semble avoir lieu par asphyxie. Il ne sera pas inutile de noter que ces enfans offrent souvent des épanche- mens de sang dans le tissu cellulaire sous-cutané des membres et du tronc , que l'on serait quelquefois tenté d'attribuer à des violences exercées dans le but de détruire la vie. Le fait suivant, recueilli par Billard, vient à l'appui de ce qui précède : Delarue, fille âgée de 3 jours, est déposée à la crèche le 27 mars 1820, — 206 — et y meurt sans avoir été observée, le 29 du même mois. Ouverture du cadavre faite le lendemain. Enfant volumineux, ictère général, membres œdémateux ; la face, le tronc et les membres sont couverts de pétechies violacées, plus ou moins larges, qui donnent au corps un aspect chamarré ou tigré; la plus grande d'entre elles a le diamètre d'une lentille. L'esto- mac est rempli d'une assez grande quantité de sang visqueux et noir ; sa surface, ainsi que celle du jéjunum, sont parsemées de pétechies rouges, très petites, visibles seulement à l'intérieur de l'organe. On trouve dans le canal intestinal des épanchemens de sang répandus çà et là en nappe : la membrane muqueuse offre dans les points correspondans à ces épanche- mens des ecchymoses pétéchiales semblables à celles de l'estomac; à la lin de l'iléon, le sang est plus noir et plus diffluent ; le gros intestin est le siège d'une éruption folliculaire très prononcée. Le foie, qui a le double de son volume ordinaire, est plein de sang ; son tissu est ferme ; il se coupe nettement et se laisse difficilement déchirer. La rate, extrêmement volu- mineuse, est très gorgée de sang. Le cœur, d'un volume aussi très con- sidérable, est gorgé de sang ; une sérosité jaunâtre est infiltrée à sa sur- face , qui est couverte de nombreuses pétechies semblables à celles des tégumens externes. On en remarque également à la surface de la plèvre. Les ouvertures fœtales sont encore libres. Les poumons sont gorgés de sang. Les reins et la vessie présentent aussi de nombreuses ecchymoses. On trouve dans le tissu cellulaire des membres et des tégumens de l'abdo- men de larges ecchymoses ; le sang qui les forme est infiltré et coagulé dans le tissu cellulaire; la peau, au niveau de ces endroits ecchymoses, offre une teinte violacée qu'on pourrait aisément prendre pour des meur- trissures. Quoi qu'il en soit, il est possible de rendre à certains pou- mons d'enfans qui ont respiré et qui sont plus lourds que l'eau, la faculté de surnager ; il suffit de les exprimer dans ce liquide pour en chasser le sang. A cette occasion, M. Devergie prétend que j'ai conclu le contraire de ce qui découle des observations relatées ci-dessus. Il aurait parfaitement raison, s'il eût compris la phrase qui commence par ces mots : « Quoi qu'il en soit, etc. » Évidemment ce mot, quoi qu'il en soit, a été placé là, pour in- diquer que dans certains cas les choses peuvent se passer autre- ment que dans les observations qui précèdent. Je terminerai tout ce qui se rapporte à cette dernière objec- tion par une remarque importante , c'est que dans beau- coup de circonstances, des poumons gorgés d'une grande quan- tité de sang, loin de se précipiter, restent à la surface de l'eau — 207 — Objection OjùATRiÊitfE. En supposant même que l'on ait prouvé que le fœtus n'a pas respiré, il ne s'ensuit pas qu'il riait pas vécu. En effet, un enfant peut naître enfermé dans ses membranes, et rester pendant quelque temps dans cette position sans respirer ; il peut être submergé dans l'eau immédiatement après sa naissance ; sa faiblesse peut être telle, comme on le voit dans l'asphyxie des riouveau-nés, qu'il ne donne aucun signe de vie pendant plusieurs heures ; le défaut de respiration peut en- core tenir à ce que la langue est collée ou adhérente au palais, à ce que le thymus trop volumineux s'oppose à la dilatation du poumon, à ce que le diaphragme est le siège d'une ou plusieurs tumeurs ; enfin, à ce que les voies aériennes sont obstruées par des mucosités, par l'eau de l'amnios, etc. Dans tous ces cas, le fœtus vit sans respirer, en sorte que s'il vient à périr parce qu'il manque de secours ou par toute autre cause, et que l'on compare le poids des poumons à celui de l'eau, on verra qu'ils se précipitent au fond du liquide. Cette objection a d'autant plus de force, que l'observation démontre que les fœtus de plusieurs mammifères qui n'ont pas encore respiré ou qui n'ont respiré que très peu, résistent beaucoup mieux aux causes de suffoca- tion, que ceux qui ont déjà respiré pendant un certain temps (1). (1) On ne peut pas, faute d'expériences directes, préciser le temps pendant le- quel un enfant nouveau-né, à terme, plongé dans l'eau, peut vivre sans respirer, mais on peut déterminer la durée dé sa vie d'une manière approximative; par ana- logie. Legallois a prouvé que les chiens, les chats et les lapins nouveau-nés, vivaient vingt-huit minutes dans l'eau ; lorsqu'ils étaient plongés dans ce liquide cinq jours après la naissance, ils ne vivaient que seize minutes ; s'ils étaient déjà âgés de dix jours quand on les plaçait dans ce milieu, ils ne vivaient que cinq minutes et de- mie ; enfin, à l'âge de quinze jours, ils avaient atteint la limite que les animaux à sang chaud, adultes , ne peuvent guère dépasser, lorsqu'ils sont soustraits à l'ac- tion de l'air. Le cochon d'Inde qui vient de naître, au contraire, ne peut vivre lorsqu'on l'asphyxie dans l'eau, que trois ou quatre minutes de plus que l'adulte. Frappé de la différence que présente la durée de la vie de ces animaux plongés dans l'eau, le docteur Edwards en a cherché la cause, et il a vu que les mammi- fères qui, à leur naissance, produisent assez peu de chaleur pour ne pas avoir, pour ainsi dire, de température propre, vivent beaucoup plus long-temps dans l'eau que ceux qui en développent assez pour conserver une température élevée , lorsque l'air n'est pas trop froid. Le caractère extérieur qui sert à rapporter une espèce à l'un ou à l'autre de ces groupes consiste dans l'état des yeux qui sont ouverts ou fermés à la naissance ; or, l'enfant naît les yeux ouverts, et l'on sait qu'il appartient au groupe de ceux qui produisent le plus de chaleur ; il vivra donc moins de temps — 208 — Il est évident, d'après cela, qu'une femme accusée du crime d'infanticide, pourrait arguer de ce que l'enfant n'a pas respiré, qu'il n'a point vécu et qu'elle n'est point coupable. Lorsque je m'occuperai de déterminer si la mort d'un enfant est naturelle, ou si elle peut être attribuée à quelque violence , j'indiquerai avec soin ce qu'il faudrait faire en pareille occurrence. On a encore objecté que le fœtus pouvait avoir respiré et n'avoir pas vécu, puisqu'on a vu les poumons surnager chez un fœtus à terme, hydrocéphale et mort-né. Cette objection mérite peu d'attention, non-seulement parce qu'il n'est pas prouvé que le fœtus dont il s'agit n'ait pas vécu , mais encore parce qu'en supposant que le fait rapporté par le docteur Bénédict fût vrai et constant, il s'ensuivrait tout au plus que l'expérience hydrosta- tique n'est d'aucune utilité lorsqu'elle est appliquée à des indivi- dus atteints d'hydrocéphalie , résultat sur lequel on est d'accord depuis long-temps. Examen du cœur, du canal artériel, du canal veineux et du cordon ombilical. Le trou interoriculaire (de Botal) existe toujours chez un fœtus à terme qui n'a pas respiré ; et quoique moins apparent qu'à une époque plus rapprochée de la conception, il n'en est pas moins visible. Le canal artériel, les vaisseaux ombilicaux et le canal veineux ne sont pas oblitérés tant que la respiration n'a pas eu lieu. On observe le contraire, excepté dans des cas excessivement rares, lorsqu'on examine ces parties chez des enfans qui ont respiré pendant un certain temps : je dis pendant un certain temps , car il est évident que l'occlusion du trou interoriculaire , et l'oblitération des canaux artériel et veineux , n'ont lieu , le plus souvent, que quelques jours après que la respiration s'est établie. Ces faits importans, appuyés sur des observations de plusieurs auteurs, se trouvent confirmés par les recherches de Billard. Enfans d'un jour. Sur dix-huit enfans d'un jour, dit-il, il y en a qua- que les animaux qui sont dans les conditions opposées. « Ce n'est qu'approximati- vement que nous pouvons juger de cette durée, dit le docteur Edwards ; dans les expériences que j'ai faites sur les jeunes mammifères qui naissent les yeux ouverts, elle a été de cinq à onze minutes. » ( De l'influence des agensphysique sur la vie, 1 vol. in-8, page 265. ) — 209 — torze chez lesquels le trou Botal était complètement ouvert • deux chez lesquels il commençait à s'oblitérer, et sur deux autres, enfin, il était tout- à-fait fermé, et il n'y passait plus de sang. Parmi ces mêmes enfans, le canal artériel était libre et plein de sang sur treize; il commençait à s'o- blitérer chez quatre, et chez le dernier il était complètement oblitéré; cet enfant était un de ceux chez lesquels il y avait une occlusion complète du trou Botal. Les artères ombilicales étaient toutes libres près de leurs inser- tions aux artères iliaques ; leur calibre était rétréci par l'effet de l'épaissis- sement remarquable de leurs parois. Chez tous ces enfans, la veine ombi- licale et le canal veineux étaient libres; celui-ci se trouvait le plus ordinairement gorgé de sang. Enfans de deux jours. Sur vingt-deux enfans de deux jours, il y en avait quinze dont le trou interoriculaire était très libre ; chez trois il était presque oblitéré, et chez les quatre autres il était entièrement fermé. Sur treize de ces enfans, le canal artériel était encore libre ; chez six autres il commençait à s'oblitérer ; chez les trois derniers il était complètement oblitéré. Chez tous, les artères ombilicales étaient oblitérées dans une étendue plus ou moins grande. La veine ombilicale et le canal veineux, quoique vides et aplatis, se laissaient cependant pénétrer par un stylet assez gros. Enfans de trois jours. Sur vingt-deux enfans de trois jours, quatorze ont offert le trou Botal encore libre ; chez cinq il commençait à s'oblitérer, et il l'était complètement chez les trois autres. Le canal artériel était également libre chez quinze enfans ; il commençait à s'oblitérer chez cinq, i;t l'oblitération était complète chez deux seulement. Ces deux sujets pré- sentaient en même temps une oblitération du trou interoriculaire. Les vaisseaux ombilicaux et le canal veineux étaient vides et même oblitérés sur tous ces sujets. Enfans de quatre jours. Sur vingt-sept enfans de quatre jours, dix-sept offraient le trou Botal encore ouvert, et chez six d'entre eux cette ouver- ture était très longue et distendue par une grande quantité de sang. Sur dix autres, l'oblitération était commencée chez huit et complète chez deux. Le canal artériel était encore ouvert chez dix-sept de ces enfans ; il com- mençait à s'oblitérer, et même n'offrait plus qu'un pertuis fort étroit chez sept d'entre eux ; enfin l'oblitération était complète chez les trois autres. Les artères ombilicales étaient chez presque tous oblitérées près de l'om- bilic , mais susceptibles de se dilater encore, près de leur insertion aux iliaques. La veine ombilicale et le canal veineux complètement vides se trouvaient considérablement rétrécis. Enfans de cinq jours. Sur vingt-neuf enfans de cet âge, treize avaient le trou Botal encore ouvert, mais l'ouverture n'existait pas au même degré chez tous; elle était assez grande sur quatre, et chez les neuf autres, son diamètre était médiocre : l'oblitération de ce trou était complète chez six de ces enfans, et presque complète sur les dix autres. Le canal artériel a été II. « — 210 — trouvé ouvert quinze fois, il était même largement ouvert dix fois, tandis que l'oblitération était très avancée sur les cinq autres sujets. Sept de ces enfans offrirent une oblitération complète de ce canal qui n'était que presque complètement oblitéré chez les sept autres. Les vaisseaux ombi- licaux étaient oblitérés chez tous les sujets. Enfans de huit jours. Sur vingt enfans de cet âge, le trou interoriculaire était complètement fermé onze fois, incomplètement fermé quatre fois, et libre cinq fois. Sur ces vingt enfans, il y en avait trois dont le canal arté- riel n'était pas encore oblitéré, six chez lesquels il était presque oblitéré, et onze chez lesquelles cette oblitération était complète. Les vaisseaux ombilicaux étaient oblitérés chez quinze de ces enfans ; on ne les examina pas chez les cinq autres. Enfans plus âgés. Chez la plupart d'entre eux, les ouvertures fœtales dont je viens de parler sont oblitérées ; cependant on peut trouver le trou Botal et le canal artériel ouverts à douze ou quinze jours et même à trois semaines, sans que l'enfant en éprouve, pendant la vie, des accidens particuliers (1). Ces observations permettent de conclure, 1° que les ouvertures fœtales sont libres au moment de la naissance ; 2° qu'elles s'obli- tèrent à une époque variable après l'accouchement ; 3° que le plus ordinairement elles sont oblitérées vers le huitième ou le dixième jour; U° que les artères ombilicales s'oblitèrent d'abord, puis la veine de ce nom, le canal artériel et enfin le trou Botal (2) ; 5° que leur oblitération annonce que le fœtus est né vivant ; 6° qu'il est impossible de conclure de ce qu'elles ne sont pas obli- térées, que l'enfant n'a pas respiré, puisque j'ai prouvé que l'o- blitération était loin de se faire immédiatement après la nais- sance. (1) Les différences relatives à l'époque à laquelle arrive l'oblitération des vais- seaux ombilicaux et du canal artériel, tiennent à la rapidité avec laquelle marche le travail qui doit amener cette oblitération. Ce travail consiste, pour les artères ombilicales et pour le canal artériel, en un épaississement graduel de leurs parois,- en une sorte d'hypertrophie concentrique, qui, sans diminuer en apparence la grosseur des vaisseaux, en diminue cependant le calibre ; on pourrait alors les comparer à un tuyau de pipe dont la cassure est fort épaisse, et ne présente à son centre qu'un pertuis d'un médiocre calibre. L'oblitération de la veine ombilicale et du canal veineux est au contraire le résultat de l'affaissement et du rapprochement des parois de ces vaisseaux qui tendent à devenir contiguës, dès que ces vaisseaux ne reçoivent plus de sang. (2) Il n'est pas sans importance de savoir que parmi les enfans qui ont été l'objet de ces recherches, il y en avait un très grand nombre chez lesquels la respiration avait été parfaitement établie. — 241 — Opinion du docteur Bernt, relativement aux change- mens qu'éprouvent le trou Botal et le canal artériel après la naissance. La disposition du trou interoriculaire, dit ce médecin, est tout autre chez le fœtus mort-né, et chez l'enfant qui a res- piré après l'accouchement : dans le premier cas, elle est exacte- ment située au centre de la fosse ovale , mais aussitôt que le nouveau-né a respiré, elle se tourne du côté droit; en quelques semaines, elle s'élève très haut, et dans l'âge adulte on a trouvé qu'elle était placée au sommet de la fosse ovale. En d'autres ter- mes, dès l'instant que la respiration commence, l'orifice du trou de Botal marche progressivement de bas en haut, et de gauche à droite, et son degré d'avancement devient un indice de l'exis- tence et de la durée de l'acte respiratoire. Le canal artériel est cylindrique chez les fœtus mort-nés, même à terme ; il a à-peu-près 15 millimètres de longueur ; son diamètre est le même que celui du tronc de l'artère pulmo- naire, et surpasse du double la capacité de chacune des branches de ce vaisseau qui ont la grosseur d'une plume de corbeau. Si le nouveau-né a respiré pendant quelques instans, ce canal perd sa figure cylindrique et prend celle d'un cône tronqué, dont la base est au cœur et le sommet à l'aorte descendante, quoique ce- pendant on puisse observer le contraire. Si la vie a duré plusieurs heures ou un jour, il devient de nouveau cylindrique et diminue de longueur et de largeur, il n'a plus que le diamètre du tuyau d'une plume d'oie ; il est par conséquent plus petit que le tronc de l'artère pulmonaire et tout au plus égal à chacune des bran- ches de ce vaisseau. Si la vie a duré plusieurs jours ou une se- maine, le canal artériel, déjà plissé, n'a plus que quelques lignes de largeur, son diamètre est celui d'une plume de corbeau, tan- dis que celui des branches de l'artère pulmonaire est au moins égal à celui d'une plume d'oie (Bernt, préface de la dissertation inaugurale d'Eisenstein, Vienne, 1824). M. Bernt conclut de ces observations, que le trou interoricu- laire et le canal artériel offrant des différences chez les fœtus mort-nés et chez les enfans qui ont respiré, on pourra tirer parti des divers états dans lesquels on les trouve pour savoir si l'enfant a vécu ou non après la naissance ; il désigne l'ensemble des re- 14. — 212 — cherches dont il s'agit sous le nom de docimasie de la circu- lation. J'ai cherché à vérifier les observations du docteur Bernt, et je ne puis êlre de son avis. Les faits suivans motivent mon opi- nion. l°Le 5 avril 1827, j'ai ouvert le cadavre d'un fœtus à terme, mâle , mort-né ; lecanal artériel offrait à peine la moitié de la largeur du tronc de l'artère pulmonaire ; il était cylindrique, long de 1o millim., égal ou un peu plus large seulement que chacune des branches de cette artère. 2° Le 18 avril, j'ai trouvé sur le cadavre d'un fœtus mâle, âgé de huit mois, mort-né, le canal artériel cylindrique à-peu-près large comme la moitié du tronc de l'artère pulmonaire, plus volumineux que la branche droite, et beaucoup plus que la branche gauche do ce vaisseau. 3° Le 20 avril, j'ai examiné le cadavre d'une fille à terme, qui avait vécu cinq heures ; le canal artériel, loin d'être Cylindrique, était dilaté à sa partie moyenne et plus large à son extrémité aortique que du côté du cœur; il était long de 10 millim.. et beaucoup moins volumineux; le tronc de l'artère pulmonaire, était sensiblement plus volumineux que la branche gauche de celte artère, tandis que la partie la plus large égalait à peine la branche droite de ce vaisseau. 4e Urî enfant femelle à terme , âgé de dix-neuf jours fut ouvert le 25 avril; lecanal artériel, long seuleinentde6 millim., était cylindrique,d'une largeur trois fois moindre que celle du tronc de l'artère pulmonaire, un peu moins considérable que la branche droite, mais beaucoup plus large que la branche gauche de cette artère. 5° Sur quatre enfans mâles, à terme, dont deux étaient mort-nés, j'ai pu constater que le canal artériel était, à peu de chose près, comme l'indique le docteur Bernt. Or, il serait difficile de ne pas regarder ce caractère autre- ment que comme fort secondaire, dès qu'il a manqué quatre fois sur huit. Je puis ajouter aujourd'hui que rien n'est plus facile que de commettre des erreurs en cherchant à apprécier la forme du ca- nal artériel. Lorsqu'on écarte le poumon gauche qui le recouvre ou tiraille plus ou moins l'artère pulmonaire gauche, et selon le degré de traction on donne à la partie inférieure du canal artériel une forme plus ou moins évasée. Celle forme est encore modifiée selon que le cœur est porté plus ou moins en bas, et qu'il tiraille par conséquent plus ou moins dans ce sens le canal artériel. — 213 — Des injections ont été faites dans ce canal, par le sommet du cœur, el après que la matière a été figée, je n'ai point remarqué de différence sensible dans la forme du canal artériel chez des fœtus, qui étaient mort-nés et chez d'autres qui avaient respiré pendant quelque temps. En raison de l'instabilité des résultats et des causes d'erreur que je viens de signaler, je persiste donc dans l'opinion que j'ai déjà émise. Pour ce qui concerne les changemens de situation du trou interoriculaire, annoncés par le docteur Bernt, je crois, après avoir cherché à les vérifier, qu'ils ne s'opèrent pas avec assez de rapidité pour constituer un caractère delà vie extra-utérine ; d'ailleurs en admettant qu'il en fût ainsi, il faudrait pour les con- stater une habitude des dissections des nouveau-nés, que n'ont pas la plupart des médecins. Le cordon ombilical éprouve des changemens notables après la naissance {Voy. p. 78 du t. 1er)- Examen du diaphragme. Avant la respiration, la face infé- rieure du diaphragme est beaucoup plus convexe qu'après, parce que le thorax se dilate dans tous les sens, et surtout de bas en haut, à mesure que l'enfant respire, et que nécessairement le muscle dont je parle doit se trouver refoulé vers l'abdomen. Mais est-il permis de juger d'après le degré de convexité et de refou- lement du diaphragme, que la respiration a eu lieu? Non, car l'insufflation des poumons, si elle est complète, détermine un re- foulement analogue; toutefois je reconnais que si l'on est par- venu à savoir que les poumons n'ont pas été insufflés, lesmoyens proposés par Ploucquet ne seront pas sans utilité. Cet auteur a imaginé d'abord de vider l'abdomen du fœtus, et de voir, à l'aide d'un fil à plomb que l'on ferait partir du sternum, à quelle côte correspond le sommet du centre aponévrotique du diaphragme chez les fœtus mort-nés, et chez ceux qui ont respiré. Si l'on fixait par des recherches convenables les différens points dont je parle, et s'il était possible de les rapporter à des termes con- slans, nul doute que ce caractère ne fût de quelque valeur. D'une autre part, Ploucquet voulait que l'on déterminât, en poussant le diaphragme de bas en haut, s'il ne serait point susceptible d'être — 214 — refoulé vers le thorax: s'il l'était, on pourrait soupçonner qu'il avait déjà été refoulé en sens contraire, et par conséquent que le fœtus avait respiré. Examen de la vessie et des intestins. On ne peut pas dis- convenir que dans la plupart des cas le refoulement en bas du diaphragme ne sollicite les contractions de la vessie et des in- testins qui laissent échapper de l'urine et du meconium ; mais il s'en faut de beaucoup que le défaut d'évacuation de ces matières prouve que l'enfant n'a pas respiré, une foule de causes pouvant s'opposer à leur excrétion. D'une autre part, il peut arriver que la sortie de ces matières ait lieu avant que l'enfant ait respiré, puisqu'elle a été observée avant la naissance. Examen du foie. On lit dans le Dictionnaire de médecine, en 18 volumes (article Infanticide, p. 167, mai 1825), que le docteur Bernt vient d'indiquer, comme un caractère infaillible de la respiration , le dégorgement sanguin considérable et ra- pide que le foie éprouve par l'effet de la respiration; ce dégor- gement diminue tellement le poids de ce viscère, que ses rap- ports de pesanteur avec le corps en lier donnent chez le fœtus qui a respiré des proportions si différentes de celles que l'on ob- tient en agissant sur des fœtus mort-nés, qu'elles ne peuvent ja- mais induire en erreur. J'ai été d'autant plus surpris de cet énoncé, que les recherches des docteurs Eisenstein et Zébisch, publiées sous la présidence du docteur Bernt, en 1824 et en 1825, par conséquent à-peu-près à l'époque où l'auteur de l'article du Dictionnaire a pu avoir connaissance du nouveau caractère, ne font aucunement mention des avantages de cette nouvelle mé- thode ; loin de là, on y trouve des faits qui démontrent jusqu'à l'évidence qu'elle ne peut être d'aucune utilité. Le tableau sui- vant mettra cette vérité hors de doute. Il comprend vingt-deux enfans à terme, et il est extrait des observations 25, 26, 31, 32, 33, 37, 38, 41, 44, 45, 46, 47 et 50 de la dissertation du docteur Eisenstein, et des observations 57, 58, 59, 60, 62, 63, 70, 71 et 74 de la thèse du docteur Zébisch. — 215 — MORT AVANT OU APRÈS -LA NAISSANCE. POIDS DU CORPS. POIDS DU FOIE. RAPPORT entre le poids du corps et du foie. Mort-né. Mort-né. Mort-né. Mort-né. Mort-né. Mort-né. Ayant à peine respiré. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Ayant respiré plus com-plètement. Idem. Ayant respiré parfaite-ment. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. liv. ouc. «ros. 4 0 70 4 2 46 5 1 15' 4 3 48 6 0 60 5 5 70 4 0 11 4 6 24 5 6 18 3 1 52 3 6 18 5 0 2 4 2 34 4 5 52 3 3 60 8 1 13{ 4 0 11 4 3 13 3 4 33 6 2 71 1 9 4 61 5 6 35 i onc. gros, grains 6 2 5 0 5 6 5 13 4 6 0 0 6 2 2T 4 12 0 5 14 4 5 15 4 5 13 4 4 6 0 5 7 0 5 4 0 5 8 4 4 12 4 5 0 4 4 15 0 5 13 4 5 4 0 6 8 6 7 11 0 5 10 4 24 18 19 21 15 i 17 19 20 16 £ 29 19 16 T 19 { 18 1 22 10 19 7 21 23 i 16 t 13 15| i Ces résultats démontrent jusqu'à l'évidence, 1° que le poids du foie était beaucoup plus considérable chez plusieurs enfans qui avaient respiré parfaitement, que chez d'autres qui étaient mort- nés; que le rapport entre le poids du corps et celui du foie était souvent plus faible dans le cas de respiration parfaite que lorsque les enfans n'avaient pas vécu, ce qui devrait être l'inverse, si l'assertion émise par le docteur Marc, d'après Bernt, était exacte. Avant de tirer les conclusions qui me paraissent découler de tout ce qui vient d'être dit sur la respiration des nouveau-nés , je crois devoir faire connaître un travail remarquable du docteur Bernt sur ce sujet. — 216 — Des moyens proposés par le docteur Bernt pour déterminer si un fœtus a vécu après l'accouchement. Avant de décrire le procédé qu'il croit supérieur aux autres, le docteur Bernt établit l'insuffisance de l'épreuve hydrostatique, en tant qu'elle a seulement pour objet de décider si le poumon est plus léger ou plus pesant que l'eau. ]\e sait-on pas que les poumons d'enfans qui ont respiré, dit-il, vont au fond de l'eau lorsque la respiration a été imparfaite, lorsque le poids spécifi- que de l'organe a été augmenté par une collection de mucus, de pus, par des tubercules squirrheux , et par l'inflammation? D'une autre part les poumons d'enfans quiît'ontpas vécu après laccouchement ne peuvent-ils pas nager sur l'eau si l'enfant a fait quelques inspirations au passage, si on a insufflé de l'air, ou s'il s'est développé quelques gaz à la surface ou dans le parenchyme du poumon, par suite d'une maladie ou de la putréfaction ? Il rapporte ensuite trois observations de fœtus, l'un de six mois qui vécut deux heures, l'autre de huit ou neuf mois qui ne périt qu'au bout de neuf heures et le troisième de six mois qui mourut peu de temps après la naissance. Les poumons de ces fœtus, mis dans l'eau, gagnaient le fond du vase, lors même qu'ils étaient coupés par fragmens; ils n'étaient point crépilans, mais en revanche ils avaient quitté la partie postérieure du tho- rax, au point que leurs bords antérieurs recouvraient le péricarde dans une grande étendue, et avaient refoulé en bas la convexité du diaphragme jusqu'à la quatrième ou la cinquième côte. Ils pesaient chez le premier enfant 56 grammes, chez le second 48 gr., et chez le troisième 40 gr. (1). De ces faits l'auteur conclut, non-seulement que l'on se serait trompé en affirmant d'après la submersion des poumons dans l'eau que les fœtus n'avaient pas respiré, mais encore que l'éta- blissement de la circulation pulmonaire peut déterminer, lors même que la respiration est imparfaite, wneaugmentationdans le volume et dans le poids du poumon (2). Ces données le con- (1) Les poumons d'un enfant à terme qui n'a pas respiré ne pèsent en général que 32 grammes, d'après Bernt. (2) En ellet, pour ce qui concerne le poids, puisque les poumons ne pèsent que 32 gr. chez les enfans à terme qui n'ont pas respiré, il est évident que dans — 217 — duisent à la recherche des moyens propres à faire connaître s'il y a eu ou non augmentation dans le volume et dans le poids ab- solu des poumons. Voici la description de linstrument qu'il conseille d'employer pour apprécier le volume : On prend un vase de verre épais, cylindrique, de 8 centimètres de dia- mètre, ayant 30 centimètres de hauteur, dont le piédestal a \ mètre, est garni d'une vis, à l'aide de laquelle on peut élever ou baisser le vase et le mettre de niveau (Voy. fig. 4rc). On introduit dans ce vase 4 kilogr. d'eau distillée ;\a hauteur de ce liquide est parfaitement tracée tout autour du vase, à l'aide d'une marque solidement empreinte. Comme les poumons plongés dans ce liquide en feront varier la hauteur suivant qu'ils appar- liendront : 4° à des fœtus de sept, huit ou neuf mois; 2° ades garçons ou à des filles; 3o à des enfans enfin qui n'ont pas encore respiré, quin'ont respiré qu'imparfaitement, ou dont la respiration a été parfaite, on tracera sur la ligne circulaire, qui indique la hauteur de l'eau, quatre lignes verti- cales pour former trois colonnes, portantpour rubrique les chiffres romains VII, VIII et IX , destinés à indiquer l'âge des fœtus. Au-dessus de chacun de ces chiffres, chaque colonne sera divisée en deux parties, f et m, que l'on marquera toujours de gauche à droite, pour désigner les sexes fémi- nin et masculin. Le vase étant ainsi disposé, on plongera dans l'eau suc- cessivement les poumons et le cœur de six fœtus, trois de chaque sexe, âgés de sept, de huit et de neuf mois, que l'on saura positivement ne pas avoir respiré ; ou marquera chaque fois la hauteur de l'eau, dans les trois colon- nes verticales, au moyen de traits tirés en travers et à gauche de l'échelle; on tracera la lettre N au-dessus de la surface de l'eau, pour indiquer que cette hauteur dans chaque colonne est destinée aux poumons d'enfans qui n'ont pas respiré. Il est inutile de dire qu'on devra lier chaque fois les vais- seaux des poumons. On plongera ensuite dans le vase les poumons de six fœtus, dont trois mâles et trois femelles âgés de sept, huit et neuf mois, qui auront vécu pendant quelque temps, et chez lesquels la respiration aura été imparfaite. Ces poumons seront unis au cœur, et les vaisseauxauront été préalablement liés. On marquera par des lignes transversales, dans les trois colonnes, la hauteur du liquide qu'ils onl déplacé, et à côté de ces lignes, on mettra la lettre I pour indiquer que la respiration a élé imparfaite. Enfin, on agira de même pour les poumons de six fœtus, dont trois mâles et trois femelles, âgés de sept, huit et neuf mois révolus, ayant respiré complètement. Ici les lignes transversales, qui indiqueront la hauteur de l'eau, seront accom- pagnées d'un P pour exprimer que la respiration a été parfaite. les trois observations dont il s'agit, et qui ont pour objet des fœtus beaucoup plus jeunes , le poids aurait dû être au-dessous de 32 gr., si, par suite de la respira- tion, une plus grande quantité de saug ne fût arrivée au poumon. — 218 — Il n'est pas indifférent pour le succès de l'expérience de plonger dans l'eau les poumons seuls ou avec le cœur; en effet, si l'on séparait ce dernier organe, les poumons déplaceraient un volume de liquide beaucoup moin- dre, et l'ascension de l'eau serait moins sensible qu'avec le cœur ; d'ail- leurs, et ce point est de la plus grande importance, la séparation du cœur entraînerait une diminution dans le poids absolu des poumons, toutes les fois qu'une portion de sang aurait déjà pu parvenir des veines pulmo- naires dans le ventricule gauche du cœur : or, il est aisé de sentir que s'il en était ainsi, on n'apprécierait pas exactement l'augmentation du poids du poumon produite par l'établissement de la circulation pulmonaire. On remarque encore sur le vase, que je viens de décrire, une échelle de 6 centim., subdivisés en millimètres, qui part de bas en haut; du niveau de la nappe d'eau, et qui sert probablement à indiquer géométriquement les changemens qu'éprouve la hauteur du liquide. Un vase de cette nature, s'il est parfaitement calibré, pourra servir d'e- talon; il faudra seulement prendre la précaution indispensable, soit en le construisant, soit en l'employant aux expériences auxquelles il est destiné, de remplacer l'eau qui a été évaporée ou perdue entre deux expériences ; on conçoit en effet que ce liquide doit atteindre , au commencement de chaque expérience, la ligne circulaire inférieure dont j'ai parlé. Conclusions à tirer des résultats obtenus à l'aide de cet in strument. Lorsqu'on plonge dans l'eau de ce vase les poumons et le cœur de fœtus de tout âge et de tout sexe qui n'ont pas res- piré, et dont par conséquent le poumon n'a pas encore subi d'augmentation de poids ni de volume, soit que ces organes se précipitent lentement ou rapidement au fond du vase, soit qu'ils restent à la surface, parce que les poumons ont été insufflés, pourris, etc., ils déplaceront la plus petite quantité d'eau possi- ble, et feront remonter le liquide, suivant l'âge et le sexe, dans un des trois intervalles, marqué par les premières lignes transver- sales, c'est-à-dire dans un des intervalles les plus inférieurs. Si les poumons et le cœur appartiennent à des enfans de tout âge et de tout sexe, ayant respiré imparfaitement et dont le poids et le volume sont augmentés d'une manière sensible, soit que ces organes se précipitent au fond de l'eau par suite d'une collection d'humeurs, de pus, de tubercules graisseux dans les poumons, soit qu'ils surnagent tant à raison de l'air inspiré que de celui qui a pu être insufflé, ou qui s'est développé par la pu- tréfaction, ils déplaceront une plus grande quantité d'eau que dans le cas précédent, et feront monter le liquide dans un des — 219 — intervalles formés par les deuxièmes lignes transversales. Enfin, dans le cas où la respiration aura été parfaite, comme le volume et le poids des poumons ont subi la plus grande augmen- tation possible, il y aura beaucoup plus d'eau de déplacée, et ce liquide montera dans les colonnes verticales jusque dans un des trois intervalles les plus élevés. Objection. On objectera peut-être, dit le docteur Bernt, qu'indépendamment des différences de volume et de poids des poumons, tirées de l'âge et du sexe des fœtus, il en est d'autres dont je ne tiens aucun compte , et qu'ainsi il peut se faire que les poumons les plus volumineux et les plus pesans d'un fœtus mort-né offrent un volume et un poids plus considérables que ceux des poumons les moins volumineux et les moins pesans des fœtus du même âge qui ont vécu après la naissance. Cette objection est plutôt relative au poids et au volume du poumon comparés au poids du corps, qu'au poids et au volume absolus des poumons ; en effet, on observe très rarement des différences de cette na- ture entre les poumons des enfans, tandis qu'on en remarque fréquemment entre ces mêmes organes et le poids du corps qui peut être considérablement augmenté par la graisse, par la pléthore, ou diminué par le marasme, une hémorrhagie, etc. t Que si d'ailleurs il était reconnu plus tard que, par suite d'une hé- morrhagie on de toute autre cause, le volume et le poids absolus des poumons présentaient des différences notables, on en tien- drait compte comme pour l'âge et le sexe, en accordant à ces causes une place dans l'échelle de l'instrument déjà décrit. Ainsi, dit le docteur Bernt en se résumant, si, outre l'expé- rience que je viens d'indiquer, on a égard au poids du corps, des poumons et du foie, appréciés à l'aide d'une balance, à l'é- tendue du thorax, à la hauteur du diaphragme, à l'état du trou interoriculaire et du canal artériel ( Voy. page 209), au volume, à la couleur, à la densité, à la crépitation et au poids spécifique des poumons qui resteront à la surface, ou iront au fond de l'eau (sans attacher pourtant à la surnatation et à la submersion plus de prix qu'à l'augmentation de volume et de poids absolu), on pourra affirmer qu'un enfant a vécu ou non après la nais- — 220 — sauce, excepté 1° dans les cas où l'enfant, quoique ayant exé- cuté des mouvemens volontaires après la naissance, n'a pas res- piré {voy. objection quatrième, p. 208), 2° lorsqu'il n'a fait que quelques inspirations dans l'utérus ou au passage, et qu'il est mort avant de naître (Voy. objection deuxième p. 198). Le fait suivant, tiré de la dissertation inaugurale de M. Eisen- stein, soutenue en 1824,sous la présidence du docteur Bernt, nie paraît propre à donner une idée exacte de la manière dont ce dernier auteur veut que l'on rédige les observations de ce genre: je l'ai choisi comme exemple parmi vingt-cinq autres pour avoir l'occasion de faire en quelque sorte une application à la pratique des préceptes qui viennent d'être exposés. Observation. Unenfant, à terme, du sexe masculin, mourut dix jours après la naissance. A l'examen du cadavre on nota les objets suivans : Etat du corps. Le corps était bien conformé, maigre ; les .testicules étaient dans le scrotum, l'ombilic était cicatrisé. Le poids de cet enfant était de cinq livres demi-once ; sa longueur prise du verlex était de dix-neuf pouces. Etat du thorax. Largeur des épanles quatre pouces et demi. Diamètre du thorax d'un hypochondre à l'autre trois pouces six lignes ; du sternum à la colonne vertébrale deux pouces douze lignes. La voûle du diaphragme était déprimée jusqu'à la septième côte. Il y avait dans le thorax une très petite quantité de sérum. État des poumons. La couleur prédominante des poumons était d'un rouge clair semblable à du minium; la face postérieure était d'un rouge plus foncé. On voyait à l'œil nu, à la surface de ces organes, des cellules réunies et distendues par de l'air : leur substance spongieuse criait sous le scalpel : leurs particules, pressées sous l'eau, donnaient lieu à un dégage- ment d'écume. Poids absolu. Les poumons unis au cœur pesaient trois onces deux gros et vingt-sept grains; seuls ils pesaient deux onces, deux gros et quatre grains, et en les privant à l'aide d'une forte pression du sang qu'ils contenaient, leur poids était d'un once cinq gros et quarante-trois grains, en sorte qu'ils renfermaient quatre gros vingt-neuf grains de ^ang. Volume. 11 était tellement considérable que leurs bords couvraient en grande partie la surface antérieure du péricarde et les lobes inférieurs, la convexité du diaphragme; l'extrémité du lobe supérieur du poumon gauche et celle du lobe moyen droit formaient une frange large et obtuse. Plongés dans l'eau avec le cœur, ils déplaçaient dans le vase hydrostatique, décrit à la page 217, six pouces cubes d'eau ( la température de l'air étante 4 4°; et celle de l'eau à 4 2°). Seuls ils ne déplaçaient que quatre pouces du même liquide. Poids spécifique et respectif. Les poumons unis au cœur, séparés de lui, coupés par fragmens extrêmement petits, nageaient sur l'eau. — 221 — Unis au cœur et mis dans l'eau, il fallait, pour les maintenir plongés, ajou- ter un poids de deux cent deux grains ; si dans cet état on cherchait à les mettre en équilibre dans une balance, on devait ajouter un poids de quinze grains, tandis que ce poids était de vingt-cinq grains et demi lors- qu'on agissait sur les mêmes organes séparés du cœur ; en sorte que dans le premier cas ils étaient de cent quatre-vingt-sept grains res- pectivement plus légers que l'eau (487+15=202), et dans le second de 476 1/2 (176 1/2+25 4/2=202). Etat des autres viscères. Le thymus était de grandeur naturelle. Le cœur, entouré d'une petite quanité de sérum, pesait une once vingt-trois grains, et contenait cinq gros un grain et demi de sang grumeleux ; il déplaçait dans le vase hydrostatique deux pouces cubes d'eau. Le trou interoriculaire était fermé en grande partie par une membrane transparente , excepté dans l'endroit correspondant à l'hiatus , situé vers le côté droit; cette portion ouverte était demi-circulaire, et admettait à peine le tuyau d'une plume de corbeau. Le troncde l'artère pulmonaire, presque égal à l'aorte ascendante, avait un diamètre plus de trois fois plus grand que celui du ca- nal artériel, dont la longueur était d'une ligne, et la grosseur comme celle d'un tuyau d'une plume de corbeau ; le rameau droit de l'artère pulmonaire formait avec le tronc un angle droit, et le gauche un angle obtus; il avait un diamètre égal à celui du canal artériel. Le foie était d'une grandeur naturelle, d'une couleur brun foncé ; il contenait une quantité notable de sang rouge foncé, il pesait deux cent cin- quante grains ; il était de 95 grains respectivement plus lourd que l'eau. Les vaisseaux ombilicaux et le canal veineux étaient rétrécis ; ce dernier ne pouvait donner entrée à la tête d'un stylet. L'estomac renfermait du mucus jaunâtre. Le canal intestinal, en partie rétréci, en partie distendu par des gaz, ne contenait plus de meconium. La vessie, grosse comme une prune, renfermait de l'urine jaunâtre. Il résulte de ces faits que l'enfant dont il s'agit a vécu plusieurs jours après l'accouchement et qu'il a parfaitement respiré {Dis- sertatio inauguralis medico forensis, exhibens observatio- nes 25 altéras docimasiam pulmonum hydrostaticam illus- trantes; par Eisenstein. Vienne, 1824.) Les tableaux suivans sont propres à faire connaître les résul- tats obtenus par MM. Eisenstein et Zébisch, sous les yeux du docteur Bernt; je n'ai extrait de leurs dissertations inaugurales que ce qui se rapporte aux nouveaux moyens proposés par le professeur de Vienne, pour déterminer si un fœtus a vécu après l'accouchement, savoir à l'augmentation de poids et de volume des poumons des enfans qui ont respiré. - 222 — MORT POIDS. SEXE. AGE. AVANT OU APRÈS LA NAISSANCE. DES POUMONS. onc. gros gr. Mâle. A terme. Mort-né. On avait insufflé les poumons. 0 6 66 Fille. Presq.à terme. Mort-né. 1 ft 19 Mâle. Six mois. Idem. 0 6 23 Mâle. Huit mois. Idem. 1 0 SU Fille. A terme. Mort-né. Poumons insufflés. 0 5 9 Fille. Six mois. Mort-né. 1 2 27 Fille. Sept mois. Idem. 1 1 53 Fille. Sept mois. Mort-né. Induration squirrheuse des poum. 2 3 11 1/2 Mâle. Six mois. Mort-né. 0 5 9 Mâle. Sept mois. Idem. 1 0 2 Mâle. Huit mois. Idem. 1 ft 37 Mâle. A terme. Idem. 1 5 63 Fille. A terme. Mort-né. Insufflation des poumons. 1 2 65 1/2 Fille. A terme. Mort-né. Poumons insufflés. 2 0 33 Garçon. A terme. Idem. 1 ft 33 Mâle. Huit mois. Ayant respiré imparfaitement pendant peu de temps. 1 5 33 1/2 Mâle. A terme. Ayant à peine respiré ; les poumons ont été insufflés. 1 2 0 Mâle. A terme. Ayant à peine respiré. Poumons insufflés. 1 ft 68 1/2 Fille. A terme. Ayant à peine respiré imparfaitement. Poumons insufflés. 1 0 06 Mâle. A terme. Idem. 1 1 36 Mâle. A terme. Idem. * 13 2 Mâle. A terme. Idem. 15 9 Mâle. A terme. Idem. 1 2 Û8 Fille. Sept mois. Ayant respiré imparfaitement pendant deux heures. 1 0 10 Fille. Sept mois. Idem. 0 7 8 Fille. Huit mois. Ayant respiré pendant quelque temps sur-tout avec le poumon droit. Poumons insufflés. 1 1 08 Fille. Non à terme. Poids du corps 2 livres 2 on- Respiration imparfaite pendant dix jours. ces et demie. 1 0 39 Mâle. Sept mois. Ayant respiré pendant peu de temps et imparfaitement insufflés. 1 1 67 Mâle. Huit mois. Respiration imparfaite pendant deux heu- heures. Insufflation. 0 6 37 Mâle. A terme. Respiration imparfaite pendant un jour. 1 2 62 Mâle. A terme. Ayant à peine respiré. Poumons insufflés. 2 0 28 Fille. Sept mois. Ayant vécu pendant quelque temps. 1 0 ilO Fille. Huit mois. Ayant vécu cinq jours languissante. 1 1 ftO Fille. Presq.à terme. Ayant vécu quelques heures. Respiration parfaite après l'insufflation. 16 2 Fille. A terme. Respiration parfaite. 1 0 ftO 1/2 Mâle. Six mois. Ayant respiré parfaitement pendant deux jours. 0 6 67 Mâle. A terme. Ayant vécu et parfaitement respiré pen- dant dix jours. 2 1 52 Mâle. A terme." Ayant respiré parfaitement pendant six jours. 2 a 60 Mâle. A terme. Respiration parfaite pendant peu de temps. 1 5 69 Mâle. Presq.à terme. Ayant respiré parfaitement pendant quel- ques heures. 1 ft 38 Fille. Huit mois. Idem: 1 0 M Mâle. Sept mois. Idem. 1 6 26 1/21 Mâle. A terme. Idem. 2 1 35 Mâle. A terme. Né asphyxié, ramené à la vie par l'insuf-flation a respiré pendant quelques heures. 2^5 125 1/2 =? Fille. Sept mois. Respiration complète pendant plusieurs jours. 1 ft ftft Mâle. Sept mois. Respiration parfaite pendant cinq jours. 1 3 16 Mâle. A terme. Idem. 17 2 — 223 — EAU déplacée par les poumons et le cœur dans le vase hydrostatique. pouces. 2 3 1 2 3 2 2 5 1 8 3 ft 3 ft/10 8/10 5/10 1/10 2/10 8/10 6/10 ft/10 2/10 0 9/10 6/10 8/10 6 5/10 3 5/10 9/10 5/10 7/10 8/10 6/10 2/10 9/10 3 5/10 2 5/10 2 1 3 9/10 6/10 ft 2 3 9/10 5/10 2/10 ft 2 8/10 9/10 2 5/10 6 6 3 9/10 1/10 ft 2 ft 6 8/10 9/10 ft/10 7 1/10 ft ft 5 1/10 5/10 EAU déplacée par les poumons dans le vase hydrostatique. pouces, 1 2 1 1 1 2 2 ft 1 2 2 2 2 3 2 7/10 2/10 1/10 9/10 1/10 ft/10 5/10 7/10 2/10 5/10 5/10 2 8/10 9/10 9/10 5/10 5/10 5/10 3/10 1 7/10 1 3/10 1 2 1/10 3 1 1 5/10 7/10 8/10 3 1 9/10 1 8/10 ft ft 2 6/10 9/10 2 1 7/10 5/10 3 9/10 POIDS SPÉCIFIQUE DES POUMONS. 2 8/10 2 6/10 3 5/10 Ils surnageaient même avec le cœur. Us se précipitaient même par fragmens. Gagnaient lentement le fond de l'eau. Idem. Us surnageaient même avec le cœur. Us se précipitaient lentement. Ils se précipitaient. Ils se précipitaient rapidement. Us se précipitaient. Idem. Idem. Idem. Ils surnageaient même avec le cœur. Idem. Idem. ' Ils se précipitaient excepté quelques fragmens. Les parties rosées surnageaient ; les autres ga- gnaient le fond du vase. Ils surnageaient même avec le cœur. Idem. Ils surnageaient sans le cœur. Ils surnageaient avec le cœur. Idem. Idem. Ils se précipitaient excepté trois fragmens. Us se précipitaient avec ou sans le cœur. Ils surnageaient même avec le cœur. Ils surnageaient avec le cœur ; cependant les par- ties d'un rouge-brun se précipitaient. Us surnageaient même avec le cœur. Idem. Ils gagnaient le fond de l'eau, même coupés par fragm. ; les portions d'un rouge clair seules surnag Ils surnageaient même avec le cœur. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem, Idem. — 224 - Réflexions sur les moyens proposés par le docteur Bernt pour déterminer si le fœtus a vécu après l'accouchement. Ces moyens étant fondés sur Vaugmentation de volume et de poids éprouvée par les poumons qui ont respiré, il importe d'examiner successivement chacun de ces points. Augmentation de volume. On l'apprécie, comme je l'ai déjà dit, en ayant égard au volume d'eau déplacée soit par le cœur et les poumons, soit par les poumons seuls, dans un vase hydrosta- tique. Objection lre. Ce vase que le docteur Bernt dit pouvoir servir d'étalon, et dont il a donné la graduation, devra nécessaire- ment se trouver entre les mains des nombreux médecins, qui pourront être chargés de faire des rapports en matière d'infauii- cide; autrement il leur serait impossible de déterminer si les poumons sur lesquels ils expécimentent font monter le liquide jusqu'à la hauteur qui indique que l'enfant n'a pas respiré, ou qu'il a respiré incomplètement ou complètement. Or, on éprouve de très grandes difficultés pour se procurer un semblable instru- ment : les mécaniciens les plus habiles de Paris n'ont jamais vou- lu s'engager à le construire, parce qu'il leur était impossible de trouver un cylindre de verre ayant très exactement 11 pouces 1/4 de hauteur et 3 pouces de largeur (mesure allemande), et l'on conçoit combien il importe que la largeur de ce cylindre soit ri- goureusement de 3 pouces, puisque la plus légère différence en plus ou en moins, doit en apporter de très grandes dans la hau- teur du liquide, et dès-lors les résultats ne cadrent plus avec ceux qui ont été fournis par l'étalon. A la vérité, on pourrait le- ver cette difficulté en construisant l'instrument en fer-blanc, en cuivre ou en étain, car alors on pourrait lui donner exactement les dimensions exigées par le docteur Bernt; mais il y aurait un autre inconvénient, celui de ne plus avoir un vase transparent et par conséquent de ne plus pouvoir juger facilement la hauteur à laquelle l'eau s'élèverait. Rendrait-on le vase fenêtre, au moyen d'une lame de verre qui serait placée juste vis-à-vis l'échelle gra- duée , pour être à même d'apprécier l'élévation du liquide , il serait encore difficile d'obtenir un résultat exact, attendu qu'il — 225 — ne serait pas aisé de donner au segment de verre qui servirait de fenêtre la même courbure qu'à la portion métallique; d'ailleurs le mastic que l'on serait obligé d'employer pour adapter ces par- lies hétérogènes, pourrait très bien changer la capacité de l'in- strument et le rendre inexact. Mais, dira-t-on,sil'on ne peut se procurer cet instrument qu'avec la plus grande difficulté, pour- quoi chaque médecin n'en ferait-il pas construire un semblable offrant à-peu-près les mêmes dimensions, qu'il graduerait comme l'a fait le docteur Bernt en plongeant successivement dans l'eau des poumons de fœtus mâle et femelle de sept, de huit et de neuf mois, n'ayant pas respiré, n'ayant respiré qu'imparfaitement, ou ayant respiré complètement? Sans doute, en agissant ainsi, on ferait disparaître la difficulté; mais pense-t-on qu'il soit possible, excepté dans les villes de premier ordre, de se procurer un nom- bre aussi considérable de fœtus dans les conditions indiquées ? Je ne suis donc pas étonné que M. Devergie ait pu ainsi se faire construire un vase à l'instar de celui de Bernt. Ce qui m'étonne, c'est que (page 632, tome î) il réfute mon objection comme si je n'avais pas dit moi-même, et avant lui, qu'on pourrait construire un instrument comme celui de Bernt, mais dont les dimensions ne seraient pas les mêmes que celles qui ont été indiquées par l'auteur allemand. Objection 2e. En admettant que l'on ait à sa disposition un in- strument semblable à celui qu'a décrit le docteur Bernt, l'aug- mentation du volume des poumons, appréciée par l'élévation de l'eau dans le vase, ne peut pas servir dans tous les cas à faire connaître si l'enfant a respiré. Les preuves de cette assertion se tirent du travail même du docteur Bernt ; en effet, chez cinq en- fans mâles à terme qui avaient respiré ou dont les poumons avaient été insufflés, le volume d'eau déplacée a élé (1) Pour le cœur et les poumons. 3 pouces 5/10. 3 7/10. 3 6/10. 3 6/10. 4 Pour les poumons. 2 pouces. 2 2 2 2 5/10. (1) Voyez Expériences 31e et 37* de la Dissertation d'Eisenstein, et 61e, Gie et 64e du docteur Zébisch. II. 15 — 226 - tandis que chez trois enfans mâles à terme ou moins âgés, qui sont mort-nés et dont les poumons n'ont pas été insufflés, le volume d'eau déplacée a été constamment plus grand (1). Pour le cœur et les poumons d'un enfant à terme. 4 pouces 6/10. Pour les poumons. 2 pouces 7/10. Un enfant de sept mois. I Pour les poumons. 2 pouces 4/10. Pour le cœur et les poumons d'un enfant de huit mois. 3 pouces 9/10. Pour les poumons. 2 pouces 5/10. Chez deux filles à terme qui avaient respiré ou dont les pou- mons avaient été insufflés, le volume d'eau déplacée a été (2) Pour le cœur et les poumons. 3 pouces. 3 8/10 Pour les poumons. 1 pouces 9/10. 2 2/10. tandis que chez deux filles dont une à terme et l'autre à sept mois qui n'avaient pas respiré et dont les poumons n'avaient pas été insufflés, le volume d'eau déplacée a été constamment plus grand ou aussi grand (3). Pour le cœur et les poumons. Pour les poumons. 3 pouces 8/10. 2 pouces 1/10. Fille de sept mois. Pou r les poumons. 2 pouces. Ces faits montrent, ce que l'on pouvait prévoir d'avance, que tout ce qui tient à la vie échappe à des calculs mathématiques, et que s'il est vrai que le principe sur lequel est fondée l'épreuve du docteur Bernt, relative à l'augmentation de volume, est incontes- table, et que les choses se passent comme il l'a dit dans la plu- part des cas, il se présente néanmoins assez d'anomalies et d'ex- ceptions pour qu'il ne soit pas permis d'en faire une application rigoureuse. Augmentation de poids. Il est impossible de nier que les pou- mons d'un nouveau-né qui a respiré complètement, et même in- (1) Voyez Expériences 55e, 56e et 57e de Zébisch. (2; Voyez Expériences 58e et 60e de Zébisch. (3) Voyez Expériences 26e d'Eisenstein, et 52e de Zébisch. — 227 — complètement, pèsent davantage qu'avant la respiration, le sang ayant dû y pénétrer en plus grande quantité. Mais faut-il ad- mettre, comme l'indique le docteur Bernt, que le poids des pou- mons d'un fœtus à terme qui n'a pas respiré est d'une once, et surtout dirai-je qu'il ne puisse arriver que ce poids soit beaucoup plus considérable que celui des poumons d'un nouveau-né à terme qui a respiré? Je ne le pense pas, et voici les faits sur lesquels je m'appuie : Sur douze enfans mâles à terme qui avaient respiré pendant peu de temps, ou pendant plusieurs jours, le poids des poumons a été (1) : Poids des poumons. 1 once 2 gros. 1 4 68 grains 112 1 5 16 1 3 2 1 2 48 1 2 62 1 2 3 1 4 36 1 4 36 1 4 48 1 3 36 1 3 10 Poids des mêmes poumons forte- ment exprimés dans l'eau. 0 once 3 gros 7 grains 1/2 1 1 21 0 5 32 1 0 42 1/2 0 6 2 1 0 55 Sur sept enfans mâles à terme ou au-dessous qui n'ont pas res- piré, le poids des poumons a été (2) : Poids des poumons. 1 once 4 gros 37 grains 1/2 1 5 63 1 4 33 1 7 18 1 4 50 1 3 0 2 4 18 (3). Poids des poumons fortement ex- primés dans l'eau. 1 once 0 gros 33 grains 1/2 1 1 1 , 0 61 ,65 (1) Les six premiers résultats sont extraits des expériences 31e, 33e et 37e d'Ei- senstein, et 61e, 62e et 64e de Zébisch ; les six autres m'appartiennent. (2) Les trois premiers résultats sont fournis par les expériences 52e d'Eisenstein, et 56e et 57e de Zébisch; les autres m'appartiennent. (3} Les poumons de cet enfant étaient malades; en les coupant il s'en écoulait une sanie d'un gris rougeatre assez abondante, et leur tissu paraissait presque ho- mogène. 15 — 228 - Chez une fille à terme qui avait respiré pendant peu de temps, les poumons ont pesé (Expérience 60e de Zébisch.) : Poids des poumons. Poids des poumons fortement ex- primés dans l'eau. 1 once 0 gros 46 grains. 0 once 5 gros 70 grains. Sur trois filles à terme qui n'ont pas respiré, le poids des pou- mons a été (1). Poids des poumons. 1 once 4 gros 19 grains. 1 2 65 1/2 2 0 33 Poids des poumons fortement ex- primés dans l'eau. 0 once 6 gros 68 grains. 1 0 ' 71 1 1 37 Chez quatre fœtus du sexe féminin, de sept ou de huit mois, qui avaient respiré pendant peu de temps les poumons ont pesé (2) : Poids des poumons. Poids des poumons fortement ex primés dans l'eau. 1 once 0 gros 10 grains. 0 once 4 gros 18 grains. o 7 8 0 2 62 1 1 40 0 5 15 1 1 48 0 6 71 Chez deux fœtus du sexe féminin, de six et de sept mois, qui n'ont pas respiré, les poumons ont pesé (3) : Poids des poumons. 1 once 2 gros 27 grains. 1 4 55 Poids des poumons fortement ex- primés dans l'eau. 0 once 6 gros 40 grains. 0 5 34 Ces résultats, tirés en grande partie du travail même du doc- teur Bernt, prouvent jusqu'à l'évidence : 1° que chez plusieurs enfans à terme de l'un et de l'autre sexe qui avaient respiré, les poumons exprimés dans l'eau pesaient moins que les mêmes or- ganes de fœtus à terme qui n'avaient pas respiré ; 2° qu'il en est à-peu-près de même pour les poumons dont il s'agit, après les avoir fortement exprimés dans l'eau ; 3° que le poids de ces or- ganes, exprimés ou non dans l'eau a été quelquefois plus consi- dérable chez des fœtus de six ou de sept mois qui n'avaient pas [1) Voyez les expériences 26e d'Eisenstein, et 58e et 59e de Zébiscb. (2) Foyez les expériences 59e d'Eisenslein, et 65e, 66e et 67e de Zébiscb. j (3) Voyez les expériences 51e et 52e de Zébiscb. — 229 — respiré, que chez des fœtus du même sexe à terme qui avaient respiré ; U° que les poumons de fœtus de l'un et de l'autre sexe de sept et de huit mois qui avaient respiré, pesaient autant et quelquefois plus que ceux d'enfans à terme qui avaient vécu. Objeclera-t-on par hasard que souvent le poids des poumons des fœtus mort-nés s'est trouvé augmenté, parce que ces organes étaient malades et qu'ils renfermaient des liquides sanguinolens ou autres dont on ne pouvait pas les débarrasser complètement par l'expression : je répondrai que s'il en a été ainsi quelquefois dans les expériences citées d'Eisenstein,de Zébisch et dans celles qui me sont propres, le contraire a souvent été observé. Conclusions à tirer de tout ce qui précède. 1° Tout en ad- mettant que le poids des poumons d'un enfant qui a respiré est en général plus considérable que celui des poumons d'un autre fœtus du même âge, mort-né, il faut convenir qu'il se présente assez d'exceptions à cette règle, pour qu'on ne puisse pas l'admettre d'une manière absolue ; 2° il importe cependant de peser attenti- vement les poumons, toutes les fois qu'il s'agira de déterminer si le nouveau-né a respiré, parce qu'il est à-peu-près constant que les poumons d'un enfant à terme quia respiré pèsent plus de 30 gram., et que ce caractère peut être fort utile pour savoir si la respiration a eu lieu ; 3° on ne tiendra aucun compte du poids des poumons pour décider la question dont il s'agit, lorsque, tout annonçant que le fœtus est mort-né, ce poids très considérable tendrait à faire croire qu'il y a eu respiration, parce que l'expé- rience a démontré que, soit à cause d'une maladie des poumons, soit par tout autre motif, il est arrivé que des poumons de fœtus mort-nés aient pesé beaucoup plus que ceux d'enfans du même âge qui avaient respiré complètement. Après avoir examiné les différences que présentent dans les fœ- tus mort-nés et dans ceux qui ont respiré, le ihorax, les poumons, le cœur, le canal artériel, le canal veineux, le cordon ombilical et le diaphragme, je crois devoir indiquer les conclusions sui- vantes, comme solution de la question énoncée à la page 172 (1). (1) Il imporle de ne faire aucune rccbercbe avant d'avoir pris exactement le poids du corps du fœtus et celui des poumons. — 230 — 1° On affirmera qu'un fœtus à terme a respiré, si le canal artériel, le canal veineux et le trou interoriculaire ( de Botal ) sont oblitérés, et si le cordon ombilical est détaché ou prêt à tomber, quelle que soit la manière dont les poumons se com- portent lorsqu'on les place sur l'eau. 2° On pourra également affirmer qu'un fœtus à terme a res- piré , lors même qu'il n'offre aucun des caractères qui précèdent, si le thorax est voûté, le diaphragme plus ou moins refoulé vers l'abdomen, les poumons d'un rouge peu foncé, pesant au moins 30 gram., recouvrant plus ou moins le péricarde, et plus légers que l'eau dans leur totalité ou dams quelques-unes de leurs parties y pourvu toutefois que la légèreté de ces organes ne dé- pende ni de leur putréfaction, ni d'un état emphysémateux , ni de leur insufflation {Voy. page 189, objection lre). 3° Lors même qu'il sera prouvé qu'un enfant à terme a res- piré, on ne conclura pas qu'il a vécu après sa naissance, car il a pu respirer et périr pendant l'accouchement. U° On ne niera pas qu'un enfant à terme, chez lequel les ca- naux artériel et veineux, et le trou interoriculaire ne sont pas encore oblitérés, riait pas respiré, parce que les poumons sont dj'une couleur rouge et peu volumineux, qu'ils se précipitent au fond de l'eau, que le thorax est à peine voûté, et que le dia- phragme n'est point refoulé vers l'abdomen ; car la respiration a pu être assez faible pour ne déterminer dans ces parties aucun des changemens qu'elle produit ordinairement {Voy. l'observa- tion concernant madame S***, page 203 de ce vol. ) 5t° Si, chez un fœtus à terme, le trou interoriculaire et les canaux artériel et veineux ne sont pas oblitérés, et que les pou- mons se précipitent au fond de l'eau, on n'affirmera point que l'enfant n'a pas respiré, ou que les poumons n'ont pas été insufflés ; car le défaut de légèreté de ces organes pourrait dé- pendre de l'engorgement de leur tissu, ce qu'on reconnaîtrait en les coupant par tranches et en les exprimant dans l'eau ; les fragmens des poumons ainsi dégorgés surnageraient si la respi- ration ou l'insufflation avaient eu lieu. 6° Si les poumons d'un fœtus à terme n'offrent aucune trace d'engorgement, qu'ils se précipitent au fond de l'eau, et que les — 231 — canaux déjà mentionnés ne soient pas oblitérés, on affirmera que le fœtus n'a point respiré, mais on ne conclura pas qu'il n'a pas vécu, car il a pu naître enveloppé d* ses membranes, ou dans un état d'asphyxie ; il a pu être submergé immédiate- ment après sa naissance, etc. {Voy. page 208). 7° Lorsque chez un fœtus qui n'est pas à terme, les poumons entiers ou tous leurs fragmens se précipitent au fond de l'eau, on se gardera bien de conclure que la respiration n'a pas eu lieu, puisqu'il est démontré que dans un assez grand nombre de cas les poumons de ces individus ne parviennent pas à surnager, lors même que la respiration a eu lieu pendant plusieurs heures. Si la masse des poumons allait au fond de l'eau, et que quelques- uns des fragmens eussent une tendance contraire ou restassent à la surface du liquide, comme on l'observe quelquefois chez les fœtus âgés de plus de sept mois, qui ont respiré , on établirait des présomptions en faveur de la respiration ou de l'insufflation. 8° Toutes les fois que l'on conservera le moindre doute sur la cause qui détermine la surnalation des poumons, c'est-à-dire, lorsqu'on sera embarrassé pour décider si cet effet est le résultat de la respiration ou de l'insufflation , il faudra tenir compte du poids des poumons comme l'a indiqué le docteur Bernt, com- parer ce poids à celui du corps entier, et se rappeler les rapports qui ont été indiqués à la page 178. 9° En supposant que l'on soit parvenu à établir de la manière la plus positive, que l'enfant a respiré, soit pendant, soit après la naissance, et même qu'il a vécu pendant plusieurs heures, on se gardera bien de conclure qu'il a été tué. Cette vérité est telle- ment frappante, que l'on s'étonnera peut-être que je l'ai consi- gnée : j'ai voulu la mentionner parce que je suis convaincu que plusieurs médecins attachant aux expériences qui ont fait l'objet de cet article, toute l'importance qu'elles méritent, ont souvent été entraînés à soupçonner le crime, par cela seul que l'enfant avait vécu : comme s'il ne fallait pas avant d'établir un pareil soupçon, déterminer si l'enfant n'était pas mort pendant l'accou- chement ou à la suite d'un engorgement des poumons ou du cer- veau, d'un épanchement ou d'une de ces maladies auxquel- les les nouveau-nés succombent le plus ordinairement ! D'ail- - 232 — leurs, ainsi que je l'ai dit, la véritable pierre de louche, dans la question qui m'occupe, est de reconnaître s'il existe sur le fœtus des traces cfUi indiquent qu'il a été victime de manœuvres criminelles. §11. Déterminer si le fœtus qui n'a pas respiré a vécu. J'ai déjà fait observer à la page 208 que chez un nouveau-né la respiration peut ne s'établir qu'un quart d'heure, une demi- heure et même une heure après la naissance ; que l'enfant n'en vit pas moins pendant tout ce temps, et qu'une mère qui atten- terait à ses jours dans ce moment, serait évidemment criminelle. Le fait suivant, remarquable sous plus d'un rapport, me paraît propre à jeter quelque jour sur cette question délicate. Une femme accouche d'un enfant vivant, à terme, et le tue pendant qu'il respire, en frappant sa tête avec un sabot qu'elle tient d'une main, tandis que de l'autre, placée sur la partie antérieure du cou, elle fixe le corps sur le sol. A l'ouverture du cadavre; l'on peut se convaincre par l'état des poumons, etc., que l'enfant a respiré même pendant assez long-temps. Cette même femme, un instant après ce premier crime, s'aperçoit qu'elle va encore donner naissance à un second enfant ; et au moment où la tête a franchi les parties extérieures de la génération , elle le frappe avec le même sabot qui lui a déjà servi à tuer le premier enfant. L'examen du corps de ce second enfant apprend qu'il a 15 pouces de long, qu'il pèse 2 livres 7 onces, que le cordon ombilical, long de 16 pouces, est déchiré à son extrémité libre, que la chevelure,'les onglesetles autres parties ducorps ont atteint leur parfait développement. La vessie ne contientpoint d'urine, les vaisseaux ombilicaux sont vides de sangjle meconium, descendu dans les gros intestins, s'était en partie échappé par l'anus dontilsalissaitlepourtour, ainsi que les fesses. Les poumons peu développés, roses, mais seulement à la surface, noirâtres et compactes à l'intérieur, ne flottent sur l'eau ni avec le cœur, ni séparés de cet organe, ni par fragmens exprimés ou non entre les doigts ; ils ne crépitent point sous le tranchant du scalpel ; ils sont gorgés, ainsi que les cavités du cœur, d'un sang veineux. La tète, d'une circonférence de 9 pouces, déformée, offre le cuir chevelu détaché des os et ecchymose dans presque toute son étendue; l'os frontal, fracturé longi- tudinalementdans sa portion gauche, présente trois fragmens qui divisent aussi la partie droite ; le pariétal droit est divisé dans sa moitié aniélieure par une fracture horizontale partant du b<^rd antérieur, et se terminant au centre de l'os ; i'autre pariétal, par une section demi-circulaire, offre — 2.33 — deux fragmens, dont le supérieur plus petit, forme un peu plus du tiers de l'os ; l'occipital est longitudinalement séparé en deux portions droite et gauche ; les os propres du nez sont également fracturés, et l'os de la mâ- choire inférieure divisé dans le point de la symphyse ; un épanchement con- sidérable de sang existe antérieurement à la base du crâne ; enfin les tissus de la partie antérieure, latérale et supérieure du cou sont fortement ec- chymoses. Ces faits, relatés par le docteur Bellot dans le numéro de juillet 1832 des Annales d'hygiène, établissent, suivant lui, que ce second enfant est né à terme, qu'il était viable, qu'il n'a pas respiré, qu'il vivait au mo- ment de sanaissance, mais que la vie n'était encore chez lui que le résultat de la circulation, condition toutefois suffisante pour qu'il y ait possibilité d'infanticide ; enfin que cette vie de circulation seulement a été anéantie par l'effet des violences exercées sur la tête et sur le cou. Nul doute que dans l'espèce, les conclusions du docteur Bellot ne se soient trouvées conformes à la vérité, puisqu'en montant sur l'échafaud, la mère a avoué qu'elle avait commis le double meurtre, et cette observation, fût-elle la seule de ce genre, suffirait ipour m'autoriser à admettre cette variété d'infanticide commis sur des enfans qui n'ont pas respiré. Mais je ne veux pas me dissimuler les difficultés souvent insurmontables qui vien- dront arrêter les experts au moment de se prononcer sur des cas analogues. Comment affirmer en effet qu'un enfant qui n'a pas respiré ait vécu, si ce n'est par les traces non équivoques de fractures, de plaies ou d'autres lésions faites pendant la vie ? Sans doute qu'alors on sera forcé de conclure que l'enfant était vivant. Mais nous savons combien il est quelquefois difficile de déterminer si des blessures ont été faites avant la mort ou peu de temps après ( voyez Blessures) ; nous savons aussi combien peuvent être graves les désordres qui se remarquent à l'intérieur de la tête des nouveau-nés qui ont succombé pendant l'accou- chement, lorsque celui-ci a été long et laborieux {V. page 238). Le médecin appelé pour juger des cas de ce genre, ne saurait être trop circonspect, et peut-être, dans l'observation qui pré- cède, à la juger du moins par ce qu'en a rapporté le docteur Bellot, n'aurais-je pas conclu aussi hardiment qu'il l'a fait. — 234 — BIBLIOGRAPHIE. Docimasie pulmonaire. Schreyer (J.). Pulmonum infantis subsidentia, an indicium mortui fœ- tus. Tubingue, 1691, in-4. Schoeffer (J. J.) resp. J. J. Joercke. De pulmone infantis natante vel submergente Francfort-sur-l'Oder, 1705 et 1747; Halle, 1772, in-4. Heister (L.). Programma quo ostenditur ex pulmonis fœtus innatatione vel submersione in aquâ nullum certum infantîcidii signum desumi posse. Helmstadt, 1722, in-4. Wolfart. De fœtu monstroso duplici hujusque occasione de pulmonum aquae injectorum natatione et submersione. Marbourg, 1725. Alberti (M.y Resp. C. W. Seiler. De pulmonum subsidentium expe- rimenti prudenti applicatione. Halle, 1728. Geelhausen (J. H.) praes. J. J. Geelhausen. 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Ergaenz. v, p. 295. — Von mehreren an- dern, ibid. Ergaenz. ix, p. 285. §IH. Déterminer si le fœtus est mort en naissant. Le médecin ne saurait attacher trop d'importance à recon- naître dans une accusation d'infanticide, quelle est la partie du corps de l'enfant qui s'est présentée la première au détroit supé- rieur du bassin, quelle était sa position, en un mot, quelle a été la nature, la durée de l'accouchement : cet examen suffit quelque- fois pour éloigner toute idée de crime. Ainsi, lorsque l'accouche- ment est prompt et facile, l'enfant peut naître dans un état de stupeur tel, qu'on le regarde comme mort ; ici la femme a été surprise, surtout si elle était primipare, et il y aurait de l'inhu- manité à ne tenir aucun compte de la marche exceptionnelle que la nature a suivie dans l'espèce. Dans le cas où le travail aurait été difficile et long, ne serait-il pas à présumer que l'accouchement n'a pas été clandestin, qu'une ou plusieurs personnes ont assisté la femme, ce qui diminuerait nécessairement les probabilités du crime ? On peut même supposer la difficulté de l'accouchement telle, que les secours de l'homme de l'art aient été indispen- sables, ce qui éloignerait encore davantage toute idée de culpa- bilité, à moins que l'on admît, ce qui n'est guère probable, la complicité du médecin. — 238 — Pour être à même de déterminer sî un enfant est mort en nais- sant, il faut connaître les causes innocentes qui peuvent le faire périr pendant le travail ; l'examen de ces causes jettera un grand jour sur cette question. Voici les principales : 1° La longueur du travail. Si le travail est long et pénible, en supposant même que le sommet de la tête se présente dans une^bonne position, le fœtus peut périr, parce que les contrac- tions de la matrice sont fortes et longues, que la tête se trouve poussée contre le bassin, et que le cordon ombilical et le pla- centa sont comprimés ; on conçoit qu'alors le sang soit refoulé vers le cerveau et détermine l'apoplexie. Les principales causes de la longueur du travail sont l'élroitesse des détroits du bassin, la dureté et la rigidité de l'orifice de l'utérus ou de la vulve, le volume de l'enfant, le défaut d'intensité des douleurs, etc. Examen du cadavre. Pour mieux faire ressortir les lésions produites par la longueur du travail, il importe d'établir, en peu de mots, ce que l'on remarque dans les diverses espèces d'accou- chement. Si la femme est jeune, bien conformée, primipare, et que l'enfant, d'un volume ordinaire, présente, comme cela a le plus souvent lieu, l'extrémité occipitale de la tête, on voit sur la partie qui s'est engagée une tuméfaction plus ou moins considé- rable ; le tissu cellulaire sous-cutané de la portion tuméfiée est infiltré de sérosité'jaunâtre ; les vaisseaux sanguins sont engor- gés ; les autres parties de la tête sont dans l'état naturel. Si la femme est déjà accouchée plusieurs fois et que le travail soit de peu de durée, la tuméfaction, l'infiltration et l'engorgement dont je parle sont à peine marqués. Si au contraire l'accouchement a été plus long, au lieu d'une simple tuméfaction, on découvre à la partie de la tête qui s'est présentée, une tumeur molle contenant de la sérosité sanguinolente ou du sang ; le périoste peut être détaché et soulevé par du sang noir et fluide ; les os du crâne sont quelquefois mobiles, les sutures relâchées, et la portion de l'os qui correspond à la tumeur est brunie par du sang. Xes altérations seront encore plus marquées, si le travail a été plus long et plus pénible ; la tête pourra être allongée dans son grand diamètre et aplatie en sens contraire ; l'un et l'autre des parié- taux , quelquefois tous les deux, ainsi que le frontal, pourront — 239 — offrir des enfoncemens sans fracture, ou des fractures longitudi- nales, anguleuses ou en étoile ; la peau du crâne, de la face et du cou pourra être d'un rouge violet et comme contuse ; les muscles orbiculaires des paupières, le masseter, etc., seront quelquefois livides et ecchymoses ; les vaisseaux qui rampent à la surface du cerveau pourront être fortement gorgés de sang, ainsi que les plexus choroïdes ; une quantité plus ou moins considérable de ce fluide pourra s'être épanchée entre la dure-mère et les os du Crâne, entre les lames de la pie-mère, entre la tente du cervelet et le cerveau, dans les ventricules ou à la base de ce dernier organe. C'est ici le lieu de rapporter l'opinion avancée par M. Maigne {Thèse inaug. Paris, 1837) : « Si l'on prend ces divers tissus, cuir chevelu, périoste, dure-mère, os, et si on les place entre l'œil et la lumière, on voit qu'ils sont fortement colorés en rouge et opaques dans toute l'étendue de la tumeur, et qu'ils sont, au contraire, très blancs et transparens dans les parties environ- nantes ; la coloration en rouge a des limites très nettes et très tranchées, même dans le tissu des os ». Cette observation, si elle n'est pas contestée, établirait une différence notable entre ce produit d'accouchement et les lésions qui sont le résultat de vio- lences exercées sur le crâne dans un but d'homicide, celles-ci n'amenant jamais décolorations de tissu visibles par réfraction de la lumière. Ce n'est pas seulement lorsque la tête se présente au détroit supérieur, que l'on observe de pareilles lésions ; quelle que soit la partie du tronc qui s'engage la première, si le travail a été pénible, on trouve des altérations semblables. J'ai eu l'occasion de disséquer un fœtus à terme qui avait présenté l'épaule gauche dans la quatrième position ; on fit la version et on amena l'en- fant vivant après dix-huit heures de souffrances ; il périt peu d'instans après. L'épaule gauche, le bras, l'avant-bras et la main du même côté étaient livides ; le tissu cellulaire sous-cutané était infiltré de sang brunâtre ; les muscles du bras étaient comme macérés par le sang ; mais ce qui paraîtra plus extraordinaire, le péricrâne était le siège d'une foule de petites ecchymoses rouges, étoilées -, en l'incisant, on voyait que le pariétal gauche — 240 — et la moitié gauche du frontal étaient couverts de sang. Déjà Chaussier avait noté un fail semblable en décrivant les altérations du fœtus qui présente le siège. « Si le travail a été pé- nible, disait il, on trouve à la partie qui s'est engagée une ecchy- mose plus ou moins étendue (1) ; les muscles sous-jacens ont une teinte brunâtre. « On remarque seulement dans l'épaisseur de l'aponévrose qui recouvre le crâne, ou dans le tissu du pé- rioste , quelques petites ecchymoses rougeâtres, lenticulaires, disséminées çà et là, ce que l'on trouve également dans tous les cas où l'on a été obligé de faire la version de l'enfant, surtout lorsque la tête a été arrêtée quelque temps au passage, et qu'elle est sortie difficilement. Dans les cas qui ont nécessité la version, et si elle n'a pas été opérée immédiatement après la rupture de la poche des eaux, il existe une ecchymose plus ou moins éten- due à la partie qui s'était d'abord engagée ; souvent aussi on en trouve sur les membres qui ont spécialement supporté les efforts nécessaires pour l'extraction de l'enfant. 2° Une pression éprouvée par la tête de l'enfant entre les os du bassin , lors même que le travail de l'enfantement n'est pas long. Il suffit de ce simple énoncé pour faire admettre la possibilité d'une cause de mort qui ne rentre pas précisément dans celle qui vient d'être étudiée sous le titre de longueur du travail; en effet, cette longueur étant d'autant plus marquée que la résistance qu'éprouve la tête dans sa marche est plus con- sidérable, et que les forces expullrices qui doivent vaincre cette résistance sont moins fortes, il est évident que dans tel accou- chement le travail pourra être de peu de durée parce que la matrice et les muscles abdominaux se contracteront avec éner- gie , et pourtant le fœtus pourra périr pendant le travail, par suite de la forte pression dont je parle. Quoi qu'il en soit, les lésions cadavériques qui signaleront cette cause de mort ne dif- féreront pas de celles que je viens d'indiquer à l'occasion de la longueur du travail. 3° La compression du cordon ombilical ou son entortille- (1) Assez souvent c'est dans le scrotum que l'on observe cette ecchymose, lors- que l'enfant présente les fesses. ■— 241 — ment autour du cou peuvent déterminer l'apoplexie et la mort. Le cadavre présente alors tous les signes de la congestion céré- brale dont j'ai parlé à l'occasion de la longueur* du travail. M. Devergie, sans donner aucune bonne raison contre l'opinion généralement reçue, explique différemment la mort. « Si à l'au- topsie, dit-il, on trouve des traces d'apoplexie, c'est que la com- pression du cordon n'était qu'un accident, et non pas la cause principale ». La compression du cordon seule ne pourrait, d'a- près lui, causer la mort que par syncope, suite du défaut de sang ou d'un sang non renouvelé ; dans ce dernier cas, on ne trouve aucune trace d'apoplexie. 11 est inutile de dire que l'on observe la compression du cordon lorsqu'il sort prématurément, et qu'il est serré par le col de l'utérus ou par la tête du fœtus, laquelle appuie sur les os du bassin, dans tous les cas où le tronc étant sorti jus- qu'au cou , la tête est long-temps arrêtée au passage ; on la voit aussi, lorsque après la sortie de la tête, les épaules sont long- temps arrêtées, parce qu'elles se présentent directement au dé- troit abdominal, ou diagonalement au détroit périnéal. D'après le docteur Albert de Wiesentheid, la compression du cordon ombilical pourrait encore produire une congestion du sang fœtal dans le placenta, et amener la mort du fœtus par anémie. Que l'on suppose en effet, dit-il, que par suite de cette pression, le sang du fœtus, arrêté dans son retour, se soit accumulé dans le placenta ; celui ci sera sans doute gorgé de sang, mais le fœtus éprouvera toutes les conséquences de Y ané- mie ; il pourra même arriver que l'engorgement et la distension du placenta par le sang du fœtus, occasionnent un décollement violent de ce placenta, et par conséquent une hémorrhagie uté- rine; ce serait à tort que dans ce cas on attribuerait la cause première de la mort à l'hémorrhagie de la matrice, au lieu de la faire dépendre de la congestion du sang fœtal dans leplacenta par suite de la compression du cordon ombilical. Le fait suivant paraît au docteur Albert propre à appuyer son opinion. Sabine Kœnig, âgée de 26 ans, primipare, n'avait éprouvé aucune in- commodité pendant tout le temps de sa grossesse. Vers la fin du neuvième mois, les douleurs de l'enfantement se manifestèrent, et suivirent leur type normal ; mais lorsque ta tête fut prête à franchir le petit bassin, les H. 16 — 242 — douleurs, jusque-là fortes et fructueuses, se succédèrent à des intervalles extrêmement rapprochés, et s'accompagnèrent d'un sentiment très dou- loureux de traction dans le côté droit du bassin, ainsi que de crampes violentes dans les muscles de la cuisse et du mollet du même côté, sans avoir fait avancer le travail. Ce troubla pouvait avoir duré deux heures lorsque le docteur Albert fut appelé. La femme était très fatiguée, la situation de la tête était bonne, le bassin spacieux et les parties molIc9 bien conformées ; mais l'enfant était mort depuis trois heures. L'accouche- ment fut terminé par le forceps, et le cordon qui entourait par deux tours l'épaule droite, fut lié. Peu d'instans après, la mère fut en proie à une hémorrhagie foudroyante ; en effet le sang jaillissait, de la grosseur d'un fétu de paille par l'extrémité placentaire du cordon ombilical, qui sortait de 8 centim. : on releva celui-ci pour savoir si le sang ne proviendrait pas de l'utérus, et s'il n'aurait pas pris son cours le long et en dehors du cordon ; mais l'hémorrhagie continua, et ne cessa qu'après une pression exercée sur les orifices des vaisseaux ombilicaux. Malgré l'hémorrhagie considérable, qui avait traversé les trois draps, les matelas, et pénétré jusque dans la paillasse, l'accouchée ne se sentit ni plus affaiblie, ni plus fatiguée. Le cordon placentaire fut lié, et deux heures après, le délivre sortit spontanément et sans autres accidens. La mère, qui vers le cin- quième jour fut atteinte de la phlegmasie blanche et dolente, guérit au bout de 15 jours. — L'enfant, très fort et bien nourri, était à terme et avait 56 centim. de long. La couleur delà peau, celle de la face surtout et des lèvres, était excessivement pâle. Les paupières, les ailes du nez, les commissures des lèvres, les pavillons des oreilles, la région du cou, celles de l'estomac, des aines, des articulations des membres supérieurs et infé- rieurs étaient d'un jaune cireux. Les traits de la face étaient affaissés et déformés. Le bas-ventre, et surtout la région du foie, étaient moins ten- dus que dans l'état naturel. On remarquait sur les deux oreilles une légère excoriation de l'épiderme, sans ecchymose, qui avait été produite par la pression du forceps. Sur le dos du pied droit et au tibia gauche, près de l'articulation du genou, on voyait deux taches de la grandeur d'un écu, d'un jaune sale ; la peau de ces endroits paraissait comme desséchée et adhérente. Il existait à l'épaule droite, au-dessus du bord des cavités arti- culaires, une impression de 14 millim. de longueur sur 5 millim. de large, d'une couleur rouge pâle, tirant sur le bleu.Le cordon ombilical, de 56 centim! de long, bien nourri et replet, présentait à son tiers inférieur quelques va- rices ; il était un peu aplati et comme contus vers sa partie moyenne, sur une longueur de 8 millim., et cet aplatissement se distinguait encore mieux au tact qu'à l'œil. A 6 centim. au-dessus de cette place, on remarquait une impression bleue, ecchymosée, de la grosseur et-de la forme d'une fève. Cette impression s'étendait en travers jusqu'aux trois quarts de la largeur du cordon. Ses deux artères étaient vides, mais la veine contenait du sang en partie liquide, en partie coagulé, et qu'il était facile d'expri- — 243 — mer et d'extraire par l'orifice du vaisseau. - Le placenta était intact, d'un volume normal et gorgé de sang. Il offrait aux bords de sa face utérine et fœtale, plusieurs points de la grandeur d'une pièce de 50 centimes à 1 fr., plus ou moins confluens, un peu tuméfiés, très noirs et compactes. On n? re- marquait à la face utérine, ni traces d'adhérences ligamenteuses , ni au- cune autre irrégularité. Il fut impossible de se livrera aucune autre re- cherche anatomique. Dans le cas qui précède, dit le docteur Albert, l'impossibilité de faire une injection dans le cordon ombilical et de se livrer à un examen anatomique, peut, il est vrai, laisser quelque doute sur la nature de la mort de l'enfant ; en effet, le sang exprimé du cordon par la veine a pu lui arriver par quelques vaisseaux anastomotiques de la mère. Cependant le teint pâle cireux de l'enfant, le placenta gorgé de saifg, le cordon ombilical aplati et contus, enfin, la circonstance que la mère n'a autrement été affaiblie, malgré la grande quantité de sang" qu'elle a rendu, sont autant de preuves qu'il n'existait aucune communication vascu- laire entre la mère et le fœtus, et qu'en conséquence le sang perdu est venu, non pas de la mère, mais de celui-ci par le placenta, ou en d'autres termes, que le fœtus a, par l'effet d'une compression exercée sur le cordon ombilical, perdu tout son sang dans le placenta. Il faut donc, continue l'auteur, en examinant de semblables cas, tenir compte de l'état du cordon ombilical, de la quantité de sang contenu dans le placenta, et enfin constater, par l'injection, s'il a pu exister une anastomose vasculaire entre la mère et le fœtus {Annales d'hygiène, numéro de juillet 1831). Pour admettre avec le docteur Albert, qu'un fœtus peut perdre du sang dans le placenta à la suite de la compression du cordon ombilical, il faudrait que lorsque celui-ci est comprimé, il le fût assez pour empêcher le sang d'arriver au fœtus par la veine ombilicale, et pas assez pour empêcher le sang du fœtus d'aller au placenta par les artères ombilicales, ou en d'autres termes, que la compression suspendît la circulation dans la veine et non dans les artères ombilicales. Or rien ne prouve, dans l'étal actuel de la science, qu'il en soit ainsi ; au contraire, les résultats bien observés de la compression du cordon ombilical sont tout-à-fait 16. — 244 — contraires à cette opinion. Bien loin que dans; «e cas le fœtus naisse exsangue, il naît avec des symptômes évidens de pléthore sanguine ; les vaisseaux du cerveau surtout sont gorgés de sang, les poumons et le foie sont d'une couleur violette foncée avec des ecchymoses nombreuses qui sont les vestiges et les preuves d'une forte congestion sanguine antérieure à la naissance. Quand le cordon ombilical est comprimé au point d'y suspendre la cir- culation dans la veine, la compression l'y suspend de même dans les artères ; ce résultat inévitable s'explique assez par la longueur et les tortuosités de ces vaisseaux qui ralentissent l'impulsion du sang, ainsi que par leur position superficielle : on peut d'ailleurs remarquer, après la naissance de l'enfant, qu'une pression légère exercée avec le doigt sur le cordon ombilical, suffit pour y étein- dre les pulsations artérielles. L'hypothèse du docteur Albert ne saurait donc soutenir un examen sérieux. Quant au fait de Sabine Kœnig, il ne me paraît pas prouver ce qu'il a pour objet de démontrer. J'en dirai autant des points noirs et compactes obser- vés sur le placenta, phénomène très commun, surtout après des accouchemens un peu pénibles, et qui, s'il annonce une sorte d'apoplexie pulmonaire due à la gêne de la circulation dans le placenta, ne suffit pas pour expliquer l'anémie du fœtus, car dans l'immense majorité de cas analogues, les fœtus naissent vivans et bien portans. U° Une hémorrhagie ombilicale (V. Signes de cette hémor- rhagie, p. 260). Les causes de celte hémorrhagie sont : une lésion du placenta ; la rupture du cordon ombilical ou de la matrice ; dans un ac- couchement double, la non-ligature de la portion placentale du cordon de l'enfant sorti le premier ; enfin le décollement partiel du placenta. Lésions du placenta. Si le placenta a été perforé ou lésé d'une manière quelconque, et que la lésion soit très étendue, la mort du fœtus sera inévitable dans la plupart des cas, quelle que soit la surface du placenta blessée ; en effet, si c'est la face utérine, la mère perdra son sang; si c'est la face fœtale, le fœtus périra seul. Toutefois il existe des circonstances, rares à la vérité, où celte hémorrhagie qui semblerait devoir être prompte, soutenue — 245 — et mortelle, ne présente pas ces caractères; ces circonstances sont : A. La pression exercée par le corps de l'enfant lors de son passage sur le cordon ombilical sorti ou entortillé autour d'une partie quelconque : en effet, par suite de celte pres- sion l'hémorrhagie peut s'arrêter ; ce cas pourrait même con- duire un expert inattentif à mal apprécier la cause de la mort d'un nouveau-né ; supposons en effet que pendant le travail le cordon trop court ou entortillé, se déchire et entraîne avec lui une portion du placenta, pendant que le fœtus avance ; admet- ions que par suite de la pression dont j'ai parlé, l'hémorrhagie qui est le résultat de la lésion placenlale soit arrêtée, mais qu'a- près la naissance le cordon déchiré ne soit pas lié, et que l'enfant succombe à une hémorrhagie ombilicale, il serait absurde d'attri- buer la mort, qui dépendrait évidemment du défaut de ligature du cordon, à la lésion du placenta. B. La pression exercée par une partie du corps du nouveau-né sur le point du placenta lésé : celte circonstance arrivera principalement lorsqu'une portion du placenta qui a contracté des adhérences partielles avec l'orifice utérin, au lieu de se décoller comme dans les cas ordinaires, en est arrachée parce que le fœtus est violemment expulsé ; alors les parties du corps de l'enfant, en traversant les organes de la génération, surtout lorsque ce passage est prompt, pourront comprimer les vaisseaux saignans, et arrêter ainsi l'hémorrhagie qui venait de commencer. Plenk a vu plusieurs fois cet accident se terminer heureusement ; aussi a-t-il donné le précepte d'abandonner l'accouchement aux seuls efforts de la nature, quand l'orifice utérin est à moitié couvert par le placenta adhérent; car, dit-il, la tête de l'enfant pousse de côté la portion du placenta qui se présente, comprime les vais- seaux saignans, et empêche ainsi l'hémorrhagie (1). C. L'expul- sion prompte de l'enfant : tous les accoucheurs savent que lors- qu'il y a lésion du placenta , il faut terminer proinptemeni l'accouchement, si l'on veut empêcher le nouveau-né dépérir; sans doute, il esl possible, alors, que la mère succombe à la (1) Celte partie de la science n'est pas malheureusement assez connue ; je ne routesle pourtant pas la possibilité du fait énoncé sous le titre B. — 246 — perte de sang qui a lieu par la portion placentale du cordon. Rupture du cordon ombilical ou de la matrice. Le simple énoncé de cette cause suffit pour en faire concevoir la possi- bilité. Défaut de ligature de la portion placentale du cordon ombilical de l'enfant sorti le premier dans un enfantement de jumeaux. La possibilité de mort occasionnée par le défaut de ligature dans l'espèce est prouvée par plusieurs exemples, parmi lesquels je citerai le suivant. Dans un enfantement de jumeaux, dit M. Brachet de Lyon, on s'abstint de lier la portion placentale du cordon du premier enfant, d'où il résulta une hémorrhagie par ce cordon qui amena la mort du second en- fant, dont les vaisseaux furent trouvés vides de sang. Les cordons s'inséraient à une distance de 55 centimètres l'un de l'autre dans le centre du placenta, et il existait entre eux un grand nombre d'anastomoses. On injecta après la délivrance un liquide par un des cordons, et non-seulement il remplit le placenta, mais on le vit encore sortir par l'autre cordon. Le docteur Albert, qui rapporte cette observation, après avoir établi que l'hémorrhagie dont il s'agit n'est possible que lorsque, contre la règle, des communications vasculaires existent entre les deux placentas ou entre les deux cordons d'un seul placenta, ajoute, que dans le cas où il s'agira de statuer sur des faits de cette nature, on pourra déterminer par le procédé suivi par le docteur Brachet, quelle est la cause de la mort ; car la perte de sang par le cordon non lié du premier enfant ne suffit pas seule pour cette détermination, en ce que des anastomoses peuvent aussi exister entre la mère et l'enfant premier-né, et donner lieu à une hé- morrhagie utérine qui peut devenir mortelle pour l'enfant à naître, tandis qne l'enfant déjà né conserve l'existence. Dans ce cas l'injection, au lieu de sortir par l'autre cordon, sortira par les vaisseaux du placenta. Décollement partiel du placenta.Ce décollement peut in- contestablement faire périr l'enfant. Le docteur Albert omet à dessein d'énumérer parmi les causes de mort par hémorrhagie ombilicale pendant le travail, le décollement violent ou pré- maturé de tout le placenta, à moins qu'il ne s'agisse d'excep- — 247 — tions infiniment rares; en effel, on sait, dit-il, que la plupart des expériences faites jusqu'à ce jour établissent qu'il n'existe pas dans le placenta de communication vasculaire immédiate entre la mère et l'enfant (V. page 165); qu'importe donc que le pla- centa soit entièrement séparé de l'utérus (Albert, Annales d'hygiène, juillet 1831). J'admettrai, avec ce médecin, qu'il en est ainsi toutes les fois que le décollement du placenta n'est pas accompagné de lacéra- lions : or, il suffit d'avoir examiné quelques placentas à la suite d'hémorrhagie utérine, pour être convaincu que lorsque cet or- gane a été décollé, il est souvent lacéré. Non pas que je prétende que même dans tous les cas de lacération légère, il doive y avoir nécessairement hémorrhagie du fœtus; au contraire , cet accident n'est pas commun alors, ce qui tient sans doute à quel- ques conditions ou à quelques propriétés peu connues soit du sang fœtal, soit des vaisseaux extrêmement déliés par lesquels il pourrait s'échapper. 5° La faiblesse du fœtus, résultat de son immaturité ou de quelque maladie ( Voy. page 170). 6° La nécessité où l'on a été de terminer l'acéouchement, parce que la femme éprouvait des convulsions ou d'autres acci- dens qui pouvaient la faire périr, que le placenta était inséré sur l'orifice de la matrice, que le travail ne faisait point de pro- grès, ou que le fœtus se présentait mal. Comme, dans ces diffé- rentes circonstances, on est obligé d'employer la main, et quel- quefois le forceps, les crochets et les perce-crânes, on voit sur les parties du corps du fœtus qui ont été atteintes, des traces non équivoques de l'impression des doigts ou de ces instriimens. Après avoir indiqué les causes innocentes qui peuvent faire périr le fœtus pendant l'accouchement, il importe d'examiner si les effets produits par ces causes sont assez caractérisés pour qu'il soit impossible de les rapporter à des manœuvres crimi- nelles, ou, en d'autres termes, si l'on ne peut jamais confondre le cadavre d'un fœtus qui est mon naturellement en naissant, avec celui d'un fœtus qui a été assassiné. Je pensé que, s'il est des cas où cette distinction est fort difficile à établir, le contraire doit avoir lieu dans le plus grand nombre de circonstances ; en effet, — 248 — supposons qu'une main homicide parvienne à fracturer le crâne d'un fœtus, à déchirer un assez grand nombre de vaisseaux san- guins pour produire un épanchemeni notable dans sa cavilé , à meurtrir la face et les autres parties du corps au point de donner lieu à une foule d'ecchymoses, certes, ces lésions pourraient être confondues au premier abord avec celles qui sont quelquefois la suite de la longueur du travail,- mais on évitera souvent de les confondre, à l'aide des considérations suivantes : 1° assez généralement les altérations cadavériques graves, qui sont le ré- sultat d'un travail long et pénible, supposent un rétrécissement du détroit abdominal supérieur, produit par la saillie de l'angle sacro-vertébral, et ne correspondent qu'aux portions du crâne qui appuyaient contre la proéminence du sacrum et le rebord du pubis ; 2° la partie de la tète qui s'est présentée offre une tumé- faction ordinairement peu étendue, circonscrite, souvent de même couleur que la peau, ou peu foncée ; 3° il est rare d'ail- leurs que la respiration ait été assez complète pour que les pou- mons ou leurs fragmens soient plus légers que l'eau ; h° s'il y a eu manœuvre criminelle après la naissance de l'enfant, les dé- sordres sont presque toujours plus grands et ne se remarquent pas précisément aux mêmes parties ; ainsi l'infiltration sanguine et la tuméfaction du cuir chevelu peuvent être placées dans un lieu très éloigné du vertex ; dans la plupart des cas, elles sont irrégulières, profondes, étendues, d'une teinte rouge ou noirâtre; elles peuvent correspondre à un décollement de la dure-mère, à une lésion du cerveau ; d'ailleurs, la respiration peut avoir été assez parfaite pour que la plupart des fragmens pulmonaires surnagent ; 5° j'ajouterai qu'il n'est pas impossible que l'homme de l'art apprenne, dans beaucoup de cas, que la femme n'était point primipare, que la tête s'est présentée dans une bonne posi- tion, que ses diamètres n'étaient point disproportionnés à ceux du détroit supérieur du bassin ; circonstances qui tendent à éloi- gner l'idée d'un travail long et pénible. Il serait impossible de rapporter à une cause criminelle l'apo- plexie déterminée par l'entortillement du cordon ombilical, lors même que l'enfant aurait respiré au passage, comme Mabon l'a supposé ; il suffirait, en effet, d'avoir égard a la longueur insolite — 249 — de ce cordon et aux autres circonstances qui ont précédé et ac- compagné l'accouchement. On serait plutôt tenté de confondre ï anémie qui est le résultat d'une hémorrhagie pendant le travail, avec celle qui serait la suite de l'hémorrhagie ombilicale que la mère aurait provoquée après la naissance de l'enfant, dans le dessein de le faire périr. Mais il n'est guère possible de méconnaître la lésion du placenta ou son décollement partiel aux symptômes qui caractérisent l'hémorrhagie apparente ou cachée qui en est l'effet nécessaire ; le diagnostic est surtoul facile à établir lorsque ce placenta s'in- sère sur l'orifice de l'utérus : il arrive d'ailleurs quelquefois que la mère succombe. Quant à la rupture du cordon pendant le tra- vail, on sait que si elle a lieu, les bords de la solution de conti- nuité sont inégaux et irréguliers, tandis que l'hémorrhagie ombi- licale, après la naissance, suppose, lorsqu'elle est assez considé- rable pour faire périr le fœtus, que la section du cordon a été opérée avec un instrument tranchant : en effet, l'écoulement ne larderait pas à s'arrêter dans un cordon qui aurait été déchiré ou rompu, et qui serait exposé à l'air; or, il est aisé de distin- guer si le cordon ombilical a été coupé avec un instrument Iran chant, à l'aspect lisse et uni des bords de la section. Ce que j'ai dit à la page Ihl (6') me dispense de chercher à déterminer si le fœtus a été victime de manœuvres entreprises par l'accoucheur, dans le dessein de sauver la mère, et quelque- fois même de conserver la vie de l'enfant. L'homme de l'art appelé pour juger si un fœtus a péri pendant l'accouchement, devra examiner attentivement : 1° s'il a respiré, et jusqu'à quel point la respiration a été parfaite : en effet , il n'est pas ordinaire de voir les fœtus qui meurent en naissant respirer assez complètement pour faire surnager les fragmens des poumons : la surnaiation complète de ces organes serait donc un indice qui militerait en faveur de la vie après la naissance ; 2° si la mort ne peut être rapportée à aucune des causes inno- centes dont j'ai fait mention : c'est ici qu'il étudiera avec soin tout ce qui pourra l'éclairer sur la nature et la durée de l'accou- chement ; 3° s'il n'exisle point de traces manifestes d'assassinat ( voyez page 266 ) ; u° si la mère et l'accoucheur assurent avoir — 250 — senti les mouvemens de l'enfant peu de temps avant l'accouche- ment, tandis que ces mouvemens ont cessé d'être sensibles au bout d'un certain temps ; 5° si les pulsations des artères, qui étaient distinctes au commencement du travail, ne l'ont plus été quelque temps après. QUATRIIÈME QUESTION RELATIVE A L'iNFANTICIDE. — Si l'en- fant a vécu après sa naissance, pendant combien de temps a-t-il vécu ? La solution de cette question repose sur la connaissance des changemens qu'éprouvent après la naissance la peau, le cordon ombilical, les poumons, le cœur, la vessie et les intestins {Voy. l'histoire des âges, p. 77 et suiv. dut. î, et Y état des poumons, du cœur, de la vessie et des intestins, p. 130 et 134 de ce vol.) Si l'enfant appartenait à la race noire, il ne serait pas sans intérêt de consulter le fait relaté par le docteur Cassan {Disser- tation déjà citée) d'un enfant naissant qu'il a eu l'occasion d'ob- server. A l'instant de la naissance, dit ce médecin, la peau du négrillon ne différait en rien de celle des blancs, si ce n'est au scrotum, qui était déjà entièrement noir ; un cercle de même couleur entourait la base du cordon ombilical. Les cheveux, légèrement bruns, n'étaient point lanugineux. La membrane mu- queuse labiale était d'un rouge très vif. Vers le troisième jour , la région frontale commença à brunir. On remarquait alors deux bandes noirâtres qui s'étendaient de chaque côté de l'aile du nez à la commissure des lèvres. Ces deux bandes se dessinaient sous l'épiderme, qui semblait seulement les recouvrir, sans participer en rien de leur couleur. Le même phénomène se manifesta le surlendemain de la naissance, à la partie antérieure des genoux. A cette époque, le cercle noir qui circonscrivait le cordon ombi- lical s'effaça, en même temps que la surface entière des tégumens prit une teinte plus foncée. Cinquième question relative a l'infanticide. — En suppo- sant que l'enfant ait vécu après sa naissance, depuis quand est-il mort ? Ici il faut avoir égard à la température du corps, à la rigidité — 251 — ou à la flexibilité des membres, aux divers autres signes de la mort, et surtout à l'état plus ou moins avancé de la putréfaction. La solution de cette question appartient donc à l'histoire de la mort ( Voyez pour les phénomènes que présentent successive- ment les cadavres des fœtus qui se pourrissent dans l'air et dans les différens gaz, dans l'eau stagnante, dans l'eau renouvelée, dans l'eau de fosses d'aisances, dans le fumier et dans la terre les pages 492, 498, 629, 680, 740, 789 et 812 du tome i«). Sixième question, relative à l'infanticide. Si tout porte à croire qu'un fœtus a vécu après l'accouchement, ou qu'il est mort en naissant, la mort est-elle naturelle, ou peut- elle être attribuée à quelque violence, et, dans ce cas, quelle en est l'espèce ? J'ai déjà fait connaître (page 228) les causes innocentes qui peuvent faire périr les fœtus pendant l'accouchement ; il im- porte d'examiner maintenant celles qui déterminent le plus sou- vent la mort des nouveau-nés. 1° Les monstruosités. Les acéphales, les anencéphales, les monopses, beaucoup d'hydrocéphales, etc., périssent immédia- tement après la naissance, ou ne vivent que peu de temps, comme je l'ai établi à l'article viabilité {Voy. tome î, p. 303). 2° La faiblesse des avortons et même des fœtus à terme qui ont été épuisés par des maladies, est souvent la seule cause de la mort. 3° La longueur du travail. Si, dans un travail pénible, le fœtus a présenté assez de résistance pour ne pas périr pendant l'accouchement, il peut succomber après la naissance {Voy. ce qui a été dit à la page 238). 4° L'asphyxie par défaut d'air, parce que l'air ne pénètre pas dans les poumons, c'est-à-dire parce que la respiration ne s'établit pas, comme on l'observe lorsque la bouche de l'enfant reste ap- pliquée sur une des cuisses de la mère, sur des linges mouillés, ou qu'elle se remplit de glaires, de caillots de sang; lorsque la langue est collée au palais, que le thymus, trop volumineux, - 252 — s'oppose à la dilatation du poumon ou que le diaphragme est le siège de tumeurs ; lorsque les voies aériennes sont engouées par des mucosités ou par la liqueur de l'amnios, ou que les poumons offrent des indurations, des foyers purulens, obstacles qui s'op- posent fréquemment à la respiration, ou bien lorsque l'accouche- ment a été fort brusque et que l'enfant est né enveloppé de ses membranes: la mort a lieu dans ce dernier cas, non-seulement par défaut d'air, mais encore parce que la circulation, conti- nuant à se faire comme dans l'utérus, tout le sang s'écoule par la surface du placenia. Les causes de mort dont je parle sup- posent que l'enfant n'a point été secouru, et par conséquent que la mère était seule ou hors d'état de lui prodiguer les soins con- venables : elles sont, en général, faciles à constater sur le ca- davre. L'engouement des voies aériennes par des mucosités ou par la liqueur de l'amnios, pourrait cependant offrir quelque dif- ficulté, surtout si le fœtus avait été trouvé dans des fosses d'ai- sances ou dans d'autres lieux semblables; il faudrait alors, comme l'a indiqué M. Schmitt, s'attacher à démontrer par les moyens indiqués à la page 172, si l'enfant a respiré après la naissance, ou si les poumons ont été insufflés, la présence de bulles d'air dans les liquides contenus dans la trachée-artère ou dans les bronches n'étant point suffisante pour établir que la respiration ou l'insufflation a eu lieu; en effet, il ne répugne pas d'admettre que dans certaines maladies il y ait un développement de sub- stances gazeuses susceptibles de rendre écumeux le liquide con- tenu dans les voies aériennes d'un fœtus qui n'a pas respire. Si, comme l'a observé Scheel, le liquide introduit dans la trachée- artère, est limpide, sans apparence de bulles d'air, et nullement écumeux, on peut en conclure que l'enfant n'a pas respiré. 5° Plusieurs maladies et notamment la pneumonie, résultat de l'action de l'air froid sur le corps de l'enfant {Voy. page 138). Faut-il ranger parmi ces causes de mort la chute de l'enfant sur un corps dur dans un accouchement 1res prompt? La pos- sibilité de cette chute repose sur des faits nombreux et incontes- tables, parmi lesquels je choisirai les suivans : 1° Lafosse dit qu'une femme surprise par les douleurs de l'enfantement, assignant toute autre cause à ces douleurs, se levait pour aller à la ,-elle — 253 — lorsque l'enfant sortit à moitié; on arriva assez à temps pour en prévenir la chute. 2° M. Pasquierde Lyon rapporte que dans un accouchement très prompt, le cordon ombilical fut rompu et l'enfant tomba sur le carreau (Journal universel des sciences médicales, année 1821, t. xxh). 3° M. IViei- rieu a inséré, dans le numéro de mai 4823 du même recueil, l'observation d'une autre femme qui eut à peine le temps d'empêcher l'enfant de tom- ber ; le cordon ombilical fut également rompu. 4° Le docteur Klein, mé- decin du roi de Wurtemberg, a rassemblé cent quatre-vingt-trois cas d'accouchement brusque, dans lesquels les enfans étaient tombés sur du pavé, sur un sol planchéié, etc.; chez plusieurs de ces enfans, le cordon ombilical avait été déchiré. Ces exemples de rupture du cordon ombilical, qui sont loin d'être les seuls bien avérés que je pourrais citer, ne s'accordent guère avec les expériences faites par Chaussier, qui tenant d'une main le placenta et attachant des poids assez considérables à l'extrémité du cordon déjà coupé, vit que la rupture du cor- don ombilical n'avait lieu qu'avec la plus grande peine. Quoi qu'il en soit, on distinguera presque toujours la rupture du cordon, parce qu'elle ne se manifeste ordinairement que dans deux endroits, près de l'ombilic et près du placenta, et parce que les bords de la solution de continuité sont le plus souvent frangés, inégaux et irréguliers. La possibilité de la chute de l'enfant étant établie, cet accident peut-il amener des résultats fâcheux? Les opinions sont parta- gées à cet égard. D'après le docteur Henke, la chute dont il s'agit peut entraîner des lésions graves de la tète, des fractures des os du crâne, des commotions cérébrales, des épanchemens sanguins dans le cerveau, et la mort. Les expériences suivantes, tentées par Chaussier, semblent venir à l'appui de cette manière de voir. Ce médecin laissa tomber de la hauteur de 48 centim., perpendiculaire- ment sur un sol carrelé, quinze enfans morts qu'il avait soulevés par les pieds : on découvrit sur douze d'entre eux une fracture longitudinale ou anguleuse à l'un des pariétaux, et quelquefois aux deux, quoique aupara- vant les os du crâne ne présentassent aucune altération. Dans une autre expérience, on laissa tomber le même nombre d'enfans de la hauteur de trento-neuf centim., et l'on vit sur douze d'entre eux une fracture aux os pariétaux, qui s'étendait dans quelques-uns jusqu'à l'os frontal. En les laissant tomber de plus haut, les commissures membraneuses de la voûte du crâne étaient relâchées ou rompues; le cerveau offrait une altération — 254 — marquée ; il y avait des ecchymoses dans les membranes de ce viscère, des épanchemens de sang, etc. Plusieurs médecins pensent, au contraire, que l'on a singu- lièrement exagéré les dangers de ces sortes du chutes ; le doc- teur Klein est de ce nombre. Après avoir invité les accoucheurs du royaume de Wurtemberg à recueillir avec soin tous les faits propres à éclairer cette question, il rassembla cent quatre-vingt- trois observations d'expulsion brusque, savoir cent cinquante- cinq les mères étant debout, vingt-deux les mères étant assises, et six les mères étant à genoux, le corps incliné en avant; vingt-et-une de ces femmes étaient primipares. Or dans ces cent quatre-vingt trois cas, il n'y a pas eu un seul enfant de mort, aucun n'a éprouvé de fissure ou de fracture des os du crâne, ou toute autre influence nuisible. Tous ont couservé leur santé, quoique les uns fussent tombés sur un sol planchéié, les autres sur du pavé, et même de la hauteur d'un étage dans l'auge sèche des latrines. La conséquence la plus immédiate et la plus sensible de ces chutes, a été une asphyxie pas- sagère chez deux enfans qui étaient tombés sur le pavé : un autre, tombé sur le sol de la chambre, avait une légère impression avec ecchymose sur le pariétal droit ; mais ces accidens ont également lieu dans les accou- chemens ordinaires. Chez trois qui étaient tombés sur un clou du plancher, ou sur le bord de la marche d'un escalier en pierre, on remarqua une pe- tite plaie superficielle qui n'avait aucune importance. Chez dix-huit expul- sés inopinément, les mères étant debout, on observa de légères taches ou raies bleues, résultat d'une chute sur le parquet : chez un autre enfin, un léger éraillement de la peau du front, par l'effet d'une chute dans les la- trines. Quelques-uns d'entre eux restèrent pendant un certain temps dans le froid et dans la neige ; d'autres sur la terre gelée, sur le pavé, et il fal- lut les porter assez loin avant d'arriver au domicile de leurs parens. Il n'y a eu chez aucun de ces enfans d'hémorrhagie ombilicale,, quoique, chez plusieurs, le cordon n'eût été déchiré qu'à quatre, trois, deux et même 30 centim. du bas-ventre. Chez vingt-et-un enfans il était même comme pour ainsi dire arraché dans le ventre, et il a fallu panser la plaie, soit avec de l'agaric, soit avec un emplâtre » (Dict. de Méd. en 21 vol. art. infanticide). Je pourrais encore rapporter des observations nombreuses recueillies par les accoucheurs les plus célèbres delà capitale, qui n'ont jamais remarqué des accidens notables à la suite des expulsions brusques dont je parle. Ces faits permettent de conclure : 1° que si la chute d'un en- fant sur un corps dur, dans un accouchement très prompt, peut déterminer des fractures et d'autres lésions graves, ce phéno- — 255 — mène doit être excessivement rare, non-seulement parce que, dans les observations qui précèdent, ces lésions n'ont jamais été constatées quand les enfans ne tombaient que d'une hauteur égale à la distance qui sépare le sol des parties génitales, mais encore et surtout parce que, dans la plupart des cas d'expulsion brusque, les mères (que je supposerai debout), fléchissent les jambes sur les cuisses, se baissent et rendent par là beaucoup moins consi- dérable la hauteur de laquelle l'enfant tombe ; 2° qu'à plus forte raison on ne doit pas admettre facilement que la mort puisse être déterminée par une chute de ce genre, à moins que par ex- traordinaire, celle-ci n'ait eu lieu d'un endroit très élevé ; 3° que les résultats des expériences de Chaussier ne sauraient être in- voqués pour infirmer ces conclusions, parce que les fractures du crâne arrivent beaucoup plus facilement chez l'enfant mort que chez celui qui est vivant, les os jouissant dans ce dernier cas d'une souplesse et d'une élasticité qui leur permettent de résister aux efforts que l'on exerce sur eux, et que la chute ayant été perpendiculaire, tandis que dans un accouchement prompt elle a lieu dans une direction plus ou moins oblique, la force doit se trouver décomposée et agir avec moins d'intensité. Je vais maintenant m'occuper des moyens criminels que l'on peut mettre en usage pour détruire l'enfant pendant ou après la naissance. Ces moyens doivent être rapportés, d'après les juris- consultes, à Y omission volontaire des secours qu'il est indis- pensable de donner au nouveau-né, et à la commission de vio- lences intentées contre sa vie : c'est là ce qui a donné lieu à la distinction de Y infanticide par omission et par commission. § Ie'. Infanticide par omission. On peut réduire à quatre chefs principaux tout ce qui est rela- tif à l'omission volontaire des soins à donner à l'enfant qui vient de naître, l'asphyxie, Yhémorrhagie ombilicale, la tempéra- ture de l'atmosphère et l'inanition. Rappelons d'abord quels sont les secours que l'on est souvent obligé de prodiguer aux nouveau-nés. 1" La face de l'enfant qui vient de franchir la — 256 — vulve, s'appuyant sur une des cuisses de la mère, dans le plus grand nombre de cas, le fœtus peut être asphyxié si on ne le retourne pas, et l'on sait que les accoucheurs prescrivent avec raison de le placer sur le côté, le dos tourné vers la vulve de la mère, pour empêcher que les fluides qui s'écoulent n'entrent dans sa bouche. 2° L'asphyxie pouvant encore être produite par quelque vêtement, des linges mouillés ou d'autres corps ap- pliqués sur la bouche de l'enfant, il importe de les ôter. 3° Il existe des fœtus dont la langue est accolée au palais, ou dont la bouche est remplie de mucosités, et qui ne peuvent respirer qu'autant que l'on remédie à ces inconvéniens en introduisant le doigt dans la bouche. 4° Il en est d'autres qui sont atteints de l'asphyxie des nouveau-nés, et qui périraient infailliblement si on ne cherchait pas à rétablir la respiration, soit en leur in- sufflant de l'air dans les poumons, soit surtout en leur faisant des frictions sèches ou excitantes le long du dos, sur la poitrine, sur la plante des pieds ou sur la paume des mains, soit en les entourant de linges chauds, ou en les mettant dans un bain chaud aromatique, et mieux encore en employant tous ces moyens à- la-fois. 5° Quelques-uns d'entre eux sont dans un véritable état d'apoplexie, et ne parviennent à respirer qu'autant qu'on a laissé saigner pendant quelque temps le cordon ombilical, qu'ils ont été exposés à un air frais, que l'on a pressé mollement et alter- nativement le ventre, et que l'on a fait usage de bains, de fric- tions et de l'insufflation de l'air, comme dans le cas précédent 6° 11 en est qui peuvent périr par cela seul que le cordon ombi- lical n'a pas été lié, et, dans le cas où cette ligature a été faite, la mort peut encore arriver, s'il existe une hernie ombilicale dont on aurait déterminé l'étranglement, en appuyant le lien sur la partie de l'intestin invaginée dans le cordon. 7° La mort de l'en- fant peut encore être le résultat de la gangrène qui se manifeste, rarement à la vérité, lorsque l'inflammation de l'ombilic est ex- cessivement vive, et qu'elle n'est point combattue par les émol- licns. A. L'asphyxie produite par une des causes dont je viens de parler dans le paragraphe précédent, constitue un véritable in- fanticide, s'il est prouvé que l'omission des soins qui l'a déterrai- — 257 — née a été volontaire ; mais il n'est pas toujours facile d'établir celte preuve. B. Hémorrhagie ombilicale. Les faits consignés dans cer- tains auteurs pour établir que l'omission de la ligature ombilicale n'est pas mortelle, seraient-ils mille fois plus nombreux, ils ne prouveraient rien, dès qu'il serait constaté qu'un seul enfant a été victime de cette omission : or, l'observation démontre que plusieurs nouveau-nés sont morts d'hémorrhagie, par défaut de ligature du cordon, quoiqu'à la vérité on remarque le contraire dans le plus grand nombre des cas. Quelle peut-être la cause qui fait que des enfans dont le cor- don n'a pas été lié meurent d'hémorrhagie ombilicale, tandis que d'autres, placés dans les mêmes conditions ne meurent pas? La plupart des auteurs ont admis que si la respiration est déjà éta- blie, l'hémorrhagie ombilicale est impossible ; et qu'elle a lieu au contraire si l'enfant n'a pas encore respiré, ou si la respira- tion a été supprimée; ils se sont particulièrement appuyés sur les expériences de Plouquet, qui faisait jaillir à volonté le sang du cordon, et l'arrêtait suivant qu'il empêchait la respiration ou qu'il lui permettait de se rétablir. Mais cette assertion est beau- coup trop absolue, comme le démontrent les faits suivans. 1° Cas où la respiration n'avait pas lieu ou se faisait mal, sans qu'il y eut hémorrhagie ombilicale. En répétant les expériences de Plouquet sur deux enfans bien portans qui avaient crié et exécuté plusieurs inspirations profondes, le docteur Albert arrêta leur respiration aussi long-temps qu'il fut possible de le faire sans danger. Chez l'un de ces sujets il sortit du cordon non lié. un peu de ^ang par un faible jet, mais chez l'autre, ainsi que, dans toutes les expérien- ces analogues faites sur d'autres enfans, il n'en sortit pas une goutte. Le même résultat fut obtenu avec le fœtus d'une truie. On a vu des enfans dont la respiration se trouvait entravée im- médiatement après la naissance, par l'effet d'une position défa- vorable, ne pas éprouver de perte de sang parle cordon non lié, tandis que chez d'autres cette perte avait lieu, bien qu'ils respi- rassent plus ou moins parfaitement. Le docteur Albert dit même avoir vu des enfans vivans, chez lesquels la respiration avait de la peine à s'élablir, el qui faisaient des efforts et des mouvemens — 258 — pour respirer, ne pas perdre de sang par Fe cordon non lié, lors même qu'ils étaient dans le bain. 2° Cas où la respiration étant déjà établie, il y avait hé- morrhagie ombilicale. La femme Sendner accoucha d'un enfant de huit mois, chétif, qui respi- rait et criait, mais qui dormait presque continuellement, sans exécuter de mouvemens ni vouloir prendre le sein. Dans la nuit du quatrième au cin- quième jour de la naissance, la ligature du cordon se détacha, et le matin l'enfant fut trouvé mort et baigné dans son sang. L'année suivante, la même femme accoucha à terme d'une fille qui en apparence se portait bien. Le dixième jour après la naissance, le cordon tomba et en même temps il se manifesta une violente hémorrhagie ombilicale que l'on eut beaucoup de peine â arrêter. L'enfant s'affaiblit progressivement et mourut ah bout de trois jours, après être devenu bleu surtout le corps, peu d'heures avant la mort (Albert). Ces faits ne permettent plus d'admettre que l'hémorrhagie ombi- licale reconnaisse pour cause le défaut de respiration. Elle dépend évidemment, comme l'a dit le docteur Albert, de ce que la circula- tion fœtale ou la petite circulation continue chez certains individus, lors même que la respiration est établie et que déjà le nouveau mode de circulation a commencé. Que l'on admette par exemple des vices organiques du cœur, des gros vaisseaux, des poumons, du foie, qui apportent des obstacles à rétablissement du nouveau mode de circulation, la circulation fœtale continuera, quoique l'enfant respire ; et cela d'autant mieux que celui- ci possédera plus de forée vitale pour l'entretenir. Sans doute que cet état constituera l'exception à la règle, puisque dans la plupart des cas le nou- veau mode de circulation commencera et s'exécutera sans obsta- cle, dès que la respiration qui le détermine, sera établie ; danf ces cas nombreux aussi la circulation fœtale cessera aussitôt. Est-il vrai de dire que l'hémorrhagie ombilicale n'est plus pos- sible lorsque les pulsations du cordon ont cessé? Dans le plus grand nombre de cas elle n'a pas lieu, si l'on ne sent plus les battemens dont il s'agit ; mais iî y a des exemples qui constituent des exceptions ; en effet on a vu des enfans dont le cordon om- bilical n'offrait plus de pulsations depuis plusieurs minutes, plu- sieurs heures et même plusieurs jours, éprouver une hémorrha- gie ombilicale et périr : c'est qu'alors la respiration ne s'effectuait — 259 — pas, ou bien que le sang, par suite d'un des obstacles indiqués plus haut ne pouvait traverser on ne traversait .qu'incomplète- ment les poumons et ne pénétrait pas davantage dans le cor- don,- dans ce dernier cas, l'enfant manque évidemment du degré d'énergie vitale nécessaire pour entretenir la circulation par le cordon ou du moins pour le distendre assez pour que les pulsa- tions soient sensibles : et l'on conçoit qu'après être sorti de cet état syncôpal, ou après avoir recueilli une somme suffisanie de force, l'hémorrhagie puisse avoir lieu par le cordon non Iié(^n- nales d'hygiène, n° de juillet 1831). On peut tirer de ce qui précède les conclusions suivantes : 1" Un nouveau-né qui n'a pas encore respiré, et dont la respira- tion est empêchée, peut et doit périr d'hémorrhagie ombilicale, s'il possède assez d'énergie vitale pour entretenir la circulation par le cordon ombilical ; 2° si déjà la circulation par les poumons est en pleine activité chez le nouveau-né, il ne peut plus périr d'hémorrhagie ombilicale, que cette circulation soit ou non trou- blée par un obstacle apporté à la respiration ; 3° l'hémorrhagie ombilicale peut avoir lieu, lors même que les pulsations du cor- don ont cessé, chez un nouveau-né, soit que la circulation par les poumons existe ou n'existe qu'imparfaitement; elle arrivera même de toute nécessité, si le fœtus a assez de force pour que la masse du sang puisse être poussée, comme auparavant, par le cordon ; l'omission de la ligature du cordon dans cette circon- stance peut évidemment devenir mortelle ; 4° lorsqu'il s'agira de porter un jugement dans des cas de ce genre, il faudra donc te- nir compte de la quantité de sang contenue dans les poumons, de l'état dans lequel ceux-ci se trouvent ainsi que le cœur, les gros vaisseaux et le foie, et surtout des vices organiques qui pourraient y exister; 5° il est donc nécessaire de pratiquer la ligature du cordon dans tous les cas : et une femme déjà mère, comme le dit Rose, et élevée dans l'opinion de la nécessité ab- solue, de lier le cordon, encourt l'accusation d'infanticide, s'il est prouvé qu'elle a omis volontairement cette opération. Il est évident que les résultats qui viennent d'être indiqués re- lativement à l'hémorrhagie ombilicale sont également applicables au cas où un enfant déjà né, ayant ou n'ayant pas respiré, et 17. — 260 — qui communique encore avec sa mère par le cordon ombilical, périt d'hémorrhagie par le système vasculaire de la mère, soit que cette hémorrhagie s'opère par le placenta, soit qu'elle ait lieu par le décollement partiel, ou par une lésion de celui-ci. Quelques médecins, d'accord sur ce point, qu'un nouveau-né dont le cordon n'a pas été lié peut succombera une hémorrhagie ombilicale, ne pensent cependant pas que l'on doive attribuer la mort à la seule omission de la ligaiure du cordon. « Si l'on nous présentait, ditM.Capuron, le caclavred'un enfant pâle, exsangue, couleur de cire, nous regarderions l'hémorrhagie comme l'effet non de l'omission de la ligature, mais des obstacles qui ont em- pêché ou supprimé la respiration et la circulation {Médecine lé- gale, page 369). Tout en admettant que l'hémorrhagie dépend de ce que la circulation par les poumons n'est pas en pleine ac- tivité, tandis que la circulation fœtalecontinue,je nesaurais adop- ter une pareille proposition, car il est prouvé que des nouveau- nés qui étaient dans ces conditions et chez lesquels le cordon ombilical n'avait pas été lié, ou bien chez lesquels la ligature du cordon s'était détachée au bout de quelques jours, ont succombé à l'hémorrhagie ombilicale, tandis qu'ils auraient pu ne pas suc- comber, si cette ligature eût été pratiquée. Signes de l'hémorrhagie ombilicale après la naissance. Aux caractères qui annoncent que l'enfant a respiré se joignent les signes de la mort par hémorrhagie. Dirai-je avec la plupart des auteurs qui ont écrit sur cette matière que ces signes sont « la pâleur du cadavre, qui est couleur de cire, la décoloration des muscles et des viscères, la vacuité et l'affaissement du sys- tème sanguin, des ventricules et des oreillettes du cœur, des artères et des veines? » Voici ce que l'observation démontre à cet égard : 4° J'ai fait périr d'hémorrhagie plusieurs chiens, en coupant les deux artères carotides. A l'ouverture des cadavres la cavité gauche du cœur contenait encore une quantité notable de sang rouge ; les artères étaient vides, mais la veine cave inférieure était distendue par une assez grande quantité de sang noir; les autres veines contenaient également un peu de sang; les muscles n'étaient aucunement décolorés, et, parmi les viscères, les poumons seuls offraient des traces maniftsles de décoloration. — 264 — • 2" J'ai ouvert des cadavresde guillotinés.L'aorte thoracique contenait un peu de sang ; il y en avait encore moins dans la veine cave inférieure ot dans la veine porte ; les autres vaisseaux, ainsi que le cœur, n'en renfer- maient pas sensiblement. La peau était pâle, sans être couleur de cire. Les muscles étaient aussi colorés qu'à l'ordinaire. Les poumons, le cœur, l'es- tomac et les intestins étaient décolorés. Le foie l'était beaucoup moins. Les reins et la rate offraient leur couleur naturelle ; ce dernier organe contenait même une quantité assez notable de sang dans son tissu. 3° On trouve du sang, et quelquefois en une proportion sensible, dans les vaisseaux artériels et veineux des cadavres des individus qui ont succombé à une hémorrhagie utérine, à la rupture d'un gros tronc artériel, ou à une plaie du cœur. Ces faits me portent à conclure que les auteurs ont exagéré les caractères anatomiques de la mort par hémorrhagie, et qu'il n'est pas exact de dire qu'il y ait dans ces cas vacuité absolue des vaisseaux sanguins, et décoloration des muscles et de tous les viscères : donc l'enfant pourrait avoir succombé à une hé- morrhagie ombilicale, quoiqu'il y eût du sang dans les vaisseaux et que tous les viscères ne fussent point décolorés. D'une autre part, en admettant même qu'il y eût vacuité ab- solue des vaisseaux et du cœur, ce caractère, considéré isolé- ment ne saurait être regardé comme une preuve irrécusable de mort par hémorrhagie. « Qui ne sait, dit le professeur Lobstein, combien les expériences sur l'état du sang dans les vaisseaux après la mort de l'individu sont trompeuses? Ne trouve-t-on pas souvent dans des cadavres tous les vaisseaux sanguins vides sans qu'on puisse dire ce que le sang est devenu, et quel est l'anato- miste qui n'a pas remarqué cette disposition dans des cadavres de fœtus, surtout de ceux qui sont morts avant terme? » {Disser- tation sur la nutrition du fœtus). Cette observation judicieuse a été confirmée par un grand nombre de faits, notamment lors- que l'examen portait sur des cadavres déjà putréfiés. J'ai rapporté un exemple de ce genre fort remarquable, dans le tome i" de cet ouvrage, page 534. On doit à Rose un certain nombre de remarques utiles sur l'hémorrhagie ombilicale : 1° Cette hémorrhagie est d'autant plus considérable que le cordon a été divisé plus près de l'abdo- men de l'enfant; 2° elle est plus redoutable quand la seelion a été - 262 — faite avec un instrument tranchant, que dans le cas de rupture ou de déchirement ; on n'a même rien à craindre si le cordon 8é- cbiré présente des traces d'ecchymose et decoagulation sanguine. On sait que les animaux mâchent le cordon de leurs petits, qui dès-lors ne succombent jamais ou presque jamais à l'hémorrhagie ombilicale ; 3° l'époque à laquelle la division du cordon a été faite influe beaucoup sur les dangers qu'entraîne l'omission de la ligature ; si l'enfant n'a ni respiré ni crié, l'hémorrhagie est plus considérable que dans le cas contraire ; 4° il ne faudra point conclure qu'un nouveau- né, pâle et presque exsangue, n'a point succombé à l'hémorrhagie ombilicale parce que le cordon ombi- lical aura été lié ; il est possible en effet que la ligature n'ait été pratiquée par une mère coupable qu'après avoir laissé couler (.ont le sang de l'enfant, et rien n'empêche que cette femme, pour mieux faire prendre le change, ne lave le plancher et les autres ob- jets teints de sang, et nesubstilue auxlingesensanglantés qui cou- vrent l'enfant, des vêtemens qui n'offrent aucune trace de ce fluide; 5° on n'affirmera point qu'un enfant dont le cordon ombilical n'a pas été lié, ait péri par le fait seul de l'omission de cette li- gature ; car il est possible qu'il n'y ait point eu d'hémorrhagie si l'abdomen a été exposé à l'action d'un froid très vif, s'il a été comprimé par un bandage, ou si les vaisseaux ombilicaux étaient conformés de manière à prévenir la perte de sang, etc. Mais en supposant même que l'état du cadavre prpuvât que La mortest le résultat d'une hémorrhagie, on ne pourrait affirmer que l'écoulement du sang fût la suite de l'omission de la ligature du cordon qu'autant qu'Userait démontré qu'il n'existe aucune autre lésion susceptible de rendre raison de la perte de sang, que le corps du nouveau-né serait bien constitué et le cordon ombilical non flétri, non affaissé; qu'autant enfin qu'Userait prouvé que cette hjémorrfeagie n'est pas occasionnée 1° par l'implantation du placenta sur l'orifice interne de l'utérus (1) ; 2° par l'expulsion brusque du fœtus et du placenta, quel que fût le point de la matrice sur le- quel celui-ci fût implanté (2) ; 3° par la rupture du cordon ombi- (1) Dans ce cas la mort n'arrive pas nécessairement par hémorrhagie, mais elle peut avoir Heu. (2) Cette expulsion ne s'observe guère lorsque les fœtus intra-utérins sont âgés — 263 — lical déterminée par des mouvemens convulsifs de la mère ou par la chute de l'enfant lorsque l'accouchement est très prompt : on conçoit en effet que ces circonstances étant accompagnées d'un état syncopal de la mère, celle-ci ne puisse être accusée d'avoir omis de faire la ligature du cordon ; 4* par le décollement du placenta pendant le travail, en même temps qu'il y a rupture du cordon : je citerai à l'appui de cette proposition l'exemple sui- vant, observé par Rœderer et qui mérile de fixer toute l'atten- tion du médecin. Le placenta se décolle et le cordon ombilical se rompt pendant Je travail; l'enfant, qui avait respiré aussitôt que la tête eut franchi la vulve, périt pendant l'accouchement ; il était inutile délier le cordon ombilical. Que l'on juge maintenant de l'erreur dans laquelle serait tombé le médecin qui aurait ignoré ces différentes circonstances et qui aurait attribué la mort du nouveau-né à l'omission de la ligature en se fondant sur ce qu'il avait vécu et qu'il était mort d'hémorrhagie. Tout en admettant qu'il est indispensable, avant de conclureque la mort est le résultat de l'omission de la ligature du corrfa/i,d'ap- précier ces diverses circonstances, je dirai que la plupart de ces circonstances ne s'observent pas souvent. Et d'abord pour ce qui concerne l'hémorrhagie produite par l'implantation du pla- centa sur l'orifice interne de l'utérus ou par Y expulsion brus- que du fœtus et du placenta, elle est extrêmement rare ; mais il est encore plus rare que l'expulsion du fœtus arrive avant que la mère ait perdu assez de sang pour succomber. Supposons néanmoins que, dans un cas de ce genre, l'enfant soit expulsé vivant, la mère étant tombée dans un état de syncope, il ne se- rait pas impossible que l'enfant mourût d'hémorrhagie pendant la syncope de la mère, et qu'en recouvrant ses forces celle-ci ju- geât la ligature du cordon ombilical inutile, parce que l'enfant serait mort. Quant à la rupture du cordon ombilical, qui se- rait déterminée par des mouvemens convulsifs de lanière, elle ne me paraît pas absolument impossible. Je me rappelle avoir été témoin d'une scène, dit le docteur Marc,,qui eût pu détermi- ner la rupture du cordon, si on eût laissé le fœtus entre les de pins de six mois ; or, il est rare que l'on ait intérêt dans ce cas à déterminer si la mort est due à l'omission de la ligature du cordon ombilical. — 204 — cuisses delà mère; en effet, elle y portail continuellement les mains, tiraillait violemment ses parties génitales, les draps de son lit, et mourut au milieu de ces agitations convulsives. Convenons pourtant qu'il est bien peu probable qu'une accouchée, prise de convulsions assez fortes pourdéehirer le cordon ombilical, puisse, si toutefois elle ne succombe pas, recouvrer assez tôt la somme de forces nécessaires pour cacher la preuve de sa faute ou pour s'éloigner à temps. Je conçois cet effort de la part d'une femme qui, après une forie hémorrhagie, est revenue d'un étal syncopal , mais j'ai peine à le comprendre dans la circonstance indiquée, à moins que les convulsions ne tiennent à une affection épilepti- que habituelle, qui aurait pu survenir après l'accouchement : alors l'existence de celte affection habituelle devra être bien con- statée. Enfin il serait impossible que, dans de semblables cas, on ne trouvât pas d'autres traces extérieures de violences exercées involontairement sur le fœtus {Dict. de Méd. en 21 vol. art. Infanticide). Quoique la rupture du cordon ombilical pro- duite par des mouvemens convulsifs de l'enfant n'ait jamais été observée, et que sa possibilité ne soit pas facile à concevoir, il est des auteurs qui la rangent parmi les causes qui peuvent déterminer la mort du nouveau-né et faire excuser la mère qui aurait omis de lier le cordon. Existe-t-il des signes propres à faire connaître qu'un fœtus inhumé depuis plusieurs jours ou depuis plusieurs mois ait succombé aune hémorrhagie ombilicale qui aurait eu lieu après la naissance ? Il peut arriver qu'un médecin soit appelé à constater 20, 30, 40 jours, etc., après l'inhumation , si un enfant dont le cordon ombilical n'aurait pas été lié après la naissance, a succombé à une hémorrhagie ombilicale. Déjà le petit cadavre sera pourri, les divers organes seront plus ou moins colorés par suite de la décomposition putride, et le sang, s'il en existait dans les vaisseaux après la mort, aura pu disparaître en totalité ou en partie; on sait en effet que dans certains cas il a suffi d'un mois d'inhumation pour trouver les vaisseaux sanguins vides (1). Comment affirmer alors que la déplétion du système (1) J'ai ouvert plusieurs cadavres de fœtus pourris à l'air libre , et j'ai remar-. — 265 — sanguin est le résultat d'une hémorrhagie ombilicale plutôt que de la putréfaction, et comment vérifier si la peau offrait ou non une couleur cireuse, et si les divers organes étaient décolorés avant le développement de la putréfaciion ? Je ne balance pas à le dire, ce problème, s'il est susceptible d'être résolu, est certai- nement un des plus difficiles de la médecine légale, et les experts ne sauraient être trop circonspects lorsqu'ils seront requis pour donner un avis dans des cas de ce genre. C. La température de l'atmosphère. 11 est avéré que dans les hospices de maternité, il périt un plus grand nombre d'en- fans en hiver qu'en été, ce qui ne peut être attribué qu'à l'im- pression vive qu'ils reçoivent de l'air froid ; il est donc évident que si l'on expose les nouveau-nés peu ou point vêtus à l'action d'une atmosphère froide, sur le sol, sur des pierres, etc., ils pourront succomber au bout d'un certain temps, et que le dé- laissement de ces infortunés constituera un véritable infanticide par omission. Le lieu où l'enfant a été trouvé, la saison, l'immo- bilité, la raideur, la lividité, la contracture du corps, la conges- tion sanguine dans les gros vaisseaux et dans les oreillettes , la dilatation des poumons, qui nagent sur l'eau, l'absence des lé- sions produites par une violence extérieure, sont autant de ca- ractères qui mettront le médecin à même de juger la véritable cause de la mort. Le nouveau-né peut encore périr pour avoir été que, lorsque la décomposition putride était très avancée, qu'il n'y avait plus de sang dans les artères, que le sang était coagulé dans toutes les cavités du cœur, qu'il y en avait peu dans le ventricule gauche, un peu plus dans le ventricule droit, et une quantité notable dans les oreillettes ; que la veine jugulaire interne était vide dans le lieu où elle s'unit à la sous-clavière, que la veine cave inférieure, la veine iliaque primitive et la veine iliaque externe contenaient très peu de ce fluide, que la sapbène et les veines profondes du membre pelvien ne renfermaient plus aucun liquide dans leur partie inférieure. En général, l'examen du système veineux donne lieu aux deux remarques suivantes : 1° l'abondance du liquide est en raison directe du rapprocliement du cœur ; les cavités de ce viscère sont gor- gées ; les gros troncs à leur origine contiennent encore du sang, tandis que les branches terminales sont vides; 2° le sang contenu dans les vaisseaux conserve d'autant mieux son caractère qu'on l'examine plus près du centre du système de la circulation ; noir et encore coagulé dans le cœur, il est diffluent dans la veine iliaque, et n'a qu'une consistance crémeuse et une couleur de bistre; il semble former un liquide intermédiaire entre le sang du cœur et la sérosité rousse des vaisseaux plus petits. — 266 — abandonné dans un endroit fort chaud, près d'un foyer ardent, à l'action du soleil, etc., surtout s'il est entouré de matières vé- gétales et animales en putréfaction. D. Inanition. L'abstinence qui se prolonge pendant plus de vingt- quatre heures peut être funeste à l'enfant qui vient de naître; car, en général, les individus périssent d'inanition d'au- tant plus vite qu'ils sont plus jeunes. Il suit de là que lors même que le nouveau-né serait délaissé nu ou presque nu, dans une atmosphère tempérée qui lui permettrait de vivre pendant quel- ques jours, il pourrait mourir de faim ; à la vérité, dans le plus grand nombre de cas, les enfans ainsi abandonnés succombent à l'action de ces deux causes , l'abstinence, et la rigueur de la itcaupérature. La vacuité de l'estomac et des intestins, et plusieurs des considérations indiquées précédemment en parlant des excès de température, serviraient à éclairer le médecin. $11- Infanticide par commission. Les causes violentes et criminelles qui peuvent déterminer la mort du nouveau-né sont fort nombreuses; les plus remarqua- bles sont les plaies de tête, l'acupuncture, la détroncation, les vastes blessures, les fractures des membres ou leur section com- plète, la luxation des vertèbres cervicales, la torréfaction, l'as- phyxie, résultat de l'enfouissement dans un coffre, de l'oblitéra- tion des cavités nasales et buccales, ainsi que des voies aériennes et de la submersion, l'empoisonnement par des gaz délétères, etc. Les manœuvres auxquelles on a plus particulièrement recours pour arracher la vie à un enfant naissant sont, l'écrasement de la tête entfe les cuisses avant que l'accouchement soit ter miné, l'introduction d'une aiguille très déliée à travers les fonta- nelles ou les sutures, la torsion du cou après la sortie de la tête, la détroncation, l'étranglement avec les mains ou avec un cor- don, etc. L'examen détaillé de chacune de ces causes doit être renvoyé aux blessures, à l'asphyxie et à l'empoisonnement par les gaz ; je ne dois faire mention ici que des détails qui se rapportent plus particulièrement à l'infanticide. — 267 — Blessures. On cherchera à déterminer si elles ont été faites avant ou après la mort du nouveau-né ; s'il y a des ecchymoses, on jugera, d'après leur couleur, si elles ont été produites peu de temps ou long-temps avant la mort, et on évitera de confondre avec ces lésions les lividités cadavériques, et les vergetures (J) {Voy. Blessures et Mort). Les ecchymoses et les plaies de tête, avec ou sans fracture des os du crâne, pouvant être le ré- sultat de manœuvres criminelles, de l'application du forceps ou d'autres inslrumens employés pour terminer l'accouchement, de la longueur du travail, de la chute rapide sur le sol, etc., on ne se hâtera point de prononcer sur la cause qui les a produites, et on n'oubliera point que la présence des tumeurs à la tête indique en général que l'enfant était sorti vivant de l'utérus, et qu'il est souvent possible de distinguer si ces' tumeurs sont le résultat de la longueur du travail ou d'une violence extérieure {Voy. p. 238), Une vaste plaie contuse, compliquée de fracture des os et d'é- panchement de sang dans le crâne, sera presque toujours l'in- dice d'une manœuvre criminelle. Lorsqu'on cherchera à reconnaître si la mort est le résultat de l'acupuncture, on examinera attentivement, 1° si l'aiguille n'a pas été enfoncée dans le cerveau par les narines, les oreilles, les tempes, les fontanelles, les sutures, ou dans la moelle épinière par l'espace qui sépare les vertèbres cervicales, ou dans le cœur par la région thoracique gaucjie, au-dessous du sein, ou daps les yiscères abdominaux par le rectum et le bassin; 2° si la partie piquée présente ou non des ecchymoses, on ne saurait prendre trop de précautions ; on rasera les poils, on sondera attentive- ment les ouvertures, et si on n'apercevait à l'extérieur aucune trace de piqûre, on ouvrirait le cadavre pour s'assurer qu'un ou plusieurs organes ont été blessés; et, en supposant que l'on dé- couvrît une lésion de ce genre, on en suivrait les traces du de- dans au dehors jusqu'à ce que l'on fût parvenu au point extérieur par lequel l'instrument a été introduit. (1) Il n'est pas indifférent de se rappeler en pareil cas que des ecchymoses peu- vent exister en assez grand nombre chez des enfans atteints de congestion pulmo- naire sar^s inflanfmat'wn ( voyez ce qui a été dit à cet fcgafdà la pag/e 2Q2), - 268 - La section complète d'un ou de plusieurs membres, la détron- cation, la luxation des vertèbres cervicales ou d'autres os, les fractures, etc., sont autant de moyens que l'on a employés pour arracher la vie à des nouveau-nés. La section complète d'un membre, opérée sur un enfant vivant, prouve évidemment qu'il y a eu infanticide : il s'agira donc de constater si la blessure a été faite avant ou après la mort. La détroncation et la luxation des vertèbres cervicales peuvent aussi bien être l'effet de tirail- lemens violens exercés par l'accoucheur, que de manœuvres criminelles ; il faudra donc, avant de porter un jugement, cher- cher à connaître quelle a été la nature de l'accouchement. Butiner rapporte qu'une femme furieuse, voulant tordre le cou à son enfant, sépara, en se livrant à cet acte de violence, la tête du tronc. Les luxations des autres os, lors même que l'on se- rait convaincu qu'elles ont eu lieu du vivant de l'enfant, ne prou- vent point qu'il y ait eu violence extérieure, puisqu'elles peuvent survenir chez les fœtus encore renfermés dans le sein de leur mère : n'a-t-on pas vu des enfans naissans qui avaient les deux cuisses, les deux genoux, les deux pieds et les trois doigts de la main gauche luxés? Chaussier rapporte qu'il y avait une luxation complète de l'avant-bras gauche chez un enfant vivant qui ve- nait de naître : l'accouchement avait été facile, mais la mère avait ressenti, vers le commencement du neuvième mois de la grossesse, des mouvemens très brusques et très violens. Toute- fois, comme ces luxations, dites spontanées, sont assez rares, on devra être porté à présumer que le nouveau-né a été l'objet de quelque violence, si l'on découvre une altération de ce genre, et que l'on soit convaincu qu'elle n'est pas l'effet des efforts exer- cés sur les membres pendant le travail. Comme les luxations, les fractures sont quelquefois spontanées, Chaussier en a pu comp- ter sent treize sur le squelette d'une petite fille qui avait vécu vingt-quatre heures ; l'accouchement avait été facile ; plusieurs de ces fractures étaient récentes , les unes commençaient à se consolider, et les autres étaient complètement réunies :des faits analogues avaient déjà été consignés dans les annales de la mé- decine. On sait d'une autre part que les fractures des os longs peuvent être la suite des tiraillemens exercés par l'accoucheur. — 269 — Enfin, j'ai déjà dit que les contractions utérines seules pouvaient déterminer la fracture des pariétaux, etc., lorsque le travail était long {Voy. page 238). Ce serait donc à tort que l'on conclurait qu'il y a eu infanticide, d'après l'existence seule de ces sortes de lésions ; il faudrait avant s'assurer que la fracture n'est le ré- sultat d'aucune des causes dont il vient d'être fait mention. Je puis en dire autant de certaines contusions graves que l'on remarque chez le nouveau-né, de la déchirure du tissu de ses organes, et principalement du foie, de certains épanchemens de sang, d'ecchymoses, de hernies, etc., qui peuvent être le résul- tat d'un coup porté avec violence sur les parois de l'abdomen de la femme enceinte sans qu'il y ait aucune lésion appréciable de ces parois ni de l'utérus. On n'ignore pas que l'emploi des doigts, des lacs, des crochets mousses, etc., a été quelquefois suivi de contusions aux poignets, aux malléoles, aux aines, aux aisselles, etc. ; il serait par consé- quent absurde de regarder de pareilles traces comme étant con- stamment le résultat de manœuvres criminelles ; mais ce qu'il importe surtout de savoir, c'est qu'une femme qui accouche seule, peut innocemment meurtrir le nouveau-né avec ses mains, et il faut alors, de la part du médecin , une grande sagacité pour rapporter à leur véritable cause les blessures qu'il a constatées : souvent même il est obligé d'avoir recours à une foule de consi- dérations qu'il serait impossible de détailler ici, tant elles sont variées. Le fait suivant, célèbre dans les fastes de l'art, est re- latif à un cas de ce genre. « Marguerite Granger, accusée d'infanticide, avait déclaré qu'elle était tombée, neuf jours avant ses couches, n'étant pas toui-à-faitàterme, et qu'elle était accouchée seule dans son lit, une heure après s'y être mise, et quatre heures après la première douleur. Elle prétendit qu'elle n'avait pas entendu crier son enfant, au moment de la naissance, qu'elle ignorait comment elle avait rompu le cordon ombilical, quels efforts elle avait pu faire sur l'enfant, en l'arrachant elle-mètnê de son sein. C'était sa première couche. On la vit les mains teintes de sang après l'accouche- ment, et la délivrance eut lieu quatre heures plus tard. Elle déclara qu'elle n'avait pas été bien sûre de sa grossesse, et que son chirurgien avait partagé son opinion. Nulle trace de sang n'avait été reconnue par le juge de paix dans aucun endroit, ni sur aucun des meubles du cabinet où cette — 270 — Bile couchait, et d'où elle n'était pas sortie. Le rapport des médecins por- tait, « que le corps de l'enfant était sain et sans corruption ; qu'il leur pâ- te raissait être venu à terme, que le cordon n'avait été ni lié ni coupé, mais « déchiré à un pouce et demi du ventre ; qu'il existait une ecchymose ré- « pandue tant sur la tète qu'au cou et à la poitrine , principalement du « coté gauche ; qu'ils avaient observé vingt-quatre à vingt-cinq blessures « ou meurtrissures, longues la plupart dé quelques lignes, les plus longues « n'excédant pas 18 lignes, dont quelques-unes affectaient une forme « circulaire ; les autres étaient droites n'ayant pas toutes plus d'une ligne « de largeur, situées sur les différentes parties de la face, excepté six, « répandues au cou et à la partie supérieure de la poitrine : ce qui leur « avait fait présumer que la tête de cet enfant avait pu être lancée contre « quelque bbrps étranger et âu>r, dont les impressions étaient itiégales ; « qu'avant examiné la bouche, ils avaient vu la mâchoire inférieure divi- se sée en deux, et fracturée à sa symphyse, laquelle séparation avait pu « provenir des efforts faits pour empêcher l'enfant de crier, ou pour l'étouf- « fer; qu'ils avaient aperçu au-dessus de l'oreille gauche une dépression ou « enfoncement qui n'existait point au côté droit, et n'était pas ordinaire ; « qu'ils s'étaient déterminés à ouvrir la tête, et avaient reconnu le pariétal « gauche enfoncé dans sa partie inférieure ; qu'à l'ouverture du crâne, il t( s'était écoulé beaucoup de sang liquide, ce qui n'aurait pas eu lieu si « l'enfant fût mort avant que de naître, et s'il n'avait pas étécontus, parce a qu'on avait trouvé beaucoup de sang extravasé à la base du crâne; « que pour s'assurer davantage si l'enfant était vivant en venant au monde, « ils avaient ouvert la poitrine, à l'inspection de laquelle ils s'étaient con- te vaincus que 16 poumon avait été dilaté et gonflé par l'air extérieur: « ce qui prouvait qu?il était né vivant en sortant de la matrice. » En con- séquence , les médecins prononcèrent qu'il y avait eu infanticide, et la femme futeondamnée à mort par le tribunal criminel du département de l'Yonne. Bourdois, Baudelocque , six médecins et trois chirurgiens de Troyes, ainsi que Fodéré, furent consultés en même temps : leurs rapports offrant les mêmes conclusions, je me bornerai à faire connaître celui de Fodéré, qui chercha d'abord à établir que les vingt-quatre ou vingt-cinq lésions peu étendues auxquelles les experts donnaient indifféremment et mal à propos le nom de blessures ou de meurtrissures, n'avaient rien de commun avec un choc, et qu'elles annonçaient plutôt la manière dont la fille s'était délivrée et les armes dont elle avait fait usage pour cela, que la division de la sym- physe de la mâchoire inférieure attestait seulement les efforts que l'accu- sée avait dû Faire, au milieu des plus violentes douleurs pour se délivrer par tous les moyens possibles d'un premier enfant ; que l'enfoncement du pariétal et la dépression observée, au-dessus de l'oreille étaient un effet assez ordinaire de l'accouchement ; que le sang fluide épanché à la base du crâne se voyait chez tous les enfans dont la tête était restée long- — 271 — temps au passage, et qui avait péri dans cette pénible fonction; que, d'ail- leurs, les ventricules cérébraux des nouveau-nés contenaient'ordinaire- ment beaucoup de sérosité rougeatre, et le cerveau beaucoup de sang; qu'ainsi il était absurde (l'en inférer que l'enfant était né vivant ; que le défaut des épreuves respiratoires empêchait d'établir cette dernière con- séquence, laquelle était, d'ailleurs, écartée par l'état du cordon ombilical, rompu très près dû ventre, qui aurait sans doute donné lieu à une hémor- rhagie dont on aurait observé les traces si l'enfant était,né vivant; mais que précisément parce qu'il n'avait pas donné une seule goutte de sang, c'était une preuve que l'enfant était mort en naissant, s'il ne l'était pas déjà avant que de naître. Là femme fut acquittée (Capuron, Médecine légale, paçê 350 ). La lecture du mémoire consultatif de Fodéré fait naître de nombreuses réflexions. On voit d'abord combien le premier rap- port des médecins est incomplet, mal rédigé et loin d'autoriser les conclusions qui le terminent : aussi devait-on parvenir facile- ment à en faire sentir la nullité. Les moyens employés par le pro- fesseur de Strasbourg pour rendre la liberté à l'accusée sont en général fondés sur des faits dont on ne saurait contester l'impor- tance et la vérité ; il en est cependant quelques-uns dont la va- leur peut être discutée, et il me paraît d'autant plus essentiel de le faire, que la réputation dont jouit l'auteur qui les a mis en avant pourrait porter les médecins qui seraient appelés dans des cas analogues, à prendre pour modèle le mémoire qu'il a rédigé. Après avoir établi que les vingt-quatre ou vingt-cinq blessures n'avaient rien de commun avec un choc, Fodéré ajoute qu'elles annoncent plutôt la manière dont la fille s'était délivrée, et les armes dont elle avait fait usage pour cela; ces armes étaient sans doute les mains et les ongles; et dès-lors n'étail-il pas nécessaire d'examiner si les coups d'ongle avaient été don- nés dans un dessein criminel. J'ai été chargé, il y a deux ans, de déterminer la nature de dix ou douze blessures semblables que présentait le bras gauche d'un fœtus de huit mois ; je reconnus qu'elles avaient été faites par des ongles, et le magistrat rte tarda pas à se convaincre que les coups avaient été portés par la mère, après la naissance de l'enfant. Fodéré ajoute que si l'enfant était né vivant, il aurait perdu beaucoup de sang par le cordon ombilical, qui avait été rompu très près du ventre — 272 — et que précisément parce qu'il n'avait pas donné une seule goutte de sang, l'enfant était mort en .naissant ou peu avant de naître. Mais il est dit expressément dans le rapport des pre- miers médecins que le cordon ombilical n'avait été ni lié ni coupé, mais déchiré à un pouce et demi du ventre : or la déchi- rure du cordon peut n'être pas suivie d'un écoulement sanguin considérable, si l'extrémité déchirée présente des traces d'ec- chymose et de coagulation. Et comment Fodéré a-t-ilpu assurer que le cordon n'avait pas donné une seule goutte de sang ; est- ce parce que le juge de paix n'en n'avait reconnu aucune trace sur les meubles du cabinet? Cette preuve est loin d'être con- cluante, parce qu'on aurait pu laver les taches formées par le sang qui se serait écoulé. Mais admettons qu'il en fût ainsi, se- rait-il permis d'affirmer qu'un enfant serait mort-né, parce que la portion rompue du cordon ombilical n'aurait point fourni une seule goutte de sang, lorsqu'on sait que dans beaucoup de cas où le cordon n'est coupé qu'après que la respiration a été par- faitement établie, il n'y a aucun écoulement de sang par l'extré- mité coupée du cordon? La torréfaction est encore un des moyens que la scélératesse a mis en usage pour détruire le nouveau-né ; les ravages occa- sionnés par le feu peuvent être tels que le corps soit entièrement consumé ; dans quelques cas des portions d'os seront reconnues au milieu des cendres, quoi qu'elles soient extrêmement friables; en 1840, Ollivier (d'Angers) put en constater la présence au mi- lieu de la cendre, et par la comparaison qu'il en fit avec d'autres squelettes de fœtus, il fut autorisé à penser que l'enfant était à terme. Plus tard, consulté par M. Malapert de Poitiers pour sa- voir quels seraient les moyens à employer pour distinguer si les cendres appartiennent à un fœtus ou à du bois qui aurait été brûlé , je fis des expériences nombreuses dont voici le ré- sultat {Annales d'hygiène, page 132, année 18a5) : 1» Lors- que la cendre d'un fœtus ne sera pas mélangée de fragmens d'os qui permettent de la distinguer au premier aspect des autres cendres, on pourra la reconnaître aux caractères suivans :— A. Si on la calcine avec de la potasse dans un creuset de porcelaine, ouvert ou fermé, on obtient du cyanure de potassium, alors - 273 — même que la cendre, au moment de la préparation, aurait été fortement chauffée pendant long-temps ; le produit de l'action de l'alcali, traité par l'eau distillée bouillante, fournit une dissolu- tion que le sulfate ferroso-ferrique précipite en vert sale (cyanure de fer et oxyde ferroso-ferrique) ; le précipité disparaît presque en entier par l'addition de l'acide chlorhydrique qui dissout l'oxyde ferroso-ferrique et ne laisse que le cyanure de fer (bleu de Prusse) ; quelquefois ce dernier est si peu abondant qu'il ne se dépose qu'au bout de 24 ou de 48 heures. — B. En traitant la cendre du fœtus par les deux cinquièmes de son poids d'acide sulfurique pur et concentré, il se dégage constamment du gaz acide sulfhydrique ; aussi un papier blanc imprégné d'acétate de plomb, exposé au-dessus du vase où l'on fait l'expérience, est-il immédiatement coloré en' brun ou en noir. — C. Après avoir laissé réagir l'acide sulfurique sur la cendre du fœtus, pendant deux ou trois jours, si l'on traite ce mélange par l'eau distillée bouillante, pendant un quart d'heure environ, la dissolution est constamment acide etrougit énergiquementle papier detourne- sol. —D. Cette dissolution renferme toujours du biphosphate de chaux, et laisse, par conséquent, précipiter une quaniite notable de phosphate de chaux, lorsqu'on verse de l'ammoniaque non carbonatée. 2° La cendre du charbon de chêne et de sapin calcinée avec de la potasse dans des creusets de porcelaine, ouverts ou fermés, ne contientpoint de cyanurede potassium, ne dégage pointd'acide sulfhydrique, quand on la mêle avec les deux cinquièmes de son poids d'acide sulfurique pur et concentré ; et, si l'on traite par l'eau distillée bouillante le produit de la réaction de cet acide pendant trois jours, la dissolution est constamment alcaline et rétablit la couleur bleue du papier rougi par un acide ; enfin cette dissolution ne donne aucun précipité de phosphate de chaux par l'ammoniaque non carbonatée. Ces différences sont tellement caractéristiques que l'on peut les constater même en agissant sur une quantité de cendres des bois précités, huit ou dix fois plus considérable que celle des cen- dres de fœtus. D'où il suit qu'il sera toujours facile de distinguer ces cendres les unes des autres. 11 serait également ai^é de re- it. is — 274 — connaître, dans le cas où l'on mettrait à la disposition d'un ex- pert, un mélange de cendres de bois de chêne ou de sapin et de cendres de fœtus, que celte cendre ne provient pas exclusive- ment de ces bois. 3° La cendre des mottes à brûler se comporte comme la cen- dre des bois de chêne et de sapin, si ce n'est qu'elle laisse déga- ger des traces d'acide sulfhydrique, quand on la met en contact avec l'acide sulfurique pur. 4° La cendre de bois de bourdaine traitée par la potasse, ne m'a point fourni de cyanure de potassium, mais elle a donné par l'acide sulfurique pur, une quantité à peine appréciable de bi- phosphate de chaux, sans dégagement d'acide sulfhydrique. 5° La cendre de sarment de vigne s'est comportée comme les précédentes si ce n'est qu'elle a laissé dégager quelques atomes de gaz acide sulfhydrique. 6° La cendre de coke n'a point fourni de cyanure de potas- sium, mais elle a donné une proportion notable de biphosphale de chaux, avec dégagement d'une grande quantité de gaz acide sulfhydrique. * 7° La cendre de bois de chêne ou de sapin, mélangée de cendre de coke et de débris de quelques matières animales se comporte à peu de chose près comme la cendre du fœtus, si ce n'est qu'elle fournit beaucoup moins de bleu de Prusse, d'acide sulfhydrique et de pbosphate de chaux. 8° La cendre de houille a offert les mêmes réactions que la précédente, si ce n'est qu'elle a donné une petite quantité de bleu de Prusse. 9° La cendre de tourbe n'a fourni ni du cyanure de potassium, ni du biphosphate de chaux ; mais il s'est dégagé une quantité sensible de gaz acide sulfhydrique, lorsqu'on l'a traitée par de l'acide sulfurique pur. 10° Il suit de ce qui précède, que les experts devront être ex- cessivement réservés avant de se prononcer sur la nature des cendres, toutes les fois qu'ils n'auront pas pu s'assurer que la combustion du fœlus a été opérée avec des bois de chêne, ou de sapin ou avec d'autres bois qui ne contiennent ni de l'azote, ni du soufre, parce qu'il existe d'autres matières combustibles, qui — 275 — à la rigueur, auraient pu être employées, et qui se comportent, sinon avec tous, du moins avec quelques-uns des agens indiqués, à-peu-près comme la cendre des fœtus. Si l'action du calorique n'a pas déterminé l'incinération, si l'on n'a affaire qu'à des brûlures, on cherchera à découvrir s'il y a des phîyctènes, altération qui dénote manifestement que l'en- fant était vivant lorsqu'il a été brûlé ; il peut se faire aussi qu'une assez grande partie des poumons ait échappé à l'action du feu pour que l'on puisse constater qu'ils sont plus légers que l'eau, et présumer par là qu'il y avait eu respiration. Du reste, il est évi- dent que dans des cas semblables tous les efforts de l'homme de l'art ne peuvent servir qu'à établir si le nouveau-né a été brûlé avant ou après la mort; c'est au magistrat à chercher ailleurs que dans les sciences médicales s'il y a eu meurtre, et quel en a été l'auteur {V. Brûlure à l'art, intitulé des signes propres à déterminer si les blessures ont été faites pendant la vie). Asphyxie. Il est des cas d'asphyxie suivis de mort, où il est impossible de méconnaître que le nouveau-né a été victime d'une tentative criminelle, c'est lorsqu'il a été trouvé enfoui dans un coffre, noyé dans une liqueur quelconque, ou lorsque la bouche et les narines ont été bouchées par du foin, de la paille, delà boue, etc. {Voy. Asphyxie par submersion). La cause de la mort est plus difficile à découvrir si l'enfant sur lequel on n'a aucune espèce de renseignement a été suffoqué sous des couver- tures ou des matelas, par la compression de la trachée-artère avec les doigts, avec un lacq, ou par l'application de l'épiglolte sur la glotte. Il faut alors examiner attentivement si l'enfant a vécu, si le frein de la langue n'est pas déchiré, si la langue n'a pas été repoussée, renversée sur l'épiglolte, s'il n'y a point de signes manifestes de congestion cérébrale, si les tégumens du cou n'offrent point d'excoriation, de taches brunes, etc. {Voy. Asphyxie) (1). La forme et la situation de ces taches devront sur- tout être notées avec le plus grand soin ; sont-elles circulaires, obliques, ou ressembleui-elles à des empreintes digitales ; sont- (1) On n'oubliera pas que j'ai admis , en parlante la congestion pulmonaire sans inflammation, que l'enfant peut périr asphyxié par le fait seul de celte con- gestion ( •voyez page 206 de ce volume ). 18. — 276 — elles situées à la partie inférieure, moyenne, ou supérieure du cou; sont-elles larges ou élroites? (1) Mais faudra-t-il conclure de la seule présence de ces taches que l'enfant a été assassiné, et ne peuvent-elles pas être le résul- tat de la compression exercée sur le cou du nouveau-né par l'o- rifice de l'utérus ou du vagin , ou par le cordon ombilical ? Je n'hésite pas à affirmer que si la stricture de l'orifice utérin et l'entortillement du cordon ombilical déterminent des taches sem- blables au cou, ce phénomène est on ne peut plus rare. MM. Évrat, Désormeaux, Moreau, Paul Dubois, Velpeau et Billard ne l'ont jamais remarqué, quoiqu'ils aient fréquemment reçu des enfans dont le cordon ombilical élail entortillé autour du cou. Voici comment s'exprime à ce sujet le docteur Klein : « Je n'ai jamais observé des ecchymoses ni des sugillations produites par le col utérin et par le cordon ombilical, quoique j'aie reçu un assez grand nombre d'enfans dont le cou était forte- ment étranglé par un ou deux tours du oordon ombilical, et qui succombèrent par l'effet de cette strangulation, ou du moins vinrent au monde avec la face livide et tous les signes d'une mort imminente. Il s'est également présenté dans ma pratique un bon nombre de strictures de l'orifice utérin, qui pendant la version paralysèrent presque mon bras, et rendirent ensuite très pénible l'application du forceps, parce que le cou de l'enfant était étran- glé par cet orifice ; d'autres fois j'ai vu ces strictures autour du cou avoir lieu, la tête s'étant dès le commencement du travail présentée la première, et jamais je n'ai remarqué sur le fœtus, soit une impression quelconque, soit une simple sugillation. II serait bien important, sous le rapport médico-légal, de recueillir toutes les observations qui tendraient à prouver la réalité des prétendues traces que laissent sur les fœtus ces étranglemens, ces strictures qui appartiennent au travail de l'enfantement. (1) Je me sers du mot tache et non de celui à'ecchymose parce qu'en effet l'é- ranglement déterminé par la main , par un lacet ou par une corde, s'il produit une lésion locale appréciable, cette lésion consiste bien plus souvent en une tache brune de la peau sans qu'il y ait du sang épanché dans le tissu cellulaire sous- rutaué, qu'en une ecchymose ou épancbemenf de sang dans ce même tissu (voyez Asphyxie par siispfnsio>). — 277 _ Quant à moi, je me trouve porté à en douter, par la raison que j'ai pratiqué un grand nombre de versions très pénibles, pendant lesquelles l'enfant avait évidemment manifesté son état de vie par des mouvemens, et cependant il m'est arrivé très souvent de ne trouver sur aucune partie de l'enfant mort ou en vie des traces de sugillation, pas même aux endroits où les lacqs avaient été ap- pliqués. Combien d'accouchemens n'ai-je pas terminés par le forceps, sans avoir reconnu la moindre ecchymose sur la tête de l'enfant ! Enfin j'ai observé quinze suicides par suspension où la corde n'avait produit aucune ecchymose, même superficielle , et l'on voudrait prétendre que le col de l'utérus et même le vagin suffisent pour produire un semblable résultat! » {Journald'Hu- feland, novembre 1815 ). Admettons toutefois, pour ne pas être taxé d'imprévoyance, que dans certains cas la striclure de l'orifice utérin et l'entortille- ment du cordon développent sur le cou des taches brunes sem- blables à celles qui peuvent êtres produites par la main, un lacet, une corde, etc. Est-il possible de parvenir à déterminer la cause qui les a fait naître? D'après Ploucquet, l'étranglement par l'orifice de l'utérus ou du vagin et par le cordon ombilical, n'est pas accompagné de l'excoriation de l'épiderme, et l'ecchymose qui en résulte est uni- forme sur tous les points, tandis que si l'on a fait usage d'un lacet, d'un cordon, l'épiderme est excorié, et l'ecchymose est iné- gale dans sa forme et sa profondeur. Plusieurs auteurs, mais surtout Rose, Marc et M. Capuron, se sont élevés contre l'assertion de Ploucquet : il n'est pas prouvé, disent-ils, que dans l'étranglement qui a eu lieu pendant le travail, la peau ne puisse jamais être excoriée et l'ecchymose inégale ; en effet, il suffit pour produire ce dernier effet, que la main de l'enfant soit placée à côté du cou lorsque celui-ci est serré par l'orifice de l'utérus : d'une autre part, il est possible d'admettre que, dans le cas de violence extérieure, lorsqu'on apporte toute l'attention conve- nable , la compression par un lacet très uni soit aussi uniforme et aussi égale que celle qu'exercent le col de l'utérus ou le cordon ombilical. Les caractères indiqués par Ploucquet sont évidem- ment insuffisans pour résoudre la question, et j'avouerai sans — 278 — peine que sa solution me parait impossible dans l'état actuel de la science {Voy. Asphyxie par suspension). Quoi qu'il en soit, je ferai observer en terminant tout ce qui se rapporte à l'asphyxie considérée comme cause violente de la mort du nouveau-né, 1° que la présence d'une tache circulaire autour du cou avec épanchement de sang dans le tissu cellulaire sous-cutané correspondant à la tache, annonce qu'il y a eu com- pression du cou pendant la vie ; que s'il est impossible de nier que ces effets puissent être le résultat de la stricture de l'orifice de l'utérus ou de l'entortillement du cordon ombilical autour du cou, du moins est-il certain qu'aucun fait bien avéré ne démontre qu'il en soit ainsi, et que dès-lors il est tout naturel de les attri- buer sinon toujours, du moins le plus souvent, à une violence exercée par une main criminelle ; 3° que la coïncidence des signes d'étranglement dont je parle et de ceux qui annoncent que la respiration s'est effectuée après la naissance d'une manière complète, doit porter d'autant plus à conclure que l'enfant a été victime d'une tentative criminelle, qu'il n'a pas pu se suicider, et qu'il est impossible d'admettre que dans un cas de stricture de l'orifice de l'utérus ou d'entortillement du cordon ombilical au- tour du cou, capable de produire un pareil épanchement de sang, l'enfant soit né vivant ou du moins qu'il ait respiré complète- ment (1) ; 4° que la présence de taches brunes à la peau du cou, sans épanchement de sang dans le tissu cellulaire sous-cutané correspondant, ne suffit pas pour établir que la strangulation a eu lieu pendant la vie ( Voy. Asphyxie par suspension); 5° que l'absence de ces taches, de l'ecchymose sous-cutanée, ou de ces deux signes à-la-fois, ne prouve pas, à la rigueur, que l'étranglement n'ait pas eu lieu avant la mort. On lit dans les Annales d'hygiène et de médecine légale, (1) On objectera peut-être que dans un cas de vagissement utérin et d'entortille- ment du cordon ombilical autour du cou , l'enfant qui serait mort pendant le tra- vail présenterait au cou les marques de sévices produites par le cordon et cepen- dant ses poumons surnageraient. Mais je ferai observer que lors même que l'on admettrait la réalité des vagissemens utérins (voyez page 198), la respiration ne pourrait avoir lieu que très incomplètement à raison de la constriction opérée par le cordon, constriction que les auteurs de l'objection supposent nécessairement très forte, puisqu'ils la regardent comme pouvant donner lieu à un épanchement de sang dans le tissu cellulaire du cou. — 270 — un rapport de MM. Marc, Capuron, Hauregard, d'Héré et Gui- chard, relatif à ce sujet, et dont je crois devoir extraire les prin- cipaux faits. Un enfant du sexe féminin, né à terme et viable, périt peu de temps après sa naissance ; le cadavre fut examiné le 8 avril 183i, quelques heu- res après la naissance. Le cordon ombilical est coupé nettement à deux lignes de son insertion; la portion de ce cordon qui adhère au placenta offre une longueur de trente-deux pouces. Le cou porte une empreinte cir- culaire présentant deux raies rouges parallèles et concentriques déten- dant d'avant en arrière et horizontalement jusqu'à la nuque, où elles paraissent interrompues par des espaces où la couleur de la peau est intacte; cette empreinte est plus rouge du côté droit que du côté gauche; elle a la largeur d'une ligne et demie. Son trajet se trouve placé antérieu- rement entre le larynx et l'os hyoïde, et se termine postérieurement entre l'espace qui sépare l'occipital de la première vertèbre cervicale. La ligne de séparation des deux raies entre lesquelles la peau a conservé sa couleur naturelle, est de la largeur d'une demi-ligne. Au côté gauche du cou, vers le milieu de sa surface , sur le trajet de ladite empreinte, on remarque une ecchymose longitudinale, un peu oblique, delà longueur de 3 lignes un quart, d'un rouge cerise et d'une ligne de large, anguleuse à ses deux extrémités. Au côté droit du cou, sur le trajet dé la même empreinte, existent trois ecchymoses séparées, dont celle du milieu offre quatre im- pressions distinctes horizontales, l'antérieure porte un point d'un rouge plus foncé, se confondant dans l'empreinte circulaire ; la postérieure, lon- gitudinale, irrégulière , composée de points séparés, est d'une coloration rouge plus foncée que les autres. On voit à la partie postérieure une autre empreinte longitudinale et oblique, d'un quart de ligne de largeur sur 4 lignes de long, d'une couleur moins foncée que la précédente, et présentant un peu d'éraillement de l'épiderme : c'est le seul point dans toute l'étendue de l'empreinte qui offre cette particularité. Le tissu cellu- laire est ecchymose par intervalles, dans la même direction que cette em- preinte, et y correspond dans toute son étendue. Le larynx et la trachée-artère ne présentent aucune lésion. La langue ne dépasse pas l'arcade alvéolaire ; elle conserve sa couleur naturelle, ainsi que les lèvres et l'intérieur de la bouche. La tête, examinée exté- rieurement, est affaissée et écrasée sur elle-même de haut en bas, et pré- sente sur le front deux taches livides ; l'une s'étendant sur toute là moitié du coronal, la portion squameuse du temporal, tout le pariétal et la por- tion correspondante de l'occipital gauche; celle du côté droit moins éten- due, mais plus livide que celle du côté opposé, ne comprend que la portion droite du coronal, le temporal et une portion antérieure du pariétal. Le cuir chevelu est profondément ecchymose dans son épaisseur ; le périoste est décollé sur presque toute l'étendue du pariétal droit, ainsi que de la — 280 — partie moyenne du pariétal gauche ; entre les tégumens du crâne et l'occi- pital et les deux pariétaux, on trouve un épanchement considérable de sang noir coagulé. Le pariétal droit est réduit en quatre fragmens mobiles qui se divisent en angles irréguliers , aboutissant par leur sommet à la bosse pariétale, comme des rayons sur un centre commun. Le périoste est pa- reillement détaché de la surface de l'os pariétal gauche, qui est aussi frac- turé. Le cerveau a paru affaissé, présentant des épanchemens sanguins dans les interstices de ses circonvolutions. Les vaisseaux de la dure-mère et de l'arachnoïde sont fortement gorgés de sang noir. Les plexus choroï- des et les parois des ventricules latéraux sont fortement injectés. En arrière du corps calleux, vers le quatrième ventricule , existe un épanchement sanguin très considérable. A la base du crâne, les fosses occipitales posté- rieures et inférieures sont remplies de sang noir un peu fluide, et la fosse moyenne gauche est également pleine de sang. Le diaphragme est refoulé en haut du ventre. Les poumons, d'une teinte rosée, remplissent la cavité du thorax, excepté le gauche qui ne recouvre pas complètement le péricarde ; ils nagent sur l'eau entiers ou coupés par fragmens ; ils sont sains, crépitans et nullement emphysémateux. Le cœur ne contient point de sang. L'intestin grêle est rempli de meconium vert ; le gros intestin en con- tient aussi, mais il est jaunâtre. D'après ces faits, les rapporteurs ont conclu, 1° que l'enfant a respiré; 2" qu'il est difficile de concevoir comment il serait mort par strangulation et surtout au moyen du cordon ombilical ;. d'abord parce que l'empreinte circulaire ne répond point au volume ordinaire du cordon, ensuite parce que cette empreinte offre deux raies séparées par un intervalle de même couleur que la peau, ce qui est inexplicable dans le système de strangu- • lation par le cordon ; admettant même que le cordon eût fait deux fois le tour du cou, et que les deux circulaires eussent été juxtaposées, on n'ex- pliquerait pas encore le peu d'intervalle qui séparait les deux raies. 3° En supposant que l'enfant eût été étranglé par le cordon ombilical, nous ne pourrions pas même concevoir comment la respiration et la vie extra- utérine auraient pu s'établir; dira-t-on que l'enfant a respiré avant la strangulation ; mais alors les organes de la respiration et de la circulation auraient offert quelques traces de ce genre de mort. 4° Les lésions profon- des de la tête nous paraissent une cause suffisante de mort ; mais il est difficile de concevoir au premier abord , que des désordres aussi graves aient été déterminés par la chute de l'enfant, depuis les parties génitales de la mère jusqu'au cou, à la suite de l'accouchement (Voy. p. 252). 5° La mère de l'enfant nous ayant dit qu'il était d'abord tombé sur le carreau à la suite de l'accouchement, et qu'il lui était échappé une seconde fois pendant qu'elle le tenait sur ses bras, au moment où elle s'était trouvée mal, nous pensons que cette seconde chute est plus capable que la première de produire les désordres que nous avons constatés à la tête (Janv. 4835). — 284 — Il est à remarquer que les auteurs de ce rapport n'admettent lias que la mort soit le résultat de la strangulation qu'aurait pu opérer l'entortillement du cordon ombilical autour du cou. D'accord sur ce point avec Klein et avec les accoucheurs français les plus célèbres, ils adoptent évidemment les principes que j'ai établis à la page *276 et suivantes; mais pourquoi ne s'expliquent-ils pas sur la cause qui a déterminé cette double empreinte circulaire avec ecchymose, lésion qui suppose né- cessairement que l'enfant était vivant au moment où elle a été produite, et que l'effort compressif qui l'a occasionnée devait être assez puissant? Peu importe que les signes de la mort par suffo- cation , tels que l'engorgement des poumons et des cavités du cœur, aient manqué, puisque déjà plusieurs fois, chez des pen- dus , les poumons et le cœur ont été trouvés sans la moindre trace de congestion {Voy. Strangulation. Observations lre, Ue et 5e du § intitulé : Cadavres n'offrant point d'ecchy- moses au cou, et chez lesquels manquent plusieurs des signes déjà mentionnés). J'avouerai avec Marc que le cas dont il s'agit est un des plus obscurs qui puissent se présenter en matière d'infanticide ; toutefois, d'après les faits observés, j'au- rais cru devoir conclure autrement que ne l'ont fait les rappor- teurs ; et, puisqu'il s'agit dans cet ouvrage de tracer aux méde- cins la conduite qu'ils doivent tenir dans la solution des diverses questions médico-légales, je vais exposer brièvement les conclu- sions que j'aurais adoptées, afin de les mettre à même de se pro- noncer entre ma manière de voir et la leur. 1e L'enfant était à terme et viable. 2° Il est mort après sa naissance, et après avoir respiré com- plètement {V. l'état des poumons, p. 280). 3° L'empreinte circulaire qui existait autour du cou a été produite pendant la vie, et ne saurait être occasionnée par l'en- tortillement du cordon ombilical autour de celte partie du corps; elle paraîtrait plutôt dépendre de l'application d'un double lien sur le cou de l'enfant (1). (1) Il est à regretter que dans le rapport que j'examine, il n'ait pas été dit s'il existait ou non un sillon superficiel ou profond. — 282 — h° Tout en admettant que la mort puisse être exclusivement attribuée aux lésions de la tête, il est encore possible qu'elle soit à-la-fois le résultat de ces lésions ei delà strangulation, l'absence des signes de la mort par suffocation ne suffisant pas pour faire rejeter cette cause de mort. 5° S'il est vrai que les fractures de la tète, ainsi que les épan- chemens de sang dans le crâne et à sa surface externe, peuvent dépendre de ce que la mère, au moment de tomber en syncope et prise peut-être d'un mouvement convulsif, aurait jeté avec violence de ses bras l'enfant qu'elle y tenait, il est également cer- tain que ces lésions peuvent êlre le résultat des coups portés sur la tête. 6° Il est par conséquent du devoir des magistrats de recher- cher, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, si l'enfant n'a pas été assassiné. Si, comme il est arrivé quelquefois, le nouveau-né avait été exposé à l'action du gaz acide sulfureux (soufre qui brûle), il faudrait examiner attentivement la couleur et l'odeur de la bou- che et des voies aériennes, s'il y a ou non des traces d'inflamma- tion, etc. Il a élé remarqué par Halle que le cœur des animaux empoisonnés par ce gaz est petit, contracté, dur et d'un rouge vif; toutefois ce caractère n'est pas assez tranché pour que l'on puisse en tirer grand parti en médecine légale. La mort déterminée par le gaz des fosses d'aisances serait re- connue aux signes qui ont élé indiqués à la page 773 du t. i". Septième question relative à l'infanticide. Une femme qui accouche ou qui vient d'accoucher est-elle en état de pré- voir et de donner à son enfant tous les soins nécessaires ? • L'énumération des secours qu'il importe souvent de prodiguer aux nouveau-nés {Voy. page 355) prouve évidemment que la mère sera hors d'état de les donner, si elle a ignoré qu'elle fût enceinte ou si elle a été surprise par les douleurs de l'enfante- ment dans un endroit isolé où elle manquait de tout ce qui est nécessaire pour lier le cordon ombilical ; si elle est tombée en défaillance à la suite d'une hémorrhagie considérable, comme — 283 — cela peut avoir lieu surtout lorsque le placenta s'insère sur l'ori- fice de la matrice ; si elle a eu des convulsions violentes ; si elle est accouchée pendant une attaque d'apoplexie, ou lorsqu'elle était dans un élat de syncope, de mort apparente ou d'assoupis- sement profond. Il ne serait pas, à la rigueur, impossible, pen- dant que la femme est dans un état de syncope, qu'il se mani- festât des mouvemens convulsifs dans les membres de l'enfant, et qu'il y eût rupture du cordon ombilical et hémorrhagie mor- telle, surtout lorsque le cordon est entortillé autour des mem- bres-, il faudrait dans ce cas déterminer attentivement si le cordon a été rompu ou coupé {Voy. page 2n0) (1). Devrait-on accuser impitoyablement une mère qui alléguerait avoir éprouvé des convulsions et avoir déchiré le cordon du nouveau-né qu'elle aurait foulé involontairement aux pieds? Cette excuse, pour être moins recevable que les précédentes, n'en mériterait pas moins quelque considération. Avant de prononcer dans ces cas difficiles, l'homme de l'art commencera par s'assurer si l'état actuel de la femme répond à ce que l'on observe le plus ordinairement après la syncope, l'hé- morrhagie et les convulsions et il appréciera à leur juste valeur les divers motifs d'excuse. Huitième question relative à l'infanticide. En admettant qu'un enfant dont on a trouvé le corps ait été tuê, est-il possible de prouver qu'il appartient à la femme que l'on accuse, et qu'elle est l'auteur dumeurtrel On sent combien il serait important de pouvoir décider ces deux questions ; mais malheureusement tous les efforts des mé- decins échouent pour résoudre la dernière ; et, relativement à l'autre, ce n'est qu'avec la plus grande difficulté qu'il parvient à établir quelquefois qu'un enfant ri appartient pas à la femme qu'on accuse, ou qu'il peut lui appartenir. Voici les cas où (i) D'après Marc, la rupture du cordon par l'effet de circonstances qui dé- pendent de l'enfantement, se fait presque constamment très près de l'ombilic ou très près du placenta, et les bords de la solution de continuité sont frangés et iné- gaux. — 284 — il est permis à l'homme de l'art de porter un pareil jugement. S'il reconnaît qu'une femme est accouchée depuis deux ou trois jours seulement, tandis que la naissance de l'enfant date de cinq, huit, douze ou quinze jours, ou, ce qui revient au même, que l'âge du nouveau-né ne se rapporte aucunement à l'époque où l'accouchement a eu lieu, il déclarera que l'accusée n est point la mère ; à plus forte raison il se conduira de même s'il trouve que, loin d'être accouchée, la femme n'a jamais élé en- ceinte. Si, au contraire, le nouveau-né est âgé de deux ou trois jours, et que l'accouchement soit récent, ou, en d'autres termes, si l'âge de l'enfant se rapporte à l'époque présumée, il sera per- mis de dire qu'il peut appartenir à la femme accusée. D'où il résulte que la solution de ce problème repose tout entière sur les faits dont je me suis déjà occupé dans plusieurs au- tres questions, et que je me bornerai à rappeler : comment reconnaître, 1° s'il y a eu grossesse; 2° si une femme est ac- couchée; 3° l'époque de Vaccouchement ; ce que l'on détermine en ayant égard aux suites des couches et à l'état des organes gé- nitaux ; U° le moment où l'enfant est né; ce qui suppose que l'on connaît pendant combien de temps il a vécu et depuis quand il est mort. Il est même nécessaire de déterminer si l'enfant était à terme au moment de la naissance; quelles étaient ses dimen- sions, etc. Toutes ces questions résolues par le médecin expert sont autant de documens donnés aux juges et aux jurés. Cepen- dant, dit M. Devergie, jamais on n'adressera à l'homme de l'art la huitième question que je me suis posée ; aussi en regarde-t-il l'examen comme inutile. Mais je ferai remarquer que, loin d'être stérile pour la recherche des preuves du crime, elle est au con- traire féconde, puisque l'expert peut, dans certains cas, éloigner d'une accusée tout soupçon en établissant qu'elle n'a jamais eu d'enfant, ou que l'accouchement, s'il a eu lieu, date d'une époque éloignée; quelquefois, au contraire, il fournira des documens précieux en déterminant l'âge d'un enfant et l'époque de l'accou- chement. J'ai dit aussi que l'homme de l'art doit établir si l'en- fant était à terme à l'époque de la naissance, et quelles étaient ses dimensions ; c'est qu'en effet, si un cas se présente où il lui soit difficile de déterminer la date d'un accouchement, il en trou- — 285 — vera peut-être la raison dans l'âge d'un fœtus peu développé dont l'expulsion n'a pas produit de grands délabremens dans les organes de la génération. Résumé sur l'infanticide. L'importance du sujet que je viens de traiter mérite que je lui consacre encore quelques lignes; une analyse rapide des objets qui doivent fixer l'attention du médecin dans une ques- tion de ce genre ne sera pas sans intérêt. L'expert doit être bien pénétré de celte vérité, que, dans la plupart des cas, le sort des accusés est entre ses mains; et quelle que soit l'hor- reur qu'inspire le crime d'infanticide, il ne doit jamais conclure qu'il a été commis qu'autant qu'il en est convaincu. Sans doute que certains coupables échapperont au glaive de la justice, parce qu'il aura été impossible d'établir l'existence matérielle du crime ; mais aussi des personnes innocentes n'auront pas été flétries par une condamnation. 1° Quand on est appelé pour faire un rapport sur le cadavre d'un nouveau-né, inconnu et abandonné dans un champ, une rue, une place publique, etc., on doit l'examiner avec autant d'at- tention que dans le cas où la mère serait connue; en effet, il serait possible que le zèle des magistrats ne tardât pas à être couronné d'un plein succès, en découvrant qu'une femme est ré- cemment accouchée, et que tout porte à croire que l'enfant dé- laissé lui appartient. 2° Après avoir noté tout ce qui est relatif aux objets qui en- tourent le cadavre, à sa situation, au lieu où il a élé trouvé et aux autres circonstances qui ont été indiquées avec soin à l'ar- ticle Ouverture des cadavres {Voy. p. Mi), on examine at- tentivement la longueur, le poids*de l'enfant, la peau, le cordon ombilical, les cheveux, les ongles, les paupières et tout ce qui peut contribuer à déterminer son âge au moment de la naissance . {Voy. page 77 du t. icr) ; on lient compte des lésions extérieures, de l'étal plus ou moins avancé de la putréfaction, etc. ; si on né- glige ces détails et que l'on procède de suite à i ouverture du cadavre, on s'expose à ne plus pouvoir constater plus tard les ca- — 286 — ractères que la surface du corps présente, pour parvenir à ré- soudre plusieurs questions importantes. 3° On cherche à découvrir la cause de la mort. Le nouveau-né a pu périr avant de sortir de l'utérus, ce que l'on reconnaît quelquefois à la simple inspection du fœtus, tandis qu'on ne peut y parvenir dans certaines circonstances, qu'en examinant avec la plus grande attention les signes fournis parla femme qui vient d'accoucher, l'état des divers organes du cadavre et de l'arrière- faix. On aurait tort de croire qu'il suffit d'établir qu'il n'y a au sommet de la tête du fœlus ni tuméfaction ni ecchymose, ou que les poumons se précipitent au fond de l'eau pour être certain que la mort a eu lieu dans l'utérus, puisque d'une part on a vu des altérations de ce genre sur la tête d'enfans morts dans la matrice, tandis qu'elles manquent souvent chez d'autres qui ont vécu après la naissance, et que d'une autre part on sait que les poumons peuvent se précipiter au fond de l'eau quand l'enfant est mort en naissant et même quand il a respiré après la naissance. Le nouveau-né a pu périr pendant l'accouchement, ce qui dépend de la difficulté et de la longueur du travail, de la com- pression du cordon ombilical, ou de son entortillement autour du cou, d'une hémorrhagie, de la faiblesse du fœtus, des manœu- vres que l'accoucheur a tentées pour délivrer la femme, et qui ont exigé l'emploi du fprceps, des crochets, des perce-crânes, etc., ou de tentatives criminelles comme l'acupuncture, la tor- sion de la colonne vertébrale, la suffocation, etc. Des notions précises sur la nature, le mode et la durée de l'accouchement, pourront seules guider l'homme de l'art dans la solution d'un problème aussi épineux. Rappelons toutefois que l'enfant peut avoir respiré au passage, et par conséquent que la surnatation des poumons ou de leurs fragmens ne suffit poiut pour prouver qu'il n'est pas mort avant de naître. N'oublions pas qu'il a pu vivre après sa naissance, de la vie dite de la circulation, sans avoir respiré, et qu'alors les poumons peuvent se précipiter au fond (te l'eau {Voy. page 208). Le nouveau-né a pu périr après la naissance: a. parce qu'il était monstrueux, faible, atteint d'une maladie grave ; b. parce qu'on a omis de lui donner les secours nécessaires, et qu'il a succombé à l'asphyxie, à l'ina- — 287 — nition, à l'hémorrhagie ombilicale, ou à l'action d'un froid trop vif ou d'une chaleur trop intense. Il importe alors de rechercher si l'omission des soins a élé volontaire, ou si la mère se trouvait dans l'impossibilité de les prodiguer, comme cela pourrait arriver, si elle avait ignoré sa grossesse et qu'elle eût été surprise par les douleurs de l'enfantement dans un lieu isolé; si elle était ac- couchée sans le savoir par une des causes indiquées à la page 276 du t. ier ; e. parce qu'on a exercé des actes de violence que l'on peut rapporter aux blessures, à l'asphyxie et à l'empoisonne- ment par le gaz ; il est indispensable, dans ce cas, de consta- ter les marques de sévices , et de ne point les confondre avec celles qui sont le résultat du travail de l'accouchement ou de toute autre cause naturelle et spontanée. Je n'adopterai pas avec certains auteurs, qu'il faille pour conclure qu'il y a eu infanti- cide après la naissance , prouver que l'enfant est né bien con- formé , à terme et exempt de maladies {Capuron ) ; car il existe une foule de vices de conformation qui n'entraînent pas nécessairement la mort ; d'une autre part, des enfans nés entre le septième et le neuvième mois de la grossesse , peuvent vivre et se développer parfaitement ; il en est de même de plusieurs de ceux qui lors de la naissance sont atteinls de quelques maladies : la femme qui vient d'accoucher, et qui depuis long-temps a conçu le projet de détruire le nouveau-né, est aussi coupable en por- tant sa main homicide sur un enfant, de sept à huit mois, ou sur un autre qui est à terme et mal conformé ou atteint d'une mala- die qu'elle est censée ne pas connaître, que sur un fœlus de neuf mois, bien conformé et jouissant en apparence de la meilleure santé. J'admettrai volontiers qu'une mère peut être excusée d'a- voir laissé périr son enfant , faute de soins , lorsque celui-ci n'était âgé que de cinq à six mois, ou même lorsque étant plus près du neuvième mois, il était excessivement difforme ou très faible, ou atteint de quelques-uns des symptômes qui annoncent une mort prochaine. Les observations faites sur les poumons, le cœur, le dia- phragme, le thoraxr etc., dans le dessein de savoir si l'enfant a respiré pendant ou après la naissance, fournissent souvent des résultats propres à induire le médecin en erreur, si elles n'ont — 288 - pas été recueillies avec la plus grande attention et appréciées à leur juste valeur. Quand même il serait rigoureusement prouvé que la respiration a eu lieu , il ne faudrait conclure que l'enfant a été tué, qu'autant qu'il serait établi qu'il a été victime de quel- que omission ou de quelque manœuvre criminelle (V. p. 255). n° On s'attache à déterminer depuis quand l'enfant est né ; s'il a vécu, on examine d'abord quelle a pu être la durée de la vie extra-utérine, en ayant égard à l'état de la peau, du cordon om- bilical, etc.; on cherche ensuite à reconnaître, d'après la rigi- dité ou la flaccidité des membres, la putréfaction plus ou moins avancée du corps , etc., depuis quand il est mort. Il est inutile de rappeler combien il importe pour juger l'époque de la mort, d'après l'état de décomposition putride, de connaître la tempéra- ture, et de savoir si l'enfant a été délaissé dans un coffre où l'air n'était point renouvelé, dans du sable, dans de l'eau limpide ou bourbeuse, dans du fumier ou dans une fosse d'aisances, la putré- faction ne marchant pas avec la même rapidité dans ces diffé- rens milieux et à toutes les températures. — Si l'enfant est mort- né, on parvient à déterminer à-peu-près l'époque de la naissance, par des moyens analogues. Ces recherches sont utiles lorsqu'il s'agit de décider si le nouveau-né appartient à une femme que l'on sait être accouchée depuis peu de jours et que l'on soupçonne d'avoir commis le crime d'infanticide : la nécessité d'explorer attentivement cette femme dans les premiers jours qui suivent l'accouchement, est trop manifeste pour que j'appelle de nouveau l'attention de l'homme de l'art sur ce point {V. p. 273 du tome ier). rapports sur l'infanticide. Premier rapport. Nous soussigné, docteur en médecine de la Faculté de Montpellier, habitant la ville de Paris, sur la ré- quisition du procureur du roi, qui nous a été signifiée par M. X., huissier, nous sommes transporté aujourd'hui 12 avril, à midi, avec M. F., élève en médecine, à la Morgue, pour visiter le cadavre d'un enfant du sexe masculin, que l'on nous a dit avoir été retiré tout nu d'une fosse d'aisances, et pour constater la cause de sa mort. — 289 — Le cadavre était froid et sali par l'eau de la fosse dont il offrait l'odeur ; il n'était plus recouvert de cet enduit sébacé que l'on remarque chez les fœtus à terme nés depuis peu ; nous l'avons lavé et nettoyé avec soin. Sa longueur était de 50 centimètres, il pe- sait 3 kilogrammes ; le thorax était bombé ; le cordon ombili- cal était flétri, desséché, et près de tomber ; son insertion répon- dait à-peu-près à la partie moyenne du corps; les testicules étaient dans le scrotum ; les membres abdominaux étaient plus courts que les thoraciques ; les uns et les autres étaient flexi- bles ; la peau de la partie interne des cuisses, des bras et des parties latérales du thorax et de l'abdomen, offrait une teinte violacée, et l'épiderme correspondant à.ces parties s'enlevait par une forte pression des pinces ; partout ailleurs la peau paraissait de couleur naturelle et adhérait à l'épiderme ; on ne voyait au- cune traça d'ecchymose ni d'autres blessures à la surface du corps; on s'assurait en palpant les membres, que les os qui en font partie n'étaient ni luxés ni fracturés; des incisions assez profondes pour mettre ces os à nu prouvaient qu'il n'y avait point de sang épanché dans le tissu cellulaire intermusculaire ; l'extrémité inférieure du fémur offrait un noyau osseux en ar- rière. L'ouverture du cadavre, faite suivant les règles de l'art {Voy. Ouverture des cadavres), a démontré : 1° pour le crâne, qu'il n'y avait au sommet de la tête ni bourrelet, ni infiltration sanguine ; que les os du crâne se touchaient presque par leurs bords, excepté dans les endroits correspondans aux fontanelles; que la matière grise du cerveau était parfaitement distincte; que les vaisseaux de cet organe n'étaient point engorgés; que les ventricules ne contenaient point de sang, et que l'on n'y voyait qu'une petite quantité de sérosité jaunâtre et limpide ; que le cervelet paraissait dans l'état naturel, enfin qu'il n'y avait aucune trace d'épanchement sanguin dans la cavité du crâne ; 2° pour le canal vertébral, que la moelle épinière n'était le siège d'aucune altération sensible : 3° pour la bouche et le cou, que les dents étaient encore contenues dans les alvéoles, et que leurs couronnes étaient ossifiées; qu'il y avait dans la bouche quelques atomes de matière excrémentitielle demi-fluide; que II. 19 — 290 — la langue, le voile du palais, les amygdales et le pharynx sem- blaient plus rouges que dans l'état naturel ; que le larynx et les vertèbres cervicales n'étaient le siège d'aucune altération, et qu'il n'y avait aucune ecchymose profonde dans ces parties ; U° pour le thorax, que les poumons, d'un rouge pâle, recou- vraient en grande partie le péricarde, qu'ils étaient crépilans et qu'ils nageaient sur l'eau, lors même qu'ils étaient mis sur ce liquide avec le cœur ; qu'ils n'offraient aucune trace de putré- faction, mais qu'ils étaient gorgés de sang verdâlre fluide, que tous leurs fragmens surnageaient encore après avoir été long- temps comprimés sous l'eau ; on pouvait en retirer par cette expression une quantité notable de sang ; ils pesaient 58 gram- mes , c'est-à-dire cinquante-deux fois moins que le corps entier environ; qu'il y avait dans la trachée-artère et dans les bronches une petite quaniite de matière semblable à celle de la fosse, et beaucoup d'écume ; que la membrane mu- queuse qui tapisse ces parties était rouge par plaques ; que le ventricule droit du cœur contenait beaucoup de sang fluide d'un brun verdâlre ; qu'il y en avait à peine dans le ventricule gauche et dans les oreillettes ; que le canal artériel et le canal veineux étaient vides, et leurs parois rapprochées; que le trou de Botal était encore perméable ; que le diaphragme était manifestement refoulé vers l'abdomen ; 5° pour le bas ventre, qu'il y avait dans l'estomac un peu de matière demi-fluide, d'une odeur fétide, qui paraissait être la même que celle de l'eau de fosse; que les intestins et la vessie étaient vides ; qu'il n'y avait aucune trace de phlogose dans le canal digestif; que les autres viscères abdo- minaux paraissaient dans l'état naturel, excepté qu'ils présen- taient çà et là une couleur verdâlre; 6° pour les organes gé- nitaux, que tout l'appareil générateur était sain. L'examen le plus scrupuleux des viscères contenus dans les diverses cavités n'a point permis de découvrir le moindre signe de blessure, faite avec un instrument piquant, tranchant ou con- tondant, ni avec une arme à feu. Nous pouvons conclure de ce qui précède : 1° que l'enfant dont nous avons examiné le corps, est né à terme et vivant ; 2° que sa naissance date d'environ sept à huit jours, du moins - 291 — l'état du cordon ombilical semble faire croire qu'il a vécu trois ou quatre jours, et l'on peut juger par les changemens survenus à la peau, qp'il est mort depuis trois ou quatre jours environ {Voy. page 773 du tome Ier, article Putréfaction dans la fosse d'aisamces ) ; 3° qu'il était parfaitement constitué, et par conséquent viable ; 4° que tout annonce qu'il a été plongé dans l'eau de la fosse, lorsqu'il était encore vivant {Voy. Asphyxie); 5° que la mort paraît devoir être attribuée au défaut de respira- lion et à l'action délétère du sulfhydrale d'ammoniaque con- tenu dans l'eau ; 6° que tout porte à croire que l'accouchement de la mère a été facile. En foi de quoi, etc. Deuxième rapport. Nous soussigné, etc., requis par, etc., pour constater la cause de la mort d'un enfant du sexe féminin, nous sommes transporté dans la chambre occupée par mademoi- selle N., dans la rue...., maison n0..., où nous avons trouvé la- dite demoiselle alitée ; elle nous a dit être âgée de ymgt ans et avoir été surprise par les douleurs de l'enfantement la veille à six heures du soir ; qu'après avoir souffert pendant deux heures, elle était accouchée; qu'elle s'était efforcée en vain d'appeler à son secours; qu'elle était déjà mère d'un autre enfant et qu'elle n'ignorait pas qu'il fallait couper et lier le cordon ombilical, qu'elle avait pratiqué la première de ces opérations avec des ciseaux, mais que, n'ayant point de lien à sa disposition , elle n'avait pu faire la ligature; que d'ailleurs il lui aurait été im- possible de s'occuper de son enfant, parce qu'elle s'était délivrée elle-même peu de minutes après l'accouchement, et qu'un instant après elle avait pej-du connaissance ; enfin qu'elle n'avait re- couvré ses sens qu'au bout de deux heures, lorsque l'enfant était déjà mort. Les draps du lit étaient ensanglantés. Le cadavre de l'enfant était froid et enveloppé dans un linge; on voyait sur l'abdomen et sur les fesses plusieurs plaques de sang desséché, d'un brun noirâtre; il était recouvert d'un en- duit sébacé fort épais, et n'exhalait aucune odeur putride. Après l'avoir bien nettoyé avec de l'eau, nous nous sommos assuré qu'il élait long de 45 centim. 5 millim., et qu'il pesait 2 kilogr. 500 grammes; la tète était garnie de cheveux nous,longs d'environ 3 centim. ; on voyait à si n sommet une petite ,tumeur comme œdé- 19. — 292 - mateuse; le thorax était bombé ; le cordon ombilical de grosseur ordinaire, nullement flétri ni affaissé, avait été coupé à 3 cen- tim. environ de l'abdomen, avec un instrument tranchant; en ef- fet, la section était lisse et unie ; il n'offrait aucune trace de sang liquide ni coagulé; on voyait qu'il n'avait pas été lié; son inser- tion répondait à 5 millim. au-dessus de la moitié du corps. Les membres abdominaux étaient raides et sensiblement plus courts que les thoraciqnes qui étaient flexibles ; ils n'étaient ni luxés ni fracturés, comme on s'en est assuré en pratiquant des incisions profondes; l'extrémité inférieure du fémur offrait un noyau os- seux à sa partie postérieure ; les ongles parfaitement formés, recouvraient l'extrémité des doigls. La surface du corps était re- marquable par sa pâleur semblable à celle de la cire ; il en était de même des lèvres ; l'épiderme ne se détachait point ; il n'y avait aucune trace d'ecchymose ni d'autre blessure. L'ouverture du cadavre, faite suivant les règles de l'art, a prouvé que la plupart des viscères étaient décolorés, que les ventricules et les oreillettes du cœur, les vaisseaux artériels et veineux contenaient fort peu de sang, et qu'en général tout le système sanguin était affaissé ; on ne découvrait aucun indice de blessure ni de congestion dans le cerveau, dans le cervelet, dans la moelle épinière, ni dans aucun des organes thoraciqnes et abdominaux, qui du reste étaient parfaitement conformés ; on apercevait déjà la matière grise du cerveau ; les os du crâne se louchaient par leurs bords, excepté dans leur portion correspon- dante aux fontanelles ; les poumons, d'une couleur pâle, recou- vraient en parlie le péricarde ; ils étaient crépitans el nageaient sur l'eau lorsqu'on les avait séparés du cœur, même après avoir été comprimés sous ce liquide; ils pesaient 35 gram. 7 centigr., c'est-à-dire 70 fois moins que le corps environ; le canal artériel, le canal veineux et le trou de Botal étaient perméables ; le dia- phragme était légèrement refoulé vers l'abdomen ; l'estomac était vide; le gros intestin contenait beaucoup de meconium d'un brun verdâlre ; la vessie était vide ; l'arrière-faix semblait être dans l'état naturel. Nous croyons devoir conclure de ce qui précède : 1° que l'en- fant qui fait le sujet de ce rapport est né à terme ; 2° qu'il était — 293 — viable; 3° qu'il a vécu pendant un certain temps; 4° qu'il a suc combé à une hémorrhagie ombilicale, résultat de l'omission de la ligature du cordon ombilical; 5° que la demoiselle N., qui avoue ne pas êlre primipare, ne doit être excusée d'avoir omis de pra- tiquer cette opération, qu'autant qu'il sera prouvé qu'elle a perdu connaissance peu de temps après l'accouchement, ou qu'elle a été dans l'impossibilité de se procurer les liens nécessaires. En foi de quoi, etc. Troisième rapport. Nous soussigné, etc. Arrivé dans la cham- bre, nous avons trouvé la demoiselle X, âgée de 17 ans, alitée, qui nous a dit êlre accouchée deux jours auparavant d'un enfant à terme, jnort ; que les douleurs d'enfaniement avaient été vives et avaient duré pendant cinq heures ; qu'elle accouchait pour la première fois et qu'elle n'avait été secourue que par sa femme de chambre qui attestait également que l'enfant n'avait donné aucun signe de vie, malgré tout ce qu'elle avait pu faire pour le ranimer. Interrogée sur les moyens qu'elle avait mis en usage pour exciter la respiration chez le nouveau-né, elle nous a ré- pondu avoir fait des frictions sur la parlie antérieure du thorax, sur l'épine du dos, sur la paume des mains et sur la plante des pieds, avoir parcouru l'intérieur de la bouche avec ses doigts pour enlever les mucosités, et avoir insufflé de l'air de bouche à bouche. Nous avons d'abord procédé à l'examen de la femme et nous avons reconnu.... (On parle ici de l'état des mamelles, de la peau et des muscles de l'abdomen, de l'utérus, de son col, des parties génitales, des tranchées utérines, de la bonne ou de la mau- vaise conformation du bassin, de l'écoulement qui se fait par la vulve, etc.; je me bornerai à ce simple énoncé, parce que déjà j'ai donné à la page 291 du tome Ier quelques modèles de rapport sur l'accouchement). D'où il résulte que la demoiselle X est accouchée depuis deux ou trois jours environ. On nous a présenté le cadavre d'un enfant du sexe masculin , enveloppé de linges propres, nullement ensanglantés , et prêt à être inhumé; après l'avoir retiré de celle euveloppc, nous avons reconnu qu'il était froid, et long de 50 centimètres, qu'il pe- — 291 — sait 3 kilogrammes, qhe la tête était garnie de cheveux assez longs et ne présentait aucufle trace de tumeur à son sommet ; que le thorax était aplati; le cordon ombilical frais, sans la moindre apparence de sang liquide ni coagulé, était de grosseur ordi- naire; il avait été coupé avec un instrument tranchant à 9 centi- mètres environ de l'abdomen ; en effet, la section était lisse et unie, et son insertion répondaità-peu-près à la moitié du corps ; près de son extrémité libre , on voyait un fil double disposé en forme de lien , les membres étaient flexibles, et les ongles par- faitement formés; la surface du corps, recouverte d'un enduit sé- bacé fort épais, était pâle, excepté dans la région abdominale qui offrait une couleur verte ; le cadavre n'exhalait uhe odeur légèrement fétide que dans celte région (la température de l'at- mosphère était depuis trois jours à environ 8° therm. centigr.); l'épiderme ne se détachait point ; il n'y avait aucune trace d'ec- chymose ni d'autre blessure, comme on s'en est assuré en exa- minant attentivement l'extérieur du corps et en pratiquant des incisions profondes ; l'extrémité inférieure du fémur offrait un noyau osseux à sa partie postérieure. L'ouverture dû cadavre, faite suivant les règles de l'art, a prouvé que les os du crâne se louchaient parleurs bords, excepté dans les fontanelles ; qUe là matière grise du cerveau et du cer- velet était formée*, que l'estomac et les intestins grêles étaient vides; que le gros intestin contenait beaucoup dé meconium vérdâtre ; que la vessie renfermait une quantité notable d'urine ; que le diâphagmè était refoulé vers la poitrine ; que les poumons, d'un rouge brun, quoique bien conformés, étaient assez peu dé- veloppés pour ne recouvrir le péricarde qu'en partie, qu'ils contenaient fort peu de sang, et ne pesaient que 32 grammes, qu'ils étaient crëpitans dans quelques-unes de leurs parties seu- lement, et qu'ils se précipitaient au fond de l'eaU lorsqu'on les plaçait entiers sur ce liquide ; toutefois, en les coupant en plu- sieurs tranches, on voyait quelques petits fragmens du poumon droit, dont la teinte était moins foncée, nager sur l'eau, même après avoir été comprimés sous ce liquide ; le canal artériel, le canal veineux et le trou de Bolâl étaient perméables ; le Cœur contenait fort peu de sang ; il était impossible de découvrir — 295 — sur aucun point la moindre trace de blessure ni de con- gestion; l'arrière-faix était dans l'état naturel. Il résulte de ce qui précède : 1° que l'enfant qui fait le sujet de ce rapport est né à terme ; 2° qu'il était viable ; 3° que tout porte à croire qu'il n'a point respiré : en effet, la surnatation de quel- ques petits fragmens du poumon droit, qui ne contiennent qu'une petite quantité de sang , coïncidant avec l'aplatissement du tho- rax et le refoulement du diaphragme en haut, paraît dépendre plutôt de l'insufflation artificielle que de la respiration ; d'autant mieux que le poids des poumons et le rapport entre le poids du corps et celui des poumons sont à-peu-près tels qu'on les trouve souvent chez les enfans qui n'ont point respiré ; 4° que rien n'annonce qu'il soit mort pendant l'accouchement, ni qu'il ait été tué après la naissance; 5° qu'il est probablement mort dans l'utérus peu de temps avant l'accouchement. En foi de quoi, etc. Quatrième rapport. Nous soussigné, etc. Arrivé dans la chambre, on nous a représenté le cadavre d'un enfant du sexe masculin, que l'on avait trouvé mort sur la voie publique ; il était renfermé dans un espèce de sac en toile grise, nullement taché; la tête était enveloppée d'un béguin de toile commune, à l'exté- rieur duquel on voyait quelques traces de sang ; la surface du corps était recouverte d'une chemise de percale ensanglantée sur plusieurs points, et notamment dans la partie correspon- dante à l'ombilic : aucun de ces objets ne portait ni chiffre ni lettre. Nous avons procédé à la visite, et nous avons reconnu que l'enfant était encore chaud, fort bien conformé, long de 51 centi- mètres, et du poids de 3 kilogrammes 512 grammes ; la peau, d'un blanc légèrement jaunâtre, n'exhale aucune odeur fétide; elle est enduite de la matière sébacée que l'on remarque chez les fœ tus âgés de plus de sept mois ; elle offre çà et là quelques stries de sang; le thorax est bombé; le cordon ombilical, inséré à la partie moyenne du corps, est long d'environ 6 centimètres, il n'est point flétri et ne présente aucune trace de ligature ; on voit qu'il a été coupé d'flnè manière nette par un instrument tranchant; le'scrotum renferme deux testicules-, les membres sont flexibles, 296 - les inférieurs sont plus courts que les supérieurs ; ils ne sont le siège d'aucune lésion, comme on s'en assure en pratiquant des incisions profondes : l'extrémité inférieure et postérieure du fé- mur offre un noyau osseux ; les ongles sont bien formés et re- couvrent l'extrémité des doigts ; la tête garnie de cheveux noirs, longs de3 centim. environ, est plus colorée que les autres parties du corps : on voit sur le front, sur le côté gauche du sourcil, de la paupière supérieure et de la pommette gauche, des contusions et des ecchymoses d'un rouge brun, de forme irrégulière, longues de 5 millimètres sur 4 millimètres de large; l'oreille gauche est rouge, contuse et ensanglantée ; les yeux sont dans l'état na- turel, excepté que la conjonctive gauche est rouge; la lèvre su- périeure est recouverte d'une matière sanguinolente qui coule par les narines ; la cavité buccale ne contient qu'une quantité peu notable de sang; le crâne est mou, allongé d'avant en arrière, et fortement déprimé dans les régions temporales, dont les pièces osseuses sont très mobiles : on ne découvre aucune trace de blessure sur les autres parties du corps. L'ouverture du cadavre, faite suivant les règles de l'art, dé- montre que les vertèbres, les ligamens qui les unissent et les muscles qui les recouvrent sont dans l'état naturel ; qu'il y a du sang épanché entre le canal vertébral et la dure-mère, dans toute l'étendue du rachis ; que la moelle épinière n'est le siège d'au- cune altération ; qu'il y a un épanchement considérable de sang liquide et coagulé entre la peau et le péricrâne, surtout vers les pariétaux, qui sont fracturés en plusieurs endroits; on remarque surtout deux fractures anguleuses sur chaque pariétal qui s'é- tendent l'une de la bosse pariétale jusqu'à l'os frontal , et l'autre du même point à la suture sagittale ; il .y a en outre, à l'extrémité d'une des fractures du pariétal gauche, une esquille d'environ un millimètre : le périoste est déchiré et décollé dans toutes les parties fracturées ; la partie antérieure gauche du coronal est également le siège d'une fracture anguleuse avec esquille et dé- collement du périoste; la dure-mère est ecchymosée dans toute son étendue, et notamment aux parties correspondantes aux frac- tures : une quantité considérable de sang, en grande parlie coa- gulé, est épanchée entre l'arachnoïde et la dure-mère, entre cette — 297 — même membrane et la pie-mère, dans les anfractuosités de la face supérieure et postérieure des hémisphères cérébraux, dans les ventricules latéraux, à la base du crâne, et surtout dans les cavités moyennes et postérieures ; la consistance du cerveau, dont la matière grise est parfaitement formée, paraît naturelle ; les viscères abdominaux ne sont le siège d'aucune altération ; l'estomac et les intestins grêles ne contiennent que des mucosités, le gros intestin renferme beaucoup de meconium d'un brun ver- dâlre; la vessie est remplie d'urine; les poumons recouvrent en grande partie le péricarde ; ils sont roses et crépitans ; ils nagent sur l'eau, lors même qu'ils sont mis sur ce liquide avec le cœur; ils n'offrent aucune trace de putréfaction, et leurs fragmens sur- nagent encore après avoir été long-temps comprimés sous l'eau, on en retire par cette expression une quantité notable de sang rouge et de mucosités écumeuses; ils pèsent 97 grammes; c'est-à-dire trente-six fois moins que le corps entier; le cœur est dans l'état naturel ; le canal artériel, le canal veineux et le trou interoriculaire (de Botal) sont encore perméables ; le diaphragme est refoulé vers l'abdomen. Ces faits nous permettent de conclure, 1° que l'enfant dont il s'agit est né à terme, 2° qu'il était viable ; 3° qu'il a vécu, et que probablement il est venu au monde en présentant la tête , les membres et le siège n'offrant aucune trace d'infiltration ni de congestion ; 4° qu'il est mort peu de temps après la naissance ; 5° que la mort n'a eu lieu que depuis quelques heures ; 6° que les ecchymoses , les fractures et les épanchemens sanguins ont élé fails du vivant de l'individu ; 7° que la mort est le résultat de ces lésions, qui ne paraissent pas devoir être attribuées à une chuie de l'enfant au moment de la naissance, mais qui tiennent plutôt à des violences exercées latéralement sur des points de la tête diamétralement opposés : du moins c'est ce qui semble résulter de la situation, de la forme, de la direction et du rapport des fractures observées au crâne. En foi de quoi, elc. — 298 — BIBLIOGRAPHIE. L'enfant est-il mort en naissant ? Zeis (B. L.). 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Leipzig, 1806. — Deprecatio pro criminé infanticidii. Leip- zig, 1811. Omn. reçus. In Platneri quœst. med. forens. éd. Choulant. » Olivaud (E. J.). De l'infanticide. Thèses de Paris, in-8d. anx. Garmen et Marc. Consultation médico-légale pour un cas d'infanticide. Bulletin des sciences médicales rédigé par Tarira, t. v, p. 104. Kehaut (C. J.). De cautelis in dijudicandis cœdis infantum notis. Pra- gue, 1813. Fodéré (F. E.). De infanticidio. Strasbourg, 1814. Gennep (A. Van.). Spécimen de infanticidio. Leyde, 1814, in-4°: Hirt (C). De cranii neonatorum fissuris ex partu naturali cum novo earum exemple Leipzig, 1815. Lecieux, Renard, Laine, Rieux. Médecine légale, ou Considérations sur l'infanticide, sur la manière de procéder à l'ouverture des cadavres, etc., etc. Paris, 1819, in-8. Gans (S. P.). Von den Verbrechen des Kindermordes. Versuch eines juridisch-physiologisch-psychologischen Commentars, etc. Copenhague, 1824,in-8°. Robert. Consultation et réflexions sur un rapport relatif à une accusa- tion d'infanticide. 2 part. Annales de la soc. de méd. prat. de Montpellier, t. xxxvi, p. 135 et 372. Klein. Ueber die Beschœdigungen , welche bei den Neugebornen ent- stehen, wenn sie in einer die Mutter iiberraschenden Geburt plœtzlich hervoraufden harten Boden u. s. w. schiessen. In Kopp s Jahrbuch der Staatsarzneikunde, t. ix, p. 275. Elwert. Beitrœge zur Materie von derUntersuchung der todtgefundenen Neugebornen. In Kopp's Jahrbuch der Staatsarzneikunde, t. m, p. 154. Ki.ein. Beobachtungen in Hinsicht der nœthigen Vorsicht bei Beurthei- — 300 — lung des Kindermords. In Kopp's Jahrbuch der Staatsarzneikunde, t. vu, p. 367. On trouve dans les Annales de médecine légale de Kopp, et dans le Journal de Médecine légale de Henke (deux Recueils allemands) un grand nombre de rapports et d'observations sur l'infanticide, qu'il serait trop long d'indiquer en détail. Cordon ombilical lié ou non lié. Alberti (Mich.) Resp. B. J. Wegener. De funiculi umbilicalis neglectâ obligatione in causis infanticidii limitandâ, Halle , 1731, in-4. Schulze (J. H.) Resp. J. O. Dehmel. Diss. qua problema an umbilici cle- ligatio in nuper natis absolutè necessaria sit, in partem negativam resolvi- tur. Halle, 1733, ibid., 1744, in-4. Roederer (J. G.) Resp. CL. Schoel. De funiculi umbilicalis deligatione non absolutè necessaria. Gottingue, 1755, in-4. Iseken (G.). De quœstione an intermissio deligationis funiculi umbilica- lis in foro absolutè lethalis. Duisbourg, 1767. Schweickhard. De non necessaria deligatione funiculi umbilicalis cum epicrisi. Strasbourg, 1769. Daniel (C F.). De infantum nuper natorum umbilico et pulmonibus. Halle, 1780, in-8. Joerg (J. C. G.). De funiculi umbilicalis deligatione haud negligendâ. Leipzig, 1810. DE L'AVORTEMENT. En médecine légale, on entend par avortement l'accouche- ment avant terme provoqué avec une intention criminelle, par des alimens, des breuvages, des médicamens, des violences ou par tout autre moyen. Voici l'article du Code pénal à ce sujet : « Quiconque, par alimens, breuvages, médicamens, violences, ou par tout autre moyen, aura procuré l'avortement d'une femme enceinte, soit qu'elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion. it La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l'avortement à elle-même, ou qui aura consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l'avortement s'en est suivi. « Les médecins, chirurgiens, et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré ces moyens, seront con- damnés à la peine des travaux forcés à temps, dans le cas où l'avortement aurait eu lieu » (Code pénal, liv. ni, art. 317) (1). (1) Je pense qu'il serait à désirer que le pouvoir législatif exceptât nominative- — 301 — Il résulte des dispositions de cet article, 1° que les auteurs de l'attentat dont il s'agit ne peuvent être poursuivis qu'autant que l'avortement a eu lieu et qu'il a été produit à dessein; quelque coupable que soit l'intention de la personne qui a proposé l'em- ploi des moyens dits adoptifs, si le crime n'a pas été consommé, la loi n'autorise point les poursuites ; 2° qu'il n'est pas nécessaire que le produit de la conception soit au moins âgé de vingt se- maines, comme l'indique le Code de Charles-Quint, pour que le crime puisse être établi : en effet, la législation actuelle ne fixe aucune époque; il suffit que l'on ait pu constater l'avortement; 3° que la culpabilité est plus grande, si des gens de l'art indi- quent ou administrent des moyens capables de produire l'avor- tement, que lorsque la femme se fait avorter elle-même: les motifs de celte sévérité ont été exposés par l'orateur du gouver- nement, qui dit : « Si la femme ne trouvait pas tant de facilité à se procurer les moyens d'avortement, la crainte d'exposer sa propre vie, en faisant usage de médicamens qu'elle ne connaî- trait pas, l'obligerait souvent de différer son crime, et elle pour- rait ensuite être arrêtée par ses remords » (Motifs du Code pé- nal, liv. m, lit. 3, chap. 1er). Le premier et le second paragraphe de l'article 317 du Code pénal sont rédigés de manière à pouvoir être fort injustement interprétés, et il importe d'établir que tel n'a pas été le but du législateur ; en effet, il est absurde d'appliquer la peine de la réclusion à l'homme de l'art qui, pour combattre une maladie aiguë chez uneJemme enceinte, administre des médicamens plus ou moins actifs qui déterminent l'avortement, ou bien qui, vou- lant empêcher la femme d'avorter, conseille des moyens qu'il croyait propres à prévenir l'avortement, et qui, contre son at- tente, produisent un effet contraire ; il en est de même du cas où une femme se procure l'avortement sans intention de le faire, en s'exposant à une foule de causes que l'on a appelées sponta- nées, et parmi lesquelles on peut ranger les odeurs fortes, les vêlemens trop serrés, l'abus des alimens irritans et des liqueurs ment des cas prévus par l'art. 317, l'accouchement prématuré artificiel (voyez page 313). — 302 — spiiitueuses, des mouvemens brusques et un exercice violent, comme la danse, le saut, les courses à pied, à cheval, en voiture, les chutes, etc. ; il serait encore impossible de soupçonner la femme qui prouverait avoir ignoré sa grossesse ; j'en dirai autant des cas où l'avortement aurait été la suite d'une rixe, de coups ou d'autres violences, si l'agresseur ignorait que la femme fût enceinte, ou si, le sachant, il n'avait pas eu l'intention de com- mettre un pareil attentat, ou la faculté de comprimer un premier mouvement irréfléchi {V. Blessures). Ne serait-il pas révoltant de condamner à la peine de la réclusion un accoucheur qui, pour sauver la mère, dans un cas de convulsions ou d'hémor- rhagie utérine, procurerait l'avortement en terminant l'accouche- ment à une époque où il serait difficile de supposer que le fœlus pût vivre après la naissance ? Mais en est-il de même, lorsqu'un homme de l'art provoque l'avortement d'une femme enceinte qui ri est pas actuellement en danger, seulement parce qu'il juge le bassin assez difforme pour que la mort de la mère et de l'enfant arrivent nécessaire- ment si l'on attend le terme de l'accouchement naturel? Je n'hé- site pas à répondre par l'affirmative ; je pense que non-seulement il est permis dans un assez grand nombre de cas de ce genre de provoquer Vaccouchement prématuré, mais qu'il faut le pro- voquer dans un intérêt de conservation pour la mère et pour l'enfant {V. Avortement provoqué dans l'intérêt de conser- vation pour la mère et l'enfant, page 313). Il est évident, d'après ce qui précède, que la«iriédecine légale doit présenter peu de questions dont la solution soit aussi diffi- cile que celle de l'avortement ; en effet, lors même que le corps du délit n'a pas élé soustrait, que l'on a pu constater l'existence d'un avorton, et que tout porte à croire que celui-ci appartient réellement à la femme que Ton soupçonne, comment reconnaître si l'avortement a été naturel ou provoqué, et dans ce dernier cas, s'il a été provoqué dans l'intérêt de la mère et de l'enfant ? Com- bien la difficulté ne sera-t-elle pas augmentée, s'il n'est plus per- mis d'établir que l'avortement a eu lieu, soit parce qu'il ne reste plus de traces du produit de la conception, soit parce que la femme ne présente plus l'ensemble des signes qui le caractèT - 303 - risent! Il faut l'avouer, presque toujours la préméditation de lavorlement s'établit plutôt d'après les preuves testimoniales que d'après les connaissances médicales ; il ne faut guère excep- ter, comme l'a dit le docteur Marc, que le cas où la mort de la femme permettrait de prouver par l'altération de quelques-uns des organes génitaux, qu'un moyen mécanique de faire avorter aurait été employé. Les questions médico-légales relatives à ce sujet peuvent être réduites aux suivantes : 1° Y a-t-il eu avortement? 2° L avortement a-t-il été naturel ou provoqué dans une intention criminelle ? 3° Est-il des cas où l'avortement doive être provoqué dans un intérêt de conservation pour la mère et l'enfant? h° L'avortement peut-il être simulé ou pré- texté de la part de la femme, dans l'intention de nuire à autrui, et surtout d'obtenir des dommages-intérêts ? Première question. Y a-t-il eu avortement ? La solution de cette question repose sur l'examen de la femme et du produit expulsé. Examen de la femme. S'il est fort difficile de constater les signes d'un accouchement à terme huit ou dix jours après qu'il a eu lieu {V. p. 273 du t. ier), il l'est encore davantage de recon- naître l'avortement, surtout lorsque l'avorton est expulsé dans les premiers jours ou dans les premières semaines de la conception : les changemens occasionnés dans les organes de la génération parla sortie d'un corps aussi peu volumineux sont inappréciables; aussi s'accorde-t-on à admettre que l'examen de la femme, no- tamment quand elle n'est pas primipare, ne présente aucun moyen concluant de déterminer avant les deux premiers mois révolus de la grossesse, si l'avortement a eu lieu. Dans les deux pre- miers mois de la grossesse, dit Désormeaux, à qui l'on doit une excellente dissertation sur l'avortement, il arrive quelquefois que l'œuf est expulsé en entier sans douleur et sans hémorrhagie re- marquables, quoique daus la plupart des cas la femme éprouve des douleurs et une hémorrhagie accompagnée de caillots, sur- tout quand après la rupture des membranes, l'embryon sort isolé — 304 — du placenta ; aussi les femmes croient assez fréquemment n'avoir eu qu'un retard, suivi d'un retour douloureux et abondant des menstrues, tandis qu'elles ont réellement avorté. Heureusement, il est excessivement rare que le médecin soit appelé par les tribunaux pour décider si l'avortement a eu lieu avant le troi- sième mois, les femmes qui ont le dessein de se faire avorter n'ayant pas encore acquis la certitude qu'elles soient enceintes. Les signes précurseurs, concomitans et consécutifs de l'avor- tement qui a eu lieu depuis le troisième jusqu'au huitième mois de la gestation, sont en général les mêmes que ceux de l'accouche- ment; ils sont d'autant plus marqués que le terme de la gros- sesse est plus avancé : ainsi, pour ce qui concerne les signes concomitans, on remarque des douleurs qui se succèdent régu- lièrement, en se rapprochant de plus en plus les unes des autres, et se dirigent de l'ombilic vers l'anus ; l'orifice de l'utérus se ra- mollit et se dilate graduellement ; les membranes proéminent pendant la douleur ; la poche des eaux se forme, mais elle ne se rompt que dans les cas où le produit de la conception n'est pas expulsé en entier, ce qui arrive principalement lorsque l'avortement a eu lieu à une époque déjà avancée de la grossesse. Si cette poche s'est rompue, l'eau de l'amnios sort d'abord, puis le fœtus, le délivre et des caillots plus ou moins volumineux. En général les douleurs et l'hémorrhagie qui accompagnent l'avor- tement sont d'autant plus marquées que le fœtus est plus âgé, et presque toujours l'hémorrhagie est plus forle que celle qui a lieu dans l'accouchement à terme. Si l'avortement est l'effet de quelque manœuvre violente qui perce les membranes, quelle que soit l'époque de la grossesse, l'eau de l'amnios s'écoule prématu- rément, le fœtus est quelquefois expulsé avec facilité, mais la sortie de l'arrière-faix peut occasionner les douleurs les plus atroces. La plupart des signes consécutifs dont les auteurs ont fait mention sont peu propres à faire reconnaître si l'avortement a eu lieu : les femmes, ont-ils dit, éprouvent des frissons, des tremblemens aux extrémités : quelquefois les membres abdomi- naux sont enflés ; la saillie des veines sous-cutanées disparaît ; la peau se décolore ; la marche est vacillante ; il y a des lassi- 305 — tudes spontanées, affaissement et diminution presque subite des mamelles, etc. ; ces caractères peuvent manquer, et lorsqu'ils existent, ils dépendent souvent d'une aulre cause que de l'avor- tement. Les signes consécutifs les plus importuns sont ceux qui se tirent, comme dans l'accouchement, de l'état des parties externes et internes de la génération , de l'écoulement qui se fait par la vulve, de la peau du ventre et de l'excrétion laiteuse ; ainsi le gonflement, la rougeur de la vulve, la dilatation du vagin, les tranchées utérines et les douleurs vagues qui vont se terminer vers l'utérus, dont l'orifice est plus ou moins béant, la flaccidité et les rides de la peau de l'abdomen, l'excrétion d'un lait plus ou moins aqueux, la fièvre de lait, si le fœtus était déjà avancé, et l'écoulement des lochies ; tels sont les objets auxquels il faut avoir égard, lorsqu'on veut faire servir l'examen de la femme à la solu- tion du problème. Je ne rappellerai pas ce qui a été dit à l'article Accouchement, relativement à chacun de ces caractères, à la valeur qu'ils peuvent offrir, elc. (/ oy. p. 267 du t. Ier) ; je ferai seulement remarquer, pour ce qui concerne l'hémorrhagie uté- rine, qu'elle cesse ordinairement quelques jours après l'avorte- ment, à moins qu'il n'y ait eu des accidens particuliers ; qu'elle peut ne pas avoir lieu lorsque les membranes, ayant élé percées sans décoller le placenta, le fœtus et ses enveloppes déjà flétris, viennent à se détacher insensiblement de la face interne de l'u- térus, et qu'il n'est guère possible de la confondre avec le flux menstruel, chez une femme saine , parce qu'elle est en général plus abondante et d'une plus longue durée ; que loin de ranimer les fonctions, elle abat les forces, et qu'assez ordinairement le sang est sous forme de caillots plus ou moins volumineux. On ne saurait trop recommander d'avoir recours à l'ensemble des signes dont je viens de parler dans le paragraphe précé- dent, lorsqu'on cherche à décider si une femme est avortée; aucun d'eux, pris séparément, ne pourrait suffire; il faut aussi que l'examen de la personne soupçonnée ait lieu peu de jours après l'avortement ; car s'il est indispensable d'agir ainsi quand on veut constater l'accouchement à terme , à plus forte raison devra-l-on le faire dans les cas d'avortement, où les traces du II. 20 — 306 - passage du produit de la conception sont en général beaucoup moins marquées. Lors même que les perquisitions ont lieu à une époque favorable, il faut user de la plus grande circonspection, pour ne pas rapporter à un avortement récent les altérations souvent peu sensibles des parties génitales, de la peau du ven- tre, etc., qui dépendent d'une hydropisie, de la suppression des règles , des hydatides , d'un accouchement antérieur , etc. {Voy. Accouchement, page 2^3 du t. i"). Fodéré fait observer avec raison que la peau de l'abdomen sera ridée et plissée chez Une femme qui aura déjà été mère, et qui n'aura qu'une simple perte sans avortement, tandis qu'elle sera lisse chez une autre qui sera enceinte pour la première fois, et dont l'avortement aura été précoce. Examen du produit expulsé. On doit surtout s'attacher dans une question d'avortement, à constater la présence de l'avorton, car alors il ne reste plus de doute. L'examen dont il s'agit ne présente aucune difficulté quand le fœtus, bien développé, con- serve ses formes ; mais si le produit expulsé est un embryon en- core fort jeune, il est facile de se méprendre si l'on n'apporte pas la plus grande attention , et de le confondre avec un caillot de sang ou avec une production pathologique développée dans l'utérus. Il faut alors placer la masse expulsée dans un vase rempli d'eau, et y projeter à plusieurs reprises de ce liquide, à l'aide d'une petite seringue, afin de détacher et de dissoudre les caillots de sang ; on doit surtout se garder de comprimer cette masse avec les doigts, de la remuer avec un morceau de bois ou la pointe d'un couteau, comme on ne le pratique que trop souvent, ces manœuvres exposant à déchirer les objets et à perdre le fruit de toutes les recherches. Il faut de plus s'aider de l'inspection mi- croscopique, et pour constater les caractères de l'œuf {Voy. t. ier, page 61). Voyons maintenant quels sont les divers états sous lesquels se présente le produit de la conception. Pendant les quatre premiers mois de la grossesse, il arrive quelquefois que le fœtus sort enveloppé de ses membranes en- tières ; il ne s'agit alors que d'examiner celles-ci, de les inciser et de déterminer l'âge au moyen des caractères indiqués à la page 59 du t. ier {Voy. aussi Débris du produit de la conception , — 307 — page 247 du t. icr). Dans certaines circonstances les membranes se rompent dans les premiers mois, le fœtus et le placenta se décomposent et sortent sous forme d'une sanie brunâtre et fétide. Il est des cas où après la mort de l'embryon ou du fœtus rien n'est expulsé ; le placenta continue de s'accroître, et il en résulte ce que l'on a appelé improprement mole de génération (Voy. Débris du produit de la conception, p. 247 du tome Ier). Souvent le fœtus naît vivant et périt peu de temps après ; il n'est pas rare de le voir sortir de l'utérus, quelques jours après qu'il a cessé d'exister : dans ces deux cas il est aisé de le reconnaître. Il arrive aussi fréquemment qu'ayant péri à une époque assez avancée de la grossesse, il se conserve dans l'utérus jusqu'à la fin du neuvième mois : alors il offre des traces d'une décomposition particulière que j'ai décrile à la page 161 de ce volume. Quand le produit de la conception a été expulsé, le médecin qui en fait l'examen doit explorer avec soin le corps de l'enfant, voir s'il ne porte pas des traces de piqûres résultant de l'emploi d'instrumens perforans introduits dans l'utérus. La piqûre la plus simple est un indice d'une grande valeur, attendu que l'action des corps vulnérans est portée moins sur le fœtus que sur les mem- branes; il faut aussi constater s'il existe autour d'elle une ecchy- mose ; car celle-ci démontre que la blessure a été faite pendant la vie. Dirai-je avec plusieurs auteurs qu'il faut, dans certaines cir- constances, avoir égard à l'âge de la femme, pour décider si le produit expulsé par la vulve est un embryon, un débris du pro- duit de la conception, une concrétion sanguine, etc. ; ou, ce qui revient au même, admetlrai-je que, parce que la femme ne jouit ordinairementplusde la faculté d'être fécondée lorsqu'elle a cessé d'être réglée, on doive éloigner toute idée d'avorlement, par cela seul qu'elle se trouve dans l'âge de retour ? Ce serait consacrer un principe erroné, puisqu'on a vu des femmes plus que sexagé- naires concevoir et accoucher après l'époque critique; la décision apportée par Belloc sur une femme d'un certain âge que l'on croyait être avortée, prouve tout au plus que cet auteur eut tort d'attacher une plus grande importance à Yâge qu'à la nature du produit expulsé, pour établir que l'avortement n'avait pas eu lieu. 20. — 308 — Seconde question. L'avortement a-t-il été naturel ou provoqué dans une intention cri m inelle ? L'homme de l'art ne parvient à fournir au magistrat quelques données satisfaisantes pour résoudre ce problème, qu'en exami- nant attentivement l'époque à laquelle l'avortement a eu lieu, les causes à l'influence desquelles la femme a été soumise, et les marques de sévices qui peuvent se trouver sur le corps du fœtus et de la mère. Epoque à laquelle l'avortement a eu lieu. Les femmes peuvent avorter naturellement à toutes les époques de la gros- sesse ; cependant l'avortement naturel est beaucoup plus fréquent pendant les deux premiers mois; tandis que celui qui est provo- qué n'a guère lieu que plus tard, comme je l'ai déjà dit. Causes déterminantes de l'avortement. On doit les distin- guer en prédisposantes et occasionnelles. Les unes et les au- tres, prises séparément, peuvent produire l'avortement, quoique souvent celui-ci soit l'effet de leur action simultanée. Les causes prédisposantes les plus remarquables sont : la trop grande ri- gidité des fibres du corps de l'utérus, l'excessive sensibilité et la trop grande contractilité de cet organe, le relâchement du col utérin, la métrile chronique, le squirrhe, le carcinome, les corps fibreux, les polypes et l'hydropisie de cet organe, la présence de plusieurs fœtus, un état particulier de l'atmosphère pendant le- quel les avortemens sont épidémiques, la pléthore, le tempéra- ment sanguin de la femme, une menstruation abondante irrégu- lière, une faiblesse générale produite par le défaut de nourriture ou par toute autre cause, un état cachectique, plusieurs maladies comme le scorbut, la syphilis, l'hystérie, les douleurs néphré- tiques, etc., des vices de conformation du rachis et du bassin, une disposition héréditaire, l'habitude d'avorter, les veilles, la compression de l'abdomen par des vêtemens étroits. A ces causes il faut joindre celles qui se rapportent au produit de la concep- tion : ainsi la faiblesse du fœlus, ses maladies, les monstruosités, l'implantation du placenta sur le col de l'utérus, son peu d'adhé. rence à la surface de cet organe, son état squirrheux , hydatique, anévrysmatique, variqueux, sa petitesse par rapport au fœtus> — 309 — son atrophie; la brièveté ou la trop grande longueur du cordon ombilical, son entortillement autour du cou ou d'un membre, ses adhérences , les tumeurs hydatiques et autres dont il peut être le siège ; la ténuité de l'amnios et du chorion, l'accumulation d'un fluide séreux entre ces deux membranes ; la trop pelite ou la trop grande quantité d'eau de l'amnios. Les causes occasionnelles sont : plusieurs maladies aiguës, et surtout l'inflammation de l'utérus et des inteslins, la stran- gurie et les convulsions; les passions vives, l'impression des odeurs, l'asphyxie, le coït immodéré, les efforts, les secousses et les mouvemens violens : ainsi la danse, l'exercice à cheval ou en voiture, les ris , les cris, la toux, le vomissement, etc. ; les chutes, les coups sur les lombes ou sur l'abdomen, les mouve- mens convulsifs du fœlus, la rupture du cordon ombilical ondes membranes de l'œuf; enfin les moyens dits abortifs , que l'on peut réduire aux suivans : la saignée, surtout celle du pied, les pédiluves, les vomitifs, les purgatifs drastiques, les emména- gogucs actifs, et certaines manœuvres ayant pour objet de rom- pre les membranes qui enveloppent le fœtus. Ces moyens, qu'il serait inutile et dangereux d'exposer en détail, parce qu'il n'est aucun médecin qui ne les connaisse, et parce que la malveillance pourrait s'en emparer pour commettre de nouveaux crimes, sont loin de produire constamment l'effet qu'on en attend ; ainsi, pour ce qui concerne la saignée, on sait que des femmes sont accou- chées à terme d'enfans bien portans, quoiqu'elles eussent élé saignées du bras quarante-huit et même quatre-vingt-dix fois pendant la grossesse (Mauriceau) ; chez d'autres on a empêché l'avortement, qui était imminent, à l'aide de la même saignée ; une femme enceinte fut saignée dix fois du pied, sans avorter, dit Mauriceau {Observ. 64a); il en fut de même d'une autre qui était tombée en apoplexie, et qui non-seulement avait été saignée plusieurs fois du bras et du pied, mais qui avait pris plusieurs vomitifs {Observ. 258). Toutefois il faut avouer que la saignée du pied et l'application des sangsues à la vulve et aux extrémités inférieures provoquent quelquefois l'avortement, surtout lors- qu'on en fait usage à cou ire-temps, et que la femme est déjà af- faiblie: l'observation rapportée par Baudeiocque, à la page 551 — 340 — du tome n, vient à l'appui de cette assertion : des alimens de facile digestion, administrés avec prudence, diteetauleur, calmè- rent, au septième mois de la grossesse, un travail que l'on ne put rapporter qu'à la privation absolue de toute espèce de nourriture pendant plusieurs jours de suite. Les pédiluves sont encore moins actifs que les saignées du pied, et la science fourmille de faits qui attestent leur insuffisance pour déterminer f avortement dans un très grand nombre de cas. On a vu l'emploi des vomitifs et de?, purgatifs les plus acres déterminer chez des femmes en- ceintes, des superpurgations, des entérites, des péritonites, des convulsions et même la mort, sans qu'il y eût avortement : on administre, tous les jours, pendant la grossesse, des médicamens émétiques et purgatifs, parce qu'ils sont indiqués, et l'on ob- serve rarement l'accident dont je parle; cependant il ne faut pas se dissimuler que l'usage intempestif de ces moyens énergi- ques a été suivi de l'avorlemenl, chez des femmes soumises déjà à l'influence de quelques-unes des causes prédisposantes ; il "est même arrivé que des fausses couches ont eu lieu après l'admi- nistration d'un laxatif, tel que la manne. Tout ce qui vient d'être dit à l'occasion des vomitifs et des purgatifs peut s'appliquer aux emménagogues, aux diurétiques, aux sudorifiques, et autres médicamens excitans .leur danger est évident dans cer- tains cas ; leur innocuité est prouvée par une foule d'exemples, parmi lesquels je rapporterai les suivans: 1° Une femme, que l'on ne croyait pas enceinte, est saignée à plusieurs reprises, et fait usage des purgatifs, des diurétiques et des sudorifiques les plus actifs, dans l'espoir de faire cesser une douleur sciatique des plus ai- guës; elle accouche d'un enfant robuste et à terme (Zacchias, Quœstionum medico-legalium consilium xxvi, p. 40). 2° L'huile distillée de genièvre, administrée pendant vingt jours, à la dose de cent gouttes, ne détermina point d'hémorrhagie, et n'empêcha pas la femme qui en avait fait usage d'accoucher à terme. 3° Une fille, grosse de sept mois, avala une pleine écuelle de vin dans laquelle il y avait une forte dose de sabrne en poudre : elle éprouva des vomissemens et fut très incommodée pendant plus de quinze jours ; l'accouchement n'eut lieu que deux mois après (Fodéré, Méd. légale, t. iv, p. 430). Les manœuvres employées pour rompre les membranes ou pour agirdirectement sur la matrice, telles que l'emploi de stylets — 311 — ou d'autres iuslrumens aigus et de pessaires enduits d'onguens irritans, ne sont pas toujours faciles à pratiquer à l'époque de la grossesse où l'on cherche à détruire le fœtus ; elles ne détermi- nent pas toujours l'avortement, et occasionnent souvent les ac- cidens les plus graves, tels quedesméirites aiguës ou chroni- ques, des métrorrhagies graves, des carcinomes de l'utérus, etc. Marques de sévices qui peuvent se trouver sur le corps de l'avorton et sur les organes génitaux de la mère. Lorsque l'avortement a été la suite de l'introduction dans l'utérus d'un instrument qui a blessé le produit de la conception, on peut re- trouver des traces de son action meurtrière sur le fœtus, sur les membranes et sur les organes de la génération de la femme. Les lésions que présentera l'avorton, dans le cas dont je parle, ayant élé décrites à l'occasion de l'infanticide, je renvoie à la page 267. Si la femme a succombé, l'état de la matrice indiquera probable- ment qu'il y a eu expulsion d'un fœtus ; le col et l'orifice de cet organe pourront être le siège de blessures qui annonceront l'em- ploi d'un instrument plus ou moins aigu {V. une observation de ce genre communiquée par le docteur Tascheron et insérée dans le n° de janvier 1834 des Annales d'hygiène)- Applications de l'ensemble des faits et des principes qui précèdent, à la solution de la deuxième question. On fera sur l'avorton les mêmes recherches que dans le cas d'infanticide : ainsi on déterminera quel est son âge, s'il a vécu après la nais- sance, s'il est mort dans l'utérus ou au passage, à quelle époque il a élé expulsé, depuis quand il est mort, s'il présente des traces non équivoques de blessures capables d'expliquer la mort, ou si celles-ci ne seraient pas l'effet de son immaturité ou de quelques- unes des maladies qui attaquent souvent le nouveau-né {Voy. Infanticide). Ici, on se gardera bien de confondre la rougeur de la peau des avortons de quatre mois et demi à sqpt mois {Voy. p. 66 du tome ier) avec celle qui est le résultat du séjour plus ou moins prolongé d'un fœtus mort dans l'utérus : dans le premier cas, on n'observe la couleur pourpre que dans certaines parties du corps, et elle n'est accompagnée d'aucune des lésions que l'on remarque chez les fœlus dont j'ai parlé en dernier lieu. Relativement à la femme, on tiendra compte de l'époque à la- — 312 — quelle l'avortement a eu lieu, des chutes, des efforts qu'elle a pu faire, et des autres causes à l'influence desquelles elle dit avoir été soumise, de sou tempérament, des médicamens qui ont pu lui être administrés pour rétablir le cours des menstrues, ou dans un autre but qu'on ne saurait blâmer ; on établira peut-èlre par ce moyen que l'avortement nNa pas été criminel. Si elle dit avoir reçu des coups sur l'abdomen, sur les lombes, il faudra consta- ter s'il y a des ecchymoses, si les actes de violence ont élé bien- tôt suivis d'hémorrhagie utérine, ou bien si les causes dont je parle ont élé assez légères pour ne pas troubler le cours de la grossesse ; on recherchera si l'avortement n'aurait pas pu être prévenu malgré l'action de ces causes, au moyen des saignées, du repos, etc. On lit dans Belloc, qu'une femme après avoir éprouvé une im- pulsion qui l'avait jetée à terre en pleine rue, avorta d'un fœlus mort, qui pouvait avoir environ quatre mois ; mais on apprit qu'au lieu de se mettre au lit immédiatement après l'accident, ou au moins d'être restée tranquille, elle avait fait une course de près d'une lieuepour aller chercher du boisd'un poids très pesant qu'elle avait porté chez elle ; que le lendemain, malgré quelques douleurs graves qu'elle disait éprouver aux reins, elle était encore allée à un grand quart de lieue de chez elle pour moissonner, et qu'à son arrivée elle avait été forcée de se mettre au lit, où elle élait, et que les douleurs de l'accouchement s'étaient déclarées franches vers le milieu de la nuit précédente. Il est très probable, ajoute Belloc, que si cette femme avait appelé du secours et s'était tenue tranquille, elle aurait pu éviter cet avortement. Si tout porte à croire que l'avortement n'est pas la suite d'au- cune des causes indiquées dans le paragraphe précédent, on examinera si la femme n'a point caché sa grossesse ; si elle ne s'est pas informée auprès de ses amies, ou des gens de l'art, de l'efficacité de certains moyens propres à provoquer des pertes ou à se faire avorter ; si elle ne s'est point livrée sans nécessité à des exercices violens et dangereux à son état ; si elle était malade, faible, ou d'une constitution robuste ; si elle a acheté des drogues ou si elle les a fait acheter par des confidens et quelle en élait la dose ; si elle a préparé à l'insu de tout le monde des médicamens — 313 — composés plus ou moins actifs ; si elle a fait usage de pareils mé- dicamens sans nécessité et sans avoir consulté le médecin ; si elle a caché aux personnes qui l'entouraient les douleurs qu'elle aurait pu éprouver par l'usage de ces moyens énergiques, ou bien si elle s'est plainte ; si lorsque rien n'annonçait qu'elle dût être malade, elle a fait des préparatifs qui pourraient faire croire qu'elle s'attendait à l'êlre ; si elle s'est fait saigner secrètement et à plusieurs reprises par différens chirurgiens, sans dire qu'elle l'avaitdéjà été beaucoupde fois; si les saignées étaient indiquées ou nécessaires : si elle niait avoir été saignée, on chercherait sur le trajet des veines, sur la vulve et sur les cuisses, s'il n'y a point de traces récentes de l'action de la lancette ou de sangsues; on s'a Hacherait aussi à reconnaître si, pour faire prendre le change, elle n'a pas caché l'hémorrhagie qui suit l'avortement, et voulu rapporter les symptômes qu'elle éprouve à toute autre cause. Il existe encore une foule de considérations qui n'échapperont pas à la sagacité du magistrat, et qui permettent quelquefois de dé- couvrir si l'avortement a été provoqué. Je ne saurais trop recom- mander en terminant cet article, combien il importe d'examiner attentivement si les médicamens que l'on regarde commeaborlifs ont été conseillés ou employés dans une intention criminelle. Troisième question. Est-il des cas où l'avortement doive être provoqué dans un intérêt de conservation pour la mère et l'enfant? La question qu'il s'agit de résoudre ici est d'autant plus grave que la plupart des accoucheurs français, et notamment Baude- locque, ont repoussé jusque dans ces derniers temps, je dirai presque avec indignation, l'idée que l'homme de l'art dût jamais recourir à l'accouchement prématuré artificiel, persuadé qu'il élait préférable de pratiquer l'opération césarienne et même la symphyséotomie dans toutes les circonstances où cet accouchement prématuré semblerait indiqué. Quelque plausibles que puissent paraître au premier abord les argumens mis en avant pour appuyer celle doctrine, je n'hésite pas à admettre qu'il est des cas où l'accouchement prématuré doit être provoqué dans un intérêt de conservation pour la mère et — 814 - l'enfant. Je vais constater par des faits l'utilité de cette pra- tique ; j'indiquerai ensuile les préceptes qui doivent lui servir de règle, et je réfuterai les objections qui ont élé faites. Ce sujet ayant été traité ex professo dans deux excellons travaux de M. Dezeimeris et de M. Paul Dubois, je ne saurais mieux faire que d'en donner un extrait (voy. article Accouchement du Dic- tionnaire de médecine, ou Répertoire général, en 30 vol., 2e édition, et la thèse sur cette question : Dans les différens cas d'étroitesse du bassin, que convient-il faire, par M. Paul Dubois. Paris, 1834). Faits à l'appui de cette pratique. En 1756, les médecins les plus célèbres de Londres se prononcèrent unanimement en fa- veur de l'accouchement prématuré artificiel. Macauley, Kelly, Denman, Barlow, Merriman, Marshall le pratiquèrent avec des résultats divers, et l'opération fut souvent suivie de succès. Le- vacher de la Feutrie et A. Petit paraissent l'avoir conseillée en France. Dans l'état actuel de la science, en ne tenant compte que des faits publiés, l'on doit admettre que l'accouchement pré- maturé avait déjà été provoqué 127 fois en 1834, à un terme où l'enfant était viable. Sur les 127 femmes, six seulement ont suc- combé, deux d'entre elles aux difficultés extrêmes du travail, trois aux suites de couches qui furent compliquées de péritonite ou d'abcès, et la sixième aux progrès d'une hydropisie accompagnée d'une suffocation tellement violente, qu'il devenait indispensable de recourir à l'accouchement prématuré artificiel. Il résulte de ces données, que l'accouchement provoqué à l'époque où l'enfant est viable, ne justifie pas les craintes exagérées qui ont été ex- primées à cet égard, pour le sort des femmes qui subissent cette opération, et que ses résultats, quant à elles du moins, diffèrent à peine de ceux qui suivent tout accouchement un peu long et pénible. Voyons maintenant quelles ont été les chances pour les enfans. Sur 74 cas rassemblés par Reisinger, 30 enfans sont mort-nés, et 44 sont nés vivans. Il est vrai que de ces derniers, 3 ont succombé peu de temps après la naissance, et que le sort ultérieur des 21 autres n'a pas été indiqué par les observateurs ; mais ce qui paraît certain, c'est que 20 ont été conservés en vie. Sur 34 autres cas observés en Allemagne et en Hollande, 19 en- — 315 — fans sont nés vivans €t ont continué de vivre, 6 sont morts pen- dant le travail, et 9 ont péri peu d'heures ou peu de jours après la naissance. Dans six cas d'accouchement prématuré provoqués par Ferrario (Annali universali d'Omodei, 1829), cinq en- fans naquirent vivans et ont continué de vivre; le sixième périt, mais la mère était primipare. Ces résultats, tout en étant moins favorables pour les enfans que pour les mères, ne sont pas moins de nature à démontrer que l'accouchement provoqué n'est pas aussi funeste aux enfans qu'on a pu le croire, puisque dans les deux tiers des cas environ, les nouveau-nés ont vécu. Or, comme le dit avec raison M. Dezeimeris, existe-t-il une autre opération indiquée par un degré notable de rétrécissement du bassin, qui aurait pu offrir un aussi beau résultat? Qu'on se rappelle que sur quarante-el-une observations de symphyséotomie recueillies par Baudelocque, quatorze ont été suivies de la mort de la mère, et que 28 enfans ont succombé ; que sur cent dix cas d'opérations césariennes pratiquées depuis 1801 jusqu'en 1832, et rassemblés par Michaelis, 62 femmes sont mortes, vingt-neuf enfans sont nés morts, quatre sont nés très faibles, et l'on ne possède aucun renseignement sur 14 autres ; de sorte que cette cruelle ressource à laquelle on a surtout recours dans l'intérêt des enfans, leur est seulement favorable à-peu-près comme l'accouchement provoqué l'est à ceux qui naissent dans les conditions spéciales qui déter- minent à y recourir, et qu'elle coûte cependant la vie presque aux trois cinquièmes des femmes qui l'ont subie. Si l'on con- sidère surtout, que dans le cas de rétrécissement du bassin aux- quels il convient d'appliquer les ressources de l'accouchement prématuré artificiel, il n'y aurait eu, si la grossesse fût parvenue à son terme, d'autre alternative que celle de la crâniotomie ou de la section de la symphyse, l'on reconnaîtra tous les avantages que l'on peut retirer de l'accouchement provoqué dans les cir- constances convenables. Préceptes qui doivent servir de règle dans la pratique de l'accouchement prématuré artificiel. Cet accouchement ne doit être provoqué, 1° que lorsque l'enfant est réellement viable, c'est-à-dire vers le septième mois et demi de la gros- sesse , à une époque où la tête du fœtus a acquis un volume — 316 — de 6 à 8 centimètres ; il ne s'agit pas ici, comme on voit, de la viabilité déterminée par la loi, qui pour ne blesser aucun in- térêt , a dû tenir compte des éventualités même les plus rares, mais bien de la viabilité réelle, qui n'existe guère chez la grande majorité des fœtus qu'au terme indiqué. Il importe donc de s'assurer autant que possible depuis combien de temps la femme est enceinte, soit en examinant l'époque à laquelle les règles ont été suspendues, soit en étudiant les modifications éprouvées par l'utérus. De ces deux moyens, le premier, d'une appréciation plus facile et plus commode, est sans contredit celui qui sera le plus souvent mis en usage. Or, l'expérience démontre qu'une erreur de quinze jours ou de plus encore est souvent pos- sible et presque toujours lorsqu'on se trompe c'est en portant trop loin l'époque présumée de l'accouchement. De là la né- cessité, dans ce cas, de ne provoquer l'accouchement qu'à une époque que l'on jugera intermédiaire entre le septième mois et demi et le huitième, c'est-à-dire au commencement de la trente-cinquième semaine. Un autre motif qui doit encore engager à se rapprocher plutôt de la fin du huitième mois que de la fin du septième, consiste en ce que plus on approche du terme de la grossesse, plus les naissances par les pieds , et les fesses sont rares; or, tout porte à croire que la plupart des enfans qui ont succombé jusqu'à ce jour pendant un accouche- ment prématuré provoqué ne sont morts que parce qu'ils se sont présentés au détroit supérieur par l'extrémité pelvienne, ou même par une région du tronc (1). Admettrai-je sans restriction avec les accoucheurs allemands, qu'une position vicieuse du fœtus, et même comme le veut Meissner, qu'une simple incertitude sur cette position doive empêcher d'avoir recours à l'accouchement prématuré artificiel? Non certes, car il est beaucoup plus difficile qu'on ne pense, à l'époque à laquelle doit être tenté cet accouchement, de dislin- (1) Sur trente-trois enfans nés au commencement de la trente-et-unième semaine, et qui vivaient au commencement du travail, onze sont nés par l'extrémité pel- vienne, et deux ont présenté l'épaule ; tandis que sur soixanle-dix-sept enfans nés dans la trente-cinquième et la trente-sixième semaine, onze seulement ont présenté les pieds et les fesses, et un l'épaule gauche. - - 317 — guer une présentation de la tête d'une présentation du pelvis. D'ailleurs, tout en accordant qu'une version rendue alors néces- saire par une présentation du tronc serait un accident fâcheux, ne sait-on pas que ses chances sont rares, et que si l'on ne pra- tique l'accouchement prématuré, même dans ces cas douteux, il faudra plus tard , si la grossesse est parvenue à son terme, se résigner à recevoir un enfant mort, ou à pratiquer la crânioto- mie qui le supposera mort et le mutilera, ou une opération qui doit mettre en danger la vie de la mère , et probablement aussi la sienne? En prenant la précaution de différer la provocation de l'accouchement jusqu'à l'époque fixée, dit M. P. Dubois, on aura fait tout ce qui était nécessaire pour courir les chances d'une présentation favorable; et si l'événement ne répond pas à cette juste espérance, on aura pris encore le parti le plus con- venable. 2° Que chez les femmes dont le bassin offre un espace de 6 à 8 centimètres ; en effet, la réductibilité admissible de la lête à cette époque compensera les difficultés qui pourraient résulter de la trop grande exactitude des rapports entre la lête et le bassin et des froltemens trop intimes. Mais peut-on assigner d'une manière aussi rigoureuse quelles sont les dimen- sions du bassin qui dispensent les accoucheurs de recourir à cette opération, et dirai-je avec Ritgen et Busch que l'on doive y renoncer toutes les fois que le bassin aura 9 centim. et demi, parce qu'alors l'opération devient une précaution super- flue? Je ne le pense pas; en effet, les différences que l'on re- marque à cet égard sont trop grandes pour qu'on puisse indiquer quelque chose de précis ; ne saii-on pas qu'il y a des femmes dont le bassin rétréci ne livre passage à des fœtus à terme que lorsqu'on a perforé le crâne, et cela parce que ces fœtus sont très volumineux, tandis que d'autres, dont le bassin est beaucoup plus étroit, accouchent naturellement, après de très grands ef- forts, il est vrai, de fœtus morts et d'un petit volume? U me semble raisonnable d'admellre que si la dimension de 9 centim. et demi est une mesure que l'on doit considérer en général comme pouvant dispenser de recourir à l'accouchement préma- turé, il n'est cependant pas impossible qu'il en soit autrement. - 318 - Kilian me paraît avoir rés-mné d'une manière convenable tout ce qui se rapporte au maximum d'ouverture du bassin, en disant que c'est l'observation attentive des phénomènes d'un accouche- ment précédent, et surtout son influence sur la diminution du volume de l'enfant qui doit le déterminer. M. P. Dubois dit aussi à cette occasion : « c'est à l'observation qu'il appartient de fixer le dernier terme au-delà duquel les efforts naturels, aidés ou non par les tractions convenables, doivent reprendre leurs droits. 3° Que chez les femmes non primipares ; en effet, lorsqu'on cherche à provoquer l'accouchement, on a recours à la dilatation préalable en Introduisant des corps dilatans dans l'orifice utérin : or chez les primipares, à l'époque à laquelle il convient d'opérer, cet orifice est presque complètement clos. Voudrait-on pratiquer la ponction des membranes sans dilater préalablement l'orifice, on courrait risque de déterminer des accidens graves en intro- duisant des instrumens piquans propres à cet usage. Mais faut-il, comme l'a prescrit Joêrg, ne solliciter l'accouchement prématuré que chez les femmes qui seraient déjà accouchées deux fois d'en- fans morts ou de fœtus , que l'on aurait été obligé de mutiler? Non certes, car les obstacles que l'on remarque dans les parties génitales des primipares et que je viens de signaler , n'existent plus à un second accouchement, et d'ailleurs, des faits nombreux attestent que des femmes sont accouchées plus difficilement une seconde fois que la première. 4° Que chez les femmes qui réunissent encore les conditions suivantes. A. Le rétrécissement du bassin une fois produit, doit être permanent ; il ne doit pas être le résultat d'une maladie ac- tuelle et toujours agissante, mais bien d'une maladie dont les effets restent malheureusement, mais dont l'action est passée sous ce rapport, les déformations du bassin par ostéomalaxie doivent exclure l'accouchement prématuré, parce que la mala- die, poursuivant sa marche, les conditions du canal changent à chaque grossesse, et qu'il est impossible de se fonder sur les ac- couchemens qui ont précédé. B. Les femmes ne doivent pas être atteintes d'une maladie grave et aiguë, car il serait nécessaire d'attendre qu'elles lussent guéries. C. Il ne doit point y avoir de présomptions fondées, ni à plus forte raison de,' certitude qu'il y — 319 — a deux fœtus dans la matrice : d'une part, parce que les jumeaux parviennent ordinairement à un moindre développement, et d'un autre côté, parce que, s'ils naissent avant terme, leur ôuganisa- tion est rarement assez parfaite pour que la vie extra-utérine puisse s'établir et persister. D. Il faut encore avoir la certitude que l'enfant est vivant; l'auscultation sera ici d'un grand secours; en effet, sur 140 femmes explorées par M. P. Dubois depuis le commencement du septième mois jusqu'à la fin du neuvième, il n'en est que douze chez lesquelles il n'ait pas été possible de con- stater la vie fœtale par l'auscultation, et encore de ces douze femmes, une est accouchée d'un enfant mort évidemment pen- dant la grossesse, et à une époque très probablement antérieure à celle à laquelle elle avait été examinée. Objections. Les détails dans lesquels je viens d'entrer pour- raient me dispenser de réfuter les objections faites par plusieurs auleurs à Y accouchement prématuré provoqué. Cependant je crois devoir consacrer quelques lignes à cette réfutation. On a dit 1° que cet accouchement serait plein de dangers pour la mère et pour l'enfant. Réponse. Les faits exposés à la page 314 ré- pondent suffisamment à cette objection. 2° Si les femmes ne succombent pas aux hémorrhagies , aux convulsions , aux péritonites, etc. , elles courent le plus grand danger de se voir plus tard atteintes de squirrhes, d'ulcères, de cancers- de la matrice. Réponse. Aucun fait ne vient à l'appui de cette crainte ; on n'a rien observé de semblable, même lorsque l'accouchement prématuré a été provoqué deux ou plusieurs fois chez une même femme : c'est que l'on a fait un rapprochement très faux entre les causes violentes des avortemens et les mé- thodes rationnelles suivies pour provoquer l'accouchement na- turel avant terme. 3° Il est presque impossible de déterminer l'époque précise de la grossesse, et l'on serait sans cesse exposé à provoquer l'ac- couchement , ou avant que le fœtus fût viable, ou lorsque son âge et son développement trop avancé ne lui permettaient plus de franchir la voie qu'on croyait lui avoir ouverte. Réponse. Cette objection, qui n'est pas sans fondement, trouve sa solution dans ce que j'ai dit à la page 315. — 320 — 4° A huit mois le col de l'utérus offre beaucoup de rigidité et se prête bien plus difficilement à la dilatation dans l'accouche- ment prématuré artificiel qu'il ne le fait dans l'avortement. Réponse. Les succès obtenus jusqu'à ce jour, et relatés à la page 314 et suivantes, sont de nature à lever tous les scrupules à cet égard. 5° Un travail provoqué sera difficile , lent, et pourra se pro- longer pendant dix, douze, quinze jours. Réponse. Sur 34 cas d'accouchement provoqué, le minimum de l'intervalle entre le moment de l'opération et la terminaison de l'accouchement, fut de treize heures et demie, le maximum fut de six jours, et il faut bien noter que le travail ne dura pas tout ce temps, mais que le début avait éprouvé plus ou moins de retard après l'écoule- ment des eaux; et l'on sait que Kluge a proposé une méthode qui pare à ce dernier inconvénient et qui promet des résultats plus avantageux que ceux que l'on avait obtenus jusqu'alors. 6° Il est immoral de provoquer l'accouchement. Réponse. On croira difficilement qu'il soit moins convenable de solliciter les conditions que la nature a plusieurs fois accidentellement pro- duites au grand bénéfice des enfans et des mères, et dont l'art a déjà obtenu de nombreux et incontestables avantages, que d'em- ployer le forceps, le perce-crâne, les crochets ou le bistouri, dont l'action a presque toujours les résultats les plus graves, dans les circonstances du moins auxquelles doit être exclusivement ap- pliqué l'accouchement prématuré artificiel. Je terminerai cet article en invitant les accoucheurs, dans l'in- térêt de leur propre réputation , à ne jamais provoquer l'accou- chement sans avoir préalablement pris le conseil d'un autre accoucheur, et sans être assistés d'un ou de plusieurs de leurs confrères. La méthode à suivre dans cette pratique me paraît être celle de Kluge , qui consiste à provoquer les contractions utérines par la dilatation lente et graduelle de l'orifice, à mé- nager les membranes aussi long-temps que possible, et à con- server au fœtus les ressources naturelles qui le soustraient à l'action immédiate et dangereuse de la matrice {Voy. pour plus de détails les articles cités de MM. Dezeimeris et P. Dubois). — 3'21 — Quatrième question L'avortement peut-il être simulé ou prétexté de la part de la femme, dans l'intention de nuire à autrui, et surtout d'obtenir des dommages-intérêts ? Plusieurs fois déjà les tribunaux ont été appelés à juger des causes de ce genre. J'ai indiqué, en parlant des maladies simu- lées, les préceptes généraux qui doivent guider le médecin chargé de prononcer sur la réalité d'une affection que l'on peut feindre ; il me suffira d'établir ici qu'il faut s'attacher à prouver que l'avortement a eu lieu, et qu'il peut dépendre des causes al- léguées par la partie plaignante. Il est des auteurs qui, pour compléter l'histoire médico-légale de l'avortement, ont cru devoir examiner encore si le fœtus était vivant au moment où l'on a agi sur lui. « Si les abortifs, disent-ils, n'avaient élé mis en usage que quelques jours avant l'avortement, et si la mère soutenait qu'avant leur emploi elle ne sentait déjà plus remuer son enfant, l'humanité et la pru- dence nous dicteraient de ne pencher que pour l'opinion la plus favorable à l'accusée.. » Je ne saurais adopter cette manière de voir : en effet, il ne suffit pas, pour établir la mort du fœtus dans l'utérus, que la femme avoue ne pas avoir senti remuer l'enfant depuis plusieurs jours ; j'ajouterai qu'il n'existe aucun signe qui puisse faire reconnaître positivement si avant l'ex- pulsion du fœtus il était vivant ou non dans l'utérus ; mais lors même qu'il serait prouvé que l'avorton était mort au moment où l'on a agi sur lui, l'attentat n'en existerait pas moins, surtout si les moyens abortifs avaient été conseillés par un homme de l'art ou par toute autre personne, et qu'ils fussent de nature à expo- ser les jours de la mère. Quelle que soit l'indulgence dont je crois devoir user envers les femmes qui ne me paraissent pas évidem- ment coupables, je me ferai toujours un devoir d'attaquer le crime et d'empêcher qu'il ne reste impuni. rapports sur l'avortement. Premier rapport. Nous soussigné, docteur en médecine, etc. {V. p. 16 du t. i pour le préambule). Arrivé dans la chambre, nous avons trouvé la dame F., âgée de vingt-deux ans, alitée, qui n. 21 - 322 — nousa dit avoir élé maltraitée la veille par le sieur X., qui l'avait jetée par terre, et lui avait donné deux coups de pieds au ven- tre ; qu'elle avait éprouvé sur-le-champ des douleurs dans la région de la matrice, et qu'au moment où elle envoyait chercher un médecin, elle avait fait une fausse couche, quatre heures après la chute; elle ajouta qu'elle croyait être enceinte d'environ deux mois, et que dans ses deux grossesses précédentes elle avorta sans cause connue, une fois au troisième mois, et l'autre fois vers la fin du cinquième. Nous avons procédé à la visite de la femme, et nous avons re- connu au milieu de la fesse gauche une ecchymose d'un rouge brun, grande comme une pièce de 2 francs, qui paraissait avoir été faite depuis peu. L'abdomen, la face, les membres, etc., n'étaient le siège d'aucune contusion apparente. Les grandes et les petites lèvres étaient légèrement gonflées ; en introduisant le doigt dans le vagin, on voyait que l'orifice de l'utérus était dilaté et un peu souple : le volume de ce viscère paraissait plus grand que dans l'état naturel ; il s'écoulait par la vulve une assez grande quantité de sang rouge en partie liquide, en partie coagulé,et la femme se plaignait de douleurs vives dans la région hypogas- trique. Les mamelles semblaient dans l'état naturel ; la peau était chaude et sèche, le pouls fréquent. Le produit expulsé, de la grosseur d'un œuf, était rouge ; après avoir été mis dans un vase plein d'eau et y avoir projeté à plusieurs reprises de l'eau à l'aide d'une petite seringue, pour en détacher le sang qui le colorait, il a offert les caractères sui- vans... (On indique les caractères du produit de la conception à deux mois révolus{V. p. 64 dut. ier). Nous croyons pouvoir conclure de ce qui précède, 1° que la dame F. était enceinte d'environ deux mois et demi ; 2° qu'elle est accouchée depuis peu ; 3° que tout en admettant chez elle une grande disposition à avorter, il est probable que la fausse couche a été déterminée par la chute dont elle porte encore des marques, ou par les coups de pied, s'il est vrai qu'ils aient été donnés ; 4° que l'on aurait peut-être prévenu l'avortement en employant la saignée, le repos absolu, la diète, etc. En foi de quoi, etc. — 323 — Deuxième rapport. Nous soussigné, etc., requis, etc., pour constater si l'avortement de mademoiselle "*, âgée de dix-sept ans, était naturel ou provoqué, etc. Arrivé dans la chambre, nous avons trouvé la demoiselle w, qui nous a dit être accouchée la veille sans cause connue ; que l'enfant, du sexe masculin était âgé d'environ six mois; qu'elle avait constamment évité les causes qui auraient pu déterminer une fausse couche ; qu'ainsi elle ne s'était point livrée à un exercice violent, etc. ; qu'elle n'avait ja- mais été saignée, ni fait appliquer de sangsues, ni pris de sub- stances émétiques ou drastiques. Le commissaire de police qui nous accompagnait a%ru devoir faire des recherches dans une armoire où il a trouvé deux petits paquets contenant un mélange que nous avons reconnu êlre de la sabine et de la rue. La demoi- selle "* a paru surprise de cette découverte, et nous a assuré n'avoir point fait usage de pareils médicamens. Nous avons procédé à la visite, et nous avons constaté.... (On indique ici l'état des parties génitales, de l'utérus, de la peau de l'abdomen, des mamelles, etc. V. Accouchement, p. 269 du t. 1). On voyait à la surface interne des grandes lèvres, environ douze morsures triangulaires ecchymosées, annonçant d'une manière non équivoque qu'un nombre égal de sangsues avait été récem- ment appliqué ; la portion de peau correspondante à la veine médiane céphalique et à la veine saphène était le siège de cica- trices légères qui paraissaient être le résultat de saignées faites depuis peu. Du reste la fille *" était en proie à des douleurs in- tolérables dans la région hypogastrique ; la peau était très chaude et acre, le pouls excessivement fréquent. Le cadavre de l'enfant... (On décrit ici les caractères propres à faire connaître que le fœtus est âgé de six mois environ. V. p. 67 du t. 1). On remarquait à la portion de la peau du crâne cor- respondant au milieu de la suture sagittale, une ouverture large d'environ un tiers de ligne, dont le contour était ecchymose : en disséquant attentivement les parties blessées, il était aisé de re- connaître que la commissure membraneuse qui unit les deux pariétaux ainsi que la dure mère, avait été percée par le même instrument qui avait blessé la peau ; le sinus longitudinal supé- rieur élait ouvert, et l'on voyait à la surface du cerveau, et entre 21. — 324 — ses deux hémisphères, un épanchement considérable de sang, en grande partie liquide ; du reste le cerveau, le cervelet et la moelle épinière n'étaient le siège d'aucune altération ; le thorax élait aplati ; les poumons, d'un très petit volume, de couleur rouge, n'étaient point crépitans, et se précipitaient au fond de l'eau, soit qu'on les mît sur ce liquide entiers ou par fragmens. Le diaphragme était refoulé vers le thorax ; les viscères abdo- minaux paraissaient dans l'état naturel. L'arrière-faix avait été soustrait. Ces faits nous permettent de conclure, 1° que mademoiselle *** est accouchée depuis peu ; 2° que le foftus, âgé d'environ six mois et bien constitué, est mort-né; 3° que tout annonce qu'il aurait pu vivre s'il avait continué à se développer ; 4° qu'il a élé blessé à la suture sagittale par un instrument piquant qui a pé- nétré assez avant dans l'intérieur du crâne pour ouvrir les parois du sinus longitudinal supérieur; 5° que cette blessure a été faite pendant qu'il élait encore vivant ; 6° que c'est à elle qu'il faut at- tribuer la mort ; 7° qu'il est excessivement probable que la fille ***, dont les récits sont évidemment mensongers, après avoir essayé inutilement de se faire avorter au moyen de la sabine, de la rue et des saignées, aura percé ou fait percer le crâne de l'en- fant pendant qu'il était encore dans l'utérus; 8° qu'il eût été pos- sible d'affirmer qu'il en a était ainsi, si les membranes n'eussent pas été soustraites, parce que l'on eût pu constater si elles avaient été lésées à la partie correspondante à la suture sagittale. En foi de quoi, etc. DE L'EXPOSITION, DE LA SUPPRESSION, DE LA SUBSTITUTION ET DE LA SUPPOSITION DE PART. L'exposition de part entraîne souvent la monde l'enfant dé- laissé, et doit êlre par conséquent considérée comme un crime- j'ai déjà fait connaître les articles du code pénal à ce sujet (Voy. page 114). Toutefois, lorsqu'une femme est accusée d'avoir ex- posé ou fait exposer l'enfant dont elle est récemment accouchée, elle peut s'excuser en disant que l'enfant était mort-né, et qu'elle a préféré l'abandonner pour ne pas compromettre sa réputation. — 325 — Les tribunaux chargés seuls de l'examen d'une foule de circon- stances qui peuvent atténuer ou aggraver le crime, sont intéressés à savoir, 1° si effectivement l'enfant dont il s'agit était mort-né ; 2° dans le cas où il aurait vécu, quelle a pu être l'influence du milieu dans lequel il a été délaissé ; 3° jusqu'à quel point le défaut de soins, d'alimens, de vêtemens, etc., a pu contribuer à le faire périr, à le mutiler ou à l'estropier. Une autre question peut en- core se présenter : lorsqu'on voit tout-à-coup disparaître la gros- sesse chez une femme que l'on croyait enceinte, et que, d'une autre part, on découvre qu'un enfant a été abandonné, peut-on déterminer que celui-ci appartient à la femme dont il s'agit, et qu'il a été exposé par elle ou par son ordre? On s'attachera, dans ce cas difficile, à établir qu'il y a eu grossesse et accouche- ment, que celui-ci est récent ou ancien, que l'époque à laquelle l'enfant est né correspond ou ne correspond pas à celle où l'ac- couchement a eu lieu; questions qui ont été déjà traitées en dé- tail , et sur lesquelles il serait inutile de revenir. Que, si tout portait à croire que la femme pourrait être la mère de l'enfant délaissé, il ne faudrait pas encore conclure que l'exposition de part a eu lieu : ce fait ne pourrait ressortir que des recherches ultérieures tentées par le magistrat. Suppression de part. Elle existe lorsqu'une femme soustrait l'enfant dont elle vient d'accoucher, et le cache au lieu de l'expo- ser sur la voie publique. « Les coupables d'enlèvement, de recelé ou de suppression d'un enfant, de substitution d'un enfanta un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis de la réclusion. « La même peine aura lieu contre tous ceux qui, étant chargés d'un en- fant ne le représenteront point aux personnes qui ont droit de le réclamer » (Code pénal, art. 345). Ici l'homme de l'art doit chercher à résoudre les mêmes ques- tions que dans le cas d'exposition de part. Supposition de part. Elle a lieu lorsqu'une femme dit être accouchée d'un enfant qu'elle n'a point porté dans son sein, ce qui a souvent pour but d'introduire un étranger dans la famille, afin de changer l'ordre de succession établi par les lois. L'homme de l'art examinera d'abord si la femme est accouchée, et, en cas — 326 — d'affirmative, si l'accouchement est récent et si l'enfant qu'elle présente lui appartient, c'est-à-dire s'il est né à-peu-près à l'é- poque ou l'accouchement a eu lieu. On a vu des femmes qui étaient accouchées deux ou trois ans auparavant, simuler la gros- sesse et quelques-uns des phénomènes de l'accouchement, espé- rant que le médecin qui serait chargé de les visiter prendrait le change, et rapporterait à un accouchement récent les traces d'un accouchement ancien ; mais il est impossible de se mépren- dre : comment simuler, par exemple, l'écoulement des lochies, la fièvre de lait, etc. ? D'autres, qui étaient stériles, ont poussé l'audace jusqu'à supposer qu'elles venaient d'accoucher, tandis qu'il suffisait de la plus légère inspection pour prouver qu'elles n'avaient jamais élé mères. Il en est qui, étant accouchées plu- sieurs années auparavant, ont supposé un nouvel accouche- ment, et n'ont pu être visitées que plusieurs semaines après, c'est-à-dire lorsqu'il était impossible d'affirmer qu'il y avait eu ou non accouchement récent; ce cas, plus épineux que les autres , exigerait que l'on examinât attentivement toutes les circonstances propres à jeter quelque jour : l'accouchement a-t-il été naturel, laborieux ; la femme a-t-elle été assistée par des gardes ou par des gens de l'art, ou bien était-elle seule ; a- t-elle appelé à son secours ; en un mot, y a-t-il des preuves tes- timoniales ; la femme est-elle âgée, était-elle réglée ; le mari est-il infirme, etc.? Substitution de part. On peut encore supposer qu'une femme qui vient de perdre l'enfant dont elle était accouchée, ou qui ac- couche d'un enfant dont le sexe lui déplaît, le remplace par un autre. L'homme de l'art ne parvient à éclairer cette question qu'en prouvant, dans certaines circonstances, que la naissance de l'enfant ne répond pas à l'époque où l'accouchement a eu lieu ; d'où il suit que son rapport ne peut être de quelque utilité que lorsqu'on examine la femme peu de temps après l'accouchement, c'est-à-dire lorsqu'il est encore permis de juger à-peu-près le moment où il a eu lieu. Dans tout autre cas, le crime ne peut s'établir que d'après les preuves testimoniales. — 327 BIBLIOGRAPHIE. Avortement. Alberti (Mich.). Resp. S. S- Liebezeit. Diss. de abortus noxiâ et ne- fandâ promotione. Halle, 1711, in-4°. WALDScHMinT. Diss. de facti abortûs signis in matris, praesertim, defunctae, partibus generationi inservientibus, reperiundis. Kiel, 1723, in-4. Bock (C. F)Prœs. M. G. Loescher. D. de judiciocirca abortum concita- tum ferendo.Wittemberg, 1726, in-4. Hoffmann (Frid.) "Resp. Sciiirmer. De laesionibus externis, abortivis venenis, philtris. Halle, 1726, in-4. 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L'asphyxie peut avoir lieu parce que l'air ne pénè- tre pas dans les poumons, ou parce que celui qui y pénètre est impropre à la respiration (1). Dans l'un et l'autre cas, le sang veineux n'étant point changé en sang artériel dans le pou- mon , tous les organes reçoivent du sang noir, au lieu de sang rouge, et finissent par ne plus exercer leurs fondions : le défaut (1) Je fais abstraction de l'action des gaz délétères sur le poumon, parce qu'elle constitue un véritable empoisonnement (t'oyez tome m). — 328 — d'action du cerveau entraine subitement l'anéantissement de l'in- nervation : aussi la mort qui termine souvent l'asphyxie doil-elle être ailribuée au contact délétère du sang veineux et à la cessa- tion de l'influence cérébrale. Les principales causes qui empêchent l'air de pénétrer dans les poumons sont, 1° la section de la portion cervicale de la moelle épinière, qui sert de conducteur, d'intermédiaire entre la moelle allongée et les nerfs affectés à la dilatation de la poitrine ; les fractures de la même portion du rachis, la ligature des nerfs phréniques, etc. ; ces blessures déterminent en effet la paralysie de tous les muscles inspirateurs ou de quelques-uns d'enlre eux, suivant le point qu'occupe la lésion (1); 2° la section des nerfs pneumogastriques au-dessus du laryngéinférieur. Legallois reconnut le premier que la suffocation prompte qui succède chez certains animaux à la section ou à la ligature des pneumogas- triques, provenait de l'occlusion de la glotte. M. Magendie expli- que le resserrement de cette ouverture par la distribution des nerfs laryngés, dont le supérieur irait aux constricteurs de la glotte, tandis que l'inférieur présiderait à la contraction des muscles destinés à opérer la déduction des cordes vocales ; ces derniers, paralysés par la section de la huitième paire, ne pour- raient plus, suivant ce physiologiste, contrebalancer l'action spasmodique du muscle arythénoïdien qui anime le laryngé su- périeur. Cette explication, qui avait paru satisfaisante, fut at- taquée avec raison il y a quelques années : c'est en effet du la- ryngé inférieur et non du supérieur que provient le nerf princi- pal du muscle arythénoïdien, et M. Berard aîné (Leçons orales 1832-1833) a montré qu'il n'était pas nécessaire que ce mus- cle fût contracté spasmodiqueraent pour que la glotte se fermât pendant l'inspiration. Le resserrement de la glotte a lieu, sur le cadavre, toutes les fois qu'on établit un courant d'air de l'exté- rieur du larynx vers la trachée ; et sur le vivant, la pression at- (1) Les auteurs rapportent également au défaut d'action de ces muscles, Vas- phyxie des nouveau-nés, et les asphyxies par la foudre et parle froid; tout porte à croire cependant que les individus qui ont été foudroyés ou congelés, ne périssent pas asphyxiés, mais bien que leur mort doit être attribuée à la cessalion soudaine de l'iufluence nerveuse. — 329 — mosphérique produit le même résultai, pendant l'inspiration , lorsque les muscles du larynx ont été paralysés par la section de la huitième paire; 3° la paralysie du poumon, résultat de la sec- tion des nerfs pneumogastriques : dans ce cas, la mort n'est pas instantanée : pour s'assurer que les animaux auxquels on a prati- qué cette opération peuvent périr par suite de la paralysie du poumon, on doit leur faire préalablement la trachéotomie : au- trement ils succomberaient par le défaut d'action des mus- cles dilatateurs de la glotte ; 4° des obstacles, placés en de- hors des voies aériennes, les comprimant et s'opposant à leur dilatation; ou bien dans l'intérieur de ces mêmes voies, les ob- struant plus ou moins complètement, ou siégeant enfin dans leur épaisseur. Une double plaie pénétrante de poilrine, avec épanche- ment d'air dans la plèvre, un double hydrothorax, une force mé- canique qui empêcherait la dilatation des parois thoraciques et abdominales, une tumeur anévrysmale, un goitre, un phlegmon, un corps étranger dans l'œsophage, une corde, un lacet compri- mant la trachée, sont les causes qu'il faut ranger dans la pre- mière catégorie. Les corps de toute nature accidentellement in- troduits dans les voies respiratoires, apparliennentàla seconde : celles de la troisième sont le développement énorme que peu- vent acquérir les amygdales, l'œdème de la glotte, des poly- pes, etc. ; 5° le séjour dans le vide ou dans l'eau. Je me garderai bien de placer ici, comme l'a fait M. Devergie, le lableau général de l'asphyxie; je n'exposerai pas non plus les théo- ries de Muller, de Goodwin et de Bichat sur l'asphyxie, ces objels n'étant pas du ressort de la médecine légale et ne devant par con- séquent pas m'occuper. Je ne traiterai pas davantage des moyens propres à ramener à la santé une personne asphyxiée ; c'est dans les ouvrages de pathologie qu'ils doivent être exposés. Depuis quand la médecine légale a-t-elle eu pour but le traitement des maladies? DE L'ASPHYXIE PAR SUBMERSION. L'histoire médico-légale de l'asphyxie par submersion com- prend les deux questions suivantes : - L'individu que l'on trouve noyé était-il vivant au moment de son immersion dans l'eau? S'il — 330 — était vivant, est-il tombé dans l'eau par accident, s'y est-il préci- pité, ou bien a-t-il été noyé par une main homicide? Avant de chercher à résoudre ces problèmes, il ne sera pas inutile de jeter un coup-d'œil sur la cause de la mort des noyés, que l'on a tour- à-tour rapportée à l'iniroduction de l'eau dans l'estomac, à l'abais- sement de l'épiglolte qui ferme exactement la glotte ci empêche l'air contenu dans les poumons d'en sortir, à l'affaissement des poumons, à l'entrée de l'eau dans les ramifications bronchiques, et à laviciation de l'air renfermé-dans la poitrine. Introduction de l'eau dans l'estomac. On ne saurait attri- buer la mort des noyés à la déglutition du liquide et à son accu- mulation dans l'estomac, quoiqu'il soit avéré que cette déglutition a lieu le plus souvent; que peuvent, en effet, pour déterminer la mort quelques grammes, 500 ou 1000 grammes d'eau avalée pen- dant la submersion ? Abaissement de l'épiglotte. Détharding pensait que l'épi- glolte abaissée sur le larynx, chez les submergés, s'opposait à l'introduction de l'air dans les poumons et à l'expulsion de celui qui y était déjà (De modo subveniendi saibmersis per laryn- gotomiam). Mais l'épiglotte ne peut être appliquée sur le la- rynx , à moins que la langue ne soit déprimée ; en outre il n'existe pas de faisceaux musculaires assez forts pour entraîner ainsi isolément l'épiglotte. Affaissement des poumons. Coleman, Sprengel, etc., ont cru que les poumons affaissés, après avoir expulsé l'air qu'ils contenaient, refusaient le passage au sang qui s'accumulait dans les cavités droites du cœur. Mais on sait que les flexuosités des vaisseaux n'empêchent pas le cours du sang, que la circu- lation continue pendant toutes les asphyxies. Les expériences de Bichat à ce sujet sont généralement connues, et quoique ce physiologiste ait exagéré peut-être la perméabilité du poumon pendant l'asphyxie, comme tendent à le faire croire les recher- ches du docteur Kay, il n'en est pas moins vrai que la circula- tion n'est pas complètement interrompue. Nous avons vu que les animaux qui se noient dilatent leurs poumons par intervalles. Entrée de l'eau dans les ramifications bronchiques. Quoiqu'il soit avéré que dans beaucoup de cas de submersion, — 331 — on ne trouve de l'eau ni dans la trachée-artère, ni dans les rami- fications bronchiques des cadavres submergés, il n'en est pas moins vrai qu'une certaine quantité de liquide pénètre dans les voies aériennes de presque tous les animaux qui se noient. Je tâcherai de faire concevoir ailleurs comment l'eau qui a pénétré dans les bronches peut en quelque sorte disparaître : pour le moment je me bornerai à traiter la question de savoir si l'on peut considérer comme cause de la mort des submergés le liquide qui pénètre dans les poumons. Gardanne, Varnier, Goodwyn, après avoir introduit par une incision faite à la trachée-artère des chiens, des lapins, etc., quatre fois plus d'eau qu'il n'en pé- nètre par la submersion, ont vu que la respiration était d'abord accélérée, puis ralentie; que les animaux étaient incommodés et abattus, mais qu'ils ne tardaient pas à se rétablir, ce qui leur a fait penser que la mort n'était pas le résultat de l'intromission de l'eau dans les poumons. Il est aisé de voir que les animaux soumis à ces expériences, ayant la faculté de respirer, n'étaient point placés dans les mêmes circonstances que ceux qui sont plongés dans l'eau, et que la conséquence tirée par les expéri- mentateurs n'est point rigoureuse. Viciatpon de l'air renfermé dans la poitrine. La cause de la mort des individus qui périssent submergés, consiste véri- tablement dans l'altération qu'éprouve l'air contenu dans les poumons. Cette opinion émise par Macquer (Diet. de chim., tome iic, p. 278), n'est plus douteuse depuis les travaux du doc- teur Berger (Dissertation inaugurale soutenue à la faculté de Paris le 15 thermidor an xm). Presque tous les animaux que l'on a noyés, dit ce médecin, rendent au bout d'une minute et demie de séjour dans l'eau, l'air contenu dans la poitrine, et meurent, ce qui fait croire à l'action d'une cause constamment la même, et agissant dans tous les cas : celte cause, c'est le degré de viciation de l'air : on trouve par l'analyse de l'air expulsé de la poitrine des noyés qu'au lieu de renfermer vingt-et-une parties d'oxygène, il n'en contient, terme moyen, que quatre à cinq par- lies : or telle est à-peu-près la composition de l'air des cloches vicié par les animaux qui ont péri asphyxiés par défaut de re- nouvellement d'air. On voit que dans ces cas, le sang traversant — 332 — le poumon revient noir dans l'oreillette gauche, et qu'étant lancé par le ventricule aorlique, il aborde les organes dépourvu des propriétés nécessaires à l'entretien de leur vitalité. On conçoit aussi dès-lors comment la suspension complète de la respiration et de la circulation pendant la syncope peuvent dérober l'indi- vidu submergé aux dangers de l'asphyxie. Long-temps avant les recherches dont je viens de parler, le docteur Desgranges de Lyon, avait établi avec Pouleau et quel- ques autres auteurs, que les noyés périssaient de deux manières différentes : chez les uns il y avait asphyxie nerveuse, sans matière, par défaillance syncopale, tandis que chez les autres l'asphyxie était avec matière par suffocation, par en- gouement. Quelques années plus tard Marc crut devoir rap- porter la cause de la mort des noyés aux quatre chefs sui- vans : 1° Asphyxie de submersion avec matière par suffo- cation ou par engouement : dans cette cause de mort, qui est la plus commune, on considère l'eau introduite dans la trachée- artère comme une cloison qui empêche l'air d'arriver aux pou- mons ; 2° Asphyxie de submersion, sans engouement, ner- veuse ; l'individu tombe en syncope , immédiatement avant d'entrer dans l'eau, ou dans le même moment ; la syncope, qui finit par devenir mortelle, suppose la préexistence du danger et une prédisposition nerveuse : aussi l'observe-t-on principale- ment chez les femmes hystériques, à l'époque critique : elle est beaucoup plus rare que la suivante ; 3° Asphyxie de submer- sion sans engouement par congestion cérébrale : les causes qui la déterminent sont une température très froide, une chute violente sur la tête, une constitution apoplectique. l'ivresse, la colère, la plénitude de l'estomac, la compression du cou par des cravates ou par d'autres liens; 4° Asphyxie de sub- mersion mixte : chez la plupart des submergés, dit Marc, l'asphyxie de submersion avec engouement se complique avec l'apoplexie par congestion cérébrale : la suffocation et l'apo- plexie peuvent , selon les circonstances, devenir récipro- quement cause essentielle ou cause aggravante de la mort (Mémoire sur les moyens de constater la mort par sub- mersion, 1808); 5° il ne serait pas impossible, en outre, que — 333 — certains noyés périssent par suite d'une commotion cérébrale. J'admettrai volontiers avec Marc, que l'on peut ranger les noyés en plusieurs groupes différens, en ayant égard à l'état de l'individu avant la submersion, aux circonstances qui ont précédé celle-ci, à la congestion des vaisseaux cérébraux, etc.; mais je ne crois pas devoir considérer autrement que comme une syncope ce qu'il désigne sous le nom d'asphyxie de sub- mersion sans engouement ; l'asphyxie de submersion sans engouement par congestion cérébrale n'est autre chose qu'une sorte d'apoplexie, et ne me semble pas aussi fréquente que Marc paraît le croire ; enfin pour ce qui concerne l'as- phyxie de submersion mixte, que ce médecin regarde comme la plus ordinaire, je pense qu'il n'en est pas ainsi, puisqu'on ne trouve sur la plupart des cadavres des submergés qu'une légère congestion des vaisseaux cérébraux, pas plus notable que celle que l'on observe sur les cadavres d'individus qui ont succombé à loute autre affection. PREMIÈRE QUESTION. L'individu que l'oit trouve noyé était-il vivant au montent de son immersion dans le liquide ? Lorsque les preuves testimoniales manquent, on ne saurait résoudre celte question difficile que par l'examen attentif du ca- davre : aussi les auteurs de médecine légale se sont-ils attachés particulièrement à décrire les signes que présentent les corps des noyés ; mais les descriptions qu'ils nous ont données ne rem- plissent pas le but qu'ils se proposaient, parce qu'elles sont beaucoup trop générales. J'ai dit ailleurs (Voy. les 16 Nécrop- sies de cadavres que j'ai faites à la Morgue, p. 712 du l. ier) que les cadavres trouvés dans l'eau présentaient des différences no- tables suivant le temps pendant lequel ils y étaient restés, sui- vant l'état tranquille ou agité du liquide, suivant l'époque où l'on procédait à leur examen, après les avoir retirés de l'eau, etc. Pense-t-on, par hasard, que l'état d'un cadavre qui n'est resté dans l'eau qu'une heure, et que l'on étudie immédiatement après, ne différera pas considérablement de celui d'un autre cadavre — 334 - qui aura été en contact avec le liquide pendant dix, trente, qua- tre-vingts ou cent cinquante jours, et que l'on n'examinera que plusieurs heures ou plusieurs jours après qu'il aura été exposé à l'air? Deux cadavres qui auront élé retirés de l'eau vingt-quatre heures après la mort des individus, et dont l'un aura élé ouvert de suite, tandis que l'autre n'aura été examiné que douze et quinze heures après, offriront-ils les mêmes caractères? Les dif- férences que présenteront ces corps dans leur volume, dans leur coloration, leur consistance, etc., sont trop sensibles et trop nombreuses pour qu'on puisse les confondre dans une descrip- tion générale. Signes propres à établir que l'immersion dans Veau a eu lieu du vivant de l'individu. Parmi les signes indiqués par les auteurs comme propres à faire connaître si un individu a été submergé vivant, il en est peu qui méritent de fixer l'at- tention; il importe cependant de les exposer sommairement, afin de mieux faire ressortir ceux qui peuvent être utiles. 1° État de la face. La face est bouffie, rouge ou livide, dit-on ; les paupières sont entr'ouverles , la pupille est très dilatée, la bouche close, la langue avance vers les bords internes des lèvres, qui sont recouvertes d'une bave écumeuse ainsi que les narines. Ces caractères manquent souvent chez les noyés, et lors même qu'ils existeraient constamment, ils ne prouveraient point que la submersion a eu lieu du vivant de l'individu, les cadavres des personnes qui ont succombé à une foule d'autres affections, pou- vant les présenter également. La dilatation de la pupille est assez constante, mais elle ne peut servir à caractériser l'asphyxie par submersion. Ainsi que je l'ai déjà dit, à l'article putréfaction , lorsque le cadavre est resté trois ou quatre mois dans l'eau, c'est par la face que com- mence la saponification : cette parlie devient extrêmement dure, état que les employés de la Morgue ont coutume de désigner sous le nom de pétrification ; plus tard les lèvres corrodées et dé- truites laissent à nu les arcades dentaires ; les paupières dispa- raissent également ; le péricrâne se décolle, les os sont dénudés; l'aspect de la face est horrible. 2° État de la peau. Comment admettre parmi les signes dont - 335 — il s'agit, la pâleur extrême du cadavre et des membranes mu- queuses extérieures? Je ferai remarquer que la peau est décolo- rée dans le plus grand nombre des cadavres après les causes de mort les plus variées : on peut ajouter que la cause de la décolo- ration de la peau, qu'on observe en effet chez presque tous les submergés au moment où on les retire de l'eau, est plutôt un effet du séjour dans le liquide, que de la mort par submersion, et qu'on la verrait également sur tout autre individu qu'un noyé, pour peu qu'il eût été plongé dans l'eau immédiatement après sa mort {Voy. Putréfaction dans l'eau, p. 740 du t. ier). 3° État des extrémités. Les doigts sont écorchés, dit-on ; on trouve entre les ongles et la peau , de la vase, du sable, de la boue, etc. « Si un homme a été noyé vif, il aura l'extrémité des doigts et le front écorché, en raison qu'en mourant il gratte le sable au fond de l'eau, pensant prendre quelque chose pour se sauver, et qu'il meurt comme en furie et rage (Ambroise Paré, Chirurgie, liv. 28). — Ce caractère, quoique meilleur que ceux dont j'ai fait mention jusqu'à présent, n'est pas aussi important qu'on pourrait le croire au premier abord ; en effet, il manque chez plusieurs noyés, chez la plupart de ceux, par exemple, qui périssent avant d'arriver au fond ; il peut exister chez un indi- vidu qui, ayant roulé d'un lieu élevé dans une rivière, aurait cherché à s'accrocher pour se soustraire au péril, et aurait suc- combé avant de tomber dans l'eau : pour que ce signe ait une certaine valeur, il faut que le noyé ne soit pas dans l'eau depuis long-temps. On peut observer encore des écorchures aux doigts sans que la submersion ait lieu avant la mort, lorsque les cada- vres heurtent contre des corps solides, tels que des pierres, des moulins, des pilotis, etc., qui excorient plus ou moins la peau : à la vérité, il est des cas où il serait permis de reconnaître que les blessures dont je parle ont été faites après la mort. 4° Intérieur du crâne. Les vaisseaux veineux des parties supérieures du cerveau, dit-on , sont ordinairement très déve- loppés, engorgés; quelquefois les plexus choroïdes, les veines de Galion, sont injectés; dans des cas encore plus rares, les ventri- cules latéraux renferment une petite quantité de sérosité ; la sub- stance du cerveau est dans l'état naturel. Il est impossible de tirer — 336 - parti de ces caractères, parce qu'on trouve de la sérosité dans les ventricules cérébraux de presque tous les cadavres des hôpi- taux, et qu'on voit les veines méningiennes remplies de sang dans le plus grand nombre d'enlr'eux : d'ailleurs j'ai ouvert des noyés qui offraient un étal de vacuité de ces vaisseaux. Toutefois, comme la position du cadavre a beaucoup d'influence sur cette conges- tion sanguine, l'engorgement dont il s'agit serait assez notable si le cadavre s'était refroidi dans une situation verticale, la tête en bas. Si au lieu d'examiner l'intérieur du crâne des submergés peu de temps après la mort, on ne les ouvre qu'après un séjour d'un, de trois ou de cinq mois dans l'eau, la dure-mère présente une couleur verte ou violette par plaques : la substance cérébrale ramollie et même diffluente, a laissé dégager une quantité consi- dérable de gaz fétides qui soulèvent l'arachnoïde et la dure-mère elle-même, au point de donner à cette dernière la forme d'une vessie fortement distendue; la couleur des substances médullaire et corticale est constamment altérée, mais on peut les distinguer l'une de l'autre, tant que le cerveau n'est pas devenu compléte- tement diffluent (Voyez pages 762). 5° Etat des voies aériennes. On s'est efforcé de chercher dans les organes dont lès fonctions suspendues ont entraîné la mort, des traces évidentes de la cause à laquelle ils avaient élé soumis. C'est ici le point le plus important et le plus débattu de l'histoire médico-légale de la submersion. h'épiglotte n'est jamais abaissée de manière à fermer le la- rynx, quoi qu'en ait dit Détharding (Voy. page 330). Trachée-artère. « L'existence d'une écume aqueuse et san- guinolente dans la trachée-artère, dit Marc, doit être regar- dée comme une marque des plus certaines de la submersion, les liquides ne pouvant pas s'introduire dans ce canal après la mort. Je rechercherai, à l'occasion de cette proposition , 1° quelles sont les conditions de la formation de l'écume dans les voies aériennes ; 2° s'il s'en produit dans tous les cas de sub- mersion, et s'il entre constamment de l'eau dans les ramifications bronchiques ; 3° si l'eau peut ou non pénétrer dans la trachée- artère et dans les bronches après la mort ; 4° quelle valeur on — 337 — doit attacher à la présence ou à l'absence de l'écume , pour dé- terminer si un individu a élé noyé vivant. Conditions de la formation de Vécume dans les voies aé- riennes. La formation de l'écume dans les voies aériennes exige qu'un liquide un peu plus visqueux que l'eau soit battu avec une certaine quantité d'air dans la trachée-artère ou dans les ramifi- cations bronchiques. Il n'est pas absolument indispensable qu'il y ait introduction d'eau dans les voies aériennes : on voit en effet, dans plusieurs genres de mort, l'écume se former aux dépens des mucosités de la membrane muqueuse laryngo-trachéale, et sans le secours d'aucune autre addition de liquide; ainsi la trachée- artère des pendus en contient presque toujours; on en retrouve aussi après les violens accès d'épilepsie qui se sont terminés par la mon. Mais il paraît nécessaire, pendant la submersion, qu'il y ait de l'air inspiré à plusieurs reprises; celui qui est expulsé du poumon pendant que l'animal est sous l'eau ne suffit pas pour la production des matières écumeuses : c'est ce que je démon- trerai plus bas. On peut présumer aussi que l'entrée et la sortie faciles et répétées de l'eau dans les voies aériennes pendant la sub- mersion, loin de favoriser la formation de l'écume, diminueraient notablement la quantité qu'on en trouverait chez les submer- gés, parce que l'eau entraînerait celle qui s'est déjà formée, et parce qu'elle diminuerait la viscosité du liquide qui occupe la trachée-artère et les bronches. Du reste, cette assertion paraît confirmée par l'expérience suivante : qu'on plonge dans l'eau deux chiens vivans, et qu'après la mort on en retire un la tête en haut et l'autre la tête en bas : il s'écoulera par la bouche de ce dernier une grande quantité de liquide, et à l'ouverture des cadavres on verra qu'il y a beaucoup moins d'écume et d'eau dans la trachée-artère de l'animal qui a été retiré du liquide la tête en bas que dans l'autre : preuve que l'eau en sortant des voies aé- riennes a entraîné de l'écume. Je croyais avoir imaginé le premier cette expérience, mais je l'ai retrouvée depuis dans Morgagni. M. Piorry l'avait également tentée comme moi sur des chiens. Y a-t-il production d'écume dans tous les cas de submer- sion, et l'eau entre-t-el/e constamment dans les ramifica- tions bronchiques ? Les auteurs ont émis à eel égard des opi- - 338 — nions différentes. Louis, Godwin, le docteur Berger , etc., affir- ment que l'on trouve toujours dans les poumons des animaux que l'on a submergés vivans une certaine quantité du liquide dans lequel ils ont été plongés. Waldsclimidt,Beckcr, Délharding, etc., soutiennent l'opinion contraire. Morgagiii assure n'avoir jamais vu d'écume chez les cochons d'Inde ; il est vrai qu'on lit dans ses écrits qu'il la recherchait dans les poumons. Evers dit ne pas avoir trouvé de liquide dans les bronches de deux ivrognes qui s'étaient noyés. Desgranges de Lyon ne put apercevoir aucune trace d'eau écumeuse chez un épileptique submergé vivant. Le docteur Piollet a toujours trouvé de 30 à 60 grammes, d'huile dans les voies aériennes des chiens, des chats et des lapins qu'il avait noyés dans cette liqueur {Archives générales de médecine, t. ix, p. 610). Enfin M. Piorry a annoncé que si l'animal qui se noie était maintenu au-dessous de la surface du liquide jusqu'à sa mort, il n'y aurait pas d'écume. Des assertions aussi contradic- toires m'ont engagé à faire de nouvelles recherches sur les ani- maux et sur l'homme. J'ai plongé dans de l'eau colorée par de l'encre, de la boue, du noir de fumée, etc., plusieurs chiens vi- vans, et je n'ai pas tardé à reconnaître, comme un fait constant et certain qu'il entre de l'eau dans les poumons de ces animaux, qu'elle s'y trouve en plus grande quantité lorsque le chien est retiré du liquide la tête en haut, que dans tous les cas où l'a- nimal est venu respirer à la surface de l'eau, il existe dans la trachée-artère et dans les bronches une matière écumeuse qu'on distingue quelquefois à l'œil nu sous la plèvre, et qu'on peut faire sortir par les bronches dans le canal de la trachée- artère, en pressant un peu les poumons lorsqu'elle ne sort pas spontanément; et qu'il est vrai, comme l'a annoncé M. Piorry, qu'on ne découvre pas d'écume lorsque l'animal a été maintenu au fond de l'eau jusqu'à sa mort, quoiqu'on trouve une plus ou moins grande quantité de liquide daps le canal aérien. Le doc- teur Edward Jenner Cox pense que le liquide dont il s'agit ne pénètre dans les poumons que pendant les derniers efforts de la respiration {The North American médical and surgical Journal, october 1826); en effet, dit-il, que l'on plonge, pendant deux minutes environ, des chats dans de l'eau colorée, qu'on les — 339 — laisse ensuite à l'air jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement rétablis, puis qu'on les fasse périr par strangulation , on verra que les poumons ne contiendront aucune trace de liquide coloré. Ces ré- sultats, en admettant qu'ils soient constans, ne me semblent point prouver d'une manière rigoureuse l'assertion émise par le doc- leur Cox ; car, pendant leur .séjour dans l'air, les animaux toussent à plusieurs reprises et avec effort, et ils peuvent expul- ser la portion de liquide qui s'était introduite dans les poumons au commencement de la submersion. Ce qui vient à l'appui de cette manière de voir, c'est qu'on trouve beaucoup d'eau colo rée dans la trachée-artère, les bronches et les dernières ramifi- cations bronchiques des chiens qui ne sont restés dans l'eau qu'une minute, et même une demi-minute, si au bout de ce temps on a lié, sous l'eau, la trachée-artère, que l'on avait eu soin de mettre à nu et d'isoler des parties voisines avant le com- mencement de l'expérience. Ce que je viens d'établir s'applique à des chiens submergés vivans, et dont l'examen cadavérique a été fait peu de temps ou quelques jours après la mort ; car, si on laissait ces animaux pendant vingt ou vingt-cinq jours dans le liquide où ils ont péri, et qu'on les exposât ensuite à l'air pendant deux ou trois jours avant de les ouvrir, on ne découvrirait aucune trace eté- eume ni de liquide écumeux dans la trachée-artère. Voyons maintenant ce que l'observation démontre relative- ment à l'homme. J'ai ouvert plusieurs cadavres de noyés qui n'étaient restés dans l'eau que quelques heures, et j'ai souvent trouvé de l'écume ou un liquide écumeux dans la trachée-artère et dans les bronches ; dans un petit nombre de cas seulement je n'ai rien observé de pareil ; mais il faut noter que les garçons ont l'habitude de retirer les cadavres la tête en bas de la char- rette dans laquelle on les a transportés (1). Sur quelques sub- mergés retirés de l'eau pendant l'hiver et peu de temps après la submersion, j'ai vu des petits glaçons dans le larynx et pas d'é- cume. Jamais je n'ai trouvé d'écume ni de liquide écumeux chez (1J Pour prononcer avec exactitude dans certains cas de submersion, il faudrait que le cadavre eût été retiré de l'eau en présence du médecin et avec les précau- tions convenables pour retenir les liquides dans la trachée-artère. 22. — 340 — les noyés qui étaient restés douze à quinze jours, un, deux, qua- tre ou six mois dans l'eau, et qui n'avaient été ouverts qu'après un, deux ou trois jours d'exposition à la Morgue. Il résulte évidemment de ces faits qu'il est des cas où l'on ne découvre au- cune trace d'écume nide liquide écumeux chez l'homme sub- mergé vivant (V. au bas de cette page pour les causes de ce phénomène). Parmi les auleurs qui ont signalé l'absence d'un liquide écu- meux, ceux qui ont désigné cet état sous le nom d'asphyxie sans matière ont entendu parler d'un évanouissement rapide, d'une syncope, d'une mort subite occasionnée par la crainte du péril, ou d'un empoisonnement déterminé par les qualités dé- létères du liquide dans lequel a lieu la submersion. Les mé- decins légistes qui ont admis cette distinction en tiraient la conclusion que chez les gens pusillanimes, ou chez ceux qu'on a retirés d'une mare infecte, l'absence de liquide et d'écume ne prouverait pas qu'il n'y a pas eu submersion du vivant de l'indi- vidu, tandis que ce signe aurait assez de valeur dans les circon- stances opposées. Mais sans m'arrêter à faire ressortir combien l'expression d'asphyxie sans matière est impropre, puisqu'il s'agit dans le premier cas d'une syncope et dans le second d'un empoisonnement, je ferai remarquer : 1° que les cas de mort subite, par affection vive ou terreur, sont bien peu nombreux, si on les compare à ceux dans lesquels la trachée des noyés ne renferme aucune trace d'écume ; 2° qu'un simple évanouissement se terminerait au milieu du liquide, comme dans l'atmosphère, par le rétablissement de la respiration et des mouvemens respi- ratoires, qui sous l'eau seraient suivis de l'asphyxie, de l'entrée de l'eau dans les bronches et peut-être même de la formation d'écume si l'individu reparaissait un instant à la surface du li- quide ; 3° que si l'eau infecte d'une mare déterminait l'empoi- sonnement rapide dont on parle, elle n'agirait le plus souvent qu'après avoir été portée dans les voies aériennes ; et qu'on ne voit pas alors pourquoi on n'en retrouverait pas. Ces considéra- tions me portent à croire que l'absence d'un liquide écumeux, qui dans certaines circonslances peut dépendre d'un état de syn- cope, tient aussi à ce qu'il y a quelquefois asphyxie sans que le — 341 — noyé reparaisse à la surface de l'eau ; à ce que le noyé remplis- sant et vidant alternativement sa poitrine d'eau, l'écume est entraînée à mesure qu'elle se produit ; à ce que le cadavre ayant été retiré du liquide la tête en bas et laissé dans cette situation, l'écume se sera écoulée avec l'eau ; à ce qu'enfin l'ouverture du corps n'aura été faite qu'après qu'il aura séjourné long-temps dans l'eau et dans l'air. L'eau peut-elle pénétrer dans la trachée-artère, dans les bronches et dans les poumons après la mort ? Ce point, l'un des plus importans de l'histoire médico-légale de la submersion, a été l'objet de nombreuses recherches. Haller, Evers, Louis et quelques autres médecins n'ont pas hésité à affirmer qu'il n'en- tre jamais de liquide dans les poumons des chiens et des chats qui ont été jetés dans l'eau après la mort, tandis que Dehaen a établi la possibilité de l'introduction de ce liquide, parce qu'ayant mis dans l'eau trois cadavres de pendus, il trouva dans la tra- chée-artère et dans les bronches une eau écumeuse. Le docteur Edward Jenner Cox, se rangeant de l'avis des premiers, a publié des expériences qui l'ont conduit à cette conséquence ; qu'on ne trouve jamais d'eau dans les poumons des chats que l'on a fait périr par strangulation, et dont les cadavres ont été laissés dans l'eau pendant douze ou quatorze minutes, à moins toutefois que le ventre n'ait été comprimé, car alors l'air et les mucosités qui sont expulsés des poumons permettent au liquide de s'y intro- duire (The N or th American médical and surgical journal, octobre 1826). Je ne chercherai pas à expliquer ce qui a pu in- duire en erreur Haller, Evers, Louis, Cox, etc. ; je me bornerai à affirmer d'après quelques expériences déjà fort anciennes, mais surtout d'après celles qui ont été faites en 1820, en 1827 eten 1828 par moi, etenl826parM. le professeur Piorry, 1° qu'il entre constamment de l'eau dans le canal aérien des chiensquel'on a fait périr par strangulation et que l'on a plongés dans l'eau peu de temps après la mort ; qu'il Suffit ponr cela de les laisser pendant quelques minutes dans le liquide, et que celui-ci pénètre plus ou moins loin suivant la position du cadavre; ainsi il pourra n'occu- per que la trachée-artère elles premières divisions des bronches, si le corps a été placé horizontalement et qu'il y soit resté peu — 342 — de temps, tandis que s'il a été tenu dans une position verticale, la tête en haut, il pourra s'introduire, jusque dans les dernières ra- mifications bronchiques, aussi loin que si l'animal eût péri submergé ; 2° qu'il en est de même chez l'homme. Expériences. A. Le cadavre d'un homme adulte mort depuis trente-six heures, a été placé horizontalement et sur le dos dans une grande baignoire presque remplie d'eau, dans laquelle on avait préalablement délayé huit livres de charbon animal ; le liquide comme on voit était excessivement boueux et coloré, et pour que le charbon ne gagnât pas le fond de la bai- gnoire, on avait soin d'agiter de temps en temps la liqueur avec précau- tion : après un séjour de six heures et demie, le cadavre a été retiré de l'eau et ouvert. Le larynx, la trachée-artère, les bronches, leurs divisions et leurs subdivisions étaient tapissés par une assez grande quantité de ma- tière charbonneuse pour paraître noirs. En incisant une partie quelconque du tissu du poumon, et en pressant légèrement on faisait sortir, des der- nières ramifications bronchiques, une quantité notable de la masse noire boueuse qui salissait l'eau de la baignoire. L'estomac contenait tout au plus 32 gram. d'un liquide jaune, floconneux et visqueux; en sorte que la ma- tière noire boueuse n'y avait pas pénétré. B. Dans deux autres expériences, faites avec deux cadavres humains, dont l'un n'était resté dans le bain co- loré qu'une demi-heure, et l'autre trois quarts d'heure, on obtint les mêmes résultats, si ce n'est que le liquide boueux n'avait pénétré que jusqu'à la division des bronches. Ces cadavres appartenaient à des individus qui étaient morts depuis deux jours. C. Le cadavre d'un homme adulte mort depuis trente heures a été placé horizontalement et sur le ventre dans la baignoire contenant de l'eau boueuse. Après vingt-quatre heures, le cada- vre a été retiré de l'eau et ouvert : la masse noire avait pénétré dans le la- rynx et jusque vers'ia moitié de la trachée-artère. On peut, dans ces expé- riences, substituer l'eau colorée par de l'encre, du bleu de Prusse ou du noir de famée, à l'eau dans laquelle se trouve suspendu le charbon animal. Il était d'autant plus nécessaire de constater ces faits pour mettre hors de doute que l'eau peut s'introduire dans les voies aériennes après la mort, que les résultats déjà cités de Dehaen obtenus avec des cadavres humains, sont loin d'être concluans ; en effet cet auteur, avait plongé dans l'eau trois cadavres de pendus, et avait trouvé un liquide écumeux dans la trachée- artère et dans les bronches ; mais l'on sait aujourd'hui, à n'en pas douter, que souvent da^s la mort par strangulation, les voies — 343 — aériennes contiennent une plus ou moins grande quantité d'un liquide écumeux. Quelle valeur doit-on attacher à la présence ou à l'absence de l'écume et d'une certaine quantité de liquide dans le canal aérien pour déterminer si un individu a été noyé vivant ? La présence de l'écume dans le larynx, dans la trachée-artère et dans les bronches ne suffit pas pour prouver que l'individu a élé submergé vivant, puisqu'on en trouve dans le canal aérien des pendus, des epileptiques et d'individus atteints de quelques autres affections ; il faudra donc, pour que ce signe ait quelque valeur, rechercher soigneusement sur le cadavre, ou dans les circonstances commémoratives , s'il n'existe aucune trace de strangulation, de suspension, d'épilepsie, etc. La présence d'une certaine quantité de liquide dans ces mêmes parties ne prou- verait pas davantage que la submersion a eu lieu du vivant de l'individu, puisque je viens d'établir que les liquides peuvent pé- nétrer beaucoup plus loin que l'origine des bronches, lorsqu'on plonge des cadavres dans l'eau. Je puis en dire autant de la pré- sence d'une eau écumeuse, car il serait possible, à la rigueur, qu'on en trouvât chez un individu qui aurait été plongé dansl'eau après la mort : qu'on imagine, par exemple, un pendu dans la trachée-artère duquel il y a de l'écume et que l'on jette à l'eau après la mort pour faire prendre le change ; dès que l'eau peut s'introduire dans la trachée-artère et dans les bronches, on pourra trouver de l'eau écumeuse dans les voies aériennes des pendus, des epileptiques, etc. Il n'en serait pas de même ** le li- quide avait pénétré jusque dans la substance des poumons^ car alors sa présence prouverait 'd'une manière incontestable la submersion pendant la vie, pourvu qu'il fût établi : 1° que ce li- quide est de même nature que celui dans lequel l'individu aurait été trouvé : aussi la présence dans les poumons de gravier, de boue ou d'autres corps étrangers qui étaient en suspension dans l'eau, faciliterait-elle beaucoup la solution du problème ; 2° que le cadavre n'est pas resté assez long-temps dans le liquide après la mort, pour que ce liquide eût pu pénétrer jusqu'aux dernières ramifications bronchiques. Malheureusement on ne peut guère vérifier le passage de l'eau — 344 — dans les cellules pulmonaires si elle n'est pas colorée. Quant à l'existence de la boue, du gravier, etc., c'est un phénomène rare: sur cinquante cadavres dont j'ai fait l'ouverture avec soin je ne l'ai remarquée qu'une fois. Blumhardtel M. Devergie en ont également trouvé chacun une fois; voici le fait indiqué par Blura- hardt (Gazette médicale, 18 avril 1835). Ch. F. Sch., âgé de 48 ans, atteint depuis le mois d'octobre 4830 d'ac- cès epileptiques qui revenaient tous les huit ou tous les quatorze jours, et pendant lesquels il perdait connaissance, fut trouvé mort, le 5 mai 4 833, dans un ruisseau, la face tournée contre terre ; la tête plongeait entière- ment dans l'eau, qui n'avait qu'un pied de profondeur; le reste du corps n'était qu'à moitié recouvert. Ce qui frappa surtout à l'autopsie fut la pré- sence d'un sable gris, schisteux et de graviers de différentes grosseurs dans la trachée au-dessus de la bifurcation des bronches ; on trouva même du sable dans les vésicules pulmonaires. Quoi qu'il en soit, il faut se garder de prendre pour du gravier, du sable, etc., des parcelles d'alimens provenant de l'estomac et qui sont entrées dans le larynx et la trachée, parce que les ca- davres se sont pourris, que l'estomac s'est distendu, que le dia- phragme a été refoulé en haut, et que les matières alimentaires se sont trouvées poussées jusqu'à la bouche. Presque tous les ca- davres des noyés qui avaient séjourné quelque temps dans l'eau ont présenté de ces parcelles alimentaires semblables à celles que l'on retrouvait dans l'estomac, et ce qui paraîtra plus extraordi- naire , quelquefois sur des individus récemment noyés ; certes on ne pouvait alors attribuer leur passage dans les bronches ni à la putréfaction ni au ballonnement du ventre! ! ! Quant à l'absence de l'écume et de l'eau dans les voies aé- riennes, dès qu'il est prouvé que l'on n'en a pas trouvé chez certains individus noyés vivans (Voy. page 338), il faut nécessai- rement conclure qu'elle est loin de suffire pour établir qu'il n'y a pas eu mort par submersion. Je n'abandonnerai pas ce sujet sans dire un mot des change- mens qu'éprouvent le larynx, la trachée-artère, et les bronches par le séjour prolongé du cadavre dans l'eau. A cela près des parcelles alimentaires dont je viens de parler, j'ai vu ces par- — 345 — lies complètement vides; la membrane interne, la membrane fi- breuse et les cerceaux cartilagineux avaient revêtu une couleur violette ou brune très foncée; enfin sur un cadavre qui avait sé- journé pendant plus de cinq mois sous l'eau, les cerceaux carti- lagineux entièrement ramollis, et privés de leur élasticité, per- mettaient à la trachée de s'affaisser sous la moindre pression. 6" Etat des organes de la circulation. « Les cavités droites du cœur, les veines caves, la veine et l'artère pulmonaires, sont distendus par une grande quantité de sang noir; il y en a beau- coup moins dans les cavités et dans les vaisseaux aortiques, qui pourtant ne sont jamais vides dans les asphyxies récentes, comme le prétendait Curry. Le ventricule droit est d'un brun noirâ- tre, tandis que l'autre est d'un rose clair. Les ventriculeset l'oreil- lette pulmonaires se contractent presque toujours d'une manière spontanée : ces contractions sont beaucoup plus raresdansle ven- tricule gauche, et beaucoup plus rares encore dans l'oreillette du même côté; on observe quelquefois]des mouvemens analogues dans ja portion des veines caves voisine du cœur. Les contractions des cavités aortiques cessent long-temps avant celles des cavités pul- monaires ; mais on peut exciter de nouveau les unes et les autres, en irritant l'organe ou en insufflant de l'air dans les poumons peu après qu'elles ont cessé. » Quoique ces caractères se pré- sentent souvent, ils ne peuvent cependant suffire pour établir que la mort a eu lieu par submersion ; en effet, 1° on les observe dans beaucoup de morts subites; 2° la couleur des parois des ca- vités du cœur s'altère promptement par le contact du sang, sur- tout pendant les temps chauds, et dans ce cas elles brunissent considérablement ; 3° l'irritabilité des cavités droites ne peut être constatée que peu de temps après la mort, et alors il serait du devoir du médecin de s'attacher à administrer des secours con- venables au noyé, au lieu de s'empresser de faire la nécropsie ; 4° à l'ouverture des cadavres qui avaient long-temps séjourné dans l'eau, j'ai toujours vu les cavités du cœur et celles des gros vaisseaux entièrement ou presque entièrement vides. 7° Fluidité du sang. « Le sang reste fluide pendant plusieurs heures, même dans les vaisseaux qui pénètrent la substance des os. » Ce signe, l'un de ceux auxquels les médecins ont attaché le — 346 — plus d'importance, manque rarement chez l'homme ; cependant il ne suffit pas pour indiquer le genre de mort auquel a suc- combé l'individu dont on examine le cadavre ; en effet, 1° La- fosse a trouvé le sang polypeux et concret chez quelques noyés. J'ai reconnu à la vérité, une fois seulement, quelques caillots fi- brineux dans le sang d'un submergé ; et M. Avisard dit l'avoir vu coagulé ou demi-coagulé dans les oreillettes et les ventricules droits de deux individus noyés vivans ; 2° la liquidité du sang se remarque dans le scorbut, dans quelques fièvres graves, etc. ; 3° le sang pourrait avoir été concrète d'abord, et se liquéfier en- Suite par les progrès de la putréfaction. 8° Etat du diaprhagme. « La mort des noyés, dit-on, arri- vant au milieu de l'inspiration; le diaphragme doit être refoulé vers l'abdomen et la poitrine élevée. » Cette assertion ne s'accorde ni avec le raisonnement ni avec les faits. Quel que soit le genre de mort, si le tissu du poumon n'est pas altéré, il tend sans cesse à se resserrer ; et comme il ne peut se former de vide entre lui et les parois de la cavité qui le recèle, et que d'une autre part les côtes ne peuvent s'affaisser au-delà d'une certaine limite, il faut que le diaphragme remonte dans la poitrine, pressé par les vis- cères digestifs et par les parois abdominales qui soutiennent la pression atmosphérique. Ceux qui ont souvent disséqué le dia- phragme par sa face inférieure, savent bien qu'il est toujours tendu et poussé vers la poitrine, tant qu'on n'a pratiqué aucune ouverture ni à ce muscle ni aux parois thoraciques, et que cette tension, ainsi que la facilité de le disséquer cessent de suite si on a la maladresse de le percer. Je n'ai pas vu que la mort par sub- mersion changeât en rien cette disposition du diaphragme : j'ajouterai que le développement de gaz dans le canal intestinal des cadavres restés long-temps submergés, fait souvent remonter le diaphragme jusque vers la sixième ou la cinquième côte ster- nale. Ce que je viens d'établir réduit à sa juste valeur ce qu'on a dit de la dilatation des poumons des submergés. 9° Étatde l'estomac et des intestins. L'estomac des noyés contient presque toujours de l'eau, tandis qu'on n'en trouve pas dans l'estomac des individus que l'on a plongés dans l'eau après la mort : ce liquide pénètre même dans ce viscère dès les pre- - 347 — miers instans de la submersion comme le prouvent mes expé- riences, celles du professeur Piorry et du docteur Edward Jenner Cox ; mais ce signe ne peut avoir d'importance pour prouver que la submersion a eu lieu du vivant de l'individu, qu'autant qu'il est reconnu que le liquide trouvé dans l'estomac est entièrement semblable à celui qui entoure le corps, qu'il n'a pas été avalé avant la submersion, ni injecté dans l'estomac après la mort. Le canal digestif est quelquefois décoloré chez les noyés. Dans certains cas, lorsque l'individu tombe dans l'eau pendant le tra- vail de la digestion, la membrane muqueuse de l'estomac est rose, rouge ou violacée. Si les cadavres sont restés long-temps submergés, la tunique interne du canal digestif, notamment celle de l'estomac, offre une teinte brune ou violette très foncée, circonstance importante à noter lorsqu'il y a présomption d'em- poisonnement. On ne peut tirer aucun indice de la persistance plus ou moins prolongée du mouvement péristaltique dans les in- testins. 10° Coloration des viscères de labdomen. « La couleur des divers organes de l'abdomen est en général plus foncée, que lors- que l'individu ne succombe pas à l'asphyxie. » Ce fait tend à éta- blir tout au plus qu'il y a eu asphyxie, sans jeter le moindre jour sur la cause qui l'a déterminée. 11° État des organes urinaires. M. Piorry a essayé de tirer parti de l'examen de l'appareil urinaire. Il résulte de ses expé- riences que dans presque tous les cas de mort violente chez les chiens, il y a expulsion de l'urine, mais que si la mort est due à la submersion, l'absorption de l'eau dans les bronches donne lieu, pendant les derniers temps de l'asphyxie, à une nouvelle sécrétion d'urine qui remplit la vessie jusqu'au moment de la rigidité cadavérique, époque à laquelle elle est expulsée. L'ab- sence de l'urine dans la vessie avant la rigidité cadavérique, dans un cas de mort violente, serait donc un indice qu'il n'y a pas eu submersion pendant la vie, tandis que sa présence annon- cerait que l'animal a péri sous l'eau, Les expériences qui ont conduit M. Piorry à ce résultat offrent de l'intérêt ; mais mal- heureusement on ne peut guère, dans ce cas, conclure du chien à l'fcomme, dont la vessie est moins charnue et moins contractile. — 348 — J'ai vu dans certains cas fort rares à la vérité, cet organe renfer- mer une quantité notable d'urine chez des submergés, long- temps après que la rigidité cadavérique avait disparu; presque toujours je n'ai trouvé dans la vessie qu'une cuillerée d'urine ; mais les cadavres n'étaient ouverts qu'un ou plusieurs jours après la submersion. On conçoit aussi que, quand bien même les choses se passeraient dans l'espèce humaine comme sur les chiens, l'examen de la vessie n'aurait de valeur qu'autant qu'il serait fait avant la rigidité cadavérique : or cette rigidité appa- raît de bonne heure chez les noyés, puisque leur corps se refroi- dit rapidement. Conclusions. On voit, en se résumant sur cette question : 1° que parmi les signes indiqués par les auteurs pour la résou- dre, les seuls qui permettent d'affirmer que la submersion a eu lieu pendant la vie, se tirent de la présence dans Yestomac et dans les vésicules pulmonaires, d'un liquide semblable à celui dans lequel le corps a été submergé, pourvu toutefois, pour ce qui concerne l'estomac, qu'il soit avéré que ce liquide n'a pas été avalé avant la submersion , ni injecté après la mort, et pour ce qui se rapporte aux vésicules pulmonaires, pourvu que le liquide dont il s'agit ait pénétré jusqu'aux dernières ramifications bronchiques, qu'il n'ait pas été injecté après la mort, et que le cadavre ne soit pas resté pendant un certain temps sous l'eau dans une position verticale, ou couché sur le dos; 2° que la va- leur de ces signes, déjà diminuée par les restrictions précéden- tes, l'est encore davantage par la difficulté que Ton éprouve dans beaucoup de cas, surtout lorsque les cadavres n'ont pas été promptement retirés de l'eau, à reconnaître une suffisante quan- tité de liquide, particulièrement dans le tissu des poumons, à moins qu'il ne soit coloré ou sali par de la vase, de la boue, etc., ce qui arrive rarement ; 3° que la présence de l'écume dans la trachée-artère et dans les bronches est loin de suffire pour déter- miner que la mort a eu lieu par submersion , et qu'elle ne peut servir qu'à établir des présomptions, même lorsqu'on trouve dans les poumons un liquide ayant toutes les apparences de celui dans lequel le corps a élé plongé ; 4° que ces présomptions seraient encore plus fondées, si, outre l'existence de l'écume — 349 — dans les parties que je viens de désigner, il y avait une grande quantité de liquides aqueux dans les poumons, l'expérience prouvant que ceux-ci ne pénètrent jamais jusqu'aux dernières ramifications bronchiques aussi abondamment après la mort que pendant la vie ; 5° que l'absence d'écume dans la trachée- artère et dans les bronches n'établit point que l'individu n'a pas élé submergé vivant, puisque dans les nombreuses ouvertures de cadavres que j'ai faites, je n'en ai jamais trouvé lorsque le corps élait resté plusieurs jours dans l'eau, et qu'il n'y en avait pas non plus dans quelques-uns des cas où l'on avait procédé à l'ouverture des cadavres peu de temps après la submersion; 6° en- fin que les autres signes indiqués par les auteurs sont insuffisans s'ils sont pris isolément, et qu'il est tout au plus permis d'établir quelques probabilités d'après leur ensemble. Mais le médecin ne doit point borner là ses recherches ; il examinera avec le plus grand soin si l'individu n'aurait pas été assassiné avant de tomber dans l'eau, et si les meurtriers n'au- raient pas eu recours à la submersion pour mieux faire prendre le change; il déterminera en conséquence s'il ne découvre point des traces d'empoisonnement, d'étranglement, d'asphyxie par les gaz délétères, de blessures, etc. : souvent il trouvera sur le front, aux tempes et sur quelques autres parties du corps, des contu- sions, des plaies conluses, des ecchymoses ; il s'attachera alors à décider si elles ont été faites avant ou après la mort. Si tout porte à croire que l'individu ait été blessé avant la mort, on re- cherchera d'après la forme des blessures, celle de l'instrument qui les a produites, en se rappelant toutefois que des lésions de ce genre peuvent être le résultat de la violence avec laquelle l'individu qui s'est jeté à l'eau a heurté contre des corps durs qui se trouvaient au fond du liquide, ou de la chute d'un lieu élevé, pendant laquelle le corps aurait frappé contre des pierres, des rochers ; en un mot, il aura égard à toutes les circonstances dont je parlerai à l'occasion des blessures. Seconde question. Lorsqu'un individu vivant a été sub- mergé, est-il tombé dans l'eau par accident, s'y est-il précipité, ou bien a-t-il été noyé par une main homicide ? Faut-il admellre avec les auteurs modernes que dans la sub- - 350 — mersion par accident, la mort est la suite de l'asphyxie spas- modique, et que rarement les poumons sont le siège d'un en- gouement, tandis qu'il y a asphyxie par engouement dans le cas de suicide, parce que le noyé fait de vains efforts pour respirer, -et qu'enfin dans la submersion par homicide, l'asphyxie est spasmodique sans engouement, comme dans le premier cas, parce que l'individu est surpris par une violence imprévue? Des assertions de ce genre, établies sur des espèces d'asphyxie que j'ai dit ne pas exister avec les caractères que l'on a assignés (voyez page 333), ne peuvent satisfaire aucun esprit juste, et ne doivent jamais figurer dans un rapport médico-légal, sous peine de vouloir passer pour n'avoir jamais ouvert un seul ca- davre de noyé. Avouons franchement que, dans beaucoup de circonstances, l'art ne possède aucun moyen de résoudre le problème : com- ment reconnaître, par exemple, si le cadavre submergé appar- tient à un individu qui s'est jeté volontairement à l'eau ou qui s'est noyé en nageant, ou bien à un autre individu qui aurait été poussé dans la rivière ou dans la mer, étant sur le bord de l'eau ? Confions aux magistrats le soin de déterminer jusqu'à quel point la nature du lieu, qui peut êlre désert ou habité, l'élévation des bords du précipice, l'existence d'un poids attaché au corps, d'un lien qui unit les mains, le désordre des vêtemens, etc., peuvent éclairer la question, et bornons-nous à rechercher si l'individu dont il s'agit ne devait pas être naturellement porté à se suicider {voyez Suicide, p. 444 du t. Ier), s'il n'éprouvait point des ver- liges , s'il n'était point sujet à des accès d'épilepsie, d'hystérie, etc., s'il n'offrait point des blessures ou d'autres lésions qui an- nonceraient qu'il a élé assassiné, qu'il s'est précipité, qu'on l'a précipité, ou qu'il a voulu se détruire {voyez Blessures). La solution de ce problème ne présentera aucune difficulté, s'il s'agit d'un nouveau-né qui a été submergé vivant, car il est évident qu'il a élé noyé par une main homicide. J'ai été requis le 21 avril 1827 par M. le procureur du roi, pour déterminer la cause de la mort d'un enfant nouveau-né qui avait été retiré de la Seine trois jours auparavant. Cet enfant, parfaitement consti- tué , à terme, et viable avait respiré complètement : le thorax — 351 — était bombé, les poumons développés recouvraient en grande parlie le péricarde; ils étaient crépitans, de couleur rosée, et plus légers que l'eau sur laquelle ils nageaient, même lorsqu'ils étaient unis au cœur; ils contenaient une quantité notable de sang, et n'étaient le siège d'aucune altération ; leur poids était de 48 grammes ; pressés dans l'eau, même avec force, ils continuaient à surnager. Le cadavre n'offrait aucun indice de putréfaction. Le cordon ombilical, long de 34 centimètres, n'é- tait ni lié, ni flétri, ni desséché. Le larynx, la trachée-artère et les bronches renfermaient une certaine quantité d'un li- quide aqueux, et beaucoup d'écume non sanguinolente. Tous les autres organes étaient dans l'état naturel. La bouche, les narines et les autres ouvertures étaient libres. On ne voyait à la surface du corps aucune trace de violence exercée par un corps contondant, piquant ou tranchant. Il n'était pas difficile de conclure que cet enfant avait vécu, et que sa mort était le résultat de la submersion. Troisième question. Peut-on déterminer, d'après l'état actuel du cadavre d'un noyé, le temps pendant lequel il est resté dans l'eau? M. A. Devergie pense qu'il est possible d'indiquer approxi- mativement la Ldurée du séjour dans l'eau des cadavres des noyés. J'ai déjà combattu cette assertion par des faits et par le raisonnement (voyez page 748 du tome ier). Je saisirai cette occasion pour réclamer contre l'assertion émise souvent par M. Mata, savant distingué et professeur de médecine légale à la faculté de Madrid, qui attribue à M. Devergie la première des- cription des phénomènes de la putréfaction dans l'eau,- en effet je l'avais donnée bien avant ce médecin (voyez page 705 du tome i*r). DE LA STRANGULATION ET DE LA SUSPENSION. Les mots strangulation et suspension ne doivent pas être con- fondus ; en effet la strangulation consiste en une compression exercée sur une étendue plus ou moins considérable du cou, que le corps soit couché, assis, à genoux, debout, les pieds posant — 352 - sur le sol ou sur un autre corps solide, ou bien suspendu au moyen d'un lien, les pieds ayant quitté le sol ; d'où il suit que la strangulation ne suppose pas nécessairement la suspension. Celle-ci, au contraire, est toujours accompagnée de strangu- lation ; on l'a divisée en complète et en incomplète ; dans la première le corps est suspendu en l'air et les pieds ne touchent pas le sol ; la seconde, qui pour moi n'est qu'une variété de la strangulation, comprend les cas où une partie quelconque du corps est en contact avec le sol, avec un meuble ou avec une autre partie solide quelconque. Tout en convenant que l'ac- ception de ces deux mots n'est pas la même, je crois devoir traiter de ces deux genres de mort dans un même article, parce qu'à peu de chose près il y a identité entre les causes qui les déterminent et les phénomènes qui les accompagnent. Voici les deux problèmes que les experts pourront être ap- pelés à résoudre : 1° un individu que l'on a trouvé étranglé ou pendu Va-t-il été avant ou après la mort ? 2° si la stran- gulation ou la suspension ont eu lieu pendant la vie, sont- elles l'effet du suicide ou de l'homicide ? premier problème. Un individu que l'on a trouvé étrang lé ou pendu l'a-t-il été avant ou après la mort ? Pour résoudre ce problème, j'indiquerai 1° les caractères à l'aide desquels les auteurs ont cru pouvoir pendant long-temps décider la question ; 2° les divers états des cadavres des indi- vidus qui se sont étranglés ou pendus; 3° les effets de l'applica- tion d'un lien autour du cou des sujets morts depuis quelque temps ; 4° les causes de la mort .par strangulation ou par sus- pension. — 353 —- § Ier- Caractères à l'aide desquels les auteurs ont cru pouvoir pendant long-temps décider si un individu avait été étran- gléou pendu, avant ou après la mort, lorsqu'il n'y avait pas luxation de la colonne vertébrale. Michel Alberti de Halle et presque tous les auteurs modernes de médecine légale ont considéré les caractères suivans comme signes de la strangulation et de la suspension pendant la vie : lividité et gonflement de la face, et surtout des lèvres, qui sont comme tordues ; paupières tuméfiées, à demi fermées et bleuâ- tres ; rougeur, proéminence et même quelquefois déplacement des yeux ; langue gonflée, livide, repliée ou passant entre les dents qui la serrent, et sortant souvent de la bouche ; écume sanguinolente dans le gosier, les narines et autour de la bouche : impression de la corde, livide ou noire ecchymosée ; peau en- foncée, et même quelquefois excoriée dans un des points de la circonférence du cou; déchirement des muscles et des ligamens qui s'attachent à l'os hyoïde ; déchirure, rupture ou contusion du larynx et des premiers segmens de la trachée-artère (1), ec- chymoses des bras et des cuisses ; lividités des doigts qui sont contraciés comme pour serrer fortement un corps que l'on tien- drait dans la main ; contusion et ecchymose des poignets et de toutes les parties du corps sur lesquelles on aurait appliqué des liens; raideur et lividité du tronc ; engorgement considérable de (1) 1° Valsai va a remarqué la rupture des muscles qui unissent l'os hyoïde au la- rynx et aux parties voisines, de sorte que cet os était séparé du larynx; dans un autre cas il a trouvé les muscles sternothyroïdiens et hyothyroïdiens déchirés, et le cartilage cricoïde rompu; 2° Weiss a vu le cartilage cricoïde brisé en plusieurs pe- tits morceaux, et la partie supérieure de la trachée-artère entièrement détachée du larynx ; 3° Morgagniet Valsalva ont observé la rupture du larynx; à la vérité Mor- gagni note qu'il ne l'a jamais vue sur de jeunes sujets dont le larynx est plus flexible et moins cassant ; 4° d'après Cornélius, la veine cave se rompt quelquefois chez les animaux étranglés ; 5° Littre a trouvé du sang épanché à la base du crâne et dans les ventricules cérébraux sur une femme que deux hommes avaient «trançlée en lui serrant le cou avec les mains ; et dans une autre circonstance, il a vt»i a membrane du tympan déchirée et beaucoup de sang épanché dans l'oreille ; 6° Nanni, disséquant un voleur qui avait été pendu, trouva le sinus longitudinal supérieur déchiré. II. 23 — 354 — sang dans les poumons, dans le cœur et dans le cerveau. Ces signes n'existant point chez les individus qui ont été étranglés ou pendus après la mort, les auteurs dont je parle ont conclu que la solution de la question était quelquefois facile : « Quand même, disent-ils, on trouverait des taches noires autour du col d'une personne après la mort, ces taches, qui sont le résultat de la pression prolongée de la corde, ne doivent être considérées autrement que comme un phénomène cadavérique, que l'on ne saurait confondre avec les meurtrissures faites sur le vivant. » On conçoit avec peine qu'un objet d'une aussi haute impor- tance ait été traité avec autant de légèreté par des écrivains dont les ouvrages ont dû servir de guide aux médecins ; il suffit, en effet, d'examiner avec soin quelques cadavres de personnes étranglées ou pendues vivantes, pour se convaincre que plu- sieurs des caractères énoncés manquent souvent, qu'il ett est que l'on n'observe qu'à certaines époques et sous des conditions données, et que d'autres, tels q^ue l'impression de la corde, l'ec- chymose du cou, etc., ont été décrits d'une manière inexacte. Déjà plusieurs auteurs avaient fait remarquer l'absence d'é- cume à la bouche dans plusieurs cas de strangulation et de sus- pension pendant la vie, et Belloc avait cru devoir mieux pré- ciser l'état de la langue chez les pendus. Si la compression de la corde, dit-il avec raison, s'exerce au-dessus du cartilage thyroïde, là langue ne sort pas, parce qu'elle est poussée en arrière par la compression de l'os hyoïde ; si la corde est placée au-dessous du cartilage cricoïde, alors la langue paraît plus ou moins au de- hors ; elle est enflée, plus ou moins rouge ou violette. Mais c'est surtout aux observations faites postérieurement par Klein, Remer, Fleischmann, Esquirol, que la science est redevable d'un certain nombre de faits importans, qu'il me semble d'autant plus utile d'exposer qu'ils s'accordent sur plusieurs points avec ceux que j'avais déjà recueillis et que j'ai été à même de vérifier encore depuis la publication de leurs travaux. — 355 — S n. Des divers états des caâavres d'individus qui se sont étran- glés ou pendus. Lorsque là strangulation oU la suspeiision ont eu lieu pendant ià vie, les cadavres se présentent sous deux états bien différens : 1° Ils offrent des traces d'ecchymose au col et plusieurs des signes indiqués à la page 353; 2" plusieurs de ces signes man- quent et surtout il ri y a point d'ecchymose au èol. Je vais exa- miner successivement ces deux cas, puis je m'occuperai clé deux autres questions non moins importantes, l'une relative à l'état des organes génitaux, et l'autre à celui de la colonne vertébrale, après avoir dit quelques mots de la rupture des artères carotides pendant la suspension. Cadavres offrant des traces d'ecchymose au col et plusieurs des signes indiqués à la page 353. NÉCROPSIE 4re. , Un homme d'environ trente ans est trouvé pendu dans sa prison on il était détenu pourvoi. La face, surtout à la partie antérieure et moyenne, est d'un rouge foncé ; sur les côtés du front on remarque des traces de même couleur, les deux oreilles sont d'un rouge bleu ; il en est de même de la lèvre inférieure, qui a été fortement mordue vers la commissure droite. La pointe de la langue est très serrée entre les dents, et fait saillie en de- hors des lèvres ; la portion qui les dépasse semble sèche et rude. Au côté droit du menton, on découvre dans un espace formant un carré oblique quatre petites plaies triangulaires déchirées et encore humides. La joue droite en présente de semblables. L'empreinte de la cdrdè se prëlbhgê au- tour du col, entre les cartilages cricoïde et thyroïde, dans une direction e- peu-près horizontale, s'inclinant seulement un peu des deux côtes du col obliquement en haut vers l'occiput. Cette empreinte n'est pas profonde, mais il existe tant sur le trajet, que sur ses côtés une forte ecchymose. Après avoir soulevé les tégumens le long de ses bords, on reconnaît qu'elle s'é- tend jusque Sur les parties musculaires subjacentes et qu'elle existe rnênie dans leurs tissus. Les vaisseaux du cerveau et de la poitrine sont gorgés de sang. 23. — 356 — NÉCROPSIE 2e. Un individu âgé de quarante-trois ans, fort adonné à l'usage du vin, et qui avait été arrêté un soir pour un délit de police, fut trouvé le lendemain pendu à l'espagnolette de sa fenêtre, au moyen de sa cravate de soie qu'il avait roulée. Le corps n'était pas entièrement suspendu ; il était adossé contre le mur de la fenêtre sous laquelle se trouvait un banc qui avait servi à cet homme pour s'élever, et les pieds effleuraient le plancher ; les genoux étaient fléchis. D'après le peu d'élévation du point de suspension, et la si- tuation du corps, il était évident que le suicidé avait dû pendant la sus- pension fléchir les jambes, et s'étrangler précisément dans cette position. L'empreinte produite par le lien, à-peu-près plane, mais large de près de \ 5 millimètres était visible à la partie antérieure du col, entre l'os hyoïde et le menton; elle se prolongeait ensuite sur le derrière de l'angle de la mâ- choire inférieure à 15 millimètres au-dessous de l'apophyse mastoïde, en arrière vers la nuque. Cette empreinte tracée autour du col était molle, ec- chymosée dans toute son étendue. La face était d'un rouge de sang, comme si toutes les veines de cette partie et celles du crâne eussent été gorgées de ce liquide. La pointe de la langue gonflée et d'un bleu foncé, fortement ser- rée entre les dents, dépassait les lèvres livides et tuméfiées. Les vaisseaux des yeux étaient fortement injectés, et par la narine droite s'écoulait un sang liquide et noir. On remarquait sur le pénis et sur la chemise des traces de sperme. On trouva sous la peau du col, circulairement, du sang fluide extravasé : les veines du cerveau et les sinus étaient excessivement gor- gés; cependant on ne voyait nulle part d'épanchementdans le cerveau. Les veines jugulaires ne contenaient que peu de sang ; les deux veines caves et le côté droit du cœur en renfermaient une quantité d'autant plus consi- dérable. Les poumons et les veines qui rampent dans leur tissu étaient remplis de sang; les cellules pulmonaires étaient distendues à l'excès, de sorte que ces organes semblaient comme gonflés, et remplissaient en entier la cavité thoracique. Les deux individus qui font l'objet de ces observations s'étaient suicidés (Fleischmann, Annales d'hygiène et de médecine légale, octobre i 832). D'après Remer, sur cent pendus il en est 87 chez lesquels il existe des traces d'ecchymose et un dixième à-peu-près chez les- quels ce signe manque, fait qui ne s'accorde guère avec les observations de Klein, de Fleischmann, d'Esquirol, ni avec les miens ; j'ai vu en effet beaucoup plus de cas sans au- cune trace d'ecchymose au col qu'avec ecchymose. Quoi qui! en soit, on observe l'empreinte dont il s'agit sur trois points différens; entre le larynx et le menton, sur le larynx même, ou — 357 — bien au-dessous de ce dernier. D'après M. Remer, sur 47 cas, l'ecchymose s'est trouvée trente-huit fois entre le menton et le larynx, sept fois sur le larynx même, et deux fois au-dessous de cet organe. Il faut avant d'assurer que cette lésion exisie ou n'existe pas, inciser le trajet coloré de la peau du col, pour se convaincre de l'étendue et de la direction de l'épanchement de sang dans le tissu cellulaire sous-cutané (Annales d'hygiène et de médecine légale, octobre 1830). Cadavres n'offrant point d'ecchymose au col et chez lesquels manquent plusieurs des signes mentionnés à la page 353 et suivantes. Dans les cas dont je dois maintenant faire mention, non-seu- lement il n'y a pas d'ecchymose au col, mais le plus souvent il n'existe aucune trace de congestion au cerveau ni dans les pou- mons. Ordinairement la face est pâle et non bouffie, les yeux ne sont pas saillans, la langue n'est ni mordue ni livide. A la vé- rité, certains cadavres de pendus qui se présentent sous cet état peu de temps après la mort des individus, offrent quelques heures après, si le lien a été conservé autour du col, de la bouffissure et une couleur violacée, de l'écume sanguinolente à la bouche, une couleur violette des extrémités, etc., mais encore une fois, ces effets dépendent de la conservation du lien autour du col. Quant à l'ecchymose au col, elle n'existe pas. Klein ne l'a pas observée chez quinze pendus qu'il a disséqués (Journal de médecine pratique de Hufeland, janvier 1815). Fleischmann rapporte quatre observations analogues et annonce qu'il pourrait en citer beaucoup d'autres (Annales 1832). Esquirol a publié en 1823 quatre faits de ce genre. Enfin j'ai consigné dans la deuxième édition de cet ouvrage huit exemples de même nature. Il faut le dire, plusieurs observateurs ont été induits en erreur pour n'avoir pas examiné aitentivement les parties ; de ce que la peau du sillon était brune, parcheminée, comme brûlée etplus ou moins amincie, ils ont conclu qu'il y avait ecchymose, c'est- à-dire un épanchement de sang dans le tissu cellulaire sous-cu- tané, tandis que si l'on eût incisé cette peau, on se fût assuré — 358 — bientôt qu'il n'en était rien, et qu'au contraire le tissu cellulaire sous la peau élait sec, blanchâtre, filamenteux et très serré. Les faits suivans mettront ces vérités hqrs de doute. NÉCROPSIE 4re. Une femme mariée, âgée de trente-six ans, qui s'était pendue au ciel de son lit, au moyen d'une forte corde, présente les signes suivans : la tête n'est ni gonflée, ni d'un rouge foncé; les vaisseaux de la tête ne sont pas distendus par le sang ; l'empreinte assez profonde du lien se remarque au devant dp col, précisément entre le larynx et l'os hyoïde et se prolonge eu haut des deux côtés vers l'occiput, dans une direction oblique, sous l'angle de la mâchoire inférieure, et derrière l'apophyse mastoïde vers l'occiput. Sa couleur est blanchâtre des deux côtés, et par derrière elle est d'un jaune pâle; la partie extérieure seulement offre dans son fond, sur quelques points peu étendus, une teinte bleuâtre. Cette empreinte présente, en gé- néral, des caractères comme si elle avait été produite après la mort, puis- qu'on n'y remarque pas la moindre trace d'ecchymose. Au-dessus et au- dessous de son trajet, sur les côtés droit et gauche du col, ainsi que dans la fosse sus-claviculaire, on aperçoit bien, sur la peau, une teinte d'un rouge foncé, mais cette teinte s'étend jusqu'à la partie postérieure, et s'y confond avec celle qui n'est évidemment qu'un effet cadavérique. Il n'existe ni dans le cerveau, ni dans les viscères thoraciques, aucun des signes ordinaires de la suffocation ou de l'apoplexie. On n'y trouve pasnorç plus la moindre trace de congestion sanguine. Les vaisseaux capillaires de l'intestin grêle sont fortement injectés, de sorte que cet organe présente dans toute son étendue une couleur d'un rouge-noir, traversée par des veines remplies d'un sang noir. Tout le canal intestinal est fortement dis- tendu par des gaz. A la partie moyenne du pancréas et à sa surface anté- rieure, on trouve un épanchement d'à-peu-près une cuillerée de sangextra- vasé; ce liquide ayant été enlevé, la glande paraît tellement ecchymosée à l'endroit qu'il occupait, qu'on doit regarder cet endroit comme la source de l'épanchement. NÉCROPSIE 2e. Un inconnu, du sexe masculin, âgé d'environ trente-six à quarante ans, robuste et ayant de l'embonpoint, fut trouvé pendu à un arbre, dans une forêt. Il s'était servi, pour se suicider, d'une courroie étroite et mince, et l'avait disposée de telle sorte autour du col, qu'à la partie antérieure, elle se trouvait justement entre le larynx et l'os hyoïde, de là elle se dirigeait de chaque côté de bas en haut, et exerçait une forte compression sous l'angle de la mâchoire inférieure, derrière l'oreille, puis descendait, à partir des apophyses mastoïdes, au bas et tout autour de la nuque. Du côté droit, au- — 359 — dessous de l'oreille, on remarquait une impression occasionnée par l'effet du nœud coulant. Le sillon produit par l'action de ce lien avait 7 milli- mètres de profondeur entre l'os hyoïde et le larynx; il était un peu moins profond du côté gauche, il l'était davantage, au contraire, à la nuque, et ne l'était presque pas du côté droit, où se trouvait le nœud. Ce sillon était rude au toucher, et d'une couleur jaune foncé. On ne voyait d'ecchy- mose nulle part, ni à la place que le lien occupait, ni au-dessus ni au-des- sous de son trajet. La dissection ne fit pas non plus découvrir de traces d'épanchement sanguin sous la peau. La face n'offrait aucun changement appréciable, elle était calme, non défigurée, pâle ; les yeux étaient à l'état naturel, leurs vaisseaux sanguins n'étaient pas injectés, leur globe n'était pas saillant, pas proéminent. La langue n'était ni mordue, ni livide ; les vaisseaux sanguins du cerveau, ceux du cœur et des poumons, ainsi que la partie supérieure du corps, contenaient à la vérité un sang fluide, mais ils n'en étaient pas gorgés outre mesure; ce sang conservait encore sa flui- dité quatorze jours après la mort ; il s'en trouvait à-peu-près une cuillerée à café dans le ventricule droit du cœur, le gauche était presque vide. Les deux poumons ont été trouvés dans un état de flaccidité très remarquable; ils étaient tellement refoulés dans la cavité pectorale, qu'ils ne recouvraient pas même latéralement le cœur. NÉCROPSIE 3c. Chez une femme âgée d'environ quarante-cinq à cinquante ans, qui après s'être fait elle-même une blessure légère et à peine saignante au cou, s'était pendue, on trouva la corde placée entre le larynx et l'os hyoïde. De là ce lien passant des deux côtés sous l'angle de la mâchoire inférieure et le som- met de l'apophyse mastoïde, effleurait l'os temporal, et montait oblique- ment en haut et en arrière vers la nuque; l'empreinte profonde et dure, of- frait au toucher la consistance de la corne et avait une couleur obscure d'un jaune sale ; on apercevait seulement çà et là une teinte légèrement bleuâtre. Le visage et le col étaient pâles ; nulle part on ne, voyait de traces de sugillation ou d'engorgement veineux ; la blancheur des yeux n'avait même rien perdu de son éclat ; la langue était dans son état naturel et ne faisait aucune saillie hors de la bouche. Lorsqu'on eut enlevé les té - gumens à l'endroit où la compression avait été exercée, on ne découvrit aucune trace d'extravasation sanguine. Le sang n'était épanché ni dans les cavités du corps, ni dans les parties que ces cavités contiennent ; seulement les veines caves supérieure et inférieure, et le ventricule droit du cœur en étaient remplis ; les poumons n'étaient pas distendus par l'air. NÉCROPSIE 4e. Un jeune paysan, âgé de treize ans, emprisonné pour un délit de police, fut trouvé une demi-heure après son arrestation, pendu au moyen de sa — 360 — cravate, et mort dans sa prison. Cette cravate était tordue autour de son col comme une corde, et entourait cette partie de manière à comprendre par devant l'os hyoïde au-dessus du larynx, puis elle effleurait les deux côtés de l'angle de la mâchoire, et se dirigeait de là derrière les apophyses mastoïdes vers la partie la plus inlérieure de l'occiput. Le sillon qu'elle avait tracé autour du col n'était pas profond ; l'os hyoïde était seulement refoulé sensiblement en arrière. L'endroit où la compression avait été exercée était d'une couleur un peu plus foncée que le reste de. la peau qui, sur ce même point, était rude au toucher. Nulle part il n'existait de sang exlravasé, non plus que d'autres marques de suffocation ou d'apoplexie. NÉCROPSIE 5e. Une femme aliénée se suicida en se plaçant horizontalement derrière le cou une corde dont les deux bouts, ramenés en avant, furent croisés sous le menton, et reportés derrière les oreilles et à la tète, pour les attacher à un pieu fixé à un talus sur lequel elle se glissa ; on détacha la corde, et le cadavre fut examiné immédiatement après la mort. La face n'était pas alté- rée, la peau n'était ni colorée ni ecchymosée ; la corde avait produit deux impressions l'une horizontale, l'autre oblique; la peau déprimée parla corde n'était pas changée de couleur, et il n'y avait aucune ecchymose ni au-dessus ni au-dessous du sillon formé par l'impression. Quelques heures après, le cadavre conservait encore tous les traits de la vie. La coloration, la bouffissure de la face, la couleur violacée des pieds, la raideur des mem- bres, ,ne commencèrent à se manifester que sept ou huit heures après la mort.Vingt heures après la suspension, la face était un peu bouffie, viola- cée, les membres étaient raides, les pieds et la moitié des jambes étaient violacés, le ventre ballonné. Ce cadavre fut ouvert vingt-cinq heures après la mort : alors les traits de la face étaient peu altérés, les yeux ouverts et brillans; la double impression de la corde était peu profonde, la peau sub- jacenle était brune, commebrûlée, sans ecchymose; le tissu cellulaire sous- cutané qui correspondait était resserré et dense, et présentait une bande- lette de 3 millimètres de largeur, d'un blanc brillant. Le cuir chevelu était injecté de sang noir. Les méninges l'étaient à peine; le cerveau n'of- frait aucune trace d'injection; les poumons et le cœur étaient vides de sang (Esquirol, Archives générales de Médecine, janvier 4 823). NÉCROPSIE 6e. Le cadavre d'une autre femme fut trouvé cinq ou six heures après la sus- pension ; la corde n'avait pas encore été détachée : la face était violette, les yeux entrouverts et brillans; il y avait une écume sanguinolente autour des lèvres, qui étaient livides ; les membres, la moitié des jambes, les pieds, dans l'extension, étaient violets ; tout le cadavre était refroidi ; le sillon oc-, — 301 — casionnépar la corde était très profond; la.peau qui le recouvrait était très brune, comme brûlée, mais sans ecchymose. L'ouverture du cadavre ne fut faite que vingt-neuf heures après la mort : alors la face était bouffie, vio- lacée, les yeux ouverts, les extrémités des membres très violacées, le ventre très ballonné, le tissu cellulaire sous-cutané correspondant au sillon était comme dans l'observation précédente ; il n'y avait aucune trace d'ecchy- mose au-dessus et au-dessous de la dépression produite par la corde. Le cuir chevelu était gorgé de sang ; les méninges étaient un peu injectées, le cerveau sain ; le cœur était rempli de sang noir et fluide ; la portion infé- rieure et postérieure du poumon droit était infiltrée par du sang noir, ce qui tenait évidemment à la mort et à la position verticale du cadavre (Es- quirol, ibid.). NÉCROPSIE 7e. Un homme se pendit en attachant les bouts d'un mouchoir à l'espagno- lette d'une des croisées de son appartement. On le décrocha peu de temps après, et on enleva le lien ; tous les secours pour le rappeler à la vie furent inutiles. Les trails de la face n'étaient point altérés; il n'y avait ni écume à la bouche ni ecchymose au cou (Esquirol). NÉCROPSIE 8e. Chez un autre individu qui s'était pendu depuis plusieurs heures, la bouf- fissure et la lividité de la face disparurent aussitôt que l'on eut rompu le lien; il en fut de même de la lividité du scrotum et du pénis, qui était dans un état de demi-érection (Esquirol). NÉCROPSIE 9 e. Un homme âgé de cinquante-cinq ans, enfermé dans un cachot depuis trois ou quatre jours ; après avoir coupé sa chemise en plusieurs lanières, avec lesquelles il fabriqua une sorte de corde, se pendit à un des barreaux de la fenêtre de la prison : il resta suspendu pendant six heures, et le lien ne fut détaché que lorsqu'on fit l'ouverture du cadavre, c'est-à-dire trente- six heures après la suspension. Les membres abdominaux présentaient un très grand nombre de petits points noirâtres qui correspondaient à l'im- plantation des poils; les doigts des mains étaient contractés. La face n'of- frait rien de remarquable; sa couleur était naturelle; les paupières se tou- chaient par leurs bords, et la conjonctive n'était pas injectée ; tes lèvres étaientdans l'étatnaturel; la langue portait l'empreinte des dents, mais elle était dans la bouche; on voyait au cou un sillon large de 42 à 15 millim, et de 3 millimètres de profondeur; il était situé en avant sur le larynx, et remontait obliquement et en arrière au côté droit et au-dessous de l'apo- physe tnastoïde, où le nœud de la corde avait été appliqué ; la peau qui le — 362 — revêtait ressemblait, par sa couleur, à du cuir tanné, et celte nuance était plus foncée aux parties qui avaient été comprimées ; elle était sèche comme du parchemin, et considérablement amincie ; les muscles sous-jacens n'of- fraient pas la moindre trace d'ecchymose; le tissu cellulaire intermédiaire était sec, blanchâtre, filamenteux, et nullement ecchymose. Les veines ju- gulaires interne et externe, ainsi que les thyroïdiennes du côté gauche, étaient gorgées et fortement distendues par du sapg noir et fluide ; la ju- gulaire interne de l'autre côté contenait quelques caillots mêlés à du sang fluide. Les poumons étaient grisâtres, légèrement marbrés de rose ; leur vo- lume était très considérable, et ne diminuait pas sensiblement^ lorsqu'on les pressait, ce qui tenait probablement à de l'air infiltré dans le tissu cellu- laire interlobulaire. Le poumon droit, incisé prés des gros troncs veineux, donnait à peine une petite quantité de sang ; cependant son tissu était brun à sa partie postérieure, et fournissait, parla pression, un fluide sanguino- lent; le gauche était gorgé de sang, et il s'en écoulait une quantité consi- dérable lorsqu'on l'incisait près des gros troncs veineux; du reste, ils étaippt l'un et l'autre crépitans. La surface interne des cerceaux cartilagi- neux de la trachée-artère présentait une multitude d'arborisations noirâ- tres qui semblaient appartenir aux capillaires veineux. Les vaisseaux qui rampent à la surface du cerveau étaient tellement gor- gés de sang noir, que, lorsqu'on détachait la dure-mère, il s'écoulait une grande quantité de ce liquide : il y avait un épanchement séreux entre la dure-mère et le cerveau, surtout au niveau des apfractuosités du cerveau. La substance cérébrale était piquetée de taches rouges plus considérables que dans l'état naturel ; les ventricules latéraux contenaient environ une cuillerée de sérosité chacun ; on en voyait à peine dans le quatrième ven- tricule ; les veines du plexus choroïdien étaient injectées, ainsi que celles qui s'y rendent du corps strié et des parties voisines : ces plexus étaient dilatés par des vésicules séreuses. 11 y avait une quantité assez considéra- ble de sérosité sur la tente du cervelet; les veines qui rampent à la sur- face de cet organe étaient peu injectées, ainsi que celles qui traversent sa portion médullaire. L'épiploon, l'estomac et tout le canal intestinal étaient injectés; le foie et la rate étaient de couleur naturelle; les reins étaient for- tement injectés ; la membrane interne de la vessie était légèrement rou- geatre. NÉCROPSIE 10e. On remarqua à-peu-près les mêmes altérations chez une femme âgée de quarante ans, qui s'était pendue avec une corde d'environ 40 millimètres de diamètre, que l'on n'avait détachée et enlevée que sept heures après la suspension. Le cadavre fut ouvert vingt-sept heures après la mort : le tissu cellulaire et les muscles qui correspondent au sillon n'étaient pas plus ec- chymoses que dans l'observation précédente. - 303 — NÉCROPSIE 14 e. Un commissionnaire âgé de quarante-huit ans se pendit le 3 mai 4823, à neuf heures du soir; il resta dans cette position jusqu'au lendemain à six heures du matin ; la corde, dont le diamètre était d'environ 40 millimètres fut détachée alors, mais il me fut impossible d'ouvrir le cadavre avant le 6 mai, à dix heures du matin. La face était gonflée et livide, les yeux in- jectés, la langue ne dépassait point les lèvres; celles-ci étaient livides et tu- méfiées. On voyait au cou un sillon circulaire, relevé et anguleux sur le côté gauche de la mâchoire inférieure, nu-dessous du masséter ; il était à peine manifeste au niveau de l'os hyoïde, tandis qu'il était beaucoup plus marqué sur le côté droit du larynx et du cou ; la peau de ce sillon était brune à son extérieur; on aurait cru qu'il y avaitdu sang épanché dansle tissu cellulaire ; cependant on vit bientôt qu'elle n'avait été que fortement froissée et desséchée ; les muscles correspondans n'étaient non plus le siège d'aucune ecchymose; les méninges étaient injectées; la partie infé- rieure des poumons était gorgée de sang ; le cœur ne contenait qu'une pe- tite quantité de ce fluide ; du reste le cadavre exhalait déjà une odeur fétide très marquée. NÉCROPSIE 4 2e. Chez deux individus qui s'étaient pendus, et dont il me fut impossible d'ouvrir les corps, j'observai, en disséquant les sillons, qu'ils étaient comme dans les nécropsies précédentes ; la face n'était ni colorée, ni tu- méfiée ; la langue ne sortait pas de la bouche ; l'un de ces cadavres était resté suspendu pendant deux heures, tandis que chez l'autre la corde n'a- yait été détachée qu'au bout de cinq heures e} demie ; je les examinai vjngt-quatre heures après la mort. NÉCROPSIE 4 3e. N*** fut conduit le 4 7 décembre 4 826 au corps-de-garde du château-d'eau, près le Palais-Royal ; il y était depuis un quart d'heure au plus, lorsqu'on le trouva pendu à l'espagnolette de l'une des croisées ; une moitié de mou- choir avait servi de lien, et le corps se trouvait placé obliquement contre le mur, comme si les pieds eussent glissé en avant ; la hauteur de l'espa- gnolette prouvait évidemment qu'il n'avait pu y avoir suspension, et que l'individu avait simplement glissé en avant. Examen du corps le 20 décembre. Le cadavre, fortement musclé, est d'une haute stature, et n'exhale point de mauvaise odeur. La face est déco- loré, sans gonflement, sans injection vasculaire. Les paupières sont entre ouvertes; la bouche n'est point déviée; les lèvres sont décolorées; il en est de même de la langue, qui ne sort pas de la bouche ; l'intérieur de celle-ci est également décoloré. On ne voit aucune trace d'écume et l'on apprend — 364 — qu'il n'y en avait pas non plus immédiatement après la mort, ni lorsque le cadavre fut transporté à la Morgue. La peau de la partie supérieure du cou offre une teinte viuiacée-rougeàtre, s'étendant obliquement de l'espace qui sépare l'os hyoïde du larynx à la partie postérieure de la tête, en longeant les apophyses mastoïdes ; la largeur de cette marque est de 4 centimètres à gauche ; elle est moins sensible à mesure qu'on se rapproche de la protu- bérance occipitale, et ne semble plus consister qu'en quelques marbrures longitudinales de moins en moins colorées, au point qu'elles disparaissent entièrement à 3 centim. environ de cette protubérance. La teinte violacée de la partie droite du cou est moins large et tire plus sur le rouge ; elle est distincte jusqu'à une plus grande hauteur que celle de l'autre côté : on re- marque dans cette même partie du cou, une légère dépression oblique (sorte de sillon) dont le fond est décoloré et dont les bords offrent une rou- geur violette. Faisons observer toutefois que la tête était penchée du côté de la dépression, et que celle-ci suivait le bord antérieur du muscle sterno- mastoïdien correspondant; il serait possible dès-lors, que cette espèce de sillon fût le résultat de la position de la tête. Il existe au-devant de la sail- lie formée parle larynx, quelques légères excoriations tout-à-fait superfi- cielles. Du reste, ni cette partie, ni la portion gauche du col n'offrent au- cune trace de sillon. Le lien a évidemment agi sur une large surface. Les autres parties extérieures du corps sont dans l'état naturel, si ce n'est que l'on voit la région lombaire et les fesses en partie recouvertes par des ma- tières fécales durcies, ce qui annonce une évacuation alvine au moment de la suspension. Le pénis est flasque, sans apparence d'érection antérieure ; le scrotum est d'un rouge violacé. La dissection des tégumens du cou fait voir une légère injection des vais- seaux capillaires, qui donne à la partie postérieure de la peau, et au tissu de la peau lui-même, dans l'étendue de la coloration extérieure déjà men- tionnée, une teinte rougeatre et non violette ; cette teinte résulte de la ré- plétiondes capillaires sous-cutanés et cutanés ; elle ne constitue pas, à pro- prement parler, une ecchymose. Les muscles du cou et le larynx sont dans l'état naturel. Les gros troncs vasculaires de cette partie sont remplis de sang noir liquide. Les poumons sont crépitans, sains; leur partie postérieure est gorgée de sang noir liquide (On sait que le cadavre était couché sur le dos au mo- ment du refroidissement). Les bronches et leurs divisions contiennent une quantité notable d'écume rougeatre. Le cœur est vide, le péricarde renferme environ une cuillerée de sérosité. Tous les viscères du bas-ventre sont in- jectés et d'un violet livide, comme dans l'asphyxie. L'estomac ne contient qu'un peu de matière pulpeuse rougeatre. La vessie, entièrement contrac- tée sur elle-même, ne renferme que environ une cuillerée à café d'urine. Les vaisseaux des méninges, du cerveau et du cervelet, sont peu gorgés de sang, ainsi que les veines du rachis. On ne découvre aucune trace d'é- — 365 — • panchement sanguin ni séreux dans les ventricules du cerveau. Les liga- mens des vertèbres cervicales sont dans l'état naturel. NÉCROPSIE 14e. Un malade, âgé de vingt-quatre ans, entra à la clinique de la Charité offrant tous les symptômes d'une péritonite. Dans la nuit du 19 au 20 fé- vrier 4 827, entre deux heures et demie et trois heures moins un quart, on le trouva à genoux sur le lit, le corps un peu penché en avant et retenu par la corde fixée au ciel du lit, laquelle entourait le cou en faisant un tour simple retenu en arrière par un nœud situé vis-à-vis la nuque. On avait vu le malade descendre de son lit un instant auparavant, de sorte que la sus- pension existait tout au plus depuis un quart d'heure quand on s'aperçutde l'accident et qu'on coupa la corde. Le chirurgien de service, appelé aussi- tôt, pratiqua une saignée à la jugula ire, insuffla de l'air dans la bouche,etc.; mais toutes ces tentatives furent inutiles. Au moment où le cadavre fut replacé sur le lit, la face n'offrait aucune lividité, aucun gonflement, elle était décolorée; l'extrémité de la langue faisait une légère saillie entre les arcades dentaires ; la surface du gland et les draps du lit étaient mouillés de sperme très reconnaissable à son odeur et aux autres caractères physiques ; le pénis était légèrement gonflé etnon en érection; les membres n'était pas raides. Autopsie cadavérique (30 heures environ après la mort). Cadavre déco- loré, à l'exception de la face dorsale du tronc, qui présente des lividités as- sez prononcées; raideur musculaire assez marquée; nulle injection ou co- loration de la face ni du globe oculaire ; la bouche est maintenue large- ment ouverte par un bouchon qui avait été placé entre les dents quand on pratiqua l'insufflation pulmonaire : la membrane muqueuse qui la tapisse est pâle; la peau delà verge et du scrotum est légèrement violacée. Il existe au-devant du cou une impression demi-circulaire, ayant la forme d'un croissant à concavité supérieure, dont le milieu répond précisé- ment à l'intervalle qui sépare le cartilage thyroïde du cricoïde : cette im- pression, qui se prolonge de chaque côté sur les parties latérales du cou, cesse d'être apparente au-delà du niveau des angles de la mâchoire, dont elle est distante de 4centimtres; plus large du côté droit que du côté gauche, elle a dans le premier sens plus de 4 5 millimètres de largeur, tan- dis qu'elle se rétrécit à gauche, où elle se bifurque sensiblement à 4 centi- mètres environ de sa terminaison. Il n'y a point de sillon à proprement parler, mais le dessèchement de la peau rend cette portion des tégumens légèrement déprimée ; dans toute l'étendue de cette impression, l'épiderme est enlevé, et la peau présente une teinte jaunâtre évidemment produite par le dessèchement du derme privé d'épiderme ; les tégumens sont secs et comme tannés; la peau de la partie inférieure du cou au-dessus de cette impression a une teinte violacée très légère, due à sa transparence, qui • - 366 — laisse vdir quelques veines 90ùs-cutanées injectées, et les fibres plus fon- cées des deux peauciers et dès stèrno-mastoïdiens ; la peau qui est au-des- sus de la même impression est complètement décolorée, et l'on ne distin- gue au-dessous d'elle aucune injection vasculaire. La dissection des tégumens de toute la partie inférieure du cou, fait voir Qu'il n'existe aucune trace d'injection vasculaire; aucune ecchymose, au- dessous de l'impression du lien : le tissu cellulaire est au contraire sec et décoloré. Les fibres musculaires correspondantes des muscles peauciers offrent le même aspect ; elles sont exsangues, et comme desséchées. Le larynx et la trachée-artère n'offrent aucune lésion, la membrane mu- queuse est légèrement rosée. À la naissance des bronches et dans leurs prin- cipales divisions, on trouve un mucus très écumeux, résultant probable- ment de l'air insufflé. Le tissu des poumons est d'un beau rose dans les lobes supérieurs ; sa couleur est plus foncée dans les lobes inférieurs, qui contiennent du sang noir, mais en petite quantité. Les cavités gauches du cœur sont vides de sang ; les cavités droites en renferment une petite quan- j tité; il est noir et très liquide, de même que Celui qui remplit les gros troncs vasculaires de la poitrine et du cou. Les vaisseaux et les sinus des. membranes cérébrales contiennent peu de satlg; il est également noir et très liquide. La pie-mère qui recouvre les circonvolutions de l'encéphale est très peu injectée.La substance cérébrale est très ferme; coupée par tranches, elle laisse écouler des gouttelettes as- sez nombreuses d'un sang noirâtre et liquide. La distinction des substances grise et blanche est très prononcée. Le cervelet est également ferme ; son '■ injection n'est pas plus prononcée que celle du cerveau. On trouve dans l'abdomen une péritonite récente développée consécuti- ■ vement à un étranglement interne de l'intestin grêle déterminé par une bride épiploïque ; la vessie, entièrement revenue sur elle-même, contient environ 4 grammes d'urine blanchâtre. NÉCROPSIE 4 5e. Le sieur Parys, serrurier, âgé de soixante-deux ans, s'est pendu le 24 avril 4827, à quatre heures et demie du matin. J'ai examiné le cadavre cinq heures après ; il était resté suspendu. Le corps était porté par une corde delà grosseur du petit doigt, dont on avait fait un nœud coulant; il était pendu verticalement et à-peu-près à 4 8 centimètres de terre ; la dis- tance qui séparait le cou du cadavre du point du fléau de la balance où la corde avait été attachée, était d'environ 54 centimètres. La face était pâle et non tuméfiée; le bord des lèvres et leur membrane muqueuse étaient dé- colorés, la bouche fermée ; les arcades dentaires légèrement écartées, lais- saient voir la langue, qui ne s'avançait pas dans leur intervalle, et ne pré- sentait aucune tuméfaction. Il s'écoula une petite quantité de liquide jau- nâtre au moment où l'on écarta les lèvres pour examiner l'état de la langue, — 367 —■ mais il n'y avait point d'écume. Les paupières de l'œil gauche étaient fer- mées ; celles de l'œil droit étaient entr'oùvertes ; les yeux n'étaient ni in- jectés ni salllâns ; les pupilles étaient dilatées. Il n'y avait aucune saillie des veines du front. Là tête était renversée eh arrière et inclinée de telle sorte que l'occiput s'approchait de l'épaule gauche ; la face regardait en haut et à droite. Le sillon de la corde s'étendait horizontalement d'arrière en avant, de- puis la partie postérieure du coù jusqu'au niveau, et peut-être un peu âù- dëssus de l'os hyoïde; ce sillon, à-peu-près ciréulaire, était profond d'en- viron 45 millim.; la peau qui le recouvrait offrait un couleur jaunâtre, comme celle de la peau uri peu desséchée : une petite crête ou éminence de la peau divisait ce sillon, suivant sa longueur, ëh deux parties de même largeur; cette saillie correspondait à l'intervalle des deux chefs de là corde : j'ai déjà dit que celte dernière formait un nœud coulant; ce nœud, placé au-dessous de la partie latérale droite du menton, avait déterminé une impression digitale, au niveau de laquelle la peau offrait le même as- pect que dans lé sillon circulaire : à partir de ce point, les deux chefs de la corde s'élevaient sur le côté droit de la mâchoire pour y gagner le point du fléau de la balance où ils étaient fixés. La peau des parties qui avoisinaient le sillon, était fortement ptissée. Le cou était tuméfié et tendu au-dessous du sillon. La chemise était tachée d'une petite quantité de sperme encore humide. Le membre viril n'était pas en érection. Les mains étaient à moi- tié fermées. La rigidité cadavérique commençait à s'établir. La position et l'attitude du cadavre, ainsi que la profondeur du sillon, annonçaient que cet individu s'était élancé avec force, au moment de la suspension. Ouverture du cadavre,\e lendemain à sept heures du matin. Le cadavre est pâle comme la veille ; il est raide et ne présente sur aucune partie du corps d'autre trace de violence que celle qui a été produite par la corde • le dos est le siège de nombreuses lividités cadavériques. Examen du sillon. Le tissu cellulaire sous-cutané qui lui correspond est condensé, desséché surtout en arrière, où ce sillon est plus profond; la peau de cette partie du sillon, soulevée et placée entre l'œil et la lumière, est transparente comme un morceau de parchemin; on ne découvre aucune ecchymose dans ce tissu cellulaire sous cutané, la peau n'est même pas injectée. L'os hyoïde, for- tement refoulé en arrière, est fracturé dans la portion qui soutient les deux cornes droites ; cette fracture rend la corne droite très vacillante, et per- met de la rapprocher de celle du côté opposé. Les muscles sus et sous-hyoï- diens ne sont le siège d'aucune ecchymose. Il n'en est pas de même de ceux de la partie postérieure du cou : en effet, après avoir enlevé la peau de cette région, et le trapèze, qui sout dans l'état naturel, on voit des ecchy- moses dans la portion des splénius, qui répond au sillon, et surtout à la face antérieure du splénius droit; le grand complexus droit n'offre rien de remarquable, mais le gauche est fortement ecchymose ; on trouve aussi du — 368 — sang épanché entre le grand et le petit complexus, et surtout dans l'épais- seur de ce dernier, du transversaire et du transversale épineux. Les ver- tèbres cervicales, et les ligamens qui les unissent sont dans l'état normal. La peau du crâne, le péricrâne, la dure-mère, lesveinesde la pie-mère ne présentent rien de remarquable. La consistance du cerveau et du cerve- let est comme dans l'état naturel ; leur substance blanche, incisée, offre plusieurs points rouges; les ventricules latéraux et le canal rachidien con- tiennent une assez grande quantité de sérosité transparente. Les poumons, d'un aspect ordinaire en avant, sont violets en arrière ; leur base n'est pas aussi engorgée que le bord postérieur, ce qui tient pro- bablement à ce que la cadavre n'était pas encore parfaitement refroidi quand on a détaché la corde ; ils sont libres de toute adhérence, très crépi- tans, et contiennent une quantité de sang noir fluide, qui dépasse à peine celle que l'on trouve dans l'état naturel. On voit dans le larynx et dans la partie inférieure de la trachée-artère, un peu A'écume incolore. Le larynx n'est le siège d'aucune lésion ; la membrane muqueuse de la trachée-artère est recouverte, dans sa moitié droite, d'une couche de mucus sanguinolent, facile à détacher; elle est pointillée de rouge. Le péricarde et le cœur sont dans l'état naturel ; les cavités gauches de ce viscère sont vides; les droites ne renferment plus qu'une petite quantité de sang liquide noirâtre; mais elles paraissent s'être vidées pendant la dissection du cou, lorsque la tête était dans une position déclive; en effet, il s'est écoulé alors environ 380 grammes de sang noir très liquide. Le foie, plus pâle qu'à l'ordinaire, n'offre rien de remarquable. La vési- cule biliaire est à moitié remplie d'une bile jaune orangé, assez consis- tante. La rate n'est ni tuméfiée, ni gorgée de sang ; elle paraît dans l'état na- turel. Les reins, un peu gorgés de sang, présentent cependant leur couleur ordinaire; les uretères sont dans l'état normal. La vessie, resserrée sur elle- même, cachée derrière le pubis, contient environ 60 gramm. d'urine lou- che, blanchâtre. L'épiploon est légèrement injecté. Le pancréas paraît sain. L'estomac non distendu, renferme à peine 60 gramm. d'un liquide grisâtre, d'une odeur alcoolique ; la membrane muqueuse est très rouge par pla- ques (4). Les intestins sont dans l'état naturel. NÉCROPSIE 4 6e. Le 26 juillet 4 825, vers les cinq heures de l'après-dîner, l'épouse d'un marchand de gravures, demeurant à Liège, femme d'une très belle sta- ture, douée d'un tempérament nerveux-sanguin, âgée de vingt-cinq ans, fut trouvée pendue à une poutre de son grenier, où il n'y avait pas plus de (1) Cet homme abusait depuis plusieurs années de liqueurs spiritueuses : il avait même avalé de l'aniselte un quart d'heure avant de se pendre. — 369 — deux heures qu'elle était montée. Elle était élevée a 54 centimètres au- dessus du plancher, et à deux pas d'elle se trouvait une chaise renversée. Un billet écrit au crayon, en langue italienne, prouvait et le désordre de ses idées et sa détermination au suicide. Une corde très forte avait impri- mé à la peau une trace profonde, decouleur brune, oblique d'avant en ar- rière, et de bas en haut, partant de la partie tout-à-fait supérieure du cou et remontant derrière les oreilles. Le menton était fléchi sur la poitrine. La langue ne sortait pas de la bouche. La, face, dans l'état naturel, ne pré- sentait par conséquent ni tuméfaction, ni altération de couleur. Les yeux n'étaient pas rouges, les lèvres n'étaient pas gonflées. Autopsie cadavérique faite dix-huit heures après la mort. Face toujours dans l'état naturel ; point d'ecchymose au cou ; la peau du sillon était assez semblable à une escarre produite par la brûlure ; le tissu cellulaire et les muscles du cou n'étaient point contus, mais du sang était épanché der- rière les deux premières vertèbres, qui présentaient à leur partie postérieure un écartement bien remarquable. Ces deux vertèbres ayant été enlevées avec précaution, nous avons trouvé les ligamens postérieurs rompus; le trans- verse un peu remonté et très distendu, maintenait l'apophyse odontoïde fortement serrée contre la surface articulaire correspondante de l'atlas. Les ligamens odontoïdiens étaient demeurés intacts (Ansiaux de Liège), NÉCROPSIE 47e. Joséphine, âgée de vingt-sept ans, descendit, le 22 janvier 1834, dans une cave où se trouvaient plusieurs cordes, et se pendit à la r ampe de Tes calier ; la corde ne fut coupée qu'après une heure et demie. A huit heures du matin, le cadavre n'était pas défiguré ; la face et les lèvres étaient pâles; la bouche et les yeux étaient entre-ouverts. A dix heures, quoique la moyenne de la température fût de 9° environ, son corps conservait une lé- gère moiteur. A quatre heures du soir, les articulations du coude et du ge- nou étaient encore flexibles, mais on ne pouvait séparer les deux mâchoi- res. L'ouverture du cadavre fut faite trente heures après la mort. L'embon- point est médiocre ; le corps est raide, la face pâle non tuméfiée ; il en est de même des lèvres et des paupières. La bouche et les yeux sont entre-ou- verts ; la langue est située derrière les arcades dentaires; il n'y a pas d'é- cume dans l'arrière-bouche. A l'ouverture du crâne, on voit beaucoup de sang à l'extérieur de la dure-mère ; l'épanchement de ce sang paraît dû, en partie au moins, aux coups de marteau qui ont servi à briser le crâne. La substance cérébrale est injectée ; les couches optiques, les corps striés, le cervelet, la protubérance et la substance corticale le sont moins. Il n'y a pas d'adhérence dans les méninges. Le cerveau est ferme, et les parois du crâne assez épaisses. La peau du cou présente un sillon dirigé obliquement de droite à gauche et de haut en bas ; la partie la plus élevée d ce sillon correspond à l'angle II. 24 — 370 — de la mâchoire du côté droit ; en ce point existe sur la peau une dépression due au nœud de la corde. Le sillon passe au-devant de l'os hyoïde ; il ré- sulte de cette disposition que les vaisseaux du côté gauche du cou devaient seuls être comprimés. Au-dessous du sillon, la veine jugulaire externe est distendue par des gaz. Sur le trajet du sillon, la peau est jaunâtre, parche- minée. Le tissu cellulaire sous-jacent est très adhérent à cette membrane; il n'y a ni ecchymose, ni fracture de l'os hyoïde, ni des cartilages; ou ne voit aucune trace de l'impression du sillon sur les muscles ; les tuniques des jugulaires et des caTotides ne sont point rompues ; la colonne vertébrale n'est point luxée. Les poumons, d'une teinte rosée, contiennent peu de sang. Les parois du cœur paraissent épaisses ; les cavités gauches, chose remarquable, renfer- ment plus de sang que les droites. La veine-çave en contient peu {Annales d'hygiène. n° dejanvier \ 83$,[Observation communiquée par M. AlbinGros). j NÉCROPSIE 18e. I En juin 1828, M. Amussat ayant ouvert le cadavre d'un pendu, observa que les membranes interne et moyenne des artères carotides primitives étaient coupées nettes, comme dans le cas de leur ligature. La publi- ; cation de ce fait éveilla l'attention du docteur Alphonse Devergie, qui se proposa de déterminer s'il était constant. Voici les résultats des recher- f ches consignées par ce médecin dans le n° d'octobre 1829 des Annales f d'hygiène et de médecine légale. Sur treize ouvertures que j'ai faites, 1 dit-il, je ne l'ai observé qu'une fois et seulement sur la carotide pri- mitive gauche : une pression plus forte avait été exercée de ce côté par le I lien. On apercevait à l'extérieur et à quelques lignes environ au-dessous de | la division de l'artère carotide externe et interne, une injection marquéede l la tunique celluleuse, plus prononcée sur la paroi antérieure de l'artère que \ sur sa partie postérieure ; cette injection qui se rapprochait un peu de l'ec- j chymose, était d'un rouge bleuâtre. Tout le tissu cellulaire environnant était sain ; et chez ce sujet, comme chez presque tous les pendus, il n'exis- \ tait aucune ecchymose, ni dans le tissu cellulaire sous cutané, ni dans le tissu cellulaire profond, ni dans les muscles. L'artère était un peu plus su- perficiellement placée et le point affecté correspondait à l'écartement que laissent, en haut, les muscles sterno-cléido-mastoïdiens, et ceux qui s'at- tachent à l'os hyoïde pour se rendre au sternum ou à l'omoplate. L'artère vue en dedans présentait une couleur blanche ; il n'y avait au- cune trace d'injection ; à quatre ou cinq lignes de sa division en carotides externe et interne, on apercevait une section nette des deux tuniques in- ternes de l'artère, à bords minces, droits, non frangés. On eût dit qu'elle avait été faite par un instrument tranchant. Aucun épanchement de sang n'avait eu lieu dans l'intervalle des tuniques ; seulement la lèvre inférieure de la section était légèrement humectée de sang Les deux lèvres de la plaie offraient une disposition différente ; la lèvre supérieure était relevée, re- — 371 — dressée en haut et détachée dans l'étendue de deux à trois lignesde la tu- nique celluleuse ou extérieure ; la lèvre inférieure était comme adhérente aux parois artérielles. Le lien appliqué au cou consistait en deux ficelles, accolées l'une à l'autre, qui comprimaient le cou circulairement, en sorte que le sillon n'était pas interrompu en arrière. L'individu s'était pendti à un arbre dans le bois de Vinœnnes. Les poumons étaient peu colorés et nulle- ment gorgés de sang : ce fluide existait en quantité égale dans les cavités droites et gauches du cœur. Les veines du cerveau étaient gorgées, ainsi que les veines de la dure-mère. Le cerveau lui-même était piqueté ; ses Ventricules contenaient un peu de sérositérosée. S m. Effets de l'application d'un lien autour du col des individus morts depuis quelque temps. Il était important de déterminer si par suite de l'application d'un lien autour du col des sujets morts depuis quelque temps, il pouvait se manifester sur les parties pressées des altérations superficielles et des lésions de la colonne vertébrale sembla- bles à celles que Ton observe chez des individus qui ont été pendus vivans et chez lesquels il n'y a aucune trace d'ecchymose au col. De plus, on devait rechercher si l'état d'érection du pénis, et la présence du sperme dans l'urètre, signes auxquel- les M. Devergie avait attribué une si grande valeur, n'étaient pas souvent des phénomènes cadavériques tout-à-fait indépendans de l'asphyxie par suspension. Les expériences suivantes sont pro- pres à éclaircir ces questions, et je puis assurer qu'il y aurait plus que de l'imprudence à considérer les altérations de la région du col et les particularités signalées dans l'état des organes génitaux dont je parle, lorsqu'elles existent chez des individus pendus, même de leur vivant, comme ayant été constamment pro- duites avant la mort. Expériences concernant l'état du col. 1° Douze cadavres d'individus de différens âges, ayant succombé à des maladies aiguës ou chroniques, ont été pendus avec des cordes de 7 à ! 2 millimètres de diamètre ; on les a laissés dans cette position pendant vingt- quatre heures; alors le lien a été détaché. La face était pâle et de volume ordinaire, les yeux nullement injectés, la langue élait restée dans la bou- che ; le sillon fait par la corde, la peau correspondante à ce sillon et 24. — 372 — le tissu cellulaire sous-jacent, étaient absolument tels qu'ils ont été dé- crits dans le § IIe, page 355, en parlant de la suspension pendant la vie. Trois de ces cadavres avaient été pendus immédiatement après la mort, trois autres ne l'avaient été qu'au bout de vingt-quatre heures, lorsque déjà'ils étaient froids et raides ; la suspension des six autres avait eu lieu deux, six, huit, quatorze, et dix-huit heures après la mort. 2° Quatre chiens vivans ont été pendus avec des liens qui avaient tout au plus 3 millimètres de diamètre ; deux d'entre eux ont été détachés dix minutes après la mort, tandis que les deux autres sont restés sus- pendus pendant vingt-quatre heures : on n'a observé ni injection de la conjonctive, ni de la langue ; le sillon était peu marqué et sans la moindre altération de la peau ; les muscles du cou n'étaient point ecchymoses ; l'état des poumons, du cœur et des viscères abdominaux annonçait que les ani- maux étaient morts asphyxiés; les vaisseaux superficiels du cerveau étaient injectés. 3° Désirant savoir si le défaut d'altération à la peau du cou ne tiendrait pas à la présence du poil et à la petitesse du lien, on a pendu deux chiens, dont on avait préalablement rasé le cou, avec une corde de 15 millim. de diamètre. L'un d'eux a été examiné immédiatement après la mort : la peau du sillon ne présentait aucun changement; l'autre a été laissé suspendu pendant vingt-quatre heures, et on a pu s'assurer que la peau du sillon était racornie et desséchée, comme cela a lieu quelquefois chez l'homme; le tissu cellulaire sous-cutané était sec, serré, dense; du reste, la con- jonctive et la langue n'étaient point injectées ; il n'y avait aucune trace d'ecchymose dans les muscles du cou; l'état des organes contenus dans le thorax et dans l'abdomen prouvait évidemment que les animaux étaient morts asphyxiés. 4° La rupture des tuniques des artères carotides signalée pour la pre- mière fois par M. Amussat. En 1828 ce chirurgien observa que ces tuniques étaient coupées nettes comme dans le cas de leur ligature, chez un homme qui s'était pendu ; mais depuis M. Devergie a constaté sur plus de douze sujets, plusieurs heures après la mort, que les artères restaient intactes, lors même que le cou avait été serré avec beaucoup de force à l'aide d'une corde. De son côté, M. Malle a déterminé cette rupture deux fois sur des cadavres en appliquant un lien très serré entre le? cartilages cricoïde et thy- roïde ; il est vrai qu'il n'a obtenu rien de semblable en opérant sur quatre- vingts sujets. Tout porte à croire qu'en multipliant les expériences, dans des conditions variées, quant à l'âge, au sexe, à la force ou àla faiblesse de la constitution, aux maladies, etc., on produira plus d'une fois sur les ca- davres la rupture dont il s'agit. Quoi qu'il en soit, le médecin légiste devra dans son rapport, ainsi que ledit judicieusement M. Malle, noter avec soin le lieu et le caractère de la section, si elle existe, indiquer les moyens qu'il a employés pour la constater et déterminer s'il y a ou non injection ecchy- mosée de la tunique celluleuse. Je ferai remarquer d'ailleurs que l'on n'ob- — 373 — serve ce signe que très rarement dans la suspension pendant la vie, ce qui diminue encore singulièrement son importance. Ne doit-on pas s'étonner, après ces considérations que M. Devergie ait attaché assez de valeur à la rupture des tuniques des artères carotides, pour prétendre que ce signe est le plus concluant de tous lorsqu'il s'agit de re- connaître si la suspension a eu lieu avant ou après la mort [Médecine légale, p. 490, t. ne.)? Expériences concernant l'état de la colonne vertébrale. Les auteurs de médecine légale ont à peine effleuré la ques- tion relative aux désordres qui peuvent exister dans la colonne vertébrale, soit à la suite de la suspension par suicide, soit par ' l'effet de violences exercées sur les corps après la mort. J'ai été conduit à m'occuper de cette question par le retentissement qu'a eu l'affaire Dauzals, jugée par la cour d'assises du Tarn, et pour laquelle je fus officieusement consulté, tant par le ministère pu- blic que par mon confrère, M. le docteur Rigal, auteur d'une consultation en faveur des accusés. Voici les principaux traits de cette cause importante. Dans la journée du 15 septembre 1839, vers une heure de l'après-midi, on apprit, dans le village d'Holmière, commune deMontpinier, canton de Lautrec, que le nommé Dauzats venait d'être trouvé pendu dans l'écurie de sa maison. On accourt; la porte de l'écurie est ouverte; on trouve le cadavre suspendu par le cou, à l'aide d'une corde, à une poutrelle du toit de l'écurie élevée d'environ 2 mètres ; il est assis sur le sol; la tête et le tronc étaient un peu inclinés du cô!é gauche ; les jambes étaient allon- gées; les vêtemens ne présentaient aucun désordre; la partie de la corde- qui passait autour du cou était appliquée sur le col du gilet et de la che- mise ; sur la tête du cadavre était placé un bonnet de laine qui y tenait à peine ; autour du cadavre, le sol ne présentait aucune trace de piétine- ment : il paraissait avoir été balayé depuis peu. Informéde l'événement, M. le juge de paix de Lautrec se transporte im- médiatement sur les lieux ; mais les premiers renseignemens qu'il recueille et le cri général des habitans d'Holmière qui signale déjà tout ce qu'il y a d'étrange dans la pendaison de Dauzats, déterminent ce magistrat à re- quérir pour l'examen du cadavre deux médecins de Lautrec. Ceux-ci arri- vent le lendemain. « Le cadavre, disent nos confrères, n'était pas suspendu « perpendiculaire ; il y avait entre la corde qui le suspendait, et un fil à « plomb pris au niveau du cou une distance de 20 centimètres pris « horizontalement. Pour bien caractériser le degré de suspension , « nous avons pris la distance de la partie supérieure^ de la tête sans — 374 — « bonnet au sol sur'lequel il appuyait; elle a été de 83 centimètres, « et la corde détachée, la distance de la même sommité de la tête au « sol n'a été que de 81 centimètres et demi. Il en est résulté un affaisse- « ment d'un centimètre et demi. La chemise au point correspondant aux « parties sexuelles était tachée de sang, » Après ce premier examen, pré- voyant un cas de médecine légale fort épineux, nos deux confrères de- mandèrent à être assistés par deux autres hommes de l'art. Le 17 sep- tembre, vingt-quatre heures après que la corde eut été détachée du cou, l'autopsie du cadavre fournit les résultats suivans : la face est pâle ; l'œil gauche est couvert par les paupières qui sont fermées ; l'œil droit est en- tre-ouvert et pru proéminent; on n'aperçoit aucune trace d'injection; les pupilles sont légèrement dilatées ; la bouche est fermée et paraît pleine de bouillie de maïs délayée, regorgeant de l'estomac; la langue, sans altéra- tion, est retirée en arrière des arcades dentaires qui sont entrecroisées. Le cou présentait à peine sur quelques points une légère empreinte s'effaçant sous le doigt et ne donnant point au tact de sensation différente de celle qui était perçue sur l'étendue normale de la peau. Les tissus sous-cutanés de cette région étaient à l'état normal sans la plus petite trace d'ecchy- mose. L'articulation de la première vertèbre du cou sur la seconde était dé- placée à gauche; autour de cette luxation, les parties molles étaient restées saines. Dans le canal rachidien, la moelle était libre de toute compression et à l'état normal. Le pénis n'est point en érection ; la portion de chemise qui recouvre immédiatement cette partie est récemment humectée d'un liquide ayant une odeur d'urine très prononcée. Sur la pommette gauche existe une large ecchymose avec infiltration sanguine du tissu cellulaire sous-jacent. La main droite porte une autre petite ecchymose sans im- portance. Le tronc était le siège de grandes taches noirâtres, résultat de la putréfaction. On voyait une ecchymose et des traces de contu- sions profondes et^ étendues sur la presque totalité du scrotum ; vers la partie moyenne et postérieure , nous avons observé deux petites égratignures qui nous ont paru avoir fourni un peu de sang dans les der- niers instans de la vie ; du sang épanché était infiltré dans tous les tégu- mens celluleux du scrotum ; le testicule droit ne devait son épanouisse- ment qu'à un commencement d'hydrocèle; néanmoins, autour de lui l'in- filtration sanguine était plus intense; les petits vaisseaux répandus dans la substance propre des testicules étaient injectés de sang noir. Les membres pelviens n'ont rien présenté de remarquable. Les sinus du. crâne, et en gé- néral tous les vaisseaux veineux encéphaliques, étaient gorgés de sang noir et liquide; les membranes péricérébrales et la totalité du cerveau étaient dans l'état normal. Le cœur, d'un volume médiocre, contenait une petite quantité de sang noir et liquide dans les cavités droites; l'oreillette et le veqtricule' étaient entièrement vides. Les poumons étaient d'une couleur noire assez prononcée ; en les incisant des deux côtés, on voyait que le pa- renchyme était crépitant et que du sang noir suintait des surfaces divisées — 375 — par l'instrument tranchant. Tous les autres organes étaient sains. Il résulte de ces observations : 1° que Dauzats semble avoir succombé dans un état d'asphyxie ; 2° que la suspension ne paraît pas avoir été la cause de cette asphyxie ; 3° que la position dans laquelle le cadavre a été trouvé, d'ac- cord avec les résultats de l'autopsie, portent à croire, au contraire, que cette suspension n'a été pratiquée qu'après la mort. Toutefois, nous de- vons déclarer que, de l'aveu des médecins légistes, l'art, en cette circon- stance, est impuissant à lever tous les doutes, et ne peut que faire naître des soupçons d'homicide, soupçons corroborés ici par les désordres du scrotum, qui nous semblent montrer auprès de Dauzats expirant, l'action d'une main criminelle et étrangère. Un crime avait donc été commis, suivant nos confrères. Catherine Beauté et Joseph Dauzats, épouse et fils de la victime, furent aussitôt accusés d'en avoir été les auteurs. Matthieu Dauzats jouissait d'une fortune de 13,000 fr. environ qu'il devait à une économie qui dégénérait même en avarice. De son mariage avec Catherine Beauté, il avait eu trois enfans, un garçon et deux filles. Ce ménage vivait dans un assez bon accord, lorsque Joseph Dauzats, l'aîné des trois enfans, ayant accompli sa vingtième année, fut appelé au tirage au sort, et amena un mauvais numéro. Les ressources de la famille paraissaient bien suffisantes pour qu'un remplaçant pût lui être pro- curé ; mais les sacrifices pécuniaires que l'acquisition du remplaçant al- laient entraîner, devaient répugner auxhabitudes parcimonieuses du père. Cependant il se décida à garder son fils dans sa maison ; il traita pour un remplaçant avec une compagnie, au prix de 4,500 francs ; un dédit de 4 00 francs est stipulé contre celle des deux parties qui voudra se dégager du marché. Mais bientôt Dauzats se repentit de ce traité, surtout lorsqu'il eut appris que le remplaçant de son fils n'avait coûté à la compagnie que 4,000 francs. Dès-lors, il n'a plus de repos; il dit à qui veut l'entendre qu'il est ruiné, que son fils le réduit à la misère, qu'ils iront tous deman- der l'aumône. Enfin il se rend à Castres pour rompre le traité, porteur d'une partie de la somme montant du dédit stipulé ; il sollicite une réduc- tion du prix convenu ; sur le refus qu'il éprouve, il se retire en promet- tant de revenir quelques jours après pour consommer cette résiliation. Ces inquiétudes, cesdémarches ne pouvaient être ignorées de Catherine Beauté et de son fils ; celle-ci voulait à tout prix conserver son enfant au- près d'elle ; Joseph Dauzats devait comparaître sous peu devant le conseil de révision. Dès le moment où Matthieu Dauzats avait paru revenir sur le projet de donner un remplaçant à son fils, des querelles journalières et toujours re- naissantes s'élevèrent entre lui, sa femme et son fils. Des menaces avaient été plusieurs fois proférées. Dauzats avait été souvent maltraité par Ca- therine Beauté et son fils; il s'était plaint dans plusieurs circonstances à des voisins des mauvais traitemens dont il était l'objet. « Si je ne me gar < dais pas, disait-il à un témoin, peu de jours avant sa mort, ils me tue- — 376 — raient; mon fils est assez fort pour en tuer deux comme moi. >» Catherine Beauté se serait opposée, dit un autre témoin, à ce qu'il allât demeurer dans une autre maison, en disant : « Il faut qu'il meure ici, et bientôt. » Plusieurs témoins déclarent que, dans la matinée du 15 septembre, jour de dimanche, ils auraient entendu qu'on se querellait vivement dans la maison de Dauzats. Dauzats fils fut aperçu allant à une maison voisine qui appartenait à son père, puis rentrant chez lui ; il avait l'air triste et mar- chait la tête baissée. Plus tard, vers les onze heures et demie, des gémisse- mens sinistres partent de l'écurie de la maison de Dauzats ; la voix de ce dernier est parfaitement reconnue; on l'entend crier jusqu'à quatre fois d'une voix qui allait s'affaiblissant : « Hai ! hai ! ô mon Dieu ! et les per- sonnes témoins de ces cris, quoique habituées aux querelles incessantes de cette famille, en sont tellement effrayées qu'elles croient que l'on étouffe et que l'on tue Matthieu Dauzats. L'instruction apprend encore que Cécile, l'une des filles de Matthieu, âgée de huit ans, avait dit que le jour de la mort de Dauzats, sa mère lui avait bandé les yeux, et que, comme elle pleurait de rester ainsi, sa mère lui dit : Ce sera bientôt fait. Le docteur Rigal de Gaillac, consulté par les prévenus, rédigea un mé- moire médico-légal qui fut imprimé et distribué long-temps avant l'ou- verture des débats; ce travail, dans lequel la partie médico-légale de l'affaire est longuement discutée, se termine par les conclusions suivantes : 1° Matthieu Dauzats est mort par asphyxie; 2° la suspension paraît avoir été la cause de cette asphyxie, en déterminant d'abord l'engorgement cé- rébral et bientôt après la luxation plus rapidement mortelle de la première vertèbre cervicale sur la seconde; 3° la position dans laquelle le cadavre a été trouvé, les circonstances matérielles du fait, les signes fournis par l'é- tat extérieur du corps, et en particulier de la face et du cou, les enseigne- mens qui découlent de l'autopsie cadavérique, sont loin d'indiquer comme les experts l'ont pensé que la suspension fut pratiquée après la mort ; 4° la suspension écartée, il n'existe chez Dauzats aucun signe capable de mon- trer la cause de l'asphyxie à laquelle il a succombé ; 5° les ecchymoses, les contusions du scrotum sont des lésions anciennes, selon toutes les appa- rences; en aucun cas, elles n'auraient pu amener la mort immédiate par asphyxie, dont il faut trouver la raison suffisante avant de conclure au crime ; 6° les soupçons d'une suspension exécutée pendant la vie, et avec violence, par des meurtriers, sont repoussés par la vraisemblance et par les circonstances matérielles du fait ; 7° rien ne démontre dans les pièces soumises à notre appréciation, et en particulier dans les rapports des méde- cins experts, que Matthieu Dauzats ne s'est pas volontairement ôté la vie par suspension; 8° la justice doit chercher ailleurs que dans les documens de la science et ses inductions, appliqués aux faits de la cause, les preuves, s'il en existe, du crime dont Joseph Dauzats fils et Catherine Beauté, sa mère, sont prévenus. Les débats de cette affaire s'ouvrirent à Albi le i juin 4 840, le jour — 377 — même de mon départ de cette ville pour Paris. Invité par le ministère pu- blic à rester encore quelques jours pour entendre les dépositions contradic- toires des médecins et pour donner mon avis, je ne pus accéder à cette de- mande, et je me bornai à formuler ainsi mon opinion, que je communiquai verbalement à M. le procureur général Plougoulm d'abord,puis au docteur Rigal. Dauzats est mort asphyxié; l'asphyxie peut, à la rigueur, reconnaître pour cause la constriction opérée par la corde et être l'effet d'un suicide ; mais dans cette hypothèse, il est impossible d'admettre, vu la position dans laquelle a été trouvé le cadavre, qu'il y ait eu déplacement de la pre- mière vertèbre sur la seconde et à plus forte raison luxation ; au reste f rien ne constate, dans le procès-verbal d'autopsie, que cette luxation ait existé. Les faits s'expliquent beaucoup mieux en admettant qu'il y a eu homicide, que les parties génitales ayant été fortement comprimées, il s'en est suivi une vive douleur qui aura déterminé une syncope, que la victime aura été étouffée, puis pendue après la mort. Dans ce cas, les désordres observés dans la colonne vertébrale, s'il en a existé, auraient été produits par des violences exercées sur le col du cadavre. Comme chacun le suppose, la controverse fut vive pendant les débats, entre le docteur Rigal et les experts qui professaient une opinion contraire à la sienne ; ceux-ci déclarèrent qu'on pouvait passer l'extrémité du petit doigt à gauche entre les deux premières vertèbres, que les ligamens n'é- taient pas rompus, que la moelle ne paraissait pas avoir été comprimée et qu'il n'y avait aucune trace d'ecchymose. Catherine Beauté et Joseph Dauzats, reconnus coupables, furent con- damnés à la peine de mort et exécutés. Le lendemain de leur condamna- tion ils firent l'un et l'autre les aveux suivans en présence de M. le procu- reur général, du procureur du roi et de l'aumônier delà prison. Ils avaient serré les organes génitaux par-dessus le pantalon ; Dauzats tomba en syn- cope ; on l'étouffa au moyen d'un bonnet de laine placé sur la bouche et le nez, et comme l'agonie se faisait attendre, Dauzats fils monta sur le ventre avec les genoux, ce qui fit sans doute refluer la bouillie de maïs jusque dans la bouche. Le cadavre fut ensuite traîné à l'écurie, où ils lui passèrent la corde au cou ; alors on lui tourna violemment la tête. Il résulte encore de ces aveux que ce n'est pas seulement pour exempter de la conscription le fils Dauzats, que le crime avait été commis, mais encore pour pouvoir se livrer sans obstacle à la passion la plus-hideuse et la plus dénaturée. Il ne sera pas inutile d'ajouter, pour mieux faire ressortir l'importance de la question qui va m'occuper, que huit jours auparavant, la Cour d'as- sises du Tarn avait déjà jugé une affaire analogue. Le nommé Couronne avait été assommé et étranglé par sa femme, qui, pour faire prendre le change sur la cause de sa mort, avait pendu le cadavre. Là aussi les ex- perts disaient que la suspension avait eu lieu après la mort, tandis que le docteur Rigal soutenait un système entièrement opposé- Après des débats — 378 — animés entre celui-ci et le docteur Causse, médecin distingué d'Albi, le jury déclara la femme Couronne coupable d'assassinat, et la condamna aux tra- vaux forcés à perpétuité. Dès le lendemain cette femme avoua avoir commis le crime. Voici, à l'occasion de ces affaires, les points sur lesquels j'ai cru devoir porter mon attention. J'ai successivement examiné : A. S'il est possible, à l'aide de certaines violences, de déterminer sur des cadavres suspendus une luxation de la première ou de la deuxième, vertèbre cervicale. B. Si l'on peut, par les mêmes moyens, produire, sur des cadavres éga- lement suspendus, des luxations, des fractures, etc., dans les autres par- ties delà région cervicale de la colonne vertébrale. C. Si la luxation de la première vertèbre sur la seconde peut avoir lieu chez une personne que des assassins auraient pendue vivante. D. Si dans l'un et dans l'autre de ces cas , des luxations , des fractu- res, etc., dans un point quelconque de la région cervicale de la colonne vertébrale inférieure à la deuxième vertèbre, peuvent être le résultat d'un suicide ou d'un homicide par pendaison. E. S'il existe des caractères tirés de l'état de la colonne vertébrale pro- pres à faire reconnaître si la suspension a eu lieu pendant la vie ou après la mort. Première question. Est-il possible, à l'aide de certaines violences, de déterminer sur des cadavres suspendus une luxation de la première ou de la deuxième vertèbre cervicale ? Pour résoudre cette question, j'ai tenté un assez grand nombre d'expé- riences sur des cadavres d'adultes âgés de 20 à 75 ans ; parmi ces sujets, 14 appartenaient au sexe masculin ; ils étaient pris indistinctement sans avoir égard au genre de mort, au poids, à l'embonpoint, etc. Dans un premier mode d'expérimentation , qui portait sur 4 4 cadavres, le corps était pendu au moyen d'un nœud coulant passé sous la mâchoire et sur la nuque, le tronc adossé à un mur, les membres inférieurs ainsi que l'une des fesses reposant horizontalement sur le sol, tandis que l'autre fesse était élevée de 3 à 8 centimètres, exactement dans la même position où l'on avait trouvé le cadavre de Dauzats : alors on exécutait brusquement et avec force la flexion et l'extension de la tête, on opérait une ou plu- sieurs torsions à droite et à gauche. Une fois l'apophyse odontoïde fut frac- turée à sa base ; on avait combiné la torsion avec une brusque et forte ex- tension ; mais cette apophyse, nullement déplacée, était maintenue fixe et immobile à sa place, et ne comprimait point la moelle ; les ligamens — 379 — odontoidiens étaient intacts; il n'existait aucune autre lésion à la colonne cervicale; le sujet de cejte observation était une femme de 30 ans, maigre et à chairs molles. Une autre fois, la 2e vertèbre offrait une fracture hori- zontale, divisant le corps vers le milieu de sa hauteur sans aucune saillie des fragmens, qui n'étaient point déplacés; les ligamens étaient intacts, et l'on n'apercevait aucune autre lésion à la colonne cervicale : l'individu était âgé de 75 ans, et la manœuvre avait consisté en une seule flexion brusque et violente de la tête. Chez les 42 autres sujets, on ne remarqua aucune lésion de la première ni de la deuxième vertèbre. Dans un autre genre d'expérimentation qui portait sur six cadavres, le corps étant suspendu au moyen d'un nœud coulant, et les pieds se trou- vant à un mètre de distance du sol, un homme robuste se précipitait rapi- dement sur les épaules du cadavre où il restait assis, ou bien montait de- bout sur ses épaules, pesant ainsi de tout son poids et de toute sa force. La dissection la plus attentive ne fit découvrir aucune altération dans les deux premières vertèbres ni dans les tégumens qui les unissent. On ne manquera pas d'objecter à ces faits que le meurtre de Dauzats prouve cependant la possibilité de luxer la première vertèbre sur la se- conde ; en effet, les assassins ont avoué n'avoir pendu et violenté cet homme qu'après la mort, et d'un autre côté les experts ont déclaré que la luxation dont il s'agit existait, puisqu'ils ont pu passer l'extrémité du petit doigt à gauche entre les deux premières vertèbres. Il est aisé de démontrer que cette observation ne prouve rien, parce qu'elle est incomplète et inexacte. On ne parle pas de la disposition des surfaces articulaires des apophyses et surtout de l'odontoïde; on ne dit pas quels étaient les rapports de celle-ci avec le ligament transverse. Mais ce qui surprendra davantage, c'est que l'on ait pu passer l'extrémité du petit doigt entre les deux vertèbres, lors- qu'on affirme que les ligamens n'étaient pas rompus; ici il y a évidemment confusion ; le doigt n'a pas pu^être introduit entre les vertèbres; il a été appliqué sans doute "sur la capsule ligamenteuse non déchirée et intacte, sur les bords et dans les environs des surfaces articulaires; on a poussé un peu de dehors en dedans, et comme dans cette portion de l'articulation, la capsule est lâche et que les deux masses latérales de l'atlas jouent beau- coup sur l'axis, on a pu croire avoir introduit le doigt entre les deux ver- tèbres ; tandis qu'on l'avait simplement enfoncé à travers la capsule, qui. je le répète, n'était pas déchirée. Il y a mieux , alors même qu'il y aurait eu luxation de l'apophyse odontoïde, on n'aurait pas pu introduire le doigt entre les deux vertèbres. Comment croire d'ailleurs qu'il n'y eût aucune trace d'ecchymose ou d'altération de la moelle, à la suite de violences exer- cées immédiatement après la mort et qui auraient été assez fortes pour pro- duire la luxation de là première sur la seconde vertèbre. Ces réflexions suffisent et au-delà pour établir que l'autopsie de Dautzats ne saurait in- firmer les résultats de mes expériences. — 380 — Il reste maintenant à expliquer dans ces expériences, comment la vio- lence ayant été assez forte pour rompre une fois l'apophyse odontoïde et une autre fois Yaxis, la luxation de la première sur la seconde vertèbre n'ait cependant pas eu lieu. La disposition anatomique des parties peut rendre raison de ce fait. On sait que chez les sujets avancés en âge et chez les personnes grêles et faibles, la résistance des ligamens transverse et odontoïdiens est supérieure à celle de la substance osseuse elle-même : or, dans les deux cas dont je parle, il s'agissait d'un vieillard âgé de 75 ans et d'une femme de 30 ans, maigre et à chairs molles. D'ailleurs, tous les chirurgiens savent que certains ligamens se rompent plus difficilement que la parlie osseuse sur laquelle ils sont implantés, et que Dupuytren a parti- culièrement signalé le fait pour la colonne vertébrale. J'ajouterai que les articulations des deux premières vertèbres étant disposées pour exécuter des mouvemens fort étendus, elles évitent l'effort dans quelque sens qu'il soit dirigé; ainsi que dans un mouvement exagéré de rotation le tronc suive l'impulsion donnée à la tête, toute la force s'épuisera à mouvoir le tronc; au contraire, que le tronc soit maintenu fixe, les vertèbres infé- rieures du cou, beaucoup moins mobiles que les premières, se luxeront ou se fractureront avant que l'étendue normale des mouvemens de l'atlas et de l'axis soit dépassée. Deuxième question. Peut-on à l'aide de certaines violences produire sur des cadavres suspendus , des luxations, des fractures, etc., dans les autres parties de la région cervicale de la colonne vertébrale ? Parle premier mode d'expérimentation, deux fois les ligamens jaunes furent déchirés, dans un cas entre la 2e, la 3* et la 4e vertèbre, et dans l'autre, entre la 3e et la 4e seulement; dans les deux expériences, les apo- physes épineuses correspondantes pouvaient être facilement écartées au point d'admettre le bout du petit doigt et de toucher et voir la moelle épi- nière. Sur un de ces cadavres, il y avait dans le canal du sang épanché qui recouvrait la dure-mère jusqu'au niveau du trou occipital. De son côté, M. Malle est parvenu à déchirer les ligamens jaunes au point d'introduire le doigt et de le faire arriver jusque dans le canal vertébral. Deux fois aussi, l'un des disques intervertébraux était incomplètement rompu ; dans un des cas, la rupture qui portait sur le disque placé entre la 5e et la 6« vertèbre, était considérable et accompagnée d'une déchirure des ligamens qui unissent l'apophyse articulaire droite de la 5e avec la 6e ver- tèbre, à ce point que dans un mouvement exagéré de torsion, on pouvait déplacer et luxer ces deux apophyses articulaires; dans l'autre cas, il n'y avait qu'une légère déchirure du disque qui sépare la 6« de la 7« vertèbre. Six fois l'un des disques intervertébraux était complètement rompu avec un écartement considérable des vertèbres et une altération sensible de la moelle épinière. Cette rupture qui donnait lieu à une véritable luxation — 381 — existait deux fois entre la 2« et la 3e vertèbre, trois fois entre la 3e et la 4e, et une fois entre la 5e et la 6e. Les manœuvres employées furent toujours une flexion suivie d'une ex- tension et combinée avec la torsion. Les individus étaient morts, trois de- puis quelques minutes, un autre depuis quatre heures, les autres depuis 5, 7,4 4 ou 47 heures (1). Par le second mode d'expérimentation on ne produisit aucune lésion à la colonne vertébrale sur cinq sujets; les ligamens n'étaient ni luxés ni frac- turés. L'un deux, très vigoureux, âgé de 30 ans, fut pendu 6 heures après la mort; une femme âgée de 50 ans, maigre, grêle, trente-sept heures après la mort ; les autres, âgés de 20 à 25 ans, 28 à 34 heures après la mort. Dans deux cas, un adulte robuste s'était précipité avec force sur les épaules en s'élançant en avant; pour les trois autres, l'aide montait debout sur les épaules et sautait plusieurs fois de manière à imprimer aux cadavres des mouvemens variés et étendus. Le sixième sujet, avant d'être pendu, avait été soumis à la flexion, à l'extension et aux torsions dont j'ai parlé : c'était un homme de 50 ans, et l'on trouva le disque interposé entre la 5e et la 6e vertèbre complètement rompu, lésion qui reconnaissait évidemment pour cause les manœuvres qui avaient précédé la pendaison. Indépendamment de ce qui vient d'être dit, j'observai une fois la fracture du cartilage cricoïde qui était ossifié, et une autre fois la luxation de la grande corne de l'os hyoïde. La plus grande fréquence de déchirures, des fractures et des luxations dans les vertèbres moyennes et inférieures qu'à l'atlas et à l'axis, à la suite des manœuvres violentes que j'avais fait exécuter sur des cadavres, s'ex- plique aussi par leur moindre mobilité. Nous savons que, dans une chute sur la main, le radius peut être fracturé , tandis que le poignet n'est pas luxé; c'est parce que celui-ci est extrêmement mobile, dit Dupuytren, et que le radius se brise avant que l'effort ait pu amener la luxation, et une (1) On lit dans la Clinique chirurgicale de M. Larrey, Paris, 1830, tome ni, page 412, l'observation d'un caporal, âgé de liente-deux ans, qui se précipita dans la Sambre, les bras et la tête en avant, dans un endroit où l'eau n'avait qu'un mètre de profondeur. On vit cet homme se débattre pendant quelques minutes, et il déclara, après avoir été retiré de l'eau, qu'il avait vivement porté la tête en ar- rière par un mouvement machinal pour la garantir du choc. La mort survint onze heures et demie après l'accident. A l'ouverture du cadavre , faite vingt-six heures après le décès, on reconnut que le corps de la cinquième vertèbre cervicale était fracturé en travers, un peu au-dessus du milieu de sa hauteur, que ses deux lames, dont l'une tient à l'apophyse épineuse, étaient séparées des niasses latérales; ces deux fragmens étaient fort mobiles, et l'un d'eux comprimait la moelle et avait déterminé les accidens éprouvés par le blessé. Le docteur Revillay, auteur de cette observation, pense que la fracture dont il s'agit n'a pu être causée que par une violente contraction des muscles extenseurs de la tète et du cou. - 382 — fois la fracture produite, tout ce qui reste de force s'épuise et se consume à déplacer les fragmens. Il en est de même de la colonne vertébrale : on fléchit, on étend, on tord vigoureusement la tète ; si la violence est assez considérable pour produire une lésion, ce sera d'abord dans la partie moyenne ou inférieure de la colonne -9 cela fait, toute la force est perdue, et ne peut plus rien sur les deux premières vertèbres. Troisième question. La luxation de la première vertèbre sur la se- conde peut-elle avoir lieu chez une personne que Von pend âe son vivant ? Quelque difficile que soit cette luxation, la plupart des auteurs de mé- decine légale admettent qu'elle est possible. Je vais examiner les faits sur lesquels ils s'appuient, et je pense que, s'il ne résulte pas de cet examen qu'une pareille luxation soit impossible dans l'espèce, du moins parvien- drai^ à prouver que la question est encore indécise. 4° Le célèbre A. Louis, frappé de la rapidité avec laquelle le bourreau de Paris faisait périr les individus qu'il pendait, apprit de lui qu'il déter- minait la luxation des vertèbres cervicales, en faisant exécuter au tronc des mouvemens de rotation, tandis que la tête était fixe. « A Paris, dit-il, un « pendu a presque toujours la tête luxée, parce que la corde placée sous « la mâchoire et l'os occipital, fait une contre-extension. Le poids du corps « du patient augmenté de celui de l'exécuteur, fait une forte extension. « Celui-ci monte sur les mains liées du patient, qui lui servent comme « d'étrier; il agite violemment le corps en ligne verticale, puis il fait faire « au tronc des mouvemens demi circulaires alternatifs et très prompts d'où « suit ordinairement la luxation de la première vertèbre. Dès l'instant, le a corps qui était raide et tout d'une pièce, par la contraction violente de « toutes les parties musculeuses, devient très flexible ; les jambes et les « cuisses suivent alors tous les mouvemens que l'on donne au tronc, et « c'est alors que l'exécution est sûre (4 ). » Je ferai d'abord observer que Louis ne dit nulle part qu'il se soit assuré par la dissection, que dans les cas dont il s'agit, la première vertèbre fût luxée sur la seconde. Quant à la flexibilité qui survient brusquement, et qui , dans l'hypothèse de Louis, serait le résultat de la compression de la moelle, elle s'explique tout aussi bien en admettant que la mort prompte reconnaît pour cause la luxation de la 2e ou de la 3* vertèbre, et même, à la rigueur, une asphyxie complète avec congestion cérébrale. Mes expériences d'ailleurs militent contre l'opinion de Louis ; des ca- davres ont été pendus verticalement et à distance du sol ; un homme, deux hommes, trois hommes robustes ont successivement monté sur leurs épaules en pesant de tout leur poids : certes il y avait là extension et contre-exten- sion ; les corps exécutaient des mouvemens brusques et demi circulaires, car à chaque saut sur les épaules, ils pirouettaient, et pourtan t je n'ai ja- (1) OEuvres de chirurgie, tome Ier, page 333. — 383 — mais observé la luxation dont il s'agit. Dira-t-on que je n'ai pas agi sur des individus faibles? Ce serait une erreur, puisque deux des sujets étaient dans cette condition ;'kd'ailleurs que signifient quelques kilogrammesde plus ou de moins pour vaincre la résistance de ligamens tels que ceux qui unissent l'atlas à l'axis? Objectera-t-on que les choses se passent autrement sur le vivant que sur le cadavre? Soit, mais alors je dirai, contre l'opinion expri- mée par M. Velpeau à l'Académie, qu'il devrait être plus difficile d'opérer la luxation sur le vivant, parce que les tissus résistent davantage et que les muscles agissent en affermissant les articulations. J'ajouterai que MM. Mackensie et Monro n'ont jamais observé de pa- reilles lésions, quoiqu'ils aient disséqué chacun plus de cinquante cadavres d'individus qui avaient péri par le supplice de la pendaison. Il est vrai que le mode suivi en Angleterre pour infliger le dernier supplice n'est accompagné ni de tiraillemens, ni de mouvemens brusques, puisque le cri- minel étant placé sur une plate-forme de 3 mètres de haut, les bras atta- chés sur le côté du corps et une longue corde d'environ 80 centimètre autour du cou, l'on se borne, pour le pendre, à retirer subitement de des- sous les pieds la plate-forme qui lui sert de soutien ; le corps se trouve ainsi suspendu en l'air au moyen de la corde seule. 2° Ch. Bell cite un exemple de luxation de l'apophyse odontoïde (4). Un homme voulant faire franchir à la roue d'une brouette, l'angle d'un trot- toir à Londres, fit un puissant effort ; entraîné par la force impulsive, il tomba et. fut relevé mort. L'apophyse odontoïde avait passé sous le liga- ment transverse et comprimait la moelle. On ne saurait trop dire si l'im- pulsion en avant et la résistance- du corps furent les seules causes de la luxation, ou si celle-ci ne fut pas produite dans la chute par le choc oblique de la tête sur le pavé. En tout cas ici les muscles agissaient pour produire le déplacement ; et qui pourrait calculer leur puissance, tandis que Chez l'homme que l'on pend, la contraction musculaire tend à retenir en place les surfaces articulaires? 3° On connaît l'histoire de ce jeune enfant dont a parlé J.-L. Petit, et qui, maladroitement soulevé par le menton, s'agitait de tout son corps (2). Suivant l'auteur l'apophyse odontoïde avait passé sous le ligament trans- verse; toutefois il n'est pas dit que l'ouverture du cadavre ait été faite. Cet accident est facile, a-t-on dit, chez l'enfant, parce que chez lui l'apophyse est peu développée et que sa tête n'est pas si fortement retenue que chez l'adulte dans l'anneau ostéo-fibreux. A cela je répondrai que tous les jours on soulève des enfans, comme le fit l'ouvrier dont parle Petit, et que l'ac- cident ne s'est pas encore reproduit une seule fois, et qu'ayant tordu et fait tordre vigoureusement le cou de quatre cadavres d'enfans d'un à deux ans, et ayant fixé les mentons sur l'angle d'une table, j'ai fait exécuter une exten- (1) Système nerveux, page 140. (2) Maladies des os, tome r*r, page 67. • — 384 - sion sur le tronc et une contre-extension sur la tète. Chez trois d'entre eux il y eut séparation complète des deux vertèbres inférieures du cou ; chez aucun on ne trouva de lésion ni à la première ni à la deuxième vertèbre, ni dans les ligamens qui les unissent ; pourtant l'apophyse odontoïde était entièrement cartilagineuse chez tous ces sujets. Mais j'irai plus loin et j'ad- mettrai que la luxation de la 4resur la 2B vertèbre puisse facilement s'o- pérer chez l'enfant, cela prouverait-il qu'il doit en être de même chez l'adulte, dont les articulations sont bien autrement maintenues? D'ail- leurs il n'est pas difficile de voir que le mécanisme dont a parlé Petit, doit beaucoup plus favoriser la luxation que celui qu'employait le bourreau de Paris. Chez l'enfant que soulève un homme vigoureux, !la tète est très fixe, en sorte que tous les mouvemens de l'enfant portent leur effort sur ^l'arti- culation du tronc avec la tête. Chez le pendu, au contraire, il existe bien une force verticale qui agit tout entière en haut et en bas sur la tête et sur le tronc, mais la force de rotation qui devait avoir le plus d'effet pour pro- duire la luxation est perdue, épuisée dans les mouvemens de la corde qui suit la tête; celle-ci n'étant pas fixe, doit à son tour suivre le tronc dans les mouvemens demi circulaires qu'on lui imprime. Je ne crois pas devoir mentionner quelques histoires de luxation de la 4re vertèbre sur la 2e, arrivée lentement après un travail analogue à celui d'une tumeur blanche ; ces cas ne sauraient regarder la question qui m'oc- cupe. Je ne parlerai pas non plus du fait rapporté par Lassus, dans lequel après un choc très fort sur l'occipital, la tête étant fléchie, il y eut luxation de cet os sur l'atlas; il ne s'agissait plus là d'extension et de contre-exten- sion, mais bien d'une force vigoureusement appliquée qui chassait la tête obliquement sur la colonne vertébrale. 4° Le docteur Richond du Puy, et beaucoup d'autres observateurs, ont opéré la luxation de la 4r« sur la 2e vertèbre sur les chiens j les chats, etc. soit en tirant en sens opposé la tête et la queue, soit en tordant le cou, soit en faisant exécuter au corps des mouvemens de rotation, la tête étant fixe. Dans toutes ces circonstances, dit M. Richond, la moelle rachidienne a été lésée entre la 4le et la 2e vertèbre cervicale. Pour savoir à quoi m'en tenir sur ce point, j'ai pendu trois chiens adultes, de taille moyenne et robustes; deux hommes saisissant les pattes de derrière faisaient des tractions de toutes leurs forces- A l'ouverture des cadavres, on s'est assuré que les ver- tèbres cervicales n'étaient ni déplacées ni fracturées, à l'exception toutefois de l'apophyse odontoïde, dont le sommet était cassé, précisément là où s'implantent les ligamens odontoïdiens; ceux-ci étaient intacts ainsi que le ligament transverse dont les rapports avec l'apophyse odontoïde n'étaient point changés. J'admettrai volontiers que si la violence eût été plus forte et plus prolongée, les ligamens odontoïdiens auraient pu être déchirés et que l'apophyse odontoïde passant alors sous le ligament transverse, la luxation de la 4re sur la 2e vertèbre aurait eu lieu. Est-ce à dire pour cela que les choses doivent se passer de même dans — 385 — l'espèce hunl»ine?Non, certes : si nous comparons l'articulation atlofdo- axoïdienne de l'homme à celle des chiens, des chats et des lapins, nous verrons que la première est beaucoup plus forte et par conséquent beau- coup plus résistante; les ligamens odontoïdiens du chien, par exemple, sont évidemment plus faibles que ceux de l'homme dont la force est prodi- gieuse ; le ligament transverse moins large ne s'applique pas aussi bien ni à beaucoup près sur l'apophyse odontoïde; celle-ci d'une forme conique, nullement renflée au sommet, où elle n'est pas retenue, peut glisser sous le ligament transverse beaucoup plus aisément que celle de l'homme où elle présente un renflement considérable du sommet, que le ligament transverse embrasse en quelque sorte très étroitement. Quatrième question.— La suspension pendant la vie, qu'elle soit l'effet d'un suicide ou d'un homicide, peut-elle donner lieu à des luxations, à des fractures, etc., dans un point de la région cervicale de la colonne vertébrale inférieur à la deuxième vertèbre ? Je réponds par l'affirmative, d'après ^es expériences que j'ai tentées; sans doute, il a fallu des manœuvres en général assez violentes pour obte- nir les lésions dont je parle ; mais on conçoit que chez des personnes âgées et chez d'autres d'une constitution faible et maladive, l'effort qui accompagne la suspension par suicide suffise pour déterminer, sinon desdé- sordres considérables, du moins quelques-unes des altérations que j'ai si- gnalées; à plus forte raison celaaura-t-il lieu dans la pendaison par homi- cide. Ici se place naturellement une question importante; on sait que la mort serait instantanée dans un cas de luxation de la première sur la deuxième vertèbre cervicale ; en serait-il de même dans le cas de déplace- ment de la troisième ou de la quatrième? Je suis porté à le croire, parce que dans cette région la moelle est fort peu éloignée de la moelle allongée, et que la destruction subite de ce cordon nerveux, si près du bulbe rachidien, doit amener d'autant plus immédiatement la mort que l'individu, parle seul fait de la strangulation, se trouve dans l'imminence d'une asphyxie ou d'une apoplexie. Cinquième question.—Existe-t-il des caractères tirés de l'état de la co- lonne vertébrale propres à faire reconnaître si la suspension a eu lieu pen- dant la vie ou après la mort? Le docteur Richond du Puy n'hésite pas à se prononcer pour l'affirma- tive ; il pense même qu'il n'est pas impossible, après avoir reconnu que la suspension a eu lieu pendant la vie, de déterminer si elle est le résultat du suicide ou d'un homicide. « Si le cadavre qu'on examine a été trouvé pendu, « dit ce médecin, et qu'on ait démontré l'existence d'une luxation, on doit « d'abord s'assurer si la luxation a été faite avant ou après la suspension ; II. 25 — 386 — « car, dans le premier cas, il serait facile de voir que la suspension n'a été « qu'un moyen de déguiser le crime. On reconnaîtra cette suspension con- « sécutive à la mort, à l'absence de la rougeur, de l'excoriation de la « peau, etc. Dans le cas où la mort n'aurait été que consécutive à la sus- ce pension, il resterait à déterminer si elle a élé opérée par une main ho- « micide, ou si elle a été le résultat d'une mort volontaire. Si le cadavre « observé est fort pesant, si les ligamens sont relâchés, si la figure est « décolorée, les yeux ternes, ses membres ballotans ; si on ne trouve pas « de fractures des autres vertèbres et si les organes intérieurs sont engor- « gés, il est évident que la luxation a occasionné la mort, et on a de « grandes probabilités de suicide. Si, au contraire, on trouve une altéra- « tion étendue de la colonne vertébrale ; si la trachée-artère est dilacé- « rée, et si en même temps on trouve lividité de la face, injection de la « langue, des yeux, il doit rester à-peu-près sûr que la luxation n'aura « été que consécutive à l'asphyxie et qu'elle a été le résultat des violences « employées pour accélérer la mort. L'homicide dans ce cas serait très « probable (4).!j « Les fractures des vertèbres, les déchirures des ligamens, les luxations, « la déchirure de la moelle, dit M. Devergie, sont tous des phénomènes qui « entraînent avec eux l'idée de suspension pendant la vie, alors qu'ils sont « accompagnés d'ecchymoses ou d'épanchemens de sang (2). » Si j'ai dit tout-à-1'heure, à l'occasion de la question qui m'oc- cupe, que dans la suspension par suicide, et surtout par homi- cide, les vertèbres cervicales moyennes et inférieures pouvaient être luxées, fracturées, etc., il ne faut pas oublier que nous ne con- naissons encore aucun exemple bien avéré de ce genre de lésions à la suite de la pendaison pendant la vie, et que, par conséquent, les caractères indiqués par le docteur Richond ne peuvent être le résultat d'observations recueillies chez l'homme ; d'ailleurs, ces caractères ne s'accordent aucunement avec les données de nos expériences, ni avec les faits non moins certains consignés dans les mémoires d'Esquirol, Fleischmann, etc. Quanta l'opinion de M. Devergie, je ne saurais mieux la réfu- ter qu'en renvoyant à ce que j'ai dit lorsque j'ai parlé des fractures de l'os hyoïde et du larynx, et qu'en transcrivant le passage sui- vant d'un travail sur les contusions du docteur Chrislison. Deux heures un quart après la mort d'une femme de trente-trois ans assez forte, la tête de cette femme fut abaissée avec force sur la poi- (I) Dis sertation inaugurale, 1822, page 31. (2) Médecine légale tome n, page 489. — 387 — rine. Trois qaarts d'heure auparavant, plusieurs coups violens avaient été portés avec un bâton sur les côtés du cou. Le cadavre fut examiné au bout de trente-cinq heures. On voyait des ecchymoses au cou d'une teinte aussi foncée que si les blessures eussent été faites pendant la vie, mais sans apparence de gonflement; le tissu cellulaire sousjacent était çà et là infiltré d'une grande quantité de sang fluide et noir; mais il n'y avait pas d'extravasation de ce liquide dans les cellules adipeuses elles-mêmes. De chaque côté des régions cervicale et dorsale de l'é- pine, entre le milieu du cou et le milieu du dos, on trouva un peu de sang noir liquide, extravasé dans l'épaisseur des muscles environnans. Le ligament jaune qui unit la dernière vertèbre cervicale avec la première dorsale était entièrement déchiré, de manière qu'on pouvait par là in- troduire le doigt dans la cavité du canal vertébral. Entre la première ver- tèbre cervicale et la cinquième dorsale, il y avait du sang noir liquide in- filtré dans les mailles du tissu cellulaire, qui est.appliquésur l'enveloppe membraneuse de la moelle, et même sous le périoste qui recouvre les lames des vertèbres dans l'intérieur du canal (1). Il est évident que si ce cadavre eût été pendu, on aurait dû conclure, d'après le précepte donné par M. Devergie, que la suspension avait eu lieu pendant la vie. Plus réservé que mon cou- frère, voici comment je m'exprimais dans ma Médecine légale, édition de 1836 : « La déchirure d'un ou de plusieurs ligamens « jaunes de la colonne vertébrale, lors même qu'elle est accom- « pagnée d'infiltration de sang dans l'épaisseur des muscles envi- « ronnarjs, dans le tissu cellulaire qui recouvre l'enveloppe mem- « braneuse de la moelle et même sous le périoste de la partie « interne des lames des vertèbres, ne prouve pas que lastrangu- « lation ou la suspension ait eu lieu pendant la vie, puisqu'elle « peut être le résultat de coups portés sur la colonne vertébrale <( après la mort, comme l'a démontré le vdocteur Christison. » On voit, d'après ce qui précède, que l'état de la colonne verté- brale des pendus, considéré isolément, ne permettra pas d'af- firmer que la suspension a eu lieu plutôt pendant la vie qu'après la mort, les déchirures et les ruptures des ligamens, les fractures ei les luxations des vertèbres, ainsi que des ecchymoses et des épanchemens de sang, pouvant aussi bien exister chez ceux que l'on ;; assassinés et meurtris peu de temps après la mort et avant de les pendre. (i; Annales d'hygiène et de médecine légale, Paris, 1829; t. j, p.-532. 25. — 388 — Expériences concernant les organes génitaux. J'ai traité cette question dans un mémoire lu à l'Académie royale de médecine le 16 juillet. 1839. « Vous n'avez pasoublié,disais-je, que M. Devergie a lu à l'Académie une note relative à deux signes de suspension pendant la vie , savoir : la présence du sperme dans l'urètre et la congestion des organes génitaux. Ces signes, que l'auteur vous a présentés comme nouveaux, avaient déjà sé- rieusement attiré l'attention des savans comme vous le verrez par la citation qui termine ce mémoire et que j'ai publiée au commen- cement de 1836, dans mon Traité de Médecine légale. Quoi qu'il en soit, à l'occasion de la lecture de M. Devergie, je vous soumis une observation qui, si elle était juste, devait singulièrement di- minuer la valeur du premier de ces signes. Je disais qu'il existe constamment des zoospermes dans l'urine que l'on rend la pre- mière après une éjaculation spermatique , et que l'on doit par conséquent en trouver dans l'urètre d'un individu qui aurait élé pendu après la mort dans l'intervalle qui sépare l'éjaculation, de la première émission d'urine. M. Devergie répliqua par une seconde note qu'il vous adressa et dans laquelle il contestait l'exactitude du fait que j'avais avancé. J'attendais avec confiance le rapport de la commission chargée de vous rendre compte du travail de notre confrère ; mais voyant que par suite de la publi- cation du mémoire de M. Devergie dans les Annales\d'hygiène, l'Académie n'aurait plus à s'occuper de cet objet, j'insérai dans le même journal, sous le titre de Réfutation, etc., des réflexions qui me paraissaient propres à renverser l'assertion de M. Dever- gie. J'établissais, en outre, que déjà l'auteur du mémoire imprimé n'était pas d'accord avec l'auteur des deux notes qui vous avaient été transmises. Ma réfutation fut immédiatement suivie d'une réponse dans laquelle, comme on le pense bien , notre confrère cherchait à prouver qu'il avait raison. J'aurais, certes, pu répli- quer avec avantage , mais je n'ai pas voulu continuer une polé- mique qui n'eût eu d'autre résultat que de laisser la question indécise pour ceux des médecins qui ne se livrant pas habituelle- ment à l'étude de la médecine légale, n'ont par conséquent pas occasion de vérifier les faits par eux-mêmes ; quel parti prendre en effet entre deux auteurs dont l'un s'obstine à affirmer et l'an- — 389 — tre à nier? J'ai préféré garder le silence et venir vous demander la solution du problème. « Est-il vrai que la présence des zoospermes dans l'urètre des pendus , considérée isolément comme l'avait d'abord dit M. Devergie dans la note qui est déposée à l'Académie, ou bien jointe à la congestion des organes génitaux, comme il l'a indi- qué depuis dans son mémoire imprimé, puisse êlre considérée comme une preuve de suspension pendant la vie? « Je n'hésite pas un instant à répondre par la négative, et j'a- joute qu'il serait dangereux de laisser le public croire plus long- temps à l'assertion contraire émise par M. Devergie. Je demande, en conséquence, que la commission que vous avez nommée en dernier lieu pour examiner le procès-verbal de l'ouverture du cadavre de Lesage, faite par ce médecin , saisisse celle occasion pour étudier l'affaire à fond ; loin de me prévaloir du litre d'aca- démicien à l'abri duquel je pourrais annoncer des faits que vous n'auriez pas le droit de contrôler, je désire au contraire que mon opinion soit jugée par l'Académie quand elle aura à statuer sur le travail de M. Devergie. « Voici, au surplus, les observations sur lesquelles je m'appuie et qui me semblent péremptoires. » « 4"Non-seulement il est possible de constater la présence des zoospermes dans l'urine rendue la première, une heure après l'éjaculation, comme je l'avais dit, mais encore huit, dix ou douze heures après ; je démontrerai ce fait devant la commission dès qu'elle l'exigera. 11 reste donc du sperme dans l'urètre des individus qui ontéjaculé tant qu'ils n'ont pas uriné; d'où il résulte que dans un cas de mort naturelle ou de mort provoquée par un empoisonnement, par une blessure , etc., il se pourrait que pour faire prendre le change sur la cause de la mort, on pendit le cadavre et que l'on trouvât du sperme dans l'urètre, parce qu'il y aurait eu éjaculation avant la mort, et que l'individu n'aurait pas uriné; dans ces diverses espèces le signe tiré de la présence du sperme dans l'urètre n'offrirait plus aucune valeur pour décider si la suspension a précédé ou suivi la mort. « 2° J'ai examiné cinq cadavres d'individus ayant succombé à divers genres de maladies et qui étaient restés couchés sur le dos; j'ai constam- ment trouvé du sperme dans le canal de l'urètre. Permettez-moi de vous donner quelques détails sur ces faits. « Chez un vieillard âgé de soixante-huit ans, mort d'un cancer du foie et de l'estomac, le 30 juin dernier à deux heures de l'après-midi: le canal de — 390 — / l'urètre, ouvert à quatre heures, est rempli d'un liquide visqueux, légè- rement ambré, qui étant recueilli sur des lames de verre et examiné au microscope, laisse apercevoir une grande quantité d'animalcules sperma- tiques. « Joseph, garçon de cave de la boutique d'un marchand de vin, rue Saint-André-des-Arcs, assassiné dans la nuit du 4 au 5 de ce mois, meurt à la Clinique de la faculté le 5 à six heures du matin. Le même jour, vers deux heures, en pressant faiblement l'urètre, il en sort trois gouttelettes d'un liquide laiteux dans lequel, en présence des élèves qui suivent le cours de M. Donné, ce médecin a trouvé un nombre considérable d'animal- cules spermatiques. « Chez un homme âgé de vingt-cinq ans, mort phthisique et examiné au bout de trente heures, l'urètre pressé depuis la racine de la verge jus- qu'au méat urinaire, laisse écouler deux gouttes d'un liquide laiteux dans lequel on découvre quelques zoospermes. « Chez un autre individu âgé de soixante-deux ans, le liquide extrait de l'urètre trois heures après la mort, contenait des globules visqueux, des cristaux d'acide urique, et un certain nombre d'animalcules sperma- tiques. « Je terminerai cette série d'observations par le fait suivant : Un homme vigoureux, âgé de quarante-six ans , mort avant-hier â quatre heures de l'après-midi, peu de temps après avoir eu la jambe gauche broyée par la roue d'une voiture, a été examiné hier à six heures du soir; en pressant l'urètre, on fit sortir une très grande quantité d'un liquide blanc laiteux dans lequel on a pu constater encore ce matin la présence de quelques zoospermes. « Il est vrai que je n'ai trouvé qu'un mélange de mucus et d'urine dans l'urètre de deux sujets morts de fièvre typhoïde, de deux phthisiques, et d'un autre qui avait succombé à une hernie étranglée. L'examen de ces individus n'avait eu lieu que vingt-quatre heures après la mort. Il n'est donc pas permis de conclure, d'après ces faits, qu'il existe toujours du sperme dans l'urètre des cadavres ; mais peut-être, en multipliant les observations, parviendra-t-on à reconnaître que l'absence d'animalcules spermatiques dans les cas de fièvre grave, tient à ce que dans les derniers jours de la vie il y a émission invo- lontaire des matières fécales et de l'urine, et que celle-ci entraîne le sperme avec elle; peut-être aussi verra-t-on que les cadavres dont l'urètre ne renferme point de zoospermes long-temps après la mort, en contiennent si on les examine peu après que la vie a cessé, surtout lorsque les cadavres n'ont pas été brusquement — 391 — déplacés. Ne sait-on pas, en effet, qu'il suffit d'imprimer à ces cadavres le plus léger mouvement pour que l'urine s'écoule quel- quefois en entraînant le sperme. « Je passe maintenant à une autre série de recherches. « 3° Emmanuel Pigot, âgé de vingt ans, mort dans le service de M. Hus- son, le 4er de ce mois à deux heures du matin, est examiné sept heures après. La peau de la verge et du scrotum est à peine colorée ; un liquide laiteux s'écoule de l'urètre, mais il ne contient que du mucus prostatique et quelques cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien. La verge, de couleur brune, mesurée dans le point où la peau va se confondre avec celle du scrotum, donne une circonférence de 40 centimètres. On place le cadavre debout en le maintenant au moyen d'une sangle passée sous les bras, et on le laisse dans cette situation pendant sept heures ; alors on reconnaît que les membres abdominaux sont très injectés, que la verge et le scrotum sont très colorés en violet, et que la circonférence du pénis au point indiqué est augmentée de 4 5 millim. Un phthisique, âgé de cinquante ans, mort à la Clinique le 42 juin der- nier, à midi, fut pendu à quatre heures et laissé dans cet état pendant seize heures. Avant la suspension, le tronc et les membres étaient encore chauds et pâles, quoique déjà certaines portions du corps fusserit rai- des ; les organes génitaux étaient pâles, sauf le prépuce qui offrait une teinte violacée; la verge, mesurée au point indiqué, donnait une circon- férence de 4 3 centimètres. Après la suspension, les membres abdomi- naux étaient violacés jusqu'au-dessus des genoux , et les membres thora- ciques jusqu'au pli du coude. Le pénis et la face inférieure du scrotum étaient livides ; la veine dorsale de la verge et ses premières divisions étaient très manifestement distendues ; il n'y avait point d'érection, mais la circonférence de la verge était augmentée d'un centimètre. On recueillit au méat urinaire une grosse goutte d'un liquide trouble, d'ane odeur légè- rement ambrée, dans lequel existaient de nombreux animalcules sperma- tiques morts. « Un homme de cinquante ans environ, conduit à l'Hôtel-Dieu le 42 de ce mois dans la nuit, expira le 43 à cinq heures du matin. Trois heures après, les membres abdominaux étaient pâles ; la verge, très peu dé- veloppée, offrait une circonférence de 9 centimètres et n'était point co- lorée; il en était de même du scrotum. L'ouverture du prépuce était rem- plie par un liquide visqueux contenant une prodigieuse quantité d'animal- cules dont plusieurs étaient vivans. Après avoir exprimé l'urètre pour en retirer le sperme qu'il contenait, le cadavre fut pendu. Huit heures après les membres abdominaux , le scrotum et la verge étaient violacés; la circonférence de celle-ci était augmentée de 2 centim. ; le méat urinaire offrait une grosse goutte de liquide dans lequel M. Donné reconnut un — 39*2 nombre infini de zoospermes vivans , qu'il fit voir aux élèves qui assis- taient à ses leçons. « Un homme de quarante-neuf ans meurt à la Clinique d'une hyper- trophie du cœur, le 4e1' de ce mois à six heures du matin; je le vis à dix heures et demie avec mon confrère Ollivier (d'Angers), et M. Després, aided'anatomie de la Faculté. La rigidité cadavérique élait assez pronon- cée; le tronc et les membres étaient encore chauds; la peau élait pâle, excepté vers le dos; la verge flasque, de couleur brune, offrait une légère turgescence; mesurée au point indiqué, elle donnait une circonférence de 42 centimètres. Le scrotum était pâle. En pressant l'urètre, on obtint trois gouttes d'un liquide laiteux dans lequel M. Donné constata, en présence de M. le professeur Bérard, une assez grande quantité de zoo- spermes dont plusieurs étaient vivans. Le cadavre fut pendu à onze heures (cinq heures après la mort), et resta dans cette situation pendant trois heures et demie. Alors le pénis, dont la circonférence était augmentée de 2 centim., était en érection et formait presque un angle droit avec l'ab- domen ; sa couleur était violacée; les veines qui environnent le col de la vessie, celles du scrotum et des cordons testiculaires étaient assez disten- dues pour qu'il fût permis d'en faire une description anatomique des plus minutieuses. En incisant les corps caverneux sur le [dos de la verge, il s'écoulait beaucoup de sang qui sortait en nappes. Les vésicules séminales étaient très distendues. Il existait au méat urinaire une goutte d'un liquide visqueux dans lequel on découvrit une grande quantité d'animalcules dont plusieurs étaient vivans. Le cadavre n'offrait aucun indice de putré- faction. » Depuis ce travail, Ollivier d'Angers (Annales d'hygiène, t. xxiv, p. 31a) a prouvé que la quantité de sperme évacué et le degré de turgescence des organes génitaux est en raison directe de la durée de la suspension du corps. S iv. Causes de la mort par strangulation ou par suspension. Dans la strangulation la mort reconnaît pour cause , ,1'apo- plexie, l'asphyxie ou ces deux affections réunies , suivant la manière dont le lien a élé appliqué et suivant l'étendue et la du- rée de la compression qu'il a exercée. Le docteur Fleischmann airailéce sujet intéressant dans un mémoire publié en 1821, dont je vais extraire les principaux faits. — 393 — 4° Si l'on place une corde entre l'os hyoïde et le menton autour du col, de manière à ce qu'elle repose sur les parties latérales et sur les angles de la mâchoire inférieure, les vaisseaux principaux du col ne se trouvent soumis alors qu'à une compression légère ; on peut serrer forte- ment, soit de côté, soit sur la nuque, sans que la respiration soit sensible- ment troublée, et l'on peut pendant long-temps continuer d'inspirer et d'expirer l'air, ce qui est tout naturel, puisque sur ce point la compression ne s'exerce sur aucune partie du conduit aérien. Mais alors le visage se colore en rouge, les yeux deviennent un peu saillans, et il se développe une chaleur plus grande vers la tête, un sentiment de pesanteur dans son intérieur, un commencement d'étourdissement, une sorte d'angoisse, et tout-à-coup on entend un sifflement et un bruissement dans l'oreille, phénomène, qui lorsqu'il se manifeste, prescrit impérieusement la néces- sité de suspendre l'expérience, si l'on ne veut pas s'exposer à périr, comme le dit le docteur Fleischmann qui a fait des essais sur lui-même. Ce médecin a pu prolonger cette expérience pendant plus de dix minutes ; si elle eût été continuée, la mort par apoplexie en eût été le résultat. — 2° Les mêmes accidens se manifestent lorsque la corde a été appliquée sur le larynx, mais dans ce cas la respiration éprouve aussi un peu d'entra- ves, et à peine une demi-minute s'est-elle écoulée que le bruissement des oreilles, et une sensation au cerveau difficile à décrire, avertissent qu'il est temps de cesser l'expérience ; en effet ici le lien placé horizontalement et comprenant les deux côtés du col en même temps qu'il est appuyé en avant sur un corps solide, n'en agit que mieux et plus promptement, inter- rompt plus facilement la respiration et produit aussi une prompte accumu- lation de sang dans la tête : la mort arriverait dans ce cas par asphyxie et par apoplexie.—b° Si l'on place le lien entre Vos hyoïde et le cartilage thyroïde, et surtout sur l'os hyoïde, de manière qu'il s'arrête vers les angles de la mâchoire inférieure ou vers le sommet des apophyses mastoï- des, ou bien qu'il se dirige en effleurant ces différens points, derrière les apophyses masloïdes en haut vers l'occiput, et en bas de la nuque, la vie cesse peu de temps après et on ne trouve plus aucun des signes de l'apo- plexie ; le sillon est très profond surtout entre le larynx et l'os hyoïde ; la mort a lieu par asphyxie ; en effet l'entrée du larynx se trouve tout-à- coup fermée par l'abaissement de l'épiglotte, les chairs qui sont à la base de la langue , et cette base elle-même ayant été soulevées par la corde. L'empreinte du lien se comporte alors absolument comme si elle avait été produite après la mort. — i° Si l'on serre le col sur la trachée-artère même, on sent la respiration s'affaiblir tout-à-coup et la mort ne tarde pas à survenir par asphyxie. — Si le lien est appliqué sur le cartilage cri- coïde, on peut respirer un peu plus long-temps. 11 semble résulter de ces expériences et d'uii grand nombre de faits de suspension, observés chez l'homme, que parmi les peu- — 394 — dus, ceux-là meurent d'apoplexie, chez lesquels le lien a élé placé autour du col, de manière à comprimer de préférence les gros vaisseaux du col, à empêcher ainsi ou a retarder le reflux du sang des parties situées au-dessus de la constriction : dans ces cas la face, le cerveau, le col, etc., sont le siège de con- gestions sanguines ou d'ecchymoses. D'autres meurent d'as- phyxie parce que le lien a été appliqué de manière à intercep- ter promptement le passage de l'air et à ne pas comprimer assez les gros vaisseaux du col pour empêcher le retour du sang du cerveau : alors on ne découvre ni ecchymose au col, ni con- gestion à la face, au cerveau, etc. Enfin la mort occasionnée à-la-fois par l'apoplexie et par l'asphyxie, a lieu vraisembla- blement lorsque le lien est placé de manière à interrompre la sortie et l'entrée de l'air, et en même temps le retour du sang de la tête : ce double effet peut être produit par une corde placée au-dessous du larynx, dans une direction horizontale autour du col, car alors la trachée-artère et les vaisseaux du col sont en même temps comprimés : dans ces cas la face, le cerveau et le col doivent être le siège de congestions ou d'ecchymoses. Telles sont les principales données du travail de M. Fleisch- mann sur ce point. Je crois devoir les adopter pour la grande généralité des cas, quoiqu'un petit nombre de faits ne s'ac- cordent pas précisément avec elles. Dans un supplément à son mémoire, ce médecin cherche à se rendre raison de la lividité de la face et dugonflement des veines de cette partie et de la tête. Cet effet, dit-il, n'existe que lorsque l'apoplexie s'opère lentement et que le retour du sang dans les vaisseaux les plus déliés, est peu à-peu entravé ; il n'est pas tou- jours apparent au moment même où l'individu est trouvé sus- pendu ; il ne se montre ordinairement que plus tard, ou du moins il est plus apparent lorsque le lien a été enlevé et que le corps a été couché: en effet, l'individu est-il placé horizontalement, ou bien est-il, comme cela arrive souvent dans le transport, en- tièrement couché la tête étant plus basse que le reste du corps, la portion de sang, qui surtout dans les cas de mort par asphyxie, conserve encore la fluidité, descend peu-à-peu dans les veines du cerveau, dépourvues de valvules, ainsi que dans celles de toute la — 395 — tète; alors il en résulte une accumulation de sang, une teinte bleue. On peut donc trouver les signes d'apoplexie , même chez ceux qui ont péri promptement par asphyxie, et cela d'autant plus qu'il s'est écoulé plus de temps entre la mort et l'inspection du cadavre, quoique la couleur pâle de la face, particulièrement si on la remarque sur le cadavre encore suspendu, paraisse être, d'après le docteur Fleischmann, le signe d'une mort prompte par asphyxie. Toutefois la face peut offrir une couleur pâle chez des individus qui ont péri d'apoplexie, lorsque ce genre de mort a été le résultat subit de la rupture d'un vaisseau considé- rable dans le cerveau, suivie d'un fort épanchement de sang. Cette rupture peut avoir lieu lorsque le sang se porte même modéré- ment vers un point vasculaire affaibli ; alors l'épanchement san- guin excessif qui est la conséquence rapide de celte disposition, peut avoir lieu avant que les vaisseaux de la face aient pu s'en- gorger. Quant à la situation variable delà langue, M. Fleischmann est porté à considérer la saillie et la morsure de cet organe comme le résultat d'une mort plus lente, plus douloureuse et plus agitée, qui survient de préférence après une expiration. Au contraire, la rétraction de ce même organe paraît être le signe d'une mort plus prompte qui vient interrompre la dernière inspiration déjà commencée; en effet, dans chaque inspiration, surtout si elle est un peu forte, la langue se rétracte légèrement; elle est au contraire poussée un peu en avant dans chaque expiration, prin- cipalement si celle-ci a lieu avec quelque vigueur. C'est donc l'un ou l'autre de ces mouvemens respiratoires, qui selon toute vraisemblance, s'exercent avec une certaine violence au moment de la suspension, qui déterminent soit la saillie et le serrement de la langue entre les dents, soit la rétraction. La mort des pendus chez lesquels il y a fracture et peut-être même diastasis de la colonne vertébrale, reconnaît pour cause l'asphyxie ; en effet, la moelle épinière a élé lésée, et cette lésion delermine promptement l'asphyxie; aussi la vie est-elle éteinte tout-à-coup. Remer a admis une autre cause de mort des pendus ; dans les cas, dit-il, où l'on ne découvre aucune trace d'ecchymose au col, — 396 - c'est qu'il y a eu paralysie du cerveau ou apoplexie nerveuse ; je ne saurais admettre une pareille opinion, les faits qui lui servent de base, ne me paraissant pas offrir assez de valeur. DEUXIÈME PROBLÈME. Si la strangulation où la suspension ont eu lieu pendant la vie, sont-elles l'effet du suicide ou de l'homicide ? Avant de chercher à résoudre ce problème je crois devoir faire connaître les diverses situations dans lesquelles ont été trouvés les cadavres des personnes qui s'étaient étranglées ou pendues, car on a souvent voulu arguer d'une situation donnée d'un cada- vre, pour établir que l'individu n'avait pas pu se pendre lui-même. Voici ce que l'observation apprend à ce sujet. 4° Un homme se pendit dans l'anse d'un mouchoir de coton , attaché à une corde de charriot qui y était tendue ; la partie antérieure du col s'y trouvait seulement engagée ; la tête était tout-à-fait penchée en avant de manière que le menton approchait du sternum (Weyler de Coblentz. Exa- men de quatre consultations médico-légales 484 2). 2° Un homme fut trouvé pendu et mort. Il avait accroché un nœud coulant formé par sa cravate à une entaille de 3 centim. de profondeur tout au plus, et située à moins de 66 centim. d'un de ces lits de camp usités dans les corps-de-garde ; on sait que ceux-ci sont inclinés de telle sorte que les pieds sont posés sur un plan plus bas de quelques centim. que la lête, et que l'ensemble de cette sorte de table, forme un plan incliné assez rapide ; cette inclinaison avait suffi pour favoriser l'action de la suspen- sion (M. Piorry). 3° On trouva un cadavre suspendu aux barreaux d'une petite fenêlre de 33 centim. carrés, à l'aide d'une cravate disposée autour du col de manière aie serrer au moyen d'un nœud coulant. La distance de la fenêtre au sol n'était que d'un mètre 30 centim., et il n'existait entre la fenêtre et un lit de camp en bois occupant toute la longueur de la pièce, qu'un espace de 70 centimètres, en sorte que le cadavre suspendu était accroupi, les talons posant à terre, les genoux appuyant contre le lit de camp, et le der- rière ne touchant pas le plancher. On voyait sur le sol, la trace des gros clous de ses souliers (A. Devergie). 4» Un homme se pendit à la grille de la fenêtre des lieux d'aisances de l'infirmerie d'une prison. Il était lié par le cou avec un foulard et pres- que assis, vu le peu de hauteur de cette croisée. Il avait eu soin de se lier fortement les mains avec un autre mouchoir, à l'aide de ses dents (Marc). — 397 — 5° Un homme fut trouvé pendu à la barre transversale de la grille en 1er d'une fenêtre. Il était nu. Le lien de suspension était sa chemise; le bout de l'une des manches avait été attaché par lui avec de fortes épin- gles, au milieu de la manche, de manière à former une anse qu'il avait par la torsion disposée en forme de corde; dans cette anse était passé le restant de la chemise, ce qui faisait le nœud coulant dans lequel il avait introduit sa tête , après avoir noué en haut à la barre transversale de la grille, le corps de la chemise; ce lien s'était fortement serré autour du col, enfoncé dans un sillon formé par les chairs qu'il comprimait, portant sous la mâchoire inférieure au-dessous de l'os hyoïde, remontant oblique- ment derrière les angles de la mâchoire, et se croisant derrière la tête sur la protubérance occipitale (Jacquemain fils). 6° Un homme se pendit dans une chambre qui n'est en quelque sorte qu'une voûte toute nue, à la partie inférieure de laquelle se trouve la fenêtre dont le haut est beaucoup plus bas que la tète d'un homme debout. C'est cependant à la grille de cette fenêtre que cet individu se pendit avec un lien fait de lanières de son drap de lit. Le corps était dans la position d'un homme assis, les cuisses et les jambes allongées, les talons posant sur le sol. Les fesses n'étaient éloignées du sol que de 50 centimètres environ. Les deux bras pendaient de chaque côté du corps ; les doigts étaient flé- chis [Idem). 7° Un ouvrier âgé de 40 ans se pendit à un fort clou fixé au mur au- dessus de son lit. Le cadavre appuyant sur le mur, était dans la position d'un homme-à genoux, les deux pieds posaient sur le lit par leurs extré- mités. Les genoux n'étaient éloignés du lit que de 24 à 30 centim. [Idem). 8° Une femme fort grande se pendit en passant autour de son cou, par un nœud coulant, un foulard qu'elle attacha par l'autre bout à l'angle in- férieur d'une potence, sorte de planche soutenue par des supports, à la hauteur d'un inètre 33 centim. du sol. Le corps fut trouvé tourné oblique- ment, par rapporta la muraille contre laquelle la joue droite était appuyée, les jambes écartées, la droite étendue, le pied relevé, le talon posant; la jambe gauche était fléchie sur sa cuisse, et le pied de ce côté appuyait sur le bord interne (Idem). 9° On trouva une femme étendue au pied de son lit, les jambes, les cuis- ses, la hanche gauche posant sur le sol- Le haut du corps relevé était sus- pendu par un lien fixé au cou et à la traverse supérieure du pied du lit. Cette femme s'était attachée par le cou au pied de son lit, et étant à genoux, elle avait tiré fortement sur la corde pour s'étrangler (Idem). 40° Un homme se pendit à la corde de son lit ; le corps portait sur le bout des pieds ; les genoux étaient à peine à 6 centim. de distance des couvertures du lit (Duméril). Ces divers fails sont extraits de l'examen médico-légal des eau- — 398 — ses de la mort du prince de Condé (V. Annales d'hygiène et de médecine légale, n° de janvier 1831). 4 4° Une femme privée presque entièrement de l'usage de la main droite, fut trouvée fortement penchée sur le côté gauche d'un des lits de l'Hôtel- Dieu de Paris. Elle s'était étranglée. Le cou,avait été serré par un fichu plié eu cravate. Un premier tour très serré avait été formé en ramenant le mouchoir d'arrière en avant, un nœud simple avait été fait, et les deux chefs de la cravate ayant été passés d'avant en arrière, avaient servi à faire un second tour, arrêté également par un nœud simple (Rendu. Ann. à"hyg., juillet 4 833). Si l'on n'avait pas eu la certitude que cette femme s'était suicidée, on aurait pu, vu l'état de sa main droite, être tenté d'éle- ver des doutes sur la possibilité du fait. 42° On ne peut plus contester qu'une personne puisse s'étrangler sans se pendre ; en effet elle peut appliquer au cou une corde qu'elle serrera et qu'elle maintiendra serrée à l'aide d'un bâton, d'un os, d'une fourchette, etc. Les faits suivans mettent cette vérité hors de doute. A. Catherine est trouvée morte et couchée à plat ventre sur son lit, la face en dessous; le cou est entouré d'une jarretière de laine passée deux fois et arrêtée à sa partie moyenne et antérieure par deux nœuds simples fortement serrés l'un sur l'autre; le sillon était circulaire, plus prononcé à la partie anté- rieure, il offrait dans son trajet une petite plaie contuse. Quelques phîyc- tènes et quelques ecchymoses légères indiquaient assez que l'application de la jarretière avait été faite sur un individu vivant (M. de Saint-Amand, Annales d'hygiène, n° 7, janvier 4 830). B. M. Villeneuve a communiqué à l'Académie de médecine l'histoire d'unmélancolique, qui, étant déshabillé, se serra fortement le cou avec deux cravates, dont l'une faisait trois fois le tour du cou, et offrait trois nœuds sans rosette, correspondans à l'épaule droite, et dont l'autre ne faisait que dejux tours, et était fixée par devant à l'aide de deux nœuds sans rosette aussi. Cet homme fut trouvé mort après trois jours, dans sa chambre, les extrémités inférieures en travers de son lit, le reste du corps penché en dehors, la tête appuyée sur le sol et à la renverse, la face tournée en haut. Toutes les parties du visage étaient fortement tuméfiées, violacées; une assez grande quantité de sang s'était écoulée par le nez ; les cravates étaient fortement appliquées au cou et y avaient causé des dépressions ; la peau était livide sous ces dépressions, et au contraire violette dans leur intervalle ; il n'y avait aucune trace d'émis- sion d'humeur prostatique ou de sperme. Du reste, il fut bien reconnu que la strangulation avait été le fait d'un suicide. La position déclive de la tête avait dû en hâter l'effet (Séance du 25 juillet 4 826). A tous ces faits l'on pourrait encore ajouter quelques-uns de ceux que M. le docteur Duchesne a réunis dans un recueil d'obser- vations de suspensions incomplètes ÇAnnales d'hygiène et de — 399 — médecine légale, tome xxxiv). Après avoir relaté 58 observa- tions, cet auteur conclut ainsi : rLesuicide par strangulation, la suspension étant incomplète, est un fait acquis et appuyé sur des observations nombreuses et authentiques ; 2° Le suicide par strangulation doit être admis quelle que soit la position où l'on trouve le corps et lors même qu'il reposerait exactement sur les deux pieds ; 3° Les sensations éprouvées par ceux qui se pendent sont telles, qu'ils ne veulent pas ou ne peuvent pas arrêter l'exécution de leurs sinistres projets. Après avoir exposé sommairement les diverses situations dans lesquelles peuvent se trouver les corps des personnes qui se sont pendues ou étranglées, je vais essayer de résoudre le problème qui fait l'objet de cet article. Les auteurs qui se sont occupés de cette question conseillent de rechercher d'abord si la personne a été étranglée ou pendue avant ou après la mort, car il est évident que si la suspension n'a eu lieu qu'après, on doit éloigner toute idée de suicide ; mais on a vu à l'occasion du premier problème, que la question n'est pas toujours facile à décider. Ils ont encore attaché une grande im- portance au nombre des sillons que l'on remarque au cou, à leur direction, à la disposition de la corde, etc. « Si l'impression de la corde est à-peu-près circulaire, dit Fodéré, et qu'elle soit pla- cée à la partie inférieure du cou, au-dessusdes épaules, il paraît clair que, dans ce cas, elle est une preuve d'assassinat non équivoque, puisque cette circonstance ne peut avoir lieu que dans la torsion faite immédiatement sur la partie en forme de tourniquet.» Cette assertion est loin d'être d'accord avec l'obser- vation ; on sail en effet que des individus ont pu s'étrangler et périr en attachant une corde ou une cravate à un arbre devant lequel ils étaient assis, et en se servant de l'anse d'un pot de terre qu'ils avaient cassé pour servir de billot ; or, dans l'un et l'autre de ces cas, l'impression de la corde sera à-peu-près circulaire et placée à la parlie inférieure du cou ; d'ailleurs je l'ai vue parfaitement horizontale dans un cas de suicide^oy. Nécropsie 15e, p. 366) ; la corde formait un nœud coulant à partir duquel le lien suspen- - 400 — seur remontait sur le côté déjà mâchoire : il doit en être ainsi toutes les fois que le nœud est en avant au lieud'êlre en arrière. «On observera presque toujours dans le suicide, d'après Fodéré, que la portion de la corde qui entoure le cou est relativement plus longue que dans l'assassinat où la constriction a été vio- lente : dans le premier cas, la tuméfaction des parties au-dessus delà corde sera simple, unie, au lieu que dans l'assassinat il y a plusieurs plis à la peau, surtout auprès de l'impression circulaire faite par la corde : le cou est quelquefois rétréci dans celte im- pression au point que le diamètre du cercle décrit par la corde est à peine de 2 pouces et demi ou de 3 pouces tout au plus. » Cette différence dans la constriction et dans la longueur de la corde ne peut tout au plus être considérée que comme un caractère secondaire, l'expérience ayant démontré que souvent la constriction était plus forte et la corde moins longue dans le cas de suicide, que lorsqu'il y avait eu homicide, a Lors même que l'homme qui se serait pendu aurait placé en premier lieu la corde vers la partie inférieure du cou, elle aurait glissé néces- sairement vers la partie supérieure, plus étroite que l'inférieure, au premier instant de l'élancement » (Fodéré, tome m, p. 159). Mais quelle peut être l'utilité d'un pareil caractère, lorsqu'on sait que la corde détermine sur les cadavres des impressions sem- blables à celles qui ont lieu souvent pendant la vie ; ne pourrait- il donc pas arriver qu'un individu que l'on aurait tué eût été étranglé après la mort pour mieux faire prendre le change, et que la corde eut été placée de manière à imiter ce que l'on re- marque dans le suicide? Ajouterai-je encore « que les assassins, pour mieux assurer leur coup et pour éprouver moins de résis- tance, commencent par étrangler l'individu dont ils se rendent maîtres, et qu'ils le pendent ensuite ? » Je ne regarderai l'existence de ce double sillon tout au plus que comme une simple présomption d'assassinat, parce que s'il est vrai qu'il n'est pas commun d'ob- server deux sillons, l'un oblique et l'autre circulaire, dans le sui- cide, il est certain qu'on peut les remarquer (Voy. la cinquième observation rapportée par M. Esquirol, page 360); d'ailleurs le second sillon aurait pu être fait par la malveillance après la mort d'un individu qui se serait pendu. — 401 — Il résulte de ce qui précède, que l'on ne doit guère compter, pour résoudre la question dont il s'agit, sur le nombre, la direc- tion et la profondeur des sillons : toutefois, il importe de remet- tre la corde dans ces sillons, et de rechercher le point où le nœud était appliqué, afin de s'assurer qu'ils ont été faits par elle ; le magistrat tirera quelquefois parti de cette connaissance. M. le docteur Deslandes partant de ce point, que lorsque la pendaison est volontaire, l'asphyxie ne peut être produite que par l'occlusion de l'embouchure gutturale du larynx, a conclu qu'on ne doit trouver d'autre lésion que celle que la corde dé- termine sur la peau, et que s'il existe une forte contusion des parties molles qui entourent le larynx et la trachée, si ces orga- nes sont déformés ou fracturés, c'est qu'il y aura eu avant la suspension une très forte constriction du cou, ce qui écarte la présomption du suicide (Mémoire cité). Je ne pense pas qu'il soit possible de décider la question d'après ce caractère, car j'ai vu dans un cas non équivoque de pendaison volontaire, des ec- chymoses considérables dans la région du cou, et même la frac- ture de l'os hyoïde (Foy. Nécropste 15e, page 366). Le désordre des vêtemens et de la coiffure, des meubles, du lit et de tout ce qui entoure le cadavre, la possibilité de s'être sui- cidé en montant sur une chaise, l'étal des portes et des fenêtres qui étaient ouvertes ou fermées en dedans ou en dehors, les dé- clarations écrites de l'individu qui annonçaient l'intention de se suicider, un état de démence antérieur non équivoque, sont au- tant d'élémens qu'il importe de constater et que le magistrat in- structeur recueillera avec plus d'exactitude que nous ne pourrions le faire. En m'exprimant ainsi dans mon Traité de Médecine légale, j'ai ajouté que ces considérations n'étaient pas delà com- pétence du médecin, et je persiste dans mon opinion; mais je n'ai jamais avancé, ainsi que me l'a fait dire M. Devergie, que je rei-urdaisles preuves qu'on déduit de tout ce qui entoure le cadavre comme n'étant pas du ressort des médecins; j'avais assez longuement discuté les assertions émises à l'occasion de la corde, des sillons, etc., pour croire que j'aurais élé compris.. On doit s'attacher à découvrir si la personne que l'on a trouvée étranglée, n'aurait pas été empoisonnée ou blessée. ir. 26 — 402 — On lit, en effet, dans Devaux, que dans un cas de ce genre la face n'é- tant point décolorée et le cadavre ne présentant aucun des caractères qui indiquent la suspension avant la mort, on avait aperçu une fort petite plaie à la partie latérale droite et antérieure du thorax, cachée sous l'affaisse- ment du corps de la mamelle , dans laquelle une petite sonde avait eu peine à s'insinuer ; que cependant l'ayant dilatée , on reconnut qu'elle pénétrait dans la capacité entre la cinquième et la sixième des vraies côtes, ce qui porta à faire l'ouverture de la poitrine, pour en reconnaître les pro- grès; on vit alors que cette petite plaie était faite par un instrument rond, poignant et très étroit ; qu'elle traversait de part en part, et qu'elle avait occasionné un épanchement de sang dans la poitrine ; d'où il fut permis de conclure que c'était la plaie qui était la cause dé la mort, et que l'indi- vidu n'avait été pendu qu'après (Rapports en chirurgie, p. 519). En supposant que l'on parvienne à décider que la mort est le résultat d'une blessure ou de l'empoisonnement, et que la stran- gulation ou la suspension n'ont été que postérieures, il faudrait, avant de conclure qu'il y a eu homicide, s'assurer si la blessure n'aurait pas été volontaire, etc. (Voy. Blessures et Empoison- nement). Les meurtrissures, les contusions sur différens points de la surface du corps, annoncent bien en général que l'individu s'est défendu, et forment une présomption en faveur de l'homi- cide; mais elles sont insuffisantes dès qu'il est avéré que des per- sonnes mélancoliques ont commencé par se maltraiter avant de se pendre. De Haen parle en effet d'un suicide qui s'était meurtri la face avant de s'étrangler. L'homme de l'art peut encore éclai- rer le magistrat dans certains cas , en prouvant que l'individu qui fait l'objet du rapport était atteint d'une de ces maladies qui portent avec elles l'ennui de la vie (Voy. Suicide). Je ne terminerai pas cet article sans examiner si la luxation de la première sur la seconde vertèbre cervicale peut s'opérer dans le cas de suicide par suspension. On lit dans Louis, « la luxation des vertèbres et le déchirement des « parties cartilagineuses ne peuvent être que l'effet d'une très grande vio- « lence. Jamais dans un homme qui s'est pendu lui-même, les parties n'é- « prouveront un pareil désordre (4). » Cette assertion, quoique dénuée de preuves, est conforme aux faits et à la raison. On a déjà ouvert des mil- liers de cadavres d'individus qui s'étaient pendus en s'élançant même de (1) Ouvrage cité, page 326. — 403 — très haut, et jamais on n'a constaté d'une manière certaine la luxation dont il s'agit; car l'observation rapportée par M. Ansiaux de Liège laisse beaucoup à désirer, comme je le dirai bientôt. Admettons que le poids d'un individu qui se pend, soit de 400 kilogrammes; il-paraîtra évidemment insuffisant pour rompre les ligamens qui unissent les deux premières ver- tèbres, tant est grande leur solidité ; n'oublions pas d'ailleurs que dans les manœuvres que j'ai exercées sur des cadavres, lorsqu'un homme mon- tait sur les épaules et qu'il ajoutait sa force musculaire en sautant, le tronc de ces cadavres tirait sur leur tête avec un poids de 4 60 à 200 kilog. au moins, et quelque forte que fût l'extension, je n'ai jamais opéré, même un commencement de luxation de la !«* sur la 2e vertèbre. On dira peut-être que le pendu s'agite, et qu'il fait subir un mouvement de torsion du tronc sur la tète ; mais ces mouvemens sont faibles et cessent bientôt à cause de l'asphyxie qui ne tarde pas à survenir et de la congestion céré- brale qui les paralyse bientôt; d'ailleurs ces mouvemens de rotation, en supposant qu'ils existent au degré où on les admet, ne se passent pas entre la lête et le tronc, mais bien dans la corde qui est tendue et qui suit les mouvemens du corps. On ne manquera pas de-faire observer que le sabotier de Liège, examiné par P. Pfeffer, peu de temps après la mort, offre un exemple de suicide par suspension avec luxation de la 4r« sur la 2* vertèbre cervicale. On sait que cet homme fut trouvé" pendu à une poutre d'environ 43 centimètres de large, de manière que la corde formait une anse, qui par une de ses extré- mités, embrassait cette poutre, tandis que l'autre extrémité, placée au dessous du menton, passait derrière les oreilles pour aller se terminer vers le haut de l'occiput. Pfeffer trouva le visage pâle et sans bouffissure, la langue dans la bouche, les yeux dans l'état naturel ; la tête était prodigieu- sement renversée en arrière, et il sortait beaucoup de fumée de la bouche. Pfeffer conclut, sans avoir ouvert le cadavre, que. la mort avait eu lieu de- puis quelques, instans, que les vertèbres n'étaient pas dans leur emplace- ment naturel, sans dire quelles étaient les vertèbres déplacées, et que la moelle épinière a*vaitsubi quelque compression. Antoine Petit adopta ces conclusions, et ajouta, qu'à raison du poids du cadavre, la mort était le résultat du suicide. On conçoit toute l'insuffisance d'une pareille observation pour établir la possibilité de la luxation de la 4resur la 2e vertèbre, puisque l'examen cadavérique ne fut point fait* On ne pourra guère s'appuyer non plus du cas rapporté par Chaussier, dans une de ses leçons orales. En pareille matière, il ne suffit pas de ra- conter sommairement un fait ; il faut l'écrire et le prouver par des détails anatomiques résultant d'une*dissection soignée; or, c'est précisément ce qui manque à l'observation de Qhaussier. Mais, dira-t-on, le cas de pendaison décrit par Ansiaux, de Liège, prouve suffisamment la possibilité de luxer la 4 re sur la 2e vertèbre par le seul fait de la pendaison par suicide. Une femme robuste fut trouvée pen- 26. — 404 — due à une poutre de son grenier; elle était élevée à 30 centimètres au-des- sus du plancher, et à deux pas d'elle se trouvait une chaise renversée; lé menton était fléchi sur la poitrine. A l'ouverture du cadavre, on vit que les deux premières vertèbres présentaient à leur partie postérieure un écarte- ment bien remarquable; les ligamens postérieurs étaient rompus ; les liga* mens odontoïdiens étaient intacts; le transverse un peu remonté et distendu, maintenait l'apophyse odontoïde fortement serrée contre la surface arti- culaire correspondante de l'atlas; la moelle épinière était lésée.« Lorsqu'un « individu qui se suicide abandonne tout-à-coup la chaise sur laquelle il « était monté, dit Ansiaux, le corps éprouve une violente secousse, qui, « par la manière dont la corde est ajustée et retient la tète, doit surtout se « faire ressentir à la partie supérieure et postérieure de la colonne verté- « brale; car la corde remontant derrière les oreilles, presse l'occiput et « force le menton à s'incliner sur la poitrine, d'où la distension subite, la « rupture des ligamens postérieurs et la tension de la moelle rachidienne. « C'est ainsi, et non par la luxation des vertèbres que périssent les chats « les lapins dont on tire la tète et la queue en sens opposé. Si l'on tire di- te rectement, on déchire plusieurs des ligamens qui unissent la deuxième « vertèbre, à la première et à l'occipital ; si l'on emploie beaucoup de force « on opère la séparation totale de ces vertèbres ; et enfin si l'on tue en « inclinant la tète sur la poitrine, on détermine la rupture des ligamens « postérieurs seulement ; mais toujours la mort a lieu à l'instant même. » Je ferai d'abord observer que les désordres anatomiques énoncés par Ansiaux, en les supposant exacts, ne suffiraient pas pour établir qu'il y a eu luxation de la 4re sur la 2e vertèbre ; à plus forte raison devrai-je regarder cette luxation comme douteuse, si, comme je le pense, il ne ré- sulte pas de la description donnée par Ansiaux, que les choses se sont passées comme il l'a indiqué. En effet, il n'est pas facile de concevoir que les ligamens odontoïdiens et le ligament transverse, formés de tissu fi- breux inextensible, aient été brusquement allongés sans se rompre. Pour que le ligament transverse remontât, il aurait dû, en quittant le col de l'apophyse odontoïde, au niveau duquel il se trouve, décrire une légère ligne courbe, s'allonger et se placer en arrière de la tête de l'apophvse- ce déplacement ne pouvait évidemment s'opérer qu'autant qu'il y aurait eu rupture du ligament transverse : or, nous savons qu'il n'était pas rompu. Que l'on se rappelle d'ailleurs que la tête de l'apophyse, beaucoup plus épaisse que le col et en quelque sorte étranglée au-dessus de lui s'oppose invinciblement à l'ascension du ligament. Voudra-t-on admettre que l'apophyse odontoïde aurait été abaissée et que l'ascension du ligament transverse n'était qu'apparente? Mais cet abaissement n'aurait pu s'effectuer qu'après la rupture des ligamens odon- toïdiens ; or, ceux-ci étaient intacts. Maintenant, si l'apophyse odontoïde n'a pas été déplacée, comment concevoir un écartement des masses laté- rales de la deuxième vertèbre dans le sens vertical0 Si. par ces dire: s — 405 — motifs , je suis forcé de contester l'exactitude de certains détails de l'observation dont je m'occupe, il n'en est pas de même de ce qui con- cerne la rupture des ligamens postérieurs, qui sont situés entre les apo- physes épineuses des 4re et 2e vertèbres; ces ligamens jaunes, friables et jusqu'à un certain point extensibles, diffèrent notablement des autres, et il n'est pas impossible qu'ils soient déchirés par le seul acte d'une pendai- son volontaire. Ansiaux pense encore que la traction exercée sur la moelle dans cer- tains cas de suicide, peut être portée au point que toute communication vitale soit anéantie enlre celte partie et l'encéphale, sans luxation des ver- tèbres et sans fracture. Je regrette de ne pas trouver dans le fait qu'il a re- cueilli, ni dans les expériences qu'il invoque, des preuves certaines de son assertion ; en effet, on n'a pas constaté la lésion de la moelle épinière chez la femme qui s'est pendue, et il n'était guère possible de juger à priori qu'il existât une semblable lésion, dès qu'on sait combien la moelle épi- nière est extensible. Il est aisé de voir que pour déterminer, par exem- ple, la rupture de celte moelle, il faudrait un écartement de vertèbres beaucoup plus considérable que celui que l'on remarquait chez cette femme. Quant à ce qui concerne les expériences faites sur les chats et sur les lapins, il est évident, d'après ce que j'ai déjà dit, qu'elles ne sont pas immédiatement applicables à l'homme, parce que l'articulation atloïdo— axoïdienne est très faible chez ces animaux (V. p. 385). Que devons-nous penser après ces considérations du fait rapportée l'A- cadémie par M. Duméril, dans la séance du 6 octobre (4), à l'occasion de la lecture de mon mémoire? « Un homme, âgé de cinquante àsoixante ans, « était couché, en 4 812, dans une chambre particulière de la maison de a santé du faubourg Saint-Martin; il fut trouvé pendu quatre ou cinq mi- « nutes après que M. Duméril venait de lui parler. Prévenus de cet acci- « dent, MM. Duméril et de la Roche se rendirent de suite près de cet indi- ce vidu, et le trouvèrent ayant les pieds et la presque totalité des jambes « soutenus sur un oreiller. La corde qui était celle du lit du malade, fut « immédiatement coupée, et l'on essaya, mais en vain, de rétablir la res- « piralion. L'autopsie pratiquée le lendemain prouva que l'axis avait été « luxée, et que le ligament de l'odontoïde était rompu; la moelle avait « donc été fortement comprimée. » Ce fait est tellement en opposition avec ce qui a été publié jusqu'à ce jour et avec les expériences qui précè- dent, qu'il est à regretter qu'il n'ait pas été décrit avec détail en 4 84 2, alors qu'on avait les pièces sous la main ; quelle que soit l'autorité de M. Duméril, je ne pense pas que l'on doive adopter un pareil résultat sur la simple indication qu'il en a donnée, vingt-huit ans après l'événement. (i) Bulletin de l'Académie royale de médecine, t. vi, p. 'M. — 406 — Conclusions. Je crois pouvoir conclure de ce qui précède, et de plusieurs faits que je passerai sous silence : 1° que, dans beaucoup de cas, la corde détermine sur la peau et sur le tissu cellulaire qu'elle presse immédiatement, des effets semblables, que l'individu soit vivant ou mort, que le cadavre soit chaud ou froid. 2° Que dans ces mêmes cas, les effets dont il s'agit ne consti- tuent point, comme on le répèle tous les jours de véritables ec- chymoses, puisqu'on ne trouve alors aucune trace de sang épanché dans le tissu cellulaire sous-cutané correspondant à la corde. 3° Que si la plupart des auteurs de médecine légale n'ont pas fait mention de cet état remarquable du col de certains individus qui se sont étranglés ou pendus, cela tient probablement à ce qu'ils ont élé induits en erreur par la couleur terne de la peau du sillon, qui lui donne en effet l'apparence d'une ecchymose. k° Qu'il existe des cas dans lesquels le col des personnes étranglées ou pendues vivantes, offre des traces évidentes d'ecchymose ; mais que ces cas me paraissent beaucoup plus rares que ne l'a dit Remer. 5° Que lorsqu'il n'y a pas d'ecchymose au col, il est im- possible d'établir la plus légère présomption que la strangula- tion ou la suspension aient eu lieu avant ou après la mort, si l'on a seulement égard à l'état dans lequel on trouve le plus or- dinairement le sillon et le tissu cellulaire sous-jacent, puis- qu'on peut faire naître un état semblable en appliquant des liens plus ou moins serrés sur le col des cadavres,- il faut donc né- cessairement avoir recours à des preuves d'un autre genre pour décider le fait. 6° Que dans les cas de strangulation ou de suspension où l'on observe des ecchymoses soit dans le tissu cellulaire sous-cutané du cou, soit dans les muscles sous-jacens, soit dans le voisinage du larynx, elles sont une preuve certaine que la strangulation ou la suspension ont eu lieu pendant la vie. 7° Que l'état des artères carotides ne fournit pas un signe suffi- sant pour reconnaître si la suspension a eu lieu avant ou après la mort. — 407 — 8° Que si la bouffissure et la couleur violacée de la face, la présence d'une écume sanguinolente à lanouche^ la couleur vio- lette des extrémités, peuvent dépendre comme l'a annoncé Es- quirol , de la conservation du lien autour du cou, elles peuvent reconnaître quelquefois une autre cause, puisqu'on les a obser- vées dans le premier fait rapporté par ce médecin (voyez Né- cropsie 5% p. 360), quoique la corde eût été détachée peu de temps après la mort ; et que d'ailleurs les observations du doc- teur Fleischmann, tendent au contraire à établir qu'elles ne se manifestent souvent que lorsqu'on a enlevé le lien et que le corps a été couché (voyez page 394). 9° Qu'en attribuant ces phénomènes à la conservation du lien autour du cou, il faut admettre qu'ils peuvent manquer chez les personnes étranglées ou pendues avant la mort, et qui sont res- tées suspendues pendant sept ou huit heures (voyez jXécropsies 9e et 15e pages 361 et 366). 10° Que l'on ne détermine jamais de pareils phénomènes sur les cadavres, lors même que la suspension a été prolongée pen- dant vingt-quatre heures, et que le lien a été appliqué immé- diatement après la mort : ce fait semblerait au premier abord infirmer les conclusions du docteur Esquirol, qui regarde la bouffissure et la coloration comme des phénomènes cadavériques produits par la conservation du lien ; mais il est insuffisant, les observations de ce médecin ayant été faites sur des cadavresi d'in- dividus morts à la suite d'une affection dans laquelle le sang est accumulé dans les parties supérieures du corps (la strangula- tion), tandis que j'ai agi sur des cadavres qui n'étaient pas dans les mêmes conditions. 11° Que si des faits nouveaux confirmaient que la bouffissure et la coloration de la face se manifestent constamment chez les personnes étranglées ou pendues avant la mort, soit qu'elles dé- pendent de.la conservation dn lien.ou de toute autre cause, on pourrait conclure, lorsque ces caractères seraient appréciables, que l'individu a été étranglé ou pendu vivant, puisqu'on ne les observe jamais quand les corps > ont été étranglés ou pendus après la mort. .12° Qu'en supposant même qu!il en fùt.ainsi, comme ces,phé- — 408 - nomènes peuvent très bien n'être sensibles, dans le cas de stran- gulation ou de«uspension avant la mort, que huit ou dix heures après qu'elle a eu lieu, il serait impossible de les faire servir à tirer une pareille conclusion dans les premières heures qui sui- vent la mon, et que le médecin devrait attendre qu'ils se fussent manifestés pour porter son jugement. 13° Que s'il est vrai que dans la plupart des cas de strangula- tion ou de suspension pendant la vie, on découvre l'engorgement des poumons, des vaisseaux cérébraux et toutes les altérations qui annoncent que l'individu a péri par asphyxie ou par apo- plexie, ou par ces deux causes réunies, il n'en est pas toujours ainsi (voyez les Nécropsies lre, Ue et 5e, aux pages 358, 359 et 360. Art. Cadavres n'offrant point d'ecchymose au col et chez lesquels manquent, etc.), soit que cela dépende de ce que les cavités droites du cœur qui étaient distendues au moment où l'on a commencé l'ouverture du cadavre se sont vidées en grande partie pendant la dissection du cou, ou de toute autre cause; il n'est par conséquent pas rigoureux d'indiquer les lésions que déterminent l'asphyxie ou l'apoplexie comme caractéristiques de la strangulation ou de la suspension avant la mort, quoiqu'elles constituent un des signes les plus importans. D'ailleurs n'obser- verait-on pas les mêmes altérations sur le cadavre d'une per- sonne qui aurait succombé à toute autre espèce d'asphyxie, et que l'on aurait étranglée ou pendue après la mort pour faire prendre le change? 14° Que la position de la langue présente assez de variétés pour qu'on ne puisse la faire valoir que d'une manière fort se- condaire à résoudre la question proposée. 15° Que s'il est vrai que dans les cas de suspension pendant la vie il existe le plus souvent après la mort dans l'urètre du sperme contenant des animalcules même vivans, et que les or- ganes génitaux sont le siège d'une congestion qui peut être por- tée jusqu'au point de déterminer l'érection, on devra bien se garder de conclure d'après ces caractères, comme le veut M. De- vergie, que la suspension a eu lieu pendant la vie : car il n'est pas rare de trouver du sperme dans l'urèlre des cadavres d'in- . dividus qui, après avoir succombé à divers genres de maladies, — 409 — sont restés couchés sur les dos, et que d'une autre part on peut, en suspendant les cadavres, même trois ou quatre heures après la mort, et en les laissant dans cette situation pendant quelques heures, développer une forte congestion des organes génitaux, voire même l'érection, et constater dans l'urètre la présence de zoospermes dont plusieurs pourront encore être vivans. Le signe dont il s'agit offre d'ailleurs d'autant moins de valeur, qu'il a déjà été observé dans plusieurs genres de mort autres que la suspension. 16" Que dans l'état actuel de nos connaissances, il est impos- sible d'affirmer qu'un individu chez lequel il n'y a ni fracture des vertèbres cervicales, ni ecchymose au col, ni aucune autre trace de blessure faite pendant la vie, ait élé étranglé ou pendu vivant ; mais qu'il est possible d'établir des probabilités dans certains cas, surtout en ayant égard aux lésions qui peuvent an- noncer que la personne a succombé à une asphyxie ou à une apo- plexie. 17° Que la déchirure d'un ou de plusieurs ligamensjaunes delà colonne vertébrale, lors même qu'elle est accompagnée d'infiltra- tion de sang dans l'épaisseur des muscles environnans, dans le tissu cellulaire qui recouvre l'enveloppe membraneuse de la moelle et même sous le périoste de la parlie interne des lames des veriebres, ne prouve pas que la strangulation ou la suspension aient eu lieu pendant la vie, puisqu'elle peut être le résultat de coups portés sur la colonne vertébrale après la mort comme l'a démontré le docteur Christison (Voy. l'art, relatif aux blessures FAITES APRÈS LA MORT). 18° Qu'il ne suffit pas pour affirmer que la strangulation ou la suspension ont eu lieu pendant la vie, de découvrir des ecchymoses au col, la fracture des vertèbres cervicales ou d'autres blessures faites du vivant de l'individu, parce que ce- lui-ci aura bien pu n'avoir élé étranglé ou pendu qu'après avoir été meurtri et tué ; mais qu'il est souvent facile, dans ces cas, de prouver que la mort est le résultat de ces blessures. 19° Que si quelques-uns des ligamens qui unissent les vertèbre» entre elles élaient déchirés, que le cadavre présentât ou non des ecchymoses au cou, des fractures de l'os hyoïde et des cartilages — -410 — du larynx, que l'on constatât les phénomènes de la mort par as- phyxie ou par apoplexie, et qu'il n'y eût aucune trace de vio- lence sur les autres parties du corps, la suspension pourrait avoir eu lieu pendant la vie; mais rien ne prouverait que l'indi- vidu n'eût pas été étouffé d'abord, puis meurtri et pendu peu de temps après la mort. Des désordres de cette nature annonceraient presque toujours, pour ne pas dire toujours, que la mort a été l'effet d'un homicide, puisque, dans l'état actuel de la science, il n'existe qu'un exemple de pendaison par suicide qui ait occa- sionné la déchirure des ligamens jaunes qui unissent les apo- physes épineuses de l'atlas et de l'axis (Observation d'An- siaux). 20° Que si quelques-unes des vertèbres cervicales étaient frac- turées dans leur corps oudans leurs apophyses, avec au sans autre lésion du col, qu'il y eût des signes non équivoques de mort par asphyxie ou par apoplexie, etquel'on ne remarquât aucune trace de violence ailleurs, tout porterait à croire que l'individu a été assassiné et que la pendaison n'a eu lieu qu'après la mort.-A plus forte raison, adopterait-on cette opinion, si, indépendamment de ce qui vient d'être dit, on voyait des ligamens déchirés et quelques-runes des cinq dernières vertèbres cervicales luxées. Il ne seraikcependant pas impossible que la suspension eût eu lieu pendant la vie ; mais, à coup siuyelle ne serait,pas l'effet du suicide. 21° Quesi, contre toute probabilité, il y avait luxation delà pre- mière sur la deuxième vertèbre, on pourrait affirmer que la sus- pension n'a eu lieu qu'après la mort, à moins que ces vertèbres ne fussent préalablement cariées (maladie de Roust), parceque cette luxalion n'a: jamais été observée dans la pendaison par sui- cide, et qu'il faut de tels efforts pour la produire, si même on peut y parvenir, quand les vertèbres sont saines, qu'il est impossible,* en cas d'homicide par pendaison, que la mort ne soit survenue avant qu'elle ait eu lieu. 22° Que si dans les espèces 19e et 20e, les cadavres ne pré- sentaient pas d'une manière tranchée les phénomènes qui annon- cent une mort par asphyxie ou par apoplexie, on n'en devrait pas moins tirer les iaductions précitées, parce qu'il est certain que — 411 — dans quelques cas de suspension pendant la vie, ces phénomènes manquent, et que, dans quelques autres, ils sont à peine mar- qués. 23°'Que dans tout cas de suspension soumis à l'observation de l'expert, l'existence de blessures sur une partie quelconque du corps, autre que le cou, qu'elles aient été ou non capables d'occasionner la mort, fournit un élément important pour déter- miner si la suspension a eu lieu avant la mort, parce qu'elle an- nonce presque toujours qu'une lutte se serait engagée entre la victime et les assassins. 24° Que s'il résulte des faits consignés dans ce mémoire que l'état cadavérique est quelquefois insuffisant pour résoudre le problème qui m'occupe, il est pourtant possible, dans beaucoup de cas, d'af- firmer que la suspension a eu lieu pendant la vie, en s'appuyant sur diverses considérations qu'il est utile de rappeler ; ainsi, quelle est la longueur et la direction de la corde, fait-elle plu- sieurs tours sur le cou ; trouve-t-on deux sillons, l'un horizon- tal, l'autre oblique; l'individu pouvait-il se suspendre au lieu où il a été trouvé ; existe-t-il dans ses organes des indices d'une ten- tative d'empoisonnement ; était-il atteint d'une de ces maladies qui portent avec elles l'ennui de la vie, etc. De l'asphyxie par suffocation. On peut périr suffoqué par une multitude de causes que je me contenterai d'indiquer : la tuméfaction des tonsilles, de la lan- gue, de la membrane muqueuse du larynx; la présence d'une couche couenneuse dans le larynx ou dans les bronches, ou d'un corps étranger venu du dehors dans ces mêmes parties, dans le pharynx ou dans l'œsophage ; l'afflux subit de sang ou de pus ; la compression de la trachée-artère par des tumeurs de diverse nature, ou de la poitrine par des liquides épanchés dans sa ca- vité , par l'air, par les viscères abdominaux, lorsque le dia- phragme a été blessé ou rompu, etc. Il est inutile de faire connaître les divers symptômes qui seront le résultat de ces causes, parce qu'ils sont décrits dans tous les ouvrages de pathologie j qu'il me suffise de dire qu'en pareil cas - 4i2 - la mort peut être le résultat de l'asphyxie qu'elles déterminent, et que l'ouverture du cadavre ne tarde pas à les rendre mani- festes. BIBLIOGRAPHIE, Asphyxie. Mendel (L.). Desuffocatis. Strasbourg, 4776. — Nouvelles recherches chez les noyés, les suffoqués, par les vapeurs méphitiques, et sur les enfans qui paraissent morts en venant au monde. Paris, 4778. Testa (Ant. Jius). Délia morte apparente degli annegati. Florence, 4 780, in-8°. HuFELANn (Ch. W. ). Diss. sistens usum vis electricae in asphyxia, ex- perimentis illustratum. Gottingue, 4783, in-4°. Godwyn (Edm.). Diss. de morbo morteque submersorum investigandis. Edimbourg, 4 786, in-8°. Metzger (J. Dan.). Progr. sistens anirnadversiones nonnullas in novam Goodwiniide morte submersorum hypothesin. Kœnigsberg, 4786, in-4°. Goodwyn (Edm.). The connexion of lifewilh respiration, or an expéri- mental inquiry into the effects of submersion, strangulation, etc. Londres, 4789, in-8°. — Trad. en français, par Halle. Paris, 4798, in-8°. Berger (J. F.). Essai physiologique sur les causes de l'asphyxie par submersion. Thèses de Paris, an xm, n° 512. Barzelotti (Giacomo). Memoria per servire d'aviso al popolo sull' as- fissie e morli apparenti. Génère 4° Considerazioni generali sulle asfissie che incominciano délia sospensione del moto del cuore, e sul trattamento ad esse più conveniente. Génère 2° Considerazioni generali sulle asfissie che incominciano délia suspensione dell' azione polmonare, e sul tratta- mento principale, e conveniente. Génère 3° Considerazioni generali sulle asfissie che incominciano délia sospensione dell' azione cérébrale e sul trattamento principale e piu conveniente di esse. Tavola nosologica e tera- peutica délie asfissie e morti apparenti. Giornale délia soc. med. diPar- ma. T. v. p. 3. Plisson (Franc.-Edouard). Esssai historique et thérapeutique sur les asphyxies, avec quelques réflexions sur la respiration. Paris, 4 826, in-4 8. De la Faille. Diss. physiol. pathol. de asphyxia. Leyde, 1847, in-8. Langlois (Ch. ). Diss. sur l'asphyxie en général, et sur celle par les gaz en particulier. Thèses de Paris, 4830, n° 53. DE LA MORT PAR INANITION. Le médecin peut être requis pour déterminer si un individu trouvé mort a péri d'inanition ; il importe donc d'étudier atten- — 413 — tivement les effets de l'abstinence sur les animaux et sur l'homme sains. Expériences sur les animaux par M. Collard de Martigny. Les chiens de grande stature ont vécu trois, quatre, cinq semaines et au-delà ; les lapins ont succombé beaucoup plus vite. En général la mort arrive plus tôt chez les animaux d'une petite espèce, et ceux d'une même espèce péris- sent plus vite s'ils sont jeunes. Dans les premiers jours le chien éprouve de l'agitation ; lorsqu'on l'approche il exprime par des cris le besoin de manger; il se promène dans sa cage, cherche de la nourriture et les moyens de s'échapper. Après le premier septénaire il est évidemment agité par instans et pousse des cris aigus et réitérés, surtout à la pointe et à la chute du jour ; il morcelle les barreaux de sa cage : cependant presque toujours il reste couché et semble redouter le mouvement. Vers le troisième septénaire, il survient une période de véritable fureur, l'ani- mal ronge sans cesse les barreaux de sa cage; son œil est ardent, son aspect quelquefois menaçant, sa gueule est entre-ouverte, sa langue rouge et sèche. Vers le vingtième jour il tombe dans un accablement mêlé de courts instans d'agitation; la maigreur devient extrême; l'œil est terne, abattu et morne ; l'animal reste couché sur le flanc ; lorsqu'on l'appelle il soulève la tête ; ses mouvemens sont très lents ; il peut à peine se tenir de- bout; sa respiration est pénible. Plus tard, ces phénomènes acquièrent de l'intensité. L'animal ne peut plus se lever; pour respirer il tend Je cou ; la chaleur diminue surtout aux extrémités ; enfin réduit, au dernier degré de marasme, il reste toujours couché, le cou tendu et raide, et retombe si on le met sur ses pattes ; sa respiration est saccadée, entrecoupée ; il lave sa langue dans l'eau qu'on lui présente, mais ne peut en avaler; il repousse le pain qu'on lui offre ; il meurt. On voit évidemment d'après ce qui précède que les symptômes de la première période sont caracté- risés par des alternatives d'abattement et d'agitation , ceux de la seconde par une fureur ou une inquiétude continuelles, et ceux de la troisième par une faiblesse, une stupeur et un accablement profonds. A l'ouverture des cadavres on remarque un amaigrissement général ex- cessif ; les muscles, surtout ceux du tronc et les peauciers, sont décolorés, minces, atrophiés et privés de graisse, de tissu adipeux et de sang ; leurs fibres suivent en général une direction droite. Le cerveau et ses mem- branes paraissent dans l'état naturel. La cornée est affaissée, blanchâtre, opaque, sans ulcération. Le cœur est peu volumineux et les parois de ses ventricules sont amincies ; il contient, ainsi que les gros vaisseaux, une très petite quantité de sang en caillots mous, noirs, faciles à déchirer. Les poumons sont légèrement rosés, crépitans et entièrement exsangues; une très légère sérosité humecte leurs vaisseaux ; la membrane muqueuse tra- chéale est pâle. Dans l'abdomen, le tissu cellulaire est en très petite quan- tité; le mésentère n'est nullement graisseux; tous les organes paraissent — 414 — réduits à leur parenchyme essentiel. La rate et le pancréas sont pâles, pe- tits, consistans, vides de sang. La vessie contient une très petite quantité. d'urine dépourvue d'urée ; sa membrane interne est pâle. Les veines sont denses, exsangues, décolorées. Le foie est peu volumineux, vide de sang, ainsi que ses vaisseaux et la veine porte. La vésicule est fort considéra" ble; elle est distendue par une grande quantité de bile jaune verdâtre, limpide, très fluide. L'œsophage est étroit. L'estomac es* contracté; sa membrane interne est épaisse et présente des replis nombreux et considé- rables ; la tunique musculeuse participe à l'atrophie générale. La cavité stomacale est vide, la partie pylorique est teinte en jaune ; la cardiaque nacrée; il n'y a aucune trace d'inflammation. Les petits et les gros intes- tins sont d'un diamètre peu considérable ; '.ils contiennent une matière jaune verdâlre, qui, liquide dans le duodénum, acquiert d'autant plus de consistance qu' on s'approche davantage des gros- intestins. Dans toute l'étendue du tube intestinal, la membrane muqueuse est ridée, celle du petit intestin est profondément colorée en jaune verdâtre; cette teinte est moins prononcée dans les gros intestins ; il n'existe non plus ici aucune trace d'inflammation. Le sang pour ainsi dire réduit à rien contient plus* d'albumine que de fibrine. La quantité |de lymphe augmente dans les huit premiers jours d'abstinence ; les vaisseaux chylifères renferment un li- quide transparent coagulable, blanchâtre. Depuis le huitième ou le dixième jour, la lymphe diminue ; vers la fin le canal thoracique seul en contient encore un peu. Dans la première période, la lymphe devient graduelle- ment plus riche en matière colorante, en caillot 'et en fibrine ; elle est d'autant'moins coagulable, colorée et fibrineuse, que la mort est plus pro- chaine. M. Collard de Martigny a conclu de ces diverses expériences que l'abstinence favorise les résorptions purulentes et l'injection du sang (Recherches expérimentales sur les effets de l'abstinence complète d'alimens solides et liquides, sur la composition et la quantité du sang: et de la lym- phe. Journal de physiologie de Magendie, t. vm). Effets de l'abstinence complète ehez l'homme sain. Le premier de ces effets est le sentiment de la faim ; bientôt après l'individu éprouve un tiraillement pénible à l'épigastre, il est triste, abaltu, faible, et sa face est pâle. Le désir du rapproche- ment des sexes est éteint ; la respiration est lente, le pouls petit, lent, la peau froide, l'excrétion de l'urine est encore fréquente; ce fluide est incolore et assez abondant. Plus tard ces symptômes acquièrent plus d'intensité ; les sens affaiblis reçoivent mal les impressions de leurs excitans naturels, les facultés intellectuelles et morales sont dans un état de langueur ; l'absorption est la seule fonction qui semble redoubler d'énergie. Quelque temps — 415 — après, l'amaigrissement et la dépression des cavités se manifes- tent; les tempes deviennent creuses, les arcades temporales sail- lantes; les yeux s'enfoncent dans leurs orbites, en même temps qwe les arcades souroilières et les pommettes semblent devenir plus proéminentes ; le nez s'allonge et s'effile, le menton devient aigu, les lèvres sont pâles et minces, les oreilles semblent se re- tirer, la couleur du visage est pâle et livide, les membres sont grêles et desséchés, les articulations semblent plus volumineu- ses., les saillies musculaires s'affaissent. L'intelligence devient obtuse, le malheureux paraît accablé et reste couché sans exé- cuter un seul mouvement, ou bien il est saisi d'un délire furieux qui le pousse aux actes les plus cruels et les plus féroces ; il méconnaît;ses amis, ses proches, les prend pour ses premières victimes, et va jusqu'à détruire les seules ressources qui pour- raient proléger sa misérable existence. La bouche est ardente, la salive épaisse, peu abondante; une douleur atroce torture la région épigaslrique ; il semble que cette région soit en proie à un animal dévorant. Les selles sont suppriméesr ou si elles ont lieu, les matières sont noires, sèches, peu abondantes ; l'urine • est rare, brune, trouble, fétide. Dans Je cas d'abattement, la respiration est lente, difficile ; il se manifeste des pandiculations et des bâillemens ; le sang diminue de quantité et de plasticité, de là la faiblesse et la lenteur de l'action du cœur ; le pouls est sans force. La calorificalion, résultat de l'énergie des fonctions précédentes, s'affaiblit de plus en plus. L'individu est en général réduit par une absorption active et continuelle au dernier degré de marasme. Son corps semble, quelques jours avant la mort, entrer en décomposition ; il exhale une insupportable fétidité ; les matières excrétées surtout, lorsqu'il en existe encore, répan- dent une odeur putride ; la surface de la peau se couvre de pé- techies ; quelquefois il se détache des lambeaux de tégumens. Enfin l'individu meurt, éprouvant dans quelques cas dés mouve- mens convulsifs peu prononcés. Est il permis de ranger parmi les effets de l'inanition, les phé- nomènes de surexcitation extraordinaire observés chez les nau- fragés de la Méduse, et ne faut-il pas plutôt les rapporter aux conditions particulières dans lesquelles ils se trouvèrent, sous — 416 — l'influence d'une chaleur tropicale, d'un défaut absolu de som- meil, etc.''Quoi qu'il en soit, voici quels furent ces effets. Le re- gard de ces malheureux était enflammé, l'haleine brûlante, la langue sèche et rouge; ils poussaient des cris, des vociférations, on remarquait les gestes, les actes les plus désordonnés, la rage la plus brutale et une soif de destruction tournée contre des com- pagnons d'infortune; la peau était brûlante et le pouls accélé- ré; à ces signes succéda bientôt un accablement général. A l'ouverture des cadavres on remarque, une émaciation portée au dernier degré de marasme, l'absence de graisse dans toutes les parties du corps excepté dans le canal médullaire des os, l'état exsangue de tous les viscères, la fermeté de la plupart d'entre eux, du cerveau, du cervelet, de la moelle épinière, de la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins, du foie, de la rate, des reins, l'atrophie du système musculaire , la consis- tance et l'abondance de la bile et la couleur rouge de l'urine. Les phénomènes cadavériques doivent d'ailleurs varier suivant une multitude de circonstances; ainsi l'émaciation sera plus ou moins avancée suivant l'embonpoint primitif du sujet, la durée de l'abstinence et la cause qui l'a produite; l'état des cadavres pourrait-il être le même, par exemple, lorsqu'il s'agit d'individus dont le corps est resté en partie plongé dans l'eau pendant quel- que temps, et d'autres qui sont morts après avoir élé ensevelis sous des avalanches, sous des décombres, sous des mines, etc.,et qui ont dû être asphyxiés? L'influence de la température, pour faire varier les phénomènes cadavériques, ne saurait êlre con- testée non plus, et l'on pourra découvrir, réunis aux signes de la mort par inanition tantôt les effets de la mort par congélation, tantôt ceux de la mort par excès de chaleur (Voy. l'article Ab- stinence du Dictionnaire de Médecine ou Répertoire géné- ral, etc., en 30 vol.). Après avoir décrit les phénomènes physiologiques et cadavé- riques produits par l'abstinence, je vais examiner s'il est possible de déterminer 1° que la mort d'un individu est le résultat de cette abstinence et qu'elle ne reconnaît pas d'autre cause ; 2° qu'elle a été volontaire ou forcée. Première question. La mort est-elle le résultat de l'ab- — 417 stinence et ne reconnaît-elle pas d'autre cause? Les effets de l'abstinence ne sont pas tellement caractéristiques que l'on puisse d'après eux affirmer qu'une personne est morte de faim ; il n'en serait pas de même s'il ne s'agissait que d'établirdes con- jectures ou des présomptions, car alors l'ensemble des carac- tères énoncés me paraîtrait suffisant pour le faire. On concevra fa- cilement l'impossibilité de se prononcer d'une manière absolue, si l'on considère l°que l'on voit tous les jours des malades en proie à des affections nerveuses, à des gastro-entérites chroniques,etc, vivre pendant plusieurs années, après avoir été soumis à un régime alimentaire excessivement ténu, et pouvant périr dans un état de marasme profond et avec une altération des fluides analogue à celle que l'on remarquerait si l'abstinence eût été complète ; or dans ce cas, la mort est surtout le résultat des souffrances plus ou moins continues éprouvées par les individus, et des maladies dont ils étaient atteints ; 2° que ceriaines personnes bien por- tantes, épuisées par l'onanisme ou par des perles abondantes qu'elles font et qu'elles ne réparent que jusqu'à un certain point, périssent à-peu-près comme si elles étaient mortes de faim , quoique pourtant elles n'aient pas cessé de s'alimenter. Mais, dira-t-on, l'état excessif de marasme, joint à l'absence de lésions cadavériques notables ne suffit-il pas, pour affirmer que l'abstinence seule a occasionné la mort? Je suis loin de le penser, puisqu'on voit journellement des individus atteints de certaines maladies périr dans un état de consomption remarqua- ble, sans qu'il soit permis de découvrir après la mort des traces d'une lésion organique quelconque; d'ailleurs la foudre, une im- pression morale vive et profonde, la congélation, un excès de cha- leur, elc, ne peuvent-ils pas tuer des personnes déjà épuisées par toute autre cause que par la privation de nourriture, et ne laisser après la mort aucune altération appréciable? Deuxième question. L'abstinence a-t-elle été volontaire ou forcée. La solution de ce problème, si elle est possible, doit être fondée sur des considérations qui ne sont nullement du ressort du médecin, excepté dans les cas où par un examen attentif de tout ce qui a précédé ou par l'ouverture des cadavres, les gens de l'art établiraient que les individus pouvaient être disposés H. 27 — 418 - à se suicider. C'est donc aux magistrats à recueillir des faits précis sur une foule de points qu'il suffira d'indiquer ici : par exemple des individus naufragés et qui ont pu échapper aux dan- gers de la submersion, ont-ils été trouvés morts loin des lieux où ils auraient pu prendre de la nourriture ; les personnes qui ont péri avaient-elles été enfermées ou s'étaient-elles enfer- mées dans des chambres qui ne pouvaient pas communiquer avec l'extérieur, et dans lesquelles on ne voyait ni alimens, ni débris d'alimens, ni aucune trace pouvant faire soupçonner qu'il en eût existé ; des précautions ont-elles été prises pour empêcher les plaintes des malheureux de parvenir aux oreilles d'autrui ; les individus étaient-ils misérables au point d'être dans le dénuement le plus absolu, étaient-ils l'objet d'inimitiés ou de haines, et déjà n'avait-on pas fait quelques tentatives pour se débarrasser d'eux ; étaient-ils sains d'esprit et pouvait-on soupçonner quelque inté- rêt à les faire périr (Voy. deux cas de suicide par inanition consignés dans les Archives générales de Médecine, tome xxvn). Il ne sera pas inutile, avant de terminer cet article, d'exposer succinctement quelques propositions sur l'abstinence, qui me paraissent pouvoir, dans certains cas, éclairer les gens de l'art appelés à résoudre les questions difficiles dont il s'agit : 1° il est impossible d'assigner le terme qu'un homme adulte, soumis à une abstinence complète, peut atteindre sans succomber ; dans les deux cas de suicide précités, la mort arriva au soixantième et au soixante-troisième jour; ces individus n'avaient pris aucun aliment solide, et ils n'avaient bu que de l'eau, du sirop d'orgeat et un peu de vin ; l'un d'eux avait avalé une seule fois un peu de bouillon ; dans d'autres exemples on a vu la mort arriver au hui- tième, au quarantième, au quatre-vingtième jour, et s'il faut en croire certains auteurs, au huitième mois, à la dixième année et même plus tard ; 2° l'enfance, la jeunesse, les tempéramens ner- veux, les constitutions sèches, sont moins propres que les âges, les tempéramens et les constitutions opposés à supporter l'abs- tinence ; 3° les femmes meurent d'inanition plus tard que les hommes ; k° les individus habitués de longue main à vivre de peu supporteront plus facilement et plus longuement l'abstinence, — 119 — toutes choses étant égales d'ailleurs, que les autres; il en est de même de ceux qui sont sous l'influence d'affections vives de l'âme ; 5° on endure beaucoup plus facilement la faim dans l'état de ma- ladie que dans l'état de santé ; c'est surtout dans l'aliénation men- tale, dans la mélancolie et dans l'hystérie que l'on puise des preuves incontestables de cette assertion ; 6° l'abstinence d'ali- mens solides peut être portée beaucoup plus loin lorsque les individus font usage de boissons ; 7° on n'a pas encore suffisam- ment apprécié l'influence des climats et des saisons sur la durée de l'abstinence ; toutefois on a cru remarquer que le froid et l'hu- midité étaient très favorables à une longue abstinence. BIBLIOGRAPHIE. Wier (J.). De commentitiis. In oper. omn. Amsterdam, 4671, in-4°, p. 748-769. LENTULUs(Paul).Historiaadmiranda de prodigiosâ Apolloniae Schreierae virginis in agro bernensi inediâ;... complurium etiam aliorumde ejusmodi prodigiosis inediis , doctissimorum , necnon fide dignissimorum virorum narrationes, etc. Berne, 1604, in-4°, 211 pp. Liceti (Fortun.). De his qui diù vivunt sine alimente libri quatuor, in quibus diuturnae inediaa ^observationes , opiniones et causas summâ cum diligentiâ explicantur, etc. Padoue, 1612, in-fol. Citois (Franc.). Histoire merveilleuse d'une fille de Poictou qui, depuis trois ans, vit sans manger et sans boire, in-8°, 74 pp. Reçus, in Opuscul. med. Paris, 1639, in-4°, p. 53-407. — Access, abstinentia puellae confo- lentaneae ab Israelis Harveti confutatione vindicata. Cui preemissa est ejusdem puellae anabiosis, p. 109-164. Provencuères. Histoire de l'inappétence d'un enfant, de son désiste- ment de boire et de manger pendant quatre ans et onze mois, et de sa mort. 1616, in-8°. RonERic a Castro (Steph.). De asitiâ tractatus. Florence, 1630, in-8°, 101pp. Sebitz (Melch.). Défend. Raygero. Diss. de inediâ. Strasbourg, 4664, in-8°. Reynolds. A discourse upon prodigious abstinence, etc. Londres, 1669, in-4°. —Extrait dans la Bibliothèque raisonnée de l'Europe, 1747, t. xxxix, p. 248. Rimpel. Diss. de inediâ quorundam hominum diuturnâ. Leipzig, 1674, in-4°. Pechlin (Jo. Nie). De aeris et alimenti defectu, et vitâ sub aquis medi- tatio, etc. Kiel, 1676, in-8°, 183 pp. 27. — 420 — Ritter. Diss. de possibilité etimpossibilitate abstinenliae longa\ Bàle, 1737, in-4". Waldschmidt. De his qui diù vivuntsine alimentis. Helmstadt, 1749. Struve. Frid. Christ. Prœs. Fr. Hoffmann. Diss. de inediae noxà atque utilitate. Halle, 4739, in-4°. — Frid. Hoffmanni opéra omnia. Beccari (Barth.). De longâ cibi potûsque omnis abstinentiâ. De Bono- niensi scient, et art. instituto atque Acad. comment., t. n, pars. 4, p. 224-235. Planque. Bibliothèque choisie de médecine. Art. Abstinence. Haller. Physiolog., t. vi. Percival'(Thomas). Médical Essays, t. n, 4790. Dumas. Mémoire sur les causes de la faim et de la soif. Journ. gén. de méd., t. xvi, p. 4 93-203. Egron (J.-P. Louis). Quelques considérations sur l'abstinence. Thèses de Paris, 1815, fi° 22. — L'auteur, comme le suivant, décrit ce qu'il a lui-môme éprouvé. Savigny (J.-B. Henri). Observations sur les effets de la faim et de la soif éprouvées après le naufrage de la frégate du roi la Méduse, en 1816. Thèses de Paris, 1818, n° 84. Freiwilliger Hungertod, von dèm Verhungerten selbst beschrieben. In Hufeland's Journal, 1819, t. xlviii, n° 3, p. 95, 4 03. Trad. dans la Biblio- thèque médicale, t. lxvii, p. 82. — C'est le sujet lui-même de l'observa- tion qui a décrit les phénomènes de son abstinence. Pourcy (E.-J.). Dissertation sur l'abstinence. Thèses de Paris, 484 9, n° 285. — Principalement sous le point de vue thérapeutique. Martini (Lorenzo). Lezioni di fisiologia, t. vi, p. 47. Rolando (L.) et Gallo (L.). Necroscopia di Anna Garbero asita per lo spazio di 32 mesi, 4 4 giorni, con riflessioni. Turin, 1828, in-4° 36 pp. 2 pi. Extrait dans les Archives gén. de méd., 1819, t. xix, p. 247. Collard de Martigny (C.-P). Recherches expérimentales sur les effets de l'abstinence complète d'alimens solides et liquides, sur la composition et la quantité du sang et de la lymphe. Journ. de physiologie de Magendie, t. vin, p. 152-210. — L'auteur a énoncé le premier, d'après l'expérience, l'opinion que l'abstinence favorise les résorptions purulentes et l'infection du sang. Hebray (A.). De l'influence de l'alimentation insuffisante sur l'économie animale. Thèses de Paris, 1829, in-8», 39 pp. Piorry. De l'abstinence, de l'alimentation insuffisante, et de leurs dan- gers. Journal hebdomadaire, t. vu, p. 161-185. — Extrait dans les Ar^ chives de méd., 1830. Caffort. Note sur les abus delà diète. Mémorial des hôpitaux du Midi. t. H, p. 328. — 421 — DES BLESSURES. En médecine légale on désigne sous le nom de blessure toute altération locale d'une partie du corps produite par un acte de violence ou par l'application d'un caustique, soit que la cause ait été dirigée contre le corps, soit que le corps ait élé poussé contre la cause vulnérantc ou même que cette dernière n'ait agi que par contre-coup. Il suit de là que l'on doit rappor- ter aux blessures, la contusion, la commotion, la fracture, la luxation, l'entorse . la brûlure et les plaies. On voit tous les jours des médecins confondre, dans les rapports juridiques, des lésions aussi distinctes, et désigner sous le nom de blessures, de plaies ou de conlusions , des altérations qui ne se ressemblent pas; il en est d'autres qui attachent bien à chacun de ces mots le sens qui lui convient, et qui néanmoins commettent des er- reurs graves lorsqu'ils décrivent les lésions dont je parle, parce qu'ils oublient de noter des particularités essentielles, ou parce qu'ils ignorent la valeur de certaines expressions qu'il est in- dispensable de connaître : c'est pourquoi je crois devoir donner ici la définition de chacune de ces lésions, et décrire les nuances qu'elles peuvent présenter, avant de m'occuper de leur histoire médico-légale, que je rapporterai aux sept articles suivans : 1° Législation sur les blessures; 2° Classification des blessures ; 3° Rapports qui existent entre les blessures et leurs causes, envisagés comme moyen de reconnaître la nature particulière de l'agent vulnérant ; u° Danger des blessures, leur marche, leurs terminaisons ; moyen d'apprécier jusqu'à quel point leurs effets doivent être rapportés à la violence extérieure qui les a produites ; 5° Signes propres à déterminer si les blessures ont été faites pendant la vie ; 6° Signes qui peuvent faire distinguer si les blessures sont le résultat d'un accident, d'un meurtre ou d'un suicide; 7° Règles de l'examen des blessures. De la contusion. La contusion est une blessure sans entamure à la peau, l'aile - 422 — par un corps obtus, dur, habituellement pesant; on l'appelle meurtrissure quand elle est le résultat d'une rixe entre deux ou plusieurs personnes. L'examen le moins attentif des parties con- tuses démontre que l'altération présente différens degrés depuis la simple rubéfaction de la peau jusqu'à l'attrition complète des tissus. Quand les vaisseaux capillaires sont rompus, qu'il existe une turgescence momentanée, la lésion prend le nom de frois- sement; la dilacération consiste dans la déchirure des tissus et l'existence de petites solutions de continuité plus ou moins rapprochées ; enfin les parties molles sont-elles complètement désorganisées, réduites en une sorte de bouillie, la lésion pré- sente le degré de l'attrition. Il est une variété de contusion dans laquelle les vaisseaux ca- pillaires ne sont pas évidemment rompus ; c'est celle qui est le résultat d'une pression lente, continue, faite par un corps dur sur les tissus. Au bout de quelques instans la peau rougit, et présente une tuméfaction évidente : telle est la contusion pro- duite par un pincement de la peau entre les doigts, par les liens qui serrent le cou des pendus où les poignets des individus que l'on a garrottés avant de leur ôter la vie ; si la mort survient, au moment où cette compression prolongée a fait refluer les li- quides, la peau devient bientôt sèche, dure, jaune, brunâtre et comme parcheminée ( Voy. page 357 ). Mais dans la presque totalité des cas, la contusion suppose la rupture des vaisseaux de la région contuse. Les capillaires étant déchirés, le sang s'infiltre dans les mailles du tissu cellulaire, où s'épanche dans des cavités naturelles, comme les bourses mu- queuses ou dans des cavités accidentelles ; ces dernières sont le résultat de l'action même du corps contondant. Le sang hors des vaisseaux étant épanché ou infiltré, donne lieu à l'ecchymose; mais comme le passage de ce fluide hors des vaisseaux peut se faire spontanément sous l'influence d'une cause qu'il est souvent difficile d'apprécier, mais qui n'est pas assurément une contu- sion, il en résulte que, contrairement à l'opinion de Belloc et de plusieurs auteurs de médecine légale, la contusion n'est pas une condition nécessaire de l'ecchymose. On ne confondra pas la contusion avec la rupture d'un mus- — 423 -- cle, d'un tendon, etc., ou avec la crevasse d'un viscère creux, altérations qui peuvent reconnaître pour cause une contraction violente incomplète, ou la distension que produit une grande quantité de fluide accumulé dans la cavilé d'un organe creux. Toutes les parties du corps, même les plus dures, peuvent être affectées de contusion ; mais le danger n'est pas toujours le même ; elles sont en général redoutables par la commotion qu'elles déter- minent dans les organes les plus importans, par la rupture des tissus, ou par l'inflammation, la suppuration et le sphacèle, qui en sont souvent la conséquence. De l'ecchymose. J'ai dit que l'ecchymose était l'extravasation du sang dans le tissu des organes ou des cavités celluleuses na- turelles ou accidentelles, extravasation produite par la rupture des vaisseaux sanguins ou par une exhalation morbide. Hippo- crate en a donné une idée bien juste et qui s'applique à tous les cas, en définissant l'ecchymose « un épanchement de sang hors des vaisseaux, dont la cause est le plus ordinairement de nature violente. » Quand l'action du corps contondant n'a fait que dé- chirer les capillaires, sans rompre les lamelles du tissu cellu- laire, de manière à produire une eavité accidentelle, l'ecchymose est dite par infiltration, parce que le sang s'infiltre, en effet, de proche en proche dans les cellules, suivant la déclivité dés par- ties et la laxité plus ou moins grande de leur tissu cellulaire. Supposez, au contraire, que le corps contondant, agissant obli- quement sur la région , ait fait glisser la peau, et rompu des lames celluleuses, le sang s'épanche dans la cavité accidentelle, en même temps qu'il s'infiltre dans le tissu circonvoisin : c'est l'ecchymose par épanchement. Au crâne, où le tissu cellulaire placé sous le cuir chevelu est très dense, où les corps conton- dans agissent ordinairement d'une manière oblique, on donne à l'ecchymose le nom de bosse sanguine. La plupart des au- teurs de médecine légale ont cru devoir appeler sugillations les ecchymoses produites par une cause interne, les taches scor- butiques, par exemple, comme si les lésions dont il s'agit n'é- taient pas entièrement semblables à celles qui sont le résultat d'une violence extérieure ; il est évident qu'il est inutile d'ad- mettre une pareille dénomination, dès que la différence que l'on — 424 — assigne ne porte que sur la cause; il est même indispensable de la faire disparaître du vocabulaire médical, parce qu'elle dérive du verbe sugere, sucer, et qu'on a voulu s'en servir pour exprimer toute autre chose que le résultat de la succion. Les causes de l'ecchymose sont les chutes, les percussions, la compression exercée par des liens étroits, l'application de ven- touses, de sangsues, la rupture totale ou partielle de muscles, de tendons, de divers tissus membraneux. Les plaies peuvent y donner lieu, lorsqu'elles sont élroiles et que leur direction est oblique, circonstances qui s'opposent au libre écoulement du sang; certaines maladies caractérisées par l'atonie des solides et par la grande fluidité du sang, comme le scorbut, le morbus hœmorrhagicus, la fièvre typhoïde, etc., sont des causes évi- dentes d'ecchymose ; il en est de même d'un mouvement brus- que , d'une secousse violente, d'un effort pour soulever un far- deau, pour vomir, pour aller à la selle, etc. (1); on en voit paraître à la suite du plus léger froissement dans nos tissus; il peut même arriver qu'elles se développent sans l'action d'aucune de ces causes ; il n'est pas rare, dit Chaussier, de voir des per- sonnes se coucher avec l'apparence de la meilleure santé, et se (1) Chaussier a recueilli, sur les causes dont je parle, des faits curieux qu'il ne sera pas sans intérêt de faire connaître : 1° Une femme de campagne, âgée de trente ans, d'une forte constitution, enceinle de cinq mois, monta sur une charrette qui venait à la ville distante de son domicile d'environ 8 kilomètres, la violence des se- cousses et des cahots de la voiture lui causait de grandes douleurs, surtout au côté droit de l'abdomen : à son arrivée à la ville, elle se mit aussitôt sur un lit pouè se reposer de ses fatigues ; mais bientôt il survint des faiblesses, des défaillances, des sueurs froides, et cette femme mourut tranquillement dans 1 espace de trois heures. Les viscères des différentes cavités splanchniques étaient dans l'état naturel, si ce n'est que l'utérus était développé et contenait un fœtus d'environ cinq mois! Il y avait dans la partie profonde de l'abdomen du côté droit, sous le péritoine, une grande quantilé de sang noir, en partie fluide, en partie coagulé, qui était infiltré, ramassé en un foyer, et formait une longue et large tumeur qui, de la fosse iliaque du côté droit, s'étendait jusqu'à la hauteur du rein, et avait près de 15 centimètres de largeur; la quantilé de sang extravasé fut évaluée à plus del kilogramme et demi ; il provenait de la rupture d'une des veines de l'ovaire droit, veines qui sont toujours fort dilatéesjendant la grossesse, surtout chez les femmes qui ont eu déjà plusieurs enfans. —2° Une jeune femme blonde, délicate, enceinte pour la première fois, eut pouraecoucher des douleurs vives'et fréquentes qui déterminrrent, dans les derniers temps du travail, une infitration de sang considérable dans le tissu lamineux de la lèvre droite de la vulve : on fit infructueusement, pendant plusieurs jours, des ap- — 425 — lever le lendemain matin avec une tache rouge sous la conjonctive (Rieux .1 .-J. Germ. Considérations médico-légales sur l'ecchy- mose, la sugillation, la contusion, lameurtrissure,¥i\ris, 1819, in-8°, p. 239). On observe encore certaines ecchymoses dans les organes internes, par exemple, sur la membrane interne du cœur dans l'empoisonnement par le sublimé corrosif, dans le poumon par l'effet des poisons irritans, narcotiques ou narcotico-acres. Le siège et l'étendue de l'ecchymose ne sont pas toujours les mêmes : les unes sont superficielles et n'intéressent que le tissu cellulaire sous-cutané, d'autres sont profondes, et alors le sang se trouve infiltré ou épanché dans la substance des muscles, sous le périoste, entre le tissu propre des viscères et la membrane qui les recouvre, dans le tissu de ces organes, entre les nerfs, les vaisseaux sanguins et le tissu cellulaire qui leur sert de gaine. plications de compresses trempées dans une infusion aromatique. Sept jours après l'accouchement, le pouls était petit, faible, fréquent. La lèvre droite de la vulve, renversée en dehors, formait une grosse tumeur oblongue, brunâtre, luisante, ten- due, qui paraissait prête à se rompre, était peu douloureuse au toucher, et dans laquelle on sentait manifestement la fluctuation. Incisée avec la lancette, cette tu- meur fournit d'abord environ 120 grammes de sang noir épais, mêlé de petits caillots ; on s'aperçut bientôt que le sang continuait à couler, et comme la femme s'affaiblissait, on eut recours à un tampon de charpie trempée dans de l'eau alumi- neuse, qui arrêta l'hémorrhagie , mais la faiblesse résultant de cette hémorrhagie avait été assez grande pour déterminer la mort de la femme douze jours après l'ac- couchement. A l'ouverture du cadavre, on trouva beaucoup de sang épanché dans le tissu cellulaire sous-péritonéal qui environne le côté droit du vagin et de l'intes- tin rectum, sur le corps des vertèbres des lombes et même entre les deux lames du mésentère. Il fut impossible de déterminer quel était le vaisseau qui avait été rom- pu ; on présuma seulement que c'était une branche du plexus veineux qui entoure l'orifice du vagin. — 3° Il survint tout-à-coup chez un homme sujet à la consti- pation, et qui fit de grands efforts pour aller à la selle, une ecchymose considé- rable du scrotum.— 4o Une jeune femme d'une constitution forte, d'un tempéra- ment sanguin, d'un caractère irascible, enceinte pour la première fois et parve- nue au terme de la grossesse, éprouve les douleurs de l'accouchement, s'emporte, s'agite par saccades, et délire ; cependant elle accouche heureusement, mais au lieu de se calmer, le délire, l'agitation subsistent, se renouvellent avec violence par intervalles; on ne la contient qu'avec peine dans son lit; tous les secours sont inu- tiles, et elle meurt quelques jours après son accouchement. A l'ouverture du corps, on trouva dans la fosse iliaque droite, sous le péritoine, une grande quantité de sang infiltré dans le tissu lamineux , ramassé en foyer dans quelques points ; le muscle grand psoas était rompu dans une partie de son épaisseur et en différens endroits. ( Recueil de Mémoires, Consultations et Rapports sur différens objets de médecine, légale. Paris, 1824, in-8", p. 397 et suiv.) — 426 — Il en est qui occupent un très grand espace ; d'autres sont peu étendues. Enfin tantôt elles se manifestent au moment même de l'action du corps contondant, tantôt elles ne paraissent qu'au bout de quelques heures, ou même de quelques jours, selon qu'elles ont leur siège dans la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, ou dans les parties profondes d'un membre ou du tronc. La couleur des ecchymoses présente des variétés que doit prendre en considération le médecin expert. Ainsi, l'ecchymose peut être uniforme, c'est-à-dire que sa teinte rouge ou bleuâtre n'est pas tachetée de macules, d'un bleu foncé ou noirâtres ; ou bien au contraire, elle a une apparence marbrée, et les teintes qui constituent cette marbrure sont roses, rouges , violettes , bleuâtres, noirâtres. Dans le premier cas le corps contondant â frappé la région par une surface unie, ou bien l'ecchymose est symptomatique d'une lésion profonde; dans le second, c'est un corps irrégulier, présentant à sa surface des bosselures inégales qui a frappé la région ecchymosée. On conçoit que dans ces cas on peut reconnaître quelle .1 dû être la forme du corps conton- dant, par la seule inspection de la teinte tachetée, marbrée ou non de la partie contuse. La marche de l'ecchymose superficielle doit être parfaitement connue du médecin chargé d'un rapport juridique sur les bles- sures, puisqu'elle peut servir à indiquer l'époque où la lésion a été faite. Dans le plus grand nombre de cas, la partie ecchymo- sée offre d'abord une tache rouge ou bleuâtre, qui ne tarde pas à devenir livide, plombée ou noirâtre, et qui est produite par le sang répandu dans le tissu cellulaire sous-cutané. Au bout d'un certain temps la tache s'éclaircit graduellement, acquiert une couleur violette, verdâtre, jaunâtre, citrine, et disparaît; à me- sure qu'elle change ainsi de nuance, elle s'étend, et l'on observe que la partie centrale est toujours d'une couleur plus foncée que la circonférence : ainsi, dans une ecchymose qui marche mani- festement vers la guérison, on remarque, à une certaine période de la maladie, un point central violet, entouré d'une auréole d'un jaune foncé, bordée elle-même d'un cercle de couleur ci- trine. « On trouvera la cause de cette série de phénomènes , dit Chaussier, dans la nature du sang, la disposition et les proprié- —■ 427 — tés du tissu lamineux ; en effet, dès que le sang cesse d'être sou- mis à l'action circulatoire, il perd par le repos sa couleur vive, devient brunâtre et tend à se coaguler; mais comme il se fait continuellement dans les aréoles du tissu lamineux une sécrétion séreuse, ses molécules sont successivement délayées, dispersées peu-à-peu par l'action tonique du tissu, dans les aréoles circon- voisines, ce qui produit en même temps la diffusion de la tache ecchymosée, et le changement de couleur que l'on y remarque et qui diminue chaque jour par l'absorption qui se fait successi- vement. » L'âge, la constitution du sujet, l'état des propriétés vitales, l'étendue, la situation de l'ecchymose et la cause qui l'a produite, influent singulièrement sur le temps nécessaire pour que la résolution soit complète; mais toujours est-il constant qu'elle ne saurait avoir lieu sans présenter la succession des cou- leurs dont j'ai fait mention. Quand l'ecchymose est profonde, lorsque, par exemple, elle a son siège dans les muscles qni sont maintenus par de fortes apo- névroses et qui recouvrent immédiatement les os de la cuisse, de l'avant-bras, de la paume des mains, de la plante des pieds ou de la face spinale du rachis, le plus souvent on n'en aperçoit d'abord aucune trace à l'extérieur ; la peau qui a reçu le coup et qui correspond à la partie lésée ne présente aucune lividité; quelquefois cependant on voit paraître au bout de cinq, six ou huit jours, des taches sous-cutanées plus ou moins étendues, d'une couleur violette ou jaunâtre; enfin, dans certaines circon- stances, les taches se montrent sur un point assez éloigné de ce- lui qui était le siège de l'ecchymose, ce qui prouve que le sang infiltré a été délayé par le fluide sécrété dans le tissu lamineux, et qu'il s'est répandu successivement dans les mailles du tissu cellulaire en obéissant à l'action de la pesanteur. Il est une autre cause qui fait souvent varier le siège de l'ec- chymose, et qu'il importe de signaler; en général l'infiltra- tion du sang s'étend plus ou moins en largeur dans le sens où la résistance et la densité du tissu cellulaire ne s'opposent pas à cette sorte d'imbibition. Patrix a fait à ce sujet des remar- ques intéressantes dont je vais rapporter ici les principales, et qui prouvent que l'ecchymose ne se manifeste pas constamment — 428 — daus la direction que semblerait indiquer le siège de la contu- sion. Dans la région de l'aine, au-dessous du ligament deFallope, l'ecchymose s'étend vers la parlie interne et inférieure de la cuisse: la position déclive du corps ne saurait la faire remonter vers la paroi abdominale, à cause de l'adhérence au ligament préeilé du fascia superficialis. Au contraire, l'ecchymose qui a son siège dans le fascia sous-culané de la région iliaque ou bypogaslrique remonte contre les lois de la pesanteur vers la partie latérale du thorax à cause de celte même adhérence qui lui sert de point d'appui. Une infiltration de sang dans l'aponévrose superficielle du périnée, se propagera vers le scrotum, autour de la verge, sous la peau de la paroi abdominale. Ces considérations s'appli- quent au genou, à l'épaule, à la poitrine, en un mot à une grande partie de la surface du corps, partout où des lames aponévroli- ques, ou des adhérences celluleuses, ou la laxité du tissu cellu- laire déterminent le sens des infiltrations sanguines ; ainsi, une contusion sur la région interne du genou sera suivie d'une ec- chymose qui s'étendra au-dessus du point contus ; au niveau du condyle correspondant du tibia, on observera l'inverse; au mol- let, l'infiltration sanguine se propage du côté de l'articulation; à la face externe et antérieure de la jambe, on la voit s'étendre à- peu-près également au-dessus et au-dessous du point contus ; sur la fesse, l'ecchymose se manifestedu côté de la cuisse; au dos, aux lombes, aux parties latérales de la poitrine, elle s'étend plutôt vers les flancs ; à la mamelle elle reste circonscrite ; lorsque la contusion a son siège sur les parties latérales du cou, l'ecchymose s'étend en avant et en bas; dans celle du front, elle gagne les paupières, etc. (Velpeau,Zte la contusion dans tous les orga- nes, thèse de concours, Paris, 1833, in-4° p. 7). On conçoit toute l'importance qu'il peut y avoir, dans certains cas de médecine légale, à savoir si le siège de la contusion est bien celui où l'on aperçoit l'ecchymose. On devra donc tenir compte des diverses remarques qui précèdent, dans le cas, par exemple, où il s'agi- rait de déterminer, soit la direction dans laquelle un coup aurait été porté à un individu, soit la situation du blessé relativement à celle dans laquelle se trouvait celui qui l'a frappé, etc. C'est surtout â l'occasion de l'ecchymose des paupières que le — 429 — médecin légiste aura égard à toutes les considérations dans les- quelles je viens d'entrer. La laxité du tissu cellulaire de l'orbite et des paupières explique, en effet, avec quelle facilité les ec- chymoses peuvent se produire dans ces voiles membraneux. Une contusion faite par un corps orbe, mais d'une surface irrégulière, comme le poing par exemple qui ne peut atteindre également toutes les parties de la région palpébrale , sera suivie d'une ec- chymose générale, mais marbrée ; une fracture du corps du sphé- noïde, des parois de l'orbite, fracture opérée par contre-coup à la suite d'un coup porté sur le sommet du crâne par exemple, sera également suivie d'une ecchymose des paupières au bout de quel- ques heures, et cette ecchymose sera d'une teinte uniforme, etc. La peau peut également ne présenter aucune altération dans sa couleur, lorsque l'ecchymose a son siège dans les différens vis- cères, quand même ceux-ci auraient été déchirés en plusieurs lambeaux, et qu'un épanchement plus ou moins considérable de sang aurait été la suite de leur rupture. A l'ouverture du corps d'un soldat atteint par un boulet, Dupuytren a trouvé tous les muscles de la région lombaire, les parois abdominales, le rein gauche, les apophyses transverses des vertèbres lombaires et les dernières côtes comm% broyées, et les cavilés abdominale et tho- racique gauches remplies d'un sang noir, sans que la peau pré- sentât aucune altération (Clinique de Dupuytren). De là le précepte donné de pratiquer de longues et de profondes incisions sur les cadavres, avant d'affirmer que des percussions qui n'ont fait subir aucune altération à la peau n'ont rien changé à l'état des tissus sous-jacens. Le diagnostic des ecchymoses est facile à établir. On distin- guera celles qui sont superficielles des lividités cadavériques, en ayant égard à leur siège (voyez Mort) , et en coupant une lame mince de la peau ; en effet, dans la lividité il y a simple- ment congestion de sang dans les réseaux capillaires, de ma- nière que la couleur foncée ne s'étend point aux parties sous- jacentes. Les taches rouges ou violacées qui sont congénitales désignées sous le nom de nœvi materni, celles que l'on re- marque dans le scorbut, dans les exanthèmes aigus ou chro- niques, celles qui reconnaissent pour cause des excoriations — 430 — superficielles, ou l'action d'un vésicatoire, les pétechies, les varices sous-cutanées, etc., offrent un caractère particulier, et ne présentent jamais les nuances de couleur que l'on observe dans l'ecchymose ; d'ailleurs plusieurs d'entre elles ne sont que des symptômes de maladies qu'il n'est point difficile de recon- naître. L'ecchymose produite par la sangsue laisse apercevoir à son centre la morsure triangulaire de l'animal. Les taches li- vides ou noirâtres, faites avec la mine de plomb, le sulfure d'antimoine, etc., disparaîtront lorsqu'on les lavera avec de l'eau. L'escarre qui a lieu sur le vivant ne pourra pas être con- fondue avec l'ecchymose superficielle, si l'on fait attention aux symptômes qui ont dû précéder la mortification : s'il s'agissait de la distinguer des ecchymoses du canal digestif et du dia- phragme, qui sont fréquemment le résultat de vomissemens opiniâtres, de convulsions, de l'action des poisons, etc., on au- rait égard à la mollesse des escarres, au peu de résistance qu'elles offrent, et à la facilité avec laquelle on les détache par le plus léger frottement, tandis que les ecchymoses ne disparais- sent qu'après avoir été incisées, et après que le sang extravasé dans les tissus aura été enlevé par le lavage. Il est quelquefois plus difficile de juger si les ecchymoses que l'on observe sur un cadavre sont le résultat de violences exercées du vivant de l'in- dividu ou de la putréfaction du corps : toutefois on parvient souvent à établir celte distinction en ayant égard aux circon- stances suivantes : l'ecchymose qui est la suite de la putréfac- tion ne se manifeste ordinairement que dans certaines régions du corps, et lorsque la décomposition putride est déjà bien ca- ractérisée ; on n'y voit jamais ces nuances de jaune et de citrin qu'il n'est pas rare de remarquer dans celle qui est l'effet d'une percussion opérée du vivant de l'individu (Voyez plus loin les observations et les expériences relatives aux lésions faites avant ou après la mort). Les applications que l'on peut faire à la médecine légale de l'histoire de l'ecchymose, sont assez nombreuses, pour que je n'aie pas besoin de justifier l'étude fort étendue qui en est faite ici; en effet, la contusion produite par une violence extérieure, par une chute, etc., est toujours accompagnée d'ecchymose ; or — 434 — celle-ci peut être superficielle ou profonde, se manifester peu de temps ou plusieurs jours après le coup, se montrer à l'endroit frappé ou beaucoup plus loin, présenter une pu plusieurs nuan- ces , suivant l'époque où on l'examine ; phénomènes qu'il im- porte d'étudier attentivement lorsqu'on cherche à apprécier l'intensité de la cause vulnérante, le moment de son action, etc. Dans certains cas l'étude de l'ecchymose peut apprendre que l'individu dont on examine le cadavre, n'a été ni blessé ni em- poisonné, et que les taches livides que l'on observe sont l'effet de la putréfaction, ou de vomissemens violens, de convul- sions, etc. Ici elle fait connaître si l'enfant qui vient de naître a présenté les pieds, les fesses, ou le sommet de la tête, en un mot la position qu'il affectait (voyez page 238). Là, elle fournit des eclaircissemens importans pour résoudre la question de la suspension, suivant sa forme, sa situation, la couleur des parties qui l'avoisinent, les désordres des tissus, etc. ( voyez Asphyxie par suspension, page 355). De la commotion. On désigne sous le nom de commotion l'ébranlement molécu- laire, par violence extérieure, d'une partie ou de la totalité d'un organe, ébranlement qui en altère tout-à-coup les fonctions, les suspend, ou même les abolit à jamais, sans cependant avoir pro- duit la désorganisation de son tissu. Il ne faut donc pas confondre la commotion avec la contusion, qui s'accompagne au moins d'ec- chymose, et habituellement si les organes sont mous et pulpeux comme le cerveau et le foie, de la déchirure ou du broiement de leur substance. D'ailleurs, les symptômes de la contusion dans les cas qui ne sont pas mortels fournissent un caractère d'au- tant plus tranché que l'on s'éloigne davantage du moment de l'accident, attendu que les signes de l'inflammation se déclarent, tandis que dans la commotion les accidens qui en résultent dé- croissent à partir du moment de la blessure. Il ne faut cependant pas oublier qu'un organe frappé de commotion peut aussi être contus : l'inflammation consécutive qui se déclare alors obscurcit le diagnostic. — 432 — Tous les organes, quoique inégalement, sont susceptibles d'é- prouver la commotion : cependant parmi ceux qui sont pulpeux, le cerveau est celui qui en est le plus fréquemment atteint. Les commotions du foie ne sont pas rares ; les os eux-mêmes en pré- sentent des exemples, et des nécroses , des ostéites peuvent en êlre la suite : la moelle épinière, dont la masse n'est pas grande, peut aussi être frappée de commotion. S'il arrive souvent que la commotion a lieu dans l'organe voi- sin de la parlie frappée, il n'est pas rare aussi de l'observer dans un des organes éloignés de l'endroit qui a reçu le coup : c'est ainsi, par exemple, que la commotion du cerveau reconnaît pour cause une chute sur les fesses, sur les genoux, sur les talons ou sur les pieds. Les effets de la commotion sont plus ou moins graves selon l'importance de l'organe et les degrés de la lésion. Pour la com- motion cérébrale, Dupuytren a établi trois degrés : le premier est caractérisé par un elourdissement passager et la sensation de bluettes lumineuses; le second par la perte de connaissance, des vomissemens, un état de stupeur plus ou moins profonde ; le troisième degré est celui dans lequel la mort est immédiate ; c'est le cas du prisonnier dont Littre a rapporté l'histoire, et qui se heurta violemment la tête contre les murs de son cachot. Une commotion de la moelle peut amener une paraplégie incurable , celle de l'œil une amaurose; un coup sur le deltoïde et sans dés- organisation du nerf circonflexe , pourra donner lieu à la para- lysie du muscle. A l'ouverture des cadavres, il paraîtrait qu'on a vu quelquefois l'état d'affaissement d'un organe frappé de commotion. Le pri- sonnier dont a parlé Littre en a présenté un exemple ; Sabatier en rapporte un autre semblable. Lorsque la mort n'est pas im- médiate, la substance de l'organe contient plus de sang et de sérosité que dans l'état normal, et il y a lieu de penser que cetle congestion a été suivie d'inflammation. Ce sont, en général, des corps contondans agissant par de lar- ges surfaces qui causent la commotion ; cependant un corps aigu, qui aurait frappé sur le crâne, sans en déterminer la frac- ture, pourrait encore la produire. — 433 — Des ruptures et des distensions. Certains organes des cavités splanchiques peuvent être rom- pus, déchirés ; c'est ainsi qu'à la suile d'une chule d'un lieu plus ou moins élevé,le foie a présenté plusieurs fois des fissures d'une profondeur variable, à bords peu écartés, et le long desquelles le tissu hépatique était souvent à nu par suite de la rétraction de la membrane d'enveloppe. La rate est quelquefois aussi déchirée dans les mêmes circonstances ; la lésion peut être bornée à sa mem- brane fibreuse ; dans d'autres cas l'organe est détruit en entier et réduit à une sorte de bouillie. Le tissu pulmonaire peut présenter aussi les mêmes altérations. On les observe également dans les organes musculaires et mem- braneux, tels que le diaphragme, la vessie quand elle était dis- tendue par l'urine lors de la chute ou de l'action du corps con- tondant. On a également constaté des déchirures des parois de l'estomac, quand celui-ci avait été frappé au moment où il t était distendu par des substances alimentaires. Les ruptures des gros vaisseaux ne sont pas rares à la suite de chutes de lieux très élevés ; je citerai, par exemple, l'aorte abdomi- nale ou thoracique ; dans ces cas, le sang s'épanche dans le thorax ou dans l'abdomen et le blessé succombe promptement à l'hé- morrhagie. Le mécanisme de ces ruptures est facile à comprendre ; la cause en est la même que celle de la commotion. Quand l'ébran- lement moléculaire qui caractérise celle-ci est porté au-delà de la résistance que peut lui opposer le degré de consistance natu- relle des divers organes, ceux-ci se déchirent, et la commotion de l'un est quelquefois accompagnée de déchirures dans l'autre, ou même de déchirures dans une partie du tissu propre de celui qui a élé le siège de la commotion ; dans ce dernier cas, les signes d'une inflammation consécutive viennent s'ajouter à ceux de la commotion. ■ foute action qui a pour effet l'élongation d'une fibre quel- conque de nos tissus peut donner lieu à une lésion particulière caraclérisée par l'augmentation de sa longueur; en même II. " 2S — 434 — temps ses diamètres transversaux diminuent, ainsi que sa ré- sistance. Au-delà de certaines limites, des ruptures ont lieu; c'est ainsi que se font les ruptures des tendons lors d'une con- traction rapide de certains muscles, et que se produisent les luxations, les entorses. Supposez que les mouvemens d'une ar- ticulation soient portés au-delà de leurs limites naturelles, les ligamens tiraillés , distendus , rompus même dans quelques points permettront un écartement plus ou moins grand des os qui ne rentreront qu'incomplètement dans leur rapport pri- mitif. Les tendons que l'on a vu le plus souvent rompus sont le tendon d'Achille et celui du triceps fémoral. Les ligamens qui sont le plus ordinairement distendus ou rompus sont ceux du coude- pied ; les entorses les plus fréquentes sont en effet celles des articulations tibio-tarsiennes, du tarse, du poignet, du pouce, des phalanges des doigts. Les articulations orbiculaires de la cuisse et de l'épaule sont bien plus rarement affectées d'en- torse. Quoique le tissu fibreux soit insensible aux irritans mécani- ques et physiques <, la production de l'entorse est accompagnée d'une douleur très vive, syncqpale. Une ecchymose symptoma- tique de la rupture des capillaires se manifeste peu de temps après l'accident, et un gonflement inflammatoire s'empare bientôt de toute la région lésée. En général, les tendons rompus se réunissent par une sub- stance plastique intermédiaire aux deux bouts qui se sont écartés l'un de l'autre ; mais quand la distance qui les sépare est de 3 ou 4 centimètres, ils contractent des adhérences avec les tissus voi- sins, et les mouvemens du membre sont nécessairement moins étendus. L'entorse est habituellement une lésion peu grave; mais son in- tensité, le tempérament de l'individu qui en est atteint lui donnent quelquefois un caractère bien plus sérieux ; c'est ainsi que des arthrites peuvent en êlre la suite, et que chez des malades scro- fuleux des ostéites, des tumeurs blanches, des ankyloses peu- vent lui succéder. Chez un individu sain, une entorse con- venablement traitée guérit parfaitement bien; cependant une — 435 — disposition à de nouvelles entorses, une faiblesse, une raideur de l'articulation en sont quelquefois les suites fâcheuses. De la fracture. C'est la solution de continuité d'un os ou d'un cartilage, causée par une violence extérieure. Les plaies des os sont plus spécia- lement des solutions de continuité produites par un instrument tranchant. Les fractures peuvent être simples ou compliquées. Les com- plications plus ou moins nombreuses entraînent une gravité dif- férente dans le pronostic. Les fractures simples de la partie moyenne des os longs sont peu dangereuses par elles-mêmes; celles, au contraire, qui sont voisines des articulations sont toujours plus graves. Les appa- reils contentifsont peu d'action sur le fragment articulaire; la consolidation peut donc se faire dans une direction plus ou moins vicieuse, et les mouvemens pour cette raison deviennent moins étendus ; d'ailleurs, des raideurs, des ankyloses peuvent en être la suite. Quand la solution de continuité s'étend jusqu'à la surface articulaire, la consolidation est bien plus fréquemment suivie d'ankylose ; et dans certains cas, des accidens nécessitent l'amputation du membre. Les fractures des os courts sont plutôt des écrasemens et par- tagent la gravité des fractures de l'extrémité spongieuse des os longs. Les solutions de continuité des os du membre supérieur de- mandent pour leur consolidation un temps moins long que celles du membre inférieur. Ce serait un erreur de croire que le qua- rantième jour est le terme nécessaire pour obtenir un cal solide dans toutes les fractures : telle fracture est consolidée le vingtième jour chez un enfant, qui ne l'e si q.e le trentième chez un adulte, et qui ne le sera que le cinqaa.i ième où le soixantième chez un vieillard. La cause vulnérante ni)i io a,ours la même intensité. Le médecin expert doit la t) rj)areraax effets qu'elle paraît avoir 28. — 436 — produits ; il doit rechercher si la fracture ne dépendrait pas en grande partie de quelque prédisposition, de quelque vice inhé- rent à l'économie animale. Chez les vieillards les os deviennent de plus en plus fragiles à cause de la prédominance du phos- phate calcaire, et de l'absorption de leur parlie organique ; les cellules s'abreuvent aussi d'une substance huileuse qui diminue la consistance. Les affections vénériennes, scorbutiques, scrofu- leuses, le cancer, la goutte, le rachitis ont été regardés aussi comme des causes qui prédisposent aux fractures. Marcellus Do- natus, B. Bell, Meckren ont rapporté des observations d'individus affectés de syphilis chez lesquels les os les plus forts ont élé brisés par l'action musculaire seule. Fabrice de Hilden dit qu'un goutteux se fractura le bras en mettant son gant. Il est bien autrement fréquent de voir sous l'influence du cancer les causes en apparence les plus légères produire des fractures. Desault, Louis, Pouteau, Morand, Ledran et A. Cooper citent un grand nombre de faits de ce genre. Une femme que M. Blan- din avait opérée d'un cancer à la mamelle, eut, sans cause appréciable, une fracture du col du fémur ; elle mourut au bout de quelque temps. L'autopsie fit voir tous les os longs ramollis et contenant, au lieu de moelle, de la matière encéphaloïde (Lan- cette française, t. vi, p. 522). De la luxation. La luxation, dont l'entorse est pour ainsi dire le premier de- gré , consiste dans les changemens de rapports permanens et contre nature des surfaces qui forment une articulation ; cepen- dant il vaut mieux n'entendre par luxation proprement dite que les déplacemens qui sont produits instantanément, soit par une violence extérieure, soit par la contraction musculaire, soit par ces deux causes réunies ; de celte façon les déplacemens des sur- faces articulaires occasionnés par le gonflement, la carie des os, par hydarlhroses, des abcès articulaires, etc., en un mot les luxations spontanées ne sont pas comprises dans cette défini- tion ; il en est de même de la luxation congénitale. Après la réduction d'une luxation, le repos du membre doit — 437 — être d'autant plus long que l'articulation jouit de mouvemens plus variés et plus étendus. Il peut se faire qu'un membre reste à jamais frappé de paralysie; cet accident est dû à la rupture de quelque nerf circonvoisin : ainsi, dans la luxation de l'épaule, il n'est pas rare de voir le nerf radial déchiré. Quand la paralysie disparaît au bout de quelque temps, elle était due à une simple distension des fibres nerveuses. De la brûlure. Les brûlures sont des lésions produites sur les parties vivantes par l'action du calorique concentré : on dit aussi que des sub- stances caustiques appliquées sur nos tissus brûlent ce qu'elles touchent, parce que l'effet de leur application a quelque analo- gie avec celui que produit une chaleur intense et désorganisa- trice. Il est facile de reconnaître à laquelle de ces deux causes* est due une brûlure ; je développerai plus loin cette question mais il est nécessaire de présenter ici quelques généralités sur la lésion qui m'occupe. Des brûlures proprement dites. Les désordres produits sur nos tissus par l'application du calorique présentent bien des va- riétés. Heister et Callisen décrivent quatre degrés de brûlures, Boyer n'en compte que trois. Dupuytren en admet six. Ces six degrés sont : 1° l'inflammation superficielle de la peau sans phîyctènes; 2° l'inflammation de cette membrane avec dévelop- pement de phîyctènes ; 3° la destruction d'une partie du corps papillaire de la peau ; h° l'escharification de toute l'épaisseur du derme ; 5° la combustion de tous les tissus jusqu'aux os ; 6° enfin la carbonisation de toute l'épaisseur d'un membre. Au premier degré , celui de la rubéfaction, la peau présente une rougeur vive qui s'efface sous le doigt; le gonflement est léger, la douleur cuisante. Au bout de quelques heures celle in- flammation disparaît ; quand cela n'a pas lieu, elle ne dure pas long-temps. Les rayons solaires produisent quelquefois ce degré de la brûlure. Le second est le plus souvent déterminé par l'action des liquides bouillans. Dès que l'accident s'est manifesté, des phîyctènes se for- — 438 — mentet se remplissent d'une sérosité citrine, transparente; d'autres se développent dans la durée des premières vingt-quatre heures. Quand on les ouvre, l'épiderme s'affaisse, se dessèche et tombe au bout de deux à quatre jours ; une nouvelle couche d'épiderme se forme au-dessous de celui qui avait été soulevé par la séro- sité. Quelquefois cependant la plaie suppure comme celle d'un vésicatoire; la suppuration est inévitable lorsque au moment de la brûlure l'épiderme a été enlevé. Comme le derme n'a pas été altéré, la guérison est prompte et complète sans aucune ap- parence de cicatrice. Des taches grises, jaunes ou brunes, minces, souples, insen- sibles quand on les louche légèrement, caractérisent le troisième degré ; elles sont dues à la cautérisation du corps muqueux et de la surface papillaire du derme. Quelquefois au-dessus de ces eschares existent des phîyctènes remplies d'une sérosité brunâtre ; autour d'elles on remarque une rougeur vive, qui pâ- lit à mesure qu'on l'examine à un point plus éloigné du centre de la lésion. Il n'est pas rare d'apercevoir dans certains points de la région les caractères de la brûlure au deuxième degré. A la chute des eschares, on voit des ulcérations qui ne guérissent qu'à la condition de la production d'une cicatrice indélébile. C'est à ce degré qu'il faut rapporter la variété de brûlure pro- duite par la déflagration de la poudre à canon. Dans le quatrième degré, toute l'épaisseur du derme est désor- ganisée; les eschares sont plus épaisses, plus solides, plus denses ; elles ont un aspect différent suivant que le corps chargé de calorique était liquide ou solide. Du quatrième au cinquième jour, une inflammation eliminalrice se développe au-dessous et autour de l'eschare. Là partie morte étant séparée, il existe une plaie irrégulière, profonde, qui guérit au bout d'un temps plus ou moins long, suivant son étendue, et qui est la base de ce tissu inodulaire, si bien décrit par Delpech, et dont la rétraction constante entraîne la gêne et la difformité dans la région qui était le siège de la brûlure. Le cinquième degré présente la combustion des tissus jus- qu'aux os. Les accidens inflammatoires augmentent la gravité du pronostic. — 439 — Enfin le sixième degré nécessite l'amputation du membre, mais il est difficile au début de déterminer les limites du mal, attendu que les parties molles circonvoisines dans ces deux derniers degrés de la brûlure, sans être immédiatement désorganisées, seront le siège d'une inflammaiion intense qui les frappera de mort. Cette analyse des degrés de la brûlure, quoique la plus exacte de toutes , ne comprend pas, et ne peut pas comprendre toutes les espèces de lésions qui peuvent être occasionnées dans les corps vivans par le calorique concentré. On pourrait, à l'exem- ple de M. Marjolin les rapporter à deux ordres : l'inflammation et la désorganisation immédiate. Je dois ajouter que dans les brûlures graves la vie peut être compromise par la douleur, l'inflammation consécutive, la durée ou l'excessive abondance de la suppuration, Le pronostic des brûlures varie suivant le degré, l'étendue de la lésion et sa profondeur. Les brûlures du premier et du second degré ne laissent aucune difformité, tandis que celles des troi- sième et quatrième sont suivies de brides qui gênent les mouve- mens et peuvent apporter des obstacles à l'exercice de certaines fonctions. Les brûlures des quatrième, cinquième et sixième de- grés sont redoutables, à cause de l'intensité de l'inflammation et de l'abondance de la suppuration qui en est la suite. Brûlures par des agens chimiques. Des acides, des\lcali§ peuvent produire des effets analogues à ceux de l'application du calorique sur nos tissus. La brûlure varie suivant le degré de concentration du caustique, et aussi suivant l'étendue de la surface avec laquelle il a été mis en contact. Quelquefois l'inten- sité des douleurs tient à ce que le derme n'a pas été entièrement détruit, et la mort peut en être le résultat. Lorsqu'un caustique, au contraire, a agi profondément sur une partie quelconque, on observe les mêmes phénomènes que dans les brûlures aux troi- sième et quatrième degrés, c'est-à-dire que l'inflammation élimi- natoire se développe autour de la parlie mortifiée. Les cicatrices qui succèdent aux blessures produites, par ies acides s'accom- pagnent d'une borrible difformité. A l'ouverture des cadavres des sujets morts à la suite de brû- — 440 — lure, on a trouvé des épanchemens sanguinolens et purulens dans les articulations des membres brûlés, des congestions san- guines considérables dans les vaisseaux du cerveau, des épan- chemens d'un fluide sanguinolent dans les intestins et tous les caractères de l'inflammation dans les membranes séreuses, telles que la plèvre, le péritoine. On a remarqué bien plus souvent un pointillé rougeatre, des congestions phlegmasiques dans la mem- brane muqueuse des voies aériennes, et même des altérations dans le tube intestinal. Des plaies. La plaie est une solution de continuité accidentelle, plus ou moins récente, ordinairement sanglante, produite par une cause mécanique. On la désigne sous des noms différens suivant la cause qui l'a déterminée : ainsi on l'appelle égratignure, ex- coriation, piqûre, coupure, plaie confuse, plaie d'arme à feu, morsure, plaie par arrachement, plaie envenimée. Ces dénominations dont le sens est parfaitement connu de tou- tes les personnes qui se livrent à l'élude et à l'exercice de la chirurgie ne doivent pas être confondues dans un rapport juri- dique. Tputes les plaies ne sont pas également dangereuses. Le dan- ger des piqûres est en général plus grand que celui des plaies faites par des instrumens tranchans, non-seulement parce qu'elles pénètrent plus avant, mais encore parce qu'elles offrent une moindre issue au pus, et qu'elles déchirent imparfaiiement les filets nerveux et les parties aponévrotiques. Les plaies con- tuses et surtout celles qui sont faites par des armes à feu, pou- vant donner lieu à la commotion, au sphacèle, et à la destruc- tion des parties blessées et de celles qui les avoisinent, sont beaucoup plus redoutables que les précédentes ; les hémorrha- gies consécutives que l'on observe quelquefois à la chute des eschares, et la présence des corps étrangers qui entretiennent pendant long-temps la suppuration, viennent souvent augmen- ter leur gravité. Le danger des morsures faites par des animaux venimeux, et des plaies envenimées, est relatif à la nature du — 441 — venin ou du poison qui ont été appliqués sur les tissus (voyez Empoisonnement). Le médecin peut être appelé pour déterminer non-seulement la nature et le danger d'une plaie, mais aussi pour éclairer les magistrats sur son ancienneté et le temps nécessaire à sa guéri- son ; il doit donc connaître exactement les phénomènes qui ac- compagnent ces sortes de blessures, et les circonstances qui peuvent modifier, accélérer ou retarder leur guérison. Voici quelques données à cet égard. Les plaies présentent des phénomènes différens, suivant leur nature et les diverses époques auxquelles on les examine. Quand une plaie a été faite par un instrument tranchant, et que les bords non contus, ont élé réunis exactement peu de temps après la division du tissu, elle peut guérir sans suppurer, c'est-à-dire par première intention ou par adhésion primitive; l'hémorrha- gie s'arrête, par la pression que les lèvres affrontées exercent l'une contre l'autre, à raison des moyens mécaniques qui les maintiennent en contact ; ces lèvres ne tardent pas à éprouver un léger gonflement inflammatoire, accompagné de rougeur, de chaleur, et qui est suivi de l'exsudatîon d'une lymphe plastique, susceptible de s'organiser pour former la cicatrice : d'abord terne et transparente, la lymphe qui suinte des bords de la plaie, devient plus épaisse, plus tenace et blanchâtre le second et le troisième jour; plus tard elle se pénètre de vaisseaux et consti- tue la cicatrice, véritable membrane intermédiaire aux bords de la division qu'elle réunit et avec lesquels elle finit par se confon- dre entièrement. La cicatrice paraît linéaire à l'extérieur, quelle que soit son étendue vers les parties profondes , intéressées ; elle est d'un rouge assez vif les premiers jours qui suivent sa for- mation , ensuite elle pâlit peu-à-peu, et après un jtemps va- riable elle prend la couleur de la peau, et reste un peu plus blanche. Quand la plaie ne doit se réunir que par seconde intention ou adhésion secondaire, c'est-à-dire après avoir suppuré, les phénomènes de sa guérison sont différens des précédens : on observe ce mode de réunion lorsque la plaie est avec perte de substance, que ses bords sont contus, ou que, long-temps expo- — 442 — ses au contact de l'air, ils se sont fortement enflammés avant d'être réunis, que le malade présente quelque vice général et local qui entrave la guérison, etc. Après la cessation de l'hémor- rhagie, le sang se colle à la surface de ces plaies, et forme une croûte ou coagulum qui les défend du contact de l'air et des piè- ces d'appareil dont on les couvre. Vers le second jour, un suin- tement séro-sanguinolent plus ou moins abondant pénètre les pièces d'appareil et se supprime vers le troisième jour ; la plaie rougit et s'enflamme ; il se fait un suintement séro-purulent. A cette époque, la surface de la plaie paraît gonflée, livide, bla- farde, quelquefois comme marbrée de taches violacées, brunes ou verdâtres : cet aspect n'a rien de fâcheux aux yeux des per- sonnes qui ont l'habilude de voir souvent de larges plaies ; en effet, au bout de quelques jours, il se développe sur différens points, et vers la circonférence de la solution de continuité, de petits tubercules coniques pleins d'une matière épaisse, blan- châtre, comme lardacée ; ces tubercules grossissent, deviennent rougeâtres, arrondis, et constituent ce qu'on nomme les bour- geons charnus; ceux-ci, en s'étendant de plus en plus, s'unissent par leurs bases, et forment une membrane molle, plus ou moins rouge, qui finit par recouvrir toute la surface de la plaie ; ils fournissent un pus d'abord séreux, puis épais, homogène, tel que celui qui s'écoule d'un phlegmon. Une fois que ces bourgeons charnus sont développés et que la suppuration est établie, la plaie se dégorge, ses bords s'affaissent, les bourgeons charnus s'affaissent aussi vers la circonférence de la plaie, fournissent moins de pus, et enfin forment, par leur affaissement, une pelli- cule d'abord rouge et assez épaisse ; cette pellicule , qui n'est que la cicatrice, s'étend de plus en plus vers le centre de la solu- tion de continuité, qui se rétrécit à mesure qu'elle se produit 5 aussi la peau voisine, fortement tiraillée, présente-t-elle des plis radiés autour de la plaie. Quand celle-ci offre une grande éten- due, la cicatrice devient de plus en plus mince, elle pâlit, et enfin finit par prendre une couleur plus blanche que celle de la peau. Quand la plaie est fort large, la cicatrisation commence bien or- dinairement par les bords, mais on voit qu'elle a lieu aussi par différens points de la surface malade. — 443 — La cicatrice est donc un organe de nouvelle formation, c'est une sorte de tégument qu'on pourrait nommer accidentel ; elle se forme plus ou moins rapidement suivant une foule de circon- stances, comme la nalure des parties intéressées, l'étendue de la plaie, l'âge, la constitution du blessé, etc. Toutes choses égales d'ailleurs, la cicatrisation a lieu plus promptement quand la plaie existe à la tête, aux bras ou au front, qu'aux extrémités inférieu- res ; les plaies très étendues avec perte de substance, dans les- quelles les tendons, les aponévroses, les os sont mis à nu, ne guérissent souvent qu'après l'exfoliation d'une partie de ces or- ganes, et sont en général longues à cicatriser. Chez les jeunes sujels, la cicatrisation est plus prompte que chez les adultes et les vieillards ; quand le malade est d'une bonne constitution, les plaies guérissent avec plus de promptitude que lorsqu'il est débilité, cachectique ou affecté de vérole, de scrofules,.de dartres ou de scorbut : souvent, chez ces derniers individus, les plaies prennent en fort peu de temps un caractère ulcéreux qui pour- rait les faire regarder comme beaucoup plus anciennes qu'elles ne le sont réellement; c'est une circonslance à laquelle il faut faire la plus grande attention dans les rapports en médecine lé- gale, lorsqu'il s'agit de déterminer depuis quel temps une bles- sure a été faite ou combien devra durer son traitement. Il en est de même des plaies qui peuvent intéresser d'anciennes cicatri- ces ; elles dégénèrent souvent en véritables ulcères au bout d'un temps très court : j'ai vu des malades chez lesquels on aurait jugé que ces lésions existaient depuis fort long-temps, tandis qu'elles n'avaient lieu que depuis quelques jours (Voyez pour plus de détails l'article Cicatrices). HISTOIRE MÉDICO-LÉGALE DES BLESSURES. article premier. Législation sur les blessures. « Il n'y a ni crime, ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi- même ou d'autrui » (Code pénal, art. 328). — 444 — « Sont compris dans les cas de nécessité actuelle de défense les deux cas suivans : 1° Si l'homicide a été commis, si les blessures ont été faites, ou si les coups ont été portés en repoussant pendant la nuit l'escalade, ou l'effrac- tion des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité, ou leurs dépendances ; 2° si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence » (Code pénal, arti- cle 329). « Quiconque, par imprudence, inattention, négligence ou inobservation des réglemens, aura commis involontairement un homicide, ou en aura in- volontairement été la cause, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et d'une amende de cinquante francs à six cents francs » (Code pénal, art. 319). « S'il n'est résulté du défaut d'adresse ou de précaution, que des bles- sures ou coups, l'emprisonnement sera de six jours à deux mois, et l'a- mende sera de seize francs à cent francs » (Code pénal, art. 320). « L'homicide commis volontairement sera qualifié meurtre » (Code pé- nal, art. 295). « Tout meurtre commis avec préméditation ou de guet-apens est qualifié assassinat » (Code pénal, art. 296). « Tout coupable d'assassinat, de parricide, d'infanticide et d'empoison- nement, sera puni de mort, sans préjudice de la disposition particulière contenue en l'article 13, relativement au parricide » Code pénal, arti- cle 302). « Le meurtre emportera la peine de mort, lorsqu'il aura précédé, accom- pagné ou suivi un autre crime. Le meurtre emportera également la peine de mort, lorsqu'il aura eu pour objet, soit de préparer, faciliter, ou d'exé- cuter un délit ; soit de favoriser la fuite, ou d'assurer l'impunité des au- teurs ou complices de ce délit. En tout autre cas, le coupable de meurtre sera puni des travaux forcés à perpétuité » (Code pénal, art. 304). « Toute personne coupable du crime de castration subira la peine des travaux forcés à perpétuité. Si la mort en est résultée avant l'expiration des quarante jours qui auront suivi le crime, le coupable subira la peine de mort » (Code pénal, art. 316). « Le crime de castration, s'il a été immédiatement provoqué par un ou- trage violent à la pudeur, sera considéré comme meurtre ou blessures ex- cusables » (Code pénal, art. 325). « Sera puni de la peine de la réclusion tout individu qui, volontairement, aura fait des blessures ou porté des coups, s'il est résulté de ces sortes de violence une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée, le coupable sera puni de la peine des travaux forcés à temps » (Code pénal, art. 309). « Lorsqu'il y aura eu préméditation ou guet-apens, la peine sera, si la — 445 — mort s'en est suivie, celle des travaux forcés à perpétuité ; et si la mort ne s'en est pas suivie, celle des travaux forcés à temps. a Lorsque les blessures ou les coups n'auront occasionné aucune mala- die ni incapacité de travail personnel de l'espèce mentionnée en l'art. 309, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six jours à deux ans, et d'une amende de seize francs à deux cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. — S'il y a eu préméditation ou guet-apens, l'emprison- nement sera de deux ans à cinq ans, et l'amende de cinquante francs à cinq Cents francs » Code pénal, art. 311). « Dans les cas prévus par l'art. 309, 310 et 311. si le coupable a com- mis le crime envers ses père ou mère légitimes, naturels ou adoptifs, ou autres ascendans légitimes, il sera puni ainsi qu'il suit : si l'article auquel le cas se référera prononce l'emprisonnement et l'amende, le coupable subira la peine de la réclusion ; si l'article prononce la peine de la réclusion, il subira celle des travaux forcés à temps ; si l'article prononce la peine des travaux forcés à temps, il subira celle des travaux forcés à perpétuité » (Code pénal, art. 312). « Le meurtre, ainsi que les blessures et les coups, sont excusables, s'ils ontété provoqués par des coups ou violences graves envers les personnes » (Codepénal, art. 32i). « Les crimes et délits mentionnés au précédent article sont également excusables, s'ils ont été commis en repoussant, pendant le jour, l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un apparte- ment habité, ou de leurs dépendances. Si le fait est arrivé pendant la nuit, ce cas est réglé par l'art. 329 » (Code pénal, art. 322). « Le parricide n'est jamais excusable » (Code pénal, art. 323). « Le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, ou par celle-ci sur son époux, n'est pas excusable, si la vie de l'époux ou de l'épouse qui a com- mis le meurtre n'a pas été mis en péril dans le moment même ou le meur- tre a eu lieu. Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'art. 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable » (Code pénal, art. 324). « Lorsque le fait d'excuse sera prouvé, s'il s'agit d'un crime emportant la peine de mort ou celle des travaux forcés à perpétuité, ou celle de la dé- portation, la peine sera réduite à un emprisonnement d'un an à cinq ans. « S'il s'agit de tout autre crime, elle sera réduite à un emprisonnement de six mois à deux ans. « Dans ces deux premiers cas, les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant cinq ans au moins, et dix au plus. S'il s'agit d'un délit, la peine sera ré- duite à un emprisonnement de six jours à six mois » (Code pénal, arti- cle 326). «Tout individu qui, même sans armes et sans qu'il en soit résulté des — 446 — blessures, aura frappé un magistrat dans l'exercice de ses fonctions, ou à l'occasion de cet exercice, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans. Si cette voie de fait a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, le coupable sera en outre puni de la dégradation civique » (Code pénal, art. 228). «•Les violences de l'espèce exprimée en l'article 228, dirigées contre un officier ministériel, un agent de la force publique, ou un citoyen chargé d'un ministère de service public, si elles ont eu lieu pendant qu'ils exer- çaient leur ministère, ou à cette occasion, seront punies d'un emprisonne- ment d'un mois à six mois » (Code pénal, art. 230). a Si les violences exercées contre les fonctionnaires et agéns désignés aux articles 228 et 230, ont été la cause d'effusion de sang, blessures ou maladie, la peine sera la réclusion ; si la mort s'en est suivie dans les qua- rante jours, le coupable sera puni des travaux forcés à perpétuité » (Code pénal, art. 231). « Dans le cas même où ces violences n'auraient pas causé d'effusion de sang, blessures ou maladie, les coups seront punis de la réclusion, s'ils ont été portés avec préméditation ou de guet-apens » (Code pénal, art. 232). « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par les fautes duquel il est arrivé à le réparer » (Code civil, ar- ticle 1382). « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » (Code ci- vil, art. 1383). Les dispositions dont il vient d'être fait mention prouvent jus- qu'à l'évidence que le législateur a pris pour base des peines portées contre l'auteur des blessures l'intention qui l'a di- rigé dans son action, et les effets qui en sont résultés : car, d'une part, il distingue l'acte commis avec préméditation de l'acte vo- lontaire non prémédité, et de celui qui, étant également invo- lontaire, doit être attribué à un accident ; d'une autre part, il admet des blessures qui sont suivies de la mort, d'autres qui en- traînent une incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, et d'autres enfin, beaucoup moins graves, qui n'oc- casionnent aucune maladie, ni incapacité de travail personnel pendant vingt jours. Il résulte également de ces dispositions que la rigueur des peines augmente suivant les circonstances qui accompagnent le crime et la qualité des personnes sur lesquelles il a été commis. On voit enfin que l'on a fixé la réparation du dommage dont la blessure a été la cause. — 447 — Remarques sur cette législation. Il existe des blessures qu'il est impossible de guérir en moins de vingt jours, telles que les fractures, les fortes contusions, etc., et qui peuvent dépendre du même acte de violence qui aura déterminé une blessure guéris- sable en moins de vingt jours : la faute morale est la même dans les deux cas : la peine est pourtant bien différente (V. les art. 309 et 311, p. Ixkk et Ukh). Le législateur n'aurait-il pas dû établir ici plus de gradation dans les peines, en ayant égard à-la-fois à la gravité du désordre produit et à la moralité de l'action; et déjà ne voyons-nous pas que, d'après quelques-uns des articles cités plus haut (Voyez p. Ukh), la loi n'inflige que des peines légères aux auteurs des blessures faites involontairement par accident, lors même que la mort s'en serait suivie? L'expérience démontre journellement la trop grande sévérité de l'art. 309 du Code pénal, même depuis qu'il a été modifié par la loi du 28 avril 1832; aussi voit-on très fréquemment les jurés n'ajouter aucune foi aux diverses dépositions, pour éviter de condamner les accusés à des peines trop fortes. D'une autre part, le courage du blessé peut être tel, qu'après avoir reçu un coup qui doit le faire périr avant le vingtième jonr, il n'inter- rompe son travail qu'après dix, douze ou quinze jours. Comment appliquer alors l'art. 311, dans lequel l'incapacité de travail personnel est regardée comme une condition pénale absolue ? Les considérations qui précèdent faisaient sentir depuis long- temps la nécessité de modifier la législation relative aux bles- sures ; des fails authentiques, dont je vais indiquer le sommaire, prouvent qu'il serait injuste de la conserver telle qu'elle a été adoptée en 1832. J'établirai avec soin, lorsque je parlerai des circonstances qui influent sur la guérison plus ou moins prompte des blessures, que celles-ci peuvent être de nature à guérir dans l'espace de six à dix jours, et que pourtant, dans certains cas, leur durée se prolonge au-delà du trentième jour, soit à cause d'une disposition morbide du blessé ou des cir- constances atmosphériques dans lesquelles il aura été placé, soit parce qu'il a été privé des secours de l'art, ou que ces secours auront été mal dirigés ou repoussés par lui ; soit enfin parce que, dans la vue d'obtenir des dommages-intérêts plus considéra- — 448 — blés, ou par motif de vengeance, il aura employé des moyens ca- pables d'aggraver ses blessures ou d'en prolonger la durée. Cer- tes, dans aucun de ces cas, l'agresseur ne peut être passible du retard qu'éprouve la guérison. L'article 231 du Code pénal, qui prononce la peine des travaux forcés à perpétuité lorsque des violences exercées contre des fonctionnaires publics ont amené la mort dans les quarante jours (Voyez page uu6), avantageusement modifié en 18S2 , de- vrait l'être de nouveau; car il peut se faire que la cause de la mort ne soit aucunement liée à la blessure, tandis que, d'une autre part, il arrive souvent que le blessé périt, par l'effet de la blessure, plusieurs mois après qu'il a été l'objet de la violence : ainsi, dans un cas, on rendrait injustement l'a- gresseur responsable d'un crime qu'il n'a point commis, tandis que, dans l'autre cas, la peine serait loin d'être en proportion avec le délit. Les observations à l'appui de cette assertion importante se présentent en foule. ARTICLE II. Classification des blessures. Tous les auteurs de médecine légale se sont efforcés d'établir des divisions méthodiques des blessures, fondées sur la gravité plus ou moins grande de leurs effets, dans le but de rapporter les différens cas individuels aux classes, aux ordres et aux genres qu'ils avaient adoptés : cette marche leur a paru une conséquence nécessaire des dispositions des lois que j'ai fait connaître, de l'institution du jury et des défenseurs; ainsi on a distingué des blessures simples, graves et mortelles,• ces dernières sont mortelles par elles-mêmes, ou nécessairemettt mortelles, ou mortelles par accident; les blessures nécessairement mortelles sont subdivisées en blessures de nécessité mortelle chez tous les individus, et en blessures de nécessité individuellement mortelles. — Les blessures graves ont été divisées en blessures pouvant devenir mortelles, et en blessures pouvant gêner l'exercice de quelques fonctions. — On devine aisément ce que l'on a entendu par blessures simples. Il existe encore plusieurs — 449 — antres divisions des blessures que je me dispenserai de faire con- naître, parce qu'elles sont loin d'avoir en médecine légale l'im- portance qu'on a voulu leur donner. « Les classifications systématiques admises dans quelques tribunaux étrangers, a dit avec raison Chaussier, et répétées en- core par plusieurs médecins, sont-elles fondées sur des bases invariables; peuvent-elles comprendre, exprimer les différences que présentent les blessures ; et ces divisions minutieuses, ces dénominations diverses, tour-à-tour imaginées, et auxquelles on attache un sens plus ou moins restreint, ne tendent-elles pas plutôt à obscurcir qu'à éclairer l'objet ; ne donnent-elles pas lieu le plus souvent à des discussions verbeuses plus ou moins sub- tiles, souvent inintelligibles, qui, en dénaturant l'objet essentiel, conduisent à l'erreur ou à l'injustice; enfin, quoique l'intention ne change pas la nature du fait, ces classifications peuvent-elles être admises dans les tribunaux, où l'on considère toujours l'in- tention » (Table synoptique des blessures)! ARTICLE III. Des rapports qui existent entre les blessures et leurs causes, envisagés comme moyens de reconnaître la nature parti- culière de l'instrument vulnérant. En donnant la définition du mot plaie, j'ai rappelé les déno- minations diverses sous lesquelles on désigne cette solution de continuité, suivant la cause qui l'a produite ; chacune de ces ex- pressions présentant à l'esprit la forme et la nature particulières de l'instrument vulnérant, on conçoit toute l'importance qu'il doit y avoir à n'attacher telle ou telle de ces qualifications aux différentes espèces de plaies qu'autant qu'on a une connaissance positive de la cause de la blessure. Quand on a sous les yeux l'instrument vulnérant, ou qu'en son absence les déclarations du blessé sont précises, la détermination est facile; mais lorsqu'on manque de semblables renseignemens, ce n'est que par l'examen attentif des caractères delà blessure qu'on peut arriver à déter- miner à quelle cause elle est due. Il est donc nécessaire d'étu- dier les effets les plus généraux qui résultent des principales — 450 — causes vulnéranles connues, afin de voir jusqu'à quel point on peut résoudre cette question. Plaies par htstrumens tranchans. Les instrumens tran- chans déterminent presque toujours des plaies dont l'aspect est caractéristique; s'ils sont bien affilés, ils produisent une section nette, linéaire, dont la profondeur varie suivant la largeur et la forme de l'instrument et selon la disposition de la région bles- sée; si l'instrument est à deux tranchans et acéré comme un poignard, par exemple, on pourra reconnaître sa forme à la profondeur de la plaie, à l'étroitesse égale de ses deux angles ; quant à son épaisseur, on ne peut rien conclure à cet égard du degré d'écartement des bords de la plaie, cet écartement variant suivant le degré d'extensibilité et de rétractililé des parties di- visées. Dans les blessures faites par un instrument piquant et à un seul tranchant, comme un couteau, il est souvent aisé de re- marquer qu'un des angles de la plaie est plus obtus et formé par une section moins nette et moins profonde que l'angle op- posé. Dans un exemple que je citerai plus loin (voyez l'article des plaies des organes de la génération ), la coupure nette et linéaire qui constituait la plaie antérieure, jointe au peu de pro- fondeur de la blessure et à la manière obtuse dont elle se termi- nait dans l'épaisseur des parties, fit présumer qu'un rasoir avait été l'instrument vulnérant : l'enquête judiciaire changea cette présomption en certitude. Ces remarques sur les plaies faites par des instrumens tranchans suffisent pour montrer qu'il existe presque constamment certains caractères propres aux plaies de celte espèce 5 mais il est une foule de circonstances qui peuvent faire varier l'aspect de ces solutions de continuité, en sorte qu'il n'en faut pas moins être très réservé, dans les cas douteux, pour se prononcer sur l'espèce d'instrument tranchant qui a causé la blessure. Plaies par instrumens piquans. Quoique les instrumens piquans fassent ordinairement des plaies profondes et étroites, il arrive assez souvent que l'ouverture qu'ils laissent à la peau ne représente point la forme de l'instrument et n'a point des di- mensions en rapport avec son épaisseur. M. Biessy {Manuel pratique de médec. lég., Paris 1821, in-8, p. 160) dit avoir — 451 — remarqué fréquemment que les plaies de celle espèce sont beau- coup plus étroites que l'instrument qui les a produites, de telle sorte qu'on ne trouve extérieurement aucun rapport entre elles et l'instrument; dans un cas cité par cet auteur, il n'y eut que la dissection des muscles traversés par l'instrument qui fit re- connaître l'identité des dimensions de la plaie avec celles de ce dernier : la rétractlllté de la peau est évidemment la cause de ces différences. On pourrait croire au premier abord que les plaies faites par un instrument piquant, à tige arrondie, comme un poinçon ont une forme qui se rapporte à celle de l'instru- ment, d'autant mieux qu'ici la peau n'est pas incisée, et que les fibres de son tissu sont simplement écartées ; mais il n'en est pas ainsi, comme le prouvent les observations intéressantes de M. Filhos (Inductions pratiques et physiologiques, tirées de l'observation. Thèse de Paris, 1833, in-&°, n°132). Les ex- périences qu'il a faites à ce sujet et que je vais rapporter ici, lui ont élé suggérées par différens cas de blessures observés à l'Hô- tel-Dieu de Paris, dans lesquels on avait remarqué que des plaies faites dans la région du cœur avec l'espèce d'instrument que je viens d'indiquer, avaient une telle forme qu'on pouvait croire qu'elles avaient élé produites par un stylet à lame plate. L'instrument dont M. Filhos s'est servi dans ses expériences, et qu'il a enfoncé sur des cadavres dans les diverses régions du corps, était un poinçon conique et arrondi, de 9 centimètres de longueur environ , ayant dans sa partie la plus épaisse 8 millimètres, au graduomètre à trous. « Avec cet instrument, dit M. Filhos, j'ai obtenu constamment de petites plaies allongées, à deux bords égaux et rapprochés, à angles très ai- gus ; ces petites plaies étaient d'autant plus longues que l'instru- ment était enfoncé plus profondément. Si dans quelques points de la surface du corps, les lèvres de la plaie restaient écartées, il suffisait de tendre la peau pour les rapprocher exactement; ce rapprochement exact ne pouvait avoir lieu que dans un seul sens ; on avait beau tendre la peau en sens contraire, on ne par- venait nullement à obtenir des angles aigus, mais bien des an- gles obtus. Il était, en un mot, très facile de voir que l'action du poinçon avait élé bornée à écarter les fibres de la peau. 29. — 452 — « Dans une région donnée du corps, les piqûres ont toujours affecté la même direction ; ainsi, sur les parties latérales du cou, elles sont dirigées obliquement de haut en bas et d'arrière en avant; à la partie antérieure de cette région, elles sont trans- versales; à la partie antérieure de l'aisselle, ainsi qu'à l'épaule, elles sont dirigées de haut en bas ; au thorax elles sont paral- lèles à la direction des côtes ou des espaces intercostaux, et elles se rapprochent d'autant plus de la verticale qu'on les ob- serve plus près de la partie antérieure et inférieure de l'aisselle ; à la région antérieure de l'abdomen elles sont obliques, et sem- blent affecter la direction des fibres musculaires; à la partie moyenne de l'abdomen elles sont dirigées transversalement ; en- fin, aux membres, elles sont parallèles à leur axe. » D'après ces détails nous voyons 1° qu'un instrument arrondi et conique tel qu'un poinçon, donne lieu à de petites plaies parfaitement semblables à celles qui résultent de l'action d'un stylet aplati et à deux tranchans ; 2° Que ces sortes de plaies sont toujours dirigées dans le même sens, dans une région donnée du corps, et qu'elles diffè- rent de celles qui sont produites par un instrument à deux tran- chans , en ce que ces dernières peuvent affecler toutes sortes de directions. Un des blessés qui entrèrent à l'Hôtel-Dieu, s'était porté trois coups d'un gros poinçon dans la région du cœur. Immédiate- ment après on observa trois petites plaies, de 5 millimètres de longueur, à bords rapprochés et égaux, à angles très aigus: elles étaient parallèles à la direction de la côte , et placées aux extrémités d'une sorte de triangle dont chaque côté avait 20 mil- limètres. Ces plaies n'étaient pas pénétrantes, et la guérison eut lieu au bout de quelques jours ; les cicatrices avaient la même forme et la même direction que les plaies. L'importance des résultats signalés par M. Filhos ressort trop évidemment de ce seul exposé des faits, pour que j'aie besoin d'insister sur les applications utiles qu'ils doivent fournir dans beaucoup de cas de médecine légale. Plaies par instrumens contondans. En ne considérant que le mode d'action des corps contondans, on pourrait croire que — 453 — les blessures qu'ils produisent ont des caractères tellement con- stans qu'il est toujours facile de reconnaître les plaies de cette espèce ; mais ces agens vulnérans sont si variés dans leur forme, leur masse, dans la force avec laquelle ils ont agi ; les effets qu'ils déterminent varient eux-mêmes tellement, d'après la con- figuration des parties exposées à leur action , qu'il est quelque- fois difficile de juger par la blessure de l'espèce d'instrument qui l'a produite. Ainsi les plaies contuses des tégumens du crâne ont fréquemment la plus grande analogie avec des plaies par instrumens tranchans : leurs bords sont également coupés net; on n'y voit rien qui annonce l'écrasement, l'attrition de la peau : toutefois, si l'on rapproche les lèvres de la plaie, et qu'on exa- mine celle-ci avec attention dans toute son étendue, il est rare qu'on trouve la section de la peau opérée suivant une ligne par- faitement droite, comme dans celle qui résulte d'une incision; cette section est toujours plus ou moins irrégulière dans son trajet, dentelée sur ses bords, ce qui est surtout apparent quand la solution de continuité a quelque étendue en longueur, et que la peau a beaucoup d'épaisseur. Les plaies contuses participent de la nature des contusions et de celles des plaies ordinaires : aussi est-il rare de voir leurs bords se réunir sans suppuration. Quand l'action du corps contondant a été intense, une inflam- mation se déclare, et le travail de cicatrisation n'a lieu qu'après la chute des eschares, déterminées par la violence de la phleg- masie et l'attrition des tissus. Plaies d'armes à feu. Les plaies de cette espèce ont généralement un aspect qui leur est propre ; indépendamment de l'extrême attrition des tissus, elles présentent quelques-uns des caractères des plaies cautéri- sées. La désorganisation des lissusest donc un caractère qui leur est commun ; mais, en outre, ces plaies se distinguent les unes des autres par une foule de variétés dépendantes decirconslances diverses, qui lotîtes doivent être connues du médecin légiste. Ainsi leprojeelile, lancé par la déflagration de lapoudreà canon, peul-ètre unique, on dit alors que l'arme était chargée à balle; — 454 — ou bien ce sont des corps en plus ou moins grand nombre comme des grains de plomb, ou enfin c'est la bourre elle-même qui vien- nent produire la plaie. Balle unique. Sil'on étudie les effets d'une balle sur un point quelconque du corps, il faut avoir égard à la manière dont l'arme a élé chargée et à la configuration du projectile. Quand celui-ci n'a pas élé déformé, el que l'arme n'est pas à balle forcée, la lésion présente encore des différences suivant la direction qu'a- vait le projectile en tombant sur la région blessée. La balle frappe-t-elle perpendiculairement nos tissus, son ouverture d'en- trée est parfaitement arrondie, et souvent le diamètre de celle-ci est moindre que celui de la balle elle-même ; autour de celte plaie circulaire existe une zone noirâtre, déprimée de dehors en dedans ; le fond de la blessure est livide, ecchymose. Plus le projectile a été lancé avec force, plus l'ecchymose est livide et plus les chairs sont désorganisées ; plus aussi la couleur rouge brunàire de la zone est prononcée. En conséquence, il faut avoir égard dans l'examen des plaies d'armes à feu, à la dislance que la balle a eu à parcourir, à la quantité et à la qualité delà pou- dre, toutes circonstances qui modifient la force de projection. Supposez que l'arme ait été déchargée à bout portant, c'est-à- dire que la lumière du canon ait été appliquée sur un point du corps,, de manière à intercepter toute communication entre l'air extérieur et celui qui est dans l'intérieur de l'arme, au moment où a eu lieu la déflagration de la poudre, la blessure ne sera qu'une contusion, qu'une meurtrissure plus ou moins forte. La balle dans cette circonslance tombe à terre, le canon est préala- blement fortement repoussé en arrière. Quand le coup a été tiré à très peu de distance, l'ouverture d'entrée de la balle.est fortement déprimée, noirâtre, arrondie, comme je l'ai dit déjà ; la teinte livide de la zone qui l'entoure est très prononcée; de petits caillots de sang noir sont dans le fond de la plaie. La région blessée est le siège d'un engourdissement, qui peut aller jusqu'à la stupeur ; celle-ci est générale quelque- fois, et le malade est dans un abattement tel qu'il paraît indiffé- rent à tout. Les tissus se décomposent rapidement. La plaie peut, dans certains cas, renfermer la bourre qui a été lancée avec - 455 — le projectile ; autour d'elle peut exister une zone brunâtre, plus ou moins étendue, piquetée de poinls noirs, lesquels ne sont autre chose que les grains de poudre qui n'ont pas été enflam- més lors de la détonnalionde l'arme. Unebrûlure,plus ou moins étendue accompagne aussi quelquefois la blessure, el celte brû- lnre peut être due à la déflagration de la poudre ou à la bourre qui est venue frapper les tissus, après avoir élé enflammée. Les caractères d'une plaie d'arme à feu sont différens de ceux que je viens de donner, si le coup a été lire de très loin. Il ne faut pas croire cependant que l'on puisse par l'examen d'une plaie quelconque d'arme à feu déterminer approximativement la dislance à laquelle le blessé a reçu le coup de feu : ce n'est que dans le cas où l'arme est partie de très près ou de très loin, aux distances extrêmes, en un mot, que le médecin expert peut donner des renseignemens positifs. Que de modifications en ef- fet, ne peuvent pas imprimer à la vitesse d'une balle et la lon- gueur de l'amie, el la quantité ou la qualité de la poudre, et la qualité de la bourre, etc.. Mais quand c'est d'une grande dis- tance que le coup a été tiré, la plaie présente des bords moins meurtriers ; elle est saignante, el la zone noirâtre n'existe que sur le bord ; enfin il est impossible qu'une brûlure l'accompagne comme cela a lieu quelquefois dans l'hypothèse contraire. Supposez maintenant qu'une balle tombe obliquement sur un point de la périphérie du corps, elle enfoncera les chairs d'un côté de la plaie , tandis que l'autre côté sera pour ainsi dire creusé, taillé en biseau aux dépens des parties profondes ; la di- rection de la balle formera, en effet, avec le plan de la région blessée deux angles, l'un aigu, l'autre obtus. La forme de l'ou- verture d'entrée du projectile sera ovale. Du côté de l'angle aigu, les chairs seront meurtries, enfoncées, et la plaie aura exacte- ment la forme de la balle, c'est-à-dire qu'elle présentera une demi-circonférence régulière, et dans celte parlie les bords de la solution de continuité seront taillés en biseau de la superficie vers la profondeur des organes. Au contraire, du côté de l'angle oblus la solution de continuité aura des bords moins meurtris, moins réguliers et sans eschare. Cependant dans l'examen juri- dique de ces plaies, il faudra tenir compte de l'état de flexion ou — 456 — d'extension , de pronatiou ou de supination du membre au mo- ment où la blessure a élé faite, attendu que la forme de la plaie peut être puissamment modifiée par l'état de tension ou de relâ- chement des tissus : c'est d'ailleurs ce que j'exposerai en détail, quand je traiterai de la forme des ouvertures d'entrée et de sor- tie d'une balle lancée par la déflagration de la poudre. Si l'arme élait à balle forcée, l'eschare des bords de la plaie est bien plus grande, et la zone qui l'entoure plus noirâtre-, la meurtrissure est aussi bien plus considérable, si la balle était mâchée, irrégulière et hérissée d'aspérités. Un des points les plus inléressans de l'étude des plaies par ar- mes à feu est celui qui à trait au trajet des projectiles dans nos tissus ; tantôt la balle reste logée dans l'intérieur des organes, tantôt elle en sort en pratiquant une seconde ouverture ; celle-ci peut être unique ou multiple, dans la direction de la première, ou fort éloignée du sens dans lequel la balle est entrée; enfin des désordres variables sont produits sur les divers élémens anato- miques que le corps vulnérant trouve sur son passage. \.° Il n'existe point d'ouverture de sortie; dans ce cas la balle a frappé les tissus, vers la fin de sa course. Elle produit, dans cette hypothèse, une ouverture dont les bords sont déprimés el se creuse en tournant sur elle-même une sorte de canal qui va en s'élargissant de la peau vers les parties profondes. Ici l'explica- tion du phénomène est la même que celle de l'apparente immo- bilité du boulet dont la force de projection paraît épuisée. Les balles, en effet, comme les boulets lancés par une arme à feu, est animée d'une double force de projection, l'une dans le sens du canon de l'arme et qui pousse le projectile en avant, l'autre qui lui fait subir un mouvement de rotation sur un de ses diamètres, de telle sorte qu'une balle ou un boulet en même temps qu'ils traversent l'espace dans une direction déterminée roulent sur eux- mêmes. Vers la fin de leur course, alors que le mouvement dans le sens rectiligne paraît s'éteindre, le mouvement de rotation persistant encore, le projectile paraît immobile ; mais qu'une force étrangère vienne lui donner une impulsion dans un sens, le boulet reprend sa course en roulant et peut produire des effets funestes: c'est ainsi que des soldats imprudens ont perdu le pied — 457 — uvec lequel ils avaient touché des projectiles qui leur avaient paru immobiles. Il en est de même de la balle qui a pénétré dans un membre, sa force de projection dans un sens déterminé étant épuisée, elle roule sur elle-même, et touchée de toute part par les tissus, elle tend à se dévier ; celte tendance fait qu'elle agrandit son canal daus tous les sens , et que celui-ci a la forme d'un cône tronqué dont la base est vers la profondeur des organes. La fin de sa course correspond à une cavité en cul de sac, ou arrondie. Lorsque une balle atteint les parois d'une cavité naturelle, elle peut encore n'avoir qu'une ouverture d'entrée, et tomber dans cette cavité. Il n'est pas rare qu'on ait trouvé des balles dans la plèvre, le péritoine ; on en a vu dans les ventricules du cœur. Des projectiles arrêtés dansla vessie ont pu devenirle point de départ de calculs, dont les élémens se sont déposés sur le corps étran- ger comme sur un noyau. Des balles après avoir séjourné plus ou moins long-temps dans l'épaisseur des parois d'une cavilé, peu- vent soit par l'action des muscles, ou par celle de la pesanteur, se creuser insensiblement un passage jusque dans celle cavité. C'est ainsi que M. Velpeau a pu extraire en 1841 de l'intérieur du ge- nou une balle que le blessé portait depuis trente-trois ans, et qui n'était tombée dans l'articulation que depuis neuf mois. Il esi impossible de dire toutes les particularités que les plaies d'armes à feu peuvent présenter relativement aux symptômes qui accompagnent la présence d'une balle dans l'intérieur du corps ; tantôt l'hémoptysie en est la suite, quand c'est le poumon qui a logé le projectile ; tantôt la mort est immédiate, si l'un des gros vaisseaux de sa racine a été lésé ; dans certains cas la balle séjourne dans les cavités splanchniques ou au milieu des masses musculaires sans déterminer d'accidens graves. Les désordres intérieurs ne sont pas moins variés. Un os plat se trouve-t-il sur le trajet d'une balle, il est percé d'un trou par- faitement net, si celle-ci est animée d'une grande force de projec- tion ; on peut voir au musée Dupuylren des os ainsi perforés comme par un emporte-pièce. Si le projectile n'a pas unegrande vitesse, s'il est vers la fin de sa course, quand il tombe sur un membre, l'os qu'il trouve sur son passage est brisé en éclats ; les — 458 — fractures longitudinales des os admises dans ces cas ne sont elles- mêmes que des éclats suivant la direction des fibres du tissu os- seux. Quelquefois la balle se loge dans les ouvertures naturelles des os ou dans le tissu spongieux des os longs ; le musée Du- puytren en possède un cas bien remarquable : c'est une balle qui est enclavée dans l'un des trous antérieurs d'un sacrum. Enfin le projectile peut être retenu entre deux os, par exemple, ceux de l'avant-bras. Les phénomènes que je viens de signaler n'ont point lieu, quand une balle, au lieu de frapper la face plane d'un os tombe obliquement sur une arête, une crête ou une surface concave ou convexe. Les lois générales de la physique trouvent ici leur ap- plication; les projectiles sont déviés, et suivent alors les Irajels les plus singuliers. Un des exemples les plus remarquables cité par Percy (Manuel du chirurgien) est celui du maréchal de Lowendal, blessé au siège de Fribourg : une balle qui avait percé son chapeau et le cuir chevelu près de la tempe droite, fil le tour de la tête et ressortit au-dessus de la tempe gauche. — Dans un duel entre deux officiers allemands, l'un des adversaires fut at- teint d'une balle qui fractura les 10; et 11° côtes droites près de leur angle, passa entre les apophyses épineuses des vertèbres, et remontant à travers la masse des muscles sacro-lombaires, alla se loger sous l'omoplate du côté opposé (Briand, Médecine lé- gale, page 300). Dans d'autres circonstances les balles subissent une déviation dans l'intérieur des cavités ; une balle perce la bosse pariétale, laboure la face interne de cet os et s'arrête près de la suture occipitale (Larrey, Clinique des camps). Une balle pé- nètre à travers le sternum dansla cavité droite du thorax, con- tourne cette cavilé et va ressortir près de la colonne verté- brale sans avoir lésé les organes internes ( Dupuytren, Leçons orales). En traversant des milieux de densité différente les balles de- vient encore d'une façon non moins remarquable; dans certains cas la déviation générale du projectile est le résultat d'une série de déviations partielles qu'il a subies dans ces divers milieux. Le docteur Mennen a observé un cas de ce genre sur un soldat qui fut blessé, dans un assaut, au moment où il étendait le bras — 459 — pour monter l'échelle : la balle entra à-peu-près vers le centre de l'humérus, glissa le long du membre et de la partie postérieure du thorax, s'ouvrit un chemin dans les parois de l'abdomen, pé- nétra profondément dans les muscles fessiers, et arriva à la par- tie moyenne et antérieure de la cuisse opposée. Dans une autre circonslance, uneballe, après avoir frappé à la poitrine unhomme qui était debout dans les rangs, alla se loger dans le scrotum (S. Cooper, Dictionnaire de chirurgie pratique). Levacher,dans les Mémoires de l'Acad. de chir., rapporte l'observation d'un soldat chez lequel une balle étant entrée par la partie antérieure de la cuisse, et étant parvenue à la face antérieure du fémur, fut réfléchie soit par le bord externe de cet os, soit par le muscle vaste externe, de telle façon qu'elle sortit par la partie posté- rieure du membre, dans une direction correspondante à celle qu'elle avait en entrant. — Deux éludians de Strasbourg s'étant batius au pistolet, l'un d'eux tomba frappé d'une balle à la région antérieure du cou; on le crut blessé mortellement, il se releva un moment après sans presque sentir sa blessure : la balle avait frappé obliquement le larynx et, glissant sur le cartilage avait fait le tour du cou et était venue se placer au côlé opposé du larynx, d'où elle fut extraite par une simple incision (fait rapporté par M. Malle, Briand, Médecine légale). Ces phénomènes de déviation sont soumis aux mêmes lois que celles qui président aux mouvemens de tous les corps, si bien qu'il serait possible de déterminer à priori le trajet d'une balle} si l'on connaissait toutes les données du problème, c'est-à-dire la vilcsse du projectile, sa direction, la position exacte et la densité des diverses parties qu'il doit traverser, etc. Il est possible que, quand une balle tombe perpendiculaire- ment sur un os, elle s'aplatisse sans le rompre : ce fait assez rare suppose une grande résistance de la part de l'os , et une quantilé de mouvement faible dans le projectile. Lorsque celui-ci tombe sur une arête saillante, il se partage quelquefois en deux fragmens ; il peut arriver que l'un des mor- ceaux reste à la place que la balle a frappée, tandis que l'autre continue à pénétrer dans le corps. Une balle ayant frappé l'un dos bords de la rotule, fut partagée en deux moitiés, dont l'une — 460 — passa outre et se fraya un chemin au-dehors, tandis que l'autre séjourna dans l'articulation ( S. Cooper). Le même auteur a vu une balle divisée par l'épine de l'omoplate en deux fragmens , dont l'un traversa la poitrine, et l'autre alla gagner le coude du côté correspondant. Quand l'impulsion de la balle est faible , celle-ci, déprimée, peut rester appliquée sur la crête de l'os. Enfin, le projectile tombant obliquement sur une arête, peut l'é- corner sans déterminer de fracture. Les balles tombent dans quelques cas rares, à la vérité, dans la cavité des os, de même qu'elles ont séjourné dans certaines cir- constances dans d'autres cavités naturelles. Le roi de JNavarre ayant reçu, pendant l'assaut donné à la ville de Rouen, une balle dans l'articulation du bras avec l'épaule, les perquisitions les plus exactes ne purent la faire découvrir : Amb. Paré supposa qu'elle avait percé de haut en bas la tête de l'humérus, et coulé jusque dans la cavité médullaire de l'os; ce qui fut vérifié à l'ouver- ture du corps (Ambroise Paré, Lyon 1664 ; Voyage de Rouen, p. 795). Il existe deux ouvertures, l'une d'entrée, l'autre de sortie. — Il importe souvent de pouvoir déterminer par quel côté du corps la balle est entrée quand il existe deux ouvertures. L'opi- nion depuis long-temps accréditée, que l'ouverture de sortie est plus grande que l'ouverture d'entrée ne doit pas êlre aveuglé- ment admise par le médecin légiste ; des signes meilleurs doivent le mettre à même de porter un jugement plus sûr. Et d'abord, si dans quelques cas , alors que la balle, atteignant la fin de sa course, distend les tissus avant de les déchirer par sa sortie, lorsque le coup sera parti de très près, le projectile fera une ouverture de sortie très nette, et les tégumens seront plutôt en- levés comme avec un emporte-pièce, que distendus et lentement déchirés ; dans ce dernier cas , l'ouverture de sortie de la balle peut être égale à celle d'entrée, et c'est là ce que M. Roux a pu observer plusieurs fois en 1830 (Considérations sur les blessés des journées de juillet). M. Malle va plus loin ; d'après lui l'ouverture d'entrée sera plus grande même que celle de sortie (Clinique chir. de l'hôpital d'instruction de Strasbourg). Enfin les observations d'Ollivier d'Angers et de M. Devergiesont — 461 — loin d'être à l'appui de l'ancienne opinion ; au contraire, ces mé- decins ont vu souvent l'ouverture d'entrée égale à celle de sortie et quelquefois même plus grande. Il vaut mieux chercher dans d'autres caractères les moyens de reconnaître quelle est des deux ouvertures celle d'entrée ou celle de sortie. La première , déprimée , ovale ou parfaitement circu- laire, présente des bords meurtris (Voyez plus haut). La seconde n'es; point entourée de cette zone brunâtre, de ces caillots que j'ai signalés sur l'ouverture d'entrée ; au lieu d'être enfoncée, elle est, au contraire, saillante ; ses bords sont renversés de dedans en-dehors. Quelquefois la présence de parcelles de vêtemens peut mettre encore plus sûrement sur la voie ; quand la balle frappe un tissu non élastique elle s'en coiffe, et l'entraîne quelquefois avec elle dans la plaie ; lorsque les vêtemens sont composés d'une étoffe lâche, extensible, le projectile ne fait qu'en écarter les parties constituantes, et, au premier abord, la balle semble- rail ne les avoir pas traversés : c'est ainsi que plusieurs vêtemens étant successivement sur le trajet du projectile, les uns parais- sent intacts, et d'autres présentent une déperdition de substance faite comme avec un emporte-pièce. Projectiles multiples. Quand l'arme est chargée de grains de plomb, la décharge peut faire Aa/te, comme on dit vulgairement, ou bien les tégumens sont criblés de petits trous distincts cor- respondant à l'entrée des projectiles disséminés. Quand la masse des grains de plomb ayant fait balle traverse une région dont les élémens anatomiques sont nombreux, le trajet qu'ils suivent forme en quelque sorte deux cônes ; en effet, les grains du centre tom- bant perpendiculairement sur les tissus, les traversent et con- servent leur direction première; les autres, ceux de la périphérie frappant obliquement les diverses couches, se réfléchissent sur les muscles, les aponévroses, etc., et perdant par ces réflections la quantité de mouvement dont ils étaient animés, pénètrent moins profondément que les premiers. La base des deux cônes leur est donc commune et correspond aux points où se sont arrê- tés les grains de plomb disséminés, tandis que leurs sommets sont l'un à l'ouverture d'entrée, l'autre là où les grains du centre sont restés. Si la région blessée présente peu d'épaisseur, il existe une — 462 — é ouverture d'entrée et une de sortie, dont les diamètres sont à-peu- près les mêmes, si le coup a été tiré de très près. A quelle distance une arme chargée de grains de plomb peut- elle faire balle, quand la décharge frappe une région du corps? C'est une question que M. Lachèse fils s'est efforcé de résoudre. Voici le résultat de ses recherches : A la distance de 28 à 30 cen- timètres, la plaie est unique, à bords irréguliers, faite comme avec un emporie-pièce ; elle est plus large qu'à la dislance de 15 à 20 centimètres. M. Lachèse a expérimenté sur des corps dépouillés de vête- mens, et sur d'autres qui étaient vêtus. Dans le premier cas, à la dislance de 33 ou 34 centimètres, il y avait déjà quelques grains (l'arme était chargée avec de la cendrée) qui s'écartaient et pro - duisaient des échancrures sur les bords de la plaie. A 50 centi- mètres, les grains excentriques produisaient des plaies partielles et distinctes aux alentours de la plaie centrale. A un mètre, cha- que grain de plomb frappe isolément la surface du corps ; l'é- tendue delà région blessée est un cercle de 8 à 10 centimètres de diamètre. Enfin, à quinze pas, une charge de plomb n° 8 tirée sur le dosd'unnidividu, se disséminait sur toute sa surface. Dans le second cas, alors que le corps était couvert de vêtemens , les mêmes effets étaient produits, mais non aux mêmes distances; on comprend que plus les vêtemens étaient épais, nombreux, résis- tans, moins, pour obtenir les mêmes résultats , il fallait que la distance fût grande. Voici d'ailleurs le tableau des expériences de M. le docteur Lachèse, faites avec un fusil chargé fortement d'une poudre fine dite poudre des princes. — 468 — Expériences de M. le docteur Lachèse , faites avec un fusil chargé forte- ment d'une poudre fine dite poudre des princes. GROSSEUR PARTIE du corps, DISTANCE dépouillée de ses CARACTÈRES DE LA BLESSURE. du plomb. vêtemens. 1' 16 à 17 cent. Cendrée Poitrine. Plaie arrondie, faite comme avec un em- (6 pouces). (Plomb n" 1). porte-pièce, n'ayant que 13 à 14 millim. (6 lignes) de diamètre. i2° Id. Plomb n° 8. Ibid. Plaie semblable, mais de 20 à 25 millim. (9 à 11 lignes) de diamètre. 3° Id. 8 Chevro-tines. Ibid. Six ouvertures bien rapprochées, se réu-nissant plus loin en trois, et n'en fai-sant ensuite qu'une seule, après avoir. fracturé une côte et enfoncé ses frag-mens dans l'étendue de 15 à 20 millim. (6 à 7 lignes). 4" 32 à 33 cent. (1 pied). Cendrée. Abdomen. Plaie comme celles des nc 1 et 2 ci-dessus, mais moins régulière : beaucoup de plombs se sont un peu écartés et ont fait route isolément. 5" Id. Plomb n° 10. Ibid. Plaie ronde, de 22 à 27 millim. (10 à 12 lignes) de diamètre. 6° Id. Plomb n°;8. Ibid. De même; seulement quelques grains s'é-cartent et filent un trajet isolé. 7° Id. Id. Partie infér. de la jambe. Plaie oblongue, à bords déchirés par les grains de plomb qui se sont écartés. 8° Id. 8 Chevro-tines. Ibid. Six ouvertures à la peau (comme au n° 3 ci-dessus), se réunissant en quatre dans l'épaisseur des parties molles, et n'en formant plus qu'une dans les parties " solides. 9" 50 cent. Plomb n° 8. [Base de la Plaie tout-à-fait irrégulière, résultant d'un (J pied 1/2). poitrine. grand nombre de petites ouvertures faites par les grains de plomb écartés. 10" 65 cent. (2 pieds). Plomb n° 10, Ibid. Plaie de 40 millim. (18 lignes) de diamètre, à bords dentelés par l'action des grains, qui se sont écartés, mais qui-n'ont pas encore tout-à-fait abandonné la direc-tion du reste de la charge. 11° 1 mètre. (3 pieds). Cendrée. Ibid. Point d'ouverture centrale : les grains de plomb sont disséminés (sans avoir pé-nétré dans la poitrine) dans uneétendue de 55 millim. (environ 2 pouces). 12" Plomb n° 8. im. Même effet ; seulement, les grains sont disséminés dans une étendue d'environ 80 millim. (3 pouces). 13° 2 mètres. [6 pieds). Id. Cuisse. Les plombs se logent plus ou moins pro-fondément dans l'épaisseur de la peau sur toute la surface du membre expo-sée aux coups. 14" 3 à 4 mètres (10 à n p.) Id. Ibid. Tous les grains sont disséminés dans une étendue de 16 à 18 centim. (6 à 7 pouces. de hauteur, sur 16 c. (6 pouces d« larg.) Tout le dos est criblé; mais quelques 15" 14 à 15 met. Id. Le dos. grains seulement pénètrent profondé- ment dans l'épaisseur des muscles; quelques-uns atteignent le rein gauche; aucun ne traverse les os. 16" 1G cent. Plomb n" ^8. Poitrine Plaie unique, arrondie, faite comme avec (6 pouces). recouverte de trois doubles de grosse toile. un emporte-pièce, et ayant 17 à 18 mill. (9 lignes) de diamètre. A cette distance de 16 centim. (6 pouces), la plaie faite à la poitrine était semblable à celle faite à distance de 28 à 30 centim. (10 à 11 pouces) sur la poitrine nue. — 464 -- Le résultat des recherches de M. Lachèse, malgré l'inlérèl qu'il présente, ne peut êlre admis d'une manière absolue. Il <*si clair que la bonté de l'arme, la grosseur du plomb, la quaniite, la force de la poudre, la qualité de la bourre, etc., impriment a la plaie produite des modifications variées. Les expériences sui- vantes faites par le même auteur donnent lieu aux mêmes ré- flexions. La plaie est produite par la bourre. On comprend que l'arme ayant été déchargée de très près, les grains de poudre non brû- lés et la bourre peuvent faire balle en frappant nos tissus. Je ne parle pas des brûlures concomitantes (Voyez plus haut). Il faut, pour que ce phénomène ait lieu, que l'arme soit d'un très fort calibre, qu'elle soit chargée avec une cartouche de guerre ou avec une double charge de poudre fine, et qu'il y ait moins de 16 centimètres entre le bout du canon et l'individu blessé. Voici pour plus de détails les expériences de M. Lachèse à ce sujet. Arme. -- Distance. •— Région du corps. Lésions produites. 1° Fusil de munition chargé d'une cartouche sans balle. 2° Idem. 3« ld. 4» Id. 5° Id. 1 met. 30 c (4 pieds). 32 centim. (lpied). 16 cent. (6 pouces). Id. Id. Abdomen " nu. Idem. Id. Poitrine nue. Abdomen vêtu d'une toile et d'un morceau de drap pour simuler les vêtemens ordinaires. La peau est noircie dans un espace cir-conscrit; et de nombreux grains de poudre (c'était de la poudre de guerre) ont pénétré sous l'épiderme ; point d'autre lésion. La bourre s'est divisée : ses fragmens ont fait à la peau 5 ou 6 ouvertures semblables à celles qu'aurait pro-duites du gros plomb; mais ils se sont arrêtés dans le tissu cellulaire sous-cu-tané, et aucun n'a pénétré dans l'ab-domen. La bourre ne pénètre pas, mais elle ex-corie la peau dans une étendue circu-laire de plusieurs pouces; nombreux grains de poudre. La peau est brûlée dans une étendue circulaire d'environ 27 millimètres (1 pouce) ; elle est couverte de grains de plomb dans un diamètre d'environ 55 millim. i2 pouces) ; mais point d'en-tamure, et la côte sur laquelle le coup avait été dirigé n'est pas brisée. La toile et le morceau de drap sont tra-versés et déchirés en plusieurs mor-ceaux ; la peau est brûlée et contuse, mais non entamée. 465 Arme. 8 cent. (3 pouces) Id. Fusil de munition chargé d'une cartouche sans balle. Id. Fusil à piston fortement chargé. Fusil 54 millimètr de munition (2 pouces) chargé d'une cartouche (moins la balle). Distance. Id. 10° 11" !l2° 13° 14° Fusil de munition chargé d'un double coup de poudre fine. Fusil à piston , fortement chargé. Id. Id. Id. 15° Fusil •le munition chargé d'une cartouche (moins la balle). Id. Id. 45 à 50 mil- lim. (1 pouce 1/2 à 2 pou ces). 27 millimètr. ( 1 pouce ). Id. Id. Région du corps. Lésions produites. Partie supérieure de l'abdomen Paroi 'gauche de la poitrine nue. Id. La bourre fait aux tégumens une ouver- ture à-peu-près circulaire, d'environ 18 millim. (8 lignes) de diamètre ; elle est déviée par la rencontre du cartilage de la 7e côte droite ; elle perce le dia- phragme, fait au foie une petite plaie linéaire de 16 à 18 millim. de longueur sans pénétrer dans cet organe. La bourre fait une ouverture de la lar- geur d'un espace intercostal, fracture la côte inférieure , et se loge entre le diaphragme et le poumon gauche, qui n'est pas lésé. La bourre fait une brûlure circulaire du diamètre d'environ 27 à 28 millimètres (environ 1 pouce) ; mais la. peau n'est nullement entamée, soit que la bourre soit faite avec du papier de journal ou de très gros papier. —Même effet avec une bourre faite de deux rondelles de feutre : mais celle-ci fait de plus deux petites excoriations superficielles. Abdomen nu. La bourre pénètre, fait à la peau et aux muscles une ouverture à-peu-près cir- culaire de 18 millim. (8 lignes) de dia- mètre, blesse le mésentère et plusieurs anses intestinales, sans les ouvrir, et est retrouvée dans l'abdomen divisée en fragmens. Id. bien tendu. Paroi gauche de la poitrine nue. Abdomen nu et bien tendu. Abdomen vêtu d'une grosse toile en double. Abdomen vêtu d'une toile et d'un morceau de drap. Même blessure. La bourre brûle la peau uniformément dans un espace circulaire d'environ 20 millim. (9 lignes), mais ne l'entame pas. La bourre brûle la peau dans une éten- due circulaire d'environ 27 millim. ( 1 pouce ) ; elle ne pénètre pas, mais elle fracture une côte sans déplacer les fragmens. Brûlure de la peau dans un espace cir- culaire d'environ 20 millim. (9 lignes) mais sans entamure. Le coup traverse la toile, y met le feu, noircit la peau dans un assez grand espace, mais ne l'entame pas. Le coup traverse les vêtemens ; la plaie faite aux tégumens de l'abdomen a ex- térieurement 22 à 23 millim. (10 lignes) et intérieurement 52 à 54 millim. (près de 2 pouces) ; la bourre a traversé tout le paquet intestinal et est venue con- fondre la face antérieure de la colonne vertébrale. W — 466 — L'arme qu'on suppose avoir servi à faire la blessure, étant saisie, peut-on déterminer, d'après les traces qu'elle porte, l'époque à laquelle elle a été déchargée ? Cette question délicate, et dont la solution peut être, dans certains cas, d'une si grande importance, a été étudiée récemment par M. Bouti- gny (1), pharmacien à Évreux ; je viens résumer ici la plus grande partie de son travail. Il a d'abord examiné à l'œil nu les traces de la poudre sur la batterie, puis il a recommencé cet exa- men à l'aide d'une bonne loupe, et noté les propriétés physiques de la crasse. Après cet examen préliminaire, et nécessairement superficiel, il procède de la manière suivante à l'analyse chi- mique. Il enlève la crasse avec soin à l'aide d'un pinceau et de l'eau distillée, puis il filtre cette solution dans du papier , lavé préalablement avec de l'acide chlorhydrique et de l'eau dis- tillée; il examine en masse cette solution, qu'il divise ensuite dans des tubes éprouvettes, dans lesquels il la soumet à l'action du cyanure jaune de potassium et de fer, de l'eau de baryte , de l'acétate de plomb,de l'acide arsenieux additionné d'acide azotique et de la teinture de noix de galle. M. Boutigny a présenté dans un tableau toutes les expériences qu'il a faites sur la crasse de la batterie d'un fusil, ainsi que les ré- sultats qu'il a obtenus depuis une minute jusqu'à cinquante jours d'intervalle. Voici les conséquences qui découlent de ces expériences : « On ne peut tirer aucune induction de la couleur de la crasse, qui est toujours à-peu-près la même , ni de son état hygromé- trique, qui doit nécessairement varier suivant la saison, la tem- pérature et les localités. « Il n'en est pas de même de l'oxyde rouge de fer ; on con- clura de la présence de cet oxyde sur la partie du canon corres- pondant au bassinet qu'il y a au moins deux jours que l'arme a été déchargée ; on conclura , au contraire, de l'absence de cet oxyde, qu'il n'y a pas deux jours que l'on a fait usage de l'arme. « On tirera les mêmes conséquences de la présence ou de l'ab- (1) Recherches propres à déterminer l'époque à laquelle une arme à feu a été déchargée. — Journal de Chimie médicale, t. rx, p. 525, année 1832, numéro de septembre. — 467 — sence des cristaux de sulfate de fer dans le bassinet et sous le couvre-feu. « Ainsi, lorsque l'oxyde rouge et les cristaux manquent à-la- fois, on peut affirmer qu'il n'y a pas deux jours que l'on a fait usage de l'arme; et l'on affirmera, au contraire, qu'il y a plus de deux jours que l'arme a été déchargée , s'il existe des taches d'oxyde rouge et des cristaux. « Les réactifs désignés plus haut indiquent 1° l'absence d'un sel de fer, plus tard sa présence, et ensuite sa disparition, sinon complète, du moins en grande partie ; 2° la présence de l'acide sulfurique ; 3° l'existence d'un mono ou d'un polysulfure. C'est donc principalement sur la présence du fer que roulent toutes les conséquences de l'analyse. « En réunissant les propriétés physiques et chimiques de la matière, on peut diviser les résultats obtenus par M. Boutigny en quatre parties qui caractérisent autant de périodes. « Première période. Elle ne dure que deux heures, et elle est caractérisée par la couleur noir bleu de la crasse, l'absence de cristaux, de l'oxyde rouge de fer, et d'un sel de fer, la couleur légèrement ambrée de la solution, et la présence d'un sulfure. « Deuxième période. Celle-ci est de vingt-quatre heures. La couleur moins foncée de la crasse, la limpidité de la solution, l'absence de sulfure, des cristaux et de l'oxyde rouge de fer, et la présence d'atomes d'un sel de fer, la caractérisent. « Troisième péviode. Elle dure dix jours. Celle-ci est carac- térisée par la présence de petits cristaux qui existent dans le bassinet, sous le couvre-feu et sous la pierre (ces cristaux sont d'autant plus allongés que l'on s'éloigne davantage de l'époque à laquelle l'arme a été tirée). On remarque sur la partie du canon correspondante à la batterie, et particulièrement au bassinet, des taches nombreuses d'oxyde rouge de fer. La teinture de noix de galle et le cyanure jaune de potassium et de fer indiquent la présence d'un sel de fer. « Quatrième période. Celle-ci va jusqu'à cinquante jours. Cette période diffère de la troisième par une plus faible quantité d'un sel de fer, et par la plus gra nde quantité d'oxyde rouge existant sur le canon. » io. — 468 — J'ajouterai, ainsi que h1 reconnaît M. Boutigny, que cette divi- sion en quatre périodes n'esi point absolue, comme on peut s'en convaincre en jelant les yeux sur le tableau où ses résultats sont indiqués comparativement. De loules les expériences qu'il a fai- tes, M. Boutigny tire les conclusions suivantes : « 1° Une arme à feu, à pierre et à bassinet de fer, dont la crevasse aurait les propriétés physiques el chimiques qui carac- térisent la première période, aurait été tirée ou déchargée de- puis deux heures au plus. « 2° La même arme, sur laquelle on reconnaîtrait les carac- tères qui appartiennent à la deuxième période, aurait été tirée depuis deux heures au moins et vingt-quatre heures au plus. « 3° Elle aurait été tirée depuis vingt-quatre heures au moins *t dix jours au plus, si la crasse avait les propriétés qui carac- térisent la troisième période. « U° Cette arme aurait été tirée depuis dix jours au moins et cinquante jours au plus, si la crasse de la batterie et la partie du canon correspondante à la batterie, avaient les propriétés physiques et chimiques appartenant à la quatrième période. » Il résulte donc de ce travail qu'il est possible d'assigner à quelques jours près, el même à quelques heures près, l'époque à laquelle il a élé fait usage d'une arme à feu. On conçoit de quelle importance peut être cette détermination rapprochée des carac- tères que présentera la blessure. M. Boutigny s'occupe ensuite de la théorie de la formation et de la disparition du sulfate de fer dont il a constaté la présence dans ses expériences; il est,je crois, inutile d'examiner ici celte'question (Voy. le mémoire de l'auteur). Brûlures. Les différens caustiques liquides, tels que les aci- des azotique, sulfurique, chlorhydrique, le beurre d'antimone, produisent sur la peau des escarres d'un gris blanchâtre, dont l'aspect est généralement le même dans tous les cas. Il n'y a que 'l'acide azotique qui laisse en même temps autour des escarres •une leinte jaune-serin tout-à-fait caractéristique, laquelle dénote l'espèce de caustique dont l'action a désorganisé le derme. L'es- carre formée par la potasse caustique est ordinairement d'un brun de bistre plus ou moins foncé ; jamais elle ne présente celte — 469 - sécheresse, et surtout cette carbonisation partielle de la peau qu'on observe dans certaines brûlures produites par le feu. Une brûlure étendue et superficielle est habituellement produite par un gaz enflammé, ou un liquide qui n'est pas gras. Quelques sub- stances dont la combustion est rapide, et qui entrent en fusion en brûlant, comme le phosphore, le soufre, les résines, occasionnent dans un temps fort court des brûlures très larges et très profon- des. Les brûlures les plus dangereuses par leur étendue et leur profondeur sont celles des vêtemens. Les bouillons, les huiles, le suif, le sucre fondu, c'est-à-dire les liquides susceptibles de s'é- lever à un très haut degré de température en bouillant et qui ont le plus de tendance à adhérer à la peau, produisent des brû- lures profondes, qui sont la trace que le liquide a laissée, eif obéissant aux lois de la pesanteur. Un corps solide fortement chauffé déterminera la formation d'une escarre déprimée et qui aura la même forme que ce corps. ARTICLE IV. Du danger des blessures, de leur marche, de leur terminai- son : des moyens d'apprécier jusqu'à quel point leurs ef- fets doivent être rapportés à la violence extérieure qui les a produites. Je comprends sous ce titre la partie la plus importante de l'histoire médico-légale des blessures, celle que plusieurs au- teurs ont cru devoir désigner sous le nom de pronostic des bles- sures. Le mot pronostic, dérivé ■*& d'avance, et de Tfi-jvcàoxw, je , connais, est évidemment impropre dans le cas dont il s'agit, puisque l'homme de l'art est non-seulement appelé pour donner son avis sur l'issue probable d'une blessure, mais encore, et plus souvent, pour décider après la guérison ou la mort du blessé, jusqu'à quel point la blessure a été la cause des accidens qui se sont manifestés. Plusieurs médecins admettent avec Stoll, que le dariger des blessures ne peut être déterminé Qu'individuellement, et ils veulent qu'avant de porter le jugement, on ait égard à la nature de la parlie lésée, à la cause vulnérante, à l'intensité de la lésion, — 470 — à l'état organique du blessé, et aux diverses circonstances qui peuvent aggraver la blessure, en prolonger la durée et en ren- dre les suites plus ou moins fâcheuses. En procédant ainsi, il est impossible d'assigner constamment à priori l'époque de la gué- rison, si la blessure est curable ; et en supposant que l'on soit ap- pelé lorsque la maladie est terminée, il n'est pas toujours aisé de décider jusqu'à quel point certaines circonstances ont influé sur le retard qu'a éprouvé la guérison : il est encore fort difficile de déterminer quelquefois si la mort du blessé est un résultat né- cessaire de la lésion, ou si elle n'est pas due à l'action d'une cause indépendante de la volonté de l'agresseur. Le jugement à porter, comme on voit, est fondé sur un assez grand nombre d'é- lémens, pour que la résolution du problème soit effectivement fort compliquée. D'autres praticiens pensent, au contraire, que les blessures doivent être estimées d'une manière générale, prise dans leur terminaison particulière, mais constante et inhérente à leur na- ture chez l'individu sain et exempt de sur-causes. Cette opinion a été soutenue avec force en 1821 par le docteur Biessy, qui pro- pose d'avoir recours à un tableau dans lequel il fixe le nombre de jours nécessaires pour la guérison des excoriations, des in- flammations, des escarres, des contusions, des ecchymoses, des différentes espèces de plaies, etc., suivant qu'elles inté- ressent la peau, les membranes muqueuses, les muscles, les os, et suivant que la maladie se termine par résolution, par sup- puration, par la formation du cal, etc., ou que les solutions de continuité ont élé réunies par première intention {Manuel pra- tique de médecine légale, p. 133). Ce n'est pas, dit le docteur Biessy, que le tableau dont il s'agit présente une exactitude ma- thématique ; mais il lui semble que c'est ainsi que les diverses lé- sions doivent être considérées pour la médeeine légale, puisque e'est en observant la terminaison simple et naturelle de chaque blessure, qu'on peut fonder légalement un pronostic, et obvier aux dangers toujours graves de laisser ce pronostic à l'arbi- traire des hommes de Fart et aux contestations des gens d'af- faires. Après avoir fait connaître les deux opinions fondamentales sur — 471 — les moyens d'apprécier les effets des blessures, je vais parcou- rir rapidement les divers problèmes que l'homme de l'art peut être appelé à résoudre ; cette connaissance mettra à même de juger laquelle des deux méthodes doit être préférée. J'espère que les détails suivans, en indiquant à l'autorité les innombrables la- cunes que présentent les dispositions pénales actuellement en vigueur, engageront les jurisconsultes à donner une plus grande extension à la parlie du Code pénal relative aux blessures, et à réformer les articles 3.09 et 311, en prenant pour base les propo- sitions suivantes (1) : 1° Une blessure est immédiatement suivie de la mort, ou fait périr le blessé dans l'espace de quelques heures. Ici la mort est si bien l'effet de la blessure, qu'il serait impos- sible qu'elle n'arrivât pas. Le médecin peut la prédire : je citerai pour exemple les lésions étendues et profondes du cœur avec un épanchement considérable. 2° La mort ne tarde pas à suivre une blessure en apparence fort grave ; mais le diagnostic est assez difficile à établir pour que l'on soit obligé d'attendre que l'ouverture du cadavre ait fourni la preuve que le blessé a péri par suite de la lésion. 3° Un individu succombe peu de temps après avoir été l'objet d'une violence extérieure ; mais la blessure est tellement légère, qu'il est permis d'annoncer avant la mort qu'elle est étrangère à cet effet, et l'ouverture du cadavre confirme cette prédiction : c'est évidemment le cas d'une personne qui devait périr quand même elle n'aurait pas été blessée. U° La mort arrive subitement ou dans l'espace de quelques heures, à la suite d'une violence extérieure qui ne paraissait pas assez intense pour devoir produire un effet aussi fâcheux : ainsi un coup léger porté sur la tête d'un homme dont le crâne est fort mince, ou sur le thorax d'un autre qui est atteint d'une maladie grave du cœur et du poumon, les fait périr, tandis que le même coup n'aurait donné lieu qu'à des accidens fort ordi- (1) Il ne sera pas inutile de rappeler au lecteur que les articles 309, 311 et 319 du Code pénal que j'ai transcrits aux pages 444 et 445, sont les seuls dont on puisse faire actuellement l'application au cas dont il s'agit. — 472 — naires chez tout autre individu se portant bien. Dans certains cas, l'homme de l'art a pu présumer, avant la mort du blessé, que la blessure était la cause de la mort, mais il a fallu, pour en acquérir la conviction, attendre que le cadavre eût élé ouvert. 5° La mort ne tarde pas à suivre une blessure grave ; cepen- dant il était possible de la prévenir dans beaucoup de cas, en prodiguant avec promptitude les secours convenables : tel sérail le cas d'un individu dont l'artère carotide externe ou l'artère fé- morale auraient été ouvertes. On ne craindra pas de se trom- per en annonçant d'avance que la mort est le résultat de la blessure. 6° Un individu placé dans les mêmes circonstances que le pré- cédent périt, tandis qu'il aurait pu survivre, si l'homme de l'art qui l'a secouru à temps avait tenté une opération qu'il n'a pas osé entreprendre, ou si l'ayant entreprise, il l'eût pratiquée avec le talent nécessaire. 7° La mort arrive plusieurs mois après l'action d'un instrument vulnérant : le blessé n'éprouve d'abord que de très légers acci- dens qui ne l'empêchent même pas de continuer ses travaux pen- dant les vingt jours qui suivent le moment de la blessure : cepen- dant il est prouvé par l'ouverture du cadavre, par les signes com- mémoratifs et par d'autres circonslances, que la mort est l'effet de la blessure, et que les secours de l'art les mieux combinés n'auraient pu la prévenir. 8° Une blessure aurait été guérie avant le vingtième jour, si le blessé, par quelque motif d'intérêt ou de vengeance, n'avait pas cherché à l'aggraver en faisant usage de caustiques, etc. 9° La guérison d'une blessure aurait eu lieu avant le vingtième jour, si le lieu qu'habile le blessé, le climat et la saison ne s'y étaient pas opposés, si les secours de l'art eussent été rationnels et prodigués à temps, si le plaignant ou ceux qui l'assistent n'eussent pas enfreint les règles de l'hygiène : l'homme de l'art affirme que l'incapacité de travail pendant plus de vingt jours tient évidemment à l'une ou à l'autre des circonslances que je viens d'indiquer , ou bien il déclare que, sans pouvoir l'affirmer, il présume que le relard de la guérison dépend d'une de ces causes. — 473 — 10° Une blessure est assez légère pour devoir guérir dans l'es i pace de dix, douze ou quinze jours ; néanmoins elle entraîne une incapacité de travail pendant trente ou quarante jours sans qu'on puisse accuser le malade, les assistans ni le médecin d'im- prudence ou d'impéritie : la cause du retard consiste dans un vice de la constitution du blessé. Il peut se présenter deux cas fort différens : a, les vices de constitution sont facilement apprécia- bles, l'homme de l'art prononce qu'ils existent, et n'hésite pas à leur attribuer la trop grande durée de la maladie ; b, l'altération des solides ou des humeurs qui détériorent la constitution n'est pas évidente ; le médecin ne peut pas affirmer qu'il y ait un vice, et par conséquent il ne peut rien apprendre pendant la ma- ladie. 11° Certaines conditions de maladie ou d'âge diminuent telle- ment la cohésion du système osseux, que les causes les plus lé- gères peuvent déterminer des fractures ; en sorte qu'on ne sau- rait, en pareil cas, juger de l'intensité d'une violence extérieure par l'effet qui en est résulté. Plus haut j'ai donné des exemples de fractures causées par de simples mouvemens faits par les ma- lades. 12° Une violence extérieure occasionne l'avortement chez une femme enceinte ; l'agresseur prétexte l'ignorance de la grossesse, parce que la femme n'était enceinte que de deux à trois mois : dans ce cïs comme dans ceux qui ont été mentionnés à l'alinéa qui précède (11°), le même coup aurait à peine entraîné l'inca- pacité de travail pendant deux ou trois jours, chez des individus placés dans des conditions opposées. 13° Une Dlessure qui a menacé plus ou moins les jours du malade, guéit; mais le blessé reste infirme ou estropié : dans certains cas l'infirmité est absolue, c'est-à-dire qu'elle est simple- ment l'effet delà blessure, et doit exister chez tous les blessés; dans d'autres creonstances elle est relative, et pourrait ne pas avoir élé la suit» de la blessure, si le blessé n'eût pas été atteint d'un vice de conbrmation, d'une maladie, etc. ; l'infirmité peut être curable ou iicurable. il résulte évidenment des propositions qui précèdent que l'opinion de Stoil, savoir : que le danger des blessures ne peut — 474 — être jugé qu'individuellement, est la seule admissible. Le médecin, dit Chaussier, doit se borner à considérer, à exprimer l'état particulier de chacun des cas pour lesquels il est requis ; car, quelque semblables que paraissent des affections, elles dif- fèrent toujours par quelques points. J'adopterai volontiers avec le docteur Biessy qu'il serait pos- sible de se servir souvent avec avantage du tableau qu'il a pro- posé, en lui faisant subir de légères modifications, parce qu'il est vrai que, dans la plupart des cas, on doit déclarer comme lésions simples, devant guérir dans un espace de temps déter- miné, et avant le vingtième jour, les excoriations, les contu- sions bornées à la peau et au tissu cellulaire, et se terminant par résolution, les plaies non compliquées susceptibles de guérir par réunion immédiate, et celles qui, offrant peu d'étendue, se cicatrisent sans donner lieu à une suppuration abondante, les brûlures superficielles peu intenses, et celles qui, étant plus gra- ves, sont bornées à un très petit espace. Mais il est des circon- stances où l'usage d'un pareil tableau pourrait induire le méde- cin en erreur : parmi les exemples qui se présentent, je citerai le suivant. Un individu est piqué à la face palmaire du doigt in- dex , la peau seule est intéressée ; on déclare que la lésion est simple, parce qu'en effet la plupart des piqûres des autres par- ties de la peau guérissent facilement, et que même on a vu de semblables piqûres au doigt ne donner lieu à aucun accident grave ; cependant un panaris se développe , et si le malade ne reçoit pas les secours convenables, il est exposé à perdre le membre; il peut même succomber à une affection cérébrale. Ne voit-on pas aussi le tétanos survenir à la suite de c*rtaines piqû- res en apparence très légère? Des excoriations di la peau sont quelquefois aussi le point de départ d'érysipèles, de phlegmons diffus. Ajoutons à ces considérations que le docteur Biessy suppose avec Manon « que le blessé est toujours doué ce cette constitu- tion naturelle que tout homme est censé avoirapportée en nais- sant , c'est-à-dire de cette conformation des jarties solides, de ces qualités des fluides, de leurs propriétés, de leurs fonctions ordinaires, telles que la physiologie nous le» présente» (Mahon, — 475 — Méd. légale). Or, cette proposition, énoncée d'une manière aussi générale, est inadmissible, puisqu'on n'observe pas une pareille constitution chez plusieurs individus. On dira sans doute qu'il est souvent aisé de juger en examinant le blessé pour la première fois, que les solides ou les liquides sont viciés de telle sorte que la guérison devra être retardée ; mais il n'en est pas toujours ainsi, car on est souvent dans l'impossibilité de décou- vrir les vices de constitution qui pourront entraver la marche de la nature. Du moins, répondra-t-on, sera-t-il permis d'attri- buer à la mauvaise constitution du blessé la trop longue durée du traitement, lorsqu'on ne sera appelé à porter son jugement qu'à la fin de la maladie, si l'on apprend que celle-ci n'a été compliquée d'aucun accident dépendant du médecin, des assis- tans ou des imprudences que le malade aurait pu commettre. Soit ; il n'en est pas moins vrai que l'on aurait été induit en er- reur si l'on avait prononcé à priori , d'après le tableau, que la maladie ne devait dnrer qu'un très petit nombre de jours. Une autre observation que ne manqueront pas de faire les partisans de la doctrine que je combats consiste en ce qu'il importe peu à l'agresseur que le blessé fûtdoué de telle ou de telle autre consti- tution , que la blessure dont il a été la cause étant de nature à devoir être guérie en peu de jours, chez la plupart des indi- vidus, il ne doit être passible en aucune manière des obstacles qu'a éprouvés la guérison, et qui tiennent à des vices de consti- tution qu'il ne pouvait point prévoir. C'est aux magistrats à ap- précier la valeur de cette observation et à faire une juste ap- plication des articles 309, 311 et 319 du Code pénal, qui se rapportent à cet objet.. Le médecin a rempli son devoir lorsqu'il a établi que la guérison de la blessure n'a été retardée que par suite de la mauvaise constitution du blessé. Il me paraît démontré, d'après ce qui précède, que le danger des blessures ne peut être jugé qu'en ayant égard à la na- ture de la parlie lésée et à la cause vulnérante, ainsi qu'aux diverses circonstances qui influent sur leur durée et sur leurs suites (Voyez plus loin pour les règles de l'exar men médico-légal des blessures). — 476 — § Ier- DES BLESSURES CONSIDÉRÉES SOUS LE RAPPORT DE LA CAUSE VULNÉRANTE ET DES PARTIES ATTEINTES. J'éviterai le double écueil dans lequel sont tombés les méde- cins qui ont voulu tour-à-tour juger les dangers des blessures seulement d'après la nature de la partie lésée, ou d'après la ma- nière dont elles avaient été faites et les diverses circonslances qui les avaient accompagnées. Les détails dans lesquels je vais entrer prouveront jusqu'à l'évidence la nécessité de considérer à-la-fois ces deux objets dans toute recherche relative à la létha- lité des blessures. Blessures de la tète. Les blessures de la tête méritent de fixer l'attention des gens de l'art, non-seulement parce qu'elles ont souvent les suites les plus fâcheuses, mais encore par la difficulté que l'on peut éprou- ver à en établir le diagnostic et le pronostic. L'inflammation du cerveau, du cervelet ou de leurs membranes, la commotion de l'encéphale, des épanchemens mortels de pus ou de sang dans la propre substance de ces viscères, entre leurs membranes ou entre la dure-mère et les os du crâne, des fractures de la boîte crâ- nienne, tels sont les accidens graves auxquels elles peuvent don- ner lieu. Tantôt la lésion extérieure est nulle ou tellement peu sensible qu'elle semblerait ne pas devoir être redoutée, et pour- tant le désordre est extrême dans la cavité du crâne ; le blessé périt en peu de jours si l'on ne se hâte point de lui prodiguer des soins; dans d'autres circonslances, les effets de la blessure ont été bornés aux tégumens, mais les symptômes qui se manifestent sont de nature à faire redouter la lésion des organes plus profondé- ment situés ; il est des cas où la violence exercée sur la tête n'est suivie d'aucun phénomène propre à inspirer la moindre crainte, tandis que plusieurs jours et même plusieurs semaines après, il se développe tout-à-coup une maladie dont on arrête avec peine les progrès; ici la mort survient immédiatement après l'action — 477 — de l'instrument vulnérant, et l'ouverture du cadavre ne montre aucune altération dans les tissus qui puisse expliquer un effet aussi redoutable ; c'est ce que l'on observe dans les commotions cérébrales (le 3e degré de Dupuytren) ; là on démontre, par un examen attentif des organes contenus dans la cavilé du crâne, quelle a élé la cause de la mort, mais il est extrêmement difficile de décider si l'on aurait dû, d'après l'existence d'un certain nombre de symptômes, pratiquer des ouvertures pour donner issue aux liquides épanchés, ou, en d'autres termes, si l'on aurait pu empêcherla mort. Les blessures de la tête ont été divisées en internes et en ex- ternes ; celles-ci sont moins graves que les autres, quoique eependant elles ne soient pas toujours exemptes de danger. J'adopterai cette division comme la plus simple ; toutefois je ferai observer que souvent les blessures de la tête sont plutôt mixtes qu'internes ou externes, c'est-à-dire qu'elles intéressent à-la-fois les tégumens et les organes plus profondément situés. Piqûres des parties molles externes. La piqûre des tégu- mens du crâne offre, en général, peu de danger ; cependant on voit quelquefois se développer une tumeur inflammatoire peu douloureuse, plus ou moins étendue, et qui peut occuper quel- quefois toute la lêle ; souvent le blessé éprouve des nausées et un peu de fièvre. Ce n'est guère que lorsqu'un ou plusieurs filets ner- veux ont élé imparfaitement coupés par l'instrument, que l'on voit se joindre à ces symptômes des accidens plus fâcheux : en effet, il paraît alors du troisième au quatrième jour, un engorge- ment inflammatoire qui prend le caractère de l'érysipèle, et qui est souvent accompagné de fièvre et de tous les symptômes de l'embarras gastrique. Dans certaines circonslances , le malade éprouve du délire, de l'assoupissement, etc., phénomènes que l'on serait tenté de rapporter à l'inflammation du cerveaupou des méninges, à des épanchemens, elc. Les piqûres des tégumens du crâne peuvent se compliquer d'érysipèles simples ou phlegmo- neux ; dans ce dernier cas, des décollemens très étendus sé- parent les parties molles de la voûte osseuse du crâne. Il est remarquable que le recollement s'opère dans certains cas avec promptitude. — 478 — Plaies des parties molles extentes par instrument tran- chant. Elles sont presque toujours exemptes de danger, à moins qu'il n'y ait eu commotion du cerveau, ou que des vaisseaux con- sidérables ayant été ouverts, le blessé n'ait pas été promptement secouru. L'inflammation qui complique si souvent les piqûres, est ici beaucoup moins à craindre. Toutefois il importe, avant de prononcer sur les effets de ces blessures, d'avoir égard à la par- tie de la tête qui en est le siège ; ainsi les plaies des muscles tem- poraux (temporo-maxillaires) peuvent être plus dangereuses que celles des autres régions, non-seulement parce^jue l'artère temporale aura été ouverte ; mais encore parce qu'elles sont or- dinairement suivies d'une inflammation assez considérable et par la gêne des mouvemens de l'os maxillaire inférieur. Les plaies faites par des instrumens tranchans peuvent être à lambeaux ; celles-ci sont plus graves que les plaies simples ; on doit éviter les décollemens qui peuvent se former vers la base du lambeau. Contusions des tégumens du crâne. Le résultat le plus or- dinaire d'une pareille contusion, est une infiltration ou un épan- chement de sang sous la peau ou sous l'aponévrose et le péri- crâne ; on lui donne ordinairement le nom de bosse sanguine, et l'on sait qu'elle n'offre généralement aucun danger, s'il n'y a pas eu lésion du cerveau ou de ses membranes, la résolution ne tardant pas à avoir lieu. Quand la tumeur est volumineuse, l'ab- sorption du sang se faisant lentement, une inflammation peut se déclarer, et donner lieu à un abcès sanguin. Dans des cas assez rares, l'inflammation de la pie-mère ou de l'arachnoïde a été le résultat d'un coup léger porté à la tête : la maladie s'est termi- née par suppuration, et le pus s'est épanché à la surface ou entre les lames de ces membranes. Le pronostic des bosses sanguines a souvent donné lieu à des méprises funestes de la part de chi- rurgiens peu attentifs, qui ont cru reconnaître un enfoncement du crâne lorsqu'il n'y avait qu'une simple bosse molle et enfoncée dans son milieu, mais dont les bords étaient durs el élevés, comme on le voit particulièrement dans les cas où l'instrument contondant a agi obliquement, et que le tissu cellulaire sous-cu- tané a été dilacéré. On a encore commis une erreur grossière, en prenant pour les mouvemens pulsatifs du cerveau, les battemens — 479 — que présentent quelquefois ces tumeurs, et qui résultent de l'ou- verture d'une artère un peu considérable (1). (I) La tumeur connue sous le nom de céphalœmatome pouvant quelquefois être confondue avec des tumeurs qui sont le résultat de contusions du crâne des nouveau- nés, il me parait important d'appeler l'attention des experts sur ce point. Du céphalœmatome. On désigne sous le nom de céplialœmalome une tumeur non douloureuse, cir- conscrite, n'offrant aucun changement de couleur à la peau, molle, élastique, fluc- tuante, ayant le plus souvent son siège sur l'un des pariétaux, quelquefois même sur les deux à-la-fois, et résultant, non d'une infiltration séreuse et sanguine dam les tissus, mais d'une collection de sang qui se fait en général entre le péricrâne et le crâne même, ou bien entre le crâne et la dure-mère ; de là la nécessité d'admettre un céphalœmatome externe et un céphalœmatome interne. Le céphalœmatome est u/ie maladie très rare. Naegèie n'en a vu que 17 exemples dans une pratique de vingt années. M. Baron pense qu'il se présente une fois sur quatre ou cinq cents enfans. C'est en général du premier au quatrième jour après la naissance que cette tumeur devient apparente; mais quelquefois elle existe au moment où l'enfant vient de naître, et elle peut même s'être développée antérieu- rement à la parturition. Céphalœmatome externe. Siège et dimensions. Si le plus ordinairement le cé- phalœmatome occupe le pariétal droit, on l'a cependant observé sur le pariétal gauche, sur l'occiput et sur l'une ou l'autre région temporale ; le plus souvent, il n'existe qu'une de ces tumeurs chez le même individu; dans quelques cas cependant on en a vu une sur chacun des pariétaux ; enfin, Naegèie en a trouvé plusieurs chez le même sujet. Son étendue varie depuis le volume d'une noisette jusqu'à celui d'un gros œuf de poule. Signes. Peu développées et bien circonscrites aussitôt après la naissance, ces tumeurs sout molles, peu convexes, assez peu tendues pour permettre aux doigts de déprimer leur sommet , et de toucher le point de l'os sur lequel elles reposent. Pendant les jours qui suivent elles deviennent plus saillantes ; plus pleines et plus tendues ; elles peuvent, dans certains cas rares, être le siège de pulsations appré- ciables. Un peu plus tard elles diminuent, s'affaissent et acquièrent une consistance pultacée, ou se ramollissent en disparaissant par degrés sans que les enfans qui en étaient affectés aient semblé éprouver aucune altération dans leur santé générale. Souvent la base de ces tumeurs offre une disposition analogue à celle que présen- tent les bosses sanguines des adultes, tout en reconnaissant une autre cause. C'est un anneau ou une sorte d'induration s allante circulaire, laquelle laisse à son centre une excavation qui en a imposé pour une destruction de la lame externe ou pour une perforation complète de la lame de l'os. Diagnostic différentiel. Le céphalœmatome se distingue aisément de la hernie con- géniale du cerveau et du cervelet, d'abord par son siège ; car tandis que ces hernies se développent au niveau des fontanelles, le céphalœmatome se manifeste le plus habi- tuellement sur les pariétaux. Il s'en distingue encore par la rareté du mouvement pulsatile, mouvement qui est constant dans l'encéphalocèle ; et lors même qu'il y aurait des pulsations dans le céphalœmatome, elles ne seraient aucunement compa- rables, sous le rapport de l'intensité, à celles de l'encéphalocèle. En outre, celui-ci — 480 — Les plaies contuses des tégumens du crâne, et surtout les plaies d'armes à feu se compliquent souvent d'inflammation ; s'affaisse, diminue par la pression , et disparaît souvent en partie : une forte pres- sion peut même déterminer des convulsions, des vomissemens et de la somno- lence ; rien de semblable ne s'observe dans le céphalœmatome. Pendant les cris el les efforts de la toux, la tumeur produite par la hernie du cerveau augmente de volume, ce qui n'a pas lieu pour la tumeur dont je parle. Enfin l'encéphalocèle n'offre aucune fluctuation. Les tumeurs érectiles {anévrysm°s par anastomose), produites par la dilatation des vaisseaux capillaires artériels et veineux que l'on observe quelquefois à la tête des nouveau-nés, seront distingués du céphalœmatome, en ce qu'elles sont molles, comme spongieuses, et qu'elles s'affaissent facilement et d'une manière égale, et se gonflent assez souvent pendant les cris ou les efforts de la toux , tandis que le cépha- lœmatome est élastique, tendu, dépressible avec fluctuation centrale, et entouré souvent d'une saillie circulaire. En outre, la surface dt ces tumeurs érectiles est souvent parcourue par des veines flexueuses assez développées qui leur donnent une couleur violette caractéristique. La tumeur qui a été désignée sous les noms de caput succedaneum , de tumor succedaneus, de tumeur succédanée ou sous-tégumentaire ou d'ecchymose, et que j'ai dit exister au sommet de la tête (voyez page 238), à la suite d'un travail long et pénible, lorsqu'une partie de la tète reste long-temps engagée soit dans des détroits viciés du bassin , soit dans l'orifice utérin rigide el incomplètement di- laté, cette tumeur, dis-je, sera distinguée du céphalœmatome aux caractères suivans : Elle est constamment le résultat d'un accouchement pénible, surtout s'il s'est prolongé après l'écoulement des eaux de l'amnios, tandis que le céphalœma- tome peut se présenter chez des enfans dont la naissance n'a offert aucune difficulté ; elle a toujours son siège sur les parties qui se présentent les premières aux vides du bassin, elle est toujours unique et moins circonscrite que le céphalœmatome. La portion de cuir chevelu qui la recouvre offre une couleur violette bien pro- noncée ; elle ne présente pas de fluctuation et conserve l'empreinte du doigt. On n'v sent jamais de pulsations, et on n'y remarque pas le bourrelet annulaire du cépha- lœmatome. Enfin , le plus ordinairement elle disparaît en 24 ou 48 heures. Causes. S'il est permis d'expliquer la production du céphalœmatome par un simple décollement du péricrâne ou de la dure-mère, il est difficile de ne pas admettre que ce décollement peut reconnaître des causes diverses : ainsi, il est tantôt le résultat d'une action violente exercée sur la tête du fœtus au moment du passage à travers un bassin étroit, ou par suite de l'application du forceps; dans certains cas, il est dû à la faiblesse, en quelques points, des adhérences naturelles du périoste qui se détruisent par le moindre effort ; enfin , il peut tenir à une maladie des os, qui diminue ou détruit les adhérences normales du péricrâne, en lésant l'appareil circulatoire dans le point affecté. Quant à l'accroissement consécutif que prend le céphalœmatome, pendant les premiers jours qui succèdent à l'accouche- ment , il paraît dépendre de l'activité nouvelle qu'acquiert la circulation cérébrale après la naissance. Terminaison. Le plus souvent il y a résorption du sang et disparition de la tumeur ; quelquefois elle s'enflamme et suppure, et la guérison peut s'ensuivre ; dans certains cas , elle peut amener la perforation des os du crâne, une hernie — 481 — leur danger n'est pourtant pas très grand, s'il n'y a pas eu com- motion du cerveau, ou si, comme il arrive quelquefois, l'in- flammation ne s'est pas propagée aux membranes du cerveau ni à cet organe. C'est dans ces sortes de plaies qu'on a Vu le trajet curviligne de certaines balles, qui ayant une ouverture d'entrée sur un point, ont labouré le tissu cellulaire sous-cutané et les muscles pour sortir dans un point diamétralement opposé. Percy (Manuel du chirurgien) cite comme un des exemples de déviation des plus remarquables la blessure reçue par le maréchal de Lowendal au siège de Fribourg : une balle qui avait percé son chapeau et le cuir chevelu près de la tempe droite, fit le tour de la tête et res- sortit au-dessous de la tempe gauche. Piqûres des os du crâne. Si la piqûre est bornée à la table externe de l'os, elle n'entraîne aucun accident et doit être assimi- lée à celle qui n'aurait atteint que les parties molles. 11 n'en est pas ainsi lorsque l'instrument vulnérant a intéressé le cerveau ou ses membranes, car l'inflammation de ces organes peut être la suite de la lésion, ou de l'irritation produite par des esquilles détachées d'un os fracturé : il peut y avoir des épanchemens mor- tels. Les exemples de pareilles blessures, qui avaient paru d'a- bord superficielles, qui s'étaient bien guéries en apparence, et qui, au bout de quelques jours, ont donné lieu aux accidens les plus graves, ne sont point rares. Joignez à cela que la difficulté du pronostic est souvent augmentée par l'impossibilité où l'on est de reconnaître au juste l'étendue de la lésion, surtout dans les premiers temps. Plaies des os du crâne, par instrument tranchant. La guérison ne se fait pas attendre, lorsque l'os a élé simplement divisé, et qu'il n'y a eu ni fracture ni lésion du cerveau ou de ses membranes ; mais malheureusement cela ne s'observe guère ; l'action des instrumens tranchans surtout lorsqu'ils sont mus avec assez de force pour couper les os, supposequ'il y a eu contusion, cérébrale et la mort (Voir pour plus de détails l'article céphalœmatome de M. P. Dubois, dans le Dictionnaire de médecine, ou répertoire,général des sciences médicales, en 30 vol.). II. 31 - 482 - de manière que l'on remarque souvent la commotion du cer- veau, la fracture de la table interne des os, elsi l'instrument a pénétré assez avant, la section des méninges et du cerveau, ce qui détermine l'inflammation, des épanchemens, etc.; d'où il suit que les blessures de ce genre sont ordinairement fort dan- gereuses. Leur gravité ne saurait être appréciée autrement qu'en comparant les symptômes qui ont paru au moment du coup et après qu'il a été porté, à l'instrument vulnérant, à la force avec laquelle il a agi, à sa direction, etc. Contusion des os du crâne. L'action des corps contondans sur les os du crâne détermine la simple contusion, la dénuda- tion, la fracture de ces os, ou l'écartement de leurs sutures; souvent les blessures de ce genre sont excessivement graves, parce qu'il y a eu en même temps commotion du cerveau, ou qu'elles ont été suivies d'épanchement plus ou moins considéra- ble, etc. ; mais comme ces accidens fâcheux ne sont pas tellement liés aux lésions dont je parle, qu'ils doivent constamment les accompagner, il importe d'examiner celles-ci séparément. La contusion sans dénudation des os du crâne donne quelquefois lieu à la carie, à la nécrose et même à l'exostose, dont les dan- gers seront facilement appréciés par tous les praticiens. La dé- nudation sans contusion est une maladie légère, toutes les fois que l'os dépouillé nrest point altéré, et que les parties ont élé rapprochées assez à temps pour empêcher l'action de l'air et des autres irritans qui pourraient nécroser les lames les plus super- ficielles. Si l'os dénudé a été en même temps contus, il y a né- cessairement exfoliation ; ses lames superficielles sont affaissées et sensiblement déprimées. Les fractures ne présentent pas tou- tes les mêmes dangers (1) : tout étant égal d'ailleurs, les plus graves sont celles de la base du crâne, qui sont presque toujours mortelles ; celles des parties latérales le sont moins ; celles de la voûte sont les moins dangereuses. Plus il y a de vaisseaux arté- riels et veineux ouverts dans l'intérieur du crâne, plus ces vais- (1) La région temporale étant la portion de la voûte du crâne la moins épaisse, c'est lorsque les violences extérieures s'appliquent sur elle, que les fractures se produisent avec plus de facilité ; ne sait-on pas que de semblables fractures ont eu lieu par suite d'un coup de poing porté sur cette région ? - 483 — seaUx sont considérables, et plus la fracture doit être redoutée. Il n'est pas rare de voir de simples fêlures du crâne déterminer des accidens beaucoup plus graves que les fractures, et même que les grands fracas de cette boîte osseuse, parce que la com- motion dû cerveau est beaucoup plus forte, le diagnostic plus dif- ficile à établir, et que le sang qui peut avoir été épanché n'a point d'issUe au-dehors, comme lorsque la fraclure a été considérable. Les fractures avec enfoncement sont plus à craindre que les autres, tout étant égal d'ailleurs. Vécartement des sutures ne saurait avoir lieu sans épanchement de sang entre les os et la dure-mère : en effet, il suppose nécessairement que cette mem- brane a été séparée aux endroits correspondans aux sutures, et que les vaisseaux et les prolortgemens du péricrâne qui s'y ren- dent ont été rompus ; mais le danger ne se borne pas là ; il est rare qu'un effort assez grand pour écarter les sutures, ne déter- mine pas dans l'intérieur du crâne des désordres excessivement graves. Heureusement cet accident n'est pas commun; on sait qu'il est presque impossible de l'observer chez les vieillards. La contusion du crâne par les armes à feu, en supposant même qu'elle ne soit suivie ni de commotion du cerveau, ni d'épanche- menl, occasionne presque toujours, si la balle est dans toute la force de son mouvement, la séparation du péricrâne, des fêlures, la fraclure el le détachement de la table interne des os, la meur- trissure des muscles et de leurs aponévroses, etc. Quelquefois la balle reste enclavée dans l'épaisseur de l'os, ou s'arrête sur la dure-mère, puis elle perce cette membrane pour s'enfoncer plus tard dans le cerveau (Voy. Plaies contuses du cerveau par des armes a feu, p. 484). Les accidens qui aggravent ces blessures sont d'autant plus redoutables qu'ils se manifestent souvent au moment où l'on s'y attend le moins. Piqûres de l'encéphale et de ses membranes. Les piqûres du cervelet et de la moelle allongée sont mortelles ; la mort arrive , tantôt au bout de plusieurs heures, tantôt au bout de plusieurs jours. Celles de la base du cerveau, quoique moins graves que les précédentes, sont encore fort dangereuses ; presque toujours elles font périr les blessés, soit à l'instant même, soit au bout d'un temps plus ou moins long. La piqûre des parties latérales 31. — 484 — ou supérieures du cerveau est beaucoup moins dangereuse : toutefois si dans certaines circonstances elle a été suivie de la guérison, on l'a vue quelquefois déterminer la mort vers le neu- vième ou le dixième jour. Du reste, la profondeur de ces blessu- res, qu'il est souvent impossible d'apprécier, influe singulière- ment sur le pronostic. L'homme de l'art chargé de prononcer sur le sort d'un individu dont l'encéphale aura été piqué, ne perdra jamais de vue que le danger est relatif à l'inflammation et à la suppuration qui peuvent se manifester, à la présence de l'instru- ment ou d'une de ses parties, d'une esquille osseuse, à la facilité ou à la difficulté que l'on éprouvera à faire l'extraction de ce corps étranger. Plaies du cerveau et de ses membranes, par instrument tranchant. Les plaies des parties supérieures du cerveau, lors même qu'elles sont avec perte de substance, peuvent guérir aussi facilement que celles des autres organes, s'il n'y a pas eu com- motion, et si les liquides épanchés s'écoulent facilement; ce qui tient au peu de sensibilité dont jouit la surface cérébrale. Mais elles sont presque toujours mortelles si elles ont pénétré profon- dément dans ces mêmes parties ou dans les parties latérales, car alors on a à redouter des épanchemens, l'inflammation et la sup- puration de ce viscère et de ses membranes. Plaies contuses du cerveau et de ses membranes, par des armes à feu. Il semblerait au premier abord que ces blessures devraient être plus dangereuses que celles où le corps lancé par la poudre serait resté sur la dure-mère , ou aurait élé enclavé dans l'épaisseur de l'os ; mais il n'en est pas ainsi, en général, si les ouvertures faites par le projectile ont été convenablement agrandies par le trépan pour permettre sa sortie ainsi que celle des liquides épanchés: en effet, la commotion du cerveau, dans ces cas, est à peine sensible ; aussi a-t-on vu guérir des blessés dont le cerveau avait été traversé plus ou moins haut. Toutefois les plaies dont je parle amèneront la mort au bout d'un certain temps, si *a balle est perdue dans le cerveau ; quelques exemples d'indivi. dus qui ont vécu pendant assez long-temps, malgré la présence de pareils corps étrangers dans cet organe, ne peuvent point in- firmer cette proposition. Le pronostic de ces blessures devra être — 485 — fondé sur la partie du cerveau qui a été lésée, sur le trajet par- couru par le projectile, ainsi que sur l'inflammation et la suppu- ration qui pourront se manifester. Commotion du cerveau. La commotion du cerveau est un accident des plus redoutables des blessures de la tête, comme je l'ai déjà fait pressentir. Elle est souvent encore la suite de coups portés sur le menton, d'une chute de fort haut, sur les pieds, sur les genoux ou sur les fesses, des secousses que l'on fait éprouver à la tête lorsqu'on prend quelqu'un par les cheveux, par les oreilles, etc. Le pronostic de la commotion varie suivant le degré. Celle du premier degré ne dure pas au-delà de quel- ques instans. La commotion du deuxième degré se complique as- sez souvent de contusion du cerveau et de compression, et de- vient dans ces cas beaucoup plus grave. On sait que le troisième degré est caractérisé par la mort subite. Epanchemens de sang dans le crâne, à la suite des per- cussions de la tète. Ces épanchemens peuvent se faire entre les os du crâne et la dure-mère , au-dessous de cette membrane, c'est-à-dire à la surface du cerveau, ou dans la propre substance de ce viscère. Les premiers, que l'on peut appeler superficiels, sont quelquefois le résultat d'une chute sur la tête, qu'il y ait ou non fracture du crâne ; ils ont leur siège dans l'une ou l'autre des régions temporales. Voici le mécanisme de leur formation lorsqu'il n'y a point fracture : l'artère méningée moyenne est dé- chirée par contre-coup, et verse une assez grande quantité de sang; celui-ci s'interpose entre la dure-mère et l'os ; à mesure que cette membrane se trouve décollée, les vaisseaux qui l'unis- saient au crâne sont mis à nu, et donnent du sang, en sorte qu'il suffit de deux ou trois heures pour qu'il y ait plus de 500 grammes de ce liquide épanché ; il est évident que l'on doit observer tous les symptômes de la compression cérébrale, et même que le blessé ne doit pas tarder à périr, si l'on ne pratique pas à temps les ou- vertures nécessaires pour permettre au sang de s'écouler. J'ai vu, avec Béclard, deux individus atteints de l'épanchement dont il s'agit ; l'un d'eux périt, l'autre fut trépané à temps, et recouvre la santé ; chez tous les deux il y avait environ 500 grammes de sang épanché ; le crâne du dernier était fracturé , mais aucun indice - 48p — n'avait pu faire découvrir cette lésion avant l'application du, tré- pan (Archives générales de médecine, t. m?p- 377)- Des ob- servations analogues avaient déjà été publiées par Abernelhy ; d'où il résulte que, malgré l'opinion contraire de certains chirur- giens, l'artère méningée moyenne peut se rompre sans qu'il y ait fracture du crâne, et que l'épanchepient qui en résulte peut dé- terminer la mort en très peu d'heures. Les épanchemens superfi- ciels avec fracture sont beaucoup moins dangereux, parce que le diagnostic est plus facile, et que par conséquent on peut y remé- dier avec plus de sûreté ; d'ailleurs les liquides épanchés peuvent ordinairement s'écouler avec plus de facilité. Les épanchemens de sang un peu considérables, dans la sub- stance, entre les circonvolutions, dans les ventricules ou à la base du cerveau, ne tardent pas à être suivis de la mort, tandis qu'ils sont beaucoup moins dangereux, si le liquide épanché est en as- sez petite quantité pour 'pouvoir être résorbé. Tout étant égal d'ailleurs, ils sont plus graves à la suite des commotions du cer- veau, que lorsqu'il y a eu simplement fracture, parce que, dans ce dernier cas, il est souvent peripis d'en préciser le siège et de donner issue au liquide. Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de décrire les signes de pareils épanchemens, ou de la compression du cerveau par du sang ; on les trouvera parfaitement exposés daps les traités de pathologie externe ; je me bornerai à dire que les deux symp- tômes caractéristiques sont la perte de connaissance et Vas- soupissement léthargique, et que, s'il en esf. de mêmp pour la commotion du cerveau sans épanchement, on pourra distinguer ces deux états, en se rappelant que, dans la commotiop du cer- veau, la perte de connaissance a lieu dans l'instant même, tandis qu'elle ne se manifeste, dans le cas d'épanchement, que quelque temps après l'action de ty cause qui l'a déterminée : je dis quel- que temps après; en effet, tantôt il suffit de quelques minutes; dans d'autres circonstanpes, les symptqmes de la compression pe se développent que plusieurs jours el même plusieurs semaines après que la violence a été exercée. On ne saurait trop se péné- trer de cette vérité, lorsqu'on est appelé à faire un rapport sur les blessures de la lête : combien de fois n'a-t-on pas vu des iufli- — 487 — vidus qui avaient été blessés, n'éprouver aucun accident pendant un mois, et même plus, succomber assez rapidement à un épan- chement de sang qui était évidemment la suite de la lésion exté- rieure? Dans beaucoup de circonstances, la lenteur avec laquelle le sang s'était épanché pouvait tenir à ce que l'ouverture des vaisseaux divisés avait été bouchée par un caillot qui, finissant par se ramollir, se liquéfiait, et permettait au sang de s'écouler de nouveau; et plus souvent encore, d'après Boyer, à ce que l'épanchement s'était fait d'abord dans la substance celluleuse des os, et qu'il ne parvenait à la surface de la dure-mère, que lorsque la table interne de ces os avait été détruite. Si l'homme de l'art qui doit prononcer sur le danger d'un épan- chement sanguin, n'est appelé qu'après la mort du blessé, il aura égard à la quantité de sang épanchée, à la place qu'il occupe, à la situation, au mode et à la forme de la blessure, ainsi qu'au traitement que le blessé aura subi. Inflammation et suppuration du cerveau et de ses mem- branes. Il n'est pas rare de voir les lésions de la tête par cause externe, êlre suivies d'inflammation du cerveau ou de ses mem- branes, pour peu qu'elles soient graves ; cette inflammation peut se terminer par suppuration, en sorte que le blessé éprouve alors tous les symptôjmes de la compression purulente. Je renvoie aux ouvrages de pathologie externe, pour les détails relatifs à l'inva- sion, à la marche, à la durçe et au diagnostic de ces maladies; il ne doit être question ici que de leur pronostic. L'inflammation du cerveau et des membranes est ime affection redoutable ; elje n'est jamais plus dangereuse à la suite des blessures, que lors- qu'elle a été précédée de commption ; elle est en général iqpins grave dans le cas de contusion j elle l'est encore moins s'il y a eu plaie de ces parties, ou si elle est occasionnée par un corps étran- ger que l'on puisse extraire facilement. On ne peut guère espérer de la combaltre avec succès que dans le début, el le malade est cerlain de périp, si }a suppuration est déjà établie et qu'il soit impossible de donner issue au pus. L'amendement dans les symp- tômes n'annonce une terminaison heureuse que dans les cas fort rares où il ne survient pas brusquement, et où il est précédé d'é- vacuations abondantes ; dans toute autre circonslance, il est loin - 488 — d'être rassurant, parce que d'un instant à l'autre les accidens peuvent s'aggraver et faire périr le malade. Les blessures delà tête ne bornent pas souvent leurs effets à ceux que je viens de décrire : des vertiges', l'affaiblissement ou la perte des facultés intellectuelles , la paralysie , une douleur fixe dans un point déterminé, l'épilepsie ; telles sont les affections qu'elles peuvent occasionner, soit que la lésion externe ait été guérie ou non. Ces accidens, quelquefois au-dessus des ressources de l'art, peuvent persister pendant plusieurs années, et doivent être toujours présens à l'esprit des médecins chargés de pronon- cer sur la gravité des blessures. La paralysie de la face à la suite de coups sur la tête peut tenir à deux causes bien distinctes ; quelquefois elle dépend d'un épanchement sanguin dans la cavité encéphalique ; d'autres fois elle est le résultat d'une fracture du rocher : il faudrait donc dans ce cas se garder de conclure de la paralysie du nerf facial à l'existence nécessaire d'un épanche- ment sanguin dans la cavité du crâne. Blessures à la face. Blessures des sourcils. Il semblerait au premier abord que les piqûres, les plaies et les contusions des sourcils devraient êlre regardées comme des blessures simples, susceptibles de guérir en peu de jours et sans laisser d'infirmités après elles ; mais il n'en est pas toujours ainsi. En effet, elles peuvent donner lieu à des accidens fâcheux, selon leur siège et la forme du corps vul- nérant. Les 'piqûres de la région surcilière peuvent intéresser le nerf sus-orbilaire, et des névralgies incurables être le résultat de cette lésion. Un instrument tranchant ayant incomplètement coupé le même nerf, peut intéresser le périoste et les os, de là la possibilité de périostite et de nécrose, et des mêmes accidens névralgiques qu'occasionnent les piqûres. La plaie sera suivie d'une cicatrice qui sera très apparente, si les fibres du muscle surcilier ont été coupées perpendiculairement ; au contraire, une plaie horizontale laissera à peine des traces de son existence. Les corps contondans orbes donnent lieu à des plaies bien plus graves que les piqûres et les coupures, car, indépendamment des — 489 — complications qui peuvent les accompagner plus spécialement, telles que fractures, contusion du cerveau, commotion, inflam- mation consécutive des méninges et compression, les plaies con- tuses des sourcils se font quelquefois par un mécanisme particu- lier qui les rend plus dangereuses : comme l'arcade surcilière présente vers sa partie externe un bord tranchant, les parties molles sont coupées du périoste vers l'épiderme, de sorte que ces plaies présentent un décollement plus ou moins grand des parties profondes, en même temps que celles-ci sont plus con- tuses ; des épanchemens purulens dans l'épaisseur de la paupière supérieure, des phlegmons diffus peuvent en être la conséquence, si des moyens thérapeutiques efficaces ne sont pas mis en usage ; enfin un accident assez fréquent des blessures des sourcils, est l'obscurcissement de la vue et même l'amaurose, qui résulte alors de la lésion du nerf frontal ; les annales de la science renferment un assez grand nombre d'exemples de cécité due à cette cause traumatique (Voyez la note de la page 431 pour l'explication). Une dame fut blessée par les glaces d'une voiture dans laquelle elle était, et qui versa ; l'une des plaies, située près l'angle temporal des pau- pières gauches, était de peu d'importance ; l'autre occupait le sourcil du même côté, près l'angle nasal, là où le nerf frontal, en sortant de l'orbite, fournit des filets aux parties circonvoisines : cette dame perdit aussitôt la faculté de voir, et après le quarantième jour elle pouvait à peine distinguer le jour de la nuit : pourtant la cornée était intacte, et il n'y avait aucune lé- sion à la tète ni à l'œil (Morgagni, Epistola anatomica xvm). Blessures des paupières. Ces blessures, lorsqu'elles inté- ressent le nerf facial, entraînent quelquefois la paralysie du mus- cle orbiculaire des paupières et par suite l'impossibilité de clore les paupières, circonstance qui expose à des conjonctivites quel- quefois assez intenses pour que le globe de l'œil tout entier s'en- flamme, et, dans ce cas, la vision peut être complètement perdue. S'il est vrai que le plus souvent les piqûres des paupières con- stituent une maladie simple et promptement curable, on observe quelquefois le contraire, car elles peuvent êlre suivies de la mort ; ainsi on a vu l'instrument vulnérant pénétrer jusqu'au cerveau après avoir traversé la voûte orbitaire, la plaie extérieure guérir en peu de jours, el le malade périr long-temps après et au mo- - 49,0 — ment op l'on s'y attendait le moins ; l'ouverture du cadavrp n'a laissé aucun doute sur la profondeur de la lésion, pi sqr l'exis- tence d'une matière purulente dans le cerveau ou entre sps membranes. Le fait suivant vient à l'appui de celle assertion, : Une fille étant occupée à filer, fit une chute et s'enfonça dans la voûte orbitaire, tout près du grand angle de l'œil, la pointe de s"on fuseau dont la filière était en fer ; on retira le fuseau, mais la filière resta- Quelque temps après la fille parut guérie. Elle fut près de huit ans sans éprouver d'autres accidens que des maux de tête assez légers. Au bout de ce temps, les maux de tête augmentèrent considérablement, et il se forma un abcès auprès du grand angle de l'œil, sur le point qui avait livré passage au fuseau ; à l'ou- verture de cet abcès, après l'issue d'une quantité considérable de pus, on aperçut la filière que l'on retira, mais la malade mourut quelques jours après {Académie royale de chirurgie). Dans d'autres circonstances il se manifeste des accidens assez graves pour déterminer la mort sans qu'il y ait eu piqûre de la voûte orbitaire, ni du cerveau, ni de ses membranes. Petit de Namur parle de deux individus qui étaient dans ce cas, et dont l'up périt au bout de trpis mois ; à l'ouverture du cadavre, on reconnut que la parlie antérieure inférieure droite du cerveau était le siège d'un abcès contenant une grande quantité de pus ; l'inflammation de cet organe avait eu lieu sans lésion directe. Combien ne faudra-t-il donc pas être réspryé sur le pronostic ! Comment, en effet, déterminer d'upe manière exapte les limites d'une lésion des paupières, et reconnaître positivement le de- gré de complication du côté de la paroi orbilaire, des méninges et du cerveau? — Les plaies des paupières par instrument tran- chant qui n'intéressent pas le cartilage tarse, sont en général fort simples et n'exigent que la réunion immédiate, tandis qu'on est quelquefois obligé de recourir à la suture si le cartilage a été lésé. Je ferai remarquer toutefois que les plaies horizontales, celles qui suivent les plis naturels des paupières ne sont pas accompa- gnées de difformités, de cicatrices aussi prononcées que celles qui ont une direction verticale, à cause de la rétraction des fibres du muscle orbiculaire. Les contusions et les plaies contuses dont l'effet est borné aux paupières, ne présentent en général aucun danger; la perle - m - dp \$ vue peut cependant en être la. sui{e dans certaines cirson- stanpps, ppmme le prouvent les faits suiyans : 1° La paupière supérieure de l'œil gauche d'un enfant de quatre ans, fut atteinte par un petit bâton aigu qui ne tarda pas à occasionner une petite plaie par laquelle sortit un petit flocon graisseux que l'on fit tomber par la ligature : à l'instant du coup, l'entent tomba et vomit pendant trois jours ; cependant la plaie ne tarda pas à guérir. La yue de l'œil gauphe fut perdue (Fabrice de Hilden. Cent, vi, obs. 6). 2° Un jeune hpmme fut frappé un peu au-dessus du sourcil de l'œil droit par le bouton d'un fleuret fortement ap- puyé; il éprouva d'abord une douleur lancinante jusqu'au fond de l'orbite, une sorte de vertige et d'éblouissement qui se dissipèrent dans l'instant même, et ne l'empêchèrent point de continuer ses exercices comme à l'ordi- naire. La nuit fut tranquille. Le lendemain op ne voyait à l'endroit frappé qu'une ecchymose rougeatre, circulaire, du diamètre d'envirpn 20 mil- limètres, qui était un peu douloureuse à la pression. La tête était légèrement pesante. L'ecchymose s'étendit, suivit la marche ordinaire, et disparut dans la huitaine. Un mois après l'accident, le jeune homme, qui depuis long- temps n'éprouvait aucune incommodité, s'aperçuten dessinant qu'il nedis- tinguait plus les objets de l'œil droit, quoique cet organe fût clair, brillant, et que l'iris eût conservé sa forme et sa couleur ; è\ la vérité ses mouvemens étaient plus faibles, plus lents; la partie frappée par le fleuret était le siège d'une douleur qui augmentait beaucoup par la pression ; plusieurs moyens furent employés sans succès, et la vue de l'œil droit est entièrement perdue (Chaussier). 3°Un coup porté à l'angle nasal de l'œil gauche, près la pau- pière supérieure, détermina une petite plaie pénétrant jusqu'à l'os; la dou- leur éprouvée par le blessé ft(t très violepte; la vue, 4e ce côté, fut entière- ment perejue, et celle de l'œil droit sensiblement diminuée; toutefois, la paupière était à peine intéressée, et la pupille de l'œil gauche peu dilatée. Tout le côté droit du corps fut attaqué de paralysie, qui céda à l'usage des eaux thermales ; quant à la vue, elle se rétablit un peu du côté droit, mais elle fut entièrement perdue du côté gauche (Elias Camerarius. Ephem. na- tur.çur. Cent. iJI) fibs- 55 (1). (1) On s'est beaucoup occupé de savoir pourquoi des blessures des paupières et des sourcils en apparence très légères , étaient quelquefois suivies d'accidens fâcheux. Parmi les opinions énoncées à ce sujet, celle de Platner et de Sabatier, que je vais faire connaître, semble la plus satisfaisante. La douleur, l'irritation, ou si l'on veut l'ébranlement produit par la contusion, l'écrasement ou la section incomplète du rameau frontal (palpébro-frontal de Ch.) de Fophthalmique de Willis, se propage nop-seulement aux branches qui naissent directement de ce nerf ophthalmique ( orbito-frontal), mais encore aux filets qui proviennent du ganglion orbitaire, el se distribuent à l'iris, ce qui détermine surtout dans ces filets pulpeux et délicats, un changement qui amène plus ou moins promptement l'atonie, la paralysie de l'iris, et par suite l'insensibilité de la rétine à la lumière (Chaussier, — 492 — Blessures du globe de Fœil. Piqûres. De toutes les blessures du globe de l'œil, les piqûres sont sans contredit les moins dan- gereuses. On sait qu'à moins d'occuper le centre de la cornée transparente et d'intéresser l'iris, la piqûre n'entraîne aucun dé- rangement dans la vue ; elle n'expose guère non plus à l'écoule- ment des humeurs, excepté dans certains cas où la blessure a son siège dans la sclérotique. La gravité des piqûres du globe oculaire dépend des lésions internes qui peuvent les com- pliquer. Plaies par instrument tranchant. Leur danger consiste dans l'écoulement des humeurs -, il est par conséquent relatif à leur étendue et à leur direction. Une plaie delà sclérotique faite parallèlement à ses fibres exposera moins à l'issue des liquides qu'une plaie qui leur serait perpendiculaire. Tous les jours on a des exemples de l'innocuité des plaies de la cornée dans l'opéra- tion de la cataracte par extraction. La vue est inévitablement perdue, si la plaie est assez grande pour que l'œil soit vidé ; si elle est bornée au contraire à une petite portion de la sclérotique ou à la cornée transparente, on peut espérer de voir cesser l'é- coulement des humeurs lorsque ses bords se tuméfieront sous l'influence d'une inflammation adhésive. Contusions. Il n'en est pas des contusions comme des autres blessures de l'œil; rarement celles-ci exposent les jours du blessé ; la perte de l'organe de la vue est le plus grand accident que l'on puisse redouter, tandis que la contusion du globe de l'œil peut quelquefois occasionner la mort du malade. Lorsque cette contusion est légère, ses effets se bornent à une infiltration de sang sous la conjonctive, qui devient d'un rouge plus ou moins foncé; la lésion est-elle plus grave, le sang épanché se mêle aux humeurs de l'œil, et quelquefois le malade perd la fa- culté de voir pendant un certain temps ; mais si les membranes ouvrage cité). Je ferai observer toutefois avec ce dernier auteur, que cette explica- tion ne saurait êlre admise sans restriction, puisqu'on a plus d'une fois coupé, brûlé dans les névralgies faciales, non-seulement le rameau frontal à sa sortie de l'orbite, mais encore les nerfs sous-orbitaire et mentonnier, sans qu'il en soit résulté au- cune altération de l'œil (Voyez sur ce sujet le travail intéressant de Ribes , inséré dans les Mémoires de la société médicale d'émulation de Paris, tome vu , page 86). — 493 — et le corps vitré n'ont pas été déchirés, et qu'il n'y ait point eu commotion et paralysie de la rétine, la résorption peut se faire complètement, surtout si l'on a administré les secours convena- bles, et si l'épanchement de sang était peu considérable ; il est même permis d'espérer, dans certains cas, d'évacuer le liquide en pratiquant une incision à la partie inférieure de la cornée : l'une ou l'autre de ces terminaisons heureuses rend nécessaire- ment la vue au blessé. Si la contusion a été assez forte pour dé- chirer la choroïde, la rétine et le corps vitré, et déplacer le cris- tallin, le malade court les plus grands dangers, à moins qu'on ne prévienne les effets de l'inflammation par les antiphlogistiques les plus énergiques ; dans tous les cas, la perte de la vue est inévitable. En supposant que la violence ait été assez grande pour déchirer la cornée et la sclérotique, l'œil se vide sur-le- champ, ce qui entraîne la perte de la vue ; mais l'inflammation n'est guère à craindre. Il arrive toutefois, que dans certains cas de ce genre, le malade conserve la faculté de voir. Larrey a présenté à l'Académie royale de médecine, un soldat qui avait été blessé à l'œil gauche par la gâchette de son fusil ; l'œil avait été ouvert, et le cristallin était sorti avec la plus grande parlie des humeurs vitrée et aqueuse : l'iris avait été déchiré, et avait con- tracté des adhérences avec la cornée. La vision s'opérait à-la-fois par la pupille déformée, et par l'ouverture accidentelle de l'iris. Le malade était affecté de diplopie quand il regardait seulement avec l'œil qui n'avait pas été blessé (13 mai 1824). Contusion et plaies contuses de l'œil par des grains de plomb. C'est avec circonspection que le médecin doit porter le pronostic lorsque des corps étrangers ont pénétré dans le globe oculaire ; ceux de ces corps qui restent implantés sur la cornée peuvent, s'ils ne sont enlevés, déterminer une kératite, suivie elle-même d'une ophthalmite générale et de la perte de la vision. Parmi ceux qui sont logés dans l'intérieur de l'œil, quelques-uns exposent plus aux accidens inflammatoires que d'autres ; des grains de plomb ou de poudre arrivent quelquefois jusque dans l'épaisseur de la chambre antérieure, dans l'épaisseur de l'iris , dans le cristallin et même dans le corps vitré. Ces corps étran- gers ont pu n'amener qu'une gêne médiocre dans l'exercice de — 494 — la vision ; à part le pbintillé ribirâtre des tissus lésés, la transpa- rence de l'organe était parfaite, les accidens ihflammatoires avaietlt même été assez légers ; les malades ne se plaignaient plus à la longue de leur affection qu'à titre de tache désagréa- ble (Vëlpeau, Dict. en 2>0vol., t. xxi, page 348). Un grain de plomb placé dans l'œil finit, au dire de Stœber, par se faire jour du dedans au-dehors, par se placer entre la sclérotique et la con- jonctive, d'où l'extraction en fut facile. Au contraire, les frag- mens de cuivre, de cailloux; des morceaux de bois, causent ordi- nairement une violente inflammation, et la fonte purulente de l'œil : ou bien si ces accidens n'arrivent pas, l'iritis, des défor- mations de la pupille, des cataractes fausses, membraneuses ou héttlatiques, des taches sur la cornée en sont la suite inévitable. Des cils ont séjourné dans la chambre antérieure sans causer d'accidens sérieux. Voici un fait bien singulier dont M. Pamard d'Avignon a donné communication à l'Académie de médecine. Un jeune homme, battant le briquet sur une pierre à fusil, se sentit l'or- bite heurté par quelque chose : l'œil en fut à peine irrité, et quand, au bout d'un mois ou deux, le chirurgien fut appelé, on vit avec étonnemonl derrière la cornée comme un cil couché de bas en haut. Plusieurs mois s'é- coulèrent sans que le blessé songeât sérieusement à ce corps étranger ; à la longue il crut cependant devoir s'eii débarrasser. M. Pamard, ayant fait une incision au bas de la cornée, retira dés chambrés de l'œil un poil long de 45 millim., adhérent par un point de sa longueur, au-devant de l'iris, comme enveloppé d'un bulbe de siiex et de sang concret à l'une de ses ex- trémités! (Dict. en 30 vol., loc. cit.). Quelle réserve le médecin expert ne doit-il pas garder dans son pronostic, toutes les fois que des cas semblables seront sou- mis à son jugement ! Blessures de l'oreille. On croyait autrefois que la piqûre du cartilage de l'oreille se terminait souvent par gangrène ; les su- tures appliquées sur le pavillon donnent journellement un dé- menti à cette assertion. Les phlegmons ne peuvent s'y dévelop- per, à cause de l'absence du tissu cellulaire, mais il n'estpasrare de voir des ëfysipèles à la suite dé ces piqûres. Les plaies par instrument tranchant guérissent avec facilité quand le lambeau n'est pas séparé du reste du corps par une trop grande étendue, — 49*> - et quand la suture a été pratiquée. Mais si la gangrène s'en em- pare, et qu'une partie du pâVillon présente une perlé de substance, outre la difformité qui en résulte, la perfection de l'ouïe est di- minuée, ainsi que l'a démontré depuis long-temps Leschevin. Des corps contondans peuvent déchirer, mutiler le pavillon de l'oreille, et ces plaies donnent lieu aux mêmes considérations. Lorsque la membrane dû tympan est le siège d'une légère piqûre, l'ouîe est plus ou moins dure ; cependant elle finit par se rétablir dans certains cas. Si la lésion a été assez grande pour détruire le tympan daris presque toute son étendue, l'ouïe est en- tièrement perdue, ou grandement altérée. Blessures du sinus maxillaire. Les piqûres et les coupures du sinus maxillaire ne présentent pas de gravité, s'il n'y a pas erifoncemèht de ses 'parois. Les effets des'corps contondans sont plus graves •• on a à craindre l'inflammation et des fistules ; cel- les-ci guérissent souvent lorsqu'on a extrait les esquilles d'os bu les autres corps étrangers qui les entretenaient ; quelquefois ce- pendant elles dépendent de la carie, de la nécrose des os, ou dû séjour du pus dans le sinus, et alors on est obligé de pratiquer une contre-oûvèrture. Parmi les âccidêns des plàiès du sinus maxillaire, on doit signaler là névralgie faciale. Blessures des sinus frontaux. Lorsque l'instrument vulné- rant a borné son action à là paroi antérieure de ce sinus, les bles- sures n'offrent point de danger : c'est à tort qu'on les a regardées comme étant difficiles à guérir, parce qu'elles dégénéraient pres- que toujours en fistules. Est-il nécessaire de faire ressortir l'im- péritie des gens de l'art, qui ont osé prononcer devant les tribu- naux, que ces lésions étaient mortelles, parce qu'ils avaient pris pour du pus venant du cerveau, le mucus épais qui s'écoulait par l'ouverture faite au sinus, et qu'ils avaient confondu avec le mouvement de la dure-mère, celui que la respiration fait exécu- ter à la membrane muqueuse qui tapisse cette cavité? Si l'instru- ment vulnérant a traversé la paroi postérieure du sinus, et qu'il ait pénétré jusqu'au cerveau, les dangers sont les mêmes que ceux des blessures de cet organe ou de ses enveloppes (Voyez page 487). Les blessures du sinus frontal faites par des corps contondâiis peuvent présenter une complication légère : c'est — 496 - l'existence d'un emphysème dans les parties circonvoisines quand la peau n'a pas subi de solution de continuité et qu'il y a eu fracture de la table antérieure des sinus. Une circonstance bien plus grave à signaler ici, c'est la difformité qui résulte d'une fracture avec esquilles enfoncées dans le sinus. Les blessures des lèvres sont assez simples pour que je n'en traite pas en particulier : l'hémorrhagie n'est à craindre que lorsque l'artère labiale a été ouverte, et que les moyens com- pressifs n'ont pas été mis en usage. Leur gravité est en rapport avec le degré de difformité qui peut en être la suite. Blessures de la glande parotide et de son conduit excré- teur. Tous les faits s'accordent pour prouver le .peu [de danger des piqûres de ces organes : on ne connaît qu'un exemple rap- porté par Ambroise Paré, où la piqûre faite par un coup d'épée, ait été suivie d'une fistule salivaire. ,Les plaies par instrument tranchant, au contraire, donnent souvent lieu à cet accident, à moins que la partie divisée n'ait été soumise de bonne heure à un traitement convenable. Mais c'est surtout dans les cas de con- tusions et de plaies contuses, que la fistule salivaire esta crain- dre ; le diagnostic pourra être d'autant plus difficile à établir, que dans les premiers temps, la salive sort mêlée au sang et au pus. L'homme de l'art devra donc demander à faire un second rapport au bout de quelques jours, lorsqu'il lui sera permis de reconnaître la salive sortant par la plaie. Blessures de la face, par armes à feu. La face est compo- sée d'un grand nombre d'os, pour la plupart courts, creux, ou concourant à former des cavités ; nul doute que ce ne soit à cette disposition qu'il faille attribuer la rareté des commotions du cer- veau à la suite de ces blessures ; aussi sont-elles moins dange- reuses que celles du crâne ; c'est ainsi qu'un officier reçut en 1814, un coup de feu qui traversa la face d'une région molaire à l'au- tre, en passant au-dessous des orbites, non-seulement le malade guérit, mais il n'éprouva pas même le plus léger accident (Recueil de Mémoires de Médec. chirurg. et pharm. mi- lit., t. xxx, p. 246). Tel est encore le cas rapporté par M. Lar- rey fils, dans sa relation chirurgicale du siège delà citadelle d'Anvers, p. 88. La mâchoire inférieure fut presque entièrement — 497 — enleveV par un éclat de bombe, et les autres parties de la face horriblement contuses; le malade guérit. Cependant il est des circonstances où non-seulementles plaies déterminent un ébran- lement considérable de l'encéphale, mais encore l'irritation du péricrâne, l'inflammation de toute la face, de la fièvre, du délire, un assoupissement léthargique, etc. Lorsqu'on décharge à bout portant une arme à feu dans la bouche, la mort a lieu en général sur-le-champ, si la balle ar- rive à la partie antérieure de la base du cerveau après avoir traversé les fosses nasales. La blessure est moins dangereuse, si, comme cela se voit plus souvent, la balle se perd dans l'épais- seur de la face : on remarque alors la fracture d'un ou de plu- sieurs os, surtout du maxillaire inférieur ; la langue est brûlée et souvent déchirée en lambeaux; le voile du palais, les amyg- dales, le pharynx et le larynx sont enflammés et tuméfiés, au point que la déglutition peut devenir impossible; plusieurs des parties qui composent la bouche sont quelquefois déchirées. Des hémorrhagies consécutives dues à la lésion de l'artère maxillaire interne peuvent nécessiter la ligature de la carotide et entraîner la mort. Blessures au cou. Avant d'étudier lesblessuresducouen particulier, rappelonsen peu de mots les organes qui peuvent être atteints. Dansla région sous-maxillaire on trouve au-dessous des tégumens, des aponé- vroses et le peaucier, la glande sous-maxillaire, l'artère faciale et sa veine col latérale, des ganglions lympathiques, l'artère linguale, la sous-mentale, le nerf hypoglosse, le canal deWarlhon, le nerf lingual, les carotides, la jugulaire interne ; le nerf pneumogastri- que et le grand sympathique sont plus profondément situés. Enfin se présentent la langue, la bouche et le pharynx. On voit, d'après cela, que les blessures de cette région doivent êlre généralement dangereuses quand elles pénètrent à une certaine profondeur : mais elles le sont d'autant plus qu'elles s'éloignent davantage de la ligne médiane ; en effet, dans cette région, il n'y a point d'ar- tères volumineuses, tandis que, sur les côtés, un instrument pi- quant ou tranchant peut à peine pénétrer à une profondeur de n. 32 — 498 — quelques lignes sans qu'il y ait péril imminent d'atteindre les artères faciale ou linguale, une des carotides ou la jugulaire interne, les nerfs hypoglosse, lingual, pneumogastrique ou le grand sympa- thique ; sur la ligne médiane l'épiglotte et la base de la langue peuvent être atteintes par les corps vulnérans. Dans la région sus-claviculaire, les organes qui peuvent être blessés, sont : des ganglions lymphatiques, des nerfs du plexus cervical, et en- tre autres le nerf phrénique, la veine sous-clavière, Tarière du même nom et les nerfs du plexus brachial. A la région posté- rieure du cou, on trouve immédiatement au-dessous du crâne une excavation triangulaire bornée sur les côtés par les muscles complexus, et constituant une fossette qui correspond à l'inter- valle compris entre l'occiput et l'atlas ; les blessures de ce point sont dangereuses en ce qu'elles peuvent facilement atteindre la moelle allongée. Dans la région laryngo-trachéale, le larynx, la trachée peu- vent être lacérés ; une inflammation plus ou moins vive des voies aériennes en est la suite ; tout-à-fait en bas au-dessus de la fourchette sternale, l'origine de la carotide, à droite le tronc brachio-céphalique sont exposés à des blessures. Il ne faut pas oublier qu'une plaie de la partie latérale du col peut être aussi une plaie pénétrante de poitrine, attendu que la plèvre présente au-dessus de la première côte un cul de sac où s'engage le som- met des poumons. Piqûres. Les piqûres du cou ne présentent de danger qu'au- tant qu'elles se compliquent d'hémorrhagie, d'inflammation, de la présence de l'instrument vulnérant, d'emphysème, de la lésion des nerfs et de la moelle épinière. Je vais successivement étudier cha- cune de ces complications. Hémorrhagie. Les piqûres de la parlie postérieure du cou donnent rarement lieu à l'hémorrhagie, parce qu'il n'y a dans cette région que l'artère cervicale posté- rieure (trachelo-cervicale de Chaussier) qui est profondément placée, et par conséquent difficile à atteindre; d'ailleurs cette ar- tère, située entre les muscles transversaire épineux et grand complexus, se trouve recouverte par un assez grand nombre de muscles épais qui opposeraient nécessairement beaucoup de ré- sistance à la sortie du sang. Il n'en est pas de même des piqûres — 499 - faites à la partie antérieure du cou , que parcourent, comme je viens de le dire, des artères nombreuses, d'un calibre considé- rable, et qu'il n'est pas toujours facile de lier à temps ou de com- primer assez énergiquement. Les piqûres des carotides primi- tives, considérées comme nécessairement mortelles par la plu- part des auteurs, ne le sont pourtant pas, car on possède aujour- d'hui un grand nombre d'exemples de ligatures de ces vaisseaux, pratiquées avec succès pour des anévrysmes, des blessures et des tumeurs érectiles de ces troncs artériels ou de quelques-unes de leurs branches (1). Néanmoins il arrivera souvent que des piqûres de ce genre occasionneront une mort prompte , parce que les blessés ne seront pas secourus aussi promptement qu'ils devraient l'être, et que , d'une autre part, l'opération n'est pas aisée à faire, à cause du voisinage des nerfs pneumo-gastrique et grand sympalhique, de l'artère thyroïdienne inférieure et de la veine jugulaire interne, qu'il faut éviter, et surtout à cause du sang infiltré dans le tissu cellulaire circonvoisin. Nul doute que la piqûre de la carotide externe ne doive être assimilée à la précédente, pour ses dangers et pour les avantages de sa ligature faite en temps opportun : déjà l'on sait que, dans certaines cir- constances où elle était anévrysmatique, la ligature pratiquée à la partie inférieure du cou a élé suivie de succès. La carotide interne ne peut être blessée sans que la mort s'ensuive prompte- ment, si l'on ne met obstacle à l'instant même à l'hémorrhagie par la ligature de l'artère carotide primitive. La piqûre des tu- niques des carotides, lorsqu'elle ne détermine pas l'hémorrhagie dont je parle, peut donner lieu à des anévrysmes, que l'on guérit quelquefois, à la vérité, au moyen de la ligature, mais dont la formation est toujours quelque chose de grave. L'hémorrhagie occasionnée par la piqûre des artères vertébrales est nécessai- rement mortelle si on ne lie de suite l'artère sous-clavière, parce (1) Delpech est parvenu à guérir par des saignées nombreuses, par l'application de la glace et l'usage intérieur de la digitale, une blessure de l'artère carotide droite produite par un coup d'épée à deux tranchans : d'après les symptômes offerts par le blessé après la guérison, il est probable qu'il y eut, dans ce cas, lésion simulta- née de la carotide et de la veine jugulaire interne, qui fut suivie d'une varice ane- vrysmale (Voir le numéro de décembre 1824 de la Renie médicale). - 500 — que la position de ces vaisseaux , dont le calibre est assez con- sidérable, s'oppose à ce qu'on puisse les lier ou les comprimer directement. On sentira facilement, d'après ce qui précède, que les piqûres des branches de la carotide externe, beaucoup moins volumineuses qu'elle, ne pourraient être regardées comme mor- telles qu'autant que l'on négligerait de les lier à temps; car en admettant qu'à raison de leur position, la compression et surtout la ligature fussent impraticables, on devrait recourir à la ligature de la carotide. La piqûre des veines jugulaires externes n'est pas mortelle , puisque la compression seule suffit pour arrêter l'hémorrhagie. La piqûre de la veine jugulaire interne, située profondément en dehors de la carotide primitive et du nerf pneu- mo- gastrique, derrière les muscles omoplal-hyoïdien et sterno- cléido-masloïdien, le long de la partie antérieure et latérale du cou, donne lieu à une hémorrhagie promptement mortelle, si on ne procède aussitôt à sa ligature, d'autant plus qu'il est difficile de la supposer blessée, sans qu'il y ait eu en même temps lésion d'autres parties importâmes. Or, la ligature de celle-ci peut s'ac- compagner d'une phlébite promptement mortelle. L'inflammation complique souvent les blessures du cou par instrumens piquans ; cet accident amène une gêne plus ou moins grande dans la respiration et la déglutition. Les dangers qui ré- sultent de cette phlegmasie sont relatifs aux fusées purulentes d'autant plus faciles dans la région du cou, que le tissu cellulaire y présente une disposition lamelleuse, et que les mouvemens du larynx et du pharynx sont plus souvent répétés ; aussi est-il de précepte qu'il faut se hâter de pratiquer l'ouverture des collec- tions purulentes. La présence de l'instrument piquant dans la plaie vient quelquefois compliquer les effets de la piqûre : pour juger le dan- ger de cette complication, on aura égard à la partie qui a été lésée, aux secours qui ont été donnés et aux accidens inflammatoires consécutifs. Quand la moelle épinière a été blessée, l'extraction du corps étranger peut être immédiatement suivi de la mort. Le fait suivant transmis à Ferrein par Cuvilliers en est un exemple. Le sujet de l'observation est un militaire qui reçut un coup d'épée au bas du dos ; la lame se brisa et resta engagée dans le centre — 501 — de la moelle. Le sujet put exécuter après l'accident un voyage de 32 myriamètres à pied, éprouvant seulement de la dou- leur sur le point où il avait reçu la blessure, de l'engourdisse- ment dans les jambes et de la difficulté à marcher ; il mourut au moment où l'on fit l'extraction du fer resté dans le prolongement rachidien. U emphysème, comme l'inflammation , est quelquefois le ré- sultat des piqûres du cou. Le défaut de parallélisme de la plaie des tégumens et de celle des voies aériennes (car cet accident exige que le larynx ou la trachée-artère soient ouverts) déter- mine au moment de l'expiration l'infiltration de l'air dans le tissu cellulaire, et l'emphysème peut devenir général. Un traitement irrationnel peut aussi donner lieu à cet accident, c'est quand la suture a été appliquée sur les lèvres de la plaie. L'exemple sui- vant cité par A. Paré en est une preuve : L'an mil cinq cens septante-quatre, le premier jour de may, François Brege, pâtissier de monseigneur de Guise, fust blessé à Jeinuille, d'un coup d'espée à la gorge, coupant une partie de la trachée-artère, et l'une des veines jugulaires, dont's'ensuiuit grand flux de sang, et un chiflement par ladite trachée-artère. La playe fust cousue, et appliqués remèdes as- tringents: et tost après le vent qui sortoit de la playe s'introduit entre le pannicule charneux et l'espace des muscles, non-seulement de la gorge, mais aussi de tout le corps (comme un mouton qu'on a soufflé pour l'escor- cher) ne pouvant aucunement parler. La face étoit tellement enflée, qu'on ne voyoit apparence de nez ni des yeux. Voyant tels accidents, tous les as- sistants jugèrent, que ledit Brege avoit plus besoin d'un prêtre que d'un chi- rurgien ; et partant l'extrême onction lui fut administrée. Le lendemain, monseigneur de Guise commanda à maistre Jean le Jeune, son chirurgien ordinaire, aller voir ledit Brege, accompagné de M. Bugo, médecin célèbre de Madame la douairière de Guise, ensemble Jacques Girardin, maistre Barbier, chirurgien au lieu Jeinuille, lesquels l'ayant veu, ledit médecin fust d'advis le laisser, n'espérant aucune guérison, et ne trouvoit le poulsdes artères aucunement battre pour la grande enfleure du cuir. Ledit le Jeune ne voulant laisser le malade sansluy faire quelque chose, et comme hardy opérateur, pour la bonne expérience qu'il a eu d'un vif esprit, fust d'advis d'user d'un extrême remède, qui fust lui faire plusieurs scarifications assez profondes, par lesquelles lesanget ventosités furent vacuées. Enfin, ledit pâtissier recouvra la parole et la veu'ë, et fust quelque temps après du tout guari parla grâce de Dieu, et est encore vivant, faisant service à monsei- gneur de Guise de sonétast de pâtissier (A. Paré, tome n, page 94, édition 1840). — 502 — La lésion des nerfs et de la moelle épinière peut rendre les piqûres du cou fort dangereuses ; ainsi on remarque souvent, lorsque les nerfs diaphragmatique, pneumogastrique, etc., ont été piqués, que le blessé éprouve des douleurs aiguës, des mou- vemens convulsifs, le tétanos, une inflammation plus ou moins intense, qui occupe quelquefois toutes les parties auxquelles se distribue le nerf lésé. La piqûre des nerfs récurrens, en supposant qu'elle ne déter- mine aucun de ces accidens, expose souvent le malade à une aphonie qui est loin de pouvoir être toujours guérie. Voici un fait relatif à la lésion des nerfs du larynx, pris dans A. Paré. Noble homme François Prévost, enseigne de laCoronalle de M. de l'Ar- dhan, âgé de vingt-cinq ans, fut blessé d'un coup d'espée au travers de la gorge, passant prèsde la trachée-artère, qui coupa les rameaux de la veine et artère jugulaire : dont il survint un bien grand flux de sang, qui a bien grande difficulté fut estanché, davantage un des nerfs vocable fut coupé : sêmblablement les nerfs qui naissent des vertèbres du col, qui se dispersent bu bras: dont tout subit le bras demeura impotent et paralytique, davan- tage la parole grandement dépravée : joint que le col demeura un peu tors, ne le pouvant tourner comme auparavant. Néantmoins est réchappé la vie sauve. 11 fut mené en la maison de maistre Pierre Pelotot, maistre Barbier, chirurgien, demeurant à la place Maubert, dont subit fut envoyé guérir par le malade, pour le penser avec ledit Pelotot. Où estant arrivé, et l'ayant pensé, j'eus une grande défiance de sa guérison, pour les accidents qui lui surviendront. A ceste cause, je fis appeler MM. Cointeret et Piètre, hommes bien entendus en la chirurgie* et fismes rapport en justice, qu'à grande dif- ficulté en pourroit-il reschapper, et que sa playe estoit mortelle. Je l'ay pensé jusques à la fin, et Dieu l'a guari. Toutesfois est demeuré impotent du bras, et sa parole dépravée (tome ti, page 92). Lorsque la moelle épinière a été profondément piquée dans sa partie supérieure, c'est-à-dire vers la partie supérieure du bulbe rachidien, la mort ne tarde pas à avoir lieu; la lésion n'est pas immédiatement mortelle quand elle est superficielle et dans un point moins élevé ; elle est même alors susceptible de guérison, comme le prouvent les observations rapportées par le docteur Ollivier d'Angers {Traité de la moelle épinière et de set maladies, tome i, p. 318) : il résulte évidemment des faits cités par cet auteur qu'on ne doit pas dire avec M. Casper (Journ. complém. du Dict. des se. méd., tome xvi, p. 316), — 503 - que les blessures de la portion cervicale de la moelle épinière sont absolument mortelles. Dans ce genre de lésion toutes les parties qui reçoivent les nerfs de la portion de la moelle qui est au-dessous de celle qui a été blessée, sont privées de sentiment et de mouvement (1). Les piqûres de la trachée-artère et du larynx sont surtout dangereuses quand il y a eu blessure d'un des vaisseaux arté- riels qui sont placés sur ces organes, et que le sang s'est épan- ché dans le conduit aérien ; car il est évident qu'alors l'individu peut périr suffoqué en très peu de temps. Plaies du cou par instrument tranchant. La mort est le résultat immédiat de la section complète et simultanée des nerfs phrcnique et pneumogastrique : quant aux autres nerfs du cou, s'ils ont été entièrement divisés, ils déterminent la perte du mouvement et du sentiment dans les parties auxquelles ils se distribuent. Si l'on examine les plaies du cou, abstraction faite des nerfs qui parcourent cette région, on ne tarde pas à recon- naître que celles qui ont été faites transversalement à la partie antérieure, sont beaucoup plus dangereuses que celles qui ont leur siège dans les parties postérieure et latérale, parce que c'est en avant que se trouvent les voies aériennes et alimentaires, ainsi que les gros vaisseaux. Avant d'examiner ces plaies, sui- vant qu'elles se trouvent au-dessus ou au-dessous de l'os hyoïde, entre cet os et le cartilage thyroïde, et au-dessous de ce dernier, je ferai remarquer qu'on ne peut admettre, avec M. A. Devergie (Annales d'hygiène et de médecine légale, n° de décembre 1830, page U19), que les plaies transversales du cou présen- tent peu de danger, car cette opinion est en contradiction avec les faits. Indépendamment des degrés différens de gravité qu'of- frent ces blessures, suivant qu'elles intéressent telle ou telle des parties du cou, ainsi que je vais le faire voir, l'expérience prouve, (1) Des expériences et des observations assez nombreuses ont démontré l'exacti- tude du fait annoncé par Gallien, savoir que les lésions faites au-dessus de l'en- trecroisement des filets médullaires des éminences pyramidales déterminent la paralysie du côté opposé à celui qu'elles affectent, tandis que lorsque les lésions sont au-dessous de cet entrecroisement, et d'un seul côté, c'est celui-là même qui est paralysé. — 504 — # que des plaies de celte espèce, en apparence légères, peuvent entraîner des accidens graves et même la mort. Dans un mémoire important, qu'a publié M. le professeur Dieffenbach, et qui ren- ferme un grand nombre d'exemples de plaies transversales du cou, suites de tentatives de suicide, ce savant chirurgien a été conduit, par l'examen comparatif d'observations multipliées, à cette conclusion. « Les plaies simples du cou , qui n'intéressent « que la peau, guérissent très rarement par première intention ; « les plaies du cou, lors même qu'elles ne pénètrent point dans « les voies aériennes, peuvent causer la mort par la suppuration « du tissu cellulaire et les fusées de pus » Cl). Plaies au-dessus de l'os hyoïde. Elles sont généralement simples et facilement curables, si elles n'intéressent que la peau et les muscles; cependant, ai-je dit, M. Dieffenbach a vu quel- ques-unes de ces plaies terminées par suppuration et par la mort du blessé. Il n'en est pas de même lorsqu'elles pénètrent jusque dans la bouche et qu'elles sont accompagnées d'une hé- morrhagie considérable ; en outre elles donnent issue aux bois- sons et à la salive, si la tête n'est pas inclinée sûr la colonne vertébrale, tandis que si la tête est trop fléchie, les liquides éprouvent de la difficulté à tomber dans le pharynx, et détermi- nent une toux convulsive, la difficulté de respirer et une congestion sanguine dans les poumons, qui peut être suivie de la mort ; presque toujours la voix est faible et le malade articule difficile- ment des sons. Lorsque les plaies dont il s'agit ne font point périr le blessé, la cicatrisation en est difficile et incomplète ; car elle n'a lieu qu'à l'extérieur, et la base de la langue reste unie à la peau du cou. Des blessures aussi profondes que celles dont je parle sont rarement la suite du suicide ; presque toujours l'in- strument tranchant, avant de pénétrer jusque dans la bouche, a divisé quelques-uns des gros vaisseaux, et a déterminé une hé- morrhagie mortelle. Les vaisseaux qui peuvent être ainsi lésés sont, en effet, volumineux, ce sont l'artère faciale et la linguale. Les plaies de la glande maxillaire et de son conduit, ainsi que de (1) Observations sur les plaies du cou. Rust's Magazine, tome xli , part. 3, page 395. Extrait dans les Archives générales de Médecine, numéro d'octobre 1834, pages 235 et suivantes. — 505 — la glande sublinguale pourront causer des fistules sali v aires. Un des accidens redoutables de ces plaies est l'inflammation qui s'empare de ses lèvres, et qui peut s'étendre jusqu'aux pou- mons. Plaies entre l'os hyoïde et le cartilage thyroïde. La plu- part des praticiens s'accordent à regarder les plaies profondes de cette espèce comme fort dangereuses, non-seulement parce que les liquides tombent dans le larynx et déterminent la suffo- cation, que l'air, les mucosités et les boissons sortent parla plaie, mais encore parce que la déglutition et la parole sont sin- gulièrement gênées, et que le malade éprouve une sécheresse ex- trême à la gorge, et une soif ardente, préludes de l'affection gangreneuse qui se manifeste souvent au fond de la plaie ; mais il est peu de médecins qui redoutent le danger d'une hémorrha- gie, parce qu'en effet ces blessures sont rarement accompagnées de cet accident : toutefois l'observation démontre que la mort, dans certains cas, ne reconnaît d'autre cause que la lésion des vaisseaux artériels qui parcourent la membrane hyo-thyroï- dienne. En 1822, je fis l'ouverture du cadavre d'un homme qui s'était donné plusieurs coups de canif entre l'os hyoïde et le cartilage thyroïde ; la plaie était assez large pour que l'on pût y introduire le petit doigt : le rameau laryngé de l'artère thyroïdienne supérieure qui se distribue, comme on sait, à la membrane thyro-hyoïdienne, était le seul vaisseau qui eût été coupé, néanmoins il y avait une hémorrhagie considérable; on voyait aussi une quantité notable de sang dans la trachée-artère : je crus devoir attribuer la mort du blessé, qui eut lieu un quart d'heure après la lésion, à l'hémorrha- gie, et surtout à la suffocation provoquée par l'entrée du sang dans les voies aériennes. C'est dans les plaies de cette région que l'épiglotte coupée vers son attache au cartilage thyrojée, a pu par sa chute sur le larynx produire la suffocation (Gooch, Traité des plaies, etc.). Plaies au-dessous de la membrane hyo-thyroïdienne. — Plaies du larynx. Il est rare qu'un instrument tranchant divise le larynx dansune étendue un peu considérable, sans que la bles- sure soit fort grave, non pas à cause de la lésion du larynx, mais à raison du l'hémorrhagie qui l'accompagne, et qui est ordinaire- — 506 — ment suivie de l'entrée du sang dans les bronches ; le blessé peut périr suffoqué dans très peu de temps. Si la plaie est trans- versale et occupe la partie latérale du larynx, elle est presque toujours immédiatement morlelle par l'ouverture de l'artère ca- rotide dont la blessure est, dans ce cas , presque inévitable. En supposant la blessure moins intense et susceptible de guérir, on voit qu'elle détermine souvent la perte de la voix et la sortie de l'air par la plaie,. Quelquefois le cartilage thyroïde est seul coupé ; tel est le cas cité par M. Dieffenbach : « Jean Ulrich, âgé de 36 ans, ivrogne, succomba à une plaie du larynx ; le cartilage thyroïde avait été coupé, à l'aide d'un canif, en plusieurs frag- mens lâchement réunis. » Dans d'autres circonstances, c'est la membrane crico-thyroïdienne seule, ou avec.une portion des cartilages thyroïde et cricoïde, qui est divisée. Dans les plaies du cartilage thyroïde, les cordes vocales ont pu*être coupées, et la voix altérée à jamais. M. Blandin en a vu un exemple. Si le pharynx avait été divisé en même temps que le larynx, les bois- sons sortiraient par la plaie ; cette complication, beaucoup plus rare qu'on ne le croit généralement, ne rend pas toujours la plaie incurable, comme on le voit par l'exemple du blessé guéri par Fine (Jourital de Médecine, t. lxxxiii, p. 64). Les plaies de la trachée-artère, par un instrument tranchant, abstrac- tion faite de toute autre lésion, présentent souvent beaucoup plus de danger lorsque ce canal a été divisé dans une petite partie de son étendue, que lorsqu'il a été largement coupé : telle est du moins l'une des conclusions de M. le professeur Dieffenbach. « Les petites plaies des voies aériennes, dit-il, sont souvent mor- telles ; les larges plaies qui divisent la trachée-artère et l'œso- phage, guérissent, au contraire, souvent » (loc. cit., p. 255 et 256). Toutefois la blessure est généralement fort grave quand la trachée-artère est complétemen^divisée, car alors les deux bouts s'écartent, l'air ne pénètre plus dans les poumons, parce que le bout inférieur est rétracté et caché sous les parties voi- sines ; le blessé périt suffoqué. Si une petite quantité d'air entre dans le poumon, un emphysème général peut survenir, et la mort en être le résultat. A plus forte raison une mort prompte sera-t*elle presque toujours la suite nécessaire de la blessure, — 507 — si, outre la division complète de la trachée-artère, l'œsophage est entièrement divisé, parce que le plus souvent alors, indépen- damment de ces lésions graves, quelques-uns des gros troncs artériels et veineux auront élé ouverts. Le mémoire de M. Dief- fenbach contient une observation remarquable de plaie du cou, intéressant la irachée et l'œsophage ; le couteau avait atteint jusqu'à la colonne vertébrale et cependant les gros vaisseaux n'étaient point ouverts. 4° Un Anglais fut assailli près Vincennes par son compagnon, qui lui coupa la gorge; il feignit d'être mort pour échapper à denouveauxcoups, se leva et se traîna jusqu'à la maison d'un paysan d'où il fut transportée Pans. La trachée-artère et l'oesophage étaient entièrement coupés; on réu- nit les deux bouts de la trachée-artère par plusieurs points de suture, et aussitôt le blessé commença à parler et désigna l'assassin. 2° Un Allemand se coupa la gorge avec un couteau ; le lendemain il était fort mal ; il y avait une grande quantité de sang répandue autour de lui. La trachée-artère et l'œsophage étaient coupés; les bouts de la plaie furent réunis par plusieurs points de suture, et aussitôt le blessé commença à parler. Ces deux individus vécurent quatre jours, pendant lesquels ils furent nourris à l'aide de clystères, parce qu'ils ne pouvaient pas avaler, l'œsophage s'étant retiré vers l'estomac (Paré, liv. x, chapitre 51). On trouve dans le mémoire déjà cité de M. le professeur Dief- fenbach, une observation de plaie semblable, malgré laquelle le blessé vécut vingt-sept jours (loc. cit>,p. 242). Il est inutile de faire remarquer que si la section incomplète de la trachée-artère n'est pas mortelle par elle-même, elle peut le devenir, el le devient souvent par la lésion d'un ou de plusieurs vaisseaux sanguins, ou par l'hémorrhagie, et par l'entrée du sang dans les bronches. Je dois ajouter que les plaies de la ré- gion laryngo-trachéale peuvent être plus ou moins graves selon l'existence de certaines dispositions anatomiques anormales; ainsi, on trouve quelquefois au-devant de la trachée une artère thyroïdienne moyenne née du tronc innominé ou de l'aorte ; l'ar- tère thyroïdienne supérieure envoie quelquefois une grosse bran- che au-devant de la membrane crico-thyroïdienne ; l'artère ca- rotide gauche peut venir du tronc brachio-céphalique, la sous- clavière droite naître de la crosse de l'aorte, et passer entre la — 508 — trachée et l'œsophage (Blandin, Anatomie topographiqué). Dans le creux sus-sternal la lésion du tronc brachio-céphalique de la veine sous-clavière gauche est possible. En outre une plaie du col, peut être aussi à-la-fois plaie pénétrante de poitrine, quand le cul-de-sac pleural qui s'élève au-dessus de la pre- mière côte a été ouvert par le corps vulnérant. Un épanchement de sang dans la cavité thoracique peut même en être la suite, si un gros vaisseau du cou a été lésé en même temps. Contusions et plaies contuses du cou. Bornées à la peau et aux muscles,ces blessures sont loin d'être dangereuses; il n'en est pas de même lorsque le larynx ou la trachée-artère on l été in- téressés; elles sont même plus graves alors, tout étant égal d'ail- leurs, que les plaies faites par un instrument tranchant, à cause du gonflement inflammatoire qui peut se développer, et par les angoisses violentes auxquelles sont exposés les blessés qui n'ont pasété immédiatement suffoqués. Celles dont la direction est d'a- vant en arrière présentent plus de danger que celles qui occupent les parties latérales. Les plaies du larynx et de la trachée, par armes à feu, pour le moins aussi redoutables que les précédentes, se compli- quent quelquefois d'un engorgement inflammatoire qui empêche le blessé de respirer. On connaît l'observation rapportée par Ha- bicot d'une jeune fille dont le larynx avait été fracturé par une balle, et chez laquelle il survint une tumeur inflammatoire telle- ment considérable qu'elle aurait péri sans l'usage d'une canulede plomb qui permettait à l'air de traverser les parties molles gon- flées, et d'arriver jusqu'à la trachée-artère. Lorsqu'elles sont moins graves, et qu'il y a eu perte de substance, dénudationd'un ou de plusieurs cerceaux cartilagineux, ou endurcissement du tissu cellulaire, ces blessures restent quelquefois long-temps fis- tuleuses, comme on le voit par l'exemple suivant, tiré de Van Swieten.Une portion de la trachée-artère avait été emportée par un coup de feu ; plusieurs années après on voyait encore une large ouverture à cette partie ; le blessé, qui demandait l'aumône, ne pouvait parler que lorsqu'il bouchait celte ouverture avec un morceau d'épongé (Commentaria in Herm. Boerhaave apho- rism., etc., t. I, p. 244). — 509 — La contusion suivie de fracture des vertèbres cervicales est presque toujours promptement mortelle ou au moins très grave, si le corps, les lames ou les apophyses articulaires sont brisés, parce que la moelle épinière est lésée par le projectile, par des esquilles d'os, ou comprimée par les liquides épanchés dans le canal vertébral : toutefois il n'est pas sans exemple que les bles- sés aient vécu plusieurs jours après une pareille lésion. Un indi- vidu chez lequel il y avait fracture des six dernières vertèbres cervicales, rupture des ligamens et luxation incomplète de la première vertèbre sur la seconde, ne mourut qu'au dix-neuvième jour ; tous les organes situés au-dessous des points fracturés étaient paralysés (Mémoires de l'Académie de chirurgie). Si la fracture est bornée aux apophyses transverses et sur- tout aux apophyses épineuses, qu'on agrandisse la plaie pour eh extraire les esquilles, et que l'on prévienne le développement de l'inflammation, la blessure n'est pas aussi grave. La contusion des nerfs qui prennent leur origine dans la por- tion cervicale de la moelle épinière, abstraction faite de tout au- tre lésion, n'est pas nécessairement mortelle ; mais elle peut être fort dangereuse à cause de la paralysie des parties importantes auxquelles ces nerfs se distribuent. Si les artères vertébrales et carotides ont été contuses au point d'être déchirées, et que la ligature n'ait pas été pratiquée immédiatement après, la mort arrive sur-le-champ; il est fort rare que le blessé survive à cette lésion, même lorsqu'il a été se- couru à temps. S'il y a eu simplement contusion et désorganisa- lion des parois de ces vaisseaux, la mort n'a lieu qu'au bout de neuf ou dix jours, lors de la chute des escarres, en supposant qu'aucun des moyens propres à l'empêcher n'ait été employé. Les blessures du pharynx et de l'œsophage ne présentent beaucoup de danger que parce qu'il y a en même temps lésion grave de quelques autres organes. On peut établir d'une manière générale que les blessures de l'œsophage sont d'autant plus fâ- cheuses qu'elles ont eu lieu plus bas, que cet organe a été plus complètement divisé, et que le désordre des parties environnan- tes a élé plus considérable. Si ce conduit musculo-membroneux n'a élé lésé que dans une partie de son étendue, et qu'il n'y ait — 510 — point eu perte de substance, la cicatrisation de la plaie peut être complète; celle-ci reste, au contraire, fisluleuse, si une portion de l'œsophage a été détruite. On lit dans Trioen (Obs. méd. chi- rurg.,ip. 40), qu'un individu dont la trachée-artère et l'œsophage avaient été en partie détruits par un coup de balle, offrait une fistule à ce dernier organe qui livrait passage aux alimens intro- duits par la bouche; aussi pour les faire parvenir jusqu'à l'esto- mac était-on obligé de se servir d'un entonnoir dont le bec péné- trait dans l'œsophage au moyen de l'ouverture fistuleuse. Blessures à la poitrine. Les plaies de poitrine doivent être distinguées en celles qui pénètrent dans la cavité thoracique et en celles qui n'intéressent que les parois. Il paraît de prime abord qu'il est bien simple de savoir ce qu'on entend pur plaies pénétrantes et plaies non pé- nétrantes de poitrine ; cependant les auteurs ne sont pas d'ac- cord sur la signification de ces mots. Pour quelques-uns la cavité pectorale est circonscrite par la cavité des plèvres, et selon que la plèvre est blessée ou ne l'est pas, la plaie pénètre ou ne pénètre pas ; suivant cette opinion, qui est adoptée par Boyer, une bles- sure pourrait atteindre le cœur ou l'aorte et les autres parties contenues dans le médiastin postérieur, sans être pour cela péné- trante, du moment où l'instrument vulnérant aurait glissé entre les deux lames du médiastin. Mais le médecin légiste ne peut adopter cette division purement anatomique ; une plaie qui a di- visé la plèvre costale, est loin d'offrir la gravité d'une plaie pro- londe du médiastin : or, c'est au point de vue de leur gravité, de leur pronostic que je dois considérer ici les plaies de poitrine. Si, donc on doit se fonder sur le danger qui accompagne ordinaire- ment les plaies pénétrantes, pour l'opposer à la bénignité relative des plaies qui ne pénètrent pas, il vaut mieux dire avec d'autres chirurgiens, que la plaie est pénétrante lorsqu'elle a intéressé la plèvre ou tout organe contenu dans la cage thoracique. C'est à ce point de vue que cette distinction des plaies de poitrine offre en médecine légale un grand intérêt. Le diagnostic de la lésion des organes contenus dans la poi- — 5H — trine est quelquefois très difficile ; la preuve la plus évidente de ce que j'avance se tire du nombre des signes qu'ont invoqués les chirurgiens pour éclairer ce diagnostic. J'aime mieux renvoyer le lecteur aux traités spéciaux, où ces signes sont discutés et ap- préciés à leur juste valeur; je me contenterai de dire que ni les renseignemens tirés de l'instrument, ni ceux qui ont été fournis par sa comparaison avec la largeur de la plaie, ni la sonde, ni les injections, ni la sortie de l'air à travers la plaie pendant l'ex- piration, ni l'emphysème, ni le crachement de sang, ne sont suf- fisans pour lever tous les doutes dans les cas difficiles, c'est-à-dire dans le plus grand nombre des plaies de poitrine. En face de ces difficultés, que doit donc faire le médecin expert? Il doit recher- cher attentivement si la plaie est compliquée, et en l'absence des signes qui annoncent la complication de la blessure d'un organe thoracique, s'abstenir et douter : car cette restriction prudente est obligatoire pour le pronostic. Voici d'ailleurs une observation qui prouve dans quelle réserve on doit se maintenir en pareille circonstance : Rapport médico-légal sur un cas de plaie de poitrine, par M. Gerdy. Daméme (Àug. Albert), 37 ans, charretier-vidangeur, salle St-Louis, no. 73, hôpital St..-Louis. Etat actuel. — Le malade porte une plaie verticale de sept lignes de long, située au niveau de l'angle inférieur du scapuluni, sur le bord ex- terne de la masse des muscles sacro-vertébraux, à quatre travers de doigt de la ligne médiane du dos. Cette plaie, semblable à celles qui sont faites avec un instrument tranchant, a ses bords agglutinés. Il y a un peu de gonflement en bas, à droite et à gauche. Il pourrait bien provenir des mor- sures de soixante sangsues qui y ont été appliquées il y a quelques heures. D'ailleurs il n'appartient pas à un emphysème, car il n'y a pas la moindre crépitation dans la tumeur. Les bords de la plaie, séparés par une légère traction, il reste une ouverture ovalaire de deux lignes environ de lar- geur dans son milieu, et rien ne s'en échappe au-dehors. Ne devant pas nous permettre de sonder cette plaie, de peur de détacher un caillot salu- taire, et de provoquer une hémorrhagie, nous ne pouvons en apprécier la profondeur. • La poitrine ne résonne que médiocrement aux environs de la plaie ; mais elle résonne autant cependant que du côté opposé. Il faut pourtant en excep- ter un point assez circonscrit, au-dessous de l'angle inférieur du scapulum et en dehors de la blessure ; là il y a un peu de matité. La plaie n'offre pas de — 512 — douleur à la circonférence, lorsqu'on y exerce de légères pression? ; mesu- rée dans son contour, la poitrine présente la même étendue à droite et à gauche, au niveau et un peu au-dessous de la plaie. La respiration est libre, lente, facile, quand elle n'est pas forcée; mais quand le malade fait des grandes aspirations, il éprouve de la douleur dans le côté gauche de la poitrine, et particulièrement à gauche et en arrière, à-peu-près au niveau des attaches du diaphragme. Le bruit respiratoire s'entend partout, excepté du côté gauche, au-dessous de la plaie. Des se- cousses imprimées au thorax, mais avec toutes les précautions convenables, n'occasionnent ni douleur, ni fluctuation appréciables. Le malade ne tousse point, ne crache pas, et n'a même envie de tousser ni de cracher. Lorsqu'il parle sans effort, il n'éprouve ni douleur ni même de fatigues, tandis qu'il en ressent dans le cas contraire; mais dans l'une et l'autre circonstances, on ne peut reconnaître d'égophonie ou de voix tremblante comme celle de la chèvre. Les battemens du cœur sont assez sonores, et s'entendent même dans le côté droit de la poitrine, en y appliquant l'oreille; ils n'offrent d'abord rien de particulier dans leurs autres caractères. Le pouls est médiocrement fort, mou, régulier, et donne soixante-dix battemens par minute, lesquels correspondent exactement à ceux du cœur. La peau est moite, sans être couverte de sueur en aucun point. Le malade n'a pas uriné depuis l'instant de sa blessure. — La soif est vive ; le ventre est libre, mou, indolent même à la pression. Le malade n'éprouve aucune gêne dans les mouvemens, si ce n'est dans le côté gauche de la poitrine, quand il se place sur son séant. Il ne souffre d'ailleurs dans aucune partie du corps et des membres, et il présente à la jambe droite une petite ulcération ancienne qui est sans importance. Circonslances antérieures.— Le malade s'est toujours bien porté; cepen dant, en 1830, il fut atteint, pendant l'hiver, d'une fluxion de poitrine du côté gauche. La maladie n'a duré que vingt jours. Trois fortes saignées paraissent avoir suffi pour y mettre fin. Depuis cette époque, le malade ne s'en est pas ressenti, etn'a éprouvé aucune autre affection. Le 20 mai 4833, à la suite de quelques plaisanteries probablement bles- santes pour un camarade auquel il les adressait, celui-ci lui donna dans le dos un coup de couteau. Cet instrument est un couteau de poche fermant très facilement. Sa lame peut avoir deux pouces et demi de longueur sur six lignes de largeur; la pointe n'est pas très aiguë. La plaie qu'il a pro- duite a une ouverture dont la largeur correspond exactement à celle de la lame. Le couteau est ensanglanté uniformément jusqu'au manche et sur les deux faces de la lame, en sorte qu'il est très probable qu'il a été enfoncé jusqu'au manche lui-même et n'a pSint été rougi par un jet de sang seulement. Au moment du coup, le blessé a ressenti une douleur médiocrement vive, et quoiqu'il fût assis, et n'eût pas reçu de son adversaire un choc — 513 — assez violent pour en être renversé, il tomba néanmoins contre le comptoir du marchand de vin, et de là par terre, comme cela arrive assez souvent dans les blessures de la poitrine et du ventre, même peu graves. D'après ce que nous avons appris, la plaie a peu saigné. Le malade a été aussitôt relevé et apporté à St.-Louis. Nous l'avons trouvé, dès ce mo- ment, dans un état à-peu-prés semblable à celui que nous avons exposé plus haut sous le titre Etat actuel. Cependant la plaie saignait légèrement, mais l'écoulement de sang n'augmentait, comme on le voit dans°certaines plaies pénétrantes, ni quand le malade s'étant tenu quelque temps dans une position verticale, se couchait horizontalement, ni quand on lui faisait exécuter avec modération un effort d'expiration, la bouche et le nez fermés. Il n'y avait point de douleur au côté gauche, même dans les plus grandes aspirations. Le pouls élait fort et plein, ce qui pouvait tenir à ce que le blessé avait mangé auparavant. Je crus devoir ordonner une saignée de quatorze onces, pour prévenir tout épanchement et toute inflammation du côté de la poitrine; mais je la fis retarder d'une heure, afin de donner à l'estomac le temps de se débarrasser de la plus grande partie de ses ali- mens. Le malade fut revu trois ou quatre heures plus tard ; je crus devoir com- battre la douleur qui venait de s'accroître dans le côté gauche de la poitrine, par une application de soixante sangsues. C'est quelques heures après l'emploi de ce moyen que nous avons rédigé ce rapport et ses conclusions. Conclusions. L'état actuel de Damême ne permet ni d'affirmer, ni de nier que la plaie dont il est atteint pénètre dans la poitrine. S'il y avait expulsion et aspiration d'air par la plaie, si l'on n'entendait pas le bruit respiratoire, s'il y avait emphysème, s'il y avait matité évidente dans le côté gauche du thorax, si ce côté était plus étendu que l'autre dans sa cir- conférence, s'il y avait égophonie, s'il y avait fluctuation évidente à l'oreille par la succussion, s'il y avait tintement métallique, si le malade eût éprouvé à la suite de sa blessure les symptômes d'une hémorrhagie inté- rieure , si tous ces symptômes étaient réunis, il serait certain qu'il existe un épanchement, et par cela même très probable qu'il serait dû à ce que la plaie serait pénétrante; mais tous ces caractères manquent. Il y a bien un peu de matité, le bruit respiratoire est même insensible à l'oreille ; mais ces deux caractères peuvent tenir à l'ancienne affection de poitrine dont le malade a été atteint il y a trois ans, et il faudrait l'avoir étudié avant la blessure, pour savoir à quoi s'en tenir sur la valeur de ces symptômes. S'il y avait toux et crachement de sang écumeux, quoique la toux pût tenir à une affection antérieure des poumons, le caractère écumeux du sang prouverait que les poumons sont blessés , et par conséquent que la plaie est pénétrante et grave ; mais heureusement ces phénomènes manquent. Quant à la douleur qui s'est développée dans le côté gauche de la poitrine, elle peut tenir sans doute à ce que la plèvre ayant été atteinte s'est déjà enflammée; et l'absence d'épanchement simultané peut être H. 33 — 514 - due à ce que d'anciennes adhérences des poumons ne permettent pas un épanchement ; mais cette douleur, peut être due aussi à ce que le couteau ayant glissé en dehors des côtes, a déchiré violemment les parties molles sans pénétrer dans la plèvre et surtout dans le poumon. Cependant la grande étendue de la douleur, l'absence de toutes les tra- ces d'ecchymose et d'épanchement sou3 la peau, nous portent à penser que la plèvre ou les anciennes adhérences que nous supposions en unir les lames, pouvaient bien avoir été en partie déchirées par le couteau. En définitive, il est possible que l'instrument ait pénétré dans la poitrine ; il est probable qu'il n'a pas atteint le poumon, ou du moins qu'il ne l'a blessé que très légèrement, et que la maladie quoique simple en ce mo- ment, puisqu'on n'y trouve aucun des symptômes qui annoncent une lésion des poumons, peut devenir grave si la blessure parvient à réveiller une vive inflammation dans le côté gauche du thorax. Nous avons néanmoins l'espérance qu'un traitement actif et la bonne santé habituelle du blessé préviendront d'aussi funestes suites ; mais nous n'oserions l'assurer. Nécropsie, faite le 25 mai, 24 heures après la mort. Etat extérieur. Cadavre d'un sujet à proportions atlétiques. Peau généralement pâle, livide à la face, offrant à la partie inférieure et posté- rieure de la poitrine, côté gauche, de nombreuses piqûres de sangsue et la plaie d'un vésicatoire au-dessous et en dehors du mamelon gauche ...— Un peu au-dessous de l'angle inférieur de l'omoplate du même côté , se trouve la-plaie, dont les bords sont en contact et autour de laquelle existe un emphysème sous-cutané considérable qui s'étend à tout le côté corres- pondant de la poitrine et du cou. Le côté droit du thorax n'en offre que des traces. Thorax. La peau et les muscles qui environnent la plaie étant dissé- qués et rabattus, on voit que cette plaie pénètre directement à travers le neuvième espace intercostal, en dehors de l'attache des muscles sacro- lombaires, en intéressant le bord supérieur du grand dorsal. — On coupe ensuite avec un sécateur les dernières côtes, le long de la colonne verté- brale. La pression exercée sur la poitrine fait sortir par la plaie un liquide sanguinolent mêlé de bulles gazeuses. La plèvre costale étant décollée, présente une ouverture correspondante à la plaie extérieure dont elle offre l'étendue. On ouvre alors largement la poitrine, et l'on trouve dans le côté gauche, 3 livres environ d'un liquide fortement sanguinolent, toute l'étendue de la plèvre recouverte d'une fausse-membrane molle de même couleur, le poumon refoulé en haut et en dedans, réduit au tiers de son volume, offrant en arrière à 1 pouce et demi de la base, une plaie verti- cale à bords un peu écartés, de 5 lignes de longueur, et dans laquelle une sonde pénètre facilement et sans effort jusqu'à 7 lignes de pro- fondeur. — 515 — Si l'on insuffle le poumon, l'air sort par cette plaie; l'incision du tissu environnant le montre un peu infiltré de sang, mais souple et doué de sa consistance normale. Le reste du tissu pulmonaire est sain. Dansla plèvre du côté droit existe un épanchement de 6 onces environ de sérosité lé- gèrement sanguinolente, au milieu de laquelle nage une couenne jaunâtre molle; le poumon n'offre rien à noter; le péricarde contient 3 à 4 onces de sérosité rosée ; le cœur assez volumineux renferme peu de sang, ses ven- tricules sont sensiblement dilatés et avec amincissement de leurs parois. La veine cave incisée laisse écouler une grande quantité de sang noir. Abdomen. Quelques onces de liquide, d'un rouge pâle, étaient épan- chées dans lo péritoine. L'estomac et les intestins distendus par des gaz, offrirent une membrane muqueuse pâle et consistante dans toute son étendue. Le3 autres organes de l'abdomen étaient sains. Crâne. Les méninges offraient un peu d'injection, le cerveau était pâle et ferme. La moelle épinière n'a point été examinée (Archives générales de médecine, 2e série tome xv, page' 435). A. Blessures non pénétrantes de la poitrine. —Piqûres. Si la piqûre des parois de la poitrine n'est compliquée ni d'hé- morrhagie ni d'inflammation intense, ni de la présence de l'in- strument vulnérant, elle constitue une maladie simple, facile à guérir. L'hémorrhagie, si elle est le résultat de l'ouverture 'des vaisseaux sous-claviers, des grosses branches fournies par l'ar- tère axillaire, peut déterminer une mort prompte, à moins que l'art ne vienne au secours du malade, ou que l'écoulement ne s'arrête de lui-même, soit parce que le blessé tombe en syncope, soit parce qu'il y a formation d'untrombus, ou défaut de parallé- lisme entre les lèvres de la plaie cutanée et celles des parties sous-jacentes : dans ce dernier cas le sang peut s'épancher en grande quantité dans le tissu cellulaire, et l'on ne saurait trop se hâter de lui donner issue par des incisions convenables afin de prévenir la formation de vastes abcès; en effet, au dire de J.-L. Petit, les infiltrations sanguines dans l'épaisseur des parois thoraciques peuvent donner lieu à des abcès gangreneux : c'est par des conir'ouvertures que l'on évite ces accidens, comme on le voit dans l'observation suivante. Un coup d'épée ouvrit une branche considérablejd'artère, le malade per- dait beaucoup de sang, et celui qui le pansa d'abord ne songea qu'à ar- rêter l'hémorrhagie. Peu versé dans l'art, il crut que de la charpie intro- duite dans la plaie, des compresses et un bandage serré suffiraient ; et, voyant que le sang ne sortait plus, il crut avoir réussi. Cependant, cinq ou — 516 — six heures après cepansement, le malade subit beaucoup de difficulté de respirer : il envoya chercher son chirurgien, qui le saigna pour la dernière fois, et dit en sortant qu'il craignait que l'épée n'eût pénétré dans la poi- trine. Il mit l'alarme dans la famille, et je fus mandé. L'appareil n'était point ensanglanté; et, lors même qu'on eût tiré tous les tampons de char- pie qu'on avait mis dans la plaie, il ne sortit pas une goutte de sang ; mais l'aisselle et tout le voisinage du pectoral et du grand dorsal était considé- rablement soulevés, durs, sans douleur, mais d'une couleur brune : ce qui me fit juger que le sang qui avait causé l'hémorrhagie, et qui, depuis le premier pansement, n'avait pu sortir par la plaie, s'était logé dans lecorps graisseux et dans le tissu cellulaire qui se trouvent sous l'aisselle et entre tous les muscles du voisinage. Je jugeai dès-lors que la difficulté de respi- rer n'avait point d'autre cause que l'infiltration de ce sang, qui tenaitgênés tous les muscles de ce côté de la poitrine. J'introduisis la sonde cannelée dans l'ouverture de la plaie ; et, sitôt que j'eus perçu le caillot qui bou- chait l'orifice intérieur de cette plaie, le sang sortit en abondance. — Je la bouchai avecun bourdonnet; et, pendant qu'avec le doigt on le tenait as- sujetti pour empêcher la sortie du sang, je fis sous l'aisselle une incision longue de trois pouces; je portai mon doigt dans le sang caillé qui remplis- sait le creux de l'aisselle ; et, déchirant le tissu cellulaire en m'approchant du fond de la première plaie, il sortit abondamment du sang fluide. Je lis ôteu le bourdonnet qui bouchait la première plaie; le sang ne sortit point de ce côté-là, et continua de couler par la plaie que je venais de faire à l'aisselle jusqu'à ce que je l'eusse arrêté. Je reconnus que j'étais près du vaisseau par la chaleur du sang qui en coulait, et p fus assuré du lieu qu'il occupait parce qu'il dardait contre mon doigt, et parce que, ayant appuyé sur le muscle grand dentelé, le sang fut arrêté. Je tins mon doigt dans cette situation pour conduire les bour- donnets dont j'avais besoin pour comprimer le vaisseau. — Ayant placé le premier bourdonnet, et le tenant appuyé avec le doigt, le sang ne coulait plus. Je plaçai successivement tous les autres ; puis, faisant avec des com- presses un point d'appui fort élevé je soutins le tout avecun bandage conve- nable. Je ne mis rien dans la plaie que l'épée avait faite, et je fus trois jours sans lever l'appareil; je l'aurais même laissé plus long-temps parce que le malade le supportait sans peine ; mais je fus déterminé à le lever parce qu'il sentait mauvais; d'ailleurs les compresses imbibées, non de sang, mais d'une sérosité roussâtre, me firent juger que le sang était arrêté; je ne levai cependant pas les bourdonnets les plus profonds, et, à la place de ceux que j'avais ôtés, j'en mis d'autres trempés dans le digestif simple. Le lendemain, le reste de l'appareil sortit : tout fut pansé avec le digestif. Les jours suivans, la suppuration s'établit; le gonflement et l'ecchymose, tant du lieu de la blessure que du voisinage, se dissipèrent ; ils ne survint au- un accident, pas même la fièvre, et le malade fut promptement guéri (J.-L . Petit, Maladies chirurgicales, page 371). — 517 — L'inflammation qui complique quelquefois les piqûres des pa- rois ihoraciques, en augmente le danger, surtout quand elle se termine par suppuration. La plèvre peut s'enflammer par conti- nuité de tissu, et une gêne plus ou moins grande de la respira- tion en être le résultat. Le pus s'étale aisément entre les diverses couches musculaires, et le tissu cellulaire étant détruit par la suppuration, la guérison est beaucoup plus tardive. La présence du corps étranger dans la blessure n'augmente souvent pas sa gravité, parce qu'il est facile d'en faire l'extrac- tion, et qu'alors la piqûre ne tarde pas à guérir ; cependant si le sternum ou les côtes retiennent la pointe d'un instrument im- plantée dans leur tissu, une ostéite consécutive, la carie ou la nécrose donnent à la blessure un caractère sérieux. Vemphy- sème n'est pas une complication fréquente des plaies non péné- trantes de poitrine ; mais il est important de savoir qu'il est pos- sible, quand la piqûre intéresse des parties riches en tissu cellu- laire, là où s'opèrent des mouvemens étendus, et quand l'instru- ment vulnérant a traversé les couches musculaires, suivant une certaine obliquité. L'élévation et l'abaissement des côtes, en dé- truisant le parallélisme des lèvres de la plaie favorise aussi l'in- troduction de l'air dans l'épaisseur de la paroi thoracique. L'em- physème peut devenir assez considérable pour gêner la respiration. Chez un malade atteint d'un coup d'épée qui avait traversé obli- quement le grand dorsal, il survint un emphysème monstrueux qui occupait les deux faces du muscle grand pectoral ; la res- piration était extrêmement gênée.Voici d'ailleurs comment J.-L. Petit rappporte cette observation : J'ai été appelé, dit-il, pour assister à une opération de l'empyème, qu'on devait faire à un malade, qui avait un emphysème monstrueux oc- cupant le dessus et le dessous du grand pectoral, une grande portion du grand dorsal et le creux de l'aisselle : le malade respirait difficilement et avec douleur. Il n'y avait pas encore vingt-quatre heures qu'il était blessé, et n'avait été pansé en premier appareil qu'avec une compresse trempée dans l'eau-de-vie, retenue par un simple bandage. L'épée avait percé obliquement la peau, la graisse et le muscle grand dorsal à environ trois doigts au-dessous du pli de l'aisselle; et, la coupure oblique qu'elle avait faite à la peau me faisant croire qu'elle s'était aussi portée obliquement vers le muscle pectoral, je jugeai, malgré la difficulté de respirer et le crache- — 518 — ment de sang, que cejte plaie n'était point pénétrante. Ayant fait part do ces remarques, on convint de faire une incision sur une sonde creuse, quo l'on introduirait dansla plaie en suivant la direction de la coupe oblique qu'avait faite l'épée. Cela fut exécuté; et, par cette incision portée jusque vers le creux de l'aisselle, on introduisit le doigt dans le tissu cellulaire qui est sous le muscle pectoral et sous l'aisselle. Pour donner issue à l'air qu'il renfermait, on en déchira ce qu'on put, mais sans effort ; on pansa la plaie mollement avec le digestif simple; l'emphysème se dissipa :1a suppuration s'établit, et cette plaie, devenue simple, fut guérie en peu de jours (J.-L. Petit, Maladies chirurgicales, page 389). Quand on néglige d'ouvrir les plaies lorsqu'il survient de pa- reils emphysèmes, il arrive, selon le même chirurgien, que la cir- culation languit dans les poumons, que ses capillaires se rom- pent et qu'une pneumo-hémorrhagie a lieu, quoique l'instrument vulnérant n'ait pas intéressé le parenchyme pulmonaire. Plaies par instrument tranchant. On peut appliquer à ces plaies tout ce qui vient d'être dit à l'occasion du danger des pi- qûres simples ou compliquées. Contusions et plaies contuses. Le danger des contusions des parois de la poitrine est relatif à la force avec laquelle le corps vulnérant a agi, et aux désordres qu'il a occasionnés. Un corps contondant ordinaire, dont l'action est bornée aux parois du tho- rax, détermine rarement des effets fâcheux, excepté chez les femmes, où il produit quelquefois l'inflammation des seins, leur suppuration, leur induration, et par la suite leur dégénérescence cancéreuse. Mais si la percussion a été assez forte pour agir sur les viscères thoraciques, les poumons, le cœur, les gros vaisseaux peuvent être déchirés, contus, etc., lésions à la suite desquelles on observe souvent des épanchemens sanguins mortels, la suppu- ration et par conséquent des collections de pus ou de sérosité pu- rulente dans l'intérieur des plèvres. Les plaies contuses ne sont dangereuses qu'autant qu'elles se compliquent d'hémorrhagie, d'inflammation, de la commotion, de la rupture des viscères thoraciques, ou de la présence d'un corps étranger. Les contusions produites par un projectile sont sui- vies d'accidens plus fâcheux lorsqu'elles ont eu lieu sur le ster- num ou sur une côte, parce que les parties molles souft-jacentes sont écrasées, que les os peuvent être dénudés et même fracturés, — 519 — et qu'il y a épanchement de sang; or, on sait qu'à moins de don- ner promptement issue à ce liquide, on a à craindre des abcès, la gangrène, etc. Les plaies d'armes à feu peuvent être pénétrantes et non pé- nétrantes : si la balle ne pénètre pas dans la poitrine, elle peut déterminer une forte contusion des viscères thoraciques, la frac- ture d'une ou de plusieurs côtes, ou du sternum, lésions qui ne font pas toujours périr le blessé, mais qui entraînent des acci- dens d'une durée plus ou moins longue; si, comme il arrive plus souvent, elles pénètrent dans cette cavité, et que le cœur ou les gros vaisseaux de cet organe ou des poumons soient intéressés, le malade ne tarde pas à périr. Toutefois les exemples de plaies produites par des balles qui avaient pénétré dans la poitrine, ou qui l'avaient percée de part en part, et qui ont été guéries sans ac- cidens, ne sont point rares : quelquefois la guérison n'a pas été complète, la plaie ayant dégénéré en fistule. Les dangers des fractures des côtes méritent de fixer un in- stant notre attention : les côtes supérieures et inférieures exi- geant, pour être cassées, un effort beaucoup plus considérable que les moyennes, la commotion des viscères thoraciques doit être plus grande dans le premier cas, et la fracture plus dange- reuse ; on conçoit même difficilement la fracture des dernières côtes asternales (fausses) sans qu'il y ait commotion du foie ou de la rate. En général, la fracture dite en dedans est plus grave que celle dans laquelle les fragmens se dirigent en dehors : en effet, elle expose le blessé à la déchirure et à l'inflammation de la plèvre et du poumon, à l'emphysème, à la lésion des artères intercos- tales, et par conséquent à une hémorrhagie qui peut être latente ou apparente ; et si elle a été comminulive, les esquilles peuvent blesser les poumons et développer des accidens funestes. La fracture du sternum n'est pas une maladie grave, s'il n'y a pas déplacement des fragmens, et si la contusion n'a pas été considérable ; la mort peut arriver instantanément, au contraire, ou au bout de quelque temps, si les poumons ou le cœur ont été déchirés. L'enfoncement des fragmens dans la poitrine augmente considérablement les dangers de cette fracture , parce qu'il est ordinairement suivi d'épanchement de sang dans le médiastin, — 520 — d'inflammation, de suppuration et de carie. J'ajouterai que, dans les cas de fracture du sternum avec déplacement des fragmens où la consolidation s'est opérée sans que ces fragmens aient élé réduits, les blessés éprouvent pendant long-temps une toux sèche, de l'oppression, des palpitations et d'autres accidens plus ou moins incommodes. La fracture des vertèbres dorsales est dangereuse, car le plus souvent elle détermine la mort du blessé dans un très court es- pace de temps ; ce qui lient à la commotion qu'éprouve la moelle épinière, à la lésion physique dont elle peut être le siège, ou à la compression qu'exercent sur elle le sang épanché ou les fragmens détachés des vertèbres. Toutefois on a vu de pareilles fractures n'être pas suivies d'accidens graves, el même guérir assez facile- ment : c'est ce qui a particulièrement lieu lorsque le projectile est petit et mu avec beaucoup de rapidité. B. Blessures pénétrantes de la poitrine. Lorsqu'un corps vulnérant pénètre dans la poitrine par le deuxième espace in- tercostal, il peut blesser la courbure aortique ou quelques-unes des branches principales qui en partent. S'il entre par le troi- sième, il peut atteindre l'aorte ou l'artère pulmonaire et la veine cave supérieure. S'il pénètre par le quatrième, un peu à gauche, il tombe sur la base du ventricule gauche ou sur l'oreil- lette gauche ; s'il entre à droite, il peut blesser le ventricule ou l'oreillette du même côté. Une blessure qui pénétrerait à une profondeur de 4 à 5 centimètres dans le cinquième espace inter- costal gauche, près de sa terminaison au sternum, pourrait at- teindre la pointe du cœur ; dans un cas de plaie pénétrante, produite par la lame d'un sabre qui était entrée par cet espace, la veine azygos avait été blessée, et les deux lobes moyen et in- férieur du poumon droit avaient été traversés (Chassaignac Dissertation inaugurale, etc. Paris, avril 1835). Si le corps vulnérant pénétrait dans la poitrine, au-dessous de la sixième côte, et dans une direction tout-à-fait horizontale, il ne pourrait atteindre le cœur, mais il pourrait passer au-dessous du poumon, traverser le foie et le diaphragme, raser la face in- férieure du centre phrenique, entrer dans le péricarde près de la pointe du cœur, et en supposant qu'il s'étendît assez profondé- — 5Ï1 — ment dans la cavilé pectorale, il pourrait ressortir par le même espace intercostal. Si l'instrument entrait par le septième es- pace, il laisserait le péricarde intact, le foie seul serait traversé ; mais suivant que cet instrument s'éloignerait ou se rapprocherait de la colonne vertébrale, il pourrait respecter ou atteindre la veine cave, le cardia, les vaisseaux hépatiques, l'estomac ou la rate. Dans le huitième espace, le corps vulnérant passerait au- dessous du lobe de Spigel, traverserait l'extrémité supérieure de l'estomac, passerait au-dessous du lobe gauche du foie, et pour- rait atteindre la rate. Dans le neuvième, l'instrument passerait au-dessous de la vésicule du fiel, et pourrait traverser la veine cave ou l'aorte au-dessus du pylore, le grand cul-de-sac de l'esto- mac , la rate et le foie. Dans le dixième, le lobe droit du foie pourrait encore être atteint, ainsi que le rein droit, l'estomac, la rate, le pancréas, le duodénum, et dans certains cas le colon transverse. Dans le trajet qui vient d'être assigné à tout instrument qui pénétrerait à travers chacun des espaces intercostaux, j'ai sup- posé que le corps vulnérant pénétrerait dans une direction exac- tement perpendiculaire à l'axe du tronc ; mais si l'on a égard aux variétés infinies de direction et de profondeur que peuvent offrir dans leur trajet les instrumens vulnérans, aux dimensions variables des espaces intercostaux dans les divers temps de la respiration, ce qui change nécessairement leurs rapports, on sentira combien il serait impossible de déterminer à priori, une de ces plaies étant données, quelles seront toutes les parties at- teintes par l'instrument. Il suffit d'avoir insisté sur les relations qui existent entre la hauteur des espaces et la position des orga- nes intérieurs, pour mettre les gens de l'art à même de trouver un guide dans les conjectures qu'ils devront former sur l'espèce de lésion qui leur sera soumise. La parlie supérieure et médiane de la poitrine, celle qui cor- respond à la fourchette sternale, sur les limites du col et de la cage thoracique, est un des points où les blessures peuvent offrir le plus de danger. Les parties de cette région les plus accessibles sont en haut, c'est-à-dire au bas du col, et sur les côtés des deux premiers espaces intercostaux. On remarque dans cette région, — 522 - à gauche, la veine sous-clavière et la terminaison des veines ju- gulaires externe et interne dans le tronc veineux braehio-cépha- lique gauche; au milieu les troncs veineux brachio-céphalique gauche et droit, et la terminaison des veines thyroïdiennes ; à droite, la réunion de ces troncs veineux et des jugulaires interne et externe pour former la veine cave supérieure. On trouve dans un plan plus profond le tronc innominé, l'origine des artè- res carotide primitive et sous-clavière très rapprochées des os, la mammaire interne qui vient gagner la face postérieure du sternum, accompagnée de ses deux veines, la carotide gauche ; plus profondément la sous-clavière donnant la mammaire gauche, le nerf vague, le nerf phrenique, la Irachée-artère, des ganglions lymphatiques, le nerf récurrent, l'œsophage, le grand symphatique, l'origine des artères vertébrale, intercostale supé- rieure et cervicale transverse, le ganglion cervical inférieur, le premier nerf dorsal et la partie la plus interne des plexus cervi- cal et brachial, ainsi que le canal thoracique, qui va se jeter dans la plaie sous la clavière gauche. Parmi les circonstances qui peuvent faire varier les résultats d'une plaie pénétrante, il faut mentionner les alternatives de di- latation et de resserrement auxquelles sont sujets les poumons et l'estomac. Le foie est aussi, plus ou moins, exposé à l'action des causes vulnerantes, à raison des différences qu'il présente dans son volume et dans sa position : pendant les mouvemens de la respiration il remonte et descend alternativement ; chez le fœlus et l'enfant, il déborde constamment les fausses côtes ; chez l'adulte, au contraire, il est complètement abrité par ces os, ex- cepté à la région épigastrique ; mais il peut grossir à un point tel, qu'il descende jusqu'à la région iliaque ; sur le cadavre et dans la position horizontale, il remonte quelquefois de 3 à 6 cen- timètres ; dans la position verticale, il descend de manière à dé- border les côtes. Les accidens qui accompagnent le plus souvent les blessures pénétrantes de poitrine sont l'hémorrhagie, l'épanchement de sang et l'emphysème. Blessures des poumons. Le danger de ces blessures est re- latif à l'hémorrhagie et à l'inflammation qu'elles peuvent occa- — 523 — sionner, ainsi qu'à la pénétration de l'air extérieur dans la cavité thoracique. L'hémorrhagie peut être assez considérable pour faire périr le blessé en très peu de temps, comme on le voit dans les blessures profondes, ou lorsque l'instrument vulnérant a ouvert les gros vaisseaux qui se trouvent à la racine des pou- mons ; non-seulement il y a alors perte d'une quantité notable de sang, mais encore compression de ces viscères par le liquide épanché : si la blessure est superficielle, l'hémorrhagie n'est pas à craindre. L'inflammation des poumons ne peut pas être con- sidérée comme essentiellement mortelle, puisqu'elle se termine souvent par résolution, et que, lorsqu'elle est suivie de suppura- tion ou d'induration, la mort n'a pas toujours lieu. Je renvoie aux traités de pathologie pour ce qui concerne les suites fâcheu- ses que peuvent avoir ces sortes de lésions, en me bornant à in- diquer ici que la suppuration des poumons est d'autant plus à craindre, que la plaie est plus profonde, et le blessé plus disposé à devenir phlhisique. La pénétration de l'air dans la cavité thoracique, regardée autrefois comme très dangereuse, ne l'est réellement que lorsque la quantité d'air introduite est considé- rable, les poumons se trouvant alors comprimés et dans l'impos- sibilité de se dilater ; mais on sait que, dans beaucoup de circon- slances, l'air extérieur éprouve des obstacles pour entrer dans la poitrine : ainsi, lorsque la plaie extérieure n'est pas très grande, si elle traverse obliquement les parties molles des parois du tho- rax, l'air extérieur ne pénètre pas, parce que les plaies des dif- férens plans ne conservent plus leur parallélisme, et que les lèvres de ces plaies restent souvent appliquées l'une contre 1'aulre. Cependant l'emphysème général peut encore se produire, l'air contenu dans le poumon, étant chassé lors du retrait de cet organe à travers la plaie, et de là dans l'épaisseur de la paroi tho- racique. S'il est vrai que la présence d'une balle dans un des poumons constitue un accident grave, il est également certain qu'elle ne fait pas toujours périr le blessé : on sait, en effet, que des indi- vidus dont la poitrine avait élé percée de part en part ont expec- toré une balle au bout de plusieurs années , et que d'autres ont vécu pendant quinze, dix-huit ou vingt'ans, sans éprouver d'in- — 524 - commodité notable, malgré la présence d'une balle dans les pou- mons, comme on a pu s'en convaincre par les ouvertures des cadavres. Mais des corps étrangers d'une autre nature peuvent être fixés dans le parenchyme pulmonaire : ce sont tantôt des morceaux de vêtemens, tantôt un fragment de l'instrument lui- même; le pronostic est assurément plus grave dans ces cas que, lorsque le blessé porte une balle lancée par la déflagration de la poudre à canon. L'issue d'une portion du poumon par un des espaces intercos- taux ou le pneumatocèle, est un accident rare et peu dangereux si l'on se hâte de la faire rentrer avec les doigts ou avec une sonde mousse : toutefois, si cette portion du poumon élait gan- grenée, état qu'il ne faut pas confondre avec la lividité et la sécheresse que cause l'impression de l'air, on devrait la fixer au dehors à l'aide d'un fil, ou l'exciser après avoir appliqué une li- gature afin de prévenir l'épanchement de sang dans la poitrine. L'observation démontre que les blessés qui ont subi cette opéra- tion n'éprouvent par la suite qu'une douleur légère sans oppres- sion, et une toux peu incommode. Tels sont les cas décrits par Roland, par Tulpuis dont le malade guérit en quinze jours, par Ruysch qui fut consulté pour un blessé sur le pneumatocèle du- quel un chirurgien avait déjà posé une ligature. Blessures du cœur. Péricarde. La lésion de la membrane séreuse qui enveloppe en grande partie le cœur, abstraction faite de la blessure d'organes plus importans, n'est dangereuse que par l'inflammation qui peut en résulter, et par les épanche- mens de sang et de sérosité qui en sont quelquefois la suite : sans doute, l'inflammation du péricarde est une maladie grave, d'au- tant plus qu'elle se propage facilement aux parties qui l'avoi- sinent ; mais l'art possède des moyens de la prévenir ou d'en diminuer les effets : c'est donc à tort que l'on a considéré les bles- sures de cette membrane fibro-séreuse comme essentiellement mortelles. Cœur. Il importe d'établir, avant d'examiner la léthalilé des lésions de cet organe, que le plus souvent elles intéressent le ventricule droit; dans certains cas les deux ventricules sont at- teints à-la-fois, mais il est rare que le ventricule gauche seul soit — 525 — blessé ; enfin on observe beaucoup plus rarement la lésion des oreillettes. Sur soixante-quatre observations de plaies du cœur recueillies par Ollivier (Dict. en 30 vol., tome vin, page 245) le ventricule droit avait été blessé vingt-neuf fois, le gauche douze fois seulement, et les deux ventricules avaient été intéressés si- multanément neuf fois. L'oreillette droite avait été blessée trois fois, et la gauche une seule fois. Sept fois la pointe ou la base du cœur avaient été effleurées, et dans trois cas le siège de la blessure n'était pas indiqué. Les blessures qui pénètrent dans les cavités du cœur déterminent instantanément la mort, si elles sont assez larges pour permettre au sang de s'échapper facile- ment; tandis que la blessure n'est mortelle qu'au bout de quel- ques heures ou de quelques jours, si, à raison de son étroitesse ou de son obliquité, le sang éprouve de la difficulté à sortir, ou qu'il se forme des caillots qui s'opposent à son écoulement. Par- mi les plaies pénétrantes du cœur, celles du ventricule gauche déterminent plus souvent la mort subite. 4° Dans un duel, auquel assistait Dimerbrock, l'un des combattans reçut un coup d'épée dans la poitrine, et tomba aussitôt : Quasi fulmine ictus concidit, moxque extinctus est. Le pouls exploré au moment même au poi- gnet et aux tempes avait cessé de battre; le ventricule gauche était traversé par l'épée {Anat.corp. hum., etc., lib.vi, c. 4).— 2° Dans un cas analogue rapporté par Timœus, la mort suivit instantanément la blessure : Subito- que concidens, illicà mortuusest, magnum profundumque, et in cordisus- que sinum sinistrum penetrans vulnus deprehendimus (Casus, Med. prax. triginta sex annorum obs., Leipzig, 4667,in-4°, lib. vi, obs. 38). — 3° J'ai ouvert, dit Ollivier, à l'hôpital d'Angers, le cadavre d'un gendarme tué d'un coup d'épée, et qui mourut de même subitement ; le ventricule gau- che seul avait été percé ; le cœur, dans un état de contraction extrême, était vide de sang ; le péricarde en était distendu. — 4° Dans l'assassinat commis par Papavoine, les deux malheureux enfans qu'il frappa mouru- rent sur le coup. Par une coïncidence singulière, le ventricule gauche du cœur fut traversé chez l'un et l'autre ; seulement, dans l'un il l'avait été d'avant en arrière, et le couteau s'était arrêté contre le rachis ; dans l'autre, il traversa le ventricule dans sa longueur et de haut en bas, en sorte que l'instrument pénétra assez profondément dans le foie. Je cite ce fait; ajoute Ollivier, d'après le rapport médico-légal, que m'a communiqué M. le doc- teur Denys (Dict. en 30 v., loc. cit.). D'autres fois les plaies pénétrantes du ventricule gauche lais- sent vivre le blessé pendant un temps plus ou moins |long. — 526 — 1° Un homme de trente-qnatre ans, aliéné, se fait une plaie d'apparence fort petite, au côté gauche de la poitrine, entre la cinquième et la sixième côte, à un pouce au-dessous et en dehorsdu téton, avec un instrumentlong, mince et aigu. Admis deux jours après à l'hospice de Bicêlre, la plaie est presque cicatrisée, mais elle est très douloureuse au toucher ; le pouls est très petit, intermittent; la respiration est anxieuse, et au-dessous de la plaie on entend un bruissement particulier, une sorte de crépitation ondu- leuse assez analogue à celle d'un anévrysme variqueux. Le malade assure n'avoir pu retirer de sa poitrine l'instrument dont il s'est frappé. On se borne à des saignées, à des applications de sangsues sur la région du cœur. Mais la respiration devient chaque jour plus difficile, moins ample; le ma- lade s'affaiblit, et meurt le vingtième jour de sa blessure. A l'ouverture on trouve au côté de la poitrine correspondant à la plaie une adhérence in- time de toute la face interne du poumon gauche au péricarde ; dans la ca- vité de ce sac, il existe dix à douze onces de sanie rougeatre, granuleuse, déjà fétide, et beaucoup de caillots fibrineux décolorés ; les parois de cette membrane sont épaisses, rugueuses et manifestement enflammées; enfin un stylet en fer, implanté dans la substance du ventricule gauche, est forte- ment engagé dans l'épaisseur de ses fibres; ce stylet avait traversé de part en part ce ventricule, et sa pointe avait pénétré de quelques lignes dans la cavité du ventricule droit. M. Ferrus, auteur de cette observation, pense avec raison que si le blessé a survécu vingt jours à une si grave blessure, cela tient à ce que l'instrument vulnérant est resté immobile dans la plaie, et par sa présence a tenu lieu de caillot; il a ainsi modéré l'hémorrhagie et l'épanchement de sang dans la poitrine, qui ne s'est fait que graduellement et qui en définitive a déterminé la mort. Il est aisé de voir combien il eût été dangereux dans ce cas d'extraire le corps vulnérant, et combien les saignées ont dû concourir à prolonger la vie (Académie royale de méde- cine. Procès-verbal de la séance du 27 juin 4826). 2° Un mendiant de Milan reçoit un coup de couteau qui traversa le ventri- cule gauche à sa partieantérieure; il s'écoula peu de sang à l'instant même; le blessé fit soixante-dix pas environ, s'assit, et mourut au bout d'une demi-heure, et vomissant son dîner (Morgagni, Epist. 63, sect. 26).—3° Un coup d'épée pénétrant entre la cinquième et la sixième côte gauche, perça le ventricule gauche dans sa partie supérieure : le blessé fit plus de cinq cents pas sans tomber, perdit très peu de sang, n'eut aucune difficulté de respirer, et succomba au bout de cinq heures (Courtial, Nouv. obs. anat. sur les os, Paris, 1705, in-12, p. 4 38).— 4° Un soldat vécut dix-sept jours après avoir reçu un coup d'épée au travers du sternum ; presque tous les jours il sortait une livre de sang par la plaie. L'épée avait traversé le ven- tricule gauche et la cloison interventriculaire (Fantoni, Giornale dëletle- ratid'Italia, t. xxi, page 145 et 4 46). On toit d'après ces faits combien était erronée l'opinion de — 527 - Galien, d'après lequel toutes les plaies pénétrantes du ventricule gauche étaient suivies de mort subite. Les plaies pénétrantes du ventricule droit peuvent elles-mêmes déterminer la mort immé- diatement après l'accident: qu'il me suffise de rapporter le'fait suivant qui appartient à Ollivier. Un voiturier de Bercy reçoit un coup de couteau au milieu de la poi- trine ; il fait deux pas pour s'appuyer contre un arbre, et tombe mort à l'instant même. Chargé par le ministère public de faire l'ouverture du cada- vre, je trouvai, dit ce médecin légiste, les cartilages des quatrième, cin- quième et sixième côtes gauches coupés net et très obliquement près de leur insertion au sternum. Le médiastin antérieur était infiltré de sang noir coagulé. Le péricarde offrait à sa partie antérieure une ouverture de deux pouces de longueur et de six lignes de largeur ; sa cavité était énormément distendue par une grande quantité de sang, dontla majeure partie étaitcoa- gulée. Le ventricule droit avait été ouvert à la réunion de son tiers supé- rieur avec ses deux tiers inférieurs, de manière que le bord droit et infé- rieur du cœur correspondait au milieu de cette plaie qui avait près de deux pouces de longueur. Deux des colonnes charnues qui s'insèrent à la valvule auriculo-ventriculaire avaient été complètement divisées. La contraction extrême du cœur, qui était vide de sang, donnait à son tissu la dureté et la sonorité du carton. Une assez grande quantité de sang avait jailli de la blessure au moment même, mais l'obliquité très grande de la section des cartilages costaux avait empêché qu'il ne s'en écoulât de nouveau : de là l'énorme distension du péricarde par ce liquide, la compression du cœur, et la mort subite (Dict. en 30 vol., tome vme). Quant aux plaies qui intéressent à-la-fois les deux ventricules, elles sont toutes presque immédiatement mortelles. Le blessé mourut au bout d'une heure dans un cas rapporté par Lucius (Bonet, Sepulch. anat., t. m, p. 358). Celui dont on lit l'ob- servation dans les Ephêmérides des curieux de la nature mourut au bout de cinq heures. Parmi les blessures qui bornent leur action à l'épaisseur des ventricules, il en est qui peuvent guérir, parce qu'il n'y a point d'hémorrhagie et que l'inflammation est peu considérable, comme on le voit lorsqu'une petite portion du tissu du cœur a été at- teinte , et qu'aucune des branches considérables des artères co- ronaires n'a été lésée. D'autres, au contraire, déterminent une hémorrhagie mortelle dans l'espace de quelques heures, ou font périr le blessé au bout de plusieurs jours, parce que, suivant — 528 — Boyer (Traité des mal. chirurg. lome vu, page 269), les pa- rois du cœur, affaiblies par la blessure, finissent par se rompre; toutefois l'observation démon ire que la mon n'est pas un résultat coastant de ces lésions. Dans aucune des observations re- cueillies par Ollivier , le blessé n'a succombé avant le sixième jour. Les blessures des oreillettes sont, en général plus dange- reuses que celles des ventricules, à cause du peu d'épaisseur de leurs parois, qui ne permet guère de supposer qu'elles puissent être lésées sans que l'instrument pénètre dans leur cavité et donne lieu à un épanchement dans le péricarde. Les blessures des gros troncs artériels ou veineux contenus dans la poitrine, qui partent du cœur ou qui s'y rendent, sont constamment mor- telles ; elles font périr subitement si elles sont considérables, et au bout de quelques jours si elles sont étroites. Blessures de la veine azygos. L'ouverture de la veine azy- gos peut être suivie d'une hémorrhagie mortelle, comme le prouve le fait suivant. Deux individus s'étant battus au pistolet, l'un d'eux fut blessé mortelle- ment près de la clavicule, et mourut trois jours après. Une incision circu- laire ayant été faite à quelques pouces de la plaie pour la cerner de toutes parts, on ouvrit la cavité droite du thorax et a ussitôt on vit s'écouler une grande quantité de sang liquide remplissant cette cavité, de telle façon que le poumon droit n'était pas apparent : on trouva celui-ci refoulé sur la par- tie antérieure et supérieure de la colonne vertébrale, comprimé, réduit à un très petit volume, ni distendu par l'air, ni erépitant, quoiqu'il n'offrit aucune trace d'inflammation dans son tissu ou dans son enveloppe séreuse. Toute cette cavité de la poitrine était tapissée par une couche fibrineuse d'un blanc rougeatre, disposée en fausse membrane, n'adhérant en aucun point à la plèvre et au poumon, dans les scissures duquel on ne la voyait point s'engager. Cette couche membraneuse paraissait être formée parla partie fibrineuse du sang, constituant une espèce de poche dans laquelle les parties cruoriques et séreuses de ce liquide étaient contenues, ainsi qu 'on le voit lors des grands épanchemens de sang dans les cavités splanchni - ques.Il importe d'indiquer avec détail cette disposition, pour signaler la différence entre cette espèce de kyste fibrineux et les fausses membranes, produites par l'inflammation de la plèvre, car on ne reconnut aucun signe de phlegmasie bien marqué dans le poumon, ni sur cette membrane séreuse costale ou pulmonaire. En disséquant couche par couche le trajet de la plaie, on vit qu'elle suivait une direction oblique de haut en bas, de dehors en de- dans et d'avant en arrière, que le corps vulnérant avait successivement — 529 — parcouru une ligne qui, partant du bord antérieur du tiers externe de la clavicule, traversait les muscles grand et petit pectoraux, le premier espace intercostal et les muscles qui le remplissent; puis, passant au-dessus du poumon droit, arrivait sur le côté droit du corps de la cinquième vertèbre dorsale, le traversaitde parten part, et se terminait au côté gauche de cette vertèbre. Dans ce trajet la clavicule avait été frôlée, et la veine sous-cla- vière effleurée à sa partie antérieure; les muscles pectoraux et intercostaux, la plèvre costale avaient été traversés ; le sommet du poumon droit avait été contus, la veine azygos ouverte un peu au-dessous de la courbure qu'elle décrit avant son embouchure dans la veine cave, sur le côté droit du corps de la cinquième vertèbre, et cet os avait été traversé ainsi que la plèvre qui recouvre sa partie gauche. Tout ce trajet, depuis l'orifice extérieur jusqu'à la cavité thoracique, était comme enduit par une matière purulente. Les tis- sus voisins étaient plus ou moins contus; l'ouverture delà paroi du thorax, correspondant à la partie externe du trajet, était fermée par la couche mem- braneuse que nous avons indiquée ; disposition qui devait s'opposer à la sortie, parla plaie extérieure, du sang épanché dans la cavité droite du thorax, tandis que l'orifice droit du trajet du corps vulnérant, traversant la colonne vertébrale était béant du côté de la cavité thoracique droite, orifiee par lequel avait dû se faire l'écoulement venant du tronc de la veine azy- gos. Le canal rachidien n'avait pas été ouvert par le corps vulnérant. Le poumon et la plèvre du côté gauche étaient dans l'état sain; un peu de sé- rosité rougeatre y était épanchée ; enfin à la partie inférieure de cette ca- vité on trouva une balle de plomb de i lignes et demie de diamètre. Il ré- sulte évidemment de ce qui précède, que la mort a été le résultat de l'épan- chement de sang produit par la lésion de la veine azygos; et comme la circulation dans ce vaisseau se fait principalement de bas en haut, qu'une valvule existant vers son orifice du côté de la veine cave, s'oppose au reflux du sang de la veine cave dans la veine azygos, l'épanchement n'a pu être produit que par le sang ramené de l'abdomen par la grande veine azygos, et conséquemment être lent et successif, ce qui explique suffisamment pour- quoi la mort n'a pas été l'effet immédiatement de la blessure [Rapport mé- dico-légal sur une plaie d'arme à feu, par Breschet, année 4 828). Blessures de l'œsophage. On concevra facilement combien il doit être rare d'observer la section complète et transversale de la portion thoracique de l'œsophage : cette blessure est né- cessairement mortelle. Si, comme il arrive plus souvent, l'œso- phage a été blessé par un instrument aigu, la mort ne peut pas avoir lieu lorsque la blessure est peu étendue et que le poumon n'a pas élé intéressé. Payen d'Orléans parvint à guérir un individu dont l'œsophage avait été traversé de part en part par un coup de baïonnette porté à la partie antérieure et supérieure droite n. 34 - 530 - de la poitrine : la lésion de ce conduit musculo-membraneux était mise hors de doute par la sortie des boissons par la plaie. Voici d'ailleurs cette observation telle que Boyer nous l'a trans- mise : Un employé des contributions indirectes, âgé de vingt-quatre ans, d'un tempérament robuste, reçut à la partie autérieure et supérieure droite de la poitrine un coup de baïonnette. Tout entier au sentiment de sa conser- vation, et poursuivi par le délinquant qu'il avait découvert, il fit, en fuyant, plus d'une demi-lieue pour arriver à son domicile, et n'éprouva dans ce trajet aucune douleur; mais bientôt quelques accès de toux provoquèrent des crachemens de sang. M.Payen le vit une heure après l'accident ; il le trouva dans un état d'angoisse inexprimable, et couché sur le côté droit ; la respiration était laborieuse, une douleur vive se faisait sentir dans tout le côté droit de la poitrine et se propageait jusqu'à la hanche du même côté ; le pouls était élevé et fréquent; le moindre mouvement difficile et doulou- reux ; une plaie anguleuse de 4 lignes d'étendue se présentait à un pouce du sternum entre la troisième et la quatrième côte ; elle n'avait versé que très peu de sang ; mais à chaque expiration et plus encore pendant la toux, l'air s'en échappait avec impétuosité, et pouvait éteindre une lumière à 7 ou 8 pouces de distance. Le pansement fut simple et.ne consista qu'en un peu de charpie, quelques compresses trempées dans une liqueur résolutive et un bandage de corps. On pratiqua une forte saignée du bras, et trois heures après une second saignée; celle-ci produisit du soulagement. Le lendemain, le pouls était fort, les douleurs vives encore, la toux moins fréquente, mais la respiration toujours gênée ; on fit une troisième saignée, non moins copieuse que les deux autres ; les crachemens de sang avaient cessé. Le troisième jour, en détachant le plumasseau qui s'était collé sut les bords de plaie, elle donna issue à une assez grande quantité d'un liquide très rouge, moins consistant que du sang. Cette évacuation rendit la res- piration plus facile ; le soir, nouvelle évacuation aussi abondante que la première d'un liquide de même nature; elle diminua l'anxiété qui s'était reproduite. Depuis ce moment elle a lieu continuellement et même par jets, orsquela plaie est découverte et que le malade tousse. Elle continue pen- dant plusieurs jours et avec une abondance telle, qu'un grand nombre de serviettes en sontinondées dans les vingt-quatre heures ; cependant sa teinte est de jour en jour moins foncée ; le dixième jour, elle n'est presque plus colorée. Quoique le malade bût beaucoup, ses urines étaient rares, très foncées et sédimenteuses. « Je soupçonnai alors, m'écrit M. Payen, que la quantité prodigieuse de liquide que versait la plaie était fournie parles boissons qui, au lieu de descendre dans l'estomac, tombaient dans la cavité thoracique droite en passant par une plaie faite à la partie moyenne de la — 531 — portion pectorale de l'œsophage. Pour en acquérir la certitude, j'adminis- trai au malade des potions huileuses, des boissons mucilagineuses diverse- ment colorées, un lait de poule, etc.; toutes ces substances venaient mouil- ler les compresses sans être dénaturées. « Après avoir examiné avec soin la forme et les dimensions de la baïon- nette qui avait fait la plaie, je jugeai que celle-ci devait avoir peu d'éten- due, l'instrument ayant dû s'arrêter sur la colonne vertébrale, après avoir traversé l'œsophage de part en part. Deux moyens se présentaient pour l'indication que j'avais à remplir. Le premier consistait à introduire par la méthode connue une grosse sonde de gomme élastique dans l'œsophage, destinée à porter les boissons au-delà de la blessure et même jusque dans l'estomac. Le second n'était autre chose que la privation absolue ou pres- que absolue de boissons pendant plusieurs jours. Je préférai le dernier comme plus simple et moins incommode; il était d'autant plus excusable que la soif était devenue moins pressante par la diminution des accidens inflammatoires. Le malade s'y soumit avec docilité ; je lui permis seule- ment de se rafraîchir la bouche de temps en temps avec un petit quartier d'orange ; je lui fis administrer des lavemens nourrissans. Mais affaibli par les saignées et le traitement antiphlogistique, le malade éprouva au bout de quatre jours des besoins que ne pouvait plus apaiser son nouveau ré- gime; je cédai à ses instances, et je lui permis d'avaler quelques cuillerées de boisson. Le liquide fourni par la plaie n'en devint pas plus abondant, et bientôt cet écoulement ne fut que purulent, ce que j'attribuai à l'épuise- ment total du liquide antérieurement épanché. Enfin devenu plus hardi par ce succès, je passai aux boissons alimentaires, et bientôt aux alimens solides. » Les forces se rétablissaient ; cependant le malade ne pouvait se coucher que sur le côté droit, et il lui restait un peu de fièvre, dont les légers pa- roxymes s'annonçaient irrégulièrement par du frisson ; la marche dans la chambre faisait naître de l'oppression. Il faisait le premier essai de ses forces à la campagne; trente jours après son accident, lorsque, après un repas trop copieux, il eut une indigestion. Les efforts du vomissement provoquè- rent l'expectoration d'une quantité de pus très abondante ; ce crachement dura quinze jours. Sa cessation, celle de la fièvre, des crachats purulens et de l'oppression, firent connaître que le foyer de l'abcès était tari, ce que confirmait encore la percussion. Les forces revinrent lentement ; et le ma- lade ne put reprendre les fonctions de sa place que plusieurs mois après sa blessure (Boyer, Mal. chirurg., tome vu, page 270). Il a été souvent question, dans l'histoire des lésions, de la poitrine, de l'hémorrhagie, de l'épanchement sanguin et de l'em- physème qu'elles peuvent déterminer ; il importe de les étudier séparément. L'hémorrhagie peut être le résultat de la lésion 84. — 532 — des vaisseaux artériels du cœur et des poumons, de l'aorte et de ses principales divisions, de l'artère mammaire interne, des deux veines caves, et de la veine azygos ; je ne reviendrai pas sur les dangers qui l'accompagnent. Elle peut tenir à l'ouverture d'une ou plusieurs artères intercostales : ici la blessure n'est pas de nécessité mortelle, parce que l'art possède des moyens d'ar- rêler l'hémorrhagie ou d'évacuer le sang qui serait épanché dans la cavité du thorax. Quant aux plaies de l'artère mammaire in- terne, elles peuvent amener des accidens funestes, malgré l'as- sertion contraire de Larrey. L'épanchement de sang dans la poitrine, quelle que soit sa cause, ne tarde pas à faire périr le malade dans la plupart des cas, s'il est considérable (1). Un militaire reçoit un coup de sabre dans la poitrine, un peu au-dessous du mamelon droit; il perd une abondante quantité de sang et succombe peu d'instans après. A l'ouverture du cadavre on trouve un épanchement sanguin énorme dans la plèvre droite ; le lobe moyen et le lobe inférieur du poumon de ce côté sont traversés de part en part par la lame du sabre, en sorte qu'il existe quatre plaies pulmonaires, une d'entrée et une de sortie à chacun des lobes inférieurs; la veine azygos est divisée transversalement et le ligament vertébral antérieur est profondément sillonné; si le sabre eût pénétré un peu plus loin l'artère aorte eût été atteinte. On peut au contraire espérer de secourir efficacement le blessé en pratiquant une ouverture qui permette au sang de sortir, surtout si la quantité de liquide n'est pas grande ; mais il ne faut pas se dissimuler combien il est difficile, dans certains cas, d'établir le diagnostic d'un pareil épanchement. Les auteurs, il est vrai, n'ont pas manqué de donner un ensemble de signes propres à lever la difficulté dans quelques circonstances : tels sont la gêne delà respiration, la difficulté de se tenir couché sur le côté opposé à celui qui est le siège de l'épanchement, la plus (1) Je dis dans la plupart des cas ; on sait en effet que dans certaines circon- slances, à la vérité fort rares, des lésions de ce ^enre ont été traitées avec succès. larrey a présenté à l'Académie des sciences, le 5 août 1822, l'observation d'un jeune militaire atteint d'un épanchement sanguin énorme qui s'était formé dans la cavilé thoracique, par suite d'une plaie pénétrante, avec lésion du poumon et de l'artère intercostale, près de son origine de l'aorte. Cette blessure, guérie à la suite de l'opération de l'empyème, avait été faite par la lame d'un sabre, qui avait tra- versé de part en part et d'avant en arrière tout le côté droit de la poitrine. — 533 — grande élévation et le plus grand évasement de la parlie du tho- rax qui contienl le liquide épanché, le son mat de celle portion de la poitrine, les ondulations du liquide épanché, l'apparition vers l'angle des fausses côtes d'une ecchymose d'un violet clair, qui paraît plusieurs jours après la blessure, et que Valentin avait regardée à tort comme constante, la sortie du sang et de l'air par la plaie à chaque mouvement d'expiration, la petitesse, la fréquence et l'irrégularité du pouls, etc. Parmi ces signes, il en est un qui a beaucoup plus de valeur que les autres ; c'est la sor- tie du sang et de l'air par la plaie ; les autres sont trompeurs ; cependant leur ensemble peut porter à croire que l'épanchement existe, sans permettre de l'affirmer. Combien de fois n'a-t-on pas vu des individus succomber à cette cause, sans avoir éprouvé de gêne sensible dans la respiration, et ayant toujours joui de la faculté de se coucher indistinctement sur le côté sain et sur celui qui était malade ; ne sait-on pas, d'une autre part, que des blessés ont élé guéris par les soins ordinaires, lorsque tout concourait à prouver qu'ils étaient en proie à un épanchement considé- rable7 L'homme de l'art pourrait donc êlre blâmé s'il avait pra- tiqué des incisions pour donner issue au sang, avant d'avoir examiné avec le plus grand soin toutes les circonstances suscep- tibles de l'éclairer. Il s'en faut de beaucoup que Xemphysème produit par une blessure de poitrine soit propre à faire apprécier la gravité de la lésion : admettons en effet qu'un emphysème considérable suppose que le poumon a été blessé dans une assez grande éten due, il ne faut pas conclure pour cela que la blessure est grave ; au contraire tout porte à croire qu'il n'y a eu que de très petits vaisseaux ouverts, et que l'épanchement de sang est léger ; car, sans cela, il n'y aurait pas de place pour l'air. On sait d'ailleurs que dans certaines lésions peu étendues des poumons, suivies d'un épanchement considérable, et parconséquent fort graves, il n'y a point d'emphysème ; d'une autre part, celui-ci peut exis- ter, comme je l'ai déjà dit, sans que le poumon ait été lésé, l'air extérieur s'introduisant dans la poitrine par la plaie au mo- ment de l'inspiration pour en être chassé pendant l'expiration. Blessures du diaphragme. Il est impossible de révoquer en — 534 — doute la gravité des blessures du diaphragme, à cause de la gêne qu'éprouve la respiration, soit que les viscères abdominaux aient pénétré dans la cavilé thoracique, soit qu'il y ait simple- ment inflammation de ce muscle ; la première de ces causes pcul même être suivie d'asphyxie et d'une mort prompte si les pou- mons ont été fortement comprimés par les organes de l'abdomen. Toutefois il n'est pas sans exemple que des blessures dans les- quelles la partie charnue du diaphragme qui est en rapport avec les premières vertèbres lombaires avait été percée, n'aient pas été suivies de la mort. Insenflamm a observé trois cas de celle nature (Recherches anatomiques, Erlangen, 1822). Le danger des plaies du diaphragme est d'autant plus grand, qu'elles sont plus étendues et qu'elles sont compliquées de lésions d'organes plus importans et plus mobiles. Je rappellerai ici que la blessure des nerfs diaphragmatiques est nécessairement mortelle. Blessures du bas-ventre. J'adopterai, comme pour les blessures de la poitrine, la divi- sion des plaies de l'abdomen en celles qui pénètrent et celles qui ne pénètrent pas dans sa cavité. Les mêmes considérations se présentent ici relativement à la base que le chirurgien doit adop- ter pour distinguer ces "plaies les unes des autres. Une plaie pé- nétrante sera celle qui intéressera un organe quelconque contenu dans l'abdomen, que le péritoine soit ou ne soit pas lésé ; c'est en effet lablessure de ces organes qui donne au pronostic des plaies du bas-ventre une certaine gravité. Cependantlablessureestbien plus grave, si le viscère blessé laisse épancher desliquides dans la cavité péritonéale, que lorsque la matière de l'épanchement tombe dans le tissu cellulaire sous-séreux, à cause de la position de la plaie faite sur un point que le péritoine ne recouvre pas ; ainsi, par exemple , une lésion de la face antérieure de la vessie, ou de la parlie postérieure du colon ascendant ou descendant estbien moins grave que celle qui intéresse la face séreuse de ces viscères. A. Blessures non pénétrantes du bas^ventre. Plusieurs cir- constances se réunissent pour faire regarder ces blessures, que l'on croirait au premier abord devoir être fort légères, comme — 535 — pouvant êlre dangereuses. Tantôt elles sont compliquées de l'ou- verture des artères mammaires internes el épigastriques, et l'hé- morrhagie qui en résulte peut être mortelle si le blessé n'est pas secouru à temps ; tantôt elles sont suivies d'une inflammation considérable, de foyers purulens, de trajets fistuleux : dans cer- taines circonstances les organes génitaux sont lésés, ou l'on a à craindre des hernies et leurs suites, etc. Piqûres. Les piqûres de l'abdomen qui n'atteignent pas le cordon spermatique, les vertèbres ou les os du bassin, doivent être regardées comme simples et faciles à guérir, à moins que des artères ou des filets nerveux n'aient été blessés, ou qu'il ne se soit développé une inflammation grave ; en effet, si, comme on le voit souvent, une artère d'un certain calibre s'est ouverte, et si, à raison de l'étroitesse de la plaie, de son obliquité et du gonfle- ment qui survient dans son trajet, il n'y a point d'hémorrhagie extérieure, le sang s'épanche dans le tissu cellulaire, et produit une tumeur qui peut s'enflammer et donner lieu à un abcès san- guin ; or cet abcès n'est pas sans danger, ainsi que je vais le dé- montrer bientôt. Supposez, au contraire, qu'il n'y ait point de lésion d'artères, mais que la piqûre se complique d'inflammation, comme on l'observe surtout lorsqu'elle a son siège dans l'épi- gastre ou dans les muscles droits, le blessé peut succomber à cette complication dans l'espace de sept à huit jours ; et, s'il ne périt pas, il se forme des foyers purulens auxquels succèdent des fistules difficiles à guérir. Les dangers des abcès de cette nature sont généralement connus : on sait qu'il faut les ouvrir aussitôt qu'ils sont formés, si l'on veut éviter des accidens qui amènent souvent la mort dans très peu de temps, ou empêcher le pus de pénétrer dans l'abdomen après avoir altéré le péritoine, et de s'étendre jusqu'au bassin. Je parlerai plus basMes piqûres où le cordon des vaisseaux spermatiques, les vertèbres et les os du bassin ont élé lésés. Plaies par instrument tranchant. Les dangers de ces plaies sont de toute autre nature : rarement l'inflammation qui les ac- compagne est assez vive pour constituer une véritable'complica- lion ; et s'il est vrai qu'elles donnent souvent lieu à l'hémorrhagie, celle-ci peut êlre facilement arrêtée, d'autant plus qu'il est aisé — 536 — d'apercevoir le vaisseau qui a été ouvert. Ce qu'il y a plus particu- lièrement à craindre dans ces sortes de blessures, ce sontles her- nies : en effet, lorsque la plaie occupe la région ombilicale, et notamment les points inférieurs à l'ombilic, la hernie peut avoir lieu sur-le-champ ; et, en supposant même que le blessé guérisse sans que les viscères abdominaux soient sortis de leur cavilé, la parlie lésée reste faible et singulièrement disposée aux hernies : c'est ce qu'on remarque surtout lorsque les muscles abdominaux ont été coupés transversalement, parce qu'alors la réunion des bords s'est opérée fort lentement, et n'a pu se faire qu'au moyen d'une substance celluleuse intermédiaire beaucoup 'plus faible que le tissu musculeux. Quoi qu'il en soit, il résulte de ce qui précède que les plaies de ce genre sont en général moins dange- reuses que les piqûres. Contusions. Quelle que soit l'intensité des contusions des pa- rois de l'abdomen, si leurs effets ont été bornés à ces parois, la blessure n'est pas grave : le malade reste seulement exposé aux hernies; mais si les viscères abdominaux ont été fortement ébran- lés, contus ou déchirés, par un coup porté sur un point éloigné de la parlie qu'ils occupent, la blessure peut avoir des suites fâ- cheuses. Les organes qui sont le plus souvent atteints de pa- reilles contusions sont le foie, la rate, les reins et la matrice dans l'état de' grossesse : rarement la contusion est bornée à un de ces viscères. Elle peut être assez forte pour déterminer leur meurtrissure, leur rupture, et l'ouverture des gros vaisseaux : alors la mort a lieu sur-le-champ ou dans une espace de (temps fort court, et souvent sans que la peau de l'abdomen présente à l'extérieur des traces de violence : ce qui dépend de son extrême souplesse et delà solidité de son tissu. Quelquefois cependant la rupture d'une veine d'un assez fort calibre ne détermine la mort qu'au bout de plusieurs jours, comme le prouve le fait rapporté à l'Académie royale de médecine par Déguise père, et dans le- quel il s'agit d'un individu qui succomba après avoir reçu un violent coup de pied dans le flanc gauche, et qui, dans les der- niers temps, présenta tous les symptômes d'une péritonite. A l'ouverture du cadavre on trouva une inflammation générale du péritoine avec épanchement sanguin, et la veine splénique com- — 537 — plétement rompue (Séance du 28 septembre 1824). — Si la contusion est moins violente, le danger n'est pas aussi grand, quoique pourtant elle puisse occasionner l'avortement et des in- flammations qui se terminent quelquefois par suppuration ou par gangrène, «auxquelles les malades succombent au bout de quel- ques jours, malgré les secours de l'art les mieux dirigés. Enfin il peut arriver à la suite de ces contusions que les blessés, qui n'a- vaient d'abord éprouvé que de très légers accidens, soient atteints de rélrécissemens du canal intestinal, de tumeurs de diverse nature, elc. Il est rare que les plaies contuses des parois du bas-ventre soient compliquées d'hémorrhagie : elles ne sont dan- gereuses, lorsqu'il n'y a pas eu contusion des viscères abdomi- naux, que par l'inflammation qui les accompagne ordinaire- ment (V. Piqûres, p. 535). Les plaies d'armes à feu qui n'intéressent que les parties molles des parois de l'abdomen ne méritent de fixer l'attention de l'homme de l'art que sous le rapport de l'inflammation : or l'observation démontre que si l'on a pratiqué les incisions néces- saires pour donner issue à la balle, la phlogose ne s'étend pas au-delà du degré nécessaire pour que la suppuration s'établisse ; toutefois, si les aponévroses ont été lésées, il se développe ordi- nairement des accidens graves qui pourraient faire croire au premier abord que les organes intérieurs ont été atteints, et qui dépendent de la résistance qu'opposent ces aponévroses, et du gonflement des parties sous-jacentes. Souvent ces sortes de plaies paraissent de prime abord être pénétrantes, et cependant elles ne présentent pour le pronostic que les considérations que je viens d'émettre relativement aux plaies qui ne pénètrent pas ; cela tient à ce que la balle a labouré l'épaisseur de la paroi en contour- nant les aponévroses sur lesquelles elle s'est réfléchie ; en un mot, les projectiles suivent quelquefois un trajet curviligne autour de l'abdomen, comme autour du crâne, du thorax, etc. Si les plaies d'armes à feu intéressent la colonne vertébrale, elles sont beau- coup plus graves, lors même qu'il n'y a point contusion des vis- cères abdominaux. Le danger de ces lésions.est relatif aux fractures des vertèbres, à la nature de ces fractures, à la diffi- culté que l'on éprouve à retirer la balle, et surtout à la commo- — 538 — tion et à la déchirure de la moelle épinière. La fraclure du corps est plus grave que celle des apophyses épineuses et transverses, parce qu'il peut se former une infiltration purulente dans l'inté- rieur du canal rachidien, et que d'ailleurs il est plus difficile de faire l'extraction des esquilles et de la balle : les blessés périssent même lorsque le projectile ne peut êlre retiré du corps des ver- tèbres, et qu'il y a en même temps lésion des muscles psoas cl iliaque, ou des viscères qui les avoisinent. La paralysie des ex- trémités inférieures et de la vessie, qui peut se manifester im- médiatement, ou quelque temps après ces blessures, n'est pas toujours mortelle ; il n'est pas rare cependant de voir les malades qui ont été délivrés de cet accident conserver une grande fai- blesse dans ces organes. B. Blessures pénétrantes du bas-ventre. Le meilleur moyen d'apprécier les diverses lésions qui peuvent être la suite des blessures pénétrantes de l'abdomen, c'est de rappeler les noms des organes qui occupent chacune des régions de cette cavité viscérale : 1° Zone épigastrique. Elle se subdivise en trois ré- gions, les deux hypochondres et l'épigastre; dans l'hypochondre droit on trouve une portion du diaphragme et tout le grand lobe du foie ; dans l'hypochondre gauche, le grand cul-de-sac de l'es- tomac et la rate ; à l'épigastre une portion considérable du lobe gauche du foie, le cardia, la partie médiane de l'estomac, et le pylore qui est sur la limite de l'hypochondre droit et de l'épi- gastre, le petit épiploon, la vésicule biliaire et ses canaux, les artères hépatique et stomachique, la veine porte, la première portion du duodénum, la grande veine mésaraïque, l'artère mé- sentérique supérieure, l'artère et la veine spléniques, le tronc cœliaque, le petit lobe du foie, les ganglions et plexus consti- tuant le centre épigastrique ou cerehrum abdominale, la veine cave, l'aorte, le canal thoracique, les piliers du diaphragme, et sur les côtés, les vaisseaux du rein. 2° Zone ombilicale. Cette zone se subdivise de même que la précédente en trois régions : savoir, sur les côtés, les flancs droit et gauche el au milieu la région ombilicale ; du côté droit on trouve une portion du lobe droit du foie qui descend quelquefois jusque dans la fosse iliaque droite, le colon lombaire ascendant, — 539 — le rein droit et la capsule surrénale du même côté ; à gauche, on ne trouve dans cette régionjaucune partie de la rate, sauf les cas où ce viscère a des dimensions considérables; on y voit le colon lombaire gauche ou descendant, le rein gauche et la capsule sur- rénale du même côté ; dans la région ombilicale proprement dite on trouve l'intestin grêle ; mais il est à remarquer que cette par- lie du canal intestinal n'est pas exclusivement concentrée dans la région ombilicale, mais qu'elle déborde latéralement les por- tions droite et gauche du colon, tandis qu'inferieurement elle plonge dans le bassin, en sorte que les instrumens vulnérans en pénétrant dans la région lombaire, peuvent faire une plaie de l'intestin grêle. On trouve encore dans la région ombilicale pro- prement dite le grand épiploon et le colon transverse, le méso-co- lon iransverse, le tronc cœliaque placé sur la limite de l'épigastre cl de l'estomac, l'artère mesenterique supérieure et la veine du même nom, les artères et les veines émulgentes; les vaisseaux spermatiques, les uretères, l'aorte, la veine cave, le canal thora- cique, le mésentère, les ganglions et les vaisseaux lymphatiques, les deux nerfs grands sympathiques, les artères lombaires et le commencement de la mesenterique inférieure. 3° Zone hypogastrique, au milieu est l'hypogastre, à droite et à gauche les régions iliaques. Dans la région iliaque droite le cœcum et son appendice ; à gauche l'S iliaque du colon ; au mi- lieu l'uretère, le canal déférent, les vaisseaux spermatiques, l'ar- tère sacrée moyenne, l'origine des vaisseaux iliaques (artères et veines), la terminaison de la mesenterique supérieure, la partie supérieure du rectum, une partie plus ou moins considérable de l'intestin grêle qui, dans l'état normal, présente toujours quel- ques anses au-devant du rectum, le nerf inguino-cutané, l'artère épigastrique et ses veines satellites, la sous-cutanée abdominale et le nerf crural 5 à tout cela il faut ajouter la vessie et l'utérus qui dans leur état de vacuité se placentdans le petit bassin, mais qui dans l'état de plénitude peuvent envahir non-seulement l'hy- pogastre, mais même la région ombilicale. Je ferai remarquer relativement à l'estomac que durant l'in- tervalle des digestions il est pour ainsi dire relégué dans l'hypo- chondre gauche, qu'il est alors moins exposé à l'action des corps — 540 — vulnérans, et que la région épigastrique pourrait être traversée de parten part, sans que cet organe fût atteint, s'il était dans l'état de vacuité. M. Velpeau rapporte qu'un homme avait eu le ventre traversé de part en part par un coup d'épée qui avait pé- nétré à 9 centim. en dehors et au-dessus de l'ombilic du côté gauche, et était sorti à droite entre la neuvième et la dixième côte ; l'instrument, après avoir rasé la face inférieure du foie, avait blessé cet organe au-dessus de la vésicule biliaire ; le petit épiploon était percé; mais l'estomac et le colon Iransverse qui se trouvaient en bas et à gauche de la direction suivie par l'épée n'étaient pas intéressés. Dans l'appréciation des probabilités de lésions de l'utérus et de la vessie, il faut avoir égard à l'état de distension et de proémi- nence où ces organes peuvent se trouver par suite de la gesta- tion pour le premier, et à cause de la présence de l'urine pour le second ; on sait aussi que la situation de la vessie chez le fœ- tus, hors de l'excavation pelvienne, expose cet organe à être plus facilement atteint. Il est inutile d'ajouter qu'àla suite de hernies, les viscères de la cavité abdominale peuvent être déviés de leur position normale, et que d'ailleurs on a observé chez l'adulte un très grandnombre d'aberrations de situation de ces viscères. Dans ces cas exceptionnels on ne peut deviner quels sont les organes dont les blessures compliquent les plaies pénétrantes du bas-ventre. D'ailleurs il est aisé de prévoir que toutes les blessures péné- trantes de l'abdomen n'offrent pas le même danger. Il en est qui guérissent facilement, parce qu'elles ne sont suivies ni delà sor- tie des viscères abdominaux, ni d'inflammation du péritoine, ni d'épanchement de sang, d'un autre liquide ou d'un gaz, ni de la lésion des viscères abdominaux, et qu'elles ne sont pas compli- quées de la présence d'un corps étranger : tels sont en effet les accidens qui aggravent les blessures dont je parle, et sur les- quels je crois devoir m'arrêter un instant avant d'examiner les lésions de chaque organe en particulier. Sortie des viscères abdominaux. C'est particulièrement dans les plaies par instrument tranchant que l'on voit les viscères les plus mobiles du bas-ventre s'échapper au-dehors, en partie ou en totalité, suivant l'étendue de la lésion. Il est rare que le colon — 544 — transverse se montre entre les lèvres de la plaie ; l'estomac s'y présente encore plus rarement, tandis qu'il est assez commun d'y trouver l'épiploon et les intestins grêles. Si l'intestin grêle est sorti par la plaie, en totalité ou en par- tie, et qu'il soit sain, on le fait rentrer dans l'abdomen, sans que le danger de la blessure soit plus grand : il en est à-peu-près de même lorsque la réduction a été faite sur un intestin froid livide ou noir, mais assez rénitent et élastique pour faire croire qu'il n'est pas gangrené. Lorsque l'intestin est étranglé , soit parce qu'il est enflammé ou distendu par une grande quantité d'air, soit parce que les lèvres de la plaie sont gonflées, la bles- sure est plus grave : en effet, l'inflammation se déclare, et l'in- testin peut être frappé de gangrène si l'on ne se hâte de recourir aux moyens propres à faire cesser l'étranglement, soit en exer- çant de légères pressions sur l'intestin pour en diminuer le vo- lume et en le tirant à soi, soit en agrandissant la plaie suivant les préceptes de l'art. Ce dernier moyen ne doit être mis en usage que lorsque les autres ont été infructueux. Si l'étranglement de l'intestin a été suivi de sa gangrène, le cas est beaucoup plus grave, parce qu'on ne peut plus réduire le viscère, qu'il faut au contraire retrancher la portion privée de vie, et que la blessure ne peut guérir qu'au moyen d'un anus artificiel. On peut encore chercher à rendre au conduit intestinal sa continuité, comme je le dirai en parlant des blessures de l'intestin (Voyez page 5â6). Heureusement il n'est pas commun d'observer une pareille com- plication, parce que l'homme de l'art prévoyant celte terminaison funeste de l'inflammation, procède à la réduction avant qu'elle se soit développée. Lorsque l'épiploon s'échappe au-dehors de la plaie, on doit le repousser dans l'abdomen, s'il est sain : la blessure n'en est pas plus dangereuse, à moins que cet épiploon ne contracte des adhé- rences avec la partie postérieure des lèvres de la plaie ; car alors le blessé ressent parfois des douleurs et des tiraillemens après les repas : ces accidens sont quelquefois assez foris pour obliger les malades à se tenir courbés en avant pendant la première époque de la digestion. Si, par un des motifs que je viens d'indi- quer dans le paragraphe précédent, l'épiploon est étranglé, on — 542 —- est obligé, suivant les circonstances, de retrancher la portion flottante de ce repli membraneux ou d'agrandir la plaie ; ce der- nier moyen a l'inconvénient de prédisposer aux hernies consé- cutives, tandis que l'autre peut entraîner l'adhérence de l'épiploon avec la plaie, et par conséquent des douleurs et des tiraillemens après le repas ; d'où il suit que, lors même que l'étranglement de l'épiploon n'occasionnerait point l'inflammation et la gangrène, il ne devrait pas être considéré comme constituant une blessure légère, dans toute l'acception du mot. Si l'épiploon est gangrené, et que l'homme de l'art, se conformant aux préceptes établis par les meilleurs auteurs, abandonne à la nature la portion gangre- née, ou en retranche une partie en ayant soin de ne point couper le vif, il s'établit des adhérences de l'épiploon avec la plaie : or cette terminaison, qui est sans contredit la plus heureuse, n'est pas exempte de dangers ; outre les inconvéniens que j'ai déjà signalés, elle expose le blessé à une rupture de l'épiploon. Si, au lieu d'agir comme je viens de le dire, le chirurgien réduit l'épi- ploon gangrené, il peut se développer une inflammation abdo- minale promptement mortelle. S'il pratique la résection de la portion gangrenée dans l'endroit où la constriction a eu lieu, ou dans le point qui sépare la portion saine de celle qui ne vit plus, et qu'il procède à la réduction après avoir touché avec une li- queur astringente les vaisseaux qui fournissent du sang, il ex- pose le blessé à périr d'hémorrhagie, la circulation pouvant se rétablir dans les vaisseaux crispés dès qu'ils seront sous l'in- fluence de la chaleur de l'abdomen. L'inflammation du péritoine, dont tous les médecins con- naissent la marche et les dangers, est souvent le résultat des blessures pénétrantes du bas-ventre; il est cependant des cas où l'instrument vulnérant n'atteint pas cette membrane séreuse : ainsi dans les plaies du périnée, des lombes et des flancs, la ves- sie , le rectum, les reins et le colon peuvent avoir été blessés dans la portion dépourvue de péritoine. Il y a plus, on a vu quel- quefois des blessures faites dans un des espaces intercostaux pénétrer jusqu'au foie ou à la rate, sans que cette membrane fût enflammée, ce qui tenait à ce qu'elle n'avait pas été divisée, ou à ce que le désordre de la blessure n'était pas grand. — 543 — L'épanchement d'un liquide ou d'un gaz dans la câYité de l'abdomen suppose la lésion de l'organe qui les renfermait, mais il ne suit pas de là que toutes les fois que cet organe est lésé, l'épanchement doive avoir lieu ; l'observation démontre même que le foie, les intestins, les vaisseaux sanguins, etc., sont sou- vent blessés, sans que les matières qu'ils contiennent se soient épanchées en quantité notable. Avant de parler de chacun des fluides qui peuvent abandonner leurs réservoirs pour se ré- pandre dans l'abdomen, je dirai que les épanchemens de sang et des matières fécales sont les plus communs, que ceux de bile et d'urine sont beaucoup plus rares, et qu'il est encore moins ordi- naire d'observer des épanchemens de gaz. — Épanchement de sang. Il peut se faire rapidement ou lentement : dans le premier cas, l'ouverture du vaisseau est considérable et le sang poussé avec force ; le blessé peut succomber en peu de temps à l'hémor- rhagie dont il éprouve tous les symptômes. Si, comme il arrive plus ordinairement, l'épanchement se fait avec lenteur, il ne produit jamais dès le principe des accidens très graves; ce n'est qu'au bout de quatre à huit jours qu'on en observe les signes : or il n'est guère permis alors d'espérer que la résorption puisse se faire complètement pour peu que la quantité de sang épanché soit considérable ; la mort est donc le résultat inévitable de cet accident, à moins qu'à l'aide d'incisions méthodiques et prati- quées à temps on ait provoqué l'issue du liquide, ou que celui-ci ait été rendu spontanément par l'anus ou par des abcès, comme on l'a vu, rarement à la vérité. L'épanchement des matières contenues dans l'estomac et dans les intestins suppose le plus ordinairement que la lésion de ces viscères a une certaine éten- due ; car si elle était légère, les matières trouveraient moins d'obstacles à parcourir l'intérieur du canal digestif qu'à franchir l'ouverture qui aurait pu êlre faite à ses parois : lorsqu'il a eu lieu, le blessé ne tarde pas à succomber après avoir présenté les signes de la péritonite suraiguë. —L'épanchement d'urine ne peut être regardé comme peu dangereux que lorsqu'il est fort peu considérable : dans tout autre cas il occasionne des symptômes graves suivis de la mort, tels que la gangrène et l'emphysème du tissu cellulaire sous-péritonéal. Si, comme il arrive quelquefois, — 544 — le liquide s'infiltre dans le tissu cellulaire qui environne les reins, les uretères et la vessie, il détermine des abcès gangreneux autour de ces organes. L'épanchement de bile est assez rare et presque toujours mortel. — Des gaz ne sauraient s'épancher dans l'abdomen qu'autant que l'estomac, les intestins grêles et surtout le colon et le rectum ont été blessés, ou que le poumon et le diaphragme ont été divisés : on conçoit aisément que le dan- ger de cet épanchement n'est rien par lui-même, et qu'il est en- tièrement relatif à l'importance de l'organe qui a été blessé, et à l'étendue de sa lésion. Il peut arriver qu'un emphysème se pro- duise dans l'épaisseur de la paroi abdominale par ces gaz, comme M. Marjolin en rapporte un cas (Dict. en 30 vol., tome i, page 159). Présence d'un corps étranger dans l'abdomen. Il est rare que les piqûres soient compliquées de la présence d'un corps étranger dans l'abdomen, surtout quand elles ont été faites à la partie antérieure du bas-ventre ; lorsque cet accident a lieu, la blessure est presque toujours mortelle ; je dis presque toujours parce qu'en effet les annales de l'art renferment des observations de ce genre qui ont été suivies de guérison. Benedictus dit, qu'un soldat eut le dos percé par le fer d'une flèche qu'il rejeta par l'anus au bout de deux mois. Fabrice de Hilden fait mention (Cent. v. obs. ïlk) d'un individu qui, un an après avoir reçu un coup de poignard à la partie antérieure gauche de l'abdomen, rendit par l'anus, au milieu des douleurs les plus atroces, envi- ron 9 centim. de cet instrument. Quant à la présence d'une balle dans la cavité de l'abdomen, on sait qu'elle ne s'oppose pas toujours à la guérison de la blessure ; combien d'exemples ne pourrais-je pas citer d'individus qui ont vécu plusieurs années, malgré la présence de cette espèce de corps étranger dans le bas-ventre, et qui n'ont même pas éprouvé d'incommodité no- table? Dans quelques circonstances la balle a été rendue par l'anus au bout d'un temps plus ou moins long. Tout porte à croire que dans les cas dont je parle, la plaie d'armes à feu n'a pas été suivie d'accidens graves et immédiatement mortels, parce que la balle a glissé fort obliquement sur la surface lisse des in- testins, en ne produisant qu'une légère contusion, susceptible de — 545 — céder facilement aux moyens antiphlogistiques qui auront été mis en usage. Lésion des parties intérieures. Parmi les organes que ren- ferme l'abdomen, le foie, l'estomac, les intestins, l'épiploon et la matrice dans l'état de grossesse, sont ceux qui sont le plus expo- sés à êlre blessés. La rate, les reins, le pancréas, la vessie, la vé- sicule du fiel, les vaisseaux sanguins et l'utérus dans l'état de va- cuité, sont plus rarement atteints par les instrumens vulnérans. Quant aux canaux pancréatique, cholédoqueet thoracique, il n'est pas présumable qu'ils soient lésés, à moins que d'autres organes importans n'aient été intéressés. Estomac. Faut-il, à l'exemple des auteurs, disserter longue- ment sur la question de savoir si toutes les blessures de l'estomac sont nécessairement mortelles, ou bien si l'on ne doit ranger dans cette classe que celles qui intéressent le fond et les deux orifices de cet organe, tandis que l'on considérerait comme non mortelles celles qui ont lieu à sa partie latérale? Une pareille discussion devient inutile dès que l'observation démontre qu'on ne peut éta- blir aucun principe fixe à ce sujet, que telle blessure de l'estomac que l'on aurait jugée de peu d'importance eu égard à son peu d'é- tendue et à sa situation, est promptement mortelle parce que l'or- gane a éprouvé une forte commotion, tandis qu'une autre lésion que l'on aura regardée comme nécessairement mortelle par des motifs contraires, pourra être suivie de guérison. Il me paraît préférable d'adopter une marche qui, si elle n'offre pas l'avantage de préciser autant la gravité des lésions que la précédente, n'en- traîne pas avec elle les mêmes inconvéniens. J'établirai d'abord que les blessures de l'estomac sont souvent mortelles : 1° par l'hé- morrhagie dont elles s'accompagnent, et qui donne lieu à un épan- chement de sang dans cet organe ou dans le bas-ventre ; 2° parla commotion qu'éprouve le viscère ; 3° par l'inflammation qui se dé- veloppe et que l'art ne parvient pas toujours à combattre victo- rieusement ; U° par l'épanchement dans l'abdomen des matières contenues dans cet organe; 5° parce que, lors même qu'il ne se manifeste aucun de ces accidens, et que l'on pratique la gastro- raphie, cette opération détermine des vomissemens, des contrac- tions d'estomac, etc., qui s'opposent à la guérison; 6° parce que II. 35 — 546 — les fonctions que cet organe est appelé à remplir sont de nature telle, que leur suspension absolue pendant un certain temps doit compromettre l'existence du blessé. Ces vérités une fois posées, il sera facile de conclure que la lésion sera d'aulanl plus dange- reuse, en général, que l'estomac aura été divisé dans une plus grande étendue, que la blessure sera plus voisine d'un de ses ori- fices, que l'estomac était plus distendu au moment de l'accid enl, qu'un plus grand nombre de vaisseaux importans aura élé at- teint, que la commotion aura été plus forte, l'inflammatio n plus vive et l'emploi des moyens antiphlogistiques moins heureux, que l'estomac enfin ne pourra pas agir sur les alimens propres à nour- rir le blessé. En effet, il est d'autant plus permis d'espérer une réunion favorable de la plaie, une adhérence avec le péritoine ou avec l'épiploon, que ces accidens sont moins nombreux et plus légers, surtout lorsque les membranes de l'estomac n'ont pas élé complètement divisées. Mahon a dit avec raison que les médecins ne sauraient être trop circonspects lorsqu'ils ont à décider une question relative aux blessures de l'estomac. « Ils doivent déterminer avec la plus scru- puleuse exactitude la grandeur et la forme de la blessure, la ré- gion de l'estomac qui a été offensée, le nombre et la grosseur des vaisseaux et des nerfs majeurs qui ont été affectés, le sang con- tenu encore dans les vaisseaux, la quantité de celui qui s'est épanché dans la cavité abdominale, les autres substances qui y sont également tombées par la plaie, Fétat des tégumens com- muns, des muscles du bas-ventre et du péritoine, ainsi que des viscères qui avoisinent le sac membraneux. Les médecins ne sau- raient trop se souvenir que peu de questions de médecine légale peuvent donner lieu à autant de subterfuges de la part de l'accusé et de ses défenseurs » (tome n, p. 145). Intestins. Les intestins grêles et la portion transverse du co- lon sont les parties du canal intestinal que les instrumens vulné- rans atteignent le plus souvent. Une légère piqûre de ce canal peut n'être suivie d'aucun symptôme fâcheux si elle n'a pas inté- ressé un vaisseau sanguin ; il n'en est pas de même si les plaies faites par un corps aigu ont été nombreuses ou d'une certaine étendue, car alors le blessé peut périr au bout de quelques jours, — 547 — à la suite de l'inflammation, lors même qu'il n'y aurait ni épan- chement de sang, ni de matières stercorales, ni de bile. Les plaies par instrument tranchant sont loin d'être toujours mortelles, soit que les intestins blessés restent dans l'abdomen ou se présentent à la plaie extérieure : dans le premier cas on a vu le conduit intestinal blessé dans plusieurs points, développer les symptômes les plus graves, qui ont pourtant cédé aux moyens antiphlogistiques. On lit dans les Mémoires de l'Académie des sciences (année 1705) qu'un individu se donna dix-huit coups de couteau aubas-ventre, parmi lesquels huit étaient pénétrans : les saignées répétées dans les quatre premiers jours, la diète et les boissons rafraîchissantes et calmantes, dissipèrent au bout de deux mois les accidens alarmans qu'avaient fait naître ces blessures ; dix-sept mois après, cet homme s'étant précipité d'un lieu fort élevé périt sur-le-champ, et l'ouverture du cadavre fit voir plu- sieurs cicatrices attestant que le lobe moyen du foie, le jéjunum et le colon avaient été blessés. Si les intestins lésés se présentent au-dehors, la plaie, ainsi que je l'ai déjà dit, n'est pas toujours mortelle : elle peut avoir assez peu d'étendue pour guérir même sans être obligé de recou- rir à la suture ; les moyens généraux suffisent alors, pourvu que la portion d'intestin blessée soit assujettie au-dehors, si elle appar- tient au jéjunum, à l'iléon ou au colon transverse, qui sont assez mobiles. Sila blessure de l'intestin a plus d'un centimètre de lon- gueur, la suture est nécessaire, tant pour prévenir l'épanchement des matières stercorales dans l'abdomen, que pour favoriser l'adhérence des bords de la division avec le péritoine ou avec un autre organe : cette pratique est souvent couronnée de succès. Quand l'intestin a été complètement et transversalement divisé par l'instrument tranchant, ou que l'on en a retranché une portion qui était gangrenée, la blessure est beaucoup plus grave, mais elle n'est pas encore au-dessus des ressources de l'art, soit qu'on réunisse les deux bouts de l'intestin, ou qu'on établisse un anus artificiel, qui, s'il n'était pas susceptible de guérir, offrirait d'au- tant plus d'inconvéniens et de danger qu'il serait situé plus près de l'origine du canal intestinal. Toutefois on aurait tort de conclure, de ce que plusieurs des 35. - 548 — plaies des intestins faites par des instrumens tranchans ne sont pas mortelles, lorsque l'art vient promptement au secours du blessé, que toutes les blessures de ce genre doivent être suiviesde guérison. Peut-on se flatter de combattre efficacement les acci- dens, lorsqu'il s'est fait dans l'abdomen un épanchement considé- rable de sang, de matières stercorales, de bile, ou que l'inflam- mation produite par la blessure est excessivement grave? Il suf- fira, pour répondre négativement à ces questions, de consulter ce que j'ai dit à la page 543. Les déchirures des intestins par des cornes d'animaux, un pieu, ou tout autre instrument contondant et pointu, déterminent presque toujours une mort prompte lorsqu'elles sont considéra- bles, et siellessonl moins graves, elles font souvent périr le blessé aubout d'un certain temps, à cause de l'épanchement et de Fin- flammation qui les suivent. Quand l'intestin a été fortement meurtri par une arme à feu, sans être percé, il se forme au bout de quelques jours une escarre qui ne tarde pas à se détacher ; les excremens sortent parla plaie extérieure, que l'on est quelquefois obligé d'agrandir ; la plaie reste fistuleuse, ou il se forme un anus artificiel, à moins que la portion d'intestin lésée ne soit peu considérable, car alors les ma- tières fécales reprennent leurs cours ordinaire. Si l'intestin a été percé, que la plaie extérieure soit trop étroite, et que l'on n'ait pas favorisé, à l'aide d'incisions convenables faites à la peau, la sortie des matières stercorales par la plaie, les excremens s'épan- cheront dans l'abdomen, et occasionneront promptement la mort. Il est inutile d'indiquer que les contusions et les plaies contuses dont il s'agit peuvent encore être fort dangereuses, à raison de la commotion des viscères, de la lésion des vaisseaux sanguins, etc. (Voyez page 540, pour compléter l'histoire des blessures des in- testins). Epiploon et mésentère. La lésion de ces organes présente un danger imminent lorsque les vaisseaux sanguins qui les parcou- rent ont élé ouverts, car l'hémorrhagie qui en résulte peut êlre promptement mortelle. L'inflammation, quoique moins redouta- ble, n'en constitue pas moins une maladie fort grave, qui se ter- mine souvent parla mort. Les blessures du mésentère sont plus — 549 — fâcheuses que celles de l'épiploon, parce qu'il y a dans ce der- nier organe moins de vaisseaux sanguins et de nerfs. Je ne re- viendrai point sur le danger des lésions pénétrantes du bas- ventre, dans laquelle l'épiploon s'engage dans la plaie (Voyez page 541). Foie. A raison de sa texture fragile, le foie se rompt assez sou- vent sous l'influence de chocs et de violences extérieures portées sur l'abdomen soit directement, soit par contre-coup. Le gonfle- ment qu'il présente chez certains sujets affectés de fièvre inter- mittente, rend les déchirures encore plus faciles; un coup de pied, un coup de bâton peuvent en opérer la rupture. Ses bles- sures sont promptement mortelles lorsque les principaux vais- seaux sanguins qui se distribuent à cet organe ont été ouverts par un instrument vulnérant; je pourrais appuyer cette assertion d'un très grand nombre de faits s'il était permis de supposer que l'on pût élever le plus léger doute. Si les vaisseaux sanguins dont je parle n'ont pas été intéressés, la blessure est d'autant plus grave qu'elle donne lieu à une inflammation plus intense, et que la matière de la suppuration qui la termine ordinairement éprouve plus de difficulté à se frayer une route au-dehors ; aussi remar- que-t-on que plus la lésion est profonde, plus elle est dangereuse, tout étant égal d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, l'homme de l'art pourrait compromettre sa réputation s'il rangeait parmi les affections nécessairement mor- telles toutes les hépatites traumatiques. Vésicule du fiel. La vésicule du fiel, à raison de son peu de volume, est ordinairement à l'abri de l'action des instrumens vulnérans ; mais elle subit une telle pression dans la plupart des contusions violentes de l'abdomen, qu'une chute, un coup de poing, de bâton, de pied, de timon de voiture, etc., peuvent en déterminer la rupture. Presque constamment les blessures de cet organe donnent lieu à un épanchement de bile auquel les ma- lades succombent au bout de quelques jours; ce liquide pourtant ne s'épanche pas toujours dans l'abdomen, parce qu'il existe des adhérences entre cette poche et le péritoine : alors le blessé peut guérir. On ne trouve dans les annales de l'art qu'un seul exem- ple de blessure de la vésicule du fiel, sans adhérence avec le pé- — 550 — riloine, qui n'ait pas occasionné la mort, et encore est-il permis d'élever des doutes sur l'authenticité du fait. Au reste, on pourra en juger par la lecture de l'observation telle qu'elle a été publiée par M. Fryer de Stramfort, et rapportée dans le Dictionnaire de Chirurgie de S. Coooper : Un jeune garçou reçut un coup de timon de charrette sur la région du foie. Les accidens primitifs furent très graves; l'inflammation ne se déclara que le troisième jour. Une semaine après, le malade devint complètement jaune ; deux jours plus tard, on commença à sentir de la fluctuation dans le ventre qui, dans l'espace d'une semaine, devint très distendu. On fit une ponction qui donna issue à treize pintes d'un liquide qui ressemblait à de la bile pure. La même opération fut répétée douze jours après, et quinze pintes des mêmes matières bilieuses furent évacuées; au bout d'une se- maine, nouvelle ponction et écoulement de treize pintes de même nature ; enfin on en retira encore six pintes quinze jours après. A dater de ce mo- ment, le malade se rétablit (Dict. en 30 vol., tome i, page 163). La lésion des canaux hépatique, cystique et cholédoque, plus rare que celle dont je viens de parler, doit être considérée comme mortelle, non-seulement à cause de l'épanchement de bile, mais encore parce qu'il est difficile d'admettre qu'elle ne soit pas accompagnée de blessures d'organes plus impor- tans. Rate. La texture de cet organe l'expose facilement à des dé- chirures ; aussi a-t-on vu une chute, un coup de fléau, un coup de bâton en opérer la rupture. Faut-il adopter avec certains auteurs que toutes les blessures de la rate peuvent être guéries, et même que sa déchirure n'est pas constamment suivie de la mort? L'ob- servation démontre le contraire. Ici, comme pour le foie, l'instru- ment vulnérant peut n'avoir qu'effleuré la surface du viscère, ce qui constitue une lésion curable ; mais s'il a divisé l'artère splé- nique dans ses principales ramifications, si la rate a été déchirée de manière à occasionner un épanchement considérable, la bles- sure est mortelle, à moins que le sang ne cesse de couler et qu'on n'évacue celui qui s'était répandu dans l'abdomen. Pancréas. Le danger des blessures de cet organe est relatif à l'hémorrhagie et à l'épanchement. Reins. Si les artères rénales ou leurs principales divisions ont été ouvertes par l'instrument vulnérant, il est rare que le — 554 — blessé ne succombe promptement à l'hémorrhagie ou à l'épan- chement dans l'abdomen .- toutefois, lorsque le coup a été porté par derrière, sur la portion du rein qui n'est pas recouverte par le péritoine, l'hémorrhagie est pour l'ordinaire moins considé- rable ; le sang se répand dans la masse graisseuse sur laquelle repose cet organe et dans les muscles environnans ; il peut sor- tir par la plaie, par conséquent la blessure est moins grave. Si les reins n'ont été atteints qu'à leur surface, et que l'on n'ait pas à redouter l'hémorrhagie, les dangers sont relatifs à la quantité d'urine qui s'écoule, à la voie que suit cet écoulement, et à l'in- flammation qui se développe : s'il s'épanche beaucoup d'urine dans la cavité du péritoine, la mort a lieu promptement : le blessé peut guérir, au contraire, si la plaie a été faite à la région lombaire, que le péritoine n'ait pas été intéressé, et que l'urine puisse sortir librement par la blessure extérieure, comme dans le cas d'hémorrhagie. On ne saurait être trop circonspect lors- qu'on est appelé pour juger la léthalité des lésions de ces or- ganes ; souvent on est induit en erreur par la profondeur à la- quelle l'instrument vulnérant a pénétré, et on déclare mortelles des plaies qui finissent par guérir. Les blessures des uretères qui déterminent un épanchement d'urine dans l'abdomen peuvent être mortelles, à moins que l'é- panchement soit peu considérable et ne donne lieu qu'à une pé- ritonite circonscrite dont un traitement antiphlogistique éner- gique peut amener la guérison. Vessie. Le succès avec lequel on pratique souvent la cysto- tomie, d'après des méthodes diverses, prouvent que des incisions étendues de la vessie peuvent être promptement suivies de la guérison ; mais en est-il de même des lésions de cet organe faites par des instrumens vulnérans, lorsqu'on n'a pu prendre aucune des précautions propres à prévenir des accidens fâcheux ? L'ob- servation démontre que dans ce cas le blessé peut guérir ou pé- rir dans un espace de temps fort court, et qu'il est par consé- quent inexact de considérer toutes ces blessures comme néces- sairement mortelles. Pour juger leur gravité on doit s'attacher à déterminer, 1° si la vessie était pleine ou vide ; 2° si des vais- seaux considérables ont été atteints ; 3° si la vessie a élé blessée - 552 — et quel est le siège de la blessure. La plénitude de la vessie peut faire supposer qu'elle a élé lésée dans des circonstances où l'in- strument vulnérant ne l'aurait point touchée si elle avait occupe un petit volume : on sait en outre que cet étal favorise sa rup- ture quand une violence externe agit avec force : cet accident est promptement mortel. Lorsque des vaisseaux considérables de la vessie ou des parties voisines ont été atteints, le sang s'é- panche dans la cavité pelvienne ou dans les muscles du voisi- nage : on doit redouter alors tous les phénomènes de l'hémor- rhagie et de l'épanchement si l'on ne parvient pis à arrêter le sang ou à lui donner issue. On lit dans les auteurs qu'une forte contusion de la vessie est ordinairement suivie de son inflam- mation, qui se termine presque toujours par sphacèle ; mais il est probable que dans ces cas les perforations que l'on a trouvées à la vessie dépendaient plutôt de sa rupture que de sa gangrène. Les blessures de la partie postérieure de ce viscère par des in- strumens tranchans ou par des projectiles ne tardent pas à être suivies d'un épanchement d'urine dans la cavité idu péritoine, épanchement qui amène promptement la mort. Ce liquide s'in- filtre au contraire dans le tissu cellulaire si la portion de la vessie qui a été blessée n'est pas recouverte par le péritoine ; il importe alors de savoir si la situation de la blessure permet ou non l'évacuation du liquide épanché. Les blessures qui intéressent à-la-fois l'intestin rectum et le bas-fond de la vessie peuvent guérir, mais elles sont presque constamment suivies de fistules recto-vésicales incurables. J'ajouterai que, si les plaies de la vessie par armes à feu sont déjà très dangereuses par elles- mêmes, elles le deviennent encore beaucoup plus lorsq'uelles sont compliquées de la présence de la balle ou des corps étran- gers qu'elle a entraînés avec elle, de la lésion d'autres viscères de l'abdomen et du fracas des os du bassin. Organes de la génération. On a des exemples de contusions violentes des testicules, suivies d'une inflammation, qui s'est ter- minée promptement par la mort ; dans certains cas , il est vrai, l'art peut arrêter les progrès de celte maladie, et soustraire le blessé à un danger imminent, mais combien de fois alors ne voit-on pas survenir le squirrbe ou le cancer, affections orga- - 553 — niques qui exigent souvent la castration, et qui ne guérissent même pas toujours en employant ce moyen extrême. Ce qui vient d'être dit peut s'appliquer également aux piqûres. La section des testicules par un instrument tranchant n'est pas nécessai- rement mortelle, quoiqu'elle puisse le devenir. Il n'en est pas de même de la division du cordon des vaisseaux spermatiques, car le blessé peut périr s'il n'est pas secouru assez à temps pour arrêter l'hémorrhagie. Les lésions des vésicules séminales rendent l'individu incapable de procréer, si elles ont pour ré- sultat l'oblitération des canaux excréteurs ; mais elles ne com- promettent pas son existence, à moins qu'elles ne soient accom- pagnées d'autres lésions plus graves. Des entailles faites à la verge, et la section complète de ce membre, ne peuvent être con- sidérées comme des blessures mortelles, qu'autant qu'il a été im- possible de lier les vaisseaux sanguins, et d'empêcher l'écoule- ment du sang : le succès de la ligature dépend de la promptitude avec laquelle on Fa pratiquée, et de la situation de la blessure ; si les vaisseaux ont été ouverts près de l'abdomen, il est plus difficile d'arrêter l'hémorrhagie. La matrice dans l'état de vacuité est presque toujours à l'abri de l'action des instrumens vulnérans ; le contraire a lieu lorsque son volume est augmenté par une cause quelconque. Si elle con- tient un ou plusieurs fœlus, ses blessures sont fort dangereuses pour ces derniers et pour la mère; en effet, les vaisseaux sanguins étant alors d'un calibre considérable, leur lésion peut donner lieu à une hémorrhagie promptement mortelle ; si la violence extérieure a déterminé l'avortement, que le placenta soit décollé en totalité ou en partie, et que la matrice ne revienne pas sur elle-même par les seuls efforts de la nature ou par les secours de l'art, il se déclare une perte qui ne tarde pas à être funeste à la mère. Le renversement, la rupture delà matrice, le prolapsus et la métrite aiguë sont encore des accidens graves produits par certaines blessures. Déjà j'ai exposé à la page 311 de ce volume, les suites fâcheuses des piqûres du col de l'utérus, faites dans Fin- lention de provoquer l'avortement. Toutes ces lésions ne sont pas également dangereuses ; il en est que l'on peut combattre avec succès, si l'on est appelé à temps. — 654 — Plaies de la vulve et du vagin. On a vu quelquefois des blessures mortelles, faites dans des régions du corps où leurs traces pouvaient être cachées, afin de dissimuler toute apparence de violences extérieures sur le cadavre. Deux affaires criminelles qui se sont présentées en Angleterre , ont révélé un genre de meurtre qui avait été ainsi combiné dans le but d'en cacher les circonstances, et d'induire en erreur sur la cause de la mort. Ces deux faits importans ont été relatés parJM. A. Watson (1). Je vais les résumer. Observation I. Le 43 novembre 4825, M. Newbigginget l'auteur furent chargés par le shériffdu comté d'Edimbourg, de procéder à l'examen du corps de Anne Rennie ou Polloch, qu'on leur dit être morte subitement. Le cadavre paraissait être celui d'une femme d'environ cinquante ans, très robuste, appartenant à la dernière classe du peuple, et en proie à la plus profonde misère. Les vêtemens en contact avecles parties sexuelles étaient teints de sang. On ne découvrit à l'extérieur du corps aucune apparence de blessures ; mais en écartant les grandes lèvres de la vulve, on aperçut une plaie d'environ un pouce et un quart de longueur à la face interne de la nymphe du côté droit. Celte blessure était évidemment récente, car sa surface était couverte de sang coagulé. A l'extérieur, elle consistait en une incision droite, d'une netteté remarquable, et parallèle à la direction de la nymphe ; à l'intérieur, le doigt pouvait pénétrer dans quatre direc- tions différentes, aune profondeur d'environ deux pouces et demi, en haut et en arrière vers la division de l'artère iliaque, en arrière vers la tubéro- sité de l'ischion, latéralement vers l'articulation coxo-fémorale, et en haut vers le mont de Vénus. Dans chacune de ces directions, la blessure avait à-peu-près le même diamètre, et se terminait très distinctement d'une ma- nière obtuse. En injectant de l'eau chaude dans les gros vaisseaux, on s'as- sura qu'aucun d'eux n'avait été lésé ; l'instrument vulnérant paraissait avoir pénétré seulement dans l'épaisseur du tissu cellulaire ; mais du côté droit du bassin, il était parvenu jusqu'au péritoine, sans perforer cette membrane sous laquelle on trouva un épanchement considérable de sang. Une autre plaie très petite, très nette et superficielle, fut observée à côté de celle qui vient d'être décrite. Le crâne, la poitrine et l'abdomen furent examinés avec le plus grand soin ; tous les organes que coutiennent ces cavités étaient parfaitement sabis. La seule cause à laquelle on peut attribuer la mort, était donc l'hé- morrhagie qui avait eu lieu par la blessure; et, en effet, d'après la nature (1) The Edinburgh med. and surg. journal, juillet 1831. —Archives générales de médecine, t. xxvm, p. 413 et suiv. — 555 — et la structure spongieuse et érectile des parties lésées, elle avait dû être considérable. Quant à l'instrument vulnérant, il était évident, d'après la netteté de la plaie et de la partie superficielle de l'incision, qu'il devait être extrême- ment tranchant, et d'après la manière obtuse dont se terminaient lesplaies intérieures, leur peu de profondeur, et l'intégrité de toutes les parties im- portantes circonvoisines, on pouvait juger que cet instrument, quel qu'il fût, devait très probablement présenter une pointe arrondie ou mousse. Or, le seul instrument très tranchant, que selon toute probabilité, des gens aussi pauvres aient pu posséder, ne pouvait être qu'un rasoir; cet instru- ment a en effet une pointe mousse, et ne pourrait guère pénétrer à une pro- fondeur de plus de deux ou trois pouces, à cause de la manière dont on est obligé de le tenir pour s'en servir. De plus, les rapporteurs s'accordèrent à penser que, après que la plaie extérieure avait été faite, on avait pu plon- ger dans les parties un couteau d'une forme quelconque, et produire ainsi la blessure décrite. Cette présomption fut confirmée par des expériences faites avec un rasoir sur le cadavre, et par la découverte qu'on fit ensuite dans le domicile de la femme Rennie, d'un rasoir dont la lame et le man- che étaient couverts de sang. Le mari de cette femme fut condamné à la peine de mort. Observation II. Le second cas, très analogue au précédent, est celui d'une dame Bridget Calderhead, dont la mort soudaine fut occasionnée par une blessure reçue dans la matinée du 4*r janvier 4834. L'ouverture du cadavre fut faite par MM.Watson et Mitchellhill. Nous trouvâmes, dit l'au- teur, le corps de cette femme, vêtu de ses habits ordinaires qui consistaient en une robe de laine de couleur, deux jupons de flanelle, et une chemise. Le bas de ces différentes pièces de l'habillement était imbibé de sang qui n'était pas encore tout-à-fait desséché. Après les avoir enlevées, nous dé- couvrîmes que l'hémorrhagie avait été causée par une plaie située à la par- tie moyenne de la grande lèvre gauche. Antérieurement, cette blessure con- sistait en une incision très nette, d'environ trois quarts de pouce de lon- gueur, et dirigée parallèlement au bord externe de la lèvre. Le doigt intro- duit dans cette plaie, pénétra dans une cavité remplie de sang, et capable de contenir un petit œuf de poule; de l'intérieur de cette cavité, le doigt pénétrait encore à une plus grande profondeur dans trois directions diffé- rentes, savoir : en haut, vers la partie supérieure de la symphyse du pubis, en bas vers le périnée, et en arrière le long du vagin et du rectum. La plus grande profondeur de ces arrière-cavités était de deux à trois pouces ; en mettant à nu le trajet intérieur de la blessure nous aperçûmes les orifices de plusieurs artères et de plusieurs veines assez grosses qui avaient été divisées, et entre autres, la grande artère du clitoris. Les ori- fices béans de ces vaisseaux, ainsi que toute la surface de la plaie, parais- saient avoir été divisés bien nettement par un instrument tranchant. A la parlie postérieure de la tête existait la trace d'une contusion qui - 556 — avait occasionné l'extravasation d'une petite quantité de sang à la surface du cerveau. Les organes de la poitrine et du ventre étaient parfaitement sains. Il ne pouvait y avoir aucune difficulté, ajoute l'auteur à attribuer dans ce cas la mort à l'hémorrhagie excessive résultant de la plaie de la vulve; aussi n'hésitâmes-nous pas à conclure de cette manière. Quant à l'instru- ment vulnérant, la direction droite et la grande netteté de l'incision exté- rieure, son étendue correspondant exactement à la largeur de beaucoupde couteaux dont on se sert habituellement, l'étendue et la netteté de la sur- face de la plaie à l'intérieur, et ses directions différentes, firent penserqu'il était extrêmement probable que cette blessure avait été faite avec un cou- teau, et que manifestement elle ne pouvait être que le résultat de plusieurs coups de cet instrument plongé dans diverses directions. Ces deux cas ainsi rapprochés présentent, comme on le voit, la plus grande analogie dans leurs circonstances principales, et méritent de fixer toute l'attention du médecin-légiste : dans l'un et l'autre, ainsi que le fait remarquer M. Watson, les meurtriers semblent avoir choisi cette partie du corps pour cacher plus fa- cilement leur crime ; et, en effet, dans le premier cas surtout, un observateur superficiel n'eût probablement pas découvert la solution de continuité ; en outre ils semblent avoir eu l'idée, en raison de la fréquence des pertes utérines chez la femme, qu'on pourrait attribuer la mort à cette cause, ou au moins à une bles- sure que les femmes se seraient faites elles-mêmes en tombant sur un corps aigu et tranchant ; une circonstance assez curieuse et qui vient à l'appui de ces réflexions, c'est que dans les deux cas les assassins présumés ont été les premiers à appeler un homme de l'art auprès de leur victime. Ces deux faits me semblent encore démontrer que les blessures des parties exté- rieures de la génération chez la femme , peuvent devenir mor- telles, en raison de l'hémorrhagie excessive qui en est la suite : la nature du tissu de ces parties ne laisse aucun doute sur cette possibilité ; toutefois, pour ce qui concerne cette partie de la conclusion de M. Watson, j'eusse désiré qu'il eût parlé de l'état exsangue du cadavre dans les deux cas, ce dont il n'est fait aucune mention ; or, cette circonslance était importante à noter, au moins dans la première observation , pour qu'il fût avéré que la mort avait eu lieu bien évidemment par hémor- rhagie. — 557 — Vaisseaux artériels et veineux de l'abdomen. Les artères , aorte, diapbragmatique inférieure, cœliaque (opisthogastrique), splénique, hépatique, coronaire stomachique, rénales, mesente- rique supérieure et inférieure, spermatiques ou testiculaires, lombaires, iliaques,etc., et leurs principales divisions, les veines caves (1), la veine azygos, la veine porte et les grosses branches qui les forment, ne peuvent être blessées dans une étendue no- table, abstraction faite de toute autre lésion,sans déterminer une hémorrhagie et un épanchement qui sont bientôt suivis de la mort, parce que l'art est impuissant pour s'opposer à l'émission du sang. Si la blessure est petite , la mort peut n'arriver qu'au bout de quelques jours, comme je l'ai dit en parlant des vais- seaux thoraciques ; il peut même se faire, si une de ces veines a été légèrement blessée , que les moyens généraux propres à modérer l'impulsion du sang soient suffisans pour empêcher le blessé de périr, surtout s'ils ont été employés peu de temps après If lésion. Fractures des os du bassin. Ces fractures sont presque toujours fâcheuses, qu'il y ait ou non déplacement des fragmens, parce qu'elles sont souvent accompagnées de la commotion de la moelle épinière, de la contusion, du déchirement des nerfs, des vaisseaux et des viscères renfermés dans le bassin , ce qui donne lieu à des épanchemens de sang, d'urine, etc., et à des in- flammations, qui peuvent faire périr le blessé sur-le-champ ou au bout de quelque temps. Blessures des extrémités. Je crois devoir rappeler, avant d'éludier ce sujet, les princi- pales particularités relatives à l'anatomie des régions axil- laire et inguinale. Une blessure dans la région axillaire pourrait atteindre plu- sieurs organes importans : ce sont d'abord les nerfs médian et cubital, placés au-devant de l'artère axillaire, cette artère elle- (1) M. Cruveilhier rapporte (Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratique, [. ier p. 60, qu'un paysan mourut dans un effort violent pour retenir un taureau qui cherchait à s'échapper; la veine cave était rompue au-dessus du foie. — 558 - même, les veines satellites, tous les autres nerfs du plexus, les- quels sont placés en arrière de Farlère; plus profondément, les artères circonflexes, le nerf axillaire et enfin l'articulation, à quoi il faut ajouter les ganglions lymphatiques placés dans cette région. Une blessure dans la région inguinale pourrait diviser les ganglions inguinaux superficiels, la veine saphène interne , le nerf crural et ses divisions, l'artère fémorale, la fémorale pro- fonde, la sous-cutanée abdominale, l'épigastrique, la circonflexe iliaque, la veine fémorale profonde et ses divisions ; si elle était très profonde elle pourrait s'étendre jusqu'au trou sous-pubien, pénétrer dans la cavité du bassin et léser l'extrémité inférieure du rectum, l'utérus chez la femme, la vessie dans les deux sexes, les artères et les veines obturatrice et épigastrique. C'est à tort que l'on a considéré les blessures des extrémités comme n'étant jamais mortelles parce qu'elles n'intéressent point les organes essentiels à la vie ; l'expérience prouve que si plu- sieurs de ces lésions guérissent avec facilité , il en est d'autres qui sont fort graves et promptement mortelles , malgré les se- cours de Fart les mieux entendus et les plus efficaces : de là la nécessité de les examiner séparément. Parmi les blessures des extrémités, il en est qui entraînent né- cessairement la perte d'une partie ou de la totalité d'un mem- bre ; tantôt celui-ci est emporté en entier, ou presque complè- tement, comme on le voit lorsqu'un boulet frappe perpendicu- lairement sur lui ; alors l'amputation est indispensable, de l'aveu des meilleurs praticiens : tantôt la contusion ayant été très forte, les os fracassés et les parties molles considérablement délabrées, comme on l'observe dans les plaies d'armes à feu , la gangrène se manifeste et fait des progrès alarmans, si l'on ne se hâte d'am- puter le membre : la perte de l'extrémité dans ces deux cas est une affection très grave, parce qu'elle est souvent suivie de la mort, surtout lorsque l'amputation a été faite dans une parlie peu éloignée du tronc. Les amputations des membres pratiquées, au contraire, sous des conditions favorables , doivent être ran- gées parmi les lésions curables avec dérangement des fonctions. Vaisseaux sanguins des extrémités. Les lésions des gros — 559 — vaisseaux artériels des extrémités sont d'autant plus dangereuses que la partie blessée est plus près du tronc. La contusion des grosses artères, si elle est considérable, peut produire leur rup- ture et l'épanchement de sang dans les parties environnantes, ce qui constitue l'anévrysme faux primitif, dont je ferai bien- tôt connaître les dangers ; si l'effort n'est pas assez grand pour déchirer les tuniques des artères, il peut les affaiblir au point de favoriser plus tard le développement d'un anévrysme vrai. L'ouverture de l'artère axillaire au creux de Faisselle, est ordinairement suivie d'une hémorrhagie mortelle, à laquelle il est difficile de remédier assez promptement ; toutefois, il est des cas où la ligature de ce vaisseau peut être pratiquée assez à temps pour que le blessé guérisse en conservant le membre. Les progrès de la chirurgie moderne prouvent l'erreur dans la- quelle étaient tombés les anciens, en soutenant une assertion contraire. Les blessures de l'artère crurale, immédiatement à sa sortie de l'arcade de ce nom, ne tardent pas à faire périr le blessé d'hémorrhagie si l'art ne vient promptement à son secours ; l'ob- servation démontre pourtant qu'il est permis d'arrêter l'écoule- ment du sang et de guérir le blessé, si l'on se hâte de lier l'ar- tère iliaque externe en pénétrant dans la région pelvienne. Un bon nombre de ligatures de celte artère ont, en effet, été prati- quées soit à la suite d'anévrysmes, soit à [cause d'hémorrhagies primitives ou consécutives de l'artère fémorale, et assez souvent la guérison a été obtenue. Sur soixante-et-onze opérés, dont M. Velpeau a noté le résultat, dix-huit sont morts et cinquante- trois ont été guéris (Médecine opératoire, t. xi, p. 152). La blessure de l'artère iliaque externe me paraît au-dessus des ressources de l'art : on sait que dans un cas d'anévrysme de de ce vaisseau, Astley-Cooper fit la ligature de l'aorte ventrale,et que le malade périt. Ce chirurgien célèbre attribua la non-réus- site de l'opération, à ce que l'on avait attendu, pour la pratiquer, que la tumeur anévrysmale eût acquis un trop grand développe- ment. Il est difficile de croire que la ligature d'un tronc artériel, d'un aussi grand calibre, ne soit pas constamment suivie d'acci- dens fâcheux et promptement mortels. — 560 — Anévrysmes traumatiques. Les suites de l'anévi ysme faux primitif sont très fâcheuses ; en effet, le sang infiltré distend souvent les aponévroses d'enveloppe, en sorte qu'il y a étrangle- ment des parties sous-jacentes; la putréfaction de ce fluide, qui ne tarde pas à avoir lieu, accélère le développement de la gan- grène, et le blessé périt par suite de cette affection , ou épuisé par plusieurs hémorrhagies qui se sont succédé avec plus ou moins de rapidité. Cet anevrysme est d'autant moins grave, que l'artère qui en est le siège est plus éloignée du tronc, qu'elle est plus superficielle, qu'il y a moins de sang infiltré, et que celui-ci est moins altéré ou corrompu. Il est plus redoutable qu'un ane- vrysme circonscrit quelconque, non-seulement parce qu'il est ordinairement accompagné d'autres lésions physiques très graves, mais encore par la compression qu'éprouvent les artères colla- térales, ce qui rend difficile le transport du sang vers la partie inférieure du membre. Toutefois l'anévrysme faux primitif peut être guéri, si, à l'aide de la compression ou de la ligature, on parvient à arrêter l'écoulement du sang. L'anévrysme faux consécutif est moins à craindre, tout étant égal d'ailleurs, que l'anévrysme vrai; sa marche est moins rapide, et l'usage des moyens compressifs est suivi de plus de succès ; d'ailleurs, si l'on est obligé de l'opérer, on n'a pas à redouter la récidive de la maladie, ce qui n'arrive pas dans l'anévrysme vrai, qui s'est développé sous l'influence d'une diathèse anévrys- male. Les varices anévrismales ne donnent ordinairement lieu qu'à des incommodités légères. Hunter rapporte l'observation d'une femme qui avait une varice anévrysmale, et dont la varice n'é- prouva aucun changement pendant trente-cinq années que vécut la malade. Dans certains cas néanmoins, la partie du membre placée au-dessous de la varice peut s'atrophier, et perdre sa sensibilité et ses mouvemens, comme je l'ai vu une fois. L'anévrysme variqueux est moins grave que les anévrysmes faux, primitif ou consécutif. On n'a jamais observé sa rupture spontanée. Il est moins fâcheux quand la tumeur est simplement formée par la dilatation de la veine, que dans le cas où celle-ci est compliquée d'anévrysme faux circonscrit, c'est-à-dire desia- — 561 — gnation de sang coagulé et polipeux dans le tissu cellulaire abon- dant et lâche qui'sépare la veine de l'artère. Blessures des veines. Les blessures des veines des extrémi- tés sont rarement dangereuses ; toutefois, l'expérience démontre que l'ouverture des veines fémorale et brachiale , près du tronc, peut déterminer la mort immédiatement, ou par suite de l'épui- sement qui en est le résultat, si le blessé n'a pas été convenable. ment secouru. Le danger de ces plaies dépend essentiellement de la présence d'un obstacle qui empêche le sang veineux de cir- culer librement dans le tronc ouvert ou dans les veines environ- nantes : j'ai vu un jeune homme, dont la veine crurale avait été ouverte près de l'arcade du même nom par un emporte-pièce aigu, périr d'hémorrhagie deux heures après; le chirurgien qui avait donné les premiers secours exerça la compression, tant sur la plaie qu'au-dessus d'elle, ce qui augmenta nécessairement l'écoulement du sang. Le blessé était expirant lorsqu'il fut amené à une des salles de l'Hôtel-Dieu, et confié aux soins de Dupuytren. Blessures des nerfs. Il est impossible d'admettre qu'une partie quelconque du corps ait été blessée sans qu'il y ait eu lésion des extrémités épanouies des nerfs, parce que ceux-ci se répandent partout : je ne m'occuperai pourtant que des lésions par cause externe d'un cordon ou d'un filet nerveux appréciable ; ce sujet a été fort bien traité par Jules Descot (Voy. sa Dissertation inaugurale, 1822). Piqûre. Elle est constamment suivie d'une douleur très vive qui se fait sentir dans toutes les parties auxquelles le nerf se dis- tribue. Il arrive souvent que la blessure guérit promptement et sans accidens graves, si le blessé est doué d'une bonne constitu- tion, s'il garde le repos, et s'il ne s'expose à aucune autre cause de maladie. Dans quelques circonstances il survient des con- vulsions qui s'étendent au loin et parfois à tout le corps; la dou- leur et les mouvemens convulsifs peuvent se dissiper d'eux-mêmes ou être suivis du tétanos, de la mort ou d'une névralgie, comme le prouvent les faits suivans : 1 » Une demoiselle reçut un coupde canif à la partie inférieure et externe de l'avant-bras, à deux pouces environ au-dessus du poignet; des douleurs vives lancinantes, se manifestèrent dans l'avant-bras, dans le poignet, et '' 36 II. - 562 - jusqu'au bout des doigts ; il y eut des mouvemens convulsifs dans le bras ; les mouvemens du poignet et des doigts étaient incomplets et parfois im- possibles: ces symptômes diminuaient par un temps sec et augmentaient lorsqu'il faisait froid et humide, et lorsque les vents soufflaient du nord et du nord-ouest. Ces accidens, qui paraissaient avoir cédé à l'usage des bains de Bourbonne, reparurent avec plus d'intensité, en sorte que la malade dépérissait de jour en jour. Après avoir tenté inutilement plusieurs moyens, on eut recours au cautère actuel, dont trois applications successives furent faites au travers de la cicatrice ; l'escarre ne tarda pas à se détacher, et l'on vit bientôt disparaître la névralgie, qui pendant deux ans avait rendu mi- sérable l'existence de cette jeune personne (Verpinet, Journal de Médecine, vol. x, messidor an xmj. 2° Une femme après avoir été saignée, éprouva des convulsions et des douleurs lancinantes depuis le pli du bras jusqu'à l'épaule ; la blessure était un peu enflammée ; il s'en écoulait un fluide sé- reux ; deux jours après on appliqua un tourniquet au-dessus de la saignée, dans le dessein de faire cesser les convulsions : une rémission des spasmes eut bientôt lieu ; les mouvemens convulsifs reparurent, sans que l'on ob- tînt cette fois le plus léger avantage de l'emploi du tourniquet. Le docteur Wilson, persuadé que les accidens dépendaient de la piqûre du nerf cuta- né, l'incisa transversalement au-dessus de la lésion ; mais il n'y eut aucun amendement dans les mouvemens convulsifs : une autre incision plus pro- fonde et plus étendue fut faite au-dessus de la première, et aussitôt la ma- lade s'écria qu'elle était guérie : en effet elle put mouvoir sur-le-champ le membre en différens sens ; le spasme ne reparut plus, et la guérison ne tarda pas à être complète (Swan, Dissertation on the treatment of morbids local affections ofnerves; London 4820). La piqûre des nerfs a été quelquefois la cause du développe- ment de névromes, sorte de tumeurs improprement nommées ganglions, et dont on reconnaît deux variétés d'après le siège et le volume , savoir, le tubercule sous-cutané douloureux et les tumeurs volumineuses ou multiples : la première de ces variétés détermine des douleurs aiguës qui reviennent par accès, dont la durée varie depuis dix minutes jusqu'à deux heures : il y a quelquefois plusieurs paroxysmes dans l'espace de vingt- quatre heures, tandis que , chez d'autres malades, la rémission dure pendant plusieurs semaines. La seconde variété peut être sui - vie delà mort lorsque le malade ne veut pas se soumettre à l'ex- tirpation des tumeurs. Gooch a vu cette terminaison fâcheuse parce que la tumeur avait gagné l'aisselle et déterminé la com- pression des gros vaisseaux, des symptômes d'hydropisie, etc. ( Odier, Manuel de médecine pratique). — 563 — Plaies par instrument tranchant. La section complète des nerfs par un instrument tranchant est aussitôt suivie d'une dou- leur aiguë, de l'insensibilité de la peau et de la paralysie des mus- cles auxquels le nerf se distribue. Un homme reçoit un coup de sabre à la partie externe et moyenne du bras gauche ; le nerf ra- dial est coupé, et bientôt tous les extenseurs des doigts sont cou- pés et il y a impossibilité de mouvoir la main. Si le nerf appar- tient à une partie peu mobile, il peut survenir des accidens très graves, mais on les observe beaucoup plus rarement que dans le cas de piqûre ; presque toujours les deux bouts se réunissent et les fonctions se rétablissent promptement, si l'on rapproche les lèvres de la plaie et que l'on fasse garder le repos au malade. Un homme se donne un coup de serpette vis-à-vis la partie inférieure du cubitus gauche; la plaie comprend, entre autres parties, le tendon du mus- cle cubital, l'artère et les nerfs cubitaux situés en cet endroit : on lie les deux bouts de l'artère après avoir exercé la compression pendant quelque temps, et l'on arrête l'hémorrhagie : la réunion par première intention amena bientôt la guérison de la plaie; pendant les premiers jours qui sui- virent l'accident, le petit doigt et une partie de l'annulaire restèrent en- gourdis, et le sentiment, d'abord nul, y était ensuite obscur, comme si le toucher avait eu lieu à travers un gant : ces symptômes se dissipèrent peu- à-peu, et le sentiment ne tarda pas à être aussi parfait que dans le reste de la main (Observation communiquée par Béclard). Si le nerf coupé est situé dans des parties très mobiles comme au voisinage d'une articulation, l'écartement des deux bouts est plus considérable, et la réunion beaucoup plus lente, imparfaite, et même quelquefois impossible : je citerai pour exemple, la pa- ralysie permanente, produite, d'après les plus célèbres chi- rurgiens, par la section du nerf radial à la partie inférieure du bras. Quand il y a excision complète du nerf avec perte de sub- stance considérable, les fonctions ne se rétablissent jamais, à cause de l'écartement des deux bouts du nerf. Contusion des nerfs. La contusion des petits filets nerveux est une affection légère, marquée par un engorgement inflamma- toire douloureux, avec plus ou moins de tension. Une contusion légère des gros troncs nerveux est suivie d'une douleur d'autant plus aiguë qu'ilsontun point d'appui solide sur les os, comme on 36. — 564 — le voit particulièrement lorsqu'on frappe le nerf cubital à la partie interne du coude. Si la contusion est plus forte, elle donne ordi- nairement lieu à la perte du mouvement et du sentiment dans les parties auxquelles il se distribue : cette lésion n'est que momen- tanée dans certains cas : la paralysie est au contraire au-dessus des ressources de l'art, si la percussion a été assez intense pour détruire l'organisation du nerf. Un homme reçut un coup assez fort un peu au-dessous de la tête du péroné ; tous les muscles de la partie antérieure de la jambe furent paralysés, et il resta une difformité qui rendit la marche impossible à cause de la dé- viation du pied qui se trouva renversé en dedans. Des commotions, des contusions graves des nerfs sont quelque- fois la suite des plaies d'armes à feu. Ribes rapporte le fait suivant : Un militaire reçut un coup de balle à la réunion du tiers supérieur et du tiers moyen de la région externe de la jambe ; le projectile ne sortit qu'au bout de trois mois ; alors la plaie ne tarda pas à se cicatriser. Huit ans après, on fut obligé de couper le nerf sciatique poplité externe, pour faire cesser des mouvemens convulsifs généraux, des douleurs atroces, un trem- blement de'la mâchoire inférieure, des contractions musculaires fort inten- ses, etc.* La section du nerf amena la perte du sentiment et du mouvement dans les parties où il allait se distribuer. Pendant les cinq années qui se sont écoulées depuis le moment de l'opération, le malade a encore eu six ou sept accès ; mais l'on a observé que les contractions musculaires et les douleurs ont été très faibles, le trouble infiniment moindre, les accès, en général de très peu de durée, et à peine semblables à ceux qui se manifes- taient avant l'opération (Descot, Diss. déjà citée p. L\). La présence d'un corps étranger dans un nerf peut occasion- ner les accidens les plus graves. Denmark fut obligé de pratiquer l'amputation du bras dans un cas de blessure faite par une balle de mousquet à la partie inférieure du bras; il put se convaincre qu'une petite portion de la balle était fortement fixée dans les fibres de la partie postérieure du nerf radial. Muscles. La contusion des muscles apporte d'autant plus d'obstacles à leur contraction, qu'elle est plus forte; la douleur varie également suivant l'intensité avec laquelle agit le corps contondant. Il n'est pas rare, lorsque la contusion a élé vive, et que les muscles sont recouverts d'une forte aponévrose, de ne pas 565 — voir paraître l'ecchymose qu'elle a déterminée, avant que quel- ques jours se soient écoulés, parce que le sang s'est épanché dans le tissu des muscles ou entre ceux-ci et les os, et qu'il faut un certain temps pour qu'il arrive jusqu'au tissu cellulaire sous-cu- tané. L'homme de l'art n'oubliera point cette circonstance, que les accusés pourraient faire valoir dans le premier moment, s'ils soutenaient que le plaignant n'a été l'objet d'aucune violence ex- térieure. Les plaies des muscles, faites par des instrumens tranchans, guérissent facilement par la situation et par un bandage appro- prié. Les blessures des tendons regardées à tort par beaucoup d'auteurs comme étant fort douloureuses et accompagnées de fièvre, de délire et de convulsions, ne sont ordinairement suivies que de la difficulté ou de l'impossibilité de mouvoir les parties des membres auxquels ils appartiennent. On observe que la rup- ture des tendons qui ont été consolidés à l'aide d'un appareil con- venable, n'entraîne point la perte des mouvemens. Os. La contusion des os est quelquefois suivie de la carie et de la nécrose. Le danger des fractures varie suivant l'âge et la constitution du blessé, l'os ou la partie de l'os qui a été cassé, la forme de la fracture, le nombre de ces fractures, leur simpli- cité ou leur complication, la promptitude avec laquelle le malade a été secouru, etc. La consolidation de l'os, tout étant égal d'ail- leurs, est plus prompte chez les jeunes gens, et chez les individus doués d'une bonne constitution, que chez les vieillards, les per- sonnes valétudinaires et les femmes enceintes, suivant quelques auteurs. La maladie est plus difficile à guérir, si l'os fracturé est enveloppé de muscles épais, que lorsqu'il est à peine recouvert ; il en est de même quand la fracture, au lieu d'intéresser un seul des os de l'avant-bras ou de la jambe a son siège à-la-fois dans le cubitus et le radius, ou dans le tibia et le péroné. Si l'os est cassé dans sa partie moyenne, la blessure est moins dangereuse que lorsqu'elle a lieu près de l'articulation. Quoique les fractures obli- ques soient plus difficiles à réduire et à maintenir que les trans- versales, elles ne peuvent pas être considérées comme dangereu- ses, si elles sont exemptes de complication. Si l'os n'a été brisé qu'en deux fragmens, la fracture est beaucoup plus simple que — 566 - lorsqu'il y en a plusieurs, surtout si quelques-uns d'entre eux sont pointus, susceptibles de déchirer les parties molles, ou en- tièrement isolés. La fraclure est beaucoup plus grave quand il y a eu contusion violente ou plaie conluse des muscles, des nerfs, des vaisseaux sanguins, non-seulement à cause de l'inflammation et de la gangrène, mais encore à raison de la commotion géné- rale. Plus la réduction de la fracture a été faite promptement, moins elle présente de danger en général; le temps exigé pour la guérison de la fracture est évidemment beaucoup moindre lors- que le blessé est assez docile pour ne pas se livrer à des mouve- mens propres à déranger les appareils contentifs. Les fractures sont presque toujours occasionnées par des chutes ou des violences extérieures;il est pourtant des cas où elles peu- vent avoir lieu à la suite de certains mouvemens du tronc. Sir A. Cooper rapporte un cas dans lequel la fracture du col du fé- mur s'est opérée dans un mouvement brusque du tronc, la per- sonne étant assise et le pied ayant été retenu fixé par une éléva- tion du plancher, ce qui empêcha le fémur de suivre le mouve- ment du tronc. Voici un autre exemple de fracture du col du fémur sans chute : Une femme âgée de quatre-vingt-trois ans, s'appuyant sur un bâton, dont elle était obligée de se servir à cause de son grand âge, place par mé- garde ce bâton dans un trou du plancher, ce qui lui fit perdre l'équilibre : et pendant ses vacillations pour éviter la chute qu'elle eût infailliblement faite sans l'assistance des personnes qui étaient à côté d'elle, elle se fractura le col du fémur. A la vérité les fractures de ce col, sans qu'il y ait eu chute sont beaucoup moins rares à Londres qu'en France, parce que là les trottoirs sont très élevés ; on voit en effet que la seule secousse imprimée à tout le corps quand le pied glisse de dessus le trot- toir suffit pour déterminer la solution de contiriuité. Luxations. Le danger de ces blessures est relatif à la nature de l'os déplacé, à Fépoque à laquelle on a opéré la réduction, et à la simplicité ou à la complication de la maladie. On doit ranger parmi les lésions facilement curables les luxations de presque tous les os des membres, si elles sont simples, et que leur réduc- tion, confiée à des mains habiles, ne se fasse pas long-temps at- — 567 — tendre. C'est à -tort qu'on a avancé que le déplacement de la tête du fémur entraîne la claudication et une démarche pénible, parce que la réduction en est fort difficile, et qu'il se forme presque toujours une fausse articulation; des exemples nombreux démen- tent cette assertion. Le succès de la réduction dépend de la promp- titude avec laquelle les secours sont administrés : lorsqu'on tarde à la pratiquer, l'articulation se tuméfie, devient douloureuse et l'on est obligé d'attendre pour réduire; mais alors il peut se faire que des adhérences contre nature contractées entre l'extrémité de l'os déplacé et une partie de l'articulation, rendent cette opé- ration impraticable, et le blessé reste estropié. La complication de la luxation avec de grandes plaies contuses surtout, est fâ- cheuse parce que la gangrène et des convulsions sont souvent la suite des efforts tentés pour opérer la réduction, et que les blessés périssent de langueur, si l'on ne cherche pas à réduire, ou si l'on n'ampute pas le membre dans l'article. Blessures des articulations. La contusion des cartilages articulaires el-des ligamens, à moins d'être légère, occasionne souvent l'inflammation de l'articulation, la suppuration, la carie, et par suite le déplacement des os. Si la percussion a été vio- lente, on a à craindre en outre des mouvemens convulsifs et le sphacèle. Les plaies pénétrantes des articulations sont dange- reuses, par l'écoulement de la synovie qui peut les rendre fistu- leuses, par les vives douleurs et l'inflammation qui sont la suite de l'entrée de l'air dans l'articulation, et par l'ankylose qui les termine souvent dans les cas les plus heureux; cette der- nière maladie est le résultat de l'immobilité dans laquelle on a été obligé de tenir le membre pendant long-temps, et des adhé- rences qui se sont établies entre les différentes parties des mem- branes synoviales. Parmi ces plaies, celles qui offrent le plus de danger intéressent les membranes synoviales qui ont une multi- tude de culs-de-sac et de compartimens ; à ce titre les plaies du carpe et du tarse, quand elles pénètrent dans la synoviale com- mune, sont des plus graves. Des cicatrices. La cicatrice est le tissu nouveau qui unit deux portions d'un — 568 — même tissu préalablement divisé : Le travail organique (1) qui préside à la formation de la cicatrice est désigne; sous le nom de cicatrisation. Or, tous les tissus peuvent être divisés par les instrumens vulnérans, peau, tissu cellulaire, muscles, os, elc. Le cal, véritable cicatrice des os, devra donc aussi m'occuper. J'ai déjà (page kkï) exposé les phénomènes qui se succèdent pendant le travail de la cicatrisation, soit que la plaie ait été réunie par première intention, soit que ses lèvres et son fond aient suppuré pendant quelque temps ;celte élude appartienibien plus à la physiologie pathologique qu'à aucune autre branche des sciences médicales. En médecine légale, ce qu'il importe de re- chercher, c'est jusqu'à quel point on peut reconnaître par l'in- spection d'une cicatrice sa cause, la nature de l'instrument vul- nérant et l'époque à laquelle la solution de continuité a été produite. Celte question a été l'objet des travaux de M. Malle (Annales de médecine légale, tome xxm, page Ù09), et de M. Martel, ancien interne des hôpitaux (Dissertation inaugu- rale, Paris, 1839) ; malgré les résultats auxquels sont parvenus ces auteurs on peut dire qu'il reste encore beaucoup à faire. Cicatrices des os. C'est au moyen de l'épanchement d'un suc plastique versé par tous les tissus qui environnent le foyer d'une fracture, et par l'os lui-même, que le cal, cette substance os- seuse de formation nouvelle, se développe et entoure les frag- mens. Dans les deux premiers mois qui suivent l'accident, le liquide épanché se solidifie ; d'abord, flexible, le cal acquiert de plus en plus de la consistance, et enfin il devient assez résistant pour que les fragmens des os ne forment plus qu'un levier in- flexible. Dans les premiers mois qui suivent la consolidation d'une fracture, le cal est volumineux et peut causer une plus ou moins grande difformité, c'est le cal dit provisoire ; plus tard, au bout d'un temps plus ou moins long, mais toujours au bout de plusieurs mois, la virole osseuse qui sert de gangue aux frag- mens diminue de volume , et le canal de l'os qui avait élé obli- téré se rétablit en même temps. Ce dernier état de l'os fracturé est ce que Dupuytren a appelé le cal définitif. Je dirai cepen- (1) Voyez article Plaie, page 441. — 569 — dant qu'il n'est pas rare de voir ces fractures parfaitement conso- lidées, celles surtout qui affectent des os qui ne sont pas entou- rés d'une grande quantité de parties molles, sans tuméfaction due au cal, même dans les premiers temps qui suivent la guéri- son. Le médecin-expert ne devrait donc pas conclure de l'ab- sence d'un cal volumineux à l'ancienneté de la lésion. D'ailleurs, dans certains os les fragmens se consolident en un temps moins long que dans d'autres. Je renverrai pour plus de détails aux ouvrages spéciaux, qui traitent de la formation du cal et de toutes les influences qui peuvent en accélérer ou en retarder la marche. Cicatrices des parties molles. Les parties molles ne peu- vent se réunir, après avoir été divisées, qu'à la condition d'un lissu de formation nouvelle qui est le même pour tous, je veux parler du tissu inodulaire de Delpech. Résultat de l'inflammation suppurative , ce tissu, dit le chirurgien de Montpellier, est ma- nifestement fibreux, à fibres d'un blanc mat ; il n'a pas l'éclat des aponévroses, ni le satiné des tendons ; pour l'aspect, il ressemble aux muscles de certains reptiles, ceux des batraciens, par exem- ple ; pour la consistance et la dureté, il peut être comparé aux ligamens articulaires les plus forts ; mais ses fibres sont dirigées en tous sens (Delpech, Chirurgie clinique de Montpellier, tome n, page 377). Ce tissu jouit d'une très grande rétractilité, long-temps même après la guérison de la plaie, et cette propriété a une influence marquée sur l'étendue des cicatrices, selon leur plus ou moins grande ancienneté. Je vais successivement étudier les cicatrices des plaies pro- duites par instrumens tranchans, piquans ou contondans, celles des brûlures, et enfin celles qui sont produites par des vésica- loires, des cautères, etc. A. Cicatrices faites par des instrumens tranchans, pi- quans ou contondans. Une plaie rectiligne produite par un instrument tranchant bien affilé est loin de pouvoir toujours donner lieu à une cicatrice linéaire. Les variétés de forme dé- pendent de l'élasticité de la peau, de son degré de tension, de la saillie plus ou moins grande des parties sous-jacentes, de la laxité du tissu cellulaire sous-cutané. Le degré plus ou moins - 570 — grand de coaptation des lèvres de la plaie aura évidemment aussi une grande influence. Supposez une plaie linéaire faite sui- te moignon de l'épaule, sur la région antérieure du genou, sur la saillie olécrânienne, les parties sous-jacentes écarteront les lè- vres de la plaie qui d'ailleurs s'éloigneront en vertu de l'élasti- cité de la peau ; la forme de la solution de continuité sera par conséquent elliptique. Dans des conditions opposées, elle serait linéaire, ce qui aura lieu partout où la peau est lâche, où la région est déprimée au lieu d'être saillante, à l'aine, par exemple, entre les doigts, les orteils, partout aussi où la peau est solidement fixée aux parties sous-jacentes, au moyen d'un tissu cellulaire dense, au cuir chevelu, à la paume des mains, à la plante des pieds. Dans d'autres circonstances, la cicatrice est linéaire, mais fortement déprimée ; c'est dans les cas où le tissu cellulaire sous-cutané est très lâche, et où les lèvres de la plaie se sont re- tournées sur elles-mêmes, de manière à se toucher par leur sur- face épidermique ; cette disposition des lèvres des plaies qui suppurent est surtout particulière à celles du scrotum et des paupières. On comprend que les causes qui peuvent déterminer l'écarte- ment des lèvres d'une plaie étant nombreuses, et d'ailleurs les propriétés des diverses couches anatomiques n'étant pas favo- rables à la régularité d'une cicatrice dans toutes les régions du corps, on comprend, dis-je, que les plaies linéaires donnent sou- vent lieu à une cicatrice elliptique. Bien plus, la tension qui est exercée sur les lèvres d'une plaie faite par un instrument tranchant, est quelquefois répartie assez inégalement, pour que M. Martel ait pu observer qu'il pouvait en résulter une forme arrondie. Quand la peau est tendue dans un sens perpendiculaire^ la solution de continuité, aucune trac- tion n'étant exercée sur les angles de ses lèvres, la plaie prend une forme circulaire, ou losangique suivant le degré de traction. Le grand diamètre de la plaie peut même se trouver dans le sens de cette traction, si le tissu cellulaire sous-cutané de la région permet le glissement de la peau. Les extrémités de la solution de continuité se rapprochent alors, tandis que le milieu des bords — 571 — s'éloignant, des angles se forment là où la force a exercé la traction. La cicatrisation des plaies par instrumens piquans étant sou- mise à l'influence des mêmes conditions organiques, on comprend comment un instrument piquant triangulaire, tel qu'une épée, peut déterminer une plaie tantôt arrondie, tantôt linéaire, sui- vant qu'il perce une partie saillante, telle que la région de la pommette, le moignon de l'épaule, ou une partie déprimée comme le creux du coude, l'aine. Si la forme des cicatrices succédant à des plaies faites par des instrumens tranchans ou piquans n'est pas souvent un moyen in- suffisant de reconnaître la nature de l'instrument vulnérant, il n'en est pas de même de celles qui résultent de plaies contuses : leurs caractères sont, en effet, assez constans. Dans une plaie Conluse, les bords de la solution de continuité en général, dés- organisés, sont éliminés par la suppuration ; le plus souvent le corps contondant n'a point divisé les tissus suivant des lignes bien nettes, bien régulières ; la partie moyenne de la plaie for- tement conluse, subit habituellement une perte de substance : aussi les cicatrices des plaies contuses sont-elles généralement déprimées ; leurs bords sont saillans, rebondis, dentelés ; plus la perte de substance a été grande, plus la dépression est pro- fonde ; cependant quand la cicatrice repose sur un os, elle con- tracte avec lui des adhérences et les bords présentent une saillie relative plus grande. Les cicatrices des plaies d'armes à feu sont parfaitement régu- lières et arrondies si l'arme a été déchargée à distance. La peau est tiraillée vers le centre du disque que présente cette Cicatrice, qui d'ailleurs adhère aux tissus sous-jacens ; les bords sont, au contraire, irréguliers, comme dentelés, et la peau est recouverte d'une sorte de tatouage dû à l'incrustation des grains de pou- dre, si le coUp a été tiré à brûle-pourpoint. Le nombre des cicatrices ne peut nullement indiquer si l'arme renfermait un ou plusieurs projectiles, attendu qu'une balle peut se partager en plusieurs fragmens en tombant sur les crêtes d'Un os (Voy. plus haut page «59). Cicatrices des brûlures. Elles présentent des caractères tran- — 572 — chés. Une brûlure due à un liquide bouillant non visqueux sera étendue, irrégulière, superficielle , avec des tractus plus ou moins longs dans le sens où la pesanteur aura entraîné le li- quide. Qu'un corps solide, chargé de calorique, brûle nos tissus, la forme de la cicatrice en présentera l'image exacte. Quand la suppuration aura été longue, abondante, des brides, des adhé- rences contre nature rétrécissent les orifices naturels et empê- chent les mouvemens de la région. Cicatrices produites par des vésicatoires, des cautères, des ouvertures d'abcès, etc. Les vésicatoires volans ne lais- sent point de trace de leur application ; mais quand on a favo- risé la suppuration, ils laissent une cicatrice indélébile qui a la forme de l'emplâtre vésicant. Les cicatrices qui succèdent à l'ap- plication des moxas ressemblent à celles des plaies contuses avec perte de substance. Il en est de même de la double cicatrice du séton. Une foule d'opérations chirurgicales peuvent simuler les ré- sultats des blessures. Il est donc possible de confondre les cica- trices des plaies accidentelles avec celles des plaies pratiquées par l'art. « Quelques formes de cicatrices provenant de maladies de peau peuvent en imposer pour des blessures ; telles sont celles de l'acné ; elles sont blanches, plus ou moins larges, souvent al- longées, quelquefois isolées, mais bien plus fréquemment mul- tiples ; leur siège le plus commun dans le dos et surtout leur multiplicité tiendront toujours en garde l'expert qui aurait à se prononcer sur ce genre de lésion » (Devergie, tome n) . Les cicatrices qui proviennent de l'ouverture spontanée d'abcès scrofuleux présentent à-peu-près les mêmes caractères que celles des plaies par arme à feu, c'est-à-dire qu'elles sont déprimées, que la peau circonvoisine est froncée, plissée, et que les bords sont proéminens. Leur siège aux aines, sous la mâ- choire inférieure, sur le trajet de la glande parotide indiquent le plus souvent une affection scrofuleuse. Les cicatrices ne présentent pas toutes la même coloration, la même consistance. Quand une cicatrice est récente, elle est rosée, et le médecin légiste peut déterminer approximativement — 573 — à quelle époque la blessure a été faite, en tenant compte en même temps de la consistance et de la solidité de son tissu; car dans les premiers temps de leur lormation les cicatrices sont minces et peuvent être aisément déchirées. Mais le temps pen- dant lequel la cicatrice conserve sa coloration est variable ; telle la gardera quelques semaines, telle autre quelques mois. En con- séquence, l'expert ne pourra, dans la considération de la couleur seule d'une cicatrice, trouver un moyen sûr de résoudre la ques- tion de savoir à quelle époque, par exemple, remonte une bles- sure. Sous l'impression du froid, la couleur des cicatrices est violacée ; celles qui sont anciennes deviennent d'un blanc mat et paraissent ne pas participer à la circulation capillaire. La peau circonvoisine peut rougir sous l'influence de certains excitans : le tissu d'une cicatrice ancienne ne change jamais de couleur. Lorsqu'un malade a succombé pendant le traitement d'une plaie, celle-ci éprouve des changemens remarquables après la mort ; ses bords s'affaissent ainsi que les bourgeons charnus dont elle est couverte , elle pâlit sensiblement et souvent la ci- catrice commençante ne paraît plus aussi distincte de la portion suppurante de la plaie que pendant la vie ; il est donc plus diffi- cile, en général, de distinguer après la mort le degré de la cica- trisation et l'ancienneté de la blessure, que pendant la vie. § II. DES BLESSURES CONSIDÉRÉES SOUS LE RAPPORT DES DIVERSES CIRCONSTANCES QUI INFLUENT SUR LEUR DURÉE ET SUR LEURS SUITES. J'ai déjà fait entrevoir, en examinant la législation actuelle sur les blessures, et en exposant d'une manière générale la marche à suivre pour apprécier leurs dangers, que sous l'empire de certaines conditions, la durée de ces lésions pouvait se pro- longer au-delà du terme qui suffît ordinairement pour les guérir, et que leurs suites pouvaient être beaucoup plus fâcheuses, ou, ce qui revient au même, que les effets des blessures n'étaient pas toujours en rapport avec la cause qui les avait produites. L'étude de ces conditions fera l'objet de ce paragraphe, et — 574 — il importe d'autant plus de considérer attentivement tout ce qui s'y rapporte, que Fauteur d'une violence extérieure ne peut pas être responsable d'une foule d'effets indépendans de celte vio- lence, qui tiennent à des circonslances accidentelles. Plouquet et Mahon ont rangé les circonstances susceptibles d'aggraver les effets des blessures en deux sections : 1° circon- stances manifestes ou occultes existant avant le moment où la violence a été exercée ; 2° circonstances survenant après l'épo- que où les blessures ont été faites. J'adopterai celte division. Première section. Circonstances manifestes ou occultes, existant avant le moment où la violence a été exercée. Les circonstances manifestes sont relatives à l'âge, au sexe, etc. Un coup léger pourra déterminer chez un vieillard ou un enfant dé- bile des accidens qu'il n'aurait point produits chez un adulte d'une constitution robuste et d'une bonne santé habituelle. L'a- vortement, une hémorrhagie utérine abondante, et d'autres ac- cidens fâcheux peuvent être la suite d'une contusion légère de l'abdomen, ou d'une chute provoquée par un coup, si la femme élait enceinte de plusieurs mois, tandis que la même violence aurait à peine occasionné quelque dérangement si la femme eût été dans une condition opposée. Le renversement d'une personne qui ne se soutient qu'à l'aide de béquilles, à cause de la perte d'un membre ou d'une maladie articulaire, peut être déterminé par un coup léger, et donner lieu à des fractures plus ou moins compliquées. La contusion de certaines tumeurs à la tête, à la face, au col, etc., est suivie d'accidens fâcheux qui ne se se- raient point manifestés sous l'influence de la même violence, sans l'existence de pareilles tumeurs. Or, dans aucun de ces cas, l'agresseur ne saurait prétexter l'ignorance de l'état dans lequel se trouve le blessé, et il serait injuste de ne pas lui faire subir les conséquences nécessaires delà blessure. Les circonstances occultes sont relatives à la disposition or- ganique du blessé. Une personne douée d'un tempérament ner- veux, en proie à des affections convulsives, peut éprouver, à la suite d'une piqûre légère, un tétanos dangereux ou d'autres accidens nerveux dont le moindre inconvénient sera la prolon- gation de la maladie, parce qu'on aura été forcé de débrider la — 575 — plaie et d'empêcher une prompte cicatrisation. — Une contusion médiocre détermine quelquefois chez un individu éminemment pléthorique une inflammation intense qui se termine par la gan- grène, malgré l'usage des antiphlogistiques les plus énergiques : la contusion aurait été guérie dans l'espace de quelques jours sans la disposition dont je parle, tandis que la plaie gangreneuse se prolonge au-delà de plusieurs semaines. — Avec quelle len- teur ne verra-t-on pas marcher la cicatrisation d'un ulcère chro- nique produit par une légère percussion chez une personne faible, cachectique, ou dans un état scorbutique : un individu bien portant aurait à peine été retenu chez lui pendant quelques jours, à la suite d'une pareille contusion. — Ne voit-on pas des ulcères variqueux difficilement curables succéder à des plaies, à des contusions légères, par cela seul que le plaignant avait des va- rices aux jambes : faudra-t-il, dans ce cas, rendre l'agresseur responsable du retard qu'éprouve la guérison, et qui dépend en- tièrement d'une disposition organique qu'il était censé devoir ignorer? Je pourrais en dire autant de ces suppura lions abondantes compliquées d'une éruption pustuleuse, qui surviennent quelque- fois à la suite d'une légère violence, chez des personnes disposées aux affections dartreuses, aux phlegmasies aiguës ou chroniques de la peau, ou affectées d'une syphilis constitutionnelle. Il existe encore d'autres circonstances relatives à la constitution du blessé, qui, pour être moins accessibles à nos sens, n'en sont pas moins réelles ; on observe journellement dans les blessures en apparence les plus légères, la fièvre, des vomissemens et d'autres accidens dont l'effet constant est de prolonger la durée de la lésion, lorsqu'ils n'exposent pas les jours du blessé ; dans beaucoup de cas, l'état moral de l'individu, au moment où il a été atteint et pendant la maladie, rend raison de ces épiphéno- mènes, puisqu'on a des exemples de morts subites déterminées par la joie, le chagrin, une grande frayeur; etc.; mais quelque- fois l'homme de l'art serait fort embarrassé de rapporter les symptômes dont je parle à leur véritable cause. — Plusieurs vices de conformation occultes, et notamment celui qui consiste dans la transposition de quelques viscères ; certaines maladies organiques, dont l'agresseur pouvait ne pas avoir connaissance, — 576 comme des anévrysmes, des hernies, etc., peuvent rendre fâ- cheuses des blessures dont la terminaison heureuse serait arrivée au bout de quelques jours chez des individus placés dans des conditions opposées. Une blessure peut donc se prolonger pendant un temps consi- rable, dit Chaussier, par suite des dispositions organiques que le blessé porte en lui; et, toutes les fois qu'on est appelé à juger des suites d'une lésion par cause interne, il faut faire la part de ce qui tient à la blessure d'une manière absolue, et de ce qui tient à la constilulion particulière du blessé : le plus souvent sans doute, le médecin pourra être éclairé en éludiant la consti- tution du blessé ; mais d'abord cela suppose déjà que ce médecin est habile, et trop souvent les magistrats sont peu judicieux dans le choix qu'ils font des hommes de l'art auxquels ils demandent des rapports : en second lieu, il faudrait que le blessé voulût bien se prêter à l'examen qu'on fait de sa constitution propre, qu'il répondît avec franchise aux questions qui lui sont adressées sur sa vie passée ; loin de là, par^sentiment de vengeance contre l'au- teur de sa blessure, il dissimule quelquefois tout ce qui peut venirde son fait pour charger davantage son adversaire ; en troi- sième lieu, le plus souvent les débats de ce genre s'agitent après que le blessé est guéri, et lorsqu'on n'a plus sous les yeux qu'un rapport écrit, et qui presque toujours est imparfait ; enfin, il faut convenir que dans certains cas rien n'annonce à l'intérieur dans un blessé, le germe de la maladie qui va se développer en lui et qu'on sera disposé à attribuer à la blessure, parce qu'elle concïde avec elle. Et, en effet, les maladies ne surviennent-elles pas souvent au milieu de la santé la plus parfaite en apparence ; lorsque, par exemple, un érysipèle ou une éruption cutanée quelconque éclate, n'est-ce pas souvent au milieu de la plus par- faite santé, et lorsque rien n'annonçait dans l'économie le besoin de la dépuration qui va se faire ; qui peut dès-lors assurer qu'un blessé dont la guérison se fait attendre plus qu'on ne pouvait raisonnablement supposer, ne se trouve pas dans cette disposi- tion secrète? (Huard, Considérations médico-légales sur deux articles du Titre II du Code pénal, Dissertation inau- gurale, juillet 1819, page 21). — 577 — Mais tout en admettant qu'il y aurait de l'injustice à attribuer a l'agresseur toutes les conséquences de la rupture d'un ane- vrysme, de la lésion des viscères importans contenus dans les sacsherniaires, ou dans des régions du corps où ils ne se trouvent pas ordinairement, de la contusion du crâne ou de la commotion du cerveau lorsqu'il y a amincissement considérable des parois osseuses, il faut également admettre qu'il ne serait pas juste de l'excuser sous prétexte qu'il était censé ignorer l'existence de l'anévrysme, de la hernie, de la transposition des organes et de la disposition des os du crâne. N'est-il pas constant, en effet, que la violence extérieure qui a produit des désordres aussi graves en raison de circonslances particulières, aurait également pu êlre suivie d'accidens fâcheux sans le concours de ces circon- stances ? Il importe donc d'examiner attentivement les effets qui seraient résultés inévitablement de l'action de l'instrument vul- nérant, si l'individu n'eût pas été placé dans des conditions inso- lites, établir la comparaison entre ces effets et ceux qui se sont manifestés, et laisser aux magistrats le soin de tirer de cette connaissance le parti qu'ils jugeront convenable. Deuxième section. Circonstances susceptibles d'aggraver les blessures survenant après l'époque où celles-ci ont été fai- tes. A. Le climat,la saison, l'étal général de l'atmosphère, le lieu qu'habite le malade, exercent sur la durée des blessures une in- fluence plus ou moins marquée. Celte observation avait déjà été faite par le célèbre Paré, qui s'exprime en ces termes : « De fait qu'il n'y a si petit chirurgien qui ne sçache, qu'estant l'air chaud et humide, facilement les playes dégénèrent en gangrène et pourriture. Et quant à l'expérience, ie luy bailleray bien fami- lière : c'est qu'en temps chaud et humide, et lorsque le vent aus- tral souffle, les viandes pourrissent en moins de deux heures tant soient-elles fraisches, de façon que les bouchers en ce temps-là, ne tuent leurs bestes qu'à mesure qu'ils les vendent. Aussi n'y a-t-il doute aucune, que les corps humains ne tombent en affection contre nature quand les saisons peruertissent leurs qualitez par la mauuaise disposition de l'air, dont on a veu cer- taines années que les navrez estoient très difficiles à guarir et souuent mouroient de fort petites playes quelque diligence que n. S7 -r 578 — les médecins et chirurgiens y peussent faire. Ce que j'ay bien remarqué au siège qui fut mis devant Rouen. Car le vice de l'air altéroit et corrompoit tellement le sang el les humeurs, par l'in- spiration et transpiration, que les playes en estoienl rendues si pourries et puantes, qu'il ep sortoit une félpur cadauéreuse. Et si d'aduanture on passoit vn iour sans les penser, on y trouuoil le lendemain grande quantité de vers, avec vne puanteur merueil- leuse, dont se leuoient vapeurs putrides, qui, par leur comniu- njpation avec le cœur, causotent fièvre continue, avec le foye einpeschoient la bonne génération de sang, et aue.c le cerueau, profluisoient aliénation d'esprit, resuerie, conuulsions, vomisse- mens, et par conséquent la mort » (A- Paré, livre xi, chap. xv, Pt m)- pn lit encore dans le même ouvrage, qu'au temps de la ba- taille ^e Saint-Penis, et au siège de Rouen, pour l'indisposition et malignité de l'air, ou pour la caGûchymie des corps et per- turbation des humeurs, presque toutes les plaies, surtout celles quiétaient faites par armesà feu, étaient mortelles : ainsi, en con- sidérant la constitution actuelle, nous pouvions présumer que les hommes blessés étaient en danger de mort. Nul doute qu'il ne faille admettre qu'une blessure sera ag- gravée, et que sa durée sera beaucoup plus considérable si le malade est placé dans une atmosphère spéciale corrompue par la gangrène d'hôpital, le typhus, etc., et qu'il contracte ces ma- ladies. Il est également incontestable que lorsque la lésion aura été faite pendant qu'il règne une constitution épidémique bien connue, ou à une époque de l'année qui prédispose aux affec- tions bilieuses, elle pourra se compliquer d'un certain nombre d'acpidens propres à en prolonger la durée. Mais il iaut avouer qu'il serait bien difficile, dans tout autre cas, d'apprécier au juste l'influence que le climat, la saison et l'état général de l'atmos- phère exercent sur la blessure, et de séparer les effets dépendant de celle-ci, de ceux qui peuvent tenir aux circonstances dont je parle. B. Le traitement opposé à, la blessure mérite la plus grande attention j en effet, il est une foule de lésions dont la guérison n'est jamais complète, ou ne se fait attendre pendant plusieurs — 579 — jours qiip pa^ce qu'on n'a pas employé le traitement le plus eon- venable : je citerai 1° certains cas de brûlure qui laissent après eux une incapacité 4'action et une [difformité très fâcheuse, si l'on a mal jugé la profondeur de la lésion, ou si l'on n'a pas em- ployé les appareils convenables pendant la cicatrisation ; 2° une plaie par instrument tranchant, qui n'intéresse que la peau ; la réunion par première intention tarderait à peine quelques jours à (êfre spjvie dp }% guérison, tandis qu'il faudra plusieurs se- maines pour obtenjr ce résultat si, au lieu de rapprocher les b,ords, on la laisse suppurer, surtout si plie offre une certaine étendue. Dans d'autres circonstances, il y a erreur de diagnostic et par suite application d'un traitement mal approprié ; p'a-t-on pas vu des médecins, cpnfondre avec des ulcérations syphiliti- ques, ces gangrènes qui surviennent quelquefois aux parties génitales dés jeunes enfans? Il est des pas où il ne s'agit pas sim- plement de ne pas avoir choisi la meilleure niéthpde de traite- ment, il y a enpore inipérilie de la part de l'homme de Fart qui :* eu recours à des moyens intempestifs et dangerpux : ajnsi un caillot salutaire vient boucher l'ouverture d'im vaisseau sanguin par laquelle s'était déjà écoulée une assez grande quantité de sang; le chirurgien imprévoyant tlétachp pe caillot, soit en inci- sant la plaie, soit en la sondant, et il est même hors d'état d'ar- rêter l'hémorrhagie qui se manifeste, et qui termine les jours du malade. Plus loin c'est un homme dont le fémur a été cassé, et dont la fracture n'a été ni convenablement réduite ni maintenue, en sorte que le blessé est obligé de garder le lit pendant fort long- temps, et qu'il reste même estropié. Le vice du traitement dans ces différens cas est tellement saillant, qu'ily aurait de l'injustice à rendre l'agresseur passible du retard, qu'a éprouvé la guérison. L'appréciation du traitement qui a été opposé à la blessure, dft Chaussier, est djonc très importante; il faut pour la faire équitablement, rassembler un assez grand nombre de données. Il faudrait en quelque sorte qu'on eût pu visiter le blessé chaque j our, et à des heures imprévues, de manière à pe qu'on ne pût rien ignorer de sa conduite. C'est ainsi que cette indication seule du temps qu'a mis une blessure quelconque à guérir, lorsque cette indication est matière à procès criminel, dpyient un prpr 37. — 580 — blême assez délicat à résoudre (Huard, thèse citée, page 26). C. La conduite du malade et des assistans ne saurait être examinée avec trop de soin. Dans un cas, le succès de la guéri- son dépend du repos et du silence le plus absolu ; dans un autre, il serait assuré si le blessé voulait supporter en temps opportun les débridemens nécessaires pour extraire un ou plusieurs corps étrangers; ailleurs il importe de suivre un régime sévère, d'éviter les travaux de l'esprit, les excès de table, et surtout des boissons alcooliques, d'éloigner toute cause susceptible d'affecter vive- ment : on sait, par exemple, que des maladies nerveuses plus ou moins graves, et même la mort peuvent être la suite du sai- sissement , de la frayeur ou de l'indignation qu'a éprouvés le blessé. Et si par hasard celui-ci ne veut se soumettre à aucun des préceptes dictés par la prudence et le savoir, il est évident qu'il faut attribuer à l'inobservance des règles de l'hygiène le re- lard qu'a éprouvé la guérison. D. Les tentatives faites dans le dessein d'aggraver les blessures. On a vu des blessés appliquer de l'acide azotique, des cantharides et d'autres caustiques sur des plaies, pour en pro- longer la durée, afin d'obtenir des dommages - intérêts plus considérables, ou de faire condamner l'agresseur à une peine infamante. Il est des cas où la fraude peut être reconnue par l'inspection de la plaie, par exemple, quand on s'est servi d'acide azotique : car alors toute la surface présente une couleur jaune particulière, et le pourtour est rempli de pustules érysipélateu- ses ; dans d'autres circonslances, tous les efforts sont infructueux pour découvrir l'existence matérielle du caustique, et l'on ne peut espérer de résoudre la question qu'en surprenant le blessé et en le visitant à plusieurs reprises et lorsqu'il s'y attend le moins. Je dois, en terminant ces réflexions, jeter un coup-d'œil sur une question importante qui s'y rattache naturellement; la voici: rendra-t-on l'agresseur responsable de tous les accidens graves, et même de la mort qui est la suite d'une blessure, si tout porte à croire que les effets de la violence extérieure n'ont élé aussi funestes que parle défaut absolu de secours, ou, en d'autres ter- mes, lorsqu'un individu n'aura pas été trépané après avoir reçu — 584 — un coup sur la tête, et que cette opération pouvait l'empêcher de périr, ou lorsque, après la blessure d'un gros tronc artériel, on n'aura point pratiqué les ligatures qui pouvaient être salutaires ; enfin lorsqu'on n'aura pas fait l'extraction d'un corps étranger qui aurait peut-être été suivie du plus grand succès, regardera- t-on l'agresseur comme passible de tous les désordres qui sont survenus, voire même de la mort? La solution d'une pareille question ne saurait être donnée d'une manière générale ; cepen- dant, on peut dire que l'auteur de la violence est responsable, dans la plupart des cas, des effets de la blessure. D'abord il est difficile, pour ne pas dire impossible, de prouver que les opérations dont je viens de faire mention, pratiquées à temps et avec méthode, auraient été suivies de guérison ; je me bor- nerai à citer à l'appui de cette assertion la ligature d'un tronc artériel considérable, de l'artère crurale, par exemple : ne voit- on pas tous les jours périr entre les mains des plus habiles chi- rurgiens des individus auxquels on a fait subir une pareille opération dans le dessein de guérir un anevrysme ou d'arrêter une hémorrhagie? Mais, en supposant qu'il n'en fût pas ainsi, et que l'entreprise dût toujours être couronnée de succès, on ne pourra point nier au moins que, dans beaucoup de circonstances, la réussite dépendra de la promptitude avec laquelle on opérera : or on ne peut pas supposer que le blessé soit constamment ac- compagné d'une personne de l'art capable de lui donner les se- cours convenables ; d'ailleurs quand même cela serait, ne sait- on pas qu'il est des cas où le chirurgien le plus instruit n'ose pas entreprendre ces sortes d'opérations, parce que le diagnos- tic ne lui paraît pas suffisamment établi, parce qu'il espère pou- voir en éviter les suites fâcheuses, ou qu'il est persuadé qu'il n'en retinera aucun avantage? La responsabilité de l'agresseur, au contraire, sera moindre s'il est prouvé que le défaut absolu de secours est le résultat d'une pusillanimité coupable du chirurgien ; si, par exemple, loin de se conformer aux préceptes de l'art les plus généralement adoptés, il a évité des débridemens nécessaires, des amputations utiles, opérations que l'expérience démontre avoir été suivies du plus grand succès dans des cas semblables. Il en sera de même - 5& - si l'on peut établir que Pes moyens salutaires ayant été proposés à temps par l'homme de Part, il y a eu refus formel de la part dtt malade Où des assistans, qui n'ont permis de les mettre ett prati- que que ldrfctjù'ihl devaient être infructueux. ARTICLE x. Des signes propres à déterminer si les blessures ont été faites pendant la vie. Lorsqu'on est appelé pour faire l'ouverture d'un cadavre sur lequel on remarque des traces de blessures, il importe de déter- miner si celles-ci ont été faites avant ou après la mort : cette dis- tinction n'est pas toujours facile à établir. Voici les résultats d'un certain nombre d'expériences tentées en 1827 et propres à éclairer ce sujet (Voyez la deuxième édi- tion de cet ouvrage). Plaies par instrument tranchant. Expérience première. On a pratiqué derrière l'épaule d'un chien une in- cision profonde, de i à 5 centimètres de long : vingt minutes après l'ani- mal à été tué. Examen de la plaie, vingt-quatre heures après la mort. Rétraction marquée des bords, qui sont éloignés l'un de l'autre de 1 Centi- mètres dans la partie moyenne de la plaie; celle-ci est recouverte par un caillot de sang inégalement épais, adhérent à l'un des bords, qui sont à peine gonflés, et sur lesquels on aperçoit plusieurs petits caillots de sang desséche; le {issu cellulaire sous-cutané est légèrement infiltré de sang noir, en partie ôoâgùlé ; on trouve de semblables caillots entre lès bords des muscles soùs-cutanés qui ont été divisés ; du reste, la rétraction de cé'â bords ne paraît pas plus considérable que celle des bords de la peau. Expérience deuxième. Une incision semblable a été faite sur la même partie d'un chien mort depuis vingt minutes. Au bout de vingt-quatre heu- res, on observe que la rétraction et le gonflement sont à-peu -près comme dans le cas précédent ; qu'il y a çà et là des traces de caillots de sang des- séché sur un des bords ; que le tissu cellulaire sous-cutarté est légèrement ihfiltré de sang en partie coagulé ; mais on n'aperçoit pas, comme daDs l'expérience faite sur le chien vivant, que la plaie soit recouverte par Un 1 arg caillot. Expérience troisième. Des incisions semblables, faites six, huit ou dix heures après la mort, ne donnent lieu à aucun épanchement sanguin ; les — 583 — bords sont pâles, sans caillots ; toutefois leUr rétraction est aussi notable que dans les expériences précédentes. Piqûres. Expérience quatrième. On a enfoncé dans le dos d'un chien la pointe d'un scalpel ; l'animal a été tué vingt minutes après. La piqûre, examinée le lendemain, présentait \ centimètre de long; elle était fermée par un cail- lot de sang desséché que l'on enlevait facilement en écartant les lèvres de la plaie; le tissu cellulaire sous-cutané était infiltré de sang noirâtre en partie coagulé ; on remarquait une pareille infiltration, mais beaucoup plus légère, dans le tissu cellulaire sous-aponévrotique et dans les muscles. Expérience cinquième. On a piqué de la même manière le dos d'un chien vingt-minutes après la mort; la plaie offrait les mêmes dimensions que la précédente; ses bords étaient libres et sans caillots ; le tissu cellulaire sous- cutané était légèrement infiltré de sang en partie coagulé. Plaies d'armes à feu. Expérience huitième. On a tiré à bout portant un coup de pistolet sur la partie latérale droite du thorax d'un Chien ; voyant que l'animal n'était pas mort au bout de vingt minutes, on l'a tué en lui enfonçant un sylet dans la moelle épinière. Examen du cadavre, au bout de vingt-quatre heures. La peau est nettement perforée par la balle, comme si elle avait été enlevée avec un emporte-pièce ; les poils sont renversés dans la plaie, dont l'ouver- ture est en partie fermée par un caillot; la peau des environs est sèche, noire et amincie ; on trouve à peine du sang épanché entrre la peau et le muscle peaucier ; le tissu cellulaire sous-cutané est légèrement infiltré de sang en partie caillé : les muscles sont perforés comme avec un emporte- pièce dans une étendue semblable à celle du diamètre de la balle; tout au- tour de l'ouverture musculaire, on voit une croûte noire formée par du sang Coagulé ; du reste, il y a à peine du sang infiltré dahs le tissu de ces muscles; le tissu cellulaire qui sépare les diverses couches des muscles cof- respondansà la partie lésée est le siège d'une infiltration sanguine 5 le côté droit de la poitrine contient une grande quantité de sang épanché et coa- gulé. Le poumon est percé à la partie postérieure de son lobe inférieur; les bords dé cette ouverture sont gonflés, et l'on voitçà et là des caillots de sang noirâtre. La cavité gauche de la poitrine renferme du sang fluide et coagulé. L'ouverture de sortie de la balle est un peu au-dessous du sommet du cœur; elle offre à-peu-près les mêmes dimensions que celle par la- quelle la balle a pénétré dans le thorax ; mais les poils ne sont pas renver- sés en dedans : les muscles sous-jacens et le tissu cellulaire qui les sépare soh't infiltrés de sang; l'infiltration sanguine du tissu cellulaire sous-cu- tané a beaucoup plus d'étendue que dans l'autre ouverture. Expérience neuvième. On a tiré à bout portant un coup de pistolet sur la -- 584 — partie latérale droite d'un chien mort depuis vingt minutes. Examen du cadavre, vingt-quatre heures après. La plaie et les parties environnantes sont noires; les poils sont brûlés; l'ouverture de la peau, de la largeur de la balle, est fermée par l'épiderme ; la peau est dure et racornie comm&-du cuir, dans une étendue égale à celle d'une pièce de deux francs; le tissu cel- lulaire sous-cutané est infiltré de sang coagulé ; le muscle grand dorsal est perforé comme dans la plaie précédente; le tissu cellulaire qui sépare, les muscles sous-jacens est également le siège d'une légère infiltration ; il y a du sang épanché dans le côté droit de la poitrine. Le ventricule gauche du cœur est ouvert et déchiré : les bords de la déchirure sont durs, comme ra- cornis ; il n'y a pas d'ouverture de sortie. Expérience dixième. On a recommencé l'expérience précédente sur un chien mort depuis six heures : la plaie élait légèrement noirâtre à la cir- conférence; les poils étaient renversés en dedans ; il n'y avait aucune trace d'infiltration sanguine. La balle, après avoir traversé le foie, s'est arrêtée dans le tissu cellulaire sous-cutané du côté opposé qui n'était pas non plus infiltré : il y avait du sang épanché dans le tissu du foie. Il résulte de ces expérienees et de plusieurs autres que je ne crois pas devoir rapporter : 1° qu'il est impossible de confon- dre les plaies par instrument tranchant, les piqûres ou les plaies d'armes à feu faites peu de temps avant la mort, avec celles qui ont été faites plusieurs heures après, parce que, dans ces dernières, les lèvres de la division dont la rétraction peut être assez considérable, sont pâles, sans gonflement et sans aucune trace de caillot adhérent à leur surface • d'ailleurs il n'y a point d'infiltration sanguine dans les aréoles du tissu cellulaire environnant, à moins que l'instrument vulnérant n'ait atteint un tronc veineux considérable; 2° qu'il est quelquefois difficile de distinguer si ces lésions ont été faites peu de temps avant ou après la mort, parce que, dans l'un et l'autre cas, il pourray avoir du sang infiltré dans le tissu cellulaire environnant, que les bords des plaies pourront offrir des caillots de sang plus ou moins adhé- rens et que leur gonflement et leur rétraction seront à-peu-près les mêmes : à la vérité, on remarque, dans beaucoup de circon- stances, que les caillots sont plus nombreux, plus volumineux el plus adliérens aux bords, et que l'infiltration sanguine est plus considérable, lorsque la blessure a été faile peu de temps avant la mort, que dans l'autre cas ; 3° qu'il est facile de distinguer les lésions dont je parle, faites sur les cadavres, de celles qui ont été — 585 — faites plusieurs jours avant la mort : il suffit, pour cela, de con- naître la marche que suit la nature dans la cicatrisation des plaies; je crois pouvoir me dispenser de rappeler lés divers caractères que présentent alors les parties lésées. Contusions. Expérience première. On a appliqué un violent coup de bâtonàla cuisse d'un chien vivant que l'on a tué vingt minutes après : à l'ouverture du ca- davre faite le lendemain, on a vu que le tissu cellulaire sous-cutané, cor- respondant à la partie frappée, était infiltré de sang dans l'étendue d'un centimètre et demi ; la largeur de cette ecchymose était de 7 à 8 centi- mètres, comme celle du bâton ; le derme ne paraissait pas altéré ; le tissu cellulaire intermusculaire était légèrement infiltré de sang, en partie coa- gulé, jusque dans les faisceaux musculeux les plus profonds. Expérience deuxième. La cuisse d'un chien mort depuis vingt minutes, ayant été frappée de plusieurs coups du même bâton, n'a présenté au- cune infiltration de sang, quoique le fémur eût été cassé en plusieurs frag- mens. Quelque temps après la publication de ces expériences, le doc- leur Christison entreprit un travail du même genre sur les contusions et obtint des résultats qui méritent d'être rap- portés (V. Annales d'hygiène et de médecine légale, juillet 1829). Expérience première. Une heure et demie après la mort d'une femme de trente-trois ans, assez forte, qui avait été malade pendant trois semaines, on porta plusieurs coups violens avec un bâton sur la partie antérieure des deux jambes, sur le devant des cuisses, sur les mamelles et enfin sur les côtés du cou. Avant de porter ces coups, on s'assura que le tronc et le cou étaient encore chauds, que la figure et les membres éprouvaient déjà un lé- ger refroidissement, et qu'il commençait à se manifester un peu de raideur cadavérique dans les articulations des membres inférieurs. En moins de dix minutes, de larges taches d'un noir bleuâtre parurent sur les seins et sur le cou. Deux heures et un quart après la mort, la tête fut abaissée avec force sur la poitrine. Enfin vingt-trois heures après la mort, on frappa for- tement avec un bâton sur la crête des os des îles, et on produisit ainsi un éraillement de l'épiderme. Au bout de trente-cinq heures, on examina ce cadavre, qui pendanttout ce temps était resté couché sur le dos. La face, le dos et les côtés étaient très livides; mais en incisant la peau, on s'assura que partout, même dans les points ou la lividité était la plus forte, la coloration était tout-à-fait su- — 586 — perficielle, et n'affectait pas une épaisseur de la peau, qu'on pût rigoureu- sement apprécier. En examinant les points sur lesquels avaient porté les coups de bâton, on trouva que sur les jambes, il n'y avait d'apparent que quelques légères taches d'un noir bleuâtre, bornées â la superficie de la peau. Sur les cuisses, les coups étaient marqués par quelques petits points noirs bleuâtres, dus à la coloration de la surface la plus extérieure de la peau ; de plus, les inter- stices des cellules adipeuses du tissu cellulaire sous-cutané étaient çàetlà infiltrés d'Un peu de sang noir. Sur les mamelles et au cou, on voyait des ecchymoses d'une teinte aussi foncée que si les blessures eussent été faites pendant la vie, mais sans apparence de gonflement; les points les plus fon- cés correspondaient à la partie la plus saillante du bâton : cette coloration se bornait encore à une couche très mince de la peau, qui plus profondé- ment avait conservé sa couleur naturelle; le tissu cellulaire sous-jacent était çà et là infiltré d'une grande quantité de sang fluide et noir ; mais il n'y avait pas d'extravasation de ce liquide dans les cellules adipeuses elles-mêmes. De chaque côté des régions cervicale et dorsale de l'épine, entre le mi- lieu du cou et le milieu du dos, oh trouva un peu de sang noir liquide, ex- travasé dans l'épaisseur des muscles environnans. Le ligament jaune qui unit la dernière vertèbre cervicale avec la première dorsale était entière- ment déchiré, de manière à ce qu'on pouvait par là introduire le doigt dans la cavité du canal vertébral. Entre la première vertèbre cervicale et la cinquième dorsale, il f avait du sang noir liquide infiltré dans les mailles du tissu cellulaire, qui est appliqué sur l'enveloppé membraneuse de la moelle, et même sous le périoste qui recouvre les lames des vertèbres dans l'intérieur du canal. Le ligament postérieur de l'épine était sain, et il n'y avait pas d'épanchement dans l'intérieur des enveloppes de la moelle épi- nière. Les poumons étaient sains et crépitâns, et les cavités droites1 du cœur étaient gorgées de sang partout coagulé. Expérience deuxième. Elle ne différa dé la précédente qu'en ce qu'elle fut faite sur le cadavre d'un homme de trente-huit ans, et que les coups ne furent portés que trois heures un quart aprês.la mort. On observa aussi que les tracés des coups de bâton ne se manifestèrent pas immédiatement; seule- ment elles étaient très visibles quatorze heures après. Expérience troisième. On asséna, quatre heures après la mort, de violens coups de bâton sur le cadavre encore chaud d'une jeune femme qui avait succombé dans un état de maigreur extrênté; Dans les points où l'épiderme avait été entamé par la violence du coup, la marque était sèche et brune ; mais partout ailleurs on ne pût découvrir aucune trace de violence. Expérience quatrième. Dans cette expérience, qui fut faite avec un mail- let deux heures après la mort, lès coups furent portés sur le dos, déjà li- vide, du cadavre d'un jeune homme très robuste. Au bout de cinq heures; la lividité était complète et paraissait un peu plus foncée dans les peints où — 587 — les coups avaient été portés. L'état de la peau était le même que dans les parties livides qui n'avaient point été frappées. Du sang tiré des veines jugulaire et fémorale, huit heures après la mort, était très liquide; et quelques minutes après il forma un coagulum solide. Celui qu'on tira une heure et demie plus tard fournit, par le repos, une masse épaisse et diffluente, mais non un caillot proprement dit. Le docteur Christison déduit les conclusions suivantes des ex^- périences qui précèdent. 1° Les coups violens portés plusieurs heures après la mort laissent sur le cadavre des traces qui, sous le rapport de la cou- leur, ne diffèrent pas du tout de celles qui résultent de coups re- çus peu de temps avant la mort. Le changement de couleur en général, de même que la lividité cadavérique, sont produits par l'effusion d'une couche excessivement mince de la partie fluide du sang à la surface de la \teausous l'épiderme, mais quelquefoi* aussi par l'épanchement du sang et une couche sensiblement épaisse dans le tissu même de la peau. Enfin du sang noir et liquide peut être épanché dans le tissu cellulaire sous-cutané, dans les lieux qui sont le siège du changement de couleur, au point de rendre rouges ou même noires les cloisons membraneu- ses qui séparent les cellules ; mais cette dernière coloration n'oc- cupe jamais un grand espace. Ces altérations ressemblent comme on le voit à celles qui se- raient le résultat de légères contusions reçues pendant la vie; je dis légères, car si les violences eussent été fortes elles auraient pu produire des effets dont aucun ne peut être occasionné par des coups portés après la mort. Ces effets sont : A. Un gonflement plus ou moins considérable et en rapport avec l'étendue de l'épanchement sanguinolent. B. Une ecehymose avec ses diverses nuances de couleur, surtout si la contusion a eu lieu plusieurs jours avant la mort. C. La présence de caillots san- guins dans le tissu cellulaire sous-jacent avec ou sans gonflement. M. Christison dit n'avoir jamais trouvé de ces caillots dans les cas de violence après la mort ; mais il se demande, avec raison, s'il ne serait pas possible qu'il s'en formât, si le coup avait été porté très peu de temps après la mort, et s'il avait produit la dé- (iiirure d'un vaisseau un peu volumineux, dans le voisinaged'un — 588 — tissu cellulaire à mailles très larges. D. L'étendue de l'épancho- ment dans le tissu lamineux, lorsque le sang ne se coagule pas ; car il est presque impossible de déterminer sur le cadavre, dans une partie peu susceptible d'infiltration à cause de sa situation, et placée loin du voisinage d'une grosse veine, un épanchement profond de sang liquide qui remplisse et qui distende les cellules du tissu lamineux. E. L'incorporation du sang avec le tissu de la peau dans toute son épaisseur, ce qui augmente sa densité et sa résistance et lui donne la couleur noire qu'on observe ; on ne pro- duit jamais rien de semblable sur le cadavre. Il est impossible, ajoute le docteur Christison, de fixer une li- mite absolue au-delà de laquelle des contusions reçues pendant la vie ne puissent plus être imitées par des violences exercées après la mort : cette limite doit nécessairement varier suivant l'état du sang et le temps qui s'est écoulé avant que le corps se soit re- froidi. 2° En ce qui concerne l'hémorrhagie intérieure, il est évi- dent que si dans un cadavre, un vaisseau considérable et surtout une veine, est déchiré, de manière à s'ouvrir dans une cavité d'une certaine étendue, ou dans un sac sans ouverture, il y aura plus ou moins d'épanchement de sang dans la cavité. Il arrive même lorsque l'ouverture du vaisseau communique avec le tissu cellulaire, que le sang filtre peu-à-peu à travers les mailles de ce tissu et s'épanche ainsi dans une étendue notable, surtout lorsque la position du cadavre favorise cet effet. L'hémorrhagie ou plutôt la filtration du sang, sera surtout remarquable lorsque ce liquide ne se coagule pas après la mort ; car il paraît alors acquérir une fluidité plus grande que pendant la vie. Quoique dans les épan- chemens qui se sont formés pendant la vie, le sang soit le plus ordinairement coagulé, il n'en est pas toujours ainsi. Bernt, Olli- vier et Chevallier rapportent plusieurs cas à l'appui de ce fait. Mertzdorff de Berlin, dans un mémoire sur les effets des coups après la mort, a signalé ces différens états du sang, et il a remar- qué que celui qui est contenu dans les vaisseaux de la tête et de la colonne épinière, ainsi que celui des veines sous-clavières et de la veine porte, était fluide, même lorsqu'il était coagulé dans tous les autres vaisseaux. — 580 — Il n'est pas toujours facile de distinguer si l'hémorrhagie dont il s'agit a eu lieu avant ou après la mort. M. Christison avoue qu'il n'a pas cherché à résoudre complètement la question. Il pense cependant que l'écoulement du sang s'est fait pendant la vie, si quelqu'un des organes de la cavité dans laquelle l'épanche- ment existe, présente quelque trace de compression résultant de l'accumulation du liquide ; il en est de même si la cavité est rem- plie de sang, ou bien si quelqu'un des organes mous a été forte- ment déchiré, ou si l'épanchement est très grand eu égard au vo- lume du vaisseau blessé, ou enfin si l'hémorrhagie a été évidem- ment fournie par une artère, et si elle paraît considérable par rapport au calibre du vaisseau. Si le sang épanché est coagulé, et que le caillot ne soit pas brisé, l'écoulement doit avoir eu lieu pendant la vie, ou au moins très peu de temps après la mort. Hors de ces cas particuliers, il sera toujours très difficile, sinon impos- sible, de déterminer positivement si les violences ont eu lieu avant ou après la mort. Brûlures. J'avais établi à l'article Infanticide de la première édition de cet ouvrage, que l'existence de phîyctènes sur le ca- davre d'un enfant nouveau-né dénotait manifestement que la brûlure avait eu lieu avant la mort. Depuis, M. Duncan ayant été appelé pour décider si deux femmes avaient été brûlées vi- vantes , émit sur ce point des réflexions judicieuses qui suggé- rèrent à M. Christison l'idée d'un travail dont je vais donner les principaux résultats. Dans les recherches sur les signes qui peuvent faire recon- naître si une brûlure a eu lieu avant ou après la mort, on a à examiner les trois questions suivantes, dit le docteur Christison. 1° Quels sont les phénomènes dus à la réaction vitale, qui se présentent immédiatement après une brûlure faite pendant la vie, et qui persistent après la mort. 2° Ces phénomènes se mon- trent-ils dans tous les cas de brûlure profonde même lorsque l'individu ne survit à l'accident que quelques minutes ou même une seule minute? 3° Enfin peuvent-ils se développer par l'action du feu , immédiatement après l'extinction de la vie, et cette ac- tion du feu sur un cadavre peut-elle produire quelque chose de semblable? — 500 •— So lutiçn de fa première ef de la deuxième questions.De tous les effets qui suivent l'application de la chaleur au corps vivant, le plus immédiat est le développement d'une rougeur qui s'étend à une grapde distance autour du point brûlé, ropgeur qui dis- paraît par une pression légèpe, qui se dissipe en peu de temps, et qui ne persiste pas après la mort. Ensuite vient l'existence d'une ligne rouge, étroite, séparée du point brûlé par un espace d'un blanc mat, bornée de ce côté par une ligne de démarcation bien nette, de l'autre côté se fondant insensiblement avec la rougeur non circonscrite dont j'ai déjà parlé, et ne pouvant dis- paraître comme elle par une pression modérée : on peut obser- ver très distinctement cette ligne rouge après l'application du cautère actuel. Cette rougeur est évidemment causée ou par ex- travasation ou par l'injection des vaisseaux capillaires de la peau. Dans tous les cas où l'on peut remarquer les effets du cautère ac- tuel , cette rougeur paraît toujours se montrer, quelquefois après cinq secondes, le plus ordinairement au bout d'un quart de minute, dans une seule occasion après une minute, c'est-à-dire que dans ce court espace de temps, le bord interne du cercle rouge qui entoure la parlie brûlée, prend une teinte foneée et ne disparaît pas sous la pression du doigt. Dp plus, en examinant attentivement les effets de l'action du feu sur des individus brûlés quelques heures avant la mort on observe constamment la trace rouge dont il s'agit, présentant de 1 à 2 centim. de largeur el située à 3 ou h centim. environ du bord de l'escarre. La vesication est le troisième phénomène que pré- sentent les brûlures. Il a été impossible au docteur Christison de préciser le moment où cette vesication se forme ; mais il pense qu'elle ne se manifeste pas lorsque la vie cesse quelques minutes après l'accident. Quand le corps cautérisant est un liquide bouil- lant, les phîyctènes se montrent ordinairement après quelques minutes ; cependant dans les brûlures très étendues de cette es- pèce, surtout chez les jeunes enfans, il n'y a pas de trace de ve- sication, même au bout de plusieurs heures. Si le corps com- burant est un solide en ignition, la vesication n'est pas une conséquence aussi invariable de la brûlure qu'on pourrait le penser ; on l'observe rarement, par exemple, à la suite de Fap- — 594 — plication du cautère actuel ; tandis qu'elle se manifeste, souvent très promptement après une blessure ordinaire, comme celle qui résulte de l'incendie des vêtemens. Les autres effets de Fac- tion du feu sur le corps vivant, dppendans de la réaction vitale, se montrent après un temps trop long pour servir à décider la question dont il s'agit. Il suit de là que les seuls effets de l'action du feu qui apparais- sent immédiatement après la brûlure, et qui persistent sur le cadavre sont d'abord une ligne étroite, rouge, entourant la partie affectée, et non susceptible de disparaître sous la pression du doigt, et ensuite les phîyctènes remplies de sérosité ; que le premier de ces phénomènes est un effet constant et invariable ; mais que le second ne se manifeste pas toujours lorsque la mort a suivi de très près l'accident. Solution de la troisième question. Pour résoudre cette question, M. Christison appliqua un fer rouge et de l'eau bouil- lante sur la peau d'un cadavre d'un jeune homme robuste, mort depuis une heure ; de l'eau bouillante fut versée sur la poitrine et sur la partie externe des jambes d'une jeune femme, dix mi- nutes après la mort ; enfin chez un troisième sujet, empoisonné par du laudanum, on appliqua, quatre heures avant la mort, de l'eau bouillante et un fer à repasser très chaud, puis une demi- heure après la mort, on fit l'application d'un fer rouge. D'autres expériences du même genre furent tentées sur d'autres cadavres, et il fut aisé de conclure que les caustiques indiqués ne donnent lieu à aucun des effets mentionnés, même lorsqu'ils sont em- ployés peu de minutes après la mort, et qu'il est par conséquent aisé de distinguer si une brûlure est faite du vivant de l'indi- vidu. Les phénomènes développés par l'action de l'eau bouillante sur les cadavres consistaient en un froissement de l'épiderme qui se détachait facilement et qui était sec et cassant. Le fer rouge appliqué sur les cadavres, détermina la dessiccation du derme qui était brun ou charbonne, sans aucune rougeur autour des brûlures. Dans certains cas on put apercevoir des phîyc- tènes , mais elles n'étaient remplies que de gaz, sans aucune trace de sérosité {Annales d'hygiène et de médecine légale, janvier 1832). — 592 — ARTICLE VI. Des signes qui peuvent faire distinguer si les blessures sont le résultat d'un accident, d'un meurtre ou d'un suicide. Les magistrats parviennent souvent à résoudre ce problème sans le secours de l'homme de l'art; ils fondent leur jugement sur l'état des lieux où le cadavre a été trouvé, sur la situation du corps, sur la position de ses membres , sur le désordre des vêlemens, sur les objets qui entourent le cadavre, sur la quantité de sang répandu à terre et sur les vêtemens, sur la présence d'un instrument vulnérant dans le voisinage du blessé, sur son état de démence, sur les haines et les inimitiés, et particulière- ment sur la déposition des témoins. Toutefois, il serait difficile que les ministres de la justice parvinssent à décider la question dans un très grand nombre de cas, s'ils n'étaient éclairés par les rapports des médecins. Il faut donc étudier attentivement les cir- constances qui doivent servir de base à ces rapports. 1° On examinera si le corps présente des signes de violence. S'il est vrai qu'une personne peut être assassinée sans avoir op- posé la moindre défense, parce qu'elle était endormie, qu'elle a été prise au dépourvu, ou qu'elle a élé assaillie par plusieurs assassins, il est incontestable que dans tout autre cas elle aura pu se débattre pour chercher à éviter le coup, et la lutte qui aura précédé l'assassinat pourra être marquée par des meurtris- sures sur différentes parties du corps, par des signes d'étran- glement avec les mains ou avec un lien quelconque, par le dé- rangement de la coiffure, l'arrachement des cheveux, etc. L'homme de l'art déterminera d'abord si les violences dont il s'agit ont été faites pendant la vie ou après la mort, puis il cher- chera à reconnaître si elles ne seraient pas le résultat naturel de la chute de l'individu, du haut d'un rocher, elc. (Voyez page 582). 2° On noiera la situation de la blessure, sa nature, sa profon- deur et sa direction. Situation. U est assez ordinaire de voir les personnes qui veulent se donner la mort porter l'instrument — 593 — piquant ou tranchant dont elles font usage vers la partie anté- rieure ou latérale du tronc, tandis que pour les armes à feu elles choisissent assez souvent la bouche, la région sus-hyoïdienne, le conduit auditif, l'orbite, le front, les parties latérales ou anté- rieures du thorax : rarement le suicide dirige l'instrument meur- trier vers la partie postérieure du corps. Les auteurs de méde- cine légale établissent, en parlant de la situation des blessures, qu'il est certaines régions de cette partie que ne saurait atteindre l'homme qui veut se tuer, et que l'existence des plaies dans ces régions atteste l'homicide. « On ne peut considérer en général, dit Fodéré, comme un effet du suicide des blessures placées sur la face postérieure ou latérale de la tête et du tronc, et sur les membres-»(Médecine légale, tome ni, p. 186, édition de 1813). Cette assertion n'est pas exacte, car il n'est aucune de ces parties que l'on ne puisse atteindre soi-même avec l'une ou avec l'autre main, et à plus forte raison lorsque celle-ci est armée d'un in- strument vulnérant : ce que l'on aurait pu dire , c'est que la si- tuation et la direction de certaines blessures de la partie pos- térieure du tronc sont quelquefois telles, qu'il est impossible qu'elles soient l'œuvre du suicide ; en effet, ici tout dépend de la direction de la plaie ; qu'on la suppose différente de ce qu'elle est, et l'on verra qu'elle peut bien avoir été faite par la personne qui a voulu se tuer. On sentira donc facilement l'importance dans des cas de ce genre, de remettre l'instrument vulnérant successivement dans les deux mains du cadavre et de l'amener jusqu'à la plaie afin de juger s'il y a eu suicide ou homicide. Le fait suivant, auquel j'aurais pu en joindre d'autres, me pa- raît trouver sa place ici : M. S..., âgé de quarante-cinq à cinquante ans, après avoir passé une jeunesse fort active, et ramassé une fortune au-dessus de ses besoins, de- vint sédentaire. II se maria, et n'eut point d'enfans; il tomba insensible- ment dans une sorte d'hypochondrie maniaque, qui se manifestait par ac- cès. Dans ses momens de fureur, il avait plusieurs fois témoigné le désir de quitter la vie. Ces accès passés, il revenait à de meilleurs sentimens, mais il était toujours en proie à des idées sombres. Un jour il s'enferma dans sa chambre, et peu de temps après on entendit ladétonnationd'unearmeàfeu; on crut que le coup était parti dansla rue, et ce ne fut qu'une heure après, qu'on s'aperçut de l'horrible accident qui — 594 - venait d'avoir lieu. On trouva M. S... baigné dans son sang, étendu près de la cheminée de l'appartement ; une chaise et un pistolet court, mais de gros calibre, étaient tout auprès de lui. Il donnait encore quelques signes de vie ; on fit appeler précipitamment le médecin. Mon père et moi nous nous rendîmes aussitôt près de cet infortuné ; on l'avait placé dans son lit. Une plaie déchirée et perforante de la largeur de la paume delà main, existait derrière et un peu au-dessus de l'apophyse mastoïde droite, les bords étaient formés par les tégumens du crâne ecchymoses, lacérés et noircis : en ce point l'occipital avait été brisé et enfoncé dans la profondeur de cette plaie, en formant plusieurs fragmens aigus et mobiles, qu'on sen- tait avec le doigt; du sang noir s'en écoulait en abondance. Cette plaie semblait se diriger d'arrière en avant, de dehors en dedans, et de droite à gauche; elle n'avait point d'orifice de sortie, et, les perquisitions les plus exactes ne firent point découvrir la balle qu'on soupçonnait avoir été contenue dans l'arme à feu. Un pistolet pareil à celui qui avait servi à com- mettre le crime, fut trouvé dans une armoire voisine ; il contenait une balle de gros calibre; d'ailleurs M. S... avait laissé sur sa cheminée un écrit dans lequel il témoignait sa funeste résolution, et avait fait quelques dispo- sitions testamentaires. Il donna encore quelques signes de vie pendant deux heures. Nous trouvâmes à l'ouverture jdu cadavre l'occipital brisé dans le point indiqué, le sinus latéral droit ouvert, l'hémisphère droit du cerveau labouré et noirci par le trajet de la balle, qui était nichée et enfoncée dans la base de l'apophyse pierreuse du côté gauche. Cette balle, quoique dé- formée, était du même calibre que celle qui avait été extraite du second pistolet. Le siège et la direction de cette plaie nous firent penser que M. S... de- vait avoir la tête tournée à gauche, lorsqu'il appuya la bouche de l'arme à feu contre l'occipital ; le pistolet ayant été mis dans la main du cadavre , nous vîmes que la plaie pouvait avoir eu lieu dans cette position (Observa - tion communiquée par D ance). Nature de la blessure. L'expérience prouve que la plupart des individus qui veulent attenter à leurs jours par le moyen des blessures,emploient les armes à feu, ou les instrumens tranchans et piquans, soit pour pénétrer dans les cavités thoracique et ab- dominale, soit pour ouvrir des vaisseaux sanguins considérables, parce qu'ils regardent ces lésions comme devant amener néces- sairement une mort prompte ; ils se gardent bien de faire usage d'instrumens contondans, dont l'effet ne leur paraît ni assez prompt, ni assez sûr. La profondeur de la blessure peut dans des circonstances, à la vérité fort races, faire soupçonner l'homicide plutôt que le suU — 595 - cide, parce qu'il est permis de supposer d'après la situation et la direction de certaines plaies, qu'elles n'auraient pas pu être aussi profondes s'il n'y avait pas eu assassinat. Toutefois on ne saurait être trop circonspect avant de se prononcer, certaines blessures très profondes pouvant être l'œuvre du suicide. M. A. Devergie a rapporté dans le n° de décembre 1830 des Annales d'hygiène, un fait remarquable à l'appui de ce que j'avance. Un homme se porta un premier coup de rasoir immédiatement au-dessus de l'os hyoïde ; l'instrument pénétra à 11 lignes de profondeur ; un se- cond coup, porté dans la plaie résultante du premier, alla jusqu'à 21 lignes; enfin, il se décida à en porter un troisième qui s'étendit jusqu'à la paroi postérieure du pharynx, en coupant tous les muscles qui attachent la langue à l'os hyoïde, et fit une plaie de 2 pouces de profondeur, de 3 pouces 3 lignes de largeur et d'un pied de circonférence ; l'hémor- rhagie survint alors, et la faiblesse physique arrêta la force morale qui avait guidé l'instrument. L'examen delà plaie fit voir du côté gauche que le muscle peaucier était coupé dans la moitié de sa largeur, à un pouce de son insertion à l'os maxillaire, que la glande sous-maxillaire était divisée dans son tiers inférieur, que le muscle digastrique était coupé au voisinage des insertions fibreuses qui le retiennent auprè8 de l'os hyoïde ; que le nerf hypoglosse était à moitié divisé après son passage sous le digastrique; que les filets nerveux qui en partent pour se rendre aux muscles qui entou- rent l'os hyoïde étaient conservés ; que la veine jugulaire primitive, se di- visait bien au-dessous de l'angle de la mâchoire ; que la jugulaire interne et la jugulaire externe n'avaient pas été intéressées, attendu l'obliquité de la plaie, qui, dirigée de gauche à droite, était un peu moins profonde à gauche, et laissait une partie de la paroi gauche du pharynx sur laquelle ces vaisseaux étaient accolés. Il en étajt de même de l'artère carotide pri- mitive, de la carotide externe, de l'artère thyroïdienne supérieure et du nerf de la huitième paire. Les muscles digastrique, génio-hyoïdien, génio- glosse, et mylo-hyoïdien étaient coupés à leur insertion à l'os hyoïde.—Du côté droit de la plaie les muscles qui viennent d'être désignés étaient divi- sés un peu plus haut. La veine jugulaire primitive se divisait beaucoup plus haut que du côté gauche; à l'origine de la veine jugulaire externe, on observait une ouverture de 6 à 7 lignes de longueur sur 4 lignes de large ; cette blessure intéressait et la veine jugulaire primitive et la veine jugulaire externe ; c'est elle qui avait fourni l'hémorrhagie mortelle, car l'artère carotide et ses principales divisions, ainsi que le nerf pneumo-gas- trique de ce côté, étaient intacts. *,. Celle lésion n'aélé mortelle, comme l'a dit le docteur Devergie, qu'à raison d'une disposition anatomique accidentelle; si, par 38. — 596 — exemple, la veine jugulaire s'était divisée à droite aussi bas qu'à gauche, aucun vaisseau principal n'eût été ouvert, et la mort ne serait pas survenue. Marc et Levraut ont inséré dans le même numéro du jour- nal cité un cas de suicide dans lequel l'individu s'était fait trois blessures au cou avec un rasoir ; l'une d'elles n'intéressait que les tégumens, l'autre avait atteint les tégumens et le cartilage thyroïde, enfin la troisième avait produit des désordres effrayans. Nous avons aperçu, disent-ils, à la partie antérieure du cou, à 2 pouces des articulations sternales des deux clavicules, une plaie transversale, s'étendant du bord externe du muscle steino- mastoïdien du côté gauche qui était intact, jusqu'au même muscle du côté opposé, qui était coupé dans les trois quarts de son épais- seur. Cette blessure, produite par un instrument tranchant, avait divisé tous les tégumens, tous les muscles correspondans à la par- tie antérieure et moyenne du cou, le larynx, l'œsophage, et avait effleuré les ligamens antérieurs des vertèbres cervicales corres- pondantes. La veine jugulaire et l'artère carotide du côté gauche étaient ouvertes dans la moitié de leur calibre ; les mêmes vais- seaux du côté droit étaient presque entièrement divisés. A ces exemples de plaies tellement larges et profondes qu'elles pourraient, au premier abord, éloigner toute idée de suicide et faire supposer un homicide, j'opposerai le cas plus rare, où les lésions sont tellement légères, que malgré l'assertion du blessé qui déclare avoir été victime d'une tentative d'assassinat, il est difficile d'en accuser d'autre auteur que lui-même. Comment ad- mettre, par exemple,que des incisions nombreuses et superficielles de la peau, de quelques millimètres d'étendue, tout-à-fait sem- blables à de simples mouchetures, et situées dans une région du corps très accessible au blessé, soient le résultat de coups portés par un assassin? Une main homicide ne montre pas autant de ti- midité, et il est dans ce cas au moins très probable, que le plai- gnant lui-même est l'auteur de blessures aussi insignifiantes. Direction des blessures. On observe assez généralement dans le suicide, que les plaies faites par un instrument piquant sont di- rigées obliquement de droite à gauche et de haut en bas, tandis que celles qui sont produites par un instrument tranchant se di- — 597 — rigent ordinairement de gauche à droite, transversalement ou obliquement, de haut en bas ou de bas en haut : toutefois on re- marque à cet égard une foule de variétés provenant de la longueur de l'instrument et de la manière dont il est tenu. La direction se- rait nécessairement l'inverse de celle que je viens de décrire, si l'individu qui veut se suicider était gaucher. Dans les plaies d'armes à feu, la rencontre d'un os par le pro- jectile peut tellement modifier la direction de ces plaies qu'il ne soit guère possible de faire servir cette direction à déterminer si elles sont le résultat d'un homicide, d'un accident ou d'un suicide. Ainsi, dans l'observation rapportée à la page 528, des deux indi- vidus qui se battirent au pistolet, celui qui fut blessé avait 5 pieds 8 pouces, tandis que l'autre était d'une petite taille ; néan- moins, la blessure qui existait au-dessous de la clavicule droite, avait une direction oblique de haut en bas et de dehors en de- dans : l'aspect de cette blessure était tel que M. le procureur du roi pensa d'abord que le meurtre pouvait ne pas résulter d'un duel régulier. Mais comme le fit observer Breschet, la dé- viation du projectile et l'obliquité de la plaie dépendaient ici de la rencontre de la clavicule par ce projectile. « On s'étonnera, peut-être, dit-il, qu'une balle qui a traversé les parois du thorax et le rachis ait été détournée de sa direction primitive par un os moins fort, moins épais que le corps d'une vertèbre, et que cet os n'ait pas été brisé par le choc du projectile : la ligne oblique sous laquelle la balle a rencontré la clavicule rend raison de ce phénomène, et les chirurgiens qui ont observé un grand nombre de blessures d'armes à feu ont acquis la conviction qu'une résis- tance légère peut changer la direction d'un projectile lorsque celui-ci arrive obliquement sur un plan peu résistant » (Mé- moire cité). Le premier devoir de l'homme de Fart dans des questions de ce genre, est de comparer la forme de la plaie à l'instrument que l'on présume avoir été employé ; après en avoir armé la main du cadavre et avoir amené le bras vis-à-vis la blessure, il détermi- nera si l'espace qu'il a parcouru dans une direction donnée, est en rapport avec la longueur du bras et avec la direction que la - 598 — main a dû suivre pour porter le coup; s'il n'en est pas ainsi, il remettra l'arme meurtrière dans l'autre main. 3° On aura égard au nombre des blessures. Il est assez ordi- naire de n'observer sur les cadavres des suicides qu'une seule blessure, celle quia déterminé la mort. Il arrive cependant quel- quefois le contraire : la personne qui veut mettre un terme à son existence, commence par porter atteinte à des parties dont la lé- sion est mortelle, ou qui, d'après un préjugé vulgaire, passe pour telle ; néanmoins elle ne périt point : alors elle a recours à des moyens infaillibles, et succombe. Nul doute que dans le cas d'ho- micide il ne puisse y avoir aussi, outre la blessure qui a occa- sionné la mort, des lésions de quelques autres parties du corps; mais ces lésions peuvent très bien ne pas occuper les régions du corps dont les blessures sont mortelles ou passent pour l'être. Les auteurs de médecine légale regardent comme une preuve d'homicide l'existence de deux, trois ou quatre blessures mor- telles, parce qu'il est impossible d'admettre que le suicide ait la force de se blesser mortellement, lorsqu'il s'est déjà fait une bles- sure mortelle. Cette assertion énoncée d'une manière aussi vague peut donner lieu à de funestes erreurs : sans doute, il y a impos- sibilité de se porter deux coups mortels, si l'on périt immédia- tement après l'action du premier ; mais si la première blessure, quelque grave qu'on la suppose, ne détermine la mort qu'au bout d'une, de deux ou d'un plus grand nombre de minutes, le blessé peut attenter de nouveau à ses jours et léser un organe dont la blessure soit également mortelle» Les exemples suivans mettront cette vérité hors de doute. 4° Il y a à peine dix ans que M. G***, habitant de Rouen, fut trouvé mort dans sa chambre, Où l'on voyait deux pistolets, l'un auprès du cada- vre, et l'autre dans le lit qui en était à-peu-près éloigné de six pas. L'en- quête faite à l'instant même prouva d'une manière évidente que ce malheu- reux jeune homme s'était porté un premier coup de pistolet dans son lit, et que la blessure qui avait été faite à la partie gauche de la poitrine, avait brisé deux côtes, l'une en avant, l'autre en arrière ; le poumon avait été perforé par la balle, dans sa partie moyenne, près des veines pulmonaires : une quantité considérable de sang était épanchée dans le thorax. Malgré l'existence d'une blessure aussi grave, M. G*** se leva pour aller chercher un autre pistolet dans une armoire, et se porta un gecond coup au front; la — 599 — balle pénétra dans le ventricule latéral gauche du cerveau et s'arrêta sur l'os occipital : le blessé mourut sur-le-champ. Les hommes de l'art et les ministres de la justice furent tellement convaincus qu'il y avait eu suicide, qu'on n'eut point l'idée de faire la moindre poursuite (Observation commu- niquée par le docteur Vingtrinier, médecin à Rouen). 2° Le docteur Ollivier (d'Angers) a rapporté dans les Archi- ves générales de médecine, tome vi, page 532, un cas remar- quable de suicide qui offre un exemple de cette multiplicité de blessures. Un jeuneliomme se tire un coup de pistolet dans la bouche; laballebrise l'arcade dentaire, déchire la langue et le voile du palais et tombe dé l'œso- phage dans l'estomac. Il chercha alors à s'enfoncer le crâne en se frappant à coups redoublés le front et les régions temporales, avec l'extrémité du canon du pistolet ; trente plaies, qui pour la plupart pénétraient jusqu'àl'os, existaient à la partie antérieure de la tête. Ce malheureux réussit enfin à se détruire en se pendant à un arbre voisin. Faut-il admettre, avec Fodéré, « que celui qui s'est tué dans son désespoir, conserve encore quelque temps après l'attitude convulsive que ses membres avaient prise pour le seconder dans son entreprise. Pareil à ces guerriers dont nous parlent le Tasse et l'Arioste, qui épouvantaient encore après avoir expiré, le sui- cide a l'œil hagard, les muscles du visage tendus, les sourcils froncés, et cette physionomie lui reste jusqu'à ce que se soient entièrement retirés les derniers rayons de chaleur vitale. Celui- là, au contraire, qui est victime d'un assassinat, porte sur la phy- sionomie, à moins qu'il ne se soit défendu, l'empreinte de l'épou- vante, la pâleur de la mort, le relâchement parfait » (tome m, page 187, ouvrage cité). Il suffit d'avoir examiné quelques cada- vres d'individus morts à la suite de blessures, pour n'accorder à de pareils caractères qu'une fort mince valeur. 11 peut arriver que l'agresseur cherche à s'excuser en disant que la gravité de la blessure ne saurait lui être imputée, parce que le blessé s'est précipité lui-même sur l'arme. Ici le médecin aurait à comparer la stature respective des deux individus, et à déterminer si la direction de la blessure correspond à cello qu'elle aurait eue, si les choses se fussent passées comme l'indique l'as- sassin soupçonné. — 600 — La question qui m'occupe doit encore être considérée sous un point de vue fort important ; le voici : On trouve un cadavre au fond d'un puits, d'une rivière, au pied d'un rocher, d'une moula - gne, d'un endroit escarpé, au bas d'un précipice ; il s'agit de re- connaître si l'individu était vivant ou mort au moment de la chute, et s'il était vivant, de déterminer*'*/ s'est jeté volontai- rement de haut en bas, ou s'il a été poussé. On pourra supposer qu'une personne était morte au moment de la chute, si on découvre des traces non équivoques d'étran- glement, de plaies régulières faites par des instrumens tranchans ou piquans, ou par des armes à feu, et si l'on peut établir que ces blessures existaient avant la mort (Voyez page 582). Ici tout annonce que la personne a élé assassinée, et que pour faire pren- dre le change, le meurtrier a jeté le cadavre de haut en bas;sans doute que le corps mort pourra offrir des déchirures et d'autres blessures qui seront le résultat des inégalités, des saillies, des pointes contre lesquelles il aura pu heurter pendant la chute, ou de l'écrasement opéré par les pierres qui auront roulé en même temps que lui ; mais ces blessures irrégulières comme les corps qui les ont produites, ne présenteront aucun des caractères que l'on remarque dans celles qui ont été faites avant la mort. Si la personne a été assassinée par l'un des moyens énoncés, et que la blessure n'ait pas été mortelle- sur-le-champ, il pourrait se faire que l'individu fût encore vivant au moment où il a été précipité : dans ce cas on trouverait, outre les marques d'une lé- sion régulière produite par une corde, parles mains, par un sabre, un poignard, un pistolet, etc., des contusions, des déchirures, des fractures, des blessures irrégulières et très étendues, dont quelques-unes auraient été faites pendant la vie, et d'autres après la mort, et qui seraient le résultat du choc du corps sur les iné- galités du sol, sur des branches d'arbres rompues, sur des ra- cines, elc. Si l'assassinat n'a point précédé la chute, et que l'individu fût vivant au moment où il a commencé à tomber, toutes les blessu- res pourraient présenter le caractère des lésions faites avant la mort ; je dis pourraient présenter, parce qu'il est possible, en effet, si l'individu périt au milieu de sa chute, qu'il y ait égale- — 601 — ment des lésions, faites après la mort, qui n'offrent point ces ca- ractères. L'irrégularité, l'étendue, la forme, le nombre des bles- sures, et l'intensité des ecchymoses qui les accompagnent, se- ront en rapport avec les aspérités, les éminences et les angles des corps ; il faudra donc comparer attentivement les effets aux cau- ses présumées, et voir si réellement, d'après l'espace parcouru par le corps, et d'après les obstacles contre lesquels il a heurté, la mort est le résultat de la chute. Mais en supposant que l'on ait prouvé que la personne était vivante au moment de la chute, est-il aisé de démontrer que celle-ci est plutôt volontaire que le résultat d'un accident, ou d'un attentat criminel ; comment distinguer, par exemple, si un pareil individu a été jeté de haut en bas par un assassin, s'il s'est lancé lui-même dans le dessein de se tuer, ou bien si la chute ne tien- drait pas à ce qu'il aurait perdu involontairement l'équilibre par suite de vertiges, d'une attaque d'apoplexie ou d'épilepsie, de l'i- vresse, etc. ? Ce problème est sans contredit un des plus difficiles à résoudre, lorsque les dépositions testimoniales ne viennent point éclairer les magistrats ; l'homme de l'art doit se borner, en pareil cas, à fixer l'attention des ministres de la justice, sur l'exis- tence de certaines lésions du cerveau, et des viscères gastriques qui pourront faire soupçonner une apoplexie, l'ivresse et quel- quefois l'épilepsie, sur les signes commémoratifs qui appren- dront peut-être que l'individu dont il s'agit était sujet à des ver- tiges, à des accès d'épilepsie ou d'hystérie, ou bien qu'il était hy- pochondriaque, sur l'habitude qu'il avait pu contracter de s'eni- vrer, sur le dérangement habituel de ses facultés intellectuelles, etc. Je suis loin d'accorder la moindre valeur à divers caractères indiqués par Fodéré, dont il suffira de donner le sommaire pour faire sentir l'insuffisance. « Celui qui était sujet à des vertiges, à l'épilepsie, à des coups de sang à la lête, ou à s'enivrer, s'il périt en roulant, présentera un visage rouge ou plombé, la langue épaisse, les vaisseaux du cerveau extrêmement dilatés. Celui qui aura fait une chute ayant la tête libre,offrira un visage décoloré. Il en est de même de celui qu'on lancé dans un précipice; la peur le saisit avant d'être mort ; et si on le trouve avec le visage pâle, décoloré, c'est du moins une preuve qu'il n'était pas atteint, au — 602 — moment de la chute, des accidens dont j'ai fait mention. Si la chute a été volontaire, et l'effet d'un suicide prémédité, il n'y aura ni la pâleur, ni la rougeur dont je viens de parler, mais le visage pourra bien encore conserver les traits du désespoir; lequel sera d'ailleurs confirmé par la connaissance du moral de l'individu, el par les lésions observées dans le tissu des viscères, comme l;i chose a été indiquée précédemment » (t. m, p. 186). article vu. Règles de l'examen des blessures. Examendes blessures sur le vivant. On ne saurait trop si- gnaler les inconvéniens attachés à la rédaction précipitée d'un rapport sur les blessures. On voit journellement des chirurgiens se borner à un examen superficiel de la lésion, el établir des conclusions qui ne découlent point des faits observés, et qu'ils sont obligés de rétracter par la suite, ou dont on est forcé de déclarer la fausseté : les conséquences d'une pareille légèreté n'échappent pas aux yeux les moins clairvoyans ; on est injuste envers l'agresseur ou le plaignant ; on perd la confiance que l'on avait pu inspirer, et souvent on se déshonore. L'homme de Fart, au contraire, qui, se conformant aux préceptes établis par les meilleurs auteurs, se livre à un examen approfondi et métho- dique pie tous les faits susceptibles de l'éclairer, et en tire des conclusions rigoureuses, ne saurait encourir le blâme. Lorsqu'on est appelé auprès d'un blessé qui est encore vivant, on note exactement l'état général de l'individu et de la blessure, si elle n'est pas déjà recouverte d'un appareil ; on se fait présen- ter l'instrument vulnérant, et s'il a été enlevé, on cherche à con* naître quelles étaient sa forme, sa nature ; on détermine la force avec laquelle il a agi, la situation du blessé au moment de la lé- sion, et s'il est possible, celle de l'agresseur ; on compare la sta- ture de ces deux individus ; on tient compte du temps qui s'est écoulé depuis l'époque où la blessure a été faite, du mode de trai- tement qui a été suivi ; on s'informe de l'état antérieur du blessé, s'il était habituellement souffrant et faible, ou s'il jouissait d'une santé parfaite, s'il avait éprouvé des affections dartreuses ou — 603 — scorbutiques, s'il est pléthorique ou d'une constitution éminen^# ment nerveuse ; on note également la salubrité ou l'insalubrité de l'atmosphère au milieu de laquelle il est plongé. Si déjà la blessure était couverte d'un appareil, que l'on ne ju- gerait pas à propos d'enlever, on s'attacherait à constater tous les objets dont je viens de parler, excepté ceux qui sont relatifs à l'état actuel de la blessure, dont on renverrait l'examen à l'époque du premier pansement, en ayant soin d'indiquer, dans le rapport, les motifs qui ont empêché de procéder de suite à cet examen. Voici les cas dans lesquels il serait dangereux de dé- barrasser la blessure de l'appareil qui la couvre : 1° lorsqu'on a à craindre une hémorrhagie ; 2° lorsque la réduction d'une frac* ture a été difficile, et qu'elle avait été précédée d'accidens fâcheux, dont on redoute le retour en déplaçant les fragmens osseux \ 3* lorsque le membre fracturé est considérablement engorgé, soit par l'effet de la blessure, soit parce que l'appareil, appliqué depuis plusieurs jours, l'a élé contre toutes les règles de l'art. Je n'imiterai pas les auteurs qui, à l'exemple de Fodéré, veulent que l'on diffère l'examen juridique d'une plaie, quand l'instru- ment qui l'a faite y lient encore ; sans doute qu'il peut être fort dangereux, dans certains cas, de faire l'extraction du corps étranger, mais je ne vois pas pourquoi l'on n'enlèverait pas l'ap- pareil, pour mieux juger de l'état de la blessure, en ayant soin d'y laisser l'instrument vulnérant. J'ai dit plus haut que le premier soin du médecin devait être de noter exactement l'état de la blessure. Voici les objets sur lesquels il devra porter son attention. S'il s'agit d'une plaie, il déterminera, 1° sa situation : ainsi, on dit plaie de lête, du cou, etc. ; 2° son étendue et les parties intéressées : sous ce rapport, les plaies sont grandes, petites, moyennes, longues, larges, superficielles, profondes ; ces der- nières intéressent les parties situées au-dessous de la peau, et du tissu cellulaire sous-cutané : il en est qui pénètrent dans les ca- vités splanchniques, et que l'on nomme pénétrantes, qu'il y ait ou non épanchement de sang, déplacement ou lésion des organes renfermés dans ces cavités ; d'autres sont appelés perforantes, parce qu'elles traversent de part en part l'épaisseur d'un membre, — 604 — %une cavité splanchique, etc. ; 3° sa direction.- elle peut être longitudinale, transversale, oblique ; ici on doit distinguer la direction par rapport à l'axe du corps, et aux fibres des organes intéressés -, U° sa forme : elle est linéaire, triangulaire, cruciale, ronde, irrégulière, avec ou sans lambeaux, avec ou sans perte de substance ; 5° l'époque où elle a été faite : ainsi elle est ré- cente, sanglante, enflammée, suppurante, cicatrisée, depuis peu ou depuis long-temps ; la cicatrice peut être superficielle, unie, solide, douloureuse par intervalles, ou profonde, inégale, faible, sujette à se rompre, et indolente ; 6° ses suites ou ses effets (Voyez page 605) ; 7° son état de simplicité ou de complica- tion : elle est simple, compliquée ou associée : la complica- tion peut tenir à une hémorrhagie, à des corps étrangers; l'as- sociation s'entend de l'existence d'une ou de plusieurs des autres lésions qui font partie des blessures. Quelque minutieuses que puissent paraître ces distinctions, il est indispensable de les ad- mettre : un rapport sur les plaies, que l'on n'aurait pas envisa- gées sous ces différens points de vue, manquerait d'exactitude. S'il est question d'une contusion, d'une ecchymose , d'une brûlure, d'une entorse, d'une luxation ou d'une fracture, on en exposera les caractères avec détail, en se conformant aux préceptes que je viens d'établir relativement aux plaies, et aux objets indiqués en parlant de ces blessures. On ne saurait trop recommander de borner l'usage des sondes et des stylets aux cas où ces instrumens sont évidemment indispensables : en effet, tous les chirurgiens connaissent les inconvéniens attachés sou- vent à cette sorte d'exploration ; on sait, en outre, qu'elle n'é- claire pas toujours sur la véritable nature de la plaie et que dans beaucoup de circonstances on s'expose, par maladresse, à faire de nouvelles blessures. En supposant qu'il y ait plusieurs lésions, on doit en détermi- ner le nombre, l'espèce et la situation, examiner si elles ont été faites à la même époque, el laquelle est la plus grave. Voici maintenant les règles qui doivent servir de guide pour parvenir à porter un jugement à l'abri de tout reproche. Si la blessure paraît légère, l'homme de l'art pourra établir, dès la première visite, que la guérison aura lieu dans l'espace de quel- — 605 — ques jours, à moins d'une circonstance imprévue; cette restric- tion est nécessaire, puisqu'on a vu des blessures, en apparence très simples, être suivies des accidens les plus terribles. Si la lésion intéresse la tête ou le tronc, et qu'elle ne soit point bornée aux parties externes du crâne, de la face, de la poitrine et du ventre, après avoir noté toutes les circonslances de la lésion, on déclarera, comme l'a fort bien indiqué le docteur Biessy, que la blessure est grave par son siège, mais que le temps seul pourra en faire reconnaître les dangers, la lésion étant susceptible de prendre telle ou telle autre terminaison. On exposera le mode de traitement, les précautions qui devront être suivies pour arriver à la guérison de la maladie, en ayant soin de prévenir que les moyens proposés pourraient bien ne pas réussir. En agissant autrement, on risque de compromettre sa réputation, et de faire punir trop sévèrement l'accusé. Au bout de six jours on dressera tin second rapport, par lequel, après avoir fait connaître la marche suivie par la nature, on établira d'une manière précise les suites nécessaires de la blessure et l'on fixera, du moins ap- proximativement, le temps requis pour son traitement. Mais on ne pourra pas toujours déterminer alors si la blessure n'entraî- nera pas quelque infirmité, si celle-ci sera absolue ou relative ; et sous ce dernier point de vue, on doit encore renvoyer à l'é- poque de la guérison pour établir, en dernier ressort, le résultat de la blessure. Il importe surtout de ne point prononcer légère- ment que l'infirmité sera absolue ou relative : c'est alors qu'il faut avoir égard à la nature de la partie lésée, à l'intensité de la lésion, etc. Le danger des blessures qui ne sont pas immédiatement sui- vies de la mort s'apprécie particulièrement d'après le degré de l'inflammation, son étendue, l'importance de l'organe enflammé, et la possibilité plus ou moins grande de la prévenir ou de la faire cesser. Il importe, dans certaines circonstances, comme le prescrit Marc, d'indiquer si la gangrène peut être évitée, ou bien si elle aurait pu l'être, si la suppuration est proportionnée aux forces du malade, s'il aurait été possible de procurer une issue au pus, etc. On aura soin de ne pas confondre les blessures réelles avec — 606 — celles qui sont simulées ; ainsi le plaignant peut feindre les prin- cipaux symptômes d'une forte contusion , tels que la douleur et la gêne des mouvemens de la partie, parce qu'en effet cette bles- sure ne détermine souvent aucun changement de couleur à la peau, à moins qu'il ne se soit écoulé quelques jours. Les eochy- moses factices ne peuvent en imposer qu'aux médecins inatten- tifs (voyez Ecchymose). Quant aux autres lésions, le plaignant ne peut guère simuler que la fièvre et la douleur, Ce n'est que dans des cas fort rares, lorsque le diagnostic est très évident, qu'on qualifiera une lésion par cause externe, de mortelle avant la mort du blessé ; dans la plupart des circon- stances, il faudra se borner à la déclarer comme étant fort dan- gereuse, puisqu'on voit journellement guérir, par quelques eir- consiances heureuses, des blessures graves dont on avait cru de- voir placer le siège dans les organes les plus importans. Lors même que le blessé viendrait à périr, il ne faudrait attribuer la mort à la blessure qu'après avoir acquis la conviction, par l'ou- verture du cadavre, que cette blessure a produit la mort par un effet immédiat de la cause criminelle, et qu'elle était elle-même au-dessus de toutes les ressources de l'art. Si le médeein est requis de donner son avis plusieurs jours après que la blessure a élé faite, il s'attachera à reconnaître, in- dépendamment des objets déjà mentionnés, quelle est la consti- tution du blessé, quelles sont les maladies auxquelles il était sujet, si l'atmosphère dans laquelle il a été placé était salubre ou insalubre, si l'on a suivi un régime et un traitement convena- bles, elc. Il obtiendra, par ce moyen, des eclaircissemens sans lesquels il aurait beaucoup de peine à porter un jugement exact. Examen des blessures sur le cadavre. Il est inutile de trai- ter en détail les règles de l'examen des blessures sur le cadavre. après tout ce que j'ai établi ; il doit suffire en effet d'indiquer sommairement les points qui doivent fixer l'attention de l'homme de l'art. Il décrira soigneusement l'état extérieur des parties lé- sées ; il pratiquera les incisions convenables pour s'assurer de l'étendue, de la profondeur de la lésion et de la nature des or- ganes atteints ; il se conformera, pour l'ouverture du cadavre, — 607 — aux règles dont j'ai déjà faii mention, et il évitera de confondre les altérations produites par la putréfaction avec celles qui sont le résultat d'une violence extérieure faite sur le vivant (voyez Mort). Il déterminera si les blessures ont été faites pendant la vie ou après la mort, et dans le premier cas, si elles sont l'effet du suicide, de l'homicide ou d'un accident (voyez pages 582 et suiv.). Il cherchera ensuite à décider si la mort a été réellement la conséquence directe de la blessure, ce qui exigera un examen détaillé de tous les viscères et des principales membranes, des vaisseaux les plus importans et des conduits des matières liquides qui peuvent avoir été épanchées, etc. S'il y a des corps étrangers, on indiquera leur nature, leur situation et la profondeur jusqu'à laquelle ils ont pénétré. BIBLIOGRAPHIE. Blessures. Suevi (Bernard). Tractatus de inspectione vulnerum lethalium etsana- bihum partium humani corporis. Marbourg,-1629, in-8. Welsch (God.). Rationale vulnerum lethalium judicium. Leipzie 1660- 1674,in-8. - r &i Meibom (Henri). Rep. Neucrantz. Diss. de vulneribus lethalibus. Hel- mstadt, 1674, in-4. Ammann (Paul). Praxis vulnerum lethalium sex decadibus constans Francfort, 1690-1704, in-8. Crause (Rudolph.-Wilhelm). Diss. devulneribus per se lethalibus Iéna 1681, in-4. ' Major (J.-Dan.). 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Laesionum lethalitatis classificationum censura, ulterior- que prœstantioris expositio. Heidelberg, 1811. Kopp (J.). Ueber kœrperliche Verletzungen in Bezug auf Tœdtlichkeit und deren Beurtheilung. Heidelberg, 1814, 2e éd., ibid., 1819, in-8. Biessy (C. V.). Manuel pratique de médecine légale. Paris, 1821, in-8, t. 4.— Sur les blessures. DES TACHES DE SANG SUR LES INSTRUMENS EN FER, SUR LES ÉTOFFES, ETC. Les médecins sont souvent requis par les tribunaux pour dé- terminer si des taches que l'on remarque sur des instrumens de 1er ou d'acier, ou sur du linge, sont produites par du sang. Cette matière ayant fait l'objet d'un travail publié par M. Lassaigne, en 1825, je crois, pour ne pas être accusé de plagiat, devoir an- noncer que, dès l'année 1823, je l'avais traitée dans une de mes leçons à la Faculté de médecine : du reste, si mes expériences ont quelque analogie avec celles de ce chimiste distingué, on II. 39 — 610 — verra qu'elles en diffèrent sous plusieurs rapports, et surtout qu'elles embrassent la question d'une manière bien plus vaste. Te crois devoir examiner successivement ces taches sur des lames de fer ou d'acier et sur les étoffes. Lames de fer ou d'acier. Les taches produites par le sang sur ces instrumens peuvent être confondues avec celles que détermi- nent le jus de citron et la rouille. Il importe par conséquent de les étudier comparativement. Caractères des taches de sang desséché. Les points de la lame sur lesquels il n'y a eu qu'une petite quantité de sang sont d'un rouge clair; ils offrent au contraire une couleur brun foncé partout où le sang a été déposé en plus grande quantité. En ex- posant à une température de 25 à 30° les portions de cette lame où se trouve une couche de sang d'une épaisseur appréciable, celui- ci se soulève par écailles, et laisse le métal assez brillant. En chauffant dans un petit tube de verre une portion de sang dessé- ché , on obtient un produit volatil ammoniacal qui ramène au bleu la couleur du papier de tournesol, que l'on a préalablement disposé à la partie supérieure du tube. Lorsqu'on verse sur la tache de sang desséché une goutte d'acide chlorhydrique pur, la tache ne jaunit pas, ne disparaît pas, et le fer ne devient pas bril- lant, comme cela a lieu avec la tache produite par le jus de citron ou par la rouille. En plongeant dans l'eau distillée la portion de la lame tachée, on ne tarde pas à apercevoir des stries rougeâ- tres, qui vont de haut en bas, et bientôt la matière colorante se trouve ramassée au fond du liquide : celui-ci reste incolore, ex- cepté dans sa partie inférieure : si, à cette époque, on retire la lame, on observe que les parties tachées qui ont été ainsi traitées par l'eau, offrent des filamens blanchâtres ou d'un blanc légèrement rougeatre ; ces filamens, formés par la fibrine du sang, pourraient très bien n'être pas aperçus, si la tache sur laquelle on a opéré était peu épaisse. Le liquide aqueux dont on a retiré la lame de fer, étant agité avec un tube de verre, acquiert une couleur rosée ou rouge, suivant qu'il a entraîné une plus ou moins grande quantité de matière colorante. Il jouit de propriétés remarqua- bits : il ne rétablit pas, même au bout de quelques heures, la couleur du papier de tournesol rougi par un acide ; le chlore, — 611 — employé en petite quantité, le verdit sans le précipiter; si l'on en ajoute davantage, il le décolore sans lui faire perdre sa transpa- rence, mais bientôt après, il le rend opalin, et finit par y former un dépôt de flocons blanchâtres: l'ammoniaque ne change pas sensi- blement sa couleur, tandis qu'elle altère plusieurs couleurs rouges végétales, comme la cochenille, le bois de Brésil,etc.;l'acide azo- tique y fait naître un précipité blanc grisâtre, et la liqueur est à-peu-près décolorée ; l'acide sulfurique concentré n'y occasionne un précipité semblable que lorsqu'il est employé en assez grande quantilé; le cyanure jaune de potassium et de fer ne le trouble point; l'infusion aqueuse de noix de galle y détermine un précipité de la même nuance que celle du liquide; aussi celui-ci se dé- colore-t-il, ou du moins ne conserve-t-il, après avoir été filtré, que là couleur jaunâtre de l'infusion de noix de galle étendue. Mais de tous les caractères que présente ce liquide, le plus im- portant est sans contredit celui qui résulte de l'action d'une cha- leur graduée et portée successivement jusqu'à l'ébullition ; alors il se coagule ou devient seulement opalin, suivant qu'il contient plus ou moins d'albumine, ou qu'il est plus ou moins étendu d'eau. S'il se forme un coagulum, celui-ci est gris verdâtre sans la plus légère trace de nuance rosée ou rouge, et le li- quide surnageant est incolore ou légèrement coloré en jaune igrdâtre; le coagulum gris verdâlre peut être dissous rapide- ment par la potasse, et alors la liqueur acquiert une couleur rouge brun lorsqu'elle est vue par réfraction, et verte quand elle est vue par réflexion. Si la dissolution est trop étendue pour qu'il se dépose un coagulum, la liqueur se trouble et acquiert une teinte opaline, quand il y a très peu de sang, ou d'un gris légèrement verdâlre si la proportion de sang est un peu moins faible; dans l'un et l'autre cas, le solutum de potasse fait dispa- raître le trouble, et communique à la liqueur une couleur rou- geatre ou verdâtre, suivant qu'on la regarde par réfraction ou par réflexion. Si au lieu de retirer la lame de fer tachée de sang au moment où le liquide est coloré en rouge à sa partie infé- rieure, on la laisse pendant plusieurs heures dans l'eau avec le contact de l'air, le fer passe à l'état de sesquioxyde jaune rougeâ- 39. — 612 — ire, qui reste en grande parlie suspendu d:ins la liqueur, et lui communique une teinte jaunâtre ; une autre portion de ce sesqui- oxyde, en se déposant, se mêle à la matière colorante rouge, qui occupe le fond du vase et en altère la couleur; mais il suffit de filtrer pour séparer tout le sesquioxyde, et alors la liqueur passe limpide, colorée en rose clair, en rose foncé ou en rouge, et partage toutes les propriétés que je viens d'assigner à l'eau teinte par le sang. Si l'eau dans laquelle on a plongé l'instrument taché par le sang ne contenait qu'une très petite quantité de matière colorante, ou, en d'autres termes, si la tache sur laquelle on agit était peu sensible, la liqueur se troublerait encore par la noix de galle, et par l'acide azotique. J'ai supposé que l'arme sur laquelle était la tache de sang était une lame d'acier, dont le volume permettait de la plonger aisé- ment dans une certaine quantité d'eau ; mais il pourrait se faire que les dimensions de l'instrument vulnérant empêchassent d'opé- rer comme je viens de le dire ; dans cette hypothèse les taches peuvent être enlevées par le grattage, ou par l'action de l'eau, mais suivant un certain mode. Le premier moyen n'a pas besoin d'ex- plication ; quant au second, il exige des soins particuliers. Si la tache est bien circonscrite, on dépose dessus, au moyen d'une pipette ou d'un tube, une ou plusieurs gouttes d'eau, et, quand elle est ramollie, on fait tomber le liquide dans un verre, el l'on injecte vivement un peu d'eau avec la bouteille à laver, pour e* lever tout ce qui adhère à l'instrument (Briand, Manuel de mé- decine légale). Quand les taches sont disposées en stries sur l'instrument, on peut les enlever en appliquant sur l'arme une lame de verre hu- mectée, et dépassant les bords du corps vulnérant. Mais il ne faut pas prolonger long-temps l'opération, à cause de l'oxydation du fer ou de l'acier. Une tache circonscrite pourrait encore être enlevée par le procédé qu'emploient les graveurs en taille-douce, qui entourent leurs planches avec un cordon de cire, pour les faire mordre par l'acide azotique. On comprend, en effet, qu'il est facile d'entourer la tache, avec de la cire, qui circonscrit ainsi une petite cavilé^ - 613 - On y verse une petite quantité d'eau, qui délaie la tache, et per- met d'en constater la nature. Quand on a affaire à des taches placées sur des chaussures, des portions de meubles, etc., on opère avec la bouteille àlaver. Si elles sont sur des boiseries, des murs, on n'a qu'à gratter avec soin pour enlever la matière colorante. • Caractères de la tache formée par du jus de citron (ci- trate de fer). Lorsque du jus de citron est déposé sur une lame de fer exposée à l'air, il ne tarde pas à se formel du citrate de fer d'un brun rougeatre, qu'il est possible au premier abord de confondre avec du sang desséché. Un homme était soupçonné d'en avoir assassiné un autre ; on trouva sur sa cheminée un couteau qui paraissait ensanglanté ; cette nouvelle charge sem- blait accabler le prévenu, lorsqu'il fut reconnu au laboratoire de la Faculté, que les prétendues taches de sang n'étaient que du citrate de fer produit par l'action simultanée de l'air et de l'acide citrique sur un couteau non essuyé, avec lequel, plusieurs jours auparavant, on avait coupé un citron. — Les points de la lame de fer sur lesquels il n'y a eu qu'une petite quantilé de jus de citron sont d'un rouge jaunâtre, tandis qu'ils offrent une couleur brun foncé semblable à celle du sang desséché, lors- que le jus a été employé en plus forte proportion : dans ce der- nier cas la tache s'écaille, le citrate de fer se détache, et laisse le métal brillant quand on élève la température à 25 ou 30°. Si l'on chauffe dans un petit tube de verre une portion de citrate, on obtient un produit volatil acWe : aussi un papier de tournesol placé à la partie supérieure du lube, et préalablement humecté, ne tarde-t-il pas à devenir rouge. En versant sur la tache dont je parle une goutte d'acide chlorhydrique pur, le liquide jaunit, et le fer devient brillant dans le même instant; il s'est formé du chlorure de fer : aussi l'eau distillée avec laquelle on lave cette tache déjà traitée par l'acide chlorhydrique fournit-elle par le cyanure jaune de potassium et de fer et la noix de galle, des précipités semblables à ceux que l'on obtient avec une dissolu- tion saline de fer. En plongeant dans l'eau distillée la portion de la lame tachée, le citrate de fer ne tarde pas à se dissoudre, et le liquide se colore en jaune : cette dissolution rougit, le pa- — 61 i — pier de tournesol, précipite en violet plus ou moins foncé par la noix de galle, en rouge ou en vert par les alcalis, suivant que le fer y est à l'état de sesquioxyde ou de protoxyde, et en bleu par le cyanure jaune de potassium et de fer : quelquefois, pour obtenir cette dernière nuance, il faut ajouter un peu de chlore. Caractères de la tache dé rouille (carbonate et hydrate de sesquioxyde de fer). La couleur de cette tache est rouge jau- nâtre, jaune d'ocre ou rouge. Exposée à la température de 25 à 30°, la lame ainsi rouillée ne s'écaille pas, comme cela a lieu avec les taches de sang et de citron. Chauffée dans un tube de verre, la rouille fournit de l'ammoniaque, comme l'ont démon- tré Vauquelin et M. Chevallier : aussi le papier de tournesol rougi que l'on a placé à la partie supérieure du tube dans le- quel se fait l'expérience devient-il bleu. Une goutte d'acide chlorhydrique pur versée sur la rouille devient jaune dans le même instant, la tache se dérouille, et en étendant d'eau distil- lée l'acide employé, on obtient une dissolution jaunâtre qui se comporte avec les réactifs comme les sels de fer. Mise dans l'eau distillée, la rouille ne s'y dissout point; toutefois elle se détache et reste en partie suspendue dans l'eau, en partie au fond du vase ; la liqueur jaunit par suite de la portion de rouille qu'elle tient en suspension ; mais il suffit de la filtrer pour l'avoir incolore, ce qui n'a jamais lieu avec une lame de fer tachée par du sang ou par du citrate de fer. Cette liqueur filtrée ne tenant point de fer en dissolution, lorsqu'on l'examine quelques heures après le commencement de l'expérience, ne se trouble ni par les alcalis, ni par la noix de galle, ni par le cyanure jaune de potassium et de fer. Étoffes tachées par du sang. Si la couche de sang desséché offre une cerlaine épaisseur, que la tache soit formée par tous les matériaux du sang, excepté l'eau, on coupera le morceau d'étoffe taché en rouge brun, et on le fera plonger dans de l'eau distillée ; bientôt après on verra la matière colorante du sang se détacher, parcourir le liquide de haut en bas sous forme de stries rouges et se ramasser au fond du vase, tandis que l'eau qui la surnage sera à peine colorée. Au bout de quelques heures, lorsque la matière colorante sera dissoute, du moins pour la plus grande — 615 — partie, on trouvera sur l'étoffe à la place de la tache, la fibrine du sang sous forme d'une matière molle, s'enlevant facilement avec l'ongle, d'un blanc grisâtre ou d'un blanc rosé : cette cou- che de fibrine sera d'autant plus apparente au premier abord, qu'elle aura été mieux blanchie par l'eau, et que l'étoffe sur la- quelle le sang avait été appliqué offrira une couleur plus brune : dans le cas où elle serait d'une nuance trop foncée pour pouvoir être reconnue, on plongerait de nouveau le linge dans l'eau dis- tillée pure pendant quelques heures, pour lui enlever une autre portion de matière colorante. La liqueur au fond de laquelle se trouverait ramassée celte matière étant agitée avec un tube de verre présenterait une couleur rougeatre, et se comporterait avec les acides, le chlore et les autres réactifs, et surtout avec la chaleur, comme celle que j'ai déjà fait connaître à l'occasion de la lame de fer tachée par du sang (V. p. 610). Si la tache, au lieu d'offrir une épaisseur notable, est le résultat de la simple imbibition de l'étoffe, comme cela arrive lorsqu'on examine les parties du linge qui entourent les por- tions sur lesquelles le sang a été appliqué, ou bien si elle provient d'autres taches de sang qui, après avoir été desséchées, ont été Irottées ou lavées, il sera impossible de constater la présence de la fibrine, parce que celle-ci n'existe jamais dans les taches qui sont le résultat de l'imbibilion, et qu'elle aura été détachée dans les cas où la tache aura élé frottée ou lavée. On se bornera alors à séparer par l'eau distillée la matière colorante, on agira sur la dissolution comme dans le cas précédent, et si elle possède les caractères déjà énoncés, on affirmera que la tache est formée par la matière colorante du sang, attendu qu'aucune des substances qui jouissent de la propriété de colorer l'eau en rouge ou en rose (cochenille, bois de Brésil, carthame, garance, elc.) ne fournit un liquide se comportant avec les réactifs ci-dessus men- tionnés, et surtout avec la chaleur, comme la dissolution aqueuse du sang (Voy. page 610). Je ne crois, pas inutile, en terminant ce travail, d'annoncer que les expériences qui précèdent ont élé faites lour-à-tour avec du sang humain et avec du sang de bœuf, de mouton, de chien et de pigeon. — 616 — Il arrive souvent que le médecin est appelé sur les lieux où l'on présume qu'un assassinat a été commis, afin de rechercher les traces du crime ; ses investigations doivent êlre minutieuses, et faiies avec d'autant plus de soin qu'il s'est écoulé plus de lemps depuis le meurtre, et qu'on a pu ainsi faire disparaître tout ce qui pouvait le déceler. Le hasard a fait découvrir à Ollivier (d'Angers) un moyen aussi simple que certain de reconnaître des taches de sang restées jusque-là inaperçues aux auteurs mêmes du crime. Voici le fait tel que ce médecin le rapporte (Archives générales de médecine, tome i, 2e série, page 431, n°de mars 1833). '< Un assassinat fut commis à Paris dans les derniers jours de février 1833, sur une femme dont on trouva le cadavre étendu dans la rue Court- Talon. Plusieurs coups d'un instrument tranchant avaient ouvert le crâne dans une grande étendue. D'après diverses circonstances, il élait évident que le cadavre avait été déposé dans la rue un ou deux jours après l'assas- sinat. Des soupçons s'élevaient contre la fille Langouat et le nommé We- ber : des recherches furent faites à plusieurs reprises dans leur domicile, et ne fournirent que des indices incomplets : je fus mandé par le ministère public avec M. le docteur Pillon pour visiter les deux prévenus, et faire un examen de l'état des lieux et du mobilier qui se trouvait dans la de- meure des inculpés ; cet examen devant être fait sans retard, nous y pro- cédâmes dès le soir même, à huit heures, et conséquemment à la lumière. Cette circonstance, que j'avais jugée défavorable aux recherches que nous devions faire, fut, au contraire, ce qui" nous fit découvrir des traces de sang qui, jusque-là, étaient restées inaperçues. Le mobilier de la chambre se composait d'un lit, de deux commodes en chêne, de forme ancienne, de plusieurs chaises en chêne et en merisier, d'une table de nuit en noyer, etc. « Tous ces'objets, de même que la tapisserie, qui était d'un fond bleu • pâle et la cheminée, qui était peinte en noir, avaient été soigneusement examinés en plein jour sans qu'on eût observé rien de particulier. Nos in- vestigations se dirigèrent d'abord sur le papier qui tapissait la muraille, et en approchant la lumière très près de ce papier, nous distinguâmes aus- sitôt un grand nombre de gouttelettes d'un rouge obscur, d'un quart de ligne de diamètre au plus, qui, au jour, avaient l'aspect de points noirs, se confondant avec ceux qui faisaient.partie des dessins de la tapisserie : de la même manière, nous reconnûmes beaucoup de taches semblables sur le devant d'une commode ancienne, dont le bois avait une couleur brun foncé; à mesure qu'on approchait davantage la lumière des parties ta- chées, .on faisait ressortir parfaitement la couleur naturelle du bois, et les gouttelettes de sang avaient un reflet rouge brun qui tranchait très sensi- — 617 — blement sur la teinte brune du bois verni : nous trouvâmes par ce moyen des tâches semblables sur la table de nuit, sur plusieurs chaises ; elles de- venaient surtout très apparentes sur le fond en paille de ces mêmes chai- ses, et il était aisé de les distinguer des nuances roses et rouges qui exis- taient çà et là dans cette paille; enfin, ce fut en examinant de très près la surface des montans de la cheminée qui était peinte en noir, que je décou- vris une large tache de sang dont le reflet rouge se détacha aussitôt sur le fond noir du bois peint, à l'approche de la lumière. » Une seconde exploration des lieux, faite au milieu du jour (2 heures de l'après-midi) avec MM. Barruel et Lesueur, dé- montra la nécessité d'employer la lumière artificielle pour re- trouver toutes les taches déjà observées. Ces gouttelettes si fines n'étaient aucunement reconnaissables au jour, et ce fut en les cherchant avec une lumière qu'on put les retrouver. Quand, à l'aide de ce moyen d'exploration , on a ainsi re- connu les taches ayant l'apparence de sang, on les enlève en les frottant légèrement avec un petit linge fin imbibé d'eau dis- tillée. On a soin de se servir du même linge pour toutes ces pe- tites taches, afin qu'il soit imprégné d'une plus grande quantité de matière colorante; on opère ensuite sur ce linge taché comme il a été dit plus haut, pour constater par l'analyse chimique que c'est bien véritablement du sang qui formait la matière des ta- ches observées. M. Raspail, loin de partager l'opinion qui vient d'être émise relativement à la possibilité de reconnaître des taches de sang, a cherché à établir 1° qu'il existe une matière rouge avec la- quelle on peut faire des taches semblables a celles du sang; 2° que l'on ne peut pas assurer qu'on ne découvrira pas un joui- vingt substances capables de mettre en défaut les réactifs que j'ai indiqués pour reconnaître le sang. Pour le premier fait, M. Raspail dit : « qu'il suffit de laisser séjourner pendant quelques heures, au milieu d'un blanc d'œuf de poule, un sachet de toile rempli de garance en poudre légèrement humectée d'eau, puis d'exposer ce mélange à une température de 25° à 30° cent., afin de le dessécher, pour lui donner l'apparence d'une tache rouge semblable à la tache du sang. » Il serait difficile de commettre une erreur plus grave ; en effet, si l'on traite par l'eau distillée la tache dont parle M. Raspail, on obtient un liquide d'un - 618 - rouge orangé au lieu d'un liquide rouge ou d'un ronge brun ou rosé; chauffé, ce liquide se coagule ou devient seulement opalin, mais il conserve une couleur jaune rosé ou rouge orangé et le coagulum est rosé, tandis que le liquide aqueux provenant du sang fournit, lorsqu'il a été coagulé, «les flocons gris verdâtres sans la plus légère trace de nuance rouge (voyez page 611); 2°les acides azotique el sulfurique coagulent la liqueur qui provient du sang; le caillot est gris rose, et la liqueur qui le surnage, lorsqu'on l'a bien laissé déposer, est in- colore et un peu louche. Le mélange liquide d'albumine et de garance, traité par ces acides, est également coagulé, mais le caillot est jaune paille, et la liqueur surnageante est jaunâtre; 3° l'infusion de noix de galle, faite à froid, coagule le sang en gris rosé, tandis qu'elle précipite le prétendu sang en blanc jaunâtre; U° les dissolutions d'alun el de perchlorure d'étain délaient seulement la couleur du sang, sans la changer,- au contraire le mélange d'albumine et de garance est jauni par ces dissolutions ; 5° l'alcool concentré fait naître, au bout de quel- ques heures, un coagulum rouge de chair, à moins que la dissolution du sang ne soit trop étendue; la liqueur filtrée est complètement décolorée; tandis qu'on obtient avec l'alcool et le sang artificiel un coagulum rose et une liqueur qui, étant fil- trée, est d'un fauve tirant sur le rose; 6° l'ammoniaque n'altère pas ou altère à peine la couleur du sang, tandis qu'elle fait virer sensiblement au violet celle du mélange d'albumine et de garance. Quant à la seconde objection de M. Raspail, savoir que l'on découvrira peut-être un jour vingt substances capables de mettre en défaut les réactifs que j'ai employés pour recon- naître le sang, elle est encore, s'il est possible, plus absurde que la première. Cette objection ne tend à rien moins qu'à annihiler tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour en chimie, et à porter le trouble dans toutes les affaires judiciaires relatives à l'empoisonnement; en effet, comment reconnaît-on l'arsenic,le sublimé corrosif, l'opium, la strychnine, etc. ; n'est-ce pas à un certain nombre de caractères qu'ils présentent, et qui ne se re- trouvent pas dans d'autres substances ; faudrait-il donc s'arrêter et ne pas se prononcer sur la nature de ces corps, parce qu'il — 619 — peut se faire que dans mille ans on en découvre d'autres qui of- friront tous les caractères dont ils sont doués9 Le sang n'esl-il pas dans le même cas, et ne doit-on pas appliquer rigoureuse- ment à son histoire ce qui vient d'être dit, dès qu'il est prouvé que dans l'état actuel de la science, il n'existe aucun autre corps réunissant l'ensemble des propriétés qu'il possède? (Voyez, pour plus de détails, mon mémoire, dans le Journal de Chimie médicale, tome iv). M. Boutigny, considérant combien est difficile l'exacte appré- ciation des teintes qui peuvent être aperçues différemment par diverses personnes, a proposé le procédé suivant : Introduisez dans une éprouvelte de 0m20 de longueur sur 0m,002 de diamètre et jusqu'à 0m,005 du fond, le tissu taché ; versez dessus, à l'aide d'une pipette capillaire, 10 centigrammes d'eau froide : dès que les stries rouges de sang se seront déposées et que le tissu sera décoloré, ce qui ordinairement a lieu après un quart d'heure, faites rougir sur la flamme d'alcool une cap- sule d'argent à fond plat, et répandez dessus la liqueur rouge au moyen d'une pipette fine, en soufflant faiblement dans celle-ci ; presque aussitôt le liquide perdra sa transparence et prendra une couleur gris verdâtre. En le touchant avec une baguette de verre préalablement trempée dans une solution de potasse caustique, vous ferez immédiatement reparaître sa transparence, et il présen- tera par réflexion et par réfraction les teintes particulières déjà signalées. Si l'on touche de nouveau la liqueur avec un tube imbibé d'acide chlorhydrique, elle se trouble, puis elle s'éclaircit de nouveau par la potasse, et ainsi de suite, pourvu que l'on ajoute assez d'eau pour que la liqueur reste à la même densité. M. Persoz m'annonça, en 18&4, que dès l'année 1836 il avait eu recours à l'acide hypochloreux pour reconnaître les taches de sang sur une blouse où se trouvaient en outre des taches de vin. « Cet acide, disait-il, détruit immédiatement toutes les « taches, excepté celles qui sont formées par de la rouille ou par « du sang ; ces dernières deviennent d'un brun noirâtre par le « contact de l'acide ; il est d'autant plus important de faire usage « de l'acide hypochloreux qu'il arrive souvent que des taches de « sang qui se trouvent sur des tissus perdent la propriété de se - 620 - « dissoudre dans l'eau et ne peuvent, par conséquent, pas être « décelées par ce moyen.» J'ai tenté un grand nombre d'expé- riences pour savoir à quoi m'en tenir sur cette assertion et je suis arrivé aux résultats suivans (Voy. mon mémoire dans les Annales d'hygiène et de médecine légale, tome xxxiv, an- née 1845, p. 112). 1° De tous les moyens proposés jusqu'à ce jour pour reconnaître des taches de sang, celui qui consiste à traiter ces taches par l'eau et à agir ensuite sur la dissolution, comme je l'ai prescrit en 1826, est sans contredit le meilleur. M. Persoz s'est évidemment trompé lorsqu'il a dit qu'il arrive souvent que des taches de sang qui se trouvent sur des tissus, perdent la propriété de se dissoudre dansl'eauet ne peuvent par conséquent pas êlre décelées à l'aide de ce liquide. Des centaines d'expertises faites jusqu'à ce jour, et les expériences 36,37 et 38 rapportées dans mon mémoire, établissenl au contraire que, dans presque tous les cas, des taches de sang, même fort anciennes, faites sur des linges propres ou en- duits d'un corps gras, ou sur du fer, cèdent à l'eau une assez grande quantité de matière colorante pour que le sang puisse être facilement reconnu. D'un autre côté, il résulte des nom- breuses recherches auxquelles je me suis livré en 1826, et des faits relatés dans mon mémoire (V. exp. 39), que toutes les ma- tières colorantes sans exception, autres que le sang, appliquées sur des linges, produisent- des taches qui se comportent autre- ment avec l'eau que les taches de sang. 2° L'acide hypochloreux est loin d'avoir les avantages indi- qués par M. Persoz ; il résulte en effet des expériences lre à \k, décrites dans mon mémoire, que la plupart des taches de sang minces ou épaisses, récentes ou anciennes, faites sur des linges et sur du fer, disparaissent entièrement ou presque entièrement par un séjour un peu prolongé dans l'acide hypochloreux ; que si quelques-unes d'entre elles ne disparaissent pas complète- ment, loin de devenir d'un rouge brun elles ne laissent qu'une teinte grisâtre ; à la vérité, quelques-unes de ces taches, tout en disparaissant dans la presque totalité de leur étendue, con- servent à leur centre une couleur rouge brun. Conformément à ce qui a élé annoncé par M. Persoz, si l'on — 621 — ne prolonge pas l'action de l'acide hypochloreux au-delà de quelques secondes, d'une ou de deux minutes, les taches de sang persistent et brunissent, alors même qu'elles étaient dessé- chées et anciennes ; mais comme d'un autre côté, dans les mêmes conditions, des taches faites avec un mélange d'orcanette et de graisse, ou avec de la graisse et du charbon, ou avec delà garance et de l'huile de pavot, ou avec du chelidonium majus, etc., se comportent à-peu-près avec l'acide hypochloreux, comme les taches de sang, il en résulte qu'il est impossible de carac- tériser, d'une manière certaine, la nature d'une tache, d'après l'action de cet acide seul, alors même que l'immersion des parties tachées n'a été que d'une courte durée (V. expériences 15e à 24e). 3° Toutefois si l'acide hypochloreux est insuffisant pour éta- blir positivement qu'une tache est formée par du sang, il peut cependant être employé avec quelque avantage, comme moyen accessoire, pourvu qu'il ne reste en contact avec les parties ta- chées que pendant une ou deux minutes au plus; en effet s'il existe quelques matières colorantes, autres que le sang qui se comportent à-peu près avec cet acide comme ce dernier, les taches produites par ces matières, tout en persistant, n'acquièrent pas précisément les mêmes nuances que celles du sang ; d'ailleurs il est un bon nombre de matières colorantes que l'acide hypo- chloreux détruit en moins de deux minutes, tandis que ce temps est insuffisant pour que cet acide fasse disparaître les taches de sang. 4° L'acide hypochloreux est complètement inefficace pour dis- tinguer les taches de sang épaisses faites sur des linges ou sUr du fer, des taches de rouille ou de celles qui sont produites par un mélange de colcothar et de graisse, parce que toutes ces taches persistent même après une action prolongée de l'acide. Mais si celui-ci est insuffisant dans ce cas pour résoudre le pro- blème, on peut recourir avec succès au moyen proposé par M. Persoz, et qui consiste à traiter les taches de sang épaisses, par une dissolution de protochlorure d'étain acidulée par l'acide chlorhydrique ; la tache de sang épaisse résistera, tandis que la tache de rouille et celle qui est produite par un mélange de colcothar et de graisse disparaîtra au bout de quelques heures, — 622 — à moins que celte dernière n'ait été recouverte d'une couche d'huile. 5° L'action de l'acide hypochloreux sur les taches de sang qui proviennent d'un jet de sang ou de l'immersion d'un linge; dans ce liquide, diffère sensiblement de celle qu'il exerce sur les taches que l'on pourrait appeler secondaires, c'est-à-dire sur celles qui ont été produites par le contact d'un corps taché par jet; en effet, ces dernières résistent beaucoup moins que les au- tres à l'action décolorante de l'acide. Le professeur Taddeï de Florence a publié, en 1844, sous le titre d'Ématalloscopie, une monographie sur le sang, dont je vais extraire quelques passages. « Les taches de sang desséché déposées sur la lame d'un instrument tranchant, sur le sol ou sur des meubles, sont détachées par grattage ; le produit est pesé à une balance très sensible, après quoi on le met en contact avec la moindre quantité possible d'eau distillée et on y ajoute une dissolution de bicarbonate de soude cristallisé renfermant en poids une quantilé de ce sel représentant le poids du sang. «Si le liquide élail déposé el surtout imprégné dans des tissus, on l'enlèverait au moyen de l'eau, et, pour en déterminer la quan- tilé, on ferait dessécher à 60° th. centigr. environ les lambeaux d'étoffe découpés avec des ciseaux ; après quoi on les ferait ma- cérer dans l'eau, ou mieux on les triturerait dans un mortier avec un peu de ce liquide, et en les séchant et pesant de nouveau on connaîtrait la quantité de sang enlevé, auquel on ajouterait (comme précédemment) du bicarbonate de soude. « Une étoffe de lin ou de coton qui contiendrait à peine 5 à 6 grains (25 à 30 centigrammes) de sang desséché, en fournit assez pour la détermination de sa nature. «Après avoir bien agité le sang avec la dissolution de bicarbo- nate, on y verse une dissolution de sulfate de cuivre en très léger excès, et après dix à douze heures de repos on filtre et on lave avec soin. « Le produit trouvé sur le papier est vert olive et renferme les matières organiques et le carbonate de cuivre ; la liqueur filtrée est bleuâtre. «On étend le filtre sur du papier buvard ou sur une brique peu — 623 — cuite et on fait sécher au soleil ou à l'étuve, entre deux capsules ou deux assiettes de porcelaine ; on détache le produit, et on le triture dans un mortier de porcelaine ou de verre, avant l'entière dessiccation. «M. Taddeï désigne ce produit sous le nom de poudre d'inter- position. Comme cette poudre est très hygrométrique, il est important de la préserver de l'action de l'air humide. « Quand il s'agit de déterminer si du sang appartient à un homme ou à un animal vertébré, on opère par comparaison. On pèse exactement 10 grains de la poudre d'interposition, auxquels on ajoute, dans la capsule même, 15 grains (75 centigrammes) d'acide sulfurique formé de parties égales d'acide à 66° et d'eau, mélange auquel l'auteur donne le nom de liqueur acide. On recouvre avec une lame de verre en laissant seulement passage à un tube au moyen duquel on mêle bien l'acide et la poudre; En opérant à 25 ou 30° centigr., la poudre d'interposition, à peine humectée avec l'acide, passe du vert olive au rouge grenat, et de granuleuse qu'elle était elle devient homogène, tenace, pâteuse, plastique et très élastique. «Ce produit,'déposé sur une grande feuille de verre horizontale, reste à cet état pendant dix à douze heures ; après quoi il s'é- tend, adhère à la surface du verre, devient brillant, et prend l'aspect poisseux d'une matière fondue. Cette apparence se ma- nifeste dans la partie inférieure de la masse après quatre à cinq heures en été et plus long-temps en hiver. La masse se déprime de plus en plus, l'air s'étend, et devient ordinairement circulaire, et la matière se ramollit en prenant une consistance extracli- forme. Si ou en rompt la continuité au moyen d'un tube de verre, les vides se remplissent peu-à-peu et les élévations disparais- sent; en appuyant faiblement dessus un cachet de métal ou une pièce de monnaie frottée d'huile, l'impression n'est que momen- tanée et bientôt la masse reprend son élat primitif : en la lou- chant avec le doigt, elle y adhère comme du miel; le papier buvard, appliqué avec précaution à sa surface, ne peut être en- levé sans en emporter une parlie, el les insectes qui tombent sur la matière y restent attachés, tandis que la pâte récente peut — 624 — non-seulement être touchée avec le doigt ou le papier buvard, mais encore être comprimée sans adhérer. «La fluidification augmente progressivement, le produit devient semi-liquide, et, en inclinant la feuille de verre de 20 à 40 degrés, il coule de 80 à 100 millimètres en trois à quatre heures. «Tous ces phénomènes se manifestent dans l'espace d'un jour à un jour et demi, à la température de 25 à 30° centigrades ; et la fluidification devient telle que, dans l'espace de irenie à quarante. heures, en inclinant la lame de verre de 45°, la masse parcourt 135 à 160 millim. en peu de temps; enfin après trois ou quatre jours, la fluidification est complète. En se servant d'une feuille de verre rectangulaire sur l'un des bords de laquelle est fixée une échelle graduée, il est facile de déterminer le degré du fluide pour un temps et une inclinaison donnés. « Si on laisse parfaitement horizontale la lame de verre sur la- quelle le produit a été placé, jusqu'à ce que la masse soit com- plètement liquéfiée, elle garde son opacité, mais elle devient si brillante et réfléchit si bien les objets, que l'on y aperçoit, comme dans un miroir, tous les détails de la figure ou des corps qu'on en approche. Si alors on place verticalement la feuille de verre et qu'on la suspende au-dessus d'une autre horizontale, la masse tombe sur celle-ci en ne laissant presque aucune trace sur la pre- mière, etde manière que les objets se peignent derrière la feuille verticale dans tout le trajet du produit, qui coule de la même manière si on place verticalement la seconde lame : on observe les mêmes caractères avec un verre ou une capsule. «La pâte étant disposée sur une feuille de verre bien horizon- tale, on remarque après quelques jours un autre phénomène: l'aire occupée par la matière fluidifiée laisse apercevoir deux substan- ces, l'une solide, granuleuse, blanchâtre, opaque; l'autre li- quide, diaphane, d'une teinte de succin, qui s'écarte à la péri- phérie , enveloppant de toutes parts la substance opaque et formant une zone de 8 à 10 millimètres, à bords frangés. Pour mieux observer cet effet, il faut placer le verre devant une croisée. « Afin de mieux séparer ces substances, on fait usage de l'arti- fice suivant : on prend sur la balance la tare d'une petite lame — 625 — de verre trapézoïdale, ou mieux hexagonale, à laquelle est atta- ché avec un peu de cire d'Espagne un fil de laiton très fin ; on y fixe un morceau de papier à filtrer, coupé en hexagone, un peu plus petit que la lame de verre et que l'on a pesé ; on y fait tomber avec une pipette des gouttes de la liqueur acide en quan- tité un peu plus grande que celle qui est nécessaire pour recou- vrir le papier, mais de manière cependant qu'elle ne puisse couler au-dehors, et on fait tomber dessus la poudre d'interposition. Ayant retiré le tout du plateau de la balance, on mêle la poudre avec l'acide au moyen d'un tube de verre ; après quelques jours, on incline les lames de manière que la partie liquéfiée s'écoule sur une autre feuille de verre ; on fait circuler cette liqueur sur un papier imprimé dont on peut lire facilement les caractères au travers du liquide, dont la transparence est telle, qu'en le faisant traverser par un rayon solaire et recevant l'image dans une chambre obscure, on la trouve formée d'un cercle d'une belle couleur rouge de feu, limité par un cercle incolore, qui, lui-même, est entouré par un autre obscur. « En faisant tomber dans de l'alcool à 0,78 ou 0,82, quelques gouttes du liquide jaune de succin, l'alcool se trouble et laisse déposer beaucoup de filamens d'aspect albumineux, blanc cendré ou légèrement gris, et le liquide se colore en fauve; d'où l'on peut conclure que la liqueur couleur du succin est une combi- naison d'acide et d'hématosine avec une substance albumineuse ou protéique : l'une est soluble et l'autre insoluble dans l'alcool. « Un tube de verre plongé dans ce liquide le laisse écouler sans qu'il en reste d'adhérent. Si l'on étend avec le bout du doigt, sur une lame de verre, une petite quantité du liquide provenant de la fluidification, il y adhère à la manière d'une matière grasse ou huileuse. Si l'on place alors celte lame dans un verre rempli d'eau distillée, de manière que l'un des angles louche le fond et l'autre le bord, sous une inclinaison de 45 à 50 degrés, on aperçoit les lignes tracées par l'action du doigt, et, le vase étant en repos, on voit la matière s'unir peu-à-peu au liquide et former un amas uni- forme de couches qui gagne le fond du vase. Si l'on retire alors du liquide la lame de verre, on voit qu'elle est uniformément recouverte d'une couche de matière d'un blanc de perle, qui, — 626 — frottée avec le doigt, se réunit en petits filamens opaques d'un gris foncé. On obtient le même résultat si l'on plonge dans l'eau l'extrémité d'un tube de verre imprégné de matière fluidifiée, et qu'on la maintienne bien verticale dans le centre du tube : en plaçant celui-ci entre l'œil et la lumière, on voit s'écouler de l'extrémité du tube un filet très fin qui, en se rompant, forme de petites guirlandes attachées les unes aux autres, qui ralentissent leur chute et augmentent tellement de diamètre qu'elles perdent leur couleur et acquièrent une réfrangibilité presque égale à celle de l'eau, qui ne permet plus à Fceil de les apercevoir : alors le fil qui, d'abord coloré et transparent, occupait le centre du tube, est opaque, et aux guirlandes ont succédé des flocons qui mon- tent et descendent dans le liquide : ce fil blanc se maintient, pendant quelques instans, intact et immobile ; il est, ainsi que les filamens, formé par les matières albumineuses du sérum. « Si on laisse se fluidifier la pâte résultant du mélange de la poudre d'interposition et de la liqueur acide (dans le rapport de 1 à 1, 5) dans le fond d'un verre conique, et que l'on dirige dessus de la vapeur d'eau, on en opère la dissolution, résultat que l'on obtient également en versant de l'eau chaude sur la pâte avant qu'elle soit entièrement liquéfiée et laissant digérer pen- dant quelque temps en l'agitant; dans ce cas, la dissolution s'o- père sans qu'il reste de filamens ou de grumeaux. Si dans celte solution on verse du carbonate de chaux en poudre très fine ob- tenu par précipitation, de manière à saturer tout l'acide, et que l'on filtre, le liquide présente une très belle couleur lilas ou bleue provenant de l'oxyde de cuivre ; en lavant la masse restée sur le filtre jusqu'à ce que le liquide soit à peine coloré, et jetant de l'am- moniaque surce filtre, elle s'écoule avec une teinte foncée, rouge par réfraction et vert brun par réflexion ; gardée dans des vases de verre, à mesure que l'ammoniaque s'évapore, il se dépose un léger enduit de matière opaque, qui, desséché, est d'un gris cen- dré et se dissout sans effervescence dans l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique. « La liqueur finit par se dessécher en une croûte très friable, d'un vert bouteille, et qui, détachée, paraît noire et d'un éclat métallique. — 627 — « La poudre que l'on obtient ainsi est insoluble dans l'alcool, mais elle se dissout dans ce liquide et dans l'eau en y ajoutant un acide ou mieux encore quelques gouttes d'ammoniaque ou d'alcali caustique : réduite en pâte avec une fois et demie son poids de liqueur acide, elle donne une couleur rouge grenat, mais ne forme pas de masse cohérente, plastique, poisseuse, comme la poudre d'interposition. « La chaleur a une grande influence sur la fluidification, à ce point que la pâte faite avec la poudre d'interposition et la li- queur acide dans le rapport de 4 à 5, et par conséquent dure et aride, devient non-seulement molle, brillante et d'apparence demi - fondue , mais se liquéfie complètement après quelques jours si la température est de 35 à 40° th. cent. Au contraire, si la pâle est faite dans le rapport de 1 à 1, 5, la masse reste sans altération, ou tout au plus prend la consistance d'un extrait, au- dessus de 15° cent. « Caractères du sang des animaux. « Sang de bœuf. En opérant comme précédemment, la plasti- cité et la cohérence sont moindres, la masse se réduit en gru- meaux élastiques mais durs et arides : si on la place sur une lame de verre, on n'y remarque aucun changement après trente heu- res, ni en élé, ni en hiver; la masse conserve sa forme et son diamèlre, ne prend pas la forme d'extrait et ne réfléchit pas les images : après plusieurs semaines, elle se déforme quand on in- cline la lame de verre, elle prend une couleur plus obscure, acquiert de la rudesse, de manière que les grumeaux peuvent s'agglutiner et former des amas sans consistance et toujours gre- nus, d'où s'écoule une portion de liqueur acide. « Sang de pigeon. Lapoudre d'interposition ne se mêle pas à la liqueur acide de manière à former une pâte homogène, plastique et cohérente ; on n'obtient qu'un amas de grumeaux durs et tenaces, divisés et sans aucune cohésion ; après quelques jours et à la faveur d'une température de 25 à 30° th. cent., ils se réunissent en une masse poisseuse, extractiforme et homogène. «.Sartg de lézard vert. Il se détache des tissus avec beaucoup plus de difficulté que celui d'aucun autre animal, d'où il résulte 40. - 628 - que les taches sont presque indélébiles par l'eau ; la poudre d'in- terposition ne fournit pas une masse cohérente et homogène, mais seulement un amas de grumeaux qui ne peuvent s'aggluti- ner ; d'abord un peu élastiques, ils deviennent humides, flasques, d'une couleur plus foncée; ensuite ils commencent à prendre de l'éclat et l'apparence d'une masse demi-fondue; l'agglutination augmente alors rapidement ; les grumeaux se réunissent en une seule masse brillante, noire comme de la poix et de consistance extractiforme, la température étant de 30 à 35° th. cent. «Sang de tanche.La masse faite avec Istpoudred'interposi- tion et la liqueur acide est composée de petits grumeaux sans cohésion et refuse de former une matière plastique et homogène. « En comparant le sang humain avec celui d'animaux de di- verses classes, on voit que, pour le premier, la poudre d'inter- position donne une pâte consistante, élastique, de couleur grenat, qui se ramollit rapidement, et se déprime comme de la pâte de farine en fermentation, et qui, devenue bril- lante, extractiforme, foncée et poisseuse, se liquéfie comme un sirop, formant des îles assez étendues, à bords frangés quand il est maintenu dans une position horizontale ; que cette pâte se divise spontanément en une partie liquide, diaphane, d'une couleur d'ambre, coulant comme l'eau, et en une partie solide, blanche, opaque, à la température de 30 à 35° th. cent. «Le sang essayé n'est pas humain s'il forme une pâte élasti- que, consistante, tenace, se réduisant par la pression en fragmens qui ne peuvent plus s'agglutiner, ne se fluidifiant par aucun moyen et ne fournissant pas deux substances distinctes : tel est le sang de bœuf pris pour type de celui des mammifères. «La même conclusion est à tirer del'examen d'un sang qui refuse de se réduire en pâte homogène ou en une seule masse cohé- rente et plastique, et qui, même avec un excès de liqueur acide, reste en grumeaux distincts : le sang de pigeon, pris comme type de celui des oiseaux, offre ces caractères. « Enfin ce n'est pas du sang humain que celui qui, refusant de former une pâte homogène et cohérente, quelle que soit la — 629 -- proportion de la liqueur acide, n'offre que des grumeaux isolés, non susceptibles de s'agglutiner pour former une masse emplastique, si ce n'est après quelques jours. «Nous regrettons vivement que le manque d'espace ne nous permette pas de donner, d'après le même auteur, les caractères distinctifs des sangs des divers animaux entre eux; nous nous bornerons à classer, d'après lui, ceux sur lesquels il a opéré. « 1° Sang coagulable et non fluidifiable. — Ruminans ■ bœuf, cerf, brebis. « 2° Sang coagulable et médiocrement fluidifiable. — Soli- pède : âne, cheval. — Rongeurs .- cochon d'Inde, lapin, lièvre. — Pachydermes : cochon, sanglier. — Quadrumanes : singe. — Carnivores : porc-épic, fouine. «3° Sang coagulable et éminemment fluidifiable.—Carni- vores .■ chat, renard, chien. — Bimanes .• homme. — Rongeurs: souris. « On parvient à apprécier le degré de fluidification en la mesu- rant dans un tube de 50 centimètres environ de longueur et de 6 à 8 millimètres de diamètre, fermé à une extrémité et courbé à angle obtus à l'autre. « Quand la masse introduite dans ce tube placé horizontalement y est restée quelques heures, et est devenue assez molle pour adhérer au verre, on incline le tube ; la masse coule alors insen- siblement, et l'on mesure (au moyen d'une échelle graduée en 200 parties) de combien elle s'est déplacée après trois ou quatre jours. On trouve alors que les diverses espèces de sang se divi- sent de la manière suivant : Non fluidifiable Ruminans. 1 / Solipèdes. 1 Rongeurs. 1 Médiocrement fluidifiable l Pachydermes. Sang coagulable. ^ I Quadrumanes. \ Carnivores. 1 Carnivores. Bimanes. Rongeurs. « Le sang du chien, de l'homme et de la souris se trouve donc placé dans la même catégorie (la dernière) ; et il est in dispensable, pour les distinguer, de comparer exactement leur — 630 — degré de fluidifiabilité. L'expérience faite au moyen du tube incliné, comme il vient d'être dit, donne les résultais suivans, que l'on ne peut cependant considérer d'une manière absolue : « 70,60 pour le sang du chien ; 142,50 pour celui delà souris ; 100,00 pour celui de l'homme. « S'il s'agit de déterminer si du sang appartient à l'homme, on opère alors de la manière suivante, et comparativement, sur la matière incriminée et sur des échantillons de sang humain, de souris et de chien : on place le mélange de chaque poudre d'in- terposition et de liqueur acide sur l'extérieur d'un verre de montre, et après sept à huit heures, on met celui-ci, l'ouverture en bas, sur un filtre formé de quatre doubles de fils de crin très fin, serrés entre deux lames de plomb et d'un diamètre un peu plus grand que celui du verre. Sous chaque filtre on place une rondelle de papier buvard reposant sur une lame mince de plomb soutenue par un fil de fer, et on dépose le tout dans un vase conique lesté à la partie inférieure : on recouvre le verre de montre avec un autre plus grand ou une capsule, et on pose le couvercle, en plaçant l'appareil sur un pied. « On retire de temps en temps le papier buvard quand il est im- bibé de liquide, on le plonge dans un peu d'eau, et, quand il ne s'écoule plus de liquide, on lave le filtre à l'eau chaude : les li- queurs sont réunies ; on les filtre et on les précipite par un sel de baryte, qui donne des quantités de sulfate proportionnelles au degré de fluidification du sang. « Enfin on ajoute un dernier essai. Avec la pointe d'un tube de verre ou l'extrémité d'un fil cfargent imprégné du sang fluidifié à essayer, on trace des lignes ou des caractères sur du papier à écrire ordinaire, et, après avoir découpé ces lignes ou caractères, on les suspend verticalement dans de l'alcool chaud : les carac- tères se maintiennent indélébiles ou presque indélébiles, qu'ils soient frais ou desséchés, s'ils appartiennent au sang de souris; s'ils sont tracés avec du sang de chien ou d'homme ils se défor- ment et finissent par ne plus être lisibles. « L'odeur comparative que dégage, par l'ébullition avec l'eau, la poudre d'interposition du sang de chien et de celui de l'homme, — 631 — peut servir d'utile indice dans cette circonstance, puisque l'on n'a de comparaison à établir qu'entre ces deux corps. « Le professeur Taddeï fait remarquer combien l'emploi de ces moyens peut offrir d'avantages dans un grand nombre de cas où il s'agirait, par exemple, de décider si les taches de sang existant sur des linges de femmes proviendraient de leurs menstrues ou du sang de quelque animal, avec lequel, pour tromper dans cer- taines circonstances données, elles auraient pu maculer leurs effets (Briand, Méd. légale). » Quels que soient le talent et l'autorité de M. Taddeï, je ne sau- rais admettre sans réserve les résultats de son travail ; de nou- velles expériences me paraissent nécessaires pour donner à ces résultats plus de netteté et toute la valeur que l'on est en droit d'exiger lorsqu'il s'agit d'en faire l'application à des cas de médfr- cine légale. Quel parti peut-on tirer de l'observation à l'aide du micros- cope, non-seulement pour reconnaître le sang, mais encore pour distinguer à quelle classe d'animaux il appartient : l'existence de globules dans ce fluide et la forme sphérique qu'ils affectent dans les mammifères, tandis qu'elle est elliptique dans les oi- seaux suffisent-elles pour résoudre ces questions? Voici les con- clusions auxquelles m'ont conduit des observations de ce genre faites conjointement avec Lebaillif, dont on connaissait l'habi- leté pour tout ce qui concerne les recherches microscopiques (Voyez mon mémoire sur cet objet, inséré dans le Journal de Chimie médicale, septembre 1827). 1° Tout en admettant que le sang renferme une multitude de globules pouvant servir à le caractériser, il est quelquefois impossible de constater la présence de ces globules dans le sang desséché sur une lame de verre, et à plus forte raison sur une étoffe, soit parce que la goutte de sang est trop épaisse, soit parce qu'elle ne contient que la matière colorante, ou par toute autre cause; 2° s'il est vrai, d'une manière générale, que les globules du sang des mammifères sont circulaires, tandis que ceux du sang des oiseaux et des animaux à sang froid sont el- liptiques, il n'en est pas moins cerlain qu'on peut apercevoir, lorsqu'on agit sur du sang détaché d'un linge, des globules — 632 — elliptiques dans le sang des mammifères, et des globules sphé- riques ainsi que des corpuscules triangulaires, carrés, etc., dans le sang des oiseaux ; ce qui dépend probablement d'un atome de poussière ou du tissu de l'étoffe qui sont unis au sang : il est aisé de concevoir en effet qu'un globule qui eût été sphérique, vu seul, présente une autre forme lorsqu'il est accolé à un corps étranger. J'ajouterai qu'il paraît résulter d'observations nombreuses faites par Hewson, que chez les animaux dans lesquels, à un certain âge, on trouve les corpuscules elliptiques les plus carac- térisés, on n'aperçoit, quand ils sont très jeunes, que des globules circulaires (Hewsoni Opéra omnia. Tabula prima. Lugduni Batavorum, ann. 1785). Ne sait-on pas, d'une autre part, com- bien il est difficile, quand on n'en a pas l'habitude, de faire de bonnes observations microscopiques? Ces diverses considérations me portent à ne pas attacher à ces résultats autant d'importance qu'on a cru devoir le faire pour résoudre le problème qui m'oc- cupe, et à leur préférer, en général, les expériences chimiques dont j'ai parlé. Pour justifier cette conclusion, je crois devoir déclarer qu'a- près avoir examiné dans plusieurs séances, et à plusieurs repri- ses, à l'aide d'excellens microscopes, du sang humain et de pi- geon détaché des étoffes, non-seulement il m'était souvent difficile de les distinguer l'un de l'autre, mais même quelquefois de reconnaître que c'était du sang. Que l'on juge maintenant de l'embarras dans lequel se trouverait un médecin qui ne s'est jamais livré aux recherches microscopiques. C'est là ce que j'a- vançais dans ma dernière édition, et j'ajoutais : On dira peut- être que M. Lebaillif et moi nous y sommes mal pris, que nous n'avons pas rempli toutes les conditions ; soit : mais alors je deman- derai à mon tour que l'on indique ces diverses conditions et surtout les nombreuses sources d'erreurs qui peuvent être commises. Depuis M. Mandl {Thèse inaugurale, Paris, 1842) s'est occupé de cette question. Il a décrit avec de grands détails les précau- tions qu'il fallait prendre dans l'examen de ces taches, et contrai- rement à ce que je viens de dire, il conclut qu'on peut distinguer si du sang desséché appartient à un mammifère ou à un animal — 633 — ovipare. Le procédé qu'il indique exige beaucoup de soins, beau- coup d'habitude, et l'usage du microscope n'est pas encore assez généralement répandu, pour qu'on puisse, à mon sens, tirer un grand parti de ces recherches. Voici d'ailleurs ce que dit l'habile micrographe à ce sujet : On sait que, lorsqu'on a mis une tache de sang pendant quel- que temps macérer dans l'eau, elle se décolore, et qu'une petite couche grisâtre ou des filamens blanc grisâtre de fibrine restent attachés à la substance qui portait les taches. C'est cette fibrine décolorée que nous examinons : en effet, elle seule peut présen- ter les globules décolorés, tandis que le liquide coloré provenant de la macération de la tache ne contient que la matière colorante rouge, l'albumine dissoute, et quelquefois un certain nombre de globules sanguins détachés. Nous sommes donc sûrs que l'examen microscopique de ce liquide ne pourra offrir aucune utilité, et qu'il faut soumettre à l'examen la fibrine décolorée. Voici la manière dont on doit procéder pour obtenir la portion décolorée de la tache propre à l'examen microscopique : on pré- pare d'abord une lame de verre, comme pour toute autre obser- vation microscopique, on place sur cette lame une goutte d'eau distillée ; on détache ensuite, avec une pointe quelconque, et particulièrement avec une aiguille à cataracte, quelques par- ticules de la tache : on aura soin de choisir les bords de la tache, parce que le sang desséché forme à cet endroit la couche la plus mince, et se trouve, par conséquent, dans les circonslances les plus favorables pour l'examen microscopique. Les particules que l'on détachera de cette manière auront tout au plus la grandeur d'une lête d'épingle; il y en aura même quelques-unes beaucoup plus petites. II est bon que leur nombre soit toujours au moins de quatre à cinq. Lorsqu'on s'est procuré ces particules de la tache, il est néces- saire de les transporter dans la goutte d'eau placée sur la lame de verre. On y parvient plus facilement en mouillant légèrement avec de l'eau distillée la pointe qui a servi à gratter la tache. Toutes les particules adhéreront à la pointe ; on plongera ensuite celle-ci dans la goutte d'eau placée sur la lame de verre, et on aura soin de faire tomber toutes les particules par de légères se- — 634 — cousses données à la pointe. On évitera de frotter celle-ci contre la lame de verre, parce que cette opération pourrait ôier à l'ob- servation la netteté de ses résultats. Il y aura donc maintenant cinq ou six particules très petites et très minces, nageant libre- ment dans la goutte d'eau : ce sont, pour ainsi dire, autant de taches de sang microscopiques. On les laissera séjourner pen- dant quelque temps dans l'eau pour les décolorer ; on comprend facilement qu'il faudra beaucoup moins de temps pour pro- duire cette décoloration qu'il n'en faut pour une grande tache; en effet, au bout d'un quart d'heure ou d'une demi-heure, les particules seront déjà décolorées. On peut accélérer cette disso- lution de la matière colorante, en inclinant dans des directions différentes la lame de verre : on produira de cette manière des mouvemens dans la goutte d'eau, ce qui accélère la décoloration. Lorsqu'on aura observé que ces petites particules ont déjà beaucoup pâli, c'est-à-dire que la matière colorante s'est dissoute, alors on procédera à leur examen de la manière suivante : on diminuera préalablement la quantité d'eau dans laquelle nagent les particules décolorées, en inclinant de côté la lame de verre pour faire écouler une partie de la goutte d'eau. On prendra ensuite une seconde lame de verre très mince, celle qui sert habituelle- ment dans les observations microscopiques pour couvrir l'objet examiné, et on la placera avec précaution sur les particules qui nagent dans l'eau ; on doit éviter avec soin toute compression considérable. Ceux qui ont quelque habitude des observations microscopiques sauront bientôt apprécier la quantité d'eau né- cessaire pour rendre l'observation nette et distincte. Il ne faut pas qu'il y reste trop de la goutte qui a servi à dissoudre la ma- tière colorante, parce qu'alors l'eau couvrirait facilement la se- conde lame de verre ; il ne faut pas non plus qu'il en reste trop peu, parce que la présence des bulles d'air rendrait les particules trop opaques : ce sont des précautions à prendre dont on se rend bientôt maître en répétant quelquefois ces expériences. Nous avons maintenant les particules décolorées placées dans une goutte d'eau, entre deux lames de verre. On transportera le tout sur le porte-objet du microscope, et on soumettra les parti- cules à l'observation. Nous n'avons guère besoin d'ajouter que — 635 — l'on doit suivre ici les règles générales, comme dans toute autre observation microscopique, par exemple, en tout ce qui concerne l'éclairage, etc. £n examinant ces particules, on dirigera son at- lerilion surtout sur leurs bords transparens : c'est là que l'on peut le mieux et le plus nettement distinguer les élémens dont il sera question tout-à-1'heure ; leur partie centrale le plus souvent n'est pas suffisamment décolorée : l'examen devient alors plus difficile. Voici maintenant ce qu'on observe dans ces particules décolorées, qui sont formées par la fibrine et par les globules san- guins privés de matière colorante. Les particules de taches de sang des mammifères présenteront une couche amorphe, c'est-à-dire sans aucune organisation,dans laquelle on apercevra çà et là quelques globules blancs ; les glo- bules sanguins étant parfaitement décolorés, il n'en paraîtra au- cune trace. Lorsque au contraire les particules décolorées appar- tiennent à des taches produites par du sang d'ovipares, on apercevra un très grand nombre de noyaux oblongs, serrés les uns contre les autres, dans une couche amorphe de fibrine coa- gulée , tandis que les contours externes de chaque globule ne sont plus perceptibles. On aura donc de cette manière un moyen très facile de constater l'espèce de sang qui a produit la tache. Mais, le sang de l'homme et celui des mammifères offrant des globules de même structure, on comprend facilement que l'on ne pourra parvenir à distinguer par le microscope, ni le sang de l'homme de celui de tout autre mammifère, ni celui d'un mammifère d'avec celui d'un autre. Au contraire, il sera très facile d'établir si les taches en question appartiennent au sang de l'homme et d'un mammifère, ou à celui d'un ovipare, c'est-à-dire d'un poisson, d'un oiseau ou d'un rep- tile. Le sang des chameaux et de tous les animaux appartenant à cette famille offrira les mêmes caractères que celui d'un ovipare : cela résulte des observations que nous avons faites en 1839, et qui ont été constatées dans un rapport présenté à l'Académie des sciences par MM. Milne Edwards et Isid. Geoffroy Saint-Hilaire. Cette circonstance mérite d'être notée,à cause de nos possessions en Afrique. Nous repoussons l'usage du microscope pour distinguer les — 636 - diverses espèces de sang des mammifères les unes des autres : toutefois les poils adliérens pourront quelquefois donner des ren- seignemens très importans ; ainsi, il ne sera pas difficile de re- connaître les poils du lapin, du bœuf, etc., et de les distinguer des cheveux (Mandl). » Peut-on reconnaître, à l'aide de réactifs chimiques, si des taches de sang ont été faites avec du sang humain ou avec du sang d'autres animaux? Il n'est pas rare que les tri- bunaux invoquent les lumières des gens de l'art pour savoir si des taches de sang ont été produites par du sang humain ou par du sang d'un autre animal. Jusqu'en 1829, personne ne s'était occupé de cet objet, lorsque Barruel publia dans les Annales d'hygiène et de médecine légale (n° d'avril) un mémoire fon intéressant dont voici les principaux résultais : 1° Le sang de chaque espèce d'animal contient un principe particulier à chacune d'elles. 2° Ce principe, très volatil, a une odeur semblable à celle de la sueur ou de l'exhalation cutanée et pulmonaire de l'animal d'où le sang provient. 3° Ce prin- cipe volatil est à l'état de combinaison dans le sang, et tant que cette combinaison existe, il n'est point sensible. 4° Lors- qu'on rompt celte combinaison, le principe odorant du sang se volatilise, et dès-lors il est non-seulement possible, mais même assez facile de reconnaître l'animal auquel il appar- tient. 5° Dans chaque espèce d'animal, le principe odorant du sang est beaucoup plus prononcé, ou en d'autres termes a plus d'intensité dans le sang du mâle que dans celui de la femelle ; chez l'homme la couleur des cheveux apporte des nuances dans l'odeur de ce principe. 6° La combinaison de ce principe odo- rant est à l'état de dissolution dans le sang, ce qui permet de le développer, soit dans le sang entier, soit dans le sang privé de fibrine, soit dans la sérosité du sang. 7° De tous les moyens em- ployés pour mettre à l'état de liberté le principe odorant du sang, l'acide sulfurique concentré est celui qui réussit le mieux ; il suffît pour obtenir ces résultats de verser quelques gouttes de sang ou de sérosité du sang dans un verre, d'ajouter ensuite un léger excès d'acide sulfurique concentré, environ le tiers ou la moitié du volume du sang, et d'agiter avec un tube de verre : le - 637 — principe odorant se manifeste aussitôt. 8° S'il s'agit d'une tache, qui n'ait pas plus de quinze jours de date, on découpe la portion de linge taché, on la met dans un verre de montre, on verse dessus une petite quantité d'eau, et on la laisse en repos pen- dant quelque temps; quand la tache est bien humectée, on y ajoute de l'acide sulfurique concentré, on agite avec un tube et l'on inspire. Barruel ne peut pas assurer qu'une tache de sang qui daterait de plus de quinze jours, fût propre à fournir les ca- ractères différentiels dont il va être fait mention. 9° Le sang de l'homme dégage une forte odeur de sueur d'homme qu'il est im- possible de confondre avec toute autre; celui delà femme,une odeur analogue, mais beaucoup moins forte, enfin celle de sueur de femme. 10° Celui de bœuf, une forte odeur de bouverie ou celle de la bouse de bœuf. 11° Celui du cheval, une forte odeur de sueur de cheval ou de crotin. 12° Celui de brebis, une vive odeur de laine imprégnée de son suint. 13° Celui de mouton, une odeur analogue à celle de brebis mélangée d'une forte odeur de bouc. 14° Celui de chien, l'odeur de la transpiration du chien. 15° Celui de cochon, une odeur désagréable de porcherie. 16° Celui de rat, une odeur désagréable de rat. 17° Le sang des poules, des dindes, des canards et des pigeons dégage une odeur particulière propre à chacun d'eux. 18° Le sang de grenouille laisse exhaler une odeur fortement prononcée de joncs maréca- geux. 19° Le sang de carpe fournit un principe odorant sem- blable à celui du mucus qui revêt le corps des poissons d'eau douce. 20° Enfin, depuis la publication de ce travail, M. Cheval- lier a dégagé du sang de punaise une odeur aromatique qu'il a cru reconnaître pour être celle de la punaise, mais que d'autres personnes n'ont pu caractériser, tout en convenant qu'elle était très aromatique (1). Barruel, convaincu que les caractères chimiques que j'ai (l) Les taches provenant des punaises qui n'ont pas sucé de sang sont verdâtres, celles de ces animaux ayant sucé du sang finissent par prendre une teinte olivâtre; les taches de sang humain, au contraire, restent brunes. L'eau distillée dans la- quelle on a fait macérer ces taches de punaises présente, dans l'un et l'autre cas à- peu-près la même teinte, et les liqueurs essayées par les divers réactifs n'offrent pas de résultats différentiels bien marqués: seulement l'acide sulfurique a paru à — 638 - assignés à la matière colorante du sang humain se retrouvent, a peu de chose près, dans le sang des autres animaux, et qu'il sérail par conséquent impossible de chercher dans cette matière colorante des moyens propres à distinguer les diverses espèces de sang, se prononce positivement en faveur du procédé qui vient d'être indiqué, d'autant mieux, ajoute-t-il, que la décou- verte de MM. Prévost et Dumas relative aux globules de forme et de dimension différentes, qui existent dans le sang de l'homme et des animaux, ne pourra être que très rarement applicable aux cas d'homicide et de médecine légale, parce que les carac- tères assignés par ces savans ne se retrouvent plus lorsque le sang a été desséché sur un corps quelconque et qu'il a ensuite été délayé dans l'eau ; et l'on sait que c'est particulièrement sur du sang placé dans ces circonstances que les experts sont le plus souvent appelés àse prononcer. Un travail de cette nature devait nécessairement fixer l'atten- tion des chimistes et des médecins ; il importait d'en constater l'exactitude et de déterminer s'il était susceptible d'applications rigoureuses à la médecine légale. Je vais parcourir rapidement les principales objections qu'il a soulevées. 1° M. Raspail atta- qua le mémoire de Barruel, se fondant sur ce que tous les nez ne peuvent pas servir de réactifs, que le sang pouvait êlre mêlé à des substances étrangères qui altéraient l'odeur du prin- cipe aromatique, et que si sur cent animaux, on n'en a observé que quatre-vingt-dix-neuf, il est possible de soutenir devant la loi jusqu'à preuve du contraire, que le centième déjouerait les réactifs. 2° M. Couerbe établit que beaucoup d'autres fluides des animaux, tels que le lait, le blanc et le jaune d'œuf, le sperme, la salive, l'urine, etc., dégagent par l'acide sulfurique con- centré un principe odorant semblable à celui que fournit le sang du même animal traité de la même manière. 3° Le doc- teur Wedekind, après avoir fait répéter les expériences de M. Chevallier développer dans l'eau colorée avec du sang d'homme une odeur de sueur, et dans celle colorée avec du sang de punaises une odeur particulière et très prononcée qui rappelait Celle de la punaise (annales de médecine légale, t.' iv, page 433). — 639 — Barruel par le docteur Winkler, qui les trouva exactes, ob- jecta néanmoins que le sang n'exhalera pas toujours précisément l'odeur de la transpiration, odeur qui variera d'ailleurs beaucoup suivant les circonstances ; pourquoi, dit-il certains alimens, des asperges, par exemple, certains médicamens tels que le cam- phre, l'asa fœtida ne modifieraient-ils pas cette odeur? Sans nier que le sang humain traité par l'acide sulfurique laisse déga- ger une odeur sui generis qui n'est pas celle de la transpiration, il croit que le procédé de Barruel n'est pas applicable à la médecine légale, parce qu'il ne lui paraît pas raisonnable de fonder une décision par l'odorat, sur le rapport d'un seul indi- vidu, alors que plusieurs personnes ne porteraient peut-être pas le même jugement. Les jurisconsultes, ajoute-t-il, exigent avec raison que les données fondées sur les sens soient prouvées, ce qui serait fort difficile dans le cas dont il s'agit ; il faudrait en effet supposer chez l'expert un grand exercice du sens de l'odorat, el il faudrait en outre prouver que le jour de l'opération, ce sens aurait agi dans toute sa plénitude (Ann. d'%^., janvier 1834). 4° M. Ehrardt, après avoir expérimenté sur du sang de bœuf, de mouton, de porc et d'homme, assure que tous ceux qui ont été appelés à constater les faits par l'odorat, sont convenus que chaque espèce de sang avait une odeur particulière ; mais lors- qu'il a été question de comparer cette odeur avec toute autre, les opinions ont varié, et, à coup sûr, les idées préconçues exerçaient une certaine influence. 5° Merk a reconnu au sang de femme une odeur qui se rapprochait de celle de l'acide cyanhydrique, tandis que l'odeur du sang d'homme ressemblait à celle de la chair fraîche. Une matière muqueuse, mêlée de bile, et qui avait été vomie par un garçon, s'est comportée sous le rapport de l'o- deur comme du sang d'homme (Ibid.). A tous ces faits si j'ajoute mes propres observations, je crois pouvoir conclure : 1° que les résultats annoncés par Barruel sont exacts; 2° qu'il lui serait arrivé rarement de se tromper sur l'espèce de sang soumise à l'observation , s'il avait été mis à même d'agir sur une quantilé notable de ce fluide; 3° qu'il n'en sera pas ainsi lorsqu'une autre personne expérimentera pour la première fois et même lorsqu'elle se sera déjà livrée à — 640 — quelques recherches de ce genre ; il n'est pas douteux, toutefois, que quelque peu exercé que soit l'expérimentateur, il découvrira facilement, s'il agit sur des quantités notables de sang, que ce fluide exhale une odeur différente suivant les espèces, mais il éprouvera de grandes difficultés à bien saisir les nuances di- verses indiquées par Barruel ; 4° que lorsque l'on opère sur de très petites quantités de sang, il ne me paraît guère possible de tirer du caractère proposé une valeur réelle, parce que l'ex- pert n'aura pas à sa disposition assez de matière pour faire dé- gager à plusieurs reprises le principe aromatique, et corroborer ainsi par des expériences réitérées le jugement qu'il aurait pu porter sur la première : or cette répétition du caractère semblera de toute nécessité, si l'on songe qu'il s'agit de reconnaître à quelle espèce appartient le sang, seulement à l'aide de l'odorat ; 5° qu'il faut par conséquent être excessivement réservé dans les appli- cations que l'on pourrait faire à la médecine légale du travail curieux de Barruel, et que lorsque les occasions de s'en ser- vir se présenteront, les experts devront commencer par exercer leur odorat en expérimentant particulièrement sur les espèces de sang sur la nature desquelles ils sont appelés à se prononcer ; 6° que s'il est très souvent difficile de déterminer à quelle espèce appartient le sang, il peut se faire dans certaines circonstances, qu'il soit possible d'affirmer que le fluide examiné ne provient pas de l'animal que l'on signale comme l'ayant fourni. Cette dernière conséquence me conduit naturellement à parler d'une expertise faite par MM. Barruel, Henri et Guibourt, en juin 1829, après la publication du mémoire que j'analyse. II s'agissait de constater, si, comme le prétendait l'accusé, les ta- ches de sang que l'on remarquait sur ses hardes, avaient été faites,par du sang de cochon; on verra par l'extrait du rapport de ces chimistes, parmi lesquels figure Barruel lui-même, combien il importe d'être circonspect en pareille matière. Di- vers linges furent trempés dans du sang d'homme, de femme, de bœuf et de cochon ; on les laissa sécher à l'air pendant quinze jours, puis on les fit tremper dans de l'eau distillée. En traitant les liqueurs par l'acide sulfurique concentré, on vit que le sang de porc développait une odeur très marquée et fort désagréable,. — 641 — dans laquelle on distinguait quelque chose de celle du porc; que le sang de bœuf dégageait une odeur moins forte, analogue à celle de la bouverie ; que le sang de l'homme donnait lieu à une odeur très marquée, comme grasse et analogue à celle de la sueur; que le sang de femme exhalait une odeur un peu aigre, non désagréable; enfin le sang de la chemise de l'inculpé déve- loppait une odeur aigre non désagréable, que deux d'entre nous rapportèrent à celle des tanneries,- le troisième la jugea semblable à celle du sang de femme (la victime était une femme). Nous nous procurâmes d'autre sang de porc, de bœuf, d'homme el de femme. Le sang de porc pris chez plusieurs charcutiers de Paris, et directement à l'échaudoir des Vieilles- Tuileries, nous a constamment présenté la même odeur repous- sante. Le sang de bœuf a exhalé tantôt l'odeur forte des abat- toirs, tantôt celle de l'animal mouillé. Le sang de l'homme nous a toujours offert l'odeur de la transpiration de l'homme. Le sang de femme s'est montré plus variable, et notamment le sang provenant d'une saignée au bras d'une fille de quarante- sept ans a offert la même odeur que le sang de l'homme. Dans une circonstance aussi grave, la justice pèsera la valeur d'une opinion fondée sur des expérimentations nouvelles qui n'ont pas encore subi l'épreuve de la publicité et de la controverse. Voici notre déclaration telle que la conscience nous la dicte : considé- rant que l'odeur dégagée par le sang de porc et l'acide sulfuri- que paraît propre à ce sang et constante, et que le sang trouvé sur la manche de chemise manque absolument de ce caractère, nous pensons que ce dernier n'est pas du sang de porc (An- nales d'hygiène, juillet 1829). DE LA COMBUSTION HUMAINE SPONTANÉE. Le corps humain peut être brûlé, quelques-unes de ses parties peuvent être réduites en cendres par une cause qu'il n'est pas fa- cile d'apprécier, et que l'on a rapportéejusqu'à présent à un état particulier de l'organisme. Ce phénomène, désigné sous le nom de combustion humaine spontanée, pour être inexplicable n'en — 642 — doit pas moins être admis. Il ne doit pas êlre seulement étudié au point de vue de la physiologie, son histoire se rattache encore aux plus hauts intérêts de la société sous le rapport médico-lé- gal. L'événement raconté par Lccat en fait foi. Un habitant de Reims fut sur le point d'être injustement condamné comme in- cendiaire el meurtrier, dans un cas de combustion de ce genre ; et au rapport de M.Vigne, l'infortuné Millet fut condamné à mort comme coupable d'assassinat envers sa femme, que l'on trouva presque entièrement consumée dans sa cuisine, à 50 centimètres du foyer; il fut pourtant prouvé que celte femme faisait un grand abus de liqueurs spiritueuses, et qu'elle avait été victime d'une combustion spontanée (De la Médecine légale, par Vigne, p. 148, année 1805). Les exemples de ces sortes de combustions sont maintenant en si grand nombre dans la science, qu'il serait presque inutile d'en rapporter ici.Voici cependant deux observa- tions qui sont assez remarquables, pour que je croie devoir en donner connaissance au lecteur : Obs. 4re. M. D..., âgé de vingt-quatre ans, d'une taille moyenne, d'un tempérament sanguin, cheveux noirs, plutôt maigre que gras, bien por- tant, et naturellement très sobre, se rendit à l'église cathédrale du Puy, dans la soirée du 19 avril 1827; il y resta peu ; la chaleur insupportable qu'il y éprouvait le força à sortir, et il se retira dans l'appartement de son frère. Vers les neuf heures et demie, celui-ci s'amusait à faire brûler à la chandelle un petit morceau de soufre. Cette substance s'étant liquéfiée et enflammée, coula sur ses doigts, et détermina une douleur assez vive. Quelques gouttes de liquide enflammé s'attachèrent à son habit et l'en- flammèrent. L'incendie faisait de rapides progrès; son frère accourt avec rapidité, et s'efforce d'étouffer le feu en serrant ses vêtemens dans ses mains ; il réussit, et il en fut quitte pour une brûlure légère à deux doigts, et pour un trou à son habit; mais M. D... éprouva de très vives douleurs dans les mains, qui lui firent jeter les hauts cris et appeler du secours. Une femme, qui accourut, s'aperçut aussitôt que les mains étaient couvertes de flammes ; elles brûlaient comme des chandelles, et les flammes étaient bleuâtres. On crut d'abord que la flamme était produite par le soufre, et l'on s'efforça de l'éteindre par des affusions froides, mais ce fut en vain. Un ca- taplasme d'huile et de farine ne fit qu'augmenter l'incendie; on mit enfin sur les parties affectées de la boue de coutelier. M. D .. courut chez M. Richond, et l'œil égaré, la figure rouge, l'expression du désespoir peinte dans tous ses traits, il demanda du secours, en s'écriant qu'il brûlait. Les mains étaient rouges, gonflées, et une espèce de Yapeur ou de fumée l'en élevait. — 643 — On lui fit mettre les mains dans une fontaine, et alors il éprouva du soula- gement , les flammes s'éteignirent ; mais bientôt, à cent cinquante pas de distance, il les vit reparaître. Arrivé chez lui, il mit les mains dans l'eau froide, et bientôt ce liquide fut chaud. Chaque fois qu'il sortait les mains du liquide, il voyait, disait-il, une espèce dégraisse couler sur ses doigts, et des flammes bleuâtres reparaître aussitôt, surtout si l'on plaçait les mains dans un lieu obscur. Les douleurs restèrent vives pendant une par- tie de la journée ; mais elles devinrent moins acres, moins poignantes que les premières. Il y avait sur les doigts de volumineuses ampoules remplies d'une sérosité rougeatre. Dans plusieurs points l'épiderme était totalement levé, et le derme dénudé et grisâtre paraissait corrodé. On pansa comme dans une brûlure simple, et le malade retourna chez lui, à cinq lieues de là. Vingt-deux jours après l'accident^ M. Richond revit M. D..., et le trouva dans un état satisfaisant. Une suppuration de bonne nature s'était établie, et déjà plusieurs plaies étaient guéries ; plus tard toutes les plaies étaient cicatrisées, mais les ongles étaient tombés à plusieurs doigts. M. Richond fait observer que si la flamme n'avait été aperçue qu'immédiatement après l'incendie de l'habit du frère de M. D..., l'on aurait pu penser avec raison qu'elle avait été produite par quelques parcelles de soufre enflammées, adhérentes à la peau des mains ; mais elle a persisté pendant toute la nuit; elle s'est reproduite spontanément peu de temps après le bain de la fon- taine (Archives générales de médecine, tome xix, page 340). Obs. 2e. F. Cath. Meis, âgée de dix-sept ans, d'une constitution délicate, mais brillante de santé, bien réglée depuis sa treizième année, était tour- mentée depuis quelque temps, de vertiges et de céphalalgie, qui l'obligè- rent à quitter le service et de prendre le métier de couturière. Dans la soi- rée du 211 février 1825, elle était occupée à coudre, lorsque, voulant enlever une bougie placée sur une croisée, elle ressentit tout-à-coup une chaleur forte, extraordinaire dans le corps, en même temps qu'une brûlure cuisante à l'indicateur de la main gauche. Au même instant, le doigt fut entouré d'une flamme azurée, longue de 4 centimètres environ, et qui répandait une odeur sulfureuse. Ce fut inutilement qu'elle plongea son doigt dans l'eau et l'enveloppa de linge mouillé, la flamme ne fut pas éteinte ; l'immersion dans l'eau semblait, au contraire, activer la flamme et l'étendre sur le reste de la main. La malade se rendit chez elle à la hâte, enveloppant la main pendant ce trajet dans son tablier, qui fut brûlé en partie, ainsi que ses vêtemens. La flamme n'était visible que dans l'obs- curité. Elle se lava fréquemment la main avec du lait, et, enfin, les ablu- tions répétées une partie de la nuit firent disparaître la flamme, mais non le sentiment d'une brûlure profonde qu'elle éprouvait dans la main : l'odeur sulfureuse se faisait aussi sentir de temps en temps. Une saignée et quel- ques moyens généraux apportèrent quelque soulagement; mais la brûlure cuisante de l'avant-bras gauche n'en persista pas moins, de même que l'odeur sulfureuse. Il se développa sur la paume de la main de petites vési- 41. — 644 — cules, semblables à celles des brûlures : elles mettaient vingt-quatre heures à se développer, et alors elles étaient entourées d'un cercle inflammatoire plus obscur. Au bout de trois ou quatre jours, il ne parut pas de nouvelles vésicules; mais un matin, le sommeil fut interrompu par dos tremblemens fréquens. La main gauche offrait toujours une chaleur singulière ; la paume et les doigts ne pouvaient supporter le plus léger contact sans beaucoup de douleur. Le thermomètre, placé dans celte main, marquait 25°, tandis qu'il ne montait qu'à 17° dans la main droite. On fit beaucoup d'expériences avec des matières combustibles, mais sans aucun résultat ; et les meilleurs électromètres mis en contact avec la malade, placé sur un isoloir, ne pro- duisirent aucun effet. Il n'y avait d'ailleurs d'autres symptômes généraux que l'anorexie et l'amertume de la bouche. Des étincelles électriques tirées du bout des doigts de la main gauche, causaient des douleurs aiguës. Au bout de quelques jours, il se forma encore un petit nombre de vésicules, et le sentiment de chaleur et de cuisson persista dans la main; mais peu-à- peu il se dissipa, et la malade se rétablit ( Extrait dans les Archives géné- rales de médecine, tome x, page 115). « Les cas de ce genre sont fort rares, dit l'auteur de l'article Combustion humaine du Dictionnaire en 30 vol., et méritent d'être bien constatés : aussi, convenait-il de placer cet exemple à côté du premier observé par M. Bichond.On ne peut plus dire que dans toutes les circonstances les tissus animaux étaient pé- nétrés d'alcool ; on ne peut pas penser non plus que l'étincelle électrique puisse devenir une cause occasionnelle de la combus- tion, ni que le fluide électrique soit pour quelque chose dans tous les phénomènes de ces combustions spontanées, puisque les meil- leurs électromètres, mis en rapport avec la malade, ne donnent aucun résultat » (Dict. en 30 vol., p. 426, t. vin). Voici en peu de mots, l'histoire de la combustion humaine spon- tanée, telle que les auteurs nous l'ont transmise. A celte histoire se rattachent les noms de Lecat,Vicq-d'Azyr, MM. Lair, Kopp de Hanneau, en Wétéravie, Dupuytren et Marc. Les causes prédisposantes de la combuslion humaine spon- tanée paraissent dépendre d'un état particulier des solides et des humeurs. Les personnes qui ont abusé des liqueurs spiritueuses, et surtout les femmes grasses âgées de plus de soixante ans, y sont beaucoup plus exposées que les autres; serait-ce, comme le veulent certains auteurs, parce que le tissu cellulaire sous-cu- tané contient une certaine quantité d'alcool? — 645 — On n'est point d'accord sur la cause occasionnelle de ce phéno- mène. Suivant les uns il ne saurait exister sans qu'il y eût con- tact entre le corps animal et une matière en ignition, telle qu'une bougie, une lampe allumée, un peu de braise dans une chauf- ferette ou dans un foyer, une pipe dans laquelle on ferait brûler du tabac, elc. : celte opinion est appuyée sur ce que dans la plupart des exemples authentiques de combustion spontanée, recueillis jusqu'à ce jour, il a constamment élé fait mention d'un corps en- flammé, et qu'ils ont eu lieu le plus souvent en hiver, époque où l'on est plus facilement en rapport avec de pareils corps : on sait, disent ces auteurs, que les sujets gras brûlent avec plus de rapi- dité que ceux qui sont maigres; or, les femmes âgées sont en gé- néral plus grasses que les hommes;il est donc naturel que le con- tact d'un corps allumé détermine sans peine la combustion dont je parle, d'autant plus que si l'ivrognerie est plus rare chez les femmes que chez les hommes, lorsqu'elles commettent des excès de ce genre, c'est avec une continuité dont l'homme ne donne pas souvent l'exemple. Lecat, MM. Kopp et Marc n'admettent pas la nécessité d'un corps en ignition : ne voit-on pas, disent-ils, des matières organiques et inorganiques prendre feu spontanément au sein de la terre ou à sa surface, et se consumer quelque- fois ; ne peut-on pas produire des étincelles électriques en frot- tant les bras ou les jambes de certains individus; pourquoi nepas reconnaître dès-lors qu'il suffit, pour provoquer et entretenir cette combustion, de la réunion des trois circonstances suivantes:un état électrique particulier, la présence d'une liqueur alcoolique ou d'un gaz inflammable dans nos organes et particulièrement dans le tissu cellulaire sous-cutané, et une quantité notable de graisse dans le système adipeux? Toujours est-il vrai que l'on n'a pas constamment trouvé un corps en ignition près des restes du sujet; mais il est également avéré que toutes les victimes de cet acci- dent ne faisaient point abus de liqueurs alcooliques, que dans beaucoup de cas l'atmosphère ne paraissait pas surchargée d'é- lectricité au moment de la combustion, et qu'il aurait été difficile de prouver que le phénomène dépendait d'un état électrique de la victime. Je ne pousserai pas plus loin l'examen des causes occa- sionnelles, parce qu'il me serait impossible, dans l'état actuel de — 646 — la science, d'établir autre chose que des conjectures dont le va- gue se ferait bientôt sentir. Phénomènes de la combustio/t humaine spontanée. On ob- serve dans les premiers temps une flamme peu vive, bleuâtre, difficile à éteindre par l'eau, et à laquelle souvent ce liquide donne plus d'activité; bientôt après elle disparaît, et on lui voit succéder des eschares profondes, des convulsions, le délire, des vomissemens, la diarrhée, un état particulier de putréfaction et la mort. La combustion marche avec une rapidité étonnante, mais quelle que soit son intensité, le corps n'est jamais complètement incinéré ; quelques parties sont à moitié brûlées ou torréfiées, tandis que d'autres sont réduites en cendres; on ne trouve à la place de celles ci qu'une petite quantité de matière grasse, fé- tide, et un charbon léger, onctueux et odorant. Il est assez ordi- naire de voir les doigts, les orteils, les pieds, les mains, quelques vertèbres et quelques portions du ci âne échapper à la destruciion complète, tandis que le tronc se consume presque en entier. Les meubles de bois et les autres corps combustibles placés à une certaine distance de l'individu, ne brûlent pas où ne brûlent qu'incomplètement, les vêtemens dont il est couvert sont au con- traire entièrement détruits. Les murs et les meubles sont tapis- sés d'une suie épaisse, grasse, très noire et fétide; une odeur em- pyreumatique désagréable se fait sentir dans la chambre. Il n'est guère possible de confondre les phénomènes qui pré- cèdent, avec ceux que l'on observe dans la combustion ordinaire, dontla marche, d'ailleurs, est beaucoup plus lente : on sait com- bien les anciens éprouvaient de peine à consumer entièrement les corps des criminels, et qu'ils ne pouvaient atteindre ce but qu'en employant des quantités de bois fort considérables, après avoir coupé les cadavres en plusieurs morceaux. PBÉSOMPTÎONS DE SURVIE. Lorsque plusieurs membres d'une famille périssent à la suite d'uri incendie, d'un écroulement ou de tout autre accident, il im- — 647 — porte de décider lequel est mort le premier, afin de régler l'ordre des successions : on conçoit, en effet, que celui qui a péri le der- nier a hérité, et que la succession doit être transmise à son héritier légitime. Voici l'état de la législation actuelle sur cet objet. « Si plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l'une de l'autre périssent dans un même événement, sans qu'on puisse recon- naître laquelle est décédée la première, la présomption de survie est déter- minée par les circonstances du fait, et à défaut par la force de l'âge et du sexe » (Code civil, art. 720). « Si ceux qui ont péri ensemble avaient moins de quinze ans, le plus âgé sera présumé avoir survécu. « S'ils étaient tous au-dessus de soixante ans, le moins âgé sera présu- mé avoir survécu. « Si les uns avaient moins de quinze ans, et les autres plus de soixante, les premiers seront présumés avoir survécu. « Si ceux qui ont péri ensemble avaient quinze ans accomplis, et moins de soixante, le mâle est toujours présumé avoir survécu lorsqu'il y a égalité d'âge, ou si la différence qui existe n'excède pas une année. « S'ils étaient de même sexe, la présomption de survie, qui donne ou- verture à la succession dans l'ordre de la nature, doit être admise ; ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé » (Code civil, art. 721 et 722). Chabot (de l'Allier) fait remarquer, à l'occasion de ces articles, que la loi n'a point prévu le cas où l'une des personnes péries dans le même événement, avait moins de quinze ans, et l'autre plus de quinze, mais moins de soixante. II est évident, dit-il, que celle-ci doit être présumée avoir survécu, parce qu'elle avait plus de force : cela résulte nécessairement, et de la disposition de l'art. 720, qui porte que la présomption de survie doit être déterminée par la force de l'âge, et de tous les motifs qui ont fait admettre les distinc- tions établies dans les art. 721 et722 (Commentaire sur les successions, tome Ier, page 48). Il résulte évidemment de ces dispositions que le législateur ne juge les questions de survie, d'après la force de l'âge et du sexe, qu'aulant qu'il est impossible de déterminer les circon- stances du fait par la preuve testimoniale. On voit encore qu'il a admis comme certaines des données que l'expérience est loin d'avoir sanctionnées, du moins dans quelques cas ; ainsi parmi les adultes, les hommes les plus faibles sont censés périr avant - 648 — les plus forts, et les femmes avant les hommes. Or, des faits nombreux établissent que dans les cas d'asphyxie simultanée, le contraire a été observé, c'est-à-dire que les femmes ne sont mortes qu'après les hommes, et que parmi ceux-ci, les plus forts ont succombé les premiers. Peut-être même ne serait-il pas dif- ficile de prouver par des considérations physiologiques que ces résultats sont conformes aux principes les plus accrédités de la science (Voyez Annales d'hyg., juillet 1833, p. 168 et 173). Si la législation relative aux questions de survie est erronée sur quelques points, pourquoi, dira-t-on, ne pas la modifier après avoir consulté les gens de l'art les plus éclairés, ou du moins pourquoi conserver des dispositions aussi générales et aussi absolues, et ne vaudrait-il pas mieux dans chaque espèce s'éclairer de l'avis des médecins? Je pense que, dans l'état ac- tuel, la science, sous ce rapport, n'est pas assez avancée pour introduire des modifications à l'abri de tout reproche ; en effet, nous manquons d'observations scrupuleusement rédigées, rela- tives aux divers genres de mort simultanée ; et ne sent-on pas que la solution d'une pareille question doit être fondée sur des faits? Lorsque les observateurs auront recueilli des documens assez nombreux sur la mort simultanée par incendie, par écrou- lement, par submersion, etc., et qu'ils auront fait pour ces différens cas ce que j'ai dit avoir été accompli pour l'asphyxie simultanée, alors seulement des changemens heureux pourront être apportés à la législation qui régit la matière ! Mais les dif- ficultés sont immenses : d'abord les exemples de mort simultanée sont loin d'être communs, et lorsqu'ils se présenteront, il arri- vera souvent que les gens de l'art ne seront appelés qu'après la mort, quand il ne sera plus possible de constater l'ordre de dé- cès. D'ailleurs pour remplir cette tâche, il ne s'agirait pas seu- lement de porter son attention sur des adultes se portant bien, il faudrait encore de toute nécessité comprendre dans le travail, les enfans de tout âge, les vieillards et les femmes, malades ou en bonne santé. L'exécution d'un pareil travail a paru tellement difficile à Mahon, à Belloc et à quelques autres auteurs, qu'ils n'ont pas hésité à regarder le problème comme étant au-dessus des ressources de la médecine, et à proclamer qu'il vaut mieux — 649 — laisser agir la loi en aveugle, que de prétendre mal-à-propos l'éclairer par des conjectures vagues. A la vérité, Fodéré, qui est sans contredit le médecin de nos jours qui a fait le plus d'ef- forts pour atteindre ce but, pense que l'autorité doit consulter les gens de l'art pour obtenir des eclaircissemens sur quelques- unes des circonstances qui se rapportent à l'espèce. Pour moi, d'après ce qui précède, je n'hésite pas à adopter l'opinion de Mahon, de Belloc, etc., persuadé que je suis de l'insuffisance des données sur lesquelles Fodéré s'appuie pour résoudre les ques- tions de survie ; c'est, au reste, ce dont le lecteur pourra juger par un sommaire rapide des considérations émises par le pro- fesseur de Strasbourg. On parvient, dit Fodéré, à estimer que dans un accident com- mun tel individu est mort plus tôt que tel autre, 1° en ayant égard à l'état et aux conditions des personnes ; 2° en examinant les lésions que présentent les cadavres. État et condition des personnes. Les indices que cet auteur croit pouvoir tirer de l'état et de la condition des personnes sont relatifs à l'âge, au sexe, au tempérament, à l'habitude du corps, aux maladies, aux forces corporelles et aux affections de l'âme. —Age. Les enfans, les impubères et les personnes très avancées en âge succomberont, en général, plus tôt dans un danger com- mun, que les adultes, les jeunes gens et ceux qui se trouvent placés dans l'âge viril ou au commencement de la vieillesse. Cette règle peut avoir des exceptions. — Sexe. Tout étant égal d'ailleurs, les femmes périront avant les hommes, à moins qu'elles ne soient plus réglées, car, alors, elles doivent êlre as- similées aux hommes, sous le rapport de la mortalité. Cependant les femmes pourront résister plus que les hommes, parce qu'ayant la poitrine plus large, elles souffriront moins du défaut de respiration, et parce que, perdant facilement le sentiment, elles évitent une grande partie des horreurs du péril. — Tem- pérament. Celui qui est doué d'un tempérament piluiteux meurt le premier, vient ensuite le mélancolique, puis le sanguin, et le bilieux ; on doit avoir égard aux nuances qui les compliquent et aux diverses circonslances qui modifient la constitution élé- mentaire. — Habitudes du corps. Ou peut estimer qu'une per- — 650 — sonne grasse par l'effet de sa nourriture meurt avant celle qui l'est d'origine, et si un maigre et deux gras succombent dans un danger commun, le gras par nature meurt le premier, puis le gras par accident, ensuite le maigre de constitution. Il pourrait cependant y avoir une exception à cette règle, dans les cas de naufrage ou de submersion ; c'est-à-dire qu'un gras pourrait sur- vivre à un maigre. — Maladies. Il est naturel de penser que les malades opposent moins de résistance que ceux qui se portaient bien avant l'accident; dans le cas où plusieurs individus atteints de fièvre ««grue auraient péri,ceux qui étaient attaqués de fièvre maligne seraient morts les premiers. Parmi les maladies chro- niques, celle qui accélère le plus la mort est le scorbut; viennent ensuite l'asthme, la dyspnée, l'hémoptysie, la phlhisic, le ca- tarrhe pulmonaire, l'hydrolhorax, la syncope, les affections du cœur ou des gros vaisseaux, les palpitations, les verliges, les affections soporeuses, l'épilepsie, la catalepsie, le coma et les convulsions. — Forces corporelles et affections de l'âme. On pourrait conclure, avec une sorte de fondement, dans le cas où des personnes élevées dans la mollesse, dans l'ignorance, dans le luxe et dans l'opulence, auraient partagé un péril avec des hommes irisirUits des sciences physiques, et forts de l'expérience que donnent l'éducation et les voyages, que ces derniers auront survécu aux premiers; qu'ainsi, si le père et le fils étaient morts ensemble, le père encore dans une verte vieillesse, et doué de celte force d'âme qu'on acquiert ordinairement dans une fortune médiocre ; le fils devenu par un de ces jeux du hasard un per- sonnage élevé au milieu des flatteurs, dans l'ignorance de tous lès accidens de la vie humaine, il y aurait la plus grande vérité à penser que le fils serait mort avant le père, el ainsi de suite dans les cas analogues. Examen des cadavres. Les signes tirés de l'examen des Cadavres sont équivoques ou certains, d'après Fodéré. Les premiers sont la coloration de la peau des cadavres, leur tem- pérature, la rigidité ou la flexibilité des membres, l'obscur- cissement des yeux, l'état plus ou moins avancé de la putré- faction, etc. C'est avec raison que Fodéré regarde ces carac- tères comme équivoques, puisqu'ils présentent des différences — 651 — trop marquées par rapport à l'époque de leur apparition, à leur intensité, etc., comme je l'ai déjà dit en parlant de la mort: on ne pourrait tout au plus fonder quelques conjectures sur leur ensemble, que dans les cas où certains individus seraient morts plusieurs heures ou plusieurs jours après les autres, et encore faudrait-il alors tenir compte d'une foule de circonstances diffi- ciles à apprécier. — Les signes certains de prédécès sont les violences et les blessures faites à la tête el au cœur, préférable- ment à toute autre partie ; viennent ensuite les blessures du pou- mon, des viscères de l'abdomen, puis celles des membres. « Ainsi, par exemple, lorsqu'en retirant plusieurs cadavres de dessous des décombres, on en voit dont les uns ont été maltraités, et dont les autres sont intacts, on peut présumer que la mort a frappé ici seule et par suffocation, et que là elle a été aidée de corps contondans, à l'action desquels les individus se sont trouvés plus immédiatement exposés, et l'on peut présumer aussi qu'en conséquence ceux-ci ont dû mourir les premiers ; que si tous ces cadavres sont maltraités, on pourra dire que ceux qui portent des marques de violence absolument mortelles, ont été plus exposés aux effets du désastre que ceux qui n'ont que des plaies ou des lésions qui ne seraient pas absolument mortelles. » - «-De même, dans un incendie, lorsque nous Voyons que telle personne n'a été que suffoquée par l'ardeur des flammes, que telle autre a été brûlée en partie, et qu'Une troisième a la tête ou une autre partie considérable du corps entièrement con- sumée, nous ne pouvons que présumer que cette dernière est morte la première, puis l'autre, et que celle qui est intacte a sur- vécu aux deux autres. » La situation respective des personnes dans l'endroit de la scène, doit aussi fixer l'attention du méde- cin ; celles qui sont plus éloignées de l'intensité du fléau, orit pli essayer de sortir de là maison, de la ville, et mourir dâhs l'atti- tude des fuyards ; or, cette attitude seule indique qu'elles ont succombé les dernières. Telles sont les règles générales, qui, suivant Fodéré, doivent servir de guide dans la solution du problème qui m'occupe ; ces préceptes, comme je l'ai déjà fait entrevoir, me paraissent trop vagues, trop inexacts, et sujets à un trop grand nombre de res- — 652 — trictions, pour pouvoir être de quelque utilité ; aussi ne suis-je pas étonné «que les juges aient presque toujours donné la pré- férence aux lois positives, et qu'ils se soient rarement décidés, en semblable matière, d'après les avis des médecins » ( Fodéré, Méd. lég. , tome n, p. 126). Si de l'examen des principes généraux on passe aux applica- tions faites par Fodéré aux différens cas particuliers, on aura l'occasion de se convaincre encore qu'il a abordé un sujet que, dans l'état actuel de la science, on doit regarder comme étant au-dessus des forces humaines. Mort par privation de nourriture et de boisson: 1° les personnes les plus jeunes meurent les premières ; 2° les hommes périssent avant les femmes ; 3° les individus d'une complexion maigre et d'un tempérament bilieux meurent avant ceux qui sont dans des conditions opposées ; 4° les personnes les plus vivaces et sujettes aux maux de nerfs, résistent plus long-temps que les autres; 5° celles qui auront pu boire, et qui seront restées dans un lieu humide, périront plus lard que les autres ; 6° les cadavres qui offrent les traces les plus manifestes de désorganisation, ap- partiennent aux personnes qui ont succombé les premières. Mort par congélation. Les individus les moins accoutumés au froid succombent les premiers. Les hommes valétudinaires, les enfans, les vieillards avancés en âge, les femmes, et en géné- ral tous ceux qui sont censés être le moins fournis de forces vitales, périssent avant les autres. Mort par excès de chaleur. On doit établir les présomptions de survie d'après les mêmes bases que dans le paragraphe pré- cédent. Submersion. Dans l'asphyxie par submersion avec engoue- ment, ilestprésumable que l'on périt plus tôt lorsque la tête tombe la première, que dans les cas où c'est une autre partie du corps qui plonge d'abord. Les individus qui viennent plusieurs fois à la surface de l'eau, avant d'être ensevelis par les flots, vivent plus long-temps que ceux qui restent constamment au fond, ou au milieu du liquide. Les hommes qui jouissent de la faculté de sus- pendre l'exercice de la respiration, succomberont plus tard que les autres, et l'observation démontre que cette faculté est parti- - 653 — culièrement le partage des personnes faibles et valétudinaires. Dans un combat sur mer, où tout le monde aura péri à l'abor- dage, dit Fodéré, il est vraisemblable que les individus les plus courageux seront morts les premiers : si le vaisseau a coulé bas; les meilleurs nageurs et ceux qui auront conservé leur sang froid et leur présence d'esprit, auront péri les dernière ; parmi ceux qui ne savaient pas nager, les plus polirons seront morts après les plus courageux, parce qu'ils n'auront pas cherché à inspirer de l'eau. Si le vaisseau a sauté en l'air, le plus petit, le plus faible et le plus poltron de l'équipage, aura pu succomber le dernier dans les ondes, en faisant abstraction des violences maté- rielles. Mort par incendie et par écroulement. Ici on ne peut juger le fait que d'après la situation des cadavres, et d'après les traces plus ou moins mortelles qu'ils présentent (/ . p. 650). Homicidiés. Lorsque plusieurs individus auront été assassi- nés, on peut supposer que les plus courageux des assaillis péris- sent les premiers, et que les plus poltrons sont égorgés ensuite. Il peut arriver toutefois, dans une décharge d'armes à feu, que les personnes les plus faibles succombent les premières : on doit alors avoir égard au degré de mortalité des blessures (V. p. 449). Lorsque la mère et l'enfant périssent dans l'accouche- ment, lequel des deux meurt le premier? Cette question n'est pas plus facile à résoudre que les précédentes, si l'accouchement a eu lieu sans témoins ; aussi les jurisconsultes ont tranché la difficulté, en déclarant que la mère est présumée avoir vécu, si elle est âgée de moins de soixante ans (V. page 647. Commen- taire de Chabot). La présomption de survie est au contraire en faveur de l'enfant, si la mère a plus de soixante ans, d'après l'ar- ticle 721 du Code civil (V. p. 647). Je n'imiterai pas les auteurs de médecine légale, qui ont cherché à approfondir la question, et qui ont disserté longuement sur la validité des motifs qui por- tèrent la chambre impériale de Weizlar, et dans une autre occa- sion des médecins célèbres, à décider que la mort de la mère avail précédé celle de l'enfant : des discussions de celte nature n'auraient d'autre résultat que de prouver l'insuffisance des - 654 - sciences médicales, pour résoudre le problème dont il s'agit, el de faire sentir encore davantage la nécessité de s'en rapporter aux dispositions de la législation actuelle. FIN DU DEUXIEME VOLUME. TABLE DES MATIERES DU TOME SECOND. Article n. Des maladies qui peuvent produire la mort apparente, et exposer aux inhumations précipitées. 4 Article m. Des épreuves que l'on a proposées pour constater si la mort est réelle. Ibid. Article iv. Des altérations des tissus et des fluides qui sont le ré- sultat de la mort, et qui pourraient être attribuées à des vio- lences exercées sur les individus vivans, ou à des maladies an- técédentes. 5 A. Modifications morbides dans le travail nutritif. Ibid. B. Violences brusques venant du dehors. 8 Article v. De l'ouverture des cadavres. 44 Des exhumations juridiques. Législation relative aux exhumations juridiques. 58 Du danger dont les exhumations peuvent être accompagnées. Ibid. De la manière de faire les exhumations juridiques, et des précau- tions à prendre pour éviter les dangers qui peuvent les accom- pagner. 68 A. Exhumation d'un cadavre enterré dans une fosse particulière. Ibid. B. Évacuation des cimetières et des caves sépulcrales. 70 Extraction d'un cadavre d'une fosse commune. 73 De l'utilité des exhumations pour éclairer les questions relatives à l'empoisonnement. '&eo. Observations d'empoisonnemens constatés quinze jours et plu- sieurs mois après l'inhumation. '9 Réflexions. 86 De l'utilité des exhumations pour éclairer les questions relatives aux blessures. **9 De l'utilité des exhumations juridiques dans les questions relatives à l'infanticide. Observation relative à des violences exercées sur un enfant nais- sant. 106 109 - 656 De l'utilité des exhumations dans les questions médico-légales re- latives à la détermination du sexe, de l'âge et de la taille do individus. 111 Réfutation des auteurs qui ont considéré les exhumations juridi- ques non-seulement comme inutiles, mais encore comme pou- vant induire quelquefois les experts en erreur. 412 De l'infanticide. 11 i Caractères anatomiques les plus généraux que présentent les or- ganes du nouveau-né dans l'état normal, dans l'état anormal, et dans l'état pathologique. 116 Première question relative à l'infanticide. Quel est l'âge de l'en- fant dont on a trouvé le corps? 156 Deuxième question relative à l'infanticide. L'enfant était-il mort avant de sortir de l'utérus? Ibid. Troisième question relative à l'infanticide. — Dans le cas où un foetus serait sorti vivant de l'utérus , a-t-il vécu après l'accou- chement, ou est-il mort en naissant? 171 § Ier. Déterminer si un fœtus a respiré et vécu après l'accou- chement. 472 Expériences sur des fœtus qui avaient respiré. 178 Expériences sur des fœtus qui n'avaient pas respiré. 179 Hépatisation des poumons survenue] après l'établissement de la respiration. 204 Pneumonie développée chez l'enfant pendant son séjour dans l'u- térus. Ibid. Des moyens proposés par le docteur Bernt pour déterminer si un fœtus a vécu après l'accouchement. 246 Réflexions sur les moyens proposés par le docteur Bernt pour dé- terminer si le fœtus a vécu après l'accouchement. 224 § II. Déterminer si le fœtus qui n'a pas respiré a vécu. 232 § III. Déterminer si le fœtus est mort en naissant. 237 Quatrième question relative à l'infanticide. — Si l'enfant a vécu après sa naissance, pendant combien de temps a-t-il vécu? 250 Cinquième question relative à l'infanticide. — En supposant que l'enfant ait vécu après sa naissance, depuis quand est-il mort? Ibid. Sixième question, relative à l'infanticide. — Si tout porte à croire qu'un fœtus a vécu après l'accouchement, ou qu'il est mort en naissant, la mort est-elle naturelle, ou peut-elle être attribuée à quelque violence, et, dans ce cas, quelle en est l'espèce? 251 § Ier. Infanticide par omission. 255 Septième question relative à l'infanticide. —Une femme qui ac- couche ou qui vient d'accoucher est-elle en état de prévoir et de donner à son enfant tous les soins nécessaires? 282 Huitième question relative à l'infanticide. -- En admettant qu'un — 657 — enfant dont on a trouvé le corps ait été tué, est-il possible de prouver qu'il appartient à la femme quej'on accuse, et qu'elle est l'auteur du meurtre ? 283 Résumé sur l'infanticide. 285 Rapports sur l'infanticide. 288 De l'avortement. 300 Première question. — Y a-t-il eu avortement ? 303 Seconde question. — L'avortement a-t-il été naturel ou provoqué dans une intention criminelle? 308 Troisième question.— Est-il des cas où l'avortement doive être pro- voqué dans un intérêt de conservation pour la mère et l'enfant ? 313 Quatrième question. — L'avortement peut-il être simulé ou pré- texté de la part de la femme, dans l'intention de nuire à autrui, et surtout d'obtenir des dommages-intérêts? 321 Rapports sur l'avortement. Ibid. De l'exposition, de la suppression, de la substitution et de la sup- position de part. 324 De l'asphyxie. 327 De l'asphyxie par submersion. 329 Première question. — L'individu que l'on trouve noyé était-il vi- vant au moment de son immersion dans le liquide. 333 De la strangulation et de la suspension. 351 Premier problème. — Un individu que l'on a trouvé étranglé ou pendu l'a-t-il été avant ou après la mort? 352 § Ie'. Caractères à l'aide desquels les auteurs ont cru pouvoir pendant long-temps décider si un individu avait été étranglé ou pendu, avant ou après la mort, lorsqu'il n'y avait pas luxatioa de la colonne vertébrale. &53 § IL Des divers états des cadavres d'individus qui se sont étran- glés ou pendus. 35b Cadavres offrant des traces d'ecchymose au col et plusieurs des signes indiqués à la page 353. Idem. Cadavres n'offrant point d'ecchymose au col et chez lesquels manquent plusieurs des signes mentionnés à la page 353 et suivantes. § III. Effets de l'application d'un lien autour du col des individus morts depuis quelque temps. 371 Expériences concernant l'état du col. ^0ld- Expériences concernant l'état de la colonne vertébrale. 373 Première question. — Est-il possible , à l'aide de certaines vio- lences, de déterminer sur des cadavres suspendus une luxation de la première ou de la deuxième vertèbre cervicale? 378 Deuxième question. — Peut-on à l'aide de certaines violences produire sur des cadavres suspendus , des luxations, des frac II. 42 357 — 658 — tures, etc., dans les autres parties de la région cervicale de la colonne vertébrale? 380 Troisième question. — La luxation de la'première vertèbre sur la seconde peut-elle avoir lieu chez une personne que l'on pend de son vivant? Quatrième question. — La suspension pendant la vie, qu'elle soit l'effet d'un suicide ou d'un homicide, peut-elle donner lieu à des luxations, à des fractures, etc., dans un point de la région cer- vicale de la colonne vertébrale inférieur à la deuxième vertèbre? 385 Cinquième question. — Existe-t-il des caractères tirés de l'état de la colonne vertébrale propres à faire reconnaître si la suspension a eu lieu pendant la vie ou après la mort? Ibid. § IV. Causes de la mort par strangulation ou par suspension. 392 Deuxième problème. Si la strangulation ou la suspension ont eu lieu pendant la vie, sont-elles l'effet du suicide ou de l'homicide? 396 Conclusions. 406 De l'asphyxie par suffocation. 414 De la mort par inanition. 44 2 Des blessures. 42! De la commotion. 434 Des ruptures et des distensions. 433 De la fracture. 435 De la luxation. 436 De la brûlure. 437 Des plaies. 440 Histoire médico-légale des blessures. Article premier. Législation sur les blessures. 443 Article n. Classification des blessures. 445 Article m. Des rapports qui existent entre les blessures et leurs causes, envisagés comme moyens de reconnaître la nature par- ticulière de l'instrument vulnérant. 449 Plaies d'armes à feu. 453 Article iv. Du danger des blessures, de leur marche, de leur ter- minaison : des moyens d'apprécier jusqu'à quel point leurs ef- fets doivent être rapportés à la violence extérieure qui les a produites. 469 § I. Des blessures considérées sous le rapport de la cause vulné- rante et des parties atteintes. 476 Blessures de la tête. Ibid. Blessures à la face. 488 Blessures au cou- 497 Blessures à la poitrine. 510 Blessures du bas-ventre, 534 Blessures des extrémités. 557 — 659 — § II. Des blessures considérées sous le rapport des diverses cir- constances qui influent sur leur durée et sur leurs suites. 573 Article v. Des signes propres à déterminer si les blessures ont été faites pendant |a vie. 582 Plaies par instrument tranchant. /&#. Piqûres. 583 Plaies d'armes à feu. joia^ Contusions. kok Article vi. Des signes qui peuvent faire distinguer si les blessures sont le résultat d'un accident, d'un meurtre ou d'un suicide. 592 Article vu. Règles de l'examen des blessures. 602 Des taches de sang sur les instrumens en fer, sur les étoffes, etc. 609 De la combustion humaine spontanée. 641 Présomptions de survie. 646 FIN DE LA TABLE DES MATIERES DU TOME II. 42. V K g*tjft:r «r fff "■* m. ?^1 6j) copr^ MEDICINE NATIONAl LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY Of MEDICINE NATIONAL LUI MEDICINE NATIONAL IIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAl LUI ^ = u»: / t m^y IVNOIIVN 3N I3 IQ 3W JO A 11 V 11 9 M IVNOIIVN IN 13 10 3 W JO A * V « ■ I 1 IVNOIIVN JNI3I01W JO A !\^7 \TW î^të^S \'à MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL IIBRARY OF MEDICINE NATIONAl IIB IxWhsf^ IVNOIIVN 3NOI0ÎW JO A « V II « I 1 IVNOIIVN 3 (ARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDIC ■ Ï IP? .«Vlail IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A * V « a I 1 IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A « V II a U IVNOIIVN 3NI3I 4 i s IY1II1 IVNOIIVN 3NI3IQJW JO A » V « 8 I T IVNOIIVN 3NI3IQ3W JO A II V II a I 1 IVNOIIVN 3NI3I \^XU !ARY OF MEDICINE NATIONAL IIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIO ! A/ I S IVIIIII IVNOIIVN 3NOI01W iO JHYH9I1 1YNOIIYN iNO 10! 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