LA GÉNÉRATION DE VH 0 M OU TABLEAU DE L'AMOUR CONJUGAL. TOME SECOND, LA GÉNÉRATION DE rHOMME, o u tableau DE L'AMOUR CONJUGAL, CONSIDÉRÉ DANS L’ÉTAT DU MARIAGE. Far Mr. NICOLAS VENETTE,; Doâeur en Médecine. NOUVELLE ÉDITION, 'Enrichie de Remarques importantes, & augmentée âi nouvelles Figures, plus grandes 6* plus exaftes qu» dans les Editions présidentes. TOME SECOND. A LONDRES, M. D C C. LXVUI, TABLEAU DE UAMOUR CONJUGAL. TROISIEME PARTIE. CHAPITRE PREMIER. Les incommodités que caufent les plaijîrs du Mariage ■ N dit que les plus grands malheurs qui arrivent aux hommes, ne viennent or- dinairement que de l’excès de l’amour ou du vin ; &, pour ne parler ici que du premier, on doit avouer qu’il a des emportements que Tome IL les plus fages ont bien de la peine à retenir. Cette paillon ne garde point de mefure ; & quand elle en garde , elle celle d’être appellée amour. Rien ne s’oppofe à fa violence ; tout lui obéit en nous-mêmes & hors de nous- mêmes , & elle trouve autant d’ef- claves qu’elle trouve d’hommes. Ce n’elf point allez que de coucher une nuit ou deux avec une femme, de de jouir plusieurs fois avec elle des plaifirs de l’amour, il faut encore que cela aille à plulieurs mois & à plu- sieurs années de fuite, comme fi cette paillon ne s’àflbuviflbit jamais mieux par aucune autre chofe que par elle- même. Ce n’eft pas dans cette ren- contre qu’une aéfion fouvent réitérée nous dépla t, & que notre délicatede eft blefi'ée par le moindre objet dégoûtant , fi cela arrive quelquefois, l’amour a< tant d’adreffe, qu’il fait bientôt nous guérir de nos petits dégoûts. Epicure, que l’on a voulu faire palier pour un voluptueux indiferet, ne pouvoit carefler des femmes ni approuver les plaifirs de l’amour,; il foutenoic que les embrasements étaient les ennemis capitaux de notre Tableau de l’Amour conjugal. famé ; que, qfuand nous les careffions, toutes nos parties principales en fouf- froient, & que notre ame même en. recevoir quelques atteintes. En effet, cette paflion corrompt notre elprit, abat notre courage & empêche l’élé- vation de notre ame; témoin Salcmont que l’antiquité a furnommé le Sage, qui perdit l’efprit par l’excès des divertiffements avec les femmes ; témoin encore les Sardiens , qui, ayant perdu leurs forces avec les 1èr- vantes des Smirniens , furent honteu- fement vaincus par leurs ennemis. Si nous voulions examiner ce que l’on fouffre dans l’un & l’autre fexe, lorfque l’on aime éperdument, nous verrions combien il eft dangereux de fe laitTer prendre aux amorces d’un.' amour exceflif. Depuis qu’un homme s’efl aban- donné à fes plaifirs, il a perdu fon embonpoint & fa bonne mine ; fa tête n’eff; plus garnie de cheveux comme auparavant, fes yeux font ternis & livides , & l’on ne s’apperçoit plus du feu qui y brilloit autrefois ; il ne voit plus que de fort près, & encore faut-il que l’induftrie des hommes lui. fbxtiiie la vue; mais, de l’humeuc 4 Tableau qu’il efl, il aimeroit mieux la perdre que de le priver de Tes plaifirs, j’attends à route heure qu’il dife à Tes yeux ce que leur dit autrefois Théo- tyme > au rapport de S. Jérôme. Les plaifirs de l’amour nous fafci- nent & nous aveuglent, ce qui a fait dire aux Poëtes que l’amour étoit fans yeux ; car, dans les contentements qu’il nous caufe, il fe fait une telle diffipation d’efprits, qu’il efl impof- îible après cela qu’il en refie alfez pour en fournir ces parties-là. Le cerveau, qui efl le principal organe de toutes les facultés de l’ame, fe refroidit & fe deffeche tous les jours par la perte que nous faiions incelfamment de nos humeurs dans les careHes des femmes. Il salfoiblic encore, il s’épuife ôc fe confume ; fi bien que , dans quelques hommes lafcifs, au rapport de Galien, on a quelquefois trouvé cette partie telle- ment diminuée, qu elle n étoit pas plus greffe que le poing. Quelle appa- rence y a-t-il, qu’étant ainh dilpolee, elle pût contribuer a la fante du corps, de fournir de matière pour faire toutes les belles fondions de l’ame ? Enfin, par la difecte4es efpms, les de l’Amour conjugal. 5 jreux font triftes & enfoncés, les jones pendantes & les narines deffiéchées, le front aride & calleux, Fouie dure , la bouche puante; en un mot, nous ne voyons que trop fouvent les eüets funeftes que caufe un amour déréglé. Si la tête a lés langueurs, la poitrine n’en fouffre pas moins ; & comme c’ell ici que la chaleur naturelle & l’humide radical ont leur principal liege, c’ell aufli dans ce lieu que nous nous appercevons, plus qu’ailleurs , des défordres que caufe cette paffion in- difcrette. Les hommes deviennent phtiliques & defléchés par les trop fréquentes careffes des femmes ; de quelques femmes, lî elles allaitent, après avoir fait pluficurs enfants, tombent auffi dans de femblables maladies. On remarque dans les uns de dans les autres un feu étranger qui confume ce qu’ils ont de plus humide dans le cœur, & la fievre lente qui les mine, donne des marques de la caufe qui l’a produite ; ils ont une grande difficulté de refpirer; la foif les travaille, ils ne favent ce que c’eil de dormir, ils tondent fans celle, mais ils ne crachent rien ; & s’ils cra- chent quelque chofe, c’efl un peu de T A î t î A Ü fa ng : quelque malades qu’ils foi eut., iis ne le fenrent prelque point de douleur, ou ne s’en plaignent que fort légèrement. Ah , que le mal que produit l’amour eil trompeur , juf- qu’au moment même oîi il eft le plus redoutable ! Mais c’eil dans les parties naturelles que l’amour fait lés plus funeftes im- preflions ; les parties voifmes même s’en refièntent plus que les autres, & font ainfi punies d’avoir contribué de leur par fa l’excès de nos plailîrs. Les incommodités de nos parties naturelles font en rrop grand nombre, pour nous arrêter ici à les dénommer les unes après les autres; il fuffit d’en avoir parlé ailleurs, & de dire pré- fentementque la douleur & le repentir fuivcnt toujours les contentements réitérés que nous avons pris avec les femmes, & qu’à force d’aimer nous avons appris à n’aimer plus ; d ou vient que le tombeau de Jyenus, li nous en croyons quelques-uns, ell encore maintenant tout couvert d her- bes froides qui s’oppoient à la fécon- dité des hommes. Si ce n’étoir encore qu’une douleur paüagere, ou qu’un leger repentir à qui fuffent les effets d’an amour déréglé, peut-être qu’on en pourroit méprifer les attaques ; mais, outre la ftérilité, la féchereffe des reins, le flux de ventre & d’urine, &: la chute du fiege, on eff encore maltraité de cette infâme maladie, qui ne finit louvent ni par la falivation ni par la fueur : elle eff tellement enracinée dans la moelle dps os de ces fameux débauchés, que,pour l’en arracher, il faudroit que l’amour qui l’a fait naître fût effectivement un Dieu, 6c qu’il lut faire des miracles. L’effomac ne peut faire fa fonction, fa chaleur cft diffipée par la perte des elprirs & par l’excès de la volupté : il ne fait plus que des crudités au lieu d’un bon chyle ; c’eft d’où viennent tant de catarres, de fluxions, de gouttes 6c de douleurs noéfurnes que reffentent ceux qui, pendant toute leur vie, ont fuivi avec trop de com- plaifance les inspirations de Venus, On remarque de la foiblcffe dans les jointures de leur corps ; & au lieu d’une humeur douce & gluante, qui facilite pour l’ordinaire les mouve- ments de toutes nos parties, on n’y trouve que du plâtre pour fymbole de l’impoffure de l’amour. de l’Amour conjugal, 7 8 En effet, l’excès des plaifirs troubla notre repos par des inquiétudes conti- nuelles, & altéré notre fauté par des qualités contre nature. Plus le plaifir cil grand, plus fon excès eft perni- cieux ; fi bien qu'il faut le prendre avec inclure, pour n’en recevoir que de la fatisfaélion. La volupté eft un poifon qu’il faut corriger pour l’em- pêcher d’être tunefte ; elle eft comme l’antimoine ou l’argent vif, qu’il faut préparer, li nous voulons qu il nous profite. L’excès des viandes fuftoque notre chaleur naturelle ; l’exercice violent aflfoiblit nos forces, & les plaifirs les plus innocents de l’amour deviennent des fupplices quand ils font immo- dérés. Pendant que l’homme ne vivoit que de gland & ne buvoit que de Peau, il n’avoit point d’humeurs fu- perfîues, & ne favoit ,ce que c etoit que fîevre & que fluxion ; l’abftinence feule le guéri (Toit des incommodités qui l’attaquoient quelquefois ; mais depuis qu’il a traverfé les mers pour aller aux Indes, qu il a perce une infinité de Royaumes pour trouver la Chine, qu’il ne s’eft pas contente T A B IE AU des aliments communs que la nature lui fourniffoit en qualité de mere, qu’il a mis fur fa table des truffes , des champignons , des huitres , & les autres choies qui irritent plutôt l’ap- pétit qu’elles ne fervent à l’entretien de la vie, qu’il y a fouffert des pâtés, des tartes, des ragoûts & des entre- mets , dont il a farci fon eftomac, qu’il ne s’eff pas contenté de vin natu- rel, qu’il y a mêlé une infinité de drogues pour le rendre ou plus clair ou plus fuave, que la glace Ta em- porté fur la fraîcheur de nos caves ; enfin, depuis qu’il ell voluptueux, il eff fujet à la pierre, à la colique, aux douleurs d’effomac, & aux autres maladies que nous voyons lui arriver tous les jours. Tandis que l’homme ne fuivoit que les mouvements de la nature, qu’il ne careffoit fa femme qu’après avoir plu- lieurs fois reffenti les aiguillons de la concupifcence , & que fa raifon étoit la maîtreffe de fa paillon, il étoit fort & robuffe, & n’avoit jamais éprouvé les fuites fâcheufes des maladies fecret- tes & criminelles ; mais depuis qu’il a fait gloire d’avoir plufieurs femmes , qu’il ne s’eft pas contenté des mouve- DE L’AMOUR CONjTGAI. Tableau menas de la nature, qu’il s’eft excité lui-même par des remedesqui aigui- fent l’appétit fenfuel ; en un mot, depuis qu’il eft luxurieux, il eft aufti attaqué de foiblefte de nerfs , de goutte, de ftupidité, & d’une infinité d’autres maladies qui l’accablent. Mais (i, avoir trop fou vent embrafte une femme, l’ame ne fouf- froit point dans fes principales facul- tés & dans fes fondions les plus nécelTaires à la vie, au moins pour- roit-on fe confoler des maux que le corps endure ; mais, à dire le vrai, les langueurs de notre ame font encore bien plus conlidérables que celles de notre corps : fi elle eft malade , l éco- nomie de notre corps en eft prefque toute détruire, notre mémoire fe perd, notre imagination s’égare & notre raifon fe diminue ; alors nous n avons plus de prudence pour nous conduire dans les occafions de la vie, où nous en avons tant de befoin ; & s’il nous refte encore un peu d’entendement, ce n’eft que pour oblerver que nous le perdons peu à peu. C’eft une des plus lottes rations que iiiglife Latine ait eu, de ne permettre point à les Prêtres i’ufage des femmes i de S. F aulti qui préféré par-tout la continence au mariage, favoic bien quels malheurs caufoir l’amour qui, dans Ton adion & dans fes fuites,-ne pouvoir être modéré : car, combien de pa(lions entraîne-t-il après lui ? &, pour ne parler ici que de la jaloune, qui eu eil une fuite afiez commune, combien ne fait-on point fouffrir ceux qui s’y abandonnent, ôc jufques-là qu’on en a vu qui en font morts, comme Lépidus ? La famé, la vertu, le mérite de la réputation fervent k ce vice de prétexte pour s’établir ; & quand il s’eft une fois emparé d’un cœur , il change l’amour en rage, le refped en mépris & la tranquillité en défiance : c’efl alors qu’un homme rend fon remede plus dangereux que fon mal, & qu’au lieu de le guérir par le filence, comme firent autrefois Pompée & Ont on, les deux plus fameux cocus de leur fiecle, il les met au jour, & même fait con- noitre k la pofiérité fes infortunes domefliques. Que les bêtes font heureufes dans leurs payions ! elles vivent fans louci & fans alarmes ; elles ne forment jamais de defirs de ne cherchent jamais de l’Amour conjugal. 12 T ABUA V de triffeffe ; elles ont les plailîrs que l’amour leur fuggere, fans en reffentir les maux : l’intérêt, l’ambition, la vanité <5c les autres pallions de Taras ne les occupent jamais ; cependant nous avons la railon dont nous n’avons guere Tufage ; elle n’ell pas un li grand avantage pour nous que les Philofophes le publient ; c’ell un foi'ole remede contre la violence de nos pallions, & principalement contre celle de Tamour. Un peu de vin la trouble, un peu de complaifan.ce la leduit : quand nous l’appelions à notre aide, lorfque Tamour nous fuffoque, au lieu de nous foulager, elle aide à déchirer le cœur. En vérité, c’efl une chimere inventée à plaifir pour nous faire fouffrir davantage ; & ceux qui en ont le plus, font ceux qui font plus fortement maltraités. Ne vau- droit-il pas mieux vivre comme les bêtes, dans une indolence & dans une oifiveté innocente, que d’avoir de l’efprit & de la raifon pour nous faire fouffrir? C’eft ce que me diloit un jour un ami fur la matière que je traite. Je puis donc dire, fans exagéra- tion, que Tamour déréglé eff la pefte DE i/AM0UE CONJUGAL. 13 la plus pernicieufe qui puilfe jamais affliger les hommes ; il nous jerte dans des maux qui font entièrement incu- rables ; & l’épuifement, qui en efl la caufe, fait la difficulté de leur gué- rifon. Il apporte avec précipitation la vieilleffe & nous fait tomber, fans qu’on s’en apperçoive, dans les infir- mités de ces âges-là ; car, par la froi- deur & la féchereffle exceffive qu’il nous caufe, qui font les qualités oppofées aux principes de la vie, il nous avance la mort à laquelle nous ne nous attendions pas fi-tôt. 11 s’en efl vu même qui ont perdu la vie dans le moment. Findare eut la deflinée de mourir par l’excès de l’amour, dont il avoit fait fi fouvent l’éloge ; & Tertullien nous fait remar- quer que le Philofophe Speucipus n’eut pas le temps, avant que de mourir, de s’attrifler ni de fe repentir, comme on fait ordinairement, après qu’il eut pris fes divertilfements avec une femme ; & de nos jours, le Car- dinal de Sainte Sicile mourut à Rome pour avoir trop aimé : fi bien que les chofes extrêmes font pour nous fort incommodes. Trop de bruit nous rend fcurds, trop de lumière nous aveuglej 14 TABUAtf trop de diftance ou de proximité nous empêche de voir, trop de plaifir nous incommode : les qualités exceflives nous font du mal ; nous ne les Tentons plus, nous les fupportons. C’eft cette Vénus du foir qui efl l’avant-couriere de la nuit & des malheurs de notre vie. Si elle peut fe vanter avec raifon de nous avoir fait naître, nous pouvons juftement nous plaindre de ce qu’elle peut nous caufer la mort ; auffi s’eft-il trouvé des peu- ples qui lui ont fait bâtir des Tem- ples , & qui ont eu pour elle de la vénération fous le titre de ces deux propriétés. L’amour ne demande que des gens robuftes pour fes aélions : ceux qui font naturellement foibles , aulfi-bien que les convalefcents, ne font point en état d’obéir à les ordres ; ils ont trop befoin pour eux-mêmes de cha- leur naturelle, fans la diiîiper avec les femmes, comme fit autrefois celui dont parle Galion, qui, n’étant pas encore tout-à-fait guéri d’une violente maladie, mourut la même nuit qu’il fe fut diverti avec fa femme ; & Ale~ scanàre Benoît nous a tait autîi remar- quer que le Sénateur Viturio étant décrépit, n’eut pas été plutôt trans- porté par les plaifirsde l’amour, qu’il en perdit la vie peu de temps après. Sur cela, Jean Dorât, qui époulà dans fa vieiliefle une fille de vingt- deux ans, difoit fort agréablement qu’il aimoit mieux mourir par une épée bien nette & bien polie, que par un vieux fer rouillé. De tous les animaux, il n’y en a point qui, dans les plailirs amoureux, s’épuilè plus que l’homme ; un Seul épanchement lui caufera plus de foi- bleffe, fi nous en voulons croire Avi~ cenne & l’expérience même , que quarante fois autant de fang qu’on lui pourrait tirer. C’eff; fans doute pour cela que Democrite blâmoit fi fort les divertifi- fements pris avec les femmes, & que, voulant fe conferver les forces que la nature luiavoit données, il témoignoit qu’il n’étoit pas d’humeur à les perdre dans leurs carefles. Les Athlètes auflî ne fe marioient jamais, pour être plus forts & plus vaillants dans les Jeux Olympiques. En effet, s’abfteniren quelque façon des femmes, eft l’une des trois chofes qui peuvent le plus contribuer à notre de l’Amour conjugal. 15 Tableau force 5c au bonheur de notre vie; car,' fi nous nous levons de table avec appétit, que nous ne méprifions pas le travail, 6c que nous n’épanchions point notre femence, je fuis fort per- suadé que notre famé fera parfaite, 6c exempte de tous les maux qui la troublent ordinairement. Les embraffements d’une femme ne font pas pour cela criminels ni dan- gereux , 6c l’aélion n’en eft pas impu- dique, fi nous en croyons S. Jérôme 6c S. Augujlin ; il n’y a que l’excès que nous y faifons fou vent qui peu- vent être défendus, 6c produire toutes ies incommodités dont nous venons de parler. Des utilités qu'apportent les plaijirs du Mariage. CHAPITRE IL SI la modération doit être gardée en quelque choie, ce doit être, fans doute, dans les embrasements des femmes. Cette vertu ell néceflaire à conferver notre fanté, ou à la réta- blir quand nous l’avons perdue; que, de l’Amour conjugal 17 fi nous nous en éloignons tant foie peu, nous tombons infailliblement dans les incommodités dont nous avons parlé au Chapitre précédent. Que, s’il n’y avoit point d’excès dans la paflion de l’amour, & que l’on n’en fût point incommodé, on n’efpéreroit point de remede ; ainfî, il ell non-feulement jufte,' mais utile pour nous, de découvrir notre foi- blelTe & notre corruption pour en chercher le remede, & il eft également injufte, qu’après l’avoir trouvé, nous ne voulions pas nous en fervir ; & c’efl peut-être pour cela que préfen- tement Ca'), fekm le témoignage de Léonard Coquéi, aulTi-bien que du temps de S. Augufiin Cé), comme il le rapporte lui-même, on permettoit à Rome les carefTes des courtifanes, d’où procèdent de nos maladies & nos remedes. Quoique l’amour foit la plus puif- Cj) Ecclefîa & Principes Chriftiani mere- trices permictunt ut gravioribus malis occur- rant. Coqueus comm. In Augujl. U>) Latebræ requiruntur in ufu fcottorum s quo terrena Civiras Jicitam fecit turpitudinem» Lib. 14. Caf. 18. de Ciy, Dti, Jouit IL Tableau fante de toutes les pafiions, qu’il nV ait point d’homme qui ne vive fous ion empire, & qui ne foit affujerti à fes loix, je fuis pourtant perfuadé que nous pouvons, en quelque façon rcfifler à fa violence, 6c nous empê- cher d’exécuter fi précifément fes ordres. Zenon en peut fer vit de preuve, lui qui, pendant fa vie, ne baifa fa femme qu’une feule fois, 6c qui y fut encore obligé par civilité. En effet, notre fanté ferait plus parfaite, fi nous ufions fagement des plaifirs de l’amour: nous aurions une certaine gravité dans la chaleur du plaifir pour deveni? peres, que nous n’avons pas quand nous ne cherchons que le contentement. Les impatiences 6c les chagrins, qui troublent notre repos, ne feraient pas tfi fréquents; nous vivrions fans inquié- tude, 6c la douleur ne prendrait pas il fouvent la place de la tranquillité ; nous nous divertirions fans peine, de quelque tempérament que nous fufi- lions ; nous ne refienthions ni lan- gueurs ni laffitudes, après avoir raréfié une femme , 6c notre fanté 'ferait beaucoup mieux affermie qu’au- paravantj après nous être déchargés. de l’Amour conjugal. 19 de tout ce que nous avions de 4uperflu. La chaleur naturelle n’eft jamais plus robulle que quand il n’y a plus d’impuretés qui embarralfent fes adions & qui en empêchent les .effets. Une même chofe peut être utile & préjudiciable, félon l’ufage que l’on ■fait ; l’abftinence guérit fou vent les incommodités de Ch.arlemag.iu, & ce fut prefque elle feule qui, pendant là vie, fut le remede pour toutes les maladies, & la même abfl inence le mit enfin dans le tombeau. Le bain d’eau froide , qui foulagea Augufie , tua Marceline peu de temps après ; & l’amour , qui caufe tant de défor- dres quand nous en abufons, nous procure beaucoup de bien quand la raifon ou la néceffité nous fait fuivre fes mouvements. Il n’y a rien au monde qui rafrakhiffe davantage les bilieux que les careffes des femmes ; & fi, dans l’adion, ils le fentent un peu échauffés, cette chaleur n’efl que palfagerc, & ne dure pas plus que les divertiffements qu’ils y prennent. Toutes fortes de’ tempéra- ments y trouvent du fecours, & cette adion échauffe aufh doucement les 20 T A B I T. A TT pituiteux qu’elle excite les fanguîns: les mélancoliques en font réjouis, 5c ils fe défont, par ce moyen , de leur trifleffe 5c de leur timidité ; leur appétit perdu , 5c leur effomac dé- bauché , en font rétablis. C’eft ce qui donna le nom d' Antiévro à la cour- tifane Hoéa, parce qu’elle diftribuoit Un remede a (Tu ré contre l’humeur noire. En effet, les plaifirs que nous prenons avec les femmes guériffent notre mélancolie 5c font plus d’effet fur nous que tous les ellébores de Médecins. La penfée même de l’amour nous réjouit 5c nous fortifie ; elle augmente notre chaleur 5c diffipe notre bile noire 5c épaiffe. Cet homme, dont G alun nous fait l’hiftoire, qui avoit été fi touché de la mort de fa femme, qu’il réfolut de n’en avoir jamais, fe trouvant quel- que temps après fort incommodé par des indigéflions d’ellomac, 5c par une triffc-ffe dont il ne connoiffoit pas la caufe, fut enfin obligé de rompre fon vœu, 5c de fe joindre amoureufement à une autre, entre les bras dé laquelle il recouvra aufii- îôt la fauté. Quoique h copulation conjugal» ait été nommée, par quelques-uns, une légère épilepjie, elle ne lailie pas pourtant de guérir cette grande ma- ladie & beaucoup d’autres, quiceflfent fouvent aux premiers plaifirs que nous prenons avec les femmes, & au premier fang que les filles répandent par leurs parties naturelles. L’on dompte les animaux les plus féroces par l’approche d’une de leurs femelles : le tigre n’eft -plus tigre auprès de la fienne : un homme, Quelque emporté qu’il foit, devient modefie & traitable auprès d’une femme ; 6c il fe trouve fouvent des vierges ou des veuves furieufes qui ne s’appaifent que par les embrafle- ments des hommes. Toutes les grandes humidités du cerveau, les fluxions funefles qui nous caufent fouvent, dans la gorge ou dans la poitrine, des maladies incu- rables, ne font ordinairement préve*- nues que par les plaifirs modérés que nous prenons avec les femmes. Cette pefanteur de corps infupporrable, & ces laflitudes que nous rdfentons dans l’oifiveté & après la bonne chere, ne font guéries que par ce remede. Les Mihtes avoient autrefois trouvé cet de l’Amour conjugal, 21 expédient pour fe délaffer de leur lutte , , & ils fe fentoient alegres & plus forts, dès qu’ils s’étoient divertis avec une femme. Cet exercice amoureux efface tous les fonges qui nous font de la peine ; nous dormons enfuite avec tranquil- lité ; & fi l’amour déréglé nous caufe l’aveuglement en difîipant nos efpriis, l’amour modéré rend nos yeux plus clairs, en vuidant les humidités qui nous troublent la vue. La voix, de chancelante & d’entre- coupée qu’elle étoit auparavant , devient plus forte & plus ferme ; la chaleur du cœur s’augmente fans nous incommoder, & la force des entrailles fe fait connoître par la vigueur de leurs aélions : l’eftomac n’engendre plus de vents & ne fait plus de crudi- tés , on n’entend plus de murmure dans les boyaux ; & les reins, qui fe trouvoient appefantis par la femence qui les accabloit, fe fentent en même temps foulagés par la décharge de cette matière. C’eft enfin le fouverain remede des pâles-couleurs ; & une fille, qui fait peur à tout le monde par fa jaunifie, reprendra, peu de temps après Iqe 22 Tableau de l’Amour conjugal. 23 mariage, ce teint de Ivs & de rofes, qui elî le ligne alluré d’une lancé parfaite. Après les premiers combats amoureux, elle fendra fortir du fang d’elle-même, comme une marque de la viéfoire de l’amour : hi paix & l’abondance viendront bientôt après ; la bonne complexion & la fécondité combleront de joie cette perfonne qui avoit prefque perdu l’efpérance de les voir jamais. Cette jeune veuve, qui tomboit d fouvent dans des fuffocations qui la menaçoient d’une mort fubite , n’ell plus fu jette à ces maux depuis qu’elle s’eft remariée. Enfin , cette Vénus matiniere ne nous préfage que la beauté du jour & les plaifirs de la vie ; c’ell elle qui, étant réglée, nous fait devenir peres de plufieurs enfants, & nous rend l’embonpoint que nous avions perdu à force d’aimer. Ce jeune homme, à qui le vifage efl devenu pâle, les veux meurtris & enfoncés, les levres blêmes, la voix chancelante, la refpiration entre- coupée de foupirs & interrompue de farglots, qui ne boit & qui ne mange plus, qui va expirer par l’excès de fa palfion amoureufea n’a pas pludk 24 Tableau obtenu la poffeffion de ce qu’il aime, qu’on lui voit reprendre peu à peu Tes'forces; fon embonpoint revient, fa fanté eft enfuite ferme & affûtée. Jamais Annochus n’eût recouvré la ferme , fi 'Seleucus ne l’eût fait jouir de Stratonies. a & jamais Jujle, femme du Conful Boece, ne fût revenue de fa langueur, fans la pitié qu’en eut le Comédien Pylade. Je ne voudrois pas imiter ici le Médecin Apollonides, qui fe trompa fi lourdement dans la connoilfance de la maladie d’Amitis, femme de Mé~ gali[ius & fille de Xerxès j car ce Médecin penfantque la fievre étique de cette femme étoit du nombre de celles qui fe guériffent par l’amour, il lui confeilla les embraffements d’un homme; mais, comme quelque temps après Amitis ne fe fentit point fou- lagée par cette forte de remede, outrée de douleur contre le Médecin, elle s’en plaignit à fa mere, qui le dit enfuite à Xerxès. Le Roi en fut fî touché, qu’il condamna le Médecin à être enterré tout yif jufqu’au cou, ce qui fut exécuté à l’heure même. La goutte, qui, félon les Médecins, eft fouvent engendrée par les careftes des femmes , en eft quelquefois gué- rie ; 6c il s’eft vu des goutteux qui ont été foulagés, lorfqu’ils en ont ufé avec modération : en effet, il n’y a, point de moyen plus aifuré pour nous confèrver la famé, ou pour éviter une mort précipitée, que de fe joindre quelquefois à une femme. Le Poète Lucrèce ne fe feroit jamais tué, s’il eût polfédé la belle qui le faifoit foupirer ; 5c cette fille de trente ans, dont Riolan fit un jour la diffeélion, n’auroit pas perdu la vie, fi elle s’étoic mariée ; car la femence n’auroit pas fuffoqué fa chaleur naturelle, & fou teflicule gauche ne feroit pas devenu aufiî gros que le poing par l’abon- dance 6c la rétention de cette matière ; encore la fille que Mr. le ZWdifféqua dernièrement dans l’Hôpital-Général de la Salpétriere de Paris, ne fût point morte de fureur hyflérique , fi fou teflicule gauche ne fût devenu gros comme le poing par la rétention d’une femence épaiffe. Au lieu que l’amour déréglé nous rend flupides, l’amour que l’on mé- nage avec prudence nous caufe de la fanté, nous infpire de la hardieffe 6c nous fait naître de l’agrément : un de l'Amour conjugal. 25 Tome IL payfan, qui a l’efprit naturellement greffier, ne paroîrra pas être ce qu’il efl quand il aime , & alors il Te trou- vera peut-être en état de difpu'ter avec un autre, beaucoup plus fpiri- tuel que lui, de la finefîe, de l’efprit & des mouvements de fa paffion. Il efl donc vrai que les embrafle- ments des femmes ne nous peuvent faire de mal, pourvu que nous fui- vions le confeil d’Hippocrate, qui ne veut pas même nous permettre que dans le printemps, qui efl la failbn la plus propre à cet exercice amou- reux, nous en faffions des excès. Ces voluptés licites nous comblent de toutes fortes de biens ; elles rendent notre ame fatisfaite & augmentent les forces de notre corps : tellement que, quand même nous ferions atta- qués de quelque venin qui commen- cerait à détruire les forces de notre cœur, la copulation, fi nous en vou- lons croire les Naturalises, feroit un remede fufiifant pour nous garantir de fa malignité. Quand on ne fe propofe que de faire des enfants, que l’on fuit fim- plement les mouvements de la nature, & qu’on n’eft ému par le chatouille'- 26 Tableau trient de la femence que comme nous: le fommes par les irritations des autres excréments de notre corps, on n’inté- reffe jamais fa fanté par ces fortes de divertilfements. C’efl ce qu'Euripide a fort bien exprimé dans une autre langue, lorfqu’il parle à Vénus de la forte : de l’Amour, conjugal. 27 Vénus, en beauté fi parfaite, Infpire de grâce à mon cœur Ta plus noble & plus vive ardeur. Et rends dans mes amours mon ame fatisfaite ; Mais tiens fi bien la bride à mes ardents delirs , Que , fans en rdTentir ni douleur ni foibleffe, Jufques dans l’extrême vieillefTe Je prenne part à tes plaifîrs. Et, pour dire là-deflfus ce que Je perde, un vieillard de foixante-dix ans fera encore en état de carefler une jeune fille & de lui faire un enfant, li, pendant fa jeunefie, il n’a pas pris trop de liberté avec les Dames. C’eft ce que l’Oracle voulut dire aux Spartiates, quand il leur commanda d’élever une ilatue à Vénus, avec ce« mots écrits en d’autres caraéferes : Vénus qui retarde la vieille ffe, nous voulant faire connoître par-là qu’elle 28 Tableau n’efl pas ennemie de notre Tante, ft nous fuivons Tes conTeils avec pru- dence. Enfin , ce Teroic peu que d’avoir parlé des plaiiirs du mariage, Tans en découvrir les remedes qui s’oppofent à leur excès, & les moyens dont on doit Te Tervir pour les éviter ; & nous Terions fort injuûes, fi nous favorifions le crime en favorifant la concupiT- cence de la chair, fans avoir égard à notre Tanté & à TobéilTance que nous devons aux ordres de Dieu. CHAPITRE III. S*Uy a de véritables Jignes de grojfejje. QUoique parmi les hommes il y ait des coutumes qui nous pa- roilleht ridicules, on doit pourtant s’imaginer que l’on a eu de bonnes raifons de les établir ; le temps les a favorifées, & Tillage,qui efl le maître & le tyran des aélions des hommes, les a foutenues. Ces coutumes Te font fortifiées dans la fuite , comme les petits ruiffeaux qui, coulant vers la mer. Te grolfiffent enfin & de grands fleuves. de l’Amour conjugal. 29 L’exercice que font les mariés, en dan Tant le jour de leurs noces, paroît extravagant à plusieurs perfonnes, qui blâment toujours ce qui ne leur plaît pas ; ils ne fauroient fe perfuader que ce n’eft pas fans raifon que l’ufage toléré cette ancienne coutume; mais, fi l’on t'aifoit un peu de réflexion fur les effets que caillent les mouvements des mariés, peut-être trouverait-on que la danfe des noces n’a été inventée que pour perpétuer plus aifément l’efpece des hommes ; car, ce n’ell ni la malice du fiecle, ni la dépravation des mœurs, ni l’adrefle de l’amour, ni les voluptés déréglées, qui font la caufe de cette cérémonie, c’eft la raifon même qui a voulu que les mariées danfaflent le jour qu’ils fe marient, afin que, par cette agita- tion, leur corps fût plus libre, plus ouvert & plus propre à la génération. Les Naturalises nous font remar- quer que, fi l’on veut avoir un cheval de prix, on doit fatiguer la cavale avant qu’elle loit couverte, & que de cette conjonction, plutôt que d’une autre, il naît ordinairement un animal fougueux & propre à la guerre. Ainfi, les femmes s’étant agitées 30 Tableau avant que de fe joindre amourenie- ment à leurs maris, font défaites d’une partie de leurs excréments, 6c la chaleur qu’elles ont acquife en dan Tant, a férvi à deiTécher leurs parties amoureufes, qui ne font, le plus fouvent, que trop humides, 6c qui, par ce moyen, ne font pas difpofées à la génération ; car la trop grande humidité de ces parties eft une des principales caufes de la jftériliré des femmes. Après ces difpofirions, on doit ob- ferver dans le mari 6c dans la femme d’autres circonftances qui fervent de conjeéfures, pour établir la connoif- fance que nous pouvons avoir de la greffe fie d’une femme : car, fi le mari n’eil ni trop jeune ni trop vieux ; que fon tempérament foit robu'le 6c les parties principales bien faines ; qu’il ne foit ni trop gras ni trop maigre y 6c qu’il ait les parties de la génération bien faites 6c bien difpoiées ; que d’ailleurs la femme ait audi les mêmes difpofitions ; qu’elle foit dans la lleur de fon âge 6c qu’elle jouifle d’une lànté parfaite ; qu’elle ne foit ni trop grande ni trop petite, 6c que les segles aient accoutumé de couler félon Tant, *2j , f>aj?, 3 o Jif.r. de l’Amour conjugal. 31 les îoix delà nature, je ne doute point que, s’il y a les moindres marques que la femme foit greffe, on ne doive fe le perfuader, après tant de difpoli- tions d’un côté & d’autre. Mais, parce que ess conjectures ne font pas des lignes évidents de la grof- feffe, il me fembîe que l’on en doit chercher quelqu’autre pour la con- noître avec certitude. On fait que la grolfeffe ell ordinairement de neuf mois accomplis; ainfi, nous exami- nerons d’abord les fignes qui nous fervent de conjectures, pour la dé- couvrir dans les premiers mois, <5c puis ceux qui nous la rendent plus certaine dans les derniers. On a lieu de croire qu’une femme a conçu, lorfqu’après s’être divertie avec un homme elle demeure feche, & qu’elle ne rend point ce qu’elle a reçu, & qu’avec cela un homme fe retire fans être beaucoup humide : au même temps la femme reffent comme de petits frifions, femblables à ceux qui npus arrivent après avoir mangé ; elle fouffre quelquefois des foiblelTes & des vornifiements dans le moment que la lemence de l’homme ell dardée vers le fond de fa matrice, & qu’elle 32 eft reçue dans l’une de Tes cornes, pour le joindre avec la femence de cette femme 6c y faire la conception. La matrice, comme fi elle avoir de la joie d’avoir reçu l’humeur qui lui efl propre, fe relierre pour la retenir, ce qui caufe à la femme je ne fais quel mouvement dans fes parties na- turelles, duquel elle relient du cha- touillement & du plaifir, & fait qu’elle recherche alors plus ardemment la compagnie d’un homme. Si, quelque temps après, la Sage- femme la touche, & qu’elle rencontre une douce réfiftance, la matrice 6c fon orifice interne ferme 6c mollet comme le cul d’une poule ou le mu- feau d’un chien naiffant, il n’y a pas lieu de douter que la femme n’ait conçu. Mais on ne fe contente pas d’avoir des lignes communs, on fait encore quantité d’expériences, à l’imitation de l’antiquité, pour découvrir la grolTefle d’une femme ; les uns frot- tent d’un rouge les yeux de celle que l’on foupçonne greffe, 6c li la chaleur pénétré la paupière, on ne doute plus après cela que cette femme ne foit enceinte. Tableau Les autres tirent de fbn corps quelques gouttes de fang, & après les avoir laiffé tomber dans de l'eau, ils conje&urent qu’elle ed greffe, ft le fang va au fond. Il y en a d’autres qui lui donnent à boire cinq ou fix onces d’hydromel fimple ou anifé en fe mettant au lit, & ils jugent de la conception par les tranchées que cette boiffon caufe à la femme. D’autres lui donnent encore une ou deux onces de fuc de feneçon , mêlé avec un peu d’eau de pluie, «5c s’imaginent qu’elle eft greffe, li elle ne la vomit point. Quelques-uns, après avoir mis dans fes parties naturelles une gouffe d’ail, ou fait brûler de la mirrhe, de l’en- cens ou quelqu’autre chofe aroma- tique , pour lui eu faire recevoir la vapeur par le bas, croient qu’elle eft groffe, li elle ne relTent point quelque temps après à la bouche ou au nez l’odeur de l’ail ou des chofes aroma- tiques. Il y en a encore qui font diverfes expériences fur l’urine ; ils confide- rent cette liqueur dès qu’on la rend, & après l’avoir trouvée troublée, <3c de couleur de l’écorce de citron mûr. DE l’AmoXJR CONJtJGAX. 33 34 Tableatt avec de petits atomes qui sV élevènt 6c qui y defcendcnt, ils difent qu’elle a conçu. D! autres laifient l’urine pendant la nuit dans un badin de cuivre, où l’on a mis une aiguille fine, & s’ils obfer- vent le matin quelques points rouges fur l’aiguille, ne doutent plus de la greffe fie. Quelqu’autres prennent parties égales d’urine & de vin blanc ; fi l’urine, après avoir été agitée, paroît femblable à du bouillon de fèves, ils afiurent que la femme efl groflfe. Les autres iailfent pendant trois jours repoier à l’ombre , dans un vaiffeau de verre bien bouché, l’urine d’une femme ; & après l’avoir coulée par un taffetas clair, s’ils rencontrent des petits animaux fur le. taffetas, ils ne font pas difficulté d’affirmer que la femme efl greffe. Enfin , je ne faurois dire combien d’expériences les hommes ont tenu pour découvrir la groifefie d’une femme; mais les dégoûts, les envies de vomir, les vomifiemems mêmes, & autres accidents qui leur arrivent, font des lignes bien plus certains, s’il y en a au moins de certains, que toutes les bagatelles dont l’antiquité a fait parade pour connoitre une femme grolle. Si les réglés manquent à une femme fans qu’elle foie attaquée par des frif- fons ou par une fâcheufe fievre, que le ventre lui devienne plus plat & plus refferré qu’auparavant, lèlon le proverbe des Sages-femmes, en ventre plat y enfant y a ; que principalement après avoir mangé elle foie lente, ôc qu’elle ne puiffe fe toucher le ventre fans douleur, ce font aulii des mar- ques de conception. Ses réglés, retenues pour la géné- ration , lui caufent ordinairement des amertumes de bouche, des rapports âpres ou aigres, des éblouiffements, des langueurs, des lalîitudes, des douleurs de tête & de reins, des cha- grins ou des tranfports de joie dont elle ne fait pas elle-même la caufe* des taches au vifage ou dans quelque autre lieu du corps, des afToupifl'e- ments, enlin, le plus fouvent, un appétit déréglé ; car il s’en eil va qui ont mangé des charbons, de la cendre, du plâtre & d’autres chofes pareilles. Tous ces accidents ne font caulés que par le manquement des de l’Amour conjugal. 35 36 réglés que la nature a retenues pouf fes ufages particuliers, & toutes les parties de la femme ne fou ment que parce qu’elles font arrofées des hu- meurs qui doivent chaque mois être évacuées. Outre les accidents que nous venons de marquerai en arrive d’autres après les quatre premiers mois de groffeffe * qui nous fervent de nouvelles preuves. Le fang qui croît tous les jours dans les veines d’une femme , pour l’ufage de l’enfant, qui en- a alors plus de befoin , leur apporte placeurs petits délbrdres qui nous inftruifent de l’état où elles font. Il le jette fur la gorge* & leur caufe, aux unes plutôt, & aux autres plus tard, des douleurs & des duretés aux mamelles, lorf ne le lais commence à s’y former, oc que le mamelon avec fon cerc le devient rouge aux blanches, & noir aux bru- nes. Leur voix commence alors à devenir plus greffe par la chaleur naturelle qui fe multiplie , & leur falive eff plus abondante ; car on n’a jamais guere vu de femmes greffes , au moins de celles qui jouiffent d’un embonpoint, qui ne luffenc de gran- des cracheufes. Tabisaü Il paroît même aux jambes & aux cuifles des plus fanguines, des veines enflées de diverfes couleurs, que nous appelions varices, car on les remarque bleues ou blanches, & noires aux brunes, par la variété de leur tempé- rament. Après tout, l’un des Agnes les plus allurés qui nous peuvent découvrir la groflefle d’une femme, c’efl; le mouve- ment de l’enfant; car, fi l’on met la main fur fon ventre, & qu’on l’y tienne fort long-temps, l’on s’apperçoit, vers le quatrième ou le cinquième mois, d’un mouvement doux, & fur la fin de la groflefle, d’un mouvement un peu plus fort, qui vient de haut en bas, & vers le devant du ventre de la femme, quand elle eft couchée. Le fardeau ne fe meut point de la forte, il fuit le mouvement du corps, & il tombe comme du plomb du côté qu’il fe panche. Les vents ont aufli un mouvement différent ; ils fe font fentir inégalement, tantôt d’un côté & tantôt de l’autre, & leur mouvement ne fe fait pas vers le devant du ventre, comme dans une véritable groflefle, mais on les fent le long des boyaux , $ue l’on entend quelquefois gronder* BE l’AmoÜR CONJUGAL. 37 38 Si Ton obferve le pouls des femmes greffes, on trouve qu’il efl beaucoup plus prompt & plus élevé que dans un autre temps ; aulfi ont-elles alors du fang & de la chaleur autant que deux perfonnes ; & des Médecins, peu expérimentés à toucher le pouls de ces femmes, s’imagineroient aifémenc qu’elles ont la fievre. On ne fe contente pas de découvrir en général la grolfelfe d’une femme par les lignes que nous avons expofés, on veut encore favoir li elle efl grolfe d’un garçon ou d’une fille, ou même encore li elle efl grolfe de plufieurs enfants. Il efl vrai que les garçons nous donnent fouvent des marques que les filles ne nous donnent pas; car, celle qui efl enceinte d’un garçon fe porte ordinairement beaucoup mieux, & fe fent même plutôt que fi elle l’efl d’une fille, qui, dès les premières actions de fa vie, commence à donner plus de peine à fa mere que ne fait un garçon pendant toute fa vie. Si la mere , fur la fin de fa groffelfe, tombe dans quelque fàcheule maladie fans faire de faulfe couche, c’efl une force conjecture quelle porte en fes T A B l E A V flancs plutôt une fille qu’un garçon; celui-ci a fes attaches plus feches que celle-là, il ne fauroit réfilter à des attaques fi rudes. Mais encore, un mâle rendra ro- bufles toutes les parties droites de fa mere, qui, en voulant marcher, le fervira plutôt du pied droit, & en voulant prendre quelque choie, agira plutôt de la main droite que de la gauche. On remarquera encore dans l’on œil, dans la, mamelle & dans fou pouls du côté droit, beaucoup plus d’éclat & beaucoup plus de change- ment & de force que du gauche ; de fi l’on tire de fes mamelles une goutte de lait, lorfqu’il y en aura de perfec- tionné, on verra qu’elle fe confervera ronde fur l’ongle , fi elle porte un garçon ; au lieu que fi c’elt une fille , le lait étant fort féreux, ne fe foutien- dra pas fi bien. Pour le nombre des enfants, on ne peut confidérer que la grolfeur extraordinaire du ventre, & par le milieu une efpece d’enfonçure, qui nous donne des marques des jumeaux. De tous ces lignes, il y en a de très-légers & de très-ridicules ; car , de penfer que l’on puiiTe découvrir DE î/AmoUR CONJUGAli. 39 40 TABIEAU la groffeffe d’une femme par Tes urines, c’eff ce que je ne faurois me perlùader. Je fais bien jufqu’où l’ava- rice des hommes a pouffé cette curio- fîté ; mais les différentes opinions où ils font fur ce lu jet, me font jufte- ment douter de la vérité de leurs expériences. L’urine ne nous peut donner, tout au plus, que des marques de l’état des parties d’où elle vient, & de la difpofition de celles par où elle paffe. Comme elle ne traverfe pas la matrice, 6c qu’elle ne fait qu’effleurer fon col, quelles conjeélures peut-on faire par cet excrément, fi ce n’eft de la difpo- fkion de la veffie, des reins 6c des parties fupérieures ? Toutes les expériences que l’on fait ordinairement avec de l’urine , font fùperftitieufes ; tout ce que l’on met dans la matrice eft dangereux : l’ail eft cauftique & brûlant, fi on l’ap- plique aux parties tendres du conduit de la pudeur. Les vapeurs des chofes aromatiques font fufpeéles, 6c il ne faut que cela pour faire de fauffes couches. Mais il y a d’autres lignes qui nous rendent plus certains que ceux-là de la groflefle d’une femme ; car la fécherefle de les parties après les carefles amoureufes , les chatouille- ments & les friflbns qu’elle refient aufli-tôt, les foiblefles & les anéan- tiflements où elle tombe dans le moment, font de fortes conjeélures pour nous faire croire qu’elle a déjà conçu. D’autre part, fi la matrice eft fer- mée, que les réglés foient retenues, que le ventre s’applatifie d’abord & qu’il s’enfle dans la fuite, que l’on, s’apperçoive du lait qui fe forme dans les mamelles , & qu’enfin on fente dans fon flanc un mouvement qui ne peut venir que de l’agitation de l’enfant, qui eft, fi je puis parler •ainfi, une partie des entrailles de fa mere ; tous ces lignes, dis-je, joints enfemble, paroiffent d’aflez fortes preuves pour nous perfuader qu’une femme efl grofle. Mais , à dire le vrai, il n’y a pas plus d’aflùrance à la croire grofle qu’à deviner fi elle a une pierre dans la veflie lorfqu’on en a quelques marques. Tant de fignes qu’il vous plaira de la groflefle d’une femme, ce ne font pourtant que des conjedures qui nous t>e l’Amour conjüôai. 41 Tome IL peuvent quelquefois tromper, & que des moyens de confulion pour un Médecin qui s’y allure avec trop de confiance. J’avoue que l’on eft alluré de la pierre quand on la touche avec la fonde, & que l’on eft aulîi perfuadé de la vérité de la grofiefte, lorfque l’on touche de la main la tête d’un enfant qui eft dans le pas. Si nous examinons en particulier tous ces lignes, que l’on croit être les plus propres à nous rendre certains de la groftefle d’une femme, nous verrons clairement qu’ils font tous douteux ou équivoques : car , de demeurer feches après avoir été em- braffees, cela peut venir de la com- plexion de la femme & de la chaleur excelfive de les parties. De rclî'endr un plaifir extrême jufqu’à l’évanouil- l'ement, ce n’eil pas non plus une marque de conception. Le cœur relient de prenantes atteintes de l’amour , quand on jouit avec paillon des dé- lices du mariage ; & le chatouillement que reftent alors une femme , vient âufti-tôt des embraffements d’un mari Sc de la comprelfton de la poitrine , que des plailirs de la conception ; jufqucs-là même qu’il s’en eft vu qui Tableau T)E l’Amour conjugal. ont engendré fans avoir refienti du plaifir. Il y a des femmes dénies qui ont naturellement la matrice fermée ; & il s’en trouve d’autres qui ont leur orifice dur & calleux, qui ne font pas groffes pour cela. Les réglés manquent fouvent aux filles fans aucun foupçon qu’elles foient enceintes; & les pâles-couleurs, pour ne rien dire des autres maladies, font toujours accompagnées du défaut des réglés. L’on n’a guère vu de fem- mes incommodées de faux germes ou de fardeaux à qui les réglés n’aient manqué ; mais encore il y a des fem- mes greffes qui font réglées les pre- miers mois de leur greffe fie , & j’en ai connu même qui fécoient réguliè- rement pendant prefque tout le temps qu’elles étoient enceintes ; & d’autres qui ne le font ni avant ni après la conception , comme il arriva à la femme de Gorgias, félon le témoi- gnage à’Hippocrate dans les Epidem. qui, n’ayant point fes régies, ne laiifa pas de devenir grofie, & d’en manquer après comme avant la conception. Le ventre devient grêle d’abord. 43 & fe groffit enfuite auffi-bien par le taux germe, par le fardeau & par d’autres maladies, que par la véri- table greffe (Te ; <5c fouvent Ton ne peut guere diffinguer la tumeur cau- fée par ces différentes incommodités,. Le lait & les mouvements de l’en- fant, qui femblent être tes marques les plus affurées de la groffeffe, ne le font pas plus que les autres ; on voie des filles qui ont du lait par le man- quement de leurs réglés, fi nous en voulons croire Hippocrate & d’autres Médecins après lui, & des femmes qui n’en ont point du tout qu’elles ne foient accouchées. Les mouvements qu’elles fentenc dans le ventre, peuvent être excités, par des vents ou par des humeurs, & les exemples des femmes qui s’y font trompées ne font pas rares, quelques favants Médecins y ont même été furpris. Hippocrate y tout doéle qu’il étoit, a douté de la groffeffe de la fœur de Temenès, donna un violent purgatif à fa femme fans la connoitre groffe. Il y a d’ailleurs tant de foupleffes parmi le fexe, qu’il faut être bien fin ppur n’y être pas furpris, quand il Tableau veut nous en impofer: car, lorfqu’une femme a deffein de paroître féconde pour être plus aimée de fon mari, ou pour recevoir quelque chofe de fon amant, il n’y a point de mlês qu’elle n’invente pour paroître groffe. Il en eft de la groffeffe comme des écri- tures ; on ne peut connoître celles-là véritables, & celles-ci fauffes , que par conjecture. Ce ne font pas les premiers enfants qui ont été fuppofés après que l’on eft demeuré d’accord, de la groffeffe d’une femme. Lépida fut condamnée pour en avoir ufé de la forte ; & il ne le trouve aujourd’hui que trop de femmes qui fe font tort, ou de feindre leur groflèfle, ou de fuppofer un enfant. Après tout cela, on peut conclure que l’on ne doit jamais affirmer poli* tivement qu’une femme eft greffe, puisque tous les lignes dont on peut fe fervir font incertains , & que la femme même, qui en doit plutôt être le juge que nous, s’y trompe fort fouvenc. de l’Amour conjugal. 45 46 T A B L E A V CHAPITRE IV. De la formation de VHomme. JE me trouve infendblement en- gagé, par la fuite de la matière que je traire, à parler de quelques quedions fort difficiles qu’agitent les Théologiens, les Philofophes , gluante, fi elle efl félon les loix de la nature, afin de conferver plus long- temps l’abondance des efprirs Ôc de la chaleur naturelle dont elle eft rem- plie : elle efi; ainfi dans les hommes d’un âge médiocre, la chaleur, donc ils abondent plus que les autres, cui- fant cette matière ôc la perfectionnant pour la rendre féconde. Ce qu’elle a de propre, c’efl que la chaleur l’é- paifiit, ôc que la froideur la fond Ôc la noircit en même temps. En effet, l’air froid en dilfipe les efprits ôc la rend un cadavre de femence, pour parler ainfi ; au lieu que la chaleur en multiplie les parties fubtiles 9 pourvu qu’elle foit dans un lieu oii elle puifie conferver fon tempérament. Son odeur, que l’on peut appeller vireufe, cil une marque de fa fécon- dité, ôc tous les animaux qui font en chaleur, font exhaler de leur corps une odeur fi pénétrante, qu’à peine peut-on demeurer auprès d’eux. Si on les tue en ce temps-là pour en manger la chair, leur odeur eft fi que j’ai connu des perfonnes qui étoient obligées de vomir après en avoir goûté. Si l’on confidere exactement la de l’Amour conjugal. 49 Tome IL Tableau femence de l’homme, on y trouvera deux fortes de fubftances , l’une épaifle & gluante , l’autre déliée 5c fpiritueufe : c’eft dans cette derniere partie, ainli que nous l’expliquerons ci-après, que réfide le principe du mouvement, lequel principe efl d’une nature proportionnée à ce qui brille dans les aflres. Cette femence, ainli compofée, ne vient pas feulement des teflicules {a b ) (8c des petites velues ( k) qui la con- fervent, elle coule encore de tout le relie de notre corps , ainli que l’affure Hipjfocrate, le plus ancien 8c le plus éclairé de nos Médecins. Car, fi elle ne venoit point de toutes les parties de notre corps, nous ne nous appercevrions pas d’un épuife- ment fi fubit 8c li univerfel lorfque nous embrafifons une femme. Dans un moment notre cœur 8c notre cerveau ne s’épuiferoient pas d’efprits, 8c tout notre corps ne tomberoit pas dans un anéantilîèment que l’on ne fauroic exprimer. D’ailleurs , nous ne treflaillirions pas de joie, li tout notre corps ne contnbuoit à cet épanchement, 8c la volupté ne feroit pas li excellivp 9 de l’Amour conjugal. 51 lî elle ne dépendent de toutes nos parties. Au refte, s’il eff vrai q ue les efprits de la femence foient faits de la partie la plus fubtile du fuc nerveux , & que ce fuc foit fait du fang de nos ancres & de nos veines, je ne vois pas pourquoi on refufe à ces mêmes efprits le caraéfere des parties d’où ils forrent ; car, il les urines nous mar- quent les différentes difpofitions des parties par où elles paffent, la femence coulant des parties de tout l’homme , portera aufîî fans doute avec elles les idées de tout notre corps. En effet, quelle raifon pourrions-' nous apporter de la reffemblance des enfants à leur pere ou à leur mere, (1 nous n’étions perfuadés de cette vé- rité ? Et comment pourrions-nous nous imaginer qu’une femme, natu- rellement boiteufe , fît un enfant boi- teux comme elle du même côté, & qu’elle en engendrât d’autres avec de pareils défauts qu’elle a apportés du ventre de fa mere ? Si l’on veut en attribuer la caufe à la force de l’imagination, je n’ai qu’à rapporter ici l’hiffoire que nous /aie Gajftnii, d’une petite chienne, qui* Tableau étant boiteufe, fit des chiens boiteux, pour faire voir en palTanc que l’ima- gination n’a point de part dans ces lortes de reflemblances, puifqu’une chienne a l’imagination fort foible ou n’en a point du tour. ng" ' '■ » ARTICLE II. Exacte dcfcription des parties natu- relies & internes de la Femme. - AVant que de parler de la femence de la femme, & de la maniéré dont un enfant eft formé dans les entrailles, j’ai jugé à propos de faire une dcfcription exaéle de fes parties naturelles, & de joindre les obferva- tions que j’en ai faites à ce que j’en ai dit en général dans la première partie de ce Livre. Ce qui nous empêche ordinaire- ment d’examiner les chofes avec dili- gence , c’eft la penfée où nous l'ommes, que les Anciens n’ont rien ignoré & qu’il ne relie plus rien à lavoir. Dans cette penfée, l’efprit le plus prompt 5c le plus pénétrant fe ralentit 6c s’émoullei 6c parce que DE L’AMOVR CONJtfGAl. 53 lî elle ne dépendent de toutes nos parties. Au refte, s’il eff vrai q ue les efprits de la femence foient faits de la partie la plus fubtile du fuc nerveux , & que ce fuc foit fait du fang de nos ancres & de nos veines, je ne vois pas pourquoi on refufe à ces mêmes efprits le caraéfere des parties d’où ils forrent ; car, il les urines nous mar- quent les différentes difpofitions des parties par où elles paffent, la femence coulant des parties de tout l’homme , portera aufîî fans doute avec elles les idées de tout notre corps. En effet, quelle raifon pourrions-' nous apporter de la reffemblance des enfants à leur pere ou à leur mere, (1 nous n’étions perfuadés de cette vé- rité ? Et comment pourrions-nous nous imaginer qu’une femme, natu- rellement boiteufe , fît un enfant boi- teux comme elle du même côté, & qu’elle en engendrât d’autres avec de pareils défauts qu’elle a apportés du ventre de fa mere ? Si l’on veut en attribuer la caufe à la force de l’imagination, je n’ai qu’à rapporter ici l’hiffoire que nous /aie Gajftnii, d’une petite chienne, qui* 54 Tableau fon-vifage efl vive, Tes yeux font brillants & pleins de feu, fa voix eli agréable & charmante, l'on difcours efl engageant, en un mot, l’amour lui inipire des femiments de douceur & de compîaifance. J’ai dit ailleurs que la matrice n’étoit pas dans le même état en toutes les femmes : elle ne garde ni fa fubftance, ni fa lituation, ni fa gran- deur, ni fa figure ordinaire, quand une femme ell greffe : fa couleur, fon épaiffeur & fa fuperficie interne font encore alors toutes autres ; & fi l’on veut le donner la peine de la difféquer en ce temps-là, à peine la pourroit-on aifément divifer en cinq ou fix membranes, quand elle elî vuide. Les teflicules ne font ordinairement éloignés de la matrice que de deux travers de doigt dans les femmes qui ne font pas enceintes ; mais dans les autres, ils touchent tout-à-fait la matrice ( a), & ils font beaucoup plus longs, plus plats & plus pleins de femence dans celles-ci que dans les Plus les femmes appro- chent du temps de leur accouchement, plus iis perdent, auffi-bien que la DE L’AMOUR CONJUGAL. 55 fnatrice, leur fituacion & leur figure naturelle. La matière blanche, donc ils font alors abondamment remplis, a du rapport au blanc d’un oeuf de poule, ainfi que Beflerus témoigne l’avoir fouvenc trouvé, 6c que j’en fuis moi-même le témoin ; car, étant à Padoue, <3c dilféquant, avec le lieux Sinibaud, une fille de vingt ans qui s’étoit précipitée dans un puits à caufe de fa groffelTe, je trouvai fes tefticules di pleins de femence, qu’au premier coup de fcalpel la matière renfermée rejaillit aufii-côt contre mon vifage,; 6c m’en étant par hafard tombé fur les levres, j’y portai la langue fans y penfer, 6c j’en goûtai affez pour la trouver fade, dégoûtante 6c un peu âpre. Quatre vaiflfeaux viennent à droite de à gauche des lieux que nous avons marqués ailleurs CO > ils fout entor- tillés les uns dans les autres, 6c liés enfemble par la production du péri- toine , qui les renferme en forme d’étui ; 6c defeeudant ainli vers la matrice, ils fe partagent en deux branches , donc l’une, qui eft la plus greffe, eit distribuée à la matrice (c) de l’autre aux teiticules ( d ). La. 56 Tableau première eff fouvent divifée en trois rameaux, dont le premier & le plus gros eff diffribué dans le fond de la matrice CO pour y caufer les réglés dans les femmes qui ne font pas en- ceintes, ce que l’expérience nous a montré dans des matrices renverfées, ou pour y porter dans les derniers mois de la greffe (Te. Le fécond C f') efl plus petit, & ne fert qu’à arrofer 6c nourrir la matrice ; enfin, le troi- sième Cg') eft affez gros, il rampe le long des membranes de la matrice, & va fe terminer, par des conduits capillaires, vers fon col, où il fe mêle avec les vaiffeatix hypoga (triques & iliaques (A); c’ell ce vaifleau qui fait les réglés dans les femmes greffes, 6c qui les décharge de l’abondance de leurs humeurs. Il n’y a point de parties dans le corps de la femme où les anatomo- fes (i) & les communications des vaif- feaux paroiffent plus évidemment que dans la matrice, car on n’a qu’à fouffler d’un côté, tous les vaiffeaux s’enflent de l’autre & fe rempliffenc de vent ; fi bien qu’après cela on ne peut douter du mélange des humeurs dans cette partie. DE L’AMOUR CONJÜGAI. 57 Prefque tous les Anatomifles ap- pellent les vaiffeaux dont nous venons de parler, des vaiffeaux fpermati- ques CO> ou parce qu’ils fe font imaginé qu’ils préparoient la femence, ou que la femcnce des femmes n’étoit pas différente de leurs réglés ; mais pour moi, qui les ai toujours trouvés pleins de fang, je les nommerai les vaiffeaux fangcins de la matrice. L’autre branche, qui ell diftribuée au teflicule C.k'), efl divifée en deux rameaux, ainfi que je l’ai obfervé par un microfccpe. L’un entre dans l’une des extrémités du teflicule CO avec un tel artifice, que l’artere & le nerf C wO fe divifent en mille petits conduits, & filtrent leur humeur dans fa cavité. L’autre, fe perdant dans le ligament large (0 qui lui fért d’appui, porte fans doute à la tuba C-*0 des humeurs propres à faire & à entretenir les boules où fe forment les enfants. Ce que j’ai obfervé de particulier, c’eft que les vaiffeaux fpermatiques (u) qui coulent en abondance dans le liga- ment large (t) entre le teflicule fo) Sc la tuba C/O, & que l’on peut nom- mer vailTeaux nerveux , parce qu’on ne les apperçoic prefque point OOa 58 ont un, deux eu trois troncs, que j’ai apperçus, dans quelques femmes 9 toucher les cornes de la matrice , comme fi l’humeur, venant des teili- eules par des vailleaux capillaires, droit portée par plufieurs troncs pour être communiquée aux cornes de la matrice. Les cornes de la matrice, que l’on appelle la tuba C/O ou la trompe de Fallope , ont du rapport aux véhicules Séminaires des hommes, car elles confervent la femence des femmes : ces cornes Torrent de chaque côté de la matrice, vers Ton fond ; elles font de la longueur de fept pouces ou environ, & de la grolîeur à peu près d’un pouce dans les femmes grofies ; mais dans les jeunes filles ou dans les vieilles femmes, elles font fort petites & ne refiemblent qu’à un ligament : du côté de la matrice, elles font grêles, dures & blanches (q )'; & puis devenant plus rouges <5c plus larges à mefure qu’elles s’en éloignent, elles forment à l’autre extrémité ce que nous appelions la franche de la, trompe (V). Ces conduits, que j’ai trouvé s’avancer dans le ventre au deiious des ceilicules, font plus preflés Tableau en quelques lieux qu’en d’autres ; fi bien que chacun forme trois ou quatre petites cellules, qui pourroienc être la caufe de plusieurs enfants qu’une femme peut faire à une feule fois. La franche (r) efl faite de petites fibres entrelacées les unes dans les autres, Ôc embarraflees d’une humeur gluante, principalement quand une femme eft greffe. Ces fibres, qui ref- femblent à de petits nerfs, empêchent fans doute que la femence ne forte plus fouvent qu’elle ne fait par l’ou- verture de la franche , ou plutôt elles y préparent l’air , lorfque l’enfant commence à y être formé, quoiqu’il ne refpire pas, tout de même que la luette ôc l’épiglotce le préparent pour le poumon ; car cet élément eil: un corps qui pénétré tout, ôc qui même fe fait paflage dans les matières les plus preflees <5c les plus folides. C’elt peut-être pour cela que l’on a nommé ces tuyaux la foupape ou ie foupirail de la matrice. Une femme n’a pas plutôt conçu, que l’on obferve en ce temps-là, plus qu’en tout autre, une élévation à l’ouverture de ces vailfeaux dans la maciice, & /y ai fouveuc rencontré- DE l'AmOTR CONJUGAL. 59 comme une petite peau charnue, que l’on pourrait appeller valvule (/), qui défendoit l’entrée, & permettoit la fortie aux humeurs qui fe rencon- traient dans les cornes de la matrice. Ces cornes C p ), que l’on peut nommer vaiffeaux ou conduits éjacu- lacoires, font remplies d’une matière qui reffemble à du petit lait un peu épais ; elle fe trou /e fouvent en lî grande abondance dans le? femmes qui aiment éperdument, qu’elle fore des deux côtés quand elle cil agitée, c’eft-à-dire, par la frange, pour cauier les accidents qui arrivent aux femmes, incommodées de vapeurs, & par Vu- verture de la matrice, pour faire les pollutions que fouffrent fouvent les plus amoureufes. J’ai fouvent obfervé, dans les chien- nes pleines, ce qu’Harvée a remarqué dans les biches, que les cornes de la matrice avoient un mouvement fem- blable à peu près à celui de nos boyaux, & je ne doute point que celles des femmes n’en aient au(îi pour le dé- charger de l’enfant qui commence à fe former, & pour fe défendre encore d’une abondance de femence corrom- pue; il bien que, pour les affermir 60 Tableau* contre la violence des mouvements qu’elles font contraintes de faire quel- quefois, la nature les a fortifiées par un fort ligament qui va d’un bout à l’autre : car ce font ces cornes, avec les teflicules, & non le corps de la matrice, que l’on fent mouvoir avec tant de violence dans quelques femmes hyflériques. de l’Amour conjugal. 61 ARTICLE III. De la Semence de la Femme. SI Arijlote & fes Seélateurs ne s’étoient pas acquis, pendant plu- fieurs fiçcles, une fi grande réputation , je me perfuade qu’il me feroit aifé préfentement de prouver que les fem- mes ont de la femence, qui contribue en partie à la génération ; car, il n’y auroit qu’à examiner fans préoccupa- tion i’aéfion & l’ufage des parties q\ie je viens de décrire, pour être con- vaincu que le fentiment où je fuis eft le plus vraifemblable ; mais, avant que de l’établir dans toute la force, voyons en peu de mots fi les raifons des adverfaires ont quelque foiidité. 62 Tableau1 1. Si les femmes, difent-ils, avoient de la femence, elles n’auroienr point de réglés, puifque l’une & l’autre ma- tière peut fuffire à former un enfant ; mais, parce que nous femmes affûtés, ajoutent-ils, qu’elles ont des réglés, <5c qu’elles n’engendrent jamais fans en avoir, on doit conclure qu’elles n’ont point de femence. 2. D’ailleurs, fi les femmes avoient delà femence, il s’enfuivroit qu’elles auroient un principe d’aélion , par lequel un enfant pourrolt fe former dans leurs entrailles fans la participa- tion d’un homme , leur femence agif- fant fur les réglés; mais, parce que nous n’avions point d’exemple de cela, on doit auffi avouer qu’elles n’ont point de femence. 3. Au refie, il n’y auroit jamais de conception fans volonté, fi les femmes avoient de la femence ; mais parce, difent-ils, que nous fommes certains, par l’aveu même des femmes, qu’elles font quelquefois devenues grottes fans avoir été touchées du moindre con- tentement, nous devons croire qu’elles n’ont point de femence ; car, fi elles en avoient, elles feroient alors fans doute averties de fon écoulement par quelques petites voluptés. 4. Ils difent encore que, fi les fem- mes ont de la femence, au moins n’efl-elle pas féconde, & ne peut fervir en aucune maniéré à la géné- ration ; que ce n’eft qu'une humidité fuperflue, pour arrofcr leurs parties naturelles & pour les irriter quand il faut fe joindre amoureufement ; & que, comme les eunuques ont une efpece de femence, qui n’a aucune vertu, les femmes ont auflî une ma- tière qui n’a point de force à former Un enfant. 5. Les femmes font femblables aux enfants & aux eunuques, dans la voix, dans le poil, dans l’habitude du corps & dans la paflion de lame ; elles n’ont donc pas plus de femence qu’eux. Mais, 1. l’expérience nous fait voir qu’il en eft tout autrement, & la railbn n’y eft pas contraire; car, la femence des femmes eft bien différente de leurs réglés, l’une ed blanche, & les autres font rouges : celle-là fort en petite quantité, & ne s’écoule point ordi- nairement fans quelque plaifir, de celles-ci s’épanchent le plus fouvenc en abondance ; & bien loin de les fendre joyeufes, elles en deviennenc de l’Amour conjugal. trilles 6c abattues. Après tout, la forte imagination peut fouvent contribuer à l’écoulement de la femence ; mais , quelque vive que foit cette faculté de Famé , elle ne fauvoit avancer ni retarder les réglés d’un feul jour ; ôc ainli, les femmes ont de la femence 6c des réglés tout enfemble, puis- qu'elles ont diverfes pallions qui en font des marques évidentes, la pre- mière matière Servant à engendrer, 6c la fécondé à nourrir en partie les enfants qu’elles font. 2. Le rail'onnement de ces Philofo- phes, Sur la formation de l’homme, eft fi éloigné de la vérité, que je ne m’étonne pas fi leurs raifons font li foibles. Ils Se perfuadent que le fang des réglés fert d’abord à nous former, 6c l’expérience nous fait voir tout le contraire, favoir, que nous fommes plu lieu rs mois dans le fein de nos meres fans en avoir befoin. Sur ce faux principe, ils établirent des rai- fonncments qui fe détruifent d’eux- mêmes ; car, la femence ne pouvant rien faire elle feule, 6c n’étant qu’une caule partiale, il eft impofiible qu’elle foit la caufe totale 6c adive de la génération. T AEIEJLV DE l’AmoUB C0NJÜ6AL. 65 J’avoue que le plaifir n’accompagne pas toujours la conception , 6c je ne faurois croire que ce Toit le feul écou- lement de la femence des femmes qui leur caufe des contentements. Le cha- touillement qu’elles refientent des parties de l’homme, 6c de la forte imagination qu’elles ont dans le com- bat amoureux, en font la principale caufe ; fi bien que je ne m’étonne pas s’il y en a eu quelques-unes qui, n’ayant pas la liberté de l’imagination 6c du chatouillement, ont engendré fans plaihr. 4. Après tout, fi les femmes n’onc pas de femence propre à engendrer, comment les enfants reffemblenr-ils fî parfaitement à leur mere dans les qualités du corps, dans les paillons de l’ame, 6c dans les maladies aux- quelles elles font fujettes ? Et que dira-t-on du mélange des différentes bêtes, comme d’un cheval 6c d’une âneffe, qui font un mulet, fi la femelle, par fa femence, ne contribue en rien à la génération ? Mais, pour prouver encore davan- tage ce que nous venons de dire, 011 m’avouera que la nature ne fait rien en vain, 6c qu’il ne falloir pas un fi Tome IL 66 Tableau grand appareil de vaiffeaux fperma- riques, de tefticules, de cornes, &c. fi toutes ces parties n'étoient faites que pour humeder la matrice : elles ont apurement un autre ofirce que celui que les Périparéticiens leur don- nent , elles fervent à faire de la femence pour former les hommes ; & quoique la femence des femmes ne foit point fi cuire que celle des hom- mes, elle ne laide pas pourtant d’être de la femence, comme leur fang eft du fang, bien qu’il foit moins digéré que le nôtre. On fait à quelles maladies quelques femmes font fu jettes, quand elles demeurent vierges ou veuves , ou quand elles ne font pas adez careffées de leurs maris, & l’on fait auffi quel remede eft le plus prompt 5c le plus efficace pour les guérir. Si la femence qui ed; retenue dans les cornes de la matrice eft» employée à former un enfant, toutes les fâcheufes incom- modités dont elles étoient auparavant tourmentées, ceffent dans un moment, 5c la cauié maternelle de leurs maux fcrvant à d’autres meilleurs ufages * elles jouiffent enfuite d’une . lantô parfaite. t>E l’AmOÜR CONJÜGAt. 67 Mais encore. Ci fofe faire compa" raifon encre 1ns oiféaux femelles <5c les femmes, je pourrois dire que, puif- qu’ils ont de la femence qui contribue à former leurs petits, les femmes esa ont aulîi qui fert à la génération ; car, quel ufage auroient les teflicules des femmes qui la fabriquent P Et l’expé- rience ne nous fait-elle pas connoître que les bêtes femelles châtrées ne fouf- frent pas l’approche de leurs mâles ? Nous remarquons deux fortes de fubf- tances dans un œuf de poule, le poulet fe forme du blanc, qui eft la femence de la poule, & s’en nourrie dans les premiers jours de fa forma- tion , & dans les derniers il fe nourrit du jaune , qui vient du plus pur fang de la poule ; fi bien que le blanc de l’œuf ayant du rapport à la femence de la femme, on peut dire que la génération fe lait dans la femme comme dans les œufs, & qu’elle con- tribue à la formation d’un enfant, en donnant de la femence de fon côté, aulfi-bien que les femelles des oifeaux. Que dira-t-on des poules châtrées, à qui on a arraché l’ovaire, comme le réceptacle de leur femence, pour les rendre Æériies, greffes & tendres ? 68 Tableau Enfin, s’il m’eft permis de me fervif de i’Ecriture-Sainte dans cette occa- lion, je pourrai conclure que la femme a de la femence qui contribue à la génération, puifque I>ieu menaçant les hommes, leur dit, par la bouche de Moyfe, qu’k mettra une haine irréconciliable entre la femence de la femme & la femence du ferment, en parlant de la poftérké de l’un <5c de l’autre. ARTICLE IV. Vjdme. de VHomme. NOus fommes perfuadés de l’exif- tence de beaucoup de choies, bien que nous n’en connoilTons pas les qualités. Nous demeurons tous d’ac- cord que nous avons une ame fous l’empire de laquelle mous vivons ; mais nous ignorons ce que c’ell que cette ame qui nous fait agir, & qui mous en empêche quand il lui plaît. Nous ignorons encore quel ell en nous le lieu de la réfidence. Cette ame, qui connoît tout, ne fe connoit pas elle-même ; elle cil comme un œil qui découvre tous les objets, mais qui ne je voit point, & qui ne fait de quelles parties il effc compofé. Cette difficulté que nous avons à comprendre la nature de lame, eft une preuve évidente qu’elle eft faite à l’image de Dieu, qui ne peut être compris lui-même. Cependant, fi nous pouvons efpérer d’en avoir quel- que connoiffance, il ne faut point nous donner la peine d’interroger les Philofophes fur cette matière ; ils en ont trop dit pour dire vrai. Leur in- clination naturelle, & les diverlés paffions de leur ame, les ont fait fou- vent tomber dans l’erreur, parce que ces deux choies ne les ont pas tant portés à examiner notre ame avec join , qu’à en juger avec préoccu- pation. Car, rinclination qu’ils ont eu pour la grandeur, l’élévation & l’in- dépendance, les a engagés infenlible- ment dans une faulTe érudition , où ils ont vu des chofes vaines & inuti- les, qui ont flatté leur orgueil fecret, en les faifant admirer de tout le monde. Les paffions les ont fait fortir hors d’eux-mêmes, pour leur repré- ienteries choies* non pas félon qu’elles de l’Amour conjugal. 69 70 Tableau étoient en elles-mêmes, pour en for-» mer dos jugements de vérité, mais félon le rapport qu’elles avoient avec eux pour flatter leur inclination & celle de ceux à qui ils étoient unis, ou par nature ou par volonté : car l’union, naturelle que Ton a avec ceux qui font autour de nous, par la ref- femblance du tempérament, de la profeflion & de la faufle religion où l’on a été élevé, efl; fouvent la caufe de beaucoup d’erreurs où l’on tombe tous les jours. Nous les communiquons enfuite à d’autres, parce qu’on nous les a com- muniquées , & nous en fommes pcr- fuadés, parce que nous ne les avons pas confidérées avec allez d’attention, & que nous n’avons pas été allez délintérefles pour en bien juger. L’amour des choies nouvelles & ex- traordinaires nous préoccupe fouvent en faveur de ce que nous prenons pour des vérités cachées ; & j’avoue lincércment que tout ce qui porte le caraétere de l’infini, comme l’ame, ell capable de troubler l’imagination de de nous féduire, à moins que d’avoir des principes infaillibles, qui noirs paillent conduire dans toutes les difficultés qui Te préfencent fur cette matière. Car, quelle apparence de juger lequel des fentiments eft le plus véri- table touchant la nature & l’origine de l’ame dans les livres de ceux qui en ont écrit ? Mais, fans m’arrêter ici aux Philolbphes Païens, je dirai que plufieurs Chrétiens ont cru que l’ame de l’homme etoic une fubllance cor- porelle , & par conféquent périflable, Paire d’air ou de feu, ainfi que l’a décidé quelque Concile contre les Païens, qui la croyoient incorporelle, & par conféquent immortelle, comme ont été Démocrite, les Epicuriens & les Stoïciens. D’autres Chrétiens ont foutenu le contraire, & ont dit, avec les derniers Conciles, qu’elle étoir incorporelle, 5c par conféquent exempte de tous les accidents qui arrivent aux corps. Quelques-uns ont enfeigné que, félon le langage de l’Ecriture, elle étoit le fang de nos veines, puifque l’ame nous quittoit quand nous en perdions beaucoup. D’autres , comme les Ma- nichéens , ont dit qu’elle étoit une portion de la lumière célefte, 5c les Sociniens de notre temps ons de l'Amour conjugal. publié qu’elle écoit un vent délié & ïubtil. Enfin, il y a tant d’opinions fur la nature de lame dans les livres des Chrétiens & des Païens, qu’il n’y a que Dieu feul qui fâche laquelle cil la plus véritable, & c’eil même une grande queilion de favoir celle qui a le plus de vraifemblance. Cependant, nous nous flattons de favoir que l’ame effc ce qui nous fait vivre, fenrir, mouvoir & comprendre; qu’elleeftune fubilancequi en occupe une autre dans toutes fes parties, & après que, pour l’ordinaire, le plus mauvais s’eft épan- ché , celui qui relie demeure en repos Jufqu’à ce que, dans un mois ou environ, il y ait encore une nouvelle matière qui le trouble & qui le taile fortir ; car, fi nous faifons rélîexiou aux qualités de la lemcncc de la T ABI E A U femme, nous demeurerons d’accord que ce levain n’a point de force pour eau fer de plus prompts mouvements. Si le fang eft dans un jufte tempé- rament , comme il arrive dans les femmes qui fe portent bien , la fer- mentation s’acheve promptement, <5c l’évacuation de leurs réglés finit à peu près dans trois ou quatre jours ; mais fi le fang efl plein d’excréments, de crudités ou de pituite, quelle appa- rence y a-t-il qu’il s’échauffe & qu’il fe fermente fi promptement ? fa fer- mentation dure alors plusieurs jours, & fon épanchement ne fe fait qu’avec douleur. Ce fang efl comme du moût qui a été depuis peu exprimé de quelques grappes de raifins ; on a beau rapprocher du feu , il ne s’en- flamme point, «5e s’il s’échauffe un peu, ce n’eft qu’avec peine : au con- traire , fi le fang contient des matières bilieufes & fouffrées, la fermentation s’en fera plus promptement, 5c la femme qui en fera incommodée, ne manquera pas d’être attaquée de dotr* leurs de tête , de flancs 5c de fes par- ties naturelles, qui feront quelquefois enflées par l’âpreté de l’humeur qui en fort. Ce font les accidents que DE L’A MOUE CONJUGAL. 91 92 caufent les régies dans une femme mal faine ; mais tout eft pur dans une femme pure, & Tes fleurs, qui Ton: auln vermeilles & aufîi épurées que le fang qui lui relie dans les veines, île lui apportent que de la joie & de l’a 11 cg relié. i. Cette opinion ne paroîtroit pas encore allez bien établie par tout ce que nous venons de dire, fi nous n’apportions des raifons pour la con- firmer. Une des principales, que l’on peut alléguer, c’eft que la plupart des femmes, dans le temps de leurs réglés, font fujettes à une eipece de ftevre, ou du moins à une émotion iiniverfelle qui y a beaucoup de rap- port, ce qui montre qu’il fe fait alors une fermentation dans toute la malle du fang. a. D’autre part, s’il eft vrai, comme viens de le dire, que le fang ne bouillonne dans les veines des femmes pour l’évacuation des réglés, que par îe moyen de la femence qui s’y mêle, il eft abfolumenc nécelfaire qu elles aient cette femence avant que de nous donner des marques de leur fécondité par l’épanchement de leurs réglés. C’ell la raifo-n pour laquelle T a b m 11 nous voyons quelquefois des femmes nous donner des fruits fins nous avoir fait paroître des Heurs, parce qu’elles n’ont pas affez de femence pour exci- ter leurs réglés, & qu’elles en ont affez pour faire un enfant ; témoin cette femme de Montauban , dont parle Rondelet, qui accoucha douze fois, & cette autre femme de Tou- loufe, dont Joubert nous fait l’hiftoire, qui eut dix-huit enfants, fans que l’une ni l’autre enflent jamais fu ce que c’étoit que les fleurs des femmes. 3. D’ailleurs, une jeune fille de quinze ans fe fenr vigoureufe & entre- prenante , de lâche & de timide qu’elle étoit quelques années aupara- vant. La voix lui groffît alors ; fes yeux deviennent étincelants ; la cou- leur de fon vifage eft vive; fon hu- meur ell gaie ; elle fait gloire de montrer fa gorge, qui s’enfle peu à peu, pour faire connoître qu’elle efl: en état d’être mile au rang des fem- mes ; fon fein s’efl: déjà élevé jufqu’à la hauteur de deux travers de doigt, & fon fang bouillonnant ell prêt à fortir de fes vaifleaux ; elle donne même à fa mere des marques de feux fecrets que la nature commence à de l’Amour conjugal. 93 allumer dans fon fein ; comme les petites chaleurs & les légers empor- tements lui font alors fort naturels, ils doivent aullî faire connoître qu’elle a befoin d’être obiervée de fort près pour ne manquer pas à la pudeur du fexe, & encore le plus fouvenc n’y réudit-on guere. En vain de nos jeunes coquettes On vous voit, meres inquiétés. Conduire les yeux & les pas. L’amour a mille Sc mille appas ; Et pour furprendre, un cœur fait des routes fecrettes, Que vos foins ne connoiffent pas. En effet, c’eft alors que la femence d’une Elle, mêlée parmi fon fang, ne le fait pas feulement fermenter, mais qu’elle élevé fa gorge, qu’elle lui échauffe l’imagination, & lui infpire de l’amour pour fe perpétuer par le moyen de la génération. 4. C’eil alfurcment par le défaut de fcmence ,quc Phcetufe perdit fes réglés à la fleur de fon «âge : elle devint fi feche, par la triflelfe qu’elle conçut de l’ablènce de fon mari, que lans doute fes tcllicules étant alors privés Tableau 15 E i’AmOTTR CONJtTGAt. 95 de leur fonction ordinaire, & étant devenusétiques & delTéchés,ne furent plus en état de fournir à la maffe du fang une matière pour la faire bouil- lonner ; & parce qu’elle n’étoit plus femme par l’épanchement de Tes réglés, elle perdit auffi fon tempéra- ment pour prendre celui d’un homme fans changer de fexe : on la vit toute velue, <5c fon menton garni de poil-> ainfi que le rapporte Hippocrate. 5. Enfin, s’il eft vrai ce que nous rapportent quelques Médecins, que les femmes à qui l’on a coupé la ma- trice & les tellicules, ont manqué des réglés, & qu’elles manquent aulfi des, mouvements ou des efforts que la nature fait de temps en temps pour fe décharger de fon fang fuperfiu , on doit croire qu’ayant perdu les principales parties qui contribuoicnt à faire fermenter le fang dans leurs veines, elles ont auffi été privées de ces épanchements périodiques : car, l’expérience nous apprend que fi l’on arrache l’ovaire aux poules, elles ne font plus d’œufs ; ) , comme je le penfe ; mais ils foutien- nent qu’elle fe fait dans les teflicules des femmes CO, lefquels font pleins d’œufs (d), comme efl l’ovaire des oifeaux ; fi bien que, renouvellant la penfée des Poètes anciens, qui publioient qu’Hélene avoir pris fa nailfance d’un œuf, ils s’imaginent pouvoir établir & prouver enfuite cette opinion par des raiforts & par des expériences fuffifantes. Ils aiTurent donc que les tellicules des femmes ( c ) font de véritables ovaires, où les hommes commencent à fe former ; que les véficules ( e) donc ces parties font compofées, font plei- nes d’une liqueur femblable au blanc d’œuf, laquelle, (voyez la ligure 6 ) félon le fentiment de tous les Anaco- miftes,efl la femence de la femme; que cette femence étant rendue fé- conde par les parties déliées <5c fpiri- tueufes de la femence de l’homme, qui, étant dardée dans la matrice (a), fe fait palfage dans les trompes (b) f pour entrer enfuite dans les teflicuîes de la femme ( c ), communique la vertu prolifique à l’œüf ou atix œufs(d) qui font les plus près des membranes des tefticules, ou les plus diipolés à recevoir fon impreilîon féconde, quand il s’en engendre un ou deux fœtus ; que l’une des trom- pes (b) fe courbe alors pour commu- niquer à l’œuf (ci), qui eld difpofé dans l’ovaire à recevoir ce quelle a t)E l’Amour conjugal. 113 Tome IL reçu de la matrice (a~)-, qu’en ce temps - là ces mêmes trompes ( b ) demeurent quelque temps comme colées au teflicule en (f), pour y faire une imprefiion de fécondité, ou pour recevoir l’œuf (d), où l’homme com- mence déjà à fe former, ce qui le fait dans les lapines au troihcme jour, & peut-être dans les femmes quatre ou cinq jours après leur con- ception , comme le penfe Kcrkringe ; que les vélicules (e), d’un côté, les boules ou les œufs {b) de l’autre, (c’efl ainfi qu’ils les appellent indiffé- remment ) le groffilfent, pendant quelque temps, dans le teflicule ( c ), de que l’on enveloppe, ou la véhi- cule (e), qui contient la femence de la femme , & qui efl une partie effen- tielle du teflicule, fc g'roffit aufli & fe fait glanduleufe, afin de conferver les efprits de la femence de l’homme, qui font les agents de la créature à venir, & de fournir aufîi à la boule des humeurs pour la formation e x’Amour conjugai. Cet entendement fe mêle avec Famé, ou plutôt fe joint ou s’unit à fa fubflance ; &, ce qui nous furprend encore plus, aux efprits & au corps de l’homme, pour ne faire enfuite qu’un homme animé d’une feule forme. Il feroit difficile de s’imaginer com- ment fe joignent ces fubflances fi éloignées entr’elles, fi l’expérience ne nous en convainquoit à tout moment; car, fi mourir efl la définition de ces parties, vivre fera affurément l’union & la fociété de ces mêmes fubflances. Si j ’étois obligé de prouver ici des quatre parties qui nous compofent, entre toutes les preuves que je pour- rois choifir, je n’enfaurois trouver de meilleure que celle que me fournit S. Grégoire de Nice, lorfqu’il dit que, puifque Dieu , qui ejl un Etre infini 9 s’ejl mêlé & s’ejl uni /uns confujion toutefois à l’Ame & au Corps de Je fus- Chr 'ifi, qui ejl une créature, nous pou- vons croire que notre entendement peut Je joindre à notre ame çf à notre corps par des décrets d’en haut s def irte que de ces deux premières fubjiances il ne s’en faffe qu’une feule forme dont nous foyons animés. Tome IL L T A B T. E A Ü La femence de l’homme étant donc entrée dans l’une des cornes de la matrice, fait enfler la femence de la femme, & lui fert comme de levain pour la produéHon d’un enfant. Une des caufes de la prompte diflribution, efl une matière féreufe & fperma- tique, qui fe trouve dans la matrice d’une femme féconde, & qui fe mêle avec elle pour lui fervir de véficule. Cette matière vient des vaifleaux 5ç des glandes de la matrice & de fon col par l’cxprelTion de ces parties, par la foule des efprits qui s’y portent, par le plaifir & le chatouillement que la femme y relient, L’aéfivité de famé & de la femence de l’homme, & l’abondance de fes efprits, ne contri- buent pas peu à l’y faire entrer préci- pitamment. La petite vavule C-O > figures 5, p & 11 , qui efl à l’embou- chure du vaiffeau éjaculatoire (£), figure 6 , favorife aufli l’entrée de cette même matière. Elle efl lâche avant & après les réglés, pour faci- liter la conception, qui fe fait en ce temps-là plutôt que dans un autre. La membrane interne de ces vaifleaux a tant de replis, & le conduit qu’elle forme a l’embouchure fi étrofte, qu’il n’y a pas lieu de craindre que ce qui eli une fois entré en puiffe fortir que dans fon temps. Il feroit bon de remarquer ici ce que nous avons obfervé ailleurs, que les cornes de la matrice d’une femme avoienc trois ou quatre petites cellu- les (p) , figure 5 , qui fervoient comme de forme ou de mefure à la femence de la femme & à la matrice de chaque enfant ; c’eft pour cela que quelques Jurifconfultes ont cru que la matrice de la femme avoir fept cellules, pre- nant la cavité de la matrice pour une leptieme. La matière qui forme la femence vient peu à peu des refti- cules, de eft filtrée au travers de la fubftance nerveufe des vaifleaux éja- culatoires CO, fi§ure C Cet excré- ment des tefticules tombant peu à peu dans les cavités de ces vaiffeaux, prend la figure de la cellule qui le reçoit, & la chaleur naturelle qui agit incefifamment fur tout ce qui eft dans le corps, agififant aufii fur cette femence, produit tout autour une petite peau mince & délicate qui forme une boule, quand cette boule ou cet œuf a été rendu fécond par la femence du mâle. Cette membrane r>E l’Amour conjugal. 123 Tableau n’eft pas fi ferme ni G dure dans le lieu que la boule a reçu la derniere goutte de femence, qu’eilp eft ferme ailleurs ; & c’eft par-là que la femence de l’homme fe communique à celle de la femme, comme la femence du coq fe communique à l’œuf de la poule par la tache du jaune, & que l’humeur de la terre fe filtre dans la femence d’une plante par fon germe. J’ai remarqué dans un œuf de poule couvé, qu’après le premier jour, l’on- gle du jaune, la cicatrice ou le petit point blanc, ainfi qu’on voudra l’ap- peller, qui eft environné d’un cercle jaune obfcur, étoit beaucoup plus grand qu’il n’étoit avant que d’avoir été couvé. Le deuxième & le troifieme jour la tache s’étant augmentée pref- que de deux fois autant, j’ai jugé que l’ame du poulet réfidoit dans cette partie, que c’étqit par-là que la femence du coq étoit entrée dans l’œuf, & que le cœur s’y vouloic former, puiîque j’y remarquois un il prompt changement. C’eft donc un petit point de la femence de la femme, s’il m’eft per- mis de comparer les bêtes aux femmes, que fe communique l’ame de l’homme de l’Amour conjiIôal. avec toute la matière qui la porte, ce qui arrive au même inflant que la conception s’accomplit ; & c’efl audi alors, ainli que nous l’avons dit ail- leurs , que l’entendement y paroîc pour difpofer toutes les parties à obéir enfuite à Tes ordres. Comme les fruits jouiffent de la même ame que les arbres auxquels ils font attachés, ôc qu’en étant définis, ils portent dans leurs femences des principes femblables à ceux qui ont formé les arbres dont ils ont été dé- tachés , ainli la houle de la femence de la femme étant attachée au vaif- feau jaculatoire , jouit alors de la même ame que la femme ; mais dès que cette boule a été rendue féconde par la femence de l’homme, qui s’y efl mêlée , alors elle a un principe indépendant & une ame particulière. Ce qui me fait croire ‘que cela efl delà forte, c’efl que je vis, la nuit du 13 Janvier 1680, Mademoilélle L... après de prenantes tranchées, rendit environ deux cents boules ou petits ceufs fans coquille ( ci) ; <5c c’efl ce que quelques Anatomifles modernes ont appelié fort improprement hydati- des (a). Chaque boule étoit attachée Tableau par fa petite queue (h), qui tenoît à des fibres charnues , tiffues 6c entre- laffees enfemble. La moitié des boules éroient greffes comme le bout du doigt (a), 6c l’autre moitié comme de petits pois ( c) ; elles étoient toutes tran(parentes, 6c la membrane qui les couvroit étoit allez dure. L’humeur qui y étoit contenue étoit claire, 6c en quelque façon gluante ; elle éroic un peu falée 6c âpre au goût, 6c je ne doute pas que ce ne foient de pareilles boules qui occupent ordinairement les cornes de la matrice quand elles font prolifiques. Comme celles-ci n’avoient pas été rendues fécondes par la bonne jémence du mari, 6c que les vaiffeaux éjaculatoires les avoient rejettées comme inutiles, c’eft de-là, fans doute, qu’étoit venu ce faux germe , comme on le voit dans les figures 5 & 7. Les femences de l’homme 6c de la femme étant mêlées, le communi- quent l’une à l’autre leurs qualités réciproques. Le peu d’âpreté de celle de l’homme, avec fon odeur vireufe 6c fulfurée, pénétré toutes les parties de la femence de la femme, 6c en taie mouvoir tous les petits corps i 6c la feraence de la femme étant d’une fubftance un peu vifqueufe & d’une qualité un peu âpre, n’obéit pas fi-tôt à la pénétration des qualités de celle de l’homme; ainfi, faction eft lente, & les mouvements de toute la matière enflée , en font languiflants ; fl bien que l’on ne peut remarquer aucune chofe dans la formation du fœtus avant le neuvième ou fe dixième jour, ou, pour mieux dire, avant le quatorzième , après lequel on peut obferver les veflies tranfparcnres Çdj, en fuite la goutte de fang & le point faillant, qui, par fon mouvement, donne des marques allurées de vie * : fi bien que ceux qui nous ont affûté avoir découvert quelque chofe au fixieme ou au huitième jour après la formation du fœtus, nous ont voulu aflu rément furprendre. Mais, avant que de l*afler outre , découvrons la maniéré dont la nature fe lert pour faire fermenter les deux femences unies; car, puifqu’on de- meure d’accord que nous ne vivons que par la fermentation, il faut auflî que ce foit par fon moyen que nous commencions à être formés. de l’Amour conjugal. * Foyii U figure ci-après 3 page 148, JL 4 Nous (avons que le levain a deux fortes de fubffances ; la plus grolîiere devient de même nature que la matière avec laquelle on la mêle r ôc la plus fubtile fait lever cette même matière par la pénétration, & par l’agitation qu’elle excite dans les corps différents de toute la maffe : ainfi, la partie la plus terreflre & la plus vifqueufe de la femence de l’homme, fert, en partie, à compofer les parties fper- matiques de l’enfant, & la plus fpiri- tueufe eff employée audl, en partie, à produire les efprits & famé de ce même enfant; ce qu’elle fait par la fermentation qu’elle feule caufe dans toute la matière qui le compofe. Plus le levafin a de parties fubtiles de pénétrantes, & plus la matière fur laquelle il agit eff foufffe & aifée à ménager, plus aulfi il avance fon action; témoins les garçons, qui font plutôt formés que les filles, & les pigeons mâles, qui naiflent le plus fouvenc avant les femelles, la matière dont ils font faits ayant plus de cha- leur <5c d’efprits. La femence de l’homme fermente donc peu à peu toute la maffe de la boule, en précipitant toutes les parties Tableau de l'Amour conjugal. les plus grolfieres, 6c en élevant les plus agitées 6c les plus fpiritueufes. Son odeur virulente la dillbut & en ouvre la matière, la fulfurée la préci- pite, 6c la qualité âpre de la femence de la femme la ralîembleôc l’endurcit ; fi bien qu’au bouc de dix ou douze jours, il fe fait dans la partie inférieure de la boule une goutte d’eau trans- parente 6c claire comme un criflal fondu CdJ, qui eft l’elixir 6c l’extrait des efprits de l’homme 6c de la femme. Cette petite ampoule d’eau Çdj fe divife ordinairement en deux, ôc quel- quefois en trois parties, fi nous en croyons Cognatus 6c Félix P latents. Le dernier 1 un-e femme qui faifoit prefque tôvâ les ans des fauifes coucher qui rendit un jour une boule rond*, £c blanche de la grofleur d’une noilècte, qui étoit cou- verte d’une petite peau mince, que l’on pourroit appeller amnios, 6c qui renfermoit trois véhicules tranfparen- tes CCJ, dont l’inférieur étoit la plus pâle CdJ. C’eft dans cette humeur diaphane 6ccriflaline que lame le place pour obéir de-là aux ordres fupérieurs de l’entendement, qui n’occupe point de lieu, & qui eft cependant par-tout ce petit corps pour difpofer Tes organes de la maniéré qu’il le veut. Dans la partie inférieure de cette boule, où ce Médecin remarqua la véhicule la plus pâle, eft placée la matière la plus pefante des parties fpirirueufes des deux femences : elle ferr à former le cerveau, qui efb la partie, dans les enfants, la plus grande, la plus pe- fante & la plus froide ; aulTi obfer- vons-nous que la tête des enfants qui font dans les entrailles de leurs raeres, eft toujours en bas, lorfqu’elie eft fttuée félon les loix de la nature. En effet, on apperçoit une goutte d’eau tranfparente qui le forme au commencement • du troifieme jour dans un œuf de poule couvé, & je ne doute point que ce ne foit-là que le cœur fe place pour faire enliiite fous les organes qui peuvent fervir à fon mouvement. Ce petit corps qui fe forme dans les entrailles de fa mere, eft déjà comme un enfant émancipé qui n’a befoia d’aucune autre conduite que de la lienne propre pour mettre toutes fes parties en ordre, & pour les placer où elles doivent être. Cependant la Tableau nature, qui prévoit les befoins de cec embrion , enfle le conduit où il fe forme, & tire peu à peu des teflicules & de quelques petits vaiflfeaux ner- veux qui fe gliflent de la matrice aux cornes, les aliments qui lui font né- cellaires. Elle en fait de même de l’autre côté ; elle envoie de la matrice à la corne vuide, aufli-bien qu’à celle qui eft pleine ; & ainfl, ces vailfeaux éjaculatoires s’enflent tous deux pres- que également, & j’en ai vu qui croient aufll gros que l’un de mes doigts. Vers le quatorzième jour de la conception, plus ou moins, félon la chaleur de la matrice, l’abondance des efprits, la vivacité de lame, la diverlité du fexe, la difpofition du temps & de la failbn, enfin le tempé- rament de la femme & de la matrice même, il naît dans l’une des ampou- les tranfparentes , un poing rouge ou une goutte de iang(e) qui s’agite d’elle-même ; & je ne doute point que ce ne ioient les petites oreilles du coeur, ou le cœur même, qui, par fes premiers mouvements de dila- tation & de reflérrement, veut fe fabriquer des organes j. our donner la de l'Amour conjugal. vie au petit enfant qui commence à fe former ; car, comme c’efl à l’en- tendement à placer toutes les parties en leur lieu, après leur avoir donné a chacune une figure convenable, c’ell auiïi au cœur à les perfectionner & à les nourrir. J’avoue que je fuis en peine de dire fi le fang efl formé avant le cœur, ou le cœur avant le fang ; mais, quoi qu’il en foit, je fuis pourtant perfuadé que l’inftrument doit être fait le der- nier, puifque l’entendement n’entre- prend l’ouvrage du cœur que pour contenir le fang, pour diftribuer les humeurs , & pour communiquer la chaleur & la vie à toutes les parties les plus éloignées du corps ; mais, parce que la fermentation a donné l’être à ce petit corps, il eft aufii raifonnable que la fermentation le perfeétionne par le moyen de l’ébul- lition qui le fait inceffamment dans fon cœur. Ceux qui ont examiné, après le troifieme jour, un œuf de poule couvé, auront obfervé, aulîi-bien que moi, qu’auprès de la cicatrice où s’étoient formés les trois véficules clairs comme l’eau coulante d’un Tableau de l’Amour conjugal. rocher, il paroît une goutte de fang , que l’on appelle fort à propos le point faillant (e), puifqu’il a des mouve- ments réglés, & qu’il fe refierre <5c s’élargit comme le cœur. Cette partie de l’animal, qui fe forme la première dans le blanc de l’œuf auprès de la cicatrice, par l’in- duflrie de l’ame qui y réfide, eft celle qui doit enfuite travailler à la per- fection du poulet. Cette goutte de fang, qui paroît quatorze jours après notre concep- tion , ell une partie principale de notre corps, l’organe de toutes les opéra- tions de l’ame, l’origine des efprits , la fource des parties fanguines, le liege de la chaleur naturelle, le trône de l’humide radical par lequel nous vivons ; en un mot, l’extrait de l’ame de nos parents, & une chofe qui a du rapport à l’huile que nous tirons des femences des plantes. 134 T A B L Ë A TT Second degré de la formation de L'Homme. LA boule animée demeure encore dans le lieu où la nature l’a d’abord placée : elle ne s’enfle guere, parce qu’elle ne reçoit prefque point d’humeur qui puilTe abondamment fe communiquer au petit projet qui s’y forme. L’entendement qui y cil renfermé, eft alors occupé à bâtir un domicile pour fa demeure ; il a allez de matière chez lui fans en recevoir d’ailleurs, pour commencer routes les parties qui lui font néceflfaires. Il a déjà ménagé ce qu’il y avoir des plus fpiritueux dont il a fait comme une iriariere de verre fondu , cù il a placé ic point Taillant (e), figure 8. Il pré- tend de ce point distribuer la matière & les efprits, pour former ôc nourrir les parties principales qui dévoient être fabriquées les premières. Il ne faut pas s’étonner fi de la plus pure portion des deux femences unies, il fe forme une goutte de làng. Des changements femblables ne font pas extraordinaires dans la nature, ni au-dcffiis de Tes forces ; car, fi les femences de nos parcnrs viennent de la plus pure portion de leur fang, quelle difficulté y a-t-il de croire qu’elles ne puiffent encore retourner en une fubflance pareille ? Les ali- ments , de quelque couleur qu’ils foient, fe changent dans l’eftomac en une matière blanche, & l’artifice nous fait voir tous les jours du blanc fe changer en rouge, & du rouge en blanc par le mélange de diverfes liqueurs ; fi bien qu’après cela on ne doit pas s’étonner fi, avec du blanc , J’ame, ou plutôt l’entendement, fait du rouge, & fi de la femence de nos parents, il fe forme du fang & des humeurs rouges. Le vingtième jour la génération s’avance d’une maniéré furprenante ; alors le cœur bat plus fort qu’aupa- ravant ; & s’agitant avec force pour obéirait Maître qui le commande, il commence à frapper doucement le vailfieau (é), figure 6, oit il efb ren- fermé , de à l’irriter par fes petits battements. Ce conduit qui en fent l’agitation, commence auffi à en être ému , & à faire de petits mouvements périflalciques & ferpentins, pour fe de l’Amour conjugal. T A 3 t E A TT décharger, en faveur de la matrice, du riche dépôt que la nature lui a confié. Cependant, le coeur Terrible alors être partagé en deux parties qui re- préfentent ou Tes petites oreilles, ou Tes ventricules. Il Te meut Tans ceffe par les efprits 6c par la fermentation de Ton Tang ; 6c comme famé perfec- tionne le cœur de Ton coté, le cœur darde auffr du Tien, par Tes mouve- ments réitérés, un peu de Tang dans les petits conduits, qu’il forme à mefure qu’il pouffe avec force l’hu- •fneur de lés petites cavités ; tellement que Ton apperçoit alors deux petits fils rouges Tortir du point Taillant, qui Te produifent 6c s’allongent enfuite avec le temps. Au-defTous du cœur on voit tou- jours une autre petite velîie un peu pâle, de couleur de corne, comme l’a remarqué Cognatus, qui croît plus que le relie ; 6c je ne fais aucun doute, ainfi que je l’ai remarqué ailleurs, que ce ne Toit le cerveau , qui n’efl d’abord fait que pour le cœur, félon la penfée d'Arijlote , 6c qui doit, auffi de Ton côté, travailler 4 la formation des parties fperma- de l’Amour conjugal. tiques, comme le cœur fait du fieu à la fabrique des fanguines C d ), figure 8. Le farig avec l'entendement fait toutes chpfes dans la formation d’un enfant ; 6c fi, dans les premiers mois de la génération , il nous eft impoffi- ble d’appercevoir du fang qui vienne des arteres de la mere pour la Kourri- îure de l’enfant, ceïte humeur blan- che, fpermatique 6c nerveufe qui y eft inceflamment portée, ne laide pas pourtant de le nourrir, <5c de venir de la plus pure portion du fang de la femme. Le fang eft fait de deux fortes de matières, l’une eft cuite & l’autre eft crue : celle-ci n’eft autre chofe que le chyle, qui n’eft pas encore fang, & qui pourtant eft ami de la nature. Cette derniere humeur eft la matière qui eft fi abondante dans la femme greffe ou accouchée , <5c qui fert à nourrir fon enfant ; car cette matière fe filtre par des pores qui lui font propres, & fert enfuite à nourrir 6c à faire croître l’enfant ; outre que la femence de l’homme, qui a commu- niqué fa vertu fermentative à toute la mafie du fang de la femme, a rendu liquide & comme fondue, pour ainh Tome 11, M Tabie AÏÏ aire , une partie de Son Sang pour Servir aux mêmes u Sages. Les cornes de la matrice fe remplis- sent l’une & l'autre de cette Semence pour fournir à Fembrioh l’aliment qui lui eil alors plus convenable. Celle qui eft vuide en eil route remplie , t5c l’autre, oui conferve le précieux tréfor de la nature, en eil aufll garnie au coté de la frange, fans que cette humeur en puiiio Sortir : elle s’y épaillit oc s’y emb’àrraffe tellement parmi les fibres, qui y font en grand nombre, que l’extrémité de ces deux ■vaifléaux en eil entièrement bouchée.. La boule croit chaque jour d’une façon étonnante ; 6c comme les Se- mences jettées en terre s’enflent 6c fe nourriflent par l’humeur qui pénétré leurs membranes, ainfi la plus Subtils portion de la Semence de la femme, qui touche la boule, fe fait pafiage en forme de fucur à travers la pente membrane qui la compofe, afin de Subvenir à lés néceflicés. C’eil ainli enfin que le petit oeuf de poule le groffit en defeendant de l’ovaire, lans qu’il foit arraché à aucune des parties de la poule , ainfi que Inexpérience pous le fait voir. DE l’ÀMOUE. CONJUGAL. 139 Le vingt - cinquième jour tout s’avance encore plus: l’on apperçoic déjà le commencement du poumon 6c du foie qui naillenc à l’extrémité des veines ou des arreres ; car il n’efl pas aile en ce temps-là de dire quels vain eaux font ceux que l’on voit, à caufe qu’ils font privés de mouve- ment. S’il le faut pourtant conjeéhi- rer, je penfe que ce font plutôt des ancres que des veines. Le poumon & le foie naident donc à l’extrémité des *vaidéaux, comme l’agaric fait fur la mélaïfe : ils parodient d’abord blan- châtres par la difpolition des fibres que l’entendement a fabriquées, Sc puis rougeâtres par l’arrofement du fan g du cœur. Bien que l’humeur rouge du cœur croiife de jour en jour, elle n’a pour- tant point d’autre matière pour fe multiplier qu’une partie délicate ds la femence, qui efl confervée entre fes membranes, & qui coule des tediculcs de la femme, ainfi que nous l’avons obfervé. On voit clairement, par les démar- ches de la nature, qu’il lé fait du fan g avant le poumon & le foie, qu’il y a du mouvement avant que le cerveau foit formé, & que le corps fe nourrit s’augmente avant que l’eflomac foit en état de faire le chyle & les boyaux de le diftribuer. On voit même alors des excréments de la leconde coéfion , & le foie ne commence pas plutôt à fe faire, que l’on y apperçoiu une petite vefîie de fiel, diflinguée par fa couleur verte. En ce temps-là la matrice eft encore vuide dans quantité de femmes (a) ; les réglés , qui coulent fouvent à quelques jeunes perfonnes fanguines' andc verte. Tableau Cependant toutes les parties de l’embrion ne font pas encore parfaites. Le cœur, le poumon , la rate, les reins & les boyaux femblent être fuf- pendus & comme attachés hors de fon corps : les yeux font comme deux petits points noirs marqués à la tête; l’épine du dos & les côtés parodient plus forts ; les mains & les pieds commencent àfoformer; les vailfeaux lé groffiflent & s’allongent ; l’on s’ap- perçoit même de la production de ceux du nombril , qui font chercher dehors de quoi faire vivre cette pe- tite créature. C’efi: ce qu’a remarqué Kiolan dans l’enfant d’une femme dont il fit la difieélion. L’embrion fe nourrit peu à peu de ce qu’il choifit entre la membrane qui l’enveloppe, & qui s’élargit de jour en jour par l’acroillémenr du petit corps qu’elle renferme, ce qui n’empêche pourtant pas qu’il ne forte de l’une & de l’autre corne de la matrice une humeur blanche & fpermatique , qui n’a pas jufques-là abandonné le fœtus, & qui lui eft tellement néceflaire, que fans ce principal aliment, je ne doute point qu’il ne ceflât bientôt de vivre. Mais, parce que peut-être on diroit de l’Amour conjugal. que J’en impofe, en rapportant tant de particularités fur la formation de l’homme ) comme fi j’avois été le témoin des aélions delà nature, j’ai réfolu de la confirmer par les expé- riences que j’en ai faites, & par celles que les plus lavants Médecins m’ont fait remarquer fur ce fujet. Si l’on peut comparer les animaux avec l’homme, je puis dire, dans la remarque que j’ai faite de la nourri- ture du poulet, que ce petit animal ne fe nourrit d’abord que du blanc de fon œuf : il l’épuife prefque entière- ment avant que de toucher au jaune ; fi bien que le jaune eft prefque tout entier quelques jours avant qu’il forte de fa coquille. J’en dis de même d’un enfant qui fe nourrit dans les flancs de fa mere. Une matière blanche, qui n’efl autre chofe que la femence de la femme, lui fert d’abord de nourriture ; & comme cette matière n’efl; pas fuffifante pour le nourrir, le fang de la mere, qui a du rapport au jaune d’œuf, lui fert aufli de nourriture dans les derniers mois de fa prifon. Avicenne, l’un des plus curieux Obfervateurs de la nature qui ait jamais paru, amodie cette vérité. Tome IL N 146 lorfqu’il nous rapporte qu’il a appareil le fœtus comme fufpendu par deux petites attaches fpermatiques (a) qui fartaient de dune & de Vautre corne de la matrice (h), & je ne doute point que ce ne f oit par-là qu’il fe nourrijfe , avant qu il vive du fang des entrailles de fa mere. Varole a au fil obfervé la même choie, lorfqu’il remarque que les veines dorfales du fœtus, qui les fu[pendent, f orient des deux cornes de la matrice en forme de cheveux. Ces petites atta- ches s’effacent, félon la remarque de ce Médecin, dès que les vaiffeaux du nombril pénètrent la membrane qui environne le fœtus, & que la matrice commence à diAiller une petite rofée de i'ang, qui forme la petite charnue de l’arriere-faix , qu’Arantio appelle fort proprement le foie de la matrice. Pour moi, qui me fuis beaucoup appliqué à examiner les principes de la formation de l’homme, j’ai remar- qué dans la matrice, au commence- ment de la grofTefle de quelques femmes que j’ai difiequées, des vaif- feaux blancs & lymphatiques parmi de fanguins ; ils defeendoient vers fon orifice , & il fembloit qu’ils Tableau formoient plufieurs valvules, pour retenir plus aifément l’humeur qu’ils contenoienr. En ce temps-là, le fœtus eft gros comme le pouce Ce), & il paroîtde la groffeur d’un œuf de poule, lorf- qu’il eft couvert de fes membranes. Sa tête, qui eft aulîi greffe que tout le refte du corps, renferme une fubf- cance femblable à du lait caillé : à voir fa bouche fendue, on diroit que c’eft un chien fans nez de fans oreilles; fes parties principales ne paroilfent plus à découvert ; on diftingue alors plus aifément le fexe par la diverfité des parties naturelles qui font faites les d-ermeres; car l’entendement ayant: un chef-d’œuvre à faire, il étoit bien jufte qu’il y travaillât long - temps avant que de le perfectionner ; 5c je ne doute pas que ce ne foienc les grands avantages que poffedent les parties naturelles, qui en ont retardé la formation. Le liege de l’ame dif- tributive, 5c les parties par lefquelleî la volupté fe communique à l’homme, 5c par lefquelles il devient vigoureux, hardi, ingénieux 5c fécond, ne fe forment pas en peu de temps, comme les autres. DE l/AMOUR CONJUGAL On commence au fécond mois de la lune à dillinguer deux membranes, donc l’enfant ell enveloppé. La pre- mière qui paroît à nos yeux, & que les Anatomiftes appellent corion , femble avoir été faite par la femence de l’homme & par fa chaleur natu- relle , qui, agilTant fur la femence de la femme lorfquelles s’alfemblent dans l’une des cornes de la matrice, en a formé une boule. La fécondé eil celle qui touche immédiaremnt l’enfant, que les mêmes Anatomifles ont nommé amnios, à caufe de la femence de l’homme & de la femme par le moyen de la même chaleur, donc l’entendement s’ell d’abord fervi pour faire la petite vefiie diaplane & nanf- paretue, que nous avons remarquée au commencement de la conception. Ces deux membranes {ab) renfer- ment donc l’enfant (c) ; & parce qu’elles croilfent peu à peu , à mefure que l’enfant fe nourrit, elles prefl'ent aulfi & élargiflent également la ma- trice. La membrane externe touchant fortement fon fond, fe joint & fe cole à la fuperficie interne de cette partie là par un peu de fang qui en coule goutte à goutte. Ce fang, en fe caillant Tableau de l’Amour conjugal. parla vertu de lafemencede l’homme, devient clair, & reçoit les vailfeaux (c) que l’enfant y poulie pour y puiler l’aliment qui lui efl convenable fur la fin de fa prifon. Deux arteres fortent des iliaques du petit enfant, une veine les accom- pagne, qui vient de la cavité du foie, & ces trois vailfeaux fe trouvant unis à fon nombril avec le lien quifufpend la velfie, font tous enfemble ce que les Sages-femmes appellent le cordon, qui n’cfl autre choie que l’étui des arteres & des veines de l’enfant allon- gées. Les arteres en évacuent le fang fuperflu e l’Amour conjugal. 187 Il y a deux fortes de fardeaux, qui n’ont de cordon ni l’un ni l’autre , comme a le véritable foetus ; l’un paroit avoir quelque principe de vie, Sz l’autre cli tout-à-fait inanimé. Celui-là ne vient pas feulement de la femence de l’homme & de la femme mêlees enfemble , mais encore de beaucoup de fang des règles ; & c’cfl la raifon pourquoi les bêtes n’en en- gendrent point, n’ayant pas tant de fang de réglés que les femmes, & celui-ci ne procédé que de la femence de l’homme & du fang des réglés, ainfi que nous le ferons voir dans la fuite de ce difeours. Le fardeau animé eft une maffe de chair couverte de peau, fans figure humaine , qui a des arteres &z des veines, avec quelque mouvement obf- cur ; il fe forme de cette forte. Le fang des réglés ne fort tous les mois du corps des femmes que par la fermen- tation que leur femence a excitée dans toute la maffe de leur fang, ainfi que nous l’avons prouvé ailleurs : fi bien que ce fang a toujours plus eu moins de femence dans fa maffe, ck par conféquent cil plus ou moins fafeep- tibie des impreffions que peut lui Tableau faire la femence de l’homme ; car cette femence fait cailler le fang de la femme, au lieu que la femence de la femme ne le mec qu’en mouvement:. C’eft à la femence de l’homme que l’on doit attribuer la formation du fœtus & de barriere-faix, & c’eil aultl à cette même femence que l’on doit attribuer la vertu de faire les deux efpeces de fardeaux, favoir, l’animé & l’inanimé, que nous avons tous deux fouvent obfervés dans les hôpi- taux des pays du Midi, où les femmes grofles font reçues. La femence de l’homme étant donc jettée dans la matrice, y trouve quel- quefois tant d’humeurs qui embralfent les parties aéfives de la fubdance , qu’elle ne peut pénétrer dans les cornes de la matrice pour y former un enfant : elle demeure dans la cavité comme engluée, par l’abondance du fang des réglés qui l’empêche de taira fon aélion. L’ame de cette lemence, qui veut inceffamment agir lorfqu’elle trouve de la matière tant foie peu dilpofée à recevoir fon caraétere, ne peut demeurer fans rien entreprendre. Elle agit donc fur la femence de la femme, qui depuis peu efl forde en de l’Amour conjugal. abondance des cornes de la matrice, & qui s’y trouve mêlée parmi beau- coup de fang des réglés : elle en Forme quelque choie d’animé, mais quelque chofe d’informe ; elle y fait de la chair qui croit peu à peu ; elle y forme des arteres, des veines, des ligaments, une peau, & donne à tout ce compofé un mouvement tremblant & un fenti- ment obicur , comme la nature en donne de femblables aux éponges, C’eft de cette forte de fardeau qu’étoic celui qu’obferva Mathieu de Grades , qui, après être né, ne vécut que quelques moments. 2. Mais, fi la femence de l’homme fe mêle dans la matrice avec beaucoup de fang des réglés, parmi lequel il y ait fort peu de femence de femme, alors il ne fe fait nulle conception, le fang des régies étouffe prefque l’ame & tous les efprits de la femence de l’homme ; & s’il en refte quelques- uns , ils ne fervent qu’à faire cailler & à former quelques veines parmi une chair fans figure , ou s’il fe fait quel- que forte de conception, ce qui efl animé ne vit pas long-temps ; fi bien que l’un & Tautre fardeau , c’eft-à- dire, celui qui a été peu de temps Tableau t>e l’Amour conjugal. animé, 5c celui qui n’a jamais eu de principe de vie, demeurant l’un 5c l’autre fort long temps dans la ma- trice , ils y croilfent comme des poti- rons ou des truffes, 5c l’on en a vu y demeurer quelques années ou toute la vie même, comme la femme d’un Potier d’étain de Paris, qui porta un fardeau dix-fept ans, 5c qui en mourut enfin, félon la remarque d’Ambroife Paré. Tous ces faux germes 5c ces far- deaux fe forment quelquefois tous feuls, comme nous venons de le dire, quelquefois avant le véritable enfant, 5c quelquefois aufîi après, c’eft-à- dire, par fuperfétation. Il n’efl pas plus difficile à croire que la véritable conception fe faffe après la génération d’un faux germe ou d’un fardeau, que de croire que la fuperfétation foit pofîible, de laquelle l’on ne doute plus préfentement, 5c que de croire auffi que le véritable foetus fe puiffe former dans les en- trailles d’une femme, après qu’elle a introduit dans la cavité de fa matrice un pelfaire pour la tenir affujettie, comme l’expérience me l’a fait voir, 5c que quelques autres histoires bous raffurent : car, foie jque le faux germe fe forme dans l’une des cornes de la matrice, foit que le fardeau occupe fon fond, cela n’empêche pourtant pas que le véritable foetus ou que la femence de l’homme ne s’empare de la corne vuide. La fuperfétation d’un faux germe ou d’un fardeau arrive quelquefois, lorfqu’un errant eLt formé dans une des cornes de la matrice, & qu’il ne defeend pas li-tot dans fa cavité. Si, pendant ce temps - là, une femme amoureufe eft carelfee, alors elle peut concevoir une fécondé fois, par la vertu de la femence de l’homme qu’elle reçoit dans les premières femaines de fa groffeffe, & ainfi donner lieu à une fécondé génération, &à la formation d’un faux germe ou d’un fardeau , félon que la matière fera difpofée pour les former. La femence de l’homme entre donc dans la même corne où la véritable conception fe fait, pour y produire un faux germe animé; & y trouvant la femence de la femme vers l’extré- mité de la trompe qui touche la ma- trice , elle imprime fes caraéleres féconds fur une partie des humeurs Tableau t)E i/Amoitr conjugal. qu’elle renferme ôc qui font propres k les recevoir; mais, comme la corne de la matrice, ou cfl le premier foetus qui a toutes fes parties accomplies, en eft irritée après quelques femaines, elle les jette dehors l’une 6c l’autre, le dernier conçu ne faifant que de recevoir fes premiers linéaments. Le véritable & le faux fœtus tom- bent donc dans la cavité de la ma- trice, 6c là s’efforcent d’un côté 6c d’autre d’attirer des humeurs pour fe nourrir ; mais comme le premier formé cfl le plus fort, il s’empare aulli de ce qu’il y a de meilleur dans les parties naturelles de la femme ; au lieu que l’autre, étant languiffant 6c par fa première conformation, 6c £arla pri- vation de l’aliment qui lui eft conve- nable , il demeure imparfait, ôc prend la figure qui répond aux animaux dont nous avons parlé ci-deffus. Quelquefois, au contraire , le faux fœtus fuce ce qu’il trouve de meilleur, 6c ne laiffe au véritable que le fuper- flu 6c les ordures ; d’où vient que ce fœtus ne pouvant vivre de ce mauvais aliment, il languit 5c il meurt enfin avant que de naître. C’efl de-lk qu’eft venu la fable que l’enfant naiffant Tome IL ïv étoit mordu par le faux germe anime, 6c que par Tes morfures il l’empoi- fonnoit de fon venin. On peut ici former une queftion , favoir, fi une femme peut engendrer un faux germe ou un fardeau, fans avoir été careflee d’un homme. Ceux qui font d’avis que les vierges, aufii-bienque les femmes, font fujettes aux défordres de la conception, comme Jules Scaliger 6c Levinus Lemnius le foutiennent, lorfqu’ils difent que Ca- tien a juftement comparé les œufs des poules aux fardeaux des femmes, 5c que ces animaux faifant des œufs fans mâle, une femme pouvoit aufiî faire un fardeau fans la communication d’un homme ; que la forte imagina- tion d’une fille amoureufe pouvoit faire une imprefiion fuffifante fur des matières renfermées dans fes parties naturelles, 6c que de-lâ il pouvoit fe former auffi bien un fardeau que des taches fur le corps d’un enfant; ôc qu’enfin on avoit des exemples de perfonnes d’une vie exemplaire, qui avoient engendré des fardeaux fans avoir été carefifées par des hommes. Mais ce fentiment, qui paroît favo- rable aui femmes qui ont proflitué T A B Z E A V de l’Amour conjugal. 195 leur pudicité, ne fauroit forcer l’efpric de ceux qui ont examiné de bien près les aélions de la nature fur le fait de la génération ; car il elt aifé de favoir par expérience que de toutes les Reli- gieufcs & de toutes les filles qui font au monde, il n’y en a pas une qui ait engendré un fardeau , <5c nous n’avons point d’hilloires qui nous le fade remarquer ; & fi nous en avons quelques-unes, elles nous font fort fufpedes, & nous les croyons fuppo- fées : car, outre plufieurs raifons, les filles n’ont pas les vailfeaux de la matrice alfez ouverts qui puilfenc donner alfez de fang pour en former un : il n’y a que les femmes fanguines & amoureufes, qui foient capables de ces fortes de générations, quand elles s’allient à contre-temps avec un homme. La forte imagination d’une femme, non plus que l’ardeur excef- five de l’amour, ne font point capa- bles de faire quelque forte de géné- ration, comme Levinus nous le veut faire accroire: car, quelle apparence que l’aétion de l’ame, qui ell imma- térielle , puilfe former des taches fur le corps des enfants, &, qui plus eft, un corps dans les flancs d’une femme? R a C’eft ce que nous avons examiné ailleurs, en parlant des taches des enfants, de que nous examinerons encore au Chapitre 7 de ce Livre. Au refte, on ne pourroit attribuer la caufe efficiente de cette cfpece de génération qu’à la lémence de la femme, qui fe mêle parmi le fang de les réglés pour en faire un fardeau ; mais comment fe pourroit-il faire que cette fcmcnce, qui originairement eft du fangféminin, pût avoir des parties li différentes entr’elles pour faire cailler le fang dont elle procédé, de de plus, pour y former une pèau , des arteres de des veines ? Il n’y a que la femence de l’homme, qui eft d’une toute autre matière, qui puilfe caufer fes effets, de c’eft à celle-là auffi à qui l’on en doit attribuer la faute & la véritable génération humaine. Une chofe ne peut agir fur j'oi-mem.e j il faut qu’elle ait des parties de différente fubflance pour mettre un corps en mouvement de pour en former quelque chofe. Il eft vrai que la femence de la femme peut faire mouvoir fon fang, comme fur la bile lorfqu’elle y efl mêlée, mais elle n’en peut rien former. De plus, perfonne n’a dit jufqu’ici Tableau de l’Amour conjugal. que le faux germe s’engendroit fans la participation d’un homme, & cepen- dant il eft aulîi-bien une erreur de la conception que le fardeau, qui n’efl que la chair de l’arriere-faix mal faite. Difons encore que, li le fardeau pou voit fe former fans la femence d’un homme, nous ne verrions pas fi fou- vent des enfants conçus & liés avec des fardeaux, & Alexandre Benoit ne nous feroit point obferver un enfant de quatre ou cinq mois étoudé au milieu d’un fardeau, dont il tiroit fon aliment comme de la chair de l’arriere- faix ; & Kerkringe ne nous en mon- trerait pas un autre, comme nous l’avons remarqué ci-defius. Ajoutons à cela que, fi le fang des réglés s’dl caillé quelquefois, «5c qu’eu fortant il ait donné des marques d’un fardeau, comme le témoigne Mar~ cellus, on doit croire que ce n’étoic que du fang qui fe caille aifément, lorfqu’il eft pur & qu’il eft hors de ces vai{féaux : fi on le met en l’eau , il fe dilfout incontinent, & on voit par-là que ce n’eft que du fang en grumeaux, & non une fiufïé conception. On peut encore dire que l’équi- R 3 Tableau voque du mot de Fardeau a été la l'eu le caiife que plu heurs Médecins ont cru que le fardeau pouvoit être engendré fans la participation d’un homme. Ils étoient fondés fur les écrits de quelques anciens Médecins, qui ont pris le fardeau pour une humeur de la matrice; mais la géné- ration de ce fardeau ne dépend point du commerce d’un homme avec une femme ; il n’en eft pas de même de celui dont nous parlons, qui ne peut être engendré fans que i’homme y ait contribué de fa part. Enfin, les œufs de poule n’ont nulle proportion aux fardeaux des femmes : il eft vrai que les femmes ont des matières qui répondent affez bien aux matières des œufs, & que celles qui jouilfent d’une famé parfaite, & qui font dans une belle jeunefte, rendent fouvent de la femence proportionnée au blanc de l’œuf, & des réglés qui répondent au jaune, & qui ont l’une & l’autre les mêmes ulàges ; mais l’expérience nous a montré que cette lèmence & ce fang des réglés n’en- gendroient rien, s’ils n’étoient tou- chés par un homme, comme il ne foniroit point de poulet d’un œuf, à r>E l’Amour conjugal. moins qu'il ne fût rendu fécond par la femence du coq. On peut donc conclure, après Hip- pocrate, Arijlou, Galien & plufieurs autres , que les fauflès générations ne fe peuvent faire fins qu’une femme ait été careffce par un homme. Il feroic bon de rapporter ici les fgnes des faux germes & des far- deaux , pour les diflinguer d’avec la véritable groflfefTe, puifque c’efl prin- cipalement l’affaire d’un Médecin, qui ne doit jamais s’y tromper. Si donc une femme efl greffe d’un faux germe ou d’un fardeau, elle a plus de douleur au ventre que celle qui l’eft d’un véritable enfant. Sa dou- leur procédant plutôt d’une caufe qui ell contre les loix de la nature , que de celle qui eft contre Tes équitables décrets. D’ailleurs, elle a les mamelles moins dures <5c moins pleines de lait ; il y en a même qui manquent de lait, & qui nous marquent par-là qu’elles n’ont point d’enfant dans les entrailles. Au refie, le fardeau n’ayant point de mouvement par lui-même, il tombe du côté que la femme fe tourne, au lieu que l’enfant demeure attaché, pa/ R4 200 Tableau ia propre vertu, dans le lieu ou il eft, & qu’on le fent mouvoir de bas en haut, quand on met la main fur le ventre d’une Femme greffe de cinq ou iîx mois, ce que l’on n’apperçoit ni dans un faux germe , ni dans un fardeau. Enfin, une femme a beaucoup plus de peine & plus de tranchées à rendre un faux germe ou un fardeau , qu’un enfant qui donne le branle aux cou- ches , au lieu qu’un fardeau étant immobile, les efforts doivent toits venir du côté de la mere. CHAPITRE VI. S’il y a un art pour faire des Garçons ou des Filles, LA nature a fait tant d’imprefiîon fur les hommes, ou par la loi qu’elle a imprimée dans leur cœur, qu’en dépit d’eux, ils ont une envie fecrette de fe perpétuer. Cette pafiion ell extrême dans quelques perfonnes, & il s’en eft vu qui n’ont rien épargné pour avoir des fuccelfeurs, principa- lement du fexe le plus noble. L’art qui enfeigne ce fecret ne faupoit êtse trop eftimé , puifque c’eft fouvent de-là que dépend le bonheur des Royaumes de la tranquillité des familles.- Avant que de découvrir les réglés de cet art, 6c que de dire ce que l’expérience m’a fourni fur cette ma- tière, il me femble qu’il faut aupara- vant expliquer de quelle maniéré s’engendrent les garçons 6c les filles, afin de faire des remarques plus exaétes pour les réglés que l’on en doit établir, ôc pour fortifier en même temps mon opinion fiir la formation de l’homme, que j’ai expofée au Chapitre quatrième de cette Partie. J’avoue que la queflionefl grande, par laquelle on demande s’il y a un art pour faire des garçons ou des filles, 6c qu’elle efl peut-être la plus difficile qui foit dans la Médecine : je crois néanmoins qu’elle deviendra ailée à comprendre 6c à décider, li l’on veut entrer dans ma penfée, qui explique alfez probablement, li je ne me trompe, l’origine 6c le progrès de la génération. Ce n’efl pas qu’il n’y ait grandes difficultés ici, auffi-biea qu’aiileurs i mais il me femble qu’il y de l’Amour conjugal. 201 202 a plus de vraifemblance dans cette opinion que dans toute autre. Tout le monde demeure d’accord, qu’à parler en général, le tempéra- ment des hommes efl fort différent de celui des femmes ; que les hommes font plus chauds 5c plus fecs ; qu’ils ont une chair plus reflèrrée, une peau plus rude, des membres plus forts & plus robuffes, un efprit plus péné- trant ; qu’ils vivent d’aliments plus durs, plus chauds 5c plus fecs,& que leur exercice eft fouvenc plus violent. Les femmes, au contraire, font plus froides 5c plus humides, c’eff-àdire, moins chaudes, moins feches ; elles ont une chair plus mollette, plus dé- licate 5c plus polie, un efprit plus aifé, elles ufenr d’aliments plus froids 5c humides; enfin, elles font prefque toujours dans l’oiliveté. Si la nature des hommes 5c des femmes eft de la forte, il eft certain que les uns 5c les autres ont puifé cette nature 5c leur inclination, qui en eft comme un effet inféparable, qu’ils l’ont puifée , dis-je, dans les flancs de leurs meres, lorfqu’elles leur ont fourni la première matière dont ils font compofés. T A B 1 E A U de l’Amour conjugal. 203 Pour expliquer cette penfée, on doit fs reffouvenir de ce que j’ai dit ailleurs , de réfléchir un peu fur les principes de notre formation. Dans une femme féconde, les cor- nes de la matrice font remplies de femence , qui fe change en petites boules greffés à peu près comme de petits pois, lefquelles font rangées dans leurs petites cellules, comme font, en quelque façon, les œufs dans l’ovaire d’une poule, dont il naît plufieurs enfants, quand la femence de l’homme en a touché plufieurs. La boule, que la femence de l’homme a rendu féconde, conferve, parmi feS liqueurs, le germe d’un enfant qui, d’abord, fans doute eft moindre qu’un citron, de qui a été formé, ii c’eft un garçon, d’une matière chaude, feche & épaiffé, pleine de feu de d’ef* pric, avec des pores reffèrrés de des parties preflees ; mais li c’eff; une fille, la matrice en eff; moins chaude, plus humide de plus délicate : les parties en font plus déliées, de les pores plus ouverts de plus polis ; elle ne contient pas tant de feu, de il n’y a pas une fi grande abondance d’efprits : li bien que la différence de l’un de de l’autre Tableau fexe ne vient que de la diverfitc des fubfiances des feinences du pere & de la mere, de leurs qualités premières, & de celles que Ton appelle de la matière. Entre ces deux difpofitions de la femence féconde de la femme, il y en a une troifieme qui tient le milieu , & qui a fou projet extrême- ment tempéré dans toute forte de maniéré ; fi bien qu’il naîtroit de-là un hermaphrodite, s’il n’étoit déter- miné pour un garçon ou pouf une fille , par famé de l’homme & par l’aéfivité de la femence, comme nous le verrons ci-après dans une Difi'erta- tion particulière. Hercule, fi nous en croyons les Poètes, étoit fi robufie, qu’il n’en- gendra prefque jamais d’enfants qui ne fufient mâles, & entre foixante & douze qu’il fit, il ne s’y trouva qu’une feule fille ; mais, fans m’arrêter à ce qui pourroit paroître fabuleux , je trouve dans l’Ecriture que Gédéon, qui fut l’un des Princes du Peuple Hébreu , étoit d’un tempérament fi chaud & fi aébif, qu’il engendra foi- xante & onze enfants mâles, fans qu’il foit parlé d’aucune fille. Lorfque la matrice reçoit la femence de l’Amour conjugal. de l’homme, & que Tes cornes, par une vertu particulière ,* attirent cette humeur pour la communiquer à la femence de la femme, qui a de la difpofition à recevoir une impreflîon fubite par l’aétivité de la matière fpi- ritueufe de l’homme, alors l’ame & les efprits de cette matière agiffame fervent de principe fubalterne à tout ce bel ouvrage. Si ces principes trou- vent une boule ou il y ait un germe de garçon, ils lui donnent de la fécon- dité en fai Tant fermenter toutes les petites parties de l’humeur qui y eft renfermée : ils pénètrent & excitent ce petit projet que l’intelligence de la mere avoit commencé à former; mais fi l’ame & les efprits qui font enve- loppés dans la femence de l’homme, touchent our en avoir des enfants, & que pour cela elle attendoit toujours le temps de fes réglés pour connoître fi elle étoit grolfe ou non. Si les réglés paroif- foient , elle retournoit incontinent après entre les bras du Roi, afin d’obéir plutôt aux ordres de la nature qu’à fa propre paüion. Et, fi les réglés ne vendent point, elle fe pafioit pen- dant fa grolfefife des plaifirs du ma- riage , que la plupart des femmes fouhaitent alors avec tant d’ardeur. C’cfl le véritable moyen de faire des enfants forts & fpirituels, que d’en ufer de la forte. Il femble que l’on fe remarie routes les fois que l’on fe carelfe après un affez long inter- valle. Il ne manque alors ni matière ni efprit pour former un enfant bien fait, & l’expérience fait voir tous les jours, que les plus grands hommes Y 2.. de l’Amour conjugal. 259 font fouvent venus de conjonctions illégitimes. Jamais Rome n’auroit été la terreur de Tes voifms fi Romulus , fan Fondateur, ne fût né de la forte : Ce jamais deux Villes confidérables de l’Europe n’eulTent élevé deux Statues à l’honneur & à la mémoire à’Erafi- me, fi la naiflance ne lui eût donné de l’efprit. En effet, la femencea le temps de fe cuire Ce de fe perfectionner ; les efprits s’v alfemblent en plus grande foule , lorfqu’on fe careife rarement. Les plaifirs de l’amour font même plus grands, quand on les prend avec modération , & ils ne dégoûtent pas, comme ils font ordinairement. Pour peu de famé qu’aient un homme Ce une femme , pourvu qu’ils obfervent tout ce que l’on doit obfer- ver, pour faire des enfants forts Ce fpirituels, ils ne manquent pas d’y léufîir nous ne voyons guère, pour pour me fervir de la penfée d’un Poète, des bigles fiers engendrer de faibles Colombes. Mais fi, dans l’excès de l’amour, la femme prend le delfiis, & n’ob- ferve pas toute la bienféance que l’on doit obferver quand on fe carelîe Tableau’ amoureufement, on ne doit pas dou- ter que cette pollure ne Toit l’une des caufes des petites 6c foibles perfonnes ; car, puifqu’un homme lafcif, comme nous venons de le dire, ne répand à chaque fois que fort peu de femence; fi d’ailleurs il ne garde pas une pof- ture convenable , le peu de matière qu’il répandra ne fera pas reçue où elle doit l’être , & ainfi il ne fe fera point de conception ; cii s’il s’en fait, ce ne fera qu’un avorton 6c un nain, qui n’aura rien d’avantageux, ni dans lame, ni dans le corps. Tout le monde fait que la viciilefTe eft froide 6c languillante, 6c qu’elle n’a guere de vigueur dans les em- brafiemems amoureux. Si l’on fait un enfant en cet âge-là, on doit croire , pour l’ordinaire, qu’il fera lent & fiupide , fon pere n’ayant de matière 6c d’efprits que pour lui donner feu- lement la forme d’homme, à moins que fa mere, qui efl fouvent jeune 6c amoureufe, ne contribue de fon côté, au génie de fon enfant, par l’abon- dance de fon feu 6c de fes efprits. Un cheval engendré d’un vieux cheval, n’eft jamais agile -, 6c les Ecuyers favent très-bien qu’il n’ed; pas fi pro- de l’Amour conjugal. pre au manege ni à la guerre que les autres. Mais dans la fleur de l’âge , quand on ne croît ni décroît plus , on a tout ce qui eft propre à faire des enfants fpirituels & robufles. C’eft pour cela, qu’au rapport de Cefar , les anciens Allemands, qui ont tou- jours pafle pour des gens torts, efti- moient que c’étoit une chofe honteufe à un homme de connoître une femme avant l’âge de vingt ans. La mauvaife façon de vivre des peres & meres, eft encore l’une des caufes les plus communes de la foi- blefle des enfants. Jamais un homme débauché n’engendrera un enfant ro- bufte & vertueux ; & les incommo- dités qui accompagneront cet enfant pendant fa vie, ne feront que des fui- tes allurées, & des marques évidentes des crimes de fon pere & des foi- blefles de fa mere. La ladrerie , la goutte , les écrouelles , la flupidité de l’efprit , & les autres fâcheufes maladies, viennent fouvent de la vie déréglée de ceux qui nous ont engen- drés. Nous héritons fouvent de leurs incommodités, & prefqne jamais de leurs vertus. Et comme le fang de ces peres meres eft tout plein de enu- Tableau dîtes & de pituite , toutes les parties qui s’en nourriffent font auffi des ex- créments qui ont des ufages différents de ceux que la nature s’étoit propo- pofés. Les tefficules, pour ne m’arrê- ter qu’à ces parties génitales, ne peu- vent faire d’un fang crud & froid , une bonne femence, qui l'oit la caufe d’un enfant fain & vigoureux. Au lieu d’être plein d’efprit & de feu, d’avoir une matière écumeufe & raréfiée, <5c d’être pure & tempérée, elle eff pitui- teufe & pleines d’ordures ; ce qui ne caufe que des défordres dans la géné- ration. Ceux qui s’étudient à avoir des ■enfants fains & fpirituels, obfcrvenc cnrr’autres choies un temps qui ne foit incommode ni pour eux ni pour leurs femmes, fur-tout, ils fc don- nent bien garde, ainfi que nous l’avons remarqué, de les connoirre pendant leurs réglés ou peu de temps aupara- vant. Car, s’il arrive que la concep- tion fe faite, lorfque les réglés font prêtes à couler , ou qu’elles coulent même, les ordures dont la matrice effc alors remplie, tachent & infedent la femence de l’homme , qui porte enduite de mau variés qualités dans le. DE L A’MOUPv CONJUGAt. lieu où refide ordinairement ia femeiî- ce de la femme, & où fe fait ia con- ception. La génération s’y accomplit pourtant : mais la matière qui fert à former l’enfant, n’étant pas pure & bien conditionnée , les parties qui en font fûtes, en deviennent mal faites ; de forte que dans la fuite elles font fort mal leurs fondions, <5c rendent, par conféquent, l’enfant valétudinaire & incommodé. Nous n’avons fur cela que trop d’exemples , fi l’honnêteté & la bienféance me permetcoient de les mettre au jour. On doit donc obferver bien des cho- fes pour n’engendrer pas des enfants mal faits ; car, fi un corps a des dé- fauts , quand on les néglige, l’amc aufli n’en a pas moins ; & je fuis affu- ré que fi Therjites n’eût été fi laid, il n’eût point eu une li méchante ame; & il cft impolfible qu’une ame pût bien faire fes fondions dans le cofps d’un homme tel qu'étoit le fien. Il avoit le dos enfoncé , la tête pointue, du duvet au menton, au lieu de bar- be , & avec cela il étoit boiteux & louche. Cette laideur cil une marque de tous les vices, au lieu que la beauté du corps ell l’image d’une belle ame. Tableau 3c le caradere d’un homme de bien, ff nous en croyons Saint Ambroifc. Ce ne font point les affres qui nous font fpirituels, robuffes, valétudinai- res ou imparfaits. Ils font trop éloi- gnés de nous. Et quoique le foleil 3c la lune aient, à la vérité, plus de force que les autres , cependant ils n’agiffent fur nous que comme des caufes étrangères, bien différentes de celles qui nous font effentielles. Nous voyons tous les jours des enfants conçus au même afped des affres, 3c à la même heure du jour , qui ont des inclinations toutes différentes , 3c des corps de différentes formes. J’avoue pourtant qu’un enfant fera plus prudent 3c plus fage, qui aura été formé au printemps ou en autom- ne, 3c qu’un autre fera plus prompt ou moins adif, qui aura été conçu en été ou en hyver ; mais ces diverfes inclinations ne dépendent pas tant des affres que des humeurs qui domi- nent , dans ces faifons, dans le corps de leur pere ou de leur mere. Les enfants difformes, 3c qui tien- nent du mofiffre, ne font conçus que par des caufes naturelles, quoiqu’un veuillent dire quelques Dodeurs. Us Tom IL Z de l’A moue. CONJUGAL. 265 Tableau dépendent de l’homme ou de la fem- me , ou enfin de quelque alliance qui eft contre les loix de la nature. Les Naturalises nous font remar- quer que fi un coq couve une poule une feule fois, il rend plufieurs de fcs oeufs féconds, & fi l’on regarde de près ces mêmes œufs, l’on verra dans quelques-uns deux jaunes, d’oii naî- tront enfuite deux poulets fouvent déparés & quelquefois unis : quelque- fois auffi, mais plus rarement, il pa- roîtra fur un jaune deux racines ou deux ongles qui auront reçu en même- temps les impreffions génératives du coq ; & je ne doute point que ce ne foit delà que naiffent les poulets dif- formes, & qui approchent du monflre. J’en dis autant à proportion des enfants. Car fi la femence de l’homme touche plufieurs boules qui aient des difpofitions à en recevoir des impref- fions , elle les fait toutes fermenter, & les vivifie au même moment , fi bien que de cette génération il naît plufieurs enfants, qui ont des enve- loppes différentes, & qui ont auffi des arriere-faix particuliers. Mais s’il fe trouve dans une boule une matière féparée en deux par une petite mena- brane, ou que cette matière ait deux projets d’enfants, la femence de l’hom- me ne laide pas de les exciter toutes deux à la fois, & de les animer , comme s’il n’y en avoit qu’un. Cha- que partie de la boule reçoit les im- preffions génératives de la femence de l’homme, & il en vient des jumeaux ou des jumelles, qui étant féparés les lins des autres, & rarement unis , ont fou vent un arriéré-faix commun. Mais d deux boules font unies, il fe fait un monftre peut-être femblable à celui que je vis il y a un mois, qui avoit deux têtes, quatre bras, & deux pieds feulement, c’eff la véritable caufe , félon mon avis, de la génération des monüres. La matrice peut encore contribuer à la difformité d’un enfant, félon le fentiment de quelques Médecins ; car étant cicatrifée d’un côté, & ne pou- vant s’y dilater comme dans fes autres parties, il arrive qu’elle preffe l’en- fant du côté de la cicatrice, & qu’elle lui caufe par ce moyen une mauvaife conformation. Mais l’expérience nous apprend que les enfants font impar- faits , qui font élevés dans une matrice incommodée de la forte. DE L’AMOUR CONJUGAL T A B I E A xr Il y a encore d’autres fortes ds monftres, qui fe forment par le mé- lange des efpeces différentes. Les h-ifloires que nous avons fur ce fujet nous font croire que la chofe eft im- poflible. URippantore que le Cardi- nal de Com'nibus mena de France en Italie, 6c qu’il donna enfuite au Car- dinal Scipicn Borghefe n’cfl pas une hiftoire faite à plaifir. Tout Rome le vit 6c l’admira pendant 21 ans , après quoi il mourut faute de dents. Il avoir la tête du taureau, 6c le relie pref que femblable à un cheval. J’apprends qu’en Auvergne & ailleurs , on fe plaît à avoir de ces fortes d’animaux engendrés par un cheval 6c par une vache. Si l’on doute du mélange des hom- mes avec les bêtes, l’on n’a qu’à je- ter les yeux fur l’Antiquité , 6c l’on y verra Pajîphaé, femme du Roi Minos, engendrer un Minocaure par les plai- firs qu’elle prit avec un taureau. On y verra encore cette belle fille nommée Onofcelé, engendrée d’un homme 6c d’une ânelfe. Si ces deux exemples fentem un peu la fable , au moins celle de cette fille de Tofcane , qui accoucha d’un animal moitié homme; de l’Amour conjugal. & moitié chien, ne fera pas fufpeéle. Volaterran nous a laide par écrit que ce mondre nâquit durant le Pontifi- cat du Pape Pie 111, & qu’il avoir les mains, les pieds & les oreilles d’un chien, & le relie d’un homme. Ces monllres font fi véritables , que l’on m’a alluré qu’il en naiifoit dans Tille Formofe, la figure d’hom- me avec une queue velue d’un poil roux , femblable à celle d’un bœufv Si cela étoit impolfible , comme quel- ques-uns Te le perfuadent , jamais l’Ecriture-Sainte n’auroit fait une loi là-déifias, qui condamne à mort la bête de la femme qui s’y feroit fou- rni le. Il ed donc aifé de connoître la caufe des monllres, fans que je me donne la peine de la faire remarquer ; car s’il ed vrai, comme je Tai prouvé ailleurs, que la femence foit animée , & qu’elle vienne de toutes les parties du corps des deux fexes, comme l’ex- périence nous le fait voir, il me fem- ble qu’il n’en faut pas davantage pour découvrir la caufe immédiate des inclinations & de la figure du corps des mondres. Fin de la troijieme Partie. T A B I E A IT QUATRIEME PARTIE. CHAPITRE PREMIER. ARTICLE I. De Vinifuiffance de /’homme. NOus favoris que la génération des animaux parfaits luit immé- diatement la conjonélion du mâle & de la femelle. Que le mâle doit être d’un âge médiocre félon fon elpece, qu’il doit avoir les parties naturelles bien formées, & avec cela jouir d’une famé parfaire pour agir , comme il doit, dans cette aélion. Mais pour ne parler ici que de l’homme , il doit être vigoureux, plein de fang & d’ef- prits, & avoir tout ce qu’il faut pour carelî'er amoureufement une femme : il doit encore commander à fes par- ties amoureufes,qui doivent lui obéir, lorfqu’il eft quellion de faire fon de- voir auprès d’une femme. S’il eft trop jeune ou trop vieux, de l’Amour conjugal. qu’il foie malade ou qu’il ait quelque défaut naturel dans fes parties princi- pales ou amoureufes, il n’y a pas de difficulté qu’on ne le puiffe taxer d’impuiffiance. Car fi le membre viril efl trop court ou trop petit, qu’il foie mollet ou paralytique;que le trou par où doit pafler la femence ne foit pas dans le lieu où il doit être ; que d’ail- leurs un homme foit trop gras, & qu’il ait le ventre prodigieufement avancé, que fes teflicules foient petits ou flé- tris , ou qu’il n’en ait point du tout ; que fa femence foit trop liquide , qu’elle forte en trop petite quantité, ou qu’elle ait d’autres défauts ; en un mot, s’il manque quelque chofe du côté de l’homme pour les deux grands ouvrages de la population & de la génération, la Loi permet à une fem- me de demander en juflice la diflblu- tion de fon mariage *; & je ne doute point, fi nous en croyons un Arche- vêque , qu’il ne faille attribuer à quel- qu’une de ces caufes le divorce qui arriva au Roi Lothaire <5c à la Reine T heberge. * Madame de Gefvres s’eft fait féparer pour une caufe femblable, & cela dans ce fiecle, Tout ce qui détruit notre chaleur naturelle , & qui éteint notre feu & nos efprits s’oppofe directement aux adions du mariage. Nos teflâcules fe Eétriflent, nos vaifleaux fpermatiques fe deflechent, & notre membre fe diminue, quand nous fommes accou- tumés à garder fcrupuleufement la chafleté & la continence. Et s’il efl vrai, ce que Vidus-Vidius le jeune nous rapporte d’une perfonne Ecclé- fiaflique , qui avoir pendant tqute fa vie gardé exactement, comme elle devoir, les réglés de la bienféance, nous ne devons pas douter que les parties de notre corps n’exerçant pas î’aCtion pour laquelle la nature les a faites, ne fe flétri fient & ne fe defle- chent en quelque façon. Les contentements exceflifs que nous prenons avec les femmes ne nous cau- fent pas dos défordres moins fâcheux: il eft vrai qu’ils ne nous apportent pas de femblables flérrifllires, mais ils nous rendent incapables de continuer nos plaifirs licites. Les vaifleaux fperma- tiques s’affoibliflent, les véhicules fémi- narres fe relâchent, & les parties prin- cipales de notre corps s’épuifent & fe rafraîchiflent tellement par la diflipa- T A B I E A V tion de notre chaleur 6c de nos efprits, qu’elles ne font plus enfoite en état de fournir la matière qui eft néceffaire pour former -un homme. Témoin Theodoric, Roi de Bourgogne, qui après s’être épuifé auprès de Laodi- cée 6c des autres Courtifannes de fa Cour, ne put jamais confommer fon mariage avec Hermanberge, fille du Roi d’Efpagne. Témoin encore Néron, qui après avoir pafte fa jeunelTe dans les débauches des femmes, témoigna deux fois fon impuilfance à la belle Popée, félon le rapport de Petrone. D’ailleurs, s’il eft vrai, ce que l’on dit ordinairement, que la bonne chere excite à l’amour, l’on peut alfureraulli que l’extrême indigencerendun hom- me impuiflant. Car puilque l’abftinen- ce, félon la penfée des Théologiens, eTfc le meilleur de tous les remedes contre'la concupifcence de là chair, il ne faut pas douter que fi eileefl excef- five, elle ne détruife tous les mouve- ments qui nous pourroient porter à rechercher les embraftements des fem- mes. Notre fang eft diminué, 6c nos efprits font épuifés par-là, nos parties principales 6c amoureufes en devien- nent languiftantes. Tant il eft vrai DE L’AMOUR CONJUGAL. 274 Tableau qu’il n’y a rien de plus oppofé à l’amour que ce qui nous rafraîchie & nous epuife tout enfcmble. Mais les pallions de l’ame font en- core quelque chofe de plus violent que tout ce que nous venons de dire ; & pour ne parler ici que de la haine qui eft fomentée dans l’efprir d’un homme par la laideur d’une femme , par fa mauvaife humeur, par fa con- duite indécente , ou enfin par une odeur exécrable qui fort de fon corps, elle eft une des principales caufes qui peuvent rendre un homme impuif- fant à l’égard de cette femme-là. Après tout, comme il n’y a rien qui nous détruife plutôt que les maladies, puifqu’elles nous conduifent à la mort; les Jurifconfultes ont eu quelque rai- fon d’écrire, que l’on ne doit point préfumer qu’un homme valétudinaire, & encore moins un homme malade, foit capable d’engendrer, la maladie le rendant impuilfiant & incapable de carefler une femme. Il eft certain que les plaifirs de l’amour demandent de la force & de la vigueur pour s’op- pofer aux épuifements & aux foiblef- fes qui en naiftent , lors même que nous les prenons avec mefure : au lieu de l’Amour conjugal. que la maladie étant une diipofition contre les loix de la nature, elle affaiblit 5c détruit même toutes les aélions de nos parties qui par confé- quent ne font pas en état de faire leur devoir quand il eil queftion d’engen- drer. Mais les Jurifconfultes n’ont peut- être pas remarqué que leur décilion étoit trop générale pour être vraie , puifqu’il y a quelques maladies qui nous excitent à l’amour, 5c dans lel- quelles on peut engendrer. Nous l’a- vons qu’un homme qui efb atteint d’un facyrifme, 5c qu’un autre qui fouffre quelques douleurs de goutte ou de pierre, font alors plus amoureux, 5c ne peuvent s’empêcher de preffer étroi- tement leurs femmes ; les humeurs chaudes 5c aiguës, qui caufent leur maladie, font alors mêlées avec des vents qui le cantonnent pour l’ordi- naire parmi leurs parties naturelles , 5c qui les chatouillent fans ceffe, 5c les excitent à fe venger agréablement des douleurs qui les preffent. Il y a même des maladies qui ont rendu des hommes féconds , d’impuiffants qu’ils étoient auparavant. Aven^oar, Médecin Arabe , rapporte de lui- Tableau même , que ne pouvant engendrer dans fa jeunefle , il engendra alte- rnent après une fievre aiguë qui lui rafraîchit tellement les vifceres, & puis le mit dans une telle complexion, qu’il fe trouva enfuire propre à faire des enfants. Il raut donc modérer les décidons des Jurifconfultes, & ne pas dire d’un autre côté, par une efpece de contra- diéfion, comme fait une de leurs glo- fes, que l’on doit compter le commen- cement de la vie d’un enfant qui naît après la mort de fon pcre, du jour que fon pere eft mort, comme fi un homme étoit en état d’engendrer dans une fievre aiguë, dans une longue maladie, & dans quelqu’autre incom- modité qui afflige les parties princi- pales ou amoureufes. C’eft-l'a s’oppo- fer à la rai fon 6c à l’expérience de tous les jours. Mais je ne veux m’arrêter ici qu’aux hommes qui font toujours impuif- fants, & qui étant incommodés dans leurs parties naturelles , ne peuvent jamais fe joindre amoureufement à une femme, quand ils feraient même à la fleur de leur âge. Les défauts naturels qu’ils ont dans leurs parties de l’Amour conjugal. amoureufes, le manquement de l’hu- meur, qui efi la lemence des hommes, ou enfin les pollutions noélurnes ôc gonorrhées, qui arrivent par la foi- bleffe de leurs vaifleaux , Font de puil- fants obflacles pour l’amour, qui les rendent plus froids que glace quand ils fie trouvent auprès d’une femme. Quelle apparence ya-t-il qu’un membre d’un ou de deux travers de doigt foit une meliire fuffifante pour fatisfaire une femme & pour engen- drer des enfants ? Un homme fi mal pourvu manque de force, de chaleur, d’efprits & de femence ; <5c s’il fort quelque humeur dans les agitations amoureufes, ce n’eft qu’un peu de fé-rofité, qui n’a pas toutes les qualités requifes pour la génération. La fem- me a beau fe faire effort pour la rece- voir , fes parties quelqu’enflammées qu’elles foient, ne peuvent rien faire d’une humeur qui manque de dilpo- fition pour le grand ouvrage de la nature. L’impuiffance de fe joindre à une femme efL encore augmentée parla petitelfe de la verge, qui étant trop courte & trop petite toute enfemble, ne peut réjouir femme ; ni lui fournir une liqueur propre à former un enfant. Tous les remedes font inutiles pour ces fortes de défauts, & bien que Galien & Fallope nous en propofent quelques-uns, nous fortunes pourtant du fentiment de ceux qui croient que ces deux maladies font incurables, li elles font extrêmes, & que les Juges peuvent prononcer hardiment fur la diffolution d’un mariage qui n’aura pas d’autres arrhes de fa validité. Car de s’imaginer que les bouillons fucculents , les aliments choifis , & l’excellent vin , puiffent faire croître les parties que la nature n’a pu allon- ger , c’efl manquer de connoiffance pour les maladies qui arrivent aux parties nerveufes. On a beau frotter ces parties malades d’huile de vers de terre, d’huile de lavande ou de F (dîna Chrifii, parmi lefquelles on aura mêlé un peu de poudre du nerf d’un taureau ou d’un cerf, tout cela ne produit rien , K l’Amour conjugal. de parler étant incurables, elles doi- vent rendre un homme impuiffant , 6c l’empêcher de Te marier ; ou s’il efl marié, elles doivent être les caufes. légitimes k une femme, pour deman- der en juflice la dilfolution de Ion mariage. Car fi la maladie efl natu- relle , perpétuelle 6c incurable, qui efl-ce qui doutera qu’une femme ne foit bien fondée à demander un autre, mari ? CHAPITRE II. Du Congres. LE premier Parlement de France n’auroitpas été h fouvent furpris, s’il avoit connu exactement les caufes de l’impuilTance des hommes. Et le Marquis de Langey , en particulier , n’aurok pas éprouvé la difgrace de l’Arrêt donné contre lui le 8 de Février i6$ç,ü le congrès qui fut ordonné croit une preuve infaillible de la viri- lité d’un homme. Les Officiers de nos Evêques n’in- valideroient pas tous les jours fi légè- rement des mariagés, s’ils avoient bien étudié les maladies qui en em- pêchent la confommation , ou s’ils avoient nommé des perfonnes bavan- tes pour les en instruire. L’Official du Mans j par .exemple, n’auroit pas pro- noncé, il y a quelques années, fur la diffolution du mariage de Pierre N & que vous puijfieç chercher un autre mari pour votre condition , fans que perfonne s'entremette de vous y former aucun empêchement d’aujourd’hui à Véternité des Jlecles. Et Véjl ici le cartel de divorce} le libelle dedémijfionf Vinf- Bb 3 Tableau miment de defertion}ijue je vous envoie, félon les ordonnances de]\Ioyfe & d’if- Staël. Les témoins fignolent dans le corps & au bas du Libelle aufiî-bien que le mari. CHAPITRE IL De la férilité des femmes. ON fait que la flériliré dépend plusfouvent des femmes que des hommes, de que la chaleur naturelle étant un des principaux inftrumentsde toutes nos allions, fait par fon défaut la ftcriiiré dans les uns & dans les autres. Si elle eft foible , les parties en font défeéfueufes ; s’il manque quelque chofe au grand attirail des parties génitales de la femme, toute l’aélion de ces mêmes parties eft inter- rompue , & il ne faut point s’attendre à la génération. Qu’une femme foit dans la fleur de fon âge , & qu’elle jouilfe d’une fanté parfaite : qu’elle foit mariée avec un homme vigoureux, & qu’elle prenne avec lui tant qu’il lui plaira des plai- Tirs modérés, fi elle n’a pas de difpo- fltion à faire un enfant, jamais elle ne peut efpérer l’avantage de porterie doux nom de mere. Car fi elle eft trop vive 5c trop emportée dans l’amour, qu’une chaleur excelTive confume Tes entrailles , qu’elle n’ait prcfque point fes réglés, ou fi elle en a modérément, qu’elles ne foient point rouges ; quelle apparence qu’elle puifle concevoir ? Elle b ûle , pour ainfi parler, 5c def- feche la lemence qu’on lui donne ; 5c s’il s’en forme par hazard un enfant, ou il eft contrefait, ou il ne demeure point neuf mois dans les flancs de fa mere. Si d’un autre coté une froideur extraordinaire 5c une grande humidi- té occupent fes parties principales, que fà matrice foir extrêmement hu- me&ée par la graiflfe qui fe trouve aux environs, fi elle a les flancs ref- ferrés 5c le ventre étroit , 5c s’il ne paroît de poil par fon corps qu’a la tête, jamais elle ne retiendra la fe- mence qu’on lui aura communiquée , 5c par conféquent il ne fe fera jamais de conception ; ou , s’il en arrive par hazard quelqu’une, le fœtus fera fuf- foqué par la grande humidité des par- ties de fa mere, 5c fortira avant le Bb 4 de l’Amour conjugal. 295 terme : fi bien qu’une telle femme ne pourra jamais avoir d’enfant à moins que l’on ne corrige ces grands dé- fauts , qui ne fe corrigent prefque jamais. Il en arrive de même aux femmes qui ont la matrice mal faite, foit par un défaut de nature , ou par quel- qu’autre accident étranger , comme font les grands ulcérés, les grandes ci- catrices, & les autres incommodités de la matrice. Mais tous ces défauts ne font pas de légitimes caules pour empêcher le mariage quand il n’eft pas fait, ou pour le diffoudre quand il eftconfom- *mé. Les indifpofitions qui n’empê- chent point une femme d’être careiTée de fon mari, ne font point capables de caufer le divorce ; &, fouvent, quand une femme efl flérile avec un homme, l’expérience nous fait voir qu’elle ne l’efl pas avec un autre. Une plante aime fa terre, & ne graine jamais dans un lieu oppofé à Ion tempérament. Un homme ne pourra faire concevoir une femme dont la femence n’efl pas proportionnée à la benne , ni dans fa matière, ni dans les qualités. Mais fi ce même homme trouve une temme Tableau de l’Amour conjugal. qui n’efl ni fi chaude ni fi bouillante que lui, il viendra , fans doute , de leurs embralfements amoureux une génération avantageufe. Il n’y a que les incommodités qui vont jufqu’à s’oppofer aux plaüirsde l’amour, & à empêcher un homme de s’allier amoureulément à fa fem- me, qui puiffe être des caufes légi- times de la difïblurion du mariage. Car fi une femme eft extrêmement étroite , & fi le conduit de la pudeur eft bouché, ou par la grandeur excef- Eve du clitoris, ou par cette membra- ne charnue que l’on nomme Hymen f ou par les cicatrices d’un fâcheux accouchement, ou par l’abaiffement de Vos pubis, ou enfin, qu’il y ait d’autres caufes qui l’étréciffent fans remede, on doit croire que cette fem- me eft abfolument ftéiile , parce qu’elle ne peut fouffiir les car elfe s d’un homme. En effet, toutes les caufes qui peu- vent empêcher un homme de jouir avec fa femme des plaifirs que le ma- riage lui permet de prendre, font rou- tes capables de faire le divorce. Et comme les défauts de la femme ne font que dans fes parties externes, la Loi a permis qu’elles fu fient exami- nées par des perfonnes difcreces & entendues, afin d’en faire leur rap- port aux Juges, qui doivent enfuite prononcer des Arrêts juftes & équita- ble'. Un homme efl bien furpris la pre- mière nuit de les noces, quand, dans la chaleur de fa pafiion , touchant fa femme avec tendrefle , il relient un membre aufîî roide que le fien , qui lui frappe le ventre. C’efl alors qu’é- tant tout éperdu , il fort du lit, & s’imagine ou être enforcèlé, ou qu’on a voulu le railler en lui donnant un homme pour une femme qu’il avoit choifie. Cependant, à la clarté d’une bougie , il apperçoit le vifage de fa femme qui l’appelle avec douceur ; mais il n’y a nicarefl'e nicomplaifance qui le puiflent tirer de l’étonnement où il eft : ü fon ame en revient un peu , fes parties amoureufes n’obéif- fent pas fi-tôc à fa pafiion. Néanmoins comme l’amour efl un enfant, on l’appaife enfin , quand on le flatte. Les parties naturelles de cet homme Tentent donc, une fécondé fois, les atteintes de l’amour ; mais il n’a pas fl-tôt tait une fécondé tentative qu’il Tableau tæ l’Amour conjugal. cft aufii furpris qu’auparavanc, & ce qui accroît encore davantage Ton éton- nement, c’efl qu’il ne peut fe débar- raffer d’entre les bras de Ton époufe , qui le prelle de la poitrine à inclure que fa paffion augmente. C’efl alors qu’il ne doute plus des charmes ; car, dans cette occalion , par une étrange métamorphofe, l’homme devient com- me une femme, & la femme prend la place d’un homme : li bien que celui-là a fes parties toutes flétries & toutes mollettes , par la furp.ile où il efl encore, & celle-ci a les fiennes tout en état de faire épreuve de l'a vaillance. Enfin , cet homme étant un peu revenu à lui, le met en devoir d’examiner la eau le de fon étonne- ment ; il n’a pas plutôt jeté les yeux furies parties naturelles de fa femme, qu’il apperçoit une verge droite & dure comme la fienne. Il l’interroge là-delfiis. Elle lui répond avec a (fez de pudeur & de lincéii é, qu’elle croit que toutes les femmes fon. faites com- me elle, & elle lui avouera véritable- ment ce qu’elle en a reifenti depuis qu’elle le connoît. Elle lui dit donc que, pendant l’hyver, le froid excelîif lait prefqu’cntiércment retirer fon cli- 300 roris, & qu’en ce temps-là il ne paroît ni plus long ni plus gros que la moi- tié du petit doigt : mais que dès que la chaleur de l’été fe Fait fienrir, cette partie fe groffit & s’allonge extrême- ment ;d’oû vient, ajoure-t-elle, qu’il ne faut pas s’étonner, fi elle eft pré- fet! tement fi grofle & fi longue, puifi- que nous femmes dans les plus longs jours, & dans les plus violentes cha- leurs. Elle lui avoue encore qu’elle n’a point vu de femme plus amoureufe qu’elle; & que, lorfque quelque per- sonne lui plaît, ou que l’amour lui échauffe l’imagination, elle Sent que cette partie s’agite, fe raidit, & s’en- durcitmême contre fa volonté ; qu’elle n’a jamais éprouvé avec perfonne ce qu’elle étoit capable de faire ; mais qu’elle s’apperçoit bien maintenant, par l’étonnement & par les transports qu’elle remarque en lui , que cette partie n’efl pa'S Semblable dans toutes les femmes. Le mari étant pleinement informé de toutes chofes, & ayant mûrement délibéré fur ce qu’il devoir faire en cette occafion , lui propofe de com- muniquer fon défaut à quelqu’un de fies amis. Elle y confient aulîi-tot, & Tableau de l'Amour conjugal. le mari en parle incedamment à un fage & doéle Médecin qui , pour fatisfaire aux prières du mari & aux larmes de la femme , fe mer en devoir de couper certe partie qui eft d’une excefiive grandeur. On la lie donc, & on la laide ainfi liée pendant un jour, après quoi il furvint de fi fâcheux accidents, qu’à caufe de cela on ne pût faire l’extirpation. Une pareille aventure arriva à Pla- terus qui, ayant deifein de couper le clitoris d’une Matrone , n’en pût venir à bout par les mêmes obftacles que nous venons d’alléguer. Haly Rodoam auroit fans doute fait la même opération fur une Reine qui lui découvrit fa turpitude, s’il eût cru pouvoir extirper cette partie fans cou- rir rifque de fa réputation, & fans ■expofer la vie de cette Princefie. Dans un tel état il eft impoffible qu’un homme p ni fie caredTer fa fem- me, ainfi que nous l’examinerons, en particulier ci-après, au Chapitre des ; & fi cette maladie eft incurable, comme elle l’efl fans doute, on doit croire qu’un Juge eft bien fondé quand, lur le rapport de quelques perfonnes Pavantes dans ces Tableau fortes de matières , il ordonne la dif- foîution du mariage. On ne fauroit’encore guérir la com- prelîion que fait l’oa pubis au conduit de la pudeur. Ce conduit en eft quel- quefois (i étréci dans les dehors, qu’il ell impoffible qu’un homme, qui a même la verge médiocre, s’y puide faire palTage. Les deux os des cuiffes predfés en dedans & le croupion retroulfé par devant, caufent quelquefois le» mê- mes obflacles. C’ed pourquoi la Loi n’ellime pas faine une femme qui eil ainfi contrefaite dans fes parties natu- relles. Il arrive quelquefois tant d’ulceres au conduit de la pudeur de quelques Courtifannes , qu’il s’en ed vu qui, après être guéries, l’avoient prefque tout fermé par des cicatrices : fi bien que les réglés venant à paroître, ne pouvoient couler qu’à peine par le petit trou qui redoir, & qu’un homme voulant encore badiner avec elles, ne pouvoir pénétrer dans un lieu qui avoir été autrefois h ouvert. Les fâcheux accouchements caufent autant d’incommodités aux femmes que font les maladies fecretes i car de l’Amotjk conjügaï.. après que le bas a été déchiré en plu- fieurs endroits , il y vient beaucoup d’ulceres qui, étant négligés, fe rem- pliflent de tant de chairs fuperflues , que le conduit de la pudeur en eft. prefque tout bouché. Cette chair ba- veufe devient bolide & dure avec le temps, & ne peut être fléchie par la verge d’un homme, quelque forte & quelque roide qu’elle foit, témoin ce que dit Riolzn d’une femme qui fut fi fermée après de pénibles couches, qu’il lui étcir en fuite impoflîble de fouflrir fon mari. Ces maladies font trop invétérées pour être guéries, & il n’y a point de femme qui voulût s’expofer à fouflrir qu’on la diflequât toute vive. On pour- roit ici propofer quantité de pefiai- res d’argent, d’étain , de plomb , ou même de chair, de différente grofleur, que l’on pourroit frotter de beurre frais ou d’onguent rôdât, & les placer dans le conduit de la pudeur les uns après les autres, en commençant par les plus petits. Mais les cicatrices , dont ce lieu eil tout rempli, en em- pêchent l’élargiflement, & par confé- quent, pour en dire ce que je penfe, toutes ces incommodités font incura- 304 T A B L E A tr blés , 5c font des eau Tes légitimes pour empêcher une femme de le rema- rier. Entre les maladies incurables de la matrice, on peut ajouter à celles dont nous venons de parler, les grandes ex- crefiences, li nous en croyons Gordon , des fquirres 5c les tumeurs confidéra- bles, fi nous voulons fuivre le fenti- ment de Fabrice de Hilden , qui remar- que qu’une femme ne pût foufirir deux maris l’un après l’autre, 5c par confé- quent ne pût avoir des enfants, parce qu’elle avoit un fquirre vers l’orifice interne de la matrice. Il nous fait en- core i’hifloiré d’une autre qui, après avoir beaucoup fouffert dans un fâ- cheux accouchement, en devint dé- nie par une tumeur dure , que l’on trouva après fa mort, qui occupoit une partie du pas de la matrice. Ce- pendant, fi les duretés font fi petites qu’elles fe puiflent toucher, 5c qu’elles arrivent à de jeunes perfonnes, je ne doute point qu’on ne les puifie guérir par les remedes dont on fe fert ordi- nairement dans de pareilles occa- fions. Bien qu’on puifie couper l’hymen 5c les membranes qui lient quelquefois fortement les caroncules les unes aux autres, néanmoins il y a des occafions où ces membranes font fi épaiifes & il garnies de vaiflfeaux, qu’il y a du dan- ger à en faire l’ouverture ; car elles font tellement jointes au conduit de la pudeur, qu’il femble que ce n’en efl qu’une production. Ces parties étant coupées, il en arrive quelquefois des inflammations, des fievres & des con- vullions même. Dans cet endroit-là, les plaies ne peuvent fe réunir qu’avec peine, les humidités qui fort en t par- la du corps de la femme , étant des cailles allez fortes pour les en empê- cher : ce qui y caufe des ulcérés for- dides & l'aies, qui font fumes d’une gangrène qui mene infailliblement une femme à la mort. Voilà les maladies qui peuvent eau- fer le divorce, par l’obftacle qu’elles apportent à la copulation de l’homme de de la femme. On ne doit point ici fe faire fort fur le contrat de mariage. Il efl de la nature des autres contrats; car, s’il fe trouve que ceux qui ont contraélé ne peuvent faire la chofe à laquelle ils fe font obligés, le contrat demeure nui par l’impuiflance de l’un des deux : tout de même , pudique Tome 11, Ce de l’Amour conjugal. 305 306 T A B L E A Vf ceux qui fe marient s’obligent à fe rendre mutuellement les devoirs du mariage, fi l'un ou l’autre ne peut çnfuite le faire, alors le mariage efl nul, pourvu toutefois que le Juge ait prononcé fur fa diffolution. En effet, fi l’homme ou la femme a quelques maladies ou quelques défauts fans re- mede, qui les empêchent de fe join- dre enfemble, il n’y a pas lieu d’efpérer une fécondité heureufe,qui eft le prin- cipal fruit 6c la douce fatisfaélion du mariage. CHAPITRE III. Si les charmes peuvent rendre un homme impuijfant O» une femme fierile. LA ciïriofité n’eft blâmable que dans fon excès, 6c l’on feroit in- jufle fi l’on trouvait mauvais qu’on étudiât avec foin les belles 6c les bonnes choies. Ce A cette forte de curiofité qui ne touche que les grandes âmes. Elle polit l’efprit fans le tenir, elle fixe le jugement fans le détruire, 6c enrichit la mémoire fans la char- ger. DE l/AMOtE CONJUGAL. 307 L’homme eft' placé au milieu du monde , pour obfbrver tout ce que la nature y fait de plus curieux, & il ne doit pas pafler pour trop entrepre- nant, quand il en remarque exacte- ment toutes les circonfiances. Mais , h l’on envie de favoir eft déréglée, Sz qu’elle Le porte à des choies vaines ou illicites, c’eft alors qu’elle doit être cenl’urée, &; qu’elle le doit ren- dre aulîi malheureux que l’Empereur Adrien y le plus curieux de tous les hommes. L’art de pénétrer dans l’avenir a de tout temps fiatréles hommes, & je ne crois pas qu’il y ait jamais eu de i'cîen.cc recherchée avec plus de foin , mais audi avec moins de i'ucccs que celle que l’on appelle la magie noire. Car tout ce qu’on nous en dit eft ft éloigné de la railon & du bon lens, que la plupart des Savants fe font tou- jours défiés de lés promeftes, & mo- qués de fies maximes. En clfet, pour né m’arrêter qu’au noeud d’éguillette , par lequel les Magiciens & les Sorcièrs prétendent empêcher un homme de careffer la iemm.e la première nuit de lés noces nous examinerons ft coût ce [que l’on Ce x 308 T A B L E A tr fait & tout ce que l’on dit en la nouant? peut avoir quelque empire fur les par- ties amoureulës d’un homme qui aime ardemment, & qui cft de lui - même en état de farisfaire agréablement fou époufe. Nous verrons éhfuite fi le Dé mon, ou les Magiciens qui en font les fupporrs , peuvent détruire la fé- condité d’une femme qui a tout.ee qu’il faut pour engendre!'. Qu’il eft difficile de le défaire de Ce que l’on a appris dans les plus ten- dres années ! Il faut avoir beaucoup de force d’eipr.it , ou de bons maîtres pour fe défabufer des fables que l’on nous a débitées. Les idées s’en co h fer- vent toujours au moins dans les per- fonnèsqui prit l’elprit fbiblc, fur-tout, quant à cette vaine perfuafioil le joint la maûvàifé fàÇoh de vivre , ou l’hu- meur mélancolique. C’eft alors qu’il cft abfôlunienC impoftiblè dé les faire démordre de leurs fen riment s mal fondés. Si, dans cette difpof riori où font ces porfonnes, on leur dit avant qu’elles fë marient, que l’on a deffçin de leur nouer l’égaiftërte , leur cTprit déjà, perfuadé désenchantements, en reçoit une nouvelle imprélfion ; & torfqiuls veulent fe joindre amoureufement àt ieur femme, la perfuafion de la fable, la crainte du fortilege & l’amour conjugal font un fi grand défordre dans leur ame & dans leur fang, qu’il ne leur relie de chaleur, que pour fe conferver la vie, bien loin d’en avoir pour la donner à un autre. Le trou- ble où ils le trouvent alors les fait fou-vent tomber dans une humeur noi- re , qui le- r caufe en fuite une haine pour une femme prefque irréconci- liable : ils ont de la peine à la voie 6c à la fouffrir ; & quand il cil quef- tion de la carelier 6c de coucher avec elle , une certaine horreur s’empare tellement de leur efprit, qu’ils ne font jamais plus 'contents-' que- quand ils ne voient plus l’objet leur.chagrin, Cçtte imagination bluffée , bien loin de fe guérir par le temps , fent tous les jours augmenter Ion mal, 6c ils pub'ient en uire eux-mêmes, aulîi- bien que les autres, qu’ils ont été enforcelés,. 6c qu’en fc mariant on. leur a noué T.éguillctrc. Ce qui m’arriva iur ce fujec, il y a environ, 35 ans0 elt une preuve de ce que ji dis{ Ibvrrv Burul, Tonnelier de Ton métier, 6c puis faifsur d’eau- de l’Amour conjugal. 309 Tableau de-vie , travaillant pour mon pere dans une de Tes mai Tons de campa- gne, lui dit un jour de moi quelque chofe de défavantageux, ce qui m’o- bligea le lendemain de dire au Ton- nelier, que pour m’en venger, je lui nouerois l’éguillette, quand il fe ma- rierait. Comme il le devoir faire en peu de temps avec une ferrante de notre voi finage, cet homme crût bon- nement ce que je lui difois, & bien que je ne lui parlafle qu’en riant , néanmoins ces feintes menaces firent line fi forte impreffton fur fon efprit, déjà préoccupé des charmes, qu’après être marié , il demeura près d’un mois fans pouvoir coucher avec fa femme. Il fe fenroic quelquefois des envies de Tembrafler tendrement ; mais quand il falloit exécuter ce qu’il avoirréfo- îu , il fe trou volt impuîflint , fon imagination étant alors embarraflee des idées du fortiiege. D’un autre côté, fa femme qui étoit bien faite , avoit autant de froideur pour lui , qu’il en avoit pour elle ; & parce que cet homme ne la carefToit point, la haine s’empara auili-tôt de fon cœur , & témoigna pour lui les mêmes ré- pugnances qu’il avoir pour elle, Ce- de l’Amour conjugal. toit alors un beau jeu de les ouir publier l’un & l’autre qu’ils étoienc en for celés, & que je leur avois noué l’éguillecre. Je me repentis alors d’a- voir raillé de la forte avec un homme fi foible, & je fis tout ce que l’on peut faire , dans cette occafion , pour leur psrfuadcr que cela n’étoit pas ; mais plus je proteftois au mari que ce que fa vois dit n’étoic que des bagatelles pour me venger de lui, plus il m’ab- horoit , & croyoit que j’éteis fauteur de toutes fes infortunes. Le Curé de Notre-Dame , qui les avoir mariés, employa même tout fon efprit & toute fa prudence à ménager cette affaire. Enfin, il en vint plutôt à bout que moi, & rompit le charme par les foins, après zi jours, fans que le marie fût obligé de pilTer par l’an- neau de fon époufe. Depuis ils ont vécu enfemble près de 28 ans , & quelques enfants font nés de leur mariage , qui font maintenant des Bourgeois les plus ailes de la Ro- chelle. ' L’amour n’a jamais employé Tes foins que pour donner des agréments à l’un & à l’autre fexe. Il a voulu les obliger par-là à fe joindre fou vent, 312 & en fe joignant à perpétuer leur efpece. On ne fauroic exprimer quels violents defirs il nous fait naître dans le cœur , pour nous lier amoureufe- ulent ; & fi ce n’étoit par un ordre exprès de la nature, je ne faurois croire que les envies qu’il nous inf- pire incelîamment, fuflent fi prenan- tes qu’elles le font. C’efl une rêverie que de croire qu’un magicien puiffe s’y oppofer, & que nous ne puiffions réfifler à fes charmes. Les belles por- tent avec elles un filtre & un fortilege bien plus puiffant , & c’efl: contre celui-ci qu’il y a peu de remedcs. D’ailleurs , le Mariage eft un Sacre- ment fur lequel le démon n’a point d’empire. Il ne fauroic détruire l’ou- vrage de Dieu, ni ruiner ce que Jefus- Chrift a établi par Loix li faintes. Et je ne faurois croire qu’il y ait aucu- ne tîaifon entre les actions d’un tel art, & les myfleres de la nature & de la Grâce. La haine des démons & la perfidie des forciers ne doivent point faire de peur aux Chrétiens ; <5c les Conciles ne nous défendent autre choie que de ne pas croire ceux qui nous veulent perluadev qu’on peut nous lier ou nous délier par la vertu T A B 1 E A ir des fortileges. Il y a déjà long-temps que nous fommes revenus de ces for- tes de folies, que le Paganifme avoir inventées pour abuler les efprits cré- dules. Si tout le monde reflembloit à un Duc de Nevers, qui aima mieux s’expofer au péril de mourir par un flux de rang, que de fouffnr qu’on le lui arrêtât par des paroles, par des charmes, aflurément il n’y auroit pas tant de foiblefle parmi le peuple qu’il en paroît aujourd’hui, & le peuple Chrétien ne feroit pas fl fot que de croire à cette heure ce que l’on auroit eu de la peine autrefois à perfuader aux Payens. C’eft ce que difoit fouvenc faint Agobard, Evêque de Lyon. L’Aftrologie judiciaire & la magie n’ont aucun principe ni démonftratif ni plauhble. Ceux mêmes qui en ont traité à fond font encore préfentement à s’en accorder ; & parce qu’elles im- potent une fatalité indifpenfable aux aétions des hommes, elles font con- traires à la Religion Chrétienne & aux maximes d’un Etat bien policé. Et pour parler en particulier, les figures de Ga.ma.he£ , les couleurs des éguillettes, les caraéteres des talif- anans, & les paroles du fortilege n’ont Tome il Dd de l’Amour conjugal. pas aiTez de pouvoir pour s’opposer à la conjonction de l’homme 6c de la femme. La plupart des hommes font plus ratines aujourd’hui qu’au- trefois, 6c ils ne Te laitfcnt pas aifé- ment aller aux revêries du Rabmifme, aux impoffures de i’Aftrolog’e judi- ciaire, ni aux vaines perfu allons de la magie. Les paroles, pour ne m’é- tendre pas plus loin , ne font qu’un fouffle articulé qui exprime nos pen- fées , & quand même nous ferions pofledés d’un efprit impur , nous ne iaurions taire ce que l’on dit que fait un forcier pour le nœud de l’eguil- lette, Tout au plus , le démon n’au- roit alors de pouvoir que fur le corps qu’il pclTéderoit , 6c l'on empire ne fauroit s’étendre jufques fur l’autre partie de l’homme. Témoin l’Empe- reur Frédcric Barbercujfc, qui te mo- qua fi juftement des menaces d’un Arabe , qui pafloit pour magicien , que les Milancis qu’il alhégeoit lui a voient envoyé. D’autre part, qui peut croire que nos parties naturelles puiffent être plutôt enchantées que les autres qui nous compofent ? N’eil-ce point, peut-être, parce qu’elles fervent k des T A B I B Aïï ns l’Amour conjugaU. ’a&ions impudiques & illicites, que le démon prend delà fujet de les enchanter? Mais notre cœur n’eft-il pas la fource du mal que nous ccm- met,tcns ? Nos mains n’exécutent-elles pas les pernicieux delTeins , & notre langue ne découvre-t-elle pas ce qu’il a de mauvais ? Cependant nous n’avons point appris jufques ici que notre cœur, nos mains de notre lan- gue aient été enlbrcelés. Au relie, tout le monde fait que les femmes ont plus de légéreté que nous n’en avons, <5c que l’on en voit plus de forcieres, ou plutôt de folles & de mé- lancoliques , que l’on ne voit d’hom- mes forciers. Cependant, quand il ell queüion d’engendrer, on diroit que le démon s’attache plutôt aux hommes qu’aux femmes, comme fi les parties naturelles des hommes lui étoient plu- tôt dedinées que celles des femmes. Dans cette fauffe penfée, l’on ne manque ni de raifons apparentes, ni d’autorités recherchées, pour prouver ce que l’on dit ordinairement là-def fus; & la vérité, dans cette occalion, n’a pas tant de ludre que le men- fonge. Mais, fi nous ne nous lailfons pas 316 Tableau prévenir en faveur des enchantements, nous trouverons aifément la véritable caufe par laquelle ce font plutôt les hommes qui font expofés à ces char- mes imaginaires. La femme ne fait que fouffrir quand on la carelfe, & c’eT alfez qu’elle puifie recevoir les impreflions de l’homme pour devenir féconde ; au lieu qu’il faut des machi- nes à l’homme pour le faire agir, <5c peu de chofe pour l’en empêcher. Si fon imagination efl bleflée par les défordres de la femme , fi elle efl émue par fa beauté, ou dégoûtée par fa laideur, fes parties amoureufes lui refufent l’obéiflance qu’elles lui doi- vent. Si un homme aime avec trop de palhon, fi la pudeur ou la timi- dité ne peut fouffrir les amorces de l’amour, fi les Courtifannes ou la dé- bauche ont épuifé fes forces, & qu’à caufe de cela il ne puiffe jouir des plaifirs du mariage, on dira aulfi-tôt qu’il ell enforcelé, ainfi que le difoit autrefois l’Empereur Néron de lui- même, & que l’éguillette lui a été nouée, comme s’il ne paroiffoit pas affez de caufes naturelles qui le ren- dent froid & languififant. Jamais on u’eûteru que Théodoric, Roi de Bour- gogne, eût été charmé, fi auparavant il n’eût perdu Tes forces entré les bras de fes Courtifannes ; & jamais Her- manberge n’auroic appréhendé le for- rilege, s’il avoit été en état de la fatis- faire. Je ne parle point ici des hommes impuifiants par la nature , ni de ceux qui ont quelques détauts dans leurs parties naturelles ; l’on 1 aitafïez qu’ils ne font pas capables de s’allier étroi- tement à une femme ; mais je parle feulement de ceux à qui il ne manque rien pour s’acquitter agréablement du devoir d’un mari. Si nous avons un peu de force d’ef- prit, nous nous moquerons de ce que quelques perfonnes fpirituelles ont dit en raillant, ou en voulant profiter de la foibleiTe des autres : nous nous mo- querons , dis-je, du millepertuis de de la rue cueillie de nuit, en difant quel- ques paroles obfcures, confus enfuite dans du linge avec une éguille qui a fervi à enfevelir les morts, & puis pen- dus au cou d’une fille avec une eguil- lette de nerf de loup, pour l’empê- cher d’être dépucelée. Nous nous rirons des caraéleres Ephéficns, écrits avec du fang de chauve-founs, & de l’Amour conjugal. puis pendus au cou de la mariée pour le même clTet. Nous tiendrons pour friperfiicion ce que Ton dit ordi- nairement des vertus de l’éguillette, foit faite de nerf de loup , foit de peau de- chat ou de chien enragé. On aura beau la faire teindre d’une ou de trois couleurs, la nouer de trois ou de neuf nœuds, cracher trois fois fur la poufîiere ou dans fon giron , & de dire tout bas quelques mots obfcurs & barbares, pendant que le Piètre dir aux mariés, ccs mots latins. Ego vos ccnjungo : rien de tout cela ne fera capable de faire fur nous la moindre impreffion , fi nous avons tant foit peu de force d’efprir. Nous n’avons que faire, pour nous garantir de ccs charmes, de grailler la porte de la chambre où l’on doit coucher avec de la graille de loup ou de chien noir, d’arracher à la co- lonne du lit des mariés des tcllieules de coq , de jeter dans la chambre des feves coupees par la moitié , & de faire beaucoup d’autres bagatelles que les vieilles femmes ont inventées pour amiiler les enfants. Pour nous moquer des maléfices, nous n’avons befoin que de vigueur 6; de hardie de , Tableau il ne faut qu’avoir été fago avec les femmes, & être amoureux quand on fe marie , pour méprifer tout ce qui peut s’oppofer au plailir du mariage. Lt s’il faut s’expliquer ici plus nette- ment, voulez-vous rompre toutes for- tes de charmes r Sovez lobre, & mo- dérez toutes vos partions, ne foyez ni fi lent, ni fi ardent à l’amour ; nfez de votre femme lorfque la nature vous excitera à l’embrafler. La chaileté vous rallumera fouvent le feu eue vous aurez perdu entre fes bras; & par-là fi les mariés veulent, ils apprendront à fe moquer du fonilege : car cycjl une grande partie de la famé que vou- loir être guéri. On ne peut douter que les vapeurs noires d’une humeur mélancolique ne puilTent troubler notre imagina- tion , <5c nous perfuader des chofes qui ne font pas. Nous en avons des exem- ples , & il ne fe parte point d’années que je n’en fartfe quelques obferva- ti- ns en laifant la Médecine. Si un homme ne peut connoîrre fa femme, parce qu’il croit avoir l’éguil- lette noué. ,il ne faut pas d’abord com- battre direélement fon opinion. Plus (?n s’opiniâtre à lui dire que c’ert; une Dd 4 de l’Amour conjugal. Tableau bagatelle, plus il fera obftiné dans ion fentiment. Ceil l’effet de l’humeur noire & mélancolique, que de rendre fermes ceux en qui elle domine. Tout ce que l’on doit faire dans cette occa- fion, c’eil de traiter un homme com- me un fou, & de tâcher de guérir fon imagination bleflée par quelque adionde foupleffe, comme Montagne guérit un Comte avec un petit Talif- man d’or. Un Juge Allemand demandoit un jour à une fameufe forciere, qui c’c- toit qui pouvoir être le plutôt guéri d’un forrilege : à quoi elle répondit fort à propos, que c’étoit celui qui gardoit le plus long-temps fes vieux fouliers ; voulant dire par-là, qu’il ne falloit que du temps ck de la patience pour guérir ceux qui penfoient être enforcelés. Je crois pourtant, ainfi que je fai dit ailleurs, qu’il y a des remedes pour nous rendre froids auprès des femmes, fans que nous foyons pour cela charmés. Mais ce que l’on appelle forrilege ou enchantement, ne le fait que par un pade tacite ou exprès avec le démon, & pour cela l’on ne fe fert que de paroles obfcures, de figures. d’herbes fans vertu , & d’autres baga- telles, qui nous font bien voir que ce n’eft pas la nature qui agit, mais toute autre chofe. Il eft impoflible que le Diable, pour venir à la fécondé proportion que je dois examiner en peu de mots, puifle empêcher la nature d’agir, quand elle a tout ce qu’il lui faut pour agir. L’enfant qui fe forme dans les flancs de la mere, ne s’y forme que par un. exprès commandement de Dieu. Le démon n’a nul pouvoir d’empêcher la génération, & encore moins quand elle efl; appuyée par le Sacrement de Mariage. La nature fuit inviolable- ment les ordres du Créateur, quand elle n’eft point empêchée dans fon aéfion par quelques caufes naturelles ou violentes ; & fi le démon ou un forcierpeut s’oppofer à la conception, ou plutôt, Ji le Prince des Puifances de Vair, pour mefervir de l’expreflion de Saint Paul , exerce fon pouvoir fur les incrédules & fur les rebelles , ce n’cft point par fort ; mais par /im- pie crédulité d’une femme, par fa peur ou par l’agitation extraordinai- re de fon fang & des humeurs. Car qu’un ferpent mis Ibus le feuil d’une de l’Amour conjugal. ports puiflTe rendre une femme déd- ie , il n’y a que les fous & les hypo- condriaques qui puifient le croire. J’ajourerai encore à ce que je viens de dire , que ,' s’il eft vrai que Jcfus- Chr'ijl foie venu enchaîner le démon pour l’empêcher de nous nuire , 6c qu’il y air préfenrement des hommes plus éclairés que dans les fiecles paf- lés , qui fe font apperçus de la fou- plcfie des uns 6c de la foiblelTe des autres, on ne doit pas s’étonner qu’on ne voie pas à cette heure tant de for- ciers qu’autrefois. Medée qui ne fc ieryoit que d’herbes qui agiflent par des qualités manifefies , palfoit pour forciere dans un fiecle ignorant, 6c un joueur de gobelets pafleroit pour magicien parmi les Siamois, s’il leur falloir voir fes foüplefles 6c Ion induf- trie. C’eft une grande marque de fagefie de ne croire pas légèrement tout ce que l’on nous dit des charmes 6c du fortilege. Si l’on purgeoit avec l’ellé- bore ou avec le vin étnétique , tous ceux qui penfent avoir l’eguilletre nouée, je ne doute point qu’ils ne fufient pour la plupart, bientôt guéris des maladies du cœur 6c du cerveau , Tableau que leur croie l’humeur mélancoli- que. C’étoit le fentiment du grand Jurifconfulce Alciat_, qui avoir affilié aux procès de beaucoup de fonciers, de qui difoic pendant qu’on les brûloir du coté du Béarn, que le feu n’étoir pas un fi bon remede pour eux que la purgation. En effet, nous ne voyons pas que les Parlements les plus feu- les, aient été fi foibles dans çes der- niers fiecles, que de fe laiffer féduire aux impoffures des forciers. Celui de Paris fe-moque avec raTon de ces bagatelles , & cette illudre Compa- gnie ne s’ed jamais repentie, comme ont fait les autres, d’avoir été trop faciles à perfuader. Si l’on eût purgé plufieurs fois le cerveau de Gratienne Gaillard, fem- me de Jean d’Auroux de Berry , qui tomboic dans de fâcheux accidents , lorfque dans les premières années de Ton mariage on lui parloir de fon mari, au lieu de la démarier, comme fi: Monfieur la Chapelle , Official du Diocele de Bourges, fans doute que l’on auroit mieux agi dans cette occa- fion. Car, puilque Monfieur Coutu- rier, Doéleur en Medecine & deux autres Médecins jugèrent qu’elle étoit IDE l’Amour conjugal. folle, il n’y avoit point d’autres reme- des pour la remettre en fon bon fens, que ceux que nous avons propofés. Les Exorcifles anciens en ufoient bien mieux que ne font aujourd’hui nos modernes.- Jamais ils n’emrepre- noient de faire fortir par des prières de l’Eglife, le démon du corps des polfédés, que les Médecins n’eu lient auparavant bien purgé le malade. Si des grands hommes ont femblé croire aux impoflures des forciers, ils ont voulu parler comme le peuple , & ont été quelquefois bien aifes de fe laiffer tromper avec lui. L’art fait fouvent paroître des chofes furpre- nantes. La nature s’en mêle quelque- fois, Mais Dieu ne permet que fort rarement qu’il fe falle des prodiges & des miracles ; & c’eft, à mon avis, une foible raifon de dire, que Dieu permet tout ce que l’on croit pour l’ordinaire des enchantements. Mais je rappelle dans mon efprit, que l’on eft fort mal récompenfé après avoir écrit pour ou contre les forciers, & que Bodin, qui fe déclara autrefois leur ennemi capital, a paflé aulfi-bien pour magicien que Witr , qui en entreprit la défenfe. Jamais ydpulée, Tableau accule de magie , ne fe feroit tiré d’afflire avec toute fa Philofophie <5c tout fon bel efprit, fi Lollunus Avitusf ami de Claudius, n’eût intercédé pour lui auprès de ce Préfident. On me per- mettra donc de n’en rien dire davan- tage, & il fuffit que Naudé ait fait en ce fiecle l’apologie des grands hom- mes accules de magie. de l’Amour conjugal CHAPITRE VI. Des Hermaphrodites. IL faut avouer que la nature fe joue quelquefois, lorfqu’elle donne aux parties qui distinguent les fexes une figure différente de celle qu’elles doivent naturellement avoir. Il n’y a qu’à lire les hiiloires des Hermaphro- dites pour apprendre que des per- fonnes ont eu tout enfemble les par- ties naturelles d’un homme & d’une femme. Ce font ces gens que l’on je- toit autrefois dans la mer ou dans la riviere , ou que l’on reléguoit dans quelque ille déferre, comme des pré- fages de quelque finiffre événement. Si l’intelligence qui travaille dans Tabieait les entrailles d’une femme, manque quelquefois à former les parties les plus nobles, 6c les plus néceffaires à la vie d’un enfant, on ne doit pas s’étonner s’il lui en arrive autant dans la formation des parties génitales. Mais parce que la propagation de l’efpece n’elf pas d’une li grande né- ceffité que l’exiftence de la vie, nous ne voyons pas auffi tant de défauts dans le cœur, dans le cerveau, dans le foie, 6c dans les autres parties prin- cipales, que dans les autres parties amoureufes des hommes 6c des fem- mes. En effet, il ne fe pafîe guere de luflre que l’on n’entende parler de quelques Hermaphrodites, qui autre- fois palfoient pour des prodiges 6c pour des montres, 6c qui font aujour- d’hui regardes comme quelque chofe de fort curieux. 1. J’en compte de cinq efpcces. Les premiers ont toutes les parties naturelles d’un homme , fort bien faites : ils urinent 6c engendrent com- me les autres hommes ; mais avec cette différence, qu’ils ont une fente affez profonde entre le fiege 6c la bourfe, qui efb inutile à la génération. 2. Les autres ont tout de même les parties naturelles d’un homme fort bien figurées, qui leur fervent à taire les fondions de la vie <5c de la géné- ration ; mais ils ont une fente qui n’efl pas ti profonde que celle des premiers, <5c qui, étant au milieu de la bourfe, prefi'e les teflicules d’un côté a été employée à la former ; mais cependant le doigt en trouve aifément le fond. Les réglés ne cou- lent jamais par-là , & cette efpece d’Hermaphrodite eft un véritable homme autlî-bien que les deux autres. Ce font ces fortes d’Hermaphrodites, qui à l’âge de quinze ou de dix-huit ans deviennent garçons , de filles qu’ils avoient été edimés auparavant : témoin la femme de ce Pêcheur, qui, au rapport d'Antoine de Paîerms , devint homme après quatorze ans de mariage. Toutes les parties d’un homme lui fortirent tout d’un coup, & elle parut alors à fon mari auhi de l’Amour conjugal. 328 vaillante que lui dans l’adion natu- relle des hommes. 4. Les quatrièmes font des filles qui ont le clitoris plus gros 6c plus long que les autres, 6c qui par-là impofent au peuple, qui n’eft pas favant dans les parties qui les compofenr. Ce font elles que les Grecs appellent Trïba- des , dont les François ont formé leur mot de Ribaudes j 6c c’eft aufîi de cette efpece d’Hermaphrodites donc Columbus dit avoir examiné les par- ties internes 6c naturelles , fans y avoir trouvé aucune chofe effentielle différente des parties naturelles des autres femmes. La feule marque que ce font des filles, c’efl qu’elles fouf- frent tous les mois l’écoulement de leurs réglés, 5. Enfin, les cinquièmes font ceux qui n’ont l’ufage ni de l’un ni de l’au- tre fexe, 6c qui ont les parties natu- relles fi confufes, 6c le tempérament d’homme 6c de femme fi mêlé, que l’on auroit de la peine à dire lequel l’emporte fur l’autre. Telle étoit la Bohémienne, qui pria le même Co~ tombas de couper fa verge , 6c d’élar- gir le conduit de la pudeur, pour avoir la liberté, difoit-elle. de le ioin- T A B I S A tf de l’Amour conjugal. dre amoureufemenc a un homme. Mais ces fortes de perfonnes font plu- tôt une efpece d’Eunuque que d’Her- maphrodite, leur verge ne leur fer- vant de rien , & les réglés ne leur venant jamais. Je ne prétends point parler ici de ces femmes à qui les réglés manquent pour quelque caufe que ce foit : on eft aifément perfuadé qu’elles ne changent point de fexe, & que leurs parties naturelles demeurent toujours les mêmes ; mais on fait auffi qu’elles peuvent changer de tempérament, & prendre celui d’un homme, comme l’a remarqué Hippocrate dans la per- fonne de Phaètufe. Beaucoup de perfonnes affûtent, & il eff même vrai, qu’il y a des Herma- phrodites ; mais aucun ne nous inffruit véritablement de leurs caufes efficien- tes & matérielles : examinons-en donc exactement la fource. i. Il y a fur cette matière plusieurs raifonnements. Les uns penfent que la conjonction de Vénus & de Saturne. difpofe fi confufément,dans les flancs d’une femme, la matière qui fert à former un enfant, qu’il naît delà un Hermaphrodite. Tome IL Ee i. Les autres croient que les Her- maphrodites fe forment pendant que les réglés coulent ; & que les règles étant toujours impures, elles ne peu- vent produire que des monfhes. 3. Les troifiemes difent que la nature ayant un foin particulier pour la propagation des hommes, s’efforce toujours autant qu’elle peut, à engen- drer plutôt des femelles que des mâles. Auffi voyons-nous, ajoutent-ils,beau- coup plus d’hommes Hermaphrodites que de femmes, la nature ayant mar- qué à ces premiers les voltiges des parties naturelles de la femme. 4. Les autres croient que l’homme & la femme ayant contribué tous deux également à la génération, la facul- té formatrice qui tâche de rendre le corps, fur lequel elle travaille, fem- blable à ceux dont elle elL fortie , im- prime autant qu’elle p:ut, fur ce corps, les caraéferes d’homme & de femme , ce qui fait un Hermaphro- dite : fi bien qu’il s’en eft vu qui émient capables d’engendrer dans les deux fexes, & qui avoient la mam- melle droite d’homme, & la gauche de femme. 5. Les cinquièmes fe perfuadent , Tableau que Dieu ayant fait l’homme mâle 5c femelle , comme parle l’Ecriture , nous avons effentieîlement en nous- mêmes , la faculté de devenir l’un 5c l’autre (exe, 5c que par conséquent il ne faut pas s’étonner s’il naît quel- quefois des Hermaphrodites, puifque nous le femmes en puilfance. Enfin, il y en a qui difenc là-def- fus tant de fables, que je ne faurois me réfondre à rapporter leurs femiments. i. Si nous examinons les raifons de ceux qui difenc que la conjonction de Vénus 5c de Saturne efl la caufe des Hermaphrodites, nous verrons clai- rement qu’elles font trop foibles pour nous perfuader. Ces aftres font trop éloignés de nous, pour être les caufes prochaines d’un tel effet, 5c pour avoir un empire fi abfolu fur le corps d’un enfant qui fe forme dans les entrailles de fa mere. Et s’il étoit vrai que leur conjonction pût caufer ces difformi- tés, au moins ne feroit-ce pas dans deux Hermaphrodites nés dans les diverfes faifons d’une même année ? z. Les féconds ne me perfnadent pas plus, car félon leur fenriment, il devroic plutôt naître des galeux, des ladres 6c des valétudinaires que des D£ l’AmoU* COSJUGAI. Tableau Hermaphrodites, fi la conception iê faiibit pendant le flux des réglés , comme nous l’avons remarqué ailleurs. 3. Je ne fuis pas non plus convaincu par les raifons des troificmes ; car la nature n’étant que la puiffance de Dieu dans laproduélion des animaux, elle ne travaille jamais félon fes or- dres naturels que fur la matière qu’on lui a donnée ; & par conféquent les Hermaphrodites dépendent plutôt de la difpofition de la matière, comme nous verrons ci-après y que du delfein prémédité de la nature, 4. Le fentiment des quatrièmes fent fi fort la fable, que ce feroit per- dre du temps que de s’arrêter à le réfuter ; car la faculté formatrice , qui n’eff qu’un effet de famé, ou famé même, fi l’on veut, n’a pas le pou- voir de faire des différences fi mani- feiles, &; la génération ne fe faifant que par le mélange & la fermenta- tion des deux femences, comme nous l’avons prouvé ailleurs, elle ne peut en féparer les aélions, quand les fe- mences font une fois jointes : fi bien qu’il ne s’eff encore jamais vu d’Her- maphrodite qui pût ufer indifférem- ment de fes deux parties naturelles. de l’Amour conjügai. & en produire des enfants. Si nous- avons quelques hiftoires là-deffus, ce font toujours de véritables femmes qui abufent de leur clitoris , avec lequel elles ne peuvent jamais engen- drer dans un autre. 5. Enfin, de croire que nous foyons Hermaphrodites en puiffance , c’efl une imagination tirée de Platon, <5c une erreur qui fut condamnée fous le Pape Innocent 111. Et quoique l’Ecri- ture paroiffe d’abord favorable à ce fentiment, cependant fi on la confi- dere de bien .près, on verra qu’elle a un fens tout autre que celui qu’on lui veut donner. Mais pour dire ce que je penfe fur une matière aulîi difficile que celle-ci, il me femble qu’on doit prendre la chofe de fort loin , & fe fouvenir de ce que nous avons dit ailleurs de la caufe de la génération des garçons & des Elles, après quoi il fera , ce me fem- ble , aifé de connoitre ce qui fait la confufion des fexes. Nous avons dit que la femence étoit le plus fouvent indifférente pour les deux fexes, & que, fi elle trouvoit une boule dans les cornes de la ma- trice qui renfermât une matière cliaU" 334 de,feche, rcfferrée, preffée, 5c pleine d’efprits, elle la rendoit féconde pour en faire un garçon. Mais que fi elle en rencontroic une autre qui fût moins chaude 5c moins feche, plus ouverte 5c plus mollette, 5c moins remplie d’efprits que la première , elle ne laifîoit pas de l’animer pour en faire une fille. Nous avons encore dit, que fi la matière qui étoit renfermée dans une autre boule, étoit tellement tempé- rée dans les qualités, 5c égale dans fa matière, qu’elle fût dans un par- fait équilibre à l’égard de toutes ces chofes, la femence de l’homme déter- minoit cette matière pour un garçon, au pour une fille, félon le plus ou le moins de feu 6c d’cfpric qu’elle portait avec fa matière lâche ou refi- ler ré e. Mais fi par hazard la femence de l’homme a plus de difpofition pour déterminera l’un des deux fexes que la femence tempérée de la femme, alors il fc fait un Hermaphrodite qui a plus de rapport à l’un ou à l’autre, félon les différents efforts de la femence animée de l’homme ou de la femme. Pour éclaircir davantage cette difi Tableau DE l’AmoUU CONJÜGA1. ficulté, examinons la chofe de plus près. L’intelligence d’un enfant, ou ion ame immortelle , fi l’on veut, qui a travaillé depuis le commencement de la formation de cette créature à le faire lin domicile , 6c qui a déjà achevé la plupart de Tes parties prin- cipales, commence vraifemblablement vers le trente-cinquieme jour à s’em- ployer à faire les parties naturelles d’un garçon. Elle prend donc la ma- tière qu’elle a d’abord choifie pour cela, & qu’elle a irife dans l’endroit où doivent être pofées les parties naturelles de l’enfant. Elle travaille inceflamment à les former ; mais parce qu’elle manque de matière pour les accomplir, elle en emprunte des parties voilines , aimant .mieux ren- dre celles-ci défigurées, que de man- quer à Former parfaitement les parties qui doivent lervir à la génération, a. Et ce font les défauts qu’on remar- que dans les deux premières efpeces d Hermaphrodites dont nous avons parlé ci-deffus, qui font de véritables hommes. 3. Mais lorfqu’il ne fe trouve guere de matière pour faire les parties gé- nitales d’un garçon , on ne fauroit Tableau dire quelle économie l’intelligence prend pour former ces parties. Elle épargne la matière, elle ménage le lieu , & difpofe fi bien toutes chofes, qu’elle forme parfaitement les parties génitales d’un garçon ; mais elle les forme en dedans, manquant de force, de chaleur & de matière pour les faire fortir au dehors. C’efl de cette forte qu’elle agit en formant les par- ties naturelles de la troifieme efpece d’Hermaphrodites, qui font eftimés des filles, bien qu’ils foient de véri- tables garçons. Ce font ceux-ci qui changent de fexe, & qui de filles qu’ils étoient eftimés auparavant , deviennent hommes, qui fe marient enfuite, & qui font les peres de plu- fieurs enfants. La chaleur naturelle & génitale devenant tous les jours plus forte , pouffe au dehors à l’âge de quinze, de vingt ou de vingt- cinq ans, les parties amoureufes qui étoient demeurées cachées jufqu’à ce temps-là, comme il arriva à cette fille Italienne qui devint homme du temps de l’Empereur Conjlantiny com- me Saint Augujlin nous le rappor- te. C’eft peut-être aulfi quelque effort violent nui fait fortir ces mêmes par- de l’Amour conjugal. tîes ; témoin Marie Germain , donc parle Pare, qui, ayant fait un grand effort en fautant un foffé, devint hom- me à la même heure par la fortie des parties naturelles. 4. Au lieu que l’intelligence man- quoit de matière pour former les par- ties génitales des trois premières ef- peces d’Hermaphrodites dont nous venons de parler , dans la quatrième il s’en trouve plus qu’il n’en faut. L’intelligence qui vers le quarante- cinquieme jour de la formation d’une fille, eft en peine de placer toute la matière qu’elle a d’abord réfervée pour former fes parties amoureufes , fe détermine enfin à faire le clitoris beaucoup plus gros & plus long qu’il n’a coutume d’être , afin de laiffer aux parties génitales internes de cette fille , une figure naturelle pour fervir un jour à la génération ; car elle aime beaucoup mieux manquer dans les chofes fuperflues que dans les néces- saires. Ce font ces fortes d’Hermaphro- dites qui , de véritables femmes , ont fait accroire à beaucoup de gens qu’elles étoient auffi des hommes. C’eft ainfi que Montanus a pris fon Hermaphrodite pour un homme, lorf-. Tome IL Ff Tableau qu’il carefloit amoureufement Tes fer- vantes, «5c pour une femme lorfqu’elle fe dioit amoureufement à fon mari pour avoir des enfants. Bien que ces quatre efpeces d’Her- tnaphrodites aient mérité ce nom, la •nature ne leur a pourtant pas refufé l’avantage de fe fervir de leurs par- ties génitales, «Sc d’engendrer comme les autres. Les hommes Hermaphro- dites font des enfants, <5c les femrqes Hermaphrodites conçoivent ; fi bien que les uns <5c les autres ne différent des hbmmes & des femmesque par quelques parties qui manquent ou qui font fuperflues ; mais qui fou vent ne troublent point la génération. Cette femme que l’on appelloit Emilie , qui étoit mariée avec Antoine Sperta, au rapport de Pontanus, lut eîiimée femme pendant fon mariage de douze ans ; mais elle fut enfuite réputée pour homme après s’être alliée à une femme. 5. Il n’en efb pas de même de la cinquième efpece, que l’on peut ap- peller parfaits & véritables Herma- phrbdités , puifqu’ils n’ont l’ufage ni de l’uù oi de l’autre fexe. Et c’ell de ‘cette forte qu’ils fe forment dans les flancs de'leur mere. 'Tout.9-* *i. Hauts, dbomtt%e ‘Xiftù . dhottunc. ■ jfa/inzine ■ S.Hia.yui tti ftomc tu/cmc 4,/iÿ'deJcrn: /reÿtffrj', c/fArott///er . be l’Amour conjugal. L’intelligence qui a le foin de com- pofer ce petit corps Hermaphrodite, eft fort en peine quand elle trouve dans le ventre de fa mere une matière qu’elle ne peut ménager pour faire fes parties génitales. D’un côté la matière efl humide & mollette ; de l’autre elle efl feche & reflerrée : ici elle efl chaude, là elle efl froide; en un mot, c’eft une matière qui a des parties li différentes & fi rebelles, qu’il efl impoffible de les pouvoir ména- ger, & avec cela il y a fi peu d,e ma- tière , qu’elle manque de chaleur & d’efprits, dont l’intelligence fe fert toujours pour former toutes les par- ties de nos corps. Si c’efl un garçon qu’elle entreprend de former, il de- viendra , quand il fera homme, trop froid & trop lent pour engendrer , & aura de grands défauts dans fes parties génitales. Si c’efl une fille , elle fera un jour trop chaude <5c trop feche, & manquera d’organes , de femence & de réglés pour former & faire vivre un enfant. , Néanmoins l’intelligence doit ache- ver fon ouvrage de quelque maniéré que ce foit. Elle y travaille donc for- tement, & ce feroit fans doute des Ff 2 T A B I E A U parties qui feroient en quelque façon déterminées à l’un des fexes, fi là matière n’étoit point inégale ni d’une complexion différente. Enfin , elle forme un Hermaphrodite , ou li l’on veut, un mon lire qui n’eff ni homme ni femme, & qui n’a pas les parties naturelles de l’un ni de l’autre l’exe. On pourroit accufer rintelligence de s’être trompée dans la figure qu’elle a donnée aux parties naturelles d’un enfant Hermaphrodite. Car on ne peut pas douter que les intelligences, quelque lavantes qu’elles foient, ne puilfent fe tromper quelquefois , & ne pas faire les parties juftes ; mais que l’on fe détrompe là-deffus, l’in- telligence a trop de lumières pour manquer dans cette occafion quand elle a une matière bien difpofée. Cela étant ainfi expliqué, on peut maintenant répondre aux queffions que l’on fait ordinairement fur cette matière, fa voir : 1. Si les filles peuvent être chan- gées en garçons , 6c les garçons en filles. 2. Si un Hermaphrodite peut ufer de l’un 6c de l’autre fexe, 6c s’il peut engendrer, v de l’Amour conjügai. 341 5». Si l’Hermaphrodite peur conce- voir dans lui-même fans fe joindre à perfonne. 4. Si un Prêtre peut marier un Her- maphrodite ou une perfonne qui eft: accufée de l’être. 5. Si un Hermaphrodite peut fe faire Moine ou Religieufe. I. Pour éclaircir la première qucfi tion , On doit favoir que le tempérament d’un homme eft h différent de celui d’une femme, qu’il eft impoffible qu’il arrive dans la nature un chan- gement fi extraordinaire. La ccm- plexion d’un homme ne confifte pas feulement dans une certaine union des premières & des fécondés quali- tés ; mais dans un certain mélange de un arrangement de la matière donc il eft compofé. Et par conféquent il eft impoffible qu’un garçon devienne fille, & qu’une fille devienne garçon, le tempérament de l’un & de l’autre étant une chofe trop éloignée, comme nous l’avons examiné ailleurs. D’autre part, ceux qui fe font ap- pliqués à difféquer des hommes Sc des femmes , lavent bien que leurs parties génitales font fort différentes Ff 5 T A B X 13 AU cntr’elles ; & fi la nature leur a donné un efpace fuffifant pour placer les uns, elle leur a en refufé un pour placer les autres. Ainli jepourrois dire, avec le favant qidil eji itnpojjlble que les deux fexes fc puijjent trouver vcri- iablement dans un même corps. Il ell vrai pourtant que nous appre- nons par quelques hifloires que nos Médecins ont écrites, que des per- sonnes qui avoienc été d’abord efti- mées filles, étoient devenues hommes dans la fuite, leurs parties naturelles d’hommes s’étant manifeftées, ou par les enjouements du mariage, ou par l’abondance & la force de la chaleur naturelle, ou enfin par quelque mou- vement violent. Mais, à dire le vrai, ce n’étoient que des hommes cachés, comme étoic cette Servante de dix-huit ans, qui mourut de pcde, dans le corps de laquelle Jean Bouhain, Médecin de X/yon, trouva les mêmes organes qui fervent aux hommes pour la généra- tion. On peut dire encore que les femmes qui p a fient quelquefois pour des hom- mes, qui ont quelque poil au menton & par le corps, & qui ont la voix un de l’Amour gonjugai. peu greffe, ne font que de véritables femmes, bien-qu’elles fe divertiffenc de leur clitoris avec leurs compagnes. Si bien qu’après tout cela, on ne peut pas dire que les uns fe foient changés dans les autres : car nous n’apprenons point que les hommes foient devenus femmes,& que leurs parties naturelles fe loient anéanties, ou foient retour- nées en dedans pour former les par- ties d’une femme ; & le peu d’hiffoires que l’on nous fournit fur ce fujet, font routes fort fufpeéles,mal entendues ou fabuleufes ; témoin fhifloire fane nous rapporte d’un Hermaphro- dite de Benevenc en Italie, où il fait à deffein une équivoque pour fùr- prendre i’cfpric du Leéfeur dans une chofe rare & extraordinaire. Il n’y a plus aujourd’hui de Tire- Jïas. La fable cede a la vérité, & l’on ne croit plus à cette heure ce que l’on croyoit autrefois fi aifément. Les deux hommes Hermaphrodites de Licctus, dont l’un s’étoic marié & l’autre rendu Moine, ne laifferent pas l’un & l’au- tre de concevoir & de porter un en- fant dans leurs flancs. Mais aufli ce n’éroient que de véri- tables femmes que i’on avoir d’abord Tableau prifes pour des hommes, à caufe de la longueur & de la groffeur de leur clitoris. Ainlï nous devons croire que les parties génitales d’un homme ne fauroient fe retirer au dedans, pour fe placer comme doivent être placées les parties naturelles de la femme ; & quand même cela fe pourroit faire, je ne faurois me perfuader qu’il y eût un lieu allez fpacieux pour les y recevoir. Il faut donc conclure que ces chan- gements font impofiîbles ; que les Hermaphrodites qui conçoivent, font de véritables femmes ; que les autres qui font concevoir font de véritables hommes; & que fi les intelligences qui ont le foin de former le corps, fe trom- pent quelquefois dans leur ouvrage , c’eff bien plutôt par la faute de la matière que par leur propre igno- rance. II. La fécondé queflion dl aifée à décider , après ce que nous venons de dire : car de s’imaginer qu’un Her- maphrodite puilîe ulèr de l’un & de l’autre fexe, & qu’il puifle engendrer par les deux, c’eftce que l’on ne pour- roir perfuader qu’à des enfants. De deux différentes parties naturelles qu’a de l’Amour conjugal. un Hermaphrodite, il y en a toujours une qui efl inutile, parce qu’elle eft pontre les loix de la nature, & que l’intelligence ne l’a faite que par for- ce, ne trouvant pas allez de matière, ou en trouvant trop pour former les parties dont l’enfant auroit befoin pour la génération. Car quelle confu- lion feroit-ce de trouver dans un feu! corps des teflicules d’homme & de femme, une matrice & un membre viril ; en un mot, tout l’attirail des parties génitales d’un homme & d’une femme ? Le tempérament de l’un par lequel paffoienc les réglés Sc Ton urine, & par lequel paffa auliî la fcmenee de l'on mari qui l’engroffa. Cela n’empêche pas que ces deux pcrfonnes ne fe foient jointes étroite- ment , & il faut même qu’une allian- ce étroite foit arrivée , & que la ma- trice de l’une ait attiré aulîi vivement la femence de l’dutre, qu’un eflomac affamé arrache la viande de la bou- che, & qu’un cerf, par fa vertu par- ticulière , attire le ferpenc hors de fon trou, fi nous en croyons les Natu- ralises. Ce qui a donné lieu aux Théolo- giens , aux Jurifconfultes & à quel- ques Médecins de croire qu’une fem- me pouvoir engendrer fans l’applica- tion des parties naturelles d’un hom- me , ce font fans doute les hiffoires qu'Averroés, Amatus LuJîuinuj , 6c ï)elrio nous ont lailfées par écrit , d’une jeune femme qui devint greffe pour s’être baignée dans de l’eau où des hommes s’étoient pollués * : d’une de 1/Amour conjugal. * Il a paru il y a quelques années un Livre in - titulé: Le platfir Jans peine, ou Lucina fine concubine, qui parle de cette matière beaucoup plus amplement qu’ici ; mais je crois que cet ouvrage cft fait pour le divertir j & je ne coi> feille à perfonne d’y ajouter foi. autre femme cngroflee par les caref- fes d’ une de fes compagnes qui fortoic d’entre les bras de fou mari : & enfin d’une jeune fille qui fe trouva grotte, fcn pere s’étant par hazard pollué , en dormant, dans le même lit où elle étoir. Mais ces hiftoires , & plufieurs autres femblables, font faites à plai- fîr, pour couvrir la lafciveté des fem- mes , les Incubes & les Dieux tutèlaïres étoknt des créatures que Dieu laiffa imparfaites le Ven- dredi au foir, & qu’il n’acheva pas, étant prévenu par le jour du S’bat ; c’eft par cette raifon, félon le fenri- ment de Rahbi - Abraham , que ces efprits n’aiment que les montagnes & les ténèbres, & qu’ils ne fe manifet- tent que de nuit aux hommes. Mais laiffons ce que la Cabale a avancé de fuperflitieux, & ce que le Paganifme a inventé de ridicule fur cette matière, pour examiner les quef- tions que les Théologiens & les Jurif- confultes Chrétiens propofenr. 1. L’Ecriture Sainte femble favo- rifer la première propofition , lorf- qu’elle nous marque que les Anges ayant trouvé les filles des hommes belles , ils s’allièrent avec elles , & que de cette alliance naquirent les Géants ; fi bien que l’on peut inférer delà , que puifque les Anges, qui font ainli appellés en d’autres paffages de l’Ecriture, peuvent fe mêler amoureu- fement avec les femmes , & engen- drer des enfants, les démons, qui ne font différents des Anges que par leur clîûte, peuvent auffi , félon le fenti- ment de Lactance , attirer les femmes dans des plaifrs impudiques& les fouiller par leurs embra ffements. On allure que les enfants qui naif- fentde ces conjondions abominables, font plus pefants & plus maigres que les autres , & que quand ils rette- roient trois ou quatre nourrices tout à la fois, ils n’en deviendroient jamais plus gras. C’elf la remarque qu’a fait Sprenger , Moine Dominicain , qui fut l’un des Inquifueurs qu’envoya le Pape Innocent VIIL en Allemagne , pour faire le procès aux forciers. Si le corps de ces enfants elt donc dif- férent du corps des autres enfants , leur ame aura fans doute , des quali- tés qui ne feront pas communes aux autres. C’eil pourquoi le Cardinal BcU larmin pente que l’Ante-chriil nairra d’une femme qui aura eu commerce avec un Incube , & que fa malice fera une marque de ion extraélioru t>e l’Amour conjugal. Tableau1 Ce n’eft pas d’aujourd’hui que Ton a douté de l’accouplement des dé- mons avec les femmes ou avec les hommes, 6c que l’on a douté encore s’ils pouvoient engendrer. Ces ques- tions furent autrefois agitées devant l’Empereur Sigifmond. On y allégua tout ce que l’on put de part 6c d’au- tre , 6c enfin on fe rendit aux raifons 6c aux expériences qui parurent les plus convaincantes ôc les plus certai- nes. Il fut donc réfolu que ces accou- plements extraordinaires étaient pof- fibles. En effet, Saint Augujlin, qui avoit eu long-temps de la peine à fe déterminer fur cette matière, avoue enfin que , puifqu’on dit qu’il y a plufieurs perfonnes qui fe font trou- vées , par un malheureux commerce , avec les démons & qu’ on l'a appris de celles-là qui en ont été carcfjees, de la bonne foi defquelles il ne fi pas per- mis de douter , il ejî très-afjuré que les Sylvams, les Pans & les Faunes > que Von appelle ordinairement Incubes , n’ont pas feulement dejiré de careffer amour eufement les femmes, mais qu’ils les ont véritablement carefées s & que les démons, que les François appellent Prujions, n’ont pas feulement taché dë l’Amour conjugal. de connaître les femmes s mais qu’ils les ont même réellement connues:Jibien, ajoure-t-il, qu’il fembleroit que Voit fut impudent,Jî on nioit ce qu on afj'ure Là~dejfus avec tant de circonjlances. On peut encore ajouter à cela la confefTio-n que font une infinité de forcieres, qui difent avoir été carefiees du démon, & en être même devenues grottes. Les Livres de Delrio , de Sprenger, de Dilancre & de Bodin 9 font pleins de femblables hifloires , fi bien qu’après tant de preuves au- thentiques , Ôc tant de conférions de forciers & de forcieres, qui l’avouent de bonne foi ôc prefque de la même forte , il y auroit de l’opiniâtreté à tenir un fentiment oppofé. Car les hifloires que l’on nous en fait, paroif- fent fi atturées, qu’il lémble que l’on ne doive pas douter de la vérité de ces conjonctions diaboliques, témoins Benoît Berne, âgé de foixante-quinze ans, qui fut brûlé tout vif, après avoir avoué que depuis quarante ans il avoir commerce avec un Succube , qu’il appelloic Hermine ; & François Pic y Prince de la Mirandole, qui l’a connu, nous efl garant de la vérité de cette hiftoire. Tableau Toutes ces preuves paroîtroient for- tes , fi nous n’avions la raifon & l’ex- périence qui nous font connoître le contraire. Et pour dire ce que je penfe fur cette matière, on me permettra de raifonner de la forte. La curiofité nous eft naturelle à fous. Celle qui ell blâmable eft une maladie d’ame, qui s’empare princi- palement des efprits foibles. Le monde eil plein de gens qui veulent péné- trer dans les chofes les plus cachées , & jufques dans les fecrets de l’autre monde. Si on kur parle de quelque choie d’extraordinaire , incontinent la joie rejaillit fur leur vifage , & iis témoignent que c’efl-là l’endroit qui les flatte le plus. D’ailleurs on eft fou vent ravi de joie de trouver occalion de plaire , & fi un homme d’efprit fe rencontre parmi des perfonnes foibles , il ne manquera pas de fomenter leur delir d’apprendre , & de prendre plaiiir lui-même à fe faire écouter & admi- rer. Il leur fera deshilloires qu’il aura adroitement inventées ; & quoique les chofes que nous entendons nous faf- fent de l’horreur , li elles nous font pourtant inconnues, nous nous plai- de l’Amour conjugal. fons â les ouir réciter. Il parlera des démons, des Incubes, des Succubes, des efprits follets, des forciers, &c. félon l’adreffe de Ton efprit, & la fou- plelTe de fon génie il perfuadera fi bien ce qu’il aura avancé par des raifons qu’il s’étudiera à chercher , que tous ceux qui l’écouteront feront convaincus de la vérité de la fable. Plus cet Hifiorien fe fera acquis de réputation , ou par fon autorité ou par fon mérite, plus on ajoutera de foi à ce qu’il aura dit : on cherchera même enfuite d’autres raifons pour appuyer fa fable, ôc l’on fans doute , des preuves pour juflifiec des chofes fi furprenantes. Ceft ce qui s’efl paffé dès les pre- miers temps, & ce qui fe paffe encore tous les jours ; mais qui ne nous em- pêchera pas de prouver que l’opinioft de l’accouplement & de la génération, des démons ne peut être foutenue. J’avoue que la conféquence que l’on tire de l’Ecriture Sainte feroit jufle , fi les Anges pouvoient careffer & en- grofier les femmes. Car il me femble qu’il n’y auroit pas plus de difficulté à croire le commerce des démons que celui des Anges avec les femmes. T A B L E A V Mais outre que le pafiage de l’Ecrî- criture peut bien s’expliquer, fans admettre ces alliances qui répugnent à la nature , elle nous dit que les Saints, qu’elle appelle les Fils de Dieu , s’étant joints avec les filles des autres qu’elle appelle hommes, en- gendrèrent des hommes puifiants , c’efi-à-dire , des Rois & des Monar- ques, qui avoient la puifTance & l’au- torité en main pour fe faire craindre & refpe&er des autres hommes en cette qualité. Ces hommes puifiants éroient, fans cloute , alors appellés des Géants , par la grandeur de leur autorité, au lieu que ce terme marque préfentement la grandeur du corps ; & cette équi- voque du mot de Géants a donné lieu , fans doute, à l’une des plus grandes erreurs qui ait jamais eu cours. C’efi: ainfi que les mots de Tyran & de Tarajite étoient autrefois fort hono- rables , au lieu que préfentement ils font odieux à tout le monde. D’ailleurs, les enfants peuvent être lourds par la pefanteur <5c la grofleur de leurs os. Et ceux qui ont de gran- des entrailles de le foie chaud, peu- ventt arir deux ou trois nourrices de pour s’humeéler 6c fe rafraîchir. Si ces mêmes enfants ont un jour l’ef- prit malicieux, qui ell un effet de leur tempérament, on ne doit pas conjec- turer par-là qu’ils ont été engendrés par un démon. Pour ce qui eft de l’affemblée qui iè tint devant l’Empereur Sigifmond, je ne m’étonne pas fi elle décida qu« les démons pouvoient avoir commer- ce avec les femmes 6c qu’ils pouvoienc même engendrer, puifqu’elle n’étoic prefque compofée que de Théolo- giens qui, accoutumés à croire Am- plement ce qu’ils ne voient pas, 6c ce qu’ils ne lavent pas même, don- nèrent leur fentiment en faveur de ces générations , qui font oppofées aux loix de la nature. Si cette illuftre Compagnie eût été compofée de Phi- lolophes 6c de Médecins, ou qu’elle fe fût réglée par le fentiment de Saint Chryfojlôme, je fuis fort perfuadé que ces queffions n’auroient pas été déci- dées de la forte. Au relie, fi l’on examine bien le palfage du grand Augufiin, que nous avons voulu traduire tout entier, on verra aifément que la certitude qu’il a de ces fortes de commerce 6c de de l’Amour conjugal. Tableau générations, n’eft fondée que fur ïe rapport de quelques hommes (impies & crédules, ou de quelques femmes jfuperftitieufes & mélancoliques. Si nous voulions croire tour ce qui nous eft tous les jours dit & alluré par nos malades, qui ont l’imagination éga- rée , & qui femblent pourtant l’avoir jufte, nous tomberions (durent dans de pareilles erreurs. Car les vapeurs noires d’une bile brûlée troublent quelquefois tellement leurs âmes ; qu’ils penfent que leurs fong.es font des vérités. C’eft donc par une caufeà peu près femblable, que les forcieres fe perfua- dent avoir été au Sabbat, & avoir été careifees du Diable, qui avoit les par- ties naturelles hériffées & écaillées , & la femence froide comme de la glace, fans pourtant que ces miféta- bles femmes foient parties du lieu où elles s’étoienr endormies. Mais, pour ne m’oppofer pas à une opinion qui femble être reçue prefque de tous les Théologiens & de tous les Peres, fans alléguer de puiffantes rai- forts pour la combattre, examinons la choie avec toute l’application po fiable, mais aufîl fans préoccupation. de l’Amour conjugal. 367 Nous apprenons de la Théologie que les démons étant de purs efprits, font au fil des fubftances différentes de la nôtre. Qu’ils n’oUt ni chair, ni fang, ni parties naturelles, & par con- féquent point de femence pour la gé- nération. Que s’ils prennent quelque- fois des corps qu’ils peuvent former d’air, ces corps ne vivent point, & ne peuvent aulli exercer les opérations de la vie. Que n’ayant point de fuc- ceffeurs à efpérer, parce qu’ils font immortels, ils ne doivent aulfi avoir ni d’envie de fe perpétuer, ni de defir de fe fatisfaire par les plailirs de l’a- mour. Quelque puiffants qu’ils foient, ils ne lauroient paffer les bornes que la nature leur a preferites. Les ani- maux ne fe joignent point aux plan- tes , ni les plantes aux minéraux , pour faire des générations, leur fubf- tance étant trop éloignée l’une de l’autre. En un mot, la nature n’a pas permis ces alliances. De forte que,fui- vant le fenriment de S. Chryfojîôme t il y aurait de la folie à croire que les démons s3allient avec les femmes , & qiiune fibfiance incorporelle puiffefe joindre à un corps pour engendrer des enfants. Tableau En vérité, je ne faurois meperfua- der non plus que Cajfieny illuftre Dif dple de ce grand Evêque, que ces fubftances purement fpirituelles puif- lent naturellement avoir un commerce charnel avec des femmes. La raifon qu’en apporte ce dernier avec Phi- lofirius, Evêque de Brefle , c’ell que, fi cela s’ell fait quelquefois, il doit encore préfenrement arriver ; mais parce que nous l'avons que cela n’ar- rive pas maintenant , nous devons conclure que ces conjonctions & ces productions abominables n’ont jamais été. C’eft pourquoi S. Augujlin, fou- vent trop crédule, qui penfe mieux dans un endroit que dans un autre, commande aux Prêtres de prêcher au Peuple pour le défabufer de la fauflfe perlée où il efl, que ce que Von dit du commerce des forcieres avec les démons Joit réel & véritable. Mais ce qu’il y a encore de plus prelfant fur cette matière, c’ell la décifion du Concile d’Ancyre, qui blâme & dételle la créance qu’ont les forcieres, d’être portées de nuit au Sabbat julqu’à l’un des bouts de la terre, de fe joindre aux démons, & de prendre avec eux des plaifirs abo- minables , puifque toutes ces chofes, ajoute -t- il, ne font que des rêveries & des illujtons j bien loin d'être des vérités. Je ne faurois trop m’étonner de ce que les Chrétiens croient fi légère- ment ce que les Payens auraient de la peine à croire ; car tous ne demeurent pas d’accord que Servius Tullus , Roi des Romains, ait été engendré d’un Incube, & que Simon le Magicien fut le fils de la Vierge Racket, non plu» que dans les fiecles fuivants, quelque greffiers qu’ils aient été, Merlin Coc- caye n’a pas été cru fur fa parole P quoique fa mere & lui voulufifenc perfuader aux Rois d’Angleterre , lTdortirgerne , Ambroife , Uterpendra« grion & Anus, qu’il étoit fils d’un démon Incube, & d’une Religieufe, fille du premier Roi, La folie <5c la foiblelTe des hommes, le defir de la nouveauté , l’ignorance des caufes naturelles , la honte que l’on a de l’obfcurité de fa famille, la crainte qu’un adultéré ne fe découvre, les flat- teries des Courrifans pour les Princes* les raiforts de l’avarice & de la vanité , enfin la paffion violente de l’amourp font les puilfantes caufes qui produi- de l’Amour conjugal. fent ordinairement ces fortes d’opi- nions dans l’efprit des hommes. Jamais Mundus n’auroit joui de Pauline , fi l’avarice & l’amour ne s’en fulTent mêlés , & jamais on n’auroit douté que l’enfant qui feroit venu de cette conjonction , n’eût été le fils de l’In- cube Anuhis , li iûmprudence de Mundus n’eût découvert tout le myf- tere. Léon d'Afrique nous faifant l’hrf toire de ce qui fe pafi'e en fon pays, nous alfure que tout ce que l’on dit de la conjondion des démons avec les femmes, n’efl qu’une pure impôt ture ; & que ce que l’on attribue aux démons, n’eft commis que par des hommes lafcifs ou par des femmes impudiques, qui perfuadent aux au- tres que ce font les démons qui les careffenr. Les forcieres du Pvoyaume de , ainfi que cet Hiflonen le rapporte, veulent bien que l’on croie qu’elles ont beaucoup de familiarité avec le démon, pour cela elles s’ef- forcent de dire des chofes furprenan- tes à celles qui les vont confulter. Si de belles femmes les vont voir, ces forcieres ne veulent point recevoir d’elles le prix de leur art ; mais elles Tableau leur témoignent feulement le defir qu’a leur Maître de les carefiTer pen- dant une nuit. Les maris prennent même ces impoflures pour des véri- tés, & ils abandonnent fouvent, félon leur langage, leurs femmes aux Dieux Fr aux vents. La nuit étant venue, la forciere qui efl du nombre de ces femmes que les Latins nomment Tri- bades ou Fricatrices, embrafle étroi- tement la belle, & en jouit au lieu du démon dont elle penlé être amou- reufement careffée. 2. Les Théologiens qui raifonnent fur la fauffe hypothefede la conjonc- tion des démons avec les femmes, ont formé une fécondé difficulté ; favoir , de qui un enfant fercit le fils, ou de Tincube, ou de l’homme de qui la iemence auroit été furprife. Et pour expliquer la maniéré dont cela fe fait, ilsfe font imaginé qu’un homme ayant commerce avec un démon Succube, ce démon devenant Incube fans perdre de temps, par i’adiviré de fa nature, communiquoit inceffamment à une femme qu’il trouvoit difpolée, la fe- mence qu’il avoir depuis peu reçue d’un homme,& que l’enfant, qui naiL fou de cette conjondion, étoievéd- DE i’AmoUR CONJÜGAL. Tabieaü 372 tablementle fils de cet homme,5c notl du démon qui , en cette occafion , n’avoit contribué que de fon induf- trie. 3. La troifieme queftion , fa voir , fi les Incubes & les Succubes fe carefi- lent entr’eux à la façon des hommes 6c des femmes, n'a pas été agitée par ceux qui ont écrit fur ces matières. M iis il efl certain qu’outre plufieurs raifons que nous ne pourrions allé- guer ià-delfus, les démons étant d’eux- mêmes , éternels 6c malheureux tout cnfemble, n’ont pas befoin de perpé- tuer leur efpece , ni de prendre des plaifirs dans les carelfes des femmes. 4. Enfin, pourpaffer à la derniere dif- ficulté, quelques Doéfeurs croient que le démon agit avec tant de vit elfe , en portant dans les parties naturelles d’une femme, la femence qu’il a reçue d’un homme , qu’il conferve cette mê- me femence dans tout le tempérament qui efl nécelfaire pour la génération. Ils ajourent même que c’eft une grande erreur que de ne pas croire que le démon puifle faire cela. Mais tous ces raifonnements me parofifent vains 6c inutiles , s’il efl vrai, comme nous l’avons prouvé , de l’Amour conjugal. que ce Toit une fable que les Démons fe joignent amoureufement aux femmes. Ils ne font propres qu’à nous entre- tenir dans l’aveuglement où l’on efl fur ces fortes de conjonctions. Car fi un homme ne peut engendrer , félon l’avis de tous les Médecins , parce qu’il a une petite verge qui ne porte pas affez loin la matière qui fert à la génération, & qui ne la darde qu’à Pennée des lieux d’une femme, que peut-on efpérer d’une femence éven- tée & froide , qui aura touché un ca- davre ou un corps d’air que le Dé- pion aura emprunté ? L’ame , ou les efprits de femence , fi l’on veut, fe difîîperoienr & s’éva- nouiroient aifément, li bien que ce qui demeureroit ne feroit plus lui- même qu’un cadavre de femence , s’il m’efl permis de parler de la forte, qui feroit incapable de la génération. Il n’y a au monde que la matrice d’une femme qui puiffe conlérver pour la génération la femence d’un homme , & il ne faut pas s’imaginer que le Démon puiffe paffer les ordres que la Nature a établis, quoiqu’il ait une pénétration d’efprit inconcevable 6c une viteffe de mouvement furpre- pâme. Tableau Si l’efprit des eaux minérales froi- des , & celui de l’extraie de romarin fe diffipe prefque dans un moment ,• refprit de la fernence, qui eft beau- coup plus lubeil , fe confervera-r-il dans la matière expofée à l’air ? Ec puifque les Sorcières avouent que la lemence du Démon eft froide quand elles la reçoivent, quelle aparence y a-t-il qu’elle foit prolifique , l’air , qui ronge tout ce qu’il y a au monde , en ayant difîipé les efpri'ts & corrom- pu la fubftance. C’eft donc une grande erreur de croire, comme font plufieurs Théolo- giens , que le Démon puiffe ramalTer la lemence de plufieurs hommes, pour la jeter enduite dans les parties natu- relles d’une femme , & caufer ainfi la génération. Si le Démon pouvoir faire cela, & qu’il le firefleétivemenr, il pourrait auffi rafîembler la fernence ■de plufieurs animaux de différentes efpeces , & procurer ainfi la généra- tion des monflres : ce qui ferait confondre la Nature , & troubler l’ordre que Dieu amis parmi les créa- tures depuis la création du monde. D’ailleurs, nous n’avons point appris que les Démons Succubes puiffent en- gendrer , bien que la Fable nous dife qu’ils le joignent avec les hommes ; & je m’étonne de ce que l’on ne s’eft point avancé jufques-là. Peut-être au- roit-on trouvé des railbns auifi proba- bles pour appuyer ce fentimenr que l’on a inventé pour foutenir l’autre. Et il y auroit eu fans doute quelqu’un qui fe feroit auffi-bien dit le fils d’un Succube que d’un Incube. Au refie , fi les Sorcières n’étoient pas folles ou intimidées par l’hor- reur des tourments jamais elles n’au- roient découvert le commerce qu’el- les difcnt avoir eu avec le Démon. Il y en a eu même qui en ont fait gloire en Béarn , auffi-bien qu’en Allema- gne , & on en a vu qui fe vantoient hautement d’être la Pleine du Sabbat. L’ellébore ou les petites-Maifons fe- roient des remedes plus proportionés à leurs maladies, que le feu & les tourments dont on s’efl fervi jufqu’ici : & il n’efl pas toujours vrai, comme a dit Cicéron , que la vérité fe trouve dans l’enfance , le fommeil , l’impru- dence , l’yvrefTe& la folie. Après tour, pour connoître plus parfaitement la vanité de cette opinion , examinons ce que les Médecins difenc de la ma- de l'Amour conjugal. îadie qu’ils appellent Incube, & nous verrons par-là que la fable fera décou- verte. Cette maladie n’efi; qu’une fuffoca- tion noékurne, dans laquelle la refpi- ration & la voix font interrompues. Il nous femble, quand nous en fom- mes furpris , que Cupidon , félon le fentiment des Payens, ou le Démon , ainfi que les Théologiens le croient, ou le Pefant, comme le peuple parle , nous preffe la poitrine , & nous em- pêche de crier au fecours, de refpi- rer & de nous mouvoir. Si une femme amoureufe & mélancolique en ell attaquée, elle croit fortement que le Démon la carefle ; & fi avec cela elle a la mémoire embarraflee des contes que l’on fait ordinairement des Sorcières , fon imagination le trouvant alors dépravée , fait qu’elle taconcc cnîùite fa rêverie pour une vérité. Une femme effroyable à voir, vieille, feche & mélancolique , qui a l’efprit imbu des fables du fiecle ; un vieillard atrabilaire qui a paflé toute fa vie dans les plaifirs illicites, & qui dans l’âge où il eft , conferve encore un vif fouvenir de fa lafeiveté paffée , T A B I E A U de l’Amour conjugal. je ne fçauroîs mieux entretenir fes voluptés que dans fa mélancolie amoureufe , fi bien qu’étant tout occupé de fes plaifirs impudiques, quand cette maladie l’attaque , là folie amoureufe va louvent jufques- là , qu’il lui femble voir & carelTer un Démon en forme de femme, comme fe l’imaginoit le vieillard de 80 ans, que l’on appelloit Fine qui parloir par-tout oîi il étoit à fon Suc- cube Florine , félon le rapport de Pic de la Mirandolet Mais Socrate, Apol- lonius , Cardan } Sraliger <5c Campa- Jiella , n’étoient-ils point de ce nom- bre-là , puifqu’ils ont publié avoir commerce avec un Génie & un Dé- mon familier ? Je ne crois pourtant pas qu’ils fulfent nés un jour des Quatre-Temps, ni qu’ils fulfent venus au monde ayant la tête embarralfée de leur arriere-faix , comme Thy reus, défaite, a écrit que ceux qui nailfoient de la forte avoient commerce avec les efprits. Que s’ils ont publié avoir uu Démon familier , ç’a plutôt été par vaine gloire que par quelqu’au- tre raifon , fçavoir pour fe faire efli- mer du peuple. De dormir fur le dos, le travail que Tome IL Ii fou fifre l’ellomac à digérer des viandes dures , la foibleffe de la chaleur natu- relle , la fermentation d’une humeur atrabilaire , l’impureté de la matrice, ou la chaleur extraordinaire des.par- ties naturelles , font les véritables caufes de ces illulions noéfurnes 6c & démoniaques. Une vapeur cpaiffe qui s’élève , & qui le mêle parmi notre fang , caule la difficulté de refpirer 6c la privation de la voix qui accompagnent cette incommodité. Cette vapeur noire étant ennemie de notre vie, empêche le libre mouve- ment du cœur & du poumon , 6c re- tarde ainfi l’ébullition naturelle qui s’y fait, en embarralTant les conduits de l’une 6c de l’autre de ces parties , de forte que non-feulement on ne peut alors ni parler , ni refpirer /mais que môme tout le corps languit par la foi- blelfe de ces deux parties principales. Cette vapeur obfcure étant portée au cerveau , offufque les efprits qui s’y font nouvellement fabriqués ; 6c puis le mêlant parmi le fuc nerveux, empêche l’arae d’agir félon fa coutu- me. L’imagination en ell dépravée ; les fens en font troublés, 6c les nerfs embarraffés-, tellement qu’il n’y a pas Tableau d'apparence que le cœur , le pou- mon , le diaphragme, en un mot, toutes les parties du corps foiem dans leur tempérament ordinaire. La diffi- culté de refpirer en efl augmentée, auffi bien que celle de fe mouvoir. Car cette vapeur épailTe de ennemie de nous, trouble fi fort la fermenta- tion naturelle du fuc nerveux , que i’ame qui s'en fert comme d'un inflru- ment prochain , ne peur faire toutes les belles avions que nous lui voyons faire tous les jours. Mais quand le» vapeurs d’une fe- mcnce corrompue , font mêlées parmi le fang & le fuc nerveux, il ne faut attendre de ce mélange que des ilîu- fions vénériennes qui troublent l’ima- gination , & font voir aux perfomies qui en font incommodées, des Spec- tres amoureux & des Faunes kfeifs. Si nous en voulons croire Hippo- crate, les femmes y font plus fujettes que les hommes : ceux-ci fe déchar- gent fou vent, pendant le fommeil, d’une abondance de femence qui les travaille , au lieu que celles là ne s’en peuvent débarafier fi aifëment, & louvent ne peuvent éviter de tomber dans ces fortes d’üiufions. t>E l’Amour conjugal. La raifon qu’il en rapporte, c’eft qu’elles font d’un efprit plus foible que les hommes, & que le fang des réglés fe prefentant à leurs parties naturelles pour fortir, les filles qui ne font pas encore accoutumées à ces fortes d’épanchemens , font aulli alors plus fufceptibles de ces fortes d’idées ; jufques-là même, qu’il s’en efl trouvé qui fe fontperfuadées d’être greffes après s’être imaginé d’avoir été careffées d’un Incube. Je ne m’étonne donc pas fi les Sor- cières font li fouvent furprifes par des Terreurs paniques : car outre qu’elles font femmes, elles engendrent encore inceffammem beaucoup de pituite & de mélancolie, qui font la caufe de ces fortes de maladies. Il faut croire que ces illufions noélurnes- ne font véritables que dans leur efprit ; & (t ces femmes fe font imaginé d’avoir été pendant la nuit ce qu’elles n’ont point été , ou d’avoir fait ce qu’elles n’ont pas fait, on doit être perfuadé, avec Saint Augufiïn, que le Démon a pu fe fervir de leur foiblefîe & de leur maladie pour leur faire croire toutes les chofes qu’elles coient , ce qui n arrive que par un effet du juJde T A B L E A V de l’Amour conjugal. jugement de Dieu. J’avoue que le Démon fe mêle quelquefois , mais fort rarement, parmi l’humeur mélan- colique de nos maladies : ce qu’on ne fçauroit connoître que par l’une de ces trois marques ; fçavoir, quand la perlbnne pénétré dans les fecrets de nos penfées ; quand elle parle quel- que langue qu’elle n’a pas apprife, ou. quand elle fait des allions qui paf- fent les forces ordinaires de la Nature» La maladie Incuba eil quelquefois fi commune , foit par l’intempérie de l’air ou par la mauvaife qualité des aîimens de des eaux , qu’elle devient comme épidémique & populaire ainli que Lifyrnacus l’obferva autre- fois à Rome. Et, parmi toutes les per- fonnes qui en font attaquées, il y en a quelques-unes qui aient l’aine em- barraflee d’un amour impur ou des fables des Sorciers , il ne faut pas douter que fa paffion ou fa créance ne lui faffe.voir , en dormant , ou même en veillant, des objets capables de l’entretenir dans fes rêveries. L’a- mour & la maladie Incube , joints enfemble, fon; deux maux qui font deux efpeces de folies , & qui peu- vent caul'er tout ee que l’on nous dit de furprenant touchant le commerce des Démons avec les femmes. Toute l’Antiquité n’a pas cru ces Bagatelles, puifqu’elle nous a laide par écrit des remedes pour guérir ceux qui font polfédés d’un efprir impur , de qui font attaqués des terreurs pa- niques , croyant bien que ce que l’on penfoit être un Démon , n’étoit ordi- nairement qu’une humeur mélancoli- que , qui étoit la caufe de tous les défordres que l’on voyoit arriver à ces fortes de perfonnes. Jufques-là que Pomponnez nous fait i’hilloire de la femme d’un Cordonnier , laquelle par- loir plu heurs langues fans les avoir jamais apprifes, & qui fut enfuiregué- rie par le fçavant Médecin Calceran , qui, avec de l’ellébore , lui chaiTa fes rêveries,& lui ravit en même-temps la fcience par l’évacuation de la bile noire dont le Démon fe fervoir. S’il cft vrai, comme l’expérience de tous les jours nous le fait connoître , qu’àprès avoir préparé la bile noire , & puis l’avoir purgée , après avoir corrigé l’intempérie des entrailles , dté les obftru&ions qui s’y trouvent , & provoqué le fommeil, nous réta- blirions la lamé de ceux qui ont l'ima- Tableau de l’Amour conjugal. gination dépravée , & qui fe perfua- dent d’être agités par un Démon, nous pouvons dire hardiment:, qu’en combattant l’humeur mélancolique 9 6: en la chaffant du corps de ces for- tes de malades, nous en faifons fortir en même-temps le Démon.Cela arriva de la forte à un Apothicaire qui accompagnoit un Médecin dans l’un des Hôpitaux d’Auvergne : cet Apo- thicaire proteftoit, fl nous en croyons Hoiillier , qu’il avoit vu pendant ia- nuit le Démon figuré de la forte qu'il le dépeignoit, & qu’il en avoit été maltraité. Cependant ce Démon ima- ginaire fut chaîTé par les foins du Médecin de l'Hôpital , qui guérit l’Apothicaire de la maladie incube. dont il étoit attaqué. Nous concluons donc, après tout ce que nous venons de dire, que nous domines le plus fouvent nous-mêmes la caufe des fpe&res que nous imagi- nons voir ou toucher : fi nous étions moins timides & moins mélancoli- ques, nous ne tomberions pas fi fou- vent dans ces fbibîelTes d’aines. Mais comme parmi les hommes il y a des mélancoliques de différentes efpeces 5 il doit auffi y avoir plufieurs maniérés 384 Tableau de rêver & devenir fou. En un mot, une Sorcière ne fera jamais careffée amoureufemenc par un Démon, bien moins pourra-t-elle en devenir greffe, s’il efl vrai, comme nous l’avons mon- tré , que la génération foit impofîible fans l’application des parties naturel- les de l’un & de l’autre fexe. L’opi- nion contraire paffera toujours pour une fable dans l’efprit d’un homme raifonnable r au lieu que félon le juge- ment d’un efprit foible & fcrupuleux , elle fera toujours une vérité incontef- table. CHAPITRE VI. Si les Eunuques font incapables de fe marier & défaire des Enfants. LEs tefticules contribuent telle- ment à la perfeélion de notre famé que Galien à oie les comparer, & même les préférer au cœur ;• mais leur principal ufage efl de fervir à perpétuer notre efpece. La nature ne les a pas feulement formés , comme fe l’eft imaginé un Philofophe, pour faire tenir tendus les vailfeaux iper- de l’Amour conjugal. manques, comme font les poids d'un Tifferand; mais ils fervent à un autre ufage incomparablement plus noble que celui-là, car ceux qui en manquent font imparfaits & incapables de fe perpétuer par la génération. Et d’ail- leurs la chaleur naturelle qui eft la fource de toutes nos aélions, fe dimi- nuant infenfiblement par leur perte , & les fermentations naturelles ne fe faifant plus, on eft accablé d’incom- modités & de langueurs. Le cerveau le relâche & puis fe décharge fur les parties inférieures, & l’on eft alors attaqué d’une infinité de maladies * qu’il eft impoffible de guérir & d’é- viter même. L’ame fouffre aufti-bien que le corps ; & l’on devient timide 6c lâche, de fort & de courageux que l’on étoit auparavant. C’eft ce qui a fait li fort valoir ces petites parries_ de nous->mêmes , juf- ques-là que la Jurifprudence n’admet point d’hommes en témoignage , fî on les lui a coupées , & que l’Eglife n’en veut recevoir aucun qui en foie privé. Dieu même avoit défendu au- trefois qu’on lui offrît dans fes facrifi- ces des animaux qui ne fuffent pas entiers. En effet, les Eunuques, iî Kk Tableau nous en croyons l’Empereur Severe font une rroifieme efpece d’hommes, qu’il ne faut ni voir ni fouffrir. Et fi l’Eunuque Dorothée occupa l’Evêché d’Antioche , ce ne fut que par un effet de l’amitié extraordinaire que l’Empereur Aurélien avoit pour lui. Mais, pour bien examiner la quef- tion qui fait le fujet de ce Chapitre, nous devons d’abord diftinguer les Eunuques , pour connoître ceux qui font propres au mariage & ceux qui ne le font point. Entre les Eunuques qui ont été faits par la nature ou par l’art, il y en a qui n’ont qu’un tefii- cule , & d’autres qui n’en ont point du tout. On ne doit point mal juger de la virilité d’un homme, lorfqu’on ne lui trouve point de tefticules au dehors , comme nous l’avons prouvé ailleurs par l’autorité de la Faculté de Méde- cine de Montpellier, & par les raifons que nous avons déduites en cet en- droit-là. Car il arrive quelquefois que les tefiicules étant demeurés au de- dans , & n’étant pas defcendus dans la bourfe par les obffacles qui fe font oppofés à leur forrie, les hommes qui les ont ainiî cachés ne laiffent pas d’être aufiî parfaits que s’ils les avoienc au dehors , témoins ceux dont nous avons fait l’hiftoire. Ces fortes de per- fonnes font vigoureufes & fortes com- me les autres & ont tous les fignes qui font nécclïaires pour marquer la virilité d’un homme. Ainfi ils font en état de fe marier & de faire des enfants. Et je ne fais aucun doute que Putifar , qui éroit l’Eunuque de Pha- raon y & le Lieutenant-Général de Tes Armées , ne fut de ce nombre-là , puifqu’il avoit une fille qu’il maria avec Jofeph. Il y a des Eunuques qui n’ont qu’un feul tedicule , mais il eft bien fait & bien proportionné,ce qui les rendaufîî féconds que les autres hommes: car , félon l’axiome des Philofophes , la force unie ejl capable de plus d’action que celle qui cjl partagée. Un homme verroit aum bien , & peut-être mieux, d’un œil que s’il en avoit deux. Et la Nature ne nous a donné deux tefli- cules , qu’afin que l’un pût fuppléer au défaut de l’autre. Cet homme donc parle Zaccharias, qui n’avoit qu’un teflicule dans fa bourfe, auquel étoient attachés d’un côté 6c d’autre les vaif- de l’Amoue conjugal. féaux fpermatiques, étoit fans doute aufli vigoureux 6c aufli capable d’engendrer que ceux qui en avoienc deux. Mais n le tefticule eft petit 6c flétri, il ne faut pas s’attendre qu’un tel homme foit propre à la génération , bien qu’il puiffe être capable de carefler une femme. Pour ne confondre point ici les efpeces des Eunuques , comme font quelques-uns, je ne parlerai ni des hommes impuiflants qui ont trois tef- ticules petits 6c de nulle vertu, ni de ceux à qui la maladie ou les remedes froids ont empêché l’ufage de ces parties, ni encore de ceux à qui on les a brifés , comme on fait aujour- d’hui aux taureaux pour les châtrer : puifqu’un véritable Eunuque efl: celui à qui la Nature a dénié une ou deux de ces parties, ou à qui le Chirurgien ou quelque accident en a emporté une ou toutes les deux enfemble. Mais il n’en efl pas de même de ceux qui n’en ont ni au dedans ni au dehors. Ils font tous valétudinaires , incommodés , impuiflants 6c lâches, 6c méritent d’être chafles de la com- pagnie des hommes , comme inutiles à la fédéré humaine. Ce qui arriva du Tableau Prêtre Léonce, félon le rapport de faint Anaftafe, qui fut dépolé de la Prètrife , pour s’être châtré ? de peur de careiTer une femme qu’il tenoit chez lui. A les confdérer dans le détail, ils ont la voix grêle & languilfante, 6c la complexion d’une femme ; on ne leur voir que du poil foler à la barbe. Le courage 6c la hardielfe font place à la crainte & à la timidité. Enfin , leurs mœurs 6c leurs maniérés font toutes efféminées : ce font ces grands défa- vanrages pour lefquels la loi CornelLia puniffoit très-févérement ceux qui avoient la témérité d’ôcer les tefti- cules à un homme , parce qu’en même-temps on lui ôroit la force, la fanré 6c tout ce qu’il avoir de meil- leur. Quoique ces fortes d’Eunuques foienc incapables d’engendrer , nous ne manquons pourtant pas d’hiftoires qui nous apprennent qu’ils ont fait des enfants.Fontanus nous en rapporre une d’un Gentilhomme qui perdit fes deux teflicules à la guerre , 6c qui néanmoins engendra après être guéii ; & Ariftote nous a laiffé par écrit qu’un taureau nouvellement châtré, rendit de l’Amour conjugal. Tah EAU féconda una vache qu’il avoit cou- verte. M iis bien que ces hilloires pa- roifTent prefque incroyables, cepen- dant ce font des faits auxquels la raifon ne s’oppofe point. Car on ne doit point douter que s’il relie à un homme ou l’épididyme ou quelque petite portion de l’un des tellicules, fans que les vailfeaux fpermatiques foient tout à-fait briles, il ne foit en état de faire uns fois un enfant. Nous en femmes perfuadéî dans les ani- maux par l’expérience de chaque jour. Les chapons mal châtrés chantent comme les coqs , & en font même l’office. Car s’il eft vrai que l’épidi- dyme foit de la même nature que les tellicules , c’ell-à-dire, qu’il foit un entrelacis de vaiiîeaux , entre lefquels il y eft une matière glanduleufe, com- me nous i’avons remarqué ailleurs, il ne faut pas douter qu’il n’ait la vertu de faire de la femence prolifi- que, & puis de la renvoyer vers les véhicules éc les prollates pour être évacuée. Ne pourroit-il pas même le faire qu’une fufhfante quantité de fe- mence fe fut confervée dans fes véfi- cules féminaires ou dans les prollates pour fervir à la génération d’un en- de l’Amour conjugal. faut dans les premières careifes d’uné femmes ? Cela n’empêche pourtant pas qu’à parler en général, il ne faille dire de ces Eunuques à qui ces deux petites parties manquent , qu’ils ionc incapables d’engendrer. Je trouve dans l’hilloire que nous a lailfée Marcellin, que Sentir amis fut la première qui fit couper des épiants; aulîi eil-ce vers les contrées où regnoic cette Princefle , que les Eunuques ont paru d’abord en plus grand nom- bre. Les Perles, les Medes & les AiTy- riens ont été ceux qui s’en font it plus fervis ; & nous remarquons que Nabuchodonofor fa doit couper tous les Juifs & autres prifonniers de guerre, pour n’avoir que des Eunu- ques à fon fervice ; d’où vient que faim Jérôme nous fait obferver que Daniel } Ananias, Afcaria.s & Mi- fad écoient quatre Eunuques qui En- voient dans le palais du Roi de Baby- lone. C’eR ici la méthode dont on fe fert dans l’Orient pour faire des Eunuque?. On fait prendre par la bouche une petite quantité d’opium aux enfants qu’on veut couper ; & après que le fommeii les a accablés, on tire de leurs bourfes ce que la nature avoft fris tant de foin à fabriquer. Mais comme comme on a obfervé que la plupart mouroient par ce narcotique, on s’efo avifé d’un autre moyen. On met les enfants dans le bain riede , on. leur prelfe quelque temps aprèslesvei- nes du. cou, que nous appelions jugu- laires , & par-là on les rend flupides & apoplectiques : après quoi il efo ailé de faire l’opération de l’Euni- chifme, fans qu’ils en Tentent rien. Et j e ne fais fi l’on rendit Narfès Eunuque de cette façon , qui fut Bibliothécaire de l’Empereur Jujlinien. L’expérience a montré enfuite que les hommes à qui on droit feulement les refticules, ne laiffoient pas pour cela de fe divertir avec les femmes, &de fouiller auifi la couche nuptiale des autres hommes : on s’efl donc réfolu à couper tout net les parties naturelles des hommes que Ton vou- loir faire Eunuques, afin de leur ôter par-là le moyen de fe joindre amou- reufement aux femmes. LePayfan de ‘Montagne fit la même choie ; car étant importuné par les foupçons de fa femme jaloufe, un jour qu’il revenoit des champs, il fe coupa tout net avec Tableau une ferpe Tes parties naturelles , & les jeta au nez de fa femme, pour lui faire dépit, <5c pour fe venger d’elle. Bihienus trouvant Carbo Aciienus , & Pablicus Cervinus rencontrant Pon- tius en adultéré , en uferent de la for- te envers ces deux hommes, félon la remarque de Valere Maxime. On dit que les Eunuques à qui la ■verge relie, aiment paffionnément les femmes ; & parce qu’ils font plus for- ides d’efprit qu’ils n’étoient aupara- vant , ils font auffi plus fufceptibles de pallions. Quand leur imagination efl une fois échauffée, & qu’une efpece de femence liquide de aqueufe , qui fe trouve dans leurs prollates ou dans leurs vélicules féminaires, irrite leurs parties naturelles, on ne fçauroit dire jufqu’où ils pouffent leur amour déré- glé. C’ell ce qui ht fou pçonner d’adul- tere le Philofophe P/iaverinus, tout Eunuque qu’il étoit, & qui fut aufîl la caufe que le Soldat dont Cabrole nous fait l’hifloire, le fit' prendre, bien qu’il fut naturellement un parfait Eunuque. C’efl de ces fortes d’Eunu- ques qu’il faut entendre le palfage de i Auteur de l’Eccléliallique , lorfqu’ii dit, qu’un Eunuque, par fa concupif* DE l’AmoVA -CONJUGAI. ecnce , efi capable de déshonorer une fille , en lui raviffant fa virginité. Il cil donc préfentement ailé de décider la quedion , li les Eunuques peuvent le marier. Les premiers, qui font des Eunuques apparents, peuvent le faire , puifqu’ils peuvent & caref- fer une femme & engendrer. Les fé- conds font aulli de ce nombre ; mais il n’en cft pas de même des troilic- mes , qui manquent de tedicuies, ni de ceux qui n’ont point de veige ou qui n’en ont qu’une petite, incapable de faire i’aélion pour laquelle elle efb dedinée. Car ces derniers ne pouvant carelfer une femme , ils doivent fans doute être jugés incapables de fe ma- rier. Mais on pourroit dire que s’il eft permis à deux perfonnes de 80 ans de fe marier , un Eunuque tel qu’étoic Jdhaverinus y pourra auifi avoir cette liberté. Les vieillards ne font point capables de faire des enfants,non plus que l’Eunuque ; & le mariage ne leur ed permis, félon les cafu ides, que poui* éteindre le feu de leur concupifcence. Si un Eunuque a donc cet avantage , &- pour lui & pour la femme qu’il époufe , de pouvoir fe fervir de fa Tableau de l’Amour conjugal. verge , ainfi que l’a voit autrefois le Muficien de Smece , pourquoi veut- on empêcher ces fortes d’Eunuques de fe marier ? Cependant l’Empereur Léon fit un Edit, par lequel il défendoit aux Eu- nuques de fe marier , de quelque nature qu’ils fullent ; 6c le Pape Sixte V. lit aufii une bulle qu’il envoya en Efpagne , par laquelle il déclaroit nuls les mariages de ces fortes de per- Tonnes. La raifon en eft manifefte. Les Eunuques ne font que foupirer ert embrajfunt une fille , comme parle l’Ecriture, 6c n’ont pas des parties propres pour la génération , qui eft la première fin du mariage , au lien que d’étouflfer le feu de la concupii- cence n’en e'd que la fécondé. Car de s’imaginer que les teflicules, comme ont penfé quelques-uns, ne font pas les principales parties qui font la femence, 6c qu’ils ne font point du tout néceflaires pour la génération, puifqu’il s’ell vu des animaux par- faits qui ont engendré fans en avoir , c’eft une erreur allez réfutée par les raifons que nous avons apportées ici 6c ailleurs, qui nous doivent perfua- der qu’ils font abiblumem néceffaires» T A B I E A Ü Avant que de finir ce Traité Sc ce Chapitre, il me femble qu’il n’efl pas hors de propos d’examiner la queflion qui fe préfente; favoir, fi on peur châ- trer les femmes comme les hommes. Tous les Médecins favent que la matrice n’efl pas abfolument nécef- faire à la vie comme elle Tefl à per- pétuer les hommes. Les hifloires que nous avons de fa perte, font des preuves qui ne nous permettent pas d’en douter. L’expérience même nous fait voir que parmi les animaux on coupe les truies & les poules, fans néanmoins qu’elles en meurent. Athé- née nous affûte qu' Aniramajis , Roi desLybiens, fit couper routes les fem- mes pour s’en fervir au lieu d’Eunu- ques ; & Wier nous rapporte que Jean de Hcjfc trouvant fa fille en adultéré , lui arracha la matrice, comme il fai- foit aux autres animaux. Ainfi on ne peut pas douter qu’on ne puiffie ren- dre une femme incapable de conce- voir, en lui ôtant la matrice & les telficules ; mais la difficulté efl de favoir comment les Anciens y procé- doient. Et pour dire ce que je penfe là-deffiis, je ne crois pas qu’on puifie faire cette opération lans péril ; & je pourrois dire que ce Roi, qui ne fe lérvoit que de femmes Eunuques, les falloir boucler ; on leur faifoic appli- quer une catarade, comme font au- jourd’hui en Italie & en Eipagne les maris qui foupçonnent leurs femmes ; ou bien encore comme font les Negres du Royaume d’Angole & de Congo , qui appréhendant la proflitution de leurs filles , leur coufent les parties naturelles dès qu’elles font nées : & ainli ce Roi pouvoir avoir des femmes traitées de la forte , qui paffoient parmi fon peuple pour des femmes à qui l’on avoir tranché les parties de la génération, pour les empêcher d’en- gendrer. DE l’AmoTJR CONJUGAL. F I N. Verbis ojfendi morhi aut imbecillitatif argumentum eji. Cic. Cui hic Ludus nofter non placebit, ne legerit ; auc ü legerit, oblivifcatur : Et velis, nolit, aliter haec facra non confiant. Qjiifquis ad bas litteras impudicus accedit, culpam réfugiât, non Naturam.fafta dénoté9 [uæ turpitudinis, in quibui mih 't facillimè piu dlcusfcr religiofus Leffor & Auditer ignof* fet. Auguft. de Civil, Dei, lib. 14. c. 13. TABLE DES CHAPITRES et articles Contenus dans ce fécond volume. TROISIEME PARTIE Chat. 1. Les incommodités que cau- fent lesplaijlrs du Mariage, page I. Chap. II. Des utilités çu apportent les plai/irs du Mariage , 16 Chap. III. S'il y a de véritables Jignes de ëroJfeJfc * # 2 8 Chap. IV. De la formation de l'Hom- me y Art. I. De la femence de l'homme , 48 Art. 2, Exaàe defcription des parties DES CHAPITRES. naturelles & internes de la. Femme , 52 Art. 3. De la Semence de la Femme, 61 Art. 4. De l'Ame de VHomme , 68 Arc. 5- Du fang des Réglés , 81 Art. 6. Observations curieufes fur les divers temps de la formation de V hom- me. 91 Premier degré de Information de l'Hom- me, 100 Second degré de Information de VHom- me} 154 Troijieme degré de la formation de l'Homme f 142 Quatrième & dernier degré de la forma- tion de VHomme , 1 5° Chat. V. Du faux germe & du Far- deau , 172 Ch ap. VI. S'il y a un art pour faire des Garçons ou des Filles , 200 Ch AP. VII. Si les enfants font bâtards ou légitimes quand ils reffemblent à leurpere ou à leur mere t 2 20 Ch a p.V II1.Pourquoi il y a des enfants qui naiffent faibles ou imparfaits , & d'autre forts & robufes , T A B L E, &c. QUATRIEME PARTIE Chapitre I. 270 Art. 1. De Vlmpuijfa.net de VHomme , ibid. Art. 2. Congrès , 285 Art. J. Du Divorce entre des Perfonnes mariées , 289 Chap. 11. De la fiérilitédes Femmes , 2£4 Chap. ÎÎI. Si les Charmes peuvent ren- dre un Homme impmjfant une Femme flériley 30 6 Chap IV. Des Hermaphrodites y 32 J Chap. V. Si une Femme peut devenir greffe fans Vapplication des parties naturelles d’un homme, ou Von traite fort curieujentent des Incubes & des Succubes y 353 Chap. VI. Si les Eunuques font capa- bles de Je marier & défaire des en- fants , 384 Tin de la Table du fécond Volume,