OBSERVATIONS S ü R LES MALADIES DES NÈGRES, LEURS CAUSES , LEURS TRAITEMENS , ET LES MOYENS DE LES PREVENIR : Par M. DAZILLB , Médecin du Roi à Saint- Dojmngue , Pensionnaire de Sa Majesté y ancien Chirurgien - Major des Troupes de Cajenne y des Hôpitaux de F Isle-de-France ,&c. TOME' PRE M-.I E R. Seconde Edition , considérablement augmentée. Ii ne suffit pas au Médecin de bien ordonner, il faut encore qu’il fasse concourir le malade lui-même à sa guérison ainsi que tous ceux qui le soignent, ou de qui son sort peut dépendre. Hippocrate, Aphorisme I. Prix, cinc| livres le Volume broché. A PARIS, ïà\qz l’Auteur , me Bergère , N°. i3 ; ~ ï'î Croullebois , Libraire, rue des Mathurins- Sorbonne. M. DCC, ICI I. A Y I S. Le second Volume ? composé du Tétanos, suivi d’Observations sur la santé des femmes enceintes , leurs maladies aux différentes époques de la grossesse, l’accouchement et ses suites , la conservation des nouveau-nés jusqu’à l’adolescence, etc. ayant été imprimé avant celui-ci, on en remettra gratis le Frontispice aux Personnes qui se sont pro- curé ce Volume. A Y ERTISSEMENT. Attache à la marine royale depuis iy55, mes voyages dans nos différentes colonies , m’ont mis à même d’étudier les causes des maladies de leurs habitans , principalement celles des Nègres; je nie suis appliqué à en suivre les effets , et d’après quelques succès , je présentai au gouvernement un mémoire sur les moyens de les faire cesser, ou du moins d’en diminuer la fréquence. Ce travail, sur un sujet absolument neuf, que l’humanité et l’intérêt de la nation m’a- voient fait entreprendre , obtint l’approbation la plus flatteuse et la plus authentique du célèbre M. Antoine Petit, chargé par l’ad- ministration d’en faire l’examen et le rapport. Ce médecin considéra qu’il étoit d’autant plus instant de publier par l’impression , et de répandre dans nos colonies le premier Irait de mes veilles et de mes recherches , que ce sujet, vraiment intéressant, n’avoit point encore été traité : des discussions phi- A V E RTI S S EMENT. Biologiques , sur les causes de la différence dans la couleur de la peau , attribuée par quelques-uns au corps muqueux , avoient occupé de célèbres anatomistes , tandis que le jeune médecin et le jeune chirurgien , arri- vant dans une colonie , étoient absolument sans secours , tant sur les connoissaiices topographiques de nos divers établissemens , que sur les causes des maladies et leur trai- tement. D’après une décision aussi encourageante, et dans la vue d’une plus grande utilité, je réunis et publiai, en 1776, mes observations sur les maladies qu’éprouve cette classe d’hom- mes , et je plaçai à la tête de Pouvrage mon mémoire , sous le titre d’introduction. Dans ces divers travaux , je me flatte de m’être garanti de l’esprit de système, qui dès-lors usurpoit l’empire des sciences et des arts , enfans de l’expérience : mon unique objet étoit alors, comme aujourd’hui, de faire connoître principalement la vraie manière de traiter les maladies produites par une nourriture insuffisante, le défaut de vête- mens, des travaux presque continuels et quelquefois au-dessus des forces de ceux qui les exécutent : pour remplir la tâche immense, AVERTISSEMENT. 5 que je m’étois imposée , je généralisai les matières , et ne m’appesantis point sur des détails qui m’auroient conduit à faire im- primer plusieurs volumes, parce que dans tout art et dans toute science , il faut partir des principes et se conduire à leur lumière. Cet ouvrage fini, ne me précéda que de quelques mois à la Martinique, la Guade- loupe , Sainte Lucie , et autres établissemens de l’Archipel de l’Amérique : l’homme de l’art, le planteur, et les autres citoyens re- cueillirent , dans cette partie du monde , les premiers fruits de la publication des moyens que j’avois rais à exécution, j’ose dire avec succès, à l’Isle-de-Cayenne, à la Guiane- Françoise , et aux Isles de France et de Bourbon (i), dans lesquelles, comme chirur- gien-major en chef des hôpitaux du roi , j’avois eu la conduite et la direction d’un grand nombre de malades de couleur dif- ' férente (2). Les administrateurs-généraux de ces der- O (1) Voyez la note 29, page 80, du second volume de cet ouvrage. (2) Voyez note 14, et pages 416 et suivantes, du second volume de cet ouvrage. AVERTISSEMENT. nières colonies , M. Dumas en Afrique , et M* de Fiedmon en Amérique , avoient rendu des comptes si avantageux de mes ser- vices , que je fus envoyé médecin du Pmi honoraire, à Plsle-de-Saint-Domingue , dès la fin de l’année 1776 , afin de mettre en pratique mes moyens sur un plus grand théâtre , et les perfectionner par de nouvelles expériences. Après huit années d’un travail assidu , opiniâtre , et des succès constans , je repassai en Europe , en 1788, sur le rapport des administrateurs de cette vaste colonie; dès le mois de décembre de la même année , j’eus ordre du gouvernement de publier mes observations - générales sur les maladies des climats chauds ; cet ouvrage parut en 1780 , et d’après les ordres réitérés du ministre chargé de ce département , je publiai, en 1788 , mes observations sur le Té'tanos , ses causes , ses symptômes, avec le traitement de cette maladie et les moyens dé la prévenir. Sa fréquence entre les Tropi- ques, particulièrement parmi les Nègres , et mes observations sur la santé des femmes enceintes dans ces régions, leurs maladies aux différentes époques de la grossesse , l’accou- chement et ses suites ; la conservation des AVERTISSEMENT. 7 nouveau-nés jusqu’à l’adolescence, étant une suite de ce que pavois imprimé, en 1776, sur les maladies des hommes de cette couleur , dévoient en former le deuxième volume ; aussi plusieurs administrateurs des colonies et le ministre lui-même, par leurs avis réi- térés , m’ont déterminé à le publier comme tel. Dans cette seconde édition , augmentée de plusieurs chapitres , le lecteur verra que je n’ai rien négligé (1) pour en faire un (1) Aussi contrarié en France que dans les colo- nies , je n’ai eu d’autres ressources que mes faibles moyens, tant pour les dépenses de mes voyages , et l’analyse des eaux simples et minérales de cha- que colonie, que pour l’impression de mes ouvrages: rappellé de l’Isle-de-France, en 1768, mes appoin- temens fixés à 1,800 liv., cessèrent alors; chargé cependant , depuis celte époque , de différentes missions par ordre de plusieurs ministres et admi- ristrateurs-généraux, je n’ai touché qu’une somme de 1,200 liv., une fois payée, et ma pension de retraite de 8co liv., accordée en lyjS'j réduite de- puis à 640 liv. , pour l’obtention de laquelle il ne me fallut rien moins que la justice de M. de la (Juste, premier commis des colonies, et cependant l’admi- nistration , par les mauvais choix qu’elle a faits , n’a cessé de dépenser, en pure perte, des sommes consi- dérables pour ces mêmes objets , que je remplis avec utilité. 8 A V E RTIS S E M E NT, ouvrage aussi utile au cultivateur, qu’aux médecins et chirurgiens qui se proposent d’exercer l’art de guérir entre les Tropiques. Parmi les lettres que j’ai reçues à cet égard , je me contenterai de rapporter ici celle de M. Fournier de Varennes , dans le compte qu’il rend de mes services et de mes travaux à l’Isle-de-Saint-Domingue ; au milieu des peines et des embarras , que la jalousie , la malveillance et les ennemis du bien public m’ont suscités , j’ai eu le bonheur d’être soutenu par les vertus , les lumières et la justice de MM. Dumas et Fournier de Varennes , dont les noms , du premier dans l’hémisphère austral, et du second dans le Boréal , passeront aux races futures , parce qu’ils ont été , chacun dans ces parties du inonde , l’effroi des médians , et les dignes soutiens de l’homme souffrant et malheureux , que la cupidité et l’infâme avarice cherchent par-tout à rendre leur proie et leur victime 1 Hommes précieux, que la na- ture fournit trop rarement,agréez l’un et l’autre, dans Vos retraites , le juste tribut d’éloges que mon cœur paie à vos vertus : ce sera la plus douce récompense de mes pénibles tra- vaux. L E T T RE de M. FOURNIER de VARENNES, Commandant, A MM. les Administrateurs généraux de Saint-Domingue. M ESSIEU R S, M. Dazille, qui, sous les yeux de vos pré- décesseurs , a servi avec distinction les hôpitaux militaires de la aille du Cap ayant ensuite été plus particulièrement et long-temps employé dans mon départementy vous me demandez, Messieurs, compte de ses derniers travaux. M. Dazille , élève du célèbre M. Mntoine Petit, a pour lui de longs et d'importuns services dans les Ports, sur les vaisseaux du Roi , en Canada , à VIsle-de-France , à Cayenne et à Saint-Domingue. M. Dazille a le mérite durable d'avoir fait un Livre estirné, sur les maladies des Nègres. Ce Livre qui contient des idées neuves , et qui est écrit avec clarté et méthode, est supé- rieur à tout ce que nous avons dans cette -partie. Cet ouvrage a été cité et loué par tous les hommes de Vart. Les rivaux et les envieux de M. Dazille , ne pouvant dépri- mer Vouvrage, ont pris le parti de Vattri- buer à l’un des plus célèbres médecins de VEurope. C’est-là Véloge le plus complet et le moins suspect du Livre et de son Muteur. M. Dazille, qui a ensuite exercé la méde- cine dans les Quartiers Morin et de Limo- nade , ou il s’estjixé, a fait une révolution favorable dans Vadministration des Nègresy tant en santé qu’en maladie ,* à cet égard\ M. Dazille a bien mérité de la Colonie , de l’Etat et de l’humanité. M. Dazille , Messieurs , s’étant occupé pendant long-temps avec succès du Tétanos, maladie la plus redoutable des individus de l’espèce animale entre les Tropiques. et par- ticulièrement des Nègres , s’étant sua-tout appliqué et ayant réussi à garantir de cette horrible maladie les blessés des habitations sur lesquelles il a eu la direction et la conduite des hôpitaux, je crois devoir vous engager, Messieurs , à inviter le Ministre à presser M. Dazille de publier le recueil ses observations sur ce sujet, d’y joindre celles qu’il a faites sur la santé des femmes enceintes entre les Tropiques , leurs mala- dies aux différentes époques de cet état, Vaccouchement et ses suites , la naissance et la conservation des enfans nouveau-nés jusqu’à l’adolescence. Ces objets auxquels il pourvoit joindre les moyens de perfec- tionner la médecine-pratique dans ces cli- mats , formeraient un second volume de son ouvrage sur les maladies des Nègres. M. Dazille a également fait un recueil d’observations sur les maladies des Lianes dans les climats chauds, et des travaux vraiment utiles sur l’administration écono- mique des hôpitaux militaires de ces con- trées , desquels, pendant plus de 3o ans , il a été à portée de connaître les abus et les moyens d’y remédier. Les matériaux de ces ouvrages , formés sous mes yeux, m’ont été communiqués , et il me semble , d’après les succès de ce mé- decin , que leur publication serait de la. plus grande utilité. yd l’égard des services que M. Dazille a rendus dans mon département3 en sa qualité de médecin du Roi y je dois vous attester 3 Messieurs, que par-tout où M. Dazille a vu l’humanité aux prises avec la douleur et la misère , il y a porté tous les secours de la charité, de l’humanité et de la mé- decine , et presque toujours avec succès. J’ai été souvent le témoin oculaire des bonnes actions de ce médecin , et quelque- fois j’en ai été F occasion. J’ai toujours vu M. Dazille sacrifier son intérêt, pour suivre le penchant de son cœur. La garde des postes de Limonade et du carénage étant composée d’hommes livrés à tous les excès de l’ivrognerie , de la dé- bauche , et à tous les inconvéniens de la détresse, ils en éprouvent les suites ; les gens qui habitent les Embarquadaires ont, avec les mêmes inconvéniens, les mêmes maux à supporter. M. Dazille a donné , pendant toute la durée de la guerre , ses secours gratuits à ces infortunés, Sa Majesté, Messieurs, sur le témoignage de M. de Belle combe et de son Excellence M. de Galvez, commandant général des armées combinées des deux nations, a bien voulu mettre un prix aux succès de mes soins et de mes dispositions pour la conser- vation de la majeure partie des troupes espagnoles, cantonnées dans le quartier de Limonade. C’est à M. Dazille Messieurs, que je dois, pour la partie relative à la conservation et à la curation des soldats y le succès de mes dispositions. J’ai consulté ce médecin éclairé ; je l’ai abouché avec les officiers commandant les troupes } et avec les officiers de santé. C’est d’après ses indications, que rétablissement des hôpi- taux espagnols au Bourg de Limonade a été fait, et sa méthode a été adoptée par les médecins et chirurgiens espagnols y qui ont eu la sagacité de suivre les indications d’un homme de l’art qui connoît le local et l’influence du climat. Ce cantonnement qui a duré dix-huit mois, a été le moins des- tructeur. Il étoit cependant composé des régimens venant du camp de Saint-Roch, qui n’avoient pas éprouvé la révolution du climat, et qui venaient d’essuyer les fati- gues d’un siège. M. Dazille a traité, et toujours gratuite- ment y tous les officiers de cette nation qui °nt tombé malades sur les habitations ; M. Dazille ,, médecin du Roi, a cru qu’il étoit de son devoir de donner des secours gratuits aux alliés de sa nation ; le zèle 3 les services et le patriotisme de ce médecin ont été appréciés par M. le général de Galvez, qui lui en a donné les témoignages les plus honorables. Vous êtes témoins, Messieurs, des der- niers travaux de M. Dazille ; c'est par vos ordres qiéil a parcouru la colonie, en mé- decin observateur j et qu'il s'est occupé de 'Vanalyse de ses eaux minérales. Je me suis borné à vous rendre compte des services que M. Dazille a rendus autour de moi. Je souhaite, Messieurs , que mon témoignage puisse ajouter a Vidée avantageuse que •vous avez de M. Dazille ; je contribuerais alors en quelque chose à la justice que ;vous rendrez à un homme dont je vénère les vertus, et dont j'estime les talens et l'usage qu'il en fait. Pour copie conforme à l’original : Fourniek de Varennes. TABLE DES MATIERES Contenues dans ce Volume. Introduction , Page 1 Chapitre premier. Des Fièvres putrides , 33 Chap. II. De la Diarrhée et de la Dyssen- terie, 66 Chap. III. Des Maladies vermineuses, 106 Chap. IV. Des Maladies de Poitrine, m De la fausse Peripneumonie , n3 De la suppuration des Poumons, 128 Chap. V. Des Maladies vénériennes, 146 Chap. VI. De là Gononhée virulente, ou Chaude-pisse, 177 Chap. VII. De la Gonorrhée ou Chaude- pisse, vulgairement dite tombée dans les Bourses , 208 Chap. VIII. Des difficultés d'uriner, pro- duites par les ulcères et les brides de Vurèthre, à la suite des gonorrhée s, 216 Chap. IX. Des dépôts qui se forment au Périnée, à la suite des gonorrhées, 22S Chap. X. De VOphtalmie vénérienne, 287 Chap. XI. Du Pian, 246 TABLE DES MATIERES. Traitement du Pian et des affections qui lui succèdent y lorsqu'il est mal traité y 2,52 ChAp. XII. De la Lèpre, 278 Causes de la Lèpre , 286 Préparation au traitement de la Lèpre 9 3iz Traitement y 824 Observations sur quelques méthodes em- piriques y 338 Chap. XIII. Du mal d'estomac le plus fré- quent entre les tropiques et auquel les Nègres sont fort sujets, 842 Traitement, 846 Chap. XIV. Observations sur les luxations de VHumérus avec VOmoplate y et celle du Fémur avec TIschion y 862 Chap. XV. De la Petite-Vérole y 876 Traitement y 884 Chap. XVI. De VInoculation} 804 Chap. XVII. De la Rougeole, 899 Traitement, 404 Chap. X"V IIL Moyens de prévenir les ma- ladies des Nègres , 407 Chap. XIX. Conclusion, 482 Chap. XX. Précis sur l'analyse des Eaux Minérales y pour servir de complément à ce que nous en avons déjà dit, 487 INTRODUCTION, OBSERVATIONS S U R ■ LES MALADIES DES NEGRES. INTRODUCTION, La population des colonies en déter- mine le degré de prospérité. Nombreuse, elle en fait la force et la richesse; foi- ble ou médiocre, elle en indique à-la- fois la pauvreté et la langeur. En général, toutes les colonies existent ou doivent exister sous ces deux rapports, Introduction. force et richesse; ce sont-lk les deux grands objets de leur destination. La richesse reflue dans le royaume, et concourt puis- samment à sa prospérité générale; la force assure ces avantages contre les ennemis du dehors, indépendamment des secours de la métropole, toujours trop incertains et trop tardifs. Ce n’est spécialement que dans une population abondante de Nègres que les colonies trouvent la source primitive de leur opulence; car sans Nègres, point de culture , point de produits , point de richesses. Une colonie uniquement peuplée d’Eu- ropéens peut bien devenir , après une longue suite d’années, colonie de force; mais elle ne sera que cela ; la richesse ne sera jamais son parcage : tel à été le Ca- nada. D’après cet exposé, l’on voit que l’in- troduction des Nègres dans une colonie, est le moyen majeur et fondamental de sa prospérité; et que la conservation de Introduction. 3 ces êtres malheureux est ce qui rend ce moyen efficace. Rechercher les causes des maladies qui les affectent, suivre ces ma- ladies dans leur commencement ? leur pro- grès, leur terminaison, et en indiquant les moyens d’y remédier, former un ré- sultat qui tende à arrêter la dépopulation effrayante de l’espece, c’est s’occuper de ce qui est utile aux Colons en particulier, au commerce de la nation en général, et à la prospérité de l’État. Tel est le but de cet ouvrage: puissé- je parfaitement le remplir, puissent ceux qui exercent l’art de guérir dans les co- lonies , reconnoître , comme moi, par l’expérience journalière, que les moyens que je présente pour le traitement des ma- ladies des Nègres sont les plus efficaces ; puissent aussi les habitans des colonies sentir que la diminution des causes de ces maladies est entre leurs mains! ce seroit offenser leur délicatesse , que de leur faire envisager cette diminution comme uniquement utile à leurs intérêts : 4 Introduction. les soins qu’ils se donneront pour l’opé- rer, auront un motif plus noble et plus satisfaisant pour leurs cœurs, puisqu’ils feront en même temps des actes d’huma- nité et de bienfaisance. En arrivant dans une colonie, l’homme de l’art doit examiner la situation du pays, les lieux élevés, les marais, leurs distances des habitations ou des villes, les vents qui régnent le plus ordinaire- ment, les qualités des eaux, le genre de vie des habitans, leurs mœurs, leur nour- riture , leurs travaux, enfin leur maniéré de se vêtir. Pour acquérir ces lumières et les rendre utiles à l’humanité, il faut être homme instruit, laborieux , et avoir l'amour de son état. Ces premières connoissances le con- duisent à l’étude de celles qui tiennent de plus près aux hommes qu’il doit secourir, telles que leurs tempéramens, et tout ce qui peut y occasionner des différences; il cherche quelles sont les humeurs pré- Introduction. dominantes qui les constituent et les ca- ractérisent en particulier. Nos tempéramens participent de ceux de nos peres et meres ; ils se modifient par les alimens et par Pair ; les idées et les opinions qui nous sont présentées, ou que nous acquérons nous-mêmes, font encore des différences dans la combi- naison de ces causes : de-là cette diver- sité frappante dans chaque individu, de-là le plus ou le moins d’étendue dans le cer- veau et les autres parties, de tenuité dans le tissu et l’arrangement des nerfs ; de-là enfin la qualité et la quantité des liquides qui mettent ces fibres en jeu, en leur imprimant des mouvemens. Le médecin ne doit donc pas se bor- ner à la connoissance de l’homme, de sa composition, de son état de santé et de maladie; il faut encore qu’il s’applique à connoitre tous les corps qui nous envi- ronnent , de quelle maniéré ils agissent sur nous, et comment, parleur contact médiat ou immédiat, ils peuvent nuire ou être utiles. a iii 6 Introduction, La connoissance de la situation et des productions des lieux tient de très- près à celle des maladies; les habitans des pays bas et humides, entourés d’eau, sont nécessairement sujets aux maladies pro- duites par le relâchement des solides et la staze des fluides; au contraire ceux qui habitent des lieux secs, arides, brûlés par le soleil, sont sujets aux maladies opposées dépendantes de l’érétisme, de la séche- resse et de la trop grande action des so- lides. Les uns et les autres sont d’ailleurs plus ou moins disposés à ces différentes mala- dies par la diversité de leurs tempéra- mens : ainsi un grand nombre des habi- tans des pays pluvieux, de ceux sur-tout où les eaux sont stagnantes, ont le ventre gros, le visage hâve, les jambes grêles, mal assurées, et une disposition à l’œde- macie; tandis que les habitans des lieux arides, ont au contraire la fibre seche, contractile, sont moins gras, plus san- Introduction. 7 guins, disposés à l’inflammation * et par- ticulièrement aux inflammations vraies (i )* L’expérience , ce guide assuré de la médecine, prouve que tous les lieux ne sont plus ou moins salubres, qu’en raison des différences ci-dessus. Les grandes cha- leurs de la Zone-Torride, que l’on a mal- à-propos considérées comme cause pre- mière des maladies de ses habitans,et prin- cipalement de celles qu’y éprouvent les nouveaux-venus d’Europe , ne font que développer ces causes, et leur donner plus ou moins d’activité : ainsi les habitans de Tlsle de Saint-Domingue, située du 17e au 20e degré de latitude-nord, ont été et sont encore sujets à des maladies violentes; pendant que ceux de Pondichéry, situé par 12 degrés de même latitude, en sont, pour ainsi dire, exempts, quoique la cha- leur y soit beaucoup plus grande, parce (1 ) Pour de plus grands détails sur cet important sujet, voyez mes Observations générales sur les maladies des climats chauds, imprimées en 1780, ainsi que celles sur le tétanos, publiées en 1788. 8 Introduction. que cette ville située plus près de la ligne, est d’ailleurs bâtie sur le sable qui, à la maniéré des reverberes, concentre, rap- proche et réfléchit les rayons du soleil ; mais Pondichéry est éloigné des marais, et les villes et les quartiers reconnus malsains a Saint-Domingue, en sont très-voisins. La même observation a lieu à l’Isle de Cayenne & a la Guyanne; les habitans des établissemens voisins des marais éprou- vent de très-grandes maladies, tandis que ceux des habitations heureusement situées, sur-tout bien aérées & favorisées par des eaux courantes, en sont presque exempts. Cayenne étant située par4 deg. 56 min. de latitude-nord, l’air devroit y être plus chaud que dans nos autres colonies plus éloignées de la ligne j cependant il y est beaucoup plus frais, parce que pendant neuf mois de l’année, & quelquefois da- vantage , il y est tempéré par des pluies chaque jour répétées, & que les vents viennent si constamment du côté de la mer, qu’on y éprouve à peine quatre jours de l'année ceux de terre. Introduction. Dans tous nos établissements situés en- tre les Tropiques, c’est en général pen- dant les longues sécheresses, que les Eu- ropéens, principalement les nouveaux ar- rivés , éprouvent les maladies violentes dépendantes de Pérétisme et de la trop grande action des solides. C’est au con- traire dans le temps des pluies, connu sous le nom d’Hyvernage, que les anciens Co- lons sont attaqués des maladies produites par le relâchement de la fibre : de-la la stase des fiuides, les différentes espèces de fiè- vres, les obstructions et toutes les maladies chroniques. Dans la saison des pluies, les marais vul- gairement appellés pÆ/étzzi/icos'àCayenne, et Manglicrs à Saint - Domingue, ont une quantité d’eau suffisante, pour s’en- tretenir sans corruption et se renouvelle!* peu-k-peu par le flux et reflux de la mer qui s’y manifeste toujours assez sensiblement pour y être observé au moins dans les grandes marées. Des saisons pluvieuses passées, les eaux Introduction. croupissent, se corrompent, et occasion- nent, par leur putréfaction, celle d’une quantité infinie d’insectes et d’animalcu- les, dont les émanations se répandent dans Tair, de-l'a passent dans les poumons parla respiration, et portent dans les humeurs le germe des maladies qui affligent les ha- bitans des lieux circonvoisins. A Saint-Domingue, où iî y a beau- coup de serein, il est dangereux de s’y exposer, soit pour y dormir, soit en s’y tenant seulement découvert, sur-tout la tête. Les dangers augmentent considérable- ment dans les mois de juin, juillet et août, à cause des coups de vents fréquents et des pluies qu’on y éprouve. J’observe en- core que ces trois mois sont ceux de l’an- née où cette colonie reçoit plus perpendi- culairement les rayons du soleil: ainsi l’aug- mentation de la chaleur, jointe à une plus grande humidité, constitue l’air chaud et humide si dangereux et si funeste, lors- que, comme à Saint-Domingue, une pro- Introduction. digieuse quantité d’insectes périssent et se reproduisent avec autant de facilité que de promptitu de. Les marais, dans le plus grand nombre desquels les eaux corrompues ré- pandent une odeur très-puante, servent de repaire à cette multitude d’animalcules dont les miasmes sont entraînés par les vents (i) dans plusieurs quartiers de l’Isle, où ils causent des maladies plus ou moins graves, en raison des distances et des autres causes concomitantes. Nous avons dit que plus les lieux sont exposés aux causes ci-dessus, plus les mala- dies que leurs habitans éprouvent sont graves : la mortalité excessive des Euro- péens établis dans le Bengale sur les bords du Gange, en est une preuve convain- cante : en effet les Anglois à Calcutta, les Danois à Syrampour, les François àChan- dernagor, &; les Hollandois à Chinsurat, (i) On a constamment à Saint - Domingue le matin les vents de terre 5 viennent ensuite ceux de la mer • les premiers sont appelles brises de terre, elles se- conds brises dit large* Introduction. éprouvent des maladies relatives à ces dif- férences. Ces établissemens sont situés entre le 20e etle 23e degré de latitude-nord, à 60 lieues de distance de la mer. Lk, les bords de ce fleuve sont couverts de plus ou moins d’eaux croupissantes en proportion des divers niveaux de leurs terreins. Ces quatre établissemens sont très-mal- sains ; mais on observe que la violence et la fréquence des maladiesy sont relatives à la proximité et à rétendue des marais; ainsi Calcutta étant le plus bas, on y est plus ex- posé qu’k Syrampour, situékquatre lieues plus haut ; en s’élevant un peu plus, Chan- dernagor distant de trois lieues de Syram- pour, est moins insalubre: Chinsurat en- fin, distant d’une lieue de l’établissement François, est presque exempt de maladies. A mesure donc qu’on s’éloigne des ma- rais, l’air devient de plus en plus salubre; et par cette heureuse gradation, Bandel, situé k une lieu de Chinsurat, étant bien découvert et plus élevé, l’air y est si pur, Introduction. 13 que l’on y envoie les convalescens qui s’y rétablissent avec plus de facilité. On observe la même insalubrité de l’air à Jougdia, village situé au milieu des ma- rais et des bois, tandis que celui des mon- tagnes élevées de Chatigan est de la plus grande salubrité. Les Européens qui habitent les parties basses des bords du Gange sont siijetsàune fievre maligne si funeste, qu’elle tue queh quefois le malade en vingt-quatre heures. Elle est connue dans le pays sous le nom defievre cPAva, parce qu’elle vient le plus souvent à la suite des vents d’est, et que îe royaume d’Ava est à l’est de ces établis- semens. On y observe plus ordinairement des fxevres intermittentes, difficiles à mié- ' O rir, sujettes à récidives, sans cependant laisser communément après elles des suites fâcheuses: il n’en est pas de même de la diarrhée et de la dyssenterie, qui y sont très-dangereuses. La manière de vivre et de se conduire, rend les habitans plus ou moins sujets à 14 Introduction. ces maladies. Le serein est sur les bords du Gange encore plus dangereux qu’a Saint- Domingue, parce qu’il s’exhale, principa- lement pendant la nuit, des vapeurs ni- rreuses, (i) qui resserrent subitement les pores de toute l’habitude du corps, et en suspendant ainsi l’excrétion de l’insensi- ble transpiration, causent quelquefois en moins de douze heures la mort de ceux qui s’y sont exposés. Nous avons déjà observé que les Euro- péens dans le Bengale sont sujets aux ma- lad les violentes, à de vraies inflammations, parce que faisant un grand usage de tou- tes les viandes du pays, de vin et autres li- queurs' fermentées, leurs alimens contien- nent beaucoup de sucs nourriciers et de parties spiritueuses. A la suite de ces ma- (i) Un morceau de viande fraîche exposé à l’air pendant une nuit, se trouve le lendemain couvert de nitre au point de pouvoir être conservé pendant plusieurs jouis. Ue Bengale est le pays du monde le pins abondant en salpêtre: il y est fossile: on en leste les vaisseaux qui reviennent en Europe. Introduction. 15 ladies aiguës, leurs fibres tombent dans l’atonie; de-là les affections opposées, telles que les obstructions, la cachexie que les naturels éprouvent sans avoir eu de ma- ladies inflammatoires, attendu que leurs fibres sont habituellement dans l’état de relâchement. Le plus grand nombre des naturels du Bengale ne vit au contraire que de riz et autres substances végétales, de lait et de poisson ; nourriture très-convenable pour s’opposer aux effets de la chaleur du cli- mat, et à la putrescence des humeurs, mais qui dans les pays chauds, n’est pas assez tonique pour remédier au relâchement des fibres de tout lecorps, sur-tout de celles de l’estomac: c’est pourquoi les naturels du pays n’éprouvent presque aucune des ma- ladies auxquelles les Européens sont expo- sés; mais aussi le défaut de ressort et d’ac- tion de leurs solides les rend-il sujets au* obstructions, particulièrement à celles du bas-ventre, connues dans le pays sous le nom de basse. Inthovvct i o va Une autre cause de maladie, encore parti- culière aux naturels du Bengale, c’est d’a- voir dans leurs basses-cours des eaux crou- pissantes, où, par principe de religion, ils se lavent plusieurs fois le jour. Il est inu- tile de faire observer que ces eaux cor- rompent l’air qu’ils respirent et portent en même temps leurs mauvaises qualités dans la masse générale des liqueurs par les pores de la peau : et, à combien de maux ne sont pas exposés ceux qui se trouvant éloignés des eaux courantes, en font leur boisson ordinaire > Les Hollandois, qui par leur activité et leur industrie, ont su se garantir de pareils fléaux en Europe, n’ont pas' eu le même succès dans quelques-unes de leurs colo- nies, telles que dans Tlsle de Java, située par $ degrés de latitude sud, faisant par- tie du détroit de la Sonde, où ils ont une très-grande ville, nommée Batavia, située dans un Heu très-bas, très humide, entouré de bois et d’eaux stagnantes. A toutes ces causes certainement suffi- Introduction. 17 sautes pour rendre Batavia un lieu très- insalubre , se joignent dans les mois de juin, juillet et août, les vents de terre qui, après s’étre chargés des émanations des corps putréfiés y portent leurs mau- vaises qualités, et font de Batavia une des villes les plus mal-saines de l’univers. Les habitans de Batavia, mais princi- palement les nouveaux-venus d’Europe, y éprouvent des maladies si violentes, qu’il passe pour constant qu’elles enlevent cha- que année la moitié de ces derniers. Ces maladies sont, comme aux environs des bords du Gange, des fievres putrides, malignes et des dyssenteries; dans l’un et l’autre pays, les campagnes éloignées des marais, et qui sont bien élevées, sont très- salubres; c’est pour cela que les Anglois dans le Bengale, et les Hollandois à Ba- tavia, tiennent leurs troupes cantonnées dans des lieux élevés, d’où elles viennent faire le service des villes ; sans cette sage précaution, leurs garnisons périroient en peu de temps. Il seroit à souhaiter pour 18 Introduction-. l'humanité, que les autres nations établies dans des colonies insalubres prissent les mêmes précautions; elles ont été conseil- lées aux François en 1768, par un grand militaire, physicien instruit, et vraiment ami de l’humanité. (1) Ce que nous avons observé à Saint- Domingue , à Cayenne, à Pondichéry , dans le Bengale et autres établissemens , soit en Asie , en Afrique et en Amé- rique , s’observe également à l’Isîe de Madagascar, situé entre le 11e et le 26e degré de latitude sud. Les Européens qui s’y sont établis auprès des marais, ont constamment éprouvé, sur-tout pendant rhivernage, des fièvres putrides, mali- gnes, et principalement la dyssenterie qui n’est quelquefois dans ce cas que symptôme d’une très-grande malignité. Mais l’on observe que les Chefs Negres, qui habitent l’intérieur de l’Islé, éprou- (i) M. D umas, alors Commandant-Général des Isles de France et de Bourbon, Introduction. 19 vent les mêmes maladies que les Euro- péens, lorsqu’ils viennent sur les rives vendre leurs esclaves ou leurs bestiaux j ce qui fait présumer qu’il n’y a d’insa- lubre que les côtes. D’après ces détails, l’on voit à quels dangers sont exposés les hommes qui vi- vent près des eaux stagnantes. Les gens instruits connoissent cette vérité, et en conviennent. La cause du mal connue, le remede est aisé, et peut-être plus facile à mettre en pratique que l’on ne pense: il faut alors dessécher les marais ou donner un libre cours à leurs eaux, à l’aide des dif- férentes machines que la physique mo- derne à inventées, et dont quelques na- tions ont su tirer de si grands avantages. C’est une vérité triste et frappante pour riiumanité, que, de temps immé- morial , on ait observé que toutes les fols que les fleuves et les rivières se dé- bordent, les eaux qui séjournent dans les bas-fonds se corrompent, infectent Tat- mosphere qui, k son tour., est la source Introduction. (Tim nombre infini de maladies ; le NU en Égypte, en Hongrie le Danube, en France le Rhône, la Garonne la Loire, la Durance, la Charente et plusieurs au- tres, en ont trop souvent fourni de fu- nestes exemples, (i) Après avoir parcouru les causes des maladies communes à tous les hommes dans les colonies, indiquons maintenant celles qui sont particulières aux Nègres, et qui, dans les climats les plus opposés, produisent cependant les mêmes effets, la même dépopulation. (2) Par-tout une (1) Ces vérités reconnues et démontrées, combien n’est pas blâmable en Europe l’usage de placer des eaux dormantes auprès des maisons de campagne ! trop souvent ces marais factices produisent des épi- démies qu’on attribue à d’autres causes. (2) Cela est prouvé, parce que depuis un certain nombre d’années l’on compte dans les établissemens François de l’Isle Saint-Domingue environ 5oo,ooo Nègres; aux Isles de France et de Bourbon 85ooo: année commune, on en transporte à Saint-Domingue environ sSooo, et aux Isles de France et de Bour- bon environ 3ooo. Introduction. nourriture insuffisante, le défaut de vê- tements et un travail au-dessus de leurs forces, font périr le produit annuel de la génération des Nègres et l’objet de l’importation. La mortalité des Nègres étant à-peu- près par-tout la même, dans les pays mal- sains comme dans les climats les plus salu- bres , dans ceux en un mot, où les autres hommes vivent, pour ainsi dire, exempts de maladies, on ne peut raisonnablement rapporter cette mortalité excessive qu’à des causes qui leur sont particulières dans ces climats divers. La racine de manioc fait leur nourri- ture principale; mais de toutes les pré- parations de cette racine, celle en usage aux isles de France et de Bourbon, étant la moins propre à la nutrition, je m’at- tacherai particulièrement à en démontrer les inconvénient j’entrerai même dans le détail des autres causes des maladies des Nègres dans ces dernieres colonies, et ce que j’en dirai, sera applicable à Introduction. tous les climats, parce que, comme nous Pavons dit plus haut, ces causes existent également dans toutes les possessions éloi- gnées des nations de l’Europe, où la. culture est livrée aux mains des escla- ves, et qiPelles produisent par-tout les mêmes effets, les mêmes affections, qui deviennent plus graves en raison du nom- bre et du concours des autres causes des maladies communes à tous les hommes. Les Isles de France et de Bourbon sont situées entre les 20 et 22e degrés de la- titude méridionale. Elles sont traversées par de longues chaînes de montagnes hautes et escarpées, dont le sommet est couvert de bois, et qui, arrêtant les va- peurs de la mer, séparent les nuages dont la pluie se répand dans les plaines à droite et à gauche. De ces montagnes découle un grand nombre de rivières, dont 1- cours est libre jusques à la mer et qui, du- rant toutes les saisons, arrosent ces isles dans toutes leurs parties. On n’y voit point de marais, point d’eaux croupis- Introduction, santés: aussi sont-elles regardées , avec raison, comme un des pays les plus sa Libres de la terre habitable. (1) Cepen- dant les Noirs périssent presque tous dans ces colonies, de maladies putrides et ver- mineuses , de dyssenteries ou de suppu- rations aux poumons; il est rare qu’ils soient attaqués de maladies purement in- flammatoires. La première cause de ces différentes (r) La mortalité que les troupes ont éprouvée à l’Isle de France depuis 1769, époque du rappel de M. Dumas eu Europe, ne sauroit être attribuée au climat. Ses causes sont aujourd’hui bien connues ; j’en ai indiqué l’origine dans mes observations sur les maladies des climats chauds, ainsi que dans celles sur le tétanos. Les troupes n’ont presque point eu de maladies pendant le gouvernement de M. Dumas, parce que cet officier, aussigrand administrateur que militaire éclairé, laisoit entrer du riz et du vinaigre dans la ration des soldats, et que tous les jours un homme de chaque ordinaire étoit obligé d’aller cher- cher du cresson sur les bords des rivières où il est très-abondant. On voit par-là quel bien peuvent faire les lumières et les connaissances, lorsq’uelles se trou- vent réunies à la bienfaisance et à l'humanité. 24 Introduction. maladies des Nègres, provient /de leur nourriture qui consiste généralement en racine de manioc grossièrement pilée , mise en galette et le plus souvent mal cuite, avec laquelle, dans quelques-unes de nos colonies, ils mangent encore une plante émoliente, connue sous le nom de brette; quelques-uns font un mélange de substances animales et végétales, appellées carry en Asie, et calalou, aux Isles de l’Amérique , dans lequel les substances végétales dominent et sur-tout le piment. Mais ceux qui peuvent se procurer cet avantage sont en petit nombre; la mi- sère ou d’autres circonstances forcent les autres à la première de ces nourritures, insipide, uniforme, mal préparée, non fermentée, et qui produit dans les hu- meurs la putrescence, source des mala- dies indiquées ci-dessus. Une autre cause non moins détermi- nante de ces maladies, se trouve dans le passage subit du chaud au froid. L’air des Lies de France et de Bourbon est sujet à Introduction. des variations si fréquentes et si rapides, que les Nègres, presque toujours mal vê- tus, ne peuvent qu’éprouver à leur détri- ment ces différentes influences. La situa- tion de ces Isles, presque sous le tropique du Capricorne, en fait un climat chaud, mais en même temps humide, à cause des pluies abondantes qu’occasionnent l’élévation du sol et les forêts qui le couvrent. De-là les différences extraordi- naires qu’on observe dans l’air, même de deux quartiers contigus, si l’un est plus découvert et plus éloigné des mon- tagnes, que l’autre; ainsi au quartier de Pamplemousse où il pleut rarement, parce que les terres y sont presque toutes décou- vertes , et parce que ce quartier forme une plaine à quelque distance des mon- tagnes, l’air est très-chaud; au contraire à celui de Flacq, où les pluies sont presque continuelles, il est beaucoup plus frais; à Moka et aux plaines de Wilhems, il est des temps où l’on se chauffe avec plaisir, tandis qu’au Port-Louis, qui Introduction. n’est pas éloigné de plus de trois lieues de ces deux derniers quartiers, la chaleur est presque toujours excessive. On ob- serve les mêmes différences à l’Isle de Bourbon. A ces deux premières causes de mala- dies ordinaires des Nègres se joignent celles qui proviennent du genre de vie et de travail. Nés et parvenus à un âge avancé, sans principes, il est très-diffi- cile de leur inspirer des mœurs ; aussi sont-ils très-enclins au libertinage. L’ex- trême paresse est encore un de leurs vices dominants; et c’est presque uniquement dans la nécessité du travail et dans la gêne et le peu de facilité qu’ils ont pour les plaisirs de l’amour, qu’ils font consister la rigueur de leur esclavage. Le travail auquel les Nègres sont assu- jettis, est presque continuel et souvent très-pénible, quelquefois même au-dessus de leurs forces; en cela les maîtres ( i ) qui ( i ) Ce n’est pas les Créoles que l’on doit accuser ûe manquer d’immanité. En général ils sont francs, Introduction. 27 l’exigent, entendent bien mal leurs inté- rêts ; car le peu de repos qu’ils laissent à leurs esclaves, et la mauvaise nourriture qui est leur partage , ne pouvant pro- duire une réparation nécessaire, ils sont bientôt énervés et perdus. Le libertinage est d’autant plus dan- gereux chez les Nègres, que pour le satis- générenx, hospitaliers, même ayec faste, confiants et amis surs, les fastes d’une colonie aussi étendue que celle de Saint-Domingue offrent à peine les noms de deux Créoles à inscrire sur la liste des scélérats, on ne peut se dispenser de les consi- dérer comme exempts des crimes qui dégradent l’hu- manité. On peut voir sur ce sujet différentes parties du grand ouvrage de M. Moreau de Saint-Méry sur fes loix et constitutions des Isles francoises de l’Ame- rlque sous le veut. Des colonies perdent à peine en Nègres, par les mortalités la cinquième partie de ce que nous per- dons en soldats. Cette excessive différence, tran- qnilisante sur le sort des Nègres, dont le nombre est au moins de 5co,ooo à Saint-Domingue, est due en grande partie à l’humanité et à la bien- faisance des Créoles, comme je l’ai déjà imprimé plusieurs fuis, et notamment page i6de mes obser- vations sur les maladies des climats chauds. Introduction. faire, ils vont souvent chercher au loin, pendant la nuit, l’objet de leurs désirs; ainsi ce temps qu’ils dérobent au seul repos qu’ils peuvent prendre, étant employé k des plaisirs précédés et suivis de courses fatigantes, il en résulte un épuisement, des suites duquel il est bien difficile de les sauver. Un autre penchant qui ne tend pas moins à les détruire, est celui qu’ils ont pour les liqueurs fortes. Il prend sa source dans l’épuisement qu’ils éprouvent, et produit des accidens d’autant plus perni- cieux , que la liqueur dont ils s’enivrent est extrêmement âcre lorsqu’elle est nou- velle ; c’est une eau-de-vie de canne de sucre, nommée taffia ou guildive, qu’il ne devroit être permis de mettre en usage qu’après avoir resté deux ans en tonneau, ou après une seconde distillation. D’après cet exposé, il est aisé de con- cevoir que des hommes mal nourris, mal vêtus, exposés à toutes les injures de l’air, assujettis à un travail presque continuel s Introduction. livrés sans mesure au penchant des plai- sirs de l’amour et des liqueurs fortes, ne peuvent conserver leur santé : aussi remarque-1-on qu’ils ne résistent pas long - temps ; les maladies viennent les assaillir : un traitement presque toujours malentendu fait le reste. De-là cette dépo- pulation étonnante, faite pour frapper tout observateur, et qu’il est si important d’arrêter. 29 La nourriture pesante, insipide, non variée et non fermentée, doit produire dans les humeurs une dépravation ten- dante à causer les maladies putrides et vermineuses ; elle ne sauroit réparer les humeurs ; les digestions en sont d’autant plus pénibles, qu’elle est dépourvue de principes salins et nutritifs , sans lesquels elles nesauroient se faire parfaitement; mais en les supposant possibles, l’épuise- ment en tout genre ayant déjà dissipé le peu de forces qui reste aux organes, il résulteroit toujours une matière nuisible , mal élaborée, capable de produire, soit 30 Introduction. dans les premières voies, soit dans les humeurs , mille acddens divers qui se réduisent dans celles-là aux scènes qui affectent plutôt ou plus tard les intestins; et de-là les diarrhées et les dyssenteries ; dans celles-ci, naturellement disposées à la putrescence, une aggravation qui pro- duit/ les fievres putrides et vermineuses. S'il arrive des suppurations aux pou- mons, il est rare qu’elles proviennent d’inflammations véritables ; elles sont plutôt causées par une matière nuisible et délétère, qui s’étant fixée sur l’organe de la respiration, produit ce que nous ap- pelions fausse péripnenmonie, peripneu- monia spart a, qui est tout-à-fait putride, comme on le verra ci-après. En effet, si l’on considéré les différentes causes que j’ai détaillées, et que l’on y joigne la sécheresse et l’aridité naturelles des fibres des Nègres, il n’est pas diffi- cile de se rendre raison de la disposition où se trouvent les poumons, à l’engor- gement œdémateux. Introduction. 31 Le genre nerveux peche dans sa tota- lité; l’état du pouls dans toutes les ma- ladies de cette espece est lent, la fievre est à peine marquée dans les premiers temps et les crises en général sont dif- ficiles. Je ne marrêterai point à donner un diagnostic général des maladies qui reanent dans les colonies : leur diffé- lD ' rence avec celles qui régnent en Europe, regarde moins les symptômes, que les effets et le traitement. J’observerai dans la description de chaque maladie , les caractères qui lui sont particuliers dans ces pays, et ceux qui lui sont communs en Europe. Cet ordre est indispensable dans une science de faits : nous ne devons marcher qu’à l’aide du flambeau de l’expérience, afin d’éviter les systèmes qui, malheu- reusement , font la majeure partie des ouvrages modernes. Fin d& VIntroduction, D’après le concours des différentes causes de maladies auxquelles les Nègres sont exposés y et que nous avons indi- quées dans cette Introduction y il est aisé de présumer que le médecin doit toujours être en garde contre la putridité y et c’est aussi pour cette raison que nous traite- rons y dans le premier chapitre y des Fièvres putrides. MALADIES DES NÈGRES. CHAPITRE PREMIER. DES FIEVRES PUTRIDES.’ La lièvre putride est une maladie dans laquelle les humeurs tendent à la putres- cence ; elle s'annonce ordinairement , plusieurs jours avant son invasion , par le mauvais état des premières voies. Les di- gestions lentes et difficiles, les nausées, la langue chargée d'un limon épais et jau- nâtre, le sommeil interrompu, les yeux rouges et enflammés, la diminution des forces, enfin un mal-aise universel, sont Maladies les avant-coureurs et les signes auxquels on ne peut la méconnoître. La fièvre survient et commence le plus souvent par un frisson considérable, suivi d’une chaleur mordicante, pendant la- quelle le pouls se développe plus ou moins; on sent des soubresauts dans les tendons; la tête s’embarrasse, le visage devient haut en couleur, le ventre se météorise, les urines sont briquetées ; il arrive une crise par les sueurs ou par les selles, sans le moindre signe de coction; et cette crise, qui termine le redoublement , est assez promptement suivie d’un nouveau frisson ou d’une augmentation sensible dans les accidens; l’un ou l’autre annonce un nou- veau redoublement ; alors la langue com- mence à se sécher: il se forme dans la suite, à sa superficie ; une croûte noire qui se fend en plusieurs endroits, et la soif est ordinairement très-grande. C’est pendant le frisson que le malade éprouve des nausées, et qu’il vomit. Cette maladie, selon l’observation de tous les des Nègres. praticiens, est celle dont les crises-sont les plus marquées, celle où les jours cri- tiques et en général le pronostic sont les moins douteux. Il se fait toujours une coction, pourvu qu’on ne trouble point l’opération de la nature par des remèdes indiscrettement administrés. Cette maladie dure ordinairement onze, quatorze, dix-sept ou vingt-un jours. Le quatrième annonce ce qui se pas- sera le septième ; celui-ci ce qui arrivera Lonzieme , lequel dénote les crises du quatorzième, qui en fait de même pour le dix-septième, enfin le vingt - unième est annoncé par celui - là. Rarement la maladie est terminée l’onzième; son terme le plus ordinaire est du quatorzième au vingt-unième : lorsqu’elle passe cette der- nière époque, il faut que le traitement ait été mal dirigé ; que les crises aient été empêchées; que les forces aient manqué à la nature, ou que la maladie ait été si violente , que , malgré les crises, il se soit fixé une portion de rhumeur morbi- 36 Maladies fique sur quelques viscères, oùelleproduîc divers genres de lésion. C’est pour cette raison que le médecin doit être très-attentif aux jours critiques, aux signes de coction ; qu’il doit exa- miner scrupuleusement toutes les évacua- tions , soit spontanées, soit provoquées; déjections fétides qui sont un symptôme de cette maladie, annoncent l’intensité de la putrescence; les soubresauts fréquens sont un signe de l’irritation considérable, produite par la dépravation des humeurs; le ventre météorisé annonce que l’air s’est dégagé des parties intégrantes des humeurs vers les entrailles; et personne n’ignore que le premier signe de putréfaction est le dégagement de l’air dans les parties prêtes à se putréfier. Les urines claires sont un symptôme de crudité, qui, lorsque la maladie est déjà avancée, indique que les sels âcres qu’elles doivent naturelle- ment charier, sont retenus; conséquem- nient elles rendent le pronostic mauvais; celles au contraire qui ont un sédiment des Nègres. 37 blanc et un suspension ou nuage blan- châtre , vers le septième ou l’onzième , dénotent la coction. Les selles crues annoncent ou l’érétisme ou la dissolution prochaine. Elles devien- nent bilieuses, lorsque la maladie tourne bien; lessueursmodérées, non provoquée-, peu ou point fétides vers le même temps sont un signe favorable: mais, malgré toutes ces évacuations qu’on croit souvent devoir terminer la maladie,la nature nous cache la manière dont elle débarrasse le corps de l’humeur morbifique qu’elle a ré, duit en coction. Il est des malades qui, vers le dix-septième ou le vingt-unième, ont une crise par les crachats, que rien n’auroit pu faire prévoir. J’en ai vu qui rendoient des crachats puriformes, quiau- roient pu faire croire , au premier aspect, qu’il s’étoit fait une suppuration dans les poumons; d’autres ont des saignemens de nez, portés quelquefois au point d’une bé- ni orrhagie dangereuse; d’autres enfin ont un ptyalisme des plus abondans: 38 Maladies On juge que ces crises surprenantes doivent tourner au profit du malade par la cessation ou la diminution sensible de tous les accidens essentiels à la maladie. Voilà en général la définition, le diag- nostic et le pronostic des Fièvres putrides véritables : mais elles dégénèrent souvent en'd’autres maladies, comme nous le verrons ci-après. Les Nègres sont, par les causes détail- lées plus haut, très-sujets à la fièvre pu- tride ; on observe encore parmi eux que la prostration des forces est plus marquée; que le pouls est plus lent dans tout le cours de la maladie, et que les crises sont moins faciles. Cettè différence dépend de leur manière de vivre et de l-1 épuisement fréquent auquel ils sont exposés ; aussi la plupart de leurs maladies se terminent- elles par des dépôts considérables, sur- tout sous les grandes aponévroses, telles que le fascialata, &c. Il est vrai qu’on ne sauroit toujours attribuer ce mauvais effet à la nature ; des Nègres. 39 il est dû quelquefois à un traitement peu méthodique, contraire à l’état dans lequel se trouvent les Nègres en, général, et k la coction qui se prépare; de manière que les forces étant trop diminuées par ce traitement, il survient une difficulté pres- que insurmontable aux crises. Nous ver- rons ci-après quel est ce traitement; et par la comparaison que nous en ferons avec celui que l’expérience nous a appris, il sera facile de juger combien il est éloigné des vrais principes de la médecine. L’exposition des causes, des symptômes, du diagnostic et du pronostic de la fièvre putride, en indique assez la curation. Le but du médecin, dans ce cas, doit être, i°. d’évacuer les matières putrides et nuisibles qui se trouvent dans les pre- mières voies; 20. de corriger la tendance des humeurs k la putrescence et k la pu- tréfaction ; 30. de provoquer une dépu- ration légère et continuelle des matières putrescibles ou putréfiées, sans cependant gêner l’œuvre de la nature , qui, dans Maladies cette maladie plus que dans la plupart des autres, opère nécessairement une coction de l’humeur morbifique. Chacune de ces vues se remplit par dif- férens moyens toujours relatifs à Tétât des forces des malades, à Tirritation et aux accidens qifils éprouvent. En Eu- rope, il est presque toujours nécessaire de faire précéder tous les remèdes d’une ou de plusieurs saignées, soit du bras, soit du pied, parce que la fièvre est ordi- nairement beaucoup plus forte, et que Tinflammation, comme on Ta vu ci- dessus , a plus de prise sur les Européens, aussi bien que sur les Nègres qui vivent comme eux. Ceux dont nous parlons ac- tuellement , souffrent aussi quelquefois des exceptions à cet égard ; mais en gé- néral l’affaissement et l’appauvrissement des liqueurs qui se rencontrent en même temps dans cette maladie des Nègres , obligent d’être très-réservé sur la saignée. Cependant j’ai observé que, de tout temps, la saignée a été et est encore dans ses Nègres. 41 plusieurs colonies, Parme principale avec laquelle on attaque cette maladie; et après avoir attentivement cherché à connoî- tre quels pouvoient être les motifs d’un pareil traitement, j’ai remarqué que ces fièvres, se masquant ordinairement, sous l’apparence de l’inflammation, Ton avoir cru que l’irritation étoit la véritable cause des accidens qui paroissoient inflamma- toires. En effet, le délire , la respiration gênée, le ventre météorisé, le visage assez altéré , et la chaleur mordicante qu’on observe dans ces maladies, peuvent en imposer à celui qui n’a ni l’usage de leur traitement, ni la connoissance de leur nature, ni l’observation pour guide. Je ne proscris point la saignée dans cette maladie chez les Nègres, mais j’en réprouve l’usage trop fréquent: l’expé- rience m’a démontré, qu’a quelques excep- tions près, il suffit d’en faire une ou deux, et quelquefois même point du tout. L’usage de l’émétique est, dans tous les pays, le remède souverain contre les Maladies fievres putrides: on remploie ordinaire- ment, dans les premiers jours, à une dose plus ou moins forte, mais capable de faire vomir les malades: on obtient par ce moyen des évacuations d’autant plus sa- lutaires, que, dans cet état,les premières voies sont toujours farcies de sucs impurs et putrides, qui agissent d’abord d’une manière très-violente sur le canal alimen- taire, et par leur résorbtion dans la masse des liqueurs,en les infectant d’autant plus qu’elles y séjournent plus long-temps. J’ai cependant observé que, dans les colonies, et chez les Nègres, principale- ment, l’hypécacuanha produit les mêmes effets, sans avoir les inconvéniens du tartre-stibié : lé premier est un vomitif plus doux; le dernier au contraire produit souvent, dans des sujets aussi foibles et aussi mal disposés, des effets trop violens; c’est pourquoi je préfère l’hypécacuanha dans îe premier moment, lorsqu’il s’agit de provoquer une évacuation sensible, soit par le vomissement, soit par,les selles; desNègres. 43 mais, dans le cours de la maladie, on ne peut disconvenir que le tartre-stibié ne soit plus propre à produire les effets qu’on doit désirer dans les vues que j’ai expli- quées. Il faut donc exciter une légère dépu- ration, et le tartre-stibié , donné à la plus petite dose , produit cet effet ; il agit comme atténuant, comme tonique et éva- cuant; loin de s’opposer à la nature, il l’aide dans ses opérations. Son usage jour- nalier est indispensable; et là, comme en Europe, on le donne tous les jours dissous dans une boisson aigrelette, à la dose d’un demi-grain ou d’un grain par pinte. Il est sensible que les boissons acidulées con- viennent à tous égards dans les fièvres pu- trides; et l’on a, dans les Isles, ce remède sous la main: l’orangeade, la limonade, la bigarrade, sont les tisanés ordinaires que l’on doit employer dans ces cas. Ce se- cours, que la nature semble fournir avec abondance dans ces pays, comme un des moyens les plus propres à remédier aux 44 Maladies effets du climat, est bien préférable aux tisanes émollientes au1 on y emploie pres- que toujours dans les maladies putrides, puisque plusieurs de ces mêmes émolliens entrent dans la nourriture ordinaire des Nègres; leur usage doit être regardé comme une des causes de leurs maladies. L’on emploie aussi dans cette maladie des remèdes qui produisent un effet ré- vulsif, afin de détourner des viscères- la surabondance des matières nuisibles , et d’en diminuer la quantité qui surcharge les humeurs; les vessicatoires remplissent parfaitement l’objet, sur-tout lorsque l’en- roro'ement de la tête et l’affaissement tD LJ considérable et fréquent se rencontrent. Ils raniment l’oscillation des vaisseaux, détournent les humeurs qui se portent à la tête, et procurent ainsi k la nature la liberté dont elle a besoin pour la coction. Telles sont les indications générales que l’on doit suivre dans le traitement de la fièvre putride, lorsqu’elle n’est ac- des Nègres. compagnée d’aucun symptôme fâcheux qui l’empêche de parcourir ses temps, et qui trouble la nature dans son opération ; mais lorsque cela arrive , on est obligé de varier le traitement; et pour cet effet, après des saignées modérées dans les pre- miers temps, aprèsPémétique, la boisson, acidulé, aiguisée de tartre-stibié (i), et les vessicatoires que l’on applique commu- nément aux jambes, on a recours aux antisceptiques et aux purgatifs dans les différens cas et les différens temps : la saignée du pied, qui quelquefois devient nécessaire relativement aux accidens vers le milieu même de la maladie, n’est pas toujours suivie d’un bon succès; il résulte au contraire de son usage un affaissement qu’il est difficile de dissiper, et qui rend la maladie, sinon mortelle, du moins beaucoup plus longue. ( i ) A petite dose , et seulement pour entretenir la liberté du ventre ; car il seroit dangereux de pro- voquer plus cio deux sebes par jour pendant l’aug- ment et l’état de la- maladie. Maladies Le camphre ( i ), les mixtures salines, relies que celles de rivière ( 2 ), de men- dérérus (3), conviennent généralement dans le cours de la maladie comme très- antisceptiques et toniques. Le camphre a d’ailleurs une propriété calmante, très- convenable dans le cas de convulsion. Ci) Prenez Camphre, Nitre purifié, Sucre, i scrupule. 2, scrupules, i gros. Broyez exactement ces substances pour en faire une poudre que l’on divisera en douze prises : on en donnera une toutes les quatre heures, ou bien on incorporera ces substances avec suffisante quantité d’un syrop simple, pour en former douze bols , dont on usera de la même manière. ( 2 ) Prenez Ean-de-Menl.be, 4 onces. Sel d’absyntbe , 1 scrupule. Syrop de limon , 1 once. Faites une mixture , que vous donnerez par cueille- rées toutes les deux heures. (3) Cette liqueur est un sel ammoniacal, fait avec l’esprit volatil de sel ammoniac neutralisé par le vinaigre distillé. Voici la manière de s’en servir! Prenez Vin 5 4 onces. Esprit de Menclérérus , 1 once. Faites une mixture dont on donnera une cueillerée toutes les heures. des Nègres. 47 Ï1 est certain que lorsque, dans cette maladie, il survient; un délire ou un trans- port violent, avec beaucoup de fièvre, un pouls plein et dur , la respiration gênée, quel que soit le temps de la ma- ladie , il faut se déterminer à la saignée , et sur-tout à celle du pied ; de même que quand les évacuations sont trop abon- dantes, et qu'il est a craindre que la foi- blesse qui doit en résulter , ne donne ni le temps, ni la facilité des coctions, il faut employer les toniques pris dans la classe des aromatiques spiritueux, tels que l’éther' vitriolique, la liqueur minérale anodine d’Hoffman, une potion faite avec l’eau de mélisse distillée et le syrop d’œillet, ou, à son défaut, celui de limon. Si au contraire le ventre est météorisé , de manière à suspendre les évacuations, il convient de donner des laxatifs quel- quefois émétiques, et d’appliquer sur le ventre des cataplasmes d’herbes aromati- ques; et c’est ici le cas de bien distinguer si l’élévation et la grosseur du ventre ne 48 Maladies sont pas inflammatoires, ce qu’on recon- noît aux symptômes de la maladie et à tout ce qui a précédé. J’ai vu quelquefois faire usage, dans le cours de cette maladie, d’apozémes ni- treux, auxquels 011 ajoute des sels purga- tifs, le tamarin, la manne, la casse et le tartre-stibié; mais la limonade aiguisée avec le tartre-stibié produit d’aussi bons effets; de sorte que c’est multiplier les médicamens sans nécessité, que de sur- charger les malades d’un apozême aussi composé et aussi désagréable : ce n’est pas que la casse et le tamarin, par leurs qua- lités acides, ne puissent être substitués au limon et à toute autre boisson , et qu’ils ne puissent produire , par leurs vertus laxatives, de fort bons effets. Le médecin choisira, selon l’exigence des cas, celui de ces remèdes qu’il croira préférable. Toutes ces tisanes doivent être prépa- rées sans ébullition, et même quelques- unes sans feu. Des Nègres. 49 Souvent dans les fièvres putrides , les Nègres rendent beaucoup de vers ; mais cet accident ne demande aucun traite- ment particulier , comme nous le verrons plus bas. On observe encore dans cette maladie un accident plus rare et beaucoup plus grave, c’est le tétanos .connu en Amérique o ' * ± sous le nom de crampe. Cette maladie est convulsive; le spasme commence par les muscles de la mâchoire , et gagne de pro- che en proche tous ceux du reste du corps. Un pareil accident survenant à la suite d’une maladie aussi dangereuse de sa na- ture que la fièvre putride, laisse fort peu de ressource; aussi en réchappe-t-on rare- ment. J’ai néanmoins été assez heureux pour guérir un mulâtre de quatorze à quinze ans, nommé Louis, domestique de M. Rivière, officier de la légion de l’Isle de France, attaqué en pareil cas de cet accident terrible; j’ai cru l’histoire de sa maladie assez intéressante pour la ici. Maladies Les premiers jours de la maladie indi- quoient à peine une indisposition; la fièvre augmenta peu-à-peu ( ce qui arrive ordi- nairement dans les fièvres putrides des Nègres). Au quatrième jour, Ton avoir déjà fait trois saignées, sans songer aux évacuations. Lorsque je fus appellé , je trouvai la langue très-cbargée, le malade rendant des rots très-puans, et ayant le ventre météorisé : j’administrai un vomi- tif (rhypécacuanlia) ; il produisit un fort bon effet, et fit rendre des vers par haut et par bas. Je suivis ce traitement sans qu’il survînt aucun accident grave et par- ticulier; le cerveau sur-tout restoit libre, et le dixième jour j’étois dans la plus grande sécurité; mais l’onzième, le malade fut pris tout-à-coup de convulsions dans les muscles de la mâchoire, et successi- vement par tout le corps. La tension et la dureté de ceux du bas-ventre étoienc extraordinaires ; cet état violent dura environ trois minutes, et reprit quatre fois la première nuit: les convulsions se des Nègres. rapprochèrent par degrés jusqu’au quin- zième jour, au point de reparoître à-peu- près toutes les heures, et leur durée étoic alors de cinq à six minutes: le malade, aux approches de cet état effrayant , appelloit, ses gardes à son secours ; et lorsque, pendant son sommeil, il arrivoit qu’on fit du bruit qui le troublât, il re- tomboit en convulsions : la surprise et la frayeur produisoient le même effet. Dans cet état embarrassant, je crus qu’il ne falloir pas perdre de vue la putri- dité des humeurs qui me paroissoit être et étoit effectivement la cause de cet ac- cident. J’employai le camphre à petite dose, (i) l’usage delà limonade aiguisée (i) Oïl met en poudre un demi-gros de camphre, par le moyen de quelques gouttes d’esprit de vin 5 ou y ajoute un gros de nitre. On triture et l’on incorpore de tout, avec suffisante quantité de con- serve de rose, d’enula-campana, ou de toute autre ; on divise cette masse en dix-huit parties, de cha- cune desquelles on fait un bol, et l’on en fait pren- dre un toutes les deux heures, à moins que le lade ne repose. Maladies. d’une très-petite quantité de tartre-stibié; j’ordonnai des lavemens laxatifs, et de temps en temps je faisois prendre au ma- lade, depuis quinze jusqu’à trente gouttes d’éther yitriolique. Le i $ au soir, les convulsions s’éloignè- rent un peu. Lé 17, m’étant apperçu que les lavemens étoient puans, et que le ma- lade alloit de mieux en mieux, j’ordonnai un minoratif pour le 18; et jusqu’au 25, il fut répété de deux jours l’un, sans per- dre de vue les antiputrides: ce fut à cette époque que les convulsions cessèrent to- talement, et que le malade entra en con- valescence. File fut de près de deux mois, après lesquels il jouit de la meilleure santé. Le tétanos survient plus souvent dans les pays chauds à la suite des blessures, et même des inflammations des viscères, que dans les fièvres putrides. Je l’ai observé dans l’hépatitis. Dans tous les cas, il est essentiel de porter la plus scrupuleuse at- tention 'a distinguer les causes qui le pro- duisent: on commettroit sans cela des er- des Nègre S. 53 *eurs grossières: par exemple, l’usage assez général d’employer la saignée, et même de la répéter souvent dans le tétanos à dessein de dégager le cerveau, est très-per- nicieux dans celui qui survient dans la fièvre putride, par l’affaissement que les saignées produiroient, sans oter la cause irritante qui la fait naître. De même que dans le tétanos qui vient à la suite des blessures et dans les grandes inflam- mations, un émétique répété et donné k trop fortes doses, cause ordinairement la mort. Il ne faut cependant pas croire que, même dans le tétanos qui survient dans les maladies putrides, il ne puisse se ren- contrer des cas où la saignée soit indi- quée, tels qu’un pouls dur et plein , de la gêne dans la respiration pendant les intervalles que laissent les convulsions; mais cela est très-rare, vu l’état ordinaire des Nègres dans les fièvres putrides, sur- tout après plusieurs jours de maladie: en- core cette exception ne porte-t-elle que 54 Maladies sut les Nègres domestiques qui vivent à-* peu-près comme les Blancs (i). Après avoir parcouru les différens ac- cidens qui arrivent ordinairement dans les fièvres putrides, et après avoir indiqué en général les moyens d’y remédier, il ne me reste que quelques réflexions à faire sur les différens temps de la maladie, relati- vement aux crises qui peuventhétre retar- dées ou empêchées par un traitement peu méthodique. Les crises sont des mouvemens parties liers qui s’opèrent dans l’économie ani- male par l’action simultanée des fluides et des solides qui cherchent k débarrasser le corps d’une matière nuisible et étrangère, ou k l’assimiler, c’est-k-dire, a la conver- tir en nos propres humeurs, ou a la rendre telle, qu’elle ne soit plus une humeur hété- rogène, ou enfin k la changer, de manière (i) Pour de pli s grands détails, sur les diffé- rentes espèces de tétanos t 3c traitement qui con- vient à chacun3 voyez mes observations sur ce sujet Important. des Nègres. qu’elle puisse trouver une issue hors de l’individu. La nature a différens moyens pour produire cet effet: quelques exem- ples rendront ces vérités plus sensibles. Un seul grain d’émétique dans l’esto- mac, produit sur ses fibres musculaires et nerveuses un effet souvent si violent ? que tout le corps entre en convulsion, et qu’il survient des nausées, des défaillan- ces, des syncopes, la nature cherchant à?se débarrasser de cette matière, l’estomac entre en contraction, le vomissement suc- cède, mais le calme se rétablit immédiate- ment après l’expulsion: il en est de même de toute matière qui de sa nature est aussi âcre et aussi irritante que le grain d’émé- tique, ou qui acquiert ces qualités par son séjour dans l’estomac. Il tombe dans l’œil un grain de pous- sière qui y produit de la douleur, de l’irri- tation: les paupières, tous les muscles de l’œil ne cessent d’étre en mouvement pour tâcher d’expulser cette matière nuisible; les larmes qu’un pareil mouvement détcr- Maladies mine en grande quantité, balayent cette matière, et la douleur cesse. La digestion nous donne un exemple frappant de l’assimilation : on sait que le chyle est le résultat de l’action des pre- mières voies sur les alimens. Lorsqu’il est passé dans la masse des liqueurs, la nature cherche à le convertir en nos propres hu- meurs; il s’élève un mouvement qui met presque toute la machine en jeu, qui aug- mente l’action simultanée des fluides et des solides, et qui broyé et assimile cette ma- tière encore hétérogène. Supposé mainte- nant que, par l’effet d’une mauvaise di- gestion , il se soit formé un chyle crud et de mauvaise qualité, moins propre à se convertir en nos humeurs, il s’élèvera un mouvement plus considérable dans les vaisseaux , jusqu’à ce que cette matière soit parvenue au degré convenable pour cette conversion. On trouve dans cet exemple celui de la crise par assimilation, c’est-à-dire, que s’il est entré, par quelque voie que ce soit3 des Nègres. une matière nuisible dans la masse des li- queurs, et qu’elle soit de nature a pouvoir être assimilée, il en résultera dans Pécono- mie animale un mouvement à-peu-près sem- blable à celui dont nous venons de parler: la fièvre éphémère est de ce genre. La guérison des fièvres intermittentes par l’usage du quinquina, sans évacuation quelconque, lorsque tout annonce que l’humeur existoit encore dans la masse des liqueurs, est une preuve frappante du changement qui s’est opéré, par le- quel la matière nuisible, qui produisoit la fièvrej, est devenue homogène. Il reste maintenant à expliquer comment l’humeur hétérogène , qui n’a pu être ex- pulsée sur le champ, ni assimilée, est en- fin changée et disposée à sortir, au bout d’un certain temps, par une des voies que la nature choisit. Ce travail, selon la qua- lité et le siège de l’humeur, produit diffé- rens effets. Si l’on suppose la matière uni- quement logée dans l’estomac ou dans les intestins, elle y produit une irritation qui Maladies expulse l’humeur par les selles ou le vomis- sement; et c’est ici le cas de l’exemple que j’ai rapporté plus haut. Lorsque la matière est passée dans la masse générale des liqueurs, la nature s’en débarrasse par les urines, les sueurs, les selles, l'expectoration; mais toute matière nuisible retenue dans les vaisseaux, n’est pas toujours propre à suivre l’une de ces voies, et c’est-la le cas des longues ma- ' o ladies. Il se fait alors, par faction lon- gue et continuelle des vaisseaux , une coction de Thumeur morbifique , qui lui fait perdre son acrimonie, et la dis- pose k suivre sans danger l’une des rou- tes indiquées; et dans ce cas la fièvre est le moyen dont la nature se sert pour se débarrasser. D’après les exemples cités, on peut faci- lement se rendre raison des crises, et s’as- surer de la route qu’elles doivent suivre dans le cours d’une maladie. En général, dans les maladies légères, les crises se font très - aisément et très- des Nègres. promptement. Une fièvre éphémère se termine souvent en vingt-quatre heu- res par une sueur abondante, un flux d’urine , &c. une mauvaise digestion y par quelques selles spontanées, par une sueur, &c. Il n’en est pas de même des maladies aiguës, dans lesquelles il survient des éva- O " 1 cuations de toute espèce. Les symptômes graves, qui subsistent malgré ces crises apparentes, annoncent qu’elles n’ont rien qui puisse tourner à l’avantage du malade: en effet, on observe que les crises préma- turées 'sont ou inutiles ou de mauvais au- gure. Dans les commencemens, les évacua- tions en tout genre démontrent un signe de crudité contraire à la coction néces- saire; alors c’est plutôt par expression que par dépuration que se font ces évacuations; et k la réserve d’une sueur, d’une selle ou deux qui terminent le redoublement de la fièvre, toute autre un peu considérable ou continuelle se fait en pure perte, quelque- fois même au détriment du malade. Oit Maladies s’apperçoit d’ailleurs, par la qualité de ces déjections, qu’elles sont loin de l’état propre æ faire espérer qu’elles débarras- seront le corps du fardeau qui l’accable. En rapportant ces observations à la fiè- vre putride, aux crises qui surviennent, k la manière dont elles sont annoncées, et au traitement qui convient dans les dif- férentes circonstances, on trouvera que, dans la plupart des cas, l’administration des secours les plus usités est sans succès, et le plus souvent funeste. Supposons les symptômes patliognomo- niques de la fièvre putride: nous avons observé que le moyen le plus sûr, le moyen indispensable est de débarrasser les pre- mières voies des matières étrangères, qui forment, en quelque sorte, le foyer de cette maladie j nous avons indiqué les moyens à employer successivement, exa- minons maintenant comment et dans quel temps ils peuvent réussir. C’est Tétât du pouls,la force de la fièvre .et la nature des déjections qui doivent oc* des Nègres. cuper uniquement le médecin. Après avoir saigné et émétisé, selon le besoin et les circonstances, il doit observer si la fièvre est trop forte pour empêcher les crises, ou si elle est insuffisante pour les procu- rer; il doit sur-tout être attentif à ce que la violence des symptômes ne s’oppose point k l’œuvre de la nature: ainsi lorsque la fièvre sera trop forte, il cherchera à la modérer; lorsqu’elle ne le sera point assez, ils’attacheraàl’exciter; et quand lessymp- tômes seront trop graves, il s’appliquera a en diminuer la force et à les éloigner : voila les principes généraux. Quant aux déjections dans les premiers temps, elles sont ordinairement crues ; et tant qu’elles persistent dans cet état, la maladie ne peut être jugée; mais si l’on ne peut prononcer sur le succès, il est du 'moins des moyens par lesquels on parvient à prévoir les crises qui se feront en bien ou en mal, ce qui est très-important à connoître. Le quatrième jour, ai-je dit plus haut, annonce ce qui se passera le septième, c’est? Maladies à-dire que, dans le quatrième redouble- ment, on est en état de connoître la ten- dance de la nature vers telle ou telle éva- cuation; en sorte que si la fièvre n’est pas trop forte pendant ce redoublement, que le pouls soit bien égal, on doit espérer des crises par les sueurs: si le ventre est bour- souflé un peu plus qu’a l’ordinaire, qu’il y ait quelques intercadences dans le pouls, on attend des évacuations par les selles; et si les urines sont un peu plus troubles avec un pouls inégal, c’est du côté des urines que la nature se décidera vers le septième. i Ces crises, assez obscures dans ces quatre premiers jours, échappent à la plupart de ceux qui manquent d’usage; d’un autre côté, si la nature est troublée par un trai- tement mal entendu, elle laisse rarement appercevoir ces changemens qui, en sup- posant que tout se passe comme je l’ai prévu, sont encore médiocres et presque toujours imparfaits. Il n’en est pas de même du septième des Nègres. pour l’onzième, et ainsi de suite, parce que plus la maladie avance, plus les signes de coction sont sensibles ; et à moins que l’on n’ait dénaturé la maladie par une curation peu méthodique , ils ne man- quent jamais de se manifester. Quand ces signes ne se montrent point, et qu’au con- traire il survient des symptômes fâcheux, il est à craindre que les malades ne meu- rent aux jours fixés pour les crises favo- rables. Quand je dis que dans ces maladies l’on trouble le plus souvent l’opération de la nature, je ne prétends point exclure tout secours, ni établir qu’on doive se repo- ser sur elle de la curation : aucun des moyens qui ont été indiqués ne s’oppose aux crises, pourvu que l’on ne perde pas de vue qu’il ne faut que diminuer la force de la fièvre, quand on juge qu’elle peut troubler le mouvement delà crise, et l’aug- menter lorsque l’action simultanée des so- lides et des fluides ne paroît pas assez forte pour exciter cette même crise, et détruire Maladies les symptômes urgens qui produirôient la même difficulté : tout ceci consiste à sai- gner à propos, à employer quelques cor- diaux légers ou aromatiques, et à écarter les accidens fâcheux, par les différentes voies indiquées. Mais,si dans un redouble- ment où tous les symptômes sont naturel- lement plus sensibles, on prend l’augmen- tation delà force et de la vélocité du pouls pour un accident nuisible, et qu’on s’obs- tine à continuer les saignées jusqu’à ce qu’on soit parvenu à diminuer la fièvre, on arrêtera infailliblement la coction qui en serolt résultée; de même, si l’on juge que la langue chargée et épaisse soit une raison suffisante d’insister sur la nécessité de répé- ter les purgatifs, on produira des évacua- tions à pure perte, qui affoibliront le ma- lade sans entraîner la moindre portion de î’humeur morbihque, puisque c’est à la nature à faire la coction et à commencer l’expulsion que les remèdes doivent ter- miner. Après avoir marqué les symptômes de des Nègres. la fièvre putride, les différens temps qu’elle parcourt, les crises par lesquelles elle se guérit, et les moyens que l’art emploie pour la même fin, je n’ai plus qu’une ré- flexion à ajouter pour terminer ce chapi- tre: c’est que sur-tout il faut bien se don- ner de garde d’employer toute espèce de médicament actif pendant le redouble- ment, et principalement pendant ceux des quatrième, septième et onzième jours; je serois même d’avis de supprimer l’usage de la boisson émétisée pendant ce temps-là comme dans les premiers jours de la mala- die, pour donner simplement une boisson acidulé et légère. J’ai peu parlé des lavemens dans le cours de cet exposé , et je les ai réduits à ceux de nécessité; il est cependant utile, après les redoublemens, d’en donner un ou deux simples, pour des raisons si aisées à concevoir, qu’il est inutile de les dé- tailler. Maladies 66 DE LA DIARRHÉE E T DE LA DYSSENTERIE DES NÈGRES. CHAPITRE IL La diarrhée est une maladie très-fré- quente parmi les Nègres; le plus souvent elle dégénéré en dyssenterie: Tune et l’au- tre sont la suite des causes détaillées au chapitre précédent. Dans la diarrhée, les malades rendent par les selles, plusieurs fois par jour, des matières de différentes qualités; les unes sont limpides et roussâtres ; les autres bi- lieuses et un peu épaisses; il en est d’autres qui sont glaireuses et tenaces: dans tous ces cas, le malade est ordinairement sans fièvre, et ressent peu de coliques; il mai- grit à mesure que la maladie se prolonge, €t en raison de la quantité d’évacuations; DES NEGRES. l'appétit diminue, la soif est, extrême, la digestion pénible, la bouche mauvaise- il y a des vents, des borborigmes, des rots, des nausées ; le ventre est quelquefois éle- vé, d’autrefois très applati: enfin, lorsque la maladie ne cède pas, il se fait des infil- trations, et le malade tombe dans une fièvre lente qui le mine insensiblement; s’il ne survient aucun de ces accidens, la diarrhée continuant, l’âcreté des matières conduit à la dyssenterie. Dans ce dernier cas, au bout de quel- ques jours de diarrhée, la fièvre s’allume; il survient des tenesmes, des épreintes, une douleur continuelle au ventre, avec des signes d’inflammation ; le malade rend quelquefois du sang pur, noir ou dissous, le plus souvent des matières sanguino- lentes; d’autres fois elles ne le sont point du tout; mais en passant par l’anus, elles causent un sentiment de chaleur et des douleurs ttès-vives. L’une et l’autre de ces maladies se suc- cèdent réciproquement, de manière que 68 Maladies la diarrhée, comme nous venons de le voir, dégénère en dyssenterie, celle-ci en diarrhée, et même, quoique très-ra- rement, en flux céliaque ou lientérique. La diarrhée dégénère alors quelque- fois en fièvre putride, et cela n’est pas surprenant, puisque la même cause, selon son intensité, produit Tune et l'autre ma- ladie ; d’ailleurs un traitement peu mé- thodique opère également cette conver- sion. La dyssenterie qui se termine par la diarrhée , lorque les symptômes les plus fâcheux' disparoissent, et que la fièvre ne subsiste plus, est d’un bon augure, en ce qu’elle annonce, sinon l’absence, du moins la dimunition du levain morbifique, con- séquemment le retour prochain de l’ac- et du ton des intestins ; au contraire, lorsque la fièvre lente accompagne la diar- rhée , il est certain qu’on a tout à craindre pour les accidens rapportés ci-dessus. On reconnoît par la nature et la quan- tité des déjections, ce qu’il y a à espérer be s Nègres. ou à craindre dans la diarrhée: une ma- tière jaunâtre, un peu épaisse, rendue sans douleur, et sept à huit fois ou à-peu-près , pendant les vingt-quatre heures, ne pré- sente rien de dangereux; mais celle qui est roussâtre et rendue en grande quantité dans le même espace de temps, annonce un commencement de dissolution dans les humeurs, suivie ordinairement de la fièvre lente, du marasme et de l’hydro- pisie; la matière glaireuse produit presque toujours la dyssenterie. Dans celle-ci une légère teinte de sang mêlé avec des matières d’une qualité sus- pecte, sans être dangereuse, fait espérer la résolution, et annonce ( sur-tout lors- qu’il y a peu de douleur, et que la fièvre est médiocre ) que l’inflammation n’est pas considérable; au contraire lorsque l’on rend une grande quantité de sang pur, noir et dissous, il,y a tout lieu de crain- dre une gangrené prochaine dans les in- testins; et quand la matière, quoique non sanguinolente, est très-âcre et très-crue 3 M a r A d i e s qu’elle produit de violentes épremtes, il y a lieu de craindre que la maladie ne se termine par la dissolution dont le ma- rasme, la fièvre lente et même l’hydro- pisie, sont la suite. Outre les causes communes à la fièvre putride, à la diarrhée et à la dyssenterie, ces deux dernieres maladies en ont une qui leur est particulière, c’est la suppres- sion fréquente, soit delà sueur, soit de l’insensible transpiration; suppression à laquelle les Nègres sont très-sujets, parce que, faisant pendant la nuit un grand feu dans leurs cases, qui excite la sueur ou augmente la transpiration, le vent ou l’humidité les surprend en cet état, et ar- rête subitement ces sécrétions ; d’ailleurs il est constant, par les différentes observa- tions, que la suppression des sueurs et de la transpiration produit également la pé- ripneumonie, la pleurésie, la diarrhée et la dyssenterie. Les Nègres, dont les humeurs sont o ” moins disposées à l’inflammation que cheç î3es Nègres. 71 les autres hommes, sont aussi plus suscep- tibles d’éprouver la diarrhée et la dyssen- terie; d’ailleurs l’humeur arrêtée se portant toujours plus facilement vers la partie la plus foible ou la plus affectée, et les pre- mières voies étant presque toujours farcies de mauvais levains, il n’est pas étonnant que le reflux/des matières arrêtées déter- mine l’une ou l’autre de ces maladies. Ce n’est pas que cette suppression subite de la transpiration insensible ne cause aussi la fausse péripneumonie, encore très- souvent déterminée par le travail et le mouvement presque continuel des bras, ce que je me propose de démontrer en traitant de cette maladie. II ne faut pas perdre de vue, dans la diarrhée, la putridité qui s’y joint presque toujours, et qui la rend beaucoup plus dangereuse. On observe dans quelques- unes de nos colonies, telles que Mada- gascar, et quelquefois à l’Isle de France, une espèce de lièvre maligne, accompa- gnée de dyssenterie , dans laquelle 011 Maladies prend celle-ci pour la maladie princi- pale, tandis qu’elle h’en est que le symp- tôme, d’autant plus dangereux qu’il est l’effet de la putridité dans les humeurs, dontTâcreté fait érosion dans les intes- tins, et produit cette espèce de flux: aussi remarque-t-on que le plus souvent, et en peu de temps, elle se termine par la gan- grene. L’observation démontre que les Nègres morts de dyssenterie et de diarrhée, même ceux qui sont enlevés par d’autres mala- dies, ont les intestins farcis de vers; ce qui prouve qu’ils sont en général sujets aux maladies putrides, et que le siège de ces affections est dans les premières voies. La curation de la diarrhée et de la dys- senterie des Nègres a beaucoup de rap- port avec celle de la fièvre putride; la diar- rhée , comme on î’a vu par la description que nous en avons faite plus haut, doit être traitée en raison de sa force, de ses temps et de la nature des accidens qui raccompagnent* des Nègres. 73 Ifypécacuanha répété deux ou trois fois connut vomitif dans les premiers temps, de deux jours l’un, produit ordinairement de bons effets; il débarrasse les premières voies des sucs impurs qui- sont le foyer de la maladie, procure une secousse favora- ble aux sécrétions, et rend aux fibres in- testinales le ressort qu’elles ont presque totalement perdu : ce remède est d’autant plus utile, qu’il renferme plusieurs princi- pes qui produisent en même temps des effets salutaires, quoiqifopposés ; en effet il est à-îa-fois fondant, astringent et émé- tique; aussi est-il généralement employé, mais il n’opere ces effets différens qu’en raison des doses et de la manière de l’ad- ministrer ; M. Geoffroy prétend qu’à la dose de 15 ou ao grains, il procure le vomissement, comme à celle de 40 ou 50, mais il faut pour cela que l’ypécacuanha soit bien choisi et bien pur; car, pour en obtenir l’effet désiré, nous sommes obligés d’en employer le plus ordinairement un gros dans nos colonies, où Ü n’a pas toutes Maladies les qualités de celui qu'on a en France, soit qu'il s'altère par le laps de temps, soit que l’on ait fait entrer dans la poudre une portion de la partie ligneuse. En général les Nègres vomissent avec facilité. L’ypécacuanha, que m’a fourni M. de la Planche, apoticaire de Paris, rue du Roule, a toujours été d’une qua- lité assez supérieure pour procurer le vo- missement , et débarrasser les premières voies , à la dose de douze grains , et même quelquefois au-dessous. Lorsqu’il n’agit pas une demi-heure après l’avoir avalé, j’en fais prendre une seconde dose de la même quantité, délayée, comme la première, avec précaution dans un petit verre d’eau. Si l’on se trouve dans une de nos colonies, on peut se servir de l’ypécacuanha du pays. Ce remède précieux, soit qu’on le tire du Brésil, ou d’une des isles de l’Archi- pel de l’Amérique , des isles de France et de Bourbon, ou de Madagascar, peut être administré avec d’autant plus de des Nègres. confiance que, dès le premier vomisse- ment , le malade rend ordinairement l’excédent de la poudre qui n’a pas agi sur l’estomac, ainsi qu’on peut s’en as- surer en examinant le fond du vase. A quelque dose que la poudre d’ypéca- cuanha soit administrée, elle ne laisse, après son effet, aucune brisure, aucune des fatigues qui suivent quelquefois l’ad- ministration de l’émétique. Malgré cela, si l’on est appellé assez tôt, et qu’il ne faille pas agir sur le champ , le malade se préparera la veille par une boisson con- venable à son état, et par quelques îa- vemens faits avec une légère infusion de fleurs ou de feuilles de Mauve, ou avec toute autre substance émoliente ; ou plus simplement encore, avec de l’eau tiède et une cuillerée d’huile d’olive sur chaque lavement. On trouvera de plus grands, et j’ose dire de très-utiles dé- tails, sur la nature et les propriétés des médicaments, que produisent nos co- lonies , page 149 et suivantes de mes Maladies Observations sur les maladies des climats chauds. Il est d’usage dans cette maladie d’or- c) donner Peau de riz pour boisson, à des- sein sans doute d’arrêter le flux de ven- tre, ou du moins de le modérer: cette méthode auroit en effet quelque utilité dans les cas où la maladie viendroit uni- quement de relâchement, d’irritation ou d’érosion; mais les causes ordinaires de la diarrhée dans les pays chauds, et sur- tout chez les Nègres, venant d’une ten- dance des humeurs à la putridité, me déterminent à préférer l’usage de la li- monade dans les premiers jours -, pour, passer ensuite a l’eau de riz, employée comme incrassant, après m’être assuré par les évacuations , soit spontanées, soit provoquées , qu’il ne reste aucun principe de putridité. . . L’on sent aisément que si la putridité existoit encore, l’usage des astringens se- roit alors pernicieux; car quoique la na- ture, plus sage que ceux qui les conseil' des Nègre %. lent, les rende souvent émétiques, j’aî rarement vu le flux de ventre arrêté par ces remèdes, employés dans le commen- cement de la maladie; j’ai au contraire observé que les malades les vomissent; et il est constant qu’il y a beaucoup à perdre en pareil cas, parce qu’on n’a pu en faire usage sans négliger le traitement essentiel. Les lavemens sont tres-salutaires dans cette maladie, pourvu qu’ils soient adou- cissais. Ce seroit une erreur de croire qu’en provoquant par ce moyen les éva- cuations, on augmenteroit l’écoulement qu’on cherche à guérir ; on gagne au contraire par les lavemens, la diminu- tion de l’acrimonie de l’humeur, et l’on parvient à entraîner les matières atta- chées aux parois des intestins, qui ne pouvant être 'que très-difficilement éva- cuées, causent par leur séjour une irri- tation propre à donner des coliques, et même 4 faire dégénérer la maladie en 4yssenterie, M A Ê A D 1 È É Il faut donc employer les lavemeiié émoliens, car toute autre espèce seroit très-nuisible, sur-tout dans le commence- ment de la dyarrhée, et préférer le mu- cilage des herbes émolientes et de graine de lin. On vante beaucoup les lavémens faits avec l’eau de fraise de veau, et ceux dans lesquels il entre du suif; mais j’ai remarqué qu’ils produisent souvent des effets nuisibles, et cela doit être ainsi * parce que les matières animales, sujettes à se rancir, à se putréfier par la chaleur et par le mélange des matières déjà cor- rompues, trouvant dans les intestins tout ce qu’il faut pour acquérir la plus grande âcreté, augmentent l’acrimonie, au lieu 4e l’adoucir. Les lavemeiis doivent être répétés plu- sieurs fois par jour, selon les douleurs que le malade ressent. Lorsque, par les moyens indiqués ci- dessus, on a enlevé le foyer de la ma- ladie , il n’y a plus de putrescence ni de douleurs* les déjections sont plus liées, des Nègres. 79 de bonne couleur, moins fréquentes; la nuit est tranquille; enfin le malade com- mence à avoir un peu d’appétit : on em- ploie alors avec succès un ou deux pur- gatifs du genre des astringens, tel que le catholicum double, le sirop magistral, On passe ensuite à l’usage de la Rhu- barbe, à la dose de trois grains, et l’on y ajoute un grain d’ypécacuanha. Ce mélange, en poudre ou en bol, est ad- ministré suivant les circonstances cinq ou six fois dans la journée, et produit de bons effets. L’on emploie trop souvent les astrin- gens ; et vers la fin de la maladie, on passe même trop légèrement des plus doux aux plus forts ; d’abord on emploie la thériaque, la confection hyacinthe, l’al- kermès, le diascordium, puis le simarouba, le sang de dragon, le mastic, le bol d’Ar- ménie: quelquefois on fait un mélange de plusieurs de ces médicamens, auquel on joint des absorbans, tels que le co- rail et les yeux d’écrevisse; mais en gé- Maladie § néral je puis assurer, .d’après mon expé- rience, qu’il ne faut les donner qu’après que la cause de la maladie est détruite; cependant si Ton est obligé d’y recourir pour modérer les évacuations, il faut choisir les aromatiques et ceux qui ont éminemment une qualité acidulé, et qui ne sont pas capables de produire une astrlction subite ; la conserve de cyno- rodon et la tisanne faite avec ce fruit, sont ceux que l’on doit employer de préférence; à leur défaut on y substi- tuera la tisanne de gouyavier et la con- serve de son fruit. Les médecins praticiens estiment, avec raison , dans ce cas, les narcotiques» Mais chez les Nègres, je le répète, la diarrhée étant plutôt produite par la con- gestion des humeurs que par l’irritation des solides, dans le plus grand nombre de diarrhées; il ne faut se servir de nar- cotiques qu’avec modération, et dans les cas urgens, pour diminuer le fronce- ment et la crispation, appaiser les'dou- DES N i G R E S. leurs; en un mot, faire cesser les acci- dens pour attaquer ensuite avec avan- tage la cause principale de la maladie. Chez les blancs au contraire qui boi- vent du vin, et dont la nourriture est infiniment plus animée , le plus grand nombre des diarrhées, venant presque toujours, dans ces climats brûlans, d’in- digestion ou d’autres excès, les malades sont, dès les premiers instans, dans un tel état d’irritation et d’angoisse, que l’admi- nistration de tout médicament actif, même de l’ypécacuanha augmenteroit les désordres au point de les faire périr. Aussi est-on forcé, dans ce cas, d’abandonner la cause de la maladie, et d’en combattre les symptômes avec les délayans , les temperans et les caïmans les plus puis* sans. J’ai souvent vu, en moins de quatre heures, changer cet état fâcheux, en fai- sant avaler au malade un grain d’ex- trait de savoneux d’opium, et mieux en- core par un lavement dans lequel on mec quinze à dix-huit gouttes de laudanum Maladies: liquide de Sydenham, préparé, comme je l’ai indiqué pages 294 et 29$ de mes Observations sur le tétanos. Cette recom- mandation est d’autant plus essentielle à l’égard de l’extrait savoneux d’opium 5 que presque tous les médicamens com- po sés, et généralement les préparations officinales arrivant aux colonies, par la voie du commerce, décomposées par la fer- mentation, ou de qualité très-inférieure, le médecin est obligé de les administrer à une dose beaucoup plus forte: de-là une funeste incertitude, qui lui fait trop sou- vent manquer son objet, et rend indis- pensable qu’il ait à lui le laudanum li- quide de Sydenham, et l’extrait savo- neux d’opium, et de n’en point employer d’autres (1). Voyez les pages 37, 38 et 39 de mes Observations sur le tétanos. CO Le défaut de bonnes observations a fait attri- buer à ce remède précieux , lorsqu’il est bien admi- nistré, des propriétés malfaisantes qu’il est bien éloi- gné d’avoir ; celle sur-tout d’arrêter le travail de îa nature 5 conséqnemment de suspendre les crises des Nègres. 83 Mais la diarrhée est souvent accom- pagnée d’accidens qui demandent d’au- qu’elle prépare. L’habitude de suivre et de surveil- ler attentivement les malades auxquels je 1 admi- nistre, m’ayant un grand nombre de fois, et dans tous les climats, appris le contraire, je me contenterai feulement de rapporter ici l’observation Suivante. A P aris, en 1790, une jeune femme , épouse d’un secrétaire du roi, d’une constitution délicate , ayant la libre grêle et contractile, accoucha très-heureu- sement j mais quarante heures après, au lieu de bouillon et d’un léger potage qui lui étoit permis, elle eut l’imprudence de manger en assez grande quantité pour avoir une indigestion, qui, par sa violence, suspendit le cours des lochies, et la mit dans le plus grand danger. L’irritation étoit telle qu’elle ne puuvoit supporter qu’on lui touchât le bas-ventre du bout du doigt, principalement les ré- gions de l’estomac et de la matrice. Le poids même de son drap, celui d’une flanelle d’Angleterre, trempée dans nue décoction émoi lente’, bien expri- mée et changée de deux en deux heures, étoient supportés avec la plus grande difficulté. Après un sérieux examen de l’ensemble des âccidens et de l’insuffisance des délayans et des temperans, fje proposai à M. le Breton, très-habile chirurgien- jaccoucheur, d’ajouter à ces premiers moyens par- faitement bien indiqués, l’administration, de deux #n deux heures, d’un grain d’extrait savüneüx d’n- 84 Maladies; très secours; j’indiquerai les uns et les autres: par exemple, lorsque la diarrhée se prolonge au-delà d’un mois, elle de- vient chronique, et dégénère en dyssen- terie, ou bien le malade tombe enphtyste. Si elle dégénère en dyssenterie, les moyens qu’on peut employer sont d’au- tant moins favorables, qu’ils ont été en partie épuisés pendant la diarrhée. Ce- pendant la saignée est nécessaire lorsque la fièvre est forte, que le pouls est plein, le bas-ventre tendu , disposé à i’inflam- mation, ou même enflammé; on est aussi obligé de la répéter plusieurs fois, mais pium. Il y consentit. La malade en prit un grain presque sur le champ. On appella en consultation M. Andri, médecin très-eslimé et très-estimable, qui fut aussi d’avis de continuer ce remède. Par cette administration, qui fut de douze grains en moins de trente-six heures, les douleurs diminuèrent peu- à-peu , les lochies commencèrent à reprendre leur cours six heures après la première dose du remède 5 le calme enfin succéda aux grands orages, et la ma- lade alla de mieux en mieux, jusqu’à son parfait rétablissement qui fut très-prompt. des Nègres. cela est rare, et sur-tout chez les Nègres. Les vomitifs, quoique très-utiles, doivent être employés avec circonspection; il faut s’attacher à rendre le vomissement plus doux ; la boisson doit être plus abon- dante, mais moins aigrelette et nitrée; les lavemens plus émoliens, nitrés et plus fréquens : je me suis bien trouvé des ca- taplasmes émoliens appliqués sur le bas- ventre. La rhubarbe est tout-k-fait contraire dans les premiers temps de la dyssen- tcrie, jusqifà ce qu’on ait obtenu un peu de relâche ; il convient d’en sus- pendre l’usage et de s’en tenir k ce qui vient d’être dit. Il est cependant des accidens qui dé- terminent k sortir de ces règles générales; des douleurs aiguës, très-violentes dans; le bas-ventre, des insomnies qui n’ont point cédé k la saignée, aux boissons et aux lavemens, exigent l’usage interne des caïmans, qui, dans toutes les mala- dies, méritent d’autant plus de circons- Maladies 86 pection, que, par la même raison qu’ils produisent les meilleurs effets, lorsqu’ils sont bien employés, ils produisent aussi des accidens lorsqu’ils sont donnés mal à propos. En effet les narcotiques, en mo- dérant les évacuations dans les cas de congestion, pourroient, par le retard de ces mêmes évacuations , fixer l’humeur morbihque; de sorte que, toutes les fois que l’on soupçonne que des crises doi- vent se faire, ou qu’il y a une matière nuisible à évacuer; il est prudent de s’en abstenir. On est dans ce cas dans les premiers temps de la dyssenterie des Nègres, sur- tout lorsqu’elle est putride ou scorbuti- que; de sorte qu’en général, ce n’est que vers la fin de la maladie, quand le som- meil ne revient point, que les narcoti- ques sont employés avec succès. Mais, dans les cas de complication pu- tride ou scorbutique, dans ceux où le relâchement de la fibre est manifeste, et dans lesquels il faut s’opposer à la corn des Nègres. 87 gestion, et à la stase des liquides, le cal- mant le plus convenable , celui sur le- quel on doit le plus compter, est le cam- phre, à la dose de deux grains, avec quatre grains de nitre préparé comme nous l’a- vons dit page 53: ce calmant sera ad- ministré plus ou moins de fois dans les vingt-quatre heures, selon F exigence des cas. Ce remède antiputride, légèrement cordial et tonique , remplit d’autant mieux les indications, qu’il produit une légère diaphorèse très-utile pour l’expul- sion de l’humeur morbifique. Si, dans ces circonstances, on est obligé de se servir des narcotiques, il faut em- ployer ceux dans la composition desquels entrent des substances cordiales, et qui sont composés de manière a porter leur correctif avec eux; tels sont h Philio- num- romanum , les pillules de cynoglo- ses, &c. J’ai toujours vu les malades se bien trouver dans ce cas d’un demi-gros ou d’un gros, selon l’âge ou le tempé- rament du sujet, de diascordium pris, Maladies le soir, en bol, ou délayé dans quel» ques cuillerées de bon vin. Ces mêmes narcotiques, administrés en lavement, produisent aussi les meilleurs effets ; ainsi lorsque les douleurs et l’en- semble des symptômes font craindre que l’atonie des intestins soit suivie de gan- grène, je fais délayer depuis un demi- grc s jusqu’à un gros de philionum roma- 7nim dans un lavement. Je le fais même quelquefois répéter, afin de m’opposer avec plus d’énergie à la putréfaction, en sollicitant plus vivement le rétablisse- ment du ton et du ressort des fibres in- testinales. Dans les colonies, comme en Europe, * r / et d’après les principes établis pages 149 et suivantes, Maladies des climats chauds, je supplée parfaitement l’électuaire phi- lionum-romanum, avec l’infusion d’une poignée de heaume, ou autres plantes toniques, même stimulentes, telles que la lavende, parmi les labiées; le fenouil, parmi les ornbiüféres, &c. en ajoutant Des Nègres. 89 à chaque lavement huit à dix gouttes de laudanum liquide de Sydenham préparé de la manière que je l’ai indiqué. Lorsque les douleurs diminuent, que la fièvre est moindre, que les matières sont moins sanguinolentes ou ne le sont plus, qu’elles prennent au contraire une teinte jaunâtre, et deviennent plus liées, on peut se flatter que la maladie est sub- juguée; c’est alors le cas d’employer quel- ques laxatifs, de la nature du catholicum double, et dusyrop magistral conseillés dans la diarrhée: le reste du traitement, dans cette circonstance, ne diffère en rien de celui de la diarrhée parvenue à sa fin. Mais lorsque les symptômes conti- nuent d’être toujours aussi violens, que la langue devient noire, que la tête se prend, qu’il survient des hocquets, c’en est ordinairement fait du malade; cepen- dant comme toute ressource n’est point perdue , il faut chercher à calmer ces accidens; c’est dans ce cas que l’on doit Maladies multiplier les potions légèrement cor- diales et antiputrides; car ces accidens étant presque toujours le signe d’une gangrène prochaine ou déjà existante dans les intestins, s’il y a du soulage- ment à espérer, ce ne peut être que des antiputrides et des cordiaux: on appli- que sur la région du bas-ventre des ca- taplasmes résolutifs faits avec les plantes aromatiques, telles que le beaume ou au- tres, indiquées page 88. On donne quel- ques lavemens, dans lesquels on fait en- trer le camphre. Voici les formules des potions et lavemens à employer dans ces cas; elles serviront d’exemple pour toutes celles qu’on pourroit leur substituer. Formule de -potions. Prenez Eau de scabieuse (i), 4 onces. Camphre, 8 grains. Eau de mélisse spiritueuse, 1 once. Liqueur minérale anodine (1) On y substituera la première eau cordiale, Suivant les pays» des Nègres. 91 d’Hoffman, Syrop de Limon , i gros, i once. Faites dissoudre le camphre dans Peau de mélisse spiritueuse, et mêlez le tout. On en donne une cuillerée chaque demi-heure ou chaque heure. Formule de Lavanms. Prenez camphre demi-gros dissous à froid dans une cuillerée d’huile d’ohve, par le moyen de la trituration ; mêlez dans une chopine d’eau; faites-en un la- vement. Si les accidens de la maladie, après l’usage de ces moyens, continuent d’être aussi graves, il n’y a plus de ressource; ce- pendant Ton doit toujours insister sur les mêmes remèdes, car quelquefois, dans les cas les plus désespérés, il se lait des crises inattendues, qui sauvent le malade.. Dans la convalescence de la diarrhée et de la dyssenterie , comme dans celle de toute autre maladie, il est essentiel de nourrir les malades d’une manière ana- Maladies logue aux symptômes qu’ils ont éprouvés. Le relâchement ou l’atonie exige que la nourriture soit tonique, aisée à digérer, et sur-tout que la boisson soit un peu for- tifiante : le riz, le gruau , les œufs, un peu de poisson de rivière, sont les alimens les plus convenables, et le vin trempé, la seule boisson qu’on puisse employer. L’on doit principalement faire prendre aux convalescens l’air qui sera reconnu le plus pur et le plus sain , tel qu’est ordinairement celui des lieux élevés. On aura l’attention d’insister long- temps sur l’usage de quelques opiates ( i ) ou poudres stomachiques, pour tâcher de rendre à Pestomac le ton qu’il a perdu, et par-là empêcher les mauvaises digestions qui doivent nécessairement résulter de son peu de ressort. ( I ) Telles que les opiates de Salomon, ou les poudres de tliériaque, d’hyacinte, etc. On ne deyroit jamais envoyer aux colonies d’électuaires tout com- posés, parce qu’ils se décomposent dans la traversée par la fermentation. DES N E G R Ë S. 93 Les Nègres, et plus particulièrement ceux qui arrivent de la traite, sont en- core sujets à une espèce de dyssenterie causée par une affection scorbutique > ou le scorbut lui-même. Cette maladie exige un traitement particulier, différent de celui de la précédente ; ce n’est que par les and scorbutiques que l’on parvient à la guérir ; de même que ce n’est qu’après avoir détruit le vice principalf dans la dvssenterie en général, que Ton peut employer les moyens que j’ai indi- qué- plus haut , lorsqu’elle esc à son dernier période; mais souvent la maladie fait des, progrès si rapides , qu’il est impos iole de la guérir, et cela, parce qu’on ne s’e?t occupé que du symptôme dyssentérique, lorsqu’on devoir faire le traitement du scorbut : aussi ne voit-on qu’un très-petit nombre de ces infortunés réchapper de cette maladie. Les Nègres qui arrivent de la traite dans les colonies, ont plus ou moins souffert dans le trajet, suivant que leux Maladies moral a été plus ou moins affecté de la perte de leur selon leur nombre, relativement à la capacité du vaisseau , à k quantité et à la qualité des vivres, principalement de Peau; au temps favo- rable ou contraire que le vaisseau a éprouvé pendant son séjour à la côte , enfin à la longueur de la traversée. La situation des Nègres à bord des Vaisseaux est des plus effrayantes. On les place, le plus ordinairement, dans l’en- tre-pont, de manière qu’ils se touchent, et qu’il ne reste entr’eux presque au- cun espace ; point de jour dans la plu- part des lieux occupés par les Nègres, et point ou presque point de possibilité au renouvellement de Pair dans des cli- mats aussi brûlans ; une portion de cet élément, absolument essentiel à la vie, est à peine sorti des poumons d’un Nègre, qu’il est aussi-tôt respiré par un autre , de sorte que Pair s’échauffe en raison du nombre d’hommes rassemblés; qu’il perd son élasticité et ses autres propriété^ des Nègres. dans la fnême proportion; qu’il se charge d’une plus ou moins grande quantité de phlogistique, et de différentes émana- tions animales, provenant de sujets plus ou moins cacochimes relativement à l’état de chaque Nègre en particulier. Les globules du sang atténués et di- visés dans les vaisseaux capillaires des parties les plus éloignées du cœur, ne peuvent , par une telle atmosphère y être condensés et rapprochés dans les poumons : le sang perd ses propriétés d’autant plus promptement, que le rap- prochement de ses parties ne peut pas non plus être fait à la superficie du corps par un tel air ambiant. Les vaisseaux relâchés par le concours de tant de causes, mais principalement par un air aussi chaud et aussi humide ? perdent leur action; le sang s’épaissit, la sérosité ne s’y mêle plus ; et si le mou- vement vasculaire n’est pas augmenté; en unjmot, s’il ne survient point de fièvre, il fojrme par son séjour des stases, des M A l A d i ê s échimoses, de vraies lividités, ce qui cons- titue le premier degré du scorbut ; les viscères s’obstruent, s’élèvent, tout le corps prend un très-gros volume par la bouffissure générale : c’est alors que la tristesse,et la mélancolie, si ordinaires dans le scorbut, portent ces infortunés à desirer la mort. Le concours de ces funestes causes continuant , l’esprit vital s’affoiblit; les principes du sang et des liqueurs en sta- gnation se dissocient, tombent en déli- quescence; la pourriture se manifeste et fait des progrès rapides ; les bémorrhagies deviennent fréquentes ; il survient une petite lièvre qui, n’ayant aucun type, aucun caractère déterminé, est erratique; la bouche devient infecte, les dents se noircissent et chancellent dans leurs al- véoles, le scorbut est dans son deuxième degré. Cette maladie parcourt rapidement ses temps et ses périodes; les parties les plus crasses et les plus visqueuses des des Nègres. 97 humeurs, qui ayoient résisté dans 1g deuxième degré, se putréfient, en un mot, le vice Ragne leur universalité. ' OO 9 et le scorbut est à son troisième et der- nier degré; delà les douleurs les plus cruelles , sur - tout pendant la Huit ; la fièvre est hétique ; les hémorrhagies viennent de plus en plus fréquentes, le ptyalisme excessif ; les lypotllimies et les syncopes se rapprochent: enfin la cessation des fonctions des viscères et la perversion totale des humeurs font du malade un gouffre de puanteur. Les choses n’en viennent pas là, si, dès îe commencement du deuxième degré du scorbut, la diarrhée ou la dyssenterie sont survenues , toutefois suivant l’âge et le tempérament du sujet; car chez les bilieux dont la constitution est âcre et chaude, les mélancoliques et les hypo- condriaques, le scorbut parcourant rapi- dement ses temps, est bientôt a son troi- sième degré; tandis qu’au contraire chez* les Nègres d’un tempérament sanguin* 98 Maladies i d’un caractère peu réfléchi, disposé à la gaieté, lorsque les humeurs se sont fait jour par le fondement, les symptômes du scorbut sont en général moins graves ; on observe seulement que dans ce cas, les dévoiemens sont extrêmement coli- quatifs, et que les malades périssent dans une maigreur affreuse. Les Nègres d’une bonne constitution ont dans cette maladie, moins de symp- tômes du scorbut réunis à ceux de la diarrhée et de la dyssenterie; la circula- tion étant moins gênée, le battement des artères est plus régulier et moins con- vulsif, les mouvemens d’inspiration et d’expiration sont plus libres : aussi peut- on en général débarquer les Nègres dyssentériques dès le jour ou le lende- main que le vaisseau a mouillé dans le port, sans craindre la suffocation inévi- table lorsqu’on descend à terre, dès le jour de leur arrivée, les scorbutiques du deuxième et du troisième degrés. On doit prendre pour ceux - ci les plus DES NegreS. 99 grandes précautions ; leur donner pen- dant quelques jours à bord des vaisseaux les secours qui pourroient leur être ad- ministrés à terre, afin de les mettre en état de supporter leur transport qui ne peut être fait sans occasionner des inouve- mens et des secousses capables de pousser dans les poumons excessivement relâchés, une assez grande quantité de sang pour les suffoquer a .l’instant même. Le régime et le traitement du scor- but conviennent absolument dans cette espece de maladie, puisque, comme je l’ai déjà fait remarquer, traiter seule- ment la diarrhée ou la dyssenterie, ce seroit s’attacher à l’effet sans détruire la cause; c’est pourquoi l’on doit établir f hôpital des Nègres arrivans de la traite, dans les quartiers les plus élevés de Ja colonie, où l’air est plus salubre, et principalement près des eaux coûtantes. Après l’air, le choix des ali mens est la chose la plus importante. Toutes les subs- tances végétales, fraîches, d’usage dans Maladies nos cuisines , conviennent dans cette circonstance, mais principalement le cres- son auquel on joint le cochléaria, le bec- cabonga, en un mot, les plantes connues sous le nom de crucifères, ou plantes ani- males. Tous les farineux fermentés, et sur- tout le riz, produisent de bons effets. La tortue, soit- de mer ou de terre, est aussi un excellent antiscorbutique. Je lui ai reconnu cette qualité jointe à celle d’un très-bon restaurant. On fait usage de ces aliments sous di- verses formes ; mais le plus communé- ment sous celle de bouillons, en obser- vant sur-tout que ces plantes ne doivent point entrer en ébullition avec la chair de tortue, parce qu’une médiocre cha- leur suffit pour extraire le sel volatil qui constitue leur vertu, et que les chocs réitérés dans les grandes ébullitions, dé- truisant le mucilage de la tortue, il ne resteroit alors dans les bouillons, que la terre grossière, et les sels fixes qui n’é- tant plus combinés avec cette portion d e s Nègres. mucllagineuse ou terre subtile, de vie n- droient extrêmement âcres, car c'est cette même combinaison des principes extrac- tifs de la tortue, qui constitue leur pro- priété antiscorbutique. Le bouillon retiré du feu, on y jette les plantes, et on les laisse infuser sur les cendres chaudes environ une demi-heure. Les exemples des guérisons de scorbutiques retardées faute d’avoir pris ces précautions, ne laissent aucun doute à cet égard. On ne sauront donc trop recommander de faire les bouil- lons à petit feu ; le plus convenable seroit le bain-marie. Après les accidens dissipés, on soutient l’estomac des malades avec un peu de vin; et suivant l’indication, on les fait vomir avec l’ypécacuanha. Quoique dans cette espece de dyssenterie, l’homme de l’art ne doive jamais perdre de vue que l’atonie des solides et la congestion des liquides en sont les principaux caractères; il doit également et plus que dans toute autre dyssenterie, être circonspect dans l’usage Maladies de l1 opium; il peut cependant se permet- tre, le soir, pour calmer les douleurs et fortifier les entrailles, l’usage d’un demi-gros, ou d’un gros de diascordium ou de thénaque délayé dans un demi- verre de vin, on peut aussi, suivant les circonstances, faire prendre cette même quantité de thériaque en bol, en y ajou- tant trois ou quatre grains de camphre, avec un ou deux grains de musc , et quelquefois davantage. Jusqu’à ce que les symptômes de pu- tridité soient dissipés, on peut, bien que ce soit contre fusage ordinaire, employer les citrons, les limons, les oranges, et même en aromatiser les substances ali- mentaires, ainsi que dans le scorbut qui n’est point accompagné de flux de ventre,. S’il survient quelques symptômes de malignité, on fera usage d’éther vkrio- lique, plus ou moins répété, suivant la violence des accidens: on en peut donner de quinze à vingt gouttes, et même quel- des Nègres. quefois jusqu’a trente-six, dans une cuil- lerée de vin ou autre mtnsxrut conve- nable. On suppléera à l’éther par la li- queur minérale anodine d’Hoffman, avec la précaution d’augmenter la dose de moitié, parce que cette préparation n’est qu’un éther affoibli, et qu’elle n’est cal- mante qu’en proportion des parties éthé- rées qu’elle contient. Dès le milieu du deuxième degré du scorbut ordinaire, principalement dans les pays chauds, la peau des extrémités est un peu froide, un tant soit peu hui- leuse et désagréable au toucher; au con- traire, dans la diarrhée, et la dyssenterie scorbutique, la peau s’étant resserrée, de- vient seche , écailleuse ; c’est pourquoi l’on doit laver les Nègres qui en sont attaqués, avec de l’eau tiède, et ne né- gliger aucun des moyens capables de ré- tablir la transpiration insensible dont la sécrétion et l’excrétion ont été suspen- dues, et même arrêtées, en proportion du nombre des selles, de la quantité des Maladies déjections, du degré de colliquatlon des humeurs et du tempérament du malade. Espérer de réchapper les Nègres de cette espece de dyssenterie, en les laissant nuds ou presque nuds, en les faisant coucher sur des nattes étendues par terre, soit dans les cases qui leur sont destinées, ou dans les hangards servant d’hôpitaux, comme cela se pratique trop souvent, ce seroit s’abuser ; il faut leur faire construire des cadres à pieds, garnis de cordages, propres k recevoir des matelas de coton, fort commua dans toutes nos colonies; et au défaut de matelas, leur donner au moins des paillasses bien entretenues, il seroit encore très-avantageux d’y ajouter des chemises, de gros draps et des cou- vertures qui serviroient seulement aux Nègres malades. Chaque grand proprié- taire, devroit avoir sur son habitation un hôpital, pourvu et entretenu de tous ces objets indispensables pour le salut de ses esclaves; et si quelqu’un m’objectoit qu’un tel établissement entraîneroit une DES Negres. 105 trop grande dépense, ]é répondrois que îa conservation de vingt, trente, qua- rante et même jusqu’à cinquante Nègres qu’il perd chaque année, le dédommage- roit au-delà de toute proportion. Tout Nègre malade auroit droit aux mêmes secours, parce que le conserver est à la fois un acte d’humanité de la part du propriétaire, et une augmentation à sa fortune. Lorsque les symptômes du scorbut ont entièrement disparu, cette maladie rentre dans la classe de la diarrhée et de la dyssenterie ordinaires, parvenues à leur dernier temps; conséquemment, le trai- tement doit être le même, en observant de n’user qu’avec la plus grande circons- pection des astringens, autres que ceux Indiques dans ce chapitre. Maladies DES MALADIES VERMINEUSES. CHAPITRE III. N o u s avons déjà observé qu’à l’ou- verture de tous les cadavres des Nèo-res, O / morts de maladie quelconque, dans plu- sieurs colonies, Ton trouve les intestins farcis de vers, qui doivent leur existence à la nourriture insipide, non fermentée, muqueuse, à laquelle ils sont bornés. Dans les maladies vermineuses , les Nègres sont sans appétit, ou lorsqu’ils en ont, il est excessif; la langue est très- chargée d’un limon ordinairement blan- châtre; ils ont des nausées, le pouls est petit et vacillant, le sommeil interrompu; ils ont communément les yeux à demi ouverts, des soubresauts légers les réveil- DES NEGRES. lent souvent; ils sentent quelquefois des démangeaisons aux narines, et le ventre est bouffi. Dans la maladie simplement vermi- neuse des Nègres, il survient quelquefois de la fièvre, qui devient alors presque toujours putride; lorsqu’il n’en survient point, et que Ton n’a pu parvenir à dé- truire les vers, ils sont sujets à tomber dans une langueur ou mélancolie qui les porte au découragement. Cette maladie ne présente aucun dan- ger, lorsqu’elle n’est point accompagnée de fièvre; et quand il y en a peu, on en vient aisément à bout. Moins les symp- tômes sont multipliés, plus la guérison est aisée; plus le sujet est fort, et moins on a de peine à détruire la cause: l’ex- périence prouve que les Nègres les plus foibies y sont les plus exposés, ainsi qu’à la récidive. Il arrive quelquefois que les vers en- lèvent l’enduit de l’estomac et des in- testins ? en détruisent le velouté, ce qui Maladies ne peut se faire sans exciter des douleurs très - violentes : on trouve même dans plusieurs cadavres, la substance des in- testins percée d’outre en outre, tachée en plusieurs endroits et considérablement épaissie. Je ne parle ici que de la maladie ver- mineuse simple, qui n’est point ordinai- rement accompagnée d’une fièvre réglée; les autres doivent être rapportées aux fièvres putrides pour le traitement. Dans cette maladie, les vomitifs pro- duisent de fort bans effets, et je préfère dans ce cas l’usage du tartre-stibié, parce que l’observation m’a appris que toutes les préparations antimoniales sont effi- caces contre les vers; j’emploie pour bois- son, les infusions de camomille, de mé- iüot, l’eau de chiendent, même la limo- nade, et l’eau bouillie avec le mercure crud. Je purge de jour à autre ordinaire- ment avec quelques drastiques, corrigés par les sels neutres, mêlés avec le semen- contra,ou le mercure doux, sublimé six Des Nègres. 109 fols Ci).[V oyez la formule ci-dessous ]. Je fais même prendre l’un et l’autre de ces remèdes antivermineux dans les in- tervalles des purgatifs; et quand la cause est détruite (ce qu’on observe aisément par le meilleur état du malade, et parce (1) E.e semen-contra, à la dose d’un gros, le mer- cure doux, à la dose de deux grains pour les adultes, d’un grain pour les enfans, et continuer pendant quelques temps. FORMULE, Prenez Jalap, / Crème de tartre, Semen-contra, demi-gros. demi-gros. demi-gros. Incorporez avec suffisante quantité de sjrop de Heur de pêcher, ou à sou défaut avec le sjrop de sucre, ou même avec la première conserve. Cette Formule est pour les sujets d’un tempé- rament ordinaire; elle doit être variée selon l’age et les circonstances. Pour les enfans, par exemple, et pour les sujets extrêmement loibles, la moitié suffit; pour les tempéraments forts, vigoureux, et sur-tout pour les sujets gras, on double la dose ci- dessus. Nous n’avons pas besoin d’indiquer qu’entre ces trois formules il y a différentes, nuances que la Praticien doit saisir. Maladies qu’il ne rend plus de vers), on le met è l’usage des amers, pour dissiper la dis- position des premières voies à leur repro- duction. Le meilleur, le plus puissant de tous, et qui m’a le mieux réussi, est Taloes; dans toutes nos colonies et sur toutes les habitations, je faisois administrer, comme préservatif, tous les matins à chaque né- grillon, une cuillerée de tafia, dans lequel on avoit dissous un gros d’aloés par pinte : par-tout où Ton a suivi exactement cette méthode, on a eu la satisfaction de pré- venir, ou au moins de diminuer rablement leurs maladies. Pour de plus grands détails sur ce remède précieux, voyez pages 191,192 et 193, de mes Ob- servations, maladies des climats chauds. Pendant tout le traitement, il est es- sentiel de nourrir les malades avec des substances sèches, un peu salées, et de leur faire boire un peu de vin. des Nègres. DES MALADIES DE LA POITRINE. CHAPITRE IV. O N divise les maladies de poitrine en aiguës et en chroniques, en celles qui affectent la substance du poumon , et en celles qui attaquent les autres parties du thorax. Je ne traiterai point ici de toutes les maladies qui affectent, soit les poumons, soit le thorax, ]e n’ai pour objet, que celles qu’on observe principalement chez les Nègres. Presque toutes les maladies aiguës des poumons sont en général inflammatoires; mais par les causes déjà indiquées, elles proviennent plutôt chez les Nègres, d’un engorgement visqueux, qui embarrasse la Maladies substance des poumons, que d’une vé- ritable inflammation; c’est pourquoi leur maladie aiguë, la plus ordinaire en ce genre, est une espèce de fausse péripneu- monie, tenant beaucoup de la nature des putrides. Elle affecte plus communément les Nègres qui travaillent aux habitations* les Nègres domestiques en sont rarement attaqués, par la raison qu’ils vivent pres- que comme les blancs. Je ne parlerai point ici de la vraie pé- ripneumonie, non plus que des autres maladies vraiment inflammatoires, très- rares les unes et les autres chez les escla- ves; je me bornerai à parler de la fausse péripneumonie , maladie très - fréquente parmi les Nègres, et qui diffère beaucoup de la fausse péripneumonie, connue en Europe. Cette maladie se présente quelquefois sous la forme de la vraie péripneumonie, et dégénère fréquemment en chronique, de manière que les maladies aiguës du des Nègres. poumon peuvent se réduire à la fausse pé- ripneumonie, et les chroniques à celles qui se terminent par suppuration. DE LA FAUSSE PERIP N E U M o’m IE 'Particulière aux Nègres. La fausse nla notha, différé de la vraie, en ce que celle-ci est une inflâmation pure et simple des poumons, accompagnée de fièvre con- tinue et algue, avec un pouls plein, fort et égal; une douleur gravative très-vive, en forme de point de côté ; un crachement de sang fleuri ou de matières sanguino- lentes, plus ou moins chargées; une grande difficulté de respirer, et une toux plus ou moins fréquente et incommode. Dans la fausse péripneumonie, au con- traire, la fièvre est k peine marquée dans les premiers temps, le pouls est souvent inégal; les malades sont plus accablés, le visage est plus bouffi que haut en 114 Maladies couleur (i), le point de côté est moins vif, le crachement de sang plus rare et toujours mêlé; la langue est moins seche et plus chargée; en un mot, il y a beau- coup de signes qui caractérisent la pu- trescence et rengorgement humoral; et quoique la douleur soit moins aiguë, rétouffement est aussi grand que dans la vraie péripneumonie; ce qui distingue cette fausse péripneumonie de celle d’Eu- rope, dans laquelle l’étouffement est tou- jours beaucoup plus grand, que dans la vraie péripneumonie, et va souvent jus- qu’à la suffocation. Les exercices violens auxquels les Nègres sont assujettis ; les injures du temps dont ils peuvent à peine se garantir; le passage fréquent du froid au chaud, et du chaud au froid, les exposent né- cessairement aux accideiis produits par le flux et reflux des transpirations cuta- (i) Leur couleur noire change en effet, leur yisage devient d’un rouge cuivré. des Nègres. nées et pulmonaires. Én effet, lorsque la transpiration pulmonaire est augmentée par un grand mouvement ou une chaleur considérable, si elle vient à être supprimée tout-à-coup par le froid, l’humidité ou une boisson froide, il survient un engor- gement propre à exciter la phlogose qui, selon la disposition du sujet, la quantité et la qualité de ses humeurs, est suivie de différons effets ; rhumes, catharres, coqueluches, pleurésie, pleuvropéripneu- monie, vraie peripneumonie, fausse pé- ripneumonie, &t. La suppression de la transpiration cu- tanée produit sur les différentes parties du corps les mêmes effets, relativement à l’engorgement et à l’inflammation; elle augmente l’intensité de la cause qui en- flamme le poumon, en ce que presque toujours l’une et l’autre transpiration sont en même temps arrêtées. Appliquons maintenant aux Nègres cette cause de phlogose et d’engorge- ment au poumon, relativement à la dis- Maladies position et à la qualité de leurs humeurs; on verra aisément que par leur manière de vivre, leur sang doit être appauvri et disposé a l’alkalescence; que les solides, quoique peut-être par cela plus irritables, ont cependant moins de ton et de force; d’où il résulte que les engorgemens qu’ils éprouvent, doivent moins tenir de l’in- flammation, que de la putrescence, con- séquemment qu’ils sont moins sujets à la vraie péripneumonie ; ce que l’observa- tion confirme. La péripneumonie dont nous parlons, diffère encore de celle qu’on appelle gé- néralement fausse-péripneumonie, en ce que la première n’est pas très-dangereuse, lorsqu’elle est traitée méthodiquement ; au lieu que celle-ci l’est même beaucoup plus que la vraie péripneumonie. Celle dont nous parlons a encore un caractère particulier, c’est que les cra- chats et la toux sont plus aisés dans le commencement de la maladie, les symp- tômes peu urgens, de sorte qu’on pour- DES NÈGRES. roit présumer qu’elle n’aura point de suite; les crachats annoncent souvent le degré de putrescence des humeurs, alors ils sont jaunâtres ou teints de différentes couleurs. Cette maladie offre néanmoins quelques dangers, tels que ceux qui dépendent de l’alkalescence des humeurs ou des impres- sions graves qu’elle peut laisser, et qu’elle laisse en effet dans la substance des pou- mons, principalement lorsqu’elle est mal traitée. Mais quand il n’y a ni excrétions, ni déjections, que la toux est fréquente et incommode, l’expectoration difficile, les crachats teints de différentes couleurs, puants et noirs; sur-tout lorsque la tête se prend, que la respiration est de plus en plus gênée, le malade est dans le plus grand danger. Le traitement de cette maladie exige d’autant plus de circonspection, qu’elle se montre sous une apparence trompeuse, et que la maladie elle-même varie en rai- son des sujets, de l’intensité et de la pu- Maladies trescence; quelquefois elle est précédée d’un accès de fièvre assez violent, qui dure vingt-quatre heures; d’autre fois les symptômes sont très-légers, comme nous l’avons déjà observé, et la fièvre est à peine marquée. C’est d’après ces observations que l’on doit être dans les premiers temps fort ré- servé sur le choix des moyens à employer, principalement sur la saignée, qui produit souvent les effets les plus pernicieux ; car la force vitale étant, pour ainsi dire, en- tièrement en défaut chez les Nègres atta- qués de cette maladie; il est plus néces- saire de réveiller l’oscillation des vaisseaux, que de l’affoiblir par des saignées; aussi voyons-nous la plupart de ceux chez les- quels le sang n’a point été ménagé, tom- ber dans des maladies chroniques qui les mènent insensiblement au tombeau ; telles que la suppuration des poumons ou la phtysje pulmonaire. Ce n’est pas qu’on doive absolument exclure la saignée dans le traitement de des Nègres. cette maladie ; mais hors les cas d’une fièvre continue très-forte, d’un étouffe- ment très-considerable, et des signes ma- nifestes d’inflammation ( ce qui est fort rare ici ), on peut presque toujours s’en passer. J’ai fait la même observation sur l’u- sage inconsidéré et trop précipité des pur- gatifs, qui troublent les crises que la na- ture cherche à préparer pour l’expulsion de l’humeur morbifique, et auxquelles il faut un certain temps pour achever cette opération. La foiblesse du pouls, rabbattement des malades, exigent bien plutôt des re- mèdes un peu animés, et propres à donner aux vaisseaux le ton nécessaire pour pro- duire la coction de l’humeur morbifique; ainsi, contre l’usage ordinaire, il con- vient de mêler aux incisifs, les aroma- tiques légers, pour réveiller l’oscillation et diviser l’humeur engorgée dans la subs- tance du poumon: la fleur de camomille, de sureau, de mélilot, l’écorce de citron, Maladies fournissent par une légère infusion dans Peau, une boisson aromatique et légè- rement incisive; mais de tous les moyens, le plus puissant, le mieux indiqué, et celui qui attaque directement les causes de cette maladie, est le tartre-stibié: ce remède agit comme incisif, conséquem- ment il divise l’humeur engorgée, par la secousse qu’il produit, il donne plus de jeu à la substance vasculaire du vis- cère affecté, et opéré alors un dégorge- ment favarable des sucs impurs, renfermés dans les premières voies, qui sont le foyer de la complication putride. Je crois même, pour cette raison, qu’il seroit avantageux, après le premier effet de ce remède, comme vomitif, de le con- tinuer comme altérant et k la plus petite dose, pourvu toutefois qu’il ne dévoie pas le malade (i); on peut cependant CO On ne sauroit être trop circonspect à cet égard ; à Paris j, comme dans les colonies, l’on abuse étrangement de cette administration de l’é- mé tique à petite dose. Je Fai vu employer dans des Nègres. lui substituer le souffre doré d’antimoine, le kermès minéral, et l’ypécacuanha aussi à petite dose : les circonstances décident sur la préférence. Le kermès minéral a un avantage très- les vraies inflammations de la poitrine, au com- mencement et dans le progrès de ces maladies. Ce qu’il y a de plus révoltantpour tout médecin ins- truit, c’est de voir porter l’abus de ce remède jus- qu’il exciter plusieurs selles par jour,même le dé- ▼oiement ; les crachats diminuent , l’oppression augmente en proportion de la quanti!é des éva- cuations, et quelquefois la suppression subite de l’expectoration cause un engorgement si prompt dans les poumons, que les victimes de cette gros- sière ignorance meurent suffoquées dans les vingt- quatre heures. Mais comme les gens de l’art qui s’obstinent à provoquer ces évacuations, rencon- trent quelquefois des médecins instruits qui leur démontrent la nécessité absolue des remèdes op- posés , tels que la saignée , il arrive que faisant usage des uns et des autres en même temps, le malade ne meurt pas toujours de la suffocation ; une portion de l’humeur se fixe dans la substance des poumons d’où suit la suppuration telle que les tubercules, la vomique ou la phtysie pulmonaire, qui ne laisse souvent au malade qu’une vie ian-*- guissante, bientôt terminée par la mort. Maladies grand sur les autres médicamens, même sur Temétique; son usage est plus facile et plus sûr • il est d’ailleurs consacré à cette maladie: mais il faut observer que cleui Jusqu’a présent je n’ai point vu de suppuration des poumons à la suite de la fluxion de poitrine. Vraie ou fausse, qui n’ait eu pour cause le mau- vais traitement, mais sur-tout l’abus de l’émétique è petite dose , ou autres évacuons , tels que les apozemes, dans lesquels entrent les sels neutres de Giaubertj ou végétal, avec quelque grains de tartre-stibié. J’ai été plusieurs fois consulté dans des cas sem- blables où, pour opérer la guérison, il s’agissoit uniquement de ne pas s’opposer à la sécrétion et à l’excrétion des crachats : mais pour cet effe t, il falloit suspendre les remèdes évacuans, ce que l’on obtient difficilement des gens de l’art, parti- sans de ces sortes de remèdes, qui ne manquent jamais de voir dans les maladies les plus simples des complications sans fin, telles, par exemple, que la putridité, complication que je n’ai jamais yu exister dans les inflammations vraies. Enfin j’ai vu des personnes de la meilleure santé avoir la manie de se purger par précaution, et qui ne pouyoient respirer le soir et le lendemain de la médecine. J’en ai vu mourir aussi de la maladie que les purgatifs de précaution déterminoient. Ces remèdes font souvent dégénérer les plus simples des Nègres. 123 qui est préparé par la voie humide (1), est le seul dont on puisse attendre un bon effet. L’application des vésicatoires est une des indications qu’il faut remplir de bonne heure dans les premiers temps, en les appliquant aux jambes ou aux cuisses, et en entretenant la suppuration ; on pro- cure une dérivation favorable qui em- pêche les effets pernicieux de l’engorge- ment qu’on cherche a détruire par toutes sortes de moyens. J’ai vu quelquefois le vésicatoire appliqué au thorax sur l’en- droit douloureux, produire de merveil- leux effets; on sent qu’il faut avoir une pleine conviction que la maladie n’est point une vraie péripneumonie, c’est~à- rhumes en fluxions de poitrine, maladie qui, lors- que les purgatifs sont continués1, conduit à la suppu- ration des poumons et à la mort. (i) A la dose de deux à trois grains dans les vingt-quatre heures, bien mêlé avec.quatre onces de lait d’amandes, dix-huit grains de gomme adra- gante et suffisante quantité de sucre pour lui don- ner la consistance de looc 3 à prendre toutes les Maladies dire, qu’il n’y a pas une grande inflam- mation au poumon; car dans cette cir- constance, ce moyen, loin d’être utile, deviendroit très-dangereux. En général on tire peu de fruit des potions huileuses; et quoique la plupart des médecins reconnoissent leur inutilité, et qu’il soit constant qu’elles produisent quelquefois des effets nuisibles, sur-tout dans les pays chauds, on ne laisse cepen- dant pas que de les y prodiguer dans les maladies de poitrine, ce qui est très-mal entendu. Il est pourtant nécessaire d’en faire prendre quelques cuillerées, moins, relativement à leur propriété médicinale, que pour servir de véhicule à certains re- mèdes, tels que le kermès, le souffre doré d’antimoine, lesquels ne se mêlent bien que dans les huileux; et le camphre qui heures par cuillerées. On aura attention de bien triturer le kermès avec trois gros de sucre et les dix-huit grains de gomme adragante, à quoi on ajoutera peu-à-peu les quatre onces de lait d’a- mandes ; seize amandes suffisent ordinairement pour quatre onces d’émulsion. des Nègres. 125 se mêle également bien avec les huileux comme avec les spiritueux. Lorsque l’expectoration est bien éta- blie ; que le malade respire facilement, que les évacuations en tout genre n’ont plus de signe de crudité, et que la na- ture s’explique par différentes crises, aux temps marqués pour la coction, ( ce qui est plus ou moins long, selon la nature, la complication et la force de la maladie), on doit user modérément des incisifs ; et c’est le moment où il faut examiner si quelques doux laxatifs ne seroient pas indiqués. Il faut aussi distinguer dans cette ma- ladie, les crises de l’humeur engorgée, fixée à la poitrine , qui sont les plus promptes, et qui s’opèrent par les crachats, d’avec celles qui se font par la sueur et par les évacuations du bas ventre; car il peut arriver que les crachats annon- cent la coction de l’humeur à expectorer, tandis que les autres évacuations sont en- core crues; alors la maladie de la poitrine 126 Maladies est jugée, mais la fièvre putride, dont les crises sont plus lentes, ne Test pas; et quoique la complication n’ existe plus, il est pourtant essentiel d’être attentif à l’une et à l’autre sortes de crise, parce que les accidens de l’humeur putride pourroient bien réveiller ceux de la poi- trine. Rien n’est plus délicat que la pur- gation dans toute espece de maladies de poitrine; on peut par son effet arrêter subitement l’expectoration, et tuer sur le champ le malade; nous n’en avons que trop d’exemples : cependant dans cette maladie, chez les Nègres, ce moyen est moins dangereux , parce qu’il peut agir sur la quantité des matières nuisi- bles contenues dans les premières voies, ou qui s’y portent facilement ; mais on ne doit l’employer que vers le septième ou le huitième jour, et lorsque l’on a, comme nous Pavons dit, des signes de coction. Quand la maladie résiste aux moyens que j’ai indiqués, et qu’il n’y a encore des Nègres. 127 aucuns signes de coction, le septième ou le huitième jour, il faut alors insister sur la boisson, les incisifs et la suppuration, des vésicatoires. Il arrive communément que l’humeur se partage, et qu’il survient au bout de quelque temps des selles abon- dantes, ou des sueurs ou des urines bien chargées, qui terminent la maladie, quoi- qu’on n’ait pas eu du côté des crachats, les signes favorables que nous avons annon- cés. Dans tous ces cas, il faut laisser agir la nature pendant quelque temps, l’aider même s’il en est besoin, et ensuite en venir à l’usage des laxatifs, qu’il faut réitérer suivant les circonstances. (1) Lorsque la maladie se prolonge, que les accidens augmentent , les malades (1) Le meilleur, celui qui m’a le mieux réussi en cette occasion: est fait avec trois onces de manne, fondue à froid dans trois verres d’eau; on y exprime le jus de deux ou trois citrons suivant leur grosseur, de manière que l’ensemble ait le goût d’nne limonade ; on se sert du mortier de marbre 4 cause de l’acide, qui agîroit sur le métal. 128 Maladies succombent quelquefois; et lorsqu’elle n’est pas terminée du quatorze au dix- sept, il est à crindre qu’il se forme un abcès dans la substance du poumon, dont les symptômes ne tardent pas à paroître. A la vérité, cet accident arrive rare- ment lorsque la maladie à été bien traitée; c’est sur - tout à l’usage inconsidéré de la saignée et des purgatifs, qu’on doit l’attribuer. , Je détaillerai dans le chapitre suivant r les différens phénomènes de la suppura- tion des poumons, qui est la suite de la péripneumonie des Nègres. DE LA SUPPURATION DES POUMONS \particulière aux Nègres. Lorsque les liqueurs engorgées dans la substance des poumons, pendant le cours de la péripneumonie; n’ont pas été broyées et atténuées par les forces de la des Nègres. 129 nature, au point de débarrasser ce vis- cère, et de former une prompte résolu- tion, elles changent de qualité par leur séjour, et deviennent une substance âcre et irritante , qui corrode bientôt les parties solides et produit diverses mala- dies du poumon. Ces maladies commencent toujours par une espèce d’abcès, qui se présente sous différentes formes. Dans les unes, les parties solides qui se sont brisées et tour- nées en suppuration, ont laissé une telle circonscription k l’abcès, que le tissu cel- lulaire en fait les parois, et que l’abcès contenu dans cette espèce de sac, forme ce qu’on appelle une vomîque; dans d’au- tres, la circonscription n’étant pas uni- forme, et la matière purulente étant d’une nature plus âcre, il s’établit promptement un ulcère; dans quelques autres enfin, la matière engorgée, long-temps retenue dans les poumons, se termine par de petits dépôts lents, qui produisent dans le lieu affecté, une ou plusieurs tumeurs Maladies qu’on nomme tubercules, qui , avec le temps, deviennent autant de petits abcès; et souvent cette humeur fait dégénérer la maladie en phtysie pulmonaire. De ces trois terminaisons, la première est très-commune parmi les Nègres, et souvent très-funeste. La seconde est beau- coup plus fâcheuse, mais elle est aussi plus rare; la troisième enfin est beaucoup moins dangereuse que les deux autres. Les signes qui annoncent la suppura- tion au poumon à la suite de la fausse péripneumonie, sont i°. l’absence de ceux qui devroient annoncer la résolution de cette maladie; i°. le défaut de crises; 30. quelques frissons irréguliers vers la fin du terme ordinaire; 40. la gêne dans la respiration qui augmente chaque jour; 50. enfin la continuation de la fièvre qui prend le caractère de fièvre lente. Les causes particulières qui font dégé- nérer la fausse péripneumonie dans les Nègres sont la foiblesse du sujet, le mau- vais traitement et l’appauvrissement des DÉS NÈGRES. humeurs: nous avons déjà observé que ces trois causes doivent nécessairement déranger la nature dans ses opérations, conséquemment avoir diverses suites fâ- cheuses. De quelque manière qu’on envisage la suppuration des poumons, c’est tou- jours une maladie grave, sous laquelle la plupart des Nègres succombent. L’ulcère au poumon n’est susceptible d’aucune guérison; les tubercules au contraire lents à se former et à entrer en suppuration , offrent un espoir d’autant mieux Fondé, qu’on a le temps de travailler à les dé- truire ; ils font d’ailleurs eux - mêmes, lorsqu’ils viennent à suppurer, un point circonscrit de suppuration* au moyen du- quel le tubercule s’épuise de la matière dont il étoit formé, et laisse le malade tranquille jusqu’à ce qu’un nouvel amas de matière le fasse rentrer en suppura- tion, ou en établisse de nouveaux. Le malade est ordinairement sans fièvre ; elle ne survient jamais que lorsque le pus com- Maladies jmence à se former dans le tubercule, et elle disparoît lorsque le tubercule est vuidé. Quant à la vomique, elle augmente sensiblement chaque tour avec la fièvre; la difficulté de respirer est telle qu’elle va quelquefois jusqu’à l’étouffement; elle se termine par la crevasse qui devient très-dangereuse, et suffoque les malades qui n’ont pas la force d’expectorer, ou qui ne sont pas secourus dans ce moment pressant; j’ai employé avec succès dans ce cas la thériaque dans du vin, et le plus souvent l’éther vitriolique depuis un scrupule jusqu’il un gros. Au surplus la vomique, ainsi que le tubercule, dégé- nère quelquefois en ulcère. On distingue ces trois sortes de sup- puration au poumon, par les caractères qui leur sont propres. Dans la vomique, comme nous l’avons dit, la respiration est difficile, et le de- vient de plus en plus, à mesure que le sac s’emplit; la fièvre augmente; elle a des Nègres. 133 moins le caractère de fièvre lente; les frissons sont plus rares; la toux est en quelque manière grasse , en forme de quinte; les malades sont obligés d’être couchés presque assis sur le dos, et sur le côté affecté. Les tubercules se reconnoissent, lors- que, dans le cours de la maladie aiguë, il n’y a eu aucuns signes de coction , lorsque la respiration est un peu gênée, qu’il survient une petite toux sèche, et que la fièvre est médiocre, et quelquefois peu sensible. Quant à l’ulcère au poumon, quoi- qu’il soit extrêmement rare immédiate- ment après la péripneumonie, il est pour- tant des cas où l'humeur épanchée est si corrosive, qu’elle produit presqu’aussitôt un ulcère ; dans d’autres circonstances, il se forme par la réunion de plusieurs petits abscès qui, lorsqu’ils s’ouvrent, dé- génèrent aussi en ulcères, sur-tout lors- que les ouvertures n’ont pas d’issue vers les troncs principaux des bronches. 134 Maladies Les tubercules parvenus à leur matu- rité, produisent le même effet, quand ils ne sont pas situés de manière à laisser passer librement le pus qu’ils contien- nent: il en est de même de la vomique, dont je vais donner la curation, ainsi que celle des tubercules, avant de passer aux signes propres de l’ulcère au poumon. La cure de la vomique dépend pres- que toujours entièrement de la crevasse de l’abcés et de la sortie du pus par l’ex- pectoration; les malades courent grand risque d’être suffoqués en ce moment, soit qu’ils n’aient pas la force de donner à la poitrine une secousse propre à la dé- barrasser de cette matière étrangère, ou que l’abcès soit situé profondément, et que le pus ait peu d’issue: dans l’un et l’autre cas, l’art peut venir 'a leur secours f 1°. en administrant quelques cordiaux qui raniment l’action des vaisseaux; 20. en déterminant la crevasse par un vomitif; 3°- en mettant les malades dans la si- tuation la plus convenable pour vomir; DES NÈGRES. 135 40. enfin en donnant d’avance (sur-tout lorsque fon a prévu que l’abcès est situé profondément ) des béchiques relâchans qui facilitent l’extension des tuyaux bron- chiques. Le pus amassé dans un seul foyer s’étant fait jour, le malade n’est pas encore hors de danger. Souvent le sac se remplit, souvent il se déchire en plusieurs points par lesquels la matière purulente s’étend de plus en plus dans la substance du vis- cère: dans le premier cas, la vomique revient, et dans le second, l’ulcère est à craindre. Pour éviter ces1 inconvéniens, l’on emploie les balsamiques, les pilules de Morton, le baume de Tolu, et prin- cipalement le lait. Le lait peut être employé comme ali- ment et comme médicament. L’un et l’autre moyens en même temps m’ont très-bien réussi. Comme remède, on le donne une ou deux fois par jour, mêlé avec des plantes détersives ou aroma- tiques , telles que, en Europe, l’origan, Maladies 136 ou marjolesne sauvage, et toutes les es- pèces de baume, entre les tropiques. Les tubelxules sont, comme il a été dit, de petites tumeurs endurcies, formées par le dépôt de l’humeur morbifique*, ils se changent, plutôt ou plus tard, en petits abcès que le malade crache le plus sou- vent avec facilité, mais qui se régénè- rent de même, quelquefois aussi ils dé- génèrent en ulcères. Lorsqu’on s’est ap- perçu de la présence de ces tumeurs, l’art offre plus de moyens pour leur destruc- tion, que dans les autres espèces de sup- puration aux poumons , en ce que les balsamiques et les incisifs peuvent diviser l’humeur engorgée: c’est-la le cas d’em- ployer le kermès minéral enveloppé dans le beurre de cacao; l’ypécacuanha châtié, donné à petites doses, et enveloppé de même, les pillules balsamiques de Morton, l’oximel simple et scillitique, &c. (i) (x) Par l’oximel scillitique, on obtient les plus grands sucés sur-tout, lorsque le sujet a les jambes mdémadées et que l’on craint que la sérosité corn des Nègres. 137 Mais il n’est pas toujours possible, à la suite des maladies aiguës, d’employer ces différens secours, parce que la nature est souvent épuisée, soit par la force de la maladie, soit par les remèdes; il est mence à s’épancher dans la poitrine, ce quil est très-important de prévenir. Mais pour cela, il faut que l’oximel soit exac- tement préparé suivant le codex de Paris, n’ajrant obtenu dans les colonies de bons effets que de celui composé chez M. de Laplanche, ou chez M. îlouelle, apoticaires de Paris. J’invite les gens de Fart, à le composer eux-mêmes, ou à être présens à sa composition. Il faut aussi que l’oximel soit administré à dose suffisante pour agir; dans ces circonstances je le donne pur, à la dose d’une demie cuillerée à café et même la cuillerée entière, suivant l’âge, la grandeur, et la force du sujet , cela se répété toutes les heures, même toutes les demie-heures, et quelquefois tous les qudrts-d’heure, chez les sujets très-difficiles à émouvoir. Dans les cas qui ne sont pas pressants, il suffit de donner une once d’oximel scillitique par jour étendu dans un demi-septier de tisanne adoucis- sante, le malade en prend un tiers le matin, un tiers à midi, et un tiers le soir, une heure avant de manger. Maladies donc essentiel de commencer par rani- mer les malades, tant en les nourrissant, qu'en leur donnant quelques médicamens toniques, qui mettent le corps en état de supporter l’action de ceux dont nous ve- nons de parler. L’on parvient quelquefois par ces moyens à détruire les tubercules, mais le plus souvent ils se terminent par sup- puration. Les signes de cette suppuration ne sont point équivoques*, la toux aug- mente et devient très-fréquente; la fièvre est plus marquée, il y a des frissons; et tout cela se termine au bout de quel- ques jours par un crachement purulent. Les tubercules suppurent ou ne sup- purent point; dans le premier cas, les moyens indiqués pour la vomique sont utiles; dans le second, il faut employer ceux que je viens de détailler. Mais lors- qu’au bout d’un certain temps, il ne pa- roît plus de crachats purulens, on a en- core à craindre la formation de nouveaux tubercules, ou la suppuration de quelques des Nègres. autres déjà existans. On reconnoît ce danger a la continuation des symptômes qui ont d’abord annoncé la présence des tubercules; et c’est-lk le cas d’insister sur les moyens proposés. Les tubercules suppurans ne s’épuisent pas toujours, alors ils dégénèrent plus ou moins promptement en ulcères. A tous les signes que j’ai remarqués être pathognomoniques de la vomique et des tubercules, se joignent quelquefois la sueur nocturne et le dévoiement colli- quatif; symptômes qui ont souvent fait regarder ceux qui en étoient attaqués, comme affectés de la phtysie pulmonaire. Ces deux accidens n’arrivent jamais dans l’une et l’autre de ces maladies, que par une disposition particulière des hu- meurs qui tend à leur dissolution, et qui rend l’état des malades beaucoup plus grave, en les faisant ordinairement tom- ber dans la phtysie pulmonaire; mais il ne faut pas confondre l’ulcère au pou- mon avec la vomique et les tubercules. 140 Maladies quoique la sueur nocturne et le dévoie- ment se trouvent joints à ces deux der- nières maladies: cette erreur seroit d’au- tant plus fâcheuse, qu’on a coutume d’a* bandonner les pulmoniques comme incu- rables. L’ulcère au poumon a ses signes patlio- gnomoniques, et se distingue facilement de la vomique et des tubercules. Voici quels en sont les symptômes: le malade a une petite toux sèche et continuelle, accompagnée d’une lièvre lente qui, dans les vingt-quatre heures, a plusieurs exa- cerbations, et que le frisson accompagne toujours- les quintes de toux sont très-vio- lentes, sur-tout pendant le frisson; les malades crachent une matière épaisse, jau- nâtre, et tirant souvent sur le verd, mêlée d’un pus sanieux; la poitrine est serrée; la respiration difficile; il y a un ou plusieurs points douloureux qui excitent un sen- timent de déchirement ou de brûlure; les nuits sont très - fâcheuses ; les malades ont une sueur considérable avec de Pin- des Nègres. 141 somme, la toux devient affreuse et sèche; le matin, les accidens se calment un peu, le dévoiement survient et dure toute la journée; les matières que l’on rend sont séreuses, d’une excessive puanteur, et cau- sent le plus souvent des coliques et des épreintes tres-vives ; la langue est ordi- nairement rouge, sèche; l’altération est grande; il n’y a point d’appétit, ou la faim.est désordonnée; l’étouffement et la toux deviennent insupportables après le manger ; l’amaigrissement qui survient est si grand, qu’à peine se doute-t-011 qu’il y ait encore des muscles; les yeux se cavent, le nez s’amincit et devient pointu; les pommettes font saillie, et les joues se creusent; les cheveux et les poils tombent; la voix devient aiguë; les ongles se recour- bent, et le malade meurt. Dans cette maladie, la substance des poumons se détruit insensiblement par le pus sanieux qui s’échappe de l’ulcère, et qui déchire toutes les parties voisines, en- sorte que l’ouverture des cadavres pré- Maladies sente quelquefois un, ou les deux nions presqu’entiérement détruits. Je ne finnois point, si j’entrois dans le détail des causes de cette maladie: on sait qu’elle est héréditaire, qu'il y a des tem- péramens et des conformations qui en sont susceptibles; que plusieurs vices dans la masse des liqueurs la font naître, et qu’en- fin elle est la suite des maladies inflam- matoires qui affectent les poumons : c’est sous ce dernier point de vue que nous de- vons la considérer ici, moins pour indi- quer les moyens de la guérir, que pour chercher à éloigner la destruction de la machine, et pour montrer qu’il est essen- tiel de la distinguer de la vomique et des tubercules, afin d’éviter que par un trai- tement mal entendu, ou par un abandon total, ces deux dernieres ne dégénèrent en ulcères au poumon. Comme j’écris principalement pour la curation des maladies des Nègres, et que malheureusement, lorsqu’ils sont attaqués d’une maladie incurable, on a rarement DES N à G H E S. 143 recours à la cure palliative qui peut con* server la vie pendant plusieurs années, je dirai succinctement ici, que l’usage du lait, pour toute nourriture, des balsa- miques et aromatiques unis aux incras- sans, une fonticule établie, quelques caï- mans dirigés à propos, un air pur, un exercice doux, sont les moyens de con- server plus long-temps ces sortes de ma- lades. L’on a vu relativement à la vomique et aux tubercules, quels étoient les moyens les plus propres, soit pour les détruire, soit pour les empêcher de dégénérer en ul- cérés; il ne me reste plus qu’une seule réflexion à faire sur cette maladie. Les auteurs ont coutume de la diviser en trois temps, comme le scorbut ; le pre- mier est celui où les malades sont affectés d’une toux sèche, avec un peu de fièvre et quelques frissons, sans crachats puru- lens, en s’amaigrissant sensiblement ; le second celui où la suppuration commence à s’établir avec augmentation des symp- tômes; le troisième enfin est celui qui 144 Maladies réunit ceux dont j’ai parlé dans la des- cription précédente : cependant il est fort commun que ces différens temps ne parcourent pas leurs périodes; et j’ai vu des personnes qui n’avoient eu aupara- vant aucun signe de maladie de poitrine, périr dans l’espace de six semaines de l’ul- cère au poumon. Quelques-uns ont prétendu qu’on pou- voir guérir cette maladie, lorsqu’elle n’é- toit qu’au premier degré ; j’avoue de bonne foi que je n’en ai point d’exemple, et il est plus que vraiseVnblable que l’on a pris alors la vomique, les tubercules ou l’abcès, suite de la péripneumonie, pour l’ulcère au poumon. Il y a plus: je pense que, hors les cas où l’ulcère au poumon est la suite de la vo- mique, des tubercules ou de l’abcès, il est nécessairement produit par un vice parti- culier dans les humeurs, qu’on peut nom- mer pulmonique (i), dont la connois- ( i ) Ce que j’entends ici par vice pulmonique, n’est autre chose qu’un vice de conformation, c’est- DES NÈGRES. sauce n’échappe pas aux vrais médecins, et leur fait présumer que tôt ou tard les malades périront, quelques soins qu’on en prenne. à-dire, que ceux dont la poitrine est serrée et étroite, les épaules hautes, les pommettes saillantes, sur- tout les bras et les jambes respectivement plus gros que les autres parties du corps, sont de structure à devenir pulmoniques. 11 n’j a peut-être point d’exemple de sujets ainsi conformés, qui ne le soient devenus, parce que pour être bien consti- tué, il faut que la quantité de sang nécessaire à arroser et nourrir toutes les parties soit propor- tionée à leur grosseur. Nous avons observé ailleurs que ce fluide essentiel à la vie s’échauli'e et se di- vise dans les petits vaisseaux des extrémités, d’où il revient dans les poumons rapprocher ses glo- bules, se condenser, se rafraîchir} en un mot, re- devenir propre à de nouvelles circulations. Lors donc que cette quantité de sang se trouve dispro- portionnée à la capacité des poumons, elle engorge les artères et les veines pulmonaires, delà la dif- flculté de la respiration, l’oppression, l’hémophty- sie, et tous les accidens de la pulmonie, qui arrivent le plus ordinairement à l’âge de 3o à 84 ans. Maladies DES MALADIES VÉNÉRIENNES. CHAPITRE Y. Le mal vénérien est la suite, ou plutôt l’effet du concours de plusieurs déprava- tions; il affecte différentes parties, et pro- duit diverses lésions, en raison de la violence de son degré d’activité, d’acri- monie, et de la nature des corps qui se sont exposés à son action. Il se déclare par l’engorgement des glandes inguinales, par des excoriations, des ulcères, des crêtes, des condilomes ; et le plus souvent par un flux d’humeurs du canal l’urètre; il se manifeste encore d’une infinité d’autres manières, plus rares la vérité chez les Nègres que chez les Planes. DES N' E G R E S. Les ïhaladies vénériennes sont très- communes parmi tes Nègres, et elles font d’autant plus de ravages, et sont d’autant plus difficiles à traiter que presque tou- jours, elles sont compliquées avec d’au- tres maladies , principalement avec le scorbut: il n’en est pas des affections vénériennes dans les climats tempérés, comme dans lesÿpays chauds, soit rela- tivement k leur plus ou moins de ma- lignité, soit par rapport k leurs symp- tômes et k leur traitement. 147 L’expérience démontre que dans les pays très-chauds, le virus vénérien est beaucoup plus actif, et que ces accidens sont aussi beaucoup plus graves; c’est sans doute ce qui à fait croire que ces ma- ladies dévoient être traitées par la saliva- tion, parce qu’une certaine quantité de mercure, excite un grand mouvement dans tout le système vasculaire , qu’il rompt même la tissure des glandes, et principalement de celles de la bouche. Cette même expérience, tant de fois 148 Maladies invoquée, et tant de fois méconnue , auroit dû faire rejetter , dans tous les climats, cette manière d’administrer le mercure, puisque ses effets ont été par- tout dangereux , mais principalement chez les Nègres qui se trouvent atta- qués à la fois de scorbut et de virus vé- nérien. Le mercure administré à trop forte dose, peut porter violemment son action sur toutes les parties de notre corps. S’il agit sur les intestins, qu’il y soit déterminé par le trop grand relâchement des voies digestives, ou par des purgatifs employés à dessein de détourner ce minéral des parties supérieures, et de prévenir, par ce moyen, l’inflammation de la bouche, il cause malheureusement trop souvent la diarrhée ou la dyssenterie. Si par une suite d’erreurs, le malade est tenu dans un endroit chaud, la sa- livation est encore plus promptement dé- terminée; entre plusieurs exemples que je poutrois citer ici, je me contenterai des Nègres. 149 de rapporter ce qui se pratiquoit encore à l’Hôpital de l’Isle-de-Frahce, avant mon arrivée dans cette colonie, et même jusqu’à la prise de possession de cet asyle des malades pour le compte du Roi: on y étoit dans l’usage de faire fermer toutes les croisées (1) et les portes de la salle des vénériens, et d’entretenir un grand feu dans le milieu de cette salle; de telle sorte que ce séjour étoit à la fois un cachot et une fournaise. Quelquefois les vénériens avoient à peine pris trois ou quatre frictions, que la salivation se dé- clarait; il n’étoit pas même rare de voir cette excrétion déterminée sans aucune administration de mercure, par la seule atmosphère chargée de particules mer- curielles: quelquefois aussi les vénériens étoient exposés, par cette seule cause, aux maladies les plus graves et les plus violentes. A l’Hôpital de l’Isîe-de-France, mon (1) Oui éloienl: même-maçonnées. Maladies premier soin fut de faire sortir les véné- riens de cet endroit affreux. Il faut l’a- vouer, l’exténuation, la foi blesse, et prin- cipalement la débilité de leur estomac, permettoient à peine l’usage des bouillons et des œufs frais ; cependant avec des précautions, }’eus, malgré ces obstacles, la satisfaction de voir les accidens vé- nériens se dissiper, et les malades se ré- tablir parfaitement. Le vrai médecin n’a point de mé- thode particulière pour le traitement des maladies vénériennes; la variété des tem- péramens, d-es affections, des temps, des lieux, en un mot, de la position des ma- lades, l’obligent d’administrer le mercure sous formes , et à des doses plus ou moins fortes, et rapprochées sui- vant la diversité de ces circonstances, et même d’user, d’autres remèdes, suivant la complication de la maladie. Je ne traiterai point chaque symptôme vénérien en particulier, ces affections cédant ordinairement à l’administration des Nègres. 151 du mercure à petite dose, soit intérieu- rement , ou extérieurement, ou admi- nistré de l’une et de l’autre manière en même temps. Je rapporterai seulement dans quel cas et de quelle manière j’ai fait usage de ces moyens: je parlerai en particulier de la gônorrhée, si commune chez les Nègres, des accidens inflamma- toires qui l’accompagnent souvent , et d’une maladie vénérienne connue sous le nom de plan. Je fais saigner ou purger le malade, suivant son tempérament, -ses forces, et la nature des symptômes vénériens: on est même quelquefois obligé d’employer l’un et l’autre de ces moyens, mais cela est très-rare chez les Nègres, puisque dans certaines circonstances, la saignée et la purgation sont inutiles. On fait prendre quelques bains ticdes; le nombre est déterminé suivant le tem- pérament du malade, la nature des symp- tômes de la maladie, et de ses complica- tions y par exemple, on est dispensé de Maladies baigner les malades d’un tempérament empâté, lâche, pituiteux, dont la fibre est molle, sur-tout lorsqu’il y a en même temps des symptômes vénériens et de scor- but; maladie dans laquelle les solides étant trop relâchés, les bains deviendroient ab- solument contraires (i). Le relâchement des fibres n’étant que trop commun chez les Nègres, par leur manière de vivre, et par la chaleur du (i) Ce cas est un de ceux auxquels conviennent les tisannes de bois de gayac ou de salsafras, mais l’expérience rn’ayapt démontré que celle de sals- pareille produit des effets plus prompts, je lui donne la préférence. A cet effet, on en met une once, coupée par mor- ceaux, dans un vase de terre ou de fayence, avec trois chopines de la meilleure eau du pays, sans addition ni mélange d’autres substances; cette ex- traction doit être faite à un très-petit feu, et pour ainsi dire sans ébulition ; la liqueur doit cependant diminuer d’un quart; les chocs des grandes ébuli- îions dissipant une partie des principes de la sals- pareille, il est nécessaire de mettre le temps con- venable pour faire celte tisanne: il y a tel accident vénérien qui oblige d’augmenter d’une demie once, ou d’une once la dose de la salspareille, alors on en met deux ouce's sur cinq cbopîne* d’eau. des Nègres. 153 climat, il y a peu de cas où les vénériens aient besoin de plus de cinq à six bains avant de commencer le traitement, soit par les frictions ou par l’usage de la solu- tion du sublimé corrosif, ou par l’un et l’autre de ces moyens employés en même temps, avec la tisanne de salspareille. Les circonstances m’ont souvent obligé d’éloigner les frictions les unes des autres, ou de les donner à une très-petite dose, pour empêcher la salivation et éviter les purgatifs: précautions que j’ai également prises pour l’administration du sublimé corrosif; par ce moyen, je suis parvenu à administrer sans accidens la quantité de mercure nécessaire pour la cure de la maladie. Dans le traitement par les frictions , pour les tempéramens ordinaires, je com- mence par administrer un gros de pom- made mercurielle, à parties égales ; je continue les frictions de deux jours l’un et à la même dose, jusqu’à ce qu’il y ak une once de pommade employée, k Maladies moins qu’il ne survienne des accidens qui m’obligent de suspendre l’administration de ce remède. Parmi ces accidens, la chaleur de la bouche et du gosier, le gonflement des glandes salivaires, des gensives, et même le ptyalisme le plus léger, sont ceux qui fixent sur-tout mon attention; dès que la chaleur de ces parties commence à se manifester, on suspend les frictions qui doivent être recommen- cées quelques jours après que les accidens ont cessé. ' S’il ne survient aucun accident, et que les symptômes vénériens disparois- sent , la dose de chaque friction reste fixée a un gros: on les continue de deux O jours Pun, jusqu’a la fin du traitement, qui doit finir environ quinze jours après la disparition des affections vénériennes; dans ce cas, le traitement s’acheve sans autres purgations que celles qui ont été nécessaires lors de la préparation. Au contraire, lorsque les symptômes vénériens résistent aux frictions, je suis DES NÈGRES. dans F usage de faire prendre, le jour d'intervalle, entre chaque friction, une cuillerée à café d'une solution de douze grains de sublimé corrosif, dans une pinte d'eau , avec la tisan'ne de sals- pareille: on prend cette petite quantité de solution mercurielle, mêlée avec du lait, du bouillon, ou dans une légère infusion de fleurs pectorales, telles que celles de bouillon blanc, de guimauve, de violettes; on peut même substituer 'a ces fleurs , les sommittés de ces mêmes plantes, ainsi que toute autre infusion adoucissante; on a soin de choisir celle qui convient le mieux à l’estomac du malade. Je suis très-rarement dans l’usage d’aug- O cJ menter les doses ci-dessus, même lorsque les symptômes vénériens résistent ; cepen- dant si le malade a passé plusieurs fois par les remèdes, s'il est d'une constitution ro- buste, et qu'il paroisse, pour ainsi dire, insensible à l'action de ce minéral ; au lieu d’une cuillerée à café de solution mercurielle de deux jours l'un, je lui en 156 Maladies fais prendre une chaque matin, en con- tinuant toujours les frictions à un jour d’intervallç, à la dose d’un gros, et la tisanne de salspareille. Par cette augmen- tation, les symptômes vénériens qui ont résisté, disparoissent ordinairement; ce- pendant s’il arrivoit qu’ils ne cédassent point à cette augmentation de solution mercurielle, on évacueroit de temps en temps le malade avec un purgatif moyen, composé de manne, de séné et de sel de Glaubert, à dose proportionnée à son tem- pérament. Pour ceux d’une constitution ordinaire, il suffit de deux gros de sel de Glaubert, deux gros de séné bien mundé, et deux onces de manne (1). (1) Depuis la première édition de cet ouvrage, fai proscrit de ma pratique la follicule de séné; les motifs qui m’y ont déterminé, m’ont paru assez inté- ressans pour être placés ici. La Nègritte, nommée Dalila , de ri à 12 ans, appar* tenant à M. Lefevrc, négociant au Cap - François, ayant besoin d’être purgée, je prescrivis un gros de follicule de séné, un gros de sel de Glaubert, et une once de manne, dans un verre d’eau; la peiite ma- lade alla six à sept fois à la garde-robe, comme je l’a- des Nègres. 157 J’ai même été obligé quelquefois dans des véroles excessivement opiniâtres, in- vois espéré, mais Fa près midi, elle eut des coliques très-vives, el rendit une certaine quantité de sang avec ses déjections: elle prit un lavement fait avec une décoction de mauve, et on y ajouta dix gouttes de laudanum liquide de sydenham, les coliques ces* sèrent, elle ne rendit plus de sang, et le lende- main, il n’en fut plus question; M. Lefevre eut l’assurance de M. de Laporte., apothicaire du Roi, qui avoit fait lui-même la médecine, que l’ordon- nance avoit été suivie exactement; la petite ma- lade ayant eu besoin d’être encore purgée quatre jours après, M. Lefevre, m’engagea de prescrire les mêmes drogues, et de faire faire la médecine en notre présence ; ce qui fut exécuté. Daiila l’a- vala, fut évacuée le même nombre de fois et éprouva les mêmes accidens. Des recherches faites avec soin, sur le mar de ce prétendu minoratif, et de plusieurs autres, m’ont démontré que quoiqu’il soit très-vrai qu’en général il y ait plus de divisison, d’atténuation et d’élabo- ration dans les principes des fleurs, que dans les feuilles, et les sommités des arbres et des arbustes, il est positif que la follicule de séné fait excep- tion , parce que chacune d’elle parvenue à ma- turité , contient entre ses feuillets quatre, cinq 5 et quelquefois six petits grains résineux, très-âcres et très-corrosifs, sur lesquels l’eau rendue plus pé- nétrante, plus active par le sel neutre, dissout une 158 Maladies dépendamment des remèdes ci - dessus , de faire prendre chaque jour un bol de portion de cette résine, cause des accidens et des désordres que, depuis des siècles, l’on attribue à l’acrimonie des humeurs. L’année dernière encore je fus appelle à trente- cinq lieues de Paris, pour voir un enfant de trois ans, qui périt dès le jour même* de mon arrivée) d.’une inflammation aux intestins grêles, suivie d© gangrène, pour avoir été évacué avec une décoc- tion de follicule, à laquelle #on a voit dit-on ajouté assez de sucre pour tromper le goût de l’enfant; il ne se plaignoit avant d’aucun mal de ventre, les douleurs comme à la Nègritte D alibi, prirent à cette nouvelle victime, dès l’après midi, et furent si vio- lentes, qu’elle tomba le soir même dans le coma* il est mort avant d’avoir recouvré sa connoissauce. L’ouverture du cadavre faite eu présence de celui qui avoit ordonné le remède, l’a convaincu lui- même, par le désordre des intestins, des perni- cieux effets de la follicule ; en y substituant la feuille de séné, avec l’attention de ne l’employer jamais qu’il ne soit parfaitement mundé. On est sur de n’éprouver aucun accident. Cette précieuse découverte, ne frappera que les sages observateurs : ceux qui ne s’occupent que d’une branche de l’art, n’y feront qu’une attention médiocre ; la routine et l’ignorance s’appuieront de l’ancienneté de l’usage, pour ne point reconnoître l’abus. J’ai pourtant eu la satisfaction, il y a quel- des Nègres. 159 quatre grains de mercure doux sublimé six fois , incorporé dans une conserve quelconque, et par ces différens moyens, je suis parvenu à guérir des maladies vé- nériennes qui avoient résisté à plusieurs autres méthodes. Mais depuis 1776, épo- que de la première édition de cet ou- vrage, j’ai obtenu des succès plus prompts, avec le rob de M. Laffecteur. J’ai encore rencontré des vénériens qui ne vouloient faire usage d’aucun autre remède que des bols, et qui ont été guéris avec le mercure doux, continué à la dose ci - dessus pendant un mois et demi ou deux mois. Dans tous ces cas, si le ptya- lisme ou autres accidens se manifestent, il faut absolument suspendre l’usage de <]ues années, de voir M. de X-apIanciie, démon- trer ces grains résineux dans ses leçons de Matière médicale, et de pharmacie, et recommander à ses élèves d’j faire une attention d’autant plus sérieuse qu’avant mon obsesyation, il ayoit éprouvé lui- même , des coliques très - vives, trois ou quatre jours de suite, pour s’etre purgé avec la follicule de séné. Maladies toute espèce de préparation mercurielle, jusqu’à ce qu’ils aient cessé. J’ai quelquefois eu à traiter des malades couverts de pustules vénériennes ulcérées, qui avoient en même temps la diarrhée ou la dyssenterie, survenues a la suite de l’usage du mercure inconsidérément ad- ministré; à l’aide d’une décoction blan- che (i), et d’une ttès petite quantité de solution de sublimé corrosif, je suis par- venu à faire disparoître les symptômes vénériens, et sur-tout la diarrhée et la dys- senterie. J’ai fait nourrir les malades, prin- cipalement dans les premiers jours, avec des crèmes de riz à l’eau et au sucre ; je prescris même les fortes décoctions de riz connues en Asie sous le nom de cange; (i) Faite avec une livre de mie de pain et quatre onces de sucre sur trois chopines d’eau, j’y ajoutois quelquefois deux gros de corne de cerf. Pour de plus grands détails sur les motifs qui m’ont déterminé à mettre autant de pain dans cette décoction blanche ; voyez pages 8,9 et suivantes de l’avertissement de mes observations générales, sur les maladies des climats chauds. des Nègres. dans ce cas, je ne mets que quatre grains de sublimé sur une pinte d’eau, et le ma- lade en prend une cuillerée à café le matin pendant quelques jours, après lesquels je lui en fais aussi prendre une le soir, je continue ainsi jusqu’à ce que je puisse administrer le mercure de la manière que je viens de prescrire. Je fais-très soigneusement panser les pustules alternativement avec des petites emplâtres de pommade mercurielle et de cérat de Saturne, ayant la plus grande attention à ce que ces petits ulcères soient tenus dans la plus grande propreté. Aussi-tôt que les voies digestives sont un peu rétablies, je prescris aux malades le lait de vache comme aliment, lors- qu’ils peuvent s’en procurer ; ils s’en trou- vent très-bien; je permets moins dans ce cas que dans tout autre, l’usage de la viande ; ils doivent se nourrir deiiz, de gruau, d’œufs, de poisson; et, à moins qu’ils ne soient au lait pour toute nour- riture, ils prennent un demi-quart, ou Maladies même, suivant leur état, un quart de pinte de vin à midi, et autant le soir. Lorsqu’il y a un grand nombre de malades rassemblés, comme il arrive dans les grands hôpitaux, je préfère l’usage du vin à celui du lait, parce qu’il faut pré- venir la tendance des humeurs à la putré- faction, qui sont toujours trop disposées à s’alkaliser dans des climats aussi brû- lans, et dans des lieux où l’air perd tou- jours une partie de ses propriétés, quelque précaution que l’on prenne. Dans les cas ordinaires, je fais égale- ment observer un régime anti-putride, afin d’être, le moins possible, obligé de purger les malades; c’est pourquoi je pré- fère l’usage des alimens pris dans la classe des substances végétales fraîches, du riz ou autres mentionnés ci - dessus, lorsque l’on peut s’en procurer. Je ne tiens point les malades à la diète, à moins qu’il ne leur survienne des ac- cidens; par ce moyen, ils peuvent sans aucun danger reprendre leurs travaux des Nègres. 163 ordinaires dès le lendemain de leur trai- tement; par ce moyen aussi les Nègres domestiques et autres employés à la case du maître, peuvent même, avec quelques précautions , continuer de servir pen- dant l’usage du mercure; il n’y a que les Nègres retenus dans les hôpitaux, par la violence des symptômes vénériens ou par d’autres motifs, qui doivent être entière- ment dispensés de leurs travaux. L’on a quelquefois à traiter dans les pays chauds des chancres malins,, qui ron- gent promptement le gland, et même une partie de l’urètre et des corps caverneux chez les hommes, et chez les femmes une portion des grandes ou petites levres, de l’urètre et même du clitoris. Dans ce cas, les malades sont le plus souvent pris d’une fièvre très-violente. Comment faire cesser ces accidens, et sur-tout conserver les parties? Cela est très-difficile: la violence de la fièvre, la soif, la sécheresse et l’ari- dité de la peau empêchent absolument l’administration de toute espèce de mer- 164 Maladies cure; au moins irai-je pas osé le tenter; j’ai aucohtraire cherché à relâcher et à dé- tendre, par les saignées répétées, les bois- sons acidulées, les lavemens émoliens et autres moyens antiphlogistiques. Avec ces secours, les accidens se dissipent peu- à-peu, et il se fait, pour ainsi dire, un dépôt de l’humeur virulente, répandue dans la masse générale, sur les parties par lesquelles le virus s’est introduit, et qui l’ont reçu immédiatement. J’applique pendant ce temps, sur les parties, des compresses imbibées d’eau vé- geto-minérale (i), et quelquefois aussi, suivant la violence des douleurs et le de- gré d’infiammation, des cataplasmes de mie de pain et de lait; après cet orage, la suppuration sépare les parties dont l’or- ganisation a été détruite par l’excessive âcreté du virus, la fièvre et les autres ac- cidens se dissipent entièrement: je com- mence alors l’administration du mercure, (x) Une demi-once d’extrait de Saturne sur une pinte d’eau sans eau-de-vie. i DES NÈGRES. par préférence la solution du sublimé corrosif de la manière qui a déjà été prescrite; et la tisanne de salspareille, ou j’administre le rob de M. Laffecteur, dé- couvert depuis ma première édition; par l’un ou l’autre de ces moyens, il se fait une bonne cicatrice, et le malade guérit. Par des trairemens peu méthodiques, ou par la négligence des Nègres à dé- clarer leur mal et sur-tout par l’excès de leur libertinage, il arrive eue Phumeur virulente produit des exostoses, des ca- ries (1) mêmes aux os les plus compac- (1) J’ai aussi eu occasion de traiter cette maladie chez les Blancs, et d’observer sur les uns et sur les autres que les ellets du sublimé sont si surprénans, que ce remède agit quelquefois plus d’un an après en avoir cessé l’usage, principalement lorsqu’on en a pris cinq à six demi-bouteilles de pinte, à la dose de six grains chacune, et sur-tout lorsque les ma- lades ont pu soutenir le lait pour tonte nourriture. Depuis, j’ai eu, je le répété, des succès encore plus prompts du rob de M- Laffccteur. Je l’ai même conseillé plusieurs fois dans ces fâcheuses circonstances, à des malades chez lesquels l’adml- 166 Maladies tes, tristes effets d’un virus dégénéré et irrité, sur lequel le mercure n’a , pour ainsi dire, plus d’action! Je n’ai point vu ces deux dernières maladies céder aux frictions; il faut se servir de la solution mercurielle à petite dose, et aider quelquefois son effet, par des fumigations faites avec quelques pin- cées de cinabre; en observant cependant que ce dernier moyen n’est praticable que pour les caries des extrémités; il seroit dangereux de l’employer pour celles de la tête et du visage. Le rob de M. Laf- fecteur vaut mieux. Dans tous ces cas, l’on doit mettre le malade au lait, au riz pour toute nourri- ture, et continuer pendant quatre, cinq, même six mois, le sublimé à petite dose; il agit quelquefois long-temps après l’a- nistration des mercuriels avoir échoué, et le rob les a parfaitement guéris. Quoique cinq à six bouteilles suffisent dans les cas ordinaires, j’en ai porté l’usage jusqu’à treize •t quatorze 3 mais c’est heureusement très-rare. des Nègres. 167 voir discontinué, et achève alors de dé- truire entièrement les symptômes véné- riens qui avoient résisté pendant son usage, et qui sont d’autant plus difficiles à détruire qu’ils sont plus anciens, il n’y a absolument rien à craindre du sublimé, avec la tisanne de salspareille; dans ce cas, plus que dans tout autre, on doit re- commander l’administration de ce re- mède à la plus petite dôse, parce que les douleurs aiguës et profondes que res- sentent les malades, exigent cette pré- caution. Si par un tâtonage mal entendu, dans les caries des os de la voûte du palais, l’on ne se décide pas tout de suite à l’ad- ministration du sublimé , à la tisanne de salspareille et au lait pour toute nour- riture, les ulcères s’étendent et rongent quelquefois entièrement la luette et les amigdales ; insensiblement le larynx et le pharynx se détruisent, de sorte que la voix qui s’est altérée par degrés se perd entièrement; la sanie répand une odeur 168 Maladies infecte; la déglutition difficile et doulou- reuse permet à peine l’usage des alimens liquides, et entraîne toujours une petite portion de cette humeur mordîcante dans l’estornac ; la fièvre lente survient, les humeurs s’altèrent , et le malade périt dans des tourmens affreux. Quoiqu’avec les précautions que j’ai indiquées, il soit rare que l’administra- tion de ce remède cause des accidens, il se rencontre cependant quelquefois des tempéramens, sur lesquels il agit si promp- tement, qu’àprès avoir pris trois ou quatre gros de mercure en friction, la bouche s’enflamme, plusieurs glandes se gonflent et la fièvre s’allume au point d’être obligé d’employer la saignée, même de la ré- péter plusieurs fois, selon le degré de violence des accidens, et de profiter du relâchement que ces évacuations produi- sent pour passer quelques onces de manne, afin de détourner l’action de ce minéral; on ajoute même à ces moyens l’usage de quelques bains tempérés. DES NÈGRES. 169 Ces aceidens, je le repète, sont très- rares, et à moins d’avoir un grand nom- bre de vénériens à traiter,.on a rarement occasion de les observer; c’est pour évi- ter ces désordres que je fais renoaveller et rafraîchir l’air des appartemens des malades, afin de resserrer leurs pores, et que je leur prescris d’humecter très- souvent leur bouche, pour tempérer la chaleur que ce minéral y excite. Lorsque l’on a à traiter la vérole com- pliquée avec le scorbut, on examine avec la plus grande attention quels sont les symptômes les plus pressans; on travaille à les détruire; il n’est pas toujours aisé d’en faire la différence; par exemple, les douleurs causées par l’un et l’autre vices, redoublent pendant la nuit ; mais dans la vérole, elles sont ostéocopes; et clans le scorbut elles ne sont jamais si pro- fondes : dans le premier cas, les ulcères attaquent d’abord les amigdales; dans le second, ce sont les gencives qui sont les premières malades: elles se gonflent, de- Maladies 170 viennent molasses, se détachent facile- ment des dents, et répandent du sang au premier effort. Cet accident est le plus souvent ac- compagné de gonflement aux malléoles, et de bouffissure au visage: dans les cas équivoques on administre les remèdes pro- pres à Tune et à l’autre maladies: on fait un traitement mixte; le malade prend des bouillons antiscorbutiques le matin; et de deux jours l’un, une friction le soir; dans les premiers temps à la close d’un demi- gros, que l’on augmente après que les symptômes du scorbut ont diminué: on peut même se servir de la solution de douze grains de sublimé dans une pinte d’eau ; mais à une très-petite dose, par exemple, une demie cuillerée à café par jour. C’est encore un des cas, où le rob de M.Laffecteur, m’ayant le mieux réussi, je lui donne la préférence. Je ne permets jamais dans l’administra- tion du mercure par les frictions, que les malades soient dispensés de se frictionner des Nègres. eux-mêmes ; les accldens qu’éprouveiit ceux qui les frictionnent, principalement lorsqu’ils ont les pores plus ouverts que les malades ; et l’embarras où Ton est alors de déterminer la quantité de mercure que le malade reçoit, prouvent les avantages de cette méthode. Il n’est que trop ordinaire, particu- lièrement parmi les Nègres, d’avoir à traiter des vénériens assez déraisonnables, et assez ennemis d’eux-mêmes, pour s’ex- poser à prendre de nouveaux virus, pen- dant l’usage des frictions ou de la solu- tion mercurielle: il s’en est même trouvé qui, croyant avancer leur guérison, aug- mentoient, à mon insçu , les doses du mercure; cette conduite, bientôt suivie du ptyalisme et autres accidens de la bou- che, ne les empêchoient pas d’avoir la fureur de courir encore des dangers. J’ai principalement eu occasion de faire ces observations a l’hôpital du roi, à l’Isle- de-France, où j’avois un grand nombre de vénériens à traiter à la fois , tant Maladies Blancs que Nègres, et Négresses; ils étoient logés dans trois salles, bien sé- parées les unes des autres; on veilloit soi- gneusement à ce qu’ils n’eussent aucune communication : malgré toutes ces pré- cautions, ils joignoient quelquefois les Négresses ; les Blancs sur - tout m’obli- O ' gèrent, pour prévenir de pareils abus, de faire mettre, pendant la nuit, une sentinelle à la porte de leur salle; mais tout cela n’empêchoit pas que parmi les soldats et matelots, il ne s’en trouvât d’assez téméraires pour courir après des Négresses infectées de vérole, en trom- pant la sentinelle sous divers prétextes, (i ) D’après une telle conduite, de nou- veaux symptômes vénériens, comme la (i) L’expérience m’a appris que le soldat, le ma- telot et le Nègre exigent beaucoup de surveillance» dans l’ordre et la police, pour être contenus : sans une très-grande sévérité dans la discipline, l’homme le plus pur, le plus lojalpeut très-aisément devenir vic- time des hommes assembles 5 il ne faut quelquefois pour cela qu’un seul mal -intentionné, qui donne facilement l’impulsion et le mouvement aux autres. dès Nègres. 173 gonorrhée et les chancres, se joignent aux premiers; ce cas est assez rare à la vérité, niais il est difficile à traiter; j’ai été, je l’avoue, fort embarrassé lorsque j’ai eu à conduire des malades dans cet état, par- ticulièrement ceux à qui il survenoit des chancres malins, et chez lesquels le mer- cure administré pour détruire l’ancien vi- rus, avoir déjà porté à la bouche, soit qu’ils eussent caché la première chaleur que ce minéral y avoit excitée, ou qu’ils fussent extrêmement sensibles à son action. Dans ces circonstances, j’emploie des bains, les lavemens, les boissons acidulées, enfin le même traitement que pour les chancres malins ; avec cette différence que lorsqu’il ne survient point de fièvre, au lieu d’acides, je prescris le lait, quel- ques doux laxatifs répétés, et, comme dans le premier cas, la solution mercu- rielle à très-petite dose; parce moyen j’ai eu des succès que je n’aurois pu me pro- mettre de toute autre méthode. D’après ces détails, on aura sans doute 174 Maladies peine à croire que j’ai trouvé des hommes assez peu instruits pour vouloir m’obliger à fixer le temps nécessaire au traitement des vénériens. On voit par ce qui a été expliqué précédemment, que cela est de toute impossibilité ; qu’il doit se rencon- trer des malades à qui un mois sera suffi- sant, tandis qu’il y en a d’autres chez les- quels le vice est si ancien ou si compli- qué, qu’ils ne sauroient être guéris en trois mois. Enhardi par ma modération et ma pa- tience, on poussa l’aveuglement jusqu’à déterminer à quarante jours le temps de la guérison de chaque malade, contre toutes les ordonnances des Hôpitaux du Roi, contre la raison et le sens commun ; on supprima totalement, sans me consulter, malgré mes représentations, le peu de vin que je conseillois aux Nègres et Négresses malades confiés à mes soins: on fixa encore abusivement la portion de vin que je pres- crivois aux soldats et matelots vénériens qui se trouvaient en état de prendre leur des Nègres. 175 ration en entier, à la moitié de celle des autres malades. L’ordre du service interverti, mon de- voir, mes obligations, mais sur-tour l’hu- rnanité souffrante, à laquelle j’ai consacré mes jours, mon profond respect pour ce qui l’intéresse; tout enfin m’imposoit la nécessité de faire de nouvelles représenta- tions: je le fis avec sagesse, mais avec cou- rage; elles ne firent qu’irriter mes contra- dicteurs, que mes succès acharnoient de plus en plus contre moi, au point de nom- mer une commission, composée de gens de l’Art, pour examiner ma méthode dans le traitement des maladies vénériennes, et sur-tout pour décider si le vin, le lait et la limonade pouvoient convenir à ceux qui étoient attaqués de ce genre de maladie. Ün malade vénérien qui prend un quart de pinte de lait le matin, comme médica- ment, doit-il être exposé à ne pas digérer son dîner et son souper, en le privant de toutes liqueurs fermentées, prescrites comme alimens dans des climats où la fibre est si relâchée, où il faut en memc 176 Maladies temps s’opposer aux effets d’un air aussi insalubre que celui d’un Hôpital, rempli d’un grand nombre de malades principa- lement lorsqu’ils sont habitués à l’usage du vin ou autres boissons spintueuses? Les commissaires, gens de l’art, assem- blés, instruits que par ce moyen on évite la longueur des convalescences, conséquem- ment que l’économie y gagne, en même temps que le service du roi e t mieux as- suré, jugèrent en faveur de mon opinion; cependant mes ennemis, ou plutôt ceux de l’humanité, ne changèrent rien à leur première décision; les Nègres furent dans tous les cas privés de vin, et les Blancs vé- nériens fixés à la moitié de la ration des autres malades. Je ne crois pas devoir entrer dans les détails des contrariétés que j’ai éprouvées dans ma pratique, parce que je n’ai ac- tuellement pour objet que d’instruire, sur cette partie de la médecine, ceux qui sont chargés du traitement des Nègres, en les aidant à fixer l’espèce, les qualités et les quantités d’alimens nécessaires à leurs ma- lades. DES NÈGRES. 177 DE LA GONORRHÉE VIRULENTE o u CHAUDE-PISSE. CHAPITRE VI. JL A gonorrhée, la plus fréquente dé toutes les affections vénériennes, est cet état dans lequel on se trouve lorsque six ou sept jours après un commerce impur, on ressent au bout de la verge une cer- taine démangeaison; qu’il suinte par le canal de l’uretre, une humeur gluapte qui tache le linge ; que les urines en passant par ce canal excitent une légère cuisson qui augmente peu à peu, au point d’irriter vivement ses parois, et de rendre le plus souvent l’érection très-douloureuse. Le mal faisant des progrès chez les hommes, l’extrémité du gland devient 178 Maladies rouge; chez les femmes, les grandes lè- vres s’enflamment, l’humeur prend une couleur verte ou jaunâtre; alors les taches du linge ne s'en vont point à la lessive; les douleurs en urinant deviennent de plus en plus aiguës, et elles sont, pour ainsi dire, excessives dans les érections, sur-tout pendant la nuit, au point que pour les faire cesser, les malades sont quelquefois obligés de se lever et de se laver avec de l’eau fraîche. Il arrive encore qu’une portion du virus se porte sur les glandes des aines, et que leur engorge- ment empêche les malades de marcher. Les accidens de la gonorrhée sont plus ou moins grands, suivant le degré d’ac- tivité du virus communiqué, et la nature du sujet qui s’est exposé à son action. Delà de très-grandes différences dans les gonorrhées; et delà sans doute aussi les distinctions qui en ont été faites en go- norrhée bénigne ou maligne, sèche ou humide, compliquée, primitive ou secon- condaire: on la distingue encore, quoi- des Nègres. 179 qu’improprement , en chaude-pisse cor- dée , et en celle qui est tombée dans les bourses: on peut même la diviser en plusieurs autres espèces. La gonorrhée ne prend ces différentes dénominations, qu’en raison du plus ou moins d’étendue et de violence de l’im- flammation , qui l’a produite. L’expé- rience démontre qu’elle a le plus souvent son siège dans le tissu cellulaire j et c’est sans doute la raison de la facilité avec laquelle une portion de virus passe des lieux affectés aux autres parties ; mais le plus souvent ses effets se bornent aux parties naturelles, et à celles qui en sont dépendantes ou très-voisines. Les différences que nous venons d’é- tablir, relativement à la nature des'tem- péramens, se prouvent par la grande fa- cilité avec laquelle certains sujets pren- nent la gonorrhée, tandis que d’autres qui courent les mêmes dangers, et avec la même femme, sont plutôt affectés de chancres, de bubons ou autres accidens Maladies vénériens, qui quelquefois même ne se manifestent que très-long-temps après. En général, lorsque les jeunes gens d’un tempérament animé, chez lesquels les pores sont peu serrés, ont commerce avec des femmes, dont les dehors sont trompeurs, et qui avec l’air d’une bonne santé, ne laissent pas d’être infectées de mal vénérien ; cette confiance les porte à s’exciter, à rester long-temps dans l’ac- tion; ils pompent une plus grande quan- tité de virus, et sont conséquemment exposés k des symptômes plus graves. C’est le plus communément dans ce cas, que le canal de l’uretre s’enflamme, qu’il se tend, que même son diamètre diminue, et qu’on ne sauroit le toucher le plus légèrement sans causer des dou- leurs excessives; enfin la verge se courbe en dessous; et la maladie est alors appellée chaude-pisse cordée, parce que l’uretre tendue dans toutes ou presque toutes ses parties, ressemble en quelque sorte à une corde. des Nègres. .Si pendant l’érection, le malade est assez imprudent pour vouloir redresser Furetre recourbée, il se rompt quelques petits vaisseaux dans ce canal, il rend du sans: avec les urines, et les accidens augmentent. Dans la ponorrîiée ordinaire, Finflam- O mation est incomparablement moins vive, et ne s’étend ordinairement que depuis la fosse naviculaire jusqu’en-decà de la prostate; au contraire, dans celle dont je viens de parler l’inflammation se propa- geant, gagne jusqu’au col de la vessie; la prostate se tuméfie, lorsqu’on veut rendre son urine, on ressent au périnée la plus vive douleur, qui s’étend jusqu’à l’anus; les érections sont même quelquefois conti- nuelles et intolérables: j’ai vu des hommes courageux d’ailleurs , pousser les hauts cris dans cette circonstance. Lorsque la gonorrhée a été traitée dès son commencement, il est très-rare que les choses en viennent-là, et principale- ment chez les Nègres qui travaillent à Maladies l’habitation. D’ailleurs, toute inflamma- tion produite par le virus vénérien, rentre dans la classe des fausses inflammations. Cependant la gonorrhée relativement à ces accidens, peut être considérée comme une inflammation mixte, c’est-à-dire, qui participe autant de l’engorgement que de l’érétisme, du spasme et de la con- traction des solides; l’on doit diriger le traitement en conséquence, et propor- tionner le nombre des saignées à la vio- lence des accidens dépendans de l’état de ces mêmes solides et du tempérament du malade. * Ainsi, une, deux ou trois saignées suf- fisent pour l’ordinaire; on aide ce moyen par les boissons adoucissantes, telles que les infusions de graine de lin, de fleurs de guimauve, de bouillon-blanc, de vio- lettes ou autres de ce genre, et par des bains tempérés au degré de chaleur vingt quatre, vingt-quatre et demi, thermo- mètre de Réaumur. On fait aussi usage de lavemens émoi- des Nègres. liens , que Ton rend ensuite un peu laxatifs: on emploie même quelquefois, avec beaucoup de succès le petit lait nitré (1), mais seulement comme tem- pérant. Il est inutile d’observer que les ti- sannes apéritives, ainsi que celles des bois sudorifiques dont quelques praticiens font usage, sont absolument contraires dans cette maladie, puisqu’elles augmen- tent l’inflammation. Le régime ne contribue pas peu à di- minuer l’âcreté des urines: à cet effet on conseille à dîner et à souper , le riz, le gruau, &c. le matin le lait, et à des in- tervalles un peu éloignés du déjeuner, tous les fruits qui fournissent des sucs adoucissans. (1) A cet effet, on met six, huit, ou dix grains de nitre bien purifié sur une pinte de petit lait, et on se conduit de manière que le malade n’en prenne pas au-delà de dix - huit ou vingt - quatre grains, un demi gros tout-au-plus dans les vingt- quatre heures 5 à plus forte dose, il fait un effet absolument contraire à celui que l’on se propose. 184 Maladies Le célèbre M. Antoine Petit (i), dans ses savantes leçons sur la médecine pra- tique, nous a conseillé dans ce cas, des injections avec des huiles douces récentes, telles que celles d’amandes, de lys, de lin ou autres semblables. Dans ces climats éloignés et brûlans, où il est difficile de s’en procurer qui ne soient point altérées par la décomposition, je me suis permis de leur substituer les infusions de gui- ZD mauve ou de graine de Un, et le plus souvent d’eau végéto-minéraîe; je com- mence d’abord par mettre sur chaque pinte d’eau, pour servir d’injection, un gros d’extrait de saturne, que j’augmente par degrés jusqu’à trois gros, et même une demi-once sans addition d’eau-de- vie. De cette manière on ne court point risque de répercuter l’humeur , comme (#1) Je préviens le Lecteur, qu’ayant étudié les différentes parties de la médecine sous cet illustre professeur, je l’ai pratiquée dans les colonies d’après ses principes, et j’ose dire avec quelques succès» des Nègres. le craignent le plus grand nombre des gens de l’Art. Dès que les douleurs sont diminuées, dans la persuasion où je suis que la go- no rrhée est un symptôme de vérole, j’ad- ministre le sublimé, à la dose d’une cuil- lerée à café dans les vingt-quatre heures, de la solution de douze grains dans une pinte d’eau : dans le cours du traitement, je me permets quelquefois, suivant les circonstances, d’en augmenter la dose- mais cela est très-rare, attendu que la guérison des malades, et principalement celles des Nègres, n’est jamais mieux as- surée que lorsque ce remède ne porte point à la bouche. Lorsque j’ai commencé de pratiquer la médecine, j’ai eu beaucoup de peine, je l’avoue, à me déterminer à employer le mercure dans le traitement des go- norrhées; mais les exemples des véroles les plus opiniâtres et les plus difficiles que j’ai eu à traiter, étant survenues à la suite des gonorrhées, dans le traitement des- 186 Maladies quelles ce remède n’avoit point été ad- ministré , j’ai cru devoir m’en servir 7 sans toutefois négliger le traitement in- flammatoire, et j’en ai obtenu les plus grands succès. Les injections employées de la manière que je l’ai indiquée, loin de produire de mauvais effets, adoucissent et tem- pèrent l’âcreté de l’humeur virulente, dé- tergent et modifient les ulcères du canal de l’urètre, préviennent par-la leur agran- dissement, et les suites fâcheuses qui en résultent. Ces suites sont les brides des grandes cicatrices qui rétrécissent le ca- nal, et que la moindre irritation ne fait que trop souvent gonfler; les concrétions squireuses des glandes de l’intérieur de l’urètre, et même quelquefois de la glande prostate; les grandes difficultés d’uriner, au point de ne pouvoir vuider la vessie que par la sonde ; enfin les dépôts uri- neux, et les fistules' au périnée, qui peu- vent conduire les malades au tombeau : nous n’en avons que trop d’exemples, des Nègres. 187 principalement dans quelques hôpitaux où Ton est malheureusement trop attaché à l’ancienneté des méthodes, ou plutôt à la routine. Il est fâcheux d’être obligé de convenir que ces désordres, contre lesquels je n’ai cessé de m’élever, se pas- sent principalement dans les hôpitaux des villes capitales, où les éleves jugent trop d’après leur maîtres. Parmi le grand nombre de Nègres que j’ai traités de la gonorrhés dans les Co- lonies , il m’est arrivé de rencontrer un propriétaire assez déraisonnable pour agir de la manière suivante: j’avo;s prescrit â un de ses esclaves des injections faites avec un gros d’extrait de saturne sur une pinte d’eau ; au lieu d’un gros de cet extrait, on en mit une once ; l’écoule- ment de la gonorrhée fut arrêté subite- ment; la chose se passoit à une habita- tion éloignée de la ville, où j’étois obligé de rester continuellement, parce qu1 alors l’hôpital dont j’étois chargé étoît rempli de malades. Cet habitant m’écrivit le fait Maladies et s’excusa, en rejettant la faute sur ceux qui avaient soin de ses Nègres \ il m’a avoué depuis que la violence des dou- leurs dans les érections, avoit seule dé- terminé à mettre une si grande quan- tité d’extrait de saturne; d’un autre côté on avoir cru que dans cette circonstance, la première dose n’étoit pas suffisante dans une si grande quantité d’eau. Je prescrivis au malade trois bols par jour, chacun de quatre grains de cam- phre et huit grains de nître; l’on menta aussi de la moitié la dose de la solution mercurielle. Il est essentiel d’ob- server que les douleurs avoient entière- ment cessé avec l’écoulement ; les bols et la solution furent continués, et le qua- trième jour l’écoulement reparut, mais sans aucune douleur, soit dans les érec- tions , soit en urinant : le malade prit encore le matin, pendant quatre autres jours, un bol de quatre grains de cam- phre , et huit grains de nitre : on le remit ensuite à l’usage de la première des Nègres. dose de la solution mercurielle, et il fut entièrement guéri un mois et demi après. Je ne me permettrai aucune réflexion sur cette observation; je ferai seulement remarquer qu’il est à présumer que si l’on eût suivi mes conseils, cette sup- pression subite de l’écoulement ne seroit point arrivée. Souvent on ne peut réussir à calmer la violence des douleurs que causent les chancres du prépuce et du gland, qu’a- vec Peau végéto-minérale, dans laquelle on imbibe des plumaceaux et des compres- ses, suivant les circonstances. On emploie même quelquefois cette liqueur en cata- plasme avec la mie de pain : l’observa- tion nous apprend aussi qu’avec des pré- cautions cette lotion ne diminue point l’écoulement, qu’elle empêche l’agran- dissement des chancres et leur élévation, en même temps qu’elle dissipe les dou- leurs. Dans la gonorrhée, il se forme quel- quefois des ulcères dans le canal de l’u- Maladies rètre; celle qui a son siégé dans la fosse navicuîaire , n’est même que l’écoule- ment d’un ulcère chancreux ; d’après cela, comment concevoir qu’un remède puisse être utile dans l’une de ces ma- ladies, et contraire dans l’autre? Encore une fois, les chancres ne sont-il pas eux- mêmes des ulcères > Ce sont ces réflexions qui m’ont dé- terminé à employer les injections d’eau végéto-minérale affoiblie ; d’ailleurs, en supposant qu’elles s’opposassent à l’issue d’une portion de l’humeur de la gonor- rhée, soit qu’elle fut errante dans la niasse générale des liqueurs; ou, si l’on veut, fixée sur quelques parties, la solu- tion du sublimé ou autres préparations mercurielles employées dans le même temps sans négliger le traitement inflam- matoire, empêcheroient très-certainement ces effets. L’on emploie avec succès ces mêmes préparations mercurielles ; sur-tout la so- lution du sublimé, pour détruire le virus des Nègres. 191 qui reste après ré.coulement de la go- norrhée. Avec de l’intelligence , dans des mains expérimentées, elles réussissent aussi dans les caries vénériennes qui ne sont que des ulcères des os, survenues le plus souvent à la suite des gonorrhées maltraitées, et principalement lorsqu’on n’a point employé de mercure. Je me suis encore mieux trouvé des injections d’eau végéto-minérale affoi- blie, dans la gonorrhée chez les femmes que chez les hommes-, sans doute, parce qu’il est plus aisé de les appliquer sur les parties malades, de les tenir humectées, et que cette maladie a son siège dans le tissu cellulaire et les glandes du vagin, parties qui ne sont couvertes que par une membrane très-mince. L’engorgement inflammatoire que pro- duit la gonorrhée, occupe encore quel- quefois les grandes lèvres, l’urètre et au- tres parties sur lesquelles il est très-aisé d’appliquer le remède ; il arrive même que ces parties sont si gonflées, qu’elles prominent en dehors. Maladies Au surplus, je n’ai jamais vu l’écou* lement de la gonorrhée arrêtée chez les femmes, par les injections d’eau végéto- minérale, même lorsque l’on a augmenté la dose prescrite d’extrait de saturne , peut-être parceque les parties affectées sont plus relâchées que chez les hommes, qu’elles ont plus d’étendue, que les la- cunes du vagin étant très - multipliées , présentent une grande quantité de sur- faces, et que l’écoulement est beaucoup plus abondant. Le traitement de la gonorrhée chez les femmes doit être le même que pour les hommes, avec l’attention cependant de suspendre l’usage de la solution du sublimé, ou de toute autre préparation mercurielle pendant le temps des règles. J’observe encore que principalement dans les climats chauds, où la fibre est très - relâchée , l’on doit avoir la plus grande attention pendant l’inflamma- tion de la gonorrhée dans les deux sexes, de ne pas trop relâcher l’estomac des ma- DES NÈGRES. îades par un trop grand usage des bois- sons adoucissantes, qui suspendent très- souvent les digestions en jettant l’estomac et même les intestins dans l’attonie; les saignées trop multipliées produisent le même effet: L’on ne sauroit trop se pénétrer de cette observation, elle est de la plus grande importance, sur-tout pour les gens de l’art nouvellement arrivés dans les co- lonies. Le moyen de guérison le mieux indiqué, le plus applicable à l’état d’un malade employé à trop petite dose, man- que son objet, tandis que trop longtemps continué ou administré en trop grande quantité, il met le malade dans l’état opposé où il étoit avant l’usage du re- mède: combien de victimes déposent de cette triste vérité! D’après ces considérations importantes, je me suis permis de répéter dans cet ou- vrage, que le médecin doit examiner le plus scrupuleusement, quel est le tempé- rament du malade, le climat qu’il ha- Maladies bite , sa manière de vivre, en un mot, sa position qui diffère toujours de celle d’un autre. En conduisant le malade de la manière que nous venons de proposer dès les pre- miers jours de la gonorrhée , les érections deviennent plus rares, elles cessent même d’être douloureuses; l’écoulement dimi- nue; les insommies sont moins fréquentes; il urine plus aisément ; enfin trois se- maines ou un mois après le traitement commencé, plus ou moins, suivant la na- ture de la maladie et du sujet, l’humeur de la gonorrhée devient blanche, claire, peu consistante, mais filant un tant soit peu: elle est alors sur son déclin. Depuis que j’ai adopté cette manière de traiter la gonorrhée dans les colonies, je n’ai point été dans le cas d’employer les astringens. Dans le temps où je fai- sois usage de ces remèdes, je n’ai point vu l’écoulement arrêté avec les tisanes chargées des principes extractifs de l’ortie blanche, de la queue de cheval, la mille- feuille, l’herbe au charpentier, la bistorte des Nègres. 195 ou autres plantes toniques, auxquelles 011 attribue mal-à-propos la propriété d’ar- rêter l’écoulement de la gonorrhée, car l’expérience démontre tous les jours le contraire. Il en est ainsi des pilules nommées as- tringentes, dans lesquelles entrent le sang de dragon, le bol d’Arménie, les yeux d’écrevisse et autres terreux auxquels je n’ai point reconnus la pro- priété tant vantée d’arrêter ni même de diminuer l’écoulement de la gonorrhée ; je n’ai pas non plus éprouvé de meil- leurs effets des balsamiques, tels que le heaume de Copahu, la térébenthine , &c. Sur la fin des gonorrhées, les malades se sont infiniment mieux trouvés des eaux martiales , et des préparations ferrugi- neuses , sans doute parce que l’estomac relâché par l’excès des boissons dont on faisoit alors un trop grand usage, avoit besoin d’être ranimé et rétabli par les martiaux. Quant à l’extrait de saturne, de quel- 196 Maladies que manière qu’il soit préparé, je n’ai jamais pu concevoir comment on a pu se déterminer à l’employer intérieure- ment; malgré l’autorité de ceux qui s’en servent, et son efficacité comme topique, je craindrai toujours ses effetskl’intérieur. Mon amour pour la vérité ne me permet pas de dissimuler que malgré le grand nombre de boetes de dragées de Keyser que l’on a envoyé aux colonies, principalement à Cayenne, (1) je n’en ai jamais vu recueillir de bons effets; c’est peut-être parce que l’on suivoit trop exac- tement les conseils de l’auteur qui pres- crivoit d’augmenter la dose jusqu’à ce que le mercure eût porté à la bouche. (1) Ces sortes d’envois pour le compte du Roi, sont trop souvent le fruit de l’intrigue et de la cabale,, que le remède soit bon ou mauvais, qu’il convienne ou ne convienne pas dans de tels climats. Si le proneur est protégé, la proposition est acceptée avec d’autant plus de faclité que nos inspecteurs gé- néraux, ne connoissent ni nos colonies, ni leurs pro- ductions. Pour de plus grands détails sur ce sujet important, voyez pages 390 et suivantes du deuxième volume. des Nègres. 197 J’ai annoncé que je ne traiterois point chaque symptôme vénérien en particu- lier, parce qu’ils cèdent ordinairement aux moyens que j’ai proposés; il n’en est pas ainsi de quelques accidens vénériens inflammatoires, soit qu’ils fassent com- plication ou maladie principale. Je vais en rapporter quelques exemples. Lorsque une portion , ou la totalité du virus vénérien absorbé, au lieu de pénétrer dans le canal de l’urètre, s’ar- rête à la surface du gland , principa- lement aux glandes odoriférantes, et qu’il sort du prépuce une humeur jaunâtre, la maladie est appellée fausse gonorrhée\ elle laisse assez ordinairement au gland des excavations qui sont la suite des ulcères; elle est quelquefois non vénérienne; ainsi tout ce qui pourra y exciter inflamma- tion comme l’application des matières ir- ritantes, la malpropreté sera capable de la faire naître ; mais cela est très-rare chez les Nègres. Dans l’état ordinaire, ces glandes ne Maladies paroissent point, au lieu que dans ce cas? elles sont très-bien exprimées ; on y apper- çoit même quelquefois un petit trou du- quel sort l’humeur, quand on comprime la partie. La sensibilité est en raison du degré d’inflammation , et de la quantité de l’hu- meur qui en découle ; de la même ma- nière que les glandes des paupières four- nissent la chassie, lorsqu’elles sont en- flammées , et les glandes cérumineuses du méat auditif la dre. En Europe, cette espèce de gonorrhée est le plus ordinairement de peu de con- séquence, parce quel’écoulement termine la maladie. Il n’en est quelquefois pas de même dans les pays chauds ; l’humeur se répandant plus abondamment sur le pré- puce et le gland , y cause une inflamma- tion très-vive , un gonflement considé- rable , la fièvre est proportionnée à ces accidens, qui ne cèdent pas toujours aux saignées répétées, aux lotions, soit d’eau végéto-minérale ou de décoctions muci- des Nègres. 199 îagineuses, non plus qu’à l’application de la pulpe des racines et dés sommités de ces mêmes plantes. Dans ce cas, les ulcères chancreux qui sont à l’intérieur du prépuce , et à l’ex- térieur du gland, font des progrès ra- pides ; le prépuce resserre fortement le gland , au point qu’il est impossible de le découvrir ; on ne peut appliquer aucun remède sur les endroits malades : alors, le phimosis existe. Il arrive quelquefois que l1 inflammation gagne la peau exté- rieure du prépuce , et qu’elle s’étend même sur le corps de la verge. Dans ces circonstances, pour faire casser Vétranglement qui menace de gangrène , il faut absolument faire l’opération du phimosis ; il n’y a point à balancer, sans cela, le malade peut perdre la plus grande partie de la verge. Cette opération diffère de celle du phi- mosis ordinaire. La précaution que l’on prend pour éviter que l’incision ne s’é- tende jusques sur la peau qui couvre le 200 Maladies corps de la verge, est impossible dans ce- lui-ci , parce que la peau étant excessi- vement tendue, ne peut pas être retirée vers la racine de la verge : Ton a même beaucoup de peine k introduire , entre le prépuce et le gland , le bistouri k plat, garni d’une petite boule de cire k sa pointe ; alors, on est forcé d’y suppléer, en introduisant jusqu’au fond du pré- puce , une petite sonde canelée, bien huilée , dans laquelle on glisse la pointe d’un bistouri jusqu’a son extrémité. Il est essentiel que le dos de l’ins- trument soit bien appuyé sur le milieu de la canelure de la sonde, de manière qu’en élevant la pointe et le retirant k soi, en baissant le poignet, l’incision de la peau intérieure du prépuce se trouve exactement placée vis-k-vis celle de l’extérieur, et que leur section soit faite uniment et bien perpendiculairement Lorsqu’on n’a pas pris ces précautions, et que l’on a coupé en dédolant, l’un des bords de l’incision est renversé en-dedans, des Nègres. et l’autre en-dehors, ce qui mettant les houpes nerveuses à découvert, peut, dans certains cas, occasionner des accidens. Si l’on ne peut parvenir a introduire la sonde jusqu’au fond du prépuce , on est obligé de faire l’incision en deux temps, en observant quela seconde incision com- mence bien exactement où la première finit. Lorsqu’il n’y a point de dureté qui in- dique des chancres, quelques Auteurs prescrivent de faire cette section du pré- puce sur les côtés de la verge ; dans le cas présent où il est essentiel de mettre le gland bien à découvert, il vaut mieux faire l’incision à la partie supérieure du prépuce , sans s’embarrasser de couper quelques rameaux de la veine honteuse , il en résulte une espèce de saignée locale qui opère un dégorgement favorable. Quelques praticiens font cette incision avec des cizeaux mousses, peu matériels, en introduisant à plat, entre le prépuce et le gland, la branche qui a un petit Maladies bouton à son extrémité ; j’ai toujours préféré le bistouri, qui coupe avec beau- coup moins de douleur que les cizeaux , et qui ne mâchent point. Après que cette incision est faite , Ton découvre quelquefois des chancres con- sidérables , qui ont déjà rongé une partie de la peau intérieure du prépuce, et même du gland ; ce qui, pour les bien découvrir, met dans la nécessité de faire plusieurs incisions ; mais ces sections multipliées font un effet désagréable , en rendant le prépuce absolument difforme ; le traite- ment en est même beaucoup plus long 9 c’est pourquoi je me suis déterminé à faire l’opération de la circoncision , dans la- quelle il s’agit alors d’emporter le prépuce en entier : le gonflement des parties quel- quefois excessif, rend cette opération douloureuse, de quelque façon qu’elle soit pratiquée, et même un peu difficile, au moins de la manière dont je l’ai faite , h dessein d’épargner une partie des douleurs DES N E G K E S. 203 au malade, en évitant de me servir des dzeaux , le plus qu’il est possible. Cette opération consiste d’abord à cou- per circulairement, avec un bistouri, le prépuce à l’extérieur , sur la couronne du gland , de manière pourtant que l’inci- sion soit faite un peu plus près du gland que des corps caverneux , afin de couper en mêm temps, le plus qu’il est possible , des deux peaux du prépuce, sans endom- mager le gland. On achève ensuite l’opération avec les dzeaux ; un ou deux coups- de ce dernier instrument m’ont toujours suffi pour achever de séparer la peau intérieure du prépuce aux côtés du filet ; mais il faut être bien sûr de son malade , avoir un bon bistouri, et sur-tout une main bien exercée, habituée à se servir des instru- mens. On panse avec de la charpie sèche ; et s’il survient hémorragie , on fait faire une O / légère compression avec les doigts d’un aide ? sur les orifices des vaisseaux ou- 204 Maladies verts, on peut même y mettre un mor- ceau d’agaric ; mais le premier de ces moyens m’ayant toujours suffi, je n’ai pas été dans le cas d’employer le second. Après que l’hémorragie est arrêtée , on applique sur la charpie une emplâtre de styrax , et une compresse double en croix de malthe, percée dans son milieu pour laisser passer les urines, et imbibée dans une infusion tiède de fleurs de sureau et de guimauve , avec laquelle on arrose et on humecte l’appareil, deux ou trois fois le jour, quelquefois même davantage , suivant l’intensité de l’inflammation. Les vaisseaux ouverts n’étant pas consi- dérables , vingt-quatre heures après l’opé- ration, on lève l’appareil, avec attention d’ôter très-doucement la charpie, et de laisser même celle qui tient, jusqu’à ceque la suppuration soit établie ; alors, elle se détache facilement et tombe dans l’appa- reil : lorsque la suppuration est louable , je ne fais jamais ôter entièrement le pus de dessus les plaies en les essuyant, parce DES NEGRES. que cette méthode retarde beaucoup la guérison. Jusqu’à ce que la suppuration soit bien établie , on panse avec des plumasseaux garnis de digestif simple, fait avec le jaune d’œuf, la térébenthine et l’huile de lys à laquelle on supplée par toute autre huile douce ; on anime même les digestifs avec la teinture de mirrhe et d’aloès ; dans la suite , lorsque les chairs s’élèvent, on y mêle la poudre d’alun calciné, le préci- pité rouge ; on les réprime aussi quelque- fois avec la pierre infernale pour faire une bonne cicatrice. Dès que les accidens inflammatoires sont dissipés, on fait usage de la solution de douze grains de sublimé,sur une pinte d’eau , à la dose d’une cuillerée à café par jour j on peut même prescrire les frictions avec la pommade mercurielle à petite dose , de la manière qui a été prescrite : on panse alternativement les chancres avec le cérat de saturne et les digestifs escaro- Maladie? tiques ; ils achèvent de se cicatriser avec la pommade citrine. Il arrive quelquefois que le prépuce n’est pas si serré qu’il ne puisse être ra- mené derrière la couronne du gland ; dans ce cas, il faut bien prendre garde de ne le pas forcer, car souvent il se resserre derrière la couronne du gland, où il fait plusieurs bourlets très - douloureux , qui occasionnent des accidens graves : la maladie est alors appelée paraphymosis , c’est l’opposé de la précédente. On fait usage , comme dans le phy- mosis, de saignées, de fomentations, de cataplasmes, pour ramollir , relâcher et détendre , afin de pouvoir ramener le prépuce sur le gland. On fait, toutes les trois ou quatre heures de douces tentatives, en changeant chaque fois les cataplasmes ; et si, après quelques essais on s’apperçoit que l’on travaille en vain, on en vient en fin à l’opé- ration ; les scarifications, même pro- fondes , étant toujours insuffisantes, le des Nègres. seul moyen sûr de débrider l’étrangle- ment , et de faire cesser les accidéns , est de passer la pointe d’un bistouri un peu courbe , sous chaque bourlet, en ap- puyant le dos de l’instrument contre la verge , et de couper entièrement le bour- let en levant la pointe du bistouri : il est encore plus simple de faire bien perpen- diculairement l’incision par-dessus. S’il y a plusieurs bourlets ? 011 les coupe tous de l’une ou de l’autre manière , les uns après les autres , jusqu’à ce qu’il ne reste plus de corde transversale qui serre le col de la verge : on ramène ensuite le prépuce sur le gland ; on fait le premier pansement avec de la charpie sèche , une emplâtre de styrax, une compresse double, trempée dans quelqu’infusion de heurs anodines ; enfin , 011 se conduit suivant l’intensité de l’inflammation, comme il a été expliqué pour le phymosis. Malad ies DE LA GONORRHÉE o u CHAUD E-P I S S E, VULGAIREMENT DITE TOMBÉE DANS LES BOURSES. CHAPITRE VI I. Il s’en faut de beaucoup que cette dé- nomination soit exacte, je ne m’en ser- virai que pour me conformer à l’usage* Cette maladie survient le plus ordi- nairement, lorsque l’humeur de la gonor- rhée diminue tout-à-coup considérable- ment , ou qu’elle se supprime en totalité ; alors, le cordon des vaisseaux sperma- tiques se gonfle, ainsi que l’épididyme, et le testicule de l’un ou des deux côtés ; ces parties deviennent douloureuses, et s’enflamment en proportion de la quan- des Nègres. 209 tité et de l’âcreté de l’humeur supprimée. L’exercice du cheval, les liqueurs fortes, les excès avec les femmes, et plüs encore chez les Nègres que chez les Blancs, la négligence de porter un suspensoir , sont les causes qui déterminent le plus souvent la suppression de Thumeur de la gonor- rhée, le gonflement et l’inflammation de ces parties. Cette maladie est quelquefois très-sé- rieuse ; l’inflammation fait alors des pro- grès si rapides, qu’elle peut se terminer par gangrène, mais cela arrive rarement, encore est-ce lorsque le malade n’a pas été secouru à temps. La voie de la réso- lution est celle que l’on doit tenter ; la suppuration se fait très-difficilement dans le corps du testicule ; elle est dangereuse, mais heureusement très-rare. Il n’en est pas de même du squirre de cette partie , sur-tout si la maladie a été mal traitée ; alors, il n’est que trop commun d’être obligé d’en venir à la castration. La fièvre survient ainsi que la soif, et Maladies la chaleur de la peau ; on ne doit pas , dans ce cas, ménager les saignées, que l’on fait cependant en proportion des ac- ddens, de l’intensité de l’inflammation, et du tempéramment du malade. On a pour objet de faire reparoître l’écoulement, de rappeler la gonorrhée k son premier état y pour cet effet, on prescrit des tisanes adoucissantes de graine de Un ou de fleurs pectorales; on fait prendre aussi, selon les circonstances, deux ou trois bols par jour, chacun de quatre grains de camphre, et huit grains de nitre ; on applique sur les parties , des cataplasmes de farine de lin ou de pulpe d’herbes émollientes, à quoi on ajoute une poignée de camomille et de mélilot, afin de modérer un peu leur propriété re- lâchante; le plus souvent, je donne même la préférence aux cataplasmes de mie de pain et d’eau végéto-minérale ; on a soin de les renouveller de trois en trois heures. Par ces moyens, les symptômes inflam- matoires disparoissent 7 et l’écoulement DES N i GRES. revient. Il seroit alors dangereux de con- tinuer les cataplasmesémolliens , qui pour- roient faire dégénérer la maladie en squirre ; la texture du testicule fait aussi que l’on ne retire que peu ou point d’avan- tage des bains. Les douleurs cessées, le malade pren- dra la solution du sublimé k très-petite dose, et avec les mêmes précautions que dans la gonorrhée ordinaire ; on fait aussi de très-petites frictions sur le testicule, même sur le périnée et les aines , avec l’onguent mercuriel , qui augmente mer- veilleusement l’écoulement. Il ne faut em- ployer qu’un gros de pommade dans quatre ou cinq jours, de sorte que ce soit plutôt des illinitions que des frictions ; enfin , lorsque le testicule est bien dimi- nué, on y applique une emplâtre de dia- cbylon et de devigo, à parties égales ; on l’enveloppe même quelquefois avec un morceau de peau de mouton, et le ma- lade continue de porter, pendant long- Maladies temps un suspensoir, afin de prévenir le squirre de cette partie. Lorsque faute d’avoir pris ces précau- tions , ou par d’autres causes , le cordon des vaisseaux spermatiques est devenu variqueux , le testicule et l’épididyme squirreux, et que l’on a épuisé sans succès toutes les ressources que l’art prescrit, on est forcé de faire l’opération de la tion. Le poids du testicule , l’engorgement du cordon , déterminent quelquefois des élancemens dans le squirre de cette partie, et font dégénérer la maladie en cancer ; dans ce cas, il faut absolument faire l’ex- tirpation du testicule , encore faut-il bien prendre garde que les varices du cordon ne montent pas jusqu’à l’anneau de l’o, blique externe, ou même jusques dans le ventre, car alors l’opération ne pou- vant réussir , on est forcé d’abandonner le malade au progrès de ses maux. Ces distinctions faites, et la castration des Nègres. déterminée, on opère suivant la méthode enseignée par M. Antoine Petit. Quoique les bornes que je me suis prescrites dans cet Ouvrage ne me permettent pas d’en- trer dans les détails que cette opération exige , je la rapporterai cependant ici en abrégé. 213 Après avoir pincé en travers les tégu- mens, un peu au-dessous de l’anneau des muscles du bas-ventre , on y commence l’incision , qui se divise de haut en bas , à droite et à gauche du testicule, de ma- nière que les deux arcs qu’elle forme, se réunissent à la partie supérieure comme à l’inférieure. Ensuivant ces incisions, on emporte toute la portion des bourses qui recouvre le testicule que l’on sépare de la cloison du scrotum ; et après avoir déta- ché le cordon, on le coupe deux travers de doigt au-dessous de l’anneau de l’o- blique externe , à moins que les varices ne s’étendent plus haut, car alors la section doit être faite au-dessus. Le célèbre M. Antoine Petit a , le pre- Maladies mier, démontré les inconvéniens de la ligature du cordon des vaisseaux sperma- tiques ; il se contente de relever l’extré- mité du cordon , de faire comprimer , pendant quelques heures, par un aide, les orifices des vaisseaux, et de panser mol- lement avec de la charpie ; cette méthode est de lui, il a eu plusieurs occasions de la pratiquer, et toujours avec le plus grand succès ; on évite, par ce moyen, une foule d’accidens occasionnés par la liga- ture , et qui ne conduisent que trop sou- vent les malades au tombeau. Il y a très- peu de parties dans l’art de guérir, que ce savant Médecin n’ait éclairées ou per- fectionnées \ M. Antoine Petit est vrai- ment l’ami, le bienfaiteur de l’humanité. des Nègres. 215 DES DIFFICULTÉS D’URINER, Produites par les ulcères et les brides de Purètre , à la suite des gonorrhées. CHAPITRE VIII. -A. près la suppression de l’écoulement de là gonorrhée, et principalement lors- que l’inflammation s’est étendue jusqu’à la glande prostate, on éprouve quelque- fois des difficultés insurmontables de rendre ses urines. Les efforts que l’on fait pour vuider la vessie , donnent lieu à des extravasations qui forment des dépôts y des fistules dans les parties voisines; la fièvre lente peut survenir , consumer peu à peu le malade, et le conduire au tom- beau. Quelquefois aussi le canal de l’urètre est rétréci par les cicatrices d’anciens ul- Maladies cères qui forment des brides, ou même par des ulcères calleux qui empêchent la verge de s’élever dans le temps de l’érec- tion j il arrive encore que le vérumonta- num se tuméfie , et que la prostate devient squirreuse. Les malades dans cet état, après quel- ques minutes d’efforts, rendent peu ou point d'urine, quelquefois elle ne sort que goutte à goutte , ou ne forme qu’un petit filet ; et lorsque le prépuce est re- tiré , elle se répand sur le gland ; d’autres fois elle se bifurque en sortant ; le canal de l’urètre s’affecte dans toute sa lon- gueur , il en sort une matière épaisse, jau- nâtre ou verdâtre , à-peu-près semblable à celle de la gonorrhée, avec cette diffé- rence qu’elle n’est point brûlante, comme dans cette maladie ; on éprouve , au pé- rinée , un sentiment de mal-aise et de pe- santeur , que l’exercice augmente. Ces accidens arrivent le plus commu- nément dans les gonorrhées qui occupent une grande étendue, et sur-tout , lors- des Nègres. 217 qu’elles ont été mal traitées ; d’où suivent des irritations , des congestions , ?des ul- cères , des fistules ; maladies très-difficiles à traiter. La difficulté d’uriner peut venir aussi d’une pierre dans la vessie, alors, le pre- mier jet de l’urine se fait aisément, mais elle cesse de couler aussi-tôt; au contraire , dans les cas précédens, le premier jet se fait très-difficilement, mais ensuite l’urine coule avec une sorte de facilité ; dans le premier càs, les envies d’uriner sont fré* queutes ; il sort souvent du sang avec les urines, sur-tout si on s’est donné du mou- vement , et que le corps ait été secoué : la même chose n’arrive pas dans l’autre cas, où le jet de l’urine est très-fin , principa- lement s’il y a des carnosités ; alors l’écou- lement est abondant, comme dans les ma- ladies dupilore, chez les buveurs, qui devient squirreux, et enfin carcinoma- teux ; il se forme de même au col de la vessie, dans ce cas, des végétations char- nues , d’où sort une matière purulente. Maladies Quand l’obstacle est à trois ou quatre travers de doigt du bout de la verge, qu’on y ressent de la douleur, et qu’il se fait un écoulement de matières ver- dâtres , il existe alors un ulcère chancreux ; lorsqu’on ne ressent point de douleur , et qu’il ne se fait aucun écoulement , c’est une ou plusieurs brides qui font la mala- die : enfin , lorsqu’on ne peut passer le vcramontanum avec l’algalie, sans faire sortir du sang , ce sont des carnosités. Il s’agit, dans tous ces cas, d’introduire une bougie dans l’urèrre, et de la pousser jusques dans la vessie ; cela n’est pas tou- jours aisé , principalement lorsque la ma- ladie a pour cause l’engorgement de la prostate, ou que les cicatrices font des espèces de digues dans le canal \ alors , on commence par introduire une bougie très-petite , on enduit son extrémité la plus grêle, d’abord avec un mélange de suif et de cire blanche, ou avec le beurre de cacao et l’onguent de la mère ; en- suite avec l’égyptiac ou le cérat de Sa- des Nègres. 219 turne ; on emploie même, dans les carno- sités, des onguents susceptibles de répri- mer doucement les chairs mollasses et fon- gueuses. On présente d’abord la bougie toute droite , ensuite, à mesure qu’on lève le gland, il faut élever aussi le gros bout de la bougie , et faire quelques petits mouve- mens k droite et à gauche, afin de rendre l’introduction plus aisée \ lorsqu’on trouve des obstacles susceptibles de faire plier la bougie en la poussant, on s’arrête un ins- tant ; on continue ensuite cés tentatives, jusqu’a ce que la bougie ait franchi la dif- ficulté , et que son extrémité soit parve- nue dans la vessie. L’introduction de la bougie se fait d’abord le matin et le soir , ensuite on la laisse pendant la nuit dans le canal qui s’accoutume ainsi peu-k-peu à la soutenir ; il se dilate, et on parvient k rendre le premier jet des urines plus aisé ; elle ne sort plus par filets, et son passage devient libre: on observe cependant quelaglande 220 Maladies prostate ne se dégorge jamais entièrement. La glande prostate se traite de la même manière que les carnosités; dans tous ces cas, Ton prend garde de ne pas rendre caustiques les bougies, car on courroit risque de faire dégénérer la maladie en cancer du col de la vessie : je répète qu’il faut toujours que les bougies, à chaque fois qu’on les introduit, soient enduites de substances très-douces. Il y a plusieurs espèces de bougies : mais je crois que les meilleures sont celles de Goulard , dans lesquelles entrent l’extrait de Saturne , la cire blanche , le suif et la térébenthine ; on pourroit même y mêler le diabotanum ou autres substances, sui- vant le degré d’activité qu’on voudroit leur donner ; ces drogues mêlées et liqué- fiées , de manière que l’ensemble ne soit ni trop épais, ni.trop liquide, ni trop chaud , ni trop froid ; on prend du linge fin que l’on trempe dedans , après quoi on le coupe en forme de pyramide, que l’on roule en commençant par un (de ces des N i g r Ë S. côtés : ces bougies ainsi formées doivent être passées sur le porphire ou sur le marbre, afin de leur donner le poli né- cessaire : les bougies sont bien faites, dès que leur extrémité est bien lisse, etqu’elles augmentent par une gradation insensible dans toute leur longueur. Si l’on juge que les accidens sont en partie produits par le virus vénérien, le malade prendra , aussi-tôt qu’il commen- cera à uriner librement, du mercure en très-petite quantité par les frictions, ou bien , comme nous l’avons expliqué ail- leurs , il usera, à la dose d’une cuillerée à café par jour, de la dissolution de douze grains de sublimé dans une pinte d’eau , ou le rob de M. Laffecteur. Par ces moyens, le malade va de mieux en mieux , à moins qu’il ne monte à che- val , ou qu’il ne fasse des excès avec les femmes, car alors le mal revient, et il faut aussi-tôtreprendre l’usagedesbougiesbien enduites, et sur-tout pendant la nuit. Il arrive cependant quelquefois que les Maladies malades, sans s’étre livrés k aucun excès, voient leur mal revenir , mais cela est très-rare. A force de patience, avec l’ad- ministration des mêmes secours réitérés, ils guérissent de nouveau : on prescrit un régime adoucissant, en recommandant sur-tout de prévenir le plus qu’il est pos- sible les érections. DES NÈGRES. DES DÉPÔTS Qiù se. forment au Périnée , à la suite des Gonorrhées. CHAPITRE IX. Le dépôt est une tumeur chaude, ten- due , qui excite la fièvre , et cause des pointillemens douloureux., desélancemens très-vifs ] ce mal survenant au périnée , à la suite d’une chaude-pisse mal traitée, revient ordinairement, pour peu que les malades s’exposent de nouveau: il conduit même quelquefois au tombeau ceux qui ne font pas trêve k leurs débauches. La cause prochaine vient de ce que Furine ne pouvant passer dans le canal, irrite le col de la vessie, et y forme des congestions inflammatoires : souvent elle produit de si grandes distensions, que Maladies l’urètre ne pouvant plus prêter, est obligé de se rompre au-dessus de l’obstacle, alors l’urine s’infiltre dans le tissu cellulaire de l’urètre : elle passe d’une vésicule à l’autre, irrite les nerfs, produit des constrictions, des spasmes, des inflammations, enfin , des dépôts. La chaleur et la pesanteur du périnée augmentent, quand l\urine veut sortir, elle coule par le petit trou qu’elle a formé à l’urètre ; les fibres se distendent par l’â- creté et l’abondance de l’urine : la tumeur du périnée s’élève, la peau devient d’un rouge cuivré chez les Nègres, et on y ap- perçoit un petit cercle de la même cou- leur (i) : la fièvre qui a augmenté en pro- portion des autres accidens, est alors ex- cessive. La fréquence et la dureté du pouls sont considérables : dans les grandes dou- leurs , il est même enfoncé et serré en pro- portion de leur intensité. Ci) Chez les Blancs} la tumeur est rouge et le cercle blanchâtre. Vers des Nègres. Vers le milieu de la tumeur, on sent une petite fluctuation, qui se manifeste davantage quand on fait des efforts pour uriner ; le sac se crève quelquefois de lui- même ; mais il est rare, dans ce cas, que l’ouverture soit assez grande pour laisser passer les matières sanieuses qui ont sou- vent fusé fort loin. J’ai cependant vu des malades chez les- quels une grande suppuration détruisoit quelquefois les brides et les digues qui s’oppqspicnt à la sortie des urines, par ce accidens diminuer peu-k-peu , et les malades uriner aisément, le reste de leur vie ; mais très-souvent les dépôts oc- casionnent des fistules, il n’est même pas rare de voir le périnée se délabrer , et s’y former cinq a six clapiers, d’où l’urine sort comme d’une espèce d’arrosoir. Le passage continuel des urines entretient la suppuration : le malade tombe dans le ma- rasme , dans une atrophie épouvantable , enfin , il se consume par la fièvre lente. Je distingue quatre cas dans ces sortes Maladies de dépôts ; le premier et le plus favorable est celui où le dépôt commence ; le se- cond , où il est formé ; le troisième, est celui de la fistule ; dans le quatrième enfin, il y a plusieurs clapiers. Le premier de ces cas est une vraie inflammation ; il s'agit de s’opposer à la suppuration : à cet effet, on saigne deux , trois , et même quatre fois le pre- mier jour ; on prescrit une diète humec- tante , l’application des cataplasmes ano- dins, des vessies remplies de lait,, ou autres liquides adoucissant. La'lituition la plus convenable au malade est d’être placé dans un lit, la tête basse , les reins un peu plus élevés, et les jambes écartées ; les boissons adoucissantes, telles que le petit-lait, larglssimo haustu , l’infusion de fleurs pectorales , etc., sont les secours les plus pressans et dtont on doit attendre un bon effet \ l’on sollicite , par Quelques légers laxatifs, des évacuations par les selles ] et lorsque le malade se trouve pressé par le besoin de rendre ses urines, il coin- des Nègres. prime doucement la tumeur; si , malgré tout cela, l’abcès se forme, on en fait promptement l’ouverture ( ce qui, en gé- néral , est le contraire des autres abcès), attendu que ces parties ayant beaucoup de tissu cellulaire , l’urine fuse et dissèque quelquefois jusqu’à l’intestin rectum. Le centre de la fluctuation est presque toujours vers le fondement ; et le trou par où sort la matière épanchée est ordi- nairement plus et du côté du pubis. Faites une grande incision , n’épargnez pas les tégumens (1), pansez avec de la (1) En 1768, le vaisseau la Paix, de la Compa- gnie des Indes, sur lequel étoit embarqué l’équi- page de V Adour-, autre bâtiment delà Compagnie, arriva à l’Isle-de-France, avec presque ce double équipage sur les cadres. Le vaisseau auroit péri à la mer, si la traversée eût été plus longue. Ces malheureux étoient attaqués du scorbut qui leur avoit excessivement relâché les tégumens , et sur-tout ceux de la verge et du scrotum. Plusieurs d’entr’enx avoient les bourses qui leur descendoient jusqu’au-dessous des parties moyennes des cuisses; la verge s’étoit aussi infiltrée , et son 228 Maladies charpie sèche ; et pour mieux découvrir le mal, le lendemain, avant de lever Tap- Volume étolf;également excessif; chez le plus grand nombre , ces parties s’enflammèrent, et il leur sur-* vint des dépôts gangreneux, qui détruisirent toutes les membranes communes des testicules : la plupart des escarres s’étendoient jusqu’au gland, au pré- puce et à l’urètre ; ces escarres séparées , l’urine sortoit de ce canal comme d’une espèce d’arrosoir , et s’épanchoit dans le tissu cellulaire ; son exces- sive âcrelé faisoit beaucoup souffrir les malades. Les symptômes du scorbut cédèrent aux bouillons de tortue et des plantes crucifères ; la grande pro- preté que j’avois soin de faire observer dans les pansemens, le renouvellement de l’air et tout ce qui pouvoit le rendre plus salubre,y contribuèrent aussi beaucoup. Dès que les parties détruites furent séparées et les douleurs un peu calmées par la diminution de l’âcreté de l’humeur, je m’occupai de rétablir le cours des urines et de leur donner la direction qu’elles doivent avoir ; à cet effet, j’introduisis des bougies creuses jusques dans la vessie ; il se fit des espèces de végé- tations ; les bourgeons se rejoignirent, et peu-à-peu , nous eûmes la satisfaction de voir nos malades gué- rir et uriner comme auparavant. M. Dépôt, Chi- rurgien, Aide-Major de cet Hôpital, homme très- instruit , m’aida beaucoup dans cette besogne : le zèle, les soins et l’intelligence de M. Fsécane , Cid- des Nègres. pareil, j’engage le malade à retenir un peu ses urines, afin que , lors du panse- rurgien , sous-Aide-Major, nous furent aussi fort utiles ; le nombre des blessés étoit si grand, que leur pansement durcit depuis le point du jour jus- qu’au coucher du soleil, c’est-à-dire, que le pan- sement de tous les blessés étoit ù peine fini, qu’il falloit recommencer celui des blessés dont la suppu- ration étoit assez abondante pour exiger deux pan- semens par jour ; enfin, nous avions si peu de temps à nous, que, pendant plusieurs jours, je fus obligé de prendre mes repas à PJIôpitai et de n’en pas sortir. Quelques-uns de ces malades, parmi lesquels se trouvoit unBosseman, a voient perdu la plus grande partie du gland et du prépuce, mais presque tous d’un côté seulement, de manière que la verge étoit fort inclinée d’un côté et même courbée à son ex- trémité , sur-tout dans les érections, ce qui rendoit la sortie des urines difficile et l’éjaculation impos- sible. Ces difformités sont l’une et l’autre très-fâ- cheuses , la dernière sur-tout les atrligeoit cruelle- ment. Je fis des incisions transversales sur les parties qui, par leur contraction, faisaient incliner la verge plutôt d’un côté que de l’autre. J’introduisis dans l’urètre un morceau de bougie de quatre travers de doigt de longueur , dans le milieu de laquelle étoit placé un tuyau de plume a.écrire 5 je les leur faisois Maladies ment, je puisse mieux découvrir les lieux où elle a basé ; elle sort quelquefois par garder jour et nuit, et maintenir la verge en situa- tion. Par ces moyens , la sortie des urines et l’éjacula- tion se firent comme auparavant. J’avoue que ces succès m’ont flatté infiniment. Ce n’est pas ici le lieu de parler de l’ordre que j’avois établi dans les pansemens des blessés de cet Hôpital, et de la ma- nière dont les Chirurgiens faisoient leur service. Je dirai seulement que l’humanité y étoit prompte- ment secourue; j’aurai occasion de démontrer ail- leurs les avantages que retirent les blessés d’être pansés en présence du Chirurgien-Major. Cette inflammation gangreneuse du scrotum et de la verge n’est point un accident ordinaire dans le scorbut, maladie qui a pour cause principale une mauvaise nourriture, des alimens albalescens, plu- tôt que l’air Iroid et humide, que le plus grand nombre des Auteurs regarde comme cause majeure du scorbut, sans laquelle, disent-ils, les autres causes rcsteroient sans effet. Il faut que ces Auteurs aient ton jours voyagé dans le Nord ; qu’ils n’aient pas eu occasion d’ob- server le scorbut sons l’équateur où il fait des pro- grès rapides , et parcourt très-promptement ses pé- riodes ; dans les mers froides, au contraire, il agit pins lentement , il y est même le pins souvent compliqué avec d’autres maladies qui l’empêclient DES NÈGRES. 231 ]ets, à l’aide d’une sonde cannelée ÿ on suit facilement les endroits où l’urine s’est presque toujours de parvenir à son troisième degré : les descriptions qu’ils nous ont données de ce fléau des Marins j n’ont sans doute été faites que d’après les courtes traversées en-decà de la ligne, pendant lesquelles les équipages éprouvent rarement le scorbut. J’ai été chargé du traitement d’un grand nombre de scorbutiques dans des climats très-froids et dans les pays les plus chauds. Ce que j’avance est d’après ma propre expérience. Sous la ligne, Pair est ex- cessivement chaud, comme tout le monde sait; malgré cela , ceux qui y ont traité des scorbutiques , ne seroient pas plus fondés à regarder Pair chaud et humide comme cause majeure du scorbut, que ne le sont ceux qui ont voyagé'dans le Nord, à soutenir que c’est un air froid chargé d’une très- grande quantité de particules aqueuses : l’une et l’autre de ces causes, différentes selon les climats , ne font que développer et mettre , plus ou moins promptement, en action l’alkalescence des hu- meurs , et leur dégénérescence produites, dans le premier cas, par des alimens salés.,, et dans le se- cond ,, par une nourriture insuffisante pour la répa« ration des pertes du corps et le renouvellement des humeurs. Kn 17,57 , j’étois à l’Isle-Royale embarqué sur le vaisseau le Glorieux, de Pescadrç commandée par Maladies insinuée 5 c’est presque toujours en re» montant vers la racine du scrotum. Si M. Dubois de la Motlie. L’équipage de ce vaisseau fut très-maltraité par le scorbut, qui sévit [presque sur tous les Matelots et Soldats. Ceux qui purent se procurer des alimens frais, sur-tout des végé- taux en furent exempts : il n’y eut pas un seul Officier, ni un seul Chirurgien scorbutique à bord de ce vaisseau ; les maladies n’attaquèrent ces der- niers que lorsque les lièvres putrides et malignes se joignirent au scorbut, et que la contagion se ré- pandit dans toute l’armée 5 d’où l’on voit que la misère, les alimens altérésj corrompus, et sur- tout les viandes salées sont les causes principales du scorbut. X.a maladie terrible dont je viens de parler, et qui attaqua le double équipage du vaisseau la Paix , en est une antre preuve convaincante. Plusieurs personnes de cet équipage m’ont assuré que cette maladie avoit pour cause l’usage des eaux saumâtres des puits de Pondichéry, au lieu de celles d’Onl- garet, que l’on a coutume d’embarquer, qui sont bonnes, et éloignées de trois quarts de lieues: on les fait venir moyennant 4 liv. 16 sols pour chaque pièce d’eau, c’est-à-dire , quatre banques : cette économie ayant manqué de faire périr ce navire à la mer, faute de monde , l’on ne sauroit trop re- commander aux capitaines des vaisseaux,de veiller des Nègres. 233 vous vous appercevez que les sinuosités s’étendent beaucoup plus loin , il est né- cessaire de prolonger rincision ; car il peut arriver que l’inflammation fasse de si grands progrès, qu’elle gangrène ces mêmes parties, même jusqu’aux testicules. On panse le malade avec le baume d’arceus, le jaune - d’œuf et la térében- thine; peu à peu on introduit dans l’u- rètre, une algalie qu’on y maintient pen- dant tout le traitement , et que l’on change de temps en temps. Lorsque le mal est nouveau, on peut espérer que tout ira bien: on commence par se servir d’une petite algalie flexible telle , par exemple, que celles dont on se sert pour les enfans de six a sept ans; quelquefois exactement à ce que l’on embarque toujours les meilleures eaux. J’auroîs plusieurs autres exemples semblables a rapporter sur les causes du scorbut ; mais les bornes de cet Ouvrage ne me permettent pas d’en placer ici les détails 5 j’en parlerai dans mes Observations sur les maladies des Blancs dans les Colonies, Maladies elle s'arrête, alors on examine quel peut être l'obstacle, et il suffit le plus souvent d’incliner un tant soit peu Talgalie à dro ite ou à gauche pour la faire entrer, autrement on lui substitue des bougies creuses. Quand on est parvenu jusques dans la vessie, on bouche l’algalie avec une éponge ou un petit morceau de liège fixé par le moyen d’un fil que Ton fait passer en sous cuisse; enfin on soutient les draps ( I ) avec des cerceaux pour donner au malade la liberté de se re- tourner dans son lit. (i) II. est bon d’observer que quoiqu’il ne soit point d’usage dans les Hôpitaux de donner des draps aux Nègres malades, j’ai eu Faitenllon de leur en faire‘fournir malgré les contrariétés de quelque per- sonnes mal intentionnées, bien persuadé que celle portion de l’espèce humaine, quoique d’une cou- leur différente de la notre, n’en mérite pas moins les soins et la vigilance du Médecin. Par ce moyen, j?ai eu la satisfaction de conserver an Roi un grand nombre de Nègres, principalement ceux dont les maladies se Icmnnoierf par la transpiration, et cela sans qu’il en ait coule un. sol de plus en frais d’ad- jïûmstralion. des Nègres. Mais lorsqu’il arrive que l’algalie ne peut être introduite, parce que les ca- losités sont trop considérables, on tra- vaille à les détruire, en y introduisant une petite bougie; on met ensuite le ma- lade au lait pour toute nourriture; et dès que le canal est libre, 011 substitue l’algalie à la bon oie. CD cJ Après avoir bien examiné l’état du périnée, on détruit les fungas avec les escarrotiques, même avec la pierre infer- nale ; il faut chercher et suivre les clapiers qui se détruisent par les caustiques. On fait un grand ulcère, et par ce moyen les calosités disparoissent , même celles des bords de l’ouvertureidu canal de l’u- rêtre; peu à peu il croît des bourgeons charnus qui se confondent avec la mem- branne de l’urètre régénérée, et il se fait une cicatrice. Il faut user de bien des précautions pour conserver cette cicatrice qui se rompt quelquefois, car les membranes lézées ne se consolident jamais parfaitement; lepé- 236 Maladies ritoine,k l’endroit de la gastroraphie, ne se trouve jamais bien réuni; c’est pour- quoi il est absolument essentiel d’ob- server le régime le plus scrupuleux ; le mal revient-il, vite la sonde dans l’u- rètre, pour conserver toujours un passage- an x urines. Si l’on soupçonne qu’il existe encore un vice vénérien, on le détruit de la manière et avec les précautions déjà in- diquées , en observant que le mercure doit être administré à très-petite dose; dans cette circonstance, on a trop sou- vent passé les malades par les remèdes. Les préparations mercurielles qui ne doi- vent point être négligées dans le trai- tement des gonorrbées, dès que les acci- dens inflammatoires en permettent l’u- sage , sont souvent inutiles dans ce cas; elles ne peuvent en effet débarrasser le canal des cicatrices et des brides que les gonorrhées laissent après elles, principa- lement lorsqu’elles sont la suite du mau- vais traitement» des Nègres. DE L’OPHTALMIE VÉNÉRIENNE. CHAPITRE X. Lorsque la gonorrhée se supprime subitement, il survient quelquefois aux yeux un prurit qui bientôt se change en douleur inflammatoire très-marquée; les paupières s’épaississent, il peut même ar- river qu’elles se renversent en-dehors, alors les vaisseaux répandus sur le globe de l’œil sont rouges et très-apparens, la conjonctive devient inégale , excepté dans l’endroit de son union avec la cor- née, ce qui fait paroître cette dernière comme placée dans un fond: on ne sup- porte la lumière qu’avec peine; quelque- fois la douleur s’étend jusqu’à la tête; elle est même lancinante et ordinairement accompagnée de beaucoup de fièvre. 238 Maladies On distingue deux espèces d’ophtalmie vénérienne j dans Tune la, conjonctive souffre seule ; dans l’autre il n’y a que les paupières de malades. La cause ma- térielle est le transport de l’humeur de la gonorrhée, la cause prochaine est l’in- flammation de la conjonctive ou des glandes ciliaires et lacrymales, quelque- fois même des unes et des autres de ces parties en même temps, d’où la matière découle principalement du côté du grand angle de l’œil Cette matière est d’abord très-abon- dante, un peu claire, ensuite elle s’épaissit et devient jaunâtre ou verdâtre, chaude, brûlante, comme celle qui sort par la verge dans la gonorrhée. L’ophtalmie vénérienne ne survient pas ordinairement dans la vérole véri- table, peut-être parce que le virus est répandu , à - peu - près également dans toutes les parties du corps, au lieu que dans la gonorrhée supprimée, la matière subitement repercutée peut se porter sur DES NEGRES. 239 les yeux et y causer une ophtalmie; ce transport peut se faire aussi quelquefois sur l’articulation de la cuisse, principa- lement le long du nerf sciatique ; et y causer la goûte sciatique. Cette ophtalmie vient plus prompte- ment que le chanosis ordinaire, et par- court aussi plus vite ses périodes; dans le chanosis les larmes sont claires ; dans cette espece d’ophtalmie, au contraire, il coule une matière très - abondante , épaisse et très-âcre. Ce mal est si grave et si opiniâtre, que pour le guérir, on est quelquefois obligé d’en venir â l’opération. Lorsque la ma- ladie attaque les paupières, il survient quelquefois des petits ulcères aux tarses, qui font tomber les cils, détruisent même leurs bulbes, et les empêchent de revenir. La première indication qui se présente à remplir, est de rappeller l’écoulement des parties naturelles; â cet effet, on pres- crit les saignées du bras et du pied, repé- rées dès les premiers jours de l’ophtalmie; Maladies plus tard , elles seroient non-seulement inutiles, mais elles jetteroient encore le malade dans l'affaissement. Dans les mêmes vues, on fait usage de boissons adoucissantes, telles que Peau de veau, le petit-lait, et les infusions de fleurs pectorales ; on prescrit aussi plu- sieurs lavemens émoliens, afin de relâcher le sphincter de l'anus; je me suis aussi très-bien trouvé de deux ou trois bols par jour, composés chacun de quatre grains de camphfe et huit grains de nitre. Les bains entiers sont contraires, parce que pendant l'immersion, il se porte beau- coup de sang à la tête. Il n'en est pas ainsi des pédiluves, mais on doit em- ployer Peau aussi chaude que les pieds peuvent la supporter, afin d'attirer sur les parties basses, une quantité de sang assez considérable pour soulager d'autant les parties hautes : cette immersion doit être d'une demi - heure , même d'une heure, et se répéter au moins deux ou trois fois le jour. des Nègres. 241 Parmi le grand nombre de collyres que l’on emploie dans l’ophtalmie, celui qui m’a constamment réussi (1) est fait avec huit grains de vitriol blanc, dans quatre onces d’eau; il faut en laisser tomber plu- sieurs gouttes dans l’œil, même le rouler tD 7 dans une petite baignoire remplie de cette liqueur , et en imbiber des compresses doubles que l’on applique dessus le globe dans les intervalles des pansemens. Dès que la fièvre a cessé, et que les autres accidens inflammatoires sont di- minués, on administre le mercure, soit par les frictions, jdu par la voie de la solution du sublimé corrosif, de la ma- nière qui a été prescrite plus haut, mais à une dose très-foibîe, pour éviter que ce minéral ne porte à la bouche. On ne doit point employer les cata- plasmes et les décoctions émollientes (2) qui, en relâchant les vaisseaux de l’oeil. (î) Excepté lorsque la maladie est dégénérée. (2) A la Gujanne, en 1764, ü y eut un très- grand nombre de personnes attaquées en même Maladies et particulièrement ceux de la conjonc- tive, augmentent en proportion leur en- temps de l’inflammation des yeux. On confia leur traitement à un Oculiste qui ne connoissoit d’autres remèdes que les relâchans; quelques malades en per- dirent la vue, ce qui obligea les chefs de l’adminis- tration à défendre à cet Oculiste de traiter aucune ophtalmie. L’inflammation subsista tant que l’application des émoliens fut continuée ; il y eut plusieurs malades chez lesquels la conjonctive devint fort épaisse, et en quelque sorte semblable à une chair rougeâtre assez consistante. Cet Oculiste avoit une bonne main ; il fit plusieurs fois l’extirpation des vaisseaux vari- queux de cette membrane qu’il détruisoit en partie 5 mais comme il n’avoit aucun principe en médecine, il continuoit l’application des émoliens, et les acci- dent recommencoient comme avant l’opération. Cela est arrivé à mon digne et respectable ami M. Derique, auquel M. de Turgot gouverneur et son parti, ont fait subir quatorze années de la plus injuste et de la plus affreuse détention. La passion ne raisonne point dans son aveugle- ment; elle frappe l’homme Vertueux comme le cou- pable. M. Derique qui a tant fait de sacrifices pour les pauvres orphelins de cette Colonie, en est une preuve trop affligeante pour les âmes sensibles et les cœurs vertueux. Les administrateurs firent assembler les gens de l’art, je fus du nombre; nous jugeâmes que l’on DES NÈGRES. gercement, çonséquemfnent les autres accidens; rexpérience a trop souvent dé- montré que cette classe de remèdes est absolument contraire dans toutes espèces d'inflammation des yeux. Si malgré tous ces moyens la maladie dé génère, et que plusieurs vaisseaux de la conjonctive deviennent variqueux 7 soit que Ton ait employé des relâchans substitueroit aux émoliiens ou l’alun battu avec le blanc d'œuf, ou le sel de Saturne, mais sur-tout le vitriol blanc, à la dose de deux grains par once d’eau 5 on augmenta même la dose du vitriol, suivant les circonstances, jusqu’à quatre grains par once. Ces collyres produisirent de si bons effets, qu’au- cune inflammation des yeux ne leur résista 5 malgré cela, il faut que ces remèdes soient employés par un homme instruit en médecine 3 car quelquefois l’inflammation de la conjonctive vient d’une très- grande quantité de sang et sur-tout d’un sang trop épais, qui n’a presque point de sérosité : alors aucun collyre ne peut suppléer, à la saignée que l’on est même quelquefois obligé dé répéter, afin de rendre les molécules du sang plus méables, c’est-à-dire, plus susceptibles de circuler dans les vaisseaux du plus petit diamètre. Quelquefois aussi il suffit d’a- jouter aux collyres l’usage des délayans et des la- yemens. 244 Maladies ou autrement, il faut en venir à l’opéra- tion , après avoir détruit le vice de la masse générale des liqueurs; à cet effet, on tiendra les paupières écartées ; et au moyen d’une aiguille courbe, on passera un fil par dessous plusieurs des vaisseaux variqueux de la conjonctive, de l’un et de l’autre côté de la cornée transparente; ensuite ayant désenflé les aiguilles, on prendra de la main gauche les fils, à l’aide desquels on coupera ces vaisseaux avec des ciseaux convexes (i). Cette opération est la plus facile detoutes celles que l’on pratique sur le globe de l’œil, elle peut se faire sur toutes les par- ties de la conjonctive où il y a des vais- seaux variqueux, attendu que cette mem- (i) Depuis la première édition de ce volume . j’ai moi-même, à Saint-Domingue en 17795 été obligé de me faire opérer d’un chemnsis des plus opiniâtres: on verra pages 59 et suivantes du deuxième volume, de quelle manière, et comment fai été préservé de l’aveuglement, survenu à M. Danlfeville, et plu- sieurs autres attaqués de cette maladie, pour n’a- voîr pas été traités et conduits comme je l’ai été. des Nègres. brane se régénère facilement; quelques praticiens font même avec un bistouri quelques scarifications à l'intérieur des paupières, et de petites mouchetures sur les bords de la cornée, à son union avec la conjonctive. On bassine l'œil avec un collyre dans lequel entrent quelques grains de vitriol blanc, et on y appli- que des compresses imbibées de la même liqueur: par ces moyens le malade guérit en peu.de temps, mais il est rare que Ton soit obligé de faire cette opération, lors- que la maladie a été bien, traitée. Maladie s DU PIAN. CHAPITRE XL JtJSQu’A l’époque de la première édition de cet ouvrage, l’on a mal a propos regardé le pian, comme une maladie par- ticulière aux Nègres; elle attaque aussi les blancs qui s’exposent aux causes qui la produisent ; elle attaque même tous les individus de l’espèce animale , et parmi les volatils, plus particulièrement les dindes, les poulets, les canards, &c. Dans cette maladie, il survient des pus- tules à différentes parties du corps, mais principalement à celles de la génération des deux sexes, aux environs de l’anus , aux fesses et au visage. Ces pustules sont un peu plus élevées que le niveau de fa peau ; leur consistence est molasse, fon- gueuse et couverte d’une .pellicule bla- farde, d’où s’écoule une matière très-âcre, des Negres. 247 et dont la virulence se communique avec tant de facilité, que , dans plusieurs Co- lonies , il passe pour constant qu'il suffit, pour cette communication , que les mou- ches, attirées par cette humeur, après s’en être imprégnées, aillent en déposer quel- ques particules sur la plus légère égrati- gifure d’un corps sain, sur-tout si c’est celui d’un enfant, attendu qu’à cet âge les pores sont infiniment plus disposés a recevoir toutes les impressions. Quelques- uns pensent même que , sans ulcères et sans égratignures, on peut.recevoir , par- la mouche imprégnée , cette affreuse ino- culation ; aussi les habitans ont l’atten- tion , dans les Colonies bien établies , de séquèstrer et tenir éloignés les Pianistes des autres Nègres ; mais la manière la plus commune et la plus ordinaire dont se transmet ce vice , est le commerce de l’un et de l’autre sexe. Quelquefois, dès l’apparition du Pian , le malade éprouve des douleurs dans les os, s’amaigrit insensiblement, et tombe Maladies dans le marasme ; d’autrefois, il conservé son embonpoint, mais avec un peu de cachexie. Ces différences dépendent du tempérament , de l’ancienneté de la ma- ladie , du degré de Pacrymonie de l’hu- meur et du climat. Je ne m’arrêterai point à décrire les différences entre les pustules j ce seroit à l’infini. D’ailleurs qu’elles soient grandes ou petites, rondes ou ovales, blanches ou rougeâtres, cela est égal, puisqu’elles sont aisées a reconnoîtrc , et que les unes et les autres cèdent à un traitement con- venable. L’expérience nous apprend que, plus le virus est ancien, plus il a perverti la limphe et agi sur le tissu cellulaire ou sur les os, plus la salivation est funeste. Aussi, dans tous les Etablissemens d’entre les tropiques, le nombre des malheureux Pianistes est - il généralement propor- tionné a l’humidité du sol et au nombre des gens de Part ou des habitans qui tiennent à l’administration du mercure , DES NegreS. 249 à dose capable de produire l'augmen- tation du mouvement des fluides, la cha- leur des parties hautes, le gonflement et la rupture des glandes de la bouche , le désordre des digestions et la série des maux que laisse , sur-tout dans les climats chauds, cet affreux moyen à ceux qu’il ne conduit pas au tombeau. Je fus placé à l’âge de dix-huit ans, dans un grand Hôpital, et attaché, pen- dant long temps, à une Salle considé- rable de vénériens dirigés , conduits & traités par des chefs qui n’employoient que cette dangereuse méthode, la saliva- tion. J’en suivois attentivement les fu- nestes effets. Leur énumération ne pou- vant être qu’une répétition dégoûtante et inutile , je m’en abstiendrai. Deux ans après, replacé dans un autre Hôpital , j’eus la satisfaction de voir et de suivre, sous des chefs plus éclairés les salutaires effets de la méthode par extinction : mé- thode précieuse que je n’ai cessé de per- fectionner depuis, et j’ose dire, avec des succès bien satisfaisais. Maladies Lorsque le virus pianique n’est point traité, ou qu’il l’est mal, il survient , en raison des différences que nous avons établies, des guignes ou des crabes à la plante des pieds, dans l’intérieur des mains , mais principalement aux doigts et aux orteils, des dartres à différentes parties du corps, et quelquefois des ul- cères très-multipliés, des exostoses , de profondes caries. Il y a même de terribles exemples du ramolissement des os les plus compactes. Quoique ces désordres ne soient pas, à beaucoup près , de la même importance, la seule manière de les bien guérir , est la destruction du vice pianique. Les guignes, les crabes, les ulcères ont besoin aussi d’un traitement local ; mais ces ma- ladies reviennent, ou des affections d’un autre genre se manifestent, si le vice de l’universalité des humeurs n’a pas été dé- truit. Combien de maux d’estomac , trai- tés sans succès pendant plusieurs années, et qui ont été promptement guéris, par les DES NEGRES. vrais remèdes du Pian ! Ma pratique m’en a fourni plusieurs exemples, même en Eu- rope où le Pian , comme le mal rouge se montrent quelquefois. Dans quelques Colonies , l’erreur se propage par les préjugés, au point de croire que les Nègres ne peuvent contrac- ter qu’une fois le vice pianique. D’après cette ignorance grossière, dont les gens de l’art ne sont pas tous exempts, même quelques auteurs ; les malheureux Pia- nistes , chez lesquels ce virus a ralenti son action à l’extérieur, sur-tout au vi- sage, soit par le régime et des remèdes palliatifs , soit par la surveillance, soit par les efforts delà nature, s’exposent de nouveau à ses fureurs, en vivant encore avec des personnes suspectes. Alors, le vice s’irrite, prend de nouvelles forces, parvient à son plus haut degré d’acri- monie , fait tomber en putréfaction de grandes portions du tissu cellulaire, dé- truit les os les plus compactes, & malgré Maladies Tadministration des remèdes, le malade périt dans les tourmens, parce que ce virus, parvenu à un certain degré de perversion et d’exaltation , est impossible à détruire. Traitement du Pian et des affections qui lai succèdent, lorsqu 'il est mal traité. Le premier soin de l’homme de l’art doit être de placer son malade dans la partie la plus sèche des cases ou des bâti- mens de l’habitation , de lui faire four- nir les vêtemens et les couvertures dont il a besoin,"”et sur l’un et l’autre de ces objets, de se conformer à ce qui est pres- crit, page 256 et suivantes, du second volume de cet Ouvrage, afin de garantir le malade de toute humidité, et de con- tribuer à lui rendre supportable la vio- lence de ses douleurs, sur-tout quand le vice pianique attaque principalement les orfranes du mouvement et la substance O des os. des Nègres. Si le malade réside habituellement dans un lieu marécageux , et qu’il ait la facilité d’étre transféré dans un quartier plus sec, plus élevé, principalement vers le Nord , il convient d’en profiter, et de s’occuper, sans délai, de son traitement, afin de prévenir ou d’arrêter les funestes effets que le vice pianique produit trop souvent à l’intérieur. Nous avons déjà observé que les Pians cèdent très-difficilement au mercure ad- ministré par les frictions. Les affections vé- nériennes ordinaires résistent même quel- quefois dans les pays chauds, principale- ment entre les tropiques, aux frictions les mieux dirigées , tandis que les sels mercuriels, sur-tout la solution du subli- mé (1) les guérissent avec plus de facilité* (1) Les premiers Médecins qui ont fait usage de ce sel mercuriel, en ont fait la dissolution dans l’esprit ardent de froment ; mais comme l’eau simple est le dissolvant des sels, on s’est servi depuis dans plusieurs villes de l’Europe, principalement à Paris, pour cette dissolution , de l’eau de rivière Maladies Dans le traitement du Pian, cette solu- tion bien faite , sagement administrée, a ou de fontaine, très-claire ; dans les Colonies, je n’en ai point employé d’autres, et je m’en suis tou- jours très-bien trouvé. Plusieurs praticiens font aussi la dissolution de ce sel dans l’eau-de-vie de sucre , appellée tafia ou gueldevi ; mais, si l’on ne se sert point de liqueurs spiritueuses , on évitera toute eau terreuse, telles que sont, en général, celles de puits, parce que l’acide de ce sel, par son analo- gie , s’unit à ces terres et abandonne le mercure qui se précipite au fond du vase, en proportion de la quantité de terre contenue dans le fluide. Comme l’on n’est pas encore entièrement revenu sur les prétendus mauvais effets du sublimé cor- rosif, je crois devoir rapporter ici qu’en 1768, un Matelot du vaisseau le Beaumont, de la Compagnie des Indes, s’étant embarqué avec plusieurs sym- ptômes de vérole , qu’il avoit cachés soigneusement jusqu’à ce que le vaisseau fût à la voile , M. Herga, Chirurgien-Major de ce vaisseau, fit mettre qua- torze grains de sublimé corrosif dans une pinte d’eàu-de-vie , qu’il lui fit administrera petite dose. Le malade n’avoit pas encore pi'is les deux tiers de la dissolution, que- les symptômes vénériens étoient entièrement dissipés ; cet homme s’étant enivré , se saisit, sans être apperç11? de la bouteille d’eau-de-r-yie 3 qui contenoit le reste de la dissolu- des Nègres. des avantages encore plus marqués. Mais pour cela, elle doit être aidée de la ti- tion du sublimé, et le but d’un seul coup ; il de- vint aussi-tôt furieux, au point que l’on fut obligé de le mettre aux fers, et de lui jetter sur le corps plusieurs seaux d’eau ; par ce moyen , il se calma , et sur le champ, fut changé de linge et couché sur un cadre garni ; on le couvrit bien, il prit une bois- •son délayante 5 dès le lendemain, il ne ressentit aucune incommodité de son ivresse ni du sublimé corrosif, et continua de se bien porter. Jè tiens ce fait de M. Varnec, alors second Chirurgien sur ce jmôme vaisseau. Le sublimé corrosif est un sel mercuriel très-cans- tiqne ; mais étendu dans suffisante quantité d’up lluide aqueux , il perd ses propriétés corrosives ; il en est de même des acides vitrioliques, nitreux et •marins, qui , dans l’état de concentration, sont aussi très-corrosifs, mais qui, étendus dans de l’eau, perdent cette propriété, au point d’être employés avec succès en tisanes dans quelques maladies ai- guës ; souvent même, on les substitue aux acides végétaux. Les acides minéraux et le sublimé ne sont donc des poisons que par la manière de les admi- nistrer. Les préparations antimoniales, telles que Pémétique et le kermès qui rappellent tous les jours des malades à la vie , ne deviennent-elles pas aussi des poisons cjans des mains inexpérimentées? Maladies sanne de salspareille, dont les parties ac- tives la conduisent dans les vaisseaux du plus petit diamètre , et l’aident à pénétrer le tissu le plus serré. Cette tisanne doit être préparée de la manière indiquée page note Ire, et la quantité déterminée d’après l’état du malade, sur-tout d’après son estomac. Si les digestions sont bonnes, et que depuis l’apparition des premiers symptômes, il paroisse plutôt maigrir que tendre à la bouffissure, il en prendra, chaque jour, trois demi - bouteilles, par verrées, et à des distances 'a-peu-près égales, avec l’at- tention de ne prendre son premier verre qu’une heure et demie après avoir mangé. Si, au contraire, l’action du ventricule est affoiblie , ou que l’œdémacie se ma- nifeste aux orbites et aux malléoles, une pinte par jour sera suffisante. L’âge, le sexe , la grandeur , la force ou la foiblesse du sujet, en un mot, sa constitution, ainsi que la saison sèche ou humide , dé- termineront le praticien à augmenter ou des Nègres. à diminuer la dose de la salspareille , celle de la dissolution du sublimé , et la quan- tité des boissons. En général, une dissolution de douze grains par pinte, de laquelle on prend une cuillerée à café , suffit au plus grand nombre des cas, en se conformant exac- tement aux précautions que nous avons prescrites pour le traitement des maladies vénériennes ordinaires. Le virus pianique étant un virus dégé- néré , et attaquant toujours l’universalité des humeurs, le traitement doit être, au moins, de deux mois. Les désordres exi- gent même quelquefois la continuation des remèdes intérieurs pendant le troi- sième et le quatrième mois. Mais, dans ces cas rares et difficiles, j’ajoute , dès la fin du premier mois, ou dans la première huitaine du second, la panacée mercu- rielle à la dose de deux grains par jour , incorporée dans la première conserve, en observant de suspendre frisage de ce bol et de la solution du sublimé, dès que Pon Maladeis s’apperçoit que ces préparations mercu- rielles excitent la plus légère chaleur à la bouche. On recommence leur adminis- tration , aussi-tôt que cet accident est cessé. Pendant l’intervalle, on continue la tisanne de salspareiîle ou de gayac (i). Avant la première édition de cet Ou- vrage, je préférois le gayac préparé de la manière que je l’ai indiquée ; j’en at- tendois des effets plus prompts , parce que je n’employois la salspareiîle qu’a la dose de deux gros par pinte. Mais de- puis 1776, que, dans certains cas, chez des sujets très-gras, tres-mols, qui doi- vent prendre peu de liquides, je l’ai ad- ministrée jusqu’à deux onces dans la même quantité d’eau, elle m’a produit de (1) li faut mettre une once de gayac râpé par pinte d’eau. On emploie , par préférence , la partie la moins résineuse, telle que l’écorce et l’aubier, parce que la résine est insoluble dans l’eau, et que la partie ligneuse en contient beaucoup. Une pinte de cette infusion, par Jour, suffit ordinairement. des Nègres. 259 meilleurs effets que le gayac , même à demi - once par pinte, chez des sujets maigres, peu dormeurs, et dont la fibre nerveuse est tellement irritable, qu’une plus grande quantité des principes actifs de la salspareille agiteroit trop fortement, sur-tout dans les premiers jours du trai- tement. Ces Moyens doivent être aidés d’un régime doux, sur-tout pour les sujets d’une constitution un. peu sèche. Parmi les alimens qui fournissent ce régime , le lait mérite d’être placé au premier rang. Cet aliment médicamenteux tient, en res- taurant l’estomac et les autres voies de la chilificadon , dans un état de souplesse, propre à recevoir les parties actives de la solution mercurielle, de la panacée et de la salspareille ou du gayac ; principale- ment , lorsque les malades le digèrent avec facilité , qu’ils ne s’en dégoûtent pas, et qu’avec une quantité suffisante de bon pain ou de cassave, ils peuvent se passer d’autre nourriture. Maladies Je ne suis point dans l’usage de gêner les Pianistes sur leur appétit. Mais, afin d’éviter qu’ils ne perdent leur forces pen- dant un traitement aussi long, j’exige que ceux qui ne sont pas retenus dans leur logement par la violence des dou- leurs , ou autres symptômes fâcheux * fassent, à l’air libre, un travail propor- tionné à leur forces, avec l’attention de ne le commencer qu’une heure après le lever du soleil, et de les faire rentrer dans leur caçe particulière une heure ou au moins une demi-heure avant l’humi- dité du soir ; humidité contraire , entre les tropiques, à l’homme sain, dange- reuse pour tout convalescent, et funeste au pianiste , principalement lorsque le vice attaque les organes du mouvement ou la substance des os. Quoique de légers travaux facilitent la circulation et les sé- crétions , les Pianistes ne peuvent en pro- fiter que dans les beaux jours. Astreints à garder leur chambre dans les temps plu- vieux ou froids, on doit prendre pour DES NEGRES. 261 eux, les mêmes précautions que nous avons indiquées page 178 et suivantes du second volume, et note 48 de ce même volume , afin de les préserver, comme les femmes en couche et les blessés , des dan- gers de l’humidité et de toute répercus- sion. Si le lait ne passe pas, le salep , le sa- gou , le gruau et autres adoucissans mé- ritent la préférence, à moins que le relâ- chement des solides manifesté par une sorte d’empâtemçnt de cachexique, la bouffissure des orbites, ou je gonflement des maléolles ne déterminent le praticien adonner la préférence à la chair de tortue,, de mer ou de terre , avec ou sans mélange déplantés crucifères, car nous avons déjà plusieurs fois observé que l’ébulition dis- sipe entièrement les vertus des plantes de cette famille. Ce sont les circonstances qui décident, et principalement i’état de l’estomac. Il y a même des cas où le dé- sordre exige l’usage des eaux minérales dont presque toutes nos isles abondent. Maladies principalement Saint-Domingue, la Mar- tinique et la Guadeloupe. (1) Depuis quelques années lorsque les pians résistent au traitement ordinaire, plusieurs habitans, ainsi que des gens de l’art, ont employé avec succès la prépa- ration attribuée à un médecin de Messine, connue aujourd’hui sous le nom de re- mède du cuisinier. La manière de l’exé- cuter se trouve dans le procédé suivant. « Prenez trente onces de salspareille; m faite les infuser pendant vingt-quatre « heures dans vihgt-déux livres et demi ?> d’eau de fontaine; faites ensuite par (i) Dans le Continent même, à la Gujane Fran- çaise, dans le quartier et près la rivière de SinamarJ ; en 1775, on a découvert pendant le gouvernement de M. de Fiedmont, une source d’eau minérale de laquelle, d’après ce que plusieurs habitans et. M. de Fiedmont lui-même m’en ont dit, on doit attendre des ell’els salutaires, pour une infinité de cas où, dans cette pauvre colonie, on abandonne trop sou- vent les malheureux malades à eux-mêmes. Voyez sur les eaux minérales de Saint - Domingue, mes Observations générales sur les maladies des climats chauds, pages 84 et suivantes. des Nègres. 263 » l’ébulition, réduire à sept livres et demi: n répétez trois fois cette opération, ayant « toujours attention de décanter à cha~ » que fois les sept livres et demi d’eau , » et d’en ajouter de nouvelle; faites bouil- » lir de nouveau ces trois eaux ou dé- ■»> coctions réunies, ajoutant fleurs de bourrache, de roses blanches, de séné »> et d’anis, de chaque, deux gros, jus- » qu’à diminution de moitié: ayant coulé 9> cette décoction, ajoutez y deux livres ■99 de sucre et autant de miel Le total du sirop, est ordinairement pris en neuf jours; à cet effet on le sépa- rera en neuf parties égales. La dose de chaque jour sera encore divisée en trois: la première sera prise à sept heures du ma- tin; la seconde, trois heures après; et la troisième, à cinq heures du soir. D’autres se sont servi du remède connu aux Antilles sous le nom de tisane ch la Guadeloupe, dans laquelle entre aussi la saîspareille, avec l’antimoine, le séné Gcy et assez généralement on s’en est bien Maladies trouvé. Mais le remède qui réussit le mieu# dans les cas où la perversion de la linv phe, et où les douleurs osteocopes font craindre pour la perte du sujet, c’est le rob de M. Lafecteur: des malades déses- pérés sur beaucoup d'habitations doivent la vie à cet excellent remède. De ce nom- bre est l’habitation du célébré M. Belin, au quartier du Limbé, dépendance de la partie du Nord de Saint-Domingue (i). Depuis mon retour, en Europe, j’ai vu plusieurs malades passés de nos colonies en France, avec des exostoses, et des dou- leurs profondes dans les os, qui avoient (i) Cette riche et magnifique manufacture à sucre, ce modèle de la plus grande perfection, ce chef- d’œuvre du génie, du temps et de la patience, où il ne manquoit rien au bonheur des INègres, vient d’être consumé par les flammes, avec un grand nombre d’autres belles et riches habitations , telles que celles de MM Bellevuë, où une administra- tion sage éclairée et bienfaisante a toujours infini- niment honoré l’humanité. Cet affreux incendie, est l’ouvrage d’une secte ennemie de la prospérité des colons, de la richesse de la France et du bon- heur de ses hahitans. des Nègres. résisté à l’administration du mercure , tant en friction qu’à l’intérieur, et qui, jel ’avoue avec autant de satisfaction que de franchise, ont été radicalement guéris par ce remède précieux. Chez plusieurs de ces malades, six bouteilles ont suffi, d’autres en ont pris huit , quelquefois dix, et un, en a porté l’usage jusqu’à. quatorze. Le plus grand nombre des planteurs de Saint-Domingue, de la Martinique, et de la Guadeloupe, sont bien en état de payer le rob, un louis la bouteille. L’hu- manité et la bienfaisance des Créoles, me sont trop connues, pour ne pas ga- rantir, que ces sacrifices ne coûteront point à leurs cœurs; mais il y a des co- lonies si pauvres, et où les Nègres pia- nistes sont tellement multipliés, qu’il se- roit fort heureux pour ces contrées éloi- gnées et importantes, que le gouverne- ment traitât avec M. Laffecteur, afin de rendre publique cette précieuse com- position , et après une juste récompense^ 266 Maladies mettre ainsi les hommes de toutes les parties du monde à portée de jouir de ce bienfait. Que ne devons-nous pas k Louis XIV, pour avoir acheté du mé- decin Hollandais Helvétius, le secret de la poudre précieuse connue depuis cette époque, de toutes les nations, pour être tirée de l’écorce de l’ypécacuanha! Re- mède souverain dans la diarrhée, la dis- senterie et plusieurs autres maladies dont le caractère est de participer autant de l’irritation des solides, que de la con- gestion et de la stazé des liquides. Les excroissances de chair, connues sous le nom de guignes, et qui, comme nous l’avons observé, naissent à la plante des pieds, principalement au bout des orteils ou des doigts, sont ainsi nom- mées, parceque le plus souvent, elles ont la forme et la couleur de la guigne; leur sensibilité est si exquise, que ceux qui en sont attaqués, ne peuvent marcher ou se servir de leurs mains, sans éprouver des douleurs très-vives. Pendant qu’on dé- des Nègres. trait la cause du pian, on réprime ces ex- croissances d’abord de la manière que nous l’avons recommandée, page 175 de nos Observations générales, sur les ma- ladies des climats chauds, pour la cure des vieux ulcères, soit avec les feuilles de liane pilées ou le karatas, soit avec l’herbe à bled, ou mieux encore avec la racine de manioc. (Nous avons déjà parlé du suc de cette plante pages 204 et suivantes de ce même ouvrage, et nous aurons en- core occasion d’y revenir.) On en gràge, avec une râpe, la substance, de laquelle on forme des cataplasmes, que Ton change une ou deux fois par jour. Si les pre- mières applications ne flétrissent pas ces excroissances molasses et fongueuses, il faut humecter les cataplasmes, avec un peu de taffia , afin de rendre par ce moyen, le manioc plus irritant et plus propre a produire les effets dont on a besoin. Dans toute la Zone torride, pour la cure des vieux ulcères, il n’y a pas, je le répète, un remède aussi puissant 268 Maladies que le manioc crud , gragé , mis en cataplasme , sans mélange ni addition, d’autres remèdes extérieurs. Quand on a travaillé véritablement à la destruction du vice de la masse gé- nérale des liqueurs, l’un des remèdes ex- térieurs que je viens d’indiquer, suffît ordinairement; mais si le vice est mé- connu, ou le traitement négligé, la gui- gne, ou autres excroissances, se flétrit> se consume avec plus de lenteur et re- paroît bientôt après. Dans ce cas les dif- ficultés se multiplient, jusqu’à ce que l’on se soit déterminé à traiter l’intérieur et l’extérieur en même-temps. En faveur des jeunes médecins et chi- rurgiens, j’ai indiqué plusieurs moyens extérieurs; mais les secours de ce genre sont tellement multipliés entre les tropi- ques , que le praticien ne sauroit être embarrassé , dans les 'cas où ceux aux- quels je donne la préférence, viendroient a lui manquer. Quelquefois le vice pianique soulève le DES NeGRES. gros épiderme de la plante des pieds, l’en- trouvre, et forme une issue, qui donne passage à une humeur très-âcre, au mi- lieu de cette issue ordinairement ronde, s’élève une légère excroissance de chair blanchâtre, les crevasses de l’épiderme, se multiplient et répondent le plus sou- vent en forme de rayon, au premier ul- cère qui s’est formé, ce qui les a fait considérer comme ses racines, et nommé crabes ; à cause de leur prétendu ressem- blance, avec cette espèce d’animal crus- tacé, qui vit sous les terres humides , comme les taupes. Les végétations de ces ulcères se dé- truisent comme la guigne, par l’appli- cation des plantes âcres pilées, mais sur- tout par l’eau de lessive ou l’eau de mer, avec lesquelles on baigne chaque jour la partie malade, pendant une demie heure/ ou une heure : on peut sans inconvé- nient, tremper toute l’extrémité, et cor- riger ainsi les effets d’une cacochimie limphatique, très-âcre, qui ne se guéris- Maladies sent véritablement, comme les érosions sèches des pieds et des mains, certaines espèces de dartres et autres dégénéres- cences du vice pianique, que par les re- mèdes intérieurs dont nous venons de parler. Je répété donc que le praticien ne doit pas s’en laisser imposer par l’usage de certaines colonies, dans lesquelles, persuadé que Pon n’a le pian qu’une fois dans la vie, loin de considérer ces ma- ladies comme les effets du vice pianique, on se contente d’un traitement local ; aussi reparoissent-elles une seconde et une troisième fois, sur-tout dans les années pluvieuses; elles se montrent enfin sous diverses formes, jusqu’à ce que, fatigué du coût de ces traitements partiels et de la perte du temps, on se décide à puri- fier l’universalité des humeurs par le trai- tement intérieur, sans négliger les pan- semens de l’extérieur. Dans les années sèches, après ces appli- cations extérieures, le malade est quel- des Nègres. 271 quefois pendant cinq à six mois avec l’apparence d’une bonne santé. Ceux qui les ont conseillées, profitent de ce temps, pour se faire une réputation que la ca- bale , l’intrigue et quelques morceaux d’histoire naturelle, (1) envoyés à propos (1) Les officiers de santé, qui s’occupent véri- tablement d’histoire naturelle dans les colonies, quelque soit leur intelligence, ne peuvent être que des sujets très-médiocres su lit des malades 5 ce- pendant, ils n’en briguent pas moins les premières places, qui devroient appartenir exclusivement à ceux qui, au péril de leur vie r consacrent tous leurs momens, à la pratique des hôpitaux. Pour parvenir plus sûrement à son but, un de ces hommes astucieux, que le vrai mérite trouve toujours dans son chemin, s’étant muni dans une de nos colonies, de quelques miséxables curiosités qu’elle produit abondamment, arrive à Paris, se présente à un grand amateur de coquilles , chargé, malgré son inexpérience, de pourvoir à ces sortes dé remplacemens , que l’intérêt et d’autres pas- sions, ne rendent que trop fréquens. La collection étant assés belle, le candidat est trouvé capable , et la place lui est dévolue ; mais à peine est-il parti pour aller remplir son poste, qu’un de ses collègues arrive de la même colonie, avec des madrépores , plus rares, et des oiseaux d’un plus beau plumage : Maladies en Europe, à leurs prôneurs ou aux ins- pecteurs généraux,n’ont que trop souvent les mains pleines de si belles choses, il refuse la deuxième place : l’amateur , pour tirer tout le monde d’embarras ,lui fait expédier le même brevet, la.même commission qu’au premier, avec l’atten- tion de lui cacher soigneusement qu’il va faire écrire par son ministre, aux administrateurs de la colonie, de choisir des sujets brèvetes, celui qui leur conviendra le mieux. Je tiens ce fait du gou- verneur, et de l’intendant même, qui ont été obligés de faire ce choix. Eli! n’avons-nous pas vu, en 1766, le même ministre, donner au sieur Asselineau Desmazures, la place de chirurgien-major, de la légion de l’isle- de-France, pour le récompenser de l’avoir servi long-temps , sous l’incivile dénomination de valet de chambre chirurgien, ou plutôt de garde malade; car excepté la saignée, le sieur Asselineau ne sa voit faire aucune opération de chirurgie. Le désordre et le mépris des loix, étoient tels que M. Poivre, intendant de cette colonie, pour faire sa cour au ministre, et conserver sa place, chargea le sieur Asselineau, de fournir aux soldats de la légion, les bandages herniaires, dont ils auroient besoin, de sorte qu’il étoît en même-temps juge et partie. Pour plus de détails, sur les maux et les dépréda- tions qui suivirent ces odieuses infractions, voyez pages 5z et suivantes, ainsi que le chapitre dernier du deuxième volume. des Nègres. 273 portés aux premières places d’ofliciers de santé , dans lesquelles l’excessive médio- M. Le duc de Praslin, ne s’en tint pas là, à l’é- gard de la colonie de l’isle-de-France, le sieur Che- vrillon, ayant rempli auprès de M. le président Ogier, pendant son ambassade en Dannemark, les mêmes fonctions que le sieur Asselineau, près de sa pesonne, et voulant le récompenser, il n’a pas craint de le placer avec brevet du Roi, chirurgien major en chef des hôpitaux de cette colonie, place que le sieur Chevrillon, a remplie jusqu’à ce qu’il ait été lui-même victime de son ignorance. D’après cet abus criant du pouvoir, j’avoue que j’ai été sur- pris d’entendre prononcer l’éloge de ce ministre, à la société Royale de médecine. M. Bertrand, chargé aujourd’hui de ce département, prouve par ses opé- rations que la justice et l’humanité se rencontrent quelquefois avec les grands talens. La place qu’alla occuper, en 1768, le sieur Che- vrillon, devint vacante à l’isle-de-France par l’effet d’une collusion entre M. Poivre, et le secrétaire du ministre, le sieur Beudet, si connu par ses manœu- vres et ses intrigues : assez généralement depuis, lors- que les places d’officiers de santé, viennent à vacquer les sujets sont choisis et proposés au ministre, par les administrateurs des colonies ; ce qui perpétue également par le compérage et la faveur, les dé- sordres affreux dont nous nous plaignons. Le seul moyen de les faites cesser, est de mettre à profit les lumières et les connoissances, qu’acquièrent les 274 Maladies crité, ou l’ignorance de ces audacieux protégés, multiplie chaque jour le nom- bre des victimes, et ruine la caisse du gouvernement. Voyez note sixième , page 404 du deuxième volume. officiers de santé de la marine royale , dans leur fréquents voyages et leurs longues statiens sur les vaisseaux du Roi dans les colonies , ' en établis- sant comme je Fai souvent propos'é, que toutes les fois qu’il vacquera des places d’olficiers de santé, dans ces possessions éloignées , les sujets seront choisis et nommés alternativement à Rochefort, à Brest et à Toulon, par la voie d’un concours public, qui sera fait à l’amphithéâtre entre les sujets entre- tenus par S. M- au département, en présence du commandant, de l’intendant, du contrôleur, du com- missaire de l’hôpital et présidé par les premiers officiers de santé, le démonstrateur et son adjoint. A mérite égal en théorie, les sujets qui auront fait le plus de campagne, ceux dont le séjour aura été le plus long, et qui fourniront un plus grand nom- bre d’observations interressantes sur les maladies de la colonie ôu la place sera yaccante , seront choisis par préférence , et afin d’écarter toute espèce de faveur dans ces choix, il sera tenu registre, et fait procè-verbal de ce qui se passera dans chaque con- cours, dont copie signée par les officiers de santé, et les administrateurs, sera envoyée au ministre. des Nègres. DF LA LÈPRE. CHAPITRE XII. Parmi, les calamités qui ont affligé et qui affligent encore l’espèce humaine: il n’en est point qui excite plus d’horreur que la Lèpre. Dès les premiers siècles , cette affreuse maladie s’est étendue sur toute la terre, et a pris des formes di- verses, mais toujours relatives au régime de vie, au site des lieux, aux mœurs et à l’état de l’agriculture. Elle s’accroît, se resserre, disparoit et revient selon que les peuples se perfec- tionnent ou retombent dans la barbarie. Ainsi elle s’est constamment et peu à peu éteinte par le rétablissement et la vigueur des loix, par la culture des 'arts, enfant de la paix , et par une administration sage, éclairée et vigilante. Cette maladie appellée Mal-Rouge dans Maladies quelques colonies , Eléphantiasis dans d’autres, Léontiasis , par les Arabes,&c. est le plus haut degré de tous les vices de la peau; mais il prend spé- cialement, le nom dyEléphantiasis, lors- que ce vice fixé sur Tune des extrémités inférieures, lui donne par son affreuse difformité , beaucoup de ressemblance avec la jambe de Pélép liant. Le plus ordinairement le mal com- mence par les orteils, gagne insensible- ment et peu à peu le pied, la jambe, et s’arrête à son articulation avec la cuisse. Mais quelquefois les désordres vont plus loin: les parties sont abreuvées, comme dans VImpétigo des Latins, d’une grande quantité de sucs, dont Pacrimonie rend la peau de presque tout le corps, insen- sible, inégale, noueuse, livide et quel- quefois écailleuse; il se forme dessous des skérrosités; il survient en différentes par- ties du corps, des taches blanches livides et rougeâtres , principalement chez les Nègres et les gens de couleur ; et en rai- des Nègres. 277 son du nombre des causes concomitantes, et le degré de perversion de l’humeur, les tempes et les orbites se tuméfient, le nez s’épate, les oreilles s’épaisissent et s’al- longent, le visage devient hideux et la voix sépulchrale. Le désordre des viscères, amène par degrés, le dérangement de toutes les fonc- tions; les excoriations se changenCen ul- cères dont la virulence et la causticité, après avoir rongé quelquefois les os du nez, ceux du palais, ramolit et détruit également par la carie , les os les plus compactes; le malade épouvante, se fait horreur à lui-même jusqu’à ce que la mort termine son affreuse destinée. Ces signes ne se touvent point réunis dans un même sujet, ainsi que nous avons eu occasion de l’observer dans nos dif- férentes colonies. Avant nous, en 1748, MM. Peyssonnel et Dumonville, méde- cins, à la Guadeloupe, font la même re- marque dans leur rapport au gouverne- ment. Ce rapport, et les détails qu’il ren- Maladies ferme, à été précédé d’une visite de tous les individus de cette colonie, et de ceux de l’isle de laDésirade, qui en est dépen- dante. Cette visite, ou pour mieux dire, cet examen salutaire, ayant pour objet, de constater l’état des malheureux habitans et esclaves frappé de la lèpre, de les sous- trairè de la société et de les expatrier, afin de préserver de la contagion, ceux qui n’en étoient point attaqués; M.Des- clieux (1) gouverneur, ne se contentera pas d’en donner l’ordre sévère; il fit en- core le tour de l’isle, avec MM. Peys- sonnel et Dumonvilîe, assistés dans cha- (1) Brave officier quia transporté en Amérique, les premiers plans de caffé, qui y ont été cultivés. Citoyen, ami de la patrie, qui, pendant votre tra- versée, avez eu la générosité et le courage d’em- ployer votre ration d’eau à l’arrosage d’un arbuste, devenu depuis, par sa fécondité, si précieux à notre commerce et à l’aggrandissement de noire popula- tion! recevez le foible tribut d’hommage et de re~ connoissance, que mon cœur rend en ce moment, à vos vertus. des Nègres. 279 que quartier , par deux des meilleurs chi- rurgiens; il se transporta ensuite avec ces officiers de santé, à la Désirad.e, et il fut présent, ainsi que MM. le comte de La- font et du Bruelloi, lieutenant du roi, et commandant , crainte de rébellion , à l’utile mais désagréable examen de cha- que individu. La répugnance, la douleur même se tait, quand l’homme se pénètre de la sainteté de son ministère et de l’a- mour de l’humanité. Quoique dès 1728 , M. Peyssonnel eut donné une description de cette maladie; il ne s’est pas dispensé pour cela, ainsi que son confrère, d’entrer dans de longs détails, sur les symptômes des 440 lépreux tant Blancs que noirs qui, a cette époque, se trouvèrent infectés de cet affreux virus et relégués ensuite, pour y être traités,, à la petite isle de la. Désira de. Ces deux médecins, furent tellement surpris de l’état déplorable de ces vic- times, qu'ils invitent le lecteur, de ne pas leur reprocher d’avoir chargé le te- Maladies le tableau, dans l’énonciation et la des- cription des symptômes contenus dans leur procès-verbal. Cette pièce authentique, qui nous a été communiquée par M. Moreau de Saint-Méri, (i) n’ayant pas été publiée (i) Si les travaux de M. Moreau de Saint-Méri, sur les loix et la constitution des colonies Françaises, ne l’eussent pas rnis à même de me procurer les mé- moires de mes prédécesseurs, sur ce sujet impor- tant, cet ouvrage n’eût pas contenu plusieurs de leurs observations., véritablement intéressantes, en- sevelies, depuis leur envoi, dans la poussière des dépôts, conséquemment perdus pour nous et nos neveux , aussi est - il à souhaiter que le gouver- nement, mette M. Moreau de Saint-Méri, homme infatigable et d’an vrai mérite, à même de conti- nuer ses travaux. Les médecins qui pratiquent entre les tropiques, observent comme leurs confrères des autres parties du monde, mais ceux qui, dans cette pénible car- rière, résistent à ces climats destructeurs, sont en si petit nombre, que leurs observations sont rare- ment publiées pendant leur vie: ce qui rend ces ouvrages infidels et même dangereux, tel est celui de Poupée Desportes, que les Jeunes médecins et chirurgiens, ne suivent que trop souvent dans leur pratique. Voyez sur ce sujet, mes Observations su» des Nègres. dans le temps ; avant d’entrer nous- même dans le détail des causes de la lèpre, nous croyons devoir placer ici les paragraphes suivants, qui sont extraits mot à mot de leur manuscrit. « Toutes les personnes déclarées, dans cette visite, atteintes et infectées de lè- pres, ont plusieurs des symptômes et signes suivans. « Leur peau particulièrement affectée est après, sèche, rude, farineuse, ri- dée, chagrinée, fendue, épaisse, écail- leuse; communément herrissée de tuber- cules, et de tumeurs noires et livides, truitée et maculée; chez les Nègres, par des taches rouges, blanches, chez les blancs, grandes ou petites, et quel- les maladies des climats chauds, pages i38, 221 et suivantes. Si nos inspecteurs généraux connoissoient nos colonies, leurs productions, et qu’ils fussent médecins' praticiens, nous n’aurions point à gémir sur des abus, qui content autant d’hommes et d’ar- gent, auxquels cependant il serait si facile de re- médier par de sages régîeinens, et de bonnes ins- tructions. Maladies quefois Ton y apperçoit toutes les nuan- ces de couleur, qui se trouvent entre le noir et le rouge, le plus vif et le plus incarnat, on la trouve aussi cendrée, bronzée, sale, d’un rouge cuivré sur quelques blancs,couverte d’ulcères mil- liaires. Lenticulaire, accompagné de démangeaisons , de gratelîe impor- tune, le plus souvent de galle univer- selle et invétérée; on remarque encore outre les taches alphos, Icucé mchasr que leur peau est insensible, à de très- profondes piqûres d’épingles , faites en même temps, sur diverses parties, « Les extrémités des lépreux, sont tu- méfiées , les articulations noueuses, les ongles desséchés , fendus, écailleux , ridés, cannelés, raboteux, en forme de griffes d’oiseaux, et même de cornes de jeunes belliers, les doigts gonflés, engourdis, dans une stupeur et une insensibilité extrême , fléchis , con- tractés, sans jeu et immobiles, souvent crevassés, rongés, desséchés, enfin en- des Nègres. tlérement détachés et séquestrés, leurs jambes grosses, colossales, schirreuses, avec des ulcères, chironims, phagé- déniques, la peau de ces parties noire et livide, huileuse , chargée de croûtes vertes et jaunes, qui s’en détachent en forme de son et d’écailles, d’où vient le nom de cette maladie ( qui est un mot grec yenpa, comme si Von disoit kenipa , squammosa , écailleuse. 99 La plante des pieds rongée par des ulcères secs, dont les bords sont cal- leux, et le milieu rempli d’une chair rouge et vermeille qui pullule. Ces ul- cères se renouvellant et se cicatrisant sans cesse , les talons et le contour des pieds crevassés , fendus, pleins de rha- gads, ou de grappes, c’est-à-dire , que le volume du pied étant considérable- ment augmenté et la peau détruite, on voit à l’extérieur de cette partie, une quantité prodigieuse d’efîlores- cences, ou de petits mamelons, grainés, si pressés entr’eux, qu’ils imitent par- 284 Maladies faitement , quant à la forme et à la couleur , la madrépore, connue dans- ces isles, sous le nom de gingembre de mer, ou de roche à chaux. Les muscles thenar, et tous ceux de la main qu’on a coûtume d’apperce- voir élevés, dans les personnes exemptes de cette maladie, atrophiés, fondus et comme évanouis. » Le visage hideux, couvert de taches livides, boursouflé, boutonné, rempli de gros tubercules, rustique ( i ), si on peut s’exprimer de la sorte, et taillés à facettes convexes, fort semblables àj celles que l’on voit si communément sur les pommes de canelle ; nous avons remarqué, sur le visage de deux jeunes blancs des rides qui s’entrecoupent en tous sens, et plus pressées entre-elles (i ) D’après une notte au mot rustique 5 il paroit qu« MM. Pejsonnel et Dumonville, ont principalement remarqués ces symptômes affreux, aux lépreux re- légués à liste de la Désirade, dont quelques-uns y cloisnt depuis 1728. des Nègres. 285 que les rainures avec lesquelles les gra- veurs forment les ombres des estampes. « Les oreilles épaisses, pendantes, grai- nées , tuberculeuses , le nez dans le même état, c’est-a-dire les narines bou- tonnées , enflées, rondes , dilatées et quelquefois entièrement applaties, d’où vient qu’ils perdent l’odorat. « Les paupières gonflées, renversées, les sourcils détruits ou réparés par de petits poils fins et déliés, le front ridé , plissé, et comme sillonné , couvert de rugosités épaisses, et de bosses près les unes des autres, le regard fixe et affreux; ongles et pellicules sur les yeux ; la voix rauque , nazonnante , éteinte. » Les joues tuméficés avec protubé- rances irrégulières et livides, ulcérées, quelquefois comme plissées du haut en bas, en quoi ces visages ont assez de rapport avec les figures des satyres représentés par les peintres. « La langue fendue, crevassée, ayant des élévations pyramidales sur sa partie Maladies » supérieure, et des grains à côté des ra- ,, nules, enfin un changement notable 99 dans la couleur naturelle , le visage n du lion, les pieds d’éléphant, et 99 une vieillesse ordinairement préma- » turée Causes de la Lèpre. Tous les siècles attestent que les causes de la lèpre très multipliées, mais que la première de toutes est l’usage en boisson, des eaux terreuses ou corrom- pues. Sans leurs dangereux effets, les autres causes, même la dépravation des mœurs produiroient des désordres d’un autre genre. Dans quelque partie du Monde qu’on ait observé cette maladie, on l’a vu passagère dans tous les pays où l’homme boit de bonnes eaux, et eudé- miques presque par-tout où il n’en boit que des mauvaises. D’après ces faits, avec beaucoup d’é- crivains , nous considérerions l’Egypte comme le berceau de la lèpre5 si un grand DES NÈGRES. 287 nombre d’autres peuples de l’Afrique, de la Syrie, et de toutes les parties du % globe n’étoient pas comme ceux des bords du Nil, forcés de creuser des ca- naux, et de former des citernes pour con- server les eaux dont ils s’abreuvent pen- dant les longues sécheresses. Notre expé- rience nous apprend que les hommes su- bissent par-tout les mêmes afflictions, les mêmes infirmités, en proportion de la mauvaise qualité des eaux, de la variété destempéramens et duconcours des autres causes propres à pervertir les sucs lym- phatiques à les fixer à la peau et dans certaines portions du tissu cellulaire. Dans les contrées où l’on ne s’abreuve que d’eaux terreuses, l’homme a généra- lement , ainsi que nous l’avons observé ailleurs, le ventre gros , le visage hâve, les jambes mal-assurées \ il s’obstrue, son tissu cellulaire s’altère ; sa peau passe de sa couleur naturelle, à toutes les nuances qui affectent désagréablement la vue. Pour se convaincre de la solidité de Maladies de nos observations, il suffira d’examiner ce que nos possessions coloniales four- nissent , chacune, de lépreux et quelles sont les causes qui perpétuent cette ma- ladie dans les unes, tandis que d’autres ont si peu de lépreux, qu’on pourroit les considérer commmeen étant exemptes, si cette calamité ne leur étoit pas apportée des pays où elle a toujours été endémique. D’après les principes que nous avons posés, ne soyons pas surpris qu’à l’isle de Saint-Domingue , en 1712, le seul quartier du camp de Louise eut 28 fa- milles lépreuses, quoique les établissemens François, n’y eussent alors que 45,000 nègres, dont 13,000 à l’Ouest, 15,000 au Nord, et 17,000 au Sud. Mais à cette époque, les plaines de cette vaste et im- portante colonie étoient presque toutes marécageuses, et malgré les défrichemens et les grands travaux soutenus des colons, ce même quartier est encore aujourd’hui très-lagoneux (1), et rempli d’eaux bour- (i) Tiré de l’Espagnol, et qui signifie marais. des Nègres. 289 beuses. I) est d’ailleurs à observer que le -camp de Louise est célèbre par la débauche des flibustiers qui, après leurs courses et leurs capturess’y retiraient pour se li- vrer a leurs dissolutions. Aujourd’hui , tant par l’activité que par l’industrie des colons, dans la plu- part des lieux où des eaux croupissoient, il s’est élevé de superbes et riches plan- tations cultivées par une population de plus de 500,000 nègres et d’environ 40,000 blancs. L’on n’y trouve plus que quelques familles lépreuses, encore n’est-ce en grande partie que des éléphantiaques chez lesquels le virus de la lèpre borné depuis long-temps, parait ne se point com- muniquer entre le mari et la femme, et même lorsqu’ils vivent sagement , il se transmet rarement à leurs en fan s. Entre- autres exemples, je citerai le nègre Ta- queau , gardien de barrière de l’habita- tion Chastenoye, du quartier JVlorin, clé- phantiaque depuis plus de 25 ans, dont la jambe droite , hideuse par ses rides ? 290 Maladies et ses écailles, est dans toute sa longueur, aussi grosse que son corps. Pendant les huit années que j’ai été chargé des ma- lades de cette habitation , la femme de Jacqueau et leurs enfans, n’ont eu aucune maladie qui ait rapport au virus lépreux. Sans chercher nos preuves dans d’autres colonies, voici ce qui me semble trancher ù cet égard. Pendant que par la culture et le raffer- missement du sol, les habitans de la partie françoise de Saint-Domingue se procu- rent abondamment les objets de première nécessité , sur-tout de bonnes eaux, que depuis 150 ans, ils éloignent, peu-à-peu insensiblement, les causes de ce fléau et des autres maladies, l’habitant de Santo- Domingo , ( chef - lieu de la colonie Es- pagnole ) qui depuis trois siècles boit des eaux de mares et de citernes, est infecté de lèpre et autres maladies cutanées, tandis que dans les campagnes voisines de cette cité, où l’on boit des eaux de rivières, le cultivateur en est si rarement attaqué, des Nègres. que Charlevoix assuroit, il y a 60 ans, que la lèpre y étoit inconnue, & que sa fréquence à Santo-Domingo devoir être, attribuée aux eaux de mares & de citernes. Ce missionnaire auroit pu ajouter aussi à une très-grande malpropreté & à Tusage habituel de la chair de cochon & autres mauvais alimens dont l’Espagnol de ces contrées se nourrit. Ces derniers causes méritent d’être calculées par-tout & prin- cipalement sous un ciel brûlant, lorsqu’il s’agit de l’état du sang , des différentes humeurs et de la perversion des sucs lym- phatiques. Mais qüe n’auroit pas aujour- d’hui à observer un historien politique tel que Charlevoix, sur la décroissance sensible de la culture dans les possessions des Espagnols de Saint-Domingue , où dans une étendue d’environ 4000 lieues quarrées ? Cette nation n’a maintenant que 1400 nègres. Ce que nous avons observé à Saint- Domingue, se remarque également dans tous les établissemens des isies qui for- 292 Maladies ment l’Archipel de l’Amérique, avec les différences qui appartiennent non seule- ment à chacune de ces isles, mais encore d’un quartier à un autre. Par exemple, la Guadeloupe , de laquelle nous nous sommes déjà beaucoup occupés, & quia actuellement 95,000 Nègres , continue depuis le commencement du siècle, d’a- voir toujours, relativement à sa popula- tion et comparativement avec la partie Françoise de Saint-Domingue , la Gre- nade , les isles de France & de Bourbon, &c, un très-grand nombre de lépreux. Mais afin de porter plus particulièrement le flambeau de la conviction dans une matière aussi importante, considérons la Guadeloupe avec elle-même, et nous ver- rons que ce qui se passe dans une partie de l’Isle est différent de ce qui se passe dans l’autre. Dans une science telle que la médecine, il n’appartient qu’aux faits de faire autorité, et c’est aussi les faits seuls que le médecin praticien doit in- voquer. des Nègres. Si l’insalubrité des lieux et sur-tout les mauvaises qualités des eaux, n’étoient pas cause première de la lèpre qu'éprouve cette Colonie , la portion de cette isle , connue sous la dénomination de Guade- loupe proprement dite et qui est ia plus anciennement établie, auroit eu des lé- preux avant les grands défrichemens et la formation des établissemens de l’autre portion appellée Grande Terre, lesquels , n’ont pris d’accroissement et d’impor- tance que beaucoup d’années après ceux de la Guadeloupe , quoique concédés a la même époque. Mais elle n’en avoit point, et pour prouver cette assertion , j’observe d’abord que pour subvenir aux frais de visite, nourriture, logement , et entretien des lépreux, en 1728, le gou- verneur et l’intendant n’imposèrent que les seuls habitans de la Grande-Terre. Mais depuis cette époque remarquable , les deux parties de ia colonie étant très- près l’une de l’autre , et la fréquentation des blancs & des noirs y étant continuelle* Maladies le mal s’est communiqué aux habitans de la Guadeloupe ; et en conséquence , ils furent obligés, en 1748, de contri- buer comme ceux de la Grande-Terre, aux frais de visite et autres dépenses qu’exigeoient les lépreux. Ecoutons sur ce fait le gouverneur lui- même , dans le compte qu’il rend les 11 et 15 décembre 1748 , tant en son nom, qu’en celui de M. Marin, intendant de la triste situation de ces infortunés : « Quoique la Guadeloupe fournisse à peine le cinquième de la totalité des malades, nous vous prions de nous envoyer une ordonnance qui nous au- torise à comprendre dans les imposi- tions les habitans de la Guadeloupe, comme ceux de la Grande-Terre. Ne faisant ensemble qu'un seul gouver- nement, il est naturel que toutes les parties en supportent également les charges, » Nous pensons que cette imposition ne peut être moindre de liv. des Nègres. a afin de subvenir aux frais de transport » des malades, à la Désirade, des four- 0) nitures de vivres k ceux qui sont pauvres, » ou qui ne seront point en état d’en 93 avoir assez pour eux-mêmes «. Ces ad- nistrateurs prévoyans ajoutent : » L’im_ 9y position doit être telle, qu’elle puisse 93 suffire aux secours spirituels et tempo- 93 rels des malheureux que nous sommes 93 forcés de séparer pour un temps de 93 la société Dans une autre lettre, après avoir fait la visite de chaque individu, ce vertueux gouverneur hésite avec lui-même, et ne croit pas avoir une autorité suffisante pour faire enlever les lépreux de leurs foyers, malgré le danger quil y a de les laisser avec des hommes sains. Il répète encore dans cette dépêche : « Les médecins qui s’occupent actueî- 99 lement de la température de l’air, des 93 lieux, des eaux, et des aliments, doi- 93 vent observer, par le peu de lépreux 93 trouvés a la Guadeloupe, que la bonté Maladies » de son climat, et la qualité des belles et bonnes eaux dont elle est arrosée , « Pont préservée du rapide progrès que ce' » mal a fait à la Grande Terre ». Avant que M. Declieu, fur gouver- neur on voit encore, par une requête signée de 68 habitans de la Grande-Terre, dattee du 20 avril 1725, et présentée à MM. de Moyencourt, gouverneur, et le chevalier de Feuquières général, que ce fléau éroit déjà tel, qu’ils sollicitoient la séparation de ceux de leurs conci- toyens qui en étoient attaqués, craignant que la plus saine partie d’entre-eux ne fût forcée d’abandonner ses habitations \ et à cet égard, plusieurs avoient déjà pris les mesures nécessaires. Il y a 13 ans, disoient-ils, en 1712, que par ordre de feii M. Phelipeaux, M. de Larnal-Maison amena ici avec lui, pour faire la visite de ceux qui étoient soup- çonnés de la lèpre, le frère Corne , su- périeur des Frères de la Charité, qui , par son procès-verbal, déclare saines des. des Nègres. 297 personnes qui étoient tellement corrom- pues que, peu de tems après, elles tombaient par pièces et par morceaux. Ce sont les propres expressions de la requête par la- quelle 68 habitans reconnus dans la lettre de M. de Moyen court pour être des plus notables, rapportent les progrès du fléau qu'ils éprouvent, à l’ignorance de ce frère de la Charité. Si, à cette époque, disent ces colons, il eut reconnu la ma- ladie , et que, sans distinction et sans exception , il eut fait séquestrer et trai- ter les personnes qui avoient le malheur d’en être attaquées, comme cela s’est pra- tiqué autrefois en France pour extirper un si grand mal, nous ne serions pas dans Pétât affreux où nous nous trou- vons à la Grande-Terre. Si M. Phelipeaux lieutenant - général , conseiller d’Etat d'épée, et précédemment ambassadeur de France , à la Cour de Turin, a pu, nonobstant son expérience présumée, s’en laisser imposer par l’habit du frère Cosme, au point de le charger d’un examen de Maladies cette importance , combien les adminis- trateurs en sous-ordre et en général, les particuliers qui, par leur position , sont moins à portée de bien apprécier les hommes, ne doivent-ils pas être circons- pects dans les choix qu’ils font, afin d’é- viter de devenir comme M. Phelipeaux, victimes de leur prévention et de leur erreur. Il est incontestable que toutes les par- ties de l’Isle dont les bords sont vaseux, celles où il y a beaucoup de terres noyées par la mer, couvertes de palétuviers, et où l’on boit des eaux de marre ou de citerne, sont aussi celles qui continuent de fournir un grand nombre de lépreux. La Martinique, dont nous avons déjà parlé indirectement, parce qu’elle a été jusqu’en 1763 , le siège du gouvernement général de toutes les isles du Vent, ap- partenant à la France , fournit les mêmes observations que la Guadeloupe. Sa po- pulation en Nègres est actuellement de 80,000, parmi lesquels il y en a de lé- des Nègre S. 299 preux. Mais ainsi qu’k la Grande-Terre de la Guadeloupe, les quartiers où Ton boit des eaux de marre ou de citerne, tels que les anses d’Arîay et ceux où les terres sont noyées comme aux environs du Fort-Royal, sur-tout dans la partie où sont malheureusement situés les hô- pitaux , sont véritablement les quartiers qui fournissent le plus grand nombre de lépreux. Quoique ce mal affreux paroisse aujourd’hui s’étendre dans presque routes les parties de la Colonie et qu’il y ait déjà quelques blancs qui’ en soient affec- tés ; les différences dans le nombre, re- latives aux qualités du sol et des eaux y ne peuvent échapper à un oeil attentif et observateur. Lorsque les premières se- cousses de la révolution se sont manifes- tées à la Martinique, l’administration de cette isîe, ainsi que celle de la Guade- loupe s’occupoîent des moyens de gué- rir ces infortunés, ou du moins d’adou- cir la rigueur de leur sort, en les envoyant,' avec les secours nécessaires, respirer le ' k bon air de l’îsle de la Désirade. Maladies Mais la Colonie où ces preuves sont le plus convaincantes , par l’excessive disproportion qui existe entre le nombre de ses Nègres, et celui des lépreux qu’elle fournit, c’est Plsle de Cayenne , et la province de Guyane, ou France équi- noxiale. Ces possessions sont situées entre le premier et le sixième degré de latitude Nord, depuis la rivière de Maroni, li- mite de nos possessions avec les FIol- landois, jusqu’au Cap de Nord qui nous sépare des Portuguais. L’Isle de Cayenne , séparée de la Grande-Terre, par deux petites rivière17, fait partie de cette grande étendue de pays , sur laquelle nos établissemens n’avoient encore, il y a six ans , lors du départ de M. de Fiedmon , gou- verneur, que 7,5 oo Nègres. On assure que depuis, le nombre en a été porté à 12,00c*. Celui de ses lépreux, de tout tems hors de proportion avec ceux de nos autres Colonies, étoit dernièrement de 120 à des Nègres. 301 la léproserie seulement et les adminis- trateurs assurent qu’il y en a encore beaucoup , dans les divers quartiers, qui s’obstinent à ne point faire l’aveu de leur situation , par l’espoir d’éviter d’étre séquestrés. Celui qui connoît les lieux dit, nous n’habitons que les côtes de ce vaste pays. Ses marais sont tellement étendus et mul- tipliés, que malgré les dépenses excessives du Gouvernement, l’intérieur du con- tinent reste inconnu, et pour ainsi dire impénétrable; d’autant que, comme nous l’avons observé ailleurs, il y pleut abon- damment pendant neuf mois de Tannnée et quelquefois davantage ; ensorte que les rivières étant très-souvent hautes, et les terres noyées , la connoissance de l’intérieur du pays , présente des diffi- cultés et des dangers qui rebutent l’homme le plus zélé , le plus patient et le plus courageux. J’ai pourtant vu M. de Fiedmont, M. de Préfontaine et M. Perault ? remonter très-loin les rivières 302 Maladies de Kourou , de Sinamai , d’Apronaquc et d’Oyapoquc. Les deux premiers ont même avancé, avec des canots Indiens, dans les petites rivières ou criques qui se déchargent dans celles qui conduisent à la mer, et que nous venons de nommer. Je les ai moi-même quelquefois accom- pagnés , lorsque le nombre et l’état de mes pauvres malades me le permettoient. Mais les forces et le courage de ces hommes intrépides s’épuisent inutilement. Ils meurent après des travaux que Pon n’a su ni apprécier, ni récompenser, et nous restons après les avoir perdus au point ou nous étions à la Guiane un siècle avant leur existence, laissant des marais fangeux entre nos pauvres éta- blissemens , et l’intérieur de cette vaste province, que quelques soi-disant phi- losophes , d’après les contes bleus du plus grand nombre de nos voyageurs con- tinuent de regarder comme la plus belle contrée de l’univers (i). (i) M. Bajon qui a imprimé «es mémoires deux des Nègres. 303 Les terrains bas et étendus de la Guiane, reçoivent non-seulement les eaux pluviales années après la première édition de cet ouvrage, et qui est devenu depuis grand propriétaire dans cette Colonie, dit lui-même, page 8, tome 2, en parlant des Savannes : « ces dernières sont toujours » noyées, et contiennent une quantité énorme de 9 poissons de toute espèce , avec un grand nombre 3» d’autres animaux, tels que des Cayman, et surtout » beaucoup de gibier aquatique ». J’ai été très-aise de me trouver d’accord avec M. Bajon , sur les principaux objets , tels que l’excessive humidité à laquelle je crois qu’il auroit pu rapporter encore davantage les causes des maladies de ces contrées. Dans le traitement du plus grand nombre de ces maladies je me suis félicité de m’être trouvé de l’ayis d’un homme qui a long-tems habité ce pays , et qui s’en est véritablement occupé d’une manière satisfaisante. Mais lorsque M. Bajon, dit page 10 du même ouvrage, qu’à la Guiane , la chair de bœuf vaut au moins celle qu’on mange à Paris : en convenant avec lui qu’elle y est succulente, il me permettra d’observer qu’il n’y a pas un seul endroit sous la Zone-Torride, même à Madagascar et aux Isles de France et de Bourbon , où l’on puisse mettre en parallèle les qualités de la chair de bœuf , avec celles du boeuf qu'on mange à Paris ou il est véritablement meilleur qu’en aucune partie du monde. 304 Maladies qui sont excessivement abondantes, mais encore celles de la mer que j’ai vu monter, dans les grandes marées , jusques dans les magasins de Kouvou , où elles pour- rissoient et décomposoient tout ce qui y étoit renfermé \ elles rendent même saumatres les eaux des fleuves à plusieurs lieues de leur embouchure. En un mof, les eaux de presque tous ces terreins (2) sont aussi malfaisantes à Pintérieur, et quelquefois davantage que celles des puits de Pondicheri, desquelles nous avons déjà parlé , page 232. Les poissons gras , et quelquefois huileux , production de ces terreins puants et fangeux , faisant la principale nourriture des. Nègres et de la classe nombreuse des blancs mal-aisés de cette (2) L’analyse chimique des eaux des puits de Koui'ou a été faite en 176 j., par M. Rouelle le neveu. J’ai répété plusieurs Fois depuis celte analyse, et le résultat s’est constamment trouvé d’accord avec les edéts que ces eaux produisoient à Pin- te rieur. DES NEGRES. pauvre Colonie, il faut ne pas vouloir calculer dans l’économie animale , les effets de ces sources de perversion des sucs oléagineux, et de l’altération com- binée de la graisse et de la limphe, fa- vorisés par le désordre des mœurs, et l’excessive humidité de l’atmosphère ; ou n’avoir vu qu’une Colonie, ou comme quelques sociétés , soi-disant savantes, n’en avoir vu aucune, pour chercher des causes plus actives et plus propres à pro- duire les funestes développemens de ce vice , conséquemment d’un plus grand nombre de lépreux dans la Guiane Françoise et Hollandoise, que dans nos Colonies de S. Domingue et des Isles de France et de Bourbon. La Colonie Hollandoise de Surinam, ayant eu lors de son établissement, à-peu- près les mêmes inconvéniens et les mêmes vices de situation à combattre, son ad- ministration , en mettant plus d’ordre dans ses calculs, d’argent et de suite dans Maladies ses travaux , une lenteur sage et graduée dans ses moyens , a réussi à porter sa cul- ture jusqu’à Temploi des 60,000 Nègres qu’elle possède actuellement. Mais des vices de Site ne peuvent qu’être corrigés : cette Colonie voisine de l’équateur, comme la Guiane Françoise, les pluies dans Tune et l’autre de ces possessions seront toujours trop considérables pour la culture ; l’air y promenant sans cesse des masses d’eau dans l’épaisseur des nuages, l’humidité, par l’effet inévitable du relâchement qu’elle produit sur les corps, favorisera toujours plus ou moins dans cette contrée, le dé- veloppement du vice lépreux. Les excellentes observations de M. Schilling ne laissent à cet égard aucune incertitude dans l’esprit. Ce médecin éclairé, laborieux , et qui a long-tems résidé à Surinam , a vu les funestes effets de ce virus, et en a suivi la progression. Il se jette, dit-il, principalement sur une des extrémités inférieures, il y reste long- des Nègres. 307 tems station naire, etc. mais dans aucune partie du monde la lèpre n’a ramolli, confondu et détruit les os , le périoste, les tendons et les muscles , avec autant de fureur que dans les Colonies voisines de la ligne équinoxiale* Aussi Cayenne, la Guiane Françoise et Hollandoise sont, sur ce point, tellement confirmatives de ce que j’ai mis en principe, que je pourrois me dispenser de parler des effets de ce virus dans nos autres Colonies, si la nature du sol et celle des individus n’exigeoient pas des modifications dans le traitement et la conduite des malades. D’après ces observations et ces prin- cipes , les Isles de France et de Bourbon, de l’heureuse situation et de la salubrité desquelles j’ai déjà parlé , page 22, n’ont eu, l’une et l’autre que très-peu de lépreux. Ce vice fut apporté à l’Isle de Bourbon en 1729 ; mais n’y ayant point de marais, point d’eaux croupissantes, et ses habi- tans ayant alors des mœurs pures ; ce mal y fit peu de progrès, et disparut. 308 Maladies Le nombre de Nègres à l’Isîe-de- France est actuellement de 45,000 , et a Plsle de Bourbon de 40,000. En 1767, il y avoit si peu de lépreux à Plsle de France , que M. Dupont mon prédécesseur , très-ancien dans le pays, et autres gens de Part, méconnurent les funestes effets de ce vice, et déclarèrent incurables les nommés Pedre, Topa, et le sieur Ladouceur, blanc, sans s’expliquer sur la nature de leur mal. Le premier étoit âgé de 55 ans, et le second de 25. Ce vice avoir déjà fait de grands progrès dans tous les deux, ainsi que cela a été constaté par plusieurs de mes confrères et par moi. Cette époque de ma vie, est d’autant plus remarquable, que quoique je ne visse point du tout M. Poivre, in- tendant, de qui j’ai déjà beaucoup parlé, et qui vouloir ma perte à quelque prix que ce fut, au-lieu d’employer , en cette occasion , comme il le faisoit ordinaire- ment , les contradicteurs et les ennemis qu’il m’avoit suscités , il m’adressa ces des Nègres. 309 deux infortunés , et m’écrivit en leur faveur un billet doucereux, billet que je conserve pour prix de tout ce que cet hypocrite m’a fait souffrir personnelle- ment , et du mal qu’il a fait aux hô- pitaux et à la caisse du Roi. (1) Dans cinq mois Pedre fut guéri. La douceur, fils d’un ancien soldat, qui avoit long- tems résidé dans les marais de Mada- gascar , avoit presque toutes les pha- langes des doigts cariées ; ces désordres ayant commencé dès l’àge de 10 à 11 ans, et s’ètant accrus par degrés , pre- sentoient de très-grandes difficultés. Aussi le traitement a-t-il été de 10 mois, je fus remplacé, à cette époque, et au moment où j’allois jouir de la satisfaction de ren. voyer à mes ennemis un lépreux guéri qu’ils avoient jugé incurable. On verra par quels moyens, à l’article curation. Depuis mon départ de l’Isle-de-France, il s’est écoulé 24 ans. Un de mes con- (1) Voyez le dernier chapitre du second volume. 310 Maladies frères dernièrement arrivé de cette Co- lonie , dans laquelle il a résidé près de 40 années de suite , assure que le vice lépreux n’y est pas aussi rare qu’il l’étoit de mon tems, où la pureté des mœurs et la beauté du sang créole , faisoient l’admiration de l’Européen. Aujourd’hui, nonobstant les avantages du site et la salubrité du climat, par une dépravation croissante dans les mœurs et par une dé- bauche horriblement effrenée , il peut y avoir, dit-il, actuellement parmi notre population blanche, et nos 45,000 Nègres, de 30 à 40 personnes attaquées de pet affreux virus. A cet égard il rapporte l’exemple de M. Depot y qui a servi, avec distinction, sous mes ordres , à l’hôpital du Port- Louis. Cet homme fortement constitué, s’est tellement laissé aveugler par la bru- talité de sa passion , que pendant plu- sieurs années il a changé jusqu’à trois fois par jour de Négresse. Ce malheureux a vu trop tard le précipice creusé par ses des Nègres. 311 débauches. Aucun remède n’a pu l’em- pêcher de tomber k morceaux ; et pour surcroit de tourment , il a conservé la connoissance jusqu’k son dernier soupir. La sévérité de mes conseils , et j’ose dire de mon exemple, avoient contenu pendant quelques-tems le trop malheureux M. Dépôt. Il cachoit au moins alors son penchant destructeur. Il savoit qu’au Midi comme au Septentrion, ou dans le voisinage de l’équateur , livré tout entier k un travail opiniâtre, je ne me suis permis d’autres délassemens , que ceux d’une société douce , honnête, et de l’espoir, cher à mon cœur, de former un établissement digne d’un homme qui s’est voué au service de l’humanité. Je ne prétends faire ni mon éloge , ni ma critique. La sainte et auguste vérité, k laquelle j’ai souvent sacrifié mon repos et mon bonheur, ne me permettroit pas de sortir , pour ou contre moi, des li- mites rigoureuses qu’elle prescrit. L’espoir que l’exposition de ces faits peut, par la Maladies réflexion , retenir le jeune homme qui court la même carrière, m’a seul déter- miné à parler de ma conduite, à laquelle je rapporte, chaque jour , l’avantage d’avoir soutenu, dans les contrées mal- saines d’entre les tropiques , l’assaut du climat, que les Européens y éprouvent, et celui de jouir en Europe, à un âge avancé , d’une santé assez constante pour pouvoir encore être utile à ma patrie. Préparation au Traitement de la Lèpre. Si l’on doit séparer les pianistes des hommes sains et des autres malades, à plus forte raison les lépreux. On a vu , par les détails précédens que*cela est in- dispensable pour les uns et les autres: la Guadeloupe suit cette pratique, depuis 60 ans l’isle de Cayenne , et la province de Guianne , depuis 14 ; et à cet égard, les chefs de l’administration doivent, comme M. Desclieux , être inexorables ; mais aussi, à son imitation et à celle de M, Defledmont, ils doivent avoir l’hu- DES NeGRES. 313 manité de faire fournir abondamment à ces infortunés tout ce qui leur est né- cessaire, soit comme aliment, soit comme médicament. Après avoir choisi pour rétablissement de la léproserie, le lieu le plus salubre, où les eaux sont ks plus légères, la vé- gétation animée , et les productions de bonne qualité, dès l’apparition des pre- miers symptômes, il est instant de s’oc- cuper du régime qui, pour les lépreux d’une constitution sèche, doit plus par- ticulièrement être humectant et diapho- rétique, le pain sera fait avec les meilleures farines et les plus nouvelles, les bouillons avec les viandes les plus fraîches et d’ex- cellente qualité , principalement avec la chair de tortue et de bons légumes. Si l’éléphantiaque est d’un tempéra- ment gras, ou qu’il ait une tendance à la cachexie, on ajoutera à ces bouillons le cresson ou autres plantes crucifères, ordinairement très-abondantes dans nos écablissemens d’entre les tropiques. La 314 Maladies vipère, la couleuvre et autres serpens ana- logues, ainsi que les écrevisses seront em- ployés très-utilement comme aliment, sur- tout pour ceux de cette derniere consti- tution. ü faut, comme l’observe M. Schillings pénétrer la masse des humeurs par les dé- layans; mais cela doit être fait, d’après le tempérament et l’état du malade, la saison et le site des lieux. L’homme sèc ne doit pas être préparé au traitement comme l’homme obstrué; il en est ainsi du bouffi , du cachexique, &c. Ainsi, le sujet d’une constitution sèche prendra des bains dégourdis et le lait que l’on coupera avec une infusion, soit des Heurs , soit des bourgeons du cotonier, du mapou , ou autres substances adou- cissantes. La quantité du lait et celle de l’infusion seront déterminées d’après l’état de l’estomac. Dans le plus grand nombre des cas, il convient de mettre trois par- ties de lait et une d’infusion. Pendant la saison sèche et dans les des Nègres. plages brûlées par le. soleil, on insistera sur l’un et l’autre de ces moyens prépa- ratoires , les boissons délayantes et les bains pendant un mois et même pendant cinq k six semaines; mais dans les temps de pluyesetdans les pays bas, ceux dont le sol est humide, où trop souvent les eaux séjournent et se corrompent, tel qu’k l’îsle de Cayenne, à la Guyanne Fran- çoise et Hollandoise, dans presque toutes les parties de Fîsle de Madagascar , k Batavia et aux environs des bords du Gange, ces moyens ne doivent être con- tinués que pendant 12 à 15 jours,trois semaines au plus, excepté pour les sujets dont la fibre nerveuse est très-irritable, qui ont quelquefois besoin de bains pendant tout ou presque tout le traitement. Quelques jours de préparation, par les bains et les boissons délayantes suffisent au lépreux obstrué, attendu qu’au relâ- chement des solides succéderoit l’épan- chement de la sérosité dans le tissu cel- lulaire , et c’est ce qu’il faut soigneuse- 316 Maladies mentéviter par-tout, mais principalement entre les tropiques où Ton a beaucoup de peine à conserver à la fibre le ton et îe ressort dont elle a besoin et sans les- quels nos principales fonctions ne sau- roient s’exécuter. La boisson la plus convenable au lé- preux obstrué, pendant la préparation, est une tisane faite avec la racine d? épine jaune très commune dans toutes nos possessions d’entre les Tropiques, à la- quelle on ajoute quelques feuilles, ou des bourgeons du Mapou avec un morceau de canne \ sucre ou de réglisse du pays. Suivant les circonstances, on peut subs- tituer à la racine d’épine jaune, l'herbe aux charpentiers ou la racine de pois- •pnant : quelque fois aussi on se trouve bien des eaux'minérales ferrugineuses na- turelles ou artificielles. Les eaux ferrugineuses contiennent ra- rement plus de 4 grains de fer par pinte, autant d’alkali, 4 ou 5 grains de terre, soit calcaire, soit magnésienney soit ar- des Nègres. 317 gilleuse, avec un gaz, ou fluide élastique qui les anime et tient le fer en dissolution. Quand une eau minéralle a été bien analisée, que la proportion des substances qu’elle charie est connue, il est si facile de l’imiter par la composition , que dans le plus grand nombre des cas., on peut, sans recourir à l’apoti caire chimiste, la composer soi-même. Mais comme nous l’observerons plus particulièrement à la fin de ce volume , les eaux minérales na- turelles méritent la préférence , sur-tout lorsque leurs propriétés sont démontrées par l’usage. Afin de rendre plus promptement aux fibres leur ton et aux fluides leur liquidité, ces moyens doivent encore être aidés d’un exercice, k l’air libre, proportionné aux forces et à l’état du malade. La préparation du lépreux gras empâté, sera la même que pour l’obstrué , avec l’attention de prescrire à l’un et à l’autre l’usage d’un peu de bon vin vieux k leurs repas. 318 Maladies On peut employer les mêmes moyens préparatoires pour les lépreux bouffis et cachexiques : on y ajoutera Fusage des pilules faites avec la liane purgative en poudre ou celle de jalap avec le sel de tartre de chacun partie égale, incorpo- rés avec suffisante quantité de sirop de sucre, ou de capilaire, afin de former du tout une masse que l’on divise de manière que chaque pilule contienne deux grains de poudre, soit de liane soit de jalap et autant de sel. Le malade prend deux, trois et quel- quefois quatre de ces pilules, dans la ma- tinée, et autant Faprès-midi, à des dis- tances k peu près égales , mais assez éloignées du dîner et du souper pour ne pas déranger les digestions. A cette dose, la liane et le jalap sont atténuans, fon- dans et apéritifs puissans. Quelquefois aussi il est nécessaire de donner la pré- férence à Foximel scillitique administré de la manière et avec les précautions in- diquées note Irc., page 136 et 137. des Nègres. Lorsque la cachexie est portée à un certain degré, le malade se trouve fort bien d’user des pilules et de l’oximel eu même temps. 319 Pendant la préparation, les malades bouffis cachexiques ont ordinairement besoin d’être purgés tous les six à sept jours, à cet effet 12,15 et quelque fois 18 des pilules que nous venons d’indiquer, prises dès le matin, remplissent parfaite- ment cet objet. Pour les autres lépreux, les distances doivent être plus éloignées, et déterminées, ainsi que l’espèce de pur- gatif, d’après l’état des premières voyes, et le plus ou moins d’appetit. Une préparation convenable au tem- pérament et à l’état du malade est d’une telle importance, qu’il y a des exemples de guérison par les seuls alimens, prin- cipalement par l’usage de la chair de la tortue continuée pendant cinq , six et sept mois ; d’autres ont été également guéris en mangeant beaucoup de lézards, avec l’attention de tenir leur peau dans Maladies un grand état de propreté et en s’abste- nant rigoureusement de voir de femme, o > c’est pourquoi, dans telle Colonie, la chair de la tortue passe pour spécifique de la lèpre, dans telle autre, c’est la chair du lézard. Si ces exemples de succès par l’usage de la chair de la tortue, ou de celle du lézard, aidés de la propreté et d’une con- tinence sévère, suffisent malgré leur rareté pour rendre le vulgaire enthousiaste , il n’en doit pas être ainsi du médecin qui doit savoir les apprécier à leur juste va- leur et les faire concourir à la guérison des malades, en les employant à propos. Mais malheureusement les médecins ont aussi leurs vulgaires et leurs entou- siastes ; dans les régions froides, où la fibre est ordinairement forte et consistante, une ou deux saignées conviennent incontes- tablement dans la préparation du lépreux, sur-tout du lépreux plétorique ; quelque soit le pays qu’il habite, ces évacuations diminuent alors sensiblement les affec- des Negres. trous cutanées ; d’après ce changement en bien et qui n’est que momentané, j’ai vu des gens de l’art prétendre guérir dans tous les cas en tirant indistinctement,à ces malheureux, 2, 3 et 4 livres de sang par semaine. A cet égard , je me contenterai de rapporter l’exemple suivant. En 1789, M. d’Aignan et moi fûmes appellés pour consulter sur l’état d’un lépreux, habitant ordinairementi’îsle de la Grenade et celle.de Sainte-Lucie, d’où il venoît pour se faire traiter à Paris. Ce malade, âgé de 50 ans, fut trës-surpris de ce que, avant d’avoir entendu les détails d’usage sur l’exposé des causes de sa ma- ladie , d’après la différence seule du sol de ces deux colonies où sont situées ses possessions, j’observai que le cruel état oùil setrouvoit avoir sûrement commencé près des marais fangeux de Sainte-Lucie et non pas dans les belles plaines de la Grenade : cela étoit effectivement vrai. Le médecin ordinaire, homme de 32 à 35 ans , avec de l’esprit et un ton tran~ Maladies chant qu’accompagne rarement le juge- ment médical qui naît d’un tact heureux et de l’expérience, ayant déjà fait tirer plusieurs livres de sang à ce malade , per- sistoit à continuer les saignées, en pro- mettant de renouveller, par ce moyen, ce fluide empreint du virus lépreux et de rendre, son malade un homme nouveau. D’après mon expérience , je com- battis vigoureusement, en présence de M.Dalgnan, un-sentiment aussi fâcheux; j’assurai que si on ne cessoit pas abso- lument les saigitées, ce riche infortuné tomberoit promptement dans une atonie ou une dissolution mortelle , et que d’a- près notre consultation , ce malade im- molé à un système aussi évidemment fu- neste , perdroit le médecin dans l’opinion publique , qui sans doute ne nous avoir fait appeller que dans l’espoir de nous voir approuver un pareil traitement. Cela étoit d’autant plus difficile que, dans cette occasion, il poussa l’erreur jusqu’à pré- tendre que l’air des marais produit sur DES NeGRES. 323 les animaux les mêmes effets que Pair des lieux élevés et des plaines bien cul- tivées. Après avoir cité inutilement \ ce mé- decin opiniâtre l’exemple , que la bougie .qui conserve sa flamme dans l’air atmos- phérique ordinaire , s’éteint dans l’air chargé d’émanations animales ou mé- phitiques, et se rallume dans l’air pur tiré du nitre ou du précipité rouge ; le voyant persister opiniâtrement, je lui demandai enfin s’il comptoir en Europe beaucoup de médecins de son avis, il me répondit, du ton le plus assuré — aucun. M. Daignan et moi n’avons point été rappelés chez le malade j mais quelque temps après ayant rencontré son ami, M. Lemort Delaroche, ancien intendant de l’isle de la Grenade, il m’apprit que tout s’étoir passé comme je 1 ’avois prévu ; que le malade avoir commencé par perdre la faculté de di- gérer ; qu'ensuite il étoit tombé dans l’épuisement et avoir succombé au trai- tement barbare contre lequel nous avions 324 M A L A D 1 E S vainement opposé les vrais principes et une longue pratique dans les colonies qui fournissent le plus de lépreux. L’on ne sauroit donc trop recomman- der au médecin d’entre les tropiques d’être en garde contre toute espèce de système; car celui qui, comme Ailhaud, avec sa poudre drastique, prétendroit purifier la lymphe et rétablir les désordres du tissu cellulaire par les purgatifs, condui- roit presque aussi promptement son ma- lade au tombeau, que par les évacuations sanguines, brusques et répétées dont nous venons de parler. Traitement. Lorsque les malades préparés seront à portée des eaux thermales sulphureuses, telles que sont à l’îsle Saint-Domingue les eaux de Boynes, quartier du Port-à- Pimant, ils en feront usage en bains et en boisson avec les précautions qu’exi- gent leur tempérament, le dégré de la maladie et leur état particulier ; mais dans DES NEGRES. tous les cas, les malades transportés à Boynes commenceront par l’usage des eaux de la source des dames, dont la cha- leur et l’action sont moindres que celles delà source de la Féronnais. Après quel- ques jours d’usage de l’un et de l’autre, l’officier de santé jugera, d’après leurs effets, si le malade sera en état de prendre celles de Rameru, de Dancteviîle et de Valliere; l’on terminera enfin par celles de la source de Vaivre, qui sont les plus, chaudes et les plus actives. Dans les cas de violentes douleurs, soit dans les organes du mouvement, on dans les os, les malades prendront avec avantage les bains des boues, quoique d’après l’analyse, ces eaux et les boues con- tiennent toutes principalement de la terre argilleuse, de la terre calcaire et du souffre combinés avec de l’alkali minéral, dans des proportions peu différentes. L’expé- rience journalière démontre la nécessité de ces précautions, sur-tout dans le trai- tement de Vétephantias-ïSj portéA un cer- Maladies tain degré : les malades restent alors dif- ficilement plus de 8 ou io minutes dans le bain, sans y éprouver des palpitations ; aussi dans le plus grand nombre des cas, est-il indispensable de tirer Peau de la source, 12, 15,18 et même 24 heures avant d’y mettre les malades : j’ai vu celle du bain de la cuve , 12 heures après avoir été tirée , faire monter le thermomètre à 36,38 et 39 degrés. Quoique ces eaux soient apéritives* dieurétiqués et diaphorétliiquesà un assez liant degré , dans le traitement de Pelé- pharitiasis, il faut augmenter leur action et leur énergie en les coupant avec la tisaiine de salspareille faite delà manière et avec les précautions indiquées page 152. Le médecin agira avec d’autant plus de circonspection à cet égard , que les eaux de Boyiies, ainsi que la Salspareille con- viennent peu aux sujets d’un tempéra- ment irritable chez lesquels la fibre, ten- due et toide , exige que Ton associe à ces eaux et à la Salspareille les adoucissants DES NeGHDS. et les mucilagineux , tels que le Gomho, les fleurs du cotonier, les sommités du fromager , ou autres de la même classé. Heureusement que les cas où les malades ont besoin de ces associations de remèdes à principes différais, sont rares, sur-tout dans de tels climats ; mais comme ils se rencontrent quelque fois, le jeune mé- decin doit en être prévenu, afin de di- riger ses conseils et sa conduite d’après le tempérament du sujet, la saison, le temps et le lieu. Les lépreux qui seront a la proximité des eaux des sources chaudes au quartier de Jérémie, des eaux minérales du quar- tier des Irois, de celles du cap Tiberon, ou Tiburon , ou enfin des sources puantes du quartier des Archaies, en feront usage. L’expérience démontre que malgré la dif- férence dans la combinaison de leurs prin- cipes, elles ont toutes des propriétés mar- quées pour la guérison des maladies cuta- nées et celles du tissu cellulaire;aussi les clé- phantiaques, je le répété, doivent en user Maladies de la manière et avec les précautions indi- quées. Mais de toutes ces eaux, n’ayant en- core, comme nous l’avons observé ailleurs, que celles de Boynes pour lesquelles on ait formé un établissement, les malades obli- gés d’y camper en quelque sorte et d’y transporter à grand frais tout ce qui leur est nécessaire pour les besoins de la vie , en attendant qu’on y ait pratiqué des commodités, nous invitons les malades de cette vaste colonie , qui peuvent être transportés, d’aller prendre les eaux de Boynes ou celles de Banique , dans la colonie Espagnole. Pour de plus grands détails sur les eaux minérales de Saint- Domingue et les ressources locales, voyez pages 83 et suivantes de nos observa- tions générales sur les maladies des cli- mats chauds. La Martinique,la Guadeloupe et autres colonies qui, comme l’isle Saint-Domin- gue, ont l’avantage de posséder dans leur sein des eaux minérales dont les proprié- tés sont éprouvées , nous invitons les gens des Nègres. de Part et les planteurs qui les habitent, de les employer au traitement des lépreux avec les précautions et les modifications, relatives aux principes qui les constituent, et à l’état particulier de chaque malade. Dans les colonies qui sont privées de ces ressources , on augmentera les pro- priétés diaphoniques de la tizanne de Salspareille, en y ajoutant la teinture an- timoniale d’huxam, depuis huit gouttes jrisques à 36 et même davantage sur cha- que pinte, ou une pinte et demie de cette boisson qui, dans le plus grand nombre des cas suffit pour 24 heures. Cette teinture a les mêmes succès em- ployés dans les bouillons , ou le suc des plantes crucifères pour les éléphantiaques qui ont aussi des symptômes de scorbut. Les ulcères affreux du nommé Pedre an- cien topa de Tisle de France , duquel nous avons parlé, ont été guéris par ce moyen. Son principal aliment fut cons- tamment la chair de nos excellentes tor- tues tirées de i’isle Rodrigue, avec un 330 Maladies peu de bon vin vieux de Cahors, alimens desquels nos hôpitaux n’ont jamais man- qué d’être suffisamment pourvus pendant îetrop court gouvernement de M. Dumas, général dont la fermeté,la vigilance et les lumières honorent infiniment l’huma- nité ; qualités précieuses contre lesquelles les ennemis du bien public n’ont cessé de s’élever , ainsi que nous avons eu pim- sieurs fois occasion de l’observer dans cet ouvrage. Lorsque les éléphantiaques ont des symptômes manifestes de vérole, le plus grand nombre des auteurs proscrivent les mercuriels ; je me suis quelquefois écarté de cette méthode , en ajoutant aux an- tivénériens végétaux, la solution du .su- blimécorrosif, à très-petite dose, sur-tout pour les tempérammens gras ; c’est ainsi que le Sr là Douceur, de l’Isle-de-France, duquel nous avons parlé , a été guéri , ainsi que plusieurs autres lépreux de nos différentes Colonies. La saine pratique proscrit les frictions; DES NÈGRES. mais l'expérience démontre que lorsque réléphantiase n’est point compliqué de scorbut, on peut , si la constitution et le tempéramment du sujet le permettent, user avec avantage , de la solution du sublimé, en ne prenant chaque jour qu’une cuillerée à café, d’une dissolution de 12 grains dans une pinte d’eau, ou un bol fait avec un grain de panacée , et suffi- sante quantité desyropde sucre. Dans les pansemens des ulcères des élépbantiaques , d’après quelques mé- diocres observateurs , tourmentés du désir de donner du nouveau et du mer- veilleux y des écrivains modernes s’élèvent dans leurs compilations contrelesonguents et les emplastiques-, surtout ceux dans lesquels entre le mercure ; j’atteste ici que dans toutes nos Colonies, comme en Europe, je me suis parfaitement bien trouvé dans les pansemens de ces sortes d’ulcères, d’abord, de plumaceaux garnis de digestifs, et par-dessus d’emplâtres de ccrat de Gallicn ou de Sparadrap , afin de Maladies prévenir les dangereux effets du contact de Pair , à mesure que les remèdes in- térieurs agissent. Les chairs perdent peu- à-peu leurs couleurs livides et blafardes ; la sanie cessant insensiblement d’être vi- rulente , se change en pus , il s’élève des bourgeons charnus que l’on réprime comme ceux des autres ulcères, soit avec la poudre d’alun calciné, celle d’euphorbe, ou autres épulotiques. On met par-dessus un emplâtre fait avec la pommade citrine, qui n’est que le mercure dissout dans l’esprit de nitre, et mêlé avec l’acsonge de porc,d’après les proportions indiquées par le codex de la faculté de médecine de Paris, composition connue vulgaire- ment sous le nom d’onguent à gale, que j’emploie aussi, depuis plus de 3$ ans, avec beaucoup de succès, sans mé- lange, étendu sur de la peau ou du linge pour la cicatrisation des vieux ulcères. Comme les remèdes les plus utiles sont incontestablement ceux pour lesquels on éprouve le plus de difficultés pour en des Negres. 333 étendre l’usage, j’ai trouvé des gens de l’art très-instruits dans la théorie , mais assez peu éclairés dans la pratique, pour craindre que quelques molécules mer- curielles venant à se détacher de ces em- plâtres ne passent dans le sang, et y causent des désordres , tandis que ces hommes à prétentions et â systèmes, qui employenc la majeure partie de leur vie à discuter et a tordre les observations d’autrui , ne craignent pas d’employer dans le traite- ment de la gale, cette même pommade sur différentes parties du corps de jeunes sujets de l’un et de l’antre sexe, quel- quefois à dose assez peu mesurée pour exciter la salivation , surtout chez ceux: dont l’organisation nerveuse est infini- ment sensible à l’action de ce minéral : ils répondent que leurs malades en sont quittes pour observer pendant quelques jours un régime doux , humectant, se gargariser de tems en tems avec la pre- mière boisson mucilagineuse , tenir leur corps bien couvert, et garder l’apparte- 334 Maladies ment. Mais leur objection sur les effets de la pommade citrine dans les panse- mens des ulcères, toute absurde qu’elle est , prononcée avec l’air et le ton de l'assurance , elle porte, dans l’esprit du malade et de ses proches, la crainte et la défiance , retarde la guérison et les progrès de l’art. Dans les cas de caries profondes des os, ou leur ramolissement, on doit con- tinuer plus long-tems les remèdes ca- pables d’adoucir l’acrimonie des humeurs, et détruire le vice lépreux ; d’après son analogie avec celui qui produit le pian et le vice vénérien , on obtiendra des succès de l’usage du rob de M. l’Affecteur, pourvu qu’il soit continué jusqu’à 10 ou 12. bouteilles, et à dose proportionnée à l’état et aux forces des malades ; les mêmes observations sont applicables à la tisanne desalspareille, dont l’usage indispensable, dans ces fâcheuses circonstances, doit être continué pendant deux mois et même plus, après avoir fini de prendre le rob. des Nègres. L’on doit entretenir la plus grande propreté dans les pansemens , soit des ulcères, soit des caries , et éviter le plus qu’il est possible les opérations de chi- rurgie, qui, indépendamment des dangers qu’elles présentent, sont de toute inutilité, jusqu’à ce que le vice de la masse géné- rale des liqueurs ait été entièrement détruit. Dans le traitement des ulcères produits par le vice piaiiique, nous avons parlé des bons effets de Implication du ma- nioc crud , nous en recommandons ici également l’usage ; en se conformant à ,ce que nous avons prescrit dans le cha- pitre précédent, on obtiendra des succès véritablement marqués : ce remède , que les ■ Nègres emploient si Souvent en Afrique , en Asie et en Amérique, mé- rite sa réputation. Le but de l’homme de l’art , est de guérir par les remèdes intérieurs et les pansemens méthodiques , les ulcères des articulations, comme ceux des autres parties , les tubercules, les taches les 336 Maladies difformités et de rétablir la faculté de' sentir. Quelquefois les escarres sont con- sidérables 7 et laissent à nud les parties qu’elles couvroient, ce qui est gênant et fort sensible, surtout lorsque ces grandes dénudations se font aux pieds ; les ma- lades ont véritablement k souffrir jusqu’à ce que la nouvelle peau ait pris assez de consistance pour supporter les frottemens indispensables dans les mouvemens mus- culaires. Dès que ces grands objets sont remplis, on s’applique à fortifier le nouveau té- gument , afin d’en prévenir la rupture , soit par l’application de la pommade citrine, ou des compresses imbibées dans l’infusion des sommités du manglièr, (1) (1) Lorsque Fon est à portée des eaux ther- males sulfureuses, 011 peut les employer au même usage , ainsi que les eaux savoneuses 5 on en pré- pare même d’artificielles, ou Fon se sert de l’eau de mer seule, en bains et en lotions, ou épaissie avec le sucre mucilagineux des fleurs du cotonier, ®u des sommités du fromager. des Negres. 337 celle de toutes les espèces de baume , de la deuxième peau du citronnier , ou autres substances fortifiantes et toniques. Ces infusions, édulcorées avec suffisante quantité de syrop de sucre , s’emploient également à l’intérieur; on en administre trois ou quatre verres par jour à des dis- tances k-peu-près égales, afin de concourir, avec le régime que nous avons prescrit, au rétablissement des solides, et s’opposer, sur-tout dans les climats humides , k la putrescence des humeurs : complication qui, sans un traitement raisonné, et un concours desoins dans la convalescence, exposeroit le malade k éprouver une fièvre putride, ou une fièvre maligne, qui le conduiront peut-être au tombeau , ou du moins obligeroit k suspendre le traitement de la maladie primitive , jusqu’k la ter- minaison de la maladie secondaire qui, quelque soit sa nature , doit toujours être terminée avant de recommencer l’ad- ministration des remèdes propres k com- battre le vice lépreux. 338 Maladies Observations sur quelques méthodes empiriques. Quoiqu’il paroisse certain que dans plusieurs Colonies , quelques malades aient été guéris par des méthodes empi- riques, je n’ai point été à portée de vérifier, pendant mon séjour à la Guiane , les effets de l’espèce de guy , dont parle M. Schilling, dans le traitement de îa lèpre, connue à Surinam sous le nom de Boasi , et de mal rouge à Cayenne, Quant à la méthode de l’affranchie de la Colonie Hollandoise , qui prétend guérir cette affreuse maladie, en purgeant ceux qui en sont attaqués deux fois la semaine, avec la gomme gutte , cela est d’autant plus surprenant, qu’il n’y a pas de pays connu où l’on emploie plus gé- néralement seul ce drastique violent pour évacuer les Nègres. En 1763 et les années suivantes , j’ai connu à Cayenne telle habitation, où, quelque fût la maladie des Nègres. 339 de l'homme de couleur, Thospitalière îepurgeoit, en lui faisant avaler, plein un dez à coudre , de cette substance dé- layée dans un petit verre d’eau, et sur-le- champ il mangCoit une assiettée de soupe. Je me suis beaucoup élevé contre une pratique aussi barbare : la différence dans la grandeur du dez, celle des sujets et de leurs maladies , auroient dû sans doute faire rejetter la bannalité de ce remède, prononcer sa proscription dans les aiguës, et en restreindre l’usage au traitement des chroniques, pour lesquelles il convient de le consacrer. Mais cet abus même prouve que si la gomme gutte , ou les grandes évacuations qu’elle produit, avoient véritablement la propriété de détruire le vice lépreux, Cayenne et la Guiane, n’éprouveroient pas ce terrible fléau d’une manière aussi dispropor- tionnée avec nos autres établissemens d’entre les tropiques. Il est vrai que l’affranchie, dont parle M. Schilling, fait en même-tems prendre 340 Maladies à chaque lépreux trois livres par jour , d’une décoction amère faite avec le bois et la racine dutondin ; elle employé éga- lement en lotion et en ablution la dé- coction des feuilles de cet arbrisseau , et ensuite des linimens préparés avec toutes les parties macérées d’une espèce de cuscute du pays (i). Malgré l’autorité de ce médecin éclairé, nous devons être en garde contre toute espèce de pratiques populaires et empiriques, sur-tout celles des Nègres. Ce que les anciens ont dit sur les effets de la chair de crocodiles, dans le traite- ment de l’éléphantiase des Egyptiens, et quelques modernes sur ceux du Cay- man (a), soit de l’Asie , de l’Afrique, pu de l’Amérique , exige de nouveaux (i) Les caractères botaniques de la cuscute, du guy et du tondin de Surinam , se trouvent à la fin de l’ouvrage de M. Schilling. (2,) Le cayman est le même animal que le cro- codile ; malgré ces dénominations , et quelque des Nègres. 341 examens. Les principes actifs de cet am- phybie sont incontestablement dépu- ratifs de la limphe ; mais sans de nou- velles observations , nous ne pouvons déterminer Jusqu’k quel point on doit compter sur leurs propriétés dans le trai- tement de la -lèpre. difféi'enre dans la forme, selon les climats, ils- composent la cinquième espèce de lézards $ ainsi, par exemple, celui du G ange a le museau fort long et fort effilé, et celui de Ceylan , ( nommé Kimbula, par les naturels du pays), est marqué de taches noi- râtres. Ces variétés , sur-tout leur excessive dispro- portion dans la grandeur, ne les empêchent pas de conserver toujoursleur ressemblance avec les autres espèces de lézards. Il est vrai aussi que la chair du cayman est par-tout excessivement musquée r tandis que dans nos élahlissemens d’entre les tro- piques , sur-tout à Caverne , cl au continent équi- noxial , celle des lézards a le goût aussi exquis que le dit, le Pere .Labat de la chair de ceux de la Martinique , Sainle-Lucie, et autres Lies de l’Ar- chipel , de l’Amérique. Cette différence vient de ha. grosseur de l'animal-, 342 Maladies DU MAL D’ESTOMAC LE PLUS FRÉQUENT ENTÉE LES TROPIQUES, ET AUQUEL LES NÈGRES SONT FORT SUJETS. CHAPITRE XIII. Le vice de digestion, appeîlé par les an- cïens y bradypepsie, est cet état dans lequel l’estomac garde plus long-temps les alî- mens qu’il ne doit le faire, sans que, pour cela, ils subissent le dégré d’élaboration qui fait la bonne digestion. On sent dans la région épigastrique, poids et tension , mal aise dans toute l’habitude du corps, accompagné d’engourdissement, de perte d’appétit, et du désir de rester couché. Les matières alimentaires n’étant pas suffisamment préparées, s’arrêtent et font, des Nègres. 343 par leur séjour, suivant la disposition du sujet, l’ancienneté de la maladie et la na- ture des alimens , différentes espèces de sabures. Chez les Nègres, sur-tout ceux nouvellement arrivés de la traite, et qui ne sont point encore acclimatés, la langue, le palais et les gencives se décolorent peu-à-peu et deviennent d’une blancheur excessive. Quelquefois aussi les substances alimentaires passent pour ainsi dire sans avoir subi d’altération; les malades, comme dânsVapepste chronique, ne digèrent rien ou presque rien, et dans l’un et l’autre cas, la fièvre lente survient* Les causes de la diminution de l’action de l’estomac et des désordres subséquens, sont morales ou physiques, les sucs di- gestifs perdant leurs forces, leur énérgie, n’agissent qu’imparfaitement sur les ma- tières qu’ils dévoientpénétrer et dissoudre. Ce défaut d’énergie du suc gastrique, ce- lui de la bile , du suc pencréatique et du sue intestinal, produit des embarras* des obstructions, principalement lorsque 344 Maladies les personnes logent dans des lieux hu- mides , ou qu’elles, viennent d’essuyer quelques maladies aiguës. Le plus souvent il n’y a point d’ap- pétit, ou il est désordonné , les malades désirent des substances âcres et piquantes : quelquefois la dépravation des organes est telle, sur-tout chez les Négresses de 13 à 14 ans , qui ne sont point encore nubiles, que leur goût les porte à manger du charbon , des cendres , de la terre 3c autres substances de cette nature. Si dans ces climats on ne remédie pas promptement à ce fâcheux état, les so- lides s’affoiblissant de plus en plus, con- duisent â la désunion des fluides, la sé- rosité se sépare du sang et s’épanche dans le tissu cellulaire, d’abord dans celui du visage et des pieds, ensuite dans les prin- cipales cavités \ tous les caractères de la cachexie se manifestent, les forces dimi- nuent , la respiration devient gênée ; les; viscères, sur-tout ceux du bas-ventre, prennent un gros volume % tous, les de - des Nègres. sprdres augmentent et le malade périt. Les Nègres paresseux , mal propres , ceux dont la structure s’éloigne le plus des proportions exactes, d’une taille un peu au-dessus de l’ordinaire , peu musclés, et qui cependant ont le bas de la jambe et le pied trop prononcés , tandis que le mollet applati est pour ainsi dire sans expression , la poitrine un peu serrée et étroite, les épaules hautes , le bras et l’avant-bras ne présentant également ni proportion , ni grâces, ni force dans sa structure, distinguant à peine la saillie arrondie du ventre du biceps, de sorte que les muscles, organes du mouvement, n’ayant rien de la construction athlétique, annoncent la foiblesse et font craindre la désunion des principes des liqueurs qui conduit si facilement, je le répété, les individus de cette constitution à la bou- fissure et à la cachexie, sur-tout après une maladie aiguë, ou même simplement après quelques accès de fièvre. Le chagrin , le découragement, rhypochonderie et toutes 346 Maladies les causes de tristesse lui font également faire des progrès rapides. 11 en est ainsi des jeunes filles , des femmes, à la suite de leurs couches, lorsque leurs lochies vien- nent à se supprimer, et des sujets de l’un et l’autre sexe qui ont, soit dans l’esto- mac ou les intestins, une disposition k la génération et à Ja reproduction des vers. L’attention et la surveillance du médecin doivent, selon ces diverses cir- constances , le porter à examiner scrupu- leusement si une ou plusieurs de ces causes ont agi sur son malade \ il s’en trouvera malheureusement quelques uns chez les- quels il aura à combattre le penchant affreux du suicide , principalement les sujets de nation , Mina et Arada. Traitement, Après avoir suffisamment examine quelle est la cause principale de cet état fâcheux, sans laquelle, le plus souvent,les autres causes rester oient sans effet ; qu’elle soit morale ou physique, la soin le plus DES Negres. 347 pressant est de la faire cesser ; dans le premier cas le médecin cire ses ressources de son cœur, il agit ou fait agir sur son malade ceux qui ont de l’ascendant sur lui, ou dans lesquels il a placé sa con- fiance ; dans le second , il suffit quelque- fois de lui faire fournir des alimens plus animés, plus toniques, des vétemens plus chauds , ou un logement plus élevé et moins humide. Alors les remèdes apéritifs, fortifians et toniques rehaussent plus efficacement le ton de la fibre ; les fluides qui les ra- molissent et en détruisent la cohésion sont portés du côté des reins ou à la superficie du corps. A cet effet, on commence par évacuer le produit des mauvaises digestions, soit avec l’émétique, ou l’hypécacuanha ad- ministrés à dose capable de vuider l’es- tomac par le vomissement : deux jours après , on le purge avec la poudre de liane ou celle de jalap, à dose propor- tionnée à l’âge, la force et la grandeur Maladies du sujet ; on ajoute a la poudre le double de son poids de sucre que Ton mêle bien par la trituration \ 36 grains de poudre de liane purgative ou de jaîap avec un gros de sucre suffisent dans le plus grand nombre des cas. La fibre ayant besoin d’une augmen- tation de forces pour vaincre le moment tum qui lui résiste, si on est a proximité des eaux minérales, sur-tout des eaux fer- rugineuses , le malade en usera ; s’il en est éloigné , on leur substituera la teinture de mars et les infusions des plantes amères* ou des feuilles du manglier. On prévient l’épanchement du fluide aqueux qui abreuve le tissu cellulaire', on écarte l'abattement et la langueur en administrant ensuite chaque matin une cuillerée à bouche de tafia, dans lequel on aura dissous un gros d’aloës sur cirque pinte ; si elle passe bien , on répète cette administration à midi et autant le soir, au moment de manger ; il y a même des circonstances où la dose doit être aug- des Nègres. 349 mentée, mais il y a aussi des sujets qui n’en doivent prendre qu’une fois le jour; c’est à la sagesse et à la prudence du mé- decin à régler, d’après les effets, la dose de ce remède et à lui substituer quel- quefois l’excellent élexir de Garus dont quelques estomacs se trouvent mieux , quoique l’aloës fasse la base principale de l’une et l’autre composition : cette différence vient de celle du tempérament; la nature a , sous la zône torride, telle- ment multiplié les amers et les stoma- chiques , que dans ces diverses circons- tances , le jeune médecin ne sauroit être embarrassé pour suppléer ceux auxquels je l’invite de donner la préférence. Le choix des alimens est ici de la plus grande importance. En général, les vian- des rôties et le poisson de rivière méri- tent la préférence ; mais quelque soient ceux que l’on peut se procurer, ils doi- vent être épicés et pimentés en propor- tion de la diminution du ton et du res- sort de l’estomac ; dans ces mêmes vues , Maladies on y met du poivre, du sel, quelquefois du gingembre et delà candie , afin de ramener peu-k-peu la fibre au ton qui lui est nécessaire pour le libre exercice des fonctions ; mais cela doit être fait avec précaution et graduellement, pour ne pas trop exciter la soif et faire naître des embarras dans certaines parties. Les alimens fades et douceâtres non- fermentés, dont le plus grand nombre des Nègres se nourrir, m’a souvent déterminé à conseiller leurs maîtres ou leurs repré- sentai de faire manger à la grande les convaîescens, principalement ceux qui sont attaqués de mal d’estomac, de les faire servir en leur présence et en même temps qu’eux. Je rends ici, avec plaisir, justice aux colons. Je les ai tou- jours, ou presque toujours trouvé dis- posés à suivre mes conseils sur ce point intéressant , ainsi qu’à faire donner, k chaque repas, aux Nègres dans cet état, le quart d’une bouteille de bon vin; l’homme,surtout l’homme malade ou ex- DES NÈGRES. 351 ténué par la maladie, aime que l’on s’oo cupe véritablement de lui ; aussi, cette sollicitude, des soins de tous les jours y je dirois presque de toutes les heures et de tous les instans, aidés d’un exercice proportionné aux forces et même d’un léger travail à l’air libre, sont suivis du succès le plus heureux , sur-tout lorsque le traitement a été commencé avant que le mal ait fait de grands progrès. Maladies OBSERVATIONS SUR LES LUXATIONS DE L’HUMÉRUS AVEC L’OMOPLATTE, ET CELLE DU FÉMUR AVEC L’ISCHION CHAPITRE XIV. T i A manière dont l’humérus est articulé avec l’omoplatte, le peu de profondeur de la cavité qui le reçoit, les ligamens, la capsule , les attaches et la situation des muscles se trouvant parfaitement dé- crits dans plusieurs ouvrages, je ne par- lerai de ces différentes parties, quelque .soit la cause qui ait déterminé la tête de l’humérus à sortir de sa cavité, qu’au- tant que cela sera nécessaire pour expli- quer la méthode par laquelle la réduc- des Nègres. 353 tion doit en être faite , pour éviter aux colonies Temploi des moyens cruels et barbares dont se servoient nos pères et malheureusement encore quelques chi- rurgiens recommandables d’ailleurs, mais trop attachés à une routine qui, depuis long-temps, devroit être proscrite. J’ai gémi, & je gémis encore qu’un opérateur du mérite et sur-tout de la ré- putation de M. Moreau, chirurgien-ma- jor de l’Hôtel-Dieu de Paris, ait cons- tamment refusé de pratiquer et d’en- seigner à ses nombreux élèves la méthode proposée en 1763 par MM. Fabre etDu- pouy, qu’il ait préféré de faire beaucoup souffrir ses malades, et quelquefois de les laisser estropiés plutôt que de rendre justice à la simplicité et à la facilité des moyens pratiqués avec des succès cons- tatas par les chirurgiens qui ont adopté cette nouvelle manière de faire la réduc- tion de l’humérus. Au lieu d’appliquer , comme autrefois , les forces extensives à la partie inférieure 354 Maladies de l’huménas, cette méthode consiste sim- plement à faire tirer le bras luxé par le poignet. Alors, la main de l’opérateur, sans aucun aide, pour la contre-exten- sion, fait rentrer, le plus ordinairement, avec autant de facilité que de prompti- tude , la tête de l’os dans sa cavité. Une légère connoissance des muscles qui forment obstacle à la réduction de l’humérus, suffit pour entendre cette opé- ration et pour mettre les gens de l’art, en état de l’exécuter. Les attaches fixes du grand pectoral sont sur le devant de la poitrine, au ster- num et aux cartilages des vraies côtes, celles du grand dorsal à l’os des isles, au sacrum et aux vertèbres des lombes, et leurs attaches mobiles à la partie supérieure interne de l’humérus, environ au quart de sa longueur ; de sorte que ces deux forts muscles, lorsque le bras est levé ho- rizontalement, forment un angle droit avec cet os. Par les anciennes méthodes, c’est principalement sur ces muscles, près des Nègres. de leursattaches mobiles,que Ton applique le îacq avec lequel on fait la contre-ex- tension, de manière que Ton s’oppose à la réduction de l’os, en proportion delà force que l’on emploie pour cette contre- extension. Comme le lacq extenseur s’applique cir- culairement au-dessus des condiles de l’hu- mérus , et que dans le nombre des mus- cles qu’il embrasse se trouve le bisceps, dont les attaches fixes sont à l’omoplatte, et les mobiles à l’avant-bras , il s’ensuit qu’avant d’agir sur l’os, pour en opérer la réduction, il faut nécessairement vain- cre la résistance qu’opposent ces muscles, et leur faire souffrir des extensions vio- lentes. Ainsi, l’ambe d’Hypocrate, l’é- chelle, la porte, la machine de M. Petit, même , tendent plutôt .à rompre les atta- ches de ces muscles, qu’à réduire la luxation. Tandis que par la méthode de MM. Fabre et Dupouy, méthode que je me flatte d’avoir perfectionnée ,par une lon- Mala dies gue pratiqué, dans les cas les moins fa- ciles , en supposant la contre-extension nécessaire, il suffit de faire retenir le corps par le moyen d’une serviette dont le mi- lieu se place sous le bras luxé, de manière qu’elle n’appuie point sur les tendons du grand pectoral et du grand dorsal. L’on fait ensuite, par gradation, tirer le bras parle poignet, dans la direction où les muscles sont le plus relâchés. Par ces moyens aussi simples qu’aisés, la tête de i’os rentre d’elle-même, ou du-moins avec une facilité surprenante, même pour les meilleurs anatomistes. A l’époque de la découverte de cette méthode, ]e partis pour l’isle de Cayenne et la province de Guyanne, où le gouver- nement, pour tâcher de réparer la perte du Canada, envoya plusieurs milliers d’hommes pour former des établissemens au sein des forêts de ce vaste continent. M. de Choiseul, alors ministre , échoua dans ce projet, parce qu’on ne remplace point un pays qui crée des hommes, par des Negres. 357 un pays qui les détruit. De tous les tra- vaux indispensables dans cette entreprise, les abbatis d’arbres furent les plus pénibles et les plus dangereux. Le moindre loge- ment , la plus petite cabane n’ayant pu s’exécuter qu’avec la hache , la coignée et autres instrument & machines dont l’emploi pénible , sur-tout dans un cli- mat brûlant, expose à divers accidens, il y eut plusieurs luxations du bras avec i’omoplatte. C’est-la que j’ai eu occasion d’employer, pour la première fois, cette précieuse méthode et de l’enseigner à mes élèves, qui ensuite , ainsi que mes col- lègues , ont continué de la pratiquer avec le plus grand succès. De retour en Europe, à l’époque où la compagnie des Indes rétrocéda au Roi les îles de France et de Bourbon, je fus nommé chirurgien-major en chef des hôpitaux de ces colonies. Arrivé à mon poste, l’humanité & les devoirs de ma place m’imposèrent d’expliquer à mes élèves, ce que mon expérience m’avoir Malad ies appris sur cette intéressante méthode. Jaloux d’ajouter l’exemple au précepte, je saisis l’occasion que m’offrit un soldat d’artillerie, tombé ivre du haut du pa- rapet de l’un des forts du Port-Louis, dans les fossés. Par cette chute , la tête de l’humérus fut luxée en dessous. Phi ayant été averti avant que le malade fut porté à l’hôpital, j’eus le tems d’inviter plusieurs de mes confrères, tant de la marine royale, que de la ville, à se trouver à la réduction de cette luxation, pour la- quelle il me suffit de prendre la main du bras luxé dans la mienne, d’étendre l’avant-bras, et, comme je l’ai déjà expliqué, de faire, dans la direction des muscles relâchés, une légère extension ' O sur le poignet. Agissant ainsi de proche en proche sur l’humérus, la tête rentra avec tant de facilité, que ceux des assis- tais qui avoient les yeux fixés sur le vuide formé par la luxation à la partie supérieure du bras, sous le deltoyde , fu- rent avertis par le petit bruit que fait la DES NEGRES. 359 tête de l’os en rentrant dans sa cavité , avant d’appercevoir les légers mouve- mens par lesquels je faisois cette réduction. Il est inutile d’observer que le vuide formépar le déplacement de l’os disparoît à l’instant même qu’il rentre dans sa ca- vité, principalement lorsque la luxation est nouvelle, et que les parties n’ont point été tiraillées et fatiguées par des tentatives mal-entendues. Après un accident arrivé à l’articu- îation du bras avec l’omoplatte, il est essentiel d’examiner attentivement les parties qui la composent, pour ne pas s’en laisser imposer par le gonflement et la douleur de la capsule, des tégumens, ou des muscles qui peuvent avoir souffert de grandes distensions, quelquefois même des ruptures de fibres, sans qu’il y ait luxation. Le fait suivant en est une preuve. En 1767, le vaisseau Laiour, de la compagnie des Indes, commandé par ]VL Chatard, venant d’Europe & traversant 360 Maladies le canal de Mozambique, pour se rendre à risle-de-France, ses huniers hauts, fut as- sailli d'un grain. Un pilotin, se trouvant au bout de la vergue, fut jette en dehors par la voile ; heureusement qu'a l’instant, où ses pieds abandonnoient le marche-pied, il saisit un cordage de la main droite. Le vaisseau incliné fortement sur le côté, par la violence du vent et la grosseur de la lame, ne permit pas de le secourir sur- le-champ; de sorte que sa main et son bras soutinrent seuls le poids de son corps et les efforts de la tempête sur le corps lui-même. Malgré l’habileté et la célérité de la manœuvre, ce ne fut qu’après avoir resté environ une demi-heure dans cette périlleuse situation, que l'on parvint a sauver ce jeune homme , qui ressentit, dès cet instant, de violentes douleurs dans l'ar- ticulation de l'humérus et de l'omoplatte, ainsi que dans les muscles qui avoient été distendus avec tant de violence. Le chirurgien-major par qui il fut d'abord traité, n’ayant point reconnu de des Nègres. 361 luxation, prescrivit une saignée et des fomentations résolutives ; le bras fut tenu dans un absolu repos; les douleurs ne di- minuèrent qu’en partie , et comme le plus petit mouvement les augmentoit, le ma- lade portoit toute son attention à ne pas remuer son bras : ce fut dans cette posi- tion, après la traversée finie et le vaisseau mouillé dans la rade du Port-Louis, que le malade fut remis à M. Dupont, mon prédécesseur, (1) qui attribua la conti- (i)Dans les colonies comme ailleurs, quand on aie malheur d’avoir besoin d’être opéré , il est infiniment difficile de bien placer sa confiance. On doit se tenir en garde , non seulement contre les charlatans, mais encore contre ces hommes qui doivent leur réputation à l’habit qu’ils portent, à la place qu’ils occupent, et à des prôneurs ou protecteurs qui, pour être lâches ou puissans, n’en sont pas moins de grands igno- rans dans l’art de guérir. A ce sujet, je citerai le frere Côme, Feuillant, très-protégé à la ville et à la cour, excellent lilhotomiste, peut-être même le premier dans cette partie, à qui j’ai vu exercer audacieu- sement dans la capitale, d’autres branches de l’art de guérir qu’il ne connoissoit point du tout. Par exemple, clans le traitement des tumeurs 1 em- phatiques du sein des femmes, depuis Hipocrate, 362 Maladies nuation des douleurs et la difficulté de remuer le bras à la luxation de l’humérus avec Tomoplatte: dans cette persuasion, il le véritable praticien s’attache particulièrement à conserver leur intégrité, parce qu’étant une fois ou- vertes, les sucs, principalement la limphe , se perver- tissent par l’action de l’air, avec une telle promptitude, que les premiers moyens à employer sont de soutenir ces sortes de tumeurs, de les soulever même un tant soit peu, avec un bandage ouatté, afin de les garantir du froid et de l’impression des corps qui pourroient les meurtrir , les faire dégénérer en squirrhe , enfin ac- célérer le mouvement intérieur de leurs fluides et leur ouverture. Cependant c’est dans de semblables circonstances que, par défaut de principes,et quel- quefois par entêtement, le frère Corne avoit la témé- rité de donner un ou plusieurs coups de lancette dans ces sortes de tumeurs. Il bâtoit ainsi leur dégénéres- cence en carcinome, et conduisoit à la mort des malheureuses victimes dont le plus grand nombre auroit pu être guéri par l’usage de l’extrait de ci- guë et un régime adoucissant. De nos jours, parmi les lithotomistes de répu- tation qui se servent du litliotorae caché , n’avons- nous pas eu depuis , dans la capitale, le frère Po-< tentien, de l’orde de Saint-Jean de Dieu, dont la main très-sûre, malgré son grand âge, incisoît avec net- teté, mais dont la tête étoit si peu médicale et géomé- trique , que quoique l’opération de la taille lui fût des Nègres. 363 essaya plusieurs fois d’en fairela réduction; il mit entre ses tentatives, des intervalles de quinze jours et de trois semaines, appli- très-familière , je l’ai vu opérant en public, ne, pas estimer juste la grosseur de la pierre , ne pas donner assez d’ouverture à son lithotome , faire l’incision trop petite, passer facilement le gorgeret et la te- nette, mais quand la pierre étoit entre ses branches ne pouvoir la sortir sans meurtrir et déchirer les parties avec une telle violence, qu’aux douleurs les plus aigries succédoitla gangrène et une mort affreuse. Il lui auroit été très-facile d’éviter ce malheur, en re- tirant la tenette, et en agrandissant l’ouverture par une dilatation proportionnée au volume de la pierre ; ce qu’il eût sans doute fait, s’il n’eût pas eu la foiblesse, pour ne rien dire de plus, de n’oser avouer qu’il avoit mal jugé la grosseur de la pierre et fait l’incision trop petite. Dans ces circonstances affreuses pour le cœur de l’homme sensible et délicat, les malades ainsi vic- timés ne restent point dans la salle avec les autres opérés ; les religieux les placent dans l’inférieur de leur maison. Par cette soustraction, les élèves ne peuvent suivre les pansemens de ces malheureux , observer les sim ptomes et les accidens qu’ils éprou-» vent jusqu’à leur mort, et faire, par l’ouverture du cadavre, l’examen des parties lézées comme ils en ont là facilité dans tous les hôpitaux qui ne sont pas 364 Maladies quant ses forces extensi vesaudessus des con- diles de l’humérus, Il étoit tellement per- suadé de ce qu’il fit appliquer dirigés par des hommes aussi protégés que le sont les frères de la Charité. Si, en 1755 et les années suivantes, les prôneurs et les protecteurs du frère Potentiel!, l’avoient, comme moi, vu à l’hôpital de l’Isle Royale , où , malgré qu’il fût l’un des, entrepreneurs, il faisoit les fonc- tions de médecin , ils se seroient moins empressés à lui foire traiter des maladies internes de toute es- pèce, Quoique de lui-mêmè, à la charité de Paris où il a résidé depuis, il se fut borné aux opérations de chirurgie, ce religieux ne cedoit pas moins, comme le faisoit le frère Corne , aux instances peu éclairées des hommes riches ou puissans qui l’em- plojoient dans le traitement des maladies internes. Dans la colonie de St. Domingue, où les loix con- cernant la médecine et la chirurgie sont très mul- tipliées, mais où malheureusement elles restent trop souvent sans exécution , à la honte de l’humanité , un nommé Louis Bourdois, tailleur , après avoir volé des lettres de médecin, qu’il fit enregistrer ai! conseil supérieur du Port-au-Prince , n’a-t-il pas exercé la médecine pendant dix années,époque, où, sans égard pour les lumières et les conseils des gens de l’art, il eut la barbare audace d’ouvrir l’anévrisme d’une caro- tide qu’il prit pour un abcès ? Sans ce meurtre, qui, des Nègres. 365 une poulie à la partie inférieure de cet os et une autre à cinq ou six pieds de distance, et il passa dans l’une et l’autre une corde de pendule, de façon que l’ensemble forma une espèce de palan, par l’appli- cation duquel il multiplia considéra- blement ses forces extensives. Ce ne fut qu’après des efforts aussi douloureux,que M. Dupont annonça au malheureux qui les subissoit, que la luxation n’ayant pas été réduite sur-le-champ , il resteroit es- tropié le reste de sa vie. Environ quatre mois après cet aban- don , je pris possession de l’hôpital. L’ac- cident de ce jeune homme, les dangers qu’il avoir courus, sur-tout les moyens par lesquels on avoit tenté de le guérir, excitoient un intérêt général dans la ville du Port-Louis et même dans toute la par arrêt du conseil du Port-au-Prince, du 4 mars 1^84, a fait prononcer son interdiction, ses parti- sans auroient aveuglément continué de le prôner et de le protéger , au préjudice des hommes honnêtes et expérimentés. Maladies 366 colonie. M. et Madame Goupil, ses pa- reils , malgré la persuasion où ils étoient qu'il n’y avoir aucun remède k lui faire, me prièrent cependant de le visiter. Ce jeune homme que j’avois rencontré plusieurs fois dans la ville et que j’avois remarqué k cause de son écharpe , m’as- sura qu’il lui étoit impossible de faire faire le moindre mouvement k son bras. Les tégumens es les muscles me parurent être dans leur état naturel; je reconnus que l’épaississement de la sinovie , par le défaut de mouvement, étoit devenu la cause principale de cette impossibilité d’action; ce qui étoit si frappant, qu’un coup-d’œil suffit pour m’en assurer. Mal gré ma surprise de ne trouveraucun os déplacé, le bras n’étant pas encore anchilosé, j’annonçai sur-le-champ au malade que le chirurgien-major de La- dour avoit bien vu son état, que mon prédécesseur s’étoit trompé et que sa gué- rison dépendoit plutôt de lui-même que des médicamens ; qu’il ne falloir pour dès Nègres. 367 cela quesupprimer sur-le-champ l’écharpe, saisir avec son autre main la partie infé- rieure de l’humérus , la porter plusieurs fois par heure un peu en avant et un peu en arrière , tâcher d’élever insensible- ment le bras, mettre par dégré en action ses différens muscles, et sans trop écouter les douleurs, rétablir peu-à-peu le mou- vement qui,àson tour, deviendroitl’agent principal de la liquéfaction de la sinovie, et par conséquent de sa guérison. J’ajou- tai à cela que pendant quelques jours, on doucheroit chaque matin le bras malade avec des eaux minérales sulphureuses. Ce que j’avois annoncé, arriva. Dès la cin- quième douche, et en continuant les mou- vemens, le malade put élever horisonta- lement son bras; au vingtième jour, il put le porter à sa tête, et avant le trente- cinquième jour, il fut, par ces seuls se- cours , radicalement guéri. Lés difficultés que nous avons observées dans les anciennes manières de réduire l’humérus, sont encore plus grandes dans 368 Maladies la réduction de la tête du fémur, sortie de la cavité cotiloide de l’Ischion. Avant de procéder à cette réduction, le chirurgien se rappellera que la tête du fémur s’articule par énarthrosc avec l’os innommé, et qu’elle y est retenue par deux ligamens : l’un, interne, que l’on a long-tems et mal a propos appellé le IL gament rond du fémur, est plat, de fi- gure triangulaire et peut avoir un pouce de long, attaché par son extrémité la plus large au bord antérieur et interne de l’im- pression raboteuse de la cavité , et par son extrémité étroite, à la partie moyenne in- férieure, interne et postérieure de la tête du fémur ; son usage est d’affermir cette arti- culation, d’empêcher que la tête du fémur ne sorte de sa cavité , principalement en haut et en dehors, de résister aux efforts accidentels qui tendent à le chasser hors de sa cavité : mais quelquefois la violence de ces efforts est telle, qu’ils produisent à la fois le déplacement de l’os et la rupture de ce ligament. L’autre ligament qui des Nègres. 369 est externe, appellé duquel le chirurgien se rappellera pareillement avec autant de précision que la circonstance le lui permettra, la situation, les attaches et les usages, ainsi que celles des princi- paux muscles qui dans les anciennes mé- thodes s’opposent a la réduction. Le pre- mier et le plus considérable de ces muscles qui appartient à la cuisse, est le triceps at- taché d’un côté, par ses points fixes, au pubis et è l'ischion , et de l’autre, par ses points mobiles,lelong de la partie interne du fémur, au condile externe de ce même os et à la partie supérieure du tibia. Les autres muscles sont, le droit antérieur, le couturier, le gresle interne, le biceps, le demi-nerveux et le demi-membraneux , attachés par leurs points fixes, aux os in- nommés, et par leurs points mobiles, au tibia et au péroné , conséquemment n’ayant aucune connexion avec le fémur. D’après cet exposé succint,il est aisé de concevoir que par les anciennes méthodes de réduire le fémur, le lacq pour la contre - 370 Maladies extension s’appliquant sur lemuscle triceps du côté de la luxation,on empêche l’os de descendre dans la même proportion que l’on agit sur le muscle. D’un autre coté, l’application du lacq extenseur se faisant au-dessus des condiles du fémur, on em- brasse tous les muscles que je viens de nommer et dont il faut nécessairement vaincrela résistance avant de pouvoir agir sur le fémur. Aussi, suivant ces méthodes malheureusement encore pratiquées, les forces combinées de l’extension et de la contre-extension ne font effort que sur les attaches du triceps et des muscles qui font mouvoir la jambe. Il n’en est pas ainsi, lorsque, d’après MM. Fabre et Dupouy, on passe le lacq contre-extenseur dans l’aine du côté sain, avec l’attention de placer aussi un second lacq, en travers, sous la crête de l’os des isles, du côté de la luxation. On fait tirer un peu sur ce second lacq, obliquement de bas en haut, afin d’empêcher que le bassin ne soit entraîné par les forces extensives, forces qui doivent être appliquées à la partie des Negres 371 inférieure de la jambe, un peu au-dessus des maléolles. Par ces moyens réunis, on agit de proche en proche sur le fémur sans agir sur les muscles, et cela avec tant de facilité , que, dans le plus grand nombre des cas, la force des mains d’un seul homme suffit pour cette réduction. Dans la luxation soit de l'humérus, soit du fémur, d’après les signes propres à chaque espèce de luxation, et qui se trou- vent exactement décrits dans plusieurs ouvrages, que le déplacement soit en haut, en bas, en dehors ou en dedans, le chirurgien un peu anatomiste recon- noîtra facilement le lieu que l’os déplacé occupe. Quoique ces différens déplace- mens ne soient pas accompagnés des mêmes dangers, on a trop souvent at- tribué à la luxation ceux qui ne prove- naient que des moyens employés pour en faire la réduction. Cette opération exige cependant quelque différence dans les mouvemens et les manœuvres de l’opéra- teur; mais ils doivent toujours tendre à Maladies faire rentrer la tête de l’os dans sa cavité, en lui faisant, autant qu’il est possible, suivre une direction opposée à celle qu’il a prise en se déplaçant, ce que l’homme de l’art saisira facilement s’il est bien pé- nétré de l’objet qu’il a à remplir. Si-tôt que la tête de l’humérus est rentrée dans sa cavité, on applique autour de l’épaule une compresse double, imbibée d’une dissolution de sel marin dans l’eau commune; on fait avec une bande le spica ; on enveloppe le bras et l’avant-bras de compresses imbibées de la même liqueur, selon le degré de tension et de douleur des parties ; on arrose plus ou moins souvent l’appareil, soit avec cette eau saoulée de sel marin , soit avec une infusion de heurs de sureau,soit enfin avec de l’eau-de-vie, suivant l’exigence du cas. On enveloppe et l’on soutient la main, l’avant-bras et le bras avec une écharpe. Lorsque le malade sera tenu au lit, on disposera ses matelas et ses oreillers de manière que le bras soit appuyé dans toute sa longueur , pour ne pas lui donner une des Nègres 373 position différente de celle qui lui est naturelle et pour ne pas occasionner de tensions douloureuses dans les muscles et les tégumens. On fait une ou plusieurs saignées, selon l’âge, le tempéramment, et que les parties ont plus ou moins souffert, et l’on pres- crit un régime convenable à ces diverses positions. Le plus ordinairement, il suffit que le malade conserve son écharpe pendant quelques jours. A mesure que les parties fatiguées et distendues reprendront leur ressort, il commencera à se servir de son bras , mais avec beaucoup de précaution, principalement si l’os a déjà souffert des déplacemens ; car, chez certains sujets, le ligament, et même un peu la capsule articulaire, se lâchent à tel point, qu’un effort très-médiocre reproduit la luxa- tion , sur-tout quand on élève le bras. parmi les exemples que je pourrois ci- ter, dans divers climats et chez des hommes de couleur différente, je me 374 Maladies contenterai de rapporter celui de mon confrère et mon ami , M. Roi, avec qui , en 1735, et 1757, j’ai servi à l’hôpital de Rochefort , et à bord du vaisseau h Glorieux , dans l’armée de M. Dubois de Lamotte. Pour éviter les récidives fréquentes du déplacement de l’humérus, auxquelles M. Roi étoit exposé à chaque fois qu’il élevoit son bras , M. Cochon Duvivier, aujourd’hui chi- rurgien-major en chef du département de Rochefort, homme du premier mérite, et que j’ai déjà cité dans mes observa- tions sur les maladies des climats chauds, lui fit assujettir le bras avec un ruban large d’un pouce. Le milieu de ce ruban s’applique sur l’humérus à l’endroit de l’attache inférieure du muscle deltoïde , et ses deux bouts passent, en se croisant, l’un devant, l’autre derrière la poitrine, et s’attachant sous l’aisselle opposée. Afin de passèr le ruban, on fait des ouvertures ou boutonnières proportionnées aux man- ches de la chemise, de la veste et de l’ha- bit j on en fait également aux côtés d$ des Nègres. l’habit et de la veste, qui répondent aux boutonnières des manches. Quelques-uns se contentent de placer ce ruban sur la manche de la veste , et s’en trouvent également bien. Si c’est le fémur dont on a fait la ré- duction, il faut, comme dans la luxation du bras, appliquer une compresse imbi- bée, suivant l’exigence du cas, dans l’une des fomentations que nous venons d’in- diquer. Cette compresse doit être assez longue et assez large pour entourer toute l’articulation , et elle doit être assujettie par une bande proportionnée avec la- quelle on fait le spica. La diette sera plus ou moins rigou- reuse, les arrosemens seront plus ou moins fréquens, et les saignées plus ou moins réité- rées , selon l’intensité des douleurs, et la force du tempérament. Il en est ainsi du re- pos qui, dans une luxation de cette impor- tance, doit être observé avec la plus grande exactitude , et pendant tout le temps nécessaire au rétablissement des parties. 376 Maladies DE LA PETITE-VÉROLE. C PI A P I T R E XV. De toutes les maladies éruptives, il n’en est point de plus dangereuse pour les nègres, que la petite vérole : l’âcreté de leurs humeurs qui, dans tous les temps, s’éxhale de leurs corps et frappe désagréa- blement l’odorat des hommes de notre couleur, donne sans doute plus de prise et d’exaltation au levain variolique , et rend ses effets plus destructeurs. Cette maladie est épidémique ou spo- radique ; la première est fort dangereuse et se communique avec la plus grande facilité, principalement lorsque le sujet qui s’y expose a les humeurs disposés à recevoir l’impression de ce levain. On distingue chez les Nègres, comme chez les hommes de couleur différente s des Nègres. 377 plusieurs espèces de petites-véroles : mais k l’égard des premiers, elles peuvent en général , se rapporter à deux classes, sa- voir , la petite-vérole discrète , ordinai- rement bénigne , et la confluente, qui, parmi eux, prend très-souvent le carac- tère de maligne. On reconnoît quatre temps dans la petite-vérole ; le premier est celui de l’in- vasion de la fièvre et de l’ébulition ; le second, celui de l’éruption; le troisième, de la suppuration et le quatrième , celui de l’excication. La petite-vérole s’annonce ordinaire- ment par une fièvre accompagnée d’un violent mal de tête, de douleurs des lom- bes , de vomissemens et d’embarras dans les glandes salivaires, le pouls plein et quelquefois rebondissant, les yeux rou- ges , et quelquefois aussi larmoyans, comme dans la rougeole. Les malades rendent une mucosité par le nez et cra- chent plusqu’àl’ordinaire ; ils se plaignent de douleurs dans le gosier , la voix est rauque et la chaleur devient brûlante. Maladies Dans la petite - vérole bénigne , ces symptômes sont très-modérés ; dans celle de mauvais genre , leur intensité est plus marquée, il survient une grande agita- tion, quelquefois le délire, des convul- sions et même des soubresaults dans les tendons. Ordinairement l’éruption commence dans le cours du quatrième jour ; elle se fait avec facilité dans la petite-vérole bé- nigne, et très-difficilement dans celle de mauvais genre, dans laquelle des signes d’affaissement du système nerveux et d’é- puisement du suc vital , se manifestent. Dans la petite-vérole discrette, les bou- tons sont épars, clair - semés , jettés ça et là : dans la confluente , loin de lais- ser d’intervalles entre eux ; ils sont cu- mulés et s'échafaudent, pour ainsi-dire , les uns sur les autres, faute d’espace. La maniéré dont la nature porte l’hu- meur variolique à la superficie du corps, sert beaucoup à éclairer le médecin , ainsi que la forme et la couleur des boutons* DES NÈGRES. 379 Si le pouls se développe à mesure qu’ils sortent, qu’ils prennent une forme sphé- rique , et que la gravité des symptômes diminue dans la même proportion , la petite-vérole est bénigne ; mais si les bou- tons sont plats ou inégaux à leur super- ficie , comme les verrues, de la couleur d’un bronze sale, avec des inégalités dans le pouls , et que malgré l’éruption, la chaleur à la peau soit âcre et mordicante, que le trouble et le désordre dans les fonctions continuent , la petite-vérole est manifestement de mauvais genre. Vers la fin du premier temps de la pe- tite - vérole, pendant l’ébulition , on ap- perçoit â la peau de petites taches assez ressemblantes à des piqûres de puces (i), au visage , aux mains, à la poitrine et aux lombes ; les symptômes continuent jusqu’k ce que l’humeur portée a la su- perficie du corps, ait formé les boutons ; ce qui compose le deuxième temps de la ( i ) La peau des Nègres se bronze et se salit alors connue après des piqûres de puces. Maladies maladie, et dure ordinairement trois jours, lorsque la petite-vérole n’est ac- compagnée d’aucune complication, et qu’elle parcourt sans accidens, ses temps et ses périodes ; mais cette dépuration étant dépendante de l’âge, du tempéra- ment du sujet, de la qualité de ses hu- meurs , de la souplesse ou de la consis- tance de son tissu cellulaire, ainsi que de la saison , rien ne sauroit être déter- miné positivement à cet égard ; aussi y a-t-il des boutons ronds, élevés et en sup- puration, tandis que la peau, dans les endroits où il s’en formera d’autres , est à peine changée de couleur. Les premiers boutons sortis, blanchis- sent dans leur milieu , et ensuite dans le pourtour; le visage devient bouffi, les yeux s’enfoncent, le nez se déforme par la quantité de l’humeur qui se dépose dans le tissu cellulaire de la face; la fiè- vre qui s’étoit calmée sur la fin de l’é- ruption , reparoît, et c’est la fièvre de suppuration : dans les petkes-véroles or- des Nègres. 381 dinaires, elle dure trois ou quatre jours; mais comme les mêmes causes, les mêmes complications, qui trop souvent retardent l’éruption et la formation des boutons, se prolongent, elles entravent et retardent également le travail de la suppuration, dont la durée peut d’autant moins être déterminée , que dans les petites-véroles de mauvais genre, très communes parmi les nègres, c’est à cette époque de la sup- puration que les symptômes fâcheux pren- nent de la force et de l’accroissement. Lorsque l’humeur des boutons s’é- paissit et commence à former croûte, la maladie est à son quatrième temps , celui de l’excication. La partie la plus légère de la matière supputée se dissipe, soit par la transpiration , soit par les urines ; et la plus visqueuse, la plus grossière se durcit et forme des croûtes qui tombent bientôt après ; il reste des taches qui de- meurent quelque temps rouges, et des traces plus ou moins profondes, en rai- 382 Maladies son de la nature de la petite-vérole et de la qualité des humeurs du sujet. Il arrive, dans cette terrible maladie, que la dépuration ne se faisant pas com- plettement, une portion de l’humeur se porte sur le cristalin , et ôte la faculté de voir, par l’opacité qu’elle y produit : d’autres fois l’inflammation des membra- nes de l’œil et leur épaississement détruit également l’organe de la vue ; dans d’au- tres circonstances, elle oblitère les points lacrymaux , et donne naissance à Vépi- phora. Quelquefois aussi elle ronge les tarses et produit le vacilancnt de l’œil. Il n’est pas rare de la voir désorganiser le nez et la bouche par les cicatrices et les brides qu’elle laisse après elle ; on l’a enfin vu carier les os, ou former des dé- pôts sur les principaux organes, mais sur- tout ceux de la poitrine ou du cerveau. On ne sera pas surpris de ces désordres affreux, si on considère l’âcreté des hu- meurs des nègres et leur libertinage ex- cessif. Eh ! Ne la voit-on pas produire des Nègres 383 les mêmes désordres sur les blancs d’un tempérament bilieux, sur les roux, et ceux qui, par des dépravations morales et physiques, sacrifient comme les Nègres et les p-ens de couleur . leur existence (D f leurs passions brutales. On augure bien de la petite vérole, quand l’éruption s’est bien faite, qu’elle ne prolonge pas la durée de ses temps, et qu’il n’y a point de disproportion mar- quée entre les causes et les syptômes de la maladie: on porte le même pronostic, lorsque la bouffissure, sans être excessive, est assez considérable ; le ventre libre, mais sans dévoiement ; le pouls ample et développé; que les boutons croissent et se remplissent bien, les urines en mé- diocre quantité , et la tête libre. Mais, je le répète, quand les boutons ne se forment qu’avec peine, ayant leur sommet un tant soit peu enfoncé, qu’une salivation abondante cesse, sans être rem- placée par quelques évacuations du côté des selles, le malade est en danger ; son 384 Maladies état devient plus fâcheux encore, s’il sur- vient un dévoiement séreux et abondant, ou si, dans le troisième temps, la sup- puration se faisant lentement, il survient des frissons irréguliers, trop souvent sui- vis de transport au cerveau, ou de sou- bresaults dans les tendons, suite d’une funeste dilétescence, après laquelle les uri- nes, prenant la couleur rouge foncée, ou brune , deviennent puantes , accom- pagnées d’une grande gêne dans la res- piration , d’altération à la cornée trans- parente, et comme Lomnius l’a remarqué, d’un serrement violent au gosier , qui fait dire à ces malheureux qu’ils sont étranglés. Il ne meurt presque personne dans le premier temps de la petite-vérole , il en périt quelques uns sur la fin du second, et un grand nombre, dans le temps de la suppuration. Traitement. Le premier temps présente l’indication des Nègres. d’une fièvre vive , et le second d’une crise qu’il faut favoriser ; dans le troi- sième , on pare aux accidens qui déran- geroient la suppuration, et dans le qua- trième , on fait en sorte que la matière qui se desseche ne rentre pas. Quoique les indications à remplir soient dépendantes de la saison, du tempéra- ment du sujet, des symptômes et des accidens qu’il éprouve, la maladie com- mençant ordinairement par une efferves- cence très-vive, les vaisseaux étant dis- tendus, il faut, si le mal de tête est mo- déré, saigner promptement le malade, du bras, si les douleurs sont vives, que la diète, les boissons adoucissantes ou aci- dulées , et les lavemens émoliens ne les aient pas considérablement diminuées, c’est à la saignée du pied qu’il faut re- courir, ensuite profiter du calme qui suit l'emploi de ces moyens anti-phlogistiques pour vuider l’estomac par un vomitif et y mettre assez de célérité pour que Maladies tout cela soit rempli avant le commen- cement de l’éruption. Quand la fièvre est modérée , le ma- lade peu agité , on évite la saignée ; les boissons, les lavemens, et un éméto-ca- thartiqae (1) suffisent alors pour préparer le malade à l’éruption. Les boissons échauffantes, et quel- quefois les teintures ahxïtircs que l’on administre indistinctement dans ce pre- mier temps de la petite-vérole, par l’ac- célération du mouvement qu’elles pro- duisent , la matière morbifîque reste plus long-temps mêlée, confondue dans les vaisseaux : conséquemment sa séparation, son élaboration et son transport à la peau en sont beaucoup retardés ; mais lorsque le mouvement des humeurs est trop ralenti, que le pouls est flasque et ( 1 ) Deux grains d’émétique , et deux onces de manne en sorte , fondus dans trois verres d’eau, pris chacun à une heure de distance, remplissent parfaitement cet objet pour les sujets d’une consti- tution ordinaire. des Nègres. 387 déprimé , ces boissons toniques fortifian- tes , et les alexipharmaques sont aussi utiles, que la limonade, le petit-lait et autres raffraicbissans seroient dangéreux. Les uns et les autres de ces moyens sont donc utiles ou nuisibles, selon la circonstance. Le vulgaire et les ignorans seuls les administrent indistinctement dans tous les cas, sans égard pour le lieu, le temps de la maladie et le tem- pérament , tandis que le médecin vrai- ment praticien sait en tirer un si grand parti en les employant comme Ta fait le célèbre Dumoulin, d’une manière aussi utile pour ses malades que pour sa répu- tation , ainsi qu’on peut le voir dans la note ciq ointe (1). ( 1 ) Les deux enfans d’un fermier-général dont ce médecin avoit la confiance, furent pris le même jour de la petite-vérole , l’un court, trapu , gras, empâté , dormeur et paresseux • l’autre , grand , élancé, avant la fibre gresle, tenue, contractile, fies traits à la romaine, d’un caractère et d’une vo- lonté décidés. Le premier fut placé dans un petit appartement bien couvert, tenu chaudement et 388 Maladies Le médecin, obligé d’avoir égard aux préjugés ou condamné à ne point voir de malades, dès que l’éruption commence, prescrit la tisanne de scorsonnaire dont le mucilage fin , léger , adoucissant et tempérant remplit les véritables indica- tions que les commères et les ignorans rapportent à ses propriétés échauffantes qui, heureusement pour les malades , n’existent que dans leur imagination. Il en est ainsi de Peau de lentille qui , comme tous les farineux, adoucit, tem- père et devient par-là quelquefois un peu laxative, d’une très-grande utilité dans traité par les échauffans • l’autre, placé dans un appartement vaste, n’eut qu’une simple couver- ture, prit avec sagesse et modération des émul- sions , de la limonade et du petit-lait ; d’après une pratique ainsi raisonnée, les deux petites-véroles parcoururent si heureusement leur temps et leurs prériodes , que les deux malades furent guéris à la même époque, qui fut aussi celle de la réputa- tion de ce célèbre médecin. Depuis plus de 30 ans, ma [pratique , dans les quatre prarties du monde, m’a fourni un si grand nombre d’observations sem- blables , que je crois inutile de les rappiorter ici. des Nègres. 389 le traitement de la petite-vérole, parce qu’elle n’a point les propriétés échauf- fantes que le vulgaire lui attribue opi- niâtrement depuis des siècles. Si dans le second temps de la maladie l’éruption tarde, languit, que la chaleur àla peau ne soit pas trop forte ,i 1 faut appliquer un bon vésicatoire et conti- nuer les mêmes boissons, qu’a l’exemple des médecins anglois on rend légèrement diaphoniques en y ajoutant - ou jgrain de tartre-stibié par pinte. Autant qu’il est possible , la chaleur de la chambre du malade doit être te- nue au même degré, l’air ne doit être ni trop chaud ni trop froid : à cet effet, on y place un thermomètre, et l’on prend à cet égard les précautions indiquées pour les femmes en couches et les mala- des attaqués de maladies spasmodiques (1). La chaleur de la bouche et de la gorge ( 1 ) Voyez page 25j et suivantes du deuxième Volume. Maladies exige que les malades boivent, de quart- d’heure en quart-d’heure, de l’une des boissons que nous avons indiquées sui- vant la circonstance : comme nous l’avons déjà observé, on y ajoute quelquefois un ~ grain ou un grain d’émetique par pinte ; cela est principalement utile dans les cas où il y a impureté dans les premières voies, afin de s’opposer aux dangereux effets de la putridité. A cette dose, le tartre- stibié produit en outre , je le repète , une légère diaphorese a laquelle Thomas Demsdal, Sutton et Worloc , dans le traitement de la petite-vérole, doivent autant leur succès qu’à leur poudre cal- mante (i) ; par ces moyens on évite la violence des redoublemens et la plu- part des accidens qui surviennent pen- ( i ) Cette poudre contient principalement du ca- loméias , que j’ai souvent remplacé par un grain de panacée administré chaque jour : j’en ai même quelquefois porté l’usage jusqu’à 2, 3 et 4 grains, dans des circonstances orageuses, et je m’en suis toujours très-bien trouvé. DES NÈGRES. dant la suppuration, troisième temps de la maladie. En général, quand les premières voies sont en bon état, la suppuration se fait bien ; alors si la bouffisure du visage et des mains se soutient à un degré qui ne soit pas trop considérable, le ventre libre, et le ptialisme modéré , on con- tinue les mêmes boissons et les mêmes secours ; mais si le malade s’assoupit , que le pouls perde de sa rondeur et de son amplitude, qu’il s’enfonce et que le gonflement du visage et des mains diminue dans le même-temps, il faut appliquer un large vésicatoire : ici le malade a le plus grand besoin de soins et de vigilance de la part du médecin. Si les vésicatoires ne diminuent pas les accidens, que les boutons s’affaissent, que le devoiement survienne, sur-tout de matières séreuses et puantes, que le pouls s’enfonce davantage , on ajoute à ces moyens la teinture de quinquina et de serpentaire de Virginie avec le sel d’ab- 392 Maladies sinthe (i), ou les boles de camphre et de nître(i), les potions anti-putrides et refossilantes, dans lesquelles on fait entrer la liqueur minérale anodine d’Hoffman, ou l’æther vitriolique ; on administre même ce dernier seul , de demi-heure en demi-heure , depuis 15 gouttes jusqu’k 36 , dans une cuillerée de tisanne, ou sur un morceau de sucre, afin d’éviter les effets funestes de la rentrée à l’inté- rieur d’une matière aussi mordante , et la rappeller, par ces divers moyens, aux parties les plus éloignées du centre des circulations. Il y a quelques circonstances dans le premier et le deuxième temps de la petite- vérole, où, pour diminuer la tension de la fibre et modérer les symptômes, on ( 1 ) Les doses seront déterminées selon l’âge et autres circonstances. Voyez note 42, page 110 et suivantes, II Volume. (2) Vous trouverez la composition de ces boles, 3a dose et la manière de les administrer , au pre- mier chapitre de ce volume, page 46, des Nègres. doit recourir avec confiance au syrop de diacode ou aux gouttes de Sydenham, ou mieux encore k l’extrait savonneux d’o- pium : en modérant par ces caïmans l’ac- tion des nerfs, on rétablit l’équilibre et l’ordre dans les principales fonctions : on peut même, avec la circonspection qu’exigent des remèdes d’une telle im- portance, les administrer dans des cas pres- sants, pendant la suppuration, d’autant que l’expérience de tous les jours démon- tré qu’ils augmentent sensiblement l’ex- crétion perspiratoire. 393 394 Maladies DE L’INOCULATION. CHAPITRE XVI. L’inoculation nous vient delà Géor- gie et de la Circassie, où des épidémies varioliques enlevoient un grand nombre de sujets, sur-tout de jeunes filles, que leurs parens vendent pour peupler les sérails du Grand-Seigneur et des hommes riches et puissans de la Turquie, pour les soustraire aux ravages et aux diffor- mités qui en empêchoient la vente. L’on imagina de pratiquer rinoculation , prin- cipalement pour conserver leurs traits. Cette pratique eut le plus grand succès. De la Géorgie, elle s’est étendue à Cons- tantinople, de-là en Angleterre, d’où elle a été portée dans plusieurs autres parties du monde ; et par-tout où on a eu la sagesse et l’humanité de l’adopter, mal- gré ses détracteurs, elle a réussi. des Nègres. Il y a plusieurs manières de transmettre ce virus. Les Chinois, après avoir fait des- sécher et mettre en poudre du pus vario- lique , en font respirer aux sujets pré- parés à le recevoir : cette manière est dan- gereuse ; d’autres transmettent la petite- vérole en faisant une petite incision au bras, et y introduisant un fil imprégné de pus ; mais la vraie manière, celle qui réussit le mieux et qui est généralement adoptée, c’est l’insertion du pus, par la lancette, qui ne doit être introduite qu’entre l’épiderme et la peau. Après <, à 6 jours, quelquefois 10 et même davan- tage , il s’élève une petite fièvre , l’érup- tion se fait, les boutons, ordinairement peu nombreux, sortent, deviennent gros, pleins; en un mot, la maladie parcourant ses temps, ses périodes, sans accident, comme la petite-vérole discrète, doit être traitée de la même manière ; mais, si par l’acrimonie des humeurs ou autres circonstances imprévues, il survient quel- ques accidens, ou que la petite-vérole 396 Maladies soit très-abondante, le médecin se con- duira de la manière que nous avons in- diquée dans le chapitre précédent. Malgré tous les systèmes que l’inocu- lation a fait éclorre sur ce sujet impor- tant , une longue expérience démontre que l’inoculation bien faite épuise le germe du levain variolique, et que ce moyen prophilactique , en écartant le danger , prévient des mortalités excessives, sur-tout parmi les nègres : aussi, n’ai-je jamais conçu comment quelques hommes pu- blics , même des médecins, ont pu s’op- poser au bipn qu’on en retireroit dans toutes les parties du globe, si elle y étoit adoptée. Eh ! n’avons-nous pas vu des épidémies varioliques enlever quelquefois la moitié de ceux qu’elles attaquent, et mutiler une partie des autres, tandis que, d’après des expériences répétées, sur-tout a Londres et dans nos Colonies, il n’en meurt, par l’inoculation , qu’un sur 900, et aucuns n’en sont marqués. Parmi les avantages de l’inoculation,. des Negres. 397 celui de préparer le sujet par le régime végétal et adoucissant, pendant 15 jours, un mois et davantage, s’il en a besoin, est un des plus précieux , principalement lorsqu’il est nécessaire de corriger le vice de ses humeurs , sur-tout la limphe, soit qu’il ait été transmis par les parens, la nourrice ou autrement ; alors on lui fait prendre, selon son âge, un, deux ou trois grains de panacée par jour, remède que j’ai même souvent continué après l’in- sertion du virus, jusqu’à la fin du trai- tement. Par ces moyens, je suis parvenu à transmettre ce virus, sans accidens, à des sujets depuis l’âge de deux mois jus- qu’k 40 ans et même davantage. Sur une habitation, j’ai inoculé 80 Nègres de tout âge, dans une seule matinée. Une ou deux purgations suffisent pendant la préparation ; après l’insertion du virus, on continue les boissons tempérantes et acédulées, rendues diaphoniques par un quart ou un demi-grain d’émétique par pinte, afin d’éviter d’employer ni vomi- 398 Maladies tifs , ni purgatifs, pendant tout le trai- tement. Ces moyens desquels les jeunes médecins et chirurgiens ont trop sou- vent abusé par-tout , diminuent sans doute la quantité des boutons et de l’hu- meur qui se porte à la peau ; mais en la détournant ainsi de la superficie du corps, combien n’ont-ils pas occasionné de ma- ladies subséquentes et de dépôts mortels > Lorsque des irrégularités dans le régime où d’autres fautes rendent ces évacuans nécessaires, on ne saurait trop recom- mander d’être en garde contre l’abus qui peut en être fait. des Nègres. DE LA ROUGEOLE. CHAPITRE XVII. Il y a deux sortes de rougeoles, îa plate et la boutonnée. Elles s’annoncent par une fièvre assez aiguë, accompagnée de toux , de lar- moyement , d’embarras dans les sinus frontaux et maxillaires, et de mal à la gorge ; cette maladie, fort contagieuse de sa nature ? est épidémique ou sporadi- que 9 et attaqué plus particulièrement les petits enfans ; elle est bénigne ou ma- ligne et son miasme fort mordant : elle C) laisse quelquefois le poumon embarrassé et l’estomac souffrant ? sur-tout lorsqu’elle a été mal traitée. La rougeole plate est la plus dangereuse, parce que dans la boutonnée, il se dissipe , il s’exhale plus de levain morbifique et 400 Maladies me le danger est en raison de la quan- lté de rhumeur qui reste intérieurement: e levain de la rougeole étant plus subtil, )lus léger que celui de la petite-vérole, 1 ne se fait point de suppuration , au noins de véritable ; mais son acrimonie rend la chaleur très-vive et réternuement fréquent ; on larmoie davantage que dans ia petite-vérole , on a grand mal au gosier ; la toux est aussi plus incommode , plus forte, sur-tout chez les enfans, et le poumon souvent affecté. On ne compte que trois temps dans la rougeole , celui de l’effervescence , celui o * ' de l’éruption et celui de Pexcication, attendu que dans la rougeole boutonnée, même celle à laquelle les Nègres sont fort sujets, il ne survient qu’une fausse suppuration , les boutons se remplissent pourtant quelquefois et en imposent au point de faire croire que la maladie est une petite-vérole discrète ; (i) mais ce ( i ) A cet égard , il m'est arrivé à Samt-Domiq- gue , sur l’habitation de M. de Me noue, du quar- des Nègres. 401 cas est très-rare et absolument particu- lier aux Nègres : dans la rougeole bou- tonnée des blancs ? sans complication d auti e maladie , la saillie des boutons au-dessus de la superficie de la peau s’é- lève si peu, qu’il faut y passer la main pour s’en appercevoir. Dans le première temps de la rougeole plate, les malades se plaignent de maux de reins, de douleurs de tête très-vives; la chaleur a la peau est plus brûlante et lier Morin , de prendre l’humeur de semblables boutons pour celle de la petite-vérole, et de l’em- ployer'en conséquence à inoculer d’autres Nègres de la meme habitation • ils eurent tous une rougeole boutonnée , qui ressembloit tellement à la petite- vérole discrète, que je fus le seul à en reconnoître la dnTeieuce. sur 1 habitation et dans le voisinage,on. étoit peisuadé que je me trompois ; mais le représentant da piopiietaire, fort satisfait de ma franchise , si-tôt après la guérison de la première maladie, me permit d inoculer les mêmes Nègres avec du vrai pus vaiiolique: d après cette seconde inoculation, il leur survint une petite-vérole discrète superbe, ils furent délivrés de l’une et l’autre maladie, et le voisinage détrompé. 402 Maladies les battemens du pouls plus fréquens que dans k premier temps de la petite-vérole: on souffre des paupières, le larmoyement est très-abondant, on éternue, on mou- che et salive davantage ; la toux est opi- niâtre, il y a de le ventre et les urines sont ordinairement dans l’état naturel ; les enfans vomissent beau- coup autant et plus encore que dans la petite-vérole. Au bout de deux jours et demi ou trois jours, la peau devient rouge chez les Blancs, bronzée, sale chez les Nègres ; il paroît des taches assez ressemblantes à des piqûres de puces ; ces taches s’étendent et ne laissent presque aucun intervalle ; les choses continuent dans cet état pen- dant 48 ou 60 heures. Lorsque la rougeur est portée â son plus haut degré , la fièvre diminue, ainsi que la chaleur à la peau et les autres symptômes ; ce qui prouve évidemment que l’éruption est critique : environ 48 heures après, la fièvre augmente, la toux des Nègres. 403 recommence et l’oppression devient plus forte, parce que l’humeur n’ayant pas assez porté à la peau , la portion qui s’y étoit fixée sèche trop tôt et tombe en pe- tites écailles farineuses. Quand la maladie est benigne, tous les symptômes se dissipent et elle se termine heureusement ; mais si le levain morbifi- quese porte sur le système nerveux, qu’il altère l’esprit vital, la maladie devient maligne; il y a alors peu de fièvre, les malades sont assoupis, le délire survient et quelquefois des convulsions : si ce sont des adultes, la langue se noircit ainsi que les gencives, et ils ne veulent rien pren- dre ; quelquefois aussi ces symptômes se manifestent au temps qu’auroit dû se faire l’éruption , et il survient un dévoiement. Si ce sont des enfans, ils toussent exces- sivement,tombent dans la maigreur; iîsur- vient une petite fièvre lente, et après avoir langui quelque temps, ils meurent de con- somption ; ce qui vient trop souvent de la mauvaise manière de traiter cette maladie Maladies et des préjugés, d’autant plus dangereux et difficiles k vaincre, qu’ils sont plus anciens. Traitement. Le levain de la rougeole étant très- âcre de sa nature , ce sont les adoucissans qu’il faut employer , afin de diminuer la toux et les autres accidens : plus on s’opi- niâtrera à administrer les échauffans, tels que la rôtie au vin avec la cannelle ou autres aromates, plus les symptômes et les accidens prendront d’intensité ; et l’hu- meur, une fois fixée sur les principaux organes, donnera naissance aux désordres dont nous avons parlé, sur-tout à la fièvre lente et à la phthisie : on ne peut, je le répète, espérer de les éviter que par les adoucissans , tels que sont une légère tisanne de scorsonnaire , l’eau de lentille ou d’orge, de pain ou de ris , substances qui,par leur mucilage, brident &1 envelop- pent cette humeur âcre, et la disposent k passer par différens excrétoires. des Nègres. Lorsque la maladie s’annonce par une fièvre aiguë ou ardente, que la gêne au poumon et à l’estomac sont assez con- sidérables , il faut, malgré le préjugé , imiter le célèbre Mcad, et autres bons praticiens , en ajoutant à ces moyens une ou plusieurs saignées ; mais il faut avoir la sagesse de les faire en proportion de l’intensité des accidens, du tempé- rament , de Page et de la grandeur du sujet. 405 Après que les accidens sont calmés, on administre l’émétique à une dose modé- rée , mais capable de vuider l’estomac et de lui donner une secousse utile : dans une infinité de circonstances, on remplit l’un et l’autre objet avec beaucoup ,de succès par l’administration de l’ypéca- cuanba et en continuant les adoucissans. D’après les indications détaillées dans le chapitre qui traite de la petite-vérole, attendu qu’elles se présentent dans l’une et l’autre maladie, il y a une infinité de cas où le praticien emploie, avec avan- Mal adtes tage, les narcotiques et les vésicatoires, principalement chez les Blancs. Si,sur la fin de l’excication, la toux persiste, on met les malades au lait pour toute nour- riture , on est même quelquefois obligé d'ouvrir un ou plusieurs cautères, afin de détourner l’humeur des principaux organes, éviter la phthisie et autres acci- dens fâcheux, auxquels des purgatifs indiscrètement répétés n'ont que trop souvent donné lieu ; mais, comme nous l’avons dit plusieurs fois, ces cas sont infiniment rares chez les Nègres. Il ne nous reste qu’à nous occuper des moyens qui paroissent les plus propres, sinon â prévenir et â détruire, du moins à rendre les causes des maladies des Nègres plus rares et leurs effets moins funestes, en diminuant leur fréquence et leur intensité* des Nègres. 407 MOYENS De prévenir les maladies des Nègres. CHAPITRE XVIII. U N Ta déjà dit au commencement de cet ouvrage, la nourriture des Nègres étant insipide, uniforme et non fermen- tée, ne sauroit produire dans les humeurs la réparation qui leur est nécessaire, ce qui les fait dégénérer et les dispose à la putréfaction qui en est la suite infaillible; de-la la f-èvre putride et les autres mala- dies de cegenre;de-là quelquefois la peste, que les vrais médecins regardent comme le troisième degré d’un seul et même mal, dont la fièvre putride est le premier 9 et la lièvre maligne le second. itn effet, il y a des exemples de mala- dies pestilentielles produites uniquement par le défaut de vivres et par la misère. Maladies L’épidémie que nous éprouvâmes en 1768, après nous être sauvés du naufrage du vaisseau du Roi VAigle, dans le détroit de Belle-Isle, et que nous communiquâ- mes aux habitans de la paroisse Saint- Barnabé, sur la rive gauche du Fleuve Saint-Laurent, étoit de ce genre. Il est vrai que, le plus souvent, ce fléau terrible est la suite d’un trop long usage d’alimens salés , du défaut de subsistances fraîches, et sur-tout végétales.Le désastre se trouve même augmenté quelquefois par l’influence de Pair, la mal-propreté souvent occasionnée par le défaut de linge, &c. La contagion de l’escadre de M. Dubois de la Motte, en 1757, et celle de la Guyane en 1764, sont deux exemples de ce dernier genre, que j’ai encore éprouvés. Qu’on ne s’y trompe pas, la nourri- ture purement végétale et fraîche, est propre , sans contredit , à s’opposer à l’alkalescence et à la putréfaction des humeurs 3 si elle est suffisante, variée, * des Nègres. 409 bien préparée, et de bonne qualité; mais le manioc (1) dont les Négresse nour- rissent continuellement, dans quelques colonies, ne sauroit, tel qu’il est pré- paré , produire cet avantage : ce n’est qu’une nourriture pesante , indigeste, mal élaborée, dépourvue de principes salins, incapable , en un mot, de régé- nérer les humeurs, et de s’opposer a leur putrescence. (i)Lg manioc est une plante originaire d’Afrique, transportée par les Européens dans les colonies avec les Africains qui s’en nourrissoient. Cet arbuste vient de bouture , et s’élève jusqu’à sept pieds ; son tronc est à-peu-près gros comme le bras , son bois mol et cassant , ses feuilles d’un verd brun , assez grandes , découpées profondément en manière de rayons et attachées à de longues queues : ce sont les racines de cette plante qui servent de nourriture aux esclaves ; elles sont communément plus grosses que des betteraves, et viennent presque toujours trois ou quatre attachées ensemble ; il s’en trouve des espè- ces qui mûrissent en sept ou huit mois de temps • mais la meilleure et celle dont on fait îe plus d’usage demeure ordinairement quinze ou dix-huit mois en terre avant de parvenir à une parfaite maturité. Maladies Mais cette nourriture peut devenir,par îa préparation, très-propre à opérer ces effets essentiels j il ne s’agit pour cela que de réduire le manioc en farine (i), de le faire suffisamment fermenter avant de cuire, et d’enrichir ses principes d’un peu de sel marin ; ce sel mis en petite (i) La racine de manioc râpée et réduite en petits grains par la cuisson , s’appelle Jarine de manioc. C’est cette farine que je propose de réduire en farine proprement dite , c’est-à-dire, eu poudre impalpa- ble , pour en faire une sorte de pain qui aura subi le degré de fermentation nécessaire. Ce n’est point une nouvelle découverte; en 1760 la récolte des grains ayant été insuffisante aux Isles de France et de Bour- bon, l’escadre commandée par M. le comte d’Acbé, et la garnison ,y vécurent pendant quelque mois de ce pain de manioc ainsi préparé ; mais long-temps auparavant, feu M. Figeac , habitant de l’isle-de- France , en avoit fait plusieurs fois l’expérience avec succès : cette même année, son habitation étant toute plantée de manioc, il fut chargé d’y faire préparer de ce pain avec lequel les soldats et matelots furent nourris pendant tout le temps de la disette. On trou- vera de plus grands détails dans le deuxième volu- me de cet ouvrage, sur les diverses préparations de cette plante, et le parti qu’on en peut tirer, soit comme aliment , soit comme médicament» des Nègres. quantité, hâteroit la fermentation par ses vertus incisives, antiseptiques, même un peu stimulantes, et s’opposeroit à la pu- tréfaction des humeurs ;.d’un autre côté, la fermentation ayant développé les prin- cipes nutritifs, tant salins qu’acides et mucilagineux, en les divisant à l’infini par l’atténuation , la digestion en seroit plus facile, plus profitable aux Nègres, plus capable de produire dans leurs hu- meurs cette réparation , sans laquelle elles tombent en dégénérescence, et bientôt après en putréfaction. Les vêtemens sont encore un objet non moins digne de l’attention des Colons, puisqu’ils sont également propres à con- courir au même but. On l’a déjà observé, la transpiration de l’habitude du corps suspendue, produit des effets terribles ; l’exercice violent, le travail auquel les Nègres sont assujettis, la chaleur du cli- mat , ouvrent les pores ; l’air se rafrai- chissant tout-à-coup, une pluie qui sur- vient, l’humidité ou une boisson froide, Maladies l’arrêtent et la répercutent, d’où suit un engorgement qui , selon la disposition du sujet, et la qualité de ses humeurs, produit les différens accidens que nous avons remarqués. Si les Nègres étoient suffisamment vêtus et couverts, s’ils avoient des rechanges, ils ne seroient presque plus exposés à cette répercussion , si funeste par ses suites. Une couverture de laine, une veste de très-gros drap , deux gros bonnets, et quatre rechanges de toile, les mettroient à l’abri de ces accidens ; cette dépense faite une première fois, ne seroit renou- vellée en entier qu’après un certain temps; la couverture serviroit pendant dix ans et plus ; la veste et les bonnets ne seroient nécessaires que tous les trois ans : quant aux rechanges, il suffiroit d’en ajouter deux par année. Mais il y a des colonies où les habitans sont si peu aisés, que l’achat de ces articles feroit à la vérité un objet de dépense effrayant ; les Isles de France et de Bourbon, plus qu’aucune des Nègres. 413 autre, sont dans ce cas ; cependant il est possible d’y établir cet usage qui au- roit par la suite autant de force qu’une loi ; le meilleur moyen k employer pour cela , est de procurer aux Colons les toi- les , les couvertures, les vestes et les bon- nets , à si bon marché, que l’achat de ces objets ne puisse pas faire pour eux une charge trop pesante. Je vais mettre sous les yeux du gou- vernement , des objets qui méritent éga- lement son attention, et la surveillance du ministère public. i°. La guïldivt ou tajjicL est une boisson âcre et malfaisante (i), lorsqu’on en use peu de temps après sa distillation , et sur- tout avec excès : on conçoit aisément que la plupart des Nègres, épuisés par le tra- vail et le libertinage , cherchant une ré- paration que leur nourriture ne peut leur fournir 9 se livrent ordinairement à cette boisson qui semble d’abord ranimer leurs (1) Au moins en a-t-on plusieurs fuis éprouvé ces effets aux îsles de France et de Bourbon. 414 Maladies forces, niais qui dans le fait, prise en trop grande quantité contribue à les dissiper entièrement. Il passe pour constant , aux Xsles de France et de Bourbon, que cette liqueur perd sa mauvaise qualité par le laps du temps ; on y a observé qu’après deux ans elle n’est plus roal-faisante. Dans quelques- unes de nos colonies, il avoit été prescrit de garder le taffia pendant un certain temps, en tonneaux, avant de le mettre en vente ; Inexécution de ce règlement étoit facile, néanmoins il est reste long- temps sans effet ; il s’agit de le renou- veîler et d’en maintenir l’exécution. 2d. Toutes les rivières de certaines co- lonies sont remplies dame plante, connue sous le nom de songe (i) , et qui pousse de très-grosses racines ; dans les temps de disette, quelques habltans y ont eu recours pour la nourriture de leurs escla- ves ; d’autres, soit paresse, défaut de (t) Espèce à'arum.; des Nègres. 415 prévoyance ou avarice , ont recours à cet aliment bien plus mal-faisant encore que ne Test le manioc non-pré- paré ; les pertes qu’ils ont éprouvées, et qu’ils ont mal-à-propos attribuées à d’au- tres causes, ne les ont pas encore éclairés sur leurs véritables intérêts ; il est donc essentiel dans ces colonies, de faire en- trer dans une ordonnance de police, la défense la plus expresse d’employer le songe, pour nourriture des Nègres, et cela sous des peines imposantes. S’il est étonnant que les colons ne fassent pas préparer et distribuer jour- nellement à leurs Nègres, des boissons fortifiantes , propres à les désaltérer, il l’est encore plus que cette idée ne leur soit pas venue dans les travaux forcés de leurs esclaves, et sur-tout dans les mauvais temps, pendant lesquels les cor- roborais sont indispensables \ la nature semble y avoir invité les propriétaires d’esclaves, en plaçant avec profusion dans ces climats brûlans , les substances qui, exprimées et distillées, composent 416 Maladies par leur mélange ces boissons salutaires. En effet, avec une pinte de taffia 7 quatorze pintes d’eau , une pinte de jus de citron , de limon ou de bigarrade , et une livre de sucre brut ou grosse cas- sonnade, Ton fait une boisson très-for- tifiante , dont Pusage prévient plusieurs maladies, celles sur-tout auxquelles ils sont le plus exposés ; on aromatise ce mélange avec suffisante quantité d’écorce de ces mêmes fruits qui sert de correctif aux acides et augmente le ton de l’esto- mac et des intestins. Dans les colonies où il n’y a point de taffia ou eau-de-vie de sucre, on se servira d’eau-de-vie de riz; mais in- dépendamment de ces ressources , on trouve par-tout des fruits susceptibles de fermentation , qui donnent par la distillation,des esprits ardens lesquels sup- pléent très-bien aux eaux-de-vie de vin, de riz, de sucre et de grain : tels sont tous les fruits doux et sucrés, les oranges douces, les ananas biens mûrs, et autres semblables. des Nègres. 417 Dans quelques colonies, on fait même avec des oranges un vin très-agréable , et qui donne par la distillation beaucoup d’eau-de-vie; enfin tous les fruits séchés des différentes plantes légumineuses, tel- les que le? pois, les feves, les haricots, donnent aussi des esprits ardens, par la fermentation. Ces boissons fortifient l’estomac, aug- mentent les forces digestives, et empê- chent les grandes transpirations qui re- lâchent et affoiblissent les parties solides à un point excessif : le plus souvent, sans un petit verre de liqueur spiritueuse, en se mettant à table , la foiblesse de l’esto- mac ne permettroit pas de recevoir le quart des alimens nécessaires à la répara- tion et au renouvellement des humeurs : il y a même des Colonies (1) dont les habitans se trouvent si fatigués par les transpirations, qu’au milieu du repas, et sur-tout du dîner, ils sont dans l’usage de (î) A Cajenne, par exemple. 418 M A LADIES prendre un second petit verre de liqueur spiritueuse, qu’ils appellent h coup du milieu. Les boissons spiritueuses, prises avec modération, augmentent l’action de l’es- tomac , et font verser une plus grande quantité de sucs digestifs, soutiennent les forces, s’opposent à l’alkalescence des humeurs et à leur putréfaction j ces avan- tages , inappréciables dans ces climats, doivent éclairer les Colons sur leurs véri- tables intérêts, et leur faire adopter les moyens que je propose pour prévenir les maladies de leurs esclaves. Je suis si per- suadé de ces vérités, que lorsque Ton a refusé du vin aux Nègres dans les hôpitaux du Roi, où j’ai été chargé de la totalité ou d’une partie des malades, j’ai recueilli les meilleurs effets d’une espèce dt punch fait avec l’eau-de-vie ou le taffia, destinés pour les pansemens (i) des blessés, que (i) On fait un grand abus des spiritueux dans les pansemens des blessés. En général, ils sont si con- DES NEGRES. 419 je leur ai fait préparer et distribuer sui- vant leur état. J’ai rencontré beaucoup de gens de Fart qui soutiennent que les boissons spi- ritueuses ne désaltéroient pas dans les grandes chaleurs, mais ils n’ont jamais été aux Colonies, et la Médecine est une science de faits et d’observations. S’il se trouvoit encore des gens de l’art qui ne fussent pas de mon avis sur ce point important, à coup sûr ce ne seroit pas ceux qui ont resté plusieurs années dans les Colonies. traires à la guérison des plaies, qu’il y a fort peu de cas où ils doivent être employés ; j’excepte les plaies avec contusion , encore fais-je mettre des corps gras sur ces sortes de plaies ; et seulement sur la contusion, des compresses imbibées de liqueurs spiritueuses. Cette exception porte aussi sur les ul- cères des scorbutiques, chez lesquels il y a ordi- nairement un très-grand relâchement des parties solides. Dans les autres cas, l’usage des spiritueux est, je le répète , absolument contraire, parce qu’ils crispent les orifices des vaisseaux, et retardent beau- coup la suppuration qui fait seule la cicatrice. 420 Maladies Il seroit aussi à souhaiter que le gouver- nement prît les mesures nécessaires pour faire entrer une semblable boisson dans la ration des soldats ; quatorze pintes par jour, ou à peu près, suffiraient pour un ordinaire de sept hommes ; on prévien- drait leurs maladies, on diminuerait leur mortalité excessive ; la modicité du prix de cette boisson ne peut être mise en parallèle avec les sommes immenses que coûtent leur traitement dans les hôpitaux, et leurs remplacemens continuels ; d’ail- leurs , quelle différence pour la guerre, d’un ancien soldat à un soldat de recrue! J’ai vu M. Dumas, en 1768,pendant son commandement aux Isles de France et de Bourbon , sérieusement occupé de cet objet important. Les troupes et le service de sa Majesté étoient à la veille de jouir de ces grands avantages, lors du retour de ce commandant en Europe. Il est inutile de prévenir qu’il seroit dangereux de distribuer aux troupes,aussi bien qu’aux Nègres, les liqueurs spiri- des Nègres 421 tueuses avec lesquelles on fait la boisson que je propose , et de s’en rapporter à eux pour en faire le mélange ; cette bois- son doit leur être délivrée toute faite. La mauvaise qualité des eaux n’étant que trop souvent la source de plusieurs maladies des Nègres, rien n’est plus im- portant que de reconnoître les qualités bonnes ou mauvaises de ce fluide, dans tous les lieux où il se trouve. Nous allons en donner les moyens : Si l’eau court rapidement sur un sable très-pur ; si elle est souvent agitée par le vent ; si elle est transparente , sans goût, sans odeur ; si, bue, elle ne pèse pas sur Pestomac , n’occasionne ni coliques, ni diarrhées ; si la viande et les légumes s’y cuisent avec facilité ; si le savon s’y dé- laye bien ; Si une petite quantité d’aîkali fixe de tartre concret ou liquide, jettée dans un verre de l’eau que l’on veut éprouver, ne la blanchit pas ou la blanchit très-peu; Si ïo ou iz gouttes d’eau mercurielis Maladies 422 ou d’une dissolution d’argent , jettées dans un verre de la même eau, n’en trou- blent pas la transparence ou la troublent peu; On peu en user avec confiance ; telles sont les eaux des fleuves et de plusieurs sources, celles qui tombent sur la fin des orages, et celle des petites pluies. Les eaux qui blanchissent quand on y verse de l’alkali fixe, ou de l’eau mercu- rielle,ont ordinairement une saveur crue, contiennent plus ou moins de terre, ou desélénite en dissolution ; elles pèsent sur l’estomac, dérangent les digestions, pro- duisent des coliques , des diarrhées, en- gendrent des maladies chroniques ; telles sont les eaux croupissantes des marais, des étangs, celles des neiges, et celles de la plupart des puits : on les corrigera en les agitant fortement, ou en leur faisant subir quelques degrés d’ébullition. Une eau trouble n’a besoin que d’être filtrée. Les boules d’amalgames que l’on met quelquefois dans l’eau ne saur oient l’améliorer. DES NEGRES. 423 Lorsque les eaux précipitent beaucoup, il faut analyser ces précipités pour en reçonnoître la nature : à cet effet, on prend trente ou quarante pintes de ces eaux que Ton fait évaporer jusqu’à sic- cité, à une douce chaleur, dans un vase d’argent, de verre ou de terre : alors on prend une partie du résidu, que l’on expose sur des charbons ardens ; et si en brûlant, elle répand une odeur d’ail, ces eaux contiennent des matières arsénicales; l’on ne connoît point de moyen de les corriger ; l’usage en est très-funeste, heu- reusement la nature en fournit peu de ce caractère. Si ce résidu s’enflamme facilement , qu’il donne beaucoup de fumée, qu’il se raréfie et se réduise en charbon , les eaux d’où il est tiré contiennent des ma- tières bitumineuses : elles ne sont point dangereuses; mais leur saveur désagréable les fait ordinairement rejetter. Si le même résidu calciné dans un creu- set 5 blanchit 9 bouillonne , s’échauffe 424 Maladies avec l’eau , comme la diaux vive, et qu’il fasse effervescence quand on y verse quelques gouttes d’acide, l’eau abonde en terre calcaire. Si ces eaux contiennent quelques subs- tances métalliques , on les reconnoîtra par le procédé suivant : on prend une partie du résidu obtenu par l’évaporation de l’eau , on le mêle avec trois parties de flux noir (i) réduit en poudre ; on met le tout dans un creuset, avec la pré- caution de le couvrir d’un travers de doigt de sel marin décrépité ou dessé- ché ; le creuset fermé, on le met dans un fourneau au milieu des charbons ; on échauffe peu à peu le creuset, jusqu’à ce qu’il soit très-rouge, et que la matière soit fluide ; alors on retire le creuset. et j lorsqu’il est froid, on le casse ; et si ces eaux contiennent réellement quelque (x) Le flux noir est composé de deux parties de tartre Liane, et d’une partie de nltre 3 brûlées en- semble et réduites eu charbon. des Nègres 425 substance métallique, elle forme un culot adhérent à la masse saline qu’on retire du creuset, et dont il est facile de le détacher. Les eaux qui contiennent des particu- les cuivreuses sont sur-tout â redouter : outre le procédé de la calcination, l’esprit volatil de sel ammoniac nous offre en- core un moyen sûr de reconnoître ce poison par-tout où il se trouve ; l’on verse sur un verre de l’eau que l’on veut éprou- ver, quinze ou vingt gouttes de cet es- prit ; si la liqueur se trouble à l’instant, devient verdâtre, et qu’ensuite en con- tinuant l’affusion de la même liqueur , elle prenne une couleur de bleu céleste , elle contient du cuivre, on n’a plus alors que deux partis à prendre, ou de la cor- riger, ou de la proscrire. Pour la corriger on prendra quarante ou cinquante pintes de ces eaux, sur les- quelles on jettera deux livres de limaille de fer ; on les fera bouillir dans un vase de fer ou de terre pendant une heure , 426 Maladies et reposer pendant vingt-quatre; après quoi on transvasera doucementîaliqueur, et alors si l’alkali volatil ne la colore plus, c’est une preuve qu’elle a déposé son cui- vre , en se chargeant d’un peu de fer qui n’empêche pas qu’on n’en puisse user à l’intérieur. Pour être bien sûr du succès, cette opération devroit être faite sur une grande quantité d’eau ; mais alors elle seroit trop dispendieuse ; c’est pourquoi il est encore plus prudent, à l’exemple de M. de la Bourdonnois (i), d’en faire venir d’ailleurs, ou de changer le lieu ' O de rétablissement. (i) Le Port-Louis de PIsle-de-France est en- touré de hautes montagnes à une certaine distance. On trouve dans ces montagnes des eaux très-pures à leur source, qui, en parcourant le court espace qui les conduit à la mer, acquièrent des qualités malfai- santes en passant sur des couches de terre chargées de particules cuivreuses. Sous le gouvernement de M. de la Bourdonnois , l’usage de ces eaux ayant occasionné une épidémie dyssentérîque qui enleva un grand nombre d’hommes , il prit le parti de faire venir au port, des eaux de la grande rivière par un long canal bien pratiqué , dont la maçon- des Nègres. Si en versant dans un verre d’eau quelques gouttes d’un acide foible , com- me de l’esprit de vitriol, et même le vi- naigre distillé il s’en exhale une odeur d’œuf couvé , cette eau contient du sou- fre ; et si en même-temps elle devient laiteuse, le soufre y est en grande quan- tité. Ce même moyen de reconnoître le soufre dans une eau , sert aussi à l’en sé- parer ; à cet effet, on verse dans une quantité donnée de cette eau quelque acide doux , tel que celui du citron , de la crème de tartre ; on filtrera la liqueur: l’eau qui passera ne sera pas pure, à la vérité , elle sera un peu acide ; mais cette nerie n’est pas encore finie ; elle est suppléée clans un long intervalle par un simple fossé. Cette partie de l’isle étoit alors couverte de bois impénétrables. Il étoit impossible de remonter jus- qu’à la source des eaux, M. Dumas forma depuis le projet d’abreuver le port avec celles des sour- ces de la rivière des Letaniers et celles de ren- foncement du port, afin de soustraire, en temps de guerre aux attaques du dehors , ce besoin de pre- mière nécessité. Maladies qualité ne la rendra que plus salutaire dans les Colonies, où la chaleur du cli- mat n'indique déjà que trop l’usage des tempérans. Quant à la dose de l’acide qu’il faut employer pour corriger une quantité don- née de cette eau , on ne sauroit la fixer 7 c’est à celui qui sera chargé de l’épreuve, à tâtonner ; il en versera peu d’abord , et ainsi successivement, jusqu’à ce que la liqueur soit filtrée claire, et que les acides n’en élèvent plus d’odeur ; alors elle sera suffisamment corrigée. CJ Les eaux qui impriment sur la langue une saveur plus ou moins sensible,contien- nent des sels en dissolution ; on ne peut les en dépouiller que par deux moyens, le mélange de l’esprit-de-vin à ces eaux (i), (i) Si on verse quinze à vingt gouttes d’esprit- de-vin sur un verre d’eau salée , on voit le sel se précipiter sous la forme d’une poudre blanche ; ou filtre, et la liqueur qui passe n’est plus de l’eau salée, ni même de l’eau simple, c’est une espèce d’eau-de-vie; si on la fait chauffer, l’esprit s’éva- pore , et ce qui reste est de l’eau pure-. des Nègres. 429 très-dispendieux à la vérité, et la distil- lation (1). L’eau qui, retenue quelque temps dans des bouteilles de verre, les brise avec éclat, ou qui, lorsqu’on les débouche, s’élance impétueusement en écume comme les vins mousseux , contient beaucoup d’air fixe entre ses parties; elle est acidulé et quelquefois ferrugineuse : c’est ce qu’on. (1) La voie de distillation pour séparer les sels contenus dans ces eaux, seroit peut-être trop assu- jettissante dans les colonies 5 elle n’est d’ailleurs ni difficile ni nouvelle. Le Père Panlian , à l’article Mer de son Dictionnaire de Physique , rapporte que M. Gautier, médecin de Nantes, en fit sur l’eau de mer, en 1717, au Port de l’Orient, à Lord du vaisseau de guerre le Triton, des expériences qui lui réussirent parfaitement , c’est-à-dire que l’eau quil en retira se trouva aussi douce, aussi légère que celle des meilleures fontaines et propre aux mêmes usages. Le Père Paulian a tiré ce fait des registres des procès-verbaux tenus au contrôle de la Marine, au Port de l’Orient. Depuis, des mé- decins intriaans ont donné la chose comme non- O velle et occasionné de grandes dépensés an gouver- nément,tant en expériences inutiles qu’en pensions, pour eux et leurs colaborateurs. 430 Maladies nomme eau galeuse ou aérée, telles sont celles de Fougues (i) à Nevers. On cor- rigera ces eaux par la seule exposition à Fair libre ; l’agitation et la chaleur les dissipent encore plus promptement : d’ail- leurs quand il y resteroit encore quelques principes ferrugineux, l’eau n’en seroît pas plus mal-saine (2). La plupart de ces eaux composées , quoique moins funestes à la santé que désagréables au goût, ne sauroient être cependant employées comme boisson or- dinaire. Les Médecins, à qui l’expérience a découvert leur véritable propriété, sa- vent les appliquer avec avantage au trai- tement des maladies, sous le nom d'eaux minérales. (1) En 1768, feu M. de la Planclie lit une ana- lyse très-exacte de ces eaux. Je fais ici avec recon- noissance l’hommage de mes principes en Cbymie à la mémoire de ce savant DémonsUateur en cette partie. (2) On en a la preuve dans la bonne santé des babitans de l’Isle-de-Francc , qui ne sont abreuvés que par des eaux plus ou moins ferrugineuses. des Nègres. 431 Il se rencontre quelquefois des eaux naturellement chaudes , quoique pures dans leur essence. On peut les rafraîchir, soit en les plongeant dans une dissolution de nître ou de sel ammoniac, soit en les agitant par la suspension sous les équi- pages , ou par tel autre moyen qu’on pourra imaginer. Les Marins rafraîchis- sent quelquefois leurs eaux en mettant les bouteilles qui les contiennent dans des sacs de toile qui les enveloppent exactement, ils les humectent de temps en temps avec de Peau de la mer, et les suspendent à Pair libre. Elles sont agitées par le mouvement du vaisseau , et ac- quièrent par-là une fraîcheur agréable. Enfin une eau mauvaise dans son prin- cipe devient bonne, lorsque , par les moyens que nous indiquons, elle a re- couvré les qualités que nous avons assi- gnées à ce fluide pour être salutaire. Maladies CONCLUSION. CHAPITRE XIX. Nous avons décrit, dans cet Ouvrage, les différentes maladies dont les Nègres sont communément attaqués ; nous en avons recherché les causes, indiqué les symptômes, suivi la marche et les pro- grès, et établi la méthode curative d’a- près les principes généraux de la Méde- cine , suivant les différences que la ma- nière de vivre & le climat font remar- quer, soit dans les causes, soit dans les effets. On a vu que le traitement des maladies des Nègres est trop souvent mal entendu. Les gens de l’art, dans les Colonies, conduisent chaque jour les maladies les plus aiguës, telles que le phrénitis, le gastritis , Vhévatitis et les maladies chro- des Negres. 433 niques; la cachexie, les obstructions, Fhydropisie, qui sont souvent la termi- naison des premières mal traitées. Il ne suffit donc pas que les sujets destinés à exercer Part de guérir dans ces posses- sions éloignées reconnoissent les fractu- res, les luxations ; qu’ils sachent pratiquer des opérations qui sont infiniment rares; ils doivent être encore instruits de la Médecine-pratique proprement dite, qui enseigne à connoître les maladies, et les moyens d’y remédier ; de la matière mé- dicale ou science des médicamens, qui donne la connoissance de leur nature, de leurs venus , de leurs propriétés. A cet effet, aucun sujet ne devroit être admis a Vexercice de cet art, qu’il n’eût étudié les trois parties qui le composent, et qu’il ne fût en état de subir sur l’une comme sur les autres l’examen le plus ri- goureux. L’exacte observation de cette règ’e produiroit le bon effet qu’on en doit attendre ; l’on ne verroit plus si sou- vent la fièvre maligne être la suite du 434 Maladies mauvais traitement de la lièvre putride ; les fièvres doubles, tierces, dégénérer en lièvres malignes ; l'on ne ferait plus un usage inconsidéré de la saignée, sur-tout dans de tels climats et sur des individus qui réparent difficilement ; on n’admi- nistrerait plus dans les maladies aiguës des purgatifs violens, qui causent des super- purgations souvent suivies de lièvres très- violentes, d'élévations au foie , et même d'inflammations gangreneuses k l'estomac et aux intestins, qui conduisent les ma- lades à la mort. Dans les maladies aiguës, ou l’action des vaisseaux est montée trop haut, on ne se permettroit que l’usage des purgatifs mineurs dans lesquels le principe actif divisé et étendu est encore bridé par un mucilage; et non les purgatifs majeurs ré- sineux, dont le principe rapproché irrite, stimule , fond , atténue , et qui sont con- sacrés pour les maladies chroniques, telles que l'œdeme , les infiltrations, les épan- chemens, les obstructions dans lesquelles des Nègres. il est nécessaire, non-seulement d’évacuer les humeurs, mais encore de s’opposer ,à leur formation en rappellant le ton et le ressort des parties relâchées. La louange , le blâme, le degré d’es~ time, de considération , l’exclusion ou la participation aux bienfaits du gouverne- ment , sont autant de ressources à mettre habilement en usage pour parvenir à faire adopter universellement les moyens que je propose. L’administration peut encore efficace- ment concourir par la sjigexse de ses vues, par sa fermeté pour le maintien des loix de police, à la diminution des causes des maladies des Nègres, et arrêter, ou au moins réduire la dépopulation parmi eux. Cet Ouvrage contient des vérités que l’on ne sauroit trop répéter aux habitans des Colonies , des soins qu’on ne sauroit trop leur recommander. Avec la satisfac- tion réelle de soulager la malheureuse humanité, d’adoucir la rigueur du sort de leurs Esclaves, ils auront l’avantage de 436 Maladies conserver plus long-temps des serviteurs qui leur deviendront toujours plus utiles par rattachement et la fidélité que cette sollicitude de leur part doit infaillible- ment inspirer à ces êtres infortunés. Les eaux Minérales répandues dans nos diverses Colonies ? dont les pro- priétés ne sont connues que d’un petit nombre de gens de VArt, m’ont déter- miné à placer ici un précis d’analyse en faveur des jeunes Médecins et Chirur- giens. des Nègres. 437 PRÉCIS SUR L’ANALYSE DES EAUX MINÉRALES , POUR SERVIR DE COMPLEMENT A CE QUE NOUS EN AYONS DEJA DIT. CHAPITRE XX. Les Eaux Minérales sont d’une utilité reconnue en médecine pour le traitement des maladies chroniques ; ces maladies sont plus dangereuses encore, et plus opi- niâtres dans les pays chauds que dans les autres climats : il est donc essentiel, dans les Colonies , que les gens de Part con- noissent les moyens d’analyser ces eaux,, pour être en état d’éprouver toutes celles qui s’y rencontrent. Maladies Toute eau qui, en traversant les en- trailles de la terre, en a pris différentes substances étrangères à sa nature, est ap- pellée Eau Minerait. Les substances dont Peau se charge le plus communément sont Pair, le feu, la terre, le soufre ; et parmi les sels, Palkaii fixe végétal, Palkaii fixe minéral ou na- trum, la sélénite, Palun , le sel marin calcaire, le nitre calcaire , le sel d’epsom , le sel de Glaubert, le sel marin , le nitre, le vitriol martial. Parmi les substances métalliques, le fer, le cuivre, Parsenic , le zinc ; enfin , des enduits gras et bitumineux. Si ces substances existoient d'une ma- nière bien distincte dans les eaux miné- rales , l’analyse en seroit très-facile ; mais elles s’y trouvent souvent en si grand nombre , qu’il est trës-mal-aisé de les obtenir chacune séparément pour en constater l’existence, et dans des pronom i 11 tions si variées, qu’il n’existe peut-être pas dans la Nature deux eaux absolument semblables. des Nègres. 439 Enfin ces combinaisons naturelles sont toujours si parfaites,que la plupart sont inimitables. L’art mêle bien des substances sem- blables à celles qu’il observe dans les ré- sultats des analyses, mais il ignore les proportions que la Nature observe dans ces mélanges ; eh 1 qui sait s’il n’altère pas les produits par les înstrumens mêmes qu’il emploie pour les découvrir > Qui sait si l’on calcule exactement ces produits > Qui peut apprécier l’essence et la quantité précises de ces émanations-subtiles que la moindre chaleur évapore > Quelque difficile que soit l’analyse des eaux minérales, l’observation et l’expé- rience ne laissent pourtant pas de nous fournir d’excellens moyens pour les con- noîrre. Il ne faut que les sens pour découvrir si une eau est froide ou chaude ; si elle est onctueuse, trouble ou diaphane ; si elle coule ou si- elle croupit ; quelle terre elle traverse, et quel limon elle dépose 3 440 Maladies quels animaux la fréquentent, et quels sont ceux qu’elle abreuve ; si son odeur est piquante , fétide , suffoquante ; si elle est douce , acidulé , styptique , âcre , amère ou salée. On apprécie sa chaleur par le thermo- mètre ; sa pesanteur spécifique par la ba- lance hydrostatique ; sa densité par le pèse-liqueur. On réprouve sur la viande, sur les légumes , sur le savon ; on en fait boire aux animaux. Enfin, on a recours aux combinaisons chymiques, dont le détail va se trouver dans l’exposé suivant. Les eaux chargées d’air sont appellées aérées , galeuses, ou spiritueuses ; telles sont celles de Fougues, du Mont-d’Or, de Bussans, &c. Elles ont plus ou moins les caractères suivans : sortir en bouillonnant de leur source ; avoir la saveur piquante et aci- dulé , sans rougir le syrop de violettes • exhaler un air subtil et quelquefois pi- quant ; s’élancer avec impétuosité hors des Nègres. 441 des bouteilles où on les a tenues quelque temps enfermées, les briser quelquefois, si on ne leur donne issue : tous effets de Pair fixé, dont ces eaux sont plus ou moins imprégnées. Les eaux chargées de fer, sont appe- lées chaudes ou thermales : telles sont celles de Bourbonne. On en estime la chaleur en plongeant deux thermomètres égaux, fun dans Peau commune, et l’autre dans Peau minérale, et cela à différentes heures du jour et dans différentes saisons de Pannée (1). Quoiqu’insoluble dans Peau, la terre s’y trouve quelquefois en dissolution ; mais cet ouvrage est celui de la Nature. Celles qui, en filtrant à travers les voûtes et les parois des cavernes, s’y figent en larmes transparentes et calcaires ; qui déposent dans leurs canaux des croûtes de même nature; qui changent en pierres (1) On en rencontre de chaudes et insipides; de chaudes et'martiales ; mais le plus grand nombre, des eaux chaudes sont sulfureuses. 442 Maladies les substances végétales et animales qu’el- les pénètrent, tiennent de la terre en dis- solution , on les nomme eaux terreuses / leur saveur est crue ; elles pesent sur l’es- tomac ; elles cuisent mal ; le savon s’y coagule ; elles laissent , par l’évaporation , des pellicules blanches terreuses que le feu change en chaux vive. lJ Le soufre n’est jamais dissous dans les eaux minérales qu’à la faveur d’une subs- tance alkaline ou calcaire ; ainsi leur odeur est toujours celle d’un foie de soufre. Le sol qui les entoure et celui qui leur sert de lit, sont ordinairement pleins de soufre ; un peu de cette terre mise sur les charbons ardens exhale l’odeur d’acide sulfureux. Les fleurs de soufre nagent sur les eaux, ou s’amassent sur la rive. L’argenterie exposée près de ces eaux devient noire. L’acide le plus foible les blanchit, en fait un lait de soufre (i); ces eaux se Ci) Le lait de soufre ordinaire se fait en j^Uant des Nègres. 443 nomment sulfureuses. On appelle sim- plement hépatiques celles qui , comme les précédentes, noircissent l’argenterie, sentent l’œuf couvé , mais dont l’odeur est fugace, et qui ne donnent dans tou- tes les expériences aucun vestige de sou- fre : telles sont celles de Montmorenci, près Paris ; l’eau qui croupit sous les pavés des grandes villes a l’odeur de roie de soufre, quoiqu’elle n’ait en elle rien de sulfureux. Les eaux alkalines sont ordinairement grasses au toucher; quelquefois aérées, comme à Fougues ; elles verdissent le syrop de violettes, font effervescence avec les acides, forment avec eux des sels neutres ; et si on y fait bouillir du soufre,elles prennent une odeur hépatique. Ce que nous avons dit des eaux ter- reuses , doit s’appliquer aux eaux char- iin acide quelconque sur la dissolution du foie de soufre dans Peau ; celle dissolution s’obtient en fai- sant bouillir du soufre en poudre dans de i alkali fixe en liqueur. 444 Maladies gées de sélénite (i) , qui sont beaucoup plus communes que les premières, et où elle se trouve dissoute en beaucoup plus grande quantité. Les eaux alumineuses (2) sc distinguent par leur stypticité, elles ne sont pas aci- dulés comme les eaux aérées ; les alkalis y excitent un précipité blanc, qui, poussé au feu dans un creuset, ne se change pas en chaux, mais s’y durcit plus ou moins: ce sont les mêmes caractères des argilles. L’eau évaporée laisse un résidu très- styptique chargé de véritable alun , et qui , par la crystallisation , donne , si on opère en grand, des crystaux en forme de pyramide quadrangulaire dont les an- gles sont tronqués. (r) La sélénite est définie en sel neutre, terreux, composé de craie unie à l’acide vitriolique. Les couches Iransparantes , triangulaires , que Fort trouve dans toutes les carrières de pierre à plâtre, sont des crystaux naturels de ce sel. (2) L’alun est un antre sel terreux, formé par l’union de la terre glaise ou argilleuse à l’acide vitriolique. des Nègres. 445 Si on les calcine parfaitement, ils don- nent de l’acide sulfureux, et se réduisent en une masse spongieuse, légère, qui fait sur la langue l’effet d’une terre sèche et insipide, (1) : d’ailleurs elles sortent d’un terrain alumineux ; indice presque certain de leur nature avant l’épreuve qui ne sert plus qu’a fixer les proportions. Le sel marin calcaire fait partie des substances contenues dans les nouvelles eaux de Passy ; on le reconnoît avec peine ; comme déliquescent, il reste dans » * l’eau après qu’on en a ôté tous les sels, et lui donne une saveur fort dégoûtante. On dessèche les eaux rapprochées ]iis- qu’à ce qu’elles ne fournissent plus de sels par la crystallisation ; on verse sur la masse qui en résulte , de l’acide vitrio- lique , qui élève aussitôt des vapeurs d’es- (1) Si l’on se contente de sécher le sel, il con- serve une saveur très-astringente ; il n’est insipide que quand il a été calciné jusqn’à ce qu’il n’exhale plus d’odeur d’acide sulfureux. Maladies prit de sel, et forme une sélénite avec la base calcaire. Un autre moyen de reconnoitre ce sel, c’est de verser de Talkali fixe sur ces eaux-mères ; il produit un précipité ter- reux , on recueille ce précipité ; on le lave, on le calcine seul ou mêlé avec du soufre. Seul, il se convertit en chaux vive ; dans le second cas, il se forme un foie de soufre calcaire. Quant à la liqueur , on la filtre , on la fait évaporer jusqu’à pellicule ; on met ensuite le vaisseau dans un lieu frais ; .et si on a des crystaux d’un 'goût salé et amer , qui décrépitent au feu, c’est du sel fébrifuge de Sylvius ( i ) : ainsi on connoît tout-k-la-fois l’acide et sa base. Le nître à base calcaire ( ou à base de terre absorbante ) existe plus rarement dans les eaux minérales, il se reconnoît (x) Ce sel est forme par l’union de l’alkali qu’on ajouteavecl’acicîe qui constituait le sel marin calcaire. dés Nègres. 447 comme le précédent ; de plus , si le ré- sidu des eaux-mères desséchées est mis sur les charbons ardens , il fuse à la ma- nière du nître. La base est une terre calcaire , si le précipité terreux obtenu par l’affusion de l’alkali fixe se change par le feu en chaux ; s’il ne le peut , on pourra le regarder comme une simple terre absor- bante : il existe un semblable sel dans les eaux-mères dont on a retiré le sal- pêtre à l’arsenal de Paris ; on évapore ces eaux jusqu’à siccité ; on les calcine parfaitement, et il ne reste plus que la base de ce sel. Cette base est une terre blanche , qui ne durcit pas au feu comme Pargille , et n’y devient pas chaux vive, comme la terre calcaire (ou craie), mais paroit tenir le milieu entre ces deux ter- res ; elles est connue sous le nom terre absorbante ; quelques chymistes croient qu’elle approche de la nature des alkalis fixes; c’est pourquoi ils la nomment aussi terre alkahne. 448 Maladies Le véritable sel d’epsom est un sel vî- triolique, à base de terre absorbante ; la fontaine d’Ëpsom en Angleterre, et de Sedlitz en Bohême , sont celles qui en contiennent le plus. Les eaux qui contiennent ce sel sont amères et purgatives ; elles le fournissent assez aisément par l'évaporation. Ce sel est d’un blanc mat, ne s'effleurit pas à Pair comme le sel de Glaubert, et est sous la forme de petites aiguilles fines comme le faux sel d’epsom du com- merce (i). Le sel de Glaubert, le sel marin , le nître se reconnoissent par leur saveur et leur manière de se crystalliser ; par leurs propriétés, le premier, de s’efReurir à (i) Ce qu’on débite dans le commerce sous le nom de sel d’epsom , n’est rien moins que ce sel ; c’est un vrai sel de Glaubert mal crjstalüsé , parce qu'il l’a été précipitamment; il vient des eaux des fontaines, dont on a retiré le sel marin, par le moyen des bâtimens de graduation dans la Lorraine et dans la Francbe-Comté. des Nègres. 449 Pair ; le second, de pétiller au feu ; le troisième, de détonner sur les charbons, de les allumer fort vite et de les consu- mer rapidement. Les deux premiers se trouvent abon- damment dans les eaux de la mer et des fontaines salées ; le nître se trouve répan- du , mais en très-petite quantité dans les autres eaux minérales. Le fer est quelquefois dissous dans les eaux minérales dans son état métallique, comme à Spa , à Forges, à Passy, dans les lieux où se forment journellement les mines de ce métal ; leur saveur est aci- dulé et styptique ; leur limon est ocracé (i) , elles déposent par le laps du temps un sédiment semblable, et le fournissent en plus grande quantité parl’évaporation. Si on y verse l’infusion d’une plante astringente, comme le chêne, la noix (1) L’ocre est une terre martiale qui a été unie à quelque acide , et dans cet état dissoute dans l’eau, puis séparée de ce üuide à mesure que son acide s’est dissipé. Maladies de galle, l’écorce de grenade, la garan- ce, le sumac, la rhubarbe, le quinquina, ttc. le fer se précipite avec la terre astrin- gente à laquelle il s’attache , et rend la liqueur brune ou noire sous différentes nuances, à raison de la quantité de fer contenu dans Peau. La plupart de ces eaux sont froides, mais aérées ; il paroît même que c’est à cette dernière qualité qu’est due la dis- solubilité du fer dans Peau. Les eaux chargées de vitriol martial contiennent plus de fer à raison de Pacide auquel il est joint. L’infusion ou la poudre astringente d’une des substances ci-dessus les rend beaucoup plus noires. L’alkali fixe versé sur ces eaux y ex- cite un précipité verdâtre. L’alkali fixe phlogistiqué (i) en (i) L’alkali phlogistiqué est celui qui a été cal- ciné avec des matières animales , comme la graisse, le sang de bœuf desséché, etc. des Nègres. 451 précipite un véritable bleu de Prusse (i). * Enfin ces eaux évaporées fournissent des crystaux de vitriol verd. Les eaux cuivreuses sont rares, on en rencontre dans les environs des mines de Saint-Bel, dans le Lyonnois ; on y plonge des lames de fer bien séchées ; elles se recouvrent d’un enduit cuivreux. On y verse de l’alkali volatil ; il oc- casionne d’abord un précipité verdâtre ; puis, en continuant de verser la même liqueur, on voit Peau s?éclaircir et pren- dre une belle couleur de bleu céleste. Valerius parle d’une eau qui tient en dissolution du vitriol blanc (2) , il dit (1) Le bleu de Prusse est un précipité d’un très-beau bleu , produit par Falliislon ou le mé- lange d’une dissolution d’alkali phlogistîqué sur une dissolution de vitriol martial. Un alkali simple décomposeroit cette dissolution; mais il sépareroit le fer sous une couleur d’encre 5 et l’alkali phlogistiqué donne à ce précipité la cou- leur bleue. (2) C’est un sel neutre métallique, formé par Mala dies qu’elle a une saveur styptique , et que si on précipite le zinc en versant de l’alkali fixe, le précipité jaunit le cuivre, soit qu’on en frotte ce métal, soit qu’on l’expose sur un creuset, dans lequel on calcineroit ce précipité : ces eaux sont d’ailleurs fort rares. A ces notions particulières sur chacun des principes qui constituent les eaux minérales, il est à propos d’en joindre de plus générales. Toute eau minérale qu’on veut ana- lyser , doit être employée autant claire que sa nature le comporte ; si elle ne l’est pas, il faut la filtrer ; il faut aussi tenir compte de ce qu’elle perd par le repos ou la plus foibîe évaporation, ainsi que des dépôts métalliques ou terreux qui se précipitent par ces seuls moyens. En continuant l’évaporation , il faut retirer les vaisseaux du feu à chaque pel- l’union d’un demi-métal, appetlé [inc, à l’acide vitriolique. des Nègres. licule qui se forme à la surface, pour laisser les sels se crystalliser dans leur ordre j la sélénite, s’il s’y en trouve , sera la première, le sel marin ensuite , puis le sel de Glaubert, le sel d’epsom ; enfin les sels déliquescens restent dans les eaux-mères. 453 On distingue ces sels les uns des au- tres , et chacun en particulier, par leur saveur, leurs propriétés, leur manière de crystalliser, par l’analyse , en y versant des acides ou des alkalis. On reconnoît l’acide de ces sels en versant de la solution d’argent,par l’acide nîtreux, sur l’eau à examiner. Elle y occasionnera un précipité ; si ce précipité étant calciné se réduit en un petit culot d’argent, c’est du vitriol de lune, ce qui démontre que l’acide est vitriolique ; si au contraire la calci- nation le change en une masse dure, et d’une transparence de corne, c’est de la lune cornée, ce qui annonce que l’a- cide que l’on cherche est l’acide marin. 454 Maladies Une dissolution de mercure dans l’a- cide riîtreu'x , peut nous conduire au même but ; car s'il y a un sel dans Peau minérale, cette dissolution s’y décom- posera , comme fait la solution de lune ; elle fournira un précipité dont on con- noîtra la nature par le procédé suivant. On fera bouillir Peau minérale , et pendant Pébullition on y versera la solu- tion de-mercure; si le précipité est jaune, c'est du turbith minéral, ce qui prouve que Pacide qu'on cherche est vitrioli- que ; si le précipité est blanc, s'il produit sur la langue un chatouillement qui ex- cite une grande quantité de salive ; si sa saveur est âcre et rongeante ; si mis dans une phiole à médecine sur un bain de sable à feu doux, il s'y sublime, c'est du sublimé corrosif, dont Pacide est marin. L'acide du sel à analyser est connu ; cherchons sa base : elle, doit s’être em- parée de Pacide nîtreux des solutions ajoutées, et avoir formé avec lui, ou des Nègres. du nîrre, ou du nître cubique y ou du nître terreux , ou du nître de fer , etc. ce qui donne à connoître c[ue cette base est de Paîkali fixe (1), végétal miné" ral, une terre y du fer , ne. Enfin , pour bien connoître une eau minérale , il faut l’analyser sur de très- grandes masses, calculer exactement les produits, réitérer l’analyse en différens temps ; essayer si l’on peut en faire d’ar- tificielles, ce qui sera une preuve synthé- tique, d’autant plus forte , que Pon aura mieux imité la nature. Il seroit à souhaiter pour l’heureuse application des moyens qui viennent d’étre proposés, que les gens de Part qui doivent les mettre en pratique , fussent un peu versés dans le manuel des expé- riences chymiques. Il seroit encore à desirer , qu’après (1) Après avoir évaporé, pour obtenir tous leâ sels, on calcine le résidu , et l’on en tire les induc- tions que nous avons indiquées en parlant de l’éya- poration des eaux jusqu’à siccité. 456 Maladies avoir reconnu les principes dont une eau minérale est composée, ils pussent, par des épreuves sagement conduites, rechercher dans quels cas elle peut être utile ou nuisible. Enfin, dans les colonies où Ton n’a quelquefois pas à choisir entre plusieurs eaux, il faut employer les moyens sûrs, faciles et peu dispendieux que nous avons proposés , pour rendre k celles qui s’y rencontrent les qualités d’une boisson douce et salutaire. Ces moyens peuvent être perfectionnés, et même multipliés par les ressources de la chymie : les dé- couvertes les plus glorieuses sont celles qui intéressent vraiment l’humanité. Pour rendre cet Ouvrage plus utile, lorsque j’ai conseillé l’usage de quelques médicamens, j’en ai fait connoître, soit dans les Notes, soit dans le Texte, la nature et les propriétés : mais n’ayant rien dit de VEther y j’ai cru devoir placer ici des Nègres. 457 le détail suivant sur ce remède précieux, trop rarement employé en n\édecine. L’ éther est un composé résultant d’une réaction particulière des acides sur l’es- prit-de-vin. Il y a quatre sortes à?éther. Ils pren- nent le nom des acides dont ils sont for- més ; savoir, le vitriolique , le nitrtux , le marin et Vacéteux. Ces liqueurs diffé- rent entr’elles par la difficulté qu’elles ont à s’unir, par l’exactitude de la com- binaison , par leur action et leur énergie particulières. Le mélange de l’acide vitriolique avec son poids d’esprit-de-vin , donne par la distillation quatre liqueurs, dont la se- conde redistillée ensuite à feu doux avec un peu d’alkali du tartre bien pur , four- nit d’excellent éther vitriolique. L’union de l’acide nitreux avec l’esprit- de-vin est très-tumultueuse, et produit souvent des explosions funestes ; cepen- dant M. Navier , Médecin de Châlons, a démontré qu’on pouvoit diminuer le Maladies danger avec certaines précautions, donc la principale est de mettre le mélange dans des bouteilles solides, comme celles de Sèvre , bien bouchées et enfermées dans de la glace, jusqu’à ce qu’il se soit formé des couches à? éther à sa surface, mais le produit de cette opération est très-peu de chose relativement aux em- barras qu'elle occasionne. De ces quatre éthers, le vitriolique est le plus subtil, le plus actif, le plus d’usage en médecine dans la syncope, le hocquet, les convulsions, la cardialgie, les maux d’estomac, les indigestions (i), &c. (i) M. de Laplancbe, dans ses traversées de France à Saint-Domingue et de Saint-Domingue en Fiance, s’et servi de i7éther avec beaucoup de succès pour remédier au relâchement de l’estomac occasionné par le-mouvement du vaisseau ; celte maladie, connue sous le nom de mal de mer,, est cet état pendant lequel ou éprouve des faiblesses , un mal-aise universel, une moiteur presque continuelle, des envies de vomir • le pouls est très-petit, serré, le visage décoloré, les extrémités froides, et ou ne des Nègres. Des trois autres, il n’y a que le nîtreux dont quelques praticiens commencent à faire usage, et qu’ils emploient comme diurétique doux et calmant, très-efficace, îls le préfèrent aux limonades minérales comme moins agaçant, moins styptique, ils l’ordonnent dans des juleps appro- priés ; et c’est dans les mêmes vues que depuis long-temps beaucoup d’autres em- ploient l’esprit-de-nître dülcifié, qui est une combinaison d’une partie d’acide nîtreux foible, contre deux parties d’es- prit-de-vin. reçoit de soulagement, même momentané, que par le vomissement. Je suis persuadé que lors du mal de nier l’action de l’estomac reste, pour ainsi dire, suspendue jus qu’à ce que le corps se soit fait au mouvement du vaisseau. M. de X-a planche a aussi conseillé Véther dans l’ivresse , il en a recueilli les meilleurs effets. Fin du premier Volume. errata. PAge 44, ligne i3, vessicatoires ; liseï vésicatoires. — 45, ligne 9, vessicatoires; lise1 vésicatoires, •— 5i, ligne 9 convulsions ; liseï convulsion. — 54, ligne première , sut ; lise1 sur. — 136, ligne première, marjolesne ; liseïmarjolaine. — 255, ligne 18, marins ; liseï marin. — 261 , ligne 2, 178 ; lise1 256. Ibidem, ligne 12, d’empâtement de cachéxique ; lise£ d’empâtement cachéxique. —r275, ligne i5, enfant; /wq enfants. — 5,76, ligne 2i, skérosités ; /«q skirrosités. — 280, ligne 25, infidels ; lise1 inficlelles. — 288, ligne 18, rhagads; lise1 rhagades. — 286, ligne 20, eudémiques ; liseï endémique. — 291, ligne 9 , derniers ; liseï dernières. — 3o2, ligne prem. dapronague ; liseï d’aprouaque — 311 , ligne 3, surcroit ; liseï surcrois. — 336, ligne 23, sucre ; liseï suc- — 382, lignes 3 et 7, omoplatte ; liseï omoplate. -—374, ligne 21, s’attachant; liseï s’attachent. — 884, ligne 8, diiétescence ; liseï délitescence. — 419, ligne 5 , désaltéroient ; liseï désaltèrent. —« 444, ligne 18, en ; liseï un*