OBSERVATION /' DE GROSSESSE EXTRA-UTERINE GASTROTOMIE. GUERISON. FISTULE INTESTINALE AU NIVEAU DE l’oMBILIC. par Le Dr DIJBOUÉ (de Pau), Ancien interne des hôpitaux de Paris. Extrait des Archives de Tocologie. (Numéro d’octobre 1874)» Nous n’avons nullement l’intention de faire ici l’histoire des gros- sesses extra-utérines. Une pareille étude, pour être fructueuse, ne sau- rait être une œuvre exclusive de compilation; elle ne peut être entre- prise avec quelque profit que par les hommes qui sont en mesure d’apporter dans la question un contingent d’expérience personnelle que nous n’oserions pas nous flatter d’avoir avec un seul fait, si in- structif qu’il puisse être. Celui que nous allons rapporter offre, nous osons le croire du moins, plus d’une particularité intéressante que nous chercherons simplement à mettre en relief; nous laissons à notre savant maître, M. le professeur Depaul, le soin de compléter une étude qu’il a déjà commencée dans les premiers numéros de ses Ar- chives de Tocologie et que nul ne peut poursuivre avec plus de compé- tence et d’autorité. Quoique, dans l’observation qui nous occupe, les difficultés ne nous aient pas manqué, nous devons dire cependant que notre rôle a été singulièrement facilité, d’une part par l’intelligence remarquable de la pauvre femme qui fait le sujet de cette observation, et qui nous a toujours exprimé avec beaucoup de netteté et de précision les diverses sensations qu’elle éprouvait, et d’autre part par le concours si éclairé de plusieurs de nos confrères de Pau ou étrangers, lesquels ont bien voulu suivre avec nous les péripéties de ce fait clinique, parfois bien émouvantes. Je signalerai particulièrement M. le professeur Lcten- neur (de Nantes) qui a passé l’hiver dans notre ville, ainsi que mes excellents amis, les DrS Meunier, Pomier et Robert, et je suis heureux de pouvoir les remercier ici de leurs bons conseils qui m’ont puissam- ment aidé dans l’accomplissement de cette tâche ingrate qui nous a été dévolue. C’est aussi à l’inflexible nécessité que nous devons d’avoir pu déjouer quelques-unes des difficultés qui semblaient s’accumuler sous nos pas, et s’il nous avait été possible, au moment de nos plus grands embarras, de faire transporter notre malade dans un de nos grands centres hospitaliers, nous n’aurions sans doute pas manqué de nous décharger d’une responsabilité qui nous a paru parfois bien lourde. Mais, nous avons hâte d’arriver, sans autre préambule, à l’observa- tion que nous avons recueillie et dont nous ferons suivre l’exposé par l’interprétation que nous avons cru devoir donner aux divers symp- tômes relatés. Observation. — Le 8 février 1874, une jeune femme, figée do 26 ans, entre à la Maternité de Pau, étant en travail depuis la veille au soir, depuis vingt-quatre heures environ. Quelques heures à peine après son entrée dans nos salles, les douleurs se ralentissent insensiblement et perdent le caractère intermittent qu’elles avaient au début du travail. Elles persistent néanmoins dans la soirée et dans la journée du lendemain, mais plus faibles et continues. Ce n'est que vers cinq heures du soir (le 9 fé\rier) qu’elles revêtent une nouvelle acuité, et s’accompagnent de nausées et de vomissements, pendant deux heures environ. A partir de ce moment, les mouvements actifs du fœtus ont cessé d’être perçus par la femme, tondis qu’elle les percevait nettement le matin de ce même jour et les jours précédents. Mlle Pucheu, directrice de la Maternité, ainsi que quelques élèves soges-femmeë préposées aux soins de la malade, avaient d’ailleurs perçu très-distinctement les battements du cœur fœtal, et ces derniers avaient été encore entendus le 9 février à quatre heures du soir. Le 10 février, au matin, je vois cette jeune femme pour la première fois, j’apprends qu’il y a une abolition à peu près complète des douleurs utérines, et je constate d’ailleurs, par l’inspection do l’abdomen, que la grossesse est loin d’être arrivée à son terme; autant que je puisse en juger par ce simple examen, la grossesse me paraît être arrivée à sept mois et demi, et en rap- prochant cette donnée de celle fournie par la dernière apparition des règles (le 10 mai 1873) je suis porté à croire que la grossesse remonte tout au plus à huit mois et que l’époque de la conception est, par conséquent, plus voi- sine du lOjuin que du 10 mai. Rien d’ailleurs dans l’inspection de latumeur abdominale ne trahit les apparences d’une grossesse anormale. Cette tumeur est bien déjetée à droite ; mais une pareille circonstance n’est pas faite pour m’éloigner de l’idée d’une grossesse utérine simple. On verra plus tard qu’à côté do ces premières données, fournies par un examen super- liciel, il pouvait s’en révéler d’autres, qu’une observation plus attentive nous a permis de distinguer. Jugeant, d’après ces seuls indices, que nous avions affaire à un travail anticipé qui venait de s’interrompre, j’examine le col utérin, et je trouve à ce dernier tous les caractères propres à me conlirrncr dans cette idée. C’est ainsi que l’oritice externe est largement entr’ouvert et permet une facile introduction du doigt indicateur jusqu’à l’orifice interne qui est com- plètement fermé. Le tissu du col est ramolli, comme dans une grossesse avancée ; la cavité de cet organe largement dilatée représente une sorte d’entonnoir dont la base très-large est à l’orifice externe et le sommet à l’orifice interne. Ajoutons en terminant que la longueur du museau de tanche était notablement augmentée, et que le doigt indicateur, pour arri- ver jusqu’à l’orifice interne, parcourait librement une cavité de 0,04 à 0,03 centimètres de longueur. Dans ces diverses explorations, aucune partie fœtale n’a pu être atteinte, ni dans le col ni à travers la paroi vagi- nale antérieure. Comme je tiens à m’assurer par moi-même de l’état de l’enfant, je pra- tique l’auscultation avec le plus grand soin, sur tous les points de l’abdomen, et je ne découvre nulle part ni le souffle utérin, ni les batte- ments du cœur fœtal. Devant l’affirmation réitérée de MHePucheu et des élèves qui avaient entendu ceux-ci très-distinctement la veille au soir, je cède le stéthoscope à la directrice et aux élèves, et aucune d’elles ne trouve les mêmes pulsations cardiaques qu’elles avaient perçues la veille. Mais pour ne pas donner l’exemple d’un jugement précipité qu’un exemen ulté- rieur pouvait venir à contredire, je ne me prononce qu’avec réserve sur la mort du fœtus. Ce n’est qu’après de nouveaux résultats négatifs constatés par les mêmes personnes et par moi-même que je puis, deux jours plus tard, me prononcer définitivement sur cette question. Ne trouvant d’ail- leurs aucun changement dans l’état du col, d’autre part les douleurs uté- rines n’ayant pas reparu, du moins avec leur intermittence ordinaire, à la femme qu’il n’y a rien autre à faire qu’à attendre patierm ment le retour du travail, que ce dernier peut se faire attendre plusieurs 4 jours, et peut-être même quelques semaines. Et, comme elle nous avait vu rechercher à diverses reprises et avec un soin minutieux l’état de l’en- fant, je ne cherche pas à lui dissimuler la mort de ce dernier; mais je m’empresse d’ajouter que le séjour de cet enfant dans la matrice n’est de nature à entraîner aucun inconvénient sérieux. Devant ces allégations, elle a hâte de quitter la Maternité (le 14 février) et de rentrer dans sa famille, où sa présence était nécessaire, et, depuis ce moment, elle y est toujours restée, les soins ultérieurs lui ayant été donnés à domicile. Mais, avant de donner la suite de cette intéressante obser- vation, il convient de rappeler les commémoratifs de notre malade. Catherine Catala, âgée de 26 ans, réglée à 14 ans, a toujours joui d’une bonne santé. Mariée à 19 ans, elle a eu unpremier enfant, quatorze mois plus tard. Au bout de huit mois, nouvelle grossesse, suivie d’un accouchement à sept mois et demi ; l’enfant, qui était chétif à sa naissance, n’a vécu que neuf jours. Les suites de couches ont été très-heureuses, comme elles l’avaient été après le premier accouchement. Santé satisfaisante jusqu’au début de sa troisième et dernière grossesse, menstruation toujours très- régulière. En juin 1873, les règles font complètement défaut; elles avaient apparu pour la dernière fois le 10 mai 1873, avec leur abondance et leur régularité habituelles. Tandis que ses deux premières grossesses avaient été très- heureuses, celle-ci débute par des douleurs abdominales très-supportables dans les premiers mois, mais à peu près continues. Le 13 août suivant, ces douleurs revêtent tout à coup, sans cause appré- ciable, une acuité des plus vives et s’accompagnent de vomissements qui ne persistent que quelques jours. Je n’ai pas pu obtenir sur la maladie grave dont elle a été atteinte en ce moment des renseignements bien précis, le médecin qui l’a soignée ayant quitté Pau, peu de temps après. La malade m’apprend seulement que le médecin n’avait pas cru à l’existence d’une grossesse, et qu’il lui avait donné des drogues fortes (sic) dont elle ne sait pas me dire le nom, et après l’administration desquelles, elle avait eu une perte utérine, ayant duré quelques jours, mais d’ailleurs peu abondante. Elle est restée alitée pendant plus d’un mois, et son état a été assez grave pour qu’on ait cru devoir lui administrer les derniers sacrements. Cependant les symptômes graves ont insensiblement disparu et ont été suivis des mêmes douleurs abdominales qui avaient précédé. Les règles n’ont pas reparu, et notre malade, qui ne savait plus à quoi s’en tenir sur son état de grossesse, a perçu très-distinctement les mouvements actifs du fœtus, dans les premiers jours d’octobre 1873. Les douleurs abdominales ont persisté sans interruption, quoiqu’avec une intensité variable jusqu’aux derniers jours de décembre 1873. Gelles-ci se sont fréquemment accom- pagnées de nausées; mais les vomissements n’ont duré que quelques jours, du 15 au 20 août. Interrogée sur le siège précis de ses douleurs, la malade nous apprend qu’elles ont irradié dans tout l’abdomen, mais qu’à partir de la fin d’août jusqu’à la lin de décembre, elles ont eu pour siège principal l’ombilic et la région sous-ombilicale. Pour nous donner une idée de la sensation qu’elle éprouvait, elle accompagne son discours d’un geste de la main, et nous dit que « c’était comme si on lui tiraillait fortement l'ombilic de haut en bas. » Alors que toute sensation douloureuse avait disparu ou du moins diminué dans les autres points de l’abdomen, cette douleur sous- ombilicale était assez forte pour l’obliger à marcher courbée en avant. Quand elle a pu se lever pour la première fois du 20 au 25 septembre, cette dou- leur a persisté sans interruption jusqu’aux derniers jours de décembre. De cette dernière date au 7 février, la malade a joui d’un santé relativement satisfaisante ; elle allait et venait, pouvait vaquer à ses affaires et ne res- sentait que les incommodités qu’éprouve d’ordinaire toute femme enceinte. A diverses reprises, j’ai interrogé cette femme, à l’effet de savoir si elle pouvait m’indiquer le point de l’abdomen où elle a vu apparaître une gros- seur pour la première fois; j’ai varié et éloigné mes questions de façon qu’elle ne pût pas voir que j’attachais de l’importance à ce renseignement, j’ai même cherché à la faire tomber en contradiction avec elle-même. Or, elle n’a jamais varié dans ses réponses; elle m’a toujours dit d’une façon très-affirmative qu’à partir de ce qu’elle appelle sa grande maladie, c’est-à- dire à partir de la dernière quinzaine d’août, elle a vu apparaître très-dis- tement une grosseur sur la partie inférieure d* côté gauche de l’abdomen, et en me donnant ce détail, elle porte la main sur la partie inférieure de la fosse iliaque gauche, immédiatement au-dessus de la partie moyenne du ligament de Fallope. Cette grosseur aurait persisté dans le même point, pendant un certain temps, sans qu’il soit possible à la malade de préci- ser l’époque où elle aurait changé de siège, « et plus tard, ajoute-t-elle, cette grosseur s'est portée à droite », et elle indique un point intermédiaire, entre la fosse iliaque droite et la partie correspondante de la région ombilicale. Le 7 février 1874, elle est prise à sept heures du soir de ce qu’elle croit être les premières douleurs de l’enfantement, douleurs vives et pressantes dès le début, sans intermittence franche, quoique redoublant par instants d’intensité, s’accompagnant enfin d’efforts de vomissements. Elles s’apaisent au bout de deux ou trois heures, reviennent à de longs intervalles dans la nuit du 7 au 8 février et dans la journée du 8, pour redevenir plus intenses et plus continues dans la soirée. C’est alors seulement que, se croyant sur le point d’accoucher, elle entre à la Maternité. On a vu comment, après être restée seulement six jours dans cet établis- sement, elle est rentrée dans sa famille le 14 février suivant. A cette date, la santé générale, quoique laissant quelque peu à désirer depuis plusieurs jours à la suite de douleurs répétées, d’inappétence et de privation de sommeil, était encore assez satisfaisante. Mais, elle ne tarde pas à s’altérer sous l’in- fluence des mêmes causes qui persistent : le sommeil et l’appétit se perdent de plus en plus, il survient de l’amaigrissement, une faiblesse générale croissante, une teinte jaunâtre particulière de la face, un léger mouvement fébrile vers le soir, quelques sueurs et de la tendance à la diarrhée. Ces divers troubles se succèdent avec lenteur après avoir pris naissance d’une manière insidieuse ; c’est donc aux premiers jours qui suivent la sortie de cette femme de la Maternité, que l’on doit faire remonter les débuts de la fièvre hectique qui n’a fait que s’accentuer déplus en plus et se compléter, 6 pour ainsi dire, dans la dernière moitié de février et es premiers jours de mars. Notons ici en passant, comme phénomène initial, l’apparition d’un engorgement des seins et d’une sécrétion lactée rudimentaire, s’ôtant mon- trée dès le 12 février à la Maternité, et ayant persisté pendant quelques jours après sa sortie de cet établissement. La malade, en elfet, après avoir souffert des seins, pendant plusieurs jours, a perdu en même temps une petite quantité de lait par les mamelons, et cette sécrétion peu abondante diminue insensiblement au furet à mesure que les caractères bien tranchés de la fièvre hectique viennent à se montrer. Durant tout l’intervalle qui s’est écoulé du 14 février aux premiers jours de mars, les douleurs abdominales, quoique peu intenses, ont persisté, en ne laissant que de courts intervalles de repos à la malade, et cependant le travail de l’accouchement ne se déclarait pas. Appelé près de cette femme le 24 février, je constate du côté de l’utérus l’état des choses au même point où je l’avais trouvé les 10 et 12 février précédents; même dilatation, même longueur du col, même ramollissement du tissu de cet organe, orifice in- terne aussi exactement fermé qu’il l’était auparavant. Résistant à toutes les sollicitations de la malade et de son entourage, je ne voulais pas recourir à une intervention active avant l’expiration du terme maximum de la gros- sesse. Or, les dernières règles ayant apparu le 10 mai, la conception ne pou- vait remonter, par conséquent, à une époque postérieure au 10 juin. J’étais décidé, à moins de circonstances pressantes, à ne rien tenter avant le 10 mars (date du neuvième mois révolu, à partir de l’époque la plus reculée à laquelle avait pu se faire la conception). Rien d’absolument urgent d’ail- leurs ne venant à se montrer jusqu’à cette dernière date, j’attends toujours la déclaration du travail si impatiemment attendu et qui n’arrive pas. L’état du col continue à se jouer de toutes mes précisions et reste dans une immo- bilité désespérante; l’orifice interne forme toujours une barrière infranchis- sable. J’avais là une belle occasion de mettre à l’épreuve l’action excito-mo- trice de la quinine sur l’utérus, action signalée par M. le Dr Monteverdi (de Crémone), et dont j’avais pu constater la réalité dans d’autres circonstances. J’administre en conséquence 1 gramme par jour de sulfate de quinine, pendant sept ou huit jours consécutifs ; mais rien n’y fait, je constate tou- jours le même statu quo déplorable. Après m’être fixé cependant un ultimatum que l’état de la malade ne me permettait plus d’éloigner, je procède, le 11 mars, avec l’assistance de mon excellent ami le Dr Robert, à une première tentative de débridemont du col. Pour ne pas exagérer les détails d’une observation déjà bien longue et pour éviter des redites, je donnerai, plus loin, l’exposé des précautions que j’ai prises pour procéder à ce débridement. Je me borne à dire que cette première opération n’a pas fait avancer les choses d’un iota, si ce n’est ce- pendant quelle a été suivie le lendemain (environ trente-six heures après), de l’écoulement par l’anus d’une quantité considérable d’un liquide brun- chocolat très-fétide; du 12 mars au soir à la matinée du 13 mars, il y a eu sept ou huit garde-robes abondantes, toutes composées du même liquide, et à la suite de ces garde-robes, la malade a éprouvé un grand soulagement et a constaté un sensible affaissement de la tumeur abdominale. Aucun écoulement notable n’a eu lieu par les organes génitaux, ni pendant ni après l’opération ; quelques cuillerées de sang se sont à peine écoulées par la vulve après le débridement. Le 19 mars, je visite la malade avec mes excellents confrères et amis, MM. lesDrs Meunier et Robert, et nous convenons de recourir à la dilata- tion graduelle de l’orifice interne du col, tant à l’aide de la racine de lami- nania digitata, que de l’éponge préparée. Le lendemain et jours suivants je procède à cotte dilatation, en ayant soin de faire franchir l’orifice interne à la substance dilatante, et c’est à peine si le 27 mars nous avons obtenu une dilatation insignifiante sans avoir pu provoquer la moindre contraction utérine; le doigt ne pouvait toujours pas franchir l’orifice interne. Le 27. Nouvelle tentative de débridement, en présence de MM. Meunier et Robert : même insuccès, comme après le premier débridement. Cependant, le 23, visitant la malade avec les mêmes confrères, nous par- venons à introduire l’extrémité de la pulpe du doigt dans l’orifice interne. Séance tenante, je cherche à procéder à la dilatation graduelle du col, me proposant de débrider largement, quand la pulpe du doigt serait librement parvenue dans la cavité du corps de l’utérus. J’introduis à cet effet toute la main dans le vagin, je parviens à grand’peine et insensiblement à engager le doigt indicateur dans l’utérus, de telle façon que, l’orifice interne, for- mant une sorte d’anneau constricteur, correspond au milieu de la seconde phalange de l’indicateur. Mais, à mon grand étonnement, la pulpe du doigt qui est bien évidemment dans la cavité du corps de l’utérus, non-seulement ne rencontre aucune partie fœtale, mais encore se trouve serrée au lieu de jouer librement, comme elle devrait le faire dans un utérus distendu. Voyant dès lors clairement qu’une distension plus forte du col pourrait de- venir périlleuse, sans me mettre à même de beaucoup éclairer la question, je crois prudent de retirer le doigt fortement serré et de renoncer au débri- dement projeté. Dès ôet instant, l’idée de la possibilité d’une grossesse extra-utérine s’est offerte à mon esprit. Mais, pour ne pas mêler une discussion diagnostique à une simple exposition de faits, je reviendrai plus loin sur les raisons qui m’ont conduit à une conviction mûrement réfléchie et à un parti décisif. Je me bornerai pour le moment à poursuivre la simple exposition des diverses particularités de notre cas pathologique. A la période avancée de la fièvre hectique où en était notre malade, il ôtait grand temps d’agir, sous peine de voir les accidents se précipiter et entraîner à court terme un dénouement funeste. Diarrhée, sueurs abon- dantes, fièvre vive et continue, pouls oscillant entre 120 à 130, disparition complète du sommeil et de l’appétit, amaigrissement considérable et perte absolue des forces, abattement, aspect terreux et presque inanimé de la face, il ne nous manquait plus que le délire ou d’autres accidents céré- braux pour terminer la scène. J’ai également noté à cette époque et pendant plusieurs jours (vers le 20 mars), et M. le professeur Letenneur a constaté comme moi, une crépitation gazeuse sous-cutanée, provenant sans aucun 8 doute d'un travail de décomposition putride intérieure. Du 23 mars au 5 avril,'j’ai administré chaque jour 1 gramme de tannin en potion, à prendre par cuillerées à bouche d'heure en heure. Je dirai ici par anticipation que la môme dose quotidienne de ce médicament a été administrée, pendant les quinze jours qui ont suivi l’opération, et je crois avoir remarqué, sous l’in- fluence de cette médication prolongée, un notable amendement des sym- ptômes si accusés de fièvre hectique. L’emphysème sous-cutané notamment a disparu, dès le troisième ou quatrième jour de l’administration de ce re- mède, bien avant par conséquent que l’opération ait été pratiquée. Le 5 avril 1874, je fais une première application de pâte de Vienne sur la ligne blanche, depuis l’ombilic jusqu’à trois travers de doigt au-dessus de la symphise pubienne, dans une étendue de 0,12 centimètres environ et sur une largeur de 0,01. Des bandelettes de diachylon sont préalablement appli- quées sur la peau et laissent entre elles un vide calculé d’avance sur lequel on étend une mince couche de caustique. Nous n’avons fait que suivre d’ailleurs en cette circonstance les précautions indiquées par notre savant maitre, M. Depaul (1). Le caustique est appliqué à quatre heures de l’après- midi et maintenu en place pendant vingt minutes. Cette petite opération fait endurer à notre pauvre patiente des souffrances très-vives, lesquelles se pro- longent avec une grande acuité pendant près de deux heures, et ne se dissi- pent complètement qu’à huit heures du soir. Le 7. A la même heure, nouvelle application de caustique pendant quinze minutes, l’eschare ayant été préalablement fendue sur le trajet de la ligne blanche jusqu’à l’aponévrose du grand oblique dont on reconnaît parfaite- ment les fibres nacrées. La douleur, quoique très-vive, est bien plus tolé- rable que celle qui a suivi la première application, et elle ne se prolonge guère au-delà de deux heures. Malgré les précautions que nous avons prises, une partie du caustique fuse sur la limite inférieure de la plaie et va pro- duire une eschare arrondie et peu profonde sur le mont de Vénus; cette eschare a les dimensions d’une pièce de 1 franc. Le 9. A quatre heures de l’après-midi je pratique l’ouverture du kyste de la manière suivante : Après avoir mis à nu le fond de l’eschare, sur tout le trajet de la ligne blanche, j’incise dans cette longueur, les quelques débris d’eschare qui y restent encore, et le bistouri arrive ainsi sur l’entrecroisement des aponé- vroses des muscles droits et transverse. Ayant le soin de diriger exactement sur la ligne médiane la pointe de l’instrument, je m’attends à n’avoir et je n’ai en effet qu’une seule aponévrose à ouvrir au niveau de l’entrecroise- ment des divers feuillets aponévrotiques de la paroi abdominale. J’insinue le bec d’une sonde cannelée dans un pertuis que je fais, en dédolant, dans le voisinage de l’ombilic et j’incise l’aponévrose de haut en bas dans une étendue de 0,11 à 0,12 centimètres. La paroi du kyste est ainsi mise à nu, et avant de l’ouvrir je constate qu’elle est unie par de fortes adhérences probablement anciennes au fascia trans- (1) Voy. Arch gén. de Tocologie, nos de janvier et février -1874, p. 17 et 66. 9 versalis que je viens d’inciser; c’est ainsi qu’en aucun point de la ligne in- cisée, ni d’un côté ni de l’autre, la sonde cannelée ne pénètre au-delà de 0,001 mil. entre le kyste et le péritoine pariétal. 11 n’y a pas trace en un mot de la cavité péritonéale; partout la surface extérieure du kyste adhère inti- mement à la face profonde de la paroi antérieure de l’abdomen. Après cet examen, je pratique, avec la pointe du bistouri, une simple piqûre à 0,01 cen- timètre au-dessous de l’ombilic, sur la poche ainsi mise à découvert. Or, il s’échappe par cet orifice des gaz fétides qui sortent en produisant un pe- tit sifflement très-appréciable, et sur le champ, le volume du kyste subit un affaissement notable; à mon grand étonnement, il ne s’écoule pas une seule goutte de liquide. Craignant d’avoir pénétré dans une anse intestinale, j’in- troduis assez loin la sonde cannelée qui touche des parties solides; j’appli- que cet instrument sur la face postérieure de la paroi antérieure du kyste et j'en fais ressortir la pointe à 0,03 ou 0,04 centimètres plus bas sur la ligne médiane. Puis j’incise, sur la sonde cannelée, cette sorte de pont appar- tenant à la paroi kystique. Cette large ouverture une fois pratiquée, j'intro- duis le doigt indicateur dans l’intérieur du kyste, je reconnais immédiate- ment la présence d’un fœtus et j’agrandis successivement l’incision de haut en bas, en me servant toujours de la sonde cannelée, à l’aide de laquelle la poche fœtale est transpercée de dedans en dehors, et en m’assurant préala- blement avec le doigt que j’ai toujours affaire à la paroi kystique seule. Cette précaution n’est pas entièrement inutile, car cette paroi est loin d’avoir une épaisseur uniforme. Mince de 0,001 mil. à peu près, dans le voisinage de l’ombilic, elle a près de 0,002 millimètres à l’angle inférieur de la plaie et environ 0,005 mil. sur le milieu. Au lieu d’être faite d’un seul coup, l’incision qui a une étendue de 0.10 à 0.11 centimètres est pratiquée pour plus de sécurité à trois reprises diffé- rentes. Cela fait, j’introduis deux doigts dans l’intérieur du kyste, et l’on peut voir sortir sur le champ une sorte de bouillie putride de couleur brun- chocolat, laquelle s’écoule en très-grande abondance pendant toute l’opéra- tion et sort parfois mélangée à des nappes d’un liquide épais et lactescent, ayant toutes les apparences du pus phlegmoneux. A trois travers de doigt environ du milieu de la lèvre droite de l’incision, le doigt indicateur, intro- duit dans le kyste, trouve la tète parfaitement reconnaissable. L’indicateur recourbé en crochet pénètre sans peine à travers une fontanelle disjointe, ou du moins très-facile à disjoindre et j’attire ainsi la tête jusqu’au niveau de l’incision. Mais, voyant bien vite que celle-ci a trop peu d’étendue pour se laisser traverser par l’extrémité céphalique tout entière, reconnaissant d’ailleurs que, dans le mouvement imprimé à la tête, les os du crâne avaient subi une séparation plus complète, je saisis l’un des angles d’un des os pariétaux, lequel angle se présente de lui-même à la plaie. Avec deux doigts je l’extrais au dehors, en ayant soin de couper au fur et à me- sure avec de forts ciseaux les téguments peu résistants qui retiennent cet os au reste de la tête. Ce premier os enlevé, j’extrais de la même façon le second pariétal ; puis à l’aide des parties molles incomplètement divisées et que je tiens en dehors du kyste, j’opère avec lenteur et aussi avec une extrême précaution quelques tractions en différents sens et j’arrive ainsi sans difficulté et sans violence à extraire le reste de la tête. Puis en suivant le cou du fœtus, je porte le doigt recourbé en crochet dans le creux axil' Inire et je parviens à dégager l’un des bras sans exercer le moindre tirail- lement sur l’ouverture du kyste. L’extraction du reste du fœtus s’achève avec la plus extrême facilité, et une masse considérable de cette sanie pu- tride précédemment décrite s’échappe en même temps de l’intérieur du kyste. Après avoir vidé ce dernier aussi complètement que possible, je porte la main dans cette vaste cavité, recherchant avec soin l’insertion placentaire que je no parviens pas à trouver. Cet examen me fait reconnaître que le kyste est pourvu de trois prolongements : 10 un supérieur, dirigé du côté du foie où devaient être logés les pieds, autant que semblerait me le faire croire du moins la direction qu’avait suivie l’extrémité pelvienne en se dé- gageant de l’intérieur du kyste ; 2° un latéral droit, occupant la fosse iliaque droite et la partie correspondante de la cavité pelvienne ; 3» un latéral gauche, s’étendant derrière le pubis, et la partie gauche de l’excavation pel- vienne. Un instant je crois trouver le placenta sur le côté droit de la partie postérieure et inférieure du kyste; mais je m’aperçois bien \ite que le relief très-marqué que je trouve en ce point est dû uniquement aux bosse- lures du côlon ascendant sur lequel se moule la paroi de la poche fœtale. L’écartement des lèvres de la plaie est assez limité, en raison de la rigi- dité de la paroi kystique ; il est suffisant cependant pour permettre de voir presque tout l’intérieur du kyste, tapissé par une membrane lisse et bril- lante, laquelle est formée sans doute par l’amnios encore reconnaissable. Cette membrane lisse ne peut pas être détachée de la paroi elle-même avec laquelle elle fait corps. Et enfin, en portant la main le long de la face in- terne du kyste qui correspond à la moitié gauche de la paroi abdominale antérieure, on distingue très-nettement, à quatre ou cinq travers de doigt de la ligne médiane, un corps mou, spongieux ayant le volume d’une orange aplatie et faisant fortement relief à la face interne du kyste, de la même façon que le côlon ascendant fait relief à droite et le long de la paroi postérieure du même kyste. Ce corps que je ne puis ni ne veux suivre dans toute son étendue est légèrement aplati d’avant en arrière, et se termine supérieurement par une surface convexe, dont le niveau est à 0.01 ou 0.02 cent, au-dessous d’une ligne tirée de l’ombilic à l’épine iliaque anté- rieure et supérieure. Après avoir procédé au lavage de la plaie et aux soins de propreté ordi- naires après toute opération, je fais le pansement de la manière suivante : Un linge fenêtré et enduit de cérat est placé au-devant de la plaie ; puis creusant sur ce linge fenêtré une sorte de rainure médiane et longitudinale que je repousse légèrement dans l’intérieur du kyste, entre les lèvres de la plaie, je remplis cette rainure de bourdonnets de charpie sèche. Sur cette première couche, j’applique d’autres bourdonnets de charpie imbibés d’al- cool pur, et enfin je forme une troisième couche superficielle, avec un épais gâteau de charpie sèche. Le pansement est maintenu par trois compresses doubles superposées et imbriquées l’une sur l’autre, et celles-ci à leur tour sont assujetties par un bandage de corps en flanelle, modérément serré et fixé par trois épingles. 11 Peu d’instants après le pansement, notre malade est prise d’un frisson peu violent qui dure près d’une demi-heure. La chaleur déjà vive avant l’opération semble augmenter après que le frisson a cessé. De 120, chiifre qu’il présentait avant l’opération, le pouls s’élève à 13(3 environ, trois heures après l’opération. Je prescris immédiatement quatre pilules contenant en- semble 0.G0 centigrammes de sulfate do quinine et 0.023 milligrammes d’extrait tbébaïque; à prendre deux pilules à huit heures et les deux autros à neuf heures. — Je fais suspendre le tannin que la malade prenait, je l’ai déjà dit, dépuis le 29 mars. Le 10 avril. Nuit dernière agitée, sans sommeil, toux fréquente qui exis- tait d’ailleurs avant l’opération, et date de l’invasion de la fièvre hectique; chaleur vivo do la peau, pouls à 130. Néanmoins la malade éprouve un grand soulagement et une vive satisfaction de se savoir délivrée. Après s’être obstinément refusée les jours précédents à prendre d’autre nourri- ture que du bouillon, ce matin, elle nous demande à manger. Nous lui per- mettons de prendre du bouillon, du potage et enfin de mâcher une côte- lette de mouton; mais elle se borne à prendre, dans la journée, deux po- tages au vermicelle, deux bouillons et un œuf. Nous enlevons le pansement et nous trouvons la charpie fortement imprégnée de ce liquide roussâtre contenu dans le kyste. Pour mieux laver l’intérieur de la poche, un long tube en caoutchouc est porté jusqu’à la partie supérieure de la poche; ce tube est simplement muni d’un orifice d’entrée et d’un orifice de sortie. Un second tube beaucoup plus petit est introduit dans le kyste, de façon que l’extrémité supérieure dépasse à peine l’ombilic et que l’inférieure sorte du kyste par l’angle inférieur de la plaie ; ce second tube, muni de trous latéraux de distance en distance est donc un véritable drain. Une injection d’eau fortement alcoolisée est poussée par le long tube, et nous nous servons, pour faire l’injection, d’une de ces poires en caoutchouc qui servent à gonfler d’air les pessaires Gariel. Après un lavage complet de l’intérieur de la poche, nous laissons les deux tubes en place et nous les faisons sortir par l’angle inférieur de la plaie ; nous en laissons une lon- gueur de 0.10 cent, environ en hehors de la plaie, espérant que ces drains donneront lieu à un écoulement continuel de liquide. Malgré l’interposi- tion d’une eschare épaisse et large, les lèvres de la plaie sont aussi rappro- chées que possible à l’aide de bandelettes de diachylon. Large linge fenêtré à plat ; pansement consécutif ut supra. Journée du 10 assez bonne, pas de sensibilité abdominale ni de vomisse- ments; pouls toujours élevé, à 128 pulsations par minute. Je reprends l’u- sage du tannin à 1 gramme par jour, dans une potion de 123 grammes. Le même jour, à 10 heures du soir, on me fait appeler en toute hâte, pour un accident qui fait, me dit-on, pousser des cris à la malade, A ces quelques mots, donnés sans autre explication, je ne doute pas de l’invasion d’une pé- ritonite; mais en arrivant près de la malade je suis heureusement rassuré en voyant qu’il ne s’agit que d’une rétention d’urine. J’avais vu notre opé- rée à huit heures du soir et l’avais trouvée très-calme. Or, elle m’apprend qu’elle fait depuis deux heures de violents efforts pour uriner sans pouvoir y réussir, et que ce besoin impérieux lui cause de vives angoisses et lui arrache des cris. Elle se tourmente d’ailleurs beaucoup de cet accident qu’elle croit être de très-mauvais augure pour les suites de l’opération. Je cherche à pratiquer le cathétérisme et ne peux pas y parvenir; le bec de la sonde va se heurter contre un obstacle dont je ne puis pas m’expliquer la nature. J’imprime alors au pavillon de la sonde un mouvement de cir- cumduction tel que le pavillon décrit un arc de cercle, pendant que le bec de la sonde est fixé à l’orifice uréthral. En d’autres termes, je cherche à varier l’inclinaison de la sonde, pour voir si je n’arriverais pas plus facile- ment dans la vessie. Il est inutile d’ajouter que cette manœuvre s’exécute sans la moindre violence; c’est même pour ne pas forcer l’obstacle que j’y ai recours. Or, l’instrument a à peine exécuté un quart de cercle qu’il pé- nètre très-facilement dans la vessie et au moment où il pénètre il est dirigé de haut en bas et d’avant en arrière, le bec de la sonde étant déclive par rapport au pavillon. 11 en résulte que le cathéter métallique droit dont je me sers se trouve longitudinalement placé sur un plan médian et fait avec la face antérieure de la symphyse pubienne un angle aigu de 60o à 65« en- viron dont l’ouverture ou le sinus est en haut et le sommet dirigé en bas. Il ne s’écoule guère que six ou sept cents grammes d’urine et celle-ci pa- raît tout à fait normale, sauf aux dernières gouttes qui sont mélangées à quelques grumeaux de pus assez épais, et dont l’émission est un peu dou- loureuse. Une fois que la vessie est bien vidée, j’abandonne un instant la sonde à elle-même et je constate qu’elle se dirige de droite à gauche et d’avant en arrière, le pavillon venant croiser la branche ischio-pubienne droite. En imprimant des mouvements de latéralité à la sonde, on ramène facilement celle-ci sur la ligne médiane; mais si on l’abandonne un mo- ment à elle-même, elle prend sa première direction. Je n’ai pas de peine à rassurer la malade qui se trouve d’ailleurs fort soulagée par la petite opération de cathétérisme qu’elle vient de subir. L’abdomen exploré dans tous les sens n’est le siège d’aucune sensibilité à la pression ; je ne constate en un mot aucun symptôme initial de péritonite. Le 11. Nuit dernière relativement très-calme ; notre opérée a dormi cinq heures, ce qui ne lui était pas arrivé depuis plusieurs mois; pouls à 120, émission volontaire des urines ce matin. En faisant le premier pansement à neuf heures du matin, je constate que le liquide injecté dans le kyste entraîne en sortant une petite quantité de matières fécales délayées, par- faitement reconnaissables à leur consistance et à leur odeur. Il s’est donc établi une communication entre l’intérieur du kyste et le gros intestin. Je retire les tubes de caoutchouc, et je rapproche le plus possible les lèvres de la plaie à l’aide de larges bandelettes de diachylon entrecroisées sur la ligne médiane, sur toute la longueur de la plaie, si ce n’est en bas où un léger écartement est ménagé pour l’écoulement des liquides. Le 12. Matières fécales rendues en moindre quantité par laplaie. Voulant chercher à me rendre compte du point de l’intestin où siège la communi- cation avec le kyste, j’injecte par le rectum, après le lavage ordinaire de la poche, un lavement d’eau tiède faiblement alcoolisée ; mais cette explora- tion ne m’apprend pas grand’chose, si ce n’est que le liquide injecté ressort 13 au bout de peu d’instants, entraînant une assez grande quantité de matières fécales. État générât excellent, ventre souple et indolent, pouls à 116. Le 13. Nuit dernière agitée, presque sans sommeil. La malade, qui avait bien uriné hier au soir vers huit heures, a été prise dans la nuit de nou- veaux besoins de miction qu’elle n’a pu satisfaire. Depuis le 10 au soir, la rétention d’urine ne s’était pas reproduite; or ce matin, vers six heures, devant l’impuissance et l’inutilité de ses efforts, elle me fait appeler et comme on ne me trouve pas à Ja maison, on fait venir M. Robert, qui pra- tique le cathétérisme. J’arrive à mon tour un quart d’heure environ après le départ de mon confrère, et je trouve la malade calme et complètement soulagée. Au pansement du matin, je dissèque sur les bords de la plaie, à l’aide de pinces et de ciseaux, des lambeaux d’eschare incomplètement détachés. Lavage intérieur du kyste avec de l’eau tiède légèrement additionnée d’es- sence d’eucalyptus (une cuillerée à café pour 250 grammes d’eau tiède). Le passage de cette injection sur les bords de la plaie cause à l’opérée une cuisson assez vive. Grande quantité de matières fécales fluides et de gaz entraînés par l’injection en dehors du kyste. La malade nous affirme qu’elle sent venir les gaz et les matières du côté droit de l’abdomen. Parmi les détritus fécaloïdes et purulents entraînés hors de la plaie, je reconnais des pellicules de pruneaux et j’apprends ainsi que la malade avait mangé la veille quelques pruneaux cuits. L’infraction n’était pas bien sérieuse assu- rément; mais, comme une première infraction inaperçue peut en entraîner d’autres beaucoup plus graves, je recommande expressément à la malade de ne rien prendre à l’avenir en dehors du régime prescrit, sans m’avoir demandé l’autorisation préalable. J’avais prescrit jusqu’à ce jour des bouillons, des potages, des œufs et un peu de viande rôtie à sucer simple- ment; aujourd’hui je me borne à prescrire un œuf et des potages. Au pansement du soir, il sort très-peu de matières fécales par la plaie ; dans la soirée, deux garde-robes liquides assez abondantes par le rectum. Même état général, 120 pulsations. Le 44. La malade a toussé une grande partie de la nuit; 120 pulsations, grande sensibilité de la plaie, lambeaux d’eschare incomplètement séparés que je détache avec les ciseaux. Au pansement du soir, quantité assez no- table dans le kyste de matières fécales liquéfiées. Le 45. A bien dormi la nuit dernière, peau beaucoup moins chaude au toucher, pouls à 100, réveil marqué de l'appétit. J’autorise la malade à manger la moitié d’une côtelette de mouton et à prendre également un mets du pays qu’elle me demande et qui est composé de lait et de farine de maïs. Le soir, suppuration abondante de la plaie et de l’intérieur du kyste, pas de matières fécales sur le pansement ni pendant le lavage de la poche. État général excellent, 104 pulsations. Le 46. A peu dormi la nuit dernière, sommeil interrompu par une toux fréquente. Ce matin, garde-robe assez abondante composée de matières plus dures; 108 pulsations le matin et 120 le soir, sans chaleur à la peau, matières fécales matin et soir sur les pièces à pansement. Prend chaque jour depuis l’opération 1 gramme de tannin dans une potion de 425 gr. Le 17. Nuit dernière bonne; pouls à 112, une garde-robe hier au soir ; matières fécales dans la plaie au pansement du matin. J’injecte par le rec- tum, en présence de M. Meunier, un lavement de 500 gr. de lait et nous voyons, bien vite après, le liquide ressortir par la plaie, entraînant quelques débris de matières fécales. Nous pratiquons le toucher vaginal et nous trouvons le col reformé, séparé en deux lèvres bien distinctes, l’une anté- rieure et l’autre postérieure. Tissu du col plus ferme, orifice externe très- peu dilaté, admettant à peine dans sa cavité l’extrémité de la phalange onguéale. Le soir, suppuration abondante de la plaie, très-peu de matières fécales sur les pièces de pansement. Le 18. Nuit dernière excellente, sommeil de cinq à six heures sans inter- ruption ; cessation de la toux, a mangé une côtelette de veau ; hier a eu une garde-robe dans la soirée. Suppuration abondante, pas de matières fé- cales dans la plaie. Môme état local au pansement du soir, santé générale excellente ; pouls à 96. Abdomen plat et affaissé. A dater de ce soir, j’ajoute au pansement les modifications suivantes : La majeure partie du kyste se trouvant à droite de l’abdomen, je place longitudinalement de ce côté une serviette roulée en cylindre, allant du rebord des fausses côtes droites à la fosse iliaque droite. Cotte serviette, destinée à établir une compression permanente sur tout ce côté, est main- tenue solidement par le bandage de corps en flanelle qui servait déjà et sert encore à fixer les pièces du pansement ordinaire. Le 19. Nuit dernière excellente, pouls à 92, plaie rosée dans toute son étendue, eschare entièrement détachée, matières fécales dans la plaie. J’ad- ministre un lavement de lait, et M. Meunier remarque le premier et nous constatons avec lui la distension passagère du côlon transverse !au mo- ment où le liquide ost poussé par le rectum. Cette distension très-visible, en raison de l’affaissement du ventre, dépasse la ligne médiane du côté droit. Or, à peine le jet du liquide a-t-il été vu sur la portion droite du côlon transverse qu’un gargouillement produit par un mélange de gaz et de liquides se fait entendre, et le lait apparaît aussitôt dans la plaie. Il est facile de conclure de cette exploration que la fistule est située soit dans la portion droite du côlon transverse, soit à l’union du côlon transverse et du côlon ascendant. Au pansement du soir, pas de matières fécales. Le 20. Nuit dernière bonne, a eu hier au soir une garde-robe moulée ; chaleur cutanée bonne, mais pouls à 112. État général d’ailleurs excellent ; même état local. Je crois désormais inutile, quoique je sois en mesure de le faire, d’entrer dans le détail minutieux des observations journalières qui toutes d’ailleurs se ressemblent singulièrement. Je me bornerai donc à signaler les seules particularités saillantes, et je dirai qu’à partir de ce jour (20 avril) la santé générale s’est améliorée de jour en jour, l’embonpoint, les forces et la gaîté sont revenus, que le pouls a successivement diminué de fréquence, et que le 29 avril, notamment, il était descendu au chiffre 80. J’ajouterai que la capacité du kyste s’est réduite dans des proportions que je trouverais moi- môme prodigieuses, *i je ne les avais pas suivies journellement avec le soin le plus scrupuleux, C’est ainsi qu’à partir du 2 mai, j’atteins toute la surface interne du kyste avec la troisième phalange du droit auriculaire introduite dans la plaie. C’est ainsi encore que le G mai, ne pouvant pas croire à une semblable réduction, et soupçonnant l’existence d’une arrière- cavité plus grande communiquant avec cette petite cavité superficielle, j’ai tenu à mesurer exactement la quantité de liquide qui pourrait pénétrer dans la poche. Or, j’ai rempli toute celle-ci avec un peu moins de la moitié d’un très-petit dé à coudre. Quant à la marche de la cicatrisation de la plaie extérieure et à la réduc- tion de l’ouverture abdominale, elles ont marché avec la même rapidité surprenante. L’ouverture du kyste, par exemple, qui avait 10 à 1 1 centi- mètres après l’opération, le 9 avril, était réduite de moitié le 20 avril, n’avait plus que 4 cent, de longueur le 23 avril, 3 cent, le 2 mai et 1 cent, à 1 cent. 5 mill. le 42 mai. Peu do jours après la chute complète de l’es- chare, qui n’a eu lieu que le 18 avril, la plaie s’est recouverte debourgeons charnus exubérants qu’il a fallu réprimer par le nitrate d’argent presque tous les jours, quelquefois môme deux fois par jour. Ce qui a mis le plus de temps à se faire, c’est l’occlusion de la fistule intestinale. Mais ici en- core, nous avons eu la preuve, sinon de visu, du moins par voie indirecte de la marche relativement assez courte qu’a suivie cette occlusion. C’est ainsi qu’au début elle devait être assez large, l’abdomen étant complète- ment affaissé, les garde-robes étant assez rares et la plus grande partie des matières fécales passant par le kyste. A mesure que celles-ci ont acquis plus de consistance, les garde-robes sont devenues plus fréquentes et l’issue des matières fécales par le kyste a été moins abondante et plus rare. Plus tard enfin (à partir du 23 avril), l’abdomen a repris son météorisme nor- mal, les matières fécales solides sont poussées plus difficilement par l’ou- verture abdominale, laquelle à partir du 3 mai ne laisse guère passer par intervalles que des gaz et une faible quantité de matières fécales liquides. La cicatrisation de la plaie n’a été achevée que le 2 juin ; quant à la fistule intestinale, elle persiste encore à cette date, quoiqu’elle soit très- réduite et n’ait guère que 3 millimètres de diamètre. Il ne nous paraît donc pas téméraire de compter, pour un avenir prochain, sur une occlusion dé- finitive. Notre opérée a enfin pu se lever à partir du 6 juin, et elle aurait pu le faire beaucoup plus tôt, sans la crainte que j’avais de faire déchirer la ci- catrice récente par des mouvements trop hâtifs. Je noterai en terminant, comme un indice sûr de retour complet à la ganté, la récente apparition des règles qui a eu lieu pour la première fois le 6 juin, moins de deux mois après l’opération. La fistule persiste encore, quoique imperceptible, vers les premiers jours de septembre 1874 et devient le siège d’un léger suintement sanguin à chaque époque menstruelle ; mais, depuis le 20 août, elle ne laisse plus passer q.ue rarement quelques gaz, sans matières fécales, môme fluides. Examen du fœtus. Nous n’avons que peu de chose à dire sur cet examen quï a été fait d’ail- leurs dans de mauvaises conditions. Le fœtus ayant été jeté à notre insu dans les lieux d’aisance bien vite après l’opération, nous avons dû l’en faire extraire à grand’peine et nous l’avons eu de la sorte dans un état de délabrement facile à comprendre, après la longue macération qu’il avait déjà subie dans la cavité abdominale. Nous l’avons suffisamment examiné cependant après l’opération pour pouvoir affirmer que déjà, tout en conservant les formes ordinaires du corps, il portait les traces d’une décomposition ou plutôt d’une macération assez avancée. C’est ainsi que les deux articulations du genou étaient ou- vertes et que les os qui les constituaient faisaient saillie à travers les tégu- ments. D’autre part, on voyait à nu les lames des vertèbres dans toute la région dorsale de la colonne vertébrale. Ce qui nous a surpris, c’est que les téguments n’étaient ni rouges, ni ra- tatinés. La peau était partout bien unie et blanchâtre ; elle était aussi re- couverte de l’épiderme sur une faible étendue du corps. Voici les dimensions de ce fœtus qui était du sexe masculin : Longueur totale du corps (mesurée des talons au point correspondant au sinciput), 42 centimètres environ. Remarque. — Je ne puis donner pour la mesure précédente, de môme que pour la suivante, que des chiffres approximatifs, la forme de la tête ayant été en effet détruite par l’ablation partielle des principaux os du crâne pendant l’opération. Distance du sinciput à l’ombilic, 22 centimètres environ. Distance de l’ombilic aux talons, 20 centimètres. Le seul diamètre de la tête que nous ayons pu mesurer, le plus important du reste, est le diamètre occipito-mentonnier qui avait 12 centimètres. A l’ombilic de l’enfant était appendue une portion de cordon flétri qui avait 35 centimètres de longueur. Etait-ce là tout le cordon, ou bien une partie avait-elle été réduite en putrilage? Nous l’ignorons. Toujours est-il que nous n’avons pas eu à en pratiquer la section qui s’était opérée naturelle- ment, et que nous n’avons jamais reconnu une portion libre de cordon om- bilical dans les liquides évacués, pas plus immédiatement après l’opération que durant les pansements consécutifs. 17 Réflexions. — Nous chercherons uniquement, dans les quelques commentaires qui suivent, à faire l’histoire clinique du fait que nous venons de relater, nous bornant à indiquer, chemin faisant, les ensei- gnements qui en peuvent ressortir, pour l’étude générale de la gros- sesse extra-utérine abdominale. Mais, nous le répétons, nous n’avons pas la prétention de nous livrer, avec ce seul fait, à une étude com- plète de cette variété de grossesse anormale. Notre malade n’ayant pu nous donner aucune donnée précise sur la cause présumée de la cruelle anomalie dont elle a failli être victime, nous arrivons immédiatement à l’étude des divers symptômes que nous avons constatés, ainsi qu’aux indications diagnostiques qui en découlent. Tel est le point véritablement capital de notre observation, et,je pourrais ajouter des observations du même genre; aussi donne- rons-nous à cette question importante de diagnostic tous les dévelop- pements qu’elle comporte. Nous n’avons d’ailleurs, pour le taire avec quelque fruit, qu’à exposer dans leur ordre chronologique, si nous pouvons ainsi dire, les phases diverses de fausses certitudes et d’em- barras réels par lesquelles notre esprit a successivement passé, avant d’arriver à une notion claire et certaine de la véritable signification des faits. Le 10 février, jour où j’ai vu notre malade pour la première fois, il ne m’est pas venu le plus petit doute sur l’existence d’une grossesse utérine simple : abdomen distendu comme dans une grossesse de sept mois et demi à huit mois, tumeur abdominale déjetée à droite suivant la règle ordinaire, col largement dilaté et mou, battements de cœur constatés la veille et l’avant-veille, tout me confirmait dans l’idée d’une grossesse normale. Pour mieux dire, rien ne me portait à penser à une grossesse extra-utérine; car le mauvais état de santé durant la gestation, qu’on observe chez bien des femmes enceintes, ne consti- tuait pas une raison suffisante pour me faire songer à la possibilité d’un cas extraordinaire. Un peu plus tard cependant, j’ai constaté, chez cette femme, deux signes qui devaient certainement exister dès le jour de son entrée à la Maternité, et qui auraient pu me mettre sur la voie, sinon m’éclairer complètement, si je les avais observés. Mais, ces signes ne s’imposaient pas à l’examen comme ceux fournis par l’inspection directe ou le toucher. Le premier de ces signes consistait dans la fixité de la tumeur ab- dominale. Rien n’est plus facile dans une grossesse ordinaire avancée que de ramener sur la ligne médiane l’utérus plus ou moins déjeté à droite. Or, dans notre cas, cette manœuvre était absolument impossible, la tumeur restait fixe et immobile à droite, en dépit de tous nos efïorts pour la ramener vers le côté gauche de l’abdomen. Je suis bien cer- tain du fait que j’ai vérifié bien des fois et que mes confrères ont pu constater comme moi. Le second signe consistait dans une déformation particulière de la tumeur abdominale, déformation encore plus appréciable par la pal- pation que par l’inspection directe et qui siégeait à droite vers la partie supérieure de la tumeur, dans le point qui aurait dû correspondre dans une grossesse normale, au fond de l’utérus. Au lieu d’être parfai- tement globuleuse, en effet, la tumeur était surmontée d’une sorte de prolongement triangulaire de 0,05 à 0,06 cent, de hauteur faisant relief à travers les parois abdominales, se dirigeant par son sommet du côté du foie et se confondant par sa base large de 0,05 centimètres environ, vers la tumeur elle-même, à l’union de ce que l’on aurait pu prendre pour l’angle de jonction du fond et du bord droit de l’utérus. Ce relief, parfaitement appréciable à la vue et surtout au palper abdo- minal, correspondait à l’infundibulum supérieur du kyste fœtal où se trouvaient logés les pieds du fœtus, comme la chose a été reconnue ou du moins soupçonnée avant et durant l’opération. Je dis que ces signes bien dûment constatés, à savoir la fixité de la tumeur abdominale et l’irrégularité de forme qu’elle présentait, au- raient pu nous mettre sur la voie du diagnostic. Mais, comment les au- rais-je recherchés, alors qu’un examen superficiel m’avait déjà révélé les principaux signes ordinaires d’une grossesse normale ? On n’est jamais si près de se tromper que lorsqu’on se croit trop sûr de soi ; car, avec une pareille disposition d’esprit, le doute ne pouvant pas exister, rien ne nous porte à contrôler la valeur d’un jugement trop légèrement accepté. Toujours est-il que notre quiétude sur ce point a duré près de six semaines, jusqu’aux derniers jours de mars, époque où il ne nous res- tait plus qu’une seule hypothèse à faire, précisément celle qui se trou- vait être la vraie. Mais, avant d’y arriver, nous nous sommes laissé égarer par une autre supposition que nous avons suivie jusqu’au bout et dont la stérilité de nos efforts nous a démontré la fausseté. Nous figurant en effet que l’obstacle à l’accouchement provenait d’une sorte 19 de rigidité anatomique du col, nous avons cherché à débrider l’orifice interne de cet organe. Ces tentatives, celles de débridement en parti- culier, nous ont conduit plus tard aune erreur que nous chercherons à expliquer et qui aurait pu être des plus préjudiciables; mais fort heureusement ni les unes ni les autres n’ont eu de conséquences fâ- cheuses pour la malade. Quand nous sommes parvenu, à force de pa- tience, à dilater l’orifice interne du col, quand la pulpe du doigt indi- cateur a pu franchir cet orifice et être porté à 0,03 ou 0,0-4 centimètres, sans trouver ni une cavité utérine dilatée ni la moindre partie fœtale engagée, c’est alors que nous avons songé pour la première fois à la possibilité d’une grossesse extra-utérine. Mais, après une méprise qui avait duré près de deux mois, il était sage de tout remettre en question et de tenir pour suspectes les hypothèses les plus plausibles. Il nous restait donc à adopter la marche à suivre dans tout pro- blème difficile, laquelle consiste à simplifier les questions et à les résoudre une par une. Telles sont celles que nous avons dû successi- vement nous poser : 1° Y a-t-il réellement grossesse, ou, en d'autres termes, avons-nous affaire à une tumeur fœtale'? 2° Bans le cas cl’affirmative, s’agit-il dune grossesse utérine, et, dans ce cas, d’où peut provenir l’obstacle ci l’expulsion du fœtus? 3° Avons-nous affaire à une grossesse extra-utérine, et, dans ce cas, où est le kyste fœtal, où se trouve l’utérus ? 1° Sur la première question, à savoir si la tumeur était constituée par la présence d’un fœtus, le doute n’a pas subsisté longtemps dans notre esprit. Sans compter la cessation des règles, nous avions la con- statation des battements du cœur de l’enfant, faite, les 8 et 9 février, par Mlle Pucheu, directrice de la Maternité, et par trois élèves sages- femmes, Mlles Baradat, Harsans et Pascaut. Or, sur ce point, Mlle Pu- cheu, dont je connais toute l’habileté, était on ne peut plus affirma- tive; même après le résultat négatif constaté par moi le 10 février, elle disait les avoir entendus très-distinctement, et elle a pu s’assurer elle-même qu’il ne restait plus trace de ce bruit le lendemain. Quoique je ne puisse pas attacher la même importance au témoignage des élèves précitées, que je sais pourtant être studieuses et instruites, je dois dire, néanmoins, qu’il concordait de tous points avec celui de leur directrice. La femme elle-même, qui, je le répète, est fort intelli- gente, m’a affirmé, à diverses reprises, avoir perçu les mouvements actifs du fœtus jusqu’au 9 février; elle ajoute même ce détail que, vers cinq heures du soir, elle a ressenti un mouvement violent de son enfant dont elle a beaucoup souffert, et qu’à partir de ce moment, elle n’a plus perçu le plus léger mouvement. Si importante que soit cette constatation des battements du cœur et des mouvements actifs du fœtus, nous ne craignons pas de dire, d’ailleurs, qu’elle ne nous était pas nécessaire, ou du moins indispen- sable, pour établir le diagnostic. Il nous restait, en effet, un signe de la plus haute valeur, signe appréciable à tout moment, malgré la mort du fœtus, et fourni par la constatation bien nette du ballotte- ment abdominal. Non-seulement le palper abdominal nous a constam- ment donné la sensation irrécusable du déplacement des parties fœ- tales, mais il nous a encore permis de distinguer quelques-unes de ces dernières. C’est ainsi qu’à une époque où nous n’avions pu soupçon- ner, ni les uns ni les autres, l’existence d’une grossesse extra-utérine, M. Letenneur nous faisait remarquer, le premier, la facilité avec laquelle on distinguait la tête et les membres de l’enfant à travers les parois abdominales, qui lui paraissaient et qui étaient, en réalité, très-amincies. Ainsi donc, pour ces diverses raisons toutes concordantes, la pré- sence d’un fœtus dans la cavité abdominale ne nous paraissait pas douteuse. 2° et 3°. La seconde et la troisième question sont tellement connexes, qu’il est impossible de les séparer. En résolvant l’une par l’affirma- tive, on devait nécessairement et à priori résoudre l’autre par la néga- tive. Nous avons déjà dit que l’absence d’une large cavité utérine der- rière l’orifice interne du col, ainsi que le défaut d’apparition d’une partie fœtale quelconque, nous avaient déjà donné l’idée de la possi- bilité d’une grossesse extra-utérine. Et, en effet, comment supposer, avec l’hypothèse d’une grossesse normale, que le débridement et la dilatation progressive du col n’eussent jamais provoqué de contraction utérine? Comment expliquer cette impossibilité d’atteindre, avec le doigt porté dans la cavité utérine, ni la moindre partie fœtale ni les enveloppes de l’œuf? Comment celles-ci ne s’étaient-elles pas rompues après les tentatives réitérées de débridement et de dilatation du col ? Pourquoi, après toutes ces manœuvres, n’avions-nous eu, par le vagin, aucun écoulement de liquide amniotique? Toutes ces circonstances, inexplicables avec une grossesse normale, nous portaient à incliner, de plus en plus, vers l’idée d’une grossesse extra-utérine. Mais nous n’avions là, pour ainsi dire, qu’une solution négative; il nous fallait, pour compléter le diagnostic, rechercher les signes positifs d’une grossesse extra-utérine. Le premier point à élucider consistait à rechercher la position de l’utérus. C’est ici qu’un souvenir classique, puisé dans les savantes leçons de M. Depaul, nous a été fort utile. Je me rappelais, en effet, lui avoir entendu signaler, comme une particularité remarquable, le développement plus ou moins grand de la matrice dans les premiers mois d’une grossesse extra-utérine, de telle sorte qu’il était parfois possible de distinguer deux tumeurs dans la cavité abdominale, l’une formée par le kyste fœtal, l’autre par l’utérus vide mais développé. Fort de cette notion, bien présente à mon esprit, j’explore avec grand soin les diverses régions de la paroi abdominale, et je ne tarde pas à découvrir, au-dessus du ligament de Fallope, du côté gauche, une tumeur appréciable seulement au toucher, 'séparée par une sorte de rainure ou de rigole, du reste de la tumeur. Il y a plus, c’est que la consistance de cette tumeur supplémentaire est tout à fait celle du tissu utérin, que la forme en est globuleuse et allongée, et qu’elle se termine supérieurement par une sorte de limbe curviligne à convexité supérieure. Le grand axe de cette tumeur est dirigé de haut en bas et de dehors en dedans, se termine supérieurement à 0,02 ou 0,03 cen- timètres au-dessous d’une ligne allant de l’ombilic à l’épine iliaque antérieure et supérieure, et va aboutir à la région pubienne où l’on cesse de trouver la tumeur, très-près delà symphyse pubienne. Si cette constatation était bien exacte, et]nous l’avons vérifiée bien des fois en obtenant toujours le même résultat, nul doute que nous n’eussions affaire à l’utérus vide et légèrement augmenté de volume, lequel avait été porté en latéro-flexion à gauche. La rainure de séparation, men- tionnée précédemment, était dirigée dans le même sens que le grand axe de la tumeur en question. Elle était donc, sans nul doute, limitée par le bord droit de l’utérus déjeté à gauche. Cette donnée, quoique très-importante, était loin de suffire à lever tous les doutes. On pouvait se demander, par exemple, si cette consta- tation, reposant sur une exploration très-difficile, mais des résultats de laquelle je ne doutais pas pour ma part, répondait bien à la réalité des choses, si, en d’autres termes, je ne m’en étais pas laisser imposer par le désir ou le parti pris involontaire de trouver dans ce cas parti- culier la confirmation d’une notion générale qui ne devait avoir rien d’absolu. Je me décide donc, le 28 mars, à pratiquer le cathétérisme utérin, et pour éviter à cette pauvre femme déjà bien épuisée la fatigue d’un examen au spéculum, je me borne à la placer au bord de son lit et à conduire la sonde utérine sur le doigt indicateur préalablement introduit dans la cavité du col. Une première tentative échoue, l’extré- mité du cathéter franchit à peine l’orifice interne sans pouvoir péné- trer plus loin, et cela ne m’étonne guère, vu l’état d’inflexion que j’avais cru être en droit d’assigner à l’utérus. Mais, dans une seconde tentative mieux dirigée, à ce que je crois du moins, je parviens à intro- duire la tige tout entière du cathéter dans une grande cavité que je prends pour celle de l’utérus gravide. Or voici comment je procède dans cette seconde tentative, faite pourtant, comme la première, avec les plus grands ménagements : Après avoir fait franchir l’orifice interne à la pulpe du doigt indica- teur, j’attire fortement en avant la lèvre antérieure du col du côté de la symphyse pubienne; puis, en inclinant le manche du cathéter en arrière, du côté de l’anus, je fais glisser l’extrémité de la tige le long du doigt indicateur resté en place, et, à mon grand étonnement, la sonde pénètre ainsi sans violence dans une grande cavité qui ne me semble pouvoir être que l’utérus lui-même, développé par une gros- sesse normale. C’est en dirigeant l'instrument suivant l'axe de la matrice normalement développée par une grossesse avancée que je parviens à intro- duire le cathéter sans violence. Nul doute, dès lors, qu’il ne s’agisse d’une grossesse normale. Me voilà donc plongé de nouveau, par cette exploration, dans l’ob- scurité la plus complète. En présence de ces signes contradictoires, je ne savais plus qu’une chose, mais je la savais bien (et voilà l’utilité de scinder les questions dans les problèmes difficiles), c’est qu’il y avait un fœtus quelque part dans l’abdomen. Quant à savoir s’il était dans l’utérus ou ailleurs, j’étais de plus en plus incapable de le dire. Cet état de perplexité a duré jusqu’au lendemain, jour où m’est ve- nue l’idée de renouveler l’exploration. Comme la veille, j’introduis l’instrument sans difficulté, en prenant les mêmes précautions déjà indiquées; mais je m’aperçois, après l’avoir introduit, qu’il me faut faire un certain effort pour le maintenir à la place qu’il occupe dans la direction de l’axe de l’utérus. Je retire dès lors le doigt indicateur du vagin et j’abandonne le cathéter à lui-même, étant curieux de savoir de quel côté il veut se diriger. Or, l’instrument complètement aban- donné à lui-même accomplit, à l’instant même, un mouvement de bascule très-étendu, mouvement qui a pour effet de porter le manche en avant et l’extrémité de la tige en arrière. Une fois qu’il est complè- 23 tement immobile, je fixe avec le soin le plus minutieux, et sans toucher le moins du monde au cathéter, la nouvelle position qu’il a prise. Or je m’aperçois qu’il est placé suivant l’axe du détroit inférieur, ou plus exactement suivant l’axe du vagin. La pointe se dirige vers la troi- sième ou tout au plus vers la deuxième vertèbre sacrée ; mais elle reste certainement au-dessous de l’angle sacro-vertébral. Il était dès lors absolument certain que l’instrument tout entier n’était pas dans l’utérus. Que dirait-on après avoir introduit un forceps à très-longues cuillers dans un utérus à terme, si on voyait tout à coup le manche se porter vers l’ombilic, les cuillers restant profondément enfoncées dans les organes génitaux? Pour ma part, je serais peu satisfait, et la femme sans doute le serait encore moins. Cette exploration venait donc de nous apprendre d’une façon positive que le cathéter, sûrement intro- duit dans la cavité utérine, n’y était plus en totalité au moment où il avait changé de direction. Il ne pouvait donc en être sorti que par effraction, c’est-à-dire en perforant le bord droit du corps de l’utérus au niveau du coude d’inflexion latérale que nous avions cru reconnaître à ce dernier. Ainsi se trouvait démontrée, par voie indirecte, l’exis- tence d’une grossesse extra-utérine. Il ne m’a pas été donné de voir, jusqu’à ce jour, une application plus utile de la connaissance des axes du bassin et des organes génitaux. D’où vient cependant la facilité avec laquelle la paroi utérine s’est aissé traverser par un instrument dirigé avec toutes les précautions désirables? Cette circonstance s’explique à merveille, si l’on songe que dans les tentatives de débridement que j’avais faites antérieurement, la pointe mousse du bistouri, que je croyais être dans la cavité utérine distendue et dont je ne me préoccupais nullement, a dû principalement arc-bouter contre le bord droit infléchi de l’utérus; car je dirigeais surtout le bistouri à droite et à gauche, suivant le prolongement des deux commissures du col, afin d’éviter plus sûrement la vessie et le rectum. Je pouvais m’exposer tout au plus, durant ces manœuvres de débridement, à rompre les enveloppes de l’œuf avec la pointe de l’ins- trument. Or, cette rupture n’était guère à redouter, en admettant qu’elle vînt à se produire, dès l’instant où je savais le fœtus mort depuis longtemps, et où je cherchais à provoquer des contractions uté- rines. Il suit de là que la paroi utérine, déjà entamée par l’action du bistouri, a dû se laisser facilement traverser par le cathéter, dont l’extrémité devait justement porter sur cette portion de paroi affaiblie. Il y a plus, c’est que dans le mouvement que j’avais fait exécuter au 24 col tout entier, en le rapprochant de la symphyse, j’avais dû nécessai- rement faire entre-bâiller les lèvres peu ou point unies de cette plaie utérine. Cet écartement factice devait donc rendre plus facile la péné- tration de l’instrument. F/g. 1. Le mouvement de bascule exécuté spontanément par ce dernier s’explique de même par un mécanisme des plus simples. Qu’est-ce qui devait arriver, en effet, lorsque l’instrument une fois introduit, le doigt indicateur ne maintenait plus le col contre la symphise? C’est que la partie antérieure du corps de l’utérus, agissant à la façon d’une sangle, devait repousser l’extrémité supérieure du cathéter en arrière pendant que les lèvres de la plaie, subitement rapprochées, le fixaient au niveau de 1 interstice lormé par la paroi utérine. De là devait résulter et de là est résulté, en effet, un mouvement de bascule qui a porté l’extrémité du cathéter en arrière. Or, celle-ci ne pouvait pas se porter en arrière sans que le manche se relevât au dehors et se portât en avant; le mou- vement de bascule a donc été double en réalité. L’inspection de la double figure ci-dessus permet, d’ailleurs, de parfaitement saisir le mé' canisme en question. Fig. 2. Quoique le diagnostic fût déjà suffisamment clair, j’ai tenu à être mieux fixé encore, si c’était possible, sur la véritable situation occupée par l’utérus. Me rappelant que certaines bougies, celles en corde à boyau notamment, conservaient quelque temps la courbure de l’u- rcthre qu’elles venaient de traverser, j’ai pratiqué le cathétérisme uté- rin avec une de ces bougies de fin calibre (n« 9 ou 10 de la filière char- rière), en ayant soin toutefois de laisser le col en place et de ne pas le porter vers la symphyse pubienne. Or, après avoir introduit une de ces bougies dans l’utérus, je l’ai poussée aussi loin que possible, jus- qu’au moment où un temps d’arrêt m’a indiqué que j’avais atteint le fond de la cavité utérine. Puis, je l’ai laissée en place pendant quel- ques minutes, et, en la retirant avec soin, après avoir noté le point exact correspondant à l’orifice vulvaire, j’ai vu qu’elle avait pénétré de 0,17 à 0,18 centimètres environ. En outre, la bougie présentait une courbure en demi-hélice, suivant parfaitement l’inflexion du côté gauche que j’avais déjà cru devoir assigner à l’utérus. En d’autres termes, en retirant la bougie et l’appliquant à l’extérieur sur la paroi abdominale, dans une position que j’appellerais volontiers parallèle à la position intra-utérine, j’ai parfaitement vu que la courbure s’inflé- chissait vers le côté gauche, au-dessus du ligament de Fallope et que 26 l’extrémité correspondait à ce que je croyais être le fond de l’utérus, c’est-à-dire à l’extrémité supérieure de la tumeur supplémentaire pré- cédemment décrite. Je n’ai pas de peine à reconnaître que cette exploration isolée n’au- rait pas une grande portée, la sonde pouvant s’infléchir dans n’im- porte quelle cavité, lorsque par des efforts réitérés de propulsion, on vient à en rapprocher les deux extrémités l’une de l’autre. Le résultat ainsi obtenu n’acquiert quelque valeur que parce qu’il a été noté exac- tement le même, à deux reprises différentes, les 2 et 4 avril, que la pé- nétration a été la même les deux fois, et que l’inflexion a été dirigée dans le même sens, après ces deux explorations, quoique j’aie eu soin d’employer chaque fois une bougie neuve, n’ayant jamais servi. Je n’ai pas voulu, en effet, au second examen, faire usage de la même bougie qui aurait pu garder la courbure qui lui avait déjà été donnée et qui aurait eu par là même une tendance à la reprendre, Comme, dans les cas aussi difficiles, on ne saurait jamais trop ac- quérir de certitude, j’ai songé à un autre mode d’exploration dont je croyais pouvoir obtenir quelques éclaircissements nouveaux. Je me suis demandé, par exemple , ce qu’était devenue la vessie, quelle était la situation nouvelle qu’elle occupait dans l’abdomen, quels étaient les rapports qu’elle avait pris avec le kyste fœtal. En raison des connexions intimes qu’elle affecte par son bas-fond avec la portion sus-vaginale du col, j’ai pensé qu’elle aurait bien pu être entraînée du côté de l’utérus. Je présumais en conséquence qu’une sonde droite et rigide introduite dans le réservoir urinaire, qu’une sonde de trousse, en un mot, pourrait être poussée plus loin d’un côté que de l’autre, et si la latéroflexion utérine existait bien du côté gauche comme je le croyais, c’est du même côté que la sonde devait avoir plus de tendance à se porter. J’avais donc là une sorte de moyen de contrôle qui devait confirmer ou rectifier le diagnostic déjà établi. J’introduis donc la sonde dans la vessie, et à peine a-t-elle franchi l’urèthre qu’elle se porte d’elle-même, pour ainsi dire, vers le côté gauche du bassin. Il me suffit de la pousser devant moi pour obtenir une inclinaison telle du cathéter, que le bec va correspondre à l’extrémité gauche du dia- mètre transverse du détroit supérieur et que le pavillon vient croiser la branche ischio-pubienne droite. Je cherche à donner au cathéter une inclinaison en sens inverse, c’est-à-dire à diriger le bec de la sonde vers l’extrémité droite du même diamètre transverse, et la chose m’est absolument impossible. Je repousse enfin la sonde tout entière dans la vessie jusqu’à 0,02 centimètres du pavillon et je l’abandonne à elle- même; or, elle garde toujours la même inclinaison de droite à gauche et d’avant en arrière. Notre prévision se trouvait donc réalisée au-delà de tout ce que nous pouvions espérer. Comme nous l’avions supposé, la vessie avait été entraînée par l’utérus, ou bien les deux organes avaient été repous- sés de droite à gauche par le kyste fœtal qui occupait le côté droit de l’abdomen. Nous arrivions en conséquence, par une voie détournée, à démontrer une fois de plus l’existence de ce déplacement de l’utérus à gauche, au-dessus du ligament de Fallope. On s’explique maintenant (voir l’observation) comment la femme, si précise dans ses renseigne- ments, avait vu apparaître une tumeur dans cette même région, à partir du troisième ou du quatrième mois de la grossesse. Cette tu- meur n’était autre que l'utérus développé et déjà incliné de ce côté. On se rend compte également de l’erreur d’interprétation où elle est tombée pour expliquer ses sensations. Elle a cru en effet qu’un peu plus tard la tumeur s’est portée vers le côté droit de l’abdomen. Ce n’est pas cette tumeur, ou pour mieux dire la matrice qui s’est portée à droite, c’est le kyste fœtal qui, en se développant du côté droit, a fini par masquer la tumeur de gauche et a pu faire croire à un déplace- ment qui n’avait pas existé en réalité. La malade avait bien vu, et c’est ce qui nous importe le plus; mais elle avait mal interprété ce qu’elle avait perçu. Mais ce changement de position de la vessie n’avait pas pu se pro- duire sans que les cordons fibreux de l’ouraque et des artères ombili- cales qui la retiennent vers l’ombilic n’eussent été ou déchirés ou ar- rachés, et l’on aurait peine à comprendre un pareil arrachement sans le travail inflammatoire développé sans nul doute sur toute la péri- phérie du kyste, travail qui avait dû ramollir les liens fibreux ou cel- lulaires qui unissaient le sommet de la vessie à l’ombilic. Et, comme pour compenser l’obscurité qui nous avait si longtemps arrêté, les moindres particularités de ce fait intéressant apparaissent désormais avec la plus parfaite évidence. Cette sorte d’arrachement de l’ouraque n’explique-t-elle pas en effet les longues souffrances et les tiraillements de haut en bas qu’avait éprouvés notre malade, dans la région sous- ombilicale? Ne nous rend-elle pas compte également de cette attitude que la malade était obligée de prendre, quand elle ne pouvait marcher qu’en inclinant fortement le tronc en avant ? 28 Ce double symptôme a été noté d’ailleurs par d’autres observateurs comme le prouvent les citations suivantes : C’est ainsi que dans l’excellente thèse de M. Keller (1) on peut voir, page 7, à propos d’un cas observé par M. Kœberlé, que « la malade « éprouvait en outre, au niveau de l'ombilic, une douleur, ou plutôt un ti- « ralliement douloureux qui augmentait lorsqu'elle se redressait, et qui a l'obligeait à se tenir courbée. » Et plus loin, page 47, au sujet d’un autre cas : a Nous rappellerons à ce propos, dit M. Keller, Vobservation de Blass, a où il est rapporté que la mère ne trouvait de soulagement à ses atroces n souffrances que lorsqu'elle se couchait sur le ventre, ou qu'elle se mettait « à genoux, le corps penché en avant et appuyé sur les coudes. » S’il pouvait rester pour notre cas quelque doute sur la production réelle de cette déchirure de l’ouraque, ce doute pourrait-il subsister, après qu’on aurait été témoin de cette rétention d’urine qui avait suc- cédéà l’opération? Qu’était-il arrivé en effet? C’est que lavessie n’étant plus soutenue par le kyste fœtal vidé et affaissé, restait pour ainsi dire sans boussole dans la cavité pelvienne. N’étant pas davantage sus- pendue par l’ouraque, elle s’était affaissée sous le poids de l’urine qu’elle contenait. Le corps de cet organe en se portant en bas, du côté du plancher du bassin, entraînait et tiraillait l’urèthre dans le même sens, fermait ainsi sans doute la lumière du canal ou tout au moins empêchait les libres longitudinales de se contracter, alors que celles-ci étaient privées d’un point d’appui solide du côte du sommet de l’or- gane. L’inclinaison qu’il a fallu donner à la sonde, de haut en bas, et d'avant en arrière, pour pratiquer le cathétérisme, ne démontre-t-elle pas, avec une entière évidence, que tel est bien le mécanisme de cette rétention d’urine? Et, pour le dire en passant, le cystocèle vaginal ne peut-il pas dans certains cas, d’après le témoignage de ce fait, recon- naître pour cause une rupture ou tout au moins un relâchement de l’ouraque, dont l’intégrité à l’état normal serait intimement liée à l’ac- complissement régulier de la miction? Voulant savoir enfin ce qu’était devenu le rectum dans tout ce bou- leversement d’organes, j’y introduis la même sonde métallique droite, et je vois qu’en la poussant jusqu’au voisinage du pavillon, j’obtiens (I) Des grossesses extra-utérines et plus spécialement de leur traitement par la gastrotomie. Thèse, Paris, 1872. 29 la même inclinaison que j’avais déjà constatée du côté de la vessie. Le pavillon de la sonde s’incline fortement vers la tubérosité de l’ischion du côté droit, et il m’est impossible d’obtenir une inclinaison en sens inverse, c’est-à-dire de faire diriger le pavillon vers la tubérosité scia- tique gauche. Je sais bien qu’on peut m’objecter ici que le rectum se trouvant naturellement dévié à gauche du bassin, cette inclinaison du cathéter ne peut donner rien de probant, au point de vue du diagnos- tic. Mais, malgré la déviation normale de l’extrémité terminale du gros intestin, il est toujours possible de maintenir sur la ligne mé- diane une tige rigide introduite et poussée assez loin dans la cavité de cet intestin, tandis que, dans notre cas, le cathéter prenait, pour ainsi dire de lui-même, la direction de bas en haut et de droite à gauche, et qu’une fois abandonné à lui-même, il gardait encore cette même inclinaison, qui était des plus prononcées. La confirmation du diagnostic se lisait donc, pour ainsi dire, sur cette double inclinaison de la sonde vésicale et de la sonde rectale. Cette déviation venait nous montrer ce que nous savions déjà, que le kyste fœtal, en se développant sur le côté droit de l'abdomen, avait fini par complètement déjeter à gauche les principaux organes contenus dans la cavité pelvienne, la vessie, l’utérus et le rectum. Nous défiant toujours des affirmations à priori, nous nous garde- rions bien de dire assurément que l’exploration des mêmes organes donnerait les mêmes indications, dans n’importe quel cas de grossesse extra-utérine; nous pensons même qu’elle n’apprendrait rien de pré- cis à une période peu éloignée du début de la conception. Mais nous aurions également quelque peine à admettre qu’elle ne dût être d’au- cune utilité dans d’autres cas semblables, surtout à une période avan- cée de la grossesse. Qu’on suppose, en effet, une grossesse péritonéale : l’ovule fécondé tombera et se développera sur l’un ou l’autre côté du bassin, et non sur le milieu de la cavité pelvienne. 11 résulte de là que, vraisemblablement, les organes intra-pelviens devront être plus ou moins repoussés par le kyste fœtal vers le côté opposé, et qu’une sonde introduite dans la vessie et le rectum indiquera le sens de la déviation de ces organes, si cette déviation vient à se produire, comme dans notre cas. D’un autre côté, suivant que l’ovule fécondé soit projeté en avant ou en arrière des ligaments larges, le kyste fœtal repoussera la vessie et la matrice en arrière dans le premier cas, et en avant dans le second. Mais, quel que soit le sens dans lequel ces organes viennent à se déplacer, ils seront toujours en rapport, il est à peine besoin de 30 le dire, avec la partie inférieure du kyste, ce dernier s’élevant seul progressivement dans la cavité abdominale. Il peut arriver, enfin, que Pouraque résiste et ne soit pas arraché, et, dans ce cas, la vessie pour- rait garder sa position à peu près normale. Mais l’utérus n’en pour- rait pas moins être dévié du côté opposé au kyste fœtal. Nous n’ignorons pas, sans doute, que ces idées théoriques ont be- soin de la sanction de l’expérience. Elles n’en peuvent pas moins cepen- dant guider l’observateur dans des recherches ultérieures. Quoi qu’il en soit, et c’est pour en venir à cette conclusion pratique que nous sommes entré dans les développements qui précèdent, il nous paraît indispensable, dans tout cas présumé de grossesse extra-utérine, de recourir à la double exploration de la vessie et du rectum, telle que nous l’avons pratiquée nous-même. Un pareil examen a du moins l’a- vantage d’être complètement inoffensif, et il peut, sinon permettre d’établir définitivement le diagnostic, du moins préparer ce dernier et fournir quelques indications utiles. Loin de nous la pensée de vouloir faire de ce déplacement d’organes, en admettant qu’il existe, un signe pathognomonique des grossesses extra-utérines abdominales; car une tumeur quelconque, pourvu qu’elle soit volumineuse et assez consis- tante, peut donner lieu à un semblable déplacement. Nous voulons dire simplement qu’ajouté à d’autres signes, il peut être d’un précieux secours pour l’établissement du diagnostic, et qu’à ce seul titre, il a droit à tous les égards du clinicien. Il vaut mieux en effet, personne ne voudra nous le contester, introduire une sonde dans la vessie et le rectum que de s’exposer, comme nous l’avons fait nous-même, à per- forer 1a. paroi utérine, pour acquérir une certitude qui, une fois ou une autre, pourrait coûter cher à la malade. Après avoir passé en revue et analysé, avec le soin le plus minu- tieux, les différents signes qui nous ont servi à édifier ce laborieux diagnostic, il nous a paru utile de les grouper, d’en faire une sorte de synthèse d’où ressortira, nous l’espérons du moins, quelque rensei- gnement utile. Une chose nous frappe, en effet, dans ce rapproche- ment, c’est l’irrégularité constante de ces signes. Il est bien rare que, dans un état pathologique quelconque, on n’observe pas un symptôme ou autre qui s’écarte de sa forme ordinaire, et, dans ce cas, la plupart des symptômes conservent leurs caractères habituels, circonstance qui permet de reconstituer l’état pathologique tout entier. Mais, lorsque tous les symptômes sont irréguliers, il est souvent difficile, parfois même impossible, de caractériser l’état morbide, et si l’on ne 31 parvient pas à le déterminer, on peut dire du moins à priori que Ton- a affaire à un fait exceptionnel. Or, ce qui est vrai en pathologie générale l’est également en obsté- trique. Que trouvons-nous, en effet, dans le cas particulier qui nous occupe? Une série de signes qui peuvent s’observer isolément dans bon nombre de grossesses, mais qui ne se montrent pas tous avec cette irrégularité complète dans une grossesse ordinaire. Ainsi, voici une femme qui éprouve pendant presque toute la durée de sa grossesse des douleurs abdominales vives et à caractère bizarre, qui est prise,, dans le courant de son huitième mois, de douleurs plus vives, que l’on peut attribuer à un travail commençant, mais qui diffèrent pourtant des douleurs ordinaires de l’enfantement. Chez elle, le fœtus meurt avant la rupture des membranes, le col largement dilaté dans sa cavité n’est ni dilaté ni dilatable du côté de l’orifice interne, et cet état de choses persiste pendant plus de cinq semaines. Le débridement du col, ordinairement facile à pratiquer, offre ici des difficultés insur- montables, et la matrice qui, au terme de la grossesse surtout, entre si vite en contraction pour peu qu’on vienne à l’irriter, résiste dans notre cas à deux tentatives de débridement, et à une dilatation per- manente pendant plusieurs jours. Tant que l’intégrité de l’œuf per- siste, la santé générale de la femme ne se ressent guère d’ordinaire de la mort du fœtus, et ici nous voyons se développer de bonne heure les phénomènes de la fièvre hectique. Rien n’est plus rare que devoir le terme de la grossesse dépassé sans que le travail se déclare ; or, dans notre cas, il est dépassé de quinze jours, d’un mois peut-être, et aucune contraction ne se montre du côté de l’utérus. La tumeur fœtale, c’est-à-dire la matrice, est parfaitement globuleuse et se laisse facile- ment déplacer dans une grossesse normale; or, chez notre malade, la tumeur fœtale n’est pas exactement globuleuse, et elle est d’une fixité absolue. Une fois l’orifice interne du col franchi, il est inouï qu’on ne trouve pas une partie fœtale dans la cavité utérine, et cependant nous trouvons ici le vide le plus parfait. Nous ne croyons pas devoir poursuivre l’énumération de ces irrégu- larités. Ce qui ressort déjà suffisamment de l’examen de ces diverses anomalies, c’est qu’un pareil groupe de symptômes exceptionnels ne peut s’expliquer que par un cas lui-même exceptionnel. Nous aurions donc dû songer plus tôt à la possibilité d’une grossesse extra-utérine, en présence de ce concours de signes insolites, et c’est pour éviter à d’autres les cruels embarras où nous nous sommes trouvé, que nous 32 cherchons à puiser, dans cette simple notion de pathologie générale, une règle de conduite qui puisse les guider à l’avenir. Si on acquiert donc la preuve qu’un état de grossesse existe et qu’à cet état se joigne un cortège de symptômes tous exceptionnels, c’est alors que, sans em- ployer le cathétérisme utérin ordinaire, qui peut offrir des dangers, il nous paraît préférable de recourir à l’exploration de la vessie et du rectum, à l’aide d’une sonde droite métallique. Si la déviation de ces organes est bien manifeste d’un même côté, à droite ou à gauche, on a ainsi la preuve qu’il existe une déviation de l’utérus dans le même sens, et le diagnostic d’une grossesse extra-utérine se trouve par là même établi ou confirmé. Mais, pour revenir à notre malade, nous dirons qu’après avoir ac- quis toute certitude sur l’existence d’un kyste fœtal, nous n’avons pas hésité à pratiquer la gastrotomie, et l’opération est venue justifier, de tous points, le diagnostic que nous avions porté, en commun avec tous nos confrères. Bien qu’il ne nous parût pas douteux que le kyste eût contracté des adhérences solides avec le péritoine pariétal, nous avons cru devoir, pour plus de sûreté, suivre le mode opératoire préconisé par M. Depaul. Nous avons donc fait, à deux jours d’intervalle l’un de l’autre, deux applications de caustique avec la pâte de Vienne, et ce n’est que le cinquième jour après la première application que nous avons procédé à l’ouverture de la poche fœtale. Rien de particulier n’a signalé l’exécution de cette opération. Quant aux suites de celle-ci, elles ont été plus heureuses que nous n’osions l’espérer. Nous n’avons jamais constaté le plus petit indice de périto- nite, complication qu’on peut redouter après toute opération prati- quée sur l’abdomen, qu’on doit redouter principalement après l’ouver- ture d’un kyste fœtal dont la plus petite éraillure peut établir une communication avec la grande cavité péritonéale et amener une in- flammation sur-aiguë de la séreuse, par épanchement de matières puru- lentes et putrides. Les lavages bi-quotidiens, faits avec le plus grand soin dans l’intérieur du kyste, n’ont peut-être pas été étrangers à cette heureuse terminaison. Nous n’avons eu à constater que deux accidents : une rétention d’urine passagère deux jours après l’opération, et la communication plus tardive de la poche fœtale avec l’intestin. Le premier de ces accidents, dont j’ai déjà dit quelques mots, s’ex- plique par la déchirure de l’ouraque, qui laissait la vessie sans sou- tien. Avant l’opération, en effet, cet organe devait se trouver soutenu 33 par la paroi antérieure du kyste. Mais celle-ci venant à s’affaisser après l’opération, les adhérences, probablement assez faibles, qui unissaient l’extérieur de la poche à la face externe de la vessie, ont dû se rompre, et il a dès-lors suffi du seul poids de l’urine pour entraîner un cysto- cèle vaginal ou pelvien et produire cette déviation particulière de l’urèthre que nous avons constatée par le cathétérisme. Ainsi s’ex- plique parfaitement cette rétention d’urine que nous avons observée, et qu’on aurait peine à comprendre dans toute autre supposition. Quant au second accident, il s’explique par la production d’une de ces perforations si communément observées dans les grossesses extra- utérines abdominales, perforations qui font communiquer l’intérieur du kyste avec l’un des organes creux de l’abdomen. Ici, la perforation était antérieure à l’opération, et elle était sans doute d’une assez petite étendue, puisqu’elle était bien évidemment oblitérée le jour de l’opé- ration, et que nous n’avons pas pu constater, le 9 avril, la présence de matières fécales dans le liquide évacué par l’ouverture de la poche fœtale. Cette communication a dû se reproduire et même s’agrandir quelques jours après, et cette circonstance ne laissait pas de nous in- quiéter; car nous pouvions nous attendre d’un moment à l’autre à l’explosion subite, du côté du péritoine, d’accidents inflammatoiressur- aigus qui, fort heureusement, ne sont pas survenus. Un moment, nous avons cru devoir rattacher l’établissement de cette fistule intestinale aux manœuvres de débridement qui, bien que conduites avec la plus ex- trême prudence, auraient pu érailler les parois du rectum dévié. Mais, dans cette supposition, nous aurions dû constater l’issue du liquide par le vagin ou le rectum, immédiatement après le débridement; or, c’est ce qui n’a pas eu lieu, la première garde-robe liquide ne s’étant mon- trée que le lendemain, trente-six heures plus tard. Nous avons pu acquérir la preuve, d’ailleurs (voir l’observation), en donnant un lavement de lait, le 19 avril, que la fistule intestinale n’avait pas pour siège le rectum, mais bien la portion droite du côlon transverse. Quant à l’oblitération de cette fistule, elle a été longue à se produire, et elle n’est pas encore complète au moment où nous écrivons ces lignes (23 juin), bien qu’elle ne nous paraisse pas devoir tarder longtemps à le devenir; elle est réduite à l’état d’une fente linéaire d’environ 2 mil- limètres de longueur. Il est une particularité que nous devons signaler, parce qu’elle peut ne pas être dénuée d’importance, c’est l’espèce de fonte putride qu’a subie le placenta, depuis la mort du fœtus jusqu’au moment de l’opé- ration. En évacuant le kyste, en effet, nous n’avons pas trouvé le moindre vestige reconnaissable du délivre, et dans aucun des nombreux pansements consécutifs, tous faits avec le plus grand soin, nous n’en avons pas remarqué davantage. Cette bouillie épaisse et putride qui a été évacuée à la suite de la gastrotomie était donc due, en grande partie du moins, à la dissociation des éléments constitutifs du pla- centa. Or, d’après la remarque qui m’en a été faite par mon distingué confrère et ami, le Dr Meunier, et qui me paraît fondée, un pareil résultat, quoiqu’il puisse avoir aussi ses dangers, est du moins de na- ture à prévenir ou à diminuer les chances d’un accident redoutable, je veux parler de l’hémorrhagie consécutive au décollement du placenta. Il en est de ce danger comme de beaucoup d’autres : ceux qui l’ont vu de près ne doivent pas l’envisager du même œil indifférent que ceux qui ne l’ont connu que par ouï-dire. Tous reconnaissent cependant la nécessité d’abandonner l’expulsion du délivre à la nature et d’éviter tout tiraillement sur le cordon qui pourrait avoir des conséquences rapidement funestes. Dans un cas de grossesse extra-utérine, en effet, nous n’avons pas autour des vaisseaux béants cette profusion de tissu contractile qui seul peut nous donner quelque sécurité, après la déli- vrance naturelle. Et quoique ces vaisseaux soient beaucoup moins dé- veloppés que dans une grossesse normale, ils n’en peuvent pas moins offrir dans certains cas, par leur multiplicité même, un danger sérieux d’hémorrhagie. Lorsqu’on est appelé à pratiquer la gastrotomie, l’enfant étant en- core vivant et viable, nul doute qu’il ne faille recourir sans retard à une intervention chirurgicale. Mais, dans les conditions opposées, bien entendu la grossesse étant supposée abdominale, ne serait-il pas préférable de temporiser, de laisser au placenta le temps de se flétrir, et aux vaisseaux qui le parcourent celui de s’oblitérer? On aurait ainsi, suivant la judicieuse remarque de notre confrère précité, l’avantage d’éviter plus sûrement l’hémorrhagie consécutive au décollement du placenta. Quant au choix du moment opportun pour l’intervention chi- rurgicale, on se guiderait, pour l’établir, sur l’état général de la femme ou sur l’imminence de tei ou tel accident local qu’il est impos- sible de prévoir dans une énonciation générale. J’ajouterai, pour ma part, qu’un moyen thérapeuthique qui m’in- spire quelque confiance dans les cas de ce genre, qui peut servir du moins à utiliser cet intervalle, toujours bien long, de temporisation, que ce moyen consiste dans l’administration d’une dose quotidienné de 0,75 centigrammes à 1 gr. 50 centigr. de tannin. Il ne convient pas ici de donner toutes les raisons de cette préférence; je me bornerai à dire que les succès aujourd’hui assez nombreux quej’ai obtenus, dans l’in- fection putride résultant de pleurésie purulente, m’ont principalement dirigé dans le choix de ce médicament. Mais, pour sortir du domaine théorique, j’ajouterai que chez la malade qui fait le sujet de notre ob- servation, j’ai remarqué une notable amélioration de l’état général, dès l’administration des premières doses de tannin, avant l’opération. Cette raison seule aurait suffi pour légitimer à nos yeux la continua- tion du même traitement que nous avons suivi pendant les quinze premiers jours consécutifs à l’opération. Telles sont les particularités les plus saillantes de ce fait, auxquelles nous regrettons d’avoir dû donner de si longs développements. Comme ce dernier'nous paraît comporter quelques enseignements utiles au point de vue pratique, nous n’avons pas cru devoir l’écourter. C’est la seule et en même temps la meilleure excuse que nous puissions offrir aux courageux confrères qui voudront bien se donner la peine de lire îusqu’au bout cette trop longue observation. 35 Paris. — Typ, A. Parent, rue Monsieur-le-Prince, 31.