DE LTNFlUEiYCE DE SYSTÈME YEUYEEY SUR L’ÉTAT DES VAISSEAUX PAR Le Dr F. Putzeys, de Liège, et le Dr prince J. Tarchanoff, de Saint Pètersbovrg Depuis que les expériences classiques de CI. Bernard sur le sympathique au cou ont jeté sur l’innervation des vaisseaux un jour tout nouveau, de nom- breuses recherches ont montré que celle-ci est partout sous la dépendance des nerfs vaso moteurs, qui, par l’intermédiaire du sympathique, prennent nais- sance dans les centres nerveux. Si, par une section de ces libres, le vaisseau est séparé des centres, il s’ensuit une dilatation paralytique, qui disparait et fait place à une contraction, lorsque l’on irrite le bout périphérique du nerf sectionné. Les nerfs mixtes renferment toutes ces fibres vaso-motrices, et des phénomènes de dilatation vasculaire ont toujours été observés dans les districts correspon- dants après leur division. On connaît seulement deux nerfs: la corde du tympan et les nerfsé rigentes, qui, par l’irritation de leurs bouts périphériques, donnent lieu à un afflux de sang; aussi les appelle-t-on par opposition vaso-dilatateurs. Dans un travail tout récent (Ueber gefâsser-weiternde Fasern, in Pflüger’s Archiv, BJ VIII, S. 174), qui renferme une quantité de faits nouveaux, M. le professeur Gollz vient battre en brèche toutes les idées reçues, qu’il trouve insuffisantes pour l’explication des phénomènes qui se sont présentés dans le cours de ses expériences. Dans la nouvelle théorie qu’il propose et qui a pour base l’influence de la section et de l’irritation des nerfs sur la température des membres paralysés, il admet : 1° L’existence de mécanismes de nature nerveuse, situés à la périphérie, et dont la fonction serait de présider au tonus et de régler dans une certaine mesure la circulation sanguine; i° La présence dans le nerf sciatique de fibres vaso-dilatatrices qui peuvent être mises eu jeu par la simple section ou par les irritants électriques et chimiques. 2 Puisque en même temps il n’a jamais vu d'effets vaso-moteurs pendanil l’irritai ion du nerf coupé, il conclut que le phénomène de la dilatation des vaisseaux après la section des nerfs correspondants est actif et non pas-if el irritatif. L’importance de ces thèses, qui culbutent, pour ainsi dire, la théorie actuelle de l’innervation des vaisseaux, fut un motif pour nous de poursuivre, sur la proposition de M. Goltz, des recherches dans celte direction. En employant d’autres méthodes, nous nous sommes elforcés de soumettre à une analyse approfondie les faits qu’il signale. Nous trouvant toujours influencés par les idées dominantes et néanmoins ayant vérifié certaines expériences de Goltz que nous pouvions confirmer, nous nous sommes demandés tout d'abord si la mesure de la température était vraiment un procédé assez délicat pour permettre de conclure à l’état des vaisseaux. Nous avons donc voulu nous assurer plus directement des conditions dans lesquelles ils se trouvent à la suite de la section et de l’irritation des nerfs correspondants. Nous observions, d’une part, l’altération de la circulation en nous basant sur l’écoulement du sang provenant des membres divisés, la coloration des par- ties, l’examen direct des vaisseaux, macroscopique et microscopique; d’autre part, les modifications de la température sous les mêmes influences. lre Expérience. — Si chez un chien on coupe un nerf sciatique à la cuisse et, un quart d'heure plus tard, un ou deux orteils à chacun des membres pos- térieurs, on constate facilement que le courant sanguin qui s’écoule du côté paralysé est fort important, tandis que du côté sain il ne vient rien ou presque rien. 2e Expérience. — Chez un jeune canard auquel on.a sectionné le sciatique gauche à la cuisse et coupé aux deux pattes les doigts à leur racine, du côté gauche vient un flot de sang artériel, du côté droit, une goutte. 5e Expérience. — De même nous divisons le plexus sciatique gauche d’une grenouille dans l’abdomen (en pénétrant par les muscles lombaires) et nous enlevons les doigts des deux côtés : nous voyons du côté paralysé l’écoulement de 8 gouttes de sang, alors que le côté sain ne donne absolument rien. Le même effet s’obtient, mais moins marqué à la suite de la section du nerf à la cuisse. 4e Expérience. — Nous coupons chez la grenouille les racines antérieures et postérieures du sciatique à leur sortie de la moelle ; nous voyons que l’écou- lement sanguin qui se fait par la plaie de la patte est beaucoup plus consdé- rable du côté paralysé, mais n’atteint pas un degré aussi marqué que dans l’expérience précédente, ce qui s’explique facilement par l’hémorrhagie abon- dante qui accompagne fatalement la dénudation de la moelle. Chez une grenouille nous sectionnons à gauche toutes les racines du scia- 3 tique; à droite le nerf lui-même est divisé dans l’abdomen : l’écoulement san- guin se fait également des deux parts. Les expériences qui précèdent, montrent que la section du sciatique ou de ses racines détermine dans le membre paralysé un afflux de sang tellement considérable, que l’autre membre en est complètement anémié. Si maintenant on lie les veines des deux membres, du côté paralysé, les voies collatérales ne peuvent suffire à éloigner la masse énorme de sang que leur envoient les artères dilatées; ie sang s’amasse dans les vaisseaux, la pression et l’exsudation augmentent et de là l’œdème que Ranvier a vu se produire seulement dans le membre où à la fois les veines étaient liées et le sciatique sectionné. Dans l’autre membre, qui est si profondément anémié, où la tension sanguine est si abaissée, la ligature des veines est, cela se conçoit, incapable ■de déterminer un œdème. Mais voyons maintenant ce que nous obtiendrons par l’irritation du nerf. 5e Expérience. — Petit chien de quatre semaines auquel on sectionne le sciatique gauche. On laisse l’animal se reposer pendant un quart heure, puis on pratique l’ablation des doigts aux deux membres postérieurs. Aussitôt on note un écoulement plus marqué du côté paralysé; le-sciatique est irrité par un courant d’induction et l’on voit immédiatement le phénomène se renverser : il ne tombe plus qu’une goutte de sang du côté gauche, tandis qu’il en vient dix du droit. On cesse la galvanisation et l’écoulement redevient bientôt plus fort à gauche, dans la proportion de douze à trois. A deux reprises encore les mêmes résultats se représentent. fi* Expérience. — Un petit chien de trois semaines chez lequel nous procé- dons de la même façon, nous permet de noter des effets tout à fait analogues. 7e Expérience. — Petit chien de sept semaines dont la peau des pattes est libre de pigment. Section du sciatique gauche. De ce côté, on frotte la peau de la patte au moyen d’une brosse dure jusqu’à ce que la rubéfaction soit extrême- ment marquée. Le sciatique est galvanisé par un courant moyen de peu de durée et la peau devient visiblement plus pâle. On cesse l’irritation, la patte reprend sa couleur primitive. — A trois reprises on obtient le même effet. On emploie alors un courant plus énergique que l’on fait agir pendant cinq minutes : la décoloration obtenue au début cède bientôt la place à la rougeur. Notons que jamais on n’a pu ramener la peau à la nuance du côté sain : tou- jours une coloration plus marquée a persisté. 8e Expérience. — Chez des grenouilles nous avons procédé comme dans l’avant-dernière expérience et les effets ont été en tout conformes à ceux que nous avait procurés le chien. Le sel marin nous a conduits chez des chiens et des grenouilles aux mêmes résultats que nous avions observés sous l’influence de l’irritation galvanique. Chez la grenouille nous avons remarqué que la fatigue du nerf consécutive à 4 une irritation trop vive ou de trop longue durée se fait infiniment plus attendre que chez le chien. Chez ce dernier répuisement arrive beaucoup plus tôt et peut même, si l'animal est jeune, faible ou fatigué, ou si l'excitation est de prime- abord trop énergique, l’épuisement peut, disons-nous, être la première mani- festation : l’écoulement sanguin est alors tout de suite renforcé ou les parties intactes acquièrent une coloration plus intense. Le nerf étant fatigué, si l’on irrite une partie plus périphérique, il y a reprise de la contraction. C’est ainsi que nous nous expliquons des expériences négatives dont nous jugeons superflu de donner les détails. On voit par ce qui précède que la galvanisation du bout périphérique du sciatique provoque une contraction extrêmement marquée des vaisseaux du membre, laquelle, chez les animaux supérieurs, qui ont le système nerveux plus délicat et plus tôt fatigué est bientôt remplacée par des phénomènes d’épuisement, de paralysie, en un mot par une dilatation vasculaire. Nos résul- tats concordent donc avec ceux obtenus par Cl. Bernard pour l’oreille. Dans un de ses mémoires (I), nous lisons en effet l’expérience suivante : il tranche l’extrémité de l’oreille d’un lapin, assez bas pour que le sang s’échappe en petit jet par le bout des artères divisées; il coupe de ce côté le sympathique au cou et voit l'écoulement devenir beaucoup plus abondant; mais la galvanisation du bout supérieur du nerf diminue graduellement le jet sanguin et finit par l’arrêter complètement. Le sang recommence à s’échapper avec une rapidité croissante, si l’on cesse l’irritation. On pouvait néanmoins se représenter que l’anémie locale était consécutive aux contractions musculaires qui accompagnent l’irritation des nerfs mixtes. 9e Expérience. — Nous avons donccurarisé des chiens et des grenouilles sur lesquels nous avons répété les expériences dont nous venons de parler et qui nous ont offert les mêmes phénomènes. Nous devons néanmoins attirer l’attention sur ce fait que les grenouilles ne nous ont jamais donné qu’un ralentissement de l’écoulement sanguin et que nous n’avons pu en obtenir un arrêt absolu. ilela nous a semblé d’autant plus surprenant qu’au microscope nous pouvions voir, sous l’influence de la galvani- sation du sciatique ou de l’irritation par le sel marin une contraction des vais- seaux de la membrane natatoire allant jusqu’à l’effacement complet, de leur calibre et à l’arrêt de toute circulation. Nous ne pouvons attribuer celle opposi- tion qu’à la texture différente des artères : pour peu que la section des pattes soit pratiquée un peu haut, elle porte sur des vaisseaux de diamètre plus impor- tant, moins riches par conséquent en fibres musculaires et qui ne peuvent plus revenir complètement sur eux-mêmes sous l’influence de l’irritation nerveuse. (J; Comptes rendus, tome LV, p. 309. 5 Il est donc bien avéré que les contractions musculaires ne peuvent être accu - sées des modifications circulatoires observées à la suite de l’irritation du Sciatique et que celui-ci renferme des fibres vaso-motrices dans le sens habi- tuel du mol. Après cela nous sommes étonnés que Dogiel (I) soit arrivé à des résultats si différents des nôtres : ainsi il a vu que chez des chiens curarisés, l’irritation du bout inférieur du nerf crural ou du sciatique, ne diminue pas la rapidité du courant dans la crurale (p. 157); ses expériences parlent plutôt, dit-il, en faveur d’une accélération Un peu plus loin (p. ÜO) il s’exprime comme suit : « Schneidet mon bei eincm Frosclie den einen Ischiadicus durch, schneidtt darauf an beiden Froschschenkeln die Zehen ab, und vergleicht die Mengeu des ausfiiessenden Blutes, so überzeugt man sich dass die aus dem opcrirlen und niclil operirlen Schenkel ausfiiessenden Blutmengen gleicb sind. Fl il conclut en ces termes : die beschriebenen Versuche an Fiôsche lassen ebeiifalls den Schluss zu, dass bei diesen Theiren im Slamme der nerven Ischiadieus und cruralis nacli ihrem Auslrilt aus der Beckenhôhle keine vaso- molorische, das Lumen der Gelasse verengernde nerven verlaufen. » Qui- conque néanmoins répétera la dernière expérience que nous venons de rap- peler constatera, comme nous l’avons toujours fait, un écoulement sanguin infiniment plus considérable du côté où le sciatique a été coupé, à la condi- tion toutefois de laisser quelques minutes d’intervalle entre la section du nerf et celle des doigts. Sans celte précaution l’irritation traumatique du nerf causée par la section peut empêcher l'apparition de la dilatation vascu- laire. Si nous abusons de la patience du lecteur, en revenant d’une manière aussi détaillée sur des faits qui, en graude partie sont déjà connus, c’est que le travail de Goltz nous y oblige . Gollz, en effet, met en doute l’existence des vaso-moteurs dans le sciatique; il n’a jamais observé, dit-il, que la dilatation des vaisseaux à la suite de la galvanisation du nerf, et jamais leur contraction ne s’est présentée dans ses expériences. Comme cela ressort des faits nombreux que nous venons de faire passer sous les yeux, les phénomènes de dilatation ne sont jamais que secondaires, ou, s’ils se pré- sentent dès le début, c’est que le nerf était fatigué ou l’excitant trop intense. La présence des fibres vaso-motrices reste donc acquise et celle des dilata- trices est encore à démontrer..Y r • Ayant obtenu par ['intermédiaire du système nerveux des oscillations si marquées dans la circulation du membre, nous étions extrêmement curieux de nous assurer si des variations dans la température locale ne leur correspon- t4afallt>|itfcj on iiip 33 goiifiluagurn aeoidil na Jnoupàgnoo icq godon aujom tJne? La section du sciatique chez le chien et le canard nous a donné, comme cela I) J. Dogicl. Ueber den Einfluss der nerven Ischiadicus und Cruralis auf die circu lationdcs Blutes in den untcrcn exlrcmitâlcn. P/lüger ’s Archiv, Bd. V. S. 150. 6 est connu depuis longtemps, une élévation de température souvent très-marquée dans le membre intéressé; mais si, sur des chiens curarisés, nous irritions le bout inférieur du nerf, au lieu d’observer comme Gollz une nouvelle élévation du thermomètre, nous notions un abaissement qui, à la vérité, était loin de ramener la température du côté paralysé à celle de la patte saine, mais qui néanmoins était fort manifeste. Les quatre expériences suivantes que nous choisissons comme exemples, démontreront ce que nous venons de dire. {0e Expérience. —Chien de taille moyenne, curarisè. Respiration artifi- cielle. L’empoisonnement étant complet, le sciatique gauche est divisé. On note d’abord pendant quelques minutes la température des deux membres; celle du côté paralysé dépasse bientôt l’autre de 4° c. environ. Temps. Côté gauche paralysé. Côté droit. Observations. 51,6 27,7 32,6 28,3 52,2 28,8 52,8 28,3 5 h. 55 Irritation électrique. — 37 32,8 28,9 — 40 52,6 29,2 - 42 52,2 29,3 52 29,4 31,6 29,4 - 45 51,5 29,3 Repos". - 48 31,6 29,3 32,1 29,3 - 51 52,6 29,2 33 29,2 - 52 Emploi d’un courant intense. - 53 35 29,3 — 54 52,8 29,3 32,6 29,2 - 56 32,3 29,2 52,2 29,2 - 58 32,1 29,2 - 59 32,2 29,2 W* Expérience. —Chien de taille moyenne, curarisè. Respiration artifi- cielle. Section du sciatique à gauche. Température —■ " Observations. du membre gauche, du membre droit. 33,2 25 35,6 25,4 . isnfiîs 900i»| rtJtiB tiu „ „ noitx o3,b Irritation au moyen du sei marin. 25,7 34,4 26 33,6 26 34,4 54,6 26,4 34,4 Température Observation* du membre guuche. du membre droit. 54/2 ' 26,6 54 ‘26,7 54,1 26,7 54,1 Repos. 54,4 27,1 54,8 27.3 55 27,5 Irritation par un courant d’induction. 55 27,5 54,9 27,5 34,6 28 54,4 27,9 54/2 27,9 54 • . 55,8 28 33,6 28,2 ; - - K 53,4 28,4 33,2 53 28,5 6,8i’ ■:/£§ 52,8 28,4 Cj 90 a --- ■' V-t- 32,8 28,5 k M :b - 12e Expérience. — Chez un jeune canard, fort peu de temps après la section du sciatique droit, nous observons la dilatation des vaisseaux de la patte : ceux du tarse sont extrêmement saillants, ceux de la membrane natatoire présentent des arborisations plus riches, le sang est plus rouge, plus artériel que dans l’autre patte. La différence de température est très-sensible à la main : la patte gauche est fraîche, la droite est brûlante, au thermomètre on note pour la première 20° c., pour la seconde 50° c. On irrite d’abord le nerf par un courant moyen et on remarque que les vaisseaux s’effacent de ce côté et deviennent plus marqués à gauche. D’autre part, la température ofl're les variations suivantes : Avant l’irritation . . 56° c. Irritation . , 55° Repos . 57,2 58,3 Irritation . 55,8 Repos Jtoib 57,4 57.6 13e Expérience. — Chez un autre jeune canard auquel on a coupé le scia- tique droit, on observe sous l’influence de la galvanisation les oscillations suivantes dans la température : Temps. Température. Observations. 10 h. 5 50° - 6 — 7 SB Irritation. Temps. Teinpërature. Observations. 40 h. 8 54 55,5 55 52,8 — 9 Repos. - 40 54,7 55,2 55,6 — 4 4 56 — 42 57 Un voit que chez le premier chien rabaissement obtenu a été de 1,5° pour la première irritation et de 0,8° seulement pour la deuxième, alors que sans doute le nerf était déjà fatigué, le courant étant d’ailleurs beaucoup plus éner- gique. Chez le deuxième chien l’irritation par le sel marin a clé incapable de déterminer un abaissement de température ; elle semble seulement avoir agi en empêchant le thermomètre de monter : ainsi, il s’est constamment maintenu aux environs de 34,4° pour atteindre 35° pendant la période de repos. La gal- vanisation fait tomber la température de 33° 5 32,8°, soit 2,2° le repos sui- vant la ramène bientôt à 54,2°; puis l’irritation nous donne une nouvelle chute de 1° et après un court moment de repos, une troisième également de 1°. Le courant est interrompu et le thermomètre remonte de 1,7°. Les canards nous ont procuré des résultats beaucoup plus frappants, puis- qu’on note chez l’un un premier abaissement de 1° et un deuxième de 2,3°; chez l’autre la chute a été de 5,2° et, à la fin de la période de repos la tempe- rature était redevenue de 1° plus élevée qu’au début de l’expérience. La membrane natatoire du canard olïre au rayonnement de la chaleur une surface infiniment plus étendue, que la patte du chien, eu égard à la masse du membre ; puis chez ce dernier les poils sont encore une condition défavo- rable. On comprend donc que la patte du chien conserve plus longtemps la température qu’elle a une fois acquise et qu’un abaissement de quelques degrés, d’ailleurs d’une durée de peu de minutes, ne puisse pas se manifester. Nous voyons qu’il y a une relation intime entre l'état des vaisseaux et les phénomènes calorifiques. Le fait, que l’on ne peut ramener la température du membre paralysé à celle du membre sain, s’explique facilement parce que la période d’épuisement du nerf arrive avant que les tissus aient eu le temps de perdre leur chaleur. Néanmoins rabaissement de quelques degrés que nous avons observé, suffit pour démontrer que l’élévation de température obtenue par Goltz, au début même des expériences était déjà un phénomène de sur- excitation. En ce qui concerne l’existence de mécanismes locaux situés à la périphérie et qui, selon Goltz, seraient chargés de régler le tonus vasculaire, nous avons répété chez des chiens les expériences si intéressantes qui ont servi de base à sa théorie. 9 I On sait que chez le chien, après la section du sciatique, la température monte bientôt du côté paralysé, et qu’une différence très-notable peut être observée entre les deux pattes. Au bout de '2 à 4 semaines, la chaleur est redevenue égalé de part et d’autre. Que l’on coupe maintenant la moelle épinière à la fin ne la région dorsale, et l’on voit la température s’élever de nouveau dans des limites énormes; mais celle fois du côté où le sciatique est conservé, taudis qu’elle baisse de l’autre. Après un temps variable l’égalisation se fait de nou- veau elles deux membres retrouvent leur température primitive. Nous avons voulu nous assurer de la relation qui devait exister entre ces phénomènes calorifiques et l’état des vaisseaux; pour cela, nous avons choisi les grenouilles qui, mieux que d’autres animaux, se prêtent à ce genre de recherches. 14e expérience. — Chez des grenouilles nous sectionnons le sciatique gauche: des membranes natatoires transversalement divisées s’écoulent à gauche plu- sieurs gouttes de sang, tandis que la plaie du côté droit en reste vierge. — Au bout de dix jours une nouvelle section montre que le sang s’échappe également des deux côtés. Nou$ coupons la moelle épinière, ou nous la détruisons dans sa partie inférieure, et nous voyons le sang venir abondamment de la patte où persiste le nerf, tandis que le membre gauche reste sec. 1 De expérience. — Chez des grenouilles dont le sciatique gauche avait été coupé douze jours auparavant, nous faisons une section transversale de la moelle épinière. Nous observons que la peau est humide, sécrétante à droite, sèche et parcheminée à gauche. Les vaisseaux sont dilatés, très-apparents à droite, à peine visibles, presque exsangues de l’autre côté. Au microscope on constate dans la membrane natatoire droite une circulation beaucoup plus énergique, plus vive qu’à l’étal normal ; les vaisseaux artériels et veineux sont fort dilatés; il y a un contraste marqué avec le membre paralysé. 4(>e Expérience. — Chez d’autres grenouilles on sectionne le sciatique gau- che et deux jours plus tard la moelle épinière ; cinq jours après le début de l’expérience on peut noter du côté paralysé l’absence presque complète d’écou- lement sanguin, alors que le sang s’échappe abondamment de la patte droite; on peut augmenter le phénomène parla section du sciatique restant. Chez des animaux examinés au dixième jour, on trouve que le sang vient en égale quantité de part et d’autre ; si alors on fait une nouvelle section de la moelle épinière, on réobserve un écoulement marqué à droite, tandis que la plaie du membre paralysé reste sèche. Ainsi nous avons noté 7 ou 8 gouttes à droite, 0 ou 1 à gauche. Dans les conditions que nous venons d’indiquer il y a donc correspondance entre l’état des vaisseaux et la température des membres et nous avons ainsi le droit d’expliquer les phénomènes calorifiques par les variations que subit la circulation locale. Maintenant si nous passons à l’analyse de ces faits, nous trouvons comme le plus caractéristique le retour des vaisseaux à leur diamètre primitif et même à un état de contraction plus marqué après leur isolation des centres. La même chose se présente pour les vaisseaux de l’oreille après la section du sympathique au cou. «Ganz ehenso hatte früher schon HernTarchanoff geftinden dass nach Durchneidung der zu der Milz tretenden Nerven eine Vergrôsserung dieses Organs, welches man selir wohl nur ois ein grosses Gefassconvolut auflassen kann, eintritt, wahrend einige Zeit spâler der normale Umfang sich wiederhergeslellt hatte (I). » La théorie de l’école de Ludwig est complètement insuffisante pour donner une explication de ces faits; si on l’admet, on doit croire qu’un vaisseau, une fois séparé des centres vaso-moteurs par la section du sciatique a perdu à jamais son diamètre normal et se trouve dans un état de dilatation persistante. On pourrait admettre, il est vrai, que le sympathique envoie aux vaisseaux d’autres fibres que celles qui cheminent par le sciatique, fibres qui auraient donc une voie détournée, accompagneraient, par exemple l’aorte et ses bran- ches et peu à peu, par action vicarianle, remplaceraient celles qu’a détruites la section. Mais cette hypothèse fort artificielle nous satisfait d’autant moins que CI. Bernard a montré que tous les vaso-moteurs destinés au membre postérieur arrivent aux vaisseaux par l’intermédiaire du sciatique. Une seule ressource nous reste, c’est d’admettre avec Gollz des mécanismes terminaux chargés d’entretenir le tonus. Que l’histologie n’en ait pas encore démontré l’existence, cela ne doit pas nous retenir; une fois leur nécessité physiologique reconnue, c’est à l'anatomie de les rechercher. A l’appui de cette thèse, nous croyons d’ailleurs avoir un autre fait à rappe- ler : nous voulons parler des contractions rythmiques des vaisseaux, observées d’abord sur les artères de l’oreille du lapin (Schifl), puis sur les veines de l’aile de la chauve-souris (Wharton Jones), la membrane natatoire (Savielti) et le mésentère de la grenouille, enfin sur l’artère saphène du lapin (Itiegel). Ces phénomènes ne peuvent de même s’expliquer que par une influence toute locale, car Gunning, Riegel et nous-mêmes les avons vu chez la grenouille se reproduire un certain temps après la section du sciatique, donc en dehors de l’influence nerveuse proprement dite. Comme nous l’avons vu, le tonus dans des vaisseaux séparés des centres nerveux depuis quelques jours seulement s’est déjà restitué et les vaisseaux ont même acquis un diamètre inférieur à ceux du membre normal ; l’influence des mécanismes locaux ne doit donc pas être faible, tant s’en faut, et, sous des conditions déterminées, ils peuvent entretenir un tonus plus énergique que celui qui a son origine dans l’axe cérébro-spinal. (1) J. Tarchaaoff. Ueber die Innervation der Mils und demi Beziehung zur Leuco cythdmie. P/lüyer ’s Archiv, Bd. VIII, S. 100. 11 ü Mais faut-il, avec Goltz, attribuer à la section une influence irritante qui, agissant sur les fibres vaso-dilatatrices, détendrait en quelque sorte les méca- nismes terminaux, annihilerait momentanément leur action et par suite le tonus, tandis qu'au bout de quelques jours, l’irritation s’élanl évanouie, ces petits organes reprendraient leur empire? Cette opinion, qui consiste à enlever ■ aux centres automatiques de la moelle la plus grande partie de leur importance, , nous ne pouvons la partager, d’autant plus que le premier effet de la section 1 doit être, comme nous le montrerons plus loin, une contraction vasculaire. Il nous semble bien plus naturel de supposer que le tonus baisse à la suite des sections nerveuses, parce que les vaisseax de tel ou tel district sont soustraits à l’influence d’un certain nombre de cellules nerveuses et que son rétablisse- ment est dû à l’énergie fonctionnelle augmentée des mécanismes périphériques. Peut-on mettre en doute que celle-ci soit capable de s'accroître et de devenir complémentaire, lorsque les vaisseaux sont une fois laissés à sa seule influence. Cette proposition n’a rien d’étrange : en effet, ne voyons-nous pas, dans le domaine des phénomènes nerveux et sensoriels qu’un organe mis hors de ser- vice finit par être suppléé dans ses fonctions par un autre qui acquiert une puissance plus considérable. Deux conditions peuvent encore favoriser le jeu de ces mécanismes termi- naux : lTebt also, wie Goltz annimmt, die einfache Durchschneidungeinen Reiz auf die gefàsserweilernden Nerven ans, der durch seine Einwirkung auf die Endap- parate die Thâtigkeit derselben für einige Zeil aufheben würde? Und nehmen dann diese Endapparate nacli einigen Tagcn ihre Thâtigkeit wieder auf, nachdem die Reizung ihre Gewalt verloren? So weist man dass nacli Durchschneidung des Rückenmarks die Erregbarkeit desselben in niclit unerheblichen Grade steigt. Sollte es da nicht erlaubt sein anzunehmen dass ganz analog die Thâtigkeit der peripherischen Mechanismcn, welche die Function haben das Gefâsstonus zu reguliren, eine regere xvird nach der Durchschneidring der zu ihnen verlaufenden Nerven. Enfin l’alllux plus considérable de sang qui se fait dans le membre paralysé le rendrait plus irritable. On sait, en effet, qu’une circulation plus vive, plus active augmente l’irritabilité des organes nerveux et comme suite, leur énergie fonctionnelle. Mais ces mécanismes locaux ne sont pas seuls à régler le tonus, car, ainsi que le démontrent nos expériences et d’autres déjà anciennes, les sections nerveuses provoquent une dilatation des vaisseaux situés en arrière : lorsque nous divisons la moelle à la fin de la région dorsale, par exemple, nous éloignons des vaisseaux un certain nombre des centres Ioniques répandus dans tout l’axe cérébro-spinal, leur tonus perd immédiate- ment, (mais provisoirement seulement) en énergie, et nous avons une dilatation vasculaire; si nous coüpons le sciatique, le vaisseau est soustrait à toute influence automatique centrale et la dilatation est plus marquée encore. Quant à la conslriction des vaisseaux qui succède à l’irritation des bouts périphé- riques, elle n’est qu’une autre forme démontrant la même influence. Nous considérons donc celle augmentation du diamètre des vaisseaux comme purement paralytique, tandis que le retour spontané à l’état normal serait actif. Ainsi, nous admettons avec Goltz les mécanismes terminaux; mais en ce qui concerne l’explication des phénomènes déterminés par les sections ner- veuses, nous nous séparons complètement de ses vues. Il veut y voir des effets irritatifs et la dilatation vasculaire serait pour lui un phénomène actif; nous avons tout droit, croyons-nous, de les considérer comme secondaires et para- lytiques (1). De plus, nous remarquons que l’irritation mécanique, chimique et électrique du bout périphérique du sciatique, provoque, en premier lieu, une contraction des vaisseaux et un abaissement de température et que seulement, lorsque le nerf est fatigué ou l’irritant trop intense, nous observons de primç-abord, comme Goltz, une dilatation et une élévation de température (2). — La section des nerfs et de la moelle est en somme une irritation traumatique qui doit dé- terminer en premier lieu une contraction (5), laquelle cède instantanément la place au phénomène secondaire, à la dilatation. Mais celle-ci n’est pas com- plète dès le début: nous nous représentons, en effet, que la section agit d’abord à l’instar d’un excitant énergique de courte durée, qui laisse après lui un état d’irritation latente, capable d’entretenir pendant quelque temps dans le vais- seau une contraction médiocre ; dans cette condition le vaisseau ne peut attein- dre la dilatation paralytique complète. (1) Le renversement du phénomène, qui se manifeste après la section de la moelle chez des grenouilles ayant déjà depuis dix jours un nerf sciatique coupé (Expé- rience XIV), s’explique à notre point de vue tout simplement par l’isolement des vais- seaux d’un certain nombre de centres toniques de l’axe cérébro-spinal. (2) Wenn Goltz die unmiltelbar nach der Reizung der Hüftncrvcn folgende Zusam- menziobung der Gefàsse nicht bemerkt bat, so tiegt das daran dass die Beohachtung mit dem Thermomcter, welche er bauptsàcblicb in Anwemlung gezogen batte, einc nicht sebr zuverlâssige Méthode ist, wenn es sich darum bandelt Gefâsscontraclioncn von nui Kurzcr Zeildauer zu eonstatiren, denn, vvie bekannt, vcrlicren die thierischcn Gewobe nur sel)r langsam einc Temperatur, welebc sic einmal angenommen baben. (5) En effet, Cl. Bernard l’a déjà observé, le premier résultat de la section nerveuse est parfois une contraction vasculaire et la dilatation ne vient qu’cnsuile. Nous trouvons dans ses leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux (tome H, p. S09,, le passage suivant, qui a une importance capitale pour la défense de notre manière de voir : « La section du sympathique n’amène pas toujours à l'instant meme de l’opéra- tion un élargissement subit de l’artère; c’est souvent le contraire qu’on observe. En faisant sur des lapins la section du filet cervical du sympathique qui avoisine la caro tide, on voit d’abord cette artère se resserrer au moment de la section ou du déchire- ment du filet. » Nous abordons maintenant un des faits les plus remarquables consignés dans le travail de Goltz, celui qui parle le plus en faveur de sa théorie, celui qui est le plus difficile à concilier avec le point de vue que nous avons adopté : les sections répétées d’un nerf déterminent, chaque fois, dans le membre correspon- dant des élévations de température allant jusqu’à 4°. Rappelons d’abord au lecteur qu’un nerf, séparé de son centre trophique, dégénère et meurt du centre à la périphérie et qu’une section, pratiquée sur un nerf dans de telles conditions, précipite sa mort après avoir provoqué une courte période d’irritabilité augmentée (Rosenthal). A ces deux faits bien connus ajou- tons cette hypothèse qui nous est indispensable pour l’explication du phéno- mène, et qui d’ailleurs n’a rien que de fort naturel : « Que la section d’un nerf place les libres vaso-motrices dans un état d’irritabilité latente capable d’entre- tenir une contraction médiocre des vaisseaux (voir plus haut). » De ces trois données suivrait que l’élévation de température, notée à la suite d’une seconde section, est le résultat de l’épuisement accéléré des vaso-moteurs. Nous aurions donc all'aire ici encore à un phénomène paralytique. Cette expli- cation nous paraît plus fondée que celle de Goltz, qui admet l’influence irri- tante des sections sur des fibres vaso-dilatatrices, que nous ne tenons pas pour démontrées. Après tout ce que nous venons de dire, nous ne pouvons nous défendre d’une analogie qui se présente à nous entre l’innervation des vaisseaux et celle de l’intestin. Nous trouvons, en effet, de part et d’autre, des mécanismes nerveux périphériques chargés de présider aux contractions spontanées, et puis une influence du système nerveux central par l’intermédiaire des nerfs. Celte ana- logie nous parait plus conforme aux faits que celle proposée par Goltz entre les vaisseaux et le cœur. D’abord, les mouvements spontanés de l’intestin et des vaisseaux ont plus de ressemblance que les conti actions des vaisseaux et du cœur : en effet, il s’agit de mouvements tout à fait irréguliers et sans aucun rythme. Ensuite, dans les parois du cœur, se trouvent des centres de ralentissement (sinus venosus) qui ne sont démontrés ni dans les vaisseaux, ni dans l’intestin. Aussi voyons nous que l’irritation de certains points du cœur ne détermine pas une systoie, tandis qu’une irritation appliquée à un vaisseau ou à l’intestin, provoque constamment une réaction locale. — A quel degré celle hypothèse se rapproche de la vérité, nous démontreront des recherches ultérieures ; mais nous avons toutefois trouvé utile de l’exprimer. En terminant, nous sommes heureux d’avoir une occasion d’exprimer à notre honoré professeur, M. Goltz, toute notre reconnaissance pour la bienveillance avec laquelle il nous a accueillis dans son laboratoire. Strasbourg, le 30 juillet 1874. (Extrait du Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de Bruxelles.) Bruxelles. — Imprimerie de II. Manceaux.