Extrait de «Archives Néerlandaises, T. II, 1867. SUR LE MOUVEMENT ASCENDANT DES MATIÈRES PLASTIQUES DANS LES PÉTIOLES DES FEUILLES. PAR F. C. DONDEBS Les matières organiques formées dans les plantes sont trans- portées par différentes voies vers les points où elles sont déposées ou employées à la production de cellules. Déjà M. von Mohl avait acquis la conviction que les globules d’amidon découverts par lui dans les grains de chlorophylle quittaient les feuilles à l’état de dissolution, pour aller se déposer ailleurs; et M. Sachs prouva qu’il s’agit ici d’une fonction continue, l’amidon étant incessam- ment entraîné, et se reformant chaque fois, sous l’influence delà lumière, dans les feuilles développées. Une partie de la matière entraînée est employée immédiatement à la formation de cellules; le reste est déposé comme réserve alimentaire, pour servir l’année suivante au développement des bourgeons et des feuilles. C’est ainsi que la matière descendue pendant l’automne reçoit au prin- temps un mouvement ascensionnel. Il y a déjà plus de cinq ans que, me trouvant à Roosendaal pour plusieurs semaines, je fis sur les jeunes pétioles du Rhus typhinum quelques expériences ayant rapport au mouvement as- cendant des sucs nourriciers Le tronc de l’arbre qui servit à mes expériences avait été coupé, et les pousses nouvelles se dévelop- paient avec une rapidité étonnante. Les expériences consistèrent dans la section à mi-épaisseur du pétiole, pratiquée à différentes hauteurs et sur des feuilles plus ou moins développées. La forme normale des feuilles est symétri- que. Il était donc facile de juger, par la comparaison des folioles 2 F. C. DONDERS. SUR LE MOUVEMENT ASCENDANT DES MATIERES. opposées, quelle influence la section du pétiole sur un des côtés exerçait sur le développement des folioles au côté incisé et au côté non incisé. Quand on incise le pétiole il en découle une certaine quantité de suc laiteux qui, exposé à l’air, sèche promptement et recouvre la blessure comme d’un bandage de caoutchouc, grâce auquel la Fig. 1. Fig. 3. solidité au point d’incision est rétablie et toute îiexion ou lésion ultérieure de la moitié non coupée prévenue. Les résultats obtenus se résument dans les points suivants: 1°. Quand on coupe d’un côté la demi-épaisseur du pétiole, au- dessous de la première foliole (fig. 1, 2 et 3 ; toutes les figures sont au quart de la grandeur naturelle), les folioles de ce côté se développement beaucoup moins, en longueur et en largeur PLASTIQUES DANS LES PETIOLES DES FEUILLES. 3 que celles du côté opposé. Les folioles inférieures sont celles dont la croissance est le plus retardée; plus haut, elles diffèrent moins aux deux côtés; celles du sommet sont quelquefois parfai- tement égales, et la foliole terminale ne montre aucune asymétrie. La foliole inférieure reste d’autant plus en arrière dans son dévelop- pement, que la section a été faite plus près de son point d’insertion. Fig. 2. Fig. 4. Fig. 5 2°. Quand on coupe la demi-épaisseur du pétiole entre les folioles, de façon que quelques-unes se trouvent au-dessus, d’autres au-dessous du point coupé, alors ce qui a été dit en 1°. est applicable aux folioles situées au-delà de l’incision. Pour les autres, au contraire, c’est l’inverse qui a lieu: elles se développent beau- 4 F. C. DONDERS. SUR LE MOUVEMENT ASCENDANT DES MATIERES coup plus vigoureusement que celles du côté opposé, et même elles les dépassent encore plus que les folioles situées au-dessus de l’incision ne sont dépassées par celles qui leur font face. 3°. Quand on coupe la demi-épaisseur du pétiole, d’un côté, par exemple à droite, au dessous des folioles, et en même temps de l’autre côté (à gauche), plus près du sommet, entre les folio- les, alors (fig. 5) au côté droit les folioles inférieures restent en arrière, jusqu’à la seconde incision où le rapport devient tout d’un coup inverse. 4°. L’influence de la section, aussi bien sur les folioles situées au-delà qu’en deçà, s’accuse d’autant plus que la feuille était plus jeune au moment de l’opération. Toutefois, elle se fait encore sentir sur des feuilles ayant déjà atteint leur développement pres- que complet. 5°. Le pétiole lui-même, ainsi que les poils qu’on y observe, est à peu près également développé aux deux côtés Ces expériences fournissent la preuve que le développement des feuilles a lieu sous l’influence de sucs ascendants. Il ne serait pas permis d’inférer ce résultat du développement moindre des folioles situées au-dessus de l’incision: un apport insuffisant d’eau et de sels, lesquels montent indubitablement par les racine, pour- rait rendre compte de ce phénomène. Mais nous trouvons la preuve dans la croissance extrêmement vigoureuse des folioles situées au- dessous du point d’incision, folioles qui surpassent notablement en grandeur celles du côté opposé, non lésé. Elles reçoivent évidem- ment une plus grande abondance de sucs, et de sucs sous une plus forte pression, maintenant que le transport vers les parties supérieures est plus ou moins entravé Le même fait nous apprend? en outre, qu’il existe pour ces sucs une vis a lergo, qui doit être attribuée à des phénomènes d’osmose, suite de transformations chi- miques Ce n’est que plus tard que l’influence de l’évaporation dans les feuilles joue un rôle prépondérant. Toutefois, même lorsque les folioles ont déjà pris presque tout leur accroissement, celles qui sont placées au dessous de l’incision, et du même côté, deviennent encore plus grandes que les folioles opposées: l’afflux PLASTIQUES DANS LES PETIOLES ÜES FEUILLES. actif ascendant paraît donc persister jusqu’au développement partait des feuilles. Je ne prétends pas, du reste, que, même avant cette époque, des matières nutritives ne descendent pas des feuilles: un des deux phénomènes n’exclut pas l’autre. Il est remarquable, en outre, que l’influence de l’incision di- minue vers le haut et finisse par disparaître complètement On doit en conclure que les sues peuvent passer, dans le pétiole, d’un côté à l’autre; peut-être faut-il attribuer ici un rôle aux vaisseaux des sucs laiteux, qui ne contiennent pas seulement des matières d’excrétion, mais aussi des matières albuminoïdes, des hydrates de car bonne et des corps gras (Voy J Sachs Hanclbucli der E jcperimenlalphy siologie der P fi an zen, Leipzig, 1865, p 386). L’imperfection de ces recherches m’a retenu longtemps de les publier. J’espérais pouvoir les continuer et les varier II faudra examiner l’influence de l’enlèvement de quelques folioles, celle de la section des nervures, etc Cette plante se prête aussi très bien à l’étude comparative de l’influence exercée par la section partielle du pétiole sur la feuille entière. Mais surtout, on devra étendre les expériences à des feuilles composées analogues appar- tenant à des plantes dépourvues de sucs laiteux. Dans ces re- cherches, l’anatomie des pétioles ne devra pas être négligée, et il faudra déterminer, par l’examen microscopique des feuilles, à quel point l’influence se fait sentir sur les dimensions des cellu- les, à quel point sur leur nombre Enfin, je voudrais voir déter- miner si le rapport entre les matières organiques ou inorganiques est resté le même dans les folioles activées ou entravées dans leur développement. Mais le temps et l’occasion continueront sans doute à me faire défaut pour aborder ces divers points; c’est ce qui m’a engagé à appeler, par cette courte communication, l’attention des observateurs sur les feuilles composées, comme objet particu- lièrement propre à ce genre de recherches.