TRAITEMENT DES MALADIES CHRONIQUES, SUPPLÉMENT AU LIVRE DE L’ÉPIDÉMIE DE 1842 5 M. COLAS, dücteub-médecin. Principiis obsla. Il est évident que la distinction des maladies en aiguës et chroniques est fondée sur des ba- ses entièrement dépourvues de force et de sta- bilité : tantôt l’intensité des manifestations pathologiques, tantôt l’activité delà marche et tantôt sa durée. Ces caractères, sans fixité comme sans valeur scientifique , n’étant pas propres à fournir les éléments d’une classifi- cation régulière et durable, la division qu’ils établissent mérite à peine d’être conservée pour la commodité du langage ordinaire. Il nous a semblé bon , néanmoins, de pro- fiter accidentellement de cet abus consacré par l’usage, pour tenter encore une fois de dé- montrer , d’abord les inconvénients d’une préoccupation beaucoup trop exclusive de la part du médecin au profit des maladies inter- nes les plus graves et les plus avancées vers leur terminaison, ensuite les avantages d’une étude beaucoup plus soigneuse des affections les plus récentes et les moins compliquées. Ces dernières, en effet, sont le point de départ ordinaire et comme le premier degré des af- fections aiguës ; elles ne sont pas encore un composé de désordres nombreux, enchevêtrés de manière à rendre l’observation des sym- ptômes et des effets thérapeutiques difficile et très incertaine. Nous traiterons seulement, dans ce mémoire, de la névrose et de la fièvre lentes, faibles, durables, et par conséquent chroniques; de celles qui sont simples ou compliquées d’un tel degré d’altération inflammatoire que celle- ci ne puisse persister quand la névrose ou la fièvre ont disparu. Nous nous abstiendrons d’y comprendre les affections compliquées de phlegmasie persistante par elle-même, c’est- à-dire d’altération nutritive persistante du tissu propre des organes. Ces altérations, pres- que ordinairement incurables h l’état chroni- que, ou curables seulement par des moyens spécifiques, sont d’ailleurs très rares compa- rativement. La névrose et la fièvre ainsi sé- parées de l'inflammation , il ne s’agit plus que d’étudier les viciations de l’action fonction- nelle seule, dans un seul organe ou dans la généralité de l’organisme. Les affections chroniques exemples de phleg- masie, susceptibles d’être générales ou d’a- voir leur siège fixé dans une circonscription bornée de l’organisme, et par conséquent de revêtir à peu près toutes les formes connues en pathologie interne, peuvent cependant se grouper convenablement sous le titre (l’affec- lion erratique, à la faveur d’une ressemblance générale qui les rattache les unes aux autres. C’est ainsi qu’elles paraissent avoir les mêmes causes et qu’elles guérissent par le même trai- tement. En outre, elles ont toutes uniformé- ment le caractère intermittent ou rémittent, selon que l’altération à laquelle elles sont liées possède une intensité différente. Le nom d’er- ralique leur est d’ailleurs bien justement ac- quis par l’irrégularité si mobile des accès, des inlermissions, des exacerbations et des rémis- sions par lesquels on les voit toutes se mani- fester, au moins dans la constitution médicale présente. Ces affections, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer ailleurs, ne sont pas d’une au- tre nature que les affections aiguës; elles sont au contraire identiquement la même affection et susceptibles de guérir par la même méthode thérapeutique. Elles ne sont que le degré le plus inférieur par l’intensité des névroses et des fièvres. L’affection erratique embrasse tous les cas de maladie interne marqués par des sym- ptômes d’une intensité faible, une marche lente et la tendance à une longue durée; c’est- à-dire à la fois les affections chroniques sans lésion organique si anciennes qu’elles soient, les prodromes aussi fugitifs que possible des maladies aiguës, et les convalescences pénibles qui succèdent souvent à ces dernières. Il y a de nombreuses raisons pour que l’af- fection erratique soit considérée comme la partie la plus intéressante du cadre des affec- tions internes, et celle qui mérite le plus, quant à présent, d'occuper toute la puissance de réflexion et d’observation chez les médecins qui travaillent au perfectionnement de la science. D’abord, la simplicité de ses mani- festations permet l’analyse des troubles fonc- tionnels, ainsi que la recherche de la cause immédiate qui les engendre, dans les cas les plus nombreux qui sont aussi les plus légers de tous. Elle permet également de constater avec moins de peine que dans les affections plus compliquées les modifications provoquées par le traitement. Cette affection , quand on l’abandonne à elle-même ou quand on la conduit dans une mauvaise direction , n’est pas plus exempte de danger que les maladies aiguës, quoiqu’il soit moins pressant en général. C’est ainsi que, dans tout le cours de sa durée , la transforma- tion en maladie aiguë est toujours imminente sous l’influence des causes accidentelles. Or, ces causes sont d’autant plus difficiles à sur- prendre et à détourner qu’elles viennent aussi souvent de l’intérieur que de l’exterieur, et que les externes elles-mêmes ne sont pas toujours apparentes. Sous l’influence des causes acci- dentelles, la maladie erratique peut se termi- ner soudainement par la mort ou par un ac- cès pernicieux très promptement mortel, ainsi qu’on l’observe particulièrement depuis quel- ques années chez les sujets viciés ou grave- ment affaiblis par l’âge. Dans les cas où le ha- sard n’apporte pas de choc par trop grave du dehors ou de l’intérieur, cette affection a en- core l’inconvénient de ne guérir que bien ra- rement sans être traitée. Elle peut durer ainsi spontanément des années entières avant de se transformer en fièvre aiguë, en phlegmasie aiguë ou chronique, et de se terminer par la guérison ou la mort générale. La maladie erratique fournit au médecin l’immense majorité des cas dans lesquels on réclame ses soins, et ces cas sont les seuls qui lui présentent des chances assurées de guéri- son par des méthodes perturbatrices régulière- ment calculées à l’avance, en exceptant tou- tefois les maladies aiguës dans les trois pre- miers jours de leur marche ascendante. On ne verra pas sans intérêt se placer à côté de cette légère peinture des maladies errati- ques l’esquisse également légère des maladies aiguës. La comparaison de leur importance re- lative peut servir à faire naitredans l’esprit de nos confrères des réflexions très utiles sur la fausseté des relations établies de tout temps entre le public et le corps médical, et sur le> moyens qu’ils ont de changer une situation dangereusectincommodeen uneautreplus ho- norable, qui peut servir à la fois au maintien de leur considération et à l’avertissement des gens du monde, lesquels ne savent pas tout ce qu’ils ont à redouter des maladies les plus sim- ples en apparence. Les maladies aiguës, lorsqu’elles onl dé- passé le troisième jour après leur invasion , et beaucoup plus tôt en d’autres contrées que les nôtres, se placent tellement au-dessus de la portée de nos calculs, que nul d’entre nous à cette époque ne saurait honorablement et avec certitude déterminer et prédire leur is- sue, en les traitant par une méthode de per- turbation active. Il s’effectue des guérisons sans doute, mais en nombre variable, sans qu’on sache à l’avance par combien de pertes elles seront balancées,ni quelles seront les victi- mes choisies dans le nombre total des sujets af- fectés , à peu près comme si l’on se bornait à l’emploi de simples moyens hygiéniques. La cause de l’incertitude en matière de trai- tement et de pronostic dans les maladies ai- guës n’est pas difficile à découvrir. En effet, si dans une fièvre , par exemple , la cause im- médiate qui produit ordinairement dans un organe en particulier des manifestations fonc- tionnelles prédominantes, c’est-à-dire l’irri- tation prédominante de son armature ner- veuse, suffit à produire au début dans cet orga- ne des signes d’altération assez évidente pour que l’on attribue à cette altération le dévelop- pement de la fièvre elle-même; si les prati- ciens, suivant les prescriptions du système gé- néralement en faveur, s’efforcent de diriger contre cette altération seule, toujours prise pour de l’inflammation , toute la puissance du traitement curalifde la fièvre,il est évident que la continuation libre de l’influence très active delà cause nerveuse doiten trois jours aggraver beaucoup l’altération du tissu de l’organe af- fecté d’une manière prédominante. C’est aussi ce qu’on voit arriver, et, passé cette époque, l'organe est toujours menacé de paralysie com- plète par l’altération plus ou moins entière de la composition intime de ses tissus, la- quelle menace conséquemment d’arrêter le mécanisme de la vie dans l’organisme entier, si cet organe en forme un des rouages indis- pensables. D’un autre côté, nous ne savons pas appré- cier bien au juste la quantité d’altération de tissu d’un organe, suffisante pour déterminer en lui l’extinction de la vie fonctionnelle, et la science ne donne pas non plus la mesure exacte de la force de résistance dont jouit l’or- ganisme en son ensemble pour se soustraire à l’influence pathologique d’un seul organeou de plusieurs dont l’inflammation menace d’arrê- ter le mouvement de la vie générale. Il faut ajouter encore à ces causes d incertitude l’al- tération si difficile à mesurer qui règne un peu partout en cas de fièvre, alors même que cette altération est plus grave dans un point spé- cial. On voit ainsi qu’il nous manque à la fois, dès l’époque du troisième ou quatrième jour, dans les maladies aiguës, les deux éléments de certitude principaux dont nous aurions besoin pour éclairer faction , toujours aveugle par elle-même, des agents thérapeutiques, et 3 pour prévoir la terminaison qui doit succéder à ces maladies. De la comparaison entre les maladies ai- guës et chroniques il ressort naturellement ces deux conséquences que nous avons particu- lièrement en vue de faire ressortir dans ce mémoire : 1° il faut entrer aussi profondément que possible, par l’analyse des affections les plus simples, dans la connaissance de leur marche et des altérations qui produisent leurs manifestations anormales, puisque c’est à peu près le seul moyen que nous possédions pour éclairer de plus en plus le mécanisme si ra- pide et si compliqué des affections aiguës. 2° Nous devons proclamer hautement l’in- certitude du pronostic et du traitement des maladies aiguës qui, dans leur marche crois- sante , ont dépassé le troisième jour; car si nous possédons dès à présent des moyens effi- caces pour guérir toutes les affections errati- ques et les affections aiguës dans leur com- mencement, il nous est permis de réclamer publiquement l’honneur des succès obtenus dans ces derniers cas, et nous devons éviter qu’on mette à notre charge les accidents iné- vitables dans les maladies aiguës qui n’ont pas subi de traitement régulier pendant les pre- miers jours. Il est à la connaissance de nous tous que le public, en nous accordant, avec une certaine parcimonie d’ailleurs , le mérite des succès de toute sorte, même les moins prévus, nous croit essentiellement responsables, par cela même, des revers que nous ne pouvons empê- cher. Il est conséquent en cela ; c’est à nous de repousser des avantages aussi dangereux. Ces avantages pernicieux laissent continuellement flottante la réputation du praticien isolé, le- quel, d’un bouta l’autre de sa laborieuse car- rière, travaille sans cesse à renouer la chaîne de ses nombreux succès, toujours interrompue par quelque nouvel accident immanquable. Ils nuisent aussi beaucoup à la considération du corps médical en permettant au public de regarder notre science comme problématique et d’une utilité peu certaine en toute occa- sion. Si les médecins étaient déliés de cette obli- gation tacitement consentie de guérir des maladies souvent incurables, qui les empê- cherait d’aspirer aux triomphes d’une puis- sance que nul autre corps scientifique ne sau- rait dépasser? C’est quelque chose , en effet, que de conserver la santé de populations entiè- res par un sage précepte d’hygiène ; c’est quel- que chose que d’être sûr de guérir l’immense majorité des maladies chroniques ; c’est quel- que chose aussi que de guérir les maladies ai- guës quand elles sont de fraîche date; mais qui pourrait dire jusqu’à quel chiffre serait ca- pable de s’abaisser le nombre des morts par cause de maladie interne, si les médecins en corps déclaraient hautemenlque, passé le troi- sième jour après l’invasion d’une maladie ai- guë , ils ne sauraient garantir la guérison plus de quatre fois sur cinq, et même sans déter- miner lequel des cinq malades succombera? On voit d’avance qu’il ne resterait guère pour peupler les nécrologes que les noms des im- prudents et des sujets profondément affaiblis à l’avance. Il en serait bien autrement encore, dans les temps de grande épidémie , si nos con- citoyens ne nous croyaient pas capables et obligés de guérir les affections très avancées dans leur marche et très voisines de leur ter- minaison mortelle. La cyanose générale, dans les épidémies de choléra par exemple, n’est évidemment qu’une anticipation de la mort, car elle n’est guère plus susceptible de guérir que le cancer de l’estomac ou les plaies de l’aorte. Si les médecins, dans ces temps d’ef- froi général, se hâtaient de déclarer la cya- nose nécessairement mortelle, est-il probable que beaucoup de personnes affectées de cho- léra dans ses prodromes voulussent attendre la cyanose de pied ferme? Si les médecins parvenaient, avec la sim- ple autorité de leur parole, à décider tous les malades affectés de diarrhée, de nausées, d’in- appétence , de frissons, de courbature, etc., à traiter ces accidents pour éviter la cyanose; ils éviteraient la perte d’un nombre toujours considérable de sujets valides qui ne manquent jamais de succomber dans ces temps de mal- heur public. Les grandes épidémies se rédui- raient ainsi, parla seule intervention du corps médical, aux proportions des constitutions mé- dicales fâcheuses, et alors on ne verrait pro- bablement plus mettre en doute aussi légère- ment l’utilité de la médecine. Nous devrions refuser franchement la res- ponsabilité des guérisons incertaines et nous appliquer plus exclusivement à cultiver des succès possibles; nous grandirions ainsi l’es- time de notre profession dans l’esprit des gens du monde à la hauteur des réputations que les sciences physiques ont déjà conquises par leur application aux besoins de la société. Les hommes verraient distinctement de l’extérieur les résultats produits par une science qu’ils nomment encore conjecturale ; ils seraient sai- sis du même respect et de la même admiration qui nous possèdent à la vue de ses ineffables merveilles intérieures. AFFECTION ERRATIQUE. Diagnose. Les signes diagnostiques de cette affection ne diffèrent pas essentiellement de ceux de la névrose et de la fièvre d’espèce aiguë. Us sont fournis par les mêmes mani- festations symptomatiques, avec cette diffé- rence que ces manifestations sont plus souvent intermittentes et plus faciles à ramener au type intermittent; que les accès sont moins régu- liers , moins intenses et moins longs ; que quand elles sont rémittentes, les exacerba- tions sont plus irrégulières, peu tranchées, et plus courtes aussi relativement à la durée des rémissions, que dans les affections aiguës. Les symptômes de la névrose consistent , ainsi que nous l’avons déjà dit ailleurs, dans un trouble fonctionnel quelconque des orga- nes. Il ne faut pas les confondre avec les sym- ptômes propres à la phlegmasie dont les ca- ractères sont bien différents et reposent sur l’altération nutritive ou de composition du tissu propre; car il ne faut pas oublier que dans la névrose le tissu de l’organe affecté est sain ou presque sain, et que la cause immé- diate de ses manifestations symptomatiques doit résider infailliblement dans l’état d’alté- ration pathologique de l’armature nerveuse. Ainsi donc, les signes de la névrose doivent consister dans les seules manifestations aber- ratives de la vie fonctionnelle, par exemple la viciation des absorptions , exhalations et sécrétions, tout aussi bien que la perversion des sensations et du mouvement. On s’aper- cevra donc facilement que, pour nous, les névroses ne consistent pas dans les seules af- fections auxquelles on a toujours accordé ce nom , et qu’elles comprennent aussi les trou- bles de toute sorte que caractérise un chan- gement quelconque de la quantité ou de la qualité des liquides sécrétés ou exhalés à la surface des membranes ou dans l’intérieur des organes parenchymateux, par exemple sur les membranes muqueuses , séreuses et cuta- nées , dans le rein, le foie, le pancréas, etc., depuis l’absence totale de l’exhalation habi- tuelle jusqu’aux exhalations ou sécrétions les plus excessives, y compris celle du sang. Les symptômes de la fièvre consistent dans la perturbation des phénomènes circulaires dont se compose la vie des organes intérieurs, plus particulièrement soumis à l’influence des nerfs de la vie organique. Ils sont des phéno- mènes de pure névrose, surtout dans la fièvre erratique et dans ses commencements, à cela près qu’ils se font remarquer en parcourant l’économie entière au lieu de se borner comme la névrose à l’occupation d’un seul organe. On peut avoir à porter un jugement sur l’af- fection erratique dans des circonstances très variées; par exemple : dès le début ou dans un temps très rapproché du début; pendant la marche, après quelques semaines, quelques mois ou plusieurs années ; après la tranforma- tion de la maladie en d’autres maladies aiguës ou chroniques, et quelquefois même après la terminaison par la mort ou la santé. Nous rattacherons à ces points principaux ceux de moindre importance, comme le temps des ac- cès, des inlermissions, des exacerbations et des rémissions. Au début. Les maladies erratiques peu- vent toujours être divisées en deux espèces ; l’une légère, difficile à reconnaître par les malades eux-mêmes, et souvent ignorée du médecin à cause de la faiblesse et de la briève- té de ses manifestations pendant l’accès ou l’exacerbation. Cette espèce peut être facile- ment prise au début pour l’espèce la plus lé- gère des affections éphémères- L’autre espèce, intense et bien tranchée, se confond plus fa- cilement avec les maladies éphémères intenses ou les maladies persistantes d’espèce aiguë. Elle n’est pas plus dangereuse que la premiè- re; elle off re au contraire l’avantage de n’êlre jamais autant ignorée par les malades, qu’elle oblige de bonne heure à nous demander des soins. Elle se distingue des affections éphémè- res intenses par le peu de disposition qu’elle montre à perdre de son intensité à mesure qu’elle avance dans sa marche. L’espèce légère, malgré sa faiblesse qui la fait souvent méconnaître, n’est pas moins te- nace pour cela , car c’est elle qu’on voit tou- jours durer le plus longtemps par faute d’être convenablement traitée. Elle est difficile à distinguer d’avec les affections éphémères, parce qu’ellediffère à peine, danssespremières manifestations, de ces petits accidents qui nous sont familiers et sont presque inséparables de la vie normale, même pendant la santé la plus incontestable. On pourra distinguer l’affection erratique assez promptement néanmoins en ce qu’elle persiste au delà de toutes les bornes que peut atteindre la durée désaffections éphé- mères. On s’apercevra dès les premiers jours de sa disposition à conserver toute l’intensité de son début et même à s’accroître sous l’in- llucnce des causes hygiéniques douées de quel- que activité. Il ne faut pas manquer cette occasion de si- gnaler les affections éphémères comme la par- tie des écarts de la vie fonctionnelle normale la plus voisine, par ses caractères, des manifes- tations de la vie normale. Elles sont propres à éclairer l’étude des affections chroniques au même titre que celles-ci les maladies aiguës. En y réfléchissant, on verra que la différence de leurs caractères véritablement utiles pour l’établissement du diagnostic et du pronostic est parfaitement tranchée : tels sont le défaut de persistance et le peu de disposition qu’elles montrent pour s’accroître spontanément, la facilité qu’on trouve à diminuer leur intensité par la seule direction favorable des influences hygiéniques, leur affaiblissement graduel et même la guérison spontanée le plus souvent aprèsun premier accès, et enfin leur remplace- ment presque immédiat par une autre affec- tion éphémère après la guérison. D’un autre côté, le caractère particulier des symptômes est absolument le même dans les affections erratiques et les affections éphémè- res, et c’est là précisément ce qui fait la clifii— cultéde les distinguer entre elles à la première vue. On pourrait signaler les manifestations fébriles ou nerveuses éphémères dans tous les appareils de l’économie pour les confronter avec celles qui sont persistantes ; ainsi, dans les appareils respiratoire, digestif, génito-urinai- re, le cerveau, la moelle épinière, le système locomoteur et les organes des sens externes; mais il suffira d’en citer quelques-unes appar- tenant à l’une des parties du canal digestif et des voies respiratoires pour les faire recon- naître. N’est-il pas évident, en effet, pour tout mé- decin qui s’observe cl qui passe nécessairement sa vie à s’occuper de la santé des autres, que toujours, même chez les personnes dont le mé- canisme fonctionnel paraît le plus harmonieux, on peut constater l’existence de quelque ai- fection éphémère; tels sont les divers enduits de la langue, l’érection exagérée des régions papillaires de cet organe, les saveurs étranges ou désagréables produites le plus souvent par la viciation des matières sécrétées sur la mem- brane muqueuse, la rareté, l’excès de sécré- tion salivaire ou sa perversion, la raideur et la sécheresse de l’epithelium des lèvres, l’enduit des gencives, des amygdales, et surtout de la paroi postérieure du pharynx, le serrementou la sensation d’un morceau qui se serait arrêté dans l’œsophage, etc. Dans l’appareil respiratoire, tous les signes du catarrhe nasal commençant, les altérations de la voix, la sécrétion trop abondante des tubes aériens, la sensation de froid ou de cha- leur sous-sternale, une douleur intense ou la simple impossibilité de conduire l’inspiration jusqu’à son degré le plus étendu, etc. Nous n’avons pas besoin, pour rendre complet le ta- bleau desaffectionséphémères lesplus fréquen- tes, de mêler à ces phénomènes de névrose les accidents phlegmasiques éphémères, tels que l’herpèsdes narinesetdes lèvres,lesaphthes des joues, l’ulcération du bord libre des gencives, les végétations si fréquentes et si fugaces de la partie postérieure du pharynx, etc., non plus que les phénomènes fébriles, tels que frissons du dos ou d’autres régions du corps, plus ou moins entremêlés ou suivis de bouffées de chaleur,etc. Ces simples accidents delà santé durent quelques heuresou quelques jours chez un sujet, et ceux qui viennent de disparaître ne manquent jamais, lors de leur disparition, d’être remplacés par d’autres accidents de même nature. Cette observation tendrait à faire admettre que la santé ne peut se maintenir, dans notre vie de civilisation si compliquée, sans une altération partielle de quelque fonc- tion, laquelle, d’ailleurs, par sa persévérance en des points variables d’un moment à l’autre, semble servir de balancier nécessaire à la vie individuelle. Indépendamment de la difficulté qu’on éprouve à distinguer entre elles, les maladies erratiques ou éphémères,suivant que l’intensi- té des unes et des autres se rapproche et mas- que davantageleur véritable caractère fugaceou persistant, on doit s’attendre à ne pas toujours distinguer aisément la classe à laquelle appar- tiennent les cas placés parleur intensitépropre, sur la limite des éphémères et des erratiques légères, entre les erratiques et les éphémères intenses, les erratiques entre elles,et peut-être même les éphémères ou erratiques et les affections aigues. Cela n’estpas, il lautledire, fort dangereux dans la pratique ; car, outre qu’avec de l’attention on parviendrait à distin- guer les uns des autres, à peu près tous les cas douteux, ces cas situés surla ligne tracée pour la division ne sont d’abord jamais bien nom- breux. Ensuite les difficultés de la diagnose devant toujours se résoudre par le traitement, il arrive fort à propos que le traitement est le même à peu près dans toutes les maladies qui se ressemblent assez pour être prises les unes pour les autres à leur début. Ceci nous préser- 5 vera toujours d’erreurs pratiques et surtout de retombera ce sujet dans les scrupules si déli- cats des anciennes écoles philosophiques , ou dans le chaos de leurs subtiles dissertations. Le début de l’affection erratique ne peut s’entendre ici, comme dans un ouvrage didac- tique, du premier accès de l’affection, mais d’un certain nombred’accès, suffisant pour éta- blir le diagnostic différentiel entre cette affec- tion et l’éphémère. Presque jamais on ne con- sulte le médecin dans l’affection erratique légère avant que ses caractères ne soientparfaitement tracés, car les symptômes de fièvre ou de né- vrose sont si faibles en certaines occasions que, quand même le malade y ferait attention et quand il ne les confondrait pas avec les acci- dents éphémères, il ne demanderait pas de conseils à son médecin , attendu que son état de maladie lui permet presque toujours de con- tinuer sa manière de vivre habituelle. S’il ar- rivait que le médecin fût appelé pour un pre- mier accès, il devrait même attendre pour éta- blir son jugement que plusieurs accès fussent passés avant de commencer le traitement actif. 11 mettrait seulement le malade à l’abri d’un accroissement toujours possible de la maladie par quelque moyen atténuatif s’il y avait signe de fièvre, etpeut-être quelque léger moyen dé- rivatif ou spécifique s’il y avait névrose locale. Il n’en est pas de même lorsque l’affection erratique jouit d’une certaine activité : les médecins peuvent être occasionnellement con- sultés dès le premier accès, parce qu’il inquiète déjà le malade et peut simuler une invasion de maladie aiguë. C’est encore le cas d’attendre et de pratiquer la méthode expectante, mais avec un peu plus de vigueur. Ensuite, par les ré- missions ou intermissions subséquentes, il sera facile de déterminer le caractère persistant de la maladie. Dans cette affection, lorsqu’elle est fébrile, les accès peuvent avoir toute l’intensité des véritables accès intermittents réguliers ou des exacerbations rémittentes aiguës, excepté que le retour des accès ou des exacerbations se fait inégalement et que les stades sont inter- vertis dans leur ordre d’apparition, ou même quelques-uns totalement supprimés. La ré- mission est toujours beaucoup plus apparente que dans les rémittentes aiguës et très voisi- ne de l’interinission véritable et de l’état de santé. Lorsque l’affection est d’espèce neurique lo- cale, intense, c’est-à-dire consistant, par exem- ple, en vertiges, céphalalgie, oppression, toux sèche, coliques, lumbago, etc., on la distingue difficilement au début d’avec l’affection aiguë. Il en est à peu près de même dans la névrose cum materiâ, le dévoiement, le vomissement, l’hématurie, le crachement muqueux ou sé- reux, l’hémoptysie, etc.; mais cette difficulté n’a guère d’importance pratique, puisque le traitement est le même en cette circonstance dans l’affection erratique et dans l’affection aiguë. On pourrait encore confondre les symptô- mes de ces affections avec ceux de l’accidcnt éphémère intense ; mais le malade connaissant les accidents auxquels il est sujet ou qu’il a déjà plusieurs fois éprouvés, le médecin a beaucoup de chances pour être suffisamment prévenu. Quand même un accident de cette espèce en serait à sa première apparition, il n'y aurait aucun danger à lui faire l’application des moyens curatifs indiqués dans les maladies persistantes. Pendant la marche. C’est pendant la mar- che, c’est-à-dire après l’établissement incon- testable du caractère persistant de l’affection erratique, alors qu’elle ne peut plus être prise pour une affection éphémère, que le médecin est ordinairementconsullé pour les cas d’espè- ce légère. Ces cas sont ordinairement des fiè- vres lorsqu’ils ont duré longtemps; car une affection locale, qui se manifeste avec des sym- ptômes d’une très légère intensité résultant de l’altération d’une portion très bornée du système nerveux, guérit spontanément, ou bien pour l’ordinaire elle s’étend, elle devient une fièvre erratique avec prédominance des symptômes dans l’organe primitivement affec- té, ou bien encore elle se transforme en une affection neurique locale plus intense. La fièvre erratique légère se fait remarquer par les malades beaucoup plus manifestement aux époques d’intermission ou de rémission que pendant ses courtes exacerbations ou ses accès dont ils s’aperçoivent à peine. Les accès se bor- nent le plus souvent à de très courts et très légers mouvements de frisson, de chaleur ou de sueur, lesquels sont ordinairement plus sensibles aux malades par leur réunion à des symptômes locaux lorsqu’il en existe de prédo- minants que par leur manifestation caracté- ristique; tels sont la céphalalgie, des étour- dissements, des selles liquides, la colique, la cécité, des douleurs musculaires perçantes,etc. Le malade reconnaît bien plus aisément son état de maladie et le besoin qu’il a de se guérir à l’observation des symptômes de l’inlermission et de la rémission, suivant que sa maladie est intermittente ou rémittente. Il ressent, hors le temps des accès, de la courba- ture ou delà faiblesse dans une partie du sys- tème locomoteur ou sa totalité ; c’est l’ac- compagnement ordinaire de cette maladie si longtemps qu’elle puisse durer. Il y a toujours un léger amaigrissement ; la peau n’a pas sa couleur habituelle, elle est plus ou moins jaune, ou pâle, ou livide; elle est généralement plus chaude et sèche; quelquefois elle est plus froide. Il y a quelquefois des régions de peu d’étendue qui sont constamment brûlantes ou d’une moiteur insolite; d’autres fois le malade ne parvient que difficilement à les réchauffer. Il y a presque constamment aussi quelque al- tération permanente dans les fonctions de l’un des grandsappareils splanchniques, le plus sou- vent dans celles de l’appareil digestif, depuis le simple trouble des deux organes sensitifs an- nexés au canal alimentaire jusqu’à celui des fonctions du gros intestin. Le médecin, au lieu de s’attacher à l’obser- vation des symptômes qui frappent l’attention des malades elles tourmentent davantage, doit 6 chercher à découvrir les caractères généraux de l’affection ; il doit s’enquérir avec soin des temps d’accès et d’exacerbation pour savoir si l’affection est intermittente, rémitlenteou con- tinue. Il faut ordinairement pour cela qu’il cheiche dans la mémoire des malades tout ce qui peut ressembler aux exacerbations ou aux accès; caril a bien rarement l’occasion d assis- ter à leur venue, tant ils sont fugaces et irré- guliers. Il s’agit d’abord de savoir, lorsqu’on est con- sulté pour un cas d’affection indéterminée,si les malades éprouvent plus de malaise à certaines heures de la journée qu’à d’autres heures ; car ils en ont très rarement fait la remarque eux- mêmes dans l’affection la moins intense, quoi- qu’elle ait duré des mois entiers. Ce malaise, qui correspond au temps de l’accès, a le plus souvent lieu le soir ou le malin, quelquefois au milieu du jour, et même assez souvent il a lieu plusieurs fois par jour. Il y a des cas où l’accès se développe pendant la nuit et même pendant le sommeil. Il y a des gens qui s’é- veillent avec du frisson, de l’ardeur en quel- que partie du corps ou dans louteson étendue ; quelques-uns sont couverts de sueur. On en voit qui ressentent en s’éveillant des coliques ou des douleurs de tête qu’ils se rappellent fort bien avoir ressenties pendant qu’ils dor- maient encore. Une fois qu’on a reconnu d’une manière évidente le caractèrerémittentou franchement intermittent de l’affection erratique légère, les caractères fébriles ne sont pas très difficiles à découvrir s’ils existent, car il suffira de savoir s’il y a quelque signe d’existence de l’un des trois stades de la fièvre pour la caractériser : frisson, chaleur ou sueur. Il est bien entendu qu’on devrait encore donner à une maladie le nom de fièvre quand même l’accès fébrile se- rait précédé par un accès de névrose locale très circonscrite. Ces cas ne sont pas rares, et bien souvent même, dans les fièvres intermit- tentes régulières, comme on sait, l’accès fé- brile est précédé par de la céphalalgie, un vo- missement, etc. Il serait difficile de se guider exclusivement sur les modifications du pouls à l’époque des accès, car il est quelquefois d’une lenteur ex- traordinaire, ainsi que nous l’avons souvent observé chez les adultes, et il peut aussi s’éle- ver de 36 battements par minute jusqu’à 150, ou rester fixémentà72. 11 faut s’aider néces- sairement de tous les symptômes accessoires qui accompagnent et suivent les sensations anormales ressenties dans la région cardiaque, la coloration et la température de la peau , le reflet métallique jaune ou violet de la cornée transparente, l’accroissement du malaise mus- culaire général, les douleurs ou sensations anormales qui se succèdent dans les cavités splanchniques, et le trouble des sécrétions ou exhalations, quelle que soit la rapidité du pas- sage de ces divers phénomènes en parcourant la chaîne des ganglions splanchniques, quel- que irrégularité qu’il y ait dans leur marche. Il est très difficile de distinguer la rcmitten- 7 ce de l’intermittence dans les lièvres erratiques tant intenses que légères, mais surtout du ns celles-ci, à cause du peu de différence qu’on trouve entre les caractères de l’intermission et ceux de la rémission. Il n’est pas nécessaire de s’en préoccuper bien sérieusement; car, ex- cepté les cas très rares où l’inlermission est presque pure, le traitement doit commencer de la même manière dans tous à peu près, c’est-à-dire qu’on doit toujours leur appliquer celui que nous indiquerons pour la fièvre ré- mittente dans son commencement. Il faut encore rattacher à la fièvre erratique légère les cas de maladie erratique ancienne dans lesquels lescaratères de la névrose ont été tellement prédominants que les malades n’ont tenu aucun compte des symptômes fébriles, si ce n’est à de longs intervalles et dans les mo- ments où la maladie a subi des transformations ou des augmentations momentanées. L’affection erratique d’espèce intense est in- finiment plus susceptible que la précédente de se transformer spontanément en maladie ré- mittente aiguë, et, par une perturbation insuf- fisante, en maladie erratique légère. Elle a presque toujours une durée très courte, c’est ce qui la rend beaucoup plus rare en tout que celle dernière.Il arrive pourtant assez souvent, depuis quelques années, qu’on a l’occasion d’observer des névro»es ou des fièvres de cette espèce, alors qu’elles ont déjà duré quelques semaines et même un temps plus long sans qu’elles aient subi des transformations en ma- ladies plus graves. Cela se voit pour l’ordinaire chez les gens très bien constituésqui ne peuvent prendre un soin convenable de leur personne. L’affection erratique intense se distingue fa- cilement de l’erratique légère en ce qu’elle a des manifestations très tranchées ; ses accès sont plus longs et plus forts ; ils tranchent da- vantage sur les intermissions et les rémissions ; le type intermitteut est le plus rare. L’errati- que intense succède souvent à l’erratique lé- gère, dont elle forme la transition avec l’état véritablement aigu. Elle se distingue de l’affection aiguë par des signes différents, selon qu’elle est une fièvre ou une névrose, selon qu’elle est intermitten- te ou rémittente. Lorsqu’elle est une fièvre in- termittente, ellea des accès presque aussi mar- qués que la fièvre aiguë, seulement leur retour n’a pas la même régularité; les trois stades ne sont pas complets et les anlipériodiques peuvent rarement être donnés avec avantage au débutdu traitement et guérir avec des do- ses aussi légères. Lorsqu’elle est une fièvre rémittente, elle a des exacerbations qui ressemblent souvent à des accès intermittents et sont ordinairement précédées de frisson ; elles sont suivies de ré- missions dont les symptômes sont à peine plus tranchés que de véritables intermissions et ne ressemblent en rien par la violence aux ré- missions des fièvres aiguës ; elles n’empêchent pas toujours le malade de se livrer à ses oc- cupations habituelles pendant leur durée. La névrose erratique intense ctintermittcn- le ne peut se distinguer de la névrose inter- mittente régulière que par la seule irrégularité de ses accès. Elle ne souffre pas non plus im- punément qu’on entame son traitement par les anlipériodiques. L’espèce rémittente n’a pas besoin d’être séparée des névroses aiguës, car le même traitement lui est complètement ap- plicable. Après la transformation. Lorsqu’on est consulté pour un cas de maladie aiguë, il n’est presque jamais indifférent de savoir si elle a débuté directement, ce qui ne laisse pas que d’être excessivement rare à notre connaissan- ce, ou consécutivement à des affections errati- ques plus ou moins anciennes. S’il est bien constant que les maladies aiguës ne soient que rarement primitives, c’est-à-dire sans pro- dromes, y compris même les plus intenses et les plus brusques en apparence, et qu’une certaine durée de l’affection erratique ait pu se développer à l’avance, ou seulement prépa- rer l’évolution de la phlegmasie; si d’un autre côté la phlegmasie chronique dans certains or- ganes est à peu près nécessairement mortelle, comme dans le poumon ou dans le cerveau, il est aisé de comprendre l’immense intérêt qui s’attache à la recherche de l’affection erratique en cette occasion. Le médecin ne doit jamais s’arrêter aux premières réponses du malade lorsqu’elles sont négatives et le moindrement douteuses. Celui-ci, pour éviter nos réprimandes au sujet de sa lenteur à nous taire appeler, quelque- fois pour ne pas manquer à des habitudes de dissimulation qui s’étendent aux choses les plus indifférentes, ou seulement pour échap- per aux fatigues de l’interrogation, semble quelquefois avoir pris son parti de nous laisser ignorer les antécédents. Il faut le pousser et le contraindre à se souvenir, ou les assistants à son défaut, pour que nous puissions établir dans le diagnostic le degré de phlegmasie chronique le plus probable. Il faut chercher à établir cette détermination en dehors même des - ignés symptomatiques actuels par la con- naissance de la durée de l’affection errati- que et de l’état des forces générales avant l’é- volution de la maladie aiguë. Après la terminaison. On peut être obligé défaire en diverses circonstances la recherche des accidents éprouvés par certaines personnes, après la terminaison d’une affection erratique par la santé. Pour le faire avec succès, il faut être bien pénétré de la connaissance des carac- tères généraux de celte affection, afin de ne pas laisser inaperçus les signes d’affections na- turellement obscures , car leur impression s’ef- face après la guérison. Cela n’est point facile après la terminaison parla mort, puisque alors la source principale des renseignements est perdue. Il ne faut pas se décourager cepen- dant, puisque nous pouvons quelquefois re- trouver les traces de l’affection erratique, dont on doit se servir en quelques occasions pour éviter à la justice la recherche de crimes ab- sents. Ces découvertes nousdispenseraientaussi dè bous retrancher, comme on lofait trop sou- vent en cas de mort subite, derrière le mot apoplexie, dont on abuse étrangement, alors même que les derniers instants de l’existence du sujet n’ont offert aucun des signes patho- gnomoniques de cette affection. Prognose. — Le pronostic de l’affection er- ratique se forme particulièrement avec la con- naissance qu’on a des transformations dansles cas particuliers, suivant qu’on abandonne leur marche au hasard, ou qu’on les traite par une méthode quelconque. Les transformations de l’affection erratique sans traitement tendent toujours à s’opérer en élevant les maladies d’un certain degré d’in- tensité qu’elles possèdent jusqu’aux degrésqui leur sont supérieurs. Ainsi les névroses tendent à devenir des fièvres, des maladies intermit- tentes, des maladies rémittentes, et toutes les affections erratiques des affections aiguës. Les transformations ne s’exécutent en sens inverse et il n’y a par conséquent de diminution possi- ble du mal que par le hasard très rare des cau- ses occasionnelles heureuses, par le soin qu’on met à détourner l’action des causes accidentel- les d’une certaine activité, ou par un traite- ment dont on connaît à l’avance l’efficacité. L’ordre que nous venons de tracer dans les transformations est le plus généralement suivi; mais il s’interrompt quelquefois pour laisser une maladie sauter plusieurs degrés en même temps.L’affection peut même s’élever tout d’un coup depuis les cas les plus bénins en appa- rence jusqu’à l’accès pernicieux qui les domi- ne tous par sa gravité. C’est là précisément ce qui constitue le danger capital de l’affection er- ratique dans un pays où la fièvre pernicieuse est rare comparativement. Elle est méconnue fréquemment à cause de l’obscurité des cau- ses, de la multiplicité des formes très diverses qu’elle peut revêtir, parce qu’on accorde une attention trop exclusive aux signes d’affection locale que l’on considère généralement comme cause de tous les désordres pathologiques. Il arrive aussi que la névrose et la fièvre er- ratique se transforment directement en phleg- masie aiguë du point de l’organisme primitive- ment ou principalement affecté; mais ce qu’il faut recommander surtout à l’attention des praticiens, lorsque l’affection a duré longtemps, c’est l’altération chronique et sourde qu’elle produit chez quelques sujets, sans doute pré- disposés, danscertainsorganesou dans l’écono- mie entière : la névrose des voies aériennes et celle du cerveau par exemple, plus souvent encore la fièvre accompagnée de trouble pré- dominant des fonctions de ces organes, quand elles ont une longue durée, déterminent quel- quefois l’altération chronique du poumon ou du cerveau, de façon à produire lentement et d’une manière insensible les altérations qui développent l’arachnitis tuberculeuse ou la phthisie. La fièvre erratique la plus légère, et souvent celle qui succède à des maladies ai- guës, lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’affec- tion locale prédominante, ou que cette affection est peu marquée, produit a la longue une dé- 8 (érioration générale de l’organisme qui se ma- nifeste surtoulparl’hydropisie, générale ou as- citique. Les terminaisons spontanées de l’affection erratique s’effectuent par la mort ou le réta- blissement de la santé. Le retour à la santé peut avoir lieu par le fait seul des révolutions fa- vorables, à la fin des périodes importantes de la vie physiologique, ou par le fait de l’action heureuse et tout-à-fait accidentelle de causes externes très actives se produisant au hasard. On conçoitquelescasde cette espèce nedoivent se présenter que bien rarement et qu’ils restent constamment en dehors des prévisions du mé- decin. La mort peut avoir lieu par épuisement gé- néral des forces de la vie ; mais elle a lieu dans le plus grand nombre de cas avant que la trans- formation ait eu le temps de s’établir, par un mécanisme peu différeut de celui qu’on observe dans la fièvre pernicieuse, c’est-à-dire par une cessation subite de l’innervation générale, sans que la faiblesse générale ou la cessation fonc- tionnelle d’un organe important puisse servir à expliquer l’interruption des actes circulaires dont se compose la vie individuelle. Ce genre de mort a lieu quelquefois au moment même où s’établit une lésion phlegmasique dont on peut retrouver les traces à l’autopsie, telle que l’apoplexie pulmonaire ou cérébrale. On peut déjà voir, par la très grande rareté des guérisons spontanées de la maladie errati- que, par sa tendance à se transformer en ma- ladies de plus en plus graves, quelquefois ir- rémédiables ou mortelles nécessairement, et par les morts subites qu’elle entraîne quelque- fois, combien est grave le pronostic de cette maladie qu’on abandonne si fréquemment à sa marche natnrelle, surtout dans son commence- ment et lorsqu’elle est d’espèce légère. Dans le reste des cas, lorsque les malades sont soumis à un traitement de quelque activi- té, les transformations ascendantes et les ter- minaisons fâcheuses doivent être nécessaire- ment regardées comme le résultat de l’insuf- fisance ou de la nocuité de ce traitement. Il est certain pour nous que les terminaisons mortelles sont aussi nombreuses dans les cas traités par la saignée que dans ceux aban- donnés aux ressources de la nature. Les trans- formations supérieures sont aussi plus rapides sous l'influence de ce moyen, quand elles ont lieu un certain nombre de malades guérit, pendant son emploi, sans que nous puissions en dire la proportion. Ainsi le traitement le plus usité n’a pas sur le pronostic de l’affection erratique une influen- ce bien favorable, puisqu’on peut opposer aux cas de guérison qu’il semble procurer, celle de transformations fâcheuses ou de terminaisons fatales qui s’opèrent au moment même où le sang coule encore, ou peu de temps après la saignée. Indication. L’affection erratique , suivant qu’elle est une fièvre rémittente, une fièvre ou une névrose intermittente, ou bien une simple névrose rémittente, présente ordinairement trois indications différentes à remplir : 1° faire cesser l’altération qui produit les manifesta- tions fébriles rémittentes, ou faire descendre son intensité jusqu’à ce qu’elle se borne à pro- duire de simples manifestations intermittentes ; 2° guérir directement l’altération qui déter- mine la fièvre ou la névrose intermittente ; 3° guérir directement l’altération qui détermine la névrose locale rémittente. Traitement. — Le traitement de la maladie erratique est le même que celui des maladies aiguës, à cela près qu’il exige en général moins de persévérance et d’activité. Il doit presque toujours commencer delà même manière, quelle que soit l’ancienneté de la maladie , ou même la classe dont elle fait partie. En effet, le traitement spécial de la fièvre rémittente doit presque toujours être employé dans la lièvre ou la névrose intermittente avant le trai- tement antipériodique, ainsi que dans la né- vrose intermittente avant de mettre en œuvre les divers spécifiques dont elle est susceptible de recevoir l’application. Traitement de la fièvre rémittente. Il consiste principalement dans l’excitation périodique de la muqueuse intestinale recommencée toutes les douze heures jusqu’à la guérison ou la trans- formation en maladie intermittente. 11 faut ad- ministrer au début de ce traitement une dose de substance purgative chaque heure, 10 gram- mes de sulfate de magnésie, par exemple, jus- qu’à ce qu’on ait produit une première évacua- tion; mais pendant la durée du traitement il ne faut jamais en administrer qu’une seule dose à la fin de chaque période. Il faut joindre au. purgatif la diète sévère et Je repos. On pourra s’abstenir des lotions générales et surtout dans la fièvre rémittente d’espèce légère. (F. Traité de l'épidémie, p. 20û.) Ce traitement doit être continué régulière- ment jusqu’à la guérison complète de la mala- die ou sa transformation. Lorsque la maladie est pure de toute altération phlegmasique, il est rare qu’elle résiste plus de trois jours quand même elle est fort ancienne. Lorsque la transformation a lieu, c’est-à-dire lorsque la fièvre cesse et fait place à la névrose ou bien à une affection intermittente, il s’agit de traiter ces maladies par les moyens qui leur sont pro- pres. Quand même la terminaison n’est pas bien franche, soit qu’il reste quelques accès ou exacerbations de fièvre légère, toujours assez peu réguliers, il faut les considérer comme la lièvre intermittente et leur appliquer immé- diatement son traitement particulier. Lorsque la fièvre rémittente erratique a duré longtemps et qu’elle est pure d’altération phleg- masique, sa guérison par le traitement périodi- que ne se fait pas beaucoup plus longtemps attendre que quand elle est de fraîche date ; mais on peut aire que sa disparition n’est pas la partie la plus essentielle au rétablissement complet de la santé. Dans ce cas, en effet, il reste à guérir le malade de son état de conva- lescence, qu’on peut diviser en deux périodes différentes. La première dure quelques jours et s’accompagne de signes dç névrose éphémère dans les organes qui ont été le plus gravement troublés pendant la lièvre. On vient assez ai- sément à bout de guérir ces accidents par la diète seule, par quelques doses purgatives ou l’administration du sulfate de quinine ; mais le traitement de la deuxième période de la con- valescence est bien autrement difficile à pra- tiquer. Cette seconde convalescence dure des semai- nes et souvent des mois entiers ; elle finit à l’é- poque où les forces proportionnées à l’âge du malade, ses forces possibles, ont eu le temps de se rétablir d’une manière complète. C’est pendant cette convalescence que le malade se soucie le moins d’être sous la tutelle du méde- cin, parce qu’il ne souffre plus et qu’il éprouve un ardent désir de satisfaire des goûts sans cesse comprimés depuis le commencement delà ma- ladie principale. Pendant cette période, le mala- de est fort sujet à des rechutes, et cela tient à la difficulté qu’on éprouve à le maintenir dans les bornes d’un régime hygiénique approprié. Ce régime doit tendre à conserver entre les grands rouages de l’organisme l’harmonie dont eux- mêmes s’étaient déshabitués pendant le cours d’une longue maladie. Lorsque la phlegmasie produite par une af- fection erratique n’est pas d’espèce à paralyser complètement la partie dans laquelle elle siège, ou bien quand elle n’a pas détruit cette partie, ou complètement dénaturé sa texture au point d’empêcher le retour de la composition nor- male, il n’est pas rare que le traitement pério- dique guérisse en même temps l’affection er- ratique et la phlegmasie, voire même en peu de jours, quelle que soit l’ancienneté de ces affections. Il en arrive encore de même lorsque l’altération semble occuper l’organisme à peu près entier, comme dans la leucophlegmatie, l’anémie, l’émaciation, la pâleur et l’affaiblis- sement extrême qui succèdent à des affections erratiques très anciennes et d’espèce légère abandonnées à elles-mêmes ou combattues sans succès. En pareil cas, lorsque le traitement pério- dique a duré 3 à tx jours après la disparition des principaux phénomènes fébriles , malgré la persistance des signes d’inflammation que nous avons signalés, il faut brusquement interrom- pre ce traitement pour donner le sulfate de quinine dans un moment d’apyrexie, même en l’absence des preuves qui constatent suffisam- ment l’existence de l’affection intermittente, et la guérison complète s’effectuera le plus sou- vent dans l’espace de 6 à 8 jours, comme si la phlegmasie n’existait pas. La phlegmasie, au reste, disparaît presque toujours pendant cette seconde partie du traitement, et s’il en restait quelque chose quand ce traitement est à sa lin, la phlegmasie ne guérirait que plus aisé- ment par ses moyens curatifs propres, lors- qu’elle n’est pas encore d’espèce incurable. On ne doit pas toujours commencer le trai- tement périodique de la lièvre rémittente erra- tique par la dérivation intestinale, non plus que idans l’espèce aigue, ainsique nous l’avons dé- jà fait observer dans le livre de l’épidémie ; par exemple, -dans le cas de prédominance d’alté- ration fonctionnelle de l’estomac sous forme d’embarras gastrique, il faut donner l’éméti- que. .Nous ne répéterons pas ici les règles que nous avons indiquées ; il suffit qu’on sache que la fièvre rémittente erratique possède aussi, dans certains cas, des moyens spécifi- ques, lesquels s’appliquent plus fréquemment aux fièvres qui n’ont pas encore duré long- temps. Traitement de la névrose rémittente. La mé- dication spécifique est la base du traitement de celle classe des maladies erratiques. Le plus grand nombre de ces maladies possèdeen pro- pre un ou plusieurs moyens capables d’agir di- rectement sur le tissu nerveux altéré pour le restituer à l’état normal. Cette action cachée qui s’opère sur la composition des diverses parties de la substance nerveuse ressemble à celle que produisent les médicaments spécifi- ques appliqués sur le tissu propre d’organes en- ffammés; elle diffère donc essentiellement de l’action dérivatoire. La médication spécifique n’est pas applicable à tous les cas de névrose, par la raison que les moyens qui conviennent à chaque région ou chaque forme pathologi- que n’ont pas encore été découverts ; lorsqu’ils manquent, au reste, ils peuvent toujours être suppléés par une dérivation périodique intel- ligente, et seulement alors les effets du traite- ment sont ordinairement moins rapides. Les principaux moyens spécifiques dont l’ef- ficacité ne s’est pas démentie dans leur appli- cation à la névrose sont l’émétique, l’ipécacuan- liaj, l’albumine, l’opium et les divers purga- tifs. L’émétique s’applique à la névrose de l’es- tomac connue sous le nom d’embarras gastri- que, à celles du cerveau, du larynx et du pharynx. L’ipécacuanha convient dans les né- vroses de la trachée, des bronches et du pou- mon , quelquefois dans celles de l’intestin, L’albumine est indiquée lorsqu’il y a sécré- tion exagérée d’un point de la membrane mu- queuse du canal digestif. L’opium s’applique avantageusement aux altérations périphéri- ques des armatures nerveuses situées dans le voisinage de la surface externe du corps, qu’on nomme plus généralement névralgies. Les di- vers purgatifs agissent d’une manière spécifi- que et directe sur la muqueuse intestinale en y provoquant l’exhalation, soit dans toute son étendue, soit dans quelques points seulement; ceux qui sont des excitants de la sécrétion la plus étendue s’appliquent plus particulière- ment à la névrose intestinale connue sous le nom d’embarras intestinal. Nous aurions peu de chose à dire pour ajou- ter au traitement des diverses névroses décrit dans le livre de l’Épidémie de 18Z|2 ; nous y renvoyons, nous réservant de revenir sur celui de deux affections immensément importantes, l’une à cause de sa fréquence, savoir : la coque- luche et ses analogues; l’autre par la gravité que lui donne le traitement employé presque généralement : c’est la paralysie. Nous nom- mons la première névrose pulmonaire, parce qu’elle habite le poumon et les bronches, c’est- à-dire que sa cause anatomique réside dans l’armature nerveuse de ces organes, et la se- conde névrose musculaire paralytique. La névrose pulmonaire est, comme on sait, très fréquente chez les sujets de tous les âges, mais surtout chez les enfants; elle se montre dans toutes les saisons, et particulièrement celles qui s’accompagnent de froid et d’humi- dité. Cette affection s’appelle la grippe quand un grand nombre de personnes en sont affec- tées à la fois ; la coqueluche quand elle attaque les enfants et non les adultes ou les vieillards, quoiqu’elle offre chez tous les mêmes caractè- res généraux. Elle n’acquiert d’ailleurs le plus souvent ce titre de coqueluche, même chez les enfants, que quand après un à deux septénai- res elle a perdu la faculté d’être enrayée dans sa marche. Cette affection expose cependant les malades à tous les orages des phlegmasies aiguës ou chroniques du tissu pulmonaire et pleural, de la muqueuse des voies aériennes et des glandes lymphatiques du thorax. Elle amè- ne aussi l’altération chronique irrémédiable des ganglions et autres tissus nerveux de la poitrine, laquelle est une cause de névrose trop souvent incurable des organes respiratoi- res et du cœur. La névrose pulmonaire et la diarrhée sont les deux affections auxquelles succombent la presque généralité des enfants qu’on n’élève pas; elle cause la mort directe- ment ou par suite de transformations en des affections graves. C’est la névrose pulmonaire qui,par toute sorte de troubles qu’elle peut ame- ner dans l’économie, met le plus d’entraves au développement du premier âge. C’est elle qui détermine le plus grand nombre de phthi- sies, de pleuré-ies et pneumonies chroniques chez les adolescents et les adultes ; elle est en- fin la source ordinaire de l’asthme et du catar- rhe chronique chez les adultes et les vieillards. La névrose pulmonaire se distingue souvent, dès le début, de la névrose trachéale, bronchi- que et laryngienne en ce que ses manifestations sont plus étendues et par conséquent plus in- tenses. Elle tend généralement moins que les autres à produire une augmentation d’exhala- tion séreuse ou muqueuse ; elle produit plus de toux, plus de douleur et plus de suffocation. Elle ne débute pas toujours directement, elle succède assez souvent à d’autres névroses des voies aériennes ; d’où il résulte qu’on doit se délier de celles-ci presque autant que de la co- queluche dans les temps où prédominent les affections des voies respiratoires sous forme de petites épidémies. La névrose pulmonaire doit être combattue dès qu’on la Voit paraître, car elle se transfor- me promptement en fièvre rémittente pulmo- naire erratique et en phlegmasies des diverses régions de l’appareil pulmonaire. Elle ne peut être arrêtée complètement dans sa marche que dans les trois ou quatre premiers jours ; ainsi le traitement doit être mis en œuvre dès que le diagnostic est formé ; plus tard on ne pourrait plus obtenir par la méthode périodique autre chose que de la fixer dans un état stationnaire 11 le procédé que nous indiquons n’est pas dou- teuse ; elle se fait attendre quelques jours seu- lement, à moins qu’il n’y ait transformation inférieure. Il en est encore à peu près de même lorsque le traitement commence à des époques plus éloignées, pourvu que les altérations phleg- masiques n’aient pas encore paru; seulement alors les transformations inférieures sont plus probables que la guérison. Lorsque la névrose se complique de phleg- masies chroniques non irrémédiables, comme celles du catarrhe, ou même lorsque des phleg- masies plus graves ne peuvent être bien dé- montrées et ne sont que probables, ce qu’il y a de mieux à faire est encore de traiter le ma- lade par les moyens que nous venons d’indi- quer. Dans le cas où la phthisie est seulement à l’état de soupçon, il arrive quelquefois que fe soupçon s’évanouit au bout de quelques jours. A plus forte raison, quand la membrane mu- queuse seule est enflammée, le traitement peut- il être aussi efficace que dans la simple né- vrose. Quelquefois il arrive que la guérison s’opère très lentement ou bien qu'elle reste in- complète ; alors, au lieu de continuer le traite- ment d’une manière indéfinie pour combattre les accidents qui persistent, tels que delà toux, ou des sécrétions anormales, de la difficulté ou de la douleur dans l’inspiration, une hé- matose incomplète, il faut employer la dériva- tion continue et circonscrite de la peau du dos en y développant des pustules qu'il ne faut pas se lasser d’entretenir ou de renouveler jusqu’à guérison complète, à moins qu’on n’applique des vésicatoires volants successifs. Névrose musculaire. Cette affection, soit qu’elle ailla forme d’une douleur, d’une con- vulsion ou d’une paralysie, tient sans doute à une altération de même nature ou de nature peu différente du système nerveux ; car ces trois espèces se transforment très facilement les unes dans les autres et se trouvent bien souvent mêlées. Il est bien entendu que l’altération dans la simple névrose, telle que nous l’entendons, ne saurait être une destruction, une atrophie, ni aucun état irrémédiable de la composition des tissus nérveux. 11 ne sera pas question ici des convulsions ni de la névralgie plus au long que nous ne l’avons fait dans le traité de l’épidé- mie ; nous insisterons seulement sur le traite- ment de la forme paralytique, parceque, depuis 18Ù2, nous avons eu l’occasion de rencontrer des faits qui prouvent de plus en plus ce que nous en avons dit, et que la paralysie, surtout à son début, ne tient pas en toute occasion, ain- si qu’on le pense presque généralement, à des altérations graves du tissu de la moelle verté- brale ou du cerveau. Cette affection, à la vérité, semble conduire rapidement les enfants et les vieillards à des affections plus fâcheuses. L’altération qui l’ac- compagne a beaucoup de disposition à s’éten- dre et surtout à devenir plus profonde et plus incurable chez eux , sans être encore fort in- nocente chez les adultes; mais elle n’est pas du tout irrémédiable pour cela dans ses commen - qui ne pourrait céder complètement lui-même avant deux ou trois septénaires. Le traitement de la névrose pulmonaire doit débuter chez les enfants et les adolescents à peu près de la même manière qu’il sera continué, par l’administration du sirop d’ipécacuanha émétisé. On doit donner d’abord une cuillerée à café de ce médicament de cinq en cinq mi- nutes jusqu’à ce qu’il y ait un vomissement ou une selle; puis, à la fin ou au commencement de la période diurne suivante (selon l’époque à laquelle on a commencé), on administre une seule cuillerée à café du même sirop. Tous les jours, jusqu’à la disparition du mal ou sa trans- formation, on continuera de donner la même dose du même médicament au commencement ou à la fin des mêmes périodes. Chez les en- fants, on peut en donner une dose pendant le cours de l’une de ces périodes ou pendant les deux, en observant de la donner toujours aux mêmes heures. Lorsqu’on n’en donne qu’une supplémentaire, il faut toujours choisir la pé- riode dans laquelle les quintes de toux sont le plus fréquentes et le plus longues. Chez les adultes et chez les vieillards surtout, on peutcommencer le traitementparl’émétique pur. Lorsqu’on emploie le sirop émétisé, il faut en doubler la dose à chaque prise pour la pre- mière administration ; car, sans cela, quelques personnes en prendraient des doses énormes sans avoir l’évacuation première. Pour les do- ses périodiques suivantes, il faut étudier l’idio- syncrasie du sujet qu’on traite, parceque deux cuillerées à café superpurgent quelques per- sonnes ou les font vomir chaque fois, et que d’autres n’ont pas assez d’une seule pour pro- duire les effets spécifique ou dérivatif obligés. Chez les malades, quel que soit leur âge, le sirop émétisé fatigue quelquefois le canal di- gestif, lorsqu’on est obligé d’en continuer l’u- sage un peu longtemps, dans les cas où le trai- tement a commencé plus de trois ou quatre jours après le début; alors le traitement est quelquefois inefficace, et les évacuations sont nulles. Dans ces circonstances, il faut rempla- cer le sirop par une dose purgative périodique, dût-on la remplacer elle-même ensuite par le sirop émétisé, s’il redevenait mieux indiqué plus tard. On sait que la périodicité des quin- tes n’est pas bien rare dans la coqueluche; or, ce traitement favorise beaucoup l’établissement delà périodicité; quand donc l’atténuation du malade a été poussée jusqu’à un certain point et qu’on ne redoute plus l’existence cachée de phlegmasies sérieuses ou de la fièvre, on peut brusquement substituer au traitement demi- spécifique et demi-périodique de la maladie l’administration du quinquina. Il n’est pas né- cessaire de dire que si l’on ne veut pas s’expo- ser à perdre tout le fruit de cette première mé- dication, la diète doit être observée régulière- ment jusou’à ce qu’on croie devoir administrer l’antipériodique. Elle doit être complète les pre- miers jours chez les très jeunes entants comme chez les adultes. Lorsqu’on est appelé moins de quatre jours après le début de la névrose, la guérison par cements, pas plus chez les uns que chez les au- tres. La névrose est peu différente, soit qu’elle s’accompagne ou non de fièvre. Dans le pre- mier cas, elle est seulement un peu plus dan- gereuse, parce qu’elle est plus active. Lors- qu’elle est intermittente, elle doit être considé- rée comme les autres névroses de même type et traitée delà même façon. Ainsi nous entendons parler ici de la névrose musculaire paralytique sans fièvre ou avec fièvre légère, erratique comme elle. Nous avons vu cette affection oc- cuper un côté de la face, quelquefois la langue y comprise. Nous l’avons vue s’attaquer à un seul membre; mais plus ordinairement elle occupe une des moitiés latérales du corps ou sa partie inférieure. Elle est rarement subite et sans prodromes; presque toujours la courbature ou des frissons erratiques la devancent de quel- ques jours. Elle affecte rarement à la fois le sentiment et le mouvement. Sa marche crois- sante est assez rapide; cependant, chez les adul- tes, elle est susceptible de s’arrêter ou de se bor- ner sans qu’on ait à craindre l’altération phleg- masique incurable des tissus nerveux, même dans l'espace de quelques mois. Chez les enfants, elle est plus rarement exem- pte de fièvre et elle se transforme facilement en phlegmasie cérébrale.Chez les vieillards, elle a de la disposition à s’étendre beaucoup en peu de jours et n’entraîne pas nécessairement une fièvre sensible, malgré sa disposition à devenir alors irrémédiable. Chez les uns et les autres, il faut toujours se défier d’annoncer un pronostic favorable, à moins qu’on ne soit consulté dans les trois premiers jours ou plutôt dès le début de l’affection. Le traitement doit commencer dans tous les cas par l’administration de l’émétique, et ne dif- fère en rien, après cela, de celui des autres af- fections erratiques rémittentes. Nous avons gué- ri de ces maladies dans les circonstances favo- rables en trois jours de traitement; mais nous n’avons jamais manqué de faire succéder l’em- ploi du sulfate de quinine au purgatif périodi- que, soit que la première partie du traitement ait été suivie ou non de retour complet des mouvements. 11 faut employer ce traitement, au hasard de rencontrer une résistance par le fait de l’altération profonde de la substance ner- veuse, alors même que la paralysie aurait per- sisté chez un adulte à l’état stationnaire pen- dant plusieurs mois et même des années. Nous ne connaissons pas de méthode qui présente d’aussi belles chances de guérison lorsque la guérison est possible, c’est-à-dire l’affection ré- cente ; car alors le succès est certain comme dans les névroses moinsdangereuses. Celte mé- thode est encore la meilleure quand l’affection est ancienne, chez les adultes et même chez les vieillards, car elle peut servir à prolonger l’existence. Lorsqu’on regarde la paralysie comme le ré- sultat d’une phlegmasie grave du système ner- veux cérébral ou de la moelle épinière et qu’on pratique des saignées locales ou générales, la guérison peut s’effectuer dans ccriajuscas ; mais nous avons vu ce moyen déterminer l’augmen- tation des symptômes, prolonger indéfiniment la maladie chez les adultes qui résistent le mieux et causer une mort instantanée chez quel- ques sujets. Traitement de l'affection intermittente. — Il consiste surtout dans l’administration des moyens antipériodiques, et cependant il doit débuter à peu près de la même manière que celui des affections rémittentes, comme pour ajouter aux preuves de l’unité qui règne dans l’affection erratique. Ainsi la fièvre et la névro- se intermittente doivent être traitées d’abord par l’émétique ou tout autre spécifique indi- qué, comme nous l’avons dit au Traité de l'é- pidémie. Lorsqu’il n’y a pas d’indication spé- ciale pour l’administration de ces moyens, on est toujours obligé de commencer le traitement par l’administration du purgatif périodique em- ployé pendant un jour ou trois jours, suivant les circonstances. 11 faut excepter les cas où l’affection est d’espèce légère et très voisine de l’intermittente régulière par l’ordre qui règne dans le retour des accès. L’affection intermittente et son traitement sont décrits,dans l’ouvrage cité,d’une manière assez complète. Nous n’avons rien à dire de plus sur ce sujet, et nous nous arrêtons pour ne pas devenir coupable de répétition mani- feste. On trouvera dans le recueil d’observations du livre de l’épidémie de 48A2 des exemples nombreux d’affections éphémères. On y trou- vera toutes les formes de l’affection erratique, dans la description des phénomènes qui pré- cèdent ce qu’on nomme le début des maladies aiguës, toutes les fois que nous avons pu re- cueillir les antécédents depuis l’invasion véri- table. On y trouvera , depuis le n° 419 jusqu’au n° 434 en particulier, des faits intéressants de maladies erratiques de longue durée, promp- tement guéries par la méthode périodique. Chez quelques-unes cette méthode a été mise en usage après que la série des moyens ordi- naires avait été complètement épuisée sans succès; chez quelques autres maladies, après qu’elles curent été considérablement aggra- vées et comme créées par ces moyens , par exemple au n° 434. Chez le plus grand nom- bre, enfin, au moment où elles venaient de se transformer en maladies aigues de la plus grande gravité. Tout cela ne saurait prouver que nous re- doutions en rien d’attaquer les maladies chro- niques assez graves, 1° pour compromettre la vie des malades plus ou moins immédiate- ment, par des accès pernicieux, comme an n° 421 ; 2° pour se transformer d’un moment à l’autre en affections aiguës; 3° pour devenir insensiblement des affections organiques chro- niques irrémédiables , telles que le cancer, les tubercules, l’hydropisie, l’aliénation mentale, comme au n° 425 ; 4° pour éterniser les souf- frances ou l’incapacité des malades que la thérapeutique ordinaire est trop souvent im- puissante à guérir et meme à soulager. 11 de- 13 viendra par la suite, vraiment indispensable de distinguer entre la gravité et Vincurabilité ! Cela pourrait servir à prouver uniquement que nous n’avons pas trouvé de moyen pour guérir, parmi les maladies chroniques, la phthisie confirmée ni le cancer constitution- nel, et que si nous refusons de promettre leur guérison, nous savons distinguer leur pronos- tic de celui de l’affection erratique. C’est même pour cela que dès le commencement de notre travail, nous avions nettement retran- ché du cadre des affections chroniques le très petit nombre de celles qui se compliquent d’altération grave du tissu des organes. Tout cela prouve de plus en plus combien il importe de trouver des moyens curatifs moins dangereux et plus sûrs que ceux de la science actuelle contre les maladies de la première espèce, lesquelles sont immensément plus nombreuses que les autres et servent ordinai- rement à les développer. Cela prouve encore que la médecine actuelle néglige trop long- temps de diagnostiquer et de guérir les mala- dies commençantes, qu’elle désespère bien avant le temps de la curabilité des maladies chroniques, quand elles tardent à se transfor- mer en affections aiguës ou bien en maladies organiques faciles à diagnostiquer et vraiment incurables. Nous aurons bientôt une excel- lente occasion de développer les causes de ces erreurs et de signaler plus clairement leur danger. Aux faits du recueil précité nous allons en ajouter quelques-uns plus récents, réservant à la publication prochaine d’un nouvel article quelques faits analogues par la gravité dans l’ordre de la paralysie, chez lesquels la guéri- son s’est effectuée par le même procédé théra- peutique et avec le même succès. Obs. 1, — 13 mars 1846. — Madame L., cin- quante-huit ans, jardinière, intelligente, calme, beaucoup d’embonpoint.—Depuis sept semaines, courbature, frissons, chaleurs et sueurs erratiques, céphalalgie rémittente, à exacerbations fortes et ir- régulières, anorexie, ardeur en urinant. — Depuis 15:jours, augmentation des accidents et surtout de la céphalalgie, œdème. — Depuis 9 jours, hallucina- tions qui n’empêchent pas la justesse de la plupart des opérations de l’esprit et surtout des réponses aux questions ; frisson l’après-midi, travail habituel. —Aujourd’hui, le même délire, air étonné, pupilles contractées, reflet métallique des cornées, frontal- gie intense, peau jaune, sèche et chaude, enduit de la langue épais, jaune à la base, amer, anorexie sans nauséés, selles naturelles, 120 pulsations (émé- tique, Sedlitz matin et soir, diète). — Le 14, point de délire ni de frisson, moins de céphalalgie, pouls à 80, appétit (Sedlitz bis, diète). —Le 15. Hier, point de fièvre, un peu de céphalalgie au milieu de la nuit.—Aujourd’hui, peau fraîche, 72, sans œdè- me ; la langue se nettoie, rose à la pointe ; l’appétit augmente (suif, de quinine, 0,60; bouillon). — Le 16, Hier, sommeil sans interruption pendant la nuit, selle naturelle, amaigrissement rapide, accroisse- ment de l’appétit (suif, de quin., 0,60). Le 17 et les jours suivants, on diminue le médicament de 0,10 à mesure qu’on augmente l’alimentation, et le 25 la guérison est complète, Obs. 2. — Octobre 1846, madame D..., mar- chande charcutière au faubourg Montmartre, brune, colorée, forte, active, appétit vigoureux.— En mars 1845, hémorrhoïdes très douloureuses. — En mai, inquiétudes, veilles et fatigues considérables qui déterminent de l’œdème au ventre et aux membres inférieurs.—Pendant les six mois suivants, malaise général, faiblesse augmentant beaucoup par accès et se traduisant par un besoin impérieux d’aliments que l’on s’efforce de calmer par des repas vraiment homériques. Diarrhée, sueurs considérables. La malade continue son travail, consulte des charla- tans et ne se décide à garder le lit que quand il est survenu une éruption générale très rouge, de la lièvre manifeste et une augmentation considérable de l’œdème. —Alors un médecin très honorable pra- tique plusieurs saignées, donne[des purgatifs, et l’é- tat en général s’améliore, maisl’œdèmes’accroît mal. gré de profondes mouchetures faites aux pieds; le gonflement énorme du ventre cause de la dyspnée, et au mois d’avril 1846 un médecin consultant exige que la ponction du ventre soit pratiquée, quoiqu’on n’y sente pas de fluctuation. L’opération ne donne que du sang et laisse au point ponctionné une sensibi- lité assez vive. Le même médecin pratique des mou- chetures aux jambes. Celles delà gauche s’ulcèrent, l’épiderme s’enlève sur chaque côté dans une éten- due de 20 à 25 centimètres, d’où suinte en abon- dance un liquide séro-purulent.—Les membres in- férieurs et la paroi inférieure du ventre deviennent érysipélateux, la fièvre se rallume, on désespère de la malade, on l’envoie à la campagne. — Le 2 juin 1846, elle nous est confiée. Agitation, crainte de suffoquer, visage livide, peau chaude, moite, 150, langue rouge foncé, enduit épais, appétit très dou- teux, selles nombreuses, nausées ; l’infiltration a gagné vers la poitrine et les bras; le ventre écarte les cuisses et repose sur le même plan qu’elles lorsque la malade s’assied ; son poids est considérable, point de fluctuation, il est douloureux en bas où la peau est érysipélateuse, elle est partout énormément in- filtrée comme celle des membres inférieurs qui sont rouges, durs ; les orteils ont presque disparu avec le pied.La malade fait toutes sortes de traitements à la fois, elle mange beaucoup sans choisir, ainsi des fruits crus, de la charcuterie. Dans la 2e partie du jour et la nuit,la fièvre et l’anxiété sont plus intenses. — Notre diagnostic est celui-ci : fièvre rémittente erratique, œdémateuse , compliquée d’érysipèle chronique (émétique, Sedlitz bis ; diète sévère). —Le 3, hier, vomissements nombreux, cessation instantanée de l’anxiété, moins d’oppression, som- meil plus calme. — Aujourd’hui, visage naturel, langue rose, 120, bien-être (Sedlitz bis, diète). — Ce traitement continué pendant neuf jours , la fiè- vre a entièrement cessé, l’hydropisie diminue, les forces se conservent, l’appétit est modéré, l’érysi- pèle ne dépasse pas, en haut, le milieu des dusses. — On donne quelques aliments, on cesse l’action purgative, et pour guérir l’érysipèle et l’ulcération on prescrit : bain continu de la jambe ulcérée. — L’ulcération guérit en 6 jours de ce traitement, l’é- rysipèle en 15 jours, pendant lesquels l’hydropisie ne cesse de s’amoindrir et après lesquels la malade peut se considérer comme guérie, passer la journée dans son jardin et reprendre ses repas un peu co- pieux. Elle a plusieurs fois beaucoup abusé de la per- mission et chaque fois l’érysipèle a reparu ; chaque, fois on l’a fait disparaître avec le purgatif périodi- que et la diète. Pendant 3 mois la malade a vu gaî- ment disparaître ses proportions colossales ; mais l’intempérance ayant dominé la crainte de la mort, l’hydropisie est revenue au mois d’octobre, époque à laquelle la malade a quitté notre pays. Obs. 3. — 4 mai 1846. — M. V. Boucher, qua- rante-cinq ans, taille peu élevée, charpente hercu- léenne, chagrins, excès. — Depuis six mois, cour- bature, crampes, frissons et chaleurs erratiques, mauvais teint,(amaigrissement, nausées, dévoiement vert, oppression, somnolence le jour, mauvais som- meil la nuit. — Il y a 10 jours, saignée sans amé- lioration. — Depuis trois jours, anasarque. — Au- jourd’hui, pouls petit, 96, ascite, langue jaune, ano- rexie (Sedlitz bis, diète). —- Le 5. Hier, selles abon- dantes, moins vèrtes.— Aujourd’hui, moins d’infil- tration générale, pouls gros, 84, mieux-être géné- ral (Sedlitz bis).— Le 6. Sans fièvre la nuit, sans courbature, appétit (Sedlitz bis, diète). — Le 7, il n’y a plus de liquide dans le ventre, qui est souple, quoique un peu gros ; l’infiltration générale a pres- que disparu ; visage expressif, langue nette et rose, selles jaunes et moins nombreuses, point de fièvre même la nuit (suif, de quin., 0,60 ; bouillon).— Le 8. Sans fièvre, amaigrissement considérable (suif, de quin. 50). —Guérison en quelques jours. Obs. 4. — 10 février 1847. — Mademoiselle T., neuf semaines. Enfant très petit, mère pâle et peu ro- buste, nourrice bien portante, dont l’enfant a neuf mois. Il y a, depuis la naissance, une suppuration de l’ombilic et un écoulement fétide par la vulve; l’en- fant très criard vomit souvent et s’agite beaucoup quand il tète. —Il y a 7 jours, fièvre intense la nuit. — Depuis lors, vomissements plus nombreux, mêlés de bile, selles fétides, soif, amaigrissement rapide, cris fréquents et un peu de fièvre l’après-midi et la nuit, le matin haleine mauvaise. Le médecin ordi- naire pense que la nourrice ne convient pas à l’en- fant; il ne veut pas faire de traitement. Nous disons qu’il y a fièvre rémittente erratique, et nous pres- crivons : émétique, ricin bis, diète, boisson froide. — Le 11, Hier, trois vomissements et deux selles, point de fièvre le soir, sommeil la nuit. — Aujour- d’hui, gaîté, pâleur; la boisson n’est pas vomie, sup- pression de l’écoulement (ricin bis, diète). — Le 12. Hier, de 4 à 9 heures, accès de cris, puis som- meil calme. —Aujourd’hui, bien, appétit (sirop de quinine, une cuillerée à café chaque heure pendant le jour, donner un peu le sein).— Le 13. Hier soir, quelques cris, aujourd’hui retour de l’écoulement vaginal, gaîté (sirop toutes les deux heures).— L’en- fant reste guéri pendant quelques jours, puis les cris et les vomissements reviennent ; il ne veut plus téter ; on change la nourrice, il tette et se porte bien, ce qui prouve que les deux médecins avaient raison. Obs. 5. — 27 mars 1847. — M. A., 12ans, gai, vif, nerveux.—En janvier, il arrive subitement de la faiblesse dans les membres et de la céphalalgie. On donne des bains généraux pendant huit jours; amélioration peu décisive. — Quelque temps après, la douleur revient (vésicatoire à la nuque). —La cé- phalalgie cède et la faiblesse reste (on sèche le vési- catoire, on couvre beaucoup la tête,surtout la nuit).— La douleur revientet continue jusqu’à présent; au- jourd’hui,elle habite le sommet de la tête et s’augmen- te à la pression ; elle est plus forte le jour ; sentiment de faiblesse générale, sueur presque continuelle, peu d’appétit,langue jaune à la base, deux selles par jour. Nous prescrivons(Sedlitz bis, diète, limonade).— Le 28,moins de courbature, appétit,la céphalalgie conti- nue (Sedlitz bis, diète, découvrir la tête nuit et jour). —Le 29, selles nombreuses, peu de douleur (Sedlitz bis).—Le 30.Presque sans douleur, même à la pres- sion(trois bouillons).—Guérison entière le 2 avril;— le il,l’enfant reçoit un coup de poing sur la tête, la douleur revient. — Le 13, on recommence le trai- tement et la guérison se fait en deux jours. Note. En écrivant le traité de pathologie publié sous le nom de Régne épidémique, nous avons eu la pensée d’en retrancher les affections chroniques, dons la crainte que la somme des généralisations sur laquelle il se fonde ne leur fût pas complètement applicable. La réflexion nous a fait voir, après l’achèvement du travail, que nous avions cité dans le recueil d’ob- servations un grand nombre de faits de maladies chroniques, plus ou moins graves ou intéressantes; que, dans la description, nous avions traité de quelques sortes de névroses et de fièvres douées du même caractère de chronicité ; que nous aurions dû satisfaire aux habitudes contractées de distinguer entre les maladies aiguës et chroniques en établissant avec régularité leurs groupes respectifs. Le mémoire actuel a pour objet de remplir cette lacune, et toutefois de réserver encore pour une autre occasion l’examen des affections qui s’accompagnent de modifications graves des tissus, ainsi que nous avons fait pour les maladies aiguës : telles sont l’hypertrophie, l’atrophie et la transformation en squirrhe, tubercules, etc. ; celles, en un mot, que nous nommons nutritives. (.Extrait du Journal des connaissances médico-chirurgicales.) Imprimerie de Cosson, rue du Four-Saiut-Germaiu, 47,