DE L’ALBUMINE ET DE SES DIVERS ÉTATS DANS L’ÉCONOMIE ANIMALE. Par le Docteur MIALHE, Pharmacien, professeur-agrégé à la Faculté de médecine de Paris, ex-pharmacien en chef de l’hôpital St-Antoine, etc. Extrait de l'üiyion médicale, Juillet 1852. PARIS, TYPOGRAPHIE FÉLIX MALTESTE ET O, Rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur, 22. 1852 TABLE DES MATIÈRES. PREMIÈRE PARTIE. Pages. L’albumine ne traverse pas les membranes 5 Expériences avec les membranes de l’œuf 7 Expériences avec les membranes animales 10 L’albumine étant insoluble, a une organisation spéciale. . . 11 Pour devenir soluble, l’albumine doit subir des modifications constitutives 14 Divers états de l’albumine dans l’économie. . 16 DEUXIÈME PARTIE. Influences morbides. 19 Altération des membranes Ibid. Altération des liquides, sang, albumine 21 Passage de l’albumine dans les déjections 24 Passage de l’albumine normale 25 Passage de l’albumine modifiée 26 Maladie de Bright 28 Passage de l’albuminose 39 Choléra 40 Résumé 42 Note de M. Éd. Robin et réponse de M. Mialhe 45 DE L’ALBUMINE ET DE SES DIVERS ÉTATS DANS L’ÉCONOMIE ANIMALE. PREMIERE; PARTIE. § I. Rien n’entre dans l’économie, rien n'en sort sans être à l’état fluide ; pour tous les élémens alimentaires ou non, qui doivent pénétrer dans le système circulatoire, composé de vaisseaux clos de toutes parts, il y a nécessité absolue de dis- solution complète, afin qu’ils puissent mouiller, imbiber, tra- verser les membranes, arriver jusque dans la profondeur des tissus, et là, suivant leur destination définitive, être assimilés, brûlés, détruits, concourir à la formation des organes ou se perdre dans les excrétions. C’est une loi naturelle qui n’admet pas d’exception. Cependant, il est une substance qui, seule, semble échap- per à cette loi : c’est l’albumine. Considérée jusqu’à présent comme soluble, parce qu’elle offre toutes les apparences des liquides ordinaires, elle présenterait cette singulière anomalie de se comporter comme un corps insoluble. Nous nous proposons de démontrer que, contrairement à l’opinion généralement admise, l’albumine est insoluble; que son insolubilité est la conséquence de son organisation et la condition essentielle des fonctions qu'elle est destinée à 4 remplir; quelle doit, pour pénétrer dans l’économie ou pour en sortir, subir des transformations qui la rendent soluble. § II. Tous les auteurs ont pensé que l’albumine était solu- ble et endosmotique. M. Denis seul assurait qu’elle était inso- luble, mais qu’elle pouvait être dissoute à l’aide d’un alcali. Berzélius, en prouvant qu’on peut neutraliser l’alcali sans modifier l’état de l’albumine, concluait qu’elle était soluble par elle-même. M. Dumas dit dans son Traité de chimie, 7e volume, page 455 : « On connaît l’albumine sous deux formes bien dis- tinctes : liquide et miscible à l’eau en toutes proportions, telle qu’on la trouve dans le sang, le blanc d’œuf; solide et tout à fait insoluble, telle qu’on l’observe dans le blanc d’œuf cuit et dans le sang coagulé par la chaleur. » Selon M. Liébig (Traité de chimie organique, t. m, p. 230), le sérum du sang étant évaporé à une douce chaleur, laisse une masse diaphane, dure et friable, qui se dissout de nouveau et d’une manière complète par la digestion dans l’eau; le blanc d'œuf desséché revient aussi à son état primitif lorsqu’il est mis en contact avec l’eau froide. Parmi toutes les dissolu- tions de substances organiques, c’est pour la dissolution d’al- bumine que les membranes animales ont la plus faible capa- cité d’imbibition et d’absorption. M. Dutrochet, dans ses excellens travaux sur l’endosmose et l’exosmose a bien constaté que c’est l’albumine qui exerce l’attraction la plus considérable sur les liquides aqueux, mais il n’a point cherché s’il y avait passage ou non de l’albumine à travers les membranes. M. Matteucci, qui s’est livré avec tant de succès à l’étude des phénomènes endosmotiques, dit que le passage de l’albu- mine à travers les membranes doit être possible, toutefois sans appuyer cette opinion d’aucun fait précis. 5 M. Poiseuille, persuadé que peu de liquides échappent aux lois formulées par Dutrochet, a recherché si le sérum du sang obéissait au double phénomène d’endosmose et d’exosmose, et a conclu de ses expériences qu’il y avait exosmose du sérum à la solution saline de sulfate de soude, de sulfate de magnésie, de sel marin, à travers les membranes animales. § III. Mais si l’albumine était soluble, endosmotique, aussi bien que les liquides aqueux des humeurs animales, elle ne pourrait se maintenir dans le système circulatoire, elle traver- serait constamment les parois des vaisseaux qui la contiennent, se répandrait dans tout l’organisme, et viendrait se perdre dans les produits de sécrétion. Or, c’est ce qui n’arrive jamais dans l’état physiologique : il est parfaitement établi que * les » liquides des excrétions sont les seuls où l’on remarque l’ab- » sence totale de l’albumine (Dumas). » Les liquides albumineux de l’économie animale, échappant aux lois de l’endosmose, se trouvent ainsi dans des conditions différentes des liquides aqueux ordinaires. 1.‘albumine ne traverse pas les membranes. § IV. Pour nous assurer si, dans toutes circonstances, les liquides albumineux se comportaient comme les corps insolu- bles, nous avons expérimenté sur le sérum du sang et sur le blanc d’œuf : dans l’un et l’autre l’albumine présente exacte- ment les mêmes propriétés, précipitant par la chaleur ; par l’acide nitrique, sans pouvoir se dissoudre dans un excès d’acide; par les sels de plomb, de mercure, d’argent ; par la créosote, le tannin, l’alcool, etc. Des tubes de même diamètre (40 à 45 millimètres), fermés d’un côté par un appendice cœcal de mouton, ont été remplis les uns de sérum, les autres de blanc d’œuf battu et filtré. 6 puis plongés dans l’eau pure et dans diverses solutions de sulfate de soude, sulfate de magnésie, phosphate de soude. Dans chacune des expériences, il s’est effectué au bout de six heures passage et mélange des liquides. La chaleur et l’acide nitrique ont déterminé dans tous les liquides extérieurs un trouble manifeste indiquant la présence d’une certaine quan- tité de matière albumineuse. Mais cette matière albumineuse n’était pas de l’albumine normale, semblable à celle introduite dans les tubes ; c’était de l’albumine modifiée, car elle ne coa- gulait pas complètement par la chaleur, et formait avec l’acide nitrique un précipité qui se dissolvait en partie dans un excès d’acide. Ces expériences, répétées un grand nombre de fois avec beaucoup de soin, donnèrent toujours le même ré- sultat. Par sa modification et sa proportion constante, quelle que fût la quantité de sérum ou de blanc d’œuf renfermée dans les endosmomètres, cette matière albumineuse donna lieu dépen- ser qu'elle pouvait provenir des membranes mêmes, qui, par la macération, laissaient écouler les liquides organiques dont elles sont normalement impreignées, et nullement du passage de l’albumine à travers les membranes. De nouvelles expé- riences en donnèrent la certitude : plusieurs anses intestinales de mouton furent lavées et pesées exactement, puis remplies d’eau pure et plongées dans des solutions de sulfate de soude et de sulfate de magnésie ; de sorte que les membranes se trouvaient entre deux liquides non albumineux. Après six heures d’expérimentation, la chaleur et l’acide nitrique décé- laient dans les liquides extérieurs la même matière albumi- neuse, en quantité proportionnelle au poids de l’anse intesti- nale employée. Il a été ainsi rendu évident que la matière albumineuse trouvée dans les expériences précédentes provenait unique- ment des membranes. 7 Expériences avec les membranes «le l’oeuf. § V. Atin d’éviter cette cause d’erreur et de n’avoir aucun produit qui pût dénaturer les résultats, nous avons rejeté les membranes intestinales, et nous avons cherché pour endosmo- mètre une membrane poreuse, point vasculaire, point gorgée de liquides organiques et supportant longtemps la macération sans se décomposer : la membrane de l’œuf nous a offert tous ces avantages (1). Il était d’abord nécessaire de s’assurer que la membrane ovine était bien endosmotique ; à cet effet, un œuf dont la co- quille avait été enlevée à l’un des bouts, et la membrane qui la tapisse conservée intacte, fut plongé dans un vase rempli d’eau ; bientôt la membrane, affaissée avant l’expérimentation, s’est distendue graduellement au point de combler d’abord le vide de la chambre de l’œuf, puis de dépasser le niveau de l'ou- verture de la coquille pour venir faire hernie au dehors ; preuve évidente que l’eau du vase avait pénétré à travers la membrane dans l’intérieur de l’œuf. L’œuf s’est ainsi rempli d’une assez grande quantité de li- quide extérieur : pesé exactement avant l’expérience, puis d’heure en heure après son immersion dans l’eau, il avait acquis grammes. Au bout de 1 heure. ... 0,50 Au bout de 2 heures ... 1 Au bout de 3 heures . . . 1,50 Au bout de 4 heures ... 2 Après cinq heures la membrane se rompit ; l’œuf avait alors 2 grammes 50 centigrammes de poids en plus. L’époque delà rupture de la membrane varie d’après la grosseur de l’œuf et (1) M. Biücke,cité par Valentin dans ses leçons de physiologie, avait déjà employé la membrane qui double la coquille de l’œuf dans des expériences tout à l'ait analo- gues, mais sans arriver à aucun résultat concluant, 8 la résistance de la membrane; elle a lieu, en général, entre la 3e et la 5e heure. Pour rendre plus sensibles ces phénomènes d’absorption, on adapte avec de la cire, au sommet de l’œuf, un tube droit qui communique avec l’intérieur; le liquide, après avoir rempli l’œuf, monte rapidement dans le tube. II ne faut pas mettre en bas de l’œuf une trop grande portion de membrane à décou- vert, autrement elle romprait par la pression : cette membrane peut être efficacement protégée par deux bandelettes de linge qui s’entre-croisent au-dessous d’elle, et n’apportent aucun obstacle aux phénomènes endosmotiques. Il est facile de cal- culer exactement la quantité de liquide ascendant, en le fai- sant déverser par un tube recourbé à mesure qu’il monte. Alors le phénomène n’a d’autre terme que le mélange parfait des liquides soumis à l’expérimentation ou l’altération de la membrane, laquelle peut résister à la macération pendant plus de vingt-quatre heures sans se décomposer. Un œuf, pesant 70 grammes, a déversé de cette manière 25 grammes de li- quide, plus d’un tiers de son poids. La membrane de l’œuf, bien endosmotique pour l’eau pure, l'était-elle également pour différens liquides? Des expériences furent faites avec des solutions de sel marin, de sucre de canne, de glucose, introduites dans l’intérieur d’œufs préalablement ouverts et vidés par un de leurs bouts, fermés à l’autre bout par la membrane laissée intacte après le bris de la coquille; les œufs servant eux-mêmes d’endosmomètres baignaient sé- parément dans des vases remplis d’eau. Dans chacune des ex- périences, le double phénomène d’endosmose et d’exosmose s’est effectué ; l'eau du vase a passé dans l’œuf, la solution con- tenue dans l’intérieur de l’œuf a passé dans le vase, ce dont il a été facile de s’assurer par les divers réactifs qui décélaient la présence soit du sel marin, soit du sucre de canne, soit du glu- cose. 9 Ainsi, l’œuf garni de sa membrane est parfaitement propre aux expériences endosmotiques; organisé lui-même et presque à l’état vivant, il peut être considéré comme l’expression la plus rapprochée des phénomènes physiologiques, établissant en quelque sorte le passage entre la nature vivante et la na- ture morte. § VI. Il a donc été possible de le substituer aux membra- nes animales, sans rien changer aux conditions physiques des expériences par lesquelles on cherchait à constater le passage des liquides albumineux. Un œuf, dont à une seule extrémité la coquille avait été bri- sée et la membrane mise à découvert, fut complètement sub- mergé dans un vase rempli d’eau. Au bout de cinq heures, l’eau du vase avait pénétré dans l’œuf de manière à augmenter son poids de 2 grammes et à déterminer une hernie volumi- neuse de la membrane. Evidemment il y avait eu endosmose, mais y avait-il eu exosmose des substances contenues dans l’intérieur de l’œuf? Oui, pour les matières salines que l’œuf tient en dissolution ; l’eau du vase était devenue alcaline au papier de tournesol et verdissait le sirop de violettes. —Non, pour l’albumine ; jamais, dans des expériences multipliées, les réactifs n’ont pu faire constater la moindre trace d’albumine dans l’eau du vase tant que la membrane n’a pas été rompue. On pourrait objecter que dans l’œuf l’albumine est cloison- née, qu’elle ne circule pas librement, et qu’à cet obstacle était due l’absence du phénomène d’exosmose. L’expérience suivante répond à cette objection : un œuf dont la coquille avait été cassée aux deux extrémités lut vidé complètement, rempli de blanc d’œuf battu et filtré, puis plongé dans l’eau par l’extrémité garnie de sa membrane. Après un séjour prolongé dans l’eau, il n’y a eu, comme dans les expé- riences précédentes, aucun passage de l’albumine. 10 Le sérum du sang remplaça, dans l’intérieur de l’œuf, l’al- bumine battue et filtrée ; les résultats furent exactement les mêmes. Après six et huit heures d’immersion, le sérum avait cédé à l’eau du vase tous ses élémens salins, carbonates, chlo- rures, sulfates, phosphates, qui se reconnaissaient aisément par leurs réactifs particuliers, mais pas un atome d’albumine. Dans aucun cas l’albumine, soit du blanc d’œuf, soit du sérum, n’a traversé les membranes de l’œuf. Expériences avec les membranes animales. § VII. Les membranes animales devaient certainement se comporter comme les membranes de l’œuf et ne point livrer passage à l’albumine. Pour décider complètement la question, nous avons repris les appendices de cæcum avec la précaution d’en empêcher la macération et la décomposition au moyen d’un liquide conservateur, le sirop de sucre. Deux cæcums de mouton, contenant du sang défibriné, ont été plongés l’un dans une solution de sucre, l’autre dans une solution de sulfate de magnésie. Les liquides ont été examinés au bout de six heures ; la solution sucrée essayée n’a donné lieu à aucun trouble et n’a présenté aucune trace de matière albumineuse ; la solution saline a fourni, par l’acide nitrique, un précipité albumineux plus ou moins soluble dans un excès d’acide. Cette différence de résultat ne peut être attribuée qu’à l’action conservatrice du sucre sur les membranes. Les expériences ont été répétées en sens inverse avec des endosmomètres pour plus de précision ; les endosmomèlres contenant dans leur intérieur, l’un une solution de sulfate de soude, l’autre une solution saturée de sucre, furent placés dans des quantités égales de sang défibriné. Au bout de cinq heu- res, il y avait eu endosmose du sérum à la solution sucrée et à la solution saline, mais non dans les mêmes proportions. 11 Dans l’endosmomètre contenant le sucre, la quantité de sérum était trente fois plus grande que dans l’endosmomètre conte- nant le sulfate de soude ; on devait donc, si l’albumine du sé- rum avait traversé les membranes, trouver dans la solution sucrée une quantité de matière albumineuse trente fois plus grande que dans la solution saline; c’est l’inverse qui avait eu lieu : l’acide nitrique déterminait dans la solution saline un notable précipité, tandis que dans la solution sucrée il ne ré- vélait pas trace d’albumine. § VIII. C’est ainsi que nous avons pu découvrir la cause d’erreur qui a entraîné la plupart des physiologistes à admet- tre l’albumine comme endosmotique; si, en dehors des endos- momètres, il existe une certaine quantité d’albumine, nos expé- riences ont péremptoirement établi que cette matière albumi- neuse, albumine modifiée, provenait non d’un phénomène d’en- dosmose, mais de l’altération des membranes mêmes servant à l’expérience, et du déplacement du liquide albumineux con- tenu dans leur tissu. De sorte qu’en se servant de membranes rendues inaltérables par un liquide conservateur, ou de mem- branes résistant longtemps à la macération par leur nature même comme la membrane de l’œuf, on évite absolument cette cause d’erreur, et on acquiert la certitude que jamais, à l’état nor- mal, l’albumine ne traverse les membranes, que par consé- quent elle est insoluble et point endosmotique. l/itlhuiniiic étant insoluble, a une organisation spéciale. § IX. L’insolubilité de l’albumine doit se rattacher à une constitution semblable à celle des substances qui n’obéissent pas non plus aux lois de l’endosmose, telles que la fibrine, la caséine, le cruor dans les animaux, l’amidon et le gluten dans les végétaux; substances reconnues pour avoir une organisa- 12 tion globulaire et être en suspension dans les liquides qui leur servent de véhicule. L’albumine présente, avec ces différens corps, une parfaite analogie; comme eux, elle ne peut pénétrer dans l’économie qu’après avoir subi des modifications qui la rendent soluble ; comme eux, elle a la propriété de se prendre en gelée, sous l’influence des alcalis, propriété capitale qui n’appartient qu’aux substances organisées, car les cellules d’un corps ne peuvent être gonflées par un liquide qu’elles empri- sonnent qu’autanl qu’elles 11e sont pas solubles dans ce liquide. En outre, de même que l’amidon hydraté traité par l’alcool perd son eau et forme un coagulum qui n’est plus apte à produire la pseudo-dissolution désignée sous le nom d’empois; de même l’albumine traitée par l’alcool, se déshy- drate et forme un précipité opaque qui reste insoluble. En vertu d’une réaction analogue, l’albumine, mêlée à un alcali caustique, cède son eau à l’alcali qui se dissout; mais elle ne peut plus, lorsqu’on sature cet alcali par un acide, reprendre son eau d’hydrate, elle reste insoluble et se préci- pite. Par la soustraction de l’eau, l’albumine ne devient pas insoluble; elle perd seulement sa transparence, ainsi qu’il ar- rive pour certains oxydes desséchés; comme l’amidon, elle était réellement insoluble avant ces réactions, tandis que la diastase, la pepsine, l’albuminose et tous les composés orga- niques solubles forment, dans des circonstances semblables, des précipités qui se redissolvent complètement. La similitude de propriétés conduirait donc à admettre à priori pour l’albumine la similitude d’organisation, c’est-à-dire l’état globulaire. § X. L’état globulaire de l’albumine a été signalé par plu- sieurs auteurs : Le sérum du sang, dit Burdach, donne, quand il se décom- 13 pose, de l'albumine coagulée qui se précipite sous forme de masses. Pour M. Bauer, ces petites masses sont des globules qu’il a vus se former et grossir quoique restant toujours beau- coup plus petits que ceux du sang. MM. Dumas et Prévost les ont aperçus dans du sérum qu’ils avaient fait coaguler par la chaleur et le galvanisme, ils en ont même précisé le diamètre. Ce diamètre, du reste, ne serait pas constant, car Treviranus a constaté des globules de diverses grosseurs dans du blanc d’œuf en coagulation. Nous avons essayé de voir ces globules; nous avons obtenu avec l’albumine coagulée les mêmes résultats que MM. Dumas, Prévost, Bauer, etc., mais directement, sans coagulation ni intermédiaire, les globules d’albumine, en admettant qu’ils existent, ne sont point visibles; cependant, l’extrême petitesse et la transparence ne devraient pas faire exclure l’état globu- laire, car les globules du sang, en perdant leur opacité et leur matière colorante par le contact de l’eau , deviennent trans- parens, cessent d’être visibles, et pourtant ne cessent pas d’ê- tre globulaires. Pourquoi l’albumine, à l’état normal, ne serait- elle pas comme le sang accidentellement décoloré par l’eau, pourquoi ne serait-elle pas transparente, mais globulaire? Qu’est-ce, d’ailleurs, que les globules du sang privés de ma- tière colorante, sinon presque exclusivement de la matière al- bumineuse? Ne pouvant apercevoir directement ces globules, nous avons, à l’exemple de M. Baudrimont, fait intervenir l’eau de Baryte; et alors ont apparu de petits corps arrondis, d’une forme régulière, parfaitement circonscrite et d’un diamètre égal à celui déterminé par M. Baudrimont, 1/167 de millimètre pour le blanc d’œuf de poule, 1/200 de millimètre pour le sérum du sang. Avec d’autres solutions salines, ces résultats n'ont plus eu lieu. Afin de préciser si l’eau de Baryte pouvait se présen- ter sous cette forme globulaire, nous l’avons examinée seule 14 au microscope el nous n’y avons jamais distingué que des points irréguliers, anguleux; tandis que l’addition de quel- ques gouttes d’albumine faisaient immédiatement apparaître des corpuscules arrondis, très bien limités, parfaitement sem- blables à des globules, que l’eau de Baryte ne pouvait avoir créés et qu’elle avait seulement rendus visibles par le dépôt d’une petite quantité de carbonate de Baryte, suffisante pour effectuer l’opacité. Nous avons constamment obtenu ces résultats avec une grande netteté; mais comme on peut objecter que tous les corps globulaires de l’économie se voient directement au mi- croscope sans aucun intermédiaire, nous ne regarderons pas (malgré les analogies qui fonderaient à en admettre l’exis- tence) l’état globulaire de l’albumine comme suffisamment dé- montré. Toutefois, en présence des faits physiologiques, il y a nécessité de reconnaître que l’albumine a une organisation spéciale qui la maintient à l’état de suspension et non de dis- solution dans le sérum du sang et le blanc d’œuf, l’empeche de sortir des vaisseaux qui la contiennent autrement que par rup- ture ou altération des membranes, et la rend, pour les pro- priétés physiques et chimiques, parfaitement semblable aux substances globulaires. Pour devenir soluble, l'albumine doit subir des modifications constitutives. § XI. L’albumine, ainsi qu’il a été dit, est soumise aux mê- mes lois de modifications que les substances alimentaires inso- lubles, lesquelles ne pénètrent dans l’économie qu’à la condi- tion d’être transformées en matières solubles et absorbables : ces transformations s’effectuent sous l’influence de lermens spéciaux, et les mêmes réactions chimiques président aux phé- nomènes dénutrition chez les plantes et chez les animaux. 15 M. Payen a prouvé que, pour servir à la nutrition des vé- gétaux, l’amidon devait être changé en dexlrine, puis en glu- cose, par un ferment particulier auquel il a donné le nom de diastase; il a constaté, au moyen d’un bulbe végétal, que seu- lement à l’état de glucose, l’amidon devenait propre à traver- ser les tissus et à être absorbé. M. Mialhe (31 mars 1845) a démontré que, dans l’économie animale, l’amidon subissait les mêmes métamorphoses, qu’il était changé en dexlrine, puis en glucose par un ferment con- tenu dans les liquides salivaires et pancréatiques, diasiase ani- male ou salivaire, et qu’à l’état de glucose seulement l’amidon pouvait traverser les membranes et être assimilé. Cette transformation des matières féculentes est un fait phy- siologique nécessaire, il en est de même pour les matières al- bumineuses (1) : sous l’influence des acides et du ferment (la pepsine) contenus dans les sucs gastriques, l’albumine, le ca- séum, la fibrine, le gluten perdent leur organisation molécu- laire; les acides agissent sur eux comme le broyage et la cha- leur à l’égard des alimensféculens, et les convertissent en une gelée préparatoire; puis la pepsine fluidifie cette gelée prépa- ratoire, et la transforme en une substance parfaitement solu- ble et assimilable, dénommée par M. Mialhe albuminose, parce qu’elle est aux alimens azotés ce que le glucose est aux alimens amylacés. § XII. Dans nos expériences précédentes, nous avons cons- tamment trouvé l’albumine insoluble et impropre à traverser les membranes; mais faisons naître les mêmes conditions que celles qui résultent de la digestion, traitons le blanc d’œuf et le sérum du sang par le suc gastrique du veau ou par la pep- (1) Mialhe : Mémoire sur la digestion et l’assimilation des matières albu- minoïdes, lu à l’Académie des sciences, le 3 août 1846. 16 sine légèrement acidulée, introduisons ces mélanges dans des endosmomètres, et expérimentons en même temps le blanc d’œuf et le sérum sans addition de ferment, avec la précaution de placer le tout dans des liquides conservateurs, tels que des solutions sucrées, afin d’éviter toute cause d'erreur : les solu- tions sucrées contenant les endosmomètres à albumine pure, ne donnent aucun précipité par les réactifs; les solutions contenant les endosmomètres à albumine traitée par le suc gastrique ou par la pepsine acidulée, ne coagulent ni par la chaleur, ni par l’acide nitrique, mais fournissent d’abon- dans précipités par les sels de plomb, de mercure, d’argent, par le tannin, la créosote, l’alcool, réactifs qui décèlent la pré- sence de l’albuminose. Preuve évidente que, par l’effet du ferment gastrique, le blanc d’œuf et le sérum du sang, de même que tous les élé- mens albumineux, subissent une modification constitutive, changent de nature, deviennent solubles et propres à traver- ser les membranes seulement après ces transformations. Divers états de l'albumine dans lréconomie. § XIII. L’albumine, sous l'influence de la pepsine, ne de- vient pas immédiatement aünimïnose, elle passe par un état intermédiaire, de même que l’amidon, avant de devenir glu- cose, est d’abord converti en dextrine. Il résulte que, norma- lement dans l’économie animale, l’albumine existe sous trois états bien distincts par leurs propriétés physiques et chimi- ques : 1° L’albumine normale, physiologique, constitue la plus grande partie du liquide sanguin, dans lequel elle est à l’état de suspension, comme la fibrine et les globules, en vertu d’une organisation qui la rend insoluble et impropre à traverser les membranes, conditions indispensables pour l’intégrité et le main- 17 tien du sang dans les vaisseaux qui le contiennent : identique avec l’albumine du blanc d’œuf, elle précipite par la chaleur et l’acide nitrique, sans qu’un excès d’acide puisse dissoudre le précipité. 2° L’albumine modifiée, amorphe, caséiforme, représente l’état intermédiaire par lequel les matières albumineuses doi- vent passer pour devenir albuminose. Dans l’état de santé, elle résulte de la première modification que les sucs gastriques font subir aux alimens albumineux introduits dans l’estomac : pro- duit de transition destiné à être converti en albuminose, elle est désorganisée, fluide et tout à fait analogue, sinon identi- que à la caséine, dont elle a tous les caractères; c’est pour- quoi nous l’appelons caséiforme ; comme la caséine, elle ne de- vient soluble dans l’eau que sous l’influence des acides ou des alcalis; elle constitue le chyme des anciens; elle est absorbable et peut entrer dans le torrent circulatoire, mais n’est pas suffi- samment élaborée pour être assimilée, ce que les injections directes dans les veines d’animaux ont parfaitement démontré (Bernard, Mialhe). Elle précipite incomplètement par la cha- leur et par l’acide nitrique, qui, en excès, dissout le précipité. A mesure qu’elle se modifie, l’albumine amorphe se rapproche de l’albuminose, dont elle acquiert les propriétés. 3° L’albuminose est le produit ultime de la transformation des matières albuminoïdes ; dans les phénomènes de digestion, il résulte de l’action lermenlifère de la pepsine ; soluble, en- dosmotique, assimilable, il est promptement absorbé par tous les appareils de sécrétion et de composition organique : il ne précipite ni par la chaleur, ni par l’acide nitrique, mais seule- ment par les réactifs qui décèlent les matières animales, l’al- cool, le tannin, la créosote, les sels de plomb, d’argent, de mercure, etc. L’albumine est la base, le point de départ de toute la série de tissus particuliers qui sont le siège des activités organi- ques; elle donne naissance à la fibre musculaire, aux mem- 18 branes, aux cellules, à la librine, aux globules du sang, aux vaisseaux sanguins et lymphatiques, aux os, etc;, elle entre dans la composition du cerveau, des nerfs, du foie, des reins, de la rate et de toutes les glandes -, elle prend part à tous les actes de l’économie et détermine l’accroissement du corps, la production et la reproduction de tous les organes. Mais si l’al- bnmine normale ne peut traverser les membranes, si l’albumine modifiée ne peut être assimilée et passe presque entièrement dans les sécrétions, c’est Yalbuminose seul qui doit fournir aux besoins de la nutrition, et opérer l’échange continuel qui s’établit entre les divers élémens lluides et solides de l’écono- mie : des voies digestives il passe dans la circulation générale, et tandis que les élémens insolubles du sang sont maintenus dans les vaisseaux qui les contiennent, il traverse les parois, baigne les cellules et les fibres des tissus, et fournit les maté- riaux nécessaires à la nutrition et aux sécrétions ; en même temps une partie, oxydée et brûlée par l’oxygène contenu dans le sang, se tranforme en eau, acide carbonique, acide urique, urée, etc. L’albuminose se retrouve dans toutes les humeurs animales : le sang, le lait, la salive, la sueur, l’urine, laissant emporter par les divers émonctoires son excédant qui n’a pas été employé. § XIV. Ces trois états de l’albumine constituent une seule et même substance qui, en se modifiant, acquiert des pro- priétés nouvelles, ils sont chimiquement isomériques, et l’analyse la plus scrupuleuse ne peut constater la moindre différence dans leur composition élémentaire. Bien que con- servant leur caractère commun de précipiter tous les trois par les sels de plomb, d'argent, de mercure, par la créosote, le tannin, l’alcool, etc..., ils se distinguent parfaitement par la manière dont il se comportent avec la chaleur et l’acide nitri- que : l’albumine normale, physiologique coagulant et précipi- tant entièrement sans pouvoir se dissoudre ; l’albumin 19 amorphe, caséïforme ne coagulant et ne précipitant qu’im- parfailement, se dissolvant dans un excès d’acide ; Yalbuminose n’étant ni coagulé, ni précipité. C’est ainsi que l’albumine, naturellement insoluble, subit dans l’organisme des modifications par lesquelles elle est dé- sagrégée, rendue soluble, absorbable, assimilable, propre à opérer les phénomènes de nutrition, à régénérer les solides et les liquides animaux : après cet échange intermoléculaire, elle subit une nouvelle série de métamorphoses, inverses de celles qui l’ont rendue soluble, elle reprend ses propriétés premières, et se retrouve à l état insoluble dans le sang et les divers tissus de l’économie. DEUXIEME PARTIE. INFLUENCES MORBIDES. § XY. Jusqu’à présent, nous n’avons étudié les phénomènes endosmotiques propres à l’albumine, que dans l’état sain de l’économie animale; examinons maintenant comment les in- fluences mordides, en modifiant les conditions physiologiques des membranes et des liquides, donnent lieu à des phéno- mènes différens de ceux qui se passent dans l’état normal ; comment les membranes cessent d’être endosmotiques; com- ment le sang et ses élémens altérés dans leur composition transsudent à travers les parois et viennent se perdre dans les déjections. Altératioa de» membrane». Les membranes ont dans les phénomènes endosmotiques une part très active, mais étroitement liée à l’intégrité de leur état physiologique. MM. Matteucci et Cima ont parfaitement précisé leur mode d’action, et ont démontré que les phéno- 20 mènes d’endosmose se modifient, s’arrêtent en présence de membranes desséchées ou altérées par la macération et la pu- tréfaction. L’état physiologique des membranes est la souplesse, l’élas- ticité, la porosité, le degré de saturation, de turgescence, en rapport avec une certaine densité des fluides aqueux et albu- mineux qui baignent constamment leurs tissus, et qui ne peu- vent varier de proportion sans que les membranes ne soient altérées dans leurs conditions vitales et leurs propriétés phy- siques : par défaut d'eau suffisante, elles perdent souplesse, élasticité, transparence ; par excès d’eau, elles se gonflent, se ramollissent, deviennent plus perméables, et laissent écouler la matière albumineuse dont tous les pores sont normalement remplis : c’est ce qui arrive toutes les fois qu’une membrane animale se trouve en présence d’un nouveau liquide; c’est ce qui s’est présenté dans le cours de nos expériences, lorsque les endosmomètres n’étaient pas plongés dans un liquide conser- vateur; c’est ce qui donne la facilité de se procurer la pep- sine : on fait macérer dans l’eau la membrane de l’estomac, et par l’alcool on détermine un précipité abondant de ma- tières albumineuses, qui, entr’autres substances, contient la pepsine. Ce déplacement des matières albumineuses résulte de la différence de densité des liquides; quand on op- pose au liquide albumineux un liquide d’une densité à peu près semblable, l’échange n’a pas lieu si rapidement, et c’est ainsi que le sirop de sucre conserve assez longtemps les mem- branes dans leur état physiologique. Privées de leur matière albumineuse, réduites à leur trame celluleuse, les membranes ne donnent plus lieu aux phéno- mènes endosmotiques et ne sont que des filtres inertes. Si à ces causes d’altération déterminées par les liquides am- bians, on ajoute celles qui frappent directement la texture, telles que inflammation, épaississement, ramollissement, dégé- nérescence tuberculeuse, cancéreuse, etc., on comprendra que 21 chez l’homme et les animaux les membranes exposées à de sem- blables désorganisations, perdent leurs propriétés physiologi- et se réduisent aux rôles de filtres plus ou moins grossiers à travers lesquels il ne s’effectue, comme dans la nature morte, que des phénomènes d’imbibition et d’extravasion. L’état physiologique des membranes est donc dépendant lui-même de l’état physiologique des liquides de l’économie. Altération des liquides, sans;, albumine. § XYI. Le sang nécessite pour l’intégrité de ses propriétés et son maintien dans les vaisseaux artériels et veineux, un degré de concentration, de viscosité qui ne peut varier sans donner lieu à de graves accidens. Est-ce sa viscosité ou son organisation spéciale qui l’empêche d’être endosmotique ? Ce n’est pas la viscosité, car il est démontré que des liquides beau- coup plus visqueux, tels que les sirops concentrés, traversent parfaitement les membranes; c’est donc l’organisation spé- ciale: en effet, tant que cette organisation est conservée et que la circulation est libre dans les canaux membraneux, les po- rosités vasculaires ne livrent passage qu’à une très petite partie de sérosité qui s’échappe au dehors, mais une fois que les conditions physiques sont modifiées par un excès d’eau ou par des fermens morbides, les phénomènes d'imbibilion se modifient également, et le sang subit, comme tous les fluides, les lois de l’endosmose. Par excès d’eau , les élémens du sang se désorganisent, la matière colorante abandonne les globules rouges, qui alors dis- paraissent et semblent se détruire ; les principes albumineux se désagrègent, deviennent solubles et sortent de l’économie avec les excrétions Dans les expériences du laboratoire, sous l’influence de l’eau, la matière colorante des globules se dissout rapidement, mais l’albumine ne se modifie qu’après un temps plus ou moins 22 long, et toujours la métamorphose est incomplète, elle s’ar- rête à l’état intermédiaire que nous avons désigné sous le nom d’albumine amorphe, caséiforme ; elle n’a pas la même fluidité que celle qui prend naissance dans l’économie, elle traverse difficilement les membranes et seulement lorsqu’elles ont éprouvé une altération évidente. Des anses intestinales de mouton remplies de sang défibriné et étendu d’eau , ont été plongées dans l’eau pure et dans diverses solutions salines : au bout de huit à dix heures, la matière colorante avait transsudé et s’était répandue dans les liquides extérieurs; le sérum,mal- gré sa modification par l’eau, n’avait pas encore traversé; ce n’est qu’après quinze et dix-huit heures, quand la macération et la putréfaction avaient manifestement altéré les membranes, que s’est effectué le passage de l’albumine. D’autres anses in- testinales remplies de sang défibriné et étendu d’eau, ont été placées dans le sirop de sucre : la matière colorante a facile- ment transsudé, mais la matière albumineuse, bien que mo- difiée par un long contact avec l’eau et même par la putréfac- tion, n’a pu, après dix-huit heures d’expérimentation, se frayer un passage à travers les membranes restées intactes au milieu du liquide conservateur. Cependant, chez les animaux vivans, l’albumine, la caséine, étendues d’eau et injectées dans les veines, se retrouvent presque en totalité dans les urines (Ber- nard, Mialhe) ; c’est une preuve que ces substances éprouvent de leur mélange avec l’eau une modification suffisante pour leur permettre d’imbiber les membranes et de les traverser, mais insuffisante pour les rendre aptes à être brûlées ou assi- milées. Ainsi, l’excès des principes aqueux est aussi funeste à l’état physiolopique des liquides qu’à l’état physiologique des mem- branes. Cet excès de principes aqueux est déterminé dans l’é- conomie par tout obstacle au cours du sang, par toute modi- fication à l’abondance des sécrétions. Le sérum étant plus dense 23 que la plupart des liquides introduits dans le tube digestif, il y a presque toujours prédominance de l’endosmose sur l’exos- mose; les différens émonctoires, transpirations pulmonaire et cutanée, sécrétion urinaire, en chassant cet excès d’eau, ont pour objet principal de ramener sans cesse les matériaux du sang à un même degré de concentration ; et la circulation, par son mouvement continuel, tend à favoriser dans chaque appa- reil les conditions d’absorption aussi bien que les conditions de sécrétion. Si la circulation s’entrave ou s’arrête, si les fonc- tions éliminatrices cessent ou même se ralentissent, les par- ties aqueuses s’accumulent, distendent les parois des vais- seaux , rendent la perméabilité plus grande, empêchent les phénomènes endosmotiques, fluidifient et désorganisent les élémens sanguins, de telle sorte que, soit le sang en nature, soit la matière colorante des globules, soit l’albumine du sé- rum, transsudent dans les cavités splanchniques, dans le tissu cellulaire ou dans les produits excrémentiels. * Si nous vou- » lions formuler des lois, dit M. Magendie, nous établirions » que toute altération de la viscosité du sang, toute modifica- » lion dans les proportions de ses élémens entraînent inévita- » blement des phénomènes d’extravasion. » § XVII. Mais l’eau en excès n’est pas le seul agent qui puisse donner lieu à l’altération des liquides de l’économie; les virus, les venins, les poisons, les miasmes, les effluves auxquels l’or- ganisme est sans cesse exposé, sont autant de principes putri- des qui, comme les fermens spéciaux, peuvent déterminer la modification des globules du sang et la désorganisation des élémens albumineux. Les membranes elles-mêmes, du moment quelles sont altérées, se décomposent en donnant naissance à des produits fermentifères qui, à leur tour, tendent à accélé- rer la métamorphose des liquides et à les rendre endosmoti- ques. 24 Les expériences des physiologistes ont depuis longtemps mis hors de doute qu’en modifiant la composition du sang, en l’altérant par le mélange de pus ou de matières septiques, on peut, chez les animaux, créer des états pathologiques sembla- bles à ceux qui se développent chez l’homme. Dans certaines circonstances morbides, la matière colorante du sang seule se dissout et transsude partout sous forme de sérosité rouge, c’est ce qu’on observe chez les scorbutiques, les sujets atteints de morbus maculosus, ou mordus par des serpens venimeux. Dans d’autres maladies, désignées avec raison par les anciens sous le nom de putrides, telles que les fièvres typhoïdes, le typhus, la fièvre jaune, le choléra, la peste, etc., la décompo- sition générale des humeurs donne lieu aux exhalations san- guines, ecchymoses, pétéchies, et aux évacuations albumi- neuses. Ainsi dans l’état de santé l’albumine amorphe etl'albuminose sont constamment les produits de la transformation des subs- tances alimentaires extérieures, destinés à fournir les matériaux nécessaires à la nutrition; mais dans l’état de maladie il n’en est plus de même, l’albumine amorphe et Xalbuminose, loin d’être des élémens réparateurs venant du dehors, se créent aux dépens de l’albumine normale du sang et des tissus vivans, et deviennent, en sortant de l’économie qu’ils appauvrissent, des élémens de destruction plus ou moins rapidement mor- telle. PASSAGE DE L’ALBUMINE DANS LES DÉJECTIONS. § XVIII. D’après ce que nous venons d’exposer sur la na- ture et les modifications de l’albumine dans l’économie ani- male, nous croyons pouvoir expliquer les causes du passage des matières albumineuses dans les produits excrémen- tiels. Dans les déjections apparaissent les trois états de l’albu- 25 mine, chacun d’eux se rattachant à des causes pathologiques différentes : L'albumine normale, à l’altération directe, à la désorganisa- tion des tissus et des membranes ; L’albumine modifiée, à l’altération du sang et de ses élémens ; L’albuminose au défaut d’assimilation, ou à la transforma- tion des principes albumineux de l’économie par des fermens morbides. Passage de ralliiuniue normale. § XIX. Lorsque les membranes altérées dans leur texture et frappées de désorganisation ont perdu leurs propriétés phy- siologiques, le sang en nature, sa matière colorante, ou son sérum transsudent et s’épanchent au dehors. Ces phénomènes se présentent dans les cas de violente in- flammation des tissus intérieurs, et dans la désorganisation de la peau parle feu, l’eau bouillante, les topiques irritans, etc. L’application d’un vésicatoire fournit un double exemple d’exsudation albumineuse par la peau et par les reins ; la cantharidine détermine à la peau une vive inflammation qui donne lieu à une phlyetène dont le liquide est entièrement composé de sérum normal, coagulant comme le blanc d’œuf; en même temps quelle agit à l’extérieur, la cantharidine, par son union avec les principes alcalins de l’économie, devient absorbable et passe dans la circulation générale sous forme de composé salin qui n’a plus de propriétés irritantes et n’exerce aucune action sur les membranes; mais, arrivé dans l’appareil rénal, ce composé rencontre des principes acides qui s’emparent de la base alcaline, et mettent la cantharidine en liberté, celle-ci reprend alors sa vertu vésicante et agit sur les tissus des reins, des uretères, de la vessie, comme elle avait agi sur la peau, en donnant lieu à une exsudation d’albumine normale qui se mêle aux urines. 26 L’albumine normale passe dans les urines, lorsque la tex- ture des reins a été profondément modifiée et désorganisée, soit par une inflammation violente, soit par une affection chro- nique. Dans le premier cas, les urines denses, épaisses, colo- rées, conservant tous leurs principes sans changement appré- ciable, contiennent de l’albumine normale mêlée soit à du sang en nature, soit à du pus. Dans le deuxième cas, les urines dé- colorées, légères, aqueuses, privées de leur proportion d’eau et de sels, presque jamais sanguinolentes, contiennent en même temps que l’albumine normale, une plus ou moins grande quantité d’albumine modifiée. L’albumine normale, ainsi que nous l’avons dit, a pour caractères de coaguler parfaitement par la chaleur et l’acide nitrique, sans qu’un excès d’acide puisse dissoudre le coagulum. Passage «le l'albumine modiQée. § XX. L’albumine modifiée, amorphe, caséiforme, se trouve dans les déjections, lors de la viciation du sang ou de ses élé- mens. Bien que la diathèse qui donne lieu au passage de l’al- bumine dans les produits excrémentiels soit générale, et qu’il y ait tendance à la sécrétion albumineuse dans tous les orga- nes, dans les reins comme ailleurs (de même que dans l’affec- tion diabétique il y a sécrétion sucrée par tous les émonc- toires), c’est surtout dans les urines qu’on constate la plus grande proportion d’albumine, parce que les reins sont dans des conditions de structure telles, que la stagnation des liquides exerce une très grande influence et sur l’abondance de l’éli- mination, et sur la texture même des tissus constamment im- prégnés de ces liquides. Si les urines prennent quelquefois l’aspect laiteux, caséeux, c’est par suite des modifications que l’albumine passant à l’état caséiforme, éprouve sous l’influence de plus ou moins d’acide ou d’alcali dans l’économie. En effet, la caséine combinée soit 27 aux acides, soit aux alcalis, est soluble dans l’eau et donne lieu à une dissolution transparente ; mais si la proportion d’alcali ou d’acide diminue, la dissolution passe à l'état opaque, lactescent, en raison d’une partie de caséine qui se trouve alors en suspension. M. Quévenne a démontré que le lait privé de sa matière grasse par l’éther, est encore lactes- cent, parce que la caséine, par défaut d’alcalinité suffisante, n’existe pas à l’état de véritable dissolution. Le même phéno- mène se présente dans le sang qui n’est plus suffisamment al- calin pour saturer complètement la matière caséiforme : la partie non dissoute se trouve à l’état de suspension et donne au sang l’aspect lactescent. C’est à cette lactescence du sang, s’opposant à la transparence des humeurs de l’œil, qu’il con- vient de rapporter l’affaiblissement de la vision si fréquent dans l’albuminurie et le diabète. Si le sang de la femme en état de gestation contient (ainsi qu’il a été reconnu) une plus grande proportion d’eau, c’est parce que ces conditions sont nécessaires aux changemens que les élémens albumineux doivent subir pour subvenir à la sécré- tion lactée; et comme preuve de ces modifications albumi- neuses, nous citons la présence si fréquente de l’albumine dans les urines vers la fin de la grossesse. La viciation du sang et de ses élémens est le résultat de tout arrêt dans les fonctions de secrétions, de tout obstacle à la circulation générale, ou bien de l’action des fermens morbides : causes qui déterminent la fluidification des matières albumi- noïdes et leur épanchement dans les cavités séreuses, le tissu cellulaire ou les produits excrémentiels, sous forme d’albumine modifiée, caséiforme. Elle se distingue de l’albumine normale en ce qu’elle coagule imparfaitement par la chaleur, et forme avec l’acide nitrique un précipité qui se dissout un excès d’acide. 28 Maladie de Bright. § XXI. Le passage des matières albumineuses (albumine modifiée) dans les urines est un phénomène commun à plu- sieurs maladies aiguës et chroniques, ainsi que l’a démontré un des premiers M. le professeur Bouillaud : mais la persis- tance de cette sécrétion anormale, jointe à l’altération de la composition chimique des urines et à l’hydropisie des tissus, a paru être le symptôme caractéristique d’une affection spé- ciale des reins qu’on a appelée maladie de Bright, granulation des reins avec hydropisie, albuminurie, néphrite albumineuse. On sait actuellement que tous les symptômes de la maladie de Bright se manifestent, les reins restant exempts de toute altération : et que lors de l’altération de ces organes, les dé- sordres pathologiques envahissent au même degré les deux reins à la fois; ce qui indiquerait que la maladie n’est point due à une inflammation locale, mais bien à une cause générale agissant en même temps sur toute l’économie. Nous n’avons pas l’intention de présenter la description de cette affection, étudiée avec tant de soin depuis plusieurs années par les médecins anglais et français : le magnifique ouvrage de M. Bayer sur les maladies des reins résume d’une manière parfaite et l’historique des travaux et l’état de la science sur ce sujet, nous voulons seulement aborder quelques points qui laissent encore des doutes sur sa nature et sa cause. La maladie de Bright est caractérisée : « par la présence d’une quantité notable d’albumine avec ou sans globules san- guins dans l’urine; par une moindre proportion des sels et de l’urée dans ce liquide, dont la pesanteur spécifique est presque toujours plus faible que dans l’état sain; enfin par la coïnci- dence ou le développement ultérieur d’une hydropisie particu- lière du tissu cellulaire et des membranes séreuses. (Rayer.) » 29 Nous demandons si c'est à la maladie des reins qu’il faut rapporter l’existence de l’hydropisie et la présence de l’albu- mine dans les urines, ou bien si c’est à une cause antérieure, à une maladie primitive du sang qu’il faut rapporter les urines albumineuses, l’hydropisie et les lésions rénales. § XXIÎ. L’altération du sang dans la maladie de Bright n’est point douteuse : il a été démontré que la diminution de l’albumine contenue dans le sérum du sang est souvent consi- dérable et toujours proportionnelle à la quantité d’albumine qui passe par les urines. MM. Andral et Gavarret, en confir- mant l’exactitude de ces recherches, ont constaté qu’à mesure que l’albumine disparaissait de l'urine, les matériaux organi- ques du sérum remontaient et revenaient à l’état normal. Cette altération du sang, admise par tous les auteurs,est-elle cause ou effet? Nous croyons pouvoir résoudre celte impor- tante question, en nous appuyant sur les faits consignés dans ce travail. § XXIII. Nous avons vu quelle influence désorganisatrice exerce su ries liquides et les membranes de l’économie un excès de principes aqueux ; nous avons établi que l’équilibre des ma- tériaux du sang ne peut se maintenir que par l’exercice régu- lier de la circulation et des fonctions éliminatrices; que si la circulation s’entrave, si les transpirations pulmonaires et cutanées, la sécrétion urinaire cessent ou même se ralen- tissent, les plus graves désordres apparaissent, et qu’un des premiers est le passage des élémens albumineux soit dans le tissu cellulaire et les cavités séreuses, soit dans les urines. Or, M. Rayer a constaté que le froid et l’humidité sont en France les causes les plus fréquentes de la maladie de Bright; eh bien! le refroidissement a poureffetde ralentiret mêmed’ar- rèter la transpiration cutanée, et la cessation de la transpiration 30 cutanée a pour résultat l'accumulation des principes aqueux et la modification de l’albumine. La preuve directe en a été donnée depuis longtemps (1844) par M. Fourcault. Cet habile expérimentateur a démontré qu’en supprimant artificiellement la transpiratiou cutanée, but qu’il atteignait en recouvrant la peau d’un enduit imperméable, il rendait les animaux albumi- nuriques. Ces faits sont la confirmation de nos recherches, ils trouvent leur cause dans la trop grande fluidification du sang donnant lieu à la modification de l’albumine et à son passage à travers les tissus. C’est ainsi que l’on constate des urines albumineuses et diverses hydropisies, après les maladies qui entravent les fonctions de la peau (scarlatine, rougeole, éry- sipèle, variole, etc.). Il en est de même dans les cas où il existe un obstacle au cours du sang (affections du cœur, anévrysmes de l’aorte, etc.). Dans ces circonstances, il est évident qu’il n’y a point alté- ration des organes de la sécrétion rénale, mais seulement alté- ration passagère de l’albumine du sang par suite de l’accumu- lation des liquidesaqueux dans l’économie. Les maladies aiguës ou chroniques des reins, en suspendant ou diminuant la sé- crétion urinaire, causent souvent les mêmes effets. Si, dans la chlorose, l’anémie, la polydipsie, l’excès d’eau dans le sang n’implique pas le passage de l’albumine dans les urines, c’est parce que les appareils de sécrétions fonction- nent régulièrement et ne laissent pas séjourner longtemps les mêmes liquides dans l’économie. Toutefois, ces états patholo- giques doivent être considérés comme prédisposant à la mala- die de Bright. On a recherché quel était le rapport de coïncidence des diverses maladies du cœur, du foie, de la peau, des poumons, du tube digestif, etc., avec la maladie de Bright : nous pen- sons que toutes les maladies qui déterminent une modification générale des liquides de l’économie, peuvent causer l’appari- 31 tion de l'albumine dans les urines. L’abus même de la sai- gnée peut produire les mêmes résultats, puisqu’en soustrayant au sang une grande partie de ses élémens solides, on diminue la densité du sérum et on augmente la proportion des liquides aqueux, lesquels sont bien plus rapidement reconstitués que les élémens organiques. Dans la scarlatine, la rougeole, la variole, deux causes se réunissent pour donner lieu à l’anasarque avec urine albumi- neuse, indépendamment de toute lésion rénale : la première est le virus essentiel à chacune de ces maladies, virus prouvé par la contagion et la transmission directe, qui, par son ac- tion sur le sang et ses élémens, altère d’abord la matière colo- rante des globules, puis consécutivement l’albumine et la fibrine. La seconde cause, c’est la suspension de la transpira- tion cutanée, suspension qui a pour effet d’accumuler les prin- cipes aqueux, dont le moindre excès suffit alors pour achever la désagrégation de l’albumine, et déterminer des hydropisies soit générales, soit partielles, ainsi que des urines albumineuses. § XXIV. La maladie de Bright s’accompagne presque cons- tamment d’infiltration cellulaire et de suffusions séreuses ; ce- pendant les urines albumineuses peuvent exister sans hydro- pisie, lorsque la rapidité de la circulation générale balance la tendance aux épanchemens. La cause de ces épanchemens ne peut être rapportée à l’affection des reins, il est bien évident que les reins n’exercent quelque influence sur la formation de l’hydropisie que d’une manière indirecte et en tant seulement qu’ils ont la possibilité de laisser transsuder l'albumine. C’est à l’appauvrissement causé par la soustraction continuelle de l’albumine, à la diminution des globules sanguins qu'il faut attribuer l’hydropisie et les accidens qui s’observent dans la maladie de Bright, tels que : anéantissement des forces, dépé- rissement général, consomption qui peut donner naissance à 32 des tubercules, à des dégénérescences de toutes sortes, et de- venir promptement mortelle. § XXV. Le sérum du sang, constamment dépouillé de ses principes albumineux, devient moins dense et l’urine participe de ce défaut de densité; au lieu de peser 1,018 à 1,022 comme à l’état normal, elle ne pèse plus que 1,005 à 1,012; elle est décolorée et sans odeur ; comparée à volume égal avec l’urine normale, elle contient beaucoup moins d’urée, d’acide urique, d’urates et de phosphates. Le docteur Bostock constata un des premiers que dans cette urine la proportion des sels et de l’u- rée était très diminuée, et que l’urée pouvait même disparaître presque entièrement. M. Rayer dit : * La proportion de l’urée est variable et toujours très peu considérable ; toutefois, il pa- raît que la proportion de l’urée dans le sang est d’autant plus considérable que la quantité d’urée dans l’urine est plus faible et son excrétion moins abondante. » L’urée doit sa formation à l’oxygénation des matières albu- mineuses qui, dans un premier degré d’oxydation, engendrent l’acide urique, et dans un second l’urée; celle-ci n’est pas sus- ceptible d’arriver à une combinaison plus oxygénée. Des trois états de l’albumine, c’est i’albuminose d'abord, puis l’albumine modifiée, qui seuls fournissent ces élémens de combustion, car l’albumine normale reste inattaquable par l’oxygène. Or, dans l’albuminurie, ces phénomènes de combustion ne cessent pas d’avoir lieu, et même l’abondance d’albumine modifiée qui existe alors dans l’économie, serait propre à favoriser la for- mation d’une plus grande quantité d’urée. Nous croyons donc que lors de la maladie de Briglit, il existe dans l’économie au- tant d’urée qu’à l’état normal, et que si les urines en contien- nent une moins grande proportion qu’une rrine saine à volume égal, c’est en raison de leur extrême dilution. M. Edouard Robin, dans une note lue à l’Académie des 33 sciences, le 22 décembre 1851, a exposé que * si pendant un temps suffisamment prolongé, l’albumine venait à subir dans la circulation une quantité de combustion très notablement moindre qu'à l’état normal, elle pourrait passer en nature dans les urines, au lieu de n’être éliminée qu’à l'état d’urée et d’acide urique. » Nous ne pouvons partager cette opinion : les matières mineuses fournissent certainement des élémens à la combus- tion, mais ce n'est point par défaut d’oxygénation ou de com- bustion qu’elles passent dans les urines, car ces principes plastiques ne sont point destinés à disparaître et à être com- plètement brûlés après leur absorption, comme les principes respiratoires; ils doivent au contraire être conservés en grande partie pour servir à la réparation générale de l’organisme. Et ici nous nous appuyons de l’autorité de M. Liébig : « Si l’albu- mine du sang qui naît des parties des alimens avait à un plus haut degré la faculté d’entretenir la respiration, elle serait en- tièrement impropre à la nutrition; si l’albumine s’altérait et se détruisait directement dans la circulation par l’oxygène ins- piré, la petite quantité d’albumine que les organes de la di- gestion introduisent journellement dans les vaisseaux sanguins disparaîtrait très rapidement, et le moindre trouble dans les fonctions digestives mettrait promptement un terme à la vie. Les principes non azotés, l’amidon, le sucre, la graisse, ser- vent à préserver les organes et à entretenir la respiration, et conséquemment la chaleur ; ce sont des agens de respiration, tandis que les principes sulfurés et azotés des alimens sont des agens de réparation ; le rôle de ces principes plastiques dans l’économie est d’entretenir les fonctions vitales en réparant les parties organisées qui ont été consommées et évacuées. (Lié- big, 33e lettre.) * § XXYI. Les urines chargées d’albumine sont acides, neu- tres ou alcalines. 34 Dans l’exploration par le calorique, si l’urine est alcaline, le précipité ne se forme pas, et le liquide se trouble à peine, même lorsque l’albumine est très abondante. Si l’urine est neutre, le précipité se forme ordinairement, mais cependant il peut n’avoir pas lieu, ainsi que l’a indiqué M. Rayer. Dans ces cas, il faut saturer avec une goutte d’acide nitrique les bases alcalines qui tenaient en dissolution l’albumine modifiée, ca- séiforme,et on obtient immédiatement le précipité albumineux. L’acide nitrique précipite l’albumine dans tous les cas, que l’urine soit acide, neutre ou alcaline; on a contesté que, versé en excès, il pût dissoudre le précipité albumineux, admettant qu’il n’avait d’action que sur l’acide urique et les urates pré- cipités en même temps, et qu’il laissait intacte l’albumine. M. le docteur Hérard, dans une note adressée à Y Union Mé- dicale du 6 août 1850, a publié qu’il avait constamment obtenu le même résultat dans un grand nombre d’urines albuminuri- ques, savoir : précipité de l’albumine par l’acide nitrique et redissolution complète ou à peu près complète par un excès d’acide, variable suivant la quantité d’albumine. Ces faits avaient été déjà mentionnés par M. Martin-Solon, dès 1838, dans son Traité de L’albuminurie, et plus tard par M. Becque- rel dans son Traité des urines ; soumis à de nouvelles épreuves, ils ne peuvent actuellement laisser aucun doute : l’albumine normale ne se dissout pas, mais l’albumine modifiée se dissout très bien dans un excès d’acide. § XXVII. Cette propriété de l’albumine modifiée, caséiforrne, de se dissoudre dans un excès d’acide nitrique, démontre que l’albumine contenue dans l’urine des sujets atteints de la ma- ladie de Bright, diffère de l’albumine normale du sérum du sang. Déjà MM. Proul(l) etBostock avaient pensé que l’albu- (1) Prout, dans son Traité de la gravelle, page 67, dit : « La matière animale contenue dans ces urines différait de l’albumine et offrait des propriétés analogues à celles du lait caillé, quoi qu’elle fût cependant distincte de l’une et de l’autre : elle 35 mine se trouvait alors dans un état particulier et quelle n’of- frait pas tout à fait les mêmes caractères que celle du sérum du sang. M. Biot, en examinant avec le polarimètre l’urine dite albumineuse, avait été conduit à mettre en doute la nature de la substance anormale considérée par les médecins comme de l’albumine : « J’ai eu occasion, dit l’illustre physicien, d’étu- dier les urines dites albumineuses, le caractère optique faisait voir que ce n’était pas de l’albumine animale proprement dite qui les dénature; car l’albumine exerce le pouvoir rotatoire vers la gauche, et les urines dites albumineuses n’exercent aucune action sur les plans de polarisation des rayons lumi- neux. » M. Stuart Cooper, attribuant les résultats négatifs ob- tenus par M. Biot à ce que l’urine examinée par ce savant ne contenait qu’une faible quantité d’albumine, a conclu, par des expériences multipliées, que l’urine albumineuse dévie le plan de polarisation, que la déviation est en rapport direct avec la quantité d’albumine, et que c’est bien l’albumine animale pro- prement dite que contient l’urine des sujets affectés delà ma- ladie de Bright.Pour nous, nous ne pensons pas qu’on soit en droit d’affirmer que la matière contenue dans les urines des malades albuminuriques soit de l’albumine normale, parce qu’elle affecte la lumière d’une manière identique à l’albumine : la dextrine n’est plus amidon, et cependant elle a le même pouvoir rotatoire; l’albumine modifiée, caséiforme, qui est à l’albumine normale ce que la dextrine est à l’amidon, peut exercer la même action sur les plans de polarisation, et cependant avoir des caractères particuliers qui la distinguent. Nous avons mis en digestion dans l’eau acidulée par un mil- lième d’acide hydrochlorique, d’une part, de l’albumine d’œuf, d’autre part, de l’albumine d’urine, toutes deux ayant été coa- présentait les caractères propres à la matière albumineuse imparfaite qu’on trouve dans le chyle. » 36 gulées par l’alcool. Après trois heures de digestion, l’albumine de l’urine était dissoute, tandis que l’albumine du blanc d’œul, à peine attaquée, persistait dans son insolubilité qu’elle n’a pu entièrement perdre. Nous avons recommencé l’expérience, en ajoutant à l’eau acidulée une certaine quantité de pepsine, et eu favorisant la réaction par une température de 35 à 40 degrés; l’albumine de l’urine était entièrement transformée en albuminose, quand celle de l’œuf commençait à peine à en donner quelques traces. En substituant à l’albumine de l’œuf l’albumine du sérum du sang en état de santé, nous sommes arrivé à des résultats semblables. On ne peut nier la différence de ces deux albumines, dont l’une, normale, résiste longtemps à l’action des acides et des fermens par le fait de son organisation ; tandis que l’autre, mo- difiée, caséeuse, cède facilement aux réactions, en vertu même de sa désorganisation. Il ne faut pas croire que cette différence résulte du séjour prolongé dans l’urine; nous nous sommes assuré par des expériences que l’albumine normale n’y est pas sensiblement modifiée après un laps de temps considérable ; et lors même que l’urine commence à se putréfier, l’albumine reste encore intacte et insoluble dans l’acide nitrique en excès. 11 est donc certain que l’albumine du sérum est modifiée dans le sang lui-même; et cette modification est, dans l’écono- mie, plus complète que celle qui résulte artificiellement d’une brusque addition de liquides aqueux. §XXV111. Les urines qui se présentent plus ou moins san- guinolentes, avec leur couleur, leur densité, leur composition chimique ordinaires, et forment avec la chalenr et l’acide ni- trique un précipité albumineux insoluble, en même temps qu’elles s’accompagnent chez le malade de pouls fébrile, sé- cheresse et chaleur de la peau, douleur sourde à la région ré- 37 nale, etc. ( forme aiguë de la néphrite albumineuse pour M. Rayer), nous paraissent réunir toutes les conditions d’in- flammation plus ou moins violente des reins, sans avoir rien de commun avec la maladie de Bright proprement dite ; la- quelle affecte toujours une forme chronique avec affaiblisse- ment général, langueur, dépérissement, avec urines constam- ment décolorées et limpides, ayant perdu leur densité nor- male, et contenant nne plus ou moins grande proportion d’albumine modifiée reconnaissable, parce qu’elle précipite incomplètement par la chaleur et l’acide nitrique, et se dissout dans un excès d’acide. Si dans le cours de la maladie de Bright, les symptômes d’acuité se développent, ce sont des cas exceptionnels qu’on rencontre dans toutes les affectionsessentiellement chroniques, comme l’a parfaitement établi M. Yalleix. Vers une période très avancée de la maladie, il n’est pas rare de trouver dans les urines de l’albumine normale mêlée à l’albumine modifiée. C’est la désorganisation des glandes ré- nales qui a permis le passage de l’albumine normale restée in- tacte dans la masse sanguine. § XXIX. D’après les faits et considérations qui précèdent, nous croyons donc être fondé à admettre que, dans la ma» ladie de Bright, l’altération générale des liquides de l’écono- mie a précédé et déterminé le passage de l’albumine dans les urines ; et nous reconnaissons deux degrés bien distincts : Dans le premier, il y a seulement altération des liquides de l’économie, sans altération des reins : avec un excès de prin- cipes aqueux, le sang et ses élémens ne peuvent se maintenir dans les conditions physiologiques : l’albumine se modifie, se désorganise, et sous forme amorphe, caséeuse, elle traverse les membranes et vient apparaître dans les urines. Dans le second degré, la fluidification constante de l’albu- 38 mine entraine à son tour la modification des membranes, des tissus rénaux, et détermine peu à peu les altérations dont les reins peuvent être le siège. § XXX. La maladie de Bright est l’appauvrissement de l’al- bumine du sang, comme la chlorose est l’appauvrissement des globules sanguins : cette viciation des humeurs, essence de la maladie, peut, ainsi que nous l’avons dit, se rattacher à des altérations pathologiques plus ou moins graves qui en rendent la guérison plus ou moins possible. Il est évident que : 1° Produite par un obstacle au cours du sang, par maladies ducceuret des gros vaisseaux, anévrysmes, etc., elle doit sub- sister tant que la circulation normale n’aura pu être rétablie; 2° Liée à une altération organique des reins, elle n’offre de chances de guérison qu’autant que l’état pathologique des reins eux-mêmes aura pu être modifié ; 3o Mais que succédant à une maladie de la peau, à des fiè- vres inflammatoires, ou même à une affection passagère des reins, elle est momentanée, transitoire, et cédera facilement à une médication combattant directement la cause qui lui a donné naissance ; 4° Enfin que n’étant compliquée ni d’affection organique des reins, ni de maladies aiguës ou chroniques, elle constitue un état pathologique spécial qui n’est point inaccessible aux ressources de l’art, et peut être très heureusement modifié par un traitement convenablement dirigé. Ces cas si différens expliquent parfaitement les dissentimens des auteurs sur la gravité plus ou moins grande de la maladie de Bright, et sur la variabilité des succès obtenus. § XXXI. Dans le traitement de la maladie de Bright sans complications, on doit avoir pour but de reconstituer autant 39 que possible les élémens du sang, et d’expulser de l’économie l’eau qui est en excès. Il faudra : 1° Rétablir, exagérer même les sécrétions naturelles par des sudorifiques, diurétiques, laxatifs, qui enlevant au sang ses principes aqueux, concourent à rétablir la densité et la con- centration physiologiques; 2o Administrer toniques, amers, rhubarbe, vins de quin- quina,de gentiane, préparations ferrugineuses, eaux minérales, boissons alcoolées, etc., toute médication propre à entretenir les forces digestives et à ranimer l’économie ; 3° Prescrire une alimentation succulente, fortement anima- lisée, pour régénérer les élémens albumineux , base du sys- tème sanguin; y ajouter les substances grasses et sucrées qui sont le complément indispensable d’une bonne nutrition : c’est ainsi que le lait, résumant l’ensemble des matières alimen- taires, a souvent été pris avec grand succès ; c’est ainsi que dans plusieurs cas tout récens l’huile de foie de morue, en ménageant et remplaçant dans l’économie les matériaux com- bustibles détruits par l’oxygénation, a concouru à déterminer les plus heureux résultats. On est parvenu à guérir la chlorose en reconstituant les globules sanguins, pourquoi désespérerait-on de guérir la ma- ladie de Bright en reconstituant les molécules d’albumine dé- sorganisée? On admet actuellement que la présence du sucre dans les urines tient à une altération générale des liquides de l’économie, nous pensons qu’on doit admettre que la pré- sence de l’albumine dans les urines peut aussi reconnaître pour cause une altération générale des liquides : la modifica tion de l’albumine. Passage de l’albuminose. § XXXII. L’albuminose, lors de l'état physiologique, se trouve dans toutes les sécrétions, le lait, la salive, la sueur, 40 l’urine, et en si petite quantité, qu’il est facile de concevoir que c’est un excédant échappé aux phénomènes d’assimilation et de combustion. Pendant l’acte de la digestion, l’albuminose, un moment en excès, n’est point complètement assimilé et se perd en plus ou moins grande quantité dans les urines (urines de la diges- tion) ; mais à mesure que s’éloigne l’époque des repas, l’albu- minose répandu dans la masse sanguine suffît à peine aux be- soins de l’économie, et ne se trouve plus dans les urines. Si une cause quelconque vient à suspendre les fonctions as* similatrices, l’albuminose n’est plus d’aucun profit pour l’éco- nomie, et se perd dans les produits excrémenlitiels : ces cas, peu inquiétans s’ils se rattachent à un état passager, peuvent au contraire entraîner les plus grands désordres quand ils sont déterminés par une altération du cerveau ou de la moelle épi- nière entravant toutes les fonctions de l’organisme, et consé- quemment l’assimilation. Choléra. § XXXIII. La cause la plus grave de la présence de l’albu- minose dans les déjections, c’est l’affection cholérique : alors l’albuminose expulsé n’est plus le produit de la transforma- tion des alimens albuminoïdes par l’acte de la digestion, il est le produit de la transformation des élémens du sang et des di- vers tissus par l’influence fermentifère du virus qui constitue le choléra. Nous avons vu que certaines fièvres inflammatoires, rhumatisme articulaire, fièvre typhoïde,etc., en un mot, toutes les maladies qui ont un caractère putride ou septique, pou- vaient, comme fermens morbides, donner lieu à la désorgani- sation de l’albumine normale du sang et produire le premier degré de modification qui est l’état amorphe, caséiforme ; dans ces diverses maladies, les principes putrides et fermenlifères n’ont pas assez de puissance pour faire passer l’albumine mo- 41 difiée à l'état d’albuminose ; mais dans le choléra ils ont une telle violence, que souvent ils opèrent cette transformation aussi rapidement que les fermens digestifs. La transformation de l’albumine suit les phases de cette terrible maladie : si l’élément morbide agit lentement, l’albu- mine passe successivement de l’état normal aux états intermé- diaires et au produit ultime, Yalbuminose; elle commence par devenir soluble en conservant une partie de ses réactions chi- miques, coagulant imparfaitement par la chaleur et formant avec l’acide nitrique un précipité qui n’est pas complètement insoluble; passant à l’état caséiforme, elle coagule à peine par la chaleur et donne par l’acide nitrique un précipité qui se dissout parfaitement dans un excès d’acide; enfin elle est albuminose, et alors elle ne se révèle plus par la chaleur ni l’acide nitrique, et précipite seulement par le tannin, la créo- zote, l’alcool, les sels d’argent, de mercure, etc., avec lesquels elle forme un composé insoluble. Si le fléau sévit avec intensité, il détermine presque instan- tanément la formation de l’albuminose. Il en résulte que les points de transition de ces métamor- phoses sont quelquefois difficiles à saisir, et qu’on pourrait tomber dans de graves erreurs en se hâtant de conclure d’après le moment si court d’une seule investigation. Commel’a très bien fait remarquer M. le professeur Rostan, les précipités plus ou moins abondans que l’on obtient, sont un signe diagnostique précieux, puisque la désorganisation albumineuse est en raison directe de la gravité de la maladie. Nous avons eu raison, dans de précédens travaux, de nier la présence de l’albumine normale dans les déjections des cholériques : ce que l’on y trouve, c’est l’albumine modifiée à tous les degrés, suivant l’influence désorganisatrice. Ainsi, le ferment digestif et le ferment morbide exercent la 42 même action sur les matières albumineuses, l'un pour les faire pénétrer dans l’économie, l’autre pour les en expulser. RÉSUMÉ. § XXXÏY. 1° L’albumine normale du sérum du sang et du blanc d’œuf, ne traverse pas les membranes animales. Si, pen- dant les expériences endosmotiques, il apparaît dans les li- quides extérieurs une certaine quantité de matière albumi- neuse, ce n’est pas de l’albumine normale, c’est de l’albumine modifiée provenant de la macération des membranes mêmes qui ont laissé transsuder la matière albumineuse dont elles étaient imprégnées ; cause d’erreur quia entraîné la plupart des physiologistes à admettre l’albumine comme endosmoti- que, et qui peut être facilement évitée en plaçant les mem- branes animales dans un liquide conservateur comme le sirop de sucre, ou en employant les membranes de l’œuf qui résis- tent longtemps à la macération, et sont de parfaits endosmo- mètres; alors jamais le sérum et le blanc d’œuf, dont la com- position chimique et les propriétés physiques sont semblables, ne traversent les membranes. L’albumine est donc insoluble. 2° Cet état d’insolubilité doit impliquer une organisation semblable à celle des autres substances qui n'obéissent pas aux lois de l’endosmose : la fibrine, le caséum, le cruor chez les animaux, l’amidon et le gluten chez les végétaux; substances reconnues pour avoir une organisation globulaire, et être en suspension dans les liquides qui leur servent de véhicule. L’état globulaire de l’albumine, signalé par plusieurs au- 43 teurs, ne peut être directement aperçu au microscope; il est contestable avec l’intervention de l’eau de Baryte. Malgré les analogies qui fonderaient à l’admettre , nous ne le considére- rons pas comme suffisamment démontré. Mais il est certain que l’albumine a une organisation spéciale qui la maintient à l’état de suspension et non de dissolution dans le sérum et le blanc d’œuf, et qui la rend , pour les propriétés physiques et chi- miques, parfaitement semblable aux substances globulaires. 3° Comme les substances globulaires, elle doit, pour péné- trer dans l’économie, subir des modifications qui la rendent soluble et propre à être assimilée. Si l’albumine normale est insoluble et point endosmotique, l’albumine modifiée par un ferment (la pepsine) devient solu- ble et traverse parfaitement les membranes. 4° Par suite de ses transformations, l’albumine existe dans l’économie animale sous trois états bien distincts par leurs propriétés, l’albumine normale, l’albumine modifiée ou caséi- forme, l'albuminose. 5o Les influences morbides, en modifiant les conditions de l’état physiologique des membranes et des liquides, donnent lieu à des phénomènes différens de ceux qui se passent dans l’état normal ; par suite des inflammations, de l’excès des prin- cipes aqueux, du défaut de viscosité, de l’introduction dans l’organisme de virus, miasmes, poisons, fermens putrides, les membranes cessent d’être endosmotiques et ne présentent plus que des phénomènes d’imbibition, de filtrage, analogues à ceux qui s’effectuent dans la nature morte. Les liquides (le sang et ses élémens) viciés, désorganisés, transsudent à travers les parois et apparaissent dans les cavités splanchniques, le tissu cellulaire ou les produits de sécrétions. 6° Dans ce passage des matières albumineuses dans les dé- jections, on retrouve les trois états de l’albumine, se ratta- chant chacun à des causes pathologiques différentes: L’albumine normale, à l'altération profonde des tissus ; L’albumine modifiée, caséiforme, à la viciation des liquides ; \Jalbuminose, au défaut d’assimilation ou à l’influence cho- lérique. 7° Nous croyons, dans ce travail, avoir prouvé par des ex- périences directes et par des faits tirés de l’état sain et de l’état pathologique, que les élémens albumineux de l’économie ani- male sont exactement dans les memes conditions que toutes les matières albumineuses; qu’ils subissent les mêmes trans- formations, soit pour pénétrer dans l’organisme, soit pour en sortir; qu’ils existent nécessairement sous des états dif- férens, afin de pouvoir tantôt se maintenir dans le système circulatoire, tantôt se frayer passage à travers les parois, al- lant ainsi fournir les matériaux de nutrition et de combustion, ou se perdre dans les produits excrémentitiels. 44 Note de M. Éd. ROBIN et Réponse de M. MIALHE. A M. le docteur Amédée Latour, rédacteur en chef de l’Union Médicale. Monsieur le rédacteur, Dans l’un des derniers numéros de votre excellent journal (20 juillet 1852, page 346), M. Mialhe, exposant ses intéressantes recherches sur les divers états de l’albumine dans l’économie animale, fait mention de ma note sur le passage de cette substance dans les urines ; mais il déclare ne pouvoir partager mon opinion. Veuillez me permettre, Monsieur le rédacteur, de montrer que, dans son argumentation, ni mon principe, ni mes preuves n’ont subi la plus légère atteinte. Dans ma note citée par M. Mialhe (comptes-rendus de l’Académie des sciences, p. 522, décembre 1851, et Union Médicale, même année, p. 611), on lit : « A l’état ordinaire, les matières albumineuses sont brûlées dans le sang, et les résidus azotés de la combustion, l’urée et l’acide urique, sont éliminés par les urines. » J’ajoute, en effet, comme le dit M. Mialhe : « Si, pendant un temps suffisamment prolongé, l’albumine venait à subir dans la circulation une quantité de combustion notablement moindre qu’à l’état normal, elle pourrait passer en nature dans les urines, au lieu de n’être éliminée qu’à l’état d’urée et d’acide urique. » Mais je ne me contente pas d’avancer une telle opinion ; je prouve qu’en réalité les maladies, les états particuliers dans lesquels l’albu- mine passe dans les urines, coïncident avec une diminution de combus- tion notable et déterminée : Soit par une respiration très incomplète (croup, hydropisies, ascites très développées, etc.) ; Soit par la soustraction naturelle d’une partie du sang à l’hématose (cyanose, etc.) ; Soit par un obstacle considérable à la circulation ; Soit par une forte diminution de l’influence nerveuse (lésions des centres nerveux, certaines courbatures, etc.) ; Soit par la suppression subite de la transpiration cutanée (refroidis- semens considérables de la surface du corps, application de vernis sur la même surface) ; Soit, enfin, par des agens dont le passage dans le sang diminue la combustion lente. 46 Je fais voir d’ailleurs que l’albumine, qui, en général, n’apparaît pas dans l’urine des mammifères et des oiseaux, apparaît, au contraire, dans celle des batraciens, animaux dont le sang est le siège d’une si faible combustion. Je prouve enfin que, comme il arriverait si, par suite d’une diminu- tion de combustion, l’albumine des urines échappait dans le sang à la transformation en urée et en acide urique, ces deux principes diminuent dans les urines à mesure que l’albumine y devient plus abondante. D’autres faits permettent-ils à M. Mialhe, sinon d’attaquer mon prin- cipe, mes preuves ou mes conséquences, au moins de montrer leur in- suffisance dans la question. A l’égard de mon principe, M. Mialhe s’exprime ainsi : « L’urée doit sa formation à l’oxygénation des matières albumineuses qui, dans un premier degré d’oxydation, engendrent l’acide urique, et dans un second l’urée. » Or, voilà parfaitement ce que j’admets. Mes preuves, M. Mialhe les accepte, puisqu’il n’en refuse aucune. Sur quoi donc fonderait-il une opinion contraire ? Voici son argumentation : « Les matières albumineuses fournissent certainement des élémens à la combustion, mais ce n’est point par défaut d’oxygénation ou de combustion qu’elles passent dans les urines, car ces principes ne sont point destinés à disparaître et à être complète- ment brûlés par leur absorption comme les principes respiratoires ; ils doivent, au contraire, être conservés en grande partie pour servir à la réparation générale de l’organisme. » Oui certainement, tout porte à le croire, les principes albumineux n’ont pas été destinés à disparaître et à être complètement brûlés après leur absorption ; mais quel rapport peut-il exister entre ma théorie et cette destination des matériaux albumineux à une combustion incom- plète ? Et si une telle destination doit les empêcher de passer dans les urines quand diminue la combustion du sang, pourquoi passent-ils néan- moins? Quant à l’opinion de M. Liébig, l’illustre savant possède trop bien l’intelligence des phénomènes chimiques, pour ne pas admettre, comme M. Mialhe lui-même, que l’albumine est brûlée dans le sang (1). M. Lié- big a probablement voulu dire : si l’albumine seule était chargée de sou- tenir la combustion si active exercée par l’oxygène humide dans la cir- culation, elle serait souvent insuffisante ; les principes non azotés, l’ami- don, le sucre, la graisse, lui servent d’auxiliaires indispensables dans la respiration des animaux. Agréez, etc. Éd. Robin. Mercredi, 21 juillet 1852. Nous trouvons réponse à la réclamation de M. Robin dans les faits memes consignés dans notre travail. La théorie de M. Robin est celle-ci : « L’albumine qui vient à subir (1) On peut voir à ce sujet le mémoire de M. Clément, Comptes-rendus de l’Académie des sciences, t, xxxiv, p. 977. 47 dans la circulation une quantité de combustion notablement moindre qu’à l’état normal, peut passer en nature dans les urines, au lieu de n’être éliminée qu’à l’état d’urée et d’acide urique. » Cette théorie fait par conséquent dépendre du plus ou moins d’oxygénation de l’albumine le passage des matières albumineuses dans les urines. Notre proposition est toute différente : « L’albumine est de sa nature insoluble, non endosmotique ; elle ne peut sortir des vaisseaux qui la contiennent, traverser les membranes, en un mot pénétrer dans l’éco- nomie ou en sortir, qu’après avoir subi des modifications constitutives qui la rendent soluble, et cela en dehors de tout phénomène d’oxygé- nation. » L’albumine s’oxyde dans le sang en donnant naissance à une plus ou moins grande quantité d’acide urique ou d’urée qui sont éliminés par les urines : c’est un fait accepté par tous les chimistes; mais s’ensuit-il que l'albumine entière doive se transformer en acide urique et en urée, et que l’albumine qui n’a pas subi l’action de l’oxygène doive être éli- minée de l’économie et passer dans les urines? Non certainement. Nous avons dit : l’albumine n’est pas un élément respiratoire destiné à dis- paraître de l’économie comme le sucre et les matières grasses : c’est un élément plastique dont la conservation est nécessaire pour l’entretien et la réparation des organes, et c’est ainsi que M. Liébig l’admet textuel- lement d’après la citation que nous avons faite. M. Robin, en acceptant que les principes albumineux n’ont pas été destinés à disparaître et à être complètement brûlés après leur absorp- tion, demande : <• Mais quel rapport peut-il exister entre ma théorie et » cette destination des matériaux albumineux à une combustion incom- » plète ? Et si une telle destination doit les empêcher de passer dans les » urines quand diminue la combustion du sang, pourquoi passent-ils » néanmoins ? » Nous répondons : il n’y a aucun rapport entre ces faits ; l’oxydation plus ou moins complète des élémens albumineux est parfaitement indé- pendante des phénomènes endosmotiques. Il n’y a aucune analogie à établir entre ce qui se passe pour l’albumine et ce qui se passe pour les matières non azotées, le glucose par exemple : si, par défaut d’alcalinité suffisante dans l’économie, le glucose ne peut subir l’action de l’oxygène 48 et être brûlé, il devient corps inutile et est expulsé par les urines ; mais il n’en est pas de même pour l’albumine: la portion qui n’est point atta- quée par l’oxygène et qui n’est point changée en acide urique et en urée, ne perd rien de ses propriétés chimiques et physiques ; elle reste albu- mine, corps qui n’est point inutile, qui est indispensable au contraire à la nutrition générale et qui est assimilé par tous les organes, de telle sorte qu’à l’état physiologique il ne se trouve jamais dans les déjections. La question se trouve donc ramenée au point où nous l’avons prise : pourquoi à l’état physiologique l’albumine ne passe-t-elle jamais dans les déjections, pourquoi s’y trouve-t-elle lors de certains cas pathologi- ques ? Eh bien ! aujourd’hui comme précédemment, nous prétendons que le passage des matières albumineuses dans les urines n’a pas lieu par dé- faut d’oxygénation suffisante. Que M. Robin prouve, par des expériences contradictoires aux nôtres, que ce que nous avons avancé, savoir : « que » l’albumine est insoluble et point endosmotique ; que, pour obéir aux » lois de l’endosmose, pour pénétrer dans l’économie ou pour en sortir, » elle doit subir des transformations qui la rendent soluble ; » qu’il prouve que ces faits, bases fondamentales de notre travail, sont faux ; autrement nous continuerons de professer que le passage des matières albumineuses dans les déjections reconnaît pour cause, non le défaut d’oxygénation, mais les différentes modifications soit de l’albumine, soit des tissus, modifications que nous avons établies d’après des expériences directes et des faits pathologiques. Mialhe. PARIS. — TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE FÉLIX MALTESTE ET Cic , Bue de» Deux-Portes-Saint-Sauveur, 22.