NOTICE HISTORIQUE SUR LBS DÉCOUVERTES FAITES DANS LES SCIENCES D’OBSERVATION PAR l’étude de l’organisation DES GRENOUILLES. Extrait du tome IVe du Bulletin de l’Académie royale de Médecine. Cosson, imprimeur de l’Académie royale de médecine, rue Saint-Germain-de»-Prés, Q> NOTICE HISTORIQUE ‘ 17 (7 su» / L LES DÉCOUVERTES FAITES DANS LES SCIENCES D’OBSERVATION * PAR L’ÉTUDE DE L’ORGANISATION ... DBS GRENOUILLES, M. C. DUMÉRIL. A PARIS, CHEZ J.-B. BAILLIÈRE, LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, RUE DE D’ÉCOLE DE MEDECINE, N° 17 ; A LONDRES, MEME MAISON, 219 , REGENT STREET. 1840. NOTICE HISTORIQUE SUR LES DÉCOUVERTES FAITES DANS LES SCIENCES D’OBSERVATION PAR L’ÉTUDE DE L’ORGANISATION DES GRENOUILLES. « Les animaux de l’ordre des Grenouilles, en raison de leur organisation très-particulière, ont fourni aux personnes qui se livrent à l’étude des sciences d’observation , les cir- constances les plus favorables pour interroger la nature dans un grand nombre de recherches importantes. Les singularités que présente la structure de ces reptiles ont produit de mer- veilleuses découvertes, qui ont jeté le plus grand jour sur plusieurs parties de la physique, de la chimie et surtout de la physiologie. C’est ce que nous essaierons de prouver par cette notice, dans laquelle nous nous proposons de rassembler les faits principaux et surtout de revendiquer, en faveur de Swammerdam , quelques observations que ce* célèbre anato- miste avait faites le premier, sur la forme des globules du sang examinés au microscope, et surtout sur l’action dite galvanique , exercée sur les muscles par deux métaux diffé- rens [mis en contact,» au moment où l’un d’eux vient à toucher un nerf. » D’abord et sous le point de vue physiologique , nous rap- pellerons que ces batraciens ont offert aux physiologistes des expérimentations naturelles, opérées constamment de la même manière, sur un très-grand nombre d’individus; que ces 6 recherches peuvent être répétées chaque jour et sous nos yeux, sans transition rapide, sans souffrances, sans danger pour la vie de l'animal, sans effusion de sang ; et que leurs résultats, à jamais positifs et permanens, ne peuvent par. conséquent être contestés raisonnablement. On est même forcé d’avouer au- jourd’hui que les investigations les plus hardies de la science auraient inutilement tenté de résoudre ces problèmes phy- siologiques que la simple observation a si complètement dé- montrés ; car, comme l’a dit Buffon, s’il n’existait pas d’ani- maux , la nature de l’homme serait encore plus incom- préhensible. «Par ces démonstrations, on peut apprendre comment un être, sans cesser de rester le même, en continuant de vivre et d’a- gir, peut subir successivement, mais peu à peu, diverses transformations, de manière à présenter une série de phé- nomènes produits par des organes qui se substituent lente- ment les uns aux autres, et comment ses fonctions s’altèrent, se modifient, s’oblitèrent et se remplacent, suivant les besoins ou les nécessités de sa nouvelle existence. « Ainsi un animal actif, vivant d’abord et respirant unique- ment dans l’eau, où il nage avec rapidité et par le même mécanisme que le poisson dont il avait reçu primitivement les formes et la structure,se trouve insensiblement métamorphosé en quadrupède agile, qui doit respirer dans une atmosphère gazeuse. Forcé par cette circonstance même, d’abandonner son premier genre de vie, il va changer tout-à-fait ses mœurs et la nature de son alimentation. « Alors, si le terrain lui offre un point d’appui résistant, il mettra en action l’admirable assemblage des leviers osseux et des muscles de ses membres postérieurs, qui ont remplacé sa longue échine modelée et organisée en nageoire verticale. Il emploiera toute sa puissance motrice pour quitter subitement le plan qui le supportait, et, s’élançant dans l’espace, il franchira par un seul effort, admirablement combiné, toute la distance qu’il doit parcourir en quittant le sol, dans une étendue qui pourra excéder, de plus de trente fois au moins , sa longueur totale. » Mais ce même appareil, si bien disposé pour produire le saut vertical, excitera bien plus notre curiosité par son méca- nisme et notre admiration par la simplicité de ses effets, quand nous le verrons, quoique restant le même, et à l’aide d’un léger déplacement dans la direction des os du bassin ou des hanches devenues mobiles, rester plus apte encore à l’action du nager, qui en réalité se réduit ici en une suite de projec- tions plus ou moins horizontales. Tous les efforts de la motilité la plus énergique tendant à se transmettre directement au tronc et à imprimer une impulsion dans l’axe du corps , soit à l’aide des deux membres postérieurs, agissant simultanément en se débandant à la fois ; soit que l’animal, n’allongeant qu’une seule de ses pattes, en étale les membranes plantaires pour s’appuyer sur l’eau afin d’y rencontrer une résistance nécessaire. Alors l’excès de la force se trouve reporté et trans- mis sur la masse totale du corps, soutenue constamment par celle du liquide qu’il déplace et dans lequel il reste immergé. »> Cette transformation graduée d’un animal essentielle- ment aquatique, qui devient peu à peu terrestre et aérien, n’a pu s’opérer sans entraîner après elle les plus grandes muta- tions. D’abord, comme nous venons de le rappeler , dans les organes du mouvement, puis dans les appareils destinés à produire les actes hydrauliques et pneumatiques qui sont né- cessaires à la circulation et à la respiradon, dans ces deux genres de vie si différensl’un de l’autre, mais qui s’exécutent par un mécanisme qui, en réalité, n’a éprouvé qu’une très- légère modification. » Iæs branchies, à la surface desquelles l’eau , par les gaz qu’elle renferme, venait vivifier la totalité du sang sur le têtard, ont été lentement remplacées par le développement des pou- mons vésiculaires, dans l’intérieur desquels l’air devra être refoulé par un mécanisme ou par un nouveau mode d’inspira- tion , emprunté à l’appareil de la déglutition. On conçoit quels change mens a du exiger cette transposition d’organes destinés à exécuter une seule et même fonction par des moyens si différens. De là l’oblitération de certains vaisseaux, tandis que d’autres s’allongeaient, se dilataient pour remplacer les pre- miers, afin de s’accommoder successivement et avec lenteur ,• à ce nouveau mode d’exécution dans les actes respiratoire et circulatoire, qui restent constamment, comme nous aurons bientôt occasion de le rappeler, dans une dépendance né- cessaire et absolue. » C’est sur les membranes des pattes de la grenouille, sou- mises au microscope et sur les branchies de son têtard, que le mode et les effets de la circulation capillaire ont pu être bien observés ; mais c’est peut-être à tort qu’on a attribué la prio- rité de cette découverte à Leeuwenhoeck. Quoiqu’il en soit, il reste avéré que dans les premiers temps la totalité du sang veineux est poussée par le cœur dans les vaisseaux qui vien- nent se ramifier à la surface des franges branchiales , pour y éprouver les effets de l’hématose , comme dans tous les pois- sons ; que peu à peu ce mode de circulation se trouve complè- tement changé avec l’entier développement des poumons. Ce fait était connu de Swammerdam, qui l’avait même démontré, car il en avait tracé des figures exactes, et il a même parfai- tement indiqué et représenté l’oblitération des artères bran- chiales et le développement de la petite branche qui, se dé- tachant primitivement de chaque côté, était destinée à devenir ultérieurement l’artère pulmonaire ou veineuse (1). >» Qu’il me soit permis de rappeler à ce sujet celte autre circonstance, qui a échappé à Haller, puisqu’en parlant de la découverte des globules du sang (2), dans sa grande Phy- siologie, il l’attribue àMalpighi et principalement à Leeuwen- hoeck ; car il a cité le premier de ces auteurs , comme les ayant indiqués, en 1665, et il a donné pour le second la date précise du 15 août 1673 (3). C’est ce que tous les physiologistes ont répété depuis. Cependant il est avéré que les recherches 8 (4) Swammerdam. Bibel der naiur., tom. II, pag. 830, pl. XLIX , fig. 3-4. (2) Haller. Elementa physiologiæ , tom. II, pages 50 et 51. (3) La lettre de Leeuwenhoeck avait été adressée au secrétaire de la Société royale de Lpndres, à cette date ; elle a été reproduite depuis dans le» Arcana naturœ. de Swammerdain sur les grenouilles étaient faites dès l’an- née 1658; il cite lui-même cette époque. Ce qui peut expli- quer ce fait, c’est que la Bible delà nature, écrite d’abord en hollandais par l’auteur, puis traduite en latin par Gaubius, n’a été publiée qu’en 1737, cinquante-huit ans après la mort de ce célèbre anatomiste. Voici, au reste, la traduction de ce passage, dont nous donnons ici le texte en note : « En exami- » nant au microscope le sérum du sang , j’y voyais flotter un » nombre immense de particules arrondies, de forme ovale , » comme aplatie, ayant toutes cependant une figure régu- lière.... Elles roulaient sur elles-mêmes de diverses ma- » nières (1).» « La respiration et la circulation sont, comme on sait, con- stamment liées entre elles et dans une dépendance absolue ; aucun changement ne survient dans l’une de ces fonctions, que l’autre n’y participe. On voit cependant, dans l’un comme dans l’autre cas, le premier mode d’organisation se continuer ici par le mécanisme primitif. L’eau ou l’air dans lesquels l’ani- mal est plongé, sont appelés et obligés de pénétrer en volu- me , calibré pour ainsi dire, et déterminé par l’ampleur de la cavité buccale, pour être de là poussés, par l’acte de la déglu- tition , soit à l’extérieur des branchies, soit dans l’intérieur des poumons, pour se mettre en rapport avec le sang veineux qui doit s’artérialiser dans les divisions capillaires des ramus- cules anastomosés du tronc principal qui provient directement du cœur. » La ténuité des membranes natatoires étendues entre les doigts des pattes postérieures, la transparence du péritoine, celle des vésicules pulmonaires qui sont larges, amplement développées, qui peuvent être gonflées par l’animal, rester dilatées hors de sa cavité abdominale, s’affaisser et se remplir 9 (1) In sanguine sérum conspiciebain in quo immensus fluctuabat orbi- cularium particuîarum, ex piano ovata, penitus tamen regulari figura gaudentium numerus.... prout nimirum diversi modi in sero sangumis circumvolvebantur. Swamnierdam , Biblia natui æ, t. II, pag. 835. 10 de nouveau (1), ont permis de suivre le cours du sang et de soumettre les vaisseaux à une pression atmosphérique moindre ou augmentée. C’est alors qu’on a pu admirer à loisir et pen- dant long-temps la rapidité et la régularité du cours du sang dans les canaux qu’il parcourt. D’un côté dans les veines, où le flux est continu et si constant, qu’il ne saurait être aperçu ou distingué sans les globules colorés que cette humeur char- rie et qui se laissent parfaitement voir au milieu de la portion séreuse plus fluide qui les enveloppe, et de même dans les artères par les pulsations et les jels successifs plus ou moins rapprochés ou éloignés, suivant l’impulsion que le cœur doit leur communiquer pendant un espace de temps qui peut être fort long. » L’étude des organes de la digestion chez ces batraciens ri’offre pas un moindre intérêt aux réflexions des physiologis- tes. Ces reptiles , sous leur première forme , celle de têtard pisciforme, avaient labouche étroite ; ils ne pouvaient d’abord que sucer, puis se nourrir uniquement de substances végétales coupées et divisées en parcelles, à l’aide d’un bec de corne , afin d’être introduites dans les circonvolutions d’un tube di- gestif dont l’ampleur ou la longueur sont considérables , comme dans tous les animaux herbivores. Mais quand la mé- tamorphose s’est opérée, la bouche a changé de forme ; les mâchoires sont dépouillées de leur étui de oorne tranchante, elles se sont allongées, élargies; leur commissure s’étend alors au-delù du crâne ; la langue visqueuse, fixée et attachée en avant, libre en arrière, peut être lancée, projetée au dehors (1) Ce mude «le respiration était connu de Malpighi (*), de Morga- gni (**) et de Swammerdain (***), dont je transcris quelques phrases. (*) Ex oculari inspectione constat ranas ad libitum , aperto etiam tliorace , pro- prios exinanire follicules et mox etiam turgidos reddere. Opéra posthuma, pag. 8. (*) Inspiratio aulcm eflicitur iisdem instruments per quæ inferior buccæ pars amplificata et mox contracta aciemin pulmones compellit. Adversaiia analomica , n° 29 , pag. 109. (**) Nam resectis musculis , tum abdominis , tum pectoris ; imo denudato corde , respirationcm si ita appellure liceat, musculorum oris ope , quod ipsi praegrande est, adhuc perfici expert! sumus. Biblia naturæ. par une sorte d’exspuition.Ainsi retournée, renversée sur elle- même, elle est avalée, humée rapidement; elle entraîne avec elle la proie qui s’y colle, et dont elle ne se sépare ou ne se dé- barrasse que par sa propre contractilité. La déglutition com- mence bientôt parce que l’animal opère le vide par la glotte. Comme la nourriture consiste en substances animales, le plus souvent douées encore de la vie et du mouvement, la préhen- sion en est rapide, subite, afin de saisir inopinément la proie à distance ; elle est violente pour vaincre la résistance de la victime, qui se trouve bientôt engloutie et précipitée dans un vaste estomac. Parvenue là, elle ne tarde pas à être privée de toutes ses facultés ; elle périt. Puis ramollie, dissoute , décom- posée, ses élémens pénètrent dans un canal qui a tout au plus la dixième partie de sa longueur primitive ; car le chyme qui en provient contient, sous un moindre volume , des sucs qui avaient déjà été élaborés par l’animal dont ils faisaient partie constituante, et qui, par cela même , sont maintenant tout préparés et disposés à l’assimilation directe. » En effet, le même animal, lorsqu’il était encore têtard herbivore, avalait une prodigieuse quantité d’alimens ; son canal digestif était tellement prolongé que , déroulé de ses nombreuses circonvolutions spirales , il pouvait présenter une étendue qui dépassait de plus de sept fois la longueur totale de son corps. Preuve irrécusable que les goûts et les habitu- des doivent changer dans les animaux comme les organes des- tinés à la nutrition, et réciproquement, puisqu’on voit, dans d’autres espèces subissant aussi des métamorphoses, des modifications qui se manifestent en sens inverse. Pour ne citer qu’un exemple, ne le trouvons-nous pas dans les Hydrophiles, parmi les insectes, qui, de carnassiers et de vers assassins qu’ils étaient, sous leur première forme, celle de larves, sont devenus uniquement herbivores sous celle d’insecte par- fait ? Ils attaquaient d’abord les petits animaux vivans pour se nourrir de leur chair en les digérant, au moyen d’un intestin très-court, et qui, comme coléoptères, se repaissent unique- ment de débris de végétaux qu’ils engloutissent en grande quantité dans un tube digestif d’une longueur prodigieuse, contourné sur lui-même et dix ou douze fois plus étendu qu’il ne l’était dans les larves. » Aucun animal n’est plus propre que la grenouille à la dé- monstration de plusieurs faits importans relatifs à l’absorption et à l’exhalation par la peau, ainsi que la résistance à l’action du calorique, comme l’ont prouvé les curieuses expériences de Robert Townson,de F. Delaroche et de M. Edwards aîné. Ce reptile, privé d’écailles et à peau toujours humide, lors- qu’il est exposé à l’action d’une atmosphère sèche et dont la température est élevée, peut, sans perdre la vie, résister d’une part et long-temps à la chaleur sans s’échauffer, à l’aide de l’évaporation rapide et continue qui a lieu à sa surface, et d’autre part il peut, en moins d’une heure, diminuer de près de moitié de volume, et puis, dans quelques circonstances , repomper, par les tégumensdela partie inférieure du corps , assez d’eau pour reprendre son poids primitif. Des expé- riences , instituées avec le plus grand soin, ont appris que cette absorption avait lieu, et que la grenouille pouvait même faire provision d’une assez grande quantité de liquide qu’elle conservait dans une ample citerne , afin de fournir à celte éva- poration , quand elle est obligée de rester exposée à l’air, sur un terrain sec et à la vive ardeur du soleil, afin de conserver la température qui lui convient. » C’est surtout la fonction génératrice chez les batraciens qui a présenté aux physiologistes un grand nombre de cir- constances importantes à observer. Les faits à cet égard et les observations sont si extraordinaires, que , par leur anomalie même, ils ont dû appeler l’examen le plus sérieux et les mé- ditations de tous les hommes qui ont cherché à remonter à l’origine des êtres et à celle de leurs organes. Cette opération, en général si occulte, si profondément intime, si mystérieuse, en s’exécutant ici au dehors de l’animal et sous nos yeux , a pu être étudiée dans toutes ses phases. La redondance de la vie, l’exubérance des matériaux obtenus par la nutrition, ce besoin, cette exigence impérieuse de la nature qui appelle tous les êtres organisés à perpétuer leur race et à com- muniquer l’existence à un certain nombre d’individus des- tinés à leur succéder, se manifeste chez la grenouille de la manière la plus évidente. » Les germes, sécrétés et séparés du corps de leur mère avant d’avoir été fécondés, ne reçoivent réellement la vitalité qu’à l’extérieur des membranes transparentes à travers les- quelles il a été loisible d’examiner jour par jour toutes les évolutions, tous les changemens qui surviennent dans les formes et le développement des embryons. On a pu ainsi assis- ter à leur transfiguration et suivre, dans leurs divers âges, les apparences et les modifications de leurs organes, dont les variations se trouvent nécessitées par la nature des milieux dans lesquels les individus sont appelés à vivre , à se nourrir, à respirer, à se mouvoir d’une tout autre manière. » Enfin personne n’ignore aujourd’hui que les grenouilles ont été la cause, ou du moins qu’elles ont fourni l’occasion des plus grandes découvertes sur l’électricité et des explica- tions ingénieuses et plausibles sur la manière dont paraissent se transmettre , par l’intermède des nerfs et avec la rapidité de l’éclair, d’une part les perceptions venues du dehors, et de l’autre cette sensibilité active qui gouverne et régit, comme une puissance autocralrice , tous les rouages si compliqués de la machine animale. » La circonstance fortuite qui, en 1789, fit découvrir à Galvani l’excitabilité des muscles lorsqu’il venait à toucher les nerfs qui se distribuent dans ces organes et le mouvement rapide de contractilité qui est produit par l’action réunie de deux métaux hétérogènes, est certainement due à l’organisa- tion du reptile batracien qui avait donné lieu à tant d’autres découvertes physiologiques. L’explication théorique du phy- sicien de Bologne, accueillie d’abord , fit attribuer ces effets à un nouvel agent ou à un fluide particulier different de l’é- lectricité et qu’on nomma galvanique. Volta, combattant cette opinion , démontra, par un grand nombre d’expériences, que tous les phénomènes observés étaient dus au développement de l’électricité qui se produit constamment lorsque deux mé- taux , dans un état différent par leur nature , se trouvent en communication au moyen d’un corps humide interposé, et 14 qué dans le cas particulier où leur action s’exerce sur les nerfs, ceux-ci n’étaient réellement qu’une sorte de conduc- teurs présentant un mode d’écoulement très-facile. D’après cette théorie, il composa des appareils dont l’action était con- tinue et dont l’énergie devenait d’autant plus grande que le nombre des plaques métalliques et surtout que leur surface était plus considérable. On sait que cette machine ingénieuse est devenue ainsi l’un des plus puissans instrumens de phy- sique et de chimie , à l’aide duquel on est parvenu à découvrir la composition d’un grand nombre de corps dont les élémens ou les principes constituans ont été pour la première fois sé- parés dans la potasse, la soude, la chaux , la baryte, etc., substances que les chimistes avaient jusqu’alors considérées comme des corps simples. « En énonçant la découverte dont nous venons de parler, nous avons soin de citer dans nos cours l’observation du même fait consigné, vers le milieu du 16e siècle, dans un ouvrage bien savant, où l’expérience se trouve parfaitement indiquée, c’est la Bible de la nature de Swammerdam, dans laquelle on voit les appareils destinés à mettre leur résultat en complète évidence.Yoici un extrait de ces passages, dont nous présen- tons également le texte en note. » Faisant des recherches sur la contractilité des muscles, Swammerdam explique d’abord pourquoi il a choisi les gre- nouilles pour faire ses expériences. Dans ces animaux, dit-il, les nerfs sont très-apparens ; il est facile de les découvrir et de les mettre à nu; en outre, ilfest aisé de reproduire les mou- vemens des muscles en les ressuscitant par l’irritation des nerfs(l). Il raconte comment il a rendu évidente la contraction d’un muscle séparé de la cuisse d’une grenouille (2), et de (1) In rana potissinium expérimenta semper institui. Nervi enim in liisce animalculis admodmn sunt conspicui ; facili negotio detegi atque denudari possunt.... imisculorum niotui per nervos irritatos ressuscitando aptissimum est animal. Swammerdam, tom. II, pag. 860. (2) Oportet musculum laxe per vitreum tubulum transmittere (a) ac utrumque ejus tendinem, subtilibus duabus aciculis (bb) trajicere et has in segmento suberis defigere. Si deiu nervum (c) irritaveris , videbis mus- 15 quelle manière il a fait ses expériences, en 16b8, devant le grand-duc de Toscane.Comme on peut reconnaître danscelte narration, un véritable fait galvanique, nous croyons devoir Je rapporter dans ses détails et même faire copier le texte, ainsi que le dessin de son petit appareil (1) que nous faisons passer sous les yeux.de l’assemblée. » Soit un tube de verre cylindrique (a), dans l’intérieur « duquel est placé un muscle (i), dont sort un nerf qu’on a » enveloppé dans les contours d’un petit fil d’argent (ce) de » manière à pouvoir le soulever, sans trop le serrer, ni le » blesser. On a fait passer ce premier fil à travers un anneau » pratiqué à l’extrémité d’un petit support en cuivre ( d) soudé »> sur une sorte de piston ou de cloison ; mais le petit fil d'ar- » gent est disposé de manière à ce que, passant entre le verre » et le piston, le nerf puisse être attiré par la main (/") et tou- » cher ainsi le cuivre. On voit aussitôt le muscle se con- » tracter. » « Il est évident que cet appareil, préparé dans le but de démontrer les changemens qui arrivent dans le muscle au mo- ment de la contraction, réunissait cependant toutes les condi- tions requises pour que l’électricité galvanique pût se manis- fester ; mais l’auteur attribuait uniquement à la compression ce qui était le résultat du contact des deux métaux par le fil d’argent formant un étui au nerf, quand il venait à toucher le support de cuivre ; car il a soin de faire remarquer que le nerf dans ce cas n’est ni blessé ni comprimé. onium capitula acicularum ad se mutuo adduccre (dd) et ventrein muscul notabiliter crassiorem tieri. Ibid., pag. 840, fig. 6. (1) \itreus nimirum siphunculus (a) musculum ibi intus (6) in cavo suo conlinet. Nervus autem de musculo pendens , tenui quodarn iilo ar- genteo (ec) in se circumflexo, absque læsione aut pressu, comprehenditur. Quod filum deinde per foramen fili ænei siphonis embolo ferruminatis tra- jicio (d)... quod si dein filum argenteuni, manu suspensa (f) prudenter per annulum fili ænei inter embolum et internam siphonis superficiem , eo usque protrahitur donec nervus impressus irritetur, musculus ille si- mili modo contrahere observatur. Swamherdam. Biblia nat., t. II, p. 849, pl. 49. 16 » J’ai cherché à rappeler dans cette notice historique, com- bien l’étude de l’organisation des grenouilles avait été utile, et pouvait l’être encore , aux diverses sciences d’observation ; à l’anatomie, à la physique , à la chimie, et surtout à la phy- siologie. 11 résulte en effet de cet aperçu que ces reptiles ont fait mieux connaître les organes et le but de presque toutes les fonctions, puisque nous avons cité la motilité, l’innerva- tion , la digestion, la circulation, la respiration , l’absorption, l’exhalation et enfin la génération. ('oocr ijrrihr.rrf i/r.r /3 f/r,r /'iy//r<\r VI c/ VTIU (/r /rr P/mr/e ALIX t/e /a /h/t/r i/r /a lYa/urc jnir Swamm erdam