ZOOLOGIE VÉTÉRINAIRE EXPÉRIENCES SUR LE GYSTICEKGUS TESDICOLLIS & SLR LE TÆNIA QUI RÉSULTE DE SA TRANSFORMATION DANS DU CHIEN PAR (J. BAILLET Professeur à l’École impériale Vétérinaire (le Toulouse. TOULOUSE IMPRIMERIE BAYRET, PRADEL ET O PLACE DE LA TRINITÉ, 12 1861 ZOOLOGIE VÉTÉRINAIRE EXPÉRIENCES SUR LE CYSTICERCUS TENUICOLLIS & SUR LE TÆNIA QUI RÉSULTE DE SA TRANSFORMATION DANS L’INTESTIN DU CHIEN * C. BAILLET Professeur à l’École impériale vétérinaire de Toulouse. Dans un travail que le Journal des Vétérinaires du Midi a publié en 1859, je disais que si les lois générales qui président à l’accom- plissement des phénomènes de migrations et de métamorphoses des cestoïdes sont aujourd’hui bien connues, il n’en est pas de même d’une multitude de questions secondaires, dont l’étude se relie à la connaissance des mœurs de chaque espèce en particulier, et dont la solution offre, à cause de cela , le plus grand intérêt pour l’étiolo- gie de quelques maladies vermineuses. A cette époque j’avais pris pour sujet de mes recherches les migrations du cœnure cérébral chez nos diverses espèces de ruminants domestiques. Cette année je me suis plus spécialement occupé du cysticercus tenuicollis Rud. et du tænia auquel il donne naissance; car aujourd’hui encore il existe entre les plus éminents helminthologistes, au sujet de la déter- mination spécifique de ce cestoïde, des dissidences qui ne peuvent * Extrait du Journal des Vétérinaires du Midi. 4 être levées que par des expériences directes faites dans des condi- tions variées. Je n’ai point réussi à parcourir en entier le cercle des investigations auxquelles je désire me livrer sur ce parasite ; toute- fois, les résultats que j’ai obtenus me paraissent intéressants au dou- ble point de vue de la zoologie et de la pathologie vétérinaire, et c’est là ce qui me décide a livrer dès à présent à la publicité une première partie de mon travail. Le cyslicercus tenuicollis Itud. est un ver cystique que l’on ren- contre assez fréquemment dans le péritoine du bœuf, du mouton , de la chèvre et du porc. Je l’ai trouvé également, à diverses reprises, dans les plèvres, chez des bêtes ovines. Enfin, en 1858 , j’ai recueilli, dans le tissu cellulaire de la région sous-lombaire , chez un chat, deux vers qui me paraissent appartenir à cette même espèce. Lors- qu’on fait déglutir au chien des cysticercus tenuicollis recueillis chez des ruminants, ils se transforment en taenias dans l’intestin de j 90 915 ce carnassier. Celte expérience, faite par divers naturalistes, notam- ment par MM. de Siebold, Leuckarl et Kuclienmeister, ne laisse aucun doute sur l’identité spécifique du cysticercus tenuipollis Rud. et du tamia que l’on a désigné sous le nom de ta\nia cysticerci tenui- collis. La démonstration de ce fait acquiert une nouvelle force encore, par les expériences inverses dans lesquelles 31. Kuchen- meister a réussi à reproduire des cysticerques dans le péritoine des bêtes ovines ; en faisant prendre à celles-ci des anneaux du taenia • m .ni.o jfr9TUVi,.jiiTn lOp - onp mmcl mq cysticerci tenuicollis. Mais si tout le monde est d’accord aujourd’hui pour reconnaître l’identité spécifique du cystique et du ver rubané auquel il donne naissance, on est bien loin de s’entendre lorsqu’il s’agit de décider si le ver dont nous nous occupons constitue une espece bieq distincte parmi les tæmas armes. Les uns, en effet, con- sidèrent le ver solitaire de l’homme, certains tænias du chien et ceuî 8Tuqso i&q b eioiri -yileup » aïow on xyesnas 89ni/ëi pma fié de quelques autres carnassiers, comme appartenant tous a un seul et même type spécifique, et pensent que cette espèce à l’état de cystique peut vivre indifféremment sous forme de cœnure chez les ruminants, et sous forme de cysticerques, très différents les uns des autres, chez le porc, les ruminants, le lièvre et le lapin domes- tique. Les autres, au contraire, pensent que chaque cystique appar- tient à un tamia particulier, et que, par conséquent, il doit exister dans ce genre autant d’espèces séparées qu’il y a de formes bien caractérisées parmi les vers à vessie. Comme nous l’avons dit déjà dans les travaux que nous avons publiés en $858 * et en 1859 *', toutes nos expériences entreprises à l’École de Toulouse viennent à l’appui de cette dernière opinion , qui nous paraît être l’expression de la vérité. Nous avons pensé cependant qu’il ne serait pas inutile d’ajouter de nouveaux faits à ceux que nous avons rapportés, et c’est là ce qui nous a engagé à entreprendre, sur une espèce encore peu étudiée, les expériences dont nous allons rendre compte. Ainsi que nous nous en sommes assuré assez souvent, le tœnia cysticerci tenaicollis, bien qu’il soit plus rare que le tœnia serrata, se rencontre néanmoins de temps à autre dans l’intestin du chien. Cependant, afin de ne conserver aucun doute sur l’origine des ces- toides que nous voulions employer à nos expériences, nous avons pris le parti de provoquer directement le développement de taenias de cette espèce dans l’intestin du chien. Le 12 décembre 1859, une chienne épagneule du nom de Zcmire, âgée de deux mois et demi environ , reçut un cysticercus tenuicollis, mé du péritoine d’un mouton. Le 20 et lé 21 du même mois, elle prit encore trois autres cystiques de la même espèce, recueillis l’un dans l’abdomen d’un bouc, les deux autres dans le péritoine d’une chèvre. Dès le 28 mars 1860, c’est-à-dire cent sept jours après l’ad- ministration du premier cystique, cette chienne commença à rendre par l’anus quelques proglottis qui me parurent offrir tous les carac- tères que j’avais constatés en 1858 sur des tœnia cysticerci tenui- collis, dont j’avais provoqué la formation dans l’intestin de divers chiens. Ces anneaux contenaient des œufstïrîirs. À partir du D» avril, les expulsions devinrent assez fréquentes, et je pus utiliser les pro- glottis à des expériences en les administrant, à plusieurs reprises', à cinq jeunes agneaux de trois à quatre mois, à peine sevrés depuis quelques jours. De ces cinq animaux un seul a succombé ; les quatre autres ont ■été successivement sacrifiés. Voir Journal des Vétérinaires du Midi, 3mc série, tome i, page 439, et Annales des Sciences naturelles, 4c série, tome page 191. ** Voir Journal des Vétérinaires du Midi, 3mc série, tome n, page 338, et Annales des Sciences naturelles, î<> série, tome xi. page -303. Agneau n° 1. — Le premier de ces ruminants dont nous ayons à parler est une agnelle qui,en trois fois, a pris dix-sept anneaux ren- dus par la chienne Zémire, savoir : Le 4 avril, un proglottis ; Le 5 avril, cinq proglottis ; Et le 10 avril, onze anneaux rendus en un seul fragment. Le matin du 14 avril, cette agnelle, qui la veille avait mange avec appétit et n’avait présenté aucun symptôme particulier, est trouvée gravement malade. Elle est couchée sur le sternum et appuyée con- tre le mur de son étable. La tête est à demi-tombante à l’extrémité du cou, et, par moments, elle est agitée de tremblements convul- sifs. Les paupières sont baissées, les yeux chassieux et larmoyants, et la bête ne prête aucune attention à ce qui se passe autour d’elle. La respiration est grande, profonde, et l’expiration s’accompagne d’un ronflement peu sonore qui, parfois, se transforme en une véri- table plainte. La conjonctive, la muqueuse de la bouche, la peau , sont d’une pâleur effrayante. Les battements du cœur sont forts, irréguliers, et le pouls est à peine seusible. Autour des naseaux existe du sang coagulé qui indique qu’une hémorrhagie a eu lieu par le nez pendant la nuit. Du sang que l’on retrouve sur la toison d’un autre agneau qui vit dans le même compartiment que la bête dont il est ici question , atteste par sa quantité que cette hémorrha- gie a dû être assez considérable. On fait lever l’agnelle malade, et pour l’observer plus facilement on la conduit dans une pièce mieux éclairée. Pendant le trajet d’ail- leurs peu étendu qu’elle a à parcourir, sa marche est lente et vacil- lante ; elle s’arrête souvent, et dans la station elle tient ses mem- bres écartés, comme pour élargir la base de sustentation. Arrivée dans le nouveau local où on l’a conduite, elle se laisse aller sur la paille et paraît sur le point d’être suffoquée. Elle reste longtemps dans cet état; puis, peu à peu , elle semble se calmer. Toutefois, les symptômes qu’on a observés le matin persistent en s’aggravant- Dans l’après-midi, la bête se couche et se relève sans cesse; elle mange un peu d’herbe verte qu’on lui présente, mais elle s’arrête souvent et semble oublier le fourrage qu’elle a dans la bouche. Vers midi, on lave les naseaux avec de l’eau tiède pour les débar- rasser du sang coagulé qui les obstrue en partie, et presqu’aussitôt 7 un liquide sanguinolent s’écoule parafe nez. Deux fois la bête expulse de l’urine en petite quantité, et ce liquide est également sanguino- lent. Enfin, à trois heures, les plaintes deviennent plus fréquentes, l’animal reste définitivement couché, et après quelques convulsions, peu énergiques d'ailleurs, il succombe à trois heures et demie. L’autopsie est faite immédiatement. Tous les viscères abdominaux sont trouvés baignant dans du sang qui s’est épanché en quantité considérable dans la cavité du péritoine. Les vaisseaux , examinés avec le plus grand soin , ne lais- sent voir aucune ouverture, ni aucune lésion qui puisse expliquer cette hémorrhagie interne. Le foie est gorgé de sang, et à la moin- dre pression que l’on exerce à sa surface, il laisse transuder ce liquide. La surface du foie est parsemée d’une innombrable quantité de petits sillons droits ou peu sinueux : les uns d’un rouge brun ; les autres d’un rouge plus clair, s’entrecroisant souvent de différentes manières, et ne laissant pas intact un seul point de la superficie de l’organe. La capsule qui revêt celui-ci se détache avec la plus grande facilité du tissu de la glande, et lorsqu’elle est enlevée on reconnaît que les sillons dont nous venons de parler, sont creusés dans le parenchyme même du foie, et qu’ils sont comblés en partie par du sang qui s’est coagulé en petits caillots. Dans chaque sillon on trouve une, deux , trois ou quatre petites vésicules ovoïdes, dont nous donnerons plus loin la description , et qui sont placées, les unes parallèlement, les autres transversalement au grand axe du sillon qu’elles occupent Du reste, avant même que l’on ait enlevé par- tiellement la capsule du foie, de nombreuses vésicules semblables se sont détachées, entraînées par le sang qui a transsudé de l’organe. Ce fait s’est produit déjà, sans doute, pendant la vie; car dans le sang qui est épanché dans le péritoine, on retrouve en grand nom- bre des vésicules tout-à-fait identiques à celles du fore. Enfin, ce n’est pas seulement à la surface que ce dernier organe présente des altérations; car, en le divisant avec l’instrument tranchant dans le sens de son épaisseur, on reconnaît que partout son parenchyme est ereuséde galeries qui, sur leur coupe, offrent le même aspect que les sillons de la surface, et, comme eux, sont occupées par de petits caillots sanguins et par des vésicules. Le canal cystique et la vésicule biliaire sont distendus par labile ; 8 mais dans leur intérieur on ne trouve point de vésicules. La rate est parfaitement saine. Toute la partie flottante de l’épiploon est le siège d’un épanche- ment sanguin qui s’est fait entre les deux lames du péritoine. Le sang qui s’est coagulé dans cette région dessine une sorte de lacis d’un rouge foncé, au milieu duquel on trouve encore de nombreu- ses vésicules semblables à celles du foie. Dans les autres régions du péritoine on voit aussi çà et là quelques vésicules qui ne sont point encore enkystées. Le tube digestif est sain. Il en est de même des reins et de la ves- sie. Celle-ci est complètement vide, l’animal ayant uriné quelques instants avant sa mort. Dans la poitrine, le poumon offre à sa surface des ecchymoses assez nombreuses, espacées, non confluentes, dont le diamètre varie entre 2 et 8 ou 40 millimètres. En incisant la plèvre on reconnaît que ces ecchymoses ne pénètrent qu’à une faible profondeur, et que toujours le centre de chacune d’elles est occupé par une, ou plus rarement, par deux vésicules de même forme, mais un peu plus petites que celles du foie. Un petit caillot de la grosseur d’une tête d’épingle se trouve toujours à côté de chaque vésicule. Les bronches, la trachée et les cavités nasales sont remplies d’un liquide spumeux un peu rosé. Le coeur et les gros vaisseaux paraissent entièrement sains. Il n’y a rien à noter dans le cerveau, ni dans ses enveloppes. Dans toutes les régions du corps , le tissu musculaire est pâle et décoloré. C’est par milliers qu’il faudrait compter les vésicules dont, à l’autopsie de cet animal, on a constaté la présence dans le foie, le poumon, l’épiploon, et jusque dans le sang épanché dans le péri- toine. Toutefois, il ne faut pas oublier de faire remarquer que c’est le foie surtout qui est le siège occupé par les parasites en voie de migration, et que tout cet organe en est littéralement criblé, au point qu’il suffît d’en presser un morceau entre les doigts pour faire sourdre aussitôt de toutes parts des vésicules en grand nombre. Quels que soient d’ailleurs les points occupés par les vésicules, elles offrent les caractères suivants : Elles sont ovoïdes, à parois transparentes, et remplies à l’intérieur d’un liquide clair et limpide. 9 Elles ne portent encore aucune trace de scolex, et l’on ne saurait au juste prévoir le point où celui-ci devra se former. Leur mem- brane, considérablement grossie, est finement granuleuse, et chez quelques-unes que j’examine dès que l’agnelle est ouverte, je puis constater des contractions et de légères modifications dans la forme. Les plus grosses d’entre elles qui ont été trouvées en grand nom- bre, surtout dans le foie ou dans le sang épanché dans le péritoine, sont longues de 2 millimètres à 3 millimètres 50 centièmes de mil- limètre et larges de 1 millimètre 20 centièmes à 1 millimètre 40 cen- tièmes. D’autres n’ont guère plus de 1 millimètre 50 centièmes de longueur. Enfin , les plus petites n’ont pas plus de 0">m 35 à 0mm 60 dans leur plus grande longueur. Avant de m’arrêter sur les conséquences qui me paraissent décou- ler des symptômes et des lésions observés chez l’animal dont je viens de retracer l’histoire, je crois devoir rapporter les quatre autres expériences qui ont donné des résultats beaucoup moins sail- lants, mais qui, cependant, ne sont pas dépourvues d’intérêt. Agneau n° 2. — Un agneau du même âge que la bête dont nous venons de parler a reçu, en huit fois, du 26 avril au 16 mai 1860. jusqu’à cent seize anneaux rendus par la chienne Zémire, tous sem- blables, d’ailleurs, à ceux utilisés dans la précédente expérience. Cet animal n’a jamais manifesté la moindre tristesse, et l’examen le plus minutieux, fréquemment renouvelé, n’a jamais fait découvrir en lui aucun symptôme de maladie. Le 5 juin on l’a sacrifié, et à l’au- topsie, faite immédiatement après la mort, on a constaté les lésions suivantes : Le rumen porte dans l’épaisseur de sa paroi inférieure une tumeur du volume d’un œuf de poule, dure, résistante, creusée à l’intérieur d’une cavité anfractueuse, remplie elle-même d’un pus épais et comme caséeux. 11 existe, disséminés dans le péritoine, dix-neuf cysticerques de différentes grosseurs. Les plus forts ont leur vési- cule longue de 20 à 25 millimètres et large de 10 à 12 millimètres. Cette vésicule est un peu conique, obtuse en arrière. À l’extrémité opposée se trouve le scolex qui fait saillie de 2 millimètres environ. Chez d’autres, les vésicules sont un peu plus petites, mais de même forme. Chez tous, la tête du scolex qui est invaginée est parfaite- ment formée, munie de ses quatre ventouses, de sa trompe et de su double couronne de crochets, où l’on retrouve, d’ailleurs, tous les caractères de dimensions et de formes que j’ai signalés en 18o8, comme étant propres au cysticercus tenuicollis. Tous ces vers s’agi- tent encore au moment de l’autopsie, et quatre d’entre eux , choisis parmi les plus gros, sont immédiatement administrés à un jeune chien. Le foie porte à son bord inférieur un kyste qui est à peu près du volume d’une grosse fève. Ce kyste, dont les parois sont très épais- ses et très résistantes, renferme dans son intérieur un cysticerque moitié moins gros que ceux signalés plus haut. La tête de ce dernier ver est cependant complètement organisée comme celle des autres. La surface du foie est parsemée de quelques taches d’un blanc jaunâtre, de forme irrégulière, et de dimensions variables Les plus petites ont environ \ ou 2 millimètres de diamètre. Si on les incise, on pénètre dans une petite cavité circonscrite par des parois propres, et dans l’intérieur de laquelle se trouve une matière pulpeuse, molle tout à la fois, onctueuse et granuleuse au toucher, qui fait légère- ment effervescence par les acides, mais sans se dissoudre entière- ment. Quelques taches un peu plus étendues correspondent à des cavités un peu plus grandes et contenant la même matière. D’autres, qui ont jusqu’à 2 ou 3 centimètres de longueur, sont formées par le rapprochement d’un certain nombre de petites cavités semblables à celles que je viens de décrire. En faisant des coupes dans l’épaisseur du foie, on reconnaît que des dépôts, semblables à ceux que nous venons de signaler, se sont formés dans la profondeur de cette glande. La plupart sont sous forme de points peu étendus ; d’autres sont sous forme de longues traînées sinueuses et étroites ; et les petites cavités qui constituent les unes et les autres, sont remplies de cette même matière pulpeuse que nous avons signalée plus haut. Les autres organes contenus dans la cavité abdominale sont sains. Il n’existe aucune lésion appréciable, ni dans le crâne, ni dans la cavité thoracique. Agneau n° 3. — Ce troisième agneau a beaucoup mieux résisté que les deux animaux dont nous venons de parler, à l’introduction des parasites dans son économie. En effet, après avoir reçu, le 5 et le 21 mai, huit auneaux recueillis au milieu des matières fécales de la chienne Zémire, il a été sacrifié le 27 juin. A l’autopsie, on n’a pu voir dans le péritoine qu’un seul cysticercus tenuicollis. En outre, le foie était entièrement sain , et le cerveau ainsi que les autres organes ne présentaient non plus aucune altération pathologique. Agneaü n° 4. — De même que les trois sujets qui précèdent, ce quatrième agneau a dégluti des anneaux de tænia rendus par la chienne Zémire. Ces anneaux, au nombre de onze, ont été admi- ministrés, le premier, à la date du 28 avril ; et les dix autres, qui d’ailleurs ne renfermaient que peu d’œufs mûrs, à la date du 16 mai. Pendant sa vie, l’animal n’a laissé voir aucun symptôme particulier. On l’a sacrifié le 2 août, et l’on a trouvé dans le péritoine seulement huit cysticercus tenuicollis dont les scolex étaient pourvus de cro- chets parfaitement formés et dont les ampoules étaient manifeste- ment plus grosses que celles recueillies chez l’agneau sacrifié le 5 juin. Le foie offrait, d’ailleurs, à sa surface et dans sa profondeur, quelques taches blanchâtres semblables à celles observées chez l’agneau n<> 2, mais beaucoup moins nombreuses. Agneau n° 5. — Treize anneaux rendus par la chienne Zémire ont été administrés en trois fois : le 28 avril T le 7 mai et le 21 mai, au dernier agneau dont il nous reste à parler. Cet animal, qui n’a été sacrifié que le 14 janvier 1861, a conservé toutes les apparences d’une santé excellente jusqu’au moment de sa mort. A l’autopsie, on a rencontré dans le péritoine, particulièrement entre les lames de l’épiploon , sur le foie, et au voisinage du rectum , trente cysticercus tenuicollis. Un autre cystique de même espèce a été trouvé dans le thorax, adhérent au bord postérieur du poumon droit. Tous ces vers étaient enkystés. Leurs vésicules étaient de la grosseur d’une noix , et leurs scolex, plus gros que ceux recueillis dans les expériences précédentes, étaient tous pourvus d’une double couronne de 32 à 36 crochets, présentant dans leurs formes et dans leurs dimensions tons les caractères que nous avons indiqués pour les cystiques de cette espèce, dans le travail que nous avons publié en 1858. Le foie dirait, en outre, à sa surface, des taches blanchâtres, dis- séminées : les unes, allongées, longues de 1 centimètre environ; les autres, arrondies et plus petites. Les premières avaient l’aspect de véritables cicatrices , et au-dessous de leur tissu légèrement épaissi, on rencontrait la substance du foie parfaitement saine. Les autres correspondaient, le plus souvent, à de petites cavités du diamètre d’un pois ou même d’un diamètre moins considérable. Toutes ces cavités étaient remplies d’une matière pulpeuse, granu- leuse au toucher, et présentant parfois une dureté presque pier- reuse. Enfin , dans son épaisseur, le foie laissait voir aussi de sem- blables dépôts. Ajoutons, d’ailleurs, que les cicatrices et les dépôts dont nous venons de parler n’étaient pas très nombreux. Quant aux autres organes, bien qu’ils aient été examinés avec le plus grand soin , on n’a pu constater en eux la moindre trace d’al- tération. La multiplicité des vésicules qui dans la première expérience ont été rencontrées dans différents points de la poitrine et de l’abdo- men ; le développement encore peu considérable de ces vésicules ; leur apparition rapide peu de jours après la première administration des anneaux du tœnia cysticerci tenuicollis, ne permettent de con- server aucun doute sur leur origine. Il est évident qu’elles dérivent des œufs contenus dans les anneaux de tænia administrés à l’animal, et que les désordres graves qui ont entraîné la mort du sujet mis en expérience ont été produits par les efforts tentés par les proscolex , pour accomplir l’une de leurs migrations et arriver au sein des orga- nes où existent les conditions favorables à leur développement ulté- rieur. En présence de ce résultat si remarquable, il est permis de s’étonner que l’on n’ait rencontré qu’un nombre si restreint de cysti- cerques dans le péritoine des quatre derniers sujets soumis à la même expérience. Cette différence dans les effets produits sur des animaux du même âge, ne peut s’expliquer que par ce fait déjà bien souvent constaté, que dans une espèce déterminée les animaux opposent à l’introduction des helminthes dans l’économie une résis- tance variable, au point que chez quelques-uns. tous les œufs admi- nistrés peuvent éclore et produire des vers ; tandis que chez les autres c’est à peine si quelques œufs parviennent à se trouver dans les conditions favorables à leur éclosion et à la conservation de la vie chez l’embryon. Il y a là quelque chose d’occulte que l’on ne saurait expliquer d’une manière satisfaisante , mais dont il faut tenir compte avec le plus grand soin dans toutes les expériences qui ont pour objet d’étudier les phénomènes de la reproduction chez les vers parasites. Quoi qu’d en soit, il est certain que, pour démontrer la transformation des œufs du tænia administré en cysticerques, on ne saurait s’appuyer sur les résultats donnés par les autopsies des agneaux portant les numéros 3 et 4; car le cysticercus tenuicollis est commun chez les bêtes ovines, et il n’est pas absolument rare d’en rencontrer jusqu’à huit ou dix dans le péritoine d’un seul ani- mal. Mais en constatant ce fait, nous ne devons pas manquer de faire observer que chez les moutons entretenus dans de bonnes conditions hygiéniques, comme l’étaient celles où se trouvaient les animaux sur lesquels nous avons expérimenté, le nombre des cysti- cercus tenuicollis est toujours très restreint *. Ceci nous amène naturellement à donner un peu plus d’importance aux résultats de la seconde expérience dans laquelle vingt cysticerques ont été pro- duits , et surtout à ceux de la cinquième expérience où l’on a pu recueillir dans les séreuses jusqu’à trente-et-un cysticerques. Nous n’hésitons pas à reconnaître cependant que, si ces deux expériences ont quelque valeur pour aider à résoudre les questions relatives à la détermination spécifique du cysticercus tenuicollis et de son tænia, c’est seulement lorsqu’on les rapproche du fait observé chez l’agneau numéro A. Si, en effet, on les laissait isolées, elles seraient * En consultant mes notes, je vois que dans les autopsies assez nom- breuses de ehèvres et de moutons que j’ai faites depuis plusieurs années, il ne m’est jamais arrivé de rencontrer plus de sept cysticercus tenuicollis dans le péritoine. Deux agneaux seulement font exception : ce sont ceux dont j’ai tracé l’histoire dans le travail que j’ai publié eu 1855 ( Journal des Vétérinai- res du Midi, 2me série, tome ix, page 97). Chez ces animaux, on a trouvé à l’autopsie, «dans le péritoine, à la surface du foie et dans le poumon, de » nombreux cysticerques de l’espèce cysticercus tenuicollis. • Mais ces agneaux avaient pris, l’un quatre-vingt-dix-huit jours et l’autre cent seize jours avant d’être sacrifiés, des anneaux d’un tænia rendus par un chien, et dont l’espèce n’avait pas été déterminée. Or, comme le tænia cysticerci tenui- collis existe parfois dans l’intestin du chien, il n’est pas impossible que les anneaux administrés aient été de cette espèce, et que leurs embryons, en se développant au sein du péritoine et des autres organes, y aient fait naître les cysticercus tenuicollis trouvés à l’autopsie. Je ne pense donc point que ce fait particulier puisse infirmer en rien les assertions que j’ai avancées plus haut. bien loin de sufïire pour lever les doutes de ceux qui n’acceptent point encore entièrement les théories nouvelles sur la reproduction des cestoïdes. Ce sera donc presque exclusivement sur notre pre- mière expérience que nous nous appuierons dans les quelques con- sidérations qu’il nous reste à ajouter à notre travail. Dans le compte-rendu que nous avons publié en 1858, nous avons essayé de démontrer que le camurus cerebralis, le cyslicercus pisi- formis et le cysticercus lenuicollis sont les scolex de trois espèces parfaitement distinctes. Les expériences que nous venons de rap- porter donnent une nouvelle force à notre assertion. Si, en effet, le tœnia cyslicerci tenuicollis, par exemple, était de la même espèce que le tœnia serrata et le tœnia cœnurus, les œufs de ce tænia que nous avons administrés dans notre première expérience , auraient dû provoquer tout à la fois la production de cysticerques dans le péritoine et la production de cœnures dans le crâne. Or, comme nous l’avons dit, les centres nerveux étaient parfaitement sains et ne laissaient voir aucune trace du passage des proscolex. Le foie, au contraire, était littéralement criblé de cystiques en voie de migra- tion. S’il en a été ainsi, c’est que les œufs du tœnia cysticerci tenui- collis ne peuvent engendrer que des cysticerques, et que, par consé- quent, le ver qui les produit ne saurait être de la même espèce que celui qui donne naissance au cœnure cérébral. Les nombreuses vésicules qui existaient dans le foie de l’animal consacré à la première expérience, ainsi que les traces particulières observées dans le foie des agneaux numéros 2 , 4 et 5, démontrent clairement que pour arriver dans le péritoine, les proscolex du tœnia cysticerci tenuicollis traversent, pour la plupart, l’organe sécréteur de la bile. Par quelle voie ces animaux microscopiques pénètrent-ils dans cette glande? On peut présumer que ce n’est point par les canaux biliaires , car dans ces canaux on n’a point trouvé de vésicules. Je ne sais si je me fais illusion, mais il me sem- ble que les lésions rencontrées à l’autopsie du premier agneau, indi- quent que c’est par les vaisseaux et à la faveur du cours du sang que les vers arrivent dans le foie. Il est assez probable qu’après être sortis de l’œuf, les proscolex s’introduisent dans la veine-porte par les racines de ce vaisseau , et sont ainsi portés jusqu’au milieu du parenchyme de la glande, d’où ils doivent ensuite sortir pour péné- trer dans le péritoine. La présence de quelques vésicules au sein du tissu du poumon me paraît appuyer mon assertion ; car, dans l’hy- pothèse que je viens d’émettre, on comprend facilement que des embryons ont pu traverser le foie sans s’y arrêter, et que de là ils ont pu être portés dans la veine-cave par les veines sus-hépatiques, puis dans le cœur, et en dernier lieu dans le poumon , par l’artère pulmonaire. Mais je me hâte d’ajouter que ce n’est là qu’une hypo- thèse qui a besoin , pour passer au rang des vérités acquises à la science, d’être démontrée par des recherches directes. Je m’abstien- drai donc d’insister aujourd’hui davantage sur ce sujet. Aussi bien aurai-je encore occasion de revenir sur le cysticercus tenuicollis qui, par cela même qu’il vit chez plusieurs de nos espèces domestiques, offre pour les vétérinaires et pour les zoologistes un intérêt tout Rflr£iftSî!'$liifD,i90iJavo 9b noiJonbo'ia ni aiot cl é iuoi lounovoi