liBTTRS 0 D E Mr. le Docteur Gros a la Société Impériale des Naturalistes de Moscou. Messieurs. Il y a plus d’un an que j'ai eu l’honneur d’annoncer à la Société les découvertes que j’exposais en quelques pages. Depuis ce temps, j’ai poursuivi la génération et les transforma- tions primitives à travers plusieurs saisons et sous diverses latitu- des. J’ai résumé l’ensemble de ces recherches et envoyé à la Société un manuscrit avec quinze planches, qui seront aptes, j'espère, à tourner l'attention des physiologistes vers des faits, qui ne rentrent plus dans les lois ordinaires du code de la vie, si elles n’ont pas peut-être la vertu d’apporter une conviction soudaine chez les hommes compétents. Je croyais avoir rempli ma tâche, et abandonner les Euglènes à d’autres curieux de compléter le spectacle étonnant des mé- tamorphoses protocellulaires. Les liens de paternité qui m’at- tachent à la question , le scepticisme excusable que j’ai ren- contré, l’écho favorable que'j’ai trouvé auprès de plusieurs cé- lébrités, le désir de vérifier si je n’avais pas été pendant 14 mois sous l’empire d'une hallucination , et de voir encore ce qu’il pourrait y avoir de nouveau sous un autre ciel, bref , j’en suis venu à reprendre la génération et les transformations (’) La publication de celte lettre a été retardée par un malheur reux hasard. primitives, en ayant soin d'inviter au moins une autorité scien- tifique à être témoin de ces recherches , afin de ne pas être exposé à de nouvelles illusions, si illusion il y a eu. Or, j’ai lieu de confirmer ce que j’ai vu et dessiné l’année dernière -, je conçois les doutes de tous ceux qui n’ont pas observé le même être pendant au moins trois mois -, et la com- pétance en celle matière paraît difficile sans des observations toutes spéciales. En face du doute et de toutes les objections, je n’en resterai pas moins à dire : Eppure si muove ! Je ne puis aujourd’hui exposer avec détail les résultats de mes recherches de cet automne, je puis dire seulement qu’ils confirment d’une manière éclatante, ce que j’avance dans mon travail sur la matière, et qu'ils assouplissent encore si c’est possible les lignes de filiation dans les microscopiques. 11 s’est présenté de curieuses inversions, d’intéressants détours dans les transformations, qui rentrent cependant toutes dans les lois que j’ai essayé de formuler. Il y a plus, si les résultats de l’année dernière peuvent pa- raître paradoxals, ceux de celle année ne feront que rendre le paradoxe plus fort, qui ne sera plus un paradoxe, dès que l’on aura reconnu que c’est une loi fondamentale , qui doit prendre place au milieu des découvertes physiologiques les plus curieuses du siècle. Pour le moment il est maintenu : Qu’il n’y a point de limites entre le règne animal et le rè- gne végétal. Que l’on peut semer des animaux et récolter des plantes. Que les mêmes êtres engendrent d’un côté des plantes, avec le Kaléidoscope des Navicules, Desmidiens, etc., tandis que de l’autre, ils sèment sur le chemin de leurs évolutions cent es- pèces inscrites au Catalogue, cl vont jusqu’à donner naissan- ce, directement ou indirectement, à des êtres capables de pro- pager leur lignée par des œufs. Celte année, le paradoxe s’est montré plus fort en ce qu’en- tr’autres les mêmes êtres, les Euglènes ont aussi donné direc- tement des vers, des Nématoïdes, où l’on trouve des mâles et des femelles. Cette génération insolite et incroyable ne fait que recevoir un nouvel éclat par la découverte que j’ai communiquée der- nièrement à l'Académie des Sciences de Paris, et qui a aussi pour garant Monsieur le Professeur Henle. Des animalcules tenus pour Infusoires et qui se trouvent dans les intestins de la grenouille ont aussi des métamorphoses analogues. La Torquatina (mihil) de la vessie urinaire se con- vertit en un Plœsconien , en Opalina, et FOpalina va cocon- ner dans les tissus pour se convertir en Ascarides, où l’on voit encore l’aurore des sexes séparés. J’ai déjà exécuté une quinzaine de planches sur toutes ces matières. J'espère avoir plus tard l'honneur décrire plus longuement sur ce que je n’ai fait qu’indiquer ici Gros. Heidelberg, 20 le — Octobre 1850. O