Académie royale de médecine de Belgique. OBSERVATION destinée à l’histoire du grand-sympathique et du pneumogastrique, pat• W. le docteur JOV HMOVI.VV, professeur à l’Université de Gand (i). INTRODUCTION. J’ai l’honneur de présenter à l’Académie une observation que depuis environ trois ans je conserve en portefeuille. Ré- digée peu de temps après la mort de la personne qui en fait l’objet, sur des notes tenues très-exactement pendant le cours de la maladie, je l’avais soumise à une discussion approfondie qui laissa dans mon esprit plus d’un point obscur. J’espérais que le temps aidant, et grâce à de nouvelles recherches, mes doutes ne larderaient pas à se dissipper. J’y étais d’autant plus autorisé que pendant un an et demi je fus chargé intérimairement d’un grand service médical. J’ai été déçu dans mon espoir 5 quoique le champ ouvert à mon obser- vation fut bien vaste, aucun cas jetant du jour sur le pro- blème dont je poursuis la solution ne s’est offert à moi. Aujourd’hui par la cessation de l’intérim qui m’était heureu- sement échu, je me trouve, on le conçoit, dans des condi- tions plus désavantageuses encore. Je dois donc renoncer à combler par moi-même les lacunes scientifiques que présente mon travail. En le produisant tout imparfait qu’il est, je ne puis que former des vœux pour qu’un confrère, plus favorisé, veuille jeter quelque lumière sur les questions en litige. L’observation est un de ces cas intéressants enregistrés et interprétés jusqu’ici rarement par la science. Pour moi, je (i) Exlrail du Bulletin de rAcadémie, 1. VI, 3« série, n° 7. 2 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE n’en connais que cinq ou six. Si elle ne se rattache qu’en partie à la pathologie du grand-sympathique, elle lève aussi un coin du voile de celle du pneumogastrique. Elle fournit par voie clinique la confirmation positive de plusieurs faits expérimentaux résultés de la section du grand-sympathique et du pneumogastrique et appelle l’attention sur des points plus complexes. Elle montre enfin, et c’est là son importance au point de vue de la pathologie chirurgicale, quelle termi- naison fâcheuse peut présen'er, par suite du voisinage de nerfs qui président aux fondions les plus importantes de la vie, une tumeur externe n’empruntant en apparence nulle gravité au siège qu’elle occupe. C’est donc comme un simple apport à l’étude de la patho- logie du système nerveux que je présente ce travail pour lequel je sollicite toute la bienveillance de l’Académie. OBSERVATION. Mme W., âgée de 58 ans, opéréeen juillet 4866, d’une tumeur cancéreuse du sein droit, vit récidiver son affection au bout de deux ans et demi, (mars 1869), par une petite tumeur bleuâtre implantée entre la cinquième et la sixième côte, à la parliè antérieure du thorax, dans le tissu cicatriciel de xlirpalion. Cette tumeur, plus petite qu’une noisette et qui atteingnit à peine le double de cette dimension, fut suivie de près par l’engorgement de trois ganglions situés dans le creux sus-cla- viculaire et qui, en peu de semaines, prirent un grand déve- loppement. Le creux axillaire resta complètement libre. La tumeur se développa lentement et fut le siège de peu de dou- DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 3 leur, le tissu graisseux de la mamelle au contraire s’infil- tra en quelques semaines d’une manière considérable au point que déjà au mois de mai, ce sein dont plus de la moitié avait été retranchée par l’opération, parut sensiblement plus volu- mineux que celui du côté opposé. Une faible douleur tensive, mais une démangeaison continuelle et intolérable, tels furent les seuls symptômes qui accompagnèrent le gonflement. Des frictions avec diverses pommades : au chloroforme, à l’io- doforme, à l’iodure de plomb et des lotions avec de l’acétate de plomb, de l’alcool seul ou celui-ci associé à de faibles doses de sublimé, n’en firent que très-imparfaitement justice. Ce sont moins les phénomènes observés du côté du sein que les accidents que je vis successivement se développer sous l’influence des ganglions engorgés qui me parurent d’un grand intérêt scientifique et m’engagent à publier cette obser- vation. Je passe donc rapidement sur tout ce qui regarde la nature et le développement de la tumeur pour m’occuper spécialement d’un groupe de symptômes très-remarquables qui surgirent successivement. Ainsi que je le disais, dès le mois d’avril, des ganglions sus-claviculaires, au nombre de trois, avaient pris les dimen- sions d’un œuf de pigeon. Cet accroissement continua, et bientôt ils se confondirent en une seule masse qui resta tou- jours très-visiblement trilobée. Au mois d’août, elle avait acquis le développement d’une petite tète d’enfant et se con- fondant avec des ganglions plus profonds affectés apparem- ment de la même altération, elle contracta des adhérences avec tous les organes profonds de la région, si bien qu il de- vint impossible de lui imprimer le moindre mouvement. A celte époque elle occupait toute la partie interne du creux sus-claviculaire et s’étendit prolondément sous le muscle 4 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE sterno-cleido-mastoïdien, les scalènes et les autres muscles de la région jusqu’aux vaisseaux et nerfs profonds. Sous cette influence je pus observer progressivement les symptômes suivants : OEdème dur du sein s’étendant successivement à la ré- gion sous-claviculaire puis au bras, à l’avant-bras et à la main; gonflement progressif de ces parties à tel point qu’au mois de novembre, le bras avait le développement d’une cuisse; œdème de même nature du côté latéral correspon- dant du cou, de la face, des paupières avec diminution de la fente palpébrale; légère contraction de la pupille; conser- vation delà vision, augmentation de la chaleur du côté cor- respondant de la face et plus grande rougeur avec dilatation visible du réseau vasculaire superficiel, bien développé chez la patiente et par là même de nature à être facilement com- paré des deux côtés. La pupille alla en se rétrécissant de plus en plus de telle sorte que, vers la mi-novembre, la différence était plus que d’un tiers avec celle du côté opposé. Le 7 novembre le thermomètre marqua 38,7° centigrades du côté sain et 39,5° du côté malade. Dès le mois d’octobre, je constatai un œdème mou hypos- tatique des membres inférieurs. Malgré cet œdème, malgré la faiblesse générale, malgré les journées froides de la fin d’octobre et du commencement de novembre, la malade se plaignit toujours d’une forte chaleur, à laquelle elle assi- gnait surtout comme siège le côté de la face. Au mois de no- vembre, la chaleur fut telle que dans les matinées des 18 et 19, la patiente se fil conduire à l’air, nonobstant les intem- péricsdc la saison et y demeura assise pendant trois quarts d’heure. Elle ne pouvait supporter de feu dans sa chambre, quoiqu’il régnât une température extérieure de 4 à 5 degrés DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 5 au-dessus de 0°, aussi les assistants étaient-ils obligés d’aller se réchauffer ailleurs. La circulation présentait les symptômes suivants : pouls petit, fréquentet dur, quelquefois irrégulier et un peu vibrant; depuis le 15 octobre sa fréquence ne fut jamais au-dessous de 110, elle atteignit 120 à 130 dans les journées du 10 au 20 novembre. Le 19 novembre au soir, quelques heures avant la mort, il était à 128 et la température à 38°. L’auscultation du cœur ne fil rien découvrir d’anormal, la percussion ne put donner lieu à aucun résultat, vu le développement des seins. La di- gitale administrée jusqu’à la dose de 25 à 30 centigrammes de poudre ne produisit aucun ralentissement; des troubles digestifs m’y firent renoncer; je la remplaçai par la digitaline qui fut également sans effet. La respiration s’accéléra et atteignit dans les derniers jours la fréquence de 32 à 33 inspirations par minute, il y eut aussi des accès de suffocation qui permirent cependant à la malade de conserver la position horizontale. Quelques raies muqueux dans la poitrine et dans les derniers jours, matité étendue du côté droit du thorax en arrière, de côté et proba- blement en avant où le siège de l’affection locale rendait la percussion impossible, silence absolu des bruits respiratoires dans toute cette étendue, état physiologique du côté gauche, tels étaient les symptômes fournis par l’auscultation des or- ganes respiratoires. Quoique la langue ne cessât d’être très-nette, l’inappétence était complète depuis le commencement de septembre; elle ne céda ni au quinquina ni au quassia ni a la pepsine ni à au- cun des toniques et stimulants recommandés; dès le mois d’octobre, elle s’accompagna d’état nauseux, de dégoût, de pesanteur, et d’indigestion; jamais il n’y eut de vomissements. 6 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE A la même époque, chaque déglutition de liquide fut accom- pagnée d’un accès de toux quinteuse; il était dû, comme la malade l’expliquait elle-même, à l’introduction des boissons dans le larynx; le même phénomène n’eut pas lieu par l’in- gestion des solides formant boles. La voix faible resta intacte et ne parut qu’un peu enrouée, les selles se faisaient régulièrement. Jusqu’au mois d’octobre les nuits furent passablement bonnes, mais à dater de cette époque on observa l’insomnie, quoiqu’en absence de toute douleur; agitation plutôt que suffocation, impossibilité de rester dans le lit, intelligence intacte. L’opium, la narcéine et la morphine employés produisirent un sommeil de quelques heures. Pendant les derniers jours, somnolence et rêvas- series pendant le jour, hallucinations effrayantes pendant la nuit. La malade, que j’avais encore très-attentivement examinée le 19 novembre, à 7 heures du soir, à l’occasion du renou- vellement du pansement, et qui se trouvait levée dans son fauteuil, succomba subitement, dans la nuit du 19 au 20 no- vembre, vers minuit et demi, sans agonie et sans le moindre bruit ; elle fut trouvée morte dans son lit. une demi-heure après qu’on lui eut encore donné à boire. Appelé immédia- tement, je ne pus constater aucun des caractères extérieurs de l’asphyxie; celle-ci,d’ailleurs, n’est pas admissible. Jamais elle n’est instantanée ; une angoisse, qui n’aurait pas manqué de réveiller la malade, la précède et aurait jeté l’alarme parmi I entourage qui se trouvait à un pas d’elle. La mort ne peut donc avoir été que le résultat d’une syncope ou d’une cause nerveuse restée inconnue. Mais la syncope me parait la plus probable, nous en trouvons les conditions dans l’épanche- DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 7 ment pleurétique droit qui, comme je l’avais constaté pen- dant la vie, refoulait le cœur à gauche, ainsi que dans la petitesse et l’irrégularité de la circulation de la veille, qui dénotait déjà un (rouble profond des contractions car- diaques. DISCUSSION. Dans cette observation, trois séries de phénomènes ont particulièrement appelé notre attention : 1° La contraction de la pupille droite accompagnée de dilatation de"? capillaires et d’élévation de température du côté correspondant de la face. 2° L’œdème envahissant les parties du centre à la péri- phérie. 3° Les troubles de la déglutition et de la phonation, aux- quels il convient de rattacher ceux de la circulation et de la digestion. Avant d’aborder la discussion des phénomènes groupés comme je viens de le faire, il importe de bien préciser la situation anatomique delà tumeur. Cela nous paraît d’autant plus nécessaire que l’autopsie n’est pas venue contrôler les altérations anatomiques que nous déduirons, à priori, des lésions fonctionnelles observées. Nous essayerons de combler cette lacune regrettable par la rigueur des détails de descrip- tion de la tumeur ainsi que des organes qui durent néces- sairement être envahis dans sa marche progressive. Au début de la maladie, au moment où les trois petits gan- glions lymphatiques ne présentaient encore que le volume d’autant de noisettes et pouvaient être parfaitement circons- 8 crits, ils occupaient exactement le milieu du triangle déli- mité par la clavicule en bas, le muscle sterno-cleido-mastoï- dien en dedans et les muscles trapèzes en dehors. A cette époque, ils étaient mobiles et ne paraissaient présenter au- cune adhérence. En se développant, ils se dirigèrent surtout en arrière et en bas et, se soudant et se confondant entre eux, remplirent bientôt tout le triangle dont je viens de parler. Déjà au mois d’août, ils avaient contracté des adhérences profondes et. s’étendaient derrière la clavicule et sous le bord externe du sterno-cleido mastoïdien. Ils atteignirent ainsi la région cervicale profonde et reposaient sur les muscles long du cou et droit antérieur de la tête et par leur intermédiaire, sur le plan osseux des apophyses transverses des vertèbres du cou qui leur servent d’attaches. Derrière la clavicule, ils rencontraient, en avant, en arrière et en dehors, le demi- cercle de la première côte et en dedans les deux scalènes appuyés sur la colonne vertébrale. Or, entre eux et le muscle long du cou, nous rencontrons, en haut l’artère carotide primitive, la veine jugulaire in- terne et derrière celle-ci les nerfs pneumogastriques et grand sympathique; puis, plus bas, sous la clavicule et dans l’es- pace ouvert de la première côte, l’artère et la veine sous- clavières, et les filets du grand sympathique qui des ganglions moyens et inférieurs se dirigent avec l’artère sous-clavière vers les vaisseaux du bras et peut-être le ganglion inférieur lui-même. Le développement progressif de la tumeur et les adhé- rences qu elle contracta avec des organes profonds subissant comme elle la dégénérescence cancéreuse, devaient nécessai- rement comprimer de plus en plus tous ces organes et faire obstacle d’abord à la circulation veineuse cl plus tard à la OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 9 circulation artérielle et'à l’innervation. Cet obstacle allant en grandissant avec la tumeur dût donner naissance à divers troubles fonctionnels, dans lesquels nous allons essayer maintenant de découvrir l’explication des symptômes ob- servés. Afin de bien préciser la part qu’eut chaque organe com- primé dans la genèse de l’ensemble de l’évolution patholo- gique, nous avons divisé plus haut les symptômes en trois groupes. Nous rattachons le premier à la compression ou la dégénérescence du grand sympathique, le second à la même altération jointe à celle des vaisseaux de la région et le troisième à la compression ou l’altération du pneumo- gastrique. Premier groupe. — Le symptôme qui, le premier, fixa un point de notre diagnostic, ce fut la myose droite. Presque im- perceptible d’abord, elle finit par devenir tellement marquée qu’elle frappait même les personnes étrangères à l’art, par l’expression singulière qu’elle donnait à la physionomie.Elle me rappela ce qui se passe chez les animaux après la section du grand sympathique au cou et devint le point de départ de l’interprétation de tous les phénomènes. Déjà au commencement du dernier siècle, François Pour- four Du Petit (1) avait institué des expériences pour démon- trer que la section du grand sympathique, chez les chiens, est suivie d’un resserrement permanent de la pupille. Ce fait fut confirmé plus tard par Molinelli, Dupuy, Dupuylren, Claude Bernard et d’autres physiologistes. Il est aujourd hui hors de doute. Les expériences de MM. Budge, Kôlliker et Schilî ont prouvé que c’est le filet qui se rend au ganglion (1) Sprwg, Symptomatologie, t. Il, pp. 307 et 308. 10 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE ophthalmique qui tient sous sa dépendance le mouvement de la dilatation de la pupille (1). Le fait brut reçut bientôt son interprétation : c’est par le jeu de l’oculo-moteur commun, qui ne rencontre plus l’action de son antagoniste le sympa- thique que le rétrécissement s’opère : « En étudiant plus attentivement ce phénomène chez les animaux, dit M. Spring (2), on découvre d’abord que la myose ainsi produite est unilatérale et qu’elle correspond réellement au côté où le grand sympathique est divisé. On observe ensuite que le resserrement de la pupille n’est pas instantané, mais survient seulement quelque temps après l’opération et n’arrive que peu à peu à son maximum; en troisième lieu, que l’iris du côté opéré ne perd pas son action réflexe, que, notamment, la pupille continue à se dilater dans l’obscurité, quoi qu’un peu moins que celle du côté opposé; enfin, que la myose-en question n’atteint pas le plus haut degré de resserrement dont la pupille est sus- ceptible, car elle augmente encore si l’on approche une lumière intense. » La plupart de ces phénomènes, nous eûmes l’occasion de les vérifier à plus d’une reprise ; nous constatâmes, en outre, que, malgré la myose prononcée, il ne se produisit aucun trouble de la vision; même en ouvrant et en fermant alter- nativement l’œil sain et l’œil myosé, la patiente ne constata aucune différence dans le degré de netteté et d’éclairage des objets. Après toutes ces expériences, il ne pouvait nous rester de doute, il s’agissait d’une myose névroparalytique par coin- (1) BÉclard, Physiologie, p. 852. (1) Sprinü, loc. cit., p. 308. DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 11 pression du grand sympathique, il n’y a, d’ailleurs, que les myoses de celle nature qui soient unilatérales. Dans le domaine de la clinique, nous ne tardâmes pas à rencontrer quelques faits analogues. La symptomatologie de M. le professeur Spring (1) nous en fournit d’abord deux. Ils se rapportent, le premier à un ané- vrysme du tiers interne de l’artère sous-clavière gauche observé par Gairdner (2), le second à l’engorgement de nom- breux ganglions cervicaux placés sous le muscle sterno- mastoïdien, observé par Willebrand (3); dans tous les deux il s’était produit une myose unilatérale correspondante. Ces deux observations réunies représentent à peu près la situation anatomique qu’offrait la tumeur de la patiente telle que je l’ai décrite plus liant. Ne s’étendait-elle pas, à la fin, depuis l’artère sous-clavière jusque derrière le muscle sterno- cleido-mastoïdien ? MM. Eulenburg et Guttmann, dans une monographie de la pathologie du grand sympathique (4), ont publié un certain nombre de cas dans lesquels des tumeurs plus ou moins vo- lumineuses ayant leur siège au côté latéral du cou et à la partie supérieure du thorax, donnèrent lieu à des symp- tômes qui, sans aucun doute, devaient faire accuser des lésions fonctionnelles de la partie cervicale du grand sympa- thique. Les phénomènes appartenaient, le plus souvent, à la catégorie des paralysies, plus rarement à celle des irritations. En faisant l’addition, nous trouvons six cas de paralysie sur trois d’irritation. (1) Spring, toc.cit., p. 311. (2) Monthly Journal of medical science. Edimbourg, janvier 1853, p.7l. (3) Annales d’oculistique, t. XXXII, p. 207. (4) Die Pathologie des sympalhicus, von A. EulenbüRg und P. GuttmanN ( Archiv fur Psychiatrie und Nervenkrankheilen, t, I, livraison 2, p 420). Berlin, 1808). 12 Pour ne pas nous écarter de notre sujet, nous nous borne- rons à conclure de ces observations que de tous les troubles fonctionnels du sympathique, les plus constants sont du côté de la pupille; mais que, cependant, ils sont souvent accom- pagnés des phénomènes de la paralysie vaso-motrice. La myose, en effet, ne manqua dans aucun cas et se produisit d’emblée, tandis que les paralysies vaso-motrices ne sur- girent qu’après et ne se montrèrent que dans des cas d’une gravité plus grande. Cela me conduit à parler des phénomènes vaso-paralytiques observés chez ma malade. Les expériences de MM. Claude Bernard, Donders et d’autres ont prouvé que la section du grand sympathique, au niveau du ganglion cervical supérieur, sur les animaux, produit la dilatation des vaisseaux joint à l’élévation de la température de la moitié correspondante de la face et du crâne. Les filets sympathiques qui animaient la tunique mus- culaire des vaisseaux étant séparés du système nerveux, les fibres musculaires de cette tunique sont paralysés et la ten- sion sanguine amène promptement leur dilatation (1). D’autre part, MM. Eulenburg et Gullmann ont consigné dans la monographie citée plus haut, plusieurs observations dans lesquelles les troubles vaso-moteurs étaient évidents. Ogle en cite une des plus remarquables qui lui fut commu- niquée par Kidd (2} ; elle montre mieux que toute autre l’in- fluence que le voisinage d’une tumeur peut exercer sur les fonctions du grand sympathique. Vu son importance, je crois devoir la résumer ici. OBSERVATION DESTINÉE A L HISTOIRE (1) Béclard, Traité de physiologie, p. 855. (2) Médico-chirurgical Transactions, t.XLl, p. 398, el.üulknburg cIGuttmann, loc, cit., p. 425. DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 13 « Elle se rapporte à une daine affectée d’un phlegmon du cou. Pendant que la tumeur passa à la suppuration, il se pro- duisit, en même temps qu’un violent frisson fébrile et une très-vive douleur, une dilatation extraordinaire de la pupille droite, qui disparut de nouveau après un sommeil tranquille. Le jour suivant nouveau frisson pendant lequel celte fois, la pupille se rétrécit; au frisson succéda un paroxysme de dou- leur et la pupille se dilata comme la première fois. Cette alternative fut encore observée plusieurs fois. Après l’ouver- ture de l’abcès et au fur et à mesure de la guérison, la pupille aussi reprit ses dimensions normales. Cette dame fut atteinte, les deux années.suivantes, d’abcès analogues dans la même région et chaque fois, les mêmes symptômes vinrent les accompagner ; ils parurent cependant être un peu moins intenses. » « Dans ce cas les phénomènes paraissent pouvoir s’ex- pliquer de la manière suivante. La tumeur, par son travail inflammatoire et son pus agit d’abord comme irritation et provoque la dilatation pupillaire, plus tard, les irritations répétées et la compression provoquent la myose.Il est possible, continuent MM. Eulenburg et Guttmann, que le frisson puisse aussi être mis sur le compte de l’irritation simultanée des libres vaso-motrices du sympathique du cou. Comme tous les vaisseaux d’une moitié de la tète se rétrécissent, moins de sang se dirige vers la moelle allongée; l’anémie temporaire de celle-ci agit comme irritation sur le centre vaso-moteur qu’elle contient; d’où les symptômes du frisson fébrile (tétanos des plus petites artérioles de la peau). Dans notre observation, comme dans toutes celles que nous avons rencontrées, la myose existait seule ou précédait de longtemps Vanijio-paralysie. MM. Eulenburg et Guttmann 14 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE disent à ce sujet que l’apparition prématurée des symptômes oculo-pupillaires fait admettre que les tubes nerveux prési- dant aux fonctions de ces parties sont le plus périphérique- ment disposées dans le tronc du grand sympathique de cette région et que les fibres vaso-motrices et trophiques sont situées plus profondément, il me suffît de rapporter cette interprétation hypothétique, laissant à d’autres d’en recher- cher la preuve ou la réfutation. Quoiqu’il en soit, le doute n’est plus possible. La dilatation pupillaire et la paralysie vaso-motrice se produisent, non- seulement par la section du grand sympathique, mais aussi par le voisinage de tumeurs exerçant sur lui un certain degré de compression ; nous pouvons donc conclure réciproque- ment que, dans le cas observé par nous, cas dans lequel la myose unilatérale et les troubles vaso-moteurs étaient net- tement accentués, la tumeur comprimait le grand-sympa- thique. Ce premier point établi, nous avons tâché de remonter à la pathogénie de l’œdème. Rien n’eût été plus naturel que de le rattacher, lui aussi, à la paralysie vaso-motrice de la région, en admettant que la tumeur, en altérant le sympa- thique dans une certaine étendue, avait détruit ou comprimé l’origine, non-seulement des nerfs vaso-moteurs destinés à une moitié de la tête, mais aussi à la partie supérieure droite du thorax, à l’épaule, au côté latéral du cou, au bras, à l’avant-bras et à la main correspondante. Nous avions pour nous un fait de théorie pathologique.Ne met-on pas les œdèmes idiopathiques et spontanés sur le compte d’une paralysie vaso-motrice survenue par cause de refroidissement? Mais en allant au fond de la question, nous nous aperçûmes bieniôt que cette explication n’était elle-même DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PEEUMOGASTRIQUË. 15 qu’une hypothèse et que jusqu’ici ii n’a réussi à personne cle reproduire un œdème idiopathique au moyen d’un refroidis- sement ou d’une paralysie vaso-motrice. Il y a plus, en com- pulsant tout ce qui a été publié sur la section du grand-sym- pathique et sur son influence sur les vaso-moteurs, nous ne trouvâmes nulle part l’œdème comme phénomène consécutif à celle section et nous fûmes obligés d’abandonner cette théorie pour tourner notre attention vers la compression vasculaire. La compression de tous les vaisseaux situés derrière la clavicule nous offrait en effet une explication très-simple. La gène de la circulation de retour n’est-elle pas une cause fréquente d’épanchement et d’hydropisie et Boullaucl et d’autres après lui n’ont-ils pas constaté par l’autopsie la compression ou l’oblitération d’un vaisseau dans plusieurs cas d’œdème circonscrit? Cependant l’œdème observé présentait plus d’une particu- larité inexplicable dans celte hypothèse. Parmi elles, je siga- lerai : 1° la dureté; 2° la couleur rosée; 3° la température et 4° la marche centrifuge. Un œdème par compression vasculaire en effet est mou, celui que présenta ma malade était tellement dur et rénilent qu’au début surtout on avait de la peine à y imprimer le doigt. Un œdème par compression vasculaire est bleuâtre et froid ; celui-ci était blanc rosé et jamais la malade n’y accusa de froid ; ni la main ni le thermomètre ne constatèrent jamais non plus un abaissement de température. Enfin, un œdème par compression vasculaire commence par envahir les parties les plus éloignées; celui qui fut soumis à notre observation marcha lentement du centre vers la périphérie et n’atteignit la main qu’au bout de six semaines à deux mois. 16 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE Nous concluons de lout ceci que, dans la production de l’œdème que nous avons observé, il y eut un facteur autre que la compression vasculaire, que nous allons essayer de dégager. En effet, cet étrange œdème ne pourrait-il avoir été le résultat des deux causes réunies : la compression aidant la paralysie vasculaire? J’en conçois le processus, mais je ne conclus pas à lu réalité physiologique que j’attends de l’ex- rience. Voici en effet le raisonnement qu’on peut se faire. La paralysie des vaso-moteurs dilate uniformément les artères, les capillaires et les veines. Cette dilatation produit, comme l’a prouvé C. Bernard (i) et d’autres physiologistes, un transport rapide du sang à travers tout le système vascu- laire sanguin de la partie frappée de paralysie vasculaire, rapidité qui peut aller jusqu’à permettre au sang veineux de sortir par saccades et avec les propriétés du sang artériel. On entrevoit tout de suite qu’une telle condition doit avoir pour conséquence l’augmentation de la rougeur eide la chaleur de la partie, par l’afflux d’une plus grande quantité de sang artériel chaud et riche en oxygène, venant remplacer le sang veineux un peu dépouillé et refroidi dans le lacis vasculaire superficiel. Mais on s’aperçoit aussi à priori que, la dilata- tion étant proportionnelle partout, le courant sanguin par- courera le réseau élargi avec autant, sinon plus de facilité, qu’auparavant le réseau étroit. Il n’y aura donc ni épanche- ment ni œdème. Mais qu’un obstacle vienne à se produire du côté des troncs des vaisseaux et tout change. Supposons eu effet, pour prendre le cas le plus défavorable à ma théorie, supposons, dis-je, que l’obstacle agisse de la même manière (1) C. Burnahd, Sur la quantité d'oxygène que contient le sang veineux des or- ganes glandulaires à l’état de fonction et de repos et Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences, t. XLYIi, 6 septembre 1858. Dl' GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 17 sur les troncs des artères et des veines, en résultera-t-il que les deux ordres de vaisseaux laisseront passer la même quan- tité de sang, cas dans lequel l’équilibre hydroslalique reste- rait maintenu? Evidemment non. Le tissu de l’artère, son élasticité, sa contractilité sont beaucoup plus favorables au transport du sang que les propriétés correspondantes de la veine; de plus, à chaque systole cardiaque, l’onde sanguine est lancée dans l’artère avec une violence capable de vaincre de bien grands obstacles; tandis que le courant veineux, fut-il même beaucoup renforcé par la dilatation des capil- laires intermédiaires, est beaucoup inférieur en force. De cette différence résultera évidemment une entrave plus grande à la sortie du sang par la veine qu’à son entrée par l’artère, d’où la formation de l’œdème. Cet œdème devait nécessairement être beaucoup plus dur qu’à l’état normal, la dilatation paralytique des capillaires permettant une pres- sion sanguine beaucoup plus grande. Il devait aussi être plus chaud et plus rosé à cause de l’ar- rivée abondante d’un sangartériel chaud,oxygéné et vermeil. Ce qui prouve d’ailleurs la persistance de la perméabilité de l’artère sousœlavière, c'est que le pouls radial droit ne dis- parut jamais. Ces lignes étaient écrites lorsque j’eus connaissance d’un travail de M. Ranvier (1) qui a pour mon sujet la plus haute importance. Cet auteur fit à plusieurs reprises la ligature de la veine cave inférieure et la section consécutive du nerf scia- tique. Or, voici ce qu’il observa : « Avant la section du nerf sciatique et après la ligature de la veine cave, les membres postérieurs de l’animal étaient devenus froids. Cet abais- (I) Ranvikr, Recherches expérimentales sur la production de l’oedème. Comptes rendus de VAcadémie des sciences, t. LXIX, p. 1326. 18 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE semenl de température est tellement prononcé que, pour l’apprécier, il n’y a pas besoin de thermomètre : la main suffît amplement. Ce phénomène est en rapport avec, le ralentis- sement de la circulation qui succède à la ligature de la veine. Après la section du nerf sciatique, la patte correspondante devient chaude et les vaisseaux sanguins de la peau se rem- plissent de sang, ce qui donne à tout le membre paralysé une teinte rosée qui contraste avec la coloration pâle de l’autre membre abdominal. Ce dernier reste lroid; aussi, lors- qu’après l’avoir touché, on porte la main sur la patte para- lysée, l’élévation de la température de celle-ci paraît très- grande. » « Celte élévation de température survient donc malgré l’obstacle apporté à la circulation par la ligature de la veine cave. « Une heure après la section du nerf sciatique, il y a déjà du gonflement autour du tendon d'Achille... Vingt heures après l’opération, la tuméfaction est si considérable que la portion du membre abdominal comprise entre le genou et le calcanéum est devenue cylindrique. » Mais le nerf sciatique est un nerf mixte, on était donc en droit de se demander si l’hydropisie a été déterminée par la paralysie des fibres nerveuses vaso-motrices, des motrices volontaires ou des sensitives. Pour dégager l’inconnu, railleur entreprit deux séries d’expériences nouvelles. Dans la première, après avoir lié la veine cave inférieure, il coupa dans le canal vertébral les trois dernières paires lombaires et les paires sacrées du côté gauche seulement. Le membre abdominal gauche quoique complètement paralysé du mouvement et du sentiment, ne présenta pas d’œdème; DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 19 il n’y eut pas non plus de ce côté d’élévation de température. Chez un autre chien, après avoir lié la veine cave infé- rieure, i! coupa la moelle épinière au-dessus du renflement lombaire. Il y eut une paralysiecomplèle, mais point d’œdème. Ces deux dernières expériences démontrent que c’est bien la section des nerfs vaso-moteurs qui a provoqué l’œdème. Ainsi donc dans les expériences de M. Ranvier tout se passa comme dans notre observation, l’œdème fut chaud et rosé comme dans noire cas, la seule chose qui ne s’explique pas encore est la marche centrifuge de l’hydropisie de Mmc W..., tandis que dans les vivisections de M. Ranvier, elle fut plutôt centripète. Je conclus donc que l’œdème de ma patiente était bien réel- lement dû à la compression simultanée des veines etdes nerfs vaso-moteurs des parties affectées, Nous avons réuni dans une troisième catégorie de symp- tômes les troubles de la déglutition et de la phonation aux- quels nous avons rattaché ceux de la circulation et de la digestion et nous avons ajouté plus loin que nous comptions les mettre sur le compte de la compression du pneumogas- trique. La manière dont la déglutition était affectée dénotait à l’évidence ta fermeture incomplète delà glotte et l’introduc- tion des liquides dans la fente inlra arylénoïdienne. La modi- fication du timbre de la voix était due à la paralysie d’une moitié des cordes vocales (1). Or, nous savons par les expé- riences des physiologistes que la section d’un pneumogas- trique au cou, au-dessus de l’origine du laryngé-recurrent, donne lieu aux mêmes phénomènes (2) ; nous pouvons donc (1) BÉCI.ARD, Traité de physiologie, p. 813. (2) M. Nasse a même constaté l’atrophie des muscles du larynx sur un chien privé du pneumogastrique droit depuis trois mois. L’appareil musculaire laryngien pré- sentait ce phénomène du côté de la section à un degré variable. — R. Boddaert, Recherches expérimentales, etc., p. 76. OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE 20 conclure, et la situation anatomique de la tumeur nous y autorise pleinement, que les troubles fonctionnels de la déglutition et de la phonation étaient dus à une compression du pneumogastrique qui en avait provoqué la paralysie. La compression du pneumogastrique prouvée par les svmptomes laryngiens, il nous semble qu’il faut y rattacher aussi ceux de la circulation et de la digestion. Le pneumogastrique en effet, préside à cette double fonc- tion dans les limites des troubles observés. La suppression de son action suspensive sur le cœur suffit pour expliquer la fréquence, la petitesse et la dureté du pouls; en même temps que l’arrêt ou le ralentissement des mouvements péristal- tiques, suites de la paralysie des rameaux gastriques, expli- queraient la lenteur et la gêne de la digestion accompagnés de nausées et. d’impossibilité de vomir. Toutefois, il se présente une difficulté réelle que nous ne pouvons dissimuler. La plupart des physiologistes déduisent de leurs expériences sur les animaux que le cœur n’est influencé d’une manière sérieuse, qu’après la section des deux pneumogastriques et que les troubles de la digestion survenant après la section d’un seul nerf vague, sont légers et passagers. Nous lisons cependant dans les Recherches expérimentales sur la section du pneumogastrique de M.R.Boddaerl (i),dans le chapitre qui traite de la section d’un seul pneumogastrique. « Quant à l’appareil circulatoire, les pulsations s’accélèrent et la pression artérielle augmente presque toujours après la section. » Cette citation énonce un faitcomplèlement conforme à notre observation. Ce qui nous frappa constamment, même avant que nous eussions songé à aucune interprétation phy- (1) Loc, cil., p. 70. DU GIUND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 21 siologique, c’est la dureté, la fréquence et la petitesse du pouls. Quant à l’irrégularité, elle ne s’observa que vers la fin et ne fut pas constante. Poursuivant le même sujet, mon honorable collègue ajoute: Nous n’avons observé ni vomissement, ni gêne appréciable dans l’acte de la déglutition. En dehors de l’introduction des boissons dans la glotte et de la toux qui en était la conséquence, la déglutition ne pré- senta non plus rien de particulier chez notre malade; il en fut de même des vomissements : ils ne se produisirent jamais, quoique la malade ne cessa de les annoncer comme immi- nents. Mais les nausées, l'inappétence et la lenteur de la digestion, choses difficiles ou impossibles à apprécier sur l’animal,furent des plus apparentes. Quoi qu’il en soit, la respiration est la seule fonction qui ne marcha pas en parfaite harmonie avec l’ensemble et qui ne donna pas exactement le tableau d’une section du pneu- mogastrique ; on sait en effet que la section du pneumogas- trique ralentit le mécanisme respiratoire. Mais, si nous y réfléchissons bien, il y avait dans le domaine de la respiration d’autres altérations anatomiques qui ont pu produire un effet inverse. Nous voulons parler de l’hydrolhorax et de la gêne qu’il dut occasionner. Un épanchement abondant remplissant la cavité pleurale droite et paralysant tout mouvement de ce côté, n’est-il pas possible que le pneumogastrique gauche resté sain, répon- dant aux besoins de l’hématose, activa le jeu de la cavité pleu- rale correspondante et produisit ainsi le désaccord choquant qui ne cessa de nous frapper? S’il nous était permis de faire intervenir dans celle argu- mentation de pathogénie toute moderne, un aphorisme déjà 22 OBSERVATION DESTINÉE A L’HISTOIRE ancien : naturam morborum curationes ostendunt, nous trou- verions dans l’inefficacité de la digitale et de la digitaline, contre la fréquence et l’irrégularité des battements du cœur et peut-être,dans celle des toniques et des stimulants contre l’inappétence et les troubles digestifs, une preuve nouvelle que les accidents observés devaient être mis sur le compte d’une lésion du pneumogastrique. Cet argument gagne encore quand nous considérons que l’opium, la morphine, la narcéine continuaient encore à exercer leur empire sur le cerveau, tandis que la digitale, médicament tout aussi fidèle, n’atteignait plus le cœur. Si en effet, la communication du pneumogastrique avec le bulbe rachidien était rompue, rien d’élonnant que la digitale devint incapable d’exciter et de régulariser le jeu du cœur par son action suspensive. On pourrait dire la mèinechose des Ioniques et des stimu- lants par rapport à l’estomac -, mais l’action de cette calégo- rie de médicaments est beaucoup trop incertaine et la réac- tion de l’organe Irop capricieuse pour que nous nous permet- tions de formuler une conclusion. Après avoir discuté les diverses conditions de l’évolution pathologique extraordinaire à laquelle nous avons assisté, il nous reste à rechercher la cause du genre de mort auquel succomba la malade. La mort, avons-nous dit, survint brusquement et d’une manière imprévue. Nous avons ajouté qu’à notre sens l’as- phyxie ne peut être admise et que nous penchions plutôt pour la syncope. L’épanchement pleurétique droit en fournit une des causes mécaniques admises dans la science et nous ne pouvons affirmer que dans les dernières heures, il ne s’était pas formé un épanchement dans le péricarde. Mais nous ne voulons abandonner ce sujet sans citer une cause de mort DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. 23 découverte par les expériences physiologiques de Schiff et de Longet (1) cl qui peut avoir été celle de notre malade. Ces auteurs ont trouvé dans le cœur d’animaux sacrifiés quelque temps après la section du pneumogastrique, des caillots plus ou moins volumineux. Les conditions dans lesquelles se sont placés Longet et Schiff ne permettent pas de leur opposer l’état cadavérique et les faits négatifs avancés par Nasse, ne peuvent donc démontrer qu’une chose : c’est l’inconstance du phénomène. La formation des caillots ne serait donc pas un résultat constant de la section du pneumogastrique; mais on ne peut contester qu’elle en est un résultat possible, se mon- trant vers la période ultime après qu’il s’est produit un cer- tain degré d’engouement pulmonaire. Ce fait suffit à mon raisonnement. En effet, étant admis que sous l’influence delà paralysie d’un pneumogastrique un caillot peut se former, celui-ci doit pouvoir gêner le jeu des valvules, voir même paralyser les contractions du cœur et donner lieu à une mort immédiate par syncope. En écrivant ces lignes, nous éprouvons plus que jamais le regret de ne pas pouvoir nous appuyer sur l’autopsie : sans elle, l’explication reste à l’état d’hypothèse et,ce qui est plus regrettable encore, le premier contrôle clinique des expé- riences des physiologistes nous échappe. Aussi, et je dois l’ajouter tout de suite, il reste un large champ à d’autres hypothèses et surtout à celle que nous avons placée en première ligne, la syncope par compression du cœur. Cette observation paraît donc nous fournir la vérification par voie clinique et sur l’homme d'un certain nombre d’ex- périences physiologiques entreprises sur les animaux en vue (I) R.Boddàbrt, loc.cit., p.37. 24 HISTOIRE DU GRAND-SYMPATHIQUE ET DU PNEUMOGASTRIQUE. d’élablir les fonctions du grand-sympathique et du pneumo- gastrique. Elle constitue, pensons-nous, la première vérifi- cation de la théorie de M. Ranvier sur la production de l’œdème. Ce sont les données des physiologistes qui nous portent à conclure, en dehors de toute autopsie, que chez la malade en question les nerfs pneumogastrique et grand sym- pathique ainsi que les veines placées derrière la clavicule avaient subi ou une altération ou une forte compression. Au point de vue du pronostic, l’observation nous paraît offrir un côté non moins intéressant. Qui en effet, pouvait prévoir que trois ganglions lymphatiques situés au-dessus et derrière la clavicule et subissant une dégénérescence cancé- reuse progressive auraient conduit au tombeau, presque sans douleurs, sanssuppurations, sans la moindre ulcération, sans envahissement d’aucune cavité ni d’aucun organe important de la vie, et rien que par la seule compression ou la dégéné- rescence des nerfs de la région latérale profonde du cou, une dame de 58 ans, précédemment forte et sanguine? Evidem- ment personne. Aujourd’hui nous pouvons établir que les tumeurs enva- hissant les nerfs de celte région suivent une marche rapide en donnant lieu aux troubles généraux les plus graves et mé- ritent pour ce motif une attention particulière de la part du chirurgien. Bruxelles. — H. Manceaux, imprimeur de PAcadémie.