DU ROLE DES ORGANISMES INFÉRIEURS DANS LES LÉSIONS CHIRURGICALES Par le docteur G. NEPVEU, Ancien interne des hôpitaux, chef de laboratoire à la Pitié. COURS fait a l’école pratique de la faculté de médecine en novembre 1874 de la fiaxeüc médicale de Paris. PARIS, 1875 MÉMOIRES DU MÊME AUTEUR : 1° Gangrène dans les fractures. (Thèse, Paris, 1870.) 2° Présence des infusoires dans le sang des e'rysipélateux. (Soc. de biol., 1870.) 3° Contribution à l’étude des tumeurs du testicule. (Ad. Delahave, 1872.) 4° Contribution àl’étude des tumeurs mélaniques. (Soc. de biol., 1872.) 5° Note sur la présence de tubes hyalins dans le liquide spermatique. (Soc. de biol., 1874.) 6° Contre-indications à l’extirpation des tumeurs mélaniques, tirées de l’examen du sang, etc. (Soc. de biol., 1874.) 7° Infection des plaies par des poussières organiques. (Soc. de biol., 1874.) 8° Présence des organismes inférieurs dans le liquide provenant du la- vage des salles d’hôpital. (Soc. de biol., 1873.) 9° Lésions vasculaires dans les fractures de la jambe. (Lu à la Soc. de chirurgie, séance du 17 décembre 1873.) 10° Du lymphangiome simple et ganglionnaire. (Arch. de méd., 1872.) 11° De l’ablation du rein. (Arch. de méd., 1875.) l’ARIS. — Imprimerie CUSSET et O. rue Montmartre, -J2iJ. DU ROLE DES ORGANISMES INFÉRIEURS DANS LES LÉSIONS CHIRURGICALES Le rôle des orgcanismes inférieurs dans les lésions chirurgicales est un des problèmes les plus complexes de la pathologie. A sa so- lution convergent, en effet, un certain nombre de questions préli- minaires dont l'importance est capitale et qui, malheureusement, ne sont pas encore complètement résolues. Parmi celles-ci, l’étude préalable des caractères anatomiques et de la classification de ces infiniment petits mérite à coup sûr la plus grande attention et forme l’introduction naturelle de notre sujet. Avant de chercher à connaître leur origine et leurs effets sur Forganisme humain, il est nécessaire de savoir ce qu’ils sont- Si l’on vient à porter sous le microscope une goutte d’un liquide putride, infusion végétale ou animale, on remarque, à un grossis- sement convenable, une quantité considérable d’éléments infini- ment petits, en forme de fines granulations ou de bâtonnets de volume variable, associés ou non, doués ou non de mobilité. A cette apparente multiplicité de formes et d’espèce, qu'une pre- mière observation semble révéler dans le monde de ces organismes inférieurs, succède bientôt, lorsqu’on porte son examen sur un cer- tain nombre de liquides putrides, une monotonie de forme telle, qu’on peut chercher longtemps sans découvrir autre chose que des micrococcos et des bactéries. 4 Leur histoire anatomique a passé par des vicissitudes bien di- verses ; ils ont été découverts par Leuwenhœck (Arcana naturæ détecta), en 1678, dans de l’eau pluviale restée à l’air. Ils ont été en- suite signalés par Needham, en 1748, dans des matières putrides; par Baker, 1742; Spallanzani, en 1777, les rendit célèbres par ses magnifiques recherches sur les infusoires ressuscitants. Un peu plus tard, les travaux de F. Müller (1773), deBory de Saint-Vincent (1824), de Ehrenberg (1838), de Dujardin (1840) leur ont fait une place dans les classifications; mais, jusqu’alors, ils n’avaient guère attiré que l’attention des naturalistes, lorsque, petit à petit, les travaux restés obscurs et sans portée de Cagnard Latour (1837), Sclrwann (1837), Ure (1839), Helmholtz (1843), Schrœder et Dusch (1854), de Panum (1850) ont essayé de pénétrer leur rôle comme agent de quelques fermentations ; malgré tous leurs efforts, les mi- crococcos et les bactéries seraient restés longtemps encore oubliés, si les éclatantes expériences et le génie de Pasteur n’avaient enfin mis en pleine lumière leur importance. Dès lors, ils entrent définitivement dans le domaine de la science ; physiciens, chimistes et médecins s’en occupent tour à tour. Quels sont donc ces êtres microscopiques ? Est-ce dans le règne animal ou dans le règne végétal qu’il faut les classer? Dujardin, Ehrenberg les rangent parmi les infusoires, tout en s’entendant peu, en général, sur la dénomination précise de telle ou telle espèce. Davaine, le premier, en 1859, a démontré que ce sont des végé- taux microscopiques, très-voisins des conferves filamenteuses, des sulfuraires en particulier, ou des oscillariées (V. note à l’Académie des sciences, 1864). Rabenliorst (1865) a adopté cette opinion dans sa Flora europœa algarum; Colin et de Bary ont soutenu à leur tour la même idée. Il est donc démontré maintenant que tous ces infiniment petits appartiennent au monde végétal et font partie d’une même espèce d’algues microscopiques, les oscillariées ou les oscillatoires. Nous les diviserons en trois groupes : coccos, bactéries, cocco- bactéries. Les deux premiers sont décrits depuis longtemps, sous des noms qui ont un peu varié selon les auteurs. Le dernier groupe, au con- traire, est une création nouvelle et, depuis les recherches de Bil- 5 roth (1), paraît devoir prendre définitivement rang dans la science. Les coccos ont reçu des noms très-divers, selon les auteurs; aussi leur synonymie est-elle très-riche; il n’est pas inutile de la con- naître, si l’on veut lire facilement les divers auteurs qui ont écrit sur ce sujet. Ils ont été désignés tour à tour sous le nom de rno- nas crepusculum par Ehrenberg, de monades par Hueter, de zoo- qlœa par Cohn, de microsporon septicum par Ivlebs, de micrococ- cos par Rallier. Ce sont des corpuscules ronds, ovales, qui, dans un liquide très- étendu, présentent une espèce de mouvement oscillatoire. La ré- fringence de leur protoplasma est considérable et rappelle le proto- plasma des jeunes cellules animales. Ils sont isolés, monococcos ; réunis deux a deux, diplococcos ; ou réunis en chaînette, streptococcos. Davaine avait remarqué une autre espèce. « Souvent, dit en effet ce savant auteur, ils se produisent par groupes dans une sub- stance visqueuse, sorte d’atmosphère organique qui entoure parfois aussi certaines algues, les coccochlorées et les nostocs » ; cette sub- stance mucilagineuse, le plus souvent sans forme déterminée, re- vêt parfois celle d’arborisations. Ces différents aspects répondent, dit-il (page 18, art. Bactéries du Dict. encyclop.), probablement à des espèces particulières. Cohn avait désigné cette matière muqueuse sous le nom de via, mucus ; Bilroth utilise ces données et décrit deux nouvelles espèces, le pêtalococcos et le gliacoccos-, la première est formée par des pla- ques couvertes de coccos, l’autre par des masses sphéroïdales dans lesquelles ils sont disséminés. Le volume des coccos est très-variable ; à ce point de vue, on peut les diviser en trois variétés : Micro-coccos ; Méso-coccos ; Méga-coccos. Les premiers se trouvent dans le sang putréfié ; les seconds dans le sérum du lait acide et pas trop vieux; les mégacoccos dans l’eau de viande concentrée. (1) Untersuchungen üeber die végétations formen von cocco bacteria septica. Wien, 1874. Les micrococcos sont à la limite des éléments perceptibles par le microscope. Les plus forts grossissements connus font apercevoir leurs essaims comme les tourbillons d’une fine poussière, ils sont arrondis et ovales, punctiformes. Les mésococcos, les mégacoccos présentent des dimensions un peu supérieures ; règles générale, pour se rendre compte facilement de leur grosseur relative, on se sert toujours d’un même grossisse- men, d’une même lentille. Tous se distinguent facilement des cellules animales par leur petit volume ; il n’y a pas dans le corps humain de cellules aussi petites. Il est bon, à ce point de vue, de comparer le volume des globules blancs et des globules rouges avec celui des micrococcos. 11 y a entre ces divers éléments la même dif- férence qu’entre une grosse bille et la tête d’une épingle. Quant aux granulations moléculaires, elles sont anguleuses, colo- rées parfois ; leur contour n’est pas rond ou ovale. Tiegel prétend qu’en chauffant une plaque de verre sur laquelle se trouvent des granulations et des coccos, on voit les micrococcos animés de mou- vements très-vifs, phénomène qui ne se produit pas pour les gra- nulations. Les mouvements des micrococcos sont sans grande étendue, le plus souvent ce sont des mouvements sur place, dit Bilrotli; cepen- dant ils peuvent aussi se déplacer dans différents sens. Si l’on prend pour terme de comparaison, dans le champ du microscope, des globules rouges, on voit les micrococcos aller, venir d’un point à un autre. C’est même cette mobilité qui a fait croire longtemps à l’animalité de ces petits êtres microscopiques. Ces mouvements augmentent avec une température un peu plus douce, dans des milieux très-fluides; leur force, leur étendue paraît diminuer avec leur grosseur et s’accroître avec leur vitalité. Les coccos se multiplient de trois façons : par scission transver- sale, par scission longitudinale ou à l’aide de ces deux procédés réunis. On ne sait pas encore bien positivement si un micrococcos peut devenir un mégacoccos, ou si les mégacoccos peuvent donner nais- sance à des micrococcos. L’origine des micrococcos est multiple. Tantôt ils naissent aux dépens des spores permanents ou germes aériens; tantôt par scis- sion des micrococcos, mésococcos ou mégacoccos préexistants, ou 7 bien encore — comme nous le verrons plus loin — aux dépens des éléments divers du groupe : gliacoccos ou pétalococcos ; tantôt enfin aux dépens des bactéries dans l’intérieur desquelles ils pren- nent naissance et qui crèvent pour les laisser sortir. Les streptococcos ou coccos en chaînette (leptothrix de Hallier, îorula uririse des vieux auteurs) se rencontrent à la superficie comme à la profondeur des liquides. La grosseur des éléments qui les composent est variable, comme dans les formes libres ; on a ainsi les micro-méso-méga-streptococcos. Le nombre des éléments est de 6 à 8, de 10 à 20 pour les diverses variétés ; tous ces éléments sont réunis entre eux par une matière muqueuse. Les mouvements des streptococcos sont des mouvements lents et généralement on- dulatoires, comme ceux des anguilles; rarement ces mouvements se présentent dans les méso et mégacoccos. Les streptococcos s'ac- croissent par division transversale, ils paraissent être la formation primitive aux dépens de laquelle se développent plus tard les mi- crococcos. Les ascococcos (a