DE L’INTERVENTION DU CORPS MÉDICAL DANS LA SITUATION ACTUELLE ; PROGRAMME DE MÉDECINE SOCIALE “ ,/ LE DOCTEUR JULES GUÉRIN, Membre de i’Académie nationale de médecine, rédacteur en chef de la Gazette Médicale de Paris, etc. PARIS. AU BUREAU DE LA GAZETTE MEDICALE, 16, RUE RACINE, PRÈS DE L’ODÉON. im. PARiS.— IMPRIMERIE DE FAIN ET THDNOT, Rue Racine, 28, prés de l'Odeon. EXTRAIT DE LA GAZETTE MÉDICALE DE PARIS du 11 mars 1848. AU CORPS MÉDICAL DE FRANCE. 11 y a huit jours nous disions à nos confrères : La république ouvre à la science et à la profession une ère nouvelle. Nous cherchions bien plus à montrer l’influence qu’exercera le nouvel ordre de choses sur les desti- nées de la médecine qu’à pénétrer dans la nature même de la révolution qui vient de s’accomplir. Cependant, à mesure que la commotion des esprits se dissipe, on peut mieux apprécier la grandeur du fait qui l’a produite. Hier encore, notre vue, obscurcie par le tourbillon de la trombe, n’aperce- vait rien de plus qu’un trône brisé. Mais la lumière a pénétré dans les pro- fondeurs de l’abîme, et là où on pouvait ne croire qu’à une révolution po- litique, on a reconnu tous les caractères d’un cataclysme social. Que résulte- t-il pour nous médecins de cette révélation ? C’est que, comme tous les corps de la société, le corps médical est appelé au secours de la chose publique. Chaque médecin est mis en demeure d’intervenir avec ses forces et son in- fluence propres, c’est-à-dire avec son double caractère de citoyen et de mem- bre d’une corporation puissante et éclairée. A ce nouveau point de vue, ce n’est plus la médecine qui va recevoir du nouvel ordre de choses une im- pulsion nouvelle, c’est la médecine qui va la communiquer, cette impulsion : les rôles sont intervertis. Ceci n’est pas une prétention vaine et stérile : c’est l’expression d’un droit et d’un devoir, c’est de plus la prévision d’un fait. La république a été proclamée; elle a consacré le principe politique qui répudie le passé et livre table rase à l’avenir. Le gouvernement provisoire, institué au sein de l’orage, doit être considéré bien plus comme une pierre providentielle placée au-devant du char révolutionnaire pour l’empêcher de rouler dans l’abîme, que comme un pouvoir organisateur. A l’assemblée constituante seule il appartiendra de tracer les premiers linéaments de notre régénération sociale ; elle régularisera le présent et posera les principes de l’avenir. Or, dans ce travail de tous et pour tous, quel peut être le rôle du corps médical et du médecin en particulier ? Nous n’hésitons pas à le dé- clarer, ce rôle peut être un des premiers, sinon le premier. S’il est vrai que la signification morale de notre révolution soit l’avénement du iravail et de la capacité, il faut bien croire que son premier acte, que sa première in- carnation reflétera le caractère le plus élevé de sa cause. Loin de nous de chercher à flatter le corps médical et à lui donner, dans cette grave con- joncture, une idée fausse et exagérée de ses droits et de ses pouvoirs! Non ; nous le lui disons avec une entière conviction : ses droits, il les tire non- seulement de la noblesse de sa mission de tous les temps, mais aussi des immenses services qu’il est appelé à rendre dans les conjonctures actuelles; et ses pouvoirs ne sont pas moins grands et moins sûrs que ses droits. On ne saurait se le dissimuler, en ce moment d’agitation générale et de fièvre de rénovation, les esprits les plus sûrs ont grand’peine à se contenir. Impatients du frein qui les a trop longtemps retenus, leur impulsion n’est 5 pas toujours proportionnée au but à atteindre, et ce but lui-même, qui pourrait le nier, n’était pas tellement précis, que les hommes les plus avan- cés n’aient pas été pris un peu au dépourvu. De cet ensemble de circon- stances naîlront des difficultés qui pourraient mettre en péril l’accomplis- sement régulier de notre acte constitutif. En de telles occurrences, tous les bons citoyens se doivent à la chose publique, et les médecins, plus que tous autres, sont aptes à empêcher l’impulsion du principe de sortir de la voie ou de dépasser le but. Amis de l’ordre autant que du progrès, de plus, ha- bitués à envisager les problèmes les plus difficiles et les plus imprévus de l’organisation de l’homme, ils peuvent opposer aux écarts d’un amour dé- réglé du nouveau des résolutions calmes et des mesures salutaires. Ceci n’est encore que le bienfait de leurs qualités les plus générales. Mais à con- sidérer, dans son ensemble, l’œuvre de régénération universelle à laquelle ils sont appelés à concourir, que de faits, que de questions, que de solutions de leur compétence presque exclusive ! Déjà nous avons eu occasion d’insister sur les nombreux rapports qui existent entre la médecine et la chose publique; mais ces rapports, signalés à une époque où le cadre social était trop étroit et trop ancien pour les contenir, n’ont pu être indiqués que comme des applications par- tielles d’une médecine en quelque façon idéale. Aujourd’hui que toutes les barrières du passé s’abaissent devant le progrès, cette médecine idéale peut et doit entrer dans la réalité. Au lieu d’applications indécises et sé- parées qu’on avait comprises tantôt sous les noms de police médicale, d'hy- giène publique, de médecine légale, le moment est venu derassembler tous les faits épars, de les régulariser dans un ensemble, et de les élever à leur plus haute signification sous la dénomination, mieux appropriée à son but, de médecine sociale. Oui, le temps est venu pour nos services de se grou- per, de se systématiser de manière à être compris et acceptés dans leur caractère le plus noble et le plus élevé. La médecine sociale, rien que par son titre, révélera à toutes les classes de la société la nouvelle et imposante mission du corps médical, et à ce corps le programme de cette mission. Ce n’est pas une révélation que nous ayons la prétention de faire à nos confrères, mais c’est une formule que la grandeur des circonstances nous commande de leur proposer, comme exprimant clairement et justement la nature et l’ensem- ble des services qu’ils sont appelés à rendre à la chose publique. Il n’est be- soin,pour stimuler les moins zélés etconvaincre les plus incrédules, que d’ap- pliquer cette formule aux questions qui surgissent de toute part, et aux cir- constances les plus importantes et les plus difficiles de la situation. Pour nous borner aux plus fondamentales, à qui appartient-il de mieux résoudrele grand problème de l’amélioration des classes inférieures ? Qui montrera mieux que le médecin la voie directe pour développer le moral par le physique, depuis l’éducation de l’enfant pauvre jusqu’à l’épuration du vice ? Qui déterminera mieux que lui les rapports utiles et humanitaires entre la capacité du tra- vail aux différents âges et la nature différente des industries ? Par qui se- ront fixées, si ce n’est par le médecin, les causes de détérioration physique de la classe au profit de laquelle vient de s’écrouler l’édifice des privilèges, et les moyens de la rendre plus saine, plus robuste et plus heureuse? Une grande difficulté préoccupe en ce moment tous les esprits : l’influence de l’augmentation du salaire et la réduction des heures du travail. Cette diffi- culté, examinée à la lumière de la médecine sociale, n’offre-t-elle pas une solution aussi heureuse que facile? La diminution des heures du travail épuisera moins le travailleur, et l’augmentation du salaire accroîtra ses forces avec son bien-être, en lui permettant d’améliorer et de substantiali- ser davantage son alimentation. La conséquence physiologique de ces deux données, si effrayantes en apparence pour l’industrie, se résoudra donc en un meilleur et plus productif labeur. C’est tout simplement le cheval qui marche plus vite en marchant moins longtemps et en mangeant plus d’avoine. Mais, pour nous rapprocher davantage de la grande difficulté pen- dante, de l’assemblée constituante à former, et de la mission solennelle qui lui sera confiée, où trouver des lumières plus sûres que dans la médecine pour dégager de la masse les véritables capacités, pour fixer les droits natu- rels desdiverses classes à la représentation nationale ? Car jusqu’ici nous nous trouvons encore dans le chaos et l’arbitraire : appeler tout le monde, sans 6 7 distinction aucune de position, de mœurs, d’éducation et de capacité, c’est sûrement comprendre tous les éléments de la vérité, c’est se soustraire à l’empire du privilège, mais n’est-ce pas aussi courir le risque de substituer les chances du hasard aux résolutions de la science et de la justice ? Cette science et cette justice auront leur temps ; car l’essence de la république, c’est de vouloir la vérité avec le moins de chances possibles pour ce qui n’est pas elle. Or, quand il s’agira de fixer ce diagnostic moral et psychologique à l’aide duquel on poinçonnera la capacité, l’esprit d’ordre et de travail, qui, mieux que la médecine éclairée par la philosophie, tracera la voie à travers toutes les obscurités de l’analyse des facultés, des passions et des instincts ? A un point de vue autre et d’une utilité plus immédiate, est-il nécessaire de rappeler les services considérables que le médecin peut rendre à la société. Dans ce moment de défiance générale, il faut des intermédiaires entre les éléments disjoints, entre intérêts opposés. C’est au médecin seul qu’il appartient d’exercer ce ministère de conciliation. Lui seul, par son ca- ractère indépendant et l’honorabilité de sa profession, en a le droit et le moyen. Et voyez jusqu’où peut s’étendre le bienfait de son intervention. Prêtre véritable de la société actuelle, il est mieux que personne à même d’y répandre les bienfaits de notre conquête morale : de sa bouche véridique et impartiale, on acceptera les vérités nouvelles que d’autres sèmeraient en vain sur la terre aride des préjugés et des haines politiques. Ces faits parti- culiers, incontestables lorsqu’on les considère dans la sphère où ils se pas- sent tous les jours, perdent-ils rien de leur évidente réalité lorsqu’on les généralise et les porte dans une sphère plus élevée. Le médecin représen- tant de la nation, membre de l’assemblée constituante, cessera-t-il d’avoir la confiance de ceux qui la lui donnaient dans les particularités de la vie privée ? son indépendance sera-t-elle moins respectée ? sa véracité moins reconnue ? son ministère de conciliation moins puissant ? — Sachons-donc comprendre jusqu’où nos droits et nos devoirs nous appellent! Sachons nous élever avec l’événement qui nous élève, et ajoutons, pour compléter le caractère de la haute mission de la médecine à notre époque, que nul, aussi bien que le médecin, ne révélera et ne défendra les besoins des diverses 8 classes de la société, parce que nul ne les connaît, ne les pratique, ne les aime et n’en est aimé autant que lui. Il serait superflu de pousser plus loin l’inventaire des questions que la médecine sociale est appelée à résoudre et des services qu’elle est appe- lée à rendre. Nous parlons à des hommes qui trouveront en eux-mêmes nos motifs de conviction ; et la démonstration pour d’autres sera complétée dans l’avenir par la réalisation même de nos vœux et de nos espé- rances. Oui, la médecine sociale, humanitaire, est la clef des plus grandes questions de notre époque de régénération, et cette déclaration doit être le mobile, le mot d’ordre qui mettra en mouvement le corps médical. Les moyens qu’il a de remplir cette mission, et de faciliter l’avénement des siens pour la remplir, ne lui sont pas moins faciles que nombreux. Il lui suffit de vouloir. A une époque où la science pure devait être le seul but des efforts du médecin, la corporation pouvait être considérée comme une armée dissoute en temps de paix ; chaque soldat pouvait rester dans ses foyers. Nous étions même de ceux qui trouvaient à cette espèce de licencie- ment permanent du corps plus de recueillement, de concentration pour le travail, et de liberté pour les travailleurs. Les assemblées sans but d’action publique et collective sont contraires à la force d’action individuelle. Nous 11e comprenions pas l’utilité de l’association médicale. Ceux que nous com- battions alors avaient-ils le pressentiment des graves circonstances qui ont substitué le but politique et social au but scientifique? Nous nous incline- rions devant cette prévision. Quoi qu’il en soit, le fait leur a donné raison contre nous: nous le confessons volontiers, afin qu’on voie dans la franchise de notre conversion la force des causes qui l’ont opérée. D’adversaire que nous étions il y a un an, il y a six mois, de l’association médicale, nous en devenons aujourd’hui et pour toujours le plus fervent propagateur. Pourquoi ? Avons-nous besoin de le répéter ! parce que les événements ont grandi le sacerdoce de la médecine ; parce que la médecine sociale, ap- pelée aux conseils de la nation, dominera désormais la médecine purement scientifique. Or l’association est le grand moyen pour elle d’accomplir sa destinée ; je veux dire : l’association de fait, de pensée et de résolu- tion. De fait, il faut que le corps médical soit désormais un tout organisé ; que chacune de ses parties concourant à un ensemble régulier, ayant une tête, des yeux, des bras, pour vouloir, voir et agir en confor- mité d’un même intérêt, d’un même but, ne puisse être considérée à part de cet ensemble. Pour cela, il faut que la population médicale se ré- unisse sur tous les points de la France, aussi bien dans les départements que dans la capitale, qu’elle forme une vaste association qui permette à la fraternité médicale de s’établir de fait comme elle existait de nom. Ce n’est pas nous qui avons l’honneur de l’initiative de cette pensée ; mais personne n’est plus convaincu que nous de son immense portée et de son indispen- sable utilité dans les circonstances présentes. Bientôt la commission nom- mée dans la première réunion des médecins de Paris proposera les moyens abréviatifs d’aviser à ce premier résultat. Il est inutile de faire ressortir tous les avantages qu’il produira immédiatement : la sympathie des individus, la réunion des efforts, la facilité des communications, la rapidité et l’efficacité des mesures. Or, quels que puissent être la volonté et le but de cette organisa- tion puissante, n’est-il pas vrai qu’il n’en est aucune, qu’il n’en existera au- cune peut-être qui lui soitcomparable? Et qu’on le remarque bien,cette asso- ciation est dans les instincts, dans les besoins de l’époque. Partout on voit des clubs s’établir. Tout se manifeste en symptômes généraux de pensée publique, d’intérêt public, d’action publique. Quoique cet intérêt, cette pensée, cette action ne soient nulle part aussi bien définis que dans l’esprit du médecin, ils existent partout à l’état d’ébauche dans les diverses classes de la société. L’association du corps médical, expression la plus élevée et la plus complète des tendances actuelles, peut donc être considérée comme le club le plus grand, le plus respectable et le plus puissant de notre nou- velle révolution. L’association du corps médical n’est que la première phase de son orga- nisation. C’est en quelque façon le grand corps où il faudra line âme ; c’est dans ce sens que nous disions qu’il faut que le corps médical soit as- 10 socié par une seule et même pensée. Loin de nous de prétendre enchaîner les idées et les volontés individuelles: ce serait précisément tourner le dos au but que nous nous proposons. Ce qu’il faut en ce moment, c’est un sentiment général plutôt qu’une vérité, c’est quelque chose d’assez grand, d’assez élevé pour dominer le sentiment individuel, et d’assez sûr pour attirer et asseoir d’emblée toutes les convictions. Or quoi de plus in- contestable que la formule socale et morale de notre révolution : l’avéne- mentdu travail et de la capacité, c’est-à-dire l’avénement de la justice comme base, de l’ordre comme moyen, et de la science comme guide ? Qui de nous ne souscrit à cette triple condition de la régénération sociale, et quel médecin n’est à l’instant ému, heureux d’enchaîner la meilleure par- tie de ses libertés dans une association animée d’une telle pensée ? Les grands résultats sociaux sont comme les grands faits de la nature, ils sont le produit de causes aussi grandes que leurs effets. Celles-ci sont absolues, mais elles permettent des intermédiaires où il y a place pour les causes particulières les plus diverses. Entre la pensée générale dans laquelle viendront se fondre toutes les volontés individuelles de l’association et le but vers lequel elles tendront, il y aura aussi place pour toutes les volontés, pour toutes les libertés, pour toutes les idées, à la condition qu’elles ne sortent pas du cercle où leur dévouement à la chose publique les aura fait s’enfermer. Mais s’il est possible d’organiser le corps médical en une vaste association ayant une pensée commune et un but commun, il lui faut aussi, en confor- mité de cette pensée, de ce but, des résolutions communes. Il faut passer de l’idée à l’acte. L’acte, c’est le choix des instruments, c’est-à-dire des individus capables de réaliser la pensée du corps. Nous touchons au moment où la grande agitation révolutionnaire va se personnifier, où la pensée de la na- tion, en ce moment multiple, incohérente, passionnée, en désordre comme les ruines des institutions dont elle a jonché la terre, va choisir ses porte- voix. Où les prendre? quels seront-ils? quelles influences prédomineront ? à quels caractères reconnaîtra-t-on les organes de la justice, les instruments de l’ordre et les missionnaires de la science? Qui fera le départ des éléments organisateurs dans celte immense gangue révolutionnaire ? Laissera-t-on aux instincts des masses et du nombre l’accomplissement de cette noble et difficile tâche ? 11 y a de grands esprits qui trembleraient d’en prendre la responsabi- lité; mais nous aussi, membres d’une immense et vaste corporation, nous avons les instincts du nombre ; et déplus nous avons pour guide l’expérience d’une profession qui fait bien connaître les hommes, et les révélations du but vers lequel nous tendons, Eh bien ! sachons nous résoudre ! Que le corps médical marche en avant ! Qu’il fasse sortir de son sein et qu’il place aux avant-gardes de la situation les hommes capables, fermes, résolus, qui lui demanderont l’appui de la fraternité. Oublions en ce moment nos inté- rêts scientifiques et professionnels; ne nous préoccupons que de ceux de la société. Que, mû par cette considération unique, chacun de nous agisse comme un seul homme, et veuille comme une seule volonté pour assurer le triomphe de ses frères. Arrière les rivalités de position, de doc- trine, arrière même les antipathies de caractère ! Il faut savoir donner au confrère qui s’enrôle dans l’armée citoyenne la poignée de main et le suffrage que l’opposition scientifique ou la rancune professionnelle lui eus- sent refusés. La confiance dans la capacité et l’estime pour le caractère, voilà les deux conditions auxquelles chacun des membres de la grande fa- mille devra son concours confraternel. Mais là où la corporation n’aura pas à faciliter l’arrivée d’un de ses mem- bres, elle devra encore unir ses résolutions pour assurer les meilleurs choix. Elle est la plus capable de discerner qui doit avoir son mandat : l’association mettra ses lumières en commun pour découvrir l’homme indépendant, l’homme capable, l’ami de l’ordre et de la révolution ; puis, ce premier résultat obtenu, elle saura, par son influence collective et individuelle, le rendre complet et définitif. A l’égard de cette influence, est-il besoin de nous dire à nous-même combien elle est grande, combien elle est multiple ? Dans les circonstances ordinaires, qui est-ce qui pénètre aussi facilement que le médecin dans les profondeurs de la société. Toutes les classes lui sont accessibles : il arrive au riche aussi facilement qu’il entre chez le pauvre ; toutes les religions le reçoivent ; le juif lui lait aussi bon accueil que le chrétien, et nul ne se dérobe à sa présence. Dans les cir- constances actuelles, qui pourrait se flatter d’obtenir comme le médecin la confiance de toutes les pensées, de toutes les espérances, de toutes les opi- nions ? Sachons donc, dans l’intérêl de la chose publique et dans celui de nos frères, nous servir des armes que nous avons entre les mains. Qu’une apathie coupable aussi bien qu’une rivalité mesquine ne nous arrête pas. Le jour où la lice sera ouverte, que chacun de nous se mette en marche avec la ferme résolution de faire triompher dans chaque frère la pensée com- mune de la corporation : le bien de la société. Pour s’élever à la hauteur de la mission qu’elle reconnaît au corps mé- dical, et aussi pour accommoder sa publicité aux besoins pressants de la situation, la Gazette Médicale paraîtra momentanément deux fois par semaine : les mercredis et les samedis. Rien ne sera changé à la distribution, à la forme ou à l’étendue du journal. Des trois feuilles in-Zi° dont chaque numéro se compose habituellement, une paraîtra le mercredi, les deux au- tres le samedi. L’accroissement de frais que cette disposition nouvelle oc- casionnera à l’administration du journal sera compensé en partie par l’abo- lition du timbre. Pour cette considération, le prix de la Gazette Médicale restera momentanément ce qu’il était. Cette disposition temporaire, et toute subordonnée aux circonstances actuelles, cessera avec l’empire de ces cir- constances. A celte époque, la Gazette Médicale se mettra en mesure de faire profiter ses abonnés de tous les avantages résultant de l’abolition du timbre ; elle en prend l’engagement. Pour le moment, sans doute, ses lecteurs préféreront sacrifier quelques faibles avantages à l’intérêt de la chose publi- que, à l’inauguration et au développement de la médecine sociale. Ce seront surtout les questions afférentes à ce nouveau point de vue de la médecine que nous traiterons dans les numéros du mercredi, sans préjudice toute- fois des autres questions qui surgiront dans la science.