IMMIGRATION ET COLONISATION EN LOUISIANE, PAR LE Dr. JEAN DELL’ ORTO. LU A “l’Athénée Louisianais,”— séances des 12 et 26 Avril 1876. NOUVELLE-ORLÉ ANS : Imprimerie Cosmopolite, rue de Chartres, 98. 1877. IMMIGRATION ET COLONISATION EN LOUISIANE, PAU Dr. JEAN DELL’ ORTO. lu a / CJ “ l'Athénée Louisianais,”— séances (les 12 et 2G Avril 1876. NOUVELLE-ORLÉANS : Imprimerie Cosmopolite, rue de Chartres, 98. 1877. PREMIÈRE PARTIE. PROJET DE COLONISATION. Messieurs Permettez-moi de vous remercier de l’honneur que vous m’avez fait eu me nommant membre actif de cet Athénée Louisianais. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour m’en rendre digne. Etranger à votre langue, peu versé dans la littérature française, si d’une part il m’arrive de laisser beaucoup à désirer, je puis vous assurer de l’autre qu’il n’en sera pas ainsi pour ce qui concerne l’énergie et la bonne volonté ; je me tiendrai à votre niveau dans la recherche de la vérité, dans l’étude du beau, dans la pratique des actes utiles. Pour mon premier travail j’ai choisi un sujet d’une importance vitale, et d’un haut intérêt pour votre pays, “ l’Immigration.” Profondément convaincu de la nécessité d’adopter, dans le plus bref délai possible, un plan de colonisation pratique et sérieux, qui améliore d’une manière durable les conditions de l’agriculture à la Louisiane, et en assure l’avenir, j’ai pensé qu’il ne vous déplairait pas de connaître quelques-unes de mes vues à ce sujet. C’est un travail ardu et vaste, qui, pour être bien traité, demande- rait une plume beaucoup plus autorisée que la mienne. Je ne prétends pas l’épuiser : je me considérerai heureux, si je puis seulement vous communiquer les convictions que j’ai acquises en m’appliquant à l’étude de cette question pendant mes dix années de séjour aux Etats-Unis. La richesse d’un pays réside en ces trois facteurs : le capital, le sol, le travail ou main-d’œuvre. Là où manque un seul de ces trois facteurs, il ne peut pas y avoir de prospérité. A quoi sert la richesse du sol, si vous n’avez pas de bras pour le cultiver ? Quelle utilité peut vous présenter l’argent, si vous êtes obligés de le dépenser tout entier pour vous procurer, à prix très coûteux, les premières nécessités de la vie ? Le problème de l’immigra- tion, à mon sens, consiste dans la réunion de ces trois facteurs en uu seul, dans le secret de concilier le capital avec le travail et la propriété dans un mode d’entreprise, qui fasse participer tous les trois aux bénéfices. Pour obtenir ce résultat, il faut que les habitants à la Loui- siane soient disposés à commencer une nouvelle ère de culture, laquelle part de cette donnée, que l’ancien système des grandes habitations, des immenses récoltes, des fortunes princières acquises en quelques années, a disparu avec l’esclavage. Qu’on laisse aux grands capitalistes, les grandes récoltes ; aux petite capitalistes, les petites récoltes : chacun trouvera son compte, et le pays n’en sera pas moins prospère. J’insiste sur ce point, Messieurs, parceque je crois fermement qu’une des causes de la décadence de l’agriculture en Louisiane est la persistance de certains habitants à vouloir exploiter plus de terres qu’ils ne le peuvent, se préoccupant exclusivement des grandes récoltes de coton, de sucre et de riz, qui exigent des capitaux considérables, et négligeant d’autres produits moins coûteux à obtenir, et aussi favorables que ces grandes récoltes. Tout système donc, qui a pour but d’introduire l’immigrant blanc étranger comme remplaçant du nègre, aux mêmes conditions de salaire et de nourriture, est faux et impraticable. Il importe de recommencer ab ovo, et de bien recommencer. Si vous voulez bien recommencer, si vous voulez que l’immigrant trouve de l’intérêt à venir à la Louisiane, vous devez d’abord étud’er quel système vous permette de lui offrir les moyens do devenir pro- priétaire, et vous devez introduire immédiatement, dans l’exploi- tation de vos campagnes, l’élément de la famille. “ L’isolement, dit un des économistes les plus distingués d’Italie, Mr. Deforesta, “ paralyse toutes les forces de l’homme ; il ne peut s’adonner seul au travail agricole. “Une famille qui l’entoure, le console et-l’encourage, une terre, qui promette une “ récompense à ses fatigues, peuvent seules lui faire oublier la patrie absente, et “ créer entre lui et son pays d’adoption un lieu sacré et durable.” (1) (1) A. Deforesta. La Deportazione. Lettere al Direttore del Giorualo L’Opinione. Roma, Agosto 1873. Quels sont les moyens d’assurer ces résultats ? J’entre tout de suite en matière, et dis, qu’ils consistent à réunir le capitaliste et le propriétaire foncier dans une association que je nommerai— Louisiana Immigration and Colonization Stock Joint Co.—associ- ation dans laquelle l’habitant (ou l’Etat,) qui donne la terre, est actionnaire à part égale avec le capitaliste, qui fournit l’argent. Chaque action représente $100 en argent, ou 100 arpents de terre : et doit être payée comptant au moment de la souscription. Ceci est, une question sine qnâ non, et je vous en expliquerai les raisons plus tard. Supposons que la Société pour commencer ses opérations ait besoin de $100,000. Ou commence par émettre 1000 actions, chacune de 100 dollars. Ou émet à la campagne 1000 autres actions, chacune de 100 arpents. Pour réunir ces 1000 actions dans les campagnes, on devra convoquer publiquement les habitants des différentes paroisses, pour les inviter à donner à la compagnie, qui se foïme, une partie des terres qu’ils ne peuvent pas cultiver, et sur lesquelles on pourra fonder la colonie. Quiconque donnera 100 arpents aura droit à une action. La Société se considérera comme constituée, quand elle aura réuni les deux mille actions représentant d’un côté 100,000 dollars, de l’autre 100,000 arpents, les premières pour être consacrées à l’établissement de la colonie, les secondes pour être vendues aux immigrants. La Société, une fois organisée et incorporée, on se met immé- diatement à préparer le terrain pour celui qui doit en être un jour le propriétaire, et on le fait venir par section de familles, mais pas avant que l’habitation qu’il doit occuper soit bûtie et pourvue d’outils et des provisions nécessaires pour qu’il puisse se livrer entièrement et immédiatement au travail. Avant d’entreprendre les travaux, je crois que la Société, pour donner une garantie aux actionnaires, devrait leur assurer dès le commencement, un petit intérêt (soit de 3 % ) au moins pour deux ans, lequel serait prélevé tout de suite sur le fonds social, et déposé dans une banque. L’intérêt à 3 % de 2000 actions, pour deux ans, serait de $12,000. Ces douze mille dollars prélevés, le capital serait réduit à quatre-vingt-huit mille, somme plus que suffisante, à mon avis, 6 pour pouvoir faire venir et établir les premières deux cents familles, q*ui doivent former le noyau d’immigration, autour duquel gravitera plus tard tout le mouvement de la colonisation. Des 100 mille arpents obtenus à la campagne, la moitié (50,000) deviennent la propriété exclusive de la Société, et sont destinés à l’emplacement de la cité future, aux chemins et à l’élève des bestiaux de l’espèce bovine. De ce dernier article la Compagnie pourra faire un monopole, qui lui donnera un grand bénéfice. L’emplacement de la ville étant choisi, l’Administration s’y établit, au centre, formant ainsi la première famille de la colouie ; et elle procède immédiatement à la division des terres. Les terrains pour la ville seront divisés en très-petits lots, chacun d’un ou deux arpents, pour être vendus à des prix, qui s’élèveront progressivement eu raison directe de l’accroissement et de la prospérité de la colonie. La division en petites habitations des terres à cultiver, la vente successive de ces habitations aux familles d’immigrants, consti- tuent le point? important, sur lequel doit reposer tout l’édifice de l’entreprise, et d’où celle-ci doit tirer son profit. Cette opéra- tion bien conduite ne peut manquer de devenir une source de richesse pour la Société, et de prospérité pour le pays. Le mode de division des terres étant tout particulier, je crois devoir* entrer ici dans quelques détails. Les terrains les plus voisins de la ville doivent être divisés les premiers, et vendus aux premières familles à plus bas prix qu’à celles qui viendront après. Aucune habitation ne doit comprendre plus de 20 arpents. Supposons que l’on veuille commencer avec 100 familles. Ce seraient d’abord 2000 arpents à défricher ; c’est-à-dire 100 lots chacun de 20 arpents. Tandis que la compagnie prépare le terrain pour la culture, et bâtit sur chaque lot une maisonnette commode, des agents à l’étranger doivent s’occuper du transport des familles à la colonie. Tout doit être combiné de telle sorte que l’émigrant n’ait pas à souffrir, et qu’à son arrivée il y trouve tout le nécessaire pour qu’il puisse se mettre incontinent à l’œuvre. Le prix, que les premières cent familles devront payer pour cette première série de terres, ne doit pas être plus d’une piastre par arpent. La seconde série se vendra à raison de deux piastres l’arpent, la troisième trois piastres, et ainsi de suite. Outre la valeur des terrains ainsi vendus, on doit mettre à la charge du colon toutes les dépenses et approvisionnements, que la Compagnie aura faits pour chaque habitation. D’après un calcul approximatif, que j’ai fait, les dépenses de première installation pour chaque famille, n’excéderaient pas 380 (1) dollars. Si à ce chiffre nous ajoutons 20 dollars pour la vente des 20 arpents, ce sont 400 dollars que chacune des premières 100 familles doit à la Société au moment ou elle se trouve établie sur sou petit domaine. L’année après avoir établi les premières 100 familles, on prépare les autres 2000 arpents pour les secondes 100 familles, et l’on continue l’opération de la même manière, avec la différence que la dette de chacune de ces secondes familles est de 420 dollars, c’est-à-dire $380 pour les frais, et $40, valeur des 20 arpents vendus à raison de deux piastres. Le colon paiera cette dette en six annuités, avec un intérêt de 6 % soit en argent, soit avec une portion de la récolte, que la Compagnie lui achètera au prix du marché. Pour rendre les paiements plus faciles et moins onéreux, j’ai distribué les annuités de la manière suivante : La première année, on prélèvera le 6/o du capital, plus le 6 % de l’intérêt du même. La seconde année le colon paiera la cinquième partie du capital qui reste, plus l’intérêt de cette même cinquième partie ; la troisième année, il paiera, en outre du capital, l’intérêt de deux-cinquièmes parties, ce dont on se convaincra mieux en consultant la table suivante, que j’ai divisée en deux catégories ; la première indique la manière dont on doit faire l’opé- ration avec la première section de familles, calculant le terrain vendu à 1 piastre l’arpent; dans la seconde est comprise la seconde section de familles, à qui la terre a été vendue à raison de 2 piastres l’arpent. (1) Pour dépenses de première installation, je veux dire : lo. le voyage $50 ; 2o. la maison $150; 3o. les frais de défrichement de la terre, les outils de première nécessité et les provisions pour six mois, que j’ai calculés, $180, ce qui donne un total de $380. Je ne crois pas que cette somme soit trop petite ; entreprenant les travaux pour un certain nombre de familles à la fois, on pourrait même les avoir à meilleur marché. Si pendant l’année la Compagnie était obligée de faire des dépenses extra pour chaque colon, celui-ci devra les payer au moment de la récolte, indépen- damment de la dette primitive que j’appellerai dette d’installation. Premières Cent Familles. Secondes Cent Familles. Troisièmes Cent Familles Total des sommes payées chaque année par toutes les familles. Une habitation de 20 arpents, à $1 l’arpent $ 20 Dépenses 380 $400 Une habitation de 20 arpents, à $2 l’arpent $ 40 Dépenses 380 $420 Une hab. de 20 arp., à $3 l’arp $ 60 Dépenses 380 $440 Année. Capital. 6% Intérêt. Total. Année. Capital. 6% Intérêt. Total. Année. • 1ère 6% $24 00 75 20 75 20 75 20 75 20 75 20 $24 00 4 51 9 02 13 53 18 04 22 56 $48 00 79 71 84 22 88 73 93 24 97 76 $ 4,800 00 13,011 00 16,792 00 17,717 00 18,641 00 19,566 00 10,204 00 2ème 3ème .... '5èine.... 6ème .... 1ère 2èrae .... 3ème .... 4ème .... Sème .... 6ème .... $25 20 78 96 78 96 78 96 78 96 78 96 $25 20 4 74 9 48 14 21 18 94 23 08 $50 40 83 70 88 44 93 17 97 90 102 04 1ère 2ême .... 3ème .... Total Une hab. $400 00 $91 66 $491 66 Une hab. $420 00 $95 65 $515 65 $100,731 00 100 hab.. Intérêt de $40,000 00 >s 100 hab Total . $9,166 OC % $49,166 00 100 hab.. Intérêt clt $42,000 00 s 100 hab Total . $9,565 00 $51,565 00 Capital Intérêt des 200 hn des 200 ha Total .... bitations, bitations, $82,000 00 18,731 00 $100,731 00 Ces chiffres font voir clairement qu’une habitation de la première section, qui a coûté 380 dollars pour sou établissement, rapporte à la Société au bout de six années $491 66, c’est-à-dire $111 66 de plus, de laquelle somme $20 sont pour la valeur des terre», et $91 66 pour les intérêts. Une habitation de la seconde section qui a aussi coûté $380, paie à la Société à la fin de six années $515 66, c’est-à-dire $135 65 de plus, $40 pour la valeur des terres, et $95 65 pour les intérêts. Or, multipliant une habitation de la première catégorie par 100, nous aurons $49,166 00 Multipliant uue habitation de la 2ème catégorie aussi par 100, nous aurons 51,565 00 Ce qui nous douue un total de $100,731 00 que la compagnie devra retirer. Additionnons maintenant les dépenses des 200 familles 76,000 00 et, les soustrayant de ce total, nous aurons un profit net de $24,73U00 Si, à cette somme on ajoute les 12,000 00 prélevées (pour intérêts) au commencement de l’entreprise, ou arrivera au chiffre de.....' $36,731 00 qui représentent l’intérêt à 3% de chaque action pour six ans. Continuez l’opération avec les autres familles, qui se succéde- ront, et vous arriverez en peu d’années à des chiffres fabuleux. Le dernier paiement effectué, le colon deviendra propriétaire du sol cultivé par lui, et sera vraiment libre, et indépendant. Le noyau ainsi formé avec les deux cents premières familles (clidse qui peut se faire en deux années) le reste marchera de lui- même. Ouvriers, marchands, mécaniciens, toute classe de spéculateurs afflueront en très grand nombre à la nouvelle colonie, tous ambitieux de s’y établir. La vente des lots pour la fondation de la ville se fera rapidement, et la Compagnie trouvera, dans ce mouvement continuel de capitaux et d’hommes, dont elle est l’administratrice, d’immenses ressources à l’aide desquelles elle pourra poursuivre, avec plus de vigueur, le défrichement des autres terres, et se mettre en mesure d’établir en peu d’années, sur les 50,000 arpents une légion de 2,500 familles, race de tra- vailleurs énergiques et intelligents, qui auront apporté la fertilité et le bonheur là où, peu de temps auparavant, régnaient la solitude et la misère. La quatrième ou cinquième année les affaires doivent être assez prospères pour permettre de payer aux actionnaires, outre l’intérêt, un dividende respectable. Sur cette question du dividende j’appelle spécialement l’atten- tion de l’Athénée ; je proposerais une innovation, qui, je crois, n’a jamais reçu d’application en Amérique, à savoir, de faire participer aussi les colons aux profits de l’entreprise, non indivi- duellement, mais collectivement, en formant un fonds à part, ou caisse d’épargne, qui deviendrait leur propriété exclusive. Ce fonds capitalisé avec les intérêts respectifs, pourra servir, avec le temps, à secourir les vieillards, les veuves, les orphelins, et à construire des écoles, des asiles pour l’enfance, etc. : de telle sorte que le colon apprendra peu à peu à s’affectionner à sa nouvelle patrie, et ne pensera plus à la quitter. Des associations, comme celle que je propose, ont déjà été expérimentées à l’égard des classes ouvrières, en Europe. A l’appui de ce que je vous dis, je citerai deux faits éclatants parmi d’autres, que je pourrais produire. Le Sénateur Alexandre Lossi a été le premier, en Italie, à inaugurer ce système avec ses ouvriers. Industriel riche et laborieux, il a voulu en faire l’épreuve dans l’ancienne fabrique de draps qu’il a héritée de son père, et qui se trouve située dans le petit village de Scliio. Homme pratique il vit, dès le principe, qu’il ne pourrait rien faire sans l’association. Il fonda une société anonyme par actions, dont il fut et est encore le Président. Les affaires de cette manufac- ture furent conduites avec tant de sagesse, et d’économie, qu’en peu d’années cette Société est devenue l’une des plus prospères et des plus riches d’Italie. Cinq ou six usines furent ajoutées à celle de Schio : et plusieurs magasins de vente furent ouverts dans les plus importantes villes de la péninsule. D’après un article extrêmement intéressant publié dans le journal, Les Industries, VAgriculture et le Commerce de Turin, du 4 Décembre 1874 (1), on voit que le capital social était à la fin de 1873 de 30,000,000 de livres ; qu’il existait dans les divers établissements 38,000 fuseaux, 1237 châssis, 8 machines à vapeur, et 3,500 ouvriers. La vente des marchandises manufacturées s’éleva en 1873 à livres 10,951,627 89. Les profits nets de l’entreprise, la même année, furent de livres 1,090,396 81. Sur ces profits nets, on prend un (1) Extrait du journal L’Eco d’Italia de New York. 5 X pour les institutions ouvrières, après avoir fait déduction de 6 % des actionnaires, et d’autres primes. “ Les Institutions ouvrières, ou, en d’autres termes la participation de l’ouvrier “ aux bénéfices de l’entreprise constituent une particularité de la fabrique de draps “ de Mr. Rossi. Mais, comme Mr. Rossi s’aperçut, selon l’article, auquel j’ai fait “ allusion, que le système d’attribuer à chaque ouvrier une part des gains, outre le “ salaire, n’était pas praticable dans toutes les industries, surtout dans celle où le “ capital l’emporte beaucoup sur la main-d’œuvre, il atteignit son objet par une beu “ reuse innovation. Il fit participer aux bénéfices de l’entreprise, non chaque ouvrier “ individuellement, mais bien la masse des ouvriers. Avec le produit de cette parti- “ cipation générale on organise des maisons pour les ouvriers, des écoles primaires. “ des asiles pour les enfants, des salles de musique, des caisses pour des petits prêts “ d'honneur, un fonds pour les vieillards, et ceux qui ont été blessés dans le cours “ de leurs travaux, etc. En 1873 la part de bénéfice touchée par les institutions “ ouvrières fut de livres 29,333 33. M. Rossi, en vrai philanthrope, leur avait fait “ cadeau de sa, part de bénéfice se montant à livres 14,666 87. Plus tard il leur “ donna cent mille livres. A cette époque 400 enfants étaient recueillis dans les asiles, *• et fréquentaient les écoles primaires.” Lord Shaftesbury, un autre homme de talent, de bon sens et de cœur, faisait à peu près de même en Angleterre. Il y a peu d’années, ce noble personnage possédait, à quelque distance de Londres, un parc immense, qui ne lui rapportait rien. Il eut l’idée d’en tirer parti en y faisant construire, pour les ouvrieis, des demeures saines commodes et confortables. Il forma une Société par actions, qui prit le nom de “ The Artisans, Labourers and general Dwellings’ Company. Cette Compagnie acheta le parc, et le divisa en petits lots, sur lesquels on construisit des maisons. “ Chaque maison, comme dit une correspondance adressée de Londres au Journal des Débats de Paris du 23 Juillet 1874, chaque maison a deux étages, cinq chambres “ avec une cheminée ou un fourneau, une cour, un jardinet, et de l’eau à discrétion. “ Ces maisons sont situées sur un boulevard, autour d’un grand square ; et tout ouvrier, “ qui devient propriétaire de l’une d’elles acquiert le droit de citoyenneté dans Une “ commune qui a des écoles, des salles de lecture, des bains, etc. Savez-vous à quelles “ conditions l’ouvrier devient propriétaire 1 il n’a qu’à payer cinq sohellings et demi “ par semaine, pendant vingt-et-un ans. Savez-vous combien d’habitants cette cité “ naissante comptait il y a deux ans 1 2000 habitants avec 419 maisons, et quand tout “le parc sera couvert de bâtisses, on y comptera 1200 maisons, qui pourront contenir “ 8000 habitants, “ Cette cité ouvrière n’est pas la seule, que la Société, dont Lord Shaftesbury “ est le président, ait bâtie ; elle en a déjà construit d’autres, et les affaires y sont “ si prospères, qu’elles rapportent annuellement aux actionnaires, un intérêt de 7ikqo.” (1) (1) Quelques jours après la lecture de ce travail, j’ai eu le plaisir de recevoir une relation très importante sur l’Immigration à la République Argentine, écrite avec beaucoup de talent par M. L. Petieh, Vice-Consul Italien à Rosano de Santa Fé, et publiée dans le Bulletin Consulaire d’Italie, (Livraison'd’Avril 1876), dans laquelle il est question de la colonie modèle de la Candelaria, établie sur des bases qui se rap- prochent beaucoup du système de colonisation, que je propose, et qui a donné des résultats splendides. Avant l’établissement de cette colonie, les agriculteurs cominen- Yoilà, Messieurs, deux hommes philanthropes, qui sont en train de résoudre cette difficile question sociale de l’ouvrier, lente- ment, pacifiquement et par des moyens pratiques et sages, qui valent beaucoup mieux que les diatribes de certains politiciens : voilà deux hommes riches, qui ont su bien employer leur patri- moine, l’augmenter et s’enrichir davantage, en le partageant avec le travail de la classe pauvre et ouvrière, et leur procurant uue existence heureuse et confortable. Trouverons-nous en Louisiane des personnes, qui voudront imiter l’exemple de ces deux hommes, réveiller le peuple de la léthargie dans laquelle il est plongé depuis tant d’années, et le convier à une vie nouvelle ? Si l’accomplissement d’une bonne action nous procure toujours du plaisir, même quand elle ne rapporte rien matériellement, le plaisir doit être bien plus grand, quand la belle action, outre la satisfaction intérieure, produit un bel intérêt. çaient à désespérer de l’avenir de leurs terres, quoique très fertiles ; il était impos- sible d’obtenir une bonne récolte, à cause de la difficulté qu’ils avaient à récolter à, temps le produit le plus important de ces régions, le blé, et de l’envoyer au marché. Les pluies incessantes et périodiques qui tombent à l’époque de la récolte, causaient annuellement une perte d'un quart, et quelquefois même d’un tiers. M. C. Casado, un autre homme de la trempe du Sénateur ltossi et de Lord Shaftesbury, comprit que l’unique moyen de sauver le pays était le travail collectif. Il fonda une Associa- tion dont il est le Directeur depuis plusieurs années. Cette Association vraiment paternelle se charge de tout. Elle achète des semences de première qualité qui donnent 5 0[0 de plus que les autres. Au temps de la récolte l’administration est là avec ses machines et tous les ouvriers qu’il lui faut pour couper et nettoyer le blé, faisant le tour de chaque' habitation, et en peu de jours toute la récolte est faite et sauvée. Des troupes de mulets et de bœufs (il n’y a pas encore de chemins de fer) sont prêts pour transporter les produits au dépôt central de la Société, où ils sont vendus pour le compte de chaque colon. L’aspect de ces concessions de" terrain, dit Mr. Petich, est très beau et gai, et leur valeur depuis la formation de cette Compagnie a augmenté d’une manière extraordinaire. Dans le courant du mois de janvier 1876, on a vendu 144 concessions à raison de 4000 francs (800 piastres) chacune. Chaque concession est composée de 25 arpents seulement. DEUXIÈME PARTIE. Bureaux et Compagnies d'Immigration en Louisiane—Quelles sonl les causes qui empêchent leur succès—Etat politique du pays—Conditions pour le succès de Ventreprise que je propose — Ressources de la Louisiane—Climat—Eucalyptus globulus—Classes d'immigrants qu'il faut à la Louisiane—Qu'est-ce que l'Athénée Louisianais ?— Qu'est- ce que la science a à faire avec la question de VImmigration ? L’Immigration est pour la Louisiane une question de vie ou de mort ; c’est un problème palpitant d’actualité, dont la solution sollicite toutes les forces productives de l’Etat. Le système de colonisation, que j’ai eu l’honneur de vous présenter à une séance précédente, indique les moyens de réunir ces forces de telle sorte, que toutes les parties qui les composent y trouvent leur avantage. Si imparfait qu’il soit, il renferme au moins une idée, un principe, qui, bien étudié, et confié à des personnes plus compétentes, pourra les conduire à le résoudre d’une manière plus satisfaisante, qu’aucun autre projet, que je connaisse. Si la Nouvelle-Orléans était un grand centre de transit, comme New-York, où affluent chaque jour des centaines d’émigrants de toutes les parties du monde, peut-être un bon bureau d’immigration pourrait-il suffire. Malheureusement nous avons une saison entière, pendant laquelle l’immigration est nulle. Excepté les Allemands qui passent ici pour se rendre au Texas, et quelques centaines d’émigrants d’-autres nations, qui viennent directement à la Nouvelle-Orléans pour y exercer différentes industries, le nombre de ceux qui arrivent en Loui- siane pour s’adonner aux travaux des champs est très restreint : ce sont généralement des personnes qui ont déjà parcouru diverses contrées de l’Amérique, et qui se sont heurtées ailleurs à des mécomptes et à la misère. Ces gens ont recours à la Nouvelle-Orléans, comme à un pis-aller ; les uns poussés par des agents d’immigration, qui, pour s’eu débarrasser, les expédient en Louisiane comme une vile marchandise ; les autres inspirés par des motifs plus ou moins plausibles ; presque tous riches d’illusions, mais pauvres d’initiative. L’époque' de leur arrivée commence généralement vers la fin de Septembre. Après avoir parcouru toutes les rues de la ville en quête de travail, après avoir frappé en vain à toutes les portes, après avoir souffert la faim et ses conséquences, fatigués, découragés, à moitié malades, ils se décident à se rendre dans les campagnes, où les attendent une alimentation insuffisante et mesquine, un travail au-dessus de leurs forces déjà diminuées par les souffrances subies ; puis, au bout de quelques jours la fièvre les saisit, et souvent la mort les emporte. Ceux qui ont le bonheur d’y échapper s’enfuient maudissant le pays, et semant le discrédit sur le partage réservé au travailleurs blancs dans les Etats du Sud. Tel est, en peu de mots, l’historique de l’immigration agricole libre en Louisiane. Il y a quelques exceptions ; je connais des habitants qui ont réussi à fixer le travail blanc sur leurs propriétés d’une manière avantageuse ; mais la règle est comme je viens de dire. Pendant ces trois derniers étés, j’ai eu l'hon- neur de régir le Vice-Consulat d’Italie dans cette ville, j’ai pu constater beaucoup de ces faits parmi mes propres com- patriotes, et il me serait facile d’en citer de nombreux exemples. Il y a maintenant plus de dix ans que le genre de travail qui constituait la richesse de la Louisiaue, a été désorganisé et détruit avec l’abolition de l’esclavage ; qu’a-t-on fait dans ce laps de temps pour le reconstruire et rendre à l’agriculture sa prospé- rité d’autrefois ? Bien peu. Diverses tentatives, il est vrai, ont été faites à différentes époques pour réveiller l’opinion publique en faveur de l’immigra- tion ; des hommes généreux et de bonne volonté n’ont pas manqué d’appeler, de temps en temps, l’attention des Louisianais sur ce sujet : mais ce furent des tentatives vaines, des efforts inutiles, des voix solitaires, et de tout cela il n’est resté que quelques beaux articles de journaux et des circulaires faites avec beaucoup de soin ; mais d’immigrants, néant. Deux ans après la fin de votre guerre civile, un bureau d’immi- gration fut fondé dans cette ville par le gouverneur ; des hommes intelligents et honnêtes en eurent successivement la direction. Mais il n’obtiureut aucun résultat, et reconnurent eux-mêmes leur impuissance. Divers particuliers ont ouvert des bureaux d’immigration à leur propre compte. De ceux-ci je connais quelques-uns, qui, doués d’énergie et de probité, ont lutté, et continuent de lutter en faveur de cette cause ; mais leurs efforts, peu encouragés par le public, sont plus généreux qu’effectifs. En 1870 Mr. S. Tourre et le Docteur Anfoux prirent l’initiative de former une Société d’immigration Française sous le patronage de plusieurs commerçants de la Nouvelle-Orléans, tels que MM. Pavy, Carrière, Mouton, etc., pour faire venir des travailleurs di- rectement de France. \ Quelques mois après, la Société de l’Union Française se fonda dans le but de chercher de l’ouvrage pour les immigrants Français, et de les expédier sur les différentes habitations de l’Etat. Au commencement de 1873, il sembla que l’aube d’une ère nouvelle allait luire pour la Louisiane. Un certain nombre de citoyens, pensèrent à imprimer le mouvement à l’immigration d’après les principes de la division de la propriété, et organi- sèrent une Société à laquelle ils donnèrent le nom de Louisiana Immigration and Homestead Company, dont le programme était comme suit : “ Introduire des immigrants de l'étranger et de l’intérieur dans l’Etat de la Louisiane, et encourager leur colonisation sur les terres possédées ou contrôlées par la compa- gnie ; faciliter aux propriétaires la vente de leurs terres aux émigrants ou aux personnes désirant avoir un bien à cultiver (homestead) ; acheter des terres, les diviser en lots, et les louer ou les vendre, avec ou sans amélioration ; faire des avances sur biens fonciers, ou autres.garanties, pour la construction des fermes ou résidences, avances remboursables par petites fractions avec un intérêt modéré ; aider les industries et les métiers, et assister les colons dans le développement des ressources minérales et agricoles de leurs terres.” Vers la fin de la même année, une autre Association se forma sur les mêmes principes. Incorporée le 2 Décembre 1873 sous le Dom de “ The Laboring Homestead and Co-operative Association of Louisiana,” son objet est :— “ De concilier le capital avec le travail, aider l’établissement il la Louisiane d’une population de petits fermiers et rentiers, leur vendre des terres divisées en petits lots, et leur faciliter les moyens de devenir propriétaires avec leur travail et leurs économies.” Quand je lus les programmes de ces deux sociétés naissantes, et les noms illustres de leurs directeurs (MM. J. B. Price et le géuéral Beauregard furent le Président et le Vice-Président de la première, Aristide Gérard et Emile DeBuys de la seconde), je m’en réjouis, et espérai dans l’avenir de la Louisiane. Plusieurs années se sont écoulées ; que sont devenues ces Sociétés? Messieurs, quelle est la cause, qui arrête toute industrie, toute entreprise dans ce pays? Les mauvaises conditions po'itiques : — je m’attendais à cette réponse.—Quelle est la cause de cet état anormal de vôtre politique, et par conséquent de toutes vos tribu- lations ? Les Républicains en imputent la faute aux Démocrates, les Démocrates aux Républicains. Les uns semblent attendre le salut du pays exclusivement de leur propre parti, les autres d’un simple changement de gouvernement; pas d’autre alterna- tive, pas d’autre voie de délivrance, et nous nous trouvons dans un état de lutte sans relâche, d’oscillation perpétuelle—et, autour de ces partis actifs, et toujours aux prises, le peuple souffre et languit, croyant et l’un et l’autre, espérant de l’un ou de l’autre, les combinaisons qui doivent l’enrichir en peu de temps. Eu attendant d’un côté on perd l’amour du travail et on néglige la culture des champs ; de l’autre le capitaliste retire ses fonds, les chemins de fer ne se construisent pas, le commerce s’éloigne, et la misère fait des pas de géant. A voir ce qui se passe dans cet Etat, on dirait que nous sommes déjà arrivés à cette extrémité, qu’appréhende Malthus, celle où la terre ne suffit plus à l’ali- mentation de ses habitauts ! Messieurs, cet état de choses ne peut plus continuer ; il faut y trouver un remède et s’arrêter. Ce n’est ni des partis politiques, ni du gouvernement, qu’un peuple doit attendre des secours pour refaire sa prospérité. Ces secours il doit les trouver dans sa propre activité, dans sa propre intelligence, ils doivent sortir de ses propres forces. Lisez l’excellent livre publié récemment par un de vos plus dignes concitoyens, Daniel Dennett—Louisiana as ti 18—et vous verrez que les paroisses oùles habitants ont observé ces maximes, et se sont plus occupés d’agriculture que de poli- tique, sont les plus prospères de l’Etat, malgré les vices du gou- vernement. Comme preuve éclatante de ce que j’avance, Mr. Dennett cite, pages cent soixante-cinq et suivantes, quelques faits remarquables, et que je me fais un plaisir de reproduire. “Agrippa Gayden, âgé de dix-huit aria, a cultivé quatorze acres, qu’il loue à raison de six piastres par acre; il fait sept balles de coton, deux cents; boisseaux de maïs, avec un profit net de six cent sept piastres trente sous. “Alexandre Norwood, âgé de 18 ans, aidé de deux ouvriers, l’un de dix-huit ans, l’autre de quatorze, a cultivé trente acres, qu’il loue à raison de dix piastres l’acre ; il récolte dix-huit balles de coton, trois cents boisseaux de maïs, d'autres produits secondaires et en retire un profit net de onze cent six piastres quatre-vingt-six sous. “ Les frères Currie, William âgé de dix-huit ans, Edward de quatorze, ont cultivé trente acres, en payant un loyer de huit piastres par acre ; ils récoltent quatorze balles de coton, deux cent cinquante boisseaux de maïs, quatre mille livres de four- rage, et d’autres produits ; ils obtiennent un gain net de douze cent soixante-trois piastres soixante-cinq sous. “ Mr. S. D. Heap de Darlington, en 1871, employa un ouvrier Suédois, qui fit trois cents barils de maïs sur sept arpents de terre, et quatre balles de coton sur trois arpents trois cent trente yardes. “ Son fils âgé de quatorze ans fit quatre balles de coton sur cinq arpents, et cent soixante boisseaux de maïs sur quatre arpents, ce qui fait quarante boisseaux par arpent.” Il en est ainsi de beaucoup d’autres faits, qu’il serait trop long de rapporter, et qui témoignent avantageusement du travail du blanc en Louisiaue, quand celui-ci sait se mettre au-dessus des passions politiques. CONDITIONS PO DR LE SUCCÈS DE L’ENTREPRISE. La première et la plus importante de toutes est de savoir comment trouver le capital. Beaucoup de Louisianais, je dirais même le plus grand nombre, prétendent qu’il faut se le procurer à l’extérieur, et ils ajoutent, que, tant que les affaires politiques ne seront pas mieux assises, il est inutile de s’en occuper. Cette assertion posée, qnelques-uns se laissent aller à des illusions et à de vagues espérances, et attendent les événements ; d’autres tombent dans un pessimisme décourageant. Messieurs, ceci est une erreur. Le capital pour le développe- ment de l’agriculture louisianaise doit se chercher en Louisiane même. Quel que soit le gouvernement ou le parti qui occupe le pouvoir, aucun capitaliste n’enverra de l’extérieur ses fonds pour les consacrer à l’agriculture de la Louisiane, à moins que ce ne soit quelque individu isolé, qui, épris de son climat, ne veuille s’y fixer. La raison en est dans la nature même des choses et des hommes. Le capital est de lui-même égoïste, hès égoïste, et avant de se vouer à une entreprise quelconque, il veut y voir, d’une manière claire et sûre, un intéiêt séduisant, et immédiat. Il n’en est pas de même de l’entreprise dont je parle ; ici, il faut le reconnaître, le profit ne doit venir qu’avec le temps, parceque la réussite dépend moins de l’argent que du patriotisme et de la persévérance. Ce sacrifice de l’intérêt au patriotisme, vous ne sauriez l’exiger du capitaliste étranger, parceque comme le dit très bien le proverbe, le capital n’a ni cœur ni patrie. Quel avantage, par exemple, le spéculateur du Nord ou de l’Ouest des Etats-Unis, qui fait annuellement d’immenses bénéfices avec le foin et le porc, que vous lui achetez à prix très élevé, quel avan- tage trouverait-il à vous envoyer de l’argent qui vous permet- trait de cultiver assez de foin, et d’élever assez de porcs, pour faire concurrence plus tard à son commerce? En 1865, quand j’arrivai pour la première fois dans cette ville, je tombai dans la même erreur, et me créai des illusions qui me coûtèrent cher. Les conséquences de la guerre venaient d’imposer un nouveau genre de travail au Sud, le travail libre. La richesse du sol, l’importance de ses produits, les fortunes qu’autrefois la vente do ces produits avait permis aux spéculateurs de réaliser, tout por- tait à croire que le capital allait affluer en masse de l’extérieur, pour donner l’impulsion au nouveau genre de culture. Associé au Colonel Smollinski, émigré polonais de distinction, et véiitable initiateur de ce projet, j’achetai dans cette ville, à dix ans de crédit, une pièce de terre très riche, de trente mille arpents, située au Texas, dans le but d’y établir la colonisation basée sur les principes que j’ai indiqués. Nous comptâmes trop sur nos forces morales, nous eûmes trop de confiance dans les promesses des capitalistes étrangers. Il serait trop long de dire toutes les péripéties et tous les incidents de cette entreprise. Le fait est que, malgré l’énergie, et la volonté de fer du Colonel Smollinski, le capital manqua, et l’entreprise échoua au moment même où quatre cents personnes attendaient le signal du départ. Mais, dit-on, il n’y a pas de capitaux en Louisiane. Et cepen- dant nous voyons, chaque année, se former à la Nouvelle-Orléans de nouveaux clubs, de nouvelles associations mystiques qui entraînent des dépenses qui demandent beaucoup d’argent. Les processions des Itéveillonneurs de la Douzième Nuit, les spectacles des Chevaliers de Momus et du Mvstic Krew, pour ne pas parler d’autres, prouvent qu’il n’j a pas uue disette si absolue de capi- taux. Loin de moi la pensée de critiquer ces institutions, qui rendent un grand service au commerce de la ville. Je veux dire seulement, que si chaque année l’on peut réunir à la Nouvelle- Orléans trois ou quatre cents personnes, dont chacune paie quelques centaines de piastres pour ces fêtes, je ne vois pas pour- quoi on ne pourrait pas réunir dans tout l’Etat mille personnes qui donneraient cent piastres chacune une fois pour toutes, pour une entreprise durable et beaucoup plus utile. Non, les capitaux ne manquent pas en Louisiane; ce qui manque c’est l’esprit d’asso- ciation, c’est l’espérance, et la confiance dans l’avenir. Cet esprit d’association il faut l’exciter, en imprimant résolument une pre- mière et forte secousse à l’inertie générale. Il n’y a plus de temps à perdre, il faut agir, et commencer avec ses propres capitaux. Si l’on croit que le chiffre de 380 piastres, que j’ai adopté, dans mon projet, pour les premières dépenses de chaque famille, est insuffisant, ou peut commencer avec un nombre de familles moins grand ; mais il importe de le faire le plus promptement possible, et de fonder le premier point de départ. Le salut financier du pays le réclame ; sou avenir dépend entièrement de l’agriculture. Grâce à Dieu, il ne manque pas en Louisiane d’hommes honnêtes et capables, pour se mettre à la tête du mouvement. Qu’ils prennent l’initiative ; l’émulation ne tardera pas à naître ; et quand on verra que le pays est entré dans la voie du progrès et de la prospérité, le capital viendra de l’extérieur, et s’emploiera de lui-même dans les branches innombrables de l’industrie et de la manufacture, qui restent toujours accessibles au commerce et à la spéculation. Le même égoïsme, qui l’empêche de venir mainte- nant, le poussera ici plus tard, et il jettera de profondes racines en Louisiane. La seconde condition du succès, est que chaque action soit payée comptant au moment de la souscription. Ceci est une con- dition tout-à-fait indispensable, parcequ’il importe grandement que la Société compte, dès le principe, sur une somme certaine, dont j’ai fixé le minimum à cent mille piastres. Avec une somme moindre on ne pourra jamais rien entreprendre de sérieux ni de durable. La Compagnie “ Louisiana Immigro.tion and Homestead ” avait émis deux cent mille actions de cinq piastres chacune, payables en dix fois, la première au moment de la souscription, les autres tous les trois mois. Le capital de l'Association, Lalorivg, Hcmcsteod arid Co-opera- tive of Loumana devait être de cinq cent mille piastres, divisées en cinquante mille actions de la valeur de dix piastres chacune, dont un quart payable au moment de la souscription, et les autres trois quarts eu trois différents temps, fixés aux premiers lundi de mars, juillet et novembre, 1874. Je n’adopte pas ces plans, parceque je crois que ces intervalles d’un paiement à l’autre sont très dangereux pour ce genre d’entre- prise ; ils laissent le champ ouvert à la spéculation, et à la jalousie, de manière que les actions pourraient tomber dans les mains d’un petit nombre, qui ne chercherait que ses intérêts personnels, et leur valeur ne tarderait pas à obéir aux fluctuations d’un jeu de bourse. Il n’existe que trop, dans le monde financier, de ces vampires, qui ont le talent d’inaugurer les entreprises, et de s’assurer des gains prématurés qu’ils savent provoquer immé- diatement par de simples mouvements de hausse et de baisse, quittes à se retirer de la partie au moment qui leur parait le plus convenable, et à se moquer des souscripteurs de bonne foi. Il ne doit pas en être ainsi des actions dont je parle ; il faut, à tout prix, éviter qu’elles ne tombent aux mains de pareilles gens, et leur épargner le sort des actions de la Société de “ Ship Island Canal” et de beaucoup d’autres de ce genre. Qui- conque veut faire de ces actions un simple objet de spéculation de bourse, ne doit pas être membre de la Société. Il faut se rappeler, je le répète, qu’il s’agit ici d’une œuvre à la fois d’uti- lité publique et de bienfaisance, laquelle doit surgir spontané- ment du patriotisme de tous les Louisianais. Ici l’argent investi ne peut courir de risques, parce que, outre l’intérêt de 3 % que la Société paie immédiatement, comme je vous l’ai fait voir dans une communication précédente, outre la probabilité d’un bon dividende à distribuer plus tard, on aura la plus sûre de toutes les garanties, celle de la propriété territoriale. La troisième condition du succès est que l’administration s’é- tablisse immédiatement sur les lieux, et forme elle-même la première famille. Devant être l’âme directrice de la colonie, sa présence au centre de l’établissement est indispensable, pour pouvoir veiller à tout. Beaucoup de choses, beaucoup de travaux qui coûteraient cher à chaque colon séparément, l’administration pourra les fournir à des prix relativement bas, se contentant d’un modeste bénéfice ; nommons,par exemple, les provisions alimentaires, les instruments de travail, le labourage, l’arrosement, les machines pour diffé- rents usages, l’achat et la vente des produits, etc. En un mot, elle doit se constituer en une sorte de marché, ou banque agri- cole. Vous comprenez facilement la valeur et la haute impor- tance d’une pareille administration ; vous voyez comment ce mouvement de tous les éléments de la colonie peut devenir une source de prospérité et de richesse. Mais vous sentez aussi combien il importe que le timon des affaires soit aux mains de personnes sages et prudentes. Il est donc nécessaire, que, pour directeur, on choisisse un homme honnête, pratique et capable, qui ne soit pas l’esclave de ses opinions politiques, et dont la personne seule soit une garantie ; un homme, qui lui même soit habitant, et par conséquent compétent en matière de culture, et dans tout ce qui s’y rapporte. Il faut que les hommes, qui l’accompagneront et partageront ses travaux, soient peu nom- breux et bons, estimés, comme lui, animés du même patriotisme, de la même abnégation, et tous convaincus que le succès dépen- dra entièrement de leur sagesse, de leur honnêteté de leur persé- vérance, et de la plus stricte économie. RESSOURCES DE LA LOUISIANE. Ce n’est pas mon intention, et d’ailleurs mes forces et mon temps n’y suffiraient pas, d’entreprendre ici une description détaillée de la richesse du sol de la Louisiane, et de ses immenses ressources. Vous les connaissez mieux que moi ; c’est un sujet, qui a été étudié et épuisé dans toutes ses parties par beaucoup de vos concitoyens distingués. L’histoire de la Loui- siane de Charles Gayarré, l’excellente relation lue par le Colonel S. H. Lockett, dans la salle du Lycée, à la Société Historique de la Nouvelle-Orléans, pendant l’hiver de 1873 ; enfin le livre de M. D. Dennett, “ Louisiana as it isce sont là de très précieux ouvrages ; ils contiennent des matériaux importants, qui peuvent servir de guides (bien mieux que je ne pourrais faire) à quiconque veut acquérir une idée correcte de ce pays. Seulement je me permettrai de vous soumettre quelques observations sur certains points au sujet desquels je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec ces écrivains, c’est-à-dire sur quelques produits de la Louisiane, et sur son climat. Il y a quelques produits, ce me semble, dont l’importance est exagérée, et d’autres au contraire qui sont trop négligés, au point que leur culture est en quelque sorte ignorée des habitants. Parmi les produits, dont l’importance est exagérée ici en Louisiane, je place la canne à sucre. Je ne suis pas agriculteur, mais j’ai été daus des pays, où la canne à sucre pousse grande et vigoureuse, comme au Pérou, à la Nouvelle Grenade, au Centre Amérique, et dans les fameuses terres chaudes (tierras calientes) du Mexique. J’ai vécu assez longtemps dans quelques-unes de ces contrées pour m’être convaincu de ce fait, que, si le sol de la Louisiane est aussi propre à la culture de la canne à sucre, que celui des pays mentionnés, la variabilité de sa constitution atmosphérique est un grand obstacle au complet développement de la plante, et par conséquent le travail pour en extraire le sucre, doit être aussi plus coûteux. Or, laissez-moi vous poser une question : croyez-vous, que le jour où les discordes civiles cesseront au Mexique, et que ce pays, comprenant mieux ses intérêts, s’adonnera au travail, et fera prendre à la culture de la canne à sucre les proportions colossales quo comportent sou sol et son climat, croyez-vous que ce jour-là votre sucre pourra soutenir la concurrence contre les prix très-bas des sucres du Mexique ?— Je dirai la même chose de l’Ile de Cube. Voici, Messieurs, une question, qui mérite d’être étudiée sérieusement, et que l’observation, l’expérience et le temps devront résoudre. Ce ne sont là que des impressions de voyage ; mais je me fais un devoir de vous les communiquer dans un travail comme celui que vous me faites l’honneur d’écouter, et je n’ai d’autre préten- tion que de vous signaler les dangers de l’avenir, et de vous inviter à commencer à appliquer votre attention et vos soins à d’autres produits agricoles négligés jusqu’ici, et qui seraient peut-être plus profitables que la canne à sucre. L’éminent professeur de Neufchatel, qui, au mois de Février, honorait de sa présence une séance extraordinaire de notre Athénée, vous a parlé du chanvre et du lin, comme de produits qui s’adapteraient heureusement à ce sol, et qui trouveraient un écoulement facile sur les marchés d’Europe ; du roseau à massue qui abonde daus vos plaines marécageuses, et qui se prête admi- rablement à la fabrication du papier. Voilà trois produits, dont la culture devrait être pratiquée sur une grande échelle, et qui, par leur peu de sensibilité aux variations atmosphériques, pour- raient peut-être plus tard remplacer la canne à sucre. A ces produits j’ajouterais la betterave et le foin, le foin spécialement ; semé dans des terrains bas et humides, avec de l’eau de tous côtés pour l’arroser en cas de sécheresse, il peut donner deux bonnes récoltes, et quelquefois même trois, dans le cours de l’année. Mr. le professeur Sacc vous a parlé d’un autre article, auquel je désirerais voir la Société que je propose d’établir, accorder une attention toute particulière, je veux dire l’élève de bêtes à cornes. Au commencement de ce travail j’annonçais que la moitié des cent mille arpents devrait être propriété exclusive de la Compagnie. En demandant une pareille étendue de terre, qui, au premier aspect paraît exagérée, j’avais pour but d’en consacrer un lot de quinze à vingt mille arpents uniquement à l’élève du bétail comme cela se pratique dans les vastes ranchos du Mexique. Vous ne sauriez vous imaginer l’immense bénéfice qui se tire, en dix ou douze ans, de la multiplication de ces ani- maux, sans compter le lait, le fromage, le beurre et la viande fraîche, qu’ils fournissent quotidiennement, pourvoyant ainsi les colons d’une nourriture copieuse, saine et à bon marché. Quant au roseau à massue, je sais qu’un de nos collègues les plus distingués se propose d’en faire une étude sérieuse dès que la saison le permettra ; et j’espère qu’il aura des résultats heureux à communiquer à l’Athénée. (1) CLIMAT. Ce que je vais dire sur le climat de la Louisiane est seulement en relation avec l’agriculture, et dans l’intérêt de cette classe d’im- migrants qui doit travailler au milieu des champs. Considérant le climat à ce point de vue, je dois vous avouer que je ne partage ni l’opinion exagérée qu’on se forme à l’étranger sur son insalu- brité, ni l’enthousiasme de ceux qui proclament qu’il est un des plus beaux, des plus doux, des plus salubres du monde. Messieurs, j’ai voyagé dans différentes contrées d’Amérique ; je les ai par- courues dans presque toute leur étendue, du Cap Horn à la Cali- fornie, des rives de la Madeleine aux eaux du Mississippi ; j’ai visité des pays d’une richesse, d’une beauté, d’une salubrité sans (1) Mr. le Dr. Charles Turpin. égale ;—quand je compare le climat de ces contrées à celui delà Louisiane, je vois une si grande différence, que je croirais manquer à la vérité, manquer à mon devoir de médecin et de voyageur impartial, si je ne le disais pas. Il est incontestable que dans l’intérieur de l’Etat il y a des paroisses très saines ; mais, tout à côté, que de marécages ! quelles pépinières de fièvres ! que de foyers de malaria, qui, en peu de temps, dissolvent les forces de l’homme le plus robuste! J’ai vu dans ma pratique (et j’en appelle à celle de mes confrères) des individus, des étrangers spécia'e- ment doués d’une constitution excellente, qui, seulement après trois ou quatre semaines de séjour à la campagne, étaient tombés dans un état de cachexie paludéenne tel, qu’il leur a fallu des mois entiers de traitement pour s’en débarrasser. L’hiver en Louisiane, si admiré des touristes, n’est-il pas la saison la plus variable, la plus inconstante de l’année ? Et ces gelées blanches qui parfois apparaissent prématurément, avant la fin des chaleurs, comme dans certaines nuits d’octobre ; et ces jours excessivement chauds, avec lesquels alternent les vents secs et froids qui nous viennent du Nord, aux mois de mars et d’avril, précisément à l’époque où la végétation a le plus besoin d’une atmosphère égale et tranquille, ne sont-ils pas funestes aux hommes et aux plantes ? Laissons aux touristes, aux voya- geurs qui viennent ici par divertissement pendant quelques semaines des meilleurs mois de l’année, pour fuir les froids rigou- reux du Nord, laissons-leur le langage et les illusions de la poésie. Mais nous, qui demeurons ici d’une manière stable, nous médecins, nous qui entreprenons un travail sérieux sur les moyens pratiques d’ouvrir une porte aux émigrants partis de pays très sains, nous devons parler le langage de la vérité, même au risque de déplaire à la multitude. On croit qu’en exagérant la salubrité et la beauté du pays on attire l’immigration, et c’est l’effet contraire que l’on obtient. Pourquoi ? Parceque ce ne sont pas seulement le climat et les maladies qui empêchent le campa- gnard d’Europe de venir en Louisiane, c’est plutôt cet état inquief, incertain, anormal qu’on observe en toutes choses, et qui détourne le torrent de l’immigration pour le pousser vers des bords plus hospitaliers. Faites en sorte que l’immigrant soit sûr de trouver un travail qui le récompense de ses peines ; offrez- lui la perspective d’un bien-être certain ; et ne craignez nullement de ne pas le voir affluer en grand nombre, malgré la chaleur et les fièvres. Mais qu’il connaisse avant de partir les véritables conditions atmosphériques de la nouvelle patrie, pour qu’il puisse prendre les précautions nécessaires dans l’intérêt de sa santé, aussi bien que des plantes qu’il doit cultiver ? ' Heureusement, ces inconvénients ne sont pas tous sans remède : et la Louisiane possède, grâce à sa position topographique, des avantages qui y rendent la colonisation plus facile que dans d’autres pays. Oe grand fleuve à la porte du commerce du monde, le nombre iufini de ses lacs et bayous, son sol plat et extrêmement favorable à l’établissement des chemins de fer, les innombrables sources et cours d’eau, qui peuvent être utilisés comme force motrice de machines de toute sorte, etc., ce sont là autant de richesses qui manquent ailleurs. Je connais au Pérou des provinces où l’on dépenserait des millions pour posséder une rivière seulement dans les proportions de votre bayou St.-Jeau. Ce sera la tâche de la Société, dont j’ai tracé le plan, de tirer parti de tous ces avantages, de les appliquer au service de l’agri- culture, et à l’assaiuissement des terres iusalubres. EUCALYPTUS GLOBULUS. Parmi les moyens que la science nous enseigne pour purifier les régions palustres, la culture de l’Eucalyptus globulus est un des plus efficaces. Les résultats obtenus dans les pays où l’on en a fait l’expérience sont prodigieux et bien encourageants, si les relations qu’on nous en fait ne sont pas exagérées. En Egypte, où Méhémet-Ali et Ibrahim-Pacha, dans l’espace de cinquante ans, en ont planté plus de vingt millions de pieds, les conditions météorologiques ont été modifiées immensément. Mr. Henri de Parville constate dans le Journal des Débats, qu’à Pardouk, à vingt îuilles d’Alger, une terre située sur les rives de l’Hamyze, était très connue pour son air pestilentiel. Au printemps de 1867 environ 13,000 Eucalyptus y furent plantés. La môme année, au mois de Juillet, époque à laquelle commençaient les fièvres, pas un colon n’en fut atteint quoique les arbres n'eus3eut pas acquis plus de neuf pieds de hauteur. A partir de cette plantation les fièvres disparurent. A la ferme Gué, province de Constantine, en trois ans, une plantation d’Eucalyptus a transformé douze arpents de terrain marécageux en un parc magnifique ; les fièvres s’y effacèrent totalement. Les Anglais furent les premiers à en faire l’expérience au Cap de Bonne Espérance, et en deux ou trois ans, ils ont changé complètement l’air des parties malsaines de la colonie. Dans toutes les localités enfin où l’Eucalyptus fut introduit, les fièvres et les autres maladies miasmatiques cessèrent eu peu de temps. M. Gimbert dans une relation lue à l’Académie Royale des Sciences de Londres, en 1874, explique ces faits, et dit: “L’Eucalyptus possède, à un degré extraordi- “ naire, la faculté de détruire les poisons miasmatiques, en absorbant daus la terre une “ quantité d’eau égale à vingt fois son propre poids, pour la répandre dans l’atmosphère “ sous la forme d’uue vapeur antiseptique qui en peu de temps améliore les conditions “ insalubres de l’air; planté dans les terrains marécageux, il a bieutôt fait de les “ dessécher. (Medical Times and Gazette.) Outre cette propriété vraiment remarquable, l’Eucalyptua possède des vertus médicinales importantes. Déjà la chimie, dans ces derniers temps, l’a fait servir à des préparations dont quelques-unes out été appliquées à la thérapeutique, et ont donné d’excellents résultats dans le traitement des fièvres intermittentes. Le Dr. Miergues de Bouffarik, en Algérie, dans un travail détaillé, “ La Science jiour tous,” publié le 30 Mars 1872, parle de quelques:uns fie ses .essais pour appli- quer l’Eucalyptus aux besoins de l’art industriel. Il en obtient un papier brouillard de première qualité. Une feuille de papier trempé dans de l’huile d’Eucalyptus, et soumise à l’action d’une presse, acquiert une propriété de reproduction, au moyen de laquelle le Dr. Miergues a pu se procurer la copie de beaucoup de pages appar- tenant à des livres anciens et x-ares. Tout dernièrement, le 20 Décembre 1875, Air. F. A. de Hartzcn lut à l’Académie des Sciences de Paris, une note sur le même sujet, dans laquelle il est dit que l’Eu- calyptus, outre l’huile essentielle, contient plusieurs autres substances très remar- quables. En distillant la teinture alcoholique des feuilles on obtient un acide rési- neux spécial, soluble dans l’alcohol et l’éther, insoluble dans l’acide acétique. L’acide sulphurique concentré le dissout parfaitement, et en y ajoutant un peu d’eau, il forme un liquide d’une couleur rouge carmin très beau ; en y ajoutant de l’éther, on a une matière î-ouge. Si après avoir fait macérer les feuilles d’Eucalyptus dans l’al- cohol, on les met dans l’éther, on extrait une quantité considérable d’uue poudre ayant l’apparence de la cire, Tous ces faits, toutes ces découvertes prouvent la vertu pré- cieuse de cette plante, et la nécessité d’en essayer l’introductiou en Louisiane sur une grande échelle. (1) (1) Un îles organes de la presse de Paris dans son feuilleton du 26 Décembre 187G vient confirmer par de nouveaux faits les qualités vraiment surprenantes de l’Euca- lyptus globulus. “ Pour établir, écrit Louis Figuier, aux yeux de tous cette étonnante et merveil- leuse taculté de l’Eucalyptus d’assainir les localités marécageuses, il fallait réunir un nombre suffisant de faits bien consistés. La Société des Sciences physiques et naturelles d’Alger s’est chargé de cette tâche eu faisant appel aux médecins et aux propriétaires de la colonie pour en obtenir des constatations authentiques. Mr. le Docteur Bertheraud, un des médecins les plus en renom de cette colonie d’Afrique a été chargé de présenter le résumé de ces faits. Après son rapport on voit que l’opinion qui attribuait à l’Eucalyptus ses vertus précieuses est non-seulement confirmée, mais dépassée de béaucoup, car outre que l’Eucalyptus fait disparaître les fièvrçs paludéennes, ce fléau de l’Algérie, il écarte et supprime les moustiques, ce second fléau du même pays. A Tuggurtl), malgré le peu de développemeut des Eucalyptus plantés dans cette localité, Air. Ben-Salali, médecin de colonisation, a signalé, le 10 avril 1876, une dimi- nution très notable dans le nombre des cas de fièvre qui avaient été constatés l’année précédente. Al. Beaumont, inspecteur des forêts, écrivait, à la date du 19 mars 1876, que, jusqu’en 1866, époque à laquelle remontent les premières plantations d’Euealyptus, 'la maison forestière de l’établissement de Saint-Ferdinand, près Zérazilda, n’était, pour cause d’insalubrité, occupée que d’une manière intermittente par le préposé, autorisé à résider à Zérazilda. Actuellement, les plantations exécutées aux alentours de CLASSE D’IMMIGRANTS QUI CONVIENT A LA LOUISIANE. D’après tout ce que je viens de dire, vous avez compris, j’espère, ma pensée. Favoriser l’immigration européenne en Louisiane, provoquer le développement de la culture de votre sol si riche, au moyen d’une égale répartition de la terre, et d’une association entre le propriétaire et le colon, tel est le sens de ce travail. “ Socialisme ! ” direz-vous. Oui, Messieurs, mais socialisme saint et vrai, qui reconnaît pour base la famille, qui fait dépendre le bonheur de l’homme de l’amour du travail, et qui lui enseigne à respecter la propriété d’autrui, en lui rappelant qu’elle est le fruit de laborieuses économies, et qu’elle a été ai rosée des sueurs de celui qui l’a acquise. La classe d’immi- grants, dont la Louisiane a le plus besoin actuellement, est celle des agriculteurs, des paysans. Dans le monde où uous sommes jetés, au milieu de ce triste et incessant combat pour l’existence, le problème de la vie à bon marché et assurée ne peut se résoudre qu’en augmentant la production au moyeu de l’agriculture. D’elle eu grande partie dépend le développement de l’industrie et du commerce, aussi bien que l’amélioration matérielle et morale de toutes les classes de la Société. l'établissement et le long (lu ravin qui fait face, ont assaini l’habitation au point de l’avoir transformée eu une véritable maison de plaisance. Le lac de Fetzera était à peu près inhabitable, tant par l’influence paludéenne, que l’abondance des moustiques. Soixante mille pieds (l’Eucalyptus plantés sur les bords de ce lac, ont eu raison des moustiques ; et en même temps, l’influence palu- déenne a presque complètement disparu. Ces faits résultent d’une communication adressée par M. Rivière, directeur du jardin d’essai, à Alger, à la Société centrale d-horticulture de France. Des plantations d’arbres de même essence, faites par la Société générale algérienne et par la Compagnie des Mines de Motka-el-Haddid, dans la même contrée, ont suffi pour l’assainir, de manière à permettre aux gardiens du lac et aux ouvriers mineurs (1e rester à demeure sur des points autrefois si insalubres. “ Aujourd’hui, Ut depuis 6 à 7 ans, écrit à la date du 15 mars 187fi, M. J a ger schmidt, propriétaire à Bliaouch Moulati, sous l’influence des Eucalyptus plantés en grand nombre, je n’ai plus à constater chez moi un seul cas de fièvre pernicieuse : les fièvres simples sont elles-mêmes très rares, plus rares l'an dernier qu’elles ne l’ont été au village et dans les environs. Les moustiques et surtout les moucherons qui, dans le commencement de mon installation, menaçaient plus encore que les fièvres de me faire quitter la place, ont à peu près disparu. “ Les sauterelles elles-mêmes, à la dernière invasion, ont paru, au grand scandale de mes voisins, respecter ma propriété, obligées qu’elles étaient dans leur vol de surmonter l’altitude de mes massifs et de s’abattre h 400 ou 500 mètres plus loin. Aujourd’hui, enfin, mon personnel exclusivement européen est bien portant et ne m’abandonne plus comme autrefois, pour aller mourir à l’hôpital de Blidah. Le médecin ne vient plus me rendre visite que très rarement, comme ami, pour pêcher dans mes barrages et manger une carpe.” En résumé' l’influence directe, et d'ailleurs très 'rapide, de l’Eucalyptus pour assainir des localités insalubres, est mise tout à fait hors de doute par les faits résul- tant de l’enquête entreprise par la Société des sciences physiques et naturelles d'Alger. Il est donc à désirer que l’administration et les colons emploient une grande partie de leur activité à faire planter des Eucalyptus partout où les terres marécageuses soutuue cause d’insalubrité. Parmi toutes les variétés de cette grande race blanche, quelles sont celles qui conviendraient le mieux à la Louisiane ? Laissous- en le choix à la Compagnie qui se formera ; fournissant l’argent et la terre, c’est à elle qu’appartient le droit de choisir la nationalité qu’elle jugera la meilleure. Français, Anglais, Suisses, Italiens, Espagnols, Allemands, Polonais, Slaves, Scandinaves, Eusses, etc., quels qu’ils puissent être, pourvu qu’ils soient laborieux, honnêtes, économes, souhaitons leur la bienvenue. Pour obtenir ce résultat, il faudra que la Société envoie des agents les chercher dans leurs propres pays, pour les conduire directement à la colonie. Le système d’enrôlement par l’intermédiaire de courtiers, comme cela se pratique maintenant dans quelques agences d’émigration en Europe, est très défectueux, parcequ’il expose les émigrants aux fraudes et aux injustices pratiquées par quelques individus qui spéculent sur leur misère et leur ignorance, sans donner aucune garantie. Certaines agences sont de véritables marchés de chair humaine, où les pauvres émigrants sont traités comme de la marchandise, que l’on expé- die à tant pour cent de commission, se préoccupant très peu du reste. Des abus de telle sorte ne doivent pas se faire par la Com- pagnie que je propose. Il est nécessaire qu’elle soit responsable de ses agents et de leurs actions, et qu’elle offre aux gouverne- ments d’où l’émigrant part toutes les garanties, qu’ils ont le droit d’exiger. qu’est-ce que l’athénée et la science ont a faire avec l’immigration. De tous les problèmes sociaux modernes, qui se sont emparés de l’esprit des économistes, celui des migrations et de la coloni- sation offre l’importance la plus transcendante. C’est une ques- tionsi intimement liée à celle du travail et du capital, que désormais toutes les deux doivent se régler sur la boussole de la science, si l’on veut qu’elles parcourent avec sûreté les vastes horizons qui s’ouvrent devant elles. Cette étude a été jusqu’ici trop négligée. Le temps est venu pour elle d’entrer dans le cercle des recherches scientifi jue3 ; oui, c’est à la science qu’il appartient de lui imprimer le mouvement, et d’en régler la marche. Les grandes migrations sont un bien pour le pays où elles arrivent, un mal pour celui qu’elles abandonnent. En thèse géné- rale ceci est très vrai, car c’est une somme de forces produc- trices et intelligentes, que l’un acquiert et que l’autre perd. Il ressort de là tout naturellement que les gouvernements des pays où l’émigration s’opère dans de vastes proportions s’eu préoc- cupent, et songent à faire des lois qui prescrivent aux agents d’émigration de donner de solides garanties contre tout abus, dont ceux qui s’expatrient pourraient être victimes. Il est du devoir de la science de venir en aide aux gouvernements dans cette œuvre d’humanité ; c’est à elle d’indiquer les meilleures règles à suivre, pour que les migrations se fassent de telle sorte qu’elles répondent aux besoins de chaque nation et puissent devenir, avec le temps, une source de richesse pour tous, comme a fait l’Angleterre à l’égard do ses colonies. Raviver Vesprit cosmopolite, qui, comme disait Gioberti, a révélé VAmérique à Colomb (1) ; étudier les projets qui permettent d’orga- niser la colonisation sur la vaste échelle qu’indiquent les immenses et fertiles terres de ce continent ; multiplier les sources de travail ; réformer les misérables conditions du paysan ; réveil- ler les nobles ambitions; enrichir l’agriculture de nouvelles inventions ; trouver le secret de faire produire au sol des fruits plus nombreux et meilleurs ; décerner des primes d’encourage- ment aux inventeurs ; favoriser l'union moralfe et matérielle des peuples par le libre échange des idées et des denrées ; combattre avec les armes de la conciliation et de la raison, aussi bien les injustices du capital, que les utopies du faux socialisme, sollici- tant l’un à renoncer à ses habitudes tyranniques et égoïstes, instruisant l’autre, pour qu’il ne demaude que ce qui est juste ; alléger les misères humaines, détruisant les causes des révolutions et des guerres ;—telle est la mission de la science ; telle est la mission de l’Athénée Louisianais pour ce qui concerne la colo- nisation en Louisiane ; en un mot régénérer le pays par le travail et l’agriculture. C’est la science, la sentinelle avancée de la patrie et de l’humanité, qui porte dans ses mains les grands principes sur lesquels reposent les destinées des Nations. (1) Voyez Gioberti: Gesuita modarno, Libro 3°. cap. 15.