EMPLOI MEDICAL DU BAIN D’AIR COMPRIMÉ PARIS. IMPRIMERIE DE LA PUBLICITÉ (E. BICHERON) 18, Rue.d’Enghien, 18 EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET APPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES DE L’AIR COMPRIMÉ le Docteur J. A. FONTAINE directeur de l’établissement médico-pneumatique de la rue de chateaudun « Le? erreurs ne naissent jamais d’une « mauvaise induction, mais de ce qu’on « pose en principe certaines expériences « peu comprises. « Descartes, « Règles pour la Direction clé l'Esprit, » Cet Ouvrage contient sept Gravures intercalées dans le texte. PARIS 18 77 GERMER-BAILLIÈRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 AVANT-PROPOS Les appareils à Air comprimé ont été employés dans l’industrie pour rendre possible/certains tra- vaux qui, sans cela, ne l’eussent pas été, et pour en faciliter certains autres, bien avant qu’on ait eu l’idée de les utiliser en médecine. Les pressions des scaphandres, des nauülus, des caissons à air, généralement de beaucoup supérieures à celles des cloches médico - pneumatiques , ont exercé quelquefois une salutaire influence sur la santé de certains ouvriers atteints d’affections pul- monaires chroniques, mais, plus souvent encore, elles ont déterminé des accidents. Or, l'intelli- gence des causes et du. mode de production de ces derniers étant nécessaire à l’interprétation des phénomènes physiologiques dont on utilise les effets dans la médication pneumatique, il nous a paru opportun de commencer ce travail sommaire sur l’emploi du Bain d’Air comprimé par un exposé rapide des différents appareils à Air comprimé employés dans l’industrie. Cloche à plongeur. La cloche à plongeur est le premier appareil dans lequel l’homme se soit soumis à la surélévation artificielle de la pression barométrique. L’invention date du sei- zième siècle. On trouve, dans un livre fort rare aujourd’hui et imprimé, en 1562, à Cologne (1), le récit d’une remarquable expérience à laquelle fau- teur avait assisté en 1538, à Tolède : deux Grecs, en présence de Charles-Quint et de plusieurs mil- liers de spectateurs, étaient descendus dans les eaux rapides du Tage sans se mouiller et sans éteindre un feu qu’ils portaient avec eux. Ils s’étaient servis pour cela d’un chaudron renversé suspendu à des cordes et portant inférieurement un plancher. Dans son novum organum publié en 1620, le chancelier Bacon parle de cuves en métal que l’on descendait renversées au fond de l’eau ; ces cuves étaient supportées par trois pieds entre lesquels les plongeurs pouvaient passer pour venir émerger à la surface du liquide dans l’appareil et y reprendre haleine, ce qui leur évitait de remonter aussi sou- vent à l’air libre. En 1665, un mécanicien, dont le nom n’a pas été conservé, retira, près de file de Mull, sur la côte occidentale de l’Ecosse, trois canons d’un des vaisseaux de Y Armada coulés depuis soixante-dix-sept ans ; il se servit, pour diri- ger les manœuvres, d’un escabeau sur lequel il se tenait debout et d’une cloche qui couvrait la par- tie supérieure de son corps. Georges Sinclair, un physicien des plus remarquables du temps, publia (1) Opusc. perpétua memoriâ dignissimum... de motu celerrimo. Taisnier Coloniœ, 1502. un récit très-détaillé de l’opération, et présenta le nouvel appareil comme une grande découverte. Un des graves inconvénients de ces cloches, qui devinrent d’un emploi assez fréquent auXVIIIe siècle, consistait dans le non-renouvellement de l’air. Halley fut le premier qui songea à y porter remède. Il proposa d’employer, entre un bateau placé à la surface et la cloche, une noria faite de seaux pleins d’air et renversés ; mais l’idée était d’une exécu- tion difficile, et elle ne fut pas mise en pratique. En 1788, le savant anglais Smeaton employa, à Ramsgate, pour enlever des pierres recouvertes de quelques mètres d’eau, la première cloche à plon- geur ventilée. L’alimentation se faisait à l’aide d’une pompe placée, comme à présent, sur un bateau, et les ouvriers laissaient échapper l’air soit par la partie inférieure de la cloche, soit par des robi- nets placés dans la partie faisant dôme. Aujour- d’hui, la cloche à plongeur a été presque aban- donnée, parce que les ouvriers y sont gênés et ne peuvent travailler que sous leurs pieds; on l’a remplacée, pour la plupart des travaux sous- marins, par le scaphandre. Scaphandre. Le scaphandre actuel est un appareil dans lequel l’ouvrier a le corps tout entier soumis à la même pression, absolument comme dans la cloche à plongeur ; il n’en était pas de même des anciens scaphandres des pêcheurs de perles de la mer des Indes ; la tête du pêcheur était placée dans un manchon communiquant avec la surface à l’aide d’un tube porté par un flotteur. Cet IV appareil ne pouvait évidemment servir que pour de petites profondeurs. Léonard de Vinci, dans un de ses célèbres manuscrits écrits à rebours, décrit cet appareil, et le flotteur est réprésenté à quatre hauteurs de tète au-dessus de la bou- che. Il est facile de voir que la pression à laquelle la poitrine est soumise dans ce cas est supérieure d’un mètre d’eau, c’est-à-dire de près d’un dixième d’atmosphère, à la pression intra-pul- monaire; il n’est pas probable que les pêcheurs indiens, si vigoureux fussent-ils, pussent passer de longues heures sous l’eau dans ces conditions ; le travail des muscles inspirateurs luttant contre l’énorme surcroit de pression supporté par le tho- rax 100 grammes par centimètre carré (1) ne pouvait évidemment se soutenir longtemps. Aujour- d’hui, M. Waldenburg a mis à la mode en Alle- magne, pour le traitement de l’asthme, un appareil à l’aide duquel on inspire l’air pris à la pression ordinaire pour Vexpirer en manoeuvrant un robinet à trois voies dans un réservoir où la pression est diminuée d’un dix-huitième d’atmosphère au maximum; or, on ne peut continuer ce mode de respiration plus de dix minutes sans en être très- fatigué. Le scaphandre de la mer des Indes fut perfec- tionné en Europe, où on l’employa pendant quel- que temps, avec les modifications suivantes :le plongeur était placé dans une carapace en cuir qui, à sa partie supérieure, portait deux tuyaux flexi- (1) Une colonne d’eau d’un mètre de hauteur, ayant un centimètre carré de base, représente 100 centimètres cubes, et pèse par conséquent 100 grammes. blés, l’un servant au passage de l’air, envoyé par un soufflet, l’autre emportant l’air expiré. On pouvait ainsi travailler à trois ou quatre mètres sous l’eau; plus bas, la pression triomphait de la résistance du cuir et s’exerçait directement sur le corps. Dans un autre de ses manuscrits, celui coté N, actuellement conservé à la bibliothèque Ambro- sienne, Léonard de Vinci a dessiné un second appareil qui ressemble à une petite cloche à plon- geur; c’est un réservoir d’air, en forme d’outre, coiffant la tête et le cou, et dans lequel l’air, maintenu par la pression, est emprisonné. On pourrait ainsi descendre à de plus grandes profon- deurs ; mais il ne saurait être possible d’y séjour- ner longtemps, l’air devant assez vite devenir irrespirable, par suite de la rapide exhalation de l’acide carbonique du poumon : 22 litres à l’heure. Le scaphandre actuel consiste en un vêtement imperméable formant, avec un casque en métal, muni d’oculaires en verre, une chambre dans la- quelle se place l’ouvrier ; il a les mains libres el- les poignets serrés par un anneau de caoutchouc. Les scaphandres sont ventilés avec une pompe à main. L’air s’échappe par une soupape qui ne se ferme qu’au moment où il y a équilibre parfait entre la pression d’air intérieure et la pression de l’eau. Autrefois, on retirait les pêcheurs àlabrasso,e t comme l’opération pouvait se faire en une ou deux minutes, il arrivait que, lorsqu’ils quittaient un fond de 40 mètres de profondeur, ils se décomprimaient brusquement de quatre atmosphères effectives, ce VI qui a été fréquemment la cause d’accidents graves. Actuellement, les plongeurs peuvent remonter d’eux-mêmes à la surface ; en fermant la soupape, l’air s’accumule dans le scaphandre qui se gonfle et devient bouée, et en lâchant l’air au fur et à mesure de l'ascension, il est facile d’en régler la vitesse. Les plongeurs capables de résister à la mer sont en petit nombre, et leur travail est peu considé- rable, même quand la manoeuvre des pompes est faite par des mains exercées. Aux accidents de la décompression auxquels nous venons de faire allu- sion, à d’autres encore, qui sont la conséquence de l’augmentation de tension de l’oxygène de l’air et qui commencent à se faire sentir entre 30 et 50 mè- tres d’eau, il faut ajouter un sentiment de malaise particulier dû, paraît-il, aux accoups de la pompe et peut-être aussi à la chaleur de l’air comprimé. Pour remédier à cet inconvénient, MM. Rou- quayrol et Denayrouse ont imaginé un appareil qui paraît destiné à remplacer le scaphandre dans bien des cas. Le corps du pêcheur ou de l’ouvrier, re- vêtu d’un léger costume en caoutchouc, est plongé dans l’eau comme dans le scaphandre indien, mais sa bouche communique par un tuyau de res- piration avec un réservoir placé sur le dos et per- pétuellement alimenté par une pompe. Des dispo- sitions mécaniques, qu’il serait superflu de décrire ici, assurent une constante égalité de pression entre l’air de ce réservoir et l’eau ambiante, d’où il résulte que le plongeur se trouve, au moins au point de vue de l’équilibre des pressions, dans de très-bonnes VII conditions physiologiques. On retire à la brasse les plongeurs qui se servent de ces appareils ; peut- être ferait-on mieux de leur faire emporter un sac de caoutchouc, qu’ils gonfleraient avec l’air du réser- voir pour remonter au jour. Nautilus. Lenautilus estime combinaison de la cloche à plongeur et de la bouée; il a pour but, non-seulement d’empêcher l’eau de pénétrer ou de se maintenir dans un espace donné où l’on veut travailler, mais encore de descendre au fond de l’eau ou d’élever à la surface des matériaux ou des épaves; c’est une sorte de grue sous-marine. Il se (Fig. 1). compose (fig. 1) d’un réservoir à air comprimé, alimenté par des pompes à fleur d’eau, d’une cage centrale A où se placent les ouvriers, et de com- partiments étanches B munis de robinets, par le jeu desquels on peut à volonté admettre ou chasser l’eau. Pour descendre, on laisse pénétrer lentement l’eau dans ces compartiments, en laissant échapper l’air qu’ils contiennent. Pour remonter, au con- traire, on chasse l’eau à l’aide de l’air comprimé VIII du réservoir. Le compartiment central A est une simple cloche à plongeur; le manomètre indique constamment la pression de Feau ambiante ; quand l’appareil s’est échoué, on élève la pression en A au même degré, et l’on peut alors sans crainte soulever le plancher : l’eau, maintenue par l’air compri- mé, ne peut y pénétrer. Dans le cas où le tuyau flexible qui relie le nautilus au bateau des pompes se romprait, il suffirait, pour revenir à la surface, de chasser l’eau des compartiments BB avec les pompes à main de la cage A. Aussitôt allégé et flottant, l’appareil remonterait. Bateaux à air. Les bateaux à air sont cons- truits sur le principe de la cloche à plongeur. On s’en sert pour les constructions en rivière. Cons- truits en tôle mince, ces bateaux sont très-vastes, et les ouvriers y travaillent à leur aise; on en a employé sur le Nil qui pouvaient contenir quarante personnes. Nous n’aurions pas signalé ces appa- reils, qui ne diffèrent que par leurs dimensions de la cloche â plongeur, n’était l’identité qui existe entre les pressions moyennes sous les- quelles ils ont été immergés jusqu’ici, et celles des cloches pneumatiques, 2 mètres 1/2 à 5 mè- tres d’eau, soit un quart à une demi-atmosphère. Tubes et caissons. Un ingénieur civil, M.Tri- ger, a proposé, il y a près de quarante ans, pour le fonçage des puits de mines à travers les terrains aquifères et aussi pour l’érection des piles de ponts sur les fonds de gravier et autres, une heu- IX reuse application de l’air comprimé. Voici en quoi (Fig. 2).| elle consiste : Le tube de fonte TT (fig. 2) a été enfoncé à coups de mouton dans le terrain aqui- fère. Dans ce tube, peut glisser un autre tube plus petit, fermé en haut et en bas S, que l’on manoeuvre à l’aide d’une poulie ; c’est le sas à air. Des pompes, mises en mouvement par le balancier d’une ma- chine à vapeur, envoient à la partie inférieure du tube TT, par le tuyau NN, de l’air dont la tension est suffisante pour empêcher l’eau de s’y élever et la forcer, au contraire, à monter par le tube 00, qui la déverse à l’air libre. Les ouvriers peuvent donc, au fond du tube, travailler à pied sec. Quand ils ont rempli les bennes des matériaux à enlever, ils les placent dans le sas à air. Gela fait, ils in- terrompent la communication entre le fond du tube et ce sas, puis ils l’établissent entre celui-ci, —■ tout cela se fait à l'aide de gros robinets et de sou- papes et l’atmosphère ambiante; l’air se détend alors, et quand il a atteint la pression ordinaire, on vide les bennes au dehors. Pour faire l’opération inverse, on rentre les bennes dans le sas, on in- terrompt la communication de celui-ci avec l’at- mosphère et on l’établit avec le tube Quand les pressions sont équilibrées, les bennes sont redes- cendues sur le sol où l’on travaille, pour être rem- plies de nouveau et évacuées par le même pro- cédé. X Les soupapes par lesquelles passent les ouvriers et les matériaux L et M, se ferment de bas en haut, et, par suite, s’ouvrent d’elles-mêmes par leur poids, quand les pressions supérieures et infé- rieures sont identiques. Un presse-étoupe circulaire permet au sas de glisser dans le tube TT; le tube peut être allongé à volonté à l’aide de bouts de tube supplémentaires superposés. R et 0 repré- sentent les robinets dont le jeu a pour objet l’élé- vation ou l’abaissement de la pression de l’air du sas, suivant qu’on fait communiquer ce dernier avec le fond du puits ou avec l’air libre. La nécessité de répéter perpétuellement la ma- nœuvre que nous venons de décrire pour l’extrac- tion des déblais, rendait les travaux interminables. De plus, il se produisit chez les ouvriers soumis aux compressions et aux décompressions répétées que comportait le système des accidents qui ne contribuèrent pas pour peu de chose à diminuer l’engouement qu’avaient fait naître les premiers tra- vaux exécutés à l’aide des appareils Triger. Un in- génieur des ponts-et-chaussées, M. Fleur de Sainte- Marie, s’occupa de cette question, et visant spécialement l’érection des piles de ponts dans les terrains meubles, il parvint à diminuer les frais considérables du système primitif, tant au point XI de vue du temps perdu par les ouvriers pour le déséclusage des déblais, qu’à celui de la force motrice dépensée par la perte continuelle d’air comprimé que nécessitaient les fréquentes dé- compressions du sas. Son système est très-simple :un caisson étanche en tôle (AA fig. 3) constitue la base de l’appareil; il repose sur le sol. et doit s’enfoncer par le poids des constructions qui le surchargent au fur et à mesure de F extraction des terres sur lesquelles il est placé. (Fig. 3). Il est tra- versé dans son centre par une che- minée en tôle qui se ter- mine à sa base et s’é- lève jusqu’à plusieurs mètres au- dessus de la surface de l’eau du fleu- ve ou de la rivière; de plus, à droite et à gauche de cette che- minée, il en existe deux autres qui ne traversent p as l’appareil et partent de son plafond. Celles-ci, munies d’é- chelles à l’ai- de desquel- les on peut descendre dans les cais- sons ou en remonter, sont terminées supérieurement par des sas à air D, D, qui n’ont pas pour objet l’extraction des matériaux, mais seulement l’éclusage ou le XII déséclusage des ouvriers. La figure représente l’ap- pareil entier placé dans le lit d’un fleuve ; l’eau de la cheminée centrale a le niveau de l’eau extérieure au contraire dans le caisson, l’eau ne s’élève pas ; elle est maintenue par la pression de l’air, qu’y foulent perpétuellement des pompes, mues par une machine à vapeur. Les ouvriers, dans le cais- son, piochent et jettent leurs déblais dans l’exca- vation où se termine la cheminée centrale. Une noria qui se meut dans cette cheminée reçoit ces déblais et les amène à la surface. On voit de suite que le travail est rendu très-facile, et que les ouvriers ne sont pas soumis aux compressions et décompressions fréquentes que rendait néces- saires les système primitif. De plus, l’expérience ayant montré que la plupart des accidents des caissons étaient dus aux décompressions brusques, on en est arrivé à décomprimer lentement les ou- vriers, en leur payant le temps de la décompres- sion comme temps de travail, et les accidents sont devenus rares. Les piles du pont de Kehl ont été construites, non comme le dit M. Bordier, dans le Journal de Thérapeutique, avec des cloches à plongeur, ce qui est évidemment impossible, mais avec les caissons que nous venons de décrire. C’est là que M. le docteur Bucquoy a fait les remarquables observations qui forment le sujet de sa thèse inau- gurale, et dont nous aurons l’occasion de parler plus loin. Dans le système Triger, décrit en premier lieu, l’air comprimé s’échappe par un robinet placé sur XIII la conduite d’eau 00 qui remonte à la surface, en agissan t comme syphon, l’eau de filtration du fond du tube. Ce mélange d’air et d’eau permet à l’air comprimé d’élever celle-ci plus haut que cela pourrait être fait si la colonne était absolument liquide. Il suffit de se rappeler l’expérience bien connue de la pompe de Séville, pour compren- dre ce-phénomène. Gomme le poids delà colonne est égal à sa base multipliée par sa hauteur et sa densité, il est évident que plus il y a d’air inter- posé entre les couches liquides, moins la colonne doit peser. L’idée d’employer le séjour dans l’Air comprimé comme agent thérapeutique date de 1834; elle appartient à M. le docteur Junod, qui a, le pre- mier, proposé dans un mémoire présenté à l’Aca- démie des Sciences d’employer, comme mode de traitement de divers états pathologiques, « les effets de la condensation et de la raréfaction de l’air, opérées sur toute l’habitude du corps ». Chargé de faire un rapport sur le mémoire de M. Junod et ses appareils à raréfaction et à com- pression, Magendie conclut « qu’ils ne paraissaient susceptibles d’aucune application médicale, mais que, placés dans un cabinet de physique, ils pour- raient fournir l’occasion d’expériences curieuses et d’observations utiles ». C’était, pour ce qu’on a appelé depuis la médecine pneumatique, un mauvais début. Le jugement était sévère, mais, comme on le verra, il n’était pas sans appel. M. Junod avait parfaite- ment vu que, dans l’air comprimé, le jeu de la res- piration se fait avec facilité, que la capacité vitale XIV du poumon paraît augmenter, et que les inspira- tions deviennent à la fois plus profondes et moins fréquentes ce qui est exact ; il avait noté Vac- célération du pouls, accélération longtemps con- testée, mais aujourd’hui parfaitement démon- trée ; seulement, ces phénomènes, évidemment importants au point de vue de leurs applications possibles, avaient été masqués par ceux d’un tout autre ordre, engendrés par le système de compres- sions et de décompressions brusques qu’il avait cru devoir, s’inspirant sans doute des pratiques de la cloche à plongeur, adopter eh indiquer. Peu après M. Junod, le docteur Pravaz et l’ingé- nieur Emile Tabarié communiquèrent à l’Académie des Sciences les résultats des recherches qu’ils avaient faites en même temps sur les effets du séjour dans l’air comprimé, le premier à Lyon, et le second à Montpellier. Ces communications, à près identiques comme conclusions, furent, en 1852, l’objet d’un rapport très-favorable de la part d’une commission dont faisaient partie MM. Velpeau, Flourens, Roux, Andral, Rayer, Lalleman, Dumeril et Serre. Cette commission, chargée, pour la distribution des prix Monthyon, de désigner les travaux de médecine et de chirurgie dignes de récompenses, décerna à M. Tabarié une récompense de deux mille francs, et une autre également de deux mille francs à M. Pravaz, pour les premières applications de l’air comprimé ce au traitement des affections dont les organes de la respiration peuvent être le siège ». Ces deux savants, au rebours des indications de XV Junod, s’étaient attachés à démontrer la nécessité d’employer, pour obtenir des effets utiles, des compressions et des décompressions lentes et graduées ; ils indiquèrent les pressions les plus favorables pour obtenir tels ou tels phénomènes physiologiques; et, partant de là, pour les utiliser dans le traitement de certaines maladies, ils notè- rent l’influence de l’air comprimé sur l’ampleur et la fréquence des inspirations, sur la durée de l’ex- piration ; et enfin, ils signalèrent l’accroissement de l’appétit, l’augmentation des forces et l’exagération de certaines sécrétions. Sur un point, ils se trou- vent en désaccord absolu avec M. Junod. Celui-ci avait annoncé l’accélération du pouls; eux, au contraire, crurent en avoir constaté le ralentisse- ment. La vérité est que le pouls se ralentit à la longue dans l’air comprimé, mais pendant la première heure du séjour, il s’accélère. Mentionnons pour mémoire qu’avant Junod, en 1820 et en 1826, MM. Hamel et Colladon étaient descendus dans la cloche à plongeur deHeath, près de Dublin. Ils avaient remarqué que la respiration s’y faisait avec une grande facilité, qu’on y prenait un grand appétit, et que l’air comprimé pourrait peut-être être employé avec avantage dans le traite- ment de certaines surdités ; et rappelons aussi qu’en 1783, une Société savante, l’Académie de Haarlem, avait mis au concours la proposition suivante : « Décrire l’appareil le plus propre à faire des expériences sur l’air condensé de la façon la plus commode et la plus sûre, et rechercher avec cet appareil l’action de l’air condensé dans des cas XVI différents ; s’occuper entre autres de la vie animale et de l’inflammabilité des différentes espèces d’air. » Les pratiques de la médecine pneumatique, basée sur les travaux des observateurs que nous venons de citer, se répandirent assez rapidement à l’étran - ger. Il se créa des établissements d’aérothérapie en Autriche, en Suède, en Ecosse, en Danemark, en Russie, etc,, et partout, on y enregistra des succès. En France, son lieu de naissance, les progrès de la Thérapeutique pneumatique furent beaucoup plus lents. Les récompenses académiques dont elle avait été l’objet, les thèses qu’elle avait ins- pirées, les observations favorables qu’avaient pu- bliées les journaux de médecine et de science, ne réussirent pas, pendant longtemps, à lui assurer la faveur du monde médical, et même actuellement, malgré le patronage d’un certain nombre de mé- decins de grand mérite, et malgré les opinions favorables émises par divers auteurs, l’emploi du Bain d’Air comprimé, quoique beaucoup plus fréquent qu’autrefois, n’est pas encore entré dans les prescriptions courantes de la pratique. Il n’existe en France que quatre établissements pneumatiques, tandis qu’on en compte plus de cinquante à l’étranger. Les maladies contre lesquelles l’air comprimé est employé avec le plus de succès sont : l’asthme catarrhal, l’anémie, la coqueluche, les laryngites chroniques, la surdité catarrhale, la bronchite chronique, l’emphysème pulmonaire et la phthisie pulmonaire à forme torpide. On comprend difficilement qu’une médication qui a pu, dans le traitement de ces maladies, ins- crire à son actif un grand nombre de succès, ne se soit pas , après quarante années, vulgarisée davantage. Gela tient à des causes multiples ; les unes ont trait aux médecins, les autres aux ma- lades. Pour ces derniers, la cloche a un grave dé- faut ; le traitement est, dans certaines maladies, nécessairement assez long, ce n’est qu’en répétant les séances et en les prenant quotidiennement ou à peu près, qu’on arrive au résultat cherché, et l’action bienfaisante du bain d’air composé ne se manifeste pas dès le début,— sauf pour le corysa et aussi certaines surdités où il agit simplement comme agent de catheterisme. De plus, Je malade, dans l’appareil, n’éprouve rien de particulier; et n’é- taient les bourdonnements d’oreilles des deux ou trois premières séances et le bruit que fait l’air en s’échappant par le robinet de venti- XVII lation, il pourrait se croire à l’air libre. La réaction qui suit la douche de l’hydrothérapie, la sudation de l’étuve sèche, les sensations que produisent les appareils électriques, sont des ré- sultats tangibles et immédiats. Le malade sait que le traitement doit être long, mais enfin il éprouve quelque chose et peut ainsi attendre patiemment les effets de la médication. Ici, rien de pareil ; l’hémoglobine du sang condense davantage d’oxy- gène qu’elle ne le fait sous la pression ordinaire; la respiration change de type, lès expirations se prolongent, etc., mais le malade n’a aucune cons- cience des modifications dont il est le siège. Il lui XVIII faut la foi. Or, pour avoir la foi, il est de toute né- cessité qu'on la lui inspire, et ce n’est malheu- reusement pas toujours le cas, beaucoup de mé- decins n’ayant pas encore, au sujet du Bain cl’Air comprimé, d’opinion bien établie (1). Pour que la méthode pneumatique obtînt plus largement du monde médical le patronage qu’on lui a longtemps refusé, il faudrait qu’on pût expérimenter l’air comprimé dans les hôpitaux. L’installation, dans ces établissements, de cloches pneumatiques où l’on pourrait essayer l’emploi de pressions infé- rieures ou supérieures à la pression ordinaire, non-seulement dans le traitement des maladies chroniques énumérées plus haut, mais encore dans celui de certaines affections aiguës de l’appareil pulmonaire qui, d’après la théorie, paraissent jus- ticiables de l’air comprimé, est chose très-dési- rable. Voici comment s’exprime à 'ce sujet M. Paul Bert, dans les conclusions des remarquables mémoi- res qu’il a présentés à l’Académie des sciences, sur l’influence que les modifications de la pression haro- (1) La prix relativement élevé des séances, bien improprement appelées Bains d’Air comprimé, peut être aussi considéré comme un obstacle sérieux à la diffusion des pratiques aérothérapiques. Quand l’emploi de ces séances se sera vulgarisé davantage, le traitement pneumatique deviendra certainement plus accessible aux malades de toute classe. Il y a déjà eu-quelque chose de fait dans cette voie. Il faut remarquer cependant qu’il n*en pourra jamais être de l’air comprimé ce qu’il en est de la vapeur d’eau, de l’air chaud et de l’eau froide. Le jet de l’hydrothérapie, le réglage de la température de l’étuve, n’ont pas besoin d’être dirigés par un homme de l’art. Il n’en est pas de môme de la cloche pneumatique. Celle-ci constitue un appareil médical, qui doit être sur- veillé par un médecin, et dans lequel le malade ne doit être admis qu’après examen. Tous les établissements pneumatiques existant en France et à l’étran- ger appartiennent à des médecins, et celui qui vient d’être fondé à Milan est dirigé à la fois par trois docteurs : MM. Forlanini, Brera et Rusconi. XIX métrique exercent sur les phénomènes de la vie, mé- moires récompensés, il y a deux ans, par le prix biennal de l’lnstitut ; . Étant donnée l’admission des conclusions de M. Fernet, on ne pouvait mieux raisonner. En résumé, pour M. Bucquoy, les ouvriers dans les caissons et les plongeurs dans leurs scaphan- dres avaient dans leur sang à l’état de dissolution de l'oxygène libre en plus grande quantité qu’à la pression ordinaire. Aussi, dans l’exposé de la théorie de M. Pmmeau sur le retour à l’état gazeux des gaz dissous dans le sang qui repassent à l’état gazeux au moment de la décompression, fait-il jouer à l’oxygène un rôle important dans la pro- duction des embolies aériennes, cause des gra- ves accidents des ouvriers des tubes et des plon- geurs. En réalité, ces derniers n’ont pas plus d’oxygène libre dans le sang quand ils sont dans leurs tubes ou dans leurs scaphandres qu’ils n’en ont à l’air libre; cela tient à ce que l’hémoglobine n’est jamais à la pression ordinaire saturée d’oxygène, il lui en manque habituellement de trois à six volu- mes. Aussi en admettant, comme les expériences l’ont démontré, qu’il se dissout dans le sang, par chaque atmosphère additionnelle, un volume d’oxygène, ce gaz, jusqu’à six atmosphères, est immédiatement condensé par les globules, de telle façon que la décompression instantanée n’en peut pas faire repasser à l’état gazeux, celui exis- tant en dissolution dans ces conditions n’excédant pas la quantité qui s’y trouve à la pression nor- male. Les embolies gazeuses se produisent réellement comme l’a vu M. Rumeaux, mais elles sont compo- sées d’azote et d’acide carbonique. Les expérien- ces sur les décompressions brusques dont nous allons parler bientôt, deviennent ainsi la meilleure démonstration de l’erreur des conclusions tirées des expériences de M. Fernet: puisqu’il pénètre dans le sang de l’oxygène en excès, puisqu’on ne peut le retrouver dans le sérum, c’est évidemment qu’il a été condensé par les globules. Ce fait a une grande importance thérapeutique, car c’est probablement, comme le dit M. Bert, « la saturation plus complète de l’hémoglobine qui, permettant aux globules sanguins de jouer d’une manière plus parfaite leur rôle excito-nutritif fait qu’une faible augmentation de pression est favo- rable dans beaucoup de circonstances pathologi- ques et surtout dans les anémies.» Ce n’est qu’au delà, « quand l’hémoglobine est saturée, quand l’oxygène s’emmagasine dans les tissus, que les accidents surviennent. » Il n’est pas mal à propos d’insister sur ce fait, car jusqu’à présent aucun des auteurs qui se sont occupé de l’air comprimé, au point de vue mé- dical, ne l’ont mis en relief. Au contraire, dans un travail récent sur l’emploi médical du bain d’air comprimé publié par M. Bor- dier dans le Journal de thérapeutique, nous lisons, à propos des expériences de M. Bert, les lignes suivantes : ce Si la dissolution de l’oxygène dans le sérum est susceptible, lorsqu’elle est poussée trop loin, d’altérer le milieu qui baigne les globules et d’entraver d’une façon grave leur fonction il est permis de penser que le sérum peut à des pressions faibles, c’est-à-dire thérapeutiques emmagasiner une certaine partie d’oxygène qu’il fournit au fur et à mesure de leurs besoins, pour ainsi dire prévenus par cette circonstance. M. Bert, dans l’exposé des expériences faites in vitro pour contrôler celles de Fernet, dit en effet, qu’au dessus d’une atmosphère, la pression n’a- joute plus au sang cque deVoxygène dissous; mais il ajoute plus loin que le sang, dans les conditions de la respiration normale, n’est jamais saturé de l’oxygène qu’il peut absorber, et qu’il est facile de concevoir que, l’augmentation de pression intro- duisant un peu plus d’oxygène dans le sang, il devra être d’abord rapidement condensé par les globules sanguins, de telle sorte que l’hémoglobine arrive à se saturer toute entière avant qu’il en reste une plus forte proportion dans le sérum. Nous nous demandons comment l’auteur de cet article, qui parait être au courant des phénomènes, des décompressions brusques, a pu à la fois admettre qu’il y avait de l’oxygène dissous en excès dans le sang même sous de basses pres- sions, et aussi qu’on n’en trouvait pas de libre dans le sang des animaux brusquement décompri- més. L’acide carbonique existe probablement dans le sang des animaux, sous dépressions ou sous pres- sions surélevées, à l’état combiné et dissous, dans les proportions où on l’y trouve à la pression or- dinaire. Quant à l’azote, si on a pu considérer la qualité qu’on en trouve dans le sang à l’état normal comme formée dans l’économie, et si d’autre part on a remarqué que le sang pouvait en dissoudre davantage que le sérum, et le sérum davantage que l’eau, il est certain que, sous excès dépréssion, il pénètre et demeure à l’état de dissolution. DU CH AN CEMENT D’ÉTAT DES GAZ DU SANG PENDANT LA DÉCOMPRESSION. Comme nous l’avons montré précédemment, l’oxygène,d’acide carbonique et l’azote augmentent dans le sang entre une et deux atmosphères. Voici les chiffres : 1 atmosphère. Oxygène 20 vol. pour 100 volumes. Acide carbonique. 40 Azote 2,2 2 atmosphères. Oxygène 20,9 Acide carbonique. 40,7 Azote 3 A partir de deux atmosphères, l’acide carboni- que diminue, tandis que l’oxygène et l’azote con- tinuent à s’emmagasiner dans le sang ; seulement, comme l’hémoglobine du sang n’est jamais satu- rée de la quantité d’oxygène qu’elle peut absorber, comme il lui en manque pour cela généralement de quatre à sept volumes, comme chaque élévation de pression d’une atmosphère introduit un volume (1) d’oxygène dans le sang, on voit que jusqu’à six ou sept atmosphères au moins, c’est-à-dire au- dessus des pressions employées dans l’industrie, tout l’oxygène dissous est, à moins de séjour très- prolongé, immédiatement condensé par les glo- bules, tandis que l’azote, qui ne se combine pas, reste à l’état de dissolution dans le sérum. Azote. Bischoff a appliqué au cadavre d’un supplicié le procédé de Welcher (2) pour déter- (1) Si donc, nous pi’enons 20 comme proportion moyenne de l’oxygène contenu dans le sang à la pression normale, et si nous supposons, pour faciliter le cal- cul, qu'il yen ait un volume de dissous, nous trouverons qu’à cinq atmosphères, devra y en avoir vingt-quatre volumes. Cet excès d’oxygène devra être d’abord rapidement condensé par les globules sanguins, etc. (P. Sert, note complémentaire à son mémoire de ISIS. (2) Le procédé de Welcher consiste à épuiser le corps de tout le sang qu’il contient par la saignée et le lavage. Cette opération se fait dans une quantité d’eau connue où est reçu tout ce qn’il peut y en avoir dans les vaisseaux et dans les différents tissus. Alors, recherchant par un procédé chromo- métrique la quantité d’hématosine obtenue, on la compare avec le nombre de globules de sang humain qu’on emploie pour colorer la même quantité d’eau avec la même intensité. (Longet, traité de physiologie.) miner le rapport existant entre le poids de la masse du sang et le poids du corps, et il a trouvé que le premier est le douzième du second. Il suit de là qu’un homme pesant 72 kilogrammes a dans ses vaisseaux six kilogrammes, c’est-à-dire près de six litres de sang; or, comme chaque litre contient 15,5 centimètres cubes d’azote moyenne entre 16cc pour le sang artériel et!5ccpour le sang veineux, tableau de Schoffer il a 93 centimètres cubes de ce gaz en dissolution dans sa masse sanguine. Si maintenant on le soumet à une pression de cinq atmosphères absolues, c’est-à-dire de quatre atmos- phères au-dessus de la pression ordinaire, comme c’est fréquemment le cas pour les ouvriers des caissons; l’azote voir plus haut le tableau des expériences de M. Bert augmentera et atteindra le chiffre de 60 centimètres cubes par litre, c’est- à-dire de 360 centimètres cubes pour la masse du sang. La différence entre ce chiffre et le chiffre primitif 90cc est de 257 centimètres cubes, un peu plus d’un quart de litre. Or, que doit-il se passer pendant la décompres- sion? Évidemment ceci : cette quantité d’azote repas- sera à Vétat gazeux subitement, si la décompression est brusque; et graduellement, si elle se fait avec len- teur. M. le professeur Rameaux, de Strasbourg, est le premier qui ait indiqué, comme conséquence nécessaire de la loi de Dalton, le retour à l’état gazeux, pendant la décompression, des gaz dis- sous en excès dans le sang par la surélévation de la pression, et c’est cette donnée qui lui a permis d’interpréter la cause et le mécanisme des divers accidents auxquels sont soumis les ouvriers des caissons, accidents dont on n’avait, jusqu’à lui, donné que des explications absolument défec- tueuses. Cette théorie des accidents des caissons fut publiée, pour la première fois, avec grands détails, dans la thèse remarquable de M. Bucquoy (1862). A ce moment, on croyait qu’il ôtait légitime de conclure des expériences de M. Fernet sur l’absorption de l’oxygène aux différentes pressions, que tout l’oxygène absorbé sous l’influence de Vélé- vation de la pression demeurait, dans le sang, à l’état dissous ; aussi, M. Rameaux admettait-il que non-seulementl’azote mais encorel’oxygène, comme nous l’avons déjà dit, repassaient à l’état gazeux au moment de la décompression. Voici l’exposé de la théorie de M. Rameaux, présenté par M. Bucquoy, son élève. Elle mérite d’être citée textuellement. « L’oxygène et l’acide carbonique sont en partie ce dissous et en partie à l’état de combinaison « dans le sang ; l’azote y est tout entier à l’état de « dissolution ; cela résulte des travaux de M. Fer- « net. Si l’on pénètre dans l’air comprimé, l’oxy- « gène, l’acide carbonique et l’azote, tenus en ce simple dissolution dans le sang, doivent aug- « monter avec la pression, si la compression a « duré suffisamment longtemps. La loi de Dalton « veut que la quantité de chacun des gaz absorbés « par le sang soit proportionnelle à sa pression c dans l’air condensé où l’on respire. Dans l’état « ordinaire, l’acide carbonique et l’azote du sang Gomme nous l’avons vu, à 57 centimètres de mercure, dépression correspondant à une éléva- tion de 2,300 mètres, on n’a pas à signaler de troubles importants dans les fonctions respira- toires ; Pair, au lieu de contenir 200 litres d’oxy- gène' par mètre cube, n’en contient que 150 ; mais quand cet appauvrissement en oxygène a atteint 105 litres —95 au lieu de 200— ce qui correspond à un peu moins d’une demi-atmosphère, 35 centimè- tres de pression, c’est-à-dire 6,300 de hauteur, les troubles graves du mal des aéronautes et du mal des montagnes se font sentir. On les voit appa- raître, pour ce dernier, bien plutôt dans les Alpes, à 50 centimètres, c’est-à-dire à 3,000 mètres seu- lement. Il n’existe pas d’expériences sur l’appauvrisse- ment des gaz du sang entre 75 et 60 centimètres de mercure, mais il est certain que la capacité d’absorption de l’oxygène par les poumons, à respi- rations égales, est inférieure à ce qu’elle est à la pression ordinaire. Il est probable que l’accéléra- tion des mouvements respiratoires peut suffire à compenser l’abaissement de la tension oxygénée de l’air ; aussi, ne nous paraît-il nullement démon- tré que la cure des petites altitudes ou stations de montagne ait aucun rapport avec cette diminu- tion de tension. L’hématose y est probablement aussi complète qu’elle l’est en plaine, et les effets thérapeutiques de ce climat spécial devront être probablement portés au compte de la pureté de l’air, de l’ozone qu’il contient et de l’entraînement gymnastique qui accompagne le plus souvent le séjour sur les hauteurs. A une certaine altitude, l’augmentation du chiffre des inspirations, en un temps donné, ne suffit pas à compenser l’appauvrissement de l’oxy- gène : ainsi, d’après le calcul, à Mexico, on ins- pirerait 42 litres d’air par minute au lieu de 10 litres à la pression de 0m76. Or, 10 litres à la minute font en 24 heures 14,100 litres d’air, qui, sous cette pression, contiennent 4,304 grammes d’oxygène ; tandis que 12 litres à la minute, sous la pression de Mexico, font 17,300 litres, qui ne contiennent que 3,608 grammes d’oxygène. C’est donc, dans la ventilation pulmonaire, un déficit quotidien de près de 700 grammes d’oxygène. L’accélération des actes respiratoires destinée à suppléer par un brassage intro-pulmonaire plus actif à l’abaissement du titre oxygéné de l’air, n’augmente pas longtemps avec la dépression ; le gaz comburant qui doit fournir, en brûlant la substance musculaire, le travail de la contrac- tion, n’étant plus absorbé en quantité suffisante, il peut se produire au contraire, au bout d’un cer- tain temps, un ralentissement de la respiration. M. Bert a même pu constater l’apnée sur cer- tain de ses animaux. Pour bien comprendre l’influence de la dépres- sion, il suffit de remarquer qu’à la pression de 30 centimètres, le sang artériel n’est pas plus ri- che 8 pour 100 en oxygène que ne l’est habituellement le sang veineux sortant d’un mus- cle en contraction. Circulation. Il se produirait sous dépres- sion barométrique, d’après la plupart des auteurs, une accélération de la circulation artérielle, con- séquence elle-même de l’accélération des mouve- ments respiratoires, ce qui parait très-logique. M. Pravaz admet, d’après les tracés sphygmogra- phiques constants du bain d’air comprimé, que l’excès de pression augmente la tension artérielle, et en conséquence que sa diminution entraîne l’abaissement de cette tension, et doit faciliter le cours du sang dans les artères. Comme l’ont observé M. Lortet et la plupart des voyageurs en montagnes, les veines deviennent très-sail- lantes, les capillaires sont turgescents et, ils se rompent quelques fois. Quelle est la cause réelle de ces phénomènes? Cela n’a pas encore été bien déterminé. Pour M. Bouchard, ils seraient produits par la compres- sion qu’exercent sur les vaisseaux de l’abdomen les gaz intestinaux qui augmentent de volume, en vertu de la loi de Mariotte, au fur et à mesure de l’ascension, c’est-à-dire de la dilatation de l’air ambiant. Cette compression aurait pour effet le ralentissement du cours du sang dans les troncs veineux abdominaux. Cette interprétation des faits est peut-être plus exacte que celle de M. Pravaz. Celui-ci admet que la dépression atmosphérique diminue la tension artérielle et facilite le travail du coeur gauche, tan- dis que la diminution dans l’amplitude des actes respiratoires détermine un appel moins énergique du sang veineux par le cœur droit, d’où stase sanguine à la périphérie du corps, hémorrha- gies, etc. Mais, quand on est arrivé à une dépression donnée et qu’on y séjourne, l’état ‘turgescent des veines et des capillaires disparaît à la longue ; or, cela s’interprête faci- lement avec l’idée de M. Bouchard ; la tension des gaz intestinaux s’équilibre peu à peu avec celle de l’atmosphère, et la compression des gros troncs veineux de l’abdomen cesse ; il n’en sau- rait être de même avec la théorie de M. Pravaz : la dépression continuée devrait déterminer une di- minution de tension artérielle continuelle, ce qui n’a pas lieu. Nutrition.— L’analyse des gaz du sang a déjà établi que, sous dépression barométrique, l’intensité des phénomènes de la nutrition diminue sensible- ment ; on en a la preuve dans la diminution paral- lèle de l’oxygène et de l’acide carbonique. Il res- tait à démontrer que la combustion des matières azotées diminuait comme celle des matériaux car- bonés; or, à ce sujet, de nombreuses expériences ont été faites par M. Bert, en voici deux, prises dans le nombre : Un chien, produisant par jour 27,7 grammes d’urée, n’en a produit que 20,7 gr. après un sé- jour de 7 heures, sous une pression moyenne de 27 centimètres. Un autre, le premier jour, à la pression nor- m aie, produit 19,4 grammes ; le lendemain, après sept heures de dépression à une demi-atmosphère, il n’en produit que 11 grammes. Il est donc bien établi que l’air raréfié, ralentissant l’assimilation et la désassimilation des matériaux de l’économie, en retarde l’usure. Calorification. Il est de toute évidence que, les combustions se ralentissant, la température du corps doit diminuer avec la dépression. Cette propo- sition a été émise pour la première fois, par M. Mar- tins, de Montpellier. M. Lortet a émis cette autre idée, que l’abaissement de la température était due en partie, au moins pour les ascensions en mon- tagne, à la consommation de chaleur nécessitée par le travail musculaire de la marche et de la respiration accélérée; mais celle-ci n’a de valeur qu’autant qu’on l’accouple à la première. En effet, si rabaissement thermique était produit par le tra- vail, en conservant à ce mot son sens méca- nique, on devrait le rencontrer dans les mines et au niveau de la mer, chez tous les ouvriers qui transforment en force motrice la chaleur produite par les oxydations des matériaux renouvelés de leur sang. Or, on ne le rencontre pas. Pourquoi ? Évidemment parce que, la tension de l’oxygène étant suffisante, le gaz comburant est toujours dans le sang en quantité suffisante pour oxyder ces matériaux et maintenir l’état thermique, ce qui n’arrive pas quand l’air qui pénètre dans le poumon présente une diminution d’un quart ou d’un tiers de son oxygène. Mal des montagnes. Quand on gravit une montagne, on éprouve à des hauteurs variables, à partir de 3,000 mètres dans les Alpes et de 4,000 dans la Cordillière des Andes, divers phéno- mènes dont le groupement constitue le mal des montagnes : fatigue extrême et affaiblisse- ment général, qui n’est pas en rapport avec les efforts accomplis, sentiment de malaise, cépha- lalgie , tintements d’oreilles , vertiges, nausées, dyspnée et accélération des mouvements respi- ratoires et des pulsations cardiaques. Le repos calme ces accidents, mais quand on se remet en marche, ils ne tardent pas à se reproduire. L’ap- pétit est nul, et l’on éprouve du dégoût pour les liqueurs alcooliques. Quelquefois, aux nausées succèdent des vomissements, et les épistaxis ne sont pas rares. « A tous ces symptômes de dépression phy- sique, dit M. Torreille, dans sa remarquable thèse inaugurale (1), vient se joindre une dépression morale constatée par tous les savants qui ont étudié le mal des montagnes. Le travail d’esprit devient impossible, et de Saussure remarque que l’indifférence est telle, qu’on ne ferait pas un pas pour éviter un danger de mort. » M. Bert, qui s’est soumis dans une cloche pneu- matique à une dépression de 2/3 d’atmosphère, contre laquelle il luttait à volonté en inspirant de l’oxygène contenu dans un ballonnet imperméable, a également constaté un grand affaiblissement intellectuel. Mal des aérostats. Celui-ci survient 2,000 mètres plus haut que le précédent; tous les deux ont pour cause l’abaissement de la tension oxygénée de l’air ; le premier se fait sentir plus vite que le second, parce que le voyageur en mon- (1) Considérations sur les effets physiologiques et l’emploi médical de l’air comprimé. Montpellier 1876. tagne consomme, pour son travail musculaire, une grande quantité d’oxygène, tandis que l’aéronaute, presque immobile, en consomme beaucoup moins. On peut, en se plaçant dans une cloche à air déprimé, éprouver le mal des aéronautes comme à 5 ou 6,000 mètres du sol ; et ce qui prouve que sa cause est bien réellement la diminution de tension de l’oxygène, c’est qu’on peut l’éprouver également dans une cloche où la pression est égale à la pression ordinaire, à condition que l’atmosphère intérieure soit composée d’azote et d’oxygène dans des proportions telles, que la tension de ce dernier gaz y soit précisément égale à ce qu’elle est dans l’air déprimé, entre 35 et 25 centimètres de mercure. Habitants des hauts lieux. Dans la République de l’Équateur, la ville de Quito, bâtie sur la montagne volcanique de Pichincha, est à 2,908 mètres au-dessus du niveau de la mer, sa population est de 70,000 habitants; Santa-Fe de Bogota, à la Nouvelle-Grenade, est à 2,661 mètres; la ville de Polosi, en Bolivie, est à 4,166 mètres; Golimoun, également en Bolivie, à 4,441 mètres, et Daba ou Deba, ville du Thibet, servant de résidence à un Lama, est à 4,810 mètres, la hau- teur du Mont-Blanc. Les hommes à ces hauteurs vivent, si l’on se base sur les résultats des expériences rappelées précédemment : désoxygé- nation du sang par la dépression barométrique dans des conditions très-défavorables au point de vue de la force musculaire. M. Jonrdanet a décrit l’état physiologique des habitants des hauts plateaux mexicains : d’après lui, ils sont anémiques par insuffisance d’oxy- gène, c’est-à-dire anoxyhémiques; suivant d’au- tres observateurs, au contraire, M. Boussin- gault, entre autres, qui a fait ses observations sur les habitants de la Nouvelle-Grenade, les habitants des hauts lieux paraissent être doués d’une étonnante vigueur. Ce fait semble incompatible avec la désoxygé- nation du sang, qu’on devrait, d’après les expé- riences reproduites plus haut, rencontrer chez les habitants des hautes montagnes. M. Bert a essayé ce qui en réalité n’est pas facile —de mettre d’accord les opinions de ces deux observateurs : « Certains montagnards, dit- il, peuvent arriver à tirer de la quantité moindre d’oxygène un parti aussi utile que les habitants du bord de la mer. Ils sont, par rapport à ceux- ci, dans la même situation que les paysans ro- bustes à qui une faible quantité d’aliments permet d’exécuter un travail considérable qui imposerait au citadin la nécessité d’une nourriture beaucoup plus réparatrice. -- 11 me paraît certain que, chez l’homme oisif et aisé, il se fait un dégage- ment chimique de forces de beaucoup supérieur à ce dont il a besoin pour l’accomplissement de ses divers travaux mécaniques et la conservation de son équilibre thermique. On conçoit, je le répète, qu’il puisse y avoir quelque chose d’ana- logue au point de vue de l’oxygène, et cette dou- ble considération permet de mettre d’accord des observateurs qui, comme M. Jourdanet, ont re- connu chez les habitants des hauts lieux tout un appareil physiologo-pathologique relevant de l’ané- mie, avec ceux qui, comme M. Boussingault, font remarquer bétonnante vigueur des habitants de Quito, et rappellent les combats livrés par mètres de hauteur. » Il est probable que cette vigueur n’est qu’appa- rente ; s’il en était autrement, si le montagnard, sur les hauts plateaux, attelé à la manivelle d’un treuil, pouvait faire autant de kilogrammètres par jour qu’il en ferait dans les mêmes conditions en plaine, il faudrait admettre qu’il y a dans les deux cas la même quantité d’oxygène dans le sang. Cela démontrerait que la désoxygénation du sang cons- tatée chez les animaux en expérience ne serait que momentanée. Cette hypothèse ne paraît pas admissible d’après ce que nous avons dit plus haut. Comme pour chaque kilogrammètre produit il faut, en plaine comme en montagne, consommer une égale quantité d’oxygène, on pourrait, pour juger la question, faire une expérience directe, celle-ci par exemple ; atteler à un manège, pendant un certain nombre de jours, d’abord en plaine, puis ensuite en montagne, un cheval faisant son maxi- mum de travail et recevant une nourriture dosée et toujours égale. Si le travail accompli dans les deux cas était identique, c’est qu’évidemment l’hématose serait aussi parfaite dans le second que dans le premier. EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET ACCIDENTS OBSERVÉS DANS LES APPAREILS A AIR COMPRIMÉ, ENTRE DEUX ET SIX ATMOSPHÈRES ABSOLUES. Douleurs d’oreilles. On éprouve, an mo- ment de la descente du scaphandre ou de l’éclu- sement dans les caissons, des douleurs d’oreilles très-vives. La cause en est facile à saisir : aussitôt que la pression s’élève dans le sca- phandre ou le sas, elle s’exerce sur la face externe du tympan, qu’elle déprime de dehors en dedans, tandis qu’elle ne s’exerce pas sur sa face interne, parce qu’elle ne force pas immédia- tement le passage de la trompe d’Eustache. Cette trompe ne s’ouvre ordinairement que sous l’in- fluence des expirations forcées, la toux et l’éter- nuement, pendant l’effort et lorsqu’on se mouche. Cette dépression du tympan cesse aussitôt que l’air, pénétrant dans la caisse, rétablit sur cette membrane l’équilibre des pressions. La pénétra- tion de l’air dans la caisse a lieu sous forme de détonations. Quelquefois, il n’y en a qu’une ; mais comme elle n’a lieu que vers la fin de l’opéra- tion, la douleur a duré tout le temps de la com- pression ; le plus souvent, les détonations se font par bulles successives et se suivant de près. An moment de la décompression, l’air de la caisse ne forçant pas la trompe assez vite pour s’échapper, ne peut se détendre aussi vite que l’air ambiant ; et comme la pression extérieure baisse rapidement, il exerce une pression inté- rieure et non équilibrée sur le tympan qui cause une douleur identique à celle éprouvée pendant la compression. Dans les appareils in- dustriels à air comprimé, les douleurs existent toujours, parce que l’éclusement se fait rapide- ment. Dans les cloches pneumatiques, où l’on met 30 minutes pour élever la pression à une demi-atmosphère, ces douleurs ne se produisent pas chez tous les sujets ; les enfants et les per- sonnes qui n’ont pas eu de nombreux coryzas ne les ressentent pas, les pressions s’équilibrant avant que la dépression du tympan soit assez accentuée pour causer de la douleur. Quand la douleur a cessé, il reste des bourdonnements, causés probablement par les modifications de vas- cularité de la muqueuse du tympan, sous l’in- fluence de la dépression qu’il a subie. Pour éviter les douleurs d’oreilles, il faut, au mo- ment de l’éclusement, introduire un petit doigt dans chaque oreille, et les fermer hermétiquement jusqu’à ce que les détonations se produisent. Aussitôt que l’air a pénétré des fosses nasales dans la caisse, on enlève les doigts, les pressions s’équilibrent de suite, on se trouve dans les con- ditions de l’air libre et les douleurs n’apparaissent pas. On peut aussi employer pour cela du coton mouillé. Respiration. Dans l’air comprimé, un ins- tant après l’éclusage, les respirations diminuent de fréquence, augmentent en amplitude, et le temps de l’expiration se prolonge. Pour ne pas faire double emploi, nous ren- voyons, pour l’interprétation de ces phénomènes, au paragraphe suivant : Effets physiologiques de VAir comprimé entre une et deux atmosphères. Circulation. Le pouls augmente de fréquence au début du séjour dans l’appareil, et le calibre des capillaires superficiels diminue ; la circula- tion veineuse est facilitée par l’augmentation dans l’amplitude de l’inspiration et de l’expiration. Ces phénomènes seront expliqués plus loin avec détails. comme nous l’avons vu par l’accroissement de l’oxygène dans le sang, facilitée par l’augmen- tation de tension de l’oxygène de l’air qui ac- compagne nécessairement l’élévation de la pres- sion barométrique, mais les combustions ne pa- raissent pas augmenter. Le tableau donné plus haut montre en effet que le chiffre de l’acide carbonique s’abaisse à partir de deux atmos- phères. Hématose et Nutrition. L’hématose est, On avait cru, pendant longtemps, à l’exagéra- tion des combustions dans l’air comprimé, parce- qu’on avait remarqué que les ouvriers des cais- sons avaient besoin d’une nourriture abondante et très-azotée. Des observations plus précises et ayant pour but de serrer de près le problème, ont fait voir que, pour certains ouvriers, cet effet se produisait au début du travail, mais ne persis- tait pas, et que, chez certains autres, on ne pou- vait le constater. M. Bert a prouvé, par ses expériences sur les ani- maux, que Faction de l’oxygène à haute dose est identique à celle des poisons convulsivants, et il admet qu’à une dose inférieure, il peut être à la longue la cause de troubles plus ou moins importants, et que c’est à lui, en tous cas, qu’il faut rapporter le ralentissement de la nu- trition et certains phénomènes anémiques et dyspeptiques fréquemment observés chez les ou- vriers des caissons. Dans les travaux du Rhin, dit M. Bucquoy, la perte de l’appétit et un amai- grissement progressif ont été observés chez une grande partie du personnel. Quelques ouvriers ressemblaient à des hommes entrant en conva- lescence d’une maladie grave. Sécrétions. « Les sécrétions de l’urine et de la salive s’accroissent sous les appareils à air comprimé. » (.Junod, Colladon, Pol et Vatelle). Les expériences de M. Bert prouvent que, sous les pressions qui nous occupent, la production de Furée se ralentit; c’est là un résultat en opposition avec l’affirmation précédente; mais, ces expériences ont été faites avec assez de préci- sion et de soin, pour qu’il n’y ait pas lieu d’en ré- cuser les résultats. Accidents. Les accidents sont de deux sor- tes : les uns consistent dans les troubles à longue portée, dont nous venons de parler, anémie, dyspepsie; et les autres, dans certains phénomènes pathologiques qui accompagnent le retour trop rapide à la surface des pêcheurs à scaphandre, travaillant sous plus de 30 mètres d’eau, et aussi la décompression brusque des ouvriers des cais- sons, quand la pression y est de plus de trois atmosphères supplémentaires. Les douleurs d'oreilles dont nous avons parlé peuvent être souvent le point de départ d’otites aigües. Il ne paraît pas qu’on ait jamais remarqué de ruptures du tympan, quoique cette membrane supporte quelquefois, avant l’établissement de l’équilibre barométrique sur ses deux faces, des pressions de 3 à 4 kilogrammes par centimètre carré. Puces et moutons. Nous avons parlé de l’infiltration dans les tissus de l’azote dissous en excès dans le sang par la pression. Au moment de la décompression, ce gaz repasse à son état primitif, et il peut former des collections plus ou moins considérables ou de simples infiltrations dans le tissu cellulaire, dans le tissu intermuscu- laire et dans les articulations. Dans le premier cas, les douleurs sont intolé- rables, le lieu d’élection ôtant le tissu intermus- culaire et les cavités articulaires. Les ouvriers leur ont donné, on ne sait pourquoi, le nom de mou- tons. Dans le second, les bulles de gaz se trouvent emprisonnées dans le tissu cellulaire superficiel, elles n’y produisent qu’une démangeaison plus ou moins vive : ce sont les puces, d’après le même vo- cabulaire. Ces accidents, les plus légers de ceux dus à la décompression, disparaissent avec la ren- trée dans l’appareil. Cela se comprend facilement : sous l’influence de la pression, les gaz doivent se redissoudre; il suffit alors de décomprimer lente- ment pour ne pas les reproduire. Congestions viscérales. Chez tous les ouvriers des ateliers à air comprimé qu’on a sup- posé atteints de congestions du poumon ou d’un autre viscère, les symptômes se sont manifestés pendant et surtout après la décompression. Il est impossible de les expliquer, dit M. Bucquoy, si on ne leur donne pas pour cause directe ou indirecte l’action mécanique des gaz du sang. En effet, si le sang ne contient pas de gaz libres, s’il est homo- gène après comme avant la décompression, il doit transmettre de même les pressions qu’il supporte et il doit circuler avec la même facilité dans ces vaisseaux, toutes choses égales d’ailleurs. D’une autre part, les organes congestionnés par la com- pression restent sains, puisque dans l’air com primé, il n’y a pas de signes de souffrance dans ces organes. Eh bien, le sang conservant ses propriétés mé- caniques et les tissus demeurés sains gardant aussi leurs propriétés physiques, « il est évident que, pour chaque décroissement de pression, la déplé- tion des organes congestionnés se ferait de la même manière et avec la même vitesse que se fait la congestion de ces organes sous chaque ac- croissement de pression. Il n’y aurait pas une seule raison pour qu’il en fût autrement. Donc, pendant la décompression, tous les phénomènes se produiraient à l’inverse de ce que nous avons dit à propos de la compression, et ils se produi- raient ainsi en vertu des mêmes lois physiques. Par conséquent, lorsque la décompression serait achevée, il n’y aurait plus de congestions nulle part, la seule cause qui les avait produites ayant cessé d’exister. Etant admise l’action mécanique des gaz contenus dans le sang et dans les humeurs, tout s’explique au contraire avec facilité, et nous n’avons pas à prouver la possibilité de chaque congestion en particulier, puisque nous avons déjà démontré que la décompression produit un état congestionnel dans l’économie toute entière. » Avant la théorie de Rameaux et les expériences d’Erichsen, les médecins des tubes expliquaient la non-apparition des symptômes de congestion dans les appareils par ce fait que le sang qui parcou- rait les veines et les capillaires des organes con- gestionnés était rutilant, très-oxygéné, tandis qu’au retour à l’air libre , le sang redevenait noir et exerçait sur eux une « action stupéfiante. » Cette explication n’avait aucune valeur, car c’est immédiatement à la sortie du sas que les symp- tômes de congestion apparaissent, et on sait que pendant des heures encore, le sang veineux con- serve sa rutilance. Du reste, le traitement des accidents congestifs démontre d’une façon péremptoire que leur cause réside dans le retour à l’état libre de l’azote dis- sous dans le sang. Que fait-on, en effet? On re- comprime le malade ; soudainement, les symptômes 44 disparaissent, non parce que l’action stupéfiante du sang veineux cesse, mais parce que les gaz se dissolvent de nouveau. On ramène ensuite le ma- lade très-lentement à la pression ordinaire, et les accidents ne se montrent plus. Gomme il peut n’être pas toujours facile de re- comprimer subitement l’ouvrier malade, M. Bert propose de faire, dans ce cas, respirer de l’oxy- gène. L’azote libre ne se diffuse que très-lentement dans le poumon, parce que l’air des alvéoles con- tient 80 pour 100 de ce gaz ; au contraire, il dis- paraît rapidement du sang lorsqu’il se trouve en présence de l’oxygène pur ou à peu près pur. Paralysies. Les paralysies sont très-fré- quentes chez les plongeurs à scaphandre, qu’on ramène quelquefois subitement à la surface de 40 à 50 mètres d’eau. D’après M. Leroy de Méri- court, une compagnie anglaise aurait perdu 10 de ses plongeurs sur 24 ; 3 seraient morts subitement en revenant au jour, et les autres après plusieurs mois de paralysie. L’intensité des accidents est en raison directe de la longueur du séjour dans l’air comprimé et de la rapidité de la décompression. Quand les gaz se dégagent en grande quantité, il se produit l’accident connu de l’introduction de l’air dans les veines ; quand le dégagement estmoin- dre ou se fait moins vite, la vie n’est pas immé- diatement menacée, mais des organes très-impor- tants peuvent être lésés. M. Bert a remarqué chez presque tous les animaux brusquement décom- primés un ramollissement de la région dorso- 45 lombaire de la moelle épinière, la faisant ressem- bler à de la crème. Dans les cloches pneumatiques, les pressions usuelles sont telles, qu’on peut sans danger dé- comprimer subitement les personnes en bonne santé ; le léger excès d’azote introduit par la pres- sion repasse à l’état gazeux sans troubler la cir- culation ; mais il est probable que chez les emphy- sémateux avec bronchite chronique, chez lesquels on rencontre fréquemment une hypertrophie du cœur droit, les choses ne se passeraient pas ainsi. En effet, les malades présentant les conditions pathologiques que nous venons d’énoncer sont presque toujours mal à leur aise et très-angoissés pendant la décompression, si on ne la fait pas avec lenteur ; et il ne serait pas impossible que la cause de leur malaise fût double et résidât à la fois dans les bullettes d’azote redevenant libres, comme dans les modifications apportées à la circulation par le retour à la pression ordinaire : appel moins facile du sang veineux, par suite de la diminution dans l’amplitude des inspirations. Hémorrhagies. Les hémorrhagies qu’on a eu fréquemment l’occasion d’observer à la sortie des tubes, comme celles des ascensions aérosta- tiques, peuvent s’expliquer par les modifications apportées à la circulation par l’effet direct de la dépression et aussi par le retour à l’état libre des gaz dissous. M. Sert n’a pas observé d’hémorrhagies chez ses animaux en décompression, mais le phénomène s’est produit tellement souvent chez l’homme, dans les conditions indiquées plus haut, qu’il est impossible de n’en pas tenir compte. Pour l’expli- quer, il faut recourir à la théorie de M. Bouchard, ou à celle de M. Pravaz fils, dont nous avons parlé précédemment. PHÉNOMÈNES PHYSIOLOGIQUES PRODUITS PAR LES PRESSIONS COMPRISES ENTRE UNE ET DEUX ATMOSPHÈRES (PRESSIONS THERAPEUTIQUES DU BAIN D’AIR COMPRIMÉ) Ce que nous avons dit précédemment des phé- nomènes physiologiques produits par la dépres- sion barométrique et de ceux observés sous les pres- sions employées dans l’industrie, rendra facilement intelligible la description sommaire que nous al- lons donner des modifications qu’apportent aux fonctions de la Respiration, de la Circulation, de la Nutrition et de la Calorification, le séjour dans l’air comprimé entre une et deux atmosphères. Rappelons d’abord ce que c’est que le Bain d’Air comprimé : Le Bain d’Air comprimé est une séance de deux heures, ou d’une heure et demie au minimum, dans la cloche pneumatique. On met une demi-heure à élever la pression au degré voulu généralement 30 centimètres de mercure, soit deux cinquièmes d’atmosphère. On maintient la pression obtenue pendant une demi-heure ou une heure, suivant la durée de la séance, et on emploie la dernière demi-heure à revenir graduellement à la pression ordinaire. Pendant ces trois temps ou stades compression, pression fixe et décompression on entretient dans la cloche une ventilation active, pour enlever au fur et à mesure de leur produc- tion les produits de la combustion pulmonaire et de la transpiration insensible. Pour bien comprendre les conditions spéciales dans lesquelles se trouvent les malades soumis à la médication pneumatique, il n’est pas inopportun de connaître les appareils employés en aérothé- rapie. On en trouvera la description accompagnée de figures explicatives à la fin du volume. Respiration. Les modifications apportées à la respiration par le Bain d’Air comprimé sont les suivantes : 1° Augmentation dans l’amplitude des inspirations; 2° diminution du nombre des respirations en un temps donné ; 3° prolongation du temps de l’expiration, et 4° comme résultat des séances répétées, augmentation de la capacité pumonaire. On se rend facilement compte du ralentisse- ment des actes respiratoires; il a pour cause l’accroissement de tension de l’oxygène de l’air inspiré. De la même façon que la respiration de l’oxygène pur peut produire l’apnée pendant près d’une minute, comme l’a vu M. Gubler, l’air comprimé exagérant l’hématose, rend le besoin de respirer moins impérieux. Or, si en môme temps les inspirations gagnent en amplitude, il est facile de comprendre qu’on puisse fréquemment observer une diminution d’un quart et même d’un tiers, dans la fréquence des actes respiratoires. L’augmentation dans l’amplitude des inspirations est constante. M, Pra- vaz qui, pour la constater, s’est servi de fa- napnographe de MM. Bergeon et Kastus, s’ex- prime ainsi : « en mesurant faire des tracés obte- nus avec cet appareil, j’ai trouvé que, l’étendue des mouvements respiratoires étant représentéepar 1 à la pression normale, elle devenait successivement 1,06 à 19, 1,18 à 38, et 1,09 à 76 centimètres de mercure ». D’après M. Pravaz père, il faudrait chercher la cause de cette amplitude des inspirations dans la compression des gaz intestinaux qui, limitant ra- baissement du diaphragme, changerait le type res- piratoire, lequel de diaphragmatique, deviendrait costo-stermal. On sait, en effet, depuis les travaux de Beau et Massias, que, dans l’inspiration costo- sternale, l’agrandissement de la capacité thora- cique est plus considérable que dans l’inspiration diaphragmatique. La durée relative de l’expiration est augmentée dans l’air comprimé. Le rapport entre ce temps et celui de l’inspiration qui, à l’état normal, est de 6 à 4, peut devenir, dans l’air comprimé, aux en- virons d’une demi-atmosphère, de 8 à 4. Quelle est la cause de cette prolongation de durée ? Gela n’a pas encore été expliqué d’une manière satisfai- sante. Les conditions du fonctionnement méca- nique du poumon si l’on en excepte ce que nous venons d’indiquer plus haut au sujet du type respiratoire sont les mêmes à 0m76 qu’à 2 atmosphères. Quand les vésicules sont dilatées et que le poumon revient sur lui-même, la force qui chasse l’air est égale à l’addition de la pression extérieure transmise par le thorax et de la ré- tractilité du poumon insufflé : 1 mètre d’eau; la résistance est représentée par la pression de l’air intra-pulmonaire ; or, les pressions s’équilibrant sous tous les degrés du manomètre, il ne reste comme facteur de l’expiration simple que la ré- tractilité pulmonaire qui, étant toujours la même, devrait, semble-t-il, pour des inspirations égales, produire des expirations d’égale durée sous toutes les pressions. Mais il faut remarquer qu’à 0,76, cette rétractilité du poumon représente près d’un dixième de la pression du milieu dans lequel l’air est expiré, tandis qu’à une atmosphère et demie, elle n’en représente plus que la quinzième partie. Si on laisse échapper à l’air libre, par un orifice donné, de l’air comprimé à une atmosphère et demie, sa vitesse sera plus grande que si l’on fait, par un orifice identique, passer de l’air com- primé a dix atmosphères et demie dans de l’air maintenu à une pression de dix atmosphères seulement; dans les deux cas, la pression qui détermine l’écoulement des gaz est d’une demi- atmosphère ; mais on peut admettre que l’augmen- tation de densité de l’air, dans le second cas, diminue la vitesse du débit. Serait-ce là l’explica- tion de la prolongation de l’expiration? Au bout d’un certain nombre de séances, vingt au minimum, on peut constater au spiromètre un accroissement de la capacité pulmonaire persis- tant à l’air libre. Celui-ci est la conséquence du leger accroissement qui s’obtient à chaque séance et ne disparait pas complètement dans leur inter- valle. M. Jean Pravaz a constaté sur lui-même qu’en prenant le chiffre 1 pour représenter la capacité pulmonaire, celle-ci devient 1,08 à un quart d’at- mosphère, 1,36 à une demi-atmosphère, et 1,25 à 57 centimètres de mercure, ce qui montre que c’est vers deux cinquièmes ou une demi-atmos- phère que l’ampliation thoracique acquiert son maximum. Comment expliquer ce fait là? Voici l’interprétation de Charles Pravaz :au moment de la mise en train de l’inspiration, les muscles inspirateurs auraient à lutter contre la pression qui s’exerce sur le thorax, sans être aidés immédiatement par la contre-pression intérieure employée d’abord, pendant un temps infiniment court, à vaincre la rétractilité pulmonaire. Or, ces muscles acquerraient une grande vigueur par le fait seul du travail que leur imposerait le séjour dans l’air comprimé. Au-dessus d’une demi- atmosphère, les respirations augmenteraient de fréquence, parce que les muscles inspirateurs ne pourraient soulever le thorax pendant cet instant infiniment court dont nous venons de parler. D’après Bucquoy, le ralentissement de la res- piration se rencontrerait chez les ouvriers des caissons qui travaillent à deux ou trois atmos- phères. Gela paraît être en contradiction avec la thèse que nous venons de reproduire, mais, au fond, cela ne l’est pas absolument, le ralentisse- ment respiratoire dans les caissons pouvant exis- ter simplement par le fait de la suroxygénai ion du sang qui, diminuant le besoin de Vhématose, déter- minerait nécessairement le ralentissement des actes respiratoires en un temps donné. Néanmoins, en adoptant comme guide les expé- riences de M. Pravaz, on doit conclure que, pour obtenir à l’aide de la cloche une augmentation de la capacité pulmonaire, il faut ne pas dépasser 38 centimètres de mercure pour les adultes, et em- ployer une pression moindre pour les femmes et les enfants, de façon à permettre Ventraînement de leurs muscles inspirateurs. Circulation, Les modifications apportées à la circulation par le séjour dans la cloche pneuma- tique sont nombreuses ; mais, jusqu’à présent, on les a constatées sans pouvoir en donner une inter- prétation satisfaisante. Circulation artérielle. D’après la plupart des observateurs, le séjour dans la cloche pneumati- que déterminerait, au bout d’un certain temps, le ralentissement du pouls, et, à la fin du stade fixe, celui-ci serait toujours moins fréquent qu’à l’air libre; déplus, il s’accélérerait pendant la décom- pression, pour se ralentir de nouveau après la séance. M. Bucquoy et M. Pravaz fils auraient, au contraire, constaté, le premier dans les caissons et le second dans la cloche, l’accélération du pouls. Pour ce dernier, cette accélération irait en dé- croissant pendant toute la durée du stade de pression fixe ; mais, somme toute, à tous les moments de l’opération, le pouls serait plus rapide qu’avant l’entrée dans l’appareil. Notre expérience ne nous permet pas d’accepter ces résultats ; nous avons très fréquemment, pour ne pas dire presque toujours, constaté l’abaissement du chiffre des pulsations au bout d’une heure de séjour dans la cloche, et cela non-seulement chez les malades en traitement, mais aussi chez les personnes en santé entrées dans l’appareil par curiosité ou dans un but d’expérimentation. MM. Bertin, Sandhall, Lange, admettent comme un fait indiscutable le ralentissement du pouls. Il n’y a pas entre les observateurs une aussi grande divergence, quant à la constatation des caractères du pouls; la plupart reconnaissent qu’il devient petit, tendu, facilement dépressible, et que le travail du cœur gauche paraît gêné. M. Jean Pravaz admet que les pulsations s’accé- lèrent malgré l’augmentation de la tension artérielle, parce que la sur oxygénation du sang détermine une suractivité des combustions organiques, et par suite de Vélévation de température qui en résulte, Vexcitation du cœur. Cette augmentation de la tension arté- rielle serait produite par l’augmentation de la pression du milieu on ne voit pas, en vérité, par quel mécanisme cela pourrait avoir lieu, puis- que les pressions s’équilibrent dans l’organisme sous toutes les pressions mais le cœur se fati- guerait à la longue, et son travail se ralentirait après la première heure de séjour dans la cloche pneumatique. Cet expérimentateur ajoute que l’accélération cesserait d’autant plus vite que la pression serait plus élevée, et qu’à deux atmosphères, par exem- ple, les pulsations seraient moins fréquentes qu’à 38 centimètres de mercure en sus de la pression ordinaire. Ceci est en contradiction avec les ob- servations de M. Bncquoy, qui a constaté l’accé- lération du pouls sous des pressions de deux et trois atmosphères chez les ouvriers des caissons du pont de Kehl. Mais il est à propos de remar- quer que les expériences de M. Pravaz ont porté sur le séjour dans l’air comprimé, et celles de M. Bucquoy sur le séjour et le travail dans l’air comprimé. Peut-être est-ce là la cause de la diffé- rence des résultats obtenus. M. Bucquoy, du reste, a constaté deux fois sur lui-mème un faible ralen- tissement du pouls, et il reconnaît qu’un de ses amis, M. Bitter, a vu son pouls tomber de 95 à 75 au bout d’une heure de séjour. Circulation veineuse et capillaire. Les obser- vateurs qui ont étudié les modifications physiolo- giques produites par le Bain d’Air comprimé, ont tous constaté la décoloration des téguments et des muqueuses : M. Junod a, le premier, remarque « que le calibre des vaisseaux superficiels diminuait et pouvait même s’effacer complètement, de sorte que le sang, dans son retour vers le cœur, sui- vait la direction des veines profondes. » Cet effet, dit-il, devient très-apparent sur la surface des vésicatoires et de la conjonctive. Les observations faites sur les lapins, dont les oreilles se prêtent admirablement à l’étude de la circulation capillaire, et celles faites à l’ophtal- moscope sur la rétine, chez l’homme, ont mis hors de conteste l’existence constante de cette diminution du calibre des capillaires et des petits vaisseaux. On a donné de ce phénomène diverses interprétations. Nous allons reproduire successivement et tex- tuellement celles de MM. Bouchard et Marey, de M. Bucquoy et de M. Pravaz. THÉORIE DE MM. BOUCHARD ET MAREY. Quand la compression commence à s’opérer, après quelques ma- laises ou quelques douleurs dues surtout au refoulement du tympan, la peau devient aride, les muqueuses se sèchent et se décolorent, le pouls est petit, quelquefois fréquent. On a dit que c’était la pression extérieure exagérée qui, comprimant les petits vaisseaux, les vidait de leur contenu. Cette interprétation est physiquement inadmissible. Quelque forte que soit la pression ambiante, elle se transmet au contenu des vaisseaux, qui sont alors également comprimés de de- dans en dehors et de dehors en dedans ; ils ne restent, dès-lors, soumis qu’à la tension propre du sang, lequel ne subit pas dans les petits vaisseaux un frottement plus considérable que dans l'état nor- mal. Il n’y a donc pas gêne à l’écoulement du sang artériel, et la petitesse du pouls, quoi qü’en dise M. Vivenot, ne s’explique pas par une augmentation de la tension du sang dans les artères. Les tracés sphygmographiques obtenus par cet auteur, dans un air très-médio- crement comprimé pour un but thérapeutique, ne sont pas aussi faciles à interpréter et ont été obtenus dans des conditions qui ne sont pas tout-à-fait comparables à celles qu’engendrent les fortes pressions. Voilà, à mon sens, l’explication la plus plausible, je l’em- prunte à M. Marey. L’air comprimé pénétrant dans les poumons, le 55 vide n’a plus aucune tendance à se faire dans la poitrine, comme chez les pêcheurs à nu ; les congestions pulmonaires ne sont plus à craindre. Toutefois l’abdomen est normalement distendu par des gaz ; l’air extérieur ne pénétrant pas dans l’intestin, ees gaz se com- priment et occupent un volume qui est en raison inverse de l’inten- sité de la compression. Le volume de l’abdomen deviendra quatre fois moindre si la pression est de quatre atmosphères. Alors la paroi est de toutes parts refoulée contre la colonne vertébrale et forme ainsi une concavité antérieure. Mais cette paroi n’est pas inerte ; elle tend à se redresser grâce à sa tonicité et même à sa contracti- lité et, par suite, à diminuer dans l’abdomen la pression qui avait été équilibrée par ce refoulement de la paroi ; elle agit à la façon d’une ventouse monstre, qui chercherait à accumuler dans l’abdomen le sang des autres organes. Et en effet, l’anémie générale se produit, les choses se passent comme dans l’expérience de M. Goltz, que j’ai déjà eu l’occasion de citer plusieurs fois. THÉORIE DE M. BUCQUOY. Pour certains auteurs, il semble qu’il n’y ait aucune difficulté à pré- voir l’effet d’une augmentation de pression sur la distribution du liquide sanguin dans les différents points de l’économie. Suivant eux, l’augmentation de pression refoule le sang des parties superficielles dans les organes intérieurs et dans les tissus profondément situés ; de là, congestion viscérale et hyperémie; et tout est dit. Ce phéno- mène de refoulement n’est pas aussi simple qu’on le pense, et il a besoin d’être expliqué pour être bien compris. Les pressions qu’on exerce sur les corps solides ne se transmettent pas également dans tous les sens et ne se propagent pas sans s’affaiblir. Les couches superficielles qui supportent immédiatement les pres- sions exercées, se condensent plus que les couches profondes qu’elles abritent en partie contre l’effort extérieur. C’est ainsi que les couches superficielles d’une lame métallique qu’on passe au laminoir, prennent plus de densité que les couches sous-jacentes, et ainsi de moins en moins jusqu’à une certaine profondeur variable, avec les pressions supportées, où aucun changement de densité ne se peut reconnaître. Dans l’économie, il y a des solides et des liquides, et il faut tenir compte de ces deux sortes de corps pour comprendre l’effet des variations de la pression extérieure. Voyons donc ce qui doit se pro- duire lorsqu’on pénètre dans un espace clos où l’on peut condenser Tair artificiellement et où l’organisme tout entier est plongé. L’accroissement de pression du milieu ambiant produit son maxi- mum d’effet sur les tissus de la périphérie. Ces tissus se condensent mais il résistent dans une certaine mesure à la pression extérieure et en neutralisent une fraction. La pression subsistante condense les couches placées au-dessous des premières, mais elle éprouve de leur part une nouvelle résistance qui diminue encore son intensité, et ainsi de suite. De sorte qu’à mesure qu’on s’avance de la surface vers les parties centrales, les tissus sont de moins en moins con- densés, et les pressions de plus en plus affaiblies. Mais le sang con- tenu dans les tissus superficiels transmet à toute la masse sanguine, dans tous les sens, à toutes les profondeurs et presque également, la pression extérieure. Par conséquent, dans tous les points de l’économie, le liquide sanguin exerce contre les parois de ses vais- seaux, de dedans en dehors, et tendant à les dilater, une pression presque égale à la pression qu’il supporte extérieurement. Pour résister à cette dilatation des vaisseaux, chaque tissu a sa résistance propre, et la fraction de pression extérieure qui a pu se propager jusqu’à lui à travers les couches plus superficielles. Il en résulte que les différents tissus résistent très-inégalement à cette dilatation des vaisseaux, et que celle-ci est d’autant plus grande que les tissus sont plus profonds, puisque la pression extérieure trans- mise aux tissus par les tissus diminue avec la profondeur. Par con- séquent : dilatation des vaisseaux dans les tissus profonds où la pression venant de l’extérieur est faible; diminution du calibre des vaisseaux dans les couches superficielles, où la pression extérieure est forte; tout cela dans une mesure convenable, jusqu’à ce que l’équilibre soit partout rétabli. A chaque nouvel accroissement de pression, il se produit un effet analogue; une nouvelle distribution du sang et un nouvel équilibre s’établissent. L’effet total est une plus grande masse de sang dans les tissus et les organes profonds; on a, en un mot, les congestions viscérales et les hypérémies, dont parlent tous les auteurs. Voilà ce que dit la théorie, quelques restrictions qu’on doive apporter au principe d’égalité de pression appliquée à l’état du sang dans l’économie. THÉORIE DE M. PRAVAZ. Circulation capillaire et veineuse. Quoique l’observateur soit privé ici du secours d’un appareil qui puisse, comme le sphygmo- graphe, traduire au dehors les variations du cours du sang, et que l’absence de mouvements perceptibles par le toucher ne permette pas, comme pour le pouls, d'apprécier à chaque instant l’effort que l’ondée sanguine exerce sur les parois vasculaires, il est facile, néanmoins, d’apercevoir les modifications qui se produisent dans le calibre des vaisseaux capillaires et des veines chez les sujets plongés dans l’air comprimé. A mesure que la pression aimosphérique s’élève, on voit distincte- ment les muqueuses pâlir, les capillaires les plus volumineux di- mimier de diamètre et les plus fins disparaître. Ces phénomènes sont surtout très-marqués sur la conjonctive et le pavillon de l’oreille. Au moyen de l’ophtalmoscope on peut même, à l’exemple de von Vivenot, l’observer également sur les vaisseaux de la rétine et de l’iris, soit chez l’homme, soit chez les animaux, et en particulier le lapin albinos, dont les yeux se prêtent d’une façon très-favorable à cette observation. On observe également des modifications analogues dans le système veineux superficiel dont les rameaux diminuent de calibre d’une manière très-marquée à mesure que la pression s’élève (1). Le sang des capillaires et des veines, refoulé des parties périphé- riques, ne pouvant, d’un côté, s’écouler du côté des artères à cause da la vis à tergo, et attiré, d’un autre côté, par l’aspiration qu’exerce le thorax dans l’inspiration, reflue alors dans les parties profondes du système veineux intrathoracique et intra-abdominal, où les grosses veines maintenues béantes par les aponévroses qui les entou- rent ou qu’elles traversent, échappent à l’action directe de la pres- sion atmosphérique qui tend à les affaisser. Ainsi, tandis que la circulation artérielle se trouve ralentie par l’augmentation de la pression atmosphérique qui, en réduisant le calibre des capillaires, s’ajoute à l’effort direct exercé sur les artères pour augmenter les résistances à l’action du cœur et diminuer la fréquence de ses battements, la circulation dans les veines et les capillaires se trouve au contraire favorisée, car le thorax, dans son mouvement d’expansion, fonctionne alors comme une pompe placée dans un milieu plus dense et dont la force d’aspiration deviendrait plus énergique, Ce qui indique mieux que tout le reste les dif- ficultés d’interprétation d’un phénomène physiolo- gique, c’est la diversité des théories proposées pour l’expliquer. Aucune des théories que nous venons de citer ne satisfait absolument l’esprit. M. Bert, se basant sur ce fait que la pression dans une matière demi-fluide, comme le corps humain, se transmet instantanément ce qui paraît évi- dent dans tons les sens et à tontes les profon- deurs, n’admet pas l’existence du phénomène qui nous occupe, et par suite n’a pas à en chercher l’explication. Cependant, s’il a été dûment cons- (1) Dans le scaphandre, malgré les bracelets en caoutchouc qui serrent fortement le poignet, la main est décolorée CGal, des Dangers du travail dans l’air comprimé, etc., p. 23). taté et c’est ici le cas on ne peut nier un phénomène ou en faire abstraction, parce qu’il est en opposition apparente avec les lois physiques. Si Faction de l’air comprimé sur les muqueuses et les téguments était peu sensible, on pourrait croire à une erreur d’observation ; mais rien n’est plus net et plus caractérisé que ce phénomène. Voici, d’après M. Foley, ce qui se passe dans les tubes : A peine le robinet qui met en communication les tubes et l’écluse est-il ouvert, qu’on éprouve aux lèvres d’abord, et bientôt sur toute la peau, la même sensation que dans une étuve. Le thermomètre, dans l’air comprimé, ne marque cependant qu’un cinquième de plus qu’au dehors. L’aplatissement de lamuqueuse aérienne, qui rend impossible toute hémorrhagie des voies respiratoires et guérit subitement (sinon sans douleur) le coryza et l’enrouement, explique parfaitement tous ces faits. Comment un organe flétri, ratatiné, pourrait-il recueillir des saveurs quelconques? Notre peau est plus solide que notre muqueuse ; malgré cela, les tubes l’influencent. Ses papilles, comme celles du nez et de la langue, y deviennent moins sensibles, et beaucoup d’ouvriers, à mains pour- tant fort calleuses, trouvent leur toucher moins sûr dans l’air com- primé. Nous avons constaté ces phénomènes très-fré- quemment, à un moindre degré il est vrai, dans les appareils pneumatiques, et nous avons, remarqué en outre ce qui, au point de vue théorique, en est une confirmation indirecte, que le sang afflue dans les capillaires de la face pendant la décompression. Les jeunes anémicpies, qui forment une importante partie de la clientèle des cloches, sont générale- ment, au sortir de l’appareil, émerveillées de leur teint, qui présente une coloration rose très-mar- quée, mais aussi très-fugace. Si nous avons insisté sur les modifications de la circulation capillaire dans la cloche pneumatique, c’est qu’en elles réside Faction curative du Bain d’Air comprimé dans divers états pathologiques, la surdité catarrhale, la bronchite et la laryngite chro- niques entre autres. Nous y reviendrons plus loin incidemment, au sujet de la théorie chimique qu’a donnée M. Bert du mode d’action thérapeutique du séjour dans l’air comprimé. Nutrition. La suractivité imprimée à la nu- trition est rendue manifeste par l’augmentation dans l’exhalation de l’acide carbonique, et aussi par celle qu’on constate dans la production de l’urée. M. Jean Pravaz a fait à ce sujet des expé- riences directes publiées dans sa thèse pour le doctorat ès-sciences. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire ses conclusions. Il résulte de ces expériences la preuve directe de l’augmen- tation absolue de l’urée, sous l’influence de l’air comprimé, entre une et deux atmosphères ; « mais, dit-il, à côté de ce fait, on en observe un autre très-remarquable ; c’est la diminution relative de la production de l’urée à mesure que le séjour dans l’air comprimé se prolonge, ou lorsque la pression s’élève au-dessus d’une certaine limite. » Cette remarque concorde avec les résultats de M. Bert, qui a vu, chez les animaux, l’urée aug- menter entre une et deux atmosphères, pour di- minuer ensuite considérablement avec l’accrois- sement de la pression. D’après le même expérimen- tateur, et d’après M. Hervé de Saint-Lagier, il y aurait prohahleynent augmentation parallèle dans l’exhalation de l’acide carbonique. Tous les deux ont démontré que ce gaz était en plus grande pro- portion dans l’air expiré, et si l’on ne peut en conclure absolument à l’augmentation du carbone brûlé en nn temps donné, cela tient à l’augmen- tation dans l’amplitude et à la diminution de fré- quence des actes respiratoires sous la cloche. Pour arriver à une démonstration directe, il fau- drait répéter les expériences de MM. Regnault et Reiset, et cela sous les pressions comprises entre une et deux atmosphères. Galoriücation. Les expériences faites sur lui-même par M. Pravaz ont également prouvé la théorie le faisait pressentir que, comme la production de l’urée, la température s’élève d’a- bord, sous l’influence de l’air comprimé, au-des- sus de son niveau à l’air libre, pour baisser de môme graduellement à mesure que le séjour dans Pair comprimé se prolonge, et aussi que toutes les deux tendent à diminuer à mesure que la pres- sion s’élève dans l’appareil au-dessus d’une demi- atmosphère. Force musculaire. Il se produirait dans l’appareil même, d’après les expériences de M. Lange, une augmentation dans la puissance'musculaire. Oe phénomène rentre dans la théorie générale de la suroxygénation du sang, qui, fournissant aux muscles un excès de gaz comburant, les met dans de meilleures conditions de combustion et, par suite, de production de travail. Action sur le système nerveux. Il se produit dans la cloche à air comprimé l’inverse de ce qui se passe dans celle à air déprimé. M. Paul Sert a remarqué sur lui-même, dans de Pair raréfié à deux tiers d’atmosphère, un grand af- faiblissement' intellectuel, tandis qu’au contraire, il y a surexcitation de l’esprit entre une et deux atmosphères. Les malades, dit M. Franchet, éprouvent le plus souvent un grand calme ; un besoin pressant de sommeil s’empare d’eux. Dans d’autres cas, au contraire, il se manifeste des phénomènes de stimulation des centres nerveux. Le jeu de l’esprit s’opère avec plus de facilité et de clarté. Les fonctions des hémisphères cérébraux se font plus activement ; cette plus grande étendue du domaine de l’imagination ne va pas toutefois jusqu’à rendre capable de faire de la poésie, ainsi qu’on l’a affirmé. M. de Vivenot a signalé très-souvent un resserrement de l’orifice pupillaire, qui doit être attribué à une excitation céléhrale. Le docteur Lange explique tous ces phénomènes par une augmentation dans la quantité du sang baignant l’encéphale. Selon lui, la boîte crânienne protège les centres nerveux de la compression qui s’exerce sur toutes les autres parties du corps. II en résulte un afflux plus consi- dérable de sang à l’encéphale. Si l’hypérémie est assez faible, il se manifeste des phénomènes d’excitation ; si elle est plus prononcée, la tendance au sommeil se produit. Il n’y a pas lieu, néanmoins, de redouter des congestions inquiétantes du cerveau. L’apport un peu plus considérable de sang artériel est compensé par une activité plus grande de la circulation veineuse. Pravaz a guéri, par le Bain d’Air comprimé, divers accidents tenant à des engagements passifs de l’en- céphale et des sinus crâniens (1). C’est ici l’occasion de dire que, si l’air com- primé agit comme sédatif pour les asthmati- ques, chez lesquels il rétablit ou tend à rétablir l’état normal des gaz du sang, il peut agir comme excitant chez les personnes en santé. Nous avons vu quelquefois des personnes atteintes de sur- dité' catarrhale, c’est-à-dire en bonne santé, se plaindre de ne pouvoir dormir pendant les pre- miers jours du traitement. Douleurs d’oreille. Nous nous sommes expliqués précédemment à ce sujet, à propos du travail dans les caissons. Faisons remarquer que les enfants et les adultes qui n’ont jamais eu de coryza en sont absolument indemnes. Les trompes sont chez eux assez perméables pour que l’équi- libre de pression se produise immédiatement entre l’air de la caisse du tympan et l’air ambiant. (1) Effets physiologiques et applications du Bain d’Air comprimé. Paris, 1873. Théorie chimique du Bain d’Air com- primé. M. Paul Bert ayant déduit des remar- quables expériences dont nous avons eu si sou- vent occasion de parler la conclusion suivante : Les modifications dans la pression barométrique n'ont d’influence sur la vie animale et sur la vie végétale que par les changements qu’elles apportent dans la tension de l’oxygène ambiant, et les chan- gements qui en résultent dans les processus chimiques de la nutri- tion. .... a donné du mode d’action du Bain d’Air com- primé l’interprétation suivante ; nous citons tex- tuellement : L’action de l’oxygène se porte sur le système nerveux et rappelle celle des poisons convulsivants. Cette influence sur le système ner- veux central est la conséquence d’un trouble profond dans les actes chimiques de la nutrition, et tout semble démontrer, comme je l’ai assez longuement établi, que les oxydations intra-organiques sont enrayées par l’excès d’oxygène. Il y aurait là quelque chose qui rappelle de loin la combustion du phosphore s’arrêtant dans l’air comprimé. Les accidents convulsifs apparaissent chez les Mammifères, dans des cas rares, il est vrai, dès la pression de 10 atmosphères d’air. Or, des ouvriers ont travaillé à 5 atmosphères. Il est donc permis de supposer que l’oxygène, à une dose si voisine de la dose convulsive, doit être à la longue la cause, chez eux, de troubles plus ou moins importants. Je crois, notamment, que c’est à lui qu’il convient de rapporter les phénomènes anémiques et dyspeptiques et l’espèce de cachexie que présentent, après un certain temps, les ouvriers des tubes. C’est à lui que je n’hésite pas à rapporter également les améliora- tions dans certains états pathologiques qui ont été constatés chez les ouvriers des tubes, et dont la thérapeutique par l’air comprimé a fait un si utile usage. Les ouvriers atteints de certaines inflamma- tions de la muqueuse respiratoire voient leur état, soudain, amé- lioré par l’entrée dans les tubes, et l’on n’a pas craint, à rencontre de la physique, d’expliquer ce mieux-être par un écrasement de la muqueuse, d’où résulterait un ralentissement de la circulation dans les parties enflammées. J’ai insisté déjà sur cette erreur dans le chapitre préliminaire de ce travail. Pour moi, après avoir vu de très-hautes doses d’oxygène produire des effets aussi violents, je ne m’étonne pas que des doses beaucoup plus faibles aient sur l’organisme une action de cette valeur. Les doses mortelles m’ont paru, entre autres symptômes, supprimer la sécrétion urinaire et augmenter les sécrétions buccales; elles dimi- nuent considérablement les phénomènes calorigéniques. Rien d’é- tonnant, je le répète, que de moindres doses arrêtent les phéno- mènes inflammatoires. La conséquence de cette théorie, c’est que les effets mécaniques, dont nous avons parlé d’après tous les auteurs, n’existeraient pas, ou que s’ils existent, ce n’est pas à eux qu’on doit attribuer les effets curatifs du Bain d’Air comprimé. Nous devons dire tout d’abord que l’existence de ces effets mécaniques est hors de doute; qu’ils ont été observés par des expérimentateurs habiles et à l’aide des méthodes graphiques les plus ré- centes, et que tous les jours on peut constater dans les cloches pneumatiques l’augmentation de \ amplitude des inspirations , la prolongation du temps de l’expiration, l’accroissement de la capa- cité pulmonaire , la décoloration des téguments pendant la compression, la diminution des capil- laires des muqueuses, l’impossibilité de siffler, et enfin, le retour du sang dans les capillaires de la face pendant le temps de la décompression. Ces phénomènes sont en contradiction avec la formule donnée plus haut au sujet des variations de la ten- sion de l’oxygène, cause unique, d’après l’auteur, de l’action des variations de la pression barométrique. Maintenant, si les interprétations que l’on a don- nées des effets mécaniques que nous venons d’exa- miner ne sont pas absolument satisfaisantes et laissent prise à la critique scientifique, il n’en faut pas moins reconnaître que l’observation et l’expérimentation ont mis leur existence hors de conteste. Et ensuite nous ajouterons que si, pour l’anoxy- hémie ou certaines affections chroniques caracté- risées par le ralentissement ou la déviation des fonctions nutritives, la compression n’agit queparce qu’elle élève la tension de l’oxygène de l’air, pour d’autres celles caractérisées entre autres par l’injection, la congestion et l’inflammation chro- nique ou algue des muqueuses pulmonaires, na- sale, buccale, laryngienne elle agit comme cause directe. Voici un fait démonstratif : Un homme est atteint d’un coryza aigu très- caractérisé, il entre dans un appareil pneumatique médical ou dans un caisson à air, et au bout d’une demi-heure, son coryza a disparu. Que s’est-il passé ? Les capillaires congestionnés de la muqueuse nasale, disent les partisans de la théorie des effets mécaniques, ont été déconges- tionnés par la pression, le calibre des vaisseaux s’est rétréci et le ralentissement de la circulation a tari la sécrétion. Non, répond M. Bert. L’état inflammatoire et la sécrétion ont disparu, parce que l’oxygène a agi comme un simple médicament, et il n’y a pas plus lieu de s’étonner de l’effet obtenu, après avoir vu de hautes doses d’oxygène produire des accidents violents, qu’en voyant une faible dose de morphine amender rapidement un flux intes- tinal, lorsqu’on sait qu’à haute dose également, ce même alcaloïde, après les avoir convulsivés, tue les animaux en expérience. La décompression va juger la question : Au moment du retour à l’air libre, le coryza re- paraît (1) ; or, cela tient évidemment à ce que l’effet mécanique n’a pas été suffisamment pro- longé, car si l’effet curatif avait été produit par l’absorption de l’oxygène en excès, il se maintien- drait plus longtemps, puisque le sang s’est mis en charge d’oxygène, et qu’il conserve pendant plu- sieurs heures sa rutilance dans le système veineux. (1) Le coryza reparaît le pius souvent à la fin de la séance, à moins qu’elle n’ait été très-longue, quatre heures par exemple. APPLICATIONS A LA THÉRAPEUTIQUE DES EFFETS DU BAIN D’AIR COMPRIMÉ De l’exposé qui précède des principaux effets du Bain d’Air comprimé : augmentation de la capacité respiratoire, —augmentation des combustions orga- niques et de l'oxygénation du sang, diminution de calibre des capillaires, dilatation de la trompe d’Eustache, découle tout naturellement l’indication d’appliquer cet agent au traitement des maladies ou états constitutionnels dans lesquels on remarque de l'oppression et de la gêne de la respiration ; une insuffisance des combustions organiques et de l’oxygénation du sang; de la congestion et de l’inflammation des voies respiratoires, du catarrhe de la trompe d’Eustache. Telles sont les affections suivantes: Asthme et Emphysème, Coqueluche, Phthisie ; —Diabète, Albuminurie, Goutte, Obésité ; Chlorose, Anémie, Asthénie, Cachexies de toutes sortes, Coryza, Laryngite et Bronchite chro- niques ; Surdité catarrhale. Nous allons successivement passer en revue chacun de ces principaux états ; indiquer, autant que possible, le mode d’action du Bain d’Air com- primé dans chaque cas, et surtout noter avec soin, le plus souvent en citant des observations à l’appui, les effets obtenus par ce traitement méthodiquement suivi et suffisamment prolongé. Dans cette étude, nous nous attacherons beau- coup plus aux résultats pratiques et effectifs qu’au côté purement théorique et spéculatif, tenant avant tout à convaincre le lecteur que, si quelques praticiens se sont enthousiasmés outre mesure de la médication pneumatique, d’autres, et en bien plus grand nombre, l’ont trop longtemps négligée ou méconnue. ASTHME L’asthme est une affection caractérisée par des attaques plus ou moins régulières et plus ou moins intenses de dyspnée et d’orthopnée se reproduisant surtout la nuit, le plus souvent à la suite d’un abaissement subit de la tempéra- ture ou d’une brusque diminution de la pression atmosphérique. On distingue l’asthme nerveux ou essentiel, indépendant de toute lésion appré- ciable des bronches ou des poumons, et l’asthme catarrhal, plus fréquent, symptomatique de phleg- masies chroniques des bronches, d’emphysème pulmonaire, de tubercules et de maladies chro- niques du poumon. La liste est interminable des médicaments qu’on a dirigés contre l’asthme, mais la série des échecs qu’on a subis est presque aussi longue, et on peut affirmer que, si certaines médications, unies aux soins appropriés, ont réussi quelquefois à atténuer ou à abréger l’accès d’asthme, toutes ont été jusqu’ici à peu près impuissantes à en prévenir le retour. Le Bain cl’Air comprimé a-t- -il été plus heureux? Qu’on en juge par les obser- vations suivantes, prises entre un grand nombre d’autres aussi complètes et aussi concluantes : Observation I Asthme catarrlial. M. W ,19 ans, d’un tempérament légèrement lym- phatique, né d’un père asthmatique et goutteux, tut pris, à l’âge de seize ans, d’une bronchite sub-aiguë qui passa bien- tôt à l’état chronique. Pendant un an, des quintes de toux plus ou moins rap- prochées et plus ou moins fortes, se terminant par l’émission d’une petite quantité de crachats muqueux et noirâtres, furent les seuls symptômes par lesquels se manifesta cette affection. Le premier accès d’oppression survint pendant l’automne de 1873, et fut occasionné, en apparence du moins, par un refroidissement, après un orage qu’essuya M. W Ce fut une véritable attaque d’asthme pendant laquelle le malade, assis, le corps incliné en avant, le visage cyanosé et bouffi, s’arc-boutant avec les bras sur le dossier d’une chaise placée devant lui, faisait inutilement appel à tous les muscles auxiliaires de la respiration. Un sifflement aigu se produisait sur le trajet des voies aériennes. L’atta- que dura ainsi, avec quelques courtes intermittences, envi- ron deux heures, se termina par une expectoration spumeuse d’abord, muqueuse ensuite, et fut suivie d’une miction abondante. M. W.... se coucha et dormit mal, sans cepen- dant éprouver de nouveaux accès d’orthopnée. Le lende- main et les jours suivants, les choses reprirent leur cours habituel, et il en fut ainsi jusqu’au printemps suivant, où, malgré un hiver passé à Nice, eut lieu une nouvelle attaque d’asthme. M. W.... était alors en Allemagne. Il vint en Suisse, et là, troisième attaque, un mois environ après la deuxième. A partir de ce moment, les accès se succédèrent à peu près régulièrement toutes les cinq ou six semaines, malgré divers essais de cure dans certaines stations ther- males et un séjour dans les montagnes d’altitude moyenne de la Suisse ; ils étaient même plus fréquents au mois de novembre 1875, où ils se montraient tous les huit ou dix jours. Par contre, la toux paraissait avoir diminué de fréquence et d’intensité. C’est à cette époque que M. W.... totalement découragé vint, d’après l’avis de ses médecins, se soumettre au traitement par le Bain d’Air comprimé. Il était alors très-fatigué et très-anémié ; sa figure pâle et ses traits tirés portaient les traces d’une hématose insuffi- sante et de ses fréquentes insomnies. La respiration était courte, rude, accélérée. A l’auscultation, on entendait des râles sibilants dans toute l’étendue des deux poumons, et la percussion donnait une exagération de la sonorité sur certains points. Pouls à 96, rien au cœur. Pendant le premier bain, le stade de compression occa- sionna une légère douleur dans les oreilles. On n’éleva la pression qu’à 20 centimètres de mercure, à cause de l’état de faiblesse du malade, et on mit 25 minutes à atteindre cette pression. Pendant le stade de pression fixe, il sembla à M. W.... qu’il respirait beaucoup plus faci- lement; il trouvait ses inspirations plus larges et moins rudes ; il éprouvait, ce sont ses propres expressions, une sensation de fraîcheur, de plénitude agréable dans la poi- trine. Mais en somme l’effet immédiat fut moins sensible que si le malade avait été habituellement oppressé dans l’intervalle de ses attaques. La décompression n’offrit rien de particulier ; la douleur d’oreilles reparut. Pendant la nuit qui suivit, rien à signaler. Le lendemain, même état. Pouls à 90, 2e bain donné à 25 centimètres de pression. Le surlendemain, pouls à 86, bain à 30 centimètres, ainsi que tous ceux qui suivirent. M. W.... attendait, avec une impatience non exempte de crainte, le retour périodique de son attaque, qui devait avoir lieu vers le septième ou huitième jour. Après le septième bain, nul symptôme d’accès ; après le huitième, légère oppression pendant la nuit. Le jour du neuvième bain régnait un froid humide très-intense; la séance se passa sans encombre, mais le soir l’attaque d’asthme se manifesta, moins violente toutefois et moins longue que d’habitude. Continuation des bains. Après le vingt-deuxième, retour d’un nouvel accès, mais ne ressemblant en rien aux précédents. Le malade étant couché sentit comme une espèce de resserrement de la poitrine, prélude ordinaire de ses attaques ; il s’assit sur son séant, put faire deux ou trois larges et profondes inspirations, et tout rentra dans le calme, sans sifflement, sans orthopnée,sans expectoration. Pendant ce temps-là, la toux devenue de plus en plus rare avait presque complètement disparu, ainsi que les râles sibilants. On poursuit le traitement qui est porté jusqu’à 40 bains , sans qu’on remarque de nouveau la moindre trace de dypsnée ni d’oppression. Les forces s’étaient considérable- ment accrues ; le teint avait repris une coloration normale, et le pouls, large et plein, ne donnait plus que 75 à 80 pul- sations à la minute. M. W..„. s’en alla enchanté et bien décidé à reprendre une nouvelle sérié de Bains d’Air com- primé, au moindre accès ou indice d’accès. Il n’est pas revenu, et nous avons tout lieu de croire que la guérison s’est maintenue. Nous avons rapporté cette observation tout au long, afin de bien mettre en regard du peu d’efficacité des traitements successivement ou simultanément employés, les résultats obtenus par le Bain d’Air comprimé, à l’exclusion de toute autre médication. Les deux suivantes sont prises au hasard parmi les nombreuses observations relatées dans l’ou- vrage si judicieux et si complet de M. le Dr E. Bertin (4). Ce ne sera pas le seul emprunt que nous ferons à ce travail, M. Bertin ayant ôté plus à même que personne, et par sa situation et par son savoir, d’étudier avec compétence la valeur de la médication pneumatique. (1) Etude clinique de l’emploi et des effets du Bain d’Air comprimé. Paris Delahaye 1868. Observation II Asthme catarrhal ; emphysème pulmonaire M. M , conservateur des hypothèques à...., âgé de 36 ans, d’un tempérament nerveux, était sujet, depuis un temps très-reculé et qu’il ne peut préciser, à des accès d’asthme qui peu à peu s’étaient rapprochés et avaient acquis une très-grande intensité. Ils débutaient en général par une irritation très-vive de l’arrière-gorge; il suffisait quelquefois d’un froid léger pour les causer. Bientôt la respiration ; devenue courte, fréquente, s’accompagnait d’un râle sibilant, d’une toux sèche d’abord, mais amenant ensuite des mucosités glaireuses mêlées de beaucoup d’air, et plus tard, quand l’accès se terminait, après sept à huit jours de durée, une expectoration plus facile, plus copieuse, de nature mucoso-purulente. Le 4 février, M. M , complètement exempt d’accès, mais offrant sur sa figure une expression de souffrance, une pâleur livide, se plaignait en outre d’éprouver une vive oppression dès qu’il marchait un peu rapidement ou qu’il montait quelques marches d’escalier. Sa poitrine était peu développée, ses épaules étaient resserrées; une voussure très-prononcée s’observait sur toute la partie antérieure des deux côtés du thorax, dont les parois étaient complètement immobiles; le diaphragme, au contraire, s’abaissait forte- ment pendant l’inspiration, et donnait ainsi lieu à un batte- ment continuel de la région epigastrique. La sonorité de la poitrine à la percussion était partout exagérée, tympanique. Un bruit d’inspiration très-faible s’entendait dans le lobe supérieur du poumon droit; celui de l’expiration n’y était pas appréciable. Dans tout le reste de ce poumon et dans toute l’étendue du gauche, les deux bruits de la respiration étaient complé- tement éteints; il n’y avait alors ni toux, ni râle d’aucun genre. Les battements du cœur, évidemment voilés, n’offraient d’ailleurs aucun bruit pathologique. Le pouls était régulier, peu développé ; il battait 70 fois par minute. Les fonctions digestives étaient assez bonnes ; celles de la peau s’altéraient à la moindre impression de froid, et devenaient ainsi une cause fréquente des attaques d’asthme. Le traitement par les Bains d’Air comprimé s’accomplit du 4 février au 19 mars. Pendant sa durée et presqu’à son début, des froids intenses, un temps pluvieux, firent naître ces premiers symptômes qu’une malheureuse expé- rience faisait reconnaître par M. M.... comme les préludes infaillibles d’une attaque. Celle-ci n’eut pas lieu, à la grande surprise du malade, qui se croyait d’autant plus autorisé à attribuer ce résultat aux Bains d’Air comprimé que déjà, après le sixième, il supportait mieux le mouvement, faisait plus facilement une longue inspiration. Déjà aussi les parois du thorax retrouvaient un peu de mobilité, et l’épigastre était moins soulevé. Après le vingt-sixième bain, les traits du visage s’étaient épanouis ; la pâleur, tout air de souffrance, avaient disparu ; la respiration agrandie soulevait largement les parois du thorax et très-peu l’épigastre ; une respiration plus longue et moins fréquente, le sentiment du retour des forces, la possibilité de supporter la marche, une longue conver- sation, avaient remplacé la fatigue et l’oppression d’au- trefois ; les bruits respiratoires, encore un peu faibles, mais distincts l’un de l’autre, commençaient à se faire entendre dans toute l’étendue des deux poumons. L’appétit s’était augmenté. Cette marche favorable se confirma de plus en plus. Dès le trente-cinquième bain, la respiration offrait partout ses caractères naturels ; elle ne s’opposait plus àla marche, à l’action de monter un escalier; les forces générales s’étaient accrues avec l’embonpoint; le retour de la santé était complet, et pour bien consolider ces heureux résul- tats, le nombre des bains fut porté jusqu’à quarante-cinq. M. M , mieux portant qu’il ne l’eût été depuis bien des années, retourna à ses fonctions, et malgré l’influence d’un climat humide et variable qu’il avait autrefois tant de peine à supporter, il n’a pas vu reparaître la plus légère atteinte d’asthme. Observation 111 Asthme catarrhal; emphysème pulmonaire Mlle Wit , institutrice, âgée de 29 ans, d’un tempéra- ment lymphatique, fille d’un père asthmatique, éprouva, dès l’âge de 14 ans, une grave bronchite qui laissa après elle une grande disposition à la dyspnée. Depuis lors, rhu- mes de plus en plus fréquents, oppression habituelle crois- sante, accès d’asthme se reproduisant jusqu’à trois et quatre fois par mois, surtout aux approches de la mens- truation, qu’ils rendaient plus difficile et toujours doulou- reuse. ler1er septembre. Pâleur livide, yeux caves, cernés; traits crispés par la souffrance, maigreur très-marquée. La poitrine était sensiblement déprimée en haut, des deux côtés; à droite et en bas ses parois, offrant une convexité bien plus prononcée qu’à gauche, étaient immo- biles dans la respiration. La percussion, trop sonore dans toute la moitié inférieure du côté droit, était normale partout ailleurs, même à gauche. Les bruits respiratoires étaient éteints dans toute la moitié inférieure du poumon droit ; à la base du poumon gauche, on n’entendait que très-faiblement l’inspiration ; dans tout le reste de l’étendue de ces organes, la respiration s’entendait, mais elle était très-faible. Le pouls était petit et fréquent ; la marche, la conversa- tion, oppressaient beaucoup, et la malade éprouvait alors en bas, du côté droit de la poitrine, le sentiment d’un obstacle à sa respiration. Mlle Wit commença l’usage des Bains d’Air comprimé le ler1er septembre. La nuit suivante, un violent orage causa, comme de coutume, un accès d’asthme qui se montra moins grave, mais qui s’accompagna de beaucoup de toux, de râle sibilant, et se termina par une expectoration de matières glaireuses mêlées de beaucoup d’air. 14 septembre. Après douze bains, le teint était meilleur, la physionomie moins souffrante; les bruits respiratoires avaient déjà pris plus d’intensité dans la partie supérieure des deux poumons; il n’y avait pas encore de change- ment appréciable dans les parties inférieures. Cependant, Mlle Wit trouvait qu’elle respirait plus amplement, avec plus de facilité; elle parlait plus longtemps sans être oppressée, et sa voix donnait bien moins qu’au début du traitement l’idée d’une fonction péniblement accomplie. Le pouls avait pris de la force, il était plus lent et ne donnait que 63 à 64 pulsations par minute. L’époque de la menstruation s’approchait sans donner lieu au trouble qu’elle causait d’ordinaire, et le 20 elle s’établit; il n’en résulta q’une bien légère oppression. 2 octobre, La difformité du côté droit de la poitrine était presque entièrement dissipée, et les mouvements y étaient rétablis. Le son y était moins clair, les deux bruits d’in- spiration et d’expiration y était sensiblement appréciables, quoique plus faibles qu’à gauche, dans les mêmes points. Une longue inspiration était facile; la toux et l’expectoration étaient presque nulles; une marche rapide et ascendante ne causait plus qu’une oppression faible et passagère; la lecture à haute voix ôtait facilement soutenue. 7 octobre. Après trente-trois bains, Mlle Wit avait retrouvé la meilleure santé ; la respiration était rétablie partout; une longue inspiration s’accomplissait sans gêne et sans provoquer la toux ; la voix avait pris plus de force et de résistance à la fatigue ; les nuits se passaient depuis un mois sans la plus légère atteinte de dyspnée ; la toux et l’expectoration étaient à peu près nulles; l’embonpoint reparaissait; le calme d’esprit renaissait avec les forces générales, et tous les signes de retour d’une santé parfaite firent cesser le traitement. Observation IV Asthme Catarrhal. M. E...., docteur en médecine, âgé de 40 ans, albumi- nurique, était asthmatique depuis une vingtaine d’années au moins, et avait usé, sans grand avantage d’ailleurs, de toutes les ressources que lui suggéraient ses connaissances spéciales. Au contraire, dans ces dernières aimées, les attaques avaient redoublé de fréquence et d’intensité, au point de ne lui laisser presque plus de relâche et de l’obliger à respirer presque perpétuellement dans une atmosphère de vapeurs de papier nitré. Il avait maigri considérablement et ses forces épuisées ne lui permettaient pas de faire un kilomètre à pied. Une albuminurie assez forte était venue joindre ses effets débilitants à ceux de l’asthme. Il y avait de l’œdème aux deux extrémités inférieures. C’est dans ces conditions que M. E vint essayer des Bains d’Air com- primé au mois d’août dernier. Les premiers bains ne pro- duisirent pas beaucoup d’effet. La respiration était plus facile sous la cloche, mais, quelque temps après le bain, il ne restait plus rien de cette amélioration. Après le qua- trième, une attaque assez forte eut lieu. Nouvel accès après le dixième, un peu moins fort. Dan» l’intervalle, un mieux notable était survenu. Il se traduisait par une plus grande facilité respiratoire et par un notable relèvement des forces. Au bout de 20 bains, le docteur E se disait guéri, ne ressentant plus d’accès d’oppression et pouvant faire une longue promenade à pied. En même temps, il remarqua que l’œdème des malléoles avait beaucoup diminué et que son urine contenait moins d’albumine. Les bains furent continués néanmoins. Une légère attaque se produisit dans la nuit qui suivit le vingt-huitième bain, mais ne présen- tant à aucun degré l’aspect des attaques ordinaires. M. E prit encore 22 bains, ce qui en porta le nombre total à 50, sans éprouver de nouveaux accès, et pendant les six mois de grâce que lui accorda la maladie de Bright, il n’eut pas un instant d’oppression. Observation V (1) M. le docteur G était atteint d’un asthme humide, datant de dix-huit ans, s’étant révélé après une bronche- pneumonie double à forme catarrhale très-grave. Les premiers accès d’abord assez rares, revenant à inter- valles inégaux, quelquefois de plus de six mois , eurent un caractère spasmodique des plus prononcés. Le catarrhe, qui ne se manifestait qu’après le spasme, persistait ordinai- rement une dizaine de jours pendant lesquels les paroxys- mes diminuaient de fréquence. Au bout de ce temps, la respiration redevenait normale, il restait seulement une (t) Franchet ; Des Effets physiologiques et des Applications thé- rapeutiques du Bain d’Air comprimé, Paris 1873. expectoration quotidienne, le matin, de quelques crachats gris, vitreux, mais dans une proportion très-réduite, en un mot, ce que Laënnec a désigné sous le nom de catarrhe sec. Le catarrhe se développant peu à peu, les eaux de Caute- rets, prises à la source, furent employées deux années de suite avec un succès marqué. Environ huit ans avant le début de la maladie, la suscep- tibilité catarrhale redevint extrême, et chaque mois, il sur- venait un ou deux accès durant chacun, en moyenne, une dizaine de jours. Bientôt une dyspepsie flatulente vint s’ajouter à l’asthme qui était alors continu. Un état anémi- que assez prononcé fut la conséquence naturelle.C’est ainsi que se passèrent les dix années qui suivirent, les intervalles de repos n’étant que de quelques jours. Une nouvelle saison à Gauterets, puis aux Eaux-Bonnes, ne donna aucun résultat avantageux. Cependant il est important de remarquer qu’à mesure que la maladie vieillissait, l’état spasmodique devenait moins prononcé, même avant d’avoir employé successive- ment l’arsenic, l’iodure et le bromure de potassiun. Il y avait encore des accès, mais l’orthopnée ne durait que deux ou trois heures au début de la nuit. C’est dans ces conditions que fut expérimentée l’action des Bains d’Air comprimé. Le pouls et les mouvements res- piratoires ont été comptés au début, à la fin et au milieu de chaque séance, dont la durée fut d’une heure et demie environ. Il existait alors une gêne continue de la respiration même dans l’intervalle des accès. Le traitement par l’aérothérapie compte 95 séances. Pen- dant les trois premiers bains, on constate une grande irré- gularité dans le pouls et la respiration. Cette dernière augmente de fréquence, dans la proportion de 1, 2, 3 inspirations de plus dans chaque séance. Dès le 4e bain, les choses se régularisent, la respiration diminue de fré- quence (16 inspirations au début du traitement, 8à la fin), l’état général s’améliore- On commence par une pression de 7 centimètres. Survient un accès léger la nuit, sans spasme (9e séance). Prédominance de céphalalgie (9e 15e séance). Puis l’appétit reparaît. Sensation d’une expansion pulmonaire complète. On élève la pression à l' 2 centimètres, sans inconvénient (18e bain). Par suite d’un abaissement de température, la dyspepsie flatulente reparaît. Expectoration plus facile, moins visqueuse. Deux accès légers, la nuit ( 20e séance )_. On abaisse la pression à 6 centimètres. A la 28e séance, avec une pression de 12 centimètres, douleur sternale obtuse , surtout pendant l’inspiration. Le lendemain, même pression : la douleur disparaît. Au 31e bain, avec 15 centimètres de pression, pas de symptômes particuliers. Temps de neige agissant un peu sur l’intestin, mais nullement sur les bronches. Interruption de huit jours après la 32e séance. A la suite d’une fatigue physique et morale , accès avec paroxysmes spasmodiques. Reprise des bains d’air : soulagement immédiat des accès. Le sommeil n’a pas cessé d’être bon ; mais la dyspepsie flatulente est revenue intense : sensation de contractions fibrillaires dans la membrane musculeuse de l’estomac; hypocondrie. Dès lors, avec un traitement régulier, ces divers acci- dents se sont amendés peu à peu jusqu’à disparition com- plète. Le traitement a pris fin en avril 1872. Depuis cette épo- que , M. le Dr G n’a plus éprouvé d’accès d’asthme et a pu satisfaire sans le moindre inconvénient aux exigences de sa nombreuse clientèle. Dans ces quelques observations qu’il serait facile de multiplier, on peut constater les effets du Bain d!Air comprimé sur l’asthme et suivre la marche progressive de l’amélioration ainsi obtenue. Les premiers résultats, qui se manifestent ordinaire- ment dès les deux ou trois premiers bains, sont une plus grande facilité dans l’accomplissement de l’acte respiratoire , une sensation moins pres- sante du besoin d’air, d’où diminution de fré- quence des mouvements de la respiration, et, comme corollaire, ralentissement du pouls. En effet, sous l’influence de la pression, le sang, ayant absorbé une plus grande quantité d’oxygène à son passage dans le poumon, arrive aux centres ner- veux relativement moins chargé d’acide carboni- que , et la nécessité de retourner au poumon renouveler sa provision d’oxigène se trouve ainsi retardée. Au bout d’une dizaine de bains, s’il sur- vient des accès , ils sont généralement moins in- tenses et plus courts, et présentent rarement le caractère inquiétant que pouvaient offrir les accès antérieurs. La toux, lorsqu’elle existe, diminue parallèlement à l’oppression, quelquefois plus vite, souvent plus lentement. Les forces, comme on l’a vu, sont promptement et solidement restaurées, ce qui, selon nous, ne contribue pas peu à la guérison définitive. Ces résultats s’affermissent et augmentent avec le nombre des bains, et il est rare qu’après trente ou quarante séances de deux heures, l’asthme n’ait pas complètement disparu, ou que du moins les attaques ne soient pas considérablement éloignées et amoindries sons le rapport de la durée et de l’intensité. Le Bain d’Air comprimé agit de différentes façons dans l’asthme considéré, ainsi que nous l’avons fait, comme une forme d’oppression propre à cer- taines affections chroniques des organes respira- toires. L’asthme tient-il à l’emphysème pulmonaire, l’air comprimé agit en amendant ou en guérissant celui-ci, et en augmentant le champ de la respira- tion. Accompagne-t-il une inflammation chronique des bronches ou du parenchyme pulmonaire, il agit en la supprimant ainsi que le catarrhe et la toux, et, dans tous les cas, en exerçant sur l’organisme son action tonique et reconstituante. Dans l’asthme nerveux, les résultats du Bain d’Air comprimé sont moins complets. Ici l’élément prin- cipal, cause première de la maladie, échappe en partie à son action. Il n’est cependant pas sans effet. Sous son influence, les accès d’oppression sont retardés, plus courts et beaucoup moins vio- lents, comme le prouvent un certain nombre d’observations du docteur Ber tin. Ils ont même complètement disparu dans le cas suivant relaté dans l’excellente thèse inaugurale du docteur P. Franchet, à laquelle nous avons déjà emprunté une des observations précédentes ; Observation VI (1) Asthme nerveux. Une dame âgée de 25 ans, enceinte de sept mois, était atteinte depuis un an d’un asthme nerveux. Les accès revenaient périodiquement tous les quinze jours. Ils avaient lieu la nuit et se répétaient sept à huit nuits de suite. La malade était tourmentée par des suffocations fort pénibles et qui l’affaiblissaient tellement, qu’il lui était impossible de se livrer à ses occupations le lendemain des accès. Le 9 octobre dernier, d’après le conseil qu’elle en reçut, elle commença l’usage des Bains d’Air comprimé. A partir de ce moment, le premier accès survint à son époque habituelle; mais son intensité fut bien moindre. Au lieu d’un accès unique persistant toute la nuit, il y eut une série de petits accès durant une heure chacun et séparés par un intervalle. Les étouffements n’eurent lieu que pen- dant trois nuits consécutives. Le deuxième accès fut retardé de quatre jours. Il se répéta encore à diverses reprises pendant trois nuits, mais avec bien moins d’intensité que la première fois. Depuis lors, il ne s’est produit aucun nouvel accès. La malade a repris des forces et se trouve très-heu- reuse de ce résultat. L’asthme même essentiel est toujours plus ou moins accompagné d’emphysème et de catarrhe. C’est ce qui explique en ce cas les heureux effets du Bain d’Air comprimé. Le bain d’air ne réussit pas toujours très-bien contre l’attaque d’asthme actuelle, au moment où elle se produit, soit que l’effet de la pression se fasse trop attendre, soit que l’émotion ressentie par le malade, en se voyant renfermé dans un espace aussi resserré que la cloche, contrarie et annule les résultats de la compression. Alors il peut être bon d’avoir recours à la respiration, au moyen du masque, dans des milieux sous pres- sion différente, par exemple, inspiration dans l’air comprimé et expiration dans l’air raréfié. Ce mode de respiration pourrait, d’après les auteurs alle- mands, faire cesser l’accès d’asthme en cours d’é- volution, ou le j uguler à son début. Le docteur Sief- fermann, dans son établissement deßenfeld(Alsace), aurait obtenu par cette méthode des résultats satis- faisants dans le traitement de l’asthme et de l’emphysème pulmonaire. EMPHYSÈME PULMONAIRE L’emphysème est caractérisé par la dilatation permanente et progressive, et quelquefois par la déchirure, des vésicules pulmonaires dont les parois atrophiées ont perdu leur élasticité et ne peuvent plus revenir sur elles-mêmes au moment de l’expiration. Il en résulte qu’à chaque expiration, il reste dans le poumon une plus grande quantité d’air vicié, et qu’à chaque inspiration, il y pénètre un plus petit volume d’air nouveau. Aussi les malades sont-ils toujours, en quelque sorte, dans un état de demi-inspiration, la poitrine et le cou tendus, le thorax bombé, le diaphragme se contractant d’une façon exagérée pour suppléer à l’impuissance des autres muscles inspirateurs. Les mouvements respiratoires, peu développés, sont rapides et fréquents ; la dypsnée et l’oppres- sion deviennent énormes, au moindre exercice un peu soutenu, et souvent la nuit elles se tradui- sent par de véritables accès d’asthme. La santé générale s’altère peu à peu par suite d’une héma- tose de plus en plus insuffisante. En outre, l’atro- phie des parois vésiculaires, amenant la destruc- tion de leurs vaisseaux, rétrécit le réseau circu- lataire, et détermine à la longue une hypertrophie du cœur droit. L’emphysème pulmonaire reconnaît ordinaire- ment pour cause la répétition trop fréquente d’expirations prolongées et forcées : chant, cris, toux, efforts, etc. Il survient aussi à la suite de l’asthme, car si, comme nous l’avons dit, l’em- physème donne lieu à de véritables attaques d’asthme, celui-ci peut à son tour engendrer l’em- physème. En présence des symptômes de l’emphysème pulmonaire, il est facile de se rendre compte du mode d’action du Bain cl’Air comprimé dans cette affection. Pendant la compression, l’inspiration s’ac- complit plus facilement et plus largement, ce qui permet aux muscles de se relâcher un peu de leur état ordinaire de tension ; pendant la période de pression fixe, le poumon recevant une plus grande quantité d’air sous un même volume, la respira- tion se ralentit, les mouvements respiratoires sont plus étendus et plus profonds ' pendant la décompression, l’expiration est singulièrement favo- risée par la diminution graduelle de la pression de l’air ambiant, et les alvéoles pulmonaires peuvent se vider des résidus d’air vicié qu’y avait accumulés une succession plus ou moins longue d’expirations incomplètes. Après un certain nombre de séances, ces résultats persistent en dehors du bain : la capacité pulmonaire s’accroît, la force d’inspiration et d’expiration augmente, le murmure vésiculaire, très-affaibli, se fait entendre d’une façon plus sensible, l’oppression diminue et finit par disparaître. Sous l’influence d’un échange gazeux plus parfait, la nutrition s’amé- liore, la rénovation organique est activée et les forces se relèvent rapidement. Le tissu pulmo- 85 naire participe à cette restauration générale et les vésicules ressentent directement Faction tonique et bienfaisante de leur stimulant habituel, qui leur arrive en plus grande quantité, et dont elles étaient privées depuis plus ou moins de temps, par suite de la stagnation de Fair confiné dans leur intérieur. De cette double action, topique et générale, résulte pour leurs parois un double effet de réparation, et, sous cette influence, ne peuvent- elles pas, lorsque l’atrophie n’est pas complète, re- couvrer jusqu’à un certain point leur tonicité et leur élasticité primitives ? Quoi qu’il en soit, l’état des emphysémateux se transforme complètement par l’usage journalier et suffisamment prolongé du Bain d’Air comprimé, et le malade, qui, avant le traitement, était essoufflé à chaque pas et à chaque mot, pour ainsi dire, peut souvent, après trente à quarante séances, marcher et monter, parler et chanter sans fatigue et sans oppression, et n’est plus exposé à se lever chaque nuit sous la menace de la suffocation. D’après une moyenne des sta- tistiques des différents auteurs qui ont traité l’Em- physème par l’Air comprimé, on obtiendrait des résultats favorables dans 80 0/0 des cas. Quelques observations feront bien saisir les changements opérés dans l’emphysème par l’em- ploi de la médication pneumatique : Emphysème compliqué de bronchite chronique M. A ,35 ans, d’un tempérament sanguin, né de Observation VII parents goutteux, était atteint, depuis plusieurs années, d’un emphysème pulmonaire compliqué de bronchite chro- nique, lorsqu’il vint, au mois de février dernier, suivre le traitement pneumatique. Une oppression continue ne lui permettait ni une marche un peu longue, ni une as- cension un peu élevée, ni une conversation un peu soutenue. Il ne pouvait endurer dans son lit la position horizontale, et on était obligé d’exhausser ses oreillers de manière à ce qu’il fût presque assis. A l’auscultation, absence complète de murmure respiratoire ; par-ci par-là, des râles sibilants ou muqueux. Impossible de faire une inspiration un peu profonde : il survenait alors une toux très-pénible qui augmentait encore l’oppression. La percussion dénotait partout une augmentation de sonorité. Les respirations étaient courtes et fréquentes ; les mouvements d’élévation et d’abaissement du thorax, très-limités, ne renouvelaient l’air qu’en faible quantité ; la poitrine était bombée, le creux sus-claviculaire effacé, la tête renversée en arrière, le visage congestionné et anxieux; le diaphragme se con- tractait violemment pour chasser, disait le malade, le poids qu’il avait sur la poitrine. Le moindre effort, un séjour un peu prolongé dans un milieu mal aéré, occasionnaient des étouffements et des palpitations. Le pouls était rapide, les battements du cœur forts et précipités. Les premiers bains furent administrés avec précaution; la décompression, spé- cialement surveillée à cause de l’état du cœur, dura trois quarts d’heure. Pendant la séance, M. A éprouvait un grand soulagement, la respiration était considérablement ralentie, les inspirations plus larges et moins pénibles. Après dix baiAs, l’oppression avait déjà notablement diminué ; les nuits étaient meilleures, les exercices, même un peu longs, étaient devenus possibles. Après trente, le murmure vési- culaire avait reparu dans les deux poumons, on entendait encore quelques râles sibilants, quelquefois aussi de la toux, mais tout essoufflement avait disparu. Les inspirations étaient faciles et pouvaient s’accomplir aussi profondément qu’on le désirait ; les excursions thoraciques avaient repris de l’étendue ; le diaphragme ne se contractait plus avec autant de fréquence et d’énergie ; les mouvements respira- toires étaient beaucoup plus lents. M. A avait aussi retrouvé des forces. Il pouvait faire de longues courses à pied, monter plusieurs étages, entretenir une conversation soutenue à haute voix, dormir dans toutes les positions, tout cela sans la moindre oppression. Le pouls était moins fréquent, les battements du cœur moins tumultueux en un mot, M. A.... était guéri. Il prit encore dix bains pour consolider sa guérison. Depuis, pas le moindre vestige d’op- pression ni de palpitations. Le poids qui pesait sur la poi- trine est tombé. La toux et l’expectoration ont également iisparu. Observation VIII (1) Emphysème vésiculaire des poumons R , âgé de 24 ans, d’un tempérament lymphatique, est issu de parents parmi lesquels on ne retrouve aucune atteinte d’asthme. Doué d’une faible constitution, il était encore peu développé, quand le sort le désigna pour le ser- vice militaire. R , incorporé dans le 4e régiment de ligne, fut placé dans la musique comme clarinette. Il grandit encore pendant les premiers mois qu’il passa au service, sans atteindre cependant une taille élevée. Pendant la cam- pagne de Bomarsund, il ressentit déjà beaucoup de fatigue de poitrine ; il ne pouvait plus la dilater complètement par une longue inspiration ; la marche, le jeu de son instru- ment, lui causaient une vive oppression ; il ne supportait plus sa tunique boutonnée. De retour en France après la (1) Bertin loc. cit. campagne de la Baltique, il contracta à Bayonne une légère bronchite qui le retint à peine quelques jours à l’hôpital; il toussa très-peu et n’eut d’autre expectoration que quel- ques rares et petits crachats arrondis, grisâtres, de consis- tance gélatineuse ; il se plaignait surtout de douleurs sous le sternum. C’était, assurait-il, la première fois qu’il s’était enrhumé. La toux disparut promptement et sans retour. Bientôt R vint en garnison à Nimes, où il arriva si fatigué, si oppressé par la moindre marche, par le plus court exercice de musique, que son chel le mit au repos, le plus léger effort d’insufflation lui étant devenu impos- sible, On obtint pour lui un congé de quelques mois, et M. le docteur Gorranson conseillant les Bains df Air com- primé, R vint les prendre à Montpellier. Le 23 janvier, je constatai l’état suivant : Embonpoint général assez bien conservé; figure très- pâle, indiquant un état de souffrance. Le thorax présentait, en avant et des deux côtés, ses parois tellement-soulevées, qu’il ressemblait à une boule. Au-dessous de lui, la région épigastrique, déprimée comme si elle eût été gênée dans son développement par l’appli- cation constante d’une ceinture fortement serrée, simulait un véritable étranglement. D’une manière instinctive, R tenait toujours ses épaules élevées, au point que son cou paraissait singulièrement raccourci et qu’il avait, comme on le dit, la tête dans les épaules. Il prétendait ainsi favo- riser sa respiration, et, en effet, s’il abandonnait cette posi- tion, sa tournure changeait tout à fait, elle paraissait plus libre, plus régulière, mais à l’instant même l’oppression se déclarait. Une longue inspiration était impossible, et, pendant la respiration ordinaire, les parois de la poitrine restaient tout à fait immobiles ; la région épigastrique seule était soulevée. La percussion déterminait dans tous les points des deux côtés du thorax un son beaucoup plus clair que dans l’état normal. L’auscultation faisait entendre dans le lobe supérieur du poumon droit un bruit d’inspiration très-faible, très-court, suivi d’un bruit d’expiration si faible à son tour, que j’avais beaucoup de peine à l’entendre. Au niveau du sein, les bruits vésiculaires étaient remplacés par une sorte de bour- donnement continu, difficile à percevoir à cause de son peu d’intensité. Dans tout le reste du poumon, soit en avant, soit en arrière, on n’entendait rien. Dans toutes les régions de la moitié supérieure du pou- mon gauche, il existait un bruit très-faible qui semblait correspondre à l’inspiration; l’expiration ne s’y entendait pas du tout, et dans toutes les régions de la moitié infé- rieure, les bruits respiratoires étaient éteints de la manière la plus complète. Malgré la plus grande attention, je ne constatai de râle dans aucun point des deux poumons. Il n’y avait point de toux, point d’expectoration. Les battements du cœur n’étaient pas sensiblement voi- lés; le pouls était régulier, peu développé, comme con- centré; il avait un peu de fréquence. La marche augmentait beaucoup l’oppression, surtout quand elle avait lieu sur un terrain montant ; le décubitus sur le dos était supportable ; la voix était peu changée, mais elle se fatiguait promptement. Le premier Bain d’Air comprimé fut pris le 25 janvier, à 30 centimètres au-dessus de la pression atmosphérique, et, pendant sa durée, il procura un soulagement sensible qui cessa au sortir de l’appareil. Après quatre bains, le teint était moins pâle, d’une cou- leur de chair plus naturelle ; la gêne sur le devant de la poitrine avait diminué, les mouvements des bras causaient moins d’oppression, les épaules étaient moins relevées. 5 février, sept bains. Le décubitus sur le dos était bien plus facile ; une marche rapide oppressait moins, et les parois du thorax étaient sensiblement soulevées par la respiration. Le bruit d’expiration était aisé à constater dans la partie supérieure du poumon droit ; le bourdonne- ment continu était devenu plus fort auprès du sein, il com- mençait à se faire entendre à la base du poumon. Dans la moitié supérieure du poumon gauche, les deux bruits respiratoires étaient devenus appréciables, et le moindre effort fait par le malade pour activer sa respira- tion en rendait le bruit perceptible dans tout le reste du même organe, où il se montrait alors sous la forme d’un bourdonnement continu. R trouvait que sa respiration avait sensiblement gagné en étendue; il l’expliquait en disant qu’elle descendait plus bas dans les poumons. Sa pose habituelle était meilleure ; ses épaules abaissées avaient repris une position naturelle qui les éloignait de la tête ; les allures étaient plus libres, les mouvements géné- raux plus faciles. Un air de santé commençait à se mon- trer sur la figure. 8 février, dix bains. La respiration devenait chaque jour plus libre et plus longue; l’ascension d’un escalier causait beaucoup moins d’oppression; la poitrine, que le poids le plus léger oppressait douloureusement, supportait maintenant sans peine une compression prolongée; ses mouvements, pendant la respiration, étaient bien plus sen- sibles ; sa forme bombée tendait h disparaître. 15 février, quatorze bains. Amélioration considérable. Une marche rapide avait lieu sans causer de la gêne; R..v... pouvait faire de suite cinq ou six grandes inspirations, qu’il prolongeait de façon à provoquer le sentiment d’une expansion pulmonaire poussée aussi loin que possible. La poitrine s’était aplatie en avant et paraissait très-affaissée, eu égard à ce qu’elle avait été; ses parois étaient ample- ment soulevées chaque fois que l’air s’introduisait dans les poumons. On entendait distinctement les deux bruits respiratoires dans le lobe supérieur des deux poumons; iis étaient distincts, mais moins intenses, dans les lobes moyens. Le teint était meilleur, les forces générales étaient aug- mentées. 18 février, dix-neuf bains. La poitrine, qui avait repris une conformation naturelle, donnait à la percussion un son beaucoup moins clair. On n’entendait encore, dans les parties inférieures des deux poumons, qu’un bruit continu assez fort, qu’une longue inspiration rendait plus éner- gique, mais qui n’offrait pas les deux bruits du murmure vésiculaire. ler1er mars, vingt-quatre bains. Les forces générales aug- mentaient de plus en plus, et la respiration supportait aisément la fatigue d’une marche rapide et ascendante. Les deux bruits respiratoires étaient rétablis dans toute l’étendue des deux poumons; ils laissaient à peine à désirer un peu plus d’intensité à la base de ces organes. La poitrine avait repris sa forme et ses mouvements naturels pendant la respiration ; l’épigastre, qui se trouvait à peu près au niveau de la poitrine, était à peine soulevé, et malgré que R eut pris un embonpoint très-marqué, sa tunique, autrefois trop étroite, était alors beaucoup trop large. Les bruits du cœur étaient très-distincts ; le pouls, plus développé, n’était qu’à 60 pulsations par minute. 8 mars, trente-quatre bains. Retour complet de la respi- ration à l’état naturel. Les forces générales étaient en meilleur état que jamais ; l’embonpoint s’était accru, et le sentiment intime d’une santé bien rétablie faisait désirer à R de rentrer à son régiment. Il se croyait en état de reprendre ses anciennes fonctions, tandis que je m’opposais à l’usage de tout instrument à vent. Deux mois et demi après son départ, R revenait à Montpellier me demander s’il ne pouvait pas reprendre l’instrument à vent dont il était chargé autrefois, son chef de musique l’y poussant tous les jours à cause de sa bonne santé actuelle. En effet, dans le temps que R venait de passer au régiment, il avait pu faire, le sac sur le dos et d’un pas assez rapide, des promenades militaires prolon- gées de neuf heures du matin à deux heures du soir. Il avait assisté à plusieurs revues, pendant lesquelles il avait dû se porter en courant d’un point à un autre. Tout cela s’était exécuté facilement, et si un temps de course rapide avait causé un moment d’oppression, elle s’était toujours promptement dissipée. Une seule fois, obligé de s’arrêter, de rester, presque immobile et tout en sueur, exposé à un vent froid des plus violents, R avait contracté un rhume qui ne dura que quelques jours. L’examen de la poitrine me donna la certitude que sa forme, ses mouvements de dilatation étaient naturels; l’inspiration se prolongeait aussi longuement qu’on pût le désirer, et l’auscultation la plus attentive ne constatait aucune espèce de râle ; la percussion ne donnait qu’une résonnance normale. La guérison s’était donc soutenue, malgré les fatigues qui avaient immédiatement succédé aux Bains d’Air comprimé. Il existait quelques signes d’un léger embarras gastrique, qu’un peu de régime dissipa. J’eus longtemps après des nouvelles de R Libéré du service, il habitait Paris, où il était employé dans un éta- blissement dépendant du Gouvernement; sa bonne santé ne s’était jamais démentie. Observation IX (1) Emphysème visiculaire des poumons Mlle W...., âgée de 25 ans, d’un tempérament nerveux, appelée sur la scène de très-bonne heure, débuta d’abord avec de grands succès à l’Académie impériale de musique. Trois ou quatre ans après, s’apercevant que sa voix, très- belle dans les tons graves et dans les tons élevés, où elle offrait beaucoup de netteté, de flexibilité et de grâce, s’affaiblissait sensiblement, elle prit un engagement à TOpéra-comique. Mlle W n’avait jamais été sujette à s’enrhumer, et même, depuis qu’elle était au théâtre, ne se rappelait pas avoir été, pour une cause pareille, obligée de se soumettre à quelques jours de soins, de se condamner au plus court repos. Cependant, préoccupée des modifications fâcheuses que sa voix avait subies, et sachant de M. Ch , tout le bien qu’il avait retiré des Bains d’Air comprimé, tout celui qu’ils avaient fait à un autre artiste réduit à cesser de chanter par une bronchite passée à l’état chronique, et à qui le même traitement avait rendu sa voix, d’une fraîcheur et d’une étendue remarquables*, Mlle W vint réclamer mes conseils. Sa figure était pâle, ses traits fatigués, sa maigreur assez prononcée; tout son ensemble paraissait indiquer un état maladif, une constitution épuisée, et cependant un examen plus approfondi montrait que les forces générales étaient encore en assez bon état. La forme du thorax n’était pas régulière; conservant à peu près son aspect ordinaire depuis la clavicule jus- qu’au-dessus de la naissance du sein des deux côtés, il était au contraire, dans tout le reste de l’étendue de ses deux cavités, soulevé d’une manière si marquée que, malgré sa maigreur inaccoutumée, Mlle W trouvait sa taille bien plus forte qu’autrefois. Pendant l’inspiration, quelque étendue que lui donnât la malade, les parois de la poi- trine offraient très-peu de mobilité dans leur tiers supé- rieur, et pas du tout dans toute la portion dilatée d’une ma- nière anormale. Les parois abdominales, au contraire, dans toute la région épigastrique, étaient fortement soulevées. La percussion était très-sonore dans toute l’étendue de la poitrine. Les deux bruits respiratoires, dans le tiers supérieur de chaque poumon, se réduisaient à un seul temps, qui cor- respondait au mouvement d’inspiration, et se prolongeait sans laisser distinguer le bruit d’expiration. A la place de celui-ci venait un temps de silence. Dans tout le reste de l’étendue des deux poumons, les bruits vésiculaires man- quaient complètement. Je ne rencontrai nulle part aucune trace de râle, quel qu’il fût. Habituellement la respiration, du moins dans l’état de repos, ne paraissait pas gênée ; le mouvement était même assez bien supporté. Cependant une longue inspiration était impossible, mais l’effort fait pour l’accomplir ne cau- sait jamais de toux. MUo W , bien qu’elle jouât encore des rôles très-forts, ne pouvait plus dire des phrases de chant de quelque éten- due, sans les couper par de fréquentes aspirations. Sa voix se fatiguait promptement et trahissait la faiblesse actuelle et maladive de ses moyens. A la fin d’une repré- sentation, Ml!e W était épuisée, à bout de forces, à cause des efforts qu’elle avait dû faire, et depuis longtemps elle devait s’interdire, dans les tons élevés, ces notes d’agrément qui donnaient autrefois beaucoup de charme à son chant. Les quatre ou cinq premiers Bains d’Air comprimé furent pris du 3 au 16 janvier, sans interrompre des représenta- tions promises. Ala dernière, Mlle W était accablée de fatigue et ne la terminait qu’avec les plus pénibles efforts. Dès-lors les bains furent pris avec régularité, aidés de beau- coup de repos, et ne tardèrent pas à montrer leur salutaire influence. La malade sentait diminuer chaque jour la gêne, le malaise indéfinissable qu’elle éprouvait dans la poitrine, et qui était un obstacle à son chant. Peu à peu ses forces relevées remontèrent le moral et rendirent la confiance dans l’avenir. Le 21 janvier, après dix-sept bains, l’expression du visage était toute changée : l’empreinte de la souffrance avait dis- paru ; un teint rosé remplaçait la pâleur ; la maigreur était bien diminuée. Dans toute l’étendue des deux côtés de la poitrine, ses parois se soulevaient et s’abaissaient d’une manière bien évidente à chaque inspiration ou expiration. Les grandes inspirations étaient devenues bien plus faciles et plus pro- fondes; la percussion était partout moins sonore. Dans le lobe supérieur de chaque poumon, le bruit de l’inspiration avait gagné de la force et de l’étendue ; celui de l’expiration était devenu facile à constater, bien qu’il fût encore faible et très-peu prolongé. A la partie moyenne et à la base des poumons, on com- mençait aussi à distinguer les bruits d’expansion vésicu- laire, mais bien faibles, et seulement quand la malade fur- çait et activait sa respiration. Après vingt-cinq bains, le 31 janvier, l’aspect général de la santé était meilleur ; toute crainte, toute inquiétude avait disparu ; au sentiment intime de l’augmentation des for- ces se joignait celui d’une liberté plus grande dans le jeu des organes de la respiration. Toute gêne de la poitrine avait cessé, et quelques essais de chants tentés sans accom- pagnement et très-courts furent assez heureux pour causer à la malade beaucoup de satisfaction. La conformation du thorax se rapprochait de plus en plus de l’état normal. A la base, sa circonférence avait tellement diminué, que des robes, naguère trop étroites pour être crochetées, étaient devenues trop larges, malgré le retour sensible de l’embonpoint. Les bruits respiratoires étaient rétablis à l’état normal dans tout le poumon gauche, et devenus plus intenses dans les lobes supérieur et moyen du poumon droit, tandis qu’à sa partie inférieure, ils ne commençaient encore qu’à s’entendre faiblement. Le 9 février, après trente-trois bains, les bruits respira- toires étaient à l’état normal dans toute l’étendue des deux poumons. Des essais de chant plus prolongés ne laissèrent rien à désirer. La voix avait retrouvé toute sa clarté, toute sa force; elle se prêtait à tous les exercices, à toutes les modulations, et se soutenait aussi bien que jamais. Dès ce moment la guérison était complète. Pour la con- solider, Mlle W porta à quarante-et-un le nombre des Bains d’Air comprimé qu’elle prit, et pendant qu’elle les terminait, elle joua de nouveau sur notre scène le Prophète et la Favorite. Non-seulement elle n’en ressentit aucune fatigue, mais à la fin de chaque représentation, elle était elle-même très- surprise de la facilité avec laquelle sa voix Se produisait. C’était sans le moindre effort, sans la moindre oppression ; aussi se sentait-elle capable de chanter plus longuement encore. D’un bout à l’autre de la partition, sa voix, toujours aussi large, aussi belle, aussi vibrante que jamais, surtout dans les tons graves, ne laissait rien à désirer, et, soutenue par un admirable talent de tragédienne, lui valait de vrais succès d’enthousiasme. Après ces épreuves, l’examen de la poitrine me prouva que les bruits respiratoires s’étaient maintenus dans leur état normal, que les parois thoraciques conservaient leur jeu naturel, et leur circonférence, mesurée à leur base au-dessous des seins, donna, sur la mesure qui avait été prise au début du traitement, une diminution de douze centimètres. Cependant l’embonpoint avait très-sensible- ment augmenté. En quittant Montpellier, Ml]e W alla donner quelques représentations à Marseille, puis à Bordeaux ; les brillants succès qu’elle obtint dans ces deux villes, et immédiate- ment après son retour à Paris dans la création du rôle d’ironne, ne laissèrent aucun doute sur la solidité d’une gué- rison qui depuis lors ne s’est pas un seul instant démentie, et permet encore aujourd’hui (1868) à Mllc W de par- courir sa brillante carrière. Observation X (3). Emphysème et Asthme M. 5..., âgé de 35 ans, avait eu plusieurs membres de sa famille atteints d’asthme, entre autres son grand-père et son frère. Il y a dix ans, après une bronchite très-violente, il fut pris d’accès de suffocation très-pénibles qui se comportaient de la façon suivante ; pendant 7 ou 8 nuits de suite, il était en proie à des attaques d’étouffements qui ne lui permet- taient pas de rester au lit. Il était forcé de se tenir assis pendant toute la durée de l’accès, qui se terminait par une abondante expectoration. Entre le retour de chaque accès, le malade jouissait de 6 à 7 jours de répit. Toutes les médica- tions furent employées sans aboutir ; au contraire, les efforts de toux produisirent de l’emphysème. M. 5.,, ne pouvait alors ni se moucher, encore moins monter les escaliers, sans éprouver de l’oppression. L’état général s’était profon- dément débilité. M. 5... était anémié. La voix était altérée et il ne pouvait soutenir une longue conversation, M. le docteur Thierry-Mieg fut témoin d’un accès qui était survenu Je matin ; il fit aussitôt transporter le malade à l’établisse- ment d’aérotbérapie de M. Picquecbef. Dès les premières séances, le malade éprouva de l’amélioration, les accès étaient moins fréquents, moins violents. Depuis, l’améliora- tion n’a fait qu’augmenter. Actuellement, après 58 bains, le malade peut marcher sans éprouver de fatigues, les forces sont revenues ; la voix est claire, et l’exercice de la parole, prolongé pendant trois heures, n’a causé aucune gêne à M. 5... Les accès sont devenus de plus en plus rares; depuis un mois, il ne s’en est produit aucun. M. -5.... est très-satisfait de son état. (3) Franchet ; Thèse inaugurale. COQUELUCHE. Le Bain d’Air comprimé a été moins ancienne- ment et moins généralement employé dans la coqueluche que dans l’asthme et l’emphysème. Sandhal est, avec Berlin, un des premiers qui aient appliqué le bain d’air au traitement de cette affection, et il a obtenu des résultats qui méritent d’être signalés. De 1861 à 1862, il traita, dans son établissement «de Stockholm, 16 malades atteints de coqueluche : 13 furent complètement guéris après 20 à 25 bains. En 1863, il en soigna 19 : 16 guérirent après 25 ou 30 bains. En 1864, sur 34 malades, 29 furent guéris après un nombre égal de séances. Voilà donc 69 malades atteints de coque- luche, maladie qui dure de trois à six mois, dont 58, soit 84 p. 100, ont été guéris au bout de trois ou quatre semaines. C’est là assurément un résultat très-remarquable, et tel qu’aucun des nombreux traitements dirigés contre la coqueluche n’en a fourni jusqu’ici. Depuis cette époque, le Bain d’Air comprimé a été régulièrement employé dans la coqueluche, et on ne compte plus les succès obtenus par ce mode de traitement. M, Moutard-Martin nous a dit avoir guéri en quelques séances le fils d’une des illustrations médicales de ce siècle. Noms avons eu l’occasion de traiter par le bain d’air un certain nombre de malades atteints de coqueluche , et chaque fois nous avons obtenu d’excellents résultats. Dès les premières séances, les quintes deviennent moins fréquentes et moins fortes ; la toux perd peu à peu ce caractère spasmodique et asphyxique qui fatigue tant les coquelucheux ; et surtout l’oppression qui accom- pagne presque toujours les attaques ne tarde pas à disparaître. En môme temps les malades , trop souvent épuisés par la toux et par les vomisse- ments provoqués par les quintes, recouvrent promptement les forces et.la vigueur nécessaires pour lutter victorieusement contre les influences débilitantes de la maladie. Dans la pathogénie de la coqueluche, deux élé- ments principaux entrent en jeu : l’élément nerveux et l’élément catarrhal. Contre le premier, le Bain d’Air comprimé ne peut rien directement, mais il combat d’une façon très-efficace ses désastreux effets, à savoir les menaces de suffocation et d’asphyxie. Le poumon recevant une plus grande quantité d’air sous le même volume, l’hématose est plus active et plus complète, et le sérum du sang emmagasine un excès d’oxygène en dissolu- tion qui devient fort utile pour atténuer les quintes à venir et obvier à l’oppression qu’elles produisent, tout en favorisant éminemment la nutrition dans leur intervalle. Contre l’élément catarrhal, le bain d’air intervient directement comme dans le ca- tarrhe de l’asthme, et comme dans la bronchite chronique. Pour peu que la maladie dure depuis un certain temps, elle détermine à la longue une véritable anémie par suite de l’insuffisance respiratoire et alimentaire ; le même traitement combat très-avanta- geusement cet état. PHTHISIE PULMONAIRE Cent, n’eurent aucune influence lâcheuse sur le gosier, tandis qu’autrefois une température moins basse suffisait pour augmenter la congestion, affaiblir la voix et l’enrouer; aussi la malade assurait-elle qu’elle avait la conscience que son gosier était plus fort, qu’il résistait davantage aux causes qui, naguère encore, l’impressionnaient si profon- dément et si vite. Les petites granulations avaient diminué de volume; elles étaient plus espacées entre elles. Le tren- tième bain avait de plus en plus consolidé tous ces bons résultats. Après quelques semaines de repos, pendant lesquelles tout le bien obtenu s’était soutenu sans altération, on eut encore recours à un certain nombre de bains. Leur résul- tat fortifia de plus en plus celui que l’on avait déjà acquis, et réduisit les petites granulations au point que les deux réunies eussent à peine égalé une tête d’épingle; elles ne faisaient plus de saillie à la surface de la membrane muqueuse. Depuis lors, la voix a conservé la force qu’elle avait acquise; quelques essais de chant permettaient de croire qu’il ne serait plus une cause de fatigue ; mais il parut prudent d’attendre encore, avant de s’y livrer, qu’un temps plus long eût rendu la guérison plus assurée. Du reste, elle ne s’est pas un instant démentie, et je pus me convaincre, peu de jours après la fin du traitement, que les deux petites granulations situées sur l’amygdale gauche avaient totalement disparu. Aucun autre moyen de traite- ment n’avait pu obtenir ce résultat, qui a été définitif. CATARRHE ET BRONCHITE CHRONIQUES Ce que nous venons de dire du Bain d’Air com- primé appliqué au traitement des phlegmasies chroniques de la muqueuse des fosses nasales et du larynx, simplifie beaucoup ce que nous avons à signaler sur ses effets dans le catarrhe pulmonaire et la bronchite chronique. En effet, dans les deux cas, le mode d’action du bain d’air est absolu- ment identique : c’est d’abord une action astrin- gente locale, combattant directement la conges- tion et l’inflammation de la muqueuse et les hypersécrétions qui en sont la conséquence, ensuite une action antiphlogistique indirecte, par suite de l’appel plus considérable du sang veineux dans les gros vaisseaux de l’abdomen et du thorax, appel dont nous avons, plus haut, expliqué le mé- canisme; cette action est loin d’être à dédaigner dans les cas assez fréquents où le dégorgement des troncs veineux est entravé au point que la face en est cyanosée, et les veines du cou gon- flées et tendues. C’est enfin une action générale de restauration de l’organisme et d'augmentation des forces. Ajoutons-y l’agrandissement du champ res- piratoire, quelquefois notablement réduit dans le catarrhe pulmonaire. Seulement ici l’effet bienfaisant du traitement se fait plus promptement et plus vive- ment sentir, en raison même de l’importance des organes atteints et de la gravité des symptômes observés. Dans les affections précédentes, en effet, il n’y a pas de fonctions principales directement compromises ; le malade qui a un coryza chroni- que respire par la bouche, et il est rare qu’une inflammation catarrhale simple du larynx gêne considérablement la respiration. Il n’en est plus de même dans la bronchite chronique où, par suite de l’extension de la phlegmasie aux ramifi- cations capillaires, de l’épaississement et de la turgescence des parois bronchiques, du rétrécis- sement et de l’obstruction des bronches par les mucosités qu’elles renferment, la dypsnée est tou- jours plus ou moins forte, prenant parfois Je caractère de véritables attaques d’asthme et déter- minant une asphyxie lente, mais continue. Aussi, dès les premiers bains, et avant qu’au- cune modification n’ait eu le temps de se pro- duire dans l’état local des parties lésées, un mieux sensible se manifeste-t-il chez les malades, par le seul fait de l’introduction dans le poumon d’une plus grande quantité d’oxygène, et partant d’une hématose plus parfaite. Ce mieux, qui se traduit par un bien-être et un sentiment de vigueur inac- coutumés, est d’autant plus appréciable que presque toujours, pour peu qu’elle dure depuis un certain temps, la bronchite s’accompagne d’un emphy- sème pulmonaire plus ou moins étendu, qui, par ses effets propres, ne contribue pas médiocre- ment à aggraver la situation. La respiration devient de jour en jour moins courte, moins fré- quente, moins pénible. Le thorax, dont la partie supérieure est souvent immobilisée en état d’ins- piration, recouvre la liberté de ses mouvements, et on peut constater l’augmentation ou le retour du murmure vésiculaire dans les points où il était affaibli ou éteint. Les symptômes de congestion et d’engouement pulmonaires se dissipent ordi- nairement assez vite, grâce à l’effet direct de la compression et à une plus grande liberté circu- latoire, comme l’attestent le rétablissement normal de la sonorité et la coloration moins vive des pommettes. En même temps, la diminution ou la disparition de la toux et de l’expectoration indique l’amélioration qui survient du côté de la muqueuse, et qui consiste dans la régression graduelle du processus inflammatoire et dans un accroissement de vitalité, sous la double influence de l’action tonique locale de l’air comprimé et de l’activité nutritive plus grande apportée à tout l’organisme. Cette dernière condition est d’une haute impor- tance dans une affection où trop souvent la plu- part des moyens qu’on emploie émollients, révulsifs, évacuants, n’ont qu’un effet débili- tant, et où, dans tous les cas, l’économie est tou- jours plus ou moins affaiblie, la nutrition plus ou moins languissante, par suite de l’insuffisance croissante de l’hématose. Un fait qu’il ne faut pas perdre de vue dans le traitement des catarrhes et bronchites chroni- ques par le Bain d’Air comprimé, c’est que, là où le mal est profond et invétéré, le remède n’agit pas tout d’un coup et doit, sous peine de rester inefficace, être pris pendant un espace de temps en rapport avec fâge du sujet et l’ancienneté de la maladie. Observation XX Bronchite chronique. Engorgement pulmonaire. M. K..., âgé de 55 ans, d’un tempérament nervoso-san- guin, est atteint, depuis longtemps déjà, d’une bronchite qui ne lui laisse un peu de répit que pendant la belle saison ; et encore, même à cette époque, s’il tousse et crache moins, l’oppression ne diminue guère. Il a fait l’année dernière, au Mont-Dore, une cure qui lui procura un soulagement sensible, mais malheureusement passager. Aussi, malgré la vigueur de sa constitution, l’opiniâtreté du mal a porté à sa santé une rude atteinte, que n’ont point atténuée la multiplicité et la diversité des traitements auxquels il a eu recours. Au mois d’octobre 1875, il vient, sur l’avis de son médecin, essayer des Bains d’Air comprimé. M. K.... est maigre et très-affaibli ; la figure est fortement congestionnée ; l’œil injecté et les lèvres légèrement cyano- sées dénotent une gêne permanente de la circulation; la respiration est fréquente et difficile, au point que le malade est obligé de faire des efforts pour arriver à renouveler l’air dans ses poumons; cette dyspnée habituelle s’accroît à la suite de la moindre fatigue, ;d’un abaissement de température ou d’un oubli hygiénique quelconque. La toux est pénible et fatigante; elle se produit ordinairement par quintes se terminant par l’expuition de crachats visqueux muco-purulents ; l’expectoration est plus abondante le matin. Les nuits sont généralement mauvaises, à cause de l’oppression qui force quelquefois M. K.... à se lever, et à demeurer dans la position assise. A l’auscultation, on per- çoit des râles sibilants et des râles sous-crépitants dans presque toute l’étendue des deux poumons; le murmure respiratoire est affaibli, sans que cependant l’emphysème soit très-marqué. Submatité à la base ; retentissement exagéré des bruits du cœur des deux côtés de la poitrine ; 92 pulsations. Pendant le premier bain où la pression fut portée à 30 centimètres, M. K.... éprouva d’assez vives douleurs d’oreilles, surtout à la fin; mais il respira avec beaucoup de facilité et jouit d’un grand calme durant toute la séance. Les douleurs d’oreilles disparurent au bout de cinq ou six bains, et on constatait déjà à ce moment une amélioration sensible qui se prononça chaque jour davan- tage. Dès le dixième bain, les forces s’étaient accrues, l’oppression était moins accablante ; les nuits étaient meil- leures et la respiration moins anxieuse et plus pleine. Pas de changement notable dans la toux et dans l’expecto- ration ; disparition des signes de congestion pulmonaire ; pouls à 80. Après 20 bains, le mieux est général et très- accentué : le visage est moins cyanosé; la respiration est beaucoup moins fréquente et plus profonde, grâce à l’aug- mentation de la capacité pulmonaire et de l’amplitude des mouvements thoraciques ; le malade a repris de la vigueur et de l’embonpoint. Il existe encore de la toux, mais elle se répète moins souvent et avec moins d’intensité; l’expecto- ration aussi a diminué, quoiqu’il y ait encore, le matin au réveil, une émission assez considérable de crachats noi- râtres nageant dans un liquide spumeux. Les râles ont presque disparu, le murmure respiratoire se fait mieux entendre partout. La marche, l’ascension même, ne déter- minent plus ni essouflement, ni oppression; et la nuit, M. K..., peut prendre dans son lit la position qu’il veut, sans craindre d’étouffements ; il n’oublie plus de respirer, comme il dit. Le pouls bat 75 à 80 fois par minute. Après le vingt-huitième bain, une légère atteinte de bronchite aiguë se manifesta, à la suite d’un refroidis- Sement subit. Un vomitif fut pris et les bains interrompus pendant deux jours. Malgré cela, l’amélioration acquise persista. La cure compte cinquante bains, après lesquels tous les symptômes et tous les signes de congestion et d’inflam- mation des bronches avaient disparu ; plus de râles, plus de toux; encore un peu d’expectoration le matin, mais sans toux ni oppression. M. K.... peut dès-lors aller et venir sans se fatiguer ni manquer d’haleine plus que le premier venu. La coloration de la figure est normale; l’aspect général est celui de la santé parfaite. La guérison est com- plète, en un mot, et elle s’est maintenue. Observation XXI (1) Catarrhe pulmonaire chronique. Mmo G...., de Brème, âgée de 56 ans, d’un tempéra- ment lymphatique nerveux, d’une bonne constitution, ayant toujours joui d’une bonne santé et mère de huit enfants, avait cessé d’être réglée dans le courant de 1860, Vers la même époque, elle fut atteinte d’un rhume qui offrit quelque gravité. D’autres atteintes suivirent, se rap- prochant de plus en plus, se montrant toujours plus fâ- cheuses; et tandis que, dans le principe, elles parais- saient se dissiper complètement, elles laissèrent bientôt après elles un peu d’oppression, de la toux, dont les quintes éloignées n’amenaient que peu d’expectoration. Aux moyens variés qu’on emploie d’ordinaire contre de semblables états, on joignit l’usage des eaux sulfureuses, des eaux d’Ems, de l’huile de foie de morue, etc. etc., sans empêcher le mal d’arriver, par une marche pro- gressive, à ne plus laisser aucun intervalle de calme et de (1) Bénin : loc. cit. repos. Ce n’était plus que dans l’usage des aspirations de chloroforme ou de la fumée de papier nitré, que Mmo G... trouvait un peu de soulagement passager. Ce fut alors qu’elle se décida à venir essayer l’emploi du Bain d’Air comprimé, à Montpellier, où elle arriva le 27 octobre 1862, dans l’état suivant : L’amaigrissement général était extrême ; les traits expri- maient un état habituel de souffrance, la pâleur du visage faisait mieux ressortir la coloration prononcée des pom- mettes, qui offraient cette teinte rouge vineuse ou bleuâtre des vieux asthmatiques. La respiration, courte, fatigante, accompagnée d’un sen- timent très-pénible d’oppression, rendait la marche diffi- cile à supporter ; elle aggravait la gêne de la respiration, surtout quand il s’agissait de monter un escalier. Le décu- bitus horizontal était tout-à-fait impossible. Malgré la maigreur de la malade, les espaces intercos- taux étaient peu prononcés, les parois de la poitrine offraient à droite, dans la partie supérieure, une voussure très-prononcée, et dans toute leur étendue, si ce n’est à la partie tout-à-fait intérieure, elles restaient immobiles pen- dant l’inspiration, qui soulevait au contraire beaucoup la région épigastrique. La respiration était courte, fréquente, et l’oppression continuelle. La sonorité de la poitrine, généralement exagérée, l’était surtout à droite, depuis la clavicule jusqu’à la nais- sance du sein. Cette exagération était moins prononcée dans tout le côté gauche. Les bruits respiratoires n’étaient nullement appréciables à l’auscultation, dans tout le tiers supérieur du poumon droit; dans tout le reste de son étendue, ils ne formaient plus qu’un bruit faible, continu, et dans lequel aucun intervalle de silence ne faisait distinguer l’inspiration de l’expiration. Dans la partie inférieure surtout, il existait des râles muqueux graves et à bulles nombreuses. Dans le poumon gauche, l’auscultation constatait des râles sibilants aigus qui masquaient complètement le mur- mure vésiculaire. La toux était fréquente; elle déterminait l’expectora- tion d’une matière dont l’aspect variait suivant que l’état de la malade offrait des symptômes d’une exacerbation nouvelle ou revenait à son état habituel. Dans le premier cas, on voyait de nombreuses bulles d’air s’ajouter aux mucosités qui entouraient la matière mucoso-purulente des crachats ordinaires de la malade, qui dans tous les temps les rejetait en très-grande abondance. Le pouls était petit et fréquent, les fonctions digestives languissantes, et la faiblesse générale très-prononcée inter- disait, autant que l’oppression, tout exercice un peu sou- tenu. Mme G..; commença l’usage des Bains d’Air comprimé le 27 octobre 1862, en abandonnant tout autre moyen de traitement. Elle les supporta sans aucune sensation pénible, et leurs effets se prononcèrent rapidement. Après le deuxième, la toux et l’expectoration avaient déjà beaucoup diminué; cette dernière conservait encore son caractère mucoso-purulent. Dans le poumon droit et même dans ses régions supé- rieures, les bruits respiratoires avaient pris plus de force, ils étaient distincts l’un de l’autre. lis s’accompagnaient encore de râles muqueux abondants, de quelques traits de râle sibilant. Dans le poumon gauche, les râles sibilants, devenus moins nombreux, laissaient distinguer les bruits respira- toires, qu’aucun intervalle ne séparait encore l’un de l’autre : c’était toujours un bruit continu. Le teint du visage était devenu plus naturel, l’injec- tion des pommettes était moins prononcée. Les urines étaient plus abondantes. Le pouls restait encore petit et fréquent, mais l’appétit était devenu meilleur, et les forces s’étaient sensiblement accrues; cependant la malade ne pouvait pas se permettre plus d’exercice, à cause de l’augmentation qu’il amenait dans la difficulté de respirer. L’amélioration générale était pourtant assez prononcée pour que Mmo G..., ordinairement très-impressionnée par les moindres variations atmosphériques, quelques précau- tions qu’elle prît contre leur influence, pût supporter, sans voir augmenter son oppression habituelle et sa toux, quel- ques journées marquées par des vents d’une violence extrême et des pluies d’une telle abondance, qu’ils consti- tuèrent dans le mois de novembre une trombe désastreuse, un long ouragan. Le 7 décembre, après trente-trois bains, Mme G.., encore sujette à voir son oppression, sa toux et l’expectoration qui l’accompagnait, s’augmenter pour peu qu’elle restât expo- sée à se refroidir, observait cependant avec satisfaction que le plus souvent, quand une cause quelconque aggravait l’oppression, celle-ci n’avait plus la même intensité et se calmait plus vite, plus facilement. En général, la toux et l’expectoration étaient aussi diminuées, et à diverses reprises, elles avaient complètement manqué pendant plu- sieurs nuits successives, permettant ainsi un sommeil réparateur. Le côté droit du thorax, dans sa partie supérieure, n’était plus aussi bombé ; toutes ses parois se soulevaient, faible- ment encore, mais d’une manière très-sensible, douce, égale pendant l’inspiration, tandis qu’alors les mouvements de l’épigastre étaient moins étendus. Dans le poumon droit, les deux bruits respiratoires s’en- tendaient distincts l’un de l’autre, l’inspiration assez pro- longée avait quelque chose de sec ; le second, beaucoup plus court et plus faible, semblait produit par l’affaisse- ment rapide du poumon sur lui-même. Dans le poumon gauche, les deux bruits de la respiration se rapprochaient davantage de l’état normal. Les râles sibilants avaient à peu près cessé partout ; on entendait encore quelques bulles de râle muqueux. Le pouls était devenu plus large, plus fort, il était sans fréquence. Les Bains d’Air comprimé furent continués jusqu’à la fin du mois de mars, en mettant parfois de l’un à l’autre d’as- sez longs intervalles. L’amélioration, qu’ils accrurent de plus en plus, se trou- vait parfois enrayée par une augmentation de la toux et de l’expectoration, qui survenaient encore facilement quand Mme G... s’exposait àse refroidir. Mais elle remarquait que ces rhumes passagers étaient toujours très-courts et ac- compagnés de peu de toux, de peu d’expectoration, tandis qu’autrefois ils eussent constitué des accès toujours très- fatigants, En général, pendant tous ces derniers temps, Mme G... avait eu beaucoup de calme; elle avait pu se per- mettre de l’exercice sans se voir arrêtée par le retour subit de l’oppression. Celle-ci revenait encore le soir, mais seulement après le repas, la digestion s’accompagnant en général de la production de flatulences stomacales qui, dissipées par quelques éructations, rendaient aussitôt à la respiration toute sa liberté. Malgré cet inconvénient très- passager, l’appétit se soutenait, les digestions étaient bonnes, et les forces s’accroissaient de jour en jour. Les bains d’air furent abandonnés après le soixante-et- dix-huitième. Mmo G..., voyant s’approcher l’époque de son retour à Brème, désirait ne pas s’y rendre directement, et pour ménager la transition de notre climat à celui du nord de l’Europe, elle devait aller passer quelques semaines en Suisse, à Vevey. A son départ, le teint et les pommettes avaient repris une coloration de bonne santé, ses traits n’offraient plus de traces de souffrance. La respiration, devenue plus longue et moins fréquente, supportait beaucoup mieux la marche, qu’il fallait pourtant modérer ; elle permettait un décubitus horizontal pendant toute la nuit. Le thorax avait repris sa forme et sa mobilité naturelles ; sa sonorité n’offrait un peu d’exagération qu’à cause d’une maigreur assez prononcée. Dans les deux poumons, les deux bruits de la respiration, partout également distincts l’un de l’autre, avaient retrouvé leur douceur normale, et n’offraient plus que çà et là, et à de longs intervalles, quelques traits de râle sibilant. La toux et l’expectoration étaient à peu près nulles ; le pouls avait pris de la force, il était sans fréquence, très-régulier. L’ap- pétit soutenu et de bonnes digestions relevèrent de plus en plus les forces générales. On pouvait considérer cet état comme une guérison définitive et susceptible de se consolider de plus en plus, si la malade conservait encore quelques précautions hygiéniques. En 1864, je reçus de Mmc C... elle-même une lettre qui me confirmait la durée de sa bonne santé, malgré qu’elle eût eu à supporter, durant les deux années qui venaient de s’écouler, de grandes fatigues, de bien cruelles émotions, les unes et les autres causées par la perte d’un de ses fils enlevé par une longue maladie. Observation XXII (2) Hémoptysie; engorgement considérable chronique du poumon gauche. M. P , âgé de 27 ans, d’un tempérament bilieux, d’une bonne constitution, agriculteur, et prenant lui-même une (2) Berlin ; loc. cil. part active aux travaux d’exploitation de ses biens, avait toujours joui d’une bonne santé jusqu’à l’automne de 1860. Au mois d’octobre de cette année, il fut obligé, pendant une nuit assez froide, de passer à pied un cours d’eau dont la température était très-fraîche, et garda pendant long- temps sur ses jambes ses vêtements mouillés. Depuis lors, une transpiration abondante et habituelle des pieds fut complètement supprimée, une grande disposition au refroi- dissement des mêmes parties la remplaça, et en même temps survint une gêne constante de la respiration, accom- pagnée d’une toux fréquente et sèche. Bien que la fièvre accompagnât parfois cette perturbation de la santé de M. P..., il ne tint aucun compte de son état de souffrance, et continua pendant tout l’hiver ses travaux do chaque jour, souvent assez fatigants. Au mois d’avril 1861, occupé depuis plusieurs jours à soulever avec effort de pesants fardeaux, M. P fut pris tout-à-coup, sans aucune souffrance nouvelle, d’une hé- moptysie qui s’aggrava au point que pendant plusieurs jours il rejeta, chaque vingt-quatre heures, plus d’un grand verre d’un sang vermeil et mêlé de beaucoup d’air. Après différents moyens mis en usage, sans retrouver sa santé de plus en plus altérée, M. P vint réclamer mes soins. Il était dans l’état suivant : Maigreur générale, qui s’était surtout prononcée dans les derniers mois qui venaient de s’écouler; décoloration gé- nérale de la peau, pâleur terreuse de la figure. La respiration, courte et fréquente, se liait à un état constant de pénible oppression, et soulevait le côté droit du thorax bien plus largement que le gauche. Les dépres- sions intercostales étaient profondément marquées, sans que d’aucun côté la forme de la poitrine fût altérée. Le moindre exercice aggravait promptement l’oppression ; une longue inspiration était impossible, elle provoquait la toux avant d’être terminée. Le décubitus était impossible sur le dos et sur le côté droit ; les forces générales étaient diminuées à tel point que M, P ne pouvait rester debout pendant quelques minutes. La percussion donnait dans toute l’étendue du côté droit du thorax une résonnance normale, et l’auscultation y signalait des bruits respiratoires offrant évidemment un caractère supplémentaire et sans aucun mélange de râle. Le côté gauche, dans toute la région sous-mammaire et dans la moitié inférieure de la région latérale, offrait une matité absolue. Dans tout le reste de son étendue, la so- norité naturelle était sensiblement affaiblie. A l’auscultation, les bruits respiratoires manquaient complètement dans les parties où se trouvait la matité; partout ailleurs, dans ce côté de la poitrine, un râle sous- crépitant accompagnait des bruits respiratoires affaiblis. Il n’existait point de pectoriloquie. Une toux fréquente, fatigante, douloureuse, amenait assez aisément des crachats formés d’une matière épaisse, glo- buleuse, d’un blanc jaunâtre sale, gagnant en grande partie le fond de l’eau. Le pouls régulier était peu développé ; sa fréquence s’éle- vait à 96 pulsations par minute, avec exacerbation fébrile tous les soirs, suivie de sueurs abondantes se montrant principalement sur le tronc. Le 27 juillet 1862, M. P prit un premier Bain d’air comprimé. A cause des graves hémoptysies qui avaient eu lieu, les transitions furent très-ménagées : quarante mi- nutes furent consacrées à élever la pression jusqu’à 32 cen- timètres au-dessus de celle de l’atmosphère ; elle fut soute- nue pendant quarante minutes seulement, et une durée semblable fut affectée à redescendre à la pression ordinaire. Après le cinquième bain, M. P respirait déjà plus li- brement; il ne sentait plus, disait-il, le voile qui ordinai- rement semblait s’opposer à l’arrivée de Pair dans la poi- trine. La respiration était plus longue, le décubitus était plus facile à droite; une longue conversation était mieux sup- portée; la marche causait moins d’oppression. La toux était plus rare, et ses quintes moins longues amenaient toujours une expectoration de même nature, mais moins abondante. Les exacerbations fébriles du soir avaient diminué d’in- tensité et de durée; elles n’étaient plus qu’une légère aug- mentation de chaleur, se terminant sans sueur. L’appétit se prononçait davantage. Le septième bain avait rendu l’amélioration générale et locale encore plus prononcée. Le teint reprenait de plus en plus un coloris naturel, tandis que s’effaçait l’impression de souffrance dont les traits du malade étaient empreints. Une longue inspiration devenait facile, l’oppression habituelle avait presque entiè- rement disparu, et se réveillait bien moins vite par l’exer- cice. La toux avait beaucoup diminué, l’expectoration était presque nulle. La matité des parties inférieures du pou- mon gauche se dissipait chaque jour davantage, en laissant l’auscultation percevoir un faible bruit de la respiration, quand le malade l’activait et la forçait. Les râles sous - crépitants des parties supérieures du poumon gauche avait disparu ; ils se retrouvaient dans les parties inférieures, dont la matité s’éclaircissait. Le pouls avait pris de la force, de l’ampleur, mais il était encore le matin, avant le lever du malade, à 84 pulsations par minute. Après le dixième bain, l’appétit s’était fortement aug- menté. Un repas trop copieux avait, deux jours auparavant, causé une indigestion pendant laquelle les vomissements entraînèrent, après le débris des aliments, une grande quantité de matières glaireuses. Cet accident ne troubla nullement la marche vers la guérison. Avec le sentiment d’une bien plus grande liberté de sa respiration, le malade éprouvait fréquemment le besoin de bâiller, et pouvait alors exécuter facilement de très-longues inspirations. Depuis plusieurs jours la sueur des pieds s’était complè- tement rétablie, aussi abondante, aussi soutenue qu’au- trefbis. 22 août, vingt-deux bains. Les forces générales, s’aug- mentant chaque jour, permettaient maintenant sans fatigue une station prolongée, un exercice plus soutenu et qui ne provoquait plus l’oppresssion. Le décubitus était supporté en tout sens. Fréquent besoin d’inspirer longuement et de bâiller. La toux, nulle la nuit et le matin, survenait très-rare- ment dans le jour; le peu d’expectoration qu’elle amenait encore n’était plus que de la salive au milieu de laquelle on retrouvait quelques petits restes de matière blanchâtre très-peu consistante. La sonorité était presque normale dans les parties infé- rieure, antérieure et latérales du poumon gauche ; elle avait aussi pris plus de force et d’intensité dans les parties su- périeures de ce poumon, où elle égalait presque en force les bruits respiratoires de droite, dont l’intensité supplé- mentaire avait bien diminué. A gauche, à la base du pou- mon, existaient encore quelques râles sous-crépitants. Le 41 septembre, après le quarantième bain, la pâleur du visage avait disparu, les traits ne portaient plus l’em- preinte de la souffrance, et la santé, dont ils indiquaient au contraire le retour, était confirmée par un accroissement considérable de l’embonpoint, par la bonne coloration de toute la surface cutanée. L’augmentation des forces générales permettait de lon- gues promenades sans fatigue ; la respiration était devenue déjà plus longue, plus facile, et toute oppression avait cessé; les parois du thorax se dilataient également des deux côtés pendant l’inspiration ; le décubitus était facile dans tous les sens ; depuis longtemps les sueurs nocturnes avaient cessé, celle des pieds persistait. Dans le poumon gauche, la sonorité était rétablie, ainsi que les bruits de la respiration ; ils étaient encore un peu faibles, mais doux, humides, bien distincts; on trouvait parfois çà et là, dans les parties inférieures de cet organe, quelques bulles isolées de râle sous-crépitant, mais leur présence n’était pas constante, et les bruits vésiculaires en étaient exempts le plus souvent. Des journées entières se passaient sans toux ; d’autres fois, quelques petites secousses amenaient autant de cra- chats, très-peu volumineux, n’offrant plus, au milieu de salive ordinaire, qu’un très-petit reste d’une matière plus épaisse, blanche, restant toute entière à la surface de l’eau. Le pouls avait pris de la force, de la plénitude, et retrouvé sa fréquence normale; les forces générales, en aussi bon état que jamais, donnaient à M. P... une entière confiance dans son rétablissement, et le traitement fut interrompu. Quelques bains de plus eussent sans doute donné plus de certitude à tous les signes du retour d’une bonne santé ; mais M. P... était depuis longtemps éloigné de ses affaires, il y retourna, et supporta très-bien sans rechute toute la fatigue qu’elles lui causaient. Observation XXIII (1). Bronchorrée compliquée d’emphysème M. G , médecin-major au 15e régiment de ligne, est âgé de 55 ans : taille moyenne, tempérament nerveux. Comme antécédents, il présente une sciatique bien guérie, et quelques douleurs rhumatismales dans les reins., les épaules et les viscères. (1) Franche! : Loc. cit. Le 15 mars 1870, assistant au tir à la cible, il fut désa- gréablement impressionné par le froid et la fumée de la poudre qui lui irritait le larynx. Le lendemain, lassitude générale, voix grave et accès de toux qui persistèrent, surtout la nuit, jusqu’au 23 mars. Ce jour-là, à 5 heures du matin, après une quinte de toux, survint un accès d’asthme, accompagné d’angoisses terribles. Un piqueté brunâtre, signe de cyanose, se montra sur la partie gauche du front. Les nuits furent mauvaises jusqu’au 14 avril, où reparut un accès semblable au premier et provoqué par une pul- vérisation d’eau de Labassère. A la suite, application d’huile de croton depuis le cartilage thyroïde jusqu’au sternum, et chloral à l’intérieur. M. le Dr Moura consulté examine le larynx. Voici le résultat de cet examen: « Rien d’inquiétant du côté du larynx. L’épiglotte est seulement un peu relâchée; les cor- des vocales sont blanches ; les arythénoïde et articulations crico-arythénoïdiennes sont saines. C’est un état nerveux irrégulier, spasmoïde du laryngé inférieur et probablement du pneumogastrique, que la belladone modifiera. Belladone, bromure de potassium, le plus de distraction possible. » 18 avril. Depuis l’usage de la belladone, voix moins claire, enrouée; crachats épais; toux moins fréquente. Même situation jusqu’au 2 mai. 2 mai. M. Moura constate un peu de rougeur à la glotte. Il attribue la persistance de la toux à un point infé- rieur au larynx, à une irritation de la trachée dont les muco- sités remontent et viennent donner à l’orifice de la glotte la sensation de corps étranger et de matière à expectorer. Il prescrit : bromure de potassium pendant quatre semaines au moins, à la dose de 4 grammes par jour, la première semaine, de 2 grammes seulement, la seconde ; sulfate de quinine, 0 gr. 25; éviter les irritations du larynx, le froid et l’humidité. Par ce traitement, un peu d’amélioration ; mais faiblesse dans les membres inférieurs, due à l’usage du bromure de potassium. Le 10. —Nouvelle visite à M. Moura. Il ausculte, et pense qu’il n’y a point d’irritations dans les bronches du 3e ordre. L’inspiration est lente, et laisse percevoir au sommet un petit bruit attribué à des adhérences, suite de petites pleu- résies. Pas de phthisie, ni d’asthme. Larynx sain. Pharynx anémique. Continuer le bromure et le sulfate de quinine. Depuis cette visite, continuation de la toux, des crachats muco-purulents, de la sensation de corps étrangers à la glotte. Quelques frissons de temps en temps, un peu de fièvre la nuit, sentiment de sécheresse au pharynx. Grâce au bromure, sommeil plus profond et plus continu. 7 juin. Cautérisation du pharynx avec solution de ni- trate d’argent au 20e, par M. Moura. Larynx plus souple. Dès-lors une amélioration progressive se manifesta, les crachats et la toux diminuèrent, et M. C était guéri à l’époque de la guerre. Cette guérison ne se démentit pas pendant toute la durée de la campagne. (Siège de Metz, campagne de la Loire ) Après la campagne, survint de la diarrhée accompagnée d’une grande irritation nerveuse. Quelques jours après, la toux reparut presque aussi forte qu’auparavant. Sous l’influence d’un brusque abaissement de tempéra- ture, en décembre 1871, M. C contracta une bronchite, qui dura quinze jours, avec beaucoup de toux. On diagnos- tiqua tous les signes d’un emphysème siégeant au sommet antérieur du poumon gauche, et à la base du poumon droit et en arrière. L’ascension des escaliers occasionnait de l’oppression, suivie de quintes de toux et d’une expecto- ration visqueuse et aérée. Pendant le mois de janvier 1872, survinrent des accès de toux, durant quelquefois trois heures chacun, sous Fin- fluence de la plus légère cause irritante agissant sur le larynx. Peu d’amélioration jusqu’au mois d’avril suivant. A cette époque, M. Fauvel reconnut des granulations, une irritation du larynx, dont les cordes vocales étaient congestionnées, une irritation des bronches, sorte d’inflam- mation se promenant alternativement de haut en bas. Il y avait aussi congestion et granulations de toute la paroi pos- térieure du pharynx. Il prescrivit le bromure de potassium et, les eaux d’Amélie-les-Bains (mai-juin 1872). Malgré ce traitement, persistance de l’oppression, de l’insomnie et de l’expectoration. L’angine granuleuse disparut au mois de juillet, et l’affec- tion se concentra sur les bronches. M. Fauvel constata des râles muqueux, sibilants, même sous-crépitants, avec bron- corrhée, et l’emphysème déjà décrit. Un traitement par les alcalins et les résineux n’ayant pas amené d’amélioration, M. Fauvel conseilla les Bains d’Air comprimé, sous la direc- tion de M. Leval-Picquechef. Du mois de septembre 1872 au 12 janvier 1873, M. G... a pris 74 bains, qui ont amené les résultats suivants : L’oppression a disparu. Le nombre des inspirations est tombé de 26 à 16-18 par minute. Nuits excellentes, sans accès de toux. Bronchorrhée diminuée comme accès, comme durée; expuition facile de quelques mucosités blanches, épaisses, ou analogues à une forte solution de gomme. Au lieu des râles humides, sibilants ou sous-crépitants, on en- tend une respiration le plus souvent douce, égale, quelque- fois un peu rude au-dessous de l’angle inférieur de l’omo- plate. Les influences extérieures ont moins d’action sur la poitrine et le système nerveux. En un mot, tout fait espérer la disparition successive des symptômes bien amoindris de cette bronchorrhée compliquée d’emphysème. CHLOROSE, ANÉMIE Dans la chlorose et dans l’anémie, ou dans la chloro-anémie, car, au point de vue qui nous occupe, ces termes peuvent être considérés comme absolument synonymes, ainsi que tous ceux qui servent à désigner ces états caractérisés par une diminution quantitative ou qualitative du sang, la question dominante de la situation est toujours l’insuffisance d’oxygène, conséquence de l’altération numérique ou anatomique des globules rouges. Ce fait ressort à la fois et de l’étiologie, et de la symptomatologie, et de la thérapeutique de la maladie. En effet, parmi les causes de cette affection, il n’en est guère de plus fréquentes et de plus puis- santes que le manque d’air atmosphérique, ou, pour mieux dire, d’oxygène. C’est ainsi que, dans dans nos campagnes où l’air est abondant et pur, l’anémie est relativement rare, malgré une alimen- tation et une hygiène souvent défectueuses, tandis que, dans les grands centres de population, comme Paris, par exemple, où l’atmosphère con- tient toujours, en plus ou moins grande quantité, de l’acide carbonique et autres gaz délétères, la chloro-anémie est endémique, quoique générale- ment la nourriture y soit plus substantielle et l’hygiène mieux entendue que chez les habitants des campagnes. C’est ainsi encore que l’anémie est constante, par suite de l’encombrement, chez les gens obligés de vivre ordinairement dans un milieu à air confiné. L’anémie ou plutôt l’anoxy- hémie des altitudes, si souvent et si bien observée par le docteur Jourdanet sur les plateaux élevés du Mexique et de l’Amérique centrale ; celle des pays chauds, si fréquente en Egypte, dans l’ltalie méridionale, en Espagne, au Brésil, etc., proviennent également de la même origine, c’est-à-dire que, par suite de la dépression atmosphérique dans un cas, de la dilatation dans l’autre, l’air con- tient dans les deux moins d’oxygène sous le même volume. Il en est de même des anémies professionnelles des cuisiniers, des boulangers, des chauffeurs-mécaniciens, et des personnes vi- vant habituellement dans des lieux où existe une élévation exagérée de température. La plu- part des anémies toxiques elles-mêmes n’exer- cent leur pernicieuse influence que parce que les gaz, plus ou moins délétères, qui leur donnent naissance, prennent la place de l’oxygène dans sa combinaison avec les globules. L’insuffisance de l’oxygénation n’est pas moins manifeste dans la pathogénie des anémies qui surviennent à la suite des affections chroniques des organes respiratoires et des maladies du cœur : dans ces dernières, ainsi que dans l’asthme, l’emphysème, la phthisie, la bronchite chronique, le sang est de moins en moins oxygéné, attendu que, d’une part, grâce à la gêne croissante de la circulation pulmonaire et générale, le nombre des globules rais chaque fois en présence de l’oxygène tend sans cesse à diminuer, pendant que d’autre part, par suite de la diminution graduelle de la surface respiratoire, une moins grande quantité d’oxygène pénètre dans le poumon à chaque inspiration, et, par suite de la perte de l’élasticité des vésicules, un plus petit volume d’acide carbonique en sort à chaque inspiration. Aussi, dans ces cas, l’action du Bain d’Air comprimé est-elle doublement bienfaisante. Les principaux symptômes qu’on observe dans la chloro-anémie témoignent également de la pau- vreté du sang en oxygène. La faiblesse et l’ano- rexie, quelquefois si prononcées chez les anémi- ques, sont le résultat d’une nutrition incomplète par défaut de l’élément comburant; la pâleur et la décoloration de la peau et des muqueuses tiennent à la diminution de la masse sanguine, il est vrai, mais aussi et surtout à la réduction du pouvoir colorant du sang. Or c’est l’oxygène qui, par sa combinaison avec l’hémoglobine, lui communique la couleur rouge clair qui domine dans le sang artériel. La dyspnée et les palpitations sont des symptômes les plus habituels de la chloro-anémie : ces deux phénomènes reconnaissent pour cause le défaut d’oxygène. Voici ce que dit àce sujet M. le professeur Sée ; ce Ces dyspnées, qui consti- tuent le signe le plus caractéristique et le plus constant de l’anémie, ne reconnaissent d’autre cause que la diminution des globules, c’est-à-dire des éléments chargés d’absorber l’oxygène et d’é- liminer l’acide carbonique; les capillaires du pou- mon ne pouvant plus mettre assez de globules en contact avec l’air extérieur, l’absorption d’oxy- gène diminue; c’est le déficit d’oxygène, bien plutôt que l’excès d’acide carbonique, qui produit la dyspnée ; car le sang n’offre pas le caractère veineux, et la coloration des téguments ne pré- sente pas de traces de lividité. Ce qui achève de troubler la respiration, c’est que son foyer central ou médullaire, étant privé de sang, et par conséquent d’oygène, devient le siège d’une véritable excitation ; de là, la fréquence des respirations qui deviennent plus pénibles, sans gagner en ampleur (1). » Et à propos des palpi- tations et de la faiblesse permanente de l’action cardiaque : « Lorsque le cœur et surtout les artères coronaires reçoivent une quantité moindre de sang, le muscle cardiaque ne tarde pas à per- dre de son énergie, car il se trouve ainsi partiel- lement privé des globules qui lui portent l’oxygène nécessaire aux échanges gazeux, condition fonda- mentale du fonctionnement des muscles ; la pres- sion artérielle diminue; le pouls devient large et mou « Thiry a démontré qu’une désoxygénation subite produit une excitation du bulbe, c’est-à-dire du nerf vague, et, par conséquent, la syncope, tandis qu’un déficit progressif, continu d’oxygène, détermine finalement l’énervation des ganglions bulbaires ; c’est ainsi que je m’explique comment la syncope est un phénomène initial des hémor- rhagies et est plus rare dans les anémies ; comment, (1) G. Sée : Du Sang et des Anémies. Paris, 1866. au contraire, les palpitations, impossibles pendant l’écoulement du sang, sont l’apanage des anémies ou chloroses confirmées, dont l’altération domi- nante est la diminution des globules qui sont les vrais organes oxygénifères (2). » Tout le monde sait combien sont fréquentes les anesthésies et les douleurs anémiques ; ces symp- tômes sont encore, selon M. Sée, sous la dépen- dance de la désoxygénation du sang : « La présence du sang ne suffit pas, dit-il, pour faire vivre les tissus ; il faut que les éléments nutritifs du sang, et surtout l’oxygène, soient constamment renouvelés ; les nerfs plus encore que les muscles ont besoin de cette incessante rénovation. » Quant aux pré- tendues douleurs névralgiques, l’éminent profes- seur montre que ce sont bien plutôt des myosal- gies résultant sans doute de reflet chimique des produits de la fatigue, et de l’usure des muscles qui manquent de l’oxygène nécessaire pour brûler les matériaux de la combustion organique et réparer les pertes inséparables de leur fonctionnement normal, et même simplement du mouvement vital. M. le Dr Jourdanet a bien fait saisir l’analogie des symptômes de l’anoxyhémie et de la chloro- anémie dans le tableau suivant, que nous deman- dons la permission de reproduire : « Veuillez, dit- il, porter l’attention sur une chlorotique dans les moments d’un repos complet, lorsque ses pensées se concentrent sur un objet qui l’absorbe absolu- ment. Sa respiration est lente, entrecoupée de pauses et de repos suspirieux. Bientôt une gêne 2) Sce : Loc. cit. pénible de la respiration la distrait brusquement de son occupation favorite ; elle ouvre la bou- che , se redresse, remplit violemment sa poi- trine par une série d’inspirations forcées, et ne rentre dans son repos et son calme habituels que pour être rappelée encore à la même manœuvre par le sentiment de la même anxiété. Qu’elle se lève, qu’elle s’agite, à l’instant sa poitrine s’emplit, le cœur bat avec violence, la respiration s’accélère et devient haletante. On dirait, à la voir, un voya- geur gravissant des pentes escarpées, prêt à suc- comber, par le vertige, au manque d’air dont il est suffoqué. La comparaison est même à ce point justifiée, qu’une agitation physique considérable peut produire chez la chlorotique le vertige et la défaillance (1). » Il est impossible de mieux mettre en évidence la preuve du manque d’oxygène dans la chlorose et l’anémie. Une chose qui le prouve encore, c’est que les médications les plus efficaces dans ces affections sont celles qui ont pour effet d’accroître la pro- portion d’oxygène en dissolution et en combinaison dans le sang, soit indirectement, par l’augmen- tation des globules rouges, comme avec le fer, soit directement, par l’introduction dans le poumon d’une plus grande quantité d’oxygène, comme par l’exercice au grand air, le séjour à la campagne, au bord de la mer, etc. Or, le Bain iï Air comprimé peut prendre place au premier rang de ces médi- cations, puisqu’il possède par excellence la pro- (1) Jourdanet ; Influence do la pression de l’Air sur la vie de l'homme. Cli- mats d’altitude et climats de montagne. Paris, 1875. priété de faire pénétrer dans Je sang le plus d’oxygène possible sous le même volume, tout en conservant les proportions relatives des gaz qui constituent le mélange atmosphérique, ce qui est un des nombreux avantages qu’il présente sur les inhalations d’oxygène. Dans les anémies d’origine respiratoire, son action est pour ainsi dire spécifique. Il combat à la fois et directement les causes et les effets de la maladie : les causes, en fournissant sur-le-champ et en abondance l’oxygène qui manquait à l’ac- complissement de l’hématose, et, lorsqu’il existe des lésions des organes respiratoires, en augmen- tant l’étendue de la surface de la respiration et de la circulation pulmonaire; les effets, en rétablissant promptement la nutrition compromise par l’insuf- fisance de l’aliment le plus indispensable au jeu régulier et au fonctionnement normal des organes. Pendant le traitement, le nombre des hématies ne tarde pas à s’accroître sous l’influence d’une nu- trition plus régulière et plus complète, et même par le simple fait d’une meilleure oxygénation, l’oxygène contribuant dans une certaine mesure à la genèse des globules rouges, ainsi qu’il résulte des lignes suivantes, empruntées à l’ouvrage de M. le professeur G. Sée : ce Quand la transformation des leucocytes en globules rouges a lieu, une matière colorante, c’est- à-dire l’hématine, qui est une substance protéique ferrugineuse, se développe certainement aux dépens des autres matières protéiques, probablement sous l’influence de l’oxygène du sang, car on voit par- fois aussi la lymphe rougir sous l’influence de l’air. » Il est donc permis d’affirmer que le Bain cl’Air comprimé, associé au fer et à une médication analeptique appropriée, est un puissant agent de réparation et de formation des globules rouges, et qu’il est appelé à rendre de grands services dans tous les cas où ces éléments sont altérés dans leur constitution ou dans leur nombre. Les pertes subies par l’économie pour révolution et le fonctionnement des organes se réparent par l’alimentation et par l’oxygène qu’on respire. Que l’un ou l’autre de ces artisans de la rénovation organique vienne à manquer par quantité, par qua- lité ou par défaut d’utilisation, l’équilibre entre les déperditions fonctionnelles et les recettes nutritives est rompu au détriment de ces dernières; la chloro- anémie est constituée. Nous venons devoir que le Bain cl’Air comprimé est l’agent le plus propre à combler le déficit d’oxygène ; n’oublions pas qu’il contribue aussi d’une façon très-efficace à grossir le budget alimentaire de l’organisme, ou au moins qu’il permet à celui-ci de tirer le meilleur parti possible des fonds de restauration qui lui sont répartis, en consommant à son profit la totalité des substances histogéniques que lui fournit l’ali- mentation. Ce but est obtenu par la stimulation et l’activité indéniables que la médication pneumati- que apporte à toute la série des fonctions nutriti- ves, depuis l’appétit jusqu’aux combustions inti- mes des tissus, et on arrive ainsi, par ce traitement aidé d’un régime suffisamment réparateur, à effacer le passif du bilan organique et même, au bout d’un certain temps, à encaisser un actif physiologique qui se chiffre par une acquisition de forces, de couleur et d’embonpoint. Le rôle que le Bain d’Air comprimé joue pour les aliments en activant leur assimilation et les oxydations organiques, il le joue encore pour les médicaments, dont il favorise l’absorption et l’éli- mination, et cela non-seulement dans la chlorose et l’anémie, mais dans tous les cas où des subs- tances médicamenteuses, faute d’être utilisées par l’organisme, ne produisent pas les effets qu’on est en droit d’en attendre. C’est là un point impor- tant qu’il ne faut pas perdre de vue dans les indications de la médecine pneumatique, et que M. P. Devay a fait judicieusement ressortir dans le passage suivant : « Lorsque, dit-il, pour combattre un état diathésique, on a recours aux moyens ordinaires de la thérapeutique et qu’on administre des ferrugineux, des analeptiques ou des altérants, il arrive souvent que les médications, quelque bien entendues qu’elles soient, n’ont pas le résultat qu’on en espérait, parce que l’économie devient en quelque sorte sursaturée par les doses du médicament, et que les mouvements d’élimination de l’organisme ne correspondent point à l’absorp- tion médicamenteuse. L’emploi du Bain d’Air comprimé dans les cas de ce genre me paraît avoir pour résultats de faciliter le mode de réceptivité de l’organisme pour l’action des médicaments. C’est du moins ce qui résulte de mon observation. J’ai vu des personnes qui, avant d’avoir eu recours à ce modificateur, ne retiraient aucun bien soit des ferrugineux, soit de l’huile de foie de morue ou de l’iodure de potassium ; quelques bains d’air ont amené ces malades à ressentir l’influence des substances qui leur étaient administrées. Cet heu- reux effet a continué après la cessation de la méthode pneumatique (1) ». Tels sont les modes multiples par lesquels le Bain d’Air comprimé agit dans la chlorose et l’a- némie, et exerce ses bienfaisants effets. Par sa pratique, l’appétit devient plus vif, les digestions moins laborieuses, la nutrition plus active, plus régulière et plus complète. Bientôt la coloration des téguments reprend sa teinte rosée ; le retour des forces s’annonce par un sentiment de vigueur et d’énergie inaccoutumées ; la respiration est plus pleine et moins anxieuse, et peu à peu disparais- sent cette oppression et ces palpitations si gê- nantes qui se faisaient sentir au moindre exercice, au moindre mouvement. La circulation à son tour participe à cette amélioration : le pouls devient plus fort, moins mou et moins fréquent. Sous l’influence d’un sang plus riche et plus généreux, les troubles de l’innervation diminuent et s’effa- cent; et, grâce au surcroit d’activité des oxyda- tions organiques, la température, généralement abaissée chez les anémiques, remonte à son degré normal. En un mot, toutes les fonctions de l’or- ganisme reprennent leur marche physiologique, sans exaltation comme sans dépression. C’est alors qu’il convient d’insister sur un régime fortifiant et réparateur, une médication tonique et reconsti- (1) P. Devay: loc. cit tuante. Grâce à la meilleure direction et à la plus grande activité imprimées à la nutrition, aliments et médicaments ne glisseront plus, pour ainsi dire, sur l’économie, sans y laisser les traces de leur passage ; ils seront retenus et utilisés pour le plus grand bien des malades, M. Pravaz a noté, sous l’influence de la médication pneumatique, des augmentations d’appétit allant jusqu’à la boulimie. Nous croyons que l’excitation des organes diges- tifs atteint rarement ce degré ; mais, dans tous les cas, il est bien évident que cette exagération d’une sensation naturelle n’a ici rien de patholo- gique, et par conséquent rien d’inquiétant; elle est simplement l’expression d’une rénovation or- ganique plus complète et plus prompte, et il n’y a qu’à satisfaire au besoin qu’elle indique, pour la faire tourner tout à l’avantage de la gué- rison. Nous ne relaterons point ici d’observations de chloro-anémiques guéris par le Bain d’Air com- primé ; non point qu’elles nous manquent, mais parce que nous les croyons pour le moins inutiles, et que même elles pourraient devenir fastidieuses, par la constante répétition des mêmes termes et des mêmes faits. Qu’il nous suffise de dire que, si les succès ne sont pas toujours absolument com- plets, ils sont toujours très-réels, souvent consi- dérables et quelquefois véritablement prodigieux. Disons aussi que, ordinairement, plus l’anémie est profonde, pourvu, bien entendu, qu’elle ne tienne pas à une lésion organique non justiciable de la médication, plus l’amélioration est immédiatement sensible, mais cependant moins la guérison sera rapide et sûre. MM. Pol et Vatelle, qui observaient sur les ou- vriers employés aux travaux des puits des mines de Douchy, ont rapporté l’observation suivante, pour laquelle nous allons faire exception à la règle que nous nous ôtions imposée de n’en citer aucune. La voici telle qu’ils l’on donnée : Observation XXIV (1) L (François), 40 ans, chloro-anémique par suite d’hémoptysies nombreuses, suspect de tuberculisation, poi- trine large, cou court. Employé aux travaux, sans qu’on eût pris l’avis des médecins, tient bon et sans perdre une journée, A la terminaison, il avait maigri de 5 kil. 1/2; cependant il se portait mieux qu’auparavant ; son teint était rosé, ses muqueuses beaucoup moins pâles, et l’oppression qui lui était habituelle n’existait plus. Cette observation tire une grande valeur de cette considération, que MM. Pol et Vatelle, n’observant pas dans un but thérapeutique, étaient par là môme exempts de toute prévention à cet égard, et que la guérison a été obtenue en dehors de toutes les pres- criptions rationnelles de la médecine et de l'hy- giène, par le seul effet de l’air comprimé. «Il avait maigri de 5 kil. 1/2 », disent-ils. Ce fait s’ex- plique facilement, si l’on veut bien se rappeler : que les pertes fonctionnelles sont plus fortes dans (I) Pol et Vatelle : Annales d’hygiène et de médecine légale. l’air comprimé qn’à l’air libre; que cet ouvrier se livrait à un travail qui les augmentait encore, enfin que ses recettes alimentaires n’étaient probable- ment pas en rapport avec ce surcroît de dépenses. Dans les établissements médico-pneumatiques, les choses se passent tout autrement : les déperdi- tions y sont accrues, c’est vrai, et on peut même, comme nous le verrons plus loin, appliquer ce résultat à la cure de l’obésité ; mais les acquisi- tions nutritives s’y font dans une proportion plus élevée, par suite d’un régime de plus en plus substantiel, et les malades y sont soumis à Fac- tion de l’air comprimé dans des conditions hygié- niques tout autres que celles où se trouvent les ouvriers des caissons à air, et les pêcheurs de corail, de perles et d’éponges. DIABÈTE SUCRÉ. Parmi les nombreuses théories imaginées pour expliquer la pathogénie du diabète sucré, il en est deux qui invoquent Tin suffisance, du moins Fin- suffisance relative de l’oxygène; dans l’une, la théorie pulmonaire, on admet que le sucre prove- nant des aliments n’est plus entièrement brûlé dans le poumon, comme il doit l’être à l’état phy- siologique, et qu’il circule avec le sang dans tous les organes, y compris les reins, pour de là passer dans les urines ; Fautre, dite théorie des globules san- guins (Petten Kofer et Voit, Huppert), est appréciée en ces termes par M. Jaccoud : « La théorie des glo- bules sanguins, dit-il, repose sur un fait positif, qui est le suivant : un diabétique, qui consomme plus d’aliments qu’un individu sain, n’absorbe ce- pendant pas plus d’oxygène et ne produit pas plus d’acide carbonique, d’où cette conséquence que, si le sucre n’est pas brûlé chez le diabétique, c’est parce qu’il y a un défaut de rapport entre la quan- tité de sucre formé et la quantité de l’oxygène ab- sorbé. Cette insuffisance de l’oxygène, les auteurs cités l’attribuent à un défaut d’activité des globules sanguins, qui n’ont plus au même degré qu’à l’état normal la propriété de fixer Foxygène. Il est facile de voir que ce n’est là qu'une théorie de seconde étape ; elle explique bien pou rquoi le diabétique ne brûle pas son sucre, mais elle n’apprend pas du tout pourquoi il fait trop de sucre; or, c’est là le premier problème à résoudre (1). » Nous n’entreprendrons point la solution de ce problème. Nous tenons seulement à faire remar- quer que, si l’une ou l’autre de ces deux théories était vraie, le Bain d’Air comprimé jouerait un rôle capital dans le traitement tant prophylactique que curatif du diabète sucré. Or, il n’est pas démontré que ces théories ne soient pas applicables à cer- tains cas. Quant à nous, nous croyons le contraire. Aussi bien, sommes-nous persuadé que la glyco- surie n’est pas sous la dépendance d’une cause unique toujours la même, et que sa formule pa- thogénique n’est pas invariable; elle est plutôt, pensons-nous, comme l’albinurie, par exemple, le symptôme d’ébats morbides multiples et divers, organiques ou fonctionnels. Mais, quoi qu’il en soit de l’origine et du mode de formation du sucre en excès, le but prin- cipal de la thérapeutique doit être, si l’on n’a pas pu en prévenir l’apparition, d’en provoquer la diminution et la disparition ; en d’autres ter- mes, si l’on n’a pas pu et si l’on ne peut pas empêcher le diabétique de faire trop de sucre, il faut essayer de le mettre en état de brûler le surplus , et pour cela naturellement élever la dose de l’élément comburant en proportion de la matière combustible. Cette idée, d’une logique si (1) Jaccoud : loc, cit. éclatante, n’a pas manqué de frapper tous les médecins qui se sont occupés du diabète; elle a inspiré la médication par l’eau oxygénée (peroxyde d’hydrogène) donnée à la dose d’un gramme par jour en dissolution dans de l’eau dis- tillée ou dans de l’éther (éther ozonique des Anglais) de l’efficacité de laquelle témoignent les observations de Day et Wilmot et celles des méde- cins de Copenhague (Bock, Trier, Silferberg), ainsi que la médication par les inhalations d’oxygène instituée par le professeur Semmola, de Naples, et employée avec un grand succès par cet habile et savant praticien. De là à l’application du Bain cl’Air comprimé, il n’y avait qu’un pas. Nous l’avons franchi; et les résultats que nous avons obtenus ont été ceux que faisait pressentir la théorie. Observation XXV. Le premier diabétique que nous avons soumis à l’air comprimé était un homme de 45 ans, d’un tempérament sanguin, qui suivait le traitement pneumatique pour un catarrhe bronchique invétéré et rebelle à toute espèce de médicaments, au mois d’avril de cette année, lorsqu’il nous dit par hasard qu’il avait le diabète sucré. La maladie était à sa première période. Polyurie ; 4 litres d’urine environ par jour; urines claires; densité : 1040; glycosurie : 40 grammes par litre. Appétit normal ; pas d’amaigrisse- ment ; sentiment habituel de fatigue et de lassitude ; et, comme nous venons de le dire, bronchite chronique très- tenace, qui pourtant, le jour où nous obtenions les détails qui précèdent, avait sensiblement cédé à une première série de dix bains à 30 centimètres. Quand les urines furent analysées, le malade avait déjà pris dix séances ; il en prit 12 seulement ensuite. A ce mo- ment, il n’émettait plus par jour qu’un litre et demi ou deux litres d’urine moins dense et plus foncée en cou- leur ; le sucre était descendu à 6 grammes par litre ; il était revenu de la vigueur et même une légère excitation qui re- tardait le sommeil. La bronchite, sans être entièrement guérie, était beaucoup moins intense. Il est regrettable que, pour une cause étrangère, le traitement n’ait pas pu être continué. Mais il est impossible de ne pas être frappé de l’amélioration obtenue en aussi peu de temps, et tout porte à croire que la glycosurie était plus abondante au début de la cure qu’au moment où l’on pratiqua l’examen des urines. Observation XXVI. Au mois de juin dernier, Mme H..., âgée de 50 ans, dia- bétique depuis plusieurs années, vient se soumettre au trai- tement par le Bain d’Air comprimé ; Faiblesse et amai- grissement considérables ; léger affaiblissement de la vue; dyspepsie, empâtement de la langue et des gencives, et par suite, perte presque absolue de l’appétit, contrairement à ce qui se passe ordinairement dans le diabète. Un peu de bronchite. En vingt-quatre heures, émission de deux à trois litres d’urines pâles et presque incolores, dont la densité est de 1044, et, comme conséquence de cette polyurie, po- lydipsie considérable; 73 grammes de sucre par litre. MmG H... prend 20 bains, après lesquels elle est plus forte et mieux portante. Elle a, dit-elle, rajeuni. La nutrition est meilleure ; la toux moins fréquente ; mais surtout, résultat vraiment remarquable, la polyurie et la glycosurie ont di- minué dans des proportions énormes : il n’y a plus qu’un litre à un litre et demi d’urine dans les vingt-quatre heu- res, et 12 grammes de sucre par litre d’urine. La soif est devenue supportable. Ici encore, malheureusement, le trai- tement ne put être suivi assez longtemps, sans quoi on était en droit d’espérer un succès complet. Voilà les deux seuls cas de diabète que nous ayons eu occasion de traiter par le Bain cVAir comprimé, et certes les résultats sont on ne peut plus encourageants. On a vu dans tous les deux la maladie s’amender rapidement, et il y a lieu de croire qu’avec le temps, on aurait pu obtenir la guérison. Gomme nous nous y attendions, l’air comprimé, en activant la nutrition et en favorisant les oxydations organiques, a réussi à assurer la combustion du sucre en excès et probablement même à empêcher une nouvelle production exa- gérée de glycose. Le Bain d’Air comprimé pré- sente, sur les inhalations d’oxygène, plusieurs avantages, parmi lesquels nous citerons les sui- vants ; d’abord, l’usage peut en être continué aussi longtemps qu’on le désire, sans qu’il cesse d’être inoffensif ; ensuite, il offre au poumon un mélange respirable, dans lequel les gaz qui le composent entrent pour des proportions plus élevées, mais relativement les mêmes que celles qui entrent dans la composition de l’air atmosphérique, au- quel cet organe est habitué; enfin, l’action spé- ciale, tonique et astringente qu’il exerça sur la muqueuse respiratoire, et l’action mécanique par laquelle il agrandit le champ des échanges pul- monaires, sont loin d’être sans utilité dans le diabète sucré où l’on observe si fréquemment des phlegmasies et des ulcérations chroniques des bronches et des poumons ; or, ici la bronchite et la phthisie pulmonaire ne sont pas seulement une cause de gêne et d’épuisement souvent mor- tel ; elles peuvent encore, en réduisant l’hématose, être une condition favorable à l’augmentation de la glycosurie. On voit, par cet aperçu, que le Bain dé Air com- primé satisfait, dans le diabète, à des indications de plusieurs ordres. Il relève et tonifie l’orga- nisme, fouette et active la nutrition et les com- bustions physiologiques, et, comme tel, peut être rangé au nombre des agents les plus propres à produire ces effets, dont l’ensemble constitue ce que M. le professeur Bouchardat appelle l’entraî- nement. La gymnastique et la promenade sont prescrites dans le diabète pour activer les combustions interstitielles, mais la faiblesse et la prostration sont souvent telles, qu’après quelques jours, les malades, à bout de forces, y renoncent. On con- çoit que dans ces cas le Bain dé Air comprimé, qui active les fonctions d’assimilation et de désassimilation, que le malade ait à faire aucun effort, devient un agent extrêmement pré- cieux. ALBUMINURIE Dans l’affection dont nous venons de parler, nous avons conseillé et administré le Bain d’Air comprimé en vue d’obtenir la combustion complète du sucre produit par la transformation des aliments féculents ; dans celle-ci, son indication ressort de la nécessité de restaurer et de rectifier, pour ainsi dire, l’assimilation des albuminoïdes ingérés ; con- formément à la proposition suivante émise dans la thèse inaugurale de M. Jaccoud, et basée sur l’observation et l’expérimentation : « L’albu- minurie reconnait pour cause une déviation du type normal des mouvements nutritifs ; cette dévia- tion consiste en une perturbation passagère ou durable dans les phénomènes d’assimilation et de désassimilation des matières albuminoïdes. ï> Ce vice de nutrition détermine une altération moléculaire de l’albumine du sang qui permet à cette substance de filtrer à travers les membranes rénales et de passer dans l’urine. C’est en partant de cette doctrine, dont il a démontré l’exactitude par une série d’expériences très-péremptoires, que le professeur Semmola a eu recours aux inhalations d’oxygène pour faire cesser l’albuminurie. Ce moyen lui a donné de très-bons résultats. L’emploi du Bain d’Air com- primé est donc tout aussi rationnel et, en même temps, plus pratique et plus avantageux, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire. Nous avons eu une seule fois l’occasion d’admi- nistrer le Bain cl’Air comprimé àun albuminurique, le docteur E...., dont nous avons rapporté l’ob- servation à l’article Asthme. Ce malade prit cin- quante bains. Dès le vingtième, l’albumine avait diminué ; après le quarantième, les urines n’en contenaient presque plus. Maintenant, est-ce une simple coïncidence? Ce n’est guère probable. Est-ce le fait de l’amélioration des fonctions res- piratoires? C’est possible. Mais il est possible aussi, probable même, que l’activité et la régula- rité apportées par le Bain d’Air comprimé aux phé- nomènes d’assimilation et de désassimilation orga- niques, ne sont pas restées étrangères à la diminution de l’albuminurie. Cette diminution a été, du reste, passagère ; le malade a continué le traitement quelque temps, mais sans résultats, et il est mort de la maladie de Bright. Il est dési- rable que de nouveaux cas viennent nous per- mettre de contrôler et de compléter cette pre- mière et trop succincte observation, A priori, on peut admettre qu’on retirera de bons effets du Bain d’Air comprimé dans les cas où l’albuminurie n’est pas produite par une altération anatomique profonde des éléments du rein. SURDITÉ GATARRHALE L’état congestif de la muqueuse de la caisse du tympan, sa phlogose chronique avec ou sans sé- crétion, et le catarrhe de la trompe d’Eustache, peuvent être, lorsque l’oreille interne est indemne, guéris ou tout au moins très-améliorés par le séjour dans l’air comprimé. Pour se rendre compte du mode d’action de cet agent thérapeutique dans ces divers états, il suffit de rappeler les modifications locales que le traite- ment doit avoir en vue. Ce sont les suivantes : 1° Décongestionner la muqueuse de la caisse et de la trompe, et par suite tarir la sécrétion, s’il en existe ; 2° Assurer la perméabilité constante de la trompe, afin de laisser l’air de la caisse en com- munication facile avec les fosses nasales, pour permettre l’écoulement des mucosités et aussi pour prévenir rabaissement de pression qui, s’y produisant par diffusion, lorsque cette communi- cation n’existe pas, détermine le renfoncement en dedans du tympan et de la chaîne des osselets. Les moyens employés usuellement pour obtenir la déshypérémie de la muqueuse de la caisse et de la trompe et maintenir libre le calibre de cette dernière, sont les injections d'air faites avec la sonde ou avec la poire en caoutchouc de Politzer, et aussi les injections de liquides par entraînement d’air : solutions de sulfate de zinc, de sulfate d’alumine, d’eau alcoolisée, etc. Ces moyens sont bons, et dans beaucoup de cas, surtout quand l’affection est de date récente, ils suffisent pour assurer la guérison. Mais si on met leur mode d’action en regard de celui de l’air comprimé, on se convainct facilement que l’avan- tage reste à cet agent thérapeutique, et qu’il est opportun d’y avoir recours toutes les fois que les autres moyens restent inefficaces. Nous avons vu que, pendant la séance pneu- matique, la tension de l’air de la caisse devenait plus ou moins vite, suivant le plus ou moins de perméabilité de la trompe égale à celle de l’air ambiant; or, que se passe-t-il au moment de la décompression? Il se passe ceci : Pair se détend, et par conséquent il se chasse lui-même de l’in- térieur de la caisse qui forme réservoir dans les fosses nasales, entraînant sur son chemin les mucosités qui tapissent les parois de la trompe. C’est là un cathétérisme de dedans en dehors, bien différent de celui de l’injection d’air. Celle- ci n’établit pas de pression dans la caisse, l’air refluant entre la sonde et les parois de la trompe. L’action toute spéciale du Bain dé Air comprimé sur la circulation des capillaires des muqueuses, constitue ici le bénéfice thérapeutique le plus im- portant. En effet, pendant chaque séance pneu- matique, la muqueuse de l’oreille moyenne se décongestionne et les vaisseaux réduits de calibre ont une tendance à retrouver la tonicité perdue. Il suffit de répéter les séances pour obtenir cet effet. Si l’on examine de près, dans ce cas, faction du Bain d’Air comprimé, on voit que cet agent théra- peutique agit comme un astringent local.