MÉMOIRE, &c. By the DUKE DE CHAULNES, F. R. S. Read at tlie ROYAL SOGTETY, March 13,1783. MÉMOIRE SUR LA MANIERE DE PREPARER, AVEC LE MOINS DE PERTE POSSIBLE, LE SEL FUSIBLE D’URINE BLANC, ET PUR, ET L’ACIDE PHOSPHO- RIQUE PARFAITEMENT TRANSPARENT. JE délirais depuis longtems de m’occuper de ces objets, lorfquc les circonftances me mirent, en 1773, à portée d’y employer le teras néceflaire et de me procurer facilement et en quantité les matériaux qui y font indifpenfables. Je crus devoir, avant tout, commencer par m’inftruire des travaux qu’on avait entrepris fur ce fujet. Parmi les anciens auteurs, Raymond lulle, en avait dit quelque chofe, fur le ton énigmatique et faftueux de A is alchimiques. On trouve les manufcrlts inconnus d’un vieux Allemand nommé turneisser, cités par M. pott. Le grand boerhaave lui-même, avait dit fur ces fubflances quelques mots qui ne font dignes de cet homme illuflre, que relativement au tems où il écrivait. Deux Allemands plus modernes et très-peu connus dans ce pays, appellés Meff. haupt et schlosser, s’en font occupés depuis. Je me fuis procuré la dilîértation du dernier, mais je n’ai pu feavoir autre chofe, des travaux de M, haupt, que ce qu’en ont rapporté Mefl. pott et margraaf. Sur la Manière de préparer le Sel fujlhle à'Urine, &cc. Ces deux derniers enfin, ont donné fur le Tel fulible ; le pre- mier, une diftertation afiTez longue et fort obfcure, traduite par M. de machy : et le fécond un mémoire qui eft ce que nous avons de mieux fur cette matière, et que l’on trouve dans fes opufcules chimiques, ainfi que deux autres, où il en eft dit quelque chofe relativement au phofphore, qui en eft l’objet principal. La foule d’obfervations qu’il rapporte, dénote un travail im- menfe, mais bien confus ; je fus, furtout, étonné de trouver plufieurs faits faux, dans les ouvrages de ce favant, et j’ofe- rais a peine l’avancer, fi je n’étais à portée de le démontrer par des obfervations trop fimples pour que je puifté être taxé de les avoir mal faites ; comme il eft impoflibls de fufpeéler les con- noiflances de ces artiftes célébrés, je crois qu’il vaut mieux s’en tenir à regretter qu’ils ayent fuivi la méthode, qui étoit ordi- naire aux chimiftes Allemands de ce tems, trop infeélée d’idées alchimiques, et qui eft non feulement très-embrouiiiée en gé- néral, mais qu’ils cherchent encore à rendre obfcure, comme le dit très-bien la lettre fuivante. Leur but paroit avoir été beaucoup plus de, prouver qu’ils avaient des connoiflances que de tendre à les communiquer. On trouve quelque clarté dans les, faits, mais nuls détails dans la manière d’obtenir les refultats ; il faut foi même travailler, avec peine, pour, y parvenir. 11 eft vrai qu’on les trouve alors conftans pour la plus part. J’étais déjà venu à bout de me procurer du lel fufible et de l’acide phofphorique, lorfque je reçus la lettre qui fuit de M. rouelle, célébré chinaifte de Paris. 44 Vous avez raifon, Monfieur le Duc, de dire que M. MAR- -44 graaff eft minutieux et qu’il ne s’explique guères, fur les 44 moyens de préparer le fel fufible ; je crois qu’il en a fait un 44 myftère, car il dit que fon fel fufible, lorfqu’il eft bien pre- Sur le Manière de préparer le Sel fujîhle cTUrtne blanc, et pur, 44 paré, donne par la diflillation à la cornue de l’alkali volatil. 44 et que l’acide phofphorique refe dans la cornue, fous la 44 forme d’une matière tranfparente comme un verre ; de tous 44 les chimilles qui ont parlé du fel fufible dans leurs écrits, je 44 n’en fâche aucun qui fait préparé tel que M. margraaff le 44 décrit; fi vous l’obtenez, vous Monfieur le Duc, conforme à 44 fa defcription, je vous prie de m’en envoyer une ou deux / / _ 99 44 onces Je répondis à ce chimifte que j’avais obtenu le fel fufible compofé d’acide phofphorique et d’alkali volatil ; que je n’en connoiffais point d’autres, que s’il n’avait pas obtenu l’acide phofphorique tranfparent, c’était faute d’avoir exactement fuivi la méthode indiquée par M. margraaff, dans fes opufculcs, c’efl-à-dire de lui faire fubir dans un creuzet un feu violent, après l’avoir tiré de la cornue. J’envoyai en même tems à M. rouelle, les échantillons qu’il me demandait, et j’ai trouvé dans la fuite qu’il en avait préparé, d’à-peu-près pareil à celui que je lui avais envoyé, mais que j’ai reconnu depuis pour être le fel fufible de première cry- ffallifation, qui eft très altéré par le fel marin, dont je vais par- ler, et dont le caractère principal efl de ne pouvoir fournir le phofphore. Je fus toute-fois bien aife de voir qu’on ne s’était point occupé de cette matière. Pour achever de connaître les travaux qu’on avait pu entre- prendre'à ce fujet, je confultai MefiT. Macquer et baume dès que je fus de retour â Paris. Ils me confirmèrent dans l’opinion qu’il n’y avait point de procédés clairs et précis, pour obtenir le fel fufible; M. baume me dit feulement qu’il s’en était pro- curé en faifant cryfbillifer de l’urine épaiffie ; mais que lorfqu’il avait voulu procéder à une fécondé cryflallifation, tout avait fem- blé difparâitre comme par enchantement ; je favois bien que c’était 5 et l'Acide phofphorique parfaitement îranfparenî. un des principaux embarras de la préparation du fel fufibîe ; mon but efl donc aujourd’hui, de donner avec le plus de clarté pofiible, les moyens de le préparer etdeleconferverprefque-entiérement, en lui faifant fubir les purifications néceffaires. L’évaporation d’une grande quantité d’urine, étant le premier procédé pour avoir du fel fufible, je commençai par confulter les mémoires de M. margraaff, et ce qu’en dit M. macquer très en abrégé dans fon Diélionnaire de Chimie (édition de 1776). Le premier veut qu’on le faffe évaporer lentement dans des vaiffeaux de terre bien vernifïes, jufqu’à la confiftance de firop ; mais quoiqu’on général M. macquer ne parle que d’après M. margraaff, comme il me l’a dit lui-même, il a cependant foin d’obferver, d’après les évaporations d’urine, faites ici, qu’il eft indifférent de la faire evaporer par une forte ou lente ébullition ; je rappor- terai dans la fuite du mémoire des faits qui prouvent que le fel fufible ne change de caractère, qu’à un dégré de chaleur beau- coup plus fort. Si l’on ne pouvait pas évaporer l’urine en la faifant bouillir, il ferait bien difficile d’en faire évaporer 20 muids comme je l’ai fait alors. Le lieu que je choifis pour ce travail était un rempart écarté où j’avais fait placer fix vieilles futailles couvertes, dans lef- quelles un foldat invalide venait vuider tous les matins des ba- quets d’urine fournie par une garnlfon de deux bataillons ; j’avais fait conftruire auprès de ces futailles un fourneau pareil à celui que décrit M. hellot, dans les Mémoires de l’Academie, pour l’année 1737. Le même foldat qui apportait l’urine dans les futailles conduifait l’évaporation pendant la journée, et m’en apportait le produit le foir à mon laboratoire ; le chaudron qui iervait à évaporer tenait environ cinquante? pintes, et on le remplifîbit trois fols, par jour ; quand il ne refloit plus de la tota- Sur la Manière de préparer le Sel fufihle d'Urlne blanc, et purr lité, que trois ou quatre pintes d’extrait, on le ramaflbit avec une cuillère de fer, dont le manche étoit perpendiculaire au cuil- leron et dont la forme étoit exactement la même que celle du fond, du chaudron. Comme l’ürine gonfle prodigieufement, toutes les fois qu’on la chaufe de nouveau, ou lorfqu’on mêle de la nouvelle liqueur avec celle qui eft déjà chaude, je trouvais plus Ample, et je craignois moins le gonflement, en n’ajoutant qu’environ une pinte d chaque fois. Lorfque j’évaporai l’urine de cette manière, je ne connoiffais pas encore l’ufage que M. baume fait des galteres ; cette mé- thode eft fans contredit la meilleure, je viens de m’en fervir tout nouvellement, pour faire évaporer trois muids de cette liqueur, dans deux chaudrons de i 50 pintes chacun, feellés fur un fourneau de cette efpéce, conftruit avec de mauvais platras, en ne mettant dans chacun de ces deux chaudrons qu’une cinquantaine de pintes d’urine à la fois, et ne les enfonçant dans le fourneau que jufqu’au tiers de leur hauteur ; de cette maniéré* le gonflement n’eft point à craindre, l’on eft difpcnfé des atten- tions, et Ton confomme beaucoup moins de bois, pour évaporer la meme quantité d’urine. Le commencement de l’évaporation (comme je l’ai déjà dit) n’eft point difficile à conduire, et ne demande prefque point d’autre foin que de veiller, au gonflement, foin dont l’on eft même difpenfé par le procédé qui précède, mais la An en de- mande beaucoup, et qui font même indifpenfables alors, A l’on veut obtenir le fel fuflble prefque pur dés fa première cryftal- îifation. L’urine eft compofée de parties falines extraclives, et favo- neufes, les dernieres ne font prefque d’aucune conAdération dans la préparation du fel fuAble, mais les premières le font A fort, que prefque tout l’embarras du procédé ne vient que de la grande et VAcide phofphnrique pdrfaltement tranfparent. quantité de fel marin contenu dans Turine, qui cryftallife très facilement, et pèle et mêle avec le fel fufible. Le moyen que j’ai employé pour les feparer, et qui fe pré- fente naturellement à ceux qui connoifîent la nature de ces fels, eft celui de cryftallifer le fel marin, par l’évaporation, et le fel fulible, par le refroidiflèment, mais ce moyen eft fujet à piu- lieurs difficultés dans la pratique. Non feulement la liqueur qui eft épaifle et firopeufe filtre mal, mais les filtres feroient bientôt bouchés et la cryftaliifa- tion qui fe ferait obftruerait tout, fi l’on n’obfervoit diverfes précautions pour s’en garantir. Celles que j’employe, font d’interrompre l’évaporation dès qu’il commence à fe précipiter du fel marin au fond de la li- queur, et de la faire pafler alors par un tamis clair, en l’agitant toujours, pendant qu’elle eft encore bien chaude. Ce procédé féparetoutle fel marin, qui s’eft cryftallifé par l’évaporation, et en débarraflè le fel fufible qui fe cryftallifé enfuite par le réftroi- difîèment. Une fécondé filtration eft cependant néceflaire pour mieux dégager la liqueur des petites portions de fel marin, qui peuvent avoir pafle par les interftices du tamis. La maniéré dont je fépare ces petites portions de fel marin, eft de filtrer la liqueur en la confervant la plus chaude qu’il eft pofîible, et voici quel eft le procédé que j’employe pour cet objet : je foutiens un tonneau à environ un pied de diftance de terre, à l’aide de quatre pieds de bois qui y font ajuftés ; le fond inférieur eft perce d’un trou de fix pouces de diamètre, par le- quel je fais pafler la pointe d’une chauffe de toile, foutenue par en haut au moyen de quatre bâtons croifés qui repofent fur les bords du tonneau, et le fond inférieur eft doublé, en dedans, de tôle, pour pouvoir mettre de la braife defîus ; enfin l’on Sur la Maniéré de préparer îe Sel fujîhle dl Urine blanc, et pur, paffe une terrine fous la pointe de la chauffe, et l’on gliffe fur le deflus du tonneau un couvercle qui, par ce moyen, le ferme au dègré que l’on veut. Il efi: facile de voir, d’après la defcriptîon de cet appareil, qu’on efl le maitre du degré de chaleur qui règne dans l’inté- rieur du tonneau pendant la filtration, et qu’on prévient de cette manière la cryftallifation qui embarafîèroit le filtre ; la liqueur qui paffe dans la terrine, qui efl froide, peut cryftal- Üfer fans nuire à l’opération, et on la porte alors à la cave, où )on la laiffe achever de cryffallifer à volonté. La principale et la vraie obfervation qui quoique fimple, n’a été faite par aucun des auteurs qui ont parlé de cette cryftalli- fation, efl que fi l’on a employé l’urine fraîche, le réfidu efl beaucoup plus épais et plus firopeux, que fi l’on a commencé à laiflèr putréfier l’urine, quelques femaines avant l’évaporation, les réfidus font alors beaucoup plus clairs, fe filtrent mieux, la féparation des fels eff plus exaéle, et ils cryfiiallifent fi aifément qu’ils le font quelque foin entièrement au bout de 24 heures, comme l’a fort bien remarqué le feul M. schlosser pendant que eoerhaave vouloit qu’on laiffat évaporer pendant une année entière le réfidu, de l’urine évaporée. Ces auteurs, au refte, ont bien rapporté leurs fentiméns di- vers, mais n’ont point connu le principe d’ou procédoit la dif- férence de leur avis : M. baumè efl le prémier, que je fâche, qui ait imprimé, qu’on pouvait conduire une cryflallifation à fon gré enépaifiiffant plus ou moins la liqueur, avec une liqueur cpaiffe qui n’eut aucune aétion fur le fel qui y étoit contenu. Quand la liqueur étant très froide, tout le fel efi; cryftallifé contre les parois de la terrine, il faut prendre les précautions fulvantes pour le retirer. On commence par verfer à part la première moitié qui efl la portion la plus claire, enfuite après et V Acide pbofphorique parfaitement tranfparent. avoir détaché avec une fpatule tout le fel adhérent à la terrine, ou le verfe avec la fécondé fur mi tennis de crin ordinaire, la liqueur entraine par ce moyen toutes les faletés fines qui peu- vent y être fufpendues, et le fel refie fur le tamis. On pafle une fécondé fois deffus de la meme manière la première portion de la liqueur qui eft la plus claire, qui fe trou- vant faturée ne diffoût aucune portion de fel et la nettoye encore d’avantage. Pendant que le fel fufible eft encore humide de ces deux lo- tions, et après l’avoir reffuyè fur du papier gris, je procède à une troifieme pour en lever la partie extra&ive par laquelle il eft encore fali. J’employois d’abord pour cet effet l’eau commune bien faturée, à chaud, de fel marin et filtrée après fou refroidiffement, mais j’ai quitté cet ufage parcequej’ai reconnu que cette eau, quoique bien faturée de fel marin, pouvoit encore diffoudre une bonne quantité de fel fufible; cette raifon m’a déterminé à fubftituer dans le mortier où je mets mon fel fufible encore humide, de l’efprit de vin très reélifié ; à la diflblution faillie dont je viens de parler : après avoir bien remué avec une fpatuie, cet efprit de vin avec le fel qui y eft contenu, je verfe le tout fur un tamis, comme auparavant, l’efprit de vin paffe et fuffit quoi- qu’en très petite quantité pour enlever prefque toute la matière colorante par laquelle le fel eft terni, il eft nécefîàire pour que cette opération rèuflîffe bien, d’avoir d’abord égrugé le fel fort menu, parce que c’eft entre les lames des cryftaux que font contenues les faletés. Le fel ayant été égouté fur le papier gris eft un peu plus blanc que le fel commun gris dans fon état ordinaire, et peut être rendu alors parfaitement blanc par une fécondé cryftallifa- tion, mais qui eft fujette à bien des difficultés dont les auteurs Sur la Manière de préparer:h Sel fufiMe d'Urine hîanc, et purr n’ont point fait mention, et fur lé fqü elles me aie ils donnent le change. M. mArgr concilie pour procéder à Cette fécondé cry- fiallifition du fel fufible, de le diffoudre tout Amplement dans l’êàtï chaude, de le laifièr cryftallifer, d’évaporer enfuite ce qui féfie de liqueur, oiï retire en cor'e ün peu de 'fel, dit-il par la cryftalîifation ; enfin il ajoute qu’en répétant 3 ou 4 fois ce procédé, on obtient le fel fufible parfaitement blanc et pur. Je ne fais comment M. marge Aapf l’entend, mais ce qu’il y a de certain, c’fi que fi on répétott trois ou quatre fois ce procédé, on ne retirerait pas un atome de fel fufible ; fi l’on eh fait difibudre à la fois feulement une livre et demie ou deux, on en retire avec peine le tiers de la première quantité, et quand une fois on a fait évaporer le reliant de la difiblution, à peine en retire-t-on quelques atomés, c’efi ce qui efi arrivé à M. baumè lorfqu’ ayant obtenu par une première cryfiallization S ou 10 livres de fel fufible, à peine a t’il pu en conferver quel- ques onces par une fécondé. Je n’ai pas trouvé ce phénomène tout à fait auffi outré qu’on l’afifure, mais il efi; très certain qu’on retire à grande peine le tiers du fel diffbus et même beaucoup moins, fi on veut le pu- rifier à grandes dofes ; la raifon de cette déperdition èft pour- tant fort extraordinaire, le fel fufible tel que M. margraaff le décrit, et tel que je l’ai obtenu, efi un compofé mi-partie d’al- kali volatil et d’acide phofphorique, et il ferait allez fimple que l’alkali volatil ne conlervat que la plus foible adhérence avec l’acide phofphorique qui efi très fixe ; mais comment cet acide phofphorique fi fixe au feu efi-il fi facilement entraîné par l’ai- kali volatil, qui lui efi fini fi foiblement et qui'efi d’une nature fi différente.? et F Acide phofphorîqtie parfaitement tranfparent. Je vais rapporter les preuves que j’en ai et les diverfes expé- riences que j’ai faites à ce fujét, avant de palier aux moyens que j’ai trouvés pour lui procurer prefque fans perte les derniers dégrés de pureté. Je crois devoir commencer, pour donner des idées nettes fur le fel fulible, par rapporter la décompofition que j’en ai faite* qui n’efl guères que la répétition du procédé qu’indique M. marge Aaf f pour cet objet. J’ai pris 4 onces de fel fulible purifié par l’efprit de vin que j’ai dillille à fec, dans une petite cornue de verre au bain de fable, toute la malle s’eft fondue, a bouilloné et il a pafîé dans le récipient une once d’alkali volatil fluor : quand il n’eft plus fort! de liqueur, j’ai ôté la cornue et lâyant caflée, j’en ai retiré une once de fcorles blanchâtres, que j’ai miles dans un creulet auquel j’ai fait eflùyer le feu le plus violent ; elles fe font fon- dues en un fluor tranfparent : je les ai coulées alors fur une plaque de fer poli, où elles ont pris l’apparence de la plus belle topaze, qui eft devenue en le refroidiflant aulîî blanche et aufli tranfparente que le plus beau ftras. J’ai été curieux d’éprouver quelles feroient les différences du fel fufîble de première cryflallifation par le même procédé, c’eft à dire de celui qui contenoit néceflairement beaucoup plus de parties extra&ives et de fel marin, et à quel point étoit vrai ce que difait M. margraaff, du procédé employé par M. haupt, pour purifier ce fel par la violence du feu. J’ai pris en conféquence une livre de fel fufible, tel qu’il fort de 1’ urine * et Amplement lavé, j’en ai retiré par la cornue 8 * J'ai répété une autre fois cette expérience et j’ai obfervé un« circonftance bien finguliere, dont je n’ai pù pénétrer la caufe, verdie milieu de là diftillation, il Releva dans toute la cornue de petites parcelles brillantes qui voltigeoient fans fe Sur la Maniéré de préparer le Selfajîble d'Urine blanc, et pur^ onces d’aikali volatil fluor, et il m’efl refié 7 onces et demie de icônes, un peu plus roufîatres que les premières. J’ai mis les Icônes dans un creufet, et les ayant fondues, je les ai coulées de même fur la plaque de fer poli ; au bout d’un quart d’heure de fuflon, elles étoient tranfparentes dans le creufet, mais elles ont à peine été figées fur la plaque de fer, qu’elles font devenues blanches et opaques comme de l’email blanc, et ont exhalé une forte odeur d’acide marin. Je voulus voir s’il ferait poflibie de les en purifier par un feu violent, comme le dit M. haupt et je les remis dans un creufet où je les laifTai éprouver pendant une heure une bonne fuflon, l’odeur d’acide marin continua toujours à s’exhaler du creufet, mais lorfque je les coulai au bout de ce teins fur la plaque de fer poli, elles y refterent abib- lument tranfparentes en ferefroidiffant, et conferverent une auffi belle apparence que le premier acide phofphorique ; mais il efb bien éloigné d’avoir le meme degré de pureté et M. mar- graaff à ralfon quand il dît que le fel préparé parM. haupt de cette façon n’efl: point le fel fuflble tel qu’il le décrit. Effectivement il y a plufieurs différences frappantes : le der- nier acide phofphorique du fel fuflble impur, efl bien auffi tranfparent que celui qui fert de bafe au fel fuflble purifié lorf* fixer et qui avoient l’apparence de particules de verre foufflé, il s’en fublimoit une portion à la voûte de la cornue, mais il en retombait d’avantage fur le rélidu, et cette darniere partie commençait à s’y diflbudre, ce qui me força d'interrompre la diftillation. Pour recueillir cette fublimation finguliere ; je détachai donc avec les. barbes d’une plume les legeres parcelles qui reflembloient à du fel fédatif fublimé, et je les mis à part. Je n’ai troxvré qu’une obfervation femblable à celle ci, dans les obfervations fur l’urine de vache que M. rouelle a données et qu’on trouve dans le Journal de Médecine de Novembre, 1773, il y parle d’un fel acide volatil qui fe fublime en parcelles brillantes comme des fleurs de benjoin, et par confcquent comme celui? que j’ai obtenu. et I Acide phofphorique parfaitement iranfparent,. qu’il e/l nouvellement fait, mais en le laiflànt ex pôle à l’air il s’y humeéle promptement et y devient opaque ; fon degré de déliquefcence et d’opacité, dénoté la : quantité d’acide marin qu’il a retenu et qui change entièrement la compofition. L’acide phofphorique du fel fulible pur ou de féconde cryfial- lifation, immédiatement mêlé avec de la poudre dé charbon ou toute autre fubfiance contenant du phlogifiique, fournit du pholphore ; j’en ai retiré par i’intermedé du zinck et l’acide phofphorique de fer fulible de première cryfial libation ou de celui qui contient du le! marin n’en fournit pas par le même procédé. L’odeur d’acide marin qui fé dégage du creufet, pendant la fufion de ce dernier nous apprend ce qui fe palfe durant cette opération. L’acidé phofphorique, s’unifiant à l’alkali fixe mi- néral, qui fert de bafe au fel marin, forme avec lui un nouveau fel fulible, et dégage l’acide marin qui étant devenu libre s’échappe en vertu de fa volatilité. Le fel qui réfulte de la purification de M; haupt, efi donc très différent dû fel fulible ammoniacal, décrit par M. mar- graaff, qui efi; le feul qui donne le phofphore, puis qu’il efi réellement un fel fulible à bafe d’alkali fixe, que l’on obtient, exactement pareil, en unifiant l’alkali minéral à l’acide phof- phorique purifié. L’acide phofphorique que je vis parfaitement tranfparent, à . mon retour du Havre, chez le chimifie qui m’avait écrit, et: que je retrouvai opaque peu de tems après, doit donc être na- turellement du fel fulible obtenu par la limple ciyfiallifation dé l’urine, et auquel on n’a point fait éprouver la fécondé cryfiallL- fation, qui en fait effectivement toute la difficulté. La derniere expérience fur le fel fulible impur que je viens de' rapporter, m’apprenait un fait fort fingulier. Le fel fufible de' fécondé cryftallization etoit, ainfi que le premier, compolé de. Sur la Maniéré de préparer le Sel fujihle d'Urine blanc, et pu*'. particules d’alkali volatil et d’acide phofphorique : on pouvait feulement fuppofer dans celui de première cryftallization, une portion de fel marin, de plus, dont on n’avoit encore pu le dé- pouiller, mais le fel marin étant fixe lui même, comment fe faifoit il qu’on ne pût retirer qu’à grande peine moitié du poids du fel fufible de première cryftallifation, lorfqu’on voulait le pu- rifier, par une fimple diflblution dans l’eau chaude, et une fé- condé cryftalifation, et pouvoit-il régénérer un fel fufible ammo- niacal, comme on mel’avoit dit, en y ajoutant de l’alkali volatil concret. J’en fis l’expérience, et après avoir retiré tout le fel fufible, qui voulut cryflallifer après avoir diflbut dans l’eau bouillante, et filtré du fel fufible impur, j’ajoutai l’alkali volatil concret * dans la diflblution qui reftait ; j’eus une vive effer- vefcence et je comptais obtenir encore beaucoup de fel, mais à ma grande furprife, je n’en obtins pas beaucoup plus que je n’en aurois eu fans cette reflburce ; je réfolus alors de m’éclaircir par un procédé certain, du fort qu’ éprouvait l’acide phofphorique dans cette fécondé cryftallifation. Je fis en conféquence dif- foudre quatre onces de fel fufible de première cryftallifation dans l’eau froide qui fut néceflaire pour le tenir en diflblution, et ayant diftribuè cette liqueur dans 4 afliettes de verre, que j’eus foin de couvrir de gaze, je laiflai cryftallifer et fecher la totalité, puis l’ayant péfé je ne retrouvai qu’une once 6 gros 22 grains ; d’ou pouvait venir cette étrange diminution, de plus d’une once a la fimple chaleur d’un cabinet où le thermomètre de M. de eeaumür n’a pas monté plus haut que dix dégrés au deflTus de ;glace ? * Ce fel a une fingularité, c’eft que fi l’on évapore la diffolution de fon acide phofphorique féparé de nouveau de fon alkali volatil cet acide phofphorique du fel régénéré, cryfiallife, pendant que celui du fel fufible ordinaire refie en gelée. et T Acide phfpkortpie parfaitement iranfparenî. Ce fait ne coiiftatoit ptës moins ia certitude de Cette étrange évaporation, dès lors il étolt naturel que la chaleur de l’eau bouillante l’augmentât beaucoup, et que pendant la diffolution ét la cryftailifatioii, il fe perdit la plus grande partie du fel fulible. Je tentai encore un moyen que j’imaginai qui pourroit me procurer Une fécondé cryffallifation fans perte ; ce fut d’efîâyèr de faire la diffolution et la cryftallifation dans des vaiffeaux clos. Je mis pour cet effet 4 onces de fel fulible impur dans un en- tonnoir garni de papier gris, foutenu par des pailles,, et je portai l’entonnoir fur un bocal, que je mis fur une plaque de verre, puis je couvris le tout avec un récipient, ouvert par en haut, que je lutai à la même plaque avec de la cire molle, et par le trou duquel je verlai enfuite fur le fel fulible de l’eau bien bouil- lante, je bouchai, enfuite promptement le trou du récipient, et je me flattais de prévenir par ce moyen toute déperdition mais il n’y eut qu’une très légère diffolution de la fubftance, ce qui devait arriver dans des vaiffeaux bien clos. Je m’avifai enfin d’un autre expédient dont la réuflite fut ff parfaite, que je puis par fou moyen retirer 4 livres de fel fulible parfaitement blanc et pur, de cinq livres de fel fulible, de pre- mière cryftallifation ; voici le procédé. Je fais chauffer dans un petit matras, à long col, le fel füfi- bie, gris, lavé à l’efprit de vin, que je veux faire dilloudre jufqu’à ce que la furfâce commence à fariner, je verfe alors deiîiis, la moitié de fon poids, d’eau diflillée, bien bouillante, quej ’ai fait chauffer dans une fiole à médecine, je la fais bouil- lir encore un moment dans le matras, avec le fel fufible, jiifqu’d ce que je m’apperçoive qu’il eft entièrement diflbut ; je le verfe enfuite promptement dans un entonnoir, garni de pa- pier gris, et pofé fur une fiole à médecine, la diflblution, n étant faite qu’ avec une quantité d’eau égale â la moitié du poids du fel, le figeroit furie champ et ne pourrait le filtrer, fi lon n’avoit recours à l’expédient fulvant : j’emploie une fiole à mé- decine à laquelle j’attache une ficelle pour la foutenir au deflus du feu et entretenir bouillante l’eau bouillante, dont je la rem- plis, je la pôfe en cet état fur l’intérieur de l’entonnoir, et il en refaite deux effets ; la panfe ronde de la fiole s’appliquant exacte- ment contre les parois de l’entonnoir, par le moyen du papier gris empêche l’évaporation, et la chaleur de la malle, entre- tient celle de la liqueur, qui par ce moyen filtre bien, pafle toute entière et ne peut boucher le filtre en cryftallifant. Quand elle a achevé de paffer entièrement par la filtration dans la bouteille inférieure, qui dfi enterrée dans un bain de fable échauflé, de 30 à 40 dégrés à peu près, pour prévenir la cryftallifation pendant le palfage de la liqueur, je lailîè le tout refroidir très lentement, et il arrive, feulement, alors, que les quatre cinquièmes environ du fel fufible cryftallifent. Le peu de liqueur, qui relie fur les cryftaux retient la petite quantité de fel marin, qui a pu échap- per aux précautions que l’on a prifes, dans le tems de la pre- mière cryftallifation. Sur la Maniéré de préparer le Sel poJJibled'Urine, 6cC. Ce fel fufible peut, par ce procédé, foutenir l’epreuve â la- quelle je le foumetspour connoître fou degré de pureté, qui eft d’en mettre quelques grains dans une verre et de verfer deflus des gouttes d’huile de vitriol bien blanche et bien concentrée ; s’il ne s’en dégage pas d’odeur d’acide marin, c’eft une preuve qu’il eft bien feparé de tout fel de cette nature ; mais il faut bien prendre garde à n’employer que l’acide le plus blanc et des pe- tits bâtons de verre, ou d’émail pour l’agiter, car fi l’on employait de l’acide un peu phlogiftiqué, ou des pailles au lieu de verre pour remuer l’acide, quoiqu’il fut pur, ou aurait immanquable- ment une odeur d’acide fulfureux, qu’il eft très aifé de confondre lorfqu’on fait les expériences en petit, avec celle de l’acide marin.